Œuvres complètes: XII Discours à la Chambre des députés (1819–1820) 9783111022550, 9783111022208

This 12th volume gathers all of Constant’s interventions at the French Chamber of deputies from April 1819 to July 1820,

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French Pages 821 [822] Year 2023

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Table of contents :
Table des matières
Table des illustrations
Principes d’édition
Signes, symboles, sigles et abréviations
Chronologie
Introduction générale au tome XII
Corpus et sources
Sources
Première partie Session de 1818–1819
Introduction à la session de 1818–1919
DISCOURS ET INTERVENTIONS DANS L’ORDRE CHRONOLOGIQUE textes établis par Étienne Hofmann, présentés et annotés par Frédéric Jaunin et François Rosset
Opinion sur le projet de loi relatif à la répression des délits de la presse (Séance du 14 avril 1819.)
[Intervention sur la suppression des articles 4 et 5] [Se´ance du 15 avril 1819]
Amendement relatif aux brevets des imprimeurs. (Séance du 16 avril 1819.)
Amendemens de M. Benjamin Constant sur le projet de loi relatif à la répression des délits de la presse
[Intervention sur le retrait d’un amendement] (17 avril 1819)
[Intervention sur le retrait d’un amendement] (19 avril 1819)
[Explication sur un amendement] (19 avril 1819)
Article additionnel relatif à l’impression des discours des députés dans les journaux (21 avril 1819)
[Intervention sur un amendement] (21 avril 1819)
[Intervention sur un amendement relatif au brevet des imprimeurs] (21 avril 1819)
[Intervention sur les termes diffamation et injure] (22 avril 1819)
[Intervention précédant le discours sur la diffamation] (23 avril 1819)
Amendement relatif à la diffamation (24 avril 1819)
Sur l’admission de la preuve contre les fonctionnaires publics (28 avril 1819)
Sur le cautionnement demandé aux journalistes (3 mai 1819)
[Dépôt de deux amendements] (4 mai 1819)
Sur le cautionnement demandé aux journaux de départemens (4 mai 1819)
Amendement relatif au moment ou les journaux devront être déposés (5 mai 1819)
[Intervention à propos de son amendement à l’article 8] (5 mai 1819)
Sur les emprunts de quatorze et de vingt-quatre millions (14 mai 1819)
Opinion sur la pétition tendant à demander a` sa majesté le rappel des bannis (17 mai 1819)
Intervention publiée dans La Quotidienne (18 mai 1819)
[Intervention sur l’art. 152 et la responsabilité des ministres] (21 mai 1819)
[Intervention sur la publication des annonces judiciaires] (22 mai 1819)
[Intervention sur un amendement] (24 mai 1819)
[Intervention sur le traitement des grands officiers de la couronne] (27 mai 1819)
[Intervention sur les ministres d’État] (27 mai 1819)
[Interventions diverses sur le budget] (28 mai 1819)
[Intervention sur les économies à réaliser] (29 mai 1819)
Sur les dépenses appelées accidentelles (29 mai 1819)
[Intervention sur la loi du 25 mars 1817] (31 mai 1819)
[Intervention sur la réduction du traitement du directeur des ponts et chaussées] (1er juin 1819)
Sur le traitement des préfets (1er juin 1819)
[Intervention contre l’impression du discours de Labourdonnaye] (2 juin 1819)
Sur le budget du ministère des finances (8 juin 1819)
[Intervention sur les dépenses de la Chambre des pairs] (10 juin 1819)
[Intervention sur son amendement] (12 juin 1819)
[Résumé d’une opinion développée sur les frais de l’administration de l’enregistrement] (15 juin 1819)
Opinion sur les douanes (16 juin 1819)
Opinion sur l’administration des contributions indirectes (17 juin 1819)
[Interventions suite à la demande de réduction de 400’000 fr.] (17 juin 1819)
[Intervention sur son amendement réduisant le budget des postes] (17 juin 1819)
Sur la loi du 15 mars 1815, relative a l’arriéré de la légion-d’honneur (18 juin 1819)
Réplique sur la même question [le rappel des bannis] (19 juin 1819)
Opinion sur les pensions (21 juin 1819)
[Résumé d’une intervention sur la suppression du décime] (26 juin 1819)
[Intervention refusant la clôture de la discussion sur la perception d’un droit communal] (30 juin 1819)
[Discours sur le titre IV du projet de loi des voies et moyens de 1819] (28 [30] juin 1819)
[Intervention sur une pétition] (7 juillet 1819)
Sur la pétition des écoles de droit (10 juillet 1819)
Deuxième partie Session de 1819–1820
Introduction
DISCOURS ET INTERVENTIONS DANS L’ORDRE CHRONOLOGIQUE textes établis par Étienne Hofmann, présentés et annotés par François Rosset et Dominique Triaire
Sur l’élection de M. Grégoire (6 décembre 1819)
Sur la proposition de voter six douzièmes provisoires (24 décembre 1819)
[Intervention sur le procès-verbal] (30 décembre 1819)
Sur les pétitions en faveur de la loi du 5 février, relativement aux élections (14 janvier 1830)
Sur une lettre dénonçant des manœuvres pour signer des pétitions (15 janvier 1820)
[Intervention sur une pétition] (19 janvier 1820)
Sur une pétition tendant à prévoir la destitution du roi constitutionnel (29 janvier 1820)
[Résumé d’une intervention sur la convocation des collèges électoraux] (29 janvier 1820)
[Résumé d’une intervention proposant une modification de la loi du 25 mars 1817] (7 février 1820)
[Intervention sur un amendement de Manuel] (8 février 1820)
Sur la loi relative aux engagistes et aux échangistes (9 février 1820)
Sur la rédaction du procès-verbal relativement à une accusation de M. Clausel de Coussergues contre M. de Cazes 1er mars 1820)
[Intervention sur une pétition] (3 mars 1820)
[Intervention en faveur de l’impression d’une déclaration du rapporteur] (3 mars 1820)
[Résumé d’une intervention sur une proposition de Manuel sur la réforme du jury] (3 mars 1820)
Sur les mesures à prendre pour constater la fidélité du scrutin (6 mars 1820)
Sur la loi d’exception contre la liberté individuelle (7 mars 1820)
[Résumé d’une lettre au président et intervention à propos de sa proposition de modification du mode de scrutin] (8 mars 1820)
[Intervention contre la clôture de la discussion] (9 mars 1820)
[Intervention contre la clôture de la discussion] (10 mars 1820)
[Résumé d’une intervention sur la loi d’exception] (10 mars 1820)
Sur la même loi d’exception (10 mars 1820)
[Intervention contre le rappel à l’ordre de Manuel] (13 mars 1820)
[Intervention contre la clôture de la discussion] (13 mars 1820)
Amendement à la loi d’exception contre la liberté individuelle (13 mars 1820)
[Intervention sur la réouverture de la discussion] (15 mars 1820)
[Intervention contre la clôture de la discussion] (15 mars 1820)
[Intervention en faveur d’un amendement] (15 mars 1820)
Sur une proposition relative aux pétitions (16 mars 1820)
[Intervention pour s’opposer à l’ordre du jour sur une pétition] (17 mars 1820)
Sur les améliorations au mode de scrutin (20 mars 1820)
Développemens de la proposition de M. Benjamin Constant, député de la Sarthe, tendant à améliorer le mode de scrutin et les articles 15, 22 et 33 du Règlement (20 mars 1820)
Sur la loi d’exception contre la liberté de la presse (23 mars 1820)
Amendement tendant à excepter de la censure les ouvrages qui ne paraîtraient qu’une fois par mois (27 mars 1820)
[Intervention sur l’autorisation préalable des journaux] (28 mars 1820)
Sur un amendement tendant à excepter de la censure le compte-rendu des discussions des chambres (28 mars 1820)
Amendement tendant à laisser aux personnes calomniées la faculté de se défendre malgré la censure (28 mars 1820)
Sur un amendement tendant à refuser aux tribunaux le droit d’aggraver les peines pour le simple fait de la publication d’un article rayé par la censure (29 mars 1820)
Amendement tendant à libérer de toutes poursuites l’auteur d’un article approuvé par la censure (29 mars 1820)
[Intervention à propos des menaces contre un pétitionnaire] (30 mars 1820)
[Intervention en faveur d’un amendement] (30 mars 1820)
[Intervention suite à la sortie des députés de droite] (30 mars 1820)
Sur un amendement tendant à ne pas conférer la censure à un seul censeur (30 mars 1820)
[Intervention sur la modification du mode de scrutin] (30 mars 1820)
Réponse à M. Blanquart-Bailleul sur le mode de scrutin et l’appel nominal (3 avril 1820)
Opinion sur le projet de loi relatif au réglement des comptes ante´rieurs à l’exercice 1819 (5 avril 1820)
[Discours sur le respect dû à la loi] (6 avril 1820)
[Intervention relative au budget] (8 avril 1820)
[Intervention contre un crédit demandé par la direction des douanes] (8 avril 1820)
[Intervention pour passer à l’ordre du jour sur une pétition] (14 avril 1820)
[Intervention s’opposant à la conclusion du rapporteur sur une pétition] (15 avril 1820)
Opinion sur les amendemens proposés à l’article huit du second projet de loi relatif aux comptes arriérés (15 avril 1820)
[Interventions diverses, avec d’autres membres de la gauche, contre l’introduction d’un nouveau projet de loi] (17 avril 1820)
[Intervention appuyant l’opinion de Girardin] (17 avril 1820)
[Intervention pour de´fendre Girardin] (17 avril 1820)
[Intervention sur l’ajournement] (18 avril 1820)
Opinion ... sur le deuxième projet de loi relatif aux comptes arriérés (18 avril 1820)
[Intervention contre l’ordre du jour à propos d’une pétition] (19 avril 1820)
Sur la pétition de M. Madier Montjau relative au gouvernement occulte et aux assassinats du Midi (25 avril 1820)
Sur une pétition accusant M. de Cazes de l’assassinat du duc de Berry (28 avril 1820)
[Intervention contre le rappel à l’ordre de Manuel] (28 avril 1820)
Discours prononcé à l’occasion de la proposition d’adresse faite à la Chambre des députés par M. Manuel (3 mai 1820)
[Intervention sur l’ordre de la délibération] (5 mai 1820)
[Intervention contre Benoist] (6 mai 1820)
Sur l’usage fait de la censure par le ministère (12 mai 1820)
[Intervention à propos des lois d’exception] (12 mai 1820)
[Intervention contre la censure] (15 mai 1820)
[Intervention en faveur d’une pétition d’étudiants] (20 mai 1820)
Opinion sur le projet de loi relatif aux élections (23 mai 1820)
Réponse à M. de Serres, sur le drapeau tricolore, la souveraineté du peuple, les serments réciproques, et M. de La Fayette (27 mai 1820)
[Intervention en faveur de la continuation de la discussion] (29 mai 1820)
[Intervention contre la clôture] (31 mai 1820)
[Intervention contre le rappel à l’ordre de Foy] (1er juin 1820)
[Intervention en faveur d’une pétition] (2 juin 1820)
[Intervention sur l’amendement de Desrousseaux] (2 juin 1820)
[Nouvelle intervention sur l’amendement de Desrousseaux] (2 juin 1820)
[Interventions contre la clôture] (2 juin 1820)
Opinion sur l’article premier du projet de loi relatif aux élections (3 juin 1820)
Sur les troubles de Paris au mois de juin 1820 (5 juin 1820)
Sur les mêmes troubles [troubles de Paris] (6 juin 1820)
[Intervention sur les troubles de Paris] (6 juin 1820)
Sur les troubles de Paris (7 juin 1820)
[Intervention contre la clôture] (7 juin 1820)
[Nouvelle intervention contre la clôture] (10 juin 1820)
Réponse sur le même sujet [troubles de Paris] (10 juin 1820)
[Intervention sur l’amendement de Méchin] (12 juin 1820)
[Intervention sur l’amendement de Legraverend] (12 juin 1820)
[Proposition d’une nouvelle rédaction d’un article de la loi électorale] (12 juin 1820)
[Intervention sur la lecture préalable des articles de chaque chapitre de la loi] (15 juin 1820)
[Proposition d’amendement] (16 juin 1820)
[Discours sur les dépenses pour encouragements aux sciences, arts et lettres] (16 juin 1820)
[Intervention sur le traitement des censeurs et des lieutenants de police] (16 juin 1820)
[Intervention sur les comptes de Paris] (17 juin 1820)
[Intervention contre la clôture] (19 juin 1820)
[Nouvelle intervention contre la clôture] (20 juin 1820)
Sur la nécessité d’un nouveau code militaire (21 juin 1820)
[Discours sur le budget de la Chambre des pairs] (26 juin 1820)
[Discours sur la violation du secret de correspondance des dvputés de la Sarthe] (27 juin 1820)
[Intervention en faveur d’une pétition] (30 juin 1820)
[Intervention sur le vote de la Chambre lorsqu’elle n’est pas complète] (30 juin 1820)
Sur la spécialité (30 juin 1820)
[Intervention sur le droit de proposer des amendements] (4 juillet 1820)
[Intervention pour soutenir l’amendement de Sainte-Aulaire] (5 juillet 1820)
[Intervention à propos de la taxe des israélites] (6 juillet 1820)
[Discours sur le remboursement du timbre pour les articles insérés par ordre] (8 juillet 1820)
[Intervention demandant des explications sur l’augmentation du budget des douanes] (8 juillet 1820)
[Intervention sur le vote d’un amendement de Casimir Perier] (10 juillet 1820)
[Discours sur le droit d’accuser un ministre] (11 juillet 1820)
[Intervention demandant le rappel à l’ordre de Cornet d’Incourt] (11 juillet 1820)
[Discours à propos d’un traité avec la Régence d’Alger] (11 juillet 1820)
[Intervention à propos d’un rapport de Picot-Desormeaux] (12 juillet 1820)
[Nouvelle intervention à propos d’un rapport de Picot- Desormeaux] (13 juillet 1820)
Complément Six autres versions du discours du 10 juillet 1819 : Sur la pétition des écoles de droit
Introduction
Annexe Répertoire des parlementaires et personnalités politiques impliqués dans les sessions de 1818–1819 et 1819–1820
Instruments bibliographiques
Abréviations
Bibliographie
Ouvrages cités par Constant
Index
Index des noms de personnes
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Œuvres complètes: XII Discours à la Chambre des députés (1819–1820)
 9783111022550, 9783111022208

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Benjamin Constant Œuvres complètes Œuvres XII

Benjamin Constant Œuvres complètes Série Œuvres XII Comité d’Honneur Président : Paul Delbouille André Cabanis, Michel Delon, Etienne Hofmann, Doris Jakubec, François Jequier, Claude Reymond † et Dennis Wood † Comité Directeur Président : François Rosset Vice-président : Giovanni Paoletti Léonard Burnand, Jean-Daniel Candaux, Cecil Patrick Courtney, Paul Delbouille, Lucien Jaume, Kurt Kloocke †, Françoise Mélonio, Guillaume Poisson, Paul Rowe, Dominique Triaire, Laura Wilfinger et Markus Winkler Commission des Œuvres Président : Kurt Kloocke † Léonard Burnand, Paul Delbouille, Lucien Jaume, Françoise Mélonio, Giovanni Paoletti, François Rosset et Markus Winkler Ce tome XII appartient à la série Œuvres La révision en a été assurée par Thomas Bouchet Le traitement informatique a été pris en charge par Laura Wilfinger

Benjamin Constant Discours à la Chambre des députés 1819–1820 Volume dirigé par François Rosset

Établissement des textes par Etienne Hofmann Introductions et notes par Frédéric Jaunin, Etienne Hofmann, François Rosset et Dominique Triaire

Instruments bibliographiques et index par Laura Wilfinger

De Gruyter

Ce tome XII des Œuvres complètes de Benjamin Constant doit sa publication à la générosité de la Fondation Leenaards

ISBN 978-3-11-102220-8 e-ISBN (PDF) 978-3-11-102255-0 Library of Congress Control Number: 2022944558

Bibliografische Information der Deutschen Nationalbibliothek Die Deutsche Nationalbibliothek verzeichnet diese Publikation in der Deutschen Nationalbibliografie; detaillierte bibliografische Daten sind im Internet über http://dnb.dnb.de abrufbar. © 2023 Walter de Gruyter GmbH, Berlin/Boston Satz: pagina GmbH, Tübingen Druck: CPI books GmbH, Leck www.degruyter.com

Table des matie`res

Pour des raisons de clarte´ les titres qui figurent dans cette table ont e´te´ dans certains cas modernise´s et uniformise´s. Ils sont ainsi parfois le´ge`rement diffe´rents des titres qui apparaissent dans le volume. Table des illustrations . . . . . . . Principes d’e´dition . . . . . . . . Signes, symboles, sigles et abre´viations Chronologie . . . . . . . . . . . Introduction ge´ne´rale au tome XII . . Corpus et sources . . . . . . . . E´tablissement des textes, texte de Les titres . . . . . . . . . Les interruptions . . . . . . Tableau synoptique . . . . . Sources . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . base, texte variant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . .

. . . . . . . . . . .

. XVII . . 1 . . 3 . . 7 . 15 . 23 . 28 . 30 . 30 . 31 . 49

1. Session de 1818–1819 Introduction

. . . . . . . . . . . . . . . . . . .

61

Discussions autour des lois sur la presse (avrilmai 1819) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

62

«Sur les emprunts de 14 et de 24 millions», 14 mai 1819 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

69

Les bannis . . . . . . . . . . . . . . . . . .

72

Le budget

76

. . . . . . . . . . . . . . . . . .

DISCOURS ET INTERVENTIONS DANS L’ORDRE CHRONOLOGIQUE textes e´tablis par E´tienne Hofmann, pre´sente´s et annote´s par Fre´de´ric Jaunin et Franc¸ois Rosset Opinion sur le projet de loi relatif a` la re´pression des de´lits de la presse (14 avril 1819) . . . . . . . . . . . . .

79

VI

Table des matie`res

[Intervention sur la suppression des articles 4 et 5] (15 avril 1819) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

109

Amendement relatif aux brevets des imprimeurs (16 avril 1819) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

111

Amendemens de M. Benjamin Constant sur le projet de loi relatif a` la re´pression des de´lits de la presse (16 avril 1819) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

115

[Intervention sur le retrait d’un amendement] (17 avril 1819) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

117

[Intervention sur le retrait d’un amendement] (19 avril 1819) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

119

[Explication sur un amendement] (19 avril 1819)

. . . .

121

Article additionnel relatif a` l’impression des discours des de´pute´s dans les journaux (21 avril 1819) . . . . . . .

123

[Intervention sur un amendement] (21 avril 1819) . . . .

131

[Intervention sur un amendement relatif au brevet des imprimeurs] (21 avril 1819) . . . . . . . . . . . . . .

133

[Intervention sur les termes diffamation et injure] (22 avril 1819) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

135

[Intervention pre´ce´dant le discours sur la diffamation] (23 avril 1819) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

137

Amendement relatif a` la diffamation (24 avril 1819) . . .

139

Sur l’admission de la preuve contre les fonctionnaires publics (28 avril 1819) . . . . . . . . . . . . . . . .

149

Sur le cautionnement demande´ aux journalistes (3 mai 1819) . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

155

[De´poˆt de deux amendements] (4 mai 1819)

. . . . . .

167

Sur le cautionnement demande´ aux journaux de de´partemens (4 mai 1819) . . . . . . . . . . . . . . . .

169

Amendement relatif au moment ou les journaux devront eˆtre de´pose´s (5 mai 1819) . . . . . . . . . . . . .

171

[Intervention a` propos de son amendement a` l’article 8] (5 mai 1819) . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

177

VII

Table des matie`res

Sur les emprunts de quatorze et de vingt-quatre millions (14 mai 1819) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

179

Opinion sur la pe´tition tendant a` demander a` sa majeste´ le rappel des bannis (17 mai 1819) . . . . . . . . . . .

191

Intervention publie´e dans La Quotidienne (18 mai 1819)

.

199

[Intervention sur l’art. 152 et la responsabilite´ des ministres] (21 mai 1819) . . . . . . . . . . . . . . .

201

[Intervention sur la publication des annonces judiciaires] (22 mai 1819) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

203

[Intervention sur un amendement] (24 mai 1819)

. . . .

205

[Intervention sur le traitement des grands officiers de la couronne] (27 mai 1819) . . . . . . . . . . . . . .

207

[Intervention sur les ministres d’E´tat] (27 mai 1819) . . .

209

[Interventions diverses sur le budget] (28 mai 1819) . . .

211

[Intervention sur les e´conomies a` re´aliser] (29 mai 1819) .

213

Sur les de´penses appele´es accidentelles (29 mai 1819)

. .

215

.

221

[Intervention sur la re´duction du traitement du directeur des ponts et chausse´es] (1er juin 1819) . . . . . . . . . .

223

Sur le traitement des pre´fets (1er juin 1819)

. . . . . .

225

[Intervention contre l’impression du discours de Labourdonnaye] (2 juin 1819) . . . . . . . . . . . . . . .

227

Sur le budget du ministe`re des finances (8 juin 1819)

. .

229

[Intervention sur les de´penses de la Chambre des pairs] (10 juin 1819) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

247

[Intervention sur son amendement] (12 juin 1819) . . . .

249

[Re´sume´ d’une opinion de´veloppe´e sur les frais de l’administration de l’enregistrement] (15 juin 1819) . . . . .

251

Opinion sur les douanes (16 juin 1819)

. . . . . . . .

253

Opinion sur l’administration des contributions indirectes (17 juin 1819) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

263

[Intervention sur la loi du 25 mars 1817] (31 mai 1819)

VIII

Table des matie`res

[Interventions suite a` la demande de re´duction de 400’000 fr.] (17 juin 1819) . . . . . . . . . . . .

275

[Intervention sur son amendement re´duisant le budget des postes] (17 juin 1819) . . . . . . . . . . . . . . .

277

Sur la loi du 15 mars 1815, relative a l’arrie´re´ de la le´giond’honneur (18 juin 1819) . . . . . . . . . . . . . .

279

Re´plique sur la meˆme question [le rappel des bannis] (19 juin 1819) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

281

Opinion sur les pensions (21 juin 1819) . . . . . . . .

289

[Re´sume´ d’une intervention sur la suppression du de´cime] (26 juin 1819) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

299

[Intervention refusant la cloˆture de la discussion sur la perception d’un droit communal] (30 juin 1819) . . . . . .

301

[Discours sur le titre IV du projet de loi des voies et moyens de 1819] (28 [30] juin 1819) . . . . . . . . . . . .

303

[Intervention sur une pe´tition] (7 juillet 1819)

315

. . . . .

Sur la pe´tition des e´coles de droit (10 juillet 1819)

. . .

317

. . . . . . . . . . . . . . . . . . .

323

2. Session de 1819–1820 Introduction

L’e´lection de l’abbe´ Gre´goire La loi e´lectorale

. . . . . . . . . .

326

. . . . . . . . . . . . . . .

327

La loi sur les liberte´s individuelles

. . . . . . . .

La loi d’exception sur la liberte´ de la presse Les pe´titions Le budget

332

. . . .

334

. . . . . . . . . . . . . . . . .

336

. . . . . . . . . . . . . . . . . .

337

Les troubles de Paris

. . . . . . . . . . . . .

339

DISCOURS ET INTERVENTIONS DANS L’ORDRE CHRONOLOGIQUE textes e´tablis par E´tienne Hofmann, pre´sente´s et annote´s par Franc¸ois Rosset et Dominique Triaire

IX

Table des matie`res

Sur l’e´lection de M. Gre´goire (6 de´cembre 1819)

. . . .

345

Sur la proposition de voter six douzie`mes provisoires (24 de´cembre 1819) . . . . . . . . . . . . . . . .

351

[Intervention sur le proce`s-verbal] (30 de´cembre 1819) . .

355

Sur les pe´titions en faveur de la loi du 5 fe´vrier, relativement aux e´lections (14 janvier 1830) . . . . . . . . .

357

Sur une lettre de´nonc¸ant des manœuvres pour signer des pe´titions (15 janvier 1820) . . . . . . . . . . . . .

365

[Intervention sur une pe´tition] (19 janvier 1820)

. . . .

369

Sur une pe´tition tendant a` pre´voir la destitution du roi constitutionnel (29 janvier 1820) . . . . . . . . . . . . .

371

[Re´sume´ d’une intervention sur la convocation des colle`ges e´lectoraux] (29 janvier 1820) . . . . . . . . . . . .

375

[Re´sume´ d’une intervention proposant une modification de la loi du 25 mars 1817] (7 fe´vrier 1820) . . . . . . . .

377

[Intervention sur un amendement de Manuel] (8 fe´vrier 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

379

Sur la loi relative aux engagistes et aux e´changistes (9 fe´vrier 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

381

Sur la re´daction du proce`s-verbal relativement a` une accusation de M. Clausel de Coussergues contre M. de Cazes 1er mars 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

385

[Intervention sur une pe´tition] (3 mars 1820) . . . . . .

389

[Intervention en faveur de l’impression d’une de´claration du rapporteur] (3 mars 1820) . . . . . . . . . . . .

391

[Re´sume´ d’une intervention sur une proposition de Manuel sur la re´forme du jury] (3 mars 1820) . . . . . . . . .

393

Sur les mesures a` prendre pour constater la fide´lite´ du scrutin (6 mars 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . .

395

Sur la loi d’exception contre la liberte´ individuelle (7 mars 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

399

X

Table des matie`res

[Re´sume´ d’une lettre au pre´sident et intervention a` propos de sa proposition de modification du mode de scrutin] (8 mars 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

413

[Intervention contre la cloˆture de la discussion] (9 mars 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

415

[Intervention contre la cloˆture de la discussion] (10 mars 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

417

[Re´sume´ d’une intervention sur la loi d’exception] (10 mars 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

419

Sur la meˆme loi d’exception (10 mars 1820) . . . . . .

421

[Intervention contre le rappel a` l’ordre de Manuel] (13 mars 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

427

[Intervention contre la cloˆture de la discussion] (13 mars 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

429

Amendement a` la loi d’exception contre la liberte´ individuelle (13 mars 1820) . . . . . . . . . . . . . . .

431

[Intervention sur la re´ouverture de la discussion] (15 mars 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

441

[Intervention contre la cloˆture de la discussion] (15 mars 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

443

[Intervention en faveur d’un amendement] (15 mars 1820)

445

Sur une proposition relative aux pe´titions (16 mars 1820) .

447

[Intervention pour s’opposer a` l’ordre du jour sur une pe´tition] (17 mars 1820) . . . . . . . . . . . . . . .

451

Sur les ame´liorations au mode de scrutin (20 mars 1820) .

453

De´veloppemens de la proposition de M. Benjamin Constant, de´pute´ de la Sarthe, tendant a` ame´liorer le mode de scrutin et les articles 15, 22 et 33 du Re`glement (20 mars 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

457

Sur la loi d’exception contre la liberte´ de la presse (23 mars 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

461

Amendement tendant a` excepter de la censure les ouvrages qui ne paraıˆtraient qu’une fois par mois (27 mars 1820) .

475

XI

Table des matie`res

[Intervention sur l’autorisation pre´alable des journaux] (28 mars 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

477

Sur un amendement tendant a` excepter de la censure le compte-rendu des discussions des chambres (28 mars 1820)

479

Amendement tendant a` laisser aux personnes calomnie´es la faculte´ de se de´fendre malgre´ la censure (28 mars 1820) .

483

Sur un amendement tendant a` refuser aux tribunaux le droit d’aggraver les peines pour le simple fait de la publication d’un article raye´ par la censure (29 mars 1820) . . . . .

487

Amendement tendant a` libe´rer de toutes poursuites l’auteur d’un article approuve´ par la censure (29 mars 1820) . . .

489

[Intervention a` propos des menaces contre un pe´titionnaire] (30 mars 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

497

[Intervention en faveur d’un amendement] (30 mars 1820)

499

[Intervention suite a` la sortie des de´pute´s de droite] (30 mars 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

501

Sur un amendement tendant a` ne pas confe´rer la censure a` un seul censeur (30 mars 1820) . . . . . . . . . . .

503

[Intervention sur la modification du mode de scrutin] (30 mars 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

505

Re´ponse a` M. Blanquart-Bailleul sur le mode de scrutin et l’appel nominal (3 avril 1820) . . . . . . . . . . . .

507

Opinion sur le projet de loi relatif au re´glement des comptes ante´rieurs a` l’exercice 1819 (5 avril 1820) . . . . . . .

511

[Discours sur le respect duˆ a` la loi] (6 avril 1820) . . . .

523

[Intervention relative au budget] (8 avril 1820)

. . . . .

527

[Intervention contre un cre´dit demande´ par la direction des douanes] (8 avril 1820) . . . . . . . . . . . . . . .

529

[Intervention pour passer a` l’ordre du jour sur une pe´tition] (14 avril 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

531

[Intervention s’opposant a` la conclusion du rapporteur sur une pe´tition] (15 avril 1820) . . . . . . . . . . . . .

533

XII

Table des matie`res

Opinion sur les amendemens propose´s a` l’article huit du second projet de loi relatif aux comptes arrie´re´s (15 avril 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

535

[Interventions diverses, avec d’autres membres de la gauche, contre l’introduction d’un nouveau projet de loi] (17 avril 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

543

[Intervention appuyant l’opinion de Girardin] (17 avril 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

545

[Intervention pour de´fendre Girardin] (17 avril 1820)

. .

547

[Intervention sur l’ajournement] (18 avril 1820) . . . . .

549

Opinion ... sur le deuxie`me projet de loi relatif aux comptes arrie´re´s (18 avril 1820) . . . . . . . . . . . . . . .

551

[Intervention contre l’ordre du jour a` propos d’une pe´tition] (19 avril 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

555

Sur la pe´tition de M. Madier Montjau relative au gouvernement occulte et aux assassinats du Midi (25 avril 1820)

557

Sur une pe´tition accusant M. de Cazes de l’assassinat du duc de Berry (28 avril 1820) . . . . . . . . . . . .

561

[Intervention contre le rappel a` l’ordre de Manuel] (28 avril 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

569

Discours prononce´ a` l’occasion de la proposition d’adresse faite a` la Chambre des de´pute´s par M. Manuel (3 mai 1820)

571

[Intervention sur l’ordre de la de´libe´ration] (5 mai 1820)

.

581

[Intervention contre Benoist] (6 mai 1820) . . . . . . .

583

Sur l’usage fait de la censure par le ministe`re (12 mai 1820)

585

[Intervention a` propos des lois d’exception] (12 mai 1820)

589

[Intervention contre la censure] (15 mai 1820)

. . . . .

591

[Intervention en faveur d’une pe´tition d’e´tudiants] (20 mai 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

595

Opinion sur le projet de loi relatif aux e´lections (23 mai 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

597

XIII

Table des matie`res

Re´ponse a` M. de Serres, sur le drapeau tricolore, la souverainete´ du peuple, les serments re´ciproques, et M. de La Fayette (27 mai 1820) . . . . . . . . . . . . . . .

625

[Intervention en faveur de la continuation de la discussion] (29 mai 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

631

[Intervention contre la cloˆture] (31 mai 1820) . . . . . .

633

[Intervention contre le rappel a` l’ordre de Foy] (1er juin 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

635

[Intervention en faveur d’une pe´tition] (2 juin 1820) . . .

637

[Intervention sur l’amendement de Desrousseaux] (2 juin 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

639

[Nouvelle intervention sur l’amendement de Desrousseaux] (2 juin 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

641

[Interventions contre la cloˆture] (2 juin 1820) . . . . . .

643

Opinion sur l’article premier du projet de loi relatif aux e´lections (3 juin 1820) . . . . . . . . . . . . . . .

645

Sur les troubles de Paris au mois de juin 1820 (5 juin 1820)

657

Sur les meˆmes troubles [troubles de Paris] (6 juin 1820)

.

665

[Intervention sur les troubles de Paris] (6 juin 1820) . . .

669

Sur les troubles de Paris (7 juin 1820)

673

. . . . . . . .

[Intervention contre la cloˆture] (7 juin 1820)

. . . . . .

[Nouvelle intervention contre la cloˆture] (10 juin 1820)

675

.

677

Re´ponse sur le meˆme sujet [troubles de Paris] (10 juin 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

679

[Intervention sur l’amendement de Me´chin] (12 juin 1820)

687

[Intervention sur l’amendement de Legraverend] (12 juin 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

689

[Proposition d’une nouvelle re´daction d’un article de la loi e´lectorale] (12 juin 1820) . . . . . . . . . . . . . .

691

[Intervention sur la lecture pre´alable des articles de chaque chapitre de la loi] (15 juin 1820) . . . . . . . . . . .

693

XIV

Table des matie`res

[Proposition d’amendement] (16 juin 1820)

. . . . . .

695

[Discours sur les de´penses pour encouragements aux sciences, arts et lettres] (16 juin 1820) . . . . . . . . . .

697

[Intervention sur le traitement des censeurs et des lieutenants de police] (16 juin 1820) . . . . . . . . . . .

701

[Intervention sur les comptes de Paris] (17 juin 1820)

. .

703

. . . . .

705

[Intervention contre la cloˆture] (19 juin 1820)

[Nouvelle intervention contre la cloˆture] (20 juin 1820)

.

707

Sur la ne´cessite´ d’un nouveau code militaire (21 juin 1820)

709

[Discours sur le budget de la Chambre des pairs] (26 juin 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

713

[Discours sur la violation du secret de correspondance des de´pute´s de la Sarthe] (27 juin 1820) . . . . . . . . .

715

[Intervention en faveur d’une pe´tition] (30 juin 1820)

. .

723

[Intervention sur le vote de la Chambre lorsqu’elle n’est pas comple`te] (30 juin 1820) . . . . . . . . . . . . . .

725

Sur la spe´cialite´ (30 juin 1820)

. . . . . . . . . . .

727

[Intervention sur le droit de proposer des amendements] (4 juillet 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

731

[Intervention pour soutenir l’amendement de Sainte-Aulaire] (5 juillet 1820) . . . . . . . . . . . . . . . .

733

[Intervention a` propos de la taxe des israe´lites] (6 juillet 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . . .

735

[Discours sur le remboursement du timbre pour les articles inse´re´s par ordre] (8 juillet 1820) . . . . . . . . . .

737

[Intervention demandant des explications sur l’augmentation du budget des douanes] (8 juillet 1820) . . . . . .

741

[Intervention sur le vote d’un amendement de Casimir Perier] (10 juillet 1820) . . . . . . . . . . . . . . .

743

[Discours sur le droit d’accuser un ministre] (11 juillet 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . .

745

XV

Table des matie`res

[Intervention demandant le rappel a` l’ordre de Cornet d’Incourt] (11 juillet 1820) . . . . . . . . . . . . . . .

749

[Discours a` propos d’un traite´ avec la Re´gence d’Alger] (11 juillet 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . .

751

[Intervention a` propos d’un rapport de Picot-Desormeaux] (12 juillet 1820) . . . . . . . . . . . . . . . . .

753

[Nouvelle intervention a` propos d’un rapport de PicotDesormeaux] (13 juillet 1820) . . . . . . . . . . . .

755

3. Comple´ment SIX AUTRES VERSIONS DU DISCOURS DU 10 JUILLET 1819 : SUR LA PE´ TITION DES E´ COLES DE DROIT . . . . . . . . . . . . . . textes e´tablis et pre´sente´s par E´tienne Hofmann Introduction

. . . . . . . . . . . . . . . . . . .

757 759

Journal des de´bats politiques et litte´raires (11 juillet 1819)

761

Le Courier (11 juillet 1819) . . . . . . . . . . . . .

761

Le Constitutionnel (11 juillet 1819) . . . . . . . . . .

762

La Quotidienne (11 juillet 1819) . . . . . . . . . . .

763

l’Inde´pendant (11 juillet 1819)

. . . . . . . . . . .

764

Gazette de France (11 juillet 1819) . . . . . . . . . .

765

4. Annexes RE´ PERTOIRE

DES PARLEMENTAIRES ET PERSONNALITE´ S POLITI-

QUES IMPLIQUE´ S DANS LES SESSIONS DE 1818–19 ET 1819–20

. .

769

. . . . . . . . . . . . . . . . . . .

783

Bibliographie . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

785

Ouvrages cite´s par Constant . . . . . . . . . . . . .

795

texte e´tabli et pre´sente´ par Franc¸ois Rosset 5. Instruments bibliographiques Abre´viations

6. Index Index des noms de personnes . . . . . . . . . . . . . . .

797

Table des illustrations

1a. E´bauche du premier discours prononce´ a` la Chambre par Benjamin Constant, sur la liberte´ de la presse, le 14 avril 1819, manuscrit autographe BCU, Co 4386 . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

56

1b. E´bauche du premier discours prononce´ a` la Chambre par Benjamin Constant, sur la liberte´ de la presse, le 14 avril 1819, manuscrit autographe BCU, Co 4386 . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

57

2. Benjamin Constant, de´pute´ a` la Chambre, en 1819, lithographie de Charles-Aime´ Forestier, Collection particulie`re . . . . . . . . . . . . . . . .

200

3. «Une chambre divise´e en trois partis : cote´ [sic] gauche, centre, cote´ [sic] droit», anonyme, lithographie colorie´e, [1819] BnF, Paris, De´partement des Estampes et de la photographie, RESERVE QB-FT 4, coll. Vinck no 10487 . . . . . . . .

350

4. «Salle des Electeurs, ou Bengamin [sic] politique», anonyme, lithographie, [1818] BnF, Paris, De´partement des Estampes et de la photographie, RESERVE QB–370 (77)-FT 4 . . . . . . . . . . . . .

510

Principes d’e´dition des Œuvres comple`tes

La pre´sente e´dition a pour re`gle de reproduire tous les textes connus, publie´s ou non, de Benjamin Constant. Elle donne, pour chacun, toutes les variantes. On a maintenu l’orthographe et la ponctuation des originaux. On a pre´serve´ la diversite´ des usages, selon qu’on avait affaire a` un autographe de Constant ou a` une copie. Dans le cas des imprime´s, on n’a corrige´ dans le texte, avec mention en note, que les seules fautes d’impression e´videntes. Pour les manuscrits, la re`gle est celle du respect maximal. Les ce´dilles n’ont pas e´te´ re´tablies. Les tildes et les traits horizontaux place´s sur certaines consonnes pour en indiquer le redoublement ont e´te´ conserve´s. En revanche, les capitales qui apparaissent parfois, dans l’e´criture de Constant, a` l’inte´rieur des noms communs, ont e´te´ conside´re´es comme de «grandes lettres», non comme de vraies majuscules, et ont de`s lors e´te´ normalise´es. Les capitales n’ont pas e´te´ re´tablies en teˆte des noms propres, ni en teˆte des phrases. Elles ont e´te´ respecte´es a` l’inte´rieur des noms propres (ex. «M. DeSaussure»). Les apostrophes et les traits d’union n’ont pas e´te´ re´tablis. Les mots lie´s ont e´te´ respecte´s («peutetre» pour «peut-eˆtre»). On n’ajoute aucun signe de ponctuation. En cas d’absence des parenthe`ses ou des guillemets fermants, une note signale le fait. On a respecte´ les tirets longs, mais non les traits qui, souvent chez Constant, ache`vent la ligne. On a respecte´ e´galement les deux points employe´s selon l’usage ancien. Les accents circonflexes et les tre´mas abusifs ont e´te´ maintenus. L’italique repre´sente les souligne´s simples ; l’italique souligne´ les souligne´s doubles. Lorsqu’il y avait doute dans l’interpre´tation d’une lettre, d’un accent ou d’une graphie quelconque, on a tranche´ en faveur de l’usage actuel. Lorsqu’il y avait he´sitation entre apostrophe et accent (exemple : «l e´te´» ou «l’ete´»), ou entre l’un de ces signes et la ponctuation de la ligne pre´ce´dente, on a privile´gie´ le signe de ponctuation par rapport a` l’apostrophe et a` l’accent, l’apostrophe par rapport a` l’accent. Les abre´viations ont e´te´ re´solues quand le signe n’existe pas en typographie. On explique en note celles qui feraient difficulte´ pour le lecteur. Les mots abre´ge´s ont e´te´ transcrits tels quels, avec une e´ventuelle explication en note. Pour la ste´nographie, une transcription en clair vient doubler la

2

Principes d’e´dition

transcription en abre´ge´. En revanche, les terminaisons de mots simplifie´es, sauf s’il s’agit d’une e´vidente volonte´ d’abre´viation, ont e´te´ restitue´es comple`tement, meˆme si les dernie`res lettres e´taient mal forme´es. Les fautes de syntaxe ont e´te´ transcrites telles quelles. On a e´videmment maintenu la graphie des mots grecs isole´s ou des citations. Dans le texte, les crochets carre´s [ ] indiquent les restitutions textuelles. ` l’inte´rieur d’une restitution, le point (la suite de points) indique la (les) A lettre(s) illisible(s). Dans la transcription des variantes, le mot ou le passage en cause est suivi d’un crochet carre´ fermant ], lui-meˆme suivi de la variante. Si le passage en cause est relativement long, il est de´signe´ par son de´but et sa fin, se´pare´s par trois points. Les crochets pointus 〈 〉 encadrent les mots ou les passages biffe´s. Les barres obliques a` droite / / encadrent le(s) mot(s) biffe´(s) a` l’inte´rieur d’une variante biffe´e. Chacun des volumes des Œuvres comple`tes, aussi bien dans la se´rie Œuvres que dans la se´rie Correspondance, est soumis a` l’attention d’un re´viseur de´signe´ par le Comite´ directeur, dont la taˆche consiste a` controˆler l’ade´quation du travail aux principes d’e´dition qui viennent d’eˆtre succinctement e´nonce´s. On voudra bien noter que l’accord donne´ par ce re´viseur a` l’issue de son examen n’implique nullement, de sa part, une adhe´sion aux opinions exprime´es et aux jugements porte´s par les collaborateurs de l’e´dition.

Signes, symboles, sigles et abre´viations

La liste qui suit ne reprend pas certaines abre´viations d’usage tre`s ge´ne´ral (etc., M., Mme, Mlle) ; elle ne reprend pas non plus celles qui apparaissent dans les cotes des bibliothe`ques, ni celles sous lesquelles nous de´signons les ouvrages et les pe´riodiques souvent cite´s (on trouvera ces dernie`res dans les «Instruments bibliographiques» a` la fin du volume), ni les sigles par lesquels nous de´signons les manuscrits ou les e´ditions des textes que nous e´ditons (ils sont donne´s a` la fin des introductions, dans la section «E´tablissement du texte»). [...] ] 〈〉 \\ /

?   *

2

1905

: restitutions textuelles ; le point (la suite de points) indique la (les) lettre(s) illisible(s). : signe qui, dans la transcription des variantes, suit le mot ou le passage en cause, et est suivi de la variante. : encadrent les mots ou les passages biffe´s. : encadrent le(s) mot(s) biffe´(s) a` l’inte´rieur d’une variante biffe´e. : indique, dans une note ou dans une variante, les retours a` la ligne. : dans la description des imprime´s, indique les retours a` la ligne ; dans les vers cite´s dans les notes ou les variantes, indique la limite du vers ; dans les textes de Constant, indique le changement de page ou de folio de la source. : le point d’interrogation suit toute indication conjecturale. : indique, dans l’apparat des textes repris, la migration d’un passage dans un autre texte. : indique, dans l’apparat des textes repris, la provenance d’un passage. : l’aste´risque mis en exposant devant le nume´ro d’un folio dans la description des manuscrits, indique que le folio ainsi de´signe´ est perdu. : un chiffre mis en exposant devant l’anne´e de publication d’un ouvrage dans la bibliographie, indique qu’il s’agit de la 2e (3e ...) e´dition.

4 a. add. AN app. attr. art. BC BCU BGE BnF Bque Constant br. chap. col. coll. corr. c. r. e´d. e´d. orig. e´dit. fasc. fo fos IBC illis. inf. interl. l. lac. livr. mm ms. mss n. no nos p. part. pl. pp. ro

Signes, symboles, sigles et abre´viations

: autographe(s) : addition : Archives nationales, Paris : appendice : attribue´(e)(s) : article(s) : Benjamin Constant : Bibliothe`que Cantonale et Universitaire, Lausanne : Bibliothe`que de Gene`ve : Bibliothe`que nationale de France, Paris : Bibliothe`que de Constant : broche´ : chapitre(s) : colonne(s) : collection : correction(s), corrige´(s), corrige´e(s) : compte rendu : e´dition : e´dition originale : e´diteur : fascicule(s) : folio : folios : Institut Benjamin Constant : illisible(s) : infe´rieur(e) : interligne : ligne : lacune : livraison(s) : millime`tres : manuscrit : manuscrits : note(s) : nume´ro : nume´ros : page : partiellement : planche(s) : pages : recto

Signes, symboles, sigles et abre´viations

ros re´impr. s. s.d. s.e´d. s.l. s.l.n.d. sup. supp. sv. TLF t. v. vv. vo vos vol.

: rectos : re´impression : signe´ : sans date : sans indication de l’e´diteur commercial : sans lieu : sans lieu ni date : supe´rieur(e) : supprime´(s), supprime´e(s) : suivant(s), suivante(s) : Tre´sor de la Langue Franc¸aise : tome(s) : vers : vers : verso : versos : volume(s)

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Chronologie

1767–1830 1767, 25 octobre : Naissance de Benjamin Constant a` Lausanne. 1779 : Il compose Les Chevaliers. 1780-1782 : Se´jour en Angleterre, en Hollande, a` Lausanne, puis a` Erlangen, ou` il fre´quente l’Universite´. 1783-1785 : E´tudes a` l’Universite´ d’Edimbourg. 1785 : Mise en chantier d’un ouvrage sur le polythe´isme. Se´jours a` Paris, a` Bruxelles, a` Lausanne. 1786 : Rencontre et amitie´ avec Mme de Charrie`re. 1788 : Se´jour a` Brunswick, ou` il rencontre Minna von Cramm, sa premie`re femme, et en 1793 Charlotte von Hardenberg, alors e´pouse de Wilhelm Christian von Marenholz. Amitie´ avec Jacob Mauvillon. 1793 : Se´jour a` Colombier, pre`s de Neuchaˆtel, chez Mme de Charrie`re. 1794 : Premie`re rencontre avec Mme de Stae¨l. 1795 : BC accompagne Mme de Stae¨l a` Paris. Ils commencent a` jouer un roˆle politique. 1797 : Naissance d’Albertine de Stae¨l. 1798 : Rencontre et amitie´ avec Julie Talma. 1800 : BC est membre du Tribunat, dont il sera e´limine´ en 1802 avec d’autres opposants. Se´jour en Suisse.

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1802 : BC travaille a` un traite´ politique intitule´ Possibilite´ d’une constitution re´publicaine dans un grand pays, qu’il abandonne au mois d’octobre. Il pense peu apre`s a` la re´daction d’un ouvrage e´le´mentaire sur la liberte´. Il s’agit probablement de ses Principes de politique. 1803 : Lectures en vue de la re´daction de son ouvrage politique. BC accompagne Mme de Stae¨l, exile´e, a` Weimar ou` il restera jusqu’en avril 1804. Rencontres avec Goethe, Schiller, Wieland, le duc de Weimar et d’autres personnages. Travail soutenu a` son ouvrage sur la religion. Il de´couvre les axiomes fondamentaux de sa the´orie sur la religion. 1804, 22 janvier : De´but du journal intime. De´cembre : De retour a` Paris, il revoit Charlotte von Hardenberg, qui a e´pouse´ le vicomte de Tertre. 1805 : Passion pour Anna Lindsay. Mort de Julie Talma (mai) et de Mme de Charrie`re (de´cembre). 1806, 4 fe´vrier : De´but du travail aux Principes de politique, atteste´ par le Journal intime. La re´daction du texte sera interrompue a` la fin de l’anne´e. Des morceaux de cet ouvrage seront utilise´s en 1822 pour la re´daction du Commentaire sur l’ouvrage de Filangieri. De´but de la re´daction d’Adolphe. 1807 : Se´jour a` Coppet. Wallstein. Arreˆt du journal intime. 1808 : Mariage secret avec Charlotte von Hardenberg. 1810 : Grosses pertes de jeu, vente des Herbages. 1811 : De´part avec Charlotte pour la Suisse et pour l’Allemagne. Reprise du journal intime, en caracte`res grecs. 1812–1814 : Se´jour a` Göttingen, ou` il travaille a` son ouvrage sur la religion. Il ache`ve une premie`re re´daction en 44 livres. Il publie en Allemagne De l’esprit de conqueˆte et de l’usurpation et se rallie a` Bernadotte, prince royal de Sue`de. Il retourne sans Charlotte a` Paris, apre`s la chute de l’Empire. Passion subite pour Juliette Re´camier. Il fait paraıˆtre ses Re´flexions sur les constitutions, la distribution des pouvoirs, et les garanties, dans une monarchie constitutionnelle.

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1815 : De´barquement de Napole´on a` Golfe-Juan et fuite de Louis XVIII a` Gand. BC re´dige l’Acte additionnel et publie les Principes de politique, texte de 1815. 1816 : Il quitte Paris et rejoint sa femme a` Bruxelles. Se´jour a` Londres (de janvier a` juillet) ou` Adolphe est publie´. Il revient enfin a` Paris en septembre, encourage´ par l’ordonnance royale du 5 septembre qui dissout la Chambre introuvable. Fin du journal intime. 1817 : BC, qui a achete´ au mois de de´cembre 1816 le Mercure de France, se fait une re´putation de journaliste et d’auteur politique. Mort de Mme de Stae¨l. Le Mercure de France est supprime´ fin de´cembre. 1818, fin janvier : BC s’engage dans l’affaire Wilfrid Regnault. Fe´vrier : Fondation de la Minerve franc¸aise. 6 fe´vrier : Premie`re lecture a` l’Athe´ne´e royal sur la religion. Octobre : E´chec e´lectoral. 26 de´cembre : BC prononce a` l’Athe´ne´e royal l’«E´loge de Sir Samuel Romilly», homme politique anglais, et c’est la` le de´but de ses expose´s sur la constitution anglaise, qui vont se prolonger jusqu’au milieu de l’anne´e 1819. 1819, fe´vrier : BC prononce a` l’Athe´ne´e royal son expose´ intitule´ «De la liberte´ des anciens et des modernes». 14 fe´vrier : Il publie dans La Minerve un article «Sur la Responsabilite´ des ministres». 22 fe´vrier : Il entreprend de combattre la proposition Barthe´lemy de modifier la loi des e´lections par sa brochure De la proposition de changer la loi des e´lections. 25 mars : BC est e´lu de´pute´ de la Sarthe. 2 avril : La premie`re Lettre a` MM. les habitans du de´partement de la Sarthe paraıˆt dans La Minerve. Avril : De`s ce mois il se fait entendre une cinquantaine de fois a` la tribune avant la cloˆture de la session, le 17 juillet. Il poursuit sa collaboration a` La Minerve alors que le prospectus de La Renomme´e paraıˆt au de´but de juin.

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10 mai 1819 : BC s’est installe´ au 348 de la rue Saint-Honore´, ou` il restera jusqu’en 1821. En mai et en juin, il prononce plusieurs discours sur des questions budge´taires. 20 juin : Dernie`re lecture a` l’Athe´ne´e Royal. 21 aouˆt : BC publie dans La Minerve un article sur la traite des noirs au Se´ne´gal, de´but d’une campagne contre une pratique de´gradante. E´te´ 1819 : Jusqu’en novembre, son activite´ journalistique est importante jusqu’a` la rentre´e parlementaire. De´but septembre : La premie`re des Lettres sur les Cent-Jours paraıˆt dans La Minerve. Octobre : Publication de la secondre Lettre a` MM. les habitants de la Sarthe Novembre : BC publie la brochure De l’e´tat de la France et des bruits qui circulent. 6 de´cembre : BC se lance dans la de´fense du de´pute´ libe´ral Gre´goire, ancien abbe´ que la droite accuse d’avoir e´te´ re´gicide. Mi-de´cembre : BC fait partie de la commission de re´daction d’une adresse au roi, mais son texte n’est pas adopte´. 24 de´cembre : Il prononce un discours sur la question budge´taire des six douzie`mes provisoires. 1820. Janvier a` juillet : BC de´ploie une activite´ conside´rable a` la Chambre, prenant plus de cent fois la parole. 23 janvier : BC publie dans La Minerve une re´ponse a` un article de Chateaubriand paru dans Le Conservateur. 13 fe´vrier, assassinat du duc de Berry. 20 fe´vrier, le ministe`re Richelieu succe`de a` celui de Decazes. 7 mars : BC prononce un discours «Sur la loi d’exception contre la liberte´ individuelle». 21 mars : BC signe la Troisie`me lettre a` MM. les habitans du de´partement de la Sarthe. 23 Mars : Discours «Sur la loi d’exception contre la liberte´ de la presse». 27 mars, suppression de La Minerve.

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5 avril 1820 : BC publie dans la brochure Lettres sur la situation de la France sa «Lettre a` M. Lacretelle aıˆne´». 20 mai : Publication de la brochure Des motifs qui ont dicte´ le nouveau projet de loi sur les e´lections. Le meˆme jour il publie dans les Conside´rations politiques et morales ses «Pense´es de´tache´es». 3 juin : Grave incident provoque´ par des militaires de´guise´s contre plusieurs de´pute´s libe´raux apre`s la fin de la se´ance de la Chambre des de´pute´s. BC, menace´ lui-meˆme, a de´nonce´ les attaques par plusieurs interventions devant la Chambre a` partir du 4 juin. 13 juin : Suppression de La Renomme´e, remplace´e bientoˆt par Le Courrier franc¸ais. Juillet : BC publie anonymement dans les Lettres normandes, ou Correspondance politique et litte´raire, une se´rie d’articles sous le titre «Ide´es sur la souverainete´, l’autorite´ sociale, et les droits individuels». Il distribue les E´claircissements sur quelques faits, adresse´s a` MM. les membres de la Chambre des de´pute´s ce qui donnera lieu a` un proce`s en mars 1821. La brochure Pie`ces relatives a` la saisie de lettres et de papiers dans le domicile de MM. Goyet et Pasquier, l’un juge, et l’autre agre´e´ au tribunal de commerce du Mans paraıˆt en librairie. 15 juillet : Fin de la session parlementaire. Aouˆt : BC loue une maison de campagne a` Montmorency pour s’y reposer. 19 aouˆt : Conspiration militaire avorte´e. 20 septembre : Il publie De la dissolution de la Chambre des de´pute´s et des re´sultats que cette dissolution peut avoir pour la nation, le gouvernement et le ministe`re. 16 septembre : L’e´diteur Dufart publie un prospectus annonc¸ant une nouvelle e´dition des Œuvres de G. Filangieri ; BC a accepte´ d’e´crire des notes qui deviendront le Commentaire sur l’ouvrage de Filangieri. 20 septembre – de´but octobre : Voyage dans la Sarthe, avec Charlotte, pour voir les e´lecteurs. 7 et 8 octobre : De graves incidents ont lieu a` Saumur. Octobre : Il publie la brochure Lettre a` M. le marquis de Latour-Maubourg, ministre de la Guerre, sur ce qui s’est passe´ a` Saumur les 7 et 8 octobre 1820.

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Novembre 1820 : Le premier tome des Me´moires sur les Cent-Jours sort de presse. Des e´lections partielles ont lieu pour le renouvellement de la Chambre, les royalistes emportant 198 sie`ges sur 220. 13 novembre : Publication de le Lettre a` M. Goyet, e´lecteur de la Sarthe 1821, 22 mai 1821 : Vers cette date, BC travaille toujours a` son ouvrage De la charte constitutionnelle, telle que le ministe`re de 1820 l’a faite, brochure commence´e apre`s l’assasinat du duc de Berry, annonce´e dans la Renomme´e, mais pas publie´e. De´but mars : Il a un nouvel accident a` la jambe en quittant la tribune et ne peut assister aux de´bats pendant pre`s d’un mois. Il est cite´ devant la cour d’Assises dans le proce`s de Sauquaire-Souligne´ et de Goyet. Fin mars : BC publie, avec des notes, la traduction de la brochure Du triomphe ine´vitable et prochain des principes constitutionnels en Prusse, faussement attribue´ a` Koreff. 6 avril : BC prononce un discours a` la Chambre «Sur l’interdiction de la parole, par suite de rappel a` l’ordre et a` la question». 19 mai : Discours «Sur une pe´tition relative a` l’influence du clerge´ catholique sur l’e´ducation des protestants». Mort de Camille Jordan, a` qui il consacre un article dans Le Courrier franc¸ais du 22 mai. 27 juin : Discours «Contre la traite des noirs». Il semble avoir repris le travail a` son Commentaire sur l’ouvrage de Filangieri. 7 juillet : discours «Sur la censure des journaux». 31 juillet : Cloˆture de la Chambre. BC est fatigue´ et de´courage´. Septembre : Il se remet a` son ouvrage sur la religion. 15 octobre : BC s’installe 17, rue d’Anjou St. Honore´, ou` il restera jusqu’en janvier 1823, moment de son de´me´nagement au no 15 de la meˆme rue, ou` il demeurera jusqu’a` sa mort. Novembre : BC travaille a` la seconde partie des Me´moires sur les CentJours qui paraıˆtront en 1822. Son travail sur Filangieri se poursuit. 5 novembre : Reprise des se´ances de la Chambre des De´pute´s. 1822 : La premie`re partie du Commentaire sur l’ouvrage de Filangieri paraıˆt en janvier et le 13 janvier un compte rendu par J. J. Page`s voit le jour dans Le Courrier franc¸ais, suivi d’un compte rendu dans la Revue

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enyclope´dique signe´ P. A. D. En novembre : BC est battu aux e´lections par le candidat royaliste (183 contre 192 voix). 1823 : Nicolas-Louis-Marie Artaud publie un compte rendu e´logieux du Commentaire sur l’ouvrage de Filangieri dans le t. XIX de la Revue encyclope´dique. 1824 : En fe´vrier BC est e´lu de´pute´ de Paris. Le de´pute´ Dudon et la droite contestent sa nationalite´ franc¸aise. En avril, il va en Suisse chercher des papiers relatifs a` son ascendance maternelle et re´pondre ainsi aux contestations sur sa nationalite´. Publication, fin mars, du premier volume de De la Religion. Le 16 aouˆt : Les parties 2 a` 4 du Commentaire paraissent avec un retard conside´rable. 1825 : En mai, Giovanni Valeri publie un important article sur le Commentaire dans le pe´riodique Antologia, e´dite´ par Vieusseux. Le 10 octobre : De la Religion, tome II. 1826 : Traduction italienne du Commentaire. En de´cembre : Article anonyme sur cet ouvrage dans l’Antologia. 1827 : BC e´lu de´pute´ du Bas-Rhin. Publication de De la Religion, tome

III.

1829 : Publication des Me´langes de litte´rature et de politique. 1830 : Re´e´lection a` la Chambre, participation aux Journe´es de juillet. BC est nomme´ Pre´sident de section au Conseil d’E´tat. De´ce`s, le 8 de´cembre, et fune´railles impressionnantes, le 12 de´cembre.

Introduction ge´ne´rale au tome

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Les discours prononce´s par Benjamin Constant au Tribunat, puis lors des sessions successives de la Chambre des de´pute´s auxquelles il a participe´, constituent, on le sait, un pan majeur de son activite´ politique. Mais il n’est pas exage´re´ ni incongru de les conside´rer aussi comme une part importante de son œuvre de penseur politique. Car toutes conjoncturelles qu’elles aient e´te´ par leur nature, ses interventions visent presque toujours des objectifs plus ge´ne´raux qui s’expriment au nom de principes, comme dans les traite´s et autres imprime´s. Elles sont, dans des contextes particuliers, une reformulation directe ou indirecte de ces principes. Cela ne veut toutefois pas dire que l’orateur aurait simplement profite´ de la tribune pour e´noncer ses ide´es, sans chercher a` infle´chir le cours des de´cisions prises par la Chambre. Au contraire, en orateur obstine´ et pugnace, Constant n’abandonne jamais, malgre´ la rarete´ des succe`s ou en tout cas des succe`s imme´diats. Bien des combats ont e´te´ perdus, mais ils ont permis de dire ou de redire ce qui importait vraiment, comme un horizon en point de mire : la liberte´ des individus dans leurs actions, leurs croyances et leur parole, la liberte´ de la presse, la limitation, la se´paration et le controˆle du pouvoir, la probite´ de l’administration, la responsabilite´ des gouvernants, l’inviolabilite´ des proprie´te´s, la re´partition la plus e´quitable des charges de l’E´tat comme la redistribution la plus juste de ses ressources. C’est dans ce sens que l’on peut dire que les discours sont des œuvres, au meˆme titre que les grands et petits textes imprime´s. Constant lui-meˆme en avait bien conscience, puisqu’il s’est occupe´ personnellement, a` la fin de sa vie, de re´unir dans deux forts volumes1 ceux de ses discours, depuis la session de 1818 de la Chambre2, qu’il conside´rait comme les plus significatifs, les plus aptes a` te´moigner de la permanence et de la cohe´rence de son combat. Mais en faisant cela, l’auteur de ces discours ne rendait pas force´ment le meilleur des services a` ses futurs e´diteurs habite´s par l’ambition de publier ses e´crits dans leur totalite´. 1

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B. Constant, Discours a` la Chambre des de´pute´s, Paris : Ambroise Dupont et Cie, J. Pinard, 1827 et 1828 (la deuxie`me e´dition reprend la premie`re avec un certain nombre de modifications). BC n’a commence´ a` sie´ger qu’en avril 1819, apre`s son succe`s a` l’e´lection comple´mentaire de mars, mais la session de 1818, ouverte en de´cembre, a couru jusqu’en juillet de l’anne´e suivante.

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Les discours, en effet, imposent un de´fi e´ditorial tre`s particulier, non seulement autour de la question de savoir s’il faut ou non faire des choix parmi eux. Cette question est facilement tranche´e dans le contexte des OCBC ou` il est de re`gle de tout publier. Or les proble`mes commencent par se poser avec la nature performative de ces prises de parole, dont la re´alite´ rhe´torique et pragmatique e´tait assure´ment bien diffe´rente de sa projection telle qu’elle est fixe´e dans des textes imprime´s. Mais quelle e´tait-elle vraiment ? Devons-nous renoncer de´finitivement a` reconstituer quelque chose de ces actes verbaux du moment que nous les figeons a` notre tour en les e´ditant ? Il faut e´videmment prendre soin des didascalies et autres indications souvent livre´es dans les sources et qui renvoient un certain e´cho des effets imme´diats de la parole de l’orateur1, mais on reste de toute fac¸on condamne´ a` lire quelque chose qui rend compte seulement de ce qui a e´te´ prononce´ et a` reproduire, certes avec soin, des objets de langage formate´s pour et par l’e´crit, documents d’un discours oral a` jamais e´vapore´ sous les plafonds de la Chambre (on rappelle que les de´pute´s devaient e´noncer leurs interventions sans les lire2). Quand l’e´diteur s’est fait une raison de cet irre´ductible e´cart entre le texte qu’il e´tablira et la forme primitive de sa formulation, il n’est pas au bout de sa perplexite´. Car les sources dont il dispose sont elles aussi proble´matiques. Les manuscrits ne sont d’un secours que rare et subsidiaire, car, quand ils existent, ils ne livrent que des bribes ; il faut donc se tourner vers les imprime´s. Les discours des de´pute´s e´taient ge´ne´ralement de´pose´s sous forme d’e´crits ste´nographie´s aux archives des chambres, le plus souvent reproduits dans le Moniteur universel. La Chambre pouvait aussi, a` la demande des de´pute´s, en ordonner l’impression (ce qui arrivait fre´quemment) ou alors des de´pute´s faisaient imprimer euxmeˆmes certaines de leurs interventions sous forme de brochures. Mais d’autres journaux aussi rendaient re´gulie`rement compte des de´bats dans les deux chambres, soit in extenso, soit sous forme de re´sume´s, soit encore sous l’aspect hybride de citations partielles entrelarde´es de re´sume´s. Puis, de`s les anne´es 1860, paraıˆtront les volumes des Archives parlementaires ou` sont

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Voir les observations de F. Jaunin, «Un proble`me e´ditorial : les didascalies dans les comptes rendus des discours de Constant a` la Chambre des de´pute´s», ABC, 36, 2011, pp. 75–95, la the`se de M. Le Verge, Les Re`glements inte´rieurs de la Chambre des pairs et de la Chambre des de´pute´s sous la Restauration, Universite´ d’Angers, 2018, ainsi que, s’agissant pre´cise´ment de BC, la the`se de R. Neveu, Benjamin Constant et la construction du re´gime parlementaire, Universite´ Paris-Est, 2014. Franc¸oise Me´lonio rappelle cette difficulte´, apre`s Paul Delbouille, Kurt Kloocke et Jean Starobinski, dans «Constant orateur : une ‘fac¸on philosophique d’embrasser la morale et la politique dans leurs applications’», ABC, 36, 2011, pp. 37–49.

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reproduits avec soin tous les textes de´pose´s a` la Chambre, y compris ceux que le Moniteur n’avait pas publie´s ou n’avait que re´sume´s. De`s lors se pose la question : comment hie´rarchiser l’autorite´ des sources multiples ? quelle(s) source(s) choisir pour l’e´tablissement du texte de base ? On reviendra ci-apre`s sur les choix qui ont e´te´ ope´re´s pour le pre´sent volume, mais la question qui s’e´tait de´ja` pose´e, il est vrai dans une moindre mesure, pour la publication des discours au Tribunat (OCBC, Œuvres, t. IV) et qui se posera encore avec la meˆme acuite´ pour les volumes de la quatrie`me pe´riode, met en lumie`re la difficulte´ primordiale de ce travail d’e´dition et meˆme l’impossibilite´ d’aboutir a` une solution pleinement satisfaisante (sauf a` imaginer une e´dition e´lectronique particulie`rement sophistique´e qui permettrait de re´unir, de collationner, de comparer, de recouper a` la fois toutes les sources – mais ce n’est pas notre projet). Il y a encore, dans l’e´dition des discours de Benjamin Constant, un autre biais faˆcheux dont il faut garder conscience : isole´es de leur contexte de discussion, orphelines de leur voisinage oratoire, ces interventions d’un seul de´pute´ mises en se´rie re´sonnent comme une longue monodie, alors qu’elles ont e´te´ produites en tant qu’amorces ou re´pliques, composantes d’une polyphonie, participation a` un effort collectif, souvent laborieux, voire chaotique, mais fondamentalement pluriel. Constant, on l’a dit, s’est lui-meˆme autorise´ a` re´individualiser ses productions oratoires en en constituant une collection se´pare´e, mais notre perspective, e´claire´e par les travaux re´cents des historiens du parlementarisme1, comme par la science du discours et la pragmatique linguistique, ne peut pas faire abstraction de la transformation brutale impose´e a` ces textes par la singularisation. Il n’y a qu’une fac¸on de re´soudre ce proble`me : c’est de lire inte´gralement les volumes des Archives parlementaires ! Nous l’avons fait dans la perspective de cette e´dition et nous sommes efforce´s d’apporter, dans les notes, les indications indispensables a` la compre´hension de chacune des interventions dans le contexte du de´bat en cours. Cela dit, la singularite´ et meˆme la singularisation ne sont pas tout a` fait hors de propos quand il s’agit de celui qui a sans cesse de´fendu le sujet individuel et qui l’a surtout examine´ dans tout le myste`re de ses incohe´rences et toute la puissance de ses aspirations. Il e´tait aussi perc¸u par ses contemporains comme un personnage e´trange et extraordinaire ; quantite´ de portraits le de´crivent ainsi et l’on constate a` la lecture des comptes rendus des chambres que ses prises de parole ne passaient jamais inaperc¸ues. Un de´tail aussi intriguant que significatif dit cela tre`s bien : partout, dans les comptes rendus de la presse comme dans les relations du Moniteur 1

Voir notamment H. Coniez, E´crire la de´mocratie. De la publicite´ des de´bats parlementaires, Paris : L’Harmattan, 2012.

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et les documents des Archives parlementaires, la de´signation de cet homme se singularise. Tous les orateurs sont «M. untel» avec ou sans titre de noblesse ou de fonction ; lui, il est invariablement M. Benjamin Constant. Il est presque le seul dont le pre´nom soit toujours accole´ au nom1, comme la de´signation d’un personnage de come´die, comme s’il n’appartenait pas a` la meˆme cate´gorie que tous les autres. Cela bien suˆr, ne justifie pas encore que l’on se´pare ses discours de ceux de ses colle`gues, l’originalite´ ne se re´ve´lant jamais mieux que dans sa confrontation avec le commun ; mais il est vrai aussi que la ve´rification de l’histoire a place´ Constant bien au-dessus de tous ses colle`gues de´pute´s, meˆme les plus remarquables, les La Fayette, les Guizot ou les Casimir Perier2. Et cela peut justifier la publication soigne´e de ses prises de parole a` lui, sans celles des autres, puisque c’est aussi cela qui le´gitime l’ensemble de l’entreprise des OCBC. Mais en e´ditant ainsi ses discours, on publie une composante particulie`re de son œuvre et non pas une documentation suffisante de cette re´alite´ socio-politique qui se refle`te dans la vie des chambres a` l’e´poque concerne´e. Cette e´poque, quelle est-elle pour le de´pute´ qui fait son entre´e a` la Chambre en cours de session comme repre´sentant de la Sarthe, a` la suite de l’e´lection partielle du 26 mars 18193 ? Il ne serait sans doute pas exage´re´ de dire que les anne´es 1817–1818 ont e´te´ pour Constant une pe´riode de pre´paration a` cette nouvelle e´tape de sa carrie`re politique qui se concre´tisait enfin apre`s deux tentatives infructueuses. Il avait duˆ s’imposer une assez longue quarantaine politique a` la suite des Cent-Jours et son retour a` Paris, en 1816, fut marque´ par une certaine discre´tion avant qu’il se remette se´rieusement aux affaires. E´phe´me`re observateur, sous le Tribunat, d’un parlementarisme vagissant dans des conditions toujours plus contraintes, le´gislateur lui-meˆme en tant que principal re´dacteur de l’Acte additionnel aux constitutions de l’Empire, fervent de´fenseur de la Charte et de´sormais convaincu par la voie de la monarchie parlementaire, il avait copieusement nourri le Mercure de France (jusqu’a` sa fermeture en de´cembre 1817), La Minerve franc¸aise et quelques autres pe´riodiques, d’articles de fond ou` les commentaires sur l’actualite´ (en particulier l’actualite´ parlementaire) e´taient appuye´s sur l’armature the´orique qu’il avait e´chafaude´e dans les Principes de politique et qu’il e´tait en train de re´actualiser dans le Cours de politique constitution1 2 3

Il partage cet e´trange privile`ge avec Casimir Perier et Camille Jordan. Pour la mise au point la plus re´cente, voir la the`se de G. Poisson, L’image du de´pute´ libe´ral sous la Restauration : l’exemple de Benjamin Constant, Universite´ de Lausanne, 2022. Voir F. Jaunin, «Trompettes et parachute : le premier succe`s e´lectoral de Benjamin Constant», Cahiers de la Nouvelle Socie´te´ d’E´tudes sur la Restauration, t. XI, 2012, pp. 89–116.

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nelle, vaste recueil de ses textes politiques majeurs (quatre volumes parus entre de´cembre 1817 et janvier 1820). Il avait lance´ aussi la se´rie (formellement non pe´riodique pour e´chapper a` la censure) des Annales de la session de 1817 a` 1818, consacre´es exclusivement a` l’examen des de´bats de la ` la meˆme e´poque, il s’e´tait fortement engage´ dans deux affaires Chambre. A judiciaires (l’affaire Wilfrid Regnault et l’affaire Charles Laine´ – voir OCBC, Œuvres, t. XI) qui allaient consolider encore son aisance de´ja` ave´re´e dans la compre´hension, le maniement et l’interpre´tation des lois. Enfin, il avait par deux fois mene´ campagne pour se faire e´lire a` la Chambre, d’abord, en septembre 1817, pour le de´partement de la Seine ou` il e´choua ; puis, en octobre 1818, a` Paris et dans le de´partement du Nord ou` sa candidature subit le meˆme sort1. L’autorite´ qu’il s’e´tait de´finitivement acquise comme journaliste et penseur politique ajoute´e a` l’expe´rience tactique emmagasine´e lors de ses infructueuses campagnes e´lectorales, assurait a` Benjamin Constant un tre`s solide bagage non seulement pour affronter de prochaines e´lections avec davantage d’optimisme, mais surtout pour tenir un roˆle en vue en tant que de´pute´ a` la Chambre. Ces promesses, l’une comme l’autre, s’ave´reront bientoˆt parfaitement fonde´es. Quelle est cette Chambre ? Rappelons qu’apre`s la dissolution de la «Chambre introuvable» par Louis XVIII le 5 septembre 1816, les e´lections des 25 septembre et 4 octobre avaient apporte´ un changement conside´rable, puisqu’elles avaient consacre´ la victoire des «constitutionnels», royalistes mode´re´s ou «doctrinaires». Ces derniers disposaient, avec 136 sie`ges sur 258, d’une assez confortable majorite´ ; ils e´taient coˆtoye´s a` droite par 92 ultras et a` gauche, par 30 de´pute´s de la gauche et de la gauche libe´rale. Mais graˆce aux effets de la loi Laine´ (institue´e en fe´vrier 1817) qui modifiait quelque peu le profil des e´lecteurs, les e´lections partielles qui suivront donneront des re´sultats ge´ne´ralement favorables a` la gauche libe´rale qui gagnera finalement une douzaine de sie`ges au de´triment des ultras et des constitutionnels. Ce sera justement le cas pour le sie`ge de la Sarthe conquis par Constant. Cela dit, la re´alite´ politique est plus complique´e que ne le laisseraient voir les e´tiquettes. Dans les faits, le camp de la majorite´ ministe´rielle n’est pas homoge`ne et pour pouvoir faire passer les re´formes auxquelles il aspire pour rapprocher le dispositif franc¸ais du syste`me de la monarchie parlementaire a` l’anglaise, il a toujours besoin de soutiens, soit a` gauche, soit a` droite. Et quand il se tourne d’un coˆte´, il suscite l’hostilite´ de l’autre. D’ou` une situation re´ellement instable et confuse. 1

Voir F. Jaunin, «Les divisions libe´rales au moment des e´lections de 1818 : une explication partielle a` l’e´chec de la candidature de Benjamin Constant a` Paris», ABC, 35, 2010, pp. 57– 75.

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Avant de devenir acteur dans ce parlement labile, Constant en avait ob` diffe´rentes occasions, il s’e´tait re´joui de voir serve´ les travaux a` distance. A progresser la cause de la liberte´ et il appre´ciait la qualite´ intrinse`que de bon nombre d’interventions. Mais son constat global e´tait tout de meˆme mitige´, sinon de´sabuse´ : la rivalite´ des camps, les entraves, voire les blocages politiques empeˆchaient que s’e´tablıˆt un mode de relations efficaces entre les de´bats ou les de´cisions de la Chambre et les agissements du gouvernement et de l’administration. Dans la conclusion de ses Annales de la session de 1817 a` 1818, il e´crivait ceci : «Je ne sais pas e´crire une histoire quand il n’y a point de faits, et je ne vois dans les discussions des chambres depuis trois mois [le texte est imprime´ fin avril 1818], que des discours brillans, e´nergiques, forts quelquefois de raisonnemens et de principes, mais qui n’ont produit aucun re´sultat»1. Quand il sie´gera lui-meˆme sur le flanc gauche de l’he´micycle du PalaisBourbon, Constant verra les choses un peu diffe´remment. Certes, il se heurtera sans cesse a` la re´sistance des ministres avec leurs directeurs ge´ne´raux et ve´rifiera au quotidien la difficulte´, pour les membres d’une opposition parlementaire, d’obtenir des majorite´s, et meˆme de pouvoir au moins imposer le de´bat en de´jouant la menace permanente de la question pre´alable et de l’ordre du jour2. Il profitera aussi de cette autre re´alite´ qu’il connaissait depuis longtemps pour avoir longtemps ferraille´ en sa faveur : la publicite´ des de´bats a` la Chambre. Relaye´s par la presse pour un lectorat friand de nouvelles et de confrontation d’ide´es autant que de brillante rhe´torique, les discours des de´pute´s ne sont pas seulement le sang du de´bat et le pre´alable aux votes, ils ont e´galement vocation de faire rayonner les ide´es hors de la Chambre, de former l’opinion, d’e´duquer les citoyens a` la liberte´ et a` la de´mocratie. Ces discours largement diffuse´s par la presse constituent eux aussi une manie`re de cours de politique constitutionnelle. Ce n’est d’ailleurs pas sans raison qu’a` l’heure du retour de la droite au gouvernement apre`s l’assassinat du duc de Berry le 13 fe´vrier 1820, une loi d’exception vint tre`s vite limiter la liberte´ de la presse, en conse´quence de quoi le Moniteur cessa 1 2

OCBC, Œuvres, t. XI, p. 177. «La question pre´alable est la proce´dure par laquelle une assemble´e de´cide qu’il n’y a pas lieu d’engager la discussion du texte soumis a` son examen, du fait d’un motif d’opposition qui rendrait inutile toute de´libe´ration au fond. L’adoption de la question pre´alable e´quivaut au rejet de l’ensemble du texte en discussion» (https://www.senat.fr/evenement/archives/D20/question.html – consulte´ le 22 juin 2022). Quant a` l’expression passer a` l’ordre du jour, elle signifie que la chambre de´cide, par un vote, de clore une discussion et de passer au point suivant pre´vu a` l’ordre du jour. Comme on le verra a` maintes reprises ci-apre`s, la question pre´alable et l’ordre du jour sont deux armes utilise´es sans cesse par la majorite´ pour museler la minorite´.

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d’imprimer les discours dans leur inte´gralite´ pour n’en plus livrer que des re´sume´s. Ce revirement politique impose´ par une circonstance tragiquement accidentelle s’annonc¸ait pourtant depuis l’automne pre´ce´dent. Les e´lections de septembre 1819 (pour le renouvellement d’un cinquie`me de la Chambre), avaient donne´ lieu a` un triomphe des libe´raux. Leur force a` la Chambre augmentait en proportion de l’affaiblissement du camp ministe´riel. Le gouvernement et son pre´sident Decazes multiplie`rent les manœuvres, politiquement de´sordonne´es, pour tenter d’assurer leur survie au motif qu’ils e´taient le seul barrage efficace contre le retour des ultras au pouvoir. Les premiers mois de la session de 1819–1820, ouverte le 29 novembre, furent marque´s par des discussions aˆpres, mais encore libres. D’abord, dans un e´tat de tension extreˆme, sur l’e´ligibilite´ de l’abbe´ Gre´goire, puis, sur une se´rie de pe´titions relatives au projet de loi e´lectorale qu’est en train de concocter le gouvernement de Decazes. Mais la confusion est grande et la faiblesse du gouvernement irre´cupe´rable. Arrive`rent alors les e´ve´nements du 13 fe´vrier et, avec eux, le basculement irre´me´diable du champ politique vers la droite1. Ainsi, le de´pute´ Constant aura ve´cu les deux demi-sessions parlementaires les plus libe´rales de toute la Restauration : la premie`re, qu’il avait rejointe en cours de route et la deuxie`me qui s’acheva sous une atmosphe`re toujours plus lourde. C’est de cette bre`ve pe´riode be´nie – qu’il espe´rait eˆtre seulement une premie`re e´tape dans la marche progressive de la liberte´ – et des circonstances de sa de´composition que rendent compte les discours re´unis dans le pre´sent volume. Nous exprimons notre vive gratitude aux institutions et aux personnes qui nous ont aide´s dans la pre´paration de ce volume : a` la Fondation Leenaards pour son soutien financier a` l’entreprise des OCBC, a` la BCU de Lausanne et en particulier aux personnes en charge des manuscrits pour leur grande serviabilite´, a` l’Institut Benjamin Constant de l’Universite´ de Lausanne et a` toutes les institutions patrimoniales, bibliothe`ques, archives et muse´es dont nous avons sollicite´ les services, a` Fre´de´ric Jaunin dont le travail pionnier est a` l’origine de la pre´sente e´dition, a` Etienne Hofmann pour l’immense travail d’e´tablissement des textes et de corrections, a` Dominique Triaire, pour ses importantes contributions et sa relecture, a` Barbara Selmeci Castioni, correctrice des plus attentives, a` Thomas Bouchet, le re´viseur de ce volume, pour sa disponibilite´ et ses conseils avise´s, a` Laura Wilfinger enfin, pour la mise au point informatique du volume. F. R. 1

Voir notamment P. Bastid, Les institutions politiques de la monarchie parlementaire franc¸aise 1814–1848, Paris : Sirey, 1954 ; G. de Bertier de Sauvigny, Histoire de la Restauration ; Waresquiel/Yvert, Histoire de la Restauration 1814–1830 ; Histoire du Parlement de 1789 a` nos jours, sous la direction de J. Garrigues, Paris : A. Colin, 2007.

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Comme on l’a dit, les discours a` la Chambre pre´sentent, pour les e´diteurs scientifiques, un de´fi de taille. Entre l’identification des sources, leur comparaison, le choix du texte de base et celui des versions a` prendre en compte pour les variantes, les difficulte´s ne manquent pas, qui sont autant de motifs de perplexite´. Pour ce qui regarde ces sessions de 1818–1819 et 1819–1820, l’ensemble des sources consulte´es permet d’identifier avec certitude 162 interventions de BC. On n’a pas tenu compte des simples mentions du genre : «M. Benjamin Constant demande la parole», ou lorsqu’il se manifeste avec d’autres colle`gues ; ainsi, par exemple : «MM. de Corcelles, Benjamin Constant et d’autres membres du coˆte´ gauche font e´clater des murmures d’improbation»1. Mais on a recense´ les interventions personnelles du de´pute´ comme, par exemple, celle que La Quotidienne rapporte (c’est meˆme la seule source) le 19 mai 1819 : «On ne jette pas ainsi les millions» (no 22 du Tableau synoptique ci-apre`s). Trois cate´gories de sources ont e´te´ exploite´es : A) Les documents agre´e´s par l’auteur (du plus e´loigne´ au plus proche de la prise de parole) : – Le premier tome des Discours a` la Chambre des de´pute´s de 1827/1828 (voir ci-dessus, p. 15, note 1). L’e´dition de 1828, n’e´tant pas une simple re´impression, a e´te´ pre´fe´re´e comme texte de base a` celle de 1827. Seuls 52 textes proviennent de ce recueil. On ignore les raisons qui ont guide´ le choix de BC ; on ne sait pas non plus de manie`re suˆre de quels mate´riaux il s’est servi pour le constituer. On remarque aussi qu’un discours a e´te´ de´place´ au 14 juin 1819 : l’Opinion ... sur le rappel des bannis, qui aurait duˆ eˆtre prononce´e le 17 mai pre´ce´dent. Par ailleurs, on repe`re quelques erreurs dans la datation des se´ances. – 20 Opinions de M. Benjamin Constant, imprime´es par ordre de la Chambre ou sous les propres auspices de l’auteur2. (Tableau synoptique no 1, [4], 1

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Gazette de France, no 16, dimanche 16 janvier 1820, p. 63. Autre exemple : le 26 avril 1819, BC se le`ve avec Legraverend et Dupont de l’Eure pour refuser une re´daction pre´sente´e par le garde des Sceaux a` propos des de´lits d’injures. Moniteur, no 118, 28 avril 1819, 526b. Courtney, Bibliography, pp. 156–160, nos 78a–97b ; les nos 96a, 96b et 97a, 97b correspondent a` deux discours et non a` quatre.

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20, 21, 35, 39, 40, 45, 48, 75, 81, 82, 83, 96, 102, 107, 110, 112, 119, 128). En italiques, les nume´ros des opinions ou des discours que BC n’a pas juge´ bon de reprendre dans son e´dition de 1827/28 ; le no 4 entre crochets de´signe non pas un discours mais la publication des amendements que BC proposait d’introduire dans la loi sur les de´lits de la presse. – Le Cours de politique constitutionnelle, t. IV, 1820, p. 236–267, reproduit seulement le premier discours de BC, sous le titre : Opinion sur la nouvelle le´gislation de la presse, prononce´e a` la Chambre des De´pute´s le 14 avril 1819 (Courtney, Guide, E1/1, Vol. IV). – Un seul manuscrit autographe : la re´daction fortement remanie´e et corrige´e, mais incomple`te, du premier discours a` la Chambre, le 14 avril 1819, dont le de´but est de´pose´ a` la BCU (Co 4386) et la suite a` la BnF (NAF 18820). Il s’agit d’un cas exceptionnel, donnant une version ante´rieure a` un discours effectivement prononce´ et qui ne correspond pas a` la mise au net que BC devait avoir sous les yeux le 14 avril. Toutes les autres sources sont poste´rieures a` la prise de parole, de quelques jours, comme les Opinions imprime´es par ordre de la Chambre ou la presse, voire de quelques anne´es, comme le Cours de politique constitutionnel ou l’anthologie de 1827/28. Les autres manuscrits repe´re´s comme pouvant eˆtre des fragments de discours se sont re´ve´le´s a` l’examen comme n’entrant pas dans le corpus des sessions de 1818 et 18191. B) Les documents en partie agre´e´s par BC : Il s’agit de deux copies par un secre´taire, classe´es dans le fonds Constant d’Estournelles et dont on peut supposer qu’elles ont e´te´ re´alise´es selon les instructions de BC : La premie`re et la plus importante (BCU, Co 4380), totalise 378 pages2 et reprend une grande partie des interventions depuis le premier discours du 14 avril 1819 jusqu’au de´but de la session suivante de 1820 (se´ances des 8, 20 et 22 de´cembre 1820, pp. 365–378). Sur les 162 entre´es du pre´sent corpus, 77 ne se trouvent pas dans cette copie Co 4380. On ignore : 1o la date a` laquelle ces extraits ont e´te´ copie´s ; 2o la source dont s’est servi le copiste ; 3o la raison des choix ope´re´s sur l’ensemble des interventions. Quant a` la date, la p. 230 contient, teˆte-beˆche, la copie d’une lettre adresse´e peut-eˆtre a` BC, dans laquelle il est fait allusion a` une circulaire du pre´fet de 1

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Ont e´te´ examine´es les cotes suivantes a` partir d’une liste e´tablie par Guillaume Poisson : BCU, Co 3426bis, 4365, 4382, 4384, 4424, 4436, 4441, 4453, 4472, 4701, 4723, 4879 ; BnF, NAF 18822, fos 276–290. Le manuscrit a e´te´ pagine´ en rouge par un bibliothe´caire, en haut a` droite de chaque page impaire seulement ; exceptionnellement, les nos 31 a` 36 correspondent a` une foliotation et non a` une pagination (1 folio = 2 pages) ; la p. 302 est suivie de la 305, sans qu’il y ait perte de texte. Enfin, les pp. 38, 42, 90, 102, 114, 140, 152, 160, 186, 192, 294, 364 sont blanches.

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la Seine, du 27 mars, a` propos du roˆle des e´lecteurs. Comme nous n’avons pas pu pre´ciser l’anne´e de ce document, nous ne pouvons pas disposer du terminus a quo, d’ailleurs pas force´ment de´terminant, qu’il pourrait fournir. ` premie`re vue, il s’agit du Concernant la source, la perplexite´ est totale. A Moniteur ; plusieurs collations avec ce pe´riodique de´montrent une conformite´ dans neuf cas sur dix environ. Mais l’intervention du 17 avril 1819 pre´sente, au fo 33 du manuscrit, une version identique a` celle des Archives parlementaires, alors que le Moniteur ne donne qu’un re´sume´ ! Dans de rares cas on constate que le Moniteur, les Archives parlementaires et cette copie donnent trois versions diffe´rentes. Aucun indice ne permet de connaıˆtre la raison d’eˆtre de cette copie : il s’agit soit d’un document de travail permettant au de´pute´ de s’y retrouver dans ses propres discours, soit plus probablement d’une anthologie destine´e a` la publication (de´ja` en 1820 ou 1821 ?). La seconde copie, moins volumineuse (BCU, Co 4381), reprend du Moniteur quatre discours d’avril et mai 1819 (nos 14, 15 17 et 18 du Tableau synoptique), qui figurent par ailleurs dans l’e´dition de 1827/28. C) Les documents sur la publication desquels BC n’avait pas ou peu d’influence : 1. Deux recueils contemporains : – [Guillaume Lallement]. Choix de rapports, opinions et discours prononce´s a` la tribune nationale, recueillis dans un ordre historique et imprime´s d’apre`s les pie`ces originales. Session de 1819, Paris : A. Eymery, 1820, 746 pp. – The´odore-Marie de Naylies. Code de Louis XVIII. Contenant lois et ordonnances du royaume rendues depuis le mois d’avril 1814..., t. V, seconde partie. Lois relatives aux crimes et de´lits commis par la voie de la presse ou par tout autre moyen de publication. Paris : F. Didot, 1819, 288 pp. La Bibliographie de la France ou Journal ge´ne´ral de l’imprimerie et de la librairie (Anne´e 1819, Paris : Pilet, 1819, p. 393, no 2967) signale que «Les tomes I, II, III, IV n’ont point encore paru. Le cinquie`me paru aujourd’hui ...». Selon J.-M. Que´rard, La France litte´raire ou dictionnaire bibliographique (t. VI, Paris : F. Didot, 1834, p. 391), ce serait le seul volume paru. L’ouvrage de Lallement, plus que l’autre, offre quelques indications utiles et peut rendre service pour l’analyse des discours. Naylies ne reprend que les discours des 14 et 21 avril 1819 (nos 1 et 8 du Tableau synoptique) ; Lallement publie les discours des 6 et 24 de´cembre 1819 (nos 51, 52 du Tableau), des 7 et 23 mars 1820 (nos 67, 83), du 3 mai 1820 (no 112), des 3, 5, 6 et 7 juin 1820 (nos 128–132).

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2. Les journaux qui relatent les se´ances de la Chambre des de´pute´s. Ont e´te´ de´pouille´s : – Le Moniteur universel ; – La Renomme´e, no 1, 15 juin 1819 au no 363, 13 juin 1820 ; – Journal des de´bats politiques et litte´raires ; – Le Courier (avec un seul r), qui commence le 21 juin 1819, est suivi du Courrier franc¸ais de`s 1820 ; – Le Constitutionnel, Journal du commerce, politique et litte´raire ; – La Quotidienne ; – Journal ge´ne´ral de France, politique, litte´raire et militaire, suivi, par L’Inde´pendant, journal ge´ne´ral, politique, litte´raire et militaire, qui s’interrompt le 13 avril 1820 ; – Gazette de France. Nous n’avons pas tenu compte de l’e´dition d’Adolphe et choix de discours, Paris, 1907 (Courtney, Guide, A18/30 et 33), qui reproduit aux pp. 95–106 l’opinion du 7 mars 1820. Les pe´riodiques fournissent, dans quelques rares cas, une version comple`te des discours de BC. On citera a` cet e´gard l’exemple exceptionnel du discours du 13 mars 1820, Amendement a` la loi d’exception contre la liberte´ individuelle, que L’Inde´pendant du lendemain reproduit avec cette note : «MM. Devaux et Benjamin Constant ont bien voulu nous communiquer leurs discours». Il est vraisemblable que l’auteur ait pratique´ de la meˆme manie`re pour d’autres discours et avec d’autres journaux, ce qui expliquerait peut-eˆtre pourquoi un unique manuscrit a e´te´ conserve´. Mais la plupart du temps, il s’agit de reproductions partielles, de re´sume´s ou de paraphrases, voire de simples allusions. Le plus e´tonnant est que ces journaux pre´sentent tre`s rarement une concordance entre leurs versions respectives. Dans beaucoup de cas, on se met a` douter s’il s’agit bien du discours que l’on cherche ou s’il s’agit d’une intervention encore non re´per` titre d’exemple de cette disparite´, on trouvera dans le Comple´ment torie´e. A ci-apre`s (pp. 757–765) la pre´sentation et l’analyse de six autres versions du discours Sur la pe´tition des e´coles de droit du 10 juillet 1819, parues le lendemain dans six autres journaux. Il s’agit de montrer tout a` la fois l’inte´reˆt d’une telle e´tude et l’impossibilite´ de la conduire en vue d’en publier les re´sultats pour l’ensemble des discours. La version du Moniteur avait de facto un caracte`re officiel, et c’est encore davantage le cas lorsque ce journal obtient, le 13 mars 1820, le monopole des transcriptions ; La Renomme´e du lendemain e´voque ainsi cette de´cision : «Les journalistes ont e´te´ expulse´s de la salle et rele´gue´s dans une tribune haute, ou`, serre´s les uns contre les autres, ils peuvent a` peine prendre quelques notes et saisir par intervalle les paroles prononce´es a` la tribune. Il paraıˆt que le Moniteur a passe´ un marche´ moyennant lequel il a

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obtenu le monopole des se´ances. Il est le seul qui ait la permission de rester a` la place qu’occupaient jusqu’a` pre´sent tous les journalistes». Cette circonstance importante n’explique toutefois pas les disparite´s observe´es avant mars 1820. BC s’e´tait re´solu semble-t-il a` se fier au Moniteur, comme en te´moignent en partie les copies manuscrites de´crites ci-dessus. S’il est donc impossible de tenir compte des pe´riodiques pour l’e´tablissement du texte (a` l’exception du Moniteur quand d’autres sources ne sont pas disponibles), leur lecture demeure utile voire indispensable pour saisir l’atmosphe`re re´gnant dans les se´ances, pour appre´cier les nombreuses indications «sce´nographiques», e´tant admis que la Chambre des de´pute´s est sans doute un des the´aˆtres les plus achalande´s de Paris et que les de´pute´s s’y comportent souvent en acteurs plus ou moins vedettes, face au public qui les voit et les e´coute. Voici un exemple amusant, re´ve´le´ par La Renomme´e : BC, le 2 juin 1820 de´fend e´nergiquement le droit de de´poser des amendements ; le journal note : «Pendant que l’honorable orateur est a` la tribune, M. Cardonnel imite tous ses gestes»1. En plus de la transcription des se´ances, les journaux royalistes hostiles a` BC ne manquent pas de commenter ses interventions, comme ses articles ; Le Courrier, Le Constitutionnel, L’Inde´pendant et bien entendu La Renomme´e font contrepoids ; aucun n’est neutre. 3. Les Archives parlementaires (deuxie`me se´rie : de 1800 a` 1860), recueil indispensable pour sa lisibilite´, sa comple´tude et sa relative accessibilite´. Mais leur re´daction, de`s les anne´es 1860, sur la base d’archives non identifie´es et perdues, est a` la fois trop tardive et trop incertaine pour servir a` l’e´tablissement des textes (sauf exceptions mentionne´es ci-dessous). Les Discours a` la Chambre n’ont encore jamais fait l’objet d’une publication comple`te et encore moins scientifique. Les recueils d’œuvres politiques de Laboulaye et de Louandre2 ne contiennent aucun discours ; ceux que publie Pozzo di Borgo3 appartiennent a` des sessions ulte´rieures. La Ple´iade e´dite seulement ceux du 7 mars 1820, Sur la loi d’exception contre la liberte´ individuelle, et du 23 mars 1820, Sur la loi d’exception contre la liberte´ de la presse, sans ve´ritable appareil critique4. On peut ne´gliger l’e´di1 2

3 4

La Renomme´e, samedi 3 juin 1820, p. 1305c. Les deux e´ditions, en 1861 et 1862, du Cours de politique constitutionnelle, avec une introduction et des notes d’E´. Laboulaye (Paris : Guillemin) ainsi que le recueil des Œuvres politiques de Benjamin Constant, avec une introduction, notes et index par C. Louandre, Paris : Charpentier, 1874. E´crits et discours politiques, par Benjamin Constant, pre´sentation, notes et commentaires par O. Pozzo di Borgo, Paris : Jean-Jacques Pauvert, 1964. Benjamin Constant, Œuvres, e´d. par A. Roulin, Paris : Gallimard, 1957, puis 1964 et 1979 (Ple´iade).

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tion re´cente, en deux volumes, du musicien, cine´aste, traducteur, e´crivain et ... acteur Jean-Pierre Jackson aux E´ditions Coda a` Paris1, dont il est le directeur, meˆme si, ou surtout quand la publicite´ de´clare : «Le texte a e´te´ entie`rement ressaisi et annote´, l’orthographe et la ponctuation ont e´te´ modernise´es». E´tablissement des textes, texte de base, texte variant Comme le de´montre le Tableau synoptique ci-apre`s et vu ce qui vient d’eˆtre pre´sente´, aucune source ne couvre l’ensemble des 162 interventions recense´es. Meˆme les Archives parlementaires, pourtant tre`s comple`tes, se re´ve`lent lacunaires dans quelques rares cas. D’ou` un manque d’uniformite´ dans le choix du texte de base et dans celui du texte variant. La priorite´ revient aux 52 textes de l’e´dition des Discours a` la Chambre de 1828, avec les variantes peu nombreuses et peu importantes de l’e´dition de 1827, auxquelles on a joint celles du Moniteur et celles des 13 Opinions imprime´es par ordre de la Chambre, que BC a reprises dans son anthologie. ` cela s’ajoute, uniquement pour le premier discours du 14 avril 1819, le A manuscrit Co 4386 et NAF 18820, dont les variantes ont e´te´ releve´es. Vu le nombre conside´rable de corrections, de suppressions et de passages non repris dans la version de´finitive, que cet autographe rece`le, l’apparat critique a enfle´ presque de´mesure´ment et offre un contraste frappant avec celui des autres discours (environ 340 variantes ! combinant celles du manuscrit – environ 220 – avec celles de l’e´dition de 1827, du Moniteur et de l’Opinion imprime´e). Mais comment faire autrement ? Comment renoncer a` des variantes te´moignant de l’e´laboration progressive de ce texte, de sa gene`se ? Aurait-il fallu e´diter le manuscrit se´pare´ment ? mais son propre e´tablissement n’est pas sans poser plusieurs proble`mes difficiles a` re´soudre. Fallait-il renoncer a` ses variantes, pre´textant que la BCU et la BnF projettent, graˆce a` Guillaume Poisson, une reconstitution virtuelle de ce manuscrit ? Non, car les variantes en bas de page offrent l’acce`s imme´diat a` cette gestation qui fut difficile et aussi parce que la publication de ce dossier complet permet d’illustrer par l’exemple l’extraordinaire stratification de toute cette documentation dont le caracte`re non cohe´rent et lacunaire empeˆche de viser une e´dition totalement exhaustive. Pour les 110 interventions qui ne figurent pas dans l’e´dition de 1828 : – Le texte des Opinions imprime´es par ordre de la Chambre sert de texte de base dans 7 cas (nos 4, 39, 40, 45, 48, 82, 107 du Tableau synoptique), avec 1

B. Constant, Discours a` la Chambre des de´pute´s, t. I et II, texte e´tabli par J.-P. Jackson, Paris : E´ditions Coda, 2015.

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les variantes du Moniteur quand cela e´tait possible (nos 39, 40, 107). – 92 interventions ont pour texte de base uniquement le Moniteur et sans qu’aucune autre source ne puisse servir de texte variant. En effet, seuls les autres pe´riodiques e´nume´re´s ci-dessus auraient pu fournir des variantes, a` condition qu’ils aient tous une version analogue et surtout autorise´e. On a vu que ce n’e´tait pas le cas. Une exception toutefois se pre´sente avec le discours du 13 mars 1820, dont L’Inde´pendant assure que l’auteur lui en a fourni le texte. Mais on n’en a pas tenu compte dans la saisie actuelle, pour e´viter d’introduire des exceptions dans une de´marche d’e´tablissement des textes de´ja` si complexe. ` sept reprises, il a fallu se contenter de la version des Archives parle–A mentaires, malgre´ ce qui a e´te´ dit plus haut (Tableau synoptique, nos 5, 58, 59, 65, 100, 101, 139) ; soit, parce que le Moniteur ne donne qu’un re´sume´ (no 5), soit parce qu’on n’y a pas repe´re´ la trace des interventions en question. Les Archives parlementaires apparaissent comme texte variant dans un seul cas (no 64 du Tableau), mais c’est seulement pour signaler une correction apporte´e au texte du Moniteur, correction tout a` fait justifie´e par ailleurs. – Enfin, il a fallu se re´soudre a` puiser dans la presse 4 bre`ves interventions, qui ne figuraient dans aucune autre source (no 22, pris dans La Quotidienne, no 69 dans La Renomme´e, no 80 dans L’Inde´pendant et no 92 dans La Renomme´e). Nous avons donc pre´sente´, pour chacune des 162 entre´es, un «E´tablissement du texte», ou` sont indique´s : 1. Sous la rubrique «imprime´(s)» : – le texte de base ; – le ou les textes variants, avec entre crochets le sigle qui suivra la variante ; – le renvoi aux Archives parlementaires, e´tant donne´ l’utilite´ manifeste de cet instrument de travail ; mais, cette re´fe´rence n’est suivie d’aucun sigle, puisqu’elle n’entre pas en ligne de compte pour les variantes (sauf l’exception du no 64, de´ja` signale´e). 2. Sous la rubrique «manuscrit(s)» : – Co 4386 et NAF 18820 uniquement pour le premier discours, ou` ils sont introduits en variantes ; – Co 4380 et 4381 a` chaque occurrence, a` titre indicatif, puisqu’ils n’entrent pas dans les variantes. 3. Sous la rubrique «Autres publications, re´sume´s ou allusions» : – tous les pe´riodiques autres que le Moniteur, avec re´fe´rence pre´cise au nume´ro (s’il y a lieu et sauf pour La Renomme´e, dont la nume´rotation est trop souvent fautive), a` la date, aux pages et aux colonnes (abc, selon les cas). C’est e´galement a` cet endroit que sont place´s les recueils de Lallement et de Naylies, ainsi que La Ple´iade.

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Corpus et sources

Ainsi, le texte a e´te´ e´tabli a` partir de cinq textes de base, dont l’orthographe et la ponctuation ont e´te´ bien e´videmment respecte´es, ce qui occasionne ine´vitablement des diffe´rences dans l’usage notamment des majuscules (C/chambre, E´/e´tat, R/roi, G/gouvernement, etc.). L’orthographe et la ponctuation de la source ont e´te´ aussi respecte´es dans les variantes, lorsque celles-ci reproduisent un passage. Meˆme limite´s a` quatre (e´dition de 1827, Moniteur, Opinions imprime´es, manuscrit [seulement pour le premier discours]), les textes variants offrent tellement de lec¸ons diffe´rentes qu’il a fallu restreindre les appels aux cas suivants : – Diffe´rences dans les termes, expressions et membres de phrase, comme cela va de soi ; – Diffe´rences grammaticales : singulier / pluriel ; accords ; emploi et concordance des temps, etc. ; – Pre´sence ou absence d’italique ; – Didascalies ou mentions des re´actions des autres de´pute´s ; – Ponctuation forte : point au lieu d’un point-virgule ou de deux points, et vice-versa ; points d’exclamation ou d’interrogation. Ont donc e´te´ ne´glige´es les diffe´rences qui touchent l’orthographe, la ponctuation «faible», les aline´as, les abre´viations, les nombres en chiffres ou en lettres. Les titres Seuls sont authentiques ceux que fournit BC dans son e´dition de 1827/28 ; ils ont e´te´ e´videmment reproduits avec, comme dans l’original, la mention de la se´ance entre parenthe`ses. On corrige entre crochets les dates errone´es. ` Pour les 110 autres interventions, les titres ont e´te´ mis entre crochets. A chaque titre est accroche´e une note ou` est brie`vement expose´ le contexte de l’intervention en cause. Les interruptions BC, dans sa propre e´dition, n’en donne qu’un aperc¸u peu significatif : il se contente parfois de points de suspension ou de didascalies. Il a semble´ opportun de faire une place a` ces interruptions, qui donnent un e´clairage sur la re´ception imme´diate des propos de BC. Pour ce faire, elles ont e´te´ emprunte´es au Moniteur et transcrites a` leur place, en de´calant le texte sur la droite et en le se´parant de celui de BC par un interligne. Une note donne les explications supple´mentaires et permet de re´sumer des interruptions trop longues pour eˆtre e´dite´es au milieu des paroles de BC.

Corpus et sources

31

Tableau synoptique Le tableau synoptique qui suit, fournit pour chacun des 162 discours et interventions la re´fe´rence aux seules sources qui ont servi de textes de base et de textes variants. On trouvera dans les E´tablissement de texte, qui figurent sur la page de titre des discours et interventions, une liste plus comple`te de pe´riodiques ou de recueils contenant une version des propos de BC. E´. H.

Titre

Opinion sur le projet de loi relatif à la répression des délits de la presse

[Intervention sur la suppression des articles 4 et 5]

Amendement relatif aux brevets des imprimeurs

Amendemens … sur le projet de loi relatif à la répression des délits de la presse

[Intervention sur le retrait d’un amendement]

[Intervention sur le retrait d’un amendement]

[Explication sur un amendement]

Article additionnel relatif à l’impression des discours des députés dans les journaux

Nº / Date

1 14 avril 1819

2 15 avril 1819

3 16 avril 1819

4 [16 avril 1819]

5 17 avril 1819

6 19 avril 1819

7 19 avril 1819

8 21 avril 1819

Session de 1818

32–41

28–31

1–27

Editions 1827/28

XXIII, 718–720

XXIII, 702

XXIII, 692

XXIII, 680

XXIII, 651–652

XXIII, 645

XXIII, 622–629

Archives parlementaires

Co 4380 fº 33

Co 4386, NAF 18820

Sur le projet de loi relatif à la répression des délits de la presse Cours pol. const., IV, pp. 236–267

Amendemens … sur le projet de loi relatif à la répression des délits de la presse

Manuscrits

Opinions imprimées et autres recueils

Souligné : le texte de base ; italiques : texte variant

Tableau synoptique des Discours du 14 avril 1819 au 13 juillet 1820

nº 112, 22 avril 1819, pp. 489b-490a

nº 111, 21 avril 1819, p. 483c

nº 111, 21 avril 1819, pp. 480c-481a

nº 108, 18 avril 1819, pp. 465c ; 466c

nº 106, 16 avril 1819, p. 454b

nº 108, 18 avril 1819, p. 463a

nº 107, 17 avril 1819, p. 459b

nº 105, 15 avril 1819, pp. 450a-452b

Le Moniteur universel

Sur le cautionnement demandé aux journalistes

[Dépôt de deux amendements]

Sur le cautionnement demandé aux journaux de départemens

Amendement relatif au moment où les 81–87 journaux devront être déposés

[Intervention à propos de son amendement à l’article 8]

Sur les emprunts de quatorze et de vingt-quatre millions

15 3 mai 1819

16 4 mai 1819

17 4 mai 1819

18 5 mai 1819

19 5 mai 1819

20 14 mai 1819

88–102

78–80

XXIV, 409–412

XXIV, 213

XXIV, 207–208

XXIV, 203

XXIV, 197

XXIV, 167–171

Sur l'admission de la preuve contre les fonctionnaires publics

14 28 avril 1819

XXIV, 30–33

61–78

Amendement relatif à la diffamation

13 24 avril 1819

XXIII, 780

XXIV, 86–87

[Intervention précédant le discours sur la diffamation]

12 23 avril 1819

XXIII, 768

XXIII, 730

XXIII, 724–725

Archives parlementaires

53–61

[Intervention sur les termes diffamation et injure]

11 22 avril 1819

41–53

[Intervention sur un amendement relatif au brevet des imprimeurs]

10 21 avril 1819

Editions 1827/28

[Intervention sur un amendement]

Titre

9 21 avril 1819

Nº / Date

Sur le projet de loi relatif à la fixation des Budgets des années 1815, 1816, 1817 et 1818

Opinions imprimées et autres recueils

Manuscrits

nº 136, 16 mai 1819, pp. 623a-624a

nº 127, 7 mai 1819, pp. 568c ; 569a

nº 126, 6 mai 1819, p. 566ab

nº 126, 6 mai 1819, p. 565bc

nº 126, 6 mai 1819, p. 563c

nº 125, 5 mai 1819, pp. 556c-557c

nº 120, 30 avril 1819, pp. 533c-534b

nº 115, 25 avril 1819, pp. 505a-506a

nº 115, 25 avril 1819, p. 504c

nº 114, 24 avril 1819, p. 500a

nº 113, 23 avril 1819, pp. 494c

nº 113, 23 avril 1819, pp. 492c-493a

Le Moniteur universel

Corpus et sources

33

[Intervention sur les ministres d’État]

[Interventions diverses sur le budget]

[Intervention sur les économies à réaliser]

Sur les dépenses appelées accidentelles

27 27 mai 1819

28 28 mai 1819

29 29 mai 1819

30 28 [29] mai 1819

102–109

XXIV, 650–651 ; 654

XXIV, 648

XXIV, 634 ; 637 ; 642

XXIV, 620

XXIV, 614

XXIV, 686

[Intervention sur le traitement des grands officiers de la couronne]

26 27 mai 1819

XXIV, 548

[Intervention sur la réduction du traitement du directeur des ponts et chaussées]

[Intervention sur un amendement]

25 24 mai 1819

XXIV, 515

32 1er juin 1819

[Intervention sur la publication des annonces judiciaires]

24 22 mai 1819

XXIV, 497

XXIV, 667

[Intervention sur l’art. 152 et la responsabilité des ministres]

23 21 mai 1819

XXIV, 449–451

[Intervention sur la loi du 25 mars 1817]

[Intervention publiée dans La Quotidienne]

22 19 mai 1819

139–146

31 31 mai 1819

Opinion sur la pétition tendant à demander à sa majesté le rappel des bannis

21 14 juin [17 mai] 1819

Sur la pétition tendant à demander à S.M. le rappel des bannis

nº 154, 3 juin 1819, p. 715b

nº 153, 2 juin 1819, p. 710a

nº 151–152, 31 mai et 1er juin 1819, pp. 704ab ; 705b

nº 151–152, 31 mai et 1er juin 1819, pp. 703c

nº 150, 30 mai 1819, pp. 690a ; 690c ; 692a

nº 149, 29 mai 1819, p. 686c

nº 149, 29 mai 1819, p. 685ab

nº 146, 26 mai 1819, p. 671c

nº 145, mardi 25 mai 1819, p. 661a

nº 143, 23 mai 1819, p. 652c

nº 139, 19 mai 1819, p. 3b

34 Corpus et sources

Opinion sur les douanes

Opinion sur l’administration des contributions indirectes

[Interventions suite à la demande de réduction 400'000 fr.]

[Intervention sur son amendement réduisant le budget des postes]

Sur la loi du 15 mars 1815, relative à l'arriéré de la légion-d'honneur

39 16 juin 1819

40 17 juin 1819

41 17 juin 1819

42 17 juin 1819

43 18 juin 1819

[Intervention sur son amendement]

37 12 juin 1819

Voir nº 21

[Intervention sur les dépenses de la Chambre des Pairs]

36 10 juin 1819

[Résumé d’une opinion développée sur les frais de l’administration de l’enregistrement].

Sur le budget du ministère des finances

35 8 juin 1819

38 15 juin 1819

[Intervention contre l’impression du discours de Labourdonnaye]

34 2 juin 1819

14 juin 1819

Sur le traitement des préfets

33 1er juin 1819

137–138

111–136

109–110

XXV, 218

XXV, 193 ; 195

XXV, 191

XXV, 185–189

XXV, 156–158

XXV, 147

XXV, 112–113

XXV, 82

XXV, 34–40

XXIV, 703

XXIV, 690

nº 170, 19 juin 1819, p. 810ab Sur l’administration des contributions indirectes, Daté du 16 juin

nº 171, 20 juin 1819, p. 818b

nº 170, 19 juin 1819, pp. 811b ; 812a

nº 170, 19 juin 1819, p. 811a

nº 169, 18 juin 1819, p. 804bc Reproduit à la suite du texte de base

nº 168, 17 juin 1819, p. 800a

nº 166, 15 juin 1819, p. 789b

nº 164, 13 juin 1819, p. 778c

nº 161, 10 juin 1819 pp. 764a-765c

Sur les douanes, [Daté du 15 juin]

Sur le budget des dépenses à ordonnancer par le ministre des finances, pour l’exercice 1819

nº 155, 4 juin 1819, p. 722a

nº 154, 3 juin 1819, p. 716b

Corpus et sources

35

Réplique sur la même question [le rappel des bannis]

Opinion sur les pensions

[Résumé d’une intervention sur la suppression du décime]

[Intervention refusant la clôture de la discussion sur la perception d’un droit communal]

Opinion sur le titre IV du projet de loi des voies et moyens de 1819

[Intervention sur une pétition]

Sur la pétition des écoles de droit

44 19 juin 1819

45 21 juin 1819

46 26 juin 1819

47 30 juin 1819

48 28 [30] juin 1819

49 7 juillet 1819

50 10 juillet 1819

152–156

146–151

XXV, 652–653

XXV, 593

XXV, 445–449

XXV, 445

XXV, 390

XXV, 242–245

XXV, 230–232

Sur le titre IV du projet de loi des voies et moyens de 1819

Sur les pensions

nº 193, 12 juillet 1819, p. 933bc

nº 190, 9 juillet 1819, p. 916a

nº 183, 2 juillet 1819, p. 882c

nº 183, 2 juillet 1819, p. 882c

nº 178, 27 juin 1819, p. 854c

nº 174, 23 juin 1819, p. 830c très résumé

nº 172, 21 juin 1819, pp. 823bc-824ab

36 Corpus et sources

Sur une lettre dénonçant des manœuvres pour signer des pétitions

[Intervention sur une pétition]

Sur une pétition tendant à prévoir la destitution du roi constitutionnel

[Résumé d’une intervention sur la convocation des collèges électoraux] Comité secret

[Résumé d’une intervention proposant une modification de la loi du 25 mars 1817] Comité secret

[Intervention sur un amendement de Manuel]

55 15 janvier 1820

56 19 janvier 1820

57 29 janvier 1820

58 29 janvier 1820

59 7 février 1820

60 8 février 1820

[Intervention sur le procès-verbal]

53 30 décembre 1819

Sur les pétitions en faveur de la loi du 5 février, relativement aux élections

Sur la proposition de voter six douzièmes provisoires

52 24 décembre 1819

54 14 janvier 1820

Sur l'élection de M. Grégoire

Titre

51 6 décembre 1819

Nº / Date

Session de 1819

XXV, 770

162–164

175–179

XXVI, 73–74

172–175

XXVI, 163

XXVI, 157

XXVI, 130

XXVI, 126–127

XXVI, 108

XXVI, 49–51

164–172

XXVI, 10–11

XXV, 728–729

Archives parlementaires

157–161

Editions 1827/28

Opinions imprimées

nº 41, 10 février 1820, p. 162c

nº 30, 30 janvier 1820, p. 120ab

nº 20, 20 janvier 1820, p. 84b

nº 17, 7 janvier 1820, p. 72bc

nº 15, 15 janvier 1820, p. 62ab

nº 565, 31 décembre 1819, p. 1640c

nº 559, 25 décembre 1819, p. 1618bc

nº 541, 7 décembre 1819, p. 1544bc

Le Moniteur universel

Corpus et sources

37

Sur les mesures à prendre pour constater la fidélité du scrutin

Sur la loi d’exception contre la liberté individuelle

[Résumé d’une lettre au président et intervention à propos de sa proposition de modification du mode de scrutin]

66 6 mars 1820

67 7 mars 1820

68 8 mars 1820

XXVI, 335

XXVI, 395

XXVI, 374–378

[Résumé d’une intervention sur une proposition de Manuel sur la réforme du jury] Comité secret

65 3 mars 1820

nº 70, 10 mars 1820, p. 304b

nº 69, 9 mars 1820, pp. 297c-299a

nº 67, 7 mars 1820, p. 283bc

nº 64, 4 mars 1820, p. 272a

XXVI, 326

188–205

[Intervention en faveur de l’impression d’une déclaration du rapporteur]

64 3 mars 1820

nº 62, 2 mars 1820, p. 259ab

nº 42, 11 février 1820, p. 167ab

Le Moniteur universel

nº 64, 4 mars 1820, p. 270bc

Opinions imprimées

XXVI, 322

XXVI, 345 ; 346

[Intervention sur une pétition]

63 3 mars 1820

XXVI, 294

185–187

182–185

Sur la rédaction du procès-verbal relativement à une accusation de M. Clausel de Coussergues contre M. de Cazes

62 1er mars 1820

XXVI, 179–180

179–182

Archives parlementaires

Editions 1827/28

Sur la loi relative aux engagistes et aux échangistes

Titre

61 9 février 1820

Nº / Date

38 Corpus et sources

Titre

[Intervention contre la clôture de la discussion]

[Intervention contre la clôture de la discussion]

[Résumé d’une intervention sur la loi d’exception]

Sur la même loi d'exception

[Intervention contre le rappel à l’ordre de Manuel]

[Intervention contre la clôture de la discussion]

Amendement à la loi d'exception contre la liberté individuelle

[Intervention sur la réouverture de la discussion]

[Intervention contre la clôture de la discussion]

Nº / Date

69 9 mars 1820

70 10 mars 1820

71 10 mars 1820

72 10 mars 1820

73 13 mars 1820

74 13 mars 1820

75 13 mars 1820

76 15 mars 1820

77 15 mars 1820

212–223

206–211

Editions 1827/28

XXVI, pp. 490–491

XXVI, p. 483

XXVI, pp. 475–478

XXVI, p. 475

XXVI, p. 472

XXVI, pp. 433–435

XXVI, p. 430

Archives parlementaires

Sur le projet de loi relatif à la suspension de la liberté individuelle

Opinions imprimées

nº 76, 16 mars 1820, p. 341b

nº 76, 16 mars 1820, p. 339a

nº 75, 15 mars 1820, pp. 335c-336b

nº 75, 15 mars 1820, p. 335bc

nº 75, 15 mars 1820, p. 334c

nº 72, 12 mars 1820, pp. 315c-316a

nº 71, 11 mars 1820, p. 312c

nº 71, 11 mars 1820, p. 312b

Le Moniteur universel

Gazette de France nº 70, 10 mars 1820, p. 276b

L’Indépendant nº 305, 10 mars 1820, p. 3b

La Renommée 10 mars 1820, p. 1072c

Corpus et sources

39

Titre

[Intervention en faveur d’un amendement]

Sur une proposition relative aux pétitions

[Intervention pour s’opposer à l’ordre du jour sur une pétition]

Sur les améliorations au mode de scrutin

Développemens de la proposition … tendant à améliorer le mode de scrutin et les articles 15, 22 et 33 du Règlement

Nº / Date

78 15 mars 1820

79 16 mars 1820

80 17 mars 1820

81 20 mars 1820

82 [20 mars 1820 ?]

229–232

224–228

Editions 1827/28

XXVI, pp. 564–565

XXVI, p. 526

XXVI, pp. 522–523

XXVI, p. 493

Archives parlementaires

nº 76, 18 mars 1820, p. 350ab

nº 76, 16 mars 1820, p. 342a

Le Moniteur universel

Développemens de la proposition … tendant à améliorer le mode de scrutin et les articles 15, 22 et 33 du règlement

Rapport … sur nº 81, 21 la proposition mars 1820, tendant à pp. 361c-362a améliorer les articles 15, 22 et 33 du règlement

Opinions imprimées

La Renommée

nº 313, 18 mars 1820, p. 4a

L’Indépendant

nº 78, 18 mars 1820, p. 308a

Gazette de France

40 Corpus et sources

XXVI, 773–774

88 29 mars 1820

261–263 Sur un amendement tendant à refuser aux tribunaux le droit d’aggraver les peines pour le simple fait de la publication d’un article rayé par la censure

Amendement tendant à laisser aux personnes calomniées la faculté de se défendre malgré la censure

87 28 mars 1820

XXVI, 763–764

Sur un amendement tendant à excepter de la censure le compte-rendu des discussions des chambres

86 28 mars 1820

XXVI, 752

256–260

[Intervention sur l’autorisation préalable des journaux]

85 28 mars 1820

XXVI, 729–730

249–251

XXVI, 756–757

Amendement tendant à excepter de la censure les ouvrages qui ne paraîtraient qu’une fois par mois

84 27 mars 1820

XXVI, 644–648

Archives parlementaires

232–248

Editions 1827/28

251–256

Sur la loi d’exception contre la liberté de la presse

Titre

83 23 mars 1820

Nº / Date Sur le projet de loi relatif à la censure des journaux

Opinions imprimées

nº 90, 30 mars 1820, p. 414b

nº 90, 30 mars 1820, pp. 411c-412a

nº 90, 30 mars 1820, p. 409c-410a

nº 89, 29 mars 1820, p. 407c

nº 88, 28 mars 1820, p. 400ab

nº 85, 25 mars 1820, pp. 384c-386a

Le Moniteur universel

La Renommée

Corpus et sources

41

Titre

Amendement tendant à libérer de toutes poursuites l’auteur d’un article approuvé par la censure

[Intervention à propos des menaces contre un pétitionnaire]

[Intervention en faveur d’un amendement]

[Intervention suite à la sortie des députés de droite]

Sur un amendement tendant à ne pas conférer la censure à un seul censeur

[Intervention sur la modification du mode de scrutin]

Nº / Date

89 29 mars 1820

90 30 mars 1820

91 30 mars 1820

92 30 mars 1820

93 30 mars 1820

94 30 mars 1820

274–276

263–274

Editions 1827/28

XXVII, p. 12

XXVII, 10–11

XXVII, 8–9

XXVII, 2

XXVI, 774–777

Archives parlementaires

Opinions imprimées

nº 91, 31 mars 1820, p. 420c

nº 91, 31 mars 1820, p. 420b

nº 91, 31 mars 1820, p. 419c

nº 92, 1er avril 1820, p. 423c

nº 91, 31 mars 1820, p. 415ac

Le Moniteur universel

31 mars 1820, p. 1052a

La Renommée

42 Corpus et sources

Titre

Réponse à M. Blanquart-Bailleul sur le mode de scrutin et l’appel nominal

Opinion sur le projet de loi relatif au réglement des comptes antérieurs à l’exercice 1819

[Discours sur le respect dû à la loi]

[Intervention relative au budget]

[Intervention contre un crédit demandé par la direction des douanes]

[Intervention pour passer à l’ordre du jour sur une pétition]

[Intervention s’opposant à la conclusion du rapporteur sur une pétition]

Opinion sur les amendemens proposés à l’art. 8 du second projet de loi relatif aux comptes arriérés

[Interventions diverses, avec d’autres membres de la gauche, contre l’introduction d’un nouveau projet de loi]

[Intervention appuyant l’opinion de Girardin]

[Intervention pour défendre Girardin]

[Intervention sur l’ajournement]

Nº / Date

95 3 avril 1820

96 5 avril 1820

97 6 avril 1820

98 8 avril 1820

99 8 avril 1820

100 14 avril 1820

101 15 avril 1820

102 15 avril 1820

103 17 avril 1820

104 17 avril 1820

105 17 avril 1820

106 18 avril 1820

296–305

XXVII, 51–55

280–295

XXVII, 272

XXVII, 260

XXVII, 256

XXVII, 251–252

XXVII, 236–238

XXVII, 228–229

XXVII, 207

XXVII, 136–137

XXVII, 132–133

XXVII, 77–78

XXVII, 20–21

Archives parlementaires

276–280

Editions 1827/28 nº 95, 4 avril 1820, p. 442ab

Le Moniteur universel

Sur les amendemens proposés à l’art. 8 du second projet de loi relatif aux comptes arrérés

nº 111, 20 avril 1820, p. 517b

nº 110, 19 avril 1820, pp. 512c-513a

nº 110, 19 avril 1820, p. 511c

nº 109, 18 avril 1820, pp. 509c-510a

nº 108, 17 avril 1820, pp. 503b-504a

nº 101, 10 avril 1820, p. 472ab

nº 101, 10 avril 1820, p. 471a

nº 99, 8 avril 1820, pp. 461c-462a

Sur le projet de loi relatif au nº 98, 7 avril 1820, règlement définitif des comptes pp. 453a-454a antérieurs à l’exercice 1819

Opinions imprimées

Corpus et sources

43

[Intervention contre l’ordre du jour à propos d’une pétition]

Sur la pétition de M. Madier Montjau relative au gouvernement occulte et aux assassinats du Midi

Sur une pétition accusant M. de Cazes de l’assassinat du duc de Berry

[Intervention contre le rappel à l’ordre de Manuel]

Discours prononcé à l’occasion de la proposition d’adresse faite à la Chambre des députés par M. Manuel Comité secret

[Intervention sur l’ordre de la délibération]

[Intervention contre Benoist]

Sur l’usage fait de la censure par le ministère

[Intervention à propos des lois d’exception]

[Intervention contre la censure]

109 25 avril 1820

110 28 avril 1820

111 28 avril 1820

112 3 mai 1820

113 5 mai 1820

114 6 mai 1820

115 12 mai 1820

116 12 mai 1820

117 15 mai 1820

Opinion … sur le deuxième projet de loi relatif aux comptes arriérés

107 18 avril 1820

108 19 avril 1820

Titre

Nº / Date

332–335

318–331

XXVII, 398–400

310–318

XXVII, 593

XXVII, 551

XXVII, 549–550

XXVII, 528

XXVII, 503

XXVII, 472–475

XXVII, 406

XXVII, 368

XXVII, 282

XXVII, 278–279 ; 281

Archives parlementaires

306–309

Editions 1827/28

À l’occasion de la proposition d’adresse, faite à la Chambre des députés par M. Manuel Choix de rapports, opinions et discours, pp.438–446

Sur trois pétitions relatives au renvoi de M. Decazes

Sur le deuxième projet de loi relatif aux comptes arriérés

Opinions imprimées

nº 137, 16 mai 1820, pp. 651c-652a

nº 133 et 134, 12 et 13 mai 1820, p. 633c

nº 133 et 134, 12 et 13 mai 1820, p. 633ab

nº 128, 7 mai 1820, p. 611c

nº 127, 6 mai 1820, p. 606c

nº 121, 30 avril 1820, p. 571c

nº 120, 29 avril 1820, p. 568ab

nº 118, 27 avril 1820, p. 554a

nº 111, 20 avril 1820, p. 520b

nº 111, 20 avril 1820, pp. 519ab ; 520a

Le Moniteur universel

44 Corpus et sources

XXVIII, 232 XXVIII, 240–241

Opinion sur le projet de loi relatif aux élections

Réponse à M. de Serres, sur le drapeau tricolore, la souveraineté du peuple, les sermens réciproques, et M. de La Fayette

[Intervention en faveur de la continuation de la discussion]

[Intervention contre la clôture]

[Intervention contre le rappel à l’ordre de Foy]

[Intervention en faveur d’une pétition]

[Intervention sur l’amendement de Desrousseaux]

[Nouvelle intervention sur l’amendement de Desrousseaux]

[Interventions contre la clôture]

Opinion sur l’article premier du projet de loi relatif aux élections

119 23 mai 6820

120 27 mai 1820

121 29 mai 1820

122 31 mai 1820

123 1er juin 1820

124 2 juin 1820

125 2 juin 1820

126 2 juin 1820

127 2 juin 1820

128 3 juin 1820

372–384

XXVIII, 155–157

366–372

XXVIII, 266–269

XXVIII, 260

XXVIII, 256

XXVIII, 251

XXVIII, 247

XXVIII, 189–190

XXVIII, 54–61

336–365

XXVII, 717

[Intervention en faveur d’une pétition d’étudiants]

Archives parlementaires

118 20 mai 1820

Editions 1827/28

Titre

Nº / Date

Sur l’article premier du projet de loi relatif aux élections Second discours … sur la loi des élections

Sur le projet de loi relatif aux élections

Opinions imprimées

nº 156, 4 juin 1820, pp. 775b-776ac

nº 156, 4 juin 1820, p. 774b

nº 156, 4 juin 1820, p. 773a

nº 155, 3 juin 1820, p. 770ab

nº 155, 3 juin 1820, p. 769b

nº 155, 3 juin 1820, p. 767b

nº 154, 2 juin 1820, p. 764a

nº 152, 31 mai 1820, p. 751a

nº 149, 28 mai 1820, p. 736ab

nº 146, 25 mai 1820, pp. 711c-713c

nº 142, 21 mai 1820, pp. 692b

Le Moniteur universel

Corpus et sources

45

Sur les troubles de Paris au mois de juin 1820

Sur les mêmes troubles

[Intervention sur les troubles de Paris]

Sur les troubles de Paris

[Intervention contre la clôture]

[Nouvelle intervention contre la clôture]

Réponse sur le même sujet [troubles de Paris]

[Intervention sur l’amendement de Méchin]

[Intervention sur l’amendement de Legraverend]

[Proposition d’une nouvelle rédaction d’un article de la loi électorale]

[Intervention sur la lecture préalable des articles de chaque chapitre de la loi]

[Proposition d’amendement]

130 6 juin 1820

131 6 juin 1820

132 7 juin 1820

133 7 juin 1820

134 10 juin 1820

135 10 juin 1820

136 12 juin 1820

137 12 juin 1820

138 12 juin 1820

139 15 juin 1820

140 16 juin 1820

Titre

129 5 juin 1820

Nº / Date

397–402

396–397

XXVIII, 292–293

393–395

XXVIII, 557

XXVIII, 543

XXVIII, 386

XXVIII, 380

XXVIII, 380

XXVIII, 359–361

XXVIII, 358 ; 359

XXVIII, 314

XXVIII, 309

XXVIII, 303–304

XXVIII, 277 ; 287–290

Archives parlementaires

385–392

Editions 1827/28

Opinions imprimées

nº 169, 17 juin 1820, p. 848a

nº 166, 14 juin 1820, p. 827bc

nº 166, 14 juin 1820, p. 825c

nº 166, 14 juin 1820, p. 825c

nº 163, 11 juin 1820, p. 816ab

nº 163, 11 juin 1820, p. 815c

nº 160, 8 juin 1820, p. 798c

nº 160, 8 juin 1820, pp. 796c-797a

nº 160, 8 juin 1820, pp. 795c-796a

nº 159, 7 juin 1820, pp. 790c-791ab

nº 158, 6 juin 1820, p. 785c

Le Moniteur universel

46 Corpus et sources

[Discours sur les dépenses pour encouragements aux sciences, arts et lettres]

[Intervention sur le traitement des censeurs et des lieutenants de police]

[Intervention sur les comptes de Paris]

[Intervention contre la clôture]

[Nouvelle intervention contre la clôture]

Sur la nécessité d’un nouveau code militaire

[Discours sur le budget de la Chambre des pairs]

[Discours sur la violation du secret de correspondance des députés de la Sarthe]

[Intervention en faveur d’une pétition]

[Intervention sur le vote de la Chambre lorsqu’elle n’est pas complète]

Sur la spécialité

[Intervention sur le droit de proposer des amendements]

[Intervention pour soutenir l’amendement de Sainte-Aulaire]

142 16 juin 1820

143 17 juin 1820

144 19 juin 1820

145 20 juin 1820

146 21 juin 1820

147 26 juin 1820

148 27 juin 1820

149 30 juin 1820

150 30 juin 1820

151 30 juin 1820

152 4 juillet 1820

153 5 juillet 1820

Titre

141 16 juin 1820

Nº / Date

407–409

403–406

Editions 1827/28

XXIX, 221–222

XXIX, 201

XXIX, 125–126

XXIX, 120

XXIX, 118–119

XXIX, 50–52 ; 53–54

XXVIII, 777–778

XXVIII, 638

XXVIII, 627

XXVIII, 606

XXVIII, 577

XXVIII, 562

XXVIII, 558–560

Archives parlementaires

nº 189, 7 juillet 1820, p. 969c

nº 188, 6 juillet 1820, pp. 963c-964a

nº 184, 2 juillet 1820, p. 936a

nº 183, 1er juillet 1820, pp. 930c

nº 183, 1er juillet 1820, p. 930ab

nº 180, 28 juin 1820, pp. 909b-910ab

nº 180, 28 juin 1820, p. 907bc

nº 175, 23 juin 1820, pp. 876c-877a

nº 174, 22 juin 1820, p. 871b

nº 172, 20 juin 1820, p. 862a

nº 171, 19 juin 1820, p. 856b

nº 170, 18 juin 1820, p. 851a

nº 169, 17 juin 1820, p. 848bc

Le Moniteur universel

Corpus et sources

47

[Intervention à propos de la taxe des israélites]

[Discours sur le remboursement du timbre pour les articles insérés par ordre]

[Intervention demandant des explications sur l’augmentation du budget des douanes]

[Intervention sur le vote d’un amendement de Casimir Périer]

[Discours sur le droit d’accuser un ministre]

[Intervention demandant le rappel à l’ordre de Cornet d’Incourt]

[Discours à propos d’un traité avec la Régence d’Alger]

[Intervention à propos d’un rapport de Picot-Desormeaux]

[Nouvelle intervention à propos d’un rapport de Picot-Desormeaux]

155 8 juillet 1820

156 8 juillet 1820

157 10 juillet 1820

158 11 juillet 1820

159 11 juillet 1820

160 11 juillet 1820

161 12 juillet 1820

162 13 juillet 1820

Titre

154 6 juillet 1820

Nº / Date

Editions 1827/28

XXIX, 392

XXIX, 353

XXIX, 351–352

XXIX, 343

XXIX, 340–341

XXIX, 323

XXIX, 275–276

XXIX, 267

XXIX, 241

Archives parlementaires

nº 196, 14 juillet 1820, p. 1013b

nº 195, 13 juillet 1820, p. 1008b

nº 195, 13 juillet 1820, pp. 1007c-1008a

nº 194, 12 juillet 1820, p. 1000b

nº 194, 12 juillet 1820, p. 999c

nº 195, 13 juillet 1820, p. 1004c

nº 192, 10 juillet 1820, p. 986bc

nº 191, 9 juillet 1820, p. 982a

nº 190, 8 juillet 1820, p. 974c

Le Moniteur universel

48 Corpus et sources

Sources

Manuscrits A. Bibliothe`que cantonale et universitaire (BCU) – Lausanne A1.

Co 4380 [Copie partielle des Discours a` la Chambre des de´pute´s] 189 fos, 378 pp. de la main d’un copiste, 305 × 195 mm. Hofmann, Catalogue, III/113.

A2.

Co 4381 [Copie de quatre discours] 21 fos, 21 pp. de la main d’un copiste, 305 × 220 mm. Peut-eˆtre une copie des fo 55 a` 80 du ms Co 4380. Hofmann, Catalogue, III/124.

A3.

Co 4386 [Fragment du discours a` la Chambre des de´pute´s du 14 avril 1819 : Opinion sur le projet de loi relatif a` la re´pression des de´lits de la presse] 9 fos, 26 pp. a., 290 × 190 mm. Pagine´ 1–11, manque 8–10. Hofmann, Catalogue, III/120.

B. Bibliothe`que nationale de France (BnF) – Paris B1.

NAF 18820, fos 13–37 [Fragment du discours a` la Chambre des de´pute´s du 14 avril 1819 : Opinion sur le projet de loi relatif a` la re´pression des de´lits de la presse] 1 liasse de doubles-feuilles et de cahiers formant 25 fos a., 295 × 200 mm. Hofmann, Catalogue, III/121.

50

Sources

Imprime´s 1.

[Filet ondule´] CHAMBRE DES DE´PUTE´S. [Filet ondule´] OPINION DE M. BENJAMIN Constant, DE´ PUTE´ DU DE´ PARTEMENT DE LA SARTHE, Sur le Projet de Loi relatif a ` la Re´pression des De´lits de la Presse, Prononce´e dans la se´ance du 14 avril 1819. [petit filet ondule´]. [p. 38 :] HACQUART, Imprimeur de la Chambre des De´pute´s, rue Gıˆt-le-Cœur, n. 8. Courtney, Guide, B14. Courtney, Bibliography, 77a.

2.

[Filet ondule´] CHAMBRE DES DE´PUTE´S. [Filet ondule´] No 43 [accolade] AMENDEMENS de M. BENJAMIN Constant, Sur le Projet de Loi relatif a` la Re´pression des De´lits de la Presse. [petit filet]. [p. 3 :] HACQUART, Imprimeur de la Chambre des De´pute´s, rue Gıˆt-le-Cœur, n. 8. Courtney, Guide, B15. Courtney, Bibliography, 78a.

3.

[Filet ondule´] CHAMBRE DES DE´PUTE´S. [Filet ondule´] OPINION [de] M. BENJAMIN Constant, DE´ PUTE´ DU DE´ PARTEMENT DE LA SARTHE, Sur le Projet de loi relatif a ` la fixation des Budgets des anne´es 1815, 1816, 1817 et 1818. [petit filet] Prononce´e dans la Se´ance du 14 Mai 1819. [p. 22 :] HACQUART, Imprimeur de la Chambre des De´pute´s, rue Gıˆt-le-Cœur, n. 8. Courtney, Guide, B16. Courtney, Bibliography, 79a.

4.

OPINION DE M. BENJAMIN Constant, DE´PUTE´ DU DE´PARTEMENT DE LA SARTHE, Sur la Pe´tition tendant a` demander a` S. M. le rappel des bannis. [filet renfle´] PARIS, CHEZ BRISSOT-THIVARS, a` la librairie constitutionnelle, rue Neuve des Petits-Pe`res, no 3. 1819. Courtney, Guide, B17. Courtney, Bibliography, 80a.

5.

[Filet ondule´] CHAMBRE DES DE´PUTE´S. [Filet ondule´] OPINION DE M. BENJAMIN Constant, DE´ PUTE´ DE LA SARTHE, Sur le Budget des De´penses a` ordonnancer par le Ministre des Finances, pour l’exer-cice 1819. [petit filet ondule´] Se´ance du 8 juin 1819. [p. 41 :] HACQUART, Imprimeur de la Chambre des De´pute´s, rue Gıˆt-le-Cœur, n. 8. Courtney, Guide, B18. Courtney, Bibliography, 81a.

Sources

51

6.

[Filet ondule´] CHAMBRE DES DE´PUTE´S. [Filet ondule´] OPINION DE M. BENJAMIN Constant, DE´ PUTE´ DE LA SARTHE, SUR LES DOUANES. [petit filet] Se´ance du 15 Juin 1819. [p. 18 :] HACQUART, Imprimeur de la Chambre des De´pute´s, rue Gıˆt-leCœur, n. 8. Courtney, Guide, B19. Courtney, Bibliography, 82a.

7.

[Filet ondule´] CHAMBRE DES DE´PUTE´S [Filet ondule´] OPINION DE M. BENJAMIN Constant, DE´ PUTE´ DE LA SARTHE, Sur l’Administration des Contributions indirectes. [petit filet enfle´] Prononce´e dans la se´ance du 16 juin 1819. [p. 23 : ] HACQUART, Imprimeur de la Chambre des De´pute´s et des Tribunaux, rue Gıˆt-leCœur, n. 8. Courtney, Guide, B20. Courtney, Bibliography, 83a.

8.

[Filet ondule´] CHAMBRE DES DE´PUTE´S [Filet ondule´] OPINION DE M. BENJAMIN Constant, DE´ PUTE´ DE LA SARTHE, SUR LES PENSIONS. [petit filet enfle´] Prononce´e dans la se´ance du 21 juin 1819. [p. 20 :] HACQUART, Imprimeur de la Chambre des De´pute´s et des Tribunaux, rue Gıˆt-le-Cœur, n. 8. Courtney, Guide, B21. Courtney, Bibliography, 84a.

9.

[Filet ondule´] CHAMBRE DES DE´PUTE´S. [Filet ondule´] OPINION DE M. BENJAMIN Constant, DE´ PUTE´ DE LA SARTHE, Sur le Titre IV du Projet de Lois des Voies et Moyens de 1819. [petit filet ondule´] Se´ance du 28 juin 1819. [p. 24 : ] HACQUART, Imprimeur de la Chambre des De´pute´s, rue Gıˆt-le-Cœur, n. 8. Courtney, Guide, B22. Courtney, Bibliography, 85a.

10.

[Filet ondule´] CHAMBRE DES DE´PUTE´S. [Filet ondule´] DE´VELOPPEMENS DE LA PROPOSITION DE M. BENJAMIN Constant, DE´ PUTE´ DE LA SARTHE, Tendant a` ame´liorer le mode de scrutin et les articles 15, 22 et 33 du Re`glement. [petit filet enfle´]. [p. 8 :] HACQUART, Imprimeur de la Chambre des De´pute´s, rue Gıˆt-le-Cœur, n. 8. – (S. 1819.) Courtney, Guide, B23. Courtney, Bibliography, 86a.

52

Sources

11.

CHAMBRE DES DE´PUTE´S. [Filet ondule´] OPINION DE M. BENJAMIN Constant, DE´ PUTE´ DE LA SARTHE, Sur le Projet de loi relatif a` la suspension de la Liberte´ individuelle. [p. 15 : ] De l’imprimerie de PLASSAN. Courtney, Guide, B24. Courtney, Bibliography, 87a.

12.

CHAMBRE DES DE´PUTE´S. [Filet ondule´] OPINION DE M. BENJAMIN Constant, DE´ PUTE´ DE LA SARTHE, Sur le Projet de loi relatif a` la suspension de la Liberte´ individuelle. [petit filet ondule´] Se´ance du 13 mars 1820. [p. 14 :] De l’imprimerie de PLASSAN. Courtney, Guide, B25. Courtney, Bibliography, 88a.

13.

[Filet ondule´] CHAMBRE DES DE´PUTE´S. [Filet ondule´] RAPPORT FAIT AU NOM DE LA COMMISSION CENTRALE, PAR M. BENJAMIN Constant, DE´ PUTE´ DE LA SARTHE, Sur la Proposition tendant a` ame´liorer les articles 15, 22 et 33 du Re`glement. [petit filet] Se´ance du 20 mars 1820. [p. 8 :] HACQUART, Imprimeur de la Chambre des De´pute´s, rue Gıˆt-le-Cœur, n. 8. – (S. 1819) Courtney, Guide, B26. Courtney, Bibliography, 89a.

14.

CHAMBRE DES DE´PUTE´S. [Filet ondule´] OPINION DE M. BENJAMIN Constant, DE´ PUTE´ DE LA SARTHE, sur LE PROJET ` LA CENSURE DES JOURNAUX. [petit filet ondule´] DE LOI RELATIF A Se´ance du 23 mars 1820. [p. 14 :] De l’imprimerie de PLASSAN. Courtney, Guide, B27. Courtney, Bibliography, 90a.

15.

[Filet ondule´] CHAMBRE DES DE´PUTE´S. [Filet ondule´] OPINION DE M. BENJAMIN Constant, DE´ PUTE´ DE LA SARTHE, Sur le Projet de Loi relatif au Re`glement de´finitif des Comptes ante´rieurs a` l’exer-cice 1819. [petit filet] Se´ance du 5 avril 1820. [p. 23 :] HACQUART, Imprimeur de la Chambre des De´pute´s, rue Gıˆtle-Cœur, n. 8. – (S. 1819.) Courtney, Guide, B28. Courtney, Bibliography, 91a.

16.

[Filet ondule´] CHAMBRE DES DE´PUTE´S. [Filet ondule´] OPINION DE M. BENJAMIN Constant, DE´ PUTE´ DE LA SARTHE, Sur les Amendemens propose´s a` l’art. 8 du second Projet de Loi

Sources

53

relatif aux Comptes arrie´re´s. [petit filet enfle´] Se´ance du 15 avril 1820. [p. 15 :] HACQUART, Imprimeur de la Chambre des De´pute´s, rue Gıˆt-le-Cœur, n. 8. – (S. 1819.) Courtney, Guide, B29. Courtney, Bibliography, 92a. 17.

[Filet ondule´] CHAMBRE DES DE´PUTE´S. [Filet ondule´] OPINION DE M. BENJAMIN Constant, DE´ PUTE´ DE LA SARTHE, Sur le deuxie`me Projet de Loi relatif aux Comptes arrie´re´s. [petit filet] Se´ance du 18 avril 1820. [p. 10 :] HACQUART, Imprimeur de la Chambre des De´pute´s, rue Gıˆt-le-Cœur, n. 8. – (S. 1819.) Courtney, Guide, B30. Courtney, Bibliography, 93a.

18.

CHAMBRE DES DE´PUTE´S. [Filet ondule´] OPINION DE M. BENJAMIN Constant, DE´ PUTE´ DE LA SARTHE, Sur trois Pe´titions relatives au renvoi de M. Decazes. [petit filet ondule´] SE´ ANCE DU 28 AVRIL 1820. [petit filet ondule´]. [p. 8 :] De l’Imprimerie de PLASSAN. Courtney, Guide, B31. Courtney, Bibliography, 94a (exemplaire de l’Imprimerie de Plassan).

19.

DISCOURS PRONONCE´ PAR M. BENJAMIN Constant, DE´ PUTE´ DE LA SARTHE, Dans le comite´ secret du 3 mai [appel de note], A l’occasion de la proposition d’adresse, faite a` la Chambre des De´pute´s par M. MANUEL. [p. 17 :] DE L’IMPRIMERIE DE PLASSAN, RUE DE VAUGIRARD, NO 15. Courtney, Guide, B32. Courtney, Bibliography, 95a.

20.

[filet ondule´] OPINION DE M. BENJAMIN Constant, DE´ PUTE´ ´ lec-tions ; prononDE LA SARTHE, Sur le Projet de Loi relatif aux E ce´e dans la se´ance du 23 mai 1820. (Extrait du Moniteur du 25 mai 1820.) [p. 19 :] A Paris, de l’Imprimerie de Mme veuve AGASSE, rue des Poitevins, no 6. Courtney, Guide, B33 Courtney, Bibliography, 96a et b (Grenoble, de l’Imprimerie L Barnel, version courte).

21.

[filet ondule´] SECOND DISCOURS PRONONCE´ PAR M. BENJAMIN Constant, A LA CHAMBRE DES DE´ PUTE´ S, SUR LA LOI DES E´ LECTIONS, Dans la se´ance du 3 juin 1820. [petit filet]. [p. 8 :] A GRENOBLE, de l’Imprimerie de L. BARNEL, au Jardin-de Ville, no 3.

54

Sources

Courtney, Guide, B34 Courtney, Bibliography, 97a et b. 22.

CODE DE LOUIS XVIII, Contenant les Lois et Ordonnances du Royaume rendues depuis le mois d’avril 1814 [...] Par M. [The´odore-Marie de] NAYLIES, AVOCAT AUX CONSEILS DU ROI ET A LA COUR DE CASSATION. TOME V. SECONDE PARTIE. Ce volume contient l’Expose´ des Motifs, les Discours, Rapport et Opinions sur les Lois relatives aux crimes et de´lits commis par la voie de la presse ou par tout autre moyen de publication. [petit filet enfle´] A PARIS, DE L’IMPRIMERIE DE FIRMIN DIDOT, IMPRIMEUR DU ROI, DE L’INSTITUT, ET DE LA MARINE, RUE JACOB, NO 24. [petit filet ondule´] 1819. P. 74–96, discours du 14 avril 1819 ; p. 204–211, 21 avril 1819 (Article additionnel ...). Courtney, Guide, non re´pertorie´.

23.

COLLECTION COMPLE`TE DES OUVRAGES PUBLIE´ S SUR LE GOUVERNEMENT REPRE´ SENTATIF ET LA CONSTITUTION ACTUELLE, OU COURS DE POLITIQUE CONSTITUTIONNELLE, PAR M. BENJAMIN Constant [petit filet ondule´] QUATRIE`ME VOLUME. [petit filet ondule´] HUITIE` ME PARTIE. PARIS, BE´ CHET aıˆne´, Libraire, quai des Augustins, no 57. ROUEN, BE´CHET fils, Libraire, rue Grand-Pont, no 73. 1820. P. 236–267, reproduit le discours du 14 avril 1819, sous le titre : Opinion sur la nouvelle le´gislation de la presse. Courtney, Guide, E1/1.

24.

[Guillaume Lallement.] CHOIX DE RAPPORTS, OPINIONS ET DISCOURS Prononce´s a` la Tribune Nationale, RECUEILLIS dans un ordre historique, et imprime´s d’apre`s les pie`ces originales. [entre deux petits filets a` droite] Vox Populi vox Dei. Session de 1819 PARIS ALEXIS EYMERY, Libraire, Editeur de l’Abre´ge´ de l’Histoire Universelle de M. le comte de Se´gur, rue Mazarine, no 30. 1820. P. 20–23, discours du 6 de´cembre 1819 ; p. 79–80, du 24 de´cembre 1819 ; p. 250–260, du 7 mars 1820 ; p. 366–376, du 23 mars 1820 ; p. 438–446, du 3 mai 1820 ; p. 618–625, du 3 juin 1820 ; p. 636–637, 649–651, 663–666, des 5, 6 et 7 juin sur les troubles a` Paris. Courtney, Guide, E2/3.

25.

` LA CHAMBRE DISCOURS DE M. BENJAMIN Constant A ´ ´ DES DEPUTES. [petit filet enfle´] TOME PREMIER. [Vignette] PARIS. AMBROISE DUPONT ET COMPAGNIE, LIBRAIRES, RUE VIVIENNE O N 16 J. PINARD, IMPRIMEUR ET FONDEUR, RUE D’ANJOU-DAUPHINE,

Sources

55

1827. 8o, vi + 580 p. Courtney, Guide, E2/1. Courtney, Bibliography 132a(1). O

N 8

26.

` LA CHAMBRE DISCOURS DE M. BENJAMIN Constant A ´ ´ DES DEPUTES. [petit filet enfle´] TOME PREMIER. [Vignette] PARIS. AMBROISE DUPONT ET COMPAGNIE, LIBRAIRES, RUE VIVIENNE O N 16 J. PINARD, IMPRIMEUR ET FONDEUR, RUE D’ANJOU-DAUPHINE, O N 8 1828. Courtney, Guide, E2/2. Courtney, Bibliography 132a(2).

27.

Archives parlementaires de 1787 a` 1860. Recueil complet des de´bats le´gislatifs et politiques des Chambres franc¸aises. Imprime´ par ordre du Corps le´gislatif, sous la dir. de M. J[e´roˆme] Mavidal et de M. E´[mile] Laurent. Deuxie`me se´rie (1800–1860). T. XXIII. Du 15 fe´vrier au 23 avril 1819. Paris, P. Dupont, 1873. T. XXIV. Du 24 avril 1819 au 7 juin 1819. Paris, P. Dupont, 1873. T. XXV. Du 7 juin 1819 au 24 de´cembre 1819. Paris, P. Dupont, 1874. T. XXVI. Du 27 de´cembre 1819 au 20 mars 1820. Paris, P. Dupont, 1874. T. XXVII. Du 30 mars 1820 au 22 mai 1820. Paris, P. Dupont, 1874. T. XXVIII. Du 15 mai au 26 juin 1820. Paris, P. Dupont, 1875. T. XXIX. Du 27 juin 1820 au 12 fe´vrier 1821. Paris, P. Dupont, 1875.

28.

Benjamin Constant, Œuvres. Texte pre´sente´ et annote´ par Alfred Roulin [et Charles Roth]. Paris, Gallimard, 1957, re´e´d. 1964 et 1979. Bibliothe`que de la Ple´iade. P. 1309–1321, reproduit le discours du 7 mars 1820 ; p.1369–1380, du 23 mars 1820 ; p. 1644 : note de la p. 1370 a` propos des e´meutes de Lyon.

1a Ébauche du premier discours prononcé à la Chambre par Benjamin Constant, sur la liberté de la presse, le 14 avril 1819, manuscrit autographe BCU, Co 4386, f°1.

1b Ébauche du premier discours prononcé à la Chambre par Benjamin Constant, sur la liberté de la presse, le 14 avril 1819, manuscrit autographe BCU, Co 4386, f°7.

Premie`re partie Session de 1818–1819

Introduction a` la session de 1818–1919

La Chambre des de´pute´s, en 1818, obe´it aux dispositions qui lui ont e´te´ de´finies par la Charte octroye´e le 4 juin 1814. Le 25 du meˆme mois, la Chambre avait adopte´ son re`glement, tre`s de´taille´, qui ne changera pratiquement pas jusqu’a` la fin de la Restauration. Les sessions se de´roulent de la fin novembre au mois de juillet suivant, dirige´es par un pre´sident de´signe´ par le roi. C’est le royaliste mode´re´ Auguste Ravez (Gironde) qui remplira cette fonction, avec une exceptionnelle longe´vite´, du 11 de´cembre 1818 au 5 novembre 1827. Les se´ances commencent ge´ne´ralement par l’examen des pe´titions parvenues aux bureaux de la Chambre (il y a neuf bureaux qui font office de commissions, mais qui peuvent eux-meˆmes constituer de cas en cas des commissions). Apre`s les discussions sur les pe´titions qui peuvent eˆtre rejete´es (on passe a` l’ordre du jour) ou renvoye´es pour examen au ministe`re concerne´, est aborde´ l’ordre du jour portant essentiellement sur l’examen des projets de lois pre´sente´s par le roi. Ces projets sont examine´s par l’un des bureaux de la Chambre ; un rapporteur pre´sente a` la Chambre le re´sultat de cet examen, proposant ge´ne´ralement des amendements plus ou moins importants. Le de´bat a` la Chambre est ouvert apre`s l’expose´ du rapporteur, le pre´sident s’efforc¸ant de faire alterner les opinions divergentes. Depuis la loi Laine´ adopte´e le 5 fe´vrier 1817, la Chambre est renouvele´e a` raison d’un cinquie`me chaque anne´e. Les de´pute´s sont e´lus au suffrage censitaire par des e´lecteurs aˆge´s d’au moins 30 ans et pouvant faire valoir au moins 300 francs d’impoˆts directs. Les de´pute´s sont e´ligibles s’ils ont au moins 40 ans et s’acquittent d’au moins 1000 francs d’impoˆts directs. Ainsi, les de´pute´s sont e´lus pour cinq ans, mais chaque anne´e donne lieu a` une e´lection partielle, ce qui expose le gouvernement a` des fluctuations de tendances a` la Chambre et impose dans la vie politique une effervescence e´lectorale quasi permanente. C’est dans ce contexte qu’interviendra, au de´but de la session parlementaire a` la fin de l’anne´e 1818, la chute du gouvernement du duc de Richelieu. Le succe`s des ne´gociations d’Aix-la-Chapelle qui avaient abouti au retrait du territoire national des troupes e´trange`res avait ouvert de nouvelles perspectives pour une reconfiguration du paysage politique ou` les libe´raux entendaient jouer un roˆle important. L’e´lection partiel-

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Introduction

le d’octobre 1818 allait confirmer la le´gitimite´ de leurs ambitions. Des te´nors comme La Fayette ou Manuel sont e´lus et la repre´sentation libe´rale a` la Chambre se monte de´sormais a` une quarantaine de de´pute´s. Sur un total de sie`ges de 258, c’est une minorite´ non ne´gligeable. Le gouvernement re´agit a` cette nouvelle situation en pre´sentant deux lois marquant un net infle´chissement a` droite, sur la liberte´ de la presse et sur les modalite´s d’e´lection. Mais le camp gouvernemental n’est pas homoge`ne, sa pre´paration du terrain politique en vue de faire passer ces lois manque de cohe´rence, les uns (derrie`re Richelieu) prospectant du coˆte´ droit, les autres (derrie`re E´lie Decazes, l’homme fort de ce gouvernement) se tournant vers la gauche. La session parlementaire est ouverte le 10 de´cembre, alors que le gouvernement est pratiquement immobilise´, mine´ par les dissensions internes et les intrigues ; sa fin est proche ; elle interviendra le 26 de´cembre avec la de´mission de Richelieu. Decazes l’a donc emporte´ ; il fait nommer comme pre´sident du nouveau gouvernement le ge´ne´ral Dessolles, lui-meˆme s’attribuant le ministe`re de l’Inte´rieur. Les autres grandes figures de ce gouvernement sont : Hector de Serre (garde des Sceaux), Franc¸ois Guizot (Affaires de´partementales et communales), le baron Louis (Finances), Laurent de Gouvion-Saint-Cyr (Guerre). Nous pre´sentons ci-apre`s les principaux sujets des de´bats auxquels Constant a activement participe´, chaque intervention e´tant par ailleurs, dans une note accroche´e au titre, resitue´e dans le contexte du de´bat. Discussions autour des lois sur la presse (avril-mai 1819) Tantoˆt qualifie´e de «remarquable»1 ou de «brillante»2 par les contemporains et les historiens, la discussion des lois sur la presse ouvre l’anne´e politique et le´gislative de 1819. Elle suscite l’inte´reˆt bien au-dela` des cercles habituels et le de´pute´ de la Sarthe tout fraıˆchement e´lu trouve avec ce de´bat le terrain ide´al pour se distinguer. La liberte´ de la presse est un sujet qui l’a toujours passionne´ ; il avait publie´, en 1817, un opuscule qui avait fait date, les Questions sur la le´gislation actuelle de la presse en France3, repris inte´gralement l’anne´e suivante dans le deuxie`me volume du Cours de politique constitutionnelle, mais il ne faisait la` que reformuler des ide´es qu’il avait de´ja` expose´es a` maintes reprises, au moins depuis les Principes de politique de 18064. 1

2 3 4

Correspondance de M. de Re´musat pendant les premie`res anne´es de la Restauration, publie´e par son fils P. de Re´musat, Paris : Calmann-Le´vy, t. V, 1886, p. 365. Voir aussi Me´moires du chancelier Pasquier, publie´s par M. le duc d’Audiffret-Pasquier, t. IV, Paris : Plon, 1894, p. 290. Waresquiel/Yvert, Histoire de la Restauration (1814–1830), p. 266. Voir OCBC, Œuvres, t. X, pp. 661–728. Voir OCBC, Œuvres, t. IX, pp. 29–187.

Premie`re partie – Session de 1818–1819

63

He´sitant, le re´gime de la Restauration n’a pas encore tranche´ la question de la presse en 1819. Selon l’article 8 de la Charte de 1814, «Les Franc¸ais ont le droit de publier et de faire imprimer leurs opinions, en se conformant aux lois qui doivent re´primer les abus de cette liberte´», mais une le´gislation homoge`ne et comple`te fait toujours de´faut ; on doit alors s’accommoder d’une se´rie de lois ou d’ordonnances dont il est pre´vu que la dure´e soit limite´e dans le temps1. ` partir du 21 octobre 1814, la premie`re d’entre elles institue pour les A journaux l’autorisation pre´alable et l’examen quotidien des articles par un censeur avant publication – en contradiction avec la Charte. Les imprimeurs et les libraires sont soumis a` un serment, et a` un brevet que le gouvernement peut retirer en cas de jugement de contravention ; a` Paris, la surveillance et l’autorisation des journaux rele`vent de la direction ge´ne´rale de la Police. De`s son retour, Napole´on supprime l’autorisation pre´alable et la censure est abolie dans l’Acte additionnel, avant que la seconde Restauration ne renverse le mouvement et ne re´tablisse, le 8 aouˆt 1815, ces deux mesures pre´ventives : les autorisations sont re´voque´es et doivent faire l’objet de nouvelles sollicitations. Les ultras de la Chambre introuvable consolident fortement l’arsenal re´pressif, notamment par la loi du 9 novembre 1815 contre les cris et e´crits se´ditieux. Apre`s la dissolution de cette Chambre en 1816, deux autres lois (28 fe´vrier et 30 de´cembre 1817) a` caracte`re provisoire prolongent l’autorisation pre´alable et maintiennent, au moins tacitement, la censure. Celle-ci re´gissant les publications pe´riodiques, c’est pour la contourner que La Minerve d’abord puis Le Conservateur sont fonde´s et paraissent selon un rythme de publication sans pe´riodicite´ fixe. La refonte du syste`me de la presse en vue de le mettre en ade´quation avec la ligne du nouveau ministe`re s’impose donc au seuil de l’anne´e 1819. L’essor conside´rable de la presse et du nombre de lecteurs de journaux en ces anne´es rend encore plus ne´cessaire la re´daction d’une telle loi. Innovantes, les lois de 1819 repre´sentent «une le´gislation comple`te, conc¸ue d’ensemble et par avance, conforme´ment a` certains principes ge´ne´raux»2. Le projet est divise´ en trois lois portant premie`rement sur les dispositions le´gales et la de´finition des crimes et de´lits commis par voie de 1

2

Voir en particulier Histoire ge´ne´rale de la presse franc¸aise, sous la direction de C. Bellanger, J. Godechot, P. Guiral et F. Terrou, t. II : de 1815 a` 1871, Paris : PUF, 1969, pp. 33sv. ; Rene´ Re´mond, La vie politique en France depuis 1789, t. I : (1789–1848), Paris : A. Colin 2005 (1965), pp. 368sv., ainsi que L. Jaume, «Heurs et malheurs de la liberte´ de la presse», Liberte´, libe´raux et constitutions. Colloque de la Valle´e-aux-Loups, 23 septembre 1994, sous la direction de J.-P. Cle´ment, L. Jaume et M. Verpeaux, Paris : Economica/Presses universitaires d’Aix-Marseille, 1997, pp. 43–59. F. Guizot, Me´moires pour servir a` l’histoire de mon temps, Paris : Michel Le´vy fre`res, t. I, 1858, p. 177.

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Introduction

presse ; deuxie`mement, sur la proce´dure de poursuite et de jugement, soit le mode d’instruction et la juridiction compe´tente ; troisie`mement, sur les conditions administratives et financie`res de publication des journaux et des e´crits pe´riodiques. En grande partie, le projet est pre´pare´ par Victor de Broglie (pour les deux premie`res lois) et Franc¸ois Guizot (pour la troisie`me) qui, trop jeunes (a` respectivement 33 et 31 ans) pour pouvoir briguer un mandat de de´pute´ a` la Chambre, ont e´te´ sollicite´s par le garde des Sceaux1. Comme les autres libe´raux, Constant guette de`s le de´but de l’anne´e dans La Minerve les rumeurs relatives a` la pre´paration de la loi sur la presse2. Le projet te´moigne d’un glissement des doctrinaires (Royer-Collard et Guizot avaient e´te´ a` l’origine de la loi du 21 octobre 1814 qui e´tablissait la censure pour les journaux3) qui attendent de la discussion sur la presse qu’elle assoie leur supe´riorite´ et assure leur triomphe4. Ce sera le cas pour le garde des Sceaux de Serre, dont la re´putation est au plus haut avec un projet de loi pre´sente´ par lui et qui constitue pour beaucoup «l’apoge´e du re´gime constitutionnel»5. Ce projet se situe dans la continuite´ (libe´rale) de la loi Gouvion-Saint-Cyr sur l’avancement dans l’arme´e, ou de la loi Laine´ sur les e´lections comme l’e´crira Guizot : «Dans le court espace de trois sessions, les trois plus grandes questions d’un re´gime libre, la formation du pouvoir e´lectif, celle de l’arme´e nationale et l’intervention des opinions individuelles dans les affaires publiques par la voie de la presse, furent franchement pose´es, discute´es, re´solues»6. La gauche libe´rale, ne´anmoins, n’est pas entie`rement acquise au ministe`re et au garde des Sceaux : «On lui savait gre´ de ce qu’il faisait ; mais on lui reprochait ce qu’il ne faisait pas, avec une aigreur dont il avait droit d’eˆtre surpris et blesse´»7. Le duc de Broglie sert de passerelle entre les ` droite, doctrinaires et la gauche libe´rale dont l’attitude l’irrite pourtant. A les ultras obtiennent, contre la loi, le renfort de «dissidents du centre», 1

2

3 4 5 6 7

F. De´mier, La France de la Restauration (1814–1830) : l’impossible retour du passe´, Paris : Gallimard, 2012, p. 260 ; Waresquiel/Yvert, Histoire de la Restauration, p. 264, ainsi que C.-H. Pouthas, Guizot pendant la Restauration, Paris : Plon, 1923, p. 212. E. Harpaz, L’e´cole libe´rale sous la Restauration : le «Mercure» et la «Minerve» (1817– 1820), Gene`ve : Droz, 1968, p. 108. BC manifeste son inte´reˆt pour le projet de loi dont la discussion est annonce´e dans ses articles sur la Session des Chambres dans La Minerve, t. IV, des 23–25 janvier et 5–6 fe´vrier 1819 (OCBC, Œuvres, t. XIII, pp. 78–81 et 82–98). L. Jaume, «Heurs et malheurs», p. 44. Correspondance de M. de Re´musat, p. 339. P. Duvergier de Hauranne, Histoire du gouvernement parlementaire en France, Paris : Michel Le´vy fre`res, t. V, 1862, p. 65. F. Guizot, Me´moires pour servir a` l’histoire de mon temps, t. I, p. 181. P. Duvergier de Hauranne, Histoire du gouvernement parlementaire en France, t. V, p. 66.

Premie`re partie – Session de 1818–1819

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dirige´s par Laine´ et Ravez, addition suffisante pour mettre en pe´ril la majorite´ constitue´e des de´pute´s ministe´riels et du centre gauche voire de la gauche. ` ce contexte politique bouillonnant s’ajoute un climat social en efferA vescence : des troubles estudiantins au printemps, des tensions en matie`re religieuse – notamment autour de la ne´gociation du Concordat –, de l’agitation dans l’ouest et le midi. De plus, entre la pre´sentation du projet de loi (le 22 mars) et l’ouverture de la discussion a` la Chambre des de´pute´s (le 14 avril) ont lieu, a` partir du 25 mars, des e´lections partielles dans les de´partements du Rhoˆne, du Finiste`re, de la Loire-Infe´rieure et de la Sarthe. Si le candidat ministe´riel remporte le scrutin nantais, les libe´raux emportent les sie`ges en jeu a` Brest (Daunou), a` Lyon (Corcelle) et dans la Sarthe (Constant et Picot-Desormeaux). C’est dans ce climat tendu que sont re´dige´es, pre´sente´es puis discute´es les trois lois dites de Serre sur la presse. Enjeux du de´bat Les lois sur la presse, observe Rene´ Re´mond, suivent une chronologie sensiblement paralle`le a` celle des lois e´lectorales. C’est que sous la monarchie constitutionnelle, l’inte´reˆt de l’opinion publique pour la politique est continu graˆce a` la fre´quence des de´bats parlementaires et a` la re´pe´tition des e´che´ances e´lectorales : la liberte´ de l’e´lecteur, celle de faire ses choix en connaissance, repose sur la liberte´ de faire son e´ducation politique et donc en particulier sur la liberte´ de la presse1. Aux yeux des contemporains, la quasi permanence des discussions a` la Chambre, couple´e aux promesses de l’article 8 de la Charte, confe`re a` la presse un statut, un pouvoir et une efficacite´ qu’il convient de mettre a` profit (pour l’opposition) ou d’encadrer par une le´gislation ade´quate (pour le ministe`re). «Composante» et «objet de contestation»2 de la vie politique, la liberte´ de la presse est peut-eˆtre, avec les lois e´lectorales, le principal enjeu politique de la Restauration. Comment cet enjeu se de´cline-t-il au printemps 1819 ? Avec les projets de loi pre´sente´s a` partir du 22 mars, il n’y a plus de de´lits spe´ciaux de la presse : il en va d’elle comme de tout autre moyen de publication (discours, cris profe´re´s dans des lieux publics, dessins, gravures, emble`mes ...) ; «une opinion quelle qu’elle soit ne devient pas criminelle en devenant publique»3, re´sume Guizot qui voit cette le´gislation comme une charte de la presse. Les mesures pre´ventives discre´tionnaires (autorisation pre´alable, censure) disparaissent au profit d’un re´gime re´pressif qui ne peut 1 2 3

R. Re´mond, La vie politique en France depuis 1789, t. I, p. 367 sv. R. Re´mond, La vie politique en France depuis 1789, t. I, p. 368. Guizot cite´ par C.-H. Pouthas, Guizot pendant la Restauration, p. 211.

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Introduction

s’exercer qu’a posteriori et publiquement. Le gouvernement revendique la volonte´ de favoriser la liberte´ de la presse et l’e´mergence de l’opinion publique e´claire´e comme consubstantielles au jeu politique, tout en exigeant un certain controˆle. Car si les journaux sont conside´re´s comme un moyen pacifique de rapporter les re´clamations des Franc¸ais, ils sont aussi assimile´s a` une tribune quotidienne, et donc permanente, et a` une entreprise «toutepuissante dans le fac¸onnement de l’opinion, la division en partis et l’ascension au pouvoir des groupes opposants»1. Le journalisme ne´cessite une garantie vis-a`-vis de la socie´te´ : ce sera le cautionnement. Enfin, e´manation de l’opinion publique et donc de la socie´te´, le journal doit eˆtre juge´ en cas de poursuite par la socie´te´ elle-meˆme, c’est-a`-dire par le jury. Le premier projet de loi e´tait divise´ en quatre parties proposant avec pre´cision et «pour la premie`re fois une nomenclature des de´lits»2 : la provocation publique aux crimes ou de´lits (re´duite a` la complicite´ quand cette provocation est suivie d’effets), l’outrage a` la morale publique et aux bonnes mœurs, l’offense envers le roi et les autorite´s constitue´es, et enfin la diffamation et l’injure publique. Au sens strict, le de´lit d’opinion ou de tendance disparaıˆt donc – mais on le verra, la discussion a` la Chambre permettra de le re´introduire d’une fac¸on ou d’une autre. L’innovation de la premie`re loi re´side dans l’affirmation qu’il n’existe pas de de´lit de presse proprement dit. La presse comme instrument ne cre´e aucun de´lit nouveau, mais peut servir a` la provocation d’un de´lit de droit commun – la re´alite´ de cette provocation devant eˆtre e´tablie et prononce´e par le jury, enjeu de la deuxie`me loi. Cette deuxie`me loi confie le jugement des de´lits au jury, et non plus aux tribunaux correctionnels (sauf pour la simple injure et/ou la diffamation – mot nouveau dans la le´gislation qui remplace celui de calomnie3). Ces derniers sont compose´s de magistrats professionnels re´pute´s plus rigoureux parce que plus proches de la lettre que le jury compose´ de citoyens suppose´s plus enclins a` l’interpre´tation. C’est e´videmment un enjeu capital. Le troisie`me volet de la le´gislation sur la presse concerne les conditions de publication des journaux et des e´crits pe´riodiques. Susceptible d’eˆtre refuse´e, potentiellement restrictive et source d’arbitraire, l’autorisation pre´alable est remplace´e par une simple de´claration «morale» de deux e´diteurs ou proprie´taires responsables des articles publie´s. Conside´rant que la presse est une tribune, une entreprise e´conomique, et que la socie´te´ a le droit d’exiger des garanties quant a` sa pre´servation, la loi exige en outre un cautionnement 1 2 3

L. Jaume, «Heurs et malheurs», p. 44. Voir aussi Waresquiel/Yvert, Histoire de la Restauration, p. 265. L. Jaume, «Heurs et malheurs», p. 48. P. Duvergier de Hauranne, Histoire du gouvernement parlementaire en France, t. V, p. 70.

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e´leve´ (10.000 francs de rentes, e´quivalant a` un capital de 140.000 francs). Il s’agit non seulement de s’assurer de la solvabilite´ des journaux en cas d’amendes, mais surtout de faire en sorte que le de´bat et les partis politiques soient cadre´s, que la fonction journalistique soit correctement remplie – donc, d’e´carter une logique de´mocratique, raisonnement paralle`le a` la logique censitaire du syste`me e´lectoral1. La` aussi, le journalisme est perc¸u par les doctrinaires a` l’origine du projet comme une compe´tence sociale qui revient a` une e´lite ; celle-ci doit disposer d’un maximum de lumie`res, d’inde´pendance, et ses inte´reˆts prive´s eˆtre le mieux lie´s aux inte´reˆts ge´ne´raux2. Comme l’observe L. Jaume, Constant soulignera dans la discussion le caracte`re contradictoire de cette troisie`me loi (intitule´e «Des journaux et e´crits pe´riodiques»), «entorse a` l’ide´e de l’instrument neutre»3, au sein d’un projet d’ensemble dont la nature e´tait de supprimer les de´lits de presse spe´cifiques : les journaux paraissent redevenir une publication d’une nature spe´ciale devant eˆtre soumise a` une le´gislation spe´ciale4. La discussion de la le´gislation sur la presse met en e´vidence d’autres lignes de partage de la sphe`re politique, moins e´videntes ou plus complexes que celles relatives aux attendues divisions «partisanes». La Bibliothe`que historique ou le Nouvel homme gris a` gauche, aussi bien que Chateaubriand dans Le Conservateur a` droite, attaquent les projets de loi comme liberticides. Les ultras, de leur coˆte´, gardent longtemps un silence qui, selon Re´musat «est d’abord venu par bouderie ; maintenant c’est, je crois, un calcul de Ville`le, qui craint l’infe´riorite´, et qui sent tre`s bien que la partie ne serait pas e´gale entre M. de Serre et lui»5. En outre, une sorte de «lobby» des tribunaux et des procureurs du roi, en rupture avec leur ministre de Serre et anime´s par Laine´, semble rallier le coˆte´ droit et rendre plus impre´visibles le jeu politique et les calculs de majorite´6. Du coˆte´ gauche, on assiste a` une vague d’oppositions qui heurteront conside´rablement le ministe`re, et en particulier le garde des Sceaux, qui ne s’y attendaient pas. Il s’agit la` d’un enjeu central de la discussion, car ces protestations rele`vent de conceptions diffe´rentes de la liberte´ de la presse et 1

2

3 4 5 6

R. Re´mond e´tablit ce paralle`le entre la liberte´ d’e´crire et la liberte´ de voter : «ne peut en user que celui qui dispose d’une fortune suffisante» (La vie politique en France depuis 1789, t. I, p. 371). L. Jaume rele`ve le caracte`re e´conomique de l’entreprise de presse, source de profit pour l’E´tat par le cautionnement, le timbre, la patente des imprimeurs, et rappelle que Chateaubriand, pour des raisons diffe´rentes, avait de´ja` conc¸u l’ide´e du cautionnement dans De la monarchie selon la Charte («Heurs et malheurs», pp. 52–56). L. Jaume, «Heurs et malheurs», p. 50. Selon l’expression de de Serre dans son expose´ des motifs de la troisie`me loi sur la presse. Waresquiel/Yvert, Histoire de la Restauration, p. 375. Waresquiel/Yvert, Histoire de la Restauration, p. 387.

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re´ve`lent selon L. Jaume «[les] tensions et [les] contradictions dans lesquelles se trouve pris le libe´ralisme franc¸ais lorsqu’il veut promouvoir les principes de 1789»1. Le «libe´ralisme dirigiste»2 des doctrinaires qui voient la presse comme un moyen de gouvernement et d’organisation de l’influence politique heurte de front un autre courant libe´ral. Les conditions sont donc bien re´unies pour donner un tour particulie`rement explosif aux de´bats : son cours sera e´maille´ d’incidents et d’e´motions qui renverseront les alliances ou les compromis et pre´cipiteront les ruptures sans doute au-dela` des conside´rations the´oriques et des divergences de fond relatives a` la seule question de la presse. Re´sultats de la discussion Quarante ans apre`s les de´bats qu’on vient d’e´voquer, Guizot conside´rera encore l’ensemble de ces trois lois, vote´es avec d’assez confortables majorite´s, comme «une belle œuvre le´gislative dans laquelle les vrais principes de la matie`re e´taient bien saisis»3. Guizot dresse le constat d’une discussion qui, en de´pit des re´sistances venant surtout du centre droit, a dignement re´pondu a` la remarquable conception de ces lois. Retenant aujourd’hui l’abolition de la censure et de l’autorisation pre´alable, les historiens sont unanimes a` souligner l’importance du vote de ces lois, «apoge´e de la Restauration libe´rale»4, «ensemble cohe´rent qui dote pour la premie`re fois la presse franc¸aise d’un statut libe´ral»5, ve´ritable «innovation le´gislative» et «avance´e de´cisive»6 dont l’armature et certains principes perdureront tout au long du XIXe sie`cle7, non sans anicroche. Au sein du camp libe´ral dans son acception large, cette ne´cessaire ouverture aux compromis est parfois mal comprise, ou se heurte a` des obstacles divers. Les re´ponses de Guizot a` Constant, si elles re´ve`lent, comme l’a finement observe´ L. Jaume, deux conceptions diffe´rentes de la liberte´ de la presse dans le courant libe´ral de la Restauration, montrent aussi que les antagonismes ne se limitent pas aux conceptions the´oriques ou philosophiques. Constant lui-meˆme, a` qui les uns et les autres ne manquent pas de rappeler ses louvoiements passe´s, sera plus d’une fois attaque´ personnellement. Cette premie`re grande discussion du printemps 1819 fait donc e´voluer les rapports de force politique. L’une de ses conse´quences est l’affirmation de l’emprise du groupe des doctrinaires sur la Chambre des de´pute´s, et meˆme 1 2 3 4 5 6 7

L. Jaume, «Heurs et malheurs», p. 44. L. Jaume, «Heurs et malheurs», p. 57. F. Guizot, Me´moires pour servir a` l’histoire de mon temps, t. I, p. 178. Waresquiel/Yvert, Histoire de la Restauration, pp. 267–268. R. Re´mond, La vie politique en France depuis 1789, t. I, p. 372. L. Jaume, «Heurs et malheurs», pp. 44 et 47. F. De´mier, La France de la Restauration (1814–1830), pp. 259–260.

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dans une partie du camp des libe´raux. Mais certains des repre´sentants les plus importants de ce camp semblent embarrasse´s par les divisions internes au coˆte´ gauche. Ces tensions re´ve`leront toute leur profondeur a` la fin de l’anne´e, lorsque les libe´raux, renforce´s par les e´lections de septembre et exaspe´re´s par les concessions faites a` droite par le gouvernement cesseront de soutenir une majorite´ ministe´rielle de plus en plus affaiblie. La porte e´tait alors ouverte au puissant revirement a` droite qui s’ope´rera au printemps de l’anne´e suivante. Les interventions de Benjamin Constant Constant prononce huit discours importants lors de l’ensemble de la discussion des trois lois sur la presse, auxquels il faut ajouter une douzaine d’interventions plus bre`ves en cours de se´ances. Ces discours sont de nature diverse : ils peuvent aussi bien eˆtre pre´pare´s et re´dige´s a` l’avance, que reposer sur des notes prises quelques minutes avant de monter a` la tribune ; ils peuvent de´tailler une position de principe, ou ne consister qu’en la lecture ou la proposition d’un amendement. Lorsque Constant s’empare brie`vement de la parole – parfois simplement pour signaler le retrait d’un amendement qu’il avait propose´ – nous conside´rons qu’il s’agit davantage d’une intervention que d’un discours a` proprement parler. Trois discours concernent la premie`re loi portant sur la de´finition des de´lits commis par voie de presse, auxquels s’ajoutent huit prises de parole diverses et tre`s probablement improvise´es – sur la forme – en fonction des circonstances et de l’e´volution de la discussion. Deux discours et trois interventions mineures touchent a` la deuxie`me loi relative a` la poursuite et au jugement des de´lits. Enfin trois discours – dont un au moins est partiellement improvise´ – et une courte intervention sont relatifs aux discussions du troisie`me projet de loi portant sur les conditions de publication des journaux et des e´crits pe´riodiques.

«Sur les emprunts de 14 et de 24 millions», 14 mai 1819 Lors de la se´ance du 10 mai 1819 est ouvert a` la Chambre des de´pute´s le de´bat sur la loi intitule´e «Re`glement de´finitif des budgets de 1815, 1816 et 1817 et re`glement provisoire du budget de 1818». Disposant du copieux rapport d’Antoine Roy, rapporteur du budget, les de´pute´s devaient formellement avaliser les comptes de plusieurs anne´es d’une administration rendue particulie`rement confuse du fait de l’instabilite´ politique des premie`res anne´es de la Restauration. L’exercice e´tait donc difficile, mais on avait conscience, parmi les de´pute´s, de l’importance de la taˆche : «que

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faisons-nous ici, Messieurs ? nous re´glons et cela pour la premie`re fois, les comptes de l’administration publique» – dira le de´pute´ Pierre-Vincent Benoist a` l’ouverture de son intervention du 13 mai1. En effet, la Chambre avait bien examine´ chaque anne´e le budget, mais jamais les comptes. Le 13 mai, Constant e´crivait a` son ami Goyet : «je suis jusqu’au col dans le budget, et il faut du travail pour se tirer des comptes que les ministres ont faits les plus embrouille´s qu’ils ont pu»2. Le ton est donne´ : l’objet est complique´ et il y aura a` redire sur l’administration des ministres successifs. Ainsi, de`s l’ouverture du de´bat, par la voix du de´pute´ Bernard Franc¸ois de Chauvelin, le groupe des libe´raux s’e´tait livre´ a` une critique en re`gle de l’administration des finances de l’E´tat, pour ce qui regarde aussi bien la politique financie`re que la gestion des de´penses et la pre´sentation des comptes, juge´e tre`s de´fectueuse, sinon trompeuse. Cependant, c’est sur un point particulier que va se focaliser la discussion a` la suite d’une premie`re intervention de Casimir Perier, le 11 mai, portant principalement sur la fac¸on dont le ministre des finances d’alors, LouisEmmanuel Corvetto, avait proce´de´ lors de la leve´e de trois emprunts en mai et juin 1818 (successivement 2 millions, 14,6 millions et 24 millions). Perier interviendra longuement une seconde fois le lendemain en re´ponse aux attaques dont son intervention avait fait l’objet. Au printemps de 1818, l’E´tat avait un urgent besoin de liquidite´s, notamment pour pouvoir faire face aux charges que les puissances allie´es faisaient peser sur la France en vertu du traite´ de Paris (700 millions d’indemnite´s ainsi que l’entretien de 150.000 soldats e´trangers sur les territoires frontaliers du pays). Or a` la fin de 1818, la situation avait change´, les allie´s ayant accepte´ de retirer leurs troupes d’occupation avant le terme pre´vu et la conjoncture e´conomique s’e´tant conside´rablement ame´liore´e. On jugeait donc, en 1819, d’une situation de de´tresse budge´taire qui n’avait plus cours. Ce n’e´tait toutefois pas une question de point de vue sur les faits que soulevait Casimir Perier, mais une question de principe, le ministre Corvetto ayant, selon lui, gravement manque´ a` ses devoirs. Ce sont essentiellement les emprunts de 14,6 et de 24 millions qui e´taient en cause. Les reproches qui sont adresse´s a` l’ancien ministre sont de plusieurs ordres : il aurait manque´ au devoir le´gal de publier les emprunts pour faire jouer une vraie concurrence et meˆme, dans le cas du second emprunt, organise´ les choses dans le secret ; il aurait agi au pre´judice de l’E´tat en contractant les emprunts au mauvais moment et a` un prix sous-e´value´ ; il aurait, notamment par ces ope´rations, pre´cipite´ la crise boursie`re de l’automne 1818 ; il 1 2

Moniteur, no 136, 16 mai 1819, p. 620c. OCBC, Correspondance, t. XI, p. 168.

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aurait favorise´ des investisseurs e´trangers. Ces faits ne sont pas ve´ritablement conteste´s dans le de´bat, mais c’est leur appre´ciation qui est discute´e. Les de´fenseurs de Corvetto font principalement valoir l’urgence provoque´e par une situation financie`re de´sastreuse et que l’on a tendance a` oublier du moment que les finances de l’E´tat se sont tre`s rapidement ame´liore´es a` partir de de´cembre 1818 ainsi que des motifs politiques, le duc de Richelieu et son gouvernement e´tant au moment des faits en ne´gociations avec les allie´s dans le contexte de la pre´paration du congre`s d’Aix-la-Chapelle qui allait en effet aboutir, en novembre, au retrait des troupes occupantes du territoire franc¸ais deux ans avant le de´lai fixe´ au traite´ de Paris. L’attribution d’une bonne partie du second emprunt a` l’e´tablissement anglo-ne´erlandais Hope & Baring e´tait une condition pose´e par l’Angleterre dans ces ne´gociations1. Dans son discours, Constant n’apporte pas de nouveaux e´le´ments a` l’affaire proprement dite, se contentant de reformuler les griefs e´nonce´s par les pre´opinants en insistant surtout sur deux points : le moment de l’action du ministre, laquelle est juge´e pre´cipite´e sans raison (et avec de faˆcheuses conse´quences) et le prix, inexplicablement bas, auquel les rentes de l’emprunt de 24 millions ont e´te´ vendues. Estimant que les de´pute´s n’avaient pas les informations suffisantes qui pourraient les e´clairer sur les fautes impute´es au ministre Corvetto, l’orateur propose un amendement a` la loi selon lequel la question des emprunts en serait retire´e et traite´e ulte´rieurement de manie`re se´pare´e. L’amendement (comme ceux qu’avaient propose´ d’autres de´pute´s) sera rejete´ lors du vote final le 24 mai, la loi e´tant accepte´e par 182 voix contre 11. Dans ce discours, on voit surtout Constant se pre´occuper de certaines des ide´es plus ge´ne´rales qui guideront toute son action de de´pute´ : le roˆle du parlement comme instance de controˆle du pouvoir, le rappel de la responsabilite´ des ministres et du champ d’extension de celle-ci, le primat du bien commun pre´sent et a` venir sur le ressassement du passe´.

1

Au sujet de cet e´pisode, voir notamment : R. de Nervo, Le comte Corvetto, Ministre secre´taire d’Etat aux finances sous le roi Louis XVIII. Sa vie – son temps – son ministe`re, Paris : Michel Le´vy Fre`res, 1869 ; P. Mallez, La Restauration des finances franc¸aises apre`s 1814, Paris : Librairie Dalloz, 1927 ; A. Colling, La prodigieuse histoire de la bourse, Paris : Socie´te´ d’E´ditions e´conomiques et financie`res, 1949 ; J. Bertaut, Les Dessous de la finance, Paris : Tallandier, 1954 ; J.-M. Vaslin, «Le sie`cle d’or de la rente perpe´tuelle franc¸aise», Le marche´ financier au XIX e sie`cle, sous la direction de G. Gallais-Hamonno, t. II, Paris : Publications de la Sorbonne, 2007, pp. 117–203.

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Les bannis La discussion-fleuve sur le budget de 1819 a donne´ lieu a` plusieurs digressions qui manifestent clairement l’e´tat de tension caracte´risant la Chambre en ces mois de printemps ou` la gauche, le centre ministe´riel et la droite se mesurent et s’apostrophent a` tout propos. L’un des plus saillants a` cet e´gard porte sur la question du rappel des bannis, fort sensible, affecte´e d’une charge symbolique particulie`rement clivante. Quand il monte sur le troˆne lors de la premie`re Restauration, en avril 1814, Louis XVIII, derrie`re le slogan «union et oubli», pre´conise le respect du testament de son fre`re Louis XVI qui demandait que ses bourreaux fussent pardonne´s. Aucune poursuite n’e´tait donc envisage´e contre les anciens ennemis de la royaute´, l’article 11 de la Charte stipulant que «Toutes recherches des opinions et votes e´mis jusqu’a` la restauration sont interdites. Le meˆme oubli est commande´ aux tribunaux et aux citoyens». L’e´pisode des Cent-Jours et la de´faite de Waterloo allaient toutefois donner de la vigueur aux royalistes les plus acharne´s qui n’avaient jamais accepte´ le pardon accorde´ aux re´gicides. Aussi, de`s qu’ils eurent acquis la majorite´ dans la «Chambre introuvable», s’efforce`rent-ils d’imposer un re´gime beaucoup plus restrictif a` l’e´gard de leurs ennemis. En janvier 1816, dans le climat e´lectrique de l’apre`s-Waterloo, la Chambre introuvable avait sanctionne´ une ordonnance royale qui exilait trente-huit individus d’une liste de proscription e´tablie par Fouche´. D’autre part, la Chambre avait vote´ une loi dite d’amnistie bannissant du royaume les re´gicides de 1793 qui avaient accepte´ des fonctions publiques durant les Cent-Jours ou signe´ l’Acte additionnel. Cette loi allait cependant plus loin que Louis XVIII lui-meˆme ne l’avait de´sire´, mais une fois celle-la` vote´e, il ne pouvait ni ne voulait y revenir. Les libe´raux n’ont jamais dige´re´ cette loi qui leur semble contraire a` la Charte. La question des trente-huit exile´s ne pose pas de difficulte´s particulie`res car il est entendu que le roi ferait progressivement usage de son droit de graˆce a` leur e´gard par le biais d’ordonnances. La question des re´gicides est plus complexe : bannis par une loi, une ordonnance d’amnistie ge´ne´rale peut-elle suffire a` les rappeler en France1 ? Il est vrai que le roi avait gracie´ individuellement une cinquantaine de re´gicides qui avaient de´ja` e´te´ rappele´s, signe de la volonte´ oublieuse du gouvernement selon un historien le´gitimiste2. Mais cela ne paraıˆt pas encore assez pour une partie des libe´raux qui, en rejetant sur les ultras l’entie`re responsabilite´ de la loi de 1816, 1 2

P. Duvergier de Hauranne, Histoire du gouvernement parlementaire en France, t. V, p. 132. A. Nettement, Histoire de la Restauration, t. V, Paris/Lyon : Jacques Lecoffre, 1866, p. 107.

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espe`rent demander au roi une amnistie ge´ne´rale ayant le me´rite de la cohe´rence, sachant qu’il est ge´ne´ralement difficile d’identifier les crite`res distinguant les rappele´s des bannis. Devant le refus du ministe`re, l’aile bonapartiste et re´volutionnaire des libe´raux organise une vaste campagne de pe´titions tendant a` re´clamer le rappel des derniers bannis en gage de re´conciliation nationale. Les pe´titions sont adresse´es de`s le de´but de l’anne´e 1819 a` la Chambre et les libe´raux comptent que celle-ci en vote le renvoi au gouvernement, incitant de`s lors ce dernier a` une mesure de cle´mence qui priverait Louis XVIII du be´ne´fice moral de la de´marche. La droite et la cour ne sont pas seules a` s’en offusquer. Le garde des Sceaux de Serre s’exaspe`re de cette manœuvre a` d’autant plus forte raison qu’il avait espe´re´ que la gauche cesserait de chicaner le gouvernement apre`s le vote des lois sur la presse. Or, c’est tout le contraire : la le´gislation sur la presse et la marche plutoˆt libe´rale du gouvernement dans son ensemble ont mis du vent dans les voiles de la gauche. La crispation domine donc dans la question des pe´titions relatives aux bannis adresse´es a` la Chambre, car leur nombre, leur uniformite´ et leur syste´maticite´, ainsi que l’apologie de la Re´volution qu’elles sous-entendent, font penser a` une manœuvre concerte´e contre le re´gime et la royaute´. En conside´rant le regain de tension provoque´ par cette campagne de pe´titions, on peut, avec l’historien prodoctrinaire Duvergier de Hauranne, la qualifier de faute politique : en relanc¸ant notamment les de´bats touchant a` l’interpre´tation de la Re´volution – qui reste par ailleurs au cœur du de´bat socio-politique de la pe´riode –, ces pe´titions ont ranime´ des haines et de´tourne´ l’attention des principaux objets du moment – les garanties constitutionnelles demande´es par la gauche et qui e´taient sur le point d’eˆtre obtenues – tout en embarrassant et en menac¸ant un ministe`re qui n’e´tait pas mal dispose´1. Il est absolument ne´cessaire, pour comprendre les deux textes de Constant portant sur la question, de bien se figurer le contexte extreˆmement tendu dans lequel ils s’inscrivent au milieu d’un de´bat aux enjeux majeurs dans la mesure ou` sont interroge´es, on l’a dit, les relations entre Charte, lois, ordonnance et pre´rogative royale, mais aussi la de´finition et les limites du droit de pe´tition relativement a` l’initiative royale et aux possibilite´s de provoquer cette dernie`re. Ce de´bat re´ve`le e´galement la tendance et la volonte´ de la gauche libe´rale de forcer la main de Louis XVIII – et de comprendre ainsi le droit de graˆce comme un devoir.

1

P. Duvergier de Hauranne, Histoire du gouvernement parlementaire en France, t. V, p. 70 et p. 134.

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Devant le poids de ces enjeux et la pressante ne´cessite´ de se de´barrasser d’une question qui prend toujours plus d’importance dans la presse et les conversations, le ministe`re s’abouche en coulisses avec la gauche, dont les chefs lui promettent de ne pas attiser le de´bat en cas de renvoi des pe´titions au ministe`re1. C’est l’option a` laquelle Decazes se re´signe et qu’il tente de faire adopter a` Louis XVIII. Mais au sein du ministe`re, le favori du roi se heurte a` l’opposition de de Serre et au-dela`, a` celle de la cour. Quelques he´sitations et volte-face royales plus tard, c’est cette dernie`re opinion qui pre´vaut. Partage´e presque a` parts e´gales, la commission de neuf membres change de rapporteur au dernier moment, et c’est le de´pute´ du Rhoˆne Cotton qui se charge de proposer l’ordre du jour sur toutes les pe´titions a` une Chambre dont les tribunes s’e´taient garnies de`s le matin d’un public tre`s nombreux. Le coˆte´ gauche qui a compris que sa strate´gie impatiente e´tait perdante souhaite e´viter que la discussion s’envenime ; mais c’est de Serre qui, saisissant l’occasion qu’il attendait, vient «rallumer, par un discours me´morable [...] le de´bat preˆt a` s’e´teindre. [...] Jamais discours moins attendu ne vint plus soudainement bouleverser les combinaisons politiques et changer la position re´ciproque des partis»2. Le discours du garde des Sceaux est emble´matique d’un de´bat qui traverse toute la pe´riode et qui porte sur l’interpre´tation et la «re´cupe´ration» de ` la suite du rapporteur de la commission Cotton et la [bonne] Re´volution3. A du de´pute´ libe´ral Caumartin, de Serre confirme en des termes particulie`rement virulents la distinction ope´re´e dans la loi de janvier 1816 quant aux possibilite´s de rappel : «Ainsi, a` l’e´gard des re´gicides, jamais ; a` l’e´gard des individus temporairement exile´s, je suis plein de confiance que la chambre s’en rapportera a` la volonte´ royale»4. Le garde des Sceaux est acclame´ par les de´pute´s de la droite et des deux centres dont une majorite´ est meˆme debout. L’ordre du jour est adopte´ a` une e´crasante majorite´ ; les de´pute´s de 1819 confirment une loi vote´e en 1816 par une Chambre si diffe´remment compose´e. Surpris, consterne´s, abattus, seuls quelques de´pute´s de la gauche se le`vent a` la contre-e´preuve, dont Constant et son colle`gue de´pute´ de la Sarthe Picot-Desormeaux5. Apre`s le pe´remptoire «jamais» de de Serre, la Chambre cloˆt donc la discussion, au grand regret de Constant qui avait pre´pare´ la premie`re de ses 1 2 3 4 5

P. Duvergier de Hauranne, Histoire du gouvernement parlementaire en France, t. V, p. 136 ; A. Nettement, Histoire de la Restauration, t. V, p. 109. P. Duvergier de Hauranne, Histoire du gouvernement parlementaire en France, t. V, pp. 138–139. E. de Waresquiel, L’histoire a` rebrousse-poil, Paris : Fayard, 2005, p. 58. Le Constitutionnel, no 138, mardi 18 mai 1819, p. 2a. La presse n’est pas tout a` fait unanime sur le compte qu’elle rend de cette phrase, comme on le verra. Le Constitutionnel, no 138, mardi 18 mai 1819, p. 2b.

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deux interventions sur le sujet. En 1827, lorsqu’il reprend dans l’e´dition Dupont-Pinard le discours pre´pare´ pour la se´ance du 17 mai, Constant publie donc un texte qu’il n’a pas eu l’occasion de prononcer et dont il fausse par ailleurs la date pour la rapprocher d’une autre intervention. La se´ance du 17 mai «fait beaucoup de bruit»1, et le mot de´finitif de de Serre provoque des re´actions en chaıˆne. Le lendemain, il est d’abord atte´nue´ dans le compte rendu officiel du Moniteur, qui espe`re en affaiblir prudemment l’effet en lui adjoignant une pre´cision dont on ne sait si elle a effectivement e´te´ formule´e par le ministre2 – preuve e´clatante, soit dit en passant, de l’inte´reˆt de l’e´dition scientifique des discours parlementaires ! Reste´s dans l’incapacite´ d’exprimer les discours qu’ils avaient pre´pare´s, les libe´raux pensent a` la publication d’un recueil de leurs opinions non prononce´es le 17 mai dont l’introduction aurait e´te´ re´dige´e par Constant3. Ce recueil ne semble pas avoir paru ; en revanche, ces discours seront imprime´s successivement dans Le Constitutionnel, et celui de Constant ouvrira la voie le dimanche 23 mai4. Les de´bats sur la question des bannis se de´placent et se poursuivent par conse´quent dans l’espace public, mais c’est surtout la rupture entre de Serre et la gauche libe´rale qui focalise l’attention. Or la rupture menace aussi jusque dans le camp des doctrinaires et surtout au sein meˆme du ministe`re ou` deux tendances diffe´rentes se sont fait jour a` l’occasion de la discussion sur les bannis. Decazes prendra rapidement l’initiative de faire accorder par le roi le sursis a` une poigne´e de re´gicides, mesure qui ne convainc personne puisqu’elle trouble encore davantage le message du gouvernement, et provoque la cole`re des royalistes sans s’attirer pour autant la reconnaissance des libe´raux pour qui la rupture est consomme´e. Constant est a` l’aise dans cette situation politique si complexe et le sujet des bannis le concerne aussi au premier chef ; ne va-t-il pas justement, quelques mois plus tard, e´crire et publier successivement dans La Minerve ses Lettres sur les Cent-jours ? Il avait e´te´ radie´ de la liste des proscrits sur la base du me´moire apologe´tique qu’il avait adresse´ directement a` Louis XVIII au lendemain de Waterloo, mais il ne pouvait pas ne pas se sentir 1 2

3 4

Correspondance de M. de Re´musat, t. V, p. 419. «[...] jamais !, sauf, comme je l’ai dit, les tole´rances accorde´es par la cle´mence du roi a` l’aˆge et aux infirmite´s.» Dans ses Souvenirs, Barante «ne [se] souvien[t] pas bien si la phrase place´e apre`s le mot jamais fut re´ellement prononce´e ou ajoute´e apre`s coup dans le Moniteur» (Souvenirs du Baron de Barante de l’Acade´mie franc¸aise, 1782–1866, publie´s par son petit-fils Claude de Barante, Paris : Calmann Le´vy E´diteur, 1892, t. II, p. 368). Voir aussi Me´moires du chancelier Pasquier, t. IV, pp. 292–293). Le Constitutionnel, jeudi 20 mai 1819, p. 3a. Le Constitutionnel, dimanche 23 mai 1819, p. 2b–3a. Une impression en brochure en est e´galement faite chez Brissot-Thivars. Les discours de La Fayette, Ponsard, Dupont de l’Eure et Corcelles seront publie´s les jours suivants dans le meˆme journal.

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concerne´ chaque fois qu’a` droite on fustigeait ceux qui avaient soutenu l’«usurpateur» dans sa tentative de reconqueˆte du pouvoir. Dans son intervention du 19 juin, il se montre particulie`rement incisif, tranchant meˆme, de´fendant avec une extreˆme vigueur une cause perdue d’avance, mais il met de´ja` en place une strate´gie qu’il suivra presque syste´matiquement a` l’avenir et qui consiste a` justifier ses revendications par le respect des lois existantes. Le sujet des bannis ou plus ge´ne´ralement du traitement a` appliquer aux «coupables» du passe´, avec tout le corollaire des questions politiques qu’il suppose, reviendra en force a` la session suivante lorsque sera de´battue l’e´ligibilite´ de l’abbe´ Gre´goire. Constant y poursuivra le meˆme combat ... avec le meˆme re´sultat.

Le budget Comme cela a e´te´ de´ja` dit, les Chambres, en cette session de 1818–1819, sont encore en rodage parlementaire, ce qui se ve´rifie de fac¸on particulie`rement sensible a` propos des de´bats, longs et tre`s diversifie´s quant a` leurs objets, relatifs a` la question des comptes et du budget. C’e´tait la premie`re fois que les comptes (ceux de 1818) e´taient mis en discussion devant les de´pute´s et la construction du budget e´tait aussi une relative nouveaute´ pour ceux-ci, d’autant plus qu’il s’agissait a` la fois de discuter sur la gestion du ministre pre´ce´dent, Corvetto, largement de´sapprouve´e par la gauche, et sur celle du ministre actuel, le baron Louis, juge´ ge´ne´ralement plus compe´tent et fiable. Pour Constant, le budget constituera toujours une pre´occupation majeure. Non pas tant du point de vue comptable ou gestionnaire (on lui reprochera souvent ses approximations sur ce plan), mais du point de vue politique : c’est la` que les parlementaires ont a` jouer leur roˆle de la fac¸on la plus efficace, en controˆlant l’usage fait par l’E´tat des sommes verse´es par les contribuables, c’est-a`-dire par ceux que les de´pute´s sont cense´s repre´senter. La gestion des fonds publics est, pour Constant, le re´ve´lateur le plus efficace des dispositions du gouvernement a` l’e´gard du bien commun ; c’est donc la` que le controˆle du pouvoir doit s’exercer avec le plus d’engagement. Il exprimera cela tre`s explicitement du haut de la tribune, dans son intervention du 28 mai 1819 : «le budget est l’arme du peuple contre tous les abus, contre les abus politiques aussi bien que financiers. C’est une arme le´gale, paisible, constitutionnelle : vous devez vous en servir pour toutes les re´formes que votre amour du bien public vous fait de´sirer ; et, en votant le budget, vous devez, quoi qu’on puisse vous dire, examiner toutes les ques-

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tions qui touchent a` la de´pense, non seulement dans leurs rapports avec les finances, mais dans leurs rapports avec la liberte´»1. De fait, pour le de´pute´ libe´ral, ainsi que l’exprime Kurt Kloocke en commentant cette citation, «le seul moyen du parlement de se saisir effectivement du pouvoir politique est la loi budge´taire. Il le dit ouvertement, non pas pour assurer le pouvoir du parti libe´ral, ce qui aurait e´te´ tout simplement impossible, mais pour de´montrer dans la pratique le me´canisme constitutionnel»2. Ce sont deux lois diffe´rentes qui sont vote´es par la Chambre relativement au budget : l’une sur les de´penses, l’autre sur les recettes. Chaque fois, les de´penses et les recettes des diffe´rents ministe`res sont successivement discute´es, d’ou` la tre`s grande varie´te´ des objets commente´s par les de´pute´s. La discussion de mai, juin et juillet 1819 sur les comptes et le budget ressemble a` celles qui seront mene´es toutes les anne´es suivantes, avec cette caracte´ristique qu’«il existe une forte dichotomie entre la discussion qu’elle [la loi] suscite ge´ne´ralement et son vote final. Alors que la discussion donne aux parlementaires l’opportunite´ de se placer sur un terrain politique et de critiquer le gouvernement, le vote en revanche est ge´ne´ralement acquis a` une forte majorite´, comme s’il apparaıˆt impossible de refuser un acte financier dont l’adoption est indispensable pour la bonne marche de l’E´tat»3. On comprend ainsi pourquoi Constant, malgre´ les e´checs re´pe´te´s au moment des votes (un seul des innombrables amendements propose´s par lui sera adopte´), s’acharnera a` la tribune chaque fois qu’il sentira l’occasion d’illustrer par l’exemple les principes ge´ne´raux qu’il de´fend. La dernie`re intervention de Constant lors de cette session, prononce´e le 10 juillet, concerne une pe´tition relative a` la suspension d’un professeur de l’E´cole de droit qui avait e´te´ accuse´ d’avoir fomente´ des troubles au sein de l’institution. Une fois de plus, son intervention n’aura pas de succe`s au vote, mais il aura profite´ encore de cette occasion pour rappeler aux de´pute´s qu’ils sont la` pour de´fendre l’e´quite´ et le respect des lois, c’est-a`-dire pour remplir honneˆtement leur fonction dans une monarchie parlementaire digne de ce nom, et non pas pour suivre aveugle´ment les inte´reˆts politiques de leur camp. Ce sera le dernier jour de de´libe´rations de la Chambre des de´pute´s dans cette session avant la se´ance de cloˆture qui se tiendra le 17 juillet devant a` peine une soixantaine de de´pute´s pre´sents pour e´couter la lecture de la proclamation royale : «La session de 1818 de la chambre des de´pute´s et de la chambre des pairs est et demeure close»4. F. J. et F. R. 1 2 3 4

Voir ci-dessous, p. 218. Kloocke, Biographie, p. 244. Histoire du Parlement de 1789 a` nos jours, p. 142. Moniteur, no 199, 18 juillet 1819, p. 962b.

Opinion sur le projet de loi relatif a` la re´pression des de´lits de la presse.*

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(Se´ance du 14 avril 1819.)1

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MESSIEURS, Je n’abuserai pas d’un temps dont nous devons eˆtre e´conomes ; je ne vous pre´senterai point d’ide´es ge´ne´rales sur une question que chacun de nous connaıˆt. Le projet de loi, ou pour mieux dire la partie de loi que le ministe`re vous propose aujourd’hui, car le projet actuel n’est qu’une moitie´ de loi, que cette circonstance meˆme rend tre`s imparfaite, est au moins le vingtie`me projet de´battu sur la liberte´ de la presse depuis trente anne´es2. *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 1–27 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 1–27 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 105, jeudi 15 avril 1819, pp. 450a–452b [=M] ; Chambre des de´pute´s. Opinion de M. Benjamin Constant ... sur le projet de loi relatif a` la re´pression des de´lits de la presse, [Paris :], Hacquart, s.d., 38 pp. [=Opinion] ; Cours de politique constitutionnelle, t. IV, 1820, pp. 236–267 [=CPC] ; Archives parlementaires, t. XXIII, pp. 622–629. Manuscrits : BCU, Co 4386 [=Co 4386] ; BnF, NAF 18820 [=NAF 18820] ; Co 4380, pp. 1–28 Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, jeudi 15 avril 1819, p. 3b–4ab ; (vendredi, 16 avril 1819, p. 1a, contient un commentaire hostile a` BC a` propos de l’atteinte a` la morale publique) ; La Quotidienne, no 105, jeudi 15 avril 1819, pp. 3a–4b ; Journal ge´ne´ral de France, no 666, jeudi 15 avril 1819, pp. 2a–4b ; [The´odore-Marie] de Naylies, Code de Louis XVIII... t. V, pp. 74–96.

5 Je n’abuserai pas ] 〈Je croirois abuser〉 du Co 4386 fo 1 ro ; Je n’abuserai point M 450a 5–7 je ne vous pre´senterai ... de nous connaıˆt ] corr. interl. et en surcharge de 〈si〉 je vous pre´sentais 〈des ide´es ge´ne´rales 〈& des the´ories abstraites〉 sur une question que chacun de nous 〈doit avoir conside´re´e sous toutes ses faces, depuis qu’elle se discute〉. Co 4386 fo 1 ro 9 que 9-p. 80.1 imparfaite, ... tout reste a` cette circonstance meˆme ] add. interl. Co 4386 fo 1 ro faire ] corr. en partie interl. de imparfaite, 〈par sa se´paration d’avec l’autre moitie´ qui n’aurait pas du en eˆtre se´pare´e〉, est 〈pour〉 le moins le vingtie`me 〈des〉 projets 〈qu’on a de´battus〉 sur la liberte´ de la Presse depuis 〈les〉 trente anne´es 〈qui viennent de s’e´couler〉. Tout sur cette matie`re, a donc e´te´ dit, bien que 〈rien n’ait e´te´ fait sur cette matie`re〉 tout reste a faire. 10-p. 80.1 trente anne´es / Tout a donc ] trente anne´es. Tout a donc Co 4386 fo 1 ro 1

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La discussion est de´ja` engage´e sur la loi sur la liberte´ de la presse, premie`re partie des crimes et de´lits, quand BC prend la parole. Parmi les titres de´pouille´s, seul le Journal des De´bats signale dans son compte rendu que les ministres Dessolles et de Serre pe´ne`trent dans l’he´micycle juste avant que BC ne monte a` la tribune, ajoutant qu’il se fait dans la salle un profond silence au moment ou` BC prend la parole «dans un discours e´crit». C’est le bapteˆme du feu a` la Chambre pour le de´pute´ fraıˆchement e´lu. Devant la parution incontroˆle´e d’une multitude de journaux et feuilles pe´riodiques, de`s le printemps 1789, le roi d’abord, puis la Constituante, la Convention, les instances le´gislatives du Directoire, du Consulat et de l’Empire avaient successivement e´dicte´ des re´glementations relatives a` la presse et a` la censure ; BC avait analyse´ avec acuite´ la question de la parole publique, de ses possibles de´rives et de la ne´cessite´ de la re´guler en 1797 de´ja` dans

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Tout a donc e´te´ dit sur cet objet, bien que tout reste a` faire. Les axiomes sont reconnus, les principes proclame´s : le pouvoir lui-meˆme abjure des lieux communs qu’on re´pe´tait encore, il n’y a pas cinq ans, avec complaisance. On ne parle plus de pre´venir quand il s’agit de re´primer : en exe´cution de la promesse de nous donner la liberte´, on ne nous offre plus la censure. L’instinct national ne peut plus eˆtre trompe´ ou mis en de´faut sur la liberte´ de la presse. En conse´quence, et aussi, j’aime a` le croire, par une loyaute´ honorable dans les de´positaires de l’autorite´, c’est aujourd’hui bien re´ellement de cette liberte´ qu’on nous entretient. Il se peut qu’on nous en conteste encore une portion ne´cessaire ; il se peut qu’on veuille la trop restreindre, mais enfin l’on aborde franchement la question : l’on prend un point de de´part que nous pouvons admettre. C’est la`, dans mon opinion, Messieurs ce qu’on doit exiger d’un gouvernement ; qu’il re´dige ensuite ses propositions dans un sens favorable a` son autorite´, rien n’est plus simple : nous ne devons point le lui reprocher ; c’est a` nous a` rectifier ce qu’il nous propose. 2–3 le pouvoir ... re´pe´tait encore ] corr. parfois en surcharge de 〈la preuve en est que〉 le pouvoir lui meme 〈a du〉 abjurer des lieux communs qu’il re´pe´tait encore Co 4386 fo 1 ro 5–6 On ne parle plus ... la censure. ] corr. en surcharge et interl. de 〈Il ne s’agit〉 on ne parle plus de pre´venir, quand il s’agit de re´primer : 〈On ne nous offre plus la censure〉, en exe´cution des promesses 〈faites〉 de nous donner la liberte´ on ne nous offre plus la censure. Co 4386 fo 1 7 L’instinct national ] avant ces mots les phrases banales sont use´es, les phrases ro-vo e´quivoques e´claircies. Co 4386 fo 1 vo 8–9 En conse´quence, ... de l’autorite´ ] add. en marge Co 4386 fo 1 vo 9 honorable dans les de´positaires ] honorable, souvent trop rare dans les de´positaires Co 4386 fo 1 vo 9–10 c’est aujourd’hui ... cette liberte´ ] corr. de c’est 〈donc〉 aujourd’hui bien re´ellement de 〈la〉 liberte´ 〈de la Presse〉 Co 4386 fo 1 vo 10–11 Il se peut ... ne´cessaire ] corr. interl. de Il se peut qu’on nous conteste encore une portion ne´cessaire 〈de cette liberte´〉. Co 4386 fo 1 vo 11–12 restreindre, mais ] restreindre, 〈ou l’entourer de formes trop ge´nantes〉. Mais Co 4386 fo 1 vo 13 admettre. ] admettre : 〈L’on pose une baze sur laquelle nous pouvons batir〉. Co 4386 fo 1 vo 14 ce qu’on doit exiger ] tout ce qu’on peut exiger Co 4386 fo 1 vo 15 gouvernement ; qu’il ] gouvernement. Qu’il Co 4386 fo 1 vo M 450a dans un sens favorable ] dans le sens le plus favorable Co 4386 fo 1 vo 16 plus simple : nous ] plus simple. Nous Co 4386 fo 1 vo M 450a Opinion 5 16–17 reprocher ; c’est ] reprocher. C’est Co 4386 fo 1 vo M 450a Opinion 5 17 a` rectifier ... propose ] a` nous de´fendre. 〈pourvu qu’il Il ne nous reste [? ] rien, qu’il n’essaye point de nous tromper, il est naturel apre`s cela que nous qu’il cherche dans l’inte´reˆt du pouvoir a` ne nous accorder que le moins possible, comme il est naturel [illis. ] que de notre cote´ nous sau[illis. ]dions tout ce qu’il nous paraitra le´gitime & de´sirable & possible d’obtenir.〉 Co 4386 fo 2 ro Des re´actions politiques (OCBC, Œuvres, t. I, pp. 467–488) ; il exposera ses principes sur le sujet au livre VII des Principes de politique de 1806 (OCBC, Œuvres, t. V, pp. 231–264) et au chapitre XVI des Principes de politique de 1815 (OCBC, Œuvres, t. IX, pp. 814–816), produira plusieurs textes sur le sujet en 1814 (OCBC, Œuvres, t. IX, pp. 31–187) avant de publier, en 1817, les Questions sur la le´gislation actuelle de la presse en France (OCBC, Œuvres, t. X, pp. 661–728).

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En m’exprimant ainsi, j’ai deux objets en vue : le premier, de rendre un hommage qui me semble juste a` la since´rite´ que je reconnais dans le projet actuel ; le second, auquel j’attache beaucoup plus d’importance, c’est de prouver que, si nous laissons subsister ou s’introduire des vices dans ce projet, c’est nous qui en serons responsables ; car c’est nous qui, a` dater de l’instant ou` je parle, en devenons les auteurs. Les ministres ne font pas les lois : ils les proposent ; les de´pute´s les adoptent. C’est donc une erreur commune et commode, mais infiniment grave, que de ne s’en prendre qu’aux ministres, des mauvaises lois qui se font. C’est sur nous, Messieurs, c’est sur les de´pute´s que doit peser la responsabilite´ morale de toutes les mauvaises lois : sans nous ces lois n’existeraient pas ; quand elles sont vicieuses, nous sommes coupables. Si, en 1815 et 1816, la France a e´te´ en proie a` un syste`me que je ne veux point qualifier, mais dont les de´plorables vestiges seront long-temps a` s’effacer, c’est que des lois terribles avaient e´te´ vote´es ; si, en 1817 et 1818, notre le´gislation sur la presse a e´te´ un chaos informe, du sein duquel on a vu surgir des formes de proce´dure et une the´orie d’interpre´tations qui confondaient la pense´e et qui de´truisaient toute liberte´, c’est que la le´gislation vote´e e´tait vague, incomple`te et fautive. Si, a` l’avenir, la presse est encore

1 En m’exprimant ainsi ] corr. en surcharge et interl. de En exprimant 〈cette ve´rite´, M.M.〉 Co 2 semble juste ... je reconnais ] corr. interl. de 〈paraıˆt juste〉 a` 〈une espe`ce de 4386 fo 2 ro loyaute´ [deux mots illis. ]〉 souvent trop rare 〈que j’aime a` reconnaıˆtre〉 Co 4386 fo 2 ro 3 actuel ; le second ] actuel. Le second Co 4386 fo 2 ro M 450a Opinion 5 3–4 importance, c’est de prouver ] importance, 〈& sur lequel je voudrai fixer l’attention de la France qui nous 6–7 les contemple & qui nous e´coute,〉 c’est de 〈prouver〉 vous rappeler Co 4386 fo 2 ro auteurs. / Les ministres ] les auteurs 〈Il est trop commun & trop commode MM. dans les assemble´es repre´sentatives, de s’en prendre toujours aux ministres, & de s’en prendre qu’aux ministres des mauvaises loix qui se font. On n’oublie ou l’on veut faire oublier que〉 les 7–8 proposent ... adoptent. C’est donc ] 〈sanctionnent〉 ... ministres Co 4386 fo 2 ro-vo 〈sanctionnent〉. C’est 〈donc〉 Co 4386 fo 2 vo 8–10 une erreur commune ... Messieurs, c’est ] add. en marge Co 4386 fo 2 vo 9 grave, que ] grave, 〈& qui doit frapper tous les yeux,〉 que Co 4386 fo 2 vo 11 lois : sans nous ] lois. Sans nous Co 4386 fo 2 vo M 450a 11–12 sans n’existeraient pas ; quand elles ] nous ... coupables ] add. en marge Co 4386 fo 2 vo n’existeraient pas : 〈elles ne seraient que de vains projets. Nous leur donnons la re´alite´ et la vie〉 quand elles Co 4386 fo 2 vo 13–14 que je ne veux point qualifier ] corr. interl. de 〈d’ar 15 terribles avaient e´te´ vote´es ; ] terribles 〈& de terreur et d’arbitraire〉 Co 4386 fo 2 vo vagues〉 avaient e´te´ vote´es 〈par les chambres〉. Co 4386 fo 2 vo 16 du sein duquel ] duquel M 450a 17–18 surgir ... confondaient ] surgir des vexations, des perse´cutions, des interpre´tations des de´nis de justice qui confondoient des de´nis de justice ] add. interl. Co 4386 fo 2 vo 18–19 c’est que la le´gislation ... fautive ] corr. en marge de c’est 〈qu’une loi〉 vague, incomplette, & fautive 〈e´toit sans l’assentiment des mandataires de la nations〉. Co 4386 fo 2 vo – 3 ro 19 Si, a` l’avenir, ] Si, a` l’avenir 〈Messieurs,〉 Co 4386 fo 3 ro

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esclave, ou si, ce qui est la meˆme chose, elle est sans garantie et abandonne´e au pouvoir discre´tionnaire et a` l’indulgence capricieuse des agens du ministe`re public, a` nous seuls en sera la faute, et c’est nous que les citoyens devront accuser. Pe´ne´trons-nous bien, mes colle`gues, de cette ve´rite´ : nous sommes comptables a` la nation de l’effet que la loi que nous allons adopter pourra produire. Si, par la suite de cette loi, un homme, ayant use´ de la liberte´ de la presse, se trouve injustement ruine´ par des amendes, c’est nous qui serons les auteurs de sa ruine ; si un autre, par suite de cette loi, se trouve injustement jete´ dans une prison, c’est nous qui serons les auteurs de son emprisonnement. Inscrit contre le projet, je reconnais pourtant que son premier principe est digne d’approbation. Avec amendemens nombreux, il sera possible de de´velopper le bien dont il contient le germe.

1 ou si, ce qui ... chose, elle ] ou ce qui ... si elle Co 4386 fo 3 ro abandonne´e ] abandonne´e a 2 et a` l’indulgence capricieuse ] add. interl. Co 4386 fo 3 ro 3 a` 〈l’arb〉 Co 4386 fo 3 ro nous seuls ] a nous seuls 〈Messieurs〉 Co 4386 fo 3 ro et c’est nous ] 〈&〉 c’est nous Co 4386 fo 3 ro 4 accuser ] a` la suite de ce mot un long passage biffe´ 〈Les de´pute´s qui votent des loix vicieuses sont bien plus dans leur tort que les ministres qui les exe´cutent. Les de´pute´s fournissent preparent les armes que dont les ministres se servent, & la responsabilite´ des blessures que ces armes peuvent faire & [mots illis. ] a bien plus juste titre sur ceux q dont [un mot illis. ] tombe bien moins sur ceux qui les employent que sur ceux qui les fournissent. / Ne croyez pas M.M. que je veuille par ces projets par les pre´juger le projet qui nous occupe. J’ai de´clare´ dit au contraire je [fo 3 vo ] le repe`te que le principe sur lequel [add. en marge : ] sur lequel ce projet repose est bon & digne d’approbation [fin de l’add. ] m’en parait bon ; que ce projet, defectueux sans doute, ce projet est meilleur pourtant dans son ensemble qu’aucune des loix jusqu’ici existantes, & qu’ [deux mots illis. ] nombre qu’il sera possible de de´velopper le bien dont il ce principe contient le germe ce que j’ai dit je suis ici, ma conduite le prouve, puisque je 5–6 Pe´ne´trons-nous ... suis inscrit pour parler en faveur de ce projet.〉 Co 4386 fo 3 ro-vo comptables ] corr. en marge et interl. de 〈J’ai voulu seulement vous pe´ne´trer, mes colle`gues, & me penetrer moi meˆme〉, de cette ve´rite´ 〈importante〉 : 〈que〉 nous 〈sommes〉 serons comptables Co 4386 fo 3 vo 6–7 produire. Si, par la suite ] produire ; 〈que〉 si par suite Co 4386 fo 3 vo ; produire ; si, par suite M 450a ; produire. Si, par suite Opinion 6 8 injustement ] add. interl. 9 si un autre ] que si un autre Co 4386 fo 3 vo 12 Inscrit ... pourtant ] Co 4386 fo 3 vo corr. de 〈Je me suis〉 inscrit contre le projet : 〈cependant,〉 je reconnais [dans l’interl. : ] pourtant Co 4386 fo 4 ro 12–14 Inscrit ... germe ] add. en marge suivie d’un passage biffe´ ] 〈Mais je ne pense pas qu’il faille s’inscrire pour un projet lorsqu’il renferme des vices sans la disparition desquels on est de´cide´ a ne point l’adopter. Cette Cette inscription anticipe´e parait en quelque sorte un assentiment pre´alable, qui entache d’inconse´quence l’opposition subse´quente. Je parle donc contre le projet, & je je voterai contre, si je n’obtiens pas les amendemens qui me paraissent indispensables. Mais je dois saluer en passant〉 Co 4386 fo 4 ro 13 Avec amendemens ] Avec des amendemens Co 4386 fo 4 ro Discours 1827 I 4 M 450a Opinion 7 CPC 239

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Il repose sur une maxime profonde´ment vraie, e´minemment salutaire, celle que la presse n’est qu’un instrument qui ne donne lieu a` la cre´ation ni a` la de´finition d’aucun crime ou de´lit particulier et nouveau. Cette de´claration franche et loyale est un pas immense dans la carrie`re des ide´es saines et ve´ritablement constitutionnelles. La presse, de´clare´e un simple instrument, perd, aux yeux du gouvernement, le caracte`re d’hostilite´ spe´cial qui a sugge´re´ a` tous les gouvernemens tant de fausses mesures ; elle perd aussi, aux yeux des amis trop ombrageux de la liberte´, ce titre chime´rique a` une inviolabilite´ exage´re´e que re´clamaient pour elle, a` des e´poques horribles, des hommes qui voulaient en abuser : elle redevient ce qu’elle doit eˆtre, un moyen de plus d’exercer une faculte´ naturelle, moyen semblable a` tous ceux de divers genres dont les hommes disposent, et qui doit, de meˆme que tous les autres, eˆtre libre dans son exercice le´gitime, et re´prime´ seulement dans les de´lits qu’il peut entraıˆner. Maintenant, Messieurs, je prendrai le projet dans ses diverses parties, et j’indiquerai les amendemens que ma conviction me fait de´sirer. J’aurais voulu ajourner mes observations jusqu’a` la discussion des articles ; mais j’ai senti qu’il fallait les avoir tous parcourus, et meˆme avoir e´tudie´ le second projet, pour bien appre´ cier les motifs de chaque amendement. Si j’avais attendu la discussion partielle, j’aurais e´te´ oblige´ de rappeler, dans l’examen

1 Il repose sur ] dans l’interl., a` la place d’un passage biffe´ 〈J’ai eu l’honneur de vous annoncer au commencement que je ne me livrerais point a` l’expose´ des principes parce qu’ils sont tous connus, & que je ne vous presenterais point d’observations ge´ne´rales parce qu’elles seraient toutes superflues. Je saluerais seulement en passant, comme [?]〉 Co 4386 fo 4 ro 4 franche et loyale ] add. interl. Co 4386 fo 4 ro 5 simple ] add. interl. Co 4386 fo 4 ro 5–14 La presse, de´clare´e ... qu’il peut entraıˆner. ] add. sur un papier colle´ remplac¸ant un passage biffe´ 〈les expressions Il est bon qu’elle partant [add. interl. : ] pareil principe soit parti [fin de l’add. interl. ] de la bouche d’un ministre il est utile de la faire retentir a` la Tribune de la 7 tous les gouvernemens ] tous les gouvernemens nation. Elle s’e´tend〉 Co 4386 fo 4 ro mesures ; elle perd ] mesures. Elle perd Co 4386 fo 4 ro jusqu’a` ce jour Co 4386 fo 4 ro 10 abuser : elle ] abuser. Elle Co 4386 fo 4 ro M 450b 11 moyen semblable ] moyens 13 et re´prime´ ] et re´primer semblables M 450b 12 et qui doit ] devant Co 4386 fo 4 ro Discours 1827 I 4 15–18 diverses parties ... qu’il fallait ] corr. en surcharge et interl. du passage divers articles, 〈je comprendrai ceux qui me sembleront s’[papier abıˆme´ par l’humidite´ ] avec le principe qui est qui doit eˆtre la baze de la loi,〉 & j’indiquerai les amendemens que 〈dans〉 ma 〈conscience je trouve indispensables. Si vous daignez me preˆter quelque attention, vous concevrez facilement pourquoi je n’ai pas〉 ajourne´ mes observations jusqu’a` la discussion 19–20 amendement. ... partielle ] des articles : 〈car vous sentez〉 qu’il faut Co 4386 fo 4 vo amendement 〈que j’aurai l’honneur de vous proposer dans la discussion partielle de sorte que〉 si j’avais attendu 〈la〉 〈celle〉 la discussion 〈partielle〉 partielle Co 4386 fo 4 vo

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de chaque article en particulier, ce qui se rapporte a` tous ou pour le moins a` plusieurs. Le premier article du projet de loi indique les moyens de publicite´ par lesquels on peut se rendre coupable de crime, de tentative de crime ou de complicite´. La presse n’e´tant qu’un de ces moyens, l’on place a` coˆte´ d’elle, dans le meˆme article, les cris et menaces, les e´crits non imprime´s, les dessins, gravures, peintures et emble`mes1. Le de´sir louable de rester fide`le au principe que la presse n’est qu’un instrument, a motive´, je le conc¸ois, cette e´nume´ration. Mais alors le titre de la loi aurait duˆ eˆtre : Loi sur les moyens de publicite´, a` l’aide desquels on peut commettre des crimes ou de´lits, ou y provoquer ; car plusieurs des moyens e´nume´re´s dans la loi n’ont aucun rapport avec la liberte´ de la presse. Le contenu de la loi est donc en opposition avec son titre actuel. C’est un de´faut. Cependant, comme ce n’est qu’un de´faut d’intitule´, je ne l’aurais pas meˆme releve´, si l’objection que je viens de vous soumettre n’avait retenti autour de moi dans cette enceinte et hors de cette enceinte.

1 en particulier ] add. interl. Co 4386 fo 5 ro 1–2 pour le moins a` plusieurs ] du moins a` plusieurs autres Co 4386 fo 5 ro 5–6 La presse n’e´tant ... meˆme article ] corr. de 〈autre abus 5–9 La presse n’e´tant ... e´nume´ration. ] add. de ces moyens ont e´te´ place´s〉 Co 4386 fo 5 ro 9–13 Mais alors ... son titre actuel ] passage remplac¸ant le en marge Co 4386 fo 5 ro pre´ce´dent biffe´ 〈Je ne vois pas trop pourquoi Mais fallait-il dans une loi indiquant intitule´e loi sur la liberte´ de la Presse l’on a e´nume´re´ des de´lits qui n’ont aucun rapport avec la Presse. Je conc¸ois bien qu’on a e´te´ entraine´ a` cette e´nume´ration par le desir louable de cette fide´lite´ aux principes que la Presse n’est qu’un instrument〉 Le meˆme passage est suivi de quelques lignes biffe´es 〈elle s’e´tend [fo 5 vo ] sur des objets tre`s diffe´rents de celui contre lequel le titre annonce qu’elle est dirige´e.〉 Co 4386 fo 5 ro-vo 10 aurait ] corr. interl. d’un mot illis. Co 4386 fo 5 ro sur ] corr. interl. de 〈contre〉 Co 4386 fo 5 ro 10–11 Loi sur les moyens ... ou y provoquer ] pas en italique Discours 1827 I 5 Opinion 8 11–13 car plusieurs ... de la presse ] add. dans la marge Co 4386 fo 5 ro 13 donc ] add. interl. Co 4386 fo 5 ro 14 de´faut. Cependant ] de´faut ; cependant M 450b 16 et hors de cette enceinte ] pas dans M ; apre`s ces mots, cinq lignes biffe´es 〈J’ai cru [? ] que je devais a` la passion [? ] en quoi cette objection est fonde´e & pourquoi [trois mots illis. ] n’est pas tre`s grave〉 Co 4386 fo 5 vo

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Le premier article de la premie`re loi propose´e par le garde des Sceaux de Serre le 22 mars : «Quiconque, soit par des discours tenus, soit par des cris ou menaces profe´re´s dans des lieux ou re´unions publics, soit par des e´crits, des imprime´s, des dessins, des gravures, des peintures ou embleˆmes vendus ou distribue´s, mis en vente ou expose´s dans des lieux et re´unions publics, soit par des placards et affiches expose´s aux regards du public, aura provoque´ l’auteur ou les auteurs de tout crime ou tentative de crime, a` les commettre, sera re´pute´ complice, et puni comme tel. Sera e´galement re´pute´ complice, et puni comme tel, quiconque, par les meˆmes moyens, aura provoque´ l’auteur ou les auteurs de tout de´lit a` le commettre.» (Moniteur, supple´ment au no 82, 23 mars 1819, p. 343a).

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Je consens donc, Messieurs, a` ce que les e´crits non imprime´s, les dessins, les gravures, les peintures, les emble`mes, soient de la compe´tence d’une loi sur la liberte´ de la presse. J’espe`re que la re´daction de cette loi, et les formes de la proce´dure, formes qui seront de´termine´es par le second projet, pre´viendront les pro ce`s odieux et ridicules dans lesquels le ge´nie d’une interpre´tation inquisitoriale attribuait a` des estampes ou a` des tableaux de fantaisie, des intentions cache´es, des ressemblances se´ditieuses, et un sens coupable : on ne cre´era point de crimes constructifs pour autoriser des accusations absurdes ; on ne fera point naıˆtre la pense´e sous pre´texte de la re´primer ; on n’agitera point des hommes paisibles, en les poursuivant du fantoˆme de souvenirs importuns, ou de la pre´voyance chime´rique de chances faˆcheuses, que la raison re´prouve, que l’inte´reˆt public repousse, et qui ne prendraient une apparence de consistance, fausse, mais toujours funeste, que si l’indiscre´tion trop ze´le´e des autorite´s subalternes s’opiniaˆtre a` les supposer. Mais je ne saurais eˆtre aussi indulgent, Messieurs, pour les mots cris et menaces profe´re´s dans les lieux ou re´unions publics. Je sais gre´ aux auteurs du projet de loi d’avoir voulu substituer une disposition plus douce a` la loi du 9 novembre et a` l’article 1021 du Code 5 les proce`s odieux ] le renouvellement des ces proce`s odieux Co 4386 fo 5 vo- 6 ro 5–6 dans lesquels le ge´nie ... attribuait ] dans lesquels ... attribuaient M 450b dans lesquels on a vu le ge´nie ... attribuer Co 4386 fo 6 ro 8 cre´era point ] cre´era plus Co 4386 fo 6 ro constructifs ] imaginaires M 450b 8–12 on ne cre´era point ... de chances ] corr. interl., en marge et en surcharge de en cre´ant ainsi le crime pour autoriser une accusation absurde, 〈faisant〉 naıˆtre la pense´e 〈inquie`te〉 sous pre´texte de la re´primer 〈& agitant〉 des hommes paisibles en les pour9 fera suivant de souvenirs importuns, ou de la pre´voyance de chances Co 4386 fo 6 ro 10 on n’agitera point ] on n’agitera plus Co 4386 fo 6 ro point ] fera pas Co 4386 fo 6 ro 13 prendraient ] prennent Co 4386 fo 6 ro apparence de consistance, fausse ] apparence 17 re´unions publics ] apre`s ces fausse M 450b 14 que si ] que lorsque Co 4386 fo 6 ro mots viennent plus de trois pages du manuscrit, qui n’ont pas e´te´ reprises dans la version de´finitive Je comprends que ces cris et ces menaces pouvant eˆtre des causes de de´sordre, il faut organiser contre ces de´monstrations perturbatrices des moyens de re´pression. 〈Cependant, quelques observations prises et l’expe´rience vous ferons sentir je le pense, l’inconve´nient d’une〉 mais la mention spe´ciale de ce genre de de´lit dans la loi actuelle a au moins l’inconve´nient de l’inutilite´. 〈Etablissons d’abord les diverses manie`res dont ces crimes ou de´lits peuvent se commettre〉. Des cris ou menaces peuvent eˆtre profe´re´s dans des lieux publics a` la suite d’une conspiration ou d’un complot contre l’ordre e´tabli & 〈pour〉 dans le but de faire e´clater cette conspiration au moment fixe´ entre les conjure´s. Dans ce cas il y a des loix contre les conspirations & les complots. C’est dans ces loix comme partie du complot ou de la conspiration que les cris ou [fo 7 ro ] menaces doivent trouver leur peine. Il est inutile d’en parler ici. Des cris ou menaces peuvent eˆtre profe´re´s au milieu d’un attroupement produit par 1

La loi du 9 novembre 1815, tre`s restrictive, e´dicte´e sous le gouvernement des ultras ; dans son «Opinion sur le projet de loi relatif a` la liberte´ de la presse» prononce´e a` la Chambre des pairs le 19 janvier 1818, Chateaubriand e´mettait de´ja` les meˆmes re´serves que BC au sujet de la confusion entre cris et e´crits (F.-R. de Chateaubriand, Œuvres politiques : (l’e´dition inte´grale), e-artnow, 2015 – e´d. non pagine´e). L’article 102 du Code pe´nal de 1810 : «Seront punis comme coupables des crimes et complots mentionne´s dans la pre´sente section, tous ceux qui, soit par discours tenus dans des lieux ou re´unions publics, soit par

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pe´nal, plus pre´cis dans ses termes, mais d’une se´ve´rite´ excessive. Mais je prouverai tout a` l’heure que la combinaison de cette disposition de l’article 1er avec d’autres articles des deux projets de loi sur la presse, le rendrait oppressif et vexatoire. J’ajourne cette preuve jusqu’a` l’examen de l’article, parce que cet article m’obligera de revenir sur cette question. Les articles 4 et 5 ont, dans leur totalite´, le vice qu’a l’article 1er dans l’une de ses parties1. Rien ne de´te´riore les lois comme les re´miniscences. Elquelque hazard inattendu, par quelque irritation populaire, & contribuer a` rendre plus deplorables les effets de cet attroupement. Mais il y a des loix contre les attroupemens, c’est par ces loix que les cris ou menaces doivent alors eˆtre frappe´s, comme circonstances & partie du de´lit d’attroupement. Leur mention ici est donc e´galement inutile. / 〈Mais ce qui n’est qu’inutile dans ces deux cas devient dangereux & injuste dans les autres. Car la severite´ de´mesure´e est une injustice pour les citoyens & un pe´ril pour l’autorite´ qu’elle rend odieuse. Si vous ecartez l’ide´e de complots pre´me´dite´s, si vous ecartez celle d’un attroupement fortuit, que deviennent alors les cris et menaces une explosion subite et grossie`re [fo 7 vo ] provoque´e par la de´mence, l’yvresse la misere ou le de´sespoir. / Remarquez bien que jamais un homme, qui, n’e´tant pas un insense´ voudra ne´anmoins provoquer du de´sordre, ne comettra pas des cris ou menaces dans des lieux publics. Il ne profe´rera ces cris ou ces menaces qu’apre`s avoir pre´pare´ tous ses autres moyens de bouleversement. Il ne les profe´rera qu’a` la fin, au moment de la crise qu’il aura travaille´ a` amener. Mais il aura e´te´ coupable longtems auparavant. C’est comme coupable longtems auparavant qu’il faut le punir. Il y a des loix pour cela. Celle-ci n’y a nul rapport. Elle ne doit pas s’en occuper. Lorsqu’il n’y / Remarquez de plus M.M. contre quelle classe ces mots de l’article 1er du projet de loi sont dirige´s. C’est presque〉 [ici se termine le septie`me feuillet du manuscrit qui reprend au nume´ro 11 (f o 8 r o) avec ce paragraphe ] Le retranchement des mots cris & menaces, profe´re´s dans des lieux ou reunions publics 〈seront〉 sera donc M.M. l’un des amendemens que j’aurai l’honneur de vous proposer. Co 4386 fo 6 vo – 8 ro 6-p. 87.2 Les articles 4 & 5 ... les distinguer. ] corr. en marge et interl. de 〈Je passe aux〉 articles 4 & 5. Ici, 〈M.M. permettez-moi une observation preliminaire qui sera tre`s courte. Ce qui nuit le plus a` la perfection〉 des loix, 〈c’est qu’on les fait avec〉 des re´miniscences. 〈Ces reminiscences〉 faussent les ide´es. Les loix deviennent des plans d’attaque 〈ou de defense, des retranchemens des remparts contre des ennemis spe´ciaux qu’on suppose exister souvent a` tort〉 elles perdent par la` 〈leur〉 impartialite´, 〈leur〉 ge´ne´ralite´, 〈leur utilite´〉. Co 4386 fo 8 ro 7-p. 87.1 re´miniscences. Elles ] re´miniscences ; elles M 450b placards affiche´s, soit par des e´crits imprime´s, auront excite´ directement les citoyens ou habitants a` les commettre. Ne´anmoins, dans le cas ou` lesdites provocations n’auraient e´te´ suivies d’aucun effet, leurs auteurs seront simplement punis du bannissement.» BC est bien aise de mettre en cause, sur le meˆme point, a` la fois une loi de l’Empire et une loi de la Restauration. 1

Article 4 de la premie`re loi propose´e le 22 mars : «Sera re´pute´e provocation au crime, et punie des peines porte´es par l’article 2, toute attaque formelle par l’un des moyens e´nonce´s en l’article 1er, soit contre l’ordre de successibilite´ au troˆne, soit contre l’autorite´ constitutionnelle du Roi et des Chambres.» Article 5 : «Seront re´pute´s provocation au de´lit et punis des peines porte´es par l’article 3 : 1o Tous cris se´ditieux publiquement profe´re´s, autres que ceux qui rentreraient dans la disposition de l’article 4 ; 2o L’enle`vement ou la de´gradation des signes publics de l’autorite´ royale, ope´re´s par haine ou me´pris de cette autorite´ ; 3o Le port public de tous signes exte´rieurs de ralliement non autorise´s par le Roi ou par des re`glements de police ; 4o L’attaque formelle des droits garantis par les articles 5 et 9 de la Charte constitutionnelle.» (Moniteur, supple´ment au no 82, 23 mars 1819, p. 343a et b).

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les faussent les ide´es. Les lois deviennent des plans de de´fense ou d’attaque. Elles perdent par la` l’impartialite´, la ge´ne´ralite´ qui doit les distinguer. Deux re´miniscences ont pre´side´ aux articles 4 et 5. L’attaque formelle contre la successibilite´ au troˆne ou contre la forme du gouvernement, est un acte de re´volte. C’est un crime. L’article 1er du projet de loi a donc de´ja` pourvu a` son chaˆtiment, en de´clarant complice de tout crime quiconque y provoquerait par la voie de la presse comme par tout autre moyen. L’article 2 a pourvu de meˆme a` la punition de la tentative. L’article 4 se trouve donc compris dans l’article 1er. La re´pe´tition est inutile. Il en est de meˆme de la pre´tendue garantie que l’article 5 veut assurer a` la liberte´ des cultes et aux biens nationaux. La garantie a` la liberte´ des cultes se trouve dans les articles 260, 261, 262, 263 du Code pe´nal1. La garantie des biens nationaux se trouve dans la Charte et dans les lois ge´ne´rales, qui assurent l’inviolabilite´ de toutes les proprie´te´s2. Ne faisons plus de distinctions, Messieurs, entre les proprie´te´s dont chaque Franc¸ais jouit le´galement, et sans avoir rien a` craindre. Pour qu’une proprie´te´ soit inviolable, toutes doivent l’eˆtre. L’ombre meˆme d’une diffe´rence e´branle celles qu’on croit affermir. Si ceux qui posse´dent leur he´ritage depuis des sie`cles, e´taient 1–2 d’attaque. Elles ] d’attaque ; elles M 450b 3 Deux re´miniscences ... 4 et 5. ] corr. de 〈Des〉 reminiscence 〈de ce genre〉 ont pre´side´ 〈a` ces deux〉 articles Co 4386 fo 8 ro 4 du gouvernement ] apre`s ces mots 〈[mots illis.] l’autorite´ constitutionnelle du Roi & des cham8–9 a` la punition de la tentative ] a` la 〈tentative〉 punition de la bres〉 Co 4386 fo 8 ro-vo tentative Co 4386 fo 8 vo 9–10 l’article 1er. La re´pe´tition ] l’article 1er ; la re´pe´tition M 450b 15 l’inviolabilite´ de toutes les proprie´te´s. ] c’est par ces mots que de´bute le f o 22 r o, nume´rote´ 12, du manuscrit NAF 18820. Le feuillet pre´ce´dent, 11, se trouve sous la cote BCU Co 4386 f o 8 15–19 Ne faisons plus ... croit affermir ] add. en marge NAF 18820, fo 22 ro 18 l’eˆtre. L’ombre ] l’eˆtre ; l’ombre M 450b 19-p. 88.5 Si ceux qui posse`dent ... les obtiennent ] add. dans l’add. en marge ; le bas du f o, sur un papier colle´ est en partie illis. NAF 18820, fo 22 ro 1

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Code pe´nal de 1810 : «ARTICLE 260. Tout particulier qui, par des voies de fait ou des menaces, aura contraint ou empeˆche´ une ou plusieurs personnes d’exercer l’un des cultes autorise´s, d’assister a` l’exercice de ce culte, de ce´le´brer certaines feˆtes, d’observer certains jours de repos, et, en conse´quence, d’ouvrir ou de fermer leurs ateliers, boutiques ou magasins, et de faire ou quitter certains travaux, sera puni, pour ce seul fait, d’une amende de seize francs a` deux cents francs, et d’un emprisonnement de six jours a` deux mois. ARTICLE 261. Ceux qui auront empeˆche´, retarde´ ou interrompu les exercices d’un culte par des troubles ou de´sordres cause´s dans le temple ou autre lieu destine´ ou servant actuellement a` ces exercices, seront punis d’une amende de seize francs a` trois cents francs, et d’un emprisonnement de six jours a` trois mois. ARTICLE 262.Toute personne qui aura, par paroles ou gestes, outrage´ les objets d’un culte dans les lieux destine´s ou servant actuellement a` son exercice, ou les ministres de ce culte dans leurs fonctions, sera punie d’une amende de seize francs a` cinq cents francs, et d’un emprisonnement de quinze jours a` six mois. ARTICLE 263. Quiconque aura frappe´ le ministre d’un culte dans ses fonctions, sera puni du carcan.» En particulier, l’article 9 de la Charte affirme : «Toutes les proprie´te´s sont inviolables, sans aucune exception de celles qu’on appelle nationales, la loi ne mettant aucune diffe´rence entre elles.»

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moins garantis contre tout genre d’agression, que ceux qui les ont acquis depuis trente anne´es, je croirais ces derniers bien peu en suˆrete´. Les biens dits nationaux sont, comme tous les autres biens, sous l’e´gide des lois. Ils n’ont pas besoin de privile´ges spe´ciaux. Ils doivent les repousser quand on les leur offre. Les privile´ges e´branlent les droits de ceux qui les obtiennent. Quel insense´, d’ailleurs, penserait encore que les biens nationaux peuvent eˆtre menace´s ? Toute provocation qui tendrait a` ce but serait impuissante comme la de´mence. La France sait trop qu’on ne pourrait toucher aux biens nationaux sans entraıˆner un bouleversement et une ruine comple`te : cette ruine meˆme ne les rendrait pas a` leurs anciens possesseurs. L’e´poque est passe´e ou` les Francs ont subjugue´ les Gaulois. Quant a l’enle`vement ou a` la de´gradation des signes publics de l’autorite´ royale ou au port public de signes de ralliement non autorise´s, nul doute que ces choses ne soient des de´lits. Si, comme l’honorable rapporteur nous l’a dit1, rien, dans nos lois, ne les de´signe et ne les punit suffisamment, il faut pourvoir a` cette lacune : mais peut-on y pourvoir dans une loi sur la presse ? Se glisser de nuit au haut d’un monument pour y enlever un signe de l’autorite´ royale, est-ce abuser de la liberte´ d’e´crire ? et celui qui aura porte´ une cocarde verte, sera-t-il condamne´ comme un auteur ou comme un imprimeur ? Dira-t-on, Messieurs, que des pre´cautions surabondantes ne peuvent pas nuire ? ce n’est point mon avis : trop de pre´cautions inquie`tent. La 1 tout genre d’agression ] l’attaque ou la spoliation NAF 18820, fo 22 ro 2 peu en suˆrete´ ] 3 nationaux ] pas en apre`s ces mots La spoliation est contagieuse. NAF 18820, fo 22 ro italique Opinion 11–12 CPC 243 tous les autres biens ] tous les autres NAF 18820, fo 22 ro 4 spe´ciaux. Ils ] spe´ciaux ; ils M 450b 5 offre. Les privile´ges ] offre ; les privile´ges M 450b d’ailleurs ] add. interl. NAF 18820, 6 Quel insense´ ] & quel insense´ NAF 18820, fo 22 ro 7–9 Toute provocation ... ruine comple`te ] qui pourroit y toucher sans entrainer la fo 22 ro France dans un bouleversement sans exemple, dans une ruine comple`te. NAF 18820, fo 22 ro 9–10 comple`te : cette ruine ] complette. Cette ruine M 450c NAF 18820, fo 22 ro 10 ne les 10–11 L’e´poque ... rendrait pas ] ne 〈les〉 rendroit pas ces biens NAF 18820, fo 22 ro Gaulois. ] Nous ne sommes plus a` l’e´poque ou` les Francs ont subjugue´ les Gaulois. fin de l’add. en marge NAF 18820, fo 22 ro 16 peut-on ] add. interl. NAF 18820, fo 22 ro 17 Se glisser ] corr. interl. et en surcharge de 〈pour l’homme qui se sera〉 glisse´ NAF 18820, fo 22 ro glisser M 450c 18 est-ce abuser ] corr. interl. et en surcharge de 〈comme s’il avait〉 abuse´ NAF 18820, fo 22 ro 18–20 et celui qui ... comme un imprimeur ? ] corr. interl. et en surcharge de 〈condamner punir comme auteur ou imprimeur〉 celui qui aura porte´ une cocarde verte 〈me paroıˆt [mot illis. ] doit-il eˆtre〉 conside´re´ comme un auteur ou un imprimeur. NAF 21 pre´cautions inquie`tent ] apre`s ces mots 〈on ne croit jamais assez a` la 18820, fo 22 ro solidite´ des maisons qu’on avoit trop e´taye´es〉 NAF 18820, fo 22 vo 22-p. 89.1 La confiance ... des autres ] corr. interl. de La confiance 〈seule inspire〉 la confiance NAF 18820, fo 22 vo 1

Courvoisier avait effectivement regrette´ cette lacune du Code pe´nal dans le rapport qu’il avait prononce´ le 10 avril (Archives parlementaires, t. XXIII, p. 572b). Dans les notes ciapre`s, les de´pute´s sont de´signe´s par leur seul nom. Pour les informations un peu plus de´taille´es a` leur sujet, voir le re´pertoire du personnel politique en fin de volume.

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confiance en soi commande seule la confiance des autres, et un gouvernement n’est jamais plus stable que lorsqu’il est bien convaincu lui-meˆme de sa propre stabilite´. Et qui pourrait, Messieurs, e´branler cette conviction dans l’esprit de notre gouvernement ? De tous les gouvernemens de la terre, une monarchie constitu tionnelle est celui ou` l’ordre de la succession au troˆne est le mieux assure´, parce que la liberte´ y existe, parce que la liberte´ attache tous les gouverne´s a` l’autorite´ qui la prote`ge et qui la respecte ; parce que, dans une monarchie constitutionnelle, le prince ne saurait mal faire, puisque rien ne s’y fait que sous la responsabilite´ des ministres. Ce n’est que sous les gouvernemens despotiques, sous les gouvernemens entache´s d’arbitraire, que l’on peut craindre pour l’ordre de la succession au troˆne. La`, toutes les espe´rances, comme toutes les alarmes, sont des choses individuelles, ondoyantes, qui changent chaque jour suivant les bruits qui circulent, les intrigues qu’on trame, les manœuvres que l’on substitue a` l’empire de la loi ; mais dans une monarchie constitutionnelle l’empire de la loi est immuable ; de`s lors tout est fixe ; il n’y a lieu a` aucune inquie´tude, parce qu’avec la constitution il n’y a possibilite´ d’aucun pe´ril. Or, Messieurs, nous avons une charte qui nous garantit, une nation qui veut cette charte, un roi qui est uni a` la nation dans cette volonte´ ferme et prudente. La Charte, la liberte´, la succession au troˆne, tout est indivisible. Comment donc, Messieurs, tout ne serait-il pas assure´ ? Loin de nous des pre´cautions superflues dont l’effet serait de paraıˆtre de´celer des craintes chime´riques qui, sous l’empire de la Charte, n’existent ni ne peuvent exister. J’aurai donc l’honneur de soumettre a` la Chambre un second amendement, tendant a` retrancher les articles 4 et 5. L’article 61, Messieurs, ne m’avait pas suffisamment frappe´ avant le rap1–3 et un gouvernement ... propre stabilite´. ] et pour qu’un Gouvernement soit stable, il faut qu’il commence par croire a` sa stabilite´. NAF 18820, fo 22 vo 4 conviction ] croyance NAF 8 qui la respecte ] qui la gouverne CPC 245 12 de la succession ] de 18820, fo 22 vo 〈successibilite´〉 NAF 18820, fo 23 ro 16 de la loi ; mais ] de la loi. Mais M 450c NAF 18820, 17 fixe ; il n’y a ] fixe. Il n’y a M 450c 18 il n’y a possibilite´ d’aucun ] il n’y a fo 23 ro pas possibilite´ d’aucun M 450c 20 un roi qui est uni ... ferme et prudente ] un roi qui dans cette volonte´ ferme et prudente est uni NAF 18820, fo 23 ro-vo 21 tout est indivisible. ] tout est indivisible ! Opinion 14 22 donc, Messieurs, tout ne ] donc tout, Messieurs, ne M 450c Opinion 14 NAF 18820, fo 23 vo 23 Loin de nous ] Loin de nous donc 〈M.M.〉 NAF 18820, fo 23 vo 24 sous l’empire de la Charte ] add. interl. NAF 18820, fo 23 vo 28 L’article 6, Messieurs ] ici commence la version manuscrite BnF, NAF 18820, fo 13 ro 1

L’article 6 pre´sente´ le 22 mars : «Il n’est point de´roge´ aux lois qui punissent la provocation et la complicite´ re´sultant de tous autres actes que les faits de publication pre´vus par le pre´sent titre.» Le 10 avril, Courvoisier avait fait re´fe´rence aux discussions tenues a` la Chambre en de´cembre 1817 et janvier 1818 sur le «Projet de loi relatif aux abus de la liberte´ de la presse», projet qui fut finalement rejete´ le 23 janvier 1818. BC commente ce projet

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port de votre commission ; mais le commentaire de l’honorable rapporteur a e´veille´ mes craintes. Apre`s avoir cite´ cet article, une question, vivement de´battue l’an dernier, nous a-t-il dit, trouve sa source dans cette disposition. L’imprimeur ne peut-il eˆtre pre´venu de complicite´, s’il a rempli les diverses formalite´s que lui impose la loi du 21 octobre 18141 ? M. le rapporteur a de´cide´ que, d’apre`s l’article 6 du projet actuel, l’imprimeur pourrait eˆtre poursuivi. Il me semble que, par cette interpre´tation, Messieurs, nous sommes rejete´s dans cette jurisprudence trop connue, triste he´ritage qui, depuis cinq ans, sous notre gouvernement constitutionnel, a constamment fourni a` l’autorite´ le moyen de frapper dans sa base la liberte´ de la presse2. Vous ne pouvez avoir oublie´, Messieurs, quelles the´ories ont e´te´ plus d’une fois professe´es par les organes du ministe`re public, sur la complicite´ des imprimeurs ; l’on a dit qu’il fallait les fatiguer de saisies, les effrayer de condamnations, et des jugemens nombreux, qui s’exe´cutent encore, ont e´te´ rendus par les tribunaux contre des imprimeurs re´pute´s complices. Le gouvernement semblait l’avoir senti. Dans la loi qui vous fut pre´sente´e a` la fin de 1817, les responsabilite´s e´taient gradue´es ; l’imprimeur n’e´tait responsable que lorsque l’auteur, le traducteur ni l’e´diteur, n’e´taient connus ou domicilie´s en France.3

5 M. le rapporteur ] & il NAF 18820, fo 13 ro 9 trop connue, triste he´ritage ] impe´riale, triste 10 a constamment fourni ] a fourni CPC 246 he´ritage du despotisme NAF 18820, fo 13 ro 10–11 fourni a` l’autorite´ le moyen ] e´lude´ la disposition positive de la Charte, & fourni aux 14 l’on a dit ] avec quelle naı¨vete´ l’on a dit Tribunaux le moyen NAF 18820, fo 13 vo les effrayer ] & les effrayer NAF 18820, fo 13 vo publiquement NAF 18820, fo 13 vo 15 et des jugemens nombreux ] & quels jugemens NAF 18820, fo 13 vo 18 gradue´es ; l’imprimeur ] gradue´es. L’imprimeur NAF 18820, fo 13 vo M 450c

dans les Annales de la session de 1817 a` 1818 (OCBC, Œuvres, t. X, pp. 960–977) ; on y trouve de´ja` bien des arguments avance´s dans le pre´sent discours et les suivants. 1

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La loi du 21 octobre 1814 relative a` la liberte´ de la presse, titre II, «De la Police de la Presse», BdL, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k486115x/f342.item, dont l’application fut rendue caduque par une ordonnance royale du 20 juillet 1815. BC fait allusion ici aux diffe´rents avatars des lois tre`s restrictives de l’Empire et de la Restauration dont il a e´te´ question plus haut. BC reprend presque mot a` mot la teneur de l’article 4 du projet de loi : «L’imprimeur n’est responsable que lorsque l’auteur, ou le traducteur, ou l’e´diteur ne sont pas connus, ou ne sont pas domicilie´s en France, ou lorsque l’auteur ou le traducteur n’ont pas consenti a` l’impression de l’ouvrage.» (Moniteur, no 322, 18 novembre 1817, p. 1272a).

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Je sais, Messieurs, que deux objections m’attendent. L’on me dira que je de´truis le principe du projet, principe que j’ai approuve´ de toutes mes forces, et que, puisque la presse n’est qu’un instrument, il ne peut eˆtre question d’une garantie particulie`re pour les imprimeurs qui doivent, comme les auteurs, comme tous les citoyens, rentrer dans le droit commun, jouir de son be´ne´fice et supporter ses charges. Cette re´ponse serait pe´remptoire s’il n’y avait point, comme votre rapporteur vous l’a dit, un article du projet actuel qui maintient toutes les anciennes lois1. Mais rien n’empeˆche le ministe`re public d’interpre´ter, comme par le passe´, ces anciennes lois. Serait-ce la premie`re fois que, par une combinaison singulie`re mais fre´quente, malgre´ son apparente singularite´, le ministe`re public aurait agi contre les discours et le sens donne´ aux lois par les ministres qui les avaient propose´es ? Qui nous garantit que ce phe´nome`ne ne se reproduira pas de nouveau ? On me dira encore que l’examen des lois et re´glemens qui frappent les imprimeurs, doit eˆtre l’objet d’une mesure poste´rieure, et je ne veux, a` ce sujet, nourrir ou e´lever aucun doute. Mais, comme sans cette mesure aucune loi protectrice de la presse n’est possible ou efficace, je dirai que la libe´ration des imprimeurs devait eˆtre pre´sente´e et vote´e en meˆme temps que les trois autres lois, et puisque le rapporteur de votre commission a vu, dans l’art. 6, que l’ancienne le´gislation sur les imprimeurs e´tait maintenue, je suis excusable assure´ment de voir, dans ce meˆme projet, un danger contre lequel il faut nous mettre en garde. 4 question d’une garantie ] mention d’une garantie NAF 18820, fo 14 ro 9 Mais rien n’empeˆche ] Rien n’empeche NAF 18820, fo 14 ro 14 pas de nouveau ? ] add. en marge Le ministe`re public je le sais est revocable a` volonte´. Mais puis le paragraphe est comple´te´ par : Jusqu’ici grace aux moyens de re´vocation que l’Institution Royale non encore confe´re´e partout a fourni a` nos Ministe`res successifs, & grace aux moyens d’avancement dont ils pourront toujours disposer, les seuls magistrats inamovibles ont e´te´ de fait les magistrats re´vocables. 15–16 l’examen ... qui frappent les imprimeurs ] corr. interl. et en NAF 18820, fo 14 vo mesure ] corr. interl. de 〈loi〉 NAF marge de 〈l’e´tat d〉es imprimeurs NAF 18820, fo 14 vo 18820, fo 14 vo 17 doute. Mais ] doute ; mais M 451a 18 protectrice ] corr. de 〈tutelaire〉 18–19 libe´ration ] de´livrance M 451a Opinion 17 CPC 248 NAF 18820, fo 14 vo 19 libe´ration des imprimeurs ] corr. interl. de 〈mise〉 de´livrance 〈a l’abri〉 des imprimeurs NAF en meˆme temps que ] corr. interl. de 〈avec〉 NAF 18820, fo 15 ro 23 il 18820, fo 14 vo faut ] corr. en surcharge a` la place de je 〈dois〉 NAF 18820, fo 15 ro 1

Pour l’article 6 du projet pre´sentement discute´, voir plus haut. «Ne´anmoins, les auteurs, traducteurs, e´diteurs et imprimeurs d’un e´crit qui provoquerait directement a` des crimes, et les libraires ou tous autres qui en feraient la vente ou la distribution, en sont tous e´galement responsables, et peuvent eˆtre poursuivis en meˆme tems en raison dudit e´crit.» (Moniteur, no 322, 18 novembre 1817, p. 1272a).

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Je proposerai donc que les articles 1, 2, 3, 4 et 5 du projet de loi de 1817 soient substitue´s a` l’art. 6 du projet actuel, sauf a` demander ensuite, dans une pro position subse´quente, et par une pre´caution qu’aucune loi sur la presse ne peut rendre superflue, que le brevet des imprimeurs ne puisse de´sormais leur eˆtre retire´ a` volonte´1. Je ne m’e´tendrai pas d’ailleurs sur cette matie`re : elle est trop connue de vous tous, Messieurs ; vous savez assez que, sans des sauvegardes formelles et suffisantes pour les imprimeurs, il n’y aura jamais de liberte´ de la presse. Je pourrais vous citer, a` ce sujet, les raisonnemens du ministre que vous avez vu long-temps sie´ger a` la place que remplit si dignement aujourd’hui M. le garde des sceaux, et qui n’a jamais e´te´ accuse´ de fermer les yeux sur des dangers de la licence2. Que si, malgre´ ce que je viens d’avoir l’honneur de vous dire, on m’accusait de multiplier les amendemens et d’introduire dans le projet de loi des objets qui lui sont e´trangers, j’oserai vous supplier d’observer que ce n’est pas ma faute. Pourquoi morceler ainsi des lois qui ont entre elles des rapports ine´vitables ? Si un ministe`re voulait nous tromper, je concevrais ce morcellement ; mais un ministe`re de bonne foi, dont les inte´reˆts sont ceux de la nation, dont les intentions ne sont pas suspectes, doit pre´senter des lois comple`tes, pour n’avoir pas a` craindre le parti que d’autres pourront tirer des omissions et des lacunes qui auraient de´figure´ ses projets. 3 proposition ] proportion Opinion 17 7 Messieurs ; vous ] M.M. Vous NAF 18820, fo 15 ro 10–11 long-temps sie´ger ... garde des sceaux ] longtems a` la place de M. le garde des sceaux NAF 18820, fo 15 vo 13–14 on m’accusait de multiplier ] on m’accusoit 〈encore〉 de 〈mettre〉 17 ine´vitables ? Si ] ine´vitables. Si NAF 18820, fo 15 vo multiplier NAF 18820, fo 15 vo 18 morcellement ; mais ] morcellement. Mais NAF 18820, fo 15 vo Opinion 18 18–19 sont 20 pourront tirer ] pourroient tirer ceux de la nation ] sont les notres NAF 18820, fo 15 vo 21 omissions et ] omissions ou CPC 249 NAF 18820, fo 16 ro

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Les articles du projet de loi de 1817 : «Art. 1er. L’auteur connu et domicilie´ en France d’un e´crit imprime´ est seul responsable de son contenu. 2. L’auteur connu et domicilie´ en France, de la traduction imprime´e d’un ouvrage, en est responsable. 3. L’e´diteur d’un ouvrage dont l’auteur est de´ce´de´ avant de l’avoir publie´, ou n’est pas connu, ou n’est pas domicilie´ en France, en est responsable. 4. L’imprimeur n’est responsable que lorsque l’auteur, ou le traducteur, ou l’e´diteur ne sont pas connus, ou ne sont pas domicilie´s en France, ou lorsque l’auteur ou le traducteur n’ont pas consenti a` l’impression de l’ouvrage. 5. Si l’auteur, le traducteur, l’e´diteur ou l’imprimeur d’un ouvrage ne sont pas connus, ou qu’aucun d’eux ne soit domicilie´ en France, le libraire et tous autres qui vendent ou distribuent ledit ouvrage, en sont responsables.» (Moniteur, no 322, 18 novembre 1817, p. 1272a). BC e´voque les deux ministres qui se sont succe´de´ au portefeuille de la justice, E´tienneDenis Pasquier (garde des Sceaux du 19 janvier 1817 au 18 septembre 1818) et Hercule de Serre (du 30 de´cembre 1818 a` de´cembre 1821).

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L’article 7 est ainsi conc¸u : «Quiconque, par l’un des moyens e´nonce´s en l’article 1er de la pre´sente loi, se sera rendu coupable d’imputations ou alle´gations offensantes, ou d’injures envers la personne du roi, sera puni d’un emprisonnement qui ne pourra eˆtre de moins de six mois, ni exce´der cinq anne´es, et d’une amende qui ne pourra eˆtre au dessous de 500 fr., ni exce´der 10,000 fr.»1 Cet article comprend, comme vous le voyez, Messieurs, tous les moyens e´nonce´s dans l’art. 1er, par conse´quent les cris et les menaces. Il ajoute le mot d’injures, et par la` se met en rapport avec l’art. 14 du second projet2, portant que les de´lits d’injures seront juge´s par les tribunaux de police correctionnelle. Certes il n’est pas dans ma pense´e d’atte´nuer le de´lit d’injure contre le monarque constitutionnel. Plus une monarchie est libre, plus le respect pour la personne du roi doit eˆtre profond. L’honneur, la re´putation, la gloire du roi qui re`gne par une Charte est un patrimoine national. Dans une telle organisation politique, le roi et le peuple sont inse´parables, et quiconque outrage l’un, porte atteinte a` la dignite´ de l’autre. Mais je maintiens, Messieurs, que, dans aucun cas, le de´lit d’injures contre le roi ne peut eˆtre commis par un homme qui aura rec¸u l’e´ducation la plus ordinaire et qui jouira de sa raison, a` moins qu’il n’en soit prive´ tout a` coup par quelque malheur, non pre´vu, non me´rite´ ; ce malheur, le pre´cipitant lui et sa famille dans une situation sans reme`de, pourrait lui arracher quelques paroles inconside´re´es qui ne nuiraient qu’a` lui seul, et seraient plutoˆt le cri du de´sespoir ou de l’agonie qu’un de´lit pre´me´dite´. J’ajoute cette phrase, parce que 1 L’article 7 ... «Quiconque ] autre re´daction J’ai dit M.M. dans mon examen de l’article premier que je craignais que dans certaines circonstances les pre´venus de cris & de menaces ne fussent prive´s du Be´ne´fice du Jury. Je vois en effet 〈dans l’art 〉 que dans le septie`me article, que quiconque NAF 18820, fo 23 vo 2 en l’article 1er de la pre´sente loi ] dans le premier, par conse´quent par des cris ou des menaces NAF 18820, fo 24 ro 7 vous le voyez ] vous voyez M 451a 9 le mot d’injures ] pas en italique Discours 1827 I 13 M 451a Opinion 19 CPC 249 7–11 Cet aricle comprend ... police correctionnelle ] Mais dans l’article 14e du second projet, je vois que les de´lits d’injures seront juge´s par les tribunaux de police correctionnelle NAF 18820, fo 24 ro 12 Certes ] Certes, M.M. NAF 18820, fo 24 ro 17 a` la dignite´ de l’autre ] a` l’autre CPC 250 21 me´rite´ ; ce malheur ] me´rite´. Ce malheur CPC 250 ce malheur ] corr. 22 pourrait lui arracher ] corr. interl. de 〈ne〉 lui interl. de 〈qui〉 NAF 18820, fo 24 vo arracherait NAF 18820, fo 24 vo 1 2

BC cite exactement l’article en question, sauf qu’il n’en reprend que le premier paragraphe. Comme nous l’avons explique´ dans l’introduction, la loi se de´compose en trois projets ; le second, auquel se re´fe`re BC, est intitule´ «De la poursuite et du jugement des crimes et de´lits commis par la voie de la presse ou par tout autre moyen de publication.» (Moniteur, supple´ment au no 82, 23 mars 1819, pp. 343c–344b).

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nous savons tous qu’a` une e´poque qui n’est pas encore fort e´loigne´e, des serviteurs de l’Etat, vieillis laborieusement dans des fonctions obscures et remplies avec ze`le, ont e´te´ prive´s, sous pre´texte de leurs opi nions, du fruit de vingt anne´es de travail : des cris re´pre´hensibles ont alors pu e´chapper a` tel infortune´ qui, quelquefois avant de s’oˆter la vie, s’est plaint du roi, sans re´fle´chir qu’entre la personne sacre´e du monarque et lui, s’e´tait jete´e, a` la faveur des orages, une foule d’interme´diaires passionne´s, vindicatifs ou inte´resse´s, qui interceptaient la justice et qui trompaient la bonte´ royale1. Mais, a` cette exception pre`s, j’affirme que le de´lit d’injures contre le roi ne sera jamais commis que par des hommes de la classe pauvre, ignorante, de´nue´e de tout, de cette classe que le moindre accident livre d’un jour a` l’autre aux angoisses de la faim, et contre laquelle se tournent meˆme les che´tives consolations qu’elle cherche ; car ces tristes consolations ne se trouvent que dans l’intempe´rance qui obscurcit sa raison de´ja` si faible, et qui soule`ve ses passions que les lumie`res n’ont pas dompte´es. Sans doute il faut la re´primer, mais il faut la re´primer par des moyens proportionne´s a` ses fautes. Or ces fautes, Messieurs, n’ont pas le danger qu’on leur suppose. Cette classe ne conspire pas a` elle seule : on pourrait meˆme dire qu’elle ne conspire jamais. Il est possible, par des moyens exe´crables, par des agens infames, de l’entraıˆner a` consentir a` des complots qu’elle n’entend point2. 2 des serviteurs ] 〈et ou`〉 des serviteurs NAF 18820, fo 25 ro 3 ont e´te´ prive´s ] se sont vus prive´s NAF 18820, fo 25 ro sous pre´texte ... opinions ] pas dans NAF 18820, fo 25 ro 4 des cris re´pre´hensibles ] de pareils murmures NAF 18820, fo 25 ro alors ] add. interl. NAF 18820, 4–5 pu e´chapper ... infortune´ ] premie`re re´daction pu 〈leur〉 e´chapper NAF 18820, fo 25 ro 6–7 jete´e ... orages ] add. interl. NAF 18820, fo 25 ro passionne´s, vindicatifs ] fo 25 ro 10 de la classe ] termes suivis de passionne´s, aveugles, vindicatifs NAF 18820, fo 25 ro quatre lignes barre´es dont je vous ai de´ja` parle´, dans un e´tat d’yvresse brutale grossie`re et de souffrance extreˆme peut-eˆtre [une ligne illis. ] NAF 18820, fo 25 ro- vo la suite du texte reprend pauvre, ignorante ] avant ces mots 〈uniquement contre la classe〉 NAF 18820, au fo 19 ro fo 19 ro 11 de´nue´e de tout, ... accident livre ] de´nue´e de tout, 〈que le malheur de sa condition expose a` tant de revers impre´vus, parce〉 que le moindre accident 〈la〉 livre NAF 18820, fo 19 ro 17 Or ces fautes ] avant ces mots 〈Ils〉 NAF 18820, fo 19 ro 1

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Peut-eˆtre y aurait-il la` une allusion a` la condamnation de Chevalier et Reynaud, re´dacteurs de la Bibliothe`que historique ainsi que de leur imprimeur Hocquet en juillet 1818 (A. de Vaulabelle, Histoire des deux Restaurations, t. V, Paris : Perrotin,51860, pp. 24–26). Dans un article de La Minerve (III, 3, 21–22 aouˆt 1818 – OCBC, Œuvres, t. XI, pp. 366–368), BC s’e´le`ve contre les pressions subies par leur avocat, Franc¸ois Mauguin, qui sera aussi l’avocat de Wilfrid Regnault dans la ce´le`bre affaire ou` BC joua un roˆle majeur (OCBC, Œuvres, t. XI, pp. 467–681). BC avait assure´ment en me´moire ses propres actions contre les agents provocateurs de la police lors de l’affaire Charles Laine´ en septembre 1818 (OCBC, Œuvres, t. XI, pp. 683– 715).

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Honte alors et me´pris a` qui l’e´gare ! Mais laisse´e a` elle-meˆme, elle murmure quand elle souffre. Lorsqu’elle travaille, elle s’apaise et se tait. Lorsqu’elle souffre trop, elle pousse des cris, et c’est pour cela qu’il faut punir les cris avec mode´ration et meˆme avec indulgence. Je sais que nous ne sommes plus dans le temps ou`, par un renversement e´pouvantable et bizarre, la classe qui posse´de tout dressait des embuˆches a` la classe qui n’a rien, et surprenant, sous quelque travestissement ignoble, la confiance des artisans pauvres, leur arrachait des paroles grossie`rement absurdes, puis les traıˆnait devant des juges force´s de les envoyer dans des cachots. Mais, Messieurs, ne de´cre´tons rien qui puisse, si tout a` coup le pouvoir ministe´riel passait en d’autres mains, ramener des e´poques pareilles. Rayons de nos lois les mots qui les rappellent, quand ces mots ne sont pas d’une ne´cessite´ e´vidente. N’introduisons surtout pas ces mots dans des lois ou` il est manifeste qu’ils sont de´place´s. Car certes, quelque gravite´ qu’on veuille attacher aux cris et menaces profe´re´s dans les lieux publics, quand ces cris et ces menaces sont profe´re´s, et c’est l’ordinaire, par des hommes qui, pour la plupart, ne savent pas e´crire, il est e´trange de les comprendre dans une loi destine´e a` re´primer les abus de la presse. Je vous ai dit, Messieurs, qu’il fallait proportionner les peines aux fautes, et ici se pre´sente, dans mon opinion, un autre vice du projet. L’art. 2 porte que tous les de´lits e´nonce´s dans l’art. 1er, par conse´quent aussi les cris et menaces, seront punis d’un emprisonnement qui pourra s’e´lever a` deux

1 me´pris ] me´pris e´ternel NAF 18820, fo 19 vo 7–10 et surprenant, sous quelque travestissement ignoble, ... dans des cachots ] passage tre`s remanie´ dans le manuscrit, avec de nombreux repentirs difficiles a` restituer : 〈& ces hommes decore´s, prenant les diligences et les cabarets [corr. en marge : ] lieux publics de re´union de la classe l’espe`ce la moins cultive´e [fin de la corr. en marge ] pour le theatre de leur exploit〉 et [mot biffe´ illis. en dessus de la ligne ] surprenant sous quelque ignoble travestissement 〈ignoble faisoient causer〉 la confiance des 〈pauvres〉 artisans pauvres 〈des garc¸ons terrassiers, des marchands de peaux de lapin, pour〉 leur arrachait [corr. en surcharge de arracher ] des paroles grossie`rement absurdes, puis conside´rant que 〈le cabaret〉 l’endroit ou` ils e´toient seuls avec leurs victimes e´toit un lieu public, & et que les mots dits a` l’oreille e´toient des cris se´ditieux, trainoient ces malheureux devant des 11–12 le pouvoir juges qui les envoyoient dans des cachots. NAF 18820, fo 19 vo – 20 ro ministe´riel passait en d’autres mains ] le pouvoir changeoit de main NAF 18820, fo 20 ro 13 quand ces mots ] quand ils corr. en surcharge de quand ces mots NAF 18820, fo 20 ro 14 mots ] corr. interl. de 〈loix〉 NAF 18820, fo 20 ro dans des lois ] dans nos lois M 451a 15 de´place´s. Car ] de´place´s ; car M 451a 17–18 qui, pour la plupart, ne savent pas e´crire ] premie`re re´daction : 〈qui〉 ne savent pas e´crire seconde re´daction : 〈dont〉 la plupart ne savent pas e´crire qui, pour la plupart ] add. en marge NAF 18820, fo 20 ro 22–23 par conse´quent 23-p.96.1 s’e´lever a` deux aussi les cris et menaces ] add. interl. NAF 18820, fo 20 vo anne´es ] corr. interl. de 〈eˆtre de moins de trois mois〉 NAF 18820, fo 20 vo

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anne´es, et d’une amende qui ne pourra eˆtre au-dessous de 200 fr. L’art. 7 e´le`ve la de´tention la plus courte a` six mois, et a` 500 le minimum de l’amende. Vous sentez, sans que je le dise, combien, vu la classe qui seule, comme je l’ai prouve´, peut se rendre coupable de de´lits pareils, ces amendes seraient ruineuses, et vous sentirez aussi facilement qu’un emprisonnement de deux ans, d’un an, meˆme de trois mois, n’est pas moins ruineux. L’unique ressource du pauvre, c’est son travail. Interrompre son travail, c’est le re´duire a` la mise`re. Apre`s trois mois d’interruption, vous le rejetez dans la socie´te´, mais nu, affame´, de´pourvu de tout, lui et sa famille. Ne voyez-vous pas toutes les tentations du crime qui se pre´sentent ? De telles mesures pre´parent le de´sordre au lieu de le re´primer. Remarquez de plus, Messieurs, que, par l’art. 14 du second projet, les pre´venus de ces de´lits sont prive´s du be´ne´fice du jury. Or, voudriez-vous que ces hommes, c’est-a`-dire l’exce`s du malheur ou l’exce`s de la mise`re, fussent juge´s dans des causes qui paraissent, bien a` tort sans doute, mais enfin qui paraissent tenir a` la politique, autrement que par des jure´s1 ? 1 200 ] corr. interl. de 〈500〉 NAF 18820, fo 20 vo 2 minimum ] pas en italique M 451a 3 que je le dise ] que je 1–3 L’art. 7 e´le`ve ... de l’amende ] pas dans NAF 18820, fo 20 vo vous le dise CPC 253 4–5 de´lits pareils, ... ruineuses ] cris ou menaces dans des lieux publics, une amende de 〈500〉 200 fr. est ruineuse NAF 18820, fo 20 vo 6 de deux ans, d’un an, meˆme ] pas dans NAF 18820, fo 20 vo 7 L’unique ressource ] La ressource unique corr. de 〈La proprie´te´, la ressource, l’unique〉 ; La et unique add. interl. NAF 18820, fo 20 vo 14 Or, voudriez-vous ] Or, voudrez-vous Discours 1827 I 16 Opinion 23 CPC 253 ; termes pre´ce´de´s par Je ne re´pe´terai pas ici ce que j’ai eu l’honneur de vous dire tout a` l’heure add. en marge sur ce dommage irre´parable que causent a` ces hommes pauvres pour un instant de de´lire des amendes trop fortes ou de trop longs emprisonnemens, mais je vous demanderai si vous 15–17 fussent juge´s ... par des jure´s ?] soient juge´s par nos voulez NAF 18820, fo 25 vo Tribunaux correctionnels ? Ils le seront pourtant d’apre`s cet article, car remarquez qu’il ne s’agit pas ici des e´crivains, mais de quiconque se sera rendu couplable 〈d’injures contre la personne du Roi〉 du de´lit dont il est question par l’un des moyens e´nonce´s en l’article 1er 〈donc pour le de´lit〉 par conse´quent, par des cris ou des menaces. 〈Ils seront donc prive´s de Jure´s〉. Voulez-vous, M.M. je vous le demande encore qu’ils soient juge´s par nos Tribunaux correctionnels ? Je m’abstiens de rien ajouter a` cette question [suivent quelques mots biffe´s illis. ] NAF 18820, fo 25 vo 1

Dans son article publie´ dans le Mercure du 1er fe´vrier 1817 sur le de´bat des Chambres relatif au projet de loi d’alors sur la liberte´ de la presse, BC e´crivait : «ce qui est excellent quand il s’agit de jure´s, est tre`s-mauvais quand il s’agit de juges. Dans le premier cas c’est la conscience, dans le second l’arbitraire qui prononce. [...] l’introduction du jury peut seule simplifier les difficulte´s et garantir re´ellement la liberte´ de la presse.» (OCBC, Œuvres, t. X, pp. 435–436) Dans la conception libe´rale, le jury constitue un rempart et une garantie que n’offre pas le pouvoir discre´tionnaire des juges des cours correctionnelles.

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Relisez les tristes annales de 1815, de 1816 et meˆme de 1817, et consultez, pour vous de´cider, votre expe´rience et votre conscience. Cet article, Messieurs, sera donc l’objet d’un quatrie`me amendement. Mais comme la re´flexion que je viens de vous soumettre s’applique a` plus d’un des articles qui vont suivre, cet amendement devra porter sur tous ces articles. Le projet de loi punit, dans l’art. 8, les outrages a` la morale publique et aux bonnes mœurs1. Ne voyez-vous pas ici un vague effrayant ? L’outrage aux bonnes mœurs se comprend : l’outrage a` la morale publique ne se comprend pas, ou, ce qui est la meˆme chose, peut se comprendre de mille manie`res. Entend-on par morale publique la religion ? Eh ! Messieurs, qui ne sait que la religion est un bienfait ? qui ne sait que l’on est heureux de croire, et que, lorsque l’on croit, on est meilleur, parce qu’on est plus heureux ? Mais est-ce par la se´ve´rite´ des lois que la religion prospe`re ? J’aurais ici trop a` vous dire. Je crains de quitter mon sujet. Je me bornerai a` vous demander, en admettant que la morale publique soit la religion, ce que signifie le mot d’outrages, dans un pays ou` la liberte´ des cultes est reconnue. Dire qu’une religion est fausse, sera-ce l’outrager ? Et cependant, partout ou` la liberte´ religieuse existe, elle implique le droit, pour chacun, de dire que sa religion est la seule vraie. Restreindrez-vous la morale publique aux principes ge´ne´raux communs a` toutes les religions ? vous allez faire des tribunaux une are`ne de me´taphysique. Sur des objets tellement au-dessus de 1 Relisez ... et consultez ] add. en marge NAF 18820, fo 25 vo 3 donc ] add. interl. NAF 18820, fo 26 ro quatrie`me ] 〈troisieme〉 4e NAF 18820, fo 26 ro 4 s’applique ] s’appliquera 7 vague effrayant ? ] vague effrayant. CPC 254 12 bienfait ? qui ] NAF 18820, fo 26 ro bienfait du ciel, le seul qui puisse consoler la 〈teˆte〉 terre NAF 18820, fo 26 ro 14 se´ve´rite´ des lois ] se´ve´rite´ M 451b ; par la se´ve´rite´ des lois ] corr. en surcharge et interl. de par les loix que la religion prospe`re ? ] apre`s ces termes N’avons-nous pas vu NAF 18820, fo 26 vo dans tous les sie`cles qu’elle e´toit d’autant plus profonde [corrige´ en profondement grave´e ] 15 vous dans le cœur de l’homme que les loix intervenoient moins ? NAF 18820, fo 26 vo dire. Je ] vous dire ; je M 451b 18 est reconnue. ] est reconnue ? NAF 18820, fo 26 vo 20 la seule vraie. ] la seule vraie ? M 451b Opinion 24 NAF 18820, fo 26 vo CPC 254 22 me´taphysique. Sur ] me´taphysique ; sur M 451b 1

L’article 8 du premier projet de loi pre´sente´ le 22 mars porte que «tout outrage a` la morale publique ou aux bonnes mœurs, par l’un des moyens e´nonce´s en l’article 1er, sera puni d’un emprisonnement d’un mois a` un an, et d’une amende de seize francs a` cinq cents francs. Sont au surplus maintenues, pour les cas qu’elles re´gissent, les dispositions du Code pe´nal, section VII, titre 1er du livre III.» (Moniteur, supple´ment au no 82, 23 mars 1819, p. 343b). Sur ce sujet qui lui importe au plus haut point, BC double son intervention d’un article, «De la religion et de la morale religieuse», paru dans La Minerve franc¸aise, t. V, 21–22 avril 1819, pp. 583–589 (OCBC, Œuvres, t. III, pp. 201–206).

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notre intelligence, chaque mot a pour chaque homme un sens diffe´rent. Re´primez les outrages aux bonnes mœurs comme l’a fait l’article 287 du Code pe´nal1 ; confiez la morale a` l’e´ducation, l’e´ducation a` l’inte´reˆt et a` l’affection des pe`res, et la religion au cœur de l’homme qui ne cesse jamais d’en avoir besoin. Que ses ministres, sans recourir a` l’appui, toujours grossier, toujours maladroit, du pouvoir temporel, la fassent respecter en se faisant respecter eux-meˆmes : qu’ils soient religieux, paisibles, tole´rans ; qu’ils restent dans leur sphe`re, qu’ils fassent du bien dans leur domicile ; qu’ils ne rallument point des haines e´teintes, et ne ressuscitent pas des superstitions de´chues. Qu’aucun d’eux ne s’e´lance dans une carrie`re vagabonde et de´sordonne´e, parcourant les campagnes, trompant les cre´dules, effrayant les faibles, portant la division dans les familles, le scandale dans les hameaux, l’ignorance dans les e´coles, le trouble dans les cite´s. Alors, Messieurs, la religion se raffermira sans l’assistance des lois pe´nales, et sans le secours des cachots parce que la religion ne sera plus alors que bienfaisante et consolatrice. Je proposerai donc, par amendement, le retranchement des mots : morale publique. Nous entrons maintenant, Messieurs, dans une sphe`re nouvelle. Il s’agit de la diffamation et de l’injure. J’approuve la substitution du mot diffamation a` celui de calomnie, et je laisse a` quelqu’autre de nos honorables colle`gues, a` relever le mot beaucoup trop vague de conside´ration, et a` en demander le retranchement. Je ne veux m’occuper que du syste`me dont je vous ai de´ja` parle´, et en vertu duquel, suivant l’article 14 du second projet, la diffamation est juge´e par un jury, l’injure par les tribunaux correction2 Re´primez ] avant ce mot 〈Confesse〉 NAF 18820, fo 27 ro 3 pe´nal ; confiez ] pe´nal. Confiez NAF 18820, fo 27 ro M 451b Opinion 25 CPC 255 12 les familles, le scandale ] les familles, 〈le trouble dans les cite´s, l’ignorance dans les e´coles,〉 le scandale NAF 18820, fo 27 ro 14–15 sans l’assistance ... des cachots ] rajout en bas de page NAF 18820, fo 27 ro parce que la religion ... alors ] corr. interl. et en marge de parce qu’elle ne sera plus NAF 18820, 5–16 Que ses ministres ... consolatrice. ] add. en marge NAF 18820, fo 27 ro fo 27 ro 17 par amendement ] pour amendement Opinion 25 NAF 18820, fo 27 ro 17–18 morale publique ] pas en italique Discours 1827 I 18 M 451b Opinion 25 CPC 255 21 de calomnie ] 20–22 diffamation ... calomnie ... conside´racorr. interl. de 〈d’injure〉 NAF 18820, fo 27 ro tion ] pas en italique M 451b Opinion 26 24 duquel ] duquel 〈l’article 1〉 NAF 18820, 14 ] corr. en surcharge NAF 18820, fo 27 vo fo 27 vo 1

L’article 287 du Code pe´nal de 1810 : «Toute exposition ou distribution de chansons, pamphlets, figures ou images contraires aux bonnes mœurs, sera punie d’une amende de seize francs a` cinq cents francs, d’un emprisonnement d’un mois a` un an, et de la confiscation des planches et des exemplaires imprime´s ou grave´s, de chansons, figures ou autres objets du de´lit.»

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nels. Les articles 11, 12, 13, 15 et 18 du projet actuel traitent de l’injure contre les membres de la famille royale, les Chambres, les tribunaux et autres corps constitue´s, les souverains e´trangers et leurs ambassadeurs ou ministres ple´nipotentiaires : l’article 18 traite de plus de l’injure contre les particuliers1. Tous ces de´lits, ainsi que je viens de vous le dire, seront juge´s sans jury, si vous adoptez les dispositions qu’on vous pre´sente. J’ai demande´ la raison de cette diffe´rence, et l’on m’a fait une re´ponse que j’admets pour valable jusqu’a` un certain point. L’on ne veut pas, dit-on, fatiguer les jure´s, en les obligeant a` juger la multitude de causes peu importantes qui sont a` de´cider chaque jour, au sujet des injures que peuvent se dire des hommes d’une e´ducation peu cultive´e. Soit, Messieurs, j’admets ce motif pour les injures entre les particuliers : mais il est clair qu’il perd toute sa force, lorsqu’il s’agit d’injures contre les membres de la famille royale, les Chambres, les tribunaux, les souverains e´trangers et leurs ministres. Evidemment les injures de cette dernie`re espe`ce ne seront ni aussi nombreuses ni aussi peu importantes que les injures de particulier a` particulier. L’on a de´ja` de´roge´, et c’est une des mesures dont les re´dacteurs du projet de loi peuvent se faire honneur avec le plus de justice ; l’on a de´roge´, dis-je, a` la le´gislation qui a existe´ jusqu’ici, en introduisant le jury dans le jugement des de´lits de la presse. Qu’on fasse un 1 du projet actuel ] addition interl. NAF 18820, fo 27 vo 2 les Chambres ] contre les 4 ou ministres ] & Ministres NAF 18820, fo 27 vo 9 les Chambres NAF 18820, fo 27 vo 11 e´ducation ] apre`s ce terme 〈pas〉 NAF jure´s ] corr. de le 〈Jury〉 NAF 18820, fo 27 vo 18820, fo 28 ro 12–13 particuliers : mais ] particuliers. Mais NAF 18820, fo 28 ro Opinion 26 CPC 256 1

L’article 11 du premier projet de loi pre´sente´ le 22 mars porte : «La diffamation ou l’injure envers les membres de la famille royale sera punie d’un emprisonnement de trois mois a` trois ans, et d’une amende de trois cents francs a` cinq mille francs.» Article 12 : «La diffamation ou l’injure envers les Chambres ou l’une des Chambres sera punie d’un emprisonnement de trois mois a` trois ans, et d’une amende de trois cents francs a` cinq mille francs.» Article 13 : «La diffamation ou l’injure envers les cours et les tribunaux, et autres corps constitue´s, sera punie d’un emprisonnement d’un mois a` deux ans, et d’une amende de deux cents francs a` quatre mille francs.» Article 15 : «La diffamation ou l’injure envers les souverains et les chefs des gouvernements e´trangers sera punie d’un emprisonnement de trois mois a` trois ans, et d’une amende de trois cents francs a` cinq mille francs.» Article 18 : «L’injure contre les personnes de´signe´es par les articles 14 et 16 de la pre´sente loi, sera punie d’un emprisonnement de cinq jours a` un an, et d’une amende de vingt-cinq francs a` deux mille francs, ou de l’une de ces deux peines seulement, selon les circonstances. L’injure contre les particuliers sera punie d’une amende de seize francs a` cinq cents francs». L’article 16 punit la diffamation envers les ambassadeurs, ministres ple´nipotentiaires, envoye´s, charge´s d’affaires ou autres agents diplomatiques accre´dite´s aupre`s du roi. (Moniteur, supple´ment au no 82, 23 mars 1819, p. 343b).

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pas de plus, qu’on soumette au jury toutes les causes d’injures qui ont ou peuvent avoir un caracte`re politique, et pour l’appre´ciation desquelles l’inde´pendance, l’impartialite´, le bon sens du jury, sa raison de´gage´e des formes, et astreinte seulement a` la conviction de sa conscience, sont si de´sirables, l’on e´vitera l’inconve´nient qu’on redoute ; les jure´s ne seront pas fatigue´s par le nombre des causes, rebute´s par leur insignifiance : ils n’auront presque jamais a` prononcer que sur des causes d’inte´reˆt public. Attaquera-t-on tous les jours par des injures les Chambres, les tribunaux, les souverains e´trangers ? non, Messieurs ; des peines suffisantes, applique´es scrupuleusement par des jure´s, diminueront la fre´quence des de´lits ainsi re´prime´s. Car ce n’est pas l’impunite´, c’est la justice, et meˆme une justice se´ve`re que je re´clame ; mais une jus tice non e´quivoque, sur laquelle l’expe´rience et de tristes souvenirs ne me donnent point de doutes ; une justice telle, en un mot, que le jury seul peut me la garantir. Je l’avouerai : si les ministres se refusaient a` ce changement facile et indispensable, je me trouverais dans une grande perplexite´. Je voudrais e´prouver pour les ministres actuels toute la confiance qu’ils demandent. Cependant le pourrai-je, si, pour des raisons qui ne s’appliquent en rien, je crois l’avoir prouve´, a` la question pose´e de la sorte, pour des raisons qui ne sont valables que dans une hypothe`se toute diffe´rente, ils persistaient dans un syste`me qui livrerait a` la discre´tion des juges correctionnels le jugement de de´lits politiques, non moins difficiles a` juger que ceux qu’ils se font avec raison un me´rite d’avoir soumis a` l’inde´pendance de jure´s ? En effet, Messieurs, n’eˆtes-vous pas frappe´s de la situation de´plorable dans laquelle l’article 14 du second projet place ine´vitablement les pre´venus d’injures1, quand ils seront poursuivis devant des juges correctionnels, au 3 le bon sens du jury ] du corr. interl. d’un mot caviarde´ NAF 18820, fo 28 vo sa raison ] sa corr. interl. de 〈cette〉 NAF 18820, fo 28 vo 5 de´sirables, l’on ] de´sirables. L’on NAF 18820, fo 28 vo M 451c Opinion 27 CPC 257 qu’on redoute ; les jure´s ] qu’on redoute ; 〈l’on ne fatiguera point〉 les jure´s NAF 18820, fo 28 vo 7–8 Attaquera-t-on ] 〈L’on n’〉attaquera NAF 8 par des injures les Chambres ] par des injures le Roi, les Chambres NAF 18820, fo 28 vo 18820, fo 28 vo 9 e´trangers ? non ] e´trangers ; non NAF 18820, fo 28 vo 11 re´prime´s. Car ] re´prime´s : car M 451c 15 Je l’avouerai : si ] Je l’avouerai. Si NAF 18820, fo 29 ro Opinion 28 15–16 facile et indispensable ] facile, indispensable M 451c perplexite´. Je voudrais ] J’aurais e´te´ moins embarrasse´ il y a quatre mois. Mais je voudrais NAF 18820, fo 29 ro 18 le pourrai-je, si ] le pourrai je ? si NAF 18820, fo 29 ro 21 a` la discre´tion des juges ] corr. interl. de a` 〈l’arbitrage〉 des 〈trois〉 juges NAF 18820, fo 29 ro 23 l’inde´pendance de jure´s ? ] l’inde´pendance des Jure´s. NAF 18820, fo 29 vo M 451c 26 devant des juges correctionnels ] add. interl. NAF 18820, fo 29 vo 1

L’article 14 du deuxie`me projet «De la poursuite et du jugement des crimes et de´lits commis par la voie de la presse ou par tout autre moyen de publication» : «Les de´lits d’injure seront juge´s par les tribunaux de police correctionnelle, sauf les cas attribue´s aux tribunaux de simple police.» (Moniteur, supple´ment au no 82, 23 mars 1819, p. 344a).

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nom de corporations puissantes, de fonctionnaires e´minens, de souverains e´trangers, ou d’ambassadeurs et de ministres ? Vous sentez tous que les questions qui peuvent s’e´lever dans des causes pareilles, touchent aux inte´reˆts les plus anime´s, aux proble`mes politiques les plus importans, aux relations les plus de´licates entre le peuple et l’autorite´, entre la France et les nations voisines. Assure´ment, Messieurs, ni vous ni moi ne voulons qu’on puisse injurier impune´ment les souverains avec lesquels nous vivons en paix et en amitie´ : nous ne voulons pas meˆme re´clamer le privile´ge des repre´sailles. Nous ne demandons point, pour nos e´crivains, cette latitude d’invectives qu’ont et qu’exercent chaque jour contre nous les e´crivains de l’Angleterre, qui, diton, se montrent si effraye´s de notre licence1. Mais nous ne pouvons pas vouloir, non plus, que tout examen, tout re´cit des actes des gouvernemens e´trangers soient interdits aux Franc¸ais ; nous ne pouvons pas consentir a` bannir de France l’histoire du temps pre´sent et la connaissance de l’Europe2. Il y a plus, Messieurs ; je rends justice aux intentions actuelles des souverains allie´s de la France : je sais que ce qu’ils de´sirent since`rement et avec cordialite´, c’est que l’ordre, la paix, la prospe´rite´, re`gnent parmi nous. Mais on fait des lois pour l’avenir, Messieurs ; il se pourrait donc que, dans un avenir tre`s lointain, notre prospe´rite´ meˆme, notre amour pour notre gouvernement constitutionnel, excitassent des jalousies ; 2 et de ministres ? ] ou de ministres ? Vous sentez tous combien la lutte sera ine´gale. NAF 18820, fo 29 vo 7 Assure´ment, ... ne voulons ] corr. interl. de 〈Certes〉 M.M. 〈il n’entre〉 ni 〈dans mes pense´es ni dans celles d’aucun d’entre nous〉 ; Certes mot surcharge´ NAF 18820, 8–9 en amitie´ : nous ] en amitie´. Nous NAF 18820, fo 30 ro M 451c 10 demanfo 29 vo dons ] corr. interl. de 〈reclamons〉 NAF 18820, fo 30 ro 11–12 e´crivains de l’Angleterre, qui, dit-on, se montrent si effraye´s ] e´crivains de l’Angleterre, de cette Angletrerre, qui, dit-on, se montre si effraye´e montre add. dans la marge NAF 18820, fo 30 ro M 451c Opinion 29 14 Franc¸ais ; nous ne ] Franc¸ais. Nous ne NAF 18820, fo 30 ro M 451c 13–15 tout examen, tout re´cit ... pouvons pas ] add. en marge tout re´cit dans l’interl. NAF 18820, fo 30 ro 15 consentir ... du temps pre´sent ] corr. interl. de 〈confier〉 consentir ... du pre´sent NAF 18820, fo 30 ro 16-p. 102.14 Il y a plus ... peuples du bonheur ] add. en marge et sur papier colle´ NAF 18820, fo 30 ro 17 allie´s de la France : je sais ] a` l’e´gard de la France. Je sais M 451c ; allie´s de la France. Je sais NAF 18820, fo 30 ro Opinion 30 18 et avec cordialite´ ] avec une cordialite´ toute fraternelle NAF 18820, fo 30 ro 19 parmi nous. Mais ] parmi nous ; mais M 451c Messieurs ; il se ] Messieurs. Il se NAF 18820, fo 30 ro M 451c 21 constitutionnel ] pas dans NAF 18820, fo 30 ro 21-p. 102.1 jalousies ; que si ] jalousies. Que si NAF 18820, fo 30 ro M 451c 1

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Nous n’avons pas trouve´ a` quels propos BC fait concre`tement allusion, mais l’opinion dominante anti-re´publicaine en Angleterre e´tait re´gulie`rement alle´gue´e par la droite en France pour justifier des mesures plus ou moins gravement coercitives. BC preˆche pour lui-meˆme, car de janvier a` mai 1817, il avait publie´ dans le Mercure de France quatre «Tableaux politiques de l’Europe» (OCBC, Œuvres, t. X/1, pp. 391–402, 475–487, 551–569).

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que si, alors, quelque souverain qui ne serait pourtant pas notre ennemi public chargeait son envoye´ de faire renaıˆtre des discordes et des de´fiances, de pre´senter le ze`le de la nation pour ses institutions libres comme des fermens de de´magogie, faudrait-il oˆter a` nos e´crivains la faculte´ d’attirer au moins l’attention publique sur ces atteintes porte´es a` la dignite´ du troˆne et a` l’inde´pendance franc¸aise ? Les lois doivent tout pre´voir, Messieurs : elles ne doivent pas enlever a` un peuple des armes dont il peut avoir besoin. Encore une fois, nous ne voulons pas qu’on puisse blesser les souverains e´trangers ; mais nous croyons qu’il faut nous conserver le droit de dire notre pense´e sur les principes et sur les actes des gouvernemens europe´ens, comme ils exercent eux-meˆmes ce droit a` notre e´gard, et la loi doit eˆtre assez claire et assez pre´servatrice pour que tout e´crivain, sans eˆtre menace´ d’accusations vagues, puisse souhaiter aux rois de la sagesse, et aux peuples du bonheur. Nous devons donc, en prenant des pre´cautions le´gales contre les e´carts des e´crivains, leur donner aussi des garanties le´gales. Ces garanties, Messieurs, nous ne pouvons les leur donner que par le jury. Les tribunaux correctionnels n’ont pas assez de force pour tenir la balance entre des poids tellement ine´gaux, d’une part, des souverains, des ministres, des conside´rations politiques ; de l’autre, de simples citoyens, que ces tribunaux, il faut le dire, paraissent avoir vus jusqu’a` pre´sent avec peu de bienveillance. Je proposerai donc, comme amendement, un article additionnel qui distingue d’avance les causes d’injures qu’on peut nommer politiques, et les causes d’injures particulie`res.

1 pourtant pas ] pourtant point NAF 18820, fo 30 ro 2 de faire renaıˆtre ] de travailler a` faire 6 l’inde´pendance franc¸aise ? ] l’inde´pendance franc¸aise. NAF renaıˆtre NAF 18820, fo 30 ro 18820, fo 30 ro ; l’inde´pendance franc¸aise ! M 451c Les lois doivent tout pre´voir ] avant cette expression Je ne m’appensentirai point sur ce sujet M.M. Ces craintes come je l’ai de´ja` dit ne peuvent porter que sur un avenir fort e´loigne´. Elles seront probablement toujours chime´riques. Messieurs : elles ] Les loix NAF 18820, fo 30 ro 6–7 elles ne Mais NAF 18820, fo 30 ro doivent ... dont il peut avoir besoin. ] pas dans M 451c 8 Encore une fois, nous ] Encore une fois, M.M. nous NAF 18820, fo 30 ro 9 e´trangers ; mais ] e´trangers. Mais NAF 18820, fo 30 ro Opinion 30 qu’il faut nous ] qu’il nous faut NAF 18820, fo 30 ro 16 leur donner aussi ] 21 avoir vus ... bienveillance ] voir avec peu de leur add. interl. NAF 18820, fo 30 ro bienveillance, & qu’ils ont traite´ si souvent d’indiscrets Pamphle´taires & d’avocats sans mis23 qu’on peut nommer ] pas dans NAF 18820, fo 30 vo sion. NAF 18820, fo 30 vo 24 d’injures particulie`res ] add., en marge, d’un nouveau paragraphe Me dira-t-on de nouveau, M.M. que c’est anticiper sur l’ordre de la discussion, et que cet 〈article〉 amendement trouvera naturellement sa place dans le second projet de loi. La meˆme objection ne´cessite la meˆme re´ponse. On a divise´ deux portions de loi qui devoient eˆtre re´unies, & pour adopter l’une en conscience, il faut d’avance pre´voir & amender l’autre. NAF 18820, fo 30 vo

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J’aurai encore un amendement a` vous soumettre sur l’article 12, qui traite de la diffamation et de l’injure envers les Chambres comme corps1. Qu’appellera-t-on, dans ce cas, diffamation ou injure ? Serons-nous injurie´s si l’on nous accuse de complaisance, de connivence, de timidite´, de de´magogie ? Vous voyez que je parcours toutes les imputations. Mais comment ces imputations devront-elles eˆtre libelle´es, pour constituer, ou, ce qui est plus important, pour ne pas constituer une injure ? Ici tout est vague et arbitraire. Sera-ce une injure que de dire que nous n’aurions pas duˆ voter telle loi que l’e´crivain trouvera de´fectueuse ? sera-ce une diffamation que d’insinuer que nous n’avons vote´ cette loi que par des motifs personnels, ou meˆme blaˆmables ? Mais quel compte pourra-t-on rendre alors a` la nation, qui a le droit de savoir notre conduite ? Messieurs, qu’on mette l’honneur des pairs et des de´pute´s, comme celui des autres citoyens, sous la sauvegarde de la loi, rien n’est plus juste ; mais l’honneur des Chambres, comme corps, est dans l’opinion. La loi n’y peut rien. C’est aux Chambres a` conque´rir l’opinion. Elles y re´ussiront toujours, si elles le me´ritent. D’ailleurs, Messieurs, nous sommes surtout, nous de´pute´s des de´partemens, les mandataires du peuple. Il nous a donne´ son mandat. Chacun de ceux que nous repre´sentons a droit de s’expliquer sur la manie`re dont ce mandat est rempli parmi nous. Cet article seul du projet de loi, s’il n’e´tait pas amende´, me forcerait a` en voter le rejet ; car je ne me crois pas autorise´ a` voter une loi dans mon inte´reˆt, quand je suis partie, et que cette loi est dirige´e contre ceux qui sont mes juges. L’article 202, Messieurs, appelle une attention toute particulie`re ; il contient une difficulte´ grave, que l’honorable rapporteur a tre`s bien expo1 J’aurai encore un amendement a` ] J’en aurai encore un a` 〈pr[oposer ? ]〉 NAF 18820, fo 30 vo 2 comme corps ] add. interl. NAF 18820, fo 30 vo 5 imputations ] avant ce mot, un terme 7 constituer une injure ? ] caviarde´ assertions ? NAF 18820, fo 31 ro ; suppositions M 452a 12 des pairs ] des 〈Depu〉 constituer une injure. NAF 18820, fo 31 ro M 452a Opinion 32 Pairs NAF 18820, fo 31 ro 14 de la loi, rien n’est plus juste ; mais ] de la loi. Rien n’est plus juste. Mais NAF 18820, fo 31 ro M 452a ; de la loi, rien n’est plus juste. Mais Opinion 32 15–16 l’opinion. Elles ] l’opinion ; elles M 452a 20 rempli parmi nous ] rempli par nous CPC 262 21 en voter le rejet ; car ] en add. en marge voter le rejet. Car NAF 18820, fo 31 vo 1

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L’article 12 du premier projet : «La diffamation ou l’injure envers les Chambres ou l’une des Chambres sera punie d’un emprisonnement de trois mois a` trois ans, et d’une amende de trois cents francs a` cinq mille francs.» (Moniteur, supple´ment au no 82, 23 mars 1819, p. 343b). L’article 20, du premier projet : «Ne donneront ouverture a` aucune action en diffamation ou injure les discours tenus dans le sein de l’une des deux Chambres, ainsi que les rapports ou toutes autres pie`ces imprime´es par ordre de l’une des deux Chambres.» (Moniteur, supple´ment au no 82, 23 mars 1819, p. 343b).

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se´e, mais qu’il n’a pas, a` mon avis, re´solue1. Les membres de la Chambre, a-t-il dit, ne sont justiciables que d’elle pour les opinions qu’ils e´mettent ; mais le journaliste qui en rend compte, peut-il eˆtre coupable d’injure ou de diffamation ? Quelques membres ont pense´, a-t-il continue´, que le privile´ge du de´pute´ s’attachait exclusivement a` sa personne, et que le journaliste pouvait eˆtre poursuivi. D’autres ont re´clame´ la publicite´ des discussions voulues par la Charte2. L’honorable rapporteur est d’opinion que si la version du journal est exacte, le journaliste ne peut eˆtre expose´ a` aucune poursuite. Mais, Messieurs, comment constater cette exactitude ? Sera-ce par des de´bats devant les tribunaux, par des de´positions, par des te´moins ? Mais parmi ces te´moins seront ne´cessairement des de´pute´s. En ce cas, Messieurs, je le crains, nous passerons plus de temps en te´moignages devant les cours de justice que dans cette enceinte. Je ne crois pas avoir besoin d’insister sur les inconve´niens de ce mode, qui, outre ces inconve´niens que vous apercevez tous, a celui d’eˆtre illusoire. Car si, ce qui peut arriver sans mauvaise foi aucune, les de´pute´s dans leurs de´positions se combattent et se contredisent, qui de´cidera de l’exactitude du journaliste ? qui prononcera entre des te´moignages e´galement respectables et pourtant oppose´s ? D’un autre coˆte´, Messieurs, adopterez-vous l’avis de ceux qui veulent que le journaliste ne puisse rapporter nos opinions qu’a` ses risques et pe´rils ? Mais vous tuez la publicite´ que la Charte a voulue, non pour satisfaire la curiosite´ d’un petit nombre qui nous e´coute, mais pour que notre voix, quand il le faut, retentisse dans la France entie`re. Car la publicite´ ne doit pas se borner a` l’enceinte mate´rielle de la Chambre. L’enceinte morale de la Chambre, c’est la France. La tribune et la presse, Messieurs, sont les deux grands bienfaits de notre gouvernement constitutionnel ; mais il faut que l’une soit entoure´e de pu2 que d’elle ] que d’elles CPC 262 2–3 e´mettent ; mais ] e´mettent. Mais NAF 18820, fo 32 ro M 452a Opinion 33 CPC 262 4 diffamation ? Quelques ] diffamation. Quelques NAF 18820, fo 32 ro 8 du journal ] du jounal〈iste〉 NAF 18820, fo 32 ro 10 de´positions ] avant 12 en te´moignages ] ce mot, de´but d’un autre caviarde´ 〈tem[oins ]〉 ? NAF 18820, fo 32 ro pas dans NAF 18820, fo 32 vo 13 pas avoir besoin ] pas 〈qu’il〉 avoir besoin NAF 18820, 19 adopterez-vous ] corr. de 〈si vous〉 adoptez NAF 18820, fo 32 vo 21 pe´rils ? fo 32 vo Mais vous ] pe´rils ; mais vous NAF 18820, fo 32 vo M 452a Opinion 34 Discours 1827 I 24 Mais vous ] corr. en surcharge de or nous NAF 18820, fo 32 vo 22 la curiosite´ ] 〈la 24 Chambre. L’enceinte ] Chambre ; curiosite´〉 la curiosite´ NAF 18820, fo 32 vo–33 ro l’enceinte M 452a 26-p.105.17 La tribune et la presse ... subsister ] passage ajoute´ en marge NAF 18820, fo 33 ro 27 constitutionnel ; mais ] constitutionnel. Mais CPC 264 l’une soit entoure´e ] l’une soit 〈publ〉 entoure´e NAF 18820, fo 33 ro 1 2

Le rapport de Courvoisier comporte en effet un long de´veloppement sur la question, que BC re´sume assez fide`lement (Moniteur, no 101, 11 avril 1819, p. 432b). Comme d’autres avant lui, BC se re´fe`re a` l’article 44 de la Charte : «Les se´ances de la Chambre [des de´pute´s des de´partements] sont publiques ; mais la demande de cinq membres suffit pour qu’elle se forme en comite´ secret.»

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blicite´, comme l’autre de garanties. Il faut que nos discours traversent en tous sens notre territoire pour annoncer a` nos commettans que leurs mandataires ne de´me´ritent pas. Si, depuis 1816, nous avons fait des progre`s immenses, c’est a` vos discussions, Messieurs, a` vos discussions que j’ose louer, parce qu’alors je n’avais pas l’honneur d’eˆtre assis parmi vous ; c’est aux discours de quelques membres de cette Chambre que la France en est redevable. Oui, Messieurs, vous avez e´claire´ les esprits, et, ce qui e´tait plus ne´cessaire encore, ranime´ les courages ; vous avez fait retentir des ve´rite´s consolatrices aux oreilles d’une nation qui n’osait plus espe´rer d’elle ni de vous ; vous avez prouve´ a` cette nation que, malgre´ les passions de´chaıˆne´es et l’arbitraire organise´, la justice trouvait des de´fenseurs et l’humanite´ des organes : la nation vous a re´pondu ; des voix volontaires ont e´te´ se joindre a` vos voix autorise´es, et pour le bonheur de tous les partis, meˆme de celui que vous avez sauve´ de ses propres imprudences, les lois ont reparu, et la monarchie constitutionnelle n’a plus e´te´ en pe´ril. Un article qui laisse dans le doute si l’on rendra librement compte de vos se´ances ne peut donc subsister. Il devra eˆtre l’objet d’un amendement, ou pour mieux dire d’une explication. Si nul de nos colle`gues ne nous en propose un, je hasarderai de le faire ; mais je de´sire qu’un autre s’en charge, parce que je me de´fie de mon opinion quand je n’ai pas eu le temps de l’examiner a` loisir. Je n’ai point, il s’en faut bien, Messieurs, e´puise´ la matie`re. D’autres amendemens vous seront soumis, sans doute, par d’autres orateurs. On vous parlera, je le de´sire, et de la quotite´ des amendes qui sont exhorbitantes, et des peines de la re´cidive qui, dans les de´lits de la presse, ont bien plus de danger que dans les autres de´lits, et de l’effet que doit avoir l’abrogation de la loi du 9 novembre, quant aux pensions supprime´es par l’article 9 de cette loi, et qui, dans mon opinion, doivent eˆtre re´tablies1. 3 1816 ] corr. en surcharge sur 1817 NAF 18820, fo 33 ro 8 les courages ; vous ] les courages. Vous NAF 18820, fo 33 ro M 452a Opinion 35 CPC 264 Discours 1827 I 25 9–10 d’elle ni de vous ; vous ] d’elle ni de vous. Vous NAF 18820, fo 33 ro M 452a Opinion 35 CPC 264 Discours 1827 I 25 12 organes : la nation ] organes. La nation NAF 18820, re´pondu ; des voix ] re´pondu. Des voix NAF 18820, fo 33 ro Opinion 35 CPC 264 fo 33 ro 17 Il Discours 1827 I 25 ont e´te´ se joindre ] ont ose´ se joindre NAF 18820, fo 33 ro devra eˆtre ] 〈Cet article〉 Il devra 〈donc〉 eˆtre NAF 18820, fo 33 ro 18 nos ] add. interl. NAF 18820, fo 33 ro 19 de le faire ; mais ] de le faire. Mais NAF 18820, fo 33 ro Opinion 36 CPC 265 20 temps ] 〈loisir〉 tems NAF 18820, fo 33 ro 22 Je n’ai point, il s’en faut bien, ] corr. de 〈Ils sont M.〉 Je n’ai point il s’en faut NAF 18820, fo 33 ro 28 re´tablies ] apre`s ce mot, onze lignes biffe´es difficiles a` restituer & enfin de l’article 6, qui semble consacrer la solidarite´ des imprimeurs & les re´glemens actuels sur la police de la librairie, solidarite´ et re´glemens qui, s’ils [illis. ]tent, rendront [add. interl. illis. ] impuissantes les [mot illis. ] des loix possibles en faveur d’une de nos plus pre´cieuses liberte´s. NAF 18820, fo 33 vo 1

L’article 9 de la loi du 9 novembre 1815 porte que «Sont encore de´clare´s se´ditieux les discours et e´crits mentionne´s dans l’article 5 de la pre´sente loi, soit qu’ils ne contiennent

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On vous proposera peut-eˆtre, et cette proposition sera tre`s raisonnable, de fondre en un seul les deux projets, parce que l’un contenant les peines et l’autre les garanties, il paraıˆt hasardeux de voter le premier sans eˆtre assure´ du second. J’ai duˆ me borner aux amendemens qui m’ont semble´ tout-a`-fait indispensables. Ce n’est point le vain de´sir de me placer en opposition qui m’en a sugge´re´ un si grand nombre. J’aurais trouve´ plus doux de m’e´carter moins d’un projet ou`, pour la premie`re fois, le jugement par jure´s est consacre´ pour les de´lits de la presse. Meˆme en combattant ce projet, je ne me´connais point cette ame´lioration importante. J’en rends graˆce aux auteurs de la loi ; j’en rends graˆce aux honorables orateurs que je vois dans cette enceinte, et qui, l’anne´e dernie`re, ont pre´pare´ la victoire que la justice et la raison remportent aujourd’hui1. Nous leur devons cette conque`te : nous leur devons que le jury, traite´ jadis avec de´fiance, ou avec de´dain, soit devenu une ve´rite´ adopte´e par la nation toute entie`re.

1–4 On vous proposera ... du second. ] add. en marge NAF 18820, fo 33 vo 5 semble´ ] corr. 5–6 indispensables. ] apre`s ce mot, un passage barre´ interl. de 〈paru〉 NAF 18820, fo 33 vo S’ils sont admis, j’adopterai avec joye le projet de loi comme une ame´lioration importante a` notre le´gislation actuelle. Dans le cas contraire je serai force´ d’en voter le rejet NAF 18820, 8–9 ou`, pour la premie`re fois ... de´lits de la presse ] add. en marge avec plusieurs fo 33 vo mots abre´ge´s NAF 18820, fo 34 ro 9–10 Meˆme en combattant ... importante. ] a` la place de cette phrase, juste apre`s l’add. marginale [projet] offert par un ministe`re dont la formation fut il y a trois mois une circonstance rassurante. Mais c’est pour l’avantage de ce ministe`re meˆme que je l’adjure de corriger ce qui dans ce projet prolongerait l’e´tat d’arbitraire & de vexation sous lequel la Presse s’agite, inquie`te & sans garantie, & par la` meˆme d’autant plus licencieuse qu’elle se sent toujours menace´e. NAF 18820, fo 34 ro 10–11 de la loi ; j’en rends ] de la loi. J’en rends M 452b 10–15 J’en rends graˆce aux auteurs ... nation toute entie`re. ] version diffe´rente On me dira le jugement par Jure´s est introduit dans cette le´gislation nouvelle : & le jugement par Jure´s est une garantie. [add. en marge : ] Oui MM. je rends grace aux auteurs de la loi d’avoir introduit dans leur projet le jugement par Jure´s. Je rends grace aux honorables orateurs que je vois dans cette enceinte & qui l’anne´e dernie`re ont pre´pare´ la victoire que la raison & la justice remportent aujourd’hui. Nous leur devons cette conqueˆte. Nous leur devons que le Jury pour la Presse, traite´ il y a quelque mois d’abstraction chime´rique & de fantaisie de l’acte additionnel soit devenu une ve´rite´ adopte´e par la nation. NAF 18820, fo 21 ro

que des provocations indirectes aux de´lits e´nonce´s aux articles 5, 6, 7 et 8 de la pre´sente loi, soit qu’ils donnent a` croire que des de´lits de cette nature, ou meˆme les crimes e´nonce´s aux articles 1, 2 et 3 seront commis, ou qu’ils re´pandent faussement qu’ils ont e´te´ commis.»

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Voir les Annales de la session de 1817 a` 1818, OCBC, Œuvres, t. X, pp. 899–1019.

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Re´pression des de´lits de presse

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Cependant il leur reste un pas, un grand pas a` faire. Le jury, soit pour la presse, soit pour les autres de´lits, peut-il demeurer tel qu’il est ? Les pre´fets le com posent. Les pre´fets, dans aucun temps, n’ont-ils e´te´, ne peuvent-ils eˆtre les instrumens d’aucune passion ? Si nous n’obtenons pas une composition du jury inde´pendante, nous n’aurons point un jury ve´ritable. Le bienfait de la loi sera illusoire. Que le ministe`re se donne le me´rite de completer un ouvrage qui jusqu’alors ne sera qu’e´bauche´. Un jury nomme´ par les pre´fets ne fera point cesser l’e´tat d’arbitraire et de vexations dans lequel la presse s’agite, inquie`te et sans garantie, et par la` meˆme d’autant plus licencieuse qu’elle se sent toujours menace´e. Le ministe`re actuel puise sa plus grande force, qu’il me permette de le dire, dans le souvenir des dangers dont son arrive´e au pouvoir nous a pre´serve´s. Ce qu’il a empe´che´ constitue jusqu’a` pre´sent ses droits a` notre confiance, au moins autant que ce qu’il a fait. Il de´pend de lui de fonder sa popularite´ sur des titres moins ne´gatifs. Nous serons heureux de reconnaıˆtre ces titres. Ce que la crainte de mesures ou d’intentions inconstitutionnelles dans d’autres ont pre´pare´ en sa faveur, qu’il le re´alise et le comple`te par des mesures vraiment libe´rales et se´rieusement constitutionnelles. Il conquerra l’opinion, affermira le troˆne et me´ritera bien du monarque et de la France.

1 a` faire. Le jury ] a` faire ; le jury M 452b 1–2 Cependant il leur ... tel qu’il est ? ] version plus longue et diffe´rente dans le manuscrit Mais d’abord, M.M. l’introduction du Jury pour les de´lits dont nous parlons se trouve dans un second projet, & a moins que nous ne parvenions a` obtenir, j’y ferai mes efforts, de voter sur les deux projets simultane´ment, nous adopterions isole´ment le projet actuel. 〈Je renviendrai plus tard sur cette observation.〉 En second lieu le jury tel qu’il est encore, est-il re´ellement une garantie ? NAF 18820, fo 21 ro-vo 3–4 n’ont-ils e´te´ ... passion ? ] n’ont-ils e´te´ les instrumens d’aucune re´action ? Je le reconnais avec joye. 〈Le projet actuel est une garantie grande ame´lioration de ces loix pre´sentes sur la Presse, par cela seul que le jugement par Jure´s y est consacre´〉 [dans l’interl. : ] L’introduction du jugement par jure´s dans les de´lits de la Presse est une grande ame´lioration. Mais NAF 18820, fo 21 vo 5–6 ve´ritable. Le bienfait ] ve´ritable ; 〈&〉 le bienfait NAF 18820, fo 21 vo ; ve´ritable : le bienfaitM 452b sera illusoire. ] suit un passage non repris dans la version de´finitive 〈Je reviendrai sur ce point〉 Enfin, M.M. car je me haˆte, je sens que j’ai bien d’autres choses a` dire & je ne voudrais pas abuser de votre patience, vous verrez tout a` l’heure 〈que dans certains cas〉 qu’un article poste´rieur enleve [add. en marge ] au pre´venu dans certaines circonstances [fin de l’add. ] pour le de´lit meˆme dont nous parlons 〈& qui〉 & qui peut rentrer dans celui d’injures le 9 dans lequel ] sous lequel NAF 18820, fo 34 ro M be´ne´fice du Jury. NAF 18820, fo 21 vo 452b 9–11 l’e´tat d’arbitraire ... menace´e. ] membre de phrase apparaissant dans un contexte diffe´rent, v. p. 106, l. 9–11 de l’apparat NAF 18820, fo 34 ro 12–13 de le dire ] de le lui dire NAF 18820, f o 34 r o 15 au moins autant ] encore plus NAF 18820, fo 34 ro 19 libe´rales et se´rieusement ] add. en marge NAF 18820, fo 34 vo 20 monarque et de la France ] Monarque de la France CPC 267

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Je me re´sume : si les amendemens que j’ai eu l’honneur de vous proposer sont admis, j’adopterai volontiers le projet de loi comme une ame´lioration importante a` notre le´gislation ; dans le cas contraire, je serai force´ d’en voter le rejet.1

1–4 Je me re´sume ... rejet. ] paragraphe non reproduit CPC le´gislation. Dans le cas NAF 18820, fo 34 vo Opinion 38

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3 le´gislation ; dans le cas ]

La suite de la discussion est reporte´e au lendemain ; les six amendements de´pose´s par BC seront publie´s dans le Moniteur no 106, 16 avril 1819, p. 454b.

[Intervention sur la suppression des articles 4 et 5]* [Se´ance du 15 avril 1819]1

459b

Je demande la parole ... Je n’ai pu obtenir la suppression de ces articles ; j’en demande le rejet, et je demande a` le motiver. Quand j’ai demande´ la suppression des articles 4 et 5, j’ai de´clare´ que c’e´tait par ce motif que je les croyais tout-a`-fait inutiles ; l’article 1er porte que toute provocation au crime est punie2. Or, ou vous ne regardez pas l’attaque contre l’ordre de successibilite´ au troˆne comme un crime, ou vous devez convenir que le crime est pre´vu, et compris dans l’article 1er, et n’y a-t-il pas un grand inconve´nient a` ce qu’un crime tre`s-grand, tel que celui dont il s’agit, soit en quelque sorte favorise´ d’une exception, car il faut conclure de la re´daction des articles que tout crime qui n’y sera pas compris aura une espe`ce de privile`ge, et cependant tous sont e´galement odieux, tous doivent eˆtre e´galement punis. Je me bornais hier a` regarder ces articles comme inutiles ; aujourd’hui je reconnais qu’ils sont dangereux. En effet, en spe´cifiant particulie`rement les crimes dont il s’agit, et en ne jugeant pas qu’ils soient assez e´nonce´s dans la disposition ge´ne´rale et dans l’article 1er, ne donnez-vous pas lieu de croire, ne faites-vous pas la supposition injuste et dangereuse qu’il existe un grand nombre d’individus dispose´s a` les commettre ? Et pourquoi contribuer a` re´pandre vous-meˆme une si fausse ide´e ? N’est-il pas vrai de dire que si on croyait ne´cessaire de mettre dans une loi ces mots : le parricide est de´fendu, les nations e´trange`res auraient le droit de dire : mais parmi les Franc¸ais il y a donc bien des gens dispose´s au parricide. J’ajoute que la discussion qui vient d’avoir lieu m’a de plus en plus convaincu du danger des dispositions pre´sente´es. M. le garde des sceaux les a explique´es d’une manie`re, M. le *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 107, samedi 17 avril 1819, p. 459b ; Archives parlementaires, t. XXIII, p. 645. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 29–30. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, vendredi 16 avril 1819, p. 4a ; La Quotidienne, no 106, vendredi 16 avril 1819, p. 2a ; Journal ge´ne´ral de France, no 667, vendredi 16 avril 1819, p. 2b ; Gazette de France, no 106, vendredi 16 avril 1819, p. 424ab.

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La discussion se poursuit ; comme il est signifie´ a` BC que les articles ne pouvaient pas eˆtre supprime´s par amendement, mais qu’ils pouvaient eˆtre rejete´s lorsqu’ils passeraient au vote, BC reprend la parole pour reformuler et renforcer son avis sur l’inutilite´ des articles 4 et 5. En vain : les articles 4 et 5 seront adopte´s. Voi ci-dessus note 1, p. 81, et note 1, p. 86.

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rapporteur1 leur trouve un sens diffe´rent ; on ne s’entend donc pas ; il y a donc un de´faut de clarte´ et un besoin de commentaire ? Or, ces vices me`nent plus loin qu’on ne le pense. Voyez ou` nous avons e´te´ conduits par eux, puisque nous avons entendu parler de la provocation indirecte, le fle´au le plus terrible qu’aient pu emprunter les lois d’exception2. Les articles y conduisent, en effet, et sans cela, ils sont illusoires. J’ai e´tabli que l’article 1er suffisait. On croira, si vous y ajoutez les articles 4 et 5, les tribunaux eux-meˆmes pourront croire qu’il y a dans cette superfe´tation une intention qui n’est pas la voˆtre. La garantie que l’on cherche par les articles que je combats est inutile ; elle se trouve dans le texte de l’article 1er, dans notre Code pe´nal, dans toutes nos lois re´pressives, et plus encore dans le cœur de tous les Franc¸ais, qui sentent le besoin de maintenir un gouvernement qui repose sur des bases constitutionnelles. Je demande le rejet des articles 4 et 5. Cette proposition est vivement appuye´e a` gauche.3

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On rappelle qu’il s’agit respectivement du ministre de Serre et du de´pute´ Courvoisier. La question de la qualification de la provocation (directe ou indirecte) est un point important de la discussion qui a pre´ce´de´ l’intervention de BC. Ce dernier voudrait e´viter les de´rives dans l’application de la loi (Moniteur, no 107, 17 avril 1819, pp. 458c–459abc). Ce n’est pas seulement la confrontation de deux positionnements politiques, mais une discussion de se´mantique le´gale ou` la question qui se pose est de savoir ou` est l’essentiel et ou` est le superflu dans la formulation de la loi. Manuel viendra encore appuyer BC, en vain : la question pre´alable est adopte´e.

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Amendement relatif aux brevets des imprimeurs.* (Se´ance du 16 avril 1819.)1

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MESSIEURS, En vous proposant les amendemens qui viennent d’eˆtre rappele´s et qui sont relatifs a` la garantie des imprimeurs, je ne me suis pas dissimule´ qu’ils e´taient e´trangers a` l’objet de la loi actuelle ; mais je suis force´ de les pre´senter, car le projet a plusieurs parties et ne pre´sente point les garanties aupre`s des pe´nalite´s. A cet e´gard, j’ose le dire, Messieurs, plus vous avancerez dans la discussion de ce projet, et a` moins que ce ne soit avec une rapidite´ qui serait remarque´e de la France avec un sentiment douloureux, vous reconnaıˆtrez, je n’en doute pas, la ne´cessite´ de demander au gouvernement de refondre les deux projets de loi en un seul ; vous sentirez que vous ne pouvez voter isole´ment sur deux projets qui assujettissent des citoyens a` des formes tre`s se´ve`res, sans leur assurer de garanties. Un de messieurs les commissaires du roi, qui a parle´ hier avec autant de talent que de mesure, a dit que les deux projets, quoique divise´s, avaient e´te´ pre´sente´s simultane´ment, et qu’il n’y avait aucune intention de surprendre la Chambre2 ; je rends hommage a` cette bonne foi, mais je n’insiste *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp 28–31 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 28–31 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 108, dimanche 18 avril 1819, p. 463a [=M] ; Archives parlementaires, t. XXIII, pp. 651–652. Manuscrit : BCU, Co 4380, fo 31–32. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, samedi 17 avril 1819, p. 3a ; La Quotidienne, no 107, samedi 17 avril 1819, p. 3a ; Journal ge´ne´ral de France, no 668, samedi 17 avril 1819, p. 1ab ; Gazette de France, no 107, samedi 17 avril 1819, pp. 426b–427a.

18 Chambre ; je rends ] Chambre. Je rends M 463a 1 2

BC intervient a` nouveau pour renforcer sa proposition d’amendement que le pre´sident vient de rappeler a` la reprise de la discussion sur l’article 6 de la loi. Il s’agit du ce´le`bre savant Georges Cuvier, qui avait e´te´ nomme´ conseiller d’E´tat en 1814 et occupait, en 1819, la fonction de vice-pre´sident du Comite´ de l’inte´rieur. Dans son intervention en tant que commissaire du roi (l’autre commissaire e´tant Franc¸ois Guizot), en effet tre`s conciliante et mode´re´e, Cuvier avait dit notamment, dans un propos que le Moniteur qualifie d’«opinion improvise´e» : «On a fait une autre objection sur ce qu’on a nomme´ le morcellement de la loi. On eut puˆ sans doute proposer un projet unique ; mais on a cru abre´ger le travail de la chambre ; mais ses trois parties forment un ensemble complet qui a e´te´ pre´sente´ a`-la-fois, et en appellant vos regards sur une partie, on les a e´galement appelle´s sur les autres. Il n’y a eu, et il ne pourrait y avoir ici aucune intention de surprendre vos suffrages, ni de se soustraire a` la plus libre discussion.» (Moniteur, no 106, 16 avril 1819, p. 455b).

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pas moins sur un amendement tendant a` assurer une garantie aux imprimeurs ; car ces garanties doivent se trouver ici, ou eˆtre pre´sente´es imme´diatement dans un troisie`me projet ; il est en effet impossible de rester, a` cet e´gard, dans la situation actuelle. L’article 6 maintient, par le fait, les lois et les re´glemens sur la librairie ; on sait a` quelle e´poque elles ont e´te´ faites, et malheureusement elles ont e´te´ consacre´es par la loi du 21 octobre 18141. Aussi, depuis, on n’a cesse´ de mettre des imprimeurs en jugement, et les tribunaux leur ont applique´ des peines se´ve`res. M. le rapporteur a dit qu’en effet les imprimeurs pouvaient se rendre complices d’un de´lit. Il a dit que lorsqu’on avait a` paraıˆtre devant des juges citoyens, on ne devait pas concevoir d’alarmes2. Cependant les ministres ont paru reconnaıˆtre que les imprimeurs avaient besoin de garanties : tant qu’ils seront menace´s comme ils le sont, expose´s dans leur fortune, dans leur industrie, il ne peut y avoir de liberte´ de la presse ; c’est vouloir l’ane´antir par sa base. Pre´tendre donner la liberte´ de la presse et enchaıˆner le mouvement de l’instrument de la presse, c’est nous dire de labourer sans charrue, de naviguer sans vaisseau. Et comment, en effet, pre´tendre qu’il y a liberte´ de la presse, quand un imprimeur, effraye´ ou manquant du courage qui devient ne´cessaire dans sa profession, se croira oblige´ de refuser ses presses ? Or, en 1817, vingt-deux imprimeurs les ont refuse´es a` un e´crivain qui voulait publier un e´crit justificatif ; il a demande´ un imprimeur d’office, le tribunal n’a pas eu le temps de le lui accorder ; l’e´crivain a e´te´ condamne´ sans avoir pu faire connaıˆtre ses moyens de de´fense3. 3 troisie`me projet ] quatrie`me projet Discours 1827 I 29 M 463a 6 et malheureusement ] et que malheureusement Discours 1827 I 29 M 463a 8 leur ont applique´ ] de leur appliquer Discours 1827 I 29 M 463a 11 complices d’un de´lit ] complices du de´lit Discours 1827 I 29 M 463a 24 connaıˆtre ses moyens de de´fense ] paraıˆtre son me´moire Discours 1827 I 30 M 463a 1

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Rappelons la teneur de l’article 6 : «Il n’est point de´roge´ aux lois qui punissent la provocation et la complicite´ re´sultant de tous autres actes que les faits de publication pre´vus par le pre´sent titre». La loi sur la presse du 21 octobre 1814 avait e´te´ pre´pare´e par Royer-Collard et Guizot ; elle avait suscite´ de vifs de´bats et d’ardentes oppositions, auxquels BC avait pris part. Elle instituait l’autorisation pre´alable pour les journaux et e´crits pe´riodiques, et e´tablissait la censure pour les e´crits non pe´riodiques de 20 feuilles ou moins. Dans son intervention du 10 avril le rapporteur Courvoisier avait de´clare´ notamment ceci : «Si l’imprimeur a sciemment coope´re´ a` la publication d’un e´crit coupable, il n’est aucune raison de le soustraire, par un privile`ge spe´cial, a` la disposition du droit» ; et un peu plus loin : «quand le juge citoyen prononce, l’innocence ne peut s’alarmer.» (Moniteur, no 101, 11 avril 1819, p. 432a). Dans ses Questions sur la le´gislation actuelle de la presse en France, BC e´voque l’incident avec plus de pre´cision, re´ve´lant que c’est le de´fenseur de Chevalier, re´dacteur de la Bibliothe`que historique, qui avait essuye´ vingt-deux refus d’imprimer l’apologie de son client (voir OCBC, Œuvres, t. X pp. 720–721). Vaulabelle e´voquera cette situation en lui

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Les ministres font des de´clarations dont on semblerait devoir eˆtre satisfait ; mais le ministe`re public ne s’y arre`te pas, et met en pratique d’autres doctrines. Dans une session pre´ce´dente, M. le garde des sceaux de´clara, a` la tribune, que l’imprimeur ayant rempli les formalite´s prescrites par le re´glement, e´tait irresponsable ; eh bien ! deux mois apre`s, un procureur du roi a dit que la source du mal e´tait dans l’imprimeur, que, sans lui, rien n’aurait e´te´ publie´ ! Il en est re´sulte´ que l’auteur a e´te´ acquitte´, et l’imprimeur condamne´, et cela sans doute contre l’intention et la de´claration du ministre d’alors1. Ce n’est pas que je veuille que le ministe`re public soit assujetti aux ministres ; il est de la sagesse et de la loyaute´ du ministe`re de laisser a` ses agens judiciaires une latitude tre`s grande ; mais il ne faudrait pas non plus qu’il y ait deux doctrines, l’une ostensible et the´orique, favorable a` la liberte´, l’autre funeste et injuste dans son application. Il y a long-temps, Messieurs, que ces ve´rite´s ont e´te´ proclame´es a` la tribune ; d’honorables membres qui, dans les sessions pre´ce´dentes, ont de´fendu avec tant de chaleur les principes de la liberte´ de la presse, gardent aujourd’hui le silence (mouvement a` droite) ; ils soutenaient autrefois les principes que j’invoque2. Je pourrais citer leurs paroles remarquables : je regrette qu’ils nous retirent leur appui ; ils nous laissent tout l’honneur de de´fendre les principes, et il devient e´vident que c’est dans cette seule partie

1 Les ministres font ] Ceci me conduit a` dire que les ministres font Discours 1827 I 30 M 463a 6–7 n’aurait e´te´ publie´ ! Il en ] n’aurait e´te´ publie´. Il en M 463a 18 a` droite) ; ils soutenaient ] a` droite ; mieux que je ne puis le faire aujourd’hui, ils soutenaient M 463a 19 j’invoque. Je pourrais ] j’invoque ; je pourrais M 463a 20 retirent leur appui ] retirent aujourd’hui leur appuis M 463a

donnant une re´sonance plus ge´ne´rale : «Le scandale e´tait porte´ si loin que M. Martin (de Gray), dans une des se´ances de la dernie`re session, avait pu s’e´crier, en restant dans l’exactitude mate´rielle des faits : ‘La jurisprudence des tribunaux a` l’e´gard de la presse est digne de l’Inquisition ; le ministe`re public injurie les avocats, insulte et outrage les accuse´s ; les condamnations prononce´es contre les imprimeurs qui ont rempli toutes les formalite´s prescrites, et lorsque les auteurs re´pondent de l’ouvrage, ont porte´ une telle terreur parmi ces industriels, que tous ont dernie`rement refuse´ d’imprimer la de´fense d’un accuse´’.» (A. de Vaulabelle, Histoire des deux Restaurations, t. IV, Paris : Garnie`r fre`res, 71868, p. 488).

1 2

On ne sait pas si BC e´voque ici une circonstance lie´e au ministe`re du baron Pasquier, garde des Sceaux de janvier 1817 a` de´cembre 1818 ou a` celui en cours de de Serre. BC renvoie ici probablement aux discussions sur le projet de loi discute´ aux Chambres en fe´vrier 1817, dont il avait rendu compte dans plusieurs articles du Mercure de France (OCBC, Œuvres, t. X, pp. 430–440 et 447–474).

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de la Chambre (de´signant la gauche) que la France aura trouve´ des de´fenseurs des principes de la liberte´ de la presse. (Murmures a` droite.) Je ne crois avoir rien dit d’inconvenant, Messieurs, en me plaignant d’un silence qui nous laisse seuls supporter tout le poids d’une taˆche honorable, et je persiste a` croire qu’il est malheureux que des hommes qui ont souvent de´fendu la liberte´ de la presse, se taisent aujourd’hui qu’il s’agit de statuer sur ses droits et la re´pression de ses abus. Toutefois, qu’on adopte les termes des articles propose´s en 1817 et que j’ai rappele´s, ou qu’on adopte des dispositions nouvelles, toujours est-il vrai que les imprimeurs ont besoin d’une garantie, et que vous ne pouvez porter une loi pe´nale contre eux sans l’accompagner de cette garantie. Je demande que leurs brevets ne puissent leur eˆtre retire´s arbitrairement apre`s un jugement ; qu’ils ne puissent leur eˆtre retire´s qu’en vertu d’un jugement qui l’ordonnera, car leurs brevets ne sont pas de´finitifs, ils ne sont que provisoires ; les imprimeurs se trouvent ainsi a` la merci de l’autorite´. J’insiste sur mes amendemens.1

2 (Murmures a` droite.) ] absent dans Discours 1827 I 31 ; (Un murmure ge´ne´ral interrompt). M 463a

1

BC retirera son amendement sur l’impunite´ des imprimeurs au vu des de´veloppements de la discussion et devant le soutien apporte´ a` l’amendement sur le meˆme sujet propose´ par son colle`gue de la gauche Chauvelin, sous-amende´ par Courvoisier. Cet amendement Chauvelin-Courvoisier est adopte´ a` la satisfaction de la gauche (Moniteur, no 108, 18 avril 1819, 463a–465a).

5

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Amendemens de M. Benjamin Constant sur le projet de loi relatif a` la re´pression des de´lits de la presse*1

1

1er AMENDEMENT. Que les articles 4 et 5 du projet de loi soient retranche´s en entier.

5

2e AMENDEMENT. Que les article 1, 2, 3, 4 et 5 du projet de loi propose´, en novembre 1817, sur les responsabilite´s gradue´es, remplacent, dans le projet de loi, l’article 6, et qu’il leur soit ajoute´ un article portant que le brevet des imprimeurs ne pourra leur eˆtre retire´.

10

3e AMENDEMENT.

2

Que dans l’article 8, soient retranche´s les mots : morale publique. 4e AMENDEMENT. Qu’apre`s l’article 18, il soit inse´re´ l’article suivant : Les de´lits d’injures contre les particuliers seront seuls juge´s par les tribunaux de police correctionnelle. Tous les autres de´lits d’injures mentionne´s dans les articles 11, 12, 13, 15 et 16, seront juge´s par les cours d’assises.

15

5e AMENDEMENT. Que dans l’article 12, on substitue aux mots : la diffamation ou l’injure envers les Chambres, ceux-ci : la diffamation contre un ou plusieurs membres des Chambres dans l’exercice de leurs fonctions. *

E´tablissement du texte : Imprime´ : Chambre des de´pute´s. Amendemens de M. Benjamin Constant sur le projet de loi relatif a` la re´pression des de´lits de la presse, [Paris :] Hacquart, s.d., 3 p. ; Le Moniteur universel, no 106, 16 avril 1819, p. 454b.

1

La liste des amendements de BC a e´te´ publie´e dans le Moniteur le 16 avril de´ja`, dans le compte rendu de la se´ance du 14, alors que la discussion sur le projet de loi et les amendements propose´s n’e´tait pas termine´e. Entre-temps, comme on le voit avec les pie`ces ciapre`s, BC aura retire´ une partie de ces amendements avant le vote. Finalement, les amendements 1 et 2 ont e´te´ rejete´s, le 3 a e´te´ retire´ par BC, le 4 ajourne´ a` la discussion du second projet de loi, le 5 est retire´ par BC ; pour le 6, voir ci-apre`s l’intervention «Article additionnel ...» (ci-dessous, p. 123).

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6e AMENDEMENT.

3

Qu’apre`s l’article 20, l’article suivant soit ajoute´ : Ne donneront e´galement ouverture a` aucune action en diffamation ou injure, la publication par un tiers, textuellement ou en extrait, des discours, rapports et autres pie`ces e´manant des Chambres ou d’un de leur membre, quand les auteurs de ces discours ou rapports en reconnaıˆtront l’authenticite´.1

1

La page 3 de la brochure contient e´galement un amendement de Chabron de Solilhac a` l’article 8 : «Tout outrage fait a` la religion de l’Etat ou a` un autre culte, a` la morale publique, aux bonnes mœurs, par l’un des moyens annonce´s a` l’article 1er». Ainsi qu’un amendement de Ville´veˆque : «Les de´tentions et les amendes propose´es par le premier projet de loi, seront re´duites a` moitie´. En exceptant de cette re´duction celles qui seraient inflige´es en vertu des article 7 et 11, et qui vengeraient la personne sacre´e du Roi et la famille royale, des attentats de diffamation et d’injures commis contr’eux par la voie de la presse.»

5

[Intervention sur le retrait d’un amendement]* Se´ance du 17 avril 18191

680

Je n’aurais pas eu, Messieurs, la pense´e de vous arreˆter un moment dans votre de´libe´ration, si je ne sentais en retirant mon amendement le besoin de vous expliquer pourquoi je l’avais propose´ et pourquoi je le retire. Je craignais que le mot morale publique, impliquant ne´cessairement le mot de religion, et interpre´te´ diversement dans le sein de cette Chambre, ne pre´sentaˆt une ide´e vague qui, a` l’application, pourrait donner lieu a` des abus, a` des actes contraires a` la liberte´ de la discussion et de la presse, et a` des perse´cutions. Mais je viens d’entendre M. le garde des sceaux, il vient, dans son discours, de de´fendre et la liberte´ des cultes et la liberte´ de la discussion ; nous n’avons plus rien a` craindre, et je retire mon amendement.2

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Archives parlementaires, t. XXIII, p. 680 ; Le Moniteur universel, no 108, dimanche 18 avril 1819, pp. 465c ; 466c. [=M] Manuscrit : BCU, Co 4380, fo 33 (texte identique aux Archives parlementaires). Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, dimanche, 18 avril 1819, p. 4a ; (Commentaire hostile, lundi 19 avril 1819, p. 2b) ; La Quotidienne, no 108, dimanche 18 avril 1819, p. 3b ; Journal ge´ne´ral de France, no 669, dimanche 18 avril 1819, p. 4a. Gazette de France, no 108, dimanche 18 avril 1819, p. 432a.

3–12 Je n’aurais pas eu ... retire mon amendement. ] Monsieur le pre´sident annonce que M. Benjamin Constant a retire´ son amendement (Mouvement ge´ne´ral d’adhe´sion.) M 465c M. Benjamin Constant a retire´ l’amendement tendant a` rayer de l’article les mots morale publique. Il a motive´ la pre´sentation de son amendement ; il a ensuite motive´ son retrait sur les explications donne´es dans la se´ance par M. le garde-des-sceaux M 466c

1 2

BC intervient pour justifier le retrait de son troisie`me amendement. Correspondance de M. de Re´musat, t. V, p. 362 : «M. Laine´, dans la se´ance du 17 avril, avait de´fendu un amendement tendant a` punir tout outrage a` la religion par la loi de la Presse. Cet amendement combattu par MM. Royer-Collard et de Serre fut rejete´ par 110 voix contre 92.»

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[Intervention sur le retrait d’un amendement]* Se´ance du 19 avril 18191

480c

481a

Quand j’ai propose´ un amendement la commission n’avait pas propose´ la substitution du mot offense. Il y avait les mots diffamation ou injure, et alors j’avais lieu de craindre que la poursuite fuˆt de´fe´re´e aux tribunaux correctionnels sans l’intervention du jury avec le changement de la commission, mon amendement devient sans objet, et est nul sans que je de´clare le retirer. La Chambre a statue´ sur le minimum des peines ; mais il reste un amendement de M. Laisne´ de Villeveˆque, relatif au maximum de ces peines.2

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 111, mercredi 21 avril 1819, pp. 480c–481a ; Archives parlementaires, t. XXIII, p. 692. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, mardi 20 avril 1819, pp. 2b–3a ; La Quotidienne, no 110, mardi 20 avril 1819, p. 2a ; Journal ge´ne´ral de France, no 671, mardi 20 avril 1819, p. 1b ; Gazette de France, no 110, mardi 20 avril 1819, pp. 438b–439a.

1

BC intervient pour justifier le retrait de son cinquie`me amendement. L’amendement du de´pute´ du centre Laisne´-Villeveˆque qui entendait re´duire a` la moitie´ les peines de´finies dans l’article 12 du projet n’est pas retenu ; l’article est adopte´ le 19 avril (Moniteur, no 111, 21 avril 1819, p. 481a).

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[Explication sur un amendement]* Se´ance du 19 avril 18191

483c

Le mot offense ayant e´te´ substitue´ aux mots injure et diffamation, il en re´sulte que l’injure envers les membres de la famille royale, envers les souverains et ambassadeurs e´trangers, envers les chambres, sera de la compe´tence du jury, ce qui remplissait le but de mon amendement. Mais malheureusement l’article 13 a e´te´ maintenu tel qu’il e´tait dans le projet de loi, et il en re´sulterait que l’injure envers les cours et tribunaux serait juge´e par les tribunaux correctionnels. C’est ce qui m’oblige a` conserver encore mon amendement, consistant a` dire que les diffamations ou injures contre les particuliers seront seules juge´es par les tribunaux correctionnels, et que toutes les autres seront porte´es devant les jurys aux cours d’assises2. Conforme´ment a` ce qui vient d’eˆtre dit par M. Bedoch, j’ajourne mon amendement a` la discussion du second projet de loi.3

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 111, mercredi 21 avril 1819, p. 483c ; Archives parlementaires, t. XXIII, p. 702. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, mardi 20 avril 1819, p. 4a ; La Quotidienne, no 110, mardi 20 avril 1819, p. 3b ; Journal ge´ne´ral de France, no 671, mardi 20 avril 1819, p. 4a ; Gazette de France, no 110, mardi 20 avril 1819, p. 440ab.

1

BC intervient pour maintenir son quatrie`me amendement, mais en l’ajournant pour la discussion sur le second projet de loi. L’amendement en question est cite´ ci-dessus, p. 115. Suite a` cette intervention de BC, la question pre´alable est demande´e, puis Be´doch (gauche) prend brie`vement la parole et le pre´sident demande si l’amendement de BC est appuye´. Celui-ci reprend la parole apre`s que Chauvelin eut dit : «Non d’apre`s l’explication de M. Bedoch». Be´doch, avait de´plore´ a` son tour que les deux lois soient discute´es se´pare´ment, proposant que l’amendement de BC soit discute´ lors de l’examen de la seconde loi.

2

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Article additionnel relatif a` l’impression des discours des de´pute´s dans les journaux.* (Se´ance du 21 avril 1819.)1

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MESSIEURS, L’article additionnel que j’avais propose´ au commencement de la discussion du projet de loi qui nous occupe, est devenu beaucoup plus important, depuis votre se´ance d’hier. En rejetant les amendemens de M. Laine´ et des autres opinans qui avaient soutenu ou modifie´ ces amendemens, vous avez renonce´ au droit d’investir la publication de vos opinions, lors meˆme que cette publication e´manerait de vous, de l’inviolabilite´ attache´e a` votre caracte`re de de´pute´2. Je ne blaˆme point cette de´cision. J’aime a` y voir une disposition qui peut tourner a` l’avantage de la liberte´ de la presse : c’est sans doute ce qui vous a de´termine´s a` l’adopter. Redevenus, sous le rapport de la liberte´ de la presse, simples citoyens, vous en sentirez d’autant plus la ne´cessite´ d’assurer aux simples citoyens, cette liberte´ pre´cieuse. Il est bon que les hommes qui font les lois en supportent les effets comme les autres ; ils les font plus e´quitables quand ils savent qu’a` peine faites elles pe`seront sur eux. Or, Messieurs, tout ce que nous allons adopter dans le second projet de loi, projet si important puisqu’il renferme toutes les garanties, et que s’il est entache´ de vices graves, le premier projet deviendrait, je ne dis pas un pie´ge (on nous a donne´ des preuves de loyaute´ dans la discussion), mais une *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 32–41 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 32–41 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 112, jeudi 22 avril 1819, pp. 489b–490a [=M] ; Archives parlementaires, t. XXIII, pp. 718–720. Manuscrit : BCU, Co 4380, fo 33–37. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, jeudi 22 avril 1819, pp. 2ab–3a ; La Quotidienne, no 112, jeudi 22 avril 1819, pp. 2a–3a ; texte proche ; Journal ge´ne´ral de France, no 673, jeudi 22 avril 1819, p. 1ab ; Gazette de France, no 112, jeudi 22 avril 1819, p. 446ab ; [The´odore-Marie] de Naylies, Code de Louis XVIII, pp. 204–211.

1

BC intervient pour pre´ciser sa proposition d’article additionnel a` la suite de l’article 20 (son sixie`me amendement). La discussion s’e´tait en effet de´veloppe´e vivement, les 19 et 20 avril, a` la suite de la proposition d’amendement pre´sente´e par Laine´, ancien ministre de l’Inte´rieur, qui voulait e´tendre la protection contre les poursuites aux opinions des de´pute´s publie´es en dehors de la Chambre. L’amendement avait e´te´ rejete´.

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calamite´ ; tout ce que nous allons adopter, dis-je, dans le second projet, nous atteint aussi bien que le reste de la France ; si nous enchaıˆnons la liberte´, c’est la noˆtre que nous enchaıˆnons ; si nous e´tendons la compe´tence des tribunaux correctionnels, c’est sur nous que nous l’e´tendons. Nous n’avions pas besoin de ce motif, sans doute, pour repousser toutes les restrictions, toutes les entraves inutiles : il est bon pourtant de l’e´noncer, parce que tout ce qui est bon a` faire est aussi bon a` dire. Cette de´cision, Messieurs, a encore un autre avantage ; on a pu trouver quelquefois, a` tort peut-eˆtre, que nous mettions un terme trop rigoureux a` nos discussions, que nous en votions trop impatiemment la cloˆture. Maintenant, Messieurs, nous ne le pouvons plus. Ceux que nous priverions du droit de parler a` la tribune seraient prive´s par la` de leur caracte`re de de´pute´ ; car ce qu’ils auraient pu dire sans inconve´nient dans cette enceinte, ils n’auraient le droit de le faire imprimer qu’en s’exposant aux inconve´niens qui pourraient en re´sulter. Vous les mettriez donc dans une condition ine´gale ; vous leur enle`veriez l’inviolabilite´ que la Charte et la loi ont voulu leur assurer1. Vous ne le voudrez pas, et par votre de´cision d’hier la cloˆture de la discussion est devenue impossible. J’ai dit que l’article additionnel est plus important aujourd’hui que jamais, nos opinions imprime´es n’e´tant pas plus inviolables que le compte qu’en rendraient les journalistes ; et ce compte e´tant ne´cessairement plus re´pandu que nos opinions, il faut, 1° que ce compte puisse eˆtre rendu librement ; en second lieu, qu’il soit rendu fide`lement, et pour cela que nous garantissions cette liberte´, que nous assurions cette fide´lite´ par tous les moyens en notre puissance. Il faut que ce compte soit rendu librement. Je n’ai pas besoin de vous le de´montrer. Si nos discussions e´taient e´touffe´es, que servirait la tribune ? Ce n’est pas uniquement par les lois que le gouvernement repre´sentatif existe, c’est par l’opinion2. Nos discussions sont, pour l’opinion, des e´le´mens ne´cessaires : elle apprend de nous ce qu’elle peut espe´rer, quelquefois ce qu’elle doit craindre ; elle voit ce que nous sommes ; elle se pre´pare, lors du jour qu’un de nos honorables colle`gues a 6 inutiles : il est bon ] inutiles. Il est bon M 489b 7 bon a` faire est aussi bon a` dire ] bon est aussi bon a` dire M 489b 8 avantage ; on a pu ] avantage. On a pu M 489b 21 qu’en rendraient ] que rendraient M 489c 1

2

Outre la publicite´ des de´bats, la Charte affirme, dans ses articles 51 et 52 : «Aucune contrainte par corps ne peut eˆtre exerce´e contre un membre de la Chambre, durant la session, et dans les six semaines qui l’auront pre´ce´de´e ou suivie» ; «Aucun membre de la Chambre ne peut, pendant la dure´e de la session, eˆtre poursuivi ni arreˆte´ en matie`re criminelle, sauf le cas de flagrant de´lit, qu’apre`s que la Chambre a permis sa poursuite.» Formule ramasse´e qui renferme une des convictions les plus fortes de BC. Voir, par exemple, le premier chapitre des Principes de politique de 1815 (OCBC, Œuvres, t. IX, pp. 679– 689).

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si bien nomme´ le jour de la justice1, a` nous re´compenser ou a` nous punir de nos suffrages : il faut donc qu’elle sache tout ce que nous disons. Le premier pas qu’a toujours fait en France le despotisme, a e´te´ de de´naturer ou de supprimer les de´bats des assemble´es repre´sentatives. Dans des temps d’orage, l’ordre e´tait donne´ de les de´figurer pour proscrire leurs auteurs. Sous un gouvernement absolu qui craignait le bruit, la suppression entie`re en fut com mande´e. Si vous ouvrez le Moniteur, vous verrez qu’apre`s la premie`re discussion du tribunat, le nom seul des orateurs y fut inse´re´ avec leur vote, et que les discussions e´taient retranche´es2. Si le compte rendu de nos discussions doit eˆtre libre, il doit eˆtre e´galement fide`le ; si l’on nous preˆtait des opinions absurdes ou se´ditieuses ou serviles, on nuirait a` nous et a` la nation. Si les journalistes pouvaient mettre dans la bouche des de´pute´s des principes qu’ils n’auraient pas e´tablis euxmeˆmes, toutes les lois pre´servatrices de l’ordre seraient e´lude´es, de meˆme que s’ils n’osaient pas faire connaıˆtre tout ce que nous avons dit, les garanties de la liberte´ seraient de´truites. On assure que quelquefois, dans l’e´tat d’esclavage ou` les journaux ont ve´cu depuis long-temps, les discours de quelques de´pute´s ont e´te´ mutile´s. J’ignore si le fait est vrai : dans le syste`me de la censure, rien ne m’e´tonne. Tout syste`me vexatoire porte la peine de ses vexations. Heureusement pour le pouvoir, plus encore que pour la liberte´, ce syste`me va cesser. Je dis heureusement pour le pouvoir, car il est encore plus faˆcheux d’eˆtre pue´ril que d’eˆtre opprime´. Ainsi donc, Messieurs, liberte´ d’une part dans les journalistes qui rendront compte de vos se´ances, fide´lite´ de l’autre dans les comptes rendus, voila` le but que nous devons atteindre ; cela n’est point aise´. Le rapporteur de votre commission vous a dit que si la version du journaliste e´tait exactement celle du discours, si le sens et les expressions e´taient les meˆmes, il ne pouvait eˆtre poursuivi. Ce principe est bon ; il e´tait ne´cessaire a` proclamer, quelque e´vident qu’il paraisse. Vous n’avez point oublie´, Messieurs, que l’anne´e dernie`re, un

2 suffrages : il faut ] suffrages. Il faut M 489c 22 d’eˆtre pue´ril ] d’eˆtre pue´rile Discours 1827 1 35 M 489c 25 devons atteindre ; cela ] devons atteindre. Cela Discours 1827 I 35 M 489c

1

2

Dans l’intervention faite a` l’appui de l’amendement Laine´, Manuel avait dit notamment : «Le droit que j’attribue a` la nation, a` l’opinion publique, est incontestable ; il l’est si bien, que le jour de la justice nationale arrive´, le jour des e´lections arrive´, la nation adopte celui qui l’a de´fendu.» (Moniteur, no 112, 22 avril 1819, p. 485a). En effet, a` partir de la fin mars 1800, les comptes rendus des se´ances du Tribunat dans le Moniteur se font laconiques, les interventions n’e´tant pas reproduites.

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e´crivain ayant cite´ des paroles d’un de´pute´, fut poursuivi par un procureur du roi, et qu’un des chefs de l’accusation e´tait ces paroles. Il repre´senta qu’il n’avait fait que reproduire ce qui avait e´te´ dit a` la tribune. On rejeta ses excuses : il fut condamne´1. Ce fait prouve combien, dans les lois, tout doit eˆtre clair et fixe, et combien sont trompeuses les espe´rances qui ne reposent que sur la justice naturelle et la raison commune. Mais la difficulte´ n’est pourtant qu’e´lude´e encore. Qui constatera cette exactitude ? Si vous n’imaginez pas des moyens positifs de la constater, les proce`s se multiplieront a` l’infini : durant plus de neuf mois ils ont continue´ sans interruption2. Si le ze`le paraıˆt s’eˆtre ralenti, il peut se renouveler ; si des travaux assidus ont fatigue´ quelques organes du ministe`re public, d’autres peuvent se pre´senter, jeunes d’empressement et d’activite´, marcher sur les traces de leurs pre´de´cesseurs, suivre leur exemple et aspirer a` leur gloire. Mais cette ne´cessite´ de constater l’exactitude du journaliste comment y parvenir ? Trois moyens s’offrent : L’e´tablissement d’un ste´nographe qui rapporte chaque expression, et publie les discours prononce´s a` cette tribune dans toute leur e´tendue. Mais, Messieurs, ne nous le de´guisons pas, nos discussions peuvent avoir un grand inte´reˆt pour les auditeurs ; le re´sultat n’en est pas connu ; l’incertitude soutient l’attention, des incidens impre´vus la re´veillent ; mais nos discours imprime´s dans les journaux, souvent apre`s que la de´cision est de´ja` publique, n’auront plus le meˆme inte´reˆt. Les lire dans toute leur e´tendue sera fatigant ; suivre les orateurs dans leurs re´pe´titions ine´vitables sera monotone. La publicite´ de nos discussions pe´rira, Messieurs, par cela meˆme qu’on ne pourra les pre´senter au public qu’entie`res et surcharge´es de ces immenses et inutiles de´tails. On dira : le journaliste qui voudra ne pre´senter que la fleur de la discussion puisera ses mate´riaux dans le ste´nographe, et pourvu que son extrait ne contienne aucune phrase que le ste´nographe n’ait pas rapporte´e, il n’aura aucune poursuite a` craindre. Mais ne sentez-vous pas que l’impression que produit l’extrait d’une opinion sur le public, de´pend entie`rement de l’auteur de cet extrait. Avec la fide´lite´ mate´rielle la plus irre´prochable, un extrait peut eˆtre infide`le, car il est infide`le si le re´sultat est diffe´rent de celui qu’aurait produit le discours entier ; supposez un orateur qui combatte victorieusement une doctrine qu’il croit dangereuse, et que le 10 se renouveler ; si ] se renouveler. Si Discours 1827 I 36 M 489c 1 2

Peut-eˆtre BC fait-il allusion a` l’une des multiples chicanes judiciaires dont a e´te´ victime Charles Dunoyer, le re´dacteur du Censeur europe´en. On comprend que BC fait allusion a` la pe´riode de fonctionnement de la «chambre introuvable» et de l’application des lois sur les discours et e´crits se´ditieux du 9 novembre 1815.

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journaliste veuille au contraire faire triompher ; supposez que dans la bonne foi cet orateur ait expose´ d’abord tous les raisonnemens favorables a` cette doctrine, et qu’il les ait re´fute´s ensuite : le journaliste prendra tous les raisonnemens qu’il appuie ; il affaiblira, atte´nuera, supprimera presqu’en entier la re´futation. Il n’y aura pas dans son extrait un mot diffe´rent du discours atteste´ par le ste´nographe ; le journaliste aura-t-il e´te´ fide`le1 ? Le moyen est donc inefficace quant a` l’exactitude ; il est fatigant quant a` l’e´tendue ; il ne garantit ni la publicite´ qui est si de´sirable, ni la fide´lite´ qui est si essentielle. Un second moyen, c’est la notorie´te´ publique, la preuve par te´moins. Mais, Messieurs, ou` sont les e´le´mens de cette notorie´te´ ? dans les autres journaux ? Ils peuvent s’eˆtre trompe´s : l’esprit de parti peut les avoir jete´s dans d’autres inexactitudes ; lisez nos journaux aujourd’hui, discipline´s qu’ils sont et enre´gimente´s par la censure. La couleur des discours est toute diffe´rente. Cette diffe´rence sera bien plus sensible, quand les journaux jouiront enfin de leur le´gitime liberte´. Voulez-vous interroger tous les de´pute´s ? Voulez-vous que les membres de cette assemble´e figurent sans cesse comme te´moins devant les tribunaux ? Devrons-nous de´serter les se´ances ou` l’inte´reˆt de la France re´clame notre pre´sence, pour de´poser sur l’assertion de quelques uns des innombrables journaux qui vont, je l’espe`re, s’e´tablir ? car la multiplicite´ des journaux, si salutaire en Angleterre et en Ame´rique, sera, j’aime a` le croire, l’effet rapide de la liberte´ qui va leur eˆtre rendue, et c’est pour cela que je combattrai toute mesure, soit politique, soit fiscale, qui tendrait a` entraver leur e´tablissement ou a` diminuer leur nombre. Et si les de´pute´s se contredisent ce qui peut arriver sans aucune mauvaise foi, voulez-vous que le soupc¸on d’un manque de since´rite´ pe`se sur nous ? Ne voyez-vous pas comme la malveillance s’emparerait de ces apparences trompeuses, impossibles a` dissiper ? Je ne vois, Messieurs, qu’un moyen unique. Il est contenu dans l’article que j’ai l’honneur de vous proposer. Je pre´vois l’objection ; les journaux se trouveront dans la de´pendance absolue des de´pute´s. Non, Mes sieurs ; d’abord est-il probable qu’un de´pute´ de´savoue ce qu’il aura dit publiquement, ce que les tribunes, ce que ses colle`gues auront entendu ? Ne sentez-vous pas qu’il se perdrait dans l’opi4 atte´nuera ] attaquera Discours 1827 I 37 M 490a 1

Les e´diteurs des discours de BC sont bien place´s pour ve´rifier la pertinence des observations de ce dernier sur la difficulte´ de rendre compte exactement et fide`lement des propos tenus a` la Chambre ...

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nion de la Chambre et de la France, quel que fuˆt son talent ? cette mauvaise foi lui oˆterait toute autorite´, toute influence. Un de´pute´ qui, apre`s avoir dit une phrase quelconque a` la tribune, laisserait poursuivre le journaliste qui l’aurait rapporte´e exactement, serait couvert de honte. Cependant j’ai dit en pre´sentant cet article, que si l’on proposait mieux, je m’y joindrais avec joie ; je le dis encore. Voulez-vous ajouter a` la disposition que je propose, que si le de´pute´ de´savoue le journaliste, la preuve testimoniale pourra eˆtre alors admise ? Je crains que vous ne retombiez dans un des inconve´niens que je vous ai de´veloppe´s plus haut. Mais si, pour assurer la garantie du journaliste, cette addition semble ne´cessaire, je ne m’y oppose pas. Ce que je re´clame, c’est que le journaliste ne puisse eˆtre poursuivi sans qu’on lui donne les moyens de prouver qu’il n’a fait que dire la ve´rite´. Ce que je demande, c’est la publicite´ la plus entie`re, la mieux assure´e pour nos discussions, qui sont notre moyen de correspondance avec nos commettans, dans toutes les parties du royaume. On a parle´ hier du danger de tout ce qui pourrait influer du dehors sur la Chambre, mais on n’a pas, je le pense au moins, voulu pre´senter l’influence de l’opinion comme une influence du dehors. Sans l’opinion, Messieurs, nous ne sommes rien ; les Chambres isole´es sont sans force ; l’opinion est notre vie ; sans elle notre existence serait illusoire : je dirai plus, elle serait funeste ; car sans l’opinion, sans les censures qu’elle fait retentir autour de nous, sans les re´compenses qu’elle de´cerne, bien peu d’hommes re´sisteraient aux se´ductions de l’autorite´. Ce sont ces re´compenses, Messieurs, qui nous e´le`vent au-dessus de nous-meˆmes, qui agrandissent notre sphe`re. Les formes de l’e´lection constitutionnelle nous font de´pute´s ; c’est l’opinion qui nous fait citoyens. Je dis que, sans l’opinion, les Chambres seraient funestes ; elles le seraient non seulement a` la liberte´, mais au pouvoir. De`s qu’elles cessent d’eˆtre surveillantes, elles deviennent complices. Elles entourent, et nous l’avons vu jadis, l’autorite´ d’un concert d’adulations et d’e´loges ; elles la laissent marcher a` sa perte, en lui cachant les abıˆmes seme´s sur sa route ; et l’on voit enfin l’autorite´, les Chambres, la France se pre´cipiter dans ces abıˆmes. Or, Messieurs, quelque abus qu’on ait pu faire de l’influence des journaux dans tous les sens, quelque abus qu’on en fasse encore peut-eˆtre a` l’avenir, e´galement dans tous les sens, les journaux sont pourtant les or15 c’est la publicite´ ] c’est la publication M 490a 33 en lui cachant les abıˆmes ] en lui cachant, sous des nuages d’erreurs, les abıˆmes Discours 1827 I 40 M 490a

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Article additionnel relatif a` l’impression des discours

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ganes ne´cessaires de l’opinion qui doit nous encourager et nous soutenir. Leur liberte´ va reme´dier a` leurs erreurs respectives. Le public est toujours juste, quand on ne ge`ne pas la liberte´ ; il prescrit la mode´ration aux e´crivains quand le pouvoir ne le trouble pas par des menaces ; c’est l’arbitraire qui produit l’irritation. Ecartez donc toute possibilite´ d’arbitraire. Donnez aux journalistes une garantie claire, fixe. Pre´servez les tribunaux, pour leur propre dignite´, des chicanes et des interpre´iations qui les avilissent. Assurez la publicite´ de vos discours, pour que la France s’unisse a` vous et par vous au gouvernement constitutionnel.1

4 ne le trouble pas ] ne trouble pas M 490a 490a

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6 d’arbitraire. Donnez ] d’arbitraire ; donnez M

L’amendement sera finalement rejete´, mais le garde des Sceaux avait tout de meˆme impose´ une reformulation de l’article en ces termes : «Ne donnera lieu a` aucune action le compte fide`le des se´ances de la chambre des de´pute´s, rendu de bonne foi par les journaux». (Moniteur, no 112, 22 avril 1819, p. 490c).

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[Intervention sur un amendement]* Se´ance du 21 avril 18191

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J’ai tre`s-peu de mots a` dire. La discussion a e´tabli qu’un article dans le sens de mon amendement e´tait ne´cessaire. Tout ce qui vous a e´te´ dit ne semble qu’un commentaire de cette ve´rite´, que la faculte´ de rendre compte de vos se´ances appartient aux journalistes. Cependant si elle n’est pas garantie par la loi ; si un journaliste inse`re un discours prononce´, dans lequel M. le procureur du Roi trouvera quelque chose de coupable, ce magistrat lui dira : Vous avez imprime´ ce que le de´pute´ n’aurait pas imprime´ lui-meˆme ; vous eˆtes punissable. Il aura beau dire : Mais M. le commissaire du Roi avait fait une distinction entre les discours isole´s et les se´ances complettes ; je donne la se´ance complette dans laquelle se trouve le discours que vous trouvez coupable, et je ne puis en eˆtre responsable. Le procureur du Roi re´pondra : Je ne m’arreˆte pas a` ce qu’a dit M. le commissaire du roi a` la tribune2 ; vous avez publie´ un discours coupable ; il n’y a point d’article dans la loi qui vous garantisse ; vous devez eˆtre puni. Et qu’on ne me dise pas que l’article est inutile ; qu’il est tacitement exprime´, je re´pondrai que, dans cette loi meˆme, vous avez adopte´ deux articles inutiles, pour calmer l’opinion qui se serait inquie´te´e de leur absence, ou donner une re`gle positive au magistrat. C’est ainsi que vous avez admis un article spe´cial sur les imprimeurs. C’est ainsi que vous avez, dans un article spe´cial e´galement, parle´ du crime de l’enle`vement des signes de l’autorite´, tandis que l’article 1er comprenait ce crime ou ce de´lit dans son acception ge´ne´rale. Nous demandons ici les meˆmes garanties ; qu’on les trouve inutiles ou non. Sans doute c’est un malheur que le signe de l’autorite´ soit enleve´ ; c’est, selon les cas, un crime ou un de´lit tre`s-punissable ; mais c’est un malheur aussi que, le principe de la liberte´ de la presse reconnu, les journaux soient place´s dans une telle *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 113, vendredi 23 avril 1819, pp. 492c–493a ; Archives parlementaires, t. XXIII, pp. 724–725. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 39–40. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, jeudi 22 avril 1819, pp. 3b ; Journal ge´ne´ral de France, no 673, jeudi 22 avril 1819, p. 2b ; Gazette de France, no 112, jeudi 22 avril 1819, p. 447b.

1

La correction apporte´e par le garde des Sceaux n’e´tant pas satisfaisante pour lui, BC revient a` la charge sur la question de la responsabilite´ des journalistes rendant compte des de´bats de la Chambre. Franc¸ois Guizot, oppose´ aux diverses propositions d’amendement.

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situation qu’ils n’osent pas imprimer un discours d’un de´pute´, parce qu’ils peuvent craindre que M. le procureur du Roi ne trouve ce discours coupable. Il est vrai que la loi ne peut empeˆcher les mauvais proce`s, mais il n’est pas moins vrai que la loi ne doit pas les faire naıˆtre. Je ne croyais pas, je l’avoue, qu’une proposition si naturelle fuˆt susceptible de tant d’opposition. J’insiste sur ma proposition, en me re´fe´rant a` la re´daction qui vient d’eˆtre pre´sente´e par M. de Chauvelin, et convenue avec M. Bedoch1. Monsieur le pre´sident, je me re´fe`re a` la re´daction pre´sente´e par M. le garde des sceaux.

1

Chauvelin avait propose´, de concert avec Be´doch, un amendement ainsi conc¸u : «Ne pourra eˆtre re´pute´ coupable ou complice de l’un des de´lits pre´vus en la pre´sente loi, l’auteur d’un journal qui aura publie´ textuellement ou par extrait des discours tenus, des rapports faits et autres pie`ces lues aux Chambres, s’il est e´tabli que la publication a e´te´ faite de bonne foi.» (Moniteur, no 113, 23 avril 1819, p. 492c). En de´finitive, c’est la version du nouvel article propose´ par le garde des Sceaux de Serre, a` laquelle BC finira par se rallier, qui sera adopte´e : «Ne donnera lieu a` aucune action le compte fide`le des se´ances de la Chambre des de´pute´s, rendu de bonne foi par les journaux.» (Moniteur, no 112, 22 avril 1819, p. 490c).

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[Intervention sur un amendement relatif au brevet des imprimeurs]* Se´ance du 21 avril 18191

494c

M. le pre´sident rappelle enfin l’amendement de M. Benjamin Constant relatif aux brevets des imprimeurs, et tendant a` ce qu’ils ne puissent leur eˆtre retire´s qu’en vertu d’un jugement qui l’ordonnerait. Quand j’ai propose´ l’amendement que M. le pre´sident vient de rappeler, j’avais le de´sir que j’aurai toujours d’ame´liorer plus que de changer. Je m’e´tais borne´ a` demander que le brevet ne puˆt eˆtre retire´ arbitrairement. Je pre´sumais qu’il y avait dans la profession d’imprimeur quelque chose qui exigeait d’eux des conditions particulie`res, et devait les assujettir a` des garanties que ne supportent point les autres industries. Mais depuis on m’a fait observer qu’il pouvait paraıˆtre contraire aux principes de la Charte, a` la protection et a` la liberte´ qu’elle accorde a` toutes les industries, peut-eˆtre meˆme aux intentions des ministres de prolonger cet e´tat de choses. Je crois donc devoir changer mon amendement, et je demande que les imprimeurs ne soient plus assujettis a` la formalite´ des brevets, et qu’ils puissent exercer leur industrie comme les autres citoyens ... – Une vive agitation se re´pand dans l’assemble´e.2

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 113, vendredi 23 avril 1819, pp. 494c ; Archives parlementaires, t. XXIII, p. 730. Manuscrit : BCU, Co 4380, p. 41. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, jeudi 22 avril 1819, p. 4a ; La Quotidienne, no 112, jeudi 22 avril 1819, p. 4a ; Journal ge´ne´ral de France, no 673, jeudi 22 avril 1819, p. 3a ; Gazette de France, no 112, jeudi 22 avril 1819, p. 448a.

1

Bre`ve intervention de BC pour pre´ciser son deuxie`me amendement. L’amendement de BC proposant la suppression des brevets pour les imprimeurs sera rejete´ par adoption de la question pre´alable «a` l’unanimite´ moins trois ou quatre membres a` l’extre´mite´ gauche.» (Moniteur, no 113, 23 avril 1819, p. 495a).

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[Intervention sur les termes diffamation et injure]* Se´ance du 22 avril 18191

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C’est ici, je crois, que doit s’e´lever la discussion sur la question de savoir si en tout e´tat de cause le de´lit de diffamation ou d’injure contre les tribunaux ou corps constitue´s, ne devront pas eˆtre porte´s devant le jury ... (Un grand nombre de voix : Non, ce sera a` l’article 142.)

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 114, samedi 24 avril 1819, p. 500a ; Archives parlementaires, t. XXIII, p. 768. Autre publication : Gazette de France, no 113, vendredi 23 avril 1819, p. 452a.

1

La Chambre est passe´e maintenant a` la discussion sur le deuxie`me projet de loi pre´sente´ le 22 mars sur la poursuite et le jugement des crimes et de´lits commis par la voie de la presse ou par tout autre moyen de publication ; la discussion concerne l’art. 4 de ce projet (primitivement l’art. 3, car un nouvel article avait e´te´ ajoute´ en cours de discussion) traitant de la diffamation et autre injustice commise a` l’encontre des cours, tribunaux et autres corps constitue´s. L’article 14 (premie`re version du projet) stipulait : «Les de´lits d’injure seront juge´s par les tribunaux de police correctionnelle, sauf les cas attribue´s aux tribunaux de simple police.» (Moniteur, supple´ment au no 82, 23 mars 1819, p. 344a). L’incohe´rence grammaticale (le de´lit ... ne devront) est dans la source.

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[Intervention pre´ce´dant le discours sur la diffamation]* Se´ance du 23 avril 18191

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M. Benjamin Constant observe que c’est ici le lieu de placer son amendement, tendant a` e´noncer que la disposition de l’article ne s’applique qu’au cas de la diffamation entre les particuliers. Monsieur le pre´sident rappelle a` la chambre les termes de cet article. M. Benjamin Constant se pre´sente a` la tribune. Messieurs, la question est tre`s-grave, et je serai oblige´ de me livrer a` des de´veloppemens e´tendus. Je de´sire qu’il soit bien entendu que les plaintes en diffamation ne devront eˆtre porte´es au domicile de la partie le´se´e que lorsque la plainte aura lieu entre particuliers, et que cet article ne soit nullement applicable aux fonctionnaires publics agens de l’autorite´. – Un grand nombre de voix a` gauche. A demain, a` demain ... Les membres de la gauche se le`vent et quittent leur place ... Beaucoup d’autres membres au centre et a` droite. Non, non ; parlez, parlez ... M. de Chauvelin. Ceux qui disent parlez s’en iront ; il est cinq heures, M. Benjamin Constant annonce qu’il a des de´veloppemens e´tendus, on voudra re´pondre ; il est donc impossible d’ouvrir a` cette heure un de´bat de cette importance.

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 115, dimanche 25 avril 1819, p. 504c ; Archives parlementaires, t. XXIII, p. 780. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, samedi 24 avril 1819, p. 4b ; La Quotidienne, no 114, samedi 24 avril 1819, p. 4b ; Journal ge´ne´ral de France, no 675, samedi 24 avril 1819, pp. 1b–2a ; Gazette de France, no 114, samedi 24 avril 1819, p. 456b.

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BC revient sur son quatrie`me amendement qu’il avait demande´ d’ajourner. Mais son discours et la discussion seront reporte´s au lendemain.

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Amendement relatif a` la diffamation. (Se´ance du 24 avril 1819.)*1

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MESSIEURS, La question sur laquelle j’ai eu l’honneur de vous proposer l’amendement qui vous occupe, est d’une importance extreˆme. Il s’agit, s’il est possible, a` la fois d’assurer a` la liberte´ de la presse sa plus grande utilite´ et de la de´gager de ce qu’elle a de plus funeste, de ce qui lui fait le plus de tort dans l’esprit des hommes mode´re´s, de ce qui la transforme en un objet d’effroi pour les hommes timides ; je veux dire, Messieurs, la diffamation ; c’est la diffamation qui rend la liberte´ de la presse suspecte a` la majorite´ des individus. S’ils ne voyaient dans cette liberte´ qu’une garantie contre l’oppression, ils la che´riraient ; mais ils voient, sous son nom respecte´, la diffamation, les menaces, et ils s’en e´pouvantent. Pour apaiser leurs craintes, pour les re´concilier avec cette faculte´, dont la privation les replacerait bientoˆt sous le joug de toutes les tyrannies, il faut organiser des poursuites efficaces contre la diffamation ; mais ou`, Messieurs, et comment organiser ces poursuites ? Voila` la question. Sera-ce en suivant le droit commun ? Sera-ce en adoptant une re`gle exceptionnelle ? De quelque manie`re que vous vous de´cidiez, vous rencontrerez de grands inconve´niens. D’une part, si vous admettez que, dans tous les cas, les poursuites a` la requeˆte du plaignant pourront se faire devant les juges de son domicile, et non pas uniquement devant les juges du domicile du pre´venu (c’est la teneur du projet de loi2), vous exposez tout e´crivain a` se voir force´ sans *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 41–53 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 41–53 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 115, dimanche 25 avril 1819, pp. 505a–506a [=M] ; Archives parlementaires, t. XXIV, pp. 30–33. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 43–54. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, dimanche 25 avril 1819, pp. 3b–4a ; La Quotidienne, no 115, dimanche 25 avril 1819, pp. 3b–4a ; Journal ge´ne´ral de France, no 676, dimanche 25 avril 1819, pp. 3b–4b ; Gazette de France, no 115, dimanche 25 avril 1819, pp. 459b–460a.

1

Dans les volumes du Moniteur disponibles sur Gallica, les pages 505 et 506 ne se trouvent pas au no 115, mais ont e´te´ de´place´es au no 105, du jeudi 15 avril 1819, a` la suite de la page 452. L’article 12 du projet : «Dans le cas ou` les formalite´s prescrites par les lois et re`glements concernant le de´poˆt auront e´te´ remplies, les poursuites a` la requeˆte du ministe`re public ne

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cesse a` supporter, a` l’occasion de l’accusation la moins fonde´e, peut-eˆtre une arrestation, et suˆrement les frais, les fatigues, les de´rangemens d’un voyage dispendieux. D’une autre part, n’y a-t-il pas injustice a` placer la re´paration qu’a droit d’espe´rer de la loi l’homme indignement diffame´ loin de son domicile, quand c’est dans son domicile meˆme que la diffamation a pe´ne´tre´ ? En re´fle´chissant sur les difficulte´s qui se rencontrent dans ces deux hypothe`ses, il m’a semble´ que l’on pourrait recourir, pour les re´soudre, a` une distinction dont j’ai de´ja`, durant cette discussion, invoque´ plus d’une fois le secours1. Il faut, je pense, mettre une diffe´rence entre les poursuites qui pourront avoir lieu pour diffamation et injures contre les particuliers, et celles que feront naıˆtre les accusations des meˆmes de´lits contre les de´positaires et agens de l’autorite´. Quant aux particuliers, quelque inconve´nient qui puisse en re´sulter pour les e´crivains, je ne saurais me´connaıˆtre, lorsque l’e´crivain a sciemment coope´re´ a` la publication, le droit du plaignant a` re´clamer et a` obtenir justice, dans son domicile, contre celui par lequel la diffamation a e´te´ porte´e dans son domicile. Je de´fends peut-eˆtre ici une cause impopulaire. Les e´crivains, ces de´fenseurs des opprime´s, ces nobles adversaires de la puissance vicieuse ou trompe´e, ces hommes qui rec¸oivent de leur ame et de leur talent une mission qui vaut bien les diploˆmes et les brevets et les titres, sont, de toutes les classes, celle qui agit le plus fortement sur l’opinion, et l’opinion, qui appre´cie leurs immenses services, est dispose´e a` voir de la libe´ralite´ dans toute doctrine qui les favorise. Mais aucune conside´ration ne me paraıˆt devoir l’emporter sur ce que je conside`re comme un principe de justice rigoureuse. Je ne veux point sacrifier a` une classe, quelque recommandable qu’elle soit, a` une classe a` laquelle j’appartiens et me fais honneur d’appartenir, le repos, la re´putation, la paix de toutes les autres classes. 5 loin de son domicile ] si loin de son domicile M 505b diffamations M 505b

12 pour diffamation ] pour

pourront eˆtre faites que devant les juges du lieu ou` le de´poˆt aura e´te´ ope´re´. En cas de contravention aux dispositions ci-dessus rappele´es, concernant le de´poˆt, les poursuites pourront eˆtre faites partout ou` les e´crits et autres instruments de publication auront e´te´ saisis. Dans tous les cas, la poursuite a` la requeˆte de la partie plaignante pourra eˆtre porte´e devant les juges de son domicile, lorsque la publication y aura e´te´ effectue´e.» (Moniteur, supple´ment au no 82, 23 mars 1819, p. 344a). 1

Voir en particulier les interventions du 14 et du 19 avril, voir ci-dessus, pp. 79–108 et 121.

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La vie prive´e de tout citoyen est sa proprie´te´. Nul n’a droit de pe´ne´trer dans ce sanctuaire. Celui qui s’y introduit, soit par lui-meˆme, soit par son livre, devient coupable la` ou` le sanctuaire qu’il viole est place´. C’est la` qu’il fait le mal, c’est la` que le de´lit se commet ; c’est la` que doivent avoir lieu les poursuites que ce de´lit doit entraıˆner. Je sais que beaucoup de bons citoyens pre´tendent que toutes les ve´rite´s, meˆme sur les individus simples particuliers, sont bonnes a` dire. L’on se place toujours sur un terrain tre`s avantageux quand on re´clame les droits illimite´s de la ve´rite´. Cependant je pre´fe`re pour moi renoncer a` l’avantage du poste et plaider la cause de la justice. En autorisant les attaques contre les simples particuliers, l’on me paraıˆt se tromper sur nos mœurs actuelles et le temps dans lequel nous vivons. Chez les anciens, dans les de´mocraties ou les re´publiques agite´es, chaque citoyen voulant et pouvant jouer dans l’e´tat un grand roˆle, pouvant devenir une puissance, il e´tait de l’inte´reˆt public que les moindres actions de chacun fussent connues ; mais aujourd’hui, la grande majorite´ de l’espe`ce humaine se concentre, quelle que soit la forme du gouvernement, dans les inte´reˆts et la jouissance de la vie prive´e1. N’exigeant rien du public, elle a droit a` ne pas eˆtre traıˆne´e devant le public pour des faits qui ne l’inte´ressent point. La vie prive´e de tout citoyen qui n’aspire a` aucune influence politique, je le re´pe`te, est sa proprie´te´. Que si l’on m’objecte qu’en soumettant les publicateurs de diffamation contre les particuliers a` comparaıˆtre au domicile du diffame´ ou de celui qui pre´tend l’eˆtre, je les expose aux inconve´niens d’un voyage lointain et dispendieux, qui peut aussi compromettre leurs inte´reˆts et de´ranger leur fortune, et que cette crainte empeˆchera la publication de faits utiles a` connaıˆtre et a` de´noncer au public, meˆme contre de simples particuliers, je re´pondrai que cela peut sans doute arriver quelquefois ; mais que cet inconve´nient, restreint aux simples particuliers, restriction que je vous prie de ne pas perdre de vue, sera bien moins se´rieux qu’on ne le pense ; la plupart et les plus graves des actions condamnables sont du ressort des tribunaux : car les actions ne sont condamnables que lorsqu’elles portent dommage a` quelqu’un, et tout homme a` qui l’on porte un dommage doit trouver dans les lois, et par conse´quent devant les tribunaux, un moyen d’obtenir re´paration et justice. Les plaintes devant les tribunaux, les me´moires des avocats, feront connaıˆtre les actions vraiment utiles a` de´voiler, et ce qu’il y a de plus salutaire dans la publicite´ ne sera pas perdu. 35 feront connaıˆtre ] feront donc connaıˆtre Discours 1827 I 45 M 505b 1

E´cho de la lecture que BC venait de faire a` l’Athe´ne´e royal, en fe´vrier 1819, «De la liberte´ des Anciens et des Modernes» (OCBC, Œuvres, t. XV, pp. 292–311).

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Quant aux anecdotes de´favorables, aux rumeurs vagues, aux faits de peu d’importance, bien que faˆcheux, y a-t-il un grand mal a` ce que le public les ignore ? Je ne le pense pas ; je ne pense point que l’absence de ces anecdotes sur la vie prive´e des individus devienne funeste a` la liberte´ de la presse. Les attaques contre cette vie prive´e n’ont ni dignite´ ni utilite´, et la liberte´ de la presse sera d’autant plus assure´e qu’elle sera de´gage´e de ce qui n’est que vil et ignoble. J’oserai me servir d’une comparaison qui me semble juste, bien qu’elle soit peut-eˆtre se´ve`re. Pourquoi me´prisons-nous les espions ? parce qu’ils violent les secrets des familles et les de´noncent au pouvoir. Mais ceux qui violent ces meˆmes secrets pour les trahir devant le public, que sont-ils ? des espions d’un autre genre. Je n’estime pas plus les uns que les autres. Cependant, pour e´viter un danger, il ne faut pas nous pre´cipiter dans le danger contraire. Ce n’est pas toujours l’e´crivain, c’est l’auteur de la publication qui doit eˆtre poursuivi ; car c’est la publication qui porte le mal au domicile du diffame´ ; sans cela, l’autorite´ qui voudrait perse´cuter ou e´loigner un e´crivain, trouverait quelque individu sans responsabilite´ et sans fortune, qui traıˆnerait a` son propre domicile l’e´crivain pre´tendu diffamateur, sous un pre´texte faux et frivole. C’est donc l’auteur de la publication, le vendeur, le distributeur, a` moins que ce dernier n’ait rec¸u de l’e´crivain une mission expresse, qui doivent eˆtre poursuivis. Ce principe a rec¸u une sanction me´morable dans l’arreˆt rendu par la Cour de cassation a` l’occasion d’un proce`s fameux1. Je conclus, Messieurs, de tout ce que je viens d’avoir l’honneur de vous dire, que tout individu, diffame´ dans sa vie purement prive´e, doit avoir le droit, comme l’article que nous discutons le porte, de faire les poursuites a` son propre domicile contre le publicateur de la diffamation. L’art. 12 du projet actuel exprime assez bien la disposition que je de´sire. Cependant, pour pre´venir toute ambiguite´ dans la loi et toute interpre´tation dans les organes du ministe`re public, art. 12, aux mots : Lorsque la publication y aura e´te´ effectue´e, je voudrais ajouter ces autres mots : Si l’inculpe´ y a effectue´ la publication2. 16 diffame´ ; sans cela ] diffame´. Sans cela M 505b 30 public, art. 12, ] public, je voudrais substituer, dans le 3e paragraphe de l’article 12, M 505b 31 je voudrais ajouter ] pas dans M 505b 30–32 Lorsque la publication ... effectue´ la publication ] pas en italiques Discours 1827 I 46 1

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Allusion probable au proce`s de Charles Dunoyer, condamne´ par la cour de Rennes pour diffamations publie´es dans Le Censeur europe´en le 13 juin 1818. La Cour de cassation avait annule´ ce jugement par un arreˆt du 18 septembre en reconnaissant que la cour de Rennes n’e´tait pas compe´tente pour prononcer le jugement, l’auteur d’une publication imprime´e a` Paris ne pouvant pas eˆtre tenu pour responsable de la distribution de celle-ci par des tiers dans une autre ville (Bulletin des arreˆts de la Cour de cassation, 1818, no 9, pp. 384–388). Voir l’art. 12 cite´ ci-dessus p. 139, note 2.

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Une raison qui a` mes yeux est irre´sistible, me de´termine a` consentir que l’on porte au domicile du particulier diffame´ la poursuite qui doit avoir lieu a` sa requeˆte. Un homme calomnie´ dans sa vie prive´e ne peut obtenir de justice comple`te que la` ou` sa vie prive´e est connue. Sortez-le de cette sphe`re, vous le livrerez a` des juges, a` des jure´s qui ne le connaissent pas, qui sont e´trangers aux e´le´mens moraux sur lesquels leur de´cision doit eˆtre appuye´e ; ces e´le´mens sont la conduite ante´rieure de cet homme, la re´putation dont il jouit, le bien qu’il a fait ; toutes ces choses, sans lesquelles il est impossible de juger du dommage que la diffamation lui a cause´, ne peuvent eˆtre appre´cie´es que par des hommes qui vivent rapproche´s, et qui sont les spectateurs habituels de son existence. J’adopte donc, avec le le´ger changement que j’ai indique´, l’article du projet amende´ par la commission, pour tout ce qui regarde les particuliers. Mais la the`se me paraıˆt changer entie`rement quand il s’agit des agens ou de´positaires de l’autorite´ ; aucun des raisonnemens que je viens de vous soumettre ne leur est applicable. Les e´le´mens moraux, ne´cessaires pour juger la diffamation contre les particuliers, ne le sont point pour juger les inculpations contre les agens ou de´positaires de l’autorite´. Les e´le´mens du jugement a` porter sur leurs plaintes, ce sont leurs actes. Ces actes ne changent point par le de´placement. A quelque distance que soient les jure´s et les juges, ils peuvent e´galement bien les appre´cier. La re`gle qui doit diriger la conscience du jury qui prononce sur la plainte d’un particulier, c’est quelquefois la comparaison de sa vie entie`re avec la diffamation. La re`gle qui doit diriger le jury qui prononce sur la plainte d’un agent de l’autorite´, c’est la comparaison de ses actes avec la Charte et la loi. Cette comparaison peut se faire partout avec une e´gale exactitude ; car les actes, la Charte et la loi ne s’alte`rent point par la distance. Je dirai plus : s’il est bon que la plainte des particuliers soit juge´e par des hommes qui les connaissent, il est bon que celle des agens de l’autorite´ soit juge´e par des hommes qui ne les connaissent pas. S’il est bon que la plainte du particulier soit juge´e dans son domicile, il est bon que celle de l’agent de l’autorite´ soit juge´e hors du lieu ou` il exerce son pouvoir. Est-il besoin, Messieurs, de vous en de´montrer la ne´cessite´ ? qui ne sent que les relations ne´cessaires et ine´vitables qui existent entre les divers fonctionnaires, et aussi entre les administrateurs et les administre´s, introduiraient

10–11 qui vivent rapproche´s, et qui sont les spectateurs ] vivant rapproche´s et spectateurs Discours 1827 I 47 M 505c 29 bon que celle des agens ] bon que celle de l’agent M 505c

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ou pourraient introduire, sans aucune pre´varication re´elle, sans aucune connivence coupable, dans l’esprit des juges ou des jure´s, une espe`ce de partialite´ propre a` fausser leur jugement ? Enfin, si la conduite ante´rieure doit entrer pour beaucoup dans l’examen de la diffamation dont le particulier se plaint, la conduite ante´rieure de l’agent de l’autorite´ ne doit entrer pour rien dans l’examen de ses actes. Il ne faut pas que des vertus prive´es couvrent des abus de pouvoir ; il le faut d’autant moins, que, dans un temps de parti, les notions du devoir et de l’e´quite´ se faussent trop souvent, et les vertus prive´es sont des garans peu suˆrs de la justice politique. Une autre conside´ration me frappe. Si vous ne voulez pas de´truire, a` l’e´gard des agens de l’autorite´, tous les effets avantageux de la liberte´ de lapresse, il faut reconnaıˆtre que c’est presque toujours hors du lieu ou` leur autorite´ s’exerce, et par conse´quent ou` les abus se commettent, que la publicite´, qu’il est si salutaire de donner a` leurs actes abusifs, peut avoir lieu. S’agit-il de de´noncer a` l’opinion un pre´fet oppresseur, arbitraire, tel qu’on dit qu’il y en a eu a` certaines e´poques ? S’agit-il d’avertir un pre´fet trop faible, que ses habitudes de socie´te´ rendraient susceptible de se laisser dominer par les ennemis de la liberte´ ou de la Charte ? Importe-t-il qu’un autre pre´fet adroit, ou soumis a` une influence occulte, et qui opposerait aux ordres qu’il rec¸oit cette re´sistance sourde, cette force d’inertie, moyen si puissant et si funeste dans les mains des ennemis du gouvernement constitutionnel, soit expose´, dans ses tergiversations, a` l’animadversion que me´rite le mal que ces tergiversations produisent ? Eh bien ! sera-ce dans le lieu ou` ces fonctionnaires manquent a` leurs devoirs, qu’un e´crivain ze´le´ pour le bien public devra les attaquer ? Croyezvous qu’il trouve un grand empressement a` le seconder dans l’imprimeur de la pre´fecture, a` pre´sent surtout que vous avez confirme´ la re´vocabilite´ du brevet des imprimeurs ? C’est donc seulement hors du domicile du pre´fet ou de tout autre agent de l’autorite´, que l’appel a` l’opinion, cet appel ne´cessaire, pourra avoir lieu ; or la meˆme cause qui fait qu’un e´crivain ne peut faire connaıˆtre l’administration mauvaise, arbitraire, vicieuse, en un mot, d’un pre´fet, que dans un lieu dans lequel ce pre´fet ne gouverne pas, rend encore plus indispensable que la diffamation dont ce fonctionnaire se plaindra ne soit pas juge´e dans le lieu ou` il gouverne, lors meˆme que le pre´tendu diffamateur aurait sciemment coope´re´ a` la publication. La meˆme influence qui aurait servi a` ce fonctionnaire pour empeˆcher la publication dans sa pre´fecture servirait a` faire con3 fausser leur jugement ? ] fausser leur jugement. M 505c 31 avoir lieu ; or ] avoir lieu. Or M 505c 34 gouverne pas, rend ] gouverne, rend M 505c

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damner e´galement dans sa pre´fecture cette publication. Quand il s’agit des agens de l’autorite´, je demande donc que les poursuites ne puissent avoir lieu qu’au domicile du pre´venu. Rappelez-vous, Messieurs, les biens dont la publicite´ a e´te´ la cause depuis quatre ans : je ne m’e´tendrai sur aucun de´tail, mais j’en appelle a` votre conviction. Croyez-vous que nous en serions ou` nous en sommes, verrionsnous respirer les de´partemens depuis l’arbitraire de 1815, aurions-nous un ministe`re qui souvent paraıˆt constitutionnel, sans une publicite´ que les e´crivains ont conquise par un grand courage et a` travers beaucoup de dangers ? Croyez-vous que vous n’ayez pas encore besoin, grand besoin de cette publicite´ ? que d’hommes en pouvoir, dans les e´chelons diffe´rens des diverses hie´rarchies, qui peut-eˆtre ont change´ de conduite, mais qui, retrac¸ant de tristes souvenirs, forment entre l’autorite´ et le peuple une fatale barrie`re ! J’en appelle a` ce que vous savez tous, mes colle`gues, a` ce que tous vous demandez, de´sirez, sollicitez chaque jour. Je glisse sur cette question, mais j’ai cru devoir la poser dans l’inte´reˆt du de´partement que je repre´sente1, et ce que je dis retentit dans l’esprit de la plupart d’entre vous. Oui, la publicite´, relativement aux de´positaires et aux agens du pouvoir, est encore ne´cessaire. Elle l’est pour haˆter la re´paration de beaucoup d’injustices ; elle l’est pour aider meˆme les fonctionnaires qui commencent une carrie`re qui doit se signaler par ces re´parations. La publicite´ leur donnera des lumie`res : elle les entourera de plus de force, elle les e´clairera sur cette foule de subalternes empresse´s dans tous les sens, aptes a` tous les usages, range´s autour du pouvoir, souvent accueillis, parce qu’ils lui apportent le tribut des connaissances locales qu’il ne posse`de pas, mais qui perpe´tuent la tradition de l’arbitraire, les excuses des vexations et les pre´ventions de l’injustice. Ecartons donc de cette publicite´ bienfaisante des entraves qui finiraient par la de´truire ; car, de quelque fermete´ que plusieurs des organes de l’opinion se soient montre´s doue´s, il faudrait un courage plus qu’humain pour braver sans cesse les meˆmes pe´rils. Vous ne pouvez pas vouloir que la de´fense des opprime´s, par la voie de la presse, ait pour leurs de´fenseurs, d’autant plus estimables qu’ils sont volontaires, le re´sultat de de´placemens ruineux, d’arrestations, d’interruptions continuelles, de jugemens qui, ainsi 13 une fatale barrie`re ! ] une fatale barrie`re ? M 505c 14 a` ce que tous ] a` ce tous M 505c 24 range´s autour ] groupe´s autour M 505c 34 d’interruptions continuelles, ] d’interruptions continuelles, etc., Discours 1827 I 51 M 505c 1

Le 18 avril, BC e´crivait a` Goyet : «Je suis de´voue´ sans re´serve au De´partement ; je veux bien prendre part aux discussions ge´ne´rales, parce que c’est mon devoir envers la France ; mais je ne veux pas ne´gliger le plus petit inte´reˆt de la Sarthe, parce que c’est mon devoir particulier.» (OCBC, Correspondance, t. XI, p. 152).

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que je vous l’ai montre´, risqueraient souvent, sans pre´varication aucune, d’eˆtre entache´s de partialite´. Ne nous effrayons pas de la possibilite´ de quelques libelles qui seront punis par les jure´s au domicile du pre´venu aussi bien qu’ailleurs. Que les de´positaires de l’autorite´ administrent bien, le nombre de ces libelles ne tardera pas a` diminuer. Croyez-moi, quand il n’y aura plus de ve´rite´ dans les libelles, le me´pris s’attachant a` eux en de´couragera les auteurs. Trop souvent c’est l’existence de beaucoup de ve´rite´s faˆcheuses qui ont preˆte´ au mensonge quelque autorite´ ; trop souvent ce sont les fonctionnaires qui ont donne´ du cre´dit aux libellistes. On vous a parle´ dans cette discussion, Messieurs, des garanties a` accorder au pouvoir. On dirait vraiment que, dans tous les sie`cles, c’est toujours le pouvoir qui a e´te´ opprime´, et l’on se sentirait volontiers saisi pour lui d’une compassion tendre. On vous a parle´ de la ne´cessite´ des garanties pour les de´positaires de l’autorite´, mais il y a aussi, je le pense, ne´cessite´ de garantie pour les citoyens. Je respecte le pouvoir, il est ne´cessaire a` l’ordre. J’honore les fonctionnaires qui le me´ritent, ils sont ne´cessaires a` la marche du gouvernement qui est le besoin de tous. Mais le pouvoir et les fonctionnaires existent pour la nation. Elle a droit a` ce que l’institution qui doit la pre´server ne tourne pas contre elle. J’ajouterai, Messieurs, que depuis quelque temps les progre`s de la liberte´ ont diminue´ ce qu’on nommait les garanties, et ce qui n’e´tait au fond que l’irresponsabilite´ des fonctionnaires. Les choses n’en vont pas plus mal. Je ne vois pas meˆme qu’il y ait moins de fonctionnaires, ni moins d’empressement a` le devenir. Je vois seulement que les fonctionnaires qui existent administrent mieux. Ne craignez pas, Messieurs, de de´courager les aspirans au pouvoir. Leur courage est ine´puisable. Certaines publications ont, depuis quelque temps, dit-on, beaucoup tourmente´ les pre´fets. Lorsqu’une pre´fecture est vacante, prend-on la fuite pour n’y eˆtre pas condamne´ ? Les fonctionnaires qui observent les lois n’ont rien a` craindre. L’opinion publique est juste ; elle deviendra plus juste encore quand la liberte´ sera bien affermie. Si la loi que nous discutons la consolide, il y aura peut-eˆtre momentane´ment beaucoup de libelles ; mais l’infamie, juste punition inflige´e par l’opinion libre, pe`sera sur eux ; elle vengera les fonctionnaires irre´prochables comme les citoyens. D’ailleurs j’admets la poursuite au do3 de la possibilite´ ] de la passibilite´ Discours 1827 I 51 32 condamne´ ? ] condamne´. M 506a 37 sur eux ; elle vengera ] sur eux. Elle vengera M 506a

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micile du pre´venu : je ne veux donc point une impunite´ contre laquelle je serai le premier a` re´clamer. Je comprends de plus, sous la de´signation de diffamation contre les individus, les diffamations contre les agens de l’autorite´ dans leur vie prive´e, et pour des choses sans rapport avec leurs fonctions. Je veux leur oˆter un privile´ge qui me semble alarmant, mais non pas affaiblir la protection dont la loi doit entourer tous les citoyens.1

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Les propositions de BC seront rejete´es par adoption de la question pre´alable «a` une tre`sforte majorite´ compose´e de toute la droite, de tout le centre et d’une grande partie de la gauche» (Moniteur, no 115, 25 avril 1819, p. 506b).

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Sur l’admission de la preuve contre les fonctionnaires publics.* (Se´ance du 28 avril 1819.)1

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MESSIEURS, J’avais d’abord forme´ le dessein d’examiner toutes les questions qui se rattachent a` l’art. 20 ; mais les orateurs qui m’ont pre´ce´de´ a` cette tribune ont rendu cet examen inutile. Une seule m’a paru me´riter de nouveaux de´veloppemens, et c’est a` cet e´gard que je crois devoir entrer dans quelques de´tails2. Je viens plaider la cause des fonctionnaires publics, car c’est plaider leur cause que de pre´tendre qu’ils n’ont rien a` craindre de la ve´rite´. Plus j’envisage cette question, plus je me persuade que ceux qui les outragent, ce sont ceux qui pre´tendent qu’on ne peut, sans les de´conside´rer, dire ce qu’ils font et le prouver ; car, comme on l’a de´ja` observe´, ce n’est pas de la calomnie qu’il s’agit, c’est de la preuve, ce n’est pas contre le mensonge, c’est contre la ve´rite´ qu’on veut diriger l’autorite´ de la loi. Etrange manie`re dont les questions se faussent ! Je suppose qu’un homme, qui n’aurait pour guide que le sens naturel et la raison commune, entendıˆt raconter qu’il y a un pays ou` une certaine classe d’hommes se fait *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 53–61 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 53–61 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 120, vendredi 30 avril 1819, pp. 533c–534b [=M] ; Archives parlementaires, t. XXIV, pp. 86–87. Manuscrits : BCU, Co 4380, pp. 55–62 ; Co 4381, pp. 1–9. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, jeudi 29 avril 1819, p. 3ab ; La Quotidienne, no 119, jeudi 29 avril 1819, pp. 3b–4a ; Journal ge´ne´ral de France, no 680, jeudi 29 avril 1819, p. 1b–2b ; Gazette de France, no 119, jeudi 29 avril 1819, pp. 474b–475a.

17 se faussent ! ] se faussent ? Discours 1827 I 54 M 533c 1 2

Plusieurs amendements avaient e´te´ propose´s pour renforcer la protection des fonctionnaires de l’E´tat face a` la teneur de l’article 20 relatif aux diffamations. L’article 20 du projet de loi : «Nul ne sera admis a` prouver la ve´rite´ de faits diffamatoires, si ce n’est dans le cas d’imputation contre des de´positaires ou agents de l’autorite´, de faits relatifs a` leurs fonctions. Dans ce dernier cas, les faits pourront eˆtre prouve´s par-devant la cour d’assises, par toutes les voies ordinaires, sauf la preuve contraire par les meˆmes voies. La preuve des faits impute´s met l’auteur de l’imputation a` l’abri de toute peine, sans pre´judice des peines prononce´es contre toute injure qui ne serait pas ne´cessairement de´pendante des meˆmes faits.» (Moniteur, supple´ment au no 82, 23 mars 1819, p. 344a).

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un jeu d’avilir les de´positaires du pouvoir ; quelle serait la premie`re pense´e, la premie`re exclamation de cet homme ? qu’il faut forcer ces mise´rables a` prouver ce qu’ils disent, pour que la honte de leur imposture retombe sur eux, et pour qu’ils demeurent aux yeux du public couverts de l’infamie qu’ils me´ritent. Point du tout, Messieurs ; ce qu’on propose, c’est de leur e´pargner cet opprobre. On veut qu’ils ne puissent pas prouver ce qu’ils ont dit, ou, en d’autres termes, que leurs mensonges ne puissent jamais eˆtre de´masque´s, que leurs assertions conservent toujours la pre´somption qui re´sulte ne´cessairement du silence qu’on leur impose. C’est la` ce qu’on re´clame au nom de l’honneur des fonctionnaires. C’est au nom de l’honneur des fonctionnaires qu’on veut qu’il ne puisse jamais eˆtre prouve´ que le mal qu’on a dit d’eux e´tait faux. Depuis qu’il existe au monde de la logique, celle-ci est bien, j’ose le dire, la plus bizarre que l’on ait invente´e. Je le re´pe`te, c’est pour les fonctionnaires eux-meˆmes que je viens la combattre. Si les amendemens que nous discutons sont adopte´s, je le de´clare, les fonctionnaires sont de´shonore´s aux yeux de la France, aux yeux de l’Europe qui lit nos de´bats. Quelle classe, Messieurs, je vous le demande, serait donc celle qui serait perdue aussitoˆt que la preuve serait admise, celle que le seul mot de preuve alarmerait, e´pouvanterait, soule`verait a` la fois contre le gouvernement, de qui elle tiendrait son autorite´, et contre la nation, sur qui elle l’exerce ? Eh quoi ! serions-nous vraiment dans cet e´tat de´plorable, que nos fonctionnaires eussent besoin des honteuses pre´cautions dont je ne sais quel pre´tendu ze`le veut les environner ? Loin de moi cette ide´e ! Si l’on en croit ce qu’osent affirmer ceux qui se disent leurs de´fenseurs, et que je regarderais, si j’e´tais a` leur place, comme les ennemis les plus perfides ou les amis les plus insense´s, a` peine la preuve sera-t-elle admise, que de toutes parts les preuves pleuvront sur eux ; a` peine aura-t-on permis a` des te´moins de se faire entendre, que des te´moins en foule se pre´senteront pour les accuser. S’il en e´tait ainsi, que devrions-nous penser de nos administrateurs et de nos magistrats ? Quoi ! le re´sultat de leur administration aurait e´te´ de soulever contre eux la population entie`re ! Quoi ! l’autorisation de la preuve serait leur condamnation ! c’est donc a` dire que si les diffamations e´taient admises a` eˆtre prouve´es, elles seraient toutes trouve´es vraies. 5 qu’ils me´ritent. ] apre`s ces mots (Bravo !) M 533c 13 e´tait faux. ] apre`s ces mots (On rit.) M 533c 26 de moi cette ide´e ! ] de moi cette ide´e. Discours 1827 I 55 M 533c 37 trouve´es vraies. ] apre`s ces mots (On rit.) M 533c

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Non, Messieurs ; admettre cette pense´e serait les calomnier. Le gouvernement ne l’admet pas, le gouvernement augure mieux de ceux qu’il emploie ; il sait que l’immense majorite´ des fonctionnaires est irre´prochable. En admettant la preuve dans le projet de loi, il leur rend un noble et un juste hommage. (Mouvement d’adhe´sion.) Comment se fait-il que, loin d’eˆtre soutenu dans cette proposition ge´ne´reuse, il se voit abandonne´ par quelques uns de nos honorables colle`gues, qui, toujours avec des intentions pures, j’aime a` professer cette conviction, mais pleins de de´vouement pour lui et pleins de confiance, ont vote´ constamment pour toutes les mesures d’exception que le malheur des temps lui a fait conside´rer comme ne´cessaires ? Pourquoi ne dirai-je pas franchement tout ce que j’ai dans l’ame ? Je le re´pe`te, aucune intention ne m’est suspecte. La bonne foi re`gne sur tous les bancs, dans toutes les parties de cette Chambre. Mais n’est-il pas malheureux que la confiance que te´moignaient tant d’hommes, quand le gouvernement demandait le sacrifice de la liberte´ individuelle et de tant d’autres liberte´s, ait cesse´ tout a` coup, comme par magie, a` la premie`re proposition libe´rale qui leur est soumise par ce meˆme gouvernement ? Ah ! qu’ils daignent revenir a` cette confiance qui ne paraissait pas eˆtre pour eux un effort si pe´nible. Ils ont ajoute´ foi au pouvoir, quand le pouvoir leur disait de se de´fier de la nation. Pourquoi refusent-ils de le croire, maintenant qu’il leur dit de se fier a` elle ? (Nouveau mouvement.) Ils vous affirment que si la preuve contre les fonctionnaires publics e´tait admise, vous ne trouveriez plus de fonctionnaires. Ah ! c’est bien plutoˆt si elle est rejete´e, que pas un homme honneˆte, attache´ a` sa re´putation, n’acceptera des fonctions que vous aurez enveloppe´es de te´ne`bres, des fonctions qui, couvrant de la meˆme nuit la vertu et le vice, l’innocence et la pre´varication, feront planer le soupc¸on sur tous, et pour donner a` quelques coupables, s’il y en a, une se´curite´ scandaleuse, raviront aux administrateurs sans reproches, le droit de marcher teˆte leve´e, de´fiant le mensonge et s’appuyant sur la ve´rite´. (Bravo ! bravo !) Et remarquez, Messieurs, ce que votre loi devient, si vous rejetez cet article ; elle devient, je le dis sans amertume, mais je dois le dire ; elle devient une loi de tyrannie la plus comple`te qui ait encore pese´ sur la presse. Daignez en rapprocher avec moi les diffe´rentes dispositions. Vous avez voulu, non seulement que les e´crivains, car, ainsi que l’on vous l’a dit hier, il ne s’agit pas des e´crivains, mais de tous ceux qui feront usage d’un moyen quelconque de publication, et de la parole comme de la presse ; vous avez voulu que celui qui aurait offense´ un fonctionnaire fuˆt juge´ dans le domicile de ce fonctionnaire ; que celui qui aurait offense´ un pre´fet fut juge´ aux lieux ou` ce pre´fet gouverne, et par un jury nomme´ par ce pre´fet1. 1

BC renvoie a` sa proposition d’amendement pre´sente´e et rejete´e le 24 avril.

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Et vous voulez a` pre´sent que le malheureux pre´venu, traıˆne´ loin de son domicile, juge´ par des jure´s nomme´s par sa partie, ne puisse pas meˆme devant ces jure´s faire la preuve de ce qu’il a avance´ ! Et pourquoi donc, Messieurs, cet empressement a` lui faire franchir des distances quelquefois e´normes ? Pourquoi cette persistance a` le faire comparaıˆtre devant les juges du fonctionnaire qui se pre´tend diffame´, quand le re´sultat d’un de´placement ruineux doit eˆtre que ces juges lui imposent silence et lui refusent la faculte´ de prouver la ve´rite´ de ce qu’il a dit ? Certes, si tel est le mode de proce´dure que vous adoptez, l’importance que vous avez attache´e au lieu de la poursuite me semble inexplicable. Tous les tribunaux pouvaient e´galement remplir la mission e´trange que vous leur confiez, celle de ne pas e´couter la de´fense (car la preuve est une de´fense, et la plus le´gitime), celle, dis-je, de ne pas e´couter la de´fense de celui qu’ils doivent juger. Ils l’e´couteront cette de´fense, me re´plique-t-on, si elle est appuye´e de preuves le´gales, de pie`ces authentiques. Eh ! ne savons-nous pas ce que sont les pie`ces que l’on appelle authentiques ? N’avons-nous pas vu des arreˆte´s, auxquels les administre´s n’auraient pu de´sobe´ir sans eˆtre punis, de´clare´s non authentiques, et des e´crivains punis pour les avoir cite´s ? Les preuves le´gales, poursuit-on, ce sont des jugemens ; c’est-a`-dire que, pour de´noncer impune´ment un acte arbitraire, il faut un jugement ; mais pour obtenir ce jugement, ne faut-il pas avoir de´nonce´ l’acte arbitraire ? Cercle vicieux, vraiment admirable, qui, s’il n’e´tait pas une erreur de ceux qui argumentent de la sorte, serait une de´rision cruelle, blessant a` la fois la justice et la raison. Mais vous refusez la preuve contre les individus, s’est-on e´crie´ dans la discussion : pourquoi donc l’admettre contre les fonctionnaires ? De ce qu’un homme est fonctionnaire, s’ensuit-il qu’il y ait contre lui pre´somption de crime ? Non, Messieurs, et vous devinez tous ma re´ponse. La preuve contre les personnes prive´es ne serait de nul inte´reˆt pour le bien ge´ne´ral ; elle ne serait qu’un aliment a` la malignite´, une source de de´sordres. La preuve contre les fonctionnaires inte´resse essentiellement la socie´te´. Qu’importe au public de savoir si tel homme a des mœurs plus ou moins pures ? Mais il importe a` tous de savoir si tel pre´fet a commis des actes attentatoires aux droits des citoyens et contraires a` la Charte. Voila` pourquoi, Messieurs, dans le premier cas, la preuve est superflue et doit eˆtre interdite, et voila` pourquoi, dans le second, elle est utile et doit eˆtre admise. 17–19 N’avons-nous pas vu des arreˆte´s, auxquels les administre´s n’auraient pu de´sobe´ir sans eˆtre punis, de´clare´s non authentiques, et des e´crivains punis pour les avoir cite´s ? ] N’avonsnous pas vu de´clare´s non authentiques des arreˆte´s auxquels les administre´s n’auraient pu de´sobe´ir sans eˆtre punis, et que des e´crivains ont e´te´ punis pour les avoir cite´s ? Discours 1827 I 61 M 534a

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Sur l’admission de la preuve contre les fonctionnaires publics

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Cependant, Messieurs, a` la vue de la re´pugnance, je ne dirai certainement pas de l’effroi que quelques personnes te´moignent a` l’ide´e de l’admission de la preuve, j’avais e´te´ tente´ de vous proposer un amendement qui aurait pu rassurer beaucoup de craintes. Il consistait a` de´clarer que la loi n’aurait d’effet, et que la preuve ne serait admise que pour les actes a` venir. Cet amendement jetterait sur le passe´ un voile impe´ne´trable. Mais j’ai re´fle´chi que des fonctionnaires ombrageux sur l’honneur, pourraient conside´rer cet amendement comme une insulte. J’aperc¸ois dans cette enceinte des magistrats en grand nombre, qui ont rempli constamment des fonctions importantes. Ces hommes auraient repousse´ avec indignation une pre´caution offensante, qui leur enle`verait le bonheur de pre´senter leur conduite a` une investigation scrupuleuse. Ils m’auraient reproche´ de vouloir officieusement couvrir d’un voile des actes qu’ils peuvent sans doute alle´guer chacun a` part et tous re´unis, comme des titres de gloire : et de peur de blesser leur susceptibilite´ de´licate, j’ai renonce´ a` cet amendement. Non, Messieurs, maintenant que la question vous a e´te´ expose´e dans son vrai point de vue, vous ne voudrez pas que l’interdiction de la preuve re´pande sur aucun de vos actes un jour e´quivoque. Vous ne voudrez pas qu’il soit de´fendu a` qui que ce soit de prouver ce que vous avez fait ; parce que vous n’avez rien fait que vous puissiez eˆtre afflige´s de voir constate´. Vous ne direz pas a` la France : Je ne veux pas qu’on prouve comment j’ai agi, comment j’ai parle´ ; parce que, j’en suis suˆr, vous n’avez jamais agi ni parle´ que suivant votre conscience. Je finis, Messieurs, en vous re´pe´tant ce que vous a fait remarquer hier un e´loquent orateur. Cette question est celle non seulement de la liberte´ de la presse, mais de la liberte´ de la parole, et de toutes les liberte´s. Je n’ai donc pas besoin de prendre en main la cause des e´crivains, qui n’ont pas plus d’inte´reˆt a` cet article de la loi que les citoyens en ge´ne´ral. Au nom de la liberte´ de la presse, qui serait de´truite si le droit de dire la ve´rite´ et de la prouver e´tait ravi aux Franc¸ais ; au nom de la nation, qui serait livre´e sans garantie au despotisme des fonctionnaires si la preuve e´tait refuse´e contre eux ; au nom du grand nombre de fonctionnaires irre´prochables, qu’un pareil privile´ge confondrait avec le petit nombre de fonctionnaires pre´varicateurs, je demande le rejet de tous les amendemens, excepte´ celui de la commission, et l’adoption de l’art. 20.1 11–12 pre´caution offensante ] e´dige sic pour e´gide offensante M 534a 1

BC obtiendra satisfaction : «Dans sa se´ance du 29, la chambre a rejete´ les amendemens de MM. Albert et Mestardier a` l’article 20 du projet de loi, et adopte´ cet article tel qu’il a e´te´ pre´sente´ par le gouvernement.» (Moniteur, no 120, 30 avril 1819, p. 536c).

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Messieurs, Appele´ a` la tribune apre`s l’orateur que vous venez d’entendre, et de´sirant re´pondre a` quelques principes e´nonce´s dans son discours, je re´clame, Messieurs, toute votre indulgence : je comptais n’avoir a` vous pre´senter que quelques conside´rations ge´ne´rales sur le projet ; mais apre`s avoir e´coute´ avec la plus grande attention quelques uns des raisonnemens de M. le commissaire du roi, j’ai pense´ qu’il e´tait ne´cessaire d’en essayer la re´futation2 ; elle sera toutefois, je le crois, affaiblie par le regret que j’e´prouve de la trouver dans un discours ou` nous avons reconnu beaucoup d’ide´es ge´ne´rales que nous partageons tous, et un e´clatant hommage a` cet essor de l’esprit humain, a` cet e´lan ge´ne´ral, produit du principe de l’e´galite´, qui a repandu a` la fois tant d’instruction, de lumie`res et d’expe´riences dans les diverses classes de la socie´te´. Mais il me semble avoir remarque´ dans le discours que vous venez d’entendre de la bouche de M. le commissaire du roi, l’e´nonciation de quelques principes, et certaines locutions qui pourraient entraıˆner l’application de mesures vexatoires. Je crois devoir les signaler. *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 61–78 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 61–78 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 125, mercredi 5 mai 1819, pp. 556c–557c [=M] ; Archives parlementaires, t. XXIV, pp. 167–171. Manuscrits : BCU, Co 4380, pp. 63–80 ; Co 4381, pp. 11–31. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, mardi 4 mai 1819, p. 3ab ; Le Constitutionnel, no 124, mardi 4 mai 1819, p. 1b–3a. Texte re´sume´ et diffe´rent. La Quotidienne, no 124, mardi 4 mai 1819, p. 3ab ; Journal ge´ne´ral de France, no 685, mardi 4 mai 1819, pp. 2a–3b ; Gazette de France, no 124, mardi 4 mai 1819, p. 495ab.

13 cet e´lan ge´ne´ral ] cet e´tat ge´ne´ral M 556c 14 d’instruction, ... et d’expe´riences ] d’instructions, ... et d’expe´rience Discours 1827 I 62 ; d’instruction, ... et d’expe´rience M 556c 1 2

La Chambre est passe´e maintenant a` la discussion ge´ne´rale sur le troisie`me projet de loi pre´sente´ le 22 mars sur les journaux et e´crits pe´riodiques. C’est a` Guizot que Constant succe`de a` la tribune. Le commissaire du roi avait lui-meˆme re´pondu a` un discours de Ponsard, lequel avait mis en doute la le´gitimite´ du cautionnement pre´vu par la loi pour les proprie´taires et directeurs de journaux. Guizot avait au contraire soutenu la loi sur ce point.

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On a commence´ par parler de ce qu’on appelle les principes absolus, du danger qu’ils pre´sentent dans leur application trop flexible, et par une analogie qui ne me semble qu’inge´nieuse, on les a nomme´s despotiques ; mais ne sait-on pas que nous n’avons e´prouve´ tant de malheurs, que nous n’avons e´te´ livre´s a` tant d’exce`s, que nous n’avons e´te´ tour a` tour victimes de l’anarchie et du despotisme, que parce qu’on a constamment repousse´ l’application des principes ; ne vous rappelez-vous pas que c’est toujours en les violant qu’on a pris des mesures qui avaient toujours pour pre´texte le bien public, et quelquefois le salut de la patrie ? On leur reproche d’eˆtre fiers ; ils ont peut-eˆtre le droit de l’eˆtre, puisque tous nos maux ont e´te´ attache´s a` leur violation, et que, comme le disait un orateur dans une session pre´ce´dente, les colonies n’ont pas pe´ri, parce qu’on a dit, pe´rissent les colonies plutoˆt qu’un principe ; elles ont pe´ri, parce qu’on a dit, pe´rissent les principes plutoˆt que tel ou tel inte´reˆt particulier1. Apre`s avoir cherche´ a` vous de´tacher de ce qu’on nomme les principes absolus, on a voulu vous prouver qu’on pouvait faire des lois contraires a` la Charte. Si, par exemple, la Charte n’avait pas e´tabli des conditions pour eˆtre e´lecteur ou e´ligible, il aurait bien fallu supple´er a` son silence. Je dirai d’abord que si la Charte euˆt garde´ ce silence, si elle n’euˆt rien statue´ sur les grandes bases de la socie´te´, elle euˆt e´te´ fort imparfaite, et cette supposition est tout-a`-fait inadmissible. Mais enfin, si elle n’avait rien dit, s’il e´tait possible qu’elle n’euˆt rien dit sur les conditions ne´cessaires pour eˆtre e´lecteur ou e´ligible, vous n’auriez pas le droit de supple´er a` ce silence ; sans doute il faudrait reme´dier a` son imperfection, et statuer sur le mode d’e´lection ; mais si la Charte n’avait pas e´tabli une condition spe´ciale, vous ne pourriez l’e´tablir ; si elle n’avait pas dit que pour eˆtre e´lecteur il faut payer 300 fr. de contributions, vous ne pourriez pas dire qu’on ne sera e´lecteur qu’en en payant 200 ou 250. Vous ne pourriez rien faire que de re´gle´mentaire, a` moins de de´vier de la Charte et de l’ane´antir. 9 salut de la patrie ? ] salut de la patrie. M 556c 17 a` la Charte. Si ] a` la Charte : si Discours 1827 I 63 ; a` la Charte ; et de faire faire que si M 556c 1

Jaucourt serait a` l’origine de la formule (F. Gauthier, «Pe´rissent les colonies ... ! De Jaucourt a` Marx en passant par Robespierre», recueil d’e´tudes re´unies par C. Le Bozec et E´. Wauters, Pour la Re´volution franc¸aise. En hommage a` Claude Mazauric, Mont-SaintAignan : Publications de l’Universite´ de Rouen, 1998, p. 407), reprise re´gulie`rement a` la tribune, notamment lorsqu’il avait e´te´ question des de´penses du ministe`re de la Marine ; BC renvoie peut-eˆtre a` des propos tenus par Brigode le 27 janvier 1817 (Archives parlementaires, t. XVIII, p. 332a puis 332b). D’autres discours dans le meˆme esprit avaient e´te´ prononce´s a` la Chambre lors du de´bat sur la loi du 15 avril 1818 interdisant la traite ne´grie`re au sein de l’empire colonial franc¸ais, mais ils n’ont pas e´te´ publie´s, la Chambre s’e´tant forme´e en comite´ secret (Moniteur, no 74, 15 mars 1818, p. 330c).

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Il en est de meˆme de la question qui nous occupe. La Charte n’a pas mis de restriction a` la liberte´ de la presse, vous ne pouvez en admettre. J’examine ici un raisonnement de M. le commissaire du roi, qui m’a frappe´ et qui me semble aller contre le but qu’il se proposait. L’orateur a dit que les lumie`res ne s’e´taient pas re´pandues avec autant d’e´galite´ que les fortunes1. Je n’examine pas si nos trente ans d’expe´rience, de gloire et de malheurs, n’ont pas en effet re´pandu plus de lumie`res qu’il n’en a existe´ a` aucune autre e´poque dans toutes les classes : en examinant celles qu’on en croit le moins susceptibles, j’avoue que j’y ai reconnu un instinct admirable, un sentiment vrai, une raison forme´e, muˆrie, une juste appre´ciation des choses, et je me refuse a` cette sorte d’aristocratie intellectuelle qui ferait regarder les lumie`res et la raison comme le partage exclusif d’une partie de la socie´te´. Mais voici en quoi le raisonnement de M. le commissaire du roi me semble aller contre son but, c’est que, d’apre`s ce raisonnement, il ne faudrait pas conside´rer les fortunes comme une aussi suˆre garantie que les lumie`res ; et cependant a` qui demandez-vous des garanties en admettant le projet de loi ? Est-ce aux lumie`res ? non, sans doute ; c’est a` la fortune. (Vif mouvement d’adhe´sion a` gauche.) On a dit encore : Si vous ne prenez pas une mesure de garantie tre`s forte, si vous n’admettez pas les cautionnemens, les journaux seront une are`ne ou` tous les petits inte´reˆts locaux seront sans cesse discute´s, et dans laquelle une guerre continuelle sera livre´e aux autorite´s. Ils ne se livreront pas aux discussions d’inte´reˆt public, aux questions de politique ge´ne´rale, ils ne seront ouverts qu’a` la de´nonciation et a` la pole´mique qui en sera la suite : mais, Messieurs, je ne crois pas qu’il soit vrai de dire que les journaux, pre´cipitamment re´dige´s, se nourrissant des e´ve´nemens du moment, soient bien propres a` traiter avec maturite´ les questions de politique ge´ne´rale ; ce n’est pas la` ce que leur demandent leurs lecteurs : c’est la` le partage des e´crivains politiques et des livres que la presse produit. Les journaux, e´phe´me`res de leur nature, sont consacre´s au jour qui les voit naıˆtre ; et le ve´ritable objet d’utilite´ qu’ils pre´sentent, on veut le leur oˆter ; cet objet est de de´noncer les abus, d’accueillir la plainte, d’appeler l’attention sur l’arbitraire et les exce`s du pouvoir. Les journaux ne sont pas des recueils de philosophie ; ils sont, ils doivent eˆtre un recours ouvert a` l’opprime´, pour faire entendre sa re´cla8 les classes : en examinant ] les classes ; mais en examinant M 556c ce raisonnement, il ] c’est qu’il M 556c 1

15 c’est que, d’apre`s

«La Re´volution n’a pas re´parti les lumie`res avec autant de rapidite´ et d’e´galite´ que les fortunes», avait dit Guizot (Archives parlementaires, t. XXIV, p. 166b).

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mation, et pour l’assurer, qu’interdite et e´touffe´e par les voies ordinaires, elle parviendra, par l’effet de la publicite´, aux oreilles du gouvernement1. Certes, je suis loin de rapprocher des e´poques qui se ressemblent peu, et de nier les progre`s immenses qui ont e´te´ faits dans la carrie`re constitutionnelle : mais j’ai duˆ relever quelques expressions qui m’ont paru de mauvais augure ; j’ai duˆ vous rappeler qu’en revenant a` ce principe, qu’il faut pre´venir et non re´primer, on tombe dans les subtilite´s de 1814, et que l’on jette le gouvernement dans un inextricable de´dale, tandis que l’adoption franche du principe constitutionnel ne lui laisse aucun embarras et ne donne lieu a` aucun abus qui ne puisse e´tre re´prime´. Vous avez e´tabli que la presse e´tait un instrument, qu’elle devait rentrer dans le droit commun2. Le droit commun veut que celui qui abuse d’un in strument, pour commettre un de´lit ou un crime, soit puni ; mais le droit commun ne veut pas que celui qui se sert d’un instrument donne caution qu’il n’en abusera pas. Que si vous dites que la presse est un instrument d’un genre particulier, ou que les journaux sont un emploi particulier de la presse, reconnaissez qu’apre`s cinq ou six lois d’exception sur les journaux, vous faites a` leur e´gard une septie`me loi d’exception ; mais ne parlez plus du droit commun. N’invoquez pas un principe que vous vous croyez force´s de violer une heure apre`s ; daignez vous conserver un me´rite que vous avez eu souvent, et que je reconnais avec joie, celui de la loyaute´ et de la franchise. Ensuite, je ne saurais vous le de´guiser, quand vous vous serez donne´ ce me´rite, vous vous retrouverez dans un autre embarras. L’art. 8 de la Charte interdit formellement toutes les lois pre´ventives relativement a la presse : elle ne permet que les lois re´pressives3. Direzvous qu’un cautionnement, qui doit eˆtre fourni avant qu’un journal commence, est une mesure de re´pression ? Re´prime-t-on ce qui n’a pas eu lieu, ce qui ne peut pas avoir eu lieu, puisqu’avant le cautionnement rien n’a pu eˆtre fait ? Le cautionnement est une mesure de pre´vention repousse´e par la Charte. 10 ne puisse eˆtre re´prime´. ] apre`s ces mots M. Benjamin-Constant, apre`s s’eˆtre attache´ dans cette improvisation rapide a` combattre les raisonnemens de M. le commissaire du Roi, poursuit et prononce le discours suivant : M 556c 14 soit puni ; mais ] soit puni. Mais M 556c 20 N’invoquez pas ] Ne posez pas M 556c 1

2 3

Ces arguments ne sont pas sans rappeler d’autres textes de BC, comme par exemple De la liberte´ des brochures, des pamphlets et des journaux, conside´re´e sous le rapport de l’inte´reˆt du gouvernement (1814 – OCBC, Œuvres, t. IX, pp. 57–115). Re´fe´rence a` la discussion sur le premier projet de loi sur la presse. L’article 8 de la Charte : «Les Franc¸ais ont le droit de publier et de faire imprimer leurs opinions, en se conformant aux lois qui doivent re´primer les abus de cette liberte´.»

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On re´pond qu’il faut aux citoyens une garantie contre la diffamation et la licence ; mais il faut aux citoyens une garantie contre tous les crimes. Demandez-vous a` chacun un cautionnement contre tous les crimes qu’il pourra commettre ? La ve´ritable garantie contre tous les crimes est dans le chaˆtiment qui plane sur eux. On continue : Les journalistes ont, par leur profession, inte´reˆt a` ajouter par la diffamation ou la licence a` la curiosite´ du public. Mais il y a dans la socie´te´ une foule de positions dans lesquelles un homme a inte´reˆt a` nuire a` un autre. Demanderez-vous un cautionnement a` quiconque se trouve dans l’une de ces positions ? Tous ces argumens tiennent a` un grand syste`me, qu’il vaut mieux pre´venir les de´lits que les punir, syste`me toujours mis en avant par le despotisme pour enchaıˆner les innocens, sous le pre´texte qu’ils pourraient bien devenir coupables ; syste`me qui s’e´tend d’un individu a` tous les individus, d’une classe a` toutes les classes, et ourdit un vaste filet dans lequel tous, sous le pre´texte d’eˆtre garantis, se trouvent enveloppe´s. Certes je hais autant la diffamation et la licence qu’un autre ; et si j’avais a` m’exprimer sur les publications qui franchissent aujourd’hui les bornes de la ve´rite´ et de la justice, je serais plutoˆt oblige´ de mode´rer la se´ve´rite´ de mon jugement que je n’aurais besoin de me garantir d’un exce`s d’indulgence. Plus on aime la liberte´ de la presse, plus on me´prise les libellistes ; de meˆme que c’est par amour pour la liberte´ en ge´ne´ral qu’on de´teste ceux qui la souillent et la de´shonorent. Mais ce n’est point par des mesures vexatoires, pre´ventives, inconstitutionnelles, que vous mettrez un terme a` la licence. Il n’y a qu’un reme`de suˆr contre la licence, c’est la liberte´. La licence pre´suppose l’arbitraire, la liberte´ s’appuie sur la loi. Le mode propose´ pour les cautionnemens ajoute a` l’inconstitutionnalite´ l’injustice. Un homme a 20,000 francs de rentes en maisons ou en terres : pour faire un journal, faudra-t-il qu’il vende sa proprie´te´, qu’il bouleverse sa fortune ? L’amendement de votre commission ne reme´die a` rien ; la consignation, non moins que l’achat de rentes, force le proprie´taire a` de´naturer son bien. Ou` est le droit d’exiger d’un homme qu’il de´nature son bien avec perte, avant d’exercer une industrie1 ? 2 la licence ; mais ] la licence. Mais M 557a 16 les classes, et ourdit ] les classes, ourdit M 557a 28 pour les cautionnemens ] pour ces cautionnemens M 557a 1

L’article 1er de la loi stipule que «les proprie´taires ou e´diteurs de tout journal ou e´crit pe´riodique [...] paraissant, soit a` jour fixe, soit par livraison, et irre´gulie`rement, mais plus d’une fois par mois, seront tenus [...] 2o de fournir un cautionnement de dix mille francs de rentes pour les journaux quotidiens et de cinq mille francs de rentes pour les journaux ou e´crits pe´riodiques, paraissant a` des termes moins rapproche´s» (Moniteur, supple´ment au no 82, 23 mars 1819, p. 344b).

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Le cautionnement est donc une mesure oppose´e a` la Charte, et le mode adopte´ pour le cautionnement est oppose´ a` la justice. Maintenant que j’ai taˆche´ de re´pondre a` ce qui vous a e´te´ dit de plus pre´cis, je passe aux autres parties de la loi que je combats. Ces parties sont : 1° la pe´riodicite´, si singulie`rement de´finie dans le projet de loi ; le nombre double des proprie´taires ou e´diteurs responsables ; et, sous ce rapport, je suis d’accord avec votre commission ; 2o Enfin les imprimeries duˆment autorise´es ; parce que ces deux petits mots, admis sans que personne y pense, confirmeraient la le´gislation, et meˆme la pratique, plus faˆcheuse que la le´gislation, en vertu de laquelle l’e´tat des imprimeurs est a` la discre´tion du pouvoir. Parlons d’abord de la pe´riodicite´ irre´gulie`re. Une fatalite´ presque amusante plane depuis quatre ans sur nos lois de la presse. Re´primer est devenu pre´venir ; de´poˆt s’est travesti en publication ; et voila` que, par pe´riodicite´, l’on nous prie d’entendre ce qui n’est pas pe´riodique1. Mais ce n’est pas sous ce point de vue que j’attaque rai le projet. Les abus du pouvoir sur les mots me blessent beaucoup moins que les abus du pouvoir sur les personnes. Les mots ont la vie longue et ils reprennent toˆt ou tard leur ve´ritable sens. C’est comme inexe´cutable que je combats la disposition, et c’est en conse´quence dans l’inte´reˆt de l’autorite´ que je la combats. Car rien n’est plus faˆcheux pour un gouvernement qu’une loi qui peut eˆtre e´lude´e, sans que, pour l’e´luder, il soit ne´cessaire de prendre la moindre peine. Or, Messieurs, daignez me preˆter un instant d’attention, et vous serez convaincus, j’en suis certain, que toutes les lois du monde n’empeˆcheront pas les e´crivains de publier des ouvrages qui paraissent aux meˆmes e´poques, et qui auront le meˆme caracte`re que ceux qu’on avait nomme´s semipe´riodiques, et qu’on nomme pe´riodiques maintenant. Je suppose qu’un e´crivain veuille e´luder votre loi. Relisez bien l’art. 112 ; il n’atteint que les e´crits qui, paraissant plus d’une fois par mois, portent le meˆme titre. Changez le titre, l’e´crit n’est plus dans la loi. 8 duˆment autorise´es ] en italique M 557a 16–18 abus du pouvoir ... que les abus du pouvoir ] abus de pouvoir ... que les abus de pouvoir M 557a 1

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La de´finition mise en cause par BC est formule´e a` l’article 1er cite´ ci-dessus. «Nous vivons dans un gouvernement libre, et la grammaire est esclave des ministres», ironise E´tienne qui avait souleve´ le meˆme paradoxe a` la fin du mois d’avril dans La Minerve que BC a` la tribune («Lettres sur Paris : no 54. Le 28 avril 1819», La Minerve, t. V, p. 642). Tel que de´pose´ le 22 mars, l’article 11 dit : «Les e´diteurs du journal ou e´crit pe´riodique seront tenus d’inse´rer dans l’une des feuilles ou des livraisons qui paraıˆtront dans le mois du jugement ou de l’arreˆt intervenu contre eux, extrait contenant les motifs et le dispositif dudit jugement ou arreˆt.» La commission, avec son rapporteur Savoye-Rollin (Ise`re, coˆte´ gauche) qui avait pris la parole le 26 avril, n’avait pas juge´ utile d’amender cet article (Archives parlementaires, t. XXIV, p. 40).

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Or, Messieurs, qu’est-ce qui empeˆche un e´crivain de publier une brochure en deux feuilles, sous le nom de Propagateur, par exemple1 ? Je prends ce nom, parce qu’il est en usage et en honneur dans deux ou trois de´partemens, et que les e´crits ainsi de´signe´s ont contribue´, et, je l’espe`re, contribueront encore a` obtenir le redressement de beaucoup d’injustices commises en 1815. Un e´crivain publie donc un Propagateur, un seul, qui forme un ouvrage a` part, termine´, qu’aucune livraison poste´rieure ne doit suivre. Au bas de la dernie`re page de ce Propagateur, le libraire ajoute ces mots : Sous presse, et devant paraıˆtre la semaine prochaine, l’Historien, par l’auteur du Propagateur. C’est un autre ouvrage. L’Historien paraıˆt. Au bas de la dernie`re page de cet Historien, le libraire ajoute : Sous presse, et devant paraıˆtre la semaine d’ensuite, l’Examinateur, par l’auteur de l’Historien. Croyez-vous, Messieurs, que le public, que toutes les restrictions e´veillent, que toutes les manie`res de luttes d’adresse avec le pouvoir amusent, n’entendra pas au bout de trois livraisons qu’il n’a qu’a` envoyer a` un libraire connu le prix de cinquante-deux brochures, pour recevoir re´gulie`rement pendant un an des Propagateurs, Historiens, Narrateurs, Examinateurs, Observateurs, en un mot, cinquante-deux brochures, n’ayant point de rapport le´gal les unes avec les autres, et pourtant ayant dans leurs principes et dans les sujets qu’elles traitent un rapport moral intime ? De´fendrez-vous aux libraires d’annoncer les livres qu’ils ont sous presse ? Alors l’e´diteur de Molie`re ne pourra donc pas pre´venir le public qu’il veut publier une e´dition de Boileau ? Ferez-vous des distinctions entre les ouvrages et les brochures, entre les brochures politiques et les autres, de manie`re que, dans les unes, la feuille blanche qui est a` la fin ne puisse eˆtre employe´e a` tel usage ? Eh ! Messieurs, vous vous perdrez en distinctions oisives, pue´riles, toujours e´lude´es. 9–10 l’Historien, par l’auteur du Propagateur ] l’Historien, par l’auteur du Propagateur M 557a 12–13 l’Examinateur, par l’auteur de l’Historien ] l’Examinateur, par l’auteur de l’Historien M 557a 14 de luttes d’adresse ] de lutter d’adresse M 557a 1

BC fait naturellement allusion en premier lieu au Propagateur de la Sarthe de Charles Goyet, lequel, en plus d’avoir travaille´ a` l’e´lection de Constant, de´nonce avec vigueur les agissements du pre´fet Jules-Paul Pasquier lorsque ce dernier e´tait pre´fet de la Sarthe. Jules est le fre`re d’E´tienne-Denis Pasquier qui avait e´te´ ministre sous Richelieu et qui retrouvera un portefeuille a` la fin de 1819 sous le ministe`re Decazes puis dans le second ministe`re Richelieu. Dans une lettre du 26 avril 1819 au meˆme Goyet, BC e´crivait : «Nous allons nous occuper dans deux jours de la 3e loi sur les journaux. Je l’attaquerai surtout sous le rapport des Journaux de Departement que le cautionnement, meˆme re´duit, comme la commission le propose, a` 1500 fr. de rente c’est-a`-dire a` pre`s de 25000 fr. de capital, rendroit tout a` fait impossible a` entreprendre.» (OCBC, Correspondance, t. XI, p. 159).

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Je sais que quelques personnes croient me re´futer, en me disant que mes objections seraient valables s’il s’agissait d’un jugement a` prononcer par les tribu naux ; mais que maintenant qu’il est question du jury, les jure´s investis d’un pouvoir discre´tionnaire de´meˆleront la pe´riodicite´, meˆme a` travers des formes non pe´riodiques en apparence. Il y aurait, ce me semble, beaucoup a` re´pondre a` cette assertion. 1o D’apre`s les deux lois que nous venons d’adopter, le jury, sans doute, prononcera sur les crimes et sur plusieurs des principaux de´lits de la presse ; mais l’acte d’e´luder la loi, pour ce qui regarde la pe´riodicite´ qu’elle aura cre´e´e, sera plutoˆt une contravention qu’un crime ou un de´lit du genre de ceux qui appellent l’intervention du jury, car, si je n’ai pas oublie´ les expressions consacre´es par des lois qu’une discussion re´cente a grave´es dans ma me´moire, les jure´s jugent les crimes, les offenses, les de´lits contre le roi, la famille royale, les Chambres, les souverains e´trangers1 ; mais je ne crois point que la question de savoir si tel ouvrage est pe´riodique ou non pe´riodique, soit de leur ressort. Le jugement sur cette question, qui est tout-a`-fait inde´pendante du contenu de l’ouvrage, me paraıˆt bien plutoˆt devoir eˆtre prononce´ par les tribunaux ; et les tribunaux, astreints a` suivre la lettre de la loi, devront ou manquer a` ce devoir et se jeter dans l’arbitraire, ou absoudre l’e´crivain qui se sera place´ a` l’abri de la lettre de la loi. En second lieu, je veux admettre qu’un jury soit, dans ce cas, appele´ a` prononcer. Ne se fait-on pas de son pouvoir discre´tionnaire une ide´e exage´re´e, en pre´tendant qu’il pourra condamner un e´crivain qui, dans une question de forme, sera parvenu a` mettre toutes les formes de son coˆte´ ? Le pouvoir discre´tionnaire du jury s’exerce sur les intentions, sur la partie morale de l’action soumise a` son jugement ; mais ce pouvoir s’arreˆte devant le fait, le jury ne peut de´clarer constant un fait qui ne l’est pas. Les formes sont un fait, et quand la loi est e´lude´e a` la faveur des formes, comme il est de fait qu’elle n’est pas viole´e, le jury, aussi bien que les juges, est force´ de de´clarer qu’il n’y a pas violation de la loi, et d’acquitter l’accuse´. Cela est si vrai, que tout le monde sait l’histoire de cet Anglais qui fut absous du crime de bigamie, parce qu’il avait e´pouse´ trois femmes2. 11 du jury, car ] du jury. Car M 557b 14 e´trangers ; mais ] e´trangers. Mais M 557b 26 jugement ; mais ] jugement. Mais M 557b 1

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BC fait re´fe´rence aux re´centes discussions du deuxie`me projet de loi, et en particulier sans doute a` l’intervention du garde des Sceaux de Serre le 26 avril 1819, qui liste effectivement les de´lits qu’il pense devoir eˆtre soumis au jury (Archives parlementaires, t. XXIV, p. 42a). L’anecdote, qui circulait de´ja` sous la Re´volution (L.-A. Deve´rite´, Mon opinion sur le jugement de Louis XVI, [s.l.], 1792, p. 11), sera reprise maintes fois au long du XIXe sie`cle, par exemple dans le Commentaire sur le Code pe´nal de M. Carnot, Paris : Ware´e, 1824, t. II, p. 548. Elle servira aussi a` illustrer l’entre´e «bigamie» dans le Grand Dictionnaire de P. Larousse.

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Certainement, si la doctrine de mes adversaires e´tait consacre´e, et si, d’apre`s la latitude du pouvoir discre´tionnaire qu’ils attribuent au jury, le jury euˆt juge´ l’intention, inde´pendamment du fait, l’Anglais aurait e´te´ condamne´ ; car, en e´pousant trois femmes, il avait bien eu l’intention d’en e´pouser deux. Mais le fait est inde´pendant du jury comme des juges. Sans le rapport du fait, le jury, aussi bien que les juges, est astreint a` respecter la lettre de la loi. Il ne peut, pas plus que les juges, de´clarer constant un fait qui n’est pas constant. Il ne pourra donc pas de´clarer pe´riodique ce qui n’est pas pe´riodique ; il ne pourra pas de´clarer que cinquante-deux ouvrages diffe´rens, paraissant a` diffe´rentes e´poques et sous divers titres, forment un seul et meˆme ouvrage. La disposition qu’on nous propose sera donc e´lude´e, soit que des juges ou des jure´s prononcent. J’ai saisi volontiers cette occasion de m’expliquer sur le pouvoir discre´tionnaire qu’on attribue au jury et que je suis loin de me´connaıˆtre, mais dont il semble qu’on n’aperc¸oit pas suffisamment les limites et la compe´tence. Il y a, meˆme dans les esprits les plus sages, je ne sais quelle tendance a` se jeter dans les extreˆmes. Parce que le jury doit sur certaines choses prononcer discre´tionnairement, on dirait qu’il ne doit prononcer sur toutes choses que discre´tionnairement. Mais alors on pourrait se passer entie`rement de lois ; l’on n’aurait besoin que de la conviction et du jugement moral du jury. Non, Messieurs ; tout a ses bornes, et rien n’est bon que dans ses bornes. Le jury est un grand bienfait, sans doute, mais il ne supple´e pas a` tout, et meˆme avec ce jury l’on aura toujours besoin de lois claires et pre´cises. Je reviens a` mon sujet. Le pouvoir public ne peut jamais lutter d’adresse avec les particuliers. L’inte´reˆt prive´ a beaucoup de ruses, beaucoup de malice. L’autorite´, quelque habiles qu’en seraient les de´positaires, est toujours gauche dans ses ruses et lourde dans ses malices. Ses avantages consistent dans la dignite´ et dans la force. Elle doit donc e´viter les petites luttes qui rendent sa force inutile et compromettent sa dignite´. C’est au nom de cette dignite´ que je demande que l’on retranche de l’article 1er ce qui a rapport a` la pre´tendue pe´riodicite´ irre´gulie`re. Je passe a` la disposition qui exige la de´claration de deux proprie´taires ou e´diteurs responsables. Ici je me bornerai a` re´pe´ter ce que nous a dit votre commission1. L’obligation d’eˆtre deux pour former une en treprise est une 6 Sans le rapport ] Sous le rapport M 557b 26 meˆme avec ce jury ] meˆme avec le jury M 557b 30 habiles qu’en seraient ] habiles qu’en soient M 557b 1

L’argument avait effectivement e´te´ avance´ par Savoye-Rollin lors du rapport qu’il avait pre´sente´ le 26 avril (Archives parlementaires, t. XXIV, p. 37b).

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atteinte re´elle porte´e a` la liberte´ de l’industrie : ce motif doit vous de´cider a` rejeter cette proposition. Je ne vous rappellerai pas, a` l’occasion des mots imprimerie duˆment autorise´e, tout ce que j’ai eu l’honneur de vous dire dans une discussion pre´ce´dente, sur l’effet nul et illusoire de toutes les garanties de la presse, si les imprimeurs ont sans cesse la perspective d’eˆtre de´pouille´s de leur e´tat1. L’on n’a rien re´pondu a` mes raisonnemens, ni a` ceux de mes honorables colle`gues. L’on ne s’est point explique´ sur ces brevets provisoires, qui ne sont autre chose que l’arbitraire ajoute´ a` l’arbitraire. L’on nous a parle´ de la douceur avec laquelle on avait fait usage d’une faculte´ ; tandis que notre the`se e´tait qu’on ne devait pas avoir cette faculte´. L’on n’a pas re´fute´ nos assertions sur l’effet que la de´pendance des imprimeurs doit avoir pour la liberte´ de la presse. L’on a renvoye´ a` une autre e´poque une mesure e´videmment lie´e a` celles qu’on nous faisait discuter, et l’on a laisse´ les imprimeurs dans une plus mauvaise position qu’aucune des classes de citoyens adonne´s a` une industrie quelconque ; car je ne connais que les imprimeurs, pour lesquels les lois statuent que, s’ils tombent, meˆme par inadvertance, dans une contravention qui leur attire un jugement correctionnel et la plus le´ge`re amende, ils pourront de`s lors, suivant le caprice d’un ministre, et a` l’e´poque ou` ils auront eu le malheur de de´plaire a` ce ministre, eˆtre prive´s du droit d’exercer la profession qui fait leur ressource et celle de leurs familles. Mais, encore une fois, je ne reviens point sur ce que vous avez de´cide´2 ; je me contente de vous demander de ne pas consacrer inutilement, dans la loi actuelle, par deux mots parasites, cette le´gislation vexatoire. Messieurs, ne rentrons plus dans le de´dale de lois exceptionnelles, dans lequel l’autorite´ et la nation, les gouverneurs et les gouverne´s s’agitent si pe´niblement depuis tant d’anne´es. Fions-nous aux chaˆtimens pour re´primer les crimes ; aux lois pour de´terminer, non les pre´cautions, mais les chaˆtimens ; aux tribunaux pour faire respecter et exe´cuter les lois. On vous dira peut-eˆtre que les lois n’ont pas assez de force, que la licence meˆme de la presse a re´pandu dans l’opinion qu’elle e´gare, une de´fiance impe´rieuse qui affaiblit l’influence des tribunaux. Erreur, Messieurs : toutes les fois que les tribunaux ont rempli leur mission, se sont renferme´s dans leur sphe`re, une conside´ration me´rite´e les a entoure´s.

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BC avait souligne´ ce point de`s son premier discours, le 14 avril, avant de revenir a` la charge et d’insister lors de la se´ance du 16 avril, ou` il en fait le cœur de son intervention, entraıˆnant Chauvelin et Manuel dans son sillage. BC n’a visiblement pas dige´re´ la fac¸on dont la Chambre avait adopte´, presque a` l’unanimite´, la question pre´alable sur l’amendement qu’il avait propose´ le 21 avril 1819 (voir ci-dessus, p. 133, note 2).

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Le pouvoir judiciaire est trop ne´cessaire pour que la tendance et le besoin ge´ne´ral ne soient pas de le respecter. Sa conside´ration et son influence de´pendent de lui. Soumis lui-meˆme a` nos lois constitutionnelles, uni a` nos institutions libe´rales et au monarque qui veut ces institutions, repoussant toute imitation des anciens parlemens, auxquels il ne ressemble ni par l’antiquite´, ni par les souvenirs, ni par les fonctions, puisque ces parlemens s’e´taient institue´s les organes du peuple au de´faut des e´tats ge´ne´raux qu’on n’assemblait plus, tandis que c’est dans les deux Chambres que se font entendre aujourd’hui les re´clamations nationales ; renferme´, en un mot, dans sa sphe`re le´gale, le pouvoir judiciaire se verra entoure´ de respect, et fera plier sans peine sous le joug des lois pe´nales les re´sistances des individus : ne menac¸ant point la liberte´, ne troublant point l’Etat, maintenant au contraire la paix et le bon ordre, il occupera, sans qu’aucun rival te´me´raire la lui ose disputer, sa place e´minente au-dessous de la couronne et des grands pouvoirs nationaux. Ne nous alarmons donc point de ce qu’on nous dit de la diminution de son influence, et ne votons pas de mauvaises lois pour supple´er a` cette influence qu’il lui est aise´ de conque´rir. J’ai cru, Messieurs, devoir combattre le projet qui nous est soumis avec la meˆme franchise avec laquelle j’ai taˆche´ d’ame´liorer les projets pre´ce´dens. Je ne me suis point laisse´ dominer par la de´sapprobation assez ge´ne´rale qu’il rencontre1 : applique´e aux autres projets, cette de´sapprobation est demeure´e sans influence sur moi. Quand j’ai lu dans certains e´crits que les deux lois sur la presse, lois qui, a` travers beaucoup d’imperfections, dont plusieurs subsistent malgre´ nos efforts, nous donnent le jury, la preuve contre les fonctionnaires et l’abolition de la loi du 9 septembre2 ; quand j’ai lu, dis-je, que ces lois sur la presse e´taient pires que les lois les plus oppressives de 1815, j’ai souri de pitie´ ; et j’ai souri de pitie´ encore, quand j’ai lu que les hommes qui ne voulaient pas, pour le plaisir de rejeter ces lois, renoncer au jury, a` la preuve et a` l’abrogation d’autres lois de´testables, abjuraient leurs principes, et fle´chissaient devant le pouvoir3. Il faut, je le sais, pardonner beaucoup de choses a` l’irritation que l’oppression fait naıˆtre : les e´crivains ont jusqu’ici 6 puisque ces parlemens ] puisque les parlemens M 557b 557b 26 9 septembre ] 9 novembre M 557c 1

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13 il occupera ] il s’occupera M

On ne perc¸oit gue`re cette «de´sapprobation ge´ne´rale» a` la lecture des interventions dans le de´bat. Comme le montre le paragraphe qui suit, la de´sapprobation s’est surtout manifeste´e dans la presse. Les deux e´ditions des Discours (1827 et 1828) comportent cette erreur : il s’agit bien de la loi du 9 novembre (1815), comme le reproduit correctement le Moniteur. Le Conservateur a` droite et la Bibliothe`que historique ainsi que Le Nouvel homme gris a` gauche avaient critique´ la loi comme liberticide (voir notre introduction).

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ve´cu sous une ve´ritable oppression, et dans des ames courageuses et peu mesure´es, cette oppression a produit la licence. Il faut pardonner beaucoup de choses a` l’ardeur du combat, a` cet emportement de la lutte, dont le motif est noble, et dont le re´sultat, malgre´ des e´carts et des exce`s, est souvent utile. Ces exce`s et ces e´carts ne deviendront re´ellement coupables que lorsqu’il y aura re´ellement liberte´. Aussi, je ne rappelle le peu d’effet qu’a produit sur moi cette exage´ration que j’excuse, mais qui ne m’a point fait de´vier de l’assentiment que j’ai cru devoir donner a` des ame´liorations e´videntes, que pour de´montrer que mon opposition actuelle est aussi la suite de ma conviction. La liberte´ avec la Charte, car la Charte me paraıˆt un moyen suffisant de liberte´, tel est le centre autour duquel nous devons toujours nous re´unir tous. Aucune conside´ration sur la terre ne me fera voter contre une loi que je crois bonne, ou meˆme contre une loi que je crois moins mauvaise que celle qu’elle remplace. Mais a` plus forte raison aucune conside´ration sur la terre ne me fera voter pour une loi que je crois mauvaise. Celle-ci me paraıˆt telle sous tous les rapports. Elle n’ame´liorera aucunement, selon moi, l’e´tat des choses ; elle est contraire a` la Charte, elle ne peut eˆtre adopte´e comme elle nous a e´te´ pre´sente´e. Voici, en conse´quence, l’amendement que j’ai l’honneur de vous proposer. Que l’art. 1er soit re´duit aux termes suivans : «Les proprie´taires ou e´diteurs de tout journal ou` e´crit pe´riodique, consacre´ en tout ou en partie aux nouvelles ou matie`res politiques, seront tenus de faire une de´claration, indiquant le nom d’un proprie´taire ou e´diteur responsable, sa demeure, et l’imprimerie dans laquelle le journal ou e´crit pe´riodique doit eˆtre imprime´.» Si mon amendement est rejete´, je vote contre le projet.1

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Sur l’article 1 du projet, le vote est pre´sente´ comme suit par le Moniteur : «la chambre a e´te´ aux voix et elle a admis le principe des cautionnemens a` une immense majorite´ : elle les a fixe´s pour les journaux quotidiens de Paris, de Seine-et-Oise et de Seine-et-Marne, a` 10 mille francs de rente, et pour les journaux non quotidiens ou semi-pe´riodiques, a` 5 mille francs. Dans les villes au-dessus de 50 mille ames, les premiers sont assujettis a` un cau– tionnement de 1250 fr. Dans les villes au-dessous de 50 mille ames, le cautionnement des premiers sera de 1500 fr., celui des seconds de 750 fr. de rente.» (Moniteur, no 125, 5 mai 1819, p. 560c) ; BC n’aura donc pas gagne´, mais pas non plus bataille´ en vain.

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[De´poˆt de deux amendements]* Se´ance du 4 mai 1819

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M. le pre´sident ajoute qu’a` l’instant un membre vient de de´poser sur le bureau deux amendements nouveaux. Le premier a pour objet de de´clarer que le directeur-ge´ne´ral des postes qui se permettrait d’arreˆter la circulation des journaux, sera susceptible d’eˆtre poursuivi correctionnellement (Des murmures s’e´le`vent.) Le second porte que les actes officiels envoye´s par le Gouvernement, et a` ses frais, pourront eˆtre inse´re´s dans le corps de la feuille ou dans un supple´ment. L’auteur de ces amendements ne s’est pas fait connaıˆtre. C’est moi, M. le pre´sident, qui les ai de´pose´s sur le bureau ...1

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 126, jeudi 6 mai 1819, p. 563c ; Archives parlementaires, t. XXIV, p. 197. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Quotidienne, no 125, mercredi 5 mai 1819, p. 3a ; Gazette de France, no 125, mercredi 5 mai 1819, p. 499a.

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Les deux amendements tomberont a` la question pre´alable.

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Sur le cautionnement demande´ aux journaux de de´partemens.* (Se´ance du 4 mai 1819.)1

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La question est ici, Messieurs, de savoir si vous voulez absolument de´truire les journaux de de´partemens ; en ce cas, adoptez la fixation du projet de loi, adoptez meˆme l’amendement de la commission. Les journaux ne pourront se soutenir, a` l’exception de trois ou quatre grandes villes. Il n’est pas un de´partement ou` le cautionnement puisse eˆtre fourni : ils ne donnent que de tre`s modiques produits, ils n’ont que des abonne´s locaux, ne s’occupent que d’inte´reˆts locaux, et cependant, Messieurs, la ne´cessite´ de ces journaux m’est bien prouve´e : j’irai plus loin, et je dirai que, jusqu’a` un certain point, elle m’est encore plus prouve´e que celle des journaux de la capitale. Une des causes de nos malheurs, depuis trente ans, a e´te´ que toute la vie politique de la France semblait renferme´e dans la capitale. Tout ce qui s’est passe´ de funeste pour la France et contre son vœu, provient de ce que, hors de Paris, il n’y avait ni vues politiques, ni e´nergie, ni force morale qu’on aurait pu utilement de´ployer en plus d’une occasion ; s’il y a eu des re´sistances partielles, bientoˆt la force centrale en a triomphe´, parce que ces re´sistances n’avaient pas pour appui la force morale provenant de la circulation des lumie`res et de la liberte´ des opinions ; que cette circulation et cette liberte´ soient assure´es, qu’elles pe´ne`trent jusque dans les cabanes, qu’elles y portent l’amour et la reconnaissance pour nos institutions ; qu’elles y constituent cette force morale qui, en re´sultat, l’emporte toujours sur la force physique, laquelle n’est qu’un instrument, et alors vous verrez les de´partemens associe´s a` la fortune et aux inte´reˆts publics. *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 78–80 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 78–80 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 126, jeudi 6 mai 1819, p. 565bc [=M] ; Archives parlementaires, t. XXIV, p. 203. Manuscrits : BCU, Co 4380, pp. 81–82 ; Co 4381, fo 33. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, mercredi 5 mai 1819, p. 4a ; Le Constitutionnel, no 125, mercredi 5 mai 1819, p. 3a ; La Quotidienne, no 125, mercredi 5 mai 1819, p. 4b ; Journal ge´ne´ral de France, no 686, mercredi 5 mai 1819, p. 3a ; Gazette de France, no 125, mercredi 5 mai 1819, p. 500a.

16 ni vues politiques ] ni vie politique M 565b 17 occasion ; s’il y a ] occasion. S’il y a M 565b 20–21 circulation et cette liberte´ ] circulation, cette liberte´ M 565b 22 pour nos institutions ] de nos institutions M 565b 1

Restait a` fixer la hauteur du cautionnement pour les journaux des de´partements. Comme repre´sentant de l’un d’eux, BC se sent bien entendu concerne´.

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Pour parvenir a` ce but, l’existence des jounaux de de´partemens est indispensable ; les e´lections doivent sans doute eˆtre l’expression de l’opinion publique ; cette opinion a besoin d’un moyen d’e´mettre son vœu. D’ou` partira cette expression ? du centre de la capitale1. Les re´sultats peuvent en eˆtre tre`s bons quelquefois, quelquefois aussi ils peuvent eˆtre funestes : il faut laisser aux localite´s le moyen d’exprimer leur vœu et d’agiter les questions de la candidature. Je m’oppose au monopole des lumie`res comme a` tout autre monopole, je n’en veux pas le privile´ge pour Paris ; je crois qu’il est bon que dans les de´partemens aussi, en manifestant librement l’expression de l’opinion publique, on se rattache au gouvernement franchement entre´ dans les voies constitutionnelles ; sans cela, vous re´duisez les de´partemens a` la nullite´, au roˆle passif qu’ils ont eu pendant toute la re´volution... (L’orateur est interrompu par ces mots : aux voix ! aux voix !) Messieurs, quand mes commettans m’ont envoye´ sie´ger parmi vous, ils ne m’ont point dit : Si vous voyez dans l’assemble´e s’e´lever quelque mouvement d’impatience de voter, retirez-vous de la tribune. J’y remplis mon devoir, Messieurs ; il sera souvent pe´nible2 ; mais j’insiste sur les graves conside´rations que je vous ai pre´sente´es, et je demande que, pour les de´partemens, le cautionnement soit e´tabli au dixie`me de celui qu’on propose, et qu’il n’y ait pas de cautionnement dans les villes au-dessous de 50,000 ames. Je demande la question pre´alable sur cette fixation. ... (Plusieurs membres de la gauche. Appuye´ 3...) 4 du centre de la capitale. ] du centre de la capitale ? Discours 1827 I 79 ; du centre, de la capitale. M 565b 5–6 funestes : il faut ] funestes. Il faut M 565b 13 aux voix ! aux voix ! ] en italiques M 565b 20 50,000 ames. ] apre`s ces mots (Des murmures s’e´le`vent.) M 565b 22 Plusieurs membres de la gauche ] en italiques M 565c 1

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BC fait allusion aux recommandations adresse´es par le gouvernement aux fonctionnaires des de´partements en pe´riode d’e´lections, mais sans doute pense-t-il e´galement a` l’efficacite´ de l’organisation libe´rale en matie`re d’e´lection – organisation a` laquelle plusieurs de ses colle`gues, et lui-meˆme dans une certaine mesure, doivent de sie´ger a` la Chambre. Rappelons d’ailleurs que des e´lections se profilent pour septembre : on ne parle pas qu’en the´orie. Ce passage illustre les interactions qui unissent l’orateur et son audience et qui vont jusqu’a` modifier le texte du discours initialement pre´vu par le de´pute´ qui quitte alors le canevas pre´pare´ au profit d’une improvisation – si courte celle-ci soit-elle. La question pre´alable demande´e par BC ne suit pas directement son discours, mais en est se´pare´e par une discussion ; le pre´sident voulait faire voter les de´pute´s sur le cautionnement «dans les villes au-dessous de 50’000 aˆmes a` 2’500 fr.». Chauvelin re´clame alors la parole, malgre´ les cris : «aux voix !». Son intervention va dans le meˆme sens que celle de BC. Suit la re´ponse du garde des Sceaux et le vote sur le cautionnement pour les villes au-dessus de 50.000 aˆmes a` 2.500 fr. C’est au moment ou` le pre´sident appelle a` voter sur le cautionnement pour les villes moins peuple´es que BC demande la question pre´alable, sans succe`s : la Chambre adopte la fixation propose´e par la commission.

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Amendement relatif au moment ou` les journaux devront eˆtre de´pose´s.* (Se´ance du 5 mai 1819.)1

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MESSIEURS, L’amendement, ou plutoˆt les amendemens que j’ai l’honneur de vous proposer comme modification a` cet article2 sont au nombre de deux, parfaitement se´pare´s et distincts l’un de l’autre. Lorsque la Chambre aura daigne´ m’entendre, elle le sentira, je le pense, et ces deux amendemens seront juge´s par elle successivement et se´pare´ment. Le premier de ces amendemens tend a` substituer aux mots avant la publication, les mots au moment de la publication. Mon but, en le proposant, est d’empe´cher que le vague laisse´ par les mots avant la publication, sur l’e´poque a` laquelle la remise de l’exemplaire devra eˆtre fait, ne sugge`re aux autorite´s, surtout dans les de´partemens, l’ide´e de fixer une e´poque telle, qu’elle rende la publication illusoire et impossible de fait. Je crains que cela n’arrive, dis-je, surtout dans les de´partemens ; car vous aurez pu remarquer, Messieurs, que, dans cette discussion, c’est particulie`rement pour les de´partemens que j’ai re´clame´. C’est pour les de´partemens que je suis effraye´ de l’arbitraire, parce que la publicite´, qui oppose a` l’arbitraire de certaines digues dans Paris, est nulle a` dix lieues de Paris, et sera bien plus nulle de´sormais, que les conditions *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 81–87 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 81–87 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 126, jeudi 6 mai 1819, p. 566ab [=M] ; Archives parlementaires, t. XXIV, pp. 207–208. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 83–89 ; Co 4381, pp. 35–41 (date´ du 4 mai). Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, jeudi 6 mai 1819, p. 3b ; Le Constitutionnel, no 126, jeudi 6 mai 1819, p. 1a–2a ; La Quotidienne, no 126, jeudi 6 mai 1819, pp. 3a–4a ; Journal ge´ne´ral de France, no 687, jeudi 6 mai 1819, pp. 1b–2a ; Gazette de France, no 126, jeudi 6 mai 1819, pp. 502b–503a.

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La discussion est ouverte sur les articles suivants de la loi ; BC intervient imme´diatement apre`s la lecture de l’article 5 par le pre´sident. L’article 5 : «Avant la publication de chaque feuille ou livraison du journal ou e´crit pe´riodique, il en sera remis a` la pre´fecture pour les chefs-lieux des de´partemens, a` la sous-pre´fecture pour ceux d’arrondissement, et dans les autres villes a` la mairie, un exemplaire signe´ de l’un des proprie´taires ou e´diteurs responsables.» La commission avait propose´ l’addition suivante : «Cette formalite´ ne pourra ni retarder ni suspendre le de´part, ou la distribution du journal ou e´crit pe´riodique.» (Moniteur, no 126, 6 mai 1819, p. 566a).

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mises a` l’existence des journaux de de´partement borneront ces journaux a` ceux auxquels le bon plaisir des pre´fets voudra bien accorder, aux de´pens du tre´sor, la base fiscale sur laquelle ils devront eˆtre appuye´s. Je crains donc, Messieurs, que les autorite´s subalternes n’abusent des mots avant la publication, pour exiger un de´poˆt pre´alable qui occasionerait des retards que peut-eˆtre les auteurs du projet de loi n’ont pas pre´vus, ou dont au moins ils n’ont pas avoue´ l’intention. Je comptais vous exposer les motifs de mes craintes, lorsque tout a` coup le hasard m’a fourni une preuve de fait qui aura vraisemblablement plus de poids a` vos yeux, que tous les raisonnemens du monde. Dans une ville tre`s importante par sa position, a` soixante lieues de Paris, sur le seul bruit de la loi que nous discutons, un fonctionnaire a trouve´ bon d’ordonner a` un journaliste qui depuis quelque temps y publiait une feuille, de lui pre´senter une e´preuve comple`te de cette feuille a` midi, la veille des jours ou` elle doit paraıˆtre. Ce fonctionnaire ajoute, il est vrai, que cette mesure ne doit avoir lieu que jusqu’a` ce que des dispositions le´gislatives aient de´termine´ la quotite´ du cautionnement1. Mais comme la quotite´ du cautionnement n’a aucun rapport avec l’heure du de´poˆt, je ne vois pas ce qui empeˆcherait, lorsque notre loi sera rendue, si elle ne contient rien de relatif a` cette heure pre´cise, le fonctionnaire dont j’ai parle´, ou tout autre autorite´ dans d’autres villes, de donner aux journalistes des ordres pareils a` celui que je viens de citer. Je n’indique ni la ville, ni le journaliste, ni le fonctionnaire, parce que je suis loin de vouloir me pre´valoir de ce fait contre ce dernier, que j’ai lieu d’ailleurs, par des raisons personnelles, de regarder comme fort sage et fort mode´re´ dans l’exercice de son pouvoir. Mais j’ai cite´ ce fait avec d’autant plus d’assurance, que j’en tiens dans ce moment entre mes mains, a` cette tribune, la de´monstration e´crite. Vous sentez tous, Messieurs, que si l’autorite´ exige le depoˆt des journaux a midi, la veille du jour de leur publication, les journaux de de´partement, qui s’impriment au moment de l’arrive´e de ceux de Paris, et de manie`re a` 1

Il n’a pas e´te´ possible d’e´claircir cette allusion avec certitude. L’importance de la ville et sa position ge´ographique ainsi que l’estime apparemment porte´e par BC envers le pre´fet pourraient laisser penser a` Girardin, fraıˆchement nomme´ pre´fet a` Dijon, ou a` Re´musat, pre´fet du de´partement du Nord et dont le fils Charles a contribue´ a` la re´daction des projets de loi sur la presse. Autres pre´fectures possibles : Charleville-Me´zie`res (Ardennes, Harmand d’Aboncourt), Verdun (Meuse, Camille Pe´rier), Nancy (Meurthe, Se´guier de Saint-Brisson), Metz (Moselle, Cle´rel de Tocqueville), Moulins (Allier, Fumeron d’Ardeuil), Chalon-sur-Saoˆne (Saoˆne-et-Loire, Feutrier), Chaˆteauroux (Indre, Brochet de Ve´rgny), Poitiers (Vienne, Moreau de la Rochette), Tours (Indre-et-Loire, Waters), Angers (Maine-et-Loire, Blocquel de Croix de Wismes), Laval (Mayenne, Coster), Caen (Calvados, Guyon de Montlivault) ; Sedan, Autun, Montluc¸on sont des sous-pre´fectures.

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n’eˆtre devance´s par la distribution de ceux-ci que le moins qu’il sera possible, seront en retard de vingt-quatre heures, et n’auront plus ni inte´reˆt, ni utilite´, ni nouveaute´. Quel pourrait donc eˆtre l’avantage de laisser subsister les expressions si vagues avant la publication, au lieu de leur substituer celles que je demande ? Aurait-on l’intention d’accorder aux autorite´s subalternes la faculte´ discre´tionnaire d’empeˆcher le de´part ou la distribution des feuilles, remises ainsi de manie`re a` pouvoir eˆtre pre´alablement examine´es ? Votre commission ne l’a pas cru, puisqu’elle a pro pose´ une addition portant que la formalite´ du de´poˆt ne pourrait retarder ni suspendre la distribution ou le de´part. Hier, avant la se´ance, je partageais la se´curite´ de votre commission ; aujourd’hui, je demande des explications formelles. Dans tous les cas, si le vague de la re´daction actuelle a pour but de re´introduire une censure de fait qui laisserait a` ses auteurs la gloire d’avoir aboli la censure de droit, il vaudrait mieux le dire. Si au contraire, Messieurs, on ne veut pas accorder a` l’autorite´ le droit de suspendre l’envoi des journaux, pourquoi ce de´poˆt pre´alable ? J’admets le de´poˆt au moment de la publication, parce que l’autorite´ doit eˆtre informe´e de ce qu’on publie, pour punir ensuite les publications coupables : mais si elle ne doit pouvoir punir qu’apre`s la publication ; si elle ne doit pas pouvoir arreˆter cette publication, quel que soit le contenu de la feuille, il n’y a nul motif pour que cette feuille lui soit communique´e ante´rieurement a` la publication meˆme. Il y a meˆme inconve´nient, car la lecture d’une feuille dont tel de´positaire du pouvoir de´sapprouvera les principes, sera toujours pour lui une tentation de lui chercher querelle, de l’arreˆter dans sa marche, de la suspendre, de la supprimer. Si, par impossible, il y avait de´sormais dans quelque de´partement favorise´ d’une exception heureuse, un journal qui ne rec¸uˆt pas du pre´fet son cautionnement et son esprit, et que ce journal racontaˆt quelqu’acte arbitraire de ce pre´fet, il y aurait naturellement velle´ite´ dans ce magistrat de retarder au moins le de´part de cette feuille. A plus forte raison, cette velle´ite´ existerait-elle, si ce pre´fet croyait y de´couvrir des choses vraiment coupables. En vain lui dirait-on que, d’apre`s le principe de la loi, il n’a pas le droit d’arreˆter le de´part d’un journal, il re´pondrait que les principes absolus sont des principes despotiques, qu’il ne faut pas que leur volonte´ soit faite sans qu’on examine s’ils ont raison : et le re´sultat de cet examen pre´fectorial des principes pourrait fort bien eˆtre que les principes ont tort. Encore une fois, Messieurs, si le but des mots avant la publication est de re´tablir la censure 1–2 qu’il sera possible ] possible M 566b 12 votre commission ; aujourd’hui ] votre commission. Aujourd’hui Discours 1827 I 84 M 566b

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pre´alable, qu’on le dise. Si l’on n’a pas ce but, je demande le remplacement de ces mots par les mots suivans : au moment de la publication. Je passe au deuxie`me amendement, ou plutoˆt a` la disposition additionnelle que je propose sur le meˆme article. Cette disposition tend a` prononcer la peine qu’encourront les directeurs des postes qui arreˆteront le de´part ou la distribution des feuilles pe´riodiques. Cet abus, Messieurs, est, vous le savez tous, une pratique assez constante1. Votre commission l’annonce, car elle a voulu pre´venir la continuation de cet arbitraire par un article qui l’interdirait2 ; mais toute loi, ce me semble, doit eˆtre accompagne´e d’une peine destine´e a` en punir l’infraction. Nous n’avons pas e´te´ avares de peines contre les e´crivains ; nous n’avons pas recule´ devant le catalogue, l’e´nume´ration, la multiplication des amendes : il y a eu luxe de de´veloppement et d’exactitude a` cet e´gard. Je ne conc¸ois donc point pourquoi, lorsque mon amendement a e´te´ lu, une sorte de de´sapprobation anticipe´e a paru s’y attacher. Cet amendement aura pourtant cette utilite´, que, si vous le rejetez en conside´ration de ce qu’il a e´te´ pourvu par d’autres lois a` la punition de ce de´lit, votre rejet rappellera au moins ces lois, qui ont quelque besoin d’eˆtre rappele´es ; car je ne sache pas qu’il y ait un exemple qu’elles aient rec¸u leur exe´cution. Cet amendement, d’ailleurs, est calque´ sur l’art. 5 du projet de loi, qui prononce des peines contre les journalistes qui se rendraient coupables de contravention aux re`gles que vous aurez e´tablies3. J’ai pense´ qu’en les frappant de punitions se´ve`res, nous devions leur accorder des garanties e´gales. Si vous ne le faites pas, le re´sultat de votre le´gislation 20 sur l’art. 5 ] sur l’art. 6 M 566b 1

2 3

Le directeur ge´ne´ral des postes Dupleix de Me´zy re´pondra vertement a` BC, commenc¸ant sa re´ponse en niant «formellement la pratique constante que M. Benjamin Constant pre´tend e´tablie chez les directeurs des postes, de retenir les journaux. Un fait de cette nature n’a jamais eu lieu. Je dirai meˆme a` ce sujet que les employe´s des postes ont ordre expre`s de la direction ge´ne´rale de ne point obtempe´rer aux ordres, relatifs a` la distribution des lettres ou journaux, qui pourraient leur eˆtre donne´s par les diverses autorite´s. Ils doivent en pareil cas rendre compte a` leur supe´rieur, qui s’adresse lui-meˆme au ministre.» (Archives parlementaires, t. XXIV, p. 209) Sur la question de la distribution des lettres et du courrier, voir par exemple E. Vaille´, Histoire ge´ne´rale des postes franc¸aises, Paris : PUF, 1953 et, du meˆme, Le cabinet noir, Paris : PUF, 1950. C’est l’addition a` l’art. 1 cite´e ci-dessus : «Cette formalite´ ne pourra ni retarder ni suspendre le de´part, ou la distribution du journal ou e´crit pe´riodique.» Il s’agit, comme le donne correctement le Moniteur, de l’article 6 : «Quiconque publiera un journal ou e´crit pe´riodique, sans avoir satisfait aux conditions prescrites par la pre´sente loi, sera puni correctionnellement d’un emprisonnement de six mois a` un an, et d’une amende de mille a` trois mille francs.» (Moniteur, supple´ment au no 82, 23 mars 1819, p. 344b).

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nouvelle sera d’avoir porte´ deux coups mortels a` la liberte´ de la presse, et dans sa racine et dans ses branches. La condition des imprimeurs, instrumens ne´cessaires de cette liberte´, les a mis a` la discre´tion du gouvernement : l’impunite´ des directeurs des postes, moyens non moins ne´cessaires de circulation, mettra les e´crivains a` la merci de ces agens subalternes du pouvoir. Si telle est l’intention, je le re´pe`te, qu’on nous le dise. Ce que je demande avant tout, c’est de la clarte´. Nous touchons, Messieurs, au terme de cette discussion. Ceux qui ne voient dans la liberte´ de la presse que des dangers, doivent eˆtre contens : nous avons adopte´ la compe´tence universelle, et les e´crivains pourront eˆtre force´s de voyager dans les quarantequatre mille municipalite´s du royaume. Nous avons de´cre´te´ les cautionnemens, et repousse´ par la` de toute influence sur l’opinion publique cette classe interme´diaire que nous avions appele´e, il y a deux anne´es, a` coope´rer aux e´lections. Pour publier sa pense´e par un journal, il faudra que tout e´crivain qui n’a pas un capital de 130,000 fr. disponible alie`ne une portion de cette pense´e a` un bailleur de fonds, censeur d’un nouveau genre, investi de bien plus d’empire que le censeur le´gal, qui e´tait au moins moralement responsable. Les partis y gagneront beaucoup, on vous l’a dit tre`s bien ; et, ce qui est bizarre, on vous l’a dit en e´loge de cette mesure. Les partis y gagneront, car aucun journal ne pourra paraıˆtre s’il n’est paye´ sur le tre´sor d’un parti. L’opinion solitaire, et par la` meˆme paisible et impartiale, est condamne´e au silence : en adoptant les cautionnemens nous avons proscrit l’impartialite´. Ce n’est pas tout : en e´tendant aux de´partemens les cautionnemens, nous avons tre`s probablement tue´ toute feuille de de´partement, sauf celles que les pre´fets tole´reront pour les diriger. Le pre´fet sera le re´gulateur de l’opinion, le secre´taire de la pre´fecture en sera l’organe, et, je le suppose, les employe´s seront les lecteurs. Apre`s tant de rigueurs, Messieurs, ou de pre´cautions, comme on voudra, il me semble que vous trouverez utile de ne pas terminer cette suite de mesures, en permettant que les directeurs des postes s’arrogent le droit de de´cider ce que doivent lire tous les citoyens. Vous adopterez donc, je l’espe`re, le deuxie`me amendement que j’ai l’honneur de vous proposer.1

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Le premier amendement propose´ par BC sera adopte´, le second rejete´ a` la question pre´alable.

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[Intervention a` propos de son amendement a` l’article 8]* Se´ance du 5 mai 1819

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M. le pre´sident rappelle l’amendement a` cet article1, pre´sente´ par M. Benjamin-Constant, amendement tendant, 1o. a` substituer aux mots sans de´lai, ceux-ci : le lendemain du jour que l’envoi aura e´te´ fait : 2o. a` ajouter ces mots : soit dans le corps du journal soit dans un supple´ment. Cet amendement est appuye´. – Personne ne re´clame la parole. – M. le pre´sident le met aux voix et proclame son adoption2.

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Le corps de mon amendement est tout entier dans la premie`re partie que vous avez adopte´e. Il suffit que le mot sans de´lai soit entendu du lendemain ; mais a` l’e´gard des feuilles qui ne paraissent pas tous les jours, il faudrait mettre au nume´ro prochain ... Un grand nombre de voix. Cela est inutile, cela est entendu.

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*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 127, vendredi 7 mai 1819, pp. 568c ; 569a ; Archives parlementaires, t. XXIV, p. 213. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, jeudi 6 mai 1819, p. 4a. Le Constitutionnel, no 126, jeudi 6 mai 1819, p. 2b. La Quotidienne, no 126, jeudi 6 mai 1819, p. 3b ; Gazette de France, no 126, jeudi 6 mai 1819, p. 503b.

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Article 8 : «Tout journal est tenu d’inse´rer sans de´lai les publications officielles qui lui seront adresse´es a` cet effet par le Gouvernement, sous la seule condition du paiement des frais d’impression.» (Moniteur, supple´ment au no 82, 23 mars 1819, p. 344c). Cependant, malgre´ cette adoption, la droite demande de reprendre la discussion ou re´clame la question pre´alable sur l’amendement de BC. Courvoisier s’exprime sur la substitution du mot lendemain a` celui de sans de´lai, mais n’obtient pas l’assentiment de la Chambre. BC reprend la parole : sa proposition est accepte´e.

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Sur les emprunts de quatorze et de vingt-quatre millions.* (Se´ance du 14 mai 1819.)1

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MESSIEURS, Je n’aurais pas eu la pre´somption de me pre´senter a` cette tribune apre`s une discussion aussi complique´e et aussi longue, si la longueur meˆme de cette discussion et la direction qu’elle a prise ne m’avaient convaincu de plus en plus qu’aussi long-temps que nous suivrions cette direction, tous nos efforts pour parvenir a` des re´sultats satisfaisans seraient inutiles. Depuis trois jours, des faits qu’aucun de nous ne peut ve´rifier ont e´te´ oppose´s a` des faits dont la ve´rification nous est e´galement impossible : des alle´gations ont combattu d’autres alle´gations. Nous nous sommes trouve´s en pre´sence de beaucoup d’assertions contradictoires, affirme´es avec une e´gale assurance par leurs auteurs respectifs ; mais je dois l’avouer, au moins pour ma part, et je crois que l’embarras que j’e´prouve sera partage´ par plusieurs de nos colle`gues, ces faits, ces alle´gations, ces assertions n’ont fait que redoubler mes incertitudes et mes doutes. Cependant, Messieurs, nos de´bats doivent avoir un terme. D’une part il faut, d’une manie`re ou d’autre, remplir, ne fuˆt-ce que provisoirement, le vide que tant de budgets exce´de´s ont cre´e´ sous nos pas. D’une autre part *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 88–102 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 88–102 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 136, dimanche 16 mai 1819, pp. 623a–624a [=M] ; Chambre des de´pute´s. Opinion de M. Benjamin Constant, de´pute´ ... Sur le projet de loi relatif a` la fixation des Budgets des anne´es 1815, 1816, 1817 et 1818, [Paris :] Hacquart, s.d., 22 p. [=Opinion] ; Archives parlementaires, t. XXIV, pp. 409–412. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 91–98 Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, samedi 15 mai 1819, p. 4ab ; Le Constitutionnel, no 135, samedi 15 mai 1819, p. 2b–4a ; La Quotidienne, no 135, samedi 15 mai 1819, p. 4a ; L’Inde´pendant, no 8, samedi 15 mai 1819, pp. 1b–2b ; Gazette de France, no 135, samedi 15 mai 1819, pp. 539b–540a.

11–12 impossible : des alle´gations ] impossible. Des alle´gations Opinion 4 Nous nous ] alle´gations : nous nous Opinion 4 1

alle´gations.

Apre`s cette se´rie d’interventions autour de la liberte´ de la presse, BC restera inactif pendant toute une semaine. Il reprend assez spectaculairement la parole autour d’une nouvelle question, de finance cette fois, dans la discussion sur le projet de loi relatif a` la fixation des comptes des anne´es 1815, 1816, 1817 et 1818. Voir notre introduction ci-dessus, pp. 69 sv.

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nous ne pouvons, dans notre conscience, et d’apre`s nos devoirs, sanctionner, pour remplir ce vide, des ope´rations que nul d’entre nous, j’ose le dire, ne peut encore juger en connaissance de cause. Heureusement nos incertitudes et nos doutes portent en grande partie sur un objet qui, bien qu’e´troitement lie´ au projet de loi qui nous est soumis, n’influera pas directement sur notre de´termination pour ou contre ce projet. Il est donc possible de s’en e´carter pour le moment, et de simplifier ainsi notre marche. C’est surtout de cette possibilite´ et de la ne´cessite´ d’en faire usage que je viens vous entretenir. Mais pour vous de´montrer cette ne´cessite´, je suis contraint d’entrer dans quelques de´tails, et je re´clame d’autant plus votre attention et votre indulgence, que j’e´prouve une de´fiance de moi-meˆme qui n’est balance´e que par le sentiment des intentions les plus pacifiques et de la bonne foi la plus comple`te. Vous devinez, Messieurs, que le sujet dont je veux parler, et qui a consume´ inutilement toute notre se´ance d’hier, ce sont ces emprunts qui ont donne´ lieu a` tant de versions diffe´rentes, et sur lesquels tant d’orateurs nous ont exprime´, tous avec l’apparence et sans doute avec la re´alite´ d’une conviction profonde, des opinions si inconciliables, si diame´tralement oppose´es. Je n’entrerai point dans le fond de la question : je ne vous ferai pas l’histoire de ces emprunts. Les re´cits que vous avez entendus depuis vingtquatre heures, et aujourd’hui encore, ne sauraient s’eˆtre efface´s de votre me´moire. Je me bornerai a` vous proposer quelques questions qui, a` mes yeux, ne sont point re´solues, et dont la solution toutefois me semble indispensable pour que nous portions sur ces emprunts un jugement e´quitable et e´claire´. Je commencerai par reconnaıˆtre la re´alite´ de quelques uns des raisonnemens alle´gue´s en faveur des anciens ministres, ou, pour mieux dire, de l’ancien ministre des finances, par les de´fenseurs de ces emprunts1. Ainsi je ne partage point l’opinion d’un de nos honorables colle`gues, quand il a reproche´ a` ce ministre d’avoir inse´re´ dans les conditions de l’emprunt de vingt-quatre millions une clause re´solutoire, dans le cas de la non e´vacuation du territoire franc¸ais2. Le ministre a, sous ce rapport, agi conforme´12 de moi-meˆme ] de soi-meˆme M 623a 17–18 nous ont exprime´ ] vous ont exprime´ Opinion 5 27 reconnaıˆtre la re´alite´ ] reconnaıˆtre la validite´ Opinion 6 31 d’avoir inse´re´ dans ] d’avoir inse´re´ parmi Opinion 6 1 2

Louis-Emmanuel Corvetto (1756–1821), comte d’Empire, ministre des Finances du premier cabinet du duc de Richelieu du 26 septembre 1815 au 7 de´cembre 1818. Dans la discussion ouverte sur le sujet le 10 mai, Casimir Perier, principal accusateur du ministre Corvetto e´tait intervenu le 11 mai, puis une seconde fois le 12 et une troisie`me fois le lendemain. C’est dans l’intervention du 13 mai qu’il e´nonce l’accusation conteste´e

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ment a` la loi. Le cre´dit vote´ par les Chambres e´tait conditionnel ; il ne devait se re´aliser que si le territoire e´tait e´vacue´. La clause re´solutoire e´tait donc une conse´quence ne´cessaire du vote des Chambres. Le ministre, a` cet e´gard, me semble irre´prochable. Mais, Messieurs, a` cette le´gitimite´ de la clause re´solutoire se joint incontinent une autre question qui me paraıˆt bien moins e´claire´e. Cette clause re´solutoire e´tait manifestement pour les preˆteurs un immense avantage. Elle plac¸ait les capitalistes e´trangers que le ministre avait adopte´s pour l’emprunt de vingt-quatre millions, dans une condition bien meilleure que les capitalistes franc¸ais admis a` l’emprunt de quatorze millions 600,000 fr.1. Ceux-ci avaient duˆ supporter toutes les chances les plus faˆcheuses comme les plus favorables. Si le territoire n’euˆt pas e´te´ e´vacue´, les rentes auraient e´prouve´ une baisse e´norme. Cette baisse euˆt e´te´ a` la charge des pre´teurs franc¸ais. Les e´trangers, au contraire, dans l’emprunt de vingt-quatre millions, e´taient, par la clause re´solutoire, a` l’abri de ce danger. Si le territoire n’e´tait pas e´vacue´, leurs engagemens e´taient nuls ; ils se retiraient sans perte. Si l’e´vacuation avait lieu, la hausse des rentes e´tait infaillible et leur be´ne´fice assure´. Ils avaient donc tout a` gagner ; ils n’avaient rien a` perdre. Or, Messieurs, je le demande, et ceci est, si je ne me trompe, une question toute neuve, car aucun des apologistes de l’ancien ministre ne nous a donne´ sur ce point la moindre explication, comment se fait-il que, dans cet emprunt si avantageux, dans cet emprunt d’un genre unique, car je ne connais dans l’histoire des emprunts que celui-la` seul ou` les preˆteurs aient e´te´ mis a` l’abri de tout risque, comment se fait-il, dis-je, que, dans cet emprunt, les rentes aient e´te´ donne´es aux preˆteurs qui, je le re´pe`te, ne pouvaient que gagner, a` un prix infe´rieur a` celui qu’avaient paye´ les preˆteurs des quatorze 1–2 conditionnel ; il ne devait ] conditionnel. Il ne devait Opinion 6 6 bien moins e´claire´e ] bien moins e´claircie M 623a Opinion 7 12 Si le territoire n’euˆt pas e´te´ e´vacue´, les rentes ] Si le territoire n’e´tait pas e´vacue´, il e´tait certain que les rentes M 623b ; Si le territoire n’avait pas e´te´ e´vacue´, les rentes Opinion 7 14–15 Les e´trangers, au contraire, dans l’emprunt de vingtquatre millions, e´taient, par ] Les e´trangers, e´taient, au contraire, dans l’emprunt de vingtquatre millions, par Opinion 7 16 e´taient nuls ; ils se ] e´taient nuls. Ils se Opinion 7 21 explication, comment se fait-il ] explication : Comment se fait-il Opinion 7 par BC (Journal des De´bats, 14 mai 1819, p. 3b). Rappelons qu’apre`s les Cent-Jours, le second traite´ de Paris e´tablit les conditions de l’occupation du territoire franc¸ais par 150.000 hommes des troupes allie´es ; l’occupation prendra fin avec le traite´ d’Aix-la-Chapelle en novembre 1818. 1

Deux emprunts avaient e´te´ successivement contracte´s ; c’est principalement le second qui est mis en cause dans le de´bat a` la Chambre, notamment par le fait qu’il avait e´te´ ouvert aux investisseurs e´trangers.

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millions 600,000 fr., qui pouvaient perdre ? Remarquez bien, je vous prie, le terrain sur lequel je me place pour vous proposer cette question. Il ne s’agit point de la clause re´solutoire : j’en admets la ne´cessite´. Il s’agit du prix auquel ces rentes ont e´te´ livre´es : ou` e´tait la ne´cessite´ de les livrer a` ce prix, quand, dans un emprunt non moins profitable, ou` les chances de perte et de gain e´taient e´gales, ou` les pre´teurs n’e´taient pas garantis contre toute perte, on avait livre´ les rentes a` un prix plus haut1 ? On nous a beaucoup parle´ des puissances ; je reviendrai sur ce sujet : je veux admettre pour le moment tout ce qu’on nous en a dit ; mais, parmi les choses qu’on nous a dites, il en est une pourtant qu’on n’a pas trouve´ possible de nous affirmer. Personne n’a tente´ de nous persuader que les puissances avaient fixe´ le prix de nos rentes ; on ne parviendra pas plus a` nous faire croire que les pre´teurs e´trangers ne les auraient pas prises a` un taux plus raisonnable. Ne courant point de chance, ne pouvant, comme je l’ai dit, graˆce a` la clause re´solutoire, que gagner et jamais perdre, ils se seraient contente´s d’un be´ne´fice infaillible, lors meˆme qu’il euˆt e´te´ moins exorbitant. Quel a donc e´te´ le but, le calcul, le motif du ministre, dans une ope´ration aussi de´sastreuse, dans une ope´ration qui, a` elle seule, en la se´parant de toutes les autres, aurait couˆte´ a` l’Etat plus de vingt millions ? Tant que cette question ne sera pas re´solue, vous ne pouvez pas sanctionner la conduite de cet ancien ministre, en adhe´rant aux e´loges qui lui ont e´te´ prodigue´s dans cette enceinte ; et daignez y penser, vous ne pouvez pas non plus, en votant la loi que vous discutez, sans prendre en conside´ration ce proble`me jusqu’ici inexplicable, de´clarer que vous n’y attachez aucune importance ; ce serait, Messieurs, de´clarer a` la France que vous n’attachez aucune importance a` ce qu’un ministre, par sa faute, sans necessite´ et sans excuse, lui ait enleve´, dans un moment ou` elle suc combait de´ja` sous le poids de ses charges, une portion conside´rable de ce que les e´trangers avaient consenti a` lui laisser. Vous devez donc suspendre votre de´cision ; 3 re´solutoire : j’en admets ] re´solutoire. J’en admets Opinion 8 4 livre´es : ou` e´tait ] livre´es. Ou` e´tait M 623b 5 emprunt non moins profitable ] emprunt moins profitable M 623b Opinion 8 8 puissances ; je reviendrai ] puissances. Je reviendrai M 623b Opinion 8 8–9 ce sujet : je veux ] ce sujet. Je veux Opinion 8 12 nos rentes ; on ne ] nos rentes. On ne Opinion 9 14 point de chance ] point de chances M 623b Opinion 9 26 importance ; ce serait ] importance. Ce serait Opinion 9 1

Les souscripteurs de l’emprunt de 14,6 millions avaient paye´ les rentes au prix de 67,50 francs ; leur valeur monta rapidement a` 75 francs. Ceux de l’emprunt de 24 millions a` 62 francs la rente, alors que la valeur a` la bourse au 31 mai e´tait de 69 francs ; les rentes furent revendues quelques mois plus tard a` 75–80 francs.

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mais, pour que la nation ne se croie pas abandonne´e par ses mandataires, vous devez lui faire connaıˆtre que votre de´cision n’est que suspendue. Je vous ai parle´ du prix mis aux rentes de l’emprunt de vingt-quatre millions : permettez-moi maintenant de fixer votre attention sur l’e´poque a` laquelle ces rentes ont e´te´ livre´es. Rien ne forc¸ait l’ancien ministre a` conclure sa ne´gociation dans le mois de mai1. S’il euˆt attendu huit jours de plus (ce n’e´tait pas attendre jusqu’au congre`s d’Aix-la-Chapelle), sa ne´gociation euˆt e´te´ moins de´favorable d’un dixie`me. On ne nous dit point que les puissances eussent fixe´ cette e´poque, et l’on n’est pourtant pas trop re´serve´ dans l’intervention qu’on attribue aux puissances. Ainsi, Messieurs, dans le choix de l’e´poque comme dans la fixation du prix, il y a eu perte pour l’Etat, perte que rien n’explique, qu’en conse´quence, jusqu’a` pre´sent, rien n’excuse, et que vous ne pouvez sanctionner sans e´claircissemens ulte´rieurs, ni par une de´cision, ni par le silence. Entrerai-je dans le de´tail des autres ope´rations du meˆme ministre ? Vous le montrerai-je rendant une baisse ine´vitable par la vente de deux millions de rentes au moment meˆme de l’emprunt ? Qu’il ait vendu ces deux millions de rentes aux e´trangers, je ne le lui reproche pas : il e´tait lie´ par des engagemens ante´rieurs ; et a` Dieu ne plaise que je l’accuse quand je le juge excusable. Mais pourquoi vendre ces rentes pre´cise´ment a` l’instant ou` la baisse que cette vente devait produire e´tait si funeste aux ope´rations qu’il ne´gociait, pre´cise´ment quelques jours avant la conclusion de l’emprunt ? Les besoins de l’E´tat l’y forc¸aient, nous a-t-on dit. Ces besoins e´taient grands, je le reconnais ; je reconnais tout ce qui est e´quitable : mais ne pouvait-il y subvenir pour quelques jours, en empruntant sur le de´poˆt de ces rentes ? pour quelques jours, dis-je, car c’est pre´cise´ment a` la diffe´rence de quelques jours qu’ont tenu les de´sastres de son administration financie`re ; et je ne sais quelle fatalite´ l’a toujours pousse´ a` choisir le moment ou` chaque ope´ration qu’il faisait e´tait plus particulie`rement de´savantageuse2. Ce n’est pas tout : la baisse qu’il favorisait ainsi par une vente intempestive et pre´cipite´e, il la favorisait encore quelque temps apre`s, en exigeant 3–4 vingt-quatre millions : permettez-moi maintenant ] vingt-quatre millions. Permettez-moi maintenant M 623b ; vingt-quatre millions. Permettez-moi cependant Opinion 10 25 e´quitable : mais ] e´quitable. Mais M 623b Opinion 11 27 c’est pre´cise´ment ] c’est constamment Opinion 11 1 2

L’emprunt de 14,6 millions a e´te´ publie´ le 9 mai avec un de´lai de souscription au 27 mai ; l’emprunt de 24 millions a e´te´ secre`tement conclu entre Corvetto et Hope-Baring le 30 mai. Les griefs e´nonce´s a` l’encontre du ministre Corvetto font e´tat d’ope´rations boursie`res aux conse´quences funestes pour le tre´sor de l’E´tat.

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des pre´teurs franc¸ais 20 p. 100 de leurs capitaux en quatre jours, 50 p. 100 dans deux mois. Quel e´tait son motif ? Ce n’e´tait pas, cette fois, les besoins du tre´sor : le tre´sor regorgeait d’argent, car, presqu’a` la meˆme e´poque, le ministre plac¸ait onze millions a` la Bourse, et ces placemens ont e´te´ pousse´s jusqu’a` trente-sept millions ; ils ont produit alors une hausse. Mais les emprunts e´taient conclus, les recettes e´taient dans les mains des e´trangers ; la hausse e´tait toute en leur faveur ; singulie`re combinaison des ope´rations de ce ministre ! Avant l’emprunt il fait baisser les rentes, comme pour livrer aux e´trangers ces rentes a` vil prix. Apre`s l’emprunt il les fait hausser, comme pour augmenter encore le be´ne´fice de ces e´trangers. Je n’in culpe point ses intentions ; mais supposez un instant que ses intentions eussent e´te´ mauvaises, qu’il euˆt voulu, pour un motif quelconque, sacrifier la France a` des capitalistes anglais, se serait-il conduit autrement ? Tout peut s’expliquer, je veux le croire ; tout s’expliquera, je le de´sire ; mais avant des explications satisfaisantes, avant qu’au sein de ces te´ne`bres la lumie`re se fasse voir, quelle de´termination pouvez-vous prendre, quel jugement pouvez-vous prononcer ? Je viens a` l’accusation principale, a` la vente de vingt-quatre millions de rentes a` des e´trangers. Je serai tre`s court sur cette question ; elle est presque e´puise´e. Je veux ajouter foi a` ce que disent les apologistes de l’ancien ministre. Je veux croire que les puissances avaient exige´ la garantie de MM. Hope et Baring1. Je veux le croire, bien qu’il soit de notorie´te´ publique qu’a` la 3 du tre´sor : le tre´sor ] du tre´sor. Le tre´sor Opinion 12 5 millions ; ils ont produit ] millions. Ils ont produit Opinion 12 6–7 e´trangers ; la hausse e´tait toute en leur faveur ; singulie`re ] e´trangers. La hausse e´tait toute en leur faveur. Singulie`re Opinion 12 9 a` vil prix ] a` plus vil prix Opinion 12 14–15 de´sire ; mais ] de´sire. Mais Opinion 12 16 se fasse voir ] se fasse Opinion 12 1

Fonde´e en 1762 a` Amsterdam, la banque Hope & Company, l’une des plus puissantes socie´te´s financie`res de l’Europe, e´tait spe´cialise´e dans les emprunts d’E´tat. En 1794, Henry Hope (1735–1811), son co-fondateur et directeur, devant l’avance´e des arme´es re´volutionnaires franc¸aises, s’e´tait re´fugie´ a` Londres. Il se lia d’amitie´ avec le banquier Francis Baring, constituant de`s lors avec ce dernier un duo d’affaires de premier plan ; en 1818, la banque e´tait dirige´e par Adriaan van der Hoop (1778–1854). La banque Barings, e´galement fonde´e en 1762 sous le nom de John and Francis Baring Company, a longtemps e´te´ la plus grande banque d’affaires de Grande-Bretagne ; en 1806, elle fusionna avec la filiale londonienne de la banque Hope sous le nom de Baring Brothers & Co. Les deux e´tablissements avaient re´alise´ ensemble, en 1803, la vente de la Louisiane par la France aux E´tats-Unis. Dirige´e en 1818 par Sir Thomas Baring (1772–1848), la banque e´tait alors conside´re´e dans certains milieux comme la sixie`me puissance de l’Europe (apre`s l’Angleterre, la France, la Prusse, l’Autriche et la Russie). Voir A. Colling, La prodigieuse histoire de la bourse.

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meˆme e´poque les ambassadeurs de ces meˆmes puissances de´mentaient ce bruit, et le repoussaient comme injurieux a` leurs souverains. Je veux le croire, bien que je lise dans un traite´ du 18 aouˆt1 une clause portant que la France interposerait ses bons offices pour que six millions de rentes, dont les puissances avaient a` disposer, fussent donne´es a` MM. Hope et Baring, clause qui doit vous sembler bizarre, dans l’hypothe`se que le choix de ces deux capitalistes e´tait un re´sultat de la volonte´ des puissances elle-meˆmes. Mais enfin j’admets cette base. Les e´trangers regarde`rent la garantie de MM. Hope et Baring comme ne´cessaire ; mais est-ce a` dire qu’une garantie de plus leur euˆt semble´ superflue ? Loin de la`, car ils exi geaient la garantie du tre´sor, preuve que celle des banquiers anglais, meˆme en leur paraissant ne´cessaire, ne leur paraissait pas suffisante. Comment donc auraient-ils refuse´ la garantie des capitalistes franc¸ais ? Tant qu’on ne vous prouvera pas qu’ils l’ont refuse´e, vous avez droit de ne pas le croire : si on vous l’affirme, vous avez droit d’en demander la preuve ; si on vous la refuse, vos doutes subsistent, et au milieu de ces doutes vous ne pouvez rien de´cider. Une observation encore, et j’en finis sur cet emprunt de 24 millions. J’omets les de´tails relatifs a` la vente des 6 derniers millions livre´s d’abord au prix des autres, puis e´leve´s a` 75. Je prends l’ope´ration au moment ou` elle a duˆ eˆtre conside´re´e comme consomme´e2. Ici qu’aperc¸ois-je ? que MM. Hope et Baring ne pouvant remplir les engagemens pour ces 6 derniers millions, la vente a e´te´ annule´e. Or, qu’est-ce qu’annuler une vente ? c’est, en d’autres termes, racheter ce qu’on a vendu. Le ministre le pouvait-il ? En avait-il le droit ? La loi lui avait accorde´ un cre´dit de 24 millions ; il en avait use´, tout e´tait fini. En rachetant six millions de rentes, n’a-t-il pas exce´de´ son pouvoir ? n’a-t-il pas fait une ope´ration ille´gale, une ope´ration qui cause a` la France une perte de 21 millions ? Car il en re´sulte que nous avons de plus 6 millions de rentes qui valent 79, et de moins 100 millions que nous aurons a` payer en 1820 et en 1821. Jusqu’a` ce qu’il nous soit donne´ une explication 10 ne´cessaire ; mais est-ce ] ne´cessaire. Mais est-ce Opinion 13 11 superflue ? Loin de la` ] superflue. Loin de la` M 623c 12 preuve que celle ] parce que celle Opinion 13 16 droit d’en demander ] le droit d’en demander Opinion 14 24 la vente a e´te´ ] la vente en a e´te´ Opinion 14 27 millions ; il en avait use´ ] millions. Il en avait use´ Opinion 14 1 2

Ce traite´ est en fait date´ du 22 aouˆt ; il a e´te´ mentionne´ par Casimir Perier dans son discours du 11 mai. Ici se termine le texte du discours dans Co 4380, p. 98.

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qui justifie le ministre, nous devons au moins rester dans le doute ; et dans le doute tout doit eˆtre suspendu, jusqu’a` ce que tout soit examine´. Je ne dirai qu’un mot sur l’emprunt de 14 millions 600,000 fr. On a pre´tendu que le ministre avait viole´ la loi en repoussant la concurrence1. Je serai moins se´ve`re ; la discussion semblait lui indiquer ce mode ; mais nous n’avons que trop d’exemples que nos discussions ne font pas autorite´, et cette expe´rience doit nous mettre en garde contre ce que promettent les ministres dans les discussions. Le ministre des finances pouvait donc s’e´carter du mode que la discussion lui avait recommande´ ; mais a-t-il duˆ le faire ? Ici, mes colle´gues, je pense qu’on se trompe, comme cela n’arrive que trop souvent, sur la nature de la responsabilite´ des ministres2. Cette responsabilite´ n’est point a` couvert par cela seul qu’ils n’ont pas viole´ la loi ; elle pe`se sur eux, lorsque, entre deux moyens permis par la loi, ils font choix du plus mauvais. La responsabilite´ des ministres n’est pas compromise seulement par l’usurpation d’un pouvoir ille´gal ; elle l’est de meˆme par l’usage vicieux d’un pouvoir le´gal. Le texte de la loi qui autorisait le ministre a` s’ouvrir un emprunt, laissait a` son choix, dans l’interpre´tation de ses propres de´fenseurs, la concurrence ou tout autre mode3 ; s’il a mal choisi, il est responsable. Cette re´partition, vous a-t-on dit, a e´te´ faite par le conseil des ministres. Cela, Messieurs, ne nous regarde pas. C’est, pour nous, le ministre des finances qui est responsable de son de´partement. Mais, a-t-on ajoute´, et n’est-ce pas se contredire, il n’y a pas eu de choix, tous les souscripteurs ont eu leur part par eux ou par leurs banquiers. Ici,

5 se´ve`re ; la discussion ] se´ve`re. La discussion Opinion 15 10 recommande´ ; mais ] recommande´. Mais Opinion 15 13 la loi ; elle pe`se ] la loi. Elle pe`se Opinion 15 17–18 a` s’ouvrir un emprunt ] a` ouvrir un emprunt Opinion 16 19 mode ; s’il a mal ] mode. S’il a mal Opinion 16 21–22 Cette re´partition, ... conseil des ministres. Cela ] Si cette re´partition a e´te´ faite par le conseil des Ministres, comme on vient de nous le dire, cela Opinion 16 24 et n’est-ce pas se condredire, ] et n’e´tait-ce pas se condredire ? Opinion 16

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C’est toujours aux discours de Casimir Perier prononce´s les 11 et 12 mai que BC se re´fe`re. Dans les lignes qui suivent, on voit que BC prend appui sur une discussion de politique financie`re qui ne rele`ve pas de ses plus hautes compe´tences pour faire passer une fois encore ses ide´es sur un sujet qui lui tient particulie`rement a` cœur : la responsabilite´ des ministres. Rappelons que BC avait publie´ en 1815 une brochure d’une centaine de pages intitule´e De la responsabilite´ des ministres, inte´gralement reprise dans le second volume du Cours de politique constitutionnelle (1818). Voir OCBC, Œuvres, t. X, pp. 413–496. On trouve ici re´sume´ le contenu du chapitre 6 de De la responsabilite´ des ministres sur «De la responsabilite´ proprement dite». Voir OCBC, Œuvres, t. X, pp. 460–461.

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Messieurs, mon embarras est extreˆme. Hier, un membre de l’ancien ministe`re nous disait qu’on avait repousse´ des intrigans. Repousser les uns, c’est choisir les autres. Aujourd’hui un autre membre du meˆme ministe`re nous dit qu’on n’a repousse´ personne. Que devons-nous croire ? Nous ne pouvons rien savoir sur ce point, parce que la liste n’est pas imprime´e. Nous ne pouvons rien savoir, parce qu’aucune des ope´rations n’a e´te´ examine´e. Ici encore, tout est obscurite´ ; ici encore, il y a impossibilite´ de juger, et ne´cessite´ de suspendre. Ainsi, mes colle`gues, vous le voyez, de tous coˆte´s s’e´le`vent des doutes, se pre´sentent des questions que nous ne pouvons re´soudre, et dont la France a ne´anmoins le droit d’exiger la solution. Il faut ajourner cette solution et non l’e´touffer, car nos commettans verraient dans ce dernier parti, si nous le prenions, une condamnable insouciance ; il faut sortir ces questions difficiles et pe´nibles de la loi qui nous occupe ; il faut de´gager nos discussions actuelles d’une agitation qui est inusite´e dans cette Chambre et qui re´pugne a` la mode´ration qui la caracte´rise. C’est a` cette agitation contre nature qu’il faut attribuer plusieurs des choses qui ont e´te´ dites. Ainsi, par exemple, avec plus de calme, on n’aurait pas reproche´ aux capitalistes franc¸ais d’avoir offert toutes leurs ressources pour venir au secours de la France e´puise´e ; on n’aurait pas cherche´ a` ne voir dans leur empressement que des espe´rances pure ment inte´resse´es. Sans doute, dans tout emprunt, l’inte´reˆt des preˆteurs entre pour beaucoup, mais j’aime a` croire que, dans les circonstances ou` nous nous trouvions, l’espoir du gain n’e´tait pas le seul mobile. Je le crois d’autant plus, que les sacrifices qu’ont faits ces meˆmes capitalistes, dans un moment de crise, pour soutenir le cre´dit public aux de´pens de leur fortune, prouvent qu’ils tiennent plus encore a` leur honneur qu’a` des avantages pe´cuniaires, a` leur patrie qu’a` leur inte´reˆt ; et que, s’ils sont calculateurs, ce qui n’est point un sujet de reproche, ils sont encore plus patriotes, plus Franc¸ais que calculateurs1. 1 extreˆme. Hier ] extreˆme ; hier Opinion 16 2 intrigans. Repousser ] intrigans : repousser Opinion 16 3 les autres. Aujourd’hui ] les autres ; aujourd’hui Opinion 16 4 Que devons-nous ] Qui devons-nous Opinion 16 5–6 Nous ne pouvons rien ... Nous ne pouvons rien ] Mais on ne peut rien ... On ne peut rien Opinion 16 7 obscurite´ ; ici encore ] obscurite´. Ici encore Opinion 16 11 solution. Il faut ] solution ; il faut Opinion 17 12 commettans verraient ] commettans verront Opinion 17 29 plus Franc¸ais ] encore plus Franc¸ais Opinion 18 1

Parmi les financiers franc¸ais implique´s dans les emprunts en question, il y a le banquier Jacques Laffitte (1767–1844), de´pute´ libe´ral e´lu le 20 septembre 1817, allie´ pre´cieux de BC dans plusieurs de ses combats, notamment dans les discussions sur la liberte´ de la presse qui venaient de mobiliser la Chambre. C’est sans doute a` Laffitte que pense principalement BC dans ces propos. Le de´pute´-banquier s’e´tait lui-meˆme justifie´ dans une inter-

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De meˆme, sans une chaleur qui explique et qui peut-eˆtre excuse des termes peu mesure´s, on n’aurait pas traite´ une portion quelconque des souscripteurs d’un emprunt national d’hommes mal fame´s et d’intrigans : je demande pardon a` la Chambre de me servir de cette expression inconvenante ; on n’aurait pas ajoute´ de la sorte une espe`ce d’insulte a` des exclusions qu’on reconnaıˆt avoir e´te´ arbitraires. Enfin, si la ve´he´mence de la discussion ne nous avait pas entraıˆne´s un peu au dela` des bornes, on n’aurait pas fait un crime a` l’un de nos honorables colle´gues de s’eˆtre arreˆte´, par un sentiment de mode´ration louable, au moment d’accuser formellement un ancien ministre1. J’ai eu l’honneur de vous dire en commenc¸ant, que je n’apportais aujourd’hui que des doutes a` cette tribune ; aussi je suis loin de rien pre´juger contre le ministre de´signe´. Mais, a` cette inculpation de ne s’eˆtre montre´ que censeur se´ve`re au lieu de se de´ clarer accusateur, notre colle`gue n’aurait-il pas pu re´pondre : Je n’intente point d’accusation le´gale, parce que je ne veux pas signaler la premie`re anne´e de l’affranchissement de la France par des poursuites et par des rigueurs. Je n’intente point d’accusation le´gale, parce que je ne suis anime´ d’aucun sentiment de haine et de vengeance, et que je parle plutoˆt pour l’instruction des ministres pre´sens et futurs, que pour le chaˆtiment des ministres passe´s. Je n’intente point d’accusation le´gale, parce que je veux prouver au gouvernement, a` la France, a` l’Europe, que ceux que l’on feint de croire les ennemis de tous les pouvoirs, parce qu’on les trouve trop inflexibles devant quelques hommes, ne profitent pas meˆme des occasions qui appellent et qui le´gitimeraient leurs hostilite´s. A cette re´ponse que pourrait opposer notre honorable colle`gue aux orateurs qui ont censure´ la ligne qu’il a suivie, j’ajouterai une conside´ration qui 3 souscripteurs d’un emprunt ] souscripteurs franc¸ais d’un emprunt Opinion 18 4–5 inconvenante ; on n’aurait ] inconvenante. On n’aurait Opinion 18 7 ne nous avait pas entraıˆne´s ] ne nous euˆt pas entraıˆne´s Opinion 18 14 re´pondre : Je ] re´pondre ? Je Opinion 19 25 A cette re´ponse que ] J’ajouterai a` cette re´ponse ce que M 623c ; J’ajouterai a` cette re´ponse, que Opinion 19 26 j’ajouterai ] absent dans M 623c ; j’ajouterai, dis-je, Opinion 19 vention le 12 mai en re´pondant au de´pute´ Antoine Roy, rapporteur du budget, qui laissait clairement entendre dans son rapport que Laffitte n’aurait agi comme preˆteur que pour le seul profit de son e´tablissement. 1

Dans son re´quisitoire impitoyable contre Corvetto, le 11 mai 1819, Casimir Perier conclut en disant que la le´gislation ne permettait pas de de´fe´rer le ministre devant la justice, mais qu’il importait au moins que la lumie`re sur l’incurie de son action soit faite devant la Chambre et soit rendue publique. Prenant la parole a` la suite de Perier, Bignon s’exprima en des termes moins durs contre le ministre et en invoquant surtout la responsabilite´ de la Chambre a` mettre au jour les fautes des gouvernants, tout en conservant de l’indulgence pour les individus. C’est sans doute a` ce dernier discours que renvoie BC.

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ne s’adresse a` aucun des membres de cette Chambre, mais qui pourrait s’adresser avec justice a` plusieurs des hommes qui, hors de cette enceinte, lui reprochent de n’avoir pas demande´ l’accusation. Accusez, disent-ils, c’est la marche re´gulie`re. Eh ! Messieurs, si nous suivions ce conseil perfide, que ne diraient-ils pas contre nous ! A peine, s’e´crieraient-ils, le territoire est-il libre, que les mises en accusation des ministres recommencent comme il y a trente ans. Nous rentrons dans les voies de 1792. Non, Messieurs, nous ne voulons pas rentrer dans les voies de 1792 : nous voulons prouver, par un exce`s de mode´ration peuteˆtre, que le repos est, avec la liberte´, ce que nous de´sirons le plus vivement. Nous e´vitons, avec un scrupule excessif, de faire de nos pre´rogatives un usage qui leur donne quelque ressemblance avec ce qui s’est fait dans les temps d’orage. Voila`, Messieurs, les motifs de notre re´serve, qu’on affecte de nous reprocher comme faiblesse, parce qu’on a la douleur de ne pas pouvoir nous reprocher notre e´nergie comme se´dition ; mais nous ne de´vierons pas de notre route1. La Charte, l’affermissement du gouvernement du roi constitutionnel, l’e´tablissement de toutes les liberte´s, y compris celle de la mesure la plus se´ve`re contre les ministres qui nous sembleraient blaˆmables, tel est notre but, tel est le fond de notre pense´e ; et si quelques hommes nous me´connaissent, ou feignent de se tromper sur nos vues, la France rend justice a` nos intentions, et nous sait gre´ de notre mesure et de notre ze`le. Je vous ai cite´, Messieurs, des exemples d’une ve´he´mence inusite´e, je le re´pe`te, dans cette Chambre, pour vous de´montrer la ne´cessite´ de sortir la discussion d’une route qui la rend a` la fois inutile et orageuse, et je vous propose le moyen qui seul me paraıˆt capable de l’en sortir. Si vous le rejetiez, l’e´tonnement, j’ose le dire, serait ge´ne´ral, et vous feriez surtout tort aux hommes sur qui votre refus laisserait planer des soupc¸ons qui peuvent eˆtre exage´re´s ou injustes. 7 trente ans. Nous ] trente ans : nous Opinion 20 9 de 1792 : nous voulons ] de 1792. Nous voulons M 624a 10 le repos est, avec la liberte´ ] le repos avec la liberte´ est Opinion 20 11–12 de faire de nos pre´rogatives un usage qui leur donne quelque ressemblance avec ce qui ] de faire usage dans les occasions les plus naturelles de nos pre´rogatives les plus le´gitimes, pour peu que l’exercice de ces pre´rogatives ait une remblance meˆme trompeuse avec ce qui M 624a ; avec scrupule, de faire usage ... trompeuse avec ce qui Opinion 20 13 Voila`, Messieurs, les motifs ] Voila` les motifs, Messieurs, M 624a ; Voila` les motifs Opinion 20 15 se´dition ; mais ] se´dition. Mais Opinion 20 18 la mesure la plus se´ve`re contre ] la censure la plus se´ve`re contre M 624a ; la censure la plus se´ve`re de Opinion 20 18–19 blaˆmables, tel ] blaˆmables ou incapables, tel Opinion 21 22 des exemples ] ces exemples Opinion 21 27 vous feriez surtout ] vous ferez surtout M 624a 1

En effet, c’est la meˆme position de fermete´ contenue que de´fendait de´ja` BC en 1797 dans Des re´actions politiques et Des effets de la Terreur. Voir OCBC, Œuvres, t. I, pp. 447–506 et 507–529.

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Je demande que tout ce qui a rapport aux deux emprunts de 14 millions 600,000 fr. et de 24 millions soit laisse´ de coˆte´ dans la discussion du projet de loi des comptes ; mais que la Chambre demande communication de toutes les pie`ces relatives a` ces emprunts, pour les examiner ou les faire examiner par une commission. Je demande de plus que la liste des souscripteurs de l’emprunt des 14 millions soit imprime´e et distribue´e. Quant aux comptes en eux-meˆmes, vous avez tous, si je ne me trompe, e´te´ frappe´s de l’impossibilite´ de les juger, et meˆme de les comprendre suffisamment, sous leur forme actuelle. Vous avez tous, a` ce qu’il m’a paru, senti la justice et l’utilite´ des amendemens de notre honorable colle`gue M. Ganilh1. Je me re´serve, dans la discussion des articles, d’appuyer ces amendemens ; et, en en supposant l’adoption, je vote pour le projet.2

7 si je ne me trompe ] si je me trompe Opinion 22 9 forme actuelle. Vous ] forme actuelle ! Vous Discours 1827 I 102 M 624a ; forme actuelle ; vous Opinion 22 12 pour le projet. ] apre`s ces mots Je me joins, de plus, aux amendemens de mon honorable colle`gue Chauvelin. Opinion 22

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Ganilh avait e´te´ le premier opinant dans cette discussion entame´e la veille ; il avait de´pose´ des amendements pour les articles 1 a` 5 de la loi. Voir l’apparat critique a` la ligne 12. BC rappelait ainsi que Chauvelin e´tait intervenu. Les Archives parlementaires, t. XXIV, p. 412 ajoutent aussi la phrase donne´e dans la variante ; Chauvelin e´tait intervenu longuement le 10 mai en appuyant seulement les amendements de la commission. Finalement, en dehors des correctifs apporte´s par la commission, aucun des amendements ne sera accepte´ par la Chambre qui, le 24 mai 1819, votera la loi par 182 voix contre 11.

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Opinion sur la pe´tition tendant a` demander a` sa majeste´ le rappel des bannis.* (Se´ance du 14 juin [17 mai] 1819.)1

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MESSIEURS, En combattant l’ordre du jour qui vient d’eˆtre propose´ par votre commission2, je ne pense pas, je l’avoue, que de longs raisonnemens soient ne´cessaires pour vous de´montrer que cet ordre du jour, qui, d’abord paraıˆt laisser la question intacte, et n’opposer aucun obstacle a` l’exercice de la pre´rogative royale, est, au contraire, la confirmation implicite d’une loi aussi anti-monarchique qu’inconstitutionnelle ; la confirmation implicite d’une loi qui, vote´e dans un moment de trouble, n’est propre qu’a` entretenir dans tous les esprits ces doutes et ces agitations dangereuses qui re´sultent toujours des Chartes viole´es et des promesses enfreintes.3 *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 139–146 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 139–146 [=Discours 1827 I] ; Chambre des de´pute´s. Opinion de M. Benjamin Constant ... sur la pe´tition tendant a` demander a` S. M. le rappel des bannis. Paris, Brissot-Thivars, 1819, 11 p. [=Opinion] ; Archives parlementaires, t. XXIV, pp. 449– 451 [=AP]. Autre publication : L’Inde´pendant, no 16, dimanche 23 mai 1819, pp. 2b–3a.

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Des pe´titions demandant le rappel des bannis avaient suscite´ de tre`s vifs de´bats a` la Chambre. Selon une note des Archives parlementaires en date du 17 mai (t. XXIV, p. 448), «Divers orateurs firent imprimer et distribuer les opinions qu’ils ne purent prononcer sur les pe´titions demandant le rappel des bannis. Ces pie`ces faisant partie des documents parlementaires de la session de 1818, nous les inse´rons ci-dessous». Suivent les textes de Bignon, de BC, de Corcelles, de Dupont, de La Fayette, de Rodet et de Ponsard ; aucun d’entre eux n’a e´te´ publie´ au Moniteur. Les Archives parlementaires inse`rent en outre une note de BC : «La Chambre ayant ferme´ la discussion apre`s le discours de M. le garde des Sceaux, cette opinion n’a pas pu eˆtre prononce´e. Je crois devoir la faire imprimer ; elle servira de re´ponse a` des articles de journaux auxquels je crois me devoir de ne pas re´pondre plus directement». Dans les recueils de 1827 et 1828, BC a de´place´ d’un mois ce discours en lui faisant porter la date du 14 juin, sans doute pour qu’il soit en relation directe avec le discours qui suit, dans les e´ditions de 1827 et 1828, dont le contexte est pourtant diffe´rent. Cette entre´e en matie`re interroge : si le texte, tel qu’il apparaıˆt dans sa version imprime´e, est identique a` celui que BC avait pre´vu de prononcer a` la tribune, alors ce dernier connaissait par avance le re´sultat des de´libe´rations de la commission ; nous n’avons pas su identifier avec certitude la provenance des fuites qui ont renseigne´ le de´pute´ de la Sarthe, mais Caumartin fait partie de la commission et prend la parole sur ce meˆme sujet le 17 mai (Moniteur, no 138, 18 mai 1819, p. 632a). La loi du 12 janvier 1816 proclamait «l’amnistie pleine et entie`re [...] a` ceux qui, directement ou indirectement, ont pris part a` la re´bellion et a` l’usurpation de Napole´on Bonaparte», moyennant cependant une se´rie d’exceptions qui touchaient notamment la famille de l’empereur de´chu, ou les ge´ne´raux et officiers qui l’avaient suivi. Mais est surtout vise´ par le coˆte´ gauche l’article 7 de la loi du 12 janvier : «Ceux des re´gicides qui, au me´pris

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Je ne sais si l’esprit de parti et la calomnie vou dront jeter de la de´faveur et des soupc¸ons sur mes intentions et sur celles des honorables colle`gues dont je me fais gloire de partager les principes. Rien ne semble impossible a` l’esprit de parti : il ne recule devant aucune injustice ; il ne rougit d’aucun mensonge. Je ne serais donc pas e´tonne´ si, feignant de me´connaıˆtre le sens des paroles les plus claires, il nous accusait d’eˆtre indiffe´rens a` la calamite´ la plus de´plorable de toutes celles qui ont marque´ notre longue re´volution1 ; a` une calamite´ qui, sortant cette re´volution des routes de la justice, a e´te´ la cause principale de l’inutilite´ des efforts que nous avons faits depuis pour entrer enfin dans les routes de la liberte´. Mais, Messieurs, je compte, je l’avoue, et sur l’e´quite´ de mes colle`gues, et sur l’e´quite´ non moins certaine de cette opinion publique qui est attentive a` nos de´bats, et que ne saurait e´garer aucun artifice, ni embarrasser aucun sophisme. Je le de´clare : quiconque, transportant la question que je vais traiter sur un terrain tout diffe´rent de son terrain ve´ritable, y verrait autre chose qu’une invocation aux principes de la Charte, enfreinte sous deux rapports, comme je me promets de vous en convaincre, serait le plus me´prisable, le plus de´honte´ des imposteurs. Mais sa laˆche imposture serait facilement de´voile´e par les noms seuls de ceux qui, dans cette enceinte, s’opposent avec moi a` l’ordre du jour. Parmi eux ne voit-on pas, en effet, celui-la` meˆme qui, apre`s le 20 juin 1792, est venu seul, a` la barre d’une assemble´e orageuse, re´clamer pour l’inviolabilite´ du monarque constitutionnel2 ? Ne voit-on pas, a` coˆte´ de lui, 9–10 que nous ... routes de ] des amis de AP d’une cle´mence presque sans bornes, ont vote´ pour l’Acte additionnel ou accepte´ des fonctions ou emplois de l’usurpateur, et qui, par la`, se sont de´clare´s ennemis irre´conciliables de la France et du gouvernement le´gitime, sont exclus a` perpe´tuite´ du royaume, et sont tenus d’en sortir dans le de´lai d’un mois, sous la peine porte´e par l’article 33 du Code pe´nal [la de´portation] ; ils ne pourront y jouir d’aucun droit civil, y posse´der aucuns biens, titres ni pensions a` eux conce´de´s a` titre gratuit.» Louis XVIII avait fini par ce´der aux demandes re´pe´te´es et insistantes de la Chambre des de´pute´s de 1816 – a` majorite´ ultra – alors que le premier projet de loi pre´sente´ par ses ministres ne contenait aucun article semblable. Pour les libe´raux, comme BC s’applique a` le de´montrer tout au long de son propos, il s’agit la` d’une entorse inacceptable a` l’article 11 de la Charte (voir ci-dessous). 1

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Les libe´raux e´taient parfois accuse´s de ne saisir ce the`me que par calcul, pour un usage politique dans une perspective cynique et/ou re´volutionnaire, et sans compassion re´elle pour les individus touche´s par les mesures de proscription ; ils subiront d’ailleurs parfois des reproches similaires lorsque la Chambre de´battra de la traite des noirs. BC re´fute imme´diatement cette interpre´tation. Le 20 juin 1792 avait vu la foule envahir le palais des Tuileries et forcer Louis XVI a` coiffer le bonnet rouge ; son calme, son courage et son obstination avaient cependant de´route´ les manifestants. BC fait probablement ici re´fe´rence a` La Fayette, qui, ayant pris l’initiative et le risque de quitter ses troupes sans conge´, s’e´tait pre´sente´ devant l’Assemble´e le´gislative le 28 juin. Il y avait demande´ que l’on assuraˆt «la liberte´ de l’Assemble´e nationale, celle du roi, son inde´pendance, sa dignite´» et engage´ l’assemble´e a` «prendre des me´-

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un autre de nos colle`gues qui, au sein de la Convention asservie, a vote´ sous les poignards contre un jugement dicte´ par le de´lire et prononce´ par l’effroi, et dont la courageuse re´sistance a e´te´ punie par treize mois d’une captivite´ rigoureuse, durant laquelle le glaive des bourreaux a continuellement plane´ sur sa teˆte1 ? Ainsi, tous ceux d’entre nous que les circonstances appele`rent a` manifester leurs sentimens par des actes, ont repousse´, sans calculer l’inte´reˆt de leur suˆrete´ ou de leur vie, la fatale sentence qui, au me´pris d’une constitution jure´e, frappait un roi qu’on n’avait pas meˆme le droit de juger : et, parmi les autres, je de´fie la malveillance d’accre´diter une conjecture, quelle qu’elle soit, qui permette de leur attribuer une autre pense´e. Ce n’est donc, Messieurs, que la Charte que nous de´fendons. C’est sur une infraction a` la Charte, que nous demandons qu’un renvoi au pre´sident du conseil des ministres appelle l’attention royale2. C’est pour la pre´rogative ille´galement limite´e dans un de ses attributs les plus pre´cieux, que nous re´clamons l’examen du monarque de´positaire de cette auguste pre´rogative.

5 nous ] vous AP

14–15 pre´rogative ] pre´rogative royale AP

sures efficaces pour faire respecter les autorite´s constitue´es, particulie`rement [celle de l’Assemble´e le´gislative] et celle du roi» (Archives parlementaires, premie`re se´rie, t. XLIV, p. 653). BC pourrait e´galement faire allusion au de´pute´ Girardin. Fils du marquis chez qui Rousseau ve´cut ses derniers jours, Louis-Stanislas de Girardin avait pris la pre´sidence de l’Assemble´e le´gislative le 24 juin 1792 et avait rec¸u en cette qualite´, le 6 juillet, Louis XVI qui venait assister a` la se´ance ou` les de´pute´s preˆtaient serment de fide´lite´ a` la monarchie constitutionnelle (Journal et souvenirs, discours et opinions de S. Girardin, t. I, Paris : Moutardier, 1828, pp. 73–74).

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Pierre Daunou. E´lu a` la Convention par le Pas-de-Calais, il avait sie´ge´ parmi les mode´re´s et s’e´tait oppose´ a` la peine capitale contre Louis XVI, demandant la de´portation, et la re´clusion provisoire jusqu’a` la paix. Ayant proteste´ contre l’arrestation des Girondins, il fut emprisonne´ en octobre 1793 et ne sortit de prison qu’apre`s Thermidor, en octobre 1794. Comme BC, il avait ensuite fait partie puis e´te´ e´limine´ du Tribunat par Bonaparte avant de faire son entre´e au Palais Bourbon au printemps 1819, e´lu par le Finiste`re qui l’avait choisi en remplacement de Jacques-Antoine Manuel. Relevons que l’expression «a vote´ sous les poignards» qu’utilise BC est celle dont de Serre avait use´ en parlant de la majorite´ saine de la Convention lors de la discussion des lois sur la presse. «Toutes recherches des opinions et votes e´mis jusqu’a` la restauration sont interdites. Le meˆme oubli est commande´ aux tribunaux et aux citoyens», affirme l’article 11 de la Charte ; les votes, sous-entendu ceux de 1793 sur Louis XVI.

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La Charte a e´te´ enfreinte par la loi du 12 janvier 1816. La pre´rogative royale a e´te´ blesse´e par la meˆme loi1. J’ai a` vous de´montrer ces deux propositions. Ma taˆche est facile : ma manie`re de la remplir sera courte ; l’e´vidence n’a pas besoin de longs de´veloppemens. L’article 11 de la Charte avait ordonne´ l’oubli des votes : ce fait n’est conteste´ par personne2. La loi du 12 janvier 1816 a rappele´ les votes pour les associer a` une action qui n’y avait aucun rapport. Si l’adhe´sion a` la constitution des cent jours e´tait un de´lit, et qu’on vouluˆt l’excepter de l’amnistie, on le pouvait3 : mais l’exception devait porter sur ce de´lit meˆme, et non sur un vote que la Charte avait aboli. Par le seul rappel de ce vote dans la discussion, on de´sobe´issait a` la volonte´ royale devenue la loi de l’Etat dans la se´ance du 4 juin 18144. En fondant une loi sur le rappel de ce vote, 3–4 facile : ma manie`re ] facile. Ma manie`re Opinion 6 fait Opinion 6 1

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6 des votes : ce fait ] des votes. Ce

Aux royalistes qui estiment que les pe´titions libe´rales demandant le retour des bannis enfreignent la pre´rogative royale en «forc¸ant main» de Louis XVIII, BC re´pond donc que le fre`re de Louis XVI n’avait d’abord eu aucune intention d’ajouter a` la loi du 12 janvier 1816 un article de la teneur de celui que lui avait «propose´» la «Chambre introuvable» et qui fait obstacle, au moins partiellement, au droit de graˆce. La chose n’est pas aussi univoque que l’affirme BC. Ainsi de Serre, dans son fameux discours du 17 mai qui emporte la de´cision de la Chambre et qui cloˆt la discussion (raison pour laquelle le discours de BC qu’on lit ici n’a pas e´te´ prononce´, mais seulement imprime´), avait-il eu les paroles suivantes : «On re´pe`te ce qu’on a dit, ce que j’ai dit moi-meˆme lorsque la loi du 12 janvier 1816 a e´te´ discute´e : La Charte couvrait alors les votants. Je re´ponds : On a pu les de´fendre avant que l’arreˆt souverain euˆt e´te´ prononce´ ; mais la position est change´e ; ce que l’inte´reˆt public permettait alors, il le de´fend aujourd’hui ; on ne peut plus maintenant provoquer leur retour. Je re´ponds qu’il est des conside´rations de vie ou de mort pour la socie´te´, qu’elles sont la premie`re loi, la loi supe´rieure a` toutes. Je re´ponds que la lettre meˆme de la Charte couvrirait aussi, si on voulait l’invoquer en ce sens, la famille de Buonaparte, et que la loi conservatrice de la socie´te´, qui ne permet pas d’invoquer la Charte pour cette famille et de proposer son rappel, ne permet pas non plus de proposer au Roi re´gnant, aux Bourbons, le rappel solennel des votants.» (Archives parlementaires, t. XXIV, p. 442). Rappelons que l’article 67 et dernier de la «constitution des cent jours» a` laquelle BC vient de faire allusion e´tait le suivant : «Le peuple franc¸ais de´clare que, dans la de´le´gation qu’il a faite et qu’il fait de ses pouvoirs, il n’a pas entendu et n’entend pas donner le droit de proposer le re´tablissement des Bourbons ou d’aucun prince de cette famille sur le troˆne, meˆme en cas d’extinction de la dynastie impe´riale, ni le droit de re´tablir soit l’ancienne noblesse fe´odale, soit les droits fe´odaux et seigneuriaux, soit les dıˆmes, soit aucun culte privile´gie´ et dominant, ni la faculte´ de porter aucune atteinte a` l’irre´vocabilite´ de la vente des domaines nationaux ; il interdit formellement au gouvernement, aux Chambres et aux citoyens toute proposition a` cet e´gard.» Date de la pre´sentation de la Charte a` la Chambre des pairs et a` la Chambre des de´pute´s du royaume.

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on faisait une chose inconstitutionnelle, une loi en opposition avec la loi de l’Etat. Je ne dis ici, Messieurs, que ce qu’ont dit en 1816 les ministres eux-meˆmes1 ; je ne dis que ce qu’ont dit avec plus de force encore des de´pute´s aujourd’hui ministres2 : et je ne suppose pas que ministres, ils de´mentent ce qu’ils ont dit comme de´pute´s. En second lieu, la pre´rogative royale a e´te´ limite´e par la loi du 12 janvier 1816, et aucune loi n’avait le droit de limiter cette pre´rogative. La Charte confe`re au monarque constitutionnel le droit de faire graˆce : elle n’assigne aucune borne a` l’exercice de ce droit. Je n’examine point ce que le monarque euˆt pu faire, en supposant que l’abolition des votes n’euˆt pas existe´. Je reste dans les termes de la loi, et je dis que le´galement la pre´rogative du roi est illimite´e. La loi du 12 janvier la restreint ; la loi du 12 janvier ane´antit donc l’article constitutionnel qui la consacre ; sous ce rapport encore, la loi du 12 janvier est en opposition directe avec la loi de l’Etat. Si une loi peut limiter la pre´rogative royale sur un point, elle le peut sur d’autres, elle le peut sur tous. C’est une doctrine de´mocratique, de´magogique, anarchique, parce que toutes les fois que la passion entraıˆne les hommes, ils se pre´cipitent dans l’anarchie, meˆme quand ils ont des intentions toutes diffe´rentes. C’est donc l’inte´reˆt de la pre´rogative royale, non moins que de la Charte, que nous de´fendons. Nous e´tablissons des principes en de´tournant nos regards des individus, quels qu’ils soient, et sans rechercher quels individus sont inte´resse´s au maintien de ces principes. D’ailleurs, que demandons-nous ? Un simple renvoi au pre´sident du conseil des ministres, un renvoi qui ne pre´juge rien, qui pose seulement deux grandes questions constitutionnelles, dont l’inte´reˆt du pouvoir, comme celui de la justice, abstraction faite des hommes, je le re´pe`te, exige la solution3. 12 restreint ; la loi ] restreint. La loi Opinion 7 1

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15 pre´rogative royale ] pre´rogative AP

En 1816, le pre´sident du Conseil et ministre des Affaires e´trange`res (Richelieu) ainsi que les ministres de l’Inte´rieur (Vaublanc), de la Police (Decazes) et de la Marine (Dubouchage) s’e´taient oppose´s a` ce que la loi dite d’amnistie cre´e des exceptions reposant sur les votes de 1793. Le projet de loi avait e´te´ pre´sente´ a` la Chambre le 27 de´cembre 1815 par le rapporteur de la commission ; la discussion avait eu lieu lors des se´ances des 2, 3, 4, 5 et 6 janvier. Outre le duc de Richelieu, en qualite´ de pre´sident du Conseil et ministre des Affaires e´trange`res, les ministres de l’Inte´rieur (Vaublanc), de la Police (Decazes), et de la Marine (Dubouchage) avaient pris la parole. Alors de´pute´ du Haut-Rhin, de Serre e´tait intervenu les 5 et 6 janvier. Becquey, Triquelague et Pasquier ont de meˆme pris la parole, et tous trois inte´greront plus tard le meˆme ministe`re Richelieu, le 9 mai 1816 pour les deux premiers et le 19 janvier 1817 pour Pasquier – mais ils sortiront tous trois du ministe`re au renouvellement de 1818. S’il avait pu prononcer son discours, BC aurait donc tente´ de placer le de´bat sur la stricte question constitutionnelle et le´gale. C’est une strate´gie qu’il suivra souvent dans ses interventions a` la Chambre.

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La loi du 12 janvier a rapporte´ un article de la Charte. Une loi peut-elle rapporter un article de la Charte ? La loi du 12 janvier attente a` la pre´rogative du monarque. Pouvait-elle y attenter ? L’ordre du jour de´cide ces deux questions affirmativement, et voila` pourquoi nous nous opposons a` l’ordre du jour1. J’ai traite´ de prime abord le proble`me le plus difficile ; parce que ma conscience et le passe´ ne me reprochant rien, je puis traiter sans crainte tous les proble`mes. Maintenant je ne dirai qu’un seul mot sur ce qui se rapporte aux bannis par ordonnance. Lisez, Messieurs, ce que disait l’assemble´e meˆme de 1816, sur ces trop fameuses listes ; e´coutez M. de Corbie`re, de´clarant qu’elles ne sauraient inspirer aucune confiance2 ; e´coutez M. de Bouville, professant hautement que s’il avait a` prononcer comme jure´ sur la culpabilite´ des inscrits, il ne pourrait, sur son honneur, affirmer qu’ils sont coupables3. (Voyez le Moniteur dans la discussion de l’amnistie.) Certes, si apre`s de tels aveux dont il ne faut point diminuer le me´rite, nos honorables colle`gues se levaient pour l’ordre du jour, je vous le confesse, je ne saurais que penser et surtout je ne saurais que dire. Enfin, une quatrie`me question se pre´sente. Il y a des exile´s par suite de poursuites commence´es ; il y en a aussi, dit-on, qui sont retenus loin de leur patrie, parce qu’on les a inscrits sur des listes secre`tes4. Quant aux premiers, 3 du monarque. Pouvait-elle y attenter ? ] du monarque ? Pouvait-elle y attenter ? Discours 1827 I 143 ; du Monarque. Une loi peut-elle attenter a` cette pre´rogative ? Opinion 8 1

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Dans le de´bat, la droite s’e´tait efforce´e avec succe`s d’empeˆcher les libe´raux d’intervenir en exigeant le maintien de l’ordre du jour ou` cette discussion n’e´tait pas pre´vue ; d’ou` la ressource utilise´e par BC de publier le discours qu’il n’avait pas pu prononcer. L’ordonnance du 24 juillet 1815 promulgue´e par Louis XVIII comportait notamment deux listes : une de dix-neuf individus qui devaient eˆtre mis en jugement et une de trente-huit autres qui devaient eˆtre assigne´s a` re´sidence jusqu’a` ce qu’il soit de´cide´ s’ils seraient bannis ou passe´s en jugement. Le de´pute´ ultra Corbie`re avait e´te´ charge´ par la commission du rapport sur le projet de loi d’amnistie. Lors de la se´ance du 27 de´cembre 1815, il avait en effet mis en doute la fiabilite´ de la seconde liste : «Relativement a` la deuxie`me liste, nous avons cru que cet ouvrage, peu propre, sous plus d’un rapport, a` inspirer une confiance entie`re, pouvait avoir besoin d’eˆtre revu soigneusement.» (Moniteur, no 562, 28 de´cembre 1815, p. 1431a). Lors de la se´ance du 3 janvier 1816, Louis-Jacques Grossin de Bouville, de´pute´ de la SeineInfe´rieure en 1816 a` la droite de la Chambre, e´tait intervenu dans le meˆme de´bat le 3 janvier 1816 en disant notamment, a` propos de la liste des trente-huit : «Trouvons-nous dans toutes ces circonstances les gages de certitude ne´cessaires pour nous autoriser a` prononcer ? Qui de nous, en s’approchant de l’urne pour y de´poser la boule fatale, oserait prononcer la formule des jure´s : sur mon honneur et sur ma conscience, devant Dieu et devant les hommes, oui, les trente-huit individus sont coupables. Quant a` moi, je de´clare sur mon honneur et par ma conscience, que je l’ignore.» (Moniteur, no 5, 5 janvier 1816, p. 16c). On n’a pas pu de´terminer a` quoi BC faisait concre`tement allusion. Les «listes secre`tes» devaient faire imme´diatement penser a` Robespierre ainsi qu’aux rumeurs qui ont circule´ au tournant de 1814–1815, sur des listes de proscription de re´gicides a` punir par le sang

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Messieurs, vous ne voudrez pas nous ramener aux temps ou` le te´le´graphe correspondait avec les cours pre´voˆtales1. Quant aux seconds, ce ne sont pas les individus inscrits sur ces listes qui ont besoin d’indulgence, ce sont, et vous en conviendrez tous, vous qui avez fait serment de maintenir la Charte, ce sont ceux-la` seuls qui les ont inscrits : encore ne sais-je pas, mes colle`gues, si, cette indulgence, nous aurions le droit de la leur accorder. Sanctionnerez-vous de tels abus de pouvoir par l’ordre du jour ? je ne puis le penser. Vous rejetterez loin de vous cet ordre du jour, qui le´gitimerait et les perse´cutions les plus scandaleuses et l’arbitraire le plus te´ne´breux. De´pute´s de la nation, honore´s de ses suffrages, de´positaires de sa confiance, y re´pondrez-vous moins que les pairs ? Devra-t-elle se dire que par un de´placement e´trange et des positions et des devoirs, les mandataires de son choix sont moins attache´s a` ses garanties (car pour ces classes d’exile´s au moins il s’agit de toutes les garanties constitutionnelles), que ceux que la naissance seule appelle a` pro noncer aussi sur son sort2 ? Non, Messieurs, vous ne voterez pas l’ordre du jour, et le ministe`re actuel se gardera de vous demander une de´cision pareille. Il se garantira du triste he´ritage que voudrait lui imposer un ministe`re passe´. Il ne voudra pas eˆtre le´gataire d’un re´gime qui, heureusement pour lui, n’a pas e´te´ le sien. L’arbitraire dans l’administration, les vexations dans les de´partemens, le de´sordre dans les finances, le despotisme jusqu’au sein des lois, il repoussera toutes ces choses. Il sait que sa popularite´ tient surtout aux souvenirs que d’autres ont laisse´s3. Il se (E. Fureix, La France des larmes. Deuils politiques a` l’aˆge romantique (1814–1840), Seyssel : Champ Vallon, 2009, p. 38) ; dans les discussions particulie`rement houleuses autour de la question du retour des bannis, a` la Chambre comme dans l’espace public, et alors meˆme que BC, dans son discours du 19 juin comparait la Chambre introuvable a` la Convention (voir ci-dessous, pp. 282–288), de telles re´fe´rences semblent plausibles. 1

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Les cours pre´voˆtales avaient e´te´ re´tablies en de´cembre 1815 par la «Chambre introuvable» ; elles constituent «le premier tribunal d’exception a` caracte`re politique cre´e au XIXe sie`cle» (F. De´mier, La France de la Restauration (1814–1830), p. 190). Leur compe´tence va en effet de certaines infractions de droit commun aux de´lits politiques ; elles e´chappent au jury, prononcent sans appel, leurs sentences sont exe´cutoires dans les vingt-quatre heures, et le roi abdique en leur faveur son droit de graˆce. Elles faisaient partie d’un nouvel ensemble le´gislatif re´pressif e´labore´ par la «Chambre introuvable» et dont les effets sont estime´s par B. Yvert et E. de Waresquiel a` «neuf mille condamnations politiques diverses [...] et soixante-dix mille arrestations» (Histoire de la Restauration, p. 172). BC fait re´fe´rence a` la pe´tition des habitants et proprie´taires de l’arrondissement de Montmorillon (Vienne) qui demandait, entre autres choses, le rappel des bannis ; le 1er avril 1819, cette pe´tition avait e´te´ renvoye´e par les pairs au Conseil des ministres. En janvier 1816, le ministe`re qui n’avait pu empeˆcher les modifications a` la loi dite du 12 janvier se composait de Richelieu (pre´sidence du Conseil et Affaires e´trange`res), Vaublanc (Inte´rieur), Barbe´ de Marbois (Justice), Clarke (Guerre), Corvetto (Finances), Dubouchage (Marine) et Decazes (Police) ; seul ce dernier est encore aux affaires (Inte´rieur) en mai 1819.

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se´parera de ces souvenirs : les voies constitutionnelles lui sont ouvertes. Son inte´reˆt l’invite a` y entrer ; il peut y marcher avec d’autant plus d’avantage qu’il marchera le premier. Quant a` nous, Messieurs, ce que nous faisons aujourd’hui annonce ce que nous ferons dans toutes les circonstances : ni la difficulte´ des questions, ni la de´faveur des apparences, ne nous porteront a` de´vier de la ligne qui nous paraıˆt juste. Nous de´fendons la Charte fide`lement, en de´pit d’interpre´tations perfides. Nous la de´fendrions de meˆme, s’il le fallait, dans un sens oppose´. Tel qui combat maintenant pour faire respecter l’un de ses articles, combattrait e´galement pour faire respecter tout ce qu’elle consacre, et aurait combattu a` une autre e´poque, avec plus d’intre´pidite´ peut-eˆtre que ses adversaires, pour qu’un grand malheur fuˆt e´pargne´ a` la France, et qu’une grande iniquite´ ne s’accomplıˆt pas. Je dis meˆme trop peu, puisque je pre´sente comme une hypothe`se ce qui est un fait, que de´ja` je vous ai rappele´. De´fendre Louis XVI en 1792 e´tait plus courageux, j’ose l’affirmer, que vouloir, au me´pris de ses sublimes et me´morables paroles, le venger encore en 18161. Je vote pour le renvoi de la pe´tition au pre´sident du conseil des ministres.2

1 2

BC fait re´fe´rence au testament de Louis XVI. Les pe´titions discute´es sont finalement e´carte´es par une forte majorite´ de la Chambre qui vote l’adoption de l’ordre du jour.

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[Intervention publie´e dans la Quotidienne]* Se´ance du 18 mai 18191

3b

On ne jette pas ainsi les millions.

*

E´tablissement du texte : La Quotidienne, no 139, mercredi 19 mai 1819, p. 3b.

1

L’exclamation de BC s’inse`re dans la suite de la discussion sur les comptes des anne´es 1815 a` 1818, alors que Roy, le rapporteur de la commission, vient de demander une nouvelle fois que la Chambre accepte ces comptes sans ergoter sur des exce´dents de de´penses qu’il estime justifie´s.

2 Benjamin Constant, député à la Chambre, en 1819, lithographie de CharlesAimé Forestier, collection particulière.

[Intervention sur l’art. 152 et la responsabilite´ des ministres]* Se´ance du 21 mai 18191

652c

Je n’aurais pas demande´ la parole si je n’avais cru ne´cessaire de faire quelques observations sur des principes qui me paraissent de´truire tout a` fait le principe de la responsabilite´ des ministres. Si ce qui vient d’eˆtre dit e´tait reconnu vrai, il en re´sulterait que les ministres n’auraient aucune responsabilite´. (L’orateur relit l’art. 1522.) Quelles conclusions veut-on tirer de cet article ? Que quand la de´pense a e´te´ faite, quand l’ordonnance de de´pense est convertie en loi, la de´charge doit eˆtre donne´e, mais, Messieurs, en ce sens, il n’y aurait qu’une chose a` faire, ce serait de faire des de´penses, d’obtenir des ordonnances royales, d’obtenir des cre´dits, vu que les de´penses seraient faites, et toute irresponsabilite´ serait acquise. Pourrait-on soutenir une pareil doctrine. Quand on propose le budget des de´penses, nous sommes en mesure de les examiner, de les voter ; on ne dit pas la chose est faite ; nous sommes en droit de la consentir ou de la refuser. Mais quand la de´pense est faite, vous n’avez plus qu’a` reconnaıˆtre l’urgence, la ne´cessite´, a` moins qu’il ne s’agisse d’un vote provisoire, et dans l’inte´reˆt des tiers auxquels il est duˆ. Sans cela il suffirait que nous fussions fide`les a` la foi *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 143, dimanche 23 mai 1819, p. 652c ; Archives parlementaires, t. XXIV, p. 497. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 99–100 (date´ du 22 mai). Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, samedi 22 mai 1819, p. 3b ; Le Constitutionnel, no 142, samedi 22 mai 1819, p. 2b ; L’Inde´pendant, no 15, samedi 22 mai 1819, p. 4a ; Gazette de France, no 142, samedi 22 mai 1819, p. 567ab.

1

Un de´bat anime´ s’e´tait engage´ autour de la question de savoir s’il fallait ou non engager une de´pense de 1,6 million non pre´vue au budget pour financer les expe´ditions extraordinaires qui avaient e´te´ faites pour les e´tablissements au Se´ne´gal, a` Cayenne et dans les mers de l’Inde. Ce qui de´range une partie des de´pute´s, ce n’est pas tant la de´pense et son motif que la proce´dure : il est demande´ a` la Chambre d’avaliser une de´pense non budge´te´e, sans que la responsabilite´ du ministre des Finances soit clairement e´voque´e. On connaıˆt la sensibilite´ de BC sur ce point de la responsabilite´ des ministres en ge´ne´ral ; il ne pouvait manquer d’intervenir dans ce de´bat. L’article 152 de la loi de Finance du 25 mars 1817 : «Le ministre des finances ne pourra, sous la meˆme responsabilite´, autoriser les paiemens exce´dans, que dans des cas extraordinaires et urgens, et en vertu des ordonnances du Roi, qui devront eˆtre converties en lois a` la plus prochaine session des chambres.» (Budget ou Loi sur les Finances du 25 mars 1817, Paris : chez Audot, 1817, p. 49).

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publique, et de ce que nous dirions aux ministres payez ce qui est duˆ, pour que les ministres se crussent de´gage´s de toute responsabilite´. Ce que nous faisons ici n’est que provisoire ; la chambre ne peut prendre d’engagemens sur des de´penses dont rien ne lui a de´montre´ l’urgence et la ne´cessite´. Ainsi, vous montrez votre profond respect pour les engagemens pris en votant le cre´dit, et votre respect pour les principes et pour la loi de 1817, en reconnaissant que la responsabilite´ des ministres reste entie`re, la doctrine mise en avant rendrait cette responsabilite´ illusoire. Je ne crois donc pouvoir voter le cre´dit qu’en ce sens que la responsabilite´ des ministres reste intacte, jusqu’au moment ou` la Chambre aura prononce´ sur le budget de 1818.1

1

Le cre´dit sera finalement vote´ apre`s que le pre´sident de la chambre aura annonce´ que la de´charge du ministre interviendra ulte´rieurement au moment de la discussion sur l’article 14 qui doit ente´riner formellement l’ensemble des de´penses hors budget de´ja` engage´es ; cet article sera adopte´ ce meˆme jour.

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[Intervention sur la publication des annonces judiciaires]* Se´ance du 22 mai 18191

661a

Si le pre´opinant s’e´tait borne´ a` de´sirer qu’un seul journal fuˆt spe´cialement consacre´ a` ces publications, je trouverais son opinion assez raisonnable ; mais il a suppose´ qu’il appartenait au Roi de re´gler cette disposition par une ordonnance. Il est impossible d’admettre une telle doctrine. Permettre la spe´cialite´, le privile`ge en question, serait de´roger a` la loi adopte´e, et il n’y peut eˆtre de´roge´ par une simple ordonnance.

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 145, mardi 25 mai 1819, p. 661a ; Archives parlementaires, t. XXIV, p. 515. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, dimanche 23 mai 1819, p. 3a ; Le Constitutionnel, no 143, dimanche 23 mai 1819, p. 1a ; L’Inde´pendant, no 16, dimanche 23 mai 1819, p. 3b ; Gazette de France, no 143, dimanche 23 mai 1819, p. 570a.

1

La discussion porte sur une pe´tition lie´e a` la loi sur la liberte´ de la presse et concernant en particulier la question de savoir s’il doit y avoir concurrence ou privile`ge, parmi les journaux, s’agissant de la publication des insertions judiciaires et le´gales. La commission estime que le cautionnement des proprie´taires et e´diteurs de journaux ne porte pas atteinte a` la liberte´ de telles insertions. Bourdeau propose de renvoyer la pe´tition au garde des Sceaux et au ministre de l’Inte´rieur ; selon lui, le droit de publier ces insertions devrait eˆtre limite´ a` un seul organe agre´e´ pour e´viter les confusions et manipulations et le pouvoir royal devrait garder la main sur le re`glement de ces publications. C’est sur ce dernier point que BC re´agit. Finalement, la Chambre votera le renvoi de la pe´tition aux ministe`res.

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[Intervention sur un amendement]* Se´ance du 24 mai 18191

671c

Je crois que mon amendement est dans l’esprit de la loi de finances de 1817, et qu’il ouvre la route que cette loi a trace´e. L’article 100 de cette loi porte qu’il sera rendu compte lors de la pre´sentation du budget de 1819 de l’emploi des rentes2. Ce n’est pas l’objet de ma proposition, je ne demande que l’impression et la distribution des pie`ces pour que la chambre puisse connaıˆtre ce qui a e´te´ fait. Je sais bien que nous ne votons en ce moment que provisoirement sur 1818. Mais je crois que le moment est tre`s-bien choisi pour demander que la plus grande lumie`re possible soit re´pandue sur toutes les ope´rations relatives a` ces emprunts. Je n’abuserai pas des momens de la chambre, en de´veloppant de nouveau devant elle les motifs de ma proposition. Je me serais fort trompe´ si la chambre n’e´tait pas unanimement d’accord sur l’utilite´ de la grande publicite´ que je demande. Je n’ai pas cru que mon amendement puˆt eˆtre repousse´, d’autant plus qu’un de nos honorables colle`gues de´fenseur des ministres3, a dit que ce qu’il y avait de plus de´sirable pour le ministe`re, c’est qu’on appelaˆt la plus grande lumie`re sur ses ope´rations. Si mon amendement est repousse´, je suis preˆt a` le de´fendre.4 *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 146, mercredi 26 mai 1819, p. 671c ; Archives parlementaires, t. XXIV, p. 548. Manuscrit : BCU, Co 4380, p. 100. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, mardi 25 mai 1819, p. 4a ; Le Constitutionnel, no 145, mardi 25 mai 1819, p. 2b ; L’Inde´pendant, no 18, mardi 25 mai 1819, p. 4b ; Gazette de France, no 145, mardi 25 mai 1819, p. 580ab.

1

Dans la discussion sur les comptes de 1818, on voit notamment s’affronter deux principes : celui de la se´paration des pouvoirs, de´fendu notamment par Pasquier, affirmant que la chambre n’a pas a` s’inge´rer dans le travail du ministe`re des Finances et de la Cour des comptes (controˆle´e par le roi) et celui du controˆle du pouvoir, de´fendu notamment par BC, pour qui la caution d’un parlement pleinement informe´ garantit le bon fonctionnement du pouvoir. La pre´sente intervention va dans ce sens, comme la demande formule´e le 14 mai (ci-dessus, pp. 179–190). Tant le Journal des De´bats que la Gazette de France qui rendent compte de l’intervention de BC, de´signent, dans les paroles de ce dernier, la loi du 15 mars 1818 a` son article 101 qui stipule : «Il sera rendu, lors de la pre´sentation du budget de 1819, compte de l’emploi des rentes». L’article 100 de la loi du 25 mars 1817 parle de tout autre chose : le rapporteur du Moniteur fait ici une e´vidente confusion. La Gazette de France rapporte a` cet endroit : «les de´fenseurs de l’ancien ministre des Finances ont tous manifeste´ le de´sir d’une publicite´ extreˆme» ; Corvetto e´tait ministre des Finances jusqu’au 7 de´cembre 1818, dans le ministe`re de Richelieu. BC n’obtiendra pas que son amendement soit pris en compte : la question pre´alable, formellement demande´e par Laffitte, est adopte´e «a` l’unanimite´ moins six a` huit membres de la gauche» (Moniteur, no 146, 26 mai 1819, p. 671c).

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[Intervention sur le traitement des grands officiers de la couronne]* Se´ance du 27 mai 18191

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Il est clair que par le paragraphe soumis nous reconnaissons comme dette de l’Etat, trois objets qui ne paraissent pas me´riter ce titre. A l’e´gard des 500 000 fr. des grands officiers de la couronne, a` quels titres convertissonsnous ces dettes de l’Etat en rentes du grand-livre, en ve´ritables traitements ? Qu’on en fasse un article a` part, sauf a` voir si ce n’est pas a` la liste civile a` re´tribuer les grands officiers de la couronne et les serviteurs du Roi ; ce sont des bienfaits de Sa Majeste´, et la chambre verra si c’est a` l’Etat a` les acquitter. En un mot, je ne discute pas si l’Etat doit payer de tels traitemens ; mais ils ne peuvent eˆtre que des traitemens ; on ne peut pas les e´tablir comme dettes de l’Etat, comme rentes inscrites sur le grand-livre. Cela me paraıˆt de toute impossibilite´.

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 149, samedi 29 mai 1819, p. 685ab ; Archives parlementaires, t. XXIV, p. 614. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, vendredi 28 mai 1819, p. 2b ; Le Constitutionnel, no 148, vendredi 28 mai 1819, p. 1ab ; La Quotidienne, no 148, vendredi 28 mai 1819, p. 2b ; L’Inde´pendant, no 21, vendredi 28 mai 1819, p. 3a ; Gazette de France, no 148, vendredi 28 mai 1819, p. 591a.

1

La discussion se prolonge sur le projet de loi relatif aux de´penses. Manuel fait observer que la documentation rec¸ue ne comportait pas tous les e´le´ments de la dette de l’E´tat et que, dans trois cas, il s’agit d’obligations non de´pense´es, non pas de sommes a` comptabiliser au titre ` la suite d’explications assez de la dette. BC prolonge la discussion dans le meˆme sens. A confuses et visiblement peu satisfaisantes, la Chambre adoptera tout de meˆme le paragraphe en cause.

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[Intervention sur les ministres d’E´tat]* Se´ance du 27 mai 18191

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Le pre´opinant a ramene´ la question a` son ve´ritable point. J’aurais eu moins d’avantages a` traiter cette question, si Monsieur le commissaire du Roi ne s’e´tait pas livre´ aux de´veloppemens que vous avez entendus pour soutenir la ne´cessite´ de l’existence du conseil-d’e´tat. Mais en e´tablissant cette ne´cessite´, il m’a d’autant plus confirme´ dans l’ide´e de l’inutilite´ des ministresd’e´tat. Je ne partage pas toutefois son opinion sur le conseil-d’e´tat luimeˆme. Je crois qu’il n’est ni constitutionnel, ni le´gal. Il peut eˆtre utile, ne´cessaire meˆme ; mais ce n’est pas la` la question : il s’agit des ministres-d’e´tat. Quels sont leurs fonctions ? Quel est le conseil prive´ auquel ils appartiennent ? Veut-on uniquement re´compenser leurs longs services ; mais alors il ne faut pas leur assigner un traitement ; ce sont des pensions qui leur sont dues ; elles seront sans doute e´leve´es au maximum ; mais ce seront des pensions, et non des traitemens inhe´rens a` une institution qui de fait n’existe pas ; a` ce propos, qu’il me soit permis de vous rappeler ce qu’a e´crit un ministre-d’e´tat tre`s distingue´ qui, parlant de ce conseil, a dit qu’il faisait paraıˆtre son ouvrage parce que le conseil n’e´tait jamais convoque´2. Ne *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 149, samedi 29 mai 1819, p. 686c ; Archives parlementaires, t. XXIV, p. 620. Manuscrit : BCU, Co 4380, p. 101. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, vendredi 28 mai 1819, p. 3b ; Le Constitutionnel, no 148, vendredi 28 mai 1819, p. 2b ; La Quotidienne, no 148, vendredi 28 mai 1819, p. 4a ; Gazette de France, no 148, vendredi 28 mai 1819, p. 591b.

11 auquel ] la source porte par erreur auxquels 1

2

Dans la discussion portant sur les de´penses lie´es aux ministres d’E´tat et au conseil d’E´tat, Manuel propose de supprimer la dotation pre´vue pour les ministres d’E´tat, car il juge qu’au vu des attributions actuelles du conseil d’E´tat devenu de facto un conseil prive´ du roi, les ministres d’E´tat n’ont plus vraiment de raison d’eˆtre. Par cette suppression, la Chambre donnerait le signal qu’il est impe´ratif de re´organiser les organes lie´s a` l’exercice du pouvoir par le roi. Cuvier, commissaire du Roi, re´pond par une longue explication justifiant le fonctionnement de ces deux organes. Rodet qui avait de´pose´ un amendement pour la suppression du traitement aux ministres d’E´tat, demande a` ce que la discussion soit ramene´e a` son point central : la ne´cessite´ de re´mune´rer des ministres d’E´tat qui ne font pas partie du conseil d’E´tat. C’est lui le «pre´opinant» que BC vient soutenir. Le Journal des De´bats pre´cise a` cet endroit, en rendant compte de l’intervention de BC : «(Ici tout le monde murmure le nom de M. de Chateaubriand).» (Journal des De´bats,

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commenc¸ons pas, Messieurs, comme finit l’Angleterre ; ne nous haˆtons pas d’avoir des sine´cures. Votons les pensions justement acquises ; mais non des traitemens inutiles. J’appuie l’amendement.1

28 mai 1819, p. 3b). Dans la pre´face de De la monarchie selon la Charte, on lit : «Si le conseil dont j’ai l’honneur d’eˆtre membre, e´tait quelquefois assemble´, on pourrait me dire : ‘Parlez dans le conseil’, mais ce conseil ne s’assemble pas.» (Paris : Le Normant, 1816, p. iii).

1

L’amendement de Rodet. Les libe´raux auront lutte´ en vain : les deux articles de de´penses seront vote´s au terme d’une longue discussion.

[Interventions diverses sur le budget]* Se´ance du 28 mai 18191

690a

Il me semble qu’en e´tendant la discussion sur l’ensemble du tableau nous risquons de l’encheveˆtrer. Il n’est question que de deux articles de l’e´tat pre´sente´, et non de douze ; il faudrait discuter chaque article de chaque chapitre. J’observe que M. le ministre des affaires e´trange`res2 est le seul qui ait spe´cifie´ son traitement, et je reconnais que la somme alloue´e est indispensable ; quant aux autres je crois qu’il faudra les discuter, et prendre en conside´ration la question de savoir s’il ne conviendrait pas de les re´duire, puisqu’il est question que la commission des voies et moyens doit vous proposer de supprimer les retenues. Cela vous prouve qu’un des pre´opinans avait raison de dire qu’il euˆt e´te´ a` de´sirer que la chambre euˆt vote´ sur l’ensemble du budget, et non sur les de´penses d’abord, et les voies et moyens ensuite ; car en votant les de´penses elle s’engage e´videmment a` trouver les moyens3. 690c

Jamais nous ne sortirons de cette difficulte´ ; il y a des membres qui entendent que la re´duction portera sur les 8 millions en y comprenant la re´duction des 280 000 pour l’hoˆtel ; d’autres qui entendent cette re´duction sans y comprendre cette somme. Nous ne nous entendrons sur l’amendement qu’en vidant d’abord la question des 280 000 fr. C’est cette question qu’il faut d’abord e´claircir4. *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 150, dimanche 30 mai 1819, pp. 690a ; 690c ; 692a ; Archives parlementaires, t. XXIV, pp. 634 ; 637 ; 642. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, samedi 29 mai 1819, p. 3a ; 4b ; Le Constitutionnel, no 149, samedi 29 mai 1819, pp. 2–3 passim ; La Quotidienne, no 149, samedi 29 mai 1819, p. 3ab ; 4b ; L’Inde´pendant, no 22, samedi 29 mai 1819, pp. 2b–3a ; Gazette de France, no 149, samedi 29 mai 1819, pp. 595a ; 596ab.

1

La discussion porte sur les de´penses du ministe`re des Affaires e´trange`res. La` aussi, Rodet avait de´pose´ un amendement visant a` diminuer de 250.000 la somme de deux des articles du budget pre´sente´ par ce ministe`re. Jean-Joseph Dessolles, par ailleurs pre´sident du Conseil des ministres. ` son habitude, BC profite d’une discussion ouverte sur un point pre´cis pour de´fendre des A principes plus ge´ne´raux ; en l’occurrence, la proce´dure de pre´sentation du budget a` la Chambre. Il est cependant contredit successivement par La Boulaye et par Ville`le. Chauvelin propose un nouvel amendement re´duisant les de´penses pre´vues de 150.000 francs. Cet amendement est adopte´ et l’on passe a` la discussion sur les de´penses lie´es a` la construction (en cours) de l’hoˆtel du de´partement des Affaires e´trange`res. La discussion concernait ici la question de savoir s’il fallait re´duire le budget du ministe`re en ge´ne´ral ou faire porter les re´ductions sur des points pre´cis. BC demande a` ce que soit

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Plus nous avanc¸ons dans cette session, Messieurs, et plus nous reconnaissons combien il nous est difficile de voter sur la plupart des articles faute d’e´claircissemens suffisans. Le ministre de l’inte´rieur1 a donne´ quelques explications ; nous n’aurions eu aucun moyen de voter sans elles, et nous serions reste´s dans l’ignorance absolue sans le ze`le et la sagacite´ de notre colle`gue, M. Rodet2. Je supplie donc les ministres et la commission de donner toujours les motifs des augmentations demande´es. Si le ministre nous dit : je ne peux pas donner ces explications a` la tribune, qu’il les donne au moins a` la commission. M. le ministre de l’inte´rieur. Je les ai donne´es a` la commission. Ces de´tails ne pourraient eˆtre donne´s a` la tribune ... Que la commission les donne donc a` la chambre. Je vote pour les re´ductions propose´es par M. Rodet, sauf celles qui concernent les haras et les encouragemens a` la peˆche.3

tranche´e la demande de re´duction de 280.000 francs affecte´s a` l’hoˆtel du ministe`re. Cette nouvelle re´duction est rejete´e et l’on passe a` la discussion sur l’article agriculture, haras, commerce et manufacture.

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E´lie Decazes. Rodet e´tait a` nouveau intervenu pour demander des re´ductions sur divers points ou tout au moins des explications ; celles-ci ont e´te´ donne´es par le ministre de l’Inte´rieur a` la satisfaction partielle de BC qui profite ne´anmoins de demander a` ce que de´sormais les explications pre´ce`dent les de´bats. Les amendements Rodet sont tous e´carte´s.

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[Intervention sur les e´conomies a` re´aliser]* Se´ance du 29 mai 18191

703c

Ce serait avec beaucoup de regrets, je l’avoue, que je verrais le retranchement de la somme destine´e a` la Bibliothe`que royale2 ; cependant je me croirai oblige´ de dire qu’il est triste pour un colle`gue qui se de´voue a` de´couvrir les e´conomies qui peuvent eˆtre utiles, d’entendre dire que nous avons perdu toute une se´ance a` discuter des objets d’e´conomie qui ne portaient pas seulement sur les encouragemens a` donner a` l’agriculture mais sur un million cinq cent mille francs de frais de bureaux ; on a oublie´ sans doute le mot de M. Necker, que mille e´cus e´taient la contribution d’un village, et alors nous ne perdons pas tout-a`-fait notre tems en voulant faire des e´conomies3. Quant a` la de´pense pour des marbres d’Italie, je ne pense pas que ce soit le moment de consacrer des fonds a` la de´coration des places. Je serais en outre bien aise qu’on me dise pourquoi l’on veut encore de´corer la place Vendoˆme, ne se trouve-t-elle pas assez glorieusement de´core´e par un monument qui consacre nos plus beaux souvenirs et qui fait l’admiration de l’Europe (Vive sensation4.) Elle n’a pas, certes, besoin de statues et d’autres monumens ... Plusieurs voix. Non, non ... Je demande le retranchement de cet article.5 *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 151–152, lundi 31 mai et mardi 1er juin 1819, p. 703c ; Archives parlementaires, t. XXIV, p. 648. Manuscrit : BCU, Co 4380, p. 103. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, dimanche 30 mai 1819, p. 3a ; Le Constitutionnel, no 150, dimanche 30 mai 1819, p. 1b ; La Quotidienne, no 150, dimanche 30 mai 1819, pp. 3b–4a ; L’Inde´pendant, no 23, dimanche 30 mai 1819, p. 3a ; Gazette de France, no 150, dimanche 30 mai 1819, p. 599a.

1

La discussion porte sur la somme de 2,8 millions alloue´s aux e´tablissements de l’instruction publique. Rodet, toujours aussi combatif, avait demande´ une re´duction de 200.000 francs de la somme alloue´e a` la Bibliothe`que du roi. La`, BC re´pond a` Puymaurin, qui venait d’ironiser sur l’acharnement de certains de´pute´s a` ` propos du mot de Necker, voir l’article de BC dans le exiger des e´conomies de´risoires. A Mercure du 8 mars 1817 (OCBC, Œuvres, t. X,1, p. 507), ainsi que la correspondance avec Goyet, lettre du 30 mai 1819 (OCBC, Correspondance t. XI/1, pp. 187–188). Apre`s que la statue de Napole´on avait e´te´ fondue pour faire celle d’Henri IV place´e sur le Pont-Neuf, la Colonne Vendoˆme e´tait l’objet de vives controverses entre partisans et adversaires de l’Empire ; en 1818, E´mile Debraux avait compose´ sa ce´le`bre chanson de goguette «La Colonne». BC ne sera pas suivi, une fois de plus : la Chambre adopte l’article en cause.

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Sur les de´penses appele´es accidentelles.* (Se´ance du 28 [29] mai 1819.)1

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MESSIEURS, La rapidite´ avec laquelle nous sommes oblige´s de voter les articles du budget... (De violens murmures interrompent dans diverses parties de la salle2.) M. Courvoisier, de sa place Il semble qu’on prenne a` taˆche de faire croire a` la chambre que nous de´libe´rons ici sur le budget avec une pre´cipitation coupable, tandis qu’il n’est pas un article qui n’entraıˆne des de´bats prolonge´s ... Que veut-on donc que la France pense de cette chambre ... (Un mouvement tre`s-vif d’adhe´sion se manifeste.) 103

Malgre´ la lenteur que nous nous efforc¸ons de mettre dans nos de´libe´rations (rire ge´ne´ral), je me trouve souvent expose´, et plusieurs de mes colle`gues sont dans le meˆme cas, a` voter un article sans avoir e´te´ frappe´ des inconve´niens de la nature de cet article. Il arrive alors, quand un autre article analogue se pre´sente plus loin, qu’on nous cite ce que nous avons fait, comme un pre´ce´dent qui nous impose ce que nous devons faire. *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 102–109 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 102–109 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 151–152, lundi 31 mai et mardi 1er juin 1819, pp. 704ab ; 705b [=M] ; Archives parlementaires, t. XXIV, pp. 650–651 ; 654. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 104–110. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, dimanche 30 mai 1819, pp. 3b–4a ; Le Constitutionnel, no 150 dimanche 30 mai 1819, pp. 1b–2a ; La Quotidienne, no 150, dimanche 30 mai 1819, p. 4a. ; L’Inde´pendant, no 23, dimanche 30 mai 1819, p. 3ab ; Gazette de France, no 150, dimanche 30 mai 1819, pp. 559b–660a.

13 (rire ge´ne´ral) ] absent dans M 704a 704a 1

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13–14 expose´, ... a` voter ] hors d’e´tat ... de voter M

` plusieurs reprises, dans les discussions sur les articles pre´ce´dents, des remarques ont e´te´ A faites sur l’apparition quasi syste´matique de «de´penses accidentelles», venant s’ajouter aux de´penses ordinaires pour faire face aux situations non pre´vues. BC avait pre´pare´ une intervention sur le sujet, qu’il jugera suffisamment importante pour la publier dans son recueil de Discours de 1827–28. Le Moniteur pre´cise, avant la prise de parole de BC : «M. Benjamin Constant se pre´sente a` la tribune avec une opinion e´crite ... Quelques murmures s’e´le`vent ...» (p. 704a). Nous re´tablissons l’interruption de Courvoisier, apre`s le de´but du discours de BC.

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Je viens re´clamer contre cette manie`re de raisonner, en repre´sentant a` la Chambre que, bien que nous ayons alloue´ de´ja` beaucoup de de´penses accidentelles, diverses, fortuites, impre´vues, etc., car on a, a` cet e´gard, e´puise´ dans le budget toutes les de´signations qui ne de´signent rien, il est temps, et il est toujours temps de rejeter les de´penses qu’on nous demandera sous un pre´texte aussi vague. En e´conomie comme en tout autre chose, ou` il est question de faire du bien ou de ne pas mal faire, il vaut mieux tard que jamais. Je ne sais si la Chambre a fait le releve´ des sommes qui lui sont demande´es sous le nom de de´penses diverses ou accidentelles. Le total de ces sommes, dans les budgets vote´s et a` voter, s’e´le`ve a` 4 millions 983,562 fr. 50 c. Parmi ces de´penses, il y en a sans doute plusieurs qui sont ne´cessaires ; mais pourquoi nous les demande-t-on sous un nom qui peut couvrir les de´penses les plus inutiles ? Dira-t-on qu’on vous explique ces de´penses accidentelles a` cette tribune, et que ce mode e´vite beaucoup de de´tails, beaucoup de chiffres, beaucoup d’articles minutieux, longs a` imprimer et a` parcourir ? Mais, Messieurs, ces explications, indispensables d’ailleurs, et dont il faut savoir gre´ a` MM. les ministres, sont pourtant fugitives, peuvent eˆtre mal saisies, et ne sauraient eˆtre examine´es sur l’heure et juge´es en connaissance de cause. Messieurs les ministres eux-meˆmes peuvent se tromper, et quelquefois ils se trompent. En voulez-vous une preuve qui vous de´montrera d’autant plus e´videmment la possibilite´ de pareilles erreurs, qui alors nous en font commettre, qu’elle est partie d’un ministe`re dont nous reconnaissons tous et le caracte`re loyal et l’extreˆme franchise. Dans l’explication que M. le ministre des affaires e´trange`res vous a donne´e hier, sur la construction du palais de son ministe`re, il vous a dit et re´pe´te´ avec des de´tails circonstancie´s que ce palais n’avait couˆte´ l’an dernier que 50,000 fr. ; et cette assertion lui a servi a` vous demontrer la ne´cessite´ d’un cre´dit sextuple pour cette anne´e. Or, Messieurs, en recourant aux comptes rendus par les ministres de tous les de´partemens, jusqu’au 31 de´cembre, je vois que (pag. 41, art. 5 du chap. VI) la de´pense faite pour cet objet durant l’anne´e 1818, de´pense qu’on vous a tant dit n’avoir e´te´ que de 50,000 fr., a e´te´ de 300,000 fr.1. 7 faire du bien ] faire bien Discours 1827 I 103 M 704a 14 les plus inutiles ? ] les plus inutiles. M 704a 17 parcourir ? Mais ] parcourir. Mais Discours 1827 I 103 M 704a 1

Dans la discussion de la veille sur la construction de l’hoˆtel des Affaires e´trange`res, le ministre Dessolles avait en effet avance´ cette argumentation ; BC n’avait pas re´agi alors. Il aurait donc comple´te´ son information et pre´pare´ son intervention dans la soire´e ou la nuit du 28–29 mai.

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Peut-eˆtre ce fait aurait-il influe´ sur votre de´libe´ration, non pour interrompre des travaux commence´s qu’il faut achever, mais pour demander que ces travaux fussent conduits plus e´conomiquement et plus utilement : car ce palais aura couˆte´, y compris les 280,000 fr. alloue´s pour cette anne´e, 1,907,455 fr., et ne sera probablement pas acheve´ quand cette somme sera e´puise´e. J’ai cite´ ce fait, Messieurs, non pour revenir sur un objet qui est de´cide´, mais comme preuve des erreurs ou` peuvent tomber les ministres les mieux intentionne´s dans des explications a` la tribune. Je reviens aux de´penses accidentelles qui vous sont demande´es dans le chap. VI que nous discutons, ou plutoˆt au syste`me de porter au budget des de´penses accidentelles et impre´vues. La loi a pourvu a` ce que les ministres pussent faire face aux de´penses urgentes ; elle a trace´ leur route. Ils doivent y subvenir en obtenant des ordonnances du roi, dont ils sont responsables : ces ordonnances, si la de´pense est trouve´e en effet urgente et indispensable, sont converties en loi dans la session la plus prochaine ; mais ce mode, e´tant indique´ si clairement, devrait faire disparaıˆtre toutes les de´penses impre´vues et accidentelles. Je sais qu’on a e´tabli hier a` cette tribune les the´ories les plus e´tranges. On vous a dit, d’une part, que nous devions voter les budgets en masse, tirant parti d’un article de loi que je ne veux pas examiner ici, mais dont il ne faut au moins pas aggraver les inconve´niens, pour nous interdire toute discussion des de´tails. Cela tendrait a` nous ramener aux budgets impe´riaux, qui, vers la fin, se composaient d’un seul article re´dige´ le plus laconiquement qu’il e´tait possible, et vote´ en silence, ce qui e´tablissait assure´ment dans ces budgets une grande e´conomie de paroles. Cette opinion a heureusement e´te´ repousse´e par l’unanimite´ de la Chambre. Vous avez senti que vous ne pouviez renoncer vos droits1 sans trahir ceux de vos commettans ; que l’examen, la discussion, le vote sur chaque de´tail, e´taient les e´le´mens du vote sur l’ensemble, et que vous seriez coupables de vous abstenir ou de vous dispenser de la moindre forme qui puˆt vous conduire a` retrancher la plus petite partie des charges du peuple. Ne pouvant vous faire adopter un mode qui vous euˆt rendus force´ment les esclaves des ministres, on vous a propose´ de devenir volontairement ceux de vos commissions : comme si vos commissions avaient une autorite´ constitutionnelle ; comme si vos commissions avaient des pouvoirs auxquels un seul d’entre vous puˆt eˆtre requis de se soumettre ; comme si, investis tous, 14 ces ordonnances, si ] lesquelles, si M 704b 25 a heureusement e´te´ ] heureusement a e´te´ M 704b 27 renoncer vos droits ] renoncer a` vos droits M 704b 35 vos commissions avaient des pouvoirs ] vos commissions n’avaient des pouvoirs Discours 1827 I 106 ; vos nominations cre´aient des pouvoirs M 704b 1

Sic ; renoncer transitif direct, forme archaı¨que.

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en qualite´ de membres de cette Chambre, de la confiance de vos commettans, vous pouviez vous de´charger sur quelques uns d’entre vous des devoirs que cette confiance vous impose. Vous avez aussi repousse´ cette ide´e, et la France vous en saura gre´. Mais un troisie`me orateur a e´tabli un autre principe non moins subversif de la juridiction que la Chambre exerce en votant l’impoˆt. A entendre cet orateur, vous n’avez jamais a` vous occuper, en allouant des fonds, du syste`me qui ne´cessite cet emploi des fonds. Il en re´sulterait, Messieurs, que toute tentative de re´forme et d’e´conomie se trouverait e´lude´e tour a` tour par deux raisonnemens auxquels, le syste`me admis, vous n’auriez rien a` re´pondre. Si vous vouliez demander la suppression de places inutiles, on vous dirait que vous n’avez pas le droit de vous meˆler de l’administration ; qu’au roi seul appartient le droit de cre´er des emplois. Quand vous voudriez refuser les fonds pour ces places, on vous dirait que, les places existant, elles doivent eˆtre paye´es, et ainsi alternativement argue´s d’incompe´tence ou subjugue´s par la ne´cessite´, vous n’auriez qu’a` supporter l’e´ta blissement et a` voter le salaire de toutes les sine´cures1. Non, Messieurs, le budget est l’arme du peuple contre tous les abus, contre les abus politiques aussi bien que financiers. C’est une arme le´gale, paisible, constitutionnelle : vous devez vous en servir pour toutes les re´formes que votre amour du bien public vous fait de´sirer ; et, en votant le budget, vous devez, quoi qu’on puisse vous dire, examiner toutes les questions qui touchent a` la de´pense, non seulement dans leurs rapports avec les finances, mais dans leurs rapports avec la liberte´2. Je sais que nous sommes a` une e´poque fatale aux discussions. Il y a des e´poques de ce genre : on pourrait les nommer les e´poques de l’assentiment ; comme il y a des heures fatales, qu’on pourrait nommer les heures de la question pre´alable. Nul ne peut lutter contre l’influence de ces e´poques et de ces heures. Aussi me suis-je re´signe´ a` cette influence. Je n’ai rien dit sur le chapitre de l’instruction publique, bien que ce syste`me de l’instruction publique me 20 constitutionnelle : vous ] constitutionnelle. Vous M 704b 25 discussions. Il y a ] discussions : il y a M 704b 30–31 chapitre de l’instruction ] chapitre entier de l’instruction M 704b ce syste`me ] le syste`me adopte´ M 704b 1

2

BC re´sume habilement les propos tenus notamment par les commissaires du roi et les ministres de l’Inte´rieur et des Affaires e´trange`res, qui avaient tente´ par divers ordres d’arguments de persuader les de´pute´s que les de´cisions sur l’allocation des budgets n’e´taient pas de leur ressort. Voici clairement expose´e la raison profonde pour laquelle le de´pute´ BC sera toujours si attentif et si actif dans les discussions pourtant souvent tre`s absconses sur le budget.

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paraisse loin d’eˆtre bon ; bien qu’il restreigne beaucoup la liberte´ de l’enseignement ; bien qu’il accorde a` l’autorite´ une juridiction a` la fois trop e´tendue et trop minutieuse sur l’e´ducation. Mais le temps nous presse, et sur cette matie`re il faut aller prudemment ; il faut ne rien faire sans avoir muˆrement de´libe´re´ ; car, a` coˆte´ de notre syste`me de´fectueux d’instruction publique, on fait des efforts pour le remplacer par des e´tablissemens qui seraient beaucoup plus dangereux ; par des e´tablissemens qui, ressuscitant des corps, a` la destruction desquels l’Europe avait applaudi, tendent a` renverser la Charte, a` ranimer l’intole´rance, a` soumettre a` un joug justement odieux les rois et les peuples. Je me suis donc abstenu de toute re´clamation ; j’ai vote´, bien qu’a` regret, un cre´dit pour ce qui n’est pas bon, afin d’e´viter ce qui est plus mauvais ; mais je demande le retranchement de 220,000 fr., propose´s pour de´penses impre´vues et pour re´serves, c’est-a`-dire, le rejet du chapitre IV, soumis maintenant a` votre de´libe´ration1. Que veut dire M. Benjamin Constant par ces mots : il est des e´poques fatales aux discussions ; et puisqu’on ne peut lutter contre leur influence, il faut bien en ce moment qu’on s’y re´signe ? Quelle fatalite´ re`gne donc a` cette e´poque et dans cette enceinte ? A quelle re´signation pe´nible l’orateur est-il condamne´ ? La discussion a-t-elle subi quelque violence ou quelque geˆne ? qui a voulu parler, sans qu’on lui ait preˆte´ l’oreille ? qui s’est vu repousser ou comprimer a` cette tribune ? n’a-t-on pas produit et reproduit les argumens, les objections, les critiques ? les e´couter est un devoir ; ce devoir, la chambre les remplit avec une exactitude scrupuleuse. Quel est donc le but de M. Benjamin Constant, lorsqu’en un discours e´crit et pre´me´dite´, il signale vos de´libe´rations a` la France, comme une e´poque fatale a` laquelle il faut bien encore qu’on se re´signe ? [...] Hier, meˆme affectation et meˆme griefs ; M. Benjamin Constant accusait la pre´cipitation de la Chambre ; il se plaignait d’eˆtre re´duit a` voter sans qu’il fuˆt possible d’obtenir les renseignements ne´cessaires pour que le vote fuˆt e´claire´. [...] l’utilite´, la ne´cessite´ de chaque de´pense e´tait de´montre´e si clairement que ce jour la`, comme le jour

10 Je me suis donc ] Je me suis encore M 704b

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14 du chapitre

IV

] du chapitre

VI

M 704b

Ici se termine le discours proprement dit de BC. Prennent alors la parole successivement le garde des Sceaux, qui re´fute certaines critiques de BC, Chauvelin, a` nouveau le garde des Sceaux, Benoist et enfin Courvoisier qui s’en prend violemment a` BC. Nous donnons quelques extraits de son discours qui, en suivant le Moniteur, permettent de comprendre la re´plique de BC qui suit.

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pre´ce´dent, les amendemens e´taient de´laisse´s de toute part : on nous disait alors que nous nous haˆtions de voter a` l’aveugle ; et l’on vient nous dire en ce jour, avec non moins d’affectation et d’invraisemblance que pour les discussions, l’e´poque est fatale et qu’en ce moment il faut se re´signer.

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J’entends qu’on me reproche une expression dont je me suis servi. Quand j’ai parle´ d’e´poques fatales aux discussions du budget, j’ai voulu rappeler ce que vous savez tous, que, par l’effet de diverses circonstances, le budget a e´te´ pre´sente´ fort tard1 ; que le renouvellement du ministe`re a occasione´ des retards qui, il faut l’espe´rer, ne se pre´senteront plus. Je ne doute pas que d’autres membres, plus verse´s que moi dans la matie`re de l’administration, ne comprennent beaucoup mieux les explications que donnent MM. les ministres ; mais je dois a` ceux qui m’ont envoye´ ici de ne voter que ce que je comprends bien ; je leur dois de demander des renseignemens aussi longtemps que ma conscience n’est pas assez e´claire´e. MM. les ministres les donnent toujours avec complaisance et avec le de´sir de vous e´clairer ; mais je crois que leur popularite´ y est tout aussi inte´resse´e que la noˆtre2, et cette discussion, quel que soit son re´sultat mate´riel sur les sommes vote´es, aura toutefois e´te´ tre`s utile ; elle aura plus contribue´ a` l’ordre, a` l’e´conomie, a` l’affermissement de nos institu tions, que toutes celles qui l’ont pre´ce´de´e dans les sessions ante´rieures.3

6 J’entends qu’on me reproche une expression dont je me suis servi. ] Je ne crois pas que le reproche qui vient d’eˆtre e´leve´ puisse s’adresser aux expressions dont je me suis servi : M 705b 11–12 d’autres membres, plus verse´s ... ne comprennent ] le pre´opinant, plus verse´ ... ne comprenne M 705b 17–18 et cette discussion ] et je crois que cette discussion M 705b

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On rappelle qu’en raison des changements intervenus dans le gouvernement de Richelieu tout au long de 1818, ce n’est que lors de cette session de printemps 1819 qu’a pu eˆtre discute´ et vote´ le budget de l’anne´e en cours. Allusion a` la fin du discours pre´ce´dent de Courvoisier, dans lequel il citait l’amiral Daugier : «Briguez la popularite´ ; mais c’est par trop de la briguer a` notre face au de´triment de la chambre et surtout au de´triment du vrai». Avec cette citation, la pe´roraison de Courvoisier e´tait salue´e par des «mouvements tre`s vifs d’adhe´sions». Encore une fois, BC riposte en e´levant le propos aux principe ge´ne´ral du bon fonctionnement des institutions et de la repre´sentation du peuple a` la Chambre.

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[Intervention sur la loi du 25 mars 1817]* Se´ance du 31 mai 18191

710a

M. le rapporteur de la commission2 a avance´ que la loi du 25 mars 1817, avait abroge´ celle du 28 avril 1816, sous le rapport de l’inte´reˆt des cre´ances liquide´es. Or, je viens de m’assurer que cette disposition n’est nullement abroge´e ; l’article 4 conservait comple`tement la loi de 1813. Ce qui prouve qu’on ne voulait pas se borner au million de rentes insuffisant qu’elle avait cre´e´. Ainsi, pour priver des cre´anciers de droits acquis, on s’est fonde´ sur une pre´tendue abrogation qui n’a jamais eu lieu. J’appuie la proposition de MM. de Ville`le et Manuel.3

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 153, mercredi 2 juin 1819, p. 710a ; Archives parlementaires, t. XXIV, p. 667. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, lundi 31 mai 1819, p. 3b ; L’Inde´pendant, no 24, lundi 31 mai 1819, p. 3b.

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BC intervient dans une longue discussion portant sur le re`glement des dettes de l’E´tat et plus pre´cise´ment sur le cadre le´gal qui doit eˆtre applique´ pour le calcul des inte´reˆts, conse´cutivement a` une se´rie de pe´titions de cre´anciers de l’E´tat qui s’estimaient le´se´s. Dans les trois lois successives sur les finances (1813, 1816, 1817), la question e´tait traite´e, mais sans qu’une loi nouvellement adopte´e ne rende caduques toutes les dispositions de la pre´ce´dente. C’est le cas ici, selon BC et les pre´opinants qu’il soutient. Le de´pute´ de centre-gauche Antoine Boin. La commission proposait a` la Chambre de renvoyer les pe´titions au ministre des Finances. Ville`le (pourtant membre de cette commission) et Manuel – soutenus e´galement par Be´doch que BC ne cite pas – e´taient intervenus pour s’y opposer en expliquant que les pe´titionnaires devaient eˆtre entendus au motif juridique efficacement re´sume´ par BC. Mais la gauche, une nouvelle fois, ne sera pas entendue.

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[Intervention sur la re´duction du traitement du directeur des ponts et chausse´es]* Se´ance du 1er juin 18191

715b

Il serait de´sirable que M. Rodet pre´cisaˆt sur quoi il fait porter cette re´duction.

5

M. Rodet. Sur les frais d’administration. M. le pre´sident. J’observe que cela paraıˆt impossible puisque les frais d’administration des ponts et chausse´es s’e´le`vent pre´cise´ment a` la somme de 300,000 fr. qu’on veut retrancher. On demande a` aller aux voix.

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La question n’est pas de savoir si on peut retrancher de la somme ne´cessaire au travaux des ponts et chausse´es, mais si on ne pourrait pas faire porter la re´duction sur les traitemens du directeur ge´ne´ral et les frais d’administration. Ici, Messieurs, je ne vois point la Charte compromise, et nous avons l’avantage de ne pas trouver sur notre chemin l’argument tire´ du respect duˆ a` la pre´rogative royale ... (On rit.) Nous ne voyons pas ici qu’il soit question de de´penses qui enrichissent les peuples ... (On rit encore2.) Je propose la re´duction du traitement de Monsieur le directeur ge´ne´ral a` 20,000 fr. ... Des murmures s’e´le`vent ... Plusieurs voix. Cela n’est pas appuye´ ... Aux voix le cre´dit.3

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 154, jeudi 3 juin 1819, p. 715b ; Archives parlementaires, t. XXIV, p. 686. Manuscrit : BCU, Co 4380, p. 111. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, mercredi 2 juin 1819, p. 4b ; Le Constitutionnel, no 153, mercredi 2 juin 1819, p. 3b ; La Quotidienne, no 153, mercredi 2 juin 1819, p. 4a ; L’Inde´pendant, no 25, mercredi 2 juin 1819, p. 4a ; Gazette de France, no 153, mercredi 2 juin 1819, p. 607a.

1

Dans la discussion sur le budget des ponts et chausse´es, Rodet avait de´pose´ une demande de re´duction de 300.000 francs. La question pre´alable est demande´e sur ce point, mais BC intervient pour demander des explications a` Rodet. BC reformule ironiquement des arguments de´veloppe´s pre´alablement (et se´rieusement) dans la discussion. La proposition assez radicale de BC qui consiste a` re´duire de 50.000 a` 20.000 francs le traitement du directeur ge´ne´ral des ponts et chausse´es – et des directeurs ge´ne´raux dans toute l’administration – est rejete´e.

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Sur le traitement des pre´fets.* (Se´ance du 1er juin 1819.)1

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MESSIEURS, Je remarque que les traitemens des pre´fets sont de beaucoup supe´rieurs a` ceux de l’an VIII ; et cependant alors on ne trouvait pas que ces fonctionnaires fussent dans la pe´nurie. Ils repre´sentaient le gouvernement avec autant d’e´clat qu’aujourd’hui ; je dis autant d’e´clat, puisqu’on en veut, au moment ou` le peuple supporte des charges aussi pesantes. La modicite´ de leur traitement ne les empeˆchait pas de bien servir ; car, assure´ment, il n’a jamais existe´ de gouvernement sous lequel les ordres du chef de l’E´tat aient e´te´ plus rapidement et plus fide`lement exe´cute´s. Aujourd’hui ils ont des traitemens beaucoup plus forts, et des travaux bien moins importans ; ils sont de´barrasse´s des de´tails immenses des affaires de domaines nationaux ; ils n’ont plus les travaux successifs et pressans de la conscription ; ils peuvent faire des e´conomies sur leurs de´penses inte´rieures, et on peut en obtenir sur leurs abonnemens pour frais de bureau ; ils n’en seront pas moins conside´re´s, pas moins obe´is. Dans les petites villes, d’ailleurs, quelle ne´cessite´ de repre´sentation y a-t-il ? Et ne vaut-il pas mieux qu’ils se concilient l’affection de leurs administre´s, en ne faisant pas contraster l’e´clat de leur repre´sentation avec la *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 109–110 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 109–110 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 154, jeudi 3 juin 1819, p. 716b [=M] ; Archives parlementaires, t. XXIV, p. 690. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 111–112. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, mercredi 2 juin 1819, p. 4b ; Le Constitutionnel, no 153, mercredi 2 juin 1819, p. 4a ; La Quotidienne, no 153, mercredi 2 juin 1819, p. 4b ; L’Inde´pendant, no 25, mercredi 2 juin 1819, p. 4ab ; Gazette de France, no 153, mercredi 2 juin 1819, p. 607b.

4 Je remarque ] avant ces mots M. Benjamin Constant. J’aurais a` pre´senter quelques de´veloppemens sur la question ; mais l’heure e´tant avance´e ... (Un grand nombre de voix : Non, non, parlez, parlez ...) M 716b 6 pe´nurie. Ils repre´sentaient ] pe´nurie ; ils repre´sentaient M 716b 7 puisqu’on en veut ] puisqu’on le veut M 716b 12 et des travaux ] et ont des travaux M 716b 1

La discussion porte sur le traitement des pre´fets que des propositions d’amendements visent a` re´duire. Le de´pute´ ultra Delagrange-Gourdon de Floirac vient de tenter de mettre fin a` la discussion en demandant la question pre´alable ; c’est a` ce moment que BC intervient.

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mise`re du peuple ? Le chef de l’ancien gouvernement avait d’abord fixe´ des traitemens modiques, et l’on s’en e´tait tre`s bien trouve´ ; ce n’est que lorsqu’il a voulu donner plus de splendeur aux diverses parties de l’administration, pour se conformer a` un autre mode de gouvernement, et pour e´tendre son despotisme, qu’il a songe´ a` e´lever les traitemens1. Je pense qu’aujourd’hui ils doivent eˆtre re´duits. Rien n’est plus cher qu’en l’an VIII ; tout est rentre´ dans l’e´tat naturel ; les circonstances extraordinaires ont cesse´. Je demande qu’on adopte une base de re´duction ; je la propose, non comme fixation, puisque nous n’avons pas le droit de l’e´tablir, mais comme indication de votre intention dans le vote du chapitre. Je demande que la re´duction soit du cinquie`me sur les frais de l’administration de´partementale.2

1 mise`re du peuple ? ] mise`re du peuple ... (Des murmures interrompent). M 716b 6–7 l’an VIII ; tout est rentre´ dans l’e´tat naturel ; les ] l’an VIII. Tout est redevenu dans son e´tat naturel. Les M 716b 8 je la propose ] je suis entraıˆner a` la proposer M 716b

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Bonaparte, sous le Consulat, puis Napole´on sous l’Empire. BC semble laisser entendre, d’une fac¸on plus ge´ne´rale, que le traitement e´leve´ des hauts fonctionnaires est un instrument d’exercice d’un pouvoir fort. Apre`s l’intervention de BC, la se´ance est ajourne´e. Le lendemain, Beaupoil de SainteAulaire intervient pour rectifier les chiffres donne´s la veille par BC en montrant que les pre´fets de l’an XIII n’e´taient pas moins re´mune´re´s qu’en 1819. L’amendement de´pose´ par BC est rejete´ «a` la presque unanimite´» (Moniteur, no 155, 4 juin 1819, p. 720).

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[Intervention contre l’impression du discours de Labourdonnaye]* Se´ance du 2 juin 18191

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Je demande la parole contre l’impression, je ne puis y consentir, que si l’orateur consent lui-meˆme a` retrancher quelques passages de son discours, auxquels il est impossible que la chambre ait l’air de donner son assentiment. Je le demande au nom de la France. (des murmures s’e´le`vent a` droite ... Dites en votre nom.) Je le demande au nom de la France, pouvez-vous ordonner l’impression d’un discours ou` il est dit que la France est le centre et le foyer d’un parti re´volutionnaire qui menace l’Europe ; non, Messieurs, la France n’est pas re´volutionnaire, la France est e´minemment et uniquement constitutionnelle. Je m’oppose a` l’impression au nom du respect duˆ a` une loi rendue, a` une loi nationale, que l’orateur a attaque´e en disant qu’elle e´tait contraire au syste`me monarchique ... Je m’oppose a` l’impression au nom de la Charte, par ce que l’orateur attaque dans son discours les droits consacre´s par elle, l’e´galite´ d’avancement assure´e par elle et par nos lois fondamentales a` tous nos braves guerriers, ainsi qu’a` tous les citoyens. Il est impossible que la chambre ordonne l’impression d’un discours qui renferme de telles expressions et de tels principes, si l’orateur ne consent pas a` les supprimer ...2

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E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 155, vendredi 4 juin 1819, p. 722a ; Archives parlementaires, t. XXIV, p. 703. Manuscrit : BCU, Co 4380, p. 113. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, jeudi 3 juin 1819, p. 4b ; Le Constitutionnel, no 154, jeudi 3 juin 1819, p. 4b ; La Quotidienne, no 154, jeudi 3 juin 1819, p. 4b ; L’Inde´pendant, no 26, jeudi 3 juin 1819, p. 3b ; Gazette de France, no 154, jeudi 3 juin 1819, p. 612b.

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Dans le cours de la discussion sur le budget du ministe`re de la Guerre, La Bourdonnaye avait prononce´ un discours virulent contre une vision de l’arme´e he´rite´e de la Re´publique et de l’Empire. Ses partisans a` la Chambre avaient demande´ l’impression de ce discours. C’est la` qu’intervient BC. La Bourdonnaye ayant annonce´ aussitoˆt qu’il ne demandait pas l’impression de son discours, qu’il ferait de toute fac¸on imprimer a` ses frais, la discussion sur l’impression est close.

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Sur le budget du ministe`re des finances.* (Se´ance du 8 juin 1819.)1

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MESSIEURS, Me proposant de vous soumettre diverses re´flexions et divers amendemens sur plusieurs chapitres du budget du ministe`re des finances, je crois devoir commencer par indiquer, pour plus de clarte´, les objets auxquels je ne m’arreˆterai pas. Je pourrai par la` fixer plus exclusivement votre attention sur ceux dont je crois utile de vous occuper. Le budget du ministe`re des finances se monte a` 257 millions 100,000 fr. De ces 257 millions, 146 millions 598,940 fr. sont consacre´s a` la dette viage`re, aux pensions, aux inte´reˆts des cautionnemens et de la dette flottante, a` la Chambre des pairs, a` celle des de´pute´s, a` la Le´gion-d’Honneur, a` la Cour des comptes, aux commissions de liquidations, au cadastre, a` des constructions, aux frais de service et de ne´gociation de la tre´sorerie, enfin aux frais de re´gie et de perception des contributions directes. Ces divers objets seraient susceptibles d’observa tions importantes. Il en sera fait sans doute sur les pensions, dont la liste, imprime´e sous la direction de l’ancien ministre des finances2, est remarquable par l’absence de toute date, singulie`re inadvertance, qui a eu pour re´sultat ne´cessaire d’e´luder l’intention de la loi, et de rendre l’impression de la liste inutile. On ne passera pas sous silence l’article de la dette flottante, dont la destination est peut-eˆtre encore mal connue et mal appre´cie´e dans cette Chambre, mais sur laquelle, lorsqu’elle aura e´te´ mieux e´claircie par la discussion, vous rejet*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 111–136 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 111–136 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 161, jeudi 10 juin 1819 pp. 764a–765c [=M] ; Chambre des de´pute´s. Opinion de M. Benjamin Constant ... sur le budget des de´penses a` ordonnancer par le ministre des finances, pour l’exercice 1819, [Paris :] Hacquart, s.d., 41 p. [=Opinion] ; Archives parlementaires, t. XXV, pp. 34–40. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 115–139. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, mercredi 9 juin 1819, pp. 3b–4b ; Le Constitutionnel, no 160, mercredi 9 juin 1819, pp. 2b–4b ; La Quotidienne, no 160, mercredi 9 juin 1819, p. 4ab ; L’Inde´pendant, no 32, mercredi 9 juin 1819, pp. 3b–4b ; Gazette de France, no 160, mercredi 9 juin 1819, pp. 635b–636b.

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Cette longue intervention, annonce´e et pre´pare´e par BC, est prononce´e a` l’ouverture de la discussion sur le budget du ministe`re des Finances. L’ancien ministre des Finances : le comte Corvetto que BC vise souvent dans ses attaques.

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terez, je l’espe`re, le syste`me de la commission des de´penses, syste`me de´ja` re´fute´ en partie dans le rapport de la commission des voies et moyens. On discutera vraisemblablement les deux millions de la Chambre des pairs ; car, s’il est ne´cessaire, d’une part, de remplir les engagemens contemporains de la Charte, il est, d’une autre part, essentiel d’empeˆcher que la pairie ne devienne un contre-sens dans nos institutions ; ce qui arriverait, si les repre´sentans he´re´ditaires de la grande proprie´te´ se trouvaient transforme´s en salarie´s a` vie ou a` l’anne´e. On vous parlera peut-eˆtre aussi des constructions dispendieuses entreprises a` une e´poque ante´rieure, par le´ge`rete´, et qui paraissent se continuer aujourd’hui par complaisance. Je laisse ces sujets de recherche ou de censure a` ceux de mes honorables colle`gues dont ils auront fixe´ l’attention. Mon dessein est de vous entretenir de l’emploi des 110 millions 301,060 francs restant, dont 7 millions 565,000 fr. pour le service ordinaire du ministe`re, et 102 millions 936,060 fr. pour la perception des contributions, autres que les contributions directes. Je ne voulais rien dire sur le traitement du ministre. J’avais eu, de`s le premier jour de cette discussion, l’honneur de repre´senter a` la Chambre que nous ne votions les traitemens ministe´riels que dans l’hypothe`se de la retenue ; votre commission des voies et moyens, qui n’avait re´pondu a` mes questions que par le silence, nous propose maintenant de supprimer ces retenues, apre`s nous avoir laisse´ voter les traitemens sous cette condition. Nous nous trouverions ainsi avoir e´te´ induits en erreur, et avoir vote´ en contradiction avec notre volonte´ formelle et de´clare´e. Cependant j’ajourne a` la discussion qui s’ouvrira sur le rapport de cette dernie`re commission, un amendement qui devra porter alors sur les traitemens de tous les ministres. Mon amendement actuel n’a trait qu’aux frais de bureaux, aux remises sur les produits des de´bets et aux re´tributions pour travaux extraordinaires. Ces articles s’e´le`vent, dans le pre´sent budget, a 4 millions 30,000 fr. Je ne remonterai point a` 1791, pour nous rappeler ce que couˆtaient alors le ministe`re des finances et la tre´sorerie. En voyant que ces deux objets re´unis n’occasionaient pas une de´pense du tiers, vous pourriez croire que je vous rame`ne aux temps fabuleux. Je partirai de 1814, et j’invoquerai le te´moignage de M. le ministre des finances meˆme, te´moignage d’autant plus irre´cusable, qu’a` cette e´poque aussi il e´tait a` la teˆte de ce de´partement1. Je pourrais encore invoquer 14 110 millions 301,060 ] 110 millions 501,060 Opinion 5 1

Le baron Joseph-Dominique Louis, qui fut a` cinq reprises ministre des Finances : du 1er avril 1814 au 30 mars 1815, du 9 juillet au 26 septembre 1815, du 30 de´cembre 1818 au 19 novembre 1819, puis sous la monarchie de Juillet, du 31 juillet au 2 novembre 1830 et du 13 mars 1831 au 18 octobre 1832. On peut noter qu’aux alentours du 8 juin (la date n’a pas pu eˆtre e´tablie exactement), BC avait e´crit au baron Louis pour lui pre´ciser qu’il

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l’autorite´ de notre honorable colle`gue, M. Ganilh, qui, parlant en connaissance de cause, puisqu’il e´tait membre de la commission du budget, a atteste´, dans ses discours des 5 avril 1818 et 13 mai 1819, une partie des faits que je vais vous retracer1. A l’e´poque de 1814, le nombre des employe´s du ministe`re des Finances, en y comprenant les garc¸ons de caisse et de bureau, e´tait de 1020 ; leur traitement se montait a` 3 millions 7,000 fr. Maintenant leur nombre est de 1350, et leurs traitemens, y compris les remises et les re´tributions extraordinaires, s’e´le`vent a` 4 millions 30,000 fr. Pourquoi cette augmentation dans le personnel, cause ne´cessaire de l’augmentation dans la de´pense ? Comment se fait-il que, pre´cise´ment dans les anne´es de mise`re, qu’on pourrait aussi nommer des anne´es de destitution, le nombre des places et des salaires se soit accru d’un tiers ? J’alloue que la centralisation des pensions militaires, les liquidations e´trange`res, l’insertion des produits bruts dans les e´tats de recette, heureuse et sage ame´lioration, aient ne´cessite´ quelque accroissement de travail : il ne saurait eˆtre e´gal a` cette augmentation. Cette remarque, Messieurs, ce n’est pas a` M. le ministre actuel des finances qu’il faut l’adresser, c’est a` M. le comte Corvetto, son pre´de´cesseur ; comme en ge´ne´ral toutes les plaintes que nous faisons retentir sur la prodigalite´ avec laquelle on a dispose´ des ressources de l’Etat, se dirigent naturellement et ne´cessairement vers les ministres qui administraient les res sources de l’Etat, quand cette prodigalite´ avait lieu. Ce n’est pas sans motif que je consigne ici cette observation, et que je suis bien aise de l’e´noncer formellement a` cette tribune. Faute de l’avoir faite, ou pour l’avoir oublie´e, nous avons plus d’une fois laisse´ de´vier nos discussions dans une direction injuste, et non moins faˆcheuse sous le point de vue politique que sous les rapports financiers. 8 et leurs traitemens ] et leur traitement Opinion 7 pourquoi M 764a Opinion 7

9–10 30,000 fr. Pourquoi ] 30,000 fr. ;

disposait de la liste comple`te des employe´s du ministe`re des Finances et que l’amendement qu’il allait de´poser pour demander une re´duction du budget alloue´ aux traitements du ministe`re serait fonde´ sur des donne´es incontestables (OCBC, Correspondance, t. XI, pp. 192–193). On voit ainsi mieux comment se de´ploie la tactique de BC qui double son action a` la tribune de de´marches plus discre`tes ; dans ce cas, il s’agit presque d’une manœuvre d’intimidation. 1

Le 4 avril (non le 5 qui e´tait un dimanche) 1818, Ganilh avait selon les termes du Moniteur (no 96, 6 avril 1818, p. 427b), prononce´ «une opinion improvise´e dans laquelle il examine le syste`me entier de nos finances, les mesures adopte´es depuis trois ans, et l’administration des revenus publics» ; il s’exprimera dans les meˆmes termes l’anne´e suivante lors de la se´ance du 13 mai, dans un discours pe´remptoire reproduit le 16 par le Moniteur (136, pp. 620abc).

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Aujourd’hui, c’est au ministre actuel a` re´parer les fautes d’un autre. Je sais que c’est une taˆche difficile. Il arrive charge´ d’un triste he´ritage qu’il doit tout entier a` M. Corvetto. Mais quelque pesant que soit le fardeau, quelque pe´nible que soit la taˆche, il doit la remplir. Je propose donc, pour premier amendement, le retour a` ce qui existait en 1814, c’est-a`-dire, une re´duction de 1 million 23,000 fr. sur la premie`re section du chapitre XII. Cela fait, j’arrive a` l’objet principal des observations que j’ai l’honneur de vous soumettre, je veux dire aux frais de perception et de re´gie des impoˆts indirects. Si vous re´fle´chissez que ces frais s’e´le`vent a` pre`s de 103 millions, vous ne trouverez pas, je le pense, que des de´veloppemens soient de´place´s sur cette matie`re. De´ja` notre colle`gue, M. Delessert1, en a occupe´ votre attention. Il vous a prouve´ que, dans telle partie, ce qui couˆte en Angleterre 2 et demi p. 100 de frais, couˆte 20 p. 100 en France ; que dans telle autre, ce qui en Angleterre couˆte 4 p. 100, en couˆte encore 20 chez nous ; que dans une troisie`me, ce qui, la`, en couˆte 2, ici en couˆte 8, et que ce qui revient aux Anglais a` 4 , nous revient a` 9. Il vous a dit aussi, qu’avant la re´volution, les frais de perception, l’un dans l’autre, s’e´levaient a` 10 p. 100, et qu’ils s’e´le`vent actuellement a` pre`s de 14. J’ajouterai que, sous M. Necker, le produit net des trois principales branches de finance, la ferme ge´ne´rale, les aides et l’administration des domaines, e´tant de 258 millions 700,000 fr., les frais s’e´levaient a` 36 millions 200,000 fr. ; et aujourd’hui 368 millions 82,800 fr. nets, que nous rapportent ces trois objets, nous couˆtent de frais 84 millions, c’est-a`-dire, 30 millions de plus que l’augmentation proportionnelle. Cependant, toutes choses e´gales d’ailleurs, le re´sultat contraire devrait avoir lieu. Les privile´ges des provinces, qui apportaient de grands obstacles au recouvrement des impoˆts, sont supprime´s ; et le vote solennel des Chambres facilite les perceptions, en les rendant le´gales et, pour ainsi dire, populaires. Ne serait-ce pas qu’avant le changement qui s’est ope´re´ dans cette partie de nos finances, elles e´taient re´gies par des administrateurs solidairement responsables, fournissant des cautionnemens conside´rables et justiciables de 24 et aujourd’hui 368 ] et qu’aujourd’hui 368 Opinion 10 1

Delessert avait fait, le 26 mai et le 3 juin, a` propos respectivement des de´penses militaires et du budget du ministe`re des Finances, des interventions pour demander des re´ductions en pointant, comme le fait sans cesse BC, les carences syste´miques de l’administration. Curieusement, les diffe´rents journaux ne reproduisent, de ces discours, que de brefs re´sume´s.

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la Chambre des comptes, tandis qu’au jourd’hui (si l’on excepte la loterie) tout est confie´ a` un chef unique, exempt de tout controˆle, de tout cautionnement, et non soumis a` la juridiction de la Cour des comptes ? Remarquez ce dernier point, Messieurs ; il est important, ce me semble ; et pour que vous soyez dans ce moment convaincus que je n’avance rien que d’exact, je vous rappellerai que cette inde´pendance, ou` les directeursge´ne´raux se trouvent de la Cour des comptes, re´sulte de l’art. 1er du de´cret impe´rial du 17 mai 1809, que je tiens en main. Vous savez avec quel scrupule on envisage aujourd’hui les de´crets impe´riaux, et j’ai peur qu’on n’ait pour celui-ci surtout beaucoup de de´fe´rence. Je sais que, si j’examine maintenant les grandes questions des directions ge´ne´rales, on s’e´le`vera contre l’ide´e de profiter du budget pour proposer des changemens dans l’administration ; car nous sommes toujours dans la position que je vous ai retrace´e dans une de nos dernie`res se´ances1. Recherchons-nous la ne´cessite´ de telle ou telle place ? nous n’avons pas, dit-on, le droit de la supprimer. Demandons-nous des re´ductions de traitement ? la fixation des traitemens est une pre´rogative royale. Votons-nous des re´ductions de de´pense ? il faut bien payer les places qui existent. Aussi, je le de´clare, je ne vois qu’un rapport sous lequel nos discussions sur le budget soient utiles : elles constatent qu’il y a en France des hommes qui aperc¸oivent le danger dont nos habitudes de prodigalite´ nous menacent ; mais, du reste, avec le rejet de tout vote se´pare´ pour chaque article de de´pense, avec les entraves que nous oppose je ne sais quelle me´taphysique, qui se pre´tend constitutionnelle, tandis qu’elle me´connaıˆt les maximes les plus essentielles au gouvernement repre´sentatif, avec le cercle vicieux dans lequel on nous renferme, il y a bien peu de possibilite´ que nous obtenions pour le peuple des soulagemens efficaces. Nos de´bats lui apprennent que ses mandataires compatissent a` ses maux : ce peut eˆtre un motif de consolation ; mais il faut changer la marche que nous suivons, pour que c’en soit un d’espe´rance. Je ne dirai pourtant que deux mots sur la question des directions ge´ne´rales ; et je prierai ceux qui m’e´coutent, d’eˆtre persuade´s que, dans les re´flexions qui vont suivre, rien n’est destine´ a` blesser les personnes qui remplissent actuellement les fonctions contre lesquelles je crois devoir m’e´lever. Je professe pour les individus l’estime qu’ils me´ritent. Comme 11 les grandes questions ] la grande question M 764b Opinion 11 20 utiles : elles constatent ] utiles. Elles constatent M 764b Opinion 11 24 qu’elle me´connaıˆt ] qu’elle obscurcit M 764b Opinion 11 26 de possibilite´ que ] de possibilite´ quelconque que M 764b 1

BC profite de l’occasion pour revenir a` la question ge´ne´rale qu’il avait de´ja` souleve´e, celle de l’organisation de l’administration qui devrait subir une re´forme en profondeur et des rapports entre le pouvoir exe´cutif et la Chambre qui, dans leur e´tat actuel, neutralisent l’essentiel des velle´ite´s des de´pute´s.

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particulier, je professerais aussi pour eux la plus grande confiance ; mais je suis condamne´ a` la de´fiance, en ma qualite´ de de´pute´ ; et, pour remplir ce devoir, il faut que je me fasse violence. (On rit.) Si donc quelques unes de mes paroles impliquent des doutes qu’un homme prive´ repousserait, mais qui sont prescrits a` un homme public, ceux qui sembleront eˆtre l’objet de ces doutes ne me blaˆmeront pas. Ils me sauront, au contraire, bon gre´ de mon scrupule a` m’acquitter d’une taˆche pe´nible, et je compte sur leur sympathie et leur e´quite´. Je vous le demande donc, Messieurs, dans un moment ou` la France ge´mit sous le poids des charges les plus pesantes, dans un moment ou` elle vient de livrer aux e´trangers, pour acce´le´rer l’e´vacuation du territoire, une partie conside´rable de son nume´raire et de ses rentes, c’est-a`-dire, de ses ressources pre´sentes et a` venir ; n’est-il pas de´plorable de voir les diverses directions ge´ne´rales engloutir en salaires et en frais de re´gie et de perception 97 millions 243,700 fr. ? La douleur ne doit-elle pas s’accroıˆtre, lorsqu’en entrant dans les de´tails, et en prenant une de ces directions comme pouvant nous servir a` juger de l’ensemble de toutes, nous trouvons que l’administration des douanes, qui couˆtait en 1791 (loi du 1er mai 1791), 8 millions 647,728 fr. ; en 1797 (loi du 23 germinal an V), 8 millions 781,680 fr. ; en l’an IX, 11 millions 4,700 fr. ; en l’an X, 10 millions 125,716 fr. ; en l’an XI, 13 millions 123,583 fr. ; en l’an XII, 13 millions 926,621 fr. ; couˆte, en 1819, 23 millions 13,000 fr., c’est-a`-dire environ le double. Et qu’est-ce donc, Messieurs, qui peut motiver ce prodigieux accroissement de de´penses, qui, si je voulais vous exposer en de´tail chacun des objets sur lesquels il repose, vous paraıˆtrait encore bien plus disproportionne´, bien plus effrayant ? Sommes-nous plus puissans qu’en l’an IX, X, XI et XII ? Sommes-nous plus riches ? Une extension de territoire a-t-elle motive´ une augmentation semblable de frais ? Non, Messieurs, nous n’avons plus une ligne de douanes a` maintenir depuis Hambourg jusqu’a` Toulon, depuis Bordeaux jusqu’a` Trieste1. Nous sommes rentre´s dans nos anciennes limites ; notre territoire a e´te´ envahi, nos provinces ravage´es ; tous les fle´aux se sont re´unis pour nous appauvrir, et c’est dans cette position que nous distribuons l’or a` pleines mains ; c’est dans cette position que nous choisissons le mode d’administration le plus dispendieux. Car, par la seule nature des choses, une direction confie´e a` un seul homme est toujours plus che`re qu’une administration collective. 3 (On rit.) ] absent dans Opinion 12 18–19 (loi du 1er mai 1791) (loi du 23 germinal an V) ] absent dans Opinion 13 24 vous exposer ] vous porter M 764b Opinion 14 26 bien plus effrayant ? ] bien plus effrayant ! M 764b Opinion 14 34 dispendieux. Car ] dispendieux ; car Opinion 14 1

BC se fourvoie ici, Hambourg et Trieste n’ayant pas e´te´, a` l’e´poque cite´e, sous controˆle franc¸ais. Il se corrigera lors de son intervention du 16 juin (ci-dessous, pp. 253–262).

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Elle est plus che`re, parce qu’elle comporte moins de surveillance, ouvre la porte a` plus de tentations permet plus de de´guisemens et de re´ticences, introduit plus d’instabilite´. Elle est plus che`re, parce qu’une sorte d’esprit de cour se glisse dans la gestion des affaires : et qu’au lieu de la marche uniforme, re´gulie`re et calme des administrations collectives, on ne voit plus que secousses brusques, changemens de syste`me, admissions ou renvois en masse, clientelle toujours croissante, agre´able au maıˆtre et ruineuse pour l’Etat. Dans une administration collective, depuis l’employe´ supe´rieur jusqu’au plus obscur, chacun consent a` des appointemens plus modiques, parce que les places sont plus assure´es et les destitutions moins inattendues. Mais quand tout est livre´ a` l’arbitraire d’un homme, chacun veut avoir d’autant plus pour le moment qu’il a moins de se´curite´ pour l’avenir. On nous a dit, il y a quelque temps a` cette tribune, que la monarchie e´tait plus che`re que la re´publique1. Nous supportons volontiers cette cherte´, parce que nous voulons tous la monarchie constitutionnelle ; mais j’applique aussi ce raisonnement aux directions ge´ne´rales ; et comme je ne pense pas qu’en fait d’impoˆts la monarchie soit aussi ne´cessaire qu’en fait de gouvernement, il me semble que, si l’organisation collective est la plus e´conomique, nous pouvons, sans tirer a` conse´quence, appliquer aux perceptions la forme re´publicaine. (On rit.) Fre´de´ric II, qui n’e´tait pas re´publicain, que je sache, avait adopte´ cette forme qui dure encore en Prusse ; et l’Angleterre en agit de meˆme, bien qu’elle ait fait, tout comme la France, un essai de re´publique qui ne lui a pas mieux re´ussi qu’a` nous. La de´pense des directions ge´ne´rales s’accroıˆt chaque anne´e. J’ouvre un de leurs budgets au hasard ; mes yeux se fixent sur la direction des contributions indirectes. J’y vois qu’en 1817, e´poque a` laquelle il y avait 498 agens, le directeur-ge´ne´ral et les sept administrateurs compris, le traitement inte´gral de tous ces employe´s e´tait de 1 million 600,000 fr. Je consulte le budget de 1819, et je trouve pour le traitement du directeurge´ne´ral, du conseil d’administration et des employe´s, non compris 78 garc¸ons de bureau, 1 million 779,100 fr. ; savoir: 1 million 543,000 fr. en traitemens fixes, et 236,000 fr. en remises proportionnelles ; c’est-a`-dire que, 20 (On rit.) ] absent dans Opinion 16 1

D’apre`s la Gazette de France (no 160, 9 juin 1819, p. 636a), ce mot aurait e´te´ prononce´ par Louis de Bonald, mais il semble plutoˆt qu’il faille l’attribuer a` Benoist qui, lors de la se´ance du 2 juin, a dit ceci : «Il re´sulterait de la` que la monarchie serait la moins e´conomique de toutes les administrations, et que le gouvernement le plus cher serait en meˆme temps le plus one´reux ...» (Gazette de France, no 154, 3 juin 1819, p. 611b).

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pour un nombre de 466 employe´s, malgre´ la suppression de 7 administrateurs et de 25 agens de diffe´rens grades, et par conse´quent malgre´ une diminution de 32 salarie´s, il y a une augmentation de 179,101 fr. de salaires. Je continue ma comparaison. Dans le budget de 1818, les remises et taxations proportionnelles n’e´taient porte´es que pour la somme de 2 millions 300,000 francs ; elles le sont, dans celui de 1819, pour la somme de 2 millions 730,377 fr. : nouvelle augmentation de de´penses, et par conse´quent de charges, pour les contribuables, 430,377 fr. J’annonce, en passant, que cet accroissement de de´pense sera l’objet d’un amendement, d’apre`s lequel je proposerai qu’il soit fait sur le chapitre XVII du budget du ministre ou sur le chapitre III du budget des contributions indirectes, une re´duction de 430,000 fr. Mais je reviens a` mon sujet. Vous venez de voir qu’il y a eu, depuis l’anne´e der nie`re, augmentation de de´penses dans la direction des contributions indirectes. On vous a dit qu’il y avait e´conomie dans le budget de l’enregistrement et des foreˆts : on a fait monter cette e´conomie a` plus de 400,000, et votre commission meˆme vous l’a re´pe´te´ : c’est pourtant une erreur. Le chapitre VIII du budget de l’enregistrement pour 1818 avait pour objet des de´penses temporaires qui ont cesse´, et qui se montaient a` 233,791 fr. D’apre`s l’art. 76 de la loi du 15 mai 1818, la re´gie ne fournit plus le papier pour affiches, avis et annonces ; l’achat de ce papier et le transport de Paris dans les de´partemens s’e´levaient a` 160,000 fr. Vingt et un mille deux cent quarante-six hectares de bois ont e´te´ vendus en 1818 ; la re´gie a cesse´ d’en payer la garde, qui couˆtait 91,000 fr. – Total 494,791 fr. Ces 494,791 fr. ont disparu du budget de l’enregistrement, par les meˆmes motifs qui ont empeˆche´ de porter dans celui de la guerre les 150 millions pour frais de l’arme´e d’occupation. On ne peut donc voir aucune e´conomie dans la re´duction des 400 et tant de mille francs que votre commission vous pre´sente comme diminution de de´penses. Les directions ge´ne´rales ont donc toujours e´te´ en se de´te´riorant, sous le rapport des frais. Sous celui de la responsabilite´, vous vous convaincrez qu’il en est de meˆme. Le chef de l’ancien gouvernement1, en cre´ant les directeurs-ge´ne´raux, ne leur avait attribue´ que la surveillance. La de´libe´ration et l’action e´taient 3 179,101 fr. ] 179,100 fr. M 764c Opinion 17 4–5 les remises et taxations ] les remises et les taxations Opinion 17 7 730,377 fr. : nouvelle ] 730,377 fr. Nouvelle M 764c Opinion 17 9 sera l’objet ] fera l’objet M 764c Opinion 17 16 qu’il y avait e´conomie ] qu’il y avait eu e´conomie Opinion 17 26 494,791 fr. Ces 494,791 fr. ] 484,791 fr. Ces 484,791 fr. M 764c Opinion 18 1

Le duc de Richelieu.

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re´serve´es aux administrateurs. Graduellement les directeurs-ge´ ne´raux ont tout envahi. Apre`s avoir paralyse´ les administrateurs, ils ont fini par les supprimer. Une ordonnance du 17 mai 1817 les a remplace´s par un conseil de trois agens supe´rieurs. De`s lors toute responsabilite´ a e´te´ de´truite. Les conseils d’administration attestent de confiance ce que les directeurs-ge´ne´raux trouvent convenable de faire attester. Je pourrais vous en rapporter des preuves irre´cusables ; mais je m’interdis les de´tails, parce que je m’occupe des principes et non pas des hommes. Je vous les soumettrai toutefois si mes assertions sont re´voque´es en doute ; et, pour ne pas renvoyer a` une autre e´poque les e´claircissemens qu’on pourrait me demander, j’ai apporte´ les pie`ces de conviction a` cette tribune. Aussi, Messieurs, comparez les comptes des directeurs-ge´ne´raux avant et apre`s l’ordonnance : avant, les comptes sont au moins rendus conforme´ment aux lois ; apre`s, les dispositions meˆmes des lois ne sont pas observe´es. Par exemple, dans le Compte de gestion du directeur-ge´ne´ral de l’enregistrement (e´tat n° 1, page 60), qui, d’apre`s son intitule´ meˆme, doit embrasser toutes les recettes faites pendant l’anne´e 1817, on a omis les articles suivans : Amendes attribue´es aux communes et aux hospices ; prix des coupes extraordinaires des bois des communes ; timbre des registres de l’Etat civil ; domaine extraordinaire ; Hoˆtel royal des Invalides et Le´gion-d’Honneur ; et cependant ces recouvremens figurent dans les comptes ante´rieurs ; et, d’apre`s la circulaire meˆme du directeur-ge´ne´ral, du 5 mars 1816, le ministre1 avait de´cide´ que les pre´pose´s de l’enregistrement et des domaines compteraient de tous ces objets a` l’administration, et qu’ils figureraient dans des e´tats de recette et de de´pense a` envoyer au tre´sor. Dans ce meˆme compte, vous trouvez a` la de´pense un article intitule´ : Paiement d’amendes attribue´es, etc. Puisqu’on n’a pas porte´ en recette ces amendes, il semble qu’on ne devait pas les porter en de´pense. Le meˆme compte, toujours en 1816, pre´sentait d’une manie`re distincte un article de de´pense ainsi conc¸u : «Remboursement du prix de coupes de l’ordinaire en 1810, de bois ajoute´s a` la dotation de la couronne par se´natusconsulte, 446,958 fr. 8 cent.» 13 l’ordonnance : avant ] l’ordonnance qui a supprime´ les administrateurs. Avant l’ordonnance M 764c Opinion 19 13–14 aux lois ; apre`s ] aux lois. Apre`s cette ordonnance M 764c Opinion 19 15–16 Compte ... l’enregistrement ] dans Discours 1827 I, tous les titres ne sont pas en italique ; ce titre seulement dans Opinion 19 20 domaine extraordinaire ] domaines extraordinaires Opinion 20 22 5 mars 1816 ] 15 mars 1816 Opinion 20 27 Paiement d’amendes attribue´es ] pas en italique Opinion 20 1

Corvetto encore.

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La commission du budget, dans les se´ances des 21 mars, 7 et 27 avril 1818, donna des explications, desquelles il re´sulte que M. de la Bouillerie, intendant de la liste civile, avait touche´ irre´gulie`rement en nume´raire une somme de 893,916 fr. 16 cent., qui, si elle euˆt e´te´ due, n’aurait pu eˆtre paye´e qu’en valeur de l’arrie´re´1. Ces 893,916 fr. ont e´te´ paye´s en nume´raire par les caisses de l’enregistrement, moitie´ en 1816 et moitie´ en 1817. La seconde moitie´, montant a` 446,958 fr. 8 c., ne figure point distinctement en de´pense dans le compte de 1817. Si elle y est confondue avec d’autres objets, sous un titre diffe´rent de celui donne´ a` la premie`re moitie´ dans le compte de 1816, ne peut-on pas craindre que d’autres de´penses aussi irre´gulie`res ne soient e´galement dissimule´es dans le compte de 1817, et soustraites a` une juste critique ? Dans le Compte des douanes, pour 1816, page 74, je vois, sous le titre de recettes relatives a` des services particuliers, le produit des saisies et amendes mon tant a` 2 millions 846,559 fr. 12 c. Cette recette importante a e´te´ omise dans le Compte de 1817, pag. 72 ; omission inexcusable, attendu que, dans la session dernie`re, il a e´te´ explique´ que le montant des amendes et saisies devait eˆtre compris dans les produits bruts (Rapport de la Commission du Budget du 21 mars 1818, p. 40) ; et pour ne laisser aucun doute a` cet e´gard, le chap. III du Budget des Recettes ordinaires de 1818 a e´te´ re´dige´ d’apre`s ce principe. (Voy. le Bulletin des Lois, 1er semestre 1818, pag. 352.) Dans les Comptes des Contributions indirectes pour 1816, pag. 102, on trouve mentionne´es les recettes suivantes : «Consignations et amendes 1,409,841 fr. 67 c. Recettes pour divers 555,528 85» Des recouvremens de meˆme nature ont eu lieu 1817, et ne sont pas porte´s dans le compte de ladite anne´e, page 86. Vous reconnaıˆtrez sans doute avec moi, Messieurs, d’apre`s ce rapide examen, que, quelque faible que fuˆt en 1816 l’influence des administrateurs, leur suppression, prononce´e le 17 mai 1817, a singulie`rement nui au bon ordre et a` la comptabilite´ des trois branches les plus importantes des impoˆts indirects. Sans doute il est trop tard, dans cette session, pour changer ce syste`me ; il est trop tard pour supplier Sa Majeste´ de substituer des administrations collectives, responsables, e´conomes, surveillantes, a` des direc8 de 1817. Si elle ] de 1817 ; si elle M 764c Opinion 21 13 Compte des douanes ] pas en italique Discours 1827 I 124 M 764c Opinion 21 18–22 (Rapport de la Commission ... Contributions indirectes pour 1816 ] pas en italique Discours 1827 I 125 M 764c–765a Opinion 22 1

Franc¸ois Roullet de la Bouillerie, a` l’e´poque sous-secre´taire d’E´tat aux finances ; il sera plus tard intendant de la maison du Roi et pair de France.

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teurs-ge´ne´raux recevant des salaires beaucoup trop e´leve´s, investis de pouvoirs beaucoup trop despotiques, disposant par leur volonte´ unique de l’existence de vingt mille employe´s, plus puissans que les ministres, et par la foule de leurs cliens, et par l’irresponsabilite´ qui re´sulte de la combinaison e´trange, graˆce a` laquelle ceux qui doivent sanctionner leurs ope´rations se trouvent place´s dans leur de´pendance. Mais s’il est trop tard pour obtenir, dans cette session, une ame´lioration qui devient chaque jour plus indispensable ; s’il faut nous re´signer a` supporter encore quelques mois les frais ruineux des directions ge´ne´rales, il n’est pas trop tard pour de´poser ici nos vœux, tendant a` ce que ce mode d’administration soit repousse´ ; il n’est pas trop tard pour dire que la France ne peut plus supporter un accroissement annuel d’impoˆts et de charges. J’entendais, il y a quelques jours, un homme, d’ailleurs e´claire´, avancer qu’on ne devait pas, toutes les anne´es, a` l’occasion du budget, mettre en question tout l’e´tat de la socie´te´. Non, sans doute, quand l’e´tat de la socie´te´ est monte´ sur un taux qui laisse a` la socie´te´ une possibilite´ de subsister ; mais quand l’e´tat de la socie´te´ se trouve tel, qu’il doit y avoir bientoˆt pour le peuple impossibilite´ de supporter ses charges, l’e´tat de la socie´te´, soit qu’on parle ou qu’on se taise, se remet en question a` lui tout seul. Daignez, Messieurs, porter vos regards hors de Paris ; songez a` vos commettans dans les de´partemens, aux cultivateurs qui ne savent ou` prendre de quoi payer leurs contributions ; aux commerc¸ans qui se voient enlever les capitaux ne´cessaires a` leur industrie ; aux marins prive´s dans nos ports du ne´cessaire le plus exigu par des re´formes qui, chose e´trange, sans rien diminuer aux de´penses, re´duisent au de´nuement les plus dignes objets de la reconnaissance publique. Notre devoir, c’est de proclamer la de´tresse de tant de classes recommandables, parce que la publication de cette de´tresse est le seul moyen de les soulager. Nous touchons au port. La charte s’affermit, la liberte´ est comprise de tous ceux qui en jouissent ; mais, pour profiter de ces ame´liorations morales, il faut nous de´livrer d’un mal qui rendrait toutes ces ame´liorations illusoires. Ce mal, c’est la prodigalite´ de nos de´penses ; ce mal, ce sont les modes de perception dispendieux, les salaires excessifs qui produisent une mise`re excessive. Vous sentez tous les jours cette triste ve´rite´ ; vous repoussez avec regret les pe´titions des braves militaires a` qui la patrie ne tient qu’a` moitie´ ce qu’elle leur avait promis : vous vous imposez cette rigueur, vu la pe´nurie du Tre´sor. Messieurs, si la pe´nurie du Tre´sor nous empeˆche d’eˆtre 35 triste ve´rite´ ; vous ] triste ve´rite´. Vous M 765a Opinion 24 promis. Vous Discours 1827 I 127 M 765a Opinion 25

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comple´tement justes, il faut qu’elle nous empeˆche de meˆme d’eˆtre prodigues. Ne nous laissons pas entraıˆner par l’exemple de cette Angleterre qui semble plus fie`re aujourd’hui de sa de´pense que de sa constitution. Elle paiera peut-eˆtre bien cher une fois cette fierte´ mal raisonne´e. Vous le dirai-je ? une circonstance de la discussion actuelle, qui ne vous a pas frappe´s peut-eˆtre sous ce point de vue, a produit sur moi une impression profonde. Vous n’avez pas oublie´ sans doute ce chapitre XIV du budget de l’inte´rieur, pour travaux de charite´ et occupation de la classe indigente, chapitre que vous avez rejete´. Vous n’y avez vu qu’une de´pense ancienne sous un titre nouveau ; j’y ai vu autre chose : j’y ai vu, dans la ne´cessite´ ou` ce ministe`re a cru se trouver de donner a` cette de´pense croissante une place et un titre a` part, le germe de cette taxe des pauvres qui de´vore l’Angleterre, taxe qui est pour elle le juste et se´ve`re chaˆtiment de la multiplicite´ des sine´cures et de l’e´normite´ des salaires. Evitons cet e´cueil ; ne cre´ons pas des indigens en ruinant les contribuables, et ne nous reduisons pas, en multipliant les pauvres par les taxes, a` avoir aussi une taxe pour les pauvres. (Mouvement d’approbation.) J’attends donc, avec une impatience aussi vive que respectueuse, que des mesures sages et fortes nous retirent de cette position qui s’empire par sa dure´e seule ; mais pour faire mon devoir dans les de´tails, puisque le temps m’interdit de le faire pour l’ensemble, je propose des amendemens, dont j’ai de´ja` eu l’honneur de vous indiquer les deux premiers. Le troisie`me a rapport au chapitre XVI. Dans les de´veloppemens de ce chapitre, page 3 du budget que nous avons sous les yeux, chapitre III de ce de´veloppement, il s’agit d’une remise de 2 pour 100 sur le produit net de l’impoˆt du sel, remise a` re´partir entre les chefs et employe´s de tous les services. Aucune loi, aucun de´cret inse´re´ au Bulletin n’a e´tabli cette remise d’une manie`re permanente ; elle n’a point existe´ pour 1806, et n’a e´te´ alloue´e, diton, pour 1807, que sur une simple lettre du ministre des finances. On pourrait donc la rayer en entier ; mais mes conclusions ne sont pas si rigoureuses. Je demande que cette remise soit de 1 p. 100 seulement, et n’entre dans le total que pour 430,000 fr. au lieu de 860,000 fr. En 1807, elle n’a e´te´ que de 604,731 fr. La France avait alors une frontie`re beaucoup plus e´tendue, un 12 j’y ai vu, dans ] j’ai vu, dans Opinion 25 12–13 ou` ce ministe`re ] ou` le ministe`re Opinion 25 19 (Mouvement d’approbation.) ] absent dans Opinion 26 29 Bulletin ] pas en italique Discours 1827 I 128 M 765a Opinion 26 31–32 finances. On pourrait ] finances : on pourrait Opinion 26 35 En 1807 ] En 1817 Opinion 27

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plus grand nombre de directions des douanes ; et le directeur-ge´ne´ral pre´levait sur cette remise une part assez forte qu’il n’a pas conserve´e : ainsi, en adoptant la disposition que je propose, les employe´s des directions des douanes, auxquels les e´ve´nemens de 1814 ont laisse´ des fonctions actives, auront des avantages e´gaux a` ceux que le ministre a voulu leur faire en 1807. La Chambre sait que le droit sur le sel, qui n’e´tait que de 2 de´cimes par kilogramme, a, par suite des charges qui pe`sent sur la France, e´te´ porte´ a` 3 de´cimes. Les produits bruts se sont accrus de 50 pour 100, et les frais autres que la remise sont reste´s les meˆmes1. Lorsque l’ancien tarif pourra eˆtre e´tabli, si la remise au taux d’un pour cent n’est plus suffisante, il sera facile de la porter plus haut ; mais, dans l’e´tat actuel des choses, j’insiste sur la re´duction que je propose, avec d’autant plus de raison que, pour que la remise au taux d’un pour cent ne fuˆt que de 430,000 fr., il faudrait que les frais de perception de l’impoˆt du sel s’e´levassent en 1819 a` cinq millions ; et ils n’ont pas e´te´ de 2 millions 700,000 fr. en 1812 et 1813, lorsque la France avait quarante-quatre de´partemens qu’elle ne posse`de plus. Je propose donc de re´duire a` un pour cent la remise sur les sels pour 1819. Mon quatrie`me amendement consiste a` proposer de porter, dans les recettes pre´sume´es de la direction des Douanes, pour 1819, 3me de´veloppement de l’e´tat H, p. 133., la somme de 1 million 500,000 fr. pour le produit brut des saisies ou amendes, en ajoutant ensuite un chapitre aux de´penses, pour balancer cette addition aux recettes. Il en re´sulterait un gain pour le Tre´sor de 249, ou, au moins, de 179,000 fr. ; en voici la preuve ; la loi du 15 aouˆt 1793 porte, art. 5 : «L’amende et le prix des objets confisque´s seront re´partis entre les pre´pose´s de la re´gie des douanes et autres saisissans, a` la de´duction d’un sixie`me re´serve´ a` l’E´tat, pour subvenir aux frais de proce´dure.» En exe´cution de cette loi, dans le compte des douanes pour 1816, on trouve : 12 plus de raison que, pour que ] plus de raison que, la remise pour 1818 a de´passe´ de 80,000 fr. l’e´valuation qui lui avait e´te´ donne´e, et que tout annonce que l’e´valuation pour 1819 est e´galement trop faible. Pour que M 765a Opinion 27 23 de 249 ] de 250 Opinion 28 179,000 fr. ; en voici la preuve ; la loi ] 179,000 fr. En voici la preuve. La loi M 765b Opinion 28 1

De fait, en vertu d’une loi du 24 avril 1806, une taxe de 2 de´cimes par kilogramme de sel e´tait perc¸ue au profit du tre´sor public. Cette taxe sera double´e par une loi le 20 mars 1813, puis ramene´e a` 3 de´cimes suivant une loi du 17 de´cembre 1814 (Dujardin-Sailly, Le´gislation des douanes de l’Empire franc¸ais, seconde e´dition, Paris : s.l., 1813, p. 258 ; J. B. Duvergier, Collection comple`te des lois, de´crets, ordonnances, re´glements et avis du Conseil d’E´tat, t. XIX, Paris : Guyot et Scribe, 1836, p. 289).

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Recette, sixie`me revenant au Tre´sor dans le produit des saisies 283,582 fr. 91 c. De´penses, frais de saisies a` la charge du Tre´sor 33,299 13 ––––––––––––––––––– Produit net 249,284 fr. 78 c. La loi du 25 mars 1817 sur les finances (art. 29, p. 224, et e´tat F, p. 967), apre`s avoir accorde´, sur le budget de l’Etat, une somme de 1 million 66,500 fr. pour subvenir a` l’insuffisance des retenues destine´es a` payer les pensions de retraite accorde´es aux employe´s des divers ministe`res ou administrations, ajoute : «Le fonds porte´ pour cet objet au budget de 1817 ne pourra, dans aucun cas, eˆtre augmente´ par la suite.» On lit dans l’art. 68 de la Charte : «Les lois actuellement existantes, qui ne sont pas contraires a` la pre´sente Charte, restent en vigueur jusqu’a` ce qu’il y soit le´galement de´roge´.» La loi du 15 aouˆt 1793 ne peut donc eˆtre annule´e que par une autre loi : celle du 25 mars 1817, loin d’y de´roger, la confirme ; et cependant, de`s le 21 mars 1817, M. le directeur-ge´ne´ral des douanes a obtenu une ordonnance portant : «A dater de la publication de la pre´sente, le sixie`me re´serve´ pour le Tre´sor royal dans le produit de toute saisie non encore re´partie, et destine´ a` le couvrir des frais de saisies, sera verse´ a` la caisse qui, du meˆme moment et a` ce titre, sera et demeurera exclusivement charge´e d’acquitter et supporter toutes les de´penses des saisies et affaires contentieuses non productives, provenant de contraventions aux lois et re´glemens des douanes.»1 Vous avez vu, Messieurs, par le compte de 1816, que le produit net du sixie`me re´serve´ au Tre´sor a e´te´, pour ladite anne´e 1816, de 249,000 fr. D’apre`s les de´tails contenus dans le rapport fait par la commission du budget, le 21 mars 1818, p. 39, le produit total des saisies et amendes est, anne´e commune, de 1 million 500,000 fr., et cette somme doit se re´partir ainsi qu’il suit : 2 283,582 fr. 91 c. ] 283,583 fr. 91 c. Discours 1827 I 130 M 765b Opinion 28 1–3 Recette ... De´penses ] en italique M 765b Opinion 28–29 33,299 13 ] 32,292 13 M 765b Opinion 29 4 249,284 fr. 78 c. ] 250,281 f. 78 c. Opinion 29 6 e´tat F, p. 967) ] e´tat F, p. 267) M 765b Opinion 29 15 loi du 15 aouˆt 1793 ] loi du 14 aouˆt 1793 Opinion 29 16 25 mars 1817 ] 23 mars 1817 Opinion 29 21 a` la caisse qui ] a` la caisse des retraites des douanes, et appartiendra a` ladite caisse qui M 765b Opinion 30 26 249,000 ] 250,000 Opinion 30 1

BC cite un peu approximativement un passage de l’ordonnance royale du 21 mai 1817, article 3; il convient de re´tablir au moins le passage : «[...] sera verse´ a` la caisse des retraites des douanes, et appartiendra a` ladite caisse, qui, du meˆme moment et a` ce titre, [...]» (Code des douanes de France, forme´ de toutes les dispositions en vigueur en 1818, range´es dans l’ordre le´gal des ope´rations, Paris : chez M. Vincent, 1818, p. 67). La citation e´tait correcte dans la publication du Moniteur.

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Quinze pour cent attribue´s a` la Caisse des pensions, par l’article 1er de la loi du 2 flore´al an V (Bulletin 119, n° 1150). 225,000fr. Cinq sixie`mes attribue´s aux pre´pose´s et autres saisissans 1,062,500 Frais de saisie a` la charge du Tre´sor 33,500 Sixie`me revenant au Tre´sor, pre´le`vement fait des frais ci-dessus 179,000 ––––––––––––– Produit 1,500,000 fr. Vous ne pouvez regarder comme exe´cutoire une ordonnance qui de´pouillerait le Tre´sor d’un produit annuel, soit de 249,000, soit de 179,000 fr. Ce quatrie`me amendement, Messieurs, si vous en adoptiez le principe, en motiverait un cinquie`me qui ne serait que l’application du meˆme principe aux contributions indirectes : le produit brut des amendes et confiscations doit eˆtre porte´ dans l’e´tat des recettes, et un nouveau chapitre eˆtre ajoute´ a` l’e´tat des de´penses. Je ne puis de´terminer quel sera, dans ce cas-ci, le profit du Tre´sor, aussi positivement que j’ai pu le faire pour les douanes ; mais j’ose affirmer que le be´ne´fice ne sera pas moindre. Mon sixie`me et mon septie`me amendement tendent a` retrancher, du budget des postes, trois des quatre articles formant le chap. VIII, intitule´ De´penses temporaires, p. 123, et montant a` 276,260 fr. ; et du budget des loteries, p. 125, le chap. XIV, intitule´ de meˆme De´penses temporaires, et montant a` 85,000 fr. Ces objets re´unis forment ensemble la somme de 461,260 fr. Voici mes motifs : Dans le chap. II du budget du ministre, intitule´ Etat des pensions, p. 97, le dernier article est ainsi conc¸u : «Supple´ment aux fonds de retenue des divers ministe`res.» Dans le rapport du ministre a` S. M., on voit que ces fonds supple´mentaires sont e´galement applicables a` toutes les administrations. La somme demande´e est de 1 million 860,575 fr. ; pourquoi donc retrouvons-nous dans les budgets de la poste et des loteries d’autres sommes pour le meˆme objet ? Par la loi du 25 mars 1817, on a, comme je vous l’ai dit pre´ce´demment, accorde´ sur le budget de l’E´tat une somme de 1 million 66,600 fr. pour supple´er a` l’insuffisance du fonds spe´cial des retenues, destine´ a` payer les 2 Bulletin ] pas en italique Discours 1827 I 131 M 765b Opinion 30 10 249,000 ] 250,000 Opinion 31 13 indirectes : le produit ] indirectes. Le produit M 765b Opinion 31 21 276,260 ] 376,260 Opinion 31 20–22 De´penses temporaires p. 123 ... de meˆme De´penses temporaires ] pas en italique Discours 1827 I 132 M 765b Opinion 31–32 26 Etat des pensions ] pas en italique Discours 1827 I 132 M 765b Opinion 32 34 1 million 66,600 ] 1,066,500 Opinion 32

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pensions de retraite des employe´s des divers ministe`res et administrations. Je vous ai de´ja` cite´, a` une autre occasion, l’article 29 de cette loi ; cet article dit : «Le fonds porte´ pour cet objet au budget de 1817 ne pourra, dans aucun cas, eˆtre augmente´ par la suite.» Nonobstant cette disposition formelle, le budget de 1818 a e´leve´ les fonds supple´mentaires a` 1 million 958,500 fr., au lieu de 1 million 66,500 fr. Cette anne´e, on nous demande 2 millions 321,835 fr. ; car 1 million 860,575 fr. et 461,260 fr. forment bien cette somme. Peut-eˆtre devrions-nous la refuser, et revenir a` la lettre de la loi de 1817 ; mais je suis plus indulgent dans mes suppressions, et je propose, en accordant au ministre, pour supple´ment des fonds de retenue, les 1 million 860,575 fr., de refuser seulement les fonds re´clame´s dans d’autres chapitres pour le meˆme objet. En divisant ainsi les demandes, on fait illusion a` la Chambre, qui ne sait alors si elle n’alloue pas, sous une de´nomination, ce qu’elle a de´ja` alloue´ sous une autre. Enfin je vous proposerai un huitie`me amendement, a` l’appui duquel, en re´clamant votre indulgence pour la longueur de ces de´tails, je dois vous soumettre quelques de´veloppemens. Par l’art. 110 de la loi du 28 avril 1816, les services relatifs aux fonds de retraite sont formellement attribue´s a` la caisse des de´poˆts et consignations, pour eˆtre administre´s par elle1. Une ordonnance du 3 juillet 1816 a e´te´ rendue pour l’exe´cution de cette disposition. Cependant il re´sulte du rapport qui vous a e´te´ fait le 20 mars 1819 par la commission des de´poˆts et consignations, que, depuis trois ans, les directeurs-ge´ne´raux des douanes, des contributions indirectes et des postes ont refuse´ d’obe´ir a` cette loi et de se conformer a` cette ordonnance. Aucun motif valable n’excuse ce refus. La caisse des de´poˆts fait gratuitement le service dont elle est charge´e. Elle a pour agens les receveursge´ne´raux, qui sont en relation journalie`re avec les receveurs-particuliers et les percepteurs des contributions directes et indirectes, et qui font, en conse´quence, effectuer dans toutes les communes de France les paiemens de cette caisse avec autant de facilite´ que de promptitude. La caisse des de´poˆts compte a` la cour des Comptes. En se refusant a` la loi du 28 avril 1816, a-t-on eu pour but de soustraire a` cette cour la connais1

` son article 110, la loi sur les finances du 28 avril 1816 ente´rinait la constitution de la A Caisse de De´poˆts : «La caisse d’amortissement ne pourra recevoir aucun de´poˆt ni consignation, de quelque espe`ce que ce soit. Les de´poˆts, les consignations, les services relatifs a` la Le´gion d’honneur, a` la compagnie des canaux, aux fonds de retraite, et les autres attributions (l’amortissement excepte´) confie´es a` la caisse actuellement existante, seront administre´s par un e´tablissement spe´cial sous le nom de Caisse de de´poˆts et consignations.» (Loi sur les finances, du 28 avril 1816, et ordonnances du Roi [...], Paris : chez Rondonneau et Decle, 1816, p. 29).

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sance et le jugement des recettes et des de´penses des caisses particulie`res e´tablies pre`s les administrations ? Je suis loin de l’affirmer. Cependant, pourquoi ces caisses n’ont-elles point jusqu’ici pre´sente´ leurs comptes a` cette cour, meˆme pour des recettes e´trange`res au fonds de retenue, telles que les amendes et confiscations, dont le montant s’e´le`ve souvent par anne´e a` plusieurs millions ? J’ouvre l’e´tat de situation de la caisse des retraites de l’administration du seul directeur qui ait fait imprimer son e´tat de situation ; j’y aperc¸ois des de´penses qu’il me paraıˆt difficile de le´gitimer. Je re´pugne a` les e´nume´rer, parce que ces sont des pensions, et qu’au milieu des abus ge´ne´raux qu’on voudrait re´former, on est arreˆte´ malgre´ soi par le sentiment du mal particulier qu’on peut faire. Toutefois je choisirai pour exemple celles de ces pensions qui portent sur des personnes qu’on ne peut craindre de ruiner en les re´duisant au taux voulu par la loi. Je vois cinq administrateurs jouissant uniforme´ment d’une pension de 9,000 fr. Or, l’art. 9 de l’ordonnance du 17 mai 1817, qui a supprime´ les administrations des contributions indirectes, porte : «Les fonctionnaires supprime´s par la pre´sente ordonnance recevront la pension de retraite a` laquelle ils auront droit aux termes des lois et re´glemens existans.» Or, l’art. 11 du de´cret du 4 prairial an 13 e´nonce que la pension des administrateurs des droits re´unis ne pourra s’e´lever au-dessus de 6,000 fr., quel que soit le nombre d’anne´es de service au-dela` de trente. Et l’art. 11 de l’ordonnance du 25 novembre 1814 porte de meˆme que la pension pour les administrateurs ne pourra exce´der 6,000 fr. Il est bien e´vident que la fixation de la pension des administrateurs n’est pas conforme a` ces re´glemens et ordonnances. Si telle est la situation des choses dans la seule des directions ge´ne´rales qui ait publie´ l’e´tat de ses pensionnaires, ne serait-il pas prudent de rechercher si des abus pareils ou plus grands n’existeraient pas dans les directions qui gardent le silence ? Je crois donc qu’il faudrait obliger les directions ge´ ne´rales a` se conformer a` la loi du 28 avril 1816 ; faire constater, par jugement de la cour des Comptes, la ve´ritable situation des fonds de retenue ; ne payer que des pensions liquide´es d’apre`s les re´glemens qui existaient a` l’e´poque de l’application de la loi du 25 mars 1817, et porter dans toutes les directions la retenue de 5 pour cent, comme dans celle de l’enregistrement. J’aurai l’honneur de vous soumettre a` ce sujet deux articles additionnels. 8 de situation ; j’y aperc¸ois ] de situation. J’y aperc¸ois Discours 1827 I 134 M 765b Opinion 35 35–36 l’e´poque de l’application ] l’e´poque de la publication Opinion 36

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Tels sont, Messieurs, les amendemens que je propose. Je sens que les e´conomies qu’ils produiront sont encore bien faibles ; mais nous serons force´s de nous borner a` des re´ductions extreˆmement insignifiantes, tant que nous n’attaquerons pas la base du syste`me, tant que nous n’obtiendrons pas du gouvernement de revenir aux administrations collectives. Il y reviendra, n’en doutons point. L’e´conomie est son inte´reˆt ; c’est celui du ministe`re, de ce ministe`re dont les amis de la liberte´ ne s’e´loignent jamais qu’avec regret, parce qu’ils lui savent gre´ du mal qu’il ne fait pas, et des successeurs qu’il e´carte, mais auquel les ennemis de la liberte´ ne pardonneront jamais non plus de leur disputer le pouvoir qu’ils ambitionnent, et d’empeˆcher le mal qu’ils me´ditent.1

11 qu’ils me´ditent ] apre`s ces mots Je vais relire, Messieurs, mes divers amendemens. Je dois observer que pour les faire arriver a` leur rang dans la discussion, j’ai duˆ intervertir l’ordre dans lequel je les ai place´s en les motivant M 765c Opinion 37

1

Comme on le verra par la suite, BC sera amene´, au cours de la discussion, a` modifier certains de ses amendements. Finalement, le budget du ministe`re des Finances (loi sur les de´penses) sera adopte´ le 22 juin par 190 voix contre 14. Au cours des discussions qui ont pre´ce´de´ le vote pendant plusieurs semaines, un seul des amendements de BC (le huitie`me) sera adopte´ sous une forme modifie´e en cours de route par son auteur (voir ci-dessous, pp. 289 sv.).

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[Intervention sur les de´penses de la Chambre des Pairs]* Se´ance du 10 juin 18191

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La difficulte´ vient ici du titre meˆme du chapitre : De´penses de la chambre des pairs. Ce titre me paraıˆt impropre, et ne peut pas s’appliquer aux fonds demande´s. Les de´penses de la chambre des pairs se composent de l’entretien des palais et des jardins, objet sur lequel il ne peut y avoir aucune difficulte´, et de son administration inte´rieure ; mais on pre´sente comme de´penses de la chambre des pairs des choses qui ne la regardent point, et qui peuvent se trouver confondues dans son budget. Telles sont les pensions des anciens se´nateurs et de leurs veuves, et le traitement des se´nateurs rappele´s a` la chambre des pairs. Si le titre euˆt e´te´ mieux approprie´ au sujet, s’il ne s’e´tait agi que des de´penses ve´ritables de l’administration de la chambre des pairs, nous aurions e´vite´ une discussion qui a quelque chose de pe´nible, qui met la chambre dans une position de´sagre´able. Pour voter les fonds demande´s, il faudrait savoir a` qui ils s’appliquent, quels sont les revenus et leur emploi, quels sont les se´nateurs auxquels on paye leur pension, s’il y en a envers lesquels la re´duction a cesse´, s’il n’y en a pas envers lesquels elle continue : j’observe qu’a` cet e´gard la chambre n’a rien a` payer comme chambre des pairs. Les titulaires des pensions doivent eˆtre paye´s sur les fonds de l’Etat, et il ne faut pas cre´er un fonds spe´cial au moyen duquel on laisse s’accre´diter le bruit que des pensions sont donne´es a` des personnes qui ne sont pas, et qui ne pouvaient eˆtre comprises dans l’ordonnance de 1814. Apre`s cela, s’il convient, ou s’il ne convient pas qu’il y ait des salaires attache´s a` la repre´sentation de la grande proprie´te´, c’est une question tout-a`-fait a` part, et qui ne peut-eˆtre discute´e a` propos d’un article du budget ; elle y est e´trange`re de sa nature, et elle est beaucoup trop e´leve´e *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 164, dimanche 13 juin 1819, p. 778c ; Archives parlementaires, t. XXV, p. 82. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, vendredi 11 juin 1819, p. 4b ; Le Constitutionnel, no 162, vendredi 11 juin 1819, p. 4a ; La Quotidienne, no 162, vendredi 11 juin 1819, p. 4b ; L’Inde´pendant, no 34, vendredi 11 juin 1819, p. 4a ; Gazette de France, no 162, vendredi 11 juin 1819, p. 643a.

1

Intervenant dans une discussion de´ja` engage´e sur la dotation pre´vue pour la Chambre des pairs, juge´e de´mesure´e par plusieurs intervenants, BC s’efforce, a` son habitude, de s’appuyer sur un cas particulier pour e´voquer des questions ge´ne´rales, sur la pre´sentation du budget et sur le principe meˆme de la re´mune´ration des pairs.

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pour eˆtre traite´e incidemment. En Angleterre, je sais qu’il est des cas fort rares, ou` des hommes, appele´s a` la pairie, n’ont pas la fortune suffisante pour soutenir cette dignite´ d’une manie`re convenable, et dans ce cas, un bill particulier leur accorde la dotation ne´cessaire, ce sera parmi nous une question a` examiner et a` de´battre ; quant a` pre´sent nous devons conside´rer les pensions des anciens se´nateurs comme des pensions ordinaires ; ils les ont comme se´nateurs, et non comme pairs. Il faut que leur payement soit assure´, mais elles ne peuvent figurer dans le budget de la chambre des pairs, qui ne peut avoir de budget que pour sa de´pense inte´rieure. J’appuie la re´duction propose´e par M. Dumeilet.1

1

Dumeilet avait demande´ a` ce que le budget pour la Chambre des pairs soit re´duit de 2 millions a` 680.000 francs, pour rendre conforme la de´pense pour cette Chambre a` celle octroye´e a` la Chambre des de´pute´s. L’amendement est aussitoˆt rejete´ par la Chambre.

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[Intervention sur son amendement]* Se´ance du 12 juin 18191

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Je viens appuyer mon amendement ; mais la justice exige que de moi-meˆme je reconnaisse la ne´cessite´ de le restreindre. Voici l’anne´e avance´e, et en de´plorant avec M. le garde-des-sceaux le rejet du projet sur l’anne´e financie`re qui aurait pare´ a` tant d’inconve´niens2, J’avoue que mon amendement dans toute son extension ne saurait eˆtre admis pour 1819. Il pre´senterait un effet re´troactif s’il s’appliquait aux six premiers mois, et s’il ne s’applique qu’aux derniers, la re´duction d’un million serait trop conside´rable. Mais pour les derniers six mois mon amendement peut subsister. Nous pouvons tout espe´rer du ze`le et du talent de M. le ministre des finances. En 1814, il s’est trouve´ dans une position analogue. Il a donne´ le premier l’exemple d’une se´ve`re e´conomie ; en peu de mois l’ordre a e´te´ re´tabli, des e´conomies conside´rables ont e´te´ faites ; 328 employe´s ont e´te´ supprime´s, et il en est re´sulte´ une diminution de 866 mille francs dans les de´penses. Pourquoi aujourd’hui n’espe´rerions-nous pas les meˆmes re´sultats ? Personne n’ignore combien e´tait excessif le nombre des employe´s du tre´sor. Je n’en citerai qu’un exemple : l’administration des cautionnements occupe 61 employe´s, et cependant auparavant elle n’en exigeait qu’un bien plus petit nombre. Espe´rons donc que les re´ductions seront possibles ; de´ja`, je me plais a` le reconnaıˆtre, le budget, pour cette partie, quelque excessif qu’il soit, offre *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 166, mardi 15 juin 1819, p. 789b ; Archives parlementaires, t. XXV, pp. 112–113. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 143–144 (date´ du samedi 14 juin). Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, dimanche 13 juin 1819, p. 4a ; Le Constitutionnel, no 164, dimanche 13 juin 1819, p. 4a ; La Quotidienne, no 164, dimanche 13 juin 1819, p. 4a ; L’Inde´pendant, no 36, dimanche 13 juin 1819, p. 4a ; Gazette de France, no 164, dimanche 13 juin 1819, p. 651b.

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Alors qu’on s’approche de la cloˆture de la discussion sur le service ordinaire des finances et que sera bientoˆt mis aux voix le premier des huit amendements de´pose´s par BC dans sa longue intervention du 8 juin, ce dernier prend la parole pour rectifier cet amendement. Le 11 janvier (BC ne sie´geait donc pas encore a` la Chambre), le baron Louis, ministre des Finances, avait propose´ une modification assez radicale dans la de´finition de l’anne´e financie`re, pour la faire courir du 1er juillet au 30 juin de l’anne´e suivante, en vue d’atte´nuer le de´calage entre la pe´riode budge´taire et le calendrier des de´bats aux Chambres. La Chambre avait cependant e´carte´ ce projet de loi. Dans le cours des de´bats sur le budget 1819, plusieurs ministres e´taient revenus sur cette de´cision en la regrettant. Pour ces meˆmes raisons de calendrier, BC se voit oblige´ de rectifier ses propres amendements.

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une re´duction de 270 mille francs. Espe´rons que le ministre continuera dans cette voie salutaire. Sans doute les suppressions sont une chose faˆcheuse, et il est a` de´sirer que les employe´s puissent compter sur la fixite´ de leur sort. Mais le moyen de leur assurer cette fixite´, c’est qu’ils soient re´duits au nombre ne´cessaire 5 pour le service : alors cette fixite´ leur est assure´e ; alors ils n’ont plus a` craindre que des motifs d’e´conomie appellent sur eux l’attention et ne provoquent des suppressions nouvelles. Je de´sire plus que personne que ceux qui travaillent, qui ont des droits acquis, etsontvraimentutiles,soienttranquillessurleursort,ethonorablementre´tribue´s ; 10 mais il y a eu un si grand nombre de destitutions sans motif, sans fondement, que je ne porte pas une tre`s-grande sollicitude aux he´ritiers des victimes des destituteurs, a` ceux qui se sont haˆte´s avec tant d’empressement a` recueillir leurs de´pouilles. Je ne verrai pas avec beaucoup de peines que les he´ritiers, si empresse´s a` prendre la place des autres, reconnussent qu’il n’y a pas toujours un 15 avantage re´el a` s’emparer des fonctions des autres, quand ces derniers en ont e´te´ injustement de´posse´de´s. C’est une lec¸on morale qui peut n’eˆtre pas sans re´sultat pour l’avenir. Et c’est cette conside´ration qui me porte a` m’attendrir un peu moins sur le sort de ceux sur lesquels pourront porter les re´ductions qui seront juge´es ne´cessaires. Je re´duis donc mon amendement 20 a` moitie´, c’est-a`-dire a` 500 000 fr.1

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Le sous-amendement de BC est rejete´ «a` une immense majorite´» (Moniteur, no 166, 15 juin 1819, p. 790a).

[Re´sume´ d’une opinion de´veloppe´e sur les frais de l’administration de l’enregistrement]* Se´ance du 15 juin 18191

800a

M. Benjamin Constant prononce une opinion de´veloppe´e sur les frais de l’administration de l’enregistrement. Il e´tablit d’abord que la direction des domaines de Paris peut-eˆtre supprime´e. Le rapport de la commission e´nonce cette suppression comme possible ; mais l’e´poque n’en est pas fixe´e. On pourrait trouver sur cet objet une e´conomie de 44 mille francs. Un de´cret du mois d’octobre 1808 a cre´e´ un bureau de de´comptes ; ce bureau est de´sormais sans objet, il n’a rien a` faire et pourrait, par sa suppression, ope´rer une e´conomie 117 mille fr. L’orateur fait d’autres observations, et demande des explications sur ce qu’on entend par restitution du prix des ventes. Il e´tablit qu’en ge´ne´ral les de´penses de cette administration sont trop conside´rables, et de beaucoup supe´rieures a` ce qu’elles e´taient en 1791. Ses produits en sont plus conside´rables, mais il n’est pas dans sa nature que ses de´penses s’accroissent en proportion de ses produits. L’orateur vote pour une re´duction de 161 mille francs.2

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 168, jeudi 17 juin 1819, p. 800a ; Archives parlementaires, t. XXV, p. 147. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, mercredi 16 juin 1819, p. 4b ; Le Constitutionnel, no 167, mercredi 16 juin 1819, p. 4a ; La Quotidienne, no 167, mercredi 16 juin 1819, p. 4b ; L’Inde´pendant, no 39, mercredi 16 juin 1819, p. 4a ; Gazette de France, no 167, mercredi 16 juin 1819, p. 664a.

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Aucune des sources ne restitue inte´gralement l’intervention de BC qui, a` propos des couˆts de la gestion des domaines, vient ajouter encore une proposition d’e´conomie aux huit amendements de´pose´s dans son intervention ge´ne´rale du 8 juin. L’amendement de BC est rejete´ «a` la presqu’unanimite´» (Moniteur, no 168, 17 juin 1819, p. 800b).

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Opinion sur les douanes.* Se´ance du 16 juin 18191

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MESSIEURS, Ignorant si M. le Directeur ge´ne´ral prendrait la parole pour s’opposer aux amendemens que j’ai propose´s, j’avais pre´pare´ quelques de´veloppemens pour les appuyer. En e´coutant M. le Directeur ge´ne´ral, j’ai eu le plaisir inattendu de trouver que j’avais re´fute´ d’avance, et sans les connaıˆtre, tous les raisonnemens dont il a cru pouvoir se servir pour s’opposer aux re´ductions dont la ne´cessite´ me semble e´vidente. Je pourrai donc me borner a` vous soumettre ces de´veloppemens sans y rien changer, si je ne croyais utile de vous pre´senter quelques re´flexions que je m’efforcerai de rendre le plus applicables qu’il me sera possible. Car, bien qu’on m’ait accuse´ de m’eˆtre jete´ dans des critiques trop vagues, d’avoir eu recours a` une e´loquence vagabonde, je ne conc¸ois rien de moins vague que des calculs, et rien de moins vagabond que des chiffres2. Mais il est d’autres accusations que je *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Chambre des de´pute´s. Opinion de M. Benjamin Constant ... sur les douanes, [Paris :] Hacquart, s.d., 18 p. [date´ du 15 juin] ; Le Moniteur universel, no 169, vendredi 18 juin 1819, p. 804bc [=M] ; Archives parlementaires, t. XXV, pp. 156–158. [En note : «Le discours de M. Benjamin Constant est incomplet au Moniteur. Nous le reproduisons in extenso».] Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 141–142 (date´ du 11 juin). Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, jeudi 17 juin 1819, pp. 11a–12b ; Journal des de´bats, jeudi 17 juin 1819, p. 4a ; Le Constitutionnel, no 168, jeudi 17 juin 1819, p. 3b ; La Quotidienne, no 168, jeudi 17 juin 1819, pp. 3b–4b ; L’Inde´pendant, no 40, jeudi 17 juin 1819, p. 3b ; Gazette de France, no 168, jeudi 17 juin 1819, pp. 667b–668a.

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` la re´ouverture de la discussion sur le budget du ministe`re des Finances, abordant la A question des douanes, le pre´sident de la Chambre rappelle les deux amendements de´pose´s par BC sur cet objet. Le directeur ge´ne´ral des douanes, le comte de Saint-Cricq est entendu ; son intervention, longue et solidement argumente´e, se veut un de´montage en re`gle des observations de BC ; ce dernier montre toute son habilete´ pole´mique en contre-argumentant syste´matiquement. Saint-Cricq avait en effet pointe´ des erreurs, impre´cisions et ge´ne´ralite´s vagues contenues dans le discours du 8 juin de BC, lequel «a` propos de nos impoˆts indirects, a preˆte´ au tableau des charges publiques les couleurs de sa se´ve`re, mais parfois vagabonde e´loquence» (Archives parlementaires, t. XXV, p. 152). L’expression qui a visiblement froisse´ BC aura un certain succe`s ; certains n’he´siteront pas a` s’appuyer sur elle pour railler l’orateur lorsque, le lendemain, il se fourvoiera dans la discussion sur les remises et taxations (voir ci-dessous, pp. 263–264). Ainsi, le Journal de Paris publiera le 23 juin la notice que voici : «M. Benjamin Constant n’est pas de ce nombre [des de´pute´s qui parlent du budget sans l’avoir lu]. Si l’on juge des travaux qu’il a faits sur le budget, par la quantite´ des amendemens et des sous-amendemens qu’il propose, il n’y a pas d’homme en France qui doive

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me sens le besoin de repousser, et j’essayerai de le faire, en abusant, aussi peu que je pourrai, de la patience de cette Assemble´e. M. le Directeur ge´ne´ral m’a reproche´ de me´connaıˆtre l’e´tendue du pouvoir royal, est d’oublier que l’administration e´tait de son domaine : mais je n’ai point propose´ a` la Chambre d’intervenir dans l’administration. L’administration, je le sais, est le domaine de la pre´rogative royale ; mais l’e´conomie, Messieurs, est notre domaine. Il est de notre devoir d’indiquer au Roi, les e´conomies qui nous semblent de´sirables, et les modes d’administration qui peuvent nous conduire a` ces e´conomies. C’est au monarque a` juger nos repre´sentations dans sa sagesse ; mais il nous appartient de porter au pied du troˆne ces repre´sentations. En nous acquittant de cette mission, nous obe´issons aux vœux de nos commettans ; nous n’exce´dons point nos pouvoirs ; et nous en accuser, c’est vouloir porter atteinte a` nos droits et restreindre ceux de cette Chambre. Je n’examinerai point si, comme M. le Directeur ge´ne´ral l’a pre´tendu, l’administration des douanes ressemble a` une arme´e. Je ne veux ni contester ni admettre cette comparaison, qui est certainement fort honorable aux douanes ; mais elle prouve le contraire de ce que M. le Directeur ge´ne´ral a voulu prouver. Si une arme´e a besoin d’un chef unique, c’est que ce chef marche a` sa teˆte, c’est qu’il est sur les lieux, c’est qu’il dirige ses ope´rations. Si le ge´ne´ral restait tranquillement dans son hoˆtel a` Paris, je ne pense pas qu’il fuˆt fort utile a` son arme´e sur la frontie`re, et je ne sache pas que M. le Directeur ge´ne´ral quitte Paris pour pre´sider aux expe´ditions de ses douanes. M. le Directeur ge´ne´ral vous a rappele´ que Monsieur Necker, que j’avais cite´, avait lui-meˆme exprime´ dans son ouvrage le de´sir que les admi nistrations de finances fussent confie´es a` un chef unique et spe´cial. Mais ce chef devait eˆtre soumis au Ministre responsable comme lui. Il ne devait pas eˆtre lui-meˆme une espe`ce de Ministre, ayant sous lui deux mille employe´s a`

mieux posse´der la matie`re. Du reste, il tient peu a` ses amendemens, il les retire a` mesure. On ne peut pas eˆtre plus accommodant ; mais l’honorable de´pute´ se faˆche, comme un poe`te, lorsqu’on lui fait observer qu’il a l’e´loquence vagabonde. Il s’est pourtant e´trangement fourvoye´ jeudi dernier, en offrant, a` propos d’une remise proportionnelle qu’il trouvait trop conside´rable, non d’en re´duire le taux, mais de re´duire son amendement au quart : nul n’a pu deviner a` quoi s’appliquait ce quart ; en vain, d’officieux amis se sont efforce´s de raccommoder les choses, l’orateur perplexe a duˆ quitter la tribune sans avoir pu se faire comprendre, et peut-eˆtre sans s’eˆtre compris lui-meˆme, ce qui serait beaucoup moins faˆcheux. Il se gardera sans doute d’ajouter a` son Cours de politique constitutionnelle un discours dont la pe´roraison a e´te´ si mal gouˆte´e. Quelques de´pute´s, qui sont presse´s de retourner chez eux, espe`rent que cette le´ge`re de´convenue va ralentir un peu l’e´loquence non vagabonde de l’honorable membre.» (Journal de Paris, no 174, 23 juin 1819, p. 4b).

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sa nomination, affranchi de toute responsabilite´, entoure´ d’une cliente`le innombrable, et investi d’une influence rivale1. Il est pourtant une observation de M. le Directeur ge´ne´ral, a` la ve´rite´ de laquelle je dois rendre hommage. En parlant de Hambourg et de Trieste, je m’e´tais trompe´ ; mais cette erreur, effet d’un travail rapide, tel que vos de´libe´rations, messieurs, le ne´cessitent, ne change rien a` ma the`se. Si, a` l’e´poque que j’ai cite´e, nous n’avions ni Hambourg ni Trieste, nous avions Nice, la Savoie, la barrie`re du Rhin, la Belgique, et vous verrez tout a` l’heure qu’a` cette e´poque, les douanes rapportaient plus et couˆtaient moins. Quant au pre´ambule d’une ordonnance sur lequel M. le Directeur ge´ne´ral s’est appuye´ pour justifier la violation d’une loi formelle, j’examinerai bientoˆt son principe, et je me flatte qu’au nom de votre respect pour les lois et pour la Charte, vous vous haˆterez de le repousser. Ici j’observerai seulement que les mo tifs de ce pre´ambule, quelque respectables, quelque touchans qu’ils puissent eˆtre, ne couvrent pas son inconstitutionnalite´ ; et j’ajouterai que ces motifs meˆmes, s’ils e´taient examine´s rigoureusement, ne vous paraıˆtraient peut-eˆtre pas a` l’abri de quelques doutes2. Ce n’est pas la perte de quarante-quatre de´partemens en 1814 qui a surcharge´ la caisse des retraites, puisque, dans cette anne´e, et dans les deux suivantes, elle a satisfait a` ses charges. Ce qui l’a surcharge´e, Messieurs, ce sont les destitutions de 1815, ces destitutions en masse, sur des de´nonciations calomnieuses, sans motifs, sans justice, sans humanite´ ! Et ici, Messieurs, je saisirai location de placer une remarque importante ; c’est que les destitutions ne sont pas seulement un syste`me de´sastreux en politique. Le syste`me des destitutions arbitraires est encore mauvais en finance : non seulement il est de´plorable pour les destitue´s, il est encore funeste et ruineux pour les contribuables. J’ai re´pondu, autant qu’on peut re´pondre par une improvisation rapide a` un discours e´tudie´, aux alle´gations ge´ne´rales de M. le Directeur ge´ne´ral. Je viens maintenant aux amendemens qu’il a combattu ; et, comme j’ai eu l’honneur de vous le dire, je puis reproduire tous mes raisonnemens, parce qu’il n’en a affaibli aucun. Mon amendement consiste a` fixer a` un pour cent la remise sur les sels pour 1819, et a` ne laisser, en conse´quence, cette recette figurer que pour

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On rappelle surtout que dans son Compte rendu au Roi (Paris : 1781, p. 73 sv.), Necker avait propose´ l’instauration d’administrations des finances dans les provinces, arguant qu’un chef unique (ministre ou directeur) n’e´tait pas en mesure de maıˆtriser toute la complexite´ et la diversite´ des questions financie`res pose´es dans la re´alite´ du terrain. Il s’agit du pre´ambule a` l’ordonnance royale du 21 mai 1817 concernant la caisse des retraites de l’administration des douanes, cite´ in extenso par Saint-Cricq.

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430,000 francs dans le chap. III des de´penses de la direction ge´ne´rale des douanes. Je vous ai de´veloppe´ pre´ce´demment mes motifs pour demander cette re´duction, je ne vous les rappellerai qu’en tre`s-peu de mots. En 1807, cette remise qu’on veut porter a` 860,000 fr., n’a e´te´ que de 604,731 fr., et nous avions un bien plus vaste territoire, un plus grand nombre de direction de douanes. Par l’e´valuation du droit sur le sel, de deux de´cimes par kilogramme a` trois de´cimes, les produits se sont accrus de 50 pour 100, sans augmentation de frais. La remise pour 1818 a de´passe´ de 80,000 fr. l’e´valuation qui lui avait e´te´ donne´e. Tout annonce qu’il en sera de meˆme pour 1819. La remise au taux d’un pour cent exce´dera donc probablement les 430,000 fr. auxquels ma re´duction semble la fixer. Car, pour qu’elle ne produisıˆt que cette somme, il faudrait que les frais de perception de l’impoˆt du sel s’e´levassent a` 5 millions, puisque le produit brut est e´value´, par M. le Directeur ge´ne´ral, a` 48 millions. Pour re´duire le produit net a` 45, il faudrait en retrancher 5. Or, ces frais de perception, a` l’e´poque de la plus grande e´tendue de notre territoire, ne se sont jamais e´leve´s qu’a` 2 millions 700 mille francs. Veuillez, Messieurs, ouvrir le compte des finances de l’an 12, page 54, vous verrez que, dans cette anne´e, a` une e´poque ou` le produit brut de l’impoˆt du sel s’e´levait a` 53,000,000 fr. les frais n’e´taient que 2,687,045 fr. En effet, il est e´vident que l’impoˆt du sel perc¸u a` l’extraction se recouvre a` tre`s-peu de frais, parce que tous les marais salans, e´tant situe´ sur le bord de la mer, sont a` porte´e des bureaux et des brigades qui existeraient pour le seul maintien des prohibitions et des taxes des douanes. Les meˆmes hommes qui empeˆchent la fraude, et font la perception pour les douanes, perc¸oivent l’impoˆt du sel et pre´viennent la fraude qui y est relative. Je pense donc que M. le Directeur ge´ne´ral lui-meˆme sentira la justice et la mode´ration de mon premier amendement. Je passe au second, il tend a` exiger que le produit brut des saisies et amendes soit e´nonce´ dans le compte des douanes. Un mot suffit pour e´claircir la question. La loi est positive, elle re´serve un sixie`me du produit de ces saisies et amendes au tre´sor, sauf les frais de proce´dure. Pour que ce droit du tre´sor soit assure´, elle veut que le montant des amendes et saisies soit e´nonce´ dans les produits bruts. Votre commission de 1818, qui avait envisage´ plusieurs questions qui n’ont pas e´te´ traite´es cette anne´e, parce qu’elle ne s’e´tait pas exclusivement occupe´e du budget d’un seul Ministre, votre commission, dis-je, l’avait reconnu.

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«Suivant la loi du 15 aouˆt 1793,» avait-elle dit, «les amendes et le prix des effets confisque´s doivent eˆtre re´partis entre les pre´pose´s de l’administration et les autres saisissans, a` la re´serve d’un sixie`me, re´serve´ au tre´sor pour subvenir aux frais de proce´dure, et par une autre loi du 2 flore´al de l’an 5, il a e´te´ ordonne´ que, sur le produit net des confiscations et amendes, il se serait fait une retenue de 15 centimes pour la caisse des pensions des employe´s. Mais ces dispositions ne peuvent point dispenser,» continuait toujours votre commission, «de comprendre dans les produits bruts, le montant des amendes et saisies, et d’en porter e´galement en de´penses toute la portion dont le pre´le`vement est autorise´ par la loi, soit en faveur des employe´s, soit au profit de la caisse des pensions.»1 Dans son discours du 23 avril 1818, M. le Directeur ge´ne´ral des douanes, vous a dit que la charge d’acquitter les frais de proce´dure, relatifs aux saisies, et la re´serve des produits destine´s a` y subvenir, e´taient maintenant attribue´es la caisse des retraites de l’administration2. Mais en vertu de quoi ? La loi du 15 aouˆt 1793 n’est pas rapporte´e. Votre commission s’en appuyait encore, en 1818. M. le Directeur ge´ne´ral invoque-t-il l’ordonnance du 21 mai 1817 ? Mais une loi peut-elle eˆtre rapporte´e par une ordonnance ? Les expressions de M. le Directeur ge´ne´ral ne sont point exactes. Il n’est point juste de dire, que le sixie`me du produit des saisies re´serve´ au tre´sor, ne fut destine´ qu’a` couvrir les frais de proce´dure. Ce sixie`me e´tait destine´ a` couvrir ces frais, jusqu’a` leur concurrence, fort infe´rieur au produit total de ce sixie`me, pour le surplus eˆtre verse´ au tre´sor, qui avait un be´ne´fice net, dont il est aujourd’hui prive´ contre la loi. Au reste, M. le Rapporteur de 1818, est ici pre´sent. J’ai cite´ ses paroles et je compte sur son appui3. Je dois ajouter, que j’ai pris pour base, dans mon amendement, l’e´valuation de la commission du budget de 1818, c’est a` dire, 1,500,000 francs, anne´e commune, ce qui est sans inconve´nient, puisqu’il s’agit d’une recette e´ventuelle ; mais cette e´valuation semble trop faible. D’apre`s ce meˆme budget, page 116, e´tat no 19, il paraıˆt qu’au mois d’avril 1814, M. le Ministre actuel des finances4, a fait verser au tre´sor a` titre de de´poˆt, une somme de 3,285,860 francs 38 centimes, qui se trouvaient en 1

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BC cite fide`lement ce passage du long discours du rapporteur de la commission des finances (voir ci-dessous, note 3) pre´sente´ le 21 mars 1818 (Archives parlementaires, t. XXI, p. 400– 401). Le discours de Saint-Cricq date en fait du 24 avril ; BC en cite assez exactement le passage (Moniteur, no 115, 26 avril 1818, p. 513a pour le passage en cause). Roy, qui succe´da a` Corvetto au ministe`re des Finances le dernier mois du gouvernement de Richelieu, avant de redevenir ministre du 19 novembre 1819 au 14 de´cembre 1821, puis a` nouveau du 4 janvier 1828 au 8 aouˆt 1829. Le baron Louis, de´ja` ministre en 1814, on l’a vu.

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nume´raire a` la caisse particulie`re des douanes, provenant de saisies et amendes. D’apre`s le compte de 1816, page 74, le produit des amendes et saisies pour la meˆme anne´e a e´te´ de 2,846,559 francs. Le produit brut de 1817, non porte´ dans le compte qui vous a e´te´ distribue´, a duˆ exce´der 2,500,000 francs. Ainsi, si l’on veut calculer ce que couˆtent re´ellement les douanes, il faut ajouter au budget de cette direction ge´ne´rale ; se montant a` 23 millions, 2,200,000 francs pour la part de la caisse des retraites et des employe´s dans les saisies et amendes, plus 800 000 francs, au moins, pour diverses attributions, telles que demi pour cent abandonne´ aux receveurs, sur les effets a` terme admis en payement de droits, be´ne´fices sur les plombs, droit de prompte expe´dition, etc. ; total 26 millions. Messieurs, admettrez-vous vous une telle de´pense ? Vous avez retranche´ 1,800,000 fr. sur les receveurs ge´ne´raux ; mais c’est au moins 9 millions que la France perd inutilement par le mode de perception qui est adopte´. Certes, votre commission des de´penses aurait pu, ce me semble, consacrer quelques lignes a` vous indiquer des e´conomies sur cet article. Les comparaisons sont fatigantes, je le sais : permettez m’en, ne´anmoins, une dernie`re, qu’on sera peut-eˆtre plus embarrasse´ a` re´cuser que les autres parce qu’a` l’e´poque que je vais rappeler, les douanes rapportaient plus qu’a` pre´sent. M. le Directeur ge´ne´ral e´value leur produit probable, pour cette anne´e, a` 64 millions et demi, sans l’impoˆt du sel ; votre commission des de´penses ne l’e´value qu’a` 62,500,000 fr. ; j’admets 64, j’admettrai 65, si l’on veut. En 1805, j’en atteste le compte publie´ par notre honorable colle`gue, le Duc de Gae¨te : les douanes seules ont rapporte´ 67 mil lions, elles n’en ont couˆte´ que 14 ; ajoutez, si vous le voulez, 2,700,000 fr. pour frais de perception de l’impoˆt du sel, cela ne fera jamais que 16,700,000 fr., au lieu de 261. Opposera-t-on a` mes calculs quelques assertions bien tranchantes dont vous ne pourrez constater l’exactitude, et que, peut-eˆtre, vous ne me permettriez pas de re´futer ? Messieurs, je crois tous les orateurs qui montent a` cette tribune convaincus de la ve´rite´ de ce qu’ils disent ; mais j’oserai pourtant vous supplier de vous en de´fier, car ils se trompent quelquefois d’une manie`re inexplicable. J’ai remarque´, dans nos dernie`res se´ances, qu’il existe pour nous un e´cueil presque impossible a` e´viter dans nos discussions. Cet e´cueil, c’est l’affirmation positive de faits inexacts que l’Assemble´e ne peut juger sur l’heure, et qui, ne´anmoins, influent sur la de´termination qu’elle prend.

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Martin-Michel-Charles Gaudin, duc de Gae¨te, ministre des Finances sous le Consulat et l’Empire. De´pute´ a` la Chambre du 4 octobre 1816 au 17 juillet 1819.

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Si la Chambre ne se met pas en garde contre ce moyen facile de lui enlever une de´cision, tout ce que je vais avoir l’honneur de lui dire, sera inutile. Quelqu’un montera a` la tribune, lui affirmera ce qu’il croira eˆtre, et ce qui n’est pas, ou lui pre´sentera ce qui sous un point qui ne sera pas le point de vue juste, et comme elle devra de´cider sur l’heure, et que je n’aurai la preuve du contraire de ce qu’on lui aura dit que le lendemain, la de´cision sera prise, et ma re´futation tardive sera inutile. Comme je ne puis pre´voir ce qu’il lui sera dit aujourd’hui, dans ce genre, je lui demande la permission de lui citer des faits sur lesquels sa religion a e´te´ comple`tement trompe´e, et sur lesquels elle a e´te´ comple`tement induite en erreur. Ce n’est point sortir de la question. Car je suis dans la question, quand je vous prouve que vous devez vous de´fier des argumens et des assertions de mes adversaires, et la meilleure de´monstration que je puisse vous donner de l’inexactitude possible de ce qu’ils vous diront, c’est l’inexactitude de´montre´e de ce qu’ils vous ont de´ja` dit. Ainsi, Messieurs, quand il s’est agi hier des frais de la direction de l’enregistrement, M. le Rapporteur de la commission vous a dit, pour me re´pondre, que ces frais, en 1791, se montaient a` 15 pour cent, c’est une erreur1. Ces frais se montaient a` 4,200,000 fr. sur 60,000,000, personnel et mate´riel re´unis. C’e´tait environ 7 p. 100. Ainsi, Messieurs, ceux d’entre vous qui, frappe´s d’une assertion e´nonce´e positivement a` cette tribune, ont cru que les frais e´taient, en 1791, de 15 pour cent, ont e´te´ trompe´s sur les faits. M. le Rapporteur de votre commission vous a dit encore que le bureau des de´comptes dont je proposais la suppression, e´tait un bureau de perception qui continuait a` eˆtre ne´cessaire. C’est encore une erreur. Votre commission des voies et moyens de cette anne´e l’atteste. Le bureau des de´comptes n’est d’ailleurs qu’un bureau de ve´rification. Sa fonction est de ve´rifier les de´comptes des directeurs de chaque de´partement. Ces directeurs ont duˆ terminer tous leurs de´comptes en 1814. Ainsi, ceux d’entre vous qui ont cru que le bureau des de´comptes e´tait un bureau de perception, et comme tel, ne´cessaire et avantageux a` l’Etat, ont e´te´ trompe´s par une assertion de´nue´e de fondement. Troisie`me et dernier fait. M. le Rapporteur de votre commission vous a dit que la direction des domaines devait eˆtre conserve´e, parce qu’elle avait beaucoup de proce`s a` soutenir. Cela est impossible. La direction des domaines ne s’est occupe´e que de biens ou vendus a` de nouveaux acque´reurs, 1

Roy, le rapporteur de la commission, avait en effet re´pondu dans ces termes a` l’intervention de BC du 15 juin sur les frais de l’administration de l’enregistrement (voir ci-dessus, p. 251).

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ou restitue´s a` d’anciens proprie´taires ; et certes, en vendant ou en restituant ces biens, la direction de domaines ne conserve pas des proce`s pour des biens qu’elle n’a plus. La direction des domaines ne peut servir qu’a` inquie´ter les acque´reurs qui doivent avoir obtenu leur de´compte a` dater du 22 octobre 1814. Ainsi donc, sur ce point encore, ceux d’entre vous, Messieurs, qui ont vote´ pour la conservation de la direction des domaines, comme ayant des proce`s a` soutenir, ont vote´ d’apre`s une illusion diame´tralement contraire aux faits. En vous disant ceci, je le re´pe`te, je ne suis point hors de la question. J’ai duˆ vous exposer ce qui est arrive´ hier, pour vous exposer ce qui peut arriver aujourd’hui. Mon amendement d’hier n’e´tait de nulle importance : mais quand je re´fle´chis que nos de´sisions sur des questions bien autrement graves ont e´te´ de´termine´es par des assertions tout aussi tranchantes, mais qui peuvent avoir e´te´ tout aussi peu fonde´es, et dont l’exactitude a e´te´ conteste´e formellement, bien que sans succe`s, je ne suis pas sans quelque inquie´tude sur le re´sultat de ce que nous avons fait. Je reviens, Messieurs, a` mon amendement. Quand je re´fle´chis a` ce que je vous ai dit sur les de´penses e´normes des douanes, je suis honteux de sa modicite´. Je ne sais comment proposer une re´duction de 430,000 fr. quand ce sont des millions dont le retranchement serait le´gitime. Mais faisons au moins ce que nous pouvons faire ; ne repoussons pas une e´conomie modique en attendant mieux. Nous semons aujourd’hui, nous recueillerons une autre anne´e. Je persiste dans mes deux amendements relatifs aux douanes1. [Version du Moniteur]2 J’avais pre´pare´ quelques de´veloppemens a` l’appui de mes amendemens, sans savoir que M. le directeur-ge´ne´ral s’attacherait a` les combattre ; mais il se trouve que ces de´veloppemens re´pondent pre´cise´ment a` toutes les assertions et a` tous les calculs de M. le directeur-ge´ne´ral. Avant de les pre´senter, qu’il me soit permis toutefois de me justifier de ce singulier reproche d’une e´loquence un peu vagabonde ; je ne connais rien de moins vagabond que des rapprochemens de chiffres et de calculs. Je ne puis que repousser e´galement ce qui a e´te´ dit de la pre´rogative royale ; je sais tout le respect qui lui est du, je sais que la chambre n’a pas le droit de de´terminer le mode de l’administration, et je n’ai rien propose´ a` cet e´gard ; mais la chambre qui 1 2

Avant de pouvoir re´colter ce qu’il a seme´, BC devra se montrer patient : une fois de plus, ses amendements sont balaye´s par une tre`s forte majorite´. Exceptionnellement, nous donnons ci-apre`s la version synthe´tique de ce discours publie´e dans le Moniteur qualifie´e dans les Archives parlementaires d’«incomple`te».

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vote les de´penses a bien le droit de se rendre compte a` elle-meˆme du mode qu’elle pourrait croire le plus utile et le plus e´conomique. Le raisonnement que vous avez entendu peˆche par sa base : sans doute, un ge´ne´ral est ne´cessaire a` la teˆte de son arme´e, mais c’est quand il y est. Si un ge´ne´ral est tranquillement a` Paris, je ne crois pas qu’il puisse eˆtre fort utile a` la frontie`re. Il est assez clair que de Paris, M. le directeur-ge´ne´ral ne peut diriger les mouvemens de ses pre´pose´s sur la frontie`re. La chambre appre´ciera cet argument. M. le directeur-ge´ne´ral vient de rappeler que M. Necker avait exprime´ son opinion en faveur d’un agent spe´cial, au lieu d’une administration collective ; mais M. Necker n’entendait qu’un agent de´pendant du ministre, travaillant sous ses ordres, et non un agent inde´pendant sans responsabilite´, ayant vingt mille nominations a` sa disposition. Ce n’est donc pas ce que M. Necker demandait qui existe aujourd’hui. L’orateur a e´tabli un paralle`le entre les douanes franc¸aises et celles de l’Angleterre ; je n’ai pas sous les yeux les documents qui me serviraient a` lui re´pondre. Je passe condamnation relativement a` Trieste et a` Hambourg, et je reconnais qu’on a re´pondu a` mon observation ; mais je persiste a` e´tablir que l’administration des douanes couˆte plus cher a` la France depuis la re´duction de notre territoire, que lorsque nous avions la Belgique, le Pie´mont, la Savoie et le comte´ de Nice. Mon amendement relatif aux amendes et saisies n’a pas e´te´ combattu d’une manie`re satisfaisante. Il y a eu une ordonnance d’autorisation, mais nous n’admettons pas qu’une ordonnance ait pu annuler l’effet d’une loi sans la participation du pouvoir le´gislatif ; quand il y a opposition entre une ordonnance et une loi, est-ce a` la loi de ce´der ? Relativement a` l’exce´dent pour les fonds de retenue, je sais bien qu’il y a eu de nombreuses pensions, et des indemnite´s qui ont duˆ eˆtre accorde´es ; mais ces de´penses sont le re´sultat de ce syste`me de destitution aussi mauvais en e´conomie qu’en politique, syste`me d’ou` il naıˆt d’abord une injustice, puis une de´pense pour la re´parer. L’orateur poursuit et de´veloppe son amendement relatif a` la re´duction a` 1 pour 100 de la remise sur les sels, et reproduit les calculs de´ja` e´tablis dans son opinion imprime´e sur les frais ge´ne´raux de l’administration compare´s a` ceux de 1805 sous le ministe`re de M. le duc de Gae¨te. Appliquant ces rapprochemens a` la pre´sente discussion, l’orateur se plaint que cette discussion se compose d’alle´gations e´tablies et de´menties, reproduites et contredites de nouveau sans que la chambre puisse se dire ve´ritablement e´claire´e.

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Chacun, dit-il, pre´sente ses calculs de la meilleure foi du monde ; mais tout de´pend du point de vue ou` l’on se place, et de la situation des choses a` l’e´poque a` laquelle se rattache ses calculs. L’orateur saisit cette occasion de revenir sur l’objet qui a e´te´ mis en de´libe´ration. Il pense que M. le rapporteur s’est trompe´ relativement aux frais d’administration de la re´gie de l’enregistrement, et il reproduit, relativement au bureau du de´bet des comptes et a` la direction du domaine de Paris, les assertions qui ont e´te´ contredites hier par M. le rapporteur. Revenant aux amendemens qu’il propose, je suis heureus, dit M. Benjamin Constant, apre`s avoir e´tabli d’une manie`re que je crois irre´fragable l’exce`s des de´penses de l’administration des douanes, je suis heureux de proposer un amendement qui ne pre´sente qu’une e´conomie aussi modique, et de ne proposer que quatre cent mille francs de re´duction, quand il y aurait tant de millions a` re´duire ; mais enfin, il faut se contenter de peu : nous semons aujourd’hui ; j’ose espe´rer que nous recueillerons l’anne´e prochaine les fruits salutaires de nos discussions. J’insiste sur mes amendemens. On demande l’impression de ce discours, dont une partie e´tait e´crite et l’autre improvise´e. – L’impression est ordonne´e.1

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On ne peut qu’admirer l’habilete´ re´dactionnelle de celui qui a produit pour le Moniteur ce re´sume´ de l’intervention de BC. Ge´ne´ralement, ce sont les autres journaux qui ope`rent de la sorte, souvent de manie`re partisane.

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Opinion sur l’administration des contributions indirectes* Se´ance du 17 juin 18191

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MESSIEURS, Pour re´pondre a` M. le Directeur ge´ne´ral des contributions indirectes, je me trouve dans un sigulier embarras. M. le Directeur ge´ne´ral a combattu trois amendements que j’avais propo se´s, et dont les deux premiers s’appliquent particulie`rement a` son administration, tandis que le dernier embrasse toutes les administrations et tous les ministe`res2. Mais je n’ai pu de´meˆler qu’avec beaucoup de peine, dans son discours, plein de the´ories profondes sur les organisations sociales, sur la monarchie et la re´publique, sur les flatteurs des rois et ceux des peuples, sur la confiance qui est due a` l’autorite´, et qui doit eˆtre refuse´e a` ceux qui n’ont pas le bonheur d’en eˆtre reveˆtus, sur la juridiction des assemble´es, enfin, et sur les usurpations collectives ; je n’ai pu de´meˆler, dis-je, dans ce discours, les faits, les lois, les raisonnemens qui de´montrent qu’il est ne´cessaire que mes amendements soient rejete´s3. *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Chambre des de´pute´s. Opinion de M. Benjamin Constant ... sur l’administration des contributions indirectes, [Paris :] Hacquart, s.d., 23 p. [date´ du 16 juin] ; Le Moniteur universel, no 170, samedi 19 juin 1819, p. 810ab [=M] ; Archives parlementaires, t. XXV, pp. 185–189. [En note : «Le discours de M. Benjamin Constant est incomplet au Moniteur. Nous le re´tablissons in extenso».] Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 145–151. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, vendredi 18 juin 1819, pp. 15c–16b ; Journal des de´bats, vendredi 18 juin 1819, p. 3b ; Le Constitutionnel, no 169, vendredi 18 juin 1819, p. 3ab ; La Quotidienne, no 169, vendredi 18 juin 1819, p. 3b ; L’Inde´pendant, no 41, vendredi 18 juin 1819, p. 3a ; Gazette de France, no 169, vendredi 18 juin 1819, pp. 670b–671a [pag. inverse´e].

5-p.264.12 Pour re´pondre ... pour les combattre. ] les trois premiers aline´as ne se trouvent pas dans M 1

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La parole est donne´e en de´but de se´ance a` BC qui entend re´pondre aux arguments pre´sente´s par le directeur ge´ne´ral des contributions qui n’est autre que son ami de vieille date, Prosper Brugie`re de Barante, lequel avait re´fute´ avec ve´he´mence trois des amendements de´pose´s par BC le 8 juin. Ce sont, respectivement, les quatrie`me, cinquie`me et huitie`me amendements de´pose´s par BC le 8 juin. On peut s’e´tonner de l’ironie mordante de´ploye´e par BC contre son ami, lequel, il faut le dire, n’avait pas e´te´ plus tendre ; on voit par la` l’investissement sans compromis que BC consacre a` sa fonction de de´pute´ comme a` la posture oratoire qu’il est en train de se fac¸onner.

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Cependant, averti par un autre de MM. les Directeurs ge´ne´raux, que je dois m’abstenir d’une e´loquence trop vagabonde1, je craindrais d’encourir de nouveau et plus que jamais cette censure, si je suivais M. de Barante dans ses digressions de haute politique. Je voudrais, au moins, jusqu’a` ce que les objets spe´ciaux qui doivent nous occuper fussent e´claicis, rester terre a` terre. Je ne voudrais pas meˆler des recherches sur les formes des gouvernemens a` la question beaucoup moins releve´e de savoir s’il faut augmenter les traitemens des employe´s des contributions ; et sur ce point, je le re´pe`te, je regrette d’avoir trouve´ dans le discours de M. le Directeur ge´ne´ral peu de chose qui demandaˆt ou meˆme qui permıˆt une re´ponse. De´termine´ toutefois a` demeurer pour le moment dans ma sphe`re circonscrite, je vais reprendre mes amendemens l’un apre`s l’autre, et taˆcher de de´couvrir, si je puis, a` travers des excursions non moins innombrables que brillantes, ce que M. le Directeur ge´ne´ral a dit pour les combattre. Mon premier amendement tend a` re´duire les remises et les taxations proportionnelles pour 1819, au taux ou` elles ont e´te´ pour 1818. M. le Directeur ge´ne´ral n’a point a` cet e´gard nie´ la base de mes calculs. Il ne pouvait pas la nier : car les deux budgets e´taient sous vos yeux. Il a duˆ convenir, de ce dont vous pouvez tous vous convaincre, qu’il demandait pour cette anne´e 430,377 fr. de plus que l’anne´e dernie`re. Si dans une autre partie de son discours, il m’a prouve´ que j’avais inexactement cite´ M. Necker, erreur que je reconnais et qui m’est e´chappe´e dans un travail rapide, cette erreur n’a rien de commun avec l’amendement actuel2. Ici du moins j’ai eu raison sur le fait. Les budgets de 1818 et 1819 sont diffe´rens. Qu’a dit M. le Directeur ge´ne´ral pour motiver cette diffe´rence ? Il n’a pu vous citer en sa faveur aucune loi, aucun de ces de´crets impe´riaux que l’on respecte a` l’e´gal des lois. La le´gislation n’a rien fixe´ sur ces remises. Elles peuvent varier suivant la proposition du directeur ge´ne´ral ; le fait le de´montre, puisque la taxation n’est pas la meˆme cette anne´e que l’anne´e pre´ce´dente. Qu’est-ce donc que M. le Directeur ge´ne´ral vous a repre´sente´ ? Que le produit des remises croissant avec celui des impoˆts, les remises s’e´taient e´leve´es, l’anne´e dernie`re, plus haut que l’e´nonce´ du budget, et que la demande actuelle n’est, dans la direction ge´ne´rale, qu’une preuve de bonne foi. 1 2

Le directeur ge´ne´ral des douanes Saint-Cricq (voir ci-dessus, p. 253 sv). Barante avait releve´ dans le discours de BC du 8 juin une lecture errone´e de Necker ; BC avait compare´ la perception des impoˆts indirects sous l’ancien re´gime et au temps pre´sent, en confondant, dans les me´thodes de calcul de Necker portant sur les frais de perception, entre le produit du revenu brut et celui du revenu net. Il est cocasse de voir les deux amis de Coppet se chipoter autour de Necker.

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Toute cette explication n’en aboutit pas moins a` convenir que, sous un nom ou sous un autre, les remises sont une augmentation de traitement pour les employe´s. Mais, dit M. le Directeur ge´ne´ral, les employe´s de sa direction sont moins favorablement traite´s que les me´decins, les notaires, les avocats et les membres de plusieurs autres professions, sur la meˆme ligne qu’eux dans la socie´te´. Ici, Messieurs, deux questions s’offrent a` nous. Premie`rement, le fait estil vrai ? Secondement, si le fait est vrai, l’e´tat de nos finances nous permetil de venir au secours des employe´s aux de´pens des contribuables ? de ces deux questions, j’examinerai d’abord la seconde. Je raisonne donc dans l’hypothe`se de M. le Directeur ge´ne´ral, que les employe´s de sa direction sont modiquement re´tribue´s. Mais n’y a-t-il pas beaucoup d’autres classes aussi estimables et non moins souffrantes ? Est-il juste d’ajouter au de´nuement et a` la mise`re de ces classes pour comple´ter l’aisance d’une seule, qui, malgre´ la pitie´ qu’on veut vous inspirer pour sa position pe´nible, a pourtant, sur toutes ces autres classes, un privile`ge, car elle a quelque chose d’assure´. Un traitement faible, si vous voulez, subvient pourtant a` ses premiers besoins. Une pension, insuffisante, si vous voulez, mais qui est pourtant de quelque ressource, l’attend a` la fin de sa carrie`re. Mais le cultivateur, le marchand, le manufacturier, l’homme d’industrie, quel qu’il soit, expose´, tout comme vos employe´s, aux chances du hasard, aux revers de la fortune, aux infirmite´s de la vieillesse, quelles ressources ont-ils ? Ils n’en ont point. Celles qu’ils ont, vous les leur oˆtez, en les e´crasant de contributions sans bornes. Vous voulez que vos seize mille huit cent cinquante-six employe´s puissent faire des e´conomies pour l’aˆge avance´ : moi, je veux que les vingt-cinq millions de cultivateurs, artisans, ouvriers, qui consument leurs forces dans des travaux tout aussi pe´nibles, puissent aussi faire des e´conomies. Je ne crois pas ce vœu moins humain, ni moins le´gitime que le voˆtre. Et, avec votre manie`re de raisonner et d’agir, seize mille personnes qui vous sollicitent et qui vous entourent auront une existence plus douce a` la fin de leur carrie`re. Mais combien de milliers aussi auront, a` la meˆme e´poque, une existence plus mise´rable et plus de´nue´e ? Les me´decins, les avocats, les notaires, dites-vous encore, sont plus a` leur aise. Mais vous oubliez une diffe´rence. A qui les me´decins, les notaires, les avocats doivent-ils leur aisance ? Aux classes riches ou du moins aise´es comme eux. Cela est si vrai que la plupart d’entre eux prodiguent ses soins gratuitement a` la classe pauvre. Vous, au contraire, d’ou` tirez-vous les augmentations que vous destinez a` vos employe´s ? de la classe pauvre comme de la classe riche. Vous pe´ne´trez dans la chaumie`re la plus mise´rable : ce n’est que devant l’extreˆme indigence que vous eˆtes force´s de vous arreˆter. 26 vingt-cinq ] 23 M 810a 33–40 Les me´decins, les avocats, ... force´s de vous arreˆter. ] cet aline´a ne se trouve pas dans M

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J’ai raisonne´ dans l’hypothe`se que M. le Directeur ge´ne´ral avait e´tablie. Maintenant je vais examiner si cette hypothe`se est fonde´e. Ici je n’alle`guerai pas des raisonnemens, je citerai des faits. Ces remises, ces taxations proportionnelles qu’on veut augmenter, est-il vrai qu’elles ne portent que sur les employe´s les moins re´tribue´s ? Voulez-vous savoir sur qui elles portent en grande partie ? Sur les inspecteurs ge´ne´raux a` Paris, qui ont 15,000 fr. de traitement ; sur un secre´taire ge´ne´ral qui a 15,000 francs de traitement ; sur des inspecteurs ge´ne´raux hors de Paris, qui ont 12,000 fr. de traitement, et auxquels par ces remises vous donnez trois cinquie`mes en sus. Sont-ce la` ces pauvres employe´s, pour lesquels une pitie´ si tendre est sollicite´e, qui, devenus infirmes, n’auront pas de quoi pourvoir aux besoins de leur caducite´ ? On m’a reproche´ des comparaisons d’une e´poque a` l’autre. On me pardonnera peut-eˆtre des comparaisons d’une administration a` l’autre. Le secre´taire ge´ne´ral de l’enregistrement n’a que 12,000 fr. sans remises. Pourquoi le secre´taire ge´ne´ral des contributions indirectes en a-t-il 15 et des remises pour 9 ? Les inspecteurs ge´ne´raux de l’enregistrement ont 12,000 fr., sans remises. Pourquoi les inspecteurs ge´ne´raux des contributions indirectes, hors de Paris, en aurait-ils 12,000 avec des remises ? Les gratifications des employe´s de l’administration centrale de l’enregistrement ne s’e´le`vent qu’a` 70,000 fr. Pourquoi donnerions-nous pour cet objet 200,000 fr. aux contributions indirectes ? On vous a dit que l’augmentation des frais de cette direction n’e´tait, pour cette anne´e, que de 200,000 fr. ; cela paraıˆt ainsi, en effet, en comparant les deux budgets de 1818 et de 1819. Mais que penserez-vous, si je vous de´montre que cette augmentation est en re´alite´ de 941,560 fr. ? Eh bien ! Messieurs, en voici la preuve. Dans le budget de 1818, on ne de´duisait point les remboursemens a` faire par les fabricans de soude pour 15,000 fr., et par les communes, 1o. pour frais d’exercice, 160,000 fr. ; 2o. pour impressions, 100,000, total, 275,000 fr. Dans le budget de 1818, on avait porte´ dans le total de la premie`re partie, les frais de bureau des entreposeurs de tabacs, montant a` 456,500 fr. ; de sorte que cette de´pense entrait dans les 20,100,000 f. de cette partie du budget. Dans celui de 1819, page 118, on a porte´ au chapitre IX de la seconde partie, cet article aux de´penses diverses, pour 466,560 fr. 7 15,000 francs ] 16,000 fr. M 13-p.270.5 On m’a reproche´ des comparaisons ... l’honneur de leur adresser ? ] saut de 31 aline´as re´sume´s ainsi dans M L’orateur passe a` son second amendement, qui a pour objet les pensions qu’il croit avoir e´te´ accorde´es ille´galement. Il cite beaucoup de faits, et il demande aux directeurs-ge´ne´raux des douanes et d’enregistrement s’ils n’ont pas accorde´, en contravention a` la loi, des pensions de 12,000 et de 6000 fr.

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Cet objet, re´uni au 275,000 fr. ci-dessus et aux 200,000 francs d’augmentation avoue´e, forme un accroissement re´el de de´pense de 911,560 fr. Comparez le budget de 1818 et celui de 1819, page 114. En ve´rite´, Messieurs, quand vous aurez adopte´ le retranchement de 430,000 fr., il restera encore en plus, sur la de´pense de 1819, compare´e a` celle de 1818, 500,000 fr. C’est bien assez pour une anne´e. Je passe au second amendement que j’ai eu l’honneur de vous proposer. Si je n’avais a` re´futer, sur ce point, que les objections de M. le Directeur ge´ne´ral, la taˆche serait facile ; mais je me trouve ici dans une bien plus grande perplexite´. Vous avez rejete´ un amendement pareil sur le chapitre des douanes1. Cependant la loi e´tait la`. Elle y est encore. Elle y est tellement, que le chapitre III du budget des recettes ordinaires de 1818 a e´te´ re´dige´ d’apre`s son principe. Vous vous en convaincrez en consultant le bulletin des lois, premier semestre de 1818, page 352. Maintenant, dans quelle position sommes- nous ? Je ne le sais pas. En rejetant mon amendement, qui n’e´tait que l’exe´cution stricte de la loi, avez-vous entendu la rapporter par assis et leve´, sans le concours du Roi et des Pairs ? M. le Directeur ge´ne´ral des douanes, qui m’accusait, au meˆme instant, de me´connaıˆtre la pre´rogative royale, a-t-il entendu vous faire rapporter cette loi ainsi ? Je ne saurais le dire. Je ne retire pas mon amendement, parce qu’il n’est que la loi meˆme. Si vous avez pu la rapporter, cet amendement tombe. Si vous n’avez pu la rapporter, qu’avezvous fait hier ? Je vous expose ma perplexite´ : je vous la soumets ; je ne puis la re´soudre. Le dernier amendement que M. le Directeur ge´ne´ral a combattu, formant un article additionnel qui ne vient pas encore, je ne fatiguerai pas votre attention de son examen. Mais comme M. le Directeur ge´ne´ral en a pris texte pour vous expliquer ce qu’il a fait relativement aux pensions, dont je n’avais dit que peu de mots, je vous demande la permission de vous en entretenir aussi un instant. M. le Directeur ge´ne´ral vous a dit que des re`glemens ante´rieurs accordaient 9,000 fr. de pension aux administrateurs ; mais en teˆte de son e´tat de situation imprime´, que je tiens en main, il a place´ lui-meˆme la liste des de´crets, ordonnances et de´cisions s’y re´fe´rant, qui ont servi, dit-il, de re`gle. J’y lis sous le titre de re`glement pour les pensions : 4 prairial an 13, de´cret ; 25 novembre 1814, ordonnance ; 6 septembre 1815, ordonnance ; celle-ci n’a rien de commun avec la question actuelle. 1

BC avait de´montre´ que la re´partition du produit des saisies et amendes pre´vue au budget de l’administration des douanes n’e´tait pas conforme a` la loi. Il n’avait cependant pas eu gain de cause au moment du vote.

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Le de´cret du 4 prairial an 13 et l’ordonnance du 25 novembre 1814, sont donc les re`glemens, les seuls indique´s et reconnus par M. le Directeur ge´ne´ral, que disent-ils ? Le de´cret du 4 prairial an 13 porte, article 2 : «La pension accorde´e apre`s trente ans de service sera de la moitie´ de la somme re´gle´e par l’article pre´ce´dent. Elle s’accroıˆtra du vingtie`me de cette somme pour chaque anne´e de service au-dessus de trente ans, sans que, dans aucun cas, elle puisse s’e´lever, soit pour les administrateurs, soit pour les premiers commis du ministe`re, au-dessus de 6 mille fr., et pour les autres employe´s au-dessus de 3 mille fr. Elle ne pourra aussi eˆtre au-dessous de 3 mille fr. pour les administrateurs et les premiers commis du ministe`re ; de 600 fr. pour les autres employe´s, et de 300 fr. pour les garc¸ons de bureau.» L’ordonnance du 25 novembre 1814 porte : «La pension accorde´e a` vingt-cinq ans de service pour les employe´s du service actif, et a` trente anne´e de service effectif pour ceux de l’administration inte´rieure, sera de la moitie´ de la somme re´gle´e par l’article pre´ce´dent ; elle s’accroıˆtra du vingtie`me de cette moitie´ pour chaque anne´e de service au-dessus de vingt-cinq ou de trente ans, suivant la position dans laquelle le pe´titionnaire se trouvera, sans que, dans aucun cas, la pension puisse exce´der, pour les administrateurs, chefs de division et directeurs, 6,000 fr.» Une observation assez singulie`re que je dois a` la ne´cessite´ dans laquelle M. le Directeur ge´ne´ral m’a place´, de consulter de nouveau les e´tats de situation que nous lui devons, c’est que toutes les fois qu’il est question de ces pensions ultra-le´gales des administrateurs, il cite ensemble des de´cisions spe´ciales de Sa Majeste´ de 1818 et un article 13 de l’ordonnance du 25 novembre 1814. Quant aux de´cisions spe´ciales, si vous admettez que ces de´cisions peuvent a` elles seules e´lever le taux des pensions, abrogez toutes vos lois sur cette matie`re. Quant a` l’article 13 de l’ordonnance du 25 no vembre 1814, je le cherche et je lis : «La pension accorde´e apre`s dix ans de service et au-dessus, dans le cas pre´vu par l’article 9, sera, pour dix ans, du sixie`me du traitement de´termine´ par l’article 10 ; elle s’accroıˆtra d’un soixantie`me de ce traitement pour chaque anne´e de service au-dessus de dix ans, sans que, dans aucun cas, elle puisse exce´der le maximum fixe´ par l’article pre´ce´dent.» Trouvez-vous, Messieurs, que cet article 13 soit applicable ? Annule-t-il l’article 11, qui dit que, dans aucun cas, la pension ne pourra exce´der 6,000 fr. ?

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De plus, ces ordonnances et de´cisions spe´ciales sont toutes poste´rieures au de´cret du 4 prairial an 13. Ou` sont donc ces re`glements ante´rieurs dont M. le Directeur ge´ne´ral nous a parle´ ? Quand j’ai cru, sur son assertion, que ces re´glements existaient, je me pre´parais a` dire, que les lois poste´rieures annulent les re`glemens ante´rieurs auxquels elles sont contraires : maintenant je change ma re´ponse, et je dis simplement que le fait n’existe pas. J’avais de´clare´, dans mon opinion premie`re, que je re´pugnais a` e´nume´rer les pensions qui me paraissent irre´gulie`res, parce que j’e´tais arreˆte´ par la crainte de causer un mal parti culier, en essayant de porter reme`de a` ces abus. Mais puisque M. le Directeur ge´ne´ral m’y invite, je jetterai un coup d’œil plus scrutateur sur l’e´tat imprime´ que je tiens en main. Je vois, dans cet e´tat, un re´gisseur de manufacture qui, apre`s dix-huit mois seulement de service, jouit, par suite d’une destitution, d’une pension de 3,000 francs : je consulte le de´cret du 4 prairial an 13, et je vois qu’il ne peut eˆtre demande´ de pensions avant trente ans de service. Je consulte l’ordonnance du 25 novembre 1814, et je vois que tout employe´ destitue´ perd ses droits a` la retraite. Celui-ci avait e´te´ destitue´ en 1812. Je vois un autre re´gisseur de manufacture, jouissant d’une pension, moindre a` la ve´rite´. Je regarde son e´tat de service, pour le comparer aux lois et ordonnance : et savez-vous ce que je trouve, Messieurs ? Une ordonnance spe´ciale, et point de service du tout. Cette e´nume´ration pourrait se prolonger ; mais, je le re´pe`te, elle m’est pe´nible. Je ne la pousserai pas plus loin ; mais je demanderai a` M. le Directeur ge´ne´ral, et sur ces deux faits, et sur l’article tre`s mal applique´ des pensions de 9,000 francs aux administrateurs, comment il concilie, avec ces libe´ralite´s, son respect pour les lois et ses principes d’e´conomie ? Et ne croyez pas, Messieurs, que ces abus n’aient lieu que dans la seule direction des contributions indirectes. Cette direction est la seule ou` nous puissions les signaler, parce que c’est la seule qui ait publie´ l’e´tat de ses pensionnaires. Mais j’oserai prier M. le Directeur ge´ne´ral de l’enregistrement1 de nous assurer qu’il ne paye pas une pension de 6,000 fr. a` un inspecteur qui s’est retire´ volontairement, avant d’avoir trente ans de service, pour suivre une autre carrie`re, et qui, euˆt-il les anne´es requises de service, n’aurait pu pre´tendre qu’a` une pension de 2,000 fr. Je prendrai de meˆme la liberte´ de prier M. le Directeur ge´ne´ral des douanes de nous assurer qu’il ne paye pas une pension de 15,000 fr. a` une personne dont les dernie`res fonctions n’ont point e´te´ dans son administration, et qui, lorsqu’elle y a e´te´ attache´e, n’a pas contribue´ aux retenues. Cette personne n’avait aucune pension a` pre´tendre de l’administration des 1

Barrairon, par ailleurs de´pute´ a` la Chambre de 1816 a` 1820.

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douanes, car la de´cision du 30 janvier 1810 porte expresse´ment que l’employe´, qui sollicite sa retraite, doit l’obtenir, s’il y a lieu, sur la caisse de la dernie`re administration dans laquelle il a e´te´ employe´. MM. les Directeurs ge´ne´raux peuvent-ils re´pondre ne´gativement a` la question que j’ai l’honneur de leur adresser ? Actuellement, Messieurs, que je vous ai soumis, sur les amendemens qui forment l’objet de la discussion pre´sente, les e´claircissemens qui m’ont paru ne´cessaires, je vous demande la permission de vous arreˆter pendant peu de minutes sur quelques objections d’une nature plus ge´ne´rale que M. de Barante m’a oppose´es. J’avais remarque´ qu’en Angleterre les frais de perception e´taient fort infe´rieurs a` ce qu’ils sont en France. M. le Directeur ge´ne´ral en est convenu ; mais il nous a dit que c’e´tait parce qu’en Angleterre les produits e´taient e´normes, et que l’augmentation des produits n’augmentait pas les frais de perception. Mais dans toute cette discussion, c’est toujours, vous devez vous le rappeler, car on vous l’a suffisamment re´pe´te´, sur l’augmentation des produits qu’on a motive´ celle des frais. Comment se fait-il qu’un raisonnement qui a paru si concluant, si irre´sistible pour la France, soit devenu tout a` coup si peu concluant pour l’Angleterre ? M. de Barante s’est fort pre´valu du silence de votre commission du budget pour cette anne´e, relativement aux de´penses des directions ge´ne´rales. Je crois, et je ne m’en suis nullement cache´, que ce silence a e´te´, pour l’e´conomie, une ve´ritable calamite´. Je l’attribue a` ce que votre commission, ayant e´videmment dirige´ tout son ze`le et tous ses efforts sur le seul Ministe`re des finances, proprement dit, a senti sa force e´puise´e quand elle est arrive´e aux directions ge´ne´rales ; mais je pense que M. le Directeur ge´ne´ral s’est trompe´, quand il a voulu transformer ce silence en approbation. Ce qui m’autorise a` le penser, c’est un fait dont vous avez tous e´te´ te´moins. M. le Rapporteur de la commission a vote´ hier, au moins pour l’un des amendements que MM. les Directeurs ge´ne´raux ont fait rejeter. Je ne re´pondrai point a` d’autres portions du discours de M. le Directeur ge´ne´ral. Les flatteurs des peuples, les courtisans de la popularite´, les orateurs qui s’adressent aux passions, sont des phrases oblige´es, ste´re´otype´es, pour ainsi dire, dans la langue du pouvoir1. Ses de´positaires se transmettent 15–16 vous devez vous ... re´pe´te´ ] entre parenthe`ses M 810a 26 ge´ne´rales ; mais ] ge´ne´rales. Mais M 810a 28 un fait dont ] un fait direct dont M 810b 29–30 M. le rapporteur ... fait rejeter ] pas a` la ligne M 810b 1

Barante avait dit notamment : «Les flatteurs et les courtisans des peuples sont-ils toujours beaucoup plus since`res que les flatteurs et les courtisans du pouvoir ? N’ont-ils jamais non plus e´gare´ ou trompe´ l’idole qu’ils encensent ?» (Archives parlementaires, t. XXV, p. 169).

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de l’un a` l’autre ces phrases de position. Chacun d’eux les croit neuves parce que c’est la premie`re fois qu’il les prononce. Mais le public, qui les a entendues depuis des sie`cles, et qui les entendra pendant des sie`cles encore, ne se laisse point entraıˆner de la sorte a` me´connaıˆtre ceux qui ont le bonheur de de´fendre sa cause. Il sait que s’efforcer de diminuer la mise`re du peuple, ce n’est point le flatter ; que la popularite´ qui s’acquiert par l’e´conomie n’est point une popularite´ dangereuse ; que travailler a` la re´duction des impoˆts en re´clamant contre leur poids e´norme, ce n’est point parler aux passions ; c’est, au contraire, s’opposer a` ce que les passions de´chaıˆne´es par le de´sespoir, ne deviennent terribles. Quant aux usurpations collectives, nous sommes, graˆces au ciel, a` l’abri de ce danger ; la Chambre a duˆ eˆtre surprise de se voir pre´munir contre un e´cueil qu’elle e´vite avec un scrupule extreˆme, j’ajouterai, et c’est avec joie, contre un e´cueil que l’expe´rience et la raison nationale ont tellement signale´, que cette raison tout entie`re de´savouerait a` l’instant meˆme l’imprudent ou le factieux qui voudrait l’y entraıˆner a` son insu. Mais je dirai aussi que, chez tous les peuples, les usurpations collectives ont eu pour origine la prodigalite´ des de´penses, et c’est le de´ficit des finances qui a fraye´ de loin la route de l’usurpation collective de la convention1. M. le directeur ge´ne´ral m’a reproche´ d’avoir accueilli les renseignemens qu’ont pu me fournir des personnes qui ne sont plus dans l’administration. J’ai taˆche´, je l’avoue, de m’entourer de toutes les lumie`res qu’on m’a pre´sente´es ; mais j’ai taˆche´ aussi de ve´rifier tous les faits, et j’ose dire que, sur ceux qui se rapportent aux administrations actuelles, bien peu de ces faits ont meˆme e´te´ conteste´s. J’aurais pu, a dit M. de Barante, m’adresser aux directeurs ge´ne´raux. Je ne doute ni de leur candeur, ni de leur franchise, ni de leur amour ardent pour l’e´conomie. Mais, en fait de griefs, j’ai l’habitude d’e´couter aussi ceux qui se plaignent, sauf a` constater leurs assertions, et pour connaıˆtre les abus, je recours plutoˆt a` ceux qui en souffrent qu’a` ceux qui en profitent. Je ne rentrerai point dans la question des administrations collectives2 ; elle a e´te´ amplement traite´e, et notre discussion le´guera des germes a` l’ave7 dangereuse ; que ] dangereuse, et que M 810b 12 la Chambre a duˆ ] la Chambre a pu M 810b 13 et c’est avec joie ] entre parenthe`ses M 810b 19 de la convention ] a` la convention M 810b 20 accueilli ] recueilli M 810b 24–25 ces faits ont meˆme e´te´ conteste´s ] ces faits meˆme ont e´te´ conteste´s M 810b 28 leurs assertions ] les assertions M 810b 1

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Barante : «L’usurpation collective d’une assemble´e est loin de donner la liberte´ ; on en sait quelque chose : diverses expe´riences en ont e´te´ faites.» (Archives parlementaires, t. XXV, p. 171). ` la fin de son discours, en e´voquant la supe´riorite´ de l’administration dirige´e par des chefs A par rapport a` l’administration collective, Barante tendait une nouvelle perche a` BC qui ne manque pas d’en profiter pour revenir sur une de ses pre´occupations majeures : la ne´cessaire re´forme du syste`me de l’administration.

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nir ; je dirai seulement qu’inde´pendamment de l’e´conomie, pour le maintien meˆme des lois, un autre mode d’administration est de´sirable. Les directions ge´ne´rales se sont e´carte´es souvent des lois ; elles ont enfreint la loi du 15 aouˆt 1793, dans ce qui a rapport aux saisies ; elles ont enfreint, sur le meˆme objet, la loi du budget de 1818. Je vais vous prouver qu’elles ont aussi enfreint la loi du 28 avril 1816 dans ces articles les plus importans. Je finirai par ce fait, Messieurs, car il de´voile tous les inconve´niens du syste`me quant a` l’obe´issance aux lois. La loi du 28 avril 1816 ordonne que tout ce qui est duˆ ante´rieurement au 1er janvier 1816 sera paye´ en valeur de l’arrie´re´ ; et je tiens en main une circulaire de M. le Directeur de l’enregistrement, par laquelle il ordonne, malgre´ cette loi, qu’elle ne soit observe´e que pour certaines cre´ances. De ce nombre sont les indemnite´s dues ante´rieurement au 1er janvier 1816, aux proprie´taires exproprie´s pour cause d’utilite´ publique, les droits d’enregistrements indument perc¸us avant la meˆme e´poque, les sommes dont les comptables seraient constitue´s en avance. Mais cette circulaire porte qu’on doit rembourser en nume´raire les sommes restant dues sur les biens des e´migre´s alie´ne´s et remboursables aux anciens proprie´taires, ainsi que les revenus provenant des biens de meˆme nature qui seraient restitue´s. N’est-ce pas une de´viation manifeste de la loi ? Je ne l’attribue point a` M. le Directeur ge´ne´ral. Il s’est conforme´ a` une de´cision du Ministre qui administrait nos finances le 21 aouˆt 1817, et c’est ce ministre qui en est responsable1. Mais j’affirme qu’une administration collective, responsable elle-meˆme, dont les membres, forts les uns des autres, ne craignent pas le danger d’une re´sistance individuelle aux volonte´s d’un homme puissant, aurait lutte´ contre une de´cision ministe´rielle ille´gale, et aurait fait triompher la loi. Messieurs, j’ai rempli ma taˆche. Je vous ai soumis beaucoup de faits, je vous ai pre´sente´ beaucoup de calculs. Bien peu, je le re´pe`te, ont e´te´ re´voque´s en doute, et quelques erreurs partielles sont demeure´es sans conse´quences pour le re´sultat de mon travail.

1 a` l’avenir ; je dirai seulement ] a` l’avenir. Je dirai e´galement M 810b 5 sur le meˆme objet, la loi ] le meˆme objet et la loi M 810b 18 alie´ne´s et rembousables aux anciens proprie´taires ] alie´ne´s, remboursables aux proprie´taires M 810b 19 les revenus ] des revenus M 810b 25 ne craignent pas ] ne pre´sentent pas M 810b 27 triompher la loi. ] M s’interrompt ici et ajoute : «l’impression du discours est demande´e et ordonne´e.»

1

Corvetto.

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Opinion sur l’administration des contributions indirectes

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Je crois qu’en attendant des e´conomies plus importantes, vous devez voter mes deux amendemens. L’un de´charge les contribuables de 430,000 fr. sur un seul objet. L’autre n’est que l’exe´cution d’une loi positive. Je persiste dans tous les deux.1

1

Pour connaıˆtre le de´nouement de ce de´bat, il faut se reporter aux pages suivantes qui documentent la suite de la discussion, de´favorable a` BC.

5

[Interventions suite a` la demande de re´duction a` 400,000 fr.]* Se´ance du 17 juin 18191

811a

M. le pre´sident rappelle l’amendement de M. Benjamin Constant tendant a` re´duire a` 400,000 fr. les remises et taxations. M. de Ville`le de sa place. Cela est impossible ; on ne peut proce´der de cette manie`re ; c’est une de´pense qui de´pendra de la somme que produiront les droits. D’apre`s quelques explications qui ont e´te´ donne´es, et en conside´rant la re´duction de 200 mille francs qui vient d’eˆtre faite, je re´duis mon amendement a` 200 mille francs. M. de Ville`le Il s’agit d’une remise sur le produit de l’impoˆt, qui donnera plus qu’on ne s’y attend. Pour e´tablir la fixation propose´e, il faudrait donc reviser les taux de la remise, vous ne pouvez adopter la proposition.

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Les produits e´tant pre´sume´s devoir eˆtre plus conside´rables, je re´duis mon amendement au quart de la remise, au lieu de la moitie´. Il doit eˆtre alors sans inconve´nient. M. de Ville`le et M. Benoist Au quart de quoi ? L’administration pre´sente elle-meˆme une base pour ces taxations ; on peut donc les re´duire de la moitie´ ou du quart.

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 170, samedi 19 juin 1819, p. 811a ; Archives parlementaires, t. XXV, p. 191. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, vendredi 18 juin 1819, p. 16c ; Journal des de´bats, vendredi 18 juin 1819, p. 4a ; La Quotidienne, no 169, vendredi 18 juin 1819, p. 4a ; L’Inde´pendant, no 41, vendredi 18 juin 1819, p. 3b.

1

Dans le prolongement de la discussion sur l’administration des contributions indirectes Cornet d’Incourt a propose´ une conciliation entre les positions de Barante et de BC en divisant par deux la re´duction budge´taire postule´e par BC. Ce dernier se rallie a` la proposition, tout en s’e´garant dans la formulation de ses propres projections ; ses ennemis ne manquent pas de profiter de cette confusion pour de´clarer nuls les amendements propose´s et imposer la question pre´alable qui est vote´e par la Chambre. C’est un des rares exemples d’e´chec de BC provoque´ par sa propre confusion.

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Premie`re partie – Session de 1818–1819

M. de Ville`le La difficulte´ vient de ce que vous fixez une somme. Une explication s’engage entre M. le pre´sident et M. Benjamin Constant, sur la re´daction de son amendement. M. le pre´sident Je ferai observer a` l’orateur que les remises sont proportionnelles, et que la base de leur fixation continuant a` subsister, son amendement sera sans re´sultat. J’ai demande´ que les remises fussent re´duites ... M. de Chauvelin. Dans leur quotite´ ...1

1

L’e´change sur ces questions de technique financie`re se poursuit encore avec les interventions de nombreux de´pute´s. La question pre´alable est demande´e et adopte´e a` la presque unanimite´, malgre´ une tentative de Casimir Perier pour venir au secours de BC.

5

[Intervention sur son amendement re´duisant le budget des postes]* Se´ance du 17 juin 18191

811b

812a

J’avais demande´ la re´duction d’une somme de 376 mille francs, portant spe´cialement sur le supple´ment demande´ au fonds de retenue pour les pensions ; mais j’ai appris que par suite de destitutions nombreuses et de beaucoup d’injustices commises, des pensions avaient duˆ eˆtre e´tablies sur le fonds de retenue. Il importe donc de ne le pas trop diminuer. En conse´quence, je re´duis mon amendement de moitie´. D’apre`s les explications qui viennent d’eˆtre donne´es a` la chambre, je retire mon amendement.2

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 170, samedi 19 juin 1819, pp. 811b ; 812a ; Archives parlementaires, t. XXV, pp. 193 ; 195. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, vendredi 18 juin 1819, p. 16c ; Journal des de´bats, vendredi 18 juin 1819, p. 4a ; La Quotidienne, no 169, vendredi 18 juin 1819, p. 4a ; L’Inde´pendant, no 41, vendredi 18 juin 1819, p. 4a.

1

Suite et fin de la meˆme discussion. Ici s’interposent les re´ponses du directeur ge´ne´ral des Postes, Dupleix de Me´zy, et de Roy, provoquant le retrait de l’amendement.

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Sur la loi du 15 mars 1815, relative a` l’arrie´re´ de la le´gion-d’honneur.* (Se´ance du 18 juin 1819.)1

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MESSIEURS, Je crois, en effet, que la question n’est pas bien pose´e, et que ce n’est point ici d’un amendement qu’il s’agit. La question est celle-ci : La loi du 15 mars sera-t-elle exe´cute´e2 ? et de`s lors il faut poser la question de savoir si elle sera maintenue ou abroge´e : il ne peut y en avoir d’autre. Les lois sont la`, ou elles n’y sont pas ; il n’est pas du tout question de les exhumer, on n’exhume pas une loi qui est en pleine vie, mais de savoir si elles existent : il faut les exe´cuter ou les abroger, il n’y a pas de milieu. Je n’examinerai pas si celle-ci a e´te´ un acte de faiblesse mal entendu ; ce n’est pas de cela qu’il s’agit ; si on ne veut pas l’exe´cuter, il faut que, par une proposition formelle de loi, on vienne en proposer l’abrogation ; tant qu’on ne le fera pas, nous sommes fonde´s a` en demander l’exe´cution. Ce n’est pas une de´pense que nous votons, c’est l’accomplissement d’un engagement pris que nous re´clamons. En vain parlerait-on du moment ou` cet engagement e´tait pris ; ou` en serions-nous, si les ministres, pour ne pas exe´cuter une loi, n’avaient besoin que de rappeler les circonstances ou` elle a e´te´ rendue ? Et comment ne verrait-on pas que la proposition, au lieu d’eˆtre un *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 137–138 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 137–138 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 171, dimanche 20 juin 1819, p. 818b [=M] ; Archives parlementaires, t. XXV, p. 218. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, samedi 19 juin 1819, p. 20c ; Journal des de´bats, samedi 19 juin 1819, p. 4b ; Le Constitutionnel, no 170, samedi 19 juin 1819, p. 4b ; La Quotidienne, no 170, samedi 19 juin 1819, p. 4b ; L’Inde´pendant, no 42, samedi 19 juin 1819, p. 4b ; Gazette de France, no 170, samedi 19 juin 1819, p. 676b.

7 exe´cute´e ? et de`s lors ] exe´cute´e ; et de`s lors M 818b 8 abroge´e : il ne peut ] abroge´e. Il ne peut M 818b 19–20 ou` elle a e´te´ rendue ? ] ou` elle a e´te´ rendue ! Discours 1827 I 138 M 818b 1

2

La discussion porte ici, depuis la veille, sur diffe´rentes dispositions relatives aux pensions militaires. Ici, il s’agit d’un amendement demande´ par le de´pute´ Delessert, visant a` augmenter le budget de la Le´gion d’honneur pour permettre d’assurer leur traitement aux simples le´gionnaires. Des de´pute´s de tous les bords se prononcent pour ou contre l’amendement. BC intervient, une fois de plus, pour de´tourner la discussion au niveau des principes. La loi du 15 mars 1815 concernant les militaires membres de la Le´gion d’honneur.

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acte d’hostilite´, est un acte de ve´ritable harmonie ! On a parle´ d’accusation ; oui, sans doute, nous pourrions la provoquer pour une telle inexe´cution d’une loi existante ! mais qui ne sait que personne d’entre nous ne voudrait recourir a` ce moyen extreˆme ? Ce serait la` un acte hostile, et ce n’est point ce que nous demandons. La proposition n’est qu’un acte d’harmonie et presque de de´fe´rence. Que si la question s’engage au fond, je l’examinerai, et j’espe`re pre´senter a` la Chambre des conside´rations qui la de´termineront a` se rendre l’organe et l’interpre`te de la reconnaissance nationale. Quant a` pre´sent, je demande que la Chambre soit consulte´e sur la question de savoir si la loi du 15 mars sera maintenue ou abroge´e.1

1 ve´ritable harmonie ! ] ve´ritable harmonie ? M 818b 3 d’une loi existante ! ] d’une loi existante Discours 1827 I 138 M 818b mais qui ne sait ] mais qui ne sent M 818b 4 moyen extreˆme ? ] moyen extreˆme. M 818b 10 ou abroge´e. ] apre`s ces mots (Des murmures s’e´le`vent.) M 818b

1

La question pose´e par BC au cours d’un de´bat sur une proposition d’amendement met le pre´sident dans l’embarras. «Il est bien e´vident – dit-il – qu’il m’est impossible de mettre aux voix une proposition ainsi pre´sente´e.» (Archives parlementaires, t. XXV, p. 218). Le garde des Sceaux (de Serre) donne en quelque sorte raison a` BC en confirmant que la loi du 15 mars n’e´tait pas applicable et qu’il revenait au roi, via ses ministres, de faire a` la Chambre des propositions concre`tes pour la modifier. Mais en l’e´tat, il faut voter sur l’amendement. Qui est rejete´.

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Re´plique sur la meˆme question [le rappel des bannis].* [Se´ance du 19 juin 1819]1

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MESSIEURS, La question qui devait nous occuper a e´te´ si e´trangement de´nature´e dans le cours de cette discussion, que vous me pardonnerez si je laisse apercevoir quelque de´sordre dans les re´ponses a` ce qui a e´te´ dit2. Je saisirai les raisonnemens qui vous ont e´te´ soumis comme ils se pre´senteront a` mon esprit. Toutefois j’espe`re vous exposer d’une manie`re satisfaisante ce qui s’est passe´ avant, pendant et apre`s la se´ance du 17 mai3. Je donnerai ici une grande preuve d’impartialite´ : car j’excuserai peut-eˆtre, pour leur conduite a` cette e´poque, ceux meˆme que je suis oblige´ de blaˆmer aujourd’hui. *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 146–151 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 146–151 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 172, lundi 21 juin 1819, pp. 823bc–824ab [=M] ; Archives parlementaires, t. XXV, pp. 230–232. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 153–159. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, dimanche 20 juin 1819, pp. 23c–24b ; Journal des de´bats, dimanche 20 juin 1819, p. 4ab ; Le Constitutionnel, no 171, dimanche 20 juin 1819, pp. 3b–4a ; La Quotidienne, no 171, dimanche 20 juin 1819, pp. 3b–4b ; L’Inde´pendant, no 43, dimanche 20 juin 1819, pp. 3b–4a ; Gazette de France, no 171, dimanche 20 juin 1819, p. 680ab.

1

Ce titre est celui donne´ dans l’e´dition des Discours, notre texte de base. La «question» n’est pas absolument la meˆme que celle traite´e dans le texte du 17 mai 1819, dans la mesure ou` ce discours de BC, cette fois-ci re´ellement prononce´ a` la Chambre, fait suite aux contreattaques lance´es a` l’adresse de Bignon apre`s que celui-ci avait, par voie de publication, laisse´ sous-entendre qu’il de´tenait des secrets relatifs a` la fac¸on dont le gouvernement avait ge´re´ la question des bannis, et que ces secrets, qu’il se gardait pour l’instant de de´voiler, e´taient susceptibles de porter atteinte a` l’honneur du gouvernement. L’ordre du jour appelait la suite de la discussion du budget des de´penses de l’exercice de 1819 et de ses articles additionnels. La discussion s’en e´tait pourtant e´loigne´e lorsque le coˆte´ gauche, en la personne de Chauvelin, avait mis en doute la bonne foi du ministe`re quant a` sa gestion passe´e. L’occasion e´tait belle pour Decazes de re´pondre non seulement a` Chauvelin, mais aussi a` Bignon dont les insinuations du meˆme type occupaient les esprits depuis plusieurs semaines. De Serre avait surenche´ri, puis Courvoisier avait voulu apporter la preuve d’un lien entre pe´titions et complot en de´taillant la suspecte organisation des libe´raux et de son fameux «comite´ directeur» en correspondance avec les de´partements. Manuel, de Serre et Corbie`re avaient ensuite e´te´ entendus. On le voit : lorsque BC demande, puis obtient la parole, il n’est alors plus gue`re question du budget. La se´ance houleuse au cours de laquelle BC n’avait pas pu prononcer le discours qu’il avait pre´pare´ sur la question du retour des bannis (voir ci-dessus, pp. 191–189).

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La France, Messieurs, e´tait profonde´ment afflige´e d’avoir vu, malgre´ la Charte, malgre´ la re´sistance du roi, malgre´ l’opposition d’un ministre qui depuis a oublie´ le langage qu’il tint alors ; malgre´ les expres sions de M. le duc de Richelieu, qui dit que la volonte´ du roi e´tait force´e ; la France, dis-je, e´tait profonde´ment afflige´e de voir, contrairement a` la volonte´ du roi, de´ployer des rigueurs ille´gales1. En conse´quence, depuis ce moment, depuis surtout que l’ordonnance du 5 septembre est venue briser le pouvoir de ceux qui avaient provoque´ ces rigueurs2, la France de´sirait qu’on revıˆnt et sur les hommes ille´galement bannis, et sur une amnistie de´risoire3, sauf a` faire mettre en jugement ceux qui pourraient paraıˆtre l’avoir me´rite´. A mesure que l’arbitraire s’est e´loigne´, arbitraire dont je n’accuse pas les ministres, car ils avaient sans cesse a` lutter contre l’influence d’un parti puissant ; a` mesure que la France a cesse´ d’eˆtre en proie a` des hommes ivres de vengeance, elle a invoque´ le respect duˆ a` la Charte, et elle a demande´ qu’on re´voquaˆt des actes qui lui e´taient contraires. Ce fut d’abord avec timidite´ qu’elle communiqua ses vœux a` ceux qu’elle croyait pouvoir lui servir d’interpre`tes et d’organes. Quant a` moi, je l’avoue, j’ai, long-temps avant que les pe´titions ne fussent pre´sente´es, fait tout ce qui e´tait en moi pour seconder le mouvement de l’opinion. Si c’est un crime, il m’appartient, et je suis loin de m’en de´fendre4. L’opinion s’est forme´e, le langage des hommes mode´re´s s’est fait entendre, et l’on est ge´ne´ralement convenu qu’il n’y avait rien de dangereux pour un peuple, comme une assemble´e de´libe´rante tombant de tout son poids sur un parti. La proscription de la Convention avait sillonne´ la France 10 une amnistie de´risoire ] l’amnistie M 823b 12 A mesure ] Depuis cette e´poque, et a` mesure M 823b 17 avec timidite´ qu’elle ] avec timidite´ ; elle M 823b 25 parti. La proscription ] parti ; la proscription M 823b 1

2 3 4

«Ille´gales» parce qu’en contradiction avec l’article 11 de la Charte. BC re´sume ici a` leur plus simple expression les e´pisodes principaux du de´bat sur l’amnistie des re´gicides et des fide`les du Napole´on des Cent-Jours, qui s’e´tait de´veloppe´ lors de la discussion sur la loi d’amnistie en de´cembre 1815-janvier 1816, puis, au printemps 1819, a` la suite de diverses pe´titions. Le ministre en cause est de Serre, d’abord favorable a` l’application de la Charte, puis refusant toute exception de rappel pour les re´gicides exile´s. L’intervention de Richelieu date du 6 janvier 1816. L’ordonnance de Louis XVIII le 5 septembre 1816 promulguant la dissolution de la «Chambre introuvable» et la convocation des colle`ges e´lectoraux. «De´risoire», dans la mesure ou` la loi d’amnistie de 1816 avait en fait cre´e´ plusieurs cate´gories d’exceptions qui e´chappaient a` ladite amnistie. BC renvoie peut-eˆtre aux brochures qu’il avait publie´es avant les e´lections de l’automne 1817, notamment Des e´lections prochaines (allusion a` la question des bannis au chapitre VII, OCBC, Œuvres, t. X, pp. 751–792). Plus ge´ne´ralement, depuis son retour en France en septembre 1816, il n’avait cesse´ de se prononcer, a` tout propos, pour un respect rigoureux de la Charte.

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de sanglans ves tiges ; on euˆt dit qu’une convention nouvelle allait de nouveau de´cimer la France1. M. Benoist. Je demande le rappel a` l’ordre et la parole, pour le motiver. M. Le pre´sident. Vous avez la parole. M. Benoist. J’ai fait partie, Messieurs, de la chambre de 1815. De´ja` j’ai dans une autre circonstance demande´ le rappel a` l’ordre d’un autre orateur qui s’e´tait servi d’expressions a` peu pre`s semblables a` celles qui viennent de provoquer le mouvement de l’assemble´e. J’ai fait remarquer qu’une chambre dont beaucoup de membres d’ailleurs sie`gent encore parmi vous, ne pouvait eˆtre juge´e que par ses actes dans de libres et de´centes discussions, mais ne pouvait jamais eˆtre livre´e a` l’insulte et a` l’outrage [...]. Non, Messieurs, la chambre de 1815 n’e´tait pas compose´e d’hommes ivres de vengeance ; non, elle n’e´tait point une continuation de la convention ; non, elle n’est pas tombe´e de tout son poids sur un parti ; elle a voulu seulement e´tablir un principe moral, un principe religieux, un principe fondamental ; c’est que tuer son Roi est un grand crime. (Mouvement tre`s vif d’adhe´sion.) [...] Quant aux re´gicides nous avons e´tabli un principe sacre´, un principe incontestable, et quand en parlant d’une telle de´termination d’une chambre le´gislative, un orateur se permet de la comparer a` la Convention nationale, c’est le cas de demander son rappel a` l’ordre. J’honore beaucoup l’orateur, je le conside`re, mais il est impossible de souffrir un tel outrage. Je demande formellement le rappel a` l’ordre ... Une foule de voix a` droite. Appuye´, appuye´ ... M. de Courvoisier demande la parole. M. le garde-des-sceaux demande a` eˆtre entendu. M. le garde-des-sceaux. J’avais l’honneur d’eˆtre de´pute´ [...] a` la chambre de 1815. [...] je me trouvai en opposition avec la majorite´ [...]. Certes il y a quelque chose d’indigne, de monstrueux a` comparer la chambre de 1815 avec la convention, et a` la fle´trir du nom de convention nouvelle. (Mouvement ge´ne´ral d’adhe´sion.) [...] Sans doute que l’impe´tuosite´ de la parole

1 on euˆt dit ] on se dit M 823b

1

Le discours est ici brutalement interrompu. Le Moniteur signale : «Les plus violents murmures interrompent a` droite et au centre ... Les cris a` l’ordre, a` l’ordre se font entendre». Viennent alors les interventions de Benoist, puis du garde des Sceaux, dont sont reproduits ici les extraits les plus significatifs d’apre`s le Moniteur, no 172, 21 juin 1819, p. 823bc.

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et de l’improvisation, ce de´sordre d’ide´es auquel M. Benjamin Constant nous avait averti de nous attendre, ont pu seuls jeter dans la rapidite´ de son discours cette expression contre laquelle on s’e´le`ve justement. Je l’engage a` y re´fle´chir de sang-froid, et je suis convaincu que la re´flexion l’ame`nera a` re´tracter une parole injuste et offensante pour les membres de cette chambre qui ont fait partie de la chambre de 1815 (Vive sensation dans toutes les parties de la salle.) [...] Je demande que M. Benjamin Constant re´tracte l’expression qui lui est sans doute e´chappe´e dans l’improvisation, autrement je serais oblige´ d’appuyer le rappel a` l’ordre [...]. M. Benjamin Constant. Il est bien e´vident que quand, ce qui e´tait loin de ma pense´e, j’aurais voulu e´tablir la comparaison contre laquelle on s’est e´leve´, je n’aurais pas eu l’ide´e d’appliquer cette expression aux membres ici pre´sens ... (Un grand nombre de voix a` droite ... Et ceux qui n’y sont plus ... M. Bruye`res-Chalabre : dites les hommes les plus respectables). J’ai dit, et j’ai seulement voulu dire que la chambre de 1815, du moins dans sa majorite´, avait fait beaucoup de mal (vifs mouvemens d’adhe´sion a` gauche). Du reste je reconnais que je me suis servi d’une expression inconvenante ... (Une foule de membres a` droite : Cela suffit ... cela est fini ... Continuez, continuez ...) J’ai entendu dire a` cette tribune que la majorite´ de la Convention avait de´libe´re´ sous les poignards, et qu’elle e´tait saine ; j’ai pu parler aussi d’une majorite´ entraine´e a` des actes qui ont eu des re´sultats funestes ... M. le pre´sident. L’orateur ayant de´savoue´ son expression, la demande du rappel a` l’ordre est retire´e ; il a la parole pour continuer. M. Benjamin Constant. Je disais, Messieurs, au moment ou` j’ai e´te´ interrompu, que la France avait repris courage, et qu’enfin on parlait des lois et du respect qui leur est duˆ1. Lorsque le re`gne de la justice fut graduellement revenu, et ce retour fut entrave´ par bien des obstacles, les citoyens, qui voulaient le re`gne de la Charte et des lois, reprirent courage. Ils e´crivirent a` ceux qu’ils suppose`rent avoir quelque influence dans l’opinion, dans cette Chambre et hors de cette Chambre : je n’avais pas l’honneur d’en eˆtre membre alors. Nos honorables amis qui sie´geaient dans cette enceinte ont de´clare´ que, si avoir de´sire´ le 32–33 hors de cette Chambre : je n’avais ] hors de cette Chambre. Je n’avais M 823c sie´geaient dans cette enceinte ] qui y sie´geaient M 823c 1

34 qui

` partir de la`, c’est le texte La re´tractation de BC est e´tablie d’apre`s le Moniteur, p. 823c. A de base qui est reproduit.

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rappel des bannis e´tait un crime, ils en e´taient coupables. Je re´clame aussi ma part de ce crime, peut-eˆtre avant eux ; car simple citoyen encore, je n’ai cesse´ de re´clamer publiquement pour les exile´s. Long-temps avant le 17 mai, mes honorables amis ont eu des confe´rences avec les ministres, qui ne leur ont point semble´ rejeter l’ide´e des petitions1. La Chambre des pairs avait donne´ l’exemple d’un renvoi au pre´sident du conseil des ministres. Nous puˆmes nourrir l’espe´rance que les ministres ne s’opposeraient point a` la meˆme de´cision dans cette Chambre2. Jusqu’au 17 mai, l’on nous entretint dans cette espe´rance ; et le 17 au matin nous arrivaˆmes ici pleins de confiance dans ce que nous pouvons appeler les engagemens qui avaient e´te´ pris. Vous savez quelle fut cette se´ance et quelles paroles furent prononce´es. Des pe´titions, arrive´es de toutes parts, dont j’ai remis plusieurs que je de´clare n’avoir point provoque´es, eurent le sort que vous connaissez3. J’ai dit les faits, j’ai repousse´ les assertions injurieuses aux pe´titionnaires. Ils e´taient de bons citoyens, ceux qui, sans s’occuper des individus, voulaient qu’on revıˆnt a` la Charte, au respect pour les lois, qu’on re´paraˆt des mesures injustes ; car tout exil sans jugement, n’importe l’individu qu’il atteint, est une iniquite´. Maintenant que j’ai rendu justice a` une foule de citoyens estimables, inculpe´s pour leur respect envers les lois, je rendrai justice a` d’autres ; et je donnerai par la`, je le re´pe`te, une grande preuve d’impartialite´ ; car ceux a` qui je vais rendre justice, nous avons a` nous en plaindre. 9 nous arrivaˆmes ici ] nous arrivaˆmes dans cette enceinte M 823c 1

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Barante confirme dans ses me´moires la tenue de ne´gociations sur ce point entre Dessolles, Decazes et des repre´sentants de la gauche (Souvenirs du Baron de Barante, t. II, p. 367– 368). La chose avait largement perce´, y compris dans la presse. Les journaux libe´raux ne manqueront pas l’occasion de signaler ainsi leur de´pit (Le Constitutionnel, par exemple). BC semble bien indiquer que lui-meˆme n’avait pas pris part a` ces tractations, confirmant ainsi son roˆle parfois marginal au sein des libe´raux. Le 1er avril 1819, la Chambre des pairs avait en effet de´cide´ de renvoyer au pre´sident du Conseil des ministres une pe´tition en provenance de l’arrondissement de Montmorillon (Vienne) tendant a` demander le rappel des bannis. Signe´e de 128 habitants et proprie´taires, cette pe´tition demandait e´galement le maintien de la loi des e´lections, ainsi qu’une loi sur l’organisation municipale (Archives parlementaires, t. XXIII, p. 489). L’argument que BC avance ici sera e´tonnamment peu repris avant que Le Constitutionnel (22 mai 1819, p. 3b) puis E´tienne dans La Minerve (dans le no 58 de ses Lettres sur Paris, p. 179) ne s’en emparent, provoquant alors une re´action du Conservateur (t. III, 36e`me livraison, p. 463–464) – ces trois pe´riodiques, cependant, parleront errone´ment de la pe´tition de la ville de «Morillon». Rappelons qu’a` la suite de l’intervention de de Serre, la discussion sur le retour des bannis avait e´te´ close par un vote sur un retour a` l’ordre du jour, les pe´titions en cause n’ayant de`s lors pas e´te´ renvoye´es au Conseil des ministres.

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Non, ce ne sont point les ministres qui ont mis obstacle au retour des bannis ; c’est le meˆme parti de 1815 qui avait prononce´ ces proscriptions. En voulez-vous la preuve ? Avant le 17 mai, quand on a eu connaissance des pe´titions, dans quels journaux, dans quels pamphlets a-t-on voulu circonvenir la bonte´ royale pour la de´tourner des supplians ? Le 17 mai, qui est-ce qui, dans cette enceinte, a e´touffe´ la discussion1 ? Apre`s le 17 mai, quand les ministres ont accorde´, et je les en remercie et je les en loue, a` de malheureux vieillards infirmes le triste bonheur de mourir sur leur terre natale, dans quels journaux, dans quels pamphlets, dans quel parti, se sont e´leve´s des cris de fureur ? Les ministres ont ce´de´ en partie a` une influence funeste, en partie ils y ont re´siste´2. Qui, je vous le demande, a dit alors qu’un permis de se´jour e´tait un crime ? Qui a menace´ les ministres de l’accusation, pour avoir accorde´ a` des vieillards un tombeau ? Qui a dispute´ au roi le droit de faire graˆce, mettant la loi du 12 janvier au-dessus de la Charte3 ? Je passe a` l’interpellation faite a` M. Bignon4. Peut-eˆtre a-t-il e´te´ imprudent a` lui d’annoncer un secret qu’il ne pouvait re´ve´ler dans ce moment, sans nuire a` ceux qu’il voulait servir : mais s’il pense en effet que l’heure de de´voiler ce secret n’est pas venue ; s’il pense qu’il vaut mieux pour des infortune´s qu’il se taise, je le loue de s’immoler a` la cause du malheur ; je le 18 voulait servir : mais ] voulait servir. Mais M 824a malheur. Je le loue M 824a 1

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20-p.287.1 malheur ; je le loue ]

Apre`s le discours de de Serre, les Archives parlementaires indiquent qu’«un tre`s-vif mouvement d’adhe´sion se manifeste dans la Chambre ; les cris : ‘L’ordre du jour !’ s’e´le`vent tre`s-vivement a` droite, au centre et dans une partie de la gauche.» Les cris avaient redouble´ apre`s que Corcelles avait tente´ de demander la parole. Contrairement a` ce que Constant semble indiquer, ce ne sont donc pas les seuls ultras qui avaient ferme´ la discussion le 17 mai : consulte´e par le pre´sident, la Chambre avait adopte´ l’ordre du jour par «une majorite´ forme´e de toute la droite, de tout le centre et d’une partie de la gauche» (Archives parlementaires, t. XXIV, p. 443). Dix jours apre`s la fameuse se´ance du 17 mai, graˆce a` une ordonnance de Louis XVIII, quatre re´gicides s’e´taient vu accorder un sursis inde´fini et cinq des exile´s temporaires avaient e´te´ rappele´s : «ce fut alors dans tous les journaux royalistes, meˆme les plus mode´re´s, une explosion de cole`re et de me´pris pour ces mise´rables ministres qui [...], apre`s avoir fait faire un pas en avant a` la monarchie, lui en faisaient faire quatre en arrie`re» (P. Duvergier de Hauranne, Histoire du gouvernement parlementaire en France, t. V, p. 141). Allusion directe a` l’article de Chateaubriand date´ du 1er juin et paru dans Le Conservateur, t. III, 36e`me livraison, pp. 473 et 476–477. Bignon qui n’avait pas pu prendre la parole, comme BC, lors de la se´ance du 17 mai, avait lui aussi publie´ une brochure qui avait fait sensation. Il y affirmait de´tenir un secret qu’il ne lui e´tait pas possible de divulguer et qui cachait des faits propres a` faire basculer le de´bat en faveur des bannis. Decazes, ministre de l’Inte´rieur, avait interpelle´ Bignon en exigeant de lui qu’il re´ve`le ce fameux secret, ce que Bignon refusa de faire.

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loue de prendre sur lui la de´faveur momentane´e du silence qu’il s’impose : c’est un sacrifice ge´ne´reux et noble, je l’en estime et l’en remercie. Je finirai par une interpellation que je crois le´gitime. Un honorable pre´opinant a parle´ de comite´s directeurs, de complots, de correspondances de ces comite´s avec d’autres villes du royaume, d’ennemis du troˆne, qui s’agitaient et qui conspiraient1. Il ne doit pas faire planer ses soupc¸ons sur toute la France, faire que chaque citoyen se de´fie de l’autre, que nul ne sache s’il ne se re´unit pas, s’il ne converse pas avec un conspirateur : s’il y a des comite´s directeurs, des ennemis du troˆne, qu’il les nomme, qu’il les re´ve`le. On a applaudi a` l’interpellation du ministe`re a` M. Bignon ; on ne peut blaˆmer mon interpellation a` M. Courvoisier2. Quant a` moi, je de´clare que je n’ai aucune connaissance de ce qu’on a nomme´ un comite´ secret, et de la notorie´te´ de l’existence de ce comite´. Je ne sais nullement ce qu’on veut dire par un comite´ directeur, et je remarque que l’orateur a singulie`rement affaibli son expression ; d’abord on avait prononce´ le mot complot, un autre membre s’est servi du mot insurrectionnel3. J’ai vu dans cette capitale de nombreuses re´unions ; j’y ai entendu des conversations sur les affaires publiques ; je n’y ai rien vu de re´gulier, rien d’organise´ ; je n’y ai vu aucune correspondance ; et si l’honorable membre sait a` cet e´gard quelque chose qui puisse alarmer le gouvernement, qu’il le de´clare au ministre de la police ici pre´sent ...4 Je me sers d’une expression 1–2 s’impose : c’est ] s’impose. C’est M 824a 8 conspirateur : s’il y a ] conspirateur. S’il y a M 824a 10 Bignon ; on ] Bignon. On M 824a 12 Quant a` moi, je de´clare ] Requis de re´pondre, je de´clare M 824a 16–17 complot, ... insurrectionnel ] pas en italique Discours 1827 I 150 M 824a 1

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Courvoisier venait de «re´ve´ler» l’existence d’un comite´ directeur parisien libe´ral qui correspondait avec des comite´s similaires en province, coordonnait et organisait des mouvements suppose´s spontane´s, comme ceux a` l’origine des pe´titions ; de la` a` glisser vers la condamnation d’un complot organise´, il n’y avait qu’un pas que Courvoisier et bien des de´pute´s a` sa suite avaient alle`grement franchi. ` propos du «comite´ Ici Courvoisier re´pond assez longuement a` l’interpellation de BC. A secret» et d’un complot qui se tramerait, Courvoisier adresse deux re´ponses a` BC : «la premie`re, c’est que le fait est notoire, et que, de toutes les preuves, la notorie´te´ est la plus complette ; la seconde, c’est que je le requiers lui-meˆme de de´clarer si la notorie´te´ que j’atteste, n’est pas encore parvenue jusqu’a` lui» (Moniteur, no 172, 21 juin 1819, p. 824a). Courvoisier interrompt BC : «Vous vous trompez je n’ai point affaibli mon expression ; je n’avais parle´ dans mon premier discours ni d’insurrection, ni de complot contre le troˆne, j’ai fort brie`vement expose´ les faits et rien de plus ...» (Moniteur, no 172, 21 juin 1819, p. 824a). De fait, les mots de conspiration, insurrection, complot sont tombe´s, dans la discussion, de la bouche de diffe´rents orateurs, dont Decazes et Corbie`res. Le ministre de l’Inte´rieur, en charge de la police, est Decazes. Ces affirmations peuvent paraıˆtre curieuses dans la bouche de BC, mais on se rappelle qu’il avait eu a` se plaindre de l’organisation des libe´raux a` l’occasion des e´lections de 1818, ou` sa candidature a` Paris

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impropre ; qu’il le de´clare au ministre de l’inte´rieur : c’est un devoir pour lui a` un double titre, celui de fonctionnaire public et celui de de´pute´ ; comme ce sera un devoir pour le gouvernement de se´vir contre des re´unions ou` l’on tramerait contre lui de criminelles entreprises. S’il y a un complot, le gouvernement doit non seulement le surveiller, mais le poursuivre et le punir : il faut que la France sache la ve´rite´ ; il faut qu’elle soit rassure´e par le gouvernement lui-meˆme sur l’effet de telles imputations. Je le de´sire plus que qui que ce soit, car je crois eˆtre son interpre`te en de´clarant qu’elle ne veut pas de re´volution, et que chaque jour l’attache davantage aux principes du gouvernement constitutionnel, et a` la conservation de tous les droits que ce gouvernement lui garantit.

n’e´tait pas alle´e sans rencontrer de se´rieux obstacles dans les rangs meˆmes des libe´raux, ce dont il s’e´tait d’ailleurs plaint dans certains de ses textes a` l’e´poque. Mais il est vrai que ces re´unions avaient surtout pour but la pre´paration des e´lections, et non l’insurrection ou le renversement du re´gime ; comme on sait, d’autres re´unions avaient lieu en ce but parmi les milieux carbonaristes, dont plusieurs membres du coˆte´ gauche du Palais-Bourbon faisaient partie.

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Opinion sur les pensions.* Se´ance du 21 juin 18191

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MESSIEURS, Dans votre se´ance du 8 de ce mois, j’ai eu l’honneur de vous rappeler que, par la loi du 25 mars 1817, on avait accorde´, sur le budget de l’E´tat, une somme de 1,066,500 fr. pour supple´er a` l’insuffisance du fonds spe´cial des retenues destine´ a` payer les pensions de retraite des employe´s des divers ministe`res et administrations. J’ai cite´ l’article 29 de cette loi, qui de´clare que le fonds porte´ pour cet objet au budget de 1817, ne pourra, dans aucun cas, eˆtre augmente´ par la suite. J’ai annonce´ que, nonobstant cette disposition formelle, la loi du 15 mai 1818 avait e´leve´ le fonds supple´tif des fonds de retenue a` la somme de 1,958,500 francs, en stipulant que ce fonds decroıˆtrait d’un vingtie`me par anne´e. J’ai demande´ que, conforme´ment a` cette dernie`re loi, le supple´ment aux fonds de retenue n’exce´daˆt pas, pour 1819, la somme de 1,860,575 fr. ; et que, pour que ce cre´dit puˆt suffire a` tous les besoins, le Ministre des finances n’en disposaˆt qu’en faveur des administrations et des ministe`res dans lesquels la retenue pour les pensions serait de 5 pour cent. Mais depuis le 8 juin, jour ou` j’ai fait cette demande, l’e´tat des choses a change´. Dans votre se´ance du 16, vous avez, par assis et leve´, regarde´ comme non existante la disposition de la loi du 15 mai 1818, d’apre`s la quelle l’administration des douanes e´tait tenue de comprendre dans ses recettes, le produit brut des amendes et confiscations, sauf a` porter en de´pense la portion *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Chambre des de´pute´s. Opinion de M. Benjamin Constant ... sur les pensions, [Paris :] Hacquart, 20 p. ; Le Moniteur universel, no 174, mercredi 23 juin 1819, p. 830c ; Archives parlementaires, t. XXV, pp. 242–245. [En note : «Le discours de M. Benjamin Constant n’est pas inse´re´ au Moniteur. Nous le donnons in extenso».] Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, mardi 22 juin 1819, p. 32a ; Journal des de´bats, mardi 22 juin 1819, pp. 3b–4a ; Le Constitutionnel, no 173, mardi 22 juin 1819, p. 4a ; La Quotidienne, no 173, mardi 22 juin 1819, p. 4b ; L’Inde´pendant, no 45, mardi 22 juin 1819, p. 4a ; Gazette de France, no 173, mardi 22 juin 1819, p. 686b.

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Le pre´sident de la Chambre ayant mis en discussion le huitie`me amendement de´pose´ par BC le 8 juin, ce dernier prend la parole pour pre´ciser son propos et le modifier quelque peu en fonction des de´bats qui se sont succe´de´ depuis cette date.

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dont le pre´le`vement est autorise´ par la loi a ; et vous avez tacitement approuve´ que, par une ordonnace du 21 mai 1817, M. le Directeur ge´ne´ral des douanes euˆt augmente´, d’une manie`re permanente, son fonds de retenue d’une somme annuelle de 250,000 francs environ, en de´pouillant le tre´sor public d’un sixie`me du produit des saisies et amendes qui lui e´tait re´serve´ par les lois du 15 aouˆt 1795 et 25 mars 1817. Vous avez en outre e´leve´ le supple´ment aux fonds de retenue pour 1819, a` 2,321,835 fr. ; savoir : Chapitre II du budget du Ministre des finances ... 1,860,375 fr. 376,260 Chapitre XVIII ... Chapitre XIX ... 85,000 ––––––––– Total ... 2,321,835 Les deux dernie`res allocations ont e´te´ appuye´es par votre commission des de´penses, qui ne passe pas pour eˆtre trop favorable aux demandes du Ministre des finances ; je ne veux pas eˆtre plus se´ve`re qu’elle et je retire en conse´quence la partie de mon amendement, qui tendait a` imposer a` ce Ministre des re`gles dans la distributions du supple´ment aux fonds de retenue. Il a e´te´ pre´sent a` vos de´bats ; il sait que les modiques appointements des employe´s de postes subissent une retenue de 5 pour cent pour la caisse de pensions, et j’ai lieu de croire qu’il trouvera juste de porter au meˆme taux la retenue sur le traitement des employe´s des ministe`res et administrateurs qui voudront participer a` la distribution du fonds supple´tif de 2,321,835 fr. Quant aux douanes, la retenue n’y est que de 3 pour cent ; les traitemens de 27,763 pre´pose´s de cette direction ge´ne´rale sont compris dans le budget de cette anne´e, pour 21,343,000 fr. En fixant la retenue a` 5 pour cent comme dans les directions ge´ne´rales de l’enregistrement et des postes, on accroıˆtrait le fonds spe´cial destine´ au paiement des pensions, de 426,860 fr. Il est donc facile a` M. le Ministre des finances de faire rapporter l’ordonnance ille´gale du 21 mai 1817 et de rendre au tre´sor le sixie`me des saisies et amendes qui lui est re´ serve´ par la loi. Je retire, en conse´quence, la seconde partie de mon amendement. La premie`re, dans laquelle je persiste, est re´dige´e ainsi qu’il suit : «Le compte des caisses de pensions de tous les ministe`res et de toutes les administrations, appuye´s de toutes les pie`ces justificatives, seront soumis au jugement de la cour des comptes ; ils comprendront toutes les recettes et toutes les de´penses faites depuis l’e´tablissement des retenues.» L’article 110 de la loi du 28 avril 1816 b, porte : a

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Rapport de la commission du budget du 21 mars 1818. [Appels de notes par lettres : notes de BC]. Bulletin des Lois, premier semestre 1816, page 516.

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«Les services relatifs aux fonds de retraite seront administre´s par la caisse des de´poˆts et consignations.» L’article 40, de l’ordonnance du Roi, du 22 mai 1816, a est ainsi conc¸u : «Les comptes annuels du caissier des de´poˆts et consignations seront remis avec les pie`ces justificatives, dans les six mois qui suivront chaque exercice expire´, a` notre cour des comptes, qui les ve´rifiera, jugera et apurera de´finitivement.» Une autre ordonnance du 3 juillet 1816, b contient les dispositions suivantes : ARTICLE

PREMIER.

«Toutes les sommes provenant des retenues, qui sont ou seront exerce´es en vertu de nos ordonnances, dans les ministe`res, administrations et e´tablissemens, sur les appointemens, salaires et autres re´tributions, seront verse´es a` la caisse des de´poˆts et consignations ; conforme´ment a` l’article 110 de la loi du 28 avril dernier et les receveurs ou pre´pose´s desdites administrations n’en seront libe´re´s que par un re´ce´pisse´ du caissier ou pre´pose´ de cette caisse.»

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ART. 2.

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«Les sommes et valeurs provenant des retenues exerce´es jusqu’a` pre´sent, qui pourraient se trouver entre les mains des chefs ou pre´pose´s desdites administrations et e´tablissemens publics, ou en quelqu’autre de´ poˆt que ce soit, seront verse´es imme´diatement dans la susdite caisse.»

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ART. 3. «Il sera ouvert a` la caisse des de´poˆts et consignations un compte courant avec chaque administration a` la fin de l’anne´e ; les sommes qui se trouveront rester au cre´dit de chaque e´tablissement, apre`s l’acquittement des retraites dont il est charge´, seront employe´es en l’achat d’inscriptions sur le grand-livre, dont les arre´rages seront perc¸us pour son compte, et accroıˆtront d’autant les fonds destine´s aux pensions de retraite a` sa charge.» Ces dispositions ont e´te´ exe´cute´es fide`lement par tous les ministe`res, par les administrateurs de la loterie, et par M. le Directeur ge´ne´ral de l’enre-

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Ibidem, page 783. Bulletin des Lois, deuxie`me semestre 1816, page 23.

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gistrement1. Ce dernier, en transmettant a` ses pre´pose´s, l’ordonnance du 3 juillet 1816, s’est exprime´ ainsi qu’il suit, dans sa circulaire du 25 du meˆme mois, no 734. «Conforme´ment a` l’article 2 de l’ordonnance, les sommes et valeurs qui se trouvaient dans les mains du caissier des pensions de l’administration a` Paris, ont e´te´ remises a` la caisse des de´poˆts et consignations ; et ce comptable a cesse´ ses fonctions. Les directeurs ne pourront donc verser qu’au receveur ge´ne´ral, toutes les sommes provenant des fonds de retraite, meˆme celles qui concerneraient des trimestres arrie´re´s. La caisse des de´poˆts et consignations acquittera les pensions de retraites, elle en effectuera le paiement, soit a` Paris, soit dans les de´partemens, par l’interme´diaire des receveurs ge´ne´raux ou de leurs pre´pose´s. Il suffira que les pensionnaires qui voudraient eˆtre paye´s ailleurs qu’a` Paris, fassent connaıˆtre a` l’administration, le chef-lieu de de´partement ou d’arrondissement dans lequel ils de´sireront recevoir leur pension.» MM. les Directeurs ge´ne´raux des douanes, des postes et des contributions indirectes n’ont pas cru devoir suivre cet exemple ; ils ont conserve´ pre`s d’eux un caissier particulier, dans les mains duquel se versent les fonds de retenues et qui paie les pensionnaires. La commission de surveillance de la caisse des de´poˆts et consignations vous a soumis des observations a` ce sujet, dans son rapport de l’anne´e dernie`re, et dans celui fait a` cette tribune le 20 mars 1819, par M. Roy, l’un de ses membres, ou` je lis le passage suivant : «Nous sommes encore oblige´s, Messieurs, de vous entretenir des fonds de retraite destine´s a` acquitter les pensions sur les fonds de retenue. Le service relatif a` ces fonds est formellement attribue´ a` la caisse des de´poˆts et consignations, par l’article 110 de la loi du 28 avril 1816, pour eˆtre administre´ par elle. L’ordonnance d’organisation du 3 juillet suivant, rendue sur la proposition de la commission de surveillance, en exe´cution de l’article 111 de la meˆme loi, porte e´galement, que toutes les sommes provenant des retenues dans les ministe`res, administrations et e´tablissemens, sur les appointemens, salaires et autres re´tributions, seront verse´ a` la caisse ; qu’a` la fin de chaque anne´e, les sommes qui resteront, apre`s l’acquittement des retraites, seront employe´es a` l’achat d’inscriptions sur le grand-livre, pour le compte de chacune des administrations auxquelles ces sommes appartiendront. C’est donc la caisse des de´poˆts et consignations qui est charge´e, par la loi meˆme, d’administrer ce service ; les fonds doivent lui eˆtre verse´s, et c’est apre`s que les paiemens ont eu lieu, a` chacune des e´poques ou` ils doivent

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Le baron de Barrairon.

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s’ef fectuer, que les sommes restantes doivent eˆtre employe´es a` la fin de chaque anne´e, en achats d’inscriptions de rentes. Cependant, Messieurs, un grand nombre d’administrations et d’e´tablissemens publics continuent, quelles qu’aient e´te´ nos re´clamations, d’administrer le service relatif aux fonds de retraite. Notre devoir est de persister a` faire connaıˆtre aux Chambres cet oubli des lois, dont l’inte´reˆt de l’Etat, comme celui de la caisse des de´poˆts et consignations, re´clame e´galement l’exe´cution. C’est l’Etat qui supple´e a` l’insuffisance des fonds de retenue, par des fonds puise´s dans le tre´sor, et souvent encore, par l’usage de pre´le`vemens sur les produits publics. La caisse des de´poˆts et consignations faisant gratuitement les services dont elle est charge´e, l’e´conomie conside´rable qui re´sultera pour les diverses administrations, de la cessation des charges de toute nature, dont la conservation et le service de leurs fonds de retenue est pour elle l’occasion, soulagera le tre´sor, et viendra en augmentation des ressources destine´es a` acquitter les pensions de retraite. Le service des retraites, par l’administration de la caisse des de´pots et consignations dont les comptes pre´sente´s aux Chambre sont soumis chaque anne´e a` la cour des comptes, et re´gle´s par elle, deviendra aussi, dans beaucoup de circonstances, un moyen de controˆle utile et ne´cessaire : il conduira a` plus d’uniformite´, et a` l’e´tablissement d’un re`glement ge´ne´ral si vivement de´sire´, qui, dans cette partie importante de l’administration, e´loigne les abus et pre´vienne la facilite´ et l’exce`s des dispositions.» Les comptes du caissier des de´poˆts et consignations pour 1816 et 1817 (dans lesquels se trouvent comprises les recettes et les de´penses relatives aux pensions de tous les ministe`res, de la loterie et de l’enregistrement), ont e´te´ soumis a` la cour des comptes et juge´s de´finitivement par elle les 9 de´cembre 1817 et 22 de´cembre 1818. Mon amendement a pour objet de faire remettre a` cette Cour, pour ces deux exercices, le compte des fonds de retenue des douanes, des postes et des contributions indirectes, et pour les exercices ante´rieurs, le compte de toutes les caisses de pensions. On ne fera, en cela, que revenir aux formes suivies par les administrations avant la cre´ation des directeurs ge´ne´raux. Pour vous en convaincre, je vous demande la permission de vous lire un extrait de l’arreˆte´ d’apurement de la comptabilite´ nationale du 21 messidor an 12, sur les comptes de l’ancienne administration des domaines. La minute est au greffe de la cour des comptes, et l’expe´dition authentique m’a e´te´ communique´e. «Extrait litte´ral de l’arreˆte´ ge´ne´ral d’apurement et de de´charge de´finitive sur tous les comptes de l’ancienne administration des domaines de 1795 a` 17711.- 21 messidor an 12.

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Sic pour 1771 a` 1795.

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Vu le compte des retenues pour les pensions de retraites des employe´s depuis 1787, qu’elles ont eu lieu, rendu par le sieur Imbert1, receveur et caissier ge´ne´ral de l’ancienne administration des domaines a` la re´gie de l’enregistrement, arreˆte´ par elle et de´finitivement par la comptabilite´ nationale le 3 pluviose an 12, Ouı¨ le rapport, etc. Les commissaires de la comptabilite´ nationale, proce´dant a` l’apurement ge´ne´ral de toutes les parties de comptabilite´ de l’ancienne administration des domaines et bois, arreˆtent ce qui suit : Sur le compte des pensions de retraite des employe´s de l’administration, et des retenues exerce´es a` cet effet sur leurs appoin temens, ledit compte rendu par le sieur Imbert a` la re´gie de l’enregistrement et arreˆte´ par la comptabilite´ nationale. L’arreˆte´ du 3 pluviose an 12 est de´clare´ de´finitif et maintenu ; en conse´quence, l’ancienne administration, ledit Imbert et la re´gie de l’enregistrement, chacun en ce qui le concerne dans cette partie, sont de´clare´s quittes et de´charge´s.» Avant de quitter cette tribune, je crois devoir soumettre a` la Chambre quelques observations sur un passage du discours de M. de Barante, du 15 juin1 : Je lis page 16 de l’imprime´ : «On a parle´ de la pension de 9,000 fr. accorde´e aux administrateurs supprime´s en 1817. Le re`glement primitif des pensions de la re´gie, le re`glement de l’an 13, fixait le taux de ces pensions a` 9,000 fr. Depuis, en 1814, une ordonnance le re´duisit a` 6,000 fr. Lorsqu’on supprima les administrateurs, ils re´clame`rent l’exe´cution du re`glement primitif ; ils repre´sente`rent que les administrateurs des domaines avaient une pension de 12,000 fr. ; que les ad ministrateurs des douanes en avaient une de 9,000. Ils avaient les meˆmes titres, ils e´taient compris dans la meˆme re´forme ; la caisse des retenues de leur administration n’avait aucun supple´ment a` demander au tre´sor. Le Roi trouva juste de revenir au de´cret de l’an 13, pour de bons et anciens serviteurs, atteints par une suppression d’emploi, que n’avait suˆrement pas pre´vue l’ordonnance de 1814, contre laquelle ils re´clamaient.» 1

2

Le sieur Imbert e´tait receveur ge´ne´ral de l’ancienne administration des domaines, releve´ de ses fonctions en 1792 suite a` la re´organisation de l’administration des finances (Circulaires de la re´gie de l’enregistrement et du domaine national, t. I, Paris : Bureau des Instructions de´cadaires sur l’enregistrement, 1810, p. 362). On rappelle que Prosper de Barante, alors directeur ge´ne´ral des contributions indirectes et a` ce titre directement vise´ par l’amendement de BC, s’e´tait longuement justifie´ dans un discours le 15 juin auquel BC avait de´ja` imme´diatement re´pondu (voir ci-dessus, pp. 263 sv.).

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Ce ne sont pas tous les administrateurs de l’enregistrement, supprime´s le 17 mai 1817, qui jouissent d’une pensions de 12,000 fr. ; ce sont deux seulement de ces administrateurs. Le plus jeune a soixante-treize ans, et tous deux ont cinquante ans de services non interrompus dans la meˆme administration. Un de´cret du 28 avril 1813, porte : «Le maximum des pensions, tant des administrateurs que des employe´s de l’administration centrale de l’enregistrement et des domaines, ne pourra s’e´lever au-dessus des deux tiers du traitement fixe, quelque soit le nombre des anne´es de service au-dessus de trente.» Le traitement des administrateurs de l’enregistrement e´tait de 18,000 fr., ainsi la liqui dation a` 12,000 fr. pour ceux qui avaient cinquante ans de service, est litte´ralement conforme a` l’art. 9 de l’ordonnance du 17 mai 1817, ainsi re´dige´ : «Les fonctionnaires supprime´s par la pre´sente ordonnance, recevront la pension de retraite a` laquelle ils auront droit aux termes des lois et re`glemens existans.» La pension de 9,000 francs, accorde´e uniforme´ment aux cinq administrateurs des contributions indirectes, n’est pas aussi re´gulie`re. Trois d’entr’eux, n’avaient pas cinquante ans d’aˆge, et vingt-quatre ans de service, au moment de leur suppression. L’un des deux autres n’avait que quatre ans, deux mois, un jour de service dans les contributions indirectes, et se trouvait dans le cas pre´vu par l’article 14, de l’ordonnance du 25 novembre 1814 ainsi conc¸u : «Dans le cas de re´forme, par suite d’organisation, de suppression d’emploi, ou d’infirmite´s non contracte´es au service, les employe´s qui n’auront pas dix ans de service dans l’administration des contributions indirectes, n’auront droit a` aucune pension sur les fonds de retraite de cette administration ; mais ils recevront, sur la de´cision de notre directeur ge´ne´ral, la totalite´ de la retenue qu’il auront supporte´e, sans qu’il leur soit tenu compte des inte´reˆts.» J’ai de´ja` cite´ a` cette tribune, le texte du re`glement de l’an 13 ; je vais le lire de nouveau, et peut-eˆtre, apre`s l’avoir entendu, jugerez-vous que je ne suis pas aussi re´pre´hensible que l’a pense´ M. le Directeur ge´ne´ral des contributions indirectes, de m’eˆtre adresse´ a` tous ceux qui ont pu me donner quelques lumie`res, lorsque j’ai de´sire´ vous pre´senter des documens exacts sur son administration. «De´cret du 4 prairial an 13, sur les pensions de retraite des employe´s de la re´gie des droits re´unis, du ministe`re des finances, et de la direction des contributions directes.»

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ART.

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«Pour de´terminer la fixation de la pension, il sera fait une anne´e moyenne de traitement dont les re´clamans auront joui pendant les trois dernie`res anne´es de leur service.» ART.

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11.

«La pension accorde´e apre`s trente ans de service, sera de la moitie´ de la somme re´gle´e par l’article pre´ce´dent. Elle s’accroıˆtra du vingtie`me de cette somme pour chaque anne´e de service au-dessus de trente ans, sans que, dans aucun cas, elle puisse s’e´lever, soit pour les administrateurs, soit pour les premiers commis du ministe`re, au-dessus de 6,000 fr.» Il est donc clair que, si je m’e´tais adresse´ a` M. le Directeur ge´ne´ral seul, il m’aurait dit, comme il a dit a` la Chambre, que le re`glement primitif de l’an 13 fixait le taux des pensions a` 9,000 fr. ; et je l’aurais cru, comme peut-eˆtre, Messieurs, vous avez pu le croire. Et cependant c’est pre´cise´ment ce re`glement de l’an 13 qui fixe le maximum des pensions a` 6,000 fr., et M. le Directeur ge´ne´ral vous a cite´ en sa faveur pre´cise´ment le re`glement qui le condamne. J’en conclus que ce n’est pas toujours aux hommes en place qu’il faut s’adresser pour eˆtre e´claire´, et qu’il est prudent de consulter quelquefois ceux qui n’y sont pas ou qui n’y sont plus. Messieurs les Directeurs ge´ne´raux des postes, des douanes et des contributions indirectes n’ont aucun motif plausible de s’opposer a` mon article additionnel, a` moins qu’ils ne conviennent, ce qui, je le suppose, n’est ni dans leur intention ni dans leur pense´e, qu’ils veu lent soustraire a` la cour des comptes la connaissance et le jugement des recettes et des de´penses des caisses particulie`res e´tablies pre`s leur administration. Mon article additionnel aura l’avantage de re´tablir l’ordre, et de constater authentiquement l’insuffisance des fonds de retenue pour lesquels nous avons vote´, de confiance et sans aucune justification, un supple´ment de plus de 2,000,000. Je persiste donc a` proposer, comme article additionnel, la disposition suivante : ARTICLE

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ADDITIONNEL.

Les comptes des caisses de pensions de tous les ministe`res et de toutes les administrations, appuye´s sur toutes les pie`ces justificatives, seront soumis

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au jugement de la cour des comptes ; ils comprendront toutes les recettes et toutes les de´penses faites depuis l’e´tablissement des retenues.1

1

BC obtiendra ici gain de cause. La Gazette de France ironisera d’ailleurs devant ce succe`s : «L’amendement de M. Benjamin Constant est mis aux voix et adopte´ (M. Benjamin Constant n’est pas accoutume´ a` un pareil succe`s).» (Gazette de France, no 173, 22 juin 1819, p. 687a). Mais BC lui-meˆme n’est pas peu fier de l’avoir emporte´. Le 25 juin, il e´crit a` Goyet : «C’est le seul de mes amendemens qui ait e´te´ adopte´, mais c’e´toit aussi le plus important de tous. Si la loi est observe´e, elle mettra fin aux caisses particulie`res de MM. les Directeurs ge´ne´raux & par la` aux pensions qu’ils donnent a` leurs cre´atures sur ces caisses, a` l’insu de tout le monde.» (OCBC, Correspondance, t. XI, p. 203).

[Re´sume´ d’une intervention sur la suppression du de´cime]* Se´ance du 26 juin 18191

854c

M. Benjamin Constant obtient la parole. Il demande la suppression du de´cime par franc, que l’article a pour objet de maintenir. Cette addition a` l’impoˆt a e´te´ e´tablie comme subvention de guerre. L’orateur e´tablit que cette suppression, a` dater du mois d’octobre prochain, pourra apporter une diminution de 6 millions sur les produits ge´ne´raux de l’impoˆt ; mais les e´valuations approximatives pre´sentent un exce´dent qui comblera ce de´ficit et fort au-dela`. L’opinant e´tablit d’ailleurs que si on croit devoir accroıˆtre les produits dont il s’agit, c’est par une combinaison des tarifs, et non par une addition qui a e´te´ une mesure de circonstance, et ne peut eˆtre conside´re´e que comme une loi transitoire et d’exception.2

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 178, dimanche 27 juin 1819, p. 854c ; Archives parlementaires, t. XXV, p. 390. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, dimanche 27 juin 1819, p. 4a ; Le Constitutionnel, no 178, dimanche 27 juin 1819, p. 4a ; La Quotidienne, no 178, dimanche 27 juin 1819, p. 4ab ; L’Inde´pendant, no 50, dimanche 27 juin 1819, p. 3b ; Gazette de France, no 178, dimanche 27 juin 1819, p. 708a.

1

La Chambre est passe´e maintenant a` la discussion sur le budget des recettes, pre´cise´ment a` l’article 12 qui stipule le maintien des taxes diverses perc¸ues pour des actes administratifs ou des droits spe´cifiques «et d’un de´cime par franc sur ceux de ces droits qui n’en sont point affranchis». BC intervient sur ce dernier point pour en demander la suppression. L’amendement de BC, juge´ insuffisamment motive´, est rejete´.

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[Intervention refusant la cloˆture de la discussion sur la perception d’un droit communal]* Se´ance du 30 juin 18191

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La discussion ne peut eˆtre ferme´e sans que la chambre se soit bien fixe´e sur les embarras dans lesquels on va se trouver, si la loi ne renferme aucune disposition relative a` la caisse de Poissy ; le droit n’e´tant pas autorise´ par la loi, il n’y aura aucun moyen de poursuite contre celui qui pre´tendrait s’y soustraire ... (une vive agitation se manifeste). M. Pasquier. Le meˆme article e´tait dans la loi de l’anne´e dernie`re, et cela n’a pas empeˆche´ le droit d’eˆtre perc¸u sans la moindre difficulte´. M. le ministre de l’inte´rieur, de sa place. L’article de la loi ne concerne que les revenus ge´ne´raux de l’Etat ; or, il ne s’agit pas ici d’un revenu de l’E´tat, mais uniquement d’un droit communal. Vous ne pouvez percevoir un droit communal a` sept lieues de Paris. Il faut le le´galiser provisoirement ou vous exposer a` des embarras inextricables2 ! ...

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 183, vendredi 2 juillet 1819, p. 882c ; Archives parlementaires, t. XXV, p. 445. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, jeudi 1er juillet 1819, p. 3b ; Le Courier, no 11, jeudi 1er juillet 1819, p. 3 ab ; La Quotidienne, no 182, jeudi 1er juillet 1819, p. 4a ; L’Inde´pendant, no 54, jeudi 1er juillet 1819, p. 2b.

1

La discussion s’est longuement de´veloppe´e sur la question des rapports entre droits communaux et revenus de l’E´tat, en particulier en conside´ration du cas particulier de la commune de Poissy, he´bergeant le plus grand marche´ de be´tail et de denre´es de l’agglome´ration parisienne et dont les revenus tire´s des taxes n’avaient pas e´te´ clairement re´gule´s. Alors que la question est sur le point d’eˆtre renvoye´e au ministe`re et que des voix demandent la cloˆture de la discussion, BC intervient encore vigoureusement pour s’e´lever contre le maintien d’une situation floue. Malgre´ l’intervention de BC, la discussion sur la caisse de Poissy est alors ferme´e et les amendements qu’elle avait suscite´s rejete´s. Le pre´sident rappelle alors que BC avait lui aussi de´pose´ un amendement et il lui donne la parole pour la longue opinion ci-apre`s.

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Opinion sur le titre IV du projet de loi des voies et moyens de 1819.* Se´ance du 28 [30] juin 18191

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MESSIEURS, Si l’objet dont j’ai l’intention d’entretenir la Chambre, n’e´tait pas d’une haute importance et pour le Gouvernement et pour une classe nombreuse de citoyens, et si la mesure que j’aurai l’honneur de vous proposer, ne me semblait pas indispensable pour de´truire jusqu’au dernier germe, d’un genre d’inquie´tudes qui, toutes les fois qu’elles se sont renouvele´es, ont eu pour le repos public des inconve´niens graves, je ne me serais pas permis de vous soumettre une proposition nouvelle, a` cette e´poque avance´e de la discussion. Mais je crois remplir un devoir et je le remplis avec d’autant plus de joie que ce n’est pas contre des mesures prises re´cemment que j’ai a` re´clamer, c’est contre un syste`me de fiscalite´, dont le Gouvernement ante´rieur est seul coupable, or, c’est rendre, je le pense, un service re´el a` la monarchie constitutionnelle, que de montrer que de´ja` elle a e´te´ plus favorable que le despotisme aux proprie´taires meˆmes, que d’imprudentes insinuations et des menaces insense´es ont pu alarmer. Vous savez aussi bien que moi, Messieurs, que l’une des pre´tentions du re´gime impe´rial, e´tait d’accorder aux acque´reurs de biens nationaux une protection spe´ciale. Il avait inse´re´ pour eux, une garantie expresse dans sa constitution, et il leur avait accorde´ des privile`ges, dans plus d’une loi de circonstance2. *

E´tablissement du texte : Imprime´ : Chambre des de´pute´s. Opinion de M. Benjamin Constant ... sur le titre IV du projet de loi des voies et moyens de 1819, [Paris :] Hacquart, s.d., 24 p. ; Archives parlementaires, t. XXV, pp. 445–449. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 161–162. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Le Moniteur universel, no 183, vendredi 2 juillet 1819, p. 882c ; Journal des de´bats, jeudi 1er juillet 1819, pp. 3b–4a ; Le Constitutionnel, no 182, jeudi 1er juillet 1819, p. 4a ; Le Courier, no 11, jeudi 1er juillet 1819, p. 3b ; L’Inde´pendant, no 54, jeudi 1er juillet 1819, p. 2b ; Gazette de France, no 182, jeudi 1er juillet 1819, p. 712a.

1

La date du 28 juin figure en page 3 dans l’impression Hacquart, mais les Archives parlementaires et les pe´riodiques placent ce discours le 30 juin ; ces derniers le re´sument en quelques lignes alors que les Archives parlementaires le citent in extenso, apre`s l’intervention a` propos de la caisse de Poissy. Il paraıˆt probable que, le 30 juin, BC n’a fait que pre´senter les points forts d’un discours long et tre`s documente´, impossible a` lire dans son inte´gralite´. Comme l’impression a e´te´ ordonne´e, BC en a profite´ pour e´largir son argumentation et la date du 28 juin peut eˆtre conside´re´e comme une erreur. Au sujet de la proble´matique des biens nationaux, particulie`rement complexe (comme en te´moigne le caracte`re tre`s technique du pre´sent discours de BC), voir A. Gain, La Restauration et les biens des e´migre´s, s.l., 1928, ainsi que E´. Teyssier et B. Bodinier, L’E´ve´nement le plus important de la Re´volution, Paris : Socie´te´ des E´tudes Robespierristes, 2000.

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Cependant, ce Gouvernement, de`s sa troisie`me anne´e, dirigea contre eux tous les moyens de la fiscalite´ la plus oppressive. Un expose´ rapide des faits ne vous laissera nul doute a` cet e´gard. Le signal de cette espe`ce de perse´cution fut donne´ par un arreˆte´ du 4 thermidor an 11, lorsque le consulat tendait a` se transformer en empire. Cet arreˆte´ porte : Les directeurs de l’enregistrement et des domaines proce´deront, dans le plus court de´lai, aux de´comptes de tous les acque´reurs de biens nationaux. Ces directeurs jouiront d’une remise extraordinaire d’un et demi pour cent, sur les rentre´es effectives dans les caisses du tre´sor qui re´sulteront desdits de´comptes. Dans l’instruction par laquelle cet arreˆte´ a e´te´ transmis a on dit que l’objet des de´comptes est de ve´rifier les divers paiemens effectue´s sur les contrats re´pute´s solde´s, et de rectifier les erreurs qui pourraient avoir e´te´ faites. Le 23 janvier 1807, la remise des directeurs fut porte´e a` trois pour cent, et on organisa a` Paris un bureau spe´cialement et uni quement charge´ de la ve´rification des de´comptes par eux dresse´s. Le 22 octobre 1808, la remise extraordinaire fut e´leve´e a` huit pour cent pour les directeurs : on attribua en outre un pour cent aux receveurs, et un pour cent au bureau des de´comptes ; total dix pour cent. Pour jouir de cette remise, il fallait parvenir a` constituer de´biteurs, les acque´reurs dont les contrats e´taient re´pute´s solde´s. Cela n’e´tait pas facile relativement aux biens vendus en 1790, 1791 et 1792, dont les acque´reurs, fide`les au texte de leur adjudication, avaient paye´ les premiers douzie`mes en assignats, et le surplus en mandats, conforme´ment a` la loi du 15 germinal an 4, dont la re´gie de l’enregistrement, par sa circulaire du 14 flore´al de la meˆme anne´e, no 892, avait prescrit l’application au recouvrement des prix de vente des biens nationaux. Une loi du 23 frimaire an 8 (no 3465), avait de´clare´ valablement libe´re´s les comptables qui s’e´taient acquitte´s de leur de´bet durant le cours force´ du papier monnaie. Un arreˆte´ des consuls du 22 prairial an 10, portait : «Tous les paiemens faits par les acque´ reurs de domaines nationaux en assignats ou mandats, valeur nominale, tant que ces papiers ont e´te´ en circulation, sont de´clare´s valables.» Pour e´luder des dispositions aussi pre´cises, on de´cida d’abord b que les mandats donne´s en paiement du prix d’une vente de domaines nationaux, payables originairement en assignats, ne pouvaient eˆtre employe´s que pour a b

24 frimaire an 12, no 183. Circulaire du 22 ventose an 13.

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leur valeur nominale, et non pour leur valeur compare´e a` celle des assignats. D’apre`s cette de´cision, 1,000 fr. en mandats, repre´sentant, au taux le´gal, 30,000 fr. en assignats, n’e´taient impute´s que pour 1,000 fr. assignats. On soutint ensuite a que c’e´tait a` tort que la re´gie de l’enregistrement avait ordonne´, par sa circulaire no 892, l’application de l’e´chelle de proportion e´tablie par la loi du 15 germinal an 4, aux paiemens en mandats faits par les acque´reurs de biens nationaux, et que cette loi n’e´tait relative qu’aux transactions entre particuliers. Enfin on obtint, le 22 octobre 1808, un de´cret impe´rial qui porte, art. 3 : «La somme que l’acque´reur restait devoir en assignats, lorsqu’il a effectue´ son paiement en mandats, sera re´duite en nume´raire au cour du jour de la vente ; et les mandats qu’il a verse´s seront pareillement re´duits en nume´raire, au cours du jour du versement, pour en faire imputation jusqu’a` due concurrence.» En vertu de cette disposition, tous les acque´reurs qui s’e´taient libe´re´s en mandats ont e´te´ force´s de payer en nume´raire un supple´ment de prix, que des inte´reˆts accumule´s ont e´leve´ a` une somme souvent tre`s-conside´rable. Les cre´anciers d’e´migre´s qui, conforme´ment aux lois des 25 juillet 1793 et 1er flore´al an 3, avaient employe´ leurs cre´ances en paiement de biens nationaux, n’ont pas e´te´ plus heureux. On a suppose´ que les administrations de´partementales avaient pu leur eˆtre trop favorables. Un de´cret impe´rial du 13 de´cembre 1809 a autorise´ le bureau des de´comptes a` re´viser toutes les liquidations ; et des acque´reurs ont e´te´ constitue´s de´biteurs, par cela seul qu’ils ne pouvaient, de nouveau, pre´senter des titres de´ja` de´pose´s et liquide´s depuis plus de quinze ans. Il ne suffisait pas d’e´tablir des de´bets ; il fallait les recouvrer. D’apre`s les articles 2106 et 2135 du Code Civil, le tre´sor public ne peut exercer aucuns privile`ges ni hypothe`ques, s’ils n’ont pas e´te´ conserve´s par une inscription. Suivant l’article 2227 du meˆme Code, l’Etat est soumis aux meˆmes prescriptions que les particuliers ; ainsi un acque´reur de bonne foi, et a` juste titre, peut se pre´valoir contre lui de la prescription de´ce´nale prononce´e par l’article 2265. On a me´connu des dispositions aussi formelles ; on a exhume´ une instruction, du 10 juillet 1791, qui porte que, jusqu’a` l’entie`re libe´ration de l’adjudicataire d’un bien national, les diverses parties de ce bien demeurent hypothe´que´es a` la totalite´ du paiement. On en a conclu (ce qui ne paraıˆt pas tre`s-re´gulier) que l’hypothe`que subsistait sans inscription, et en cas d’insolvabilite´ ou d’absence de l’adjudicataire primitif, on a poursuivi, pour des reliquats de de´comptes tardivement e´tablis, des de´tenteurs qui avaient acquis devant notaires ou en justice, et qui n’avaient paye´ leur prix qu’en a

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vertu du jugement d’ordre ou sur la repre´sentation d’un certificat du Conservateur constatant qu’il n’existait aucune inscription hypothe´caire. Le de´cret impe´rial du 22 octobre 1808, que j’ai de´ja` cite´, donnait lieu d’espe´rer que ces mesures fiscales ne seraient pas inde´finiment prolonge´es ; l’article 5 de ce de´cret porte : «Les quittances pour solde ou dernier terme de´livre´es aux acque´reurs par les pre´pose´s des domaines charge´s de recevoir leur paiement, vaudront comme de´compte de´finitif s’il s’est e´coule´ six ans, a` dater de la publication du pre´sent de´cret, sans que l’administration leur ait fait notifier de de´compte.» A la fin d’octobre 1814, ces six anne´es e´taient revolues, le Gouvernement impe´rial n’existait plus, le Ministre des finances1 d’alors, le meˆme que celui qui les re´git aujourd’hui, sentit la ne´cessite´ de rassurer les proprie´taires de biens nationaux. Un exce`s de ze`le ayant porte´ un directeur des domaines a` provoquer la de´che´ance de paisibles possesseurs, a` de´faut de paiement d’un modique reliquat sur vente d’un bien d’e´migre´ e´tabli a` la charge de l’acque´reur primitif ; le Ministre prononc¸a sa destitution, et ordonna qu’a` l’avenir, aucun arreˆte´ de de´che´ance concernant des adjudications ante´rieures aux lois des 15 et 16 flore´al an 10, ne pourrait eˆtre exe´cute´ qu’apre`s avoir rec¸u son approbation. Le bureau des de´comptes sembla se re´signer a` sa suppression. Les de´comptes productifs, dresse´s par les directeurs, avaient, a` toutes les e´poques, e´te´ ve´rifie´s dans les trois mois de leur re´ception, et d’apre`s l’article 5 du de´cret du 22 octobre 1808, il paraissait difficile de faire un travail utile, sur les contrats re´pute´s solde´s, relativement auxquels les directeurs, malgre´ l’appaˆt d’une e´norme remise, n’avaient pu e´tablir aucun de´bet. Le bureau des de´comptes se de´cida, en conse´quence, a` renvoyer aux directeurs, sans plus ample ve´rification, deux cent cinquante mille de´comptes, avec autorisation de de´livrer le quitus. Mais, une autre e´poque est venue, et comme il est arrive´ sous bien d’autres rapports, ce qu’avait fait un Ministre constitutionnel en 1814, un Ministre de 1815 la de´fait2. Sous l’administration de M. le comte Corvetto3, on a vu surgir de toutes parts, des demandes adresse´es au bureau des de´comptes, et tendant a` prolonger inde´finiment les recherches contre les acque´reurs de domaines nationaux. 1 2 3

Le baron Louis. Au lieu de l’a de´fait ; l’erreur de syntaxe est dans la source. On rappelle que Louis avait ce´de´ son portefeuille a` Corvetto, le premier des trois ministres des Finances qui se sont succe´de´ sous le gouvernement Richelieu. Louis retrouvera sa fonction ministe´rielle sous le gouvernement Dessolles.

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L’une de ces demandes ayant e´te´ renvoye´e au comite´ des finances, a donne´ lieu a` une de´libe´ration remarquable, prise le 4 octobre 1816, sous la pre´sidence de M. le comte Be´ranger1. Je prie la Chambre de me permettre de lui en donner lecture : Le comite´ des finances, sur le renvoi fait par Son Excellence le Ministre secre´taire d’E´tat au meˆme de´partement, de la re´clamation de M. le chevalier de Renusset, contre l’autorisation donne´e par l’administration des domaines a` ses directeurs, de de´livrer des quitus a` la suite de de´comptes non ve´rifie´s, lorsqu’il est annonce´ en teˆte qu’il y a quittance pour solde. Vu la de´libe´ration prise par le conseil d’administration des domaines, le 3 avril dernier, et la lettre du Directeur ge´ne´ral, du 15 mai suivant, dans lesquelles on fait connaıˆtre les motifs qui ont de´termine´ le renvoi fait aux directeurs, de deux cent cinquante-un mille vingt-quatre de´comptes de cette nature, et l’autorisation de de´livrer des quitus en ces termes : «pour quitus de´livre´ conforme´ment a` l’article 5 du de´cret du 22 octobre 1808.» Lesdites lettre et de´libe´ration tendant en meˆme temps a` faire statuer sur la question de savoir si les porteurs de quittance dites finales pour solde, pour dernier terme, ou pour restant duˆ, mais contenant en meˆme temps des re´serves quelconques plus ou moins e´tendues, sont fonde´es a` se pre´valoir de l’expiration des de´lais fixe´s par les articles 5 et 6 du de´cret du 22 octobre 1808. Vu les articles 5 et 6 du de´cret du 22 octobre 1808 ; Conside´rant, 1o, quant au renvoi des de´comptes, que le Gouvernement ayant cru devoir, pour mettre un terme aux inquie´tudes continuelles des acque´reurs, fixer une e´poque de prescription, apre`s laquelle il renonc¸ait a` toutes poursuites contr’eux, il ne peut plus, ce de´lai une fois expire´, rien exiger d’eux directement, ni indirectement, ni dans son inte´reˆt, ni dans celui d’un tiers. Que toute disposition qui pourrait faire soupc¸onner des intentions contraires, ferait naıˆtre des doutes sur la bonne foi du Gouvernement, et laissant, malgre´ les dispositions constitutionnelles et l’article premier de la loi du 5 de´cembre 1814, des inquie´tudes aux acque´reurs, jetterait sur ces biens un discre´dit, qui entraverait les mutations. Enfin, que la loi du 5 de´cembre 1814 n’ayant fait que ce´der aux e´migre´s les droits du domaine, ils ne peuvent avoir ni exercer plus de droit que le domaine lui-meˆme.

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Jean Be´renger, de´ja` colle`gue de BC au Tribunat, directeur ge´ne´ral des impoˆts indirects de 1814, l’un des acteurs les plus en vue de la politique financie`re sous le Consulat, l’Empire et la Restauration.

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2o. Quant aux quittances portant sur des re´serves quelconques ; que le de´cret du 22 octobre 1808, ne faisant aucune diffe´rence entre les quittances pour solde ou dernier terme qui contenaient ou ne contenaient pas des re´serves quelconques, elles e´taient e´galement insuffisantes aux yeux du Gouvernement, qui n’en poursuivait pas moins le paiement du restant duˆ, et que, par conse´quent, la re´serve, si elle n’e´tait pas formellement exprime´e, e´tait toujours implicite ; Que ce de´cret n’a eu d’autre but que d’autoriser le domaine a` poursuivre des acque´reurs qui posse´daient de´ja` un titre libe´ratoire, de qui il n’avait pas de´pendu d’obtenir une quittance pour solde ou dernier terme sans aucune re´serve, et qui ont droit d’exiger une quittance de´finitive ; Enfin, que, si l’agent qui a donne´ quittance e´tait incompe´tent pour libe´rer de´finitivement, il l’e´tait e´galement pour rendre vaines et illusoires, par une simple re´serve, les dispositions formelles d’un de´cret ; Est d’avis, 1o. qu’il n’y a pas lieu de re´voquer les ordres donne´s par l’administration, pour le renvoi et la de´livrance des de´comptes avec le quitus indique´. 2o. Que les re´serves quelconques, inse´re´es dans les quittances pour solde ou dernier terme par les agents du domaine, n’ont pu interrompre la prescription fixe´e par les articles 5 et 6 du de´cret du 22 octobre 1808, et qu’on ne peut s’en pre´valoir contre les acque´reurs au profit desquels la prescription est acquise. Fait au comite´, le 4 octobre 1816. Pour le Pre´sident absent. Signe´ : BE´ RANGER, FUMERON D’ARDEUIL, rapporteur a. Si les principes consacre´s par cet avis avaient e´te´ suivis franchement, le bureau des de´comptes aurait sur-le-champ cesse´ ses fonctions, et le modique travail, restant a` faire sur cette partie, aurait e´te´ confie´ a` la division de comptabilite´ ou aux divisions de correspondance qui en e´taient charge´s avant 1807. Ce bureau a e´te´ maintenu, et on peut juger dans quel inte´reˆt il subsiste, en voyant, par la circulaire de M. le Directeur ge´ne´ral de l’enregistrement1, du 22 octobre 1817, qu’on a de´ roge´ pour les e´migre´s a` la loi du 28 avril 1816, et qu’on a paye´ en nume´raire leurs cre´ances ante´rieures au 1er janvier 1816, tandis que les indemnite´s dues aux proprie´taires exproprie´s pour cause d’utilite´ publique en 1815 et dans les anne´es pre´ce´dentes, ont e´te´ liquide´es en valeur de l’arrie´re´. Les articles additionnels, que je propose d’adopter, a

Le pre´sident absent e´tait M. de la Bouillerie, sous-secre´taire d’E´tat.

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Barrairon occupait de´ja` cette fonction en 1817.

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rame`neront l’ordre sans secousse. Tout ce qui peut eˆtre le´gitimement exige´ des acque´reurs ou de´tenteurs de biens nationaux sera recouvre´ en vertu du visa d’un Ministre responsable ; une disposition le´gale mettra un terme a` des recherches qui n’ont que trop dure´ : les proprie´te´s qu’on appelle nationales rentre ront dans le droit commun ; et on ne verra plus subsister une diffe´rence proscrite par l’article 9 de la Charte. Le tre´sor public y perdra peu de chose ou meˆme il y gagnera. Le produit brut des de´comptes avec les acque´reurs de biens domaniaux est porte´ distinctement pour 600,000 fr. dans l’e´tat B, annexe´ a` la loi de finances de 1818. Dans l’e´tat des recettes pre´sume´es de la direction ge´ne´rale de l’enregistrement pour 1819, page 131, les prix de ventes d’immeubles, avant et apre`s le de´compte, sont compris confuse´ment pour 1 million 200,000 fr. en appliquant moitie´ de l’e´valuation aux recouvremens sur ventes d’immeubles apre`s de´comptes, on trouverait, comme pour 1818, une somme de 600,000 fr. Mais la recette re´elle paraıˆt devoir eˆtre moindre d’apre`s le rapport de M. le comte Beugnot, du 7 juin 1819, qui porte, page 9 : «Les reliquats ... de de´comptes d’acque´reurs de biens nationaux donnaient encore en 1818, des produits de quelque importance devenus tre`s faibles aujourd’hui.» Sur le produit brut, quel qu’il soit, il faut de´duire d’une part, 117,000 fr. que couˆte le bureau de ve´rification des de´comptes, et de l’autre les remises des receveurs, et les attributions des directeurs. Ainsi le produit net pour le tre´sor est presque nul. Au surplus, les articles additionnels que je propose, ne tendent pas a` l’affaiblir. Leur re´sultat sera : De haˆter le recouvrement de ce qui est le´galement exigible. De faire disparaıˆtre des budgets futurs un article que la loi du 15 mai 1818 classait dans une colonne particulie`re, intitule´e : recette qui n’est que temporaire ; de remplir le vœu de l’article IX de la Charte, d’apre`s lequel aucune diffe´rence ne doit exister entre les proprie´te´s patrimoniales, et celles qu’on appelle nationales. Enfin d’augmenter le produit de l’enregistrement, en rendant plus fre´quentes et plus productives les mutations des biens nationaux. J’aurais pu ne comprendre dans mes amendemens que les ventes ante´rieures aux lois des 15 et 16 flore´al an 10 ; ce sont les seules pour lesquelles il y ait eu des paiemens faits en papier-monnaie, en effets publics ou en cre´ances sur e´migre´s. Il y a peu de difficulte´s sur les alie´nations poste´rieures au se´natus-consulte, du 6 flore´al an 10, qui a autorise´ la restitution aux e´migre´s, de leurs biens non vendus ; mais il m’a paru avantageux pour la

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tranquillite´ publique, d’e´tendre la mesure que je propose, a` toutes les ventes faites ante´rieurement a` la Charte. Le prix, d’apre`s les lois des 15 et 16 flore´al an 10 et du 5 ventose an 12, e´tait payable en totalite´ en quatre ans et trois mois ; ainsi, meˆme pour les ventes bien peu nombreuses qui peuvent avoir eu lieu dans les cinq premiers mois de 1814, tous les termes de paiement sont e´chus depuis pre`s d’un an, et tous les de´comptes doivent eˆtre re´gle´s et ve´rifie´s.

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Voies et moyens. TITRE IV. ARTICLE 24

ADDITIONNEL.

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1 . Aucun acque´reur ou de´tenteur de tout ou partie d’un bien national, dont l’alie´nation est ante´rieure au 4 juin 1814, ne pourra eˆtre poursuivi pour paiement d’un reliquat de de´compte, qu’en vertu d’une contrainte vise´e par le Ministre des finances. 2o. Tout acque´reur ou de´tenteur auquel une contrainte, reveˆtue du visa du Ministre, n’aura pas e´te´ signifie´e avant le 1er janvier 1820, sera de´finitivement libe´re´, et aucune re´pe´tition ulte´rieure ne pourra eˆtre exerce´e contre lui.

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[Addition, en bas de page, pp. 16–21]1 M. le Garde des Sceaux a dit a` la tribune que j’e´tais, pour la seconde fois, dans l’erreur, en pre´tendant que la re´gie de l’enregistrement avait viole´ la loi d’avril 1816, par le paiement, en nume´raire, de sommes qui, aux termes de cette loi, ne devraient eˆtre paye´es qu’en valeur de l’arrie´re´. «La loi de de´cembre 1814,» a continue´ Son Excellence, «a remis aux e´migre´s leurs biens non vendus, et en meˆme temps le prix de ces biens, qui pouvaient encore eˆtre dus par quelques acque´reurs ... Le domaine n’est ici que de´positaire des fonds qu’il touche ; et en matie`re de de´poˆt, il est de principe de le restituer en nature ... Ce qui e´tait regarde´ comme un de´poˆt devait eˆtre en nume´raire ; ainsi il n’y a pas de violation de la loi.»

1

L’intervention de BC suscitera deux re´actions : d’abord celle du rapporteur de la commission, Beugnot, plutoˆt d’accord avec l’esprit de l’intervention de BC, mais estimant que dans la re´alite´, l’affaire e´tait de´sormais re´siduelle et ne ne´cessitait pas de disposition re´glementaire spe´ciale et le garde des Sceaux de Serre, qui rele`ve une erreur dans le propos de BC. C’est en re´ponse a` cette intervention que ce dernier prolonge son intervention par les lignes ci-apre`s qui, tant dans l’e´dition de l’Opinion de M. Benjamin Constant que dans les Archives parlementaires (t. XXV, p. 448), figurent sous forme de note de bas de page.

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Avant de re´pondre a` M. le Garde des Sceaux, je vais mettre sous les yeux du lecteur, le texte de la loi de 1816, et la circulaire de M. le Directeur ge´ne´ral.

TITRE

LOI DU 28 AVRIL 1816. IV. Acquittement de l’arrie´re´.

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ART. 12 «Les cre´ances ante´rieures au 1 avril 1814, et les de´penses restant a` acquitter sur le service des neuf derniers mois de 1814 et sur l’exercice 1815, en exce´dant des recettes de ces deux exercices, seront re´unies sous le titre d’arrie´re´ ante´rieur au 1er janvier 1816. ART. 12 [sic – pour 13] Les cre´ances arrie´re´es pour lesquelles il n’a pas encore e´te´ de´livre´ d’obligations, en exe´cution de la loi du 23 septembre 1814, continueront a` eˆtre liquide´es, conforme´ment aux lois existantes a, et dans les formes de´termine´es par les ordonnances de Sa Majeste´.»

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Extrait de la Circulaire du 22 octobre 1817

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... «On doit rembourser en nume´raire les sommes restant dues sur les biens des e´migre´s, alie´ne´s et remboursables aux anciens proprie´taires, conforme´ment a` la loi du 5 de´cembre 1814, ainsi que les revenus provenant des biens de meˆme nature, qui seraient restitue´s d’apre`s la meˆme loi. ... «Les de´penses ci-apre`s de´signe´es, qui concernent e´galement l’administration, ne peuvent eˆtre acquitte´es qu’en valeur de l’arrie´re´. 1o. La portion revenant a` un re´gnicole, dans les revenus touche´s pour l’E´tat, avant le 1er janvier 1816 et pendant l’indivision d’une succession se´questre´e pour cause d’e´migration. (Avis du comite´ des finances du 3 de´cembre 1816, approuve´ par le Ministre, le 22 du meˆme mois.) 2o. Les indemnite´s dues ante´rieurement a` la meˆme e´poque, aux proprie´taires exproprie´s pour cause d’utilite´ publique, la loi du 25 mars 1817, ayant abroge´ l’ordonnance du 30 avril 1816. (Avis du conseil d’E´tat, du 28 avril 1817. Lettre du Ministre des finances, du 27 mai suivant.) 3o. Les droits d’enregistrement induˆment perc¸us avant ledit jour 1er janvier 1816. (De´cision du Ministre des finances, du 19 mai 1817.) 4o. Les sommes dont les comptables des re´gies sont constitue´s en avance sur des gestions ante´rieures au 1er janvier 1816. (De´cision du Ministre des finances du 11 septembre 1817.) Signe´ Le conseiller d’E´tat, directeur ge´ne´ral, BARRAIRON.

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C’est-a`-dire en valeur de l’arrie´re´.

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Il re´sulte du rapprochement de la loi et de la circulaire pre´cite´es, que la loi n’avait e´tabli aucune diffe´rence entre les sommes dues a` des e´migre´s et les sommes dues aux proprie´taires e´vince´s pour cause d’utilite´ publique, aux comptables en avance, et aux personne de qui on aurait exige´ induˆment des droits d’enregistrement, et que la diffe´rence e´tablie par la circulaire entre ces deux genres de cre´ances, est directement contraire a` la loi. Ce que M. le Garde des Sceaux a dit du domaine qui, selon Son Excellence, ne devait se conside´rer que comme de´positaire, est faux. 1o. Ce n’e´tait point comme fonde´ de pouvoir des e´migre´s, mais comme proprie´taire, que l’E´tat, au nom duquel le domaine perc¸oit et paye, avait vendu les biens pour lesquels il rendait les sommes restant dues ; 2o. C’e´tait de meˆme comme proprie´taire que l’E´tat recevait les revenus des biens non vendus ; 3o. La loi de de´cembre 1814 qui restitue aux e´migre´s leurs biens non vendus et les revenus de ces biens, ainsi que les sommes dues pour reliquat de vente, n’a rien change´ a` la qualite´ de proprie´taire exerce´e jusqu’a` ce jour par l’E´tat ; 4o Les e´migre´s ne sont redevenus proprie´taires des biens ou revenus a` eux restitue´s, qu’a` dater du jour de la mise en possession. Jusqu’alors l’E´tat continuait a` exercer son droit de proprie´te´, et a` cette e´poque, il est devenu non pas de´positaire, mais de´biteur : et en cette qualite´, il devait payer ce qu’il devait aux e´migre´s, comme il payait ce qu’il devait aux proprie´taires e´vince´s pour cause d’utilite´ publique et autres cre´anciers soumis a` la loi d’avril 1816. Le syste`me de M. le Garde des Sceaux est une interpre´tation arbitraire de la loi, interpre´tation par laquelle Son Excellence est sortie des bornes de sa compe´tence, pour justifier un acte ille´gal de la direction de l’enregistrement, et la justification est aussi re´pre´hensible que l’acte lui-meˆme. Quant a` la nature de la cre´ance, certes, celle d’un proprie´taire e´vince´ pour cause d’utilite´ publique, et qui, en vertu de l’article 10 de la Charte, aurait duˆ re cevoir une indemnite´ avant l’e´viction, est aussi respectable, et pourrait aussi bien eˆtre envisage´e comme un de´poˆt que celle d’un e´migre´. L’E´tat de´pouille un homme de sa proprie´te´, sous la condition expresse de l’indemniser pre´alablement. Il enfreint cette condition formelle ; l’indemnite´, au lieu d’eˆtre pre´alable, est tardive, et le proprie´taire est indemnise´ en valeur de l’arrie´re´. Il en est de meˆme des redevables en avance. Un homme pre´sente, en 1815, un acte a` l’enregistrement, ou fait une de´claration de succession. Le receveur ignorant, ou chicaneur, exige une somme plus forte que celle qui est due le´gitiment. La loi du 22 frimaire an 7 porte : Nul ne peut atte´nuer ni diffe´rer le paiement, sous le pre´texte de contestations sur la quotite´, ni pour

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quelqu’autre motif que ce soit, sauf a` se pourvoir en restitution s’il y a lieu. L’ordre de restitution n’est de´livre´ qu’apre`s la loi du 28 avril 1816. La restitution n’a lieu qu’en valeur de l’arrie´re´. Il en est de meˆme encore des avances des receveurs. Un receveur a verse´, jusqu’au 30 de´cembre 1815, tout ce qu’il a rec¸u. Le 31, des exe´cutoires pour frais de justice lui sont pre´sente´s : il les paie de ses deniers. La somme lui est rembourse´e apre`s le 28 avril 1816, et elle l’est en valeur de l’arrie´re´. Je ne justifie point la loi du 28 avril 1816 : tous ces paiemens en valeurs factices sont des banqueroutes ; mais une distinction faite arbitrairement entre les cre´anciers frappe´s par ces lois injustes, est une injustice de plus, qu’il est faˆcheux de voir sanctionner par le Ministre charge´ spe´cialement de maintenir l’obe´issance et le respect dus aux lois.1

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Les articles additionnels propose´s dans l’amendement de BC sont balaye´s par la Chambre a` la question pre´alable.

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[Intervention sur une pe´tition]* Se´ance du 7 juillet 18191

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La chambre ne croira pas devoir passer a` l’ordre du jour sur une telle re´clamation. Les pe´titionnaires invoquent l’exe´cution de la loi. Il est impossible que le Gouvernement se fonde sur les difficulte´s qu’il e´prouve, pour infliger aux condamne´s une autre peine. Vous ne voudrez pas en quelque sorte sanctionner cette peine en passant a` l’ordre du jour. (M. de Chabriant. Nous ne sanctionnons pas2.) Je propose de renvoyer la re´clamation au ministre de la justice.3

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 190, vendredi 9 juillet 1819, p. 916a ; Archives parlementaires, t. XXV, p. 593. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, jeudi 8 juillet 1819, p. 93bc ; Le Courier, no 18, jeudi 8 juillet 1819, p. 2b ; Le Constitutionnel, no 189, jeudi 8 juillet 1819, p. 3a ; L’Inde´pendant, no 61, jeudi 8 juillet 1819, p. 3b.

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Des condamne´s au bannissement qui n’avaient pas pu eˆtre exile´s hors de France et subissaient leur peine dans des prisons sur le territoire demandaient, par une pe´tition, a` ce que la commutation du bannissement en emprisonnement soit effectue´e en proportion des minima et maxima de´finis par la nouvelle loi. Le rapporteur de la commission (Lizot) estimant que le traitement de cette demande n’e´tait ni du ressort de la Chambre ni de l’autorite´ judiciaire, mais ne pouvait de´pendre que d’un acte de cle´mence royale, propose de ne pas entrer en matie`re. C’est la` que BC re´agit. Le de´pute´ de la droite Chabrian. Appuye´ par Pasquier et Laisne´ de Ville´veˆque, BC obtiendra ici gain de cause.

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Sur la pe´tition des e´coles de droit.* (Se´ance du 10 juillet 1819.)1

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MESSIEURS, Si j’avais pu re´voquer en doute la ne´cessite´ de renvoyer au gouvernement la pe´tition qui vous est soumise, le discours de l’honorable membre qui descend de la tribune m’aurait convaincu de cette ne´cessite´. A l’en croire, la question qui vous occupe est de la plus haute importance ; il ne s’agit point de quelques de´sordres provenant, soit de l’effervescence d’une jeunesse inconside´re´e, soit des mesures mal combine´es des agens de l’autorite´ ; il s’agit d’un vaste complot, ourdi par des hommes e´trangers aux e´coles, sur plusieurs points de la France. L’honorable pre´opinant vous a e´nume´re´ les colle´ges, en grand nombre, ou` des troubles ont e´clate´ ou devaient e´clater simultane´ment ; et c’est au moment ou` cette de´nonciation solennelle vient de retentir a` cette tribune, que vous passeriez a` l’ordre du jour sur une pe´tition qui se rapporte aux faits les plus graves contenus dans cette de´nonciation2 ! *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 152–156 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 152–156 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 193, lundi 12 juillet 1819, p. 933bc [=M] ; Archives parlementaires, t. XXV, pp. 652–653. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 162–166. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, dimanche 11 juillet 1819, pp. 106c–107a ; Journal des de´bats, dimanche 11 juillet 1819, p. 3b ; Le Courier, no 21, dimanche 11 juillet 1819, pp. 2b–3a ; Le Constitutionnel, no 192, dimanche 11 juillet 1819, p. 2b ; La Quotidienne, no 192, dimanche 11 juillet 1819, p. 2ab ; L’Inde´pendant, no 64, dimanche 11 juillet 1819, p. 3a ; Gazette de France, no 192, dimanche 11 juillet 1819, p. 751b.

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Des e´le`ves de l’E´cole de droit de Paris avaient adresse´ a` la Chambre une pe´tition suite a` la suspension par le doyen du professeur de proce´dure civile et criminelle, accuse´ d’avoir provoque´ des troubles dans l’institution (voir M. Ventre-Denis, «La Faculte´ de droit de Paris et la vie politique sous la Restauration. L’affaire Bavoux», Revue d’histoire des Faculte´s de droit et de la science juridique, mai 1987, pp. 35–64). La commission estime que la Chambre n’est pas compe´tente pour se prononcer et propose de passer a` l’ordre du jour. Mais plusieurs intervenants entament une discussion qui se prolongera avec deux interventions significatives de Daunou et de Royer-Collart. C’est a` la suite de ce dernier que BC prend la parole. Dans le Comple´ment ci-apre`s, pp. 759–765, sont publie´es a` titre d’exemple six versions diffe´rentes de ce discours sur les huit reproduites dans la presse ; celles du Moniteur et de La Renomme´e sont tre`s similaires au texte de base. L’intervention s’annonce donc comme une attaque en re`gle contre l’opinion pre´sente´e par Royer-Collart, sur laquelle BC s’appuiera ne´anmoins pour de´fendre l’ide´e (de´ja` formule´e par Daunou), de la ne´cessite´ de clarifier cette affaire en obligeant le gouvernement a` enqueˆter se´rieusement.

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Mais daignez re´fle´chir a` ce que, dans nos formes le´gislatives, l’ordre du jour signifie ! En l’adoptant, vous de´clarez que les faits ou les re´clamations qu’une pe´tition renferme ne sont pas de nature a` fixer l’attention du gouvernement ; que ces re´clamations ou ces faits sont d’un trop faible inte´reˆt, de trop peu d’importance1 : est-ce la` ce que vous pouvez faire dans la circonstance actuelle ? Non, Messieurs, aucune pe´tition ne vous serait parvenue, le bruit public seul vous aurait informe´ de ce qui s’est passe´ a` l’Ecole de droit, que vous devriez recommander au gouvernement l’examen et la ve´rification de faits qu’on vous de´peint comme si graves. C’est la` ce que vous ferez, et vous ne ferez rien de plus en ordonnant le renvoi au gouvernement ; par ce renvoi, vous ne pre´jugez rien, tout reste intact : seulement vous te´moignez le de´sir que tout soit e´clairci, et la conduite des e´tudians, que je n’inculpe ni ne justifie, et celle du professeur dont les lec¸ons ont servi de pre´texte, et celle du doyen qui a e´te´ l’occasion du scandale, et la de´cision de la commission d’instruction publique, et enfin l’emploi de la force arme´e. Car tout cela, Messieurs, doit eˆtre examine´. Dans une affaire qui est encore obscure, qui s’est complique´e de plusieurs actes dont la re´gularite´ n’est nullement prouve´e, dans une affaire qui s’est prolonge´e plusieurs jours, il est possible, il est probable que plus d’une des parties a eu des torts ; il faut que le gouvernement s’en assure pour qu’il puisse rendre justice, et votre renvoi ne fait que l’inviter a` s’en assurer. Si ce que vous a dit l’honorable pre´opinant est fonde´, s’il y a eu, dans les de´sordres qui vous affligent, de coupables ramifications, si ces de´sordres ne se bornent pas seulement aux e´coles de la jeunesse, mais tiennent encore a` de criminelles machinations de parti, il faut remonter a` leur source, de´voiler ces machinations, atteindre et frapper ces hommes qui ont eu la sacrile´ge audace de vouloir semer la re´volte la` ou` est l’espe´rance de notre patrie, et corrompre la ge´ne´ration naissante sur laquelle repose la force future, la gloire a` venir de notre pays. Si, comme je le pense, le ze`le meˆme du pre´opinant pour le bien et pour le repos public lui a fait concevoir des alarmes fort exage´re´es qu’il pourrait communiquer au gouvernement, il faut aussi que le gouvernement examine ces assertions inquie´tantes, pour se rassurer lui-meˆme et pour rassurer la France ; il trouvera, je le pense, beaucoup de motifs de se´curite´. 2 signifie ! ] signifie. M 933b 5 d’importance : est-ce la` ] d’importance. Est-ce la` M 933b 21 torts ; il faut ] torts. Il faut M 933b 35 la France ; il trouvera ] la France. Il donnera M 933c 1

On peut savoir gre´ a` BC de donner une de´finition aussi pre´cise de ce que signifie «passer a` l’ordre du jour», tout comme, un peu plus bas, il explique ce qu’implique le «renvoi au gouvernement».

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Sur la pe´tition des e´coles de droit

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J’en trouve dans ses propres paroles, Messieurs ; et, en vous les rappelant, je vous en convaincrai. Dans une e´nume´ration des colle´ges ou` des troubles avaient eu lieu, il vous a dit que les jeunes gens, arreˆte´s en divers lieux de la France, n’avaient pu eˆtre amene´s a` aucun aveu qui donnaˆt des lumie`res sur les instigateurs de ces troubles, mais s’e´taient tous re´unis pour assigner a` leurs e´garemens passagers l’ennui, le de´sir de sortir du colle´ge et de retourner dans leurs familles. Il a vu dans ces re´ponses uniformes je ne sais quoi de myste´rieux et d’effrayant1. J’y vois au contraire la preuve que rien entre ces jeunes gens n’e´tait concerte´. En effet qui peut croire que parmi tant de jeunes gens isole´s, arreˆte´s, interroge´s se´pare´ment, tous dans la fougue et dans la candeur de l’aˆge, pas un n’aurait ce´de´ aux sollicitations des maıˆtres, a` l’adresse des questionneurs. Non, Messieurs, s’ils n’ont re´ve´le´ aucun secret, c’est qu’aucun secret n’existait. S’ils n’ont rien dit, c’est qu’ils n’avaient rien a` dire. Les causes de leurs torts e´taient le´ge`res comme leurs torts meˆmes. De´ja` il est e´chappe´ a` l’honorable pre´opinant un mot dont je le remercie, parce qu’il atteste sa loyaute´. Il nous a parle´ de l’honorable carrie`re de M. Bavoux2 et de treize anne´es irre´prochables. Certes on ne supposera pas, qu’apre`s un long espace consume´ dans de me´ritoires travaux, un professeur ait preˆche´ tout a` coup des doctrines se´ditieuses. En ve´rifiant les faits, le gouvernement rendra justice a` tous ceux auxquels la justice doit eˆtre rendue, et votre renvoi ne fait que l’inviter a` la ve´rification des faits. Nous verrons alors qu’il n’est pas vrai que ces troubles, qui ont eu lieu dans tous les temps, tiennent a` des partis qu’on veut a` tort nous signaler comme formidables. Nous verrons que la jeunesse franc¸aise est inaccessible a` tout esprit de faction, que les sentimens qui la dirigent sont l’amour de la Charte, du roi constitutionnel, de la liberte´ et de l’e´tude ; de l’e´tude qui fait ses de´lices ; car, a` aucune e´poque, la ge´ne´ration naissante ne fut si avide de science, si consacre´e a` la recherche de tout ce qui est bon, de tout ce qui est beau. J’en prends a` te´moins tous ceux qui fre´quentent les colle´ges ; nos

12 des questionneurs ] des questionneurs ? M 933c en est de meˆme ici. M 933c

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15 leurs torts meˆmes. ] apre`s ces mots Il

On a peine a` trouver ces propos dans le discours de Royer-Collart, visiblement surinterpre´te´ par BC. Mais ce que son pre´de´cesseur a` la tribune avait clairement e´voque´, c’est l’implication des partis d’opposition dans les troubles enregistre´s les derniers mois dans des colle`ges de diffe´rentes villes. BC ne pouvait pas laisser passer de tels soupc¸ons. Franc¸ois-Nicolas Bavoux, professeur supple´ant a` la Faculte´ de droit depuis 1804, juge au tribunal de la Seine. Il lui sera intente´ un proce`s pour les faits incrimine´s, dont le Moniteur rendra compte dans ses livraisons du 31 juillet et du 1er aouˆt.

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jeunes gens, qui sont l’espoir et qui seront la gloire de la patrie, n’ont de passion que celle de s’instruire, de plaisir que celui de chercher et de de´couvrir la ve´rite´. En leur rendant cette justice, Messieurs, je ne pre´tends point excuser des faits que j’ignore ; mais vous les ignorez ainsi que moi, et en conse´quence vous ne pouvez point les pre´juger. Le renvoi au gouvernement ne pre´juge rien ; il prouve votre sollicitude pour la liberte´ d’une part, et pour l’ordre public de l’autre. Il atteste votre impartialite´ ; et c’est au nom de votre impartialite´ que je le demande. On vous a dit que tout ce que vous feriez, que tout ce que le gouvernement pourrait faire serait inefficace, et que les e´coles ne seraient paisibles que lorsque la nation serait pacifie´e. Mais la nation est pacifie´e ; car elle veut la Charte, et le troˆne constitutionnel fonde´ sur la Charte. Jeunes gens et vieillards sont re´unis dans cette volonte´ ferme et ine´branlable ; mais c’est pour cela qu’il ne faut pas, en pre´jugeant des faits sur lesquels vous n’avez aucune lumie`re, fle´trir une partie de cette nation, sa partie la plus importante, puisque c’est a` elle que l’avenir appartient. Je ne de´cide point s’il y a eu des torts, s’il y a des griefs, et de quel coˆte´ ces griefs et ces torts peuvent eˆtre ; je demande qu’en bons et loyaux de´pute´s, nous te´moignions, par un renvoi au gouvernement, notre sollicitude ; et qu’impassibles, parce que nous ne sommes pas suffisamment e´claire´s, nous ne donnions pas, par l’ordre du jour, la preuve d’une insouciance de´place´e et d’une aveugle se´curite´. J’appuie donc les conclusions de mon honorable colle`gue M. Daunou, en faveur du renvoi au gouvernement.1

19 peuvent eˆtre ; je demande ] peuvent eˆtre. Je demande M 933c

1

La discussion se poursuivra encore longuement, mais a` son terme, la Chambre vote clairement l’ordre du jour, seuls neuf de´pute´s (dont BC bien suˆr) se levant a` la contre-e´preuve.

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Introduction a` la session de 1819–1820

L’e´te´ de 1819 est marque´, sur le plan politique, par la pre´paration des e´lections de septembre. Forte de ses derniers succe`s, la constellation libe´rale – et spe´cialement sa frange gauche – avance ses pions avec de´termination, n’he´sitant pas a` pre´senter, a` l’e´lection du de´partement de l’Ise`re, un candidat particulie`rement controverse´ en la personne du ce´le`bre abbe´ re´volutionnaire Henri Gre´goire. Le jeu est risque´ dans la mesure ou` le centre ministe´riel continue de louvoyer entre gauche et droite et qu’un virage marque´ a` gauche pourrait, par re´action et sous la pression du cabinet du roi, pre´cipiter le centre dans le camp de la droite. C’est bien ce qui va arriver. Les e´lections de septembre donnent un re´sultat tre`s favorable aux libe´raux qui augmentent leur de´putation de vingt-cinq sie`ges. C’est un triomphe, symboliquement marque´ par le succe`s de l’abbe´ Gre´goire, qui sera cependant pour cette pe´riode de la Restauration libe´rale comme le chant du cygne. Car la droite, pique´e au vif et soutenue de surcroıˆt par les grandes puissances de l’alliance qui voient cette e´volution politique de la France d’un mauvais œil, va se remobiliser et peser toujours plus lourdement sur le gouvernement et sur le roi, notamment par le biais d’une presse tre`s virulente. De son coˆte´ l’homme fort du gouvernement, E´lie Decazes, a compris que s’il veut pouvoir continuer a` jouer son roˆle, il doit rompre toute alliance avec une gauche devenue trop puissante. Il assumera la pre´sidence d’un gouvernement remanie´ ou` les mode´re´s Dessolles, Gouvion-Saint-Cyr et Louis sont remplace´s, le 19 novembre, par des figures qui se sont repositionne´es plus a` droite : Pasquier (Affaires e´trange`res), La Tour-Maubourg (Guerre) et Roy (Finances). Les libe´raux vont donc entamer la nouvelle session de la Chambre en tant que puissante force d’opposition, mais de fait sans grand espoir de pouvoir obtenir de quelconques succe`s dans les votes. D’autant plus que cette gauche est elle-meˆme toujours plus divise´e. Benjamin Constant ressentira fortement cette situation difficile ; «Je suis triste & fatigue´. Je suppose des fraudes, je vois des intrigues, je crains des faiblesses d’un coˆte´, des folies de l’autre, & je m’afflige de mon impuissance a` organiser un parti qui suive une marche raisonnable», e´crit-il a` Goyet le 11 fe´vrier 18201. Il faut dire qu’il n’avait pas me´nage´ ses efforts, e´galement en dehors de la Chambre ; entre la cloˆture de la session pre´ce´1

OCBC, Correspondance, t. XI, p. 408.

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Introduction

dente et l’ouverture de la suivante, le de´pute´ de la Sarthe, prive´ de tribune in vivo, s’e´tait consacre´ a` l’activite´ journalistique qu’il menait depuis longtemps avec succe`s ; l’actualite´ politique est commente´e par lui presque au jour le jour dans les lettres qu’il donne tre`s re´gulie`rement a` La Renomme´e (une cinquantaine de chroniques de la mi-juin 1819 a` mai 1820) et quelques importants articles publie´s dans La Minerve1. Inde´pendamment du calendrier des Chambres, sa parole re´sonne sans interruption dans l’espace public et son autorite´ s’en trouve encore renforce´e, dans la meˆme proportion que l’antipathie ressentie a` son e´gard par ses ennemis politiques. Il a cependant fort a` faire, car les forces de´sormais dominantes au gouvernement et a` la Chambre sont de´termine´es a` faire passer un paquet de lois qui ente´rineront le grand pas en arrie`re amorce´ alors par rapport aux re´cents acquis : loi sur les e´lections, visant a` enrayer l’avance´e des libe´raux, loi sur la liberte´ de la presse, loi sur les liberte´s individuelles, sans parler d’une se´rie de mesures plus ponctuelles, comme la limitation dans la publicite´ des de´bats de la Chambre. Avec l’assassinat du duc de Berry, l’he´ritier du troˆne, dans la nuit du 13 au 14 fe´vrier 1820, les e´ve´nements vont se pre´cipiter. Le gouvernement et la droite profitent imme´diatement du choc cause´ par cet attentat pour faire porter sa responsabilite´ aux libe´raux et de´poser les projets de loi qui e´taient en pre´paration bien avant le 13 fe´vrier, projets qualifie´s de liberticides par les libe´raux. Ces derniers perc¸oivent aussitoˆt la menace que formule imme´diatement en leur nom a` la tribune de la Chambre le ge´ne´ral Foy, le 14 fe´vrier : «les amis de la liberte´ savent bien qu’on se pre´vaudra de cet affreux attentat pour chercher a` de´truire les liberte´s qui nous ont e´te´ donne´es, et les droits que la sagesse du monarque a reconnus et consacre´s»2. Tre`s vite, en effet, la droite, brandissant le spectre de l’anarchie et d’une nouvelle re´volution, fera tomber le gouvernement Decazes, remplace´ le 21 fe´vrier par un nouveau gouvernement Richelieu, et imposera le durcissement de l’appareil le´gislatif. Les libe´raux en seront de´sormais re´duits a` protester et a` marteler vainement, mais sans faiblir, les principes qui fondent leur pense´e et leur action. La session des Chambres est inaugure´e le 29 novembre 1819 avec la prestation de serment des de´pute´s nouvellement e´lus et le discours du roi qui laisse entendre assez clairement ce qui se pre´parait dans les coulisses : une modification de la loi sur les e´lections, exige´e par la droite qui tenait la loi Laine´ pour responsable de la monte´e irre´sistible et a` leurs yeux fatale des libe´raux. Dans les jours suivants, la Chambre proce´dera a` la re´partition de ses membres dans les neuf bureaux (Constant sera affecte´ au troisie`me), 1 2

Voir OCBC, Œuvres, t. XIII. Archives parlementaires, t. XXVI, p. 196. Au sujet du ge´ne´ral Foy dont il sera beaucoup question par la suite, voir J.-C. Caron, Les deux vies du ge´ne´ral Foy (1775–1825), Ceyze´rieu : Champ Vallon, 2014.

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puis a` la nomination des pre´sidents et secre´taires de ces bureaux (le troisie`me bureau aura pour pre´sident le mode´re´ Jacques-Fortunat SavoyeRollin qui vient d’eˆtre re´e´lu dans l’Ise`re et pour secre´taire le mode´re´ de la Dordogne, Pierre Maine de Biran). La Chambre commencera ses travaux de`s le 3 de´cembre, avec l’examen des proce`s-verbaux des colle`ges e´lectoraux, simple formalite´ en temps ordinaire, mais qui donne lieu cette fois-ci aux premie`res passes d’armes. Benjamin Constant e´crivait l’anne´e pre´ce´dente, dans son compte rendu de la session des Chambres pour La Minerve, que «Les premie`res se´ances des chambres ne sont jamais d’un inte´reˆt positif»1. Il devra ici re´viser son jugement, car de`s le 4 de´cembre, quand on en arrive a` l’examen de l’e´lection en Ise`re, le de´bat s’enflamme aussitoˆt autour de l’e´lection de l’abbe´ Gre´goire. C’est dans ce contexte que Constant prononcera son premier discours de la session. Il fera tout de suite impression et les interventions qui vont suivre confirmeront de´finitivement son statut de te´nor dans l’he´micycle. Redoute´ et de plus en plus de´teste´ par ses adversaires, il aura gagne´, a` la fin de la session, l’admiration des observateurs. Tel l’auteur – il est vrai tout acquis a` ses causes – de la Biographie pittoresque des de´pute´s, publie´e justement a` la fin de la session 1819–1820, qui lui consacre l’une des plus longues notices en usant a` la fois des superlatifs les plus parlants et du ton caustique dicte´ par le genre : «Le premier de nos publicistes, le plus fin de nos orateurs, le plus inge´nieux des e´crivains qui de´fendent la cause de la liberte´, est un homme de grande taille ; cinquante-trois ans, le corps fluet, les jambes greˆles, le dos en vouˆte, les bras longs et sans graˆce. [...] Est-il possible de mieux saisir, dans une discussion, le point que nos ennemis laissent a` de´couvert ? Personne est-il plus habile a` relever subtilement leurs erreurs, a` profiter de leurs fautes ? Il a toujours raison avec esprit ; il joint toujours a` sa supe´riorite´ une supe´riorite´ litte´raire. [...] M. de Constant doit un peu de cette popularite´, un peu de cet empressement si ge´ne´ral a` lui te´moigner une haute estime, a` l’animosite´ de ses ennemis. [...] Il augmente chaque jour a` la Chambre la re´putation qu’il y avait apporte´e. Toutes les attaques contre ces droits que la France a paye´s de trente anne´es de sacrifices, de combats, de victoires et d’adversite´s, sont pour lui de renaissantes occasions de de´ployer son talent et son ze`le [...]»2. Nous pre´sentons ci-apre`s les principaux enjeux des de´bats qui ont domine´ la session et qui, nous l’avons dit, concernent en particulier les discussions autour des projets des trois «lois liberticides» ; mais on retrouvera aussi, bien suˆr, les discussions ordinaires, notamment sur les pe´titions et les lois 1 2

OCBC, Œuvres, t. XIII, p. 50 H. de Latouche, Biographie pittoresque des de´pute´s, Bruxelles : Maubach, 1820, pp. 23–27.

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de finances, avant la cloˆture de la session qui sera marque´e par d’ultimes passes d’armes au sujet d’un e´ve´nement conjoncturel : les «troubles de Paris» qui ont e´clate´ en juin 1820.

L’e´lection de l’abbe´ Gre´goire Pour les ultras, mais aussi pour bon nombre de de´pute´s de la droite, l’e´lection de l’abbe´ Gre´goire e´tait inacceptable. Lors de la session pre´ce´dente, la discussion sur le retour des bannis avait bien montre´ que tous ceux qui, le 15 janvier 1793, avaient vote´ la mort de Louis XVI, portaient une tache inde´le´bile qui devait les rendre de´finitivement inaptes a` l’exercice de quelconques fonctions. Accepter maintenant l’e´lection d’un re´gicide aussi notoire que l’abbe´ Gre´goire revenait a` conforter dans leurs projets ceux qui ` l’e´vidence, en avae´taient accuse´s de pre´parer une nouvelle re´volution. A lisant la candidature de Gre´goire, la gauche avait fait le pas de trop, celui qui avait permis a` la droite de se remobiliser autour d’un roi e´branle´ dans ses dispositions favorables au re´gime e´tabli sous l’autorite´ de la Charte. La discussion sur l’e´lection du de´partement de l’Ise`re est ouverte par la lecture du rapport du cinquie`me bureau qui faisait observer que sur les quatre de´pute´s e´lus dans ce de´partement, un seul y avait son «domicile politique», alors que la loi stipulait qu’au moins la moitie´ des membres du colle`ge e´lectoral devaient eˆtre politiquement domicilie´s dans le de´partement qu’ils repre´sentaient. Dans ces conditions, l’e´lection de Gre´goire (qui, contrairement aux autres, n’avait e´te´ e´lu qu’au second tour) pouvait eˆtre tenue pour irrecevable du point de vue formel, inde´pendamment des griefs qui e´taient formule´s sur sa personne. Voulant e´viter le de´veloppement d’une discussion qui tournerait fatalement au re´quisitoire contre le de´pute´ concerne´, la gauche s’efforce d’obtenir le vote imme´diat sur le rapport de la commission e´lectorale de l’Ise`re. Mais la droite impose un de´bat qui devient tre`s vite houleux : «Les cris et l’agitation redoublent avec une force inexprimable», «Un tumulte de plus en plus violent couvre la voix de l’orateur», «Tous les membres de la chambre se le`vent, quittent leurs places et se re´pandent dans la salle en groupes nombreux, au sein desquels re`gne la plus grande agitation» – rapporte le Moniteur1. La gauche ayant e´choue´ a` couper court au de´bat, plusieurs de ses repre´sentants, dont Manuel et Benjamin Constant, s’annoncent a` la tribune pour tenter de contrer les attaques de leurs adversaires. Mais rien n’y fait : l’abbe´ Gre´goire est de´clare´ ine´ligible.

1

Moniteur, no 541, 7 de´cembre 1819, p. 1543b et c.

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La discussion sur l’e´lection de l’ancien re´gicide aura re´ve´le´ beaucoup de choses. D’abord, le fait meˆme de la candidature de Gre´goire a montre´ que le camp libe´ral n’e´tait pas uni et qu’il e´tait incapable d’imposer une strate´gie politique efficace contre l’empressement de l’aile la plus radicale du camp. Lorsque l’e´lection aura e´te´ obtenue, au lieu de ce qui pouvait paraıˆtre un succe`s, c’est un embarras qui est cause´, les de´pute´s les plus e´coute´s (dont Constant bien suˆr) e´tant oblige´s de de´fendre une cause dont ils pre´voient bien les funestes conse´quences politiques. Ils s’efforcent alors de de´velopper leurs arguments au niveau des principes, alors que leurs adversaires profitent de l’antipathie dominante a` la Chambre pour l’e´lu de l’Ise`re, incarnation a` leurs yeux de tous les exce`s de la Re´volution, pour obtenir un premier succe`s de`s l’ouverture de la session. Ce qu’ils parviendront a` faire assez facilement : l’e´lection de Gre´goire est de´clare´e non admissible a` une confortable majorite´. De`s lors, les positions vont continuer a` se durcir, la droite s’enhardissant toujours plus et la gauche se trouvant cantonne´e dans son roˆle d’opposition, certes virulente, mais de´sormais minoritaire depuis que le centre a clairement bascule´ vers la droite. La loi e´lectorale Les e´lections a` la Chambre des de´pute´s obe´issaient a` la loi Laine´ qui datait du 5 fe´vrier 1817. Cette loi qui avait e´te´ en son temps salue´e et de´fendue par Benjamin Constant1 instituait le suffrage direct pour tout Franc¸ais de plus de trente ans et payant 300 francs de contributions directes. Les de´partements e´taient divise´s selon leur population en une ou plusieurs sections, lesquelles e´lisaient 258 de´pute´s. C’e´tait une ve´ritable avance´e de´mocratique, meˆme si, sur une population de trente millions d’habitants, le corps e´lectoral ne comptait que cent mille e´lecteurs environ. Un cens relativement bas et la disparition de l’e´lection a` deux degre´s, qui avait produit la Chambre «introuvable» en 1815, envoye`rent chaque anne´e (les de´pute´s e´taient renouvele´s par cinquie`me) une majorite´ d’inde´pendants ou libe´raux parmi lesquels Constant en mars 1819. De tels succe`s ne pouvaient que susciter le me´contentement des ultras et de`s fe´vrier 1819, le marquis de Barthe´lemy demandait a` la Chambre des pairs une modification des colle`ges e´lectoraux. La proposition, transmise a` la Chambre des de´pute´s, resta alors sans suite, mais elle donna de´ja` l’occasion a` Benjamin Constant de prendre position sur la question avec sa brochure De la proposition de changer la loi des e´lections2. Mais a` l’automne 1819, sentant bien qu’une 1 2

OCBC, Œuvres, t. X, p. 625. OCBC, Œuvres, t. XIII, pp. 445–449.

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tentative d’alliance avec la droite e´tait la seule chance pour lui de conserver le pouvoir, Decazes avait pris l’option d’imposer une nouvelle loi sur les e´lections. Il s’agit la`, inde´niablement, du sujet politique phare de la pe´riode. Pour la droite, il e´tait devenu e´vident que si la loi Laine´ continuait d’eˆtre applique´e en septembre 1820 avec le renouvellement d’un cinquie`me de la Chambre, celle-ci basculerait ine´vitablement a` gauche. D’ailleurs, dans les rangs de la droite, le principe inscrit dans la Charte du renouvellement annuel d’un cinquie`me de la Chambre e´tait conteste´ depuis longtemps1. En outre, dans le camp des doctrinaires et en particulier des plus jeunes d’entre eux comme Auguste de Stae¨l, Guizot, Victor de Broglie, il devenait impe´ratif d’obtenir un abaissement de l’aˆge d’e´ligibilite´ a` la Chambre (fixe´ a` quarante ans), mais aussi une augmentation significative du nombre des de´pute´s de fac¸on a` ce que des majorite´s plus claires puissent eˆtre obtenues et que soit ainsi renforce´e l’inde´pendance de la Chambre face au gouvernement. Enfin, il est vrai que le vote annuel d’un cinquie`me des de´pute´s revenait a` imposer a` la vie politique un re´gime permanent de campagne e´lectorale, ge´ne´rant ne´cessairement de l’instabilite´. Il va de soi que les inde´pendants et les libe´raux, eux, ne voulaient pas entendre parler d’un quelconque changement. Le projet qui est ourdi par Decazes et de Serre pre´voit notamment l’instauration d’un double vote, c’est-a`-dire qu’en plus des 258 de´pute´s e´lus par les colle`ges e´lectoraux d’arrondissements constitue´s par les contribuables versant plus de 300 francs d’impoˆt annuel, un second colle`ge, de´partemental celui-la`, forme´ d’e´lecteurs s’acquittant de 600 francs d’impoˆt annuel aurait a` e´lire 198 de´pute´s supple´mentaires aˆge´s de trente ans au moins. Le projet re´solvait tous les proble`mes impute´s a` la loi Laine´ : il «n’allait a` rien moins qu’a` combiner le double vote des plus impose´s, l’accroissement du nombre des de´pute´s, la re´duction de l’aˆge a` trente ans et le renouvellement inte´gral»2. Le de´saccord des ministres mode´re´s sur ce projet entraıˆnera le remaniement du gouvernement le 19 novembre 1819. Il e´tait de´sormais e´vident, comme l’aura confirme´ le discours du roi prononce´ le 29 novembre a` l’occasion de l’ouverture de la session, que cette loi serait l’enjeu central des de´bats et que plus d’un acteur (a` commencer par Decazes, le chef du gouvernement) jouerait sa position dans le processus de sa mise en œuvre. Il faut rappeler qu’avant meˆme l’ouverture de la session parlementaire, Benjamin Constant avait publie´ dans La Minerve une mise au point tre`s claire sur la question de la modification de la loi e´lectorale3. S’il convenait 1 2 3

Voir les observations de BC dans ses comptes rendus de la session des Chambres de de´cembre 1818 (OCBC, Œuvres, t. XIII, pp. 54–55). Souvenirs du Duc de Broglie, Revue des Deux Mondes, troisie`me pe´riode, t. 75, 1886, p. 65. «De l’inviolabilite´ de la Charte», La Minerve, t. VIII, 26–27 novembre 1819 (OCBC, Œuvres, t. XIII, pp. 300–307).

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que la loi en vigueur comportait des de´fauts et que le nouveau projet pre´sentait quelques avantages (en particulier l’abaissement a` 30 ans de l’aˆge d’e´ligibilite´), il mettait surtout en garde contre le fait que modifier la loi reviendrait a` violer la Charte. Or, le principe de l’inviolabilite´ de la Charte est de´fendu par lui comme un mantra, persuade´ qu’il est qu’en de´pit de ses imperfections, la Charte est la seule garantie contre le basculement du gouvernement vers l’un ou l’autre des extreˆmes ; en l’occurrence, c’est avant tout le retour des ultras qui est redoute´. «La loi des e´lections – constate Benjamin Constant – est donc faussement, absurdement accuse´e. Ses ennemis le savent, mais ils conspirent contre elle, ils la calomnient, les uns pour reconque´rir, les autres pour garder l’autorite´»1. Les libe´raux inde´pendants avaient donc a` mener un combat crucial. Pour pre´parer le terrain et se donner une chance de dominer le de´bat, du moins dans son amorce, ils usent d’une tactique offensive e´prouve´e : ils font e´crire de nombreuses pe´titions a` la Chambre re´clamant le maintien de la loi e´lectorale en vigueur, dite loi Laine´ ou «loi du 5 fe´vrier» (1817). La discussion serait ainsi ouverte avant meˆme que l’examen du projet de loi ne soit mis a` l’ordre du jour. Cette tactique ne connaıˆtra pas le succe`s attendu. La droite et les de´pute´s favorables au ministe`re se de´chaıˆnent a` la fois contre les arguments pre´sente´s en soutien a` la loi existante et aussi contre l’afflux organise´ des pe´titions, voire, plus ge´ne´ralement contre le droit de pe´tition lui-meˆme. On le voit : tout est occasion de remettre radicalement en cause le fragile e´quilibre garanti par la Charte. Le 11 fe´vrier, Constant e´crivait a` Goyet : «Les choses s’e´chauffent. Je ne sai comment elles finiront. La loi nous sera pre´sente´e lundi. Nous avisons aux premie`res de´marches a` faire. Comme le contenu de cette loi a change´ 20 fois, il est encore difficile de savoir ce qu’il contiendra enfin»2. Il ne savait pas que 48 heures plus tard, «les choses» allaient «s’e´chauffer» encore davantage apre`s l’attentat contre le duc de Berry. C’est donc le 15 fe´vrier 1820, soit un jour apre`s ce qui e´tait pre´vu, et apre`s de longs palabres portant sur la re´daction du proce`s-verbal de la se´ance de la veille, que le pre´sident de la Chambre pourra aborder l’ordre du jour : la parole est donne´e a` Decazes qui expose le projet de loi sur les e´lections. Il retient l’e´lection a` deux degre´s ou double vote ; le colle`ge d’arrondissement (ou section) nomme toujours un de´pute´, mais il nomme aussi parmi les e´lecteurs les plus fortune´s les membres des grands colle`ges qui ont a` e´lire a` leur tour 172 nouveaux de´pute´s ; il e´tablit la quinquennalite´ 1 2

«De la responsabilite´ des ministres dans les propositions des lois», La Minerve, t. VIII, 1113 de´c. 1819 (OCBC, Œuvres, t. XIII, p. 325). OCBC, Correspondance, t. XI, p. 408.

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et le vote public «comme moyen de maintenir les fonctionnaires dans la de´pendance». Il s’agit, comme le remarque Constant, de «fortifier le pouvoir ministe´riel»1, ce qui ne fait pas l’affaire des ultras qui profitant de l’assassinat du duc de Berry, provoqueront la chute du ministe`re Decazes pour pousser leur offensive. Celle-ci aboutira au projet modifie´ qui sera de´pose´ le 17 avril par le ministre de l’Inte´rieur Sime´on, successeur de Decazes dans le nouveau gouvernement pre´side´ par Richelieu . Mais le meˆme 15 fe´vrier, alors qu’on de´libe`re sur la question de savoir quand la Chambre entamera l’examen de cette loi, le ministre Pasquier vient annoncer, a` la surprise ge´ne´rale, qu’une autre loi sera soumise au vote de la Chambre : la loi sur les liberte´s individuelles, re´ponse pre´tendue a` l’attentat du 13 fe´vrier, mais de fait, projet de´ja` me´dite´ depuis quelque temps par la droite, la cour et le gouvernement. Deux semaines plus tard, c’est un projet de loi restreignant la liberte´ de la presse qui est annonce´. On le voit, tout est lie´, la loi sur les e´lections n’e´tant que la premie`re manifestation d’un ensemble de mesures restrictives qui seront maintenant impose´es a` la Chambre et au pays tout entier. Dans l’esprit des libe´raux ces trois projets de loi, de`s leur mise au jour, sont vus comme un trio de lois liberticides, e´videntes manifestations, selon Benjamin Constant, du retour de la contre-re´volution. Ainsi, alors qu’ils s’e´taient pre´pare´s au combat au sujet de la loi e´lectorale, Constant et ses amis vont avoir a` se faire d’abord la main dans le de´bat impre´vu autour de la loi sur les liberte´s individuelles. La loi sur les e´lections dans sa dernie`re mouture sera finalement mise en discussion en mai. Quelle aura e´te´ la teneur essentielle des interventions de Benjamin Constant dans ce de´bat relatif aux e´lections ? Apre`s celui du marquis de Barthe´lemy (fe´vrier 1819), les deux de Decazes (automne 1819 et fe´vrier 1820), c’est donc le quatrie`me projet qui est de´pose´ le 17 avril par Sime´on. Toute honte bue, les colle`ges d’arrondissements proposent des candidats parmi lesquels le colle`ge de de´partement, compose´ «des e´lecteurs les plus impose´s», nomme les de´pute´s. La classe moyenne ou «interme´diaire», compose´e d’urbains e´claire´s, souvent issus du commerce ou de l’industrie, se voit e´vince´e au profit de «la contrere´volution pure et simple»2. Le 6 mai, Laine´, un peu oublieux de sa loi de 1817, rapporte a` la Chambre sur le projet Sime´on, de´posant un seul amendement notable : le vote public (introduit par le second projet Decazes) redevient secret. Le meˆme jour, Benjamin Constant prend brie`vement la parole a` la suite du ge´ne´ral Foy sur la question de´licate de l’e´tablissement des listes des e´lecteurs les plus fortune´s3. La discussion commence le lundi 15 mai. Outre´ par le projet, 1 2 3

OCBC, Œuvres, t. XV, p. 613. OCBC, Œuvres, t. XV, p. 613. Archives parlementaires, t. XXVII, p. 528.

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Constant signe le 16 une brochure, intitule´e Des motifs qui ont dicte´ le nouveau projet de loi sur les e´lections1, qu’il remet le meˆme jour a` la Chambre et dans laquelle il compare le projet Decazes et le projet Sime´on au de´triment de celui-ci. La discussion ge´ne´rale va durer jusqu’au jeudi 25 mai ; le lendemain, commence l’examen des amendements de l’article premier qui suscitera un vif de´bat termine´ le 2 juin par le rejet des amendements et le vote a` une faible majorite´ du premier paragraphe de l’article. Toutefois, le 30 mai, le ministre de Serre, se souvenant peut-eˆtre de ses anciennes sympathies doctrinaires, propose une «ouverture» qui n’aura aucune suite imme´diate dans l’agitation ge´ne´rale, mais que Benjamin Constant a bien entendue : un contingent supple´mentaire de de´pute´s serait cre´e´ a` l’intention des plus fortune´s, les autres de´pute´s restant e´lus au suffrage direct. Mais la loi en discussion suscite a` partir du 3 juin des troubles dans la capitale (voir ci-apre`s) qui vont retarder les travaux de la Chambre et assouplir les volonte´s ; ils reprennent le 6 avec un amendement de Jean Joseph de Courvoisier, inspire´ par de Serre, qui propose que 288 de´pute´s soient e´lus par les colle`ges d’arrondissements et 172 par les colle`ges de de´partement, ce qui re´introduit l’e´lection directe. Le lendemain, Antoine Boin reprend l’amendement de Courvoisier, y ajoute le double vote (les e´lecteurs du colle`ge de de´partement votent e´galement au colle`ge d’arrondissement) et re´duit a` 258 le nombre des de´pute´s e´lus par les colle`ges d’arrondissements, renforc¸ant ainsi le poids «des e´lecteurs les plus impose´s» ; il est adopte´ le 9 juin. La discussion des amendements et articles suivants se poursuit le lendemain et le 12 jusqu’au vote final qui adopte la loi par 154 voix contre 95, plongeant Constant dans le de´couragement2. Elle est discute´e et vote´e par la Chambre des pairs le 28 juin et promulgue´e le lendemain. Benjamin Constant prend part a` la discussion ge´ne´rale le 23 mai et conclut naturellement «contre le projet de loi». Le 27, il intervient pour de´fendre La Fayette et deux jours plus tard, pour s’opposer a` la cloˆture de la se´ance. Camille Jordan ayant de´pose´ un amendement important, Constant s’oppose de nouveau a` la cloˆture le 31 mai, puis le 1er juin, toujours dans le cadre de la discussion de l’amendement Jordan, il s’e´le`ve contre un rappel a` l’ordre qui menac¸ait le ge´ne´ral Foy. Le 2 juin, pendant le temps donne´ aux pe´titions, il prend la parole a` propos d’une requeˆte concernant probablement le mare´chal Ney ; dans la meˆme se´ance et a` trois reprises, il demande a` reprendre et a` discuter un amendement qui avait e´te´ de´pose´, puis abandonne´ par Joseph Auguste Desrousseaux. Enfin, le 3 juin, 1 2

OCBC, Œuvres, t. XV, pp. 595–632. OCBC, Correspondance, t. XI, p. 528.

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profitant d’une discussion ouverte sur un point du re`glement, il pre´sente un ample de´veloppement en faveur de l’e´lection directe. Quand il interviendra sur les troubles de juin, il meˆlera parfois a` son propos, comme nous le verrons, des conside´rations lie´es a` la loi e´lectorale. La loi sur les liberte´s individuelles Le 25 janvier 1817, rendant compte des travaux de la Chambre, Benjamin Constant publiait, dans le Mercure, un long commentaire sur la discussion des de´pute´s concernant le projet de loi relative a` la liberte´ individuelle1. Il s’agissait d’une modification de la loi du 29 octobre 1815 sur le meˆme sujet, modification qui prit le nom de «loi du 12 fe´vrier 1817» et pre´sentait certaines garanties contre les mesures arbitrairement exerce´es a` diffe´rents e´chelons du pouvoir contre les citoyens suspecte´s de comploter contre l’E´tat. Constant saluait cette clarification de la loi, mais il continuait de de´fendre l’ide´e que toute loi d’exception (car c’en e´tait une, dont l’application e´tait annonce´e jusqu’au 1er janvier 1818 seulement) e´tait de´favorable a` la fois aux citoyens et au gouvernement : «Ces lois font supposer l’existence du danger, et la supposition du danger le cre´e. Ces lois de circonstances ont par-la` l’inconve´nient de prolonger les circonstances : et sous un autre rapport, elles les aggravent. Les injustices involontaires, ine´vitables, quand l’arbitraire s’est introduit dans la loi, ne´cessitent des injustices moins involontaires»2. Benjamin Constant ne croyait sans doute pas que sa re´flexion redeviendrait bientoˆt si actuelle. Car la loi d’exception contre la liberte´ individuelle que Pasquier avait pre´sente´e a` la Chambre le 15 fe´vrier 1820, en re´ponse a` ces «circonstances» si dramatiques de l’avant-veille, n’e´tait qu’une re´activation litte´rale (a` quelques de´tails pre`s) de la loi du 12 fe´vrier 1817. La preuve e´tait faite que quelles qu’elles soient, les «circonstances» sont toujours des «circonstances», c’est-a`-dire des occasions d’attenter a` la liberte´ des citoyens. Mais dans le cas particulier le contexte politique avait change´, comme le disent bien ces mots de Page`s : «en 1817, la loi fut une transition de l’arbitraire a` la liberte´, et elle est aujourd’hui un passage de la liberte´ a` l’arbitraire»3. Cela voulait aussi dire en clair que rien n’arreˆterait cette foisci l’oscillation du pendule qui avait inexorablement repris le sens de la droite. Constant et ses comparses en sont bien conscients, mais ils se sentent le devoir de continuer la lutte en martelant des convictions qui pourraient, dans un avenir impre´visible, retrouver un contexte plus favorable. 1 2 3

OCBC, Œuvres, t. X, pp. 415–429. OCBC, Œuvres, t. X, p 429. J.-P. Page`s, «Session des chambres», La Minerve, t. IX, fe´vrier 1820, p. 261.

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Pre´sente´ le 15 fe´vrier, le projet de loi est soumis a` la discussion de la Chambre le 3 mars avec la pre´sentation du rapporteur de la commission (Rivie`re) qui l’avait examine´. Le 6, la discussion est ouverte avec l’intervention de Legraverend : «je suis l’un des quatre membres de la commission centrale charge´e de l’examen du projet de loi relatif a` la liberte´ individuelle qui n’ont pas cru pouvoir admettre ce projet, non seulement tel qu’il e´tait pre´sente´, mais encore tel qu’il a e´te´ amende´ par la majorite´ de cette commission : je dois compte de mes motifs»1. Faisant passer – contrairement a` l’usage – l’expression de son opinion personnelle avant celle de la majorite´ de la commission dont il faisait partie, Legraverend re´ve`le la force du besoin qu’il e´prouve de se distinguer de la majorite´ en cette situation de polarisation toujours plus forte a` la Chambre : les «circonstances», en effet, sont extraordinaires et elles justifient les prises de position les plus claires2. Le discours prononce´ par Benjamin Constant le 7 mars fera date. C’est un re´quisitoire impitoyable qui fustige e´galement le projet de loi pre´sente´ par le ministe`re et la version amende´e de la commission. Cela faisait plusieurs semaines que le de´pute´ de la Sarthe avait ajuste´ son vocabulaire a` la situation en donnant un nom aux manœuvres qui e´taient en cours : contre-re´volution. Dans La Minerve, il avait publie´ successivement «Du plan de la faction contre-re´volutionnaire» (5–7 fe´vrier), «De l’influence de la faction contre-re´volutionnaire sur les projets de loi des ministres» (14–15 fe´vrier), «Re´flexions sur le moment pre´sent» au lendemain de l’assassinat du duc de Berry (19–21 fe´vrier), «Du re´tablissement de la censure des journaux» (27–28 fe´vrier). Dans la livraison du 14 mars de La Minerve, il fait paraıˆtre «De la contre-re´volution et du ministe`re»3, ou` il de´veloppe l’argumentation qui cloˆt de manie`re frappante et synthe´tique son discours du 7 mars : «Je crois que l’abıˆme de la contre-re´volution s’ouvre devant nous». Mise en garde amplifie´e de quelques phrases pathe´tiques ou` l’orateur dit avoir toujours envie´ le sort des premiers de´fenseurs de la liberte´ sous la Terreur avant d’ajouter : «Le sort de ceux qui seront les premie`res victimes de la contre-re´volution, si elle s’ope`re, me semblerait e´galement digne d’envie : ils ne verront pas cette contre-re´volution dans toutes ses horreurs»4. C’est de lui-meˆme qu’il parle, assure´ment : les de´fenseurs de la juste cause se disent tout preˆts a` en devenir les martyrs. 1 2

3 4

Archives parlementaires, t. XXVI, p. 346–347. Le de´pute´ de gauche Guillaume Jean Marie Rene´ Legraverend professeur de droit a` la faculte´ de Rennes, e´tait le cousin germain du haut fonctionnaire au ministe`re de la Justice, Jean Marie Emmanuel Legraverend, dont il a e´te´ beaucoup question lors de l’affaire Wilfrid Regnault (voir OCBC, Œuvres, t. XI). OCBC, Œuvres, t. XIII, pp. 344–378. Ci-dessous, pp. 411–412.

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Meˆme si l’issue du vote ne faisait aucun doute, le de´bat fut nourri et passionne´. La gauche e´tait partage´e entre ceux qui estimaient que la loi devait eˆtre rejete´e en bloc parce qu’inique en soi et ceux qui pensaient avoir a` honorer leur devoir de parlementaires en essayant, par des amendements, d’adoucir quelque peu cette loi. Sur le principe, Constant appartient aux premiers ; dans la pratique, il rejoindra les seconds, proposant lui-meˆme plusieurs amendements qui furent tous balaye´s comme le furent aussi les importantes modifications et ajouts propose´s par la commission. Le vote qui fut prononce´ le 16 mars consolida encore la droite, tout en confortant la gauche dans sa position d’impuissante quoiqu’e´loquente opposition. La loi d’exception sur la liberte´ de la presse Tout ce qui a e´te´ longuement de´veloppe´ dans l’introduction a` la session pre´ce´dente au sujet des de´bats sur la liberte´ de la presse pourrait eˆtre re` la diffe´rence toutefois qu’en quelques mois, le contexte a bien produit ici. A change´. Lorsque Benjamin Constant pole´miquait au printemps de 1819 contre les articles de la loi de Serre, c’e´tait pour ainsi dire par exce`s de ze`le : il reconnaissait que cette loi e´tait un progre`s, mais il l’avait combattue sur plusieurs points ou` elle lui paraissait insuffisante ou de´fectueuse. On se souvient qu’il e´tait beaucoup intervenu lors de ce de´bat, alternant les longs expose´s de principe et les tentatives de faire passer des amendements. La situation est maintenant bien diffe´rente ; la loi que le ministre de l’Inte´rieur Sime´on avait pre´sente´e a` la Chambre le 1er mars 1820 e´tait ouvertement restrictive ; quand la Chambre commence a` en discuter, Constant reste curieusement passif. Il attendra le 23 mars pour intervenir, s’expliquant d’emble´e de cette discre´tion inattendue de sa part sur un sujet qui l’a de´ja` tant pre´occupe´ : tout ce qu’il avait a` dire sur le principe de la liberte´ de la presse, il l’a de´ja` expose´ a` maintes reprises. Son entre´e en matie`re en dit long sur son de´senchantement : «A Dieu ne plaise qu’apre`s tant d’orateurs sur un projet de loi, le cinquantieme peut-eˆtre qui ait e´te´ pre´sente´ a` cette tribune, sous divers re´gimes, pour enchaıˆner la liberte´ de la presse et tuer la publicite´, seule garantie re´elle des citoyens, je fatigue la chambre de longs de´veloppemens» – ce qui ne l’empeˆchera pas de prononcer un discours ... particulie`rement long ! Son propos re´ve`le un changement de strate´gie ; sans manquer d’exprimer sa re´volte face a` la nouvelle situation («car c’est l’ancien re´gime que nous reconstruisons pie`ce a` pie`ce : lettres de cachets, censure, e´lections oligarchiques, voila` les bases de l’e´difice ; les colonnes et les chapiteaux viendront apre`s»), il essaie de convaincre le gouvernement, exemples re´cents a` l’appui, qu’une presse libre ne peut que lui eˆtre utile, puisqu’elle peut le renseigner plus exactement sur l’e´tat des affaires et des opinions dans le pays. Pasquier lui re´torquera aussitoˆt qu’il propose en fait de substituer au gouvernement le´gitime le

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gouvernement incontroˆlable de l’opinion : dialogue de sourds. Mais le naturel du de´pute´ revient au galop : son discours, d’une causticite´ mordante, est truffe´ de formules-massues qui n’ont rien de conjoncturel, comme celle-ci : «Les censeurs sont a` la pense´e ce que les espions sont a` l’innocence ! Les uns et les autres gagnent a` ce qu’il y ait des coupables ; et quand il n’y en a pas, ils en font». Le combattant de la liberte´ sait bien qu’il sera vaincu, mais il ne baisse pas les armes pour autant. Face au mur d’indiffe´rence qui s’e´le`ve devant ses propos, il lui reste d’abord a` participer, avec ses colle`gues de l’opposition, a` la de´marche dilatoire qui consiste a` multiplier les propositions d’amendement pour retarder autant que possible le vote final de la loi dont l’issue ne fait aucun doute : la loi sera vote´e, autant que ce soit le plus tard possible. Ensuite, il reprendra de la hauteur pour, de cette perspective surplombante qui lui convient si bien, annoncer a` la majorite´ que son re`gne ne saurait durer : «Je suppose que vous obteniez momentane´ment toutes les lois que vous de´sirez ; ces lois d’exception, ces lois torture´es, alambique´es, remises sans cesse sur le me´tier, ne vous meneront a` rien : rien ne durera contre ce que la France a voulu depuis trente ans, et ce qu’elle veut encore»1. Toutes les occasions sont bonnes pour le de´pute´, a` la fois de´sabuse´ et de´termine´ a` tenir son cap en continuant de remplir ce qu’il appelle son «devoir envers la France». Il n’y a pas de mots assez forts, de formules assez percutantes pour de´noncer les attentats perpe´tre´s contre la liberte´ : «Je crois les lois qui sont pre´sente´es a` notre adoption, de´testables, aussi de´testables qu’aucunes de celles qui ont e´te´ faites a` aucune e´poque de la re´volution. Je les crois plus mauvaises, beaucoup plus mauvaises que celles dont le ministe`re de 1817 s’est fait un me´rite de nous de´livrer graduellement. Je crois que la promulgation de ces lois de´truira en un instant tout le bien qui s’e´tait ope´re´ dans l’opinion depuis le 5 septembre ; et j’entends par ce bien ope´re´ dans l’opinion, l’attachement croissant du peuple a` ses institutions constitutionnelles, et au gouvernement qu’il croyait dans l’intention de les maintenir»2. En effet, le sujet de la liberte´ de la presse, si souvent de´battu depuis 1789, permet a` Benjamin Constant de de´ployer aise´ment la forme d’argumentation qui lui sied le mieux, celle qui consiste a` s’appuyer sur les faits et les lec¸ons de l’histoire re´cente pour relever l’inconse´quence politique des ministres et surtout montrer que la droite ne fait en re´alite´ rien d’autre que de re´activer les mesures liberticides qui avaient e´te´ prises par ses pires ennemis : les Jacobins d’abord, Napole´on Bonaparte ensuite. 1 2

Pour les citations du discours du 23 mars, voir ci-dessus pp. 468 et 473. P. 489.

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Ces de´bats permettent aussi de sentir l’atmosphe`re de la Chambre ainsi que l’attitude des de´pute´s dans ces circonstances si tendues. Dans les transcriptions des discours, nombreuses sont les didascalies qui rendent compte sommairement des mouvements dans l’assemble´e ; et les situations cocasses se multiplient, comme celle qui voit Constant s’exclamer, alors que les de´pute´s de la droite avaient momentane´ment quitte´ la salle : «laissez sortir ces Messieurs ; ils reviendront pour voter contre ce qu’ils n’auront pas entendu»1. «Ils» voteront, en effet, contre presque tous les amendements, avant d’adopter la loi lors du vote final qui ponctuera la se´ance du 30 mars. Les pe´titions On se souvient que chaque se´ance de la Chambre s’ouvre sur l’examen des pe´titions e´manant d’individus ou parfois de groupes de citoyens, touchant toutes sortes de sujets. La plupart du temps, la Chambre de´cide de ne pas leur donner de suite, mais il arrive qu’elles soient renvoye´es au ministe`re concerne´ qui est alors redevable d’une re´ponse. Benjamin Constant n’intervient pas souvent dans les discussions concernant les pe´titions, mais quand il le fait, c’est toujours avec le meˆme souci : dans le syste`me de repre´sentation des citoyens par la voie du suffrage censitaire, les pe´titions sont le seul canal permettant aux citoyens ordinaires d’exprimer leurs dole´ances ou leurs avis ; elles sont aussi, pour les de´pute´s, une importante source d’information sur les opinions qui circulent parmi le peuple et sur les proble`mes, souvent dramatiques rencontre´s par des citoyens. Aussi, lorsque la droite, curieusement repre´sente´e ici par le de´pute´ mode´re´ Maine de Biran, propose de modifier le re`glement de la Chambre en vue de re´duire l’importance qui leur est accorde´e dans les de´bats de l’assemble´e, Constant, le 16 mars 1820, monte-t-il a` la tribune pour de´fendre le droit de pe´tition dans une perspective politique ge´ne´rale dont la teneur est d’emble´e formule´e de`s l’incipit du discours : «Les pe´titions n’expriment pas toujours l’opinion publique, mais les pe´titions sont un des organes de l’opinion publique, et par conse´quent, dans un gouvernement qui est essentiellement celui de l’opinion publique, le droit de pe´tition, ainsi que tous les autres dont l’opinion publique se sert pour se faire connaıˆtre, ne doit pas eˆtre restreint»2. Benjamin Constant a bien entendu dans l’ide´e le fait que les de´bats de la Chambre e´tant publics et reproduits dans les journaux, la teneur des pe´titions recevait un e´cho bien plus large qu’aupre`s des seuls de´pute´s, mais en parlant des «autres [droits] dont l’opinion publique se sert», il rattache la question du droit de pe´tition a` celle de la liberte´ de la presse qui est au 1 2

P. 501. P. 447.

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centre des de´bats. Il explique ainsi implicitement pourquoi ses adversaires sont aussi acharne´s a` vouloir limiter la liberte´ de la presse que le droit de pe´tition. Cela dit, ses prises de paroles relatives a` telle ou telle pe´tition montrent aussi combien Constant peut s’ave´rer sensible au sort d’individus victimes d’injustices ou de mauvais traitements de la part des repre´sentants de l’E´tat. Il venait, nous l’avons vu, de s’engager totalement dans les affaires Wilfrid Regnault et Charles Laine´ ; on le voit ici prendre la de´fense, de cas en cas, de citoyens modestes dont les plaintes devraient me´riter autre chose qu’un rapide passage a` l’ordre du jour par la majorite´ des de´pute´s. Bien suˆr, ce que Benjamin Constant ne dit pas et qui est pourtant dans tous les esprits engage´s dans la discussion sur l’e´ventuelle re´duction de la latitude accorde´e a` l’examen des pe´titions, voire au droit meˆme d’en de´poser, c’est que celles-ci sont aussi utilise´es par les uns et les autres comme moyens de pression politique. Les adversaires politiques s’accusent re´gulie`rement de susciter artificiellement des pe´titions pour que tel sujet soit introduit dans les discussions de la Chambre, pour tenter d’infle´chir ces discussions ou encore de retarder un vote. Les libe´raux e´taient re´gulie`rement accuse´s par la droite d’user de ce stratage`me, mais Constant aura beau jeu, plus d’une fois de renvoyer la meˆme accusation a` ses adversaires, notamment lorsque des pe´titionnaires exigent que des mesures soient prises contre ceux qu’ils tiennent pour responsables de l’assassinat du duc de Berry. Le budget Tout ce qui a e´te´ dit, dans l’introduction a` la session pre´ce´dente, sur l’importance politique des discussions sur le budget reste e´videmment d’actualite´ pour celle-ci. Mais le contexte des de´bats a radicalement change´. Benjamin Constant l’exprime tre`s clairement a` l’ouverture de son long discours sur le re`glement des comptes ante´rieurs a` 1818 : absorbe´ par le devoir qui e´tait le sien de lutter contre les trois projets de lois liberticides, il n’a pas eu le temps de se pre´parer comme il l’aurait voulu pour discuter finances et la discussion sur le bouclement des comptes ante´rieurs a` 1819 lui inspire l’un de ses discours les plus incisifs (La Renomme´e e´crira : «Jamais aucun de ses discours n’a produit une plus vive sensation»1). On y lit notamment : «Quelque importans que soient les objets de finance, il est des inte´reˆts d’une nature et plus pressante et plus releve´e. L’autorite´ s’emparant d’un pouvoir discre´tionnaire, tous les cachots ouverts, la pense´e e´touffe´e, la publicite´

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La Renomme´e, n° 266, 6 avril 1820, p. 1075b.

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devenant un monopole de faits de´nature´s et d’alle´gations injurieuses, des e´lections factices pre´parant a` un peuple des repre´sentans qui ne le repre´senteront pas ; ces choses, Messieurs, sont d’une gravite´ assez de´sastreuse pour qu’on ait quelque peine a` s’en distraire, a` fixer son attention sur des chiffres, et a` se livrer a` d’arides calculs»1. Ce discours, admirable sur le plan rhe´torique, vient confirmer imme´diatement l’observation ge´ne´rale livre´e par Duvergier de Hauranne au sujet de ces discussions sur les questions de finances : «il semblait que la loi des comptes duˆt eˆtre paisiblement de´battue. Mais quand dans une assemble´e, les partis sont arrive´s a` un certain degre´ d’exaspe´ration re´ciproque, il n’est plus entre eux de treˆve possible, et la loi des comptes, comme les lois pre´ce´dentes, donna lieu aux de´bats les plus tumultueux»2. En effet, les discussions sur le budget animeront presque toute la session, interrompues qu’elles ont e´te´ par la pre´sentation des lois dites liberticides, mais chaque fois que l’ordre du jour y reviendra, les conside´rations de nature comptable de´riveront immanquablement vers des affrontements politiques. Dans ces discussions, Constant fait ge´ne´ralement preuve d’une efficacite´ redoute´e par ses adversaires qu’il se plaıˆt a` confronter a` leurs propres inconse´quences. Chaque sujet concerne´ l’inte´resse et tre`s souvent, il prend la parole, en vain, comme pour rappeler que l’assemble´e ne devrait pas eˆtre la chambre d’enregistrement attendue par les ministres. Il de´nonce aussi, comme il l’avait fait l’anne´e pre´ce´dente, la tendance ge´ne´rale a` l’augmentation des budgets des ministe`res, pointant notamment les pouvoirs incontroˆle´s accorde´s aux directeurs ge´ne´raux. Mais vers la fin de la session, il est las. Le 16 juin, alors que les derniers articles du budget sont encore discute´s, il prend la parole pour de´noncer (paradoxalement dans son cas pourrait-il sembler) l’augmentation du budget pre´vu pour l’encouragement aux sciences et lettres. En re´alite´, ce que de´nonce l’orateur, c’est que l’augmentation pre´vue ouvrira la porte au financement de publications me´diocres ou servilement attache´es au service du gouvernement. Mais avant d’argumenter dans ce sens, il lance ces propos amers qui pourraient re´sumer l’e´tat d’esprit des combattants de la liberte´ au terme de cette session qui les a vus sans cesse battus : «La manie`re dont le budget se discute est un des plus tristes re´sultats des e´ve´nements de cette session. Aucun membre de la Chambre, ceux de la commission excepte´s, n’a eu le temps de se livrer a` un examen approfondi. Un des coˆte´s de cette chambre te´moigne de sa douleur et de son me´contentement du ministe`re par une absence que je de´plore sans vouloir la blaˆmer [la gauche dont les rangs se sont sensiblement de´garnis] [...]. L’autre coˆte´ manifeste sa satisfaction et sa reconnaissance par l’adop1 2

P. 512. P. Duvergier de Hauranne, Histoire du gouvernement parlementaire, t. V, p. 484.

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tion rapide d’articles de de´penses, que ce meˆme coˆte´ contestait l’anne´e dernie`re avec une rigueur et une te´nacite´ remarquable. Il s’ensuit que quelques voix s’e´le`vent a` peine pour faire entendre des re´clamations partielles et inutiles. Ne´anmoins, dans quelque position qu’on se trouve, il faut jusqu’au bout faire son devoir ; et lors meˆme qu’on pre´voit son impuissance, il faut remplir ses obligations»1. Les troubles de Paris Les lois «liberticides» qui avaient e´te´ vote´es a` la suite de l’assassinat du duc de Berry, agitaient de´ja` les esprits quand se rouvrit a` la Chambre, le 15 mai, la discussion sur la nouvelle loi e´lectorale. Les grands quotidiens parisiens qui couvraient assez exactement, de la gauche a` l’ultracisme, les diverses sensibilite´s politiques, rendaient un compte fide`le et pre´cis des de´bats, jouant un roˆle majeur dans la formation de l’opinion ; ils e´taient naturellement repris, avec quelques jours de de´lai, par la presse de province. En outre, comme la relation directe (le «reportage») des e´ve´nements qui allaient se produire e´tait soumise a` une censure se´ve`re, les lecteurs n’avaient connaissance de ce qui se passait que par les discours des de´pute´s a` la Chambre, discours qu’ils illustraient souvent de te´moignages. Des mouvements s’e´taient dessine´s a` la fin du mois de mai : des groupes se re´unissaient autour du Palais-Bourbon, soit pour soutenir le projet de loi, soit pour s’y opposer. La tension augmenta brusquement quand Camille Jordan de´posa son amendement qui supprimait les deux degre´s des e´lections, c’e´tait le mardi 30 mai. Un autre amendement avait e´te´ de´pose´ et un vote fut demande´ pour de´cider lequel serait prioritairement examine´. Celui de Camille Jordan obtint la priorite´ par une voix de majorite´ ; cette voix e´tait celle du marquis de Chauvelin qui, malade, s’e´tait fait transporter au Palais-Bourbon au moment du vote pour jeter sa boule dans l’urne. Depuis quelques jours, quand il circulait en voiture, il e´tait accompagne´ d’individus bruyants qui l’acclamaient. Pour Ville`le, c’e´taient «des e´tudiants en me´decine, de jeunes litte´rateurs monte´s par Benjamin Constant, des commis pousse´s par Laffitte». Cette victoire, qui portait sur un point finalement mineur, redonna espoir a` l’aile libe´rale et a` ses soutiens ; aussi le rejet de l’amendement le 1er juin fut-il amer : «grande victoire que nous avons remporte´e [...], par le rejet a` dix voix de majorite´ de l’amendement doctrino-libe´ral de Camille Jordan», e´crira a` sa femme un Ville`le soulage´2. La question rebondit toutefois 1 2

P. 697. Me´moires et correspondance du comte de Ville`le, Paris : Perrin, 1904, t. II, pp. 382, 379.

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de`s le lendemain : profitant d’une maladresse d’un de´pute´ favorable au gouvernement, Desrousseaux, lequel se fera tancer par le prince de Broglie et Mortarieu, Benjamin Constant lanc¸ait un nouvel amendement, suscitant une vive agitation (voir p. 659), mais le vote du 3 juin se solda par un nouvel e´chec des libe´raux. Pendant ce temps, «l’e´motion grandissait dans le public» et a` partir du 2 juin, des groupes royalistes se manifeste`rent pour contrer ceux qui acclamaient Chauvelin : «Au moment ou` M. Chauvelin, appuye´ sur le bras de ses amis, se rendait a` sa voiture, un attroupement assez conside´rable s’est forme´ sur son passage. Les cris de Vive le Roi ! a` bas les re´volutionnaires ! se sont fait entendre, et il leur a e´te´ bientoˆt re´pondu par ceux de Vive le Roi ! vive la Charte ! Au milieu de cette confusion, quelques furieux, le baˆton leve´, se sont avance´s vers ce de´pute´, en criant : Vive le Roi ! d’un ton de menace. Des soldats, mande´s du corps-de-garde voisin, ont dissipe´ les groupes, et M. Chauvelin, prote´ge´ par M. de Flaugergues [Pierre-Franc¸ois] et un ancien pre´fet de l’Aveyron pre´sens, est entre´ dans sa voiture, que l’on a fait approcher de la grille»1. Sans oser la remettre en cause, les ultras trouvaient la Charte trop conciliante avec les «inte´reˆts nouveaux», et en prendre publiquement la de´fense sentait un peu son libe´ralisme. Constant ne demandait-il pas «Les Bourbons, rien que les Bourbons avec la Charte ; toute la Charte sous les Bourbons»2 ? Les e´ve´nements s’aggrave`rent le samedi 3, comme en te´moigne Charles de Re´musat : «Il y avait bien trois mille personnes attroupe´es ; il n’y en a pas cent qui aient pris part a` l’action. Les agresseurs e´taient compose´s de Gardes du corps, et d’un assez grand nombre de petits officiers de salon, avec des cannes et des parapluies. Les autres, qui ont e´te´ battus, e´taient de petits jeunes gens moins releve´s, des e´le`ves des e´coles de droit et de me´decine. A ce qu’il parait, point d’officiers en demi-solde ; rien enfin de bien hostile, ni de bien menac¸ant. Le combat s’est re´duit a` de violents coups de canne et de poing. Il parait que la gendarmerie s’est conduite avec mollesse. Ce qu’il y a eu de plus grave, et je dirai d’utile, c’est que plusieurs de´pute´s ont e´te´ insulte´s, et menace´s sur des points divers, nomme´ment MM. de Corcelle, Ke´ratry, Camille Tesseire, Girardin, Leseigneur. L’un d’eux, je crois que c’est M. de Girardin, a e´te´ accoste´ dans les corridors meˆmes de la Chambre. Le tumulte s’est continue´ jusque sur la place du Carrousel ; et c’est la`, je crois, qu’un soldat de la Garde, qui faisait partie d’une patrouille, a blesse´ un homme d’un coup de fusil»3. Bien que ministre en exercice, Pasquier ne dissimule rien du drame : «Au moment ou` les flots 1 2 3

Le Courrier franc¸ais du 3 juin 1820, p. 4. P. 623. Correspondance de M. de Re´musat pendant les premie`res anne´es de la Restauration, publie´e par son fils Paul de Re´musat, Paris : Calmann Le´vy, t. VI, 1886, pp. 487–488.

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qui s’e´coulaient de la place Louis XV s’approche`rent des grilles du palais, des patrouilles de la garde royale eurent ordre de circuler dans les lieux environnants, pour empeˆcher qu’il s’y formaˆt de nouveaux rassemblements. Soit qu’un groupe passant sur cette place ait oppose´ une re´sistance, soit, comme quelques personnes l’ont pre´tendu, que des cris se´ditieux aient e´te´ profe´re´s, soit qu’un soldat ait eu, ainsi qu’il l’a dit, a` re´sister pour se de´fendre contre un des manifestants qui cherchait a` lui arracher son fusil, toujours est-il qu’il fit feu et qu’un e´tudiant en droit aˆge´ de vingt-trois ans, nomme´ [Nicolas] Lallemand, tomba. Transporte´ chez son pe`re, il mourut deux heures apre`s. Il ne pouvait rien arriver de plus malheureux. L’action e´tait re´voltante, d’autant plus qu’elle n’e´tait nullement ne´cessaire, car le tumulte e´tait passe´ et chacun ne pensait qu’a` se retirer chez soi»1. Pasquier analyse ensuite les conse´quences politiques d’un tel acte. Le dimanche 4, jour de la Feˆte-Dieu et de processions, voici ce que Ville`le e´crit a` son e´pouse : «ce que je puis te dire, c’est que tout paraıˆt fort tranquille ce matin ; s’il y avait eu quelque chose d’important, il n’y a pas de doute que j’en serais informe´»2. Le meˆme jour, «le ministre d’E´tat, pre´fet de police, comte Angle`s» signait toutefois une ordonnance «concernant les attroupements» ou` e´taient reconnus les de´sordres, les rixes, les voies de fait qui avaient eu lieu les 2 et 3 juin sur le quai d’Orsay, le pont Louis XVI et la place Louis XV, troublant l’ordre public ; il interdisait en conse´quence «a` toutes personnes de former des re´unions ou attroupements sur la voie publique» et reque´rait l’intervention de la garde nationale de Paris et de la premie`re division militaire3. De`s la reprise des travaux de la Chambre, le lundi 5, ces e´ve´nements ` l’exte´rieur, la tension ne retombait pas : des firent l’objet des de´bats. A e´tudiants de droit et de me´decine, «portant la cravate blanche et arme´s de grosses cannes»4, s’e´taient re´unis dans l’apre`s-midi, sur la place Louis XV, puis, chasse´s par la gendarmerie a` cheval, s’e´taient dirige´s vers la Bastille ou` ils avaient e´te´ rejoints par des ouvriers ; le rassemblement e´tait revenu vers les Tuileries, mais «une pluie abondante» avait mis fin aux troubles. Le lendemain 6 juin e´tait le jour de l’enterrement de Lallemand : «Le convoi fut accompagne´ par trois ou quatre mille jeunes gens, tous veˆtus de noir»5, dans le plus grand calme. En fin de journe´e, des troubles e´clate`rent de nouveau, la troupe fut oblige´e «de balayer la place Louis XV». Il y eut 1 2 3 4 5

Me´moires du chancelier Pasquier, publie´s par M. le duc d’Audiffret-Pasquier, Paris : Plon, t. IV, 1894, p. 417. Me´moires et correspondance du comte de Ville`le, t. II, p. 384. Collection officielle des ordonnances de police, imprime´e par ordre de M. G. Delessert, Paris : Dupont, t. II, 1844, p. 170. P. Duvergier de Hauranne, Histoire du gouvernement parlementaire en France, t. V, p. 555. Me´moires du chancelier Pasquier, t. IV, 1894, p. 423.

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des blesse´s, la foule se dirigea vers les faubourgs, mais elle fut disperse´e rapidement par les forces de l’ordre. Pendant ce temps, a` la Chambre, les libe´raux cherchaient a` entretenir les de´bats sur les faits de la veille afin de retarder la discussion de la loi e´lectorale. En vain : l’examen de l’article premier reprit. La se´ance du 7 juin ouvrit sur les e´ve´nements et les libe´raux adopte`rent la meˆme tactique, pre´sentant de nombreux te´moignages sur la brutalite´ de la re´pression. Le ministre de Serre ferma la discussion et l’examen de la loi se poursuivit. Mais Paris n’avait pas retrouve´ le calme. Les e´tudiants cherchaient a` entraıˆner les ouvriers des faubourgs, les rassemblements grossissaient, les cris devenaient plus violents, le sang coulait. Le 9, lors d’une charge des cuirassiers, un homme fut tue´. La Chambre ne pouvait rester silencieuse : les libe´raux reprirent leurs accusations contre le gouvernement. Ce fut le dernier acte : «Le 10 juin, dans la Chambre comme au dehors, les grands orages prirent fin, la tranquillite´ ne fut plus trouble´e, la lec¸on avait e´te´ se´ve`re»1. Dans les de´bats tumultueux de la Chambre qui s’e´tendent du 5 au 10 juin et font suite aux troubles qui e´clatent a` Paris, les interventions de Benjamin Constant sont courtes et percutantes. Il est parmi les premiers a` prendre la parole le 5 juin a` la suite des menaces dirige´es l’avant-veille contre le marquis de Chauvelin, puis, un peu plus tard, il de´nonce la «faction» a` l’origine des troubles. Le lendemain, il prend de nouveau la parole, malgre´ de fre´quentes interruptions, a` propos d’un article du Moniteur rendant compte des e´ve´nements du lundi 5 ; il intervient une nouvelle fois, tentant, sans succe`s, de ralentir l’examen de la loi e´lectorale en maintenant la discussion sur les troubles des jours pre´ce´dents. Le 7 juin, il rapporte la lettre d’une victime, blesse´e par le coup de sabre d’un dragon, et s’oppose inutilement a` la fermeture de la discussion sur «l’agitation» dans le pays. Le jeudi 8 et le vendredi 9, e´puise´, il reste silencieux. Mais le 10, pousse´ par les graves affrontements de la veille, il remonte a` la tribune, parvient a` se faire entendre et, dans le prolongement de ses paroles du 5, de´signe, derrie`re la «faction», le gouvernement occulte du comte d’Artois. Il interviendra encore trois fois, brie`vement, le lundi 12 juin, mais ce sera dans le cadre des de´bats sur la loi des e´lections. La session sera officiellement cloˆture´e par le roi le 22 juillet dans un he´micycle fort de´garni. Les de´pute´s sont marque´s par une session des plus e´prouvantes, mais de´ja`, ils pensent a` avancer leurs pions en vue des e´lections de l’automne et de la prochaine session. Dans le courant de cet e´te´

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Me´moires du chancelier Pasquier, t. IV, 1894, p. 426.

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1820, Rosalie de Constant renoue avec son cousin un contact e´pistolaire qui s’e´tait interrompu depuis plusieurs anne´es ; dans ses re´ponses, Benjamin fera sentir de fac¸on aussi claire que lapidaire quel est son e´tat d’esprit dans cette situation politique qui lui est si pe´nible, mais il formule en meˆme temps quelques phrases qui sonnent comme une vibrante profession de foi du de´pute´ : «Malgre´ tout l’inte´reˆt que la politique m’inspire & doit m’inspirer dans ma situation, je suis quelquefois horriblement fatigue´ de mon meˆtier de maitre d’e´cole & d’avoir sans cesse a` ressasser les meˆmes ide´es»1, e´critil en septembre ; puis, le 7 novembre : «Nous nous preparons a` la session qui sera vive ou plate, car il y a les deux chances. Les Elections s’annoncent mal, & je vois au courage de nos ennemis les plus poltrons qu’ils se croient tre`s forts. [...] Ma mission est de faire si faire se peut triompher un Gouv[ernement] constitutionnel. Tant que je serai De´pute´, je ne puis penser ni a` moi, ni a` ce que vous appelez la gloire. Si je cesse de l’etre & que mes faculte´s n’ayent pas baisse´, je verrai. Mais une portion du peuple m’a confie´ ses interets, & je lui dois le sacrifice de mes succe`s comme de ma vie»2. F. R. et D. T.

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Lettre a` Rosalie de Constant, septembre 1820, OCBC, Correspondance, t. XI, p. 603. Lettre a` Rosalie de Constant, 7 novembre 1820, OCBC, Correspondance, t. XI, pp. 670–671.

Sur l’e´lection de M. Gre´goire.* (Se´ance du 6 de´cembre 1819.)1

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MESSIEURS, Si la question ne s’e´tait e´leve´e que sur la le´galite´ de l’e´lection qui nous occupe, je n’aurais point songe´ a` prendre la parole ; j’aurais pese´, pour me de´cider au silence, les raisonnemens pour la ne´gative ou l’affirmative, et j’aurais vote´ suivant ma conviction. Quiconque est satisfait de nos institutions, heureux sous le gouvernement du roi et de la Charte, ne peut avoir ni la volonte´ ni l’inte´reˆt de provoquer le trouble et le scandale. Mais on vous propose de cumuler deux questions, celle de la le´galite´ et celle qu’on appelle de l’indignite´, question bien plus importante, puisqu’elle inte´resse notre pacte fondamental, la repre´sentation et l’honneur du troˆne ; oui, Messieurs, l’honneur du troˆne, et je suis si frappe´ de cette ve´rite´, que c’est la seule dont je me propose de vous occuper2.

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E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 157–161 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 157–161 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 541, mardi 7 de´cembre 1819, p. 1544bc [=M] ; Archives parlementaires, t. XXV, pp. 728–729. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 167–170. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, mardi 7 de´cembre 1819, p. 689bc ; Journal des de´bats, mardi 7 de´cembre 1819, suppl. p. 1ab ; Le Courier, no 170, mardi 7 de´cembre 1819, p. 3ab ; Le Constitutionnel, no 341 [num. 361], mardi 7 de´cembre 1819, pp. 2b–3a ; La Quotidienne, no 341, mardi 7 de´cembre 1819, p. 2b ; Gazette de France, no 341, mardi 7 de´cembre 1819, p. 1439ab. ; Choix de rapports, opinions et discours. Session de 1819, pp. 20–23.

11 appelle de l’indignite´ ] appelle indignite´ M 1544b

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Les esprits e´taient de´ja` tre`s e´chauffe´s quand Laine´, l’ancien ministre de l’Inte´rieur qui avait donne´ son nom a` la ce´le`bre loi e´lectorale, prit la parole pour de´montrer, de fac¸on particulie`rement pe´remptoire, l’indignite´ de la personne de l’abbe´ Gre´goire et, de ce fait, l’impossibilite´ autant morale que le´gale qu’il y aurait a` l’accepter comme de´pute´ a` la Chambre. Acclame´ par la droite, Laine´ quitte la tribune a` laquelle paraıˆt aussitoˆt BC. Rapporteur de la commission ad hoc, Becquey avait recommande´ a` la Chambre de ne pas valider l’e´lection de Gre´goire parce que l’Ise`re avait e´puise´ son droit a` e´lire des candidats e´trangers au de´partement de`s le premier tour de l’e´lection – Gre´goire ayant e´te´ e´lu au second tour. L’ancien ministre Laine´ venait de recommander a` la Chambre de refuser l’admission de Gre´goire au seul motif de l’indignite´ de l’e´lu.

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Je commencerai par vous rappeler des faits. Je porterai, dans l’expose´ de ces faits, la plus grande impartialite´ et la plus se´ve`re exactitude ; et j’ose compter d’autant plus sur votre indulgence, que ces faits me conduiront naturellement a` rendre un juste et public hommage a` la sagesse profonde de notre monarque, qui a deux fois fait triompher les principes propres a` e´teindre toutes les haines, a` calmer tous les souvenirs, et, si j’ose re´pe´ter ici les paroles augustes sorties de sa bouche, a` fermer pour jamais l’abıˆme des re´volutions1. Messieurs, lorsque, le 8 juillet 1815, S. M. rentra dans sa capitale, vous savez tous dans quel e´tat de´plorable se trouvait la France, que de maux elle avait soufferts, combien de calamite´s la menac¸aient encore, quelles divisions existaient, quelles animosite´s s’e´taient re´veille´es ; et jusqu’a` quel point il importait, a` la vue de 800 mille e´trangers re´pandus sur notre territoire ou rassemble´s sur nos frontie`res, de donner aux diffe´rens partis, qu’agitaient encore la crainte ou la vengeance, des gages solennels qui leur rendissent la se´curite´. Que fit le roi, Messieurs ? Il sentit que, les maux e´tant plus grands en 1815 qu’en 1814, il devait faire plus pour cicatriser des blessures devenues plus profondes. En 1814, il avait inse´re´ dans sa Charte royale l’article XI, qui de´fend toutes recherches des votes et opinions2. En effet, en 1814, cet article pouvait suffire ; les passions e´taient moins exaspe´re´es ; il y avait entre les partis moins de griefs re´ciproques. Nul n’avait inte´reˆt a` fouiller dans les annales sanglantes d’une re´volution de vingt-cinq anne´es, pour y trouver des armes contre des ennemis qui n’existaient pas. En 1815, des coups plus terribles avaient e´te´ porte´s. De simples proclamations de principes ne suffisaient plus ; il fallait des actes ; il fallait passer, pour ainsi dire, de la the´orie a` la pratique. S. M., convaincue de cette ve´rite´ incontestable, et fide`le a` cette noble abne´gation d’elle-meˆme qui l’a porte´e a` limiter son propre pouvoir, s’imposa le plus grand des sacrifices.

7–8 l’abıˆme des re´volutions. ] apre`s ces mots ... (Mouvement d’adhe´sion.) M 1544b 26 plus ; il fallait ] plus. Il fallait M 1544c

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Dans son discours d’inauguration de la session, le 29 novembre 1819, Louis XVIII avait prononce´ cette phrase qui sera souvent cite´e : «La Providence m’a impose´ le devoir de fermer l’abıˆme des re´volutions, de le´guer a` mes successeurs, a` ma patrie, des institutions libres, fortes et durables» (Journal des De´bats, 30 novembre 1819, p. 4a). L’article 11 de la Charte : «Toutes recherches des opinions et votes e´mis jusqu’a` la restauration sont interdites. Le meˆme oubli est commande´ aux tribunaux et aux citoyens.»

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Un homme existait, qui non seulement avait laisse´ dans les annales de la re´volution, a` ses e´poques les plus terribles, des traces dont toute l’Europe avait connaissance, mais qui avait prononce´ ce vote fatal, ce vote dont les amis de la liberte´ ont ge´mi plus que personne, parce qu’ils sentaient que ce vote funeste e´tait un coup presque mortel a` la liberte´. Cet homme, Messieurs, le roi l’appela dans ses conseils1. Daignez re´fle´chir que, si mes paroles excitaient vos murmures, ce ne serait pas contre mes paroles, mais contre une nomination royale que vos murmures seraient dirige´s. Oui, Messieurs, cet homme, le roi l’appela dans ses conseils. Malheur a` qui ne verrait dans cette de´termination royale qu’une politique vulgaire qui cherchait a` s’appuyer d’un pre´tendu chef de parti ! Certes, a` cette e´poque meˆme, il y avait dans tous les partis des hommes non moins influens. Il y avait des ge´ne´raux a` la teˆte d’arme´es encore nombreuses. Le roi ne choisit point parmi eux, parce que ce n’e´tait pas un appui qu’il cherchait pour son troˆne, mais une preuve incontestable, e´clatante, sublime, qu’il voulait donner de son oubli complet du passe´. Ce fut une ratification solennelle de l’article XI de la Charte ; ratification d’autant plus digne d’hommage, qu’elle fut offerte volontairement, a` une e´poque ou` les e´trangers pouvaient preˆter leurs bras a` la vengeance, si le roi, par cet acte me´morable, ne leur euˆt de´clare´ qu’il ne voulait pas la vengeance, mais la fide´lite´ a` ce qu’il avait promis. Le roi voulut, Messieurs, que la pre´sence de l’homme qu’il avait appele´ dans ses conseils fuˆt une preuve vivante que la parole des rois est sacre´e, et que tout engagement contracte´ par eux est irre´vocable. Que vous propose-t-on maintenant, Messieurs ? d’arracher non seulement a` la France, mais au roi lui-meˆme, le fruit de son effort magnanime ; de de´truire cet article XI de la Charte, pour lequel S. M. s’est impose´, a` la face du Monde, le plus pe´nible, mais en meˆme temps le plus admirable des sacrifices ! Que dis-je ? on vous propose, sans s’en apercevoir sans doute, de blaˆmer le roi ! oui, Messieurs, de le blaˆmer ; car en adoptant une conduite comple`tement contraire a` la sienne, en vous opposant avec violence a` ce que, si l’e´lection est le´gale, la Chambre des de´pute´s suive l’exemple du roi, vous proclamez a` toute l’Europe qu’il y aurait indignite´ pour la Chambre, si elle faisait ce que S. M. n’a pas trouve´ de l’indignite´ a` 5–6 Cet homme, Messieurs, le roi l’appela ] Le Roi, Messieurs, l’appela M 1544c Daignez ] Messieurs daignez M 1544c 11 chef de parti ! ] chef de parti. M 1544c 18 d’hommage ] d’hommages M 1544c 27 S. M. s’est impose´ ] S. M. s’est impose´e Discours 1827 I 160 1

Tous les auditeurs de BC reconnaissent imme´diatement Joseph Fouche´ sans qu’il faille le nommer. Fouche´ fut ministre de la Police sous le gouvernement de Talleyrand du 9 juillet au 26 septembre 1815.

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faire pour ses conseils. Eh quoi ! la re´compense du plus grand sacrifice serait pour le monarque, de la part de ses de´pute´s, une censure qui, pour eˆtre indirecte, n’en serait pas moins blessante, et retentirait chez tous nos voisins. Non, Messieurs, vous sentirez combien ce ze`le vous e´garerait. Par une suite naturelle de votre ve´ne´ration pour le monarque-le´gislateur, pour un monarque, scrupuleux observateur de ses promesses, vous e´carterez la question de l’indignite´. Quant a` moi, qui la professe since`re et profonde, cette ve´ne´ration, je ne consentirai jamais a` prononcer ainsi la condamnation d’un acte royal qui a e´te´ le gage de l’amour du roi pour son peuple, et de son respect pour ses sermens. Je me croirais le plus audacieux des hommes, le plus coupable de´tracteur de la majeste´ du troˆne, si j’osais reconnaıˆtre pour moi une indignite´ dans une chose ou` Louis XVIII, tout entier au salut de la France et a` son de´vouement pour la paix publique, n’a pas reconnu une indignite´ pour sa personne sacre´e1. Ce n’est donc pas seulement au nom de la Charte, c’est au nom du roi, au nom de tout ce qu’il a fait pour re´tablir le calme et la concorde, au nom des fruits que nous retirons de´ja` de sa prudence et de sa sagesse, que je demande que nous e´cartions la question de l’indignite´, qui est une insulte a` la conduite royale, et que, fermant cette discussion si dangereuse, nous nous bornions simplement a` de´libe´rer sur la le´galite´.2 8 de l’indignite´ ] d’indignite´ M 1544c 10 qui a e´te´ le gage de l’amour du roi ] qui a e´te´ dans le principe constitutionnel le gage de son amour M 1544c 13–14 de la France ] de son peuple M 1544c 1

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Fine, retorse et rhe´toriquement tre`s spectaculaire, l’argumentation de BC, qui s’efforce de persuader la droite que l’avis de ses repre´sentants est contraire a` la valeur supreˆme qu’elle pre´tend de´fendre (le respect du roi), n’avait pas grande chance de convaincre quand on sait la haine nourrie par la droite a` l’encontre du duo Talleyrand–Fouche´, telle que la re´sume cette ce´le`bre phrase de Chateaubriand : «Tout a` coup une porte s’ouvre : entre silencieusement le vice appuye´ sur le bras du crime, M. de Talleyrand marchant soutenu par M. Fouche´ ; la vision infernale passe lentement devant moi, pe´ne`tre dans le cabinet du Roi et disparaıˆt. Fouche´ venait jurer foi et hommage a` son seigneur ; le fe´al re´gicide, a` genoux, mit les mains qui firent tomber la teˆte de Louis XVI entre les mains du fre`re du roi martyr ; l’e´veˆque apostat fut caution du serment.» (Me´moires d’Outre-tombe, e´dition de J.-C. Berchet, t. II, Paris : Bordas, 1992, pp. 646–647). Le de´bat se poursuivra, toujours aussi tendu, les orateurs des deux camps se succe´dant a` la tribune. La relation du Constitutionnel au moment du vote donne a` sentir l’atmosphe`re de cette journe´e qui allait donner le ton a` toute la session : «M. le pre´sident (au milieu des murmures, des cris : ce n’est pas cela ! qui partent du coˆte´ gauche, et des cris : aux voix ! qui partent du centre) : Que ceux qui sont d’avis de ne pas admettre M. Gre´goire, veuillent bien se lever. Le centre et le coˆte´ droit se le`vent en masse, au cri de vive le Roi ! auquel re´pondent quelques personnes place´es aux tribunes, et certains journalistes qui re´digent la se´ance. (On ne s’entend plus) En vain recommande-t-on aux huissiers d’imposer silence aux

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tribunes. Des cris confus parviennent seuls a` l’oreille. Au milieu de ce de´sordre la contree´preuve demande´e n’a pu avoir lieu. De nouvelles acclamations n’ont pas permis au coˆte´ gauche de prendre une part re´elle a` la de´libe´ration. La plupart des membres de ce coˆte´ n’ont cesse´ de demander des explications et un calme qu’ils n’ont pu obtenir. La non admission de M. Gre´goire est prononce´e, et la se´ance est leve´e a` cinq heures et demie.» (Le Constitutionnel, 7 de´cembre 1819, p. 4b).

3 «Une chambre divisée en trois partis : coté [sic] gauche, centre, coté [sic] droit», anonyme, lithographie coloriée, [1819] BnF, Paris, Département des Estampes et de la photographie, RESERVE QB-FT 4, coll. Vinck no 10487

Sur la proposition de voter six douzie`mes provisoires.* (Se´ance du 24 de´cembre 1819.)1

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MESSIEURS, Il est clair que la seule question de savoir si l’on accordera deux, quatre ou six douzie`mes, n’est pas ici la ve´ritable question ; car, ce que nous accordons en une seule fois, nous pouvons l’accorder par deux de´libe´rations successives, et cela sans inconve´nient. Le gouvernement a la preuve en ce moment de la facilite´, de la rapidite´, avec lesquelles la Chambre peut statuer sur de telles demandes : toute argumentation prise dans l’inte´reˆt des finances, dans les inte´reˆts du cre´dit, doit tomber devant cette conside´ration. Les cre´anciers de l’Etat savent tre`s bien que leur garantie n’est pas dans un vote provisoire ni de´finitif, mais dans l’existence meˆme du gouvernement, dans le pouvoir royal et dans celui des Chambres. La question n’est donc nul*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 162–164 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 162–164 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 559, samedi 25 de´cembre 1819, p. 1618bc [=M] ; Archives parlementaires, t. XXV, p. 770. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 171–172. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, samedi 25 de´cembre 1819, p. 762a [pag. 772] ; Journal des de´bats, samedi 25 de´cembre 1819, p. 3b ; Le Courier, no 188, samedi 25 de´cembre 1819, pp. 3b–4a ; Le Constitutionnel, no 359, samedi 25 de´cembre 1819, p. 3a ; La Quotidienne, no 359, samedi 25 de´cembre 1819, p. 3b ; L’Inde´pendant, no 230, samedi 25 de´cembre 1819, p. 2b ; Gazette de France, no 359, samedi 25 de´cembre 1819, p. 1511b ; Choix de rapports, opinions et discours. Session de 1819, pp. 79–80.

14 dans celui des Chambres ] les chambres M 1618b 1

La discussion sur les lois de finances avait commence´ le 20 de´cembre. Le ministre des Finances, Roy, l’avait ouverte en pre´sentant un projet de loi visant notamment a` autoriser le gouvernement a` disposer, avant l’entre´e en vigueur effective des lois lie´es au budget, de six douzie`mes du budget pre´vu, afin de pouvoir engager imme´diatement des fonds ne´cessaires pour assurer la continuite´ des charges de l’E´tat. La commission par la voix de son rapporteur (Ternaux) avait sugge´re´ d’accepter la loi tout en re´duisant de six a` quatre douzie`mes l’ampleur de la latitude a` accorder au gouvernement. Ce qui semblait devoir n’eˆtre qu’une formalite´ (des dispositions semblables avaient e´te´ prises les anne´es pre´ce´dentes) suscite ici une longue discussion ; entre animosite´s personnelles et positionnements strate´giques envers le gouvernement, chacun y va de son coup de griffe. BC qui prend la parole apre`s de nombreuses interventions, toutes tre`s tranche´es, a parfaitement compris, comme on le voit dans les lignes qui suivent, que la question est devenue purement politique.

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lement financie`re : sous ce rapport, il est e´vident que les quatre douzie`mes suffisent ; la question est entie`rement poli tique, elle consiste dans le degre´ de confiance que peut nous inspirer le ministre. Ici, Messieurs, je m’expliquerai sans amertume et sans application aux personnes. L’opinion est incertaine, agite´e ; des assertions e´tranges ont e´te´ accre´dite´es, des changemens vous ont e´te´ annonce´s. De`s ce moment, la confiance a cesse´ d’exister ; elle n’existe meˆme pas dans ceux qui font profession de croire aux bonnes intentions du ministe`re ; car ceux-la` meˆmes savent tre`s bien que la dure´e de ce ministe`re tient a` l’adoption de ses projets. C’est donc un ministe`re provisoire qui demande des douzie`mes provisoires (mouvement dans l’assemble´e). Un des orateurs qui de´fendait le projet a reconnu lui-meˆme que la situation e´tait grave et pe´rilleuse ; nous devons donc prendre toutes les pre´cautions que ces dangers commandent ; et de´ja` ne voyons-nous pas, que la proposition de la commission a produit un effet salutaire, un effet au-dessus de nos espe´rances. M. le pre´sident du conseil1 ne vient-il pas de de´clarer que l’intention du gouvernement e´tait de laisser subsister ce qui est. Peut-eˆtre a-t-il reconnu lui-meˆme que les projets dont le bruit s’est re´pandu e´taient la ve´ritable cause des alarmes qu’on ne peut me´connaıˆtre. (Nouveaux mouvemens2.) Un orateur, dont j’honore les intentions autant que j’admire son talent, a craint qu’en ne votant que quatre douzie`mes la Chambre ne montraˆt une de´fiance dont l’opinion pouvait s’inquie´ter d’une manie`re dangereuse3. Non, Messieurs, la nation est plus e´claire´e qu’on ne le croit : qu’elle sache que la Cham bre est attentive au maintien de ses droits et de ses institutions, 2 suffisent ; la question ] suffisent, mais la question M 1618b 4–5 application aux personnes. L’opinion ] application de personnes. Il est trop e´vident que l’opinion M 1618b 5–6 des assertions ... des changemens ... annonce´s. De`s ce moment ] que des assertions ... que des changemens vous ont e´te´ annonce´s et que de`s ce moment M 1618b 8 profession de croire aux bonnes intentions ] profession d’une entie`re confiance dans les intentions M 1618b car ceux-la` meˆmes ] car ceux-la` me´me M 1618b 1 2

3

Decazes. BC dit tout haut ce que tout le monde pressent : vu la tension ambiante et le regain de force de la droite, on est a` la veille de profonds changements. Les orateurs qui se sont succe´de´ a` la tribune dans la discussion ont e´voque´ en des termes divers, mais toujours pe´remptoires voire dramatiques, les dangers d’un basculement vers l’un ou l’autre des extreˆmes. Les attaques les plus fortes sont venues de la droite (en particulier de La Bourdonnaye) qui, de fait, monte la charge contre Decazes et son gouvernement qu’elle accuse de fomenter l’anarchie et de pre´parer un coup d’E´tat. Decazes lui-meˆme e´tait intervenu pour tenter de calmer les esprits, donnant a` BC et a` ses allie´s quelques raisons d’espe´rer que le gouvernement pourrait renoncer a` faire passer en force son projet de nouvelle loi e´lectorale. C’est en effet un argument qu’avait repris Courvoisier, l’un des piliers du camp libe´ral, qui s’e´tait exprime´ juste avant BC.

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et elle retrouvera toute sa tranquillite´. Prouvons que nous connaissons le vœu de cette nation ; que le ministre prouve qu’elle sera de´fendue dans ce qu’elle a de plus cher ; qu’il reste fide`le aux protestations que nous venons d’entendre avec tant de joie ; qu’il maintienne nos institutions, et il verra a` l’instant renaıˆtre cette confiance et cette unanimite´ qui fera sa force. Je crois, d’apre`s ces conside´rations, toutes puise´es dans l’examen de notre position politique, devoir me borner a` voter pour le projet de votre commission, c’est-a`-dire pour quatre douzie`mes.1

8 c’est-a`-dire pour quatre douzie`mes ] absent dans M

1

Finalement, la discussion n’a rien donne´ d’autre que le reflet de la situation au sein d’une Chambre e´lectrise´e : la question pre´alable est vote´e, si bien que l’amendement de la commission ne sera pas soumis aux voix.

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[Intervention sur le proce`s-verbal]* Se´ance du 30 de´cembre 18191

1640c

Messieurs, Il m’a paru que le proce`s-verbal, malgre´ l’excessive longueur de sa re´daction, offrait des inexactitudes et des omissions, surtout dans la dernie`re partie. On a passe´ fort le´ge`rement sur des objections faites aux argumens exprime´s par les ministres, apre`s avoir expose´ ces argumens avec de´tails et beaucoup de soin. Les assertions de M. le ministre de l’inte´rieur ont e´te´ de´duites tre`s-longuement et les re´ponses qu’on y a faites ne sont nullement analyse´es2. A Dieu ne plaise que je veuille supposer qu’il y ait eu de l’intention dans l’inexactitude qui m’a frappe´ ; mais je dois observer que M. le ministre des affaires e´trange`res a dit que des faits avaient prouve´ l’influence d’un parti sur les e´lections. La re´ponse a de´truit complettement cette grave inculpation, et prouve´ que jamais la liberte´ des choix n’avait e´te´ plus libre et plus entie`re3. Apre`s cette re´ponse victorieuse, la cloˆture de la discussion a e´te´ demande´e ; le ministre e´tait la` il devait loyalement la de´mentir, s’il euˆt e´te´ possible malgre´ cela, il ne s’est point oppose´ a` la cloˆture4. La ve´rite´ de cette re´ponse a donc e´te´ reconnue par le fait meˆme de son silence. *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 565, vendredi 31 de´cembre 1819, p. 1640c ; Archives parlementaires, t. XXVI, pp. 10–11. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, vendredi 31 de´cembre 1819, p. 782b ; Journal des de´bats, vendredi 31 de´cembre 1819, p. 3b ; Le Courier, no 194, vendredi 31 de´cembre 1819, p. 1a ; Le Constitutionnel, no 365, vendredi 31 de´cembre 1819, p. 2b ; La Quotidienne, no 365, vendredi 31 de´cembre 1819, p. 3b ; L’Inde´pendant, no 235, vendredi 31 de´cembre 1819, pp. 2b–3a ; Gazette de France, no 365, vendredi 31 de´cembre 1819, p. 1531a.

1

BC intervient de`s l’ouverture de la se´ance qui suit imme´diatement celle du 24 de´cembre. Le proce`s-verbal concerne´ rend donc compte de la discussion houleuse sur l’autorisation de pre´lever les six douzie`mes des contributions de 1820 sur les roˆles de 1819. Dans ce de´bat qui avait vu trois ministres prendre la parole, Decazes, ministre de l’Inte´rieur qui avait de´veloppe´ la menace des «factions» (c’est-a`-dire, selon lui, les complots de la gauche re´publicaine), avait e´te´ vertement contredit par Courvoisier. Les propos de Pasquier, le ministre des Affaires e´trange`res, de´veloppe´s dans le meˆme sens que ceux de Decazes, avaient e´te´ re´fute´s, vigoureusement la` aussi, par Chauvelin. L’absence de ponctuation apre`s «euˆt e´te´ possible» rend la phrase obscure. La version du Journal des de´bats est plus claire : «M. le ministre des affaires e´trange`res e´toit la` ; il devoit regarder cette observation [de Chauvelin] comme une demande de production de pie`ces, attendu qu’il en falloit avoir pour jeter sur la nation, et sur les de´pute´s, une inculpation aussi e´trange. / Malgre´ cela, le ministre ne s’est pas oppose´ a` la cloˆture de la discussion.»

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Je ne demande pas, au reste, que le proce`s-verbal soit rectifie´. Mais, comme mes observations seront inse´re´es dans celui qui relatera la se´ance de ce jour, elles auront du moins la publicite´ que j’ai cru ne´cessaire de leur donner. Je demande toutefois, que la re´daction de nos proce`s-verbaux soit faite a` l’avenir, et avec plus d’exactitude et plus courte.

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Sur les pe´titions en faveur de la loi du 5 fe´vrier, relativement aux e´lections.* (Se´ance du 14 janvier 1820.)1

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Messieurs, Avant de m’occuper de la question soumise a` votre de´libe´ration, je crois devoir relever une expression d’un des pre´opinans, parce qu’elle place la question dans un faux jour, et que nous sommes tous, tant en notre nom particulier, qu’au nom de nos commettans qui nous ont envoye´ des pe´titions, oblige´s de dire que le reproche adresse´ par l’honorable pre´opinant aux pe´titionnaires est tout-a`-fait mal fonde´. Il a dit que l’agitation n’avait commence´ qu’apre`s le discours e´mane´ du troˆne, que c’e´tait pour blaˆmer le roi que ces pe´titions avaient e´te´ re´dige´es, qu’elles dirigeaient le blaˆme contre la volonte´ royale2. Or vous savez tous, Messieurs, qu’il faut distinguer le roi de ses ministres. Dans toutes ces *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 164–172 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 164–172 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 15, samedi 15 janvier 1820, p. 62ab [=M] ; Archives parlementaires, t. XXVI, pp. 49–51. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 173–178. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, samedi 15 janvier 1820, p. 840bc ; Journal des de´bats, samedi 15 janvier 1820, p. 4b ; Le Constitutionnel, no 15, samedi 15 janvier 1820, p. 4b ; La Quotidienne, no 15, samedi 15 janvier 1820, p. 4b ; L’Inde´pendant, no 251, dimanche 16 janvier 1820, p. 1ab ; Gazette de France, no 15, samedi 15 janvier 1820, p. 60ab.

13 qu’elles dirigeaient ] qu’on dirigerait M 62a 1

2

139 pe´titions signe´es au total par pre`s de 19.000 citoyens e´taient parvenues a` la Chambre pour exiger le maintien sans changement de la loi e´lectorale du 5 fe´vrier 1817, dite «loi Laine´». La droite, par la voix du rapporteur de la commission Mestardier demande le simple passage a` l’ordre du jour, soit la mise a` l’e´cart des pe´titions sans discussion. Mais tout le monde sent bien que de´bat il y aura et plusieurs de´pute´s s’y sont pre´pare´s. Les libe´raux passent a` l’offensive, d’abord par Dupont de l’Eure ; le ministre Pasquier re´pond par un discours lui aussi re´dige´ ; les orateurs de la droite voient dans les pe´titionnaires de dangereux «factieux» alors que ceux qui, au me´pris de la Charte, voudraient imposer le changement de loi e´lectorale sont qualifie´s a` gauche d’«obscurs pygme´es» (Archives parlementaires, t. XXVI, pp. 45–46). C’est au milieu de ce de´bat tre`s tendu que BC intervient. Le de´pute´ Barthe-Labastide avait termine´ son discours en notant qu’ayant e´te´ envoye´es aussitoˆt apre`s le discours du troˆne du 29 novembre, les pe´titions e´taient de fait des attaques directes contre le roi : «N’ont-elles pas e´te´ faites pour s’opposer aux intentions annonce´es par Sa Majeste´, pour blaˆmer ce discours ?» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 48).

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pe´titions, si elles avaient e´te´ lues a` cette tribune, vous auriez vu beaucoup de respect pour le roi, l’auteur de la Charte, et beaucoup d’alarmes excite´es par des propositions qui ont e´te´ plus annonce´es par des articles officiels que dans le discours e´mane´ du troˆne, discours qui d’ailleurs est toujours en soi un discours ministe´riel ; vous y auriez vu que la de´sapprobation contre les mesures annonce´es ne porte que sur les ministres, que les signataires des pe´titions ont cru devoir se´parer de la volonte´ royale1. Il m’a paru ne´cessaire de commencer par cette de´claration, afin qu’on ne vıˆt dans les pe´titions aucune intention dirige´e contre le roi. Maintenant je vous avoue que cette discussion me paraıˆt offrir le contraste le plus e´trange. Les pe´titions qui ont fait l’objet du rapport disent pre´cise´ment ce que les ministres disaient il y a un an ; ces pe´titions sont en faveur de la loi des e´lections, re´dige´es presque dans les meˆmes termes que ceux qu’avaient employe´s dernie`rement a` la tribune les ministres qui de´fendaient alors cette meˆme loi ; elles sont les meˆmes, a` peu de choses pre`s, que celles que signaient alors, avec l’aveu des ministres, des pre´fets et des maires, qui recueillaient des e´loges de la part du gouvernement pour avoir obtenu ces pe´titions. Je pourrais citer deux pre´fets, de´fendus a` la Chambre des pairs par le ministre de l’inte´rieur, parce qu’ils e´taient accuse´s d’avoir provoque´ ces pe´titions2 ; et aujourd’hui, parce que les pe´titionnaires veulent ce que vous vouliez il y a un an, vous les traitez comme des factieux et des anarchistes ! Cette manie`re de faire le proce`s a` la nation me paraıˆt la chose la plus e´tonnante qu’on ait encore vue dans une assemble´e. 13–14 qu’avaient employe´s ... les ministres ] employe´s ... par les ministres M 62a 15 que signaient ] signe´es M 62a 19 qu’ils e´taient accuse´s ] qu’il e´tait accuse´ M 62a pe´titions ; et aujourd’hui ] pe´titions. Et aujourd’hui M 62a 23 dans une assemble´e. ] apre`s ces mots (M. Castelbajac. Les pe´titionnaires ne sont pas la nation.) M 62a 1

2

BC revient en passant sur le sujet qui lui importait tant et qu’il venait de commenter une nouvelle fois dans un article de La Minerve : «De la responsabilite´ des ministres dans les propositions des lois» (La Minerve, t. VIII, 11–13 de´c. 1819, OCBC, Œuvres, t. XIII, pp. 317– 325). Lors de la se´ance du 23 mars 1819 de la Chambre des pairs, le duc de Montmorency avait produit une circulaire signe´e par le pre´fet d’un de´partement, qui e´nonc¸ait de manie`re ouverte sa de´sapprobation face a` «l’attaque la plus violente» porte´e contre la loi des e´lections. Sans aller jusqu’a` dire que le pre´fet en question faisait de l’agitation, Montmorency souhaitait au moins que son intervention soit porte´e au proce`s-verbal, de fac¸on a` ce que soit ainsi rappele´ aux fonctionnaires leur devoir de re´serve. Decazes, lui-meˆme pair et ministre de l’Inte´rieur, re´pondit en disant qu’en tant que ministre, il voterait pour la mention de l’observation de Montmorency, puisqu’il s’agit d’un agissement d’un fonctionnaire place´ sous ses ordres, mais qu’en tant que pair, il ne souhaitait pas que les proce`s-verbaux enregistrassent tous les propos tenus a` la Chambre qui n’ont pas de lien avec les de´libe´rations en cours (Archives parlementaires, t. XXIII, pp. 338–339).

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Si ces pe´titions sont factieuses, ce qu’on disait il y a un an e´tait donc factieux ; ainsi les discours des ministres e´taient factieux ; et si les ministres n’ont pas eu de tort l’anne´e dernie`re, quel tort peuvent avoir aujourd’hui les pe´titionnaires qui ne font que reproduire le meˆme langage ? Les conclusions du rapport tendent a` faire modifier par un simple ordre du jour un article de la Charte ; c’est tout simplement avec quelques invectives contre les pe´titionnaires qu’on vous propose d’interpre´ter un article de la Charte, et de restreindre le droit de pe´tition a` un point auquel il n’a jamais e´te´ restreint. On vient de vous dire que les pe´titions collectives doivent eˆtre rejete´es par l’ordre du jour : c’est de´truire vos propres institutions, et la pre´rogative de la Chambre1. Cette seule conside´ration doit vous arreˆter. Si l’on voulait interpre´ter l’article de la Charte, si l’on trouve que le droit de pe´tition, tel qu’il y est exprime´, est dangereux, ce serait par suite d’une proposition formelle qu’on devrait le restreindre2. Mais il paraıˆt que les hommes qui re´clament avec tant de ze`le pour la pre´rogative royale l’ont singulie`rement oublie´e. En effet, n’empie´tent-ils pas sur elle, quand ils proposent de faire par un simple ordre du jour ce qu’on ne peut faire que par une loi ? car un article de la Charte ne peut eˆtre interpre´te´ que par une loi. Quoi ! c’est parce que de telles pe´titions sont intitule´es, les habitans ou des habitans, que vous de´clarez les unes collectives et les autres individuelles. En sommes-nous donc re´duits a` ces mise´rables arguties, quand il s’agit de restreindre les droits du peuple ? Ne peut-on pas marcher plus franchement, et s’abstenir de jeux de mots et de synonymes, que j’assimilerais, si je l’osais devant vous, aux calembourgs de nos plus burlesques comiques ? On vous a objecte´ l’identite´ des pe´titions. Je suis d’autant plus oblige´ a` re´pondre a` cette objection, qu’elle porte principalement sur le de´partement 2–3 factieux ; et si ... eu de tort ] factieux. Et si ... eu tort M 62a 10 l’ordre du jour : c’est ] l’ordre du jour. C’est M 62a 12 doit vous arreˆter. ] devrait vous empeˆcher de passer a` l’ordre du jour. M 62a 18 par une loi ? car ] par une loi ; car M 62a 20–21 les habitans ou des habitans ] pas en italique Discours 1827 I 167 26 comiques ? ] comiques. M 62a 1

2

Une fois encore, BC profite de la discussion sur un sujet particulier pour de´fendre un principe ge´ne´ral, en l’occurrence le droit de pe´tition garanti par la Charte et vivement conteste´ par la droite chaque fois que les pe´titionnaires s’opposent a` ses vues. En effet, plusieurs des intervenants qui ont pre´ce´de´ BC a` la tribune venaient de remettre en cause le droit de pe´tition. BC exage`re l’autorite´ de l’article 53 de la Charte qui est tre`s vague : «Toute pe´tition a` l’une ou l’autre des Chambres ne peut eˆtre faite et pre´sente´e que par e´crit. La loi interdit d’en apporter en personne et a` la barre».

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que je repre´sente. Car, comme il a e´te´ plus qu’un autre vexe´ par les administrateurs de 1815, de 1816 et de 1817, qu’il a eu plus a` se plaindre qu’un autre, qu’il n’a obtenu aucune re´paration jusqu’en 1818, ou` enfin il a eu des administrateurs plus respectueux pour les droits des citoyens, il a pu s’exprimer d’une manie`re uniforme1. Y a-t-il donc tant de manie`res de dire qu’on veut la Charte et la loi des e´lections ? L’identite´ des sentimens doit produire l’identite´ des paroles. Si vous con sultiez la France tout entie`re, elle vous re´pondrait par des phrases probablement identiques, parce qu’on ne peut pas dire de deux manie`res qu’on veut vivre sous l’empire du roi et de la Charte. On vous a parle´ de pe´titions injurieuses ; mais on ne vous a pas dit que la seule pe´tition injurieuse qu’on vous a cite´e e´tait signe´e par un seul individu. On vous l’a cite´e parmi d’autres, comme si elle e´tait l’expression d’une masse commune de la majorite´ des pe´titionnaires. Or cette pe´tition est signe´e par un seul individu ; et encore, que renferme-t-elle ? une expression qui n’est pas convenable : s’il y a quelques de´pute´s qui s’e´cartent de leur devoir, on les comptera2. Certainement l’expression est inconvenante : mais conside´rez ce qui a lieu en Angleterre ; apre`s toutes les de´libe´rations du parlement, on publie les noms des membres de la majorite´ et de la minorite´. On ne croit pas leur faire injure. Il est possible que le pe´titionnaire n’ait pas voulu dire autre chose, sinon que les hommes qui pensent comme lui trouveraient que ces de´pute´s n’ont pas bien vote´. On aurait duˆ au moins vous dire qu’un seul individu s’e´tait permis cette expression, et ne pas jeter le blaˆme sur la masse des pe´titionnaires. 2 et de 1817 ] et 1817 M 62a 4 plus respectueux ] plus tole´rans M 62a 8–9 tout entie`re, elle vous re´pondrait par des phrases probablement ] toute entie`re, elle vous re´pondrait probablement par des phrases M 62b 16–17 s’il y a quelques de´pute´s qui s’e´cartent de leur devoir, on les comptera ] en italique M 62b 17–18 inconvenante : mais conside´rez ce qui a lieu en Angleterre ; apre`s ] inconvenante. Mais si l’on veut conside´rer ce qui se passe en Angleterre, on sait qu’apre`s M 62b 1

2

Mestardier, le rapporteur de la commission, avait fait observer notamment : «Trente pe´titions de diverses communes du de´partement de la Sarthe, presque toutes faites visiblement sur le meˆme mode`le, ont e´te´ toutes nume´rote´es, re´unies en un seul envoi, et sont arrive´es ensemble.» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 28). Dans son rapport, Mestardier avait pre´sente´ un florile`ge des expressions les plus virulentes renferme´es dans les pe´titions. Celle qui avait suscite´ beaucoup d’e´moi aupre`s des de´pute´s se pre´sentait ainsi : «S’il se trouvait, ce que l’on ne peut croire, parmi nos repre´sentants, des de´pute´s parjures a` leurs serments, on les comptera». Et le rapporteur d’ajouter ce commentaire : «Ce sont, Messieurs, de ve´ritables adresses excitatives, encourageantes, menac¸antes, annonc¸ant, par anticipation, l’e´loge et le blaˆme.» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 29).

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On vous a parle´ des empie´temens sur l’initiative royale. Certes le droit de pe´tition collective ou individuelle, tel qu’il a e´te´ exerce´ depuis trois ans dans cette Chambre, n’est nullement un empie´tement sur l’initiative royale. Quand vous recevez une pe´tition, vous ne de´libe´rez pas sur le fond de cette pe´tition. En ordonnant qu’une pe´tition soit de´pose´e au bureau des renseignemens, vous donnez aux commissions forme´es dans votre sein, ou bien a` chacun de vos membres, la facilite´ de la consulter au besoin ; mais vous ne la discutez pas au moment ou` elle vous est soumise, vous ne pourriez pas sur-le-champ re´diger d’apre`s elle une proposition. On ne doit donc pas craindre qu’elle introduise dans la Chambre des propositions qui devaient eˆtre e´carte´es. Lorsque vous renvoyez une pe´tition aux ministres, vous les invitez seulement a` s’occuper de son objet. Mais soit que vous ordonniez le de´poˆt de la pe´tition au bureau des renseignemens, ou son renvoi aux ministres, vous ne faites rien que ce que la Charte a prescrit, vous n’empie´tez aucunement sur l’initiative royale. Les argumens contre les pe´titions collectives me paraissent donc tomber comple`tement. Mais un argument qui ne peut pas tomber, c’est que la Charte ne les a pas interdites. Or une seule branche des trois pouvoirs ne peut oˆter aux citoyens un droit que la Charte leur a donne´ ; votre ordre du jour serait une atteinte formelle a` l’article de la Charte. Il y a des constitutions qui ont repousse´ les pe´titions collectives. Pourquoi ? c’est qu’elles e´taient moins fortes que la noˆtre. Mais, aujourd’hui, n’avons-nous pas la division des deux Chambres et toutes les garanties que l’expe´rience a sugge´re´es au fondateur de la Charte ? Aujourd’hui nous n’avons pas besoin d’eˆtre si timides, parce que le gouvernement, tant qu’il marchera constitutionnellement, n’aura pas le moindre de´sordre a` craindre. C’est parce que les attributions de la Chambres sont limite´es, et qu’elle ne peut recevoir aucune insinuation dangereuse du dehors, que la Charte a consacre´ pleinement et entie`rement le droit de pe´tition pour tous les citoyens. On l’a de´ja` rappele´. Vous avez accueilli des pe´titions collectives dans la dernie`re se´ance, et aujourd’hui meˆme : personne ne s’est e´leve´ contre l’accueil que vous leur avez fait ; et, parce que les pe´titions actuelles portent sur le premier de nos droits, vous voudriez les re´pousser ? Non, Messieurs, vous ne le pouvez pas. Apre`s cette discussion, l’ordre du jour serait un anathe`me prononce´ contre tous les pe´titionnaires. (Non, non, pas du tout.) Oui, Messieurs, on a dit que les pe´titions e´taient factieuses, on a parle´ des re´volutionnaires qui les 34 portent sur le premier ] parlent sur le premier M 62b 37 Non, non, pas du tout ] avant ces mots Un grand nombre de voix a` droite et au centre : M 62b

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avaient sugge´re´es ; je dis donc que si l’on passait a` l’ordre du jour, apre`s une discussion semblable, ce serait frapper les pe´titionnaires d’un anathe`me. On vous a dit : Les pe´titionnaires ne sont pas le´se´s, ils ne sont point victimes de quelques abus de pouvoir, et par conse´quent ils n’ont pas le droit de se plaindre ; mais je demanderai pourquoi ? c’est parce que nous avons de bonnes institutions. Pourquoi ont-ils e´te´ victimes a` une e´poque que je ne veux pas rappeler ? c’est parce que nous n’avions pas ces institutions protectrices. Est-il donc e´tonnant, quand ils voient qu’on veut leur enlever ces institutions, qu’ils viennent au nom de l’inte´reˆt ge´ne´ral et particulier vous demander le maintien de votre loi des e´lections, qui a ramene´ pendant quelque temps les ministres a` plus de mode´ration ; une loi d’e´lection qui re´unit dans la repre´sen tation nationale les vrais organes du peuple, et qui a fait sentir aux agens du pouvoir qu’il fallait se renfermer strictement dans les dispositions de la Charte ? C’est donc en se liant a` l’inte´reˆt ge´ne´ral que les inte´reˆts particuliers s’adressent a` vous. On parle d’une opinion factice. Cette imputation n’est pas ne´e de ce jour ; je pourrais montrer a` ceux qui se la permettent, leurs phrases toutes faites dans le Moniteur1. De tout temps on a parle´ d’une opinion factice et se´ditieuse, et toujours lorsque les agens du pouvoir ont eu leurs raisons pour de´daigner l’opinion publique. Cette opinion demande encore aujourd’hui le troˆne et la liberte´. Elle n’a point change´ ; elle vous offre le tribut de l’expe´rience. Depuis cinq ans elle jouit des bienfaits de la Charte ; les pe´titionnaires vous disent : Depuis trois ans nous nous trouvons bien sous la loi des e´lections, nous jouissons de notre liberte´, conservez-nous-la ; certes ce n’est pas la` former une demande qui porte atteinte a` l’initiative. On vient de vous lire une lettre de´nonc¸ant des manœuvres pour signer des pe´titions2. Eh bien ! il faut conserver ces pe´titions pour ve´rifier si ces ma2 anathe`me. ] apre`s ce mot (Meˆme mouvement. Plusieurs voix a` gauche : Oui, oui, cela est vrai.) M 62b 5 pourquoi ? c’est parce que ] pourquoi ; c’est parce que Discours 1827 I 170 14 de la Charte ? C’est donc ] de la Charte. C’est donc Discours 1827 I 171 M 62b 22–23 les pe´titionnaires ] elles M 62b 1

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L’expression «opinion factice» e´tait largement utilise´e notamment dans les discussions sur la liberte´ de la presse qui s’e´taient de´veloppe´es de`s 1815. Les journaux e´taient souvent accuse´s par la droite de cre´er et de ve´hiculer une «opinion factice». C’est Dupont de l’Eure qui, reprenant les propos des pre´opinants de droite, leur avait attribue´ l’expression pour qualifier les pe´titions, coupables selon eux, de «soumettre la le´gislation a` une opinion publique factice et versatile» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 40). Le rapporteur Mestardier, pousse´ par ses colle`gues de la droite, avait donne´ lecture d’une lettre du maire de Chaˆteaubriant qui de´nonc¸ait la propagation dans sa commune de mode`les imprime´s de pe´tition. BC avait pris la parole tout de suite apre`s la lecture de cette lettre.

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Sur les pe´titions en faveur de la loi du 5 fe´vrier

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nœuvres ont subsiste´. Il est triste de laisser se re´pandre cette ide´e, qu’il existe dans la France une poigne´e de factieux qui peuvent e´branler sa constitution. Il ne faut pas laisser croire qu’un grand ou de petits comite´s directeurs puissent a` leur gre´ mettre la France en feu. Il faut donc des pie`ces de conviction ; il faut savoir si la pe´tition du maire de Chaˆteaubriant est ellemeˆme authentique ; car M. le rapporteur n’a pu en ve´rifier la signature : il faut conserver le corps du de´lit, si de´lit il y a ; et pour cela, le renvoi au bureau des renseignemens est indispensable. Cette discussion, Messieurs, est tre`s importante ; la nation attend de vous une de´cision qui l’e´clairera sur la stabilite´ de la Charte et de la loi des e´lections. Apre`s les de´bats qui ont eu lieu, apre`s la de´faveur jete´e sur les pe´titionnaires, vous ne pouvez passer a` l’ordre du jour. Je demande le de´poˆt au bureau des renseignemens : c’est ainsi seulement que vous ne pre´jugez rien.1

2 de factieux qui peuvent ] de factieux, soit a` pied, soit a` cheval, qui peuvent M 62b 6–7 signature : il faut ] signature. Il faut M 62b 9 une de´cision ] apre`s ces mots ... (des murmures s’e´le`vent) une de´cision M 62b 10–11 les de´bats qui ont eu lieu ] une telle discussion M 62b

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Malgre´ les pressions de la droite, la discussion n’est pas close et se poursuivra le lendemain. BC y reprendra la parole.

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Sur une lettre de´nonc¸ant des manœuvres pour signer des petitions.* (Se´ance du 15 janvier 1820.)1

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MESSIEURS, Il est impossible que la Chambre veuille fermer la discussion, quand un de ses membres a le devoir de re´pondre par des faits a` ceux qui viennent d’eˆtre e´nonce´s relativement a` son de´partement. M. le ministre des affaires e´trange`res, en lisant l’e´crit que vous venez d’entendre2, a pre´tendu prouver que les alarmes qui se sont re´pandues e´taient l’effet de manœuvres perfides, concerte´es pour s’opposer a` l’effet de l’initiative royale ; mais la date meˆme de la lettre aux Sarthois me suffira pour re´pondre. Cette date prouve que la lettre est ante´rieure au discours du roi. J’avais donc raison de dire que les alarmes ne sont pas le re´sultat du discours du troˆne, mais des articles officiels et des menaces ministe´rielles qui annoncent des atteintes a` nos institutions3. *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 172–175 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 172–175 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 17, lundi 17 janvier 1820, p. 72bc [=M] ; Archives parlementaires, t. XXVI, pp. 73–74. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 179–180. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, dimanche 16 janvier 1820, p. 844bc ; Journal des de´bats, dimanche 16 janvier 1820, p. 4b [=JdD] ; Le Constitutionnel, no 16, dimanche 16 janvier 1820, p. 3a ; La Quotidienne, no 16, dimanche 16 janvier 1820, p. 4b ; L’Inde´pendant, no 251, dimanche 16 janvier 1820, p. 4b ; Gazette de France, no 16, dimanche 16 janvier 1820, p. 64b.

7 a` son de´partement. ] apre`s ces mots (le silence s’e´tablit). M 72b 12 du roi. J’avais ] du Roi ; j’avais M 72b 14 qui annoncent des atteintes ] de porter atteinte M 72b 1

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La discussion sur les pe´titions relatives a` la loi e´lectorale a e´te´ ouverte a` nouveau et a donne´ lieu a` de nouvelles interventions enflamme´es. Alors que BC monte a` la tribune, «les cris : La cloˆture de la discussion s’e´le`vent avec beaucoup de force a` droite et au centre de la droite.» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 273). Pasquier venait de commenter les pe´titions de la Sarthe en e´voquant «un e´crit re´pandu dans le de´partement de la Sarthe ; il est signe´ Goyet» et en en citant quelques extraits, en effet tre`s virulents. Dans le compte rendu du Journal des De´bats, les interventions de Pasquier et de BC sont rendues de fac¸on assez diffe´rente de la relation du Moniteur ; le premier dit que l’e´crit de Goyet «fut re´pandu avec profusion dans toutes les campagnes du de´partement de la Sarthe le 17 novembre», alors que BC pre´cise : «L’e´crit qu’on vient de vous de´noncer est du 15 novembre» (Journal des De´bats, 16 janvier 1820, p. 4b). On rappelle que le roi avait prononce´ son discours le 29 novembre. Sur l’appel de Goyet aux Sarthois, imprime´ a` 1000 exemplaires, voir OCBC, Correspondance, t. XI, pp. 338–344.

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Je vais maintenant parler du de´partement de la Sarthe lui-meˆme. Oui, si les inquie´tudes se sont exprime´es avec e´nergie dans le de´partement dont j’ai l’honneur d’eˆtre de´pute´, c’est que, pendant trois ans, ce de´partement a e´te´ en butte aux plus horribles vexations ; des destitutions en masse y ont e´te´ prononce´es ; des citoyens y ont e´te´ l’objet des perse´cutions les plus violentes ; les plus respectables, les plus estime´s, les plus patriotes, ont e´te´ livre´s a` des commissions e´trange`res. Les perse´cutions, Messieurs, les destitutions, ont eu lieu sous l’administration d’un pre´fet que M. le ministre des relations exte´rieures connaıˆt fort bien1. Est-il e´tonnant qu’un de´partement qui a si horriblement souffert s’alarme au bruit des atteintes dont on menace la Charte, sous laquelle il espe´rait trouver la tranquillite´ et la suˆrete´ ? Cela est-il e´tonnant lorsque ce de´partement est encore sous l’empire des hommes qui en ont e´te´ les perse´cuteurs, lorsqu’on y voit encore des arreˆte´s pris impune´ment contre la proprie´te´ des communes ? Ici je puis citer des faits. Oui, Messieurs, deux communes ont e´te´ menace´es d’eˆtre de´pouille´es de leurs proprie´te´s, de leurs places publiques, de leurs marche´s, qui leur appartenaient depuis des anne´es. Des arreˆte´s ille´gaux ont e´te´ pris par des autorite´s, ou partiales ou trompe´es, en faveur d’anciens seigneurs dont nos institutions nouvelles ane´antissent les pre´tentions2. Nous avons obtenu justice de l’un de ces arreˆte´s : l’autre subsiste encore ; et malgre´ les promesses solennelles de M. le ministre de l’inte´rieur a` la de´putation tout entie`re, le maire, auquel les inte´reˆts de cette commune sont confie´s, est l’homme d’affaires, l’agent salarie´ du ci-devant seigneur qui la trouble dans sa possession ; et sa destitution ne peut eˆtre obtenue des ministres, bien qu’eux-meˆmes conviennent que la justice et les lois la re´clament3. Ainsi des abus sont de´nonce´s sans que justice soit rendue. Six cent vingt-deux destitutions ou actes de perse´cution ont eu lieu 1 lui-meˆme. Oui ] lui-meˆme ; oui M 72b 5–6 violentes ; les plus ] violentes. Les plus M 72b 9–10 connaıˆt fort bien. ] doit bien connoıˆtre. M. Dupont (de l’Eure) : C’est son fre`re JdD 4b 13 et la suˆrete´ ? ] et la suˆrete´ ! M 72b 16 communes ? Ici ] communes. Ici M 72b 18 depuis des anne´es ] depuis bien des anne´es M 72b 1

2 3

Selon le Journal des De´bats (voir variantes), Dupont de l’Eure se serait alors e´crie´ : «C’est son fre`re». En effet, Adrien-Jules-Paul Pasquier, le fre`re du ministre, avait e´te´ pre´fet de la Sarthe de juillet 1815 a` juillet 1818. Pour des pre´cisions sur les faits e´voque´s par BC dans ce de´partement, voir l’abondante correspondance avec Goyet dans OCBC, Correspondance, t. XI. Sur les affaires des communes de Montfort et de Pont-de-Gesnes, voir OCBC, Correspondance, t. XI, p. 186. Le maire de Montfort, un de´nomme´ Tisseron, e´tait en effet le re´gisseur du comte de Montfort de Nicolaı¨. Les libe´raux de la Sarthe tentaient depuis des mois des de´marches pour le faire remplacer (voir OCBC, Correspondance, t. XI, pp. 280–281).

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Sur une lettre de´nonc¸ant des manœuvres

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contre autant d’individus : le nombre des re´parations qu’il a e´te´ possible d’obtenir s’e´le`ve a` cinq. On nous a dit que nous avons tort de nous plaindre, que nous posse´dons la liberte´. Oui, nous jouissons de la liberte´ de la tribune, de la liberte´ de la presse, et, sous plusieurs rapports, de la liberte´ individuelle ; mais nous en jouissons par la loi qu’on menace. La Sarthe en jouit, parce que, graˆce a` cette loi, elle a des repre´sentans qui la de´fendent, et qui ne cesseront pas de la de´fendre, aussi long-temps qu’ils pourront monter a` cette tribune. C’est pour cela que la Sarthe re´clame le maintien de cette loi1. Il en est de meˆme de toute la France ; c’est parce qu’elle est libre qu’elle de´fend sa liberte´, pour ne pas la reperdre. Maintenant, Messieurs, je ne me permettrai qu’une observation sur le fond de la question. Un membre distingue´ par son talent, et qui par conse´quent s’exprime avec cette franchise que donne un talent distingue´, vous a dit qu’en adoptant l’ordre du jour vous pre´jugerez re´ellement la question. Il vous a ainsi indique´ une raison puissante pour e´carter l’ordre du jour : c’est donc contre l’ordre du jour que je vote, et je persiste a` demander le de´poˆt au bureau des renseignemens.2

2 s’e´le´ve a` cinq. ] apre`s ces mots (M. de la Fayette. C’est vrai). M 72c la France ! c’est M 72c

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10 la France ; c’est ]

Les e´lecteurs sarthois se montreront tre`s satisfaits de cette harangue de BC en leur faveur. Goyet e´crira a` son ami, le 19 janvier : «Vous avez beau faire, vous ne pouvez ni ne pourrez vous faire aimer davantage des constitutionnels sarthois. Ils vous idolatrent. Les ultras meˆme rendent justice et a votre moderation, et a votre laborieuse energie» (OCBC, Correspondance, t. XI, p. 388). Un groupe d’une vingtaine d’e´lecteurs du de´partement enverra a` BC, le 24 janvier, une lettre de remerciements (pp. 392–393). Le vote donne un re´sultat tre`s serre´ : 117 boules blanches (pour l’ordre du jour), 112 boules noires (contre l’ordre du jour). Les pe´titions sont ainsi e´carte´es, mais le ton est de´finitivement confirme´ pour toute la session.

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[Intervention sur une pe´tition]* Se´ance du 19 janvier 18201

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Je ne viens pas m’opposer a` l’ordre du jour dans ce cas particulier. Je trouve qu’en effet la pe´tition, ou pour mieux dire le me´moire ou la brochure dont on vous a rendu compte, n’est pas de nature a` obtenir de la chambre autre chose que l’ordre du jour ; mais je viens re´clamer en peu de mots contre la doctrine e´mise par la commission, tendant a` e´carter tout ce qui ne serait pas des pe´titions particulie`res et qu’on pourrait regarder comme des opinions. Je crois que dans un gouvernement repre´sentatif, ou` nous sommes appele´s tous les jours a` discuter des questions le´gislatives, la chambre doit accueillir ce qu’on appelle des opinions, c’est-a`-dire les re´clamations des citoyens, pour changer ou ne pas changer telle ou telle loi, tous les renseignements qu’ils peuvent nous donner ; en un mot, toutes les observations faites par l’expe´rience, a` moins qu’elles ne soient comme dans le cas actuel, attentatoires aux institutions que nous voulons maintenir. Je crois donc que la partie du rapport dans laquelle on a jette´ de la de´faveur sur ce qu’on appelle l’e´mission d’une opinion ne doit pas eˆtre approuve´e. Du reste, la pe´tition actuelle est fort inconvenante, elle demande la destruction de ce que nous voulons tous de´fendre, de ce que nous de´fendrons jusqu’a` extinction de force. Dans ce cas particulier, j’appuie l’ordre du jour.2

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E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 20, jeudi 20 janvier 1820, p. 84b ; Archives parlementaires, t. XXVI, p. 108. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, jeudi 20 janvier 1820, p. 860a ; Journal des de´bats, jeudi 20 janvier 1820, p. 4a ; Le Constitutionnel, no 20, jeudi 20 janvier 1820, p. 4a ; La Quotidienne, no 20, jeudi 20 janvier 1820, p. 4a ; L’Inde´pendant, no 255, jeudi 20 janvier 1820, p. 4a ; Gazette de France, no 20, jeudi 20 janvier 1820, p. 80a.

1

` l’occasion de la pre´sentation de la pe´tition d’un particulier intitule´e «Accusation devant le A tribunal de l’opinion publique, contre l’institution du gouvernement ministe´riel», le rapporteur de la commission, Rivie`re, avait e´mis l’avis que seules devraient eˆtre pre´sente´es a` la discussion de la Chambre les pe´titions relatives a` des situations concre`tes ; toutes celles qui sont en re´alite´ des e´nonce´s d’opinions politiques ne devraient pas occuper les de´pute´s. BC prend imme´diatement la parole pour re´futer cet avis. L’ordre du jour est vote´ apre`s une discussion inattendue, plutoˆt bre`ve, mais tendue, amorce´e par l’intervention de BC.

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Sur une pe´tition tendant a` pre´voir la destitution du roi constitutionnel.* (Se´ance du 29 janvier 1820.)1

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MESSIEURS, Je viens appuyer de toutes mes forces la proposition de la commission, et s’il n’y avait pas eu dans son rapport une phrase que je crois ne´cessaire de relever, je n’aurais pas demande´ la parole ; je ne serais pas venu arreˆter la Chambre dans le vote probablement una nime qu’elle portera. La commission n’a pre´sente´ que deux hypothe`ses, deux possibilite´s : l’une d’un pe´titionnaire insense´ ; l’autre qui, sous le masque de la liberte´, voudrait renverser l’ordre social. Il me semble qu’une troisie`me possibilite´ est admissible ; et je demande a` la Chambre de la lui exposer en peu de mots. Voici le plan de l’existence duquel tout concourt en ce moment a` me convaincre. Il consiste a` jeter d’abord de l’odieux et du ridicule sur le droit de pe´tition que *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 175–179 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 175–179 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 30, dimanche 30 janvier 1820, p. 120ab [=M] ; Archives parlementaires, t. XXVI, pp. 126–127. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 180–183. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, dimanche 30 janvier 1820, p. 902bc ; Journal des de´bats, dimanche 30 janvier 1820, p. 4a ; La Quotidienne, no 30, dimanche 30 janvier 1820, p. 4a ; L’Inde´pendant, no 265, dimanche 30 janvier 1820, p. 4a ; Gazette de France, no 30, dimanche 30 janvier 1820, p. 116a.

5 de la commission, ] apre`s ces mots (Mouvement d’adhe´sion a` gauche), M 120a portera. ] apre`s ces mots (Nouveau mouvement.) M 120a 1

8 qu’elle

Un ancien juge au tribunal du Var, J.-P. Arbaud, avait de´pose´ une pe´tition revendiquant l’instauration d’une loi «portant qu’en cas de mort, de de´mission ou de destitution d’un roi de France, toutes les fonctions publiques soient suspendues jusqu’a` ce qu’il en soit autrement ordonne´ par la Chambre des de´pute´s» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 186). Imme´diatement perc¸ue comme une ve´ritable provocation, cette proposition qui met en cause le principe de l’inviolabilite´ de la personne du roi suscite la cole`re de nombreux de´pute´s ; la commission propose de renvoyer la pe´tition au ministre de la Justice afin qu’il donne les suites judiciaires attendues contre l’auteur de la pe´tition. BC prend la parole aussitoˆt apre`s le rapporteur pour pre´senter l’hypothe`se que des forces obscures (la droite e´videmment) seraient en action pour susciter des pe´titions absurdes ou scandaleuses, en vue de justifier les restrictions au droit de pe´tition. Il retourne ainsi contre la droite les accusations que celle-ci portait envers la gauche de provoquer des pe´titions pour fomenter l’agitation dans le pays.

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tous les gouvernemens de la France ont autorise´, et que la Charte, le meilleur de tous les gouvernemens qu’ait eus la France, a sanctionne´ formellement. Ce plan consiste a` taˆcher de persuader au gouvernement et a` la nation qu’il y a des hommes qui ourdissent des trames perfides, qui nourrissent des projets se´ditieux, qui poussent l’audace jusqu’a` les manifester. Je vois ce plan partout, et dans les journaux, et dans les bruits et les fausses nouvelles qu’on re´pand avec perfidie ; je le vois dans la pe´tition actuelle. Je suis convaincu qu’aucun des membres de la Chambre ne peut en rien participer a` un tel projet ; mais n’est-il pas extraordinaire que, par une coı¨ncidence qui tient a` un singulier hasard, en meˆme temps qu’on nous pre´sentait des pe´titions absurdes, on soit venu a` la tribune prodiguer l’outrage et le de´dain a` des pe´titionnaires respectables ? Je dois faire observer a` cette occasion que si, en effet, une faction avait conc¸u le projet de discre´diter le droit de pe´tition, si cette faction avait voulu remplir l’esprit du roi de vaines terreurs pour l’entraıˆner plus aveugle´ment dans les projets qui avaient e´te´ conc¸us, je vous le demande, que pourrait-elle faire de mieux que d’inonder cette Chambre de pe´titions scandaleuses, qui ne manqueraient pas de soulever tous les citoyens, s’ils pouvaient croire que ces pe´titionnaires ont le malheur d’eˆtre since`res ? C’est depuis que les ministres ont traite´ avec un de´dain superbe les pe´titionnaires, depuis qu’ils les ont signale´s comme des factieux ou comme des ignorans, qu’on vous pre´sente les pe´titions les plus absurdes et les plus extravagantes. Il n’y a pas long-temps qu’une pe´tition d’une autre nature a excite´ l’indignation de la Chambre. Certes elle n’e´tait pas d’un insense´ ; e´crite avec assez de talent, elle e´manait d’un homme qui exerce encore des fonctions dans la judicature. Aujourd’hui, dans une pe´tition non moins coupable, on veut porter atteinte a` cette inviolabilite´ du roi, que nous voulons tous, parce qu’elle est la base de nos liberte´s. Vous conviendrez que c’est une singulie`re coı¨ncidence ; que si ces pe´titions n’e´taient, en effet, que la production d’hommes en de´mence, ne serait-il pas bizarre que tous les fous du royaume parussent s’eˆtre coalise´s avec ceux qui veulent de´truire le droit de pe´tition ? C’est dans un moment ou` les ministres, pour soutenir les vastes projets qu’ils ont annonce´s, sont oblige´s de repousser les pe´titions de tous leurs efforts, qu’on vient nous en offrir qui nous porteraient a` les repousser unanimement nous-meˆmes, si nous pouvions croire a` leur ve´rite´. 2 qu’ait eus la France ] pas dans M 120a 5 se´ditieux, qui poussent l’audace jusqu’a` les manifester. ] se´ditieux, ou qui du moins poussent leur effervescence jusqu’a` les manifester imprudemment. M 120a 9 un tel projet ] une telle ide´e M 120a 11 on soit venu ] on est venu M 120a 15 pour l’entraıˆner ] pour le faire donner M 120a 27 dans la judicature. ] apre`s ces mots (Vive sensation.) M 120a 32 droit de pe´tition ? ] apre`s ces mots (On rit beaucoup.) M 120a

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Je pense donc que toutes les pe´titions de cette nature sont destine´es, comme beaucoup d’autres e´crits que nous de´sapprouvons tous, a` jeter de la de´faveur sur un de nos droits les plus sacre´s, et a` servir les vues d’une faction contre-re´volutionnaire, en faisant croire a` des projets qui n’existent pas. Cette faction existe ; elle calomnie la nation franc¸aise, elle calomnie les de´pute´s qui de´fendent ses droits ; elle prend tous les masques, pour faire croire que les de´fenseurs de nos liberte´s sont des anarchistes. Vous savez cependant que tous leurs vœux sont pour le troˆne constitutionnel, pour le gouvernement du roi, fondateur de la Charte ; qu’ils veulent maintenir les droits de la couronne et la Charte tout entie`re, avec toutes les liberte´s qu’elle nous a promises, et qu’ils les de´fendent contre toutes les factions. Je dis contre toutes les factions, comme s’il en existait plus d’une ; quant a` moi, je crois qu’il n’y a qu’une faction, c’est celle qui est ennemie de l’e´galite´, et qui voudrait changer nos institutions les plus salutaires. Nous ne voulons pas plus l’anarchie que l’oligarchie, pas plus la de´mocratie que le despotisme. Nous combattrons les anarchistes comme ceux qui voudraient devenir oppresseurs ; nous combattrons aussi les agens subalternes du pouvoir, qui, impatiens de se de´gager des entraves dont la Charte les entoure, se couvrent du pre´texte de la volonte´ royale, et veulent de´truire, sous le pre´texte d’ame´liorer. Dans une telle situation, nous avons besoin d’e´mettre nos sentimens tout entiers, de les faire connaıˆtre au roi et a` la France : mais, pour remplir ce but, il faut rechercher d’ou` viennent les manœuvres par lesquelles on veut jeter de la de´faveur sur les de´fenseurs de la Charte. En conse´quence, je viens appuyer le renvoi de la pe´tition au ministre de la justice. Je de´sire que le pe´titionnaire ne soit qu’un insense´ : mais s’il e´tait autre chose, je voudrais qu’il fuˆt poursuivi suivant toute la rigueur des lois. J’espe`re qu’alors on pourra de´couvrir un agent de la faction que je viens de signaler.1

14 les plus salutaires. ] apre`s ces mots (Mouvement d’adhe´sion a` gauche.) M 120a 22 a` la France : mais ] a` la France. Mais M 120a 28 de signaler. ] apre`s ces mots (Nouveau mouvement d’adhe´sion a` gauche.) M 120b

1

Apre`s une bre`ve discussion ou` l’argument de BC est re´fute´ notamment par Lizot, le rapporteur de la commission, la Chambre vote a` l’unanimite´ le renvoi de la pe´tition au garde des Sceaux.

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[Re´sume´ d’une intervention sur la convocation des colle`ges e´lectoraux]* Comite´ secret du 29 janvier 18201

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M. Benjamin Constant ne voit dans ce que les ministres ont dit rien d’assez positif pour motiver la proposition du pre´opinant2 ; ils ont cherche´ a` expliquer le retard, mais la Chambre ne reste pas moins incertaine sur la prochaine convocation des colle`ges ; l’adresse au Roi n’est donc point inutile. L’orateur, apre`s avoir reproduit avec quelques de´veloppements nouveaux, les arguments de ceux qui ont soutenu la proposition, rele`ve l’expression de M. le ministre des affaires e´trange`res que le gouvernement ne pouvait faire autrement qu’il a fait quand il l’aurait voulu ; il trouve dans ces derniers mots un aveu de la re´pugnance des ministres a` exe´cuter la loi.3

*

E´tablissement du texte : Imprime´ : Archives parlementaires, t. XXVI, p. 130.

1

Cette intervention documente´e seulement sous forme de re´sume´ s’inscrit dans la discussion ouverte sur la question de savoir pourquoi le gouvernement a tarde´ a` organiser des e´lections comple´mentaires dans quatre de´partements dont la de´putation e´tait devenue incomple`te et (suivant une proposition de Demarc¸ay), s’il e´tait judicieux de demander au roi de presser ses ministres en leur ordonnant de convoquer au plus vite les colle`ges e´lectoraux concerne´s. Par la voix des ministres Pasquier et Roy, le gouvernement a justifie´ son retard et assure´ que le processus e´tait en cours. Laine´ s’estime satisfait de ces explications, au contraire de BC qui lui re´pond imme´diatement. En vertu de l’article 44 de la Charte constitutionnelle «Les se´ances de la Chambre sont publiques ; mais la demande de cinq membres suffit pour qu’elle se forme en comite´ secret». Cela signifie que la se´ance se de´roule a` huis-clos, sans publicite´ des de´bats. D’ou` l’absence de sources, ici comme pour tous les cas semblables, dans les journaux. Demarc¸ay. Pasquier re´pond en s’e´tonnant qu’on puisse prendre au pied de la lettre une tournure a` l’efficacite´ rhe´torique e´prouve´e, soulignant ainsi la vigilance d’au moins un de ses auditeurs. Mais ce dernier, pas plus que Manuel et Chauvelin qui avaient partage´ son avis, ne sera pas entendu : par 110 voix contre 95, la Chambre votera l’ajournement de la proposition de Demarc¸ay.

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[Re´sume´ d’une intervention proposant une modification de la loi du 25 mars 1817]* Comite´ secret du 7 fe´vrier 18201

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M. Benjamin Constant fait lecture d’une proposition tendant a` ce que Sa Majeste´ soit supplie´e de faire proposer une modification a` l’article 151 de la loi du 25 mars 18172, de manie`re a` ce que les ministres, en faisant, conforme´ment a` cette loi, la re´partition entre les divers chapitres de leurs budgets de la somme alloue´e par le budget ge´ne´ral de chaque ministe`re, fassent porter les e´conomies que les Chambres auront cru possibles sur les objets spe´ciaux qu’elles auront indique´s. La Chambre de´cide qu’elle entendra les de´veloppements de cette proposition le lundi 14 de ce mois.3

*

E´tablissement du texte : Imprime´ : Archives parlementaires, t. XXVI, p. 157. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, mardi 8 fe´vrier 1820, p. 934c ; Journal des de´bats, vendredi 8 fe´vrier 1820, p. 4b ; Le Constitutionnel, no 39, mardi 8 fe´vrier 1820, p. 4b ; La Quotidienne, no 39, mardi 8 fe´vrier 1820, p. 4b ; L’Inde´pendant, no 274, mardi 8 fe´vrier 1820, p. 4b ; Gazette de France, no 36, samedi 5 fe´vrier 1820, p. 140b (mention du de´poˆt de la proposition) et no 39, mardi 8 fe´vrier 1820, p. 152b.

1

BC prend la parole a` l’ouverture de la se´ance du comite´ secret. La loi sur les finances du 25 mars 1817 e´tablit les principes selon lesquels les comptes doivent eˆtre rendus et pre´sente´s aux Chambres. L’assassinat du duc de Berry dans la nuit du 13 au 14 fe´vrier bouleversera e´videmment l’ordre du jour des Chambres. La proposition de BC ne sera pas discute´e le 14 fe´vrier, ni ulte´rieurement, semble-t-il.

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[Intervention sur un amendement de Manuel]* Se´ance du 8 fe´vrier 18201

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Je demande la division, et que la premie`re partie de l’amendement soit d’abord mise aux voix ; elle me semble ne pas pouvoir souffrir de difficulte´ ; on ne peut faire supporter a` des acque´reurs de bonne foi la faute des erreurs de la re´gie.

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 41, jeudi 10 fe´vrier 1820, p. 162c ; Archives parlementaires, t. XXVI, p. 163. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, mercredi 9 fe´vrier 1820, p. 938c ; La Quotidienne, no 40, mercredi 9 fe´vrier 1820, p. 4b ; L’Inde´pendant, no 275, mercredi 9 fe´vrier 1820, p. 4a ; Gazette de France, no 40, mercredi 9 fe´vrier 1820, p. 156a.

1

La Chambre est en train de discuter du projet de loi concernant les acque´reurs de domaines nationaux. Manuel avait propose´ un amendement a` l’article 5 de la loi qui concernait les modalite´s de poursuites et notamment celles qui pourraient eˆtre requises contre les sousacque´reurs. Le premier point de l’amendement stipulait : «Ne pourront eˆtre expose´s a` aucun recours les sous-acque´reurs qui se seraient libe´re´s sous la foi d’une quittance de la re´gie portant pour solde pour dernier terme» ; le second : «Ne pourront eˆtre expose´s a` aucun recours les sous-acque´reurs qui se trouveraient a` l’abri de toute action aux termes du droit commun soit par de´faut d’inscriptions hypothe´caires, soit par le de´faut de poursuites exerce´es dans le de´lai de la prescription.» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 164). Selon la proposition de BC, les deux points sont vote´s se´pare´ment, mais tombent tous les deux a` la question pre´alable.

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Sur la loi relative aux engagistes et aux e´changistes.* (Se´ance du 9 fe´vrier 1820.)1

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MESSIEURS, Je rentrerai le moins qu’il me sera possible dans les conside´rations qui vous ont e´te´ soumises. Deux de nos honorables colle`gues vous ont de´ja` prouve´ l’immense diffe´rence qu’il y a entre les mesures que vous avez prises hier, relativement aux acque´reurs de biens nationaux, et celles qu’on vous propose aujourd’hui relativement aux engagistes2. Ils vous ont prouve´ que les acque´reurs de biens nationaux, portion immense de la nation, proprie´taires a` titre positif et le´gal, ne pouvaient pas eˆtre mis en paralle`le avec des hommes possesseurs *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 179–182 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 179–182 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 42, vendredi 11 fe´vrier 1820, p. 167ab [=M] ; Archives parlementaires, t. XXVI, pp. 179–180. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 183–185. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, jeudi 10 fe´vrier 1820, p. 940ac ; Journal des de´bats, jeudi 10 fe´vrier 1820, p. 3b ; Le Constitutionnel, no 41, jeudi 10 fe´vrier 1820, pp. 3b–4a ; La Quotidienne, no 41, jeudi 10 fe´vrier 1820, p. 4a ; L’Inde´pendant, no 276, jeudi 10 fe´vrier 1820, p. 3ab ; Gazette de France, no 41, jeudi 10 fe´vrier 1820, p. 159b.

11–12 positif et le´gal ] positif le´gal M 167a 1

2

La Chambre poursuit sa discussion sur le projet de loi concernant les acque´reurs de domaines nationaux. Elle s’est arreˆte´e a` un titre spe´cifique consacre´ aux «e´changistes» et «engagistes». Le premier terme de´signe la personne qui est partie dans un e´change de bien (en l’occurrence, l’e´change concerne des biens issus des domaines nationaux) ; le second, les personnes auxquelles le roi avait attribue´ la jouissance d’une partie du domaine royal par un engagement ; en vertu d’une loi du 14 ventoˆse, an VII (14 mars 1799), ces dernie`res pouvaient acque´rir la proprie´te´ irre´vocable du domaine engage´ en payant le quart de la valeur a` l’E´tat ou alors accepter d’en eˆtre de´posse´de´es. Beaucoup d’e´changistes s’e´taient abstenus d’agir, comptant sur une application de la prescription. Le projet de loi proposait un titre spe´cifique concernant les e´changistes et les engagistes ; de son coˆte´, la commission propose la suppression de ce titre, estimant qu’il n’e´tait pas judicieux d’e´tablir une similitude entre les acque´reurs et les engagistes. BC suit cet avis en l’expliquant assez clairement et en laissant comprendre quel e´tait l’enjeu politique du de´bat : les acque´reurs e´taient une cate´gorie nouvelle cre´e´e au temps de la Re´volution, alors que les engagistes existaient depuis longtemps et e´taient lie´s a` l’ancien syste`me des faveurs royales. Pour les libe´raux, il e´tait essentiel de garantir les droits des premiers, tout en e´vitant de privile´gier les seconds. Le baron Me´chin et Fradin, qui se sont exprime´s peu auparavant dans la discussion.

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Deuxie`me partie – Session de 1819–1820

a` titre pre´caire, avec des hommes qui ont toujours e´te´ dans des situations plus favorables ; car, a` toutes les e´poques, les engagistes ont pu se libe´rer, au lieu que les acque´reurs de biens nationaux sont oblige´s d’attendre qu’on leur signifie des difficulte´s qu’ils ne pouvaient pas pre´voir. La loi du 14 ventoˆse an VII est favorable aux engagistes. Les lois impe´riales, qui ont introduit la mesure des de´comptes, sont des lois funestes aux acque´reurs de domaines nationaux. Vous avez e´te´ oblige´s de les maintenir, mais il n’en est pas moins vrai que la situation des acque´reurs, d’un coˆte´, et des de´tenteurs de l’autre, est tout-a`-fait diffe´rente. Je vais vous soumettre une conside´ration qui, ce me semble, doit frapper le gouvernement luimeˆme. M. le ministre des finances nous a dit hier, et de´ja` il l’avait dit dans l’expose´ des motifs du projet de loi, que le projet pre´sente´ e´tait une mesure tendant a` dissiper les alarmes, a` rassurer comple´tement les acque´reurs de domaines nationaux1. Je ne sais pas si des mesures partielles peuvent rassurer ces acque´reurs, quand des mesures plus ge´ne´rales pourraient les alarmer. Il me paraıˆt e´vident que, pour rassurer les acque´reurs de biens nationaux, il ne faut pas que les ministres laissent croire que ceux-ci ne sont qu’un pre´texte pour rassurer une autre classe tout-a`-fait diffe´rente. Si nous nous bornons a` adopter la premie`re partie de la loi telle que la commission l’a amende´e, les acque´reurs de biens nationaux pourront voir, dans cette loi, une garantie qu’on a voulu leur donner ; mais, si a` cette loi on ajoute une autre loi qu’on n’a pu lier a` la premie`re que par des motifs qu’il est difficile d’approuver, il est clair qu’alors les acque´reurs de biens nationaux croiront que, sous le voile d’une espe`ce de garantie pour eux, on a voulu faire passer des dispositions favorables aux engagistes et aux e´changistes. Je crois qu’il est tre`s important, pour le gouvernement, que ces deux lois soient se´pare´es. Les droits des engagistes et e´changistes ne sont pas compromis par cette se´paration ; et alors les acque´reurs de biens nationaux pourront trouver une espe`ce de garantie dans la loi. J’observerai que ce que vous a dit hier M. le ministre des finances, relativement aux tiers-acque´reurs des domaines engage´s, que le tableau 16 les alarmer. ] apre`s ces mots (Des murmures interrompent a` droite et au centre.) M 167a 21 pourront voir ] pourraient voir Discours 1827 I 180 M 167a 23 difficile d’approuver ] difficile de pre´voir M 167a 25–26 dispositions favorables ] dispositions uniquement favorables M 167a 1

La veille, Roy avait donne´ un expose´ pre´cis qui semblait avoir fait toute la lumie`re sur la question ; la Chambre e´tait cense´e passer au vote, mais Manuel et Be´doch avaient re´clame´ la parole. Comme il e´tait tard, la se´ance avait e´te´ ajourne´e et la suite de la discussion occupera pratiquement toute la journe´e suivante.

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Sur la loi relative aux engagistes et aux e´changistes

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qu’il vous a fait de la position des engagistes, de leurs inquie´tudes, des obstacles qu’elles apportaient a` la circulation des proprie´te´s1, aurait e´te´ mille fois plus applicable aux acque´reurs de biens nationaux, et que cependant deux de mes honorables colle`gues ont lutte´ sans succe`s pour obtenir quelques garanties en faveur des tiers-acque´reurs de biens nationaux. Il est faˆcheux de mettre ensemble deux projets, dont l’un est moins favorable aux acque´reurs de biens nationaux, que l’autre aux engagistes et e´changistes. Je crains qu’on ne dise que vous avez e´te´ se´ve`res envers les acque´reurs de biens nationaux, parce que ces biens provenaient de la nation, et que vous eˆtes indulgens pour les engagistes et e´changistes, parce que les faveurs viennent de la cour. En conse´quence, il me paraıˆt que vous devez les se´parer comple´tement. J’ajouterai qu’un des argumens de M. le ministre des finances, relativement aux engagistes, me semble avoir prouve´ le contraire de ce qu’il avait voulu e´tablir. Il a dit que la question des engagistes remontait a` plusieurs sie`cles2. Mais, s’ils sont reste´s plusieurs sie`cles sans eˆtre libe´re´s, je ne vois pas pourquoi il pourrait eˆtre dangereux d’ajourner encore, pendant quelques anne´es, leur libe´ration de´finitive. Les acque´reurs de biens nationaux ont, au contraire, leurs proprie´te´s depuis peu de temps. Il y a mille raisons politiques pour ne plus les laisser dans l’e´tat pre´caire ou` les lois impe´riales les ont mis. Je crois donc que nous devons adopter le projet de la commission, sauf au gouvernement a` reproduire, sur les engagistes et les e´changistes, un projet de loi spe´cial.3 8 se´ve`res ] scrupuleux M 167b 11 de la cour. ] apre`s ces mots (Les meˆmes murumures s’e´le`vent.) M 167b 16 plusieurs sie`cles sans ] pendant des sie`cles sans M 167b 20 pour ne plus ] pour ne pas M 167b 24 de loi spe´cial. ] apre`s ces mots ... (Cet avis est fortement appuye´ a` gauche.) M 167b 1

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Dans son expose´ du 8 fe´vrier, Roy avait en effet pre´sente´ la situation des engagistes comme particulie`rement inconfortable et tre`s largement re´pandue : «c’est la socie´te´ tout entie`re que nous vous proposons d’absoudre» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 167). La pratique de l’engagement de parts du domaine royal existait en effet dans le royaume de France depuis le Moyen-aˆge ; elle avait e´te´ re´gule´e par un e´dit de Charles IX en 1566. La loi du 14 ventoˆse an VII concernait les biens engage´s a` partir de cette date. La discussion se prolongera encore, puis se terminera dans la confusion, le vote, tre`s serre´, devant eˆtre re´pe´te´ a` l’appel nominal ; mais la proce´dure se de´roule de manie`re chaotique, d’ou` une se´rie d’interventions spontane´es portant sur la proce´dure, dont les deux bre`ves exclamations de BC : «Annoncez le nombre des votants avant de compter les boules ... (Des murmures s’e´le`vent a` droite)» et «Lisez le re`glement. (Les meˆmes cris s’e´le`vent ...) Le re`glement se tait sur ce point» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 184). L’article du projet est finalement accepte´ par 112 voix contre 103, mais «l’Assemble´e se se´pare au milieu d’une tre`s-vive agitation» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 185).

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Sur la re´daction du proce`s-verbal relativement a` une accusation de M. Clausel de Coussergues contre M. de Cazes.* (Se´ance du 1er mars 1820.)1

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Je demande la parole sur la re´daction du proce`s-verbal ... (Une vive agitation se manifeste.) Vous avez vu avec un extreˆme e´tonnement que le proce`s-verbal n’a nullement rendu compte d’une des parties les plus importantes de la discussion qui a eu lieu a` la dernie`re se´ance. J’ai une raison toute particulie`re d’en eˆtre parfaitement certain : c’est qu’ayant eu a` ve´rifier dans les bureaux le jour auquel la discussion du projet de loi sur les e´lections avait e´te´ fixe´, j’ai e´te´ consulter le proce`s-verbal : je l’ai lu en entier, et je l’ai trouve´ comple´tement diffe´rent, dans une partie fort essentielle, de celui que vous venez d’entendre. Je ne crois pas qu’il soit possible que la Chambre permette que son proce`s-verbal soit inexact. Je n’entre pas dans les raisons qui ont de´*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 182–185 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 182–185 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 62, jeudi 2 mars 1820, p. 259ab [=M] ; Archives parlementaires, t. XXVI, p. 294. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 187–189. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, jeudi 2 mars 1820, p. 1033b ; Journal des de´bats, jeudi 2 mars 1820, p. 3b ; Le Courrier franc¸ais, no 256, jeudi 2 mars 1820, p. 1a ; Le Constitutionnel, no 62, jeudi 2 mars 1820, p. 3a ; La Quotidienne, no 62, jeudi 2 mars 1820, p. 3ab ; L’Inde´pendant, no 297, jeudi 2 mars 1820, pp. 2b–3a ; Gazette de France, no 62, jeudi 2 mars 1820, p. 243a.

12 proce`s-verbal : je l’ai lu ] proce`s-verbal. Je l’ai lu M 259a 1

Alors que tous les de´pute´s comprennent imme´diatement de quoi BC veut parler, le lecteur d’aujourd’hui est content de pouvoir se re´fe´rer au titre que l’orateur a ajoute´ en teˆte de l’intervention qu’il a juge´ bon d’inse´rer dans le recueil de ses discours publie´ sept ans apre`s les faits. Dans une intervention bre`ve, mais pe´remptoire, prononce´e lors de la se´ance du 15 fe´vrier, le de´pute´ d’extreˆme droite Clausel de Coussergues avait nomme´ment de´signe´ Decazes comme responsable de l’assassinat du duc de Berry. On se rappelle que la droite cherchait depuis longtemps a` faire tomber le ministre et son gouvernement. Un de´bat tre`s vif s’e´tait engage´ entre gauche et droite pour savoir quelle re´action de la Chambre aux propos de Clausel de Coussergues devait figurer au proce`s-verbal. Quinze jours ont passe´ depuis cette se´ance houleuse, interruption cause´e par les ce´re´monies fune`bres et les complications conse´cutives au changement de gouvernement. BC qui avait eu le temps de consulter les documents (et particulie`rement le projet de loi sur les e´lections) s’exprime pour faire observer l’existence, a` son avis inacceptable, de deux versions diffe´rentes du proce`s-verbal de la se´ance du 15 fe´vrier.

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termine´ cette omission. Je dis seulement qu’elle est ille´gale, contraire aux droits de la Chambre, et que le proce`s-verbal doit eˆtre re´tabli tel qu’il e´tait. En effet, Messieurs, si quelque membre trouve dans le proce`s-verbal des choses contre lesquelles il croit devoir re´clamer, il est libre de le faire : sans doute aussi, si quelque membre s’e´tait mis dans le cas d’une re´tractation faˆcheuse, il pourrait re´clamer contre le proce`s-verbal ; mais nul ne peut changer le proce`s-verbal ; il doit rester tel qu’il a e´te´ d’abord re´dige´, parce qu’il est le tableau des faits qui se sont passe´s au sein de cette Chambre, et de ce qui a e´te´ dit a` la tribune. Si vous permettiez d’y faire quelque changement dans cette occasion, on pourrait aussi se permettre d’en faire dans d’autres circonstances, et la Chambre alors serait a` la merci du bureau. Mon intention n’est pas d’inculper le bureau ; il est possible que ce ne soit qu’une omission : mais, ce qu’il y a de certain, je l’atteste sur mon honneur, j’atteste l’honneur des membres du bureau, c’est que le proce`s-verbal n’est pas tel qu’il a e´te´ re´dige´ : le proce`s verbal que j’ai lu ne rendait pas compte de la dernie`re se´ance de la meˆme manie`re que celui qui a e´te´ lu a` la tribune. Je demande que la premie`re re´daction soit re´tablie, et que le proce`s-verbal contienne l’indication des faits qui se sont passe´s. (Cet avis est fortement appuye´ a gauche1.) M. le pre´sident, mettez ma proposition aux voix ... M. le pre´sident Votre proposition ne semble porter sur rien ; elle est celle-ci «J’ai lu un proce`s-verbal. Ce proce`s-verbal n’est pas le meˆme que celui qui vient d’eˆtre pre´sente´. Je demande qu’on re´tablisse le premier.» Il ne peut eˆtre question que du proce`s-verbal lu a` la chambre. Ce n’est que sur ce proce`s-verbal que peuvent porter les observations. Je demande qu’on re´tablisse le proce`s-verbal tel qu’il avait e´te´ re´dige´ ; je le demande, parce que la re´ponse qui avait e´te´ faite a` une expression qui a 13 omission : mais ] omission. Mais M 259a 18–19 (Cet avis est fortement appuye´ a gauche.) ] sans parenthe`ses M 259b 27–28 re´dige´ ; je le demande ] re´dige´. Je le demande M 259b 1

Ici se termine l’intervention de BC. Le secre´taire, Castagnoles [ou plutoˆt Cassaignotes] s’explique : «Je conviens que l’observation du pre´opinant est vraie en ce qui concerne le changement qu’a e´prouve´ le proce`s-verbal. [...] Il s’agissait d’une inculpation personnelle, telle que vous n’en trouvez pas d’exemple dans vos proce`s-verbaux ; le bureau a pense´ qu’il e´tait sage de ne pas introduire dans le proce`s-verbal une personnalite´ de cette nature. Il a cru qu’elle pourrait re´veiller et exciter des passions. [...] D’ailleurs la chambre est la`, et elle peut la faire re´tablir si elle le trouve convenable». Puis le pre´sident demande s’il n’y a pas d’autre re´clamation ; BC re´clame le vote.

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Sur la re´daction du proce`s-verbal relativement a` une accusation

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e´te´ consigne´e dans un pre´ce´dent proce`s-verbal a e´te´ supprime´e, et qu’il est ne´cessaire qu’elle y soit re´tablie ; puisque l’accusation a e´te´ dans un proce`sverbal, la re´ponse doit eˆtre dans l’autre. A Dieu ne plaise que j’entre ici dans l’examen des accusations qui ont e´te´ porte´es contre un ministre : ce n’est pas plus mon intention que de me de´clarer son apologiste ; mais enfin ce proce`s-verbal porte qu’un membre de cette Chambre a accuse´ un ministre d’eˆtre le complice d’un assassinat qui nous a tous consterne´s comme la France entie`re : il faut que le proce`s-verbal contienne aussi la re´ponse d’un autre membre, qui a de´clare´ l’accusateur un calomniateur1 ; car, Messieurs, il ne suffit pas de porter de telles accusations et d’en eˆtre quitte pour les retirer. Cela supposerait qu’il re`gne sur cette affreuse affaire un myste`re dont l’ide´e seule serait un danger. Il faut que tout ce qui a e´te´ dit soit connu ; il faut que le mot de calomniateur retentisse comme celui de complice de l’assassinat de M. le duc de Berri. Cela est d’une stricte justice. Je demande donc qu’on re´tablisse ce qui a e´te´ dit. Le proce`s-verbal doit offrir un compte fide`le de vos de´bats ; et c’est bien le moins que, quand on y a consigne´ une imputation, on puisse y trouver la re´ponse e´galement consigne´e.2

15 e´te´ dit. Le proce`s-verbal ] e´te´ dit ; le proce`s-verbal M 259b

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Plusieurs de´pute´s du camp libe´ral avaient proteste´ contre l’accusation de Clausel de Coussergues, dont Courvoisier et Sainte-Aulaire ; BC se re´fe`re a` ce dernier qui avait conclu son intervention sur ces mots : «Je me borne a` demander que la re´ponse que j’y [a` l’accusation de Clausel de Coussergues] fais soit aussi consigne´e dans ce proce`s-verbal. Cette re´ponse ne sera pas longue. Je lui dirai seulement : Vous eˆtes un calomniateur.» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 204). La droite re´clame l’ordre du jour, la gauche la mise aux voix de la proposition de BC. Le vote, tre`s serre´, est soumis a` une seconde e´preuve, puis a` l’appel nominal. Finalement, la proposition de BC est adopte´e par 122 voix contre 117. Clausel de Coussergues, furieux, reprend la parole pour accentuer encore ses accusations, traitant Decazes de chef de tous les re´volutionnaires de France. Courvoisier demande et obtient par le vote le rappel a` l’ordre du de´pute´ royaliste. Mais le ton se durcit encore : c’est la guerre ouverte de´clenche´e par une droite qui sent le vent souffler dans ses voiles. Sur toute cette affaire, voir B. Frederking, «‘Vive le Roi quand meˆme ?’ Pouvoir royal et responsabilite´ ministe´rielle sous la Restauration», La dignite´ de roi. Regards sur la royaute´ en France dans le premier XIXe sie`cle, sous la direction d’H. Becquet et B. Frederking, Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 2009, pp. 77–95.

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[Intervention sur une pe´tition]* Se´ance du 3 mars 18201

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Il y a deux objets dans cette pe´tition. L’un est relatif a` l’article additionnel de la loi des de´comptes. Je conc¸ois qu’on passe a` l’ordre du jour sur cet objet ; mais d’apre`s les pie`ces jointes a` cette pe´tition, et que j’ai eues sous les yeux, il y a un objet particulier ; c’est que le pe´titionnaire a rec¸u en l’an 4 une quittance pour solde. En 1813, on lui a fait signifier un nouveau de´compte, il s’est cru le´se´ par ce de´compte, et s’est adresse´, en 1817, au ministre des finances. Ce ministre n’a pas encore re´pondu, ce qui me paraıˆt irre´gulier. Comme je n’ai pas la` la pe´tition, je ne sais pas si le pe´titionnaire re´clame dans son inte´reˆt particulier : car, s’il en e´tait ainsi, il serait juste de renvoyer la pe´tition au ministre des finances, afin que le pe´titionnaire sache si un de´compte signifie´ dix ans apre`s le premier met sa proprie´te´ en danger. Cet inte´reˆt particulier s’oppose donc a` l’ordre du jour qui vous est propose´. Si ce n’est qu’une demande de loi, je ne puis m’opposer a` l’ordre du jour. M. le rapporteur de la commission voudra bien e´claircir ce point2. Rien ne serait plus fonde´ que ce que vient de dire M. Lacroix-Frainville, si le ministre des finances avait re´pondu a` la re´clamation du pe´titionnaire. Il a suivi une marche le´gale ; se croyant le´se´ par le de´compte signifie´, il s’est d’abord adresse´ au pre´fet, et ensuite au ministre des finances, qui, depuis *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 64, samedi 4 mars 1820, p. 270bc ; Archives parlementaires, t. XXVI, p. 322. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, samedi 4 mars 1820, p. 1b ; Le Constitutionnel, no 64, samedi 4 mars 1820, p. 1b ; La Quotidienne, no 64, samedi 4 mars 1820, p. 1ab ; L’Inde´pendant, no 299, samedi 4 mars 1820, p. 1a ; Gazette de France, no 64, samedi 4 mars 1820, pp. 250b–251a.

1

Un certain Hottin, notaire a` Anizy-le-Chaˆteau, avait adresse´ une pe´tition pour demander que soit ajoute´e au projet de loi pour la libe´ration des acque´reurs de biens nationaux, une disposition stipulant que les contestations portant sur les de´comptes de´finitifs soient renvoye´es aux tribunaux civils. Par son rapporteur, de Broglie, la commission demandait de prononcer l’ordre du jour. Toujours vigilant et scrupuleusement pre´pare´, BC constate que derrie`re la question de principe, il pourrait y avoir une ne´gligence du ministe`re a` l’e´gard de Hottin qui me´riterait d’eˆtre clarifie´e. Le rapporteur ne voit pas de raison de renvoyer la pe´tition au ministre et le de´pute´ LacroixFrainville estime que le pe´tionnaire n’a pas encore utilise´ toutes les voies de recours avant de s’adresser a` la Chambre. BC reprend alors la parole.

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trois ans, ne lui a pas encore re´pondu. Il se trouve arreˆte´ dans sa marche ; il attend la de´cision du ministre, afin de l’attaquer devant le conseil d’E´tat, dans le cas ou elle ne lui serait pas favorable. Il me semble que la pe´tition doit eˆtre renvoye´ au ministre des finances, afin qu’il puisse re´pondre.1

1

BC sera intervenu en vain : l’ordre du jour est prononce´.

[Intervention en faveur de l’impression d’une de´claration du rapporteur]* Se´ance du 3 mars 18201

272a

Il est e´vident que le fait dont une portion de la chambre demande l’impression n’est nullement un fait particulier. La commission a de´sire´ pouvoir e´clairer sa conscience, en connaissant tous les motifs qui avaient porte´ le ministre a` demander une loi qui suspend un des droits les plus sacre´s des citoyens. Il est donc e´vident que le renseignement qu’elle espe´rait obtenir aurait influe´ sur son rapport, puisqu’elle en a demande´ la communication. Il est e´vident encore que M. le ministre des affaires e´trange`res n’a pas dit qu’il n’euˆt pas de renseignemens a` donner2 ; s’il l’avait dit, la question serait toute autre ; mais il a laisse´ espe´rer qu’il viendrait donner des renseignemens a` la commission. La commission a duˆ en conclure qu’il en avait. Ensuite, des affaires, que je n’appellerai pas plus importantes, parce que je ne conc¸ois pas qu’il y ait pour un ministre une affaire plus importante que d’e´clairer votre commission sur les motifs du projet qui tend a` suspendre la liberte´ individuelle. On empeˆche M. le ministre de donner ces renseigne-

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 64, samedi 4 mars 1820, p. 272a ; Archives parlementaires, t. XXVI, p. 326. [=AP] Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, samedi 4 mars 1820, p. 1048b ; Journal des de´bats, samedi 4 mars 1820, p. 3a ; Le Constitutionnel, no 64, samedi 4 mars 1820, p. 3b ; La Quotidienne, no 64, samedi 4 mars 1820, pp. 3b, 4b ; L’Inde´pendant, no 299, samedi 4 mars 1820, p. 3a ; Gazette de France, no 64, samedi 4 mars 1820, p. 252ab.

1

La Chambre prend connaissance du rapport de la commission (rapporteur : Rivie`re) qui a examine´ le projet de loi concernant la liberte´ individuelle. Alors que le pre´sident Ravez annonce que le rapport sera imprime´ et distribue´ le lendemain, la discussion pouvant s’ouvrir le lundi (on est le vendredi), la Chambre accepte ce calendrier malgre´ les protestations de la gauche qui estime le temps trop court pour prendre se´rieusement connaissance des documents. Le rapporteur avait repris la parole pour signaler que la commission avait demande´ au ministre de l’Inte´rieur (encore Decazes a` l’e´poque) des explications comple´mentaires qu’elle n’a finalement pas pu obtenir. Par la voix de Chauvelin, puis de BC, les libe´raux demandent a` ce que ces renseignements supple´mentaires figurent dans le rapport destine´ a` l’impression. Decazes se disant empeˆche´ (et pour cause : il e´tait sur le point d’eˆtre destitue´) avait envoye´ Pasquier transmettre a` la commission les renseignements demande´s. Mais ce dernier n’avait pas pu se libe´rer. Il venait d’intervenir dans la discussion pour dire qu’il livrerait toutes les informations en sa possession lors de la discussion a` la Chambre.

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mens. Un fait quelconque a donc empeˆche´ M. le ministre des affaires e´trange`res de porter a` la commission la connaissance des faits dont elle de´sirait recevoir les communications. La commission a de´libe´re´ faute de ces renseignemens qu’on lui avait promis. Il est donc clair qu’il y a ici, non un fait particulier, mais un fait ge´ne´ral, se rapportant a` ce qui a eu lieu dans la commission. Il est certain que la commission aurait duˆ mettre ce fait dans le rapport. C’est sans doute par l’effet d’une inadvertance qu’il n’a pas e´te´ e´nonce´ dans le texte du rapport ; mais il ne re´sulte pas qu’il n’en fait pas partie. Il est de la plus haute importance de le consigner, et, en le consignant vous devez ordonner l’impression de ce fait, parce qu’il peut jeter un grand jour sur la discussion. J’en demande l’impression.1

1

La discussion s’e´tant prolonge´e et BC estimant que, la Chambre ayant e´te´ suffisamment pre´venue avant la discussion sur le projet de loi, sa proposition n’e´tait plus vraiment pertinente, il la retire : «Je retire ma proposition ; la publicite´ du fait est acquise et cela suffit ...» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 329).

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[Re´sume´ d’une intervention sur une proposition de Manuel sur la re´forme du jury]* Se´ance du comite´ secret du 3 mars 18201

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M. Benjamin Constant ne partage pas l’avis du pre´opinant2 sur la liaison qu’il a cru voir entre les de´veloppements et la proposition ; c’est celle-ci qui seule est soumise a` la de´libe´ration de la Chambre d’apre`s les termes de la formule d’adoption.

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E´tablissement du texte : Imprime´ : Archives parlementaires, t. XXVI, p. 335.

1

La Chambre re´unie en comite´ secret examinait une proposition de Manuel concernant la re´organisation du jury, instance judiciaire que Manuel avait qualifie´e ainsi : «le jury est plus qu’une institution judiciaire ; il faut y voir une institution politique, une condition indispensable au gouvernement repre´sentatif» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 329). L’intervention de BC re´pond au de´pute´ Bellart qui avait affirme´ que si la proposition de Manuel semblait en soi pertinente, les de´veloppements qu’il avait pre´sente´s montraient bien que le but poursuivi par la re´organisation propose´e e´tait d’introduire une certaine impunite´. BC rappelle donc que la Chambre a a` statuer sur la proposition, non sur l’interpre´tation des de´veloppements. La proposition sera imprime´e et distribue´e aux bureaux de la Chambre pour examen. Il s’agit de Bellart.

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Sur les mesures a` prendre pour constater la fide´lite´ du scrutin.* (Se´ance du 6 mars 1820.)1

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MESSIEURS, La proposition que je vais avoir l’honneur de vous soumettre ressemble, a` quelques e´gards, a` celle que vous venez de rejeter : mais elle me paraıˆt d’une exe´cution plus facile et de nature a` pre´venir les discussions et les lenteurs, en meˆme temps qu’elle atteindra le but que M. Labbey de Pompie`res s’e´tait propose´. Il est e´vident que, dans ce moment, vous n’avez pas de controˆle pour le scrutin ; mais je ne crois pas qu’il soit ne´cessaire d’adopter un mode aussi long que celui de faire signer tous ceux qui votent ; il suffira que deux secre´taires prennent une note de chaque membre, a` mesure qu’il viendra voter, et qu’ensuite le pre´sident, avant le de´pouillement, proclame le nombre des votans, alors on le rapprochera du nombre des votes. *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 185–187 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 185–187 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 67, mardi 7 mars 1820, p. 283bc [=M] ; Archives parlementaires, t. XXVI, pp. 345 ; 346. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 189–191. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, mardi 7 mars 1820, p. 1038ab ; Journal des de´bats, mardi 7 mars 1820, p. 2ab ; Le Constitutionnel, no 67, mardi 7 mars 1820, p. 2ab ; La Quotidienne, no 67, mardi 7 mars 1820, p. 2a ; L’Inde´pendant, no 302, mardi 7 mars 1820, pp. 1b–2a ; Gazette de France, no 67, mardi 7 mars 1820, p. 262b.

5 ressemble ] de´pend M 283b 12 tous ceux qui votent ] tous les votans Discours 1827 I 185 M 283b 14 le de´pouillement ] le de´pouillement des votes M 283b 15 alors on le rapprochera du nombre des votes ] alors on verra si le nombre des votes est e´gal a` celui des votans Discours 1827 I 186 M 283b 1

Apre`s l’examen de quelques pe´titions a` l’ouverture de la se´ance, Labbey de Pompie`res vient exposer aux de´pute´s une proposition lie´e aux proce´dures de vote a` la Chambre. On se souvient que plusieurs scrutins tre`s re´cents avaient donne´ lieu a` des contestations ; la gauche avait de´ja` plusieurs fois re´clame´ de la part du pre´sident une plus grande fermete´ dans l’application du re`glement. La proposition de Labbey de Pompie`res visait a` pre´ciser le re`glement sur les votes de la Chambre. Le pre´sident s’e´tant persuade´, apre`s une bre`ve consultation, que la Chambre n’y e´tait pas favorable, l’avait e´carte´e. C’est la` qu’intervient BC sur le meˆme sujet, en tentant de faire passer une proposition plus simple ou alors de de´le´guer a` une commission le soin de pre´ciser le re`glement.

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Je rappellerai a` la Chambre que lorsqu’on a demande´ l’exe´cution de cette formalite´, M. le pre´sident n’a pas cru pouvoir l’accorder, parce que le re´glement garde le silence a` cet e´gard ; mais il me semble que vous pouvez facilement ajouter a` votre re´glement une disposition qui, en ordonnant cette formalite´, le`vera tous les scrupules. Je rappellerai aussi, comme l’a fait mon colle`gue, que cette formalite´ est remplie dans les colle´ges e´lectoraux ; car il est bien clair que le nombre des boules ne suffit pas pour constater d’une manie`re certaine le nombre de ceux qui ont vote´. Mais, comme il est possible de trouver encore de meilleurs moyens que celui que j’ai indique´, je propose de nommer une commission qui vous fasse un rapport sur la manie`re de lever toutes les craintes sur la re´gularite´ des votes. Je joindrai a` cette proposition un autre objet. Il est e´vident que les votes par assis et leve´ sont douteux. Les membres du bureau ne sont pas toujours unanimes sur l’e´preuve, ce qui doit eˆtre un grand motif de doute pour la Chambre. Cet e´tat est fort triste ; surtout lors qu’il est constate´ que quatre membres manquent par la volonte´ des ministres, qui avaient promis de faire convoquer les colle´ges e´lectoraux dont la de´putation est incomple`te1. Puisque nous sommes re´duits de part et d’autre a` une si petite majorite´, c’est un motif de plus pour qu’elle soit bien constate´e. Vous savez que dans l’Assemble´e Constituante, lorsque cinquante membres demandaient l’appel nominal, on ne pouvait pas le refuser. Ne devrait-il pas en eˆtre de meˆme dans cette Chambre ? car jamais cinquante membres ne demanderont l’appel nominal, quand la majorite´ aura paru e´vidente par assis et leve´. Vous sentez combien il importe a` la Chambre de n’eˆtre pas a` la merci des erreurs du bureau. Je propose donc la formation d’une commission qui pourra vous faire demain son rapport, afin de reme´dier aux inconve´niens que je viens de signaler2. 3 a` cet e´gard ; mais ] a` cet e´gard. Mais M 283b 4 qui, en ordonnant ] qui, ordonnant M 283b 7 e´lectoraux ; car ] e´lectoraux. Car M 283b 24 Chambre ? car ] Chambre ; car M 283b 25 e´vidente ] e´videmment M 283b 1 2

Voir ci-dessus, p. 375. Le pre´sident Ravez intervient pour signaler que «la proposition, telle qu’elle est pre´sente´e, est contraire au re`glement». La Chambre, en effet, ne peut pas de´signer de commission, seuls les bureaux le peuvent. Chauvelin prend la parole pour appuyer la proposition faite par BC. Ravez insiste sur le vice de forme et relance : «M. Benjamin-Constant entend-il faire la proposition de modifier les articles 15, 22 et 33 du re`glement ? Alors la chambre peut la prendre en conside´ration, et les bureaux pourront s’en occuper et nommer une commission». BC reprend la parole.

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Je demande a` lire a` la Chambre l’article du re´glement qui, si je me suis trompe´, m’a trompe´ moi-meˆme (l’orateur lit l’article 43). Comme la Chambre ne peut pas nommer des commissions par elle-meˆme, je n’ai pas cru qu’il fuˆt possible de le faire sans renvoyer ma proposition dans les bureaux. Si la Chambre voulait bien prendre ma proposition en conside´ration, elle la renverrait dans les bureaux, qui nommeraient la commission ; voila` comme je l’ai compris ; si je me suis trompe´, c’est une erreur de forme que l’article du re´glement m’a fait commettre. Je de´clare que ma proposition est inde´pendante de toute espe`ce de suppositions qui pourraient blesser la Chambre, ni ses membres futurs. Je n’ai fait que re´clamer une formalite´ qui est pratique´e partout, et contre laquelle il ne peut s’e´lever aucune objection. Personne ne peut s’opposer a` ce que le nombre des votans soit connu avant le de´pouillement du scrutin. Cette formalite´ est d’autant plus essentielle, que l’on ne pourra plus se plaindre de l’irre´gularite´ du scrutin. Je demande que ma proposition soit renvoye´e dans les bureaux.1

1–2 si je me suis trompe´ ] si je ne me suis trompe´ M 283b

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BC obtient provisoirement gain de cause : la proposition sera imprime´e et distribue´e dans les bureaux. Elle sera finalement discute´e le 3 avril (voir ci-dessous, pp. 507–509).

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Sur la loi d’exception contre la liberte´ individuelle.* (Se´ance du 7 mars 1820.)1

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MESSIEURS, Il est des questions qu’on ne peut aborder sans un profond de´couragement et sans une ame`re tristesse. Telle est celle qui nous occupe aujourd’hui. Recommencer sans cesse un travail infructueux, faire quelques pas dans la carrie`re de la liberte´ le´gale, concevoir quelque espe´rance, et se voir repousse´ dans l’arbitraire par une autorite´ pour le moins aveugle ; serace donc la` e´ternellement le sort de la France ? Les gouvernemens qui se succe`dent s’obstineront-ils toujours a` lutter eux-meˆmes contre leur propre *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 188–205 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 188–205 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 69, jeudi 9 mars 1820, pp. 297c–299a [=M] ; Archives parlementaires, t. XXVI, pp. 374–378. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 193–209. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, mercredi 8 mars 1820, pp. 1063a–1064c ; Journal des de´bats, mercredi 8 mars 1820, p. 4ab ; Le Constitutionnel, no 68, mercredi 8 mars 1820, pp. 3b–4b ; La Quotidienne, no 68, mercredi 8 mars 1820, p. 4ab ; L’Inde´pendant, no 303, mercredi 8 mars 1820, pp. 3b–4a ; Gazette de France, no 68, mercredi 8 mars 1820, p. 268ab ; Choix de rapports, opinions et discours. Session de 1819, pp. 250–260 ; Œuvres, Paris : Gallimard, 1957 (La Ple´iade), pp. 1309–1321.

9 repousse´ dans l’arbitraire par une autorite´ pour le moins aveugle ] repousse´ par une autorite´ pour le moins aveugle dans le chaos de l’arbitraire M 297c 10 sera-ce donc la` ] le texte porte sera-ce dont la` erreur corrige´e, en accord avec M 297c 1

La discussion sur le projet de loi sur la liberte´ individuelle (auquel BC, significativement donnera dans son recueil de discours un autre nom : «loi d’exception contre la liberte´ individuelle») s’est ouverte la veille dans une ambiance tre`s particulie`re, a` la fois grave, solennelle et tendue a` l’extreˆme. L’enchaıˆnement des discours qui nourrissent la discussion pourrait constituer un florile`ge du pathos parlementaire. Lorsque le ge´ne´ral Foy termine sa flamboyante intervention sur les mots : «Je vote le rejet du projet de loi», l’he´micycle s’embrase : «Une vive sensation se manifeste. On entend des applaudissements e´clater dans la tribune supe´rieure a` droite du bureau ... Un grand nombre de membres se le`vent en rappelant a` l’ordre et au silence.» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 355). La tribune doit eˆtre e´vacue´e avant que les opinants suivants puissent s’exprimer ; mais il se fait tard et la discussion est ajourne´e jusqu’au lendemain. Les orateurs se succe`dent a` nouveau avec la meˆme verve, dont le ministre Sime´on venu justifier le projet. C’est apre`s l’intervention d’un des plus vindicatifs repre´sentants des ultras, La Bourdonnaye, que le tour de parole vient a` BC.

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stabilite´ ? He´ritiers des the´ories que, par une erreur bien e´trange, ils s’applaudissent d’emprunter a` des autorite´s de´chues ; he´ritiers quelquefois, ce qui est plus faˆcheux encore, des instrumens de ces autorite´s, instrumens qui ne semblent s’eˆtre mis a` part du naufrage de leurs anciens maıˆtres, que pour pousser vers les meˆmes e´cueils leurs maıˆtres nouveaux, voudront-ils toujours rester ou rentrer dans le sentier funeste ou` leurs devanciers se sont perdu ? Je l’avoue, Messieurs, quand je vois tant d’expe´riences obstine´ment repousse´es, mon courage est pre`s de m’abandonner. Je me dis qu’il est inutile de vouloir de´fendre l’autorite´ contre les conspirations qu’elle ourdit sans cesse contre elle-meˆme. N’importe, remplissons jusqu’au bout notre pe´nible taˆche, et tant que notre voix ne sera pas e´touffe´e, prouvons a` notre malheureuse patrie qu’elle peut compter sur des de´fenseurs1. Sur des de´fenseurs, dis-je ; et cependant elle n’a pas dans cette enceinte le nombre complet de de´fenseurs qu’elle devrait avoir. Les de´putations de quatre de´partemens sont mutile´es, restent mutile´es, malgre´ les de´clarations, les promesses solennelles d’un ministre ; promesses tellement positives, que c’est en se confiant a` ces promesses que vous avez ajourne´, depuis deux mois, les re´clamations que vous vouliez adresser au troˆne2. Les de´putations de quatre de´partemens restent mutile´es, tandis qu’il s’agit de savoir si les habitans de ces de´partemens, qui de la sorte ne sont qu’imparfaitement repre´sente´s, verront leur liberte´ personnelle livre´e a` des pouvoirs illimite´s et discre´tionnaires. Les de´putations de quatre de´partemens restent mutile´es, tandis que quatre voix forment aujourd’hui la majorite´. Que ces de´partemens sachent au moins que, s’ils sont prive´s de leurs le´gitimes organes, la faute n’en est pas a` cette Chambre. Des engagemens ont e´te´ pris, des faits affirme´s. La Chambre s’est repose´e sur ces engagemens ; elle a ajoute´ foi a` ces faits ; les engagemens sont reste´s sans exe´cution, les faits e´taient sans exactitude. Luttons, ne´anmoins, quelque incomplet que soit notre nombre. Il est des e´poques ou`, bien que le succe`s soit difficile, tout homme consciencieux trouve une consolation a` re´clamer sa part des revers. 6 funeste ou` ] le texte porte funeste ou erreur corrige´, en accord avec M 298a revers ] de revers M 298a 1

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L’abattement et la lassitude sont bien perceptibles dans cette pe´roraison qui place imme´diatement le propos non pas dans la tragique circonstance pre´sente, mais dans la marche en cours, si difficile, vers la liberte´. BC annonce ainsi qu’il va redire ce qu’il disait et e´crivait depuis longtemps. Voir l’intervention du 29 janvier (ci-dessus, p. 371). La majorite´ des de´pute´s avait repousse´ une demande des libe´raux de s’adresser directement au roi pour obtenir l’organisation d’e´lections comple´mentaires dans quatre de´partements ; le gouvernement e´tait soupc¸onne´ de faire volontairement traıˆner les choses.

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Toutefois, Messieurs, ce n’est point dans une discussion de principes que je me propose de vous engager. Les principes sur la liberte´ individuelle ont e´te´ proclame´s dans toutes nos assemble´es, dans celles meˆmes qui, comme on vous invite a` le faire aujourd’hui, ne leur rendaient hommage que pour les violer. Rien de neuf ne peut eˆtre dit sur cette matie`re. L’arbitraire conventionnel, directorial, impe´rial, a depuis trente ans e´puise´ tous les sophismes, et la liberte´ toutes ses re´futations victorieuses et malheureusement inutiles. D’ailleurs, Messieurs, que pourrais-je ajouter aux raisonnemens lumineux soumis, sur le meˆme sujet, a` cette meˆme Chambre, dans les anne´es ante´rieures, par d’honorables membres que nous avons l’avantage de compter encore parmi nos colle`gues ? «Ce ne sera pas avec de tels moyens, disait, en 1817, M. de Ville`le, en parlant de la loi qu’on veut ressusciter ; ce ne sera pas avec une telle justice qu’on calmera les haines, qu’on e´teindra les divisions, qu’on e´touffera les partis dans notre nouvelle France, pas plus qu’on n’y fondera le re`gne de la Charte en nous privant des garanties qu’elle nous avait donne´es.»1 «Trois articles de notre constitution, disait M. de Castelbajac, consacrent les droits des Franc¸ais. L’ar ticle 8 assure la liberte´ de la presse ; l’article 4, la liberte´ individuelle ; l’article 42 garantit que nul ne pourra eˆtre distrait de ses juges naturels. C’est la totalite´ de ces droits qui seraient aujourd’hui suspendus par les propositions ministe´rielles. Serait-il politique de voter une loi qui semblerait dire que nous sommes convaincus que le gouvernement ne peut point gouverner avec sa force militaire, sa gendarmerie, ses pre´fets et toutes ses administrations ? Serait-il politique de dire : Nous avons besoin de pouvoir arreˆter a` volonte´, nous avons besoin de comprimer la pense´e !»2 «On parle de responsabilite´, continuait M. Josse de Beauvoir ; comment le ministre pourrait-il eˆtre responsable d’un pouvoir dictatorial tel que celui dont cette loi l’investirait ? La responsabilite´ morale est invoque´e ; mais du moment qu’on en parle, elle exclut la responsabilite´ le´gale. Le pre´venu sera ne´cessairement juge´ par l’autorite´ qui l’accuse ; et la dictature s’e´tendant sur les journaux, les plus justes re´clamations n’auront nul moyen de se faire entendre.»3 22 suspendus ] suspendue M 298a 26 la pense´e ! ] la pense´e ? M 298a 27 Josse de Beauvoir ; comment ] Josse de Beauvoir. Comment M 298a Discours 1827 I 191 ; 1

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BC avait de´ja` cite´ le meˆme passage de l’intervention de Ville`le du 13 janvier 1817 dans son article du Mercure sur la loi du 12 fe´vrier 1817 (OCBC, Œuvres, t. X, p. 425). Il reproduit ici la meˆme erreur de copie : donnant «nouvelle France» au lieu de «malheureuse France». Voir Moniteur, no 15, 15 janvier 1817, p. 59b. Voir OCBC, Œuvres, t. X, p. 425 ; la citation, ni ici, ni dans l’article du Mercure n’est comple`te, mais elle est exacte. Voir Moniteur, no 15, 15 janvier 1817, p. 60a. Voir OCBC, Œuvres, t. X, p. 425 ; contrairement a` la meˆme citation produite dans le Mercure, les coupures par rapport a` la source ne sont pas mentionne´es par BC. Voir Moniteur, no 16, 16 janvier 1817, p. 65a.

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«Si le pre´sident du conseil signe de confiance, s’e´criait enfin M. de la Bourdonnaye, et son observation s’applique a` la signature de trois, aussi bien que de deux ministres1, c’est un cachet mis a` coˆte´ d’un autre. Loin de trouver une garantie dans ces secondes ou troisie`me signatures, il est e´vident que le pre´venu ne trouve que des adversaires de plus ; car, pour peu qu’on ait e´tudie´ le cœur humain, l’on sait que l’homme aime a` de´fendre son ouvrage. Quant a` la garantie que peuvent offrir les procureurs-ge´ne´raux, sans doute il est des magistrats inte`gres et courageux. Mais les pro cureursge´ne´raux sont amovibles ; et cependant voila` un malheureux de´tenu sans confrontation, sans communication des soupc¸ons a` sa charge, sur lequel on prononce sans le voir, sans l’entendre, et cela non pas comme la lettre du projet le porte, pour une seule anne´e, mais la loi pouvant eˆtre renouvele´e, pour autant d’anne´es que les ministres re´ussiront a` prouver qu’il est utile de violer la Charte.»2 Certes, Messieurs, je croirais faire injure aux honorables colle`gues que je viens de citer, si je ne m’en reposais sur eux pour de´fendre aujourd’hui des principes qu’ils ont si e´loquemment de´veloppe´s jadis. Ils ne les ont point abjure´s ces principes. Ils ne les professaient point, sans doute, uniquement dans leur inte´reˆt. Loin de moi, loin de nous tous la coupable et injurieuse pense´e, qu’ils ne re´clamaient la justice que parce qu’ils e´taient faibles, et qu’ils sont preˆts a` la de´daigner pour peu qu’ils espe`rent eˆtre les plus forts3. Ce n’est donc point en vous entretenant de doctrines ge´ne´rales, que l’e´vidence meˆme, et l’expe´rience de trente anne´es ont rendues triviales et rebattues, que je viens combattre le projet de loi. Je viens vous parler de la circonstance sur laquelle on le motive, et des pre´tendus adoucissemens que votre commission vous propose, adoucissemens tellement illusoires, hormis

19 leur inte´reˆt. Loin ] leur inte´reˆt : loin M 298a 20–21 parce qu’ils e´taient faibles, et qu’ils sont preˆts a` la de´daigner pour peu qu’ils espe`rent eˆtre ] parce qu’ils seraient preˆts a` la de´daigner pour peu qu’ils espe´rassent eˆtre M 298a

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Une des diffe´rences du projet de loi discute´ ici par rapport a` la loi du 12 fe´vrier 1817 e´tait que les signatures de trois ministres (et non pas seulement du pre´sident du conseil et du ministre de la Police) e´taient requises sur l’acte d’arrestation. La` encore, BC reprend une citation inse´re´e dans son article du Mercure de 1817 ou` il avait de´ja` fait quelques coupures dans le texte cite´ ; il en fait encore d’autres ici. Voir Moniteur, no 16, 16 janvier 1817, p. 66a et b. C’est la` qu’apparaıˆt toute l’habilete´ et meˆme la malignite´ de BC : il cite des discours de quatre piliers de la droite qui avaient combattu en 1817 une loi qu’ils de´fendaient maintenant sous son nouvel avatar et dans des circonstances nouvelles. Petite revanche pour celui que ses adversaires avaient si souvent qualifie´ de girouette.

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un seul, que j’aurais pre´fe´re´, je l’avoue, que le projet vous fuˆt pre´sente´ dans toute la purete´ de son arbitraire, parce qu’alors vous auriez e´te´ plus frappe´s de ses vices, que les amendemens de la commission enveloppent et de´guisent sans les atte´nuer1. La circonstance, Messieurs, l’horrible circonstance, vous la connaissez. Un crime e´pouvantable a e´te´ commis ; un crime qui a porte´ la consternation dans tous les cœurs, et plus profonde´ment dans ceux des amis since`res de la liberte´ ; car ils n’ont pas conc¸u le coupable espoir d’exploiter a` leur profit ce crime e´pouvantable. Mais qu’a de commun ce crime avec l’e´tat de la France ? Un ministre nous dit qu’il est le fruit amer de la fermentation qui existe depuis un an2. Ou` en est la preuve ? Le fait d’abord est inexact. Ce n’est point depuis un an que des symptoˆmes de fermentation ont pu alarmer les esprits sages. Il y a un an, il y a peu de mois, aucune fermentation n’agitait la France ; une ame´lioration calme et progressive se faisait partout remarquer. Une vie anime´e, telle que la cre´e une ve´ritable et sage liberte´, circulait activement dans toutes les parties de ce superbe royaume ; l’espoir remplissait toutes les ames ; l’attachement aux institutions pe´ne´trait dans tous les esprits. Des plaintes s’e´levaient sans doute encore contre des abus de de´tail ; mais ces plaintes, inse´parables de la condition humaine, inse´parables surtout d’un gouvernement repre´sentatif, ne troublaient ni l’ordre public ni les espe´rances ge´ne´rales. Tout a` coup des ministres, qui prenaient l’exercice des droits nationaux pour des re´voltes, et nos oppositions constitutionnelles pour des projets de bouleversement, ont de´clare´ la guerre a` toutes nos garanties3. Alors, en effet, la France s’est alarme´e : l’on a pu remarquer, d’une extre´mite´ du royaume a` l’autre, une fermentation douloureuse. Mais comment cette fer8 liberte´ ; car ] liberte´. Car M 298a 15–16 France ; une ] France. Une M 298a 18–19 royaume ; l’espoir ... ames ; l’attachement ] royaume. L’espoir ... ames. L’attachement M 298b 1

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La commission avait apporte´ a` chacun des trois articles de la loi des amendements qui, en effet, semblaient atte´nuer sa durete´, et propose´ un quatrie`me article engageant le ministe`re de rendre compte devant la Chambre des arrestations et de l’exe´cution de la loi. Voir Archives parlementaires, t. XXVI, p. 325. Dans l’expose´ des motifs de la loi prononce´ le 15 fe´vrier, Pasquier avait dit notamment : «depuis un an cette fermentation s’est renouvele´e et accrue jusqu’a` un degre´ auquel elle ne s’e´tait jamais e´leve´e : nous venons d’en cueillir les fruits trop amers» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 227). BC, une fois encore, retourne l’argument de ses adversaires en affirmant que l’inquie´tude, en France, a e´te´ ge´ne´re´e par les manœuvres de la droite et du gouvernement de`s la fin de l’e´te´ 1819 et surtout conse´cutivement aux e´lections de septembre.

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men tation s’est-elle manifeste´e ? par la chute de l’industrie, par l’interruption des spe´culations, par la baisse de la valeur ve´nale des proprie´te´s, enfin par des pe´titions respectueuses trop peu e´coute´es. Qu’ont de commun ces symptoˆmes d’inquie´tude avec l’exe´crable assassinat d’un prince, e´tranger a` toutes les questions politiques ? d’un prince se´pare´ du troˆne, suivant la marche de la nature, au moins pour bien des anne´es encore1 ; d’un prince, enfin, dont la mort de´plorable, en le rendant l’objet du regret juste et profond de quiconque admire la bonte´, la ge´ne´rosite´, le courage, ne servait, graˆce au ciel, aucun des criminels syste`mes auxquels on voulait l’attribuer. Mais, nous dit un ministre, ce crime est l’effet d’opinions perverses2. Eh ! Messieurs, qui peut calculer comment les ide´es s’enchaıˆnent dans la mise´rable teˆte d’un fre´ne´tique ? Le crime heureusement est inintelligible pour des hommes comme nous ; nous devons l’abhorrer, nous devons le punir ; mais nul ne peut plonger dans l’effroyable labyrinthe d’une nature pervertie, pour rattacher a` des opinions des attentats. Je vous le demande, auriez-vous trouve´ juste, apre`s les assassinats des protestans de Nıˆmes, un pouvoir discre´tionnaire contre tous les membres de communions diffe´rentes3 ? et quand le ge´ne´ral Ramel a pe´ri a` Toulouse, n’auriez-vous pas e´te´ indigne´s, si l’on euˆt voulu soumettre a` des lois exceptionnelles tous les suspects d’exage´ration de royalisme4 ? Je ne prononce point sur les causes du crime d’un abominable assassin ; mais, la nation ne doit certes pas en porter la peine. Vous ne pouvez adopter un projet de loi qui fait planer sur la nation tout entie`re d’horribles calom5 politiques ? d’un prince ] politiques, d’un prince M 298b 9 graˆce au ciel ] graˆces au ciel M 298b 12–13 pour des hommes ] avec des hommes M 298b 17 communions diffe´rentes ? et quand ] communions diffe´rentes ; et quand M 298b Discours 1827 I 194 ; 21–22 assassin ; mais ] assassin. Mais M 298b 22–23 pouvez adopter un projet de loi ] pouvez appuyer par l’adoption d’un projet de loi M 298b 1 2

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BC fait preuve ici d’un optimisme tout rhe´torique : Louis XVIII est aˆge´ de 65 ans ; le duc de Berry en avait 42. Toujours dans l’expose´ de Pasquier : «Cet attentat n’est-il que le crime d’un fanatique, aveugle´ et e´gare´ par les opinions perverses qui se publient chaque jour avec impunite´ [...] ?» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 227). La communaute´ protestante de Nıˆmes fut victime de massacres et d’exactions entre juillet 1815 et mai 1816, dans le cadre de la Terreur blanche orchestre´e par les ultras (voir L. Gwynn, «La Terreur blanche et l’application de la loi Decazes dans le de´partement du Gard (1815–1817)», Annales historiques de la Re´volution franc¸aise, 176, 1964, pp. 174– 193). Officier de l’Empereur, he´ros des campagnes d’Italie et d’Espagne, Jean-Pierre Ramel avait e´te´ fait mare´chal de camp par Louis XVIII en 1815. Il devint commandant du de´partement de la Haute-Garonne ou` il s’efforc¸a de juguler les acteurs de la Terreur blanche. Il fut assassine´ le 18 aouˆt 1815. Deux des auteurs de l’attentat furent condamne´s a` la prison, les autres furent acquitte´s. La` encore, BC vient puiser ses exemples dans le camp de ses adversaires pour tenter de montrer l’iniquite´ de leurs accusations envers la gauche.

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nies, qui n’ont e´te´ que trop re´pe´te´es. J’ai ge´mi de ne pouvoir re´pondre a` ceux qui repoussaient tant d’honorables pe´titionnaires, au nom du forfait de Louvel ; et je saisis du moins cette occasion tardive de protester contre cet odieux rapprochement1. La circonstance n’excuse donc point la mesure que l’on vous propose. Cette mesure, comme les deux autres qu’on nous pre´sente simultane´ment2, fait partie d’un syste`me me´dite´, re´dige´, annonce´ d’avance ; d’un syste`me qui ne tend a` rien moins qu’a` renverser tout le gouvernement actuel, a` de´chirer la Charte, a` substituer a` nos institutions la monarchie absolue. C’est a` part d’un souvenir de´plorable, que vous devez examiner ce syste`me ; et le sang pre´cieux, le sang a` jamais regrettable qui a e´te´ verse´, ne saurait servir de pre´texte pour donner des fers a` une nation innocente, irre´prochable, qui a recule´ d’horreur devant ce forfait. Je passe a` l’examen des amendemens que votre commission vous propose ; car personne, jusqu’a` pre´sent, n’a de´fendu le projet primitif du ministe`re. Tous les orateurs se sont rejete´s sur les amendemens, parce que le mot d’amendement semble avoir quelque chose de rassurant et de spe´cieux. Mais vous verrez combien est illusoire l’espe´rance que ce mot amendement a pu vous donner. Je commencerai par relever un des raisonnemens de votre commission, qui m’a beaucoup frappe´. Pour justifier le projet de l’accusation d’inconstitutionnalite´, votre commission vous fait observer que vos pre´de´ cesseurs n’auraient pas approuve´ la loi du 12 fe´vrier 1817, si elle avait e´te´ repousse´e par la Charte3. Messieurs, ne voyez-vous pas ou` cet argument vous conduirait, vous et les de´pute´s qui vous suivront ? Si, dans une session prochaine, on demandait a` vos successeurs une loi pareille, on s’appuierait de vous pour la re´clamer. Parce que vos pre´de´cesseurs ont eu le tort de le´guer a` l’arbitraire un pre´ce´dent de plus, vous continueriez cette tradition si de´sastreuse ; et l’histoire s’en prendrait justement a` vous, non seulement du 1 J’ai ge´mi ] J’ai fre´mi M 298b 12 pre´texte pour ] pre´texte a` M 298b pas en italique M 298b Discours 1827 I 195 1

2 3

17 amendement ]

Louis-Pierre Louvel, ouvrier sellier bonapartiste, e´tait l’assassin du duc de Berry ; lors de la se´ance du 2 mars, la pre´sentation par Dupont de l’Eure de 442 nouvelles pe´titions relatives au maintien inte´gral de la Charte (c’est-a`-dire s’opposant a` toute modification de la loi sur les e´lections) avait donne´ lieu a` des rapprochements de circonstance, notamment par Castelbajac, entre Louvel et le milieu des pe´titionnaires. BC n’e´tait pas intervenu dans cette discussion ; il se rattrape ici au passage. Voir G. Malandain, L’introuvable complot. L’affaire Louvel, Paris : E´ditions de l’EHESS, 2011. Les lois sur les e´lections et sur la circulation de la presse. BC reprend textuellement une question rhe´torique pose´e par Rivie`re dans son rapport : «Ce pouvoir aurait-il e´mis la loi du 12 fe´vrier si elle avait e´te´ repousse´e par la Charte ?» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 323).

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mal que vous auriez fait, mais de celui qu’a` l’avenir on ferait d’apre`s votre exemple. La commission se fait un me´rite d’avoir retranche´ du projet de loi les mots trop vagues, dit-elle, de suˆrete´ de l’E´tat : mais, Messieurs, quand le pouvoir est discre´tionnaire ; quand, ainsi que vous le verrez tout a` l’heure, l’autorite´ n’est tenue a` rien pre´ciser, a` rien publier ; quand elle peut refuser a` l’inculpe´ tous les documens qui sont a` sa charge ; quand elle est exhorte´e, d’apre`s les paroles de M. le rapporteur, a` se de´terminer par une conside´ration incommunicable et d’apre`s des adminicules insusceptibles de pre´cision, que m’importe sous quel pre´texte l’arrestation peut avoir lieu1 ? Quand un fonctionnaire voudra plonger un ennemi dans les cachots, il ne pourra pas dire, il est vrai, qu’il l’emprisonne pour complots contre la suˆrete´ de l’e´tat ; mais il dira qu’il l’emprisonne pour discours, ou faits quelconques, attentatoires a` la conservation du gouvernement2. N’e´tant oblige´ de rien expliquer, de rien prouver, que fait la re´daction, et ou` est la garantie qu’est cense´ fournir cet insignifiant syno nyme ? L’amendement que votre commission appelle un principe est nul et de´risoire. Les mots ne changent rien au fond des choses : et quand l’arbitraire est au fond des choses, je voudrais eˆtre pre´serve´ du moins des subterfuges des mots. Il nous a semble´, poursuit votre commission, qu’il n’est pas sans inte´reˆt, pour la liberte´ individuelle, que copie soit donne´e a` l’individu arreˆte´. Mais dans cette copie ne se trouveront ni les noms des de´nonciateurs, ni la de´nonciation elle-meˆme, ni ce que vous entendrez tout a` l’heure votre commission nommer des ouvertures confidentielles, qui ont donne´ lieu a` l’arrestation. Que servira donc au de´tenu de savoir que trois ministres ont signe´ l’ordre de le priver de sa liberte´ ? trois ministres, dont deux, au milieu du tourbillon des affaires, devront ne´cessairement signer de confiance, et dont le troisie`me, tout au plus, aura rec¸u du pre´fet, du maire, du commissaire de police, de l’officier de gendarmerie, de l’e´veˆque ou du cure´, des ouvertures confidentielles qu’il n’aura pas le temps d’examiner, et qu’il aura soin de tenir secre`tes. 4 suˆrete´ de l’E´tat ] pas en italique M 298b Discours 1827 I 196 5 pouvoir est discre´tionnaire ] pouvoir discre´tionnaire M 298b ainsi que vous le verrez ] ainsi vous le verrez Discours 1827 I 196 24 ouvertures confidentielles ] pas en italique M 298b Discours 1827 I 197 26 liberte´ ? trois ] liberte´, trois M 298b 31 tenir secre`tes. ] tenir secre`tes ? Discours 1827 I 197 1 2

BC reprend en effet des expressions utilise´es par Rivie`re pour qualifier les moyens d’enqueˆte «incommunicables» mis en œuvre dans ce genre d’affaires. C’est ainsi que la commission avait propose´ d’amender, pour la pre´ciser, la notion de suˆrete´ de l’E´tat.

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Cet amendement, Messieurs, est illusoire comme le premier. Je vous ferai graˆce de la distinction entre les mots de pre´venu et d’inculpe´. Comme le sort du de´tenu est le meˆme, le nom qu’on lui donne me semble, je l’avoue, assez indiffe´rent ; il s’agit ici de la liberte´ des citoyens, et non d’un article du dictionnaire de l’Acade´mie. «Pour calmer des inquie´tudes, continue votre commission, nous avons pre´cise´ quelques faits susceptibles de devenir des causes d’arrestations ; mais nous nous sommes bien garde´s de poser a` cet e´gard aucune limite. Nous en avons, au contraire voulu exclure jusqu’au soupc¸on, par une ge´ne´ralite´ a` laquelle tout puˆt eˆtre ramene´.» Certes, si, apre`s cette explication, les inquie´tudes se calment, je les en fe´licite ; quant a` moi, je ne conc¸ois pas pourquoi, Messieurs, vos commissaires ont rejete´ le mot de machinations, comme pre´sentant un vague dont l’imagination s’effraie. Quand on adopte avec intention une ge´ne´ralite´ a` laquelle tout peut eˆtre ramene´, l’on ne peut pas redouter le vague ; et en introduisant dans la loi les mots de faits quelconques, on donne, ce me semble, la perfection du vague a` ce beau ide´al d’un arbitraire inde´fini1. En e´coutant la partie du rapport qui ordonne qu’apre`s trois mois le pre´venu ou l’inculpe´, comme on le voudra, s’il est remis en liberte´, aura connaissance par e´crit des causes qui l’auront fait arreˆter, j’avais cru voir dans cette disposition une espe`ce de garantie, bien insuffisante sans doute, mais que faute de mieux j’acceptais. Je ne suis pas reste´ longtemps dans cette illusion consolante. «Entendre cette obligation impose´e a` l’autorite´, dit votre commission, dans un sens qui mıˆt a` la merci de la personne qu’on relaˆche les documens de tout genre recueillis sur son compte, serait manquer e´videmment le but de la loi. On ne peut concevoir qu’avec un pareil syste`me on osaˆt jamais faire au gouvernement la moindre ouverture confidentielle.»2 J’oserai demander quelle est cette expression si adoucie, une ouverture confidentielle, quand cette ouverture tend a` faire arreˆter un homme, et que 2 pre´venu ... inculpe´ ] pas en italique M 298b Discours 1827 I 197 6–10 «Pour calmer ... eˆtre ramene´.» ] guillemets absents M 298b 12 machinations ] pas en italique M 298b Discours 1827 I 198 17 d’un arbitraire inde´fini ] de l’infini M 298c 19 s’il est remis ] remis M 298c 29–30 une ouverture confidentielle ] pas en italique M 298c Discours 1827 I 198 1

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La` aussi, sur un ton toujours plus sarcastique, BC reprend a` la lettre les termes du rapport de Rivie`re qui justifie les diverses substitutions lexicales (inculpe´ pour pre´venu, abandon de machinations). Le passage du rapport est cite´ fide`lement. Citation fide`le du rapport, ou` l’on trouve l’expression d’ouverture confidentielle commente´e plus haut.

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l’auteur de cette ouverture craint d’eˆtre nomme´. Ne serait-ce pas ce que nous appelons grossie`rement une de´lation ? Je ne me permettrai plus de dire que la loi ne contient aucune garantie. Voici, je le reconnais, une garantie formelle pour les de´lateurs. Est-ce se´rieusement, Messieurs, que vous pourriez adopter ce syste`me, renouvele´ du Bas-Empire, ou, si l’on veut, de Bonaparte ? car les agens de Bonaparte n’ont fait autre chose qu’user, sans loi expresse, ou plutoˆt d’apre`s des lois expresses e´mane´es de la Convention, pre´cise´ment du pouvoir que veut cre´er la loi actuelle. Dans ce temps j’ai quitte´ la France1, parce que MM. les pre´fets de police et Bonaparte pouvaient me faire arreˆter sur des ouvertures confidentielles, d’apre`s leur conviction incommunicable. Je ne m’attendais pas a` me retrouver a` la merci de ces ouvertures confidentielles et de cette incommunicable conviction, sous un gouvernement constitutionnel. Je passe sous silence trois autres amendemens qui, dit votre commission, viennent au secours de l’humanite´ et de la justice. Je n’y ai rien vu qui offrıˆt le moindre appui a` la justice et a` l’humanite´. Le choix de la prison remis a` l’autorite´, ou, pour mieux dire, au de´nonciateur qui peut choisir lui-meˆme le the´aˆtre des faits qu’il invente, expose toujours l’inculpe´ a` eˆtre traıˆne´ fort loin de son domicile. La substitution des procureurs ge´ne´raux aux procureurs du roi n’est qu’un de´placement d’arbitraire que le hasard peut rendre tout aussi faˆcheux qu’utile. L’interrogatoire, sur des documens qui ne seront communique´s a` l’accuse´ que discre´tionnairement et en partie, est une vaine ce´re´ monie. Il n’y a dans toutes ces ame´liorations pre´tendues rien qui me rassure. Mais ce que je remarque, c’est que votre commission ne s’est point explique´e sur le secret, sur cette e´pouvantable peine de solitude absolue, qui conduit les de´tenus a` leur ruine, en les se´parant de l’administration de leurs inte´reˆts, et qui les conduit a` la de´mence en les arrachant a` leurs affections. Ainsi le secret, ce supplice qu’un peuple vraiment libre conside`re comme le chaˆtiment le plus douloureux, ce supplice que, sous nos divers ministe`res, tous les partis ont subi tour a` tour, pourra eˆtre inflige´ pour trois mois a` tout homme qu’un subalterne aura honore´ de sa haine, un de´lateur de ses impostures, et trois ministres de leur insouciance. Messieurs, si je votais cette loi, je ne jouirais plus d’un instant de repos. Je verrais toujours autour de 6 Bonaparte ? car les agens ] Buonaparte ; car les agens M 298c ; Bonaparte ; car les agens Discours 1827 I 199 10 et Bonaparte ] de Buonaparte M 298c 1

Apre`s son e´viction du Tribunat, BC a passe´ la majeure partie des anne´es 1803–1814 en Allemagne et en Suisse, mais il a tout de meˆme fait des se´jours re´guliers a` Paris. Il dramatise ici quelque peu sa situation de l’e´poque.

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moi l’image des malheureux, peut-eˆtre innocens, que mon vote aurait livre´s a` des tourmens destructifs de leur fortune, de leurs faculte´s morales ou de leur vie ; et si, par une combinaison incroyable, une autre loi tuait a` la meˆme e´poque la publicite´, l’ignorance ou` je serais du nombre de mes victimes doublerait mon angoisse et mes remords. Mais, vous dit-on, le rapport que les ministres devront mettre sous les yeux des Chambres les contiendra dans de justes bornes jusqu’a` la prochaine session1. Eh ! savons-nous quelles Chambres aura la France a` la session prochaine ? Je ne veux point anticiper sur les discussions qui se pre´parent ; mais daignez peser cette conside´ration ; re´fle´chissez aussi a` l’effet que la loi qui vous est soumise aura peut-eˆtre sur les e´lections meˆmes2. J’ai lu, dans une opinion ce´le`bre d’un noble pair, qu’en 1816, le ministe`re, pour influer sur les choix, ouvrit les prisons et remit en liberte´ beaucoup d’e´lecteurs de´tenus en vertu de la loi du 29 octobre3. Ce qu’on obtint alors, si le fait est vrai, par des mises en liberte´, ne pourrait-on pas l’obtenir par des arrestations a` une autre e´poque ? Messieurs, la loi qu’on vous propose est la ruine non seulement de la liberte´, mais de la justice, de la morale, du cre´dit, de l’industrie, de la prospe´rite´ de la France. Il n’est aucune vertu qui ne soit de´grade´e, aucun inte´reˆt qui ne soit froisse´ par une loi pareille. Quand j’entends des hommes, qui peut-eˆtre se pre´parent a` voter pour cette loi, parler de puissance paternelle, de saintete´ du mariage, de ne´cessite´ de liens domestiques ; quand j’en entends d’autres parler de spe´culations et de commerce, je reste stupe´fait de leur aveuglement. La puissance paternelle ! Mais le premier devoir d’un fils est de de´fendre son pe`re opprime´ ; et lorsque vous enlevez un pe`re du milieu de ses enfans, lorsque vous forcez ces derniers a` garder un laˆche silence, que devient l’effet de vos maximes et de vos Codes, de vos de´clamations et de vos lois ? La saintete´ du mariage ! Mais sur une de´nonciation te´ne´breuse, sur un simple soupc¸on, par une mesure prise par des ministres, avec la pre´cipitation des affaires et l’insouciance de´daigneuse du pouvoir, on se´pare un e´poux de sa femme, une femme de son e´poux ! 33 de son e´poux ! ] de son e´poux. M 298c 1

2 3

Le nouvel article 4 ajoute´ par la commission, qui oblige le ministe`re a` rendre compte a` la Chambre des arrestations exe´cute´es sous l’autorite´ de cette loi «a` la prochaine session» ; une arrestation prend fin «si elle n’est pas renouvele´e dans le courant de la session susdite» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 325). BC rappelle le lien du projet discute´ avec les autres lois sur le point d’eˆtre impose´es ainsi que les funestes conse´quences a` pre´voir de leur application. Nous n’avons pas pu identifier l’opinion e´voque´e ici par BC.

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Les liens domestiques ! Mais la sanction des liens domestiques, c’est la liberte´ individuelle, l’espoir fonde´ de vivre ensemble, de vivre libres dans l’asile que la justice garantit aux citoyens. Le cre´dit, le commerce, l’industrie ! Mais celui que vos ministres arreˆtent a des cre´anciers dont la fortune s’appuie sur la sienne, des associe´s inte´resse´s a` ses entreprises. L’effet de sa de´tention n’est pas seulement la perte momentane´e de sa liberte´, mais l’interruption de ses spe´culations, peut eˆtre sa ruine. Cette ruine s’e´tend a` tous les copartageans de ses inte´reˆts ; elle s’e´tend plus loin encore : elle e´branle toutes les se´curite´s. Lorsqu’un individu souffre sans avoir pu de´montrer son innocence, et sans avoir e´te´ convaincu d’un crime, tous se croient menace´s, et avec raison, car la garantie est de´truite. On se tait, parce qu’on a peur ; mais toutes les transactions s’en ressentent. La terre tremble, et le sol e´branle´ ne menace pas moins, songez-y, les palais des gouvernans que la chaumie`re des opprime´s. Mais, vous dit-on, cette loi que l’on repre´sente comme si terrible, a existe´ en 1817, et l’anne´e 1817 n’a pas e´te´ une e´poque de tyrannie. Sans m’arreˆter inutilement a` vous prouver que, dans plus d’un article, la loi actuelle est plus vicieuse que la pre´ce´dente, je vais m’expliquer avec franchise sur les chances de douceur et de mode´ration qu’on espe`re. Daignez m’e´couter avec impartialite´. Messieurs, depuis que la tribune est libre, plusieurs de nos honorables colle`gues ont use´ du droit inviolable de la parole pour vous communiquer leurs craintes sur ce qu’ils appelaient une tendance re´volutionnaire. L’esprit re´volutionnaire, vous ont-ils dit, se fait remarquer dans plusieurs lois, dans plusieurs actes, et cet esprit nous pousse vers un abıˆme. Vous avez respecte´ en eux leur le´gitime inde´pendance ; et ceux meˆme qui ne regardaient point leurs inquie´tudes comme fonde´es ont senti qu’ils avaient le droit de les exprimer. J’ose penser que j’ai le meˆme droit, et j’attends de vous la meˆme tole´rance. Je n’inculpe les intentions de personne ; mais de meˆme qu’une portion de cette assemble´e croit a` une tendance re´volutionnaire, je crois a` une tendance contre-re´volutionnaire. Je crois qu’un esprit contre-re´volutionnaire s’annonce par des symptoˆmes certains. Je crois que l’abıˆme de la contre-re´volution s’ouvre devant nous. J’entends, Messieurs, par contre-re´volution un syste`me qui attaquera graduellement tous les droits, toutes les garanties que la nation voulut en 1789, et qu’elle avait obtenues en 1814. J’entends par la contre-re´volution le retour de l’arbitraire tel qu’il existait en 1788, et tel qu’il existera par les

8–9 inte´reˆts ; elle ... encore : elle e´branle ] inte´reˆts. Elle ... encore. Elle e´branle M 298c

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trois lois que l’on vous propose : car ce qui caracte´risait le re´gime de 1788, c’e´taient la censure, la Bastille, des organes impose´s au peuple contre son choix et sans son aveu. Or, si nous avons les trois lois propose´es, nous aurons et les lettres de cachet, et l’esclavage de la presse, et des organes impose´s au peuple, sans qu’ils soient librement e´lus. Je crois que la contre-re´volution ainsi ope´re´e pourra feindre d’abord de me´nager ce qu’on appelle les inte´ reˆts mate´riels de la re´volution ; mais je suis convaincu qu’elle ne se condamnera pas long-temps a` ces me´nagemens incommodes, et qu’aucun des inte´reˆts cre´e´s par les transactions de trente anne´es ne seront comple´tement respecte´s. L’expe´rience de tous les temps, celle surtout d’une re´volution de´sastreuse, a` plus d’une e´poque, nous apprend que, lorsqu’un gouvernement ce`de a` un parti, ce parti ne tarde pas a` le subjuguer. Je prends acte de ce que je dis ici a` cette tribune aujourd’hui. Oui, Messieurs, la digue qu’oppose avec inde´cision et mollesse a` la contre-re´volution imminente le ministe`re actuel, cette digue ce`de, plie, s’e´branle, elle est sur le point d’eˆtre brise´e. Le ministe`re lui-meˆme ne le pre´voit pas encore peut-eˆtre. Mais toutes les lois que vous allez faire, la contre-re´volution en profitera. J’applique ce principe a` la loi actuelle compare´e a` celle de 1817. Autant la loi de 1817 a e´te´ exe´cute´e, je ne dirai pas avec justice, la justice n’a rien de commun avec de telles lois, mais avec re´serve, autant celle-ci sera exe´cute´e avec violence et rigueur. Ce qui, en 1817, n’e´tait qu’irre´gulier, en 1820 sera terrible. Ce qui, en 1817, n’e´tait vicieux qu’en principe, en 1820 sera effroyable en application1. J’ai duˆ parler ainsi, Messieurs, parce que c’est ainsi que je pense, et j’ai encore un autre motif pour dire ma pense´e. J’ai toujours regarde´ comme enviable le sort des amis de la liberte´, qui, lors du commencement des fureurs re´volutionnaires, ont e´te´ les premiers frappe´s. Cette destine´e les a pre´serve´s d’eˆtre les te´moins d’au tres fureurs encore plus affreuses. Le sort de ceux qui seront les premie`res victimes de 1 propose : car ] propose. Car M 299a 2 la censure, la Bastille, des organes ] les lettres de cachet, c’e´tait l’esclavage de la presse, c’e´tait des organes M 299a 7 re´volution ; mais ] re´volution. Mais M 299a 1

Cela faisait plusieurs semaines que BC parlait publiquement de «contre-re´volution» lorsqu’il e´voquait le processus politique qui e´tait en marche (voir notre introduction). Pasquier lui re´pondra le lendemain en rappelant tous les crimes qui avaient e´te´ commis dans un passe´ pas si e´loigne´ contre ceux qu’on avait qualifie´s de «contre-re´volutionnaire» (Archives parlementaires, t. XXVI, pp. 389–390). Quelques semaines plus tard, le 21 avril, BC brandira devant la Chambre un exemplaire du Drapeau blanc, ou` l’auteur d’un article en premie`re page assume sa position en de´clarant : «nous sommes des contre-re´volutionnaires !» (voir ci-dessous, p. 650, note 1).

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la contre-re´volution, si elle s’ope`re, me semblerait e´galement digne d’envie : ils ne verront pas cette contre-re´volution dans toutes ses horreurs. Messieurs, deux routes vous sont ouvertes. Depuis deux ans, lors meˆme que les ministres se sont e´gare´s, les repre´sentans de la nation ont marche´ dans la ligne constitutionnelle. Voudrez-vous en sortir ? voudrez-vous rentrer dans les lois d’exception ? La Convention, le Directoire, Bonaparte, ont gouverne´ par des lois exceptionnelles. ou` est la Convention, ou` est le Directoire ? ou` est Bonaparte ? Je vote le rejet des deux projets, tant de celui des ministres que de celui de la commission.1

1–2 d’envie : ils ] d’envie. Ils M 299a

1

C’est sur ce morceau de bravoure de BC que sont clos les de´bats dont la suite est reporte´e au lendemain. Mais le premier orateur du 8 mars, Bonald, se chargera de rallumer l’incendie en invectivant aussitoˆt BC : «Je surmonte, Messieurs – dit-il en ouverture de son discours –, l’extreˆme re´pugnance que j’e´prouve a` prendre la parole dans cette Chambre, apre`s ce qu’elle a entendu dans la se´ance d’hier, et a` meˆler la voix de la raison et de la ve´rite´ aux exage´rations de la passion et aux artifices de l’erreur. Peut-eˆtre devrions-nous de´sormais de´rober a` la France et a` l’Europe la connaissance de nos tristes de´bats, et, comme nos re´glements nous y autorisent, en ensevelir le scandale dans le silence d’un comite´ secret, et e´touffer les brandons, si nous n’avons pu e´mousser les poignards.» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 379). Et de fait, aux trois lois si funestes, selon BC, viendront bientoˆt s’ajouter des restrictions dans la publicite´ des de´bats de la Chambre. Vers le 8 mars, BC e´crivit a` Goyet : «Je vous envoye mon discours du 7 – Il a produit un effet ge´ne´ral & place´ la question sur son ve´ritable terrein – il s’agit en effet de la re´volution & de la contrere´volution» (OCBC, Correspondance, t. XI, p. 443).

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[Re´sume´ d’une lettre au pre´sident et intervention a` propos de sa proposition de modification du mode de scrutin]* Se´ance du 8 mars 18201

304b

M. le pre´sident. Je dois donner connaissance a` la Chambre d’une lettre que je viens de recevoir. M. le pre´sident donne lecture de cette lettre, qui lui est adresse´e par M. Benjamin Constant. L’honorable membre rappelle que la chambre a pris en conside´ration sa proposition tendant a` des modifications dans le mode de scrutin. Il rappelle que la circonstance est pressante, et que c’est au moment de voter sur une loi de la plus haute importance, qu’il est utile que la chambre statue sur sa proposition. Il invite donc M. le pre´sident a` vouloir bien convoquer la chambre dans ses bureaux demain a` midi, pour y examiner la proposition et nommer une commission. (Voix a` gauche. Oui, oui. Un grand nombre de membres de la droite et du centre. Non, non ... Rien ne doit interrompre la discussion ... A demain, a` demain2.) Vous avez pris la proposition en conside´ration, et vous l’avez renvoye´e dans les bureaux. Il faut donc que les bureaux s’en occupent, et qu’ils

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 70, vendredi 10 mars 1820, p. 304b ; Archives parlementaires, t. XXVI, p. 395. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, jeudi 9 mars 1820, p. 1068c ; Journal des de´bats, jeudi 9 mars 1820, p. 4a, vendredi 10 mars 1820, p. 1a (nomination de la commission). Le Constitutionnel, no 69, jeudi 9 mars 1820, p. 4ab ; La Quotidienne, no 69, jeudi 9 mars 1820, p. 4b et no 70, vendredi 10 mars 1820, p. 3a (nomination de la commission) ; L’Inde´pendant, no 304, jeudi 9 mars 1820, p. 3b ; Gazette de France, no 69, jeudi 9 mars 1820, p. 272b.

1

Le de´bat relatif a` la loi sur les liberte´s individuelles s’est amplifie´. L’heure est a` la cloˆture et au renvoi de la discussion au lendemain, alors que le pre´sident est encore dispose´ a` donner la parole a` un dernier opinant. C’est la` que BC tente une manœuvre tactique en vue du vote sur le projet de loi qui finira bien par avoir lieu. Par e´crit (pour soustraire sa question a` l’effervescence ge´ne´rale ?), il demande de revenir a` sa proposition du 6 mars concernant la proce´dure de vote. La droite et le centre de la Chambre refusent cette proposition et quittent la salle. Casimir Perier de´fend la proposition de BC, tandis que Cornet-d’Incourt estime qu’il ne faut pas interrompre la discussion pour s’occuper de la modification du scrutin qui n’est pas prioritaire. BC reprend la parole juste apre`s.

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nomment une commission. Cela peut se faire en quelque instant, avant la se´ance publique ; cela n’empeˆche nullement que cette se´ance n’ait lieu, et cela n’interrompt pas la discussion.1

1

Les esprits sont tellement e´chauffe´s que l’intervention de BC provoque une grande confusion : beaucoup de membres de la droite sont sortis alors que leurs camarades tentent de les faire revenir pour le vote. Le pre´sident finit par imposer le vote qui donne un re´sultat nettement favorable a` la proposition de BC : 105 voix contre 37.

[Intervention contre la cloˆture de la discussion]* Se´ance du 9 mars 18201

1072c

M. Benjamin Constant demande la parole contre la cloˆture. Il fait observer que plusieurs orateurs sont encore inscrits pour parler soit contre la loi propose´e, soit pour son adoption. Il croit donc convenable que la Chambre continue la discussion a` demain.

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : La Renomme´e, vendredi 10 mars 1820, p. 1072c ; L’Inde´pendant, no 305, vendredi 10 mars 1820, p. 3b ; Gazette de France, no 70, vendredi 10 mars 1820, p. 276b.

3–6 M. Benjamin Constant ... la discussion a` demain. ] La question n’est pas e´puise´e, elle peut recevoir encore beaucoup de lumie`re et eˆtre conside´re´e sous des faces nouvelles. Je m’oppose a` la cloture. (Aux voix, aux voix.) L’Inde´pendant Il y a encore des de´pute´s inscrits pour et contre ; des lumie`res utiles peuvent jaillir de la discussion. Gazette de France

1

Ni le Moniteur, ni les Archives parlementaires, ne rendent compte de cette intervention de BC. Ces sources parlent seulement de la cloˆture de la discussion et en effet, le lendemain, apre`s l’examen ordinaire des pe´titions, l’ordre du jour est ouvert par la prise de parole du rapporteur de la commission, Rivie`re, charge´ de donner compte rendu de la discussion relative a` la loi sur les liberte´s individuelles. La discussion pourra ainsi se poursuivre, article par article cette fois-ci, en conside´ration des amendements et sous-amendements.

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[Intervention contre la cloˆture de la discussion]* Se´ance du 10 mars 18201

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Il me semble que ceux qui demandent la cloˆture de la discussion sont dans l’erreur ; on peut dire qu’elle n’est pas ouverte, on n’a pas encore parle´ sur l’article 1er. Je demande que M. de Puymaurin soit entendu.

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 71, samedi 11 mars 1820, p. 312b ; Archives parlementaires, t. XXVI, p. 430. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, samedi 11 mars 1820, p. 1076a ; Journal des de´bats, samedi 11 mars 1820, p. 3b ; Le Constitutionnel, no 71, samedi 11 mars 1820, p. 3b ; La Quotidienne, no 71, samedi 11 mars 1820, p. 3a ; L’Inde´pendant, no 306, samedi 11 mars 1820, p. 3b ; Gazette de France, no 71, samedi 11 mars 1820, p. 279b.

3–5 Il me semble ... soit entendu ] Je demande la parole contre la cloˆture : il paraıˆt que l’assemble´e tombe dans une grande erreur si elle pense que jusqu’a` pre´sent on a discute´ l’article. Il a e´te´ facile de s’apercevoir que la discussion e´tait ge´ne´rale. Plusieurs membres ont des observations a` faire, j’ai moi-meˆme des e´claircissemens a` demander aux ministres. Je vous engage a` entendre M. de Puymaurin. La Quotidienne

1

BC suit attentivement la discussion sans intervenir pour le moment, mais alors que le de´pute´ Puymaurin a demande´ la parole et que la droite, ne´gligeant cela, fait pression pour obtenir la cloˆture de la discussion, BC prend la parole pour tenter de re´tablir l’ordre dans le de´bat. Le pre´sident le suivra et Puymaurin pourra s’exprimer (votant pour l’article 1. sans amendement). On voit que meˆme apre`s s’eˆtre expose´ par un discours tre`s pe´remptoire trois jours plus toˆt, BC jouit d’une autorite´ certaine dans l’he´micycle.

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[Re´sume´ d’une intervention sur la loi d’exception]* Se´ance du 10 mars 18201

312c

M. Benjamin Constant a e´leve´ la question de savoir si les noms des inculpe´s seraient rendus publics ; si l’on serait force´ de les mettre en jugement ; s’ils pourraient eˆtre retenus au secret.

*

E´tablissement du texte : Imprime´ : Le Moniteur universel, no 71, samedi 11 mars 1820, p. 312c. Autre publication : Journal des de´bats, samedi 11 mars 1820, p. 4a (l’intervention semble avoir e´te´ jointe au discours qui suit).

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Cette intervention n’est pas consigne´e dans les Archives parlementaires.

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Sur la meˆme loi d’exception.* (Se´ance du 10 mars 1820.)1

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MESSIEURS, Je viens proposer quelques difficulte´s, et demander quelques e´claircissemens ; ce n’est point un amendement que je propose, non qu’il ne me paruˆt naturel d’en proposer, tout en e´tant de´termine´ a` voter le rejet du projet en totalite´2. Dans la position ou` nous sommes, nous de´fendons de notre mieux nos droits constitutionnels et la Charte ; et puisque d’honorables membres ne pensent pas comme nous sur ce sujet, nous devons chercher a` diminuer, autant que possible, le mal que nous croyons qu’ils vont faire. Nous suivons en cela l’impulsion de notre conscience. D’abord nous disons le mieux ; nous indiquons ensuite quel est le moins mauvais, tout en nous re´servant de voter pour le mieux, c’est-a`-dire, pour le rejet. C’est la conduite de bons citoyens attache´s a` la Charte et au gouvernement. Ainsi, il est impossible de trouver de l’inconse´quence dans cette conduite. *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 206–211 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 206–211 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 72, dimanche 12 mars 1820, pp. 315c–316a [=M] ; Archives parlementaires, t. XXVI, pp. 433–435. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 209–213. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, samedi 11 mars 1820, p. 1076bc ; Journal des de´bats, samedi 11 mars 1820, p. 4a ; Le Constitutionnel, no 71, samedi 11 mars 1820, p. 4a ; La Quotidienne, no 71, samedi 11 mars 1820, pp. 3b–4a ; L’Inde´pendant, no 306, samedi 11 mars 1820, p. 4a ; Gazette de France, no 71, samedi 11 mars 1820, p. 280a.

4–6 quelques e´claircissemens ... me paruˆt naturel ] quelques e´claircissemens ; car bien qu’on semble de´sapprouver les adversaires du projet, quand ils de´clarent qu’ils voteront contre l’article, et qu’ils proposent ne´anmoins des amendemens, je n’y vois pas d’inconse´quence. Je ne proposerai pas positivement d’amendemens ; ce n’est pas qu’il ne me paraisse tout naturel M 315c ; quelques e´claircissemens ... paraisse naturel Discours 1827 I 206 1

2

La discussion porte maintenant sur le nombre de signatures qu’un acte d’arrestation devrait compter pour pouvoir eˆtre exe´cutoire. Le projet, a` l’article 1. pre´voit la signature de trois ministres. BC, a` son habitude, s’exprime sur l’objet tout en traitant d’une question plus ge´ne´rale. La variante ci-dessus permet de replacer ces mots dans le cours du de´bat : le ge´ne´ral Foy avait propose´ un amendement tout en disant, comme le fait maintenant BC, qu’il continuait de combattre le projet ; des voix s’e´taient alors e´leve´es a` droite : «Pourquoi amender ?» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 433).

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Deuxie`me partie – Session de 1819–1820

Je ne dirai pas, avec un honorable colle`gue, dont je partage d’ailleurs plusieurs opinions, que nous ne sommes pas envoye´s ici pour de´fendre les droits du troˆne1. Il est ne´cessaire d’ajouter quelques expressions pour rendre son ide´e plus claire. Je crois que ceux qui de´fendent les droits du peuple de´fendent aussi les droits du troˆne ; que pre´server le troˆne des dangers et des abus de l’arbitraire est le plus grand service que l’on puisse rendre au troˆne ; je crois que, dans ce moment-ci, nous sommes les de´fenseurs du troˆne, et que les ministres, contre leur volonte´ sans doute, en sont les ennemis. (Vive agitation.) Maintenant j’entre dans l’examen de l’article, et je demande d’abord aux ministres si les arrestations seront publie´es. Il me paraıˆt que c’est une question tre`s importante, dans un moment surtout ou` la censure va interdire tous les moyens de publicite´. Il faut savoir si les ministres voudront bien nous faire connaıˆtre officiellement les hommes qu’ils mettront dans les cachots ; ou si, au malheur d’eˆtre emprisonne´s, ces hommes joindront le malheur de n’avoir pas de de´fenseurs devant le conseil des ministres, qui deviendra un ve´ritable tribunal. Que les ministres nous disent si, pendant trois mois, une nuit e´paisse couvrira le sort des de´tenus. Je demande encore si les ministres auront le droit de de´tenir les citoyens au secret. Vous savez tous de quelle importance est cette question, et l’expe´rience de toute l’assemble´e peut m’appuyer ; car il n’y a pas un de nous qui n’ait eu des amis languissans dans les tortures du secret. Je demande si la puissance donne´e aux ministres les autorisera a` de´tenir au secret, pendant trois mois, les malheureux pre´venus. On a vu de de´plorables exemples a` la suite de ce supplice ; on a vu des malheureux sortir du secret, prive´s de leurs faculte´s intellectuelles. J’en ai ici la preuve. Je tiens a` la main la lettre e´crite, a` ce sujet, par madame Travot. Un ge´ne´ral qui a servi dans nos arme´es, que la cle´mence ou la justice du roi avait sauve´ des effets d’un jugement rigoureux, le ge´ne´ral Travot est sorti de la prison, prive´ de ses faculte´s ; il est maintenant en e´tat de de´mence, et il n’avait e´te´ tenu au secret que pendant trois mois, et au cachot pendant quarante-huit heures2. Si 1 Je ne dirai pas ] Je ne trouverai pas M 315c 15 emprisonne´s ] le texte porte emprisonne´ erreur corrige´e, en accord avec M 315c Discours 1827 I 207 ces hommes joindront ] ils joindront M 315c 20 au secret. Vous ] au secret ? Vous M 315c 29 sorti de la prison ] sorti de sa prison M 315c 31 pendant trois mois ] pour trois mois M 315c 1

2

Lors de la meˆme se´ance, quelques tours de parole avant BC, le ge´ne´ral Demarc¸ay avait dit : «Je n’ai point e´te´ envoye´ ici pour de´fendre les inte´reˆts du troˆne proprement dit.» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 428). Le ge´ne´ral Jean-Pierre Travot, officier pendant les guerres de Vende´e sous la Re´volution, puis ge´ne´ral de la Grande arme´e, avait e´te´, sous le re`gne des ultras, de´fe´re´ en justice et condamne´ a` mort par le conseil de guerre de Rennes en mars 1816. Il lui avait e´te´ reproche´ d’avoir re´tabli l’ordre en Vende´e pendant les Cent-Jours. Le conseil de guerre e´tait pre´side´

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vous donnez aux ministres cette e´pouvantable puissance, je demande qu’ils s’expliquent. Je crois que les pre´venus ou inculpe´s, comme on voudra les appeler, ne sont au fond que de ve´ritables suspects, ont des droits a` l’humanite´, qu’ils doivent eˆtre pre´serve´s de ce supplice. Je sais bien qu’on va me parler de la suˆrete´ de l’Etat. Je conc¸ois qu’on prenne de telles mesures sous un gouvernement qui veut inspirer la terreur ; mais dans le noˆtre, on ne doit vouloir inspirer que l’amour, et ne pas imiter les formes d’un Comite´ qui, au nom du salut public, a exerce´ sur la France les plus horribles perse´cutions1. Je demanderai ensuite que les ministres veuillent bien s’expliquer sur les motifs d’une disposition que je ne puis admettre. La commission m’a paru de´sapprouver cette disposition. Cependant, tout en la retranchant de l’art. 1er, elle l’a remise dans l’art. 3 en ajoutant sans qu’il y ait ne´cessite´ de traduire l’individu devant les tribunaux. C’est une disposition tre`s impor tante ; car si les ministres e´taient oblige´s de mettre en jugement ceux qu’ils auraient arreˆte´s, il y aurait beaucoup moins d’arrestations ; la perspective d’un jugement servirait de frein aux ministres. Si cette disposition avait existe´ en 1816, il y aurait eu peut-eˆtre cinq, six ou meˆme dix mille arrestations de moins ... (A droite : Il n’y a pas eu dix mille arrestations.) – Il y en a eu plus de cinquante mille2. Il est impossible de ne pas reconnaıˆtre que la responsabilite´ morale qui re´sulterait d’un grand nombre d’acquittemens arreˆterait les ministres.

3 ne sont au fond que ] et qui ne sont que M 315c Discours 1827 I 208 13–14 en ajoutant sans qu’il y ait ne´cessite´ de traduire l’individu devant les tribunaux. ] sans qu’il y ait ne´cessite´ de le traduire devant les tribunaux M 316a sans qu’il y ait ... tribunaux pas en italique Discours 1827 I 209 19–20 (A droite : Il n’y a pas eu dix mille arrestations.) – Il y en a eu plus de cinquante mille ] (Des murmures s’e´le`vent a` droite ... M. de Corcelles Il y en a eu plus de 50,000 ...) M 316a

par le ge´ne´ral Canuel qui s’e´tait joint aux Vende´ens pendant cette pe´riode et qui e´tait donc, dans ce proce`s, a` la fois juge et partie. La peine de Travot fut commue´e en vingt ans d’emprisonnement. Ayant perdu la raison, il fut enferme´ dans une maison de sante´ ou` il mourut en 1836. BC fait allusion a` Travot dans ses notes pre´paratoires pour les Me´moires sur les Cent-Jours (OCBC, Œuvres, t. XIV, p. 508). La lettre de madame Travot e´voque´e ici par BC a e´te´ imprime´e dans le treizie`me cahier de La Minerve, t. II, 1818, pp. 192–196.

1 2

Une fois encore, BC renvoie a` la droite les accusations de jacobinisme et de fureur re´volutionnaire qu’elle adressait a` la gauche. La variante ci-dessus permet de savoir que c’est Corcelle qui corrige le chiffre donne´ par BC.

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Deuxie`me partie – Session de 1819–1820

Certes beaucoup de pre´venus, mis en liberte´ apre`s trois mois, n’auront pas envie de demander a` eˆtre juge´s ; ils se croiront heureux d’eˆtre relaˆche´s ; et cependant ils pourront ne l’eˆtre que pour quelques instans. En effet, comme les ministres ne seront pas tenus de motiver l’arrestation, apre`s une captivite´ de trois mois, ne peuvent-ils pas mettre en liberte´ un individu pendant quelques jours, et le reprendre ensuite, pour lui faire subir un nouvel emprisonnement de trois mois ? Et certes la chose ne sera pas difficile ; on ne manquera pas de pre´textes ; car, si le malheur a voulu qu’un individu ne fuˆt pas bien affectionne´ pour le gouvernement, ce n’est pas une de´tention de trois mois qui l’aura rendu plus affectionne´, et l’on aura facilement un nouveau motif pour le de´tenir. On motive la loi demande´e sur l’exe´crable assassinat qui a e´te´ commis. On vous dit que c’est pour pre´server la vie du roi et des membres de la famille royale d’un crime semblable. L’homme arreˆte´ le sera donc en vertu de suspicion de meurtre contre le roi ou la famille royale. Il en re´sultera que ce malheureux sera fle´tri dans l’opinion. Si une loi pareille euˆt pu empeˆcher le crime de Louvel, nous aurions a` regretter que cette loi n’euˆt pas existe´. Mais je suppose qu’elle euˆt existe´, et qu’avant le crime de Louvel plusieurs individus eussent e´te´ arreˆte´s comme complices d’attentat contre la vie du roi et des membres de la famille royale, ne sentez-vous pas combien leur position euˆt e´te´ affreuse ? Quel cri d’horreur aurait retenti contre eux, non seulement dans la France, mais dans toute l’Europe, si, au bout de trois mois, ils avaient e´te´ mis en liberte´ ! La seule re´paration que les ministres puissent offrir aux suspects est de leur donner la possibilite´ de se justifier, apre`s la de´tention arbitraire qu’ils auront subie. Vous ne voudrez pas qu’ils sortent de leur prison, fle´tris dans l’opinion, sans pouvoir se justifier. Il est donc impossible que les ministres persistent a` maintenir cette disposition. Je de´sire que quelques uns des membres qui veulent adoucir le projet de loi pe´sent ces difficulte´s, et en fassent l’objet d’une proposition que je ne puis faire moi-meˆme ; car de´termine´ a` voter par assis et leve´ pour l’adoucissement de la loi, je voterai contre l’ensemble de ses dispositions. J’invite les membres auxquels leur conscience, moins inflexible, quoique non moins pure que la mienne, permet d’adopter une portion du projet de loi, a` garantir les pre´venus du secret, et de la funeste situation dans laquelle ils seraient

6 et le reprendre ] afin de le reprendre M 316a 7 de trois mois ? Et certes ] de trois mois ; et certes M 316a ; de trois mois. Et certes Discours 1827 I 209 11 le de´tenir. ] apre`s ces mots (Vive sensation a` gauche.) M 316a 22 dans toute l’Europe ] par toute l’Europe M 316a 23 en liberte´ ! La seule ] en liberte´. La seule M 316a 34 permet d’adopter ] porte a` adopter M 316a Discours 1827 I 210

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Sur la meˆme loi d’exception

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place´s s’ils e´taient relaˆche´s sans jugement, et a` empeˆcher qu’on ne leur fasse subir une de´tention plus longue encore. Je ne dirai qu’un mot sur une phrase de M. le mi nistre des affaires e´trange`res. Il a invoque´ J.-J. Rousseau : mais toutes les fois qu’on a voulu proposer des lois contre la liberte´, on s’est appuye´ de l’autorite´ de J.-J. Rousseau. Avec beaucoup d’amour pour la liberte´, Rousseau a toujours e´te´ cite´ par ceux qui ont voulu e´tablir le despotisme. Rousseau a servi de pre´texte au despotisme, parce qu’il avait le sentiment de la liberte´, et qu’il n’en avait pas la the´orie1. Il y a deux dogmes e´galement dangereux, l’un le droit divin, l’autre la souverainete´ illimite´e du peuple. L’un et l’autre ont fait beaucoup de mal. Il n’y a de divin que la divinite´ ; il n’y a de souverain que la justice. Il ne faut pas prendre les avis d’un ami fougueux, mais peu e´claire´ de la liberte´, a` une e´poque ou` la liberte´ n’e´tait pas encore e´tablie, et les proposer pour re`gles a` des hommes qui ont acquis des ide´es plus saines par une expe´rience de trente ans de malheurs.2 1–2 et a` empeˆcher qu’on ne leur fasse subir une de´tention plus longue encore ] et d’empeˆcher qu’on ne leur fasse pas encore subir une de´tention plus conside´rable M 316a 4 e´trange`res. Il a invoque´ J.-J. Rousseau : mais toutes ] e´trange`res. Toutes M 316a 6 beaucoup d’amour pour la liberte´ ] beaucoup d’ide´es de liberte´ M 316a 10 Il y a deux dogmes ] Rousseau a soutenu deux dogmes M 316a 10–11 la souverainete´ illimite´e ] la souverainete´ M 316a 14–15 et les proposer pour re`gles a` des hommes qui ont acquis des ide´es plus saines ] et le proposer pour mode`le a` des hommes qui ont acquis le droit de la connaıˆtre M 316a 16 de malheurs. ] apre`s ces mots (Nouveaux murmures a` gauche.) M 316a 1

2

Parlant peu avant BC, Pasquier avait e´voque´ le Contrat social, comme pour flatter ses opposants («une autorite´ qui ne serait peut-eˆtre pas re´fute´e par une partie des hommes qui me combattent»), en rappelant que Rousseau avait admis la ne´cessite´ de l’arbitraire pour le maintien du re´gime le´gal lui-meˆme (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 432). BC ne connaissait que trop bien son Rousseau et avait construit en partie sa pense´e politique a` la fois sur le fond et contre la pense´e du citoyen de Gene`ve : Pasquier lui avait imprudemment tendu la perche. La lecture critique de Rousseau se trouve de´ja` formule´e dans les Principes ` propos des rapports entre la pense´e politique de politique de 1805 (OCBC, Œuvres, t. V). A de Rousseau et celle de BC, voir notamment T. Todorov, Benjamin Constant, la passion de´mocratique, Paris : Hachette, 1997, ainsi que la the`se d’E. Paulet-Grandguillot, Libe´ralisme et de´mocratie, Gene`ve : Slatkine, 2010. Rivie`re re´pond imme´diatement a` BC : non, les noms des inculpe´s ne seront pas rendus publics, oui, les ministres auront le droit de maintenir des citoyens au secret sinon la loi d’exception elle-meˆme serait inutile ; non, les ministres n’auront pas besoin de mettre en jugement les personnes arreˆte´es, comme c’est d’ailleurs le cas dans les proce´dures de justice ordinaires. Pasquier enchaıˆne en reformulant les meˆmes arguments et en e´voquant la confiance qu’il conviendrait d’avoir envers le gouvernement : «on trouve dans cette confiance la solution des questions pose´es par M. Benjamin Constant» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 435). La confiance envers le gouvernement ? C’e´tait beaucoup demander en ces temps de polarisation aigue¨ ; il y avait bien des mois qu’elle e´tait perdue.

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[Intervention contre le rappel a` l’ordre de Manuel]* Se´ance du 13 mars 18201

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Je demande la parole contre le rappel a` l’ordre ... Messieurs, je n’ai qu’un mot a` dire ; je n’entrerai nullement dans le fond de la discussion, mais j’ai une observation a` faire qui doit frapper tous vos esprits, et dont vous reconnaıˆtrez la justesse. Oui, Messieurs, cent fois les orateurs de ce coˆte´ (de´signant le droit) se sont tourne´s vers le coˆte´ oppose´, en de´clamant contre ce qu’ils nomment les doctrines re´volutionnaires, les principes anarchiques, et un honorable membre que je vois d’ici, doit se rappeler que dans la me´morable se´ance ou` il fut question des bannis, avec toute la ve´he´mence de son talent, qui ne fut pas exempte d’amertume, il de´signa cette partie de la salle (la gauche) comme livre´e a` une faction re´volutionnaire2. Nous ne l’avons pas interrompu ; nous avons respecte´ la liberte´ de la tribune ; nous avons re´pondu avec moins de talent peut-eˆtre, mais nous avons dignement repousse´ d’injustes accusations et d’injurieuses suppositions. Je suppose ici *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 75, mercredi 15 mars 1820, p. 334c ; Archives parlementaires, t. XXVI, p. 472. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 213–214. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, mardi 14 mars 1820, p. 1087b ; Journal des de´bats, mardi 14 mars 1820, p. 3b ; Le Constitutionnel, no 74, mardi 14 mars 1820, p. 3a ; La Quotidienne, no 74, mardi 14 mars 1820, p 3b ; L’Inde´pendant, no 309, mardi 14 mars 1820, p. 3a ; Gazette de France, no 74, mardi 14 mars 1820, p. 292a.

1

La discussion relative aux articles du projet de loi sur les liberte´s individuelles a repris, mais a e´te´ interrompue par une intervention de Chauvelin portant sur la mise a` l’e´cart, a` la tribune, de tous les journalistes a` l’exception de ceux du Moniteur. Les de´pute´s apprennent qu’un accord a e´te´ passe´ avec le Moniteur qui obtient une sorte de monopole dans la publication des rapports et interventions, a` condition de les publier inte´gralement. Malgre´ les protestations de la gauche, la de´cision de permettre aux seuls journalistes du Moniteur de rester dans la salle est vote´e. Cette diversion augmente encore la tension. Manuel reprend les principaux arguments de la gauche contre le projet de loi ; il est interrompu au moment ou`, fustigeant le ministe`re pour ses nouvelles accointances avec les ultras, il qualifie ces derniers de «parti ennemi de la liberte´». La droite demande qu’il soit rappele´ a` l’ordre. C’est la` qu’intervient BC. Difficile de savoir a` quels propos exactement renvoie BC dans la discussion de mai 1819 sur les bannis, dans la mesure ou` ce de´bat n’a pas e´te´ pleinement documente´ dans les sources. Mais on peut penser que BC rappelle plutoˆt le me´morable discours prononce´ par La Bourdonnaye le 2 juin 1819 dans le cadre de la discussion sur le budget, ou` l’orateur d’extreˆme droite attaquait tre`s violemment la gauche, qualifie´e par lui de secte re´volutionnaire. BC e´tait intervenu aussitoˆt pour s’opposer a` ce que ce discours fuˆt imprime´ (voir cidessus, p. 227).

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que les membres de ce coˆte´ sont de bonne foi, j’aime a` le croire : ils peuvent, par une inconcevable pre´vention, s’imaginer que nous sommes des re´volutionnaires, et ils nous le disent tous les jours. Eh bien ! pourquoi ne conc¸oivent-ils pas que nous puissions, nous, par erreur aussi, les regarder comme des ennemis de la liberte´ publique et de nos institutions ... (Voix a` gauche. Bien, bien.) Je demande l’ordre du jour sur la demande du rappel a` l’ordre ...1

1

Rien n’y fera : le rappel a` l’ordre de Manuel sera vote´ par la Chambre, ce qui n’empeˆcha pas l’orateur de reprendre son discours.

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[Intervention contre la cloˆture de la discussion]* Se´ance du 13 mars 18201

335b

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Je conc¸ois que plusieurs membres de´sirent terminer cette discussion ; mais il y a des questions qui n’ont pas e´te´ aborde´es. Je ne ferai qu’indiquer ces questions, pour vous de´terminer contre la cloˆture. M. le ministre des finances a parle´ de la responsabilite´ des ministres, et de leur poursuite devant les chambres ; mais cette poursuite n’a lieu que dans les cas de concussion et de trahison. Il n’en est pas de meˆme des actes arbitraires (Voix a` gauche. Cela est vrai.) Et d’ailleurs il ne s’agit pas seulement ici des ministres, mais de ceux de leurs agens, qui prolongeraient arbitrairement la de´tention d’un citoyen2. Le conseil-d’e´tat devra-t-il eˆtre consulte´ pour autoriser la poursuite de ces agens et des auteurs d’ordres ille´gaux ? Voila` des questions que je n’aborde pas, parce qu’il ne m’est permis que de parler de la cloˆture ; mais je demande que la discussion continue.3

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 75, mercredi 15 mars 1820, p. 335bc ; Archives parlementaires, t. XXVI, p. 475. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, mardi 14 mars 1820, p. 4a ; Le Constitutionnel, no 74, mardi 14 mars 1820, p. 3a ; Gazette de France, no 74, mardi 14 mars 1820, p. 292a.

1

La discussion sur un amendement de l’article 1. relatif a` la possibilite´ de poursuivre un ministre qui aurait abuse´ de la loi en maintenant une de´tention au-dela` du terme fixe´ s’est de´veloppe´e ; la droite demande sa cloˆture. Demarc¸ay s’y oppose et BC vient soutenir son colle`gue. Dans la discussion, Pasquier avait essaye´ de de´montrer que les ministres e´taient de´ja` justiciables de leurs e´ventuels abus en vertu des lois existantes. BC de´montre le caracte`re spe´cieux de cette argumentation. Malgre´ l’intervention de BC, la Chambre vote la cloˆture de la discussion. Mais c’est encore lui qui est appele´ aussitoˆt a` la tribune, cette fois-ci pour pre´senter sa propre proposition d’amendement.

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Amendement a` la loi d’exception contre la liberte´ individuelle.* (Se´ance du 13 mars 1820.)1

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MESSIEURS, J’ai a` plaider devant vous la cause de l’humanite´ ; les de´veloppemens dans lesquels je serai force´ d’entrer seront un peu longs. Avant notre dernie`re se´ance, j’aurais craint de voir l’amendement que je vous propose, conside´re´ par vous comme injurieux a` l’autorite´. J’aurais craint que vous ne m’accusassiez de vouloir jeter de l’odieux sur les ministres, en concevant la pense´e qu’ils pourraient refuser a` des malheureux sans de´fense et charge´s de fers la triste et faible consolation que je re´clame pour eux ; l’e´ve´nement aujourd’hui me justifie. Toutes les rigueurs, toutes les aspe´rite´s, toutes les mesures acerbes, doivent eˆtre pre´vues ; et maintenant que la discussion nous a fait pe´ne´trer jusque au fond du syste`me des minis*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 212–223 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 212–223 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 75, mercredi 15 mars 1820, pp. 335c–336b [=M] ; Chambre des de´pute´s. Opinion de M. Benjamin Constant ... sur le projet de loi relatif a` la suspension de la liberte´ individuelle, [Paris :] Plassan, s.d., 14 p. [=Opinion] ; Archives parlementaires, t. XXVI, pp. 475–478. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 214–223. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, mardi 14 mars 1820, pp. 1087b–1088c ; Journal des de´bats, mardi 14 mars 1820, p. 4ab ; Le Constitutionnel, no 74, mardi 14 mars 1820, pp. 3a–4b ; La Quotidienne, no 74, mardi 14 mars 1820, p. 4a. (voir le long commentaire dans le no 75, mercredi 15 mars 1820, p. 3b–4a) ; L’Inde´pendant, no 309, mardi 14 mars 1820, pp. 3a–4b. Gazette de France, no 74, mardi 14 mars 1820, p. 292ab.

` apre`s demain ... il est cinq heures et 6 un peu longs. ] apre`s ces mots ... Voix a` gauche. A demie. Une foule de voix a` droite. Non, non ... Parlez, Parlez. La chambre consulte´e rejette l’ajournement, et de´cide que Monsieur Benjamin-Constant sera entendu a` l’instant M 335c 5–6 J’ai a` plaider ... un peu longs ] pas dans Opinion 11–12 pour eux ; l’e´ve´nement ] pour eux. L’e´ve´nement M 335c Opinion 3 1

L’Inde´pendant, no 309, mardi 14 mars 1820, p. 4b, en note, signale que «MM. Devaux et Benjamin Constant ont bien voulu nous communiquer leurs discours». Malgre´ l’heure tardive et les voix qui demandent l’ajournement au lendemain (voir variante du Moniteur cidessous), «la Chambre consulte´e rejette l’ajournement et de´cide que M. Benjamin Constant sera entendu a` l’instant» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 475). BC demande a` ce qu’un article additionnel soit ajoute´ a` la loi, qui stipulerait qu’apre`s trois jours de secret, une personne de la famille du de´tenu puisse eˆtre introduite devant lui.

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tres, nous devons reconnaıˆtre qu’il est aussi impossible, dans tout ce qui tient a` l’arbitraire, de les calomnier que de les attendrir1. Il a e´te´ e´tabli et de´cre´te´ que les de´tenus n’auraient point de conseils ; qu’autorise´s par une faveur illusoire a` pre´senter leur justification, ils n’obtiendraient personne pour la re´diger ; qu’ignorant les lois, ils ne pourraient apprendre de personne quelles e´taient les lois, qu’ignorant peut-eˆtre l’art d’e´crire, aucune main secourable ne pourrait e´crire pour eux. Le syste`me est complet, les suspects auront pour juges leurs accusateurs, et pour avocats leurs geoliers. Pour consolider l’e´chafaudage de cette doctrine, l’on n’a pas craint d’inculper le corps entier des de´fenseurs ; car l’on a dit que, par cela seul qu’un d’entre eux serait admis a` recevoir les confidences de l’inculpe´, le secret serait divulgue´ ; comme si, en e´coutant le prisonnier, le de´fenseur devait incontinent devenir son complice ! Tel est l’effet naturel de toutes les lois de ce genre : des soupc¸ons sans bornes forment le corte´ge ine´vitable d’une autorite´ qui veut eˆtre sans bornes ; et comme elle aspire a` pouvoir supposer partout le crime, elle se condamne a` voir partout la complicite´. Apre`s cette de´cision d’avant-hier2, Messieurs, rien ne doit nous surprendre, et mon amendement devient excusable ; car il est naturel de tout redouter. Avant de le de´velopper, ne´anmoins, je vous demande la permission de dire un seul mot a` ceux de mes honorables amis qui, je le sais, de´sapprouvent sur cette matie`re les amendemens3. Peut-eˆtre l’inflexibilite´ des principes voudrait-elle qu’on n’amendaˆt jamais une loi mauvaise. Elle resterait alors dans tout son odieux, et l’on pourrait se flatter d’obtenir contre elle quelques suffrages de plus. Mais, 7–8 est complet, les suspects ] est complet. Les suspects M 335c Opinion 4 10 de´fenseurs ; car ] de´fenseurs. Car M 335c Opinion 4 15–16 pouvoir supposer partout ] pouvoir partout supposer Opinion 4 1 2

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Les nombreuses tentatives de la gauche d’adoucir tel ou tel point de la loi avaient presque toutes e´choue´. Ame`rement, BC constate que la situation a au moins le me´rite de la clarte´. Le 11 mars, Delacroix-Frainville avait propose´ un amendement permettant au de´tenu, apre`s son interrogatoire, d’appeler un conseil. La discussion s’e´tait termine´e sur un vote tre`s tendu (il fallut recourir a` l’appel nominal), l’amendement e´tant rejete´ par 133 voix contre 114. C’est a` la suite de ce vote a` nouveau houleux qu’un de´pute´ du centre-droite, Poyfe´re´ de Ce`re, avait demande´ au pre´sident d’appliquer de´sormais l’article du re`glement stipulant que «nul e´tranger ne peut [...] s’introduire dans l’enceinte ou` sie`gent les de´pute´s» ; cela revenait a` rele´guer tous les journalistes dans les tribunes. Voir ci-dessus, p. 429, note 1. Plusieurs de´pute´s de la gauche s’e´taient exprime´s pour affirmer que s’agissant d’une loi mauvaise en soi, aucun amendement n’avait lieu d’eˆtre propose´. BC est plutoˆt de ceux qui pensent qu’il faut lutter jusqu’au bout pour limiter autant que possible les me´faits d’une mauvaise loi qui sera de toute fac¸on vote´e.

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d’un autre coˆte´, si l’on n’obtenait pas ces suffrages, n’aurait-on point a` regretter de n’avoir pas introduit dans cet horrible code quelques adoucissemens qui rendissent aux opprime´s un peu de courage, et fissent luire un rayon de joie au fond des cachots ? Je n’ai pas ce stoı¨cisme, je l’avoue ; je ne saurais prendre sur moi la responsabilite´ qu’il entraıˆne. Si cette mesure affreuse triomphe, je ne veux pas avoir a` me reprocher de n’avoir point invoque´ l’humanite´, lorsque les lois e´taient impuissantes, et sous un re´gime qui sera, au moins en the´orie, celui de l’inquisition et du despotisme. Je ne rougis point de me traıˆner en suppliant aux pieds du pouvoir, pour e´pargner a` d’infortune´s captifs de longues et solitaires angoisses dont, meˆme sous ce funeste re´gime, il sera facile de les pre´server. Si c’est une faiblesse, que mes honorables amis la pardonnent. Heureusement elle n’est pas dans notre inte´reˆt : ceux qui de´fendent la liberte´ n’ont rien a` espe´rer de ceux qui la de´truisent ; et si je re´clame, c’est uniquement pour des victimes plus obscures et moins de´signe´es. Mon amendement, Messieurs, tend a` accorder a` tout de´tenu auquel le ministe`re jugera convenable d’infliger la torture du secret, le droit, apre`s trois jours, de voir pe´ne´trer dans sa prison une personne de sa famille ; et je consens que ce soit sous la condition expresse que cette personne ne pourra plus sortir de cette prison ni communiquer au dehors sans la permission de l’autorite´. Certes, Messieurs, la prie`re est humble. Il y a quel ques mois, nous ne nous serions pas crus re´duits a` des supplications de ce genre ; mais enfin, acceptant les conse´quences du re´gime qu’on veut donner, daignez re´fle´chir au bienfait immense qui re´sultera, pour ceux qu’il va frapper, de l’adoucissement que j’implore. Repre´sentez-vous un malheureux prisonnier se´pare´ de tout eˆtre humain depuis trois fois vingt-quatre heures, ou n’ayant vu que les gendarmes qui l’ont saisi, le procureur-ge´ne´ral qui l’a questionne´, sans lui dire quel est son crime ; enfin le geolier se´ve`re et brutal qui le tient sous les verroux ; et tout a` coup, graˆce a` mon amendement, il entend une voix amie, le fune`bre silence de son cachot est interrompu, il apprend qu’il n’est pas de´laisse´ dans la nature. Je ne sais point, Messieurs, m’e´tendre sur des tableaux pathe´tiques ; j’abandonne ce soin a` ceux qui viennent, d’une voix si douce, vous demander contre leurs semblables tout ce qu’une le´gislation captieuse a de rigoureux, et tout ce que l’arbitraire a d’horrible ; qu’ils de´plorent e´loquemment ce qu’ils font, qu’ils modulent des ge´missemens

4–5 je l’avoue ; je ne saurais ] je l’avoue. Je ne saurais M 335c Opinion 5 13 inte´reˆt : ceux qui ] inte´reˆt. Ceux qui M 335c Opinion 5 20 sortir de cette prison ] sortir de prison M 335c Opinion 5 24 qu’on veut donner ] qu’on veut nous donner Opinion 5

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habiles, destine´s a` nous attendrir, non sur le malheureux qui est frappe´, mais sur l’autorite´ qui frappe ; qu’ils protestent de leur sensibilite´. Quant a` moi, c’est parce que je parle a` votre ame, que n’ayant pas besoin d’excuse, je n’e´talerai pas devant vous le fatigant spectacle de regrets fastueux et d’e´motions ste´riles. Je demande, Messieurs, ce que les gouvernemens les moins libres, les moins constitutionnels, ont souvent accorde´ aux de´tenus ; ce qu’un gouvernement oppose´ a` nos principes, au milieu d’une guerre d’extermination, n’a pu refuser a` un homme qui a eu la gloire de re´unir con stamment les haines de tous les ennemis exte´rieurs et inte´rieurs de la liberte´. M. de Lafayette, proscrit en France pour avoir de´fendu le troˆne abandonne´ par d’autres dans ses pe´rils, ge´missait au fond des cachots de l’Autriche. Tous les soupc¸ons, tous les ressentimens des vieux cabinets de l’Europe pesaient sur la teˆte de l’ami de Washington ; et ces ressentimens et ces soupc¸ons e´taient encore aigris par le travail actif d’ennemis qui, en attendant qu’ils pussent asservir leur patrie, charmaient leur impatience, en perse´cutant leurs concitoyens dans l’e´tranger. Eh bien ! Messieurs, mode`les des vertus conjugales et filiales, Mme de Lafayette et ses filles se pre´sente`rent a` la porte du cachot ; cette porte s’ouvrit pour elles, la consolation descendit sous ces vouˆtes fune`bres, et c’est peut-eˆtre au soin de ces affections courageuses et tendres que nous devons la conservation du grand et bon citoyen que nous pre´sentons avec orgueil et a` l’ancien et au nouveau monde. (Voix a` gauche. C’est bien, tre`s bien1 !) Ce que le respect pour les liens domestiques, pour la saintete´ des noms de pe`re et d’e´poux, obtint d’une politique ombrageuse, sous un re´gime absolu, je le re´clame d’un ministe`re qui se pre´tend encore constitutionnel ; je le re´clame, dis-je, pour tous les Franc¸ais.

2 leur sensibilite´. Quant a` moi ] leur sensibilite´ : quant a` moi M 335c Opinion 6 10 M. de Lafayette ] M. Lafayette M 335c Opinion 6 17 Mme de Lafayette ] Mme Lafayette M 336a Opinion 6 18 du cachot ; cette porte ] du cachot. Cette porte Opinion 7 22 (Voix a` gauche. C’est bien, tre`s bien !) ] absent dans Opinion 7 23 saintete´ des noms ] saintete´ du nom M 336a Opinion 7

1

Bien qu’il ait dit vouloir s’abstenir de tout pathe´tique, BC, comme il l’avait fait pre´ce´demment avec la lettre de Mme Travot, vient illustrer son propos par un exemple propre a` toucher les sentiments. D’autant plus qu’il s’agissait d’un de´pute´ pre´sent dans l’he´micycle, he´ros respecte´ meˆme par ses adversaires de la droite. La Fayette qui avait e´te´ de´clare´ «traitre a` la nation» par l’Assemble´e le 19 aouˆt 1792 s’e´tait re´fugie´ dans les Ardennes ou` il avait e´te´ capture´ par les troupes autrichiennes ; il avait e´te´ incarce´re´ a` Luxembourg, puis transfe´re´ dans la citadelle de Wesel en Prusse. Voir G. du Motier de La Fayette, Me´moires, correspondance et manuscrits, t. III, Paris : Fournier, 1837, pp. 410 sv.

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Quelles objections pourrait-on me faire ? Dira-t-on que le de´tenu, instruit de ce qui s’est passe´ au dehors depuis son arrestation, pourra concerter ses re´ponses avec ses complices ? Eh ! Messieurs, puisque la personne qu’on laissera pe´ne´trer jusqu’a` lui ne ressortira plus, comment pourrait-elle reporter aux pre´tendus complices des informations propres a` les soustraire a` l’autorite´ ? Je me suis conforme´ en tout au syste`me qu’on nous pre´sente. Je n’ai point propose´ d’accorder aux citoyens la libre socie´te´ des eˆtres qui leur sont chers : j’ai senti qu’en entrant dans ce nouveau re´gime il fallait imposer silence aux droits aussi bien qu’aux affections naturelles ; que, puisqu’on frappait des hommes qui n’e´taient pas reconnus coupables, il serait pue´ril d’exiger pour les innocens un respect scrupuleux. Je me suis soumis a` toutes les pre´cautions que l’inquisition peut de´sirer. Il me semble meˆme que j’entre dans les intentions de l’autorite´ : elle veut des prisonniers, et je lui en livre deux au lieu d’un. Mais ce que je veux, moi, c’est que ces prisonniers ne soient pas expose´s, comme je vous l’ai dit il y a quelques jours, a` devenir fous par la solitude1. Personne ne m’a re´pondu ; MM. les ministres, en re´clamant ce pouvoir horrible, n’ont point nie´ les faits que j’avais alle´gue´s ; ils ne nous ont point dit qu’ils eussent de´couvert quelque reme`de pour l’alie´nation mentale qu’auront cause´e leurs trois signatures : c’est la` pourtant ce qu’ils auraient duˆ nous dire, a` moins qu’ils ne placent la de´mence de leurs prisonniers parmi leurs moyens de surveillance, et qu’ils ne regardent comme un perfectionnement merveilleux de leur police, de faire succe´der aux prisons d’E´tat l’hospice des insense´s. Messieurs, refuser mon amendement, c’est nous dire, ce qu’au reste on nous a de´ja` dit a` satie´te´, qu’on veut une le´gislation de fer, et sans pitie´ comme sans justice. Si telle est l’intention, il est bon qu’on la pro clame ; mais qu’on le fasse du moins hautement. Qu’on ne nous parle pas de la peine qu’on e´prouve, de l’inte´reˆt qu’exciteront les de´tenus aupre`s des magistrats sensibles, par leur isolement, leur de´nuement, leur mise`re. Qu’on nous fasse graˆce de ces lamentations doucereuses que j’ai repousse´es de´ja`.

8 sont chers : j’ai senti ] sont chers. J’ai senti M 336a Opinion 8 13 de l’autorite´ : elle veut ] de l’autorite´. Elle veut Opinion 8 14 deux au lieu d’un. ] apre`s ces mots (murmures). M 336a 17 ne m’a re´pondu ; MM. les ministres ] ne m’a re´pondu. Messieurs, les ministres M 336a Opinion 8 18 alle´gue´s ; ils ne nous ] alle´gue´s. Ils ne nous M 336a Opinion 8 20 signatures : c’est la` ] signatures. C’est la` M 336a Opinion 8 27–28 proclame ; mais ] proclame. Mais M 336a Opinion 8

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Trois jours plus toˆt, BC avait cite´ l’exemple du ge´ne´ral Travot (voir ci-dessus, p. 423).

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Mais, me dira-t-on, quel inte´reˆt vous te´moignez a` des pre´venus du plus noir des crimes ! Messieurs, sur ce sujet l’on ne peut que se re´pe´ter. Avant de reconnaıˆtre des hommes pour coupables, disais-je dans le tribunat, sous Bonaparte, et en parlant contre une loi bien moins terrible que celle-ci, ne faut-il pas constater les faits1 ? Ne dirait-on pas qu’on peut distinguer a` des signes exte´rieurs et infaillibles les innocens et les criminels ? Parce qu’un homme est accuse´ d’un forfait atroce, vous voulez d’avance que je lui retire ma pitie´, comme s’il en e´tait convaincu ; singulier cercle vicieux, e´trange pe´tition de principes, a` l’aide de laquelle l’autorite´, qui veut eˆtre absolue, croit toujours nous faire illusion. Voila`, Messieurs, ce que, tribun, je disais sous Bonaparte, et ce que, de´pute´, je re´pe´te aujourd’hui, parce que je n’ai point change´ ; car, quoi qu’on en ait dit a` cette tribune, je n’ai point change´ du 19 au 20 mars. Le 19, j’e´tais de´voue´ a` la monarchie constitutionnelle ; le 20, je n’e´prouvai aucun changement dans ma disposition, si ce n’est la surprise de me trouver seul. Plus tard, j’aperc¸us l’e´tranger qui s’avanc¸ait contre la France. Voila` ma re´ponse2. Enfin, pour rejeter cet amendement si faible et si le´gitime, re´pondra-t-on encore qu’il faut s’en remettre a` MM. les ministres, parce que cette loi est une loi de confiance ? Cette alle´gation a de´ja` e´te´ re´fute´e victorieusement par plusieurs de nos colle`gues. Je vous demande la permission toutefois de la conside´rer sous un point de vue tout-a`-fait nouveau. La confiance ! elle ne saurait eˆtre dans la loi, puisque, de l’aveu des ministres, la loi n’est que l’arbitraire. Il faut donc que cette confiance soit dans les hommes. La question est de´licate, je le sais ; mais ce sont MM. les ministres qui la posent, ce sont eux qui choisissent le terrain : je vais les y suivre. Si, depuis plusieurs anne´es, une constitution respecte´e nous avait fait jouir de toutes nos garanties ; si un ministe`re, observateur scrupuleux de 4 sous Bonaparte ] sous Buonaparte M 336a 8 convaincu ; singulier ] convaincu ! Singulier M 336a Opinion 9 11 je disais sous Bonaparte ] je disais sous Buonaparte M 336a 13 du 19 au 20 mars ] du 19 au 20 Opinion 9 23 La confiance ! elle ] La confiance : elle M 336a Opinion 10 1

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Re´fe´rence au discours prononce´ au Tribunat par BC le 5 pluvioˆse an 9 (25 janvier 1801), dans la discussion sur le projet de loi concernant l’e´tablissement de tribunaux criminels spe´ciaux. Si l’on rappelle que Bonaparte avait voulu imposer cette loi imme´diatement apre`s l’attentat de la rue Saint-Nicaise qui l’avait vise´ le 24 de´cembre pre´ce´dent, on comprend bien le rapprochement qui est fait ici entre ces deux lois d’exception provoque´es par des faits comparables. Voir OCBC, Œuvres, t. IV, pp. 215–246. BC profite de l’occasion pour renforcer le plaidoyer pro domo sua de ses Me´moires sur les Cent-Jours qu’il e´tait justement en train de publier sous forme de lettres dans La Minerve. Voir OCBC, Œuvres, t. XIV.

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cette constitution, nous avait donne´, par de longs ante´ce´dens, des gages de sa force et de sa fide´lite´, et que, surpris soudain par un pe´ril extreˆme, il vıˆnt nous dire : Vous connaissez nos intentions pures, notre respect pour tous les droits, notre loyaute´ ; le passe´ vous l’a de´montre´e, vous ne sauriez la re´voquer en doute. Accordez-nous donc de confiance, au milieu des dangers inattendus qui surviennent, une autorite´ discre´tionnaire, dont l’expe´rience vous assure que nous n’abuserons pas ; je concevrais ce langage. Mais, de bonne foi, Messieurs, est-ce bien la` le cas aujourd’hui ? Je ne veux point fouiller dans les annales plus ou moins re´centes, pour rappeler des de´tails faˆcheux ; je me borne a` des questions ge´ne´rales. Je demanderai donc a` MM. les ministres si le ministe`re est compose´ d’hommes qui n’aient jamais e´te´ les instruments d’un pouvoir qu’ils de´clarent mainte nant ille´gitime, d’un syste`me qu’ils proclament a` pre´sent blaˆmable ; d’hommes qui n’aient jamais fait exe´cuter des lois iniques et dures, dont (je veux le croire, puisqu’ils le disent) ils ge´missaient inte´rieurement ; je leur demanderai si aucun d’eux n’a eu des complaisances ou meˆme du ze`le pour une autorite´ despotique ou pour ses cre´atures ; et si, durant les douze anne´es de la tyrannie, ils ont toujours offert a` la France le noble spectacle d’une re´sistance patriotique, d’une civique inflexibilite´. La re´ponse leur est aise´e. Que MM. les ministres montent a` cette tribune, et que, la main sur le cœur, ils nous disent : Nous n’avons jamais e´prouve´ pour la puissance aucune faiblesse ; nous n’avons e´te´ les organes d’aucune injustice ; aucun ordre arbitraire n’est sorti de notre bouche, aucun n’a e´te´ reveˆtu de nos signatures ; nous n’avons ni encourage´ l’espionnage, ni porte´ la de´lation jusqu’a` l’oreille d’un maıˆtre ombrageux, ni retenu, pour lui complaire, l’innocence dans l’exil et dans les fers ; nous sommes purs de toute connivence, et notre courage est connu. Qu’ils prononcent ici ces paroles, et je vote la loi de confiance1.

5 en doute. Accordez-nous ] en doute : accordez-nous Opinion 10 10 faˆcheux ; je me borne ] faˆcheux. Je me borne M 336 Opinion 10 15 dont (je veux le croire, puisqu’ils le disent) ] dont, je veux le croire, puisqu’ils le disent, M 336a Opinion 11 15–16 inte´rieurement ; je leur ] inte´rieurement. Je leur M 336a Opinion 11 17 pour ses cre´atures ] pour ses alentours M 336a Opinion 11 20 aise´e. Que ] aise´e ; que Opinion 11

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La diatribe vise en particulier Pasquier, baron d’Empire, conseiller d’E´tat, pre´fet de police de Paris sous Napole´on ; le ministre des Affaires e´trange`res a d’ailleurs bien compris qu’il e´tait vise´, puisqu’il va re´pondre imme´diatement a` l’attaque de BC. Sime´on avait aussi occupe´ de hautes fonctions sous l’Empire : conseiller d’E´tat, ministre du roi Je´roˆme de Westphalie. De Serre avait e´galement rempli des fonctions sur nomination de l’Empereur a` Metz et a` Hambourg.

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Mais si MM. les ministres gardent le silence, je leur proposerai ce dilemne : Ou le pre´ce´dent gouvernement e´tait ille´gal, violent et vexatoire, ou il e´tait le´gal, juste et mode´re´. S’il e´tait violent, vexatoire et ille´gal, comme MM. les ministres le de´clarent souvent a` cette tribune (et je suis de leur avis), convient-il alors aux agens les plus imme´diats et les plus actifs de ce gouvernement re´prouve´, de venir, au nom d’un autre gouvernement, nous demander pour eux une confiance sans bornes ? Pour dire qu’ils la me´ritent, il leur faudrait pre´tendre que l’administration ante´rieure, dont ils ont fait partie, n’a jamais e´te´ injuste ni despotique, et ce n’est pas ce qu’ils veulent e´tablir. Mais si cette administration ante´rieure a e´te´ despotique et injuste, ils l’ont seconde´e, ils l’ont servie : n’ont-ils pas de la sorte perdu en partie les droits qu’ils re´clament a` notre confiance ? Ce qu’ils ont fait pour un maıˆtre absolu, et contre une nation asservie, qui nous re´pond, qui leur re´pond a` eux-meˆmes que, si une faction les domine, ils ne le feront pas contre cette meˆme nation, pour cette faction puissante ? Non, Messieurs, je respecte, comme je le dois, les nominations de Sa Majeste´ ; je reconnais meˆme une haute sagesse dans des choix qui, malgre´ leurs inconve´niens, lient par le souvenir la France ancienne a` la France nouvelle, et la restauration a` l’empire ; mais ma confiance se renferme dans les bornes constitutionnelles. Elle peut accorder a` MM. les ministres un pouvoir le´gal sur lequel pe`se la responsabilite´ ; elle ne saurait leur accorder un pouvoir discre´tionnaire. Voila` pour le pre´sent, que sera-ce si je passe a` l’avenir ? Un de nos honorables colle`gues, M. le ge´ne´ral Foy, vous a dit avant-hier, que sa conviction, quels que fussent les hommes qui parviendraient au pouvoir, e´tait qu’ils marcheraient dans la ligne constitutionnelle. Je ne doute pas que telle ne soit sa pense´e ; mais je vais expliquer franchement la mienne ; je puis me tromper, et je ne veux de´signer personne1. Mais les hommes que je crois voir derrie`re le ministe`re, loin de me lais ser aucune espe´rance de constitution ou de liberte´, sont, a` mon avis, peut-eˆtre par suite d’une se´rie d’ide´es qu’ils croient raisonnables et sans intentions mauvaises, essentiellement dangereux a` toute liberte´, a` toute constitution. Aussi, parvenus a` la porte du pouvoir, ils en ont trois fois e´te´ repousse´s par l’opinion 19 a` l’empire ; mais ] a` l’empire. Mais M 336b Opinion 12 19–20 constitutionnelles. Elle ] constitutionnelles : elle M 336b Opinion 12 25 ligne constitutionnelle ] apre`s ces mots (M. le ge´ne´ral Foy. Je n’ai pas dit cela ... Je demande la parole apre`s l’orateur.) M 336b 27 la mienne ; je puis ] la mienne. Je puis M 336b Opinion 13 1

Ainsi e´gratigne´, Foy re´pondra avec sa dignite´ coutumie`re, en ajoutant au passage qu’il fallait se rappeler que le gouvernement ultra de 1816 ne s’e´tait maintenu en France que graˆce a` l’appui des puissances e´trange`res, suscitant par la` de tre`s vives re´actions a` droite.

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publique effraye´e ; leurs noms, honorables sous d’autres rapports, portent l’inquie´tude d’un bout de la France a` l’autre1. (Agitation a` droite.) Messieurs, vous allez ane´antir la liberte´ individuelle ; vous allez e´touffer la liberte´ de la presse : vous allez peut-eˆtre nous bannir de la tribune par des e´lections privile´gie´es. Nous pouvons vous dire ce que des proscrits disaient a` Tibe`re : Ce sont des mourans qui vous parlent ; laissez-nous parler2. Je continue donc. Ces hommes, quand ils ne le voudraient pas, seraient force´s, par le vulgaire de leur parti, a` faire peser de nouveau sur nous tous les maux que nous avons e´prouve´s, et des maux plus grands ; car une liberte´ momentane´e a laisse´ s’e´chapper les plaintes et se de´voiler les sentimens. Une se´curite´ trompeuse a se´duit les opprime´s : ils ont cru pouvoir donner un libre cours a` leurs justes et nombreux griefs ; ils ont appele´ sur eux des haines plus actives, et leur liberte´ passage`re n’aura e´te´ qu’un pie`ge pour eux. Tel, dans mon opinion, peut eˆtre notre avenir, et je ne suis pas le seul a` penser ainsi. Un de mes colle`gues, distingue´ par l’e´le´gance de ses paroles et par une mode´ration que je trouve excessive, n’a-t-il pas te´moigne´, dans un style plus doux, les meˆmes inquie´tudes3 ? et, j’ose interpeller ici, sans exiger d’autre re´ponse que le silence, la conscience intime de cette assemble´e. 1 effraye´e ; leurs noms ] effraye´e. Leurs noms M 336b Opinion 13 2 (Agitation a` droite.) ] a` la place de ces mots (Tre`s-vive interruption du coˆte´ droit ...) M. de Limeirac. Parlez donc de la discusssion qui nous occupe ... M. Blanquart-Bailleuil re´clame vivement la parole. M. le Pre´sident invite a` ne pas interrompre. L’orateur reprend M 336b a` la place de ces mots, nombreux points de suspension Opinion 13 4 de la presse : vous allez ] de la presse. Vous allez M 336b Opinion 13 6 vous parlent ; laissez-nous ] vous parlent. Laissez-nous M 336b Opinion 13 7 Je continue donc. ] pas dans M ni dans Opinion 13 haines plus actives ] haines plus qu’actives M 336b 16 Un de mes colle`gues ] Un de nos colle`gues Opinion 13 18 inquie´tudes ? et, j’ose ] inquie´tudes, et, j’ose M 336b Opinion 13 1

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Sans doute BC de´signe-t-il en premier lieu Ville`le qui, apre`s avoir avance´ ses pions lors de la premie`re Restauration en tant qu’actif de´pute´ de la «chambre introuvable», entrera au gouvernement le 21 de´cembre 1820 avant d’occuper pendant six ans, de 1822 a` 1828, la fonction de pre´sident de ce gouvernement. BC, lecteur attentif de Montesquieu, comme des historiens latins Tacite et Sue´tone, e´voque tre`s souvent Tibe`re, dans ses e´crits politiques, comme exemple de tyran, en particulier dans les rapports exe´crables qu’il entretenait avec le Se´nat. L’anecdote rapporte´e ne se trouve pas chez les historiens latins ; peut-eˆtre BC s’est-il inspire´ de ces trois vers de la trage´die Tibe`re de son ami Marie-Joseph Che´nier (1e`re e´d. 1819, posthume) : «Ce n’est qu’un sang proscrit qu’aujourd’hui je hasarde, / Et quand de longs malheurs ont dompte´ notre orgueil, / Nous passons sans regret de l’exil au cercueil.» (Acte II, v. 458–460). Probablement le ge´ne´ral Foy ou peut-eˆtre Daunou ou Dupont de l’Eure ; tous s’e´taient exprime´s dans ce sens avant ce dernier baroud d’honneur de BC.

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Certes, avec la possibilite´ d’un pareil fle´au, je ne voterais pas des lois de confiance, quand ces lois arbitraires peuvent tomber en des mains qui m’inspirent la de´fiance la plus invincible et la plus profonde ; et lorsque je verrai ces lois pre`s d’eˆtre vote´es, je chercherai, par tous les moyens qui sont en ma puissance, a` en mitiger les cruels effets. Messieurs, l’amendement que je vous propose est malheureusement de nature a` ne rien changer a` la loi. Vous avez mis tous les citoyens a` la discre´tion des ministres, c’est-a`-dire des de´lateurs qui se presseront autour des ministres ; vous avez prive´ les suspects de leur liberte´ ; vous leur avez refuse´ des de´fenseurs ; vous avez permis le tourment du secret. J’implore de vous un acte de pitie´ ; ce n’est plus de liberte´, c’est d’humanite´ que je vous parle. Je ne re´clame plus les droits des de´tenus, je demande un le´ger adoucissement au plus affreux supplice.1

1 je ne voterais ] je ne voterai Opinion 14 336b Opinion 14

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L’amendement de BC sera rejete´.

9 des ministres ; vous ] des ministres. Vous M

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[Intervention sur la re´ouverture de la discussion]* Se´ance du 15 mars 18201

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J’avoue que depuis le moment ou` M. le pre´sident nous a de´clare´ qu’apre`s que M. le ministre aurait parle´, nous pourrions re´pondre, j’ai regarde´ le droit qu’on lui accordait de parler comme n’ayant aucun inconve´nient. Je crois que nous ne pouvons pas interpre´ter l’article de la Charte autrement qu’il l’a e´te´. Il est certain qu’il y aurait abus, si, comme on l’a quelquefois pre´tendu, les ministres pouvaient parler sans qu’on leur re´pondıˆt. Mais comme, apre`s une e´preuve il est permis de re´pondre au ministre qui parle au lieu d’y voir de l’inconve´nient j’y trouve un avantage : car, du discours du ministre et de celui qu’on peut leur opposer, il peut re´sulter un trait de lumie`re de plus. Ainsi, d’apre`s l’explication donne´e, je crois que nous n’avons pas de´roge´ au re´glement. Je prends acte de cette explication et je demande la continuation de la discussion.2

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 76, jeudi 16 mars 1820, p. 339a ; Archives parlementaires, t. XXVI, p. 483. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, jeudi 16 mars 1820, p. 1094b ; Journal des de´bats, jeudi 16 mars 1820, p. 3a ; Le Constitutionnel, no 76, jeudi 16 mars 1820, p. 2a ; La Quotidienne, no 76, jeudi 16 mars 1820, p. 3b ; L’Inde´pendant, no 311, jeudi 16 mars 1820, p. 1b ; Gazette de France, no 76, jeudi 16 mars 1820, p. 299a.

1

Apre`s les obse`ques du duc de Berry a` Saint-Denis ce´le´bre´es le 14 mars, la Chambre reprend ses travaux le lendemain. Suite a` la proposition d’une disposition additionnelle dans le projet de loi, la premie`re e´preuve du vote est effectue´e ; a` ce moment, Pasquier demande la parole, ce qui ge´ne`re un tolle´ a` la Chambre, ou` la gauche rappelle que l’on ne peut prendre la parole lorsque l’e´tape de la de´libe´ration est ouverte, alors que le pre´sident et la droite suivent a` la lettre l’article 54 de la Charte qui stipule que les ministres doivent eˆtre entendus dans les deux chambres «quand ils le demandent». L’intervention de Pasquier ayant finalement satisfait l’ensemble de la Chambre, la nervosite´ s’est atte´nue´e quand BC intervient. De manie`re assez surprenante, BC se montre ici tre`s pragmatique, au contraire de certains de ses colle`gues de la gauche comme Manuel qui lui re´pondra vertement en lui reprochant de tole´rer un abus ou alors de faire preuve d’opportunisme en de´pit des principes.

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[Intervention contre la cloˆture de la discussion]* Se´ance du 15 mars 18201

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Il me semble, Messieurs, que vous ne pouvez fermer la discussion sur les amendemens sans les avoir laisse´ discuter. Cela est d’autant plus ne´cessaire que les amendemens ont e´te´ rejete´s sans discussion ; il y en a trois sur lesquels les ministres n’ont fait aucune observation ; on pre´sumait qu’ils e´taient consentis ; et ils ont e´te´ rejete´s. Ainsi, quand vous avez refuse´ la communication avec le de´fenseur, avec une personne de la famille ... (Voix a` droite. Cela est de´cide´ : parlez des amendements nouveaux.) J’essaye, Messieurs, de prouver qu’il ne fallait pas fermer la discussion sans entendre. Je m’oppose a` la cloˆture de la discussion, et je demande que les amendemens soient mis aux voix successivement, et de manie`re que les membres qui voudront parler puissent avoir la parole sur chacun d’eux ...2 Il faut que la chambre s’explique. Ordonne-t-elle la cloˆture de la discussion sur les divers amendemens quand ils seront rappele´s ?3

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E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 76, jeudi 16 mars 1820, p. 341b ; Archives parlementaires, t. XXVI, pp. 490 ; 491. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, jeudi 16 mars 1820, p. 1095b ; Journal des de´bats, jeudi 16 mars 1820, p. 3b ; Le Constitutionnel, no 76, jeudi 16 mars 1820, p. 3a ; La Quotidienne, no 76, jeudi 16 mars 1820, p. 4a ; L’Inde´pendant, no 311, jeudi 16 mars 1820, p. 2b ; Gazette de France, no 76, jeudi 16 mars 1820, pp. 299b–300a.

1

Apre`s deux interventions de Sapey et de Daunou, la droite s’impatiente et re´clame la cloˆture de la discussion. BC intervient a` nouveau pour demander la poursuite de celle-ci. BC est interrompu par ceux, a` droite, qui re´clament la cloˆture de la discussion. La gauche obtient que la discussion puisse eˆtre rouverte lors de la reproduction de chacun des amendements.

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[Intervention en faveur d’un amendement]* Se´ance du 15 mars 18201

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J’ai peu de mots a` dire sur la question, mais un fait important a` citer. Vous vous rappelez qu’en 1816, et c’est un fait qui n’a point e´te´ contredit par le ministre, on a ouvert la porte des prisons a` des e´lecteurs qui e´taient de´tenus. Cette disposition e´tait dans la tendance du ministe`re, car s’ils eussent e´te´ en prison, ils n’eussent pas vote´ dans le sens ou` le ministe`re de´sirait alors qu’on votaˆt2 (Vive sensation a` droite.) Aujourd’hui la tendance est toute autre ; ce n’est plus dans le meˆme sens que le ministe`re de´sire influencer les suffrages, et vous lui mettez une arme dangereuse dans la main ; car il peut prendre une mesure tout oppose´e, et faire arreˆter ou les e´lecteurs ou les e´ligibles qui lui de´plairont, et de`s lors, je le demande, que deviendra le gouvernement repre´sentatif ? (Des murmures interrompent.) On me dira, je le sais bien que cela n’arrivera pas. Mais si cela ne doit pas arriver, quel inconve´nient y a-t-il a` le pre´voir par la loi ? Je pourrais citer des exemples ou` des personnes, ayant a` re´clamer justice devant les tribunaux, ont cite´ l’autorite´ de ce qui avait e´te´ dit a` la tribune ; et les tribunaux ont re´pondu qu’ils ne connaissaient point ce qui s’e´tait dit a` la tribune, mais seulement ce qui e´tait e´crit dans la loi. Si donc vous ne voulez pas que les e´lections soient une vaine parodie, il faut adopter l’amendement propose´. Et d’ailleurs, Messieurs, la loi elle-meˆme n’oˆte pas le droit d’e´lire un homme qui aurait e´te´ arreˆte´. Or, je suppose qu’un e´ligible soit de´tenu, direzvous, s’il est e´lu, qu’on n’avait pas le droit de l’e´lire ? Croyez-vous qu’il soit convenable, qu’il soit favorable au gouvernement qu’un homme, sortant des cachots, paraisse a` cette tribune ? ... (Des murmures interrompent a` *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 76, jeudi 16 mars 1820, p. 342a ; Archives parlementaires, t. XXVI, p. 493. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 223–224. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, jeudi 16 mars 1820, p. 1096ab ; Journal des de´bats, jeudi 16 mars 1820, p. 4ab ; Le Constitutionnel, no 76, jeudi 16 mars 1820, pp. 3b–4a ; La Quotidienne, no 76, jeudi 16 mars 1820, p. 4b ; L’Inde´pendant, no 311, jeudi 16 mars 1820, p. 3a ; Gazette de France, no 76, jeudi 16 mars 1820, p. 300ab.

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La discussion porte maintenant sur un amendement de´pose´ par le baron Me´chin stipulant que la loi cesserait d’avoir son effet le jour ou` le roi convoquerait les colle`ges e´lectoraux et que les de´tenus qui ne seraient pas renvoye´s devant les tribunaux devraient eˆtre alors libe´re´s. BC revient ici sur les faits e´voque´s de´ja` par lui dans son intervention du 7 mars : la libe´ration d’e´lecteurs de´tenus en vertu de la loi du 29 octobre 1815, avant les e´lections de septembre 1816.

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droite.) Messieurs, c’est par respect pour le troˆne, pour l’autorite´ royale que je fais ces observations. C’est parce que je veux le maintien de la monarchie et la stabilite´ du troˆne que je de´sire que vos lois leur fassent le moins d’ennemis possible. Plus votre loi sera se´ve`re, plus elle paraıˆtra suspecte, et plus le mal sera grand. Je demande surtout dans l’inte´reˆt du troˆne que l’amendement soit adopte´.1

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Pasquier re´pondra brie`vement a` BC, puis le vote sera ordonne´ ; l’amendement Me´chin sera rejete´, comme le seront presque tous les autres, y compris ceux de la commission. La loi sera adopte´e par 134 voix contre 115.

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Sur une proposition relative aux pe´titions.* (Se´ance du 16 mars 1820.)1

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MESSIEURS, Les pe´titions n’expriment pas toujours l’opinion publique, mais les pe´titions sont un des organes de l’opinion publique, et par conse´quent, dans un gouvernement qui est essentiellement celui de l’opinion publique, le droit de pe´tition, ainsi que tous les autres dont l’opinion publique se sert pour se faire connaıˆtre, ne doit pas eˆtre restreint. On vous a dit que cette opinion ne *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 224–228 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 224–228 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 76, samedi 18 mars 1820, p. 350ab [=M] ; Archives parlementaires, t. XXVI, pp. 522–523. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 224–228. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, vendredi 17 mars 1820, p. 1100ac [pagine´ 1000] ; Journal des de´bats, vendredi 17 mars 1820, p. 4ab ; Le Constitutionnel, no 77, vendredi 17 mars 1820, p. 4ab ; La Quotidienne, no 77, vendredi 17 mars 1820, p. 4b ; L’Inde´pendant, no 312, vendredi 17 mars 1820, p. 4b ; Gazette de France, no 77, vendredi 17 mars 1820, p. 304b.

4–8 Les pe´titions ... on vous a dit ] Je commencerai par relever une erreur dans laquelle le pre´opinant me paraıˆt eˆtre tombe´. Mon honorable ami n’avait pas repre´sente´ les pe´titions comme exprimant toujours l’opinion publique, comme devant toujours influer sur les mesures qui seraient prises en conse´quence de l’expression de cette opinion publique. Il avait dit, a` ce que je crois, que les pe´titions e´taient un des organes de l’opinion publique, et que par conse´quent dans un Gouvernement qui est essentiellement celui de l’opinion publique, le droit de pe´tition, ainsi que tous les autres dont l’opinion publique se sert pour se faire connaıˆtre, ne devaient pas eˆtre restreints. Le pre´opinant vous a dit M 350a. 1

Le droit de pe´tition faisait re´gulie`rement l’objet depuis un certain temps d’attaques de la droite qui trouvait abusif que des citoyens puissent faire entendre a` la nation, a` travers la publicite´ des de´bats a` la Chambre, des opinions qui, souvent, concernaient des questions de politique ge´ne´rale et non pas des plaintes relatives a` des situations particulie`res. Maine de Biran venait de pre´senter une proposition de modification du re`glement de la Chambre qui restreignait sensiblement le poids accorde´ aux pe´titions dans leur traitement par la Chambre. Manuel avait aussitoˆt re´agi en disant notamment : «cette mesure paraıˆt eˆtre une conse´quence naturelle de ce qui se passe autour de nous depuis peu de temps, de ces projets de loi dont le but est de de´truire la liberte´ individuelle, la liberte´ de la presse et la liberte´ des e´lections ; un droit restait encore, c’e´tait celui des pe´titions : il est tout naturel qu’on ait pense´ a` y apporter de nouvelles entraves» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 521). Benoist avait alors pris la parole pour de´fendre la proposition de Maine de Biran. BC lui re´pond imme´diatement.

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se faisait connaıˆtre, dans notre gouvernement, que par les e´lections1. Cette assertion, je l’avoue, me paraıˆt e´trange. Les e´lections sont bien le re´sultat de l’opinion publique ; mais ce re´sultat a e´te´ pre´pare´ par tous les moyens dont elle peut se servir pour s’exprimer, et surtout par la liberte´ de la presse. Je ne sais pas si l’orateur a cru que, d’apre`s la loi que nous venons de discuter, et celle qui est propose´e sur les journaux, la liberte´ de la presse cesserait bientoˆt d’exister, et qu’ainsi il fallait empeˆcher l’opinion publique de s’exprimer dans des pe´titions. Quoi qu’il en soit, l’e´lection seule n’est pas l’expression de l’opinion publique ; et un peuple qui n’aurait pas d’autre moyen d’exprimer son opinion, et qui serait prive´ de la liberte´ de la presse, n’aurait ni liberte´ ni opinion publique quelconque. Je ferai observer en meˆme temps une singularite´ qui m’a frappe´. Plusieurs orateurs, dans la discussion qui a fini hier2, se sont autorise´s des adresses qu’une douleur tre`s naturelle, et que nous partageons tous, a dicte´es a` la nation ; ils ne s’en sont pas autorise´s uniquement pour vous prouver qu’elles exprimaient les sentimens qui sont dans tous nos cœurs, l’horreur du crime ; mais pour vous dire que ces adresses vous demandent des mesures re´pressives, qu’elles s’e´le`vent contre des doctrines pernicieuses, et qu’ainsi vous devez ane´antir la liberte´ de la presse et nos autres liberte´s. Ces membres, quand il s’agit de restrictions et de vexations, s’appuient donc sur une opinion communique´e a` la Chambre dans des adresses, tandis qu’ils contestent le droit qu’ont les citoyens de communiquer leur opinion a` la Chambre par des pe´titions3. Cette contradiction, je l’avoue, me paraıˆt fort remarquable.

19 ane´antir la liberte´ de la presse et nos autres liberte´s ] prendre des mesures contre la liberte´ de la presse et contre les autres liberte´s Discours 1827 I 225 19–21 Ces membres, quand il s’agit de restrictions et de vexations, s’appuient donc sur une opinion ] Je ne conc¸ois pas comment les meˆmes membres qui ont appuye´ des mesures que je crois faˆcheuses et qu’ils trouvent utiles, se fondent sur une opinion Discours 1827 I 225

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Benoist venait de dire que les pe´titions n’e´taient pas l’expression de l’opinion publique, mais seulement d’individus exprimant un avis. «Dans notre gouvernement – avait-il poursuivi –, l’opinion publique ne s’exprime que par un fait : l’e´lection» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 522). La discussion sur le projet de loi relative a` la liberte´ individuelle. Les citoyens ou groupes de citoyens pouvaient exprimer aussi leurs opinions ou leurs sentiments par des adresses dont le traitement par la Chambre n’e´tait pas aussi clairement re´gule´ que celui des pe´titions. BC pre´sente ici ces deux formes de communication comme e´quivalentes en tant qu’expression de l’opinion des citoyens. De nombreuses adresses avaient e´te´ envoye´es a` la Chambre apre`s l’assassinat du duc de Berry.

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Sur une proposition relative aux pe´titions

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Dans tous les raisonnemens qu’on nous fait, on a toujours l’air de croire que les pe´titionnaires nous dictent des lois. C’est avoir une e´trange ide´e de cette Chambre, que de supposer qu’elle ne peut jamais e´couter des pe´titions qui lui sont envoye´es, sans eˆtre oblige´e d’y acce´der. Mais, me dira-t-on, les pe´titionnaires ne connaissent pas assez les inte´reˆts ge´ne´raux, ils n’en sont pas juges. Je le sais bien ; mais ne contribuent-ils pas a` faire connaıˆtre ce qu’une partie de la nation, qu’il faut e´valuer sous le rapport de la proprie´te´, de la profession, de la richesse ou du nombre, pense sur tel ou tel objet ? Qui peut contester que ce ne soit la` un e´le´ment pour les de´cisions que vous devez rendre dans cette Chambre ? L’auteur de la proposition m’a paru s’eˆtre trompe´, en disant que la majorite´ de l’opinion des citoyens ne devait avoir aucune influence sur vos de´cisions. Certainement, je n’exage`re pas les droits de la majorite´. Je crois, quand elle abuse de ses droits, que ses de´cisions sont aussi ille´gales que celles de la plus petite minorite´ ; mais il est important de connaıˆtre ce qu’un grand nombre de citoyens de´sirent. Car il peut arriver que des lois bonnes dans le fond, soient mauvaises dans leur re´sultat, si elles contrarient les habitudes, les inte´reˆts et les vœux d’un tre`s grand nombre de citoyens. Si un grand nombre de citoyens riches ou industrieux venaient vous dire : «Ne faites pas ces changemens, ils tendent a` nous priver des institutions que nous aimons, qui nous semblent utiles ;» il n’y a nul doute, Messieurs, que ces citoyens, sans vouloir nous imposer de loi, nous rendraient un grand service, en nous e´clairant sur leurs ve´ritables inte´reˆts ; presque tous les maux de la re´volution sont venus d’une erreur, dans laquelle les ministres me paraissent tomber depuis quelques mois. L’Assemble´e constituante a commis quelques fautes le´ge`res, en prenant trop peu en conside´ration les habitudes ou les de´sirs des citoyens. Si elle les euˆt e´coute´s davantage, si elle n’euˆt pas quelquefois mis trop de pre´cipitation dans ses votes, peut-eˆtre aurait-elle mieux re´ussi ? Dans ce moment, c’est la meˆme chose ; les citoyens viennent vous dire qu’ils de´sirent conserver ce qui est, que c’est un besoin pour eux. Or, vous avez, Messieurs, trop d’expe´rience pour ne pas savoir que la manie`re dont le peuple rec¸oit les lois de´cide presque toujours de leur effet et de leur utilite´. Aujourd’hui, on vous propose des changemens au droit de pe´tition : ils me paraissent de´sastreux en eux-meˆmes ; mais fussent-ils utiles, je crois qu’il faudrait encore y renoncer, parce qu’ils arriveraient sous de funestes auspices, au moment ou` l’on se croit oblige´ de de´truire la liberte´ individuelle et d’e´touffer la liberte´ de la presse. 23 presque ] le texte porte puisque erreur corrige´e, en accord avec M 350b 32–33 toujours de leur effet ] toujours de la question de leur effet M 350b 37 auspices ] augures M 350b

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Je finirai par une observation. Les pe´titions qu’on vous propose de prendre en conside´ration sont pre´cise´ment celles qui ne sont pas de votre compe´tence, car elles ont pour objet des griefs particuliers1. Or, vous ne pouvez rien a` cet e´gard. Vous vous eˆtes interdit la faculte´ d’en demander compte aux ministres2 ; ainsi, comment pouvez-vous eˆtre assure´s qu’ils auront e´gard aux griefs qui vous sont de´nonce´s ? Il n’y a donc de ve´ritablement utile pour vous, que les pe´titions qui re´clament des dispositions le´gislatives ; c’est par la` que vous apprenez les de´sirs et les besoins des citoyens ; et ce sont ces pe´titions qu’on voudrait e´carter ! Ainsi, l’auteur de la proposition voudrait vous faire faire ce qui n’est pas de notre compe´tence, et empeˆcher que ce qui peut e´clairer vos de´libe´rations ne vous parvienne. Nous sommes maintenant occupe´s a` discuter des lois qui, sur beaucoup de points, restreignent les liberte´s de la nation. N’ajoutons pas a` ce que le gouvernement nous demande, et que quelques-uns d’entre nous se croient oblige´s de lui accorder ; n’allons pas volontairement lui sacrifier une dernie`re liberte´ : ce n’est pas au moment ou` l’opinion publique ne pourra plus se manifester hors des Chambres, que vous lui fermerez tout acce`s a` la tribune nationale. On ne comprendrait rien a` ce ze`le ardent a` devancer l’autorite´, qui cependant n’est pas trop en arrie`re. Permettez-moi une dernie`re re´flexion. L’art. 53 de la Charte n’a pas distingue´ entre les diverses espe`ces de pe´titions ; je crois qu’en admettant la distinction propose´e, nous violerions cet article, et que cela produirait un mauvais effet dans l’opinion publique, qui, quoi qu’on en dise, doit eˆtre respecte´e, parce qu’elle est toujours sage, et que la sagesse finit toujours par faire la loi3. Je demande donc que la proposition ne soit pas prise en conside´ration.4 8 qui re´clament ] qui expriment M 350b

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Maine de Biran avait propose´ de distinguer les pe´titions en deux classes : les particulie`res ou relatives a` des inte´reˆts prive´s et celles relatives a` des inte´reˆts ge´ne´raux et a` des objets de le´gislation. Selon sa proposition, seules les premie`res auraient a` eˆtre rapporte´es en se´ance publique a` la Chambre. Lorsque la Chambre renvoie une pe´tition au ministe`re concerne´, elle l’oblige a` examiner la pe´tition, mais pas a` rendre compte a` la Chambre des suites qu’il lui a donne´es. On rappelle la teneur laconique de l’article 53 de la Charte : «Toute pe´tition a` l’une ou l’autre des Chambres ne peut eˆtre faite et pre´sente´e que par e´crit. La loi interdit d’en apporter en personne et a` la barre». Laine´ prendra la parole apre`s BC pour de´fendre la proposition de Maine de Biran. Cette dernie`re est alors mise aux voix : «La Chambre de´cide a` une forte majorite´, que les propositions de M. Maine de Biran sont prises en conside´ration et renvoye´es a` l’examen des bureaux» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 524).

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[Intervention pour s’opposer a` l’ordre du jour sur une pe´tition]* Se´ance du 17 mars 18201

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MM. Benjamin Constant et Demarc¸ay, de leur place : Vous ne pouvez passer a` l’ordre du jour ; la re´clamation du pe´titionnaire est inte´ressante. On doit l’indemniser. M. le rapporteur : Le pe´titionnaire avait e´tabli son jeu de siam sans en demander la permission ; il a construit dans le rayon prohibe´ par un de´cret de 1808. Si le pe´titionnaire avait demande´ des indemnite´s parce qu’il a e´te´ prive´ de sa proprie´te´, nous aurions examine´ sa demande. Mais il ne l’a pas fait ; nous devons donc passer a` l’ordre du jour. M. Benjamin Constant : Cette pe´tition se rattache a` une question que nous aurons a` traiter, en passant a` l’ordre du jour vous semblez pre´juger cette question.2

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E´tablissement du texte : Imprime´ : L’Inde´pendant, no 313, samedi 18 mars 1820, p. 4a ; Gazette de France, no 78, samedi 18 mars 1820, p. 308a. ; Archives parlementaires, t. XXVI, p. 526.

13–15 M. Benjamin Constant ... pre´juger cette question. ] M. Benjamin Constant : Il ne faut pas, a` propos d’un faible inte´reˆt pre´juger tout-a`-coup une des plus hautes questions qui puissent eˆtre traite´es, celle de savoir jusqu’a` quel point il sera de´fendu aux proprie´taires voisins des murs de la capitale, d’user de leurs proprie´te´s ; je demande l’ajournement. Gazette de France

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La commission des pe´titions avait pre´sente´ celle d’un proprie´taire des abords de Paris se plaignant de devoir, sur ordre du pre´fet de la Seine, de´truire un hangar qu’il avait construit «sous lequel il tient un jeu de Siam» (sorte de jeu de quilles) ; outre les re´serves e´mises par la commission sur le cas particulier, le rapporteur fait savoir que plusieurs pe´titions qui seront pre´sente´es lors des se´ances suivantes posent des questions du meˆme ordre et que la Chambre sera amene´e a` examiner la le´gislation en vigueur. La version publie´e par la Gazette de France clarifie quelque peu le propos de BC (voir variante). La Chambre prononcera l’ordre du jour.

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Sur les ame´liorations au mode de scrutin.* (Se´ance du 20 mars 1820.)1

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MESSIEURS, La commission que vous avez charge´e de l’examen de la proposition qui a e´te´ faite d’ame´liorer les art. 14, 22 et 32 de votre re´glement, vient vous soumettre le re´sultat de son travail. Pour ne pas consumer inutilement un temps pre´cieux, elle ne vous rappellera point les motifs qui vous engage`rent a` prendre cette proposition en conside´ration, motifs fonde´s sur le de´sir unanime de pre´venir toutes les erreurs ; car dans cette Chambre, il ne sera jamais question que d’erreurs involontaires : votre commission se bornera a` vous pre´senter les moyens les plus propres a` atteindre ce but. La proposition qui vous a e´te´ faite contient six articles. Le premier et le deuxie`me se rapportent a` la re´gularite´ du scrutin. L’un des membres de votre commission lui a soumis un projet qui lui a paru a` la fois court, suˆr et facile. *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 229–232 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 229–232 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 81, mardi 21 mars 1820, pp. 361c–362a [=M] ; Chambre des de´pute´s. Rapport fait au nom de la commission centrale par M. Benjamin Constant ... sur la proposition tendant a` ame´liorer les articles 15, 22 et 33 du re`glement, [Paris :] Hacquart, s.d., 8 p. [=Rapport] ; Archives parlementaires, t. XXVI, pp. 564–565. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 228–230. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, mardi 21 mars 1820, p. 1019bc ; Journal des de´bats, mardi 21 mars 1820, p. 4ab ; Le Constitutionnel, no 81, mardi 21 mars 1820, pp. 3b–4a ; La Quotidienne, no 81, mardi 21 mars 1820, pp. 3b–4a ; L’Inde´pendant, no 316, mardi 21 mars 1820, pp. 3b–4a ; Gazette de France, no 81, mardi 21 mars 1820, p. 320ab.

4 La commission ] en note dans Rapport 3 : Cette commission e´tait compose´e de MM. le comte de Chabrol de Tournoe¨l, le baron Ternaux, Ke´ratry, Fornier de Saint-Lary, Benjamin Constant, le baron Blanquart de Bailleul, le baron Delessert (Benjamin), de Verneilh-Puiraseau, Casimir Pe´rier. 5 14, 22 et 32 ] 14, 22 et 33 M 361c ; 15, 22 et 33 Rapport 4 10 votre commission ] elle M 361c ; Elle Rapport 4 13 et le deuxie`me ] et le second Rapport 4 1

Alors que la se´ance a e´te´ presque entie`rement consacre´e a` la lecture du long rapport de la commission charge´e d’examiner le projet de loi relatif au re`glement de´finitif des budgets ante´rieurs a` 1819, un dernier point est aborde´ : la proposition que BC avait pre´sente´e a` la Chambre le 6 mars (voir ci-dessus, pp. 395–397) qui avait e´te´ examine´e par une commission constitue´e ad hoc. BC lui-meˆme tient le roˆle du rapporteur de cette commission.

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Deuxie`me partie – Session de 1819–1820

Les noms des membres de la Chambre seront dis tribue´s en cases et range´s par ordre alphabe´tique. Chaque de´pute´, au moment de monter a` la tribune pour voter, prendra son nom des mains d’un huissier qui le tirera de la case ou` il e´tait place´, et en recevant les boules des mains d’un secre´taire, il remettra ce nom a` ce secre´taire. Les noms restans dans les cases constateront les absens, et les absens seront seuls re´appele´s. Le nombre des membres qui auront vote´ sera constate´ de la meˆme manie`re : les absens e´tant de´duits du nombre total, on saura tout de suite quel a e´te´ celui des pre´sens. Ce nombre sera proclame´ par M. le pre´sident avant le de´pouillement des votes. C’est ainsi que votre commission croit remplir vos vues, quant aux deux premiers articles de la proposition qui fait le sujet de son rapport. Elle vous propose d’adopter aussi l’ide´e d’une diffe´rence entre les deux urnes, pour qu’en les transportant sur la tribune, MM. les secre´taires euxmeˆmes ne puissent se tromper. Le quatrie`me article tend a` inse´rer dans l’art. 33 de votre re´glement, que lorsqu’apre`s la premie`re e´preuve, avant que le re´sultat soit proclame´, l’appel nominal sera re´clame´ par cinquante membres, il sera de droit accorde´. Votre mode de voter par assis et leve´ a quelque inconve´nient, surtout dans l’e´tat actuel de cette Chambre, ou` la majorite´ consiste quelquefois en trois ou quatre voix. Non seulement les e´preuves sont souvent douteuses, mais le bureau parfois n’est pas d’accord. Votre commission a cru qu’il fallait rappeler une disposition adopte´e par toutes les assemble´es ante´rieures, et pratique´e aujourd’hui meˆme par la Chambre des pairs, ou` quinze voix suffisent pour obtenir l’appel nominal. Elle a ne´anmoins fixe´ un nombre plus e´leve´, afin que la Chambre ne fuˆt pas a` la merci de quelques membres. On ne saurait craindre que cinquante membres abusent de leur droit, quand la minorite´ sera tellement e´vidente, qu’ils se donneraient un tort sans pouvoir se flatter d’un succe`s. Quant a` la disposition qu’on vous proposait d’ajouter a` l’art. 11 de votre re´glement, la commission a trouve´ l’article suffisamment pre´cis, attendu que la Chambre doit toujours eˆtre formellement consulte´e par M. le pre´sident, lorsqu’il y a lieu a` un intervalle entre les se´ances. Enfin, quant au dernier article de la proposition qui vous a e´te´ faite, votre commission l’a juge´ inutile et vous propose l’ordre du jour.

3 qui le tirera ] qui le retirera Rapport 4 6 constateront les absens ] constateront les absences Rapport 4 7 manie`re : les absens ] manie`re, puisque les absens Rapport 5 29 a` l’art. 11 ] a` l’art. 14 M 362a ; a` l’article 15 Rapport 6 Discours 1827 I 230

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Voici donc, Messieurs, les deux articles, l’un additionnel, l’autre ame´liore´, que votre commission vous propose : «Lorsqu’a` la premie`re e´preuve, avant que le re´sultat soit proclame´, l’appel nominal sera re´clame´ par cinquante membres, il est de droit accorde´.» Voici l’article ame´liore´ : «Les noms des membres de la Chambre sont distribue´s en cases et range´s par ordre alphabe´tique, pour proce´der au scrutin. Un secre´taire fait l’appel nominal. Chaque de´pute´, au moment de monter a` la tribune, prend son nom des mains d’un huissier qui le retire de la case a` laquelle il appartient, et remet ce nom a` un secre´taire qui lui remet en e´change une boule blanche et une boule noire ; il de´pose dans l’urne pla ce´e sur la tribune la boule qui exprime son vote, et dans une autre urne, place´e sur le bureau du secre´taire, la boule dont il n’a pas fait usage La boule blanche exprime l’adoption, la noire le rejet. Les urnes sont de formes et de couleurs diffe´rentes.» «L’appel termine´, le re´appel se fait ensuite, uniquement pour les de´pute´s dont les noms, reste´s dans les cases, constatent qu’ils n’ont pas vote´. «Le nombre des votans est constate´ et proclame´ par le pre´sident, avant le de´pouillement du scrutin.»1

2 votre commission vous propose : ] apre`s ces mots, a` la ligne, ajout d’un titre : Article additionnel entre l’article 32 et l’article 33 M 362a Rapport 6 5 Voici l’article ame´liore´ : ] Article 33 tel que la Commission propose de le modifier. Rapport 7 7 alphabe´tique, pour proce´der au scrutin. Un secre´taire ] alphabe´tique ; pour proce´der au scrutin, un secre´taire Rapport 7 8 nominal. Chaque ] nominal, chaque Rapport 7 10 et remet ce ] et remet le M 362a ; Il remet ce Rapport 7 12 exprime son vote ] exprime son vœu Rapport 7 du secre´taire ] des secre´taires Rapport 7 15 ensuite ] de suite M 362a Rapport 7 Discours 1827 I 232 18 du scrutin.» ] a` la suite de ces mots : (Le reste de l’article tel qu’il est dans le re`glement actuel.) M 362a sans les parenthe`ses Rapport 7

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Le pre´sident fait savoir que la discussion pourra eˆtre ouverte sur ce rapport aussitoˆt qu’il aura e´te´ imprime´ et distribue´, mais apre`s la cloˆture de la discussion du projet de loi relatif a` la liberte´ de la presse. Finalement, la discussion sur la proposition de BC aura lieu les 30 mars et 3 avril (voir ci-dessous, pp. 503–504 et 507–509).

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De´veloppemens de la proposition de M. Benjamin Constant, de´pute´ de la Sarthe, tendant a` ame´liorer le mode de scrutin et les articles 15, 22 et 33 du Re`glement.*1

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Depuis le commencement de cette session, beaucoup de re´clamations se sont e´leve´es sur les formes du scrutin prescrit par l’article 33 de votre re`glement2. Cet article vague, incom plet, et ou` l’on aperc¸oit plusieurs lacunes, nous expose a` voir le bureau commettre involontairement les erreurs les plus graves. Les appels nominaux se font avec si peu de pre´cautions que nous restons dans l’ignorance du nombre des votans, au moment meˆme ou` l’on proclame le nombre des votes. Dans plus d’une occasion, plusieurs de nos honorables colle`gues ont demande´ que le de´pouillement des boules ne se fıˆt qu’apre`s une de´claration publique, du nombre des membres qui auraient vote´. C’est en effet une pre´caution que l’on prend, dans toutes les assemble´es ou` le vote par scrutin est pratique´, dans les colle`ges e´lectoraux, et meˆme dans les bureaux de la Chambre, bien que, ces bureaux n’e´tant compose´s que de vingt-neuf membres au plus, la pre´caution fut bien moins ne´cessaire, puisque l’erreur est presqu’impossible. M. le Pre´sident de la Chambre, mu par son respect scrupuleux pour le silence du re`glement, s’est constamment refuse´ a` la demande de cette de´claration pre´alable du nombre des votans. Cependant, le silence du re`glement ne peut eˆtre, a` mon avis, conside´re´ que comme une omission motive´e, peut-eˆtre, sur ce que la raison indiquait tellement la ne´cessite´ de ve´rifier le nombre des votans avant celui des votes, mesure qu’il e´tait inutile de faire une mention plus expresse. *

E´tablissement du texte : Imprime´ : Chambre des de´pute´s. De´veloppemens de la proposition de M. Benjamin-Constant ... tendant a` ame´liorer le mode de scrutin et les articles 15, 22 et 33 du re`glement, [Paris :] Hacquart, s.d., 8 p.

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Ces «De´veloppemens», non date´s, sont place´s directement apre`s le «Rapport» du 20 mars 1820. Courtney, Bibliography, p. 157, 86a, les date du 14 janvier 1820, ce qui est peu probable, car les proble`mes relatifs au scrutin n’apparaissent pas avant les se´ances des 9 et 10 fe´vrier 1820 (Archives parlementaires t. XXVI, pp. 184–187). L’impression des «De´veloppemens» a e´te´ ordonne´e par la Chambre, alors que ce texte n’a visiblement pas e´te´ prononce´, puisqu’on n’en trouve nulle trace dans le Moniteur ni dans les Archives parlementaires. Dans la se´ance du 30 mars, la Chambre reporte la discussion du rapport de BC au 3 avril (Journal des De´bats vendredi 31 mai 1820, p. 4). Voir l’intervention de BC du 6 mars (ci-dessus, pp. 395–397). Le texte ci-dessous re´capitule des arguments de BC et clarifie la proposition en vue de la discussion.

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Deuxie`me partie – Session de 1819–1820

Quoiqu’il en soit, ce silence ayant paru a` M. le Pre´sident un obstacle qu’il n’a pas cru pouvoir surmonter, il est indispensable de modifier le re`glement a` cet e´gard. A cette modification, dont l’utilite´ est de´ja` sentie, il faudra, je le pense, en joindre d’autres, telles qu’un re´appel borne´ uniquement aux membres qui n’auront pas vote´, telles encore qu’une diffe´rence entre les deux urnes, diffe´rence qui aurait le double avantage de garantir tous les membres des erreurs que j’ai entendu plus d’une fois plusieurs d’entr’eux se plaindre d’avoir commises. Notre mode de voter par assis et leve´, a aussi, ce me semble, quelques inconve´niens, vu surtout l’e´tat actuel de la Chambre, ou` la majorite´ consiste quelquefois en trois ou quatre voix, il arrive sans cesse que les e´preuves sont douteuses. Quelquefois le bureau lui-meˆme n’est pas d’accord : et comme les plus grandes questions, les questions que la France croyait de´cide´es, sont de nouveau soumises a` nos de´libe´rations, vous trouverez, j’ose le croire, qu’il ne faut pas laisser aux conjectures vacillantes du bureau le droit de prononcer sur une majorite´ imperceptible et qui, ne´anmoins, de´ciderait du sort de l’Etat. Dans presque toutes nos assemble´es ante´rieures, lorsqu’un nombre de De´pute´s un peu conside´rable re´clamait l’appel nominal, il e´tait accorde´ de droit : et certes, avec les majorite´s et les minorite´s presqu’e´gales de la Chambre actuelle, cette garantie positive, la seule incontestable, est plus de´sirable que jamais. On ne saurait craindre que les membres de la minorite´ en abusent, quand la majorite´ sera tellement e´vidente qu’ils se donneraient un tort, sans pouvoir se flatter d’un succe`s. L’article 15 du re`glement paraıˆt suffisamment explicite. Cependant, il m’a paru que ce re`glement n’est pas toujours exe´cute´. Cet article veut que M. le Pre´sident ne puisse mettre aucun intervalle entre les se´ances sans avoir pris l’avis de la Chambre. J’ai cru, ne´anmoins, remarquer que lorsqu’il pensait qu’il n’y avait rien a` l’ordre du jour ce qui n’e´tait que son opinion personnelle, il levait la se´ance en se bornant a` de´clarer que nous serions convoque´s a` domicile. Mais lors meˆme qu’il n’y a point d’ordre du jour re´sultant d’un projet de loi, il peut y en avoir qui re´sulterait d’un comite´ se cret, ou d’une pe´tition, si la Chambre e´tait consulte´e. L’article 66 du re`glement veut expresse´ment que la commission des pe´titions fasse chaque semaine un rapport sur les pe´titions qui lui seront parvenues. Nous sommes, ne´anmoins, si je ne me trompe, reste´s plus d’une semaine, c’est-a`-dire, plus de huit jours sans eˆtre convoque´s. L’article 22 me paraıˆt beaucoup trop vague. Les articles 20 et 21 de´terminant les attributions de M. le Pre´sident, pour maintenir l’ordre, l’article 22 n’est destine´ qu’a` fixer la manie`re dont il mettra la question aux voix. Mais les mots employe´s dans cet article : pre´senter l’e´tat de la question, font que M. le Pre´sident pourrait reproduire les raisonnemens des orateurs, et qu’il y est quelquefois entraıˆne´ contre son

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intention, sans doute. C’est un inconve´nient, puisque M. le Pre´sident, ne parlant que pour mettre la question aux voix, il s’en suivrait qu’il parlerait de fait le dernier sur la question. Il me semble, dans l’esprit du re`glement, qu’il faut substituer aux mots, pre´senter l’e´tat de la question, les mots plus pre´cis, rappeler la question, c’est-a`-dire, re´pe´ter purement et simplement cette question de manie`re a` ce que la Chambre puisse voter. Je propose donc : 1o. De faire prendre note des votans par deux de MM. les Secre´taires, et de faire de´clarer le nombre des votans avant le de´pouillement des votes. 2o. De borner le re´appel au nom des membres qui n’ont pas vote´, 3o. De substituer aux deux urnes pareilles, une urne blanche et une urne noire. 4o. D’inse´rer dans l’art. 33, que lorsque l’appel nominal sera demande´ par cinquante membres, il sera de droit accorde´. 5o. D’ajouter a` l’art. 15 : le Pre´sident prendra l’avis de la Chambre, sur l’intervalle a` mettre entre les se´ances, en indiquant le jour pre´cis de la prochaine se´ance et en faisant voter la Chambre sur cette question. 6o. De substituer dans l’art. 22 aux mots, pre´senter l’e´tat de la question, ceux-ci, rappeler purement et simplement la question.

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Sur la loi d’exception contre la liberte´ de la presse.* (Se´ance du 23 mars 1820.)1

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MESSIEURS, A Dieu ne plaise qu’apre`s tant d’orateurs sur un projet de loi, le cinquantie`me peut-eˆtre qui ait e´te´ pre´sente´ a` cette tribune, sous divers re´gimes, pour enchaıˆner la liberte´ de la presse et tuer la publicite´, seule garantie re´elle des citoyens, je fatigue la chambre de longs de´veloppemens2. Ceux qui proposent la mesure sur laquelle vous de´libe´rez, ceux qui la soutiennent, ceux qui la repoussent, savent parfaitement ce qui en est et ce qu’ils veulent. Les ministres espe`rent trouver dans cette mesure un moyen d’empeˆcher que, s’ils abusent du pouvoir discre´tionnaire dont vous les avez libe´ralement dote´s, pour incarce´rer quiconque leur de´plaira, cet abus ne soit de´nonce´. Ils espe`rent e´galement, si, contre toute attente, la loi des e´lections qu’ils vont *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 232–248 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 232–248 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 85, samedi 25 mars 1820, pp. 384c–386a [=M] ; Chambre des de´pute´s. Opinion de M. Benjamin Constant ... sur le projet de loi relatif a` la censure des journaux, [Paris :] Plassan, s.d., 14 p. [=Opinion] ; Archives parlementaires, t. XXVI, pp. 644–648 . Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 231–242. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, vendredi 24 mars 1820, pp. 1021a–1022c ; Journal des de´bats, vendredi 24 mars 1820, p. 4ab ; Le Constitutionnel, no 84, vendredi 24 mars 1820, suppl. pp. 5b–6b. La Quotidienne, no 84, vendredi 24 mars 1820, p. 4b ; L’Inde´pendant, no 319, vendredi 24 mars 1820, pp. 3a–4a ; Gazette de France, no 84, vendredi 24 mars 1820, p. 332ab Choix de rapports, opinions et discours. Session de 1819, pp. 366–376 ; Œuvres, Paris : Gallimard, 1957 (La Ple´iade), pp. 1369– 1380.

8 longs de´veloppemens. Ceux ] longs de´veloppemens ! Tout a e´te´ dit sur cette question. Ceux Opinion 3 1

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Le rapport de la commission charge´e de l’examen du projet de loi relatif aux journaux avait e´te´ pre´sente´ par Froc de Laboulaye lors de la se´ance du 16 mars. La discussion sur le sujet avait e´te´ ouverte le 21 mars et s’e´tait poursuivie le lendemain ; on est donc au troisie`me jour de cette discussion-fleuve, marque´e par l’alternance d’interventions pe´remptoires venant des deux camps. BC semblait attendre son heure pour prononcer son discours, particulie`rement percutant ; c’est avec son intervention que se cloˆt la se´ance. On se rappelle que la question de la liberte´ de la presse avait ge´ne´re´ de nombreuses dispositions le´gales depuis 1814, avec chaque fois d’intenses de´bats parlementaires et discussions dans l’espace public. Voir les explications donne´es a` ce sujet dans l’introduction a` la session de 1819 (ci-dessus, pp. 62–69).

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vous faire adopter laissait la porte de cette enceinte ouverte a` des gens qui ne seraient pas leurs cre´atures, pouvoir mettre obstacle a` ce que les choix du peuple se portent sur eux, en les entourant de calomnies et en leur interdisant la re´ponse. De notre coˆte´, nous voyons dans cette proposition la destruction de la Charte, la violation de tous les principes, le retour au re´gime de la monarchie arbitraire ; et tous les raisonnemens dont on se donne la peine de nous faire subir l’e´talage, ne nous paraissent qu’une de´rision et un outrage de plus. Quand des deux parts on en est a` ce terme, il faut, le plus possible, e´conomiser les paroles et abre´ger les ce´re´monies. Je demanderai au ministe`re s’il a bien re´fle´chi a` une conse´quence qu’entraıˆnera ine´vitablement la suspension, temporaire ou non, de la libre circulation de journaux. Cette conse´quence, c’est l’ignorance dans laquelle il sera lui-meˆme de tout ce qui se passera au-dela` du cercle de ses courtisans et de ses flatteurs. Tous les gouvernemens, tant libres que despotiques, ont pour leur suˆrete´ (vous voyez que j’abjure les mots suranne´s d’inte´reˆt de la liberte´ ou de droits du peuple) besoin de savoir ce qui se passe dans leurs Etats. Meˆme en Turquie, les visirs se trouvent quelquefois tre`s mal d’avoir e´te´ trompe´s par les pachas, sur la situation des provinces ! et peut-eˆtre fautil attribuer a` la connaissance inexacte qu’un prince, voisin de la France, paraıˆt avoir eue de la disposition des garnisons un peu e´loigne´es de sa capitale, la surprise faˆcheuse qu’il doit avoir e´prouve´e en les voyant se de´clarer contre lui1. Maintenant je pose en fait, Messieurs, qu’en suspendant la libre circulation des journaux, le gouvernement se condamne a` ne rien savoir, que par les renseignemens des salarie´s, c’est-a`-dire, a` ne savoir jamais que la moitie´ de ce qui est, et quelquefois le contraire de ce qui est. Pour vous de´montrer cette ve´rite´, ce n’est pas au raisonnement que j’aurai 9–10 ce´re´monies. / Je demanderai au ministe`re ] ce´re´monies. / Je ne vous pre´senterai donc que quelques conside´rations e´parses qui me semblent avoir e´chappe´ aux honorables membres qui m’ont pre´ce´de´. Ces conside´rations ne sont pas sans force, meˆme en raisonnant d’apre`s le syste`me que le ministe`re a adopte´. Car je suppose qu’il n’est dans son intention que de nous faire le mal ne´cessaire pour nous de´pouiller de nos garanties et pour nous re´duire a` la servitude. Il ne veut pas sans doute y mettre de luxe, et nous causer des maux inutiles. Or, je lui demanderai Opinion 4 15–16 inte´reˆt de la liberte´ ... droits du peuple ] en italique Opinion 4 18 des provinces ! et ] des provinces. Et Opinion 4 24 des salarie´s ] de ses salarie´s Discours 1827 I 234 Opinion 4

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Allusion probable a` l’actualite´ la plus imme´diate : le roi d’Espagne Ferdinand VII, apre`s avoir restaure´ l’absolutisme au lendemain des guerres napole´oniennes et servant ainsi de re´fe´rence aux royalistes, e´tait justement en train d’eˆtre de´borde´ par la re´volution libe´rale qui venait d’e´clater suite a` un coup d’E´tat militaire : le 10 mars, le roi avait duˆ preˆter serment sur la nouvelle constitution.

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recours ; le raisonnement ressemble trop a` la liberte´ pour eˆtre de mise. Ce sont des faits que j’invoquerai, parce que les faits sont les meˆmes sous tous les re´gimes. On peut, nous le voyons, mettre en pie`ces les Chartes des peuples ; mais tout l’arbitraire du monde ne peut rien contre des faits. Or donc, Messieurs, veuillez vous retracer ce qui est arrive´ a` Lyon, en juin 1817. La France se trouvait alors sous les lois d’exception sous lesquelles vous la remettez. La liberte´ individuelle e´tait, comme elle va l’eˆtre, a` la merci des ministres, et la censure faisait des journaux ce qu’elle va en faire d’ici a` huit jours, si vous adoptez le projet de loi. Qu’est-il advenu, Messieurs ? une conspiration vraie ou fausse a e´clate´. Des mesures tre`s se´ve`res ont e´te´ prises. Beaucoup d’hommes ont e´te´ mis a` mort, et, durant un assez long temps, l’instrument du supplice a parcouru les campagnes. Eh bien ! tout cela s’est fait, sans que le gouvernement suˆt pre´cise´ment ce dont il s’agissait. Le gouvernement en est convenu lui-meˆme : car, apre`s que les exe´cutions avaient eu lieu, apre`s que tout, par conse´quent, e´tait irre´parable, un mare´chal de France a e´te´ envoye´ sur le the´aˆtre sanglant de tant de se´ve´rite´s redouble´es ; il a e´te´ envoye´ pour e´clairer enfin les ministres sur ce ve´ritable e´tat des choses. En attendant, l’on avait incarce´re´, juge´, condamne´, exe´cute´, le tout sans bien savoir pourquoi : car, si l’on n’euˆt pas senti le besoin de l’apprendre, la mission tardive de M. le mare´chal Marmont n’euˆt pas e´te´ reconnue ne´cessaire. Je ne veux point rentrer dans le fond de cette lugubre histoire, ni prononcer entre ceux qui affirment et ceux qui nient la conspiration. Qu’elle ait e´te´ vraie ou fausse, cela n’importe en rien a` ce que je pre´tends prouver. Ce qui importe, c’est que, durant plusieurs mois, le gouvernement est reste´ dans l’ignorance des faits, et qu’il lui a fallu l’envoi d’un te´moin oculaire, pour lui apprendre enfin a` quoi s’en tenir1. 10–11 e´clate´. Des mesures ] e´clate´ ; des mesures Opinion 5 prises. Beaucoup ] prises ; beaucoup Opinion 5 13 Eh bien ! tout cela ] Eh bien, tout cela Opinion 5 1

BC se re´fe`re, en en donnant une analyse politique, a` l’affaire de l’insurrection de Lyon du 8 juin 1817 et a` sa se´ve`re re´pression (122 condamnations dont 11 peines capitales) ; elle avait beaucoup frappe´ l’opinion et e´tait souvent cite´e comme un cas d’e´cole montrant comment une situation de tension pouvait basculer dans la violence et comment il e´tait difficile, ensuite, de faire la lumie`re sur ce qui s’e´tait vraiment passe´. En l’occurrence, le gouvernement avait de´peˆche´ le mare´chal Marmont de Raguse pour enqueˆter tout de suite apre`s les faits ; il avait conclu a` une provocation orchestre´e par le ge´ne´ral Canuel pour le compte des ultras. L’affaire s’envenima pendant des mois en polarisant encore davantage une opinion de´ja` fort divise´e entre ultras et libe´raux avec, au centre, le gouvernement de Descazes qui s’efforc¸ait de tirer un profit politique de cette affaire en rejetant sur les ultras la responsabilite´ des troubles de Lyon (voir N. Bourguignat, «La ville, la haute police et la peur : Lyon entre le complot des subsistances et les manœuvres politiques en

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Mais, Messieurs, ne sentez-vous pas qu’il n’en aurait point e´te´ ainsi, s’il y euˆt eu alors, dans le de´partement du Rhoˆne, un seul journal libre ? Ce journal, jacobin, re´volutionnaire, comme on voudra l’appeler, aurait pre´sente´ les choses sous un point de vue autre que celui sous lequel les pre´sentait l’autorite´ locale ; le gouvernement aurait entendu les deux parties. Il n’euˆt pas commence´ par frapper, sans connaissance de cause, pour envoyer ensuite examiner sur place s’il avait eu raison de frapper. (Mouvement d’adhe´sion a` gauche.) Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que ce coˆte´ de la question n’avait point encore e´te´ indique´, et qu’il est digne de quelque examen. En suspendant la libre circulation des journaux, le ministe`re de´clare qu’il ne veut rien apprendre que par ses agens, c’est-a`-dire, que, lorsque ses agens, soit par imprudence, soit par quelque motif ou passion personnelle, se seront engage´s dans une fausse route, il n’apprendra d’eux que ce qu’ils croiront convenable pour mettre leur me´rite en e´vidence, ou pour assurer leur justification. Cela est-il dans son inte´reˆt ? C’est sous ce rapport uniquement que j’invite MM. les ministres a` y re´fle´chir. Toutefois, si je ne traite cette question que sous le point de vue de l’inte´reˆt des ministres, c’est que je cherche a` leur parler une langue qu’ils e´coutent ; car je suis loin de vouloir me faire un me´rite qu’assure´ment je n’ai pas. S’il ne s’agissait que d’eux seuls, je n’aurais point pris la parole. Que l’autorite´ porte la peine de ses empie´temens, de ses vexations, de ses fausses mesures, rien n’est plus juste ; et ce qui peut en re´sulter pour MM. les ministres m’est fort indiffe´rent. Mais, comme l’exemple de Lyon nous le de´montre, le peuple s’en ressent aussi, et je voudrais e´pargner a` ce pauvre peuple une partie des souffrances que lui pre´pare infailliblement le nouveau re´gime vers lequel on nous conduit. J’appelle ce re´gime nouveau, parce qu’il est diffe´rent de celui que 2 un seul journal libre ? ] un seul journal libre. Discours 1827 I 235 5 locale ; le gouvernement ] locale. Le gouvernement Opinion 5 7–8 (Mouvement d’adhe´sion a` gauche.) ] absent dans Opinion 5 13 motif ou passion personnelle ] motif ou passion personnels Opinion 6 1816–1817», Histoire urbaine, 2, 2000, pp. 131–147). Le ge´ne´ral Simon Canuel (1767– 1841), officier sous l’Empire, mais e´carte´ des hautes fonctions militaires par Napole´on, avait rejoint le camp des Bourbons pour devenir l’un des activistes royalistes les plus ze´le´s, notamment, en 1815, en tant que de´pute´ de la Chambre introuvable. Ses amis politiques lui assureront les plus hauts grades et fonctions jusqu’en 1830. Ajoutons que BC avait publie´ dans La Minerve (t. III, 5, 4–5 juin 1818, pp. 209–223 et 6, 10–11 juin 1818, pp. 265–279) un long compte rendu de l’ouvrage de Charrier-Sainneville, Compte rendu des e´ve´nements qui se sont passe´s a` Lyon, Paris : chez Tournachon-Molin et H. Seguin, 1818 (OCBC, Œuvres, t. XI, pp. 295–326).

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la Charte avait commence´ d’introduire en France. Mais je pourrais, tout aussi bien et plus justement, l’appeler l’ancien re´gime ; car c’est l’ancien re´gime que nous reconstruisons pie`ce a` pie`ce : lettres de cachets, censure, e´lections oligarchiques, voila` les bases de l’e´difice ; les colonnes et les chapiteaux viendront apre`s. (Mouvement a` droite). Je demande a` MM. les ministres si leur intention est de gouverner la France sans la connaıˆtre, de prendre des mesures sur des e´ve´nemens dont ils ne seront instruits que par des hommes inte´resse´s peut eˆtre a` les de´guiser, de commettre ainsi, sans profit pour eux, beaucoup d’injustices qu’ils ne pourront plus re´parer. Si leur intention est telle, suspendre la liberte´ des journaux est un moyen suˆr de la remplir. Mais s’ils trouvent que le peuple franc¸ais vaut la peine d’eˆtre entendu avant d’eˆtre condamne´, et que les 28 millions de citoyens des de´partemens, ne doivent point eˆtre frappe´s d’apre`s des donne´es incertaines, et des rapports peut-eˆtre faux, il faut qu’ils laissent les journaux libres. Quelle que soit au reste leur de´termination, je suis bien aise d’avoir pose´ la question ainsi. La France saura, en cas de refus, combien peu d’importance MM. les ministres mettent a` son sort, et avec quelle le´ge`rete´ ils la traitent. J’ajouterai que je les supplie, s’ils me font l’honneur de me re´pondre1, de me re´futer sur l’exemple que j’ai puise´ dans l’affaire de Lyon, et de ne pas s’e´garer dans des de´clamations vagues, quand je leur cite un fait pre´cis. Je passe a` un autre sujet sur lequel je crois que deux mots d’explications seraient tre`s utiles. Suspendre la libre circulation des journaux, c’est mettre les journaux dans la main du ministe`re, c’est l’autoriser a` faire inse´rer dans les journaux ce qu’il lui plaira. Or, avez-vous oublie´, Messieurs, ce qui est arrive´, lorsqu’une loi pareille a` celle dont on vous demande la re´surrection, donnait au ministe`re cette faculte´ ? Ce n’est pas des e´lections que je veux parler. J’aurais honte de raconter des faits si connus. D’ailleurs, il ne faut savoir mauvais gre´ aux gens que du dommage qu’ils causent, et, dans trois e´lections successives, le ministe`re avait tellement de´cre´dite´ ses articles officiels, qu’en faisant atta3 pie`ce : lettres ] pie`ce. Lettres Opinion 6 5 (Mouvement a` droite) ] absent dans Opinion 6 6 Je demande a` ] avant ces mots Pour fixer sur ce point et pour re´diger ma question en termes pre´cis, je demande a` Opinion 6 24 du ministe`re, c’est l’autoriser ] du ministe`re, mettre les journaux dans la main du ministe`re, c’est l’autoriser Opinion 7

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Pasquier re´pondra a` BC (et a` d’autres orateurs du camp libe´ral) ; sur l’exemple des e´ve´nements de Lyon, le ministre retournera le raisonnement de BC en affirmant que ce dernier tendait purement et simplement a` substituer le gouvernement des journaux a` tout autre (Archives parlementaires, t. XXVI, pp. 686–687).

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quer les candidats, il contribuait a` leur e´lection. Je lui dois pour ma part de la reconnaissance en ce genre, et je pardonne l’intention en faveur du re´sultat. Le fait dont je vais avoir l’honneur de vous entretenir est beaucoup plus grave. Vous vous souvenez probablement, Messieurs, que, dans le courant de l’e´te´ de 1818, plusieurs individus, qui avaient rempli des fonctions marquantes, furent arreˆte´s comme pre´venus de conspiration. Je ne suis nullement appele´ a` m’expliquer sur ces individus en bien ni en mal : leur innocence ou leur culpabilite´ ne font rien a` l’affaire. Ils e´taient de´tenus, ils e´taient dans les fers, ils devaient eˆtre juge´s ; et, par cela meˆme qu’ils e´taient expose´s aux rigueurs de la justice, ils avaient droit a` ses sauvegardes : M. le ge´ne´ral Canuel e´tait du nombre1. Eh bien ! Messieurs, tandis que M. le ge´ne´ral Ca nuel e´tait au secret, qu’a fait le ministe`re ? Il a choisi un journal dont les re´dacteurs e´taient favorables a` l’inculpe´, pour y faire inse´rer d’autorite´ l’article le plus injurieux ; et, comme il s’agissait d’un homme arreˆte´, non juge´, non convaincu, je dirai franchement, l’article le plus infaˆme. Cet article a parcouru toute la France, et celui contre lequel il e´tait dirige´ n’a pas eu la faculte´ de re´pondre une ligne. Trouvez-vous que cet usage ministe´riel de la de´pendance des journaux soit de´licat, loyal et le´gitime ? C’est pourtant cet usage des journaux esclaves qu’on vous sollicite de consentir de nouveau. Cela ne se renouvellera plus, dira-t-on : la composition du ministe`re actuel nous en est garant.

14 Eh bien ! Messieurs ] Eh bien, Messieurs Opinion 7 le´gitime ? M 385b Opinion 8

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21 loyal et le´gitime ? ] loyal,

En e´te´ 1818, des officiers ultras avaient ourdi, sur la terrasse des Tuileries le long de la Seine, la «conspiration du bord de l’eau». Il s’agissait pour eux d’enlever le roi et de le forcer a` abdiquer pour porter sur le troˆne son fre`re, le comte d’Artois (futur Charles X). La publicite´ de cette affaire e´tait tellement favorable aux plans de Descazes visant a` affaiblir les ultras et a` discre´diter le comte d’Artois qu’il est permis de soupc¸onner le ministre d’avoir pilote´ toute l’affaire (Waresquiel/Yvert, Histoire de la Restauration, pp. 248–249). ` partir du 22 juillet, le Journal des De´bats de meˆme que le Moniteur publiaient de longs A comptes rendus des audiences lie´es au proce`s des pre´venus dans l’affaire de la conspiration, jusqu’a` leur acquittement, de´but novembre ; Decazes faisait publier dans des journaux anglais (le Morning Chronicle, le Times et le Courier ) des «correspondances prive´es» ou` les suspects e´taient traite´s quasiment comme des coupables (voir F. de Coustin, Elie Decazes, Paris : Perrin, 2020, pp. 169–191) ; mais BC, dans les lignes qui suivent, e´voque sans doute l’article paru dans le Journal des De´bats le 24 juillet 1818 (pp. 1b–3a), ou` le pre´venu Canuel e´tait en effet pre´sente´ sous un jour tre`s de´favorable.

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Je sais que depuis quinze jours on nous demande des lois de confiance, et j’ai moi-meˆme e´te´ force´ d’indiquer de´ja` quel degre´ de confiance j’accorde aux ministres. Mais, en me re´fe´rant a` ce que j’ai dit en ge´ne´ral sur ce point, j’ajouterai ici, quant au fait particulier, une re´ponse plus directe. Je serais bien faˆche´ qu’elle paruˆt offensante : ce n’est pas mon intention. Mais elle va si droit au fait, que je ne saurais la supprimer. Ou ma me´moire est bien en de´faut, ou le ministe`re, qui a de la sorte abuse´ contre un de´tenu sans de´fense, du monopole des journaux, e´tait pre´side´ par le pre´sident actuel du conseil des ministres, et M. le ministre des affaires e´trange`res e´tait alors garde-des-sceaux1. Il e´tait alors garde-des-sceaux, c’est-a`-dire, que les accuse´s, les pre´venus, les hommes arreˆte´s, e´taient sous sa protection spe´ciale. A-t-il permis qu’on attaquaˆt le ge´ne´ral Canuel dans les journaux soumis a` la censure ? c’est un oubli de ses devoirs. Ne s’est-il pas informe´ si on l’attaquait ? c’est une insouciance faˆcheuse ; dans tous les cas, cet ante´ce´dent, je vous l’avoue, m’alarme sur l’avenir. (Nouveau mouvement a` gauche.) Par la loi contre la liberte´ individuelle, vous avez mis a` la discre´tion des ministres toutes les personnes. Par la suspension des journaux, vous allez mettre a` leur merci toutes les re´putations. Car je ne m’arreˆterai point a` examiner les promesses de M. le ministre de l’inte´rieur sur cette censure anodine qui repoussera les personnalite´s, encouragera les lumie`res, et laissera les e´crivains libres, quelque opinion qu’aient les censeurs. M. le ministre des affaires e´trange`res s’est charge´ a` la Chambre des pairs de re´futer son colle`gue2 : la nature des choses l’aurait re´fute´ a` de´faut du ministre. Les censeurs ne sauraient jouir d’aucune inde´pendance, ni pour 5 offensante : ce n’est pas ] offensante. Ce n’est point Opinion 8 10 Il e´tait alors gardedes-sceaux ] Il e´tait garde-des-sceaux Opinion 8 13 censure ? c’est un oubli ] censure ? C’est un oubli Opinion 8 14 faˆcheuse ; dans tous ] faˆcheuse. Dans tous Opinion 8 15–16 (Nouveau mouvement a` gauche.) ] absent dans Opinion 8 21 anodine ] en italique M 385b 25 colle`gue : la nature ] colle`gue. La nature Opinion 8

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Richelieu, pre´sident du gouvernement et Pasquier, ministre des Affaires e´trange`res ; ce dernier e´tait en effet garde des Sceaux sous le premier gouvernement Richelieu. Dans le paragraphe qui pre´ce`de, BC a parfaitement re´sume´ les propos prudents du ministre de l’Inte´rieur Sime´on tenus a` la Chambre le 1er mars lors de la pre´sentation du projet de loi aux de´pute´s (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 296) ; la veille, lors du de´bat sur ce projet de loi a` la Chambre des pairs, Pasquier e´tait intervenu plusieurs fois, d’abord pour justifier la se´ve´rite´ de la loi au vu des dangers extraordinaires qui menac¸aient l’E´tat, selon lui, puis pour contrer des propositions d’amendements qui videraient celle-ci de sa force exe´cutoire (Archives parlementaires, t. XXVI, pp. 277–288).

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empeˆcher l’invective, ni pour respecter les opinions. Quand on fait pour de l’argent un me´tier peu noble, c’est l’argent qu’on veut me´riter. On paie les censeurs pour rayer ce qu’on ne veut pas qui s’imprime ; on les paiera pour ne pas rayer ce qu’on voudra qui soit imprime´. Le gouvernement aura, comme par le passe´, le monopole des retranchemens et celui de l’injure. Quant a` la liberte´ des doctrines, M. le commissaire du Roi1 qui a parle´ dans une de nos dernie`res se´ances, s’en est explique´ avec une louable franchise. Il a fait l’e´nume´ration de toutes les doctrines pernicieuses. Cette e´nume´ration a dure´ une demi-heure, et l’orateur a fini par nous annoncer qu’il y avait encore bien d’autres doctrines dignes d’anathe`me. Si les censeurs se sentent geˆne´s par les paroles de M. le ministre, ils n’auront qu’a` consulter le discours de M. le commissaire du roi, pour se trouver a` leur aise. Les censeurs sont a` la pense´e ce que les espions sont a` l’innocence ! Les uns et les autres gagnent a` ce qu’il y ait des coupables ; et quand il n’y en a pas, ils en font. Les censeurs se prennent ne´cessairement dans la classe dite lettre´e, qui ne produit rien par elle-meˆme, et l’on a toujours de l’humeur de sa ste´rilite´. Aucun e´crivain qui se respecte ne consentirait a` eˆtre censeur. Le titre de censeur royal e´tait presque un reproche sous l’ancien re´gime ; croiton qu’il se soit re´habilite´ sous les censeurs impe´riaux ? Ces hommes apporteront dans notre monarchie toutes les traditions de l’empire. Il en sera de la liberte´ de la presse comme de l’administration. Nous marcherons sur les erremens de Bonaparte, moins le prestige de la gloire et le repos de l’unite´. Je me permettrai encore deux observations : l’une est relative a` cet argument perpe´tuel tire´ des circonstances et du droit qu’a l’Etat de se conserver. He´las ! Messieurs, cette logique n’a pas meˆme le me´rite de la nouveaute´ ; elle n’est autre que celle du salut public, et vous n’ignorez pas ce que tous les gouvernemens de la France ont fait au nom du salut public. Toutes les fois que l’autorite´ aspire a` l’arbitraire, elle suppose des dangers chime´riques pour s’arroger des droits usurpe´s, et les gouvernemens les plus le´gitimes sont re´duits alors a` reproduire les sophismes des gouvernemens les plus ille´gaux. Si vous prenez les discours de MM. les ministres, et si 3 s’imprime ; on les paiera ] s’imprime. On les paiera Opinion 9 13–14 a` l’innocence ! Les uns ] a` l’innocence ; les uns Opinion 9 21 de l’administration. Nous ] de l’administration : nous Opinion 9 24 Je me permettrai ] avant ces mots Avant de descendre de cette tribune Opinion 9 observations : l’une ] observations. L’une Opinion 9 26–27 nouveaute´ ; elle ] nouveaute´. Elle Opinion 9 1

BC renvoie sans doute au discours de Portalis, commissaire du roi qui, lors de la se´ance du 22 mars, avait longuement e´nume´re´ les dangers auxquels l’E´tat e´tait expose´ a` cause de ses multiples ennemis (Archives parlementaires, t. XXVI, pp. 592–596).

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vous substituez au mot de monarchie celui de re´publique, et a` l’e´pithe`te de re´gicide celle de liberticide, vous trouverez leurs phrases dans les plus illustres des conventionnels ; meˆmes ide´es, meˆmes expressions, meˆme syste`me. MM. les ministres ne s’irriteront pas, j’espe`re, de ce rapprochement. L’un d’eux s’est appuye´ en propres paroles de l’exemple de la Convention, a` la Chambre des pairs1 ; et, en effet, le discours qu’il a prononce´ dans cette Chambre semble copie´ du Moniteur. «Quelle autorite´, a-t-il demande´, quelle force est ou peut rester debout devant les doctrines des journaux ? Je vois toutes les puissances s’e´crouler e´galement : je me trompe, une seule demeure, celle des journalistes. Est-il dans l’ordre naturel des choses que cent individus qui e´crivent dans les feuilles publiques, repre´sentent la socie´te´ tout entie`re ? D’ou` leur vient cette e´tonnante mission ? Ou` sont leurs titres a` cette inconcevable souverainete´ ? «Quelle est donc, s’e´criait, a` peu pre`s dans des termes identiques, un conventionnel en 1796, cette e´ternelle domination des e´crivains sur les guerriers, sur les orateurs, sur les magistrats, sur les repre´sentans du peuple, sur les premiers fonctionnaires publics ? Quelle est cette association qui pre´tend a` des statuts particuliers ? Quelle est cette puissance qui veut disposer souverainement de l’honneur et du repos des citoyens ? «Ce n’est point au moment de la re´volution la plus importante, a poursuivi le ministre, que l’Angleterre a affronte´ la liberte´ des journaux ... Malheur a` ceux qui ne savent pas attendre ... La censure, entre les mains d’un gouvernement, peut devenir l’arme d’un parti ! Oui, sans doute, mais du moins ce parti sera celui de la monarchie. «C’est pre´cise´ment, poursuivait de meˆme le conventionnel, lorsqu’un gouvernement libre est e´tabli, qu’il faut se haˆter de ramener la liberte´ de la presse a` sa juste mesure, et, pour l’inte´reˆt ge´ne´ral, lui tracer des limites e´troites ... Une re´volution est-elle donc consolide´e, parce qu’une constitution vient de s’e´tablir ? N’est-ce pas dans son berceau que les plus grands

14 mission ? Ou` sont ] mission ? ou` sont Opinion 10

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16 en 1796 ] absent dans Opinion 10

BC cite ici, assez exactement, des passages du discours auquel il a de´ja` fait allusion, prononce´ par Pasquier a` la Chambre des pairs le 28 fe´vrier (Archives parlementaires, t. XXVI, pp. 277–281), qu’il va mettre habilement en e´cho aux propos enflamme´s tenus par Jean-Baptiste Louvet devant le Conseil des Cinq-Cents le 23 ventoˆse an 4 de la Re´publique (13 mars 1796) ; voir Choix de rapports, opinions et discours prononce´s a` la Tribune Nationale depuis 1789 jusqu’a` nos jours, t. XVI, Paris : A. Eymery, 1821, pp. 44–59 ; a` propos des rapports entre Louvet et BC, voir OCBC, Œuvres, t. I, pp. 301–308.

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dangers l’attendent ? Mais on ne pourra donc e´crire que pour votre constitution ? Je vous entends : c’est le gouvernement que vous voulez renverser ; c’est la re´publique que vous bruˆlez de de´truire.» Le conventionnel ne l’emporta pas tout de suite sur les scrupules de ses auditeurs, mais peu de temps apre`s ses principes triomphe`rent : la liberte´ des journaux fut de´truite ; beaucoup de journalistes furent arreˆte´s ou de´porte´s1. Oserai-je demander a` M. le ministre ce que la re´publique est devenue ? Elle ne s’e´tait pourtant refuse´ aucun des moyens de conservation qu’il recommande. Ma seconde observation, Messieurs, se rapporte a` cette licence des journaux qui motive la violation de la Charte. Oui, sans doute, il y a eu des journaux qui ont franchi les bornes de la convenance : il y en a eu qui ont e´te´ plus loin, et qui ont foule´ aux pieds ce qu’il y a de plus respectable et de plus sacre´. Parmi les premiers, je reconnaıˆtrai, si l’on veut, pour un petit nombre d’articles, quelques journaux libe´raux. Des railleries personnelles, des anecdotes prive´es ont donne´, de temps a` autres, a` certaines feuilles, une apparence de malignite´ : c’est un tort, elles en portent la peine. Car, disons-le de bonne foi, mes colle`gues, il y a, dans l’indignation ge´ne´reuse qui e´clate contre les e´crivains pe´riodiques, au moins autant d’impatience des petites attaques dont on a e´te´ l’objet, que de ze`le pour les grands inte´reˆts de l’ordre social. Les journaux ont ce de´faut capital, qu’ils troublent cette paix si douce que bien des fonctionnaires publics regardent comme un privile´ge de leur place. Mais on se dessine mieux en s’armant pour le troˆne, et les paroles retentissent plus sonores, quand on a l’air de plaider plutoˆt pour la patrie que pour soi. Les journaux qui ont foule´ aux pieds les lois de la de´cence et de la morale, ne sont pas, je dois le dire, les journaux libe´raux. Ce sont au contraire ceux qui, au grand de´triment de la monarchie, se sont dit exclusivement royalistes. C’est dans ces journaux qu’on a trouve´ des appels au meurtre et a` la guerre civile. Ce sont ces journaux qui vous ont appele´s, vous, mes colle`gues, des de´pute´s traıˆtres et parjures. Ce sont ces journaux qui ont renouvele´ les de´clamations fe´roces, et les fureurs ignobles dont les de´magogues de 1793 e´pouvante`rent jadis l’Europe. 5 auditeurs, mais ] auditeurs. Mais Opinion 10 6–7 ou de´porte´s ] absent dans Opinion 10 12 convenance : il y en ] convenance. Il y en Opinion 11 25–26 plutoˆt pour la patrie que pour soi ] pour la patrie plutoˆt que pour soi Opinion 11 28 les journaux libe´raux. Ce sont ] les journaux libe´raux. (M. de Puymaurin. Et la Minerve ?) Ce sont M 385c 33–34 dont les de´magogues ... e´pouvante`rent ] dont la lie des de´magogues ... e´pouvanta Opinion 11 1

BC e´voque ici les mesures coercitives prises contre les journalistes au lendemain du coup d’E´tat du 18 Fructidor.

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Mais, contre ces journaux, certes, les lois re´pressives e´taient suffisantes. Une seule ligne de leurs pro vocations incendiaires aurait force´ les jure´s les plus indulgens a` se´vir contre eux. Pourquoi l’autorite´, qui se plaint aujourd’hui de ces exce`s, a-t-elle garde´ le silence ? Est-ce une suite de la partialite´ que M. le ministre des affaires e´trange`res a promise aux pairs ? A-t-il cru devoir respecter la devise de ces journaux, vive le roi, quand meˆme ! A-t-il pense´ que le parti qui demandait du sang, qui accusait les e´lus du peuple de trahison, et un ancien colle`gue et ami de M. le ministre des affaires e´trange`res, de complicite´ dans un assassinat1, e´tait le parti de la monarchie, de la France, de la Charte, de la maison des Bourbons ? Ou bien le ministre a-t-il voulu se me´nager par l’inexe´cution des lois pe´nales, un moyen de conclure a` la ne´cessite´ des lois pre´ventives ? (Mouvement a` gauche.) Quoi qu’il en soit de ces motifs, c’est le ministe`re et non la liberte´ des journaux qui est coupable, et les faits sur lesquels il s’appuie pour vous proposer les dispositions que je combats, devraient nous conduire a` un re´sultat tout diffe´rent, re´sultat qui ne serait pas la suspension des journaux, mais la mise en accusation des ministres, pour n’avoir pas fait exe´cuter les lois. Les conside´rations ge´ne´rales que je pourrais ajouter seraient fort inutiles. Vous eˆtes trop e´claire´s pour ne pas vous rendre compte de ce que vous faites. Vous n’ignorez pas que la loi que vous avez vote´e, le 15 de ce mois, e´tait un pas re´trograde2. Celle que vous discutez maintenant, serait, si vous l’adoptiez, un second pas dans le meˆme sens ; vous remonteriez a` des e´poques dont nous nous flattions d’eˆtre pour jamais sortis, avec cette aggravation de plus, que ce se rait pre´cise´ment au moment ou` une loi qui menace toutes nos liberte´s vous est pre´sente´e, que vous interdiriez aux journaux de s’occuper de cette loi, loi funeste, loi de´cre´dite´e par les pre´cautions meˆmes que l’autorite´ prend en sa faveur ; car elle confesse par ces pre´cautions, que pour empeˆcher que l’opinion ne frappe cette loi d’une re´probation rigoureuse, il faut soigneusement baˆillonner ses organes. Enfin, Messieurs, l’adoption du nouveau mode d’e´lection qui doit de´she´riter le peuple franc¸ais3, 6–7 vive le roi, quand meˆme ! ] en italique M 385c Opinion 11 10 maison des Bourbons ] maison de Bourbon Opinion 12 12–13 (Mouvement a` gauche.) ] (Nouveau mouvement a` gauche.) M 385c absent dans Opinion 12 24 meˆme sens ; vous ] meˆme sens. Vous Opinion 12 29 sa faveur ; car ] sa faveur. Car Opinion 12 1 2 3

Decazes, a` qui la droite imputait la responsabilite´ de l’assassinat du duc de Berry. La loi sur les liberte´s individuelles, voir ci-dessus, pp. 332–335. BC sait bien que le prochain de´bat d’importance a` la Chambre concernera le projet de loi relatif aux e´lections ; voir ci-dessous, pp. 597 sv.

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serait le troisie`me et dernier pas : car je ne vois gue`res apre`s celui-la` ce qui resterait encore a` faire. Mais avant d’aller plus loin, Messieurs, daignez regarder autour de vous. Je le dis dans toute la since´rite´ de mon ame, aux hommes, quels qu’ils soient, a` quelque rang qu’ils soient place´s, qui veulent la contre-re´volution. S’il n’y a personne qui la veuille, je n’offense personne ; mais permettezmoi de continuer, comme s’il y avait quelqu’un. Cette contre-re´volution que vous voulez, vous ne la ferez pas : vous mettrez la France en pe´ril, tout en courant a` votre ruine ; vous vous eˆtes crus souvent bien pre`s d’atteindre votre but, et quand vous avanciez la main pour y toucher, une circonstance impre´vue, ce que vous nommez un hasard malheureux, le caprice ou la perfidie de tel ou tel homme, dites-vous, vous ont rejete´s bien loin en arrie`re. Mais quand les hasards se re´pe`tent ainsi ; quand l’intervention de tel ou tel homme arrive toujours tellement a` point nomme´, c’est que ce hasard ou cette intervention sont conformes a` la nature des choses. La chance aujourd’hui vous semble favorable ; mais il y a trois mois, quand vous censuriez ce qui n’e´tait pas d’accord avec vos doctrines, ne nous citiez-vous pas l’exemple de l’Espagne. La`, point de limites au pouvoir, point de re´volutionnaires tole´re´s, point de journaux portant les ide´es libe´rales dans tous les villages, point de le´gislation se´pare´e de la religion de l’Etat, point de loi d’e´lection de´mocratique. Au contraire, tout ce que vous voulez nous donner, l’Espagne le posse´dait : votre loi contre la liberte´ individuelle, n’est qu’une faible copie de mesures qui peuplaient les chaˆteaux forts, les couvens, les gale`res ; vos restrictions a` la presse auraient fait sourire les inquisiteurs ; votre loi d’e´lection oligarchique ne vaudra jamais le conseil de Castille. Eh bien ! qu’est-il re´sulte´ pour l’Espagne, de tout ce que vous taˆchez d’introduire en France1 ? Rentrez donc en vous-meˆmes ; ne repoussez pas la lec¸on des faits. Les faits ont cet avantage, qu’on peut leur ce´der sans que l’amour propre en souffre.

8 mettrez ] remettrez M 385c Opinion 12 9 ruine ; vous ] ruine. Vous Opinion 12 16 favorable ; mais ] favorable. Mais Opinion 13 18 l’exemple de l’Espagne. ] l’exemple de l’Espagne ? M 385c Opinion 13 22 posse´dait : votre ] posse´dait. Votre Opinion 13 23 copie de mesures ] copie des mesures Opinion 13 24 gale`res ; vos ] gale`res. Vos Opinion 13 25 inquisiteurs ; votre ] inquisiteurs. Votre Opinion 13

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Encore une re´fe´rence aux e´ve´nements en cours en Espagne et a` la re´volution libe´rale qui effrayait les royalistes en France. BC e´tait un peu optimiste, puisqu’il allait s’ave´rer que le re´gime libe´ral mis alors en place n’allait durer que trois ans.

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Je suppose que vous obteniez momentane´ment toutes les lois que vous de´sirez ; ces lois d’exception, ces lois torture´es, alambique´es, remises sans cesse sur le me´tier, ne vous meneront a` rien : rien ne durera contre ce que la France a voulu depuis trente ans, et ce qu’elle veut encore. Vous eˆtes des gens de beaucoup d’esprit : malheureusement vous vous e´tourdissez vousmeˆmes de formules convenues que nous vous laissons dire parce que nous sommes polis, mais qui n’ont plus ni sens ni force. Rien n’est fort que ce qui est national : nationalisez-vous, et surtout ne de´nationalisez pas le troˆne. Ne vous trompez pas sur votre parti ou sur votre nombre. La moitie´ de ceux qui vous suivent vous redoutent et vous observent ; ils se concertent de´ja` contre vous ; votre alliance les importune : ils craignent que d’allie´s vous ne deveniez maıˆtres ; et ils savent que, si la chose arrivait, vous et eux seriez perdus. Je vous dis ceci, je le re´pe`te, dans la since´rite´ de mon ame ; car c’est une vraie pitie´ de voir des talens distingue´s, des qualite´s prive´es, des connaissances positives, tout ce qui pourrait vous rendre des citoyens utiles et e´minens, s’engouffrer dans le tourbillon d’une faction sans ressource, qui n’aura jamais de triomphe durable, qui, tout au plus, si le mauvais ge´nie de la France l’ordonnait ainsi, pourrait amener des re´volutions, mais qui en serait victime, et que peut-eˆtre ceux qui la combattent seraient, dans leur esprit de justice, oblige´s de prote´ger. Quant a` moi, quoi qu’il arrive, je me fe´liciterai toujours d’avoir pu manifester mon opposition a` une tendance que je de´clare de nouveau contrere´volutionnaire, et c’est avec la conviction que je remplis mon devoir envers la France, que je vote le rejet du projet de loi entier. (Vif mouvement d’adhe´sion dans la partie gauche1.)

8 national : nationalisez-vous ] national. Nationalisez-vous Opinion 13 vement d’adhe´sion dans la partie gauche.) ] absent dans Opinion 14

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25–26 (Vif mou-

C’est sur ce morceau de bravoure que se cloˆt la se´ance. La discussion se poursuivra ; le 27 mars, BC interviendra de nouveau pour de´fendre les amendements qu’il a propose´s.

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Amendement tendant a` excepter de la censure les ouvrages qui ne paraıˆtraient qu’une fois par mois.* (Se´ance du 27 mars 1820.)1

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MESSIEURS, L’amendement que je propose est plutoˆt, a` ce que je crois, ne´cessite´ par une erreur que par l’intention des ministres. Dans toutes les lois pre´ce´dentes, les e´crits pe´riodiques ont toujours e´te´ de´finis de cette manie`re : Les e´crits pe´riodiques paraissent soit a` jour fixe, soit irre´gulie`rement, par livraison et plus d’une fois par mois. Je ne comprends pas pourquoi, dans la loi actuelle, on a omis ces derniers mots : et plus d’une fois par mois. Je croirais assez que c’est par erreur. S’il en e´tait autrement, aucun ouvrage, l’Encyclope´die meˆme, les œuvres de Voltaire2, ne pourraient paraıˆtre par livraisons, puisqu’ils renferment des matie`res politiques. Je demande donc que les mots qui ont e´te´ omis, soient re´tablis dans cette loi. Si MM. les ministres s’y opposent, je de´velopperai mon amendement. (Les ministres s’y opposent3.) Alors, Messieurs, je demanderai si, par contrebande, si, sous le pre´texte de n’attaquer que les journaux et les e´crits pe´riodiques, on ne veut pas en *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 249–251 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 249–251 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 88, mardi 28 mars 1820, p. 400ab [=M] ; Archives parlementaires, t. XXVI, pp. 729–730. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 243–244. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, mardi 28 mars 1820, p. 1035ab ; Journal des de´bats, mardi 28 mars 1820, pp. 1b–2a ; Le Constitutionnel, no 88, mardi 28 mars 1820, p. 1a ; La Quotidienne, no 88, mardi 28 mars 1820, p. 2a ; L’Inde´pendant, no 323, mardi 28 mars 1820, p. 1a ; Gazette de France, no 88, mardi 28 mars 1820, p. 346b.

7–10 Les e´crits pe´riodiques paraissent ... par livraison ] membre de phrase en italique M 400a-b 16–17 (Les ministres s’y opposent.) ] M. le ministre des affaires e´trange`res, de sa place. Les ministres s’opposent tre`s-certainement a` l’admission de l’amendement, et j’ai l’honneur de vous prier de de´velopper votre amendement ... (Vive sensation.) M 400b 1 2 3

Apre`s l’examen habituel des pe´titions, la discussion reprend sur le projet de loi concernant les journaux. BC est le premier a` prendre la parole. L’e´dition Renouard des Œuvres comple`tes de Voltaire avait commence´ a` paraıˆtre en 1819 ; la publication sera acheve´e en 1823. Pasquier est intervenu au nom des ministres, affirmant que ces derniers rejetteraient l’amendement et priant son auteur de de´velopper son argumentation.

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effet attaquer toutes les liberte´s de la presse. Il est e´vident que, d’apre`s l’opposition des ministres, l’article peut s’appliquer a` tous les ouvrages qui paraıˆtraient par livraisons ; qu’ainsi les voyages du ce´le`bre Humboldt ne pourraient eˆtre publie´s par livraisons1. Je suis bien aise d’avoir provoque´ cette explication de MM. les ministres. Ainsi, c’est a` vous a` de´cider si les ministres replongeront une nation civilise´e dans toutes les te´ne`bres de la barbarie. Messieurs, j’ai compris le syste`me dirige´ contre les journaux ; je sais qu’a` leur e´gard l’autorite´ est toujours inquie`te ; mais je ne comprends pas le syste`me qui tendrait a` refuser aux e´diteurs la faculte´ de faire paraıˆtre des ouvrages par livraisons. Ce syste`me serait celui de l’inquisition. L’esprit et la lettre de la Charte s’y opposent e´galement. Dans un pays voisin, il y a quelques mois, de telles mesures auraient pu eˆtre exe´cute´es2, et je croirais presque que ses inquisiteurs, fuyant le pays soustrait a` leur domination, sont venus donner a` nos ministres des conseils aussi dangereux. Sous l’ancien re´gime, et a` toutes les e´poques de la re´volution, la liberte´ de la presse n’a jamais e´te´ dans une telle contrainte. C’est attenter a` toute espe`ce de disse´mination des lumie`res ; c’est un syste`me qui vous est arrive´ de l’e´tranger, qu’on a voulu cacher dans l’ombre, et que je suis heureux de de´voiler a` cette tribune. Non, Messieurs, vous n’adopterez pas un article destructif de toutes les liberte´s de la presse. Remarquez bien qu’il ne s’agit plus ici de la seule censure des journaux, mais qu’en repoussant mon amendement, apre`s l’opposition du ministe`re, vous e´tablissez la censure sur tous les ouvrages les plus propres a` re´pandre des lumie`res ; c’est la civilisation que vous e´touffez. Je persiste dans mon amendement.3

4 eˆtre publie´s par livraisons. ] apre`s ces mots (Des murmures s’e´le`vent). M 400b 6–7 de la barbarie. ] de la barbarie (nouveaux murmures). M 400b 7–8 je sais ... toujours inquie`te ] je sais que l’autorite´ est toujours inquie`te a` l’e´gard des journaux Discours 1827 I 250 10 de l’inquisition. ] de l’inquisition. (Murmures.) M 400b 18 de l’e´tranger ] d’un pays voisin Discours 1827 I 250 23–24 lumie`res ; c’est la civilisation que vous e´touffez. ] lumie`res, ainsi il ne s’agit plus des journaux, mais des lumie`res et de la civilisation. Discours 1827 I 251

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BC e´voque l’e´dition du Voyage aux re´gions e´quinoxiales du Nouveau Continent fait en 1799, 1800, 1801, 1802, 1803 et 1804, publie´ par Gide et fils en treize volumes de 1816 a` 1835. Au moment ou` parle BC, quatre volumes e´taient parus ; deux autres paraıˆtront dans l’anne´e. Nouvelle e´vocation de l’actualite´ la plus imme´diate en Espagne. Au terme d’une discussion tre`s anime´e, l’amendement de BC est rejete´ «a` une e´vidente majorite´» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 742). L’article 1er de la loi est ainsi vote´.

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[Intervention sur l’autorisation pre´alable des journaux]* Se´ance du 28 mars 18201

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Les journaux qui ont e´te´ e´tablis depuis la loi de 1819 n’ont pas eu besoin d’autorisation : ils ont e´te´ assujettis a` un cautionnement. Il en re´sulte que, si vous autorisez les journaux pre´existans par le texte de votre loi nouvelle, vous e´tablissez en leur faveur un monopole et un privile´ge. La loi a bien assez de vices sans cela ...

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E´tablissement du texte : Imprime´s: Le Moniteur universel, no 89, mercredi 29 mars 1820, p. 407c ; Archives parlementaires, t. XXVI, p. 752. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, mercredi 29 mars 1820, p. 1042c ; Journal des de´bats, mercredi 29 mars 1820, p. 2b ; Le Constitutionnel, no 89, mercredi 29 mars 1820, p. 4a ; La Quotidienne, no 89, mercredi 29 mars 1820, p. 2b ; L’Inde´pendant, no 324, mercredi 29 mars 1820, p. 1ab ; Gazette de France, no 89, mercredi 29 mars 1820, p. 350b.

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La discussion a repris, de´sormais sur l’article 2 de la loi stipulant que tout nouveau pe´riodique devait eˆtre agre´e´ par le roi, ceux qui existaient de´ja` devant seulement se conformer aux dispositions de la pre´sente loi. BC intervient spontane´ment pour appuyer l’intervention de son colle`gue Busson qui faisait observer que cet article de la loi introduirait une ine´galite´ entre les journaux de´ja` autorise´s et ceux qui devraient demander une autorisation. L’article 2 sera vote´ sans amendements.

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Sur un amendement tendant a` excepter de la censure le compte-rendu des discussions des chambres.* (Se´ance du 28 mars 1820.)1

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MESSIEURS, Un malheur particulier accompagne tous les amendemens qu’on vous propose ; on de´clare superflus ceux que l’expe´rience a de´montre´s les plus ne´cessaires ; des ministres viennent vous dire a` cette tribune le contraire des faits qui sont consigne´s dans vos registres, le contraire des faits qui se sont passe´s sous vos yeux; et quand on leur prouve que, par erreur sans doute, ils ont dit pre´cise´ment le contraire de ce que vous savez tous, de ce que la France entie`re sait, ils gardent le silence, et l’amendement, dont le but est de pre´venir ce qui s’est passe´, est rejete´. C’est peut-eˆtre aussi le sort de cet amendement. M. le ministre des affaires e´trange`res vient de prouver, par des raisonnemens, qu’il est impossible que des censeurs mutilent nos discours, qu’il est impossible que le ministe`re ose porter atteinte a` la liberte´ de la repre´sentation nationale. Cependant ce fait est arrive´ : deux de nos honorables colle`gues pourront attester que, par l’ordre d’un ministre, qui e´tait le colle`gue de M. le ministre des affaires e´trange`res, des discours ont e´te´ mutile´s ; et que ce ministre, car alors les ministres n’avaient pas pris le parti de ne re´pondre presque jamais, avait explique´ a` la Chambre les motifs qui l’avaient oblige´ a` faire mutiler le discours de M. Corbie`re2. *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 251–256 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 251–256 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 90, jeudi 30 mars 1820, pp. 409c–410a [=M] ; Archives parlementaires, t. XXVI, pp. 756–757. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 244–247. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, mercredi 29 mars 1820, p. 1043b ; Journal des de´bats, mercredi 29 mars 1820, p. 3ab ; Le Constitutionnel, no 89, mercredi 29 mars 1820, suppl., p. 5a ; La Quotidienne, no 89, mercredi 29 mars 1820, p. 3a ; L’Inde´pendant, no 324, mercredi 29 mars 1820, p. 2a ; Gazette de France, no 89, mercredi 29 mars 1820, p. 351b.

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La discussion s’est acce´le´re´e ; l’article 3 a e´te´ vote´ sans amendements ; c’est maintenant l’article 4 qui est discute´, stipulant qu’«avant la publication de toute feuille ou livraison, le manuscrit devra eˆtre soumis par le proprie´taire ou e´diteur responsable, a` un examen pre´alable». L’intervention de BC porte sur un amendement pre´sente´ par Savoye-Rollin visant a` exempter de toute censure le compte rendu des se´ances de la Chambre. BC re´pondait a` Pasquier qui venait de re´futer les arguments de Savoye-Rollin, l’auteur de l’amendement discute´. Il e´voque habilement la censure qui aurait e´te´ exerce´e contre le de´pute´ royaliste Corbie`re, probablement lors de la discussion, au de´but de l’anne´e 1817, sur le projet de loi sur les journaux pre´sente´ par Decazes (que BC est bien aise d’e´voquer comme colle`gue de Pasquier) sur la liberte´ de la presse (OCBC, Œuvres, t. X,

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Un autre fait est encore certain. Un journal a e´te´ supprime´ pour avoir inse´re´ le discours de M. Caumartin tout entier. Ce journal n’a pu reparaıˆtre que plusieurs jours apre`s1. Je demande s’il n’y a pas quelque chose de bizarre, que je ne veux pas qualifier, a` venir dire a` une assemble´e que ce qui s’est fait dans un temps ou`, certes, le gouvernement ne demandait pas plus l’arbitraire qu’aujourd’hui, ou` l’on regardait comme faˆcheuse l’e´poque ou` il y avait eu beaucoup d’arrestations, ou` l’on e´tait ramene´ a` un syste`me d’adoucissement, ne peut eˆtre fait, aujourd’hui que le ministe`re, appuye´ sur la confiance qu’il s’accorde (On rit), je dis sur la confiance qu’il de´sire et qu’il demande, vient nous dire : Nous voulons l’arbitraire, afin de disposer a` notre gre´ de la liberte´ des citoyens, et la censure pour de´truire la liberte´ de la presse. Et, malgre´ cela, nous serions plus confians en ce ministe`re qu’en celui qui marchait alors dans des voies de re´paration ? Non, Messieurs, vous ne le croirez pas. M. le ministre des affaires e´trange`res nous a dit que la loi du 17 mai autorisait le compte de nos se´ances rendu de bonne foi2. Il a ajoute´ que les censeurs seraient oblige´s de les recevoir de confiance. Il paraıˆt que dans cette loi tout est de confiance, le ministe`re et les censeurs ; mais s’ils y voient une disposition dangereuse, ne voudront-ils pas la censurer ? On met alors nos se´ances a` la merci des censeurs. Ces censeurs sont, pour la plupart, des gens de lettres attache´s surtout au ministe`re de la police et a` la pre´fecture de police. Voila` quels seront ceux qui jugeront tout ce que vous dites a` la nation, tout ce que vous prononcez a` cette tribune dans l’inte´reˆt de la nation ! En ve´rite´, c’est une de´rision ; il est impossible que vous y consentiez.

11 nous dire : Nous ] nous dire, nous Discours 1827 I 253 ration : non Discours 1827 I 253

14 re´paration ? Non ] re´pa-

pp. 430–440). BC pense peut-eˆtre aux paroles de Ville`le dans la se´ance du 27 janvier 1817 : «J’ai tenu dans mes mains en 1815 l’e´preuve d’un journal dans lequel la re´ponse faite au ministre par mon honorable colle`gue M. Corbie`res, comme rapporteur de la commission du budget, avait e´te´ efface´e par le censeur, dans la partie qui tendait a` laver la commission d’une inculpation grave dirige´e contre elle.» (Archives parlementaires, t. XVIII, p. 340). On se rappelle par ailleurs la protestation ve´he´mente de BC prononce´e le 1er mars contre une omission significative au proce`s-verbal de la Chambre (ci-dessus, pp. 385–387).

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On n’a pas re´ussi a` retrouver l’e´pisode e´voque´ ici par BC. La loi du 17 mai 1819, aˆprement discute´e et conteste´e par les libe´raux lors de la session pre´ce´dente (ci-dessus, pp. 79–178).

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M. le ministre vous a dit que nous serions toujours a` meˆme de demander a` cette tribune des re´parations Je vous demande, Messieurs, si ces re´parations ne seraient pas illusoires. Il est possible que l’assemble´e nous accorde la parole pour dire qu’on a mutile´ nos opinions, mais si le ministe`re ne veut pas re´pondre, s’il se renferme dans un superbe silence, a` quoi nous servira d’avoir re´clame´, si l’on supprime nos re´clamations ? Dans un ministe`re, dont M. le ministre des affaires e´trange`res e´tait membre, on de´fendait aux journaux de dire qu’une suppression avait e´te´ ordonne´e ; on ne permettait pas de faire mention de la lettre par laquelle on avait de´fendu l’insertion d’un article1. Ainsi, nous ne pourrons pas meˆme faire connaıˆtre a` la France que nos opinions ont e´te´ mutile´es : il est clair que nous serons comple´tement a` la merci des ministres. Je crois que successivement tous les partis s’en plaindront ; car s’il y a des partis qui croient que l’arbitraire peut leur servir, ils oublient que la possession de l’arbitraire a son terme, et que si l’on nous habitue a` supporter l’arbitraire, il passera de main en main; et ceux qui aujourd’hui se montrent de ze´le´s auxiliaires, d’habiles constructeurs de l’arbitraire, pourront, comme on l’a fait nague`re, s’en plaindre a` leur tour ; ils pourront eˆtre tout e´tonne´s que les chaıˆnes qu’ils ont forge´es leur soient impose´es a` eux-meˆmes. (Mouvement d’approbation a` gauche.) Pour moi, Messieurs, je ne veux d’arbitraire pour personne, et je trouve que c’est un de´plorable de´lire de vouloir l’organiser dans un but, quand on est a` peu pre`s suˆr que toˆt ou tard on en sera victime. M. le ministre des affaires e´trange`res vous a dit, qu’il faudrait supposer le ministe`re insense´, pour croire qu’il puˆt faire tronquer nos se´ances. Eh ! Messieurs, quand la France s’attache si fortement a` ses institutions, et qu’on voit le ministe`re les de´molir successivement sous de vains pre´textes ; quand la France est menace´e de perdre a` jamais ses institutions, et qu’on laisse ces craintes fermenter dans toutes les imaginations, d’un bout du royaume a` l’autre, et qu’on ne fait rien pour rassurer ceux qui sont alarme´s ; quand le ministe`re se pre´sente en un jour avec trois lois qui forment une organisation comple`te de tyrannie, non pas aussi fe´roce, aussi sanguinaire en fait, mais aussi comple`te en droit, que celles qui ont existe´ a` quelque e´poque de la 14 ils oublient ] il faudrait oublier M 409c 16 de ze´le´s ] des ze´le´s Discours 1827 I 254 18 pourront eˆtre ] pourront bien eˆtre Discours 1827 I 254 21 je ne veux d’arbitraire pour personne, ] je voudrais que personne ne fuˆt victime de l’arbitraire, Discours 1827 I 254 30–31 quand le ministe`re ] que le ministe`re M 409c 1

Pasquier avait e´te´ ministre de la Justice et de l’Inte´rieur sous le gouvernement de Talleyrand (juillet-septembre 1815), puis ministre de la Justice sous le premier gouvernement de Richelieu (de janvier 1817 a` de´cembre 1818).

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re´volution que ce soit, meˆme a` celle de la loi du 17 septembre sur les suspects1 (car elle n’e´tait pas plus mauvaise que celle que vous avez rendue dernie`rement), n’y a-t-il pas de´lire ? Avant que ces lois ne fussent pre´sente´es, vous n’auriez pas voulu y croire ; vous auriez dit : Non, le ministe`re ne sera pas assez insense´ pour les proposer. Eh bien ! tout cela est arrive´, cela arrive encore, malgre´ la voix des hommes qui ont bien me´rite´ de la liberte´ a` plusieurs e´poques, et dont il suffisait de citer les noms honorables pour rassurer l’opinion. Quand on voyait ces hommes appuyer les mesures du ministe`re, quoiqu’elles e´prouvassent beaucoup d’opposition, on croyait qu’il e´tait possible que le gouvernement euˆt raison ; mais aujourd’hui qu’ils l’abandonnent, la douleur dans le cœur, qu’ils viennent rompre des liens qui leur e´taient chers, et de´clarer que le ministe`re compromet la dynastie en perdant la liberte´, le ministe`re persiste dans ses projets, appuye´ par quatre ou cinq voix, et foule aux pieds l’opinion publique, celle de ses amis, viole enfin la Charte tout entie`re. Et ce ministe`re viendra nous dire qu’il faut s’en remettre a` sa raison, qu’il n’abusera pas de la loi. Qui pourrait l’en croire ? C’est l’abandonner qu’il faut ; et ni dans cette circonstance, ni dans aucune autre, vous ne pouvez vous fier a` lui. J’appuie de toutes mes forces l’amendement.

2–3 (car elle n’e´tait pas ... dernie`rement), n’y a-t-il pas de´lire ? Avant ] car elle n’e´tait pas ... dernie`rement (Violens murmures). Avant M 409c 9 on croyait ] on pensait Discours 1827 I 255 15 la Charte tout entie`re. ] la Charte tout entie`re (Des murmures s’e´le`vent ... A gauche : Oui, oui, c’est vrai). M 409c 16 Et ce ministe`re viendra ] Ce ministre viendra M 409c 17–19 Qui pourrait ... vous fier a` lui. ] mais il ne m’inspire pas assez de confiance pour cela. Ce que je puis faire de mieux, c’est de croire qu’on a raison de l’abandonner, et je soutiens que dans cette circonstance et dans aucune autre vous ne pouvez vous en remettre a` lui. M 410a

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BC use encore une fois de cette tactique exe´cre´e par la droite qui consistait a` identifier les pratiques de celle-ci avec celles des conventionnels de 1793.

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Amendement tendant a` laisser aux personnes calomnie´es la faculte´ de se de´fendre malgre´ la censure.* (Meˆme se´ance [du 28 mars 1820].)1

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MESSIEURS, Si l’e´vidence ne m’avait pas prouve´ qu’il faut souvent de´montrer des choses que personne ne conteste, ou bien que des choses qui n’e´taient pas nie´es et qui avaient l’air d’eˆtre consenties, ont cependant e´te´ rejete´es, je n’aurais pas fatigue´ la Chambre du de´veloppement d’un amendement dont la ne´cessite´ est e´vidente, et que je de´fie MM. les ministres de contester, a` moins qu’ils ne veulent faire de la loi un monopole d’injures et de calomnies. (On demande le rappel a` l’ordre.) Je n’ai pas dit qu’ils le feraient, j’ai dit que, s’ils contestaient l’amendement, nous pourrions en tirer cette conclusion. Je demande la permission de faire observer aux membres de cette Chambre, qui font un usage fre´quent de la demande de rappel a` l’ordre, qu’ils devraient bien se rappeler cette circonstance ou` ils ont fait rappeler a` l’ordre un membre, quoique le fait qu’il avait avance´ fuˆt vrai ; ce membre e´tait M. Voyer-d’Argenson, qui a cite´ des faits qui malheureusement n’ont e´te´ que trop vrais, et qui ont e´te´ avoue´s a` cette tribune .... (Nouvelle interruption2.) *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 256–260 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 256–260 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 90, jeudi 30 mars 1820, pp. 411c–412a [=M] ; Archives parlementaires, t. XXVI, pp. 763–764. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 248–250. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, mercredi 29 mars 1820, p. 1044c ; Journal des de´bats, mercredi 29 mars 1820, p. 4b ; Le Constitutionnel, no 89, mercredi 29 mars 1820, suppl., p. 6ab ; La Quotidienne, no 89, mercredi 29 mars 1820, p. 4a ; L’Inde´pendant, no 324, mercredi 29 mars 1820, p. 3a ; Gazette de France, no 89, mercredi 29 mars 1820, p. 352b.

12 (On demande le rappel a` l’ordre.) ] (De violents murmures s’e´le`vent au centre et a` droite. On demande le rappel a` l’ordre.) M 411c 1

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Constatant qu’elle ne pourra pas empeˆcher le vote de la loi, l’opposition a choisi de multiplier les propositions d’amendements pour retarder ce vote et faire re´sonner les de´bats le plus amplement possible dans l’opinion publique. L’article 4, pourtant vote´, fait encore l’objet de tre`s vives discussions ; dans un e´tat de tension extreˆme a` la suite d’un vote conteste´ sur un amendement propose´ par Sapey, le pre´sident a beaucoup de peine a` re´tablir le calme pour permettre a` BC de de´velopper son amendement. Lors de la discussion a` la Chambre sur le projet de loi sur la de´tention des pre´venus d’attentats politiques, le 23 octobre 1815, Voyer d’Argenson avait suscite´ l’ire de la majorite´ ultra en e´voquant les massacres de protestants dans le Midi (Archives parlemen-

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(M. LE PRE´ SIDENT. Je rappelle a` la Chambre qu’il n’est pas permis d’interrompre l’orateur.) La censure a e´te´ funeste a` tous les partis, a` tous les individus. Ceux qui prenaient quelque part aux affaires publiques ont re´clame´ contre l’abus que le pouvoir d’alors faisait des journaux. M. de Chaˆteaubriant a publie´ plusieurs fois des re´clamations tre`s importantes, et jamais il n’en a pu faire admettre aucune dans les journaux, tandis que le ministe`re y faisait inse´rer les articles les plus injurieux contre cet e´crivain, dont il est impossible de contester et l’e´loquence et le talent, quand bien meˆme on serait le plus e´loigne´ de partager ses opinions politiques1. J’ai cite´ un autre fait que M. Sappey vient de rappeler, et comme c’est un des faits principaux qui m’ont de´termine´ a` proposer mon amendement, je suis oblige´ de le reproduire. M. le ge´ne´ral Canuel n’a jamais pu se de´fendre contre les invectives inse´re´es dans le Journal des De´bats, pendant qu’il e´tait arreˆte´ ! Il a fait tout ce qu’il a pu, soit pour avoir justice de cet outrage, soit pour faire inse´rer dans un journal sa justification ; il ne l’a jamais pu2. Si vous re´fle´chissez maintenant que vous donnez au ministe`re le droit de choisir des censeurs, qu’il pourra les prendre parmi ses cre´atures, ses prote´ge´s, ses salarie´s, vous sentirez que ce ne sont pas du tout les censeurs, mais les ministres qui doivent eˆtre responsables de tout ce que les journaux diront d’injurieux. Certes, c’est pour le ministe`re une bien petite peine de s’abstenir de l’injure, quand il a commande´ le silence : c’est bien le moins 6–7 faire admettre ] faire inse´rer Discours 1827 I 257 20–21 ce que les journaux diront d’injurieux ] ce qu’ils feraient inse´rer d’injurieux dans les journaux Discours 1827 I 258

taires, t. XV, p. 99). Peu avant, des troubles avaient e´clate´ a` Nıˆmes (voir OCBC, Œuvres, t. XV, p. 701, et L. Gwynn, «La Terreur blanche», p. 181). Le de´pute´ avait en effet essuye´ un rappel a` l’ordre, alors que les faits qu’il avanc¸ait e´taient ave´re´s et meˆme de´plore´s par le roi lui-meˆme (voir Me´moires du chancelier Pasquier, t. IV, pp. 9–10, et Archives parlementaires, t. XV, p. 99).

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Depuis De la Monarchie selon la Charte (1816), puis dans ses interventions a` la Chambre des pairs comme dans des articles publie´s dans Le Conservateur, Chateaubriand s’e´tait souvent prononce´ contre la censure. Il avait e´te´ re´gulie`rement attaque´ pour ses opinions dans les journaux controˆle´s par le gouvernement, notamment par Decazes ; au moment ou` BC l’e´voque, Chateaubriand e´tait sur le point de revenir en graˆce aupre`s du roi (J.-C. Berchet, Chateaubriand, Paris : Gallimard, 2012, pp. 578–635). BC a beau jeu de s’appuyer sur l’exemple d’un des repre´sentants les plus e´minents du camp royaliste. En proposant son amendement qui avait tant remue´ l’assemble´e, Sapey venait de rappeler l’exemple du ge´ne´ral Canuel que BC avait de´ja` mis en avant dans son intervention du 23 mars (ci-dessus, pp. 461–473).

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de ne pas invectiver des hommes qu’on aura baˆillonne´s ; et si l’expe´rience ne m’avait pas prouve´ que le contraire e´tait possible, je n’aurais jamais pu le soupc¸onner. Je ne vois donc pas de raisons qui puissent engager le ministe`re a` repousser un article de loi, dont il ne pourra jamais, s’il le veut, encourir la rigueur. La responsabilite´ des articles injurieux, inse´re´s dans les journaux, doit retomber sur le ministe`re, et non sur les censeurs ; car, ces censeurs, pris parmi les employe´s du ministe`re, parmi ces hommes qui se pressent toujours a` la suite du pouvoir, et qui e´crivent tout ce qu’il veut, pourvu qu’on les salarie, on ne les soupc¸onnera certainement pas d’inde´pendance ; et si le ministe`re leur dit de ne pas attaquer tel ou tel individu, je ne vois pas comment on peut craindre qu’ils ne les attaquent. Je sais bien que cela obligera les ministres a` une re´serve qui peut leur eˆtre incommode ; que s’il leur e´chappe des choses faˆcheuses contre un individu qui sera dans l’opposition, ils auront peur que quelque ami trop ze´le´, que quelque serviteur trop diligent, n’aille transmettre aux journaux, dont ils se sont re´serve´ le monopole, ces choses faˆcheuses e´chappe´es a` l’impatience ministe´rielle ; mais quand on prend les be´ne´fices, il faut supporter les charges. Quoi ! nous ne pourrons pas dire dans les journaux un mot que vous ne mutiliez, et vous ne voudriez pas consentir a` ne pas frapper des hommes que vous aurez de´sarme´s et garotte´s ! Je ne ferai pas aux ministres l’injure de croire qu’ils voudraient se re´server le privile´ge de l’attaque, contre des hommes qu’ils ont volontairement prive´s du droit de de´fense. Dans cette discussion, j’ai l’avantage, Messieurs, le triste avantage de ne jamais marcher qu’appuye´ sur des faits. Vous vous souvenez tous des e´lections qui ont eu lieu, lorsque les journaux e´taient censure´s. Vous devez avoir tous pre´sentes a` la me´moire les inconcevables invectives que ces journaux censure´s renfermaient contre les candidats qui avaient le malheur de ne pas plaire aux ministres. Je pourrais citer des e´lections ou` un ministre s’est trouve´ en concurrence avec tel ou tel candidat ; celui-ci se voyait chaque jour expose´ aux accusations les plus virulentes, dans les journaux censure´s par le ministe`re ; je ne dis pas par ce ministre. Malgre´ ce que nous a dit hier un membre, qu’il valait mieux que les e´lections fussent sous l’influence du gouvernement que sous celle d’un parti1, vous conviendrez que c’est livrer 2 je n’aurais ] certes je n’aurais Discours 1827 I 258 4 un article de loi, dont ] un article dont M 411c 9 tout ce qu’il veut ] tout ce qu’on voudra Discours 1827 I 258 19 ne pourrons pas dire ] ne pourrons plus dire M 411c 21 aurez de´sarme´s ] avez de´sarme´s Discours 1827 I 259 23 prive´s du droit de de´fense. ] rendus sans de´fense. M 411c 24 le triste avantage ] ou le malheur Discours 1827 I 259 27 tous pre´sentes a` la me´moire ] tous pre´sens a` la me´moire M 411c 1

Dans son intervention, la veille, Chauvelin avait vertement critique´ ceux qui pre´fe´raient l’influence ministe´rielle a` celle des journaux (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 743). Pour ce qui regarde le ministre e´voque´, BC fait peut-eˆtre allusion aux e´lections de septembre 1817 ou` il avait lui-meˆme e´te´ battu par Pasquier, alors ministre de la Justice (voir OCBC, Œuvres, t. X,2, p. 845).

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toutes les re´putations aux ministres, c’est leur permettre de fle´trir les hommes en qui des e´lecteurs vraiment franc¸ais auraient pu placer leur confiance. C’est causer la ruine et le de´sespoir des hommes ainsi fle´tris. Apre`s tous les pouvoirs que vous avez donne´s au ministe`re, il ne reste plus qu’a` lui accorder encore celui-la`, pour faire de notre gouvernement le plus despotique qui puisse exister ; car un gouvernement est d’autant plus despotique, qu’il a plus les formes de la liberte´, et que, dans la re´alite´, cette liberte´ n’existe pas. Malheur au pays ou` l’on voit le ministe`re dans la minorite´ de la nation ! Il ne faut pas laisser aux ministres des moyens propres a` ramener cette e´poque de´sastreuse. Comme les ministres peuvent e´viter tous les inconve´niens qui re´sulteraient, pour eux, de mon amendement, et qu’il de´pend d’eux qu’aucun individu ne soit attaque´ dans les journaux censure´s, je ne crois pas qu’il y ait des motifs pour rejeter cet amendement ; car nous ne demandons pas le libre privile´ge de la de´fense, mais seulement a` n’eˆtre pas frappe´s, de´shonore´s, quand on nous a lie´ les pieds et les mains, quand on nous a mis a` la discre´tion du ministe`re. Je demande donc, qu’a` la mesure en vertu de laquelle on peut mettre nos personnes dans les cachots, vous ne joigniez pas celle qui mettrait nos re´putations a` la merci des ministres. Je persiste dans mon amendement. (L’amendement est vivement appuye´ a` gauche.)1

9 la minorite´ de la nation ! ] la minorite´. M 412a 11 inconve´niens ] moyens M 412a 20 a` la merci des ministres. ] a` la merci des ministres, qui pourraient bien encore renouveler ce qui s’est fait contre leurs ennemis et leurs concurrens. M 412a

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Imme´diatement mis aux voix, l’amendement est rejete´.

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Sur un amendement tendant a` refuser aux tribunaux le droit d’aggraver les peines pour le simple fait de la publication d’un article raye´ par la censure.* (Se´ance du 29 mars 1820.)1

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MESSIEURS, Il est clair que la question se re´duit a` des termes bien simples. Dans la publication d’un article non communique´ ou non approuve´, il y a le de´lit de publication contre la loi censoriale que vous allez faire ; il peut y avoir un autre de´lit qui re´sulterait du contenu de l’article. Il est clair aussi que la premie`re condamnation ne peut jamais avoir lieu que pour la simple publication de l’article non communique´. Si au tribunal, qui jugera correctionnellement ce de´lit, et qui est toujours le meˆme dans toutes les circonstances, vous donnez la faculte´ de prononcer des peines diffe´rentes, vous lui accordez gratuitement, sans aucun motif quelconque, un pouvoir arbitraire, qui s’introduit la` je ne sais comment. On serait tente´ de croire que c’est une distraction d’arbitraire venue de l’habitude. (On rit.) Il n’existe pas, dans le fait de publication, plus ou moins de culpabilite´ ; comment voulez-vous qu’un tribunal puisse graduer des peines pour un de´lit qui est ne´cessairement le meˆme ? Je ne verrais la`-dedans que le de´sir de faire peser des peines plus graves, suivant la qualite´ et les opinions des personnes. Si tel journal favorise´ par le tribunal ou par un parti qu’il se croirait inte´resse´ a` me´nager, avait eu l’indiscre´tion de publier un article non censure´, alors le minimum de la peine serait applique´ ; si, au contraire, cela arrivait a` un journal qui aurait le malheur de leur eˆtre odieux, pour avoir de´fendu des institutions que nous avons e´te´ accoutume´s a` che´rir, et que *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 261–263 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 261–263 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 90, jeudi 30 mars 1820, p. 414b [=M] ; Archives parlementaires, t. XXVI, pp. 773–774. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 251–252. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, jeudi 30 mars 1820, p. 3ab ; Le Constitutionnel, no 90, jeudi 30 mars 1820, p. 2a ; La Quotidienne, no 90, jeudi 30 mars 1820, p. 4a ; L’Inde´pendant, no 325, jeudi 30 mars 1820, p. 2a ; Gazette de France, no 90, jeudi 30 mars 1820, p. 355b.

12 et qui est toujours ] qui est toujours M 414b 13 circonstances, vous donnez ] circonstances ; si vous donnez M 414b 23 non censure´ ] non communique´ Discours 1827 I 262 1

La discussion porte maintenant sur l’article 5 dont le pre´sident a donne´ lecture ; Daunou a propose´ un amendement que BC vient imme´diatement soutenir.

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nous avons e´te´ encourage´s a` che´rir par ceux meˆmes qui les attaquent aujourd’hui, alors viendrait le maximum de la peine ; mais je ne crois pas que vous puissiez consacrer cette the´orie de l’arbitraire pour un de´lit toujours identique. Puisque je suis a` cette tribune, je ferai une autre observation sur le vice de l’article1. Mon honorable colle`gue a e´te´ trop loin dans une concession qu’il a faite. Il ne m’est pas prouve´ que le de´lit sera ne´cessairement soumis au jugement par jury. La loi pe´nale a e´tabli des faits pour lesquels on est passible du jugement par jury. Le fait de publication d’articles non communique´s a` la censure, n’a pu eˆtre mis au nombre de ces faits, puisqu’il n’existait pas alors de censure. Je crois que le gouvernement pourra soustraire les citoyens au jugement par jury. C’est un vice dans la loi, et le ministe`re pourrait eˆtre fort embarrasse´, lorsqu’un e´crivain se sera rendu coupable des infractions dont il est question, s’il venait a` re´clamer le jugement par jury. Je reviens a` l’amendement. Je soutiens qu’il n’est pas ne´cessaire de laisser au juge la faculte´ de graduer la peine, puisque le de´lit est toujours le meˆme, et que le cas de re´cidive est pre´vu. C’est donc ici un luxe d’arbitraire ; j’espe`re que la Chambre en fera justice, en adoptant l’amendement.2

6 Mon honorable ] Je crois que mon honorable Discours 1827 I 262 11 pourra ] ne peut M 414b 19–20 l’amendement. ] l’amendement de mon honorable colle`gue. M 414b.

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L’article 5 pre´cise les peines encourues par le responsable ou l’e´diteur d’une publication qui n’aurait pas e´te´ soumise au censeur (un mois d’emprisonnement, 200 a` 1200 francs d’amende). Daunou avait releve´ les impre´cisions dans la formulation de l’article que BC va imme´diatement pointer en pre´cisant davantage la nature et les conse´quences possibles des de´fauts releve´s dans le texte de loi. L’amendement Daunou est rejete´ et l’article 5 adopte´.

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Amendement tendant a` libe´rer de toutes poursuites l’auteur d’un article approuve´ par la censure.* (Meˆme se´ance [du 29 mars 1820].)1

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MESSIEURS, Je sais qu’on nous accuse, mes honorables amis et moi, de multiplier les amendemens, bien que nous connaissions d’avance leur inutilite´, dans le seul but d’entraver la discussion, et de retarder l’adoption des lois. Il ne m’appartient de re´pondre a` ce reproche que pour ce qui me regarde personnellement, et je conviendrai que le motif que l’on voudrait m’imputer a` crime est, non pas le seul, mais un de ceux qui ont dirige´ ma conduite. Les opinions sont libres, Messieurs ; j’ai le droit d’avoir la mienne, et je suis envoye´ ici pour le dire. Je crois les lois qui sont pre´sente´es a` notre adoption, de´testables, aussi de´testables qu’aucunes de celles qui ont e´te´ faites a` aucune e´poque de la re´volution. Je les crois plus mauvaises, beaucoup plus mauvaises que celles dont le ministe`re de 18172 s’est fait un me´rite de nous de´livrer graduellement. Je crois que la promulgation de ces lois de´truira en un instant tout le bien qui s’e´tait ope´re´ dans l’opinion depuis le 5 septembre3 ; et j’entends par ce bien ope´re´ dans l’opinion, l’attachement croissant du peuple a` ses institutions constitutionnelles, et au gouvernement qu’il croyait dans l’intention de les maintenir. Il est donc bien simple, bien excusable, bien le´gitime en moi de chercher, par tous les moyens en ma *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 263–274 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 263–274 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 91, vendredi 31 mars 1820, p. 415ac [=M] ; Archives parlementaires, t. XXVI, pp. 774–777. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 252–260. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, jeudi 30 mars 1820, pp. 1042c–1047c ; Journal des de´bats, jeudi 30 mars 1820, pp. 3b–4a ; Le Constitutionnel, no 90, jeudi 30 mars 1820, pp. 2a–3a ; L’Inde´pendant, no 325, jeudi 30 mars 1820, pp. 2a–3a ; Gazette de France, no 90, jeudi 30 mars 1820, p. 355b.

12 pour le dire ] pour la dire M 415a 1

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Imme´diatement apre`s l’adoption de l’article 5. Le pre´sident donne la parole a` BC «pour de´velopper un amendement portant qu’un article censure´ ne pourra donner lieu a` des poursuites contre son auteur» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 774). De fait, l’orateur profitera de l’occasion particulie`re pour prononcer l’un de ses discours les plus pe´remptoires, a` la porte´e politique beaucoup plus ge´ne´rale. Le premier ministe`re Richelieu. C’est-a`-dire depuis la dissolution par le roi de la «Chambre introuvable», le 5 septembre 1816.

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puissance, a` retarder un moment que je regarde comme funeste au repos de mon pays, a` l’e´tablissement d’une liberte´ que je me flattais de voir assure´e, a` la stabilite´ du troˆne que je de´sire voir inse´parable de la liberte´, enfin, au bien-eˆtre prive´, a` la se´curite´ domestique de tous mes concitoyens. Eh ! Messieurs, quand je n’aurais retarde´ que d’une nuit l’adoption de la loi de suspicion et de de´tention arbitraire, n’aurais-je pas duˆ me fe´liciter de ce que, pendant une nuit de plus, les Franc¸ais auraient pu dormir tranquilles sans avoir, a` chaque bruit qui euˆt frappe´ leurs oreilles, la pense´e qu’un de´lateur inconnu les a de´signe´s au pouvoir discre´tionnaire, qui peut les plonger dans les cachots. Et si, maintenant, je parvenais a` faire ajourner d’un jour la loi qui tuera la manifestation de la pense´e, et qui e´touffera les re´clamations des opprime´s, ne devrais-je pas me trouver heureux d’avoir laisse´, durant vingtquatre heures de plus, une chance a` la ve´rite´ pour se faire connaıˆtre, pour se glisser peut-eˆtre aux pieds du troˆne, et pour l’e´clairer sur le syste`me ministe´riel qui tend a` perdre et le troˆne et la nation. (Vive sensation a` gauche.) J’accepte donc, pour ma part, l’accusation que l’on croit si propre a` de´cre´diter nos derniers efforts : dans la situation de´sespe´re´e dans laquelle me semblent place´es la liberte´ et la France, gagner du temps, gagner un peu de temps est beaucoup ; car, lorsque le monarque et le peuple n’ont qu’un inte´reˆt ; ceux qui veulent leur faire illusion sur cet inte´reˆt, n’y peuvent re´ussir qu’a` la faveur des te´ne`bres factices dont ils les entourent ; et ces te´ne`bres peuvent se dissiper d’un instant a` l’autre. Cependant, le motif que j’avoue ici avec franchise, n’est pas le seul qui me de´termine. Les amendemens que nous proposons, Messieurs, sont sans re´sultat positif, je le sais ; mais ils nous font pe´ne´trer dans le labyrinthe du syste`me dont on se flattait de ne nous offrir que les contours exte´rieurs. Le rejet de chacun des amendemens est une re´ve´lation pour nous et pour la France. Sans un de ces amendemens, aurions-nous su, qu’en vertu de la loi pre´ce´dente, sur la liberte´ indivi duelle, on pre´tendrait se´parer a` discre´tion les de´tenus de leurs familles, leur refuser des adoucissemens que l’ancien re´gime, le despotisme impe´rial et le gouvernement absolu d’Autriche n’osaient leur refuser. Sans un autre amendement, aurions-nous su que les de´tenus seraient de´nue´s de tous de´fenseurs ? Sans un troisie`me, que si leur de´tention les ruinait, ou si leur pauvrete´ ante´rieure les privait des moyens de se nourrir au fond des cachots, on leur refuserait les secours alimentaires que le gouver-

7–8 tranquilles sans avoir ] tranquilles (Murmures a` droite) sans avoir M 415a 10 dans les cachots. ] dans les cachots ? M 415a 33 leur refuser. ] leur refuser ? M 415b

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nement de Louis XV accordait a` ses prisonniers d’Etat ? Aurions-nous su, sans un quatrie`me amendement, que les de´tenus, dans leur de´sespoir ou leur agonie, n’obtiendraient pas meˆme les secours de cette religion qu’on veut, dit-on, re´tablir, et dont les ze´le´s de´fenseurs ont dispute´ a` des captifs les consolations ; car c’est disputer a` des hommes les consolations religieuses, que les condamner a` ne les recevoir que par l’entremise de preˆtres e´trangers a` leur croyance. (Nouveau mouvement a` gauche ... Vive agitation dans le reste de la salle.) Il en est de meˆme de la loi que nous discutons maintenant ; c’est un amendement qui nous a appris que, lorsqu’un homme serait calomnie´ dans un journal censure´, lorsqu’il y serait accuse´ d’un de´lit ou d’un crime, il n’aurait pas le droit, meˆme en adoptant les formes judiciaires, en s’adjoignant la signature d’un conseil, de faire re´tablir dans le journal calomniateur la ve´rite´ outrage´e. C’est par un amendement que nous avons su que nos propres discussions seraient censure´es par des salarie´s a` 6 ou 1,200 francs ; que nos commettans perdraient le droit de savoir si nous de´fendons leurs inte´reˆts, si nous remplissons leur mandat a` cette tribune. C’est par un amendement qu’il nous a e´te´ re´ve´le´ que les machinations tendant a` introduire des troupes e´trange`res au sein de la France, a` porter atteinte a` la liberte´ des cultes, a` attaquer les biens nationaux, ne pourraient pas, si, dans l’avenir un ministe`re favorisait ces coupables manœuvres, eˆtre porte´es a` la connaissance du prince ou du public. Messieurs, ces de´couvertes sont pre´cieuses ; et l’on doit savoir gre´ aux auteurs des amendemens qui nous les ont procure´es. Celui que je prends la liberte´ de vous proposer, et qui sera rejete´ comme les autres, probablement sans qu’on daigne le discuter, aura cet avantage que son rejet prouvera que ce n’est pas uniquement pour re´primer la licence des journaux qu’on veut la censure, mais pour entourer les journaux, meˆme innocens, de tant de dangers et de tant d’obstacles, qu’on parvienne a` fatiguer les hommes qui ne sont pas doue´s d’une persistance a` toute e´preuve, sauf a` frapper ensuite du pouvoir discre´tionnaire ceux qui montreraient plus de te´nacite´. En effet, quel est le but avoue´ de la censure ? De confier a` des hommes en qui le gouvernement a confiance l’examen de tous les articles destine´s aux journaux, de manie`re a` ce qu’aucun article ne paraisse qui puisse e´branler les principes que le gouvernement veut maintenir. Or, il est clair que lorsqu’un auteur, soumis a` la volonte´ de l’autorite´, porte au censeur nomme´ par elle le fait ou l’opinion qu’il de´sire publier, c’est a` ce dernier a` examiner si ce fait ou cette opinion ont des inconve´niens de doctrine ou de circonstance. L’auteur n’est pas libre de choisir pour juger son e´crit

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l’homme dans les lumie`res duquel il a le plus de confiance : le censeur lui est impose´. N’est-il pas souverainement injuste de lui faire porter la peine de l’incapacite´, de l’ineptie, du de´faut de tact de ce juge qu’il n’a pas choisi ? Que pouvait-il faire de plus que ce qu’il a fait ? N’est-ce pas aux ministres qui nomment les censeurs a` chercher dans leurs bureaux, dans leurs antichambres et dans leurs polices des instrumens qui re´pondent a` leurs vues ? Ils peuvent leur donner des instructions secre`tes ; ils peuvent les mettre dans la confidence de ce qu’ils veulent qui soit la ve´rite´ d’aujourd’hui, et de ce qui devra eˆtre la ve´rite´ de demain ; s’ils ne le font pas, faut-il en punir des e´crivains e´trangers a` tous leurs calculs, des e´crivains qui croiront peut-eˆtre avoir e´crit dans leur sens, mais qui se trouveront avoir e´crit contre, parce que dans la nuit ce sens aura change´1. Permettez-moi, Messieurs, de vous citer un exemple qui vous frappera. Il y a un an que les censeurs auraient refuse´ tout article tendant a` porter atteinte a` la loi des e´lections. Tel e´tait l’ordre du ministe`re d’alors, ministe`re compose´ de trois des membres qui sie´gent encore aujourd’hui dans l’administration de´cide´e a` de´truire cette loi d’e´lection de fond en comble2. Eh bien ! je suppose un e´crivain moins heureusement flexible ; je ne veux point meˆme lui preˆter des motifs bien releve´s ; il croit plaire aux ministres, en leur prouvant combien ils avaient raison ; il ne se doute pas que c’est leur faire a` pre´sent une injure mortelle. Il porte son article au censeur ; celui-ci, admis dans l’intimite´ de quelque prote´ge´ du secre´taire de quelques ministres, a recueilli quelques mots d’embarras ou d’impatience e´chappe´s au maıˆtre sur l’entreprise dans laquelle il s’est engage´. Le subalterne voit dans ces paroles plus qu’elles ne signifient : il s’imagine que, comme les ministres ont de´ja` varie´, ils varient une fois de plus ; la chose est possible, et la conjecture n’est pas criminelle. Il croit servir leurs vues secre`tes ; il permet au malheureux e´crivain de faire l’e´loge du ministre de l’an passe´, qui est encore le ministre d’aujourd’hui. 17 sie´gent encore aujourd’hui ] sie´gent aujourd’hui M 415b quelque ministre M 415b 1

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23 quelques ministres ]

BC revient, pour la de´velopper, sur une ide´e che`re a` l’opposition qui ne cessait de mettre en garde le pouvoir face a` l’ine´luctable e´volution des conditions politiques, selon laquelle les de´terminations d’aujourd’hui ne seraient pas force´ment les meˆmes demain ; c’est bien cette ide´e qui entretenait encore la flamme de l’opposition malgre´ la conscience bien claire de son impuissance du moment. BC vise sans doute Pasquier, Roy et de Serre, respectivement ministres des Affaires e´trange`res, des Finances et de la Justice, de´ja` membres du gouvernement Decazes. Mais en mars 1819 («Il y a un an ...»), c’e´tait le gouvernement Dessolles qui e´tait en place ou`, des ministres actuels, ne sie´geait que de Serre.

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L’e´crivain se repose sur la pe´ne´tration du censeur, homme conside´rable, qui apprend dans la domesticite´ ministe´rielle les secre`tes intentions du gouvernement. Il a rempli tous les devoirs que vous lui avez prescrits ; et c’est lui, c’est son journal, c’est sa proprie´te´, que vous puniriez de cette erreur commise dans une antichambre ou` il n’a jamais pe´ne´tre´ ! Cela serait, Messieurs, contre toute justice. (Nouveau mouvement.) Les censeurs sont des guides que vous donnez a` la pense´e de tous les Franc¸ais. L’autorite´ prend ces guides ou` elle veut. Le ministe`re n’est pas tellement de´pourvu de me´moire, que ses membres ne puissent se souvenir des hommes qui e´taient, sous un autre gouvernement, des agens de´voue´s et dociles. Il peut rappeler ces hommes a` son service, si toutefois ils en sont sortis : ce sera un acte de reconnaissance ; il est doux d’obliger d’anciens amis. Il a sous la main la matie`re censoriale. Mais quand il a fait son choix, quand les e´crivains s’y sont conforme´s, quand, humbles et soumis, ils suivent les guides auxquels l’autorite´ remet la direction de la chaıˆne, ils doivent eˆtre a` l’abri de toute poursuite. J’ai de´veloppe´ peut-eˆtre trop long-temps l’e´quite´ parfaite de mon amendement ; et je suis convaincu, mes chers colle`gues, qu’avant de le rejeter, vous l’aurez trouve´ parfaitement fonde´ en justice. Mais j’ai cru devoir vous en de´montrer la ne´cessite´ et la raison, parce que, dans la discussion du projet de loi de 1817 sur la presse, il a e´te´ conteste´ par M. le ministre des affaires e´trange`res, alors garde-des-sceaux1. Le venin cache´, a dit M. le ministre, peut n’eˆtre de´couvert qu’avec effort et contention d’esprit. Mais, Messieurs, d’abord ce venin cache´ n’est pas bien dangereux, s’il faut tant d’efforts pour le de´couvrir ; et les lecteurs des journaux, feuilles e´phe´me`res, qu’on parcourt a` la haˆte avec une attention bien le´ge`re, ne de´meˆleront certainement pas ce qu’un censeur, paye´ pour cela, et dont ce genre de de´couverte fait la seule gloire et le seul me´rite, n’aura pas remarque´. D’ailleurs, les censeurs sont la` pour se donner de la peine, pour faire des efforts, pour s’imposer de la contention d’esprit. C’est pour cela qu’on les salarie ; c’est leur me´tier, c’est la condition de leurs gages, c’est leur gagne-pain. Ou bien, MM. les ministres croiraient-ils que, par cela seul qu’on est choisi par eux pour de telles fonctions, on perd toute sagacite´, toute pe´ne´tration, toute perspicacite´ ? Un poe`te ancien a dit, il est vrai, que le jour ou` un homme libre est mis aux fers, la moitie´ de ses faculte´s l’abandonne ; et je conviens que le talent qui se de´grade cesse d’eˆtre du talent. Mais, pour eˆtre l’agent du 1

BC se re´fe`re aux propos tenus devant la Chambre par Pasquier, alors garde des Sceaux, lors de la se´ance du 17 novembre 1817 (Discours prononce´s dans les chambres le´gislatives par M. le baron Pasquier, chancelier de France. 1814–1836, t. IV, Paris : Crapelet, 1842, pp. 313–340 – pour le passage en question, p. 322).

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pouvoir, et surtout du pouvoir discre´tionnaire, ce n’est pas du talent qu’il faut : il suffit d’avoir une certaine intelligence subalterne, que l’on trouve meˆme dans des cre´atures autres que les hommes, une certaine sagacite´ de police, qui est au moral ce qu’est au physique l’odorat. MM. les ministres trouveront facilement des censeurs doue´s de cette qualite´, la seule ne´cessaire. Ils les trouveront dans les gardes-meubles impe´riaux, qu’ils connaissent beaucoup mieux que vous et moi. Messieurs, si vous voulez que les e´crivains soient responsables, laissezles libres ; car la liberte´ est une condition essentielle de la responsabilite´. Si vous les enchaıˆnez, la responsabilite´ doit passer d’eux a` leurs geoliers, a` moins qu’ils ne se re´voltent. S’ils se soumettent a` vous demander la permission pour tout ce qu’ils doivent dire, vous ne pouvez les punir ensuite, s’ils ne disent pas autre chose que ce que vous aurez permis. Messieurs, cette discussion touche a` son terme. J’ai eu l’honneur de vous expliquer pourquoi les amendemens se sont multiplie´s, et quelle e´tait mon intention dans la plupart de ceux que j’ai propose´s. Cette intention, dans celui-ci, est de forcer MM. les ministres a` reconnaıˆtre, soit dans leurs re´ponses, soit par un silence qui sera aussi bien entendu qu’une re´ponse, que s’ils veulent que l’autorite´ puisse atteindre les e´crivains censure´s, c’est qu’ils veulent pouvoir frapper des innocens pour e´pouvanter tout le monde ; pour e´pouvanter tout le monde, dis-je, et pour faire taire tout le monde. C’est en effet, je le dis franchement, ce que le ministe`re me paraıˆt vouloir. Il n’est pas satisfait de n’avoir que des journaux esclaves ; il veut le moins de journaux possible. Il a dans les articles pre´ce´dens accumule´ les entraves ; en rejetant les amendemens, il accumulera les pe´rils. Messieurs, vous trouvez peut-eˆtre mes de´fiances exage´re´es et mes pronostics bien lugubres ; mais une longue et triste expe´rience nous apprend que, lorsque les gouvernemens prennent la route de l’arbitraire, ils ne s’arreˆtent plus. Leur intention n’est jamais d’abord que d’opprimer autant qu’il est ne´cessaire pour que leur volonte´ s’exe´cute ; mais ils rencontrent des oppositions, ils oppriment un peu davantage. Ces vexations nouvelles ame`nent des re´sistances plus fortes : l’oppression va croissant et arrive au comble. Ainsi s’organisent, malgre´ leurs auteurs, toutes les tyrannies : elles ont toutes, a` leur naissance, proteste´ de leur mode´ration ; elles ont toutes e´te´ entraıˆne´es a` l’abjurer ; elles sont venues, pour motiver cette abjuration, s’autoriser de pre´tendues malveillances, de soule`vemens vrais ou suppose´s, de conspirations re´elles ou pre´tendues. C’est la marche funeste et ine´vitable. 33 l’oppression va croissant ] l’oppression va croissante M 415c

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Amendement tendant a` libe´rer de toutes poursuites

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Or, Messieurs, comme je le disais hier, la tyrannie n’est dans le fait que par accident ; elle est tout entie`re dans le droit. Il y a tyrannie la` ou` il n’y a plus de liberte´ individuelle. Il y a tyrannie la` ou` il n’y a plus de liberte´ de la presse. Les murmures, les accusations, Messieurs, ne changent rien au fond des choses. Or, la tyrannie a toujours ses re´sultats. Ces re´sultats sont de deux espe`ces : ou l’abaˆtardissement, la stupeur, la de´gradation du peuple opprime´ ; alors ce peuple descend au dernier rang des nations. On vous a cite´ l’Espagne moderne, je vous citerai l’Espagne ancienne. Libre sous ses anciennes Corte`s, l’Espagne e´tait la reine du monde, l’arbitre du commerce, la souveraine des mers ; elle avait 30 millions d’habitans : le despotisme politique et les perse´cutions religieuses ont pese´ sur elle ; sa supre´matie a disparu, ses tre´sors se sont dissipe´s, ses flottes n’ont plus e´te´ redoutables ; et neuf millions d’habitans, pauvres et nus, ont erre´ sur son territoire a` peine cultive´. Puisse-t-elle aujourd’hui, que sa liberte´ renaıˆt, se relever glorieuse, et offrir un asile a` la liberte´ dont ses voisins sont de´pouille´s ! Cependant, cet abaˆtardissement des peuples n’est pas toujours le seul re´sultat de la tyrannie. Ici, Messieurs, j’entends des accusations. On prend des avertissemens pour des menaces, des craintes pour des de´sirs. He´las ! nous ne pre´parons pas ce qui pourra eˆtre, nous de´clarons ce qui est ; nous ne le de´clarerions pas que la chose serait la meˆme, et ce qui pourra eˆtre nous remplit d’inquie´tude ; car ce n’est pas nous, fide`les a` la monarchie constitutionnelle et satisfaits de la Charte, qui pourrions voir sans effroi, se rouvrir l’abıˆme des re´volutions. Messieurs, si le 31 de´cembre 1819, de bons citoyens, de loyaux Espagnols avaient entoure´ Ferdinand VII, et lui avaient expose´ respectueusement toutes leurs alarmes, avec quelle rage les inquisiteurs ne les auraient-ils pas de´nonce´s ? Combien de cachots se seraient ouverts ! Combien d’e´chafauds auraient puni cette franchise ! Eh bien, Messieurs, qui aurait eu raison1 ?

10 ses anciennes Corte`s ] ses anciens Corte`s M 415c

1

29 d’e´chafauds ] de tortures M 415c

On peut se demander si BC ne vient pas de lire ceci : «Le 31 de´cembre 1819, Ferdinand comptait re´gner sur toute l’Espagne de 1808 et 1809 ... et le 1er janvier 1820 il apprit qu’il ne re´gnait plus sur ce troˆne, que toute cette Espagne qui avait l’air de lui appartenir, il n’y avait qu’une mince surface qui e´tait encore a` lui [...]» (De la Re´volution actuelle de l’Espagne et de ses suites ; par M. de Pradt, ancien archeveˆque de Malines, Bruxelles : H. Remy, 1820, pp. 15–16).

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Je persiste dans mon amendement. (Un mouvement d’adhe´sion tre`s vif se manifeste a` gauche1.)

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Le discours provoque une vive discussion, mais comme BC l’avait pre´vu, son amendement est rejete´ au vote.

[Intervention a` propos des menaces contre un pe´titionnaire]* Se´ance du 30 mars 18201

423c

La conduite du sous-pre´fet de Saint-Die´ envers le pe´titionnaire est une violation audacieuse du droit sacre´ de pe´tition ; violation d’autant plus coupable qu’elle tend a` faire croire que les pe´titions nombreuses sur le maintien de la charte et de la loi des e´lections ont e´te´ mendie´es, tandis qu’elles ont e´te´ l’expression non moins vraie qu’e´nergique de la volonte´ nationale, et que l’autorite´ a fait tous ses efforts pour l’empeˆcher de se manifester. Cette conduite serait donc un ve´ritable de´lit (Les meˆmes voix : Sans preuve.) On dit que rien ne prouve la ve´rite´ de la menace faite au pe´titionnaire. L’arbitraire le plus dangereux est celui qui se soustrait aux preuves, en proce´dant par des manœuvres sourdes et te´ne´breuses. (L’opinant appuie le renvoi au ministre de l’inte´rieur. On re´clame a` droite l’ordre du jour.)

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 92, samedi 1er avril 1820, p. 423c ; Archives parlementaires, t. XXVII, p. 2. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, vendredi 31 mars 1820, p. 1051ab ; Journal des de´bats, vendredi 31 mars 1820, pp. 2b–3a ; Le Constitutionnel, no 91, vendredi 31 mars 1820, p. 3a ; La Quotidienne, no 91, vendredi 31 mars 1820, p. 3b ; L’Inde´pendant, no 326, vendredi 31 mars 1820, p. 2b ; Gazette de France, no 91, vendredi 31 mars 1820, p. 359a.

1

Comme d’habitude, la se´ance s’est ouverte par l’examen de pe´titions. L’adjoint au maire de Saint-Die´ avait envoye´ une pe´tition pour se plaindre de l’abus de pouvoir dont il avait e´te´ victime, le sous-pre´fet lui ayant enjoint de de´missionner de son poste du fait qu’il avait signe´ la pe´tition concernant le maintien de la Charte et de la loi sur les e´lections. BC ajoute sa voix dans la discussion qui suit l’expose´ du rapporteur ; en vain : l’ordre du jour sera prononce´ «a` une faible majorite´» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 2).

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[Intervention en faveur d’un amendement]* Se´ance du 30 mars 18201

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Je rends justice a` l’hommage que M. le ministre vient de rendre aux principes, en reconnaissant que la loi ne devait jamais avoir d’effet re´troactif ; mais je voudrais qu’a` la suite de cet hommage, on ne refusaˆt pas d’admettre ma propositon, qui est une garantie de´sirable. Conside´rez la re´daction de la loi, et dites-moi, si avec ces termes, le Gouvernement n’a pas le droit de contester la faculte´ de continuer a` exposer et a` mettre en vente des objets existans. Je ne vois pas dans quelle condition occulte de la loi on trouverait l’obligation de ne pas en faire l’usage que nous redoutons. L’effet re´troactif est, dit-on, contraire au principe de toutes nos lois ; mais trop d’exemples nous doivent inspirer de la de´fiance ; quant a` moi, si j’avais le malheur d’eˆtre l’agent d’un pouvoir discre´tionnaire, ce qui, je l’espe`re, ne m’arrivera jamais, je me croirais autorise´ par la loi de l’entendre dans le sens que nous voulons pre´venir : car la re´daction est claire ; il est impossible de l’entendre autrement que nous le faisons. J’insiste sur l’amendement pre´sente´.2

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 91, vendredi 31 mars 1820, p. 419c ; Archives parlementaires, t. XXVII, pp. 8–9. Manuscrit : BCU, Co 4380, p. 261. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, vendredi 31 mars 1820, p. 1052b ; Journal des de´bats, vendredi 31 mars 1820, pp. 3b–4a ; Le Constitutionnel, no 91, vendredi 31 mars 1820, p. 3b ; La Quotidienne, no 91, vendredi 31 mars 1820, p. 4a ; L’Inde´pendant, no 326, vendredi 31 mars 1820, p. 3b ; Gazette de France, no 91, vendredi 31 mars 1820, p. 360a.

1

BC re´agit spontane´ment a` une bre`ve intervention du ministre Pasquier prononce´e dans la discussion sur une proposition d’amendement du ge´ne´ral Foy demandant une exemption aux dispositions de la loi pour les dessins et gravures de´pose´s a` la direction ge´ne´rale de la librairie. Pasquier avait estime´ l’amendement inutile en affirmant le principe de la nonre´troactivite´ d’une nouvelle loi. L’amendement Foy sera rejete´ au vote.

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[Intervention suite a` la sortie des de´pute´s de droite]* Se´ance du 30 mars 18201

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M. Casimir Perrier a de´pose´ un article additionnel tendant a` affranchir de la censure pre´alable les articles dans lesquels on examinerait les comptes des ministres. L’honorable de´pute´ est appele´ a` la tribune pour de´velopper son amendement. Il s’exprime en ces termes : Messieurs ... (quinze a` vingt membres du coˆte´ droit se le`vent pour sortir.) M. Benjamin Constant de sa place : Monsieur Perrier, attendez, laissez sortir ces Messieurs ; ils rentreront pour voter contre ce qu’ils n’auront pas entendu.

*

E´tablissement du texte : Imprime´ : La Renomme´e, vendredi 31 mars 1820, p. 1052a.

1

La Renomme´e est la seule source a` rapporter cette saillie de BC glisse´e lors du discours de Casimir Perier appuyant l’amendement du ge´ne´ral Foy e´voque´ a` l’occasion de l’intervention pre´ce´dente.

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Sur un amendement tendant a` ne pas confe´rer la censure a` un seul censeur.* (Se´ance du 30 mars 1820.)1

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MESSIEURS, L’assertion principale de M. le ministre est qu’on ne pouvait inse´rer dans les lois ce qui tenait a` leur exe´cution. Cela est vrai ; mais ce que mon honorable ami2 avait propose´ tient a` une garantie a` donner aux citoyens, et nullement a` l’exe´cution de la loi. Il im porte de savoir jusqu’a` quel point la censure sera vexatoire, et s’il y aura un appel. Jamais l’appel d’un tribunal a` un autre n’a e´te´ regarde´ comme la simple exe´cution d’une loi. L’appel doit changer la position des e´crivains : s’il y a un recours aupre`s d’une commission quelconque, ils peuvent espe´rer plus de justice que de la part d’un seul censeur ; ils peuvent s’en flatter au moins ; car moi je n’oserais l’espe´rer. C’est donc ame´liorer la condition des parties, ce n’est pas introduire un article exe´cutoire dans le texte de la loi. Le raisonnement de M. le ministre n’est donc pas fonde´. J’en dirai autant de l’omission qu’on a signale´e. J’avoue que l’espe`ce de censure qu’on organisera a sur mon esprit quelque importance, quoique je ne puisse consentir a` aucune espe`ce de *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 274–276 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 274–276 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 91, vendredi 31 mars 1820, p. 420b [=M] ; Archives parlementaires, t. XXVII, pp. 10–11. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 261–263. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, vendredi 31 mars 1820, p. 4a ; Le Constitutionnel, no 91, vendredi 31 mars 1820, p. 4a ; La Quotidienne, no 91, vendredi 31 mars 1820, p. 4b ; L’Inde´pendant, no 326, vendredi 31 mars 1820, p. 4a ; Gazette de France, no 91, vendredi 31 mars 1820, p. 360ab.

9 et s’il y aura ] s’il y aura M 420b 10–11 L’appel doit changer ] Cela doit changer M 420b 11–12 des e´crivains ... ils peuvent espe´rer ] des e´crivains, et la manie`re dont vous envisagez les entraves apporte´es a` la manifestation de leurs pense´es ; car, s’il y a un recours, ils peuvent espe´rer M 420b 14 ce n’est pas ] et ce n’est pas M 420b 15 Le raisonnement ] Il me paraıˆt donc clair que le raisonnement M 420b 1

2

Toujours dans la discussion sur l’article 8 de la loi, il est maintenant question d’un amendement de´pose´ par Manuel «tendant a` appeler de la de´cision d’un censeur a` tous les censeurs re´unis» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 10). BC, a` nouveau, prend la parole pour re´pondre a` Pasquier qui venait d’intervenir en disant qu’il n’e´tait pas encore de´cide´, si la censure serait exerce´e par un individu ou par une commission ; c’est l’ordonnance attendue du roi qui clarifiera la question. Manuel, bien suˆr.

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censure. Mais si elle doit eˆtre organise´e sous une forme tout a`-fait nouvelle, s’il doit y avoir une commission de censure, pourquoi n’avoir pas daigne´ nous le dire ? Je ne sais pas si cela euˆt beaucoup change´ mon opinion, je ne le crois pas ; mais plusieurs membres auraient pu avoir moins de re´pugnance pour une censure collective que pour une censure individuelle. Je ne conc¸ois pas qu’on puisse traiter la Chambre avec assez de le´ge`rete´ pour inse´rer dans la loi des dispositions obscures, tandis qu’on jette du haut de cette tribune des demi-aveux, des demi-re´ve´lations, pour montrer que la loi serait autre qu’elle nous est pre´sente´e ; mais quand meˆme les re´ve´lations feraient voir que la loi serait meilleure qu’elle ne paraıˆt devoir l’eˆtre, il y aurait, je le re´pe`te, de la le´ge`rete´, de l’arrogance a` nous laisser discuter pendant quatre jours, sans nous dire un fait qui aurait pu influer sur notre de´cision. Les vagues espe´rances qu’on nous donne ne sauraient nous de´terminer a` rejeter l’amendement. Le gouvernement trouvera certainement quinze ou vingt hommes dociles a` ses volonte´s. Il ne doit pas en de´sespe´rer ; d’apre`s ce qui arrive souvent, le danger ne serait pas extreˆme. Il y a des exemples qui prouveraient que le gouvernement a trouve´ dans plus de quinze hommes une comple`te docilite´ ... (Vif mouvement a` gauche.) J’appuie donc de toutes mes forces l’amendement de mon honorable colle`gue.1

1 Mais si elle doit ] Si elle doit M 420b sous une forme ] sur une forme M 420b 12 un fait ] une chose M 420b 13 Les vagues espe´rances ... ne sauraient nous ] Toutefois je ne crois pas que cette supposition puisse vous M 420b

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L’amendement est rejete´.

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[Intervention sur la modification du mode de scrutin]* Se´ance du 30 mars 18201

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Puisque la Chambre a pris ma proposition en conside´ration, sans doute c’est pour en de´libe´rer et pour chercher les moyens d’ame´liorer son re`glement ; cette discussion sera fort courte, et la discussion sur les comptes peut la rejeter fort loin.2

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 91, vendredi 31 mars 1820, p. 420c ; Archives parlementaires, t. XXVII, p. 12. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, vendredi 31 mars 1820, p. 1052c ; Journal des de´bats, vendredi 31 mars 1820, p. 4b ; Le Constitutionnel, no 91, vendredi 31 mars 1820, p. 4b ; (commentaire ironique dans La Quotidienne, no 93, dimanche 2 avril 1820, pp. 1b–2a) ; L’Inde´pendant, no 326, vendredi 31 mars 1820, p. 4a ; Gazette de France, no 91, vendredi 31 mars 1820, p. 360b.

1

Pour comprendre le sens de cette intervention de BC, il faut remonter a` sa proposition de clarification du re`glement de la Chambre en matie`re de scrutin, pre´sente´e le 6 mars (voir cidessus, pp. 395–397). La se´ance est sur le point de se terminer par le vote de´finitif sur le projet de loi relatif aux journaux, mais avant de proce´der au vote, le pre´sident interroge la Chambre sur l’ordre du jour de la prochaine se´ance ou` devraient eˆtre discute´s le rapport de la commission des comptes et la proposition de BC. La droite cherche a` repousser ce dernier objet, mais la Chambre, apre`s la bre`ve intervention de BC ci-dessus, de´cide de le traiter sans plus tarder. La discussion sur le rapport de BC a lieu dans la se´ance du lundi 3 avril (Archives parlementaires, t. XXVII, pp. 18–22).

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Re´ponse a` M. Blanquart-Bailleul sur le mode de scrutin et l’appel nominal.* (Se´ance du 3 avril 1820.)1

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MESSIEURS, Je ne fatiguerai pas l’assemble´e en l’entretenant long-temps de ma proposition ; je reconnais que depuis quelque temps elle a perdu de son inte´reˆt ; mais je m’applaudis que cette proposition ait donne´ lieu au discours aussi profonde´ment pense´ qu’e´loquent que nous venons d’entendre2. (On rit a` gauche, et des murmures s’e´le`vent au centre et a` droite.) Je suis charme´ qu’a` propos de modifications a` votre re´glement, de scrutin et d’appel nominal, on soit venu vous entretenir des partisans de la monarchie et vous signaler les re´volutionnaires ; je suis charme´ qu’un membre de la commission qui, au sein de cette commission, n’avait e´leve´ aucune objection contre la proposition, ait trouve´ ici l’occasion de vous entretenir de ce qu’il appelle les partisans de la souverainete´ du peuple. Cependant j’ai quelques mots a` re´pondre au pre´opinant. J’ai dit, il est vrai, qu’en discutant des projets de lois que je crois mauvaises, j’ai taˆche´ de retarder, autant qu’il a e´te´ en moi, le moment ou` ces projets seraient devenus des lois ; j’ai cru quand, dans mon opinion, ces lois ne peuvent entraıˆner que des vexations et des malheurs, un retard meˆme de vingt-quatre heures e´tait un avantage ; qu’un jour de plus donne´ a` la liberte´ individuelle, a` la liberte´ des journaux, e´tait quelque chose : c’est en ce sens que j’aurais voulu retarder la de´libe´ration. Si on n’a pas repousse´ nos argumens, si MM. les ministres se sont renfer*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 276–280 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 276–280 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 95, mardi 4 avril 1820, p. 442ab [=M] ; Archives parlementaires, t. XXVII, pp. 20–21. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 263–265. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, lundi 3 et mardi 4 avril 1820, p. 1067bc ; Journal des de´bats, lundi 3 et mardi 4 avril 1820, p. 4ab ; Le Constitutionnel, no 94 et 95, lundi 3 et mardi 4 avril 1820, p. 4ab ; La Quotidienne, no 94, mardi 4 avril 1820, pp. 3b–4a ; L’Inde´pendant, no 329, lundi 3 avril 1820, pp. 3b–4a ; Gazette de France, no 94, lundi 3 avril 1820, p. 372ab.

1

La discussion est ouverte sur la proposition de BC concernant le scrutin a` la Chambre, telle qu’elle a e´te´ pre´sente´e par la commission charge´e de l’examiner et dont BC lui-meˆme avait e´te´ le rapporteur. Blancquart-Bailleul monte a` la tribune pour s’opposer a` la disposition selon laquelle cinquante de´pute´s pourraient demander qu’il soit proce´de´, lors d’un vote, a` l’appel nominal. Le discours de Blancquart-Bailleul e´tait fort sarcastique ; BC place d’emble´e sa re´ponse sur le meˆme ton.

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me´s dans un de´daigneux silence, nos amendemens n’en ont pas moins conserve´ toute leur valeur ; et vous voyez qu’il ne s’agissait pas seulement ici de quelques jours de retard, mais d’e´clairer la France entie`re, pre´sente a` nos de´bats, et qui attendait, en re´ponse a` nos propositions, autre chose que le silence. A cet e´gard, il me semble que l’orateur auquel je succe`de, aurait duˆ alors prendre la parole pour ras surer la France, que nous disions alarme´e sur la conservation de ses liberte´s. Dans son ze`le pour le syste`me du ministe`re, il devait alors nous parler de ces traıˆne´es de poudre, dont il vient de dire qu’il est dangereux d’approcher une e´tincelle ; il devait prouver que ce ne sont pas les ministres eux-meˆmes qui les ont e´tablies ; car c’est a` eux, en effet, que le reproche paraıˆt pouvoir s’adresser. Quant a` ce qu’a dit l’orateur de la probite´ politique, je ne sais si, en effet, il n’y en a plus, ainsi qu’il nous l’a de´clare´. Apparemment il est plus a` meˆme d’en juger que moi ; je ne le savais pas, et je ne l’apprends que de ce moment. (Vive sensation a` gauche.) Relativement a` ceux que l’orateur a signale´s comme ayant garde´ le silence sous le despotisme, j’ignore qui il a voulu de´signer ; mais, Messieurs, entre se taire sous la tyrannie, et lui prodiguer des applaudissemens, je trouve la distance tre`s conside´rable : mieux vaut le silence sans doute, et je ne sais pas si ceux qui ont parle´ sous cette tyrannie ont des reproches a` faire a` ceux qui du moins ont su se taire. (Meˆme mouvement a` gauche.) Je viens aux propositions qui vous sont faites. La seule chose a` laquelle j’attache de l’importance dans ces propositions, c’est la faculte´ de re´clamer l’appel nominal, quand un certain nombre de membres le croit ne´cessaire, et le mode de constater le nombre des votans auparavant de de´pouiller le scrutin. Je voudrais qu’a` cet e´gard on s’arreˆtaˆt a` un proce´de´ quelconque, et jusqu’a` ce qu’on en ait propose´ un meilleur, je persisterai dans celui qui est pre´sente´. Je crois la chose indispensable, et cela dans l’inte´reˆt de tous. Quant a` la faculte´ de demander l’appel nominal, comment le refuserait-on a` cinquante membres ? J’ai e´te´ plus loin, a` cet e´gard, qu’on n’y est alle´ pour les assemble´es nationales pre´ce´dentes. Pour l’assemble´e constituante, cinq membres pouvaient exiger l’appel nominal ; a` la Chambre des pairs, quinze membres ont le droit de l’exiger. Ici je bornais cette faculte´ a` cinquante : quels abus en pourrait-on redouter ? Pourrait-on imaginer que si la majorite´ e´tait e´vidente, il se trouvaˆt cinquante membres re´clamant l’appel nominal ? Cette demande ne peut se supposer que dans le cas de doute sur une premie`re e´preuve, et de´ja` vous l’avez accorde´e contrairement a` votre re´glement. Re´cemment, apre`s une premie`re e´preuve douteuse, on a demande´ 19 applaudissemens ] adulations M 442a

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l’appel nominal, et la Chambre y a proce´de´ (M. de Ville`le et plusieurs membres a` droite : La Chambre avait e´te´ consulte´e.) Je crois, Messieurs, que les dispositions pre´sentes sont utiles ; mais je reconnais, je le re´pe`te, que leur utilite´ est fort diminue´e, aujourd’hui qu’une majorite´ s’est forme´e, qu’elle ne discute pas, qu’elle rejette les propositions sans consentir a` les de´battre, et qu’on pourrait en conclure, pour ainsi dire, que le vote, meˆme au scrutin, est superflu. Si je n’avais pas fait ma proposition, je ne la ferais peut-eˆtre pas maintenant. Alors je croyais que des argumens, forts de raisons et fonde´s en justice, pourraient faire quelqu’impression sur la majorite´ ; mais puisqu’elle est de´cide´e a` les entendre et a` les laisser sans re´ponse, la proposition a beaucoup moins de valeur, et ce n’est qu’en qualite´ de rapporteur, que je persiste dans les conclusions de la commission.1

4 que leur utilite´ est fort diminue´e ] qu’elles ont cesse´ de l’eˆtre autant M 442b 8 maintenant ] aujourd’hui M 442b 11–12 et ce n’est qu’en ... que je persiste ] et je ne puis, en qualite´ de rapporteur, que persister M 442b

1

Apre`s ces propos qui montrent bien dans quel e´tat de de´couragement se trouvaient les libe´raux au terme du de´bat sur la loi relative a` la liberte´ de la presse, plusieurs orateurs se succe´deront encore pour et contre la proposition. Mais l’issue du vote, comme le constatait ame`rement BC est connue par avance : c’est non sur toute la ligne.

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4 «Salle des Electeurs, ou Bengamin [sic] politique», anonyme, lithographie, [1818] BnF, Paris, Département des Estampes et de la photographie, RESERVE QB–370 (77)-FT 4

Opinion sur le projet de loi relatif au re´glement des comptes ante´rieurs a` l’exercice 1819.* (Se´ance du 5 avril 1820.)1

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MESSIEURS, En prenant la parole sur le re´glement de´finitif du budget de 1818, j’ai besoin de solliciter votre indulgence. Non seulement je parle devant des hommes plus e´claire´s, a` beaucoup d’e´gards, que je ne puis l’eˆtre sur des matie`res de finance, mais le temps a manque´ a` mes efforts, pour rendre les observations que je veux vous soumettre plus dignes de vous eˆtre pre´sente´es. Quand toutes les liberte´s d’une nation sont attaque´es a` la fois sur tous les points ; quand tous ses droits sont envahis, toutes ses garanties menace´es ; quand le repos dont elle espe´rait jouir et qu’elle avait me´rite´ par tant de sacrifices, est trouble´ tout a` coup et gratuitement par l’imprudence ou la perfidie ; il est assez naturel que ses de´fenseurs, surpris par ces agressions inattendues, et pour ainsi dire de´sarme´s par l’e´tonnement qu’ils e´prouvent *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 280–295 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 280–295 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 98, vendredi 7 avril 1820, pp. 453a–454a [=M] ; Chambre des de´pute´s. Opinion de M. Benjamin Constant ... sur le projet de loi relatif au re`glement de´finitif des comptes ante´rieurs a` l’exercice 1819, [Paris :] Hacquart, s.d., 23 p. [=Opinion] ; Archives parlementaires, t. XXVII, pp. 51– 55. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 265–276. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, jeudi 6 avril 1820, pp. 1074a–1075b ; Journal des de´bats, jeudi 6 avril 1820, pp. 2b–3a ; Le Constitutionnel, no 97, jeudi 6 avril 1820, pp. 1a–2b ; La Quotidienne, no 97, jeudi 6 avril 1820, p. 3b ; L’Inde´pendant, no 331, jeudi 6 avril 1820, pp. 2a–3a ; Gazette de France, no 97, jeudi 6 avril 1820, p. 379ab.

8 finance ] finances M 453a 1

La discussion ge´ne´rale sur le projet de loi relative aux comptes arrie´re´s des exercices ante´rieurs a` 1819 a e´te´ ouverte la veille. La commission avait pre´sente´ deux rapports a` son sujet les 17 et 20 mars respectivement par Benoist et Beslay, qui avaient tous deux insiste´ sur la ne´cessite´ de clarifier la le´gislation pour e´viter d’avoir chaque anne´e a` statuer sur des engagements de´ja` pris et le plus souvent de´ja` honore´s. Les premiers discutants, repre´sentants de la gauche, avaient pre´sente´ des opinions fort critiques et tre`s de´taille´es, l’un demandant qu’une nouvelle loi de finances soit e´tablie, l’autre voulant que les comptes de 1818 soient traite´s se´pare´ment et sortis du projet de loi en discussion, a` laquelle il proposait par ailleurs un amendement. Caumartin avait enchaıˆne´ pour demander aussi le rejet de tous les articles de la loi qui concernaient l’anne´e 1818. Ajoutons que tous les e´le´ments de cette discussion n’ont fait l’objet, dans le Moniteur, que de re´sume´s.

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de voir toutes les promesses viole´es, tous les engagemens foule´s aux pieds, ne sachent ou` porter la force qui leur reste, et quels coups parer les premiers. Quelque importans que soient les objets de finance, il est des inte´reˆts d’une nature et plus pressante et plus releve´e. L’autorite´ s’emparant d’un pouvoir discre´tionnaire, tous les cachots ouverts, la pense´e e´touffe´e, la publicite´ devenant un monopole de faits de´nature´s et d’alle´gations injurieuses, des e´lections factices pre´parant a` un peuple des repre´sentans qui ne le repre´senteront pas ; ces choses, Messieurs, sont d’une gravite´ assez de´sastreuse pour qu’on ait quelque peine a` s’en distraire, a` fixer son attention sur des chiffres, et a` se livrer a` d’arides calculs. D’ailleurs, il ne faut pas s’y tromper : quelque effort que l’on fasse pour se´parer les finances de la liberte´, la liberte´ et la bonne administration des finances sont essentiellement lie´es. C’est vainement que, dans un pays d’ou` l’on bannit la liberte´ constitutionnelle, des ministres viennent apporter en pompe des comptes que nul ne saurait ve´rifier. Quand la publicite´ est proscrite, qu’importent les faits qu’on alle`gue ? Le pouvoir les arrange comme il veut, et je n’ai pas oublie´ qu’il y a peu de jours, nous avons vu MM. les ministres se lever contre un amendement de mon honorable ami, M. Casimir Pe´ rier, et de´clarer ainsi a` la face de la France, qu’ils ne voulaient pas que la lumie`re pe´ne´traˆt dans les replis de l’administration financie`re1. Aussi, je le confesse, je n’espe`re rien de nos tentatives pour re´tablir ou maintenir l’ordre dans nos finances, pour mettre un terme a` des de´penses e´normes, pour arreˆter ou mode´rer des transactions dont le moindre vice est d’eˆtre one´reuses. Les ministres nous e´chapperont toujours a` la faveur des te´ne`bres dont ils sont parvenus a` s’entourer ; vous aurez beau faire des lois, elles seront e´lude´es ; demander des communications, on vous les refusera, et probablement vous en aurez la preuve dans cette se´ance meˆme. Si, comme l’a dit un de nos honorables colle`gues, M. Laffite, une bonne constitution est le meilleur des syste`mes de finance, une constitution viole´e est le plus mauvais2. 29–30 colle`gues, M. Laffite, une bonne ] colle`gues, une bonne M 453a 1

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Dans la discussion sur le projet de loi relatif a` la liberte´ de la presse, Casimir Perier avait demande´ a` ce que «les articles de journaux qui auraient pour objet d’examiner les plans de finances du gouvernement, les projets d’emprunts, les comptes des administrations et les comptes de MM. Les ministres, ne soient point soumis a` la censure pre´alable» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 9) ; ni les Archives parlementaires, ni les autres sources ne font e´tat d’une re´ponse d’un ministre ; on y lit que le vote sur l’amendement Perier a suivi imme´diatement son expose´, l’amendement ayant e´te´, sans surprise, rejete´. BC renvoie ici a` un discours remarque´ prononce´ par Laffitte le 3 mars 1817 a` propos des emprunts de l’E´tat et de la confiance qu’une bonne constitution et un bon gouvernement

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Cependant, j’ai contracte´, l’anne´e dernie`re, un engagement que je dois remplir. Cet engagement, Messieurs, vous l’avez contracte´ vous-meˆmes ; c’est a` vous a` voir si vous croirez devoir y rester fide`les. Le 24 mai 1819, j’ai eu l’honneur de proposer a` la Chambre, tout en renvoyant a` cette anne´e le re´glement de´finitif des comptes de 1818, de demander au ministre des finances, 1o communication de toutes les pie`ces relatives aux deux emprunts de 14 millions 600,000 fr., et de 24 millions, ainsi que de toutes celles qui se rapportent aux ope´rations faites sur les rentes avec les fonds du tre´sor, a` dater du mois de juin jusqu’au mois de novembre 1818 ; 2o l’impression et la distribution de la liste de souscription de l’emprunt de 14 millions 600,000 fr., et de celle de la re´partition de cet emprunt1. Vous n’avez passe´ a` l’ordre du jour qu’en de´clarant expresse´ment que votre seul motif e´tait que le moment de statuer sur le budget de 1818 n’e´tait pas venu. Telle fut l’unique raison alle´gue´e par tous les orateurs ; M. le garde-des-sceaux, alors pre´sent, observa que ma proposition ne trouverait son application que cette anne´e. M. de Ville`le ajouta que l’examen que je re´clamais allait de droit a` notre session prochaine, c’est-a`-dire, a` la session actuelle ; et mon honorable ami, M. Laffite, en qualifiant mon amendement de pre´mature´, dit ces paroles qui de´cide`rent la Chambre : Nous n’avons rien a` statuer dans ce moment sur les ope´rations de 1818. La Chambre en a renvoye´ le re´glement a` la session prochaine. C’est alors qu’on demandera au ministe`re tous les renseignemens qu’on croira utiles, et particulie`rement la liste des souscripteurs des 14 millions et des 24 millions2. Ainsi, Messieurs, vous vous eˆtes engage´s, envers la France, a` lui procurer une connaissance exacte des transactions e´tranges qui donne`rent lieu, il y a deux ans, a` tant de re´clamations ve´he´mentes, et a` tant de soupc¸ons faˆcheux. Le moment fixe´ par vous-meˆmes est arrive´. J’ose espe´rer que vous remplirez votre engagement. 18 c’est-a`-dire, a` la session ] c’est-a`-dire la session M 453a pouvaient inspirer aux preˆteurs nationaux et e´trangers (Moniteur, no 64, 5 mars 1817, p. 265b-c). BC avait rendu compte de ce discours dans La Minerve du 15 mars 1817 (voir OCBC, Œuvres, t. X, pp. 512–522). 1 2

Voir ci-dessus, pp. 205 et 179–190. Alors que le pre´sident avait rappele´ l’amendement de BC relatif aux emprunts, de Serre s’e´tait e´crie´ : «La proposition ne peut trouver son application que lorsqu’on statuera sur le budget de 1818», a` quoi Ville`le avait ajoute´ : «Sans doute, cela va de droit a` l’anne´e prochaine» ; quant a` Laffitte, qui commentait en re´alite´ un amendement de Perier allant dans le meˆme sens que celui de BC, il est cite´ exactement par ce dernier qui semble avoir le Moniteur sous les yeux (voir Moniteur, no 146, 26 mai 1819, p. 671c).

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Nous sommes, pour le remplir, dans une meilleure situation que l’anne´e dernie`re. Alors, un ministe`re nouveau avait remplace´ celui sur lequel pesaient ces transactions myste´rieuses ; les espe´rances nationales s’e´taient re´unies autour de ce ministe`re, qui, s’il n’a pas re´pondu en entier a` ces espe´rances, a eu du moins la gloire trop rare, dans nos annales ministe´rielles, de voir trois de ses membres sacrifier leurs fonctions a` leurs devoirs1. Une sorte de ge´ne´rosite´, peut-eˆtre excessive, disposait plusieurs d’entre nous a` ne pas s’enque´rir trop rigoureusement de la conduite d’un ministe`re tombe´2, dont on croyait le retour, soit en tout, soit en partie, heureusement impossible. Aujourd’hui, trois des ministres, qui avaient coope´re´ a` cette ope´ration, que je vous ai prouve´e, il y a un an, et que je vous prouverai de nouveau avoir e´te´ de´sastreuse, ont repris la direction des affaires3. Avec eux sont revenues de´ja` les lois d’exception ; avec eux doivent revenir aussi les e´claircissemens que, certes, ils sont plus a` meˆme de nous donner que personne. J’espe`re qu’on ne dira pas maintenant, comme l’anne´e passe´e, qu’au lieu de demander des e´claircissemens aux ministres, il faut, si nous les soupc¸onnons d’avoir malverse´, les accuser formellement. Je re´pondais alors, en mon nom et au nom de mes honorables amis : «Nous n’intentons point d’accusation le´gale, parce que nous voulons prouver, par un exce`s de mode´ration peut-eˆtre excessive, que le repos avec la liberte´ est ce que nous de´sirons le plus vivement. Nous e´vitons avec scrupule de faire usage, dans les occasions les plus naturelles, de nos pre´rogatives les plus le´gitimes, pour peu que l’exercice de ces pre´rogatives ait une ressemblance meˆme trompeuse avec ce qui s’est fait dans des temps d’orage. Voila` les motifs de notre re´serve qu’on affecte de nous reprocher comme une faiblesse.»4 Aujourd’hui, Messieurs, si j’en juge par mon sentiment intime, la re´ponse serait toute diffe´rente, et je crois fermement que, si l’interpellation se reproduisait, cette re´ponse ne se ferait pas attendre long-temps. 3 myste´rieuses ; les ] myste´rieuses. Les Opinion 8 11 ai prouve´e ] ai prouve´ Opinion 8 13 d’exception ; avec eux ] d’exception. Avec eux Opinion 8 19–26 «Nous n’intentons ... faiblesse.» ] sans les guillemets M 453a 20–21 par un exce`s ... excessive ] par une mode´ration ... excessive M 453a 1 2 3 4

Allusion au retrait (volontaire ou force´) de Dessolles, Gouvion-Saint-Cyr et Louis le 19 novembre, remplace´s par Pasquier, La Tour-Maubourg et Roy dans le gouvernement Decazes. Le premier gouvernement Richelieu avec son ministre des finances Corvetto. Pasquier, Roy et Laine´, ministres en place, avaient e´te´ membres du premier gouvernement Richelieu de´crie´ ici par BC. BC cite (avec quelques diffe´rences de de´tail qui, au passage, montrent la difficulte´ d’e´tablir le texte de ses discours) la pe´roraison de sa me´morable intervention du 14 mai 1819. Sur ce point et sur le rappel des faits qui suit, voir ci-dessus, pp. 179–190 (189 pour l’auto-citation).

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Messieurs, vous ne pouvez avoir oublie´ l’histoire des emprunts sur lesquels je viens appeler votre attention. Je suis toutefois force´ de vous en retracer quelques circonstances, et de rentrer dans quelques de´tails que je vous ai de´ja` soumis une fois. Mais je taˆcherai de les abre´ger autant que la ne´cessite´ d’eˆtre clair pourra me le permettre. Je commencerai par l’emprunt de 24 millions, parce que sur celui-la` mes observations seront plus longues. Vous savez que cet emprunt fut livre´ a` des e´trangers. On nous a dit dans le temps que les puissances l’avaient exige´, qu’elles avaient re´clame´ la garantie de MM. Hope et Baring. Il faut qu’on nous le prouve ; car il est de notorie´te´ publique qu’a` la meˆme e´poque les ambassadeurs de ces meˆmes puissances de´mentaient ce bruit, et le repoussaient comme injurieux a` leurs souverains. Il faut qu’on nous le prouve ; car je lis dans un traite´ du 18 aouˆt, une clause portant que la France interposerait ses bons offices pour que six millions de rentes, dont les puissances avaient a` disposer, fussent donne´s a` MM. Hope et Baring, clause qui, certes, semble indiquer que le choix de ces deux capitalistes n’e´tait pas un re´sultat de la volonte´ des puissances ellesmeˆmes. Vous savez aussi que, parmi les conditions de l’em prunt e´tait une clause re´solutoire, dans le cas de la non e´vacuation du territoire franc¸ais. Cette clause e´tait le´gale. Le cre´dit vote´ par les Chambres e´tait conditionnel. Mais une autre question reste a` re´soudre : cette clause re´solutoire e´tait pour les preˆteurs un immense avantage. Elle plac¸ait les e´trangers, que le ministre avait adopte´s pour cet emprunt, dans une condition bien meilleure que les Franc¸ais admis a` l’emprunt de 14 millions 600,000 francs. Ceux-ci avaient duˆ supporter les chances1 les plus faˆcheuses comme les plus favorables. Si le territoire n’euˆt pas e´te´ e´vacue´, les rentes auraient baisse´ : cette baisse euˆt e´te´ a` la charge des preˆteurs franc¸ais. Les e´trangers, au contraire, e´taient, dans leur emprunt, a` l’abri de tout danger par la cause re´solutoire. Si le territoire n’e´tait pas e´vacue´, leurs engagemens e´taient nuls, ils se retiraient sans perte. Si le territoire e´tait e´vacue´, la hausse e´tait infaillible, et leurs be´ne´fices assure´s. Comment se fait-il donc que, dans cet emprunt, les rentes aient e´te´ donne´es aux preˆteurs, qui ne pouvaient que gagner a` un prix infe´rieur a` celui qu’avaient paye´ les preˆteurs des 14 millions, qui pouvaient perdre ? Pour excuser le ministre, il faudrait qu’on prouvaˆt que les puissances avaient fixe´ le prix de nos rentes. Je crois que la preuve ne serait pas facile a` 21 re´soudre : cette clause ] re´soudre. Cette clause Opinion 10 par erreur 13 millions 1

Au sens d’ale´as.

24 14 millions ] le texte porte

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fournir. Dira-t-on que les preˆteurs e´trangers ne les auraient pas prises a` un prix plus raisonnable ? Mais ils ne couraient point de chances ; ils ne pouvaient, graˆce a` la clause re´solutoire, que gagner et jamais perdre ; a` qui persuadera-t-on qu’ils ne se seraient pas contente´s d’un be´ne´fice infaillible, lors meˆme qu’il euˆt e´te´ moins exorbitant ? Nul ne peut concevoir le motif du ministre dans cette ope´ration ruineuse, qui seule, en la se´parant de toutes les autres, a couˆte´ a` l’Etat plus de 20 millions. Troisie`me question.1 Messieurs, pourquoi cette ne´gociation, entame´e au mois de mars, a-t-elle e´te´ conclue subitement et presque clandestinement dans le mois de mai, tandis que, huit jours plus tard, elle euˆt e´te´ moins de´favorable d’un dixie`me ? On voulait, dira-t-on, devancer le congre`s d’Aix-la-Chapelle ; mais il n’a eu lieu que quatre mois apre`s. Ne pouvait-on pas attendre huit jours ? Les puissances avaient-elles fixe´ l’e´poque ? A moins qu’on ne vous le de´montre, je ne pense pas que vous ne le croyiez, et personne que je sache n’a ose´ le dire. Quatrie`me question. Pourquoi le ministre, au moment de conclure cet emprunt, a-t-il rendu une baisse ine´vitable par une vente de deux millions de rentes ? Pourquoi cette vente a-t-elle eu lieu a` l’instant ou` la baisse qu’elle devait produire e´tait si funeste aux ope´rations qu’il ne´gociait ? Ne pouvait-il subvenir aux besoins de l’e´tat pour quelques jours, en empruntant sur le de´poˆt de ces rentes ? La diffe´rence de quelques jours aurait conside´rablement diminue´ les de´sastres de ces ne´gociations. Cinquie`me question. Cette baisse occasionne´e par une vente intempestive et pre´cipite´e, pourquoi le ministe`re l’a-t-il encore favorise´e, en exigeant des preˆteurs franc¸ais, 20 pour cent de leurs capitaux en quatre jours, et 50 pour cent dans deux mois ? Les besoins du tre´sor n’y e´taient pour rien ; car le ministre plac¸ait a` la meˆme e´poque, d’abord 11 millions, plus tard 37 millions a` la bourse : et par ces placemens, il ramenait la hausse, mais il la ramenait quand ces emprunts e´taient conclus, quand les rentes e´taient dans les mains des e´trangers, quand cette hausse e´tait toute en leur faveur. Ainsi, avant l’emprunt, il faisait baisser les rentes comme pour les livrer aux e´trangers a` vil prix ; apre`s l’emprunt, il les faisait hausser comme pour augmenter leurs be´ne´fices. Certes, Messieurs, vous penserez comme moi, qu’il faut e´clairer toutes ces transactions, et que le ministre lui-meˆme est inte´resse´ a` nous expliquer pourquoi il a sacrifie´ de la sorte la France a` des capitalistes anglais. 3 perdre ; a` qui ] perdre. A qui Opinion 11 22 ces ne´gociations ] ses ne´gociations financie`res M 453b ; ses ne´gociations Opinion 13 30 e´tait toute en ] e´tait tout en Opinion 13 32 vil prix ; apre`s ] vil prix. Apre`s Opinion 13 1

La premie`re et la deuxie`me questions ont e´te´ formule´es, sans eˆtre explicitement de´signe´es telles, dans les deux paragraphes pre´ce´dents.

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Dernie`re question sur cet emprunt. Six millions de rentes ont e´te´ rendues par MM. Hope et Baring, apre`s l’ope´ration consomme´e. De quel droit le ministre les reprenait-il ? La loi lui avait accorde´ un cre´dit de 24 millions ; il en avait use´, tout e´tait fini. Annuler la vente de 6 millions de rentes, c’e´tait les racheter ; c’e´tait exce´der son pouvoir par une ope´ration ille´gale qui nous a cause´ une perte de 26 millions. Car nous avons de plus 6 millions de rentes qui en valent 74, et de moins 100 millions que nous payons cette anne´e et l’anne´e prochaine. Mes questions sur l’emprunt de 14,600,000 fr. seront moins multiplie´es, mais non moins importantes ; elles se re´duiront a` deux : Pourquoi le mode de la concurrence indique´ par la discussion des Chambres a-t-il e´te´ e´carte´ ? De quelle manie`re le ministre, apre`s avoir repousse´ la concurrence, a-t-il choisi parmi les souscripteurs ? Quant a` la premie`re question, il faut que le ministre nous prouve qu’il a e´te´ force´ de renoncer a` la concurrence, ou il restera convaincu d’un tort grave. Quant a` la seconde question, puisqu’il s’arrogeait le droit de choisir entre les divers soumissionnaires, il a duˆ faire les choix les plus convenables : les a-t-il faits ? S’il a fait des choix arbitraires, s’il n’a point eu e´gard a` la solvabilite´ des souscripteurs ; s’il a enrichi par des dons gratuits, quoique de´guise´s, ses cre´atures, celles de ses amis, de ses protecteurs ou de ses colle`gues, c’est un second tort plus grave que le premier. Ceci me rame`ne, Messieurs, a` la demande que j’avais de´ja` forme´e l’an dernier de l’impression de la liste. Cette impression seule peut lever les doutes, et vous ne pouvez prendre une de´cision sur cette partie de la loi des comptes, que lorsque ces doutes seront leve´s. Objectera-t-on que l’impression de cette liste donnera lieu a` des re´ve´lations scandaleuses ? Mais le scandale est dans les faits. Pourquoi fait-on ce qui est scandaleux a` re´ve´ler ? Le plus grand scandale, Messieurs, et malheureusement le plus permanent des scandales, c’est l’impunite´. Le plus grand scandale, ce sont des ope´rations qui ont fait perdre plus de 80 millions a` la France, a` cette France dont on semble traiter les inte´reˆts pe´cuniaires avec la meˆme le´ge`rete´, les meˆmes insultes que ses garanties politiques et ses droits acquis. Messieurs, je vous ai retrace´ des faits anciens, mais ils tiennent a` une question pre´sente, a` une question que vous avez professe´ vouloir examiner cette anne´e. 35 droits acquis ] droits acquis. (Vive sensation a` gauche ... Des murmures s’e´le`vent au centre et a` droite.) M 453c

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J’aurais de´sire´ ne´anmoins vous e´pargner tous ces de´tails, et j’espe´rais que le rapport de votre commission m’en fournirait les moyens, soit en vous mettant sous les yeux les e´claircissemens que vous aviez, a` la session dernie`re, de´clare´ de´sirer pour cette anne´e, soit en rappelant la demande que j’avais faite de la communication de toutes les pie`ces1. Mais, d’une part, j’ai appris que cette communication n’avait pas e´te´ accorde´e a` la commission, et, de l’autre, je n’ai trouve´, dans cette partie de son rapport, que des choses beaucoup trop vagues pour eˆtre satisfaisantes. S’agit-il des e´normes be´ne´fices prodigue´s aux preˆteurs e´trangers ? Le rapporteur vous dit qu’il n’a pas encore e´te´ bien e´tabli qu’il euˆt de´pendu du gouvernement d’obtenir de meilleures conditions. Et si le gouvernement nous cache les pie`ces, comment quelque chose pourrait-il eˆtre e´tabli ? Il ne re´pond d’ailleurs a` aucune des objections tire´es et de l’e´poque qu’une diffe´rence de huit jours aurait rendue moins de´favorable, et de la clause re´solutoire qui, par l’avantage que les e´trangers y trouvaient, semblait devoir au moins nous pre´server de voir nos rentes leur eˆtre livre´es a` un prix infe´rieur a` celui qu’on exigeait des capitalistes indige`nes. S’agit-il de cette vente de 2 millions de rentes, cause imme´diate d’une baisse si de´plorable ? La supposition injurieuse, dit le rapporteur, que le ministre ait combine´ cette vente dans la vue de produire cette baisse, ne s’appuie sur aucune vraisemblance. S’agit-il de la hausse produite ensuite par des placemens intempestifs, et aussi lucrative pour les e´trangers, aussi fatale aux Francais que la baisse pre´ce´dente ? Un re´cit vous est offert sur les faits. Aucune explication n’est donne´e sur les motifs. S’agit-il de la pre´fe´rence accorde´e aux e´trangers, et du refus opiniaˆtre oppose´ par le ministe`re d’alors, qui est en grande partie celui d’aujourd’hui, aux offres des preˆteurs franc¸ais ? Le traite´ passe´ avec MM. Hope et Baring, re´pond le rapporteur, se liait probablement a` d’autres convenances2. S’agit-il enfin de la de´termination arbitraire par laquelle le ministre, au me´pris du vœu de la Chambre, s’est e´carte´ de la concurrence ? Le rapporteur parle de motifs qui se pre´sentent a` la pense´e et peuvent sembler justes, comme s’il n’euˆt pas e´te´ du devoir du ministre de ne pas laisser la commission s’e´garer en hypothe`ses, mais de lui de´clarer ses ve´ritables motifs. Ainsi, pas un fait, mais d’incertaines conjectures, que le rapporteur ne vous pre´sente lui-meˆme qu’avec l’air de doute, et comme presse´ de sortir, par des phrases insignifiantes et des complimens sur les intentions, de cette partie difficile d’un travail qu’il ne voulait pas rendre accusateur. 13 tire´es et de l’e´poque ] tire´es de l’e´poque M 453c Opinion 16 1 2

Voir ci-dessus, pp. 205 et 513. Voir ci-dessus, pp. 183–186.

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Vous dira-t-on, Messieurs, qu’il ne faut plus revenir sur des transactions consomme´es depuis deux ans ? Je n’aurais qu’une remarque a` vous faire : l’anne´e dernie`re on vous disait qu’il n’e´tait pas temps encore, et l’on pre´tendrait cette anne´e qu’il n’est plus temps ? Ce serait vraiment insulter a` la sagesse de cette Chambre, ou la croire tellement de´voue´e et docile, qu’elle n’as pire qu’a` trouver des pre´textes pour tout permettre comme pour tout approuver. Quoi qu’il en soit, Messieurs, j’ai rempli mon devoir. J’espe`re eˆtre soutenu dans la disposition que je vous propose d’adopter ou plutoˆt de renouveler de l’anne´e dernie`re, par les honorables colle`gues qui ont reconnu alors que ma demande serait juste cette anne´e. Je compte donc sur des appuis qui ont, a` bien des titres, plus d’autorite´ que moi dans les matie`res de finances. Je compte beaucoup, par exemple, sur notre honorable colle`gue M. de Ville`le, qui a dit que ma proposition allait de droit a` cette session. Au moins pour l’emprunt de 14 millions, M. de Ville`le me doit son assistance, car il s’est prononce´ en 1818. «La re´daction de la loi, a-t-il dit, le 24 avril, e´tablit elle-meˆme le principe de la concurrence. Elle se sert de cette expression, il sera ouvert un emprunt. L’ide´e de la concurrence en est le re´sultat inse´parable : qui dit ouverture dit concours.»1 Je ne veux pas me laisser de´courager dans mon espoir par une expe´rience re´cente. J’aime a` croire qu’il n’en sera pas pour des objets de finance comme pour la liberte´ de la presse et la liberte´ individuelle. Quoi qu’il en soit, Messieurs, je le re´pe`te, j’aurai rempli mon devoir, et c’est beaucoup dans les circonstances actuelles. Au milieu des calamite´s qu’on nous pre´pare, qui sait si quelqu’un d’entre nous aura bientoˆt une autre consolation que sa conscience ? Oui, Messieurs, au milieu des calamite´s qu’on nous pre´pare ; car bouleverser toute la situation d’un peuple, lui ravir ses institutions, lui arracher ses droits, le de´pouiller de ses garanties, c’est pre´parer de grandes calamite´s. Du moins nous n’y aurons pas coope´re´, meˆme par notre silence ; et si nous en sommes les victimes, comme bien d’autres, car au milieu de la conflagration qu’on attise, les re´sultats sont incalculables, ce n’est pas sur nous que la responsabilite´ pe`sera. Cette res16–19 «La re´daction ... concours.» ] sans les guillemets M 453c calamite´s. (Murmures a` droite) Du moins M 453c 1

29 calamite´s. Du moins ]

En fait, le discours de Ville`le date du 28, non du 24 avril. BC le cite exactement, selon la version imprime´e dans le Moniteur. Mais on observera l’habilete´ tactique de l’orateur : il s’appuie sur l’autorite´ d’un te´nor de la droite, alors que Ville`le avait en re´alite´ comple´te´ une intervention remarque´e de Camille Jordan qui avait, lui, demande´ a` ce que les emprunts soient soumis au principe de la concurrence ouverte (voir Moniteur, no 120, 30 avril 1818, p. 641c).

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ponsabilite´ sera grave : c’est une chose grave que de troubler gratuitement le repos, d’attaquer sans motif et sans excuse la liberte´ des nations ; c’est une chose grave que de conspirer contre un ordre e´tabli, garanti par les sermens les plus saints, productif de´ja` d’une prospe´rite´ croissante, et que les ministres sacrifient au de´pit d’avoir vu quelques unes de leurs combinaisons inutiles et quelques unes de leurs pre´tentions froisse´es. J’ai donc cru, Messieurs, devoir faire entendre de nouveau ma voix a` cette tribune, qui, par miracle, est encore libre, au milieu de la France esclave et muette. (Interruption.) Messieurs, j’appelle esclave tout pays ou` les citoyens peuvent eˆtre arreˆte´s et de´tenus arbitrairement. Luttons ne´anmoins jusqu’au dernier moment. Si des e´lections factices nous bannissent de cette tribune ; si une loi torture´e, alambique´e, refaite cent fois, et qui n’est plus, dit-on, celle qui nous a e´te´ soumise, vient balayer les derniers vestiges du syste`me repre´sentatif, alors seulement toute espe´rance sera perdue ; alors reparaıˆtront ces deux degre´s, objets des vœux ardens de ceux qui veulent s’imposer comme de´pute´s au peuple, et qui, pour cela, ne veulent avoir besoin que de leurs propres voix ; ces deux degre´s que notre honorable colle`gue M. Laine´ a foudroye´s dans cette enceinte d’une e´loquence alors puissante par la ve´rite´, et qu’il a de´montre´s eˆtre incompatibles avec toute e´lection franche, destructifs de toute participation re´elle de la masse des e´lecteurs, et contraires, par conse´quent, a` l’esprit et au texte de la Charte1 ; alors reparaıˆtront ces cent ou deux cents plus impose´s, invention perfectionne´e d’un despote qui les portait a` six cents, combinaison de l’oligarchie pour transformer, au profit de dix mille privile´gie´s, les ve´ritables e´lecteurs en une classe d’ilotes, et pour ramener exclusivement sur ces bancs ces hommes de l’ancien re´gime, que, dans un discours plein de force et de verve, notre honorable colle`gue M. Beugnot qualifiait a` cette tribune de courtisans re´volte´s, d’ennemis des rois et d’auteurs de tous les troubles qui ont couˆte´ tant de sang et de larmes a` la France2. 2–3 nations ; c’est une chose ] nations. C’est une chose Opinion 20 9 (Interruption.) ] (De violens murmures interrompent a` droite.) M 453c 10 arbitrairement. ] arbitrairement ... (M. Castel-Bajac. Non, Messieurs, nous ne sommes pas esclaves ... Nous n’avons jamais fle´chi sous le despotisme ...) M 453c 15 perdue ; alors ] perdue. Alors Opinion 21 16 de´pute´s au peuple ] de´pute´s du peuple M 453c Opinion 21 22 Charte ; alors ] Charte. Alors Opinion 21 1

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BC renvoie ici a` l’expose´ des motifs prononce´ a` la Chambre par Laine´, le 28 novembre 1816, pour pre´senter la loi sur les e´lections qui portera son nom. Voir OCBC, Œuvres, t. X, pp. 629–648). Ce mot allait eˆtre durablement attribue´ a` Beugnot qui, a` l’e´poque ou` BC le rappelle, e´tait en train de changer de bord pour suivre le courant dominant. Voir H. de Latouche, Biographie pittoresque des de´pute´s, pp. 23–27.

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Opinion sur le projet de loi relatif au re`glement des comptes ante´rieurs

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Nous resterons purs de toutes ces choses. Continuons donc a` de´fendre les principes que le monarque et le peuple avaient jure´s. De´fendons-les, ne fuˆt-ce que pour les le´guer comme traditions a` une autre e´poque. Les grandes crises politiques ont aussi leurs de´dommagemens. On peut vaincre avec honte, on peut eˆtre vaincu avec gloire. Heureux les noms qui, dans une lutte ge´ne´reuse, s’associent noblement aux derniers efforts pour la liberte´ ! La proposition que j’ai l’honneur de vous faire n’est, comme je l’ai dit en commenc¸ant, que l’exe´cution d’une proposition ajourne´e, mais adopte´e l’an passe´. Votre de´cision fera voir a` la France si la majorite´ de la Chambre veut que la gestion des ministres soit connue, ou si l’examen de leurs comptes n’est qu’une de´rision ; si elle veut que justice soit rendue a` tous, au ministre s’il n’a pas de torts, au Tre´sor s’il a e´te´ le´se´ ; ou si elle pre´fe`re que des ope´rations qui ont couˆte´ a` l’Etat et par conse´quent aux contribuables plus de 80 millions inutilement, deviennent son ouvrage par son indulgence, et soient, par sa sanction, couverte d’un voile officieux. Je propose, comme l’anne´e dernie`re, la disposition suivante : 1o Toutes les pie`ces relatives aux deux emprunts de 14 millions 600,000 fr. et de 24 millions, seront produites a` la Chambre par le ministre des finances, ainsi que toutes celles qui se rapportent aux ope´rations faites sur les rentes avec les fonds du Tre´sor, a` dater du mois de juin jusqu’au mois de novembre 1818. 2o La liste de souscription de l’emprunt de 14 millions 600,000 fr., et celle de la re´partition de cet emprunt seront imprime´es et distribue´es aux Chambres. Sans cet amendement, je vote le rejet du projet de loi portant re´glement de´finitif du budget de l’exercice de 1818.1

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Le discours, e´videmment, fait forte impression et la Chambre se de´chire de´ja` sur la seule question de savoir s’il faut l’imprimer ou non. Finalement l’impression est ordonne´e, mais la discussion se poursuivra longuement. Les six questions de BC n’obtiendront que des re´ponses inconsistantes des ministres Roy et Pasquier qui, dira Bignon, «se re´duisent a` des de´ne´gations vagues, a` de vaines assurances puise´es, nous disent-ils, dans leur propre conviction» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 71). BC e´tait assez content de lui, comme il le confie le lendemain a` Goyet : «je crois que vous rendrez justice a` mon discours de ce matin. Il est difficile de dire plus nettement que toute liberte´ est de´truite & que le syste`me est de nous re´duire a` la servitude» (OCBC, Correspondance, t. XI, p. 466). La Renomme´e qui publie ce discours le 6 avril, ajoute le commentaire suivant : «Jamais aucun de ses discours n’a produit une plus vive sensation» (La Renomme´e, no 266, 6 avril 1820, p. 1075b).

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[Discours sur le respect duˆ a` la loi]* Se´ance du 6 avril 18201

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La multiplicite´ des matie`res traite´es dans cette discussion ge´ne´rale doit ne´cessairement faire perdre de vue a` la chambre plusieurs des assertions e´mises au commencement d’un discours, lorsqu’elle en e´coute la dernie`re partie. Cependant il est quelque fois ne´cessaire de relever ces assertions ; c’est ce qui m’ame`ne a` cette tribune. Je ne parlerai pas de l’objet des subsistances. L’auteur du rapport sur les subsistances, l’un des meilleurs, des plus lumineux, des plus admirables qui aient e´te´ pre´sente´s dans cette chambre, y re´pondra sans doute suffisamment2. Mon but est seulement de revenir sur je ne sais quelles inculpations que M. Laine´ a reproduites, et qui avaient de´ja` e´te´ e´mises par un et meˆme je crois deux ministres de S. M., contre mes honorables amis et contre moimeˆme3 (Plusieurs voix a` droite. Traitez la question des comptes.) Ce n’est pas une discussion personnelle, c’est une discussion qui tient aux principes de la socie´te´, qui tient a` ce que vous traitez aujourd’hui. L’honorable pre´opinant nous a rappele´ le respect duˆ a` la loi, et, par une erreur qui avait e´te´ commise auparavant par M. le ministre des affaires e´trange`res, il a confondu l’indication tre`s-le´gitime des vices de la loi avec l’invitation a` la de´sobe´issance ou manque de respect a` la loi. Il est certain *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 99, samedi 8 avril 1820, pp. 461c–462a ; Archives parlementaires, t. XXVII, pp. 77–78. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 277–280. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, vendredi 7 avril 1820, pp. 1079c–1080b ; Journal des de´bats, vendredi 7 avril 1820, p. 4a ; Le Constitutionnel, no 98, vendredi 7 avril 1820, p. 4a ; La Quotidienne, no 98, vendredi 7 avril 1820, pp. 3b–4a ; L’Inde´pendant, no 332, vendredi 7 avril 1820, pp. 3b–4a ; Gazette de France, no 98, vendredi 7 avril 1820, p. 384ab.

1

Comme on en est toujours a` la discussion ge´ne´rale, les orateurs se suivent, les uns contreargumentant par rapport aux pre´opinants, les autres introduisant de nouveaux sujets, ce qui ne peut manquer d’arriver s’agissant du budget ou` la pluralite´ des objets est infinie. C’est en constatant cela que BC reprend la parole. Avant de pre´senter son rapport sur les subsistances, Laine´ avait re´pondu vertement a` Bignon et a` Chauvelin en accusant encore l’opposition de favoriser le trouble. Avant de le rabrouer sur ce point, BC avait donc tenu a` relever l’excellence du rapport de son adversaire politique. Roy, le ministre des Finances, et Pasquier, le ministre des Affaires e´trange`res, s’en e´taient pris a` plusieurs reprises a` la gauche dans leurs diffe´rentes re´ponses ou expose´s justifiant les agissements du gouvernement.

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que l’indication des vices d’une loi, meˆme rendue, est dans le droit et le devoir des membres de cette chambre1. Eh ! Messieurs, vous le faites tous les jours, vous-meˆmes ; depuis trois mois vous attaquez une loi rendue. On vient de vous parler des de´pute´s de l’anarchie, on dit qu’ils sont a` vos portes : n’est-ce pas attaquer la loi qui introduit ces de´pute´s ? (Voix a` droite. Pourquoi avez-vous parle´ des de´pute´s de l’oligarchie2 ? ... On n’a fait que vous re´pondre ...) Il est donc clair qu’en blaˆmant une loi existante, nous ne faisons que ce que fait le Gouvernement, ce que vous faites vous-meˆmes, ce que nous pouvons faire le´gitimement. La Charte nous envoie ici pour ame´liorer la le´gislation, et quand nous disons qu’une loi est vicieuse, nous sommes dans notre droit. Il faut obe´ir a` la loi, tant qu’elle existe ; mais nous avons le droit de dire qu’elle est vicieuse, et toutes les inculpations dirige´es sous le pre´texte de manquer de respect a` la loi, sont tout a` fait mal fonde´es. Je dirai plus : le meilleur moyen pour qu’un peuple obe´isse aux lois, c’est de lui montrer des le´gislateurs attentifs a` en indiquer les vices ; le meilleur moyen de faire supporter une loi mauvaise, c’est de faire naıˆtre dans le cœur de ceux qui en souffrent l’espoir qu’elle sera rapporte´e. Croyez-vous donc qu’en imposant silence, on ferait que le vice de la loi n’existaˆt pas ? Croyezvous que cette espe´rance, donne´e a` ceux qui en souffrent, n’est pas une espe`ce de soulagement ? C’est donc rendre service au Gouvernement que de faire pre´senter la probabilite´ du rapport de ces lois ... (Des murmures s’e´le`vent de nouveau a` droite et au centre ... Plusieurs voix A la question ! Parlez des comptes, parlez des comptes ...) Je ne sais pas si vous trouvez qu’ils soient dans la question ceux qui se permettent de dire aux autres qu’ils bouleversent les fondemens de la socie´te´. (Voix a` gauche C’est vrai, c’est vrai ... E´coutez, e´coutez ...) M. de Castelbajac. Vous eˆtes toujours le premier a` agiter l’Assemble´e, a` y jeter le feu ... 1

2

Toujours a` propos des re´gularisations financie`res pour les anne´es ante´ce´dentes, la discussion s’e´tait en effet prolonge´e sur la question des ope´rations relatives aux subsistances pour les anne´es 1816 et 1817. Beslay avait pre´sente´ au nom de la commission un rapport tre`s de´taille´ et Laine´, qui avait e´te´ ministre de l’Inte´rieur au moment des faits, entendait donner les pre´cisions attendues ; mais pre´ce´de´ a` la tribune par Chauvelin qui avait mis en e´vidence les vices de la loi, il avait lance´ une diatribe contre ceux qui critiquent sans nuances les lois rendues par une Chambre dont ils font eux-meˆmes partie (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 77). Reprenant une observation de BC dans son intervention pre´ce´dente, Chauvelin avait en effet parle´, de´signant le camp oppose´, des «e´lus de l’oligarchie» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 73). L’expression avait choque´ a` droite et Laine´ venait de s’exclamer, dans son discours : «lorsqu’il [Chauvelin] a dit avec beaucoup d’amertume : les de´pute´s de l’oligarchie sont a` nos portes, il s’exposait a` la re´ponse qu’il provoque : a` nos portes sont aussi les de´pute´s de l’anarchie» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 77).

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M. le pre´sident rappelle l’exe´cution de l’article du re`glement qui de´fend d’interrompre l’orateur. (Plusieurs voix. Qu’il se renferme dans la question.)

462a

J’ai l’honneur de vous repre´senter que, lorsque l’honorable pre´opinant a prononce´ les paroles que je re´pe`te, vous ne trouviez pas qu’il fuˆt hors de la question ; donc je n’y suis pas non plus. Le pre´opinant nous a parle´ de la ne´cessite´ des circonstances. Remarquez, Messieurs, que je suis d’autant moins hors de la question, que lorsqu’on discutera mon amendement, on fera aussi valoir les circonstances, meˆme dans les matie`res de finances ; car cette doctrine pe´ne`tre dans l’administration tout entie`re. Je re´pondrai au pre´opinant que je ne crois pas qu’il existe de circonstance qui permette de violer ces principes. Lorsqu’on a cite´ le mot de Cice´ron1, je n’ai pu m’empeˆcher de re´fle´chir sur le sort de cette re´publique que Cice´ron avait sauve´e. Elle est tombe´e meˆme avant la mort de Cice´ron. C’est ainsi, Messieurs, que les pre´tendus reme`des sont toujours funestes a` ceux qui les emploient, parce qu’en paraissant momentane´ment sauver l’Etat, qui ne serait pas tombe´ peut-eˆtre, on rend par la haine et la de´fiance dont on l’environne sa chute plus infaillible. Maintenant je passe a` ma dernie`re observation, qui est toujours une re´ponse que vous ne pouvez pas m’interdire de faire. Le pre´opinant vous a dit que les de´pute´s de l’anarchie e´taient a` notre porte. Eh ! quoi, Messieurs, les de´pute´s de l’anarchie sont a` notre porte, quand ils sont nomme´s par 80,000 proprie´taires, au nombre desquels se trouvent ceux qui veulent rapporter cette loi des e´lections ; car ce n’est pas une loi d’e´lection, c’est une loi d’exclusion qu’on vous propose aujourd’hui. (Nouveaux cris du coˆte´ droit. Ce n’est pas la` la question.) Quand l’honorable pre´opinant vous a parle´ des de´pute´s de l’anarchie, vous ne l’avez pas interrompu ; vous ne devez donc pas m’interrompre, quand je lui re´ponds. Non, Messieurs, 80,000 proprie´taires ne nommeront pas des de´pute´s de l’anarchie ; il n’y a personne dans cette chambre qui ait inte´reˆt a` l’anarchie ; il n’y a d’inte´resse´s a` l’anarchie que les hommes, quels qu’ils soient, qui veulent changer un ordre e´tabli, che´ri du peuple, auquel il s’est attache´ depuis trois anne´es, et que l’opinion publique re´clame ardemment2. Le pre´1

2

L’e´vocation explicite de Cice´ron a duˆ e´chapper aux ste´nographes : les sources ne la mentionnent pas dans les interventions qui ont pre´ce´de´ celle de BC. Comme c’est une re´fe´rence omnipre´sente dans les e´crits de celui-ci, il ne pouvait pas ne pas profiter de toute occasion pour e´ventuellement rectifier, comme cela semble eˆtre le cas ici, une e´vocation inexacte ou mal approprie´e du grand orateur. BC fait a` nouveau usage de son proce´de´ favori, de´tournant contre ses adversaires leurs propres attaques.

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opinant, a` propos des subsistances, vous a dit tout a` l’heure qu’il e´tait quelquefois ne´cessaire de faire des lois conformes aux pre´juge´s populaires, au pre´judice des principes. Supposons que la loi des e´lections soit conforme aux pre´juge´s du peuple, il faudrait encore la respecter d’apre`s la doctrine meˆme du pre´opinant1. J’ai duˆ monter a` cette tribune, parce que je n’ai pas voulu que mes honorables amis et moi fussions accuse´s de manquer de respect a` la loi, quand nous ne faisons que dire que cette loi est vicieuse, que nous invitons a` y obe´ir, jusqu’a` ce que cette loi, qui est une grande imprudence du Gouvernement, soit rapporte´e. J’ai duˆ y monter pour repousser les inculpations qu’on s’y e´tait permises. Peut-eˆtre l’aurais-je fait avec plus de facilite´ et de clarte´ sans les interruptions qui m’ont trouble´, et si l’on ne m’avait pas conteste´ le droit qu’on avait accorde´ a` ceux auxquels je re´ponds. Je crois cependant en avoir assez dit pour faire voir qu’on voulait nous placer sur un mauvais terrain, nous pre´senter comme des hommes qui cherchent a` re´pandre le de´sordre, tandis que c’est l’ordre seulement et le maintien de ce qui existe que nous voulons. Nous espe´rons que le Gouvernement reviendra sur des lois qui compromettent la suˆrete´ du troˆne. On vous a dit hier que le troˆne ne peut eˆtre compromis2, je le crois aussi ; car le troˆne constitutionnel a pour base le peuple, qui est assez e´claire´ pour croire que les ve´ritables liberte´s re´sident dans une monarchie constitutionnelle. Mais des imprudens peuvent y porter le de´sordre ; ainsi mon honorable ami a eu raison, quand il vous a dit que ces lois peuvent compromettre la suˆrete´ du troˆne3, et nous avons raison, de re´clamer non pas la de´sobe´issance aux lois dont il s’agit, mais de te´moigner le vif de´sir qu’elles soient promptement abroge´es. (Mouvement d’adhe´sion a` gauche.)

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La fin du discours de Laine´ n’est donne´ dans les sources que sous forme de re´sume´ ; on ne peut donc pas identifier avec pre´cision le passage auquel re´pond BC. Pasquier avait termine´ son intervention du 5 avril sur cette ide´e (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 63). Chauvelin : «Lorsque le ministe`re s’est place´, de son propre choix, par sa seule volonte´, dans un e´tat ouvert d’hostilite´ contre toute la France, il s’e´tonne que l’on vienne lui dire qu’il compromet la suˆrete´ du troˆne.» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 70).

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[Intervention relative au budget]* Se´ance du 8 avril 18201

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Messieurs, La loi du 27 juin 1819, article 202, porte : «Le compte annuel des finances sera accompagne´ de l’e´tat de situation des travaux de la cour des comptes, au 1er septembre de chaque anne´e.» Cet article a e´te´ adopte´ sur la proposition de M. le ministre meˆme, alors rapporteur de la commission des comptes. Il s’e´tait plaint que les garanties qu’il de´sirait n’existassent pas dans la cour des comptes3. Il avait explique´ que ce de´faut de garanties tenait a` la non-communication des travaux de la cour des comptes aux chambres. Il avait en conse´quence propose´ l’article 20 que j’ai eu l’honneur de vous citer. Un ministre, je crois que c’e´tait M. le ministre actuel des affaires e´trange`res4, s’y e´tant oppose´, M. le rapporteur avait re´plique´, le 24 mai 1819, de la manie`re suivante : «Il est ne´cessaire que les chambres soient instruites chaque anne´e du re´sultat des travaux de la cour des comptes, puisque ce re´sultat a des rapports essentiels avec l’administration ge´ne´rale des finances et avec la fortune publique. L’objet de l’article qui vous est propose´ est de leur en donner connaissance. Il pourrait eˆtre attaque´ avec bien plus d’avantage comme insuffisant, qu’il ne peut l’eˆtre comme dangereux. *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 101, lundi 10 avril 1820, p. 471a ; Archives parlementaires, t. XXVII, pp. 132–133. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 281–282. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, dimanche 9 avril 1820, pp. 1085c–1086a ; Journal des de´bats, dimanche 9 avril 1820, p. 3b ; Le Constitutionnel, no 100, dimanche 9 avril 1820, p. 1b ; La Quotidienne, no 100, dimanche 9 avril 1820, pp. 3b–4a ; L’Inde´pendant, no 335, dimanche 9 avril 1820, p. 2b.

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La Chambre a clos la discussion ge´ne´rale sur le projet de loi relatif au re`glement de´finitif des comptes ante´rieurs a` 1819. Le pre´sident a expose´ le re´sume´ des de´bats et rappele´ les amendements apre`s quoi il donne lecture, pour le soumettre a` la discussion particulie`re, de l’article 1er. C’est la` qu’intervient BC qui cherche a` affaiblir la position du gouvernement en montrant l’opportunisme des allie´s d’aujourd’hui qui e´taient hier des adversaires. En re´alite´, il s’agit de l’article 21. Roy. Pasquier avait argumente´ contre cet article 21 en pre´tendant qu’il ge´ne´rerait une pression malsaine sur le travail minutieux de la Cour des comptes (Archives parlementaires, t. XXIV, pp. 541–542).

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Il est ge´ne´ralement reconnu qu’une loi de comptabilite´ est indispensable : une telle loi est fondamentale. Votre commission n’a pas he´site´ a` penser qu’elle ne devait pas en prendre l’initiative : elle appartient au Gouvernement. Elle n’a voulu que vous proposer une mesure d’ordre, une mesure provisoire, une mesure dont elle sent elle-meˆme l’insuffisance, mais qu’il est dans vos attributions de pouvoir adopter. Son respect pour la pre´rogative royale ne lui a pas permis d’aller plus loin.»1 D’apre`s ces observations, la chambre a adopte´ cet article. La cour des comptes, a` ce qu’on m’apprend, a satisfait a` ses obligations. Elle a remis l’e´tat sommaire de ses travaux, et un cahier d’observations qui le de´veloppe. Ces deux pie`ces auraient duˆ eˆtre imprime´es et distribue´es. Je demande que le vote de tout cre´dit supple´mentaire soit ajourne´ jusqu’apre`s l’impression et la distribution de ces pie`ces. Voix a` gauche. Appuye´, appuye´ ...2 D’apre`s cette explication, je retire mon amendement.

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Citation exacte tire´e de l’intervention de Roy (Archives parlementaires, t. XXIV, p. 545). Ici, Roy, ministre des Finances, explique que l’article 20 en question n’est applicable que pour les comptes de 1819, que la Cour des comptes lui a remis un e´tat que la commission ne lui a pas re´clame´ et qui ne serait, selon lui, «d’aucune instruction pour la Chambre». BC lui re´pond alors.

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[Intervention contre un cre´dit demande´ par la direction des douanes]* Se´ance du 8 avril 18201

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Je m’oppose au cre´dit supple´mentaire demande´ par M. le directeur ge´ne´ral des douanes, parce qu’il me semble ne s’eˆtre pas conforme´ a` la loi. Si j’ai raison, les ministres me sauront gre´ de mon opposition. Ils ont recommande´ le respect aux lois. Le meilleur moyen de leur procurer du respect, c’est de les exe´cuter. La loi du 15 mai 1818 comprend, dans la de´signation des produits bruts dont l’administration des douanes doit compter, non-seulement les sels et les douanes, mais encore les amendes et confiscations. Dans le rapport fait par M. Roy, alors de´pute´, aujourd’hui ministre, le 21 mars 1818, au nom de la commission du budget, il s’exprime ainsi : «L’administration des douanes ne peut se dispenser de comprendre dans les produits bruts le montant des amendes et saisies, et d’en porter e´galement en de´pense toute la portion dont le pre´le`vement est autorise´ par la loi, soit en faveur des employe´s, soit au profit de la caisse des pensions.»2 L’anne´e dernie`re, je re´clamai l’exe´cution de cette disposition, dont M. le directeur ge´ne´ral des douanes avait trouve´ bon de s’affranchir. M. le rapporteur de 1819, M. Beugnot, si je ne me trompe, ne vit point d’objection valable a` faire a` ma demande. M. le directeur ge´ne´ral de´clara de sa place, ou a` cette tribune, qu’il s’y conformerait3. Il ne l’a pas fait. Je vote contre tout supple´ment de cre´dit a` lui accorder jusqu’a` ce qu’il ait rempli son engagement et obe´i a` la loi. *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 101, lundi 10 avril 1820, p. 472ab ; Archives parlementaires, t. XXVII, pp. 136–137. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 282–283. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, dimanche 9 avril 1820, p.1086b ; Journal des de´bats, dimanche 9 avril 1820, p. 4a ; Le Constitutionnel, no 100, dimanche 9 avril 1820, p. 2a ; La Quotidienne, no 100, dimanche 9 avril 1820, p. 4a ; L’Inde´pendant, no 335, dimanche 9 avril 1820, p. 3a ; Gazette de France, no 100, dimanche 9 avril 1820, p. 392a.

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Le pre´sident a re´capitule´ un amendement qui avait e´te´ propose´ relativement aux de´penses du ministe`re des Finances. Une fois de plus, BC intervient aussitoˆt pour mettre en lumie`re les contradictions qui se font jour entre la le´gislation et les propositions des ministe`res. Citation fide`le (Archives parlementaires, t. XXI, p. 401). BC citera a` nouveau le meˆme passage dans son intervention du 18 avril (ci-dessous, p. 552) Voir ci-dessus, pp. 253–262.

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Cet objet peut vous sembler minutieux, mais 1o il s’agit de l’obe´issance a` la loi : certes ce n’est pas de peu d’importance ; 2o aucun objet n’est minutieux, quand il s’agit de la re´gularite´ des comptes, et par conse´quent des sueurs des contribuables. D’apre`s les explications de M. le ministre des finances, j’ajourne ma proposition au moment ou` l’on discutera les voies et moyens.

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[Intervention pour passer a` l’ordre du jour sur une pe´tition]* Se´ance du 14 avril 18201

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Vous avez passe´ a` l’ordre du jour sur toutes les pe´titions qui demandaient le maintien de la loi des e´lections, parce que, disiez-vous, vous ne vouliez pas pre´juger la question. Il me semble que vous devez e´galement passer a` l’ordre du jour sur une pe´tition qui pre´sente un projet de loi sur les e´lections. N’ayant pas voulu pre´juger la question, qu’il ne serait rien change´ a` cette loi, vous ne voudrez pas non plus pre´juger la question qu’il y sera change´ quelque chose. Je m’oppose donc au renvoi propose´, et je demande l’ordre du jour. (Plusieurs voix a` gauche : Appuye´).2

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E´tablissement du texte : Imprime´ : Archives parlementaires, t. XXVII, p. 207. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, samedi 15 avril 1820, p. 1109a ; Journal des de´bats, samedi 15 avril 1820, p. 3a ; Le Constitutionnel, no 106, samedi 15 avril 1820, p. 3a ; La Quotidienne, no 106, samedi 15 avril 1820, p. 3b ; Gazette de France, no 106, samedi 15 avril 1820, p. 415a.

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Cette intervention ne figure pas dans les nos 106 et 107, samedi 15 et dimanche 16 avril 1820 du Moniteur universel, qui relatent la se´ance du 14. Alors que la Chambre s’appreˆte, dans les semaines a` venir, a` discuter du projet de loi sur les e´lections, une pe´tition e´manant d’un citoyen du Tarn et proposant une nouvelle loi e´lectorale a e´te´ rec¸ue par les bureaux de la Chambre. La commission propose de renvoyer cette pe´tition a` la commission qui est en train d’examiner le projet de loi du gouvernement. BC intervient de fac¸on cinglante. Pour une fois, BC obtient gain de cause : l’ordre du jour est prononce´.

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[Intervention s’opposant a` la conclusion du rapporteur sur une pe´tition]* Se´ance du 15 avril 18201

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Je viens m’opposer a` la conclusion de M. le rapporteur, et demander l’ordre du jour sur la pe´tition. Sans les dernie`res phrases du rapport et les expressions : faits utiles a` faire connaıˆtre, qui indiquent que les faits sont prouve´s, je ne m’opposerais point au de´poˆt de la pe´tition au bureau des renseignements2 ; mais il m’a paru que M. le rapporteur a regarde´ beaucoup trop le´ge`rement comme des faits prouve´s des assertions tre`s proble´matiques et tre`s douteuses. Comme plusieurs fois la Chambre a cru ne pas devoir ordonner le de´poˆt au bureau des renseignements de pe´titions qui renfermaient des faits graves, parce qu’ils n’e´taient pas accompagne´s de preuves, si nous ordonnions le de´poˆt de cette pe´tition au bureau des renseignements, nous paraıˆtrions adopter les conclusions du rapporteur, qui tendent a` fle´trir les hommes qui ont signe´ les pe´titions relatives au maintien de la Charte et de la loi des e´lections. Je suis convaincu qu’en faisant d’autres recherches, on trouverait que les manœuvres qui ont e´te´ employe´es l’ont e´te´ dans un sens tout contraire, c’est-a`-dire pour de´tourner les citoyens de signer ces pe´titions ; que les fonctionnaires qui les ont signe´es ont e´te´ menace´s de destitution3. Ainsi, je ne crois pas que la Chambre doive adopter la pro*

E´tablissement du texte : Imprime´ : Archives parlementaires, t. XXVII, pp. 228–229. Manuscrit : BCU, Co 4380, p. 283. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, dimanche 16 avril 1820, p. 1113a ; Journal des de´bats, dimanche 16 avril 1820, p. 2a ; Le Constitutionnel, no 107, dimanche 16 avril 1820, p. 1a ; La Quotidienne, no 107, dimanche 16 avril 1820, p. 3a ; Gazette de France, no 107, dimanche 16 avril 1820, p. 418ab.

1

Le maire de la commune de Mas d’Agenois (Lot-et-Garonne) avait adresse´ une pe´tition demandant la re´gulation du droit de pe´tition, au motif que, dans sa commune, des pe´titions contre le changement de la loi d’e´lection avaient circule´ de manie`re douteuse. La restriction du droit de pe´tition e´tait l’un des sujets pre´fe´re´s de la droite ; aussi y a-t-il lieu de se demander si la droite n’avait pas elle aussi use´ de la tactique impute´e a` la gauche en suscitant des pe´titions. En tout cas, BC toujours aussi sensible sur cette question re´pond vertement au rapporteur de la commission, le comte d’Hautefeuille, qui avait propose´ de renvoyer la pe´tition au bureau des renseignements (c’est-a`-dire de la conserver pour un examen plus approfondi) et de revenir sur la question lorsque la proposition de´pose´e par Maine de Biran et alors examine´e par les bureaux, serait mise en discussion a` la Chambre (voir ci-dessus, p. 354 et 447–450). Les sources ne livrant pas le rapport de la commission, on ne peut ve´rifier les affirmations de BC. ` des alle´gations sans preuves, BC oppose des hypothe`ses ; encore la tactique du retourA nement.

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position de M. le rapporteur telle qu’elle est motive´e ; s’il l’avait motive´e sur la ne´cessite´ de recueillir des faits, des renseignements, je crois qu’en effet il en pourrait re´sulter beaucoup de lumie`res sur l’inte´grite´ des pe´titionnaires, et sur ceux qui ont cherche´ a` empeˆcher les signatures. Je m’en tiens donc a` demander l’ordre du jour1. Je persiste a` de´clarer que les seules assertions du pe´titionnaire ne suffisent pas pour les conside´rer comme preuve des fait qu’il avance, et que, suivant la jurisprudence e´tablie, la Chambre doit passer a` l’ordre du jour, afin de ne pas avoir l’air de prendre parti sur une question grave qui partage encore l’opinion publique. Je suis convaincu, je le re´pe`te, que si l’on examinait scrupuleusement les faits, on trouverait la preuve que des oppositions, des mencaes de destitutions ont e´te´ autant d’entraves a` l’expression du vœu des citoyens en faveur de la loi des e´lections2. M. Benjamin Constant reproduit les meˆmes observations qu’il a de´ja` exprime´es, et demande que l’ordre du jour soit prononce´ sur la pe´tition.3

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Ici, le rapporteur conteste les propos de BC et estime que les preuves existent «Puisque la plus grande partie des habitants et les membres du conseil municipal du Mas-d’Agenois n’ont point partage´ les sentiments du petit nombre de signataires pour le maintien de la loi sur les e´lections». Le pre´sident soumet aux voix la proposition de BC de passer a` l’ordre du jour sur la pe´tition. Le re´sultat du scrutin e´tant douteux, le pre´sident propose d’entendre le rapporteur sur d’autres pe´titions et de voter une nouvelle fois «au moment ou` l’Assemble´e plus nombreuse aura entendu une nouvelle communication du rapport de la commission». Quelques instants plus tard, nouveau compte rendu du rapporteur sur la pe´tition du maire de Masd’Age´nois. BC persiste ; la Chambre adopte sa proposition de passer a` l’ordre du jour. BC est suivi par la majorite´ de la Chambre : l’ordre du jour est adopte´.

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Opinion sur les amendemens propose´s a` l’art. huit du second projet de loi relatif aux comptes arrie´re´s.* (Se´ance du 15 avril 1820.)1

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MESSIEURS, Apre`s les discours de deux de nos honorables colle`gues2, et surtout de mon honorable ami M. Casimir Pe´rier, je n’aurais pas eu la pre´somption de demander la parole, si quelques objections de MM. les ministres ne m’avaient paru encore exiger une re´ponse. Auteur de l’amendement qui a valu a` la Chambre la connaissance de tant de faits pre´cieux3, je crois devoir ne laisser sans e´claircissement aucun des subterfuges que l’on nous oppose ; mais je serai court : mes honorables pre´de´cesseurs ont abre´ge´ ma taˆche et l’ont rendue facile. Je serai court, Messieurs, par respect pour le temps que vous accordez a` nos de´bats, et par un sentiment de convenance qui, j’espe`re, ne cessera jamais de me diriger ; mais non par ces e´tranges invitations de MM. les ministres, invitations e´tranges, je le re´pe`te, et par les principes qu’elles e´tablissent, et par la forme dont elles sont reveˆtues. Je ne puis reconnaıˆtre *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 296–305 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 296–305 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 108, lundi 17 avril 1820, pp. 503b–504a [=M] Chambre des de´pute´s. Opinion de M. Benjamin Constant ... sur les amendemens propose´s a` l’art. 8 du second projet de loi relatif aux comptes arrie´re´s, [Paris :] Hacquart, s.d., 15 p. [=Opinion] ; Archives parlementaires, t. XXVII, pp. 236–238. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 283–291. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, dimanche 16 avril 1820, pp. 1113c–1114c ; Journal des de´bats, dimanche 16 avril 1820, p. 3ab ; Le Constitutionnel, no 107, dimanche 16 avril 1820, pp. 2a–3a ; La Quotidienne, no 107, dimanche 16 avril 1820, pp. 3b–4a ; Gazette de France, no 107, dimanche 16 avril 1820, p. 419ab.

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La discussion a repris sur le projet de loi relatif au re`glement des comptes de 1818. La veille, Casimir Perier avait prononce´ un long discours pour revenir entre autres sur la ` l’ouverture de la se´ance du 15, question des deux emprunts contracte´s par l’E´tat en 1818. A Sapey avait pris la parole notamment pour soutenir la demande qu’avait faite BC de pouvoir obtenir les pie`ces et traite´s lie´s a` ces fameux emprunts de 1818 ainsi que la liste des preˆteurs (voir ci-dessus, p. 521). Pasquier lui avait re´pondu ainsi qu’a` Casimir Perier et au ge´ne´ral Foy qui e´tait e´galement intervenu la veille. BC prend la parole apre`s le ministre. Le ge´ne´ral Foy et Sapey. L’amendement de´pose´ par BC le 5 avril (voir ci-dessus, pp. 511–521), demandant a` ce que toutes les pie`ces relatives aux deux emprunts ainsi que la liste des souscripteurs de ceux-ci soient communique´es aux de´pute´s.

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que nous encourions un blaˆme me´rite´, et que nous faussions le syste`me repre´sentatif, lorsque nous ne votons pas sans examen une loi qui doit re´gler les comptes qu’ils nous pre´sentent. Je ne puis croire que le droit de discuter les de´penses faites ou a` faire ne soit, comme ils ont la bonte´ de nous l’apprendre, que le droit de les consentir ; je ne puis croire, comme ils permettent ou ordonnent que leurs e´crivains l’impriment, qu’en remplissant nos devoirs nous soyons ridicules, et qu’il fuˆt naturel de rire de nous, si quelque chose de trop se´rieux ne se trouvait au fond de ce ridicule. Ce sont, Messieurs, les propres expressions du Moniteur, qui, certes, appartient doublement aux ministres, et comme officiel et comme censure´1. Mais ces e´pigrammes, si ge´ne´reuses et si de´centes, dans des feuilles dont ils ont le monopole, et ou` ils insultent les de´pute´s qui n’ont pas la faculte´ de re´pondre, ne sauraient me de´courager. Vous eˆtes encore, Messieurs, les le´gitimes et inde´pendans mandataires de la France, et je pense que MM. les ministres, dans l’impatience et l’ardeur de leurs de´sirs qui ne sont pas encore accomplis, devancent l’e´poque ou`, s’ils re´ussissent dans leurs projets, ils ne verront ici que leurs salarie´s et leurs cre´atures. Car, sans vouloir rentrer dans une carrie`re qu’a rouverte le ministre auquel je succe`de a` cette tribune2, il me sera permis de dire que la France, que je crois aussi constitutionnelle et royaliste, aurait beau eˆtre royaliste et constitutionnelle, si des lois nouvelles et astucieuses l’asservissaient a` un parti que je crois e´galement peu constitutionnel et peu royaliste. Je vais donc re´pondre a` quelques raisonnemens de MM. les ministres, et, pour abre´ger cette discussion, je ne vous pre´senterai point de conside´rations suivies ; je prendrai les objections une a` une. Quant a` l’emprunt de 24 millions, que vous-a-t-on dit ? Deux choses, dont l’une est sans preuves et l’autre sans ve´rite´. Celle qui est sans preuves, c’est qu’il e´tait commande´ au ministe`re, par des raisons diplomatiques, de livrer cet emprunt aux e´trangers.

12 insultent les de´pute´s ] insultent des de´pute´s Discours 1827 I 297

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On se souvient que le Moniteur avait obtenu un monopole de fait dans la publication des de´bats, a` la suite des discussions houleuses des 11 et 13 mars (voir ci-dessus, p. 432, note 2). Mais a` propos du ridicule, on ne voit pas bien a` quoi BC fait concre`tement allusion, le Moniteur des jours pre´ce´dents n’ayant rien communique´ de plus que des didascalies du type «On rit», attribue´es d’ailleurs tantoˆt a` la droite, tantoˆt a` la gauche. Pasquier avait termine´ son intervention en affirmant qu’un gouvernement e´tabli de manie`re constitutionnelle devrait permettre d’e´viter les conse´quences graves d’une e´ventuelle impe´ritie des ministres.

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Celle qui est sans ve´rite´, c’est qu’on n’avait pu le donner a` des capitalistes franc¸ais, parce que ces capitalistes avaient fui au moment de la crise. Cela est de´nue´ de tout fondement, vous le savez tous. Ces capitalistes se sont offerts, et ont e´te´ repousse´s. C’est pour se disculper que le ministe`re les inculpe. Je l’avoue, quand sur deux assertions je trouve que celle dont je puis juger est directement contraire a` des faits connus, je suis peu dispose´ a` admettre celle qui n’est appuye´e d’aucune preuve. Que dis-je, d’aucune preuve ? L’aveu de la faussete´ de cette assertion est enfin obtenu : le ministre qui m’a pre´ce´de´ a` cette tribune est convenu que les puissances n’avaient pas exige´ que l’emprunt fuˆt remis a` des capitalistes e´trangers : c’est un aveu pre´cieux. Il a voulu en de´truire les conse´quences en parlant des avantages indirects qui en sont re´sulte´s ; mais ces avantages indirects ont e´te´ que cet emprunt a e´te´ ruineux ; c’est-a`-dire, que, quand vous objectez a` MM. les ministres que l’em prunt a e´te´ ruineux, ils vous re´pondent qu’ils ont e´te´ force´s a` le livrer aux e´trangers ; et quand vous leur demandez pourquoi ils l’ont livre´ aux e´trangers, ils vous re´pondent qu’ils l’ont fait pour empeˆcher qu’il ne fuˆt ruineux. Cet aveu n’est pas le seul que cette discussion ait arrache´ aux ministres. Ils vous disent qu’il ne suffit pas qu’un emprunt ait e´te´ souscrit, qu’il faut encore qu’il soit exe´cute´. Ainsi, si l’emprunt n’a pas e´te´ exe´cute´, l’excuse des ministres tombe. Or, l’emprunt avec les e´trangers n’a pas e´te´ exe´cute´, il a fallu en re´silier une partie, il a fallu racheter 6 millions de rentes ; la France a perdu 21 millions a` ce rachat. Ainsi donc, on vous alle`gue pour excuses des ne´cessite´s pre´tendues ; et quand vous examinez ces ne´cessite´s, il se trouve qu’elles ne sont point re´alise´es. On nous a dit que la baisse cause´e par la vente de 2 millions de rentes au moment de l’emprunt, n’avait pu eˆtre dans l’intention du ministe`re, parce que ceux a` qui ces 2 millions e´taient vendus, se trouvaient inte´resse´s a` faire hausser la rente, puisqu’ils en avaient. Mais c’est vouloir vous faire illusion sur la question. La petite conside´ration de la perte que leur occasionnerait la baisse, pour ce qu’ils avaient, e´tait bien contrebalance´e par le be´ne´fice que leur procurait cette meˆme baisse pour les achats qu’ils devaient encore. Vous serez frappe´s de cette ve´rite´ si vous daignez y re´fle´chir un instant. Un homme a 100 mille francs de rentes. S’il ne veut pas faire d’achats ulte´rieurs, il est certain qu’il gagne a` ce que la rente soit a` 80 plutoˆt qu’a` 70 : il est plus riche d’un huitie`me. Mais cet homme doit acheter 500 mille francs de rentes : il est clair qu’il gagne a` ce que la rente soit a` 70 plutoˆt qu’a` 80 ; car s’il perd le huitie`me du capital de ses 100 mille francs de 33 devaient encore ] devaient faire encore M 503b

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rentes, il gagne le septie`me du capital des 500 mille francs de rentes qu’il doit acheter. Quant a` l’emprunt de 14 millions 600,000 francs, l’on a dit que la publicite´ de la liste serait la re´ve´lation des affaires personnelles des preˆteurs1. Mais cette liste n’est pas leur bilan. Le public n’a sans doute aucun droit a` connaıˆtre les affaires personnelles des individus, quand ses inte´reˆts n’y sont pas meˆle´s. Mais l’emprunt n’est pas seulement l’affaire personnelle des preˆteurs, c’est encore l’affaire personnelle de l’emprunteur. La France a droit de connaıˆtre ses affaires personnelles ; et si, comme je le crois, les affaires personnelles de la France ont e´te´ sacrifie´es aux affaires personnelles de quelques hommes qu’on a voulu enrichir et favoriser, c’est une raison de plus pour que la France le sache. Messieurs, daignez re´fle´chir dans quelle position vous mettez le gouvernement, le ministe`re, vous-meˆmes, en refusant obstine´ment la publicite´ que nous demandons. Eh quoi ! des ministres, des de´pute´s, ont souscrit pour un emprunt : l’opinion ne sait ce qu’elle doit penser d’une ope´ration qu’elle ne connaıˆt qu’imparfaitement. Les uns sont convaincus que ces souscripteurs n’ont rien fait que de le´gitime et d’honorable ; mais les autres, il faut bien le dire, pensent, a` tort si vous le voulez, que ces souscrip teurs puissans, ou prote´ge´s par des hommes puissans, ont obtenu d’e´normes et scandaleux avantages. Refuser les e´claircissemens, les pie`ces, la liste qu’on re´clame, ce serait de´clarer que tous les soupc¸ons sont fonde´s. Quant a` moi, je l’avoue, j’e´tais, je suis encore dispose´ a` repousser tous les bruits de´savantageux : mais je ne pourrais re´sister a` la conviction que votre refus porterait dans mon esprit ; et si vous vous obstiniez a` nous cacher ce que nous avons, pour l’honneur meˆme des inte´resse´s, le de´sir d’apprendre, j’aurais la douleur de croire qu’ils ont inte´reˆt a` ce myste`re, et qu’ils se re´signent aux soupc¸ons pour e´chapper aux certitudes. J’ajouterai, Messieurs, une conside´ration de´licate a` exprimer, mais dont l’e´nonce´ meˆme vous prouvera combien tout esprit de parti est loin de moi, et combien j’ai a` cœur l’inte´reˆt et l’honneur de cette Chambre. Plusieurs de mes honorables amis figurent parmi les souscripteurs de l’emprunt pour des sommes diverses, en raison de leur fortune. De ce nombre sont MM. Laffitte, Casimir Pe´rier, Saulnier, Sapey. Eh bien ! Messieurs, ils n’ont aucune objection a` la publicite´ de la liste ; ils la sollicitent au contraire : ils se joignent a` moi pour la re´clamer. Que voulez-vous que pense la France, si d’autres de´pute´s, si des ministres semblent reculer devant cette publicite´ ? Pourquoi notre honorable colle`gue M. Pasquier redouterait-il ce que de´sire

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On rappelle que BC demande a` ce que soit publie´e la liste des souscripteurs de cet emprunt.

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M. Laffitte ? Pourquoi notre honorable colle`gue M. Roy craindrait-il ce que ne craint pas M. Pe´rier ? Messieurs, sous Henri IV, il y avait aussi des dila pidations de la fortune publique ; mais le ministre de ce grand prince ne s’opposait point a` la publicite´ ; il la recherchait comme le seul frein a` ces manœuvres. Vous trouverez dans ses Me´moires la liste des personnes enrichies par des ope´rations scandaleuses1. Cependant la France n’avait pas alors ce que nous avons, un gouvernement constitutionnel, essentiellement ami de la publicite´. Mais il est vrai de dire qu’elle avait ce que nous n’avons pas : elle avait Sully. On vous a dit encore que la foule des soumissionnaires, parmi lesquels e´taient des gens peu solvables, avaient force´ le gouvernement a` choisir entre eux. Mais reste a` savoir s’il a choisi des preˆteurs solvables ; car si, par hasard, il a choisi des preˆteurs insolvables, pour qui le be´ne´fice qu’ils retiraient de l’emprunt e´tait un pur don, tout ce qu’on vous a dit sur la ne´cessite´ de choisir, a` cause de la solvabilite´ des preˆteurs, est une moquerie. Enfin, quant a` la question ge´ne´rale de l’examen des deux emprunts, on vous a dit qu’il e´tait trop tard. Je l’avais pre´vu ; mais il y a un an, il e´tait trop toˆt2. Quand donc e´tait l’e´poque convenable, et comment a-t-elle passe´ imperceptiblement ? On a dit que ce n’e´tait pas apre`s deux ans qu’il fallait juger. Mais vous avez empeˆche´ qu’on ne jugeaˆt il y a un an : quand voulezvous qu’on juge ? ou voudriez-vous par hasard qu’on ne jugeaˆt point ? MM. les ministres nous ont prie´s de les de´barrasser de nos clameurs importunes3. L’expression n’e´tait ni constitutionnelle ni polie. Nous ne sommes pas ici pour examiner si nous importunons les ministres : nous sommes ici pour pre´server les contribuables de l’importunite´ des dilapidations.

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Au chapitre XIII de ses Me´moires, Sully rend compte de ses visites dans les ge´ne´ralite´s ou` les receveurs de´tournaient a` leur profit une grande partie des fonds pre´leve´s ; il ne dresse pas a` proprement parler de liste, mais de´signe un certain nombre de coupables par leur nom (Me´moires de Sully, pre´sente´s et annote´s par L.-R. Lefe`vre, Paris : Gallimard, 1942, pp. 161–167). Voir ci-dessus, pp. 179–190 et 511–521. Le 5 avril, Roy avait fustige´ «ceux qui par de violentes clameurs s’efforcent continuellement de de´naturer nos intentions» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 60) ; Manuel avait re´pondu : «Il est bien singulier que [...] M. le ministre des finances vienne dire qu’il est temps qu’on le de´barrasse d’importunes clameurs. Je n’he´site point a` re´pondre que, si le ministe`re persiste dans son syste`me, ces clameurs l’importuneront longtemps encore» (p. 63). Il est inte´ressant de voir par cet exemple comment les discours se nourrissent des paroles circulant dans l’he´micycle pour se reconfigurer, parfois inexactement (c’est Manuel, non pas Roy qui a forge´ le syntagme «clameurs importunes»), au gre´ des besoins oratoires.

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Ma proposition conserve donc toute sa force : vous devez procurer a` la France tous les e´claircissemens qu’il est en votre pouvoir d’obtenir pour elle. Vous le devez d’autant plus que vous eˆtes maintenant le seul moyen de publicite´ que la France conserve ; le ministe`re a tue´ tous les autres. Lorsque les emprunts dont il s’agit furent ne´gocie´s presque clandestinement, il y a deux ans, la liberte´ de la presse donnait aux citoyens qui voyaient le Tre´sor public livre´ a` l’e´tranger, la faculte´ de re´clamer. Un de nos colle`gues, qui n’e´tait pas alors de´pute´, M. Casimir Pe´rier, de´nonc¸a ces emprunts, et sa de´nonciation, re´pe´te´e dans les journaux (alors la censure e´tait moins scandaleusement et audacieusement oppressive qu’aujourd’hui), sa de´nonciation, dis-je, fit connaıˆtre les pertes que ces emprunts nous pre´paraient1. Aujourd’hui, toute re´ve´lation de ce genre serait repousse´e par une censure qui semble avoir l’ordre d’interdire les ve´rite´s et de n’accueillir que les calomnies. On dilapiderait sous vos yeux les finances, que pas un citoyen n’aurait le moyen de l’apprendre au roi ni a` la nation. Des journaux esclaves vanteraient l’e´conomie, la re´gularite´, la fide´lite´ de l’administration dilapidatrice, comme ils vantent la mode´ration du ministe`re et la liberte´ dont nous jouissons. Aucune re´clamation ne serait admise. Cette tribune est donc le seul asile de la ve´rite´. Cette Chambre est la seule autorite´ capable de la faire con naıˆtre. Il est, en conse´quence, de notre devoir de faire pe´ne´trer le jour partout ou` nous le pouvons ; et ma demande de la communication des pie`ces et de l’impression de la liste, relatives aux deux emprunts, doit eˆtre accueillie comme moyen de re´pandre, dans les replis d’une ope´ration te´ne´breuse, une lumie`re tardive, mais indispensable. Cette lumie`re nous apprendra s’il y a eu malversation, incapacite´ ou de´plorables complaisances. Quant a` moi, je suis loin de vouloir repre´senter le de´lit autre qu’il n’est ; je ne crois point, dans cette circonstance, a` l’improbite´ proprement dite ; je crois a` une obse´quieuse faiblesse de la part d’un ministre envers ses colle`gues, et, ce qui est pis, envers des ge´ne´raux et des diplomates e´trangers. A cette e´poque, il e´tait de bon gouˆt, dans le patriotisme de la bonne compagnie, de courtiser ceux qu’on appelait nos libe´rateurs ; on rabaissait la gloire franc¸aise de trente anne´es devant les succe`s anglais d’un jour ; on e´levait les triomphes du hasard et d’une me´diocrite´ que ce hasard avait trop bien servie, au-dessus des victoires obtenues par le talent de tant 1 procurer ] prouver Opinion 12 calomnies Discours 1827 I 303 1

14–15 de n’accueillir que les calomnies ] et d’accueillir les

En 1817, Casimir Perier avait publie´ deux brochures, Re´flexions sur le projet d’emprunt et Dernie`res Re´flexions sur le projet d’emprunt, puis une troisie`me l’anne´e suivante, Re´flexions sur le projet d’emprunt de 16 millions.

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Opinion sur les amendemens propose´s a` l’art. 8

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de nos immortels guerriers : les ministres ne voulurent pas rester en arrie`re des salons ; ceux-ci prodiguaient des hommages, les ministres prodigue`rent des tre´sors. Ces prodigalite´s doivent eˆtre connues, non pour eˆtre re´pare´es quant au passe´, mais pour que notre avenir en soit pre´serve´. J’espe`re donc, Messieurs, comme je l’ai dit en commenc¸ant, que vous excuserez ma persistance a` re´clamer une publicite´ que ceux-la` seuls qu’elle compromettrait peuvent redouter. J’espe`re que vous approuverez qu’au moins en ma qualite´ de votre colle`gue, je me croie au-dessus de cet ignoble privile´ge que tout autre ministe`re que le noˆtre rougirait de s’arroger ; privile´ge d’insultes et d’inculpations dans des feuilles ferme´es a` toute re´plique. Vous ne trouverez pas qu’examiner avec soin les comptes de MM. les ministres, ce soit, comme ils le disent, fausser le syste`me repre´sentatif. Ce syste`me ne serait fausse´, au contraire, que si nous nous dispensions de l’examen que la nation nous a impose´. Ce syste`me, de´ja` fausse´ par l’abus qu’ils font du monopole que vous leur avez conce´de´, pour laisser a` la fois outrager et les souverains e´trangers loyalement re´unis a` leurs sujets libres et fide`les, et ces sujets que les e´crivains ministe´riels invitent a` la re´volte contre les constitutions jure´es par les rois, et tout ce qu’il y a d’inde´pendant, d’ami de la Charte et d’honorable en France ; ce syste`me, dis-je, de´ja` fausse´ de la sorte, ache`verait de l’eˆtre, si vos discussions de finances aussi ne devenaient qu’une vaine parodie, abre´ge´e encore par un assentiment servile et pre´cipite´. Je persiste dans mon amendement, et j’insiste sur l’impression de la liste, avec l’indication des choix et des re´partitions qui ont eu lieu.1

8 je me croie ] je me crois Opinion 14 10 d’inculpations ] d’inculpation Opinion 15 24 qui ont eu lieu. ] apre`s ces mots Un vif mouvement d’adhe´sion e´clate a` gauche a` la fin de ce discours. – On demande l’impression. M 504a

1

BC sera contre´ par Laine´, puis par Roy, soutenu par Perier, Bignon et Manuel, mais rien n’y fait : son amendement est rejete´ «a` une tre`s grande majorite´» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 247).

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[Interventions diverses, avec d’autres membres de la gauche, contre l’introduction d’un nouveau projet de loi]* Se´ance du 17 avril 18201

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[Cette entre´e est mise ici pour signaler la participation de BC au mouvement de protestation explique´ dans la note 1 ci-dessous, sans qu’on ait a` reproduire de texte consistant, nomme´ment attribue´ a` BC.].

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E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 109, mardi 18 avril 1820, pp. 509c–510a ; Archives parlementaires, t. XXVII, pp. 251–252. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, mardi 18 avril 1820, pp. 1–4 ; Le Constitutionnel, no 109, mardi 18 avril 1820, pp. 2–3 ; La Quotidienne, no 109, mardi 18 avril 1820, p. 2ab ; Gazette de France, no 109, mardi 18 avril 1820, pp. 426b–427a.

1

` l’ouverture de la se´ance, Sime´on, le ministre de l’Inte´rieur, prend la parole pour pre´senter A un nouveau projet de loi sur les e´lections qui vient remplacer celui qui avait e´te´ pre´sente´ aux de´pute´s le 15 fe´vrier et e´tait en train d’eˆtre examine´ par les bureaux de la Chambre. Le pre´sident annonce aussitoˆt que la Chambre prend acte de ce projet qui sera transmis aux bureaux. Plusieurs de´pute´s de la gauche, scandalise´s de voir apparaıˆtre un nouveau projet alors que le pre´ce´dent n’a pas encore fait l’objet d’un rapport de la commission et encore moins d’une discussion a` la Chambre, exigent de pouvoir prendre la parole, ce qui n’est pas pre´vu dans une telle situation. La droite et le centre vitupe`rent, le pre´sident s’efforce de tenir son cap, mais la gauche, Girardin, BC, Chauvelin, Dupont de l’Eure et Foy en teˆte, s’efforce de re´sister ; cris, apostrophes, re´criminations : la confusion est totale. Le pre´sident n’a d’autre ressource que de suspendre la se´ance pour une heure. Voir Archives parlementaires, t. XXVII, pp. 250–256.

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[Intervention appuyant l’opinion de Girardin]* Se´ance du 17 avril 18201

511c

Voici ce qui me paraıˆt e´vident, et je ne conc¸ois pas qu’un seul membre de cette chambre puisse en eˆtre frappe´ autrement que moi. Le re´glement, en laissant la possibilite´ d’accorder ou de refuser l’impression2, suppose qu’il y aurait des motifs dans ce qu’on nous pre´senterait pour refuser l’impression. Si l’on ne supposait pas de motifs, que viendrait dire M. Girardin ? Il est possible qu’il se trompe ; vous en jugerez quand vous l’aurez entendu. S’il n’avait pas de motifs, il viendrait dire tout simplement : je m’oppose a` l’impression. S’il ne rentre pas dans quelques-unes des questions qu’on lui veut interdire, je de´fie qu’il puisse motiver son refus a` l’impression. Il est donc clair que ce serait un subterfuge de rouvrir la discussion sur l’impression, et de l’empeˆcher de dire ce qu’il croit devoir s’opposer a` cette impression. Vous n’admettez pas, avec M. de Labourdonnaye, que les ministres seuls aient le droit de parler sur toutes les questions, et que les membres de cette chambre ne puissent pas faire valoir les argumens qui tendent a` de´truire ce que les autres veulent prouver3. Vous devez donc permettre a` M. de Girardin de dire pourquoi, selon lui, l’impression ne doit pas eˆtre accorde´e.

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 110, mercredi 19 avril 1820, p. 511c ; Archives parlementaires, t. XXVII, p. 256. Manuscrit : BCU, Co 4380, p. 291. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Le Constitutionnel, no 109, mardi 18 avril 1820, p. 4a ; La Quotidienne, no 109, mardi 18 avril 1820, p. 4a ; Gazette de France, no 109, mardi 18 avril 1820, p. 427b.

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` la reprise, la gauche parvient a` imposer une discussion sur la question de savoir si le roi A e´tait en droit d’imposer un nouveau projet quand le pre´ce´dent e´tait encore a` l’examen, en d’autres termes, s’il e´tait en son pouvoir de retirer un projet de loi. C’est Girardin qui pose cette question mais sans avoir le temps de s’expliquer car il est aussitoˆt attaque´ par Pasquier et La Bourdonnaye. C’est pour re´pondre a` ce dernier que BC intervient. La Chambre avait finalement accepte´ de discuter la seule question de savoir si le nouveau projet devait eˆtre ou non imprime´ et distribue´ aux de´pute´s. BC renvoie ici a` des propos tenus par La Bourdonnaye dans les de´bats du 7 mars sur le projet de loi relatif aux liberte´s individuelles (voir ci-dessus, pp. 399–412).

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[Intervention pour de´fendre Girardin]* Se´ance du 17 avril 18201

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Je demande a` prouver que l’orateur est dans la question : il y est tellement que, s’il avait commence´ sa phrase par dire le projet implique un droit que je conteste, vous n’auriez pu lui refuser la parole pour motiver son opinion ... (Voix a` droite : Si fait, si fait ... La pre´rogative royale en entier.) A Dieu ne plaise, Messieurs, que je dise que vous n’avez pas la faculte´ d’interrompre, vous prouvez trop souvent le contraire, vous usez trop souvent de cette faculte´ ; mais enfin on ne peut s’opposer a` une proposition, a` une impression, puisqu’il s’agit ici d’impression, qu’en disant pourquoi. L’orateur dit vrai lorsqu’il soutient qu’on veut faire e´tablir ici un pre´ce´dent dangereux, et que pour e´tendre la pre´rogative royale, on vous fait porter atteinte a` la pre´rogative de la chambre. Il est visible qu’on craint d’aborder la question ... (Voix a` droite Elle le sera plus tard, elle le sera au moment de la discussion de la loi.) Messieurs, dites franchement que ni moi ni mes honorables amis nous ne serons de´sormais entendus ; vous pouvez le prouver par un assis et leve´, mais nous voulons que cela soit constate´. (Des murmures s’e´le`vent de nouveau ; on demande a` aller aux voix2.) M. Benjamin Constant paraıˆt a` la tribune. – Voix a` droite. Vous avez de´ja` parle´ deux fois ... Vous n’avez pas la parole ... Messieurs, C’est une question nouvelle. On dit que l’orateur ne traite pas la question. Si vous voulez ne pas lui laisser les moyens de prouver qu’il s’y *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 110, mercredi 19 avril 1820, pp. 512c–513a ; Archives parlementaires, t. XXVII, p. 260. Manuscrit : BCU, Co 4380, p. 292. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, mardi 18 avril 1820, pp. 1122bc, 1123b, 1124a ; Le Constitutionnel, no 109, mardi 18 avril 1820, p. 4b ; La Quotidienne, no 109, mardi 18 avril 1820, p. 4a ; Gazette de France, no 109, mardi 18 avril 1820, p. 428a.

1

Girardin a essaye´ a` plusieurs reprises de de´velopper son argumentation contre l’impression du projet de loi, mais il est chaque fois interrompu par la droite, puis par le tumulte engendre´ par ces interruptions. BC monte alors a` la tribune. Un intervalle se´pare cette premie`re intervention de la seconde, dans laquelle prennent la parole le prince de Broglie, Se´bastiani, Benoist, Sainte-Aulaire, Casimir Perier ; ils demandent a` ce que Girardin soit entendu mais qu’il se restreigne a` ne parler que de l’impression du projet de loi. Une majorite´ crie «aux voix, l’impression» et c’est dans le tumulte que BC remonte a` la tribune.

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renferme, alors de´cidez que la parole lui sera retire´e. Ce serait un acte de force et de puissance de la majorite´ ... (De violens murmures s’e´le`vent. On demande le rappel a` l’ordre.) Si vous voulez demander le rappel a` l’ordre, venez le motiver, je ne demande pas mieux ... Je dis, Messieurs, que l’orateur prend une route bonne ou mauvaise, ce n’est pas une raison pour l’arreˆter. Si on demande que la parole lui soit retire´e, on ne peut motiver la proposition que sur ce fait qu’on ne veut pas l’entendre.1

1

De guerre lasse, Girardin, tre`s ironiquement, dira finalement qu’a` la question de savoir si retirer des lois faisait partie des pre´rogatives du roi, il re´pondrait : oui ! Cet amer trait d’esprit met fin a` la discussion. La Chambre vote l’impression de l’expose´ des motifs et du projet de loi. La se´ance, particulie`rement houleuse, est leve´e.

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[Intervention sur l’ajournement]* Se´ance du 18 avril 18201

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J’ai a` rappeler a` la chambre un fait qui jettera un grand jour sur le motif de l’ajournement qu’on demande, et sur les re´sultats qu’obtiennent presque toujours de tels ajournemens. J’ai eu l’honneur au commencement de cette session de de´poser sur le bureau une proposition absolument semblable a` celle qui vous est aujourd’hui pre´sente´e2. Alors, le rapport sur les comptes ante´rieurs n’avait pas e´te´ fait, et M. le rapporteur, en m’engageant a` ne pas suivre pour le moment l’effet de ma proposition, me dit que la commission s’occuperait de mon ide´e. Plusieurs membres dirent aussi qu’ils traiteraient cette question lors de la loi des comptes. J’ai eu confiance dans ce que m’avait dit M. le rapporteur, et j’ai ajourne´ ma proposition ; or, la commission a e´te´ entendue, elle a touche´ la question dans son rapport, mais ne vous a rien propose´3. Aujourd’hui la meˆme proposition se repre´sente, et on dit que ce n’est pas encore le moment de la traiter ; des comptes on nous

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 111, jeudi 20 avril 1820, p. 517b ; Archives parlementaires, t. XXVII, p. 272. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, mercredi 19 avril 1820, p. 1127c ; Journal des de´bats, mercredi 19 avril 1820, p. 4a ; Le Constitutionnel, no 110, mercredi 19 avril 1820, p. 4a ; La Quotidienne, no 110, mercredi 19 avril 1820, p. 4a ; Gazette de France, no 110, mercredi 19 avril 1820, p. 432ab.

1

Apre`s les e´motions de la veille, la se´ance s’ouvre sur l’examen des pe´titions, puis la discussion est reprise sur le projet de loi relatif au re`glement des comptes de 1818. Chauvelin avait propose´ un article additionnel visant a` limiter la latitude des ministres dans la gestion des cre´dits alloue´s a` leurs ministe`res. Roy fait observer que deux lois sont en discussion : celle sur le bouclement des comptes de 1818 et celle sur le re`glement des de´penses de 1820. Estimant que l’amendement Chauvelin porte sur cette deuxie`me loi qui sera discute´e ulte´rieurement, le ministre propose d’ajourner la discussion a` son sujet. Apre`s plusieurs orateurs ayant e´nonce´ des opinions divergentes sur l’amendement et sur son ajournement, BC prend la parole. Voir l’intervention du 14 mars pre´sente´e en comite´ secret, connue seulement par le re´sume´ qu’en donnent certaines des sources. Il s’agissait d’obtenir que les ministres rendent compte des e´conomies re´alise´es selon les vœux de la Chambre. La discussion qui avait suivi l’intervention de BC n’a pas e´te´ documente´e, mais on constate qu’en effet, sa proposition ne sera plus reprise, ni le 14 mars, comme l’avait promis le pre´sident (mais il faut dire que l’assassinat du duc de Berry avait perturbe´ le calendrier de la Chambre), ni ulte´rieurement. Le rapporteur en question e´tait Rivie`re.

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renvoie aux de´penses. La commission des de´penses a` laquelle on nous renvoie fera-t-elle plus que la commission des comptes ? Toutes disent je m’en charge, et en de´finitive, nous n’obtenons aucun re´sultat. J’appuie l’article additionnel que je crois ici tre`s a` sa place.

Opinion ... sur le deuxie`me projet de loi relatif aux comptes arrie´re´s.* Se´ance du 18 avril 18201

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Messieurs, Je viens reproduire un amendement ou article additionnel qui trouve ne´cessairement sa place ici. M. le Ministre des finances l’a repousse´ avec raison, lorsque dans le premier projet il e´tait question du supple´ment de cre´dit pour les exercices ; mais il a eu tout-a`-fait tort de vouloir le faire ajourner jusqu’a` la discussion des voies et moyens2. Il s’agit maintenant du re`glement des comptes de 1818. Il est donc clair que tout ce qui se rapporte aux recettes aussi bien qu’aux de´penses de 1818 doit eˆtre re´gle´. Les recettes, dont la loi veut qu’on fasse mention, doivent par conse´quent eˆtre mentionne´es. Or, la loi du 15 mai 1818 (e´tat B ; Bulletin, pag. 352) e´nonce textuellement les amendes et confiscations dans les produits bruts dont l’administration des douanes doit rendre compte. On y lit : Produits bruts des douanes ... des amendes et confiscations ... des sels ... Le compte qui vous a e´te´ distribue´ ne comprend que les douanes et les sels ; je re´clame celui des amendes et confiscations. Je vous ai de´ja` rappele´ le rapport fait par M. Roy, le 21 mars 1818, au nom de la Commission du budget. On y trouve le passage suivant (page 40), rapport par lequel il impose a` l’administration des douanes le devoir de *

E´tablissement du texte : Imprime´ : Chambre des de´pute´s. Opinion de M. Benjamin Constant ... sur le deuxie`me projet de loi relatif aux comptes arrie´re´s, [Paris :] Hacquart, s.d., 10 p. Le Moniteur universel, no 111, jeudi 20 avril 1820, pp. 519ab ; 520a [=M] ; Archives parlementaires, t. XXVII, pp. 278–279 ; 281. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, mercredi 19 avril 1820, p. 1128ac ; Gazette de France, no 110, mercredi 19 avril 1820, p. 432b.

1

Toujours dans la discussion sur la loi de re`glement des comptes de 1818, le pre´sident annonce que BC a de´pose´ un amendement «tendant a` ce que M. le ministre soit tenu de porter dans les comptes annuels les produits des amendes et confiscation» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 278). BC dont on sait, depuis la session pre´ce´dente (voir ci-dessus, pp. 253–273) qu’il n’a pas la moindre estime pour le directeur ge´ne´ral des douanes, le comte Saint-Cricq, porte une nouvelle attaque sur cette administration. Dans son intervention du 8 avril, BC s’e´tait oppose´ a` un supple´ment de cre´dit accorde´ a` l’administration ge´ne´rale des douanes (voir ci-dessus, pp. 527–528) ; Roy avait re´pondu que le supple´ment concernait le chapitre des de´penses et non pas des recettes, qui serait traite´ ulte´rieurement.

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«comprendre dans les produits bruts le montant des amendes et saisies, et d’en porter e´galement en de´pense toute la portion dont le pre´le`vement est autorise´ par la loi, soit en faveur des employe´s, soit au profit de la caisse des pensions.»1 Dans son discours du 23 avril 1818, imprime´ par ordre de la Chambre, M. le Directeur ge´ne´ral des douanes fit la re´ponse que je vais vous lire : «Le produit des saisies n’a jamais figure´ dans l’e´valuation des recettes ni dans l’allocation de de´penses ... Si, par de´fe´rence pour le vœu de votre Commission, l’e´valuation du produit des saisies et amendes doit a` l’avenir figurer dans le budget des douanes, il ne pourra jamais y eˆtre porte´ que hors lignes et pour me´moire, soit a` raison de ce qu’il offre d’incertain, soit surtout parce que, de sa nature, il est e´tranger aux recettes comme aux charges du tre´sor. Celui-ci n’avait a` acquitter que les frais de proce´dure relatifs aux saisies, dont un sixie`me e´tait a` cet effet mis en re´serve. Cette charge et la re´serve du produit destine´ a` y subvenir sont maintenant attribue´s a` la caisse des retraites, et le tre´sor est ainsi purement de´sinte´resse´ dans le produit des saisies.»2 C’est apre`s avoir entendu ces observations, et en pleine connaissance de cause, que la Chambre, trouvant les objections mal fonde´es, a adopte´ la proposition de sa Commission, et que la loi du 15 mai a impose´ l’obligation a` l’administration des douanes de compter, pour l’exercice 1818, du produit brut des amendes et confiscations. Cette loi n’a fait que remettre en vigueur l’ancien ordre des choses ; ordre auquel une ordonnance du 21 mai 1817, dont on veut a` tort se faire un moyen, n’a rien change´ quant a` la publicite´ qui vous est due. L’exe´cution de cette loi est tre`s-facile. Les comptes des pre´pose´s, relatifs aux douanes et aux sels, comprennent le produit brut des amendes et confiscations ; et il a fallu mutiler ces comptes et en de´naturer les re´sultats pour empeˆcher ce produit de figurer dans le compte ge´ne´ral qui vous a e´te´ distribue´. Dans le compte des finances pour l’exercice 1816, pag. 74, le produit des saisies et amendes est compris pour la somme de 2,846,559 fr. 12 c. dans un chapitre ayant pour titre : Recettes relatives a` des services particuliers. Dans un e´tat no 19, joint a` la proposition de la loi de finances pour 1818 (p. 116) et pre´sentant la situation ge´ne´rale des caisses des finances au 1er juillet 1817, on trouve l’article suivant : 19 trouvant les objections ] trouvant des objections M 519b vous est due. ] Ces deux aline´as pas dans M 1 2

18–25 C’est apre`s avoir ... qui

Citation fide`le (Archives parlementaires, t. XXI, p. 401). Citation fide`le, hormis l’adverbe «purement», dans la dernie`re phrase, que BC a visiblement par erreur substitue´ a` «pleinement» (Archives parlementaires, t. XXII, p. 165).

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«Fonds de saisies, amendes et consignations, de´pose´s a` l’administration des douanes 3,285,860 fr. 38 c. Ainsi avant la loi du 15 mai 1818, les comptes qui vous e´taient distribue´s donnaient connaissance du produit des saisies et amendes, et du restant en caisse sur ce produit. J’ai peine a` concevoir comment la connaissance pourrait vous en eˆtre refuse´e, lorsque la loi impose a` cet e´gard une obligation formelle. L’ordonnace du 21 mai 1817, qui a de´pouille´ le tre´sor du sixie`me qui lui e´tait re´serve´ par la loi du 15 aouˆt 1793, est ante´rieure a` la loi du 15 mai 1818 ; ainsi elle ne peut mettre obstacle a` l’exe´cution de cette dernie`re loi. M. le Directeur ge´ne´ral des douanes avait, dans son discours du 23 avril 1818, expose´ que, d’apre`s cette ordonnance, le tre´sor e´tait sans inte´reˆt. La chambre n’a pas e´leve´ d’objections contre l’attribution faite a` la caisse des retraites du sixie`me re´serve´ au tre´sor, mais elle a persiste´ a` exiger que le produit brut des amendes et confiscations fuˆt porte´ en recette. Cette obligation doit eˆtre remplie. Toutes les de´penses faites, soit en vertu de la loi de 1793, soit en exe´cution de l’ordonnance du 21 mai 1817, figureront dans le compte que je demande. Je ne propose pas que les sommes non re´clame´es par les parties prenantes qui y avaient droit, accroissent les ressources de l’exercice 1820. Je n’insiste que sur l’exe´cution mate´rielle de la loi du 15 mai 1818 ; elle veut qu’un compte soit fourni ; lorsqu’il le sera, vous en appre´cierez les re´sultats. Dans le compte de l’administration de l’enregistrement, pour l’exercice 1818 (pag. 62 et 63), on a porte´ en recette le produit brut des amendes et en de´penses la portion attribue´e a` la caisse des retraites, montant a` 292,977 fr. 78 c. Cette forme est re´gulie`re, et ne porte aucun pre´judice aux employe´s ni aux pensionnaires. Voici mon article additionnel : «Le Ministre des finances fera imprimer et distribuer le compte pour l’exercice 1818 du produit brut des amendes et consignations, dans toutes les directions des douanes. Ce compte indiquera les de´penses faites jusqu’au 1er septembre 1819 ; l’e´tat des payemens qui seront fait poste´rieurement, sera produit au compte annuel des finances jusqu’a` ce que les-dits payemens soient entie`rement consomme´s.» Vous voyez, Messieurs, qu’il ne s’agit point d’enlever a` la direction des douanes des ressources dont elle dit avoir besoin. Il s’agit seulement, si l’on

1 amendes ] d’amendes M 519b 293,977 fr. 78 c. M 519b

27 retraites ] recettes M 519b

28 292,977 fr. 78 c. ]

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trouve ces ressources indispensables a` lui accorder, de les lui accorder en vertu d’une loi. Je ne conc¸ois ni pourquoi M. le Directeur ge´ne´ral des douanes s’obstine a` ne pas l’accepter par la voie le´gale, ni pourquoi M. le Ministre l’approuve dans cette pre´fe´rence pour ce qui n’est pas le´gal. J’y vois deux inconve´niens ; le premier, c’est de faire pre´valoir sur la loi de 1793 l’ordonnance de 1817, et de consacrer le principe qu’une ordonnance peut l’emporter sur une loi ; le second, d’introduire dans les obligations que les lois imposent aux Ministres, un syste`me interpre´tatif, a` l’aide duquel ils s’affranchiraient de ces obligations, tantoˆt sur un point, tantoˆt sur un autre1. Ceci est beaucoup plus important que la question partielle que vous eˆtes appele´s a` juger en prononc¸ant sur mon amendement : mais en le rejetant, vous e´tablirez un pre´ce´dent qui servirait a` autoriser des infractions infiniment plus graves. On demande, et la chambre ordonne l’impression2. Je suis bien loin de vouloir empeˆcher M. le directeur-ge´ne´ral de venir au secours des anciens employe´s estropie´s ou mutile´s. Je ne veux point lui retirer le 6e qui lui est accorde´ par la loi ; mais je ne conc¸ois pas comment M. le ministre des finances n’appuie pas mon amendement, apre`s la manie`re dont il s’est exprime´ a` cet e´gard comme rapporteur de la commission des comptes ; vous vous rappelez que ce que je demande, il le regardait alors comme une obligation de l’administration des douanes. Je ne demande pas enfin que cette administration n’ait pas la disposition de ce que la loi lui accorde, mais je demande la publicite´ de ses comptes, et c’est a` cela que M. le directeur-ge´ne´ral n’a pas re´pondu. Cependant nous n’avons pas la totalite´ de ces comptes, si on ne nous donne pas connaissance du produit des amendes et confiscations.3

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On voit maintenant ou` BC veut en venir : aux principes ge´ne´raux de le´gislation et de controˆle des ministres. Cette phrase et la re´plique qui suit n’apparaissent pas dans l’Opinion ; elles ont e´te´ e´tablies a` partir du Moniteur (520a). Entre la demande d’impression et la re´plique de BC prend place la longue re´ponse du directeur ge´ne´ral des douanes, Saint-Cricq, apre`s laquelle BC reprend la parole. Saint-Cricq re´pondra encore une fois, apre`s quoi, on passe au vote : l’amendement de BC est rejete´ «a` une moins forte majorite´ que les pre´ce´dents» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 282).

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[Intervention contre l’ordre du jour a` propos d’une pe´tition]* Se´ance du 19 avril 18201

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Je viens m’opposer a` l’ordre du jour, et je ne dois pas m’attendre a` eˆtre accueilli avec faveur par ceux de mes honorables colle`gues qui ont vote´ pour les lois d’exception ; mais enfin, j’aime a` croire qu’ils ont vote´ les lois d’exception a` regret ; elles existent, elles sont exe´cute´es : cependant il n’est pas sans inte´reˆt de connaıˆtre quelle impression elles produisent sur les esprits. Il me semble que, sans rien pre´juger, on pourrait ne pas rejeter avec de´dain la demande de citoyens qui se plaignent de l’existence de ces lois. Quel inconve´nient y aurait-il a` renvoyer la pe´tition au Gouvernement. Ce sont de semblables pe´titions qui peuvent l’e´clairer sur les effets de ces lois, et sur le moment ou` il pourrait reconnaıˆtre que nous pourrions en eˆtre de´livre´s. Je demande le renvoi de la pe´tition a` M. le pre´sident du conseil des ministres2.

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Je ne le croyais pas ... M. le pre´sident. Le pre´sident ne fait que proclamer la de´claration du bureau. MM. les secre´taires, a` la deuxie`me e´preuve, devaient se placer a` la tribune. Voix a` droite Cela est facultatif ... Le re`glement n’en dit rien ... D’autres voix : cela est fini ; la chambre a de´libe´re´.3 *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 111, jeudi 20 avril 1820, p. 520b ; Archives parlementaires, t. XXVII, p. 282. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, jeudi 20 avril 1820, p. 1129a ; Journal des de´bats, jeudi 20 avril 1820, pp. 3b–4a ; Le Constitutionnel, no 111, jeudi 20 avril 1820, p. 3a ; La Quotidienne, no 111, jeudi 20 avril 1820, p. 3b ; Gazette de France, no 111, jeudi 20 avril 1820, p. 436a.

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Une pe´tition collective date´e du 28 fe´vrier demandait a` ce que «l’horrible attentat qui vient de nous enlever un fils de France [...] ne soit pas mis a` profit pour faire rendre des lois d’exception, et que la France entie`re ne soit pas punie comme complice d’un crime qui n’appartient qu’a` un seul individu» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 282). Girardin, le rapporteur de la commission des pe´titions, propose de prononcer l’ordre du jour. BC re´agit aussitoˆt. Le pre´sident met aux voix la demande de passer a` l’ordre du jour ; mais le vote n’est pas clair et la Chambre proce`de a` une seconde e´preuve ; le pre´sident de´clare alors : «La Chambre passe a` l’ordre du jour». BC proteste. BC aura proteste´ en vain : le vote de l’ordre du jour est maintenu.

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Sur la pe´tition de M. Madier Montjau relative au gouvernement occulte et aux assassinats du Midi.* (Se´ance du 25 avril 1820.)1

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MESSIEURS, Si nous ne conside´rions que les crimes de´nonce´s par la pe´tition, nous pourrions nous contenter de la renvoyer au gouvernement, dans la conviction que tout gouvernement a inte´reˆt a` re´primer de pareils attentats, et a` rassurer les citoyens contre des assassinats commis en plein jour et sans aucun myste`re ; mais cette pe´tition indique les causes de ces crimes, et *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 306–309 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 306–309 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 118, jeudi 27 avril 1820, p. 554a [=M] ; Archives parlementaires, t. XXVII, p. 368. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 295–298. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, mercredi 26 avril 1820, p. 1156b ; Journal des de´bats, mercredi 26 avril 1820, p. 4ab ; Le Constitutionnel, no 117, mercredi 26 avril 1820, suppl., p. 6ab ; La Quotidienne, no 117, mercredi 26 avril 1820, p. 4a ; Gazette de France, no 117, mercredi 26 avril 1820, p. 460ab.

9 cette pe´tition indique ] elle indique M 554a 1

La se´ance s’est ouverte comme de coutume par l’examen des pe´titions. Saulnier, le rapporteur de la commission, fait e´tat de la pe´tition de M. Madier de Montjau, conseiller a` la cour royale de Nıˆmes, qui rend compte de la situation tendue dans cette ville ou` deux circulaires e´manant du «comite´ directeur de Paris» quelques jours apre`s l’assassinat du duc de Berry avaient d’abord incite´ les ultras a` se tenir preˆts a` agir pour renverser le gouvernement Decazes, puis, apre`s la de´mission de ce dernier, pour recommander plutoˆt le calme et le soutien au nouveau gouvernement. Le pe´titionnaire rappelait les massacres de la Terreur blanche de 1815 dans le Midi et demandait a` ce qu’une enqueˆte soit faite sur les origines de ces circulaires, que la garde nationale de Nıˆmes soit de´sarme´e et la ville occupe´e par une forte garnison et enfin que de nouvelles poursuites soient dirige´es contre Trestaillon (en re´alite´ Jacques Dupont) et Truphe´my, deux des principaux acteurs des massacres d’octobre 1815 a` Nıˆmes. La commission estimant que la pe´tition rendait compte de faits graves, recommandait son renvoi au ministe`re pour ve´rification. Une discussion passionne´e s’e´tait ouverte imme´diatement apre`s l’intervention de Sime´on, le ministre d’Inte´rieur, pourtant d’accord avec la proposition de la commission, malgre´ d’importantes re´serves a` l’e´gard des affirmations du pe´titionnaire. Tour a` tour, Corbie`re, Devaux, Chabaud-Latour, Bourdeau, Se´bastiani et Laine´ ont pris la parole. BC leur fait suite. La Minerve publie, dans son Portefeuille politique de mai 1820, un long compte rendu de cette discussion ; quant a` BC luimeˆme, il parlera a` Goyet dans une lettre du lendemain, apre`s avoir loue´ l’«excellent discours» de Devaux de «mes observations, que j’aurais e´tendues davantage, si je n’avais pas e´te´ tout a` fait malade» (OCBC, Correspondance, t. XI, p. 488).

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acquiert par la` une nouvelle et plus grande importance : elle me´rite par conse´quent une attention plus spe´ciale. L’orateur que je remplace a fait tout ce qu’il a pu pour nous distraire de la question et nous de´tourner de ce qui y avait rapport1. C’est dans cette intention qu’il s’est attache´ a` combattre longuement un orateur qui l’avait pre´ce´de´ a` la tribune. Confondant sans cesse le roi avec ses ministres, il a pre´tendu que, puisque notre honorable colle`gue, M. Se´bastiani, avait attaque´ des ministres, il avait porte´ atteinte aux droits du troˆne. Dans le meˆme but, il s’est servi a` plusieurs reprises des qualifications de ge´ne´ral, de militaire, tandis qu’il doit savoir que dans cette Chambre il n’existe que des citoyens. Il a blaˆme´ la de´nomination donne´e par le de´pute´ a` une loi que nous repoussons, et s’est appesanti sur le mot de loi conspiratrice2. Mais il aurait duˆ re´fle´chir que, dans plus d’une occasion, un coˆte´ de cette Chambre, dans ses discours, dans ses e´crits, a prodigue´ cette e´pithe`te a` un ministre qui n’avait point sa faveur3. M. Laine´ s’est re´crie´ e´galement contre la de´nonciation d’un pouvoir invisible4. Mais M. le garde-des-sceaux actuel n’a-t-il pas de´clare´ lui-meˆme a` cette tribune, dans la session pre´ce´dente, que cette puissance prote´geait les assassins de Nıˆmes, d’Avignon, de Rhode`s meˆme, et leur assurait l’impunite´5 ? Ce ministre n’a point e´te´ de´savoue´ par ses colle`gues d’alors ; et M. le ministre des affaires e´trange`res d’aujourd’hui, quoique alors il ne fıˆt point partie du ministe`re, doit se rappeler qu’il n’a nullement re´clame´ contre les paroles de M. de Serre : voudra-t-il entrer maintenant en contradiction avec lui-meˆme ? 4 de´tourner de ce qui ] de´tourner de tout ce qui M 554a 9–10 ge´ne´ral militaire ] en italique M 554a 10 tandis qu’il doit ] tandis qu’il devait Discours 1827 I 307 12 conspiratrice ] en italique M 554a 17 Mais M. le garde-des-sceaux ] M. le garde-des-sceaux Discours I 1827 I 307 1 2

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Laine´. Se´bastiani avait dit : «Des lois d’exception ont e´te´ vote´es, et une loi que j’appellerai conspiratrice vous a e´te´ pre´sente´e a` la suite de deux lois qui nous ont de´ja` prive´s des liberte´s les plus pre´cieuses.» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 365). Decazes, de´teste´ par les ultras. La pe´tition permettait de suspecter, derrie`re le «comite´ directeur de Paris» destinateur des circulaires, l’existence d’un comite´ secret. Le 27 novembre 1820, Madier de Montjau publia une brochure Du gouvernement occulte, de ses agens et de ses actes, Paris : chez Dalibon. C’e´tait une re´ponse aux attaques violentes subies par lui apre`s la discussion a` la Chambre sur sa pe´tition. Le 23 mars 1819, de Serre, de´ja` garde des Sceaux, participant a` la discussion sur une proposition de la Chambre des pairs pour un changement de la loi sur les e´lections (de´ja` !), avait e´voque´ les massacres dans le Midi, en particulier a` Nıˆmes et a` Toulouse, en regrettant que la justice, sous le gouvernement d’alors, ait couvert les coupables (Archives parlementaires, t. XXII, p. 353).

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Sur la pe´tition de M. Madier Montjau

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Ce pouvoir invisible existe ; il prote´ge les manœuvres qui e´manent de son sein. Ai-je besoin, Messieurs, de vous rappeler que long-temps il a existe´ un journal qui provoquait a` tous les de´sordres, un journal clandestin, le Moniteur royal, qui jamais n’a e´te´ arreˆte´ ni puni1 ? On fait un crime au pe´titionnaire de ne s’eˆtre point adresse´ a` l’autorite´ locale ; mais on oublie que les autorite´s ont e´te´ impuissantes pour pre´venir ou pour re´primer les crimes qu’on vous de´nonce. Un homme, dont je suis force´ de prononcer le nom a` cette tribune, Trestaillon, a e´te´ mis en jugement a` Riom, parce qu’on savait qu’a` Nıˆmes il serait acquitte´2. Un membre de la Chambre des pairs (M. Lanjuinais) a de´nonce´ des associations secre`tes3 ; et, bien que par e´gard pour le pouvoir invisible, un ministre l’ait de´savoue´, le fait n’en est pas moins reste´ constant et prouve´. On sait ge´ne´ralement qu’elles existent ; leur organisation a meˆme e´te´ rendue publique. D’ou` vient donc cette chaleur a` nier maintenant jusqu’a` leur existence ? A une e´poque ante´rieure, le ministe`re avouait qu’il y avait beaucoup de maux a` re´parer, que le bien ne pouvait s’ope´rer que lentement, parce que le pouvoir invisible s’y opposait, et il faisait cet aveu quand tout tendait a` une ame´lioration graduelle ; a` pre´sent, il soutient, au contraire, que la France est tranquille et heureuse, et qu’il n’y a plus de maux a` re´parer ; il le soutient, parce que la marche est re´trograde, et tend a` nous replonger sous le gouvernement occulte que le pe´titionnaire de´nonce. 5 de ne s’eˆtre point ] de ne point s’eˆtre M 554a 1

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Le Moniteur royal appele´ aussi Moniteur de Gand, de son titre officiel Journal universel avait e´te´ cre´e´ a` Gand dans l’entourage de Louis XVIII, pour faire pie`ce au Moniteur de Paris. Journal officiel du gouvernement en exil pendant les Cent-Jours, re´dige´ en grande partie par Chateaubriand, il parut du 14 avril au 21 juin 1815. Mais on se demande si BC ne fait pas ici une confusion avec le Journal royal de Bonald, plus radical, qui parut du 1er octobre 1814 au 20 mars 1815. Toutefois, seul le premier a pu avoir en France un statut clandestin. Il faudrait encore pouvoir ve´rifier si l’un ou l’autre de ces pe´riodiques n’a pas eu une prolongation de vie sous forme clandestine, ce que nos recherches n’ont pas permis d’e´tablir. De Serre avait dit, a` propos de Trestaillon (surnom d’un certain Jacques Dupont), «un homme dont l’horrible surnom couˆte a` prononcer», qui avait duˆ eˆtre juge´ a` Riom «ou` l’on espe´rait une justice plus inde´pendante» ; mais meˆme la`-bas «il a e´te´ impossible d’obtenir la de´position d’un seul te´moin contre eux. La terreur les avait glace´s. Quant aux te´moins a` de´charge, il s’en pre´sentait sans nombre. Faute de preuves, ces pre´venus ont e´te´ rendus a` la liberte´» (Archives parlementaires, t. XXII, p. 353). Un article signe´ Charles Durand, paru dans La Renomme´e du 6 de´cembre 1819 e´tait revenu en de´tail sur le de´roulement de´plorable de ce proce`s. Dans un discours qui fit des vagues, prononce´ a` la Chambre des pairs le 2 mars 1819, Lanjuinais avait condamne´ les forces qui se mobilisaient pour saper la Charte, les qualifiant d’«assemble´es secre`tes, arme´e secre`te» (Archives parlementaires, t. XXIII, pp. 115–116).

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Messieurs, l’action de cette puissance invisible se fait sentir dans toutes les occasions. Depuis l’esclavage des journaux, les feuilles censure´es sont reste´es quelques jours dans un e´tat de neutralite´ ; lorsque tout a` coup, comme entraıˆne´es par une puissance cache´e, nous avons vu des feuilles, dont le ministe`re a pris sur lui la responsabilite´, de´clarer qu’on voulait la contre-re´volution entie`re, la contre-re´volution mo rale, et la contre-re´volution mate´rielle, aussi comple`te que le permettrait la volonte´, et sans e´gard pour les promesses du roi. (Des murmures s’e´le`vent a` droite. On s’e´crie : Non, non ! Un grand nombre de voix a` gauche : C’est vrai, c’est vrai !) ... Messieurs, j’ai ce journal sur moi au moment ou` je vous parle1. La pe´tition de M. Madier vous de´nonce, a` vous, au roi, a` la France entie`re, les mene´es les plus coupables et les plus dangereuses ; oui, sans doute, il faut la renvoyer a` tous les ministres, mais nous ne devons point nous borner a` cette formalite´. La Charte nous donne le droit de faire une humble adresse au roi, quand nous croyons que les ministres ne peuvent plus faire le bien, ni empeˆcher le mal. Dans cette adresse, nous dirons au roi : Sire, les de´pute´s des de´partemens, les citoyens de toutes les parties de la France, n’aspirent qu’a` se re´unir autour du troˆne. Ils veulent votre re`gne, Sire ; ils veulent vivre sous l’empire de la Charte et de vos lois. Inconside´re´s et impre´voyans, vos ministres ce`dent a` une influence de´sastreuse ; un pouvoir myste´rieux les e´gare et accable vos sujets : que votre Majeste´ daigne nous de´livrer de cette force invisible qui n’est ni le´gale ni constitutionnelle, qui e´branle le troˆne et qui menace la liberte´. Voila` ce que nous oserons repre´senter respectueusement a` notre monarque constitutionnel. Mais, pour motiver cette adresse en connaissance de cause, je demande que la pe´tition de M. Madier soit lue a` cette tribune, et qu’ensuite elle soit imprime´e et distribue´e. (Un grand nombre de voix de la gauche appuient cette proposition2.) 1 puissance ] en italique M 554a 4 puissance cache´e, ] puissance, M 554a 7–8 sans e´gard pour ] omis dans M 554a 9 non, non ! Un grand nombre de voix a` gauche ] en italique M 554a 1

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BC cite Le Drapeau blanc du 21 avril, pp. 1b–2a : «Nous sommes des contre-re´volutionnaires, et nous seconderons de tous nos vœux, de tous nos efforts, une contre-re´volution morale comple`te, et une contre-re´volution mate´rielle aussi entie`re que nous le permettra notre respect pour la volonte´ et la promesse du Roi». BC n’obtiendra pas que la pe´tition soit lue a` la tribune, mais la Chambre accepte de faire imprimer le rapport de la commission, de renvoyer la pe´tition au pre´sident du conseil des ministres et de la de´poser au bureau des renseignements. Ce bureau est «e´tabli pre`s de la commission des pe´tions, ou` chaque de´pute´ peut prendre connaissance de telle ou telle pe´tition ayant retenu son attention, afin le cas e´che´ant, de pre´senter une proposition dans les formes pre´vues par le Re`glement.» (M. Le Verge, Les Re`glements inte´rieurs de la Chambre des pairs et de la Chambre des de´pute´s sous la Restauration, p. 572).

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Sur une pe´tition accusant M. de Cazes de l’assassinat du duc de Berry.* (Se´ance du 28 avril 1820.)1

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MESSIEURS, L’ordre du jour est la seule mesure que vous puissiez adopter sur deux des pe´titions dont on vient de vous entretenir, et cet ordre du jour serait e´galement naturel, quant a` la troisie`me, si elle ne se rattachait pas a` des circonstances qui inte´ressent essentiellement la paix de la France et l’honneur de cette Chambre. Mais ces circonstances me semblent telles, que d’une part l’examen de cette pe´tition peut, si vous prenez les mesures ne´cessaires, vous conduire a` une de´couverte qui serait e´minemment salutaire, et que, de l’autre, si vous passiez a` l’ordre du jour, vous encourriez la de´faveur de trop d’indiffe´rence sur la valeur de ce qui se dit a` cette tribune2. Je viens en conse´quence m’opposer a` l’ordre du jour, et vous demander une autre de´cision. Pour la motiver, je dois entrer dans quelques de´veloppemens d’une nature assez de´licate, et je re´clame, non votre indulgence, mais votre attention. *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 310–318 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 310–318 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 120, samedi 29 avril 1820, p. 568ab [=M] ; Chambre des de´pute´s. Opinion de M. Benjamin Constant ... sur trois pe´titions relatives au renvoi de M. Decazes, [Paris :] Plassan, s.d., 8 p. [=Opinion] ; Archives parlementaires, t. XXVII, pp. 398–400. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 299– 308 (erreur de pagination : 303 est suivi de 305). Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, samedi 29 avril 1820, pp. 1165a–1166b ; Journal des de´bats, samedi 29 avril 1820, pp. 2ab–3a ; Le Constitutionnel, no 120, samedi 29 avril 1820, pp. 1a–2a ; La Quotidienne, no 120 samedi, 29 avril 1820, pp. 2b–3a ; Gazette de France, no 120, samedi 29 avril 1820, pp. 470b–471a.

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Be´doch, rapporteur de la commission des pe´titions, ouvre la se´ance en pre´sentant deux pe´titions demandant la re´vocation de Decazes, faisant observer que les deux documents e´taient pratiquement identiques (ce qui laissait penser qu’ils avaient e´te´ pre´pare´s) ainsi qu’une troisie`me demandant la mise en accusation de Decazes pour sa pre´tendue responsabilite´ dans l’assassinat du duc de Berry. BC est le premier a` re´agir en ravivant la discussion sur le «gouvernement occulte» qui s’e´tait de´veloppe´e le 25 avril. Il e´crira le meˆme soir a` son ami Goyet : «Je rentre de la chambre ou` nous avons eu une se´ance assez vive dont j’ai e´te´ le premier moteur» (OCBC, Correspondance, t. XI, p. 489). L’ide´e de BC est donc celle-ci : ne pas e´carter cette troisie`me pe´tition par le simple ordre du jour, mais la renvoyer a` l’examen du ministe`re et meˆme au bureau des renseignements pour permettre la mise au jour des strate´gies qui la sous-tendent.

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Messieurs, la pe´tition dont il s’agit remonte e´videmment a` une e´poque ou` le parti, ou, si on l’aime mieux, le pouvoir invisible dont on vous a nague`re entretenus, avait forme´ le projet d’arracher d’aupre`s du troˆne le ministre que cette pe´tition inculpe. On vous a fait connaıˆtre, dans une de vos dernie`res se´ances, les deux circulaires qui de´montrent l’existence de ce projet ; divers moyens furent employe´s simultane´ment pour le re´aliser. La pe´tition dont on vous parle n’a-t-elle pas e´te´ l’un de ces moyens, destine´ a` concourir avec d’autres1 ? Remarquez, Messieurs, que les invectives contre M. de Cazes, contenues dans cette pe´tition, ont trait a` l’effroyable assassinat de Mgr le duc de Berry, et que, sous ce rapport, cette pe´tition semble un de´veloppement, un commentaire de l’accusation porte´e a` cette tribune contre le meˆme ministre ; accusation e´trange, inouı¨e, et devenue bien plus e´tonnante par le silence que son auteur a garde´ depuis : comme si l’on pouvait a` volonte´ hasarder, puis retirer des mots pareils, sans les re´tracter ; comme si, apre`s avoir accuse´ un homme, ministre ou non, peu importe, d’un attentat exe´crable, on pouvait dire lestement a` cette Chambre, a` la France, a` l’Europe, prenez que je n’aie rien dit ; je l’ai accuse´ d’eˆtre un assassin, et n’en parlons plus2. On peut reprocher a` un ministre un syste`me vicieux, une administration mauvaise ; et lorsque sa chute entraıˆne celle de son sys te`me, et met un terme a` son administration, l’on peut penser qu’il est inutile de persister dans une poursuite devenue sans but. Ainsi, qu’on euˆt porte´ a` cette tribune une accusation contre M. de Cazes, pour sa conduite ministe´rielle, je l’aurais conc¸u ; qu’on l’euˆt ensuite retire´e, je l’aurais compris encore. J’y aurais vu de la ge´ne´rosite´, ou de la mode´ration, ou de la prudence ; mais ce n’est pas le cas : c’est un fait qu’on a affirme´, un fait positif, un fait qui est vrai ou faux ; que, dans ma conviction intime, je crois faux ; mais qui, s’il e´tait vrai, devrait attirer sur son auteur une punition terrible, et qui, s’il est faux, ne doit pas rester impuni dans l’accusateur. 14 depuis : comme si ] depuis. Comme si Opinion 2 17 l’Europe, prenez ] l’Europe : Prenez Opinion 2 19–20 mauvaise ; et lorsque ] mauvaise ; lorsque Discours 1827 I 311 23 Ainsi, ] omis dans M 568a Ainsi, qu’on euˆt porte´ ] Qu’on euˆt donc porte´ Opinion 2 26 prudence ; mais ] prudence. Mais Opinion 3 le cas : c’est un fait ] le cas. C’est un fait Opinion 3 27 ou faux ] ou qui est faux Opinion 3 1

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Lors de la se´ance du 25 avril, une vive discussion avait porte´ sur la pe´tition de Madier de Montjau (voir ci-dessus pp. 557–560). Les deux circulaires en cause avaient e´te´ commente´es par Devaux ; selon les libe´raux, elles apportaient une preuve supple´mentaire de l’action souterraine des royalistes. Re´fe´rence a` l’intervention de Clausel de Coussergues dont il a e´te´ question lors du discours de BC du 1er mars (ci-dessus, pp. 385–387).

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Vous en avez de´ja` juge´ de la sorte : vous avez, sur ma demande, ordonne´ l’insertion, au proce`s-verbal, de la re´ponse faite a` cet accusateur, par M. de Saint-Aulaire, et aussi long-temps que cet accusateur gardera le silence, cette re´ponse, que toute la France a entendue, pe`se sur lui de tout son poids1. Maintenant, Messieurs, pouvez-vous passer a` l’ordre du jour sur une pe´tition qui, sans eˆtre aussi explicite que l’accusation porte´e contre M. de Cazes, a` la tribune, rappelle pourtant cette accusation, en rattachant un meurtre de´plorable a` la conduite et aux intentions de ce ministre ? Non, Messieurs ; vous devez saisir cette occasion d’e´claircir un fait sur la faussete´ duquel je crois bien que personne ici n’a des doutes, mais qui ne´anmoins, affirme´ solennellement par un homme reveˆtu de fonctions importantes, a pris un caracte`re tel, qu’il est ne´cessaire que la faussete´ en soit de´montre´e. Vous le devez a` la France, qu’une assertion aussi incroyable a pu inquie´ter. Vous le devez a` vous-meˆmes, car il est douloureux qu’on puisse penser que de telles paroles se prononceraient le´ge`rement dans cette enceinte ; et une assemble´e qui permettrait que des accusations d’assassinat fussent des moyens oratoires contre des ministres, et n’eussent pas d’autres conse´quences, serait ne´cessairement frappe´e de de´conside´ration. Vous ne pouvez pas forcer l’accusateur qui a parle´ ici, a` s’expliquer, comme la morale, comme la justice, comme son propre inte´reˆt lui en faisait un devoir ; mais vous devez souffrir de cette impuissance. Elle vous donne un air de tole´rance pour la calomnie qui, certes, est loin de vos sentimens. Montrez que c’est malgre´ vous que vous vous re´signez a` cette tole´rance force´e ; montrez que vous la de´savouez au fond de vos cœurs. En renvoyant au conseil des ministres une pe´tition analogue a` l’accusation calomnieuse, montrez que vous voulez que la ve´rite´ e´clate, et que vous aimez a` re´parer, autant qu’il est en vous, meˆme envers un ministre dont vous avez pu de´sapprouver beaucoup d’actes, un tort inattendu qu’a pu lui causer la liberte´ de la tribune, liberte´ qui nous a e´te´ donne´e, pour censurer, pour accuser les ministres, mais qui, certes, n’avait jamais e´te´ destine´e a` nous autoriser a` des accusations d’assassinat et de meurtre, en nous dispensant de les prouver. En renvoyant cette pe´tition au conseil des ministres, vous fournirez aussi aux colle`gues de M. de Cazes, qui ont partage´, seconde´, approuve´, loue´ toutes ses mesures, aussi longtemps qu’il a e´te´ puissant, une occasion qu’ils 13 caracte`re tel ] caracte`re de ve´racite´ tel M 568a ; caracte`re de gravite´ tel Opinion 3 15 il est douloureux ] il doit vous eˆtre douloureux Opinion 3 22 devoir ; mais ] devoir. Mais Opinion 4 25 force´e ; montrez ] force´e. Montrez Opinion 4 1

Voir ci-dessus, p. 387, note 1.

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ont suˆrement regrette´ de ne pas rencontrer plus toˆt, je veux dire l’occasion de repousser, en son nom, une accusation a` laquelle ils n’ont oppose´, je ne sais pourquoi, quand ils l’ont entendue ici, qu’un e´trange silence1. Je propose donc, sous ce premier rapport, le renvoi de la pe´tition au conseil des ministres, et nomme´ment, a` M. le garde-des-sceaux, comme chef de la justice. Mais je propose de plus, Messieurs, le de´poˆt d’une copie de la pe´tition au bureau des renseignemens ; et mes motifs, pour cette seconde proposition, sont d’une nature plus ge´ne´rale et plus importante encore que pour la premie`re. J’ai eu l’honneur de vous dire que cette pe´tition me semblait se rattacher au grand projet forme´ au milieu de la douleur et de l’indignation publique, pour tirer parti de cette indignation ; et, si j’ose ainsi parler, pour exploiter cette douleur : et j’ai ajoute´ que cette pe´tition e´tait un moyen parmi beaucoup d’autres. En effet, vers le meˆme temps, on trouve cette meˆme accusation re´pe´te´e dans des journaux, et, ce qui est plus remarquable, dans des ordres du jour signe´s, m’a-t-on dit, par des chefs de corps, et re´dige´s dans des termes dont les annales militaires n’offrent pas d’exemples. Ces ordres du jour ont e´te´ connus par plusieurs de nos colle`gues : ils e´taient vrais ou ils e´taient suppose´s. S’ils e´taient vrais, comment se fait-il que MM. les ministres qui nous ont parle´, a` cette tribune, du danger de l’influence des pre´toriens, et de l’ascendant des ge´ne´raux, n’aient pris aucune connaissance de ces manie`res vraiment pre´toriennes ? S’ils e´taient suppose´s, comme ils e´taient parfaitement identiques avec les accusations porte´es a` cette tribune, et re´pe´te´s dans la pe´tition, ils sont une preuve de plus que la faction invisible qui profane audacieusement le nom du roi et de son auguste famille, emploie aussi le nom d’autorite´s infe´rieures, pour pousser aux troubles qu’elle me´dite2. 20 colle`gues : ils e´taient ] colle`gues. Ils e´taient Opinion 5 Opinion 5 1

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25 re´pe´te´s dans ] re´pe´te´es dans

BC vise ici bien suˆr ceux qui avaient e´te´ ministres dans le gouvernement Decazes et qui l’e´taient reste´s dans le second gouvernement de Richelieu : Roy, de Serre et Pasquier, particulie`rement ce dernier, devenu ve´ritable teˆte de turc de BC. Pasquier re´pondra imme´diatement a` BC en s’efforc¸ant de de´fendre Decazes, mais en demandant que la pe´tition soit e´carte´e par le vote de l’ordre du jour (Archives parlementaires, t. XXVI, pp. 400–401). Cela dit, quand il reviendra plus tard sur ces e´ve´nements dans ses me´moires, Pasquier donnera pour ainsi dire raison a` son accusateur : «depuis, il a e´te´ permis de croire que peut-eˆtre une re´plique faite a` l’instant meˆme, dans les dispositions ou` se trouvait la Chambre, aurait e´te´ pre´fe´rable et aurait tout termine´. J’ai pour ma part regrette´ de n’eˆtre pas monte´ a` la tribune», (Me´moires du chancelier Pasquier, t. IV, p. 341). BC se re´fe`re a` nouveau a` l’ide´e-force soutenue par l’opposition depuis des mois : l’existence d’une «faction invisible» issue des ultras, oppose´e meˆme a` Louis XVIII et a` la Charte, qui aurait conduit une politique syste´matique de propagande anti-gouvernementale et devrait eˆtre tenue pour responsable des de´bordements de´plore´s.

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Dans le meˆme temps encore, des pe´rils d’une nature inusite´e parmi nous, sont venus menacer les jours du meˆme ministre. Il a duˆ pourvoir a` sa suˆrete´ par des pre´cautions extraordinaires ; et ces pre´cautions ont offert, a` la capitale e´tonne´e, un spectacle qu’on ne voit jamais dans les villes civilise´es de l’Europe, mais quelquefois dans Constantinople et dans Alger1. S’il e´tait vrai que la pe´tition actuelle ait e´te´ pre´sente´e a` la meˆme e´poque, et j’ai lieu de le croire, puisque alors le meˆme pe´titionnaire en pre´senta une qui fut discute´e a` la Chambre des pairs, il se pourrait que cette pe´tition, les ordres du jour, l’accusation a` cette tribune, les accusations dans les journaux, les menaces a` main arme´e, fussent des parties du meˆme syste`me, des manœuvres e´manant de la meˆme source, je veux dire de ce pouvoir occulte, de ce gouvernement autre que le gouvernement le´gal, de cette faction enfin qui, pour re´pe´ter l’expression de M. de Saint-Aulaire, reconnaıˆt un autre roi que le roi2. Ici, Messieurs, comme on a voulu jeter de l’odieux sur les hommes qui ont les premiers indique´ les symptoˆmes d’une te´ne´breuse intrigue, comme on les a, dans des discours et dans des e´crits, accuse´s de diriger les soupc¸ons contre ce qu’il y a de plus ve´ne´rable, je dirai qu’on a de´nature´ a` la fois et leurs paroles et leurs pense´es. Affirmer qu’une faction se sert de noms respectables, ce n’est point insinuer qu’on les y autorise. Les factions abusent de ces noms respectables sans leur aveu, a` leur insu. Se plac¸ant hors de l’empire des lois, elles cherchent a` se donner de la force, en se targuant de chefs augustes qu’elles n’ont point, qu’elles n’auront jamais, et en de´masquant ces factions, l’on n’attaque point, l’on de´fend au contraire ce qu’elles ont l’inconcevable et inexcusable audace de profaner. Si la pe´tition dont nous sommes saisis est e´mane´e d’un pouvoir occulte, il n’est pas impossible qu’en prenant des renseignemens sur le pe´titionnaire, nous ne parvenions a` remonter jusqu’a` ceux qui l’ont mis en mouvement. Nous trouverons peuteˆtre quelque affinite´ entre ce pe´titionnaire qui demandait l’expulsion de M. de Cazes, et ceux qui e´crivaient dans la circulaire no 34 : Nous arracherons d’aupre`s du troˆne le ministre favori3. Peut-eˆtre en trouverons-nous aussi 1

2 3

Dans les jours qui suivirent l’accusation de Clausel de Coussergues, des rumeurs avaient circule´ faisant e´tat d’un projet d’assassinat de Decazes par une faction de gardes du corps pousse´s par les ultras ; Decazes avait alors duˆ renforcer conside´rablement son dispositif de protection (F. de Coustin, Elie Decazes, pp. 242–245). BC de´nonce explicitement le clan des ultras re´unis autour de Monsieur, le fre`re du roi, le futur Charles X. Cette circulaire no 34, cite´e par Devaux comme on l’a vu (ci-dessus, p. 562, note 1), comprenait notamment le passage suivant : «quoique l’attentat du 13 n’ait pas amene´ surle-champ la chute du favori [Decazes], agissez comme s’il e´tait de´ja` renverse´ ; nous l’arracherons de ce poste, si l’on ne consent pas a` l’en bannir» (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 361). La citation de BC est un peu approximative.

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entre sa demande et l’accusation porte´e a` cette tribune. Enfin, sans vous fatiguer de l’e´nume´ration incertaine des de´couvertes que nous pourrons faire, nous tenons peut-eˆtre dans cette pe´tition un fil qui, tout exigu qu’il semble, conduirait, par beaucoup de de´tours, jusqu’au centre du labyrinthe. Vous avez tous senti de quelle importance serait une re´ve´lation de ce genre. Vous avez renvoye´, dans cet espoir, la pe´tition de Nıˆmes1 au pre´sident du conseil ; vous en avez ordonne´ l’impression ; vous en avez ordonne´ le de´poˆt au bureau des renseignemens. Ordonnez le meˆme de´poˆt pour la pe´tition actuelle : elle cadre d’esprit et d’intention avec les circulaires, elle en est un appendice : elle peut servir a` les expliquer. Les orateurs de toutes les opinions ont reconnu que ce serait un grand bonheur pour la France, que la de´couverte du vaste complot qui menace et l’inde´pendance du troˆne et les liberte´s de la nation. Tous ont avoue´ que ce complot, s’il existe, est un ve´ritable crime, un crime de le`se-majeste´, une machination contre la suˆrete´ de l’Etat. Ne ne´gligeons donc pas le plus petit indice. Quelle satisfaction pour nous, mes colle`gues, si, parvenant enfin a` mettre en e´vidence la source de tant de maux, nous pouvons proclamer cette ve´rite´ consolante dont j’ai toujours e´te´ convaincu, que cette source est tout-a`-fait e´trange`re a` notre gouvernement constitutionnel ; qu’a` elle seule remontent les inquie´tudes qui agitent la France, et les projets de´sastreux qui la menacent : que ce n’est point un pouvoir le´gal, mais un pouvoir occulte qui veut, par d’incroyables astuces, de´truire le syste`me repre´sentatif, en assurant le triomphe d’une imperceptible minorite´ sur les choix de la majorite´ nationale ; que c’est ce pouvoir occulte seul qui, dans ses combinaisons, naı¨vement tyranniques, veut, par des projets subversifs de nos institutions les plus sages, faire pre´valoir une voix sur cent, dix voix sur mille ! Le plus beau jour pour des sujets fide`les, pour de loyaux de´pute´s, sera celui ou` ils se diront, ou` ils diront a` la nation tout entie`re : «Le troˆne est comple´tement d’accord avec la nation ; il ne veut que son bonheur, son

7 vous en avez ordonne´ l’impression ] omis dans Opinion 7 9–10 avec les circulaires, elle en est un appendice ] avec les circulaires mentionne´es dans celles de M. Madier ; elle est une appendice de ces circulaires M 568b Opinion 7 20–21 remontent les inquie´tudes ] remontent et les inquie´tudes M 568b Opinion 7 27 dix voix sur mille ! ] dix voix sur mille. Opinion 7 Discours 1827 I 317

1

Il s’agit de la pe´tition de Madier de Montjau, conseiller a` la cour royale de Nıˆmes, qui avait suscite´ notamment le discours pre´ce´dent de BC (voir ci-dessus, pp. 557–560).

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repos, sa liberte´, la stabilite´ qu’elle che´rit ; les nuages passagers qui ont couvert l’horizon, partaient d’un autre point, d’un point qui n’a rien de com mun avec le roi ni avec sa famille. La ve´rite´ a dissipe´ ces nuages ; les issues sont libres ; la communication est re´tablie entre l’amour du peuple et la since´rite´ du monarque, seul appele´, suivant la Charte, a` le gouverner d’apre`s les principes de la liberte´.» Par ces motifs, et dans l’espoir que l’examen de cette pe´tition, de´voilant le secret des calomnies qu’elle renferme et de toutes les calomnies de ce genre, nous procurera des lumie`res pre´cieuses sur la faction qui met en pe´ril la monarchie et la Charte, je demande le renvoi au pre´sident du conseil des ministres et le de´poˆt au bureau des renseignemens.1

1 che´rit ; les nuages ] che´rit. Les nuages Opinion 7

1

La discussion s’amplifiera avec plusieurs orateurs de l’opposition qui accumulent des faits ave´re´s tendant a` prouver l’existence et l’action d’un «gouvernement occulte» depuis 1815. Parmi eux, Manuel qui offusque la droite et contre lequel est demande´ un rappel a` l’ordre ; ce sera le sujet de l’intervention suivante de BC. Finalement, les libe´raux n’auront pas gain de cause et la troisie`me pe´tition sera e´carte´e comme les deux premie`res par le vote de l’ordre du jour (Archives parlementaires, t. XXVII, pp. 401–408).

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[Intervention contre le rappel a` l’ordre de Manuel]* Se´ance du 28 avril 18201

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Le raisonnement auquel je viens re´pondre me paraıˆt tout-a`-fait errone´. Si M. Manuel avait blaˆme´ l’acte qu’il a cite´, il aurait pu encourir lui-meˆme le blaˆme que l’on provoque contre lui. ; mais il n’a cite´ ce fait que comme un fait ; il n’a pas, comme l’a dit le pre´opinant, loue´ un acte du Gouvernement pour en blaˆmer un autre ; il les a e´nonce´ tous les deux2. Il a dit comme un fait une chose qu’il est loin d’avoir pre´sente´e comme un objet de reproche direct : il a parle´ historiquement, et n’a e´leve´ aucun grief. S’il s’e´tait permis de blaˆmer l’acte particulier a` la volonte´ du monarque, on aurait raison de s’e´lever contre lui ; mais il n’a rien dit de semblable. Il est aise´ de le reconnaıˆtre, Messieurs : cet incident, ce rappel a` l’ordre ne sont suscite´s que pour embarrasser la discussion, et pour la de´tourner de son ve´ritable point. J’avais cite´ des faits graves, j’avais parle´ de provocations a` des actes de violence au sein de cette capitale ; on cherche a` distraire votre attention ; et a` propos d’un comptable, on l’occupe pendant une heure. Cela tient a` l’intention ou` l’on est de ne pas vous laisser approfondir la question ve´ritable, et de vous faire perdre un temps pre´cieux ... (Des e´clats de rire interrompent au centre et a` droite3.)

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 121, dimanche 30 avril 1820, p. 571c ; Archives parlementaires, t. XXVII, p. 406. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 308–309. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, samedi 29 avril 1820, p. 1167c ; Journal des de´bats, samedi 29 avril 1820, p. 4a ; Le Constitutionnel, no 120, samedi 29 avril 1820, p. 3b. La Quotidienne, no 120 samedi 29 avril 1820, p. 4a ; Gazette de France, no 120, samedi 29 avril 1820, p. 472a.

1

Comme on l’a vu a` la cloˆture du discours pre´ce´dent, on est au cœur de la discussion houleuse sur la pe´tition demandant la mise en accusation de Decazes. Apre`s Foy et Be´doch, BC insiste sur le fait que Manuel n’avait qu’e´voque´ des faits sans porter d’accusation. La droite au contraire voulait faire voter le rappel a` l’ordre de Manuel au motif qu’il aurait accuse´ le roi lui-meˆme et se serait e´carte´ du sujet de´battu. BC re´pond a` Benoist qui avait reproche´ a` Manuel d’avoir des jugements contradictoires sur le traitement de deux faits par le roi et par le gouvernement (Archives parlementaires, t. XXVI, p. 405). L’accord incorrect du participe passe´ est dans la source. Imme´diatement apre`s l’intervention de BC, le pre´sident met au vote le rappel a` l’ordre qui est rejete´ : rare (et modeste) succe`s de l’opposition.

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Discours prononce´ a` l’occasion de la proposition d’adresse faite a` la Chambre des de´pute´s par M. Manuel.* (Comite´ secret du 3 mai 1820.)1

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MESSIEURS, En e´coutant les orateurs qui m’ont pre´ce´de´ a` cette tribune, je me suis fe´licite´ d’avoir re´dige´ par e´crit les observations que je voulais vous sou*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 318–331 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 318–331 [=Discours 1827 I] ; Chambre des de´pute´s. Discours prononce´ par M. Benjamin Constant ... a` l’occasion de la proposition d’adresse, faite a` la Chambre des de´pute´s par M. Manuel, [Paris :] Plassan, s.d., 17 p. [=Opinion] Choix de rapports, opinions et discours. Session de 1819, pp. 438–446 [Choix] ; Archives parlementaires, t. XXVII, pp. 472–475 [=AP].

1–2 Discours ... Manuel. ] note en bas de page Lorsque j’ai vu le 3 mai fixe´ pour la discussion de cette proposition, je me suis attendu a` quelque rapprochement plus ou moins perfide de cette de´marche avec l’anniversaire de la rentre´e de S. M. en France2. Cela n’a pas manque´. Un journal auquel la censure ministe´rielle permet d’injurier la faction libe´rale, et d’insinuer qu’il faut la jeter a` l’eau, plaisanterie digne de l’auteur et des censeurs, a beaucoup de´clame´ contre cette concordance de dates3. Un mot suffit pour re´pondre. M. Manuel avait indique´ mercredi ou jeudi. C’est le coˆte´ droit qui a insiste´ pour que ce fuˆt mercredi, et le lendemain, notre honorable colle`gue, M. Delaitre ayant propose´ l’ajournement, vu la solennite´ du 3 mai, c’est encore le coˆte´ droit qui a maintenu la de´libe´ration du jour pre´ce´dent (voyez le Moniteur du 4). Ainsi l’on a pre´pare´ ce pour quoi on voulait crier au scandale puis on a crie´. Opinion 1–2 Choix 438 1

2 3

Comme celle du 1er mai ou` Manuel avait expose´ la proposition d’adresse au roi discute´e ici, la se´ance du 3 mai se tient en comite´ secret. Dans l’adresse qu’il avait propose´ de pre´senter au roi, Manuel mettait au jour l’influence du «gouvernement occulte» sur les gouvernements en place avec pour re´sultat une succession de violations de la Charte. La discussion sur cette proposition a lieu lors de la se´ance du 3 mai ; elle est tre`s anime´e, porte´e notamment par les ministres Sime´on et Pasquier. BC intervient apre`s les longs et virulents propos de ce dernier. Avec l’entre´e a` Paris, le 3 mai 1814, du comte de Provence, aussitoˆt proclame´ Louis XVIII, commence le temps de la Restauration. On pouvait lire ces lignes a` l’ouverture de l’article de teˆte du Drapeau blanc du 4 mai : «Tandis que toute la France royaliste feˆte le jour ou` le peuple de Paris, affame´ de voir son Roi, se pre´cipita au-devant de Louis-le-De´sire´, qui ramenait, avec la le´gitimite´, le repos et l’espoir d’un avenir consolateur, la faction libe´rale (il faut bien lui rendre le nom qu’elle adresse aux amis de la monarchie), ce´le`bre cet anniversaire a` sa fac¸on, et en choisit pre´cise´ment l’e´poque pour faire prononcer, par un de ses plus dignes organes, une proposition injurieuse a` l’honneur de la couronne et attentatoire a` ses droits.» (Le Drapeau blanc, no 125, 4 mai 1820, p. 1a).

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mettre1. Cette pre´caution que j’avais prise, sans pre´voir combien elle pouvait m’eˆtre utile, me servira a` me renfermer dans le cercle que je m’e´tais trace´, et a` me pre´server de la chaleur avec laquelle je serais tente´ de repousser des invectives et des accusations sans mesure. A l’occasion d’une proposition faite d’apre`s les formes voulues, et par la pre´sentation de laquelle un de nos colle`gues n’a fait qu’exercer son droit de la manie`re la plus re´gulie`re, on a parle´ de crimes, de complots, d’audace coupable ; on a e´puise´ tous les mots sinistres en usage dans le vocabulaire des factions qui de´noncent, en attendant qu’elles puissent opprimer. Je n’imiterai pas cet exemple, je dirai seulement qu’un pareil langage est contraire a` toute loyaute´, et a` la dignite´ d’une assemble´e repre´sentative. Mais, si je puis me dispenser d’entrer dans cette are`ne de personnalite´s inconvenantes, je crois devoir re´pondre a` d’autres alle´gations e´chappe´es a` M. le ministre des affaires e´trange`res2. Par une confusion trop habituelle, il a voulu se pre´valoir de ce que mon honorable colle`gue s’est servi, dans ses de´veloppemens, du mot de gouvernement royal, pour l’accuser d’avoir attaque´ la majeste´ du troˆne. Faut-il donc re´pe´ter ici, pour la centie`me fois, que, lorsqu’on parle dans cette Chambre du syste`me du gouvernement, ce n’est jamais le roi qu’on attaque ? Les ministres eux-meˆmes se de´signent sans cesse comme e´tant le gouvernement du roi. Cette expression, dans le langage parlementaire et dans celui que nos pre´ce´dens ont e´tabli, ne s’applique jamais qu’aux ministres. Il peut y avoir des ministres qui, audacieux et timides a` la fois, voudraient envahir toutes nos ga ranties, fouler aux pieds toutes nos liberte´s, manquer a` toutes les promesses que la sagesse royale rend inviolables, et reculer ensuite derrie`re le troˆne, pour qu’a` leur place le troˆne fuˆt compromis. Vous ne serez pas trompe´s par cet artifice, et vous saurez toujours distinguer le pouvoir accusable et responsable, du pouvoir bien plus e´leve´ qui n’est expose´ a` aucune accusation, et ne peut encourir de responsabilite´. Du reste, M. le ministre des affaires e´trange`res a comme pris soin de se re´futer ; il a dit que mon honorable ami voulait accuser le roi devant le roi lui-meˆme. La contradiction renferme´e dans ces paroles re´pond assez a` l’inculpation3. 16–17 gouvernement royal ] gouvernement royal Opinion 3 Discours 1827 I 319 1 2

3

Entre le 1er et le 3 mai, BC avait donc eu le temps de mettre en forme son intervention qu’il se doit ne´anmoins d’introduire par une re´ponse improvise´e a` Pasquier. Apre`s Sime´on et avant Pasquier (le ministre des Affaires e´trange`res) e´tait intervenu du coˆte´ de la droite Castelbajac ; c’est probablement lui que BC qualifie de «personnalite´ inconvenante». Pasquier avait dit : «C’est donc un acte d’accusation contre ce gouvernement royal que l’orateur vous propose de porter ; et devant qui, Messieurs ? devant le roi lui-meˆme.» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 470).

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Cependant un aveu est e´chappe´ a` M. le ministre, un aveu dont je crois devoir prendre acte. Il a pre´cise´ la date de ce qu’il appelle les attaques dirige´es contre le gouvernement. Ces attaques, a-t-il dit, ont commence´ il y a cinq mois. Ainsi, avant cette e´poque, il n’y avait point d’attaques. En effet, Messieurs, on pouvait, il y a cinq mois, de´sirer encore beaucoup d’ame´liorations partielles, et ce de´sir s’exprimait quelquefois avec cette impatience, cette franchise, cette vivacite´ de paroles qu’autorise la liberte´, et qui, meˆme dans leur manque de mesure, n’ont rien d’alarmant pour un pouvoir constitutionnel ; mais il n’y avait point d’attaques, le ministre en convient. Pourquoi, Messieurs ? C’est que le gouvernement e´tait populaire ; il s’affermissait dans l’opinion, il e´tait l’objet des espe´rances ; on sentait qu’il devenait plus stable parce qu’il e´tait loyal, et sa stabilite´ et sa loyaute´ e´taient, pour tous les bons citoyens, un sujet de joie et de reconnais sance. Qui est-ce qui a bouleverse´ cet e´tat de choses ? Les ministres, Messieurs, leurs projets hostiles, leur volonte´ obstine´e de nous ravir tous nos droits : ils ont trouble´ gratuitement une nation paisible, et ce sont eux qui l’accusent. Un mot encore, Messieurs, sur ces insinuations de conspiration qu’on fait planer sur toutes les teˆtes. Il faudrait enfin que l’on s’expliquaˆt. Si des de´pute´s connaissent des conspirateurs, qu’ils les de´noncent. Si les ministres en connaissent, leur devoir est de les de´masquer et de les poursuivre. Mais que l’on ne cherche plus a` frapper les imaginations d’alarmes myste´rieuses et d’inculpations e´quivoques ; ou, si l’on ne veut, si l’on ne peut rien articuler de pre´cis, qu’on s’abstienne d’accuser sans preuves, et de laisser soupc¸onner ce qu’on sait bien n’eˆtre pas.

10–11 populaire ; il ] populaire. Il Opinion 4 22 d’inculpations e´quivoques ] apre`s ces mots, note en bas de page Comme cet e´crit n’est pas destine´ a` eˆtre publie´, je crois pouvoir dire sans inconve´nient tout ce que je pense. S’il y a une conspiration, cette conspiration tend a` en supposer une. Quiconque lit attentivement les journaux de la faction de 1815, journaux censure´s par les subordonne´s des ministres ; quiconque re´fle´chit sur une foule de faits bizarres, qui seraient inexplicables s’ils n’e´taient habilement arrange´s, doit eˆtre convaincu que la tradition des moyens employe´s au 31 mai et a` d’autres e´poques ne s’est pas perdue. Un des discours prononce´s dans la se´ance du 3 rappelle les actes d’accusation de ces temps funestes. Au reste, ce n’est pas d’aujourd’hui que ceux qui ont pour eux la justice savent que ceux qui ont la force peuvent tout faire. Il n’en faut pas moins remplir son devoir1. Opinion 5 AP, 473 Choix 440

1

E´voquant notamment le coup de force porte´ contre les Girondins le 31 mai 1793 (et rapprochant ainsi une fois de plus, dans leurs pratiques, les ultras des Montagnards), BC fait allusion au discours de Castelbajac, l’une des voix royalistes les plus virulentes (Archives parlementaires, t. XXVII, pp. 466–468).

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Car je ne suppose point que l’on travestisse en conspirations des souscriptions de bienfaisance en faveur de malheureux atteints par les lois discre´tionnaires. Je sais qu’on a pre´tendu que secourir des de´tenus qui ne sont que suspects, et leurs familles qui, fussent-ils coupables, seraient innocentes, c’e´tait provoquer la de´sobe´issance aux lois : comme si les associations pour soulager les condamne´s eux-meˆmes e´taient des encouragemens pour le crime ; comme si les souscriptions qu’on accuse n’impliquaient pas au contraire l’obe´issance aux lois, puisqu’elles ne sont destine´es qu’a` ceux qui se seront soumis a` ces lois terribles. Je passe maintenant, Messieurs, a` l’examen que j’avais pre´pare´ sur la proposition meˆme qui vous est soumise. Lorsque le projet de pre´senter une humble adresse a` S. M. sur l’e´tat de la France et sur les mesures du ministe`re, me fut communique´ pour la premie`re fois, il fut pour moi le sujet d’une longue et pe´nible incertitude. Je craignis que, dans un moment ou` la re´union de tous les citoyens bien intentionne´s, de tous les hommes qui veulent conserver, je ne dis pas tel ou tel de´tail, mais l’esprit de nos institutions telles que la Charte les a e´tablies, et telles qu’elles sont ne´cessaires au repos si souvent menace´ de notre patrie ; je craignis, dis-je, que dans un moment ou` la re´union de tous ces hommes, amis de leur pays, est si de´sirable, une de´marche volontaire, spontane´e, et que les uns pouvaient croire intempestive, tandis que les autres la conside`rent comme indispensable, ne semaˆt entre les esprits les plus faits pour s’entendre, des germes de division dont on saurait profiter avec habilete´. Cette inquie´tude m’a poursuivi jusqu’a` mon entre´e dans cette enceinte ; et je ne suis parvenu a` la calmer qu’en me disant que, soustraits momentane´ment aux regards du public, re´unis, pour ainsi dire, en famille, nous avions une occasion naturelle de nous expliquer les uns avec les autres, et que la connaissance parfaite de nos intentions respectives et des vœux de chacun de nous, aurait certainement bien plus d’avantages que la chaleur meˆme d’une discussion dans laquelle une portion de cette Chambre n’entre qu’avec re´pugnance, ne peut avoir d’inconve´niens1. L’explication dont je vous parle, Messieurs, tient essentiellement a` la question qui nous occupe, je veux dire, celle de savoir si nous prendrons en conside´ra tion la proposition de notre honorable colle`gue, M. Manuel ; car c’est la`, je vous prie de le remarquer, la seule question ve´ritable. Un projet d’adresse pre´sente´ par un membre, ne peut eˆtre qu’un canevas qui, d’apre`s 1

La prudence de cette entre´e en matie`re s’explique par le fait que BC, conside´rant le de´bat a` venir sur le projet de loi sur les e´lections, cherchait a` me´nager les mode´re´s qu’il espe´rait acquis au rejet de cette loi ; il s’en explique dans ce sens dans sa lettre a` Goyet du 28 avril (OCBC, Correspondance, t. XI, pp. 489–490).

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notre re´glement, doit eˆtre envoye´ a` une commission ; c’est cette commission qui fait l’adresse et vous la soumet1. Il ne faut donc point confondre deux choses distinctes. En prenant en conside´ration la proposition de notre colle`gue, vous ne faites que de´clarer qu’il peut y avoir utilite´ a` s’occuper d’une adresse. Vous ne pre´jugez rien sur l’adoption de celle dont lecture vous a e´te´ donne´e. Or, il est e´vident que, pour savoir s’il peut y avoir lieu a` une adresse quelconque, une explication franche et comple`te de ce que nous croyons eˆtre l’e´tat des choses, et de ce que nous de´sirons que cet e´tat devienne, un aveu since`re et sans re´serve de nos vœux, de nos espe´rances, de nos craintes, est un pre´alable d’une ne´cessite´ manifeste. Lorsqu’on parle en public, les spectateurs exercent une influence, la tribune impose un appreˆt qui empeˆche les pense´es de paraıˆtre dans toute leur simplicite´. L’on ne dit rien qui ne soit vrai ; mais on ne dit pas tout ce qui est vrai, et les re´ticences faussent les demi-ve´rite´s que l’on e´nonce. De la`, des soupc¸ons respectifs, des irritations souvent mal fonde´es : et vous l’e´prouvez chaque jour ; car nous ne sommes pas dans la salle des confe´rences ce que nous sommes a` cette tribune : nous nous entendons mieux, nous nous sentons plus rapproche´s. Eh bien ! je crois qu’en appor tant dans ce comite´ secret le meˆme abandon, nous obtiendrons le meˆme avantage. Messieurs, que la France soit dans un e´tat critique ne peut eˆtre nie´. Toutes les parties de cette Chambre en conviennent ; nos honorables colle`gues du coˆte´ droit parlent de comite´s directeurs, insurrectionnels, re´volutionnaires. Nous parlerons de conspirations contre les droits acquis, contre les institutions donne´es, contre les inte´reˆts que la re´volution a cre´e´s et qu’a sanctionne´s la Charte. Nous sommes, j’en suis convaincu, les uns et les autres de tre`s bonne foi dans nos alarmes : j’en juge par moi-meˆme. Quand je dis que la contre-re´volution se me´dite et s’ope`re, je puis me tromper ; mais je ne dis que ce que je pense tre`s re´ellement. Ainsi, je n’ai pas le droit de pre´tendre que d’autres honorables colle`gues ne soient pas since`res, quand ils affirment qu’une re´volution se pre´pare. Vous, Messieurs, que des opinions plus prononce´es, dans l’un et l’autre sens, taxent d’une mode´ration qu’elles nomment excessive, mais aux inten18 tribune : nous ] tribune. Nous Opinion 8 1

L’article 68 du re`glement de la Chambre du 25 juin 1814 stipule en effet que «Les projets d’adresse sont re´dige´s par une commission compose´e du pre´sident et de neuf membres de la Chambre choisis dans les bureaux a` la majorite´ absolue» (R. Bonnard, Les re`glements des assemble´es le´gislatives de la France depuis 1789, Paris : Sirey, 1926, p. 228).

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tions desquels toutes les opinions rendent justice ; vous qui, par la nature des choses, malgre´ les plaintes alternatives dont vous eˆtes tour a` tour l’objet, eˆtes cependant constitue´s force´ment nos arbitres et nos juges ; vous dont les suffrages, encore incertains peut-eˆtre, de´cideront en dernier ressort des destine´es de la France, et sur qui porte en conse´quence toute la responsabilite´ de ces destine´es, vous trouvez difficile de savoir, au milieu de tant d’accusations qui se croisent, a` qui accorder de la confiance, ou de qui vous de´fier. Cependant, des lois s’avancent qui changent tout le syste`me actuel ; ces lois, vivement sollicite´es par les uns, qui leur ont fait traverser une commission presqu’au galop, j’en atteste ici nos colle`gues, et qui voudraient leur faire e´galement traverser la Chambre avec une vitesse acce´le´re´e ; ces lois, redoute´es et de´teste´es par les autres, qui croient y voir la destruction de toutes nos liberte´s, vous semblent a` vous-meˆmes, j’ose en appeler a` votre sentiment intime, au moins fort alarmantes. Si vous les votiez, ce ne serait pas pour elles-meˆmes, ce serait a` cause des craintes que vous nourrissez, ce serait a` cause de certains dangers re´els ou imaginaires. Sans ces motifs, vous n’e´prouveriez aucune he´sitation, votre conscience, la justesse de votre esprit, vos intentions, vos inte´reˆts, qui, inde´pendamment de l’estime qu’on vous doit, seraient au besoin des garans suffisans de vos intentions, votre amour pour la stabilite´, vous porteraient a` rejeter des innovations qui, n’eussent-elles pas d’autre inconve´nient, auraient au moins celui d’avertir le peuple franc¸ais que jamais rien n’est consolide´. Ainsi, nous nous trouvons dans cette situation triste et singulie`re, qu’il se peut que des hommes inte`gres, consciencieux, e´claire´s, le`guent a` leur patrie et a` l’avenir de mauvaises lois dont l’influence n’est pas calculable, et dont le terme n’est pas de´fini, uniquement parce qu’ils sont frappe´s de certaines alarmes, et effraye´s de certains pe´rils. Certes, Messieurs, ces circonstances sont graves : si le re´sultat trompait vos espe´rances bien intentionne´es ; si au lieu d’e´viter, d’ajourner au moins des secousses funestes, vous en provoquiez par votre assen timent a` des lois fautives ; si, rendus comme vous le serez bientoˆt avec nous a` la condition commune des citoyens, pour eˆtre remplace´s par les e´lus de la minorite´ favorise´e, vous ne reportiez dans vos de´partemens que la responsabilite´ douloureuse d’avoir de´truit ce qui existe, sans avoir pu mettre a` l’abri ce que vous vouliez sauver, vous e´prouveriez, je le pense, une profonde tristesse, une tristesse du genre de celle dont ceux d’entre vous qui ont e´te´ membres de l’honorable minorite´ de 1815 doivent avoir conserve´ le souvenir1. 1

Ce sont donc bien les de´bats a` venir sur le projet de loi sur les e´lections qui sont dans la mire de BC ; son discours s’adresse directement aux de´pute´s du centre.

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Si donc il est des moyens de nous e´clairer, avant de prendre, dans ces circonstances, un parti de´cisif, si l’un de ces moyens, et peut-eˆtre le plus efficace, c’est de prendre en conside´ration la proposition qui vous est faite, et qui donnera lieu a` une discussion instructive, et d’appeler ensuite sur cet important objet l’attention du troˆne, dont les inte´reˆts sont toujours d’accord avec ceux du peuple1 ; si, par une humble adresse, vous pouvez engager notre auguste monarque a` se faire repre´senter de nouveau l’e´tat de la France, vous ne devez pas, ce me semble, vous y refuser. Je le re´pe`te : les pe´rils existent ; tout le monde les proclame. En adoptant la proposition qui vous est faite, vous ne pre´jugez rien sur la nature de ces pe´rils ; car, encore une fois, c’est votre commission qui fera l’adresse, et c’est vous qui la discuterez et l’adopterez. Maintenant que je crois avoir prouve´ que, par la mesure qui vous est propose´e, vous n’enchaıˆnez votre opinion ni dans un sens ni dans un autre, je ne descendrai point de cette tribune sans m’expliquer sur l’espe`ce de pe´rils contre lesquels, dans votre adresse, il faut pre´munir le troˆne. Les deux parties oppose´es de cette salle se divisent sur cette question. L’une voit ces pe´rils dans une re´volution qu’on me´dite : l’autre, dans une contre-re´volution de´ja` commence´e. Vous, Messieurs, attentifs a` tous les genres de maux que vous croyez menacer la France, vous pensez apercevoir un double danger. C’est ici qu’il faut s’expliquer avec franchise. Je le de´clare, si je croyais de´meˆler, n’importe ou`, des projets re´volutionnaires, je les combattrais de tout mon pouvoir. En e´cartant de cette question tous les devoirs que mes sermens m’imposent, en ne la conside´rant que sous le rapport de l’utilite´, sous celui de la liberte´ que je che´ris, je parcours toutes les chances que des re´volutions nous pre´sentent, et je les trouve toutes de´sastreuses. Je vois dans les unes l’anarchie, dans les autres la tyrannie militaire ; dans d’autres, l’influence de l’e´tranger ; dans toutes, un gouvernement qui serait ne´cessairement dur et vexatoire, par cela seul qu’il serait nouveau. Assure´ment je n’ai nulle envie de flatter le ministe`re actuel. Depuis qu’il a obtenu les deux lois qui mettent a` sa merci les personnes et les pense´es2, nous ne jouissons plus d’un gouvernement libre : mais, au moins, les moyens de re´paration nous restent, et il y a loin du syste`me tre`s mauvais que suit le ministe`re, aux 33 gouvernement libre : mais ] gouvernement libre. Mais Opinion 13 1

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BC reprend la formule cardinale avance´e par les de´fenseurs de la Charte ; Manuel avait d’ailleurs rappele´, au de´but de son projet d’adresse, que «les inte´reˆts de la royaute´ et ceux du peuple sont inse´parables» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 441). La loi sur la liberte´ individuelle et celle sur la liberte´ de la presse qui viennent d’eˆtre vote´es par la Chambre.

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convulsions d’une de´magogie populaire, a` l’oppression d’un chef arme´, ou a` l’esclavage diplomatique auquel nous re´duirait un prince e´tranger. Si donc, au lieu de vœux naturels et le´gitimes d’ame´lioration, je voyais des projets pour troubler l’ordre existant, je serais le premier a` leur re´sister. Mais, je l’avoue, dans le coˆte´ auquel on attribue de pareils projets, je ne distingue rien de semblable. Je vois des hommes que leurs commettans ont choisis dans l’espoir qu’ils obtiendraient pour eux la re´paration de beaucoup d’injustices, et, sous ce rapport, les e´lections qu’on a pre´sente´es comme les hostilite´s d’un parti, n’ont e´te´ que de´fensives et ont e´te´ l’ouvrage du ministe`re. Je vois des hommes empresse´s de remplir leur mission, consultant quelquefois leur conscience plus que l’opportunite´, incapables, pre´cise´ment parce que cette conscience est pure, de se plier a` des me´nagemens pour calmer d’injustes de´fiances, mais pe´ne´tre´s tous de la conviction que si la Charte e´tait exe´cute´e, elle suffirait a` la liberte´, et ne demandant son exe´cution avec tant de chaleur, que parce qu’il leur paraıˆt insense´ dans un ministe`re de vouloir, sans profit pour le gouvernement, arracher a` une nation ce qui assure la stabilite´ de l’un et le repos de l’autre. Je me demande si ces hommes peuvent avoir un inte´reˆt cache´, s’ils pourraient nourrir une arrie`re-pense´e, et je vois que tous leurs inte´reˆts sont d’accord avec le troˆne constitutionnel, et qu’il n’en est pas un qui, comme conside´ration, comme influence, comme repos ou comme carrie`re d’une ambition honorable, ne trouve sous le re´gime de la Charte une route plus digne de lui, que sous l’anarchie du directoire, l’hypocrisie du consulat, ou le despotisme de l’empire. Ce n’est donc point de ce coˆte´, Messieurs, que le pe´ril existe. Mais si je retourne mes regards vers un parti oppose´, ce que j’y de´couvre est tout diffe´rent. Je voudrais e´viter tout ce qui pourrait agiter cette assemble´e. Mais comme nous sommes ici sans te´moins, je crois pouvoir parler clairement sans trop d’imprudence. Je vois un parti organise´, dont l’organisation n’a pas e´te´ interrompue un instant, qui a des chefs, des intelligences, des de´poˆts d’armes ; qui, lorsqu’on veut lui oˆter ces moyens ille´gaux, lutte contre l’autorite´ royale, et j’en ai pour preuve la re´sistance des Vende´ens contre un arreˆte´ qui tendait a` leur enlever un de´poˆt de ce genre, re´sistance dont le Conservateur a e´te´ l’organe. J’en ai pour preuve la proclamation d’un chef vende´en, qui vous a e´te´ lue a` cette tribune, et qui n’a pas e´te´ re´voque´e en doute1. 2 nous re´duirait ] nous re´duisait Opinion 13 Discours 1827 I 327 16 pour le gouvernement ] pour un gouvernement, Opinion 13 Discours 1827 I 328 34 dont le Conservateur a e´te´ l’organe ] dont M. de Chaˆteaubriand a e´te´ l’organe dans le Conservateur Opinion 14 1

Dans sa fameuse intervention du 25 avril qui lui avait valu une menace de rappel a` l’ordre, Manuel avait produit des pie`ces prouvant les actions de re´sistance ultra en Vende´e. BC

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Ce parti, terrible quand il domine, a e´te´ invincible meˆme quand il n’a pas domine´. J’en ai pour preuve les aveux de tous les ministres qui, apre`s le 5 septembre, en 1817 et 1818, ne sont jamais parvenus a` re´organiser l’administration du royaume dans le sens du gouvernement royal1. Je ne puis citer les aveux de M. De Cazes ; ils sont, au reste, connus de plusieurs d’entre vous. Mais je puis m’appuyer du te´moignage de M. Laine´, qui lui-meˆme s’est plaint dans la Chambre des pairs des luttes Constantes, bien que secre`tes, de ce parti. Depuis 1815 ce parti n’a jamais suspendu ses re´sistances. Disperse´ au 5 septembre, il a, par tous ses actes, par tous ses e´crits, proteste´ contre cette salutaire de´cision. Le roi voulait nous entraıˆner dans le chemin de la honte : nous lui avons re´siste´ pour suivre le chemin de l’honneur, e´crivait un des de´pute´s renvoye´s dans ses foyers par cette ordonnance : nos ad versaires ont suivi les conseils du ministe`re et du roi ; ils sont meprise´s, et nous jouissons de notre fermete´ et de notre courage2. Lors d’un e´ve´nement a` jamais de´plorable, ce parti a voulu exploiter cet affreux e´ve´nement. Je ne vous retracerai pas tous les de´tails ; mais, certes, entre deux partis, le parti redoutable est celui qui a e´crit des circulaires, le parti qui a menace´ la vie d’un ministre, le parti qui a annonce´ d’avance qu’il arracherait ce ministre d’aupre`s du troˆne, et qui l’en a arrache´. Maintenant la seconde question reste encore. Le ministe`re a-t-il fait alliance avec ce parti ? Messieurs, il faut ici s’entendre. Quand, apre`s le renversement du ministre que ce parti avait arrache´ d’aupre`s du troˆne, de nouveaux ministres ont e´te´ nomme´s, je le crois, ces ministres ne voulaient pas faire alliance avec ce parti ; mais, comme il arrivera toujours quand des ministres he´siteront, ce parti a profite´ de leur he´sitation, et le ministe`re aujourd’hui est subjugue´. Et ceci, Messieurs, me conduit a` une conside´ration importante. Entre les deux partis entre lesquels balancent les membres qui de´cident de la majorite´ de la Chambre, le plus dangereux pour la France, pour le troˆne, pour la majorite´ de la Chambre elle-meˆme, c’est celui qui, par sa nature, doit tou14 notre courage. ] apre`s ces mots, en note Voyez les Lettres imprime´es de M. Serieys de Marinhac, dans les pie`ces du proce`s qu’il a soutenu en 1817 Opinion 15 AP, 475 Choix 445 16 de´tails ; mais ] de´tails. Mais Opinion 16 fait aussi probablement allusion au pamphlet «De la Vende´e» publie´ par Chateaubriand dans Le Conservateur en 1819 (t. IV, pp. 193–254). 1 2

Le 5 septembre 1816, date de la dissolution de la Chambre introuvable. BC cite ici les propos de Sirieys de Mayrinhac, de´pute´ ultra du 22 aouˆt 1815 au 5 septembre 1816. Lallement, l’e´diteur du Choix qui reproduit la note de BC, renvoie a` des «Lettres imprime´es» de Sirieys. Voir Le Constitutionnel, no 53, samedi 22 fe´vrier 1817, p. 4a, ou` le journal relate le proce`s en calomnie contre Sirieys et al. Les propos cite´s par BC proviennent d’une lettre de Sirieys au sous-pre´fet de Figeac, le comte de Campagne, du 10 janvier 1816, lettre lue a` l’audience par un avocat.

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jours subjuguer les ministres qui consentiront a` transiger avec lui. L’autre parti n’est point dangereux. Il peut e´clairer le pouvoir, il ne saurait le dominer. La preuve en est que toutes les fois que des ministres ont marche´ dans un sens semi-libe´ral, ce n’est pas avec le parti qu’on feint de croire dangereux qu’ils se sont allie´s, c’est avec les hommes plus doux, plus re´serve´s, dont l’assentiment est plus habituel, bien que leurs intentions ne soient pas moins pures. Lorsqu’au contraire le parti oppose´ l’a emporte´, ces hommes mode´re´s, qu’on veut irriter contre nous, ont e´te´ bien vite repousse´s par nos adversaires, de´daigne´s, soupc¸onne´s, accuse´s par ce parti. J’en appelle encore a` l’expe´rience de la minorite´ de 1815. Oui, Messieurs, je crois que l’alliance est faite, peut-eˆtre contre la volonte´ des ministres. Je crois que cette alliance peut perdre la France. Elle peut la perdre, soit en la livrant sans de´fense au parti de 1815, soit par les alarmes qu’elle excite, par l’irritation qu’elle provoque, et, permettez-moi de le dire en comite´ secret, ou` mes paroles ne peuvent nuire et ne sont pas destine´es a` eˆtre publiques, par la re´sistance que le re´gime de 1815 ame`nera toujours. Je pense donc, Messieurs, qu’une adresse peut eˆtre utile, que les ide´es contenues dans le projet qui vous a e´te´ soumis peuvent y eˆtre admises, et que, sans rien pre´juger sur sa re´daction, vous devez prendre en conside´ration la proposition qui vous a e´te´ faite de pre´senter une humble adresse a` Sa Majeste´.1

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Le discours de BC ne sera pas discute´ ; Manuel prendra encore la parole apre`s lui pour re´pondre aux reproches qu’il avait essuye´s, puis le pre´sident mettra aux voix la prise en conside´ration de la proposition d’adresse de Manuel : «La Chambre de´clare qu’elle ne prend pas en conside´ration.» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 476).

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[Intervention sur l’ordre de la de´libe´ration]* Se´ance du 5 mai 18201

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Vous ne pouvez refuser la parole sur l’ordre de la de´libe´ration. Ce n’est pas pour insister sur la dernie`re observation que j’ai demande´ la parole, quoique je la trouve fonde´e, parce que les honorables colle`gues pourront arriver avant la discussion2 ; mais c’est pour demander quel peut eˆtre le motif d’intervertir un ordre de discussion qui a toujours e´te´ suivi, et d’arriver a` ce faˆcheux re´sultat que par ce de´rangement de l’ordre habituel de nos discussions, le Gouvernement continue a` de´penser ille´galement ; tandis que si nous examinions la loi des de´penses, nous re´glerions tout ce qui se fait en ce moment. Je ne conc¸ois pas, je l’avoue, cette pre´fe´rence que nous donnons a` l’ille´galite´, et j’en demande au moins le motif. Le projet de loi sur les e´lections est tellement important, que, pour l’avantage meˆme du Gouvernement, quelque soit le re´sultat de ce projet, il lui importe de n’avoir pas l’air de vouloir lui faire traverser la chambre avec la meˆme pre´cipitation qu’il a, j’ose le dire, traverse´ la commission. (Des murmures interrompent a` droite et au centre) ... car il est certain, et j’en appelle aux membres meˆmes de cette commission, que le projet n’a pas pu eˆtre approfondi, que beaucoup d’amendemens propose´s et d’observations faites sont reste´s sans re´ponse. Les plaintes ont e´te´ unanimes, et elles sont parties de colle`gues qui certes ne peuvent pas eˆtre soupc¸onne´s de partialite´. *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 127, samedi 6 mai 1820, p. 606c ; Archives parlementaires, t. XXVII, p. 503. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 309–310. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, samedi 6 mai 1820, p. 1196c ; Journal des de´bats, vendredi 5 mai 1820, p. 4b ; Le Constitutionnel, no 127, samedi 6 mai 1820, p. 4ab ; La Quotidienne, no 127, samedi 6 mai 1820, p. 4b ; Gazette de France, no 127, samedi 6 mai 1820, p. 500b.

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Au cours de la discussion de la loi sur les de´penses, alors qu’il est question d’ajourner la suite de cette discussion pour ouvrir celle concernant la loi des e´lections, le ge´ne´ral Foy a pris la parole pour demander a` ce que l’on me`ne d’abord a` son terme la discussion de la loi sur les de´penses car, disait-il, si la loi n’est pas vote´e a` temps, les de´penses effectue´es par le gouvernement seront ille´gales. BC intervient pour soutenir l’avis de son colle`gue, les libe´raux souhaitant e´videmment que le de´bat sur la loi des e´lections soit ouvert le plus tard possible. Me´chin venait de faire observer que quatre nouveaux de´pute´s ayant e´te´ e´lus, il ne faudrait pas qu’ils arrivent a` la Chambre au moment ou` la discussion sur la loi des e´lections aurait de´ja` e´te´ ouverte.

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(Voix a` gauche. C’est vrai.) Je crois que nous devons, autant qu’il est en nous, re´parer la pre´cipitation qui a lieu, en donnant a` cette discussion toute la solennite´ possible. Si vous voulez e´couter demain le rapport, et revenir ensuite a` la discussion des de´penses, on aura oublie´ le rapport ; c’est donc une marche inconvenante. Si, au contraire, vous voulez faire discuter d’abord la loi des e´lections, je de´clare que vous aurez l’air de vouloir presser une discussion de laquelle de´pendent les destine´es de la France, vous aurez l’air de vouloir l’e´trangler (De nouveaux murmures interrompent ... A gauche, oui, oui, cela est vrai ...) Vous paraıˆtrez ne pas vouloir que le peuple franc¸ais soit de´fendu dans ses droits les plus chers et les plus sacre´s. Je crois que pour l’inte´reˆt de la chambre et de ceux meˆmes qui tiennent a` ce projet d’e´lections il faut renvoyer le rapport apre`s la discussion des de´penses. J’ajouterai que la question des douanes ayant occupe´ pendant la discussion presque tous les membres, il a e´te´ impossible d’examiner ce projet de loi d’e´lections assez attentivement pour savoir s’il y a moyen, en introduisant quelques amendemens dans cette e´trange proposition, de la rendre moins funeste qu’elle ne doit l’eˆtre. Je crois que par e´gard pour les lumie`res que vos membres doivent recueillir, que par e´gard pour vous-meˆmes, vous ne devez pas entendre demain le rapport, ni trahir par-la` une impatience qu’il serait faˆcheux de chercher a` expliquer ; je crois que nous devons suivre la marche que M. le ge´ne´ral Foy a trace´e ; c’est la seule qui ne donne pas lieu a` des soupc¸ons fonde´s. Cet avis est fortement appuye´ a` gauche.1

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Le propos de BC a fait monter la tension ; la droite demande d’aller aux voix, a` quoi BC re´torque, de sa place, «Je demande que ceux qui crient : Aux voix ! montent a` la tribune pour re´pondre». Le pre´sident mettra alors aux voix la question de savoir si Laine´, le rapporteur de la commission pre´senterait son rapport sur la loi des e´lections le lendemain, contrairement a` l’avis des libe´raux ; ces derniers sont une nouvelle fois battus au vote.

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[Intervention contre Benoist]* Se´ance du 6 mai 18201

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Je me bornerai, pour re´pondre a` M. le pre´sident, a` observer que M. le ministre de l’inte´rieur a de´ja` consenti et reconnu l’e´quite´ de ce qui e´tait demande´2. La difficulte´ naıˆt de ce que M. le ministre nous dit que nous pouvons nous-meˆmes faire le travail d’apre`s la liste des e´lecteurs. Je ferai remarquer que ce travail prendra a` chacun de nous un temps beaucoup plus conside´rable que celui qu’on y consacrerait dans ses bureaux. Il vaut mieux que nous employions ce temps a` l’examen de la Loi. Je suppose qu’on n’a pas envie de nous occuper d’un tel travail de de´pouillement, quand nous devons consacrer tout notre temps a` des me´ditations beaucoup plus importantes. Nous ne demandons pas mieux de nous pre´senter dans cette discussion, parce que nous croyons que nous la soutiendrons avec beaucoup d’avantages3 ; mais aussi nous voulons avoir le plus de temps possible pour nous pre´parer. *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 128, dimanche 7 mai 1820, p. 611c ; Archives parlementaires, t. XXVII, p. 528. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, dimanche 7 mai 1820, p. 1200a ; Journal des de´bats, dimanche 7 mai 1820, p. 4a ; Le Constitutionnel, no 128, dimanche 7 mai 1820, p. 4b ; La Quotidienne, no 128, dimanche 7 mai 1820, p. 4a ; Gazette de France, no 128, dimanche 7 mai 1820, p. 504b.

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Laine´ a donne´ lecture du rapport de la commission sur la loi des e´lections et la Chambre est maintenant cense´e fixer la date de l’ouverture de la discussion de cette loi. Le ge´ne´ral Foy est cependant intervenu pour que les de´pute´s aient acce`s au tableau des e´lecteurs par colle`ges d’arrondissements, ainsi qu’a` un tableau mentionnant les citoyens a` la plus forte cote d’imposition dans tous les de´partements. On rappelle qu’un des e´le´ments essentiels de la loi pre´voit la constitution de colle`ges e´lectoraux de de´partements e´tablies en fonction de la fortune e´value´e selon l’imposition. Benoist, de´pute´ de la droite, avait fait alors observer qu’on n’avait jamais jusqu’ici publie´ ce genre de listes qui e´taient reste´es a` la disposition de la seule administration. Vu l’importance prise par cette question de l’imposition, BC re´agit en annonc¸ant pour ainsi dire la strate´gie de son camp : s’assurer au moins que les listes e´lectorales seront e´tablies sans manipulations. Sime´on avait en effet re´pondu a` Foy de fac¸on conciliante, mais pas satisfaisante pour la raison que BC va justement exposer. Comme le confirme sa correspondance avec Goyet a` la meˆme e´poque, BC est encore optimiste quant au re´sultat du vote de la Chambre sur cette loi : «J’ai la conviction que si nous pouvons conduire la discussion comme je l’entends, le rejet est certain.» (lettre du 7 mai 1820, OCBC, Correspondance, t. XI, p. 491).

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Quant a` l’observation de M. Benoist elle est naı¨ve, mais elle est importante ; il faudra la reproduire dans la discussion : elle tend a` prouver que jamais vous ne saurez les noms des plus impose´s, parce que les agens du Gouvernement feront seuls les listes comme ils voudront, et que, sous pre´texte qu’il serait de´sagre´able a` tel ou tel contribuable, qu’on suˆt quelle est sa cote de contribution, nous aurions un cinquie`me dont nous ne connaıˆtrions pas du tout la le´gitimite´ ...1

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M. de Chauvelin. On imprimait bien autre fois le nobiliaire de France ... Quant au fait particulier, je ne conc¸ois pas, je l’avoue, comment M. Benoist, qui a e´te´ e´lecteur dans les trois dernie`res e´lections, n’a pas vu de ses yeux que, dans toutes les listes d’e´ligibles, la cote des contributions est inse´re´e positivement. Il n’y a pas un e´lecteur en France qui ne le sache. Je ne comprends pas comment M. Benoist a confondu la liste des six cents plus impose´s de l’Empire avec la liste des e´ligibles2 ; car vous savez tous que la cote des contributions est toujours inse´re´e dans la liste des e´ligibles. M. Benoist a donc fait un aveu tre`s-essentiel ; c’est qu’en ne connaissant pas la cote des contributions, ceux qui voudront eˆtre du nombre des plus impose´s, le seront sans que la chambre le sache ... J’appuie de toutes mes forces les propositions de M. le ge´ne´ral Foy.3

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On rappelle que selon le projet de loi, les colle`ges de de´partements nouvellement constitue´s et appele´s a` e´lire les 198 de´pute´s supple´mentaires (par rapport a` l’ancienne loi), devaient eˆtre constitue´s d’un cinquie`me des e´lecteurs les plus impose´s. Benoist avait dit : «Jamais les noms des six cents plus impose´s n’ont e´te´ rendus publics : on ne l’a jamais cru convenable.» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 528). La demande de Foy, appuye´e par BC et plusieurs autres de´pute´s, est adopte´e, mais les libe´raux n’obtiennent pas l’ajournement de la discussion sur la loi qu’ils avaient demande´ au motif qu’ils ne pourraient y participer en connaissance de cause qu’apre`s avoir rec¸u les documents imprime´s demande´s par Foy. L’ouverture de la discussion sur la loi des e´lections reste donc fixe´e au 15 mai.

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Sur l’usage fait de la censure par le ministe`re.* (Se´ance du 12 mai 1820.)1

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MESSIEURS, Je demande le renvoi de cette pe´tition au ministre de l’inte´rieur, non pour renouveler des de´bats sur les lois d’exception, mais pour appeler l’attention des ministres sur l’usage qu’on fait en leur nom de l’une au moins des lois d’exception. Ceci n’est point e´tranger a` la pe´tition ; car les lois peuvent eˆtre conside´re´es sous deux rapports, celui de leur contenu et celui de l’usage qu’on en fait. Le motif qu’ils ont alle´gue´ pour demander la censure des journaux, et certainement le voˆtre, pour leur accorder cette censure, ont e´te´ de bannir des journaux la calomnie, l’invective, les personnalite´s. Or, il est de fait que, depuis l’e´tablissement de la censure, certains journaux ont redouble´ d’outrages, d’insultes, d’attaques personnelles qui rappellent parfaitement le style de 1793. Entre ces journaux que, cependant, la censure autorise, et ceux qui paraissaient dans le temps de la plus scandaleuse licence, il n’y a que cette diffe´rence, que les individus ou meˆme les pouvoirs constitutionnels que l’on outrage ne peuvent pas eˆtre de´fendus. La censure s’oppose a` toute re´ponse et a` toute explication2. Je pourrais multiplier les preuves de ce scandale. Ici c’est un journal qui rattache un assassinat aux discussions de la Chambre elle-meˆme ; qui, apre`s *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 332–335 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 332–335 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 133 et 134, vendredi 12 et samedi 13 mai 1820, p. 633ab [=M] ; Archives parlementaires, t. XXVII, pp. 549–550. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 311–313. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, samedi 13 mai 1820, p. 1221ab ; Journal des de´bats, samedi 13 mai 1820, p. 3a ; Le Constitutionnel, no 134, samedi 13 mai 1820, p. 1a. ; La Quotidienne, no 134, samedi 13 mai 1820, p. 4a. ; Gazette de France, no 134, samedi 13 mai 1820, pp. 527b–528a.

1

` l’ouverture de la se´ance, le rapporteur de la commission, Albert, pre´sente plusieurs A pe´titions, dont celle d’un certain Dumont qui demande a` ce que soient e´carte´es les lois d’exception. La pe´tition e´tant ante´rieure a` l’adoption de ces lois par la Chambre, le rapporteur propose de passer a` l’ordre du jour. BC profite de l’occasion pour tenter d’e´mouvoir la Chambre sur les effets de´ja` perceptibles de la loi sur la censure des journaux. Le Drapeau blanc qui rend compte de la se´ance donne ce commentaire : «Apre`s cet exorde, prononce´ avec une mode´ration tant soit peu acerbe, l’honorable membre e´le`ve la voix, et se livrant a` sa verve, il s’enflamme, s’agite et crie contre l’abus tole´re´ qu’on fait, suivant lui, de la censure.» (no 134, 13 mars 1820, p. 3b).

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avoir imprime´ que tout est calme en France, hors dans un seul lieu, mais que dans le the´aˆtre ou` se jouent ces sce`nes tumultueuses, on voit les agitateurs qui ont use´ le mensonge donner des preuves de de´lire, ajoute, pour qu’on ne se trompe pas sur le lieu de la sce`ne, le bruit meurt a` la porte du palais Bourbon, et continue : Qu’est-ce qui re´pond aux chefs de l’agitation ? Le crime froid et solitaire errant la nuit dans des lieux de´serts pour de´vorer quelque victime isole´e1. Ailleurs, une feuille qui pre´tend indiquer ou` sont les conspirateurs, car, graˆce au ciel, depuis qu’un certain parti se flatte de s’emparer du pouvoir, nous n’entendons parler que de conspirations comme en 1815, de´signe, parmi les coupables, des de´pute´s, des pairs, nomme´ment l’ancien ministre de la guerre, M. le mare´chal Saint-Cyr, pour un discours prononce´ dans la Chambre des pairs, et termine par ces mots : «Conspirateurs de 1820, successeurs de 1789, ayez l’audace de contester la ve´rite´ de ces faits ou l’absurdite´ d’en nier la conse´quence.»2 Si je voulais descendre dans des de´tails plus minutieux, mais qui me sembleraient trop ignobles, je vous montrerais ces meˆmes feuilles e´piant dans nos corridors les conversations que nous avons entre nous (parce que, sans penser de meˆme, nous nous estimons re´ciproquement), et cherchant a` compromettre les uns pour incriminer les autres ; ou je vous citerais des passages dans lesquels l’accusation de complicite´ avec Gravier3, est formellement dirige´e contre des membres de cette Chambre ; et, tout bien 2 tumultueuses ] tumultuaires M 633b

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3 ajoute ] ajouter M 633b

BC rapporte assez exactement des fragments d’un long article de La Quotidienne du 5 mai 1820, p. 2 ; la phrase cite´e s’ache`ve ainsi : «[...] pour de´vorer quelque victime isole´e, et fuyant l’aspect des hommes pour porter avec calme des coups me´dite´s dans le silence.» Le journal L’Ami de la religion et du roi, a livre´, le 13 mai, un extrait d’une lettre que «Mgr le cardinal de Luzerne vient de publier» ou` l’on retrouve le passage cite´ par BC. Ce dernier avait force´ment lu cette lettre dans une autre «feuille» parue avant le 12 mai, celle sans doute ou` le cardinal «venait de publier» la lettre. Dans l’extrait cite´ par L’Ami de la religion et du roi, le passage accusant nomme´ment Gouvion Saint-Cyr ne figure pas. Ce dernier, alors ministre de la Guerre, s’e´tait attire´ la haine des ultras par le discours qu’il avait prononce´ a` la Chambre des pairs le 20 janvier 1818, de´cisif pour le vote par la Chambre des pairs de la loi sur le recrutement ; cette loi e´galitaire re´tablissait le principe de la conscription que la Charte avait aboli et supprimait cet autre principe selon lequel les nobles e´taient recrute´s directement au rang d’officiers. Jean-Pierre Gravier avait e´te´ arreˆte´ pour avoir par deux fois, dans les nuits du 28–29 avril et du 6–7 mai, fait exploser des pe´tards sous les feneˆtres de la duchesse de Berry «ayant pour but de provoquer l’avortement de cette princesse» (selon le compte rendu de la se´ance en cour d’assises publie´ dans Le Constitutionnel du 28 octobre 1820, no 302, p. 4a). Gravier et son complice Etienne-Louis Bouton seront condamne´s a` mort, mais cette peine sera commue´e en prison a` vie.

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conside´re´, je vous demande la permission de vous les citer en deux mots, parce que vous jugerez de l’emploi que fait de son autorite´ la censure ministe´rielle. «Gravier, dit cette feuille, s’est reconnu l’auteur du premier pe´tard. La veille de son arrestation il avait dıˆne´ avec de grands et constans libe´raux.» Le mot de constans est imprime´ en lettres italiques. Le journaliste continue : «Diverses lettres trouve´es chez Gravier annoncent qu’il e´tait en correspondance avec des capitalistes tre`s connus.»1 Et le lendemain cette feuille affirme que les opinions professe´es par Louvel et Gravier, sont les meˆmes que celles qu’on professe dans quelques salons de la Chausse´e-d’Antin2. Lorsque la presse est libre, ces choses sont indiffe´rentes, le me´pris suffit. Mais sous la censure, la calomnie devient un privile´ge ; ce n’est pas ce privile´ge que vous avez pu vouloir. Certes nous pouvons eˆtre divise´s d’opinion, mais aucun de vous ne peut voir, sans en eˆtre re´volte´, la majorite´ ou la minorite´ de la Chambre, ou meˆme un de ses membres accuse´ par des mise´rables de la manie`re la plus scandaleuse ; et quand une feuille recourt a` des italiques pour m’impliquer dans des complots absurdes et atroces, je rends assez de justice a` tous mes colle`gues, pour croire que ce n’est pas moi qui en e´prouve le plus d’indignation. Messieurs, autoriser des infamies pareilles n’a pas pu eˆtre votre but ; quand vous avez donne´ au ministe`re la censure des journaux, vous n’avez pu vouloir qu’on insultaˆt, qu’on accusaˆt vos colle`gues, sans qu’on puˆt les de´fendre ; oui, sans qu’on puˆt les de´fendre : car je tiens en main la re´ponse qu’un estimable e´crivain avait essaye´ de faire a` ces odieux italiques dont je vous ai parle´, et la censure l’a rejete´e. Je ne fais pas le tort aux ministres de croire qu’ils soient informe´s de ces abus.

5 constans ] en italique M 633b

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Citation exacte, bien que raccourcie, d’une bre`ve de La Gazette de France du 9 mai 1820 relatant : «Graviers s’est reconnu l’auteur du premier pe´tard. La veille de son arrestation, il avait dıˆne´ avec de grands et constans libe´raux de sa force, et l’on s’e´tait se´pare´ en chantant le refrain : A` demain ! a` demain ! etc. [...] Diverses lettres trouve´es chez Graviers annoncent qu’il e´tait en correspondance avec des capitalistes tre`s-connus.» (no 130, pp. 509b–510a). La Gazette de France du 10 mai revient, dans un long commentaire, sur l’arrestation de Gravier. Si les colporteurs libe´raux partageaient la joie du peuple apre`s l’arrestation de Gravier, «on verrait si les opinions confesse´es par les Louvel et les Gravier seraient innocentes dans les ateliers et dans les carrefours comme elles le sont dans quelques salons de la Chausse´e d’Antin» (no 131, p. 514b).

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Je ne sais ou` ils ont pris leurs censeurs ; on dirait qu’ils les ont cherche´s dans ce qui reste de la fange re´volutionnaire. (De violens murmures interrompent au centre et a` droite.) Mais quoi qu’il en soit, je suis convaincu que, puisqu’ils ont craint la calomnie entre les mains de tous, ils ne voudront pas qu’elle soit le monopole impuni de quelques uns. C’est un moyen d’ajouter a` nos dissentimens, d’aigrir les haines, et de produire une irritation dont les tristes re´sultats seraient le crime de l’autorite´ qui les provoquerait par sa perfidie ou sa connivence. Comme moyen d’attirer l’attention du ministe`re sur ces de´sordres, je demande le renvoi de la pe´tition au ministre de l’inte´rieur.1

10 de l’inte´rieur. ] apre`s ces mots, a` la ligne Cet avis est fortement appuye´ a` gauche M 633b

1

La discussion se poursuivra et BC s’y exprimera encore ; voir l’intervention suivante.

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[Intervention a` propos des lois d’exception]* Se´ance du 12 mai 18201

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Comme j’ai eu l’honneur de vous le dire, Messieurs, les lois d’exception peuvent eˆtre envisage´es sous deux rapports. D’abord sous le rapport de leur contenu ; et, a` cet e´gard, nous n’avons pas a` nous en occuper ; ces lois d’exception sont rendues, elles doivent eˆtre respecte´es ; ensuite sous celui de leur exe´cution, c’est-a`-dire, relativement a` la manie`re dont le ministe`re en fait usage ; car, parmi les inconve´nients des lois d’exception, est manifestement l’usage mauvais qu’on peut en faire. Il est clair qu’une loi d’exception est d’autant plus vicieuse qu’on peut en me´suser davantage. Le pre´opinant2 n’a pas contredit mes observations, qui tendent a` prouver les inconve´niens des lois d’exception, inconve´niens que le ministe`re peut faire cesser jusqu’a` un certain point, et dont il est bon qu’il soit averti. L’inconve´nient que j’ai signale´ n’est pas e´tranger aux lois d’exception, car il ne pourrait pas avoir lieu, si les lois d’exception n’existaient pas. Il est impossible que vous veuillez autoriser, en passant a` l’ordre du jour, un syste`me qui est ve´ritablement le scandale et la honte de la France. Je vous ai cite´ un nom glorieux, celui d’un mare´chal de France, recommandable par son patriotisme et ses e´minens services3 ; vous ne pouvez pas vouloir que toutes les autorite´s soient avilies ; qu’on pre´sente vos colle`gues comme des assassins, ou comme des complices d’assassinat, et cela sans qu’on puisse re´pondre. J’ai sur moi la re´ponse la plus mode´re´e, faite a` cet infaˆme article ; elle est couverte des ratures des censeurs, qui ont de´fendu *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 133 et 134, vendredi 12 et samedi 13 mai 1820, p. 633c ; Archives parlementaires, t. XXVII, p. 551. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 313–314. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, samedi 13 mai 1820, p. 1221c ; Journal des de´bats, samedi 13 mai 1820, p. 3b ; Le Constitutionnel, no 134, samedi 13 mai 1820, p. 1b ; La Quotidienne, no 134, samedi 13 mai 1820, p. 4a ; Gazette de France, no 134, samedi 13 mai 1820, p. 428a.

1

Alors que Me´chin avait encore renche´ri sur les propos de BC et demande´ lui aussi le renvoi au ministe`re de la pe´tition du citoyen Dumont, Albert, le rapporteur de la commission et Cornet d’Incourt, avaient demande´ l’ordre du jour en soutenant que la pe´tition n’e´tait de toute fac¸on pas recevable, puisqu’elle s’en prenait a` des lois qui avaient e´te´ rendues et e´taient devenues applicables. BC pre´cise son argumentation en lui donnant un tour plus the´orique. Cornet d’Incourt. Le mare´chal Gouvion Saint-Cyr, ancien ministre de la Guerre sous le premier gouvernement de Richelieu (voir ci-dessus, p. 586, note 2).

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de l’inse´rer1. Je ne crois pas qu’aucun coˆte´ de la chambre veuille vouer l’autre a` la calomnie ; je ne crois pas que le ministre le veuille non plus ; je crois donc que nous ne pouvons rien faire qui soit plus agre´able au ministre lui-meˆme, que de l’avertir, par un renvoi, des abus qui frappent tous les yeux dans l’exe´cution de la loi de censure. J’insiste sur ce renvoi au nom de la justice et de votre propre dignite´, et parce qu’il avertira le ministe`re d’un abus fait des lois d’exception.2

1

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La Renomme´e est une cible particulie`rement vise´e par les censeurs ; plusieurs articles de BC y avaient e´te´ mutile´s ou carre´ment interdits. C’est sans doute a` un de ces articles que BC fait ici mention. La Renomme´e avait d’ailleurs e´te´ de´fe´re´e au tribunal correctionnel le 10 mai (A. Cre´mieux, La censure en 1820 et 1821 : e´tude sur la presse politique et la re´sistance libe´rale, Paris : Edouard Cornely, 1912, pp. 36–45). BC et ses amis obtiendront gain de cause : la majorite´ de la Chambre vote le renvoi de la pe´tition au ministre de l’Inte´rieur ; le ge´ne´ral Demarc¸ay avait meˆme demande´ a` ce que ce renvoi aille directement au pre´sident du conseil des ministres dans une discussion devenue un peu confuse ou` BC allait s’exclamer : «M. Demarc¸ay retire sa proposition ...» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 552). Mais la Chambre n’ira pas jusque-la`.

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[Intervention contre la censure]* Se´ance du 15 mai 18201

651c

M. le ministre de l’inte´rieur n’ayant fait aucune observation et aucune proposition sur la re´daction du proce`s-verbal, ce n’est pas sur cette re´daction que je me propose de parler. Mais je re´clame l’indulgence de la chambre pour quelques observations en re´ponse a` celles que M. le ministre vient de lui soumettre ; j’espe`re que lui-meˆme les accueillera volontiers, parce qu’elles lui prouveront qu’il reste encore plusieurs erreurs dans les assertions que vous venez d’entendre. Je n’examine pas si l’article contre lequel je me suis e´leve´, et que j’ai cite´ pour exemple, a effectivement e´chappe´ a` la censure. Mais j’ajouterai que des articles entiers, lus et approuve´s par la censure, contiennent au moins des choses aussi fortes. Par exemple, dans un journal que j’ai cite´ a` la dernie`re se´ance, on dit que toute l’agitation vient de cette chambre, que les assassins re´pondent a` l’appel de leurs chefs, et on rattache cet appel a` un projet d’adresse au Roi propose´ par un de nos honorables colle`gues. Il est bien e´vident qu’il n’y a pas ici erreur de la part de la censure, mais volonte´ bien manifeste de permettre des articles pareils. Je pourrais en citer qui sont encore plus violents. Un journal rapportant ce qui se passe dans les Etats despotiques, a` Tunis, a` Alger, apre`s avoir dit que 150 teˆtes avaient e´te´ abattues, ajoute en lettres italiques : avis aux libe´raux2. *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 137, mardi 16 mai 1820, pp. 651c–652a ; Archives parlementaires, t. XXVII, p. 593. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 314–316. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, mardi 16 mai 1820, p. 1233ab ; Journal des de´bats, mardi 16 mai 1820, p. 2b ; Gazette de France, no 137, 16 mai 1820, p. 538 ; Le Constitutionnel, no 137, mardi 16 mai 1820, p.1b ; La Quotidienne, no 137, mardi 16 mai 1820, p. 1ab ; Gazette de France, no 137, mardi 16 mai 1820, p. 538b.

1

Se´ance cruciale que celle-ci ou` il est pre´vu d’ouvrir la discussion sur la loi des e´lections. BC compte bien y jouer un roˆle en vue, mais il est imme´diatement interpelle´ a` l’ouverture de la se´ance par le ministre de l’Inte´rieur Sime´on qui, n’ayant pas participe´ a` la se´ance du 12, entend profiter de l’adoption du proce`s-verbal de celle-ci pour re´pondre aux attaques violentes de BC contre la censure. Ce dernier ne laisse pas passer l’occasion de reformuler ses griefs. Comme dans la se´ance du 12 mai, BC reprend des propos tire´s de La Quotidienne du 5 mai 1820, p. 2, mais aussi du 10 mai, p. [1] et du 20 avril 1820, p. [1]–2 ; ils sont signe´s du meˆme journaliste (L...). Le Projet d’adresse au Roi pre´sente´ a` la chambre des de´pute´s par M. Manuel, et lu dans la se´ance du 1 er mai 1820 avait e´te´ de´nonce´ dans la meˆme page que l’article reliant les libe´raux a` Louvel, mais sans que l’un soit rattache´ a` l’autre (La Quotidienne du 10 mai, p. [1]). Rendant compte du discours de BC, La Quotidienne du 16 mai,

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Certes, de telles provocations ne nous effraient pas ; nous ne redoutons pas leurs effets ; mais nous pouvons dans de tels articles, trouver au moins la preuve que la censure n’est pas impartiale. Il faut ici, Messieurs, dire la ve´rite´. Si je voulais re´futer M. le ministre de l’inte´rieur, je lui lirais un article dans lequel le journaliste remercie la censure ainsi que les tribunaux, de leur partialite´. La seule chose qu’il leur reproche, c’est de n’eˆtre pas encore assez partiaux. Cet article a e´te´ publie´ hier, et ne peut sans doute l’avoir e´te´ qu’avec l’approbation de la censure1. Ainsi, je crois que les ministres se trompent complettement lorsqu’ils soutiennent que la censure s’exerce avec impartialite´. La multiplicite´ de leurs affaires ne leur permet pas de lire tous les articles de journaux, et s’ils voyaient la quantite´ de provocations directes, d’insultes a` la repre´sentation nationale, ils pourraient alors reconnaıˆtre que la censure laisse passer sans s’y opposer certains articles entie`rement re´pre´hensibles, tandis qu’elle refuse toute re´ponse. J’espe`re qu’avertis par les faits que j’ai cite´s, les ministres feront cesser cet e´tat de choses vraiment de´plorable, et que M. le ministre de l’inte´rieur, qui nous a fait avec son talent accoutume´ un tableau se´duisant de la censure, sera le premier a` empeˆcher de telles provocations. Quant aux censeurs, je n’ai jamais examine´ ce qu’ils e´taient. Je ne les connais pas ; je ne sais pas leurs noms ; je n’ai aucun rapport avec eux. Je n’ai rien e´crit de nature a` eˆtre soumis a` la censure, et je n’e´crirai rien qui doive lui eˆtre envoye´ ; j’ai dit que je les jugeais par leurs actes : en examinant ces actes, j’ai dit que je ne savais pas ou` les ministres avaient e´te´ choisir les censeurs (Voix a` droite : Vous avez dit dans la fange re´volutionnaire ...)

p. [1], sera beaucoup plus vague : «Qui de vous peut ignorer qu’il se trouve tous les jours, et notamment dans le journal que je vous ai cite´ a` la se´ance pre´ce´dente, des provocations plus directes, des offenses plus graves envers la chambre meˆme». Le second article est cite´ approximativement : «[...] Usant sans mise´ricorde du droit du vainqueur, le pacha [d’Alep] a immole´ a` son ressentiment les principaux agens de la conspiration. Environ 150 teˆtes ont e´te´ envoye´es a` Constantinople, pour y eˆtre expose´es sur les murs du se´rail. L’Asie a besoin d’eˆtre re´ge´ne´re´e : avis aux libe´raux de l’Europe.» (Gazette de France du 30 avril 1820, pp. 474–475 ; le Journal de Marseille e´tait la source de l’information).

1

BC renvoie a` l’article de teˆte du Drapeau blanc du 14 mai ou` l’auteur, offusque´, revient sur la discussion a` la Chambre sur la censure ; on y lit en effet des phrases comme celle-ci : «La censure ne peut pas, ne doit pas eˆtre impartiale, parce que c’est trahir son devoir et se rendre complice des me´chans, que de se piquer d’impartialite´ entre le bien et le mal, entre l’ordre et l’anarchie, entre la re´volte et la fide´lite´, entre la religion et l’impie´te´, entre la le´gitimite´ et l’usurpation.» (no 135, p. 1b).

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Intervention contre la censure

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Je ne voulais pas re´pe´ter ce mot. Oui, j’ai dit qu’ils paraissaient avoir e´te´ pris dans la fange re´volutionnaire1. Je ne de´savoue pas cette expression. Le caracte`re des re´volutionnaires de 93 e´tait la partialite´ ; ils vouaient leurs victimes a` des tribunaux assassins, et empeˆchaient qu’ils pussent se de´fendre. Le caracte`re des journaux re´volutionnaires e´tait de cre´er des conspirations absurdes, et d’empeˆcher qu’on ne puˆt par la presse en de´montrer l’absurdite´. Tous ces caracte`res, je les retrouve dans les journaux dont j’ai parle´, et par conse´quent dans les censeurs qui les permettent. Les individus ne me sont rien ; la plupart des noms des censeurs sont tellement obscurs, qu’on peut les ignorer ; mais leur conduite a e´te´ juge´e par leurs œuvres, et je soutiens que les hommes qui permettent l’attaque et s’opposent a` la de´fense, sont des hommes qui nous rappellent les e´poques les plus de´sastreuses de notre re´volution.2

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Dans leurs comptes rendus de la se´ance du 12 mai, les journaux de la droite (Le Drapeau blanc, Le Journal de Paris, Le Journal des De´bats) avaient vertement reproche´ a` BC l’usage de cette expression. L’orateur s’e´tait visiblement rendu compte qu’il avait exage´re´, meˆme s’il tente de s’en expliquer. Les propos sur la censure se limitent a` cet e´change entre Sime´on et BC. Le pre´sident met au vote le proce`s-verbal, puis donne la parole au rapporteur de la commission des pe´titions.

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[Intervention en faveur d’une pe´tition d’e´tudiants]* Se´ance du 20 mai 18201

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Je suis un peu e´tonne´, je l’avoue, de voir jeter des soupc¸ons sur une jeunesse studieuse. On vient de s’opposer a` ce que la chambre accueille la demande de cette jeunesse, bien qu’elle soit pre´cise´ment d’accord avec celle des professeurs qui la dirigent. Je sais bien qu’on voudrait que les meˆmes hommes de qui on exige a` 20 ans de de´fendre la patrie, ne puissent pas s’occuper a` 20 ans des inte´reˆts de cette meˆme patrie. Comme une pe´tition n’est pas une initiative de loi, mais simplement une manie`re d’appeler l’attention de la chambre, si la chambre trouve la demande de´place´e, elle peut la rendre inutile en ne s’en occupant pas. Mais vous sentirez que vous ne devez pas jeter de la de´faveur sur la jeunesse franc¸aise qui se distingue par l’amour de l’e´tude ; et si je voulais ici la louer de ses autres qualite´s, j’aurais bien d’autres hommages a` lui rendre. Lorsque cette jeunesse, dans l’inte´reˆt de ses e´tudes, vient vous faire une demande appuye´e par ceux qui les dirigent, il me semble que vous ne devez pas la rejeter. Je m’oppose donc a` l’ordre du jour demande´.2 *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 142, dimanche 21 mai 1820, p. 692b ; Archives parlementaires, t. XXVII, p. 717. Manuscrit : BCU, Co 4380, p. 317. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, dimanche 21 mai 1820, p. 1253a ; Journal des de´bats, dimanche 21 mai 1820, p. 3b ; Le Constitutionnel, no 142, dimanche 21 mai 1820, p. 3a ; La Quotidienne, no 142, dimanche 21 mai 1820, p. 2a ; Gazette de France, no 142, dimanche 21 mai 1820, pp. 579b–580a.

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` l’ouverture de la se´ance, des pe´titions sont discute´es. L’une d’elle e´mane des docteurs en A me´decine de la Faculte´ de Montpellier qui demandent le re´tablissement du concours pour les chaires vacantes ; une autre pe´tition e´manant des e´tudiants de la meˆme Faculte´ pre´sente la meˆme demande. La commission propose de renvoyer la premie`re au ministre de l’Inte´rieur, mais d’e´carter la seconde par le passage a` l’ordre du jour. Dubruel, de´pute´ de la droite, s’exprime en reconnaissant la pertinence des concours, mais en demandant a` ce que le ministe`re puisse quand meˆme conserver un droit de nomination pour un certain nombre de candidats. Il juge ensuite se´ve`rement la pe´tition des e´tudiants, estimant que la prendre en conside´ration favoriserait l’esprit de re´volte aupre`s de la jeunesse. C’est la` que BC intervient. Cet amalgame fait par BC entre la pe´tition des docteurs en me´decine et celle des e´tudiants sera re´fute´ par les contre-opinants dans la suite de la discussion qui verra notamment Manuel monter a` la tribune sans son costume de de´pute´, ce qui lui vaut une remontrance de la part du pre´sident : «Je crois devoir rappeler a` tous les membres de la Chambre que, d’apre`s le re`glement, Messieurs les de´pute´s ne peuvent sie´ger en se´ance publique sans eˆtre reveˆtus de leur costume.» Finalement, l’ordre du jour sera prononce´ a` l’e´gard de la pe´tition des e´tudiants, «a` une faible majorite´», celle des professeurs e´tant renvoye´e au ministre de l’Inte´rieur et au bureau des renseignements (Archives parlementaires, t. XXVII, pp. 718– 719).

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Opinion sur le projet de loi relatif aux e´lections.* (Se´ance du 23 mai 1820.)1

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MESSIEURS2, Si je prenais a` la lettre les paroles significatives d’un des plus ve´he´mens de´fenseurs du projet de loi qu’on nous pre´sente, je me sentirais fort de´courage´. «Les uns ni les autres, a dit l’un de nos honorables colle`gues, nous ne

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E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 336–365 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 336–365 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 146, jeudi 25 mai 1820, pp. 711c–713c [=M] ; Chambre des de´pute´s. Opinion de M. Benjamin Constant ... sur le projet de loi relatif aux e´lections, [Paris :] veuve Agasse, s.d., 19 pp. [=Opinion] ; Discours prononce´ par M. Benjamin Constant, a` la Chambre des de´pute´s, sur la loi des e´lections. Grenoble, Barnel, s.d., 11 pp. [=E´d. de Grenoble] ; Archives parlementaires, t. XXVIII, pp. 54–61. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 317–336. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, mercredi 24 mai 1820, pp. 1261c–1264c ; Journal des de´bats, mercredi 24 mai 1820, p. 4ab ; Le Courrier franc¸ais, no 339, mercredi 24 mai 1820, pp. 2b– 4b, no 340, jeudi 25 mai 1820, pp. 1a–2a ; Journal de Paris, 24 mai 1820, suppl. p. 4 ; Le Constitutionnel, no 145, mercredi 24 mai 1820, p. 4a. (Re´sume´) et no 146, jeudi 25 mai 1820, pp. 1a–4a (reproduction inte´grale) ; La Quotidienne, no 145, mercredi 24 mai 1820, pp. 3b–4b ; Gazette de France, no 145, mercredi 24 mai 1820, p. 588ab.

6 colle`gues, nous ] colle`gues (M. Bourdeau), ne M 711c Opinion 1 1

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Le 17 avril 1820, le ministre Joseph Sime´on de´posa un projet de loi contenant un nouveau mode d’e´lection. Le 25 avril, BC faisait part de ses inquie´tudes a` Charles Goyet : «Le plan est de brusquer la loi des e´lections. Depuis samedi [le 22] M. Laine´ qui est le pre´sident de la commission a pris un ton de violence & d’acce´le´ration inusite´.» (OCBC, Correspondance, t. XI, p. 486). Le 6 mai, Joseph Laine´ rapportait a` la Chambre sur le projet Sime´on. Le meˆme jour, BC intervenait brie`vement a` la suite du ge´ne´ral Foy sur la question de´licate de l’e´tablissement des listes des e´lecteurs les plus fortune´s (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 528, et ci-dessus, pp. 583–584). La discussion durait depuis le 15 mai et, le 23, apre`s qu’eurent parle´ Corbie`re pour le projet de loi, Bignon, contre, et Pasquier, «M. Benjamin Constant se pre´sente a` la tribune avec un manuscrit volumineux ; il semble se defier de tout ce qu’il va dire pour appuyer l’opinion des antagonistes du projet de loi, et de´fendre la loi expirante de 1817.» (Le Drapeau blanc, no 145, 24 mai 1820, p. 4b). Le Courrier franc¸ais fait pre´ce´der le discours par cette introduction : «M. Benjamin Constant succe`de au pre´opinant [Sainte-Aulaire]. (Sensation tre`s marque´e dans toutes les parties de la salle ; les de´pute´s rentrent en grand nombre de la salle des confe´rences, et reprennent leurs places ; le plus grand silence s’e´tablit.) L’honorable de´pute´ s’exprime en ces termes :» (Le Courrier franc¸ais, no 339, mercredi 24 mai 1820, p. 2b). Sainte-Aulaire avait e´te´ le dernier a` prendre la parole le 22 mai. Il e´tait oppose´ au projet de loi.

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parlons pour nous convaincre. Les opinions sont forme´es et peut-eˆtre compte´es. Autant vaudrait aller de suite aux voix.»1 J’ose croire que l’orateur que je cite s’est exage´re´ la puissance de cette conviction pre´mature´e ; je l’espe`re pour toute la Chambre, qui ne se preˆterait pas sans doute a` la vaine ce´re´monie d’une discussion ste´rile ; je l’espe`re pour notre colle`gue lui-meˆme, et je suis autorise´ dans mon espe´rance par l’aveu since`re qu’il nous a fait qu’il a de´ja` une fois change´ d’opinion2. Suˆrement il n’a pas change´ d’opinion parce que le mi niste`re en avait change´. De´fenseur de notre loi d’e´lection en 1817, il n’est pas devenu son de´tracteur en 1820, pour eˆtre constamment a` la suite de quelque ministre : il a ce´de´ a` la force de raisonnemens qu’il a trouve´s justes. Si je puis lui en offrir qu’il trouve plus justes encore, il changera de nouveau, et de nouveau nous entendrons une troisie`me de´claration qui le rangera de notre coˆte´. (Mouvement a` gauche.) Pour juger en connaissance de cause le projet qui nous est soumis, nous devons, avant tout, examiner quel but on s’est propose´ d’atteindre par les dispositions qu’il renferme. Ces dispositions sont dans le 1er, le 2e, le 3e et le 4e articles3. Le premier e´tablit deux genres de colle´ges diffe´rens. 10–11 ministre : il a ] ministre. Il a M 711c Opinion 2 1

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BC reprend ici les propos de Bourdeau, de´pute´ ultra : «Les uns et les autres nous ne parlons point ici pour nous convaincre mutuellement, les opinions sont forme´es et peut-eˆtre compte´es ; autant vaudrait aller tout de suite aux voix.» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 709). «Un de nos honorables colle`gues, M. Le Graverend, recherchant mes opinions de 1817, a pu facilement les mettre en contradiction avec celles de 1820. [...] Oui, Messieurs, j’ai change´ d’avis : je reconnais et re´tracte mon erreur, dissipe´e par l’expe´rience.» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 710). Guillaume Legraverend sie´geait a` gauche. Les articles tels que pre´sente´s par Sime´on (ils seront modifie´s dans le texte de´finitif) : «Art. 1er. Il y a dans chaque de´partement un colle`ge e´lectoral de de´partement et des colle`ges e´lectoraux d’arrondissement. Ne´anmoins, dans les de´partements qui n’ont qu’un de´pute´ a` nommer, et dans celui de Corse, tous les e´lecteurs sont re´unis en un seul colle`ge. Art. 2. Le colle`ge e´lectoral de chaque de´partement est compose´ des e´lecteurs les plus impose´s. Le nombre des membres de ce colle`ge est e´gal au cinquie`me de la totalite´ des e´lecteurs, sans qu’il puisse eˆtre au-dessous de cent, ni exce´der six cents, a` l’exception du de´partement de la Seine, ou` le colle`ge de de´partement est compose´ de 800 e´lecteurs. Art. 3. Le colle`ge e´lectoral de chaque arrondissement est compose´ de tous les e´lecteurs qui ont dans l’arrondissement leur domicile politique, et qui ne font point partie du colle`ge du de´partement. Toutefois, lorsque dans un arrondissement il n’y a pas au moins 50 e´lecteurs, ils se re´unissent a` ceux de l’arrondissement limitrophe dont le colle`ge est le moins nombreux, et ne forment avec les e´lecteurs de cet arrondissement qu’un seul et meˆme colle`ge. Art. 4. Chaque colle`ge d’arrondissement nomme, a` la majorite´ absolue, autant de candidats a` la de´putation, que le de´partement a de de´pute´s a` e´lire. Si le meˆme candidat est nomme´ par plusieurs colle`ges d’arrondissement, son e´lection est compte´e a` celui de ces colle`ges ou` il a obtenu le plus de suffrages, et il est remplace´ pour chacun des autres par l’e´ligible qui, apre`s lui, y avait obtenu le plus de voix.» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 250).

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Ce n’est pas le seul exemple que nous ayons, dans notre histoire repre´sentative, d’une division de cette espe`ce. Sous la re´publique, les droits politiques, confe´re´s a` un nombre immense de citoyens, rendaient cette division indispensable : car on peut conside´rer les assemble´es primaires comme des colle´ges infe´rieurs proce´dant a` un premier degre´ d’e´lection1. Sous Bonaparte, objet a` cet e´gard de l’admiration de notre honorable colle`gue M. de Labourdonnaye, qui nous a vante´ sa force de conception et ses ide´es d’ordre peu communes2, l’instinct du despotisme avait conserve´ cette division, en substituant aux assemble´es primaires, des colle´ges a` vie, et en y joignant la candidature3. Mais, sous la re´publique, le colle´ge qui nommait des de´pute´s e´manait lui-meˆme d’une source populaire. Sous Bonaparte, la corporation qui choisissait entre les candidats, obe´issait a` la volonte´ d’un maıˆtre. Il y avait donc, dans le premier cas, garantie pour la liberte´ ; dans le second, force donne´e au pouvoir : l’un et l’autre atteignaient leur but ; et bien que, dans le premier, le but fuˆt noble, et dans le second perfide, il n’y avait au moins, meˆme dans ce dernier, ni absurdite´ ni inconse´quence. Quand j’ai vu, apre`s trois anne´es d’e´lection directe exerce´e paisiblement4, reparaıˆtre au milieu de nous deux espe`ces de colle´ges, comme sous la re´publique, et la candidature, comme sous l’empire, je me suis demande´ quel e´tait le but de ces re´surrections simultane´es. Est-ce la ne´cessite´ qui les sugge`re ? Ou bien veut-on rendre notre constitution plus populaire ? Ou, bien encore veut-on la rendre plus monarchique ? Quant a` la ne´cessite´, j’ai duˆ me re´pondre qu’elle n’existait pas. Sous l’empire de la Charte, les droits politiques sont concentre´s entre les mains des 80,000 proprie´taires les plus riches de France, et les divisions e´tablies par la loi du 5 fe´vrier 1817 re´partissent ce nombre d’e´lecteurs en assez de colle´ges se´pare´s5, pour que l’e´lection directe puisse avoir lieu, dans chacun de ces colle´ges, sans confusion et sans trouble. L’expe´rience l’a prouve´. 15 l’un et l’autre atteignaient ] l’un et l’autre atteignent Discours 1827 I 338 Opinion 2 1 2

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Voir la Constitution de 1791, titre III, chapitre premier, section II. Assemble´es primaires. Nomination des e´lecteurs. «un homme qui ne s’e´tait e´leve´ au rang supreˆme que parce qu’il avait dans la teˆte une force de conception et des ide´es d’ordre et de puissance peu communes» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 605). BC se fait plaisir en citant des e´loges a` l’e´gard de Bonaparte prononce´s par un de´pute´ ultra. Voir la Constitution de l’an X, titre III, Des colle`ges e´lectoraux. Art. 20 et 32, et la Constitution de l’an XII, titre VIII, Du Se´nat. Art. 57, et titre XII, Des colle`ges e´lectoraux. Art. 98. Voir aussi C. Voilliot, La Candidature officielle, Rennes : PUR, 2005, pp. 27–28. Suite a` la loi Laine´ du 5 fe´vrier 1817. La Charte ouvrait le vote a` 72 000 Franc¸ais (I. Backouche, La Monarchie parlementaire, Paris : Pygmalion, 2000, p. 30) qui devaient payer «une contribution directe de trois cents francs» et avoir trente ans accomplis (Art. 40). La loi Laine´ instituait 258 colle`ges d’arrondissement qui e´lisaient chacun un de´pute´.

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Ce n’est donc point une ne´cessite´ re´sultant du nombre des e´lecteurs, qui porte aujourd’hui le ministe`re a` nous proposer la division des deux colle´ges, au pre´judice de l’e´lection directe que le meˆme ministe`re avait si chaudement de´fendue a` deux reprises ; cir constance que je ne rapporte point pour l’opposer a` lui-meˆme, comme l’ont fait d’autres orateurs1. Quand des hommes blanchis dans tant d’affaires, serviteurs de tant de gouvernemens, viennent humblement confesser des erreurs qu’on ne peut certes attribuer a` l’inexpe´rience ni a` la candeur de la jeunesse, je ne leur disputerai pas l’avantage qu’ils croient trouver dans cette amende honorable. Je penserai seulement qu’il est e´trange que la conclusion qu’ils en tirent soit qu’ils doivent encore nous servir de guides, et, pilotes inamovibles, garder le commandement dans un navire qu’ils ont, disent-ils eux-meˆmes, pousse´ vers les e´cueils2. Puisque ce n’est pas la ne´cessite´ qui a dicte´ cette alte´ration dans nos institutions, est-ce le de´sir de rendre notre constitution plus populaire ? Non, sans doute. Le nombre des e´lecteurs n’est pas augmente´ ; le colle´ge de de´partement n’est pas e´lu. Les droits politiques de 28 millions de Francais continuent d’eˆtre concentre´s dans les mains de 80,000 e´lecteurs. Seulement, les quatre cinquie`mes de ces e´lecteurs sont prive´s d’une portion des droits qu’ils avaient, et de la portion la plus importante3. Ce projet n’est donc nullement populaire.

17 de de´partement ] omis dans M 712a Opinion 3

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Outre Dumeilet qui porta ses attaques contre Laine´ (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 630), BC songeait plutoˆt a` Legraverend qui avait nomme´ment vise´ le 16 mai Sime´on, de Serre et Laine´, en citant leurs propos de 1817 (Archives parlementaires, t. XXVII, pp. 637– 638). Sime´on reconnut son «changement d’opinion» dans la se´ance du 17 mai (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 651), mais dans son rapport sur la loi, Laine´ n’avait exprime´ aucun regret, avoue´ aucune «erreur» : «dans le temps ou` la loi du 5 fe´vrier fut discute´e, il fut reconnu que les deux degre´s d’e´lection n’e´taient contraires a` la lettre ni a` l’esprit de la Charte. On pre´fe´ra l’e´lection uniforme et directe, parce qu’on en attendait plus d’avantages. Si l’expe´rience a prouve´ qu’on avait manque´ le but espe´re´, il est bien permis, sans outrager la Charte, de revenir a` un mode qu’on avait reconnu licite et constitutionnel ; lui en avoir pre´fe´re´ un autre, il y a trois ans, n’est pas une raison pour que l’esprit de la Charte repousse aujourd’hui ce qu’il ne de´sapprouvait pas alors.» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 513). Il re´pondra cependant a` BC le 26 mai : «moi que l’honorable membre a pre´sente´ comme un pe´nitent qui, de´savouant ses erreurs, devrait aller humblement les de´plorer dans la retraite» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 136). Le colle`ge de de´partement e´tait «e´gal au cinquie`me de la totalite´ des e´lecteurs» (art. 2 du projet de loi). Dans le texte de´finitif, il sera e´gal au quart.

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Est-ce le pouvoir du gouvernement que l’on veut accroıˆtre ? Non assure´ment, puisque les choix entre les candidats ne sont point confie´s a` un corps de´pendant du gouvernement, mais a` des colle´ges se´pare´s e´galement et du gouvernement et de la masse du peuple, et qu’en meˆme temps ces colle´ges, beaucoup moins nombreux et plus invariables dans leurs e´le´ mens que ne l’e´tait la masse e´lectorale, re´duisent par la` meˆme presque a` rien cette haute pre´rogative royale qui consiste a` dissoudre une assemble´e factieuse, et a` en appeler a` la nation des e´garemens de ses mandataires. Ce projet n’est donc nullement monarchique. Mais qu’est-il enfin, ce projet, source de tant d’agitations et de tant d’alarmes ? En y pensant bien, j’en ai soupc¸onne´ l’intention cache´e : et portant mes regards sur les dispositions qui viennent apre`s la division des colle´ges, je me suis convaincu que mes soupc¸ons e´taient fonde´s. Je voudrais vous en convaincre de meˆme : je vais l’essayer. Le premier article divise, ainsi que je l’ai prouve´, les e´lections en deux parts, d’une manie`re qui ne favorise ni les droits du peuple ni l’autorite´ du gouvernement. Il faut donc qu’il soit re´dige´ dans un inte´reˆt qui ne soit pas pre´cise´ment celui du gouvernement ou celui du peuple. Quel peut eˆtre cet inte´reˆt ? Je consulte, pour le savoir, l’article 2, qui de´cide de la composition du colle´ge de de´partement ; je vois qu’il se formera des plus impose´s. Je consulte, pour savoir comment ce colle´ge ope´rera, l’article 4 : je vois qu’il pourra repousser les candidats de la majorite´ la plus imposante, et choisir ceux de la minorite´ la plus exigue¨1. J’en conclus que ce projet est dans l’inte´reˆt d’un parti qui trouverait ou croirait trouver dans les plus impose´s, de de´voue´s auxiliaires, et qui gagnerait a` ce que ce fuˆt la minorite´ qui fıˆt les choix. 14 de meˆme : je vais ] de meˆme. Je vais M 712a Opinion 4 1

Pour bien comprendre ce point, central dans l’argumentation de BC, il faut lire le discours du ge´ne´ral Foy, tenu le 15 mai : «le second paragraphe de l’article 4 renferme une disposition aussi mal re´dige´e qu’elle est mal pense´e, de laquelle il re´sulte qu’au de´faut d’un nombre suffisant de candidats re´unissant la majorite´ absolue des suffrages, le colle`ge de de´partement pourra fixer son choix, et meˆme tous ses choix, sur les candidats de la minorite´, ces candidats n’eussent-ils e´te´ porte´s que par un tre`s-petit nombre d’individus dans le coin le plus ignore´ du de´partement.» Et de prendre l’exemple de son de´partement, l’Aisne : plusieurs arrondissements choisiront les meˆmes candidats, ce qui ne donnera pas le nombre suffisant ; alors «on accolera aux candidats ve´ritables, a` ceux qui auront recueilli mille ou onze cents suffrages, des candidats postiches qu’auront rencontre´ dans la foule dix ou douze suffrages fugitifs. [...] Il sera loisible au colle`ge d’en haut de fixer indiffe´remment son choix sur les candidats ve´ritables ou sur les candidats postiches, sur les candidats a` onze cents voix ou sur les candidats a` dix voix.» (Archives parlementaires, t. XXVII, pp. 599–600). La disposition ne sera pas reprise dans le texte de´finitif.

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Est-il dans la France un tel parti ? Oui, je crois qu’il existe. Plus re´serve´ que certains orateurs qui ont fait a` cette tribune rejaillir leurs de´nonciations sur un coˆte´ de la Chambre, je ne place dans cette chambre ni le centre, ni aucune ramification de ce parti. Si quelques uns de nos honorables colle`gues le favorisaient, ce serait suˆrement a` leur insu. Si pourtant les choses que je dois dire avaient le malheur de leur de´plaire, je les prierais de se rappeler ce qu’eux-meˆmes ont dit1. Nous avons entendu l’un d’entre eux de´crire la marche audacieuse d’une faction qu’il pre´tendait signaler, peindre cette faction comme recourant aux armes de la trahison et de la perfidie, du fer et du poison, et dire en meˆme temps que c’est a` l’aide du syste`me e´lectoral actuel que cette faction se flatte de re´ussir, et que de´ja` trois succe`s annoncent son triomphe. Trois succe`s dans le syste`me e´lectoral, Messieurs, ce sont les trois e´lections des trois dernie`res se´ries ; ainsi, notre entre´e dans cette Chambre fait partie des victoires de cette faction dont le fer et le poison sont les armes2. Un des honorables amis du meˆme orateur nous a dit encore que la loi des e´lections e´tait devenue l’instrument de l’opinion qui cre´e des Louvel3. Un troisie`me enfin, pour prouver la conspiration flagrante que le nouveau projet doit de´concerter, nous a parle´ des protestations de la minorite´ de la Chambre, qui calomnie les lois4. Nous avons e´coute´ en silence un tel langage. Le mien, qui certes ne l’e´galera pas, obtiendra, j’espe`re, le meˆme silence. Je sais qu’on veut re´tablir des privi le´ges de plus d’un genre ; mais celui d’attaquer sans courir le risque des repre´sailles, n’est pas encore conquis a` cette tribune ; qu’on attende pour le re´clamer que la loi soit adopte´e. S’il reste alors dans cette enceinte quelque imprudent ami de la ve´rite´, l’on pourra le rappeler a` l’ordre, comme le fut en 1815 celui qui plaidait pour des protestans, pendant qu’ils e´taient assassine´s5. (Vive sensation.) 1 Est-il dans ] Existe-t-il dans M 712a Opinion 4 1 2

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Tout ce paragraphe est teinte´ de l’ironie la plus mordante : bien suˆr que le «parti» est repre´sente´ a` la Chambre. La Bourdonnaye est de nouveau mis a` contribution : «et de´ja` trois succe`s, pre´parant sa victoire, annonc¸aient son triomphe. [...] c’est aux armes de la perfidie et de la trahison qu’elle [la conjuration] recourt ; le fer et le poison se cachent dans ses mains.» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 606). Castelbajac : «De cette opinion qui cre´e des Louvel, des monstres qui, chaque jour, taˆchent de porter le trouble et la mort dans le palais de nos Rois [...].» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 612) Bourdeau, de nouveau : «entendez ces accusations inde´centes contre la majorite´ constitutionnelle qui fait les lois, et les protestations de la minorite´ qui les calomnie» ; il n’emploie pas le nom, mais le verbe «conspirer» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 708). BC renvoie de nouveau a` la ce´le`bre intervention de Voyer d’Argenson du 23 octobre 1815 (ci-dessus, p. 483, note 2). Ce grand aristocrate libe´ral sie´geait toujours a` la Chambre.

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Vous, Messieurs, que la mode´ration et l’e´quite´ distinguent, vous nous prote´gerez contre des interruptions que nous nous sommes interdites ; vous nous laisserez de´velopper nos raisonnemens ; et si nos raisonnemens doivent eˆtre en grande partie puise´s dans des caracte`res, des doctrines et une conduite passe´e et pre´sente, comme on a emprunte´ les raisonnemens alle´gue´s contre nous de ce qu’on dit eˆtre notre conduite, notre caracte`re et nos doctrines, vous sentirez qu’en rappelant des faits, en retrac¸ant des malheurs, en remontant a` des e´poques de deuil et de sang, nous ne faisons que suivre un exemple donne´, obe´ir a` une ne´cessite´ cruelle, et que ceux-la` seuls seraient coupables, qui auraient agi de telle sorte qu’ils doivent murmurer toutes les fois qu’on rappelle leurs actions. On vous a beaucoup parle´ d’une faction re´volutionnaire qui, de`s 1789, a me´dite´ la chute de la monarchie ; qui, en 1792, a renverse´ le troˆne ; qui a conspire´ au 20 mars 1815 ; qui le`ve aujourd’hui une teˆte audacieuse1, et que les dernie`res e´lections, on vous l’a dit positivement, ont favorise´e. Ce n’est pas le moment d’examiner toutes ces asser tions ; de prouver que les auteurs du mouvement national de 1789 ont de´fendu le troˆne en 1792, et ont e´te´ victimes de la terreur de 1793 ; qu’ils ont averti le gouvernement en 1814, et l’auraient sauve´ en 1815, si d’autres ne se fussent acharne´s a` le perdre par leurs violens, absurdes et ensuite pusillanimes conseils ; et qu’aujourd’hui ce sont les meˆmes hommes que l’on inculpe, ou ce qui en reste, (car beaucoup ont pe´ri tandis que le parti contraire s’e´tait mis en suˆrete´ hors de France), qui, de nouveau, taˆchent de pre´server le gouvernement des fautes de´plorables qu’on lui fait commettre2. 12 On vous a beaucoup parle´ ] ici commence le texte dans l’E´d. de Grenoble beaucoup ... hors de France) ] sans parenthe`ses Discours 1827 I 343 Opinion 4 prouver ... fait commettre. ] absent dans E´d. de Grenoble 1 1

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22–23 (car 16–24 de

L’image avait e´te´ employe´e par Laine´ le 25 avril 1820, mais dans un contexte diffe´rent puisqu’il intervenait dans un de´bat suivant une pe´tition de Joseph Madier de Montjau (voir ci-dessus, pp. 557–560 et ci-dessous, p. 618) qui de´nonc¸ait les manœuvres des ultras a` Nıˆmes. Se´bastiani s’en e´tait pris a` «ce gouvernement invisible», «cette organisation secre`te [...]. Aujourd’hui il prend une attitude menac¸ante, et marche le front leve´», et Laine´ prenant la de´fense des ultras : «les instruments d’une faction de´nonce´e comme occulte, et que le ge´ne´ral [Se´bastiani] signale en meˆme temps comme relevant une teˆte audacieuse.» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 367). Ce ne seraient donc plus les ultras, mais les libe´raux qui, selon BC, composeraient ici la «faction». Il se peut qu’il ait fait erreur dans la re´fe´rence, mais il a pu aussi poursuivre le jeu de miroir du paragraphe pre´ce´dent. Sur le 20 mars 1815 et l’arrive´e de Napole´on a` Paris, voir les Me´moires sur les Cent-jours (OCBC, Œuvres, t. XIV, pp. 77 sv.) et Chateaubriand, Me´moires d’Outre-Tombe, t. II, pp. 553 sv. Serait-il si facile d’identifier ces «hommes» ? Le silence sur les anne´es du Directoire, du Consulat, de l’Empire est troublant. Au moins, BC correspond-il bien peu au portrait trace´.

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Laissons de coˆte´ ces re´futations qui nous de´tourneraient de notre recherche, et permettez-moi de vous entretenir d’une autre faction qui, de`s 1789, a conspire´ contre la liberte´ de la France ; qui, en 1791, a souleve´ l’indignation d’un peuple passionne´, en le menac¸ant de la force e´trange`re, et en faisant flotter sur ses frontie`res les e´tendards d’une coalition qui outrageait son inde´pendance ; d’une faction qui, rentre´e sous l’empire, s’est de´voue´e a` l’e´tablissement du despotisme impe´rial ; qui a pardonne´ a` l’usurpation d’avoir empeˆche´ la monarchie, a` condition qu’elle tuerait la liberte´ ; d’une faction qui, en 1814, a e´gare´ le gouvernement royal a` peine re´tabli, qui l’a isole´ de la nation en 1815 ; qui a vexe´, incarce´re´, destitue´ jusqu’au 5 septembre ; qui, a` la meˆme e´poque, a te´moigne´ peu d’indignation pour ceux qui assassinaient, et a` laquelle, depuis le 5 septembre, si l’on en juge par ses fureurs contre le syste`me e´lectoral, les e´lections ont e´te´ contraires1. (Meˆme mouvement.) En disant que les e´lections lui ont e´te´ contraires, je ne pre´tends rien dire d’injurieux a` ceux qui n’en ont pas ou n’en ont plus e´te´ les objets. Mais on a dit ici, Messieurs, que trois victoires successives dans les e´lections avaient ouvert les portes de cette Chambre a` la faction libe´rale, dont les armes sont le fer et le poison. L’on ne doit pas s’irriter si je dis a` mon tour que trois de´faites successives ont ferme´ ces portes a` la faction anti-libe´rale, et j’aurai meˆme la discre´tion de ne pas qualifier les armes qu’elle a employe´es a` Nıˆmes, a` Avignon, a` Toulouse2. (Impression ge´ne´rale.) Maintenant, Messieurs, il est e´vident que, pour rentrer dans le pouvoir, cette faction n’a qu’un moyen. Elle est en horreur a` la France : partout ou` les e´lections se feront a` la majorite´ des votes, elle n’obtiendra jamais cette majorite´. Pour qu’elle parvienne meˆme a` eˆtre e´lue par une minorite´, il faut que cette minorite´ soit la plus petite possible, qu’elle se compose, s’il se peut, d’un seul suffrage.

1 ces re´futations ] des re´futations E´d. de Grenoble 1 8 empeˆche´ la monarchie ] remplace´ la monarchie E´d. de Grenoble 1 13 contre le syste`me e´lectoral ] contre le syste`me e´lectoral actuel M 712a Opinion 5 E´d. de Grenoble 1 13–14 (Meˆme mouvement.) ] absent dans E´d. de Grenoble 1 15–22 En disant que les e´lections ... (Impression ge´ne´rale.) ] absent dans E´d. de Grenoble 1 24 a` la France : partout ] a` la France. Partout M 712b Opinion 6 ; a` la France. (Mouvement). Partout E´d. de Grenoble 1

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De meˆme, re´unir tous les e´migre´s dans l’«autre faction», de 1789 au 5 septembre 1816 (dissolution de la Chambre introuvable), paraıˆt plus re´pondre aux besoins rhe´toriques d’un discours enflamme´ qu’a` l’objectivite´ historique. Sur les troubles sanglants de la Terreur blanche qui se´vit en 1815 «de Bordeaux jusqu’a` Toulon», voir R. de la Croix de Castries, La Terreur blanche, Paris : Perrin, 1981.

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Or, que doit faire cette faction pour atteindre ce but ? Se´parer d’abord la masse nationale du colle´ge qu’elle rendra vraiment e´lecteur unique : c’est ce que fait l’article 1er du projet de loi ; composer ensuite le colle´ge e´lecteur de ceux qu’elle croit lui eˆtre le plus de´voue´s : c’est ce que fera l’article 2 ; enlever de plus aux colle´ges infe´rieurs tout droit d’e´lection re´elle : c’est ce que fera l’article 4 dans son premier paragraphe ; cre´er enfin, pour la plus imperceptible minorite´, une chance certaine : c’est ce que fera le second paragraphe du meˆme article. Vous voyez que la correspondance de ces divers articles entre eux, est d’une e´vidence non me´connaissable : examinons-les l’un apre`s l’autre. Je vous ai annonce´ que la faction repousse´e, re´prouve´e, de´teste´e par la majorite´ de la France, devait s’efforcer de composer le colle´ge e´lecteur de ceux qu’elle croirait lui eˆtre le plus de´voue´s. Que fait l’article 2 ? Il compose ce colle´ge des plus impose´s. L’on vous a re´pe´te´ beaucoup que les plus impose´s ne seraient point les auxiliaires de la faction dont je parle ; que les calamite´s de la re´volution, une suite de spoliations fort injustes, les rapides mutations de la proprie´te´, les progre`s de l’industrie, ont fait passer en des mains nouvelles les richesses jadis concentre´es dans une seule classe peu nombreuse1. Je ne nie point que ces assertions ne soient vraies jusqu’a` un certain degre´, c’est-a`-dire que la classe interme´diaire ne soit dans une plus grande aisance, et la classe laborieuse beaucoup moins mise´rable qu’avant la re´volution ; mais de ce que les gens qui n’avaient rien ont acquis quelque chose, de ce que ceux qui avaient quelque chose ont acquis un peu plus, il ne s’en suit nullement que les richesses se soient comple´tement de´place´es. Les grandes fortunes sont indestructibles : enveloppe´es par l’orage, elles sortent de leurs ruines au premier moment du calme, parce que leur base est large, 15–19 L’on vous a re´pe´te´ ... classe peu nombreuse ] absent dans E´d. de Grenoble 2 20–21 ces assertions ... degre´, c’est-a`-dire que ] absent dans E´d. de Grenoble 2 22–23 la re´volution ; mais ] la re´volution. Mais M 712b Opinion 7 E´d. de Grenoble 2 23–24 de ce que les gens ... acquis un peu plus ] absent dans E´d. de Grenoble 2 26 indestructibles : enveloppe´es ] indestructibles. Enveloppe´es M 712b Opinion 7 26–606.1 enveloppe´es ... pour re´e´difier. ] absent dans E´d. de Grenoble 2 1

L’argument est avance´ par Pasquier qui veut distinguer l’aristocratie passe´e et ruine´e des «plus impose´s» du moment : «Dans l’e´tat de notre socie´te´, il n’y a que des aristocraties fugitives qui naissent incessamment de notre position sociale : aristocratie d’argent et de cre´dit, aristocratie de la parole et de la presse [...] Avant la Re´volution, dix-huit mille familles nobles, dont la moitie´ au moins sans fortune, faisaient partie de l’aristocratie. L’e´migration, les confiscations, l’e´galite´ des partages ont encore re´duit cette noblesse des trois quarts peut-eˆtre sur la liste des proprie´taires.» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 53). BC pose au contraire que les fortunes sont reste´es dans les meˆmes mains.

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et que les fondemens restent toujours pour re´e´difier. Cela est si vrai, qu’une statistique faite sous l’empire constate que les trois quarts des plus impose´s d’alors, et certes la classe privile´gie´e n’a rien perdu depuis, se trouvaient dans cette classe1. Cette classe s’est enrichie sous l’empire meˆme ; elle a me´rite´ de s’enrichir, car elle a servi Bonaparte avec un ze`le, une ardeur, un de´vouement dont la classe ple´be´ienne en masse n’a jamais approche´ ; elle l’a servi dans des places lucratives, pre`s de sa personne, dans sa domesticite´ (murmures prolonge´s a` droite), tandis que la nation ple´be´ienne servait la France dans les camps. Elle a obtenu et accepte´ non seulement autant de faveurs que cette nation ple´be´ienne : mais encore ce qu’elle a nomme´ des restitutions2. Il s’est donc ouvert devant elle une double source d’opulence, et les gens ruine´s d’autrefois sont encore, a` quelque exception pre`s, les gens les plus riches d’aujourd’hui. Pour vous en convaincre, Messieurs, regardez autour de vous, et si vous voulez juger cette question d’apre`s un seul fait incontestable, comparez la mise`re de ceux que les malheurs de la France ont de´pouille´s de leur e´tat3, et la mise`re de ceux qu’avait de´pouille´s la re´volution. Vous verrez les premiers re´duits au de´nuement le plus absolu, condamne´s aux me´tiers les plus pe´nibles, cachant, par une noble pudeur, le signe honorable de leur gloire sous les haillons qui les couvrent a` peine. Les autres 4–5 meˆme ; elle a me´rite´ ] meˆme. Elle a me´rite´ M 712b Opinion 7 6–7 approche´ ; elle l’a servi ] approche´. Elle l’a servi M 712b Opinion 7 ; approche´. (Violens murmures a` droite). Elle l’a servi Edition de Grenoble 2 8 (murmures prolonge´s a` droite) ] absent dans E´d. de Grenoble 2 12 d’opulence, et les gens ] d’opulence (Mouvement d’impatience a` droite), et les gens Edition de Grenoble 2 13 gens les plus riches ] gens riches E´d. de Grenoble 2 15 si vous voulez ... fait incontestable ] absent dans E´d. de Grenoble 2 1

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Puisant a` la meˆme source, Martin de Gray : «malgre´ les pertes que les malheurs de la Re´volution ont fait subir a` la noblesse, les plus grandes fortunes foncie`res lui appartiennent encore [...] c’est un fait de statistique aussi essentiel qu’incontestable. / On sait que Napole´on avait reconnu que, sur vingt mille contribuables de premie`re classe, quatorze mille [...] appartenaient directement ou indirectement aux anciens ordres privile´gie´s.» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 665). Ville`le reviendra a` cette source, laissant planer un le´ger doute sur son existence : «une faction posse`de les grandes proprie´te´s de France, cela fut constate´, nous dit-on, par un travail fort exact fait par ordre de Buonaparte.» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 225). Il s’agit peut-eˆtre de la Statistique ge´ne´rale et particulie`re de la France et de ses colonies, Paris : Buisson, an XII (1803), 7 vol.; en particulier le tome III, pp. 389–397 sur les contributions. On n’y trouve pas les conclusions auxquelles BC arrive, mais sur la base de ces statistiques, il e´tait possible d’extrapoler. Cependant, en ces anne´es de grande ferveur pour la statistique, il pourrait s’agir d’une autre publication que nous n’avons pas pu identifier. De`s le retour de Louis XVIII, s’e´tait pose´e la question de la restitution de leurs biens aux e´migre´s ; elle trouvera une premie`re re´ponse dans la loi du 5 de´cembre 1814, puis dans la loi du «milliard» des e´migre´s sous Charles X. Ceux qui avaient un «e´tat» : militaires (comme il le pre´cisera quelques lignes plus bas), magistrats, «fonctionnaires» de l’Ancien Re´gime ou de l’Empire.

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ont perdu sans doute une portion de ce qu’ils posse´daient, et je respecte leur infortune, mais ce qui leur reste ferait la richesse de cette autre classe ; et je de´fie que l’on me cite un seul des anciens privile´gie´s re´duits a` l’exce`s de pauvrete´ qui accable vingt mille officiers de notre ancienne arme´e1. Il est donc certain, Messieurs, que ces colle´ges des plus impose´s seront forme´s en grande majorite´ des classes ci-devant privile´gie´es, auxquelles il faut joindre une sorte de clientelle que ces classes ont reconquise sous Napole´on meˆme. Parmi les erreurs graves de cet homme si extraordinaire et si funeste, sa faiblesse pour la caste qu’il croyait son ennemie a e´te´ l’une des plus remarquables. Il pensait a` tort qu’il rencontrerait beaucoup d’obstacles a` la conque´rir ; et malgre´ les facilite´s merveilleuses qu’il a trouve´es a` chaque pas, cette conqueˆte paraıˆt toujours avoir eu pour lui le me´rite d’une difficulte´ surmonte´e. Cette caste, recrute´e de quelques nouveaux noms devenus illustres, dont elle s’appuyait alors, et qu’elle a voulu e´carter depuis, a donc e´te´, meˆme sous l’empire, remise en possession de la pre´e´minence sociale. Aussitoˆt s’est re´unie a` elle une portion de la classe interme´diaire, de´savouant la re´volution qui l’avait enrichie et affranchie2. Des vanite´s bourgeoises ont e´te´ charme´es d’eˆtre admises, et toutes surprises d’eˆtre caresse´es. Ainsi s’est forme´e une tourbe d’auxiliaires des privile´gie´s ; et l’on conc¸oit que, depuis la restauration, ces auxiliaires n’ont e´te´ que plus de´voue´s et plus fide`les. Ils supportent docilement les de´dains qui renaissent, les me´pris qui e´chappent ; et, de son coˆte´ l’aristocratie qui a encore besoin d’appui, suspend le travail qu’elle fera bientoˆt pour se de´barrasser avec e´le´gance d’allie´s inutiles qui lui sembleront des intrus. (Rires et bravos.) 1 une portion ] une partie E´d. de Grenoble 2 4 ancienne arme´e. ] apre`s ces mots, a` la ligne (Voix diverses. Oui, oui. Non, non.) M 712b Opinion 7 ; (Mouvement d’approbation a` gauche). E´d. de Grenoble 3 7 ont reconquise ] ont acquises E´d. de Grenoble 3 27 (Rires et bravos.) ] absent dans E´d. de Grenoble 3 de`s cet endroit, saut de six aline´as, re´sume´s ainsi dans E´d. de Grenoble 3 : Apre`s avoir e´tabli que le ve´ritable but du projet est de confier au privile`ge le droit d’e´lection, de rouvrir les portes de la chambre a` une faction dont la France ne veut pas, et que, pour parvenir a` ce but, le projet offre des combinaisons propres a` de´jouer le vœu de la majorite´ e´lectorale, et a` introduire dans la chambre des de´pute´s qui n’auront e´te´ e´lus par personne, M. Benjamin Constant continue en ces termes : 1 2

Il faut se souvenir que le beau-fre`re de BC, Claude Balluet d’Estournelles, e´tait alors chef d’escadron, major de place a` Perpignan. «[...] un subtil dosage dans la distribution des titres permettra, en effet, non seulement de re´compenser les me´rites des hommes ‘nouveaux’ issus de la bourgeoisie et du peuple, mais aussi de consacrer le ralliement de nombreuses familles de la noblesse d’Ancien Re´gime.» (J. Zieseniss, «Noblesse d’Empire», Dictionnaire Napole´on, t. II, p. 398). Pour illustrer le propos de BC, il suffit de rapprocher Talleyrand et Fouche´.

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Ces hommes entreront avec elle dans les colle´ges des plus impose´s ; plusieurs y entreront de droit, d’autres par faveur : car vous savez qu’a` cette tribune on vous a de´clare´ que les droits des membres de ces colle´ges ne seront ve´rifie´s que par l’autorite´ ; et que pour leur suˆrete´ ou leur convenance, on les dispensera d’une publicite´ importune1. Ainsi, les colle´ges des plus impose´s seront incontestablement dans le sens du privile´ge. En adoptant le projet, c’est au privile´ge que vous confierez le droit d’e´lection ; car l’article 4, que vous devez combiner avec l’article 1er dont il est la suite, donne, comme vous le savez, au colle´ge e´lecteur, le droit de choisir les candidats de la plus petite minorite´. C’est la` que l’on voulait en venir ; c’est la` le but qu’il fallait atteindre, parce que c’est la` le seul moyen de rouvrir les portes de cette enceinte a` la faction dont la France ne veut pas. On nous dit que pour e´viter cette chance, les arrondissemens n’ont qu’a` ne pas nommer les meˆmes candidats. Mais d’abord, quand un homme a la confiance de l’immense majorite´ de son de´partement, de quel droit forcezvous trois arrondissemens sur quatre, ou deux sur trois, a` ne pas manifester cette confiance ? De quel droit vous opposez-vous a` l’expression de la ve´ritable opinion publique ? De quel droit prononcez-vous une proscription contre ce qu’il y a de plus honorable pour un de´pute´, l’assentiment de la masse nationale ? Mais, vous a dit M. le rapporteur, il faut bien pourvoir au cas ou`, par une intelligence devenue facile, les arrondissemens ne pre´senteraient que les meˆmes individus, et ne pas laisser tous ses moyens a` l’intrigue qui saura bien e´tablir un concert, pour que les meˆmes candidats soient pre´sente´s en plusieurs arrondissemens2. Mais si les arrondissemens, par une intelligence 1

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La question avait e´te´ de´battue imme´diatement apre`s le rapport de Laine´ : la commission demandait que soient affiche´es les listes des e´lecteurs les plus impose´s avec «la quotite´ et l’espe`ce des contributions», car la gauche, repre´sente´e par le ge´ne´ral Foy, craignait une rupture d’e´galite´ entre «les plus impose´s» d’un de´partement riche et ceux d’un de´partement pauvre (Archives parlementaires, t. XXVII, pp. 517 sv.) ; on rappelle que BC avait pris part a` la discussion le 6 mai : «jamais vous ne saurez les noms des plus impose´s, parce que les agents du gouvernement feront seuls les listes comme ils voudront, et que, sous pre´texte qu’il serait de´sagre´able a` tel ou tel contribuable qu’on suˆt quelle est sa cote de contribution, nous aurions un cinquie`me dont nous ne connaıˆtrions pas du tout la le´gitimite´ ...» (ci-dessus, p. 584). Laine´ avait dit pre´cise´ment : «Il fallait bien pourvoir au cas ou`, par une intelligence devenue facile, les arrondissements ne pre´sentant que les meˆmes individus priveraient de la faculte´ d’e´lire les e´lecteurs de de´partement, de´ja` prive´s du droit de pre´senter des candidats ; [...] c’est d’autre part laisser tous ses moyens a` l’intrigue qui saura bien e´tablir un concert pour que les meˆmes candidats, fussent-ils plus nombreux, soient pre´sente´s en plusieurs arrondissements.» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 516).

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devenue facile, pre´sentent tous les meˆmes candidats, c’est que ce sont les candidats qu’ils pre´fe`rent. S’il y a concert pour les pre´senter, c’est qu’il y a pre´fe´rence dans l’opinion. Quand vous voulez e´chapper a` ce concert, c’est que vous voulez que cette pre´fe´rence soit de´c¸ue. Vous voulez qu’elle soit un anathe`me, et que le repoussement devienne un titre. Etrange combinaison qui fait que plus un homme re´unira de voix, plus grand sera le nombre des arrondissemens qui l’investiront de leur estime, plus il sera certain de voir surgir a` coˆte´ de lui un candidat factice, un candidat qui pourra n’avoir eu qu’une voix, n’avoir eu que la sienne, et pourtant lui eˆtre pre´fe´re´ ! Ajouterai-je que les e´lections d’arrondissement e´tant simultane´es, et le re´sultat des e´lections pouvant paraıˆtre incertain, plus les arrondissemens de´sireraient tel ou tel de´pute´, plus ils seront expose´s a` ces nominations doubles qui, par un renversement inoui de toute loyaute´ et de toute justice, auront pour conse´quence a` la fois de constater le vœu de tout un peuple et de fournir les moyens de l’e´luder. Non, je le dis sans feinte, jamais on n’insulta de la sorte a` toute une nation ; jamais on ne la me´prisa au point de croire qu’elle assisterait, spectatrice re´signe´e, a` l’audacieux escamotage de ses droits les plus pre´cieux, qu’elle se preˆterait a` la ce´re´monie illusoire d’e´lections ou` son vote sera toujours de´daigne´, ou` ceux contre lesquels elle se sera formellement de´clare´e, obtiendront constamment la pre´fe´rence, et qu’elle reconnaıˆtra pour ses repre´sentans le´gitimes les hommes d’une caste impose´s par cette caste, d’apre`s une loi faite au profit de cette caste par un ministe`re qu’elle a subjugue´. Ce syste`me, Messieurs, n’est autre chose que la mise a` exe´cution des protestations incendiaires de tous les dissidens fugitifs ou conspirateurs de l’Assemble´e constituante1. C’est la re´volte du privile´ge contre le droit qui l’a remplace´. Cependant, je l’avoue, j’e´prouve une sorte de pitie´ pour les gloires ternies et pour les illustrations de´chues, et au milieu de l’e´tonnement que me cause cette re´volte, aussi criminelle qu’imprudente, une conside´ration me frappe qui m’inspire un sentiment douloureux. Elle est donc bien tombe´e cette oligarchie altie`re, qui de´clare a` la face de l’Europe que, si elle ne parvient a` 16 Non, je le dis sans feinte ] ici reprend le discours de BC dans E´d. de Grenoble 3 32 douloureux. Elle ] douloureux ; elle E´d. de Grenoble 4 1

La Constitution de 1791 ne fixait re´ellement que deux conditions a` l’exercice du vote : payer, dans un lieu quelconque du Royaume, une contribution directe au moins e´gale a` la valeur de trois journe´es de travail et n’eˆtre pas dans un e´tat de domesticite´, c’est-a`-dire de serviteur a` gages. Meˆme si le suffrage n’e´tait pas universel, ceux a` qui il e´tait ouvert ne pouvaient se conside´rer comme des privile´gie´s.

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fausser le suffrage national, il sera toujours contre elle, que jamais elle ne pourra compter sur une seule nomination libre, que la majorite´ la repoussera sans cesse, et que, pour arriver au pouvoir, il faut qu’elle l’usurpe ou plutoˆt qu’elle le de´robe : car ce n’est pas meˆme d’une usurpation qu’il s’agit ; il ne s’agit pas de conqueˆte, il s’agit d’un larcin honteux, que de´guisent mise´rablement d’indignes subterfuges, au prix desquels pas un citoyen qui se respecte ne s’abaisserait a` accepter la puissance ou a` exercer l’autorite´ (Bravo, bravo !) Je le sais, si ces subterfuges re´ussissent, cette faction fera payer cher a` la nation les humiliations qu’elle se condamne a` subir en sa pre´sence. Le temps du mensonge sera remplace´ par celui des fureurs, et ces fureurs sont assez connues. Elle punira, durant son e´phe´me`re victoire, cette majorite´ nationale qui la force a` se de´noncer elle-meˆme comme un objet d’exe´cration. Tous les abus seront re´tablis ; tous les abus, Messieurs, je n’exage`re pas, et je vais le prouver par les paroles meˆmes de nos adversaires. «Si votre magistrature, a dit l’un d’entre eux, e´tait autre chose qu’un e´tablissement de juges, si votre clerge´ n’e´tait pas une simple re´union d’apoˆtres, si votre noblesse formait un corps quelconque, je vous en fe´liciterais.»1 Messieurs, que doit eˆtre une magistrature qui est autre chose qu’un e´tablissement de juges ? Que doit eˆtre un clerge´ qui n’est pas une simple re´union d’apoˆtres ? Que doit eˆtre une noblesse qui, notez-le bien, n’est pas la pairie, et qui forme pourtant un corps ? Certes, pour ne pas voir dans ces trois choses les parlemens, le clerge´ et la noblesse de l’ancien re´gime, il faut fermer les yeux a` toute e´vidence, et vouloir eˆtre trompe´. (Vive agitation.) Mais, de bonne foi, Messieurs, quel sera, croyez-vous, le re´sultat de cette re´apparition soudaine de tant d’institutions oppressives dont le peuple se fe´licitait d’eˆtre de´livre´ ? 8 (Bravo, bravo !) ] (Bravos a` gauche). E´d. de Grenoble 4 apparition E´d. de Grenoble 4 1

27–28 cette re´apparition ] cette

De nouveau, Castelbajac : «Je regarderais, dis-je, mon pays heureux d’avoir une oligarchie quelconque, car alors, nous aurions quelques institutions pour e´tablir nos lois fondamentales ; [...] Mais, jouets infortune´s des erreurs et des crimes de nos pe`res, nous avons vu tout briser, tout de´truire ; [...] Eh ! du moins, s’il existait des lois organiques sur les conseils municipaux et sur les conseils de de´partement, si votre magistrature e´tait autre chose qu’un e´tablissement de juges, si votre clerge´ n’e´tait pas une simple re´union d’apoˆtres, si votre noblesse ancienne et nouvelle formait un corps quelconque, et ne se re´duisait pas a` d’anciens noms sans influence, ou a` des noms couverts de lauriers sans pre´ponde´rance politique dans l’Etat, et que votre loi d’e´lection fuˆt base´e sur de tels e´le´ments, je conc¸ois qu’alors on puˆt trouver pre´texte a` une accusation d’oligarchie.» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 612).

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A Dieu ne plaise que je vous annonce des re´sistances violentes ! Je de´teste ces appels a` la force aveugle, a` l’opposition ille´gale, a` toutes les ressources quelconques qui sortent de la sphe`re de l’ordre et de la re´gularite´ ; comme moyens de raisonnemens, ces moyens sont mauvais ; comme moyens oratoires, ils sont use´s ; comme faits, ils sont la plupart du temps cent fois plus funestes que les maux auxquels on veut mettre un terme. Mais cependant, Messieurs, pour des hommes raisonnables, il faut que tout entre en ligne de compte. Il ne faut pas que les lec¸ons de l’histoire soient perdues ; quand vous en de´chirerez les pages, vous n’en ane´antirez pas les faits, et quand vous rame`nerez les causes, les effets suivront. A la ve´rite´, l’un de MM. les commissaires du gouvernement nous a dit qu’il augurait trop bien de ses concitoyens et des noˆtres, de leur patriotisme, de leur amour de l’ordre, de leur besoin de repos, pour craindre que la privation de leurs droits, le´galement prononce´e par une loi, devıˆnt une cause de destruction pour le troˆne, de destruction pour la France1. Et moi aussi je rends justice a` l’amour de l’ordre, au besoin de repos de l’immense majorite´ des Franc¸ais. Mais ne vous semble-t-il pas bizarre que les agens de l’autorite´, en leur payant ce tribut d’e´loges, en prennent avantage pour les de´pouiller ? Si en effet ces e´lecteurs auxquels vous arrachez ce dont ils jouissent, sont tellement amis de l’ordre, que la spoliation qu’ils e´prouvent ne puisse les porter a` des re´sistances hasardeuses, comment ces hommes, amis de l’ordre, sont-ils indignes d’eˆtre e´lecteurs ? Je ne conc¸ois pas, je l’avoue, que M. le commissaire du roi te´moigne d’un coˆte´ tant de confiance, et de l’autre tant de me´fiance dans les meˆmes hommes. Si les Franc¸ais sont tels que M. le commissaire du roi nous l’assure pour nous engager a` les priver de leurs droits, nous ne devons pas les en priver, car il n’est pas a` craindre qu’ils en abu sent. Si le malheur voulait qu’ils ne fussent pas comple´tement tels que M. le commissaire du roi l’espe`re, ce serait une raison non moins forte pour que leurs droits fussent respecte´s. On me re´pondra, je le sais bien, qu’il ne s’agit pas seulement des institutions ; qu’avec les institutions viendront les hommes, et qu’alors tout ira merveilleusement. J’ignore jusqu’a` quel point cet avertissement d’un conge´ pro1–11 A Dieu ne plaise ... A la ve´rite´ ] absent dans E´d. de Grenoble 4 24 me´fiance ] de´fiance M 712c Opinion 11 19–25 auxquels vous arrachez ... Si les Franc¸ais ] absent dans E´d. de Grenoble 5 1

Le baron Capelle, commissaire du roi : «ne serait-ce point e´trangement me´connaıˆtre et calomnier nos concitoyens, leur patriotisme, leur amour de l’ordre, leur besoin de repos, que d’attribuer a` cette seule privation, le´galement prononce´e par une loi, une cause de destruction pour le troˆne, de bouleversement pour la France ?» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 720).

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chain donne´ a` MM. les ministres peut les satisfaire ; mais, quant a` moi, il ne me rassure dans aucun sens. Je fais, comme vous voyez, tout ce que je puis pour n’avoir pas ces institutions. Mais si cela de´pendait de moi, je ferais encore cent fois plus d’efforts pour n’avoir pas les hommes : car si je crois les institutions mauvaises, je crois les hommes encore bien plus dangereux. Ces hommes nous ont gouverne´s, Messieurs ; ni vous, ni nous, ni la France, nous ne l’oublierons de sitoˆt. Comment ils nous ont gouverne´s, vous le savez. Comment nous avons e´chappe´ par miracle a` leur entreprise, vous le savez encore1. Et certes, quand, pour calmer les craintes que leurs lois me causent, ils offrent leurs personnes, au lieu de se calmer, mes craintes redoublent. Si la loi passe, on vous le dit assez ouvertement, nous aurons les hommes. Si nous avons les hommes, la faction triomphe ; de´plorables instrumens de cette faction, car on ne peut les e´lever au rang de ses auxiliaires, les ministres sont expulse´s. Les lois d’exception sont en embuscade, elles n’attendent que le signal, et il n’y a pas un de nous, il n’y a pas un citoyen en France qui ait une garantie2. Voulez-vous, Messieurs, connaıˆtre d’un mot notre avenir dans cette hypothe`se ? L’on a hier applique´ au ministe`re le mot d’une femme, qu’on a 4 n’avoir pas les hommes : ] n’avoir pas les hommes (on rit) : E´d. de Grenoble 5 5–9 dangereux. / Ces hommes nous ont gouverne´s ... Et certes, quand ] dangereux ; et quand E´d. de Grenoble 5 10–11 mes craintes redoublent. ] mes craintes redoublent. (Adhe´sion a` gauche). E´d. de Grenoble 5 12 triomphe ; de´plorables ] triomphe. De´plorables Edition de Grenoble 5 13–14 car on ne peut ... ses auxiliaires ] absent dans E´d. de Grenoble 5 14–15 sont en embuscade, elles ] absent dans E´d. de Grenoble 5 18 L’on a hier ] en note en bas de page M. Sallabe´ry M 713a Opinion 12 E´d. de Grenoble 5 avec cette addition : Voici le passage : «En changeant la loi des e´lections, vous oˆtez a` la re´volution la loi qui fait toute sa force. Voyez les signes de de´tresse, et jugez si vous frapper juste. Mais ce n’est pas assez : il faut encore que les ministres se souviennent de ce mot d’une femme forte a` un prince faible, a` propos d’un acte de rigueur commence´ contre les factieux : ‘C’est bien coupe´, mais il faut coudre’.» 1 2

Par l’ordonnance du 5 septembre 1816 qui dissolvait la Chambre introuvable. Ce paragraphe et le pre´ce´dent se comprennent a` la lumie`re du violent discours de Salaberry, de´pute´ ultra : «Les re´volutionnaires ne doivent l’audace qu’ils appellent leur force qu’au silence des lois anciennes et a` la complaisance des lois nouvelles qu’ils ont de´robe´es a` l’imprudence et arrache´es a` la faiblesse. [...] En changeant la loi des e´lections vous oˆtez a` la Re´volution la loi qui fait toute sa force : entendez son cri d’alarme, voyez ses signes de de´tresse, et jugez si vous frappez juste. Mais ce n’est pas assez, il faut encore que les ministres se souviennent de ce mot d’une femme forte a` un prince faible, a` propos d’un acte de rigueur commence´ contre des factieux : ‘C’est bien coupe´, mais il faut coudre.’ La fausse honte des fautes passe´es ne retiendra pas les nouveaux ministres du Roi [...] Ils prouveront, par des effets qu’ils reconnaissent, que la monarchie le´gitime ne peut avoir pour appui que les principes, les institutions, les lois, les hommes amis de cette monarchie.» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 742). On notera que l’«acte de rigueur» est devenu un «coup d’Etat».

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nomme´e forte, a` un prince faible, a` propos d’un coup d’Etat contre les factieux : c’est bien coupe´, mais il faut coudre1. Savez-vous quel e´tait ce prince faible ? Henri III ; cette femme forte ? Catherine de Me´dicis ; ce coup d’Etat, rappele´ comme exemple a` suivre, et par lequel on avait si bien coupe´ ? L’assassinat du duc de Guise. Je ne me permettrai aucun commentaire. (Vive sensation2.) Je sais qu’on nous berce d’espe´rances fallacieuses. Si la loi passe, nous dit-on, le ministe`re saura conserver un contre-poids. Un cinquie`me seulement viendra, d’apre`s la loi nouvelle, renforcer, ou pour mieux dire, troubler cette Chambre3. Ainsi la plus brillante de nos perspectives serait ce syste`me de bascule, source d’injustices, de vexations, de proscriptions qui alternent et se succe`dent ; syste`me qui blesse tous les partis, qui avilit l’autorite´, dont la loyaute´ s’indigne, et que l’opinion publique repousse et me´prise. Mais cela meˆme est une assertion fausse et mensonge`re. La meˆme faction qui force les ministres a` lui livrer la loi d’e´lection, les forcera de nous dissoudre. Elle voudra de´truire le contre-poids, achever son ouvrage, jouir du succe`s ; et de´ja`, dans son esprit, dans sa de´termination, dans ses traite´s avec les ministres, traite´s qu’elle impose et qu’elle violera, la dissolution de la Chambre est prononce´e4. 5 L’assassinat du duc de Guise. ] l’assassinat du duc de Guise. (Mouvement d’horreur). E´d. de Grenoble 6 6 (Vive sensation.) ] absent dans E´d. de Grenoble 6 7–15 fallacieuses. Si la loi passe ... La meˆme faction ] fallacieuses. Mais la meˆme faction E´d. de Grenoble 6 16 de´truire le contre-poids, ] absent dans E´d. de Grenoble 6 1

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Le propos de Catherine de Me´dicis apparaıˆt, semble-t-il pour la premie`re fois, dans les Femmes ce´le`bres de toutes les nations, avec leurs portraits, Paris : Ternisien d’Haudricourt, 1788, fasc. X, p. 38. Henri III ayant annonce´ a` sa me`re l’assassinat du duc de Guise, elle lui aurait re´pondu : «Dieu veuille que cette mort ne vous rende pas Roi de Rien. C’est bien coupe´, mon fils, mais il faut coudre». Le Courrier franc¸ais interrompt ici le discours et annonce la suite dans le nume´ro du lendemain, avec ce commentaire : «L’effet qu’a produit ce discours serait impossible a` de´crire. Il aurait fallu en couper presque toutes les phrases pour peindre les sensations qu’il a produites dans toutes les parties de la salle ; les murmures qui l’ont accueilli a` droite, et les explosions d’applaudissemens par lesquels la gauche a souvent interrompu l’orateur». Le Courrier franc¸ais, no 339, mercredi 24 mai 1820, p. 4b. Les e´lections de novembre 1820 devaient renouveler un cinquie`me de la Chambre, mais il faudra ajouter les 172 de´pute´s e´lus par les colle`ges de de´partement dont il n’e´tait pas question dans le projet pre´sente´ le 17 avril. Les ultra-royalistes arriveront en force, e´crasant le centre et la gauche. La Charte donnait au roi un droit de dissolution de la Chambre (art. 50). Outre la dissolution impe´riale du 13 mars 1815, la Chambre avait e´te´ dissoute par le roi le 13 juillet suivant, puis le 5 mars 1816. Les royalistes mode´re´s «me´ditent par deux fois, en 1820 et 1821, une nouvelle dissolution qui consoliderait un pouvoir e´branle´ notamment par les attaques de l’extreˆme gauche libe´rale.» Ville`le n’aura pas les meˆmes scrupules en 1823 (O. Tort, «La dissolution de la Chambre des de´pute´s sous la Restauration», Revue Historique, 302, 2000, pp. 340–341).

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Messieurs, ce n’est pas la premie`re fois que j’ai annonce´ a` cette tribune ce qui se pre´parait, ce qu’on m’a conteste´ et ce qui s’est re´alise´ presque imme´diate ment. Il n’y a pas deux mois que j’avais l’honneur de vous dire qu’apre`s les lois d’exception, l’on nous proposerait une loi d’e´lection a` deux degre´s, l’oligarchie des plus impose´s et la mise´rable parodie des candidatures1. A cette e´poque, une commission s’occupait encore du premier projet2 ; rien d’officiel n’annonc¸ait qu’il duˆt eˆtre retire´, et des murmures et des de´ne´gations re´pondirent a` ma prophe´tie. Vous voyez aujourd’hui si j’avais tort. Que direz-vous, Messieurs, si, imme´diatement apre`s l’adoption du projet actuel, on vous demande deux douzie`mes3, et que vous fassiez ensuite place a` des successeurs impose´s a` la France par le privile´ge, successeurs auxquels on livrera la fortune comme on leur aura livre´ le droit des Franc¸ais ? (Adhe´sion a` gauche.) Alors ces lois organisatrices dont on vous a parle´ dans une dernie`re se´ance, seront pre´sente´es sans doute. Elles sont preˆtes, vous a dit l’un de MM. les commissaires du gouvernement ; mais vous n’eˆtes pas dignes de les discuter. On attendra les e´lus du petit nombre : c’est a` eux qu’on soumettra la composition des municipalite´s, composition conforme au vœu de ces communes qui, ainsi qu’on nous l’assure, redemandent leurs seigneurs. Ils voteront l’organisation de la garde nationale4. On sait assez comment ils 5–8 candidatures. / ... retire´, et des murmures ] candidatures. / Des murmures E´d. de Grenoble 6 9–10 si j’avais tort. ] si j’avais tort. (Sensation marque´e). E´d. de Grenoble 6 15 (Adhe´sion a` gauche.) ] absent dans E´d. de Grenoble 6 19 nombre : c’est a` eux ] nombre. C’est a` eux M 713a Opinion 13 E´d. de Grenoble 6 21 leurs seigneurs. ] leurs seigneurs. (Rires et murmures). E´d. de Grenoble 6 1 2

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Voir l’intervention de BC le 5 avril 1820 (ci-dessus, pp. 511–521). Le projet de Decazes qui avait e´te´ pre´sente´ le 15 fe´vrier 1820 et que BC comparera au pre´sent projet dans Des motifs qui ont dicte´ le nouveau projet de loi sur les e´lections (OCBC, Œuvres, t. XV, pp. 604 et 613). «Ils ont des douzie`mes provisoires jusqu’en Juin, & ils auront avec leur nouvelle loi une chambre au 1er Juillet qui leur donnera de nouveaux provisoires.» (OCBC, Correspondance, t. XI, p. 486). Le budget 1820 n’e´tait pas vote´ (il le sera le 11 juillet) et les «douzie`mes» permettaient a` l’E´tat de fonctionner ; BC pensait que la Chambre serait dissoute et qu’il suffirait de «deux douzie`mes» supple´mentaires pour que les nouveaux e´lus aient le temps ne´cessaire pour voter le budget. On se rappelle qu’au de´but de la session, le 24 de´cembre, BC e´tait intervenu dans la discussion sur l’autorisation pour le gouvernement de pouvoir disposer de six douzie`mes du budget par anticipation (voir ci-dessus, pp. 351–353). Capelle, commissaire du roi : «Le ministre, a-t-on dit, refuse les lois organiques si solennellement promises ? Ce reproche est sans fondement ; le projet de loi sur les administrations municipales et de´partementales est, apre`s un an de discussion, termine´ depuis plusieurs mois ; il en est de meˆme de la loi de la garde nationale et de toutes, ou presque toutes les autres lois qui avaient e´te´ annonce´es.» (Archives parlementaires, t. XXVII, pp. 721–722).

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l’organisent. Ils ont de l’expe´rience en ce genre. La garde nationale de Nıˆmes fut organise´e par eux1. (Mouvemens divers.) Je dis ici toute ma pense´e. Je reconnaıˆtrai, si vous voulez, que les calamite´s qui auront lieu ne se me´ditent pas aujourd’hui encore. Mais les conse´quences des re´volutions, et c’est une re´volution qu’on vous propose de faire, ne sont jamais pre´vues de ceux qui les commencent. Ceux meˆme qui renverse`rent le troˆne en 1792, ne pre´voyaient pas l’e´pouvantable terreur de 1793. Ils avaient une affreuse arrie`re-garde : elle les jeta par terre, les foula aux pieds, les de´passa. Les re´volutionnaires d’aujourd’hui ne sont ni plus heureux ni plus habiles que leurs devanciers. Ceux qui de´truisent la Charte et la liberte´ en 1820, ont une arrie`re-garde non moins fe´roce et non moins dangereuse qui de meˆme les de´passera. Nous en serons les premie`res victimes : vous en serez les secondes. Dans toutes les re´volutions, la lie des partis se soule`ve et me´connaıˆt la voix de ses chefs2. Et de´ja`, Messieurs, ne remarquez-vous pas les symptoˆmes qui s’annoncent ? Je ne parlerai point de cette e´trange accusation, sur laquelle son auteur garde un silence plus e´trange encore ; de cette accusation dont nous aurions duˆ, j’oserai le dire, exiger ou la re´tractation ou la preuve ; car il est dur, pour nous tous, de voir peser sur cette Chambre la solidarite´ d’une calomnie long-temps tole´re´e3. (Vive sensation.) 2 (Mouvemens divers.) ] (Mouvement.) E´d. de Grenoble 6 3–6 Je dis ici ... ne sont ] Je reconnaıˆtrai, si l’on veut, que les calamite´s ... pas encore ; mais les conse´quences des re´volutions ne sont E´d. de Grenoble 6 9 Les re´volutionnaires d’aujourd’hui ne sont ni plus ] Les re´volutionnaires ne seront ni plus M 713a ; Les re´volutionnaires d’aujourd’hui ne seront ni plus Opinion 13 ; Les re´volutionnaires de 1820 ne seront ni plus E´d. de Grenoble 6 10–11 devanciers. Ceux qui de´truisent la Charte et la liberte´ en 1820, ont ] devanciers ; ils ont E´d. de Grenoble 6 17 auteur ] en note de bas de page M. Clausel de Coussergues M 713a Opinion 14 En fait, Sime´on de´posera le 22 fe´vrier 1821 «un projet de loi sur l’organisation municipale et de´partementale.» qui sera retire´ moins de six mois plus tard. On n’a re´pe´re´ aucune «loi de la garde nationale» (voir Le´gislation relative a` la garde nationale, Paris : Dupont, 1840, pp. 602–603). 1 2 3

Sur les exactions de la garde nationale dans le Gard, voir ci-dessus, p. 404, note 3. Assimiler les «re´volutionnaires» ultras aux re´volutionnaires de 1792 : BC reprend cette comparaison provocante qu’on l’a vu de´ja` utiliser plusieurs fois. Dans Le Constitutionnel du 25 mai 1820, p. 3, le discours de BC est interrompu ici : «M. Clausel de Coussergues s’agite sur son banc, et pousse quelques exclamations. / M. Dupont (de l’Eure) de sa place : M. Clausel de Coussergues, c’est a` la tribune qu’il faut parler.» Le Moniteur du meˆme jour, p. 713, confirme par une note infra-paginale que l’auteur de «cette e´trange accusation» est Jean-Claude Clausel de Coussergues (voir cidessus, p. 385, note 1).

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Je ne vous parlerai pas des moyens infaˆmes employe´s pour accre´diter cette accusation, qui se reproduira sans doute en temps opportun, de ces de´positions mendie´es, de ces sollicitations criminelles, tendant a` obtenir contre l’ex-ministre, en butte a` ces manœuvres, des de´clarations fausses que la probite´ de ceux qu’on voulait entraıˆner a refuse´es, ni de ces de´positions obtenues, dit-on, mais tellement semblables a` la grossie`re intrigue d’un me´lodrame, que leur absurdite´ ne saurait produire que le me´pris et la pitie´1. Ces choses s’e´clairciront, je l’espe`re, devant un tribunal auguste, aux pieds duquel viendront expirer les efforts d’une faction haineuse que rien ne de´sarme et que rien n’arreˆte. Mais je vous rappellerai ces bruits de conspiration re´pandus chaque jour comme en 1793 et 1815 ; ces complots chime´riques suppose´s pour faire planer la terreur, et pre´parer des apologies a` l’injustice ; ces agens peut-eˆtre provocateurs qui se portent sur les routes, ces rassemblemens de la populace ameute´e dans nos provinces, pour faire crier a` des bouches impures : A bas les de´pute´s a` bas les Cent-Quinze2 ! comme avant le 10 aouˆt, sous la protection d’une municipalite´ conspiratrice, des groupes salarie´s vocife´raient : A bas les Feuillans ! Le cri de vive la Charte transforme´, qui euˆt pu le penser, en cri se´ditieux ; la pitie´ proscrite, des souscriptions d’humanite´ de´nonce´es, des hommes mis en jugement, comme en 1793, pour avoir offert de secourir l’infortune, en l’invitant a` se soumettre a` la loi ; et la bienfaisance envers des suspects, c’est-a`-dire peuteˆtre envers des innocens, punie comme un crime, tandis que tous les gouvernemens qui ont eu quelque pudeur ont autorise´ les secours meˆme pour les condamne´s3. 1 accre´diter ] accre´dir E´d. de Grenoble 7 3 sollicitations criminelles ] sollicitations criminelles (Violentes de´ne´gations a` droite. Adhe´sion a` gauche. – Ecoutez ! Ecoutez !) E´d. de Grenoble 7 4 l’ex-ministre, en butte a` ces manœuvres, des ] l’ex-ministre des E´d. de Grenoble 7 15 A bas les de´pute´s a` bas les Cent-Quinze ! ] pas en italique E´d. de Grenoble 7 17–18 vive la Charte ] vive la Charte ! M 713a Opinion 14 A bas les Feuillans ! ... vive la Charte pas en italique E´d. de Grenoble 7 18 qui euˆt pu le penser ] qui euˆt pu le penser ? E´d. de Grenoble 7 24 les condamne´s. ] les condamne´s. (Vifs applaudissemens). E´d. de Grenoble 7 1

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Clausel de Coussergues re´pondra dans son Projet de la proposition d’accusation contre M. le duc Decazes, Paris : Dentu, 1820, qui sera «de´pose´ a` la questure de la Chambre, le 12 aouˆt 1820» (p. IV). Au sujet des cent-quinze de´pute´s libe´raux, voir la Lettre a` M Lacretelle aıˆne´, sur les attaques autorise´es par les ministres, dans les journaux censure´s, contre les individus et les grands corps de l’e´tat. 5 avril 1820 (OCBC, Œuvres, t. XV, pp. 573–574). Sur les conspirations, voir le discours de Devaux du 25 avril 1820 (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 360), et Lacretelle aıˆne´, Panorama, Paris : Librairie de Lacretelle, mai 1820, pp. 39 sv. BC avait pris part a` la publication annonc¸ant une Souscription pour le soulagement des personnes de´tenues en vertu de la loi du 26 mars 1820 (OCBC, Œuvres, t. XV, pp. 827– 834), laquelle publication avait donne´ lieu a` proce`s ; bien qu’ayant «contribue´ a` la re´daction de cet e´crit», BC n’avait pas e´te´ «appele´ devant M. le juge d’instruction» sans doute en

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Jusqu’ici, Messieurs, j’ai combattu le projet parce qu’il de´truit toute re´alite´ d’e´lection, et par la` meˆme toute liberte´, toute suˆrete´, toute la Charte. Mais je le repousse aussi dans l’inte´reˆt du pouvoir royal. Comme j’ai eu l’honneur de vous le faire observer1, de toutes les pre´rogatives de la couronne, le droit de dissoudre l’assemble´e e´lective est la plus ne´cessaire. Sans elle vous tombez sous la domination des assemble´es, la plus tumultueuse, la plus anarchique et souvent la plus sanguinaire des dominations. Or, la division des e´lecteurs en deux natures de colle´ges et la composition du colle´ge supe´rieur, rendent le droit de dissolution comple´tement illusoire entre les mains du prince. Par l’effet naturel de l’influence des grandes proprie´te´s, elles se perpe´tuent et s’accroissent dans les meˆmes mains. Tandis que le nombre et l’individualite´ des e´lecteurs payant 300 francs varieront ne´cessairement chaque anne´e, les grands contribuables, dans tous les de´partemens, resteront toujours a` peu pre`s les meˆmes. Deux ou trois fortunes nouvelles, rapidement acquises, ne suffiront point pour changer leur esprit. Il s’ensuivra que la dissolution, cet appel de la couronne au peuple pour savoir s’il avoue ses mandataires, s’adressant toujours a` un nombre d’e´lecteurs invariables dans leurs inte´reˆts qui ne seront pas ceux de la masse, n’obtiendra jamais que la meˆme re´ponse ; une re´ponse qui l’obligera de plier sous la volonte´ de ces e´lecteurs, devenu une aristocratie incommutable et inamovible2. L’on a re´pondu par une ironie, qui, sous quelques rapports, peut eˆtre fonde´e, a` la comparaison des plus impose´s avec les grands vassaux qui dominaient jadis la couronne3. J’en conviens, ce ne seront pas de grands vassaux qui tiendront nos rois dans une telle de´pendance. L’aristocratie ne sera plus brillante et guerrie`re, mais fle´trie et ruse´e. Son joug n’en sera pas moins pesant ; il sera plus honteux. Les hauts faits sont remplace´s par l’astuce, la vaillance par la chicane, les paladins par des sophistes, et les lions par des renards. (Vif mouvement a` gauche.) Le reme`de de la dissolution aura e´te´ fausse´ ; y recourir ne serait qu’une imprudence : il ne ferait qu’empirer le mal. 7 la plus anarchique ] la plus monarchique E´d. de Grenoble 7 28 (Vif mouvement a` gauche.) ] (Bravo ! bravo !) E´d. de Grenoble 7 29–30 imprudence : il ] imprudence. Il M 713b Opinion 15 raison de son e´tat de de´pute´ (Journal des De´bats du 15 avril 1820, p. 3). Voir aussi son intervention le 3 mai (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 473), ainsi que ses lettres d’avril-mai (OCBC, Correspondance, t. XI, pp. 474, 490, 496). 1 2 3

Voir ci-dessus, p. 601. L’argument avait e´te´ de´veloppe´ dans Des motifs qui ont dicte´ le nouveau projet de loi sur les e´lections (OCBC, Œuvres, t. XV, p. 627). Les «grands vassaux» avaient e´te´ cite´s a` plusieurs reprises : le 15 mai par Antoine Franc¸ais de Nantes (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 619), le 16 par Bonald (p. 627), le 17 par Chabron de Solilhac (p. 662) et le 19 par Bourdeau (p. 710), chacun les faisant servir dans le sens de son discours.

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L’on a cru re´pondre a` cette objection en rappelant que les meˆmes colle´ges qui avaient nomme´ la Chambre de 1815, ont nomme´ ensuite celle de 1816, compose´e d’e´le´mens bien dissemblables, et empreinte d’un tout autre esprit. Mais qui ne voit, Messieurs, en examinant cette re´ponse, que cette diffe´rence s’explique par des circonstances qui, il faut l’espe´rer, ne se reproduiront plus ? En 1815, la France e´tait envahie par des troupes e´trange`res. Auxiliaires de ces e´trangers, des compagnies secre`tes, des comite´s occultes1, pesaient sur tous les de´partemens. On e´gorgeait dans le Midi, on menac¸ait dans l’Ouest ; les Anglais et les Prussiens occupaient l’Est et le Nord. Sous ces auspices, une Chambre fut forme´e par des colle´ges a` peine compose´s d’un quart des e´lecteurs ; le reste avait fui2... Plusieurs voix a` droite : Cela est faux ... (Longue et vive interruption.) Messieurs, il est possible que, dans quelques de´partemens, le nombre des e´lecteurs ait e´te´ plus conside´rable que je ne le pre´tends ; mais le fait est certain pour le plus grand nombre. A Nıˆmes, par exemple, dira-t-on que les e´lecteurs aient e´te´ nombreux ? lorsqu’on sait que la veille des e´lections seize e´lecteurs ont e´te´ assassine´s et traıˆne´s a` la voirie3 ... (Vif mouvement a` gauche4.) En 1816, apre`s le 5 septembre, la France respira. Les fugitifs reparurent, les e´lections furent diffe´rentes. Mais ce fait ne prouve autre chose, sinon qu’il est une classe d’hommes qui ne sauraient eˆtre e´lus que graˆce a` la pre´sence des baı¨onnettes et a` l’absence des e´lecteurs. 9 dans le Midi ] dans le Midi ... (Interruptions ; murmures au coˆte´ droit. C’est faux ! c’est faux ! s’e´crient plusieurs de´pute´s du coˆte´ droit). / L’orateur reprend : Messieurs, rappelez-vous qu’en 1815 seize e´lecteurs furent assassine´s a` Nıˆmes, a` l’ouverture du colle´ge, et leurs corps traıˆne´s a` la voirie. On e´gorgeait dans le Midi E´d. de Grenoble 8 13 Plusieurs voix a` droite ] en italique M 713b Opinion 16 Plusieurs voix a` droite ... (Longue et vive interruption.) ] absent dans E´d. de Grenoble 8 1 2

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Comme les Chevaliers de la Foi dont Mathieu de Montmorency sera le grand maıˆtre (Waresquiel/Yvert, Histoire de la Restauration, p. 26). Exage´ration de BC : «Sur 72,199 inscrits, il n’y eut pour les e´lections de la Chambre introuvable en 1815 que 48,478 votants, et pour celles de 1816 que 47,427.» (G.-D. Weil, Les E´lections le´gislatives depuis 1789, Paris : Alcan, 1895, p. 66). BC reprend les termes de Madier de Montjau dans sa Pe´tition adresse´e a` la Chambre des de´pute´s, Paris : Librairie politique, 1820, p. 9. Sur la discussion de cette pe´tition a` la Chambre, ci-dessus pp. 557–560. Sur ces e´ve´nements, voir aussi A. de Vaulabelle, Histoire des deux Restaurations, p. 431. Le colle`ge e´lectoral de Nıˆmes comptait 262 membres et ils furent 140 votants en 1815. Louis Franc¸ois de Vogüe´ fut e´lu avec 109 voix (Moniteur, no 286, 22 septembre 1815, p. 1047) ; il sera re´e´lu en 1816 avec 136 voix sur 191. Les deux derniers aline´as, depuis l’interruption et la re´plique de BC, ne figurent pas dans Le Courrier franc¸ais.

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Il n’en sera point ainsi pour le haut colle´ge. Ses e´le´mens, je l’ai dit, seront invariables, son esprit sera fixe, ses nominations opiniaˆtres, et le pouvoir royal viendra, par des dissolutions impuissantes, se briser contre sa re´sistance obstine´e1. Ainsi le monarque sera geˆne´, la nation asservie par un pouvoir qui n’e´manera ni du monarque, ni de la nation. Nous aurons en grand, comme on vous l’a dit, le gouvernement de Venise, un doge captif, un se´nat despotique et un peuple esclave2. A la ve´rite´, c’est ainsi que l’un de nos honorables adversaires, M. de Bonald, conc¸oit le gouvernement repre´sentatif. Il nous a dit en propres termes que c’e´tait un e´tat de choses, ou` le roi se donnait beaucoup d’e´gaux et le peuple beaucoup de maıˆtres. Le meˆme orateur a pre´tendu que le coˆte´ droit avait eu sa loi en 1815, le coˆte´ gauche la sienne en 1817, et que le centre aurait la sienne en 1820. Je ne sais si cette re´ponse a` un pre´opinant qui avait affirme´ que la loi nouvelle enle`verait les sommite´s, c’est-a`-dire les hommes distingue´s de tous les partis, aura paru obligeante ou convenable a` ceux qu’elle e´tait destine´e a` captiver3. Je l’ai trouve´e, quant a` moi, inconvenable et injuste ; mais elle est de plus de toute faussete´. Pour que la Chambre se composaˆt de ces hommes que M. de Bonald de´signe sous le nom de centre, hommes un peu re´serve´s peut-eˆtre dans leur amour pour la liberte´, et trop enclins a` d’excessives craintes, mais e´claire´s, scrupuleux et mode´re´s, il faudrait que les e´le´mens des e´lections participassent a` cette mode´ration. En scindant les colle´ges, au contraire, en mettant dans les uns tous les e´le´mens de´mocratiques, dans les autres tous les e´le´mens privile´gie´s, on forme deux camps ou` l’exage´ration est ine´vitable ; car on se´pare tout ce qui 7–8-p.621.5 et un peuple esclave ... l’auriez-vous sauve´e ] saut de quatre aline´as E´d. de Grenoble 9 1 2 3

Wendel re´pondra a` cet argument dans son discours du 26 mai (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 143). BC suit Bignon qui avait pris fre´quemment l’exemple de Venise dans son discours contre le projet de loi (Archives parlementaires, t. XXVIII, pp. 45–48, 50). BC cite assez exactement Bonald dans son premier extrait : «Dans ce singulier e´tat de choses, ou` au nom de la liberte´ et de l’e´galite´, le Roi se donne tant d’e´gaux et le peuple tant de maıˆtres.» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 622). Le second extrait suscitera quelque difficulte´ aux divers re´dacteurs : «Un de nos honorables colle`gues, M. le ge´ne´ral Se´bastiani, a remarque´ avec sa sagacite´ ordinaire, comme un effet incontestable de la loi propose´e, qu’elle e´carterait de part et d’autre les sommite´s, je me sers de son expression. Il n’y a pas de mal a` cela. Le coˆte´ droit a eu sa loi en 1816 ; le coˆte´ gauche a eu sa loi en 1817 ; le centre a` son tour aura la sienne en 1820» (Le Moniteur du 17 mai 1820, p. 661) ; «M. Se´bastiani a pre´tendu que le projet de loi excluait un coˆte´ de cette chambre. Il n’y a pas de mal, le coˆte´ droit a eu sa loi d’e´lection en 1815 ; le coˆte´ gauche a eu la sienne en 1817 ; le centre a` son tour aura la sienne en 1820.» (Le Constitutionnel du 17 mai 1820, p. 2) ; le re´dacteur des Archives parlementaires commence comme Le Moniteur, mais commet un saut du meˆme au meˆme : «Il n’y a pas de mal a` cela. Le coˆte´ droit a eu sa loi en 1817 ; le centre, a` son tour aura la sienne en 1820.» (p. 626).

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re´ciproquement la neutralisait. On vous a dit, je crois que c’est M. de Ville`le, que la loi propose´e serait une loi de paix, parce que les inte´reˆts nouveaux auraient dans l’administration une part e´gale a` celle des inte´reˆts anciens1. E´trange moyen de paix que de rendre deux ennemis a` la fois plus forts et leurs armes plus ace´re´es ! Ce serait un moyen de guerre civile. Aussi notre honorable colle`gue n’est-il suˆrement pas tombe´ dans cette absurdite´. Il sait comme nous que les inte´reˆts nouveaux n’auront pas une part e´gale : il les flatte pour les immoler. Non, il n’y aura pas d’hommes du centre dans les Chambres nomme´es d’apre`s la nouvelle loi ; ou si quelques uns, par un hasard inespe´re´, y parviennent, ils seront entraıˆne´s par le torrent. Ils e´taient dans la Chambre de 1815, ces esprits mode´re´s dont les hommes de cette e´poque ont l’air de pre´dire et de saluer le retour2. Ils ont lutte´ noblement : qu’ont-ils empeˆche´ ? Malgre´ eux, malgre´ les ministres, l’amnistie royale a e´te´ de´nature´e3 ; malgre´ eux, des rappels a` l’ordre ont e´touffe´ la voix de l’humanite´ ; malgre´ eux, le ministe`re a pense´ eˆtre mis en accusation pour l’e´vasion d’un malheureux condamne´4, et des discussions e´pouvantables ont montre´ je ne sais quelle effroyable soif du sang des victimes ; malgre´ eux, des pe´titions qui demandaient la teˆte d’un vieux ge´ne´ral5 couvert de gloire, ont e´te´ accueillies avec un enthousiasme sauvage. (Forte sensation.) 7–8 part e´gale : il les ] part e´gale. Il les M 713b Opinion 17 1

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Il semble que BC ait plutoˆt a` l’esprit les propos de Salaberry : «Ce n’est pas la loi qu’ils [les factieux] craignent ; ils en craignent les suites justes, les suites naturelles, les suites ne´cessaires au bien public, au salut commun, au bonheur ge´ne´ral, a` l’e´ternelle paix de la France avec l’Europe et avec elle-meˆme.» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 742) Pour la suite, ce serait Bourdeau : «Loin de moi l’ide´e d’e´carter les inte´reˆts nouveaux de l’administration des affaires publiques, a` laquelle ils doivent venir en concurrence par un droit commun a` tous.» (p. 709) Par «inte´reˆts nouveaux», il faut entendre principalement les acque´reurs de biens nationaux. Voir ci-dessus, pp. 381–383. Ces «esprits mode´re´s» sont les constitutionnels et doctrinaires de 1815 (de Serre, RoyerCollard, Pasquier, Decazes, Laine´ etc.) qui se situaient face aux ultras ; les inde´pendants, l’aile gauche ou libe´rale de BC, n’e´taient pas repre´sente´s. Voir N. Dauphin, «La loi d’amnistie du 2 janvier 1816 : volonte´ d’apaisement, me´moire de violence», Entre violence et conciliation, sous la direction de J.-C. Caron, F. Chauvaud, E. Fureix et J.-N. Luc, Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 2008, pp. 314–315. Antoine Marie Chamans de Lavalette, ancien directeur des Postes, ayant e´te´ condamne´ a` mort en novembre 1815, s’e´vada le 20 de´cembre avec la complicite´ de son e´pouse. Parmi les «ge´ne´raux et officiers [qui] seront arreˆte´s et traduits devant les conseils de guerre» par l’ordonnance du 24 juillet 1815, il n’est pas aise´ d’identifier ce «vieux ge´ne´ral couvert de gloire» ; peut-eˆtre BC pense-t-il a` nouveau au ge´ne´ral Travot dont le sort tragique l’avait particulie`rement e´mu (voir ci-dessus, p. 421 et 435) ? Ce pourrait eˆtre aussi Ney, mais il e´tait mare´chal.

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Malgre´ eux on a fait retentir cette enceinte de ces mots terribles : Il faut a` la France des fers, des supplices, des bourreaux1. Que ne faisiez-vous pas ne´anmoins pour sauver cette malheureuse France ? J’en appelle a` votre conscience, a` votre me´moire, au souvenir qui doit vous eˆtre si doux, de vos honorables efforts ; sans le 5 septembre, l’auriez-vous sauve´e ? Messieurs, le re´sultat du projet que je combats serait de reproduire une Chambre semblable a` celle ou` vous avez toujours succombe´. La France n’est pas assez forte pour re´sister a` de nouvelles secousses. Une Chambre pareille perdra la liberte´, la France et la monarchie. Elle perdra la liberte´. Est-il besoin de preuves ? Y a-t-il jamais eu de la liberte´ quand de tels hommes ont domine´ ? Il n’y en a pas eu plus que sous les forcene´s partisans de l’anarchie re´volutionnaire. Comme ceux d’aujourd’hui, ils nous ont donne´, en 1815, des lois des suspects ; ils nous ont donne´ l’esclavage de la presse2 ; jete´s un moment, par une opposition calcule´e, dans les rangs des de´fenseurs des principes, ils se sont haˆte´s de les de´savouer3. Ils perdront la monarchie, car d’une part ils e´luderont ses pre´rogatives les plus ne´cessaires, ils perpe´tueront en de´pit d’elle leur dangereux pouvoir ; de l’autre ils la rendront odieuse par l’horreur qu’ils ins pirent, ils jetteront sur elle ce poids qui les accable : elle ne pourra le porter. Messieurs, j’ai vu dans ce pays une re´publique tumultueuse, anarchique, mal organise´e4 ; mais les vices constitutionnels n’ont pas e´te´ la cause de sa chute : la cause de sa chute s’est trouve´e dans les hommes qui se pre´tendaient plus re´publicains que la re´publique, et qui, par leurs fureurs, leurs exce`s, leur de´mence, de´cre´ditaient cette re´publique qu’ils disaient de´fendre5. Craignez pour la monarchie les hommes qui se pre´tendent plus 2 Que ne faisiez-vous pas ] Que ne feriez-vous pas M 713b Opinion 17 3 malheureuse France ? ] malheureuse France ! Discours 1827 I 362 Opinion 17 12–13 Comme ceux d’aujourd’hui ] Comme ceux-ci E´d. de Grenoble 9

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La Bourdonnaye a` la Chambre le 11 novembre 1815 sur l’amnistie «de ceux qui auraient pris part a` la conspiration du mois de mars dernier» : «Pour arreˆter leurs trames criminelles, il faut des fers, des bourreaux, des supplices.» (Archives parlementaires, t. XV, p. 217). Loi relative a` des Mesures de suˆrete´ ge´ne´rale du 29 octobre 1815 et Loi relative a` la Re´pression des Cris se´ditieux et des Provocations a` la re´volte du 9 novembre 1815 (Bulletin des lois du Royaume de France, t. I, Paris : Imprimerie royale, Fe´vrier 1816, pp. 379, 415). BC songeait certainement aux positions de Chateaubriand sur la liberte´ de la presse dans De la Monarchie selon la Charte, ch. XVII ; voir aussi OCBC, Œuvres, t. X, p. 331. BC se´journe re´gulie`rement en France a` partir de 1795. Il est peu probable que BC fasse du Consulat un re´gime re´publicain ; il pense donc au Directoire dont l’affaiblissement et la chute furent dus en partie a` l’action des Jacobins.

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royalistes que la Charte et que le roi. La re´publique a pe´ri par les jacobins de la re´publique. Les jacobins de la royaute´ seraient la perte de la royaute´. Ils ne la perdront pas, je l’espe`re. Vous et nous re´unis1, Messieurs, nous la de´fendrons ; vous qui toujours avez e´te´ ses solides appuis ; vous qui avez cru devoir, pour l’affermir, vous re´signer a` des sacrifices qui ne nous semblaient pas indispensables ; nous qui, plus ardens, plus passionne´s peut-eˆtre, ne voulons pourtant que ce que vous voulez. En effet, il est temps de re´futer d’absurdes calomnies. On parle de projets factieux, de regrets coupables, de combinaisons contraires a` l’ordre e´tabli : qu’on les pre´cise donc, ces projets ; il n’en est pas un qui ne fuˆt le reˆve d’un insense´. Je ne sais pas dire a` demi ma pense´e : je vais entrer dans la question tout entie`re. (Grand silence.) La liberte´ est le droit de l’espe`ce humaine. La monarchie constitutionnelle est une forme suffisante pour nous assurer la jouissance de la liberte´. La Charte est suffisante aussi pour consolider la monarchie consti tutionnelle. Les Bourbons avec la Charte sont un immense avantage, parce que c’est un immense avantage qu’une famille antique sur un troˆne inconteste´. (Adhe´sion du coˆte´ gauche.) Je ne prends point la le´gitimite´ comme un dogme ; mais avec la liberte´, la le´gitimite´ est un grand bonheur. Toute re´volution est terrible ; tout nouveau gouvernement est dur et vexatoire : l’expe´rience le dit, les peuples le savent. Force´s quelquefois dans leurs retranchemens, malgre´ leur re´signation perse´ve´rante, ils peuvent se se´parer de la le´gitimite´ ; mais ce n’est jamais qu’avec douleur, et cette douleur a de justes causes. L’Angleterre elle-meˆme, affranchie sous Guillaume III, aurait, si l’ancienne race des Stuarts n’avait opiniaˆtrement voulu le despotisme, e´te´ plus heureuse et surtout bien plutoˆt heureuse qu’elle ne le fut durant les vingt anne´es qui suivirent la re´volution de 1688. Oui, l’Angleterre euˆt e´te´ cent fois plus heureuse, elle euˆt eu deux guerres civiles de moins, si la pense´e d’un pacte rompu, d’une succession intervertie, n’euˆt trouble´ dans beaucoup d’esprits la jouissance de la liberte´ ; si tous les vœux avaient pu se re´unir, tous les scrupules eˆtre contens, toutes les de´licatesses calme´es, la puissance 12 (Grand silence.) ] (Ecoutez). E´d. de Grenoble 10 18 (Adhe´sion du coˆte´ gauche.) ] omis dans M 713c omis dans E´d. de Grenoble 10 20 terrible ; tout ] terrible. Tout M 713c Opinion 18 E´d. de Grenoble 10 21 vexatoire : l’expe´rience ] vexatoire. L’expe´rience M 713c Opinion 18 E´d. de Grenoble 10 27 bien plutoˆt ] bien plus toˆt M 713c Opinion 19 E´d. de Grenoble 10 1

Les «cent-quinze» de´pute´s libe´raux («nous») ne suffiraient pas a` e´carter le projet de loi : il fallait trouver la majorite´ avec les doctrinaires et les amis de Decazes («vous»).

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des souvenirs satisfaite, puissance enracine´e qui, cinquante ans apre`s, armait encore l’un contre l’autre des citoyens conduits par des devoirs oppose´s1. Que la France jouisse de ce bonheur : qu’elle voie se combiner, par de nobles et ine´branlables garanties, un pouvoir constitutionnel et une dynastie re´ve´re´e ; ce qui est antique et ce qui est juste ; ce qui est imposant et ce qui est raisonnable ; ce que le passe´ consacre, ce que le pre´sent demande. Qu’elle soit tout a` la fois libre et loyale, e´nergique et fide`le ! Voila` mes sentimens, Messieurs, voila` ceux des honorables amis avec lesquels je fais gloire de sie´ger. Il n’y a point la` d’arrie`re-pense´e, point d’exage´ration, point de flatterie, point de cet enthousiasme factice, qui fait payer si cher aux princes son bruyant hommage. Les Bourbons, rien que les Bourbons avec la Charte ; toute la Charte sous les Bourbons, telle est ma profession de foi tout entie`re . (Une voix ge´ne´rale s’e´le`ve : Bien ! tre`s bien.) Apre`s des conside´rations si graves, vous n’exigerez pas que je me livre a` des arguties grammaticales, a` des de´tails minutieux. J’aurais pourtant bien des sophismes a` re´futer, bien des alle´gue´s faux a` de´truire ; je l’essaierai peut-eˆtre lors de la discussion des articles. Je vote, en attendant, contre le projet de loi.

14 tout entie`re ] toute entie`re M 713c E´d. de Grenoble 11 18–19 contre le projet de loi ] apre`s ces mots : Les acclamations du coˆte´ gauche et les murmures du coˆte´ droit accompagnent l’orateur jusqu’a` sa place. Une vive et longue agitation se manifeste dans l’assemble´e. E´d. de Grenoble 11

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La Glorious Revolution de 1688 ne mit fin ni aux troubles des ˆıles britanniques au cours du XVIIe sie`cle, ni aux pre´tentions au(x) tro ˆ ne(s) de la dynastie des Stuart, surtout en Irlande et en E´cosse. La de´faite de Jacques II face a` Guillaume III lors de la bataille de la Boyne en 1690 reste grave´e dans les me´moires irlandaises. En E´cosse, le tristement ce´le`bre massacre de Glencoe en 1692 est une conse´quence des tensions toujours e´leve´es entre jacobites et guillaumites. Les «vingt anne´es» de BC correspondent a` peu pre`s a` celles qui se´parent la Glorious Revolution de l’Acte d’Union des troˆnes d’Angleterre et d’E´cosse en 1707. Cet acte ne mit cependant pas une fin de´finitive aux troubles, et les «deux guerres civiles» e´voque´es ici sont sans doute les re´bellions jacobites de 1715 et 1745 (un peu plus de «cinquante ans apre`s») par lesquelles le fils, puis le petit-fils de Jacques II tente`rent de renverser la Maison de Hanovre, et fournirent a` Walter Scott le sujet de Waverley (1814), Rob Roy (1817) et Redgauntlet (1824).

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Re´ponse a` M. de Serres, sur le drapeau tricolore, la souverainete´ du peuple, les sermens re´ciproques, et M. de La Fayette.* (Se´ance du 27 mai 1820.)1

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MESSIEURS, Je n’abuserai pas des momens de la Chambre ; mais je ne puis m’empeˆcher de re´pondre a` ce qui vient d’eˆtre dit par M. le garde-des-sceaux. Il a tire´ cette conse´quence de ce que vous avez entendu, que vous deviez savoir la conduite que vous aviez a` tenir en votant sur la question2 ; ce sera donc traiter la question que de re´pondre a` M. le ministre du roi. Puisqu’on attaque les amis de la liberte´, et que c’est en les signalant comme dangereux qu’on motive le projet pre´sente´ et qu’on l’appuie, c’est combattre ce meˆme projet que de de´fendre les meˆmes amis de la liberte´ contre les imputations injurieuses et injustes qu’on se permet sans cesse contre eux. *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 366–372 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 366–372 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 149, dimanche 28 mai 1820, p. 736ab [=M] ; Archives parlementaires, t. XXVIII, pp. 155–157. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 337–340. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, dimanche 28 mai 1820, pp. 1280c–1281b ; Journal des de´bats, dimanche 28 mai 1820, p. 3ab ; Le Courrier franc¸ais, no 343, dimanche 28 mai 1820, p. 3a ; Le Constitutionnel, no 149, dimanche 28 mai 1820, pp. 2a–3b ; La Quotidienne, no 149, dimanche 28 mai 1820, p. 3a ; Gazette de France, no 149, dimanche 28 mai 1820, p. 503ab.

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La Fayette n’avait pas dit qu’il ne se sentirait plus tenu par ses serments (BC ne manquera pas de le remarquer dans sa re´ponse), mais de Serre avait bien vu les conse´quences pre´visibles et dangereuses de son propos. Le ministre reprochait aussi au «pre´opinant» son «e´loge aussi affecte´ qu’inutile» du drapeau tricolore (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 155). «M. Benjamin Constant s’e´lance a` la tribune.» C’e´tait a` Guillaume Labbey de Pompie`res de prendre la parole, «mais tout le coˆte´ gauche ou` il sie`ge lui conseille de laisser parler M. Benjamin Constant. Ce de´bat pour la parole excite un moment de de´sordre. M. Benjamin Constant garde la tribune et obtient la parole.» (La Quotidienne du 28 mai 1820, p. 3). ` son tour, BC va plus loin que de Serre qui concluait : «Et cela [un appel a` la re´volte et un A manifeste pour la justifier] ne vous indique-t-il pas vos devoirs a` l’e´gard d’une opposition qui vous fait entendre de telles paroles et prend un tel caracte`re ?». Les «devoirs» ne de´signaient pas explicitement le vote de la loi. Tout au long de ces journe´es, les e´changes entre BC et de Serre prennent souvent l’allure d’un duel : BC sentait que le garde des Sceaux e´tait, sinon le point faible du gouvernement, au moins celui qui pouvait bouger. Ce sera lui qui effectivement, trois jours plus tard, proposera une «ouverture» qui de´bloquera la situation. De Serre avait e´te´ proche des doctrinaires et de`s son retour a` Paris, il avait e´te´ assie´ge´ par ses anciens amis : Guizot, Royer-Collard, la duchesse de Broglie (Correspondance du comte de Serre, t. III, Paris : Vaton, 1876, pp. 428 sv.).

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Lorsque M. le garde-des-sceaux a cru voir, dans le discours de mon honorable ami, un appel a` la re´volte, il a comple´tement de´place´ la question ; s’il avait mieux e´coute´ l’orateur, il aurait vu que son discours n’e´tait autre chose qu’une re´ponse a` d’odieuses alle´gations. Il en est de meˆme de ce qui a e´te´ dit sur le drapeau actuel, et sur le devoir de le respecter ; mais c’est aussi un devoir de respecter, pour le passe´, un drapeau qui, pendant trente ans, a conduit les Franc¸ais au combat et a` la victoire, pour la de´fense de la patrie. Ceux qui ne respectent pas ce drapeau pour le passe´, je le re´pe`te... (M. CASTELBAJAC : Nous ne respecterons jamais ce drapeau, ce fut celui de la re´volte1 ...) Je prends acte de cette interruption ; ces Messieurs refusent le respect dont je parle, pour le passe´, au drapeau sous lequel le peuple franc¸ais a combattu, et je de´clare que ceux qui font cet aveu ne peuvent eˆtre les amis de l’ordre, et ne peuvent que calculer les chances de l’exaspe´ration des esprits et de l’irritation des partis2 ... Oui, Messieurs, ce qui a e´te´ cher a` la France, le signe de vingt-cinq ans de gloire, sera toujours un objet respectable. Le signe qui existe aujourd’hui3 a le droit au meˆme respect, a` la meˆme fide´lite´. Professer ces principes, c’est faire un acte de prudence, de mode´ration ; c’est se rendre l’interpre`te des sentimens de tous les citoyens ; ainsi, l’imputation contre le discours de mon honorable ami est sans fondement. Il en est de meˆme de ce qui a e´te´ dit de la souverainete´ des nations. L’imputation n’est pas plus fonde´e ; mon honorable ami n’a parle´ que du droit que conservent toujours les nations, de changer, de modifier leurs lois fondamentales, et cela dans des formes de´termine´es4. Si M. le garde-des14 l’irritation des partis ] apre`s ces mots, a` la ligne (Les interruptions de la droite se renouvellent.) M. le pre´sident. Je rappelle au silence prescrit par le re´glement. Toutes les interruptions allongent la discussion et ne la servent jamais ; on aura la parole pour re´pondre. M 736a 21 Il en est de meˆme ] Il en est ainsi M 736a 1 2

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Castelbajac avait de´ja` interrompu La Fayette sur le meˆme sujet : «Nous ne reconnaissons pas le drapeau de l’usurpation.» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 154). Une version plus directe a e´te´ rapporte´e : des de´pute´s de droite ayant demande´ le rappel a` l’ordre, «Ces cris a` l’ordre me prouvent qu’on m’a bien entendu, ils ne veulent du passe´ que l’ancien re´gime, ceux qui crient a` l’ordre !» (La Quotidienne du 28 mai 1820, p. 3). Louis XVIII avait repris le drapeau blanc par les ordonnances du 12 mai 1814 (Bulletin des lois du Royaume de France, Paris : Imprimerie royale, Septembre 1814, t. I, pp. 125, 133). «a` Dieu ne plaise que nous puissions jamais renier le droit inalie´nable qu’a toute nation de reviser son pacte social» ; «les pouvoirs constitutionnels [...] peuvent eˆtre modifie´s» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 152). La Fayette mettait le doigt sur un point sensible : la Charte e´tait-elle un pacte entre le roi et la nation, une constitution ? Pouvait-elle eˆtre re´vise´e ou modifie´e par l’une des parties ? De Serre rappellera a` l’honorable membre qu’il aurait duˆ preˆter serment, non a` la constitution, mais «au Roi et a` la Charte».

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sceaux n’avait e´te´ malheureusement retenu loin de nous par l’e´tat de sa sante´1, il aurait vu qu’a` la tribune, et dans tous les e´crits ministe´riels, on n’a cesse´ de proclamer et de soutenir le principe que notre loi fondamentale e´tait susceptible de re´vision, de modification. Mon honorable ami n’a pas dit autre chose : personne ne peut penser a` cette souverainete´ illimite´e du peuple, qui entraıˆne les nations de re´volutions en re´volutions, et de calamite´s en calamite´s ; mais on soutient, et MM. les ministres l’ont fre´quemment soutenu, que la nation, repre´sente´e par les e´le´mens constitue´s des divers pouvoirs a` la teˆte desquels est place´ le roi, avait toujours le droit de modifier ses institutions fondamentales. Ce n’est pas la` proclamer la souverainete´ absolue du peuple, ce torrent de´vastateur dont nous avons vu les ravages et les exce`s ; ce n’est pas de celle-la` que nous pouvons parler ; ce n’est pas de celle-la` qu’il peut eˆtre question ; nul plus que nous n’en a repousse´ l’ide´e. Nous ne se´parons pas le peuple du roi ; nous ne voulons pas qu’on se´pare le roi du peuple. Mon honorable ami a seulement dit que les changemens qu’une nation avait le droit de faire a` sa constitution ne pouvaient eˆtre faits dans les formes ordinaires des lois2. Or, cette ve´rite´ a e´te´ reconnue, et n’a jamais pu eˆtre attaque´e. J’ai une autre observation a` faire sur ce qui a e´te´ dit : elle est fort de´licate ; mais la bonne foi a le droit de tout dire. On a parle´ du serment, et 5–6 souverainete´ illimite´e du peuple, qui ] souverainete´ du peuple, illimite´e, de´plorable, qui M 736a 10 proclamer ] entendre Discours 1827 I 368 11 souverainete´ absolue du peuple ] souverainete´ du peuple M 736a 12 pouvons parler ] voulons parler M 736a 17–18 cette ve´rite´ a e´te´ reconnue, et n’a jamais ] cela a e´te´ reconnu, cela n’a jamais M 736a 1 2

De Serre e´tait rentre´ de Nice ou` il soignait sa poitrine le 18 mai (Journal des De´bats du 18 mai 1820, p. 1). «cependant nous n’avons jamais cru [...] qu’ils [les pouvoirs constitutionnels] dussent eˆtre modifie´s dans des formes de lois ordinaires» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 152). En effet, selon l’art. 22 de la Charte («Le roi seul sanctionne et promulgue les lois.»), aucune modification ne pouvait lui eˆtre apporte´e sans l’accord du roi. Rien sur ce point dans le discours de de Serre dans les Archives parlementaires et dans Le Moniteur, mais dans La Renomme´e du 28 mai : «N’a-t-il [La Fayette] point reconnu la souverainete´ du peuple, en de´clarant qu’au peuple appartenait le droit de changer les lois fondamentales.» (p. 1280). Re´pondant a` BC, Pasquier rapportera ainsi les propos de La Fayette : «Cet orateur nous a dit qu’une constitution pouvait recevoir des ame´liorations, mais non pas dans les formes ordinaires e´tablies pour faire les lois» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 157) ; dans La Quotidienne du 28 mai : «Non, il n’est pas vrai que la nation puisse proposer des changements a` la Charte, e´mane´e de la toute puissance royale ; c’est le roi seul qui peut les pre´senter. Il n’y a d’autre manie`re de la modifier, comme de faire des lois, que les moyens constitutionnels» (p. 3) ; et dans Le Constitutionnel : «Il n’y a d’autre moyen pour faire des changements a` une constitution, que celui meˆme indique´ par cette constitution pour faire des lois ordinaires.» (p. 3).

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l’on a reproche´ a` l’orateur d’avoir donne´ a` entendre que le serment e´tait re´ciproque, et qu’en violant le sien, on de´lie de celui qui a e´te´ preˆte´1 : ici, Messieurs, toute conjecture est funeste, et il se pre´sente des questions insolubles, toujours dangereuses a` agiter. Les sermens preˆte´s, Messieurs, seront tenus, parce qu’ils ont e´te´ preˆte´s par la vertu, par l’honneur, et j’ajouterai par les inte´reˆts. Quoi qu’on ait pu dire dans l’entraıˆnement de la tribune, nous pensons que le roi sera fide`le a` ses sermens, et nous serons fide`les aux noˆtres ; mais il y a une e´trange imprudence a` venir nous dire implicitement que quand meˆme on manquerait a` ses sermens, les noˆtres seraient sacre´s ; sans doute il faudrait les tenir encore, et n’en doutez pas, Messieurs, nous les tiendrions ; c’est toutefois un malheur, un danger, que de jeter du doute sur la since´rite´ mutuelle de tels engagemens : j’aime a` croire que M. le ministre du roi n’a voulu, en effet, en e´lever aucun ; j’aime a` interpre´ter ses paroles dans le sens le plus avantageux2. Une dernie`re observation du meˆme ministre m’a bien e´tonne´. M. le garde-des-sceaux a dit qu’on devait se souvenir, avec la rougeur sur le front, qu’apre`s avoir lance´ les masses populaires, on e´tait oblige´ de les suivre, et presque de les conduire3 : or, je le demande, a` quelle action de l’honorable membre une telle expression peut-elle s’appliquer ?... (Voix a` droite : Au 6 octobre.... M. CASTELBAJAC : Au sommeil du 6 octobre4 ... (Tre`s vive agitation.) Eh ! Messieurs, l’honorable membre suivait-il, con duisait-il les masses populaires, quand, de´vouant sa teˆte a` la proscription, il se pre´sentait a` la barre de l’Assemble´e le´gislative, pour y demander vengeance des outrages faits a` la Majeste´ royale, pour de´fendre, pour sauver le troˆne et le roi ?5 ... 7 nous pensons ] nous disons M 736b 7–8 et nous serons fide`les ] nous disons que nous serons fide`les M 736b 9–10 les noˆtres seraient sacre´s ; sans doute il faudrait ] nous devrions toujours tenir les noˆtres. Et cependant, je vais plus loin ; il faudrait M 736b 1 2

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Voir ci-dessus, p. 626, note 4. Tout est dans le mot «mutuelle» : sous la courtoisie, BC ne ce`de rien. La question n’e´tait pas de savoir si La Fayette respecterait son engagement ou non, mais si les parties e´taient en position syme´trique ou non. Pour de Serre, le roi est en position supe´rieure : il octroie la Charte ; pour BC et ses amis, les partenaires sont des contractants a` e´galite´. «Il [La Fayette] a duˆ e´prouver plus d’une fois, il a duˆ sentir, la mort dans l’aˆme et la rougeur sur le front, qu’apre`s avoir e´branle´ les masses populaires, non-seulement on ne peut pas toujours les arreˆter quand elles courent au crime, mais que l’on est souvent force´ de les suivre et presque de les conduire.» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 155). Cruelle allusion au 6 octobre 1789 : La Fayette, endormi, n’avait pu prote´ger Versailles, et le roi, accompagne´ de sa famille, avait duˆ se rendre a` Paris. La Fayette s’e´tait pre´sente´ le 28 juin 1792 devant l’Assemble´e le´gislative : «Il est temps de garantir la Constitution des atteintes quelconques que tous les partis s’efforcent de lui porter, d’assurer la liberte´ de l’Assemble´e nationale, celle du roi, son inde´pendance, sa dignite´ ; [...] Je supplie l’Assemble´e nationale d’ordonner que les instigateurs des de´lits et

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Re´ponse a` M. de Serres, sur le drapeau tricolore

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(Voix a` droite : Il n’e´tait plus temps.) Les conduisait-il quand il e´tait nuit et jour occupe´ a` pre´venir, a` comprimer, a` arreˆter ces e´meutes populaires sans cesse renaissantes, dont nous avons appris a` reconnaıˆtre la ve´ritable source dans cette solidarite´ entre les riches ennemis du nouvel ordre de choses, et la classe la plus mise´rable, en proie a` toutes les intrigues et a` toutes les suggestions d’un parti qui poussait a` tous les exce`s, parce que, disait-il, le bien finira par renaıˆtre de l’exce`s du mal ?..... (Violent murmure a` droite.) Et cette solidarite´, Messieurs, on n’y a pas encore renonce´ ! En 1789, on provoquait aux actes anarchiques, pour empeˆcher ce que la re´volution devait produire de bon et d’utile : et c’est dans cette position, que les amis de la liberte´ ont eu tant a` souffrir, tant a` combattre ; aujourd’hui on laisse aussi percer le meˆme syste`me ; on a voulu l’appliquer aux e´lections ; vous avez vu les efforts qu’on a faits, pour obtenir l’alliance des suffrages de la classe la plus pauvre, en faveur des classes e´leve´es, et cela, aux de´pens de la classe interme´diaire1 ; de cette classe calomnie´e, qui a toujours voulu l’ordre et la liberte´, qui a servi le despotisme quand le territoire e´tait menace´, tandis que ceux qui l’accusent sans cesse, ont en pleine se´curite´, sans motif, sans excuse, servi, e´leve´, affermi ce meˆme despotisme pendant quatorze anne´es... (Vive sensation a` gauche.) C’est a` regret, Messieurs, que je suis monte´ a` la tribune pour combattre un ministre dont, l’anne´e passe´e, j’ai reconnu plusieurs fois le ze`le pour les ide´es libe´rales et constitutionnelles2. Mais les accusations porte´es a` la tri7 l’exce`s du mal ] l’exce`s meˆme du mal M 736b 14 la plus pauvre ] la moins fortune´e M 736b 17–18 sans cesse, ... ce meˆme despotisme ] sans cesse, ont encense´, servi ce meˆme despotisme M 736b ; sans cesse, ont accuse´ servi, e´leve´, affermi ce meˆme despotisme Discours 1827 I 371

violences commises le 20 juin aux Tuileries, seront poursuivis et punis comme criminels de le`se-nation [...] J’ose enfin vous supplier, en mon nom et au nom de tous les honneˆtes gens du royaume de prendre des mesures efficaces pour faire respecter les autorite´s constitue´es, particulie`rement la voˆtre et celle du roi.» (Archives parlementaires, premie`re se´rie, t. XLV, p. 653).

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«[Les ultras] reˆvent de masses paysannes de´fe´rentes, unies autour des notables locaux et de´voue´es a` eux. Bonald va jusqu’a` parler des ‘prole´taires dont les grands proprie´taires sont les chefs naturels’. Ville`le a parfaitement exprime´ cette sensibilite´ sociologique du milieu ultra. Ce grand notable du Midi blanc [...] a e´te´ l’un des premiers a` the´oriser l’alliance de l’aristocratie avec le petit peuple, contre la monte´e en puissance de la bourgeoisie.» (P. Rosanvallon, Le sacre du citoyen, Paris : Folio, 1992, p. 290). Allusion aux lois libe´rales sur la presse que de Serre, alors proche des doctrinaires, avait fait voter en avril-mai 1819 (I. Backouche, La Monarchie parlementaire, pp. 62–63).

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bune ne me permettaient pas de garder le silence, d’autant plus que la brie`vete´ du discours du ministre a rendu ses imputations plus incisives et plus tranchantes. Ce n’e´tait pas mon tour de parole... (Mouvement a` droite) ; mais il e´tait question des personnes ; les personnes ne sont point e´trange`res au projet ; on ne peut traiter l’un, sans attaquer et sans justifier les autres ; car pour savoir de quel coˆte´ est et doit eˆtre l’attachement et la fide´lite´ a` notre ordre de choses, c’est-a`-dire, a` la Charte et aux Bourbons, il faut bien reconnaıˆtre de quel coˆte´ sont les droits acquis et reconnus et les espe´rances remplies, et de quel coˆte´ sont les inte´reˆts sacrifie´s et les pertes irre´parables : il faut bien reconnaıˆtre de quel coˆte´ la Charte a e´te´ rec¸ue comme un bienfait qui nous a donne´ toutes les institutions pour lesquelles la re´volution a e´te´ faite, et de quel coˆte´ on de´clare que la Charte a e´te´ une concession de la ne´cessite´ ; de quel coˆte´ enfin tous les inte´reˆts sont satisfaits, et de quel coˆte´ sont les inte´reˆts qu’on voudrait re´tablir, c’est-a`-dire, les privile´ges ... Oui, Messieurs, car vous n’avez pas oublie´ combien de fois on a dit qu’avec la le´gitimite´, il y avait d’autres le´gitimite´s qui en e´taient inse´parables. Vous voyez donc, Messieurs, a` quels inte´reˆts divers se rapporte le projet que nous discutons, et de quel coˆte´ doivent eˆtre ses partisans et ses de´fenseurs. Je vote contre l’art. 1er du projet de loi1. (Vif mouvement a` gauche.)

10 de quel coˆte´ ] que d’un coˆte´ M 736b droite.) M 736b

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15 privile´ges ] apre`s ce mot (Violens murmures a`

Pasquier, ministre des Affaires e´trange`res, re´pondra imme´diatement a` BC, prenant naturellement la de´fense de de Serre (Archives parlementaires, t. XXVIII, pp. 157–158).

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[Intervention en faveur de la continuation de la discussion]* Se´ance du 29 mai 1820.1

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J’appuie les observations de M. Be´doch. Chaque jour de cette discussion nous a apporte´ de nouvelles lumie`res sur la grande question qui nous occupe ; d’excellentes observations qui n’avaient pas e´te´ faites ont e´te´ produites ; d’autres peuvent l’eˆtre encore ; d’autres peuvent exiger des re´futations. La chambre se priverait elle-meˆme de tout ce qu’elle peut acque´rir encore de cette discussion si elle la fermait sur l’article 1er. Je demande que cette discussion continue, mais en se renfermant dans l’art. 1er.

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 152, mercredi 31 mai 1820, p. 751a ; Archives parlementaires, t. XXVIII, pp. 189–190. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, mardi 30 mai 1820, p. 4a ; Le Courrier franc¸ais, no 345, mardi 30 mai 1820, p. 3a ; La Quotidienne, no 151, mardi 30 mai 1820, p. 4a ; Gazette de France, no 151, mardi 30 mai 1820, p. 612a.

1

La Chambre examinait, depuis le 26 mai, l’article premier du projet de loi. En ce 29 mai, elle avait entendu Portal, Dupont de l’Eure, Corbie`re, Royer-Collard pour une bre`ve intervention, le baron Pasquier, Manuel et Puymaurin, alternativement pour et contre. La droite et le centre avaient alors demande´ la cloˆture de la se´ance, mais Be´doch avait avance´ que la discussion de ce jour ayant porte´ sur «l’ensemble de la loi», on n’avait «pas discute´ spe´cialement l’article 1er.» Apre`s un e´change ou` prend place l’intervention de BC, Delaunay pre´sentera un amendement et la se´ance s’ache`vera a` «cinq heures et demie» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 194).

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[Intervention contre la cloˆture]* Se´ance du 31 mai 18201

764a

Je demande a` parler contre la cloˆture. On ne peut fermer la discussion ; il y a beaucoup de choses a` re´pondre a` ce qui a e´te´ dit ; on a pre´sente´ des calculs2 qui peuvent eˆtre conteste´s. Lorsque mon tour de parole sera arrive´, je parlerai sur l’amendement seulement ; en ce moment je vote contre la cloˆture.

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 154, vendredi 2 juin 1820, p. 764a ; Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 232. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, jeudi 1er juin 1820, p. 1297a ; Journal des de´bats, jeudi 1er juin 1820, p. 4ab ; Le Courrier franc¸ais, no 347, jeudi 1er juin 1820, p. 3b ; Le Constitutionnel, no 153, jeudi 1er juin 1820, p. 4a ; La Quotidienne, no 153, jeudi 1er juin 1820, p. 4a ; Gazette de France, no 153, jeudi 1er juin 1820, p. 620b.

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Camille Jordan avait pre´sente´ le 30 mai un amendement tendant «a` faire nommer directement les de´pute´s par les colle`ges d’arrondissement forme´s en nombre e´gal aux de´pute´s a` nommer» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 195). De Serre s’e´tait e´leve´ contre ; Delacroix-Frainville, pour. Le lendemain, la discussion s’e´tait poursuivie longuement jusqu’au discours du ministre Pasquier, oppose´ a` l’amendement, qui avait fini en demandant «la cloˆture de la discussion». Un court e´change suivra l’intervention de BC et Admyrauld prendra la de´fense de l’amendement avant la cloˆture. L’amendement sera rejete´ le 1er juin. Sur cet e´pisode, voir Waresquiel/Yvert, Histoire de la Restauration, pp. 307–308. BC songe sans doute aux «calculs» qui avaient e´te´ repris par Ville`le dans son argumentation contre l’amendement et qui montraient l’ine´galite´ du nombre d’e´lecteurs par de´pute´ («Dans le Calvados, 1,179 e´lecteurs nommeraient un quart de la de´putation, tandis qu’un autre quart serait nomme´ par 347.» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 225).

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[Intervention contre le rappel a` l’ordre de Foy]* Se´ance du 1er juin 18201

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J’ai demande´ la parole pour le rappel a` l’ordre2 ... (Voix a` droite : Laissez parler l’orateur lui-meˆme.) Messieurs, il est sans doute tre`s-malheureux d’avoir trop souvent a` rappeler des e´ve´nemens trop funestes pour ne pas jeter une grande de´faveur sur les hommes qui y ont pris une part directe ; mais c’est ici une ne´cessite´ qui re´sulte de notre situation meˆme. Assure´ment, si nous venions ici sans motif accuser le re´gime de 18153, accuser l’aristocratie, on pourrait nous trouver le tort de sortir de la question, objet de votre de´libe´ration ; mais lorsque nous croyons, ce peut eˆtre une erreur, mais lorsque dis-je nous croyons, lorsqu’une partie notable de cette chambre croit que l’aristocratie cherche a` reprendre ses privile`ges (mouvement violent a` droite et a` gauche : E´coutez, e´coutez), quelle doit eˆtre notre manie`re de raisonner en traitant des questions qui nous sont soumises ? N’est-ce pas de rappeler ce que l’aristocratie a fait, pour empeˆcher qu’en lui rendant le pouvoir elle4 ne lui rende aussi le moyen de le faire de *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 155, samedi 3 juin 1820, p. 767b ; Archives parlementaires, t. XXVIII, pp. 240–241. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, vendredi 2 juin 1820, p. 1299c ; Journal des de´bats, vendredi 2 juin 1820, p. 3a ; Le Courrier franc¸ais, no 348, vendredi 2 juin 1820, p. 1b ; Le Constitutionnel, no 154, vendredi 2 juin 1820, pp. 1b–2a ; La Quotidienne, no 154 vendredi 2 juin 1820, p. 3b ; Gazette de France, no 154, vendredi 2 juin 1820, p. 623a.

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La discussion sur l’amendement de Camille Jordan se poursuivait et le ge´ne´ral Foy, prenant la parole, se livra imme´diatement a` une violente attaque du comportement de l’aristocratie en 1815, suscitant de vives re´actions de la part de La Bourdonnaye et Castelbajac qui exige`rent le rappel a` l’ordre. Mais la gauche, a` son tour, trouvant les propos de Castelbajac excessifs («Je re´clame de nouveau le rappel a` l’ordre : en venant sans cesse accuser la majorite´ de 1815, et la de´signer tous les jours aux poignards du peuple ...»), demanda qu’il soit lui rappele´ a` l’ordre. En fait, comme il le dit un peu plus bas et comme le rapporte Le Journal du Commerce du 2 juin 1820, p. 2 : il «demande la parole contre le rappel a` l’ordre» de Foy. La Chambre «introuvable» marque «un e´chec pour le gouvernement. [...] La plupart des de´pute´s sont des hommes nouveaux, inexpe´rimente´s, ardents, jeunes et franchement royalistes.» (Waresquiel/Yvert, Histoire de la Restauration, pp. 155–156). On ne voit trop a` quoi ce pronom renvoie ; la version de la Gazette de France du 2 juin 1820, p. 623, est la plus proche : «il est e´vident que notre manie`re de raisonner doit eˆtre de rappeler ce qu’elle [l’aristocratie] a fait, pour empeˆcher qu’on lui donne les moyens de le faire de nouveau.»

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nouveau ? (Voix a` gauche : C’est cela). Eh ! Messieurs, si cette aristocratie n’e´tait pas aux portes de cette chambre, nous entendriez-vous prononcer son nom ; mais elle y est, elle y frappe ; et pour empeˆcher qu’elle ne revienne dans cette chambre, nous n’avons pas de plus suˆr moyen que de rappeler ce qu’elle a fait, lorsque cette meˆme chambre e´tait occupe´e par elle. Et comment l’orateur pourrait-il eˆtre rappele´ a` l’ordre ? Serait-ce quand il dit que les intentions paternelles du Roi ont e´te´ me´connues par l’aristocratie1, quand il dit que sa sagesse a repousse´ les cate´gories2 ? ... M. Benoist. Cela n’est pas exact, le Roi n’a pu repousser les cate´gories ; c’est la Chambre elle-meˆme3 ... Que dites-vous-la` ?... . Vous le savez assez, Messieurs, le gouvernement du Roi, a` cette e´poque, a e´te´ oblige´ de se trouver en opposition avec la majorite´ de 1815, parce qu’il ne pouvait partager ses pre´tentions et ses violences4. Vous ne le voyez que trop : ceci est un grand proce`s entre l’aristocratie et la nation. La loi propose´e est une lettre de cre´ance donne´e a` l’aristocratie pour rentrer dans cette chambre. On doit permettre de rappeler quelle a e´te´ sa conduite lorsqu’elle a eu le pouvoir. Je m’oppose au rappel a` l’ordre.

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«Messieurs, lisez les proclamations du Roi ; lisez les paroles de re´conciliation et de paix avec lesquelles il revenait parmi nous ; voyez-le ouvrir son giron paternel a` tous les enfants de la patrie» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 240). Foy n’a pas parle´ des «cate´gories» : c’est la gauche de la Chambre qui les rappelle (Moniteur du 3 juin 1820, p. 767). Le 8 de´cembre 1815, Richelieu avait pre´sente´ a` la Chambre un projet de loi d’amnistie ; le 26 de´cembre, Corbie`re apporta des amendements dont l’un restreignait le pe´rime`tre de l’amnistie et cre´ait cinq cate´gories ou classes passibles de la peine de mort (art. 4). Il fut soumis au vote le 6 janvier et rejete´ a` 184 voix contre 175. Benoist omet de dire que c’est la Chambre qui avait propose´ les cate´gories, non le gouvernement ou le roi. Les tensions entre le ministe`re de Richelieu et les ultras aboutirent a` l’ordonnance de dissolution du 5 septembre 1816.

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[Intervention en faveur d’une pe´tition]* Se´ance du 2 juin 18201

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Je viens, Messieurs, m’opposer a` l’ordre du jour. Je trouve que la pe´tition qui vous est soumise e´le`ve une question d’une haute importance, et telle que la solution ne me paraıˆt pas devoir appartenir au conseil d’e´tat seulement. Je demande que la pe´tition soit renvoye´e a` un nouvel examen de la commission, et que s’occupant se´rieusement de cet objet elle fasse connaıˆtre a` la chambre les motifs sur lesquels elle a pu se fonder pour assurer qu’il soit re´ellement dans la compe´tence exclusive du conseil-d’e´tat. (Voix a` droite : Cela ne nous regarde pas.)

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E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 155, samedi 3 juin 1820, p. 769b ; Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 247. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, samedi 3 juin 1820, p. 1303a ; Journal des de´bats, samedi 3 juin 1820, p. 2b ; Le Courrier franc¸ais, no 349, samedi 3 juin 1820, p. 1a.

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Lors de l’examen des pe´titions, le pre´sident Ravez avait pre´sente´ la demande du «sieur Paul Bertaux, a` Paris» : «si le premier-ne´ d’un pair, de´chu de la pairie par suite d’une condamnation prononce´e contre lui, peut revendiquer le titre de pair et la jouissance du majorat affecte´ a` ce titre». Tous les pairs de France, qui avaient e´te´ exclus de la Chambre par l’ordonnance du 6 janvier 1816, avaient e´te´ re´inte´gre´s dans la «fourne´e» du 21 novembre 1819, a` une exception : le mare´chal Ney, condamne´ et exe´cute´ le 7 de´cembre 1815. Son fils aıˆne´, Napole´on-Joseph Ney, sera pair de France en 1831. Le rapporteur Salaberry consi` la suite de l’intervention de de´rait que la demande devait eˆtre soumise au Conseil d’E´tat. A BC, le pre´sident avait conclu : «La proposition de M. Benjamin Constant ne peut eˆtre mise en de´libe´ration. Jamais la Chambre ne motive ses de´cisions.»

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[Intervention sur l’amendement de Desrousseaux]* Se´ance du 2 juin 18201

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Je demande a` reprendre cet amendement ... Je m’en empare, et demande a` le soutenir ... Voix a` droite Vous ne le connaissez pas2. 770b

Je n’ai pas parfaitement compris quelle est l’intention de l’honorable membre ; mais j’entends qu’il s’en re´fe`re a` la chambre ; j’en conclus qu’il ne retire pas son amendement ; car s’il le retirait, il ne pourrait pas dire : je m’en re´fe`re a` la chambre. S’il le pre´sente, je l’appuie ; s’il le retire, je m’en empare..3 Voix a` droite. L’avez-vous lu ? ...

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E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 155, samedi 3 juin 1820, p. 770ab ; Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 251. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, samedi 3 juin 1820, p. 1304a ; Journal des de´bats, samedi 3 juin 1820, p. 2b ; Le Courrier franc¸ais, no 349, samedi 3 juin 1820, p. 2a ; Le Constitutionnel, no 155, samedi 3 juin 1820, p. 1b ; La Quotidienne, no 155, samedi 3 juin 1820, p. 2b ; Gazette de France, no 155, samedi 3 juin 1820, p. 627a.

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La suite de la se´ance fut agite´e : Desrousseaux, favorable au gouvernement, «avait l’intention de pre´senter une proposition contraire a` celle de M. Camille Jordan», mais l’amendement de celui-ci ayant e´te´ rejete´, la proposition de Desrousseaux ne se justifiait plus – du moins le pre´sident Ravez l’entendait-il ainsi. C’est alors que BC souhaita «reprendre cet amendement.» Entre les deux prises de parole de BC, le pre´sident laisse entendre que Desrousseaux renonce a` sa proposition ; mais, «au milieu d’une vive agitation de la gauche», le de´pute´ de la droite explique que son ouı¨e faible ne lui permettrait pas de participer au de´bat qui suivrait son intervention et de´clare : «tout ce que je puis faire, c’est de m’en re´fe´rer a` la sagesse de la Chambre». Apre`s la seconde intervention de BC, Desrousseaux revient sur sa de´cision : «Puisque M. Benjamin Constant veut s’emparer de mon amendement, comme il pourrait le soutenir par des motifs qui ne seraient pas les miens, je demande a` pre´senter moi-meˆme le de´veloppement de ma proposition.» L’amendement ou «projet de loi» (la distinction aura son importance), que Desrousseaux pre´sentera finalement lui-meˆme, revenait a` «un seul colle`ge e´lectoral», maintenait le suffrage direct et allongeait le temps du scrutin. Il e´tait e´videmment irrecevable par le gouvernement, mais Desrousseaux e´tait du «coˆte´ droit» et sa proposition pouvait semer le trouble parmi ses colle`gues. La gauche ne pouvait laisser passer pareille occasion.

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[Nouvelle intervention sur l’amendement de Desrousseaux]* Se´ance du 2 juin 18201

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Je demande la parole contre ... Si vous adoptiez la marche qui vous est propose´e, si vous suiviez la route dans laquelle on veut vous entraıˆner, il me paraıˆt que vous mettriez obstacle a` toute espe`ce d’amendement ; car toutes les fois qu’un amendement serait pre´sente´, il suffirait de dire que ce n’est pas un amendement et de refuser de le discuter, en re´clamant la priorite´ pour le projet de loi. C’est une manie`re d’e´luder la question ; c’est une manie`re d’e´touffer la discussion. Or, la discussion est un e´le´ment indispensable de toute de´libe´ration. On demande la priorite´, et sur quoi ? Sur un amendement pre´sente´ ? Mais cet amendement, vous venez de l’entendre a` l’instant ; vous ne l’avez pas discute´, vous le rejettriez donc par le fait sans savoir ce qu’il est et ce qu’il vaut. Ce n’est pas ainsi que vous avez proce´de´ a` l’e´gard des autres amendemens2. Il est faˆcheux qu’on vous propose aujourd’hui de changer votre marche. Il y a de´ja` eu un assez triste exemple de versatilite´3. (On rit a` droite.) N’en donnons pas un second, qui compro*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 156, dimanche 4 juin 1820, p. 773a ; Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 256. Manuscrit : BCU, Co 4380, p. 341. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, samedi 3 juin 1820, p. 1305c ; Journal des de´bats, samedi 3 juin 1820, p. 3b ; Le Courrier franc¸ais, no 349, samedi 3 juin 1820, p. 3b–4a ; Le Constitutionnel, no 155, samedi 3 juin 1820, p. 3a. ; La Quotidienne, no 155, samedi 3 juin 1820, p. 3a ; Gazette de France, no 155, samedi 3 juin 1820, pp. 627b– 628a.

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L’intervention de BC se situe dans un de´bat de pur formalisme qui n’enle`ve rien a` son importance. La question e´tait de savoir de quelle nature e´tait le propos de Desrousseaux : s’il s’agissait d’un «amendement», il devait eˆtre soumis a` discussion, si au contraire «tout le monde le conside´rait comme un projet de loi nouveau», il tombait devant la «proposition royale», et comme il y avait «dissidence d’opinions», le pre´sident entendait mettre aux voix «la question de priorite´» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 260), ce a` quoi s’oppose BC. Ce de´bat apparemment superficiel cachait deux enjeux ; le premier e´tait la re´introduction du mode`le de la loi du 5 fe´vrier, mais le second, plus important et bien vu par Manuel (p. 254), portait sur le roˆle meˆme de la Chambre : devait-elle se limiter a` «enregistrer» les projets du gouvernement avec un le´ger droit d’amendement, ou jouissait-elle d’une «pre´rogative» qui l’autorisait a` modifier sensiblement lesdits projets, voire meˆme, un jour, a` en proposer elle-meˆme ? L’amendement de Camille Jordan avait e´te´ discute´ et rejete´ ; celui de Delaunay avait e´te´ pre´sente´ et rejete´ la veille (Archives parlementaires, t. XXVIII, pp. 245 et 251). Voir ci-dessus, pp. 597–600.

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mettrait la dignite´ de la chambre. Vous avez vote´ hier sur l’amendement de M. Camille-Jordan, vous l’avez rejette´, mais au moins vous l’avez discute´. M. le pre´sident a rappele´ qu’il y avait eu sur cet amendement une question de priorite´1 ; cela est vrai, mais c’e´tait entre deux amendemens ; l’un n’excluait pas la discussion de l’autre, et la preuve en est que tous deux ont e´te´ discute´s. Ici, au contraire, sous pre´texte d’attribuer la priorite´ a` la proposition royale, vous excluez par le fait toute discussion d’amendemens, et vous rendez meˆme toute pre´sentation d’amendement impossible. Certes, Messieurs, ce n’est pas la` une marche franche, loyale et digne de la chambre. Mais on veut en vain nous faire illusion. On a rappele´ que Servius Tullius, sous le nom de la liberte´, avait trompe´ le peuple romain2 ; on peut dire qu’ici, sous le pre´texte de priorite´, on veut tromper l’assemble´e (Un tre`s-vif mouvement e´clate dans toutes les parties de la salle3.)

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Voir Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 252. Royer-Collard avait emprunte´ ce trait a` Denys d’Halicarnasse (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 167 ; Denys d’Halicarnasse, Antiquite´s romaines, IV, 9, 8–9), mais Laisne´ de Ville´veˆque avait distingue´ le projet de loi en examen, de la re´forme e´lectorale censitaire de Servius Tullius (p. 236). La Renomme´e, samedi 3 juin 1820, p. 1305c, ajoute : «Pendant que l’honorable orateur est a` la tribune, M. Cardonnel imite tous ses gestes». Cardonnel appartenait aux ultras.

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[Interventions contre la cloˆture]* Se´ance du 2 juin 18201

774b

En voulant de´cider la question de priorite´, vous empeˆchez toute discussion ... Les voix a` droite continuent... La cloˆture, la cloˆture. M. Bourdeau et un grand nombre de membres place´s pre`s de lui, s’e´crient avec force : la cloˆture.

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La question est l’oppression de la minorite´ ... Voix a` gauche : par une majorite´ de dix voix2 ... le tumulte est extreˆme. – M. le pre´sident fait les plus grands efforts pour ramener au silence. – Un moment de calme se re´tablit. J’adopte ce que vient de vous dire M. le pre´sident relativement au dissentiment3 qui re`gne dans la chambre sur la nature de l’amendement. Mais qu’importe que ce soit un amendement ou une proposition nouvelle ; toujours est-il vrai que vous ne pouvez pas l’e´carter sans la discuter, sans accorder une priorite´ sur le besoin de comparer ; or, je ne peux faire le rapprochement ne´cessaire entre le projet de loi que je connais tre`s-bien, et l’amendement que je ne connais pas assez ; ce n’est qu’en le discutant que je puis le connaıˆtre4 ... Les cris a` droite : La cloˆture, la cloˆture, recommencent ... M. Girardin re´clame vivement la parole ... M. le pre´sident l’invite a` laisser parler l’orateur ... Voix a` gauche : Faites donc taire ceux qui interrompent en demandant la cloˆture. *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 156, dimanche 4 juin 1820, p. 774b ; Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 260. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, samedi 3 juin 1820, p. 4b ; Le Courrier franc¸ais, no 349, samedi 3 juin 1820, p. 3b–4a ; Le Constitutionnel, no 156, dimanche 4 juin 1820, p. 1b ; La Quotidienne, no 155, samedi 3 juin 1820, p. 4a ; Gazette de France, no 155, samedi 3 juin 1820, p. 628b.

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La discussion sur la nature du propos de Desrousseaux et sur la «question de priorite´» se poursuivait, mais l’heure avanc¸ait et de Serre avait demande´ la cloˆture ; les esprits s’e´taient e´chauffe´s. «Le plus violent tumulte re`gne dans toute la gauche ... M. Benjamin Constant monte vivement a` la tribune ...» L’amendement de Camille Jordan avait e´te´ rejete´ par 133 voix contre 123. Le pre´sident Ravez avait employe´ le mot «dissidence». Pour une fois, BC et la droite se rejoignaient puisque celle-ci lui avait reproche´ de pre´senter un amendement... qu’il ne connaissait pas (voir ci-dessus, p. 639).

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Ne pas laisser librement discuter l’amendement, Messieurs, l’e´carter sans discussion par une question de forme, c’est de´clarer l’oppression de la minorite´ ; c’est violer la liberte´ ; c’est ane´antir vos droits ; c’est porter atteinte a` la Charte ; c’est renverser le gouvernement repre´sentatif sur sa base1. Je mets cet acte sur votre responsabilite´. (Violents murmures a` droite.) Ce que vient de dire M. le garde-des-sceaux nous rame`ne droit au corps le´gislatif2 muet de Buonaparte. (Nouveaux murmures.) J’ai e´te´ envoye´ ici par mes commettans pour voter librement apre`s m’eˆtre e´claire´ sur la discussion. Si la majorite´ impose le silence a` la minorite´, s’il n’y a pas de liberte´ de discussion, si l’amendement est rejete´ sans qu’on le discute, je de´clare que je ne puis voter, ni prendre part a` la discussion ... (L’agitation la plus vive se renouvelle.)3

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Un «gouvernement repre´sentatif» n’est pas un parlement dote´ d’un pouvoir le´gislatif, cela meˆme si Guizot conside´rait que «le droit d’amendement par les Chambres [e´tait] sans limite» (C.-H. Pouthas, Guizot pendant la Restauration, p. 180) ; ni Decazes ni Richelieu ne l’entendaient de cette oreille. Peu avant (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 254), Manuel s’e´tait re´fe´re´ dans le meˆme sens au Corps le´gislatif, e´le´gamment nomme´ le «corps des muets» de`s sa naissance (J.L. Halperin, «Corps le´gislatif», Dictionnaire Napole´on, t. I, p. 546). Juste avant que BC prenne la parole, Perreau du Magne´, ajoutant a` la confusion, avait demande´ «la question pre´alable sur la question de priorite´». Les de´bats se poursuivront avant que le pre´sident Ravez mette aux voix cette «question pre´alable» qui sera rejete´e. La Chambre reviendra a` la «question de priorite´» lors de la se´ance du 3 juin.

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Opinion sur l’article premier du projet de loi relatif aux e´lections.* (Se´ance du 3 juin 1820.)1

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MESSIEURS, Cette discussion a prouve´, d’une part, que le coˆte´ de cette Chambre qui de´fend avec ardeur la loi du 5 fe´vrier, veut par-dessus tout conserver l’e´lection directe et l’e´galite´ des suffrages, mais ne se refuse d’ailleurs a` aucun moyen de conciliation. Nous voulons conserver l’e´lection directe, parce que *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 372–384 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 372–384 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 156, dimanche 4 juin 1820, pp. 775b–776ac [=M] Opinion de M.Benjamin Constant ... sur l’article premier du projet de loi relatif aux e´lections, [Paris :] veuve Agasse, s.d., 8 pp. Second discours prononce´ par M. Benjamin Constant, a` la Chambre des de´pute´s, sur la loi des e´lections. Grenoble, Barnel, s.d., 8 pp. [=Second discours] ; Archives parlementaires, t. XXVIII, pp. 266–269. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, dimanche 4 juin 1820, pp. 1308b–1309c ; Journal des de´bats, dimanche 4 juin 1820, pp. 3ab–4a ; Le Courrier franc¸ais, no 350, dimanche 4 juin 1820, pp. 2b–4a ; Le Constitutionnel, no 156, dimanche 4 juin 1820, p. 3ab ; La Quotidienne, no 156, dimanche 4 juin 1820, pp. 3b–4a ; Gazette de France, no 156, dimanche 4 juin 1820, pp. 631a–632a ; Choix de rapports, opinions et discours. Session de 1819, pp. 618–625.

5 Cette discussion ] avant ces mots Je me proposais de soutenir l’amendement de notre honorable colle`gue M. Camille Jordan. Cet amendement a e´te´ rejete´ ; celui de M. Desroussaux, qu’un honorable pre´opinant a qualifie´ de contre-poison, me paraıˆt au contraire l’e´quivalent de celui que j’ai regrette´ vivement de ne pas avoir adopte´ ; je viens donc l’appuyer, et parler en meˆme temps de l’article 1er. / Avant de de´velopper mes motifs, je prendrai la liberte´ de dire quelques mots sur ce qui re´sulte de la discussion qui a eu lieu jusqu’a` pre´sent. Second discours 1 1

La «question de priorite´» occupa la Chambre de`s son ouverture «a` deux heures», chacun campant sur ses positions : le ge´ne´ral Foy demandait de discuter «l’amendement», le pre´sident Ravez maintenait «la proposition» et voulait engager le vote sur la priorite´ ; il donna trois exemples re´cents ou` «la question [...] a e´te´ trois fois re´solue en accordant la priorite´ a` la proposition royale», a` quoi le ge´ne´ral Foy et BC re´pondirent : «Eh bien ! ce sont trois violations du re`glement qui ont eu lieu.» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 264). Le baron Pasquier permit alors une issue : «Ne jugeons pas encore la question de priorite´ ; ouvrons la discussion sur l’article 1er ; que dans cette discussion toutes les personnes qui auraient a` e´mettre leur avis sur l’amendement de M. Desrousseaux [...] puissent le faire. Ensuite la discussion sera ferme´e, et alors on videra la question de la priorite´.» Tre`s vite, BC : «Je demande a` parler sur le fond de la question...». Ke´ratry parla le premier contre l’article 1er et fut suivi de BC.

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l’e´lection directe est le seul mode qui donne a` un peuple une repre´sentation re´elle et de ve´ritables interpre`tes. Tout mode qui porte atteinte a` l’e´lection directe, et fait traverser aux suffrages des e´lecteurs des formes complique´es qui les morce`lent et les e´ludent, se´pare l’e´lection de la volonte´ dont elle devrait e´maner, et peut la rendre e´trange`re et meˆme oppose´e a` cette volonte´. L’e´lection directe peut seule faire naıˆtre entre les e´lecteurs et les de´pute´s cette sorte de responsabilite´ morale qui garantit la bonte´ des choix, et dont l’influence va croissant a` mesure que ces deux classes d’hommes se connaissent et se lient davantage. C’est cette responsabilite´ morale et re´ciproque que nous devons chercher a` fortifier et a` e´tendre1. L’opinion de l’orateur que je cite aurait eu sans doute, dans un autre temps, quelque poids dans cette Chambre ; cet orateur, c’est M. Laine´. Nous voulons conserver l’e´galite´ des suffrages, parce que l’e´galite´ des suffrages est dans la Charte, que vous ne pouvez e´tablir des distinctions que la Charte n’indique point, des ine´galite´s qu’elle n’e´tablit pas, des privile´ges qu’elle repousse. Mais nous avions adopte´ l’amendement de M. Camille Jordan2. Nous soutenons celui de M. Desrousseaux3 ; et un de mes honorables amis a rappele´ hier l’ouverture de M. de Serre4. Ainsi, toutes les preuves d’un esprit conciliateur et de l’amour de la paix sont de notre coˆte´. Cette conciliation est dans nos vœux et dans notre caracte`re. Pour ma part, je de´sirerais beaucoup calmer les craintes que certains esprits que j’honore, sans eˆtre de leur avis, ont conc¸ues de la loi du

6 a` cette volonte´ ] apre`s ces mots L’e´lection directe, a dit un orateur distingue´, e´tablit entre les e´lecteurs et les de´pute´s des rapports imme´diats qui donnent aux premiers plus de confiance dans leurs mandataires, et aux seconds plus d’autorite´ et de poids dans l’exercice de leurs fonctions. Second discours 1–2 7 seule ] pas en italique Second discours 2

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Sauf l’emploi de l’italique, BC cite exactement Laine´ dans son discours a` la Chambre du 28 novembre 1816 (Archives parlementaires, t. XVII, p. 562). Voir Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 195 et ci-dessus, p. 633, note 1. Voir Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 251 et ci-dessus, p. 639. Le 30 mai, de Serre avait envisage´ «l’augmentation du nombre des de´pute´s» ; celle-ci allant «aux colle`ges des plus impose´s», l’e´lection directe pourrait alors eˆtre maintenue dans chaque colle`ge (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 205). Casimir Perier concluait : «[le garde des sceaux] nous a propose´ de rentrer dans le fond de la question de la premie`re loi propose´e [par Decazes]. Il me semble que cette manie`re d’inviter l’Assemble´e a` rentrer dans la discussion de l’ancienne loi e´carte bien plus le projet actuel que l’amendement de M. Desrousseaux.» (p. 260).

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5 fe´vrier. Cette loi inspire aujourd’hui des terreurs meˆme a` ceux qui ont de´sapprouve´ que l’on vouluˆt lui porter atteinte. Ils la regardent en quelque sorte comme irrite´e du mal qu’on lui a fait ; ils croient qu’elle s’en vengerait par des choix dangereux : je ne partage point cette opinion. La nation veut, avant tout, le repos ; elle veut des de´fenseurs et non des factieux. La preuve en est qu’elle reste immobile1, bien qu’elle soit trop justement alarme´e. Les aveux e´chappe´s a` l’un des partis, les ve´rite´s qu’on a force´ l’autre a` dire, ont duˆ lui causer des inquie´tudes ; mais elle attend, elle espe`re, elle de´sire l’ordre et la paix ; elle ne se trouble que lorsque les privile´gie´s annoncent leur triomphe : alors des symptoˆmes d’effroi et d’effervescence e´clatent. De`s que les privile´gie´s se retirent, la tranquillite´ se re´tablit. Je ne crois donc, dans aucune hypothe`se, a` des choix insense´s ; mais d’autres les redoutent, et je respecte toutes les terreurs since`res. Autant je de´teste les de´nonciateurs de la nation, autant je pense que les amis meˆme trop timides et trop ombrageux de l’ordre doivent eˆtre me´nage´s. De l’autre coˆte´ de cette Chambre, aucune ide´e de conciliation n’est admise. L’amendement de M. Camille Jordan a e´te´ rejete´ ; cependant tous les dangers pre´tendus ou re´els de la loi du 5 fe´vrier e´taient pre´venus par cet amendement. On avait objecte´ le de´placement des e´lecteurs, il n’y aurait plus eu de de´placement. On craignait les re´unions nombreuses : elles n’auraient plus eu lieu. On de´clamait contre les comite´s directeurs : s’ils existent, les influences locales les paralyseront. La priorite´ est oppose´e a` l’amendement de M. Desrousseaux.

2 regardent ] regardaient M 776a 4 dangereux : je ] dangereux. Je Second discours 2 14–15 meˆme trop timides et trop ombrageux ] meˆme trop ombrageux Second discours 2 22–23 n’auraient plus eu lieu ] n’auraient plus lieu M 776a Second discours 3 24 les paralyseront ] paralyseront la leur M 776a Second discours 3

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Des troubles avaient pourtant e´clate´ la veille au moment ou` le marquis de Chauvelin quittait la Chambre, et ce 3 juin : «La foule qui entourait aujourd’hui le palais de la chambre des de´pute´s, e´tait plus conside´rable encore que les jours pre´ce´dens ; au moment ou` les de´pute´s sont sortis du coˆte´ des quais, les cris de vive la charte,... d’une part, et de vive le Roi d’une autre part, ont occasionne´ des rixes violentes ; des voies de fait ont eu lieu, et n’ont pu eˆtre e´vite´es par les nombreux de´tachemens de gendarmerie qui e´taient re´pandus sur les places, sur les ponts et dans les rues voisines. La foule s’est lentement disperse´e sur plusieurs points. Des groupes nombreux se sont re´pandus dans la rue de Rivoli. Nous apprenons que plusieurs personnes ont e´te´ blesse´es ; on nous annonce meˆme qu’un individu a e´te´ tue´.» (Le Constitutionnel, 4 juin 1820, p. 4). Cette victime e´tait Nicolas Lallemand. Voir les interventions ci-apre`s sur le meˆme sujet.

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Un silence absolu est garde´ sur l’ouverture faite par M. de Serre. On veut donc la lutte, l’exclusion, le privile´ge. On veut tout ou rien. On ne veut pas seulement que la minorite´ ait une part, on veut qu’elle les ait toutes. On n’est pas satisfait de la voir dote´e d’une influence disproportionne´e a` son petit nombre, on exige qu’elle ait une influence exclusive. On ne re´clame pas pour elle la liberte´, mais l’empire. L’amendement de M. Desrousseaux tend a` empeˆcher cette influence sans bornes d’une minorite´ audacieuse. Il repousse la cre´ation du colle´ge de de´partement, qui n’est autre chose que le re`gne de la minorite´ consacre´. Parmi les de´fenseurs du projet, les uns ont voulu re´duire le nombre des e´lecteurs, les autres celui des e´ligibles ; et le projet a cette double tendance. Vouloir que la majorite´ actuelle des e´lecteurs fasse les choix, a dit M. de Corbie`re, c’est vouloir le maintien de la loi du 5 fe´vrier1. Donc, vouloir le projet du ministe`re, c’est vouloir que la majorite´ des e´lecteurs actuels ne fasse pas les choix. Or, les e´lecteurs actuels sont les e´lecteurs cre´e´s par la Charte. Ne pas vouloir que leur majorite´ fasse les choix, c’est vouloir que la minorite´ les fasse. Les conditions d’e´ligibilite´ sont remplies par trop de sujets, a dit M. de Ville`le2. Donc on veut re´duire le nombre des e´ligibles. Re´duire le nombre des e´ligibles, c’est encore geˆner le vœu des e´lections, c’est encore un moyen de rendre impuissante la majorite´. Dans le cas de doubles nominations, a continue´ M. de Ville`le, si vous confiez le choix a` la majorite´, vous avez tout a` craindre3. Donc l’honorable orateur ne sera sans crainte que lorsque le choix 19 M. de Ville`le. ] a` la suite (M. de Ville`le. Je n’ai pas dit cela, vous ne lisez pas la fin de ma phrase...) Je n’ai point l’expression pre´sente, mais c’est le sens ; au surplus M. de Ville`le peut me re´pondre. (M. de Ville`le. Continuez, continuez, je suis faˆche´ de vous avoir interrompu.) / Je disais, Messieurs, qu’on avait exprime´ cette ide´e, que les conditions d’e´ligibilite´ sont remplies par trop de sujets ; donc M 776a 21 vœu des e´lections ] vœu des e´lecteurs Second discours 3 1

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Corbie`re avait dit pre´cise´ment le 29 mai : «Si par majorite´ on entend le plus grand nombre des e´lecteurs du de´partement, conside´re´s en masse, c’est vouloir la majorite´ telle que la demande la loi du 5 fe´vrier.» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 183). Comme la remarque de BC va susciter une re´action de Ville`le, il convient de rapporter inte´gralement les paroles qu’il prononc¸a le 19 mai : «C’est une e´trange erreur que de se confier dans les conditions mises a` l’e´ligibilite´ pour la garantie d’une Chambre dangereuse. Ces conditions sont remplies par trop de sujets comparativement au nombre des de´pute´s, celle de l’impoˆt a` payer est trop facile a` supple´er pour que vous trouviez jamais la` les moyens de vous pre´server.» (Archives parlementaires, t. XXVII, pp. 701–702). Cette fois, BC re´sume le propos de Ville`le : celui-ci de´fendait la mesure qui permettait de remplir «le vide laisse´ dans la pre´sentation par les doubles emplois en puisant dans la liste qui n’aurait pas obtenu la majorite´» ; nous avons vu ci-dessus, pp. 601–602, qu’elle n’avait pas e´chappe´ a` BC. Et Ville`le concluait : «si vous ne prenez pas des pre´cautions [en pre´sen-

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sera confie´ a` la minorite´. Voila` tout le syste`me. Aussi M. Cuvier a-t-il verse´ le de´dain sur l’arithme´tique et les scrutins. Qu’importe la majorite´ ou la minorite´, a-t-il dit, si les choix sont bons1 ? Avec ce raisonnement, on pourrait confier les choix a` un seul homme. Or, Messieurs, le re`gne des minorite´s a toujours e´te´ funeste, meˆme (et ce n’est pas le cas en France) lorsque les circonstances semblaient lui eˆtre le plus favorables. On vous a souvent cite´ Rome durant cette discussion. A Rome, la minorite´ patricienne gouvernait. Qu’a-t-elle fait ? Elle a chasse´ les rois loin des murs de la cite´ qu’ils avaient fonde´e ; elle a chasse´ les ple´be´iens sur le Mont-Sacre´2. On vous a cite´ l’Angleterre. En Angleterre la minorite´, c’est-a`-dire les barons, ont conquis la grande Charte ; ils ont long-temps combattu pour la liberte´ avec les communes ; ils ont donc des droits acquis a` la reconnaissance du peuple ; ils re`gnent de fait, car ils disposent des e´lections. Qu’en re´sulte-t-il ? Des luddistes et des radicaux3. Si tels sont les inconve´niens ge´ne´raux de l’empire des minorite´s ; si elles ont e´te´ funestes meˆme a` Rome et en Angleterre, ces peuples avaient eu du moins le bon sens de confier le gouvernement a` des minorite´s qui avaient voulu la liberte´ politique et l’inde´pendance nationale. Mais la minorite´ qui nous assie´ge est ennemie de nos institutions, qui l’ont prive´e d’une portion de ses proprie´te´s et de tous ses privile´ges. 6–7 (et ce n’est pas le cas en France) ] sans parenthe`ses Second discours 3 avaient eu ] qui avaient eu Second discours 4

19 ces peuples

tant des candidats de la minorite´] pour oˆter aux colle`ges d’arrondissement les moyens de se concerter et de pre´senter les meˆmes candidats, il est e´vident qu’au lieu de porter reme`de au mal qui vous est signale´, vous l’aggravez.» (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 700). En les concentrant d’une manie`re ou d’une autre, BC veut rendre les positions de Ville`le plus frappantes. 1

2 3

«Ah ! Messieurs, que les calculs de l’arithme´tique sont pue´rils, qu’ils sont absurdes quelquefois devant ceux de la politique et de la morale !» Cuvier, commissaire du roi, de´montrait ensuite qu’il importait peu «si le tiers ou le cinquie`me des voix sera seul de´cisif» pourvu qu’il «donne des de´pute´s sages, de´voue´s a` leur pays, et qui sachent re´aliser le ve´ritable vœu de la majorite´.» (Archives parlementaires, t. XXVIII, pp. 74–75). Voir Tite-Live, Histoire romaine, II, 32–34. Entre 1811 et 1816, des ouvriers, appele´s Luddistes ou Luddites (du nom de John Ludd), de´truisaient les machines qu’ils jugeaient cause de choˆmage. BC reprend ici un argument auquel il tient : non seulement une Chambre aristocratique menacerait la liberte´, mais surtout elle entraıˆnerait une dangereuse spirale de la violence dans la socie´te´.

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En repoussant la cre´ation d’un colle´ge de de´partement, l’amendement nous de´livre de cette usurpation me´dite´e par la constitution des plus impose´s en accapareurs de tous les droits, en envahisseurs de toutes les capacite´s, en maıˆtres de toutes les e´lections, et par la` meˆme du troˆne et du peuple. On a voulu vous faire illusion, Messieurs, sur cette ve´rite´. M. le gardedes-sceaux, en la contestant, vous a rappele´ l’influence innocente des plus impose´s sous Bonaparte1. Mais c’est vraiment compter un peu trop sur notre simplicite´. Sous Bonaparte, les plus impose´s n’ont pas fait de mal, parce qu’ils e´taient, comme tout le reste de la nation, immobiles sous son bras de fer. En sera-t-il de meˆme aujourd’hui ? Messieurs, j’en appelle a` votre conscience, et je m’en remets a` ce qu’elle prononce inte´rieurement. Vous sentez, comme moi, qu’on se joue de vous, lorsqu’on vous dit que les plus impose´s n’ayant pas compromis les inte´reˆts nouveaux sous un despote qui subjuguait tout, ne les compromettraient pas aujourd’hui davantage. (M. DUPONT DE L’EURE : Il s’agissait bien d’opinion publique sous Bonaparte !) Bonaparte e´tait lui-meˆme un inte´reˆt nouveau, un inte´reˆt funeste, car il sacrifiait de la re´volution tout ce qu’elle avait de noble et de juste. Mais il e´tait force´ment le protecteur de ses inte´reˆts mate´riels : sans eux, son gouvernement despotique aurait pe´ri. Cette ve´rite´, sentie de la nation, faisait toute la force de son gouvernement ; nul n’euˆt supporte´ ce pouvoir oppressif, en opposition a` tous les inte´reˆts moraux, a` tous les principes, s’il n’euˆt donne´ aux inte´reˆts mate´riels une garantie. En sommes-nous la` ? je vous le demande, et j’en appelle a` votre conviction silencieuse. Ne sentez-vous pas que, sous Bonaparte, la puissance supreˆme e´tait naturellement, par son origine et ses habitudes, l’allie´e de ce que la re´volution avait e´tabli, tandis que, sous la restauration, ce serait par un effort de raison et de sagesse, que la puissance supreˆme se se´parerait des inte´reˆts anciens, pour accorder aux inte´reˆts nouveaux une protection que les entours du troˆne taˆcheront toujours d’affaiblir. 8–9 notre simplicite´. ] apre`s ces mots (M. le garde-des-sceaux. Monsieur, quand vous citez, citez donc juste ; j’ai dit que sous la re´publique et sous Buonaparte, on avait vu sans chagrin des colle`ges de de´partement et d’arrondissement ; je n’ai rien dit de plus.) M 776b 16– 17 (M. DUPONT DE L’EURE : ... sous Bonaparte !) pas dans Second discours 4 20 mate´riels : sans ] mate´riels. Sans Second discours 4 22 la force de son gouvernement ] la force de ce gouvernement Second discours 4 1

Apre`s un long de´veloppement sur les institutions de l’an X, de Serre aborde sa conclusion : «Je dirai que si aux temps de Napole´on l’on n’a pas vu dans les six cents plus impose´s des ennemis des inte´reˆts nouveaux, il serait insense´ de les y voir aujourd’hui.» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 205).

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Vous contestez mon assertion ; mais les ministres eux-meˆmes l’avouent. Voici ce que je lis dans le journal ministe´riel qui a paru hier : «M. Courvoisier pre´tend que Georges Ier abandonna les torys. Est-ce a` dire que les Bourbons doivent sacrifier au ge´nie de la re´volution les victimes qui lui sont e´chappe´es ? Mais Georges e´tait fils de la re´volution. En s’appuyant sur elle, il rendait te´moignage a` la source d’ou` sa grandeur e´manait. Il e´tait wigh de droit, puisque son titre e´tait dans le droit des wighs.»1 Ici, je re´pondrai, en passant, a` une subtilite´ fort inge´nieuse de M. de Ville`le, subtilite´ qui prouve de l’adresse, mais pas autre chose. J’ai dit, dans mon opinion sur l’ensemble du projet, qu’une statistique faite sous l’empire prouvait que les anciens privile´gie´s for maient les deux tiers au moins des plus impose´s ; et comme j’avais taˆche´ d’e´tablir que ces privile´gie´s n’e´taient pas favorables a` la cause populaire, M. de Ville`le a suppose´ que je pre´tendais qu’ils e´taient ennemis de Bonaparte, et est parti de la` pour faire l’e´loge de leur fide´lite´ aux Bourbons2. Mais je n’avais rien dit de pareil. L’Alma1 assertion ; mais ] assertion. Mais Second discours 5 Second discours 5 1

2

9 Ici, je re´pondrai ] Je re´pondrai

«Georges Ier abandonna les torys, il les de´pouilla de toutes leurs fonctions, il leur enleva partout les emplois. Est ce a` dire que les Bourbons, pour eˆtre en paix, doivent sacrifier au ge´nie de la re´volution les victimes qui lui sont e´chappe´es ? qu’ils doivent e´crire de leurs propres mains, pour les compagnons de leur exil, la sentence que le Dante grava sur la porte des enfers ? C’est la` le privile`ge que l’on respecterait ; ce sont les distinctions dont on ne serait point jaloux. Malheureusement ici, comme dans bien d’autres occasions, l’histoire est un te´moin qui de´pose contre ceux qui l’appellent. Georges e´tait fils de la re´volution ; en s’appuyant sur elle, il rendait te´moignage a` la source d’ou` sa grandeur e´manait ; les torys qu’il sacrifiait a` la haine des wighs, c’e´taient des partisans d’une maison ennemie : enfin il e´tait wigh de droit, puisque son titre e´tait dans le droit des wighs.» (Journal de Paris du 2 juin 1820, p. 3). Le re´dacteur re´agissait au discours tenu le 31 mai par Courvoisier (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 222). La question e´tait de savoir si le roi «se se´parerait des inte´reˆts anciens» pour prote´ger les «inte´reˆts nouveaux». Courvoisier indiquait simplement que George Ier, arrivant au pouvoir, «de´pouilla les torys», ses ennemis, favorisa les whigs, ses amis, et promut «la classe moyenne». Le raisonnement du Journal de Paris e´tait faux puisque les torys, ennemis du roi d’Angleterre, ne pouvaient eˆtre assimile´s aux amis de Louis XVIII, «victimes» de la Re´volution ; en revanche, BC a bien vu, comme Courvoisier, que George Ier sut prote´ger ses amis whigs. Aussi le re´dacteur s’empressa-t-il d’apporter a` BC la re´ponse officielle : «Le gouvernement franc¸ais n’est ni wigh, ni tory ; il est le gouvernement, c’est-a`-dire le protecteur et le pe`re commun des wighs et des torys.» (Journal de Paris, 5 juin 1820, p. 3). Voir ci-dessus, pp. 605–606. Pour Ville`le, il re´sultait de la «statistique» commande´e par Bonaparte «que la proprie´te´ e´tait en grande majorite´ dans des mains ennemies de son gouvernement [...] parce qu’elle e´tait bourbonienne» (Archives parlementaires, t. XXVIII, pp. 225–226).

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nach impe´rial, la liste des chambellans, des pre´fets et des maires m’auraient de´menti1. Eˆtre ennemi des inte´reˆts du peuple, ou ennemi de la cause impe´riale, est fort diffe´rent. Les anciens privile´gie´s n’e´taient point ennemis de Bonaparte. J’en fournis deux preuves : la premie`re, c’est qu’ils le servaient or, des chevaliers franc¸ais ne servent pas un homme pour le trahir. Leur fais-je tort ? Me trompe´-je ? Ils peuvent le dire. S’ils de´clarent qu’ils le trahissaient, je serai bien force´ de les croire ; mais tant qu’ils ne le de´clareront pas, je devrai croire a` leur loyaute´. Ma seconde preuve, c’est qu’employe´s par Bonaparte, ils ont appuye´ son gouvernement par leurs actes, leurs votes, leurs discours. En effet, Bonaparte, sous plus d’un rapport, e´tait le restaurateur de ce qu’ils de´sirent. Ils prenaient moins en attendant plus. Il ne s’agit pas de leurs affections, il est question de leurs syste`mes : ils e´taient sous Bonaparte (je parle de la masse, et je rends hommage aux exceptions individuelles) ; ils e´taient, dis-je, sous Bonaparte, ce qu’ils seront toujours, amoureux de leur supre´matie sociale sous un nom quelconque, et ennemis de l’e´galite´. Pour vous re´concilier avec l’influence des plus impose´s, on a passe´ de Bonaparte a` Servius Tullius qui, vous a-t-on dit, avait trompe´ Rome comme on trompe aujourd’hui le peuple franc¸ais, et cette tromperie, a-t-on ajoute´, lui a valu sept sie`cles de gloire2. Oui, mais sous la re´publique. En attendant, la monarchie avait e´te´ renverse´e, graˆce a` cette tromperie, car vous n’ignorez pas que la monarchie fut renverse´e par les patriciens, les grands proprie´taires fonciers de l’e´poque3. Ils e´tablirent une oligarchie insupportable. Est-ce la` ou` l’on voudrait nous mener ? 4 preuves : la premie`re ] preuves. La premie`re Second discours 5 qu’ils le servaient ] apre`s ces mots (M. de Maccarthy. Qui est-ce qui a servi Buonaparte dans le coˆte´ droit, dites-le ?... Plusieurs voix. Laissez parler, laisser parler.) M 776b 6 tort ? Me trompe´-je ? ] tort, me trompe´-je ? Second discours 5 20 franc¸ais, et cette tromperie ] franc¸ais, ce qui Second discours 5 25–653.1 voudrait nous mener ? / Le gouvernement de Rome ] voudrait nous mener. Je ne le crois pas. Mais alors, pourquoi cite-t-on les institutions de Servius Tullius 1

2

3

Il semble que l’argument de BC soit discutable : si l’on prend l’exemple des 130 pre´fets de 1810, il n’en est que deux qui lui donnent raison en appartenant a` la Chambre «retrouve´e» de 1824, c’est-a`-dire celle qui sort de la nouvelle loi e´lectorale et qui donc aurait duˆ faire place aux «plus impose´s» ayant servi Napole´on. Les deux sont Gilbert Chabrol de Volvic, pre´fet de Montenotte, et Vincent de Vaublanc, pre´fet de Moselle. Acceptons Anne E´tienne Harmand d’Abancourt dont le pe`re fut pre´fet de la Mayenne. Alexandre Me´chin, pre´fet de l’Aisne, n’est pas un exemple convaincant puisqu’il sie´geait du meˆme coˆte´ que BC. De Serre encore : «Je sais bien qu’on a rappele´ ce mot d’un historien, que Servius Tullius avait admirablement trompe´ les Romains ; il les avait trompe´s [...] en assurant a` leur patrie des sie`cles de vertu, de puissance et de gloire.» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 204). Voir ci-dessus, pp. 641–642.

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Le gouvernement de Rome monarchique e´tait pre´cise´ment celui d’une caste avec un roi a` sa teˆte. Or, sur sept rois, trois pe´rirent, et un quatrie`me fut chasse´1. L’amendement de M. Desrousseaux nous pre´serve donc d’un syste`me de´plorable, d’un syste`me par lequel, je le dis franchement, la France sera bouleverse´e. Un bonheur inespe´re´ avait introduit parmi nous l’influence d’une majorite´ paisible, d’une majorite´ proprie´taire et industrieuse : vous repoussez ce bienfait du ciel ; vous rendez inutile l’instinct de la nation, qui avait consenti la seule aristocratie que le sie`cle puisse supporter2. Les quatre-vingt mille proprie´taires les plus riches de France, allie´s puissans, a` quelque parti qu’ils preˆtent leur force, auraient, si vous les aviez maintenus dans leurs droits, preˆte´ cette force au gouvernement constitutionnel. Vous en repoussez, vous en de´pouillez soixante-dix mille ; ces soixante-dix mille descendront vers les classes infe´rieures. Ils auraient contracte´ avec nous une alliance naturelle et heureuse : vous les forcez a` contracter contre vous une alliance contre nature et fatale. Ceci n’est plus une menace, mais un fait, que les meilleurs amis de la dynastie, les hommes qui l’ont de´fendue le plus chaudement, reconnaissent avec moi. En effet, les droits acquis enleve´s, soixante-dix mille e´lecteurs exclus ou re´duits a` une coope´ration de´risoire, et, comme l’a si bien dit M. de Serre, les inte´reˆts exclus se rejetant dans la nation et l’agitant, la petite et la grande proprie´te´ devenant ennemies, la haine des privile´ges justement mais dangereusement re´veille´e, nul ne peut calculer les re´sultats de ces germes de discorde et de de´sordres3. comme exemple a` suivre pour les monarchies et les dynasties ? Graˆce a` ces institutions, la monarchie fut de´truites, la dynastie exclue. Vous ne voulez ni l’un ni l’autre, ne trompez donc pas le peuple comme Servius Tullius. / Si je voulais prolonger cet emploi de l’e´ruditeur4 romain, je vous soumettrais une conside´ration qui vous frapperait. Le gouvernement de Rome Second discours 5–6 4–10 L’amendement ... le sie`cle puisse supporter. ] ces deux aline´as absents dans Second discours 6 16 contracte´ avec nous ] contracte´ avec vous Second discours 6 heureuse : vous ] heureuse. Vous Second discours 6 18 Ceci n’est plus ] Ceci n’est pas Second discours 6 1 2

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Voir Tite-Live, Histoire romaine, I, 6–60. Tullus Hostilius, Tarquin l’Ancien et Servius Tullius moururent brutalement ; Tarquin le Superbe dut fuir. Peut-on mieux dire l’ave`nement de la bourgeoisie paisible, proprie´taire et industrieuse, nouvelle aristocratie, arrive´e au pouvoir par l’effet conjugue´ de la Re´volution et de l’Empire ? «A cette e´poque, les inte´reˆts jete´s dehors, exclus de la repre´sentation, re´agiraient ne´cessairement dans la nation.» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 201). Le garde des Sceaux va e´videmment dans un sens exactement oppose´ a` BC : c’est la monte´e en puissance «de l’extreˆme gauche», favorise´e par la loi du 5 fe´vrier, qui exclut «des masses [...] des nuances d’opinion tout entie`res». Du latin, eruditor, maıˆtre, pre´cepteur. Le mot est rare et archaı¨que.

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Si j’aimais les re´volutions, certes je voterais contre l’amendement et pour le projet de loi ; mais j’ai l’horreur des re´volutions ; elles immolent les individus ; elles de´naturent les caracte`res, elles corrompent la morale, elles mettent des devoirs factices a` la place des devoirs re´els, elles substituent une force aveugle a` la force de la raison et a` celle de la loi, elles pervertissent la justice, elles attentent aux droits de chacun : et quand la justice est viole´e, les droits foule´s aux pieds, les vertus proscrites ou abjure´es, il m’est fort e´gal que cet exe´crable syste`me ait pour e´tendard la liberte´ qu’il de´shonore, ou le despotisme. J’aime mieux meˆme que la liberte´ n’y soit pour rien, parce que je ge´mis de la voir souille´e. Mais cependant, Messieurs, verrez-vous de sang-froid les chances que pre´pare ce projet, le plus insense´, le plus de´testable, le plus subversif de toute e´galite´, de toute justice, de toute liberte´ qui ait jamais insulte´ la raison d’une assemble´e ? En le votant, vous votez la contre-re´volution et la guerre civile. Je sais que les ministres promettent de nous en pre´server ; mais que pourront bientoˆt les ministres1 ? Ils proclament leur inde´pendance. Ces proclamations ne me rassurent point. Le projet qu’ils nous pre´sentent est, a` lui seul, une de´monstration d’asservissement : ils le disent eux-meˆmes. Le premier projet valait mieux2. Ils y ont renonce´, parce que nous n’en voulions pas ; mais ils ont duˆ prendre un projet que d’autres voulussent, et celui qu’ils pre´sentent porte l’empreinte des lois que leur ont impose´es leurs nouveaux allie´s3. Se´pare´s de´sormais de la nation par son invincible horreur pour ce projet qu’a` leur tour ils lui imposent, se´pare´s de ces soutiens respectables qui les ont de´fendus tour a` tour contre tous les partis, ils n’ont d’appui que dans le parti qui veut que la minorite´ re`gne, et ce parti, il n’appuie pas, il domine. (Agitation.) M. le garde-des-sceaux nous a parle´ de ce qu’e´taient en re´volution les hommes du jour, du lendemain, du surlendemain4 ; je le sais comme lui. J’ai 2 projet de loi ; mais ] projet de loi. Mais Second discours 6 16 bientoˆt les ministres ? ] apre`s ces mots (Vive agitation). Second discours 6 19 d’asservissement : ils ] d’asservissement ! Ils Second discours 7 27 (Agitation.) ] absent dans Second discours 7 29 surlendemain ; je le sais ] surlendemain. Je le sais Second discours 7 1 2 3 4

Voir ci-dessus, pp. 611–613. Le projet pre´sente´ par Decazes le 15 fe´vrier 1820. Voir ci-dessus, p. 347. Le ministe`re de Richelieu, influence´ par Monsieur, s’e´tait rapproche´ de Ville`le et des ultras (Waresquiel/Yvert, Histoire de la Restauration, p. 300). «Dans les premiers temps de la Re´volution, les hommes du jour dirent aux hommes de la veille : Vous n’eˆtes pas nationaux, retirez-vous ! Bientoˆt vinrent les hommes du lendemain, et par d’aussi bonnes raisons ils e´loigne`rent les hommes du jour pour eˆtre bientoˆt apre`s chasse´s eux-meˆmes par les hommes du lendemain.» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 201).

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vu plus que lui, peut-eˆtre, ces lendemains terribles, et c’est pour cela que je de´teste les re´volutions. Mais la contre-re´volution aussi a ses hommes du jour et ses hommes du lendemain. Si vous rejetez l’amendement, si vous adoptez le projet de loi, tout est compromis pour de longues anne´es. Je m’attends, pour ma part, a` tous les malheurs, a` toutes les oppressions, a` toutes les proscriptions des e´poques les plus de´sastreuses. Je les pre´vois pour moi, pour mes amis, pour tout ce qu’il y a de courageux et de constitutionnel en France. Telle est ma conviction sur ce point, que j’e´prouve moins d’irritation que de pitie´ pour les ministres. Ils seront accable´s plus toˆt qu’ils ne pensent sous la terrible responsabilite´ qu’ils ont prise. Ils ont remis en question le sort de leur pays. Ils ont, pour leur inte´reˆt prive´, pour un inte´reˆt qui n’obtiendra qu’un succe`s e´phe´me`re, sacrifie´ la liberte´, la suˆrete´, le repos de la France. Ils ont de´chaıˆne´ 1815 ; ils seront apre`s nous, mais comme nous, et je leur dirai avec franchise, moins glorieusement que nous, de´vore´s par 18151. (Mouvement a` gauche.) Je re´clame l’adoption de l’amendement et le rejet de l’article2, pour le salut de la liberte´, de la Charte, de la monarchie, de la dynastie, de cette dynastie a` laquelle on veut nous rendre suspects, quand nous gardons le silence, et aupre`s de laquelle on calomnie nos de´clarations les plus formelles, au me´pris de l’e´vidence qui re´sulte de notre position seule. Car il est clair que, sous cette dynastie constitutionnelle, nous pouvons espe´rer cette liberte´ que nous avons tant de´sire´e, et que sans elle, rejete´s au sein des orages, nous ne pouvons, ni pre´voir, ni calculer les convulsions de l’avenir. (Vive sensation.) J’ai voulu vous entretenir une dernie`re fois sur un avenir aussi menac¸ant. Je ne suis probablement pas, plus qu’un certain nombre de vos colle`gues3, destine´ a` jouir long-temps de la liberte´ de cette tribune, la seule de nos liberte´s qui survive encore. Bientoˆt, renvoye´s dans nos foyers par la dissolution de la Chambre, soumis, dans ces foyers, a` vos lois sur la liberte´ individuelle, prive´s, comme tous les citoyens fran c¸ais, de la faculte´ de 7 de´sastreuses. ] apre`s ce mot (Mouvement a` gauche) M 776c 16 (Mouvement a` gauche.) ] absent dans Second discours 7 23–24 au sein des orages ] au milieu des orages Second discours 7 25 (Vive sensation.) ] absent dans Second discours 7 1

2 3

Pre´vision exacte : tous les ministres de Richelieu disparaıˆtront dans le ministe`re Ville`le, a` part Ville`le, lui-meˆme, pre´sident du Conseil, et son ami Corbie`re, tous les deux de la mouvance ultra. Quant a` BC, il ne sera pas re´e´lu en novembre 1822, la gauche ne sauvant que 8 sie`ges sur 44 sortants. L’article 1er du projet de loi en discussion depuis le 28 mai. Il aurait fallu : Je ne suis probablement pas, pas plus qu’un certain nombre ...

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manifester notre pense´e, et sans se´curite´ pour nos personnes, pouvant, sur la signature de trois des ministres que nous avons e´te´ appele´s a` contredire, eˆtre jete´s dans les fers1, menace´s meˆme de`s aujourd’hui d’une captivite´ plus ou moins longue, pour avoir plaint l’infortune et offert au malheur quelques secours, en butte, de la sorte, a` un genre de perse´cution dont la France n’offrait plus d’exemples depuis vingt-sept ans ; car, si je ne me trompe, la pitie´ n’a e´te´ conside´re´e comme un crime qu’a` deux e´poques, en 1793 et en 1820, par les procureurs-ge´ne´raux et par les jure´s de ces deux anne´es2 ; j’ai pense´ que nous avions quelques titres a` eˆtre admis a` remplir des devoirs dont le terme approche, et que vous tole´reriez des paroles importunes a` quelques oreilles, et qui retentissent pour la dernie`re fois peut-eˆtre dans cette enceinte. Je vote pour l’amendement et contre l’article 1er du projet de loi. (Vif mouvement d’adhe´sion a` gauche.)3

13–14 (Vif mouvement d’adhe´sion a` gauche.) ] absent dans Second discours 8

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La nouvelle loi e´lectorale suffira a` garantir une confortable majorite´ au ministe`re Ville`le et il sera inutile de dissoudre la Chambre. BC rappelle ensuite les deux lois d’exception qui venaient d’eˆtre vote´es : Loi sur la liberte´ individuelle du 26 mars 1820 et Loi sur la publication des journaux et e´crits pe´riodiques du 31 mars 1820 (Bulletin des lois du Royaume de France, t. X, Paris : Imprimerie royale, Aouˆt 1820, pp. 345, 385). La loi du 30 vende´miaire an II pre´voyait que «Tout citoyen qui rece´lerait un preˆtre sujet a` la de´portation, sera condamne´ a` la meˆme peine.» (art. XIX). Sur la Souscription pour le soulagement des personnes de´tenues en vertu de la loi du 26 mars 1820 et ses suites judiciaires, voir ci-dessus, p. 616, note 3. Le meˆme jour, le premier paragraphe de l’article 1er sera adopte´ par 130 voix contre 125.

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Sur les troubles de Paris au mois de juin 1820.* (Se´ance du 5 juin 1820.)1

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MESSIEURS, J’ai a` ajouter quelques faits a` ceux qui sont e´nonce´s, non qu’ils me soient personnels ; ceux-la` je les ignorais, et c’est M. Sivard de Beaulieu qui me les a appris ; mais en voici de non moins importans, ils corroborent ce qui a e´te´ dit. Avant-hier, une personne fort connue2, et que je nommerai dans l’enqueˆte qui devra avoir lieu, est venue me dire : Ceux qui ont attaque´ M. Chauvelin, hier, sont a` la tribune, et sont preˆts a` recommencer. Je trouvai trois person*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 385–392 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 385–392 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 158, mardi 6 juin 1820, p. 785c ; no 159, mercredi 7 juin 1820, pp. 790c–791ab [=M] ; Archives parlementaires, t. XXVIII, pp. 277 ; 287–290. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 341–347. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, mardi 6 juin 1820, p. 1316b et mercredi 7 juin 1820, p.1319ab et p. 1319c ; Journal des de´bats, mardi 6 juin 1820, suppl. p. 1b ; Le Courrier franc¸ais, no 352, mardi 6 juin 1820, p. 2b ; Le Constitutionnel, no 158, mardi 6 juin 1820, p. 2a ; La Quotidienne, no 158, mardi 6 juin 1820, p. 2b ; Gazette de France, no 158, mardi 6 juin 1820, p. 638ab, p. 639 ; Choix de rapports, opinions et discours. Session de 1819, pp. 636–637.

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` la suite des e´ve´nements des 2 et 3 juin, la Chambre n’avait pas repris les de´bats sur la loi A e´lectorale. Les de´pute´s de l’opposition voulaient s’exprimer sur «des sce`nes scandaleuses, sanglantes». Camille Jordan e´tait monte´ a` la tribune le premier ; Laffitte avait donne´ lecture d’une lettre du pe`re de Nicolas Lallemand dans laquelle il de´mentait les propos tenus par les journaux de droite sur les conditions de la mort de son fils ; Leseigneur fit part de son expe´rience du samedi 3 (meˆlant BC a` son re´cit, p. 276), confirme´e par Fornier de Saint-Lary et Girardin ; Sivard de Beaulieu et Casimir Perier firent de meˆme, le premier pre´cisant : «La voiture de M. Casimir Pe´rier, dans laquelle se trouvait aussi M. Benjamin Constant, se dirigea vers le quai d’Orsay ; alors cette foule dont je parle se jeta a` sa suite. J’ai vu aussi les hommes dont elle se composait, se reprocher de l’avoir manque´e, s’accusant de maladresse, disant qu’il ne fallait que vingt bons lurons, et qu’il faudrait les attendre la`, en de´signant la porte qui fait face a` la rue de Bourbon.» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 277). BC parla ensuite. Selon une lettre du 15 juin 1820 (BCU, Fonds Constant I, Co 3735 ; a` paraıˆtre dans les addenda de la Correspondance), il semble que l’informateur de BC soit Claude Barthelot de Rambuteau, ancien pre´fet, proche des doctrinaires, alors a` Paris (Me´moires du comte de Rambuteau, Paris : Calmann-Le´vy, 1905, p. 207). Il est question du meˆme informateur dans une lettre de BC au pre´fet de police, Jules Angle`s, en date du 6 juin (OCBC, Correspondance, t. XI, p. 516).

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nes dans la rotonde1, deux hommes et une femme ; la femme me dit : Avertissez M. de Lafayette, on l’attend a` la porte ; je re´pondis : Je vous remercie, nous sortirons ensemble2. Le mari de cette femme que je ferai connaıˆtre, est venu me dire ensuite que nous avions e´te´ e´coute´s par un jeune homme qui dit : Tant mieux, nous leur ferons crier vive le roi ! Ceci n’est encore rien. Un officier d’un aˆge de´ja` avance´, et portant plusieurs de´corations, dit aux groupes dont ce jeune homme faisait partie : Non, non, ne bougez pas, ce n’est pas de leur faire crier vive le Roi ! qu’il s’agit ; laissez-nous les envelopper, et ne bougez pas ... Je ne sais ce qu’ils voulaient faire de M. de Lafayette apre`s l’avoir enveloppe´. Je demande qu’on nous communique les rapports faits a` l’e´tat-major de la place et a` la police. Les faits s’e´claireront, et nous pourrons savoir ce que l’on se proposait de faire. Par exemple, l’homme qui a parle´ a` M. Leseigneur3, je le connais, je l’indiquerai. Il est facile de remonter a` la source de ce qu’il a dit. Je ne veux point, en ce moment, profe´rer son nom, pour ne point exciter les passions. Mais j’en conclus que le devoir le plus pressant des ministres est de pe´ne´trer au fond de cette affaire, de voir quel parti, contre leurs intentions, contre la volonte´ du roi, a vu un cri se´ditieux dans ce cri de vive la Charte ! Si les ministres ont le ze`le qui doit les animer, ils peuvent reme´dier a` tout. La dernie`re classe du peuple est reste´e e´trange`re a` ce mouvement4 ; ainsi, il leur est tre`s facile de re´primer tout de´sordre ulte´rieur dont ils seraient responsables. J’insiste pour que les mi1

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Il s’agit vraisemblablement de la rotonde (vestige du palais de la duchesse de Bourbon) qui ouvrait sur la cour du Pont et le pont de la Concorde. Le plan de 1824, conserve´ aux Archives Nationales, ainsi que le plan de 1810 – issu du me´moire des travaux d’ame´nagement du nouvel he´micycle en 1828–1832 par l’architecte Jules de Joly – indiquent la tre`s proche localisation de la rotonde avec l’he´micycle de Gisors et Leconte (1795–1798), via la salle des pas perdus. Cet espace est appele´ aujourd’hui «Rotonde de la Presse», car il permet l’acce`s aux tribunes re´serve´es aux journalistes (informations fournies par M. Xavier Brun, Inge´nieur en chef du Service des Affaires immobilie`res et du Patrimoine de l’Assemble´e nationale, que nous remercions). La ponctuation du Courrier franc¸ais du 6 juin 1820, p. 2, permet de lever toute e´quivoque : une personne fort connue, [...] est venue me dire : «Ceux qui ont attaque´ M. Chauvelin, hier, sont a` la tribune, et sont preˆts a` recommencer.» Je trouvai trois personnes dans la rotonde, deux hommes et une femme ; la femme me dit : «Avertissez M. de Lafayette, on l’attend a` la porte» ; je re´pondis : «Je vous remercie, nous sortirons ensemble.» Le mari de cette femme ... Le de´pute´ libe´ral Leseigneur qui venait de relater devant la Chambre les faits dont il avait e´te´ te´moin: «[...] A ce mot, un chevalier de Saint-Louis dit : Vive la Charte est un cri se´ditieux. M. de Girardin lui demanda depuis quand ? Ils me contraignirent a` crier seulement vive le Roi ! J’obe´is comme ceux qui donnent leur bourse lorsqu’on la leur demande sur le grand chemin [...].» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 276). Ce que confirment Re´musat (Correspondance de M. de Re´musat, t. VI, Paris : Calmann Le´vy, 1886, p. 488) comme Ville`le (Me´moires et correspondance du comte de Ville`le, t. II, Paris : Perrin, 1904, p. 382).

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nistres prennent connaissance de l’enqueˆte qui devra avoir lieu. Je nommerai les personnes a` ma connaissance, et j’indiquerai les te´moins qui peuvent eˆtre entendus1. Le ministre vous demande, si vous croyez convenable de suspendre les plus importantes de´libe´rations pour vous occuper d’injures personnelles2 : non, certes. S’il en e´tait ainsi, s’il ne s’agissait que d’injures personnelles, je serais le premier a` re´clamer la continuation de la de´libe´ration : les dangers personnels ne sont rien pour nous, nous en avons de´ja` donne´ assez de preuves ; mais il s’agit des inte´reˆts les plus chers de la France, et nous ne devons pas l’oublier. Des de´sordres e´taient annonce´s ; de toutes parts des bruits nous parvenaient, on nous faisait des rapports, des lettres anonymes nous e´taient adresse´es... Ce qu’on nous annonc¸ait s’est accompli, et c’est parce qu’il ne s’agit plus de danger personnel, mais de la tranquillite´ publique, gravement compromise, que nous ne pouvons, dans de telles circonstances, continuer notre de´libe´ration, avant d’avoir rec¸u les communications qui nous sont ne´cessaires. Cependant, si MM. les ministres avaient observe´ une impartialite´ comple`te dans leur expose´ des faits et l’e´nonce´ des mesures qu’ils ont prises3, je pourrais consentir a` la continuation ; mais, contre leur intention, sans doute, leurs re´ponses sont marque´es de l’empreinte de la partialite´. Leur re´ponse est de nature a` aggraver les de´sordres au lieu de les faire cesser. Nous connaissons tous les moteurs de ces sce`nes de´plorables ...... (Tre`s vif mouvement a` droite. Nommez, nommez franchement ceux que vous accusez !....) Je ne cacherai rien, et je de´signerai tout a` l’heure le parti auquel j’attribue ces de´sordres..... (Nommez, nommez !....) 4 Le ministre vous demande ] avant ces mots Je viens relever quelques-unes des assertions que vous avez entendues M 790c avant ces mots un filet se´pare les deux aline´a Discours 1827 I 386 5 d’injures personnelles : ] d’injures personnelles ? Discours 1827 I 387 12 nous e´taient adresse´es ] apre`s ces mots (Voix a` droite : Et nous aussi, et nous aussi ... M. Castelbajac : J’ai rec¸u vingt lettres anonymes ou` l’on me menace de m’assassiner... Qu’est-ce que cela ?) M 790c 20–21 Leur re´ponse est de nature ] Leur re´ponse est telle que si vous ne suspendiez pas, elle est de nature M 790c aggraver ] redoubler Discours 1827 I 387 23 mouvement a` droite. ] apre`s ces mots MM. Maccarthy, Castelbajac, Limayrac, Chabrillan4, se le`vent... M 790c 24 Je ne cacherai rien ] Je ne cacherai point Discours I 1827 I 387 25 (Nommez, nommez !....) ] apre`s ces mots M. de Maccarthy. Il y a assez longtemps que nous sommes injustement calomnie´s ; il est temps que cela finisse.) a` la ligne M. le pre´sident re´clame le silence et le re`glement. M 790c 1 2

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BC s’interrompt ici et reprendra la parole apre`s plusieurs orateurs. BC re´sume les propos de de Serre : partant des de´clarations de plusieurs de´pute´s «sur des faits qui leur sont personnels», il analysait les e´ve´nements et demandait que la Chambre reprıˆt ses de´libe´rations (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 278). Cet «e´nonce´» avait e´te´ fait par de Serre (Archives parlementaires, t. XXVIII, pp. 278–279). Robert de Mac-Carthy-Le´vignac, Castelbajac, Limairac et Chabrillan sie´geaient a` droite.

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Tant que je serai interrompu, je ne pourrai donner l’explication que l’on demande ; je ne sais pas pourquoi, lorsque je parle d’un parti, ces Messieurs se croient insulte´s. (Voix a` droite : Pourquoi regardez-vous de ce coˆte´ en en parlant ?) Pre´cise´ment je ne me tournais pas de ce coˆte´ au moment ou` j’ai e´te´ interrompu. Je disais, Messieurs, que les re´ponses des ministres n’annonc¸aient point d’impartialite´, et que le mal pouvait s’en accroıˆtre. Les exce`s qui ont eu lieu, nous le savons tous, et les ministres doivent le savoir, s’ils ont vu les rapports faits a` l’e´tat-major et a` la police... Ils doivent savoir qu’il n’y a pas eu deux partis en pre´sence, mais un seul parti agresseur. Des citoyens e´taient rassemble´s autour de cette enceinte : ils criaient vive le roi, vive la Charte ! ils n’ont crie´ vive la Charte ! en la se´parant du cri de vive le roi ! que quand des individus furieux et arme´s de baˆtons se sont pre´cipite´s sur eux pour leur faire crier : vive le roi ! Et l’on vous dit que des exce`s ont entraıˆne´ a` d’autres exce`s ! et l’on vous a parle´ d’une jeunesse e´gare´e1, tandis que cette jeunesse est reste´e calme ; qu’elle a e´te´ victime du de´sordre ; que ceux qui l’assassinaient e´taient e´pargne´s ; et qu’il n’y a eu de personnes arreˆte´es que parmi celles qui e´taient insulte´es, provoque´es, frappe´es et foule´es aux pieds des chevaux. Pour eˆtre vrai, il fallait dire : Il y avait en pre´sence deux classes de jeunes gens : ici, une jeunesse anime´e de sentimens ge´ne´reux, fie`re de nos institutions, et anime´e d’un ze`le ardent pour la de´fendre ; une jeunesse amie de la liberte´, et preˆte a` braver noblement tous les pe´rils pour une si belle cause ; et de l’autre, une jeunesse qui ne cesse de provoquer, et qui veut proscrire les de´fenseurs de cette liberte´2 ; une jeunesse qui se montre constamment ennemie de nos institutions, et qui a commence´ ses exploits par violenter la volonte´ royale, et par arracher d’aupre`s du troˆne un ministre que tout le monde savait eˆtre cher au monarque3. Si, dis-je, on avait tenu ce langage, il y aurait de l’impartialite´ ; mais on ne vous a parle´ que d’une partie de cette jeunesse qu’on a dit e´gare´e, tandis qu’elle tombait sous les coups des provocateurs, et qu’un

6 n’annonc¸aient point ] n’annoncent point M 790c 8 et a` la police... ] apre`s ces mots (Voix a` droite. Comment les connaissez-vous ?) M 790c 10–11 ils criaient vive le Roi, vive la Charte ! ] apre`s ces mots (A gauche. Non pas vive le Roi ! ) Je dis la ve´rite´, et meˆme M 790c 11–12 vive la Charte ! vive le roi ! ] vive la Charte, vive le Roi, Discours 1827 I 388

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De Serre encore (Archives parlementaires, t. XXVIII, pp. 278 et 279). Re´musat ne dit pas autre chose (Correspondance de M. de Re´musat, t. VI, pp. 487–488). Le ministe`re Decazes e´tait tombe´ le 17 fe´vrier 1820.

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infortune´, fuyant sans de´fense, a e´te´ atteint d’un coup mortel1. Je demande si cette manie`re de pre´senter les choses n’est pas de nature a` redoubler le danger. La journe´e de samedi, Messieurs, n’est pas un e´ve´nement isole´. Il est pre´pare´ de longue main. De`s le jour ou` un crime effroyable a consterne´ la France2, on a me´dite´ les moyens de nous livrer a` une faction ; les journaux de cette faction, qui a oblige´ le monarque a` sacrifier un ministre qui lui e´tait cher, ont continue´ leurs provocations, et enfin le de´sordre a e´clate´ : je ne sais s’il ira plus loin. M. le garde-des-sceaux le prend sur sa responsabilite´ ; je de´sire que les mesures prises aient tout leur effet ; mais si ses espe´rances e´taient trompe´es, si la se´curite´ qu’il nous garantit e´tait compromise, je de´clare que ce n’est pas lui que j’en accuserais le plus. Remarquez bien quelle a e´te´ la marche de la faction : elle a d’abord re´pandu partout des accusations sans fondement ; en voyant que cela ne re´ussissait pas, elle a eu recours a` des conspirations imaginaires ; vous savez ce qu’elles sont devenues, ce qu’elles ont produit ; on n’en a plus entendu parler. Enfin, quand on a eu reconnu que toute provocation a` la guerre civile e´tait inutile, et que les conspirations pre´tendues n’amenaient a` rien, on a marche´ le front leve´ ; on a marche´ contre la Charte a` force ouverte, et vous avez eu samedi ... (Voix a` gauche : Ils demandaient une 14 re´pandu partout des accusations sans fondement ] re´pandu le bruit d’accusations factices Discours 1827 I 389 1

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Le 4 juin, les circonstances et les causes de la mort de Nicolas Lallemand n’e´taient pas encore bien de´finies : «un e´le`ve en droit a meˆme essaye´ d’enlever le fusil a` l’un des soldats de cette patrouille. Le soldat a fait feu ; la balle est entre´e dans la poitrine de l’e´le`ve, qui a conserve´ encore assez de force pour se traıˆner chez un parfumeur dans la rue de Chartres» (Journal des De´bats du 4 juin 1820, p. 1) ; «Sur la place du Carrousel, un jeune homme s’est avance´ vers un sergent de la garde royale, qui commandait une patrouille, et s’est mis a` crier vive la Charte, en lui intimant de re´pe´ter ce cri ; le sergent a re´pondu par le cri de vive le Roi ! a` ce cri l’individu s’est avance´ pour de´sarmer le sergent qui l’a mis en joue et l’a e´tendu par terre.» (La Quotidienne du 4 juin 1820, p. 1). Le pe`re Lallemand de´mentit ce qui avait e´te´ rapporte´ par Le Drapeau blanc, La Quotidienne et le Journal des De´bats sur la mort de son fils (voir ci-dessus, p. 341 et 647, note 1). Le 5 juin : «Une des patrouilles ayant saisi un de ceux qui s’y faisaient remarquer par la plus grande ve´he´mence, les autres parvinrent a` le de´livrer ; et, dans cette lutte, le soldat, aux mains de qui on venait d’arracher le prisonnier, et qui avait e´te´ renverse´ a` terre, blessa d’un coup de feu, en se relevant, le nomme´ Lallemand, e´tudiant en droit, qui est mort quelques heures apre`s des suites de sa blessure.» (Journal de Paris du 5 juin 1820, p. 3) ; «La balle dont il a e´te´ atteint lui a traverse´ le corps en entrant par le flanc droit. Il est de´ce´de´ a` dix heures. Ses dernie`res paroles ont e´te´ : Je plains mon pauvre pe`re.» (Le Constitutionnel du 5 juin 1820, p. 1). Il ne semble pas que la presse ait rendu compte de l’e´ve´nement dans les termes de BC. L’assassinat du duc de Berry.

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journe´e1.) Je le sais bien. Je n’examine pas quelle part l’autorite´ a eue dans la direction de la force arme´e, et dans quel esprit on l’a fait agir ; mais ce que nous avons vu, et que tout Paris a vu, c’est que cette force se´vissait contre les gens insulte´s et frappe´s, et qu’elle laissait aller les provocateurs qui les accablaient d’outrages et de coups. Je de´clare, au surplus, que je n’ai pas approuve´ plus que l’honorable colle`gue qui en e´tait l’objet, les te´moignages e´clatans dont on a parle´ ; mais ce sont de ces choses qui ont bientoˆt un terme en elles-meˆmes. Etablir un paralle`le entre cette ovation et le lendemain, entre les fe´licitations donne´es a` un de´pute´, et des exce`s graves contre un de´pute´, e´tablir l’e´galite´ entre des actes si diffe´rens de leur nature, voila`, Messieurs, ce que vous ne pourriez admettre2. Et, en effet, quelle diffe´rence de conduite ! Une partie de la jeunesse criait vive le roi et la Charte ! L’autre partie ne criait pas seulement vive le roi ! mais vive le roi tout seul, et a` bas la Charte ! ... (Mou8 Etablir ] Mais e´tablir M 791a 9 lendemain ] coup-de-main M 791a 12 admettre. ] admettre ? Discours 1827 I 390 admettre. Et, en effet, ] admettre ; et, en effet, M 791a de conduite ! ] de conduite. Discours 1827 I 390 1

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Cette phrase n’apparaıˆt que dans les Discours (p. 390) et les Archives parlementaires (t. XXVIII, p. 288). Le contexte est donne´ dans le Choix de rapports, opinions et discours [...] Session de 1819, Paris : A. Eymery, 1820, p. 647, d’une part : «On a dit, on a e´crit, on a re´pe´te´ impune´ment dans des lieux publics soumis a` la surveillance de la police : Vive le roi, le roi tout seul ! A bas la Charte ! A bas les libe´raux ! Vengeons dans le sang des libe´raux la mort du duc de Berry ! Il nous faut une JOURNE´ E !» Dans Le Constitutionnel du 6 juin 1820, p. 3, d’autre part : «La journe´e de samedi e´tait de`s long-temps pre´pare´e. Elle a e´te´ voulue du jour ou` profitant d’une catastrophe affreuse, on a jure´ la destruction de l’ordre constitutionnel. Rappellez-vous tout ce qui a e´te´ fait a cette e´poque et l’insolence des journaux de ce parti ; les meˆmes hommes ont continue´ depuis leurs turbulence[s] et leurs menaces. On a demande´ une journe´e et l’on a commence´ cette journe´e samedi ; on est arrive´ a` la charte a` force ouverte. Il est de fait que les hommes pre´pose´s en apparence a` la suˆrete´ publique se´vissaient contre les opprime´s au lieu de les prote´ger contre les assaillans.» Songeant peut-eˆtre au 10 aouˆt 1792, la «faction» voulait sa «journe´e» comme les re´volutionnaires avaient eu la leur. BC reprend le discours de Camille Jordan en de´but de se´ance : «Une sce`ne avait eu lieu quelques jours auparavant ; un de´pute´ avait e´te´ accueilli avec des applaudissemens, et accompagne´ chez lui par un grand nombre de jeunes gens. Cette action n’est re´prouve´e par aucune loi ; elle l’est cependant par les convenances, et j’en ai ge´mi moi-meˆme. Mais le parti contraire ne s’est pas borne´ a` de´cerner une sorte de triomphe a` un de´pute´ de son opinion ; il a e´te´ jusqu’a` outrager les autres de´pute´s. / Ces outrages ont commence´ avanthier [samedi 3 juin] sur la personne de M. Chauvelin.» (Le Constitutionnel du 6 juin 1820, p. 1). Me´chin rapportera ensuite la de´position de Chauvelin, absent pour raison de sante´ (Archives parlementaires, t. XXVIII, pp. 277–278). Le Courrier franc¸ais du 6 juin 1820, supp., rapporte les paroles de BC de manie`re plus concise et plus percutante : «on a applaudi M. Chauvelin, donc nous avons le droit d’assommer les de´pute´s libe´raux.»

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vemens violens a` droite. C’est faux, c’est faux... Voix a` gauche : Oui, oui. M. CASIMIR PE´ RIER : Nous demandons une enqueˆte, cela sera prouve´ ... Voix a` droite : Et nous aussi.) J’ai vu des lettres signe´es, dont je ferai connaıˆtre les auteurs quand l’enqueˆte aura lieu1. On sait que, dans un lieu public, soumis a` la surveillance de la police, on a crie´ vive le roi ! le roi tout seul ! a` bas la Charte ! a` bas les libe´raux ! vengeons dans le sang des libe´raux la mort du duc de Berry ! ... (Meˆme mouvement a` droite ... A gauche : C’est vrai, au cafe´ Valois2 ...) Dans un tel e´tat de choses, Messieurs, vous ne pouvez de´libe´rer, non a` cause du danger, car, prenez garde qu’a` l’e´gard des factieux qui vous menacent, que vous de´libe´riez ou non, le danger serait le meˆme ; mais les motifs de la suspension ont e´te´ de´veloppe´s devant vous3 ; je ne demande pas un ajournement inde´fini, mais seulement jusqu’au moment ou` les ministres auront eu connaissance des rapports de l’e´tat-major et de la police. Je sais qu’ils trouveront la conviction qu’un parti seul a agi, et se dispose a` agir encore a` l’instant ou` je parle. Il4 reconnaıˆtra le danger ve´ritable ; il ne de´ploiera point de rigueurs ille´gales, nous sommes loin de le demander, mais une ferme et impartiale surveillance. Il mettra le parti hors de nuire ; s’il ne le fait pas, en un jour, en une heure, ce parti qui n’est pas redoutable en lui-meˆme, mais qui a de la te´me´rite´, peut de´vorer et nous, et la France, et le ministe`re lui-meˆme (Violente agitation. Voix a` gauche : C’est vrai, c’est vrai !) Et, lorsque je parle du ministe`re, je dirai qu’il est de sa prudence de ne pas insister pour que la loi, dont nous nous occupons, soit rendue sous de tels auspices. De´ja` elle a e´te´ pre´ce´de´e par deux lois qui ont profonde´ment afflige´ les amis de la li berte´, celle sur la liberte´ individuelle, celle sur la liberte´ de la presse ; 9 non a` cause du danger ] non qu’il y ait du danger Discours 1827 I 391 12–13 seulement jusqu’au moment ] seulement au moment M 791a 15 a` l’instant ou` je parle. ] dans le moment ou` je parle M 791a 1 2

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BC pouvait se fonder sur la lettre de Louis Raban (BCU, Fonds Constant I, Co 2064 ; a` paraıˆtre dans les addenda de la Correspondance). Le cafe´ Valois e´tait installe´ dans les galeries du Palais-Royal : «Sous la restauration il e´tait le centre des re´unions des royalistes purs.» (Girault de Saint-Fargeau, Les quarante-huit quartiers de Paris, Paris : Blanchard, 1850, p. 165). Une autre lettre adresse´e a` BC par un nomme´ Weldk apre`s le 5 juin e´voque le cafe´ Valois dans les meˆmes circonstances (OCBC, Correspondance, t. XI, p. 514). ` la suite des e´ve´nements des 2 et 3 juin, Camille Jordan, suivi par les de´pute´s de la gauche, A avait demande´ la suspension de toute de´libe´ration (Archives parlementaires, t. XXVIII, pp. 273). Si l’e´motion ressentie pouvait expliquer cette demande, elle n’e´tait pas totalement e´trange`re au de´sir de ralentir les de´bats sur la loi e´lectorale. Ce pronom est un peu isole´ : Le Courrier franc¸ais du 6 juin 1820, supp., lui donne pour ante´ce´dent «le gouvernement» ; «le ministe`re», qui apparaıˆt l. 20, peut jouer la meˆme fonction.

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aujourd’hui faudra-t-il que la de´libe´ration sur la loi des e´lections, apre`s avoir e´te´ pre´ce´de´e de baˆillons et de lettres de cachet1, soit accompagne´e de violences, entache´e du sang qui a e´te´ verse´ ?... Il importe donc, Messieurs, que les ministres fixent l’opinion de la France et la voˆtre sur les e´ve´nemens qui ont eu lieu. Il importe, qu’ils e´claircissent tous les faits, qu’ils entendent tous les te´moignages, alors je ne doute pas qu’ils viennent vous de´clarer qu’il n’y a eu qu’un parti agresseur, et qu’un parti coupable. Jusque-la` nous ne pouvons de´libe´rer : je demande l’ajournement a` trois jours2. (Vivement appuye´ a` gauche. A droite : On veut nous faire perdre du temps. On a de´ja` re´ussi a` nous faire perdre une se´ance.) Vous avez entendu, il y a peu d’instans, M. Laine´, vous parler avec un sentiment since`re et une profonde affliction de ce qui s’est passe´3 ; et quand des membres vous retracent les outrages, les provocations dont ils ont e´te´ l’objet, on ose dire que notre but est atteint, que notre intention est satisfaite, que nous avons fait perdre une se´ance a` la Chambre ! Une telle expression est un outrage a` la Chambre, et un outrage a` chacun des membres qui ont e´te´ entendus. Je demande le rappel a` l’ordre.

3 qui a e´te´ verse´ ? ] qui a e´te´ verse´... Discours 1827 I 392 apre`s ces mots (Les murmures du centre et de la droite interrompent.) M 791a 9–10 A droite : ... perdre une se´ance.) ] pas dans M 791a 11 Vous avez entendu ] avant ces mots un filet se´pare les deux aline´as Discours 1827 I 392 12–13 quand des membres vous retracent ] quand vous avez entendu des membres vous retracer M 791b 14 notre but ... notre intention ] votre but ... votre intention M 791b 15 a` la Chambre ! ] a` la Chambre ? Discours 1827 I 392

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Les «baˆillons» pour la loi sur la publication des journaux et e´crits pe´riodiques du 31 mars 1820 ; les «lettres de cachet» pour la loi sur la liberte´ individuelle du 26 mars 1820 (voir cidessus, p. 655). BC s’interrompt ici et reprend la parole apre`s plusieurs orateurs dans un «tumulte effroyable» : il «s’e´lance avec beaucoup de vivacite´ a` la tribune ; il l’a de´ja` escalade´e tout entie`re, lorsque M. Bourdeau [qui occupait la tribune] le repousse le´ge`rement de la main ; cependant M. B. Constant obtient la parole.» (Gazette de France, 6 juin 1820, p. 639). Mais Le Constitutionnel, 6 juin 1820, p. 3, signale : «La voix de l’orateur, d’abord sensiblement alte´re´e, est ici presque e´teinte ; cependant il fait un dernier effort, et demande le rappel a` l’ordre de M. Bourdeau». Laine´ parle de «la tristesse dont nous [avons] e´te´ saisis» a` la lecture de la lettre du pe`re de Nicolas Lallemand (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 283) ; cette lecture avait e´te´ faite par Laffitte.

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Sur les meˆmes troubles.* (Se´ance du 6 juin 1820.)1

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MESSIEURS, Quand vous vous eˆtes de´termine´s a` suspendre l’adoption de votre proce`sverbal, c’e´tait en conside´ration des e´ve´nemens de samedi, parce qu’ils avaient compromis la suˆrete´ de quelques uns des membres de la Chambre ... (Voix a` droite : Parlez pour vous ... Violens murmures a` gauche2.) Je rappelais un fait certain, reconnu, savoir, qu’hier, lorsqu’on a annonce´ les attentats commis contre plusieurs de´pute´s, cet outrage a` la repre´sentation nationale a paru vivement senti par l’unanimite´ de cette Chambre ; je plains ceux qui m’ont interrompu ; ils n’ont pas re´fle´chi qu’ils contredisaient les ministres, qui ont pris l’engagement de poursuivre les coupables, et qu’ils se se´paraient de leurs colle`gues avec peu de ge´ne´rosite´. Ils ont entendu MM. Leseigneur, Ke´ratry, Girardin, et je ne croirai pas qu’ils attendent, pour croire la repre´sentation nationale en pe´ril, qu’un de leurs honorables amis soit insulte´. Vous avez suspendu votre de´claration sur le proce`s-verbal, pendant toute la se´ance. D’apre`s la manie`re dont l’autorite´ s’explique, d’apre`s l’article du *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 393–395 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 393–395 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 159, mercredi 7 juin 1820, p. 792ab [=M] ; Archives parlementaires, t. XXVIII, pp. 292–293. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 347–349. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, mercredi 7 juin 1820, p. 1320bc ; Journal des de´bats, mardi 7 juin 1820, pp. 3b–4a ; Le Courrier franc¸ais, no 353, mercredi 7 juin 1820, pp. 3b–4a ; Le Constitutionnel, no 159, mercredi 7 juin 1820, p. 2ab ; La Quotidienne, no 159, mercredi 7 juin 1820, pp. 2b–3a ; Gazette de France, no 159, mercredi 7 juin 1820, pp. 644b–645a ; Choix de rapports, opinions et discours. Session de 1819, pp. 649–651.

16 soit insulte´. ] a` la ligne M. de la Bourdonnaye. Je demande la parole. M 792a claration ] de´libe´ration M 792a 1

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17 de´-

La journe´e du 5 avait donne´ lieu a` de nouveaux troubles a` Paris (voir les Me´moires du ` la Chambre, la demande d’ajournement n’avait chancelier Pasquier, t. IV, pp. 418–423). A pas abouti et l’examen de la loi des e´lections devait reprendre. Mais BC intervient de`s le de´but de la se´ance. Ici BC est interrompu et une altercation se produit entre La Bourdonnaye, Lameth et le pre´sident ; celui-ci invitant les de´pute´s a` respecter le re`glement et a` laisser la parole a` BC.

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Deuxie`me partie – Session de 1819–1820

Moniteur de ce jour1, nous ne sommes pas en mesure de de´libe´rer. Tout ce que les journaux censure´s, et tout ce que le Moniteur a rapporte´, est de la faussete´ la plus comple`te ; l’article du Moniteur appartient au syste`me qui vous a e´te´ de´veloppe´ par M. le garde des-sceaux. Il est bien question de jeunes gens e´gare´s, tandis que les jeunes gens qui criaient : vive le roi ! vive la Charte ! e´taient assomme´s par ceux qui criaient vive le roi ! et que les premiers e´taient seuls poursuivis et arreˆte´s ! Un des ministres du roi a paru dire que le cri de vive le roi n’avait e´te´ profe´re´ qu’en re´ponse a` celui de vive la Charte ! et que les partis en pre´sence avaient lutte´ l’un contre l’autre2 ; il n’en est rien ; un des partis e´tait paisible, et des forcene´s l’ont attaque´. Le ministre a gratuitement fait injure a` cette admirable jeunesse qui aime l’ordre et la liberte´, le roi et la Charte, qui pre´pare a` la France une ge´ne´ration qui vaudra mieux que nous ; et, en effet, ou` jamais a-t-on vu une jeunesse plus studieuse, plus digne d’e´loges, et sur laquelle on puisse fonder plus d’espe´rances ? L’inexactitude des faits est de´montre´e, nous ne pouvons de´libe´rer meˆme l’adoption du proce`s-verbal, nous ne sommes pas libres ; des pre´cautions

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«Les sce`nes tumultueuses qui avaient eu lieu samedi, ont occupe´ la chambre des de´pute´s. Les ministres ont fait connaıˆtre que toutes les mesures convenables pour faire respecter le caracte`re des membres de la chambre, avaient e´te´ prises, et qu’on ne pouvait attendre que du re´sultat des informations judiciaires qui avaient e´te´ ordonne´es la punition des coupables. Cependant le Gouvernement pre´voyant qu’elle pouvaient avoir des suites, avait fait les dispositions ne´cessaires pour empeˆcher que la tranquillite´ publique ne fuˆt de nouveau trouble´e. Un grand nombre d’e´tudians en droit et en me´decine se sont rassemble´s sur le quai d’Orsay ; la gendarmerie les a dissipe´s ; il se sont re´unis de nouveau sur la place [Louis] XV, ou` ils se sont livre´s a` de bruyantes clameurs. Les troupes ont dissipe´ le rassemblement. Alors cette jeunesse turbulente s’est retire´e par les boulevards vers le faubourg SaintAntoine. Cette de´marche indiquait des espe´rances coupables autant qu’insense´es. Elle rappelait la marche suivie dans ces jours de´sastreux, ou` les habitans e´gare´s de ce faubourg populeux, servaient d’auxiliaires au[x] factions. Mais les tems sont bien change´s ; la population laborieuse et active de cette inte´ressante partie de la cite´, occupe´e de ses travaux, attache´e a` ses devoirs, se distingue par le meilleur esprit, par l’amour de l’ordre et du Roi. Loin de preˆter le moindre appui aux ennemis de l’ordre, elle a concouru a` rendre leurs efforts impuissans. La gendarmerie les a atteints : trente-cinq ont e´te´ arreˆte´s ; les autres se sont enfuis, et le calme a e´te´ entie`rement re´tabli. On s’est a` peine aperc¸u dans la plus grande partie de Paris, de ce qui se passait. La population est demeure´e e´trange`re au mouvement de quelques jeunes e´gare´s. On n’a a` regretter aucun accident grave.» (Moniteur, 6 juin 1820, p. 781). Le journaliste ne dit pas un mot sur «ceux qui criaient vive le roi !», les «forcene´s». La version des propos de de Serre la plus proche de celle rapporte´e par BC se trouve dans La Renomme´e du 6 juin : «Des cris de vive la Charte ! vive le de´pute´ ont e´te´ entendus. Bientoˆt les partis se trouve`rent en pre´sence. [...] Les cris oppose´s de vive le Roi ! et vive la Charte ! ont servi tous deux de cris de ralliement.» (p. 1316).

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Sur les meˆmes troubles

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sont prises par les agens subalternes du gouvernement pour intercepter toute communication avec les de´partemens ; un de nos colle`gues vous citera des faits qui prouvent le plus coupable abus de confiance de la part de l’administration des postes1. C’est par de telles communications subreptices, par des envois fallacieux que l’on veut e´garer l’opinion publique. Hier, les attroupemens n’ont pas eu un caracte`re plus re´pre´hensible que samedi ; le cri qui retentissait e´tait celui de vive le roi ! vive la Charte ! mais ils e´taient tre`s nombreux ; les rassemblemens e´taient de 10, 20, 30 et 40,000 personnes2 dans les divers points ou` ils se sont re´unis.... Et cependant les ministres avaient annonce´ que toutes les mesures avaient e´te´ prises pour les pre´venir3 ! Nous devons revenir a` leur demander un compte de la situation de Paris, une garantie de la suˆrete´ des de´pute´s, non pas un compte de l’instruction judiciaire, mais un compte moral de ce qui a e´te´ fait par l’administration et par la police ; nous devons demander compte des rapports faits a` l’e´tat-major et a` la place4 ; nous devons savoir si, en effet, il y a eu des officiers de´guise´s5, a` la teˆte des provocateurs. Ce compte nous est indispensable pour connaıˆtre si nous avons la liberte´ ne´cessaire pour de´libe´rer. Sans cette mesure pre´alable, que je re´clame dans l’inte´reˆt des ministres, la loi dont nous nous occupons sera discre´dite´e. Je renouvelle la demande de la suspension de toute de´libe´ration, meˆme sur le proce`s-verbal, avant que nous ayons rec¸u, non des renseignemens partiaux et inexacts, mais bien des de´tails de nature a` nous satisfaire. (Appuye´ a` gauche.)

9 ou` ils se sont re´unis ] apre`s ces mots (Des murmures s’e´le`vent.) M 792b pre´venir ! ] pour les pre´venir. Discours 1827 I 395

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10–11 pour les

La question ne reviendra pas : une dernie`re fois, Manuel prendra la parole sur les e´ve´nements parisiens, puis le pre´sident fermera la discussion avant de poursuivre l’examen du projet de loi des e´lections. De Serre contestera le nombre («Le fait est comple`tement faux. Il ne s’est pas trouve´ la dixie`me partie de ce nombre re´unie sur un meˆme point», Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 294) et BC recevra le lendemain une lettre anonyme qui confirmera son propos (OCBC, Correspondance, t. XI, p. 522). L’ordonnance d’Angle`s interdisant les attroupements (voir ci-dessus, p. 341) avait e´te´ publie´e par le Moniteur, no 157, 5 juin 1820, p. 779ab. L’e´tat-major de la premie`re division militaire (64, rue du Faubourg-Saint-Honore´) et l’e´tatmajor de la place de Paris (alors 7, place Vendoˆme) ; l’e´tat-major de la Garde nationale (10, rue Le Peletier) pouvait eˆtre sollicite´ aussi (voir Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 358). Leseigneur et Girardin avaient signale´ les premiers un «officier de´guise´» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 275).

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[Intervention sur les troubles de Paris]* Se´ance du 6 juin 18201

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Quand il s’est agi de voter sur la re´daction du proce`s-verbal, c’est-a`-dire de passer a` l’ordre du jour sur les faits qui vous avaient e´te´ de´nonce´s, et de donner une preuve d’indiffe´rence pour la suˆrete´ de nos colle`gues ; quand une partie de la chambre a de´clare´ qu’elle n’e´tait pas libre, et a refuse´ de de´libe´rer, vous avez rejete´ toutes nos re´clamations ; les ministres, par leurs de´clarations, n’ont fait qu’ajouter aux dangers que nous avions signale´s ; leur devoir est de prendre connaissance des faits ; leur devoir est de nous prote´ger ; la France sait de´ja` comment nous l’avons e´te´. Mais actuellement il s’agit de la France et non plus de nous ; il s’agit de la France, puisque vous de´libe´rez sur la loi des e´lections. Je de´clare que je persiste dans la de´claration que nous avons faite relativement a` notre suˆrete´ ; mais je rentre dans la discussion a` laquelle le salut de notre pays est attache´. Et que m’importe qu’on ait re´pondu a` nos de´clarations par des alle´gations vagues, a` des faits par des de´ne´gations, a` des preuves par des menaces ; que m’importe si des officiers de´guise´s qui peut-eˆtre m’attendent a` la porte et me choisissent pour victime2 (Des murmures interrompent) ; je n’en remplirai pas moins mon devoir. Si les pe´rils que je signale se re´alisaient, d’autres viendraient nous remplacer a` cette tribune, et, j’ose le dire, malgre´ un syste`me d’e´lection factice, malgre´ tous les subterfuges d’un ministe`re asservi, la France serait encore repre´sente´e ! la France recouvrerait bientoˆt sa liber*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 160, jeudi 8 juin 1820, pp. 795c–796a [=M] ; Archives parlementaires, t. XXVIII, pp. 303–304. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 349–352. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, mercredi 7 juin 1820, p. 1321c ; Journal des de´bats, mercredi 7 juin 1820, suppl. p. 2a ; Le Constitutionnel, no 159, mercredi 7 juin 1820, p. 4a ; La Quotidienne, no 159, mercredi 7 juin 1820, p. 4a ; Gazette de France, no 159, mercredi 7 juin 1820, p. 646a ; Choix de rapports, opinions et discours. Session de 1819, pp. 663–664.

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Les de´bats sur la loi e´lectorale ont repris leur cours et BC tente encore, en les meˆlant aux e´ve´nements exte´rieurs, de les orienter en faveur des ide´es qu’il de´fend. BC recevra une lettre, date´e du 7, d’un M. Le Priol qui reviendra sur le samedi 3 : «j’accourus vers une voiture qu’on prenoit pour la voˆtre & j’entendis des forcene´s blasphemer votre nom. Un d’entre eux qui paroissoit avoir assez d’influence, la bouche e´cumante s’e´crioit : oui, c’est ce gueux de Benjamin Constant ... – eh bien que ne l’a-t-on assomme´... – oh ! il nous a e´chappe´ aujourdhui, mais soyez sur il la dansera.» (OCBC, Correspondance, t. XI, p. 519).

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Deuxie`me partie – Session de 1819–1820

te´ ; Nous ne serions plus, mais nous aurions bientoˆt des successeurs ; la France trouverait bientoˆt de dignes et vrais repre´sentans ... (Voix a` gauche : Tre`s-bien, tre`s-bien ... Voix a` droite : C’est tre`s-beau ...) Je ne dis pas, Messieurs, que cela soit tre`s-beau1 ; mais ce qui est bien moins beau, c’est de voir cette indiffe´rence ironique ou ces interruptions tumultueuses, quand vos colle`gues ont e´te´ insulte´s, menace´s, me´connus dans leur caracte`re et dans leur suˆrete´. Ainsi, Messieurs, que l’on entraıˆne deux de nos colle`gues dans des grouppes, que l’on ait force´ un d’eux a` profe´rer un cri arrache´ par la violence, que d’autres aient e´te´ insulte´s2, que moi-meˆme j’aie e´te´ personnellement menace´, le ministe`re peut conserver son indiffe´rence, et vous pouvez, Messieurs, ne pas regarder ces insultes comme les voˆtres ; mais je n’en viens pas moins m’opposer de tout mon pouvoir au mal qu’on nous pre´pare, et quoique ici je ne croie pas remplir mon mandat dans toute sa se´ve´rite´, je viens appeler votre attention sur ce qu’a dit M. Courvoisier sur l’amendement qu’il se proposait de faire3, et appuyer cet amendement parce qu’il offre un moyen de conciliation. Je n’ai pas e´te´ e´tonne´ d’entendre dire a` M. de Courvoisier qu’il retirait son amendement puisqu’il n’obtenait pas l’assentiment royal ; mais je suis e´tonne´ que cet assentiment soit refuse´ apre`s l’ouverture qui a e´te´ faite par M. le garde-des-sceaux dans une se´ance pre´ce´dente4. Ils ont entendu la de´claration de M. de Courvoisier, ils ont garde´ le silence ; s’opposent-ils a` la proposition ? serait-ce qu’on a eu seulement l’ide´e de jeter en avant une telle proposition, une telle ouverture, pour jeter de la division parmi les de´pute´s fide`les qui veulent la conservation de la loi du 5 fe´vrier, mais qui cependant ont de´clare´ constamment qu’ils admettraient des modifications a` cette loi, par amour de la paix, et pour calmer des alarmes assure´ment fort exage´re´es ? Le silence des ministres doit nous convaincre qu’ils veulent absolument la loi telle qu’elle est propose´e, ou a` peu pre`s. Et en effet, pourrions-nous croire a` une concession de leur part, lorsqu’a` la moindre de ces concessions nous les5 entendons de nos bancs gourmander, par des membres que je 1 2

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L’ironie a pique´ BC. Sur les premiers agresse´s, Leseigneur et Girardin, voir ci-dessus pp. 545–548 et 658 ; sur les seconds, Tircuy de Corcelle, Auguste de Ke´ratry, Camille Teisseire, voir la Correspondance de M. de Re´musat, t. VI, p. 488. Courvoisier proposait «de demander l’augmentation du nombre des de´pute´s, et le maintien de l’e´lection directe, en affectant au colle`ge de de´partement les deux cinquie`mes des choix» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 303). Ce lourd amendement ne pouvait toutefois eˆtre examine´ sans «la sanction royale» (voir ci-dessus pp. 641–642) ; repris et ajuste´ par Boin le 7 juin, il permettra enfin de de´bloquer la situation. Voir ci-dessus, pp. 646–647. Le pronom est comple´ment de «gourmander».

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[Intervention sur les troubles de Paris]

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pourrais citer, lorsqu’ils sont aussitoˆt accuse´s de manquer a` leurs engagemens. J’en appelle a` l’assemble´e entie`re, est-il vrai que pour une concession qui ne portait que sur une discussion, les ministres ont rec¸u des reproches tre`s-vifs des membres avec lesquels ils votent depuis quelque temps ? Je l’affirme, le silence tiendra lieu d’approbation ... (Mouvement ge´ne´ral au centre et a` droite ...) Je cite un fait dont nous avons e´te´ te´moins ; j’ai devant moi le membre1 que je de´signe comme ayant exprime´ un vif me´contentement contre les ministres : je ne crains pas son de´saveu ... (Vive agitation.) Maintenant est-il vrai que M. de Courvoisier soit en effet force´ de retirer son amendement ? Cet amendement n’est-il pas celui dont M. le garde-dessceaux avait indique´ le principe conforme au premier projet de loi, comme donnant a` l’e´lection une base plus large2. Mais s’il est vrai que cette ide´e de l’organisation des colle`ges en ce sens, et d’une augmentation de la chambre qui donnerait plus de force au Gouvernement, n’ait e´te´ qu’un pie`ge, si elle n’a pas e´te´ pre´sente´e se´rieusement, alors je me rejetterai pour l’appuyer sur l’amendement de M. Busson3 ; mais je trouve celui de M. de Courvoisier bien pre´fe´rable. J’appuie donc celui de M. Busson, a` moins qu’on nous de´clare positivement quelle est l’opinion des ministres sur l’ouverture de M. le garde-des-sceaux.

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Aucune indication dans la presse ne permet d’identifier ce membre «du coˆte´ droit dont je connais la droiture et la franchise» (La Quotidienne, 7 juin 1820, p. 4). De Serre pensait que, par son ouverture, «ce serait donner au syste`me e´lectoral une base plus large» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 205). L’amendement de Busson stipulait que «les colle`ges e´lectoraux de de´partement seraient nomme´s par les colle`ges d’arrondissement» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 303).

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Sur les troubles de Paris.* (Se´ance du 7 juin 1820.)1

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MESSIEURS, La suˆrete´ de la Chambre n’existe pas, et depuis hier celle des citoyens n’existe pas davantage. Il est du devoir des ministres, il est de leur responsabilite´ de re´primer les exce`s qui ont eu lieu. Hier, un citoyen tre`s estimable, M. Dubief, bijoutier, homme important dans son commerce, connu par son attachement au roi et a` la Charte, e´tait sur la place de la Concorde. *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 396–397 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 396–397 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 160, jeudi 8 juin 1820, pp. 796c–797a [=M] ; Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 309. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, jeudi 8 juin 1820, p. 1323ab ; Journal des de´bats, jeudi 8 juin 1820, p. 2b ; Le Constitutionnel, no 160, jeudi 8 juin 1820, p. 1a ; La Quotidienne, no 160, jeudi 8 juin 1820, p. 2b ; Gazette de France, no 160, jeudi 8 juin 1820, p. 649a ; Choix de rapports, opinions et discours. Session de 1819, pp. 665–666.

4–5 La suˆrete´ ... davantage. ] Je crois avoir soigneusement distingue´ hier la question sur laquelle nous ne pouvions de´libe´rer, et celle sur laquelle les inte´reˆts de la France nous commandaient de voter. La premie`re inte´ressait la suˆrete´ des membres de la chambre ; cette suˆrete´ n’existe pas, et depuis hier les e´ve´nemens rendent cette suˆrete´ moins complette. M 796c

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La se´ance du 6 juin s’e´tait termine´e sur l’amendement Courvoisier. Le lendemain, de`s l’ouverture, apre`s une bre`ve intervention de Beause´jour, BC prend la parole, distinguant les deux «questions» de la veille : les e´ve´nements et la loi e´lectorale. Il va revenir sur la premie`re, ouvrant un feu roulant de ses amis qui pre´senteront divers te´moignages de victimes, jusqu’a` l’intervention du garde des Sceaux. Ces interventions n’e´taient pas e´trange`res a` ce qui s’e´tait passe´ la veille : «L’enterrement du jeune Lallemand avait eu lieu le matin [du 6], et cinq a` six mille jeunes gens y avaient assiste´, en habit noir, sans qu’aucun de´sordre vıˆnt troubler la ce´re´monie ; mais, vers le soir, les groupes se reforme`rent dans les environs de la Chambre, et pour la premie`re fois on y remarqua un grand nombre d’ouvriers. Cependant la gendarmerie a` cheval et les dragons balaye`rent en peu de temps la place Louis XV et la rue de Rivoli ; malheureusement, dans le de´sordre, quelques personnes inoffensives furent frappe´es et blesse´es. Comme la veille [voir ci-dessus p. 647, note 1], le rassemblement, en s’e´loignant de la Chambre, se porta vers les faubourgs, qui, assez indiffe´rents a` la loi des e´lections, ne l’e´taient pas aux sce`nes qui avaient lieu depuis deux jours, et surtout au meurtre du jeune homme dont le corps avait e´te´ porte´, le matin, au cimetie`re du Pe`re-Lachaise.» (P. Duvergier de Hauranne, Histoire du gouvernement parlementaire en France, t. V, p. 558).

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Deuxie`me partie – Session de 1819–1820

(Murmures a` droite ... A droite : C’est une expression de la re´volution1.) Je dis sur la place Louis XV. J’avais improprement employe´ le mot de place de la Concorde, et je vois que ce mot ne convient pas a` ceux qui m’interrompent ... M. Dubief marchait avec un ami, non au milieu de la place, mais de coˆte´. Il ne profe´rait pas un seul cri. Le commandant d’un de´tachement de dragons de la garde s’est approche´, et a traite´ ces deux individus, qui e´taient fort tranquilles, d’une manie`re tre`s injurieuse. L’un d’eux ayant fait quelques observations, a rec¸u un coup de sabre ; M. Dubief a le bras droit coupe´ jusqu’au tendon. Voila` comme la police s’exerce. Il sera facile de savoir le nom de l’officier qui a si indignement rempli sa mission. Je de´pose la lettre de M. Dubief2 et la de´claration du chirurgien. J’espe`re que nous n’entendrons plus parler de charges de cavalerie contre des hommes qui ne font rien de re´pre´hensible, qui n’ont aucune mauvaise intention. Je mets de tels actes tout entiers sous la responsabilite´ des ministres, et je demande si, dans cet e´tat de choses, la suˆrete´ de la Chambre et de la capitale est assure´e.

1 A droite : ] M. de Puymaurin M 796c 12–13 qui ne font rien de re´pre´hensible ] qui ne font rien Discours 1827 I 397 aucune mauvaise intention ] au pluriel M 797a

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Selon le Moniteur du 8 juin 1820, la remarque est faite par Puymaurin (p. 796). L’ancienne place Louis XV avait e´te´ de´nomme´e place de la Re´volution en 1792, puis place de la Concorde en 1795. Elle sera place Louis XVI en 1826, avant de redevenir place de la Concorde en 1830 (J. Hillairet, Connaissance du Vieux Paris, Paris : Club franc¸ais du livre, 1965, p. 404). BC e´tait donc autorise´ a` parler de la place de la Concorde, mais l’intention de piquer les ultras n’est e´videmment pas absente. Le Constitutionnel du 8 juin 1820, p. 1, de´veloppe son propos : «On croit devoir m’interrompre parce que j’ai dit la place de la Concorde au lieu de la place Louis XV. Cette le´ge`re erreur doit cependant paraıˆtre pardonnable a` ces Messieurs (du coˆte´ droit), que j’ai si souvent entendus dire lois impe´riales au lieu de lois royales ; j’avoue au reste qu’on s’efforce d’empeˆcher maintenant que cette place ne soit celle de la Concorde ; car c’est la` surtout qu’on fait assassiner les citoyens par des soldats.» La lettre de Dubief a` BC a e´te´ conserve´e (OCBC, Correspondance, t. XI, p. 518).

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[Intervention contre la cloˆture]* Se´ance du 7 juin 18201

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Vous ne pouvez fermer la discussion quand on n’a conteste´ aucun des faits e´nonce´s ... (Les cris : la cloˆture, recommencent.) M. Blanquart de Bailleul. Vous dites que vous n’eˆtes pas libres, et vous voulez faire la loi a` l’assemble´e.

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Messieurs, j’en appelle a` votre dignite´. M. le ministre de la justice n’a point ordonne´ qu’on fermaˆt la discussion ... Les plus violents murmures interrompent ... Les cris : a` l’ordre, a` l’ordre se font entendre. M. de Castelbajac. Je demande le rappel a` l’ordre de l’orateur, personne n’est ici a` l’ordre des ministres. L’orateur s’est adresse´ a` ce coˆte´ ; je demande que la chambre re´prime cette insulte ... M. de Maccarthy. C’est une insolence inconcevable. L’Assemble´e me jugera, elle peut me rappeler a` l’ordre si elle croit que je m’en suis e´carte´. J’attends sa de´cision.

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M. le pre´sident. Insiste-t-on sur le rappel a` l’ordre ? ... M. Usquin. Non cela n’importe pas, mais la cloˆture ... (Les cris La cloˆture, se renouvellent.) L’Assemble´e ne peut fermer la discussion, avant de permettre de re´pondre a` ce qui a e´te´ dit ; vous avez vu la manie`re dont le ministre a nie´ des *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 160, jeudi 8 juin 1820, p. 798c ; Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 314. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, jeudi 8 juin 1820, p. 1325a ; Journal des de´bats, jeudi 8 juin 1820, p. 4a ; Le Courrier franc¸ais, no 354, jeudi 8 juin 1820, p. 3a ; Le Constitutionnel, no 160, jeudi 8 juin 1820, p. 3b ; La Quotidienne, no 160, jeudi 8 juin 1820, p. 4a ; Gazette de France, no 160, jeudi 8 juin 1820, p. 650a.

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Affirmant la liberte´ de la Chambre dans ses de´libe´rations et la le´gitimite´ de l’action des forces de l’ordre, de Serre avait re´pondu aux «huit ou dix discours» de BC et de ses amis : «On interpelle sans cesse le ministe`re. On lui demande sans cesse des explications. Je re´pe`te encore que d’avance on est re´solu a` ne pas trouver ces explications satisfaisantes, et a` les de´clarer ou fausses ou partiales. Il est admis que ce sont les honorables pre´opinants seuls qui se sont trouve´s partout, qui ont tout vu, et que personne qu’eux n’a pu rien voir ni savoir.» Sur quoi, «On demande a` grands cris la cloˆture de la discussion» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 314).

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faits produits, atteste´s. Il vous a parle´ des motifs et de l’origine du mouvement, et lui a assige´ une cause1 bien diffe´rente de celle qui, en effet a re´pandu l’agitation dans cette capitale, et dans toute la France. Ce n’est point par des de´ne´gations qu’il faut re´pondre a` de tels faits : on nie que cette chambre soit dans un e´tat d’oppression, vous le constatez en exigeant la cloˆture, sans qu’il soit permis de re´pondre.2

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Re´pondant a` BC la veille, de Serre avait de´nonce´ : «un parti, une faction, s’opposant a` toute modification de la loi des e´lections, et, non content de combattre cette modification dans les Chambres, faisant des appels a` la multitude, et voulant obtenir par la re´volte ce qu’elle de´sespe´rait de la libre de´libe´ration du pouvoir le´gislatif.» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 293). C’e´tait faire de BC et ses amis les fauteurs des troubles de la capitale. Sur ces paroles, le pre´sident met aux voix la cloˆture («la tre`s-grande majorite´ du centre de gauche» vote pour, avec la droite et le centre) et ferme la discussion.

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[Nouvelle intervention contre la cloˆture]* Se´ance du 10 juin 18201

815c

J’ai demande´ la parole contre la cloˆture ... (Non, non.) Vous devez entendre mes motifs. J’ai a` entrer dans quelques de´veloppemens sur le degre´ d’influence d’un parti sur les e´ve´nemens, pour montrer que les de´sordres lui appartiennent (Voix a` droite : le dehors ne nous regarde pas2). Si je faisais une proposition inconvenante ou inconstitutionnelle, vous pourriez vous e´lever contre moi ; mais, citoyen et de´pute´, je viens vous entretenir des causes de l’agitation extraordinaire qui se manifeste de plus en plus3 ; vous ne pouvez nous dire que cela ne vous regarde pas ... Je demande a` faire des observations sur ce qui vient d’eˆtre dit, et sur les faits qui ont eu lieu ... (On demande a` grands cris la cloˆture...)4 *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 163, dimanche 11 juin 1820, p. 815c ; Archives parlementaires, t. XXVIII, pp. 358 ; 359. Manuscrit : BCU, Co 4380, p. 352. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, dimanche 11 juin 1820, p. 3a ; Le Courrier franc¸ais, no 357, dimanche 11 juin 1820, p. 2b ; Le Constitutionnel, no 163, dimanche 11 juin 1820, p. 2b ; La Quotidienne, no 163, dimanche 11 juin 1820, p. 3b ; Gazette de France, no 163, dimanche 11 juin 1820, p. 661a.

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Boin avait pre´sente´ le 7 juin son amendement qui allait de´finitivement amener la conclusion des de´bats. Il reprenait celui de Courvoisier (voir ci-dessus pp. 669–671) et ajoutait le double vote : les e´lecteurs du colle`ge de de´partement, les plus fortune´s, voteraient aussi au colle`ge d’arrondissement. Le 8 et le 9, la Chambre avait examine´, puis vote´ a` une large majorite´ l’amendement. BC n’avait pas parle´, peut-eˆtre parce que : «Je suis accable´ de fatigue & de tristesse – e´crit-il le 10 juin. Je ne pre´vois rien pour l’avenir.» Et un peu plus loin dans la meˆme lettre : «Je vous e´cris au moment d’aller a` une se´ance la plus e´trange de toutes celles que nous aurons eues durant cette de´plorable session. Je parlerai, parce que bien que je n’aye garde´ le silence qu’un seul jour depuis ces de´bats, parce que ma poitrine est abyme´e, j’ai vu que les journaux l’avoient remarque´.» (OCBC, Correspondance, t. XI, p. 526). Le Journal des De´bats du 10 juin 1820, p. 4, et la Gazette de France du meˆme jour, p. 658, avaient signale´ le silence de BC lors de la se´ance du 9. La se´ance du 10 s’ouvrit sur un discours de Laffitte, rendant compte de ce qui s’e´tait passe´ («Depuis trois jours le sang n’a cesse´ de couler dans la capitale. Hier, il a e´te´ re´pandu d’une manie`re beaucoup plus efrayante», Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 354). Selon l’ordinaire, la re´ponse fut apporte´e par de Serre et la cloˆture demande´e ; BC «monte a` la tribune ...» Le «dehors» est effectivement du ressort de l’exe´cutif et, plus particulie`rement, du ministre de l’Inte´rieur Sime´on, e´trangement silencieux depuis le 26 mai. Sur les e´ve´nements qui agite`rent Paris le 8 et le 9 juin, voir les Me´moires du chancelier Pasquier, t. IV, pp. 424–425. De son coˆte´, BC avait rec¸u des lettres qui confirmaient la tension des esprits (OCBC, Correspondance, t. XI, pp. 523–525). Ici, plusieurs de´pute´s de la gauche (Me´chin, Foy, Corcelle) demandent la parole pour aller dans le meˆme sens que BC. Puis Hautefeuille propose que la Chambre continue en comite´ secret. Un de´bat s’e´le`ve a` ce propos, puis on renonce a` cette option. Courvoi-

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sier propose ensuite d’entendre BC : «fermera-t-on la discussion, ou M. Benjamin Constant sera-t-il entendu ? Il vient de me dire, au moment ou` je montais a` la tribune, qu’il n’avait l’intention de rien dire qui ne portaˆt a` la conciliation. Je ne crois pas qu’il lui e´chappe des paroles dans un autre sens. Entendons-le [...]». Le pre´sident donne la parole a` BC. Hautefeuille sie´geait a` droite.

Re´ponse sur le meˆme sujet [troubles de Paris].* [Se´ance du 10 juin 1820]1

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MESSIEURS, J’ai a` re´pondre aux diverses alle´gations qui ont e´te´ pre´sente´es contre les membres de cette assemble´e, qui, alarme´s de la situation pre´sente, ont voulu vous faire connaıˆtre l’e´tat d’une capitale si malheureuse depuis huit jours. Je n’ai vu dans ce qui vous a e´te´ dit que des reproches injustes, le besoin de chercher un pre´texte aux mesures violentes qui ont e´te´ prises et le dessein de vous donner une fausse ide´e du principe ve´ritable des mouvemens qui ont eu lieu. Il nous appartient donc de vous pre´senter d’autres conside´rations, et de vous dire comment il se fait que des citoyens paisibles aient e´te´ maltraite´s, frappe´s, disperse´s ; qu’il y ait eu des actes de violences coupables, des actes ille´gaux qui ne sauraient eˆtre justifie´s. On ne voudra sans doute pas emporter le fond par la forme. Nous avons le droit de dire aux ministres qu’ils doivent prendre des mesures propres a` calmer les esprits, et que celles qu’ils ont prises n’ont fait jusqu’ici que les exaspe´rer. On a de´place´ la question, et c’est le malheur de toute cette discussion ; c’est la cause des e´ve´nemens que nous de´plorons. Si, apre`s la journe´e de samedi, on e´tait venu nous dire la ve´rite´, si on e´tait venu nous entretenir du complot re´el qui a existe´ contre la repre´sentation natio*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 397–402 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 397–402 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 163, dimanche 11 juin 1820, p. 816ab [=M] ; Archives parlementaires, t. XXVIII, pp. 359–361. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 352–357. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, dimanche 11 juin 1820, pp. 1340b–1341a ; Journal des de´bats, dimanche 11 juin 1820, pp. 3ab–4a ; Le Courrier franc¸ais, no 357, dimanche 11 juin 1820, pp. 2b–3b ; Le Constitutionnel, no 163, dimanche 11 juin 1820, p. 3ab ; La Quotidienne, no 163, dimanche 11 juin 1820, p. 4a ; Gazette de France, no 163, dimanche 11 juin 1820, pp. 661b– 662a.

12 aient e´te´ maltraite´s ] ont e´te´ maltraite´s M 816a 13 qu’il y ait eu ] qu’il y a eu M 816a 14 ille´gaux ] individuels M 816a 18 et c’est le malheur ] et cela est le malheur M 816a 1

Cette intervention de BC fait suite a` la demande qui avait e´te´ formule´e par Courvoisier, p. 677, note 4. Il ne devait rien dire «qui ne portaˆt a` la conciliation» : il est permis d’en douter.

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nale et contre plusieurs de´pute´s notoirement menace´s ; si l’on e´tait venu vous dire : Les coupables sont connus et ils seront punis, tout serait apaise´ ; mais on vous a pre´sente´ les faits de la manie`re la plus inexacte ; on a nomme´ rebelles ceux qui avaient e´te´ victimes. Ce n’e´tait pas la` le langage qu’on devait tenir ; la ve´rite´ a une puissance universelle ; il fallait la faire entendre : on ne l’a pas voulu, et voila` la seule cause de cette longue agitation et de cette fermentation, que des mesures imprudentes n’ont fait qu’augmenter. Si l’on e´tait remonte´ franchement a` l’origine des troubles, on aurait reconnu un complot organise´ par des chefs qui dirigeaient tous les mouvemens, qui de´signaient parmi nous des victimes que le hasard seul a de´robe´es au sort qui leur e´tait re´serve´1. En vain reporterait-on la cause premie`re a` un hommage rendu a` l’un de nos colle`gues2 : cet hommage pouvait eˆtre de´place´ ; mais assure´ment, ce mouvement libre, spontane´, n’avait nullement le caracte`re d’un complot. C’est par des re´cits infide`les qu’on a excite´ la fermentation. Le de´ploiement de forces qu’on a ordonne´ en a e´te´ une autre cause. A qui attribuer ces actes de violence, cet e´tat d’ivresse des troupes, ces charges de cavalerie qui formaient les attroupemens au lieu de les dissoudre, puisque les citoyens presse´s, foule´s en fuyant, se re´fugiaient et se serraient les uns contre les autres ? On a aigri les esprits, on a excite´ le me´contentement. Je ne justifie pas les attroupemens, je de´sapprouve les re´sistances ille´gales, mais il ne faut pas confondre avec des re´sistances ille´gales, des rassemblemens qui n’ont point un caracte`re hostile. Mais au milieu de ces rassemblemens on a entendu des cris se´ditieux ! Je veux le croire ; mais connaissons-nous quels ont e´te´ les provocateurs ? A Lyon3 aussi, il y a eu des provocateurs ; ils ont e´te´ reconnus, signale´s ; on 1–2 si l’on e´tait venu vous dire ] si on fuˆt venu vous dire Discours 1827 I 398 9 Si l’on e´tait ] Si on fuˆt Discours 1827 I 398 ; Si on euˆt M 816a 11 que le hasard seul a de´robe´es ] qui n’ont e´chappe´ que par hasard M 816a 14 ce mouvement libre, spontane´, n’avait ] le mouvement e´tait libre, spontane´, et il n’avait M 816a 19 qui formaient ] qui forment M 816a 20 se serraient ] se pressaient M 816a 20–21 contre les autres ? ] contre les autres. Discours 1827 I 399 1 2 3

Rappelons que le gouvernement, par la voix de de Serre, voyait l’origine des troubles dans l’opposition qui refusait la loi e´lectorale (voir ci-dessus, p. 676). Le marquis de Chauvelin avait e´te´ acclame´ dans les derniers jours de mai 1820 sur le chemin entre son domicile et le palais Bourbon (voir ci-dessus p. 340). Il y avait eu des mouvements a` Lyon, mais ils semblaient plutoˆt le fait de la gauche (P. Duvergier de Hauranne, Histoire du gouvernement parlementaire en France, t. V, p. 530 ; A. Nettement, Histoire de la Restauration, t. V, p. 380).

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connaıˆt les noms de ces infaˆmes agens ; ne peut-il en eˆtre de meˆme a` Paris ? Il y en a eu d’arreˆte´s ; pourquoi ont-ils e´te´ relaˆche´s ? Les ministres doivent le savoir ; ils ont ici les rapports sous les yeux ... Les ministres se sont conduits avec faiblesse d’une part, et avec peu de loyaute´ de l’autre ; je ne leur en fais pas un reproche particulier ; je vois ici la meˆme source que celle des malheurs du Midi1. Oui, il faut le dire ; je vois ici l’effet des combinaisons, de ce qu’il faut bien appeler le gouvernement occulte ... Oui, Messieurs, il est certain que le complot de samedi appartient a` l’agent du gouvernement occulte2 ... Cet agent est le meˆme homme qui a e´crit les fameuses circulaires3. (Nommez, nommez.) Une proce´dure existe : les interrogatoires auront lieu ; les de´positions seront faites en pre´sence de la justice : c’est alors que je de´clarerai les noms ; la Chambre n’est pas juge, et je ne dois nommer personne4 ... M. le garde-des-sceaux a accuse´ et n’a nomme´ personne ; vous n’avez rien dit, il nommera sans doute ceux qu’il accuse. Quant a` moi, je crois que le pouvoir secret dont je parle a provoque´ l’e´garement des soldats ; qu’il est l’auteur des troubles ; qu’il peut entraıˆner la France aux plus grands malheurs. J’oppose des faits a` des faits, des alle´gations a` des alle´gations, et je ne m’attache pas a` des interpellations5 auxquelles je ne dois pas re´pondre. 3 sous les yeux ] apre`s ces mots, a` la ligne M. le garde-des-sceaux. Cela n’est pas ; nous avons sous les yeux la preuve du contraire ... M 816a 5 de l’autre ; je ne leur ] a` votre e´gard ; mais je ne leur M 816a 7–8 le gouvernement occulte ] (Les plus violents murmures e´clatent a` droite et au centre.) M 816a 9 a` l’agent du gouvernement occulte ] (Le meˆme mouvement e´clate ...) a` la ligne M. Castelbajac. Qui ? qui ? Nommez, nommez donc... On vous a cent fois de´menti, et sans cesse vous profe´rez les meˆmes accusations... Cela est insoutenable... M. le pre´sident rappelle au silence... – M. Castelbajac. Imposez donc silence a` l’orateur qui se permet de telle imputations... – M. le pre´sident. Vous aurez la parole pour re´pondre. M 816a 10 Cet agent est ] Oui, cet agent est M 816a 11 (Nommez, nommez.) ] M. Castelbajac. Nommez donc..., nommez donc... Toujours les meˆmes calomnies... M 816a 12 Une proce´dure existe : ] Une proce´dure existe ! Discours 1827 I 400 14 nommer personne ] apre`s ces mots (Voix a` droite : En ce cas n’accusez pas.) M 816a 1 2

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Voir ci-dessus, pp. 602–604. «Monsieur, en qui chacun reconnaissait le chef du gouvernement occulte.» (P. Duvergier de Hauranne, Histoire du gouvernement parlementaire en France, t. V, p. 505). L’attaque restera anonyme. Sur «les fameuses circulaires», voir la se´ance de la Chambre le 25 avril 1820 ou` fut examine´e la pe´tition de Madier de Montjau (ci-dessus, pp. 557–560). Toujours l’affrontement avec le garde des Sceaux qui avait parle´ juste avant que BC «monte a` la tribune». Sans donner de noms, de Serre s’en e´tait pris «aux auteurs de cette re´bellion, aux hommes qui l’ont organise´e, pre´pare´e depuis longtemps, et qui maintenant la dirigent» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 357). Chacun avait trouve´ son manipulateur : pour le ministre, les amis de BC ; pour BC, les ultras et le comte d’Artois. Celles de Castelbajac (voir les variantes).

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On vous a lu l’extrait d’un proce`s-verbal1. M. le garde-des-sceaux s’en est pre´valu pour vous signaler un parti se´ditieux. Je prendrai la liberte´ de lui demander, puisqu’il ne croit pas contraire a` ses devoirs de nous donner connaissance de ce proce`s-verbal, pourquoi nous refuser de nous communiquer les rapports faits a` l’e´tat-major de la place et a` la police, sur la journe´e de samedi ? Ces rapports confirmaient ce que j’ai dit ; je le tiens d’une personne qui le tenait de meˆme de la bouche de M. le pre´fet de police Angle`s2. Ils contiennent la preuve d’un complot contre trois membres de cette Chambre ; les postes e´taient assigne´s. Chacun d’eux devait eˆtre attendu a` l’une des portes du palais. On nous lit un proce`s-verbal ; pourquoi ne lit-on pas les rapports que j’indique ? Je le re´pe`te, avec de l’impartialite´, on aurait calme´ toute l’effervescence ; on a accuse´ un parti qui n’e´tait pas coupable, et les esprits se sont irrite´s. En ne de´masquant pas le parti coupable et en accusant celui qui a e´te´ victime, on a cause´ tous les malheurs re´sultant de l’e´garement et de l’enivrement complet des soldats. Une lettre, que m’adresse un me´decin des hospices3, prouve que ces malheurs sont dus, non aux attroupemens, mais aux mesures imprudentes prises pour les dissiper4. Hier au soir, y est-il dit, vers onze heures, j’e´tais chez moi, rue SaintDenis no 36, des cris de vive la Charte ! se faisaient entendre, ils e´taient profe´re´s par des enfants de 12 a` 14 ans, avec lesquels e´taient deux ou trois hommes. Les cuirassiers de la garde royale sont arrive´s ; ils ont sabre´ des hommes, des femmes et des enfans. Les chefs animaient leurs cavaliers ; ils criaient, tue, tue... Un mouvement d’indignation e´clate a` droite ... C’est faux, c’est faux5 ... 1–2 proce`s-verbal, ... vous signaler ] proce`s-verbal qui, dans son esprit, porte M. le garde-dessceaux a` vous signaler M 816a 15 Une lettre ] Voici une lettre M 816a 16 prouve ] elle prouvera M 816a 1

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De Serre n’avait cite´ que quelques mots d’un «rapport qui m’a e´te´ adresse´ par le lieutenant ge´ne´ral commandant la division militaire, comte Defrance» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 358). Sur Jean-Marie Defrance (1771–1835), voir l’Almanach royal, pour l’anne´e bissextile M.DCCC.XX, Paris : Guyot, [1820], p. 725. Sur Jules Angle`s (1778–1828), pre´fet de police de Paris depuis 1815, voir OCBC, Œuvres, t. XI, p. 495, note 1 et passim. La lettre d’un nomme´ Hulin, adresse´e a` BC le 9 juin, a e´te´ conserve´e (OCBC, Correspondance, t. XI, pp. 523–524). Les e´ditions de 1827 et 1828 ne donnent pas le passage ou` BC lit la lettre mentionne´e ; on re´tablit le texte d’apre`s le Moniteur, p. 916b. Le Moniteur fait e´tat d’une longue et tumultueuse interruption du discours de BC ; plusieurs de´pute´s re´clament le rappel a` l’ordre, estimant que la lecture de cette lettre n’a pas lieu d’eˆtre. Puis BC re´plique et Courvoisier prend la parole (Moniteur, p. 916b).

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Quand je ne donne pas des faits a` l’appui de mes raisonnemens, on demande le rappel a` l’ordre ; quand je cite des faits, doit-on le demander encore ? ... M. Courvoisier Mon intention n’est pas d’ajouter a` l’aigreur et a` l’animosite´ de ces de´bats ; mais il est une chose que la sagesse de la chambre doit lui faire reconnaıˆtre : quand un membre de la chambre cite un fait dont il a e´te´ te´moin, il en re´pond, et doit eˆtre cru sur sa parole ; mais quand il cite une lettre, il n’affirme et ne peut affirmer rien ; mille individus peuvent e´crire a` un de´pute´ des faits inexacts, exage´re´s ; il peut y avoir la` des artifices, des pie`ges tendus. Je m’oppose a` ce que la chambre entende de semblables lectures, la chambre ne doit e´couter que les de´clarations personnelles de ses membres. (Voix ge´ne´rale : Appuye´, appuye´.) [...]1 M. Courvoisier a eu raison de le dire ; mon intention n’e´tait pas de contribuer a` aigrir les esprits ; mais on m’a demande´ des faits, et j’en donne. Cette lettre renferme la liste, les noms, la demeure des personnes blesse´es. (Voix a` gauche : Lisez, lisez. Voix ge´ne´rales : Non, non.2) Messieurs, de graves de´sordres ont eu lieu ; ils se perpe´tuent ; j’affirme, sur ma responsabilite´ personnelle, qu’ils ne sont pas dus a` la cause qui vous a e´te´ signale´e. M. le garde-des-sceaux s’est montre´ partial dans les explications qu’il a donne´es a` cette tribune ; ce sont les fausses mesures des ministres qui ont fait tout le mal. Ils devaient invoquer l’assistance des officiers civils et celle de la garde nationale....... (Voix a` droite : Cela a e´te´ fait.) Et quel usage a-t-on fait de la censure dans cette circonstance ? Ne liton pas aujourd’hui dans un journal un article dans lequel on appelle mouvement militaire les charges de cavalerie et les coups de sabres qui ont e´te´ donne´s3 ? Si le gouvernement avait agi avec impartialite´, s’il euˆt fait arreˆter les ve´ritables provocateurs, tout serait fini ; il n’y a pas de gouvernement ou` de pareils de´sordres continuent huit jours, s’il n’est pas asservi par la faction 26 mouvement militaire ] pas en italique Discours 1827 I 401 27 Si le gouvernement ] Oui, si le gouvernement M 816b 28 il n’y a pas ] car il n’y a pas M 816b 1 2

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BC reprend alors la parole (Moniteur, p. 916b). Ce dernier aline´a appartient aussi aux versions imprime´es de 1827 et 1828 ; mais celles-ci ne signalent pas, a` cet endroit, une nouvelle et longue interruption. La cloˆture de la discussion est re´clame´e «a` grands cris». Manuel prend alors la parole pour s’y opposer ; Courvoisier lui re´pond. Enfin, le pre´sident de´clare : «L’orateur [BC] renonce a` donner lecture du reste de la lettre. (Voix a` droite : Il n’y en a de´ja` que trop ...)» (Moniteur, p. 916b). BC reprend le fil de son discours, transcrit a` nouveau selon le texte de base. Effet oratoire ? Le journal en question n’a pas e´te´ retrouve´.

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qui les provoque. Remarquez que cette faction, ne trouvant pas que les e´ve´nemens tournassent assez a` son profit, a voulu tenter un dernier effort ; et il est bien digne d’observation que les de´sordres ont redouble´ en gravite´ quand elle a cru voir que le ministe`re n’osait rien re´primer1 : le ministe`re est le maıˆtre d’apaiser les troubles quand il le voudra. Tous les amis de l’ordre et de la liberte´ n’ont qu’un vœu, ce ne sont pas des factieux. Et ne nous sommes-nous pas re´unis a` lui chaque fois qu’il a pre´sente´ des dispositions qui n’e´taient pas tout-a`-fait inconstitutionnelles ? Quand, au contraire, il secondera un parti qui veut sa perte, il ne peut compter sur la tranquillite´, et il n’aura pour lui que la majorite´ mise´rable dont il s’est lui-meˆme reconnu trop peu appuye´. Il vient d’avoir une grande majorite´ pour une transaction entre les diverses opinions2 ; mais certes cette majorite´, qui a pour lui le me´rite de la nouveaute´, n’est pas tout-a` fait ministe´rielle ; elle se retournera contre lui au premier moment ou` il reprendra une marche contre-re´volutionnaire ; il ne retrouvera que sa majorite´ de trois ou quatre voix. Il peut rendre permanente une grande et forte majorite´. Je conclus a` la proposition de

1 cette faction ] la faction M 816b 2 tournassent ] tournaient M 816b 4 quand elle a cru ] quand la faction a cru M 816b n’osait rien re´primer : le ministe`re ] allait se se´parer (Les plus violens murmures interrompent au centre et a` droite.) Ainsi le ministe`re M 816b 7 chaque fois ] toutes les fois M 816b 8–9 Quand au contraire il secondera ] Mais quand il secondera M 816b 1

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L’assemble´e e´tait agite´e et il existe deux autres lec¸ons, sensiblement diffe´rentes : «quand la faction a cru voir que le ministe`re allait se se´parer» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 361) ; «au moment ou` le gouvernement annonc¸ait l’intention de se se´parer de la faction» (Journal de Paris, 11 juin 1820, p. 3). Est-ce a` ces lignes que BC pensait ? Le lendemain, il e´crivait «Au Re´dacteur du Constitutionnel» : Paris, le 11 juin 1820. Monsieur, Il n’est pas e´tonnant qu’en recueillant les de´tails d’un[e] se´ance aussi bruyante que celle d’hier, les journaux aient ajoute´, retranche´ ou de´figure´ des phrases. Celles que j’ai prononce´es ont e´prouve´ cet accident. Il serait trop long de relever les inexactitudes des diffe´rentes feuilles qui en ont rendu compte ; mais voulant re´pondre de mes paroles, et ne voulant re´pondre que de mes paroles, je de´clare que ni le Moniteur ni la Renomme´e, ni plusieurs autres journaux ne les ont transcrites fide`lement ; et pour qu’on ne croie pas que je veux e´luder la responsabilite´ que je provoque, j’ajouterai qu’ayant soigneusement parcouru toutes les versions, j’en ai trouve´ deux qui, sans eˆtre d’une exactitude parfaite, ne m’ont du moins rien fait dire qui fuˆt diffe´rent de ce que j’ai dit ; l’une est dans le Constitutionnel ; l’autre, ce qui m’a fort e´tonne´, dans le journal du ministe`re, qui n’est pas suspect de partialite´ envers moi, je veux dire dans le Journal de Paris, ce sont les deux seules versions que j’avoue ... BENJAMIN CONSTANT.» (Le Constitutionnel du 12 juin 1820, p. 3). L’amendement Boin avait e´te´ vote´ par 185 voix contre 66 (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 354).

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Re´ponse sur le meˆme sujet

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suspendre la de´libe´ration ; il ne tient qu’aux ministres de faire cesser les de´sordres, et, s’ils le veulent, nous y contribuerons de tout notre pouvoir.1

1

De Serre re´pondit imme´diatement et fermement a` BC, lequel re´clama avec Beause´jour le comite´ secret, mais «Peu a` peu le calme se re´tablit, et la demande du comite´ secret n’a pas de suite.» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 362). La discussion sur le projet de loi des e´lections reprend jusqu’a` la fin de la se´ance.

[Intervention sur l’amendement de Me´chin]* Se´ance du 12 juin 18201

825c

Je viens demander un e´claircissement sur l’effet que doit avoir l’amendement de M. Me´chin. Il peut se trouver que les arrondissemens e´lectoraux et les arrondissemens de sous-pre´fectures soient enclave´s les uns dans les autres, de manie`re qu’il y aurait deux sous-pre´fectures dans le meˆme arrondissement e´lectoral. Dans ce cas, les deux sous-pre´fets doivent-ils eˆtre exclus. Pour moi, je le pense ; mais il faut le spe´cifier.2

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 166, mercredi 14 juin 1820, p. 825c ; Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 380. Manuscrit : BCU, Co 4380, p. 357. Autre publication : La Renomme´e, mardi 13 juin 1820, p. 1348a.

1

Le 11 juin e´tait un dimance. Le travail reprit le 12 avec l’habituel mouvement entre articles et amendements. Me´chin, lui-meˆme ancien pre´fet, pre´senta l’amendement suivant: «L’article 17 de la loi du 5 fe´vrier 1817, qui de´clare que les pre´fets ne pourront eˆtre e´lus de´pute´s dans les de´partements ou` ils exercent leurs fonctions, est applicable aux sous-pre´fets, qui ne pourront conse´quemment eˆtre e´lus par les colle`ges de l’arrondissement dans lesquels ils sont employe´s.» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 380). Pour re´pondre a` BC, Foy, Pasquier, Casimir Perier propose`rent des versions simplifie´es de l’amendement Me´chin. Le pre´sident Ravez pre´senta la dernie`re re´daction qui fut adopte´e unanimement : «Les sous-pre´fets ne peuvent eˆtre e´lus par les colle`ges d’arrondissement qui comprennent tout ou partie des e´lecteurs de leur sous-pre´fecture.» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 380). C’est l’art. 8 de la loi.

2

[Intervention sur l’amendement de Legraverend]* Se´ance du 12 juin 18201

825c

Il paraıˆt que cet amendement rentre dans un syste`me dont nous voulons nous rapprocher. Ce syste`me est pratique´ en Angleterre. Ce n’est point une marque de de´fiance contre le Gouvernement ; ce n’est point un acte d’hostilite´. Quand on a mal a` propos e´mis l’ide´e d’exclure de la Chambre tous les fonctionnaires publics, j’ai e´te´ le premier a` m’e´lever contre elle2. Leur pre´sence est ne´cessaire dans cette chambre, ou` ils peuvent re´pandre beaucoup de lumie`res : mais il ne faut pas que cette pre´sence assure au Gouvernement une pre´dominance trop absolue. Dans le syste`me pre´sente´, qu’arrivera-t-il ? Un de´pute´ est nomme´ a` une fonction publique ; eh bien ! il se repre´sentera a` ses concitoyens en leur disant : Vous m’aviez nomme´ dans une position inde´pendante ; ma position est change´e ; mais je me crois toujours digne de votre estime, et je viens en re´clamer un nouveau te´moignage. S’il le rec¸oit, il rentre au sein de cette chambre sous le double auspice de la confiance du Roi et de celle de ses concitoyens. Je ne vois pas qu’il y ait la` rien de contraire a` la dignite´ de la chambre et a` celle du Gouvernement. J’appuie la proposition.3 *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 166, mercredi 14 juin 1820, p. 825c ; Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 380. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 357– 358. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, mardi 13 juin 1820, p. 1348a ; Journal des de´bats, mardi 13 juin 1820, p. 3a. Le Courrier franc¸ais, no 359, mardi 13 juin 1820, p. 2b ; Le Constitutionnel, no 165, mardi 13 juin 1820, p. 2a ; La Quotidienne, no 165, mardi 13 juin 1820, p. 3b ; Gazette de France, no 165, mardi 13 juin 1820, p. 669ab.

1

Legraverend, souhaitant donner «plus d’e´tendue a` la re´daction» de l’amendement Me´chin, proposa : «Les de´pute´s qui, poste´rieurement a` leur e´lection, seront promus par le gouvernement a` des fonctions ou emplois amovibles, cesseront, par le seul fait de leur acceptation de ces fonctions, de faire partie de la Chambre ; mais ils pourront eˆtre re´e´lus, s’ils ne sont d’ailleurs dans le cas pre´vu par l’article 17 de la loi du 5 fe´vrier.» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 380). Au moment ou` se discutait la loi du 5 fe´vrier 1817, BC de´fendait en termes proches l’amendement Legraverend (OCBC, Œuvres, t. X, p. 414). Pasquier s’opposera a` l’amendement Legraverend, montrant qu’il laisse «supposer que la confiance royale accorde´e a` un sujet de Sa Majeste´, peut eˆtre conside´re´e comme une raison pour que ses commettants aient en lui moins de confiance» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 381). L’amendement ne sera pas retenu.

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[Proposition d’une nouvelle re´daction d’un article de la loi e´lectorale]* Se´ance du 12 juin 18201

827b

827c

La question n’est, en effet, ici que sur le de´lai a` fixer pour la convocation ; car il est e´vident que l’option doit eˆtre porte´e a` la chambre. En effet, pour opter, il faut eˆtre de´pute´, et pour eˆtre de´ pute´, il faut que la chambre ait reconnu la validite´ des pouvoirs. En nous bornant donc au de´lai, je propose d’adopter cette re´daction : «En cas de vacance par option, mort ou de´mission, le colle`ge e´lectoral appele´ a` nommer en remplacement, est convoque´ dans le de´lai de six semaines.»2

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 166, mercredi 14 juin 1820, p. 827bc ; Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 386. Manuscrit : BCU, Co 4380, p. 358. Autres publications, re´sume´s ou allusions : La Renomme´e, mardi 13 juin 1820, p. 1349a ; Journal des de´bats, mardi 13 juin 1820, p. 4a ; Le Courrier franc¸ais, no 359, mardi 13 juin 1820, p. 3b ; Le Constitutionnel, no 165, mardi 13 juin 1820, p. 3a ; La Quotidienne, no 165, mardi 13 juin 1820, p. 4b ; Gazette de France, no 165, mardi 13 juin 1820, p. 668a [pagination inverse´e].

1

Un candidat pouvait eˆtre e´lu dans deux colle`ges. Il s’agissait alors de fixer en premier lieu les conditions par lesquelles il choisirait son sie`ge (devant son colle`ge ou a` la Chambre), puis en second lieu les modalite´s de l’e´lection du sie`ge non pourvu, et particulie`rement les de´lais de convocation. BC sera concerne´ par ces dispositions en 1827. Pasquier proposera un de´lai de deux mois qui sera vote´. C’est l’art. 10 de la loi. C’est sur ce demi-succe`s de BC que se terminent les discussions sur les articles additionnels de la loi avant le vote final qui donnera le re´sultat suivant : 154 voix en faveur de la loi des e´lections, 95 contre. Pour donner la mesure de l’importance de ce de´bat, il faut ajouter que pre`s de deux cents pages de discours qui n’ont pas pu eˆtre prononce´s a` la Chambre ont e´te´ imprime´es par une trentaine de de´pute´s et distribue´es a` leurs colle`gues comme au public.

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[Intervention sur la lecture pre´alable des articles de chaque chapitre de la loi]* Se´ance du 15 juin 18201

543

Il serait de´sirable que les divers articles des chapitres fussent lus ; car tel membre qui n’aurait pas d’observations a` faire sur le titre du chapitre, pourrait en avoir sur les de´tails.2

*

E´tablissement du texte : Imprime´ : Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 543. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, vendredi 16 juin 1820, p. 4a. Le Courrier franc¸ais, no 362, vendredi 16 juin 1820, p. 2a ; La Quotidienne, no 168, vendredi 16 juin 1820, p. 3a ; Gazette de France, no 168, vendredi 16 juin 1820, p. 682a.

1

On est passe´ maintenant, de`s le 13 juin, a` la discussion sur le budget avec, d’abord, la loi sur les de´penses de 1820. BC intervient dans le cadre de la discussion sur les de´penses du ministe`re de l’Inte´rieur. La proposition de BC est rejete´e.

2

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[Proposition d’amendement]* Se´ance du 16 juin 18201

848a

J’ai un amendement a` faire sur l’article 1er de ce chapitre. J’y vois l’Institut porte´ a` 460 mille fr. Cependant l’anne´e passe´e il n’e´tait porte´ qu’a` 400 mille fr. Je demande quels sont les motifs de cette augmentation. Lorsqu’on a re´duit les de´penses des acade´mies, on donnait pour motif l’e´tat des finances. On oppose encore cet e´tat aux ame´liorations qui pourraient eˆtre propose´es, et c’est peut-eˆtre avec justice ; mais je me demande pourquoi cette augmentation de 60 mille francs ? Elle ne peut avoir pour but les membres de l’Institut qui ont six ou sept places, depuis les plus e´leve´es jusqu’a` celles qui le sont moins ; depuis le rang de ministre-d’e´tat, jusqu’aux fonctions de censeur des journaux. Je demande une explication sur cette augmentation a` l’e´gard de laquelle la commission garde le silence.2

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 169, samedi 17 juin 1820, p. 848a ; Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 557. Manuscrit : BCU, Co 4380, p. 358. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, samedi 17 juin 1820, p. 2b ; Le Courrier franc¸ais, no 363, samedi 17 juin 1820, p. 1a ; Le Constitutionnel, no 169, samedi 17 juin 1820, p. 1a ; La Quotidienne, no 169, samedi 17 juin 1820, p. 2b ; Gazette de France, no 169, samedi 17 juin 1820, pp. 684b–685a.

1

La se´ance s’ouvre directement sur la reprise de la discussion sur les de´penses du ministe`re de l’Inte´rieur ; elle concerne maintenant le chapitre V, Sciences et beaux-arts. BC est le tout premier a` prendre la parole. Apre`s la justification de l’augmentation de la dotation a` l’Institut des sciences et des arts par le rapporteur de la commission, Beugnot, l’amendement propose´ par BC est rejete´.

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[Discours sur les de´penses pour encouragements aux sciences, arts et lettres]* Se´ance du 16 juin 18201

848b

Messieurs, La manie`re dont le budget se discute est un des tristes re´sultats des e´ve´nemens de cette session. Aucun membre de la chambre, ceux de la commission excepte´s, n’a eu le temps de se livrer a` un examen approfondi. Un des coˆte´s de cette chambre te´moigne sa douleur et son me´contentement du ministe`re par une absence que je de´plore sans vouloir la blaˆmer, mais qui, j’oserai le dire, va contre son but et contre tout but utile2. L’autre coˆte´ manifeste sa satisfaction et sa reconnaissance par l’adoption rapide d’articles de de´penses, que ce meˆme coˆte´ contestait l’anne´e dernie`re avec une rigueur et une te´nacite´ remarquables. Il s’ensuit que quelques voix s’e´le`vent a` peine pour faire entendre des re´clamations partielles et inutiles. Ne´anmoins, dans quelque position qu’on se trouve, il faut jusqu’au bout faire son devoir ; et, lors meˆme qu’on pre´voit son impuissance, il faut remplir ses obligations3. L’article 7 du chapitre que vous discutez, contient une addition, a` l’e´nonce´ de cet article, et une augmentation a` la de´pense, telle qu’elle e´tait fixe´e dans le budget de 1819. Dans ce dernier budget il est parle´ d’encouragement aux sciences, aux beaux-arts et a` l’art dramatique, et la somme alloue´e est de 180,000 fr. dans le budget de 1820. Il est question de plus d’encouragemens aux lettres, et la somme est porte´e a` 280,000 fr. Je conc¸ois et j’approuve les encouragemens donne´s aux sciences ; l’achat et le perfectionnement des instrumens, le tems et les frais des recherches et des expe´*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 169, samedi 17 juin 1820, p. 848bc ; Archives parlementaires, t. XXVIII, pp. 558–560. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 359–360. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, samedi 17 juin 1820, p. 2b ; Le Courrier franc¸ais, no 363, samedi 17 juin 1820, p. 1ab ; Le Constitutionnel, no 169, samedi 17 juin 1820, p. 1ab ; La Quotidienne, no 169, samedi 17 juin 1820, p. 3a ; Gazette de France, no 169, samedi 17 juin 1820, p. 685a.

1

Tout de suite apre`s le vote sanctionnant le rejet de son amendement, BC reprend la parole, cette fois-ci pour e´noncer des observations plus ge´ne´rales et de´sabuse´es. Ce bref discours comporte plusieurs phrases particulie`rement frappantes. BC pointe, en la de´plorant, la de´mobilisation d’une partie de l’opposition. Cette phrase peut eˆtre entendue comme le credo du de´pute´ fide`le a` ses ide´es comme au mandat qui lui a e´te´ confie´, en de´pit de sa position de´sespe´rante au sein d’une minorite´ syste´matiquement battue au vote.

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Deuxie`me partie – Session de 1819–1820

riences, exigent des de´penses au-dessus des ressources individuelles ; je consens aussi aux encouragemens donne´s aux beaux-arts qui concourent a` ce qu’on appelle la grandeur des empires ; et les fortunes particulie`res sont si borne´es, enfin, qu’il faut bien que l’autorite´ intervienne, bien qu’elle y intervienne le plus souvent avec peu de justice et beaucoup de partialite´. Enfin, je regarde comme assez inutiles, mais comme excusables les encouragemens pour l’art dramatique. Ils ne nous vaudront pas souvent de bonnes trage´dies, ils nous vaudront quelquefois des come´dies destine´es a` encourager les citoyens a` l’indiffe´rence pour leurs inte´reˆts, mais tout cela n’est qu’un petit mal, et l’opinion publique s’en rele`ve assez. Mais tous ces objets e´taient compris dans la somme de 184 mille fr. alloue´e en 1819, et l’augmentation porte donc sur les lettres, titre ajoute´ en effet dans l’article actuel, et qui n’y e´tait pas l’anne´e pre´ce´dente. Or, que sont les encouragemens aux lettres se´pare´es des sciences, des beaux-arts et des the´aˆtres ? Les lettres ainsi restreintes sont l’expression de l’opinion publique ; cette expression n’a pas besoin d’encouragemens ; et quand on lui refuse, comme on le fait aujourd’hui, la liberte´, l’encouragement est de´risoire et funeste. Le public re´compense assez les bons ouvrages, il ne faut pas donner a` l’autorite´ la faculte´ de re´compenser les mauvais. Rien ne vous dit, Messieurs, comment cette somme, ajoute´e aux de´penses publiques, sera employe´e ; rien ne vous assure qu’elle ne sera pas distribue´e a` ces libellistes qui calomnient tous les bons citoyens, et a` ces censeurs qui accueillent toutes les calomnies. Je ne veux pas m’e´tendre sur ce sujet, nous ne pouvons plus croire que le ministe`re ignore l’usage que la censure fait de son autorite´, deux renvois successifs a` ce ministe`re, deux renvois motive´s sur la licence et l’infamie des calomniateurs ont duˆ l’e´clairer sur les faits. Les faits continuent, c’est qu’il les approuve. Nous sommes livre´s muets et garrotte´s aux hommes paye´s pour nous de´chirer. Les journaux sont le cirque ou` les puissances du jour livrent leurs ennemis aux beˆtes fe´roces. Nous allons peut-eˆtre revenir au temps ou` les agens du pouvoir faisaient accuser leurs adversaires dans les journaux, promenaient sur leurs colle`gues, du haut de cette tribune, des regards sinistres, et se re´pandaient en accusations vagues. La France savait que ces accusations e´taient chime´riques ; ceux qui s’en rendaient les organes le savaient aussi. Mais l’impulsion e´tait donne´e ; perse´cuteurs et perse´cute´s, obe´issaient a` cette impulsion1.

1

Toujours prompt a` mettre les deux extreˆmes sur un meˆme plan, BC compare une nouvelle fois la situation issue du durcissement du gouvernement a` droite avec celle des anne´es sombres de la Terreur.

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[Discours sur les de´penses pour encouragements aux sciences]

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Mais laissons les destine´es s’accomplir, et remplissons jusqu’au bout nos obligations les plus minutieuses. Je ne voterai donc pas des fonds qui peuvent servir a` salarier des libelles, ou des censeurs dont la complaisance approuve ces libelles ; et tout en pre´voyant a` quel terme tant d’impostures nous conduiront, tout en sachant qu’elles pre´ludent a` des oppressions de tous les genres, je veux, dusse´-je rendre ces oppressions plus ine´vitables et plus prochaines, refuser, autant qu’il est en moi, ces pre´tendus encouragemens aux lettres ; encouragemens qui tourneraient au profit de ceux qui de´noncent l’innocence, aigrissent les haines et pre´parent les iniquite´s1. Je demande que l’article 7 du chapitre soit re´duit a` la somme alloue´e l’anne´e dernie`re, c’est-a`-dire, je demande un retranchement de 40 mille fr.2. Il y a 40 mille francs de plus cette anne´e que la pre´ce´dente, pour le meˆme objet. J’ai de´sire´ en savoir la cause, et j’en demande la suppression. Ces 40 mille francs ne sont point destine´s a` l’art dramatique : a` cet e´gard je ne demande aucun retranchement. Mais cette somme est ajoute´e pour une espe`ce de litte´rateurs que je ne de´signerai pas, mais que les ministres connaissent beaucoup mieux que moi. J’insiste sur le retranchement.3

1 2

3

Voila` donc donne´e l’explication de cette apparemment e´trange position de BC contre le soutien aux lettres et aux arts. Plusieurs colle`gues de BC lui re´pondent : Me´chin, Capelle, Foy et Casimir Perier, qui fait rire l’assemble´e en soulignant : «Il faut remarquer que l’amendement de M. Benjamin Constant ne porte que sur les encouragemens aux lettres». BC intervient alors a` nouveau. E´tonnamment, l’amendement de BC est adopte´.

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[Intervention sur le traitement des censeurs et des lieutenants de police]* Se´ance du 16 juin 18201

851a

Il re´sulte de tout ce qui vient d’eˆtre dit que, dans les renseignemens transmis a` une commission, et transmis par elle a` la chambre, il peut se trouver des mal-entendus et des erreurs. Vous voyez qu’il y a ici des articles de de´pense qui n’ont point e´te´ annonce´s a` la commission, et qui ne l’ont e´te´ qu’a` la tribune. Tels sont les traitemens des censeurs et des lieutenans de police. Il n’en a pas e´te´ question a` la commission : cette commission n’a rien su a` cet e´gard, et n’a rien pu vous dire. J’appuie l’amendement de M. Casimir-Pe´rier.2

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 170, dimanche 18 juin 1820, p. 851a ; Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 562. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, samedi 17 juin 1820, p. 3ab ; Le Courrier franc¸ais, no 363, samedi 17 juin 1820, p. 2a ; Le Constitutionnel, no 169, samedi 17 juin 1820, p. 2a ; Gazette de France, no 169, samedi 17 juin 1820, p. 685b.

1

La discussion ouverte sur le chapitre VI de la loi qui concerne l’inspecteur de la librairie, les censeurs dramatiques ainsi que les feˆtes publiques ou de´penses diverses et accidentelles, a vu Casimir Perier demander des explications sur l’augmentation de ce poste du budget et sa formulation juge´e confuse et confondante. La commission, de son coˆte´, comme l’exprime son rapporteur, Beugnot, a propose´ un amendement re´duisant la somme inscrite au projet de loi. BC intervient alors pour appuyer les arguments de Perier. De fait, Casimir Perier n’avait pas propose´ d’amendement ; c’est la commission qui l’avait fait. Mais de toute fac¸on, la demande de re´duction de ce poste du budget sera rejete´e.

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[Intervention sur les comptes de Paris]* Se´ance du 17 juin 18201

856b

Je ne conc¸ois pas comment MM. les ministres peuvent vouloir vous faire conside´rer un tel produit comme municipal, tandis que la ville de Paris ne dispose que d’un million a` peu pre`s, et que le ministe`re dispose de plus de cinq millions. Ce produit est en re´sultat un impoˆt comme un autre. C’est un appaˆt, un pie`ge tendu a` la cupidite´ ; il peut s’assimiler au jeu de la loterie2. Quoi qu’il en soit, le pre´fet de la Seine rend compte de ce qu’il touche et de ce qu’il de´pense ; il doit en eˆtre de meˆme de ce que touche et de´pense le ministre de l’inte´rieur.3

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E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 171, lundi 19 juin 1820, p. 856b ; Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 577. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, dimanche 18 juin 1820, p. 3a ; Le Courrier franc¸ais, no 364, dimanche 18 juin 1820, p. 2a ; Le Constitutionnel, no 170, dimanche 18 juin 1820, p. 2a ; La Quotidienne, no 170, dimanche 18 juin 1820, p. 4a ; Gazette de France, no 170, dimanche 18 juin 1820, p. 689b.

1

Reprise de la discussion sur les de´penses de 1820 ; il est maintenant question des travaux publics. Au terme de la discussion, Me´chin fait observer que la ville de Paris reverse au gouvernement le produit de la ferme des jeux qui se monte a` pre`s de 6 millions, sans que le ministe`re ne de´taille la destination pre´cise de cette somme. Apre`s quelques autres, dont Perier et encore Me´chin, BC intervient. Cette saillie ne manque pas de faire sourire, venant de la part du joueur inve´te´re´ qu’e´tait BC. Apre`s des e´changes assez confus et sans qu’un accord ait e´te´ trouve´ sur la formulation de la note qui demanderait qu’a` l’avenir la ferme des jeux et son emploi figurent au budget, la Chambre vote le renvoi de cette question a` la commission.

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[Intervention contre la cloˆture]* Se´ance du 19 juin 18201

862a

Permettez-moi de re´pondre a` ce que vient de dire M. de Castelbajac. Il e´tablit que le pre´opinant a traite´ d’objets e´trangers au budget ; cela est vrai ; mais il y a e´te´ conduit par ce qu’avait dit M. le ministre de la guerre. Si vous adoptez la division, vous de´clarez qu’il est permis a` MM. les ministres de tout dire, et qu’il n’est permis aux membres de cette chambre de rien re´pondre. Si c’est la` la pratique que vous voulez suivre, dites-le, je ne demande pas mieux ... (M. de Ville`le demande la parole.) Mais si vous voulez eˆtre justes, vous devez imprimer la totalite´ du discours ... (Des murmurent s’e´le`vent.) Messieurs, il est difficile de motiver une re´ponse quand on est a` chaque instant interrompu ; vous devriez voir cependant que, depuis quelque temps, la minorite´ n’abuse pas de la parole2. On vient de dire que les ministres du Roi avaient donne´ des renseignemens qui avaient satisfait cette chambre ; or, je de´clare que pour ma part, j’ai trouve´ ceux de M. le garde-des-sceaux les plus inexacts, les plus erro-

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 172, mardi 20 juin 1820, p. 862a ; Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 606. Manuscrit : BCU, Co 4380, p. 361. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, mardi 20 juin 1820, p. 4a ; Le Courrier franc¸ais, no 366, mardi 20 juin 1820, p. 2a ; Le Constitutionnel, no 172, mardi 20 juin 1820, p. 2a ; La Quotidienne, no 172, mardi 20 juin 1820, p. 4a ; Gazette de France, no 172, mardi 20 juin 1820, p. 698a.

1

On est passe´, le samedi pre´ce´dent (17 juin), a` la discussion sur les de´penses du ministe`re de la Guerre et du chapitre I qui concerne les de´penses inte´rieures. Dans un expose´ de justification et de re´ponse a` une intervention du ge´ne´ral Se´bastiani prononce´e le 17 juin, le ministre de la Guerre, La Tour-Maubourg, venait d’exposer ses vues sur la gestion du ministe`re, de´bordant largement les questions purement budge´taires. Le ge´ne´ral Foy lui avait re´pondu point par point. Au moment ou` la Chambre devait voter l’impression des deux discours, la droite a demande´ la «division», c’est-a`-dire une impression seulement partielle du discours de Foy ne retenant que les e´le´ments directement en lien avec le de´bat sur le budget ; c’est a` Castelbajac qu’e´tait revenu d’argumenter dans ce sens. La minorite´ ne voulait e´videmment pas renoncer a` la publication d’arguments politiques ; c’est pour re´pondre imme´diatement a` Castelbajac qu’intervient BC. Curieuse formule laissant penser que BC avouerait qu’en d’autres temps, la minorite´ aurait pu abuser de la parole.

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ne´s, les plus incomplets que l’on puisse imaginer1 ; je m’oppose a` la division, et je demande l’impression du discours en entier.2

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Foy avait en particulier e´voque´ l’usage inapproprie´ des forces militaires lors des «troubles de Paris», Castelbajac re´torquant que les ministres avaient donne´ a` ce sujet des re´ponses satisfaisantes. BC affirme le contraire en pointant plus directement les justifications de de Serre qu’il avait lui-meˆme conteste´es (voir ci-dessus pp. 681–682). Aussitoˆt apre`s l’intervention de BC, la Chambre vote la division du discours de Foy a` l’impression.

[Nouvelle intervention contre la cloˆture]* Se´ance du 20 juin 18201

871b

J’ai re´clame´ la parole contre la cloˆture. Vous ne pouvez fermer ainsi une discussion qu’on a de´clare´ n’eˆtre pas assez e´claircie, et augmenter les charges de´ja` si pesantes du contribuable sans qu’il y ait une ne´cessite´ de´montre´e. Je demande l’exe´cution du re´glement ; je demande que ceux qui sont si presse´s de voter un impoˆt, et qui demandent de leur place la cloˆture de la discussion, montent a` la tribune pour la motiver ... Voix a` gauche Oui, oui ; appuye´ ...2

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 174, jeudi 22 juin 1820, p. 871b ; Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 627. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, mercredi 21 juin 1820, p. 4b ; Le Courrier franc¸ais, no 367, mercredi 21 juin 1820, p. 2b ; Le Constitutionnel, no 173, mercedi 21 juin 1820, p. 2b ; La Quotidienne, no 173, mercredi 21 juin 1820, p. 4b ; Gazette de France, no 173, mercredi 21 juin 1820, p. 702a.

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Au cours de la discussion sur les sommes alloue´es aux soldes des troupes, Foy avait de´pose´ un amendement re´duisant cette somme de fac¸on assez importante ; il avait de´montre´ que les calculs du ministe`re e´taient errone´s. S’ensuivit une discussion tre`s anime´e concernant a` la fois la cre´dibilite´ du ministe`re, la politique budge´taire et bien suˆr, derrie`re tout cela, la confiance au gouvernement. La droite re´clamant de fac¸on re´ite´re´e la cloˆture de la discussion, BC intervient. Comme le demande BC, la discussion se poursuivra, mais l’amendement Foy sera finalement rejete´ et le chapitre de la loi adopte´.

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Sur la ne´cessite´ d’un nouveau code militaire.* (Se´ance du 21 juin 1820.)1

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MESSIEURS, Je ne viens point proposer de re´duction positive, et a` la manie`re dont sont rec¸ues les propositions de re´ductions, je m’en fe´licite. Il en est aujourd’hui des de´penses comme des lois d’exception : ceux qui combattaient le plus les unes et les autres dans les sessions pre´ce´dentes, les votent aujourd’hui les unes et les autres avec empressement, non seulement pour la guerre, mais pour l’inte´rieur. Je n’ai de but, en prenant la parole, que de demander a` M. le ministre de la guerre quelques e´claircissemens qui peuvent eˆtre utiles pour l’avenir. Il est de notorie´te´ publique, qu’a` une e´poque ou` l’on semblait vouloir nous donner des garanties au lieu de nous les enlever toutes, c’est-a`-dire, il y a dix mois, sous l’administration de M. le mare´chal Saint-Cyr2, administration chaque jour plus regrettable, un nouveau Code militaire avait e´te´ pre´pare´. Ce Code, d’apre`s tout ce qui en avait transpire´ dans le public, et, je puis ajouter, d’apre`s les de´tails qu’en donnaient publiquement les personnes consulte´es par le ministre, et qui avaient concouru a` la re´daction de cet ouvrage, e´tait de nature a` satisfaire pleinement les amis de la liberte´ *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 403–406 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 403–406 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 175, vendredi 23 juin 1820, pp. 876c–877a [=M] ; Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 638. Manuscrit : BCU, Co 4380, pp. 361–363. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, jeudi 22 juin 1820, pp. 3b–4a ; Le Courrier franc¸ais, no 368, jeudi 22 juin 1820, p. 2b ; Le Constitutionnel, no 174, jeudi 22 juin 1820, pp. 3b–4a ; La Quotidienne, no 174, jeudi 22 juin 1820, p. 4b.

8–9 pour la guerre, mais pour ] sur la guerre, mais sur M 876c but M 876c 1

2

Je n’ai de but ] Je n’ai pour

Le pre´sident ouvre la discussion sur le chapitre X de la loi concernant la Justice militaire. BC prend aussitoˆt la parole en de´plac¸ant d’entre´e le de´bat vers une question ge´ne´rale, bien au-dela` de se`ches conside´rations budge´taires. Le mare´chal Laurent Gouvion Saint-Cyr, ministre de la Marine et des Colonies sous le premier gouvernement Richelieu, puis ministre de la Guerre sous le gouvernement Dessolles. BC l’avait e´voque´ dans son discours du 12 mai ; il avait e´te´ e´carte´ du ministe`re au moment de la formation du gouvernement Decazes le 19 novembre 1819, remplace´ par La Tour-Maubourg (ci-dessus p. 514).

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constitutionnelle et de la discipline militaire, partie essentielle de cette liberte´. Ce Code devait nous eˆtre pre´sente´ avec l’organisation des administrations municipales, avec celle du jury, avec celle de la garde nationale ; tout paraıˆt avoir e´te´ entraıˆne´ dans une ruine commune : institutions promises, institutions consacre´es, tout a disparu. Toutefois, comme la liberte´ de la France s’est trouve´e plusieurs fois, depuis trente ans, dans des situations qui semblaient de´sespe´re´es, et qu’elle s’en est toujours releve´e, je crois, en votant les frais demande´s pour la justice militaire actuelle, frais que nous ne pouvons refuser, puisqu’il faut conserver les formes qui existent jusqu’a` ce que de meilleures les remplacent, je crois, dis-je, devoir demander a` M. le ministre de la guerre si nous pouvons espe´rer qu’a` la session prochaine, du moins, le Code militaire pre´pare´ par son illustre pre´de´cesseur sera soumis aux Chambres, ou si cet utile travail aura le sort de tant de mesures nationales et d’ordonnances salutaires que le renvoi de M. le mare´chal Saint-Cyr a replonge´es dans le ne´ant. Je respecte trop vos momens, Messieurs, pour vous les faire perdre en vous prouvant des ve´rite´s de´montre´es. Vous savez aussi bien que moi que l’organisation de la justice militaire est une des choses les plus importantes pour la liberte´. C’est en confon dant les juridictions, en enlevant les citoyens a` leurs juges naturels, en les traıˆnant, sous les pre´textes les plus frivoles, devant des conseils ou des commissions qui n’ont sur eux aucune compe´tence le´gale, que la tyrannie s’organise. Durant toute la re´volution, pour peu que le de´lit, faux ou vrai, sur lequel on avait a` prononcer, impliquaˆt un militaire de la manie`re la moins en rapport avec ses fonctions, nous avons vu sie´ger, pour juger des citoyens, des hommes dont le veˆtement seul annonc¸ait qu’ils e´taient voue´s a` l’obe´issance, et ne pouvaient en conse´quence eˆtre des juges inde´pendans. Sous ce pre´texte, nous avons vu des hommes nourris sous la tente, mais ignorans de la vie civile, interroger des pre´venus qu’ils e´taient incapables de comprendre, condamner sans appel des citoyens qu’ils n’avaient pas le droit de juger. L’abus des juridictions militaires est d’autant plus dangereux, qu’il ne s’e´tablit pas avec fracas et scandale, comme s’ope`rent les coups d’e´tat : il s’introduit dans la the´orie, et se met ensuite a` exe´cution en temps opportun.

4 nationale ; tout ] nationale. Tout Discours 1827 I 404 5 commune : institutions ] commune. Institutions Discours 1827 I 404 9 je crois, en votant ] je crois utile, en votant M 876c 11–12 remplacent, je crois, dis-je, devoir demander ] remplacent, de demander M 876c

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Apre`s la journe´e de vende´miaire, journe´e ou` la Convention crut consolider sa puissance en rougissant les rues de Paris du sang des citoyens, elle cre´a des commissions militaires, et les hommes qui avaient e´chappe´ a` la furie de la soldatesque furent condamne´s militairement, pour des discours et des pamphlets travestis en complots et en re´volte par un gouvernement qui, pour e´chapper a` l’accusation, se haˆtait de se constituer lui-meˆme accusateur de ses victimes. Bonaparte n’osa pas, de`s l’origine de sa puissance, s’arroger le droit de de´tention arbitraire, et ce ne fut que dans les derniers temps de son despotisme, qu’il e´tablit sept chaˆteaux forts pour y renfermer ceux qui e´taient en butte aux soupc¸ons de ses ministres. Mais, he´ritier des commissions militaires de la re´volution, il s’en fit un instrument actif et terrible. Le nom seul des juridictions militaires applique´es a` des citoyens pour des de´lits qui ne sont pas militaires, inquie`te tous les hommes e´claire´s, tous les peuples libres. Circonscrire ces juridictions dans les bornes les plus fixes et les plus e´troites, est le devoir d’un gouvernement constitutionnel. Les despotes meˆmes ont rendu hommage a` l’exigence de l’opinion ombrageuse a` cet e´gard. Bonaparte, lors de sa seconde apparition sur le territoire, crut devoir lui complaire. Les art. 54 et 55 de la constitution e´phe´me`re de 1815, portaient que les de´lits militaires seuls e´taient du ressort des tribunaux militaires, et que tous les autres de´lits, meˆme commis par les militaires, e´taient de la compe´tence des tribunaux civils1. Ce que Bonaparte s’est cru force´ de faire, un gouvernement fonde´ sur la Charte le fera librement, j’ose le croire. Je ne vote donc les 226,000 fr. demande´s pour la justice militaire, que dans l’espoir que M. le ministre de la guerre n’ajoutera pas a` nos regrets, en re´pudiant l’une des plus nobles portions de l’he´ritage de son pre´de´cesseur, et j’ai l’honneur de lui demander si le nouveau Code militaire, qui est tout preˆt, sera bientoˆt soumis aux Chambres.2 23 tribunaux civils. Ce que ] tribunaux civils ; ce que Discours 1827 I 406 1

2

Si l’on ne s’e´tonne pas de voir BC recourir une fois encore aux mauvais exemples de la Terreur et du despotisme impe´rial pour montrer que leur pires ennemis, les ultras, promouvaient les meˆmes instruments de gouvernance, on peut trouver bien audacieuse l’e´vocation des Cent-Jours et de l’Acte additionnel aux constitutions de l’Empire. BC, si vertement attaque´ pour son ralliement spectaculaire au Napole´on de ce temps, s’exposait au moins a` des sarcasmes de la part de ses adversaires. Curieusement, ceux-ci ne s’empareront pas, cette fois-ci, du baˆton qui leur e´tait tendu. Ce n’est pas La Tour-Maubourg, pourtant interpelle´ par BC qui lui re´pond, mais Pasquier, ministre des Affaires e´trange`res et pilier du gouvernement ; il annonce que les travaux de pre´paration du nouveau Code militaire sont en cours d’ache`vement et qu’il pourra eˆtre bientoˆt soumis au roi. De fait, la question de la re´forme du Code militaire sera re´gulie`rement e´voque´e, mais sans jamais aboutir, jusqu’a` la fin de la Restauration.

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[Discours sur le budget de la Chambre des pairs]* Se´ance du 26 juin 18201

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Je viens reproduire a` la chambre un amendement qui a e´te´ fait l’anne´e dernie`re par un de nos honorables colle`gues, amendement que la chambre n’a pas adopte´ alors, sur la promesse positive qui lui fut faite qu’on lui donnerait satisfaction sur les e´claircissemens que nous avions demande´s relativement au budget de la chambre des pairs2. On fit observer a` cette e´poque, que le titre de budget de la chambre des pairs e´tait tout a` fait impropre : le budget de la chambre des pairs, comme celui de la chambre des de´pute´s, se re´duit aux de´penses de l’entretien du palais et de l’administration inte´rieure ; mais on a confondu l’anne´e dernie`re, et l’on confond encore cette anne´e, avec cette de´pense, la dotation qui appartient aux anciens se´nateurs, comme se´nateurs. Ces deux objets n’ont aucun rapport ; il est essentiel, ainsi que l’avait propose´ l’anne´e dernie`re notre colle`gue M. Dumeilet, qu’on divise ces deux objets ; qu’on alloue pour le budget de la chambre des pairs la somme qui lui est ne´cessaire, et qu’ensuite on nous donne un compte exact de ce qui doit revenir aux anciens se´nateurs d’apre`s l’ordonnance du 4 juin 18143. J’observerai a` M. le ministre des finances qu’en sa qualite´ de rapporteur de la commission il avait senti l’anne´e dernie`re la ne´cessite´ et l’importance de cette mesure. Nous aurions voulu, *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 180, mercredi 28 juin 1820, p. 907bc ; Archives parlementaires, t. XXVIII, pp. 777–778. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, mardi 27 juin 1820, pp. 3b–4a ; Le Courrier franc¸ais, no 373, mardi 27 juin 1820, pp. 1b–2a ; Le Constitutionnel, no 178, mardi 27 juin 1820, p. 3b ; La Quotidienne, no 179, mardi 27 juin 1820, p. 3ab ; Gazette de France, no 179, mardi 27 juin 1820, p. 726a.

1

On continue de de´battre de la loi sur les de´penses de 1820 ; il est maintenant question du budget de la Chambre des pairs e´tabli a` deux millions de francs. Laisne´ de Ville´veˆque ayant de´pose´ un amendement stipulant une re´duction du quart de cette somme, BC, ve´ritable me´moire de la Chambre, vient rappeler la teneur des discussions qui avaient touche´ le meˆme sujet l’anne´e pre´ce´dente. BC e´tait intervenu sur le meˆme sujet et dans le meˆme sens le 10 juin 1819 (ci-dessus, pp. 247–248), faisant suite a` une proposition d’amendement de son colle`gue Dumeilet qui demandait a` ce que le budget de la Chambre des pairs soit e´tabli diffe´remment, en se´parant les frais de fonctionnement de la chambre des pensions alloue´es aux anciens se´nateurs et pairs. En meˆme temps qu’il octroyait la Charte, Louis XVIII prononc¸ait, le 4 juin 1814, une ordonnance stipulant le remplacement du Se´nat par la Chambre de pairs et de´taillant le traitement des se´nateurs et des pairs.

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disait-il, que le budget de´taille´ de cette de´pense fuˆt communique´ aux chambres : elle est diffe´rente des autres de´penses de l’E´tat, elle est soumise aux meˆmes re`gles ; comme elles, elle ne doit eˆtre vote´e qu’avec connaissance et dans la proportion des besoins. Je ne sais comment il arrive que dans le budget de cette anne´e, M. le ministre des finances a oublie´ ce qu’avait dit M. le rapporteur de la commission de l’anne´e dernie`re1. Je crois que nous sommes en droit de demander qu’on veuille bien nous mettre au fait de ce qui regarde cette dotation ; il faut que nous soyons suˆrs que les promesses faites a` l’ancien se´nat soient scrupuleusement exe´cute´es ; en second lieu, il ne faut pas que rien de ce qui appartient a` l’ancien se´nat, tourne au profit de pairs qui ne sont pas se´nateurs ; l’essence de la chambre des pairs, c’est de repre´senter la grande proprie´te´, c’est d’eˆtre parfaitement inde´pendans, et il y aurait contre-sens dans nos institutions, si des pairs pouvaient recevoir des dotations comme pairs ; il serait bizarre qu’au moment ou` nous avons change´ nos institutions, pour faire que la petite proprie´te´ n’ait pas trop d’influence, on vouluˆt introduire, dans la chambre destine´e a` repre´senter la grande proprie´te´, des hommes qui ne seraient pas meˆme proprie´taires, il en re´sulterait que la chambre aristocratique pourrait devenir une chambre salarie´e, tandisque la chambre populaire aurait cesse´ de repre´senter le peuple2. Or, comme juges, comme exerc¸ant des fonctions judiciaires e´minentes, il est e´vident que les pairs doivent eˆtre complettement inde´pendans ; de meˆme que dans l’ordre judiciaire, on a voulu que les juges fussent inamovibles, de meˆme on ne doit pas permetre que des juges aussi e´minents aient des pensions re´vocables et amovibles : il me paraıˆt que nous devons en ce moment adopter la proposition que notre honorable colle`gue, M. Dumeilet, a faite l’anne´e dernie`re, c’est-a`-dire d’allouer dans ce moment la somme de 700,000 fr. pour l’entretien du palais et l’administration inte´rieure, sauf ensuite a` accorder par une loi particulie`re les fonds ne´cessaires a` l’acquittement des pensions cre´e´es par l’ordonnance royale du 4 juin 1814. Je demande donc que le budget de la chambre des pairs soit re´duits a` 700,000 fr.3

1 2 3

Il s’agit de Roy qui s’empressera de re´pondre a` BC. En bon professeur du re´gime parlementaire et des constitutions, BC profite de l’occasion pour rappeler des principes ge´ne´raux toujours menace´s par les besoins du moment. Au terme de la discussion, BC finira par se rallier a` l’amendement de Laisne´ de Villevesque qui demandait une re´duction de la dotation a` 1,5 million : «Je me re´fe`re a` l’amendement de M. Laisne´ de Villevesque» (Archives parlementaires, t. XXVIII, p. 780). Mais rien n’y fait : l’amendement est rejete´.

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[Discours sur la violation du secret de correspondance des de´pute´s de la Sarthe]* Se´ance du 27 juin 18201

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Messieurs, Je me proposais de vous soumettre quelques observations sur la de´pense toujours croissante de la cour des comptes. J’aurais reproduit les re´clamations tre`s-judicieuses que notre honorable colle`gue, M. Cornet-d’Incourt, a fait entendre l’anne´e dernie`re a` cette tribune2. Je vous aurais prie´ de remarquer que la cour des comptes, qui couˆtait 1,050,000 francs en 1817, en avait couˆte´ 1,150,000 en 1818 et 1,243,000 en 1819. J’aurais re´fute´ les apologies alle´gue´es par M. le ministre des finances comme de´pute´, en faveur de cette de´pense, en leur opposant les paroles du rapporteur de votre commission ; et je vous aurais facilement convaincus, je le pense, d’apre`s l’avis de M. le rapporteur, qu’une e´conomie propose´e en 1815, et dont le moyen serait la suppression d’une des sections de la cour des comptes, e´conomie qui, comme votre commission le dit, ne fut repousse´e que par des motifs e´trangers a` la base du projet de loi, pourrait procurer sans inconve´nient un alle´gement a` cette charge. Car, si en 1815, dit le rapporteur, on pouvait retrancher l’une des sections de la cour des comptes, on doit y trouver encore plus de facilite´ aujourd’hui que les travaux sont diminue´s, et que l’arrie´re´ est en grande partie liquide´3. Mais tandis que je m’occupais, *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 180, mercredi 28 juin 1820, pp. 909b–910ab ; Archives parlementaires, t. XXIX, pp. 50–52 ; 53–54. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, mercredi 28 juin 1820, pp. 3ab ; 4ab ; Le Courrier franc¸ais, no 374, mercredi 28 juin 1820, pp. 1b–2b ; Le Constitutionnel, no 179, mercredi 28 juin 1820, pp. 2ab ; 3a ; La Quotidienne, no 180, mercredi 28 juin 1820, pp. 3b–4a ; Gazette de France, no 180, mercredi 28 juin 1820, pp. 729b–730b.

1

Alors que la discussion est cense´e s’ouvrir sur le chapitre VII de la loi sur les de´penses de 1820 relatives au ministe`re des Finances, BC prend imme´diatement la parole pour faire part aux de´pute´s d’un incident survenu dans le de´partement de la Sarthe ; au risque de se faire reprocher de s’e´carter de l’ordre du jour (ce qui ne manquera pas d’arriver), il s’appuie sur ces faits pour de´noncer une fois encore les de´rives du gouvernement. Le 11 juin 1819, Cornet d’Incourt avait fait une intervention remarque´e en demandant pourquoi les de´penses de la Cour des comptes e´taient en constante augmentation (Archives parlementaires, t. XXV, p. 83–84). Le rapporteur de la commission charge´e de l’examen des de´penses e´tait Beugnot. Son rapport avait e´te´ pre´sente´ a` l’assemble´e le 12 mai de´ja` ; BC rend compte fide`lement des phrases contenues dans ce rapport relativement a` la Cour des comptes. La Chambre avait alors de´cide´ d’ouvrir la discussion apre`s la cloˆture de la discussion sur le projet de loi concernant les e´lections (Archives parlementaires, t. XXVII, p. 571).

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Messieurs, de cette recherche, un incident est survenu, qui, pouvant me forcer a` voter ne´gativement ou a` ne point voter sur toutes les de´penses qui nous seront propose´es, est de nature a` devoir vous eˆtre soumis. J’ose re´clamer votre attention tout entie`re, pour le peu d’instans durant lesquels j’aurai l’honneur de vous entretenir. Ce que j’ai a` dire me paraıˆt devoir vous inte´resser tous e´galement. Si je me trompe, vous me rectifierez ; mais vous trouverez, je l’espe`re, qu’il est juste de m’entendre. Messieurs, le vote du budget n’est pas seulement un avantage du gouvernement repre´sentatif, sous ce rapport que les de´pute´s de la nation empeˆchent que les de´penses ne soient excessives. C’est encore un avantage sous ce point de vue, que les de´pute´s, en discutant contradictoirement les de´penses avec les ministres, se convainquent eux-meˆmes de la ne´cessite´ de celles qu’ils allouent, et par leurs relations naturelles avec leurs commettans font pe´ne´trer cette conviction dans la masse du peuple. Elle rend plus le´ge`res des charges d’ailleurs tre`s-pesantes, et c’est pour cela que l’on a remarque´ que les pays qui jouissaient du gouvernement repre´sentatif acquittaient sans se plaindre des contributions qui, impose´es sans discussion par un pouvoir absolu, sembleraient intole´rables. Cet avantage d’une constitution repre´sentative ne se borne point au budget seul. Il s’e´tend a` toutes les parties de la le´gislation. Chaque de´pute´, ne fuˆt-ce que dans son inte´reˆt personnel, explique a` ses commettans pourquoi il a vote´ telle mesure ou tel impoˆt, et en supposant ce qui peut arriver, l’impoˆt mal choisi ou la mesure de´fectueuse, l’explication indiquant les motifs et donnant l’espoir d’une rectification plus ou moins prochaine, re´concilie les contribuables et les gouverne´s meˆmes avec un mal pre´sent, dont on leur laisse entrevoir le terme. Mais ce bien que produit le gouvernement repre´sentatif, cette re´conciliation salutaire qu’ope`rent les communications naturelles entre les mandataires et les commettans, de´pendent de la faculte´ qui doit eˆtre assure´e aux premiers, de communiquer avec leurs de´partemens, et de pouvoir leur faire connaıˆtre les raisons de leur conduite. Qui d’entre nous, Messieurs, voudrait voter pre`s de 800 millions de charges publiques, ou sanctionner des lois quelquefois rigoureuses, s’il lui e´tait interdit de faire connaıˆtre a` ceux qui l’ont e´lu, qu’il n’a ce´de´ qu’a` une ne´cessite´ de´montre´e et qu’il n’a pas trahi les inte´reˆts qu’il avait e´te´ charge´ de de´fendre ? Eh bien ! Messieurs, cette position, dans laquelle nul d’entre vous ne voudrait rester, prive´ qu’il serait d’un droit le´gitime, et sans moyen d’accomplir un devoir impe´rieux, les quatre de´pute´s du de´partement que je repre´sente s’y trouvent place´s tout d’un coup, par des ordres ille´gaux, arbitraires, et j’ose le dire e´minemment coupables dans ceux qui se sont permis de les intimer. A l’heure ou` je vous parle, Messieurs, des agens sans mis-

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sion le´gale, porteurs d’ordres qui ne sont fonde´s sur aucune loi, pas meˆme sur les lois d’exception qui existent, parcourent les de´partemens pour saisir, le croyez-vous, les lettres que les de´pute´s ont duˆ e´crire a` leurs commettans. A l’heure ou` je vous parle, les lettres des quatre de´pute´s de la Sarthe ont e´te´ enleve´es, chez des personnes qu’on n’a point arreˆte´es, et que par conse´quent l’on a reconnu n’eˆtre pas suspectes, par un agent se disant officier de paix ; mais sur un ordre signe´ Monnier. Elles ont e´te´ se´pare´es d’autres papiers, on n’en voulait qu’a` ces lettres seules, on n’en a pris quelques autres qu’accidentellement, parce qu’elles se trouvaient dans le meˆme carton, et lorsqu’on a e´te´ suˆr de les avoir, l’on n’a fait aucune perquisition ulte´rieure. Les possesseurs de ces lettres, individus que les lois d’exception autorisaient a` de´tenir pour peu qu’ils eussent e´te´ soupc¸onne´s, sont reste´s en parfaite liberte´, preuve manifeste de leur innocence1. C’est donc, je le re´pe`te, aux lettres des de´pute´s a` leurs commettans qu’on voulait en venir. Ces lettres ont e´te´ parcourues par l’agent de la commission, signe´ Monnier2, qui a montre´ l’ordre de les transporter a` Paris, ou` elles seraient de´ja`, si la chambre civile du Mans n’avait, avec un courage et une e´quite´ qu’on ne saurait trop louer, arrache´ sa proie a` l’agent porteur de l’ordre ille´gal signe´ Monnier. Mais ces lettres n’en ont pas moins e´te´ enleve´es sans que les lois le permissent : elles n’en sont pas moins en ce moment ravies a` leurs proprie´taires, qu’on a pourtant reconnus tous pour irre´prochables, je le dis encore, puisque la faculte´ de de´tention discre´tionnaire ne leur a pas e´te´ applique´e. Il y a plus, Messieurs ; quinze jours auparavant, un agent de l’autorite´ locale ayant examine´ tous les papiers de ces individus, les avait trouve´s d’une innocence et d’une le´galite´ parfaites. L’observation en a e´te´ faite a` l’agent porteur de la commission signe´e Monnier. Il a re´pondu que l’agent sarthois n’avait eu l’ordre de saisir que les correspondances se´ditieuses, et qu’aucune n’e´tant se´ditieuse, il avait duˆ les respecter, tandis que l’agent parisien avait l’ordre de saisir toutes les correspondances politiques, c’esta`-dire toutes les lettres ou` il est question de politique indistinctement. Ce n’est pas d’un seul de´pute´, Messieurs, que les lettres ont e´te´ saisies et enleve´es de la sorte. Si cette mesure n’euˆt eu pour but que de chercher des incriminations contre un seul individu, j’aurais compris des soupc¸ons, quel que faux qu’ils puissent eˆtre, et j’aurais sinon excuse´, au moins conc¸u, comme tradition impe´riale recueillie par un long service dans le cabinet particulier de l’Empire, la vexation et l’ille´galite´ suivant de pre`s le soupc¸on le plus absurde. 1

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BC avait e´te´ informe´ de ces e´ve´nements par une lettre de Goyet et de son neveu Bougard du 23 juin 1820 (OCBC, Correspondance, t. XI, pp. 534–537) ; sur cette affaire, voir aussi OCBC, Œuvres, t. XV, pp. 633–658 ainsi que OCBC, Œuvres, t. XIII, pp. 594–597. Claude-Philippe-E´douard Mounier, directeur ge´ne´ral de la police, dont BC estropie le nom, ce que n’avaient pas fait ses correspondants de la Sarthe.

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Deuxie`me partie – Session de 1819–1820

Mais c’est de quatre de´pute´s1 qu’on a ravi les lettres e´crites depuis trois anne´es. C’est une expe´dition dirige´e contre la correspondance de la de´putation toute entie`re d’un de´partement. Ainsi, Messieurs, les relations naturelles, le´gitimes, oblige´es des mandataires de la France avec leurs commettans sont ille´galement, criminellement interrompues. Ainsi ce qu’aucune loi d’exception n’autorise, ce qu’aucune des dispositions les plus discre´tionnaires ne permet, se commet par l’agent d’un agent non responsable, et dont la signature n’est appuye´e de celle d’aucun des ministres qu’aurait contenus leur responsabilite´. Vainement a-t-on cherche´ a` reveˆtir de quelques formalite´s judiciaires cette coupable ille´galite´. L’autorite´ judiciaire n’a e´te´ que spectatrice. C’est l’agent porteur d’un ordre ille´gal, je le re´pe`te, d’un ordre qu’aucune loi, meˆme d’exception, ne le´gitime, c’est cet agent qui a parcouru toutes les lettres de quatre de´pute´s ; et je dois observer encore que ni la loi sur la liberte´ individuelle ne peut eˆtre invoque´e, puisque les possesseurs de ces lettres n’ont pas e´te´ arreˆte´s, ni la loi exceptionnelle sur la presse, puisque ces lettres n’avaient acquis aucune publicite´. Je ne vous rappellerai point, Messieurs, les principes professe´s de tout tems par tous les peuples civilise´s, sur la violation du secret des lettres, et par la` de tous les secrets, de tous les inte´reˆts de toutes les se´curite´s des familles, principes devant l’infraction desquels, dans les moments les plus re´volutionnaires, les pouvoirs les moins scrupuleux ont recule´, principes consacre´s ite´rativement depuis 1789, et proclame´s encore a` l’e´poque re´cente du 5 de´cembre 1816 par la cour de cassation. Je n’ai nul inte´reˆt a` re´clamer ces principes pour moi-meˆme. Comme individu, je me fe´licite, et mes colle`gues, je n’en doute pas, se fe´licitent ainsi que moi de ce que nos plus intimes pense´es seront connues du Gouvernement. On y verra ce que nous avons toujours professe´ a` cette tribune, attachement a` l’ordre constitutionnel, haine de l’arbitraire, respect pour les lois meˆmes de´fectueuses, ine´branlable re´solution de nous opposer a` tout renversement de la Charte, soit que ce renversement vienne des ministres, soit qu’il vienne d’autres factieux. Je ne crains donc rien, Messieurs, de cet enle`vement sans exemple sous une constitution libre. Je redoute aussi peu les de´nonciations te´ne´breuses que les violences ouvertes. Les voies de fait du 3 juin ne m’ont point effraye´2 : les mensonges imprime´s du Moniteur ne m’en imposent pas, et ceux qui ont e´choue´ dans des projets mieux organise´s contre nous autour de cette enceinte, ne seront, j’en suis suˆr, ni plus heureux, ni moins maladroits dans leurs inventions de conspirations factices. 1 2

Outre BC, les de´pute´s de la Sarthe sont La Fayette, Hardouin et Picot-Desormeaux. Les «troubles de Paris» dont il est largement question ci-dessus (pp. 657–673).

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Mais comme de´pute´, je de´clare que, prive´ ainsi que mes trois colle`gues du droit le´gitime de correspondre avec mes commettans sur leurs inte´reˆts, et par conse´quent sur des objets politiques, ne pouvant expliquer a` ceux que j’ai mission de de´fendre les motifs des votes par lesquels je leur impose des charges, sans les exposer a` des violations de domicile et a` des perquisitions arbitraires, je crois devoir, avant de voter aucun article de loi, demander a` vous, Messieurs, si vous sanctionnez ces attentats contre vous-meˆmes, et a` MM. les ministres quelle re´paration ils croient pouvoir faire a` la repre´sentation nationale outrage´e par M. Monnier dans la personne de quatre de´pute´s. Une vive agitation succe`de a` ce discours.

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M. de Ville`le, de sa place Eh bien ! que proposez-vous ... Il faut conclure ... Un grand nombre de voix : L’ordre du jour, l’ordre du jour ... (Des murmures s’e´le`vent a` gauche ... – Plusieurs voix : Motivez-le.)

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Je demande que MM. les ministres du Roi nous donnent des explications sur les actes que je viens d’e´noncer, et comme l’heure est avance´e, que la chambre suspende sa de´libe´ration, jusqu’a` ce qu’elle ait entendu les explications, car la chambre voudra sans doute qu’il soit rendu compte des mesures qui ont e´te´ prises1 ...

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Je n’ai demande´ la parole que pour mettre un terme a` cette discussion, et pour faire sortir la chambre de l’e´tat d’incertitude ou` elle se trouve place´e par son re´glement ; j’ai cru, Messieurs, dans l’inte´reˆt de la chambre, et pour sa dignite´ de faire connaıˆtre les faits que j’ai expose´s. On m’a reproche´ d’en avoir parle´ au milieu de la discussion du budget ; Messieurs, ce n’est pas moi qui ai choisi le moment, et ce n’est pas moi qui, au milieu de la discussion du budget ai commis les actes arbitraires, ille´gaux dont j’ai parle´. 1

Entre les deux interventions de BC, se placent, parmi les plus importantes, celle de Ville`le et celle de Roy. Le premier met le doigt sur une faute de proce´dure : la re´clamation de BC n’a pas sa place dans une discussion sur le budget et les de´penses de la Cour des comptes ; le de´pute´ dispose des voies judiciaires pour se plaindre ou d’une adresse au roi. Ville`le intervient aussi sur un point de droit constitutionnel : il conteste la the´orie selon laquelle le de´pute´ est redevable ou responsable devant ses commettants : «une fois rendus dans cette chambre, vous n’eˆtes plus de´pute´s de telle ou telle partie de la France, mais de toute la France». Quant a` Roy, il voit dans le discours de BC une occasion de porter le trouble dans la Chambre «et peut-eˆtre dans toute la socie´te´». Il relie les faits incrimine´s a` la recherche de preuves pour de´noncer les «grandes manœuvres [...] pratique´es ces derniers temps dans toute la France». Comme Ville`le, il reproche a` BC de ne pas suivre les voies judiciaires, et s’oppose a` ce que la Chambre des de´pute´s interrompe ses de´libe´rations pour s’occuper de cette affaire.

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On m’a dit que je lanc¸ais une pomme de discorde ; ce n’est pas moi qui peux en eˆtre accuse´ ; ceux qui lancent la pomme de discordre parmi nous sont ceux qui excitent de justes re´clamations par une administration arbitraire. Il re´sulte de ce qu’a dit M. de Puymaurin, que ceux qui sont victimes de l’arbitraire excitent du de´sordre en se plaignant1 ; assure´ment c’est e´tablir qu’aucune re´clamation n’est permise, et qu’il faut souffrir toutes les vexations en silence ; on a dit que je devrais prendre les voies judiciaires ; mais oublie-t-on que pour poursuivre un fonctionnaire public il faut l’autorisation du conseil d’Etat ? Enfin on a dit que j’eusse duˆ pre´senter une adresse au Roi. Ici, Messieurs, je dirai franchement ma pense´e, je dirai pourquoi je n’ai pas pris ce moyen. Je crois que dans un gouvernement repre´sentatif, quand on de´voile des actes arbitraires, quand on e´tablit que les actes ont e´te´ commis par des agents responsables, la publicite´ ne peut-eˆtre un mal, et que ce moyen vaut mieux que d’enterrer la de´claration dans un comite´ secret, ou` peut-eˆtre n’assisteraient pas les ministres qui seraient appele´s a` re´pondre. (de violens murmures interrompent au centre et a` droite.) Si j’ai commis un crime, si je me suis rendu coupable d’un tort, la chambre pourra me punir, mais les interruptions ne serviront a` rien : oui, j’ai de´sire´ une publicite´ salutaire ... (meˆme mouvement ... Plusieurs voix, nous le voyons bien ...) Je suis convaincu que lorsqu’un ministre suit une mauvaise route, il n’y a d’autre moyen de l’en tirer que de donner a` ses actes la plus grande publicite´ ; or, il n’y a plus qu’un moyen pour cette publicite´ ; c’est la tribune ... et meˆme vous savez que la dignite´ des chambres a e´choue´ contre les mesures de re´pression ; vous savez que des discours prononce´s dans la chambre des pairs, et dont la chambre des pairs avait ordonne´ l’impression, n’ont pu eˆtre inse´re´s dans un journal et ont e´te´ refuse´s par la censure. (Vive agitation ... Plusieurs voix, cela ne nous regarde pas2.) Or, Messieurs, quand les journaux officiels donnent des re´cits inexacts sur tout ce qui se passe, quand on veut en vain en appeler a` la sagesse du Roi, au protecteur de nos liberte´s, quand les brochures sont supprime´es, quand les journaux sont esclaves ... (De nouveaux murmures interrompent. Voix a` droite, est-ce ainsi que vous terminez la discussion ... Le chapitre du budget ... La cour des comptes ... L’ordre du jour.) En qualite´ de citoyen, je me re´serve tous mes droits ; mais ne voulant pas mettre la chambre dans un e´tat dont elle veut sortir, et croyant avoir rempli mon devoir par la publicite´ que j’ai obtenue, je de´clare que je m’en tiens la`, et que je n’insiste pas sur la proposition de suspendre la de´libe´ration3. 1

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Alors que le pre´sident avait consulte´ la Chambre pour savoir si elle voulait suspendre le de´bat sur le budget en attendant la re´ponse du gouvernement a` la question de BC, «une foule de voix : Non, non...» et Puymaurin de crier depuis sa place : «Tout ceci est une source de discorde...» (Archives parlementaires, t. XXIX, p. 52). On n’a pas re´ussi a` identifier l’incident pre´cis auquel BC fait allusion. L’attitude de BC est tre`s parlante : le but de son intervention en effet intempestive dans le

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(La plus vive agitation re`gne dans la Chambre ... Un grand nombre de membres de la gauche se le`vent en re´clamant la parole, les cris l’ordre du jour s’e´le`vent au centre et a` droite. – M. Me´chin monte a` la tribune.) M. le pre´sident. La proposition est retire´e ; vous ne pouvez avoir la parole ... J’ai retire´ ma proposition et me re´servant tous mes droits ... (Les cris l’ordre du jour, l’ordre du jour retentissent de nouveau ...)

de´bat sur le budget est bien de rendre publics des agissements ille´gaux de la police. Les principaux journaux qui rendent compte des de´bats aux chambres ont reproduit plus ou moins inte´gralement ce discours (ce qui tendrait a` montrer que l’action de la censure n’e´tait pas aussi intransigeante que le disaient les libe´raux). BC publiera en outre, dans les premiers jours de juillet, une brochure intitule´e Pie`ces relatives a` la saisie de lettres et de papiers dans le domicile de MM Goyet et Pasquier, l’un juge et l’autre agre´e´ au tribunal de commerce du Mans, avec quelques re´flexions sur la direction de la police ge´ne´rale (OCBC, Œuvres, t. XV, pp. 633–658).

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[Intervention en faveur d’une pe´tition]* Se´ance du 30 juin 18201

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Monsieur Benjamin-Constant s’e´le`ve contre la conclusion de M. le rapporteur ; il s’e´tonne du peu d’inte´teˆt que montre la commission a` l’e´gard d’une affaire malheureuse ou` deux officiers, deux fre`res, poursuivis par la calomnie, ont e´te´ frappe´s d’une condamnation reconnue injuste dans la per sonne du pe´titionnaire lorsqu’il s’est pre´sente´ pour purger sa contumace. Il demande que sa pe´tition soit renvoye´e a` M. le ministre des affaires e´trange`res, qui pourrait faire connaıˆtre aux agens franc¸ais a` l’e´tranger que le chevalier Bacheville a e´te´ releve´ de la condamnation qui pesait sur sa teˆte, ce qui les disposerait en faveur d’un malheureux proscrit, si ses pas errans le conduisaient dans les contre´es ou` ils re´sident, et afin qu’il puisse recevoir d’eux des renseignemens sur la de´cision du tribunal qui a reconnu l’innocence de son fre`re, et trouver une garantie contre les perse´cutions qu’il e´prouverait peut-eˆtre a` raison du jugement qui l’a condamne´. M. de Ville`le. On ne pourrait le re´clamer que pour le faire juger.

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E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 183, samedi 1er juillet 1820, pp. 930ab ; Archives parlementaires, t. XXIX, pp. 118–119. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, samedi 1er juillet 1820, p. 3a ; Le Courrier franc¸ais, no 377, samedi 1er juillet 1820, p. 1a ; Le Constitutionnel, no 183, samedi 1er juillet 1820, p. 1a ; La Quotidienne, no 183, samedi 1er juillet 1820, p. 2b ; Gazette de France, no 183, samedi 1er juillet 1820, p. 741a.

1

Le de´pute´ de Cotton, rapporteur de la commission des pe´titions, a rendu compte notamment de la pe´tition de´pose´e par Barthe´lemy Bacheville qui, avec son fre`re Antoine, fide`les de Napole´on jusque pendant les Cent-Jours, avaient e´te´ victimes de la «terreur blanche» et condamne´s a` l’exil. Ils avaient trouve´ refuge en Moldavie (alors province de l’Empire Ottoman), avaient voyage´ a` travers l’Europe orientale, l’un jusqu’a` Moscou, l’autre jusqu’a` l’extre´mite´ de la pe´ninsule arabique. Antoine mourut a` Mascate en 1820 ; Barthe´lemy, rentre´ en France et finalement re´habilite´ en 1821, publia a` Paris en 1822 les Voyages des fre`res Bacheville, capitaines de l’ex-garde et chevaliers de la Le´gion d’honneur, en Europe et en Asie, apre`s leur condamnation par la cour pre´voˆtale du Rhoˆne en 1816. Barthe´lemy Bacheville, dans sa pe´tition, demandait que son fre`re fuˆt rapatrie´ en France par l’intervention des canaux diplomatiques. La commission, estimant que le pre´venu juge´ par contumace devait se pre´senter lui-meˆme a` la cour pour faire lever sa condamnation, proposait d’e´carter la pe´tition en passant a` l’ordre du jour. C’est la` qu’intervient BC dans des propos que les sources n’ont re´pertorie´ que sous forme de re´sume´.

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M. de Montcalm. Il n’est peut-eˆtre pas dans l’inte´reˆt du fre`re du sieur Bacheville de rentrer en France. Je n’ai pas demande´ que le sieur Bacheville soit re´clame´ par le Gouvernement franc¸ais, j’ai dit seulement qu’en faisant connaıˆtre a` ce malheureux proscrit que l’innocence de son fre`re a e´te´ reconnue, les agens franc¸ais pourraient aussi lui e´viter des perse´cutions auxquelles plusieurs autres proscrits ont e´te´ expose´s. Il n’est nullement question d’une instruction formelle dont l’objet serait de forcer le sieur Bacheville a` revenir.1

1

Apre`s une bre`ve discussion, le pre´sident met aux voix la question de l’ordre du jour qui est adopte´. Mais il s’ave`re que l’Assemble´e n’e´tait en re´alite´ pas habilite´e a` voter, le nombre de de´pute´s pre´sents e´tant insuffisant. Une discussion se de´veloppe alors au sujet de l’application de cet article du re`glement ; c’est dans ce contexte que s’inscrit la bre`ve intervention suivante de BC ; finalement, plusieurs de´pute´s e´tant arrive´s entre-temps, la Chambre est habilite´e a` voter et prononce l’ordre du jour. Ce vote n’aura pas de conse´quences pour le pre´venu Antoine Bacheville puisqu’il mourra dans le meˆme temps a` Mascate.

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[Intervention sur le vote de la Chambre lorsqu’elle n’est pas comple`te]* Se´ance du 30 juin 18201

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Il serait un moyen de concilier tout : quand il ne s’e´le`ve aucune difficulte´, la chambre quoique non comple`te peut voter sans doute ; mais quand il y a des re´clamations, il convient d’attendre qu’elle le soit, et de passer a` d’autres pe´titions. Cela est arrive´ plusieurs fois.

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E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 183, samedi 1er juillet 1820, pp. 930c ; Archives parlementaires, t. XXIX, p. 120. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, samedi 1er juillet 1820, p. 3b ; Le Constitutionnel, no 183, samedi 1er juillet 1820, pp. 1b–2a ; La Quotidienne, no 183, samedi 1er juillet 1820, p. 3a ; Gazette de France, no 183, samedi 1er juillet 1820, p. 741b.

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Voir la note finale du discours pre´ce´dent.

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Sur la spe´cialite´.* (Se´ance du 30 juin 1820.)1

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MESSIEURS, Quand notre honorable colle`gue, M. Se´bastiani, a fait sa proposition, j’e´tais assez dispose´ a` entrer dans ses vues. Je craignais que la Chambre, en effet, tre`s fatigue´e, ne puˆt porter assez d’attention a` la discussion d’une question aussi importante que celle de la spe´cialite´, et qu’il n’en re´sultaˆt un pre´ce´dent tre`s faˆcheux, l’anne´e prochaine, sur la question en elle-meˆme ; mais la manie`re dont cette question s’est engage´e, et ce qu’ont dit MM. les ministres2, donnent lieu de croire qu’il s’agit moins ici de pre´juger la question que de la repousser tout-a`-fait. M. le ministre des finances vient de nous de´clarer qu’il ne saurait consentir a` l’admission d’un amendement, pre´sente´ incidemment au budget, sur la spe´cialite´3 ; et, cependant, depuis *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1828, pp. 407–409 ; Discours de M. Benjamin Constant a` la Chambre des de´pute´s. t. I, 1827, pp. 407–409 [=Discours 1827 I] ; Le Moniteur universel, no 184, dimanche 2 juillet 1820, p. 936a [=M] ; Archives parlementaires, t. XXIX, pp. 125–126. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, samedi 1er juillet 1820, p. 4a ; Le Constitutionnel, no 183, samedi 1er juillet 1820, pp. 2b–3a ; La Quotidienne, no 183, samedi 1er juillet 1820, p. 3ab ; Gazette de France, no 183, samedi 1er juillet 1820, p. 742a.

8–9 en elle-meˆme ; mais ] en elle-meˆme. Mais Discours 1827 I 407 10 donnent lieu ] donne lieu Discours 1827 I 407 13 pre´sente´ incidemment au budget, sur la spe´cialite´ ] sur la question de la spe´cialite´ pre´sente´e incidemment au budget M 936a 1

2 3

Le traitement des pe´titions acheve´, la Chambre reprend son examen du budget des de´penses de 1820. Le pre´sident a mis en discussion des amendements formule´s par la commission qui propose d’ajouter plusieurs articles a` la loi pour clarifier les proce´dures a` suivre lorsqu’il s’agit de couvrir des de´penses extraordinaires et impre´vues et, le cas e´che´ant, d’exploiter a` d’autres fins des sommes pre´vues pour tel article ou chapitre du budget. Rapidement, le de´bat se focalise sur la question du principe de spe´cialite´ («Re`gle du droit budge´taire par laquelle les cre´dits vote´s pour un chapitre ne doivent pas eˆtre employe´s pour un autre», TLF) que le gouvernement et la droite entendaient abolir ou tout au moins limiter dans son application. Conside´rant l’heure tardive, la fatigue des de´pute´s et l’absence d’un bon nombre d’entre eux, Se´bastiani avait propose´ d’ajourner la discussion de fond sur ce principe a` la session prochaine ; apre`s un e´change anime´ entre droite et gauche (avec des interventions appuye´es de Foy et de Manuel notamment), BC prend a` son tour la parole. Pasquier et Roy s’e´taient exprime´s dans la discussion. BC se garde bien de discuter un argument avance´ par Roy qui affirmait que les amendements propose´s relatifs a` l’application du principe de spe´cialite´ «de´truiraient effectivement le principe de la responsabilite´ des ministres» (Archives parlementaires, t. XXIX, p. 125).

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huit mois, la question s’agite, le mot de spe´cialite´ est prononce´ a` la tribune, et jusqu’ici il semblait qu’on n’e´tait divise´ que sur la place la plus convenable a` cette discussion. Quand nous l’avons demande´e, on nous l’a promise ; et c’est apre`s avoir garde´ le silence, c’est apre`s nous avoir fait voter toutes les de´penses, qu’on vient nous de´clarer qu’on s’oppose a` ce que la question soit traite´e. J’avoue, Messieurs, que je ne reconnais pas dans cette marche, cette franchise qui devrait toujours caracte´riser un ministe`re. Mais est-ce bien un amendement, que l’on pre´sente ? est-ce un amendement improvise´ a` la tribune ? Non, c’est le travail de votre commission qui est depuis quelques mois sous vos yeux. Il y a quelque chose de plus : il y a une proposition. Je l’ai faite au commencement de la session ; je l’ai de´pose´e : M. le rapporteur de la commission des comptes m’a dit que la question serait traite´e ; dans cette espe´rance, j’ai de´clare´ a` la commission que je consentais a` ne pas donner de suite a` ma proposition, que je m’en remettais a` elle de ce soin1. Quand le rapport fut fait, je remarquai que la question de la spe´cialite´ n’y e´tait pas aborde´e, et l’on me re´pondit qu’elle le serait plus tard, et lors de la loi des de´penses2s ; aujourd’hui on veut la remettre a` l’anne´e prochaine. Je crois, moi, qu’il faut la traiter a` l’instant meˆme, et sortir de ces ajournemens inde´finis dans lesquels nous sommes successivement arreˆte´s. Qu’on ouvre la discussion, il sera facile de re´pondre aux argumens de ceux qui ne veulent pas la spe´cialite´. Ils abusent contre nous d’un singulier moyen de raisonnement qui n’a quelque force apparente, qu’en ce qu’on nous accuse de vouloir ce que nous ne voulons pas. Nos adversaires pre´tendent que nous voulons l’absurde, et par conse´quent ils ont un grand avan tage a` raisonner 1 spe´cialite´ ] pas en italique Discours 1827 I 407 7 un ministe`re ] le ministe`re M 936a 10–11 Il y a quelque chose ] Mais il y a quelque chose M 936a 11 il y a une proposition ] il y a eu une proposition M 936a Je l’ai faite au commencement de la session ] J’ai fait au commencement de la session une proposition M 936a 19 la traiter ] l’ouvrir M 936a 20 arreˆte´s ] retenus Discours 1827 I 408 1

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Dans la discussion qui avait eu lieu le 24 de´cembre sur un projet de loi visant notamment a` autoriser le gouvernement a` disposer, avant l’entre´e en vigueur effective des lois lie´es au budget, de six douzie`mes du budget pre´vu, la commission avait propose´ de re´duire cette autorisation a` quatre douzie`mes ; BC avait approuve´ cet amendement de la commission (cidessus, pp. 351–353) et Delessert, substitut du pre´sident de la commission (Ternaux) avait conclu la discussion en exhortant le ministre des Finances, a` l’avenir, a` pre´senter plus toˆt son budget (Archives parlementaires, t. XXV, p. 777). Allusion probable a` la discussion du 7 fe´vrier 1820 ; BC y avait fait une proposition concernant la notification des e´conomies re´sultant des de´cisions de la Chambre. Il lui avait e´te´ signifie´ que sa proposition serait discute´e la semaine suivante, mais l’assassinat du duc de Berry allait bouleverser le calendrier de la Chambre qui n’allait plus revenir sur ce point.

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Sur la spe´cialite´

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contre nous. Ils pre´tendent que nous voulons pousser la spe´cialite´ hors des bornes raisonnables, entraver le gouvernement ; mais, Messieurs, nul de nous n’a cette intention. Nous voulons, une spe´cialite´ le´gale, d’une exe´cution raisonnable et possible. Sans elle vous ne connaıˆtrez jamais l’emploi des deniers publics ; sans elle, des de´penses que vous aurez cre´e´es, Messieurs, et que vous aurez unanimement vote´es, ne seront pas faites, et d’autres que vous aurez crues inutiles, que vous aurez rejete´es, seront continue´es ; sans la spe´cialite´, Messieurs, vous aurez vote´ des fonds pour une arme´e, et l’on vous donnera un immense e´tat-major ; sans elle vous aurez vote´ des fonds pour des cure´s et des succursalistes1, et vous aurez des e´veˆques ; sans elle, quand vous aurez vote´ des fonds pour les employe´s, on augmentera les traitemens des chefs et des directeurs ge´ne´raux ; quand vous aurez enfin vote´ le ne´cessaire, on l’emploiera pour le superflu. Je termine cette discussion, Messieurs, en vous rappelant que MM. les ministres, depuis six mois, ont entendu cette discussion s’e´lever, qu’ils ont consenti a` ce qu’elle s’e´levaˆt ... Et ce n’est qu’aujourd’hui que l’on s’oppose a` ce que la discussion s’e´tablisse ... Je combats l’ajournement.2

3 cette intention. ] apre`s ces mots (Voix a` droite, et le premier pas de M. Me´chin ?) M 936a Nous voulons, ] Nous voulons, Messieurs, M 936a 4 possible. Sans elle vous ne connaıˆtrez ] possible ; sans elle vous n’e´tablirez jamais d’ordre dans vos finances. Sans elle vous ne connaıˆtrez Discours 1827 I 409 15–16 a` ce qu’elle s’e´levaˆt ] (Voix a` droite. Non pas par article au budget... C’est une question a` part.) M 936a 17 Je combats ] Je m’oppose a` M 936a 1 2

«Preˆtre qui dessert une e´glise succursale», c’est-a`-dire une «e´glise adjointe a` une e´glise paroissiale devenue insuffisante pour accueillir les fide`les de la paroisse» (TLF). Aussitoˆt, la gauche demande l’impression de ce discours, mais des voix a` droite re´torquent : «Pourquoi donc ?... C’est une improvisation.» (Archives parlementaires, t. XXIX, p. 26) ; l’impression sera rejete´e. C’est donc sans surprise que l’on verra vote´ a` une large majorite´ l’ajournement de la discussion sur la spe´cialite´.

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[Intervention sur le droit de proposer des amendements]* Se´ance du 4 juillet 18201

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Il est tre`s heureux pour la chambre que le rapporteur ait reproduit la doctrine que M. le ministre des finances avait e´tablie, car il est essentiel que cette doctrine soit complettement re´fute´e. Il n’y a aucun doute que si l’on re´duisait la discussion du budget a` ce que nous votassions si tel impoˆt serait ou non adopte´, il n’y aurait pas de discussion ; car personne n’est assez insense´ pour proposer que les droits d’enregistrement, par exemple, ne soient pas acquitte´s ; il est clair que nous pouvons proposer des ame´liorations dans le mode de perception ; et la doctrine ministe´rielle qui a e´te´ e´mise aujourd’hui, tend a` nous faire prononcer par oui ou non. Nous avons le droit, non seulement d’examiner si telle recette est ne´cessaire, mais encore si elle est perc¸ue de la meilleure manie`re possible. Quand on nous parle de proposition de loi, on sait bien que la chambre ne les accueille pas comme elle accueille les amendemens. On nous dit ensuite que la session est trop avance´e, comme s’il n’avait pas de´pendu des ministres d’ajourner apre`s la discussion du budget, la loi qui nous a occupe´s pendant vingt-cinq jours2. On voudrait maintenant que nous ne puissions pas proposer d’amendement ; c’est e´videmment tuer toute espe`ce de discussion du budget. Tous les coˆte´s de cette chambre sont inte´resse´s a` rejeter cette doctrine. Je connais des colle`gues qui e´taient dans l’intention de proposer des conside´rations fort instructives : l’un d’eux, d’apre`s la doctrine ministe´rielle, voyant qu’il ne pouvait parler sur rien, s’est de´cide´ a` ne pas pre´senter ses conside´rations. Si la question avait e´te´, en effet, pose´e de cette manie`re, laissera-t-on subsister le produit de l’enregistrement, oui ou non ? *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 188, jeudi 6 juillet 1820, pp. 963c–964a ; Archives parlementaires, t. XXIX, p. 201. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, mercredi 5 juillet 1820, p. 4b ; Le Courrier franc¸ais, no 381, mercredi 5 juillet 1820, p. 3a ; Le Constitutionnel, no 187, mercredi 5 juillet 1820, p. 4b ; La Quotidienne, no 187, mercredi 5 juillet 1820, p. 4a ; Gazette de France, no 187, mercredi 5 juillet 1820, p. 756a.

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Au milieu de la discussion sur la loi concernant les voies et moyens (i.e. les recettes de l’E´tat), Ganilh, le rapporteur de la commission en e´tait venu a` proposer que les amendements ne puissent pas eˆtre directement pre´sente´s lors des de´bats, mais qu’ils soient d’abord soumis a` la commission concerne´e. BC re´agit imme´diatement. La discussion sur la loi des e´lections avait de´bute´ le 15 mai ; le vote final y avait mis fin le 12 juin.

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tout le monde serait bien oblige´ de dire oui ; vous renonceriez a` tous vos droits si vous adoptiez une telle doctrine. Sans doute vos commissions sont tre`s-utiles pour pre´parer le travail, mais il ne faut pas qu’elles s’arrogent une espe`ce de dictature ; il ne faut pas que tous les amendemens qui sont ici propose´s soient soumis a` la dictature de la commission. Je crois que la chambre aura la sagesse de persister dans la marche qu’elle a suivie jusqu’a` pre´sent. Il ne peut y avoir d’autre inconve´nient qu’une demi-heure de discussion de plus, et cette discussion n’est pas perdue.1

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Ganilh n’ayant pas donne´ de statut formel a` sa proposition, elle ne sera pas soumise au vote.

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[Intervention pour soutenir l’amendement de Sainte-Aulaire]* Se´ance du 5 juillet 18201

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Il me paraıˆt que ce que viennent de dire M. le ministre des finances et M. le directeur-ge´ne´ral des ponts et chausse´es n’a pas du tout de´truit les observations tre`s-justes que nous a faites notre honorable colle`gue M. de Sainte-Aulaire. Si comme M. le ministre des finances l’a observe´, les mots conseil-d’e´tat ne se trouvent pas dans l’article ; si l’article n’oblige pas a` consulter le conseil-d’e´tat, on voit s’e´vanouir tous les avantages que M. le directeur-ge´ne´ral des ponts et chausse´es en a tire´s, et alors cet article ne donne pas une garantie de plus. L’inconve´nient de donner une sanction nouvelle a` cette disposition est ici peu importante, mais il serait dangereux en ge´ne´ral. Les expressions re`glemens d’administration publique sont vagues ; elles peuvent avoir beaucoup de danger ; je crois que si l’on donnait a` l’article 14 de la Charte2 qu’on a invoque´ toute la latitude qu’on pourrait lui donner, il pourrait devenir tre`s-dangereux. Je me souviens qu’un e´crivain ce´le`bre, M. de Chateaubriant, a dit qu’il pre´voyait tre`s-bien les cas ou` toute *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 189, vendredi 7 juillet 1820, p. 969c ; Archives parlementaires, t. XXIX, pp. 221–222. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, jeudi 6 juillet 1820, p. 3a ; Le Courrier franc¸ais, no 382, jeudi 6 juillet 1820, p. 2a ; Le Constitutionnel, no 188, jeudi 6 juillet 1820, p. 3b ; La Quotidienne, no 188, jeudi 6 juillet 1820, p. 4a ; Gazette de France, no 188, jeudi 6 juillet 1820, p. 761b.

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La discussion a repris sur le projet de loi relatif aux voies et moyens de l’exercice 1820 ; est conside´re´ maintenant le chapitre 3 accordant au gouvernement l’autorisation d’e´tablir des droits de pe´age pour concourir a` la construction ou a` la re´paration des ponts et chausse´es. Sainte-Aulaire propose un amendement consistant a` supprimer dans la dernie`re phrase de l’article le passage mis ici en italiques : «Il [le gouvernement] en fixera les tarifs et les modes de perception, et en de´terminera la dure´e dans la forme usite´e par des re`glements d’administration publique». L’argument avance´ est que la formule re`glements d’administration publique est vague et peut laisser entendre que le ministre serait contraint par des de´cisions du conseil d’E´tat, ce qui aurait pour conse´quence de le de´charger de sa responsabilite´. Becquey, le directeur des ponts et chausse´es et Roy ont re´pondu en soutenant que l’amendement propose´ n’est pas utile. BC prend alors la parole. L’article 14 de la Charte : «Le roi est le chef supreˆme de l’E´tat, il commande les forces de terre et de mer, de´clare la guerre, fait les traite´s de paix, d’alliance et de commerce, nomme a` tous les emplois d’administration publique, et fait les re`glements et ordonnances ne´cessaires pour l’exe´cution des lois et la suˆrete´ de l’E´tat.»

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la Charte pourrait eˆtre confisque´e au profit de l’article 141. Nous devons bannir toutes les expressions vagues, et comme le but peut eˆtre atteint sans adopter ces mots, je crois qu’il faut les retrancher. J’appuie de toutes mes forces l’amendement de M. de Sainte-Aulaire.2

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BC se re´fe`re a` la ce´le`bre phrase formule´e par Chateaubriand dans De la Monarchie selon la Charte : «Il y a tant de constitutionnels qui veulent gouverner aujourd’hui avec des ordonnances qu’il est possible qu’un beau matin toute la Charte soit confisque´e au profit de l’article 14.» (Paris : impr. Le Normant, 1816, p. 285). La proposition d’amendement de Sainte-Aulaire sera rejete´e.

[Intervention a` propos de la taxe des israe´lites]* Se´ance du 6 juillet 18201

974c

Je rappellerai a` la chambre qu’il nous a e´te´ pre´sente´ dans les deux sessions, des re´clamations nombreuses contre la taxe a` laquelle on veut assujettir les israe´lites et contre le mode de re´partition de cette taxe ; je ne viens pas pourtant re´clamer contre cette taxe, pour cette anne´e ; mais je crois utile de rappeler au Gouvernement que ces re´clamations ont paru fonde´es ; elles se sont beaucoup multiplie´es2. L’organisation des communaute´ israe´lites a e´te´ faite dans un tems ou` l’on organisait a` peu pre`s a` coup de sabre, c’est-a`-dire en 18063. Je crois que nous devons inviter le Gouvernement a` prendre en conside´ration les pe´titions qui lui ont indique´ les moyens de faire cesser beaucoup d’abus. Le consistoire se compose de quatre membres qui font la re´partition de la taxe ; c’est une autre chose abusive. Mon intention a e´te´ de faire voir au Gouvernement qu’il serait de sa justice d’examiner ces pe´ti*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 190, samedi 8 juillet 1820, p. 974c ; Archives parlementaires, t. XXIX, p. 241. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, vendredi 7 juillet 1820, p. 4a ; Le Courrier franc¸ais, no 383, vendredi 7 juillet 1820, p. 2a ; Le Constitutionnel, no 189, vendredi 7 juillet 1820, p. 2a ; La Quotidienne, no 189, vendredi 7 juillet 1820, p. 3b ; Gazette de France, no 189, vendredi 7 juillet 1820, p. 766a.

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Toujours dans l’examen de la loi sur les voies et moyens, il est question de l’article 14 et plus particulie`rement du paragraphe 4 qui confirme le fait que les communaute´s israe´lites peuvent percevoir des taxes pour pourvoir aux frais du culte tout en ajoutant que ces taxes pourront aussi eˆtre pre´leve´es pour re´gler d’anciennes dettes de ces communaute´s. L’e´largissement de la destination des taxes au remboursement des dettes e´tait un ajout, sous forme d’amendement, de la commission. Le de´bat tourne autour d’une question de principe : le re`glement des dettes doit-il ou non faire l’objet d’une disposition le´gale ? BC intervient en re´ponse aux propos du baron Capelle, commissaire du roi, qui a de´fendu le libelle´ du paragraphe en cause, contre l’avis de Beugnot qui avait plaide´ pour une suppression de la disposition relative au remboursement des anciennes dettes. BC vient ici soutenir l’opinion de son colle`gue Beugnot. S’il est vrai que des pe´titions avaient re´gulie`rement e´te´ de´pose´es contre ces taxes, il est a` remarquer que BC ne s’e´tait jusqu’ici jamais manifeste´ sur le sujet. Un de´cret du 30 mars 1806, puis un autre du 17 mars 1808 avaient re´gle´, en principe pour dix ans, les droits des juifs en matie`re de preˆt, de commerce, d’hypothe`ques, de patentes et de domicile (D. Dalloz aıˆne´, Re´pertoire me´thodique et alphabe´tique de le´gislation, de doctrine et de jurisprudence en matie`re de droit civil, commercial, criminel, administratif, de droit des gens et de droit public, t. XXIX, Paris : Bureau de la jurisprudence ge´ne´rale, 1854, p. 710).

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tions, et d’engager les israe´lites a` s’organiser plus librement. Le Gouvernement ne se charge pas de salarier un culte ; je crois qu’en principe la cotisation doit eˆtre volontaire. Les observations de M. le commissaire du Roi, en re´ponse a` celles de M. Beugnot, ne m’ont pas paru bien de´cisives, et comme nous n’avons aucune donne´e pre´cise sur ces dettes, je ne crois pas que nous puissions voter sur l’article additionnel du Gouvernement. J’appuie la proposition de M. Beugnot.1

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L’article 14 est vote´ avec son paragraphe 4 sous sa forme primitive, c’est-a`-dire sans la disposition relative au remboursement des anciennes dettes. Beugnot et BC auront donc eu partiellement gain de cause.

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[Discours sur le remboursement du timbre pour les articles inse´re´s par ordre]* Se´ance du 8 juillet 18201

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M. Labbey de Pompie`res propose de statuer que les remboursemens du timbre pour les articles inse´re´s par ordre dans les journaux soient faits par le ministre de l’inte´rieur, et non par la re´gie de l’enregistrement. J’appuie cette disposition, et comme ordre, et comme e´conomie ; d’abord comme ordre, c’est le ministre de l’inte´rieur qui ordonne l’insertion de ces articles, c’est a` lui a` les payer. Ensuite, comme objet d’e´conomie, il est bon d’appeler l’attention du Gouvernement sur une de´pense qui de´ge´ne`re en un ve´ritable abus, par la multiplicite´ ille´gale des pie`ces diverses que le ministre fait inse´rer dans les journaux, en vertu d’ordre subalternes, et on paye les frais d’impression. La loi sur la presse porte que le Gouvernement pourra obliger les journaux a` imprimer sa publication officielle, en recevant une indemnite´. Cet article a paru raisonnable, parce qu’il n’y est question que de publications officielles. Or, nous voyons que par extension de cette loi, le ministe`re fait imprimer dans les journaux des pie`ces tre`s-volumineuses, et qui ne sont nullement officielles. Nous voyons inse´rer par ordre et avec remboursement des frais, les discours de MM. les ministres ; cependant, les ministres ont le meˆme privile`ge que les de´pute´s ; ils pourraient, comme les de´pute´s, envoyer leurs discours aux journaux. Mais il n’en est pas ainsi ; ils n’envoient l’ordre d’inse´rer que quelques jours apre`s, et ces discours paraissent isole´ment, se´pare´s de ceux auxquels ils ont pour objet de re´pondre, et de ceux par lesquels on a pu re´pliquer ; et les frais de cette seconde e´dition retombent sur le tre´sor.

*

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 191, dimanche 9 juillet 1820, p. 982a ; Archives parlementaires, t. XXIX, p. 267. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, dimanche 9 juillet 1820, p. 3b ; Le Courrier franc¸ais, no 385, dimanche 9 juillet 1820, p. 3a ; Le Constitutionnel, no 191, dimanche 9 juillet 1820, pp. 1b–2a ; La Quotidienne, no 191, dimanche 9 juillet 1820, pp. 3b–4a ; Gazette de France, no 191, dimanche 9 juillet 1820, p. 771ab.

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Dans la discussion sur l’article 33 de la loi sur les voies et moyens, relatif aux recettes de la re´gie de l’enregistrement et du timbre, Labbey de Pompie`res avait de´pose´ un amendement qui e´tait, de fait, une attaque frontale contre le pouvoir exorbitant qu’avaient pris les directeurs ge´ne´raux dans les ministe`res ; a` son habitude, BC, en soutenant l’opinion de son colle`gue, profite de l’occasion pour e´voquer d’autres dysfonctionnements.

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Au commencement du mois dernier, un des ministres de S. M., en re´pondant a` des discours prononce´s sur des e´ve´nements qui compromettaient la tranquillite´ publique, s’est permis des insinuations ame`res, des assertions de´nue´es de fondement, et des accusations formelles ; depuis il n’en a plus e´te´ question1. Il paraıˆt en effet qu’a` l’e´gard des accusations, on s’est fait une singulie`re the´orie ; on a vu un de´pute´ accuser un ministre, et garder un silence que l’on a vainement presse´ de rompre2 ; d’un autre coˆte´, des ministres accusent des membres de cette Chambre ; ils font imprimer cette accusation dans les journaux, et l’accusation une fois lance´e, il n’en est plus question. Mais je reviens a` l’objet de l’amendement, a` l’abus que je signale sous le rapport financier. Les quatre discours du ministre, contenant des accusations non prouve´es, ont e´te´ publie´s par ordre dans les journaux, et, contre la volonte´ bien expresse des accuse´s, l’accusation n’a pas e´te´ soutenue. Pourquoi donc avoir attendu huit jours pour publier ces e´loquentes philippiques, qui, paraissant isole´ment de la discussion, n’ont pu que fatiguer le public, et entraıˆner des de´penses inutiles ... Des murmures s’e´le`vent ... Se´pare´s des discours auxquels ils re´pondaient, ils ont duˆ eˆtre inintelligibles pour le public3. Mais les observations sur l’abus de telles publications acquie`rent plus de force, quand on voit que les journaux ont e´te´ force´s de re´pe´ter de longs re´cits d’e´ve´nements dont nous avons e´te´ te´moins, re´cits qui tenaient cinq a` six colonnes du Moniteur, et dans lesquels il n’y a pas un mot de vrai ... (De nouveaux murmures interrompent4.) De quel droit M. le pre´fet de police5 donne-t-il l’ordre aux journaux de re´pe´ter de tels articles qui n’ont aucun caracte`re ? En effet ces articles sont1

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Voir les interventions de BC du 10 juin, ve´ritable confrontation avec le garde des Sceaux de Serre qui attribuait a` l’opposition la responsabilite´ des e´ve´nements dits «troubles de Paris» (ci-dessus, p. 676, note 1). Cette fois-ci, BC remonte aux accusations porte´es par Clausel de Coussergues qui avait nomme´ment impute´ a` Decazes la responsabilite´ de l’assassinat du duc de Berry (voir cidessus les interventions de BC du 1er mars et du 28 avril, pp. 385–387 et 561–567), «accusation e´trange, inouı¨e, et devenue bien plus e´tonnante par le silence que son auteur a garde´ depuis» – disait BC le 18 avril. De fait, BC ne dit pas que Clausel de Coussergues avait retire´ son accusation par le biais d’une lettre adresse´e le 25 fe´vrier au pre´sident de la Chambre (voir B. Frederking, «‘Vive le Roi quand meˆme ?’», pp. 77–95). Il s’agit probablement des interventions de de Serre lors de la se´ance du 10 juin, mais on n’en a pas retrouve´ de publication se´pare´e ni dans le Moniteur, ni dans Le Journal des De´bats, ni dans Le Journal de Paris, ni meˆme dans La Quotidienne ou Le Drapeau blanc. En effet, le Moniteur du 21 juin contient, dans la partie non officielle, une relation e´tendue sur six colonnes, des e´ve´nements des 7–9 juin. La Quotidienne fit de meˆme (un peu moins amplement, mais avec plus de virulence contre les libe´raux, explicitement accuse´s d’avoir fomente´ les troubles) dans sa livraison du 19 juin ; idem pour Le Drapeau blanc a` la meˆme date. C’est Jules Angle`s qui occupait alors cette fonction dont il de´missionnera en de´cembre 1821.

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[Discours sur le remboursement du timbre]

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ils officiels : pourquoi le Moniteur ne les place-t-il pas dans sa Partie officielle ? S’ils sont place´s dans la Partie non officielle, ils n’ont donc aucun caracte`re, et alors pourquoi le gouvernement ordonne-t-il aux journaux de les re´pe´ter ? en a-t-il le droit ? est-ce la` ce que la loi a voulu et entendu ? Je ne le pense pas, puisqu’elle ne parle que de publications officielles. Si de telles publications conviennent a` quelques personnes, s’il leur paraıˆt utile de propager des re´cits inexacts, alors il me semble qu’elle devraient en supporter personnellement les frais, et non les faire acquitter par le tre´sor public. J’appuie donc la proposition qui vous est faite, que le ministe`re de l’inte´rieur soit charge´ de ces remboursements, alors nous verrons cesser l’abus a`-la-fois politique et financier que je signale, abus beaucoup plus dangereux sous le premier rapport que sous le second, mais qu’il importe de faire cesser tous les deux ...1

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De nombreuses voix a` gauche demandent l’impression de ce discours improvise´ de BC ; «La Chambre rejette l’impression a` une e´vidente majorite´» (Archives parlementaires, t. XXIX, p. 267). Quant a` l’amendement de Labbey de Pompie`res soutenu par BC, il sera lui aussi rejete´.

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[Intervention demandant des explications sur l’augmentation du budget des douanes]* Se´ance du 8 juillet 18201

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Il serait de´sirable que M. le directeur-ge´ne´ral donnaˆt quelques explications sur l’objet de cette augmentation2.

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Je viens appuyer l’amendement, parce qu’il me paraıˆt que ces remises, telles que je les vois employe´es, sont susceptibles d’une grande re´duction. Relativement aux employe´s infe´rieurs, M. le directeur-ge´ne´ral a adopte´ pour principe que ces remises sont un de´dommagement accorde´ aux employe´s qui se trouvent expose´s a` l’insalubrite´ des ma rais salans. C’est la re´ponse qu’il a faite a` plusieurs controˆleurs des brigades des frontie`res de terre qui re´clamaient une portion de ces remises. Comme je n’aime pas a` me fier a` des rapports individuels qui m’ont e´te´ remis, j’ai voulu ve´rifier le fait, et j’ai trouve´ qu’effectivement, sur un tre`s-grand nombre de controˆleurs de brigade, il n’y en a que 140 qui jouissent des remises sur le sel. Ainsi, les employe´s qui ne sont pas expose´s a` l’insalubrite´ des marais salans ne devraient pas avoir leur part dans ces remises, et il serait d’une injustice criante d’en priver les pauvres controˆleurs de brigade a` 1,600 fr., tandis qu’on en donnerait une grande partie a` des hommes qui ont 15,000 fr. d’appointemens. Je trouve deux inspecteurs-ge´ne´raux, un chef de division, et le secre´taire-ge´ne´ral, qui ont 60,000 francs d’appointemens entre quatre, qui prennent part a` ces remises sur les sels, tandis qu’on les refuse a` des employe´s a` 1,600 fr., sous pre´texte qu’ils ne sont pas expose´s a` l’insalubrite´ *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 192, lundi 10 juillet 1820, p. 986bc ; Archives parlementaires, t. XXIX, pp. 275–276. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Le Constitutionnel, no 191, dimanche 9 juillet 1820, p. 3a ; Gazette de France, no 191, dimanche 9 juillet 1820, p. 772b.

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Alors qu’il est maintenant question des allocations accorde´es au service des douanes, Labbey de Pompie`res s’e´tonne de la cre´ation de 1072 nouveaux postes de douaniers de brigade alors que le territoire du pays n’est pas plus e´tendu qu’en 1789. La Chambre, toutefois, vote cette augmentation du budget des douanes ; Labbey renouvelle alors un autre amendement qu’il avait de´pose´, demandant que les remises sur les produits des sels, porte´es a` 2%, soient re´duites a` 1% et accorde´es exclusivement aux douaniers du service actif. BC vient appuyer cet amendement en profitant de reformuler les griefs qu’il avait de´ja` e´nonce´s a` l’e´gard de la gestion de Saint-Cricq lors de la session pre´ce´dente (ci-dessus, pp. 253–262). Juste apre`s cette premie`re prise de parole, Saint-Cricq, directeur ge´ne´ral des douanes re´sume les explications qu’il avait de´ja` fournies a` la commission. Puis Labbey de Pompie`res propose son amendement.

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des marais salants. Je ne sache pas que M. le secre´taire-ge´ne´ral, que les inspecteurs-ge´ne´raux, et le chef de division y soient expose´s. M. le directeur-ge´ne´ral vous a dit, dans un discours prononce´ le 16 juin 1819, que les remises sur les sels e´taient un des e´le´mens des traitemens de tous les employe´s ; qu’ils servaient a` former des gratifications proportionne´es a` l’insuffisance des appointemens de chacun. Il est clair que si ces remises doivent eˆtre un e´le´ment de gratification pour tous les employe´s, il ne faut pas en priver les controˆleurs de brigade a` 1,600 fr., et les donner a` des hommes qui ont 15,000 fr. d’appointemens. M. le directeur-ge´ne´ral vous a montre´ son humanite´ pour ses employe´s, en augmentant leur nombre ; il me semble que cette meˆme humanite´ doit le porter a` ne pas refuser ces remises a` des employe´s qui en ont tant besoin. J’appuie donc l’amendement, et je suis suˆr qu’il ne peut faire tort qu’a` des hommes qui ont des appointemens tre`s-conside´rables, qui me`nent une vie tre`s-commode, et qui ne sont expose´s a` aucune insalubrite´.1

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L’amendement de Labbey de Pompie`res est rejete´.

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[Intervention sur le vote d’un amendement de Casimir Perier]* Se´ance du 10 juillet 18201

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Mais c’est l’amendement de M. Laffitte qui vient d’eˆtre mis aux voix ; nous demandons qu’on vote sur celui de M. Casimir Pe´rier.

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E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 195, jeudi 13 juillet 1820, p. 1004c ; Archives parlementaires, t. XXIX, p. 323. Autre publication : Journal des de´bats, mardi 11 juillet 1820, p. 4b.

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Toujours a` l’affuˆt, meˆme quand il n’intervient pas directement, BC interpelle le pre´sident qui, de fait, n’avait pas confondu les deux amendements, mais en avait propose´ une version combine´e ; cependant, devant l’insistance de BC, il remet aux voix l’amendement Laffitte et l’amendement Perier qui sont tous les deux rejete´s. Il s’agissait toujours de la discussion sur la loi relative aux voies et moyens, articles 33 et 34 qui fixent la somme globale des recettes.

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[Discours sur le droit d’accuser un ministre]* Se´ance du 11 juillet 18201

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Je crois essentiel, je l’avoue, de relever quelques-unes des assertions de l’honorable pre´opinant ; car elles tendraient a` e´tablir sur le droit d’accusation, une the´orie qu’il est e´galement important d’examiner, pour que ce droit ne soit pas trop restreint, et pour que d’un autre coˆte´ il ne soit pas e´tendu au-dela` de toutes les bornes2. Il est certain que lors meˆme qu’un membre de cette chambre n’a que des soupc¸ons contre un ministre, il a le droit de l’accuser ; car il n’est pas dans la faculte´ d’un membre de cette chambre de se procurer toutes les preuves ne´cessaires avant l’accusation. Je crois donc que M. Benoist a eu parfaitement raison, quand il a re´fute´ ce qu’il croyait avoir entendu, c’est-a`-dire qu’un membre e´tait blaˆmable d’accuser un ministre sans avoir toutes les preuves ne´cessaires. M. Benoist n’a fait que reproduire, dans cette circonstance, la the´orie e´tablie par un orateur, non moins ce´le`bre que lui, a` l’Assemble´e constituante. Tout ce que M. Benoist a dit est contenu dans ce mot ce´le`bre de Mirabeau : la de´nonciation est un devoir3. Mais il y a une grande diffe´rence d’accuser sans *

E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 194, mercredi 12 juillet 1820, p. 999c ; Archives parlementaires, t. XXIX, pp. 340–341. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, mercredi 12 juillet 1820, pp. 2b–3a ; Le Courrier franc¸ais, no 388, mercredi 12 juillet 1820, p. 2a ; Le Constitutionnel, no 194, mercredi 12 juillet 1820, p. 2ab ; La Quotidienne, no 194, mercredi 12 juillet 1820, p. 3ab ; Gazette de France, no 194, mercredi 12 juillet 1820, p. 785a.

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Les habitants de la commune de Cogolin dans le Var ont adresse´ a` la Chambre une pe´tition pour se de´fendre contre les accusations de manipulations dont ils auraient fait l’objet lorsqu’ils avaient proteste´ par la meˆme voie de la pe´tition contre les accusations porte´es par les royalistes contre Decazes et le camp des libe´raux qui auraient e´te´, selon eux, responsables de l’assassinat du duc de Berry. BC re´agit a` une intervention de Benoist qui e´tait revenu sur la forme tre`s explicite de cette accusation qu’avait lance´e a` la Chambre Clausel de Coussergues le 15 fe´vrier en rappelant qu’il e´tait le´gitime, pour un de´pute´, de formuler des accusations sur la seule base de soupc¸ons (voir ci-dessus, pp. 387, 562 et 615). On reconnaıˆt ici le BC, toujours preˆt a` profiter d’une circonstance particulie`re pour rappeler ou e´noncer une re`gle ge´ne´rale, une the´orie. Lors de la se´ance de la Convention nationale du 7 janvier 1793, Mirabeau avait de´clare´ en effet : «La de´nonciation e´tait une bassesse, lorsque de vils suppoˆts du despotisme allaient, dans les te´ne`bres, de´noncer l’homme courageux qui avait censure´ hautement une cour scandaleuse et dissipatrice, et des vizirs oppresseurs et insolents. La de´nonciation est un devoir, lorsqu’il s’agit de la liberte´ du peuple et du salut de la patrie.» (Archives parlementaires, premie`re se´rie, t. LVI, p. 364). BC est bien aise de montrer a` nouveau une concordance entre l’opinion de ses adversaires de droite et celle des plus ardents re´volutionnaires sous la Convention.

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Deuxie`me partie – Session de 1819–1820

preuves positives, suivre ensuite l’accusation et mettre la chambre a` meˆme de se procurer les preuves qu’on peut avoir, ou bien de jeter dans le public, dans la France, dans toute l’Europe, une accusation e´pouvantable, et de n’en plus parler. Je reconnais donc qu’un membre a le droit d’accuser sur des soupc¸ons, mais je maintiens, et ici le cœur et l’honneur de cette chambre seront de mon avis, que lorsqu’un membre a accuse´, quoiqu’il n’ait pas de preuves (et certes s’il en avait eu il aurait suivi l’accusation), il est de son devoir d’honneˆte homme de re´tracter son accusation. Il faut donc ou la suivre ou la re´tracter. La chambre a juge´ le fait ; une partie de ce qu’a dit M. Benoist, peut s’appliquer a` la de´cision solennelle que la chambre a prise, et par laquelle elle a fait maintenir dans le proce`s-verbal un mot qui se re´pe`te depuis dans toute la France, et que je ne veux pas re´pe´ter ici1. Il me paraıˆt que M. Benoist a confondu deux choses. Il nous a rappele´ les plaintes, les griefs, les espe`ces d’accusation contenus dans les discours prononce´s contre les ministres. Mais il y a une grande diffe´rence entre accuser un ministre de mauvaise administration, entre dire que le syste`me des ministres tend a` renverser tous les droits de la nation, et entre accuser positivement, formellement, litte´ralement un ministre d’assassinat ; car c’est la` l’accusation qui n’a pas e´te´ re´tracte´e. Le 4 mars, l’accusateur est monte´ a` cette tribune, et il a dit formellement qu’il s’engageait a` la justifier aux yeux de la France. Lorsqu’une opposition accuse vaguement les ministres de restreindre les liberte´s de la nation, elle parle d’un syste`me : ce n’est pas un fait positif, susceptible de preuves imme´diates. Mais quand il est question de la plus infaˆme des accusations, celle d’assassinat, on ne conc¸oit pas comment un homme ait pu prononcer ces mots a` cette tribune, et que depuis il ait garde´ le silence ; on ne conc¸oit pas non plus comment la chambre ait souffert ce silence. Si la chambre ne prononce pas a` cet e´gard, au moment ou` elle va se se´parer, elle le laisse peser sur elle ; car il y a une espe`ce de solidarite´ qui re´sulterait de cette tole´rance. (Tre`s-vifs murmures a` droite.) Je serais faˆche´ d’avoir pu dire quelque chose qui paruˆt inconvenant, car j’aime a` rendre hommage a` la manie`re dont cette chambre vient de repousser toute solidarite´ avec l’accusateur. (M. de Castelbajac : Nous ne sommes pas solidaires de vos paroles.) Je dis que l’honneur de cette Chambre est inte´resse´ a` ce qu’elle ne se se´pare pas avant de prononcer sur cette affaire. L’honneur de la France et celui de notre auguste monarque sont aussi inte´resse´s a` ce qu’une accusation pareille ne pe`se pas sur l’homme qui va les repre´senter

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Voir l’intervention de BC du 1er mars, ci-dessus, pp. 585–587.

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[Discours sur le droit d’accuser un ministre]

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en Angleterre1. Je crois que la chambre devrait de`s ce moment obliger l’accusateur de parler (M. de Castelbajac : Cela n’est pas du tout libe´ral.) Je crois qu’il serait tre`s-le´gitime de proposer a` la chambre de prendre un mode pour obliger a` prouver de semblables accusations. Je crois aussi qu’on pourrait tre`s-bien demander a` la chambre de censurer l’accusateur, et qu’elle ne s’y refuserait pas. Je pense donc qu’il est essentiel de ne rien repousser de ce qui peut donner des lumie`res sur cette affaire ; et comme dans la pe´tition dont il est question, on suppose l’existence d’un comite´ envoyant des mode`les d’adresses, il y a la` quelque chose de myste´rieux qui a besoin d’eˆtre e´clairci. Je demande en conse´quence le renvoi de la pe´tition au pre´sident du conseil des ministres ; et j’avoue que je suis tre`s heureux que cette occasion ait procure´ a` la chambre la faculte´ de se prononcer comme elle aurait duˆ le faire depuis longtemps contre le calomniateur.2

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Decazes avait e´te´ e´loigne´ de Paris par Louis XVIII qui, fin fe´vrier, l’avait nomme´ ambassadeur a` Londres. Mais le ministre destitue´ n’e´tait parti occuper son poste que le 11 juillet, soit le jour meˆme ou` BC prononce ces paroles a` la Chambre (F. de Coustin, Elie Decazes, p. 267). Clausel de Coussergues re´pondra en personne a` BC, puis la discussion s’envenimera et donnera lieu a` l’intervention suivante de BC.

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[Intervention demandant le rappel a` l’ordre de Cornet d’Incourt]* Se´ance du 11 juillet 18201

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Je demande le rappel a` l’ordre du pre´opinant. Dans un moment ou` les ministres, ou` les membres de tous les coˆte´s ont paru unanimes dans le sentiment de la dignite´ de cette chambre, dans un moment ou` des orateurs ont cru remplir leur devoir de de´pute´s, en demandant qu’on fasse enfin justice d’une odieuse calomnie, il est inconcevable qu’on affecte de n’y voir qu’une occasion de scandale. Je demande le rappel a` l’ordre de l’orateur.2

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E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 194, mercredi 12 juillet 1820, p. 1000b ; Archives parlementaires, t. XXIX, p. 343. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, mercredi 12 juillet 1820, p. 3b ; Le Courrier franc¸ais, no 388, mercredi 12 juillet 1820, p. 2b ; Le Constitutionnel, no 194, mercredi 12 juillet 1820, p. 3a. La Quotidienne, no 194, mercredi 12 juillet 1820, p. 4a ; Gazette de France, no 194, mercredi 12 juillet 1820, p. 786a.

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Cornet d’Incourt, demandant de traiter la pe´tition des habitants de Cogolin par l’ordre du jour, finit son intervention en disant : «on a pris occasion de cette pe´tition pour faire du scandale» (Archives parlementaires, t. XXIX, p. 343). Le sang de BC ne fait qu’un tour. Les e´changes se poursuivent «au sein d’une agitation tre`s vive» (Archives parlementaires, t. XXIX, p. 343), Foy et Perier venant tour a` tour appuyer les demandes de BC, mais rien n’y fait : la discussion sur le rappel a` l’ordre de Cornet d’Incourt est close et l’ordre du jour prononce´ sur la pe´tition des habitants de Cogolin.

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[Discours a` propos d’un traite´ avec la Re´gence d’Alger]* Se´ance du 11 juillet 18201

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Deux questions se pre´sentent ici ; celle du traite´, de la convention qui en a e´te´ la suite, et de leur exe´cution ; et celle des pre´rogatives de la couronne et de l’exercice du droit attribue´ au Roi par la Charte. Et d’abord, si vous comparez le traite´ a` la convention dont il a e´te´ suivi, vous reconnaıˆtrez qu’il y a une diffe´rence tre`s-importante. L’article 13 du traite´ porte la clause de re´ciprocite´. La convention de 1819 est de´truite. Ainsi, ce qu’on vous annonce avoir e´te´ fait pour l’exe´cution, peut eˆtre conside´re´ pre´cise´ment comme fait pour en de´truire le re´sultat, en ce qu’il pouvait avoir d’avantageux pour nous. Si donc vous n’admettiez pas l’amendement de la commission, vous abandonnez les droits de vos concitoyens, et vous abandonnez le traite´ que l’on invoque, pour un traite´ poste´rieur qui ne reconnaıˆt pas les droits reconnus par le premier traite´. Vous venez d’entendre que des citoyens franc¸ais ont e´te´ spolie´s ; les spoliateurs ont disparu. Les Franc¸ais conservent des droits a` une re´paration simultane´e. Je ne me fie pas beaucoup a` un acte de justice qui serait poste´rieur a` l’exe´cution du traite´ : j’appuie donc l’avis de la commission ; mais un sous-amendement est encore ne´cessaire. Parmi les inte´resse´s qui re´clament, il y a des hommes qui e´taient franc¸ais par la loi, au moment ou` ils ont e´prouve´ des spoliations, et qui ne le sont plus aujourd’hui. Or, ce sont des fonds franc¸ais qui ont e´te´ enleve´s ; c’est a` titre de Franc¸ais qu’ils ont e´te´ spolie´s. C’est donc a` ce titre, qu’ils n’ont plus, mais qu’ils avaient en tems utile, qu’ils doivent eˆtre indemnise´s.

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E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 195, jeudi 13 juillet 1820, pp. 1007c–1008a ; Archives parlementaires, t. XXIX, pp. 351–352. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, mercredi 12 juillet 1820, p. 4b ; Le Courrier franc¸ais, no 388, mercredi 12 juillet 1820, p. 3b ; Le Constitutionnel, no 194, mercredi 12 juillet 1820, p. 3b ; Gazette de France, no 194, mercredi 12 juillet 1820, p. 786b.

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Le calme e´tant a` peu pre`s revenu dans l’assemble´e, le pre´sident ouvre la discussion sur le projet de loi relatif au traite´ conclu avec le dey d’Alger. Il s’agissait de solder, par un versement de 7 millions, des arrie´re´s d’obligations franc¸aises lie´es a` un traite´ de 1801 double´ par une convention en 1816, qui permettait de re´gler les droits des citoyens franc¸ais e´tablis a` Alger ainsi que des cre´ances reste´es pendantes en lien avec l’achat de concessions, notamment pour la peˆche des coraux. BC vient renche´rir par un sous-amendement l’amendement propose´ par la commission incluant la protection des inte´reˆts des particuliers.

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Deuxie`me partie – Session de 1819–1820

Quant a` la question constitutionnelle elle est d’un tre`s-grand inte´reˆt. Personne plus que moi ne reconnaıˆt la ne´cessite´ du libre exercice de la pre´rogative royale. Je suis le premier a` convenir que la Constitution de 1791 e´tait de´fectueuse sous ce rappoort, et que nulle constitution ne saurait eˆtre durable, si la pre´rogative de la couronne relative a` la conclusion des traite´s n’est pas respecte´e. Mais cette pre´rogative n’est dans sa ple´nitude qu’a` l’e´gard des inte´reˆts ge´ne´raux et politiques d’un Etat. Vous ne pouvez admettre qu’elle s’e´tende a` stipuler des traite´s contraires, soit au droit du citoyen dans l’inte´rieur du royaume, soit aux re´clamations qu’ils peuvent avoir a` exercer envers les e´trangers. Ce sont des inte´reˆts particuliers qui ne peuvent eˆtre re´gle´s par un traite´, contrairement a` des droits acquis et reconnus. Et ou` en serions-nous, si par un traite´ conclu avec une puissance e´trange`re, il e´tait permis de porter atteinte a` des droits constitutionnels, par exemple, au libre exercice des cultes, a` la liberte´ de la presse ... (Des murmures s’e´le`vent.) On dit qu’un traite´ vicieux doit eˆtre exe´cute´, sauf a` poursuivre la responsabilite´ du ministre. Cela est vrai relativement a` un traite´ de politique exte´rieure ; mais il n’en est pas de meˆme d’un traite´ ou` l’on a stipule´ sur des inte´reˆts prive´s, sur des cre´ances litigieuses, sur des droits dont les uns sont reconnus et les autres sacrifie´s. Quand, par la suite d’un traite´ politique, des contributions sont assises sur une nation, tout le monde paie, et l’on n’a a` se plaindre que de la dure loi de la ne´cessite´, et de la position ou` l’on se trouve ; mais ici la perte est individuelle, le de´savantage est particulier, et chaque citoyen devrait s’attendre a` voir stipuler dans un traite´, la garantie de ses droits et non sa spoliation. L’amendement de la commission reme´die autant que possible aux inconve´niens que j’ai signale´s ; il atteint le but que vous devez vous proposer, et meˆme re´tablit dans les termes un traite´ de 1801 ; et c’est pour rester fide`le a` ce traite´ et par respect pour le principe de la pre´rogative royale, que je vote l’amendement de la commission avec le sous-amendement que j’ai indique´.1

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L’amendement de la commission, comme le sous-amendement de BC seront rejete´s le lendemain, au terme de la discussion.

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[Intervention a` propos d’un rapport de Picot-Desormeaux]* Se´ance du 12 juillet 18201

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Je viens demander une explication. Quand on n’aurait pas du tout entendu la lecture du rapport, au moins on a pu entendre la voix du pre´sident : il a annonce´ que M. Picot-Desormeaux allait faire un rapport a` la chambre. Il est e´tonnant qu’aucun des membres de la commission qui re´clame aujourd’hui n’ait pas alors re´clame´ et dit ce que porte leur lettre. Quant au fait, il est incontestable, puisque les membres l’attestent ; mais je ne comprends pas comment ils peuvent en faire un tort a` M. Picot-Desormeaux. Il a sans doute cru que, comme c’e´tait un rapport purement local, il e´tait dispense´ d’en faire lecture a` la commission. Ainsi je pense que si quelque membre avait des observations a` faire, c’e´tait lorsque le rapport a e´te´ pre´sente´, et non pas a` pre´sent.2

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E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 195, jeudi 13 juillet 1820, p. 1008b ; Archives parlementaires, t. XXIX, p. 353. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, jeudi 13 juillet 1820, p. 3b ; Le Courrier franc¸ais, no 389, jeudi 13 juillet 1820, p. 1a ; Le Constitutionnel, no 195, jeudi 13 juillet 1820, p. 3b ; La Quotidienne, no 195, jeudi 13 juillet 1820, p. 4a ; Gazette de France, no 195, jeudi 13 juillet 1820, p. 789b.

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Le 1er juillet, Picot-Desormeaux avait pre´sente´ a` la Chambre le rapport d’une commission charge´e d’examiner le projet de construction d’une nouvelle halle au Mans. Huit de´pute´s, membres de cette commission, ont adresse´ une lettre au pre´sident de la Chambre pour faire savoir que le rapport n’avait pas e´te´ soumis aux membres de la commission. BC intervient pour dire un peu plus amplement ce que Girardin venait de re´sumer en une question : «Comment n’a-t-on pas fait cette observation au moment du rapport...» (Archives parlementaires, t. XXIX, p. 353). Il en dira davantage dans l’intervention qu’il fera encore sur le meˆme sujet le lendemain (voir ci-apre`s). La discussion n’est pas poursuivie sur ce point ; elle sera relance´e le lendemain.

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[Nouvelle intervention a` propos d’un rapport de Picot-Desormeaux]* Se´ance du 13 juillet 18201

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Je ne viens pas contredire ce qu’a dit M. le prince de Broglie ; j’observerai seulement que M. Picot-Desormeaux ayant appris cet incident, m’a prie´, ainsi que M. Be´doch, de donner a` cet e´gard une explication a` la chambre. D’ailleurs, comme les se´ances vont finir, il ne sera pas de´libe´re´ sur son rapport, qui devient par la` une chose indiffe´rente. La commission avait dit a` M. Picot, c’est un inte´reˆt purement local que vous eˆtes a` meˆme de connaıˆtre mieux qu’aucun des autres membres ; nous vous choisissons pour faire le rapport ; si vous trouvez des objections, vous les soumettrez a` la commission. M. Picot-Desormeaux n’ayant pas trouve´ d’objections n’a pas cru devoir donner a` la commission la peine de se rassembler pour entendre son rapport ; il pensait que c’e´tait une chose convenue. J’ai de´sire´ faire cette observation pour qu’il fuˆt constate´ dans le proce`s-verbal, qu’il avait cru faire une chose re´gulie`re.2

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E´tablissement du texte : Imprime´s : Le Moniteur universel, no 196, vendredi 14 juillet 1820, p. 1013b ; Archives parlementaires, t. XXIX, p. 392. Autres publications, re´sume´s ou allusions : Journal des de´bats, vendredi 14 juillet 1820, p. 3a ; Le Courrier franc¸ais, no 390, vendredi 14 juillet 1820, p. 1a ; Le Constitutionnel, no 196, vendredi 14 juillet 1820, p. 2a ; Gazette de France, no 196, vendredi 14 juillet 1820, p. 793ab.

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Alors qu’on constate que les rangs de la Chambre sont tre`s clairseme´s en ce dernier jour de session, Be´doch et BC demandent la parole pour revenir sur la question du rapport PicotDesormeaux. Le premier explique que le rapporteur de la commission avait cru de bonne foi avoir e´te´ mandate´ par la commission pour faire le rapport sans consultation particulie`re, l’objet lui e´tant mieux connu qu’aux autres membres de la commission (en tant que de´pute´ de la Sarthe, Picot-Desormeaux e´tait cense´ mieux connaıˆtre la question de la construction d’une nouvelle halle au Mans). De Broglie, l’un des signataires de la lettre lue par le pre´sident la veille, lui succe`de a` la tribune pour dire que son colle`gue Picot-Desormeaux e´tait suˆrement de bonne foi, mais qu’il avait duˆ mal comprendre ce qui lui avait e´te´ dit en commission ; il aurait commis une erreur qui me´ritait d’eˆtre rectifie´e. BC, charge´ par son colle`gue de la Sarthe d’apporter lui aussi une clarification, s’acquitte de cette mission sans faire preuve de beaucoup de combativite´. L’affaire sera conclue par une acceptation unanime du proce`s-verbal. C’est sur cette intervention assez anecdotique que se termine cette session, si difficile pour l’opposition libe´rale. La se´ance du lendemain sera en effet annule´e, faute de pre´sence suffisante des de´pute´s, la se´ance protocolaire de cloˆture e´tant fixe´e au 22 juillet.

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Comple´ment Six autres versions du discours du 10 juillet 1819 : Sur la pe´tition des e´coles de droit

Introduction

` titre d’exemple, nous publions les versions que six journaux ont reprises A le lendemain de l’intervention de BC. Avec celles de La Renomme´e (aussi du 11 juillet) et du Moniteur (12 juillet), tre`s proches l’une et l’autre du texte de´finitif, ce sont donc au total huit articles contemporains qui reproduisent ce discours. Un tel cas est rare et me´ritait de faire l’objet d’une attention particulie`re, le traitement si diffe´rencie´ de ce discours permettant d’illustrer par l’exemple le plus spectaculaire les observations que nous avons faites dans l’introduction ge´ne´rale au volume sur les difficulte´s spe´cifiques qu’il faut re´soudre quand il s’agit d’e´tablir les textes de discours prononce´s a` l’oral et diversement documente´s par e´crit. Cet exemple montre aussi qu’il n’aurait pas e´te´ raisonnable de pre´tendre restituer de la meˆme fac¸on les diffe´rentes versions de tous les discours. Les six versions qui suivent, a` l’inverse des deux autres, sont nettement plus bre`ves. Que penser de cette diffe´rence manifeste ? Deux hypothe`ses se pre´sentent. Soit BC n’a prononce´ qu’une courte allocution prenant le contrepied de Royer-Collard, qui l’avait pre´ce´de´ a` la tribune ; le libe´ral puise en effet dans les arguments du doctrinaire tout ce qu’il faut pour aboutir a` une conclusion oppose´e a` celle de son pre´opinant ; la gravite´ meˆme des menaces complotistes que Royer-Collard discerne dans les charivaris estudiantins est suffisante pour interpeller le gouvernement ; il ne faut donc pas que la Chambre passe a` l’ordre du jour, mais elle devrait demander un comple´ment d’enqueˆte. En faveur de cette premie`re supposition milite la re´pe´tition de certaines formulations d’un journal a` l’autre. Ainsi revient chaque fois cette phrase, avec quelques petites variantes : «il est de doctrine dans cette Chambre que le renvoi au gouvernement n’est pas une approbation». Or ces termes ne se retrouvent pas textuellement dans les versions longues de La Renomme´e et du Moniteur, que BC reprendra dans son e´dition de 1827 ou de 1828. Il est permis d’imaginer que ce sont les mots que BC a bel et bien prononce´s et qui auront frappe´ les re´dacteurs ou du moins le commis qui aura pris le propos de l’orateur en notes tironiennes. La probabilite´ que les articles refle`tent une prise de parole a` la fois courte, spontane´e et en partie improvise´e, est manifeste dans certaines expressions comme cette sorte de prosopope´e : «La Chambre dit au gouvernement : ‘prenez-y garde ...’» ; ou encore la multiplication des «je l’avoue», «je vous le demande», «je m’em-

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Comple´ment

pare», «Non je ne crois pas», interventions personnalise´es qui sont gomme´es dans la version de´finitive ; celle-ci ne conserve que l’apostrophe «Messieurs», que la presse ne rele`ve pas. Si cette conjecture postulant une rapide intervention de BC est juste, que penser alors des versions longues parues dans deux autres pe´riodiques et que BC republiera ? L’orateur disposait probablement d’une re´daction beaucoup plus de´veloppe´e qu’il n’aurait pas pu prononcer pour diffe´rents motifs ; puisqu’il s’agit notamment de contredire Royer-Collard qui vient de descendre de la tribune, BC aurait juge´ bon de tirer profit de quelques citations prises au vol, plutoˆt que de lire un texte pre´pare´. Ou alors, apre`s la se´ance, il amplifia ses notes, a` partir desquelles il avait improvise´, pour donner l’ensemble de ses raisonnements a` La Renomme´e et au Moniteur. Soit, seconde hypothe`se, c’est la version longue qu’ont entendue les de´pute´s le 10 juillet. Faute de place dans leurs colonnes, ou, chez certains, pour ne pas donner trop d’importance a` l’opinion du chef de file de la gauche libe´rale, six journaux ont pre´fe´re´ reproduire un condense´ fournissant l’essentiel de l’argumentation : ou Royer-Collard a vu juste et le gouvernement doit intervenir, ou il a exage´re´ les pre´mices d’une insurrection – ce que laissent penser l’interrogatoire des e´tudiants implique´s, ainsi que la carrie`re irre´prochable du professeur Bavoux –, et alors l’enqueˆte re´clame´e prouvera qu’il n’y avait pas de quoi s’alarmer. Si l’on admet cette hypothe`se, il faudrait supposer une tre`s grande habilete´ de la part de ceux qui ont su re´duire a` l’essentiel le raisonnement de BC ; c’est tout a` fait possible puisqu’on sait les re´dacteurs rompus a` ce genre d’exercice. La Renomme´e s’y est d’ailleurs livre´e, en ramenant a` un tiers de colonne l’intervention de Royer-Collard, tandis que le discours du directeur de l’Instruction publique a e´te´, si l’on se fie au Moniteur, au moins aussi long que celui de BC. Il est difficile de trancher entre ces deux possibilite´s. Ce que les six textes qui suivent permettent de constater c’est une relative homoge´ne´ite´ re´dactionnelle ; les diffe´rences d’un journal a` l’autre s’expliqueraient par l’intervention des re´dacteurs sur la base d’un canevas commun ou a` partir de leurs propres notes, a` supposer qu’ils aient assiste´ a` la se´ance. La multiplicite´ des versions n’apporte aucune certitude sur l’authenticite´ des paroles qui ont e´te´ re´ellement prononce´es. Mais on est au moins suˆr que la version longue est celle que BC a autorise´e, sinon formule´e devant ses colle`gues. N.B. : L’ordre des articles correspond a` celui qui est fourni dans l’E´tablissement du texte, p. 317. L’orthographe et la ponctuation ont e´te´ respecte´es. E´. H.

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Journal des de´bats politiques et litte´raires, dimanche 11 juillet 1819, p. 3b. M. Benjamin Constant : il me paraıˆt que tous les renseignemens que vous venez d’entendre, et en admettant que tous les faits ne soient pas exage´re´s, motivent encore plus fortement que le discours de mon honorable colle`gue, M. Daunou, le renvoi au gouvernement. Il est de fait, il est de doctrine reconnue dans cette Chambre que le renvoi d’une pe´tition au gouvernement n’est pas une approbation, mais seulement un avis que la pe´tition vaut la peine d’eˆtre examine´e. Non, je ne crois point que les parties [sic] aient e´te´ la cause de ces de´sordres, j’ignore quelle a e´te´ la doctrine de M. Bavoux, je m’empare seulement avec joie des e´loges qu’en a fait le pre´opinant : un homme qui a tenu pendant treize ans une conduite sans reproche n’a pu professer de doctrines se´ditieuses. Les faits qui se sont passe´s me´ritent le plus se´rieux examen, et quand nous n’aurions pas rec¸u de pe´tition a` cet e´gard notre devoir seroit de les recommander a` l’attention du gouvernement. On vous a dit qu’il faut attendre que la nation soit pacifie´e pour re´gler l’instruction publique. Elle est pacifie´e la nation, elle ne peut plus eˆtre agite´e, meˆme par les terreurs que quelques paroles indiscre`tes voudroient re´pandre. La nation rallie´e autour de son Roi et autour du troˆne constitutionnel ne sauroit plus eˆtre e´branle´e. Chacun veut la conservation de ce qui existe, la monarchie constitutionnelle et la Charte. J’appuie le renvoi au ministe`re de l’inte´rieur. Le Courier, no 21, dimanche 11 juillet 1819, p. 2b–3a. M. Benjamin Constant. Il me paraıˆt que tous les raisonnemens que vous venez d’entendre, e´branlent la proposition qui en a e´te´ la suite. En admettant que les alarmes conc¸ues par le pre´opinant ne l’ont point pousse´ a` des exage´rations, je dis que tout ce que vous venez d’entendre me paraıˆt motiver le renvoi au gouvernement. Il est de doctrine dans cette Chambre que le renvoi au gouvernement n’est pas une approbation, c’est une de´claration que la pe´tition vaut la peine d’eˆtre examine´e. C’est dire au gouvernement : Cette pe´tition est importante, la Chambre pense qu’il est utile que le gouvernement fixe les yeux sur elle. Or, je vous le demande a` pre´sent, apre`s le discours que vous venez d’entendre, peut-il eˆtre des motifs plus puissans de renvoyer au gouvernement la pe´tition qui vous est pre´sente´e : j’espe`re, je l’avoue, que des causes aussi profondes que celles que le pre´opinant vient d’assigner aux troubles

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qui ont agite´ quelques e´tablissemens d’instruction publique, ne sont point re´els. Toutefois, ne serait-ce pas le cas de dire au gouvernement : prenez-y garde ; examinez la conduite des professeurs, celle des e´le`ves, celle de la force arme´e elle-meˆme. Il est presque impossible que dans une affaire qui s’est prolonge´e pendant plusieurs jours, il n’y euˆt pas des torts de plusieurs coˆte´s, et l’invitation d’examiner les faits adresse´s au gouvernement, remplira tous nos devoirs. L’examen de cette affaire, prouvera que les alarmes du pre´opinant ne sont pas fonde´es, comme il me l’a de´ja` prouve´ a` moimeˆme ; car il a dit, qu’apre`s des mouvemens tumultueux sur plusieurs points, les jeunes e´le`ves des colle´ges interroge´s, ont re´pondu qu’ils n’avaient agi que pour retourner chez leurs parens ; or, je vous demande si a` cet aˆge, ou` l’on est ge´ne´ralement sans dissimulation, il n’aurait nulle part e´chappe´ aucun aveu sur les causes qu’on veut assigner aux troubles. Non, je ne crois pas que la jeunesse franc¸aise soit dispose´e a` l’insurrection ; non, je ne crois pas qu’aucun individu en France forme le vœu sacrile`ge d’insurger la jeunesse contre le gouvernement. J’ignore quelle a e´te´ la doctrine professe´e par M. Bavoux ; je m’empare seulement de l’aveu du pre´opinant, pour conclure qu’il est difficile de croire qu’apre`s 13 anne´es d’une vie irre´prochable, un homme ait preˆche´ des doctrines se´ditieuses. Je crois donc que la pe´tition doit eˆtre renvoye´e au gouvernement ; lors meˆme qu’elle n’aurait pas e´te´ pre´sente´e, notre devoir aurait e´te´ de solliciter le gouvernement de s’occuper de cette affaire. Du reste je remercie le pre´opinant de n’avoir pas de´sespe´re´ de la jeunesse qui fait l’espoir de la patrie. On vous a dit qu’il fallait que la nation fuˆt pacifie´e ; elle l’est pacifie´e, malgre´ les terreurs chime´riques qu’on essaie de re´pandre ; elle sait que nul homme sense´ ne veut le de´sordre, que nous voulons tous la monarchie, avec la Charte, et que la jeunesse franc¸aise sera toujours de´voue´e a` l’une et a` l’autre. J’appuie le renvoi au ministre de l’inte´rieur. Le Constitutionnel, Journal du commerce, politique et litte´raire, no 192, dimanche 11 juillet 1819, p. 2b. M. Benjamin Constant : Tout ce que vous venez d’entendre, en admettant que le grand amour que l’honorable colle`gue qui descend de cette tribune professe pour la patrie et pour le gouvernement ne l’aient pas porte´ a` exage´rer, me semble motiver plus fortement encore le renvoi au gouvernement. Il est de fait, il est de doctrine que ce renvoi n’est pas une approbation. Il annonce seulement que l’objet est important, qu’il est utile que le gouvernement s’en occupe. Fut-il jamais un objet plus important que celui qui est la matie`re de la pe´tition ? La chambre dit au gouvernement : Prenez-y garde, examinez la

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conduite des e´tudians autant que celle des professeurs, celle des professeurs autant que celle de la commission d’instruction publique, celle de la commission d’instruction publique autant que celle de la force arme´e. Il est e´vident, il est ine´vitable que plus d’un parti, puisque parti y a, a eu des torts. Je ne parle ni de la commission, ni du doyen, dont je ne juge pas la conduite. Je ne demande qu’un examen, et j’espe`re que cet examen prouvera que ces ramifications terribles dont on nous a parle´ ne sont pas ce qu’on pense ; et ce re´sultat me paraıˆt de´ja` prouve´ meˆme parce que vous venez d’entendre, car si les recherches les plus scrupuleuses n’ont amene´ d’autre aveu que celui du de´sir de retourner dans leur famille, est-il probable, pre´sumable, possible, qu’aucun de ces jeunes gens, dans l’aˆge de la franchise arreˆte´, interroge´ se´pare´ment, n’ait parle´ de ce parti qui, dit-on, les a faits agir ? Non, la jeunesse franc¸aise n’est pas dispose´e a` l’insubordination, jamais on n’a pu former le de´sir sacrile`ge de la soulever contre le gouvernement. J’ignore quelle doctrine a professe´ M. Bavoux, mais je m’empare de ce que vous venez d’entendre. Il est difficile de croire qu’un professeur sans reproche pendant treize ans, se soit fait l’apoˆtre de doctrines se´ditieuses. Dans tous les cas, le renvoi au gouvernement est le parti le plus convenable a` prendre. S’il y a des torts des deux coˆte´s, si les faits ne sont pas graves, il est bon qu’on le sache ; s’ils sont graves, c’est un motif de plus de de´sirer que le gouvernement soit saisi de l’affaire. S’il n’y avait pas de pe´tition, notre devoir serait de monter a` cette tribune pour solliciter un examen. Je remercie le pre´opinant d’avoir traite´ avec mode´ration, de n’avoir pas humilie´ cette jeunesse, l’espoir de la patrie ; jamais elle n’a montre´ plus d’ardeur pour l’e´tude. Oui, la nation est pacifie´e ; elle est rallie´e autour de son roi, autour du troˆne constitutionnel, vainement on voudrait l’en se´parer. Je vote pour le renvoi au gouvernement. La Quotidienne, no 192, dimanche 11 juillet 1819, p. 2ab. M. Benjamin Constant – Il me semble que les raisonnemens qui viennent de vous eˆtre pre´sente´s par le pre´opinant e´branlent la proposition qui en a e´te´ la suite. Quand il serait vrai que les alarmes exprime´es par le pre´opinant sont exage´re´es, je soutiens que tout ce que vous venez d’entendre motive le renvoi au gouvernement. La chambre a reconnu en principe que le renvoi n’est pas une approbation ; c’est au moins une de´claration que la pe´tition me´rite d’eˆtre examine´e par le gouvernement, a` cause de son importance. Je vous le demande maintenant ; apre`s le discours que vous venez d’entendre, peut-il exister des motifs plus puissans de renvoyer au gouvernement la

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pe´tition qui vous est pre´sente´e ? Apre`s les causes graves que le pre´opinant vient d’assigner aux troubles qui ont agite´ quelques e´tablissemens d’instruction publique ; ne serait-ce pas le cas de dire au gouvernement : prenez y garde ; examinez la conduite des professeurs, des e´le`ves et de la force arme´e elle-meˆme. Je ne veux rien pre´juger sur tout ce qui a pu eˆtre fait ; mais je soutiens que dans une affaire qui s’est prolonge´e plusieurs jours, il est impossible qu’il n’y ait pas eu des torts de plusieurs coˆte´s ; n’est-ce pas a` nous, n’est il pas de notre devoir d’appeler l’attention du gouvernement sur des faits aussi graves? L’examen de cette affaire prouvera que les alarmes du pre´opinant ne sont pas fonde´es, car il a dit que les jeunes e´le`ves qui ont figure´ dans ces mouvemens tumultueux, lorsqu’ils furent interroge´s, ont de´clare´ qu’ils n’avaient agi que pour retourner chez leurs parens. Or, je le demande, si a` cet aˆge, ou` l’on ne sait rien dissimuler, il ne serait e´chappe´ a` aucun e´le`ve, quelque aveu sur les causes qui ont amene´ ces troubles ? Non, je ne crois pas que la jeunesse franc¸aise soit dispose´e a` l’insurrection ! Non, je ne crois pas qu’aucun individu franc¸ais forme le vœu sacrile`ge d’insurger la jeunesse contre le gouvernement. J’ignore quelle a e´te´ la doctrine professe´e par M. Bavoust, je m’arreˆte a` l’aveu du pre´opinant, pour en conclure qu’il est difficile de croire qu’apre`s treize anne´es d’une vie irre´prochable, un homme ait preˆche´ des doctrines se´ditieuses. Je pense donc que la pe´tition doit eˆtre renvoye´e au gouvernement. Je termine, en remerciant le pre´opinant de n’avoir pas de´sespe´re´ de la jeunesse qui fait l’espoir de la patrie. L’Inde´pendant, Journal ge´ne´ral, politique, litte´raire et militaire, no 64, dimanche 11 juillet 1819, p. 3a. M. Benjamin Constant : Tous les raisonnemens que vous venez d’entendre, et en admettant les alarmes conc¸ues par le pre´opinant, en admettant que ces alarmes ne soient pas pousse´es a` quelque exage´ration, me paraissent motiver le renvoi au gouvernement, propose´ par mon honorable ami M. Daunou. Il est de doctrine dans cette chambre que le renvoi au gouvernement n’est pas une approbation, mais une simple de´claration que la pe´tition pre´sente´e me´rite quelque attention, quelque inte´reˆt. Or, je vous le demande, d’apre`s le discours que vous venez d’entendre, peut-il eˆtre des motifs plus puissans de renvoyer cette pe´tition au gouvernement ? Je n’accuse personne, je ne justifie personne, je ne pre´sume rien ; mais il me paraıˆt cependant impossible que dans une affaire de plusieurs jours il n’y ait pas eu un tort e´gal de la part des deux ou trois personnes qui y sont intervenues.

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M. Royer-Collard nous a dit qu’il y avait eu des de´sordres dans plusieurs e´tablissemens d’instruction ; et cependant il a e´te´ force´ d’avouer que le seul aveu qu’on n’euˆt pu obtenir des jeunes perturbateurs, c’est qu’ils ne faisaient du bruit que pour faire fermer le colle´ge et retourner dans leurs familles. S’il y avait eu des ramifications terribles, comme le pre´tend M. le directeur de l’instruction publique, et des partis, puisque partis il y a, comment imaginez qu’il ne serait pas e´chappe´ une seule de´claration a` ces jeunes gens qu’on a presse´s de parler ? Non, la jeunesse franc¸aise n’est pas dispose´e a` l’insubordination ; et aucun parti n’a conc¸u l’ide´e sacrile´ge de la corrompre ; non, les partis n’ont point e´te´ la cause de ces de´sordres. Je m’empare avec joie de ce qu’a dit M. le chef de l’instruction publique sur M. Bavoux qui, suivant l’orateur, a tenu pendant treize ans une conduite irre´prochable. On vous a dit encore qu’il fallait attendre pour que les e´le`ves fussent tranquilles, que la nation fuˆt pacifie´e : elle l’est ; elle ne peut plus eˆtre trouble´e par quelques expressions imprudentes ; elle de´sire qu’on ne l’occupe plus de terreurs chime´riques ; et nous ne voulons tous que la monarchie constitutionnelle et la Charte. Gazette de France, no 192, dimanche 11 juillet 1819, p. 751b. M. Benjamin Constant : Tous les motifs qu’on vient de de´velopper en faveur de l’ordre du jour, me paraissent militer au contraire en faveur du renvoi au gouvernement. C’est une doctrine reconnue dans cette chambre que le renvoi au gouvernement n’est pas l’approbation d’une pe´tition, mais seulement l’opinion manifeste´e que la pe´tition vaut bien la peine d’un examen. S’il e´tait vrai que les causes des e´ve´nemens que nous de´plorons ne fussent pas bien connues on devrait les approfondir ; s’il y a eu des de´sordres simultane´s dans plusieurs e´coles diffe´rentes, c’est une raison de plus d’en rechercher l’origine. Quant a` la sce`ne faˆcheuse qui s’est passe´e a` l’Ecole de droit, on rend hommage a` la conduite ante´rieure du professeur, et je ne pense pas qu’un homme qui a passe´ treize anne´es sans reproches se soit avise´ tout-a`-coup de preˆcher des doctrines se´ditieuses. La nation sur laquelle on s’alarme est pacifie´e ; elle est rallie´e a` son Roi et a` la charte ; elle ne veut que ce qui existe, la monarchie constitutionnelle. J’appuie le renvoi au ministre de l’inte´rieur.

Annexe Re´pertoire des parlementaires et personnalite´s politiques implique´s dans les sessions de 1818–1819 et 1819–1820

Re´pertoire des parlementaires et personnalite´s politiques implique´s dans les sessions de 1818–1819 et 1819–1820

En italiques, le positionnement politique au temps des sessions de 1818–1819 et 1819–18201. ADMYRAULD, Jean-Louis (1760–1835), de´pute´ de Charente-Infe´rieure, de´ja` membre du Corps le´gislatif sous le Consulat, puis de´pute´ a` la Chambre de 1814 a` 1821, mode´re´. ALBERT, Jean-Baptiste Franc¸ois (1759–1837), de´pute´ de Charente a` la Chambre de 1816 a` 1823, centre. ANGLE` S, Jules Jean-Baptiste (1778–1828), ministre de la Police sous la premie`re Restauration, de´pute´ des Hautes-Alpes a` la Chambre en 1815–1816, pre´fet de police a` Paris de 1815 a` 1821. BARBE´ -MARBOIS, Franc¸ois de (1745–1837), pair de France, ambassadeur de France aux E´tats-Unis en 1784–85, intendant de Saint-Domingue en 1785–1789, ministre du Tre´sor public en 1801–1806, garde des Sceaux en 1815–1816. BARRAIRON, Franc¸ois Marie Louis (1746–1820), de´pute´ du Lot a` la Chambre de 1816 a` 1820, centre. BARTHE-LABASTIDE, Louis Jacques Guillaume (1762–1840), de´pute´ de l’Aude a` la Chambre de 1815 a` 1827, droite. BEAUSE´ JOUR, Antoine Bourreau de (1771–1855), de´pute´ a` la Chambre de 1819 a` 1823, opposition libe´rale, puis sous la Monarchie de Juillet, de 1831 a` 1834, gauche dynastique. BECQUEY, Louis (1760–1849), membre de l’Assemble´e nationale le´gislative en 1791–1792, de´pute´ de Haute-Marne a` la Chambre de 1815 a` 1823, centre. Sous la Monarchie de Juillet, il sie´gera encore en 1830–1831 dans les rangs de la droite le´gitimiste. BE´ DOCH, Pierre Joseph (1761–1837), membre du Corps le´gislatif sous le Consulat en 1813–1814, puis de´pute´ de Corre`ze a` la Chambre sous la premie`re Restauration, pendant les Cent-jours, sous la seconde Restauration, gauche, et enfin sous la Monarchie de Juillet, gauche constitutionnelle. Particulie`rement actif lors des sessions de 1818–19 et 1819–20. BELLART, Nicolas Franc¸ois (1761–1826), de´pute´ de la Seine a` la Chambre de 1815 a` 1822, droite. 1

Sources : A. Robert, E. Bourloton et G. Cougny, Dictionnaire des parlementaires franc¸ais, 5 vol., Gene`ve : Slatkine Reprints, 2012, ainsi que le site de l’Assemble´e nationale https://www2.assemblee-nationale.fr/sycomore/recherche.

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BENOIST, Pierre Vincent (1758–1834), de´pute´ de Maine-et-Loire a` la Chambre de 1815 a` 1827, droite. L’un des contradicteurs les plus actifs des libe´raux lors des sessions de 1818–19 et 1819–20. BE´ RENGER, Jean (1767–1850), membre du Conseil des Cinq-Cents de 1797 a` 1799, bonapartiste. BESLAY, Charles He´le`ne Bernardin (1768–1839), membre du Corps le´gislatif sous le Consulat et l’Empire de 1802 a` 1814, de´pute´ des Coˆtes-duNord a` la Chambre sous la premie`re Restauration, pendant les Cent-Jours et sous la seconde Restauration de 1814 a` 1823, gauche, puis sous la Monarchie de Juillet, de 1830 a` 1831, gauche constitutionnelle. BEUGNOT, Jacques Claude (1761–1835), membre de l’Assemble´e nationale le´gislative en 1791–1792, puis de´pute´ de Seine-Infe´rieure a` la Chambre de 1816 a` 1823, opposition libe´rale. BIGNON, Louis Pierre E´douard (1771–1841), membre de la Chambre des repre´sentants pendant les Cent-Jours, de´pute´ de l’Eure (puis du HautRhin) a` la Chambre de 1817 a` 1823, puis encore brie`vement en 1827, gauche. Particulie`rement actif lors des sessions de 1818–19 et 1819–20. BLANQUART DE BAILLEUL, Henri Joseph (1758–1841), membre du Corps le´gislatif sous le Consulat et l’Empire de 1803 a` 1814, de´pute´ du Pasde-Calais a` la Chambre sous la premie`re Restauration, puis sous la seconde de 1815 a` 1821, mode´re´. BOIN, Antoine (1769–1852), de´pute´ du Cher a` la Chambre de 1815 a` 1827, gauche mode´re´e. BONALD, Louis Gabriel Ambroise de (1754–1840), de´pute´ de l’Aveyron a` la Chambre de 1815 a` 1823, droite ultra. BOUCHAGE, Franc¸ois Joseph de Gratet vicomte du (1749–1821), pair de France, ministre de la Marine en 1792, puis en 1815–1817. BOURDEAU, Pierre Alpinien Bertrand (1770–1845), de´pute´ de Haute-Vienne a` la Chambre de 1815 a` 1830, droite ultra, puis sous la Monarchie de Juillet, en 1830–1831 et 1834–1837, droite. Il sera brie`vement ministre de la Justice sous le gouvernement Martignac en 1829. BRIGODE, Romain Joseph de (1775–1854), membre du Corps le´gislatif sous l’Empire de 1805 a` 1810, de´pute´ du Nord a` la Chambre de 1815 a` 1822 et de 1828 a` 1830, puis sous la Monarchie de Juillet, de 1830 a` 1837, gauche. BROGLIE, Victor Ame´de´e Marie de (1772–1851), de´pute´ de l’Orne a` la Chambre de 1815 a` 1822, centre. BUSSON, Jean-Baptiste Guillaume (1765–1835), membre de la Chambre des repre´sentants sous les Cent-Jours, puis de´pute´ d’Eure-et-Loir a` la Chambre de 1819 a` 1823, puis de 1827 a` 1830 et encore en 1830–1831 sous la Monarchie de Juillet, libe´ral. CAPELLE, Guillaume Antoine Benoıˆt, (1775–1843), pre´fet de la Me´diterrane´e, puis du Le´man, puis de l’Ain sous l’Empire ; conseiller d’E´tat de 1816 a` 1830, commissaire du roi.

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CARDONNEL, Pierre Salvi Fe´lix de (1770–1829), membre du Conseil des Cinq-Cents de 1795 a` 1798, du Corps le´gislatif sous l’Empire de 1811 a` 1814, de´pute´ du Tarn a` la Chambre sous la premie`re, puis la seconde Restauration de 1814 a` 1829, droite. CASTELBAJAC, Marie Barthe´lemy de (1776–1868), de´pute´ du Gers, puis de Haute-Garonne a` la Chambre de 1815 a` 1827, droite ultra. Contradicteur virulent des libe´raux lors des sessions de 1818–19 et 1819–20. CAUMARTIN, Jacques E´tienne (1769–1825), de´pute´ de la Coˆte-d’Or a` la Chambre de 1817 a` 1823, opposition libe´rale. CHABAUD-LATOUR, Antoine Georges Franc¸ois de (1769–1832), membre du Conseil des Cinq-Cents de 1797 a` 1799, membre du Corps le´gislatif sous l’Empire en 1813–1814, de´pute´ du Gard a` la Chambre sous la premie`re et la seconde Restauration de 1814 a` 1827, puis encore en 1831 sous la Monarchie de Juillet, mode´re´. CHABRILLAN, Hippolyte Ce´sar Guigues de Moreton de (1767–1835), de´pute´ de la Droˆme a` la Chambre, de 1815 a` 1820, puis de 1824 a` 1827, majorite´ ministe´rielle. CHABRON DE SOLILHAC, Georges Marcellin (1769–1829), de´pute´ de HauteLoire a` la Chambre de 1815 a` 1827, droite ultra. CHATEAUBRIAND, Franc¸ois-Rene´ (1768–1848), membre de la Chambre des pairs de 1815 a` 1830, ultra. CHAUVELIN, Bernard Franc¸ois de (1766–1832), de´pute´ de la Coˆte-d’Or a` la Chambre de 1817 a` 1823, puis de 1827 a` 1829, gauche. Particulie`rement actif pendant les sessions de 1818–19 et 1819–20. CLARKE, Henri-Jacques-Guillaume (1765–1818), ministre de la Guerre en 1807–1814, puis 1815–1817. CLAUSEL DE COUSSERGUES, Jean-Claude (1759–1846), membre du Corps le´gislatif sous l’Empire de 1807 a` 1814, de´pute´ de l’Aveyron sous la premie`re et la seconde Restauration de 1814 a` 1827, droite ultra. CORBIE` RE, Jacques Joseph Guillaume Franc¸ois Pierre (1766–1853), membre du Conseil des Cinq-Cents de 1797 a` 1799, de´pute´ de l’Ille-etVilaine a` la Chambre de 1815 a` 1828, mode´re´. Particulie`rement actif pendant les sessions de 1818–19 et 1819–20. CORCELLE, Claude Tircuy de (1768–1843), de´pute´ du Rhoˆne a` la Chambre de 1819 a` 1822, puis de 1828 a` 1830 et encore, sous la Monarchie de Juillet, en 1830–1831, gauche. CORNET D’INCOURT, Charles Nicolas (1773–1852), de´pute´ de la Somme a` la Chambre de 1816 a` 1827, d’abord ultra, puis majorite´ ministe´rielle. CORVETTO, Louis-Emmanuel (1756–1821), ministre des Finances de 1815 a` 1818 dans le premier gouvernement Richelieu.

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Annexe

COTTON, Thomas Jacques de (1766–1841), de´pute´ du Rhoˆne a` la Chambre de 1815 a` 1822, majorite´ ministe´rielle. COURVOISIER, Jean Joseph Antoine de (1775–1835), de´pute´ du Doubs a` la Chambre de 1816 a` 1823, majorite´ ministe´rielle. Particulie`rement actif pendant les sessions de 1818–19 et 1819–20. CUVIER, Georges (1769–1832), commissaire du roi. Appele´ plusieurs fois a` de´fendre des projets de loi devant la Chambre pendant les sessions de 1818–19 et 1819–20. DAUNOU, Pierre Claude Franc¸ois (1761–1840), membre de la Convention de 1792 a` 1795, membre du Conseil des Cinq-Cents de 1795 a` 1799 (il la pre´sida a` plusieurs reprises), de´pute´ du Finiste`re a` la Chambre de 1819 a` 1822, puis de 1828 a` 1830 et encore sous la Monarchie de Juillet de 1830 a` 1834, mode´re´. DECAZES, E´lie (1780–1860), de´pute´ de la Seine a` la Chambre en 1815– 1816, minorite´ ministe´rielle, ministre de la Police (1815–1818), de l’Inte´rieur (1818–1820), pre´sident du Conseil des ministres (1819–1820). DELACROIX-FRAINVILLE, Joseph (1749–1831), de´pute´ d’Eure-et-Loir a` la Chambre de 1819 a` 1823, libe´ral constitutionnel. DELAGRANGE-GOURDON DE FLOIRAC, Jacques E´tienne (1755–1842), de´pute´ de l’He´rault a` la Chambre en 1817 a` 1822, droite ultra. DELAIˆTRE, Jean-Franc¸ois Marie (1766–1835), membre de la Chambre des repre´sentants sous les Cent-Jours en 1815, de´pute´ de Seine-et-Oise a` la Chambre de 1816 a` 1823, royaliste constitutionnel. DELAUNAY, Pierre Rene´ Le´onard (1764–1829), de´pute´ de l’Orne a` la Chambre de 1815 a` 1822, libe´ral. DELESSERT, Jules Paul Benjamin (1773–1847), membre de la Chambre des repre´sentants sous les Cent-Jours en 1815, de´pute´ de la Seine (puis de Maine-et-Loire) a` la Chambre de 1817 a` 1823 et de 1827 a` 1830, opposition libe´rale, et encore sous la Monarchie de Juillet, de 1830 a` 1842, centre gauche. DEMARC¸ AY, Marc Jean (1772–1839), de´pute´ de la Vienne, puis de la Seine a` la Chambre de 1819 a` 1823, puis de 1828 a` 1830 et encore, sous la Monarchie de Juillet, en 1830–1831, gauche. DESROUSSEAUX, Joseph Auguste (1763–1838), membre du Corps le´gislatif sous l’Empire en 1813–1814, de´pute´ des Ardennes a` la Chambre sous la premie`re, puis la seconde Restauration, de 1814 a` 1820, centre. DESSOLLES, Jean-Joseph (1767–1828), ministre d’E´tat de 1814 a` 1828, pre´sident du Conseil des ministres de fin 1818 a` fin 1819. DEVAUX, Augustin Henri (1769–1838), membre du Conseil des Cinq-Cents pendant un mois en 1798, de´pute´ du Cher a` la Chambre de 1819 a` 1830, gauche, puis, sous la Monarchie de Juillet, de 1830 a` 1837, centre. DUBOUCHAGE, voir BOUCHAGE DUBRUEL, Pierre Jean Joseph (1760–1828), membre du Conseil des CinqCents de 1795 a` 1799, de´pute´ de l’Aveyron a` la Chambre de 1816 a` 1828, droite mode´re´e.

Re´pertoire des parlementaires

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DUMEILET, Alexandre Antoine (1772–1833), de´pute´ de l’Eure a` la Chambre de 1817 a` 1820, puis de 1827 a` 1830 et encore sous la Monarchie de Juillet en 1830–1831, gauche. DUPONT, Jacques Charles dit Dupont de l’Eure (1767–1855), membre du Conseil des Cinq-Cents en 1798–1799, du Corps le´gislatif sous l’Empire en 1813–1814, de´pute´ de l’Eure a` la Chambre sous la premie`re Restauration, les Cent-Jours et la seconde Restauration, de 1813 a` 1830, opposition libe´rale, et encore sous la Monarchie de Juillet, de 1830 a` 1846, gauche, puis centre. FORNIER DE SAINT-LARY, Bertrand Pierre Dominique (1763–1847), membre de l’Assemble´e nationale le´gislative en 1791–1792, du Corps le´gislatif sous l’Empire de 1811 a` 1814, de´pute´ des Hautes-Pyre´ne´es sous la premie`re, puis la seconde Restauration, de 1814 a` 1823, centre. FOY, Maximilien Se´bastien (1775–1825), ge´ne´ral d’Empire, de´pute´ de l’Aisne a` la Chambre de 1819 a` 1823, opposition libe´rale. L’une des figures les plus marquantes a` la tribune lors des sessions de 1818–19 et 1819–20. FRADIN, Charles Pierre (1769–1846), de´pute´ de la Vienne a` la Chambre de 1819 a` 1823, gauche. FRANC¸ AIS DE NANTES, Antoine (1756–1836), membre de l’Assemble´e nationale le´gislative en 1791–1792, du Conseil des Cinq-Cents en 1798– 1799, de´pute´ de l’Ise`re a` la Chambre de 1819 a` 1823, centre gauche. FROC DE LABOULAYE, Jean-Baptiste Louis (1763–1847), membre de la Chambre des repre´sentants sous les Cent-Jours en 1815, de´pute´ de la Marne a` la Chambre de 1815 a` 1823, centre. GANILH, Charles (1758–1836), de´pute´ du Cantal a` la Chambre de 1815 a` 1823, opposition libe´rale. GAUDIN, Martin-Michel-Charles (1756–1841), ministre des Finances de 1799 a` 1815, de´pute´ de l’Aisne a` la Chambre de 1815 a` 1819, majorite´ ministe´rielle, puis pair de France. GIRARDIN, Ce´cile Stanislas Xavier Louis de (1762–1827), membre de l’Assemble´e nationale le´gislative en 1791–1792, du Corps le´gislatif sous l’Empire de 1809 a` 1814, de´pute´ de Seine-Infe´rieure a` la Chambre sous la premie`re Restauration, les Cent-Jours et la seconde Restauration, de 1814 a` 1827, opposition libe´rale. GOUVION-SAINT-CYR, Laurent de (1764–1830), mare´chal d’Empire, ministre de la Marine, puis de la Guerre sous le premier gouvernement Richelieu, de 1817 a` 1819. GRE´ GOIRE, Henri Jean-Baptiste (1750–1831) dit l’abbe´ Gre´goire, membre de l’Assemble´e nationale constituante en 1792 (a` deux reprises avec fonction de pre´sident), de la Convention nationale de 1792 a` 1795, du

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Annexe

Conseil des Cinq-Cents de 1795 a` 1798, du Corps le´gislatif sous le Consulat de 1799 a` 1801, e´lu de´pute´ de l’Ise`re a` la Chambre en septembre 1819, re´cuse´ par la Chambre. GROSSIN DE BOUVILLE, Louis Jacques (1759–1838), membre de l’Assemble´e nationale constituante en 1789–1791, de´pute´ de Seine-Infe´rieure a` la Chambre en 1815–1816 et 1820–1823, droite ultra. GUIZOT, Franc¸ois Pierre Guillaume (1787–1874), avant l’immense carrie`re qu’il fera a` partir de 1830, Guizot est de´ja`, a` trente ans, un acteur remarque´ de la politique lors des sessions de 1818–19 et 1819–20 ou` il intervient en tant que commissaire du roi pour de´fendre diffe´rents projets de lois. HARDOUIN, Julien Pierre Jean (1753–1833), membre du Corps le´gislatif sous l’Empire, de la Chambre des de´pute´s sous la premie`re Restauration, de la Chambre des repre´sentants sous les Cent-Jours, puis de´pute´ de la Sarthe a` la Chambre sous la seconde Restauration de 1818 a` 1822, minorite´ libe´rale. HAUTEFEUILLE, Charles Louis Fe´licite´ Texier d’ (1770–1865), de´pute´ du Calvados a` la Chambre de 1815 a` 1823, droite. JORDAN, Camille (1771–1821), membre du Conseil des Cinq-Cents en 1797, de´pute´ de l’Ain de 1815 a` 1821, gauche. JOSSE-BEAUVOIR, Auguste Guillaume (1771–1853), de´pute´ du Loir-et-Cher a` la Chambre de 1815 a` 1827, droite. ´ KERATRY, Auguste Hilarion de (1769–1859), de´pute´ du Finiste`re (puis de la Vende´e) a` la Chambre de 1818 a` 1823, puis de 1827 a` 1830, opposition libe´rale, et encore sous la Monarchie de Juillet de 1831 a` 1837, majorite´ gouvernementale, puis membre de l’Assemble´e nationale le´gislative sous la Deuxie`me re´publique en 1849–1851, droite. LABBEY DE POMPIE` RES, Guillaume Xavier (1751–1831), membre du Corps le´gislatif sous l’Empire en 1813–1814, de´pute´ de l’Aisne sous la premie`re Restauration, les Cent-Jours et la seconde Restauration en 1814– 1815 et de 1819–1830, gauche. LA BOURDONNAYE, Franc¸ois Re´gis de (1767–1839), de´pute´ de Maine-etLoire a` la Chambre de 1815 a` 1830, droite ultra. L’un des te´nors de la droite lors des sessions de 1818–19 et 1819–20. LA FAYETTE, Marie Joseph Paul Yves Roch Gilbert du Motier de (1757– 1834), membre de l’Assemble´e nationale constituante en 1789–1791, de la Chambre des repre´sentants sous les Cent-Jours en 1815, de´pute´ de la Sarthe (puis de Seine-et-Marne) a` la Chambre de 1818 a` 1823, puis de 1827 a` 1830, gauche, et encore sous la Monarchie de Juillet de 1830 a` 1834, opposition dynastique.

Re´pertoire des parlementaires

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LAFFITTE, Jacques (1767–1844), membre de la Chambre des repre´sentants sous les Cent-Jours en 1815, de´pute´ de la Seine (puis des Basses-Pyre´ne´es) a` la Chambre de 1816 a` 1823 et de 1827 a` 1830, opposition libe´rale, et encore sous la Monarchie de Juillet de 1830 a` 1844, gauche dynastique. LAINE´ , Joseph Louis Joaquim (1767–1835), membre du Corps le´gislatif sous l’Empire de 1808 a` 1814, de´pute´ de la Gironde a` la Chambre sous la premie`re, puis la seconde Restauration de 1814 a` 1823, centre droit. LAISNE´ DE VILLE´ VEˆ QUE, Gabriel Jacques (1766–1851), de´pute´ du Loiret a` la Chambre de 1817 a` 1823 et de 1827 a` 1830 et encore sous la Monarchie de Juillet en 1830–1831, centre. LAMETH, Alexandre The´odore Victor de (1760–1829), membre de l’Assemble´e nationale constituante en 1789–1791, de´pute´ de Seine-Infe´rieure (puis de Seine-et-Oise) a` la Chambre de 1820 a` 1823 et de 1827 a` 1829, opposition libe´rale. LANJUINAIS, Jean Denis (1753–1827), membre de l’Assemble´e nationale constituante en 1789–1791, de la Convention nationale en 1792–1795, du Se´nat sous le Consulat et l’Empire en 1800–1814, pre´sident de la Chambre des repre´sentants sous les Cent-Jours en 1815, membre de la Chambre des pairs de 1815 a` 1827, royaliste constitutionnel. LA TOUR-MAUBOURG, Marie Charles Ce´sar de Fay de (1756–1831), membre de l’Assemble´e nationale constituante de 1789 a` 1791, de´pute´ de Haute-Loire au Corps le´gislatif sous le Consulat et l’Empire de 1801 a` 1814 ; ministre de la Guerre de 1819 a` 1821 dans les gouvernements de Decazes et de Richelieu. LEGRAVEREND, Guillaume Marie Jean Rene´ (1765–1834), de´pute´ de l’Illeet-Vilaine a` la Chambre de 1817 a` 1822, gauche. LESEIGNEUR, Abraham Thomas (1759–1835), membre de la Chambre des repre´sentants sous les Cent-Jours en 1815, de´pute´ de Seine-Infe´rieure a` la Chambre de 1819 a` 1823, opposition libe´rale. LIMAIRAC, Charles Antoine Gabriel de (1770–1847), de´pute´ de HauteGaronne a` la Chambre de 1815 a` 1823, droite. LIZOT, Pierre Jean Charles Florent (1768–1827), de´pute´ de l’Eure a` la Chambre de 1815 a` 1827, centre droit. MAC-CARTHY-LE´ VIGNAC, Robert Joseph de (1770–1827), de´pute´ de la Droˆme a` la Chambre de 1816 a` 1820, droite. MAINE DE BIRAN, Pierre Franc¸ois (1766–1824), membre du Conseil des Cinq-Cents en 1797, du Corps le´gislatif sous l’Empire de 1810 a` 1814, de´pute´ de la Dordogne a` la Chambre sous la premie`re, puis la seconde Restauration de 1814 a` 1824, centre droit.

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Annexe

MANUEL, Jacques Antoine (1775–1827), membre de la Chambre des repre´sentants sous les Cent-Jours en 1815, de´pute´ de la Vende´e a` la Chambre de 1818 a` 1823, gauche. L’une des voix les plus fortes de l’opposition lors des sessions de 1818–19 et 1819–20. MARTIN DE GRAY, Alexandre Franc¸ois Joseph (1773–1864), membre du Corps le´gislatif sous l’Empire de 1807 a` 1812, de´pute´ de Haute-Saoˆne a` la Chambre de 1816 a` 1821, opposition libe´rale. ME´ CHIN, Alexandre Edme (1772–1849), de´pute´ de l’Aisne a` la Chambre de 1819 a` 1830 et encore sous la Monarchie de Juillet en 1830–1831, gauche. MESTARDIER, Jacques (1771–1756), de´pute´ de la Creuse a` la Chambre de 1817 a` 1830 et encore sous la Monarchie de Juillet en 1830–1831, centre droit. MONTMORENCY-LAVAL, Mathieu Jean Fe´licite´ de (1767–1826), membre de la Chambre des pairs depuis 1815. MONTMORENCY-TANCARVILLE, Anne Louis Christian de (1769–1844), de´pute´ de Seine-Infe´rieure a` la Chambre de 1815 a` 1827, droite. PASQUIER, E´tienne Denis (1767–1862), de´pute´ de la Seine a` la Chambre de 1815 a` 1821 (pre´sident de cette Chambre en 1816–1817), majorite´ ministe´rielle ; ministre d’E´tat de 1815 a` 1830, ministre de la Justice et de l’Inte´rieur sous le gouvernement de Talleyrand en 1815, ministre des Affaires e´trange`res en 1819–1821, pre´sident de la Chambre des pairs de 1830–1848, chancelier de France de 1837 a` 1848. L’un des contradicteurs les plus redoutables de BC lors des sessions de 1818–19 et 1819–20. PERIER, Casimir Pierre (1777–1832), de´pute´ de la Seine a` la Chambre de 1817 a` 1830, centre gauche, et encore sous la Monarchie de Juillet, de 1830 a` 1832, majorite´ ministe´rielle. L’une des figures les plus respecte´es de la Chambre lors des sessions de 1818–19 et 1819–20. PERREAU DU MAGNE´ , Louis Henri Aime´ (1775–1838), membre de la Chambre des repre´sentants sous les Cent-Jours, de´pute´ de la Vende´e a` la Chambre de 1818 a` 1822, gauche, puis sous la Monarchie de Juillet de 1831 a` 1834, opposition dynastique. PICOT-DESORMEAUX, Marie Jean Charles (1765–1846), de´pute´ de la Sarthe de 1819 a` 1822, libe´raux constitutionnels, puis de´pute´ a` la Chambre sous la Monarchie de juillet, de 1831 a` 1834, majorite´ constitutionnelle. PONSARD, Louis Joseph Hyacinthe (1764–1834), membre du Conseil des Cinq-Cents en 1797, de´pute´ du Morbihan a` la Chambre de 1816 a` 1819, opposition libe´rale. PORTAL, Pierre Barthe´lemy de (1765–1845), de´pute´ de Tarn-et-Garonne a` la Chambre de 1818 a` 1821, centre droit. PORTALIS, Joseph-Marie (1778–1858), conseiller d’E´tat, commissaire du roi ; il sera ministre de la Justice sous le gouvernement Martignac en 1828–1829.

Re´pertoire des parlementaires

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POYFE´ RE´ DE CE` RE, Jean-Marie de (1768–1858), membre du Corps le´gislatif sous l’Empire de 1810 a` 1814, de´pute´ des Landes a` la Chambre sous la premie`re, puis la seconde Restauration de 1814 a` 1822, puis en 1829– 1830, centre, et encore sous la Monarchie de Juillet en 1830–1831, centre gauche. PUYMAURIN, Jean Pierre Casimir de Marcassus de (1757–1841), membre du Corps le´gislatif sous l’Empire de 1805 a` 1814, de´pute´ de Haute-Garonne a` la Chambre sous la premie`re, puis la seconde Restauration de 1814 a` 1830, centre. RAVEZ, Auguste Simon Hubert Marie (1770–1849), de´pute´ de la Gironde a` la Chambre de 1816 a` 1829, pre´sident de cette Chambre de 1818 a` 1827, centre droit. RICHELIEU, Armand Emmanuel Sophie Septimanie de Vignerot du Plessis de (1766–1822), pre´sident du Conseil des ministres de 1815 a` 1818 et de 1820 a` 1821. RIVIE` RE, Jean-Louis (1766–1848), de´pute´ de Lot-et-Garonne a` la Chambre de 1816 a` 1821, centre droit. RODET, Claude Louis (1768–1838), de´pute´ de l’Ain a` la Chambre de 1815 a` 1822 et de 1829 a` 1830, opposition libe´rale. ROULLET DE LA BOUILLERIE, Franc¸ois Marie Pierre (1764–1833), de´pute´ de la Sarthe a` la Chambre, de 1815 a` 1827, droite. ROY, Antoine (1764–1847), membre de la Chambre des repre´sentants sous les Cent-Jours en 1815, de´pute´ de la Seine a` la Chambre de 1815 a` 1821, centre droit ; membre de la Chambre des pairs de 1821 a` 1847 ; ministre d’E´tat de 1818 a` 1830, ministre des Finances sous le premier, puis le second gouvernement Richelieu (1818 et 1819–1821) ainsi que sous le gouvernement Martignac (1828–1829). ROYER-COLLARD, Pierre Paul (1763–1845), membre du Conseil des CinqCents en 1797, de´pute´ de la Marne a` la Chambre de 1815 a` 1830, centre (majorite´ ministe´rielle) et encore sous la Monarchie de Juillet, de 1830 a` 1842, d’abord libe´ral, puis majorite´ conservatrice. SAINT-CRICQ, Pierre Laurent Barthe´lemy de (1772–1854), en tant que directeur ge´ne´ral des douanes, il fut une cible de choix pour BC lors des discussions du budget dans les sessions de 1818–19 et 1819–20. SAINTE-AULAIRE, Louis Clair Beaupoil de (1778–1854), de´pute´ de la Meuse (puis du Gard) a` la Chambre de 1815 a` 1823 et de 1827 a` 1829, libe´ral. SALABERRY, Charles Marie d’Irumberry de (1766–1847), de´pute´ du Loiret-Cher a` la Chambre de 1815 a` 1830, droite ultra. SAPEY, Louis Charles (1769–1857), membre du Corps le´gislatif sous le Consulat et l’Empire de 1802 a` 1808, de la Chambre des repre´sentants sous les Cent-Jours en 1815, de´pute´ de l’Ise`re a` la Chambre de 1819 a` 1823 et de 1828 a` 1830, opposition libe´rale, et encore sous la Monarchie de Juillet, de 1830 a` 1848, majorite´ gouvernementale.

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Annexe

SAULNIER, Pierre Dieudonne´ Louis (1767–1838), de´pute´ de la Meuse a` la Chambre de 1815 a` 1823, libe´ral. SAVOYE-ROLLIN, Jacques-Fortunat (1754–1823), de´pute´ de l’Ise`re a` la Chambre de 1815 a` 1823, mode´re´. SE´ BASTIANI, Horace Franc¸ois Bastien (1772–1851), ge´ne´ral d’Empire, membre de la Chambre des repre´sentants sous les Cent-Jours en 1815, de´pute´ de la Corse (puis de l’Aisne) a` la Chambre de 1819 a` 1823 et de 1826 a` 1830, opposition libe´rale et encore sous la Monarchie de Juillet de 1830 a` 1848, majorite´ ministe´rielle. SERRE, Pierre Franc¸ois Hercule de (1776–1824), de´pute´ du Haut-Rhin a` la Chambre de 1815 a` 1822, centre droit ; pre´sident de cette Chambre en 1817–1818 ; ministre de la Justice sous les gouvernements de Decazes et de Richelieu de 1818 a` 1821. SIME´ ON, Joseph Je´roˆme (1749–1842), membre et pre´sident du Conseil des Cinq-Cents en 1797, membre de la Chambre des repre´sentants sous les Cent-Jours, de´pute´ du Var a` la Chambre de 1815 a` 1821 ; ministre de l’Inte´rieur dans le second gouvernement Richelieu en 1820–1821, centre ; membre de la Chambre des pairs de 1821 a` 1842. SIRIEYS DE MAYRINHAC, Jean Jacques Fe´lix (1775–1831), de´pute´ du Lot a` la Chambre en 1815–1816, puis a` nouveau de 1820 a` 1830, droite ultra. SIVARD DE BEAULIEU, Pierre Louis Antoine (1767–1826), membre du Conseil des Cinq-Cents en 1797, de´pute´ de la Manche a` la Chambre de 1818 a` 1822, opposition libe´rale. TEISSEIRE, Camille Hyacinthe (1764–1842), de´pute´ de l’Ise`re a` la Chambre de 1820 a` 1822, opposition libe´rale. TERNAUX, Louis Guillaume (1763–1833), de´pute´ de la Seine (puis de Haute-Vienne) a` la Chambre de 1818 a` 1823 et de 1827 a` 1830 et encore sous la Monarchie de Juillet en 1830–1831, opposition libe´rale. TRINQUELAGUE, Charles Franc¸ois (1747–1837), de´pute´ du Gard a` la Chambre de 1815 a` 1818, droite. VAUBLANC, Vincent Marie Vie´not de 1756–1845), membre de l’Assemble´e nationale le´gislative en 1791–1792, du Conseil des Cinq-Cents de 1795 a` 1797, du Corps le´gislatif sous le Consulat et l’Empire de 1800 a` 1814, de´pute´ du Calvados a` la Chambre de 1820 a` 1827, droite. VILLE` LE, Jean-Baptiste Guillaume Marie Anne Se´raphin Joseph de (1773– 1854), de´pute´ de Haute-Garonne a` la Chambre de 1815 a` 1828, droite ultra ; ministre sans portefeuille dans le second gouvernement Richelieu en 1820–1821, puis ministre des Finances de 1821 a` 1828 et pre´sident du Conseil des ministres de 1822 a` 1828. VOGÜE´ , Louis Franc¸ois Charles Florimond de (1769–1839), de´pute´ du Gard a` la Chambre de 1815 a` 1818 et de 1820 a` 1823, droite.

Re´pertoire des parlementaires

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VOYER DE PAULMY D’ARGENSON, Marc Rene´ Marie de (1771–1842), membre de la Chambre des repre´sentants sous les Cent-Jours en 1815, de´pute´ du Haut-Rhin (puis de l’Eure, de la Vienne et encore du HautRhin) a` la Chambre de 1815 a` 1823 et en 1828–1829, opposition libe´rale, puis sous la Monarchie de Juillet de 1830 a` 1834, gauche. WENDEL, Franc¸ois Charles de (1778–1825), de´pute´ de la Moselle a` la Chambre en 1815–1816, puis de 1818 a` 1825, droite.

Instruments bibliographiques

Abre´viations

ABC : Annales Benjamin Constant, 1, 1980 (se continue). Archives parlementaires : Archives parlementaires de 1787 a` 1860. Recueil complet des de´bats le´gislatifs et politiques des Chambres franc¸aises, sous la direction de Je´roˆme Mavidal et Emile Laurent, Paris : Paul Dupont, 1867 et sv. BdL : Bulletin des lois. Courtney, Bibliography : Cecil Patrick COURTNEY, A Bibliography of Editions of the Writings of Benjamin Constant to 1833, London : Modern Humanities Research Association, 1981. Courtney, Bibliography, Supplement : Cecil Patrick COURTNEY, A Bibliography of Editions of the Writings of Benjamin Constant to 1833. A Supplement, second Edition revised, Cambridge : privatly printed, 1985. Courtney, Guide : Cecil Patrick COURTNEY, A Guide to the published Works of Benjamin Constant, Oxford : Voltaire Foundation, 1980. Dictionnaire Napole´on : Dictionnaire Napole´on, sous la direction de Jean Tulard, Paris : Fayard, 1987. Hofmann, Catalogue : E´tienne HOFMANN, Catalogue raisonne´ de l’œuvre manuscrite de Benjamin Constant, e´tabli a` partir des originaux avec une pre´face, une introduction et des index, Gene`ve : Slatkine, 1992. Hofmann, Supple´ment : E´tienne HOFMANN, Supple´ment au Catalogue raisonne´ des œuvres manuscrites de Benjamin Constant. Consultable sur le site de l’Institut Benjamin Constant. Kloocke, Biographie : Kurt KLOOCKE, Benjamin Constant. Une biographie intellectuelle, Gene`ve : Droz, 1984. OCBC : Benjamin CONSTANT, Œuvres comple`tes, Tübingen : Max Niemeyer Verlag, puis Berlin : De Gruyter, 1993 (se continue). TLF : Tre´sor de la langue franc¸aise. Dictionnaire de la langue du XIX e et du XX e sie`cle (1789–1960), publie´ sous la direction de Paul Imbs, Paris : E´ditions du CNRS (t. 1–10) ; Paris : Gallimard (t. 11–16), 1971–1988. Waresquiel/Yvert, Histoire de la Restauration : Emmanuel de WARESQUIEL, et Benoıˆt YVERT, Histoire de la Restauration, 1814–1830. Naissance de la France moderne, Paris : Perrin, 1996.

Bibliographie

Sous les noms des auteurs, cite´s dans l’ordre alphabe´tique, les publications, volumes d’abord, articles de revues et contributions a` des collectifs ensuite, sont classe´es dans l’ordre chronologique de leur parution ; les diffe´rentes e´ditions d’un meˆme texte sont regroupe´es sous la premie`re d’entre elles.

Almanach royal, pour l’anne´e bissextile M.DCCC.XX, Paris : Guyot, [1820]. Archives parlementaires de 1787 a` 1860. Recueil complet des de´bats le´gislatifs et politiques des Chambres franc¸aises, Premie`re se´rie (1789 a` 1799), Paris : Paul Dupont, puis CNRS, 1867 et sv. Archives parlementaires de 1787 a` 1860. Recueil complet des de´bats le´gislatifs et politiques des Chambres franc¸aises, Deuxie`me se´rie (1800 a` 1860), Paris : Paul Dupont, puis CNRS, 1867 et sv. ASSEMBLE´ E NATIONALE, Recherche dans la base de donne´es des de´pute´s franc¸ais depuis 1789, https://www2.assemblee-nationale.fr/sycomore/recherche (consulte´ en aouˆt 2022). BACHEVILLE, Barthe´lemy, Voyages des fre`res Bacheville, capitaines de l’ex-garde et chevaliers de la Le´gion d’honneur, en Europe et en Asie, apre`s leur condamnation par la cour pre´voˆtale du Rhoˆne en 1816, Paris : Be´chet aıˆne´, 1822. BACKOUCHE, Isabelle, La Monarchie parlementaire, Paris : Pygmalion, 2000. BARANTE, Prosper Brugie`re de, Souvenirs du baron de Barante, de l’Acade´mie franc¸aise, 1782–1866, publie´s par son petit-fils Claude de Barante, Paris : Calman Le´vy, 1890–1897, 6 vol. BASTID, Paul, Les institutions politiques de la monarchie parlementaire franc¸aise 1814–1848, Paris : E´ditions du Recueil Sirey, 1954. BERCHET, Jean-Claude, Chateaubriand, Paris : Gallimard, 2012. BERTAUD, Jules, Les Dessous de la finance, Paris : Tallandier, 1954. BERTIER DE SAUVIGNY, Guillaume de, Le comte Ferdinand de Bertier (1782–1864) et l’e´nigme de la Congre´gation, Paris : Presses continentales, 1948. – La Restauration, Paris : Flammarion, 1955, 21974 (Re´e´dition : 1990, 2 1999). BONNARD, Roger, Les re`glements des assemble´es le´gislatives de la France depuis 1789, Paris : Socie´te´ anonyme du Recueil Sirey, 1926. BOURGUIGNAT, Nicolas, «La ville, la haute police et la peur : Lyon entre le complot des subsistances et les manœuvres politiques en 1816–1817», Histoire urbaine, 2, 2000, pp. 131–147.

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Instruments bibliographiques

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Instruments bibliographiques

– Œuvres comple`tes, Principes de politique applicables a` tous les gouvernements repre´sentatifs (texte de 1806), volume dirige´ par Kurt Kloocke, e´tablissement des textes, introductions, notes et re´pertoire par Lisa Azorin, Paul Delbouille, Fabienne Detoc, E´tienne Hofmann, Kurt Kloocke, Giovanni Paoletti et Laura Wilfinger, OCBC, Œuvres, t. V, Berlin : De Gruyter, 2011. – Œuvres comple`tes, Textes de 1818, volume dirige´ par E´tienne Hofmann, e´tablissement des textes, introductions et notes par Le´onard Burnand, Andre´ Cabanis, E´tienne Hofmann, Fre´de´ric Jaunin, Kurt Kloocke, OCBC, Œuvres, t. XI, Berlin : De Gruyter, 2011. – Discours a` la Chambre des de´pute´s, t. I et II, texte e´tabli par Jean-Pierre Jackson, Paris : E´ditions Coda, 2015. – Œuvres comple`tes, Correspondance 1819–1820, textes e´tablis et annote´s par Cecil P. Courtney et Paul Rowe, avec la collaboration de Adrianne Tooke et Dennis Wood, OCBC, Correspondance ge´ne´rale, t. XI, Berlin : De Gruyter, 2016. – Œuvres comple`tes, Brochures politiques 1819–1821, volume dirige´ par Kurt Kloocke et Paul Delbouille, e´tablissement des textes, introductions et notes par Marianne Berlinger, Paul Delbouille, Lucien Jaume, Kurt Kloocke, Alain Laquie`ze, Giovanni Paoletti, Guillaume Poisson, Laura Wilfinger et Martine Willems, OCBC, Œuvres, t. XV, Berlin : De Gruyter, 2017. – Œuvres comple`tes, Articles de journaux 1819–1820, volume dirige´ par Le´onard Burnand, e´tablissement des textes, introductions et notes par Marianne Berlinger-Konqui, Le´onard Burnand, Kurt Kloocke, Miriam Rosetta Milazzo, Florence Müller et Laura Wilfinger, OCBC, Œuvres, t. XIII, Berlin : De Gruyter, 2018. – «[Intervention a` la Chambre des de´pute´s lors de la se´ance du 5 avril 1820]», La Renomme´e, no 266, 6 avril 1820, pp. 1074a–1075b. Le Constitutionnel, anne´es 1819 et 1820. Le Courrier franc¸ais, anne´es 1819 et 1820. COURTNEY, Cecil Patrick, A Guide to the published Works of Benjamin Constant, Oxford : Voltaire Foundation, 1980. – A Bibliography of Editions of the Writings of Benjamin Constant to 1833, London : Modern Humanities Research Association, 1981. – A Bibliography of Editions of the Writings of Benjamin Constant to 1833, A Supplement, Second Edition revised, Cambridge : privatly printed, 1985. COUSTIN, Franc¸ois de, Elie Decazes. Le dernier favori, Paris : Perrin, 2020. CRE´ MIEUX, Albert, La censure en 1820 et 1821 : e´tude sur la presse politique et la re´sistance libe´rale, Paris : Edouard Cornely, 1912.

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Bibliographie

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ture 1789–1848, dirige´ par Franc¸ois Furet et Mona Ozouf, Oxford/New York : Pergamon, 1989, pp. 187–201. Statistique ge´ne´rale et particulie`re de la France et de ses colonies, [...] ouvrage [...] publie´ par une socie´te´ de gens de lettres et de savans et publie´ par P[ierre]-E´[tienne] Herbin [de Halle], Paris : Buisson, an XII (1803), 7 vol. SULLY, Maximilien de Be´thune de, Me´moires de Sully, pre´sente´s et annote´s par Louis-Raymond Lefe`vre, Paris : Gallimard, 21942. TERNISIEN D’HAUDRICOURT, Femmes ce´le`bres de toutes les nations, avec leurs portraits, Paris : l’auteur, 1788. TODOROV, Tzvetan, Benjamin Constant, la passion de´mocratique, Paris : Hachette, 1997. TORT, Olivier, «La dissolution de la Chambre des de´pute´s sous la Restauration», Revue Historique, 302, 2000, pp. 340–341. Tre´sor de la langue franc¸aise. Dictionnaire de la langue du XIX e et du XX e sie`cle (1789–1960), publie´ sous la direction de Paul Imbs, Paris : E´ditions du CNRS (t. 1–10) ; Paris : Gallimard (t. 11–16), 1971–1988. TRIOMPHE, Pierre, «Un moment crucial dans la constitution du parti libe´ral. Les e´lections de 1818», Histoire, e´conomie et socie´te´, 1, 2014, pp. 37–54. VAILLE´ , Euge`ne, Le cabinet noir, Paris : PUF, 1950. – Histoire ge´ne´rale des postes franc¸aises, Paris : PUF, 1953. VAULABELLE, Achille de, Histoire des deux Restaurations jusqu’a` l’ave`nement de Louis-Philippe, Paris : Perrotin, 51860 (Garnier fre`res, 71868), 8 vol. VENTRE-DENIS, Madeleine, «La Faculte´ de droit de Paris et la vie politique sous la Restauration. L’affaire Bavoux», Revue d’histoire des Faculte´s de droit et de la science juridique, mai 1987, pp. 35–64. VILLE` LE, Joseph de, Me´moires et correspondance du comte de Ville`le, Paris : Perrin, 1889–1904, 5 vol. VOILLIOT, Christophe, La Candidature officielle, Rennes : Presses Universitaires de Rennes, 2005. WARESQUIEL, Emmanuel de, L’histoire a` rebrousse-poil, Paris : Fayard, 2005. – et YVERT, Benoıˆt, Histoire de la Restauration, 1814–1830, Naissance de la France moderne, Paris : Perrin, 1996 (Re´e´dition Paris : Tempus, 2002). WEIL, Georges-Denis, Les E´lections le´gislatives depuis 1789, Paris : Alcan, 1895. ZIESENISS, Je´roˆme, «Noblesse d’Empire», Dictionnaire Napole´on, t. II, p. 398.

Ouvrages cite´s par Constant

ANONYME, «[Il nous reste peu ...]», [Signe´ : L...], La Quotidienne, 20 avril 1820, p. 1b–2b. – «[Aujourd’hui que nous sommes ...]», [Signe´ : L...], La Quotidienne, 5 mai 1820, p. 2a-b. – «[Nous verrons enfin ...]», [Signe´ : L...], La Quotidienne, 10 mai 1820, p. 1a-b. – «[Sur la lettre du cardinal de La Luzerne]», L’Ami de la religion et du roi, no 601, 13 mai 1820, pp. 11–12. Budget ou Loi sur les Finances du 25 mars 1817, Paris : chez Audot, 1817 Bulletin des lois, 1814, https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k65255697?rk= 21459;2. CHATEAUBRIAND, De la Monarchie selon la Charte, Paris : impr. Le Normant, 1816. – «[Article date´ du 1er juin], Le Conservateur, t. III, 36e`me livraison, 1819, pp. 469–480. – «De la Vende´e», Le Conservateur, t. IV, 44e livraison, 1819, pp. 193–254. Code des douanes de France, forme´ de toutes les dispositions en vigueur en 1818, range´es dans l’ordre le´gal des ope´rations, Paris : chez M. Vincent, 1818. CONSTANT, Benjamin, «De la religion et de la morale religieuse», La Minerve franc¸aise, t. V, 21–22 avril 1819, pp. 583–589. Le Constitutionnel, 6 juin 1820. Le Drapeau blanc, 13 mars, 1820, 21 avril 1820, 4, 14 et 24 mai 1820. E´TIENNE, Charles-Guillaume, «Lettres sur Paris, no 54», La Minerve franc¸aise, t. V, pp. 638–656. Gazette de France, 9 mai 1820. HUMBOLDT, Alexander von, Voyage aux re´gions e´quinoxiales du Nouveau Continent, fait en 1799, 1800, 1801, 1802, 1803 et 1804, par Al. de Humboldt et A. Bonpland, re´dige´ par Alexandre de Humboldt, Paris : Librairie grecque-latine-allemande (-Gide), 1816–1831, 13 vol. Journal de Paris, 11 juin 1820. Journal des De´bats politiques et litte´raires, 4 juillet 1818. Loi sur les finances, du 28 avril 1816, et ordonnances du Roi [...], Paris : chez Rondonneau et Decle, 1816.

796

Instruments bibliographiques

MADIER DE MONTJAU, Joseph-Paulin, Pe´tition adresse´e a` la Chambre des De´pute´s, par Madier de Montjau, conseiller a` la Cour royale de Nismes, Chevalier de la Le´gion d’honneur ; suivie de conside´rations constitutionnelles, par M. A. Jay, et augmente´e de la re´ponse de M. Madier aux insultes de la Quotidienne, Paris : Librairie politique et Corre´ard, 1820. Le Moniteur universel, anne´es 1819 et 1820. NECKER, Jacques, Compte rendu au Roi, Paris : s.e´d., 1781. PERIER, Casimir, Re´flexions sur le projet d’emprunt, Paris : Bailleul, s.d. [1817]. – Dernie`res re´flexions sur le projet d’emprunt, ou Re´ponse a` un article anonyme du «Moniteur», par M. Casimir Pe´rier, [Paris] : Bailleul, s.d. [1817]. – Re´flexions sur l’emprunt de 16 millions, Paris : Bailleul, s.d. [1818]. TITE-LIVE, Histoire romaine – Ab urbe condita. TRAVOT, baronne, «Re´ponse a` la lettre de M. le ge´ne´ral Lamarque, inse´re´e dans le sixie`me cahier de la Bibliothe`que historique», La Minerve franc¸aise, t. II, 1818, pp. 192–196. VOLTAIRE, Œuvres comple`tes de Voltaire, Paris : A.-A. Renouard, 1819– 1825, 66 vol.

Index des noms de personnes

Index des noms de personnes L’index re´pertorie les noms des personnages historiques ; les noms des auteurs de litte´rature secondaire apparaissent dans la bibliographie. Les titres de noblesse et les grades militaires sont mentionne´s seulement quand ils font explicitement partie de la de´signation du personnage dans les textes. Dans les cas, fort nombreux, ou` s’accumulent plusieurs pre´noms on a ge´ne´ralise´ l’usage des traits d’union. Les variations d’orthographe des noms propres qui apparaissent dans les textes sont re´solues dans l’index par une seule de´signation sous la forme de l’orthographe usuelle telle qu’elle est suivie dans l’apparat critique. Admyrauld, Jean-Louis 633 Albert, Jean-Baptiste Franc¸ois 153, 585, 589 Angle`s, Jules-Jean-Baptiste d’ 341, 657, 667, 682, 738 Arbaud, Jean-Paul 371 Artaud, Nicolas-Louis-Marie 13 Artois, comte d’ voir Charles X Audiffret-Pasquier, Gaston d’ 62 Bacheville, Antoine, fre`re du suivant 724 Bacheville, Barthe´lemy 723–724 Barante, Amable-Guillaume-Prosper Brugie`re de 75, 263–264, 270–271, 285, 294 Barante, Claude-Ignace Brugie`re de, pre´fet du Le´man 75 Barbe´-Marbois, Franc¸ois de 197 Baring, Alexander, banquier 71, 183–185, 515, 517–518 Baring, Francis 185 Baring, Thomas 185 Barrairon, Franc¸ois-Marie-Louis 269, 272, 292, 308, 311 Barthe-Labastide, Louis-Jacques-Guillaume 357 Barthe´lemy, Balthazar-Franc¸ois, marquis de 327, 330 Bavoux, Franc¸ois-Nicolas 317, 319, 760–765 Beause´jour, Antoine Bourreau de 673, 685 Becquey, Louis 195, 345, 733 Be´doch, Pierre-Joseph 121, 132, 221, 382, 561, 569, 631, 755 Bellart, Nicolas-Franc¸ois 393 Benoıˆt ou Benoist, Pierre-Vincent 70, 219, 235, 275, 283, 447–448, 511, 547, 569, 583–584, 636, 745–746 Be´renger, Jean 307–308 Bernadotte, Jean-Baptiste, prince royal de Sue`de 8

Bertaux, Paul 637 Berry, duc de, voir Charles-Ferdinand d’Artois Berry, duchesse de, voir Marie-Caroline de Bourbon-Siciles Beslay, Charles-He´le`ne-Bernardin 511, 524 Beugnot, Jacques-Claude 309–310, 520, 529, 695, 701, 715, 735–736 Bignon, Louis-Pierre-E´douard 188, 191, 281, 286–287, 521, 541, 597, 619 Blanquart de Bailleul, Henri-Joseph 453, 507, 675 Blocquel de Croix de Wismes, Stanislas de 172 Boileau, Nicolas, dit Boileau-Despre´aux 161 Boin, Antoine 221, 331, 670, 677, 684 Bonald, Louis-Gabriel-Ambroise de 235, 412, 559, 617, 619, 629 Bonaparte, Napole´on voir Napole´on Ier Bouchage, Franc¸os-Joseph de Gratet du 195, 197 Bougard, Ferdinand 717 Bourdeau, Pierre-Alpinien-Bertrand 203, 557, 597–598, 602, 617, 620, 643, 664 Bouton, E´tienne-Louis 586 Brigode, Romain-Joseph 156 Brissot-Thivars, Louis-Saturnin 75 Brochet de Ve´rigny, Anne-Fe´lix 172 Broglie, Victor-Ame´de´e-Marie, duc de 64, 328, 336, 389, 547, 755 Broglie, Albertine-Ida-Gustavine, ne´e de Stae¨lHolstein 7, 625 Bruye`res de Chalabres, Jean-Louis-Fe´licite´ de 284 Busson, Jean-Baptiste-Guillaume 477, 671 Canuel, Simon 423, 463–464, 466–467, 484 Capelle, Guillaume-Antoine-Benoıˆt 611, 614, 699, 735–736 Cardonnel, Pierre-Salvi-Fe´lix de 27, 642

800

Discours a` la Chambre des de´pute´s, 1819–1820

Carnot, Joseph-Franc¸ois 162 Cassaignoles, Louis-Jean-Marie de 386 Castelbajac, Marie-Barthe´lemy de 358, 401, 405, 524, 572–573, 602, 610, 626, 628, 635, 659, 675, 681, 705–706, 746–747 Caumartin, Jacques-E´tienne 74, 191, 480, 511 Chabaud-Latour, Antoine-Georges-Franc¸ois de 557 Chabrillan, Hippolyte-Ce´sar Guigues de Moreton de 315, 659 Chabrol de Tournoe¨l, Guillaume-Michel de 453 Chabrol de Volvic, Gilbert-Joseph-Gaspard de 652 Chabron de Solilhac, Georges-Marcellin 116, 617 Charles IX, roi de France 383 Charles X, roi de France 466, 565, 606, 654, 681 Charles-Auguste, duc puis grand-duc de SaxeWeimar-Eisenach 8 Charles-Ferdinand d’Artois, duc de Berry 10, 12, 20, 324, 329–330, 333, 337, 339, 377, 385, 387, 404–405, 441, 448, 466, 471, 549, 557, 561–562, 661–663, 728, 738, 745 Charrier-Sainneville, Se´bastien-Claude 464 Charrie`re, Isabella-Agneta-Elisabeth de, ne´e van Tuyll van Serooskerken 7–8 Chateaubriand, Franc¸ois-Rene´ de 67, 85, 209, 286, 348, 484, 559, 579, 621, 733–734 Chauvelin, Bernard-Franc¸ois, marquis de 70, 114, 121, 132, 137, 164, 170, 190, 211, 219, 276, 281, 339–340, 342, 355, 375, 391, 427, 485, 524, 526, 543, 549, 584, 647, 657–658, 662, 680 Che´nier, Andre´ 439 Chevalier, Adolphe-Thierry-Franc¸ois, re´dacteur 94, 112 Cice´ron, Marcus Tullius Cicero 525 Clarke, Henri-Jacques-Guillaume, duc de Feltre 197 Clausel de Coussergues, Jean-Claude 385, 387, 562, 565, 615–616, 738, 745, 747 Cle´rel de Tocqueville, Herve´ 172 Constant de Rebecque, Georgina-CharlotteAugusta, ne´e von Hardenberg, e´pouse Marenholz, puis Du Tertre 7–8, 11 Constant de Rebecque, Rosalie de 343 Corbie`re, Jacques-Joseph-Guillaume-Franc¸oisPierre 196, 281, 287, 479, 518, 557, 597, 631, 636, 648, 655

Corcelles, Claude Tircuy de 23, 65, 75, 191, 286, 340, 423, 670, 677 Cornet d’Incourt, Charles-Nicolas 275, 413, 589, 715, 749 Corvetto, Louis-Emmanuel 70–71, 76, 180, 183, 185, 188, 197, 205, 229, 231–232, 237, 257, 272, 306–307, 311, 514 Coster, Charles-Joseph 172 Cotton, Thomas-Jacques de 74, 723 Courvoisier, Jean-Joseph-Antoine de 88–90, 104, 110, 112, 114, 177, 215, 219–220, 281, 283, 287, 331, 352, 355, 387, 651, 670–671, 673, 677, 679, 682–683 Cramm, Wilhelmina Luise Johanne von, dite Minna, premie`re e´pouse de BC 7 Cuvier, Georges 111, 209, 649 Daugier (ou d’Augier), Franc¸ois Henri Euge`ne 220 Daunou, Pierre-Claude-Franc¸ois 65, 193, 317, 320, 439, 443, 487–488, 761, 764 Decazes, E´lie 10, 21, 62, 74–75, 161, 195, 197, 203, 212, 281, 285–287, 301, 323–324, 328–331, 352, 355, 358, 366, 385, 387, 391, 404, 463, 466, 471, 479, 484, 492, 514, 557–558, 561–565, 569, 579, 614, 616, 620, 622, 644, 646, 654, 660, 709, 738, 745, 747, 775, 778 Defrance, Jean-Marie 682 Delacroix-Frainville, Joseph 389, 432, 633 Delagrange-Gourdon de Floirac, JacquesE´tienne 225 Delaıˆtre, Jean-Franc¸ois-Marie 571 Delaunay, Pierre-Rene´-Le´onard 631, 641 Delessert, Jules-Paul-Benjamin 232, 279, 453, 590, 728 Demarc¸ay, Marc-Jean, ge´ne´ral 375, 422, 429, 451, 590 Denys d’Halicarnasse 642 Desrousseaux, Joseph-Auguste 331, 340, 639, 641, 643, 645–648, 653 Dessolles (ou Dessolle), Jean-Joseph-PaulAugustin 62, 79, 211, 216, 285, 323, 492, 514, 709 Devaux, Augustin-Marie 26, 557, 562, 565, 616 Deve´rite´, Louis-Alexandre 162 Dubief, bijoutier 673–674 Du Tertre, Alexandre 8

Index des noms de personnes Dubruel, Pierre-Jean-Joseph 595 Dudon, Jean-Franc¸ois 13 Dufart, Franc¸ois, e´diteur 11 Dujardin-Sailly 241 Dumarc¸ay voir Demarc¸ay Dumeilet, Alexandre-Antoine 248, 600, 713–714 Dumont, citoyen 585, 589 Dunoyer, Charles-Barthe´lemy 126, 142 Dupleix de Me´zy, Charles-Joseph-Rene´ 174, 277 Dupont, Jacques-Charles, dit Dupont de l’Eure 75, 191, 357, 362, 366, 405, 439, 543, 615, 631, 650 Dupont, Jacques, dit Trestaillon 557, 559 Durand, Charles 559 Duvergier de Hauranne, Jean-Marie 64, 73–74, 286, 338 Estournelles, Claude-Louis Balluet d’ 607 E´tienne, Charles-Guillaume, journaliste 160, 285 Ferdinand VII, roi d’Espagne VIII 462, 495 Feutrier, Alexandre-Jean 172 Filangieri, Gaetano 12 Flaugergues, Pierre-Franc¸ois 340 Forestier, Charles-Aime´ 200 Fornier de Saint-Lary, Bertrand-PierreDominique 453, 657 Fouche´, Joseph, duc d’Otrante 72, 347–348, 607 Foy, Maximilien-Se´bastien, ge´ne´ral 324, 330–331, 399, 421, 438–439, 499, 501, 535, 543, 569, 581–584, 597, 601, 608, 635–636, 645, 677, 687, 699, 705–707, 727, 749 Fradin, Charles-Pierre 381 Franc¸ais de Nantes, Antoine 617 Franc¸ois Ier de Lorraine, 2e duc de Guise 613 Fre´de´ric II, roi de Prusse, dit le Grand 235 Froc de Laboulaye, Jean-Baptiste-Louis 211, 461 Fumeron d’Ardeuil, Maurice 172, 308 Gae¨te, voir Gaudin Ganilh, Charles 190, 231, 731–732 Gaudin, Martin-Michel-Charles, duc de Gae¨te 258, 261 Georges Ier, roi d’Angleterre 651

801

Girardin, Ce´cile-Stanislas-Xavier-Louis de 172, 193, 340, 543, 545, 547–548, 555, 643, 657–658, 665, 667, 670, 753 Goethe, Johann Wolfgang 8 Gouvion-Saint-Cyr, Laurent de 62, 64, 323, 514, 586, 589, 709–710 Goyet de la Sarthe, Charles-Louis-Franc¸ois 12, 70, 145, 161, 297, 323, 329, 365–367, 412, 561, 574, 583, 597, 717, 721 Gravier, Jean-Pierre 586–587 Gre´goire, Henri-Jean-Baptiste, dit l’abbe´ Gre´goire 10, 21, 76, 323, 325–327, 345, 348–349 Grossin de Bouville, Louis-Jacques 196 Guillaume III de Nassau, prince d’Orange, stathouder des Provinces Unies, puis roi d’Angleterre 622–623 Guizot, Franc¸ois-Pierre-Guillaume 18, 62–65, 68, 111–112, 131, 155, 157, 328, 625, 644 Guyon de Montlivault, Casimir 172 Hardouin, Julien-Pierre-Jean 718 Harmand d’Abancourt, Anne-E´tienne-Louis 172, 652 Hautefeuille, Charles Louis Fe´licite´ Texier d’ 533–543, 678 Henri III, roi de France 613 Henri IV, roi de France 539 Hocquet, e´diteur 94 Hoop, Adriaan van der 184 Hope, Henry 71, 183–185, 515, 517–518 Hottin, notaire a` Anizy-le-Chaˆteau 389 Hulin, M. 682 Humboldt, Alexander von 476 Imbert, receveur ge´ne´ral de l’administration des domaines 294 Jacques II, duc d’York, puis roi d’Angleterre 623 Jaucourt, Louis de, chevalier 156 Jordan, Camille 12, 18, 331, 339, 519, 633, 635, 639, 641, 642–643, 647, 657, 662–663 Josse-Beauvoir, Auguste-Guillaume 401 Ke´ratry, Auguste-Hilarion de 340, 453, 645, 665, 670 Koreff, David Ferdinand, me´decin 12

802

Discours a` la Chambre des de´pute´s, 1819–1820

La Bourdonnaye, Franc¸ois-Re´gis de 227, 352, 399, 402, 427, 545, 599, 602, 621, 635, 665 La Fayette, Adrienne de Noailles, marquise de 434 La Fayette, Marie-Joseph-Paul-Yves-RochGilbert du Motier de 18, 62, 75, 191–192, 331, 366, 434, 625–628, 658, 718 La Luzerne, Ce´sar-Guillaume de 586 Labbey de Pompie`res, Guillaume-Xavier 395, 625, 737, 739, 741–742 Laboulaye, voir Froc de Laboulaye Lacretelle, Pierre-Louis de, dit Lacretelle aıˆne´ 616 Laffitte, Jacques 187–188, 205, 339, 512–513, 538, 657, 664, 677, 743 Laine´, Joseph-Louis-Joaquim 19, 61, 64–65, 67, 94, 117, 123, 324, 327–330, 337, 345, 375, 450, 514, 520, 523–524, 541, 557–558, 579, 582–583, 597, 599–600, 603, 608, 620, 646, 664 Laisne´ de Ville´veˆque, Gabriel-Jacques 116, 119, 315, 642, 713–714 Lallemand, Nicolas 341, 647, 657, 661, 664, 673 Lallemand, pe`re du pre´ce´dent 657, 664 Lallement, Guillaume 25, 29, 579 Lameth, Alexandre-The´odore-Victor de 665 Lanjuinais, Jean-Denis 559 Latour-Maubourg, Marie-Charles-Ce´sar de Fay de 323, 514, 705, 709, 711 Lavalette, Antoine-Marie Chamans de 620 Le Priol, M. 669 Legraverend, Guillaume-Marie-Jean-Rene´ 333, 598, 600, 689 Leseigneur, Abraham-Thomas 340, 657–658, 665, 667, 670 Limairac, Charles-Antoine-Gabriel de 659 Lindsay, Anna 8 Lizot, Pierre-Jean-Charles-Florent 315, 373 Louis, Joseph-Dominique, baron 62, 76, 230, 249, 257, 306, 319, 514 Louis XV, roi de France 341 Louis XVI, roi de France 72, 162, 192–194, 198, 326, 348 Louis XVIII, roi de France, aussi LouisStanislas-Xavier de France, comte de Provence 9, 19, 72–75, 192, 194, 196, 238, 243, 282, 286, 324, 338, 346, 348, 404, 559, 564, 571, 606, 626, 651, 713, 747

Louvel, Louis-Pierre 405, 587 Louvet, Jean-Baptiste, dit de Couvray 469 Ludd, John 649 Mac-Carthy-Le´vignac, Robert-Joseph de 659, 675 Madier de Montjau, Joseph-Paulin 557–558, 560, 562, 566, 603, 618, 681 Maine de Biran, Pierre-Franc¸ois 325, 336, 447, 450, 533 Manuel, Jacques-Antoine 62, 110, 125, 164, 193, 207, 209, 221, 281, 326, 375, 379, 382, 393, 427–428, 441, 447, 503, 539, 541, 567, 569, 571, 574, 577–578, 580, 595, 631, 641, 644, 667, 683, 727 Marenholtz, Wilhelm Albrecht Christian von, premier mari de Charlotte de Hardenberg 7 Marie-Caroline de Bourbon-Siciles, duchesse de Berry 586 Marmont, Auguste-Fre´de´ric-Louis Viesse de, duc de Raguse, mare´chal 463 Martignac, Jean-Baptiste Sylve`re Gaye de 770, 776–777 Martin de Gray, Alexandre-Franc¸ois-Joseph 113, 606 Mauguin, Franc¸ois 94 Mauvillon, Jacob 7 Me´chin, Alexandre-Edme 381, 445–446, 581, 589, 652, 662, 677, 687, 689, 699, 703, 721, 729 Medicis, Catherine de, reine de France 613 Mestardier, Jacques 153, 357, 360, 362–363 Mirabeau, Honore´-Gabriel Riqueti de 745 Molie`re 161 Montfort de Nicolaı¨, comte de 366 Montcalm, Louis-Pierre-Marie-PaulinHippolyte-De´cadon, marquis de 724 Montesquieu, Charles-Louis de Secondat, baron de la Bre`de et de 439 Montmorency-Laval, Mathieu-Jean-Fe´licite´ de 358, 618 Moreau de la Rochette, Armand-Bernard 172 Mortarieu, Joseph Viale`tes de 340 Mounier, Claude-Philibert-E´douard 717 Mustapha Pacha, Dey d’Alger 751 Napole´on Ier 9, 63, 191, 193–194, 226, 282, 335, 408, 412, 436–437, 464, 468, 599, 606–607, 644, 650–652, 711, 723

Index des noms de personnes Naylies, The´odore-Marie de 25, 29 Necker, Jacques 213, 232, 254–255, 261, 264 Ney, Michel, duc d’Elchingen, prince de la Moskowa, mare´chal 620, 637 Nicolaı¨, voir Montfort de Nicolaı¨ Page`s, Jean-Pierre, dit Page`s de l’Arie`ge 12, 332 Pasquier, E´tienne-Denis 62, 75, 92, 113, 161, 195, 205, 289–290, 301, 315, 323, 326, 328, 336, 355, 357, 365–366, 375, 391, 403–404, 411, 425, 429, 437, 441, 446, 465, 467, 469, 475, 479, 481, 492–493, 499, 503, 514, 521, 523, 526–527, 535–536, 538, 545, 564, 571–572, 597, 605, 620, 627, 631, 645, 687, 689, 691, 711, 721, 727 Pasquier, Jules-Paul 161 Perier, Casimir Pierre 18, 70, 172, 180, 185–186, 188, 276, 392, 413, 453, 471, 481, 501, 512–513, 535, 538, 540–541, 547, 558, 663, 646, 657, 687, 699, 701, 703, 723 743, 749 Perreau du Magne´, Louis-Henri-Aime´ 644 Picot-Desormeaux, Marie-Jean-Charles 65, 74, 718, 753, 755 Ponsard, Louis-Joseph-Hyacinthe 75, 155, 191 Portal, Pierre-Barthe´lemy de 631 Portalis, Joseph-Marie 468 Poyfe´re´ de Ce`re, Jean-Marie de 432 Pradt, Dominique-Fre´de´ric de Riom de Paulhiac de Fourt de 495 Puymaurin, Jean-Pierre-Casimir Marcassus de 213, 417, 631, 674, 720 Raban, Louis 663 Rambuteau, Claude Barthelot de 657 Ramel, Jean-Pierre, ge´ne´ral 404 Ravez, Auguste-Simon-Hubert-Marie 61, 65, 133, 167, 275–276, 283–284, 386, 395–396, 417, 432, 441, 454, 457–459, 483–484, 487, 489, 505, 513, 525, 543, 549, 551, 569, 580, 582–583, 593, 595, 626, 637, 639, 642–645, 659, 665, 675–676, 681, 687, 721, 743 Re´camier, Jeanne-Franc¸oise-Julie-Ade´laı¨de, dite Juliette 8 Regnault, Wilfrid 9, 19, 94, 337 Re´musat, Jean-Pierre-Abel 62, 64, 67, 75, 117, 172, 340, 658, 660

803

Renusset, chevalier de 307 Reynaud, Jean, re´dacteur 94 Richelieu, Armand-Emmanuel de Vignerot du Plessis de 10, 61–62, 71, 161, 180, 195, 197, 220, 236, 282, 306, 324, 330, 467, 481, 489, 514, 555, 564, 589, 636, 644, 654–655, 709, 771, 773, 775, 777–778 Rivie`re, Jean-Louis 333, 369, 391, 405–407, 415, 425, 549 Robespierre, Maximilien de 156 Rodet, Claude-Louis 191, 209–213, 223 Roullet de la Bouillerie, Franc¸ois-Marie-Pierre 238, 308 Rousseau, Jean-Jacques 193, 425 Roy, Antoine 69, 188, 199, 257, 259, 262, 277, 292, 323, 351, 375, 382–383, 429, 492, 513–517, 521, 523, 527–530, 539, 541, 549, 551, 554, 564, 713–715, 719, 727, 731, 733 Royer-Collard, Pierre-Paul 64, 112, 117, 317, 319, 620, 625, 631, 642, 759–761, 763–765 Sainte-Aulaire, Louis-Clair Beaupoil de 226, 387, 547, 563, 565, 597, 733–734 Saint-Cricq, Pierre-Laurent-Barthe´lemy de 237, 253–258, 260–261, 264–272, 290, 296–297, 311, 529, 552–554, 741–742 Salaberry, Charles-Marie d’Irumbery de 612, 620, 637 Sapey, Jean-Baptiste 443, 483–484, 535, 538 Saulnier, Pierre-Dieudonne´-Louis 538, 557 Sauquaire-Souligne´, Martial 12 Savoye-Rollin, Jacques-Fortunat 160, 163, 325, 479 Schiller, Friedrich 8 Scott, Walter 623 Se´bastiani, Horace-Franc¸ois-Bastien, ge´ne´ral 547, 557–558, 603, 619, 705, 727 Se´guier, Nicolas-Maximilien-Sidoine, marquis de Saint-Brisson 172 Serre, Pierre-Franc¸ois-Hercule de 62, 64, 67, 73–75, 79, 84, 92, 109–110, 113, 117, 129, 131–132, 162, 170, 191, 193–195, 203, 219, 249, 280–283, 285–286, 310–313, 328, 331, 342, 373, 437, 492, 513, 558–559, 564, 600, 620, 625–630, 633, 643–644, 646, 648, 650, 652–654, 659–661, 666–667, 671, 675–677, 681–682, 685, 705–706, 738 Servius Tullius, roi le´gendaire 642, 652–653

804

Discours a` la Chambre des de´pute´s, 1819–1820

Sime´on, Joseph-Je´roˆme 330–331, 399, 437, 467, 543, 557, 571–572, 583, 591–592, 593, 597–598, 600, 615 Sirieys de Mayrinhac, Jean-Jacques-Fe´lix 579 Sivard de Beaulieu, Pierre-Louis-Antoine 657 Stae¨l, Auguste de 328 Stae¨l-Holstein, Anne-Louise-Germaine de 7–9 Sue´tone, historien romain 439 Sully, Maximilien de Be´thune de 539 Tacite 439 Talleyrand-Pe´rigord, Charles-Maurice de, prince de Be´ne´vent 347–348, 481, 607, 776 Talma, Julie 7–8 Tarquin l’Ancien, roi de Rome 653 Tarquin le Superbe, roi de Rome 653 Teisseire, Camille-Hyacinthe 340, 670 Ternaux, Louis-Guillaume 351, 453 Tibe`re, Tiberius Claudius Nero, empereur romain 439 Tisseron, maire de Montfort 366 Tite-Live, Titus Livius, historien romain 649, 653 Travot, Jean-Pierre, ge´ne´ral 422–423, 434–435 Travot, Ce´leste-Marie, ne´e Lelubois de Marcilly 422 Trestaillon voir Dupont

Trinquelague, Charles-Franc¸ois 195 Truphe´my 557 Tullus Hostilius, roi le´gendaire de Rome 653 Usquin, Philippe-Franc¸ois-Didier 675 Valeri, Giovanni 13 Vaublanc, Vincent-Marie Vie´not de 195, 197, 652 Verneilh-Puiraseau, Joseph de 453 Vieusseux, Giovan Pietro 13 Ville`le, Jean-Baptiste-Guillaume-Marie-AnneSe´raphin-Joseph de 67, 211, 221, 275–276, 339, 341, 401, 439, 480, 509, 513, 519, 606, 613, 620, 629, 633, 648, 651, 654–655, 658, 705, 719, 723 Vogüe´, Louis-Franc¸ois-Carles-Florimond de 618 Voltaire, Franc¸ois-Marie Arouet, dit 475 Voyer de Paulmy d’Argenson, Marc-Rene´Marie de 483, 602 Washington, George 434 Waters, Ferdinand-Marie-Louis de 172 Weldk, M. 663 Wendel, Franc¸ois-Charles de 619 Wieland, Christoph Martin 8