Une Societe Chretienne: Naples, Amalfi, Gaete Vie-xiie Siecle (Monographies du Centre de Recherche d'Histoire et Civilisation de Byzance College de France, 56) (French Edition) 9042948108, 9789042948105

Dans la seconde moitie du VIe siecle, les Lombards conquierent la majeure partie de l'Italie. Trois cites du littor

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French Pages 588 [597] Year 2022

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Remerciements
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE LES INSTITUTIONS RELIGIEUSES ET LEURS PARTICULARITÉS
Chapitre 1 DES STRUCTURES PALÉOCHRÉTIENNES
Chapitre 2 LES INFLUENCES
Chapitre 3 LE TEMPOREL DES ÉGLISES ET DES MONASTÈRES
DEUXIÈME PARTIE LE RÔLE STRUCTURANT DE L’ÉGLISE
Chapitre 1 LES CLERCS
Chapitre 2 LES MOINES
Chapitre 3 L’ENCADREMENT PASTORAL
TROISIÈME PARTIE LA VIE RELIGIEUSE DES FIDÈLES
Chapitre 1 CROYANTS ET MÉCRÉANTS
Chapitre 2 VIVRE EN CHRÉTIEN
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE
INDEX DES TOPONYMES ET DES LIEUX DE CULTE
INDEX DES NOMS DE PERSONNES ET DE PEUPLES
LISTE DES FIGURES
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Une Societe Chretienne: Naples, Amalfi, Gaete Vie-xiie Siecle (Monographies du Centre de Recherche d'Histoire et Civilisation de Byzance College de France, 56) (French Edition)
 9042948108, 9789042948105

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CCOOLLLLÈÈGGEE DDEE FFRRAANNCCEE – – CCNNRRS S CCEENNTTRREE DDE ERRE ECCHH EE RR CC HH E EDD ’ H’ H I SI TS O I RI E TO RE EETT CCIIVVI ILLI ISSAATTI IOONN DDEE BBYYZZAANNCCE E

MONOGRAPHIES MONOGRAPHIES56 56

UNE SOCIÉTÉ CHRÉTIENNE NAPLES, AMALFI, GAÈTE UNE SOCIÉTÉ CHRÉTIENNE (VIe-XIIe SIÈCLE) NAPLES, AMALFI, GAÈTE (VIe-XIIepar SIÈCLE) Éric Thoreau-Girault Éric Thoreau-Girault

PEETERS PEETERS

UNE SOCIÉTÉ CHRÉTIENNE NAPLES, AMALFI, GAÈTE (VIe-XIIe SIÈCLE)

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La collection des Monographies est dirigée par Vivien Prigent et Guillaume Saint-Guillain

Comité éditorial Jean-Claude Cheynet Vincent Déroche

Olivier Delouis Constantin Zuckerman

Ouvrage publié avec le soutien de l’UMR 8167 Orient & Méditerranée, et du Labex Resmed (ANR 10-LABX-0072)

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COL L ÈGE  DE  FR A NCE – CN R S CE NT R E  DE  R ECH E RCH E  D’H I STOI R E ET  CIV I L I SATI ON  DE  BYZA NCE

MONOGRAPHIES 56

UNE SOCIÉTÉ CHRÉTIENNE NAPLES, AMALFI, GAÈTE (VIe-XIIe SIÈCLE)

par

Éric Thoreau-Girault

PEETERS LEUVEN – PARIS – BRISTOL, CT

2022

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A catalogue record for this book is available from the Library of Congress. ©  2022 Peeters, Bondgenotenlaan 153, B-3000 Leuven ©  2022 Typographia Byzantina

ISBN  978-90-429-4810-5 eISBN 978-90-429-4811-2 ISSN 0751-0594 D/2022/0602/55

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Composition et infographie Artyom Ter-Markosyan Vardanyan

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Remerciements Cet ouvrage est la version remaniée d’une thèse de doctorat d’histoire soutenue à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne le 3 février 2012 devant un jury formé des professeurs François Bougard de l’Université Paris-Nanterre, Laurent Feller de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Véronique Gazeau de l’Université de Caen, Michel Kaplan de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Jean-Marie Martin directeur de thèse, directeur de recherche au CNRS et associé à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Michel Sot de l’Université Paris IV Sorbonne. Que tous trouvent ici l’expression de ma gratitude pour leurs remarques qui m’ont aidé à corriger et enrichir ce travail. Je tiens à exprimer mes remerciements à Jean-Marie Martin et à Sylvain Destephen dont l’aide, les conseils et les relectures, tout au long de ces années, m’ont permis de mener cet ouvrage à son terme. Ma gratitude va aussi à mes parents qui m’ont toujours apporté le soutien et les encouragements nécessaires et réconfortants. Enfin, ce travail n’aurait pu être publié sans l’aide de Vivien Prigent et de Guillaume Saint-Guillain. Je n’oublie pas tous les amis qui m’ont encouragé ou fourni renseignements et conseils utiles. Ils ont constitué l’environnement indispensable à l’achèvement de cette longue entreprise.

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INTRODUCTION

Le cadre géographique Au départ de Rome, la uia Appia, orientée au sud-sud-est, traverse sans encombre le Latium méridional, gravit les flancs des Monts Albains puis file tout droit à travers les marais pontins. La route antique rencontre alors le premier obstacle physique majeur avec le massif des Monti Ausoni, qui la contraint à s’orienter vers la mer Tyrrhénienne atteinte à Terracine. La côte permet de communiquer avec la petite plaine de Fondi, confinée entre les Monti Ausoni et les Monti Aurunci. Après la plage de Sperlonga, il faut à nouveau suivre le littoral sur une quinzaine de kilomètres pour atteindre Gaète, dernier promontoire rocheux dominant le golfe du même nom. À partir de Gaète, la montagne recule progressivement au profit de la plaine, encore étroite à Formies, bien plus épanouie à Minturnes, à proximité de l’embouchure du Garigliano, fleuve né de la confluence du Gari et du Liri. Le Garigliano forme actuellement la frontière entre le Latium et la Campanie. La délimitation entre les deux régions a connu de nombreuses modifications au cours du temps au point qu’il est difficile de distinguer avec précision le début de la Campanie de la fin du Latium (voir figure 1)1. La Campania felix, la plaine campanienne, commence au-delà du Monte Massico, dernière hauteur (813 m) avant les faibles altitudes qui caractérisent l’essentiel de la région autour de Naples. La uia Appia franchit cet obstacle à Suessa Aurunca pour se diriger vers Capoue puis Bénévent. La voie antique évite ainsi Naples et son golfe, desservis par la uia Domitiana qui se sépare de la uia Appia à Minturnes pour longer le littoral campanien jusqu’à Naples. Aujourd’hui très urbanisée, la région de Naples se distingue de la plaine alentour par un relief accidenté, en grande partie issu du volcanisme. En montant sur les hauteurs de la ville, notamment sur le Vomero qui domine le pôle urbain ancien, le cadre géographique de l’ensemble de la région se découvre de façon spectaculaire. Au nord et à l’est, les limites montagneuses de la plaine campanienne se dessinent au loin, premiers éléments des Apennins napolitains. Ils constituent, durant le haut Moyen Âge, le territoire lombard qui déborde sur la plaine puisque Capoue (actuelle S.  Maria Capua Vetere) et Nola sont conquises.

1.  Thomsen, The Italic regions, p. 70 : après la division de l’Italie en régions sous Auguste, il n’existe plus de distinction claire entre la Campanie et le Latium puisque les deux appartiennent à la Ire Région. Chastagnol, « L’administration du diocèse italien », p. 348-379, ici p. 362 : aux ive-ve siècles, la province de Campanie englobe le Latium, à l’exception de Rome et d’Ostie.

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UNE SOCIÉTÉ CHRÉTIENNE : NAPLES, AMALFI, GAÈTE

3000 m 2000 m 1500 m 1000 m 500 m 200 m 100 m 0m

G ari

abbaye du Mont Cassin Liri MONTI AURUNCI

o

n Gariglia

MONTI AUSONI

Terracine

Formies Minturnes Sperlonga Gaète

Bénévent

MONTE MASSICO

e

Capoue

rn ltu Vo

Aversa mer Tyrrhénienne Cumes Misène Procida

Nola

Naples VÉSUVE

Pouzzoles

r no

Sa

Salerne Amalfi

Ischia Sorrente 0

25 km

Capri F. TEISSIER et S. DESTEPHEN del.

Fig. 1 – Le cadre géographique campanien. À l’ouest, une fois passé le Pausilippe, désormais quartier de Naples, les Champs Phlégréens barrent le golfe de Pouzzoles, délimité par le cap Misène puis les îles de Procida et d’Ischia. Au sud-est se détache la forme singulière du Vésuve. Entre le vie et le xiie siècle, le volcan entre plusieurs fois en éruption, modifiant son espace géogra­ phique proche. Après la plaine du Sarno, où se trouve la localité de Pompéi, enfouie sous les cendres volcaniques jusqu’au xviiie  siècle, la péninsule de Sorrente s’avance dans la mer, fermant le golfe de Naples avec l’île de Capri dans son prolongement. La côte amalfitaine s’étend au sud de la péninsule sorrentine et, de ce fait, se trouve isolée du reste de la région, davantage ouverte sur le golfe de Salerne. La cohérence géographique de la région dépend surtout de la mer qui associe ces espaces terrestres distincts les uns des autres, mais seule l’histoire confère une véritable unité à l’espace étudié.

INTRODUCTION

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Le cadre historique L’histoire médiévale de la Campanie commence et se termine dans l’unité2. Entre le vie et le xiie siècle, les divisions et les conflits caractérisent pourtant la région. Occupée par divers peuples italiques, colonisée à sa périphérie par les Grecs, la Campanie est annexée par Rome à l’issue des guerres samnites (fin du iiie siècle avant J.-C.) et suit dès lors le destin de la République et de l’Empire romains. Les Barbares sonnent le glas de la pax Romana, mais ne remettent pas en cause l’appartenance de la Campanie à l’Italie, même sous la domination gothique, a fortiori après la difficile reconquête de Justinien. Entrés en Italie du Nord en 569, les Lombards occupent le sud de la péninsule en deux ou trois ans. À la différence des précédentes invasions, celle des Lombards a pour conséquence la destruction définitive de l’ordre ancien avec la réduction et le morcellement des possessions impériales. Sur le littoral au sud de Rome, seuls Naples et son territoire résistent à la poussée lombarde grâce au maintien de garnisons placées par l’exarque de Ravenne mais surtout aux milices napolitaines, qui jouent un rôle central dans la défense de la ville durant le haut Moyen Âge3. Naples conserve son autonomie face aux Lombards dont la volonté d’expansion s’affirme pendant plus de deux siècles. Le duché de Naples, tel qu’il se stabilise après l’invasion lombarde, s’étend de l’embouchure du Clanio et du lac de Patria jusqu’à Amalfi4. Les petites villes de Cumes, Pouzzoles et Sorrente sont sous la dépendance du duc de Naples et gouvernées par ses agents. Sous l’autorité des empereurs byzantins et du stratège de Sicile, les ducs acquièrent progressivement une autonomie de fait, devenue effective dès le début du viiie siècle5. Amalfi et Gaète sont également comprises dans le duché de Naples et reconnaissent, en théorie, l’autorité du duc6. Le territoire intérieur est plus difficile à délimiter, la notion de frontière demeurant incertaine, voire anachronique. Les possessions lombardes et napolitaines sont imbriquées comme l’illustre la Liburie, objet d’âpres luttes au cours des siècles (voir figure 2). Le ixe siècle est une période de changements dans la région. Les Arabes s’installent durablement en Méditerranée occidentale

2.  Pour le cadre historique général de la Campanie, voir Storia del Mezzogiorno, vol. III, éd. Galasso et Romeo ; Storia e civiltà della Campania, vol. II, éd. Pugliese Caratelli. 3.  Sur l’évolution militaire de Naples et de la Campanie à partir de Grégoire le Grand, voir Martin, Guerre, accords et frontières. 4.  Sur Naples durant le haut Moyen Âge, voir Schipa, « Il ducato di Napoli » ; également Storia di Napoli, vol. II. 5.  D’après des sceaux des viiie-ixe siècles, le dux Campaniae devient le dux Neapoleos au moment du séjour de l’empereur Constant II en Italie du Sud. 6.  Gaète se retrouve définitivement isolée de Naples après la conquête de la bouche du Garigliano par les Lombards de Bénévent, à la fin du viie siècle.

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Patrimoine de Saint-Pierre

abbaye du Mont Cassin

principauté de Bénévent duché de Gaète Gaète

principauté de Capoue Bénévent Capoue

Liburie mer Tyrrhénienne

duché de Naples Naples abbaye de Cava

duché de Sorrente Ischia 0

Sorrente

25 km Capri

Salerne Amalfi

principauté de Salerne

duché d’Amalfi S. DESTEPHEN del.

Fig. 2 – Les duchés tyrrhéniens et les principautés lombardes autour de l’an mil. avec la conquête de la Sicile. En 812, l’île d’Ischia est pillée. Malgré leur défaite du Garigliano, en 915, les Sarrasins continuent de faire peser une menace sur le littoral tyrrhénien. À la même époque, des dynasties se mettent en place dans les duchés tyrrhéniens et prennent en main leur défense et leur diplomatie. À Naples, Serge Ier (840-864) établit une dynastie durable à la tête de la cité7. Gaète, Amalfi et finalement Sorrente (au xie siècle) deviennent indépendantes de Naples. Des ducs de Gaète se succèdent dans la même famille entre la fin du ixe et le début du xie siècle8. À Amalfi, Manso Ier (892-908) établit une dynastie, qui règne sur la cité jusqu’au milieu du xe siècle9. En 849, la diuisio principatus sanctionne, sous l’arbitrage de l’empereur Louis II, la sécession de Salerne de la principauté de Bénévent. Salerne, qui contrôle aussi Capoue, devient la puissance lombarde dominante de la région, alors que Bénévent s’enfonce dans une crise politique et économique10. La réorganisation administra­ 7.  La famille demeure, malgré des interruptions, à la tête de la cité jusqu’au début du xiie siècle. 8.  Pour une histoire de Gaète au haut Moyen Âge, la meilleure synthèse reste Merores, Gaeta.

Voir aussi Skinner, Family power in southern Italy. 9.  Pour la synthèse la plus complète sur Amalfi durant le haut Moyen Âge, voir Schwarz, Amalfi im frühen Mittelalter. 10.  La réunification des territoires lombards sous Paldolf Ier « Tête de Fer » (961-981) ne survit pas au prince de Bénévent.

INTRODUCTION

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tive et militaire des territoires byzantins en Italie méridionale à la fin du ixe  siècle, avec la fondation du thème de Longobardie, n’affecte pas les équilibres géopolitiques en Campanie. En revanche, l’arrivée des Normands a des conséquences importantes. Apparus à la fin du xe siècle, peut-être à l’occasion d’un retour de Terre sainte, les Normands s’emploient comme mercenaires à Salerne, puis chez les souverains voisins, au point de se rendre vite indispensables. En 1029, le duc de Naples leur accorde la forteresse d’Aversa, située aux confins de son duché. Rainulf  Ier, premier comte normand d’Aversa, conclut des alliances matrimoniales avec les dynasties locales. D’autres Normands mènent campagne contre les Byzantins, plus au sud. Au milieu du xe siècle, l’emprise normande sur la région se renforce quand Richard Quarrel, comte d’Aversa, s’empare de la principauté de Capoue, poussant Bénévent à se placer sous la protection du pape, en 1051. La défaite à Civitate de la coalition réunie par Léon IX face aux Normands de Robert Guiscard et Richard d’Aversa conduit la papauté à changer de stratégie. En 1059, le pape Nicolas II investit Robert Guiscard du duché de Pouille et de Calabre en échange de sa fidélité. Alors que Robert Guiscard prend en 1071 Bari, dernière possession byzantine en Italie, Richard d’Aversa s’empare de Capoue et de Gaète en 1062. La seconde moitié du xie siècle voit l’avancée inexorable des Normands en Italie du Sud. Après la prise de Palerme en 1071, Amalfi se soumet en 1073 à Robert Guiscard. Sa mort et les problèmes de ses successeurs accordent un répit à Naples mais la réunion des possessions normandes d’Italie méridionale et de Sicile entre les mains de Roger II, au début du xiie siècle, restaure l’autorité du souverain face à ses barons. En 1137, il prend Sorrente et, en 1139, reçoit la reddition de Naples. Le dernier duché indépendant d’Italie du Sud disparaît.

Un aperçu des sources Le corpus des principales sources étudiées peut se répartir en quatre catégories : une correspondance pontificale, celle de Grégoire le Grand, une chronique des évêques, les Gesta episcoporum Neapolitanorum, des Vies et des Translations de saints locaux, enfin des actes notariés conservés pour Naples, Gaète et Amalfi. La correspondance de Grégoire le Grand (590-604) est composée de 854  lettres rédigées par les notaires de la chancellerie pontificale. Certaines ont été dictées par le pape lui-même ou un secrétaire, selon leur nature et leur contenu. En général, le pape délègue à son conseiller les lettres traitant des affaires administratives alors qu’il intervient en personne pour les questions d’ordre spirituel ou les querelles entre ecclésiastiques. Il n’existe cependant aucun « domaine réservé » et l’on retrouve le style personnel de Grégoire le Grand dans des lettres administratives11. Les lettres usent de la 11.  Norberg, « Style personnel et style administratif », p. 490-495.

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même formulation, sinon de la même structure : un préambule exprimant une réflexion générale, l’exposé du sujet, enfin les dispositions du pape12. Les sujets traités dans la correspondance sont d’une très grande variété, des problèmes politiques, en particulier la lutte contre l’envahisseur lombard, à l’administration du patrimoine foncier romain en Italie, du gouvernement de l’Église aux questions de foi. Les correspondants du pape sont également fort nombreux. Il s’agit d’abord d’évêques, les premiers destinataires des lettres de Grégoire le Grand, à la fois en Orient comme les quatre patriarches et en Occident. Les recteurs du Patrimoine, gestionnaires des immenses domaines fonciers de l’Église de Rome en Italie constituent les autres destinataires privilégiés par la correspondance. On trouve ensuite, par ordre de fréquence, des représentants personnels envoyés en mission, des abbés et des moines, enfin des laïcs, en particulier les responsables politiques et militaires13. Jusqu’au ixe siècle, le corpus des lettres est conservé au Latran. Jean Diacre, de Rome, rédacteur de la Vie de Grégoire le Grand, renvoie aux quatorze volumes de papyrus réunis par indiction14. Il ne s’agit déjà que d’une sélection de lettres, l’essentiel n’ayant pas été conservé par la chancellerie romaine. Avant la disparition du corpus original, des copies ont été réalisées, de manière partielle par Bède le Vénérable au viie  siècle, et de manière plus complète par des collections épistolaires constituées au viiie siècle15. À partir du xve siècle, des éditions sont réalisées sur la base de ces collections. La Patrologia Latina reproduit l’édition des mauristes, du début du xviiie siècle, et reprend la division des lettres en 14 volumes. Entre 1891 et 1899, les philologues allemands Paul Ewald et Ludwig Hartmann éditent le Registre dans la collection des Monumenta Germaniae Historica16. Enfin, en 1982, le philologue suédois Dag Norberg publie une nouvelle édition scientifique qui a fait date17. La Campanie occupe une place de choix dans la correspondance de Grégoire le Grand : sur les 854 lettres conservées, 95 la concernent, ce qui la place au second rang des régions les plus documentées, après la Sicile. Le Registre des lettres constitue une

12.  Ibid., p. 490 : il s’agit de formules depuis longtemps en usage dans la chancellerie pontificale. 13.  Pour plus de précisions, voir Grégoire le Grand, Registre, trad. Minard et Reydellet,

p. 7-42. 14.  Jean Diacre, Vie de saint Grégoire le Grand, col. 62 C-D. Il n’est pas certain que Jean Diacre ait eu accès au corpus des quatorze volumes de papyrus. Dans sa Vie, l’auteur fait seulement référence à des lettres rassemblées par Bède le Vénérable, Paul Diacre ou Hadrien Ier. 15.  Sur la transmission du registre des lettres et l’état de la collection, voir l’introduction de S. Gregorii Magni Registrum, éd. Norberg, p. v-vii ; de manière plus détaillée, Pitz, Papstreskripte im frühen Mittelalter, p. 33-37. 16.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann. 17.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Norberg. Les éditeurs des MGH et Dag Norberg fournissent les deux éditions de référence, raison pour laquelle les notes y renvoient systématiquement. La numérotation des lettres est souvent identique, auquel cas seule l’édition des MGH est indiquée.

INTRODUCTION

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source inestimable pour connaître l’histoire, religieuse en particulier, de la Campanie à la fin de l’Antiquité, car il éclaire d’une lumière incomparable une époque et une région pauvres en sources écrites. Pour preuve, à la disparition de Grégoire le Grand, la plupart des contrées évoquées par le pape, dont la Campanie, disparaissent presque de l’histoire durant plusieurs siècles18. Deux cents ans après Grégoire le Grand, les Gesta episcoporum Neapolitanorum éclairent à nouveau l’Église de Naples. Il s’agit d’une source particulière, qui puise son inspiration dans le Liber Pontificalis romain, lui-même ébauché dès le iie  siècle avec des fastes épiscopaux et des indications chronologiques, parfois des détails historiques19. Repris au vie siècle, les fastes se présentent comme une série de notices biographiques des papes romains depuis la fondation de l’Église romaine par saint Pierre. Le Liber Pontificalis est continué par des mains successives et, après une éclipse à la fin du ixe siècle, la rédaction se perpétue jusqu’au pape Martin V, en 1431. L’influence du Liber Pontificalis est considérable sur la littérature historique médiévale et chaque bibliothèque épiscopale se doit d’en posséder un exemplaire20. Cependant la diffusion du modèle pontifical est lente. C’est à partir de l’avènement des Carolingiens, au milieu du viiie  siècle, que le livre commence à se répandre et à susciter des imitations avec les Gesta episcoporum21. Les Gesta sont « un genre littéraire narratif constitué de séries de notices consacrées aux évêques successifs d’une cité ou aux abbés successifs d’un monastère »22. Il existe des Gesta episcoporum, sanctorum ou abbatum. Une vingtaine de Gesta episcoporum sont connus. Ce petit nombre s’explique par le contexte spécifique de leur rédaction, à l’occasion de réformes ou d’affirmation du pouvoir des prélats qui les commandent23. L’Italie constitue un domaine particulier pour la rédaction des Gesta episcoporum. La péninsule subit beaucoup plus l’influence de Rome que le reste de l’Occident carolingien. Deux Gesta sont conservés, ceux de Ravenne, rédigés par Agnellus vers 831-846, et ceux de Naples, commencés vers 800. La bibliothèque de l’évêché de Naples, citée dans les Gesta, devait posséder un ou plusieurs exemplaires du Liber Pontificalis romain. Sur ce modèle, les évêques de Naples entreprennent, au début du ixe siècle, la rédaction des Gestes de leurs prédécesseurs.

18. Les éditeurs des Regesti dei documenti dell’Italia meridionale, éd. Martin, Cuozzo, Gasparri et Villani ont effectué la compilation des sources disponibles entre la fin du vie et le ixe siècle. 19.  Voir l’introduction de Liber Pontificalis, éd. Duchesne. 20.  Louis Duchesne compare cette influence sur la littérature historique du Moyen Âge à celle de la papauté sur le monde politique. 21.  Sot, Gesta Episcoporum, p. 33 et carte p. 41. 22.  Ibid., p. 13. 23.  Ibid., p. 39.

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UNE SOCIÉTÉ CHRÉTIENNE : NAPLES, AMALFI, GAÈTE

La référence au modèle romain se traduit par une économie empruntée au Liber Pontificalis : une série de notices individuelles de prélats disposées dans un ordre chronologique, et enrichies de mentions concernant leur participation à la construction de lieux de culte ou leurs dons faits à l’Église. La chronologie est le plus souvent associée à celle des papes et des empereurs. Cette forme est adoptée par la première partie des Gesta episcoporum Neapolitanorum qui, de ce fait, constitue un exemple de Gesta primitifs. Cette première partie tire vraisemblablement ses informations d’une liste d’évêques compilée à partir du milieu du vie siècle24. Les premiers évêques font l’objet d’une notice très brève. À partir du sixième évêque de la liste, Agrippinus, des références topographiques apparaissent25. Les rédacteurs des Gesta sollicitent alors des sources complémentaires : des listes d’évêques bien sûr, mais également le Liber Pontificalis, Grégoire le Grand, Jérôme ou Paul Diacre, le plus souvent copiés ou peu modifiés. L’essentiel du travail du premier rédacteur a consisté à établir la chronologie des évêques de son Église. Une distinction s’opère entre la première et la deuxième partie des Gesta dont l’auteur est connu, Jean Diacre, de Naples. Cette continuation s’étale sur une période assez brève, entre 763 et 872, et les notices sont beaucoup plus détaillées que les précédentes. L’histoire générale cède la place à une histoire locale dans laquelle se développe l’action des prélats. Pour les six évêques alors sur le trône épiscopal de Naples, le rédacteur reprend les caractéristiques de la première partie et détaille leurs réalisations monumentales. Les informations personnelles tiennent une place très grande avec des indications sur leur inhumation et la translation de leurs reliques, mais aussi sur leur direction de l’Église, leur consécration et leur élection avec les difficultés qu’elles peuvent rencontrer : les Gesta se transforment en chronique avec Jean Diacre26. Les Gesta episcoporum Neapolitanorum connaissent une seconde continuation du sous-diacre Pierre, à partir de l’évêque Athanase II (876-898), mais la majeure partie a disparu. Les dates de rédaction de chaque partie sont assez difficiles à déterminer avec précision, surtout pour la première qui s’achève avec la notice de l’évêque Calvus, mort en 762. Sa rédaction commence après cet évêque27.

24.  Achelis, Die Bischofchronik von Neapel, p. 76. Les notes étaient rassemblées pour chaque évêque par une main contemporaine. C’est de cette base que le premier rédacteur de la chronique des évêques de Naples s’est servi pour composer sa partie. 25.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, p. 398-436, p. 404. Le rédacteur ne devait pas disposer de beaucoup de sources pour les premiers évêques de Naples et les rattache à des éléments topographiques qui lui sont contemporains (la translation de leurs dépouilles dans la basilique Stephania ou la tradition qui leur attribue la construction d’un édifice religieux). 26.  Achelis, Die Bischofchronik, p. 80. 27.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, p. 398, penche pour la fin du viiie ou le tout début du ixe  siècle ; Achelis, Die Bischofchronik, p. 1 et 79-80, situe la première partie vers 800 ; mais Mallardo, « Giovanni diacono napoletano », p. 317, la fixe vers 850. Les mentions des sépul-

INTRODUCTION

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La seconde partie, composée par Jean Diacre, se clôt par la mort d’Athanase Ier, en 872. D. Mallardo date sa rédaction avant 90628. Enfin, la troisième partie a été rédigée dans la première moitié du xe  siècle, sans qu’il soit possible de préciser la date. Les com­ man­di­taires des Gesta sont probablement l’évêque Jean  IV le Scribe (vers 842-849) pour la première partie, Étienne  III (898-906) pour la deuxième partie rédigée par Jean Diacre, enfin Athanase III pour la dernière partie29. Les Gesta mettent en valeur la sainteté de la lignée épiscopale napolitaine et les actions remarquables des évêques30. Ils ont aussi pour vocation d’être entendus et lus, non seulement par le clergé mais aussi par l’ensemble de la population31. Leur lecture fortifie la piété des fidèles ainsi que leur fierté et leur confiance dans la grandeur de leur Église magnifiée dans les Gesta. Ces derniers livrent un témoignage original, précis et fiable sur l’Église de Naples durant le haut Moyen Âge. Cette chronique épiscopale est conservée dans un seul manuscrit de la bibliothèque vaticane32. Deux éditions ont été réalisées au xixe siècle, la première par le philologue allemand Georg Waitz en 1878, la seconde par l’érudit napolitain Bartolommeo Capasso en 188133. Une Vie et des Translations complètent la chronique des évêques de Naples34. Textes composés à la même époque que les Gesta, ils participent de la construction d’une Sancta Ecclesia Neapolitana voulue par ses évêques. La Vie d’Athanase enrichit la notice consacrée à Athanase  Ier dans les Gesta. G.  Waitz en a établi l’édition35. La Translation d’Athanase prolonge la Vie du saint, reprend des épisodes de son action, et relate le transfert de sa dépouille du Mont-Cassin, où il est mort, à Naples, puis les miracles survenus sur son tombeau, preuves de sa sainteté. La version la plus complète de la Translation d’Athanase figure dans les Acta Sanctorum36. Les deux textes sont

tures des évêques dans la basilique Stephania laisserait effectivement penser que la rédaction a eu lieu après leur translation par l’évêque Jean IV (vers 842-849). 28.  Mallardo, « Giovanni diacono napoletano. La continuazione », p. 325-327. 29.  Ibid. ; Achelis, Die Bischofchronik, p. 77-79. 30.  Voir la synthèse de Bertolini, « La serie episcopale napoletana », p. 349-440. 31.  Sot, Gesta Episcoporum, p. 44-45. 32.  Sur la transmission du manuscrit et ses copies voir Achelis, Die Bischofchronik, p. 2-6. 33.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, p. 398-436 ; Chronicon episcoporum S. Neapoli­ tanae Ecclesiae, éd. Capasso, p. 155-221. Ce dernier utilise l’édition de G. Waitz que nous avons privilégiée. 34.  Seuls sont mentionnés les textes hagiographiques faisant l’objet d’une étude approfondie. Pour les autres Vies et Translations citées dans les différents chapitres, se reporter à la bibliographie en fin de volume. 35.  Vie d’Athanase de Naples, éd. Waitz, p. 439-449. 36.  Translation de saint Athanase, p. 84-89 ; Translation de saint Athanase, éd. Waitz, p. 449-452.

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attribués à Guarimpotus, hagiographe napolitain contemporain de l’évêque Athanase II (876-898)37. Parmi les autres Translations, deux ont été composées par Jean Diacre, rédacteur de la deuxième partie des Gesta : la Translation de saint Séverin et celle de saint Sossius38. Elles célèbrent le transfert à Naples, au début du xe siècle, des reliques du saint du Norique depuis le castrum Lucullanum et celles d’un compagnon de saint Janvier depuis Misène. Dans la continuité des Gesta, ces textes hagiographiques célèbrent l’Église de Naples et ses évêques. Le dernier type de sources, constitué par les actes notariés, diffère des précédents, car il n’est pas directement issu d’une institution ecclésiastique comme le Registre des lettres de Grégoire le Grand ou les textes hagiographiques auxquels se rattachent les Gesta. Il s’agit en outre de la seule documentation éclairant les trois duchés tyrrhéniens, Naples, Gaète et Amalfi39. À Naples, les actes notariés sont issus des archives des « monasteri soppressi ». Ce terme désigne les établissements religieux du royaume de Naples supprimés après le concordat de 1818 entre le Saint-Siège et le royaume des Deux-Siciles, qui réorganise les Églises de l’Italie méridionale à l’issue des guerres napoléoniennes. Les fonds documentaires de ces monastères sont alors versés à Naples au Grande Archivio du royaume, devenu Archivio di Stato. La destruction des archives en 1943 entraîne la disparition des originaux40. Par chance, une partie des archives des « monasteri soppressi » a fait l’objet de plusieurs éditions scientifiques au xixe siècle. La première, entreprise dans les Regii Neapolitani Archivi Monumenta (RNAM), publiée à Naples entre 1845 et 1861, comprend 6  volumes totalisant 669 actes datés de 703/748 à 113041. L’essentiel se situe cependant entre le xe et le xiie siècle42. Une deuxième édition a été réalisée par B. Capasso dans deux volumes des Monumenta ad Neapolitani ducatus historiam pertinentia (MND). Outre des actes issus des RNAM, ce recueil, qui comprend les regestes d’actes issus de monastères de la ville (Saint-Sébastien, Saint-Marcellin, Saint-Grégoire) ainsi que des diplômes

37. Voir Devos, « L’œuvre de Guarimpotus », p. 151-187. 38.  Jean Diacre, Translation de saint Séverin, éd. Waitz, p. 452-459 ; Jean Diacre, Translation

de saint Sossius, éd. Waitz, p. 459-463. 39.  Pour une analyse de cette documentation, voir la synthèse de Martin, « Les documents de Naples, Amalfi, Gaète », p. 51-85. 40.  Plus de 50 000 documents ont disparu durant la Seconde Guerre mondiale. Outre les manuscrits des « monasterii soppressi » (datés entre le viiie et le xixe siècle), il s’agit, pour le haut Moyen Âge, des manuscrits grecs (1054-1450), de ceux de la curie de l’Église de Naples (985-1774), enfin de documents provenant d’institutions religieuses ou profanes (xe-xviiie  siècle). Voir Palmieri, Degli archivi napoletani, p. 257-270. 41. Voir RNAM. 42.  Il se répartissent entre 261 actes du xe siècle, 255 du xie siècle et 121 du xiie siècle. Certains actes sont impossibles à dater.

INTRODUCTION

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des ducs de Naples, totalise 690 documents datés de 912 à 113943. Un second volume comprend notamment 47 chartes et diplômes établis par les ducs entre 907 et 1137 et 40 inscriptions, surtout funéraires, provenant de Naples et de sa région et gravées entre le viie et le xiie siècle44. La plupart des archives du duché de Gaète ont en revanche disparu. L’essentiel de la documentation disponible a été réunie par les moines du Mont-Cassin qui conserve 648 actes intéressant cette cité. Commencée au xviiie siècle par E. Gattola, archiviste du monastère, la collecte des actes de Gaète a bénéficié d’une édition scientifique, sous la forme de deux volumes publiés par le Mont-Cassin en 1887 et 1891, rassemblant 425 actes dont 333 entre le début du ixe et le début du xiie siècle45. L’intérêt de cette collection est de fournir, à la différence de Naples, des actes issus surtout des archives de la cathédrale et du duché de Gaète, aujourd’hui disparues. La documentation amalfitaine a bénéficié de publications récentes, renouvelant celle déjà ancienne éditée par Filangieri di Candida dans la première moitié du xxe siècle. La plupart des actes antérieurs au xiie siècle figurent dans le Codice Perris, constitué surtout d’archives du monastère Saint-Laurent d’Amalfi et qui fournit 130 documents compris entre 939 et 113846. Les actes de la pratique sont, pour l’essentiel, des contrats fonciers portant sur des ventes, des échanges, ou des donations parfois réalisées par testament. Ces sources, d’un abord difficile et d’une lecture monotone, fournissent peu d’informations originales et développées. Cependant, elles offrent l’opportunité non seulement de saisir une période absente de la correspondance pontificale et des sources hagiographiques, mais encore de dévoiler avec un détail exceptionnel différents aspects de la vie quotidienne d’individus souvent exclus ou simples spectateurs dans les autres sources médiévales. De fait, le corpus documentaire sur lequel s’appuie ce livre, de la correspondance de Grégoire le Grand aux Gesta et aux actes des xe-xiie siècles, forme un ensemble contrasté, mais dont la réunion et l’étendue chronologique fournissent un substrat assez riche pour étudier la vie religieuse des sociétés campanienne entre Antiquité tardive et haut Moyen Âge.

43.  MND, p. 16-441. 44.  Ibid., vol. II/2, p. 1-111 (diplômes et chartes des ducs de Naples) et p. 215-242 (inscriptions). 45. Voir CDC. 46.  CP ; voir également Schwarz, « Regesta Amalfitana ».

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Les axes de recherche Le propos de ce livre est de retracer l’histoire et les structures des institutions ecclésiales étudiées dans la longue durée, depuis l’Antiquité tardive jusqu’au Moyen Âge. Cette étude concerne aussi la société dans ses interactions avec le fait religieux dans une région traversée par des influences multiples et contradictoires qui lui confèrent un caractère particulier. Les sociétés anciennes sont marquées par le changement dans la permanence. À la fin du vie  siècle, la permanence réside encore, pour bon nombre de contemporains, dans l’idée d’empire, même si l’autorité impériale s’est depuis longtemps déplacée à Constantinople. Grégoire le Grand illustre l’esprit du temps : s’il jette les bases de la spiritualité médiévale, il pense et agit en homme de l’Antiquité. Sa clairvoyance l’amène cependant à constater la disparition de son monde. La Campanie constitue, sur ce point, un cas d’étude exemplaire. La densité de ses liens avec Rome se manifeste dans la correspondance de Grégoire le Grand et permet de dresser, dans une première partie, un état des lieux religieux d’une Église établie depuis plusieurs siècles, d’une société romanisée et christianisée en profondeur, et d’un monachisme dense et dynamique. Mais l’arrivée des Lombards entraîne un bouleversement politique et économique de l’Italie plus grave que les précédentes invasions barbares. Elle a pour corollaire la ruine de régions entières, le déplacement de populations, la disparition de territoires et de cités jusqu’alors sous contrôle impérial. Les conséquences religieuses sont également déterminantes car avec les cités disparaissent des évêchés : la géographie ecclésiastique de la région se modifie en même temps que la géographie politique et l’Église doit affronter des problèmes parfois insurmontables. L’unité politique de la Campanie disparaît à la fin du vie siècle. Désormais l’arrièrepays appartient aux Lombards tandis que le littoral échappe en grande partie à leur contrôle. Cette scission historique entraîne aussi une rupture religieuse qui perdure durant le haut Moyen Âge. Ayant conservé des structures en partie héritées de l’Antiquité tardive, les territoires qui constituent dorénavant les duchés tyrrhéniens sont marqués par un conservatisme plus prononcé que leurs voisins qui s’illustre par un attachement des populations à leur passé et leurs traditions, et se manifeste en particulier à Naples où l’hellénisme constitue une originalité culturelle entretenue pendant des siècles, même dans la vie religieuse. Le lien avec Rome reste toutefois beaucoup plus fort, mais la stabilisation et la christianisation des Lombards réduisent le particularisme institutionnel des régions littorales. Au fil du temps, les échanges se développent avec les Lombards, malgré la persistance de différences notables. Les mutations socioéconomiques, attestées dès le vie  siècle et amorcées hors de Campanie, touchent la région, certes de manière plus lente, mais aboutissent, là aussi, à une redistribution de la propriété foncière non seulement laïque mais encore ecclésiastique.

INTRODUCTION

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Au sein du clergé et du monde monastique, dont l’étude est abordée dans une deuxième partie, les évolutions sont toutefois plus difficiles à percevoir en raison de la nature des sources. Seuls les actes de la pratique, entre le xe et le xiie siècle, accordent une place aux clercs et aux moines. Dans la correspondance de Grégoire le Grand ou dans les sources épiscopales et hagiographiques du ixe siècle, ils ne sont souvent que des anonymes relégués au second plan par leurs évêques ou leurs abbés engagés dans la préservation et la perpétuation des institutions religieuses. Ce conservatisme affiché traduit le souci de l’Église de former, dans le discours, une institution immuable. Cette considération détermine déjà l’action de Grégoire le Grand. Malgré les perma­ nences revendiquées, des transformations profondes ont lieu : la géographie des évêchés, inchangée depuis Grégoire le Grand, se modifie au tournant de l’an mil, car les enjeux politiques et sociaux influencent et transforment les structures religieuses. Dès l’Antiquité, la condition monastique affirme sa singularité. Son originalité visà-vis des laïcs mais surtout des clercs s’affirme, voire se renforce jusqu’au xiie  siècle, puisque c’est dans le monde monastique que les mutations sont peut-être les plus visibles. Le haut Moyen Âge constitue une période d’épanouissement du monachisme en Occident, érigé en modèle spirituel qui, de manière paradoxale, encourage les échanges avec le siècle. En Campanie, les influences extérieures sont perceptibles dans ce berceau occidental du monachisme régulier et gagnent les institutions ecclésiastiques. Réformés, sinon mieux contrôlés, clercs et moines composent l’esprit et le corps d’un encadrement pastoral qui constitue l’un des axes de la recherche menée. D’abord abordé par le biais des institutions ecclésiastiques, l’encadrement pastoral peut également être examiné au niveau local. La précision des sources médiévales permet l’étude du réseau ecclésiastique et monastique sur plusieurs siècles et à différentes échelles, tout d’abord celle des évêchés campaniens, ensuite des centres urbains, enfin des zones rurales. Il est possible d’évaluer l’engagement du clergé et des moines auprès des laïcs, leur rôle dans la liturgie et les dévotions qui structurent et rythment le quotidien chrétien à Naples, Gaète ou Amalfi. La vie religieuse des fidèles, étudiée sur le temps long, constitue la dernière partie de cet ouvrage. Les sources épiscopales et hagiographiques invitent à l’observer à travers le prisme déformant de l’Église officielle ou celui plus réduit des monastères. Le dogme et le culte doivent en principe déterminer et structurer les pratiques chrétiennes. Mais, à la lecture des actes notariés, une distance se fait jour entre le message adressé par les institutions religieuses et sa réception par les fidèles. L’examen des questions dogmatiques ou des pratiques dévotionnelles manifeste sinon une discor­dance, du moins une juxtaposition de discours et de pratiques. Mais la vie religieuse, dans les duchés tyrrhéniens, ne se réduit pas aux seuls orthodoxes. Entre le vie et le xiie siècle, des dissidences apparaissent et plusieurs communautés religieuses cohabitent dans la région. La vie des chrétiens reste cependant la mieux documen­ tée. Issues presque exclusivement des archives d’institutions religieuses, les sources

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médiévales conservées laissent transparaître le quotidien des fidèles. Les actes notariés constituent une source de renseignement de nature surtout économique et sociale dans laquelle il est néanmoins possible de puiser des éléments sur la vie religieuse des individus et de leurs familles, de l’enfance à la mort. Ces informations, outre la lente transformation de la société campanienne entre l’Antiquité et le Moyen Âge, attestent de comportements religieux qui restent déterminés par l’appartenance sociale, le sexe et le statut juridique. Au-delà du constat évident de permanences et de mutations, en particulier parmi les élites plutôt que les groupes défavorisés peu documentés, les esprits sont dominés par la mort qui influence les comportements religieux et sociaux avec le souci de commémorer les défunts par la multiplication de legs pieux. Les offrandes matérielles des fidèles et les réponses spirituelles des clercs et des moines perpétuent une eschatologie de l’échange qui prend racine dans l’Antiquité tardive.

PREMIÈRE PARTIE

LES INSTITUTIONS RELIGIEUSES ET LEURS PARTICULARITÉS

Chapitre 1 DES STRUCTURES PALÉOCHRÉTIENNES Les lettres de Grégoire le Grand (590-604) présentent un tableau, imparfait mais sans équivalent, du christianisme campanien à la fin du vie siècle. L’Église de cette période reste fondamentalement liée au monde romain. On peut la qualifier de paléochrétienne dans la mesure où il s’agit pour l’essentiel de l’Église issue de la reconnaissance officielle de 313, dont les cadres juridiques, calqués sur les institutions civiles, ont évolué avec l’Empire. L’Église de Grégoire le Grand est encore une Église impériale, façonnée par la législation théodosienne puis justinienne, du moins dans les régions restées sous le contrôle de Constantinople. Malgré la disparition de l’Empire romain d’Occident, la Campanie, à l’instar du reste de l’Italie, conserve un cadre romanisé. À partir de la fin du vie siècle, plusieurs événements jouent un rôle déterminant dans l’évolution de son histoire religieuse. Malgré les menaces, la région échappe en grande partie à l’invasion et à l’occupation lombardes, mais le littoral campanien se trouve coupé des autres territoires restés sous contrôle byzantin. Ainsi, l’organisation ecclésiastique, évoquée par la correspondance de Grégoire le Grand avec les responsables religieux et civils de la région, se maintient alors qu’ailleurs, dans l’Italie lombarde, elle s’effondre. À la lumière de ce riche corpus de lettres, il est possible de définir trois caractéristiques de l’Église paléochrétienne dans la Campanie restée romaine : la densité du réseau épiscopal, la variété des missions des évêques et l’ampleur du mouvement monastique.

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PREMIÈRE PARTIE  •  LES INSTITUTIONS RELIGIEUSES ET LEURS PARTICULARITÉS

I.  L’organisation des sièges épiscopaux campaniens La fin troublée du vie siècle constitue un temps d’épreuves et de bouleversements pour les institutions ecclésiastiques campaniennes. Le pape tente de préserver le réseau épiscopal de la désagrégation et en favorise la reconstitution pour assurer la continuité du ministère épiscopal et préserver les biens de l’Église romaine et des Églises locales.

La question du nombre des évêchés en Campanie Recenser les diocèses campaniens depuis l’époque patristique demeure difficile1. Les documents existants ne permettent pas d’en évaluer le nombre précis avant les provinciaux romains du xiie siècle. Sur les vingt-cinq évêchés connus avec certitude en Italie au moment de la paix de l’Église, en 313, seuls trois sont attestés en Campanie : Bénévent, Capoue (Santa Maria Capua Vetere) et Naples où l’empereur Constantin fait édifier une basilique2. L. Duchesne évalue à 45 le nombre des évêchés présents aux ve-vie siècles dans l’ancienne région I augustéenne (Latium et Campanie)3. Pour la zone littorale qui échappe ensuite aux Lombards, des sièges sont établis à Terracine, Fondi, Formies, Minturnes, Suessa Aurunca, Volturnum, Cumes, Misène, Pouzzoles, Naples, Atella, Nola, Nocera, Stabies, Sorrente et Amalfi. À la veille de l’invasion lombarde, on compterait donc une quinzaine de sièges (une vingtaine si l’on inclut les évêchés, dont Capoue, situés dans la plaine campanienne contrôlée ensuite par les Lombards). Le réseau des évêchés est dense et la Campanie figure parmi les régions où le nombre de sièges est le plus élevé, à l’échelle de l’Italie mais aussi du monde méditerranéen. Le principe général d’accommodement, réclamant la présence d’un évêché dans chaque communauté pourvue d’un statut civique, s’est appliqué ici comme ailleurs dans l’Empire. Toutefois, la première anoma­ lie institutionnelle – une originalité appelée à durer jusqu’au xe siècle – apparaît dans la soumission de l’ensemble de l’Italie péninsulaire (à laquelle s’ajoutent la Sicile et la Corse, la Sardaigne possédant son propre métropolitain à Cagliari) à une unique métropole ecclésiastique : Rome. Le pape exerce en principe une autorité sans partage sur toute l’Italie centrale et méridionale. Pour cette raison, la Campanie ne forme pas une province ecclésiastique. Aucun de ses sièges ne peut revendiquer le statut de métropole même honoraire et tous possèdent, par voie de conséquence, le statut

1.  Lanzoni, Le origini delle diocesi, p. 122-168. L’auteur s’appuie notamment sur les sources hagiographiques, d’une historicité parfois douteuse, pour attester l’existence de sièges épiscopaux. 2.  Liber Pontificalis, éd. Duchesne, 34, p. 186 : Eodem tempore fecit Constantinus Augustus basilicam in ciuitatem Neapolim. 3.  Duchesne, « Les évêchés d’Italie ».

CHAPITRE 1  • DES STRUCTURES PALÉOCHRÉTIENNES

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d’évêchés suffragants de Rome. Si, en 358, Athanase d’Alexandrie qualifie Capoue de « métropole de Campanie », c’est en raison de son statut de capitale provinciale et non d’une quelconque prééminence ecclésiastique4. De son côté, l’Église de Nola bénéficie, du moins jusqu’au vie siècle, d’un prestige religieux certain par l’action et le souvenir de ses deux saints, Félix et Paulin5. L’invasion lombarde vient remettre en cause les fondements de cette organisation épiscopale établie de manière progressive depuis le ive  siècle. En effet, Grégoire le Grand montre, tout au long de sa correspondance, un réseau épiscopal en état de désor­ ga­ni­sa­tion avancée. Nombre de sièges suffragants de Rome disparaissent, de manière temporaire ou irrémédiable, dans une région qui connaît les affres de la guerre avec une intensité variable. La ruine concerne surtout l’intérieur des terres, conquis par les Lombards, où treize évêchés sont détruits définitivement tandis qu’un seul évêché de la zone littorale périclite6. Des évêchés, ruinés et dévastés, sont abandonnés par leur évêque, leur clergé et même leurs fidèles. L’ensemble du clergé, comme son évêque, a ainsi quitté Capoue. L’évêque Festus meurt à Rome avant novembre 594 ; son successeur, Basile, ne réside pas dans sa cité mais en Sicile puis à Rome alors que son clergé demeure à Naples7. La situation du littoral offre un tableau contrasté. Certaines cités ont subi de plein fouet les attaques lombardes : c’est le cas de celles implantées le long de la uia Appia, les envahisseurs, de toute évidence, cherchant à couper cette route stratégique entre Rome et la Campanie. Grégoire le Grand évoque, en octobre 590, l’évêché de Minturnes ravagé par la guerre, vidé de son clergé et de sa population, rangé au nombre des destitutae Ecclesiae8. En novembre 592, une autre lettre pontificale révèle l’occupation de l’évêché de Fondi par les Lombards9. L’évêque et son clergé ont déjà quitté la ville.

4.  Athanase d’Alexandrie, Histoire des ariens, éd. Opitz, II, 1, p. 193, l. 10-11 : Βικέντιον μὲν ἀπὸ Καπύης ἐστι δὲ αὕτη μητρόπολις τῆς Καμπανίας ; Kehr, Italia pontificia, vol. VIII, p. 297.

De manière plus générale, Mallardo, « La Campania e Napoli », p. 185-226. 5.  Sur la ville de Nola et le quartier suburbain de Cimitile avec sa basilique martyriale Saint-Félix, voir en dernier lieu les travaux d’Ebanista, « Il ruolo del santuario martiriale », p. 313-377 ; Id., « Tra Nola e Cimitile », p. 25-119. 6.  Duchesne, « Les évêchés d’Italie », p. 103. Le recul de l’urbanisation en plaine par abandon consécutif des sites habités a peut-être favorisé l’extension des zones marécageuses, voir Martin et Noyé, « Les façades maritimes de l’Italie du Sud », p. 487-488. 7.  Pour Festus, voir Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, V, 13-14 – novembre 594 ; pour Basile : ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 73, éd. Norberg, IX, 72 – novembredécembre 598 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 4 – octobre 599 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 15 – octobre 600 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIII, 4, éd. Norberg, XIII, 2 – septembre 602 ; voir également PCBE, vol. II/1, p. 267-268, s.u. Basilius 17. 8.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 8 – octobre 590. 9.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 13 – novembre 592.

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PREMIÈRE PARTIE  •  LES INSTITUTIONS RELIGIEUSES ET LEURS PARTICULARITÉS

À Formies, devant les menaces d’invasion, les clercs se sont enfuis de leur diocèse10. À l’exception de la mention isolée dans ses Dialogues du martyre de 40  paysans et 400  prisonniers tués par les Lombards, vers 579, pour avoir refusé de manger de la viande sacrificielle et d’adorer la tête d’une chèvre sacrifiée au diable, c’est-à-dire à un dieu païen, Grégoire le Grand n’évoque pas dans sa correspondance de persécutions religieuses, mais des fuites devant les violences de la guerre11. Il est admis que l’invasion lombarde vient s’ajouter à une grave crise démographique engendrée par des pestes récurrentes depuis le deuxième tiers du vie  siècle. Le pape Pélage  II, prédécesseur de Grégoire, en fut d’ailleurs l’une des victimes. Sous l’effet conjugué des épidémies et des invasions, l’Italie connaît une situation désastreuse à la fin du vie siècle12. Cela explique sans doute que Grégoire le Grand mentionne en juillet 592 la diminution inquiétante des populations de Cumes et Misène en raison de la guerre, bien que ces cités ne soient pas occupées par les Lombards13. Certaines cités résistent mieux à la pression ennemie. Le littoral campanien consti­ tue une zone de refuge pour de nombreux fuyards, à l’instar de Terracine qui accueille l’évêque voisin de Fondi14. Des clercs de Formies, cité occupée par les Lombards, ont même gagné la Sicile15. Naples offre asile au clergé de Capoue et l’on y mentionne un diacre de Venafro, après la prise de la ville en 595 par Arichis, duc lombard de Bénévent16. En février 601, le pape demande à l’évêque Pascasius de Naples de verser,

10.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IV, 42 – août 594.

11.  Grégoire le Grand, Dialogues, éd. de  Vogüé, III, 27-28. Voir aussi Duchesne, « Les évêchés d’Italie », p. 116. 12.  À propos de la crise démographique et des transformations sociales entraînées par la peste, voir Brown, Gentlemen and officers, p. 6-7. 13.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, II, 44, éd. Norberg, II, 37 – juillet 592. Le pape évoque les péchés commis (peccatis facientibus) pour expliquer la dépopulation, une formule courante pour rendre compte des épidémies de peste et autres calamités. Dans le cas de Cumes, perchée sur un éperon (voir le témoignage de l’historien Agathias, I, 8, 2-3), les fouilles archéologiques attestent une continuité de l’habitat et un dynamisme économique jusqu’au ve  siècle. Mais, après des travaux de restauration, les remparts sont partiellement rasés à la fin du vie siècle, même si des activités économiques perdurent. Voir Malpede, « Cuma : continuità e trasformazioni », p. 194-199 ; également, Savino, Campania tardoantica, p. 141-143. 14.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, III, 13 – novembre 593. Sur les fortifications de Terracine, sans doute érigées au ve siècle, et la modestie des travaux de restauration entrepris sous Justinien après la guerre gothique, voir Christie et Rushworth, « Urban fortification », p. 73-87. 15.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IV, 42 – août 594. 16.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 14 – novembre 594 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 27 – mars 595 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, VI, 11 – septembre 595.

CHAPITRE 1  • DES STRUCTURES PALÉOCHRÉTIENNES

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entre autres, 50 sous d’or aux prêtres, diacres et clercs inférieurs étrangers à son Église17. Même si le pape ne parle pas des laïcs, on peut extrapoler de la présence du clergé de diverses cités campaniennes à Naples la convergence de la plupart des réfugiés de la région vers cette cité en raison de sa position stratégique et de sa capacité de résistance. Naples possède en effet une enceinte fortifiée reconstruite après la Guerre gothique, dispose d’une militia urbaine et son aristocratie locale continue d’y exercer une autorité civile18. Avec l’afflux des réfugiés, on peut penser que ce territoire du littoral se trouve dès lors, localement, surpeuplé. C’est dans ce contexte de troubles politiques et de déplacements de populations que Naples émerge au sein des cités de Campanie. La correspondance de Grégoire le Grand, qui n’est certes conservée que partiellement, accorde à Naples une importance croissante liée à sa position d’îlot de résistance de la romanité dans une région en plein bouleversement. Cette situation n’est pas sans rappeler le cas de Thessalonique, place forte et zone de refuge des populations des provinces danubiennes et balkaniques face aux assauts avaro-sklavènes à la fin du vie et au début du viie siècle19. Naples est désormais la résidence du recteur du patrimoine et du gouverneur de Campanie, auparavant établis à Capoue20. La valeur stratégique nouvelle de la cité napolitaine ne remet cependant pas en cause la hiérarchie épiscopale dans la région. L’évêque de Naples, devenu un interlocuteur privilégié du pape par la force des choses, n’apparaît jamais comme le représentant de l’Église romaine en Campanie, ce rôle étant dévolu au recteur du patrimoine de saint Pierre. La prééminence de l’évêque de Naples est donc conjoncturelle dans la correspondance pontificale : l’évêque, à la tête d’une cité offrant asile à l’ensemble de la région, se trouve confronté à de nombreux problèmes et devient, par contrecoup, un correspondant de premier ordre pour le pape. Principale ville d’une petite région demeurée byzantine, Naples bénéficie de la pérennisation de cette situation de circonstance au cours du viie siècle, lors de la mise en place de l’organisation politique et ecclésiastique qui caractérise la Campanie du haut Moyen Âge. Un comportement singulier mérite cependant d’être relevé. Un nombre impossible à évaluer de clercs, de moines et de laïcs profite des troubles pour se placer sous le contrôle des Lombards21. La diversité sociale des fuyards brouille les motivations de leur fuite,

17.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 22 – février 601. 18.  Sur l’évolution militaire de Naples et de la Campanie à partir de Grégoire le Grand, voir

Martin, Guerre, accords et frontières. 19.  Lemerle, Les plus anciens recueils, vol. II, p. 182-193. 20.  Allusions au recteur et au gouverneur de Campanie dans Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, III, 1 – septembre 592. 21.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 5 – février 600 : Diuersorum enim nobilium serui, multa­ rum ecclesiarum clerici, diuersorum monasterium monachi, multorum iudicum homines saepe se hostibus tradiderunt. On constate le même phénomène en Pouille, voir note suivante.

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mais le rôle des dirigeants chargés de conduire la guerre est sans doute déterminant. Comme nous l’avons vu pour Cumes et Misène, les régions encore sous domination impériale souffrent, paradoxalement, d’une crise démographique qui a pu inciter les autorités à prendre des mesures d’urgence mal vécues. Le refus d’être enrôlé de force dans la milice peut constituer un motif de fuite chez les Lombards. Les premiers concernés sont les paysans, touchés à la fois par la pression fiscale, la multiplication possible des corvées et la contrainte militaire croissante. Le pape évoque les vexations auxquelles ils sont soumis et sa crainte de leur exode auprès des Lombards22. Le phénomène d’abandon des terres résulte de la fuite des exploitants face aux exigences du fisc : les impôts, auxquels s’ajoute le loyer de la terre, ponctionnent parfois plus de la moitié de la récolte23. On entre alors dans un cercle vicieux : le poids écrasant des impôts incite les paysans à fuir leurs terres et aboutit à une baisse des rentrées fiscales qui ne couvrent plus les dépenses militaires d’une défense devenue impossible à assurer. Le cantonnement des militaires chez des particuliers ou dans des communautés monastiques et les violences dont ils peuvent se rendre coupables incitent certains à s’en libérer en passant à l’ennemi24. Les Lombards entraînent aussi une remise en cause de l’ordre social établi. Les lettres de Grégoire le Grand révèlent que le début de son pontificat, vers les années 590-592, correspond à la période la plus difficile pour la Campanie. Après une accalmie, la situation se dégrade à nouveau au début du viie siècle.

Préserver le réseau épiscopal campanien : les visiteurs Les objectifs dans la correspondance de Grégoire le Grand sont doubles. Le premier est d’assurer le maintien ou d’éviter la dislocation du réseau épiscopal. La désertion d’un évêché par son clergé revêt une dimension religieuse très grave : cela équivaut à abandonner une terre évangélisée ou laisser à leur sort des fidèles privés de tout pasteur, de tout encadrement. Le départ de l’évêque constitue une menace pour l’institution car on observe alors la dispersion des biens matériels de l’Église et le relâchement de la discipline25. Le second objectif de Grégoire vise à préserver le patrimoine de saint Pierre dans la région. Ces deux préoccupations sont récurrentes dans les lettres que le souverain pontife adresse aux évêques de la région ou au recteur du patrimoine. Alors que le réseau épiscopal craque de toute part sous les coups de l’envahisseur

22.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 205-206, éd. Norberg, IX, 206-207 – juillet 599 : des paysans de la Massa Callipolitana (Gallipoli dans le Salento). 23.  Cracco Ruggini, Economia e società, p. 444-456. 24.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 207, éd. Norberg, IX, 208 – juillet 599). 25.  À Canosa, en Pouille, en l’absence de l’évêque et du clergé, l’extrême-onction et le baptême ne sont plus administrés aux mourants et aux nouveau-nés : ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 51 – juillet 591.

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lombard, Grégoire le Grand n’a de cesse de le maintenir ou de le reconstituer. Plusieurs solutions sont alors appliquées. Le pape est amené à désigner des évêques comme visiteurs pour administrer des évêchés vacants dans l’attente de l’élection d’un nouvel évêque26. Il s’agit, le plus sou­ vent, d’un évêque voisin, ce qui se comprend sans difficulté puisque le visiteur est censé administrer l’évêché vacant en continuant à assumer les charges de son propre diocèse. Cette solution, adoptée dès 591, est utilisée tout au long du pontificat de Grégoire le Grand27. Nous dénombrons dans la correspondance pontificale 23  men­tions de visiteurs, dont 22 nominatives. On ne connaît pas en Campanie de suppléance confiée à un simple prêtre comme c’est le cas dans la cité de Meuania (Bevagna), en Ombrie28. Mais cette ville se trouve dans une situation critique : prise par les Lombards, elle est reconquise par les forces impériales vers 597, et le pape y nomme ensuite un visiteur29. La situation en Campanie, sans doute moins grave, évite peut-être de recourir à ces solutions extrêmes et offre la possibilité de désigner des visiteurs pour les sièges vacants. Entre 591 et 598, la correspondance pontificale en signale cinq pour des évêchés de la région campanienne. Le premier est l’évêque Paul de Nepi, nommé visiteur de l’Église de Naples après la déposition de l’évêque Demetrius30. Outre Paul de Nepi, on connaît l’évêque Benenatus de Misène, visiteur de l’Église de Cumes ; Gaudentius de Nola, visiteur de l’Église de Capoue ; Agnellus de Terracine, visiteur de l’Église de Formies, et Fortunatus de Naples, visiteur de l’Église de Misène31. Capoue constitue un cas original : l’évêque Gaudentius de Nola est, à partir de no­vembre 594,

26.  Greenslade, « Sede vacante procedure », p. 210-226. Le recours aux visiteurs pour un siège épiscopal vacant est une pratique uniquement occidentale. Elle est attestée entre le ive et les ixe-xe siècles. 27.  La première mention d’un visiteur est fournie en janvier 591 pour Populonia, en Étrurie : Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 15 ; la dernière mention se place en janvier 603 et concerne les évêchés de Tauriana, Thurii et Cosenza : ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIII, 21, éd. Norberg, XIII, 19. 28.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 78 – août 598. Voir Grégoire le Grand, Registre, trad. Minard et Reydellet, vol. I/1, p. 298, n. 1 ; Lanzoni, Le origini delle diocesi, p. 427-435, qui situe de manière erronée Bettona à la place de Bevagna. 29.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 166, éd. Norberg, IX, 167 – juin 599 : le visiteur s’occupe de l’évêché depuis deux ans. 30.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, II, 12-13, éd. Norberg, II, 8-9 – décembre 591 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 18, éd. Norberg, II, 14 – février 592 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 26, éd. Norberg, II, 23 – mars 592 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 1-2 – septembre 592. 31.  ibid., éd.  Ewald et Hartmann, II, 25, éd. Norberg, II, 22 – mars 592 (Benenatus de Misène) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 13-14 – novembre 594 (Gaudentius de Nola) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, VII, 16 – avril 597 (Agnellus de Terracine) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 80-81, éd. Norberg, IX, 81-82 – décembre 598 (Fortunatus de Naples).

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un visiteur « hors-les-murs » puisque Capoue est occupée par les Lombards, son évêque mort à Rome et son clergé réfugié à Naples. L’Église de Capoue est représentée seulement par son clergé qui, conservant son organisation interne malgré un long séjour à Naples, nécessite l’envoi d’un visiteur. Le pape espère peut-être une reconquête rapide de la cité et envisage la possibilité de faire élire un nouvel évêque dans des conditions normales. Ces raisons l’incitent à nommer un visiteur pour un diocèse qui n’existe plus. Toutefois, en mars 595, Capoue n’est toujours pas libérée et Gaudentius demeure le visiteur d’un évêché in partibus32. Un évêque de Capoue, du nom de Basile, apparaît dans la correspondance pontificale à partir de 598, mais ne réside pas dans sa cité. Le visiteur est en principe un évêque voisin, mais là encore la singularité de Naples apparaît au regard de la situation des autres évêchés de Campanie ou du reste de l’Italie. Le pape n’a pas choisi un évêque de la région ; son choix s’est porté sur Paul de Nepi dont le siège se trouve à proximité de Rome, au sud de Viterbe. Cette désignation montre une fois encore l’importance de Naples aux yeux de Grégoire le Grand. L’évêque de Nepi est sans doute un homme de confiance du pape, à la fois expérimenté et capable d’affronter une situation compliquée dans une ville emplie de réfugiés et déchirée par les luttes de factions. Dans un contexte de désertion des évêchés, le pape est résolu à priver un diocèse de son évêque qui ne pourra continuer à l’administrer du fait de la distance et de la prise en charge de l’Église de Naples. La correspondance de Grégoire le Grand reste avare d’informations sur l’arrivée de Paul de Nepi à Naples ; du moins sait-on, en décembre 591, que le clergé, les curiales et le peuple lui ont proposé le trône épiscopal de leur cité, une initiative rejetée par le pape33. Le contenu de la lettre montre que l’installation de Paul à Naples est récente et Grégoire demande aux Napolitains de lui obéir, indice d’une mission précise à remplir. Dans la lettre suivante, toujours en décembre 591, Paul de Nepi est confirmé dans ses fonctions d’administrateur de l’Église de Naples : il exerce désormais la fonction de visiteur34. La chronologie pose problème car si l’on estime que cette dernière lettre constitue la désignation officielle de l’évêque comme visiteur, une opinion suivie par les éditeurs de la correspondance pontificale, cela signifie que Paul de Nepi a d’abord été envoyé comme représentant du pape, mais sans notification officielle de son autorité sur l’Église de Naples. La volonté de certains Napolitains de le placer à la tête de leur communauté amène le pape à expliciter sa mission en le désignant comme visiteur

32.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 27 – mars 595. 33.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 12, éd. Norberg, II, 8 – décembre 591. 34.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 13, éd. Norberg, II, 9 – décembre 591. La lettre est adres-

sée Paulo episcopo Neapoli. Greenslade, « Sede vacante », p. 211, l’explique par une erreur reprise dans les manuscrits.

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et non comme évêque. Il est possible que la demande d’élever Paul de Nepi à l’épiscopat de Naples émane d’une faction désireuse de bloquer la candidature d’une coterie rivale35. On peut s’étonner que même le clergé local, au mépris des canons et de la tradition, ait souhaité comme évêque un clerc déjà titulaire d’un autre siège. En tout état de cause la situation du visiteur à Naples n’est pas confortable. En février 592, Paul de Nepi manifeste le désir de retourner dans son diocèse, mais le pape refuse car son action n’a, de toute évidence, pas encore donné les résultats escomptés : le siège épiscopal de Naples demeure toujours vacant et aucun évêque n’a été désigné36. En mars 592, un visiteur est même nommé à Nepi : on a alors la situation particulière d’un siège laissé vacant par un évêque visiteur à son tour remplacé par un autre visiteur, en l’occurrence Jean de Falerii, un évêque voisin37. Vers septembre 592, Paul de Nepi est victime d’une sédition du castrum Lucullanum, peut-être à l’instigation d’une faction napolitaine, la lettre pontificale incriminant la patricienne Clementina et ses esclaves38. L’affaire semble assez sérieuse pour que le pape ressente le besoin de renouveler son soutien au visiteur de l’Église de Naples et confie une enquête aux autorités civiles et ecclésiastiques39. Grégoire le Grand évoque les demandes répétées et « raisonnables » de Paul de retourner dans son diocèse de Nepi. On perçoit ici un assouplissement de l’attitude, jusque-là inflexible, de Grégoire à l’égard du visiteur. Il faut surtout considérer ce changement comme un aveu d’échec de la part du visiteur, incapable de résoudre les querelles napolitaines afin de préparer l’élection d’un nouvel évêque. Cette impression se trouve confirmée par une lettre de Grégoire au sous-diacre Pierre, en mai 593, pressant ce recteur de Campanie de hâter la désignation d’un nouvel évêque de Naples. Désormais une autre autorité prend en main cette difficile mission. Le don de 100 sous et d’un jeune orphelin à Paul de Nepi constitue bien un cadeau de départ40. Il rentre dans son diocèse, entre mai et août 593, au moment de l’élection d’un nouvel évêque à Naples41.

35.  Richards, Consul of God, p. 164.

36.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, II, 18, éd. Norberg, II, 14 – février 592. 37.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 26, éd. Norberg, II, 23 – mars 592. Le pape précise que le visiteur de Nepi doit préparer Pâques. Voir aussi PCBE, vol. II/2, p. 1120, s.u. Iohannes 90. 38.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, III, 1 – septembre 592. 39.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 2 – septembre 592. 40.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 35 – mai 593. 41.  L’évêque Fortunatus est évoqué dans la correspondance pontificale à partir d’août 593 : ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 58. Paul de Nepi souscrit le 5 juillet 595 à un synode romain (ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, p. 366). Après cette date, on ne sait rien de lui. Voir aussi PCBE, vol. II/2, p. 1682-1683, s.u. Paulus 38.

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Pour Grégoire le Grand, le visiteur doit remplir toutes les missions de l’évêque titulaire du siège42 : il exerce une autorité spirituelle et administrative sur l’Église visi­ tée, en premier lieu sur le clergé ; il doit faire preuve de vigilance à l’égard des clercs, du peuple et du culte ; il possède le plus souvent le droit d’ordination pour répondre au problème crucial du renouvellement du clergé majeur, alors que certains évêchés sont désertés43. On peut supposer que ces ordinations permettent d’éviter des promotions hors du contrôle hiérarchique. Cette préoccupation apparaît dans la volonté de préserver les biens et les revenus ecclésiastiques sur lesquels le visiteur a toute autorité et entière compétence44. Quelle est la rétribution du visiteur  ? Dès lors qu’il gère le diocèse et dispose de ses revenus, il est permis de supposer qu’il en conserve une partie45. Une lettre de Grégoire au visiteur d’Agrigente lui attribue le quart des revenus de l’Église qui revient en principe à l’évêque du siège46. Toutefois le pape présente ce revenu comme une récompense et non un dû, à l’instar des 100 sous et de l’esclave donnés à Paul de Nepi47. Leontius, visiteur du diocèse de Rimini, reçoit la moitié du quart revenant à l’évêque du siège, Castorius, ce dernier étant malade et retiré à Rome48. On le voit, aucune règle ne semble fixer le revenu à attribuer au visiteur. Il est permis de supposer que les visiteurs continuent de recevoir tout ou partie de la portion des revenus de leur diocèse d’origine qui leur revient. La durée des missions, lorsqu’on peut l’évaluer, varie de cinq mois pour Benenatus de Misène à Cumes à un an et neuf mois

42.  Greenslade, « Sede vacante procedure », p. 224, précise que les missions du visiteur sont en priorité d’assurer les obsèques (ce qui n’apparaît pas dans la correspondance de Grégoire le Grand), la succession et le remplacement de l’évêque défunt. Toutefois, Grégoire le Grand semble plus pragmatique : la plupart du temps, les missions du visiteur sont plus étendues et correspondent à celles d’un évêque. 43.  Ibid., p. 212, 216 et 224. En affirmant que Grégoire le Grand ne permet généralement pas aux visiteurs de pratiquer les ordinations, l’auteur s’appuie sur une lettre de Grégoire le Grand (ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 166, éd. Norberg, IX, 167 – juin 599) destinée à Chrysanthus, évêque de Spolète et visiteur de l’Église de Bevagna depuis deux ans. Le pape y précise que le visiteur n’a pas le droit, « selon l’usage de notre chancellerie », de promouvoir les clercs (In quo dum more scrinii nostri nihil uos de prouectionibus facere uoluimus clericorum). Dans presque toute la correspondance destinée aux visiteurs, Grégoire le Grand accorde en fait aux évêques visiteurs le droit d’ordination. 44. Voir infra. 45. Le canon 8 du concile d’Orléans de 549 fait référence au paiement du visiteur. Voir Greenslade, « Sede vacante », p. 224. 46.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, V, 12 – novembre 594. 47.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 35 – mai 593. Gregorio Magno, Lettere (I-III), trad.  Recchia, p. 436, n. 5, défend l’idée d’un stipendium versé au visiteur d’après Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IV, 11 à propos de visiteurs en Sicile. 48.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 1, éd. Norberg, V, 48 – juin 595.

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pour Paul de Nepi à Naples49. Comme le mandat est lié à l’élection d’un nouveau prélat à la tête de l’Église, une désignation rapide écourte bien entendu la présence du visiteur. Il n’est plus fait mention de visiteurs en Campanie après décembre 598, bien que des sièges épiscopaux demeurent vacants. Il est difficile d’attribuer à l’échec d’une mission, celle de Paul de Nepi à Naples, la disparition de ces mentions50, car la stabilisation politique dans la région à la fin du pontificat de Grégoire le Grand permet d’éviter le recours aux expédients et facilite les successions épiscopales habituelles. Le pape a peut-être fait plus volontiers appel à son recteur du patrimoine, qu’il charge par exemple de veiller sur l’Église d’Atella51.

Préserver le réseau épiscopal campanien : la réunion d’évêchés Une autre solution au délitement accéléré du réseau épiscopal consiste à unir deux sièges épiscopaux. L’évêché de Minturnes est ainsi uni à celui de Formies en 59052. C’est l’évêque Bacauda de Formies qui suggère au pape l’idée de fusionner son évêché avec celui, dévasté, de Minturnes, distant d’environ 10  km. L’évêque justifie cette union tant par la désolation de Minturnes que par la pauvreté de Formies. En 592, le siège de Cumes est agrégé à l’évêché voisin de Misène53. Le pape laisse Benenatus de Misène libre de résider où il le souhaite, tant qu’il administre avec sérieux les deux Églises. Il n’existe aucune obligation de double résidence pour le titulaire de sièges réunis. La même année, le pape accepte que les habitants de Terracine désignent l’évêque de Fondi, Agnellus, comme leur cardinalis sacerdos, ce qui entraîne de fait l’union des deux évêchés54. On comprend, à la lecture des lettres de Grégoire le Grand,

49.  D’après la correspondance de Grégoire le Grand, la mission la plus longue est confiée à Pierre, évêque d’Otrante, visiteur des Églises de Brindisi, Lecce et Gallipoli, de novembre 595 à juillet 601. 50.  Richards, Consul of God, p. 179, voit dans ces échecs l’explication de la moindre intervention du pape dans les affaires des diocèses suffragants de Rome. 51.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 142, éd. Norberg, IX, 143 – mai 599. 52.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 8 – octobre 590. 53.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 44, éd. Norberg, II, 37 – juillet 592. Cette union s’inscrit dans la continuité de la précédente lettre (ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 25, éd. Norberg, II, 22 – mars 592) par laquelle le pape désignait l’évêque Benenatus de Misène visiteur de l’Église de Cumes après la mort de l’évêque Liberius. 54.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 13 et 14 – novembre 592. Martin, « Grégoire le Grand et l’Italie », p. 239-278, ici p. 246. L’auteur distingue le cas d’Agnellus de celui de Balbinus, évêque de Roselle, nommé visiteur de l’Église de Populonia en janvier 591 (Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 15). Pour l’auteur, Balbinus n’est pas un nouvel évêque, mais un cardi­

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qu’Agnellus a été visiteur de l’Église de Terracine après la mort de son évêque, Pierre. La cité de Fondi étant occupée par les Lombards, Agnellus réside à Terracine. Ensuite, il n’est plus fait mention d’Agnellus comme évêque de Terracine et de Fondi, mais seulement comme évêque de Terracine55. Cette union montre le pragmatisme du pape, nommant l’évêque d’un diocèse déserté, Fondi, à la tête d’un siège davantage préservé, Terracine. Ce procédé concerne toujours des diocèses voisins : la réunion permet d’éviter la disparition totale d’un évêché en déclin et de renforcer un autre évêché, plus dynamique. Un diocèse est sauvé par son intégration à un autre diocèse mais perd son autonomie ecclésiastique. À l’inverse d’autres régions, il n’y a trace d’aucun déplacement d’évêché en Campanie sous le pontificat de Grégoire le Grand. Nous n’en sommes pas encore au repli sur des sites naturels mieux défendus et fortifiés comme pour l’évêché de Gaète. La réunion de deux évêchés et l’appel à des visiteurs constituent des solutions transitoires. Néanmoins Cumes et Misène sont toujours associées en mai 599, sept ans après leur réunion décidée par le pape56. La documentation, très lacunaire après la mort de Grégoire le Grand, en 604, empêche de connaître la durée exacte des unions d’Églises. Celles-ci doivent avoir cessé, au plus tard, au début du viie siècle puisque les évêchés de Cumes, Misène, Fondi et Terracine sont à nouveau dotés d’un évêque au concile de Latran de 64957. La stabilisation politique dans la seconde moitié du viie siècle met fin aux bouleversements des sièges épiscopaux et autorise en particulier la restauration de l’évêché de Capoue. Mais force est de constater la disparition définitive de douze évêchés campaniens (voir figure 3) : trois sur le littoral (Minturnes, Forum Popilii, Volturnum) et neuf à l’intérieur (Aquinum, Casinum, Venafro, Suessa Aurunca, Teanum, Cales, Cubulteria, Nocera, Abellinum)58.

Assurer la continuité de la mission épiscopale Préserver autant que possible le réseau des évêchés en Campanie nécessite le maintien de la mission épiscopale. Le pape n’a de cesse que les sièges de Campanie soient pourvus, dans la mesure du possible, d’un titulaire. Dans sa correspondance,

nalis sacerdos, déjà évêque, qui remplace l’évêque dans les parrochiae avec l’aide de trois prêtres et deux diacres. Dans le cas d’Agnellus de Fondi, le cardinalis sacerdos devient de facto évêque de Terracine. 55.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, VII, 16 – avril 597 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, VIII, 19 – mai 598. 56.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 142, éd. Norberg, IX, 143 – mai 599. 57.  Voir leurs souscriptions dans Acta Conciliorum Œcumenicorum, vol. II/1, Concilium Lateranense, éd. Riedinger, p. 5, l. 30, n° 58 : Palumbo Fundano episcopo ; ibid., p. 7, l. 6, n° 77 : Barbato Cumano epi­ scopo ; ibid., p. 7, l. 7, n° 78 : Felice Terracinense episcopo ; ibid., p. 7, l. 14, n° 85 : Maximo Mesinato episcopo. 58.  Duchesne, « Les évêchés d’Italie », p. 396.

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CHAPITRE 1  • DES STRUCTURES PALÉOCHRÉTIENNES

Aquinum Casinum

Venafro évêché préservé

Ap pia

Fondi

évêché disparu

Vi a

Formies Minturnes

Terracine

Cubulteria

Teanum Suessa Aurunca

Cales Bénévent Capoue

Forum Popilii

Via Appia

Volturnum iti Via Dom

Atella

ana

Nocera

Pouzzoles

Stabies Amalfi 0

Abellinum

Naples

Cumes Misène

Nola

25 km

Salerne

Sorrente S. DESTEPHEN del.

Fig. 3 – Les évêchés de Campanie à la fin du vie siècle. il rappelle la nécessité canonique de ne laisser aucun siège vacant59 (le canon  25 du concile de Chalcédoine stipule qu’un évêché ne doit pas être privé d’évêque au-delà de trois mois). La législation impériale autorise un délai de six mois60. La vacance des sièges épiscopaux est une source de faiblesse dans une époque déjà troublée. Il est dif­fi­cile d’évaluer la durée de ces interruptions, mais la plupart semblent dépasser de beaucoup les limites fixées par la législation canonique et impériale. Pour l’évêché de Cumes, la vacance semble durer de mars à juillet 592, de la désignation d’un visiteur par le pape –  indice de la mort de l’évêque titulaire peu auparavant  – à la désignation de son successeur, Benenatus de Misène61. Formies se retrouve sans prélat durant quelques mois, entre la désignation d’Agnellus de Terracine comme visiteur en avril 597 et la mention en octobre 598 du nouvel évêque, Aluinus62. 59.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, II, 5, éd. Norberg, II, 3 – septembre 591 : quia et canonicis est regulis constitutum, ut defuncto uel sublato pastore, diu sacerdotio priuari non debeat. 60.  Justinien, Novelles, éd. Schoell et Kroll, CXXIII, 1, 2 (546). 61.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, II, 25, éd. Norberg, II, 22 – mars 592 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 44, éd. Norberg, II, 37 – juillet 592. 62.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, VII, 16 – avril 597 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 45 – octobre 598.

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La vacance la plus longue et la plus préoccupante pour le pape, à la lumière de ses lettres, touche le siège de Naples, comme nous l’avons vu à propos du visiteur Paul de Nepi. De la déposition de Demetrius, avant septembre 591, à l’élection de Fortunatus, entre mai et août 593, il s’écoule en effet un an et neuf mois durant lesquels les Napolitains se retrouvent sans évêque63. Après la mort de Fortunatus, entre avril et juillet 600, la vacance dure moins d’un an, avant la première mention de son successeur, Pascasius, en janvier 60164. Pendant ces vacances, le pape se soucie de la continuité épiscopale en exhortant de manière répétée les visi­teurs, son recteur de Campanie ou même le clergé et les habitants des diocèses concernés à se doter sans tarder d’un nouveau prélat. La formu­lation est souvent répétitive, des phrases stéréotypées de la chancellerie pontificale sont reprises pour chaque lettre, en particulier dans les missives adressées aux visiteurs pour les convaincre d’accélérer le processus de désignation d’un évêque65. Lorsque le pape écrit aux électeurs de l’évêque, la formulation est différente et peut revêtir un caractère plus circonstancié comme, par exemple, à l’adresse du clergé, de la noblesse, de la curie et du peuple de Naples dont on connaît les discordes66.

Garder le contrôle du patrimoine ecclésiastique Outre la préservation du patrimoine de saint Pierre, la correspondance de Gré­ goire le Grand montre son souci permanent d’assurer la sauvegarde des biens et des revenus des diocèses. Leur détournement par le clergé local ou des laïcs – un problème très présent dans les lettres pontificales  – semble encouragé par les bouleversements politiques. Le pape s’attache en particulier à sauvegarder les objets liturgiques, plus faciles à transporter et à aliéner. Plusieurs lettres évoquent leur dispersion, leur disparition ou leur recherche par des représentants du pape ou un évêque de

63.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 5, éd. Norberg, II, 3 – septembre 591 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 58 – août 593. 64.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 9 – avril 600 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 19 – juillet 600 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 19 – janvier 601. 65.  On retrouve cette formulation ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 25, éd. Norberg, II, 22 – mars 592 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, VII, 16 – avril 597 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 80, éd. Norberg, IX, 81 – décembre 598 : Et ideo caritas tua ad praedictam ecclesiam ire properabit et adsiduis adhortationibus clerum plebemque eiusdem ecclesiae ammonere festinet, ut remoto studio uno eodemque consensu talem sibi praeficiendum expetant sacerdotem, qui et tanto ministerio dignus ualeat repperiri et a uenerandis canonibus nullatenus respuatur. 66.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 5, éd. Norberg, II, 3 – septembre 591 : Ideoque caritatem uestram scriptis praesentibus duxi necessario commonendam, uti ad eligendum pontificem nec mora, nec discordia, quae consueuit scandala generare, proueniat.

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la région67. Ces disparitions et ces ventes se produisent dans des évêchés abandonnés d’Italie centrale et méridionale68. En Campanie, deux cas sont connus. En août 591, des clercs de Venafro sont accusés d’avoir vendu des objets sacrés de leur Église à un juif69. La lettre, fait unique, donne le détail des objets vendus : deux calices en argent, deux couronnes (lampadaires ou couronnes votives ?) ornés de dauphins, deux autres couronnes décorées de lys et six tentures de différentes tailles70. Située en territoire lombard, l’Église de Venafro est sans doute dépourvue d’évêque, aussi le pape s’adresset-il au recteur du patrimoine de Campanie pour mener l’enquête et ne mentionne aucun évêque titulaire du siège. Un autre exemple de lutte contre la captation de biens mobiliers d’évêchés abandonnés est fourni par les péripéties des vases sacrés de la cité ruinée de Cubulterna (Cubulteria), près d’Alvignano. Grégoire le Grand demande au uir gloriosus Faustus, fils du défunt defensor Consentius, autrefois chargé du patrimoine campanien, de restituer les vases sacrés (ministeria) de l’Église de Cubulterna que son père avait mis en sûreté, à une époque où le siège était sans évêque ni clergé71. L’épisode de la sauvegarde des vases sacrés de Cubulterna est difficile à dater. La cité n’apparaît que dans la correspondance de Grégoire le Grand et il est difficile d’identi­ fier le defensor Consentius avec Constantin, defensor de l’Église romaine en Campanie sous le pape Pélage Ier (556-561)72. Le responsable du patrimoine a dû mettre en sûreté les objets liturgiques de Cubulterna entre 570 et 591, alors que la cité était menacée par les Lombards et son évêque en fuite. Que le defensor ait conservé ces objets précieux pour les transmettre ensuite à son fils relève du détournement d’objets liturgiques au profit de puissants laïcs. Malgré le temps écoulé et les mésaventures du trésor, le pape reste informé de la localisation et de la destination de ces objets. On peut supposer que le defensor, agissant sur ordre du pape, a procédé à la recension et à l’enregistre­ ment de sa mission, comme cela apparaît à plusieurs reprises dans la correspondance du pape.

67.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 42, éd. Norberg, II, 35 – juillet 592 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 41 – juin 593 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IV, 15 – octobre 595 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 9 – octobre 594 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 19 – octobre 598 ; ibid., X, éd. Ewald et Hartmann, 1 – octobre 599. 68.  Gasparri, « Gregorio Magno e l’Italia meridionale », p. 94. 69.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 66 – août 591. 70.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 66 : Id est : in argento calices duos, coronas cum delfinis duas et de aliis coronis lilios, pallea maiora minora sex. 71.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 93, éd. Norberg, IX, 94 – janvier 599. Pour plus de garantie, le pape demande aussi à son recteur de Campanie d’effectuer la même démarche : ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 94, éd. Norberg, IX, 95 – janvier 599. 72.  PCBE, vol. II/1, p. 465, s.u. Consentius 2.

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Il faut mettre en parallèle cette préoccupation pontificale de défendre l’intégrité du patrimoine ecclésiastique avec la volonté de reconstituer un réseau épiscopal cohérent et viable. Dans le cadre de l’union de Formies avec Minturnes, l’évêque de Formies obtient la libre disposition du temporel de l’Église de Minturnes73. Il est permis de supposer que l’évêché de Minturnes, malgré sa décadence, fournit des revenus à l’évêché qui l’absorbe puisque l’évêque de Formies justifie cette union par la désolation de Minturnes mais aussi par la pauvreté de Formies ; il espère ainsi disposer de moyens plus importants. La concession des biens de l’Église de Minturnes peut aussi constituer une tentative du pape pour inciter l’évêque de Formies à se préoccuper du temporel d’un diocèse ruiné par les Lombards. L’évêque en semble le seul gestionnaire. En Campanie, on ne trouve aucune allusion à un économe alors que le canon 26 de Chalcédoine lui attribue, depuis le milieu du ve siècle, la gestion du patrimoine diocésain74. L’administration des biens de l’Église campanienne n’est de toute façon pas gelée jusqu’à l’élection d’un nouveau prélat75, et la correspondance pontificale insiste sur le rôle du visiteur dans la gestion et la préservation du patrimoine de l’Église dont il a la charge de manière transitoire76.

II.  Les évêques campaniens à l’aube du Moyen Âge La correspondance de Grégoire le Grand offre un tableau sans équivalent de l’épiscopat en Campanie. Parmi les 95 lettres conservées relatives à cette province, 67 évoquent des évêques et 40 leur sont directement adressées. Entre la fin du vie et le début du viie  siècle, dix-huit évêques campaniens sont ainsi identifiés : Agnellus de Fondi et Terracine, Pierre de Terracine, Aluinus et Bacauda de Formies, Amandus et Jean de Sorrente, Festus et Basile de Capoue, Benenatus de Misène, Demetrius, Fortunatus et Pascasius de Naples, Félix de Porto, Gaudentius de Nola, Importunus d’Atella (?), Liberius de Cumes, Pimenius d’Amalfi et Primenius de Nocera77. Les informations livrées par le pape sont d’une remarquable précision, même pour les évêques de Naples, surtout au regard des brèves notices des Gesta episcoporum Neapolitanorum

73.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 8 – octobre 590. 74.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIV, 2 – septembre 603 : le pape mentionne l’économe de

l’Église de Cagliari, en Sardaigne. 75.  Markus, Gregory the Great, p. 108. 76.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, II, 25, éd. Norberg, II, 22 – mars 592 : ut nihil de prouectionibus clericorum, reditu, ornatu, ministerioque, uel quicquid illud est, a quoquam praesumatur ecclesiae. La formule est presque identique dans d’autres lettres : ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 13 – novembre 594 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 14 – novembre 594 ; ibid., V éd. Ewald et Hartmann, II, 16 – avril 597 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 80-81, éd. Norberg, IX, 81-82 – décembre 598. 77.  Pour davantage de détails sur ces personnages, voir leurs notices dans la PCBE, vol. II.

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qui se contentent, le plus souvent, de la seule mention des années de pontificat78. Ces renseignements permettent de mieux cerner, pour la fin de l’Antiquité, le mode de désignation et de recrutement des évêques, leurs missions pastorales, leur rôle poli­ tique et leur gestion du patrimoine et des revenus ecclésiastiques.

L’élection des évêques campaniens L’élection des évêques tient une place considérable dans la correspondance de Grégoire le Grand79. Ces lettres montrent qu’en Campanie, comme d’ailleurs dans le reste de l’Italie, la participation conjointe des clercs et des fidèles à l’élection épiscopale constitue une pratique bien établie. Cet usage est conforme à la tradition répandue dans l’ensemble de l’Occident depuis le ve  siècle80. Les règles canoniques ne sont pourtant pas d’une grande clarté, car elles insistent davantage sur le rôle des évêques dans la désignation de leurs pairs que sur l’implication du reste du clergé ou des laïcs81. Le canon  6 du concile de Sardique, en 343, demande toutefois de satisfaire le vœu populaire, et les canons  18 des conciles d’Ancyre et d’Antioche, en 314 et 341, prient l’évêque de ne pas rejoindre son siège si le peuple se déclare hostile. De manière contradictoire, le canon 13 du concile de Laodicée, dans la seconde moitié du ive siècle, interdit de confier à la foule l’élection au sacerdoce. Les conciles de Constantinople et de Chalcédoine, en 381 et 451, n’abordent pas le sujet, la question paraissant réglée. Les positions adoptées par la législation impériale trahissent un flottement sem­ blable. En 361, la participation du peuple à l’élection épiscopale est reconnue et les ordinations accomplies contre l’avis des citoyens sont même condamnées en 445. Une loi de 469 précise que l’élection doit se faire avec l’accord de la population82.

78.  La confrontation des deux sources remet en cause l’exactitude des indications fournies par les Gesta episcoporum Neapolitanorum. Toutes les précisions sont fournies par la PCBE. 79.  Eidenschink, The election of bishops ; Damizia, Lineamenti. 80. Voir Ganshof, « Note sur l’élection des évêques », p. 467-498 ; Gaudemet, Les élections dans l’Église latine ; Pietri, Duval et Pietri, « Peuple chrétien ou plebs », p. 373-395 ; Norton, Episcopal elections, à compléter par le compte rendu de Dominic Moreau dans Antiquité Tardive, 16, 2008, p. 368-371. La participation des laïcs apparaît comme une nouveauté en Orient aussi : Flusin, « Évêques et patriarches », p. 485-543, ici p. 488. 81.  Le canon  4 de Nicée requiert, pour l’ordination épiscopale, la présence de tous les évêques de la province, sinon d’au moins trois d’entre eux avec l’accord des autres évêques et du métropolite. Le canon 23 du concile d’Antioche de 341 interdit à un évêque à la fin de sa vie de consacrer son successeur. L’évêque est institué par le synode (provincial) et suivant l’avis des évêques qui, après la mort du prédécesseur, ont droit de présenter celui qu’ils jugent digne. 82.  CTh, éd. Mommsen et Meyer, XII, 1, 49 (361) ; XVII, 1 (novelle de Valentinien, 445) ; CJ, éd. Krueger, I, 3, 30 (31), préf. (469).

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Les constitutions promulguées par Justinien marquent une rupture avec les lois pré­ cédentes en limitant le rôle des laïcs. Une loi de 528 stipule que les habitants de la cité choisissent trois candidats à la foi droite, à la vie convenable et aux qualités reconnues, mais ne précise ni les modalités de cette désignation ni l’instance décisionnaire83. Deux novelles, en 546 et 565, expriment une volonté plus nette d’exclure la popula­ tion des enjeux de l’élection épiscopale. La première réserve la désignation des trois candidats aux clercs et aux notables qui, en principe, doivent se prononcer seulement en fonction des qua­lités attendues des candidats, à l’exclusion de toutes les autres raisons moins avouables. La seconde novelle réitère ces dispositions et impose en outre aux clercs et aux notables un serment reconnaissant que les candidats sélectionnés remplissent toutes les conditions requises84. Une novelle de 535 annonçait déjà l’esprit des prochaines lois en plaçant la population dans un rôle de spectateur lors de la consécration épiscopale85. Aucune loi ne précise in fine le mode de sélection de l’évêque parmi les trois candidats proposés, sans doute parce que les canons depuis Nicée ont confié cette prérogative au métropolite et à ses suffragants86. Les évêques de Campanie, comme leurs collègues du reste de l’Italie suburbicaire, sont placés sous la juridiction de la métropole romaine et ne forment pas un collège électoral. Le recours à un synode provincial en cas d’élection est réservé à d’autres sièges métropolitains comme Salone ou Milan. Dans la correspondance de Grégoire le Grand, la formule clerum plebemque eiusdem ecclesiae apparaît de manière récurrente et désigne les deux composantes du corps électoral habilité à choisir l’évêque87. D’autres lettres fournissent une précision supplémentaire en distinguant les notables, qualifiés de nobiliores, de priores ou de membres de l’ordo de la cité88. Cette différence

83.  CJ, éd. Krueger, I, 3, 41 (42), préf. (528). 84.  Justinien, Novelles, éd. Schoell et Kroll, CXXIII, 1, préf. (546) ; ibid., CXXXVII, 2 (565). 85.  Ibid., VI, 1, 4 et 9 (535). 86.  Voir les canons 4 et 6 du concile de Nicée ; les canons 13, 19 et 23 du concile d’Antioche ; le canon

6 du concile de Sardique ; le canon 12 du concile de Laodicée ; le canon 28 du concile de Chalcédoine. 87.  Cette expression se retrouve dans des termes similaires chez Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, II, 25, éd. Norberg, II, 22 – mars 592 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 13-14 – novembre 592 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, VII, 16 – avril 597 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 80, éd. Norberg, IX, 81 – décembre 598 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 142, éd. Norberg, IX, 143 – mai 599. La formule n’est pas spécifique à la Campanie, voir Eidenschink, The election of bishops, p. 27-28. 88.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, II, 5, éd. Norberg, II, 3 – septembre 591 : clero nobilibus ordini et plebi consistenti Neapolim ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 81, éd. Norberg, IX, 82 – décembre 598 : clero ordini et plebi consistenti Meseno. Sur le rôle des notables municipaux dans l’élection des évêques, voir Laniado, Recherche sur les notables municipaux, p. 223.

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juridique et sociale entre les électeurs laïques se retrouve dans la législation impériale et existe depuis le ve siècle89. Une lettre exclut même le peuple du processus électoral confié seulement aux clercs et aux curiales90. Dans un cas particulier, le pape laisse au gouverneur de Campanie le choix de faire appel aux priores ou au peuple de Naples, sans qu’on puisse saisir le sens de cette alternative sans précédent91. Les difficultés de l’élection épiscopale dans cette cité incitent peut-être Grégoire le Grand à permettre au gouverneur de restreindre le corps électoral pour diminuer les risques de division et faciliter l’entente sur le choix du candidat. Cette situation originale tend à montrer que les autorités ecclésiastiques peuvent, au gré des circonstances, modifier la constitution du corps électoral dans sa partie laïque et peut-être même ecclésiastique. Il faut cependant noter, dans le cas présent, que la lettre ne fait aucune allusion aux clercs. Cette liberté d’action accordée au gouverneur peut également traduire la volonté des autorités, sinon de limiter la participation des humiliores, du moins de l’autoriser pourvu qu’elle ne menace pas le processus électoral92. L’influence exercée par les puissants laïques se transforme en immixtion avec le patronage, une pratique déjà condamnée par Grégoire le Grand en Dalmatie et pourtant bien attestée en Campanie93. L’accord de la patricienne Clementina s’avère ainsi nécessaire pour l’accession du prêtre Amandus au siège épiscopal de Sorrente94. Dans sa correspondance, Grégoire le Grand montre son souci constant d’aboutir à une élection épiscopale consensuelle, mais le compromis est loin d’être systématique et le choix d’un prélat peut entraîner de graves discordes, attestées dès le ive siècle en Orient et en Occident95. Les enjeux de l’élection épiscopale, la durée de vacance d’un siège et la difficulté de s’entendre sur un candidat prouvent que le consensus demeure parfois un vœu difficile à réaliser. L’existence et la lutte de véritables partis montrent la dimension politique que revêt la fonction épiscopale dans une cité. En juillet 600, s’adressant au clergé et aux nobiles de Naples, le pape évoque le cas particulier du clivage des électeurs en factions (duas partes diuidere) s’opposant pour la désignation d’un nouvel évêque et déplore les tensions nées autour de chaque candidat96.

89.  Pietri, Duval et Pietri, « Peuple chrétien ou plebs », p. 376. 90.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, X, 19 – juillet 600 : clero et

nobilibus ciuitatis Neapolim. Deux autres lettres, ne traitant pas de la Campanie, ne mentionnent pas davantage le peuple : ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 79 – août 591 (en Corse) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, VI, 26 – janvier 596 (en Dalmatie). 91.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 15 – décembre 592 : conuocantes priores uel populum ciuitatis. 92.  Pietri, Duval et Pietri, « Peuple chrétien ou plebs », p. 391. 93.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, III, 22 – mars 593. 94.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 6 et 7 – mars 600. 95.  Pietri, Duval et Pietri, « Peuple chrétien ou plebs », p. 379-381. 96.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, X, 19 – juillet 600.

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Le siège de Naples, resté sans titulaire de septembre 591 à mai ou juin 593, illustre ces rivalités pour désigner un nouveau prélat. Il convient d’en rappeler les péripéties jusqu’à l’élection de Fortunatus. En septembre 591, on apprend que l’évêque Demetrius a été déposé pour des crimes inconnus. En décembre de la même année, Paul de Nepi est chargé par le pape de visiter l’Église de Naples et de veiller à l’élection rapide d’un nouvel évêque. La cité n’a toujours pas de prélat un an plus tard, puisqu’on apprend en décembre 592 que le sous-diacre romain Florentius, pressenti par Grégoire pour monter sur le trône épiscopal de Naples, a préféré s’enfuir plutôt que d’assumer cette responsabilité. En mai 593, le pape charge son recteur en Campanie d’organiser l’élection de l’évêque de Naples. Au terme de cette vacance, entre mai et août 593, un nouvel évêque, Fortunatus, est élu. La fuite de Florentius a incité le pape à instituer une nouvelle procédure électorale qui semble s’inspirer des dispositions de la législation impériale réglementant l’élection épiscopale sans les appliquer de manière stricte. L’expression conuocantes priores uel populum ciuitatis laisse certes entendre que la présence du peuple n’est pas impérative, mais ne suppose pas l’exclusion du clergé. Le pape souhaite sans doute favoriser le consensus parmi un électorat laïque réduit avant de solliciter, dans un second temps, le clergé dont le vote est moins dispersé. Dans le cas où cette assemblée en formation restreinte ne parviendrait pas à s’entendre, il est prévu de désigner au sein de la communauté trois candidats qualifiés de rectos ac sapientes, et de les envoyer à Rome pour nommer l’évêque97. Une autre lettre relative à cette procédure exceptionnelle est adressée en mai 593 au sous-diacre Pierre, recteur du patrimoine de Campanie98. À Naples, Pierre doit convoquer le clergé local pour que ce dernier choisisse deux ou trois de ses membres, ensuite envoyés à Rome pour régler l’affaire. Il ne s’agit sans doute pas de candidats à l’épiscopat, mais plutôt de représentants du clergé. Le pape évoque aussi des nobiles qui agiront comme représentants du « peuple » de Naples. Ces lettres éclairent donc les modalités de désignation de « grands électeurs », seuls habilités à participer à une élection épiscopale devenue par conséquent indirecte. On retrouve cet usage à Palerme où le pape demande aux électeurs, clercs et laïcs, de donner mandat à certains d’entre eux pour se rendre à Rome99. Cette disposition apparaît seulement dans les lettres du pape aux recteurs et notaires du patrimoine de saint Pierre. Cette originalité laisse supposer que la procédure électorale simplifiée et donc accélérée supplée, en cas de blocage, au déroulement électoral traditionnel, plus complexe et donc plus long.

97.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 15 – décembre 592. 98.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 35 – mai 593 : Proinde experientia tua clerum ecclesiae

Neapolitanae conueniat, quatenus duos uel tres de suis eligere et huc ad eligendum episcopum transmittere non omittant. 99.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIII, 14, éd. Norberg, XIII, 12 – novembre 602.

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Capoue offre un autre cas particulier car son clergé réside, par la force des choses, hors du diocèse. Un nouvel évêque, Basile, est attesté à partir de 598, quatre ans après la mort de son prédécesseur, Festus100. Cette mention présuppose une élection épiscopale101, mais de nature problématique dans la mesure où le clergé réside à Naples tandis que la population se trouve sans doute encore à Capoue. Plusieurs indices dévoilent la procédure employée. Il existe déjà un visiteur, Gaudentius de Nola, dont le rôle essentiel est de procéder à l’élection d’un nouvel évêque, même si le pape ne mentionne pas cette mission102. La correspondance de Grégoire le Grand offre également l’exemple d’une élection épiscopale organisée hors du diocèse d’origine : l’élection de l’évêque de Milan se déroule à la fois à Milan et à Gênes, où une partie du clergé et des habitants ont trouvé refuge103. Basile a été élu soit par des électeurs répartis entre Capoue et Naples, soit par les clercs et les curiales présents à Naples. Il paraît invraisemblable que les électeurs soient retournés dans leur cité occupée par les Lombards afin de désigner leur nouveau prélat, comme Grégoire l’exige en octobre 594 des clercs de Myria réfugiés à Squillace (Calabre)104, où l’occupation lombarde n’est pas permanente. Les lettres de Grégoire le Grand permettent aussi d’éclairer le déroulement d’une élection épiscopale. Celle-ci s’effectue en principe sous le contrôle d’un représentant du métropolite, c’est-à-dire du pape. Il peut s’agir soit d’un évêque désigné comme visiteur de l’évêché vacant105, soit du recteur du patrimoine de Campanie comme à Naples, Nocera, Atella ou Misène106. Une lettre évoque également le iudex Campaniae, c’est-à-dire le gouverneur de la province107. L’intervention d’un fonctionnaire revêt un

100. Voir supra n. 7 et le commentaire de la page correspondante. 101.  Richards, Consul of God, p. 170, estime possible que Basile ait été désigné directement par

le pape, mais on ne connaît aucun exemple dans la correspondance de Grégoire le Grand de désignation sans consultation de la communauté alors qu’il existe un autre exemple d’élection délocalisée (voir n. 57). 102.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, V, 13-14 – novembre 594. 103.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 29-30 – avril 593. 104.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 9 – octobre 594. 105. Benenatus évêque de Misène pour Cumes : ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 25, éd. Norberg, II, 22 – mars 592 ; Agnellus évêque de Terracine pour Formies  ibid., éd. Ewald et Hartmann, VII, 16 – avril 597 ; Fortunatus évêque de Naples pour Misène : ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 80-81, éd. Norberg, IX, 81-82 – décembre 598. 106.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 35 – mai 593 (Naples) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 39 – mai 593 (Nocera) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 142, éd. Norberg, IX, 143 – mai 599 (Atella et Misène). 107.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 15 – novembre 592. Le iudex Campaniae, haut fonctionnaire représentant l’autorité impériale à Naples, est mentionné en 592, mais disparaît ensuite. Voir Martin, « Grégoire le Grand », p. 271.

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caractère exceptionnel dans la correspondance pontificale avec l’Italie suburbicaire et met à nouveau en exergue la singularité de Naples et les difficultés pour y désigner un évêque108. Une seule lettre ne mentionne pas la présence d’un représentant du pape lors de l’élection109, sans doute par omission d’un détail superflu car la lettre est adressée aux clercs et aux nobiles de Naples. Le pape a-t-il voulu accorder davantage de liberté aux électeurs dans le vain espoir d’aboutir à un consensus ? L’élection se déroule en plusieurs étapes : le clergé, les notables et parfois le peuple sont convoqués ; si un consensus se fait autour d’une personne, un acte est rédigé et souscrit par les participants110. Le pape évoque parfois une lettre de son représentant, qui atteste la validité de l’élection111. On peut supposer que cette attestation constitue non seulement la preuve d’un processus électoral normal, mais aussi de la possession par l’élu des qualités requises et de son observance des obligations canoniques. Il est parfois fait mention d’une enquête complémentaire menée par un délégué pontifical qui intervient si les suffrages des électeurs se portent sur plusieurs candidats et surtout si le pape a vent de la contestation des qualités des élus112. Ce type d’enquête n’est jamais mentionné lorsque l’élection est supervisée par un visiteur, sans doute parce le pape se fie davantage à l’exigence morale et canonique d’un évêque. Le recteur de Campanie

108.  Une lettre montre en revanche l’immixtion du pouvoir civil à propos du siège de Ravenne. L’importance stratégique de cette cité explique sans doute cette situation. Voir Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, V, 51 – juillet 595. 109.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 19 – juillet 600. 110.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 25, éd. Norberg, II, 22 – mars 592 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 15 – novembre 592 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, VII, 16 – avril 597 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 80-81, éd. Norberg, IX, 81-82 – décembre 598 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 19 – juillet 600. Ce consensus est une nécessité pour l’élection du métropolite : Ganshof, « Note sur l’élection des évêques », p. 495. 111.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, II, 25, éd. Norberg, II, 22 – mars 592 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, VII, 16 – avril 597 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 80-81, éd. Norberg, IX, 81-82 – décembre 598. Ganshof, « Note sur l’élection des évêques », p. 494-495, distingue la petitio, vote d’une demande adressée au métropolite et le testimonium, par lequel les électeurs estiment que le candidat possède les qualités requises. Ici, le testimonium serait plutôt la preuve apportée par le représentant du pape que l’élection s’est déroulée dans des conditions normales. 112.  On trouve de nombreuses allusions à cet examen en Campanie dans Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, III, 39 – juin 593 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 7 – mars 600 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 19 – juillet 600. Hors de Campanie : ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 24, éd. Norberg, II, 21 – mars 592 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 20 – février 595 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 138, éd. Norberg, IX, 139 – mai 599 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 13 – juin 600 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIII, 14, éd. Norberg, XIII, 12 – novembre 602 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIV, 11 – décembre 603.

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est par exemple chargé d’un examen supplémentaire du diacre Numerius, prétendant au siège épiscopal de Nocera. La lettre pontificale apporte une précision intéressante : après avoir examiné le candidat, le représentant du pape doit informer les clercs et le peuple du résultat de son enquête avant que les délégués de la cité ne se rendent à Rome113. Deux interprétations sont possibles : soit le pape s’est dispensé de la désignation du diacre par les électeurs de Nocera et l’a choisi lui-même, quitte ensuite à faire confirmer l’élection par le peuple ; soit, de manière plus simple, le vote des électeurs de Nocera a été suspendu le temps de l’enquête et, une fois les doutes levés, la procédure reprend son cours normal. Cette hypothèse reçoit une confirmation dans une lettre de Grégoire le Grand requérant la venue à Rome d’un diacre napolitain promu à l’épiscopat, muni du décret souscrit par les électeurs, si l’enquête a rejeté les accusations pesant sur lui114. L’élection du nouvel évêque de Sorrente, Amandus, un prêtre du castrum Lucullanum, donne lieu à une enquête conjointe du recteur du patrimoine de Campanie et de l’évêque de Naples115. Mais il s’agit d’une situation particulière puisque l’élu est un prêtre extérieur au siège dont il est devenu le titulaire. Dans ce cas précis, le pape veut de toute évidence impliquer dans l’examen l’évêque de Naples, supérieur hiérarchique d’Amandus, pour éviter que le prélat ne s’oppose ensuite au départ d’un prêtre de son Église. Le pape, en tant que métropolite, possède le droit de consacrer ses évêques suf­ fra­gants et Grégoire le Grand ne se fait pas faute de rappeler cette prérogative et ses implications116. Le pape tient compte de l’avis des communautés locales dans le choix de leur évêque, mais lui seul décide en dernier ressort. Les lettres pontificales offrent un miroir déformant car elles traitent surtout d’élections problématiques nécessitant l’intervention du pape, mais elles permettent aussi de mesurer ce degré d’intervention. Le pape peut d’abord jouer un rôle déterminant dans la désignation du candidat appelé à recueillir les suffrages du clergé et des fidèles. Il semble que ce soit le cas pour Floren­ tius, sous-diacre romain désigné par le pape lui-même117. Florentius a dû, au préalable,

113.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 39 – juin 593. 114.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 19 – juillet 600 : Si uero suptili habita inquisitione hoc

falsum esse patuerit, quia personna nobis eius ignota est et, utrum ita sit de simplicitate eius quod ad nos perlatum est, ignoramus, cum decreto a uobis facto ad nos eum uenire necesse est. 115.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 7 – mars 600. On apprend que l’enquête se déroule sur le lieu où l’élu a vécu. 116.  Voir par exemple ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 56 – juillet 591 : Sed quia ordinatorem uehementer oportet in his esse sollicitum, nostrae in hoc utique cura deliberationis inuigilat. 117.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 15 – décembre 592. Le pape parle de Florentius comme subdiaconus noster. D’autres exemples, extérieurs à la Campanie, montrent encore plus explicitement le choix par le pape d’un candidat à l’épiscopat. Voir ibid., V, 20 – février 595 pour l’élection de l’évêque de Syracuse.

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se rendre à Naples pour se faire reconnaître car Grégoire précise que, lors de la venue à Rome des représentants napolitains munis du décret de l’élection, le sous-diacre s’est enfui. Le pape possède ensuite le droit de récuser une personne choisie par les électeurs et donc de provoquer une nouvelle élection. C’est le cas, par exemple, de Paul de Nepi, placé hâtivement sur le trône de Naples. De manière paradoxale, Grégoire ne motive pas son refus par les interdits canoniques de transfert de siège d’un évêque ou d’un clerc, mais invoque la précipitation des électeurs. À Sorrente, le pape a déjà rejeté un candidat et les Sorrentins ont dû procéder à une nouvelle élection118. C’est aussi le cas des deux candidats élus par les Napolitains à la mort de l’évêque Fortunatus, refusés par le pape pour diverses raisons119. Le souverain pontife peut enfin procéder à une élection de la dernière chance en instituant une procédure de désignation de l’évêque par des représentants du diocèse convoqués à Rome, ou en départageant plusieurs candidats120. Le processus électoral aboutit à la consécration du prélat par le pape à Rome. L’élu, muni de ses documents, se rend dans la Ville pour obtenir l’assentiment du pape et sa consécration. Le pape peut mener un ultime examen avant d’imposer les mains au candidat. Par son statut de métropolite de l’Italie suburbicaire, le pape doit consacrer tous ses suffragants nouvellement élus121. Ce ne sont pas seulement les évêques campaniens, somme toute assez proches, qui se rendent à Rome mais l’ensemble des évêques d’Italie centrale et méridionale, îles comprises, qui font le voyage pour être consacrés122. À une époque si troublée, il est étonnant d’imaginer que les suffragants risquent un tel voyage, mais nous ne possédons aucune trace d’une lettre de confirmation envoyée par le métropolite, méthode pourtant plus simple et plus rapide. La consécration épiscopale se fait en présence de clercs et de représentants laïques de la cité, comme l’illustre le cas de Nocera123. L’élu et sa délégation doivent se rendre

118.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 7 – mars 600. 119.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 19 – juillet 600. 120.  Cette solution n’apparaît pas dans le cas de la Campanie mais est utilisée par exemple pour

départager deux élus au siège de Syracuse, voir ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 1, V, 54 – juillet 595 ; pour la Corse, ibid., Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, XI, 58 – août 601. 121.  Eidenschink, The election of bishops, p. 75, n. 25. 122. Par exemple, Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, II, 24, éd. Norberg, II, 21 – mars 592 : on apprend que des prêtres siciliens sont envoyés à Rome pour être ordonnés ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, VI, 21 – novembre 595, pour les évêques de Brindisi, Lecce et Gallipoli ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 58 – août 601, pour les évêques d’Aléria et d’Ajaccio en Corse. Pour l’évêque de Syracuse, il ne semble pas que le déplacement soit de mise. 123.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 39 – juin 593. Un cas similaire : ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 24 – février 595 : le pape demande à son représentant à Ravenne de désigner un ou deux candidats et d’envoyer à Rome cinq des principaux prêtres et cinq des citoyens les plus importants (quinque de prioribus presbyteris et quinque de praecedentibus) pour la consécration de leur évêque.

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à Rome avec les vêtements épiscopaux et l’argent nécessaire124. On peut se demander si cette somme est destinée à l’entretien et à la subsistance du nouvel évêque et de sa suite ou bien s’il s’agit des droits versés par l’impétrant à l’occasion de son ordination (enthrôniastika et synètheia), comme le prévoit la législation impériale125. Ici, il est sans doute question d’un simple viatique donné à la délégation pour ne pas être à la charge de l’Église de Rome, ce qui devait parfois advenir. Une fois à Rome, la consécration consiste en une imposition des mains, comme le précise lui-même le pape126. On ne mentionne pas la règle (canon 4 de Nicée) des trois évêques nécessaires pour ordonner un évêque. Il faut supposer la participation d’évêques présents alors à Rome.

Le recrutement des évêques campaniens Grégoire le Grand évoque souvent la dignité nécessaire et les « vénérables canons » conditionnant l’accès d’un individu à la charge épiscopale127. C’est une formule récurrente et imprécise employée par les lettres relatives à l’élection de l’évêque, en particulier en Campanie. Quelques lettres extérieures à cette région permettent de mieux connaître les qualités du candidat idéal à l’épiscopat128. Pour l’élection de l’évêque de Rimini, Grégoire demande à l’archevêque de Ravenne d’examiner avec soin le candidat pour savoir s’il n’a commis aucune des fautes punies de mort dans l’Hep­ta­ teuque, les sept premiers livres de l’Ancien Testament129. Le pape ajoute que l’élu doit connaître le psautier130. À quelles règles canoniques ces prescriptions obéissent-elles ?

124.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 35 – mai 593 : Illos autem qui cunctorum uice hic uenerint ad eligendum episcopum ammone, ut uestarium omne episcopii et quantum praeuiderint secum argentum adducant, quod in usu suo habere possit, qui fuerit episcopus ordinatus. 125.  Justinien, Novelles, éd. Schoell et Kroll, CXXIII, 3 (536). Greenslade, « Sede va­ cante », p. 212, considère qu’il s’agit d’une somme d’argent subvenant aux besoins de l’évêque à Rome. 126.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, X, 19 – juillet 600 : manus imponimus. 127.  Par exemple ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 25, éd. Norberg, II, 22 – mars 592 : et tanto ministerio dignus ualeat repperiri, et a uenerandis canonibus nullatenus respuatur. 128.  Le portrait de l’évêque idéal est brossé à grands traits par Acerbi, Entre Roma y Bizancio, p. 45-51. 129.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 138, éd. Norberg, IX, 139 – mai 599 : Et si ea in eo quae in textu Eptatici morte multata sunt. On retrouve une formule équivalente à propos de l’Église de Teramo (Abbruzes) : ibid., éd. Ewald et Hartmann, XII, 4 – novembre 601 : Et si nulla ei crimina quae per legis sacrae regulam morte multata sunt obuiant. On pourrait voir ici l’influence d’Augustin, Quaestionum in Heptateuchum libri VII et Locutionum in Heptateuchum libri VII. Ces deux œuvres ont été éditées dans le Corpus Christianorum par J. Fraipont. 130.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 13 – juin 600 : requirendum quoque est, si in opere Dei studium habuit uel psalmos nouit ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIV, 11 – décembre 603 : Sed et de Rustico diacono, quantos psalmos minus teneat, perscrutandum est.

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Le canon 2 de Nicée évoque un « péché mortel pour l’âme » empêchant l’accès à la cléricature. Ailleurs, on ne trouve pas de règles claires sur les qualités requises pour devenir évêque131. La législation impériale est à nouveau plus diserte. En 535 une novelle prescrit que les évêques doivent avoir quelque connaissance de la doctrine et des canons ; une novelle de 546 précise que les candidats doivent être orthodoxes et de bonnes mœurs, capables de lire et écrire et âgés d’au moins 35 ans ; une novelle de 565 exige une pratique de la liturgie et abaisse l’âge minimum à 30 ans132. Dans la correspondance de Grégoire le Grand, les exigences demeurent souvent vagues car les lettres formulaires de la chancellerie se bornent à fixer un cadre général. Le pape connaît, bien entendu, la littérature canonique et juridique, mais peut faire preuve de pragmatisme : à ses représentants de veiller au respect des règles avec souplesse. En revanche, des messages plus individualisés fournissent davantage de précision. Un exemple montre la vigilance de Grégoire le Grand et son souci de la législation : toujours en quête d’un évêque pour l’Église de Naples, le pape récuse deux candidats impropres à la dignité épiscopale, l’un est père d’une fille, l’autre, qualifié de simplex, pratique l’usure, ce qui les exclut de l’épiscopat133. Les candidats à l’élection épiscopale doivent, en principe, appartenir au clergé de leur diocèse d’élection134. Dans ses lettres, le pape permet d’assouplir cette règle si nul clerc du siège vacant n’est apte à exercer la prélature. Nous connaissons en Campanie le cas d’un évêque originaire d’un autre diocèse : Amandus, prêtre du castrum Lucullanum, dans le diocèse de Naples, est élu évêque de Sorrente135. Quant à Florentius, c’est un sous-diacre de l’Église romaine que Grégoire tente d’installer sur le siège napolitain. Le pape avoue même ne pouvoir fournir assez de clercs romains pour occuper tous

131.  Eidenschink, The election of bishops, p. 76-79 avance l’hypothèse d’une référence à la Collectio Dionysiana où l’on retrouve pratiquement toutes les qualités (comme les défauts exclusifs) du futur évêque mentionnées par Grégoire le Grand. Voir aussi Damizia, Lineamenti, p. 85-87. 132.  Justinien, Novelles, éd. Schoell et Kroll, VI, 1, 6 (535) ; ibid., CXXIII, 1, préf. (546) ; ibid., CXXXVII, 2 (565). 133.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, X, 19 – juillet 600. Le pape s’appuie sur CJ, éd. Krueger, I, 3, 41, 2 et 4 ; ibid., I, 3, 44, préf. et 3 ; ibid., I, 3, 47 ; ibid., I, 4, 26, 5 et Justinien, Novelles, éd.  Schoell et Kroll, VI, 1, 3-4 (535) ; ibid., XXII, 42 (536) ; ibid., CXXIII, 1, 29 (546) interdisant le mariage et la paternité pour le candidat à la prélature. Ajoutons que la pratique de l’usure est formellement interdite pour tout clerc depuis le concile de Nicée canon 17. 134. Par exemple, Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 80, éd. Norberg, IX, 81 – décembre 598 : Commonentes etiam fraternitatem tuam, ut nullum de altera eligi permittas ecclesia, nisi forte inter clericos ipsius ciuitatis in qua uisitationis impendis officium nullus ad episcopatum dignus, quod euenire non credimus, potuerit inueneri. 135.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 6-7 – mars 600.

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les sièges vacants en Sicile136. Les lettres du pape interdisent l’élévation d’un laïc à la dignité épiscopale avec beaucoup plus de vigueur que la tradition canonique ou la législation civile137. Cette dernière n’empêche pas la promotion d’un laïc à l’épiscopat, mais une novelle de 546 stipule qu’un laïc doit détenir depuis au minimum trois mois un degré de cléricature et se former aux canons et à la liturgie avant de devenir évêque138. On ne rencontre aucun cas de ce genre en Campanie, mais l’exemple du siège de Teramo (Abruzzes), où un laïc élevé à la dignité épiscopale doit, au préalable, recevoir la tonsure et attendre le temps imparti, témoigne encore du pragmatisme de Grégoire le Grand139. La correspondance pontificale permet enfin de connaître les clercs élevés à la dignité épiscopale en Campanie. Une constatation s’impose : les prêtres ne sont pas les seuls clercs à parvenir au trône épiscopal, on compte des diacres et des sous-diacres140. La dignité d’évêque n’est donc pas réservée aux seuls prêtres. Cette charge ne semble guère convoitée par le clergé campanien, si on en juge des difficultés à trouver le candidat convenable141. Certes le sentiment d’incompétence devant la tâche et le choix du refus, signes d’humilité, constituent un lieu commun de la littérature hagiographique. Grégoire de Tours évoque les efforts de Grégoire le Grand pour se soustraire à son élection au pontificat142. Dans le cas de Florentius, son refus du trône de Naples ne traduit pas une réticence formelle, mais se manifeste par la fuite,

136.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 15 – décembre 592 (Florentius) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIII, 14, éd. Norberg, XIII, 12 – novembre 602 : Hinc autem presbyterum dare omnino nobis excellentia uestra sciat esse difficile quia personarum nos necessitas ad ordinanda alia loca pastoribus destituta non leuis angustat. 137.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIII, 14, éd. Norberg, XIII, 12 : Prouisurus ante omnia ne ad cuiuslibet conuersationis meritum laicae personae aspirare praesumant et tu periculum ordinis tui quod absit incurras. On retrouve cette phrase dans les lettres formulaires concernant l’élection épiscopale. Pour la Campanie, ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 25, éd. Norberg, II, 22 – mars 592 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, VII, 16 – avril 597. Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 80-81, éd. Norberg, IX, 81-82 – décembre 598. 138.  Justinien, Novelles, éd. Schoell et Kroll, CXXIII, 1, 2 (546). 139.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, XII, 4-5 – novembre 601. 140.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 6-7 – mars 600 : un prêtre nommé Amandus ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 39 – mai 593 : Numerus, diacre de l’Église de Nocera ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 19 – juillet 600 : le diacre Pierre à Naples ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 15 – novembre 592 : le sous-diacre Florentius. Il n’y a pas en revanche d’archi­ diacre alors qu’à Rome, très souvent, on élit pape l’archidiacre de l’Église romaine. 141.  La fuite du sous-diacre Florentius devant la perspective d’accéder au trône épiscopal de Naples en constitue la démonstration éclatante. Ibid., III, 15 – novembre 592. 142.  Grégoire de Tours, Dix livres d’histoires, éd. Krusch, X, p. 479-481.

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ce qui ne correspond guère aux clichés hagiographiques143. Le sous-diacre est de plus un Romain, étranger à la cité de Naples, ce qui doit avoir renforcé ses appréhensions. La durée de la vacance entre deux épiscopats, comme c’est le cas à Naples, montre la difficulté de trouver des candidats qualifiés et volontaires. On peut de surcroît arguer de la dureté de l’époque et de l’accroissement des charges pesant sur les évêques dans un contexte d’effacement de l’autorité politique. L’origine sociale des évêques campaniens est en revanche impossible à déterminer. Il n’existe aucune information précise et, même si une aristocratie sénatoriale subsiste dans la région, il paraît douteux que cette dernière cherche dans l’épiscopat une issue à ses difficultés et à sa progressive dispari­ tion dans un contexte de crise économique et politique144.

Les missions d’un évêque La dépendance hiérarchique des évêchés campaniens vis-à-vis de leur métropolite romain, renforcée par la présence du recteur du patrimoine, conduit le pape à sans cesse rappeler leurs devoirs aux évêques. Il faut toutefois demeurer vigilant face à des lettres traitant le plus souvent de problèmes ponctuels qui acquièrent alors une valeur historique parfois démesurée. Outre le rôle sacramentel, dans les sources juridiques de l’Antiquité tardive, les missions qui incombent à l’évêque peuvent être réparties en cinq domaines principaux : l’administration des biens et des institutions ecclésiastiques, le contrôle de la foi et de la morale, les œuvres caritatives, l’exercice d’une justice ecclésiastique et civile et les interventions dans le domaine public145. Le propos de la correspondance de Grégoire le Grand n’est pas d’énumérer les missions imparties à l’évêque, mais de les rappeler en cas de problème ou d’infraction grave. Le pape a le souci de la continuité de la mission épiscopale, comme avec les visiteurs, mais aussi de sa bonne exécution. Les compétences de l’évêque en matière ecclésiastique sont multiples. Elles concernent l’instruction de la foi, le culte, l’autorité sur les clercs, les monastères, les moines et les moniales, l’entretien et l’administration des bâtiments ecclé­sias­ tiques, la gestion des biens de l’Église et des objets ecclésiastiques. La place de ces missions dans la législation, civile plus que canonique, est prépondérante et il n’est pas possible de la circonscrire dans les lettres du pape à destination de la Campanie146. 143. Pour Richards, Consul of God, p. 165, la situation politique, la lutte entre les factions et la lourdeur des tâches expliquent cette fuite. 144.  Gasparri, « La situazione storica », p. 33-35. Richards, Consul of God, p. 171, estime possible que l’évêque Basile de Capoue soit le petit-fils d’un aristocrate réfugié à Constantinople durant la guerre gothique. 145.  Noethlichs, « Materialen zum Bischofsbild », p. 28-60. 146.  Ibid., p. 38.

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Ces missions sont exposées par le pape surtout à l’occasion d’une vacance épiscopale. On rappelle alors que l’évêque doit veiller au patrimoine de l’Église qui lui est confiée, à l’ordination et à la promotion des clercs « selon la règle des canons » mais aussi à la célébration du culte et à la prédication des fidèles147. Les mêmes prescriptions sont données aux visiteurs car le souci est identique : insister sur des devoirs essentiels qui, s’ils ne sont pas accomplis, risquent de mettre en péril l’Église dans un contexte poli­ tique délicat. Les rapports entre les évêques et les monastères occupent à cette occasion une très large place dans la correspondance de Grégoire le Grand148. Dans sa lettre à Agnellus de Fondi, désigné comme évêque de Terracine en no­ vembre 592, Grégoire le Grand fait part, de manière exceptionnelle, des qualités morales attendues d’un évêque : « Que dans tes actions le peuple trouve des exemples d’une vie vertueuse ; que la cupidité n’ait pas de prise sur toi. Que ceux qui ignorent les lettres apprennent par ta prédication les prescriptions divines. Que tes mœurs forment le peuple à la manière de vivre dans la crainte de Dieu. Pratique dans tes œuvres ce que tu enseignes et prêche à ceux qui te sont soumis. Que ces actions servent aux autres à se corriger ; qu’ils trouvent pour eux-mêmes une aide dans l’imitation de ta vie. Hâte-toi de te montrer tel dans toutes tes œuvres, que quiconque néglige ou est incapable de se former par la lecture trouve en toi une Écriture et un abrégé. Hâte-toi donc avec toute la force de ton esprit de gagner les âmes à notre Dieu afin qu’une récompense méritée t’échoie en sa présence au jour de la rétribution »149.

Les considérations de foi et de morale sont toutefois peu présentes dans le Registre des lettres. Certes, le pape répète que l’évêque doit veiller « à la prédication et au gain des âmes » mais cela reste un conseil d’ordre général, sans précisions150. Ce n’est pas

147.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, II, 44, éd. Norberg, II, 37 – juillet 592 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 13 – novembre 592. 148.  Voir partie 1, chapitre 3 sur le patrimoine ecclésiastique et monastique. 149.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 13 – novembre 592 : In tuis actibus plebi exempla bene uiuendi consistant, auaritia in te uires non habeat. Tua praedicatione qui litteras nesciunt, quid diuini­ tus praecipiatur, agnoscant. In Dei timore populum, quemadmodum uiuere possit, tui mores instituant. Operibus exerce quod subiectos doces et praedicas. Actus tui in aliorum correctione proficiant, in adiuto­ rium sibi uitae tuae imitationem adsumant. Sicque te in cunctis operibus exhibere festina, ut scripturam constrictionemque te habeant, quicumque aut neglegit aut non potest lectione formari. Tota igitur mentis intentione ita lucrum animarum Deo nostro facere festinato, ut digna te merces ante eius conspectum in die retributionis inueniat (traduction M. Reydellet). 150.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 44, éd. Norberg, II, 37 – juillet 592 : Fraternitas ergo tua tanto in adhortatione populi lucrandisque animabus sollicitiori cura semper inuigilet, quanto se uni­ tarum ecclesiarum gubernationis onera suscepisse cognoscit ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 19 – juillet 600 : Et nostis, quia talis hoc tempore in regiminis debet arce constitui, qui non solum de salute animarum, uerum etiam de extrinseca subiectorum utilitate et cautela sciat esse sollicitus.

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dans sa correspondance que l’auteur des Moralia in Iob pose l’essentiel des questions de morale. Nous trouvons simplement une allusion à la peur que la « décrépitude des mœurs religieuses » ne fournisse un motif de réjouissance aux Lombards151. Les œuvres caritatives constituent une autre mission fondamentale de l’Église et Grégoire le Grand le rappelle à de nombreuses reprises dans sa correspondance152. Bénéficiant normalement d’une partie des ressources ecclésiastiques, les œuvres cari­ ta­tives prennent la forme d’actions de bienfaisance, d’aide de l’Église pour des calamités particulières, de soins prodigués aux prisonniers, aux veuves et aux orphelins, d’une surveillance des dispositions testamentaires pour les œuvres de charité153. Au début des années 590, le pape multiplie les initiatives pour secourir des personnes dans le besoin. C’est ainsi le recteur et non l’évêque qui est chargé d’intervenir, comme pour des moniales de Nola tombées dans la misère ou des aristocrates désargentés154. L’initiative laïque ne semble pas avoir totalement disparu comme en témoigne l’allusion au don de 20 urnes de vin de l’île de Procida accordé par Théodore, maior populi de Naples, à Vecta, comes de Misène ruiné155. L’importance nouvelle de l’évêque dans l’approvisionnement de sa cité n’apparaît pas dans la correspondance du pape. On sait que l’Église supplée de plus en plus l’administration civile défectueuse dans la distribution de l’annone, mais cette fonction n’est attestée que pour Rome où l’évêque dispose de moyens importants156. À Naples, les autorités civiles continuent de pourvoir à la subsistance des populations. En mars 600, Grégoire le Grand exprime au préfet du prétoire Jean son refus de demander à son vicaire Dulcitius de limiter les dépenses en faveur des pauvres à Naples à la somme allouée officiellement (diatyposis)157. Le pape a appris que le préfet du prétoire s’était emparé du ravitaillement et des secours accordés aux pauvres alors que son prédécesseur,

151.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 207, éd. Norberg, IX, 208 – juillet 599 : ne callidus hostis occasionem inueniens de deceptione religiosi habitus, quod absit, ualeat exultare. 152.  Martin, « Grégoire le Grand », p. 264-268. 153.  Voir partie 1, chapitre 3 sur l’affectation des revenus ecclésiastiques. 154.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 23 – février 591 : 40 sous d’or versés immédiatement aux ancillae Dei de Nola puis 20 sous par an. La fonction caritative assurée par Pateria, tante de Grégoire, est évidente puisqu’elle reçoit 40 sous, pour chausser « des enfants » (ad calciarium puerorum ; on peut penser qu’il s’agit des enfants de ses esclaves). Mais, tout comme les veuves Palatina et Viviana mentionnées dans la lettre, la tante du pape bénéficie aussi de l’aide pour ses propres besoins. 155.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 53 – novembre 598 : le pape dit que Vecta est décédé en novembre 598 et a bénéficié des urnes de vin pendant deux ans. On peut donc penser que cette marque de piété de la part du uir magnificus Théodore a été effectuée depuis 595-596. 156.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 53, p. 264. 157.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 8 – entre novembre et mars 600. Voir aussi PCBE, vol. II/1, p. 1131-1332, s.u. Iohannes 122.

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Jean, pourtant malus homo, les avait offerts. On le voit, à Naples, en 600, l’essentiel de l’approvisionnement et de l’aide aux nécessiteux est assuré, sinon distribué, par les autorités civiles. Il est possible que cette implication des pouvoirs civils soit consécutive à la mise en place du duché de Naples ou manifeste une réduction des moyens à la disposition de l’Église locale158. L’action de l’Église et la mission épiscopale à l’égard des pauvres ne s’effacent pas non plus totalement au début du viie siècle. En 601, le pape écrit à l’évêque Pascasius de Naples pour faire distribuer l’argent de l’Église destiné au clergé et aux pauvres que son prédécesseur n’a pas dépensé. Sur 400  sous, 150 reviennent aux homines honesti ac egeni, à raison d’un tiers de sou par personne et 36 sous doivent aller aux pauvres demandant l’aumône publique159. L’action de l’évêque reste encadrée par le pape et son représentant sur place, le recteur de Campanie : non seulement une liste détaillant les dons est jointe à la lettre, mais le recteur Anthemius supervise aussi l’opération160. De fait, l’intervention de l’Église romaine, disposant de moyens encore importants reste déterminante face à des Églises locales, nettement moins riches. L’initiative de Grégoire le Grand est plus évidente encore pour le rachat des pri­ son­niers. Cette opération n’est pas nouvelle mais le retour des hostilités en Italie ravive le problème des prisonniers, activité lucrative, et la nécessité de leur rachat. En avril 596, Grégoire le Grand annonce au recteur Anthemius l’envoi, par le biais d’Étienne, uir magnificus, de l’argent nécessaire pour libérer les prisonniers161. Un autre témoignage montre l’Église romaine remboursant aux laïcs l’argent qu’ils ont avancé pour la libération d’un captif162. La correspondance de Grégoire le Grand

158.  Martin, « Grégoire le Grand », p. 266. 159.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, XI, 22 – février 601 :

hominibus honestis ac egenis, quos publice petere uerecundia non permittit, solidi centum quinquaginta, ita ut quidam eorum ad singulos tremisses, quidam ad binos, quidam ad singulos solidos uel, si uisum fuerit, amplius dimittantur ; reliquis uero pauperibus, qui elemosinam publice petere consueuerunt, solidi triginta sex. 160.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 22 : uolumus, ut secundum distributionem praesentibus scriptis insertam coram Anthemio subdiacono nostro sine difficultate aliqua fraternitas uestra debeat erogare. (…) necesse est, ut una cum praedicto subdiacono, prout praeuideritis, dare singulis debeatis atque id modis omnibus studeatis. 161.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, VI, 32 – avril 596. Le pape soulève en particulier le cas des esclaves de l’Église que le sous-diacre Anthemius aurait perdus « par sa négligence » et qu’il faut également racheter. 162.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 84, éd. Norberg, IX, 85 – décembre 598 : Étienne, époux d’une esclave de l’Église romaine s’est ainsi directement adressé au pape pour rembourser les huit sous que le senior Accellus a dépensés pour le libérer des Lombards. De nouveau, le recteur de Campanie est chargé d’effectuer l’opération.

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abonde en témoignages sur l’implication des évêques dans le rachat des prisonniers163. En 596, le pape autorise même Fortunatus, évêque de Fano, à vendre les vases sacrés de son Église pour régler la dette contractée pour le rachat des captifs164. Néanmoins, le Registre des lettres ne mentionne pas toutes les interventions épiscopales dans les opérations de rachat ; l’importance des fonds nécessaires peut expliquer l’omission des évêques campaniens dépourvus de moyens financiers. Par exemple, onze livres d’argent sont nécessaires pour racheter une famille du diocèse de Fermo165. Même le recteur du patrimoine de Campanie, parfois sollicité pour aider des laïcs, des clercs ou des moines, reçoit l’argent de Rome. Seul le pape semble disposer de l’argent indispensable et reçoit même l’aide de riches laïcs, notamment de la famille impériale166. La législation impériale a consacré la compétence judiciaire de l’évêque tant dans le domaine ecclésiastique que dans le domaine civil, c’est-à-dire pour les procès internes à l’Église et les procès civils167. Le Registre des lettres de Grégoire le Grand présente l’intérêt de montrer la mise en place d’un droit ecclésiastique en parallèle à un droit civil déjà établi et reconnu168. Avec Grégoire le Grand commence à s’affirmer l’idée d’une concurrence de la juridiction civile de la part de la juridiction ecclésiastique. L’objectif n’est pas ici de dresser le bilan global de la mission épiscopale dans le domaine judiciaire mais d’analyser sa pratique en Campanie à la fin de l’Antiquité tardive. Le Registre a conservé cinq lettres traitant des compétences judiciaires des évêques campaniens169.

163.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 45, éd. Norberg, II, 38 – juillet 592 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 16 – décembre 592 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 40 – juin 593 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IV, 17 – décembre 593 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, VII, 13 – novembre 596 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, VII, 35 – juillet 597 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 52 – novembre 598. 164.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, VII, 13 – novembre 596 : la vente des vases sacrés se fait en présence du defensor Jean. Le pape invoque la loi et les canons qui prévoient ce cas. 165.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 52 – novembre 598. Le rachat s’est effectué dix-huit ans plus tôt. 166.  Martin, « Grégoire le Grand », p. 267-268. 167.  Justinien, Novelles, éd. Schoell et Kroll, LXXIX, 1 (clercs, moines et moniales justiciables de l’évêque) ; ibid., LXXXVI, 1 (métropolite habilité à transmettre au juge impérial une affaire entre particuliers après refus du gouverneur provincial de rendre justice) ; ibid., CXXIII, 21-22 (clercs justiciables par leur évêque et évêques suffragants par leur métropolite). 168.  Pour une analyse de la justice dans le Registre des lettres de Grégoire le Grand voir notamment Damizia, Lineamenti ; Id., « Il Registrum epistularum », p.  195-226 ; Giordano, Giustizia e potere ; Ead., Itinerari di giustizia gregoriana. 169.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, VI, 11 – septembre 595 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 68-69, éd. Norberg, IX, 69-70 – novembre-décembre 598 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 53 – 10 juillet 601 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIII, 4, éd. Norberg, XIII, 2 – septembre 602.

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La première, datée de septembre 595, est adressée à l’évêque Fortunatus de Naples pour lui rappeler que les clercs ou les religieux de son diocèse ne doivent pas être cités devant un autre tribunal que le sien, le pape ayant entendu dire que c’était une pratique courante dans la cité170. Cette information présente un double intérêt. Tout d’abord, Grégoire le Grand réaffirme un principe intangible dans sa correspondance avec les évêques : la compétence exclusive du for ecclésiastique, c’est-à-dire la nécessité absolue pour l’évêque de se voir déférer toutes les causes impliquant des membres du clergé171. Ensuite, on apprend qu’à Naples, le respect du priuilegium fori n’est pas encore assuré ou du moins bien appliqué. Pourquoi  ? La suite de la lettre offre des explications complémentaires. Grégoire le Grand conseille à l’évêque de Naples de recourir aux procédures d’arbitrage en nommant des juges instructeurs, au besoin en s’appuyant sur le sous-diacre Anthemius, recteur du patrimoine romain en Campanie, auquel il ne doit rien dissimuler172. Comme l’affirme Grégoire le Grand, un membre du clergé échappe au for civil et toute affaire le concernant relève de la compétence de son évêque. Des plaignants laïques peuvent suspecter l’évêque de parti pris et, dans ce cas, possèdent le droit de recourir à des juges élus173. Grégoire le Grand permet toutefois à l’évêque de contrôler ce recours en lui attribuant la désignation de ces instructeurs élus. De ce fait, l’évêque conserve la maîtrise de la procédure et surtout, même si la lettre ne le dit pas, exécute la sentence174. Or, à Naples, les choses ne semblent pas satisfaire le pape, sans doute parce que les autorités civiles conservent une grande partie de leur pouvoir.

170.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, VI, 11 – septembre 595 : Quia uero peruenit ad nos clericos aliasque ciuitatis ac parochiae tuae religiosas personas, ab aliis conueniri, fieri hoc de cetero prohibemus et neque clericum tuum neque monachum uel quamlibet ciuitatis aliam religiosam personam parochiaeque tuae conueniri a quoquam uel ad alterius uolumus iudicium exhiberi. 171.  La lettre VI, 11 réaffirme un principe déjà exposé ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 32 – avril 593. 172.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 32 : Aut si forte, ut adsolet, aliqua illis quolibet modo fuerit nata suspicio et electorum desiderauerint fortasse iudicium, sub tua executione eligendi fas habeant cognitores, quatenus hoc modo nec tu amisisse iurisdictionem nec actor apud suspectum litigando uideatur praeiudicium sustinere. Hoc etenim seruandum et Anthemio subdiacono nos praecepisse cognosce. 173.  Giordano, Giustizia e potere, p. 88 et 90 : les iudices adiuncti, electi ou datiui dérivent dans le droit civil romain des magistrats supplétifs (juges délégués, conseillers judiciaires, assesseurs) qui aidaient les magistrats ordinaires (CJ, éd. Krueger, I, 51, 13 ; Justinien, Novelles, éd. Schoell et Kroll, LX, 2 et LXXXII, 2). Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, VI, 11 – septembre 595, applique surtout le Digeste, XLII, 1, 15 quand il ordonne que des iudices soient désignés. Ulpien mentionne ici un rescrit de l’empereur Antonin le Pieux (138-161) établissant l’obligation pour les magistrats du peuple romain de faire exécuter les décisions de justice rendues par des juges ou des arbitres que les magistrats ont eux-mêmes désignés. 174.  Giordano, Giustizia e potere, p. 84 : Grégoire évite opportunément d’appliquer la seconde partie de Justinien, Novelles, éd. Schoell et Kroll, CXXIII, 21, dans laquelle existe la disposition,

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La législation impériale en matière judiciaire tire le bilan de la christianisation de l’Empire mais, en même temps, demeure l’héritière de la tradition juridique romaine. À Naples, les structures de l’Antiquité romaine sont préservées. L’aristocratie conserve une puissance perdue ailleurs et, vraisemblablement, l’évêque n’est pas en mesure d’imposer la vision « grégorienne » des compétences judiciaires dévolues à l’Église175. Un dernier argument renforce cette impression : l’élection conflictuelle de l’évêque de Naples a certainement contribué à affaiblir une autorité épiscopale déjà fragile. Dans ces circonstances, il n’est pas sûr que Fortunatus puisse se faire entendre. Par réaction, le pape rappelle à l’évêque qu’il dispose du soutien du recteur du patri­ moine176. On peut aussi comprendre cette précision comme une invitation à mieux assumer les charges, notamment judiciaires, qui lui incombent. Fin 598, le pape relate qu’un clerc nommé Pierre est venu lui dénoncer le déni de justice dont il a été victime de la part de son évêque, Fortunatus. Plus précisément, le clerc a été accusé par des pueri de temptatio sceleris. Mais les accusateurs n’ont subi qu’un examen superficiel de l’évêque qui a exclu Pierre des processions sans jugement177. L’affaire fait l’objet de deux lettres de Grégoire le Grand, l’une au recteur du patrimoine de Campanie et l’autre à Fortunatus de Naples178. Comme en 596, ces lettres reprochent au prélat son incurie ou du moins sa pratique expéditive de la justice. Elles manifestent aussi l’intervention du pouvoir civil dans la procédure judiciaire, car dans sa lettre au recteur Anthemius, Grégoire lui conseille de s’assurer les services du magister militum Maurentius, qui est un proche du pape179.

après la première sentence de l’évêque, d’aller devant un juge séculier, qui peut casser le jugement épiscopal, sans que la partie ecclésiastique puisse à nouveau se saisir de l’affaire. 175.  Giordano, Giustizia e potere, p. 70-71, souligne que la potestas de l’évêque est encore liée, à cette époque, à la collaboration avec les primates de la cité selon les lois de 530 (CJ, éd. Krueger, I, 4, 26) et de 545 ( Justinien, Novelles, éd. Schoell et Kroll, CXXVIII, 16-17). Cette coopération concerne en premier lieu l’approvisionnement et la distribution du blé. 176.  Grégoire le Grand signifie aussi que le recteur du patrimoine dispose d’une compétence juridique propre comme son représentant dans la région. 177.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 69, éd. Norberg, IX, 70 – novembre-décembre 598 : Petrus itaque praesentium portitor ad nos ueniens questus est pueros a quibus se de temptatione sceleris falso asserit criminatum non, ut oportuit, esse discussos, sed tantum modo uerbo tenus inquisitos et sibi hoc solum, ne uobiscum procedere audeat, interdictum. 178.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 68, éd. Norberg, IX, 69 – novembre-décembre 598 (au sous-diacre Anthemius, recteur du patrimoine de Campanie) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 69, éd. Norberg, IX, 70 – novembre-décembre 598 (à l’évêque Fortunatus de Naples). 179.  Giordano, Giustizia e potere, p. 88, pense qu’Anthemius et Maurentius jouent le rôle de juges adjoints et possèdent un pouvoir juridictionnel équivalent à celui de l’évêque par décision du pape. Il semble néanmoins que le pape confie aux deux hommes, l’un clerc, l’autre laïc, le soin de mener l’enquête sans leur attribuer une compétence judiciaire concurrente de l’évêque.

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L’incompétence de l’évêque de Naples semble renforcer l’implication des autorités laïques mais aussi du recteur du patrimoine. Une ultime lettre achève de brosser l’image d’un évêque piètre justicier. La dernière affaire, impliquant cette fois deux clercs, relève par conséquent de la seule compétence épiscopale180. La lettre est à nouveau envoyée au sous-diacre Anthemius et fournit l’occasion au pape de dénoncer l’apathie du nouvel évêque de Naples, Pascasius, qui n’a encore décidé aucune sanction. Substituant presque le recteur à l’évêque, Grégoire le Grand expose les décisions à prendre et les sanctions à appliquer181. Il paraît utile de s’interroger sur le peu d’empressement des évêques à exercer leurs compétences judiciaires. Les cas sont assez différents les uns des autres et pourtant le manque d’intérêt des évêques est flagrant, sans doute en raison de la lourdeur de la machine judiciaire pour des prélats peu formés au droit, à la différence de Grégoire le Grand. Au lieu de s’impliquer dans des affaires longues pour lesquelles ils peuvent avoir à rendre des comptes, les évêques préfèrent laisser aux tribunaux civils le soin de régler des différends avec des clercs ou prendre rapidement des décisions sans engager de procédure pénale. Mais, dans le cas de Pascasius, l’évêque délaisse ses devoirs pour se consacrer à la construction inattendue d’un bateau182. Depuis la christianisation de l’Empire, l’évêque intervient dans le domaine public et exerce un rôle administratif éminent dans sa cité. Les délais de plainte, les tutelles, les droits légaux des familles et les testaments, enfin les affranchissements sont enre­gis­ trés auprès des services épiscopaux. En outre, l’évêque peut recevoir les plaintes contre les empiétements des fonctionnaires séculiers tout en collaborant avec le pouvoir civil dans le choix de certains fonctionnaires et des questions générales intéressant la com­ munauté civique183. Quelques aspects du rôle administratif de l’évêque apparaissent dans la correspondance du pape. En 600, Grégoire le Grand demande à l’évêque de Naples de défendre les saponarii contre les abus du palatinus Jean184. Mais, là encore, le recteur de Campanie empiète sur les missions réservées à l’évêque. En avril 596, le pape demande par exemple à Anthemius de faire l’inventaire des biens de la défunte Maria185.

180.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, XI, 53 – 10 juillet 601 : le pape expose le cas du diacre napolitain Jean, victime des calomnies du diacre Hilarus. 181.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 53 : Quia ergo tantae nequitiae malum sine digna non debet ultione transire, suprascriptum fratrem nostrum Pascasium uolumus ammoneri, ut eundem Hilarum prius subdiaconatus, quod indignus fungitur, priuet officio atque uerberibus publice castigatum faciat in exilio deportari, ut unius poena multorum possit esse correctio. 182.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIII, 29, éd. Norberg, XIII, 27 – mars 603. Voir le commentaire de Judic, « Grégoire le Grand », p. 32-34. 183.  Noethlichs, « Materialen zum Bischofsbild », p. 51-54. 184.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 113, éd. Norberg, IX, 114 – février-avril 599. 185.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, VI, 32 – avril 596.

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En février 599, le recteur du patrimoine de Campanie doit à nouveau intervenir afin de persuader Félix, uir magnificus, de réduire à 25 % l’intérêt du prêt consenti à un certain Maurus, mais ici le sous-diacre Anthemius doit recevoir l’aide de Maurentius et de l’évêque Fortunatus de Naples186. Pour la justice, le pape ne compte pas seulement sur l’évêque mais aussi sur le recteur et un laïc qui lui est personnellement lié. Le rôle de l’évêque est plus net dans le domaine des affranchissements. Le pape souligne, dans une lettre à Paul de Nepi, que les émancipations constituent une des tâches essentielles du nouveau visiteur de l’Église de Naples187. À la fin de l’Antiquité, Naples semble constituer un centre important du commerce des esclaves en Méditerranée occidentale. Plusieurs lettres révèlent que ce commerce est en partie aux mains de marchands juifs qui acquièrent des esclaves, en particulier en provenance de Gaule. Le problème fondamental pour l’Église est la conversion des esclaves, païens ou juifs, au christianisme. Cette conversion entraîne leur affranchissement, selon Grégoire le Grand, qui interprète au sens large le droit de manumission accordé à l’évêque par la législation impériale188. En avril 596, Grégoire demande à l’évêque de Naples d’interdire aux maîtres juifs de vendre leurs esclaves adeptes du judaïsme ou du paganisme, mais souhaitant se convertir au christianisme. Le problème n’est pas l’esclavage, que ni l’Église ni Grégoire ne condamne, mais la conversion impli­ quant l’affranchissement. D’ailleurs, Grégoire précise que l’évêque doit s’attacher à rembourser le propriétaire du préjudice subi, pour éviter que les esclaves ne soient vendus avant leur réception dans l’Église189. On comprend aisément le caractère incitatif de cette règle d’affranchissement et son importance pour l’Église comme moyen de conversion des non-chrétiens. La lettre indique même que certains esclaves se réfugient dans les églises pour obtenir la protection immédiate des institutions ecclésiastiques, en premier lieu de l’évêque. En 599, le pape félicite d’ailleurs l’évêque de Naples pour sa sollicitude envers les esclaves chrétiens achetés en Gaule par des juifs190. Mais le détail des mesures à prendre montre les difficultés à concilier esclavage, christianisme et affranchissement.

186.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 108, éd. Norberg, IX, 109 – février 599. 187.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 13, éd. Norberg, II, 9 – décembre 591 : clericos ex laicis

ordinari, necnon et manumissiones apud te in eadem ecclesia sollemniter celebrari concedimus. 188.  CJ, éd. Krueger, I, 13, 1-2. La loi prévoit l’affranchissement pour motifs religieux avec l’accord du propriétaire et en présence de l’évêque. 189.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, VI, 29 – avril 596. 190.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 104, éd. Norberg, IX, 105 – février 599.

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Le rôle politique des évêques campaniens Les évêques suffragants de Rome sont appelés à effectuer des missions au service du pape. Dans le domaine religieux, l’évêque Bacauda de Formies sert d’émissaire à Grégoire le Grand auprès du patriarche Jean IV de Constantinople en 590, unique mention d’un évêque campanien chargé par le pape d’une mission hors de Campanie191. Le pape précise que sa lettre synodale ne sera pas remise par Bacauda, « pressé d’occupations multiples et importantes »192. Ces nombreuses obligations désigneraient d’autres missions confiées par le pape ou bien l’union de l’évêché de Minturnes avec celui de Formies193. L’action politique des évêques ne se limite pas à ces légations. Comme le souligne Grégoire le Grand, l’évêque doit assurer la concorde et l’unité de sa cité194. Cette mission, dans le contexte troublé de la fin du vie  siècle, dépasse le domaine religieux et moral. L’incapacité des autorités exarchales à organiser la défense de la Campanie contraint le pape à intervenir dans l’organisation militaire de la région face aux Lombards195. Par voie hiérarchique, le recteur du patrimoine et les évêques de la région se trouvent impliqués dans le domaine civil et militaire. Ce rôle inhabituel vise à suppléer un pouvoir politique défaillant196. Lorsqu’en janvier 596, Grégoire le Grand intime à l’évêque Pimenius d’Amalfi l’ordre de résider dans son diocèse, ce n’est pas uniquement pour lui faire respecter des obligations liées à sa charge : le pape demande clairement à son évêque de jouer un rôle politique197.

191.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 4 – octobre 590. 192.  Ibid. éd. Ewald et Hartmann, I, 4 : quia latorem praesentium, Bacaudam, fratrem et

coepiscopum nostrum, in ipso meae ordinationis initio, multis et grauibus pressus occupationibus, relaxaui. La lettre synodale est envoyée aux quatre sièges patriarcaux par Grégoire le Grand (ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 24 – février 591). 193.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 8 – octobre 590. Grégoire le Grand, Registre, trad. Minard et Reydellet, vol. I/1, p. 76, n. 3, propose de placer cette lettre avant Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 4. Cependant PCBE, vol. II/2, p. 248, s.u. Bacauda 5, récuse l’identification du porteur de la lettre au patriarche d’Alexandrie avec l’évêque homonyme de Formies. 194.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 47 – octobre-novembre 598 : quorum unitati ac concordiae studere debueras. 195.  Martin, « Grégoire le Grand », p. 273-275. Le choix du magister militum Maurentius, commandant en chef du territoire napolitain, est imputable au pape dont il reçoit des ordres, sans doute avec l’accord de l’exarque de Ravenne. Pour Markus, Gregory the Great, p. 101, la solde semble assurée par Ravenne, mais des subsides peuvent avoir été versés par le pape. 196.  Voir l’article fondamental de Hohlweg, « Bischof und Stadtherr », p. 51-62 ; de manière plus précise : Acerbi, Entre Roma y Bizancio, p. 38. 197.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, VI, 23 – janvier 596 : Peruenit ad nos Pimenium Amalfitanae ciuitatis episcopum in ecclesia sua residere non esse contentum, sed foris

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Selon Grégoire, les habitants d’Amalfi, suivant l’exemple de leur évêque, ont tendance à quitter la cité et la laisser à la merci des Lombards. En l’absence des autorités civiles, l’évêque reste la dernière autorité sur place. Le pape évoque le castrum d’Amalfi sans savoir si l’évêque est dès lors investi d’une compétence militaire à la tête de la place198. À Terracine, dernière cité sur la uia Appia à demeurer aux mains des forces impériales, l’évêque Agnellus est chargé de veiller à ce que l’ensemble des habitants, clercs et moines compris, participe à la surveillance nocturne des murs199. Doit-on comprendre que le prélat use de son autorité hiérarchique pour faire respecter cette obligation par son clergé  ? En tout cas, l’évêque a la responsabilité de mobiliser la population face au danger. Son implication dans le domaine militaire peut donner lieu à des excès. En 598, on apprend que Benenatus de Misène, chargé de fortifier le castrum de sa cité, aurait dû jouer un rôle éminemment militaire mais en a profité pour détourner l’argent prévu à cet effet200. Le sous-diacre Anthemius, recteur du patrimoine, est chargé de l’enquête et doit remettre le solde, s’il existe, à Comitaticius, comes de Misène, pour l’employer enfin à la fortification de la cité201. On ignore pourquoi le comes de

per loca diuersa uagari ; quod uidentes alii nec ipsi in castro se retinent, sed eius exemplum sequentes foris magis eligunt habitare. Bref commentaire de cette lettre dans Berza, « Amalfi preducale », p. 344. 198.  Petit habitat fortifié dépourvu du statut civique dans l’Antiquité mais devenu siège épiscopal, le castrum désigne ici la cité fortifiée d’Amalfi et non une forteresse : voir Schwarz, Amalfi im frühen Mittelalter, p. 14-16 ; Jinnai, « Relazione tra la struttura urbana e la tipologia abitativa di Amalfi », p. 336. Martin, « Grégoire le Grand », p. 276, parle simplement d’un « mouvement de fortification » des cités épiscopales qui ne semblent pas avoir été fortifiées auparavant. En tout cas, il n’y a plus d’autorités civiles ni militaires dans la région d’Amalfi. 199.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, VIII, 19 – mai 598 : nullum neque per nostrae uel ecclesiae suae nomen aut quolibet alio modo defendi a uigilis patiatur, sed omnes generaliter compellantur, quatenus cunctis uigilantibus melius auxiliante Domino ciuitatis ualeat custodis procurari. Gasparri, « Gregorio Magno e l’Italia meridionale », p. 80, suppose des dépendants de l’Église, à l’encontre de Damizia, Lineamenti, p. 63, pour qui l’obligation de garder la muraille pesait aussi sur les clercs et les moines, ce que confirme Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 162, éd. Norberg, IX, 163 – mai-juin 599 : le pape demande au magister militum Maurentius d’alléger la charge des moines d’un monastère situé in Campaniae partibus devant effectuer des tours de garde des murs de la ville, peut-être Naples. 200.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 121, éd. Norberg, IX, 122 – février-avril 599 : pro construendo illic castro solidos accepisse. L’évêque est suspendu en 598 et jugé en 599 (ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 80-81, éd. Norberg, IX, 81-82 – décembre 598 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 163, éd. Norberg, IX, 164 – mai-juin 599). On ne connaît pas l’issue du procès. 201.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 121, éd. Norberg, IX, 122 – février-avril  599. Ce castrum ou castellum est mentionné dans ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 53 – novembre 598 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 65 – novembre-décembre  598. Voir PCBE, vol. II/1, p. 460, s.u. Comitaticius.

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Misène n’a pas, d’emblée, pris en main ces opérations de construction. Faut-il sup­po­ ser la subordination du comes à l’évêque, dès lors que les fonds alloués à ce chantier proviennent de l’Église  ? L’extrême dénuement évoqué à propos de Vecta, comes in Misenati castello, prédécesseur de Comitaticius, explique peut-être l’intervention de l’Église dans la défense dela cité202. L’implication de l’évêque dans le siècle peut s’étendre à la protection des biens privés quand le pape demande aux évêques Jean de Sorrente, Fortunatus de Naples ainsi qu’au sous-diacre Anthemius, recteur du patrimoine de Campanie, de veiller sur les propriétés et les hommes de l’ancien préfet Gregorius203. La sauvegarde des biens est vraisemblablement plus juridique que militaire pour ce préfet du prétoire proche de Grégoire le Grand. Cette mission des deux évêques campaniens montre cependant le rôle politique nouveau attribué aux prélats. Faut-il y voir les prémices de la puissance temporelle des évêques204 ? On peut en douter. Les évêques ne prennent en main la défense de leurs cités que pour remplacer temporairement les autorités civiles. L’intervention pontificale a surtout pour objectif de restaurer un commandement militaire effectif et efficace et, à la fin du vie siècle, la constitution du duché de Campanie est directement attribuable à l’action de Grégoire le Grand205. Nous sommes loin ici de l’évêque devenu l’incontestable maître politique de la cité à l’instar de la situation en Gaule ou en Espagne. Comme en Orient, l’évêque campanien s’efface derrière la puissance civile restaurée du defensor ciuitatis206. De manière occasionnelle, l’évêque peut intervenir dans la sphère politique. Le conflit opposant à Naples une « faction épiscopale » à une « faction municipale » revêt un caractère politique, mais reste lié à l’organisation civique héritée de l’Antiquité207.

202.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 53 – novembre 598. 203.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 62 – novembre 598 : possessiones atque homines ipsius

tueri. Le sens de tueri n’implique toutefois pas forcément l’idée de défense par les armes. 204.  Ambrasi, « Papa Gregorio Magno e Napoli », p. 11, affirme que les compétences politiques de l’évêque découlent de la pragmatique sanction de Justinien du 13 août 554, étendue à l’Italie. Voir CJ, éd. Schoell et Kroll, p. 800, §  11 (Vt leges imperatorum per prouincias ipsorum dilatentur). 205.  Martin, Guerre, accords et frontières, p. 26-27 ; Id., « Grégoire le Grand », p. 273-275. La volonté du pape est bien de reconstituer une autorité civile en Campanie et non de laisser les évêques s’impliquer dans la conduite de leur cité. 206.  Sur le rôle politique des évêques dans la Gaule mérovingienne et l’Espagne wisigothique, voir respectivement Heinzelmann, Bischofsherrschaft in Gallien ; Martin, La géographie du pouvoir. 207.  Testa, « La Chiesa di Napoli », p. 480, voit sans raison dans ce conflit une division de la ville sur la querelle des Trois Chapitres. Cette opinion est néanmoins répétée par Ambrasi, « Papa Gregorio Magno e Napoli », p. 23.

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Une première lettre, datée de la fin 598, révèle la division de Naples entre partisans et adversaires de l’évêque, ces derniers menés par le pouvoir civil208. L’intervention de l’évêque dans la vie politique de la cité se fait sans l’aval du pape. Après avoir demandé à Fortunatus d’envoyer des émissaires à Rome pour expliquer les causes de cette division, dans une seconde lettre, Grégoire le Grand reproche au magister militum Maurentius de ne pas l’avoir informé des immixtions de l’évêque Fortunatus dans la vie municipale de Naples. Pour le pape, l’évêque usurpe les prérogatives du maior populi Théodore209. Grégoire entend que la cité demeure sous la dépendance des pouvoirs civil et militaire, responsables devant le pape, et non de l’évêque. Dans une troisième lettre, le pape demande à l’évêque de restituer aux autorités civiles l’administration des portes et de l’aqueduc de la ville210. La volonté de contrôle de l’évêque Fortunatus semble traduire une tentative de mainmise sur des sources de revenus importants. Le même évêque n’avait pas dépensé ou distribué les revenus de son Église avant sa mort. Son ardeur à supplanter le pouvoir politique a peut-être une motivation financière, même si elle entraîne des conséquences politiques211. Grégoire le Grand enjoint à Fortunatus de faire preuve de réserve dans les affaires laïques212. Le peu de cas fait par le pape de la mémoire de Fortunatus après sa mort démontre bien l’opposition pontificale à l’action politique des évêques sans son accord. Ces événements se situent tous à la fin de l’année 598. La division se déroule sur fond de contrôle de la défense de Naples. Les forces impériales viennent de conclure une trêve avec les Lombards à l’instigation de Grégoire le Grand, mais la nouvelle organisation stratégique mise en place par le pape suscite des tensions importantes qui semblent culminer dans les années 599-600, lorsque la paix est rompue.

208.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 47 – octobre-novembre 598 : on apprend que Théodore, uir magnificus maior populi, s’est plaint au pape de l’attitude de l’évêque Fortunatus contre ses partisans. Le pape a reçu une deuxième lettre de Napolitains du parti de Théodore et constate que la cité est divisée. 209.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 53 – octobre-novembre 598. D’une manière générale, le pape demande à Maurentius de se préoccuper des privilèges de la cité de Naples. 210.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 76, éd. Norberg, IX, 77 – novembre-décembre 598. 211. Pour Gasparri, « Gregorio Magno e l’Italia meridionale », p. 87, l’opposition entre factions est renforcée par la volonté des autorités militaires de contrôler la cité en prétextant sa défense. L’auteur cite le refus d’autoriser un jeune aristocrate à être naviculaire – cf. Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 159, éd. Norberg, IX, 160 – mai 599. Gasparri, « Gregorio Magno e l’Italia meridionale », p. 98, suppose une tentative de Fortunatus de récompenser, en leur confiant la responsabilité des portes et de l’aqueduc, ceux qui ont appuyé son élection. 212.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 53 – octobre-novembre 598 : Quia ergo graue nimis est contra ueterem usum sacerdotes sibi quicquam arripere, unde in laicorum uidentur actus incidere.

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III.  Le monde monastique campanien à la fin du vie siècle La correspondance de Grégoire le Grand offre un aperçu, unique et fugace, du monachisme italien à la fin de l’Antiquité tardive. La chancellerie du pape omet fré­ quem­ment de préciser la localisation des monastères évoqués, car ce n’est pas l’objet principal de ses lettres. Mais, quand ils sont connus, la plupart des monastères se situent dans le centre et le sud de la péninsule et en Sicile. Si la Sicile bénéficie de la majorité des mentions, plus de vingt, on peut en recenser presque autant pour la Campanie. Cela demeure très limité et impose une approche fragmentaire du monachisme cam­ panien à la fin du vie  siècle. À titre de comparaison, la correspondance de Grégoire le Grand mentionne seulement une dizaine de monastères dans le Latium et à Rome alors qu’une lettre parle de 3000 moniales dans l’ancienne capitale impériale213  ! Certes, la Campanie n’est pas le Latium et Naples n’est pas Rome, mais les lettres du pape ne signalent que trois monastères féminins dans toute la Campanie, alors que leur nombre devait être bien supérieur. Par conséquent, une approche statistique visant à établir un répertoire exhaustif des établissements monastiques campaniens à la fin de l’Antiquité tardive est impossible. Néanmoins, la correspondance de Grégoire le Grand livre un témoignage extraordinaire de précision sur le monde monastique à l’aube du Moyen Âge214. Au-delà d’un aperçu général des caractéristiques du monachisme campanien, une transformation paraît déjà à l’œuvre dans la région bien que certaines zones, le littoral en particulier, maintiennent des particularités qui feront leur originalité durant le haut Moyen Âge.

Une vision parcellaire Le monachisme campanien ne commence pas à l’époque de Grégoire le Grand, mais les sources antérieures sont très pauvres. Si, à la fin du ive  siècle, Ambroise de Milan dépeint, dans sa lettre à l’évêque Sévère de Naples, la Campanie comme une

213.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, VII, 23 – juin 597 : Quae in hac urbe multae sunt. Nam iuxta notitiam qua dispensantur tria milia repperiuntur. 214. Voir, de manière générale, Biarne, « Monachisme (Antiquité) », p. 1128-1131 ; Dunn, « Asceticism and Monasticism », p. 669-690 ; de manière plus précise, Penco, Storia del monachesimo in Italia, p. 13-27 ; Jenal, Italia ascetica atque monastica, p. 285-290 ; Id., « Il monachesimo femminile in Italia », p. 19. L’auteur apporte quelques données chiffrées pour toute la péninsule : entre 350 et 500 il recense 43 femmes ou communautés féminines consacrées à la vie ascétique contre 35 du côté masculin, mais le rapport s’inverse entre 500 et 590 avec respectivement 22 et 50, tandis que sous Grégoire le Grand le rapport entre les femmes et les hommes est de 22 pour 67. On trouve le plus grand nombre de mentions d’individus ou de communautés ascétiques durant les quatorze années de pontificat de Grégoire le Grand.

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terre d’élection pour l’élévation spirituelle et mystique, il n’apporte aucune pré­ ci­sion sur les communautés monastiques de la région215. Les Gesta Episcoporum Neapolitanorum, source médiévale remontant aux origines prétendues apostoliques de l’Église napolitaine, fournissent davantage d’indications sur l’existence de fondations monastiques avant le vie  siècle. Il s’agit notamment des monastères de Saint-Martin et de Saint-Potitus, construits par l’évêque Sévère de Naples à la fin du ive  siècle216. Ces deux monastères seraient les plus anciens attestés à Naples, mais leur fondation reste douteuse217, tout comme celle du monastère de Saint-Gaudiosus, peut-être établi par l’évêque homonyme d’Abitina, réfugié en Campanie devant l’invasion vandale de l’Afrique218. Le centre du monachisme campanien antique est surtout Nola où des établissements se seraient implantés dans le sillage de Paulin de Nole. Rufin d’Aquilée évoque plusieurs monastères, vraisemblablement situés dans la région219.

215.  Ambroise de Milan, Epistulae, vol.  II/2, éd. Zelzer, 59, 2, p. 54, l. 9-18 : Remota enim uestri ora litoris non solum a periculis, sed etiam ab omni strepitu tranquillitatem infundit sensibus et traducit animos a terribilibus et saeuis curarum aestibus ad honestam quietem, ut illud commune omnium specialiter uobis uideatur congruere et conuenire quod ait Dauid de sancta ecclesia : Ipse super maria fundauit eam et super flumina praeparauit eam (Ps. 23, 2). Etenim liber animus a barbarorum incursibus et proeliorum acerbitatibus uacat orationibus, inseruit Deo, curat ea quae sunt Domini, fouet illa quae pacis sunt et tranquillitatis. 216.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 4, p. 405. Les Actes de la vierge Patricia (AASS, Augusti, vol. V, p. 204 C) indiquent un monastère Saint-Sébastien dès l’époque de Constantin, mais cette assertion invérifiable est peu vraisemblable. 217.  Achelis, Die Bischofchronik, p. 69. Celui-ci juge plausible la construction des deux monastères à Naples à cette époque par l’évêque Sévère. La seconde moitié du ive siècle marque, en Italie, une période d’essor du monachisme. Toutefois, les deux monastères n’apparaissent plus dans les sources et Ambrasi, « Il cristianesimo e la Chiesia napoletana dei primi secoli », p. 685, considère sans doute avec raison ce passage comme interpolé, citant Hippolyte Delehaye qui souligne l’invraisemblance d’un monastère consacré à un saint mort à une date si proche de sa fondation. Il est pourtant judicieux d’associer l’introduction précoce du culte de Martin en Campanie à l’action de Paulin de Nole qui considère le saint comme un modèle. Voir Jenal, Italia ascetica atque monastica, vol. I, p. 109. 218.  Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 866, soutient l’historicité de cette fondation d’après la Passion de la vierge Fortunata de Césarée rédigée par le prêtre Aupertus (AASS, Octobris, vol. VI, p. 456  C), alors que Jean Diacre dans Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 42, p. 426, l’attribue à l’évêque et duc Étienne II (766-794). Cette fondation, au ve siècle, paraît incertaine mais non improbable à Jenal, Italia ascetica atque monastica, vol. I, p. 95-96. 219.  Rufin d’Aquilée, Préface à la règle de saint Basile, 3-4 et 11, éd. Simonetti, p. 241, l. 7-11 et 25-28, éd. Zelzer, p. 3 et 4 : Et inde maxime delectati sumus, quod non, ut aliquibus mos est, uel de locis uel de opibus Orientis sollicite percontatus es, sed quaenam ibi obseruatio seruorum Dei haberetur, quae animi uirtus, quae instituta seruarentur in monasteriis perquisisti. (…) Tui sane sit officii etiam aliis monasteriis exemplaria praebere, ut secundum instar Cappadociae omnia monasteria eisdem et non diuersis uel institutis uel obseruationibus uiuant. Rufin s’adresse à l’abbé Ursacius (PCBE, vol. II/2,

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Au début du vie siècle, Eugippe décrit le monastère et l’église consacrés à saint Séverin près de Naples, sur le versant de la colline du castrum ou castellum Lucullanum –  à l’ouest de la ville, près de la côte –, et un village rebaptisé d’après le saint220. Enfin, aux confins du Latium et de la Campanie, Benoît de Nursie jette les bases du monachisme bénédictin au Mont-Cassin où il meurt vers 550-560221. Grégoire le Grand reste ainsi la seule source pour connaître plus en détail le monachisme campanien à la fin de l’Antiquité. L’existence de communautés monastiques paraît bien attestée en Campanie au temps de Grégoire le Grand. Leur nombre demeure impossible à évaluer et les lettres du pape restent imprécises quand elles évoquent « les monastères » du diocèse de Sorrente ou des îles pontiennes222. Le Registre mentionne une quinzaine d’établissements qualifiés de monasterium. La majorité est identifiée par le ou les saints auxquels ils sont consacrés  : Saint-Érasme, Saint-Étienne sur l’île de Capri, Saint-Séverin, Saint-Martin, le monas­ tère de la Vierge Marie et du Christ à Naples, Saints-Maxime-Érasme-et-Julienne, Saint-Archange dit Macharis, un autre Saint-Archange, Saint-Sébastien appelé aussi Saints-Hermès-Sébastien-Cyriaque-et-Pancrace223. D’autres monastères sont identifiés

p. 2353, s.u. Ursacius 2) du monastère de Pinetum, près de Terracine. Sur cet établissement, voir Jenal, Italia ascetica atque monastica, vol. I, p. 96-98 et 137-141. La préface à la traduction latine de la règle de saint Basile par Rufin date de 397. Précisons que le terme de règle de saint Basile, bien qu’employé par Rufin dans sa traduction, est quelque peu trompeur car il ne désigne pas en réalité un texte normatif systématique, mais une série de 203 questions formant ce qu’il est convenu d’appeler le Petit Ascétique. Disparu en grec et connu également en version syriaque, le Petit Ascétique est toutefois considéré comme une règle monastique en Occident. 220.  Eugippe, Vie de saint Séverin, 46, 2, éd. et trad. Régerat, p. 294. Eugippe en devient l’abbé jusqu’à sa mort en 535. 221. Les Dialogues de Grégoire le Grand constituent une source essentielle pour connaître la genèse du mouvement bénédictin. Le Mont-Cassin, détruit en 577 au moment de l’invasion lombarde, ne constitue pas encore un centre dynamique pour le rayonnement du monachisme à la fin du vie siècle. 222.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 40 – avril 591 : aliquos mona­ chos monasteriorum in Surrentina diocesi positorum ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 48 – juin 591 : Quia autem dura est in insulis congregatio monachorum, etiam pueros in eisdem monasteriis ante decem et octo annorum tempora suscipi prohibemus. Il paraît difficile d’attribuer la rareté des témoignages sur les monastères campaniens au vie siècle « au caractère encore semi-érémitique d’une grande partie de ces fondations » comme le propose Penco, Storia del monachesimo in Italia, p. 86. 223.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 23 – février  591 (SaintÉrasme) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 52 – juillet 591 (Saint-Étienne de Capri) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 1 – août 593 (Saint-Séverin) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 23 – mars 593 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 33 – mai 595 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 50 – 6 juin 595 (Saint-Martin) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 162, éd. Norberg, IX, 163 – mai 599 et ibid.,

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par un qualificatif ou leur localisation : le monastère Graterensis ou Crateras, le monas­ tère Falcidis et le monastère du fundus Marcianus en Campanie224. Enfin, le pape indique parfois un monastère d’après le nom de son supérieur : celui de l’abbé Agapitus ; celui de l’abbé Barbatianus et celui de l’abbesse Agnella225. Ces différences de dénomination traduisent-elles des distinctions statutaires  ? On peut penser que les établissements bien connus du pape et de la chancellerie romaine sont indiqués par leur localisation précise ou leur vocable. D’après le nombre de lettres les concernant, les monastères de Saint-Martin ou Saint-Sébastien occupent une place particulière en Campanie. Pourtant, le monastère le plus célèbre de la fin de l’Antiquité à Naples, Saint-Séverin, est évoqué une seule fois et son abbé n’est pas nommé. Les mentions de monastères restent bien sûr tributaires de la conservation des lettres de Grégoire le Grand mais aussi des relations que ces communautés ont entretenues avec le pape. On peut douter, au vu des situations extrêmement différentes décrites dans les lettres, que ces établissements partagent nombre de caractéristiques communes. Quand Grégoire le Grand parle de monasterium, il évoque surtout le ou les bâtiments abritant une communauté monastique plus ou moins importante. Toutefois, pour des

éd. Ewald et Hartmann, IX, 164, éd. Norberg, IX, 165 – juin 599 (Saint-Martin) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 58 – août 593 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 54 – novembre 598 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 164, éd. Norberg, IX, 165 – juin 599 (monastère de la Vierge Marie et du Christ à Naples) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 170, éd. Norberg, IX, 171 – juin-juillet 599 et ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 172, éd. Norberg, IX, 173 – juin-juillet 599 (Saints-MaximeÉrasme-et-Julienne) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 171, éd. Norberg, IX, 172 – juin-juillet 599 (mention du même abbé sans précision de monastère) ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 172, éd. Norberg, IX, 173 – juin-juillet 599 (Saint-Archange dit Macharis) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 5 – février 600 (Saint-Archange), identifié dans PCBE, vol. II/1, p. 956-957, s.u. Gudiscalcus, avec le monastère précédent, dont Fuscus est l’abbé, mais comme le souligne la note  1, p. 956-957, il existe plusieurs établissements monastiques consacrés au Saint-Archange à Naples ; Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 165, éd. Norberg, IX, 166 – juin 599 ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 18 – juillet 600 (monastère Saint-Sébastien appelé aussi Saints-Hermès-SébastienCyriaque-et-Pancrace) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 10 – septembre-octobre  598 et ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIII, 4, éd. Norberg, XIII, 2 – septembre 602 on ne donne pas le nom du monastère. Ces informations sont récapitulées par Foresi, « I monasteri napoletani », p. 59-83. 224.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, X, 18 – juillet 600 et ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIII, 4, éd. Norberg, XIII, 2 – septembre 602 (monastère dit Graterensis ou Crateras) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 18 – juillet  600 (monastère dit Falcidis) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 54 – juillet 601(monastère situé in fondo Marciano en Campanie). 225.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 54 – juillet  601 (abbé Agapitus) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 12 – octobre  598 et ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 9 – avril  600 (abbé Barbatianus) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 207, éd. Norberg, IX, 208 – juillet 599 (abbesse Agnella).

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ancillae Dei établies à Nola, le pape ne parle pas d’un monastère, mais d’une résidence, l’effectif des moniales étant sans doute réduit226. Nombre de moines vivent dans un oratoire, en annexe d’un monastère. Enfin, le pape entretient une correspondance avec des communautés stables et non avec des moines gyrovagues. Ces moines sans attaches, sans monastère, échappent dès lors à l’analyse historique. Nul doute pourtant qu’ils constituent encore, à l’aube du Moyen Âge, une frange du monde monastique. Pourtant, la forme appelée à durer et à s’imposer, celle du monastère fixe dirigé par un abbé, est bien établie en Campanie à la fin du vie siècle.

Monastères masculins et monastères féminins Sur la vingtaine de monastères campaniens connus grâce au Registre des lettres de Grégoire le Grand, trois sont féminins227 ; les autres, soit dix-huit ou dix-neuf, sont masculins228. Cette répartition est-elle représentative ? Si l’on compare avec le reste de l’Italie, le rapport est d’environ un monastère féminin pour trois masculins.

226.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 23 – février 591 : Insinuatum nobis est ancillas Dei quas­ dam Nolanae ciuitatis in Aboridana domo commanentes. 227.  Le monastère du Christ et de la Vierge dont l’abbesse est Gratiosa (ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 58 – août  593) ; le monastère dont l’abbesse est Agnella (ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 207, éd. Norberg, IX, 208 – juillet 599) et la communauté des ancillae Dei de Nola (ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 23 – février 591). Il y a deux autres allusions à des monastères féminins, certainement à Naples, d’après la mention de deux moniales (ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 144, éd. Norberg, IX, 145 – mai 599 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIV, 10 – décembre 603). La mention anonyme d’un établissement monastique où s’est retirée une fiancée avant son mariage (ibid., éd. Ewald et Hartmann, VII, 20 – mai 597) ne suffit pas à supposer l’existence d’un quatrième monastère féminin à Naples. Une petite analyse du vocabulaire employé par Grégoire le Grand pour désigner les moniales est fournie par Recchia, Gregorio Magno, p. 288-289. 228.  Le monastère Saint-Érasme (Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 23 – février  591) ; monastère Saint-Étienne de Capri (ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 52 – juillet 591) ; monastère Saint-Séverin (ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 1 – août 593) ; le ou les monastères Saint-Martin (ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 23 – mars 593 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 58 – août 593 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 33 – mai 595 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 50 – 6 juin 595 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 54 – novembre 598 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 162, éd. Norberg, IX, 163 – mai 599) et ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 164, éd. Norberg IX, 165 – juin  599  ; monastère Saints-Maxime-Érasme-et-Julienne (ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 170, éd. Norberg, IX, 171 – juin-juillet 599 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 172, éd. Norberg, IX, 173 – juin-juillet  599) ; monastère Saint-Archange dit Macharis (ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 172, éd. Norberg, IX, 173 – juin-juillet  599) ; monastère Saint-Archange (ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 5 – février 600) ; monastère Saint-Sébastien ou Saints-Hermès-Sébastien-Cyriaque-et-Pancrace (ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 165, éd. Norberg, IX, 166 – juin 599 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 18 – juillet 600) ;

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PREMIÈRE PARTIE  •  LES INSTITUTIONS RELIGIEUSES ET LEURS PARTICULARITÉS

Si une évaluation chiffrée apparaît infondée, quelques constatations s’imposent : les monastères féminins en Campanie sont toujours établis par des femmes, par exemple le monastère féminin fondé par Rustica, comme dans le reste de l’Italie229. L’inverse n’est en revanche pas valable puisqu’il existe des fondatrices de monastères masculins, même si leurs mentions demeurent rares230. La dédicace des monastères féminins obéit-elle à la volonté d’invoquer des saintes plutôt que des saints ? La correspondance de Grégoire le Grand réfute cette hypothèse. En Campanie, le monastère fondé par Rustica est dédié à la Vierge mais également au Christ et ailleurs les monastères féminins connus sont davantage placés sous le vocable de saints que de saintes. Dans toute l’Italie, pour les monastères de moines, la dédicace à des saints masculins est beaucoup plus affirmée. En Campanie, on n’observe aucun monastère masculin dédié à une sainte, sinon le monastère napolitain des SaintsMaxime-Érasme-et-Julienne et du Saint-Archange dit Macharis, pour lequel la sainte est associée à deux saints masculins et placée en dernière position231.

Un monachisme littoral La correspondance de Grégoire le Grand permet, de manière ponctuelle, de localiser une partie des monastères campaniens. Une première observation s’impose : la plupart des monastères évoqués se situent sur le littoral. Ce n’est pas un hasard car les zones les plus peuplées correspondent aux bandes côtières et l’occupation de l’intérieur par les

monastère Graterensis ou Crateras (ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 18 – juillet 600 et ibid., XIII, 4, éd. Norberg, XIII, 2 – septembre 602) ; monastère dit Falcidis (ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 18 – juillet 600) ; monastère in fondo Marciano en Campanie (ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 54 – juillet 601) ; monastère dont Agapitus est l’abbé (ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 54 – juillet 601) ; monastère dont Barbatianus est l’abbé (ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 12 – octobre 598 et ibid., X, 9 – avril 600). Comme pour les monastères féminins, on déduit de mentions de moines en Campanie l’existence de monastères sans pouvoir en préciser ni le nom ni le nombre (ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 40 – avril 591 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 48 – juin 591 ; éd. Ewald et Hartmann, IX, 144, éd. Norberg, IX, 145 – mai 599). 229.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 58 – août 593 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 54 – novembre 598. 230. C’est par exemple la clarissimae memoriae femina Alexandria qui a fondé le monastère masculin napolitain Saints-Maxime-Érasme-et-Julienne et celui du Saint-Archange dit Macharis (ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 170, éd. Norberg, IX, 171 – juin-juillet 599). 231.  Le nom du monastère connaît des variations selon les lettres de Grégoire le Grand. On trouve Fuscus abbas monasterii sanctorum Herasmi, Maximi atque Iulianae (ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 170, éd. Norberg, IX, 171 – juin-juillet  599) ; Fuscus abbas monasteriorum sancti Archangeli, quod Macharis dicitur, atque sanctorum Maximi, Erasmi et Iulianae (ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 172, éd. Norberg, IX, 173 – juin-juillet 599).

CHAPITRE 1  • DES STRUCTURES PALÉOCHRÉTIENNES

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Lombards renforce cette tendance. Il n’est guère étonnant de rencontrer le plus grand nombre de monastères à Naples : la cité s’affirme comme métropole, dans le sens large du terme, de Campanie et comme citadelle de la résistance des forces impériales. Sur la vingtaine de monastères campaniens mentionnés, sept se situent à Naples ou aux abords de la ville232. Hormis Naples, l’existence d’établissements monastiques est attestée à Pouzzoles et Misène233. Il est fait également mention de plusieurs monastères à Sorrente bien qu’un seul soit identifié234. Ailleurs la rareté devient la règle : un monastère sort de l’ombre à Nola et à Nocera ; on parle d’un établissement, sans le nommer, à Capoue et un autre est localisé en Campanie sans autre précision235. Les Dialogues évoquent l’existence d’une communauté monastique à Fondi, mais aucune lettre de Grégoire le Grand ne mentionne de monastères sur cette partie du littoral campanien236.

232.  Monastère de la Vierge Marie et du Christ (ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 58 – août 593 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 54 – novembre  598) ; monastère napolitain SaintsMaxime-Érasme-et-Julienne et du Saint-Archange dit Macharis (ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 170 éd. Norberg, IX, 171 – juin-juillet  599 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 172, éd. Norberg, IX, 173 – juin-juillet 599) ; monastère Saints-Hermès-Sébastien-Cyriaque-et-Pancrace (ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 10 – septembre-octobre 598 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 165, éd. Norberg, IX, 166 – juin  599 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 18 – juillet  600 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIII, 4, éd. Norberg, XIII, 2 – septembre 602) ; monastère dont Barbatianus est abbé  (ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 12 – octobre  598 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 9 – avril 600) ; monastère à Naples dont Agnella est abbesse (ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 207, éd. Norberg, IX, 208 – juillet 599). Hors de Naples, le monastère Graterensis ou Crateras situé à Plaia (Chiaia  ?) (ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 18 – juillet  600 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIII, 4, éd. Norberg, XIII, 2 – septembre 602). Les cas des monastères Saint-Séverin du castrum Lucullanum et Saint-Martin seront étudiés à part. 233.  Le monastère quod Falcidis dicitur à Pouzzoles (ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 18 – juillet 600) ; un esclave se fait moine à Misène (ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 144, éd. Norberg, IX, 145 – mai 599). 234.  ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 54 – juillet 601. Un autre monastère doit être fondé à Sorrente en application des volontés testamentaires d’un laïc, mais en février 599, les moines n’ont toujours pas trouvé de lieu pour s’installer : ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 105, éd. Norberg, IX, 106 – février 599. 235. À Nola, il s’agit des moniales installées dans la domus Aboridana (ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 23 – février  591) ; le monastère situé in fundo Marciano prouinciae Campaniae est placé sous l’autorité de l’évêque de Nocera (ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 54 – juillet 601) ; l’évêque Basile de Capoue revendique le monastère dit Crateras pour un monastère de son diocèse (ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIII, 4, éd. Norberg, XIII, 2 – septembre 602). Le monastère Saint-Érasme est localisé sur les flancs du mont Repperus sans qu’on puisse identifier cette montagne ; l’adresse de la lettre du pape au recteur du patrimoine de Campanie fournit la seule indication géographique assurée (ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 23 – février  591). Le monastère serait près de Cumes selon Arthur, Naples, from Roman town to city-state, p. 76. Pour les autres localisations autrefois proposées, voir Kauffmann, « Da civitas a castrum », p. 35-54, ici p. 41.

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PREMIÈRE PARTIE  •  LES INSTITUTIONS RELIGIEUSES ET LEURS PARTICULARITÉS

Deux monastères retiennent cependant l’attention, Saint-Séverin et Saint-Martin. Le premier est situé au castrum Lucullanum et constitue l’établissement le plus célèbre de Campanie. Il n’apparaît pourtant qu’une fois dans la correspondance de Grégoire le Grand et de manière indirecte, pour indiquer que des esclaves s’y sont réfugiés237. Pourtant, la correspondance offre quelques informations sur un établissement monastique jusqu’alors mal connu, malgré sa notoriété due aux reliques du célèbre saint du Norique. Grégoire le Grand fait appel par deux fois à l’évêque de Naples pour obtenir un prêt des reliques de saint Séverin afin de consacrer deux oratoires, l’un à Rome et l’autre, vraisemblablement, en Campanie238. Le Registre livre aussi des renseignements sur le castrum Lucullanum. Le lieu est identifié le plus souvent avec le quartier de Pizzofalcone à Naples239. Ce castrum ou castellum constitue une petite ville fortifiée comprenant, outre le monastère, plusieurs édifices religieux. Le pape précise le nom des bâtiments, sans tendre néanmoins à l’exhaustivité : une basilique Saint-Pierre avec un oratoire du Saint-Archange attenant ; un deuxième oratoire dédié à saint Séverin240. Cet ensemble forme un véritable complexe religieux installé aux portes de Naples. Pourquoi Grégoire le Grand évoque-t-il peu le castrum Lucullanum et le monastère Saint-Séverin et se soucie-t-il tant des établissements de moindre importance  ? La situation de Saint-Séverin est peut-être moins problématique que celle d’autres monastères de Campanie. On peut également supposer que la capacité d’intervention du pape dans les affaires du monastère Saint-Séverin est moindre que dans d’autres monastères, moins puissants et peut-être moins « protégés ». Une information le laisse entendre. Le castrum Lucullanum joue un rôle central dans la sédition suscitée vers septembre 592 contre le visiteur de l’Église de Naples, Paul de Nepi. C’est dans ce lieu que se déroule cet événement, sans qu’on puisse en connaître ni les circonstances ni les enjeux. Elle y prend fin également quand Grégoire le Grand relate la fuite d’esclaves, ayant sans doute fait le coup de poing, dans le monastère Saint-Séverin ou

236.  Grégoire le Grand, Dialogues, éd. de Vogüé, I, 1-3. Il s’agit du monastère fondé, sous la domination ostrogothique, par Honoratus et dont Libertinus est le successeur. 237.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, III, 1 – août  593. La fuite des esclaves prend une telle ampleur en Italie entre le ve et le viie siècle qu’on assiste à un durcissement de la législation barbare, par comparaison de l’édit de Théodoric, le roi des Ostrogoths, avec celui de Rothari, le roi des Lombards. Voir Verlinden, L’esclavage dans l’Europe médiévale, vol. II, p. 54-57. 238.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, III, 19 – janvier  593 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 19 – janvier 601. 239.  Kehr, Italia pontificia, vol. VIII, p. 464 ; Arthur, Naples, from Roman town to city-state, p. 69-70. 240.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 23 – février 591 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 7 – mars 600.

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dans une église (la basilique Saint-Pierre ?)241. Pourquoi le castrum Lucullanum sert-il de soutien mais surtout de refuge aux adversaires du détenteur provisoire de l’autorité épiscopale  ? De toute évidence, les révoltés pensent trouver une protection efficace, dans le monastère ou les autres édifices religieux, contre une éventuelle sanction émanant des autorités religieuses et civiles. Dans cette perspective, le pape presse son recteur d’agir de conserve avec le gouverneur de Campanie242. On ignore si le monastère et le castrum Lucullanum bénéficient de privilèges comme ceux ac­cor­ dés, par exemple, au monastère des Saints-Jean-et-Étienne in Classe de Ravenne243. Protégé par une enceinte distincte de celle de Naples, la petite ville du castrum Lucullanum peut abriter en outre des contre-pouvoirs. Le complexe religieux du castrum Lucullanum possède ainsi une protectrice puissante en la personne de la patricienne Clementina244. Grégoire le Grand évoque le rôle joué par l’influente aristocrate, qui réside sur place245. Son ascendant sur le castrum Lucullanum est encore mis en lumière lorsque les autorités locales doivent solliciter l’accord de Clementina, même si le pape tente de le minimiser, pour l’accession d’Amandus, prêtre desservant du castrum Lucullanum, au siège épiscopal de Sorrente246. À la fin du vie  siècle, on ne connaît aucun parallèle en Italie d’une telle influence laïque sur un grand monastère. Le cas du monastère Saint-Martin est différent. Nous avons déjà évoqué un monastère Saint-Martin prétendument fondé à la fin du ive siècle par l’évêque Sévère de Naples. Deux cents ans plus tard, un monastère Saint-Martin apparaît dans la correspon­ dance de Grégoire le Grand. En mars 593, il est question du remplacement de son abbé Secundinus, coupable de « crimes horribles et exécrables », par le moine Théodose247.

241.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 1 – septembre 592 : Mancipia autem si qua de cetero in monasterium sancti Seuerini uel in alia ecclesia eiusdem castelli de ciuitate refugerint, mox ad notitiam tuam peruenerit nullo modo illic ea immorari permittas, sed intra ciuitatem in ecclesiam reuocentur. 242.  Ibid. L’objet de la lettre adressée au sous-diacre Pierre, recteur du patrimoine de Campanie, est d’enquêter avec Scolasticus, Campaniae iudex, et le sous-diacre Epiphanus, envoyé par le pape pour aider les deux hommes. 243.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, VIII, 17 – avril  598. Les autres mentions de privilèges concernent un monastère de Rimini (ibid., V, 47 et 49 – 6 juin 595). On ne trouve aucune allusion à un privilège accordé à un monastère en Campanie. Faut-il y voir la volonté du pape de contrôler des établissements qui sont placés, in fine, sous son autorité métropolitaine ? 244.  PCBE, vol. II/1, p. 454-455, s.u. Clementina. 245.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, III, 1 – septembre  592 : Sed et illud subtili uos oportet indagatione perquirere, utrumne praedicta femina in tanta habuerit sce­ leris immanitate consilium, aut si cum eius est scientia perpetratum, ut quam sit periculosum non solum manibus, sed etiam in sacerdotem uerbis excedere, ex nostra cuncti possint defensione cognoscere. 246.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 7 – mars 600. 247.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 23 – mars 593 : Quamuis horrenda execrandaque nimis Secundinum ad aures nostras peruenerit crimina commisisse, hoc tamen solum ad eius dampnationem

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La lettre ne fournit aucune indication sur la localisation du monastère, mais il se situe en Campanie d’après le destinataire de la lettre, Pierre, recteur du patrimoine dans cette région. Une autre lettre, adressée au recteur du patrimoine de Sicile en mai 595, mentionne Théodose, abbé du monastère Saint-Martin, à propos d’affaires en Sicile248. Dans une troisième lettre, datée du 6 juin 595 et destinée à l’évêque Fortunatus de Naples, le pape fait part d’une requête de Théodose, abbé du monastère Saint-Martin. On apprend que son prédécesseur, l’abbé André, en exécution des volontés testamentaires du défunt Marinus, a fait construire un oratoire dans la maison de ce dernier où des moines doivent résider249. La localisation du monastère Saint-Martin de l’abbé Théodose se précise, l’établissement se situant dans le diocèse de Naples puisque l’évêque de Naples est chargé d’y consacrer l’oratoire. Si l’on rapproche la première et la troisième lettre, on peut supposer qu’il n’existe qu’un seul monastère en Campanie dédié à saint Martin et dont l’abbé se nomme Théodose. La deuxième lettre est plus problématique, faute de permettre l’identification du monastère Saint-Martin avec celui des deux autres lettres. Mais, écrites en l’espace d’un mois et conservées dans le même Registre des lettres de Grégoire le Grand, on peut se ranger à l’avis des éditeurs et des spécia­ listes identifiant un seul monastère Saint-Martin dans les trois lettres. Un monastère Saint-Martin, également sis en Campanie (un renseignement du pape), réapparaît quatre ans plus tard dans deux lettres datées de mai et juin 599250. Ces informations sont d’une exceptionnelle précision : un abbé Théodose dirige un monastère Saint-Martin construit in Campaniae partibus par le défunt patrice Liberius. Dans la première lettre, adressée à Maurentius, magister militum de Naples, le pape lui demande de dispenser les

potest sufficere, quod etiam ipse de se dicitur fuisse confessus. (…) experientiae tuae huius auctoritatis tenore praecipimus, ut suprascripto Secundino remoto abbatis officio, Theodosium, quem congregatio ipsa sibi petiit ordinari, in monasterio sancti Martini abbatem sollemniter per eum cuius interest facias ordinari. 248.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 33 – mai 595 : la lettre fait en particulier allusion à trois moines, envoyés pour affaires en Sicile et se trouvant encore dans l’île. Le pape demande au recteur du patrimoine de Sicile d’enquêter et d’agir à ce sujet : Peruenit ad nos insinuante Theodosio abbate monasterii sancti Martini tres se illic in Siciliam monachos, quos pro utilitate monasterii sui transmiserat, retinuisse ; et petit a nobis, ut cum tuo eos solacio in suo debeat monasterio reuocare. 249.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 50 – 6 juin  595 : Theodosius abbas monasterii sancti Martini petitorii nobis insinuatione suggessit, quae habetur in subditis, in domo quondam Marini ex eius uoluntate secundum testamenti seriem oratorium decessorem suum Andream abbam, in qua monachi habitare debeant, construxisse. 250.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 162, éd. Norberg, IX, 163 – mai 599 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 164, éd. Norberg, IX, 165 – juin 599. Cette fondation daterait de 533 environ d’après Jenal, Italia ascetica atque monastica, vol. I, p. 285. Ce monastère, mentionné ailleurs par Grégoire le Grand, Dialogues, éd. de Vogüé, II, 35, 1, est identifié à Saint-Martin par Foresi, « I monasteri napoletani », p. 66-67.

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moines du monastère Saint-Martin des tours de garde de l’enceinte251. On peut penser qu’il s’agit de Naples, la ville possédant les murailles les plus puissantes de la région252, et Maurentius exerçant le commandement militaire dans cette cité. La lettre précise que le monastère Saint-Martin est situé in Campaniae partibus et, si les moines sont astreints à la surveillance des murs de Naples, le monastère ne doit pas être éloigné de la ville, les moines devant accéder rapidement à l’enceinte pour accomplir leurs obligations militaires. Si le monastère se trouve à Naples ou dans ses environs, il paraît plus simple de l’identifier avec le monastère Saint-Martin évoqué en 593 et 595. Un problème se pose alors : la lettre du 6 juin 595 mentionne comme fondateur Marinus alors que les lettres de 599 désignent le défunt patrice Liberius. Si l’on considère que l’un et l’autre sont fondateurs d’un monastère Saint-Martin, le rapprochement entre les lettres de 593-595 et de 599 est impossible. Mais il faut sans doute comprendre que Marinus n’a pas fondé le monastère Saint-Martin, mais l’oratoire dédié à saint Pierre et saint Michel, érigé dans sa maison, et dont la construction et la consécration sont confiées à l’abbé de Saint-Martin. La fondation, antérieure à 593-595, du monastère Saint-Martin par le défunt patrice Liberius, devient alors plausible et s’accorde avec les autres lettres. Une dernière information confirme l’identification d’un seul monastère Saint-Martin. La lettre de mai 595 évoque les intérêts siciliens d’un monastère Saint-Martin, dont l’abbé est Théodose253. Une lettre, de juin 599, adressée au recteur du patrimoine de Syracuse, fait état de l’inquiétude de l’abbé Théodose suscitée par l’exécution du testament de la défunte Rustica, en particulier pour le fundus Cosmas, en Sicile, où un monastère doit être construit254. Les deux lettres, à quatre ans de distance, révèlent les intérêts en Sicile d’un monastère Saint-Martin dont l’abbé est Théodose.

251.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 162, éd. Norberg, IX, 163 – mai 599 : Asserit enim in murorum se uigiliis ultra uires suas uehementer affligi. Petimus ergo gloriam uestram, ut, siquidem est possibile, de eodem per uos onere releuetur. 252.  Voir la mise au point de Galasso, Mezzogiorno medievale e moderno, p. 73 ; plus récemment, Giampaola, Fratta et Scarpati, « Neapolis : le mura e la città », p. 122 sur des travaux de restauration réalisés au ve siècle et révélés par des fouilles menées en 1994-1996 ; Giampaola, Carsana, Febbraro et Roncella, « Napoli : trasformazioni edilizie », p. 231-235 ; voir plus largement Pani Ermini, « Città fortificate e fortificazione », p. 195-198, réimpr. Ead., Forma e cultura, p. 47-50, sur le caractère exceptionnel du système défensif de Naples par rapport aux autres cités de Campanie ; une synthèse réalisée à partir des témoignages écrits est proposée par Martin, « Les fortifications de Naples », p. 300-302 pour le haut Moyen Âge. 253.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, V, 33 – mai 595. 254.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 164, éd. Norberg, IX, 165 – juin 599 : Filius noster Theodosius abbas monasterii a Liberio quondam patricio in Campaniae partibus constructi nobis noscitur intimasse Rusticam quondam inlustrem feminam ante hos fere XXI annos condito testamento Felicem iugalem suum heredem instituisse eique de construendo illic in Sicilia monasterio.

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Rustica décédée avant 593, il est possible d’imaginer que les moines envoyés « pour affaires » en Sicile en 595 aient eu, entre autres missions, à régler la succession de l’illustris femina dont les rebondissements se prolongent jusqu’en 599. L’ensemble des lettres concernant le monastère Saint-Martin de Naples gagne dès lors en cohérence, mais il reste à connaître le rapport entre ce monastère et celui fondé à Naples par l’évêque Sévère à la fin du ive siècle. Le pape Grégoire indique que le monastère Saint-Martin a été fondé par le patrice Liberius et un monastère illustre fondé par un évêque de Naples aurait été indiqué comme tel. Le monastère Saint-Martin attribué à l’évêque Sévère a sans doute disparu depuis, en raison de la fragilité des communautés monastiques, en particulier dans les temps troublés de la fin de l’Antiquité. Il est en revanche impossible de savoir si le patrice Liberius a relevé le monastère ruiné en conservant son vocable ou s’il l’a fondé sous l’épiscopat de Sévère. De plus, saint Martin est un titre fréquent pour les monastères.

Littoralisation et regroupement à la fin du vie siècle La majorité des monastères campaniens connus sont établis près de la côte et cette concentration s’accentue à la fin du vie  siècle. Le Registre des lettres de Grégoire le Grand témoigne d’un dépérissement des monastères de l’intérieur des terres ou en périphérie des villes au profit des établissements des cités fortifiées du littoral, en premier lieu de Naples. La situation critique des évêchés confrontés à l’invasion lombarde se retrouve pour les monastères. Les lettres de Grégoire le Grand indiquent la décadence d’une grande partie des monastères de l’intérieur. Les ancillae Dei de la domus Aboridana, à Nola, vivent dans un très grand dénuement255. Les 40 sous d’or que doit leur verser sur-lechamp le recteur du patrimoine de Campanie, puis les 20  sous annuels, démontrent leur dépendance totale du secours de l’Église romaine. Dans la même lettre, le recteur de Campanie est sommé d’aider le prêtre Paulinus, du monastère Saint-Érasme sur les flancs du mont Repperus, et deux moines de l’oratoire du Saint-Archange au castrum Lucullanum256. La détresse des moniales de Nola et du prêtre de SaintÉrasme est peut-être liée à l’invasion lombarde. L’hypothèse d’une disparition de leur temporel, source de leurs revenus, ou de la protection d’un riche laïc, n’est pas improbable mais n’est étayée par aucune preuve. Le cas des deux moines de l’oratoire du Saint-Archange du castrum Lucullanum est plus problématique. On s’explique mal que deux moines, installés dans ce puissant complexe religieux établi aux portes de Naples, aient besoin d’assistance. La somme accordée, deux sous, est bien moins importante.

255.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 23 – février 591. 256.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 23.

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Est-ce une récompense ou une compensation à la disparition du temporel, on ne sait. Une autre lettre se fait plus explicite pour un monastère de Nocera, situé in fondo Marciano prouinciae Campaniae, donc hors de la ville. Le pape dépeint un monastère totalement abandonné à cause de la guerre257. On ignore s’il a été déserté depuis longtemps ou si la fuite des moines est consécutive au renouveau des attaques lombardes dans la région après la rupture de la trêve en 601, rupture qui fait elle-même suite à la reprise des hostilités en Italie du Nord. Deux autres monastères campaniens semblent en grande difficulté, le monastère dit Falcidis à Pouzzoles et le monastère Graterensis ou Crateras à Plaia (Chiaia)258. Le premier monastère a été délaissé par ses moines, sans raison connue. Doit-on étendre à Pouzzoles le dépeuplement évoqué par le pape, huit ans auparavant, pour les cités voisines de Cumes et de Misène259  ? Pour le deuxième monastère, Graterensis de Chiaia, la rigueur des temps semble à l’origine de sa décrépitude, d’après une deuxième lettre, datée de septembre 602, rapportant que le monastère est exposé aux attaques lombardes260. Au-delà des explications conjoncturelles, des problèmes plus structurels provoquent la décadence de certaines communautés monastiques. Les plus petites semblent moins aptes que les grandes à surmonter les difficultés. Les petits établissements sont ainsi plus sensibles à la mauvaise gestion d’un abbé ou au départ, parfois à la fuite, d’une partie des moines. L’importance du patrimoine est bien sûr déterminante. Un monastère chichement doté par son fondateur et privé des terres apportant aux moines revenus et subsistance périclite rapidement, comme c’est le cas en Campanie avec l’installation des Lombards. Face à cette situation très préoccupante à la fin du vie siècle, Grégoire le Grand procède comme pour les évêchés : l’heure est au regroupement des monastères. Trois exemples sont connus pour la région, dans les années 600-601. L’intérêt réside dans la procédure et les motivations de rapprochements de monastères. On possède surtout des détails pour l’union des monastères dit Falcidis de Pouzzoles et Crateras de Chiaia au monastère napolitain Saint-Sébastien261. Cette union fait l’objet de deux lettres.

257.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 54 – juillet 601 : Qui igitur monasterium quod in fundo Marciano prouinciae Campaniae situm est ita hostilitate faciente a congregatione funditus dicitur desola­ tum, ut ne unus exinde monachus, qui aliquam illic sollicitudinem uel curam debeat adhibere, remanserit. 258.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 18 – juillet 600. 259.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 44, éd. Norberg, II, 37 – juillet 592. Voir n. 53 et le commentaire de la page correspondante. 260.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIII, 4, éd. Norberg, XIII, 2 – septembre 602 : quatenus, dum ab hoste licuerit, deputati a uobis illic monachi debeant iugiter in Dei laudibus permanere, pertur­ bationis uero tempore intra urbem in cella quippe propria reuocari. On comprend que le monastère n’est pas protégé, à la différence du monastère Saint-Sébastien, contre les raids lombards. 261.  Le Registre des lettres offre peu d’exemples : l’un en 591, traite de l’intégration des moines du diocèse de Taurum (ville aujourd’hui disparue au nord de Reggio) en Calabre au monastère Saint-

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La première, datée de juillet 600, révèle que les moines du monastère de Chiaia ont manifesté au pape leur volonté d’être agrégés au monastère Saint-Sébastien262. Toutes les archives (cartae) de ce monastère ayant déjà été transférées au monastère Saint-Sébastien, les moines n’ont pas attendu l’accord des autorités ecclésiastiques pour réaliser cette union. Pour le deuxième monastère, celui dit Falcidis à Pouzzoles, comme pour le monastère de Nocera uni à un établissement de Sorrente, l’union est facilitée par la disparition de la communauté monastique263. Les abbés des monastères au profit desquels s’opèrent ces unions, Adeodatus de Saint-Sébastien et Agapitus du monastère de Sorrente, ont peut-être informé le pape de l’état de décrépitude des deux monastères. Même si la correspondance de Grégoire le Grand offre une vision partielle, il est étonnant de constater la proximité de ces abbés avec le pape car ces lettres leur sont directement adressées, sans doute parce qu’ils sont à l’initiative de ces regroupements, à moins qu’il ne s’agisse des évêques des diocèses concernés. Le pape souligne toujours la nécessité de respecter l’autorité épiscopale sur chacun des monastères, en particulier lorsqu’ils sont situés dans deux évêchés différents264. L’autorisation de l’évêque semble de plus nécessaire à l’union de monastères. Comme le siège de Naples est vacant en 600, Grégoire le Grand demande d’attendre l’élec­ tion d’un nouvel évêque pour décider de l’union des établissements265. Pourtant, lorsque le siège est pourvu, le pape ne semble pas attacher une importance particulière à cette autorisation épiscopale. L’assentiment d’Amandus de Sorrente ou de Primenius de Nocera n’est pas évoqué, peut-être parce qu’ils ont déjà donné leur accord.

Théodore de Messine (ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 39 – mars  591) ; l’autre en 598, montre l’union du célèbre monastère du Vivarium à un monastère du diocèse de Tauremenium (Taormine) (ibid., VIII, 30 – juillet 598). 262.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 18 – juillet  600 : Quorundam monachorum eiusdem monasterii ad nos relatione peruenit monachos monasterii Graterensis, quod situm in Plaia est (…) se monasteriumque suum uniri magnopere poposcisse. 263.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 18, (monastère dit Falcidis à Pouzzoles) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 54 – juillet 601 (monastère de Nocera). À côté des revenus et des biens, les titres de propriété (de reditibus, rebus uel cartis) sont également évoqués dans le cas du monastère Saints-Jean-et-Étienne in Classe (ibid., éd. Ewald et Hartmann, VIII, 17 – avril 598). 264.  Par exemple ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 54 – juillet 601 : Ipsum autem monasterium sic tuae nos ordinationi commisisse cognoscas, ut tamen iurisdictionem illic non episcopus Surrentinus, in cuius ciuitate monasterium tuum est, sed Nucerinus, cuius est diocesis, habeat. 265.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 18 – juillet  600 : Sed quia monasterium ipsum in Neapolitana est diocesi constitutum, ne quid constituere, quod absit, praeiudicialiter uideamur, uolumus, ut, quousque Neapolim ordinetur antistes, tuo interim monasterio antefatum Graterense monasterium cum omnibus ad se pertinentibus sit unitum. Cum uero propitiante Domino Neapolim fuerit episcopus ordinatus, utrum in perpetuo haec unitio extendi an temporalis esse debeat, mature ac solidius cum Dei gratia pertractamus.

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La formulation des lettres du pape donne l’impression d’un acte d’union officiel266. Un détail révèle que l’opposition de l’évêque peut retarder la procédure d’union. Deux ans après la lettre de juillet 600, l’union entre le monastère dit Crateras et le monastère Saint-Sébastien de Naples n’est toujours pas réalisée. La cause est exposée par Grégoire le Grand à l’abbé Adeodatus de Saint-Sébastien : l’évêque de Capoue, Basile, prétend que le monastère de Crateras avait été auparavant uni à un monastère de son diocèse267. Toutefois, l’opposition épiscopale ne vise pas le principe de l’union des monastères mais sa validité. Le problème se déplace sur le terrain du droit et des juristes tranchent en faveur du monastère napolitain268. La position de l’évêque Basile de Capoue, prélat sans diocèse, n’est peut-être pas dénuée d’arrière-pensées. Récupérer un monastère peut lui fournir une ressource supplémentaire alors que ses revenus sont gravement amputés par l’occupation lombarde de son diocèse. Il est également probable que le monastère capouan prétendument uni à celui de Chiaia soit déjà déserté et, de surcroît, soustrait au contrôle épiscopal. L’union des monastères relève ainsi de préoccupations matérielles. Certes, le pape rappelle dans ses lettres la nécessité de ne pas laisser un monastère sans service religieux régulier, raison de son insistance à l’envoi de moines pour assurer une présence continue269. Mais les lettres motivent également la présence de frères par la crainte d’accaparement des biens du monastère270. On comprend alors l’empressement des

266.  Par exemple ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 54 – juillet  601 : tuo illud monasterio cum omnibus rebus suis, uel quae ei competunt actiones, utile prospeximus uniendum ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIII, 4, éd. Norberg, XIII, 2 – septembre  602 : Praesentis itaque praecepti nostri auctoritate idem Craterense monasterium cellae uestrae constituimus uniendum. 267.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIII, 4, éd. Norberg, XIII, 2 – septembre 602 : Sed dum huic rei frater et coepiscopus noster Basilius Capuanae ecclesiae praesens fuisset inuentus, extitit ualde contrarius asserens locum ipsum olim monasterio alio diocesis suae fuisse coniunctum et idcirco minime in alterius ius ecclesiae debere contradi. 268.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, Quibus diuersa sentientibus, ne constituere quicquam dubie uideremur, deputatis cognitoribus instituimus inter eos esse iudicium ; quibus renuntiantibus manifesta ratione comperimus fratrem et coepiscopum nostrum Basilium nullum in praedicto Craterensi monasterio ius habere. Il est intéressant de constater que le pape, en homme de l’Antiquité romaine et fort de son expérience passée comme haut fonctionnaire (préteur urbain ou préfet de la Ville ?), demeure respectueux des règles de droit et suit toute la procédure judiciaire. 269.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 18 – juillet 600 : ut monachos in praedicta utraque mo­ nasteria debeas deputare, qui et curam illic diligenter habeant et opus Dei regulari studeant institutione peragere atque ita se in his, sicut conuenit, exhibere, ut nec illos de neglectu nec te de minori sollicitudine culpa confundat. 270.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIII, 4, éd. Norberg, XIII, 2 – septembre 602 : Res uero omnes eidem monasterio competentes diligenti uolumus cura perquiri atque recolligi easque, ut tibi uisum fuerit, apte disponi. Nihilque quod eidem monasterio competit a quoquam detineri permittas, sed omnia

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derniers moines du monastère Crateras à déposer dans leur établissement d’accueil les archives de leur ancien monastère, afin d’en protéger les titres de propriété et sauvegarder le patrimoine. La conservation des biens monastiques n’est pas aisée, comme le montre la réappropriation du monastère de Nocera par les moines sorrentins d’Agapitus : les moines peuvent s’y rendre seulement si les hostilités baissent d’intensité271. Deux monastères bénéficient de ces regroupements. Le premier, celui de Sorrente avec l’abbé Agapitus, obtient le monastère in fundo Marciano de Nocera272. On ne sait rien de plus du monastère de Sorrente, dont l’abbé Agapitus reçoit directement du pape une lettre, marque de confiance et de notoriété. Une raison explique le choix du monastère de Sorrente : sa localisation sur le littoral. Le Registre des lettres de Grégoire le Grand n’atteste pas l’existence de fortifications à Sorrente273, à la différence d’Amalfi ou Misène. Toutefois, le site de la ville constitue une défense naturelle et Grégoire le Grand indique plusieurs monastères à Sorrente. Le second monastère bénéficiaire, Saint-Sébastien de Naples, présente l’avantage d’être abrité derrière de puissantes murailles, ce qui n’est pas le cas du monastère Crateras de Chiaia proche de la ville274. Le monastère Saint-Sébastien, appelé à connaître une existence exceptionnellement longue, possède de surcroît un patrimoine hors de Campanie. Une lettre de 598 prouve qu’il a été doté par son fondateur, le spectabilis memoriae uir Marinus, d’un domaine en Sicile275. Épargnée par la guerre, la Sicile semble alors fournir – on l’a déjà vu à propos de l’évêché de Capoue – revenus et subsistance aux Églises et aux monastères de la péninsule qui ont la chance d’y posséder des biens fonciers. La vitalité de ces monastères, connue du pape, justifie leur désignation pour assurer la prise en charge de monastères

in ius cellae, quippe iam tuae, reformare non neglegas, ut cunctis salubri ordinatione dispositis quae Deo placita nostra sunt auctoritate suffulta perpetuis maneant inconuulsa temporibus. 271.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, XI, 54 – juillet 601 : In quo etiam studii tui sit monachos deputare, qui illic tempore quo interuallum de hoste fuerit et opus Dei celebrare et decenter debeant deseruire. Le même cas de figure se reproduit pour le monastère de Chiaia : ut locus ipse ita cum diuino solacio per uos deinceps debeat ordinari, quatenus, dum ab hoste licuerit, deputati a uobis illic monachi debeant iugiter in Dei laudibus permanere, perturbationis uero tempore intra urbem in cella quippe propria reuocari (ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIII, 4, éd. Norberg, XIII, 2 – septembre 602). 272.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 54 – juillet 601. 273.  L’histoire et, plus encore, la topographie de Sorrente au Bas-Empire restent très mal connues. Si quelques informations éparses sont fournies par de rares inscriptions, l’archéologie a livré fort peu de données, faute de fouilles possibles : voir Magalhaes, Storia, istituzioni e prosopografia di Surrentum, p. 97-108 ; Russo, Sorrento, p. 100-101. 274.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd.  Ewald et Hartmann, XIII, 4, éd. Norberg, XIII, 2 – septembre 602. 275.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 10 – septembre-octobre 598.

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en voie de disparition. On peut supputer l’attraction exercée par un établissement comme le monastère Saint-Sébastien, dynamique et bien doté, sur les monastères appauvris de la région. Le succès de ces unions n’est cependant pas assuré et leur posté­ rité inconnue. La mort de Grégoire le Grand, en 604, fait disparaître ces monastères de la documentation pendant des siècles, parfois pour toujours.

Un monachisme micro-insulaire Une originalité de cette région maritime est la présence de petites îles bénéficiant d’un développement notable du monachisme. Nous savons que les îles ont souvent été propices à l’installation de moines, notamment les célèbres îles de Lérins au large de la Provence276. Les lettres de Grégoire le Grand offrent l’opportunité d’étudier plus en détail les caractéristiques du monachisme micro-insulaire. Le Registre comprend cinq lettres traitant de monastères établis dans les îles de la mer Tyrrhénienne dont deux concernent des îles campaniennes, Capri et les îles pontiennes (actuellement inclues dans la région du Latium), à 60 km au large de Gaète277. Le monachisme microinsulaire est masculin : les îles pontiennes n’abritent que des établissements de moines et la seule mention chez Augustin désigne un monastère masculin à Capri278. Cette constatation s’applique aux autres îles tyrrhéniennes mentionnées par Grégoire le Grand : plus au nord, l’île de Monte-Cristo, en Toscane, n’accueille que des moines tout comme les îles de Gorgona et de Capráia ; au large de la Sicile, l’île de Vulcano abrite le monastère masculin de Saint-André279. On comprend les raisons de cet exclusivisme

276.  En guise d’introduction, Biarne, « L’essor du monachisme occidental », p. 919-920 ; de manière plus précise, Pricoco, « Modelli di santità a Lerino », p. 54-88, réimpr. Id., Monaci filosofi e santi, p. 57-83 ; Id., L’isola dei Santi ; plus récents, Lérins, une île sainte de l’Antiquité au Moyen Âge, éd. Codou et Lauwers ; Gioanni, « La culture profane et la littérature monastique en Occident », p. 177-195. 277.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 52 – juillet  591 (Capri) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 48 – juin 591 (îles pontiennes). Excursus d’histoire ecclésiastique de Martin, « Capri, isola del ducato di Amalfi », p. 26-27. Sur l’histoire du monachisme insulaire, attesté dès l’extrême fin du ive siècle (Orose, VII, 36, 5), voir Jenal, Italia ascetica atque monastica, vol. I, p. 121-125. 278.  Augustin, Ep., 48 – vers 398. 279.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 49 – juin  591 (île de Montecristo) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 50 – juin 591 (île de Gorgona) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 17 – novembre 594 (îles de Gorgona et de Capráia) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 50, éd. Norberg, V, 55 – juillet 595 (île de Vulcano). Voir aussi Penco, Storia del monachesimo in Italia, p. 21-22. Lors de son périple en 417, Rutilius Namatianus, De reditu suo, 1, v. 439-452, ne mentionne que des moines ou des ermites troglodytes dans l’île de Capráia. Commentaire de Jenal, Italia ascetica atque monastica, vol. I, p. 122-123.

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au profit des hommes : le risque de cohabitation, déjà craint sur le continent par Grégoire le Grand, entre les moines et des femmes, même moniales, est renforcé sur les territoires confinés de petites îles. L’insularité constitue aussi un environnement difficile, où les conditions de vie sont plus rudes que sur le continent. Par conséquent, les îles sont davantage propices à l’installation de moines que de moniales et il n’est guère étonnant de ne trouver aucun établissement féminin. Une autre caractéristique du monachisme micro-insulaire réside dans la plus grande fragilité de ces petites communautés. Le contrôle des autorités ecclésiastiques, même civiles, y est plus lointain, les problèmes, voire les crises plus difficiles à résoudre. Les îles pontiennes, telles que le pape les décrit en juin 591, offrent une bonne illustration de ces caractéristiques280. Les indications fournies par Grégoire le Grand sont précieuses car ces îles, disparues des sources depuis l’Anti­quité classique, réapparaissent alors furtivement. On apprend qu’elles possèdent une richesse naturelle permettant une activité économique : un gisement de plomb, exploité par l’Église romaine281. Grégoire le Grand présente des communautés monastiques prospères dans plusieurs îles de l’archipel : on parle d’un oratoire sur l’île dite d’Eumorfiana et de moines sur l’île de Palmaria. Mais les îles sont confrontées à une situation exceptionnelle : l’afflux de réfugiés fuyant la guerre qui ravage l’Italie méridionale282. Cette arrivée en masse entraîne l’intervention du pape et met en lumière la fragilité du monachisme dans cet espace circonscrit et désormais surpeuplé. La présence de nombreuses femmes, logeant de surcroît dans certains établissements monastiques de l’île, préoccupe le pape283. Les entorses à la discipline monastique, relevées sur les îles de Monte-Cristo, Gorgona ou Vulcano le confirment284.

280.  L’identification de l’île d’Eumorfiana reste discutée : soit l’îlot de Rovigliano (Petra Herculis), en face de Stabies, selon Arthur, Naples, from Roman town to the city-state, p. 96, soit l’une des îles pontiennes d’après Savino, Campania tardoantica, p. 195, n. 224. Notons que cette dernière localisation s’accorde davantage avec les renseignements fournis par Grégoire le Grand. 281.  De manière plus générale, sur l’économie des îles pontiennes, voir Martin, « Da Ponza alle isole Sirenuse », p. 120-123. 282.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 48 – juin  591 : multos uirorum cum mulieribus suis diuersorum patrimoniorum illic pro necessitate feritatis barbaricae refugisse, quod inoportune iudicauimus, ut dum alia refugiorum loca uicina sint, cur ibidem cum monachis debeant mulieres habitare ? 283.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 48 : Propterea experientiae tuae praesenti iussione praecipimus, ut a praesenti tempore nullam illic ulterius mulierem, siue ecclesiastici iuris sit, siue cuiuslibet alterius, habitare commanereue permittat, sed refugium sibi, cum sicut praedictum est tot loca uicina sint, ubi maluerint ipsi prouideant, ut omnis exinde mulierum conuersatio submoueatur, ne, si quae in nobis est curam gerere desi­ stamus atque inimici laqueis obuiare, nos exinde, quod absit, si quid aduersi contigerit culpabiles existamus. 284.  Grégoire le Grand commence sa lettre adressée à tous les moines de l’île de Montecristo en les tançant pour ne pas observer la règle monastique : Peruenit ad nos, nulla uos monachicae regulae praecepta custodire (ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 49 – juin 591).

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Dernière illustration de la difficulté de la vie monastique insulaire, le pape interdit la présence de moines âgés de moins de 18 ans dans les monastères des îles pontiennes et, demande à son représentant, le sous-diacre Anthemius, recteur de Campanie, de les envoyer le cas échéant à Rome285. On le voit, dans les monastères micro-insulaires, ni les femmes ni les enfants ne sont les bienvenus. Les seuls individus « accueillis », avec l’assentiment des autorités ecclésiastiques, ne souhaitent pas vraiment y résider : des clercs exilés pour fautes graves. Les petites îles, depuis l’Antiquité, constituent en effet un lieu idéal de relégation et les îles pontiennes sont restées célèbres pour avoir hébergé contre leur volonté plusieurs membres de la dynastie julio-claudienne. Grégoire le Grand évoque l’île de Gorgona comme lieu de résidence forcée d’un prêtre fautif, mais aucune mention ne concerne sur ce point les îles du littoral campanien286. Quant à Capri, l’île paraît trop proche du continent et trop accueillante pour constituer un lieu de bannissement.

Les rapports avec les autorités ecclésiastiques D’après la correspondance de Grégoire le Grand, la hiérarchie ecclésiastique est habilitée à intervenir dans le domaine monastique, ce que confirme la législation des empereurs Anastase et Justinien287. Le Registre des lettres tend à accorder une grande importance à l’intervention et à l’action du pape dans le monde monastique, notamment campanien. Nous ne possédons que ce miroir déformant pour comprendre les relations des autorités ecclésiastiques avec les monastères de Campanie. La variété des sujets traités par la chancellerie romaine et la diversité des personnes qui sollicitent le pape ne laissent pas d’étonner. Au total, sept abbés et abbesses recourent à Grégoire le Grand pour régler leurs problèmes288, la majorité touchant des affaires en Sicile289. On peut aisément imaginer

285.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 48 – juin 591 : Quia autem dura est in insulis congregatio monachorum, etiam pueros in eisdem monasteriis ante decem et octo annorum tempora suscipi prohibe­ mus. Vel si qui nunc sunt, tua eos experientia auferat et in Romanam urbem transmittat. 286.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 17 – novembre 594. 287.  Responsable devant l’évêque (CJ, éd. Krueger, I, 3, 39 – vers 500), l’abbé nouvellement élu doit être confirmé par celui-ci (ibid., I, 3, 46, 3-4 – 530). L’évêque est également en droit de faire respecter la clôture des moines et moniales (ibid., I, 3, 43, 2 et 5 – 529 ; Justinien, Novelles, éd. Schoell et Kroll, CXXIII, 36 – 546). De manière plus générale, voir l’index analytique relatif aux moines dans l’ouvrage posthume de Joannou, La législation impériale et la christianisation, p. 138. De manière plus précise, Recchia, Gregorio Magno, p. 308-311. 288.  Nous dressons ici la liste des abbés et des abbesses mentionnés de manière explicite dans les lettres de Grégoire le Grand comme lui ayant fait parvenir une requête. Théodose : Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, V, 33 – mai 595 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 50 – 6 juin 595.

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la raison de ces requêtes. Grégoire le Grand est le seul à disposer encore en Sicile de puissants agents capables de régler rapidement les affaires qu’il leur soumet. Les lettres concernant la Sicile sont adressées aux recteurs des patrimoines de Syracuse, de Palerme ou de Sicile290. Il est difficile de savoir si la gravité de ces affaires nécessite impérativement l’intervention du pape. Tous les cas concernent des biens, fonciers ou mobiliers, possédés en Sicile par les monastères campaniens, mais on ne peut en évaluer ni l’ampleur ni la valeur. Nous trouvons également des demandes de consécration de monastères ou de reliques dans le but d’accélérer une procédure réclamant l’intervention de l’évêque291. Sabinus, abbé du monastère Saint-Étienne de Capri, désireux d’y déposer les reliques de sainte Agathe, a écrit au pape pour obtenir la venue de l’évêque de Sorrente292. Pourquoi l’abbé ne s’est-il pas adressé directement à l’évêque de Sorrente, on l’ignore. Que l’abbé soit connu du pape reste assez improbable et ne justifie pas de contourner l’évêque. L’intervention du pape permet surtout d’activer des démarches autrement plus longues. Un deuxième type de requête vise à obtenir la protection du pape contre

Si l’on considère qu’il s’agit d’un même et seul monastère Saint-Martin : ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 162, éd. Norberg, IX, 163 – mai  599 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 164, éd. Norberg, IX, 165 – juin 599 ; Agnella : ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 207, éd. Norberg, IX, 208 – juillet 599 ; Gratiosa : ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 58 – août 593 ; Thecla : ibid., IX, 54 – novembre  598 ; Sabinus : ibid., I, 52 – juillet  591 ; Fuscus : ibid., IX, 170, éd. Norberg, IX, 171 – juin-juillet  599 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 171, éd. Norberg, IX, 172 – juin-juillet  599 ; l’abbé du monastère Saint-Archange réfugié dans une maison : ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 5 – février  600. On peut penser que l’abbé du monastère Saint-Sébastien s’est adressé au pape, même si celui-ci ne le dit pas, pour régler les affaires de succession en Sicile (ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 10 – septembre-octobre  598) et obtenir la consécration du monastère par l’évêque de Naples (ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 165, éd. Norberg, IX, 166 – juin 599). 289.  Sicile : ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 33 – mai 595 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 164, éd. Norberg, IX, 165 – juin  599 (Théodose) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 54 – novembre 598 (Thecla) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 170, éd. Norberg, IX, 171 – juin-juillet 599 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 171, éd. Norberg, IX, 172 – juin-juillet 599 (Fuscus) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 10 – septembre-octobre 598 (monastère Saint-Sébastien). 290.  Trois lettres sont adressées à Romanus, recteur du patrimoine de Syracuse : ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 54 – novembre 598 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 164, éd. Norberg, IX, 165 – juin 599 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 170, éd. Norberg, IX, 171 – juin-juillet 599. Une lettre est envoyée à Cyprianus, recteur du patrimoine de Sicile : ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 33 – mai  595 et deux à Fantinus, défenseur patrimoine de Palerme ibid., IX, 10 – septembre-octobre 598 ; ibid., IX, 172, éd. Norberg, IX, 173 – juin-juillet 599. 291.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 52 – juillet  591 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 58 – août 593 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 50 – 6 juin 595 ; ibid., éd. Ewald et Hart­ mann, IX, 165, éd. Norberg, IX, 166 – juin 599. 292.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 52 – juillet 591.

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un pouvoir, épiscopal ou civil, jugé oppressant293. On comprend les motivations des solliciteurs : faire cesser au plus vite de graves abus comme la présence de soldats dans un monastère féminin ou l’attaque d’un monastère294. Ces incidents amènent Grégoire le Grand à s’adresser directement aux responsables, évêques ou représentants des autorités civiles et militaires de Campanie. Le pape reste le dernier recours295. Les moniales de Nola, tombées dans le plus grand dénuement, sont secourues par Grégoire le Grand, le seul à pouvoir encore les aider. On ignore comment le pape a été informé de leur situation désespérée, mais il n’est jamais question de l’évêque de Nola, certes titulaire d’un siège modeste et excentré, et le recteur de Campanie, représentant direct des intérêts de l’Église romaine dans la région, intervient pour remettre aux moniales la somme fixée par le pape296. La présence de l’envahisseur lombard empêche sans doute l’évêque de venir en aide aux moines et moniales de son diocèse. La capacité financière du pape demeure en outre moins érodée que celle des évêques de Campanie, en particulier des sièges de l’intérieur dont certains titulaires, comme l’évêque de Capoue, ont perdu leur diocèse. L’Église romaine continue de disposer d’un patrimoine intact en Sicile offrant une assise financière solide pour aider non seulement les moines ou les ecclésiastiques mais aussi les laïcs nécessiteux297. Il n’est pas certain que l’intervention du pape soit toujours efficace car les exactions commises par les autorités militaires appa­ raissent dans plusieurs lettres et les problèmes de succession de Rustica et de son époux, impliquant plusieurs monastères napolitains, durent plusieurs années, sans trouver de solution. Parfois, le pape décide de son propre chef d’intervenir dans les affaires intérieures d’un monastère. Nous conservons à ce propos deux lettres adressées à des abbés campaniens298. C’est le cas du monastère Saint-Martin qui semble entretenir une

293.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 162, éd. Norberg, IX, 163 – mai 599 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 171, éd. Norberg, IX, 172 – juin-juillet 599 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 207, éd. Norberg, IX, 208 – juillet 599 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 5 – février 600. 294.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 207, éd. Norberg, IX, 208 – juillet 599 (soldats dans le monastère d’Agnella) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 5 – février  600 (abbé attaqué par le dux Campaniae Gudiscalcus). 295.  Certaines de ses interventions matérielles sont étudiées en détail par Recchia, Gregorio Magno, p. 308-309. 296.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 23 – février 591. On ignore si Gaudentius est déjà l’évêque de Nola en 591 : voir supra n. 32 et le commentaire de la page correspondante ; PCBE, vol. II/1, p. 898-899, s.u. Gaudentius 28. 297. En Campanie voir Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 37 – mars 591 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 57 – juillet 591. 298.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 18 – juillet 600, à l’abbé Adeodatus ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 54 – juillet 601, à l’abbé Agapitus.

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relation particulière avec Grégoire le Grand. En mars 593, Grégoire le Grand charge son recteur de destituer l’abbé du monastère, Secundinus, coupable de « crimes horribles et exécrables »299. L’intervention du recteur, de nature disciplinaire, prend tout de suite effet : on ne parle ni d’enquête préalable ni d’intervention de l’évêque. Autre élément intéressant, le recteur est chargé de confirmer la désignation de l’abbé du monastère en remplacement de Secundinus. Normalement, cette compétence est dévolue à l’évêque300. Or, en mars 593, Naples n’a toujours pas d’évêque et Paul de Nepi, visiteur du siège vacant, se débat dans des querelles insurmontables. On comprend dès lors la raison de l’intervention du pape et du recteur. Cet épisode confirme l’effacement de l’évêque de Nepi au profit du recteur de Campanie comme autorité de substitution, dans l’attente d’un nouvel évêque. En effet, lorsque le siège napolitain est à nouveau pourvu à partir d’août 593, l’évêque récupère ses compétences propres, encore faut-il nuancer. En octobre 598, Grégoire le Grand demande à l’évêque Fortunatus de Naples d’examiner le moine Barbatianus, désigné supérieur (praepositus) d’un monastère de la cité après la mort de son abbé, et de l’élever à la dignité d’abbé à l’issue d’une période probatoire301. Non seulement le pape a déjà envoyé de Rome le précédent abbé, mais il désigne aussi de facto le nouveau supérieur de l’établissement monastique302. Le pape exerce une autorité partagée avec l’évêque dont le rôle se borne à valider la décision de Rome et à exercer un contrôle disciplinaire direct que le pape est évidemment incapable d’effectuer303. Le rôle de l’évêque demeure néanmoins central et Grégoire le Grand rappelle dans ses lettres le respect dû à l’évêque par les monastères de son diocèse304. L’évêque reste indispensable pour l’élévation d’un abbé, la consécration d’un monastère et la protection de ses intérêts. L’insistance du pape à affirmer la responsabilité de l’évêque est particulièrement vive pour le contrôle

299.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 23 – mars 593. 300.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 23 : experientiae tuae huius auctoritatis tenore

praecipimus, ut suprascripto Secundino remoto abbatis officio, Theodosium, quem congregatio ipsa sibi petiit ordinari, in monasterio sancti Martini abbatem sollemniter per eum cuius interest facias ordinari, quatenus in cura congregationis subiectae adiuuante Deo cauta possit sollicitudine uigilare. 301.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 12 – octobre 598. 302.  Le monastère serait soumis au pape car peut-être situé sur des biens de l’Église de Rome suivant l’hypothèse de Jenal, Italia ascetica atque monastica, vol. I, p. 288. 303.  Dans une lettre datée d’avril 600, soit un an et demi plus tard, Grégoire le Grand stigmatise la négligence de l’abbé Barbatianus, inapte à diriger son monastère, incapacité qu’il impute à l’évêque Fortunatus, qui n’a visiblement pas imposé un temps de probation, de deux ans, à Barbatianus avant de le faire abbé (Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, X, 9 – avril 600). 304.  Il paraît dès lors assez audacieux de supposer, depuis Grégoire le Grand, voire Hormisdas, une volonté pontificale de soustraire les monastères à l’autorité épiscopale comme le propose Jenal, Italia ascetica atque monastica, vol. II, p. 735-736.

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des sacrements. La consécration, à la demande du pape, du monastère Saint-Sébastien par l’évêque de Naples permet de détailler les règles à suivre par le prélat305. L’évêque Fortunatus de Naples doit se rendre sur place et s’assurer qu’aucun corps n’y a été inhumé. Il doit ensuite consacrer solennellement, mais sans messe publique, le monastère aux saints Hermès, Sébastien, Cyriaque et Pancrace. Enfin, aucun baptistère ne peut y être construit ni aucun prêtre incardiné au monastère. Chaque fois que les moines résidents veulent qu’une messe soit célébrée, ils doivent demander un prêtre à l’évêque306. Cette lettre est le seul exemple des instructions fournies par le pape pour consacrer un monastère en Campanie. Étudions plus en détail chacune de ces prescriptions. Les autorités ecclésiastiques, ici l’évêque de Naples, apportent leur caution officielle à la dédicace du monastère à un ou plusieurs saints ; on répète ici qu’il faut veiller à ce qu’aucun corps n’y soit enseveli. Cette formule courante mérite quelques observations. On retrouve cette vérification pour le dépôt de reliques dans un monastère qui relève aussi de la compétence de l’évêque, comme pour le monastère Saint-Étienne sur l’île de Capri. En juillet 591, l’évêque Jean de Sorrente doit se rendre, sur ordre du pape, dans ledit monastère et, une fois constatée l’absence de toute inhumation, déposer solennellement les reliques de la sainte307. Le pape insiste sur cette vérification pour éviter que ne se développe un culte parallèle et incontrôlé dans le monastère et que celui-ci ne pratique l’inhumation de laïcs308. L’autre inquiétude de Grégoire le Grand

305.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 165, éd. Norberg, IX,

166 – juin 599.

306.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 165, éd. Norberg, IX, 166 : Et quia Deo miserante defuncti noscitur uoluntas impleta, sanctitas uestra illic ingrauanter accedat et, si nullum ibidem corpus constat humatum, locum ipsum in honore sanctorum Hermae, Sebastiani, Cyriaci atque Pancratii sollemniter studeat absque missis publicis cum ueneratione debita consecrari ita, ut in eodem loco numquam baptisterium construatur nec presbyterum constituas cardinalem. Sed quotiens missas ibi degentes illic monachi fieri uoluerint, a dilectione uestra presbyterum nouerint postulandum, quatenus nihil tale a quolibet alio sacerdote ullatenus praesumatur. 307.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 52 – juillet 591 : Et quoniam Sauinus abbas monasterii sancti Stephani insulae Capris sugessit nobis, se sanctae Agathae martyris reliquias iam olim apud se habere concessas, et in monasterio suo uult ipsa sanctuaria collocari, ideoque ad praedictum monasterium te iubemus accedere et, si ibidem nullum corpus constat humatum, praedicta sanctuaria sollemniter collocabis, ut deuotionis suae potiatur effectu. 308.  Voir p. 423. Cette menace d’appropriation des lieux de culte par des particuliers et de la privatisation induite du culte des saints est déjà combattue par les papes Gélase et Pélage Ier : Pietri, « Évergétisme chrétien et fondations privées », p. 254 et 258. La question des lieux possibles ou souhaitables d’inhumation des chrétiens fait débat et soulève bien des interrogations, y compris en Campanie. En réponse à une lettre perdue de Paulin de Nole lui exposant la requête d’une fidèle d’inhumer son fils près de la basilique martyriale Saint-Félix de Cimitile, Augustin compose, en 423 ou 424, son De cura pro mortuis gerenda. Dans cet opuscule, prenant le contre-pied de l’engouement populaire

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concerne la célébration de la messe dans le monastère. Le prêtre doit être extérieur à l’établissement pour ne pas être attaché au monastère et le service liturgique doit rester sous contrôle de l’évêque qui, seul, désigne le prêtre qui célèbrera l’office divin dans l’établissement, à la demande des moines, lesquels ne sont donc pas prêtres309. On le comprend, la liturgie doit rester dans un cadre strictement monastique et ne pas empiéter sur l’action pastorale de l’Église. L’érection d’un baptistère participe de cette même préoccupation. Il ne faut pas que les laïcs, en premier lieu les voisins du monastère, prennent l’habitude d’y assister à la messe, d’y faire baptiser leurs enfants, d’y vénérer des reliques, voire d’y enterrer leurs morts, comme s’il s’agissait de leur église publique. Déjà apparaît un enjeu majeur dans les rapports entre monde monastique et Église : le contrôle ou la captation de la liturgie destinée aux laïcs. Le Registre des lettres de Grégoire le Grand présente l’immense intérêt de mon­trer des rapports dynamiques entre hiérarchie ecclésiastique et monastères. Nous savons que la crise de l’autorité épiscopale, à la fin du vie siècle, résulte du nombre de sièges sans évêque, de la durée de leur vacance, de la privation de leurs ressources économiques et de leur impuissance devant la situation politique et militaire. Même dans le domaine monastique, leur capacité d’intervention tend à se réduire, comme l’il­ lustre la correspondance de Grégoire le Grand. Cela se manifeste par nombre de décisions pontificales prises sans en référer à l’évêque, comme l’union de monastères ou la désignation d’un nouvel abbé. L’influence de l’évêque paraît amoindrie, dans les affaires des communautés de son diocèse ou le respect de la discipline monastique.

pour les enterrements ad sanctos, à grands renforts de citations scripturaires Augustin rappelle, sur le plan théologique, l’impossibilité pour les chrétiens – à la différence des païens – d’influencer le destin posthume du défunt par les rites funéraires, sinon par l’intercession des prières. Voir Grieser, « Die Bestattung der Toten », p. 418-421. 309.  Dans la correspondance de Grégoire le Grand, les cas d’abbés ou de moines ordonnés prêtres ou diacres restent exceptionnels et ne concernent pas la Campanie : Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, V, 4 – septembre 594 (un abbé et prêtre à Palerme) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 17-18 – novembre 594 (un abbé et diacre à Porto Venere) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, VI, 24 – janvier 596 (un moine et diacre à Ravenne) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, VI, 41 – juillet 596 (un moine et prêtre à Palerme) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, VII, 18 – avril 597 (un abbé et diacre non localisé) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 18 – octobre 598 (un moine et prêtre à Palerme) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 158 – mai-juin 599 (un moine et diacre à Vienne). Notons, de manière insolite, la mention d’un abbé et diacre d’un monastère campanien par Grégoire le Grand, Dialogues, éd. de Vogüé, II, 35, 1. Par souci d’éviter la venue de clercs extérieurs ou la sortie des moines de leur établissement, une loi de Justinien requiert l’ordination de quatre ou cinq moines expérimentés et méritants dans un monastère disposant d’une chapelle pour accomplir le service liturgique : Justinien, Novelles, éd. Schoell et Kroll, CXXXIII, 2 (539). Traduisant les mêmes souhaits, une messe publique est interdite dans un monastère de Rimini par Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, V, 49 – 6 juin 595.

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Grégoire le Grand ne manque de le rappeler dans le cas du non-respect de la stabilité et du célibat par les moines du diocèse de Sorrente310. Pourtant, là aussi l’évêque semble dépassé. Il prend la peine d’envoyer un clerc à Rome pour informer le pape qui, en retour, ordonne à son recteur de Campanie, et non à l’évêque, d’intervenir. On peut donc douter de l’efficacité de l’autorité épiscopale sur les monastères dont la discipline interne relève, en premier lieu, de l’abbé. La constatation est identique face au pouvoir civil. Lorsqu’en 599, Grégoire le Grand demande à l’évêque de Naples de protéger le monastère de l’abbé Fuscus, on peut douter de l’efficacité réelle de cet appui, même si la lettre incite l’évêque à intervenir, comme c’est normalement son rôle311. L’impuissance, ou pis l’incompétence, de Fortunatus de Naples, est encore mise en lumière par le reproche du pape de tolérer la transformation du monastère d’Agnella en campement militaire312. Les rapports entre les évêques et les monastères, à la fin du vie siècle, sont plus complexes que les instructions contenues dans les lettres de Grégoire le Grand ou les rappels à la discipline. Les évolutions ne sont pas encore achevées et Grégoire le Grand, en bon connaisseur du monachisme, perçoit le danger de laisser les monastères trop s’ouvrir aux fidèles et « extérioriser » leur liturgie. L’affaiblissement du pouvoir épiscopal freine à l’évidence le pape dans son entreprise de maintien de l’autorité spirituelle et hiérarchique de l’évêque sur les monastères.

Les rapports avec les laïcs et les autorités civiles Le monde laïque et les autorités civiles en Campanie connaissent également une période difficile à la fin du vie siècle. La correspondance de Grégoire le Grand dévoile un monde en transition : l’évergétisme aristocratique joue encore un rôle déterminant pour les monastères313, mais l’on observe parallèlement une dégradation de leurs relations avec les autorités civiles. Le nombre de communautés monastiques établies dans des « maisons » de particuliers pose la question de l’influence des riches laïcs dans le développement du monachisme campanien. Le terme utilisé est toujours celui de domus. Le pape l’emploie encore dans le sens antique de grande demeure aristocratique, capable de recevoir une communauté religieuse plus ou moins nombreuse. Dans le cadre de l’Italie continentale, la Campanie semble constituer une zone exceptionnelle par la persistance

310.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 40 – avril 591. 311.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 171, éd. Norberg, IX, 172 – juin-juillet 599. 312.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 207, éd. Norberg, IX, 208 – juillet 599. 313.  Cela tend à prouver qu’il perdure dans la seconde moitié du vie siècle, soit un peu au-delà

de ce que propose Rotili, « Città e territorio in Campania », p. 31-32.

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de ce phénomène. La domus est généralement indiquée avec le nom de son ancien propriétaire, même s’il est hasardeux de reconnaître dans la domus Aboridana à Nola le nom d’une riche fondatrice ou d’un fondateur314. Ailleurs, le doute n’est pas permis pour la domus propria de la patricienne Rustica pour laquelle le pape fournit – précision unique – la localisation exacte315. C’est également le cas de la domus quondam Marini, de la domus quondam Romani ou de la domus quondam Felicis scolastici316. L’indication de la domus et du nom du propriétaire possède un intérêt supplémentaire, car elle permet de supposer que la fondation du monastère est suffisamment récente pour que le nom du fondateur soit conservé, d’où l’ambiguïté pour la domus Aboridana, fondation ancienne dont la mémoire de la fondatrice s’est dissipée. La plupart de ces fondations aristocratiques sont donc récentes et l’on peut suivre leur évolution avec le monastère Sainte-Marie, établi par Rustica à Naples. Trois lettres, déjà étudiées, apportent un témoignage sur cette riche fondatrice. La première mentionne la fondation du monastère dans sa maison napolitaine, la désignation de l’abbesse par Rustica et le legs d’un tiers de sa fortune317. Une deuxième lettre, datée de novembre 598, évoque un différend entre l’abbesse Thecla, visiblement la seconde à diriger le monastère, et Alexander, uir magnificus, à propos d’intérêts en Sicile318. La dernière lettre, au défenseur du patrimoine de Syracuse, mentionne Rustica, épouse de Félix, à l’occasion de la non-exécution, par ses héritiers, des dispositions concernant la construction, décidée vingt-et-un ans plus tôt, d’un monastère en Sicile319. La date de la mort de Rustica est antérieure à 593 car

314.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 23 – février 591. Aboridana semble être un adjectif. 315.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 58 – août 593 : quod patriciae recordationis Rustica per ulti­ mum uoluntatis suae arbitrium in ciuitate Neapolitana, in domo propria, in regione Herculensi, in uico qui appellatur Lampadi, monasterium ancillarum Dei, in quo praefatam Gratiosam abbatissam praeesse disposuit. 316.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 50 – 6 juin 595 : in domo quondam Marini (il s’agit ici d’un oratoire dont les spécificités ont été analysées n. 249-253 et dans le commentaire de la page correspondante) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 18 – juillet 600 : in domo quondam Romani. Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 10 – septembre-octobre  598 et ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 165, éd. Norberg, IX, 166 – juin 599, on retrouve une variante avec Romanus clarissimae me­ moriae uir (…) in domo iuris sui. Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 54 – novembre 598 : in domo quondam Felicis scolastici : la maison du scolastique Félix, doit probablement être celle de Rustica. 317.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 58 – août  593 : simulque et oratorium exstruxisse dinoscitur, cui et pro uoto suo quattuor uncias totius substantiae suae dimisisse suggessit. 318.  Ibid., IX, 54 – novembre  598. On sait qu’Alexander est le gendre du scolastique Felix. Voir ibid., I, 42 – mai 591 et PCBE, vol. II/1, p. 87 et 797, s.u. Alexander 10 et Felix 56. 319.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd.  Ewald et Hartmann IX, 164, éd. Norberg, IX, 165 – juin  599 : une clause prévoyait que si, un an après sa mort, ses vœux n’étaient pas réalisés ce serait à l’Église romaine de s’en charger, ce que Grégoire ordonne ici au defensor Romanus. Voir également Foresi, « I monasteri napoletani », p. 81-82.

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elle est déjà décédée dans la première lettre la mentionnant320. L’intérêt de ce dossier réside dans la place de l’évergétisme aristocratique en Campanie : la patricienne assure la postérité de sa fondation par une large dotation et gouverne, à distance, la communauté monastique, en choisissant l’abbesse et les saints auxquels ce monastère privé sera consacré, le soustrayant ainsi aux autorités ecclésiastiques. L’implication du pape dans ces fondations aristocratiques montre l’importance qu’il leur accorde. Grégoire le Grand s’attache ainsi à suivre l’exécution du testament du défunt defensor Antoninus, qui a légué une somme d’argent à des moines pour s’établir à Sorrente321. En février 599, l’acquisition d’un terrain dans la cité n’est toujours pas réalisée et le pape demande à son recteur Anthemius d’intervenir. Comme pour Rustica, l’exécution des dispositions testamentaires n’est pas assurée. Très présent dans la correspondance de Grégoire le Grand, l’évergétisme des riches laïcs reste encore déterminant dans l’existence des communautés monastiques campaniennes. Une lettre mettant en garde l’évêque de Taormine en Sicile contre la dépendance d’un monastère vis-à-vis d’un laïc rappelle l’influence exercée par la patricienne Clementina sur le monastère Saint-Séverin du castrum Lucullanum322. À l’inverse, l’affaiblissement des élites traditionnelles en Italie porte un coup très dur aux monastères dont beaucoup disparaissent ensuite. Le deuxième volet des relations entre les monastères et le monde laïque concerne plus directement les autorités publiques, dans le contexte de la défense de la Campanie restée aux mains des forces impériales. La pression des autorités civiles sur les monastères de la région semble augmenter et nulle part ailleurs en Italie on ne trouve autant d’in­di­ cations fournies par Grégoire le Grand. À la fin du vie siècle, une lettre met en lumière les rapports du monastère Saint-Martin de Naples avec les autorités publiques323. Le monastère se voit imposer un service militaire dans la mesure où ses moines doivent

320.  Le commentaire de Grégoire le Grand, Registre, trad. Minard et Reydellet, vol. II, p. 224-225, n. 2, approuve Martindale, Prosoprography of the later Roman empire, vol. III/B, p. 1100, qui place la mort de Rustica avant 578 (si comme le dit Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 164, éd. Norberg, IX, 165 – juin 599, le testament a été fait 21 ans avant 599), contra PCBE, vol. II/2, p. 1947-1948, s.u. Rustica 3, qui considère que la fondatrice est décédée avant août 593. La rédaction du testament est datée de 578 dans Regesti dei documenti dell’Italia meridionale 570-899, éd. Martin, Cuozzo, Gasparri et Villani, p. 48. 321.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 105, éd. Norberg, IX, 106 – février 599. PCBE, vol. II/1, p. 156-157, s.u. Antoninus 5, propose de l’identifier éventuellement avec le defensor administrant le patrimoine sicilien de l’Église romaine entre 580 et 590 et mort en 591. Si c’est le même personnage, le testament élaboré en 591 n’est donc toujours pas exécuté huit ans plus tard. 322.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, VIII, 30 – juillet 598. 323.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 162, éd. Norberg, IX, 163 – mai 599.

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participer à la surveillance des murailles de la cité. L’abbé Théodose, en désespoir de cause, a dû demander au pape de plaider auprès du magister militum de Naples une exemption de cette charge « au-dessus de ses forces »324. La lettre du pape au magister militum Maurentius reste prudente, car elle ne dénonce pas l’incongruité de cette charge imposée aux moines du monastère Saint-Martin325. Le pape en demande, si possible, l’exonération ou l’allégement. On voit ici la largeur de vue du pape, responsable de la défense de l’Italie face aux Lombards et peu enclin à soustraire totalement les forces de l’Église de la défense des villes encore sous domination impériale326. L’atmosphère apparaît tendue à l’orée du viie  siècle et la cité de Naples en état d’alerte. Dans ce contexte, l’abbé Fuscus s’assure l’appui du pape pour que l’évêque Fortunatus de Naples protège sa communauté327. Naples subit de nouveau la menace des Lombards depuis la rupture de la trêve en 601. La pression sur les monastères s’accroît avant même cette date. En février 600, Grégoire le Grand s’adresse à Gudiscalcus, dux Campaniae, afin de modérer sa fureur contre le monastère du Saint-Archange dont il a fait défoncer les portes et jeter les biens dehors, contraignant son abbé à se cacher dans une demeure voisine328. Pour justifier sa violence, Gudiscalcus accuse l’abbé d’avoir aidé la fuite d’un moine chez les Lombards329. Cette information prouve que vivre chez les Lombards ne constitue pas une perspective répulsive. Le dux Campaniae accuse l’abbé d’être l’instigateur de cette fuite, car il a dû constater que certains moines, avec ou sans l’accord de leur abbé, préféraient se réfugier chez les Lombards plutôt que subir les charges militaires. Cette attitude, semblable à une désertion ou une trahison, justifierait la réaction violente des autorités civiles, car les monastères semblent coo­

324.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 162, éd. Norberg, IX, 163 : Asserit enim in murorum se uigiliis ultra uires suas uehementer affligi. 325.  Nous avons vu que cette charge n’était pas exceptionnelle car elle est aussi imposée à tous les habitants de Terracine, clercs et moines inclus : ibid., éd. Ewald et Hartmann, VIII, 19 – mai 598. 326.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 162, éd. Norberg, IX, 163 – mai  599. À noter l’argument du pape que les moines prieront davantage pour le magister militum : ut, dum in Dei laudibus liberior uacare uoluerit, pro uobis, cuius opere, ut leuationem aliquam habeat, factum est, securior Dominum ualeat exorare, sed et nostram sibi apud gloriam uestram sentiat epistolam profuisse. 327.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 171, éd. Norberg, IX, 172 – juin-juillet  599. Mais le rapprochement de toutes ces lettres semble confirmer que ces exactions sont le fait des autorités militaires. 328.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 5 – février 600. Gudiscalcus semble avoir remplacé le magister militum Maurentius dans le commandement de la garnison de Naples et de toute la Campanie restée sous contrôle impérial. À noter la consonance lombarde, du moins germanique, du nom Gudiscalcus. 329.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 5 – février 600 : Quod ne frustra fecisse forsitan uidereris, fugam monachi ipsius, qui ad hostes abiit, ad eius, quantum ad nos perlatum est, crimen impingis asserens, quod cum ipsius uoluntate fugiuerit.

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pérer de mauvaise grâce à la défense de la cité. Une autre raison de cette tension entre monastères et puissance militaire est fournie en août 593 par une lettre à l’empereur Maurice dans laquelle Grégoire le Grand demande l’abrogation de la loi interdisant l’entrée dans la vie monastique (et ecclésiastique) aux fonctionnaires d’État et aux soldats330. En novembre 597, le pape informe les archevêques et les évêques sous son autorité directe que l’empereur a accepté un assouplissement de cette loi : un soldat peut désormais revêtir l’habit monastique après enquête sur sa vie passée et une probation de trois ans331. Mais cette nouvelle disposition légale ne semble guère respectée : en avril 600, dans sa lettre à l’évêque Fortunatus de Naples, Grégoire le Grand lui rappelle que son accord est nécessaire pour l’entrée d’un soldat au monastère332. Le pape prend la peine de rappeler cette règle et l’obligation de ne pas la transgresser car il a eu connaissance des infractions commises dans le diocèse de Naples. L’irritation, voire l’agressivité des autorités militaires s’explique d’autant plus vis-à-vis des monas­ tères napolitains qu’ils accueillent des soldats désireux d’échapper au service militaire et peut-être, une fois devenus moines, de passer du côté lombard pour n’encourir aucune sanction. A contrario, Grégoire le Grand perçoit le danger que représente la violence civile contre les monastères et n’excuse en rien les débordements comme pour le monastère d’Agnella, transformé en cantonnement militaire, ou pis, le viol d’une moniale par un miles, sans doute à Naples333. De toute évidence, la guerre porte un coup terrible aux populations civiles comme aux établissements religieux.

Les oratoires Édifice religieux singulier, l’oratoire occupe une place importante au sein de la correspondance du pape à destination de la Campanie. On y recense six mentions sur un total de quinze pour toute l’Italie334. Ces chiffres indiquent les limites immédiates d’une étude statistique, mais l’intérêt ne réside pas là.

330.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 61 et 64 – août 593. Voir Zuckerman, « L’armée », p. 177-179 ; Pellegrini, Militia clericatus, p. 116-117 et 214. 331.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, VIII, 10 – novembre 597 : Si qui uero ex militaribus numeris in monasteriis conuerti festinant, non sunt temere suscipiendi, nisi eorum uita suptiliter fuerit inquisita ; et iuxta normam regularem debent in suo habitu per triennum probari et tunc monachicum habitum Deo auctore suscipere. 332.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 9 – avril 600 : Miles uero si conuerti uoluerit, prius quam nobis renuntietur, nullus eum sine nostro consensu qualibet praesumat ratione suscipere. 333.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 207, éd. Norberg, IX, 208 – juillet 599 (Agnella) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIV, 10 – décembre 603 (moniale). 334.  Il s’agit de l’oratoire du Saint-Archange dans le castrum Lucullanum près de la basilique Saint-Pierre (ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 23 – février 591) ; l’oratoire Saint-Pierre dans l’île d’Eumorfiana (ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 48 – juin  591) ; l’oratoire Saint-Pierre-Saint-

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La multiplication des oratoires, concrètement des chapelles vouées au culte d’un saint ou d’une sainte sans fonction pastorale publique, constitue un phénomène caractéristique de l’Antiquité chrétienne, lorsque les grands personnages font édifier ces lieux de culte à des fins privées335. Ce phénomène transparaît dans les lettres du pape. Une part importante des oratoires est édifiée par de riches patriciens ou patriciennes, généralement sur leur propriété. Pour la Campanie, trois fondateurs sont identifiés, une femme et deux hommes, la patricienne Rustica, Marinus et le dominus Venantius336. La particularité de ces oratoires en Campanie réside dans leur proximité avec le monde monastique : un seul édifice n’est pas mentionné en relation directe avec un monastère337. Parfois, un abbé est même chargé d’édifier l’oratoire prévu dans le testament d’un fondateur, comme l’abbé André de Saint-Martin de Naples, suivant les volontés du défunt Marinus338. L’oratoire devient alors propriété du monastère désigné par le fondateur, des moines y résident et vraisemblablement l’entretiennent. Sur les six oratoires mentionnés en Campanie, quatre sont occupés par des moines et un cinquième est peut-être lié à un monastère. Cette observation se retrouve pour l’ensemble des mentions concernant l’Italie (5 sur 9)339. Toujours en Campanie, la patricienne Rustica établit par testament un monastère dans sa demeure privée de Naples et fait construire un oratoire sur le même site, à charge pour l’abbesse, qu’elle a elle-même désignée,

Michel du monastère Saint-Martin à Naples (ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 50 – juin  595) ; l’oratoire dédié à la Vierge et au Christ à Naples (ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 58 – août 593) ; l’oratoire Saint-Séverin dans le castrum Lucullanum (ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 7 – mars  600) ; l’oratoire dédié à saint Séverin, peut-être en Campanie (ibid., éd. Ewald et Hart­mann, XI, 19 – janvier 601). 335.  Sur le phénomène des oratoires privés voir Monfrin, « La christianisation de l’espace et du temps », p. 994-996 ; Violante, « Le strutture organizzative », p. 984 et suivantes ; Acerbi, Entre Roma y Bizancio, p. 57-60. 336.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, III, 58 – août 593 (Rustica) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 50 – 6 juin 595 (Marinus) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 19 – janvier 601 (Venantius). D’après PCBE, vol. II/2, p. 2260, s.u. Venantius 9, il s’agirait d’un notable campanien, à moins de l’identifier au patrice Venantius de Palerme ou de Syracuse (PCBE, vol. II/2, p. 2255-2258, s.u. Venantius  6 et 7). Sur l’ensemble du Registre des lettres de Grégoire le Grand, on compte six oratoires fondés par des laïcs pour trois par des ecclésiastiques ou des moines. 337.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, XI, 19 – janvier 601 (Venantius). 338.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 50 – juin 595 : in domo quondam Marini ex eius uolun­ tate secundum testamenti seriem oratorium decessorem suum Andream abbam, in qua monachi habitare debeant, construxisse. 339.  Seules trois lettres évoquent des oratoires fondés par des laïcs sans mentionner de monastères intéressés dans leur prise en charge : ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 15, éd. Norberg, II, 11 – janvier 592 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 58 – novembre 598 IX, 71, éd. Norberg, IX, 72 – novembre-décembre 598.

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de faire consacrer sa fondation à la Vierge et au Christ340. Un oratoire peut aussi être lié à un monastère préexistant comme l’oratoire consacré à saint Pierre et saint Michel, construit dans la maison de Marinus à Naples et confié aux soins du monastère SaintMartin341. L’action d’un riche fondateur dans l’érection d’un oratoire n’est cependant pas toujours précisée ; elle est peut-être déjà oubliée ou ignorée du temps de Grégoire le Grand. Sur l’île d’Eumorfiana, probablement dans les îles pontiennes, la distinction entre l’oratoire dédié à saint Pierre, abritant des moines, et les autres monastères de l’archipel n’est absolument pas claire342. Dans cette lettre, l’oratoire forme une annexe d’un monastère, peut-être dotée d’une ou plusieurs cellules où des moines résident343. Mais d’autres oratoires paraissent distincts d’un monastère. L’oratoire Saint-Séverin du castrum Lucullanum est sans doute lié au monastère placé sous le même vocable, même si la lettre ne le précise pas et, détail important, il est desservi par un prêtre344. En résumé, l’oratoire, dans la correspondance de Grégoire le Grand, constitue une chapelle fondée par un riche particulier souvent confiée à un monastère avec lequel il tend parfois à se confondre. En outre, le monastère ne possède pas forcément une église. La prise en charge d’oratoires par les monastères traduit la volonté du fondateur mais aussi de l’Église : le pape préfère le contrôle monastique à un abandon aux proprié­ taires privés. Nulle part dans cette correspondance, pourtant axée sur les questions de compétences hiérarchiques, on ne trouve la critique de cette prise en charge par les monastères. Le problème ne se pose pas à ce niveau, mais dans la volonté d’éviter que

340.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 58 – août 593 : quod patriciae recordationis Rustica per ultimum uoluntatis suae arbitrium in ciuitate Neapolitana, in domo propria, in regione Herculensi, in uico qui appellatur Lampadi, monasterium ancillarum Dei, in quo praefatam Gratiosam abbatissam praeesse disposuit, simulque et oratorium exstruxisse dinoscitur (…) quodque in honore beatae Mariae semper uirginis genitricis Dei et Domini nostri Iesu Christi desiderat consecrari. 341.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 50 – juin 595. Voir supra n. 249-253 et la page correspondante pour la distinction entre le monastère Saint-Martin et l’oratoire fondé par Marinus à Naples. 342.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 48 – juin 591 : in insula quam appellant Eumorfianam, in qua situm oratorium beati Petri principis apostolorum esse dinoscitur. Le pape évoque dans la même lettre les monastères de l’île, sans plus de précision. 343.  Deux lettres, à propos d’un oratoire situé près des thermes d’Agrippa à Rome, viennent le confirmer. En effet, le pape concède cet oratoire à une communauté masculine puis à des moniales dont le monastère est en ruine. Dans cet exemple, la confusion avec un petit monastère est totale. On peut penser que l’oratoire, construit comme souvent dans une demeure privée, possède des espaces pour y loger moines ou moniales. Ibid., éd. Ewald et Hartmann, VI, 42, éd. Norberg, VI, 44 – juillet 596 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 137, éd. Norberg, IX, 138 – avril 599. 344.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 7 – mars 600 : Amandum presbyterum oratorii sancti Seuerini, quod in castro Lucullano situm est, elegerunt. Dans le même castrum Lucullanum se trouve l’oratoire dédié au saint Archange, près de la basilique Saint-Pierre, occupé par deux moines, sans qu’un monastère de rattachement soit évoqué (ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 23 – février 591).

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ces oratoires ne se transforment en églises publiques. Les lettres évoquant les oratoires réitèrent les mêmes prescriptions que pour la consécration d’un monastère : l’oratoire doit être consacré par l’évêque du diocèse et desservi par un prêtre, non incardiné au sanctuaire, désigné par l’évêque345. Dans les lettres conservées, la demande de consécration émane souvent de l’abbé en charge du monastère auquel l’oratoire a été confié par son fondateur. Cette requête, adressée au pape, est transmise à l’évêque du diocèse pour qu’il se rende sur le lieu, procède à la consécration de l’oratoire et le voue à un ou plusieurs saints. Comme pour la consécration des monastères, les demandes sont transmises au pape pour accélérer la procédure, les évêques étant peut-être peu enclins à agir en faveur de certains monastères. La cérémonie de la consécration ne donne lieu à aucune messe publique346, mais semble prendre l’aspect d’une fête populaire, au cours de laquelle des distributions sont faites aux pauvres comme à l’occasion de la consécration d’un oratoire en Sicile347. Le deuxième volet des prescriptions pontificales concerne la célébration des offices divins dans l’oratoire nouvellement consacré et désormais considéré comme un édifice religieux. La préoccupation du pape rejoint celle de l’évêque348 : éviter que les autorités religieuses ne perdent le contrôle de ce lieu de culte au bénéfice d’un particulier ou d’un monastère. En principe, aucun clerc ne peut être incardiné dans l’oratoire. Pourtant le pape évoque le cas du prêtre Amandus de l’oratoire Saint-Séverin, peut-être parce que cet oratoire se trouve dans le castrum Lucullanum349. On ne retrouve, en tout cas, aucune autre mention de prêtre attaché à un oratoire dans la correspondance de

345.  Prescriptions exposées ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 50 – 6  juin  595 : Et quia id in honore beati Petri principis apostolorum et sancti archangeli Michaelis postulat dedicari, dilectionem tuam praesentibus apicibus duximus adhortandam, quatenus ad praedictum locum, cum postulauerit, ingrauanter accedas uenerandae sollemnia dedicationis impendens, et, quotiens necesse fuerit, a presbyteris ecclesiae tuae in sancto loco deseruientibus celebrentur sacrificia ueneranda missarum. 346.  Par exemple ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 15, éd. Norberg, II, 11 – janvier  592, à propos d’un oratoire construit par l’illustris femina Themotea en l’honneur de la sainte Croix dans le diocèse de Rimini. 347.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 54 – juillet 591 : c’est le recteur du patrimoine de Sicile qui pourvoit aux distributions au vu de la pauvreté du monastère (Sed quia cellae ipsius tenuitas exigit, debere nos in ipsa diei festiuitate concurrere, propterea uolumus, ut ad celebrandam dedicationem dare debeas ad erogandum pauperibus in auro solidos decem, uini amphoras triginta, annonas ducentas, olei orcas duas, berbices duodecim, gallinas centum, quae tuis postmodum possint rationibus imputari). 348.  Même si le pape reproche à un évêque de la région de Ravenne d’avoir lui-même construit un oratoire, qui plus est dans un diocèse voisin, et de l’avoir transformé en église publique (ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIII, 19, éd. Norberg, XIII, 17 – janvier 603). 349.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 7 – mars 600 : Amandum presbyterum oratorii sancti Seuerini.

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Grégoire le Grand, sinon à Teramo (Abruzzes) où l’édifice, en l’absence d’évêque à la tête du diocèse, sert temporairement de lieu de culte public avec pour desservant un presbyter cardinalis350. Une autre préoccupation, hors de Campanie, rejoint ce souci d’éviter la transformation d’un oratoire en lieu de culte public : interdire la construction d’un baptistère351. On retrouve les mêmes instructions données pour la consécration d’un monastère ou la déposition de reliques. Ainsi le phénomène de l’église privée semble encore circonscrit au cadre monas­ tique352. Ailleurs, en Italie centrale notamment, même si l’Eigenkirchenrecht demeure contrôlé par l’Église, les oratoires restent aux mains des laïcs353. En Campanie, où le lien entre monastères et oratoires paraît fort, il est tentant d’assimiler l’oratoire à l’église d’un monastère. Cette constatation est globalement vraie. L’empressement des abbés à faire consacrer un édifice légué par un riche donateur et les recommandations faites à l’évêque pour garantir son contrôle sur le culte qui y sera célébré s’inscrivent bien dans le développement d’églises monastiques avec tous les risques que cela comporte, en particulier la tentation pour les laïcs de les considérer comme des lieux de culte publics354. À la fin du vie siècle, on assiste à la mise en place d’un réseau hiérarchisé d’églises : l’église épiscopale, les églises publiques et les oratoires, mais en principe seul le prêtre desservant l’église voisine y célèbre la messe355. À l’inverse, les lettres de Grégoire le Grand montrent les risques inhérents au maintien du contrôle épiscopal sur la desserte de ces lieux de culte. En effet, il précise que l’évêque doit s’assurer que le prêtre intervenant n’interfère pas dans la vie du monastère, sauf pour dénoncer à l’évêque des manquements graves à la discipline. On rappelle aussi que le culte organisé dans l’oratoire d’un monastère ne doit pas servir de prétexte pour capter les offrandes des fidèles356. Le souci du pape, ancien moine lui-même, est d’éviter les abus de pouvoir des autorités ecclésiastiques et les déborde­ ments du pouvoir épiscopal sur les prérogatives des monastères.

350.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 71, éd. Norberg, IX, 72 – novembre-décembre 598. 351.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 15, éd. Norberg, II, 11 – janvier 592. 352.  Voir p. 139 et suivantes. 353. Voir Martin, « Grégoire le Grand », p. 250-251. 354.  Penco, Storia del monachesimo in Italia, p. 99-100, défend l’idée que le rattachement des

oratoires à des monastères vient compenser le manque de clercs diocésains. 355.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, III, 58 – août 593 : ut quotiens necesse fuerit a presbiteris ecclesiae in superscripto loco deseruientibus celebrentur sacrificia ueneranda missarum. 356.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 58 : Ita ut in eodem monasterio neque fraternitas tua neque presbiteri praeter diligentiam disciplinae aliquid molestiarum inferat aut si quid pro diuersorum deuotione commoditatis accesserit sibi aestimet uendicandum, cum ancillis Dei in eodem loco deseruienti­ bus debeat proficere, quicquid offerri contigerit.

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La question des règles monastiques à la fin de l’Antiquité La question de la règle suivie par les monastères campaniens n’a, jusqu’ici, pas été abordée. La Campanie est une véritable région d’incubation de règles monastiques, preuve du dynamisme du monachisme local. Eugippe y rédige une règle pour sa communauté ; l’auteur de la « Règle du Maître » a probablement résidé en Campanie vers 500-530 et saint Benoît élabore sa règle dans le monastère voisin du Mont-Cassin vers 530-560357. Pourtant, aucune mention de règle monastique n’apparaît dans les lettres de Grégoire le Grand à destination de la Campanie. Le pape évoque certes la règle à suivre par les moines, mais cela reste très général et ne fait allusion à aucune règle spécifique358. Les monastères n’ont pas encore adopté de règles communes précises et la multiplicité des règles semble dominer359.

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À la veille du Moyen Âge, la Campanie connaît des bouleversements qui, à l’instar du reste de la péninsule, affectent son organisation ecclésiastique. Des évêchés disparaissent à jamais. L’époque constitue une période de transformation profonde des structures religieuses. L’invasion lombarde amène une scission territoriale qui va marquer profondément l’Italie du Sud durant le haut Moyen Âge. Le rôle de Grégoire le Grand s’avère fondamental. Pape exceptionnel par l’ampleur de son action, il tente de maintenir un réseau épiscopal qui se délite. Les solutions adoptées ne peuvent et ne veulent être que transitoires : recours à des visiteurs assurant

357.  Voir la Règle du Maître, éd. et trad. de Vogüé, vol. II. De manière plus large, Pricoco, « Il monachesimo in Italia », p. 633-634 et 636-637. 358.  Par exemple, à propos des infractions à la discipline dans les monastères de Sorrente, le pape évoque « la règle de l’abbé » sans pouvoir l’interpréter comme une règle monastique précise : Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 40 – avril 591 : Sed si quilibet hoc prae­ sumpserit, in monasterio quo ab initio conuersatus est et sub abbatis sui regulam de qua fugerat cum conpe­ tenti coercitione reddatur, ne si tantam iniquitatem fluxam inemendatamque dimittimus. Grégoire le Grand, Registre, trad. Minard et Reydellet, vol. I/1, p. 193, traduit avec raison regula par autorité. On retrouve cette imprécision hors de Campanie. Voir à ce propos Penco, Storia del monachesimo in Italia, p. 95-97. 359. Utiles mises au point par Biarne, « L’essor du monachisme », p. 936-938 ; Dunn, « Asceticism and Monasticism », p. 678-684. Un panorama historico-méthodologique et les références aux éditions de ces différents textes sont commodément fournis par le petit manuel de de Vogüé, Les Règles monastiques anciennes.

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la suppléance à la tête de sièges vacants, réunion d’évêchés. L’objectif à court terme est d’assurer une présence hiérarchique à la tête de chaque Église et de contrôler un patrimoine ecclésiastique qui se réduit sous la pression lombarde. On assiste indéniablement, à la fin du vie  siècle, à une redistribution des rôles à l’échelle de la Campanie. L’occupation lombarde entraîne le déclassement de Capoue, jusqu’alors résidence des principales autorités civiles de la région et, plus généralement, des cités de l’intérieur au profit de celles du littoral, en particulier Naples. La correspondance de Grégoire le Grand montre ainsi l’émergence de cette cité comme centre majeur de l’Italie méridionale. Mais le maintien d’une grande partie du littoral tyrrhénien sous contrôle impérial permet la conservation de structures ecclésiastiques qui ailleurs disparaissent. Les évêques campaniens, présents dans le Registre des lettres de Grégoire le Grand, sont élus et recrutés dans les mêmes conditions et possèdent les mêmes missions que leurs prédécesseurs. Certes, la dureté de l’époque nécessite des aménagements, notamment l’intervention des évêques dans la sphère politique, mais ils continuent d’agir dans un cadre religieux fixé dès l’Antiquité. Durant la seconde moitié du vie siècle, on assiste à un resserrement du réseau des monastères autour de quelques villes littorales, sans parler des îles, mieux protégées que par des murailles. Le phénomène de disparition des diocèses dans les zones envahies par les Lombards se reproduit pour les monastères. Alors que les monastères implantés dans les cités littorales subsistent, ceux de l’intérieur périclitent. À Naples ou à Sorrente, le monachisme de la fin de l’Antiquité résiste tant bien que mal aux difficultés de l’époque. Ailleurs, il s’efface en attendant la renaissance d’un monachisme d’un autre type dans le duché lombard. Cette originalité du littoral campanien constitue un facteur de conservatisme des structures monastiques dans la région. En revanche, l’évergétisme aristocratique semble connaître son ultime période de prospérité. Les bases qui constituaient sa solidité et son dynamisme sont sur le point de s’effondrer avec la disparition des patrimoines nobiliaires en Italie continentale. Fondations aristocratiques confiées aux monastères, les oratoires témoignent des derniers feux de l’influence religieuse des puissants. Leur lien avec les églises privées du haut Moyen Âge est dès lors incertain. Ce phénomène, proprement médiéval, traduit une influence lombarde sur les États qui se constituent sur le littoral tyrrhénien.

Chapitre 2 LES INFLUENCES Au moment de l’invasion lombarde, la Campanie, comme le reste de l’Italie, est soumise au statut établi par la Pragmatique sanction de Justinien en 554, signifiant le retour de la péninsule dans la dépendance directe de l’Empire. L’installation des Lombards en Italie du Sud remet en cause définitivement ce cadre, même si Grégoire le Grand et nombre de ses contemporains s’attachent encore à l’illusion du rétablisse­ ment de la tradition romaine. La particularité des cités côtières est de conserver une relation privilégiée avec Rome. Seule métropole de l’Italie méridionale, Rome exerce une influence mani­ feste sur les Églises de la région. Parallèlement, les régions littorales autour de Gaète, Naples et Amalfi conservent des liens étroits puis distendus avec Constantinople et le monde hellénophone. L’influence byzantine constitue un facteur notable pour comprendre et étudier les structures religieuses des duchés tyrrhéniens. La question est de savoir si l’hellénisme est un trait singulier et profond dans la vie religieuse, en particulier à Naples. En raison de la situation géographique et politique, la frontière avec les États lombards voisins n’est pas hermétique et, si les relations demeurent conflictuelles, des liens de toutes natures se tissent au cours du haut Moyen Âge. Dans le domaine religieux, l’influence lombarde est plus difficile à cerner que l’influence grecque, car elle est moins affirmée et moins valorisante pour les habitants des cités littorales. Pourtant, le développement d’institutions religieuses originales au-delà du territoire lombard conduit à s’interroger sur la perméabilité des duchés tyrrhéniens.

I.  L’influence romaine La proximité géographique de Rome constitue un facteur déterminant dans l’histoire de la Campanie à l’époque antique et médiévale. Au cours du haut Moyen Âge, les interventions pontificales visent à conserver une influence dans la région malgré la disparition du patrimoine de Saint-Pierre. Le jeu de balancier des duchés tyrrhéniens entre l’Occident et l’Orient et la tentation de l’alliance opportuniste avec les Sarrasins compliquent assurément la politique romaine. Dans le domaine religieux, les papes maintiennent un contrôle puissant sur des évêchés assujettis à leur autorité, même après la constitution de métropoles régionales à la fin du xe  siècle. Il est intéressant de voir comment l’autorité pontificale s’exerce dans l’élection et la consécration des

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évêques. Dans ce contexte, le modèle romain prédomine, comme le révèle la géographie ecclésiastique décrite par les Gesta parce que l’exemple de Rome marque la vie et l’espace religieux de la société chrétienne en Campanie.

Les duchés campaniens et Rome La puissance des papes en Italie méridionale repose non seulement sur la sujétion de toute la région à la métropole de Rome, mais encore sur l’importance du patrimoine que l’Église romaine y possède360. Alors que les Lombards se rapprochent de la papauté, les relations entre les papes et les empereurs d’Orient se dégradent peu à peu, ce qui n’est pas sans conséquence pour l’assise foncière de l’Église romaine. En représailles de la révolte de l’Italie sous domination byzantine et de l’opposition du pape à l’iconoclasme, l’empereur Léon III (717-740) confisque tous les revenus du patrimoine du Saint-Siège en Calabre et en Sicile361. Ajoutée à l’abandon de nombreuses terres lors de l’invasion lombarde, cette confiscation des possessions pontificales dans les régions sous domination byzantine réduit l’influence romaine en Italie méridionale. L’attention diplomatique des papes se tourne, à partir de la fin du viiie siècle, vers les nouveaux venus dans le jeu politique italien, les souverains francs, qui interviennent de plus en plus en faveur de la puissance romaine menacée en Italie méridionale. Les Gesta se font l’écho de cette intervention. Absents de toute la première partie, les Francs sont constamment mentionnés dans la partie rédigée par Jean Diacre, en contrepoint à l’image négative des empereurs byzantins iconoclastes. Empereurs francs et papes nouent une véritable alliance à la fin du viiie siècle, qui se manifeste en particulier par leur protection commune sur l’abbaye du Mont-Cassin362. À partir du milieu du ixe  siècle, les préoccupations des papes se détournent des empereurs byzantins, redevenus iconodoules, ou des Lombards, convertis depuis plus d’un siècle et intégrés à l’Église latine sous contrôle romain. La menace est désormais représentée par les Sarrasins, qui s’emparent de Palerme en 831. Leurs troupes causent des ravages inconnus en Italie méridionale depuis l’invasion lombarde au vie  siècle : Formies est détruite en 846363, le monastère Saint-Vincent-au-Volturne ravagé en 881 puis le Mont-Cassin en 883364. La lutte contre cette nouvelle menace implique

360.  Voir partie 1, chapitre 3. 361.  Gay, L’Italie méridionale, p. 12 ; plus récents, Marazzi, « Il conflitto fra Leone III Isaurico

e il papato », p. 231-257 ; contra Prigent, « Les empereurs isauriens », p. 557-594. 362.  Russo-Mailer, Il Medioevo a Napoli, p. 58. 363.  Dans sa titulature, l’évêque de Gaète abandonne désormais la mention de Formies. Voir Merores, Gaeta, p. 2-3 et 18. 364. Pour la trame événementielle, voir Gay, L’Italie méridionale, p. 49-53, 66-67 et 130-131 ; plus récent et événementiel, Feniello, Sotto il segno del leone, p. 73-77.

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l’ensemble des forces présentes dans le sud de la péninsule. Les Gesta mentionnent également une intervention des Sarrasins dans le duché napolitain. À partir de la notice consacrée à l’évêque Tibère (819-839), les Sarrasins sont omniprésents dans les notices d’histoire générale. Sous son successeur, Jean IV (842-849), les Sarrasins apparaissent dans les notices consacrées à l’histoire locale du duché napolitain. À Licosa, le duc Serge Ier vainc les « Ismaélites » qui, en mesure de rétorsion, occupent le cap Misène en 845365. Si les ducs de Naples jouent un rôle actif, aux côtés des papes et des empereurs francs, dans la lutte contre les Sarrasins, les évêques ne semblent en aucune manière concernés par ces événements. Le rédacteur des Gesta, Jean Diacre, ne met d’ailleurs jamais en relation l’attitude des ducs de Naples face aux Sarrasins avec les conflits qui les opposent aux évêques à la même époque366. Un seul évêque, Athanase Ier, paraît impliqué dans la lutte contre les « infidèles » aux côtés de l’empereur franc Louis II367. D’après les Gesta, la cité napolitaine apporte un soutien constant aux papes dans leur lutte contre les envahisseurs arabes. La réalité est tout autre et les intérêts napolitains vont souvent à l’encontre de ceux de la papauté. À partir du duc Serge  II, Naples privilégie une alliance de revers avec les Sarrasins contre les Lombards. Cette politique, suivie par les autres duchés tyrrhéniens368, vaut l’excommunication au duc et l’interdit à la ville de Naples369. À partir de 870, en particulier avec l’accession d’Athanase  II (876-898) au trône épiscopal et ducal, l’intervention du pape dans la politique napolitaine s’accroît. Avant cet avènement, les évêques napolitains ont, semble-t-il, soutenu sans réserve la politique pontificale à l’égard des Byzantins, des Francs ou des Sarrasins. La puissance de la papauté demeure incontestée, même sous le duc Bonus, et le duché de Naples tient compte des orientations romaines pour définir sa politique, malgré des divergences d’intérêts manifestes à partir de la seconde moitié du ixe siècle. Les dissensions se cristallisent sous le règne du duc-évêque Athanase II. Les Gesta s’arrêtent, de manière fortuite ou délibérée, avant la prise du pouvoir ducal par l’évêque de Naples, qui se solde en 879 par l’assassinat de son frère, le duc Serge II.

365.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 60, p. 432-433. 366.  La position des ducs de Naples face aux Sarrasins n’est pas aussi claire que Jean Diacre veut le

laisser croire. Après l’occupation de Palerme par les Arabes, en 831, le duc André attire des bandes sarrasines sur le littoral pour soulager Naples de la pression lombarde. Une fois le péril lombard écarté, les Napolitains se retournent contre les Sarrasins sous Serge Ier. Voir Gay, L’Italie méridionale, p. 24 et 55. 367.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 65, p. 434. 368. Docibilis Ier, hypatus de Gaète, choisit également l’alliance avec les Sarrasins : voir Merores, Gaeta, p. 12-18. L’auteur pense que le pape a pu renoncer à son patrimoine autour de Gaète en échange de l’abandon de l’alliance avec les Sarrasins par les dirigeants de Gaète. Pour Amalfi, voir Schwarz, Amalfi, p. 28-31. Les Amalfitains obtiennent le versement de 10 000 mancusi pour prix de leur soutien à la coalition pontificale. 369.  Gay, L’Italie méridionale, p. 85 et 114-115.

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Pourtant cette accession violente semble recevoir le soutien du pape Jean VIII (872882). L’intérêt politique romain en Italie méridionale paraît l’emporter avec l’avène­ ment d’une seigneurie ecclésiastique à Naples. Mais Athanase  II ne tarde pas à renouer avec l’autonomie de son prédécesseur et se rapproche même des Sarrasins. L’excommunication pontificale, en 881, ne semble guère inquiéter l’évêque de Naples jusqu’à ce que, l’alliance avec les bandes sarrasines devenant menaçante, il retourne dans le giron romain370. À Amalfi, qui commerce activement avec l’Afrique du Nord, l’excommunication frappe également les dirigeants, l’évêque et la population371. Les dissensions entre les duchés tyrrhéniens et Rome demeurent de nature seulement politique. Les difficultés de Jean VIII avec Athanase II se limitent aux affaires séculières372. Si les papes des ixe-xe siècles n’ont pas les moyens d’exercer une pleine autorité comme leurs successeurs à partir du xiie siècle, leur pouvoir spirituel influence néanmoins en profondeur les Églises latines en Italie méridionale. L’installation des Normands vient entraver l’action de Rome : la création du comté normand d’Aversa, en 1029, et les visées expansionnistes des Normands incitent les Lombards de Bénévent à solliciter la protection pontificale en 1051. La défaite de la coalition réunie par Léon IX à Civitate entraîne une réorientation, forcée et pragmatique, de la politique romaine envers les Normands. En 1059, Robert Guiscard prête serment de fidélité au pape Nicolas II qui l’investit du duché de Pouille et de Calabre. Désormais, les intérêts pontificaux en Italie méridionale sont contraints de s’accorder à ceux de la puissance normande, au détriment des souverains locaux, lombards ou tyrrhéniens.

L’élection et la consécration des évêques Grégoire le Grand offrait un panorama détaillé des conditions de l’élection des évêques, en particulier pour Naples, grâce à l’abondante correspondance entre le pape et un siège ayant acquis une importance nouvelle à la fin du vie siècle, mais le silence des sources recouvre, tout ou partie, des viie-viiie siècles. Après ce long vide documentaire, les Gesta constituent une source de premier ordre. Durant le haut Moyen Âge, comme dans l’Antiquité tardive, le mode de désignation des évêques ne dépend pas, en principe, de l’intervention directe du pape. Néanmoins, les Gesta permettent de constater que le pape joue, parfois, un rôle non négligeable. Des précisions sur l’élection des évêques napolitains, aux viiie-ixe siècles, sont fournies dans la partie rédigée par Jean Diacre, soit de l’épiscopat de Paul II (762-766) à celui d’Athanase II (876-898). Dès la notice consacrée aux circonstances de l’élection de

370.  Ibid., p. 118-119 et 126-127. 371.  Schwarz, Amalfi, p. 30-31. 372.  Gay, L’Italie méridionale, p. 117.

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Paul II, l’influence pontificale paraît évidente. Avant de devenir évêque, le diacre Paul a effectué de nombreuses visites à Rome où il s’est lié d’amitié avec le futur pape Paul Ier (757-767). Les Gesta évoquent les vœux réciproques que les deux hommes formulent sur leur avenir : « Un jour qu’ils se tenaient mutuellement des discours de bonne camaraderie, l’adulant presque, le Napolitain tint ce doux discours : “que le Tout-Puissant fasse que je te voie pape”. Aussitôt, le pape susnommé lui répondit : “et moi, que je te voie évêque”. Que dire de plus ? En peu de temps, le seigneur apostolique Étienne [II] mourut et Paul le diacre fut élu à l’honneur prévu. C’est pourquoi, le vénérable évêque Calvus, ayant peu après rejoint le Seigneur, Paul reçut le siège épiscopal de Naples »373. Si l’on ne peut conclure à une intervention directe du nouveau pape dans l’élection de son ami à Naples, la proximité entre les deux hommes dut peser de manière déterminante sur le choix des électeurs napolitains. L’immixtion du pape dans les élections épiscopales à Naples semble toutefois rare, peut-être en raison de l’affaiblissement du pouvoir pontifical face à des dynasties locales de plus en plus entreprenantes dans le domaine ecclésiastique. On s’explique mal autrement l’absence de réaction du pape lorsque le duc Bonus (832-834) emprisonne l’évêque Tibère et élève sur le trône épiscopal le diacre Jean le Scribe, certes consacré évêque seulement à la mort de Tibère, après trois ans de vacance, en 842374. Jusqu’au milieu du xe siècle, à l’instar de tous les évêchés voisins de l’Italie centrale et méridionale, Naples demeure un siège suffragant de la métropole romaine. Comme sous Grégoire le Grand, il revient au pape de consacrer les nouveaux élus. Les Gesta offrent la possibilité de constater que les modalités de cette consécration n’ont pas changé depuis l’Antiquité tardive. Les différentes consécrations d’évêques napolitains ne sont pas décrites dans la première partie de la chronique alors que Jean Diacre les développe beaucoup par la suite, livrant des détails importants sur leur déroulement et les interventions du pape.

373.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 41, p. 424, l. 31-36 : Qui cum quodam die uicis­ sim sodalia uerterent colloquia, tamquam adulando Neapolitanus ait leuita : « Concedat Omnipotens, ut te apostolicum uideam ». Cui mox praefatus papa respondit : « Et ego te episcopum ». Quid plura ? In breui spatio defuncto domno Stephano apostolico, Paulus diaconus ad praenuntiatum sibi honorem eligitur. Itaque non multo post migrante ad Dominum Caluo uenerabili episcopo, et iste Neapolitanam suscepit cathedram. 374.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 55-59, p. 430-432 : Bonus, assassin du duc de Naples Étienne III, en 832, entre en conflit avec l’évêque Tibère qu’il fait jeter en prison. Cet épisode, relaté par les Gesta, ne semble pas avoir provoqué d’intervention du pape ni terni les relations avec Rome. Selon Bertolini, « La serie episcopale napoletana », p. 440, les raisons du conflit entre Tibère et Bonus seraient à chercher dans la politique de rapprochement du duc de Naples avec les Sarrasins. En effet, une fois le duc Bonus et son fils Léon décédés, leur successeur, André, maintient Tibère sous bonne garde jusqu’à sa mort.

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Une fois le nouvel évêque désigné par la population de son diocèse, le pape continue d’exercer un droit de regard sur l’élection. Nous en possédons un exemple avec l’évêque Tibère, avant qu’il ne subisse les persécutions du duc. Les Gesta précisent qu’une fois élu, « quelques personnes qui convoitaient pour elles-mêmes l’honneur de Tibère, lui firent une réputation si infamante qu’elle arrivât même aux oreilles apostoliques. De là, l’arrivée d’envoyés de Rome qui menèrent une enquête approfondie et qui découvrirent de quelle manière tous les rivaux étaient dévorés de jalousie. Alors seulement il fut consacré évêque par le pape Pascal  Ier, et revint avec décence chez les siens »375. On le voit ici, du fait de l’aliénation du patrimoine romain aux viiie-ixe siècles376, le pape ne dispose plus, au ixe siècle, d’un représentant permanent, comme le recteur du patrimoine au vie siècle, pour examiner le nouvel élu. Il est alors amené à envoyer des représentants sur place. Nous ne possédons pas d’autres allusions à une enquête préalable à la consécration d’un évêque dans les duchés tyrrhéniens. En outre, les papes semblent moins soucieux que Grégoire le Grand du respect des règles canoniques. La consécration de l’évêque suivant, Étienne II (766-794), pose en effet un problème particulier : comment expliquer que le pape ait pu accepter qu’un laïc, a fortiori le duc, soit consacré évêque ? Jean Diacre fournit une explication : « L’année de la mort de l’évêque Paul, Dieu étant irrité, un si grand fléau, que les médecins appellent “tumeur à l’aine” [la peste], sévit à Naples, que la mort des fils suivait de peu celle du père et l’on trouvait avec difficulté le survivant pour enterrer les autres. De là presque tous les clercs de cet évêque [Paul] avaient trouvé la mort »377. Le manque de clercs disponibles ou capables d’assumer la charge d’évêque peut expliquer la nécessité de recourir à un laïc comme évêque, ce qui ne constitue pas un cas unique. Nous avons déjà rencontré cette situation chez Grégoire le Grand pour le siège de Teramo378. Mais ce pape assortissait ce type d’élévation d’une période probatoire et la situation de la fin du vie  siècle était autrement plus critique pour l’Église et l’encadrement des fidèles que la fin du viiie siècle. Le contexte politique a en effet changé : il semble plus juste de penser que le pape, tout comme les Napolitains que Jean Diacre présente comme unanimement favorables, a vu dans l’accession du duc Étienne de Naples au trône épiscopal le moyen de

375.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 52, p. 428, l. 35-39 : nonnulli, qui sibi ipsum ap­ petebant honorem, adeo illudendo eum infamarunt, ut etiam apostolicas peruenisset ad aures. Unde factum est, ut missi Romani uenientes suptilique examinatione inuestigantes, reperirent istiusmodi emulatores totos inuidia possideri. Sicque demum a Paschali papa episcopus consecratus, decenter repedauit ad propria. 376.  Voir partie 1, chapitre 3. 377.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 42, p. 425, l. 15-19 : In eo siquidem anno, quo Paulus episcopus defunctus est, irato Deo, tanta desaeuit clades in Neapoli, quae a medicis inguinaria uocatur, ut patris interitum mors subsequeretur filiorum, et ad sepeliendum rarus superstes inueniretur ; unde etiam prope omnes clerici eiusdem episcopii uitam finirent. 378.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, XII, 4-5 – novembre 601.

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renforcer son influence politique sur le duché tyrrhénien, en témoigne la promptitude du pape à accepter l’élection, à tonsurer et à consacrer Étienne II, en dépit des règles canoniques379. Le duché montre d’ailleurs envers Rome la plus grande docilité sous l’évêque Étienne II380. La consécration de Paul III (794-819), successeur d’Étienne II, semble poser encore moins de problèmes : familier de la duchesse de Naples, il reçoit la tonsure et part se faire consacrer à Rome381. On le voit, les Gesta ne parviennent pas à masquer le caractère de simple confirmation que revêt la consécration par le pape dès lors que le choix du nouvel évêque correspond à celui de la famille ducale dont le rôle est croissant dans l’élection épiscopale. Jusqu’au milieu du xe siècle, la consécration des évêques continue de s’effectuer à Rome puisque les Gesta indiquent de manière systématique que le candidat à l’épiscopat napolitain se rend auprès du pape pour être confirmé et consacré. Les Gesta ajoutent un détail intéressant par rapport à la correspondance de Grégoire le Grand. La consécration de l’évêque Athanase II en 876, relatée par le sous-diacre Pierre, ne se déroule pas à Rome mais près de Capoue. L’auteur donne la raison de la présence inhabituelle du pape dans la cité : « [Athanase] fut consacré dans l’église de saint Nazaire martyr, au lieu-dit Canzia dans le territoire de Capoue, par le pape Jean VIII qui était venu jusquelà à cette époque pour faire rompre au consul et duc Serge, le frère de l’évêque, son traité avec les Ismaélites qui occupaient alors Naples et mettaient à mal la province de Rome »382. On peut supposer que la proximité de Capoue avec Naples facilite le déplacement du nouvel évêque pour y être consacré. Les raisons politiques doivent également jouer un rôle important : Athanase II est le frère du duc de Naples et sa présence auprès d’un pape désireux de faire rentrer les duchés tyrrhéniens « dans le rang » contre les Sarrasins favorise les desseins pontificaux. Il est même possible que l’abandon de cette alliance soit la contrepartie de la consécration d’Athanase II. Serge II fait de vagues promesses, moyennant quoi son frère Athanase II est consacré évêque383.

379.  Bertolini, « La serie episcopale napoletana », p. 403-404. Sur l’examen pontifical avant la consécration et les empêchements pour accéder au trône épiscopal voir la partie 1, chapitre 1. 380.  Voir p. 105. 381.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 46, p. 427, l. 22-26 : Tum illa femineis flammis accensa, hunc Paulum popularem et laicum, licet orbatum uxore, comprehendens, tradidit illis ; sed cum reniti nemo auderet, ilico tonsum electum sibi fecerunt ; non post multos autem dies pergens ad sedem Romuleam, a domno Adriano episcopus est effectus. 382.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 66, p. 436, l. 4-8 : Consecratus est autem in ecclesia beati Nazarii martyris, sita in loco qui dicitur Canzia, territorio Capuano, a Iohanne octabo papa, qui eo tempore illuc aduenerat, ut Sergius consul et dux, germanus praedicti praesulis, foedus dirrumperet cum Aragenis, qui tunc Neapoli habitabant et Romanam prouinciam penitus dissipabant. 383.  Gay, L’Italie méridionale, p. 115-116.

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Une géographie ecclésiastique calquée sur Rome ? L’Église de Naples, aux viiie-ixe siècles, constitue sans nul doute la plus riche et la plus puissante des Églises de l’Italie méridionale latine. Cette primauté de fait repose sur la population napolitaine : la cité demeure, durant tout le haut Moyen Âge, le centre le plus peuplé d’Italie du Sud, ce qui empêche les capitales lombardes, malgré les efforts de leurs princes, de pouvoir rivaliser avec Naples. Cette position privilégiée est renforcée par le prestige sans égal de la ville, manifesté par une riche parure monumentale et la permanence d’institutions séculaires sur lesquelles les évêques s’appuient. La préservation des monuments religieux paléochrétiens explique, dans une large mesure, l’organisation ecclésiastique singulière de la Sancta Neapolitana Ecclesia. Avec ses deux basiliques-cathédrales, ses baptistères, ses basiliques dites majeures, ses cimetières suburbains et son clergé nombreux, l’Église de Naples n’offre de comparaison qu’avec l’Église romaine au haut Moyen Âge. Les Gesta permettent d’observer, de manière exceptionnelle, des institutions ecclésiastiques napolitaines dont les caractéristiques évoquent la Rome paléochrétienne : un episcopium ou palais épiscopal doté, comme à Rome, de quatre basiliques majeures, chacune disposant de son clergé. Le complexe cémétérial hors de la cité rappelle en outre la place tenue par les cimetières romains dans les institutions pontificales. L’attribution à Constantin de la construction de la basilique S.  Restituta, église cathédrale de Naples, n’est pas fortuite384. Elle constitue une référence explicite à Rome et établit un parallèle avec la basilique Saint-Jean fondée par cet empereur. Naples aurait ainsi disposé d’une basilique épiscopale en même temps que Rome. Cette précision confère, dans les Gesta, un prestige particulier à la première cathédrale napolitaine, prestige qui rejaillit inévitablement sur ses évêques. Dès l’époque constantinienne, ceux-ci disposeraient d’un édifice monumental nécessaire au déroulement de la liturgie épiscopale, ce qui est alors rare dans la chrétienté occidentale. Tôt la basilique S.  Restituta possède son collège presbytéral385. La présence d’un presbyterium associé à la vie de la basilique-cathédrale napolitaine traduit sans doute une imitation du modèle romain386. À Rome, le collège presbytéral compte différents clercs, des prêtres aux diacres, des sous-diacres aux lecteurs et aux acolytes387. Le presbyterium

Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 3, p. 404. Martin, « L’ambiente longobardo, p. 215. Pietri, Roma christiana, vol. I, p. 139. Ibid., p. 138 et 151. La fonction des acolytes à Rome était de porter le fermentum (pain consacré par l’évêque) aux tituli de la ville. Nous ignorons si Naples connaît ce rite mais les papes avaient, dès les ive-ve siècles, interdit cette pratique à leurs évêques suffragants. Voir Saxer, « La Chiesa di Roma », p. 507-511. 384.  385.  386.  387. 

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romain participe aux offices et le prêtre peut diriger la synaxe ou la concélébrer avec l’évêque388. Au début du vie siècle, lorsque la Stephania remplace la basilique S. Restituta comme cathédrale de Naples, elle est probablement dotée d’un collège clérical équivalent. Dans sa Vie d’Athanase, Guarimpotus parle de « deux sièges cathédraux à l’instar des deux Testaments »389. Le presbyterium devait constituer un conseil de l’évêque et assurer l’administration de l’évêché. À Rome, le collège presbytéral attaché aux papes assume ce rôle. Les prêtres romains sont responsables des archives et des livres et reçoivent tous les actes judiciaires390. Nous pouvons supposer que la bibliothèque d’Athanase Ier était gérée par les clercs attachés à l’episcopium391. À la différence de Rome, il n’est pas fait mention à Naples d’une élite cléricale gravitant autour de l’évêque ni de diacres attachés à sa suite392, mais l’office de diacre dans l’Église napolitaine constitue, comme à Rome, une étape privilégiée pour accéder à l’épiscopat. À Rome, le presbyterium fournissait toujours les légats du pape envoyés en mission393. Rappelons que le futur évêque Paul II (762-766), diacre de l’Église de Naples, est souvent envoyé en légation à Rome, comme le précisent les Gesta394. Ceux-ci mentionnent enfin, pour la basilique Stephania, l’établissement par Athanase Ier d’un collège des hebdomadarii, information reprise avec davantage de précision dans la Vie d’Athanase395. Cette institution des hebdomadarii est attestée dans les basiliques majeures romaines à partir du ve siècle. Il s’agit de prêtres des églises publiques de plusieurs régions romaines qui se relaient au service des grands martyria de la ville puis des basiliques majeures396. À Naples, il doit s’agir de clercs des basiliques majeures qui assurent le service quotidien dans la cathédrale.

388.  Pietri, Roma christiana, vol. I, p. 139. 389.  Vie d’Athanase de Naples, éd. Waitz, 1, p. 440, l. 23-25 : Nam et introrsus binas presulum

gestat sedes ad instar duorum testamentorum, quamquam una sit, quae gubernat et regit reliqua, ut capite reguntur artus diuersi. Nous suivons Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 422-484, ici p. 455, n. 5, qui explique ces « deux sièges » par la présence de deux collèges de prêtres, l’un ancien (celui de S. Restituta) et l’autre récent (celui de la Stephania), plutôt que par la présence, fantaisiste, de deux évêques de Naples. 390.  Pietri, Roma christiana, vol. I, p. 670-671. 391.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 63, p. 434. 392.  Pietri, Roma christiana, vol. I, p. 140 et 694-695. 393.  Ibid., p. 669. 394.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 41, p. 424. 395.  Ibid., éd. Waitz, 63, p. 434, l. 25-27 : Ordinauit etiam, ut in ecclesia Saluatoris omni die missa publica cum dipticis celebretur, offerens ibidem terras, ex quibus eiusmodi aleretur collegium. Vie d’Athanase de Naples, éd. Waitz, 4, p. 443, l. 33-35 : constituit sacerdotes epdomadarios in ecclesia domini Saluatoris quae Stephania uocatur, qui in ea continuis diebus publicam missam celebrarent, sicut mos est ecclesiae Romanae. 396.  Pietri, Roma christiana, vol. I, p. 650. Voir également Mallardo, Il Calendario marmoreo, p. 178.

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Églises publiques, les basiliques majeures napolitaines ne correspondent pas aux basiliques majeures romaines et doivent être comparées aux tituli de la Rome paléochrétienne397. Les tituli sont des églises publiques, le mot titulus désignant, dans la langue des clercs romains des ve-vie siècles, une église pourvue d’un baptistère ou de vases liturgiques nécessaires à l’administration du baptême. Les tituli se différencient des paroeciae dans la mesure où l’évêque exerce un contrôle direct sur les tituli et doit fournir leur subsistance398. Ces églises publiques entretiennent un clergé, parfois extérieur comme on sait, qui assure la permanence de son service399. Lorsque les évêques fondent une nouvelle église publique, ils lui affectent des revenus et des objets de culte. À Rome, les donations faites aux tituli par les papes sont consignées dans le Liber Pontificalis400. À Naples, les donations n’apparaissent pas de manière aussi détaillée. D’après les Gesta, les fondations des basiliques majeures napolitaines se placent à la même époque que les tituli à Rome : Saint-Georges-Majeur (ou basilique Seueriana) est construit au début du ve siècle, la basilique des Saints-Apôtres dans la seconde moitié du ve siècle, SainteMarie-Majeure dans la première moitié du vie  siècle et Saint-Jean-Majeur au milieu du vie siècle401. Toutes ces basiliques devaient posséder leur clergé, assurant le service liturgique dans chaque quartier de la ville et contribuant à l’encadrement chrétien des Napolitains402. Le prêtre attaché au titulus ajoutait à son grade clérical le nom de l’église qu’il desservait403. Les basiliques majeures napolitaines remplissent la même fonction que les tituli romains. Elles se développent à un moment où le nombre des fidèles s’accroît considérablement en Italie, avant les catastrophes de la seconde moitié

397.  Martin, « L’ambiente longobardo », p. 214. 398.  Pietri, Roma christiana, vol. I, p. 93. 399.  Ibid., p. 116 et 627. 400.  Ibid., p. 96 et 570. 401.  Pour la basilique Saint-Georges-Majeur : Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz,

4, p. 405 ; l’édifice prend le nom de Seueriana d’après son fondateur, l’évêque Sévère, au début du ve  siècle, voir Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 467. Pour la basilique des Saints-Apôtres, voir Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 10, p  408 et Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 424 et 469-470, n. 1. Pour Sainte-Marie-Majeure, voir Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 14, p. 409 ; c’est la première basilique pour laquelle le terme d’ecclesia maior est employé. Pour la basilique Saint-Jean-Majeur, voir Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 19, p. 411 ; la basilique serait inspirée de Sainte-Sophie à Constantinople avec sa coupole couverte de mosaïques à l’intérieur : voir Cilento, « La Chiesa di Napoli », p. 676. 402.  Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 468-469 et 472, mentionne des congregationes de prêtres pour les basiliques Seueriana, Saints-Apôtres et Sainte-Marie-Majeure. Pour la basilique Saint-Georges-Majeur ou Seueriana, l’historien note une congregatio de la Crucifixion. 403. Nous retrouvons cet ajout pour Jean Diacre, Me Iohannem sancti Ianuarii diaconum. Voir Mallardo, « Giovanni diacono napoletano », p. 317-337, ici p. 328.

CHAPITRE 2  • LES  INFLUENCES

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du vie siècle, et jouent un rôle essentiel d’encadrement des fidèles, suppléant l’évêque dans une mission qu’il ne peut plus assurer seul. Les cimetières suburbains constituent, de manière plus évidente encore, une survivance de l’époque paléochrétienne et occupent un espace rituel comparable à ceux répartis autour de Rome au haut Moyen Âge. Ils contiennent les sépultures des martyrs comme Agrippinus ou Janvier que les fidèles vont vénérer à Naples. Le cimetière le plus important et le plus ancien est celui de Saint-Janvier au milieu duquel se dresse la basilique Saint-Janvier extra moenia. C’est par la porte homonyme qu’une route vers le Nord menait aux cimetières, notamment autour de la basilique Saint-Janvier, à environ un mille de la cité404. Dans ces cimetières, de petites chapelles martyriales ont été aménagées dans lesquelles l’évêque se rend aux fêtes solennelles inscrites dans le calendrier liturgique de son Église405. À Naples, l’aménagement du cimetière SaintJanvier est ancien puisque le saint y reçoit sa sépulture dès 432, et les autres cimetières suburbains napolitains apparaissent aussi durant le ve  siècle406. À la même époque, à Rome, en relation avec le développement des édifices religieux dans les cimetières, l’Église y organise un service cultuel sans doute célébré par des prêtres recrutés à cet effet407. À Naples, la situation doit être similaire. D’après les mentions dans les Gesta de cimetières extra-urbains, on constate qu’ils accueillent les corps des saints évêques locaux sans que soit attestée une activité liturgique particulière, hormis le culte rendu aux saints et aux martyrs. À partir du viiie  siècle, l’activité religieuse dans les cimetières croît. Elle est la conséquence d’un événement sans doute fortuit, quoique le Liber Pontificalis mentionne une aventure identique advenue au pape Boniface Ier vers 418 : la résidence forcée de l’évêque Paul II, vers 800, dans la basilique cémétériale Saint-Janvier extra moenia408. Le cimetière suburbain se transforme en episcopium de substitution et l’évêque le dote des bâtiments nécessaires à l’exercice de ses fonctions en dehors de la ville : un baptistère, un oratoire et « de nombreux édifices ». Une fois l’évêque retourné à Naples, le cimetière retrouve une activité normale avec néanmoins un ensemble monumental inédit. Les incursions sarrasines et surtout la menace lombarde, toujours présente, limitent cependant l’occupation du lieu. Le corps de saint Janvier y est volé

404.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 11, p. 408. Pour les différents cimetières suburbains, voir Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 18, p. 326-331 ; Achelis, Die Bischofchronik, p. 61. 405.  Pietri, Roma christiana, vol. I, p. 97 et 529. Ces édifices sont des lieux de prières et peut-être de célébrations. 406.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 11, p. 408. 407.  Pietri, Roma christiana, vol. I, p. 603. 408.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 41, p. 424. Pour Boniface  Ier, voir Pietri, Roma christiana, vol. I, p. 553.

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et transporté à Bénévent par le prince Sicon, en 831, ce qui incite l’évêque Jean IV le Scribe (842-849) à transférer les dépouilles de ses lointains prédécesseurs depuis le cimetière suburbain de Saint-Janvier, où la plupart avaient leur sépulture, vers l’église Stephania, à l’intérieur des murailles de la ville409. Mais Athanase Ier (849-872) y installe une communauté monastique, sous la direction d’un abbé410. C’est assurément la fin de l’organisation paléochrétienne des cimetières suburbains napolitains puisqu’un service liturgique régulier est désormais assuré par des moines. Les Gesta permettent de suivre le développement d’une Église structurée, avec une cathédrale et un réseau d’églises publiques, avant que les bouleversements du vie siècle n’entraînent la ruine de la plupart des cités d’Italie méridionale. La particularité de Naples est de conserver cette organisation paléochrétienne. Toutefois, l’objectif des Gesta, rédigés à la suite du transfert des corps des saints évêques à l’intérieur de la ville, n’est pas de souligner cette spécificité. Le propos de leurs rédacteurs et surtout de leurs commanditaires, les évêques, vise à montrer que l’organisation et les struc­ tures de l’Église de Naples sont en tout point similaires à celles de l’Église de Rome. Les Gesta sont composés sur le modèle du Liber Pontificalis romain. Comme Rome, Naples s’enorgueillit de posséder un évêque, Aspren, investi par saint Pierre et contemporain de surcroît des papes Lin et Anaclet411. Nous avons vu que si les quatre basiliques majeures napolitaines peuvent être comparées aux tituli romains, elles diffèrent des basiliques majeures de Rome. Pourtant, l’usage du terme catholica maior encourage et entretient la confusion dans l’esprit du rédacteur et des lecteurs des Gesta. Le raisonnement est le même pour les cimetières extra-urbains, en premier lieu le complexe dédié à saint Janvier : le transfert des dépouilles des premiers évêques de Naples est trop proche, dans le temps, du vol des reliques de saint Janvier pour ne pas lui être lié. Pourtant, les Gesta présentent la translation vers la cathédrale comme une manifestation de la sainteté de l’Église de Naples et l’on perçoit de nouveau la volonté d’organiser le culte des saints évêques napolitains à l’image du culte célébré à Rome. Ainsi, la proximité volontaire avec Rome montre, une fois encore, l’intention manifeste des Gesta de faire coïncider leur description de l’Église napolitaine des viiie-ixe siècles avec le modèle romain.

409.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 59, p. 432. Voir Cilento, « Il significato della Translatio », p. 1- 6. 410.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 63, p. 434. 411.  La partie des Gesta comprise entre la liste des premiers évêques romains (Lin et Anaclet) et le premier évêque napolitain, Aspren, a disparu, mais la Vie d’Athanase de Naples, éd. Waitz, 1, p. 440, évoque ce dernier. Sa légende semble remonter aux ixe-xe siècles, lors de la rédaction des Gesta. Voir Russo-Mailer, Il Medioevo a Napoli, p. 22.

CHAPITRE 2  • LES  INFLUENCES

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Un Ordo Romanus ? Les Gesta montrent cependant que la volonté d’imiter Rome n’est pas de pure forme. Le Liber Pontificalis napolitain se fait aussi l’écho de l’influence romaine dans le domaine liturgique. L’évêque Étienne II (766-794) semble s’attacher à renforcer les liens avec le Saint-Siège et son épiscopat entraîne la suprématie définitive de la langue et de la culture latines au sein du clergé412. Selon les Gesta, l’évêque se fait le promoteur de la réforme liturgique, remplaçant l’antique liturgie napolitaine par l’Ordo Romanus413. L’évêque fait venir à cet effet des membres du clergé romain : « il demanda à Rome que trois clercs, très bien éduqués à la Schola Cantorum et tout pénétrés de l’ordre sacré des Romains, lui soient attachés »414. Il faut attendre le viiie siècle pour que les saints d’inspiration romaine prédominent parmi les vocables sous lesquels sont placés des lieux de culte napolitains. À partir de Paul  II (762-766), les églises sont en majorité consacrées à des saints honorés surtout en Occident. L’évêque Étienne II matérialise sa fidélité à Rome par des réalisations qu’il accomplit dans sa cité : il fait construire une église dédiée à saint Pierre à l’entrée de laquelle sont peints les six premiers conciles œcuméniques415. De son côté, le duc de Naples Anthime fait édifier une basilique Saint-Paul rattachée au monastère Saint-André, or les cultes des saints Pierre, Paul et Marcellin ont tous une origine romaine. L’importance de Naples dans la diffusion de l’influence romaine précède son élévation au rang d’archevêché, comme le révèle la tenue d’un synode dont les actes sont connus par un unique manuscrit londonien. Cette assemblée réunit, à une date qu’il faut placer dans la première moitié du ixe siècle, peut-être dans les années 830-840, plusieurs évêques d’Italie méridionale qui compilent une douzaine de canons anciens statuant sur des problèmes de nature caritative, disciplinaire ou sacramentelle, en par­ ticulier les diaconies416, et la possibilité pour les veuves, assimilées à des diaconesses,

412.  Gay, L’Italie méridionale, p. 19. Sous Étienne II, rappelons-le, l’atelier monétaire napolitain remplace l’effigie du basileus byzantin par celle de saint Janvier. Voir à ce sujet Rovelli, « Naples, ville et atelier monétaire de l’Empire byzantin », p. 693-711. 413.  Bertolini, « La serie episcopale », p. 405. 414.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 42, p. 425, l. 27-29 : Hic etenim Romam direxit tres clericos, qui in scola cantorum optime edocti omnique sacro Romanorum ordine imbuti, ad propria redierunt. 415.  Ibid. : Ante cuius ingressum sex patrum sanctorum depinxit concilia. Bertolini, « La serie episcopale », p. 405, n. 184, voit la preuve de la volonté de l’évêque de lutter contre l’influence iconoclaste à Naples, mais les Gesta ne sont pas aussi explicites. Voir aussi Bertaux, L’art dans l’Italie méridionale, vol. I, p. 72 ; Luzzati Laganà, « Tentazioni iconoclaste a Napoli », p. 111 ; Lucherini, La cattedrale di Napoli, p. 100-106. 416.  Voir p. 119 et suivantes.

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d’administrer le baptême aux femmes. La présence de ces deux institutions, à cette époque et dans cette région, trahit un archaïsme structurel correspondant seulement à l’Église de Naples dont le rayonnement dépasse les frontières du diocèse, comme le révèle la reprise de plusieurs canons du synode de Naples par un synode tenu à Bénévent quelques années plus tard, l’Église de Naples servant de relais à l’influence de l’Église de Rome dans le Midi lombard417.

De nouvelles métropoles religieuses Au milieu du xe siècle, l’Italie méridionale connaît une réorganisation de première importance avec l’accession des principales capitales au rang de métropole418. L’immense province romaine, c’est-à-dire l’Italie suburbicaire, survivance de la géographie ecclésiastique de la fin de l’Antiquité, est divisée entre plusieurs sièges archiépiscopaux. La papauté applique, enfin, le principe d’accommodement des provinces ecclésiastiques aux frontières des États de l’Italie méridionale. Les États lombards ne sont plus désormais des puissances hostiles à la politique pontificale dans la région. La première capitale à bénéficier de cet honneur est, en 966, Capoue. La cité est alors à son apogée sous le règne du prince Pandolf Ier « Tête de Fer » (961-981) et sert de refuge au pape exilé de Rome419. L’évêché de Bénévent est élevé à ce même statut en 969420. En 983, c’est au tour de Salerne puis Amalfi et Sorrente en 987421 (voir figure 4). Une première observation s’impose. Gaète est la seule des trois cités-États maritimes à ne pas jouir d’un tel privilège et à rester, par conséquent, évêché422. On peut penser que la trop grande proximité avec Rome et les intérêts patrimoniaux de la papauté dans le duché justifient de maintenir la cité au rang de suffragant. À l’inverse, l’élévation de Naples, Sorrente et Amalfi au statut de métropoles ecclésiastiques traduit la domination de ces trois sièges sur les évêchés voisins. Après une tentative à l’époque iconoclaste423,

417.  Martin, « Le rôle de l’Église de Naple », p. 39-64. 418.  Klewitz, « Zur Geschichte der Bistumsorganisation », p. 1-61. 419.  Pour Capoue, voir Kehr, Italia pontificia, vol. VIII, p. 214-215 ; Cilento, Italia meridionale

longobarda, p. 184-207 ; Spinelli, « Il papato », p. 27-28. 420.  Pour Bénévent, voir Klewitz, « Zur Geschichte », p. 3-6 ; Kehr, Italia pontificia, vol. IX, p. 46 ; Spinelli, « Il papato », p. 32-34. 421.  Pour Salerne, voir Klewitz, « Zur Geschichte », p. 16-17 ; Kehr, Italia pontificia, vol. VIII, p. 340 ; Taviani-Carozzi, La principauté lombarde, vol. I, p. 671-675 ; ibid., vol. II, p. 1007-1015 ; Spinelli, « Il papato », p. 38-41. Pour Amalfi, une élévation antérieure à 898 demeure incertaine (Kehr, Italia pontificia, vol. VIII, p. 407). 422.  Kehr, Italia pontificia, vol. VIII, p. 85 : l’évêque de Gaète n’accède à la dignité archiépiscopale qu’en 1849. 423.  Voir p. 447 et suivantes.

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CHAPITRE 2  • LES  INFLUENCES

Bénévent

Capoue

archevêché évêché

Aversa

évêché suffragant de Rome

Acerra Nola

Naples

Cumes Pouzzoles

Nocera Ischia Castellammare di Stabia Vico Equense Sorrente

Lettere Scala

Ravello Minori

Salerne

Amalfi

Massa Lubrense 0

10 km Capri

S. DESTEPHEN del.

Fig. 4 – Archevêchés et évêchés en Campanie au xie siècle. la date d’accession des évêques de Naples à la dignité archiépiscopale reste toutefois incertaine. Une élévation entre 967 et 969 demeure discutée424. Les évêchés suffra­ gants de Naples correspondent à peu près aux limites du duché à la fin du xe siècle et, si Cumes et Ischia (siège attesté au xiie siècle) ne posent aucun problème, Pouzzoles et Acerra (évêché attesté à partir du xie siècle) font l’objet de différends juridictionnels avec la métropole voisine de Capoue425. Pour Amalfi, les informations, plus précises,

424.  Une date située entre 967 et 969 est proposée avec réserve par B. Capasso dans MND, vol. I, p. 229, qui soutient que Naples n’a pu rester évêché alors que Capoue, en 967, puis Bénévent, en 969, accèdent au statut métropolitain. Le premier archevêque de Naples, Serge Ier, apparaît dans un document de 990, voir RNAM, vol. II, 220. Prudent, Kehr, Italia pontificia, vol. VIII, p. 431, rappelle qu’on ignore la date précise d’élévation de Naples au rang d’archevêché. 425.  Kehr, Italia pontificia, vol. VIII, p. 431. L’évêché de Nola, rattaché à Salerne, est l’objet d’une rivalité entre les deux métropoles, de même Aversa, comté normand érigé en diocèse par Léon IX, en 1053.

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sont fournies par les Chronica archiepiscoporum Amalphitanorum : « Il plut au seigneur Manso, duc et patrice impérial ainsi qu’à l’ensemble du clergé et du peuple d’élire, d’un commun accord, à la dignité archiépiscopale, le prêtre et moine Léon, fils de Sergius de Urso Comite, qui fut consacré le 13 février et reçut le pallium archiépiscopal des mains du pape Serge III dans le très saint palais du Latran avec la bénédiction apostolique »426. La promotion de Sorrente peut paraître plus inattendue. La cité ne dispose pas d’une tradition religieuse comparable à Naples, même si elle est assurément plus ancienne qu’Amalfi. Cependant, la cité dispose d’un statut spécial au sein du duché de Naples depuis le milieu du ixe siècle. Elle est constituée en duché indépendant au xie siècle. Ces élévations ont pour conséquence de réduire la taille des provinces ecclésiastiques en Italie méridionale, en particulier dans les duchés tyrrhéniens. La province d’Amalfi possède ainsi des suffragants visibles à l’œil nu par l’archevêque depuis son siège tant la superficie de chaque diocèse est minuscule ; il en est de même pour Sorrente. Mais la création de métropoles ecclésiastiques, si petites soient-elles, obéit aussi à la volonté de l’Église de mieux encadrer la population. La création de provinces métropolitaines s’accompagne en effet de la naissance de nouveaux évêchés, en partic­ ulier pour les archidiocèses d’Amalfi et de Sorrente. La Chronica archiepiscoporum Amalphitanorum détaille les suffragants du nouvel archevêque d’Amalfi : Capri, Minori, Scala et Lettere, omettant Ravello, créé plus tard, et lui attribuant Castellammare di Stabia, pourtant soumise à Sorrente427. Cet archidiocèse possède trois suffragants : Massa Lubrense, Vico Equense et, bien entendu, Castellammare di Stabia. Tous ces évêchés n’existaient pas auparavant et leur création répond à la nécessité de trouver des suffragants à des métropoles fort modestes. Le redécoupage ecclésiastique entraîne de facto une redistribution du pouvoir d’ordre : seuls désormais les archevêques vont recevoir le pallium à Rome, comme l’indique la chronique amalfitaine, et les archevêques consacrent leurs évêques suffragants respectifs428, du moins en principe. La multiplication des métropoles ecclésiastiques et

426.  Chronica archiepiscoporum Amalphitanorum, apud Kehr, Italia pontificia, vol. VIII, p. 386. Il faut préférer l’édition de Pirri, Il duomo di Amalfi, p. 177 : placuit domino Mansoni Duco, et Imperiali Patritio, ac cuncto clero et populo uniuerso eligere Leonem presbiterum et monacum, filium Sergii de Urso Comite, ad Archiepiscopalem ordinem, qui consecratus est tertia decima mensis februarii anno Domini DCCCCLXXXII, accepit palium Archiepiscopatus per manus Ioannis Summi Pontificis XV, in sacratissi­ mo Palatio lateranensi cum apostolica benedictione. 427.  Ibid., p. 402-403. Voir également la présentation synthétique de Skinner, Medieval Amalfi, p. 95-103. 428.  Chronica archiepiscoporum Amalphitanorum, apud Kehr, Italia pontificia, vol. VIII, p. 386 : Igitur praedictus Leo primus archiepiscopus s. sedis Amalphitanae ecclesiae una cum tota plebe sua et uniuerso clero suae dioecesis ordinauit tres episcopos : primum scilicet lohannem et eum in episcopum conse­ crauit in insula Capritana, secundum uero Sergium et ipsum in Reginnis, qui nunc Scalarum dicitur, tertium uero Stephanum in castellis Stabiensibus, qui dicitur nunc episcopus Litterarum.

CHAPITRE 2  • LES  INFLUENCES

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la distribution ou la création des évêchés qui ressortissent à chacune d’elles n’induisent pas une médiatisation de l’autorité pontificale par les archevêques d’Italie méridionale. L’empressement de Rome à multiplier les archevêchés et les évêchés aboutit à une organisation ecclésiastique plus complexe, pour ne pas dire anarchique, qui n’implique pas nécessairement un renforcement du pouvoir de métropoles de fraîche date sur des évêchés suffragants tout aussi récents429. Loin d’étendre leur juridiction à tous les sièges assujettis à leur province, certaines métropoles voient leur autorité battue en brèche par l’exemption dont bénéficient nombre d’évêchés comme Aversa à l’égard de Naples ou Ravello vis-à-vis d’Amalfi, ainsi soustraits à l’autorité archiépiscopale et placés sous l’autorité directe du pape430.

Des monastères latins influencés par les grands monastères voisins Naples conserve, comme nous l’avons vu, nombre de caractéristiques du monachisme paléochrétien. Cependant, de même que le duché tyrrhénien est perméable à l’influence lombarde avec les églises privées431, les profondes transformations que connaît l’institution monastique en Italie méridionale affectent le monachisme. Durant le haut Moyen Âge, les deux événements fondamentaux de l’histoire du mouvement monastique latin en Italie méridionale sont, en 703, la fondation de l’abbaye Saint-Vincent aux sources du Volturne et, un peu plus tard, la réinstallation de moines au Mont-Cassin, déserté depuis l’invasion lombarde. Ces deux (re)fondations soulignent l’essor considérable du monachisme en pays lombard. Elles sont protégées et largement dotées par les princes lombards, puis les empereurs francs. Carloman, frère de Pépin le Bref, devient même moine au Mont-Cassin. Le rayonnement des deux plus grands monastères d’Italie méridionale s’étend bien au-delà des frontières des principautés lombardes. Le monastère du Mont-Cassin est ainsi cité dans les Gesta : il reçoit la dépouille de l’évêque Athanase Ier, exilé de Naples et mort « des fièvres » en 872, lors d’une expédition menée avec l’empereur franc Louis le Pieux contre les Sarrasins432. Les deux grandes fondations bénédictines possèdent d’ailleurs des propriétés dans le duché napolitain, en particulier dans les zones de confins. Par exemple, en 886, le monastère Sainte-Marie Furcillensis ad Plateam, vend un cellarium cum casa et un cubiculum avec jardin au monastère du Volturne433.

429.  Martin, « L’Italie méridionale », p. 109-133, ici p. 119-120. 430.  Vehse, « Bistumsexemtionen », p.  112-115. Le siège de Ravello est directement soumis à

Rome, voir Kehr, Italia pontificia, vol. VIII, p. 401. 431.  Voir p. 139 et suivantes. 432.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 65, p. 435, l. 44-45 : Cuius corpusculum ad monas­ terium sancti Benidicti situm in monte Casino deportantes, in ecclesia sancti Petri ibidem constitua sepelierunt. 433.  Cilento, « La Chiesa di Napoli », p. 664.

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En 944, le duc de Naples Jean III concède, en son nom et au nom de son fils Marinus, la cella Saint-Vincent, située à Naples dans la même région Furcillensis dans le uicus appelé Placidus, à Léon, l’abbé du monastère Saint-Vincent-au-Volturne434. En 987, un contrat de mise en tenure d’une terre située en Liburie est conclu entre les tenanciers et le moine représentant l’abbé du Mont-Cassin435. À Naples même, le Mont-Cassin possède deux églises, Sainte-Cécile in plebea Palmarum donnée par le duc Jean III en 934-942 et Saint-Démétrius offerte à l’abbé Desiderius dans la seconde moitié du xie siècle. Dans le duché de Gaète, les propriétés du Mont-Cassin sont plus importantes car le patrimoine du monastère se trouve aux frontières du duché436. Le Mont-Cassin étend progressivement ses possessions à l’intérieur du duché, augmentant en parallèle son influence grâce à la protection des empereurs germaniques puis des seigneurs normands et au soutien des papes437. La question d’une influence spirituelle exercée de l’extérieur sur les monastères des duchés tyrrhéniens est difficile à mesurer. Comme on sait, la correspondance de Grégoire le Grand, de nature surtout disciplinaire, ne fournit aucun détail sur leur organisation et, à la fin du vie siècle, l’adoption d’une règle unifiée est loin d’être achevée. Le propos des Gesta n’est pas non plus de décrire le monachisme napolitain aux viiie-ixe siècles, mais de montrer l’action des évêques en leur cité. Cette source permet cependant de suivre, dans une certaine mesure, les progrès du monachisme depuis l’époque de Grégoire le Grand. La règle de saint Benoît devient obligatoire pour les monastères latins depuis les conciles carolingiens de 816 et 817438, mais les Gesta ne l’indiquent jamais. À partir du ixe siècle, un nombre croissant de monastères de l’Italie méridionale adoptent la règle diffusée par les modèles monastiques que sont le Mont-Cassin et Saint-Vincent-au-Volturne439, mais bien des monastères continuent de l’ignorer et de suivre leur propre règle, comme celle de saint Basile à Naples. À la fin du ixe  siècle, le monachisme bénédictin connaît des bouleversements : l’abbaye de Saint-Vincent-au-Volturne est incendiée par les Sarrasins en 881, le MontCassin en 883. Les deux monastères ne sont réoccupés qu’en 914 et 949 respectivement. De manière paradoxale, ces graves événements favorisent le monachisme napolitain qui bénéficie, en 902, du transfert des monastères Saints-Serge-et-Bacchus et Saint-Séverin

434.  MND, vol. II/1, 52 – 944. 435.  RNAM, vol. II, 208 – 987. 436.  Merores, Gaeta, p. 25, à propos du Placitum Castri Argenti mentionné dans CDC, vol. I,

130 – 1014.

437.  Merores, Gaeta, p. 40-49. 438.  Hefele et Leclercq, Histoire des conciles, vol. IV/1, p. 9-30. 439.  De manière plus large, sur l’expansion de la règle de saint Benoît au haut Moyen Âge, voir

Prinz, Askese und Kultur, p. 34-45.

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depuis le castrum Lucullanum, détruit de peur qu’il ne serve de repaire aux Sarrasins440. À cette époque, les actes de la pratique napolitains attestent un monachisme bénédictin déjà présent dans la cité, précédant la renaissance de Saint-Vincent-au-Volturne et du Mont-Cassin. Les références à la règle de saint Benoît apparaissent lorsqu’un laïc demande à entrer dans un monastère et observer la règle qui le régit. La première mention à Naples apparaît dans un acte de 930 par lequel des laïcs font une série de dons au monastère des Saints-Séverin-et-Sossius en échange de la réception comme moine de leur fils Jean, « comme le prescrit la règle de saint Benoît »441. On retrouve des mentions similaires à Gaète442, non à Amalfi. Les indications sur la règle de saint Benoît demeurent laconiques et se limitent à l’obligation de résidence et d’obéissance à l’abbé. Les documents restent trop rares pour évaluer le nombre de monastères appliquant cette règle. On le voit, l’influence sur le monachisme dans les duchés tyrrhéniens est exercée essentiellement par les grands monastères voisins. Quel est, dès lors, le rôle joué par la papauté, en particulier le monachisme romain ? Il est indéniable que le monachisme cassinésien et son expansion en Italie méridionale bénéficient du soutien apporté par les papes. La réoccupation du Mont-Cassin par des moines liés à Cluny marque le début d’un nouvel essor du monachisme qui se manifeste, en Italie méridionale, à partir du xie siècle443. Avec la conquête normande, le monachisme de type clunisien s’impose : le monachisme paléochrétien disparaît alors de la cité napolitaine.

II.  L’influence grecque La permanence de l’hellénisme en Campanie jusqu’au Moyen Âge central constitue un sujet déjà largement traité par la recherche historique444. Il est cependant utile d’apporter certains éclairages sur sa place dans une région pourtant profondément ancrée dans le monde latin depuis la fin de l’Antiquité. Les liens actifs des duchés tyrrhéniens avec le monde byzantin expliquent la « renaissance » d’une culture grecque au cours du haut Moyen Âge et l’influence religieuse orientale qui se manifeste dans

440.  Galasso, « Le città campane », p. 28. 441.  RNAM, vol. I, 1, 14 – 930 : sicut docet regula sancti Benedicti ; même disposition au monastère

de l’île de Ruviliana, RNAM, vol. I, 1, 30 – 938 : Et ego in omni obedientiam esse debeo ut regula sancti Benedicti abbati docent. Voir également Kehr, Italia pontificia, vol. VIII, p. 458-459. 442.  CDC, vol. I, 182 – 1047 : pro eo quod ego qui supra Iohannes spondeo et promitto cum Christi auxilio stare et redire et deseruire in prenominato monasterio homnibus diebus uite mee secundum regula sancti Benedicti. 443.  Martin, « L’ambiente longobardo », p. 230 et suivantes. 444.  La bibliographie antérieure est rassemblée par Falkenhausen, « La Chiesa amalfitana », p. 81-121 ; Martin, « Hellénisme politique », p. 59-77.

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le mona­chisme napolitain, l’institution des diaconies ou l’existence d’un « atelier » de traduc­tion de textes hagiographiques grecs. Peut-on cependant parler d’une Église grecque à Naples ?

La question de l’hellénisme napolitain Au début du iie siècle, Tacite décrit la cité parthénopéenne, à l’époque de l’empereur Néron, comme une urbs quasi Graeca445. Naples possède dans l’Antiquité une popula­ tion hellénophone, peut-être à la base de la première communauté chrétienne de la ville. Cinq siècles plus tard, force est de constater que l’hellénisme a laissé peu d’empreintes en Campanie. Beaucoup de cités sont passées sous contrôle lombard ou connaissent un déclin irrémédiable, comme Pouzzoles, Misène ou Cumes, de fondation grecque. Gaète et Amalfi, de développement plus récent, ne possèdent quant à elles aucune tradition grecque446. La correspondance de Grégoire le Grand n’évoque pas l’existence de communautés grecques installées en Campanie ou la permanence de traditions grecques dans la région. Le pape montre une Église latine inscrite dans un monde latin sans qu’il soit possible, faute de sources, d’y apporter des nuances ou de relever des particularités. Le sanctoral ne laisse pas transparaître de liens spécifiques avec l’Orient hellénisé. Érasme à Formies, Séverin à Naples sont des saints occidentaux et les saints allogènes sont plutôt originaires d’Afrique ou de Sicile, comme sainte Agathe, dont un monastère de Capri possède des reliques447. Au début du viiie  siècle, après les dévastations de l’invasion lombarde, Naples semble avoir cessé d’être la cité bilingue qu’elle est restée pendant des siècles. Dans les Gesta episcoporum Neapolitanorum, les Napolitains et les Campaniens apparaissent comme des locuteurs latins à la différence des habitants de Sicile et de Calabre dont la langue, le rite et les usages sont devenus grecs448.

Une « renaissance » de l’hellénisme napolitain durant le haut Moyen Âge À la fin de l’Antiquité tardive, alors que l’autorité des papes s’affaiblit, le centre politique des territoires d’Italie du Sud qui ont échappé à la conquête lombarde se déplace vers Constantinople. Jusqu’au viiie  siècle, le duché de Naples se considère

445.  Tacite, Annales, XV, 33, 2 : Non tamen Romae incipere ausus Neapolim quasi Graecam urbem delegit. Cet extrait fait allusion à la venue de Néron au théâtre de Naples en 64. 446.  Falkenhausen, « La Chiesa amalfitana », p. 83. 447.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 52 – juillet 591. Sur le culte de sainte Agathe à Capri, voir Galdi, « Istituzioni religiose e culti », p. 177-178. 448.  Gay, L’Italie méridionale, p. 5 et 20 ; plus récent, Peters-Custot, Les Grecs de l’Italie méri­ dionale, p. 191-195 et 219-221.

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comme partie intégrante de l’empire byzantin. Les dirigeants des États d’Italie méridionale portent des titres reçus de Constantinople : à la tête de Gaète se trouve, depuis le milieu du ixe  siècle, un hypatus. Équivalant au latin consul, cette dignité grecque est accordée par l’empereur aux dirigeants locaux de villes sous influence byzantine449. Après 915, la concession de la dignité de patrice n’est plus renouvelée pour les ducs de Naples et de Gaète qui abandonnent peu à peu leur titulature grecque. En Italie du Sud, seuls les dirigeants d’Amalfi la conservent. En 920, Mastalo Ier, duc d’Amalfi, est imperialis patricius et son fils protospatharius450. Dans le De Admi­ ni­strando Imperio, Constantin VII Porphyrogénète continue de mentionner les principautés lombardes et les cités-États de Campanie comme soumises à l’autorité impériale451. Les rapports sont toutefois d’ordre politique et ne préjugent en rien des liens entretenus par le reste de la population avec l’Orient byzantin. La renaissance d’un hellénisme napolitain aux viiie-ixe  siècles paraît surtout s’appuyer sur des apports extérieurs, venus d’Orient452. La violence des conflits religieux, en particulier l’iconoclasme qui bouleverse l’empire byzantin, conduit des hellénophones, principalement des moines, à trouver refuge en Italie méridionale, en particulier à Naples, revivifiant ainsi les derniers surgeons d’un hellénisme ou, plutôt, d’une tradition hellénisante, qui y subsistaient453. Le témoignage de la Vie d’Étienne le Jeune est déterminant. L’ascète byzantin, figure de la « résistance » monas­ tique à l’iconoclasme sous Constantin V (740-775), indique à des moines les régions où ils peuvent échapper aux persécutions : en Occident, il cite Rome et Naples454. De son côté, Théodore Stoudite mentionne des prêtres grecs iconodoules ordonnés à Naples455. Ces divers éléments concourent à faire ou refaire de Naples un foyer de culture grecque, d’une importance certes modeste mais singulière en Occident. Passé le ixe siècle, ce renouveau hellénisant semble s’éteindre. Une seconde vague d’immigration grecque, composée de moines de Calabre, advient autour de l’an mil et touche Rome et Naples456.

449.  Merores, Gaeta, p. 9 ; plus récent, Martin, « De l’usage des dignités impériales », p. 533-548 ; de manière plus succincte, Skinner, Medieval Amalfi, p. 51-53. 450.  Schwarz, Amalfi in frühen Mittelalter, p. 34-35. 451.  Constantin Porphyrogénète, De Administrando Imperio, 27, éd. Moravcsik, p. 116. 452.  En l’absence de sources, l’arrivée d’éléments hellénophones lors de la crise monothélite ou des invasions perses et arabes reste hypothétique, voir Martin, « Hellénisme politique », p. 61. 453.  Jacob et Martin, « L’Église grecque en Italie », p. 351-352 ; Martin, « L’ambiente longobardo », p. 205. 454.  Étienne le Diacre, Vie d’Étienne le Jeune, 28, éd. Auzépy, p. 125. 455.  Théodore Stoudite, Ep., 549, éd. Fatouros, 2, p. 832. 456.  Martin, « Hellénisme politique », p. 76.

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Quelques individus d’origine grecque apparaissent dans la documentation napo­ litaine. Un certain Gregorius se dit fils de Serge Graecus et de Fengitu457. Dans un autre acte, on mentionne deux frères, Basile Graecus et Davit clericus Graecus, fils de Jean Graecus458. Enfin, un Grec dénommé Nicéphore est présenté comme serviteur du duc de Naples459. En dehors de cette ville, on trouve une allusion à un Nicolas ex genere Graecorum, dans un acte d’Amalfi-Sorrente460. La rareté des mentions confirmerait que les hellénophones qui s’installent à Naples ou en Campanie au cours des siècles ne semblent pas constituer une communauté distincte et s’intègrent plus ou moins rapidement aux latinophones461. Un autre trait de l’hellénisme en Campanie réside dans l’usage fréquent de l’al­ pha­bet grec pour souscrire, le plus souvent en latin, les actes notariés, une originalité bien étudiée462. Rappelons quelques points de ce fait singulier. La très grande majorité des souscriptions en caractères grecs apparaît dans des actes napolitains, en onciales, et se contente de translittérer en alphabet grec une souscription en langue latine463. En dehors de Naples, on trouve très peu de souscriptions en caractères grecs464. L’usage de la cursive grecque et de la langue grecque demeure rare. La majorité des souscripteurs sont des Latins et leur connaissance du grec se limite à employer l’alphabet pour souscrire en langue latine. Souscrire en caractères grecs apparaît surtout comme une marque de distinction pour l’élite se rattachant à une tradition hellénisante soutenue par le pouvoir ducal, en particulier à Naples465. Il semble en effet qu’une culture grecque se maintienne ou se développe dans les hautes classes sociales

457.  RNAM, vol. I, 2, 59 – 951 : Certum est me Gregorium filium quidem domini Sergii Greci et quidem Fengitu honeste femine iugalium personarum. 458.  RNAM, vol. IV, 357 – 1033 : Certum est nos Vasilio Greco et Dauit clerico uterinis germanis filiis quondam Iohannis Greci. Dans les souscriptions : hoc signum † manum memorato Basilio greco et Dauit clerico greco germanis quod ego pro eis subscripsi †. 459.  RNAM, vol. VI, 612 – 1130-1131 : parmi les voisins des différentes terres mentionnée se trouve la terre appartenant à Niceforio Greco aurefici seruienti nostri [du duc de Naples]. 460.  RNAM, vol. V, 393 – 1051 : il s’agit en fait d’un acte d’Amalfi ou de Sorrente alors sous domination du prince lombard Guaimar  IV de Salerne. Ledit Nicolas est tenancier d’une terre appartenant au monastère Sainte-Marie ad ipsa Spelea sur le Vésuve : tradidimus tibi Nycola Horto ex genere Grecorum commanentes estis in loco Domicella Lauritano. 461.  Cilento, « La Chiesa di Napoli », p. 654. 462.  Martin, « Hellénisme politique », p. 73-76 ; Falkenhausen, « A medieval Neapolitan document », p.  177-180 ; Luzzati Laganà, « Le firme greche », p. 304-308. De manière plus générale, voir Garzya, « Napoli e Bisanzio », p. 3-11 ; Cavallo, « La cultura greca », p. 278. 463.  Quelques souscriptions apparaissent toutefois en langue grecque. Voir les notes 485-487. 464.  Jacob, « Gaète, 839 », p.  113-120. 465.  Martin, « Hellénisme politique », p. 75.

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napolitaines. Au viiie siècle, des ducs de Naples font graver leurs épitaphes en grec466. La Vie d’Athanase mentionne la formation grecque et latine de Serge Ier, duc de Naples (840-864) et père de l’évêque Athanase Ier : il « prenait en main un livre écrit en lettres grecques, il le lisait en latin sans difficulté et rapidement, et il traduisait immédiate­ment les livres latins en grec »467. Au xie siècle, à Amalfi, l’archevêque Léon II (1029-1039) est encore réputé pour sa connaissance parfaite du latin et du grec468. Ajoutons une dernière remarque : la majorité des souscriptions en caractères grecs concerne le monastère des Saints-Serge-et-Bacchus d’où provient l’essentiel des actes de la pratique conservés. Il faut peut-être supposer que l’usage de souscrire en caractères grecs constitue une autre manière de se rattacher à cette tradition hellénisante entretenue à Naples par ce monastère.

L’existence de monastères grecs La tradition grecque se retrouve dans le domaine monastique sous deux aspects : le premier est caractérisé par l’institution des diaconies469, le second par des monas­ tères liés à une tradition grecque attestée à Naples durant le haut Moyen Âge. Aucune men­tion explicite de monastères grecs n’apparaît avant le ixe siècle. Grégoire le Grand, dans sa correspondance avec divers abbés ou monastères campaniens, ne sous-entend pas l’existence d’une quelconque tradition grecque dans les établissements monastiques qu’il mentionne. Par exemple, le pape évoque un « abbé » à la tête du monastère Saint-Sébastien. Aux xe-xie siècles, le terme « higoumène » est désormais employé pour qualifier le supérieur de l’établissement470. Plus tard, les Gesta, attachés il est vrai à mon­ trer l’œuvre « latine » des évêques de Naples, demeurent également muets à leur sujet. La présence de monastères dit grecs à Naples constitue une des originalités du duché dans l’Italie méridionale latine471. Il semble que leur implantation se situe entre le vie et

466. Voir MND, vol. II/2, p. 215-218. 467.  Vie d’Athanase de Naples, éd. Waitz, 2, p. 441, l. 24-26 : litteris tam Grecis quam Latinis fabo­

rabiliter eruditus est, ita ut, si casum librum Grecis exaratum elementis in manibus sumeret, Latine hunc inoffense cursimque legeret et Latinos libros Greco expedite sermone rimaret. 468.  Laurent d’Amalfi, Œuvres, éd. Newton, p. 2 : Graeco latinoque famine peritus et in scripturis utriusque lingue grece uidelicet et latine facundissimus. 469.  Voir p. 119 et suivantes. 470.  E.g. Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, X, 18 – juillet 600 : cette lettre est adressée à Adeodatus, abbé du monastère Saint-Sébastien à Naples. 471.  Jacob et Martin, « L’Église grecque en Italie », p. 351-352 ; voir également Minisci, « Il monachesimo orientale », p. 114-116 sur la paisible coexistence rituelle gréco-latine au sein de l’Église ; une présentation chronologique mais aussi thématique, centrée sur la Calabre, est proposée par Guillou, « Grecs d’Italie du Sud », p. 81-88.

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les xe-xie siècles, période où leur existence et leur coexistence avec des monastères latins sont largement confirmées par les actes de la pratique, ce jusqu’au xiie siècle. Il est tout à fait probable que ce développement d’un monachisme d’influence grecque en Campanie soit lié à la pression arabe sur la Sicile et la Calabre, forçant les moines de ces régions hellénophones à se réfugier plus au Nord472. Le phénomène apparaît surtout à Naples, la ville retrouvant sa vocation de lieu de refuge attesté lors de l’invasion lombarde. Amalfi, pourtant très liée à l’empire byzantin, ne connaît pas un développement similaire du monachisme grec sur son territoire hormis le séjour de quelques moines calabrais, comme saint Sabas le Jeune, dans des grottes ou des ermitages hors de la cité473. À Naples, la réalité est déformée par le fait que l’essentiel des documents des Regii Neapolitani Archivii Monumenta provient des archives du monastère grec des SaintsSerge-et-Bacchus. Plusieurs éléments fournissent des indications sur l’identité grecque des monastères, en premier lieu l’existence d’un higoumène à leur tête. C’est le cas des monastères des Saints-Serge-et-Bacchus et des Saints-Théodore-et-Sébastien474. Ces deux monastères suivent la « règle de saint Basile »475. Celle-ci n’existe pas de manière aussi codifiée que la règle de saint Benoît. En Orient, les prescriptions de Basile de Césarée sont reprises et adaptées dans les différentes chartes de fondation et de dotation monastiques (τυπικά)476. En Occident, les préceptes basiliens se sont répandus, sous forme de règle, par la traduction latine de Rufin d’Aquilée et, à la fin de sa propre règle, saint Benoît recommande la lecture de la « règle de saint

472.  Falkenhausen, « I monasteri greci », p. 207. 473.  Ead., « La Chiesa amalfitana », p. 83-84, mentionne l’église Sainte-Trophimène à Minori,

desservie par un clergé grec et peuplée de moines grecs venus de Sicile et de Calabre. Sur la situation troublée qui entoure le séjour de saint Sabas à Amalfi, voir Historia et laudes SS. Sabae et Macarii, éd. Cozza-Luzzi, p. 37-38 : Quo dum peregrinaretur, ac properaret ut illi, ad quem mittebatur, pacem proponeret, iterum Agareni in Calabriam irrumpentes, gemina prioribus sceleribus flagitia cumulabant, alios confertim trucidantes, alios in seruitutis iugum adigentes, cum ipsi multo magis talia pati mererentur. Impeditum quidem est caritati suae foedus facere ; sed rex copiosum exercitum ducens aduersus Ismaelitas, in Lagobardiam profectus est. Beatus autem Sabas, ad Amalphim secedens, in abdito specu, hominum rebus sublimior, quieti sacrae uacabat. 474.  Nous verrons que ces deux monastères possèdent la particularité de n’avoir qu’un higoumène à leur tête puisque le monastère des Saints-Serge-et-Bacchus est agrégé au monastère des SaintsThéodore-et-Sébastien après la destruction de l’oppidum Lucullanum. D’autres higoumènes sont mentionnés : en 917 pour le monastère Saint-Démétrius (MND, vol. II/1, 5) ; en 935 pour le monastère Saint-Anastase (MND, vol. II/1, 29) 475.  RNAM, vol. I, 2, 67 – 953 : ut sancta regula beati Basilii docet ; même mention dix ans plus tard dans RNAM, I, 2, 102 pour le monastère des Saints-Serge-et-Bacchus ; RNAM, vol. I, 2, 161 – 975 et RNAM, vol. I, 2, 179 – 979, pour le monastère des Saints-Théodore-et-Sébastien. 476.  Voir la synthèse de Kaplan, « Why were monasteries founded  ? », p. 35-40, réimpr. Id., « Pourquoi fondait-on des monastères à Byzance (xie-milieu du xiie siècle) ? », p. 539-544.

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Basile »477. Il est probable que la tradition hellénisante de Naples ait joué ici un rôle. La réforme carolingienne, en imposant une règle aux monastères d’Occident, amène les monastères napolitains à adopter une règle. Les monastères « latins » choisissent la règle de saint Benoît et, en parallèle, les monastères de tradition grecque la « règle de saint Basile », par attachement à l’Orient hellénisé478. Par l’application d’une régulation monastique, inspirée de Basile de Césarée, les monastères de rite grec se seraient ainsi conformés à un usage désormais répandu dans tout l’Occident latin, alors qu’en Orient il est rarement fait mention d’une « règle » à suivre479. Jusqu’au xiie siècle, le monastère des Saints-Théodore-et-Sébastien est dirigé par un higoumène. Nous avons vu que la fondation de ce monastère remontait à l’époque de Grégoire le Grand ou peu avant. Un acte de 948, indique un prêtre et moine grec du monastère des Saints-Théodore-et-Sébastien480. Les monastères latins sont identifiables par les mêmes critères : la mention d’un abbé à la tête de la communauté et parfois l’indication de la règle de saint Benoît. La différenciation entre monastères latins et monastères grecs semble très nette pour les Napolitains du xe au xiie  siècle comme en témoigne un acte où higoumène et abbé sont cités et nettement distingués481,

477.  Voir partie 1, chapitre 1, n. 219. 478.  Sansterre, Les moines grecs, p. 80-85 et 88, où l’auteur montre que la distinction entre

monastères grecs et latins à Rome est dans la pratique moins importante, d’autant que des monastères latins passent à des communautés grecques. Toutefois, à partir de la fin du ixe siècle, le processus s’inverse et des monastères grecs sont confiés à des moines latins. La mention d’un ordre de saint Basile n’est pas antérieure au xiiie siècle. 479. Sur l’influence limitée du modèle bénédictin sur le monachisme byzantin, voir Leroy, « S.  Athanase l’Athonite », p.  121, réimpr. Id., Études sur le monachisme, p. 45. L’auteur conclut à « un échange spirituel entre le monachisme bénédictin et le monachisme athonite », l’hypotyposis recélant des emprunts à la règle bénédictine, texte peut-être transmis à l’Athos par des moines grecs venus d’Italie méridionale. Id., « Saint Benoît et le monde byzantin », p. 179, réimpr. Id., Études sur le monachisme, p. 448 où l’auteur note que « la Règle [bénédictine] a peu pénétré en Orient », du moins en dehors du typikon de S.  Athanase l’Athonite. Sa contribution traite en outre de la présence des Dialogues de Grégoire le Grand, en grec, parmi les milieux monastiques orientaux. Voir aussi Penco, « Tradizioni e influssi dell’Oriente », p. 203-214, réimpr. Id., Il monachesimo fra spiritualità e cultura, p. 231-241 ; également la synthèse de Falkenhausen, « Il monachesimo italogreco », p.  126-127 sur l’immigration de moines grecs en Campanie à la fin du xe siècle et leur intégration à des communautés locales de rite latin ou grec, mais cela ne permet pas de conclure à une prééminence particulière du modèle bénédictin sur les monastères grecs de la région. 480.  RNAM, vol. I/2, 52 – 948 : Iacobu uenerabili praesbitero et monacho Grecum monasterii sancti Sebastiani. 481.  RNAM, I/1, 29 – 937 : règlement d’un désaccord entre Serge, abbé-prêtre du monastère du Sauveur in insula Maris et Benoît, higoumène du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus à propos d’un héritage ; RNAM, vol. I/2, 152 – 973, mentionne l’abbé du monastère des Saints-Séverin-et-Sossius et l’higoumène du monastère des Saints-Théodore-et-Sébastien.

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ce qui n’est pas le cas dans les régions sous domination lombarde482. La distinction de vocabulaire n’apparaît pas pour les monastères féminins pour lesquels sont systématiquement mentionnées des abbesses, ce qui ne permet pas de déterminer leur caractère grec ou latin483. Les higoumènes des monastères grecs souscrivent toujours en employant l’alpha­ bet grec. La première signature d’un higoumène en caractères grecs est celle de Macarius, higoumène du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus en 921484. Les chartes du monastère possèdent des mentions de souscriptions de moines en grec de 990 à 1032. Tandis que la majorité est simplement translittérée en caractères grecs, quelques-unes présentent l’intérêt d’être rédigées en grec. Nous en avons dénombré six : quatre concernent l’higoumène Philippos du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus, attesté entre 983 et 1003, accompagné de deux autres moines485 ; un cinquième acte concerne Pankratios, higoumène du même monastère avec trois moines486 ; enfin, dans le sixième document, souscrivent Laurentios, dispensator et rector du même monas­

482.  RNAM, vol. I/1, 7 – 920 : cet acte, établi à Bénévent en présence d’un moine du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus, cite Macaire, abbé et non higoumène des Saints-Serge-et-Bacchus (nunc Deo annuente dominus Machario uenerabilis abbas preest). 483. Ainsi, les monastères féminins du Saint-Archange ad Baiane et des Saints-Nicandre-etMarcien sont des monastères grecs. Voir Martin, « L’ambiente longobardo », p. 230. Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 869, affirme que le monastère féminin Saint-Marcellin suivait la « règle de saint Basile » en s’appuyant sur MND, vol. II/1, 473 – 1041, qui spécifie que toutes les moniales grecques ou qui connaissent le grec doivent être ensevelies dans le monastère SaintSébastien de Naples. Ibid., p. 866 fait mention également du monastère Saint-Gaudiosus qui aurait été « grec » jusqu’en 1132 d’après MND, vol. II/1, 655 – 1132, sans que l’acte en question mentionne la permanence d’une tradition hellénisante dans cet établissement féminin hormis le fait que l’abbesse soit aussi archidiaconesse. 484.  RNAM, vol. I/1, 9 – 921. 485.  Les documents, dont nous reproduisons la graphie et l’accentuation si singulières, reprennent la même formulation : RNAM, vol. II, 222 – 990 : † Φιλιπποσ άμαρτολõσ καὶ άναξιοσ ηγοῦμενοσ ἰδιὸχεῖροσ ἕγραψα † Νὲιλοσ άμαρτωλόσ καὶ αναξιοσ πρεσὺιτεροσ ιδιοχείροσ έγραψα ; RNAM, vol. II, 223 – 991 : † Φὶλιπποσ άμαρτολόσ καὶ ὰναξιοσ ηγοῦμενοσ ίδιὸχεῖροσ ὲγραψα † ; † Νέιλοσ μο(να)χ(ὸς) καὶ ὰνὰξιοσ πρέσβὺτερος ιδιοχειροσ εγραψα † ; † Ιω(άννης) άμαρτολὸσ ιδιχηρος εγραψα † ; RNAM, vol. II, 231 – 993 : Φιλιπποσ άμαρτ(ωλὸς) καὶ αναξιοσ ηγοῦμενοσ ίδῖοχειροσ έγραψα † Ιω(άννης) μο(να)χ(ὸς) καὶ ευτελεῖσ πρεσυτε(ρος) ῖδιοχεῖροσ έγραψα † Λουκασ πρεσυητεροσ ευτελησ ηδιοχηροσ ηπεγραψα ; RNAM, vol. II, 244 – 997 : Φίλιπποσ άματωλοσ καὶ άναξιοσ ήγõυμενοσ ίδιὸχεῖροσ εγραψα † Πανκρατιοσ μονακοσ ιδιοχιροσ εγραψα † Νικολ μοναχοσ και ιερευσ ιδιοχειροσ εγραψα †. 486.  RNAM, vol. IV, 295 – 1016 : Πὰνκρατιοσ ιγουμενος υπεγραψα † Λαυρεντιος αμαρτωλος πρεσυιτηρ ιδιοχειρος μαρτυρ υπεγραψα † Πετρος πρεσυιτηρ μοναχος υπεγραψα ιδιοχειρος † Ιω(άννης) αμαρτωλος κριρικος υπεγραψα ιδιοχειρος †.

CHAPITRE 2  • LES  INFLUENCES

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tère et deux autres moines487. Certains noms mentionnés, même s’ils peuvent être des noms adoptés à l’entrée au monastère, sont d’origine grecque et n’apparaissent pas ailleurs dans la documentation napolitaine, en particulier parmi les mentions de moines. Malgré le caractère partiel et limité de la documentation, ces souscriptions indiquent la présence à Naples de moines hellénophones, peut-être issus d’une immigration grecque de Calabre, dans le sillage de Nil de Rossano488. Toutefois, les moines de Naples sont, pour l’essentiel, des locuteurs latins. Même les monastères napolitains de rite grec de Naples restent, dans leur majorité, peuplés de moines qui souscrivent les documents en latin. Certains higoumènes portent quelquefois des noms liés au monachisme occidental comme par exemple Benedictus, higoumène du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus attesté de 932 à 951. Mais force est de reconnaître que la nature des actes ne permet pas d’entrer plus avant dans les détails du fonctionnement des monastères dits grecs.

Une institution originale : la diaconie Gaète et Naples sont les seules cités d’Italie méridionale pour lequel nous connaissions des diaconies, institutions de charité qu’on retrouve à Rome comme à Constantinople ou Alexandrie489. D’abord développées en Orient, ces institutions caritatives liées à des monastères sont attestées dans la cité napolitaine, contribuant à faire de Naples au haut Moyen Âge un centre religieux original. Nous nous contenterons de reprendre dans ses grandes lignes l’exposé de H.-I.  Marrou pour définir l’institution des diaconies. Le terme diakonia désigne en

487.  RNAM, vol. IV, 353 – 1032 : † Λαυρεντιος πρεσβύ(τερος) μοναχ και ρεκτορ υπεγραψα † ΙΩ(άννης) ΠΡ(εσβύτερος) ΚΑΙ ΜΟ(να)Χ(ὸς) ΥΠΕΓΡΑΨΑ † Κοσμας κληρικος και μο(να)χ(ὸς) ὑπεγραψε † Βηταληος κληρικος και μο(να)χ(ὸς) υπεγραψε †. Voir en conclusion Granier, « Les moines “grecs” », p. 206 : « Ce n’est qu’à partir de cette date [983], et jusqu’en 1126, que les sources attestent, mais à Saints-Serge-et-Bacchus seulement, des moines réellement hellénophones, des Grecs, les higoumènes ici, sans que pour autant tous les moines le soient. » 488.  Martin, « Hellénisme politique », p. 71, évoque aussi la possibilité d’un « repeuplement » des monastères grecs par des moines hellénophones. À propos de Nil de Rossano, voir trois rapides mises au point : Guillou, « Grecs d’Italie du Sud », p. 101-104 ; Falkenhausen, « Il monachesimo italo-greco », p.  127-129 ; Vitolo, « Les monastères grecs de l’Italie méridionale », p. 106-107. 489. Voir l’article fondamental de Marrou, « L’origine orientale », p. 95-142 ; autres références importantes pour les diaconies à Naples et surtout à Rome où elles sont mieux documentées : Lestocquoy, « Administration de Rome et diaconies », p. 266-267 ; Bertolini, « Per la storia delle diaconie romane », p. 97-105, pour Rome ; pour Naples, Falesiedi, Le diaconie, p. 86-87 où l’auteur dénombre à Naples trois diaconies, Saint-Janvier, Saint-André ad Nidum et Saint-Jean-etSaint-Paul ; enfin Saxer, « La Chiesa di Roma », p. 584-590.

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grec classique le « service », d’où dérive la notion chrétienne de ministerium exercé par le diacre. Cependant ce mot possède une autre acception, il « désigne le service par excellence, le service des pauvres, l’assistance qui leur est octroyée sous forme d’aumône et spécialement de distributions alimentaires : ce sens est déjà attesté chez Luc (Actes, 6, 1). Aussi le monachisme, qui s’efforce de maintenir et de réaliser ce pur idéal (qu’est le moine sinon un chrétien qui aspire à la perfection  ?), conservera-t-il et le mot et la chose »490. Ce service se concrétise en Égypte, à partir du ive  siècle. Ce sont les monastères qui se trouvent mieux à même de jouer ce rôle, particulière­ment dans les grandes cités de l’empire romain où l’assistance civile fait de plus en plus défaut. La diaconie consiste en un monastère qui prend en charge un établisse­ment de charité chargé d’opérer une distribution alimentaire aux nécessiteux. Ces établisse­ments « sont dotés d’une chapelle et confiés à des moines, diaconitae, formant des “communauté de charité”, des monasteria diaconiae »491. Les diaconies sont, pour la plupart, regroupées le long des principaux axes des cités, là où elles peuvent s’appro­vi­sion­ner le plus aisément et exercer l’action charitable la plus efficace. Elles possèdent des magasins, des bureaux et des cellules pour accueillir moines et pèlerins. Peu à peu, aux viie-viiie  siècles, elles deviennent de véritables institutions. À Rome et à Constantinople, d’origine privée, les diaconies sont financées de plusieurs manières. En tant que telles, elles sont richement dotées par le pouvoir impérial ou pontifical mais aussi, en tant qu’organismes de charité chrétiens, reçoivent des dons de riches laïcs492. L’administration de la diaconie est confiée à un dispensator qui n’est pas toujours membre d’un monastère. Nous retrouvons cette fonction particulière à Rome comme à Naples. Les diaconies apparaissent en premier dans l’Orient byzantin. Des textes de la littérature égyptienne du ive siècle les évoquent493. Comme établissements de charité,

490.  Marrou, « L’origine orientale », p. 137-138. 491.  Ibid., p. 96. 492.  Magdalino, « Church, bath and diakonia », p.  181, souligne que les diaconies deviennent

des structures institutionnelles patronnées et financées par l’État ou l’Église. C’est aussi le cas à Naples. Marrou, « L’origine orientale », p. 102, démontre le caractère institutionnel des diaconies napolitaines dès leur origine avec des revenus publics affectés aux établissements de charité. Cela n’empêche pas les diaconies de bénéficier aussi de soutiens privés. Certes isolé, ce cas de figure est néanmoins attesté, vers le milieu du viiie siècle, pour la diaconie Sainte-Marie in Cosmedin, à Rome, par une inscription latine énumérant des terres données à l’institution charitable par un groupe d’aristocrates romains. Voir Lestocquoy, « Administration de Rome », p. 277-280 ; Bertolini, « Per la storia », p. 57-58, 118 et 142-145 ; également Milella, « Le diaconie romane », p. 92 où l’auteur, après avoir mentionné les diaconies connues par le Liber Pontificalis et récapitulé les connaissances accumulées par Lestocquoy et Bertolini, insiste sur la concentration de diaconies dans la zone du Portus Tiberinus, région traditionnellement associée au ravitaillement de la ville Rome depuis l’époque antique. 493.  Ibid., p. 124-132 et 134, la plus ancienne diaconie, connue par Jean Cassien, est établie en Égypte, à Diolcos, vers 385. Des diaconies en Thébaïde et à Alexandrie sont attestées en 522 et 527.

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elles sont attestées en Égypte au début du vie siècle dans divers monastères de Thébaïde ou d’Alexandrie. Leur développement considérable explique leur diffusion dans tout l’Orient grec. Une diaconie est mentionnée à Gérasa, en Palestine, en 565494. Par la Palestine et la Syrie, les diaconies s’installent à Constantinople où elles sont attestées au vie siècle par l’historien monophysite, originaire de Mésopotamie, Jean d’Éphèse495. L’institution s’y développe considérablement puisque six diaconies sont mentionnées par des sceaux à partir du vie  siècle496. L’installation des diaconies en Italie est postérieure à la période de la reconquête justinienne, ce qui semble confirmer l’origine grecque de l’institution. Les diaconies romaines apparaissent pour la première fois dans la notice du Liber Pontificalis consacrée au pape Benoît  II (684-685)497 ; on en dénombre dix-huit au début du ixe siècle498. D’autres diaconies italiennes sont signalées par Grégoire le Grand dans sa correspondance pour les villes de Pesaro, Naples et peutêtre Ravenne499. Il est intéressant de noter qu’elles sont dès lors attestées un siècle avant Rome, qui adopte assez tard le système des diaconies500. Nous ignorons si d’autres villes italiennes connaissaient cette institution mais elles devaient être peu nombreuses. En effet, les diaconies ne pouvaient se développer que dans des villes assez peuplées et dont les institutions religieuses n’avaient pas été déstructurées par l’invasion lombarde. Pourtant à Gaète, l’allusion à l’existence d’une diaconie apparaît dans deux docu­ ments du ixe  siècle. Le premier, daté de 830, mentionne Eustratius, pater diaconiae, rédacteur d’un acte par lequel l’évêque Jean de Formies, « résidant dans le castrum de

Pour le développement de cette institution en Orient, voir Bertolini, « Per la storia », p. 11-12, 22-23, 92-97 et 115-121. 494.  Marrou, « L’origine orientale », p. 113-115. 495.  Magdalino, « Church, Bath and Diakonia », p. 178-179, complète Marrou, « L’origine orientale », p.  110, qui ignorait l’existence de diaconies à Constantinople. 496.  Magdalino, « Church, Bath and Diakonia », p. 184-186, recense 22 diaconies attestées à Constantinople entre le vie et le xiie siècle. 497.  Liber Pontificalis, éd. Duchesne, 83, p. 364 : Hic dimisit omni clero, monasteriis diaconiae et mansionariis auri libras XXX. Pour les autres références aux diaconies romaines sous les papes suivants, voir Lestocquoy, « Administration de Rome », p. 272-274 ; Bertolini, « Per la storia », p. 20-21. 498.  Marrou, « L’origine orientale », p. 95, n. 2 et p. 96. 499.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, V, 25 – février 595 (Pesaro) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 8 – mars  600 (Naples) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 17 – décembre  600 (Ravenne selon Lestocquoy, « Administration de Rome », p. 265-266, et Marrou, « L’origine orientale », p. 101-102, ou peut-être Rome d’après PCBE, vol. II/1, p. 1135, s.u. Iohannes  128). Il est peut-être prudent de ne pas prendre position, à l’instar de Bertolini, « Per la storia », p. 3-4 et 12-13. 500.  Marrou, « L’origine orientale », p. 140-141. L’existence de xenodochia et le rôle de la papauté expliqueraient ce retard. La diaconie ne s’impose qu’après l’invasion lombarde, aux conséquences désastreuses pour Rome.

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Gaète », confie l’usage d’un moulin à eau à Gregorius, magnificus comes501. Le deuxième acte, de 867, évoquant le règlement d’un différend entre l’évêque Ramfus de Gaète et des habitants de la cité, est souscrit par Léon, pater diaconiae502. Plusieurs indices permettent de supposer l’existence d’une diaconie à Gaète : les deux mentions d’un pater diaconiae, alors que la cité est sur le point de supplanter Formies comme siège épis­ copal, et la proximité de Rome. Le terme pater diaconiae désigne un laïc gestion­naire de la structure, l’équivalent du dispensator. Il est possible que la diaconie fonctionne en lien étroit avec le patrimoine romain, encore très important dans la région503. Le second pater diaconiae, Léon, est le fils de l’hypatus Tibère, preuve de l’importance de la fonction. À Naples, les historiens évaluent le nombre des diaconies à sept504. La première mention apparaîtrait dans la correspondance de Grégoire le Grand. Le pape, écrivant au préfet du prétoire d’Italie Jean, lui reproche de s’être emparé du ravitaillement de la diaconie de Naples505. Toutefois, le sens du mot diaconie ne revêt pas encore la signification qu’il prendra aux viie-viiie  siècles, le terme conserve son sens primitif de diakonia, qui désigne plus l’acte de charité que l’institution à vocation caritative appelée à se développer à Rome comme à Naples506. Il n’est pas étonnant que Naples, à la croisée des influences romaines et byzantines, ait développé cette institution. Les dia­co­nies, au sens d’organisme de charité, n’apparaissent dans les sources napoli­ taines qu’au viiie siècle. Trois diaconies sont mentionnées dans les Gesta. La première est rattachée à l’église Sainte-Marie ad Cosmedin qui figure dans la notice consacrée à Eustathe, évêque de Naples attesté au ive  siècle507. Cependant, il n’est nullement spécifié que l’église

501.  CDC, vol. I/2 – 830 : Quem donationem scribendum rogabi Eustratius patrem diaconie in qua et ego manu propria subscripsit et testes rogabi. […] † Eustratius pater diaconie qui supra scriptor hanc dona­ tionem post suprascriptionem omnium testium et signifactionum extraditionem facta suppleuit et absolui. 502.  CDC, vol. I, 13 – 867 : † signum † manus Leoni patri diaconie filio Tiberii ypati †. 503.  Voir p. 148 et suivantes. 504.  Marrou, « L’origine orientale », p. 103, met en doute le nombre de sept diaconies avancé par les érudits napolitains par souci de suivre l’exemple romain. De plus, Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 478-479, confond diacres-régionaires et diaconies. À l’inverse, Bertolini, « Per la storia », p. 121, ne retient que trois diaconies napolitaines assurées et juge les quatre autres incertaines. 505.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, X, 8 – mars 600 : Fertur itaque, quod annonas atque consuetudines diaconiae, quae Neapolim exhibetur, eminentia uestra subtraxerit. 506.  Marrou, « L’origine orientale », p. 103 ; « la diaconie devait être la branche de l’annone instituée par l’Empire byzantin » selon Lestocquoy, « Administration de Rome », p. 266, une hypothèse nuancée plus que réfutée par Bertolini, « Per la storia », p. 9-13 et 124-127. Voir aussi Durliat, De la ville antique à la ville byzantine, p. 165-183. 507.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 2, p. 404, l. 8-9 : In altario beate Dei genitricis semperque uirginis Mariae, que dicitur Cosmidi, populi deuotio exequenetes, conditus est atque translatus.

CHAPITRE 2  • LES  INFLUENCES

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Sainte-Marie ad Cosmedin abrite à l’époque une diaconie avec ses bâtiments attenants. Sainte-Marie ad Cosmedin est attestée comme diaconie dans un document napolitain daté de 1017508. Si l’église elle-même est ancienne, du moins antérieure au ixe  siècle, les Gesta n’indiquent pas son caractère caritatif et l’existence d’une diaconie à cette époque devient sujette à caution509. La seconde diaconie présente dans les Gesta est, à la différence de Sainte-Marie ad Cosmedin, clairement mentionnée. Saint-Janvier ad Diaconiam apparaît dans la notice de l’évêque Agnellus, attesté en 680. Le rédacteur anonyme de la première partie des Gesta livre une brève description du fonctionnement et de la mission d’une diaconie à Naples : « [Agnellus] érigea une basilique dans la ville de Naples au nom de saint Janvier martyr en l’honneur duquel il institua une diaconie et plaça des cellules pour les frères du Christ, y affectant une donation annuelle et perpétuelle de l’évêché de 210 boisseaux de blé et 200 urnes de vin »510. On retrouve dans ce passage les caractéristiques d’une diaconie : affectation de revenus en nature destinés à la distribution alimentaire, mais aussi cellules pour les « frères du Christ », la diaconie assurant aussi la fonction d’hospice pour les indigents511. C’est à Saint-Janvier ad Diaconiam que Jean, auteur de la seconde partie des Gesta, fut diacre512. La diaconie Saint-Janvier ad Diaconiam est donc la première diaconie attestée à Naples. À l’emplacement de l’église actuelle de S. Gennaro all’Olmo, la dia­conie était située le long de la uia Nostriana, l’une des principales artères de ville. Les Gesta mentionnent une troisième diaconie dans la notice consacrée à Paul  III, évêque de 794 à 819. Il y est question d’une grande basilique construite par le duc Anthime en l’honneur de l’apôtre Paul513. Également à proximité de la uia Nostriana, la diaconie prend par la suite le nom de Saint-André ad Nidum, du nom de la région urbaine dans laquelle elle se situe514. L’établissement est surtout connu par une

508.  Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 478-479. 509.  Marrou, « L’origine orientale », p. 103-104, ne retient pas Sainte-Marie ad Cosmedin

comme une diaconie existant à Naples au ixe siècle. 510.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 31, p. 418, l. 40-43 : Hic fecit basilicam intus ciuitatem Neapol. ad nomen sancti Ianuarii martyris, in cuius honorem nominis diaconam instituit, et fratrum Christi cellulas collocauit, delegans ab episcopio alimonias duocentorum decem tritici modiorum cum duocentas uini hornas perennis temporibus per uniuscuiusque successionem annualiter largiri. 511.  Marrou, « L’origine orientale », p. 109, note que cette fonction d’hospice apparaît mieux à Naples qu’à Rome. Il mentionne le fait que le rédacteur des Gesta distingue la basilique de la diaconie. 512.  Russo-Mailer, Il Medioevo a Napoli, p. 107, cite Jean Diacre dans le prologue d’une de ses traductions grecques, les Actes des Quarante martyrs de Sébaste : me infelicissimum Iohannem diaconum, seruum sancti Januari martyris. 513.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 50, p. 428, l. 15-16 : Et per praeceptum Leonis Romulei papae, cuius tunc iuris erat, monasterio sancti Andreae, quod Cella noua dicitur, conectit. 514.  La diaconie est située dans la regio Nili, voir Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 450.

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PREMIÈRE PARTIE  •  LES INSTITUTIONS RELIGIEUSES ET LEURS PARTICULARITÉS

inscription conservée dans l’église Saint-André, aujourd’hui appelée San Marco dei Taverni. Cette épitaphe précise qu’un certain Théodime, sous-diacre, en fut le dispensator515. Ce même Théodime est mentionné dans le Liber Pontificalis romain, à la date de 718 environ516. Cette diaconie existait donc bien avant la rédaction des Gesta, peut-être même avant le viiie siècle517. Le duc Anthime obtient, d’après les Gesta, que sa basilique soit rattachée à la diaconie, ou plus précisément au monastère déjà agrégé à la diaconie, appelé Cella noua518. Au total, le Liber Pontificalis napolitain ne mentionne que ces trois diaconies : une seule est décrite comme une diaconie, Saint-Janvier ; Saint-André ad Nidum n’y est pas défini comme une diaconie mais est connu comme telle dès le viiie siècle ; quant à Sainte-Marie ad Cosmedin, si son église est mentionnée dans les Gesta, aucune précision sur son statut de diaconie n’est apportée avant le xie siècle519. Hormis ces trois diaconies, il y aurait eu, si l’on accepte la thèse des érudits napo­ litains, quatre autres diaconies à Naples à l’époque ducale (voir figure 5). Certaines, non mentionnées dans les Gesta, sont néanmoins attestées à la même époque que cette source. La diaconie Saint-Jean et Saint-Paul est mentionnée dans une épitaphe grecque conservée dans l’église de S.  Maria Donnaromita : « Le consul et duc Théodore, après avoir construit cette église depuis ses fondements et restauré la diaconie, dans la 4e indiction, sous le règne des empereurs gardés par Dieu Léon et Constantin, homme vénérable par sa foi et par son caractère, a quitté cette vie ici même, ayant vécu pour le

515.  MND, vol. II/2, p. 223 : Hic in pace membra sunt posita Theodimi subd. reg. et rect. sanctae sedis apost. et disp. huius diac. beati Andreae. Si quis praesumpserit hunc tumulum biolare erit anathematis uinculis innodatus. 516.  Marrou, « L’origine orientale », p. 107. 517.  Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 475, affirme que la diaconie peut être datée du vie siècle. 518.  Ibid., p. 476. Au terme d’une série d’hypothèses et d’identifications incertaines, Bertolini, « Per la storia », p. 101-102, fait de la diaconie Saint-André ad Nidum une dépendance directe de l’Église romaine, ce qui expliquerait la présence de l’épitaphe du dispensator Théodime, que l’auteur identifie à un sous-diacre régionnaire de Rome en charge de l’administration du patrimonium Neapolitanum. 519.  Mallardo, « Giovanni diacono », p. 335-336, établit une diaconie au monastère des Saints-Cyrice-et-Julitte sur la foi de la citation des Gesta : Fabricauit et idem consul cum coniuge sua monasterium sancti Cyrici et Iulitae, in quo duodecim statuit cellulas, quas hospitibus peregrinisque censuit habitari, qui ex ipsius ecclesiae alerentur rebus (Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 50, p. 428, l. 16-18). Nous ne trouvons cependant pas trace d’une diaconie attachée à ce monastère dans des documents postérieurs aux Gesta. Pourquoi ne pas attribuer aussi une diaconie au xenodochium d’Athanase Ier qui doit « pourvoir au repos des indigents et des étrangers » (Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 63, p. 434)  ? L’institution charitable de Saints-Cyrice-etJulitte s’apparente davantage à un xenodochium qu’à une diaconie.

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CHAPITRE 2  • LES  INFLUENCES

e

Volturn

PRINCIPAUTÉ DE CAPOUE

i Regi Lagn Sanctus Donatus ad Felice Casale Casal di Principe

Ferrunianum Frignano

LIBURIA

lac de Patria

TERRITORIUM PUTEOLANUM

Teberola Casa Aurea Rauiosa Teverola Sanctus Marcellinus Casa Puctana San Marcellino Casapuzzano Trentula Trentola Sussichium Ducenta Succivo Masa Atellana Ducenta Centura Orta di Atella Caibanum Acerrae Caivano Carditum Acerra Cardito Parete Sanctus Anthimus Parete San Antimo Capacellere Iulianum Fracta Maior Giugliano in Campania Grumum Frattamaggiore Grumo Liciniana Malitum Licignano di Napoli Munianum Melito di Napoli Calioanum Mugnano di Napoli Qualiano Casa Aurea Pumilianum Foris Arcora Casoria Maranum Piscinula Pomigliano d’Arco Marano di Napoli Pischinola Campus de Miana Balusanum Claulanum Sanctus Petrus ad Paternum Miano San Pietro a Patierno Chiaiano Caput de Monte Caput de Clibo Capodimonte Capodichino Planuria Pianura Subtuscaua Neapolis Soccavo Foris Gripta Naples Fuori Grotta

Rub io

Quarto Maiore Quarto

lo

Casa Pisenna Casapesenna

Casaluce Pirum Casaluce

Castrum Cumanum Cumes

CHAMPS PHLÉGRÉENS Puteoli Pouzzoles

lac d’Averno

Thermae Terme

Castrum Lucullanum Pausillipus Posillipo Insula Maris uel Saluatoris

is fluueum

4 km

Massa Massa di Somma

Territorium for

0

Quartum Pictulum San Giovanni a Teduccio Geniolum Giniolo Crambanum Portici Portici Nonnaria Risina Resina Massa Sollensis

lac de Fusano

Turris de Octaua Torre del Greco

Misenum Misène

Prochita Procida

Ischia Ischia

LIBURIA région du duché de Naples Pausillipus

toponyme ancien

Posillipo

toponyme moderne

Massa Publica Massa Lubrense

Syrrentum Sorrente

localisation assurée localisation incertaine frontière approximative du duché limite approximative de région zone marécageuse altitude supérieure à 200 m

Capreae Capri

S. DESTEPHEN del.

Fig. 5 – Le duché de Naples au xe siècle d’après B. Capasso.

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Christ … ans … mois et … jours »520. Ces indications permettent de dater la restauration de la diaconie du règne de Théodore (vers 718-730), très probablement de 721 d’après la mention de la 4e indiction521. La mention d’une restauration, au début du viiie siècle, amène à penser que la diaconie devait être ancienne. La diaconie Saint-Georges ad Forum (ou ad mercatum) est attestée dans un document de 936 : elle se situait entre l’episcopium et le forum napolitain522. La diaconie Saint-Pierre apparaît dans un document de 941 qui fait mention de la terra ecclesiae beatissimi Petri de diaconia523. L’emplacement de la diaconie reste inconnu même si nous pouvons supposer qu’elle se situait dans le centre de la cité, non loin des autres diaconies et des deux grandes voies qui traversaient la ville. Il reste une septième et dernière diaconie, S. Maria Rotunda, mentionnée pour la première fois dans un document de 1025524, dans lequel l’église n’est pas qualifiée d’établissement de charité. On peut dès lors émettre des réserves sur les certitudes des historiens napolitains525. Le cas de Jean Diacre (« Moi Jean, diacre de Saint-Janvier »)526, le rédacteur de la deuxième partie des Gesta, offre l’occasion de se pencher sur les liens entre monastères et diaconies. Jean Diacre n’est ni moine, ni chanoine mais diaconus ecclesiae diaconiae527. La distinction entre « diaconite » (diaconita) et « diacre » (diaconus) est importante, car l’un désigne le clerc affecté à la mission caritative au sein des diaconies et l’autre le diacre, un des ordres de la cléricature. Jean Diacre n’était pas diaconite à la diaconie Saint-Janvier, mais diacre au service de l’église du même nom528. Les bains constituent une autre caractéristique des diaconies. Les Gesta font une seule mention explicite de bains dans la notice de l’évêque Nostrianus (attesté entre

520.  MND, vol. II/2, p. 215 : [Θεόδ]ωρος ὕπατος καὶ δοῦξ ἀπὸ θεμε[λίων] | [τὸ]ν ναὸν οἰκοδόμησας καὶ τὴν δι[ακό]|[νιαν] ἐκ νέας ἄνυξας ἐν ἰνδ᾽ τετάρτῃ ὑ[πὸ] | [Λ]έοντος καὶ Κονσταντίνου τῶν θεοφυλάκτων βασιλέω[ν] | [Ἐ]ν τε πίστι καὶ τρόπῳ σεπτὸς μετεστὶ τοῦ βίου ἐνθάδε ζῆσας Χρίστῳ | ἔτη … καὶ … μ…. Traduction de Marrou, « L’origine orientale », p. 106. 521.  Ibid. 522.  Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 479. 523.  Ibid., p. 483. 524.  La diaconie est mentionnée une première fois sous le vocable cathedra uel ecclesia S. Marie ad

presepe dans MND, vol. II/1, 402 – 1025 (1021 est erroné), puis ibid., 669 – 1137 : in salutifere ecclesie (chartule ?) congregationis ecclesie S. Marie que appelatur at rotunda. 525.  Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 480-482, fournit les détails sur la double appellation de l’église et s’appuie sur une tradition du xive siècle pour déterminer sa fonction de diaconie. Marrou, « L’origine orientale », p. 103, souligne l’absence de certitude à cet égard. 526.  MND, vol. I, p. 303 : Me Iohannem sancti Ianuarii diaconum. 527.  Mallardo, « Giovanni diacono », p. 336. 528.  Ibid., souligne l’importance de l’église ou du monastère attaché à la diaconie. Lorsque les Gesta mentionnent la diaconie, c’est principalement la fondation de l’église Saint-Janvier qui est mise en avant. Voir Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 31, p. 418 et citation n. 145.

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445 et 449) : « Il fit construire des bains en ville et d’autres autour, que nous appelons encore aujourd’hui les bains de Nostrianus »529. Un document du xiiie  siècle mentionne encore le balneum Nostriani, situé dans la ville près du monastère SaintGrégoire-Majeur, dans la région Furcillensis530. Les bains dits de Nostrianus sont, au ixe  siècle, en relation étroite avec le système des diaconies napolitaines531. S’ils sont réellement établis au ve siècle, ils sont trop anciens pour avoir dès leur fondation un lien avec les diaconies. Cependant il est probable que ces bains, voisins de la diaconie, sont utilisés par les moines de Saint-Janvier ad Diaconiam pour y conduire les fratres Christi532. Une autre allusion apparaît dans la notice des Gesta consacrée à l’évêque Agnellus : « Pour le soin du bain, il donna sa bénédiction au don de savon deux fois dans l’année, à Noël et à Pâques, en quantité suffisante pour l’année. C’est pourquoi, jusqu’aujourd’hui, chaque année, sont attribuées 1000 siliques à Noël et Pâques »533. Le savon, reçu par la diaconie à Noël et à Pâques « en quantité suffisante », sous-entend l’utilisation de bains par la diaconie. Ces allusions aux bains, liés aux diaconies, se retrouvent dans le Liber Pontificalis romain dans la notice consacrée au pape Hadrien Ier (772-795) qui « décida que chaque semaine, le jeudi, les pauvres se rendraient au chant des psaumes de la diaconie aux bains et que là, en ordre, une distribution leur serait faite et qu’on leur donnerait l’aumône »534. Dans la notice d’Hadrien, les bains sont désignés par le terme grec lousma. Nous retrouvons à Constantinople la trace de ces bains en liaison avec des établissements monastiques exerçant la charité. L’utilisation des bains est mentionnée par l’historien Jean d’Éphèse parmi les services rendus par les diaconies fondées par les monophysites dans la capitale orientale au vie  siècle535.

529.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 8, p. 406, l. 43-44 : Hic fecit ualneum in urbe et alia in gyro aedificia, qui usque hodie Nostriani ualneus uocatur. 530.  MND, vol. I, p. 171, n. 3-4. 531.  Martin, « Les bains dans l’Italie méridionale », p. 59-60. 532.  Marrou, « L’origine orientale », p. 119. 533.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 31, p. 418, l. 43-46 : Sed et pro labandis curis bis in anno, natiuitatis et resurrectionis Domini anni circulum exsequendum, saponem dari sanciuit. Sic itaque usque hodie, Domino annuente, perficitur. Atque mille siliquias in natiuitate Domini milleque in ipsius resurrectione tribuitur. 534.  Liber Pontificalis, éd. Duchesne, 97, p. 506 : constituit ut per unamquamque ebdomadam, quin­ ta feria Dei, cum psallentio a diaconia usque ad balneum pergerent, et ibidem dispensationem per ordinem pauperibus consolari atque elemosina fieri. Traduction de Marrou, « L’origine orientale », p. 117. Sur l’essor pris par les diaconies organisées en institutions ecclésiastiques de manière définitive sous le long pontificat d’Hadrien, voir Lestocquoy, « Administration de Rome », p. 286-293 ; Bertolini, « Per la storia », p.  137-138. Ce dernier insiste, ibid., p. 52-55, sur l’aspect spirituel du bain donné aux pauvres, et met justement en relation l’extrait des Gesta episcoporum Neapolitanorum avec le passage du Liber Pontificalis. 535.  Magdalino, « Church, Bath and Diakonia », p. 179. L’auteur retrace le passage des bains antiques aux bains médiévaux, les bains des diaconies s’inscrivant dans cette tradition chrétienne

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À Constantinople comme à Rome, la distribution d’aumônes, surtout sous forme de nourriture, est liée à la conduite des nécessiteux aux bains. Enfin le terme lousma semble s’attacher surtout aux diaconies à Constantinople, mais aussi à Rome536. L’origine orientale des diaconies napolitaines, comme celles de Rome, s’impose donc de manière indiscutable. Les termes mêmes associés à diaconie (diaconia, diaconita, lusma) sont d’origine grecque. À Rome, les diaconies portent des noms de saints grecs537. Toutefois, à Naples, les diaconies sont dédiées à des saints locaux ( Janvier) ou des saints vénérés dans toute la chrétienté ( Jean et Paul, Marie, Pierre). Les saints orientaux, ou du moins davantage vénérés dans la chrétienté orientale, sont cependant présents (André et Georges). Le développement des diaconies napolitaines se fait en parallèle avec Rome et rien n’interdit de penser que l’exemple romain constitue un modèle. À Naples, les diaconies semblent suivre l’évolution romaine et se transformer progressivement en simples églises aux xe et xie  siècles538. Certaines se transforment cependant en hospices, conservant les traces de leur fonction originelle539. Le cas romain est quelque peu différent. Hormis les diaconies, la Rome chrétienne comprenait sept diacres régionnaires, administrant à partir du iiie siècle les sept régions ecclésiastiques romaines. Les diacres régionnaires se désignaient comme diaconus regionis primae, secundae et ainsi de suite540. Avant le xiie siècle, alors que les diaconies romaines ont perdu leur rôle d’institutions caritatives, une synthèse est opérée entre les diacres, membres des diaconies, et les diacres régionnaires. Peu à peu, les églises des anciennes diaconies sont affectées à un cardinal comme les tituli pour les prêtres. La fonction de diacre évolue de l’office charitable dans un monastère au titre cardinalice541. À Naples, nous ne trouvons bien sûr aucune trace d’une semblable évolution.

nouvelle. À Constantinople, malgré un affaiblissement considérable, la conception antique des bains perdure et les monastères peuvent ainsi faire bénéficier la population de leurs bains contre un droit d’entrée. 536.  Ibid., p. 183. Le terme lousma s’opposerait à loutron qui désignerait le bain public. 537.  Marrou, « L’origine orientale », p. 100. 538.  Ibid., p. 110. À Rome, les diaconies se transforment progressivement en simples églises. 539.  C’est le cas pour la diaconie de Saint-Janvier dont l’hospice, S. Gennaro all’Olmo, est aboli en 1440, comme S. Andrea ad Nidum mentionné comme hôpital en 1139. Voir Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 476-477. 540.  Marrou, « L’origine orientale », p. 96 ; Saxer, « La Chiesa di Roma », p. 540-543. L’administration des diacres-régionnaires avait son siège au Latran. 541.  Marrou, « L’origine orientale », p. 142.

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Une Église grecque ? L’hellénisme napolitain se manifeste aussi dans le domaine liturgique. La différence entre rites grec et latin est déjà affirmée, mais il existe plusieurs liturgies grecques alors qu’en Occident se répand la liturgie romaine, dite de saint Pierre en Orient, traduite en grec au xe siècle. À la fin du ixe siècle, la Vie d’Athanase montre, lors des offices, les fidèles comme les clercs répétant les psaumes en grec et en latin542. On retrouve l’évocation d’une liturgie bilingue dans le récit de la translation du corps du saint, de même lors du transfert de la dépouille de saint Séverin, au début du xe  siècle, du castrum Lucullanum au monastère des Saints-Séverin-et-Sossius, à Naples543. Il n’est cependant pas fait ici allusion à un clergé spécifiquement grec. Psalmodier dans les deux langues ne signifie pas que l’Église de Naples dispose d’un double clergé, mais qu’elle maintient ou plutôt entretient une liturgie à la fois en latin et en grec544. Il s’agit surtout de manifester l’unité de l’Église. On retrouve cet usage tant à Rome qu’au Mont-Cassin à la même époque545. Peut-être existe-t-il comme à Gaète des prêtres dits « gréco-latins », capables de lire et de chanter en grec et en latin546. Cette tradition bilingue semble décliner avec le temps, sous l’influence romaine et par l’action des évêques de Naples, comme en témoigne Étienne II (766-794), qui remplace l’antique liturgie napolitaine par l’Ordo Romanus547. Certaines fonctions ecclésiastiques portent la marque d’une étymologie grecque. Un cimiliarque, ou trésorier de la cathédrale de Naples, apparaît à plusieurs reprises dans

542.  Vie d’Athanase de Naples, éd. Waitz, 1, p. 440, l. 35-36 : In qua layci simul cum clericis assidue Grece Latineque communi prece psallunt Deo debitumque persoluunt iugiter officium. 543.  Translation de saint Athanase, éd. Waitz, 1, p. 451, l. 27-28 : Confluebant autem uterque sexus et aetas diuersa, et qualiter poterant psalmodiae cantus utriusque linguarum Grecae et Latinae suaui mo­ dulatione resonabant ; Jean Diacre, Translation de saint Séverin, éd. Waitz, 6, p. 456, l. 38-43 : Postero autem die pontifex et clerus, dux et optimates passimque populus uniuersae conditionis et aetatis matu­ tino tempore properantes, se in occursum cum dominicae crucis uexillis odoriferisque incensis in praemissi oppidi campo sanctis exequiis obuiarunt, et certatim supplicem exhibentes uenerationem, alternantibus choris Latinis et Graecis, ad monasterium saepefati abbatis debito obsequio concinnatisque luminaribus cineres sanctos deducunt. 544.  Gay, L’Italie méridionale, p. 243, attribue la permanence d’une liturgie en grec et en latin à l’existence de monastères grecs à Naples. 545.  Ibid. 546.  Martin, « Hellénisme politique », p. 73, mentionne encore l’existence, au début du xive siècle, d’une congregatio sacerdotum et clericorum Graecorum et Latinorum, alors que toute trace d’une communauté grecque a disparu depuis longtemps à Naples. 547.  Bertolini, « La serie episcopale napoletana », p. 405, n. 184 ; de manière plus large, Andrieu, Les Ordines Romani.

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les sources napolitaines548. Le collège des clercs de la basilique S. Restituta, qui s’attribue des origines constantiniennes, possède aussi à sa tête un cimiliarque549. Toutefois, dans d’autres Églises d’Italie comme Marsala, Syracuse (?) ou Ravenne, Grégoire le Grand mentionne seulement un cimiliarchium, c’est-à-dire une salle du trésor ecclésiastique, mais rien n’indique un lien, sinon étymologique, avec la tradition grecque550. D’autres fonctions dans l’Église de Naples sont désignées par leur équivalent grec, comme le collège des hebdomadarii de la basilique Stephania551, mais il s’agit surtout d’une imitation de Rome552. La tradition hellénisante apparaît particulièrement vivace au sein des congrégations napolitaines, phénomène que nous étudierons plus loin553. Certaines sont désignées comme stauritae ou stauritae plebis. Par exemple, un document de 1003 évoque la congrégation sacerdotale et les stauritae plebis de l’église Saint-Georges, catholica maior de Naples554. Il s’agit d’un terme usité à Naples et inconnu dans le monde grec555.

548.  La fonction de cimiliarque apparaît notamment dans RNAM, vol. I, 1, 17 – 932, à propos de l’exécution du testament d’un laïc : et si non disposuerit constrigatur per manu cimiliarcha qui tunc tem­ pore fuerit in sancta Neapolitana ecclesia ; RNAM, vol. V, 426 – 1076, parmi les distributores des dons d’une particulière : per manus domini Iohannis uenerabili presbytero et cimiliarcha memorate sancte Neapolitane ecclesie. 549.  Beck, Kirche und theologische Literatur, p. 102 ; Mallardo, « Cimiliarcho e cimiliarchi », p. 47-70 ; pour Cilento, « La Chiesa di Napoli », p. 696, le cimiliarque exercerait la double fonction de gardien du trésor de la cathédrale et de distributeur des cendres. 550.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, III, 49 – juillet 593 : Res au­ tem, quae apud eum inuentae sunt, in cimiliarchio ecclesiae tuae seruari modis omnibus studebis ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 19 – octobre 598 : Curae ergo tuae sit, ut argentum ecclesiarum quae clerum et populum habent, apud quos praeuideris, in cimiliarchio ecclesiae sub omni sollicitudine et cau­ tela deponas atque de eodem deposito desusceptum accipias ; argentum uero ecclesiarum quae pro peccatis a clero et populo destitutae sunt tecum huc defer ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 240 – août 599 : De sex uero centenariis, qui in cimiliarchio Rauennatis ecclesiae fuerant commendati, sicut uestra testatur epistula, ab excellentissimo exarcho in cotidiana militum praefacturae sunt mutuati. 551.  Voir p. 101 et 248. 552.  Vie d’Athanase de Naples, éd. Waitz, 4, p. 443, l. 33-36 : Hic itaque zelo fretus diuino, constituit sacerdotes epdomadarios in ecclesia domini Saluatoris quae Stephania uocatur, qui in ea continuis diebus puplicam missam celebrarent, sicut mos est ecclesiae Romanae, in qua etiam ad eorum sumptus necessarias rerum distribuit opes. 553.  Voir p. 382 et suivantes. 554.  RNAM, vol. IV, 267 – 1003 : Certum est nos Sparanum humilem presbyterum et primicerio congre­ gationis charta sexta feria ecclesia sancti Georgii catholice maioris quod est ecclesia Sebriane una cum nostra congregatione sacerdotum memorate charte, quamque et cunta stauritas pleui memorate ecclesie. On trouve l’équivalent latin, par exemple dans RNAM, vol. IV, 283 – 1011 : nos Stephanum primicerium turme pleuis ecclesie sancte dei genitricis Marie que nominatur de domino Atriano et cuntas stauritas ipsius ecclesie. 555.  Skinner, « Urban communities », p. 296-297.

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Il semble que ces associations religieuses perpétuent une forme d’hellénisme local. On trouve aussi des protolustres et des paramonaires556. Comment interpréter cet « hellénisme » ? Est-ce l’indice de l’appartenance des membres de ces congrégations à l’élite « hellénisée » des ixe-xe  siècles ou une marque d’un « pseudo-hellénisme » napolitain557  ? Il apparaît certain que l’Église napolitaine ne constitue pas une « Église double », à savoir une Église latine et grecque avec un clergé distinct pour une communauté de fidèles distincts558. Rappelons qu’il n’y pas d’évêque grec à Naples. Les Gesta soulignent la volonté byzantine d’offrir la dignité archiépiscopale à l’évêque de Naples559, et les principales églises sont desservies par un clergé latin.

Un sanctoral grec ou oriental ? Le culte de saints orientaux connus dans le synaxaire grec est attesté non seulement par les nombreuses traductions hagiographiques réalisées dans les scriptoria napolitains mais aussi par le plus ancien des calendriers liturgiques de Naples, le Calendrier de marbre. Aux ixe-xe siècles, Naples représente un centre exceptionnel pour les traductions de textes hagiographiques en latin. Nous avons de surcroît la chance de connaître le nom des principaux traducteurs, Athanase II, duc-évêque de Naples, Jean  Diacre, Paul  Diacre, le sous-diacre Pierre, le sous-diacre Bonitus ou le prêtre Ursus. Cette « école hagiographique » napolitaine a fait l’objet d’études nombreuses560.

556.  RNAM, vol. II, 253 – 997 : mention d’un prêtre, primicier et protolustre de la congrégation de Saint-Cyprien à Naples (ego Iohannes umile presbiterum et ecclesiasticum sancte Neapolitane ecclesie seu primicerio et protolustrio chartule ecclesie sancti Cipriani : una cum cunctas memorata sancta et uenerabili nostra congregatione sacerdotum chartule ecclesie sancti Cipriani) ; RNAM, vol. V, 447 – 1088 : un prêtre Étienne est fils de Dometus, prêtre et paramonaire (sacristain) de l’église Saint-Pierre ad Paternum (filio quondam domini Dometi qui est parammonerium memorate ecclesie). Premier des cinq membres d’une congrégation sacerdotale, le protolustre administre les biens fonciers pour une période de cinq ans, tandis que le paramonaire est le régisseur d’une église dont il prend soin des objets matériels. Voir Beck, Kirche und theologische Literatur, p. 105 ; Cilento, « La Chiesa di Napoli », p. 696. 557.  Martin, « Hellénisme politique », p. 72. 558.  Toutefois, pour Falkenhausen, « La Chiesa amalfitana », p. 83, Naples possèderait un clergé grec célébrant dans sa langue une liturgie propre. 559.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 36, p. 422. Voir également Gay, L’Italie méri­ dionale, p. 243. L’historien confirme le caractère purement légendaire de la possession de six des principales églises par le clergé grec. De même le mythe des deux cathédrales, l’une grecque, l’autre latine, ne paraît plus fondé. Voir Cilento, « La Chiesa di Napoli », p. 676. 560.  Savio, « Pietro subdiacono napoletano » ; Devos, « L’œuvre de Guarimpotus », p. 151-187 ; Id., « Deux œuvres méconnues », p. 336-353 ; Bertolini, « Atanasio [II] », p. 510-518 ; Cilento, « La cultura e gli inizi dello studio », p. 560-574 et 632-634 ; Dolbeau, « La vie latine de Saint

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Elle constitue sans doute l’aboutissement d’un mouvement commencé aux viie-viiie siècles par des traducteurs moins expérimentés qui ont effectué une traduction littérale de vies grecques de saints conservées à Naples, peut-être dans la bibliothèque épiscopale évoquée dans les Gesta561. Ils sont ensuite relayés par des traducteurs mieux formés aux lettres grecques, à l’initiative de la dynastie ducale philobyzantine, et appliquent la « doctrine hiéronymienne de traduction » à des textes jusqu’alors d’une langue et d’une fidélité aux textes originels assez approximatives562. Ce terreau culturel est propice à l’importation de saints orientaux à Naples et en constitue peut-être le prétexte563. Nous possédons un témoignage exceptionnel de l’introduction d’un sanctoral oriental avec le Calendrier de marbre. Il s’agit de deux grandes plaques de marbre, découvertes de manière inopinée en 1742 dans l’église Saint-Jean-Majeur, sur lesquelles a été gravé un synaxaire, présentant mois par mois les saints à célébrer. Il a été composé dans les années 840-870564. Incomplet et limité de ce fait à six mois, le Calendrier de marbre est de surcroît un ensemble disparate visant à compléter le calendrier des saints latins locaux en y intégrant des dates tirées d’un synaxaire ou d’un calendrier grec complet. La multiplicité des saints et la confusion qui a présidé à la réalisation du Calendrier de marbre laissent penser qu’il s’agit de l’œuvre d’un particulier à vocation plus décorative que liturgique565. Il est difficile d’y voir une preuve de l’influence grecque dans la liturgie de l’Église napolitaine ou de la vénération de saints orientaux par les Napolitains. La consécration des édifices religieux constitue un autre indice de l’influence religieuse. Naples semble ainsi justifier sa position de frontière politique, culturelle et religieuse entre le monde chrétien oriental et occidental. Aux ve-vie  siècles, l’Église napolitaine paraît ressentir davantage l’influence byzantine dans la dénomination de ses lieux de culte. La basilique majeure des Saints-Apôtres est fondée par l’évêque Soter (attesté en 465), peut-être en référence à la basilique homonyme qui accueille les dépouilles des empereurs et de leurs familles à Constantinople, ou plus simplement à

Euthyme », p. 315-335 ; Chiesa, « Ambiente e tradizione », p. 532-535 ; Vuolo, Una testimonianza agiografica napoletana, p. 35 ; Berschin, Medioevo greco-latino, p. 217-220 ; Dolbeau, « Le rôle des interprètes », p.  145-155 ; Chiesa, « Le traduzioni dal greco », p. 67-86 ; Cavallo, « La cultura greca », p. 278-282. Sur les hagiographes, voir Granier, Histoire, dévotion et culture, vol. II, p. 578-620. 561.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 63, p. 434, l. 37-38 : Dedit etiam in eiusdem episcopii bibliothecam tres Flabii Iosepi codices. 562.  Martin, « Hellénisme politique », p. 66 et 68-69. 563.  Ibid., p. 66. 564.  Les principales études sur le Calendrier de marbre sont dues à Achelis, Der Marmorkalender ; Delehaye, « Hagiographie napolitaine », p. 5-64 ; Mallardo, Il calendario marmoreo ; Ferrua, « Il calendario », p. 53-61, réimpr. Id., Scritti vari di epigrafia e antichità cristiane, p. 215-223. 565.  Ferrua, « Il calendario », p. 222.

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celle de Rome566. Une église consacrée à sainte Euphémie, titre de l’église du concile de Chalcédoine, est mentionnée sous l’évêque Victor (vers 492-496), alors qu’une église placée sous le même vocable est consacrée à Constantinople en 464567. L’influence orientale s’étend aux monastères : on trouve des établissements consacrés aux saints Pantaléon, Cyrice et Julitte, Serge et Bacchus. Toutefois, à partir du vie siècle, l’influence romaine devient plus manifeste. Sous l’évêque Jean II, on dédie une basilique à Laurent, saint surtout vénéré en Occident568. De fait, le sanctoral napolitain demeure peu ouvert aux saints grecs ou orientaux. Les saints faisant l’objet de la vénération la plus ancienne et la plus profonde restent Janvier, auquel sont progressivement associés ses compagnons de martyre, Sossius, Eutychès et Acutius, également Séverin. Les évêques de Naples, glorifiés dans les Gesta, sont aussi intégrés au sanctoral napolitain, en particulier les premiers, saints évêques auxquels s’ajoute Athanase Ier, membre de surcroît de la famille ducale mort en 872. Quelques saints orientaux, comme Christophe ou Georges, connaissent une certaine popularité à partir du xe siècle, surtout pour l’intercession en faveur des mourants, mais d’autres saints, pour lesquels on rencontre des dédicaces d’églises dans la documentation napolitaine, comme Euthyme ou Démétrius, suscitent une brève ferveur et ne comptent pas au nombre des saints les plus populaires à Naples569. Les rapports d’Amalfi avec l’empire byzantin inciteraient à des échanges culturels entre la cité tyrrhénienne et Constantinople. On sait que les Amalfitains ont fondé un monastère sur le Mont Athos et jouent un rôle important dans les traductions de textes hagiographiques du grec en latin570. La sainte la plus vénérée, en premier lieu à Minori, reste Trophimène, d’origine peut-être sicilienne571. Gaète vénère saint Érasme, dont les reliques sont transportées solennellement, au milieu du ixe siècle, de l’ancien siège épiscopal de Formies à Gaète, résidence ducale572. Dans l’ensemble, le sanctoral des duchés tyrrhéniens n’est guère différent de celui de leurs voisins lombards et certains cultes, comme celui de saint Michel par exemple, sont répandus dans toute la région au haut Moyen Âge573.

566.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 10, p. 408 ; voir Achelis, Die Bischofchronik,

p. 71.

Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 11, p. 408. Ibid., 16, p. 411. Granier, Histoire, dévotion et culture, vol. II, p. 653-655. Falkenhausen, « La Chiesa amalfitana », p. 85-96 et 99-104. Schwarz, Amalfi im frühen Mittelalter, p. 72-78 ; voir de manière plus générale Gordini, « Trofima », col. 665. 572.  CDC, vol. I, 4, p. 7, n. a ; voir Merores, Gaeta, p. 2 et 72, n. 4. 573.  Petrucci, « Origine e diffusione del culto di san Michele », p. 339-354 ; Martin, « Les Normands et le culte de saint Michel », p. 341-364 ; Campione, « Culto e santuari micaelici », p. 281-302. 567.  568.  569.  570.  571. 

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PREMIÈRE PARTIE  •  LES INSTITUTIONS RELIGIEUSES ET LEURS PARTICULARITÉS

La fin de l’hellénisme en Campanie Les duchés campaniens entretiennent longtemps des liens étroits avec l’empire byzantin. La culture grecque perdure à Naples avec l’école hagiographique et le main­ tien d’une tradition littéraire hellénisante jusqu’au xe  siècle. Cependant, les sources sont grecques, mais diffusées en latin. Naples semble ainsi vouloir perpétuer l’idéal d’un byzantinisme latin. Des individus originaires des duchés tyrrhéniens résident à Constantinople, comme un Jean Gaietanus, en 1064, qui y fait rédiger ses dernières volontés par un hiéromoine et cubiculaire de Sainte-Sophie574. Les intérêts commer­ ciaux des Amalfitains dans la capitale de l’empire byzantin expliquent la prospérité de la petite cité maritime575. L’hellénisme napolitain semble voué au déclin à mesure que l’influence romaine grandit dans l’évêché campanien, malgré la restauration byzantine en Italie méridionale. Les monastères grecs ne parviennent plus à recruter les moines nécessaires à leur fonctionnement et les monastères des Saints-Serge-et-Bacchus et de Saint-Sébastien sont contraints de fusionner576. Les actes notariés napolitains restent datés des années de règne des empereurs byzantins jusqu’au xiie siècle, alors que le duché est soustrait à l’empire dès le viiie siècle. La perpétuation de cette tradition de comput byzantin a peutêtre pour fonction de se distinguer des voisins lombards577. Cette pratique disparaît avec la prise de la ville par Roger II de Sicile, en 1139. Naples se tourne définitivement vers l’Occident et les monastères grecs subissent une « latinisation » par application de la règle bénédictine ou agrégation à d’autres monastères578.

III.  L’influence lombarde À partir du viie  siècle, la situation politique et religieuse de l’Italie méridionale se stabilise : les duchés tyrrhéniens sont désormais entourés de territoires lombards contrôlés par le duché de Bénévent. Celui-ci, devenu principauté en 774, se fragmente, avec la sécession de la principauté de Salerne, dans la seconde moitié du ixe siècle, puis celle de Capoue, au xe siècle. Comme dans toute situation de proximité, les relations sont marquées par la confrontation mais aussi l’échange. Les duchés maritimes se révèlent légèrement perméables au droit lombard : la morgengabe, élément dotal dont l’épouse conserve l’usufruit pour assurer sa sécurité financière en cas de veuvage, en 574.  CDC, vol. II, 219 – 1064. 575. Voir Balard, « Amalfi et Byzance », p. 85-95. 576.  Gay, L’Italie méridionale, p. 244. 577.  Falkenhausen, « Fonti italiane per il regno di Niceforo II Foca », p. 477. 578.  Cilento, « La Chiesa di Napoli », p. 662. Il est vrai que le monachisme grec y décline de-

puis longtemps.

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constitue l’exemple le plus marquant579. Des zones de confins connaissent en outre une forme de « cogestion » comme la Liburie, terre de contestation mais aussi de partage entre Lombards et Napolitains580. Duchés tyrrhéniens et pays lombards ne constituent pas des mondes fermés et l’on rencontre des anthroponymes à consonance lombarde dans les cités maritimes. Des influences réciproques existent également dans le domaine religieux, même si l’organisation ecclésiastique et le développement du monachisme demeurent marqués par des différences importantes. Le sanctoral, à la fois partagé et disputé, présente des caractères régionaux forts, et le système des églises privées, qui connaît un développement exceptionnel dans les territoires lombards d’Italie du Sud, se retrouve largement dans les duchés tyrrhéniens.

Une organisation ecclésiastique différente À la différence des duchés tyrrhéniens, en particulier de Naples, les principautés lombardes possèdent une organisation ecclésiastique rudimentaire, caractérisée par un réseau diocésain simplifié, un reclassement des centres ecclésiastiques traditionnels au profit des nouvelles capitales princières, un besoin d’évangélisation des campagnes se traduisant par la construction d’églises privées dans les campagnes581. La disparition des structures ecclésiastiques, conséquence des graves troubles du vie siècle, contribue à affaiblir considérablement et durablement le pouvoir de l’Église face à celui des princes lombards. Les premiers évêques attestés depuis la conquête lombarde apparaissent dans la seconde moitié du viie  siècle. Il s’agit de Barbatus, mort en 681, titulaire de l’évêché restauré de Bénévent, et de Decorosus, évêque de Capoue mort en 683582. Le rapprochement des Lombards avec l’Église romaine ne résout pas les problèmes d’encadrement pastoral dans les territoires sous leur domination. À l’inverse, les Gesta montrent à Naples un évêque à la tête d’une Église structurée au clergé nombreux. Il n’existe rien de tel en territoire lombard où l’on observe le pouvoir public tend à suppléer une Église défaillante583.

579. Voir Feller, Les Abruzzes médiévales, p. 467-472 ; Id., « “Morgengabe”, dot, tertia », p.  15-16 et 21-22 ; Martin, « Le droit lombard », p. 97-121 ; Id., « Pratiques successorales », p. 193-194 et 200-203. Par exemple, un acte de Sorrente évoque le falcidium qui, dans les duchés tyrrhéniens au haut Moyen Âge, désigne des biens qui échoient automatiquement à l’épouse (RNAM, vol. I, 30 – 938). Au xie siècle, dans les actes napolitains, le falcidium est désigné du nom de quarta ou quartula. 580.  Martin, Guerre, accords et frontières, p. 101-138. 581.  Vitolo, « Vescovi e diocesi », p. 92-121 pour les processus concomitants de christianisation des campagnes et de privatisation des églises rurales ; Taviani-Carozzi, La principauté lombarde, vol. I, p. 614-647 ; Palmieri, « Duchi, principi e vescovi », p. 43-99. 582.  Martin, « À propos de la Vita de Barbatus », p. 137-164 ; Taviani-Carozzi, La princi­ pauté lombarde, vol. I, p. 159-168. 583.  Martin, « L’ambiente longobardo », p. 211-212.

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On constate pourtant un parallélisme politique entre les duchés tyrrhéniens et les États lombards de l’Italie méridionale. Comme dans tout l’Occident avant la réforme du xie  siècle, il existe une très grande proximité des familles régnantes avec le trône épiscopal, voire une mainmise des autorités civiles sur l’épiscopat. À Naples, plusieurs évêques sont issus de la dynastie ducale. Il s’agit tout d’abord d’Étienne II, duc de Naples en 755 puis évêque de la cité de 766 à 794584. Avec la dynastie établie par le duc Serge Ier (840-864), les liens entre pouvoir ducal et pouvoir épiscopal se renforcent considérablement. Serge  Ier place son fils Athanase (Ier) sur le trône épiscopal à l’âge de 18 ans environ, en 850585. Son neveu, Athanase II, fils du duc Grégoire III, dépose en 878 son frère, le duc Serge II, et devient duc-évêque de Naples, jusqu’à sa mort en 898586 ; c’est ensuite au tour de son frère, Étienne  III, de devenir évêque de Sorrente puis de Naples en 903587. À Gaète, le plus jeune fils du duc Marin II est évêque de la cité sous le nom de Bernard Ier (997-1047)588. À Capoue, on retrouve également un comte-évêque, Landolf Ier (843-879)589. À Amalfi, aux xe-xie  siècles, les archevêques sont issus des grandes familles patri­ ciennes de la cité590. Malgré la proximité de l’Église avec le pouvoir civil, les évêques des duchés tyrrhéniens comme des principautés lombardes interviennent peu dans le domaine politique, à la différence de leurs confrères d’Italie du Nord. Nulle part ne se mettent en place des seigneuries épiscopales et le cas d’un duc-évêque comme Athanase II demeure exceptionnel591.

Un monachisme favorisé par le pouvoir civil La faiblesse des structures ecclésiastiques en territoire lombard favorise le déve­ lop­pement de grands établissements monastiques. Le Mont-Cassin se trouve sous domination des Lombards, même s’il échappe tôt à leur contrôle exclusif grâce à la protection franque puis, après sa restauration au milieu du xe siècle, par sa constitution

584.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 42, p. 425-426 ; Schipa, « Il ducato di Napoli », ASPN, 17, p. 381. 585.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 63, p. 433 ; Schipa, « Il ducato di Napoli », ASPN, 17, p. 625-626. 586.  MND, I, 95 ; Schipa, « Il ducato di Napoli », ASPN, 17, p. 629 et 805-806. 587.  Ibid., p. 628 et n. 1. 588.  Merores, Gaeta, p. 30. 589.  Falkenhausen, « I Longobardi meridionali », p. 265-267 ; Spinelli, « Il papato », p. 23-25. 590.  Del Treppo et Leone, Amalfi medioevale, p. 153. 591.  Martin, « L’ambiente longobardo », p. 219.

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en seigneurie monastique de grande ampleur592. L’un des établissements les plus célèbres d’Italie méridionale, le monastère Saint-Vincent-au-Volturne, est fondé au tout début du viiie siècle, sur le territoire de Bénévent, avec l’accord du duc, par trois aristocrates lombards, Taton, Tason et Paldon, formés à l’abbaye de Farfa en Sabine593. Arichis II, prince de Bénévent, confie en 774 à sa sœur le nouveau monastère SainteSophie à Bénévent594. La fondation de l’abbaye de Cava par Alferius Pappacarbone, au début du xie  siècle, obéit à la même logique, l’établissement, de spiritualité clunisienne, bénéficie dès l’origine de la protection et de l’attention des princes de Salerne et se trouve doté de monastères et d’églises595. Il n’existe pas d’équivalent dans les duchés maritimes : le monachisme, plus développé et plus ancien, ne se concentre pas sur un seul établissement favorisé par le pouvoir politique, même à Gaète, de tradition plus récente. On observe cependant un phénomène de donations pieuses de la part des Lombards voisins – princes et particuliers – en faveur d’institutions religieuses napolitaines. Par exemple, les Gesta mentionnent, dans la notice de l’évêque Étienne II, la bienfaisance d’un prince lombard envers l’église Saint-Janvier, située sur le territoire de Pouzzoles, possession du duché de Naples : « sous ce même évêque, Arichis II, prince de Bénévent, entre autres choses, offrit par décret un lieu à l’église Saint-Janvier, nommé Planuria, avec tous ses biens et il fit recouvrir d’une nappe très précieuse l’autel de cette même église »596. Certains monastères, situés dans les zones de confins, comme le monastère

592.  Id., « Les seigneuries monastiques », p. 179-180. 593.  Del  Treppo, « Longobardi, Franchi e papato », p. 37-59 ; Id., « La vita economica e so-

ciale », p. 31-110 ; Wickham, « The terra of San Vincenzo al Volturno », p. 227-258 ; Bougard, « San Vincenzo », p. 551-558. 594.  Chronica monasterii Casinensis, vol. I/9, p. 37, l. 1-12 : De isto Arichis, ita refert domnus Herchempertus, in historia quam de Langobardorum gente post Paulum diaconum composuit. Hic Arichis, primus Beneuenti principem se appellari iussit, cum usque ad istum, qui Beneuento prefuerant duces appellarentur. Nam et ab episcopis ungi se fecit, et coronam sibi imposuit, atque in suis cartis, scriptum in sacratissimo nostro palatio, in finem scribi precepit. Hic intra menia Beneuenti templum Domino opulentissimum ac decentissimum condidit, quod Greco uocabulo ΑΓΗΑΝ ΣΩΦΗΑΝ, idest sanctam sapientiam nominauit. Ditatumque amplissimis prediis, et uariis opibus, ac sanctimonialium cenobium statuens, germanamque suam ibidem abbatissam efficiens, cum omnibus omnino pertinentiis et possessionibus eius, id sub iure beati Benedicti in monte Casino tradidit in perpetuum permansurum. Voir aussi Chronicon Sanctae Sophiae, éd. Martin et Orofino, vol. I, p. 46. 595.  Martin, « Les seigneuries monastiques », p. 182 ; Taviani-Carozzi, La principauté lombarde, vol. II, p. 1042-1065. 596.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 44, p. 426, l. 34-36 : Sub eodem quoque antistite Arechis Beneuentanus princeps inter multa alia optulit in ecclesia sancti Ianuarii per praecepti seriem locum qui Planuria nominatur cum omnibus rebus et super altare ipsiuss ecclesiae pretiosissimum cooperuit mantum.

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Sainte-Marie, dit Spelunca, sur le Vésuve, reçoivent une grande partie de leurs dons de fidèles lombards, en particulier des princes voisins de Salerne597.

Un sanctoral partagé ou disputé Convertis au christianisme chalcédonien à partir du viie siècle, les Lombards vénèrent un certain nombre de saints faisant l’objet d’un culte à Naples et dans les cités voisines ; saint Janvier est sans conteste le saint le plus célèbre. Les reliques du saint martyr de Bénévent connaissent des péripéties qui montrent à la fois les convergences religieuses mais aussi les rivalités qui perdurent longtemps après la conquête lombarde. Conservées à Naples, dans la basilique cémétériale Saint-Janvier hors les murs, ces reliques font l’objet d’un culte attesté au moins depuis le ve  siècle. En 831, le prince de Bénévent Sicon s’empare des reliques lors du siège de Naples et les dépose dans sa capitale598. Les reliques des frères martyrs Jason et Maur, conservées jusque-là dans l’oratoire ru­ pestre dit de Saint-Blaise dans la zone cémétériale de Castellammare di Stabia, ont sans doute connu un sort équivalent à la même époque599. Chaque territoire tend néanmoins à développer un sanctoral « identitaire », en vénérant les saints évêques de la cité, lorsque c’est possible, comme à Naples600, ou en fondant une basilique sur le modèle constantinopolitain, comme Sainte-Sophie à Bénévent où l’on rassemble les reliques de saints de diverses régions de la principauté. Il n’existe pas de grands centres de pèlerinage comparables à Saint-Michel sur le Gargano601, mais la translation des reliques de saint Matthieu à Salerne, en 954, tend à faire de la cité un foyer de pèlerinage sur le littoral tyrrhénien. À l’exception saint Séverin, répandu dans toutes les régions lombardes, les saints de Naples et des zones littorales y rencontrent un succès très limité. Ce sont surtout

597.  RNAM, vol. I, 2, 180 – 979 : le prince de Capoue-Salerne Paldolf Ier « Tête de fer » accorde

au monastère Sainte-Marie de illa Spelunca des immunités dans sa principauté. 598.  Si la guerre entre le prince Sicon et Naples est rapportée par Erchempert, Histoire des Lombards de Bénévent, 10, éd. Waitz, p. 238-239, ce dernier ne fait en revanche aucune allusion au vol des reliques de saint Janvier, événement rapporté notamment par le Chronicon Salernitanum de Radoald de Salerne. Voir Schipa, « Il ducato di Napoli », ASPN, 17, p. 405-411 ; et surtout Granier, Histoire, dévotion et culture, vol. III, p. 862-875. 599.  La déposition des reliques des saints Jason et Maur, vers 630-650, a entraîné une monumentalisation de cet oratoire aménagé sans doute au siècle précédent. La translation des restes des deux martyrs est attestée par leur mention parmi les reliques rassemblées sous l’autel de l’église Sainte-Sophie de Bénévent. Voir Ferraro, « Un insediamento benedettino », p. 67-84 ; Bertelli, « La grotta di S. Biagio », p. 60-64 ; Pagano, « La rinascita di Stabiae », p. 204-207. 600.  Voir p. 432 et suivantes. 601.  Otranto et Carletti, Il santuario di S. Michele archangelo ; Eid., Culto e insediamenti micaelici.

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les « traductions » napolitaines de vies de saints orientaux qui connaissent une large diffusion chez les Lombards602.

Le système des églises privées : une influence lombarde ? Le système des églises privées se développe dans toute l’Italie méridionale latine, voire dans l’Italie restée sous influence byzantine. Il constitue un trait marquant de l’organisation ecclésiastique du haut Moyen Âge dans une région caractérisée par la diminution importante du nombre d’évêchés, hormis dans les duchés tyrrhéniens, un abaissement concomitant de l’autorité épiscopale et, par contrecoup, un essor des églises privées traduisant la mainmise des autorités laïques sur les structures ecclésiastiques. L’influence lombarde sur ce développement original constitue une question fondamentale puisque le système des églises privées se retrouve surtout en pays lombard et les sources du droit qui le régit paraissent très inspirées par l’organisation juridique des Lombards603. La désorganisation des institutions ecclésiastiques au viie siècle favorise l’émergence de structures susceptibles de compenser la disparition du réseau pastoral antique. En Italie du Nord, avant les Lombards, s’est développé le système des plebes, c’est-à-dire des églises baptismales rurales. Celles-ci forment un maillage assez dense du territoire et semblent avoir résisté à la déstructuration de l’organisation paléochrétienne tout en conservant le monopole des sacrements comme le baptême, malgré le développement des églises privées604. En revanche, la présence de plebes semble plus incertaine en Italie méridionale : quelques-unes y sont certes mentionnées au ixe siècle, mais le terme plebs désigne une église privée qui dépendrait, du moins en théorie, de l’évêque605. Le développement des églises privées est marquant à partir du viiie  siècle dans l’Italie méridionale dominée par la puissance lombarde. Les églises privées remplacent le système des plebes existant dans le Nord et assument la plupart des fonctions qui leur sont dévolues. Dans un premier temps, les églises privées semblent s’être installées sans contrôle, bénéficiant du vide religieux causé par les invasions dans les campagnes. Les seigneurs lombards montrent l’exemple en soustrayant leurs églises au pouvoir de l’évêque. Les ducs lombards sont les plus grands propriétaires d’églises et, usant de leur puissance face à des évêques souvent faibles, ils octroient à partir du viiie siècle

602.  Granier, « Les échanges culturels », p. 94. 603. Voir Feine, «  Studien zum langobardisch-italischen Eigenkirchenrecht, II », p. 1-105.

Cet article de fond demeure la référence pour le système des églises privées en Italie sous domination lombarde. Voir aussi Ruggiero, « Per una storia della pieve rurale », p. 583-626 ; Fonseca, « Particolarismo istituzionale », p.  1163-1200. 604.  Golinelli, « Strutture organizzative », p. 163. 605.  Martin, « L’ambiente longobardo », p. 222.

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des chartes de liberté à des laïcs, chartes qui permettent d’affranchir en partie leurs églises de la juridiction de l’évêque et de les placer sous l’autorité ducale606. Par la suite, les évêques avalisent le système, mais s’emparent du monopole des chartes de liberté qu’ils sont désormais les seuls à pouvoir délivrer, solution de compromis canonicojuridique fragile entre les revendications épiscopales, du moins sur le plan sacramentel et liturgique, et le droit de propriété de puissants particuliers, laïques ou ecclésiastiques607. Le pape Eugène II (824-827) approuve même l’institution des églises privées par le canon 21 du concile romain de 826 réunissant un peu plus d’une soixantaine d’évêques italiens, sans représentant des évêchés tyrrhéniens : le concile reconnaît au proprié­ taire le droit de nommer le chapelain, ce dernier restant néanmoins sous l’autorité de l’évêque608. L’institutionnalisation des églises privées, mouvement sans précédent de privatisation de l’Église, répond également aux besoins d’encadrement pastoral d’une population de fidèles dispersés dans les zones rurales pour suppléer les structures ecclésiales longtemps défaillantes609. Les propriétaires privés tirent nombre d’avantages de l’édification d’une église. Elle satisfait d’abord des nécessités religieuses, pallie l’absence d’un réseau suffisant d’églises et manifeste leur piété. En second lieu, elle confirme l’indépendance des seigneurs lombards et des sujets fréquentant leurs églises vis-à-vis de l’autorité épiscopale. Enfin, l’édification et la propriété d’une église privée sont assorties du bénéfice des revenus de l’église ainsi que du droit de nommer le desservant, de conférer les sacrements, de transmettre l’édifice et son terrain à ses héritiers610. La présence d’églises privées dans les duchés tyrrhéniens semble montrer leur per­méa­ bilité aux influences extérieures, en particulier lombardes. À Naples, elles attestent,

606.  Id., « Les Églises latines », p. 817. 607.  Dans le contexte du diocèse de Salerne, voir Ruggiero, « Per una storia della pieve rurale »,

p. 593-606 ; de manière plus générale, Fonseca, « Particolarismo istituzionale », p. 1170-1176. 608.  Martin, « L’ambiente longobardo », p. 223. Les déclarations du pape, les réponses collectives des évêques avec la liste de présence recensant 62 évêques, 17 prêtres et 6 diacres, enfin le texte des 38 canons du concile romain de 826 sont publiés dans Concilia Aevi Karolini, éd. Werminghoff, vol. II/2, p. 554-558 et 560-583. Pour le canon  21 intitulé De monasterio uel oratorio, quod a proprio domino soli aedificatum est, voir ibid., p. 576 : Monasterium uel oratorium canonicae constructum a dominio constructoris inuito non auferatur, liceatque illi id presbytero, cui uoluerit, pro sacro officio illius dioceseos et bonae auctoritatis dimissoriae cum consensu episcopi, ne malus existat, commendare, ita ut ad placita et iustam reuerentiam ipsius episcopi oboedienter sacerdos recurrat. À compléter par Fonseca, « Particolarismo istituzionale », p. 1166-1167 ; commentaire également nuancé de Noble, « The place in papal history of the Roman synod of 826 », p. 444-445. 609.  Ruggiero, «  Per una storia della pieve rurale  », p. 588, 592 et 607 ; Fonseca, « Particolarismo istituzionale », p. 1180-1181. 610.  Golinelli, « Strutture organizzative », p. 165.

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à côté d’une organisation ecclésiastique aux caractéristiques essentiellement paléo­chré­ tiennes, l’existence d’éléments novateurs. Toutefois, avant même le développement des églises privées dans les territoires lombards, Grégoire le Grand mentionne l’existence de structures similaires à Naples, sous la forme d’oratoires construits dans la résidence ou sur le domaine de particuliers. Il s’agit, par exemple, d’un oratoire dédié à l’apôtre Pierre et à l’archange Michel, édifié dans la maison d’un notable611. Toutefois, des différences fondamentales existent entre ces oratoires du vie siècle et les églises privées qui prospèrent en Italie méridionale au haut Moyen Âge. Si le contrôle épiscopal sur ces oratoires semble déjà ténu, leur construction apparaît surtout destinée aux besoins sacramentels des moines et non des personnes privées. Les Gesta demeurent silencieux sur les églises privées, car leur objet est de montrer les réalisations des évêques de Naples, non les domaines qui échappent à leur contrôle. En revanche, les actes notariés napolitains, gaétans ou amalfitains recèlent un nombre élevé d’allusions à des églises privées, preuve de l’ampleur du phénomène. Les chartes de liberté sont, bien entendu, absentes de ces documents qui ne proviennent pas des fonds d’archives des cathédrales. Nous trouvons plus d’une centaine de mentions d’églises privées dans les documents napolitains, une trentaine à Gaète et une vingtaine à Amalfi. Quelques traits majeurs ressortent. En premier lieu, les églises privées dans les duchés tyrrhéniens constituent un phénomène urbain et non rural, comme dans les régions lombardes. Il est difficile de savoir si la propriété d’une église privée manifeste l’implantation d’une famille dans un quartier à travers la mainmise sur ses éléments sacrés. On peut penser qu’il s’agit plutôt d’une forme de condominium qui traduit l’appartenance à une élite, qu’elle soit urbaine, comme à Naples, ou rurale612. Comme en pays lombard, les églises privées sont souvent divisées entre leurs pro­ prié­taires ou leurs héritiers. L’église privée est un bien semblable à un bâtiment ou à une terre qu’on peut transmettre, vendre ou concéder en parts613. De nombreux documents attestent la copropriété d’une église privée : l’un d’eux, daté de 957, n’indique pas moins de quinze propriétaires pour l’église Saint-Jean-l’Évangéliste614.

611.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, V, 50 – 6 juin 595. Voir partie 1, chapitre 1, n. 249-253 et le commentaire dans le texte de la page correspondante. 612.  Pour le parallèle fourni dès le viiie siècle par la Garfagnana, c’est-à-dire la zone de moyenne montagne située au nord-ouest de la Toscane près de Lucques, voir Wickham, The mountains and the city, p. 40-48. 613.  RNAM, vol. I/2, 56 – 951. Un prêtre donne sa part de l’église Sainte-Euphémie au monastère des Saints-Serge-et-Bacchus ; RNAM, vol. I/2, 90 – 960. Il est fait mention de la part d’une laïque sur l’église Saint-Pierre ad Paternum. 614.  RNAM, vol. I/2, 77 – 957. Ils se désignent comme copropriétaires et seigneurs de l’église (consortes seu dominiis ecclesie uocabulo santi Iohanni eubangelista sita uero in uico qui uocatur Trea Fata qui et Carrarium dicitur regione porta sancti Ianuarii).

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PREMIÈRE PARTIE  •  LES INSTITUTIONS RELIGIEUSES ET LEURS PARTICULARITÉS

Les copropriétaires sont fréquemment les membres d’une même famille615, car la mul­ ti­pli­ci­té des propriétaires et leurs liens familiaux permet de mieux assumer la charge financière et gestionnaire d’une église privée nécessitant une fortune suffisante. Comme la copropriété est le résultat de partages successoraux, la propriété des églises privées ne semble pas obéir à une stricte séparation entre propriétaires laïques et ecclésiastiques. On retrouve souvent, parmi les multiples propriétaires d’une église, des laïcs, des prêtres et des moines616. Un témoignage du transfert d’une propriété laïque à une propriété ecclésiastique est fourni par l’église Sainte-Euphémie à Naples. Celle-ci appartient en 920 à une laïque et à sa fille moniale qui chargent l’higou­ mène des Saints-Serge-et-Bacchus d’en désigner le desservant à leur mort ; en 970, l’église appartient au monastère617. Une église privée peut également être détenue en copropriété par un laïc et un monastère618. Si les documents ne font pas allusion à une église privée partagée entre deux monastères, les mentions d’églises privées détenues par un monastère sont les plus nombreuses. À Naples, du fait de la documentation conservée, ces églises privées appartiennent surtout aux monastères des Saints-Sergeet-Bacchus et des Saints-Théodore-et-Sébastien, mais on connaît aussi le cas de l’église Saint-Renatus, propriété du monastère féminin des Saints-Marcellin-et-Pierre ou celui de l’église Sainte-Marie ad Mascatura, donnée au monastère des Saints-Séverin-etSossius619. Les mentions de propriétés monastiques d’églises privées se retrouvent à Gaète et Amalfi620.

615.  E.g. ibid. : les propriétaires sont apparentés ; RNAM, vol. I/1, 6 – 920 : une mère et sa fille ; RNAM, vol. I/2, 183 – 980 : des cousins. 616.  RNAM, vol. I/1, 6 – 920 : les propriétaires de l’église Sainte-Euphémie sont une laïque et sa fille moniale ; RNAM, vol. I/2, 56 – 951 : un prêtre possède une part de l’église Sainte-Julienne ; RNAM, vol. I/2, 77 – 957 : un moine est copropriétaire de l’église Saint-Jean-l’Évangéliste avec d’autres membres de sa famille. 617.  RNAM, vol. I/1, 6 – 920 ; RNAM, vol. I/2, 143 – 970. On ignore comment le monastère est devenu propriétaire de l’église, mais le fait de charger son higoumène d’en nommer le desservant en 920 constitue une propriété de facto du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus sur l’église. 618.  RNAM, vol. I/2, 56 – 951 ; RNAM, vol. I/2, 148 – 971. Le prêtre donne, en 951, la totalité de sa part de l’église Sainte-Julienne au monastère des Saints-Serge-et-Bacchus qui se retrouve donc ensuite propriétaire d’une moitié de l’église. On ne connaît pas les autres copropriétaires. En 1016, le monastère n’est toujours propriétaire que de la moitié de l’église (RNAM, vol. IV, 293). 619.  Pour l’église Saint-Renatus, voir RNAM, vol. II, 197 – 983 ; pour l’église Sainte-Marie ad Mascatura, voir RNAM, vol. V, 350 – 1108. La particularité de ces deux églises est qu’elles sont en ruine, mais la donatrice de l’église Sainte-Marie précise que le monastère pourra faire reconstruire l’église s’il le désire. 620.  Par exemple, à Gaète, le praefecturius Léon donne l’église de l’Archange-Saint-Michel au monastère Saint-Théodore (CDC, vol. I, 33 – 930). À Amalfi, le moine Serge offre le quart de l’église Sainte-Lucie de Minori au monastère Saint-Cyrice d’Atrani (CP, 28 – 993).

CHAPITRE 2  • LES  INFLUENCES

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L’ampleur des transferts de propriété des églises privées vers les monastères se manifeste dans l’ensemble des duchés tyrrhéniens aux xe-xie  siècles. Ce phénomène singulier d’appropriation d’églises privées par des monastères semble s’apparenter à une réintégration des églises au domaine religieux, à défaut d’être épiscopal. Si l’aliénation de droits ecclésiastiques à des propriétaires privés perdure, le monopole des chartes de liberté par les évêques modifie le système des églises privées. Par l’exercice de ce monopole, l’évêque parvient à contrôler l’institution. D’abord limitée, cette prérogative lui permet d’assortir l’octroi d’une charte de liberté de conditions restrictives : il est rare que l’évêque renonce à son droit de regard sur l’église et la nomination de son desservant et, par la suite, les clauses se font encore plus contraignantes621. À Nola, en 1105, l’évêque Guillaume lui-même concède une église au monastère napolitain des SaintsSéverin-et-Sossius622. De même, des documents napolitains détaillent des clauses particulières de transmission d’une église privée à un monastère, conditionnant par exemple la concession d’une part de sa propriété à la reconstruction de l’église623. Le phénomène est identique dans les duchés de Gaète et Amalfi. Sous tutelle épisco­pale et contrôle monastique, le système des églises privées se maintient pendant plusieurs siècles, notamment à Naples où le monastère des Saints-Serge-et-Bacchus confie l’église Saint-Euthyme à un prêtre dans les années 1093-1095, et l’église Saint-Pierre ad Calistum à deux prêtres en 1136624. Gaète offre des cas similaires. L’arrivée et l’installation des Normands en Italie méridionale altèrent la situation des églises privées. Les nouveaux seigneurs prennent possession du patrimoine de leurs prédécesseurs lombards et, en particulier, de leurs nombreuses églises privées qu’ils concèdent à des monastères suivant un mouvement depuis longtemps engagé dans les duchés tyrrhéniens. Ces églises changent en fait de statut juridique car elles ne sont plus considérées comme privées mais comme seigneuriales et donc, en ce sens, publiques625. Jusqu’au début du xiie siècle, le statut des églises privées n’est pas remis en cause, les papes Nicolas II et Grégoire VII confirmant le caractère laïque de l’institution626. Au moment de la réforme dite grégorienne, les autorités diocésaines cherchent à reprendre le contrôle des églises privées en pays lombard, alors que la transmission aux xe-xie siècles de nombreuses églises privées à des monastères urbains apparaît comme

621.  Martin, « L’ambiente longobardo », p. 223. 622.  RNAM, vol. V, 520 – 1105. Cette concession est renouvelée en 1123, signe que l’évêque garde

de fait le contrôle sur l’église (RNAM, vol. VI, 586). 623.  Feine, « Studien », p. 45-50. 624.  Ibid., p. 47 et 50. 625.  Martin, « L’ambiente longobardo », p. 225. 626.  Ibid.

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PREMIÈRE PARTIE  •  LES INSTITUTIONS RELIGIEUSES ET LEURS PARTICULARITÉS

une originalité de l’histoire religieuse des duchés tyrrhéniens627. L’évolution est lente et les évêques récupèrent peu à peu leurs prérogatives perdues. Au xie  siècle, par le biais des chartes de liberté, les évêques se réservent déjà le droit d’ordination, voire de consécration de l’église628. Il faut attendre les papes Alexandre  III et Urbain  III, dans la seconde moitié du xiie  siècle, pour que l’esprit de la réforme inspire l’Église en Italie méridionale. L’octroi de chartes de liberté est progressivement rejeté par la papauté qui défend le principe de sujétion de toutes les églises à l’autorité épiscopale en développant le ius patronatus629. Les églises privées ont néanmoins joué un rôle fondamental dans l’édification d’un dense réseau d’églises en Italie méridionale, y compris sur le territoire napolitain, un réseau que l’Église n’a pu reconstituer à partir du viiie  siècle, mais qu’elle est ensuite parvenue à récupérer, disposant alors d’un énorme patrimoine au début du xiiie siècle. Il reste difficile de déterminer avec précision l’influence que les Lombards ont exercée sur le développement des églises privées dans les duchés tyrrhéniens. Ce phénomène transcende les différences de régime politique, mais la très grande diffusion des églises privées en territoire lombard a assurément eu un impact sur leur fonctionnement et leur insertion dans un paysage religieux pourtant distinct.

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Rome, métropole des sièges campaniens et centre du pouvoir pontifical, exerce une influence religieuse majeure sur les évêchés latins d’Italie méridionale, malgré les interventions des autorités civiles dans la désignation des membres de l’épiscopat. Après la métropolisation des grands sièges de cette région, le pape continue, de manière directe ou indirecte, à jouer un rôle central. Les institutions ecclésiastiques napolitaines veulent se calquer sur l’organisation romaine et l’Église latine des duchés tyrrhéniens puise sa force dans le rayonnement du Saint-Siège, même si Rome ne traverse pas une période faste. Les liens qui unissent Rome à Naples se resserrent au cours des viiie-ixe siècles et culminent, vers 969, avec l’accession de la cité au rang de métropole, tandis que la latinisation des vestiges grecs de l’Église napolitaine est accomplie par les

627.  Feine, « Studien », p. 44. 628.  Ibid., p. 55. Les chartes de liberté peuvent prendre la forme de conuenientia, l’évêque accorde la

disposition privée de l’église contre une somme d’argent, voir Martin, « Les Églises latines », p. 817. 629.  Feine, « Studien », p. 55 ; Landau, Jus Patronatus, p. 145-155 à propos du contrôle, exercé par l’épiscopat, sur la collation du bénéfice aux desservants proposés par le « patron » en vertu de son droit de présentation.

CHAPITRE 2  • LES  INFLUENCES

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évêques et le pouvoir politique. Latins de langue et de culture, les habitants du littoral campanien, par leurs pratiques religieuses, sont naturellement tournés vers Rome plutôt que Constantinople. Pourtant, à la même époque, s’épanouit l’hellénisme culturel à Naples. Inclus dans le commonwealth byzantin, malgré leur indépendance de fait vis-à-vis de Constantinople à partir du ixe siècle, les duchés tyrrhéniens subissent une influence de l’Orient hellénisé. Elle est davantage marquée à Naples, qui cultive une tradition grecque dans laquelle les élites du haut Moyen Âge trouvent un moyen de distinction sociale et culturelle supplémentaire. L’école hagiographique napolitaine bénéficie de ce terreau favorable. La cité est l’une des seules, hormis Rome et Salerne, où l’existence de monastères grecs est attestée dans l’Italie méridionale latine. Leur origine et leur évolution restent difficiles à tracer du fait des lacunes documentaires. Leurs communautés accueillent cependant des moines grecs à différentes époques, fuyant l’iconoclasme au viiie siècle ou amenés par l’expansion byzantine en Italie méridionale à la fin du xe siècle. Dans la liturgie ou certaines fonctions ecclésiastiques, l’influence grecque existe, mais reste sujette à caution. Le sanctoral napolitain, le mieux connu, reste assez imper­ méable au culte des saints orientaux. Le fameux Calendrier de marbre apparaît surtout comme un trait supplémentaire de l’hellénisme culturel et aristocratique. En revanche, les diaconies, attestées à Gaète et surtout Naples, prouvent une influence orientale. Leur développement est cependant lié à Rome où la transformation des diaconies en églises, à partir du xe siècle, se retrouve à Naples. Le passage de la Campanie intérieure aux mains de forces hostiles, à la fin du vie siècle, détermine l’histoire des duchés tyrrhéniens. Deux mondes se côtoient désormais avec un mode de fonctionnement politique, social, culturel et religieux différent. Alors que les duchés tyrrhéniens, en particulier Naples, conservent leurs structures ecclésiastiques, les États lombards reconstituent un réseau déstructuré et morcelé. À un monachisme urbain, pourvu de nombreux établissements, répondent de grands monastères ruraux placés sous la protection de souverains et d’aristocrates lombards. Mais la séparation n’est pas étanche ni l’influence univoque. Des échanges se manifestent dans le culte rendu à des saints devenus communs. Phénomène majeur en pays lombard, le système des églises privées traverse les frontières pour s’épanouir dans les duchés maritimes. On observe cependant une adaptation aux spécificités religieuses des cités littorales avec un mouvement précoce, encouragé par Rome, de prise de contrôle des églises privées par les établissements monastiques. L’unité religieuse des Églises de la région, qu’elles soient lombardes ou tyrrhéniennes, résulte surtout de leur commune soumission à Rome.

Chapitre 3 LE TEMPOREL DES ÉGLISES ET DES MONASTÈRES La propriété foncière joue un rôle essentiel dans la puissance ecclésiastique ou monastique en permettant aux Églises et aux monastères de vivre, ou de survivre, mais aussi d’asseoir sur des bases solides leur indépendance. L’évolution agraire de cette période se traduit par une transformation de la structure foncière héritée de l’Empire romain. Entre le vie et le xiie siècle, les Églises campaniennes forment un cadre original pour étudier les transformations à l’œuvre dans les patrimoines ecclésiastiques. Comment expliquer la rétraction du patrimoine romain, constitué durant l’Antiquité, alors que les cités côtières échappent aux confiscations lombardes ? Peut-on évaluer l’importance et les transformations des patrimoines épiscopaux, en particulier celui de Naples  ? Est-il possible de dresser un bilan des patrimoines monastiques du haut Moyen Âge  ? Quelle place occupent les hommes dans la mise en valeur de ces patrimoines ? Si la conquête lombarde contribue à la disparition d’une grande partie du patrimoine romain et des propriétés ecclésiastiques en Italie du Sud, le pape conserve autour des cités littorales des fragments de ses immenses possessions, qui constituent un facteur de domination et un lien fort avec les évêques de la région. Toutefois, force est de constater que les propriétés du pape tendent à disparaître. Les patrimoines des églises publiques sont plus difficiles à cerner car, limités par leur cadre géopolitique, ils se confondent parfois avec les domaines publics, tandis que se multiplient les églises privées. Les patri­ moines monastiques sont en revanche bien documentés pour les duchés tyrrhéniens et leur comparaison avec ceux de grands établissements de la région, comme le MontCassin et Saint-Laurent d’Aversa, révèle, en creux, le caractère plus restreint et moins dynamique de leur temporel. Éléments essentiels, les hommes participent à la mise en valeur de ces patrimoines au service d’institutions religieuses qui les administrent selon des règles de gestion communes aux autres propriétaires. Le statut des hommes et de la terre des patrimoines ecclésiastiques et monastiques suit l’évolution générale que connaissent, dans la région, les structures sociales et agraires.

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I.  La disparition du patrimoine de l’Église romaine Il n’entre pas dans le cadre de cette étude de dresser le bilan ni de suivre l’évolution des patrimoines pontificaux en Italie, travaux déjà réalisés630. La correspondance de Grégoire le Grand permet cependant de mesurer l’attention que le pape porte au patrimoine de l’Église romaine en Campanie et de donner les grandes caractéristiques de ces possessions. Le phénomène majeur, au haut Moyen Âge, concerne la disparition progressive mais irrémédiable du patrimoine de l’Église romaine dans la région.

Un patrimoine menacé Il existe quinze patrimoines romains en Italie lors de l’accession de Grégoire le Grand au trône pontifical, en 590631. L’importance des possessions campaniennes ap­ pa­raît dans la correspondance du pape : sur les 95 lettres recensées pour la Campanie, près d’une vingtaine traitent de questions foncières, huit du patrimoine romain. C’est beaucoup par rapport au reste de l’Italie péninsulaire, fort peu comparé à la Sicile. Une délimitation précise de ce patrimoine se révèle par conséquent impossible. Au sud immédiat de Rome se trouve le patrimoine « appien », qui rassemble les propriétés sises autour de la uia Appia jusqu’à la région de Terracine632. Les propriétés romaines du patrimoine de Campanie semblent commencer au sud de Terracine, d’après une lettre de Grégoire le Grand relative à la restitution au monastère SaintMarc de Spolète d’un domaine, la massa Veneris, situé sur le territoire de Minturnes633. Pour cette opération, le pape s’adresse en effet au recteur du patrimoine de Campanie.

630.  Grisar, « Ein Rundgang », p. 321-361 ; Id., « Verwaltung und Haushalt der päpstlichen Patrimonien », p. 526-563 ; Moresco, Il patrimonio di San Pietro ; Spearing, The patrimony of the Roman Church ; Partner, The lands of St. Peter ; Marazzi, I « Patrimonia Sanctae Romanae Ecclesiae ». 631.  Richards, Consul of God, p. 127. Riché, « Le christianisme en Occident », p. 608-682, ici p. 625, où l’auteur évalue à 500 000 ha, soit 5000 km2, l’ensemble des propriétés de l’Église romaine en Italie, ce qui est relativement modeste. Voir aussi la synthèse, davantage axée sur les ive-ve siècles, de Marazzi, « I patrimoni della Chiesa romana », p. 33-49. 632.  Grégoire le Grand fait allusion au sous-diacre Felix, rector patrimonii Appiae, voir PCBE, vol. II/1, p. 809, s.u. Felix 74. La région de Terracine n’est sans doute pas incluse dans le patrimoine de Campanie et, dans sa correspondance relative à Terracine, le pape ne mentionne jamais le recteur du patrimoine de Campanie. 633.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 87, Norberg, IX, 88 – janvier 599 : massa Veneris in prouincia Campania sitam territorio Menturnensi. Cette limite nord est également indiquée sur la représentation cartographique du patrimoine sous Grégoire le Grand de l’Église romaine dans le Latium proposée par Marazzi, I « Patrimonia Sanctae Romanae Ecclesiae », p. 335.

CHAPITRE 3  • LE  TEMPOREL  DES  ÉGLISES  ET  DES  MONASTÈRES

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Les biens fonciers de l’Église romaine dans cette région semblent fort anciens. Dans le Liber Pontificalis romain, la notice consacrée au pape Silvestre Ier (314-335) évoque une massa Statiliana sur le territorium Menturnense ; dans la notice de Sixte III (432-440) apparaît une possessio Scauriana, à Scauri, près de Minturnes634. L’essentiel des possessions se trouve dans la riche plaine campanienne et sur les agri mis en valeur dès l’Antiquité. La limite méridionale du patrimoine campanien est plus difficile à établir. Il n’existe aucune allusion à des possessions romaines autour d’Amalfi et le relief accidenté de la région paraît peu propice au développement de grandes structures foncières. L’Église romaine constitue peut-être le plus grand propriétaire foncier de la région, mais une évaluation quantitative reste impossible635. Les informations fournies par Grégoire le Grand permettent de noter certaines caractéristiques du patrimoine campanien636. Les renseignements concernent, en premier lieu, sa gestion puisque son responsable, le recteur de Campanie, représente l’interlocuteur privilégié du pape dans la région : plus d’une trentaine de lettres lui sont destinées entre 591 et 603637. On connaît deux recteurs de Campanie durant le pontificat de Grégoire le Grand. Le premier, le sousdiacre Anthemius, est en charge en 590-591 puis de 593 à 603638. De septembre 592 à juin 593, Anthemius est remplacé par le sous-diacre Pierre, auparavant recteur de Sicile639. Quand le pape s’adresse à son recteur, il se contente le plus souvent de le désigner par

634.  Liber Pontificalis, éd. Duchesne, 34, p. 186 : Et obtulit possessiones : massa Statiliana, territu­ rio Menturnense, praest. sol. CCCXV ; ibid., p. 233 : possessio Scauriana, territurio Gazitano [Caetano], praest. omnia inibi cum adiacentibus adtiguis sol. CCCXII et tremissium. 635.  C’est l’hypothèse avancée par Savino, Campania tardoantica, p. 135. L’auteur argue de la récurrence des mentions du patrimoine de l’Église de Rome en Campanie pour estimer que l’Église y constitue le plus grand propriétaire foncier depuis les « donations de Constantin ». Ses domaines se situent dans la zone restée sous contrôle byzantin. Pour Martin, « Grégoire le Grand », p. 260, l’importance du patrimoine campanien est prouvée par les concessions du pape Grégoire II (715-731) de biens fonciers au duc de Naples Théodore et à d’autres Napolitains. 636.  Arnaldi, Le origini dello Stato della Chiesa, p. 41-43. Pour le patrimoine du Latium d’après la correspondance de Grégoire le Grand, voir les remarques préliminaires de Marazzi, I « Patrimonia Sanctae Romanae Ecclesiae », p. 103-106. 637. La différence entre defensor et rector n’apparaît pas toujours clairement dans la correspondance de Grégoire le Grand. Sur les rectores et les defensores, voir Martroye, « Les Defensores Ecclesiae », p. 597-622 ; Richards, Consul of God, p. 129-132 ; Pietri, « Clercs et serviteurs laïcs », p. 113-114, réimpr. Id., Christiana Respublica, vol. I, p. 101-116, ici p. 107-108 ; Markus, Gregory the Great, p. 112-119 ; Martin, « Grégoire le Grand », p. 253-263 : une synthèse sur les agents pontificaux au service de Grégoire le Grand. 638. Voir PCBE, vol. II/1, p. 143-149, s.u. Anthemius. 639.  Ibid., vol. II/2, p. 1762-1771, s.u. Petrus 70.

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son nom et sa dignité ecclésiastique640. La désignation des recteurs n’est pas différente quand ces derniers sont évoqués dans des lettres qui ne leur sont pas adressées. L’usage du terme de recteur apparaît une fois dans l’ensemble du corpus des lettres sur la Campanie, à propos de Pierre, « sous-diacre et recteur du patrimoine »641. De toute évidence, le pape accorde peu d’importance à la titulature des agents chargés des domaines de l’Église de Rome. Comme dans le reste de la péninsule, tous les recteurs du patrimoine sont des clercs romains642. Le pape prend soin de les changer d’affectation après quelques années643. À la différence de la Sicile, la correspondance du pape fournit des informations précises sur la gestion du patrimoine de Campanie par ses recteurs. Le recteur de Campanie possède, comme en Sicile, des subalternes qui régissent les domaines du patrimoine. Le pape les qualifie d’actores sanctae Romanae ecclesiae, sans plus de précision644.

640. Par exemple Gregorius Anthemio subdiacono dans Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 23 – février  591. Le pape écrit au sous-diacre Pierre en le qualifiant de subdiaconus Campaniae, précision intéressante qui révèle la compétence territoriale du recteur : E.g. ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 39 – juin 593 : Petro subdiacono Campaniae. On retrouve parfois cette dénomination pour le sous-diacre Anthemius : ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 142, éd.  Norberg, IX, 143 – mai  599 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 144, Norberg, IX, 145 – mai 599 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 163, éd. Norberg, IX, 164 – mai-juin 599 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 7 – mars 600 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 53 – 10 juillet  601 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIII, 29, éd.  Norberg, XIII, 27 – mars  603. D’autres formes apparaissent, de manière ponctuelle, dans la correspondance du pape avec le sous-diacre Anthemius : Anthemio subdiacono nostro Neapolim : ibid., éd. Ewald et Hartmann, VI, 32 – avril 596 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 87, éd. Norberg, IX, 88 – janvier 599 ; Anthemio defensori per Campaniam : ibid., éd. Ewald et Hartmann, VII, 20 – mai 597. 641.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 28 – mars  595 : filio nostro Petro diacone, tunc autem subdiacone et rectore patrimonii. 642.  Richards, Consul of God, p. 132. Le système de gestion par des recteurs est établi sous le pape Pélage Ier (556-561), mais les recteurs ne sont pas tous des clercs romains, comme c’est ensuite le cas sous Grégoire le Grand. Pour preuve, le defensor Consentius, évoqué par Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 93, Norberg, IX, 94 – janvier 599, en charge du patrimoine de Campanie, exerce cette fonction vraisemblablement avant le pontificat de Grégoire le Grand. Voir PCBE, vol. II/1, p. 465, s.u. Consentius 2. 643.  Richards, Consul of God, p. 135. Le remplacement du sous-diacre Anthemius serait la conséquence des fréquentes admonestations du pape pour sa négligence dans son devoir d’assistance envers les pauvres et de surveillance de la discipline monastique. Mais, en 593, le sous-diacre Anthemius est rétabli dans ses fonctions pour dix ans. Seul le patrimoine « appien » conserve le même recteur, peutêtre en raison de sa modestie. Sur le Patrimonium Appiae, voir Marazzi, I « Patrimonia Sanctae Romanae Ecclesiae », p. 127-130. 644.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 53 – juillet  591. On trouve dans la correspondance avec la Campanie la mention de ces actores. Les termes actionarii ou

CHAPITRE 3  • LE  TEMPOREL  DES  ÉGLISES  ET  DES  MONASTÈRES

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Par ailleurs, des laïcs possèdent des établissements sur les terres ecclésiastiques comme Adeodatus, qui a fait construire un édifice sur le patrimoine de saint Pierre (en Campanie  ?) en échange d’une redevance annuelle de deux sous. À sa mort, le bâtiment doit revenir à l’Église645. On ignore l’usage de ce bâtiment, peut-être à vocation agricole. Le pape rappelle, à cette occasion, le principe d’inaliénabilité des biens immobiliers de l’Église et l’interdiction de prolonger in perpetuum l’emphytéose ecclésiastique646. À l’instar d’un grand domaine laïc, le patrimoine de Campanie se trouve engagé dans des querelles de propriété et quelquefois accusé d’usurpation de biens par exemple pour la massa Veneris à Minturnes647. Un autre cas est évoqué en Campanie, cette fois à propos d’une laïque. Theodora, veuve de Petronius, notaire de l’Église romaine, se plaint de la réunion abusive de sa maison au patrimoine de Campanie par décision de Constantius, defensor de l’Église648. Le pape ne manque pas de rappeler la nécessité de préserver les biens de l’Église, mais également de ne pas empiéter sur les autres propriétés : aussi exige-t-il du sous-diacre Anthemius, recteur du patrimoine, la restitution de la maison à sa légitime propriétaire649. En cette fin troublée de l’Antiquité, le pape dispose encore d’une assise financière solide grâce aux patrimoines conservés en Italie. Ils lui permettent en particulier d’intervenir auprès des nécessiteux par le biais de ses recteurs. Les allusions à cette

conductores, employés pour la Sicile, n’apparaissent pas, mais sont employés au haut Moyen Âge par l’administration pontificale. Voir l’exemple du Patrimonium Sabinense et Carseolanum étudié par Marazzi, « Un laboratorio della dialettica », p. 76-77. 645.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 190, Norberg, IX, 191 – juillet 599 : Indicauit nobis Adeodatus praesentium lator ante multos annos in solo se iuris ecclesiae nostrae hac condicione aedificium posuisse, ut duos solidos annis singulis ecclesiasticae rationi persolueret et post eius obitum solum ipsum cum imposito aedificio ad ius ecclesiae sine dubitatione aliqua remaneret. PCBE, vol. II/1, p. 25-26, s.u. Adeodatus 19. 646.  Justinien, Novelles, éd. Schoell et Kroll, VII, 1. Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, VIII, 32 – août 598, fait référence au solaticum, la taxe sur les édifices construits sur le sol de l’Église, acquitté par les habitants de Squillace et Gallipoli. 647.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 87, éd. Norberg, IX, 88 – janvier 599 : questus nobis est massam Veneris in prouincia Campania sitam territorio Menturnensi, quam ei beatae memoriae decessoris nostri Benedicti redditam praeceptione cognouimus, ab ecclesia nostra nunc indebite retineri, idcirco hac tibi auctoritate praecipimus, ut, si manifeste ab ecclesiae nostrae hominibus detinetur, in iure eam praedicti monasterii sine aliqua mora uel altercatione restituas. La massa Veneris forme un domaine donné à un monastère par Benoît Ier (575-579), mais les recteurs du patrimoine de Campanie ont omis, volontairement ou non, de concrétiser la donation. 648.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 63 – juillet  591. Voir aussi PCBE, vol. II/2, p. 2165, s.u. Theodora 5. 649.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 63 – juillet 591 : Sicut res ad ius ecclesiae pertinentes amittere non debemus, ita alienas appetere inciuile esse nihilominus iudicamus.

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forme de charité sont nombreuses dans sa correspondance avec les agents du patri­ moine en Campanie. La nouveauté de cette assistance réside dans son élargissement des pauvres aux individus appauvris par la guerre, responsable de leur expropriation et de leur déclassement. En mars  591, Grégoire le Grand reproche, une fois encore, au sous-diacre Anthemius de négliger son devoir d’assistance aux pauvres, mais lui demande aussi d’aider certaines aristocrates dont la tante du pape, la domna Pateria650. La requête est assortie du montant chiffré de l’allocation versée, en espèces et en nature, à des patriciennes. Pateria bénéficie de 40 sous pour les pueri et de 400 modii de blé ; la domna Palatina, veuve d’Urbicius, et la domna Viviana, veuve de Félix, reçoivent chacune 23  sous et 300  modii de blé651. Les montants versés totalisent 80  sous et 1000  modii de blé, preuve de la capacité financière et frumentaire dont dispose l’Église romaine malgré l’invasion lombarde. Ces chiffres sont à comparer aux deux sous de loyer annuel versés par Adeodatus ou aux deux sous donnés à des moines campaniens652. Dans le cas de la domna Pateria, les pueri ne désignent pas la descen­ dance de la tante de Grégoire le Grand, plus sûrement ses esclaves. Les aristocrates campaniennes se font le relais de l’action charitable de l’Église, qui vient suppléer les puissants laïcs, désormais incapables d’exercer leur charité à titre privé. Ainsi la domna Palatina informe peu après le pape qu’elle se trouve, à nouveau, dans le plus grand besoin du fait de la guerre. Sollicitant l’assistance de l’Église, elle reçoit 30  sous du recteur de Campanie653. Outre la gestion des domaines pontificaux, les recteurs exercent des activités variées et servent, en règle générale, de hauts représentants du pape dans l’Italie suburbicaire654.

650.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 37 – mars 591 : Discedenti tibi mandauimus et postmodum praeceptis discurrentibus iniunxisse me memini, ut curam pauperum gereres et, si quos illic egere cognosce­ res, scriptis recurrentibus indicares. Et uix de paucis haec facere curasti. 651.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 37 : Volo autem, ut domnae Pateriae, thiae meae, mox ut praesentem iussionem susceperis, offeras ad calciarium puerorum solidos quadraginta et tritici modios quadringentos. Domnae Palatinae, relictae Urbici, solidos uiginti et tritici modios trecentos. Domnae Viuianae, relictae Felicis, solidos uiginti et tritici modios trecentos. Qui omnes simul octuaginta solidi in tuis rationibus imputantur. Voir aussi PCBE, vol. II/2, p. 1569-1570, s.u. Palatina ; ibid., p. 1612, s.u. Pateria ; ibid., p. 2338, s.u. Viuiana. 652.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd.  Ewald et Hartmann, IX, 190, éd.  Norberg, IX, 191 – juillet 599 (Adeodatus) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 23 – février 591 (moines campaniens). Néanmoins, dans la dernière lettre, le pape demande au recteur de Campanie de verser 40 sous d’or, puis une rente annuelle de 20 sous à deux moniales de Nola. 653.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 57 – juillet  591 : Palatina siquidem illustris femina continua hostilitate insinuauit se plurimis necessitatibus subiacere. Propterea experientiae tuae praesenti auctoritate praecipimus, ut pro sustentatione eius annuos triginta solidos dare non differat, qui tuis possint postmodum rationibus imputari. 654.  Pietri, « Clercs et serviteurs laïcs », p. 114 ; Martin, « Grégoire le Grand », p. 263.

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De ce fait, ils sont appelés à accomplir des missions charitables, mais également à exercer des fonctions judiciaires dans des affaires administratives et pénales. Nous avons étudié l’importance et la variété des interventions du recteur dans le domaine ecclésiastique, notamment pour les élections épiscopales, dont la procédure réglementaire souffre de la dureté des temps655. À la fin du vie siècle, l’extension du domaine d’intervention du recteur en Campanie est très large et traduit la multitude des problèmes que le pape doit résoudre. Le recteur ayant fui Capoue pour Naples, sa présence confère à la cité une importance particulière. À la tête d’un patrimoine menacé et amputé par des envahisseurs qui débordent les autorités impériales, au point que l’exarque semble incapable d’assurer la défense de la Campanie, le recteur joue désormais un rôle politique, voire militaire. L’affaiblissement des autorités civiles et leur concentration sur la défense des territoires soumis aux attaques lombardes amènent le recteur de Campanie à s’instituer, avec l’aval du pape, protecteur des biens privés menacés. Cette intervention reste conjoncturelle : dans sa demande au sous-diacre Pierre de protéger une veuve inquiétée par un puissant, Grégoire le Grand réaffirme le principe de séparation entre domaine laïque et ecclésiastique656. La protection des intérêts des patriciens, en particulier des veuves, isolées et exposées de surcroît aux tracas successoraux, semble toutefois préoccuper le pape657. Les grands propriétaires s’adressent à lui avec l’assurance de trouver un soutien plus efficace qu’auprès des autorités civiles ou épiscopales affaiblies. Ces interventions « séculières » ne forment pas des exceptions liées à la situation troublée de l’Italie péninsulaire. En effet, Grégoire le Grand témoigne, en Sicile comme en Campanie, du même souci de défendre les laïcs des abus de l’Église romaine, en particulier des usurpations de terres ou d’esclaves658. Le pape intervient également dans les affaires d’héritage, surtout quand l’Église est intéressée659. Même en Sicile, exempte des troubles

655.  Voir p. 30-31. 656.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, III, 5 – octobre  592 : Sicut

in iudiciis laicorum priuilegia turbare non cupimus, ita eis praeiudicantibus moderata te uolumus auctoritate resistere. Violentos namque laicos coercere non contra leges est agere, sed legi ferre subsidium. La protection d’une veuve est aussi réclamée : ibid., éd. Ewald et Hartmann, VI, 35, éd. Norberg, VI, 37 – juin 596. 657.  Pour la Campanie, ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 36 – octobre 598 : le pape demande de venir en aide à des veuves ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 62 – novembre-décembre 599 : des hommes et des propriétés de l’ex-préfet Grégoire recommandés au recteur de Campanie et aux évêques de Sorrente et de Naples ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 193, éd. Norberg, IX, 194 – juillet 599 : demande d’intervention en faveur d’un certain Donatus, victime d’injustices. 658.  Ibid., Grégoire le Grand, Epistulae, I, 39a, Norberg, Appendice I – mars 591 : évocation des usurpations du defensor Antoninus, responsable du patrimoine de Sicile sous le pape Pélage II, prédécesseur de Grégoire le Grand. 659.  E.g. ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 42 – mai 591 : l’exécution du testament d’un certain Campanianus.

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qui agitent le continent, les recteurs sont appelés à secourir des individus dans le besoin, mais les cas sont peu nombreux et ne semblent pas concerner des aristocrates, dont le patrimoine demeure à l’abri des prédations660. De même, l’implication du recteur dans les affaires civiles est plus réduite en Sicile, alors que la protection assurée par l’Église s’avère indispensable en Campanie. Dans une lettre d’avril 596, le pape reproche à son recteur de ne pas assez se soucier de la protection des esclaves de l’Église, qui sont alors capturés par les Lombards661. La différence avec la Sicile est frappante pour le rachat des prisonniers, le recteur se montrant très actif dans une région exposée aux invasions. Dans la même lettre d’avril 596, le pape détaille les mesures qu’il souhaite voir prises par son recteur. Celui-ci est chargé de racheter non seulement les dépendants de l’Église, mais encore les captifs qui ne disposent pas de l’argent nécessaire pour verser leur rançon662. On le voit à nouveau, l’Église romaine demeure le dernier recours financier face aux périls663. Cette tâche assumée par le recteur n’implique pas la disparition des autorités ci­viles, mais le pape joue désormais le rôle de coordination abandonné par l’exarque. À Naples, le magister militum Maurentius semble recevoir ses ordres directement du pape, comme le montre sa correspondance avec Grégoire le Grand664. Les autorités ecclésiastiques collaborent avec les autorités civiles quand elles sont présentes. La lettre sur la sédition du castrum Lucullanum contre Paul de Nepi est adressée au sous-diacre Pierre, recteur du patrimoine de Campanie, et à Scolasticus, gouverneur de Campanie665. Cependant, l’intervention du recteur du patrimoine se limite aux questions civiles et ne déborde pas sur le domaine militaire. À la différence des évêques666, on ne trouve

660.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 44 – juin 591. Pour les détails, voir PCBE, vol. II/2, p. 819, s.u. Filimoud. 661.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, VI, 32 – avril 596 : Pariter etiam et seruos ecclesiae qui tua neglegentia perierunt curabis redimere. 662.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, VI, 32 : Ea de re pro remedio captiuorum qui tenti sunt solidos experientiae tuae per harum portitorem Stephanum uirum magnificum transmisimus ammonentes, ut omnino debeas esse sollicitus ac strenue peragas et liberos homines, quos ad redemptionem suam sufficere non posse cognoscis, tu eos festines redimere. Qui uero serui fuerint et dominos eorum ita pauperes esse com­ pereris, ut eos redimere non adsurgant, et hos quoque comparare non desinas. 663.  Il semble que ce soit sur les fonds de l’Église de Rome et non seulement du patrimoine de Campanie, touché par la guerre, que les sommes nécessaires au rachat des captifs sont prélevées. Voir ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 84, éd. Norberg, IX, 85 – décembre 598-janvier 599 : quia tem­ pore quo rationes tuas positurus adueneris, de captiuorum tibi redemptione quod dederis restitui faciemus. 664. Voir PCBE, vol. II/2, p. 1433-1435, s.u. Maurentius 2. 665.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, III, 1 – septembre 592. Scolasticus est aussi mentionné comme iudex Campaniae (ibid., III, 15). L’affaire est assez grave pour qu’un troisième personnage, le sous-diacre Epiphanius, soit envoyé de Rome. Voir PCBE, vol. II/1, p. 652, s.u. Epiphanius 21. 666.  Voir p. 53 et suivantes.

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aucune allusion à l’implication du recteur dans la défense de la Campanie ou des cités de la région. Le rôle fondamental des patrimoines, en particulier de Sicile, de Sardaigne, de Corse et, sur le continent, de Campanie et de Calabre, est de nourrir Rome. Il est impératif que soient maintenus le contact terrestre entre Rome et Naples et les liaisons maritimes avec la Sicile et les autres îles667. Soumis à la pression lombarde, les patrimoines continentaux sont dans un état beaucoup plus préoccupant que la Sicile. L’arrière-pays campanien est mis en coupe réglée et une partie de l’ager Campanus, en particulier autour de Capoue, tout comme l’ager Falernus, ne paraissent plus contrôlés par les représentants du pape dans la région. Le patrimoine subsiste autour de Terracine, aux environs de Naples et Misène, enfin entre Atella et Salerne. Ce sont les régions encore contrôlées par les forces impériales. L’ampleur du patrimoine de Campanie semble lui avoir permis de survivre aux pillages lombards668. La difficulté d’assurer un contact régulier avec Rome, l’afflux des réfugiés sur un littoral davantage protégé de la guerre, notamment derrière les murailles de Naples, paraissent entraîner une régionalisation des revenus des patrimoines, lorsqu’ils subsistent même amputés, comme c’est le cas du patrimoine de Campanie. La plainte du pape adressée au préfet d’Italie Jean, qui a soustrait du blé à la diaconie de Naples, centre local de distributions charitables, montre que Grégoire le Grand se soucie d’assurer peut-être autant la subsistance des populations locales que de Rome, approvisionnée par un patrimoine sicilien encore indemne669. Bien entendu, il est impossible de préciser les conséquences de la guerre et des déprédations lombardes sur les possessions romaines de Campanie. Les assises financières du patrimoine paraissent solides, même si l’Église de Rome doit rembourser au recteur ses avances pour le rachat des prisonniers. Il est évident que les spoliations affectent gravement les revenus et la gestion du patrimoine. Ainsi s’explique la demande d’Adeodatus d’obtenir un rabais de moitié sur la redevance de deux sous acquittée pour son bâtiment construit sur des terres de l’Église670. De toute évidence, les temps sont durs et l’installation des Lombards dans l’Italie méridionale porte des coups irréparables au patrimoine de l’Église de Rome en Campanie.

667.  Gasparri, « Gregorio Magno e l’Italia meridionale », p. 77. 668.  Richards, Consul of God, p. 128. 669. Voir Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, X, 18 – juillet 600. À la

lecture de cette lettre, Richards, Consul of God, p. 87, estime que le grain de Campanie sert en priorité à l’approvisionnement de Naples, non de Rome. 670.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 190, Norberg, IX, 191 – juillet 599. Voir aussi PCBE, vol. II/1, p. 25-26, s.u. Adeodatus 19. Se disant ruiné, Adeodatus obtient du pape, après enquête, la possibilité de diminuer de moitié sa redevance. Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 107, éd. Norberg, IX, 108 – février 599 : le niveau d’endettement contraint certains exploitants à hypothéquer leur récolte à hauteur de 25 %.

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Un patrimoine divisé La fin de l’Antiquité tardive constitue, en Italie méridionale, une époque où la plaine retourne aux marécages faute d’entretien et où l’insécurité contraint la population à choisir un lieu de résidence protégé. À la mort de Grégoire le Grand, le patrimoine de Campanie, tel qu’il existait au moment de l’entrée des Lombards en Italie, s’est ré­ duit à la région de Naples et de Gaète. Un siècle plus tard, sous Grégoire II (715-731), les possessions du pape au sud de Rome sont désormais scindées en deux ensembles, le patrimoine de Naples et celui de Gaète671. Sous Grégoire le Grand, la distinction entre patrimoine de Campanie et patri­ moine de Naples n’est pas nette, et le sous-diacre Anthemius est parfois qualifié de « sous-diacre de Naples »672. On peut penser que le pape désigne le lieu de résidence du recteur davantage que l’ensemble du patrimoine. Cette simplification n’est pas une confusion et ne revêt aucune importance pour la chancellerie pontificale. La nuit documentaire recouvre ensuite la Campanie jusqu’au début du viiie  siècle. Les premières mentions du patrimoine apparaissent alors sous Grégoire  II, dans des lettres aujourd’hui perdues, mais dont la teneur est connue par la collection canonique du cardinal Deusdedit et par le Liber Censuum établis aux xie et xiie siècles. Contre le versement d’un sou, le pape loue dans l’île de Capri au duc de Naples Théodore (719-729) deux casalia issus du patrimoine de Naples673. Dans une autre lettre, le pape attribue à Matrona, diaconesse et moniale, le lac d’Icaonia, lui aussi prélevé sur le patrimoine de Campanie-Naples674. On le voit, il existe une hésitation entre patrimoine de Campanie et patrimoine de Naples675. Au cours du viiie siècle, le vocabulaire semble

671.  Kehr, Italia pontificia, vol.  VIII, p. 69-70 ; Marazzi, I « Patrimonia Sanctae Romanae Ecclesiae », p.  131-132. 672.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, VI, 32 – avril  596 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 87, éd. Norberg, IX, 88 – janvier 599 : Gregorius Anthemio subdia­ cono nostro Neapolim. 673.  Liber Censuum, éd. Fabre et Duchesne, vol. I, p. 352, n° 60 : Idem [Grégoire II] in eodem Theodoro consuli casale quod dicitur Castro maiore, quod prestat annue … auri solidos, et casale quod dicitur Nimfise, sita utraque infra insulam Capris patrimonii Neapolitani. Prestat annue … auri solidos ; MND, vol. I, p. 49 : patrimonium Neapolitanorum. 674.  Liber Censuum, éd. Fabre et Duchesne, vol. I, p. 352, n° 61 : Idem [Grégoire II] in eodem Matrone religiose diaconisse eiusque filiis ac nepotibus lacum qui dicitur Icaonia ex corpore patrimonii Campaniae Neapolim. Prestat annue … auri solidos. 675.  D’autres propriétés de l’Église de Rome sont concédées à des particuliers et au duc dans la région de Naples : ibid.¸ vol. I, p. 352, n° 49 : Idem [Grégoire II] in eodem Eustachio presbitero monaste­ rium sancti Martini situm in Surrento, cum omnibus ei pertinentibus ; ibid., p. 352, n° 59 : Idem in eodem Theodoro consuli in annos XXVIII insulam Capris cum monasterio sancti Stephani, cum omnibus suis

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privilégier une dénomination napolitaine. En 765, le pape Paul Ier remercie Pépin le Bref, roi des Francs, de son intervention auprès de Didier, roi des Lombards, pour obtenir des Napolitains et des Gaétans la restitution du « patrimoine de Saint-Pierre situé à Naples »676. En 779-780, lorsque le pape Hadrien Ier réclame encore la restitution, il n’est question que du patrimoine de Naples677. La confirmation par Louis le Pieux, en 817, d’un droit de propriété pontificale sur l’ensemble des territoires dits de l’Église romaine, mentionne le patrimoine de Naples678. Ces informations présentent un autre intérêt : on assiste à la disparition inexorable du patrimoine de l’Église de Rome dans une région qui, peu à peu, se constitue en un duché indépendant de Byzance et dont la politique ne coïncide pas toujours avec les intérêts de la papauté. Après 817, il n’est plus fait mention de possessions romaines autour de Naples679. Les Gesta restent bien entendu silencieux sur le sujet, leur propos n’étant pas de donner crédit aux revendications territoriales de la papauté dans le duché. Les informations sur le patrimoine de Gaète sont plus nombreuses, sans doute parce que la région est plus proche de Rome, même si le patrimoine de Gaète fait partie, à la fin de l’Antiquité, du patrimoine de Campanie et se distingue des territoires pontificaux situés plus au nord. Si la région de Gaète est, en théorie, intégrée au duché de Naples,

pertinentibus. Prestat annue in auro quidem [solidos] CVIII, uini megaricos C ; ibid., p. 353, n° 65 : Idem in eodem Theodosio [le duc Théodore] consuli monasterio sancti Pancratii situm extra castrum Mesenate et lacum in annis XXVIII[I]. Dans les trois cas, on note que le terme de patrimoine n’apparaît pas. 676.  Codex Carolinus, éd.  Gundlach, p. 549, l. 42 - p. 550, l. 1 : In embolin uero direxit nobis a Deo protecta excellentia uestra, praefatum uos Desiderium ammonuisse regem, Neapolitanos ac Kaietanos constringendum ob restituendum patrimonia protectori uestro beato Petro illic Neapolim sita. Pour la datation, voir Regesti dei documenti dell’Italia meridionale, éd. Martin, Cuozzo, Gasparri et Villani, p. 589, S. 35. 677.  Codex Carolinus, éd. Gundlach, p. 591, l. 25-32 : simulque Domino annuente ad expugnan­ dum Caietam seu Neapolim, nostrum recolligentes patrimonium, quod ibidem in territorio Neapolitano ponitur, occurrant, ut, eos in omnibus subiugantes, sub uestra atque nostra sint dicione. Placitum quidem cum ipsi fallaces Neapolitani per missum eorum nomine Petrum in istum sanctum Pasche habuimus – patrimonium nos beati Petri apostoli, quod ibidem in Neapoli ponitur, exquirentes et in uestro seruitio eos subiugare desiderantes. 678.  Capitularia regum Francorum, éd. Boretius, vol.  I, p. 353, l. 42-46 : Item in partibus Campaniae Soram, Arces, Aquinum, Arpinum, Theanum et Capuam et patrimonia ad potestatem et ditionem uestram pertinentia, sicut est patrimonium Beneuentanum et Salernitanum et patrimonium Calabriae inferioris et superioris et patrimonium Neapolitanum et ubicumque in partibus regni atque imperii a Deo nobis commissi patrimonia uestra esse noscuntur. Les documents cités dans cette note et les deux notes précédentes sont des capitulaires. 679.  Le canon 15 du concile de Ravenne, en 877, mentionne encore un Patrimonium Campaninum (plutôt que Campaniae), mais il est dépourvu de toute autre attestation : voir à ce sujet Marazzi, I « Patrimonia Sanctae Romanae Ecclesiae », p. 141.

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les deux territoires se trouvent séparés par les possessions lombardes. Au début du ixe siècle, le domaine lombard atteint la mer Tyrrhénienne au sud de Gaète680. La côte, depuis l’embouchure du Garigliano jusqu’au Volturne, appartient aux Lombards et forme un saillant entre, au sud, le domaine byzantin et, au nord, l’enclave s’étendant du Garigliano à Terracine, le ressort du futur duché de Gaète. Cette séparation justifie la dénomination de patrimoine de Gaète, qui apparaît dans les sources à partir du pontificat de Grégoire II et se maintient jusqu’au ixe siècle. Au début du viiie siècle, ce pape donne au comte Anastase deux fundi du patrimoine de Gaète681. Vers 741-752, le pape Zacharie concède d’autres terres appartenant au patrimoine de Gaète682. Mais la distinction avec le patrimoine de Naples devient moins nette quand Paul Ier revendique auprès de Pépin le Bref la restitution par les Gaétans et les Napolitains de domaines qu’il localise autour de Naples683. Un troisième patrimoine pontifical apparaît peu après, au sud de Gaète : le patri­ moine de Traiectum (Traetto), situé aux bouches du Garigliano, à l’emplacement de la cité détruite de Minturnes. D’abord nommée Leopolis ou castrum Leopoli, en l’honneur du pape Léon III (795-816), la nouvelle « ville », premier point de passage sur le Garigliano, reçoit ensuite le nom de Traiectum (le « passage » en latin)684. Ce patrimoine se trouve lié aux vicissitudes des possessions romaines dans la région. En 851, une charte de location de terre est établie par Mercurius, consul et dux, recteur du patrimoine de Traetto685. Au concile de Ravenne en 877, il est à nouveau fait mention de ce patrimoine686.

680.  Merores, Gaeta, p. 3. 681.  Liber Censuum, éd. Fabre et Duchesne, vol. I, p. 352, n° 58 : Idem [Grégoire II] in eodem Anatolio

comiti fundum Lauerna ex corpore masse Laurentiane, prestante … auri solidos, et fundum Toranianum ex corpore masse Citrasensis, utraque patrimonii Caietani, prestante annue … quinque auri solidos. 682.  Ibid., p. 354, n° 75 : Idem [Zacharie] in eodem Theodoro notario casale Casula et Testianum ; prestat … auri solidos ; et fundum Teianellum, prestat … auri siliquas, et fundum Quadrantala, prestat … auri siliquas, ex corpore masse Talassarotis, et fundum Amphiteanorum ex corpore masse Pirane, prestat … auri solidos, et campum positum in Scauriis prestat … auri siliquas, omnia ex corpore patrimonii Caietani iuris Romane ecclesie, et terram uacantem foris muros castri Caietani, prestant omnia … auri solidos. 683.  Codex Carolinus, éd.  Gundlach, p. 549, l. 42 - p. 550, l. 1 : In embolin uero direxit nobis a Deo protecta excellentia uestra, praefatum uos Desiderium ammonuisse regem, Neapolitanos ac Kaietanos constringendum ob restituendum patrimonia protectori uestro beato Petro illic Neapolim sita. 684.  Merores, Gaeta, p. 7 ; sur le Patrimonium Caietanum et le Patrimonium Traiectanum, voir Ciampani, L’ex cattedrale di S. Erasmo, p. 34-38 ; et surtout Marazzi, I « Patrimonia Sanctae Romanae Ecclesiae », p. 131-135. Il est à noter que Traetto a repris en 1879 son nom antique, bien qu’italianisé, de Minturno. 685.  CDC, vol. I, 9 – 851 : Certum es me domno Mercurus consul et dux patrimonio Traiectano ; CDC, vol. I, 11 – mai 862 : Certum es me domnum Mercurius eminentissimus consul et dux patrimonii Traiectani.

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Pour quelque temps encore, la gestion des patrimoines est assurée par des recteurs. Nous avons évoqué, sous Grégoire II, l’épitaphe à Naples du sous-diacre régionnaire Théodime, qualifié de recteur de l’Église de Rome, connu également par le Liber Pontificalis687. On ignore cependant s’il est en charge du patrimoine de Naples. En 831, un acte notarié mentionne Gregorius, recteur du patrimoine de Gaète. À la demande du pape Grégoire IV (827-844), ce recteur enregistre le serment sur les Évangiles de trois clercs de Gaète à propos de terres et d’un oratoire du territoire du castrum Leopoli, revendiqués par l’Église de Gaète688. Parmi les témoins du serment, on trouve des conductores689. Ce détail laisserait penser que les conductores, absents de la correspondance de Grégoire le Grand, participent néanmoins à la gestion des domaines nés du démembrement du patrimoine de Campanie. Le même Gregorius est le commanditaire d’un acte daté de 841 relatif à des terres louées à des famuli de l’Église romaine690. De manière surprenante, un recteur Grossus est évoqué dans le même acte, mais il s’agit sans doute du même personnage691. Un autre document,

686.  Kehr, Italia pontificia, vol. II, p. 2. 687.  Voir p. 124. MND, vol. II, 2, p. 223 : Hic in pace membra sunt posita Theodimi subd. reg. et

rect. sanctae sedis apost. et disp. huius diac. beati Andreae. Si quis praesumpserit hunc tumulum biolare erit anathematis uinculis innodatus ; Liber Pontificalis, éd. Duchesne, I, 91, p. 400 : Unde nimis idem sanctus indoluit pontifex [Grégoire II], seseque spei contulit diuine, atque in monitione ducis Neapolitani et populi uacans ducatum eis qualiter agerent cotidie scribendo prestabat. Cuius mandato oboedientes, consilio inito, moenia ipsius castri [Cumes] uirtuti sub nocturno sunt ingressi silentio, Iohannis scilicet dux cum Theodimo subdiacono et rectore atque exercitu, et Langobardos pene trecentos cum eorum gastaldio interfecerunt ; ibid., p. 411, n. 17. 688.  CDC, vol. I, 3 – 830/831 : Quod et factum est tunc direxit Gregorius rectorem patrimonii Kaietani fidelissimum suum secundum iudicium quod iudicauit et dum peruenisset in Leopoli ciuitatem. Et per illius transmisso abierant ad eum nobiles iudices Kaietani huna cum Iohannem episcopum et sacerdotes suos. 689.  Ibid. : in presentia ipsius Gregorii rectori et Petrum Romanum qui hobsequium conbenerat et Iordannem et Leonem clerici qui et ipsi cum eo benerat ite Merulum conductorem Sassus conductor Petrus conductor Martinus bicarius et Petro de Traiecto siceramit de Bentosa Gregorius filio Lupi de Albiniano Negrotius filius Gentili de casale Tedulu de Garilianum ; Iubinu de casa Molara et Albinus frater Sassi conductoris. 690.  CDC, vol. I, 7 – 841 : quam enim cartulam concessionis scripta per iussione domno Gregorio consul et rector. 691.  Ibid. L’auteur de l’acte est en effet le consul et rector Grossus, qui donne en location les terres aux dépendants susmentionnés : Certum est enee [me  ?] Grosso consul et rector patrimonii Gaietani concessisti adque concessimus adlocasse et adlocabimus uobis Mauri et Albini et eredes tuis (…). Hunde acepi a te Mauro cumsi ego domnus Grosso consul et rector et salbatione uestra auri solidi quattuor ; het neque a me suprascripto domno Grosso consul et rector neque a posteris successoribus numquam aueuitis aliqua questione uel calumnia in perpetuis temporibus. Outre le fait que le nom Grossus soit pour le moins inconnu, voire incongru, il est logique que l’auteur de l’acte soit identique à celui désigné comme commanditaire. Nous penchons donc pour une identité entre Gregorius et Grossus.

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de 839, mentionne Sinuadus, un ancien recteur du patrimoine de Traetto692. Après 841, les sources deviennent silencieuses quant à l’existence de recteurs des patrimoines dans les duchés tyrrhéniens.

Un patrimoine aliéné De manière inexorable, l’aliénation des domaines du patrimoine romain progresse dans ces duchés. Certes, l’acte du recteur Grégoire mentionne des dépendants de l’Église romaine, mais le principal système de mise en valeur semble l’affermage des propriétés pontificales au bénéfice d’aristocrates locaux693. L’impulsion apparaît dès Grégoire II, qui soustrait des fundi au patrimoine de Gaète, mouvement poursuivi par son successeur, Zacharie694. Ces affermages prennent par la suite une grande importance. La confiscation du patrimoine romain en Sicile, en Calabre et dans le Bruttium, en réaction au concile anti-iconoclaste de Grégoire III en 732695, semble avoir inspiré Naples et Gaète. Dans la seconde moitié du viiie siècle, les patrimoines de Gaète et de Naples échappent au contrôle de Rome comme le montrent les demandes d’intervention adressées à Pépin le Bref, au roi des Lombards Didier ou à Charlemagne696. Le patrice de Sicile, le plus haut représentant de Constantinople en Italie méridionale, réside d’ailleurs pour un temps à Gaète et l’incapacité de la papauté à conserver son patrimoine incite les Lombards de Bénévent à emboîter le pas à leurs voisins697. Les domaines pontificaux se retrouvent peut-être alors désignés dans les sources comme « terre publique » ou massa publica698.

692.  CDC, vol. I, 6 – 839 : ipsa portione concessa abuisti da Sinuadus rector ; ibid., p. 189, n. c. 693.  CDC, vol. I, 7 – 841 : quam enim cartulam concessionis scripta per iussione domno Gregorio

consul et rector. 694.  Voir les notes 678 et 679. 695.  Arnaldi, Le origini, p. 89-91 ; voir plus largement Marazzi, « Il conflitto fra Leone III Isaurico e il papato », p. 231-257 ; contra Prigent, « Les empereurs isauriens », p. 557-594. 696. Voir les notes 676 (pour la datation Regesti dei documenti dell’Italia meridionale, éd. Martin, Cuozzo, Gasparri et Villani, p. 589, S. 35) et 677. 697.  Merores, Gaeta, p. 7, d’après Codex Carolinus, éd.  Gundlach, p. 588, l. 33-39 : Et hoc agnoscat a Deo protecta precellentia uestra quia, aliquantas ciuitates nostras Campaniae operantes, emuli uestri atque nostri, nefandissimi Beneuentani, ipsum nostrum populum suadent atque subtrahere a nostra dicione decertant una cum habitatores castri Caietani seu Terracinensium, obligantes se ualidis sacramen­ tis cum ipso patritii Siciliae, qui in predicto castro Caietano residet ; et decertant a potestate et dicione beati Petri et nostra eosdem Campaninos esurpare et patritio Siciliae subiugare. 698.  RNAM, vol. I/1, 30 – 938 : siue de massa puplica. Autre exemple dans CDC, vol. I, 47 – 945 : ad quem contra respondebat suprascriptus Marinus uenerauilis episcopus et dicebat nolit deus nec ipso facere permittat ut hanc terram quam uos dicitis cum finitis suis uestra sit aut aliquid in eadem terra publicus habet.

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Les appels des papes aux rois francs finissent cependant être entendus. À partir de 774, l’intervention de Charlemagne en Italie aboutit au renversement du roi Didier, au ralliement du duché de Spolète et à la reconnaissance, forcée et provisoire, de la domination carolingienne par le prince de Bénévent, Arichis Ier. Le couronnement de Charlemagne à Rome, en 800, scelle la nouvelle alliance de la papauté avec les Carolingiens. Seule Naples se trouve en dehors de la sphère d’influence du nouvel empereur et le patrimoine pontifical situé dans cette région demeure perdu à jamais, malgré la confirmation par Louis le Pieux des possessions napolitaines de Rome. À l’inverse, Gaète est placée dans la dépendance étroite de Rome, la gestion de ses domaines étant assurée par des recteurs comme Grégoire. Quand, en 839, l’hypatus de Gaète Constantin attribue dix modii de blé de pension annuelle à sa sœur et son neveu, il précise que le contrat reste valide « sauf opposition du pape », reconnaissant le contrôle exercé par Rome sur ce territoire699. Le renforcement du pouvoir des hypati de Gaète semble motiver le recentrage du patrimoine pontifical sur Leopolis-Traetto. Dans ce contexte apparaissent des duces et consules du patrimoine de Traetto, le premier mentionné étant Mercurius, peut-être issu d’une noblesse locale moins menaçante que les dirigeants de Gaète700. L’arrivée de nouveaux acteurs sur la scène politique de l’Italie méridionale, au ixe siècle, accélère la disparition du patrimoine de saint Pierre. Les Sarrasins consti­ tuent une menace nouvelle pour des cités maritimes habituées aux attaques terrestres des Lombards. Leur accès à la mer est d’une importance vitale, mais les incursions arabes rendent la navigation maritime impossible et coupent les liens avec l’extérieur. Les luttes intestines affaiblissent de surcroît les États de la région et profitent aux Arabes. Trop faibles et divisés pour se défendre avec leurs seules forces, les duchés tyrrhé­ niens n’ont d’autre choix que de pactiser avec l’ennemi, employé comme mercenaire par les différents souverains701. Naples utilise ainsi son alliance avec les Sarrasins pour lutter contre les Lombards702. Les Gaétans et les Amalfitains les imitent, s’assurant dès lors la liberté de commerce sur mer, participant même parfois aux opérations lucratives de pillage menées par leurs encombrants alliés703. L’hypatus de Gaète, Docibilis Ier

699.  CDC, vol. I, 5 – 839 : absque impedimento summi pontifici. 700.  CDC, vol. I, 9 – 851 ; CDC, vol. I, 11 – mai 862. Merores, Gaeta, p. 10, souligne que le titre

de consul n’est attribué qu’à des fonctionnaires du pape, puisque quatre autres consules souscrivent le document de 851. 701.  Merores, Gaeta, p. 12. 702.  Schipa, « Il ducato di Napoli », ASPN, 17, p. 606-623, 635-644 et 785-787 ; ibid., 18, p. 41-65 ; Gay, L’Italie méridionale, p. 114-131. 703.  Erchempert, Histoire des Lombards de Bénévent, éd. Waitz, 39, p. 249, l. 20-21 : Tunc Salernum, Neapolim, Gaietam et Amalfim pacem habentes cum Saracenis, naualibus Romam grauiter angustiabant depopulatio.

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(vers 867-906), mène un jeu de balancier qui, à terme, lui est profitable. L’avènement du pape Jean VIII (872-882) marque les débuts d’une intense activité pontificale pour contrer la menace sarrasine. Depuis le pillage des basiliques Saint-Pierre et Saint-Paul devant les murs de Rome en 846, la papauté craint de perdre le contrôle de l’ensemble de son patrimoine dans la région de Gaète. En 874-875, pour services rendus contre les Sarrasins, Jean VIII concède le patrimoine de Traetto et les terres autour de Fondi au souverain de Gaète, Docibilis Ier, et à son fils Jean704. Lors de son séjour à Traetto pour rassembler la coalition contre les envahisseurs, Jean  VIII fait des concessions plus considérables encore : il accorde l’ensemble des revenus des propriétés romaines avoisinant Gaète. Sous la forme d’un contrat à bail, il semble que le pape ait fait de Docibilis  Ier et de son fils Jean les recteurs du patrimoine pontifical de Traetto, aboutissant de facto à un abandon complet des domaines de l’Église de Rome dans la région705. L’affaiblissement du pouvoir des papes après la mort de Jean VIII favorise les souverains de Gaète. La concession du patrimoine de Traetto et du duché de Fondi est renouvelée au début du xe siècle par le pape Jean X (914-928), après la bataille du Garigliano (915), en présence du stratège de Sicile, des princes de Capoue, du duc de Naples et du prince de Salerne706. De surcroît, le plus jeune frère du duc Jean de Gaète, Anatole, devient duc de Terracine, hors du duché de Gaète707. Dans l’esprit des papes, les droits de l’Église romaine sur le patrimoine autour de Gaète sont inaliénables, comme le soulignent Erchempert et le privilège accordé en 962 par Otton Ier à l’Église de Rome708, mais la papauté ne retrouvera jamais son patrimoine en grande partie aliéné puis abandonné aux pouvoirs publics locaux au cours du haut Moyen Âge.

704.  Kehr, Italia pontificia, vol. VIII, p. 81-82, n. 5. Cet acte est connu par le placitum de 1014, voir la note 706. 705.  CDC, vol. I, 15 – 890. Dans ce document, les hypati de Gaète afferment une terre du patrimoine, soustrayant le bail à l’Église romaine. Cependant, d’après Merores, Gaeta, p. 15, n. 1, le titre de rectores patrimonii Caietani qu’ils s’attribuent va à l’encontre d’un droit de propriété illimité. 706.  Comme pour 874-875, la concession de Jean X est connue par le biais du placitum de 1014 mettant fin à une querelle entre le Mont-Cassin et le comte de Traetto. Voir CDC, vol. I, 130 – 1014 : per manus Melchisetes scriniarii sancte Romane ecclesie. Pridie Idus Iunii indictione quinta. Bene ualete. Ille pridie Idus Iunii Theofilactus secundiclericus Sancte Sedis Apostolice scripserat imperante domno suo piissimo perpetuum Agusto Lodeico Magno imperatore indictione suprascripta quinta. Scripta per manus Melchisetes scriniarii sancte Romane ecclesie indictione suprascripta quinta. Vollatum per uullam plum­ biam. Voir également le commentaire de Merores, Gaeta, p. 21-23. 707.  Néanmoins, les papes profitent du morcellement extrême du duché de Gaète pour étendre leur domination sur Terracine. Pour les liens entre Terracine et Rome, voir Toubert, Les structures du Latium médiéval, p. 948-949. 708.  Chronica monasterii Casinensis, vol. I, 43, éd. Hoffmann, 34, p. 112, l. 24-p. 113, l. 1 : Eo tempore Pandenolfus quidam Capue preerat, dum in pape fidelitate consisteret, rogauit eum, ut subderet dominatui suo Caietam. Nam Caietani Romano tantum pontifici seruiebant ; Erchempert, Histoire

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II.  Le patrimoine des évêchés La propriété ecclésiastique se compose de biens fonciers, immobiliers ou mobiliers, possédés par les Églises (dans le sens de diocèses) ou des églises en propre. Réaliser une étude du temporel des Églises des duchés tyrrhéniens s’avère difficile, car l’objectif des sources n’est pas de fournir des détails sur le patrimoine à disposition des évêques. La correspondance de Grégoire le Grand, pour riche qu’elle soit, se consacre surtout aux questions de discipline ecclésiastique et s’attarde sur le patrimoine romain en Campanie. Les informations fournies par les Gesta demeurent partielles et leur princi­ pal rédacteur, Jean Diacre, s’attache à montrer les réalisations des évêques de Naples plutôt qu’à dresser la liste des propriétés foncières de leur Église. Les actes de la pratique présentent l’intérêt de compiler, pour l’essentiel, des documents fonciers. Mais les archives conservées pour Naples concernent en priorité les « monasteri soppressi ». Par chance, le Codex Diplomaticus Cajetanus conserve le témoignage bien documenté de transactions foncières impliquant les évêques de Gaète. Sur ces bases peuvent être analysés les différents patrimoines ecclésiastiques de la région.

Le patrimoine des évêchés campaniens à la fin de l’Antiquité Plus qu’un état détaillé de leur patrimoine, la correspondance pontificale dresse un tableau assez partiel, parfois précis, de la situation financière des évêques et des évêchés campaniens à la fin du vie siècle. Une des principales missions de l’évêque consiste à gérer, contrôler et disposer des revenus de son Église. Les canons restent elliptiques à ce sujet. La nécessité pour l’évêque d’administrer les biens de son Église est évoquée dans les Canons apostoliques, mais pour rappeler l’interdiction de les aliéner709. Les conciles œcuméniques n’abordent pas la question des revenus ecclésiastiques, sinon pour demander d’établir un économe dans chaque diocèse710. La législation impériale n’offre aucun ajout notable aux prescriptions canoniques711.

des Lombards de Bénévent, 65, éd. Waitz, p. 260, l. 20-24 : Per idem tempus missis legatis idem Atenulfus Romam, Maionem uenerabili abbate et Dauferio diacono, ut subderetur Stephano pio papae essetque illi proprius famulus ; et promisit reddere Caietanos, quos pridem callide ceperat, adiuuaretque eum contra Saracenos Gariliano residentes ; quae postea cuncta oblitus, ex his quae promiserat nil omnino adimpleuit. Pour le Priuilegium Ottonianum, voir Das Privilegium Ottos I. für die römische Kirche, éd. Sickel. 709.  Canons apostoliques, 38, dans Constitutions apostoliques, éd. et trad. Metzger, VIII, 47, 38, p. 286 ; éd. et trad. Joannou, Discipline générale antique, vol. I/2, p. 26-27. 710.  Collaborateur de l’évêque et contrôleur financier du diocèse, l’économe exerce des fonctions réglementées par les synodes anciens : les canons 7 et 8 du concile de Gangres mentionnent le clerc préposé à la

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L’allusion aux revenus de l’Église et à leur préservation est récurrente dans la cor­res­ pondance du pape au sujet des visiteurs administrant un siège vacant712. C’est aussi le cas lors de la réunion de deux évêchés comme celui de Cumes uni au siège de Misène713. À Capoue, la gestion des revenus ecclésiastiques est compliquée par la présence des Lombards. Néanmoins, lorsque Gaudentius de Nola est nommé visiteur en 594, il reçoit les instructions habituelles pour veiller aux biens et aux revenus de cette Église714. S’agit-il d’une formule stéréotypée ou d’un propos délibéré  ? Le pape insinuerait que le visiteur doit assurer la préservation des vases sacrés et des objets précieux emportés à Naples. En mars 595, Gaudentius reçoit l’ordre de distribuer, en guise de presbyterium, le quart des revenus annuels de l’Église de Capoue à ses clercs, résidant à Naples, afin qu’ils accomplissent leur office et leur ministère715. L’origine de ces revenus est énigmatique puisque l’occupation de Capoue par les Lombards rend improbable la gestion à distance du diocèse ou le transfert de ses revenus vers Naples. L’argent pourrait venir de Rome, mais Grégoire le Grand l’aurait spécifié en faisant intervenir son recteur. Il est possible que l’Église de Capoue dispose, hors de son diocèse et de la zone lombarde, d’un patrimoine dont elle tire des revenus. Quelques indices cor­ ro­borent cette deuxième hypothèse. L’archevêque de Milan, réfugié à Gênes, continue de percevoir le fruit des domaines de son Église situés en Sicile et gérés par Rome716.

réception des offrandes, tandis que le canon 26 de Chalcédoine impose un économe à chaque évêché. Dans l’Église byzantine, cette disposition est réitérée par le canon 11 du concile de Nicée II. Il ne semble pas que le recours à un économe soit fréquent en Occident avant la fin du vie siècle, voir Jones, The Later Roman Empire, vol. 2, p. 902 et p. 1376, n. 74. Ce que confirmerait la rareté des mentions dans la correspondance de Grégoire le Grand (voir Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, XIV, 2 – septembre 603). En Occident, le rôle de l’économe de l’évêché est assuré par l’archidiacre de la cathédrale. 711.  Justinien, Novelles, éd. Schoell et Kroll, LXVII, 2 (538) : l’évêque s’assure que toute église fondée soit suffisamment dotée ; CJ, éd. Krueger, I, 2, 17, pr. et 1 (Anastase) ; ibid., I, 2, 21, pr. (529) ; Justinien, Novelles, éd. Schoell et Kroll, XLVI, 1-2 (537) ; ibid., LXVII, 4 (538) : la fortune mobilière et immobilière de l’Église ne doit pas être aliénée, les ventes dans des situations déterminées sont possibles seulement avec le consentement de tous les clercs, de l’évêque et de l’économe ; CJ, éd. Krueger, I, 3, 32, 4 (472) : le trésorier, qui gère la fortune de l’Église et la représente devant la justice, se trouve sous l’autorité de l’évêque. De manière plus générale, voir l’essai de synthèse de Caron, « La proprietà ecclesiastica », p. 217-230. 712.  Markus, Gregory the Great, p. 108. 713.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, II, 44, Norberg, II, 37 – juillet  592 : le pape insiste sur le fait que Benenatus de Misène est évêque des deux cités et dispose du patrimoine des deux diocèses. 714.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 13 – novembre 594. 715.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 27 – mars 595. 716.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 80 – août 591 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 6 – septembre 600.

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L’Église de Canosa possède également des terres en Sicile et l’Église de Ravenne ad­ mi­nistre un patrimoine dans l’île717. Comme d’autres Églises de la péninsule, l’Église de Capoue a pu détenir des domaines siciliens. Une seconde information est fournie par Grégoire le Grand qui mentionne la présence de l’évêque de Capoue en Sicile718. Celui-ci accomplit peut-être une mission au nom du pape, comme le laisserait supposer une lettre de 598 citant la perception de 10 livres d’or. Mais, un an plus tard, l’évêque est toujours en Sicile. Le pape lui reproche le temps passé devant les tribunaux de l’île – sans doute en raison de son implication dans plusieurs litiges – et lui demande de revenir à Rome. La présence de cet évêque péninsulaire en Sicile ne constitue d’ailleurs pas un cas unique : l’évêque Paulinus de Taureana, un siège du sud du Bruttium, est réfugié à Messine avec des moines de son diocèse719. Ces évêques se sont-ils enfuis avec le trésor de leur Église, comme le pape le mentionne à plusieurs reprises720 ? Basile n’était pas évêque de Capoue au moment de l’invasion de son diocèse par les Lombards et n’a donc pu emporter les objets liturgiques. Peut-être l’évêque vit-il des revenus des terres que son Église possède dans l’île ? La correspondance de Grégoire le Grand avec l’évêque Gaudentius de Nola, à propos des revenus de l’Église de Capoue, fait allusion au quart des revenus à distribuer aux clercs. Les revenus de l’Église ne sont pas à la libre disposition de l’évêque et demeurent soumis à une quadruple répartition721. La quadripartition est attestée depuis les papes Simplice et Gélase, à la fin du ve siècle722. Elle apparaît dans plusieurs lettres de Grégoire le Grand concernant la Campanie ou d’autres régions723. Les revenus doivent être

717.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 42 – mai 591 (Canosa) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 8 – octobre 600 (Ravenne). 718.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 72, éd. Norberg, IX, 73 – novembre-décembre 598 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 4 – septembre 599. 719.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 38 – mars 591. Taureana (Taureana de Palmi) est à 30 km de Messine, de l’autre côté du détroit. 720.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IV, 11 – septembre 593. Le pape fait allusion aux trésors ecclésiastiques emportés en Sicile durant la fuite d’évêques du continent. 721.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IV, 11 – septembre 593 : dans une lettre à l’archevêque Maximianus de Syracuse, le pape souligne que même les nouveaux revenus acquis par une Église sont soumis à cette quadripartition. Ce rappel démontre cependant que cette division en quatre parts égales ne va pas forcément de soi pour tous les évêques. 722.  Simplice, Epistulae, éd.  Thiel, 1, 2, p. 176-177 – novembre 475 ; Gélase, Epistulae, éd. Thiel, 14, 27, p. 378 – mars 494 ; ibid., 15, 1, p. 380 – ca. 494 ; ibid., 16, 2, p. 381 – ca. 494. 723.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, V, 27 – mars  595 pour la Campanie ; pour les évêchés hors de Campanie : ibid., éd. Ewald et Hartmann, IV, 11 – septembre 593 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 12 – novembre 594 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 48 – juin  595 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, VIII, 7 – novembre 597 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIII, 46, éd. Norberg, XIII, 45 – juillet 603. Toutes ces lettres concernent la Sicile

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distribués en quatre parts destinées à l’évêque, au clergé, aux pauvres et à l’entretien des biens ecclésiastiques724. Dans cette répartition, l’évêque a cependant davantage de latitude quant au montant distribué et aux personnes bénéficiaires. On apprend ainsi qu’un archidiacre Rusticus, de la même Église de Capoue, s’est vu retirer dix sous par son évêque725. D’un évêché à l’autre les écarts de revenus peuvent être considérables. La Novelle CXXIII de Justinien apporte, en 546, de précieux renseignements sur les revenus annuels des Églises de l’Empire726. La loi classe les évêchés en six catégories, selon le revenu annuel de l’évêque (plutôt que de l’Église)727, revenu en fonction duquel le nouvel évêque verse des droits d’intronisation aux évêques et aux prêtres qui ont participé à la consécration et des droits coutumiers au clergé. Nous pouvons dresser le tableau suivant : Catégorie

Revenu épiscopal annuel

Droits d’intronisation

Don au clergé

Patriarcat

non précisé

20 livres d’or

parmi les 20 livres

Métropole

≥ 30 livres d’or

100 sous

300 sous

Évêché

10-30 livres d’or

100 sous

200 sous

Évêché

5-10 livres d’or

50 sous

200 sous

Évêché

3-5 livres d’or

18 sous

24 sous

Évêché

2-3 livres d’or

12 sous

6 sous

Évêché

< 2 livres d’or

0 sou

6 sous ?

à l’exception de la V, 48, adressée à l’évêque d’Urbino. Ce principe de quadripartition est également mentionné dès le premier chapitre du Libellus responsionum envoyé par Grégoire le Grand à l’évêque Augustin de Cantorbéry. Cette source, d’une authenticité discutée, est éditée et traduite dans Grégoire le Grand, Registre, trad. Minard et Reydellet, vol. II, p. 490-520, ici p. 490, l. 22-26 : Mos autem sedis apostolicae est ordinatis episcopis praecepta tradere, ut omni stipendio quod accedit quat­ tuor debeant fieri portiones : una uidelicet episcopo et familiae propter hospitalitatem atque susceptionem, alia clero, tertia pauperibus, quarta ecclesiis reparandis. 724.  Il s’agit de l’ordre généralement suivi par Simplice, Gélase ou Grégoire le Grand, même s’il ne paraît pas constituer une règle intangible. 725.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, V, 27 – mars 595. Dans une lettre adressée à l’évêque Léon de Catane, le pape indique que la distribution du quart revenant au clergé se fait selon le bon vouloir de l’évêque et selon les mérites des bénéficiaires de façon à stimuler les autres : ibid., éd. Ewald et Hartmann, VIII, 7 – novembre 597. 726.  Justinien, Novelles, éd. Schoell et Kroll, CXXIII, 3 (546). 727.  Jones, The Later Roman Empire, vol. II, p. 905 ; Flusin, « Évêques et patriarches », p. 485-543, ici p. 503 : « les revenus des Églises ou plutôt, sans doute, la part de ce revenu dont dispose l’évêque ».

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Ces précisions juridiques éclairent les revenus de l’Église de Naples. En février 601, Grégoire le Grand écrit à l’évêque Pascasius afin qu’il distribue l’argent de l’Église destiné au clergé et aux pauvres. Le pape évoque la somme de 400 sous, soit 5 livres et demie, que le prédécesseur de Pascasius, Fortunatus, n’avait pas distribués728. Quelle proportion des revenus de l’Église cela représente-t-il ? On ne dispose pas d’informations claires. La lettre stipule que les 400 sous constituent l’argent de l’Église destiné au clergé et aux pauvres. On peut penser que cette somme ne constitue pas la totalité des revenus de l’Église de Naples mais la moitié, soit le quart destiné au clergé et l’autre quart destiné aux indigents. Le Liber Pontificalis de Ravenne indique, dans le premier tiers du vie siècle, une somme de 3000 sous, soit environ 40 livres d’or, représentant le quart des revenus du siège729. On est, avec 400 sous, loin d’une telle somme mais Ravenne, ancienne capitale impériale et siège métropolitain, ne peut être comparée avec Naples, appauvrie de surcroît par l’invasion lombarde et la perte d’une grande partie de son patrimoine, donc de ses revenus. D’autres sources indiquent des revenus épiscopaux ou ecclésiastiques. Au début du viie siècle, la Vie de Théodore de Sykéon déclare que cet évêque d’Anastasioupolis en Galatie Première reçoit un traitement, et non un revenu, de 365 sous annuels730. Un autre évêque, Musonius de Méloé, en Isaurie, se plaint de ne recevoir que 6 sous par an731. D’après les témoignages contemporains et la novelle de Justinien, les 400 sous constituent une somme médiane. Une autre lettre confirme que les 400 sous mentionnés par le pape ne représentent pas la totalité des revenus de l’Église de Naples. En mars 603, le pape reproche à l’évêque Pascasius d’avoir déjà englouti au minimum 400  sous d’or dans la construction d’un navire732. La somme équivaut aux revenus indiqués auparavant par Grégoire le Grand. Il est cependant plausible que cette somme ait été acumulée sur plusieurs années  mais peut-être le pape donne-t-il à dessein la somme de 400 sous pour montrer que Pascasius a dépensé l’équivalent du revenu annuel de l’évêque de Naples  ? Il reste à savoir pourquoi les 400 sous n’ont pas été distribués par Fortunatus. Selon Grégoire le Grand, dans une lettre de février 601, Fortunatus a conservé la somme « injustement » et le nouvel évêque doit remédier à cette rétention de fonds733. Fortunatus est mort entre avril

728.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, XI, 22 – février  601 : ut ex pecuniis ecclesiae uestrae portio cleri uel pauperum quam minime decessor uester praebuerat, id est quadrigenti solidi, seorsum fieri debuissent, qui eiusdem cleri atque pauperum erogationi proficerent. 729.  Agnellus de Ravenne, Liber Pontificalis Ecclesiae Ravennatis, éd. Holder-Egger, 60, p. 319. 730.  Vie de Théodore de Sykéon, éd. et trad. Festugière, 78, p. 65. 731.  Sévère d’Antioche, Epistulae, I, 4, éd. et trad. Brooks, p. 25. 732.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, XIII, 29, éd. Norberg, XIII, 27 – mars 603. 733.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 22 – février  601 : quatenus hoc quod alter iniuste detinuit. Rien, dans la correspondance du pape avec Fortunatus, ne laisse transparaître le reproche

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et juillet 600 et Pascasius lui succède entre juillet 600 et janvier 601. Le calcul des revenus de l’année se fait à partir de septembre d’après une lettre demandant à un évêque de verser la prébende due à un clerc depuis le début de l’indiction734. Durant la vacance entre ces deux évêques, six mois au minimum, les dépenses de l’Église de Naples ont théoriquement été gelées, ce qui a dû aggraver la situation financière du clergé, déjà spolié par le précédent évêque. La même lettre de février 601 détaille le mode de distribution des 400 sous et les différents bénéficiaires. Sur les 400 sous, 100 vont aux « clercs de l’évêque », selon ce qui semblera juste à Pascasius735 ; 63 sous, à raison d’un demi sou par personne, vont aux clercs majeurs (prêtres, diacres), soit 126  personnes736 ; 50  sous vont aux prêtres, diacres et clercs étrangers à l’Église de Naples737 ; 150 sous, à hauteur d’un tiers, de deux tiers, d’un sou voire davantage par individu, doivent être distribués aux notables tombés dans la misère et ne pouvant pas mendier (un cas exceptionnel) 738. Enfin 36 sous sont prévus pour les autres pauvres qui demandent l’aumône en public739. Outre le fait qu’il manque un sou dans le total des sommes indiquées, cette liste ne respecte pas la règle de quadripartition des revenus ecclésiastiques. On ne trouve de référence ni aux revenus de l’évêque ni à la somme consacrée à l’entretien des églises et autres édifices religieux. Ce constat laisse supposer que les 400 sous ne constituent pas la totalité des revenus de l’Église de Naples dont Fortunatus a conservé une partie. On peut penser que les revenus napolitains étaient supérieurs à ceux évoqués par le pape, mais dans une proportion inconnue, peut-être le double.

d’avarice ou de prévarication de l’évêque. On ignore pourquoi Fortunatus a conservé les revenus de l’Église. 734.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 16, éd. Norberg, II, 12 – janvier 592. 735.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 22 – février 601 : Praebendi itaque sunt clericis uestris per singulos, sicuti prospexeritis, simul omni summa solidi centum. 736.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 22 : praeiacentibus, quos centum uiginti sex esse cognoui­ mus, dandi sunt solidi sexaginta tres, id est medium solidi per singulos. 737.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 22 : presbyteris ac diaconibus et clericis peregrinis solidi quinquaginta. Pour Vincenzo Recchia (Gregorio Magno, Lettere [XI-XIV], trad. Recchia, p. 65, n. 4), il s’agit de clercs réfugiés à Naples fuyant les incursions des Lombards de Bénévent menés par le duc Zotton. 738.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, XI, 22 – février 601 : homi­ nibus honestis ac egenis, quos publice petere uerecundia non permittit, solidi centum quinquaginta, ita ut quidam eorum ad singulos tremisses, quidam ad binos, quidam ad singulos solidos uel, si uisum fuerit, amplius dimittantur. 739.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 22 : reliquis uero pauperibus, qui elemosinam publice petere consueuerunt, solidi triginta sex.

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Si l’évêque doit répartir les revenus de son Église, il conserve une relative liberté dans leur distribution d’après des lettres de Grégoire le Grand à des évêques siciliens740. Le pape penche pour une répartition « au mérite », moyen de distinguer les clercs entre eux. L’évêque doit cependant verser une prébende à chaque clerc de son diocèse. En janvier 592, le prêtre Dominicus est nommé par le pape desservant de SainteMarie dite du Pison, église dépendant de l’évêque d’Atella741. Importunus, sans doute évêque d’Atella742, est contraint d’entériner sa nomination et de lui verser sa prébende ainsi que les revenus de son église depuis le début de l’indiction, soit septembre 591. On ignore pourquoi l’évêque a capté les revenus de l’église de Dominicus depuis le mois de septembre précédent, mais cette pratique est souvent condamnée par des conciles en Occident, même si la dépendance financière des églises rurales vis-à-vis de l’évêque varie d’une région à l’autre743. Le reproche du pape, adressé de manière posthume à l’évêque de Naples, d’avoir conservé tout ou partie du revenu de son Église, permet de s’interroger sur la confusion possible entre le revenu de l’Église et celui de l’évêque. Nous avons évoqué le cas de Pascasius construisant un navire au grand dam de Grégoire le Grand744. Une autre lettre du pape concerne à nouveau Importunus d’Atella745. Celui-ci a laissé en héritage deux tiers de ses biens à sa belle-fille et le reste à son Église. Le pape demande à son recteur de Campanie de vérifier l’état du patrimoine de l’évêque avant sa consécration épis­co­ pale, le seul qu’il puisse transmettre à un autre héritier comme le stipule la législation impériale746. Cet inventaire des biens à la mort de l’évêque et les questions relatives aux testaments d’évêques apparaissent plusieurs fois dans la correspondance de Grégoire le Grand747. Bien qu’on ne suppose aucune malhonnêteté de l’évêque d’Atella,

740.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, VIII, 7 – novembre 597 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIII, 46, éd. Norberg, XIII, 45 – juillet 603. 741.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 16, éd. Norberg, II, 12 – janvier 592. On constate ici que le pape ne se contente pas d’intervenir en tant que métropolite dans l’ordination des évêques sous sa dépendance, mais va jusqu’à placer un prêtre à la tête d’une église située dans l’évêché d’Atella. 742.  PCBE, vol. II/1, p. 1052, s.u. Inportunus 2. 743.  Jones, The Later Roman Empire, vol. II, p. 903-904. 744.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, XIII, 29, éd. Norberg, XIII, 27 – mars 603. 745.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 142, éd. Norberg, IX, 143 – mai 599. 746.  CJ, éd. Krueger, I, 3, 41 (42), 5-7 (528) ; Justinien, Novelles, éd.  Schoell et Kroll, CXXXI, 13 (545). On retrouve ces prescriptions dans la correspondance de Pélage Ier, Epistulae, 33 – février 559, éd. Gassó et Batlle, p. 91. 747.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, III, 22 – mars 593 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IV, 11 – septembre 593 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IV, 36 – juillet 594 : cette lettre décrit un cas similaire à celui d’Importunus d’Atella, l’inventaire des biens d’Eusanius

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le pape demande à son homme de confiance de vérifier l’état du patrimoine de cet évêque, ce qui laisse supposer une possible confusion entre patrimoine ecclésiastique et biens personnels. Toutefois, ce mélange des genres ne lèse pas seulement l’Église, mais peut-être aussi les héritiers qui voient leur part réunie aux domaines de l’évêché. On ne peut s’interdire de penser que le pape, se souvenant de la captation des revenus du clergé par cet évêque, est devenu soupçonneux.

Un patrimoine amoindri ? L’obscurité documentaire après Grégoire le Grand masque les vicissitudes que connaissent les patrimoines des diocèses tyrrhéniens. Les sources napolitaines, tant les Gesta que les actes de la pratique, demeurent avares d’informations sur la richesse foncière de l’Église de Naples. Les sources amalfitaines évoquent à peine les possessions des évêchés de la région. Les hasards de la préservation ou de la disparition des sources font de Gaète l’évêché le mieux documenté pour le patrimoine des évêques. Entre la fin du ixe et le début du xiie siècle, plus d’une cinquantaine de documents traite de questions foncières impliquant les prélats de cette cité. Cette documentation permet d’éclairer un patrimoine devenu insaisissable à Naples et Amalfi. Dans les actes notariés, les propriétés épiscopales sont indiquées d’une manière spécifique, malgré quelques variantes. En règle générale, quand l’évêque est l’auteur de l’acte, il se contente de désigner ses propriétés comme « de son évêché »748. L’évêque de Naples évoque un gualdus (terme lombard désignant un bois) « de notre saint évêché »749. En revanche, si l’acte relève de l’initiative d’un parti­culier, les rédacteurs emploient une formulation calquée sur celle de la « sainte Église romaine ». Une propriété de l’Église de Naples est ainsi mentionnée comme une terre « de la sainte Église napolitaine »750. La référence au saint patron du diocèse pour désigner une propriété de l’Église est

d’Agrigente après sa mort pour évaluer ses biens détenus à titre personnel et ceux de par sa fonction d’évêque ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 23 – février 593 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, VI, 1 – septembre 595 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 194, éd. Norberg, IX, 195 – juillet 599 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XII, 14 – mai 602. 748.  CDC, vol. I, 39 – 936 : et dicurrentie per circum est causa suprascripti nostri episcopii. 749.  RNAM, vol. I/2, 119 – 966 : habente ha parte horientis et a parte septemtrionis gualdum nomi­ nati sancti nostri episcopii. 750.  E.g. RNAM, vol. I/2, 82 – 958 : octabum campum qui nominatur Seberanum abente ab uno latere terra sancti Bincentii et ab alio latere terra sancte Neapolitane ecclesie. On trouve des variantes comme dans RNAM, vol. I/1, 50 – 947 : terre que uocatur Casauidua, qui pertinet de sancta Neapolitana ecclesia ; RNAM, vol. IV, 328 – 1025 : loco qui uocatur Casa Aurea ipsius Neapolitane ecclesie. Ce type de mentions se trouve pour d’autres Églises, par exemple Pouzzoles : RNAM, vol. I/2, 147 – 971 : terra sancte Putheolane ecclesie.

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plus originale. Cela semble advenir lorsque la notoriété du saint patron est suffisante pour l’identifier à l’Église elle-même. À Nola, les actes évoquent « l’évêché de saint Félix »751. À Gaète, la situation est un peu plus compliquée. La promotion de la ville au rang d’évêché date du Moyen Âge. Jusqu’au ixe siècle, Gaète demeure soumise au siège de l’évêque de Formies, patrie de saint Érasme. Ruinée une première fois par l’invasion lombarde, Formies est définitive­ment abandonnée après de lourdes destructions causées par les Sarrasins752. Toutefois, les évêques persistent longtemps à s’intituler évêques de Formies et Gaète. Lorsque les sources parlent des « terres de saint Érasme », il s’agit de propriétés ecclésiastiques conservées aux alentours de l’évêché déchu753. Peu à peu l’usage se perd et, au xie siècle, on ne mentionne plus saint Érasme pour évoquer les biens fonciers de l’évêché de Gaète754. Base économique de tout patrimoine dans une société préindustrielle, la terre ap­ pa­raît le plus souvent dans les allusions au patrimoine des Églises diocésaines, mais l’objectif de cette étude n’est pas d’établir une typologie des terres possédées par les Églises755. Les termes utilisés varient en fonction de leur importance, du grand domaine foncier (massa) au jardinet (hortus)756. Ils ne sont pas différents de ceux employés pour désigner les biens laïques et il s’avère impossible de tirer des conclusions définitives de leur présence dans les actes concernant les biens ecclésiastiques. Hormis les terres cultivables, on mentionne des vignes ou des bois, des maisons, à la campagne ou en ville. Un bien foncier semble retenir toute l’attention des évêques : le moulin. Six actes gaétans impliquant l’évêque évoquent des transactions liées à des moulins à eau757. Le moulin constitue un bien immobilier coûteux, d’où son importance758.

751.  RNAM, vol. IV, 317 – 1021 : est casalem et monte episcopii sancti Felici ; RNAM, IV, 330 – 1026 : terra episcopii sancti Felici Nolani. 752.  Merores, Gaeta, p. 2 ; sur la datation de l’événement, voir Ciampani, L’ex cattedrale di S. Erasmo, p. 43-45. 753.  E.g. CDC, vol. I, 26 – 919 : Certum est nos Marinus et Iubinianus. Germani fratres abitatoribus in massa beati Erasmi, una cum consensum et auctoritatem domno Bono sanctissimo episcopo Gaietano. 754.  E.g. CDC, vol. II, 243 – 1042 (et non 1069) : tota et inclita nostra portione de ipso aquismolo de episcopio sancte Gaietane haecclesie. 755.  Sur le développement de la propriété ecclésiastique en Italie, voir Toubert, « L’Italie rurale », p.  103 : « On note pendant longtemps une totale identité de structures entre patrimoines laïques et ecclésiastiques. Il y a en effet jusqu’au milieu du ixe siècle une interpénétration constante et profonde de la propriété laïque et de la propriété ecclésiastique ; non un simple processus d’absorption et de remodelage de la première par la seconde, mais une mobilité continuelle, dans les deux sens et à tous les niveaux. » ; ibid., p. 129 : « C’est ainsi du morcellement même de la propriété laïque et de sa mobilité accrue que sont nés cette vitalité ecclésiastique et cet appétit nouveau de concentration des terres. » 756.  Sur la massa voir Vera, « Massa fundorum », p. 991-1025. 757.  CDC, vol. I, 2 – 830 ; CDC, vol. I, 3 – 830 (?) ; CDC, vol. I, 96 – 997 ; CDC, vol. I, 190 – 1050 ; CDC, vol. II, 242 – 1069 ; CDC, vol. II, 243 – 1069.

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Les indications fournies sur le patrimoine de l’Église de Gaète, entre 830 et 1135, permettent de tirer des conclusions sur les patrimoines épiscopaux des duchés tyrrhéniens. Le terme massa apparaît seulement à Gaète avec la massa beati Erasmi759. C’est une survivance du passé tardo-antique pour désigner l’ensemble ou un groupe de propriétés de l’Église de Formies. Aux ixe-xe siècles, elles représentent sans doute encore l’essentiel du patrimoine de l’Église de Gaète760. Cette observation se trouve confortée par l’importance des possessions pontificales dans la région. Jusqu’au viiie siècle, le pape conserve d’importants biens fonciers qui constituent le patrimoine de Gaète. Il ne fait guère de doute que cet ensemble domanial concurrence celui des Églises de la région, du moins les empêche d’augmenter leur propre patrimoine. L’acte de 830, qui mentionne le recteur Gregorius du patrimoine de Gaète, met en lumière les contestations de propriété entre le patrimoine pontifical dans la région et celui de l’Église de Gaète761. La constitution du patrimoine de Traetto762 arrête également l’extension des propriétés épiscopales de Gaète aux rives du Garigliano. En outre, l’évêché de Minturnes réapparaît dans les sources au ixe siècle763. L’objectif des papes serait de limiter les ambitions des évêques de Gaète. Il est possible que les papes aient pris l’initiative de restaurer un siège abandonné au temps de Grégoire le Grand764. Dans un acte de 839, Léon est évêque de Minturnes et du castrum Leopoli, une création pontificale765. Cet acte n’est d’ail­ leurs pas daté de l’année du règne de l’empereur byzantin Théophile, comme à Gaète,

758.  Sur les moulins à eau en Italie méridionale, voir la synthèse de Ditchfield, La culture maté­ rielle médiévale, p. 276-287. 759.  CDC, vol. I, 8 – 845 ; CDC, vol. I, 26 – 919. On trouve des allusions à la massa sans que le nom du saint soit indiqué : CDC, vol. I, 13 – 867 ; CDC, vol. I, 48 – 945. Une uia Massarina, sans doute la route menant aux domaines de l’Église autour de Formies, est connue : CDC, vol. I, 52. 760.  Les dépendants de la massa de l’Église de Gaète sont dits Massarini ou Marsarini. CDC, vol. I, 39 – 936 : inter domno Petro episcopo sancte Gaietane ecclesie huna cum ipsi Marsarini ; ibid., p. 66, n. a. 761.  CDC, vol. I, 3 – 830/831 : had Iohannem episcopum sancte ecclesie Gaietane ad domno Gregorio summi pontifici uenit et facta est ad eum interpellatio et dum cognouisset ipso summo pontifex eius iustitia misericordia motum super eum iudicare dignatus est per suo sancto hore etiam per missos per suas epistolas hut intrarent tres sacerdotes sancte Gaietane ecclesie et iurare per suum sacramentum. Quia ipsa uinea de statilianum et uinea seu aquimolum qui ponitur in Scauri et terra qui ponitur sub monacha ; et ipse horatorium ueati Angeli qui ponitur in monte Altinum semper de illorum episcopio fuisset. On ne sait si les revendications de propriété émanent des représentants du pape ou de l’Église de Gaète. L’affaire est finalement transmise au pape dont les services entament une procédure judiciaire. 762.  Voir p. 158 et suivantes. 763.  CDC, vol. I, 6 – 839. Voir aussi Kehr, Italia pontificia, vol. VIII, p. 98. 764.  Voir p. 27 et suivantes. 765.  CDC, vol. I, 6 – 839 : Certum est me domnus Leo sanctus episcopus sancte Menturnensibus cibi­ tati et kastri Leopoli.

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mais de l’année du pontificat de Grégoire IV (827-844)766. En revanche, on peut s’inter­ roger sur l’étendue et l’origine du patrimoine de l’évêché. Dans l’acte de 839, l’évêque concède une terre à un conductor et à des dépendants (famuli), mais il apparaît que cette terre avait été autrefois donnée par Sinuadus, recteur du patrimoine pontifical de Traetto767. Dès lors, on peut supposer que certaines de ces terres épiscopales sont constituées de biens fonciers pris au patrimoine pontifical de Traetto. De manière plus générale, on assiste, au cours du haut Moyen Âge, à un rétré­cis­se­ ment du patrimoine foncier des Églises des duchés tyrrhéniens, comme dans le reste de l’Italie méridionale. Alors que la correspondance de Grégoire le Grand laissait apparaître des Églises possessionnées jusqu’en Sicile, les bouleversements de la fin de l’Antiquité et le morcellement politique de la péninsule semblent avoir mis un terme à la dispersion de leur richesse foncière. Mais la documentation se fait faiblement l’écho de cette tendance. Le phénomène est plus accentué dans les diocèses « secondaires », qui bénéficient sans doute moins des largesses des souverains locaux. Ainsi, en 971, un acte napolitain mentionne une terre de l’Église de Pouzzoles située dans le territoire de Naples768. On rencontre le même cas de figure dans deux actes concernant l’Église de Nola : à chaque fois, les biens fonciers en question se trouvent sur le territoire de la cité769. La situation est à peu près identique pour les Églises de Naples et de Gaète. La création, au xe  siècle, de petits évêchés suffragants pour la nouvelle métropole d’Amalfi a certainement pour conséquence un morcellement et un rétrécissement encore plus accentués des patrimoines fonciers. La disparition du terme massa pour

766.  Ibid. : temporibus domino nostro Gregorio ter beatissimo summo pontifici et unibersali pape. Le notaire a écrit ter par erreur : voir le commentaire des éditeurs. La réactivation de l’iconoclasme d’État par l’empereur byzantin Théophile peut aussi expliquer son omission dans une source liée à la papauté. 767.  Ibid. : Concessisse adque concessimus adlocare et adlocauimus bobis « Trasari presbytero » [ajout d’une autre main] Lupari conductori et Sassi et Rosiani uiti « Romoaldus » Iulianus germani fratribus abitatores in locum qui apellatur Masurianu famuli uero ueati Petri Apostoli in episcopiu idest portione Agnuzii zii bestri ipsa portione (…) et ipsa portione concessa abuisti da Sinuadus rector. 768.  RNAM, vol. I/2, 147 – 971 : propter integrum campum uestrum iuris memorati sancti et uene­ rabilis uestri monasterii qui uocatur Sessana positum in territorio Putheolano (…) coherente siui ab uno latere selice publici et ex alio latere terra sancte Putheolane ecclesie. Ce texte concerne un champ appartenant au monastère des Saints-Théodore-et-Sébastien à Pouzzoles 769.  RNAM, vol. IV, 317 – 1021 : et ad memoratum alium casalem uestrum et montem uestrum quod est in uno tenentia qui nominatur Maternum coheret siui a parte orientis est casalem et monte episcopii sancti Felici. « L’évêché de Saint-Félix » possède un bien à Maternum, contigu de propriétés du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus sur le territoire de Nola. RNAM, vol. IV, 330 – 1026 : coherente siui ab uno latere et de uno capite terra Macrini Lagnese de memorato loco [Pumilianum situm foris Arcora dudum Aqueductus], de alio latere terra episcopii sancti Felici Nolani. Il est fait mention de propriétés de « l’évêché de Saint-Félix » situées près d’une terre appelée Ad Pratora, située à Pomigliano d’Arco, dans le diocèse de Nola.

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désigner un grand domaine ecclésiastique n’est peut-être pas anodine. Au xie  siècle, massa ne revêt plus qu’un sens géographique, même à Gaète, comme pour la massa Atellana, près de Naples. Ces toponymes sont devenus le lointain souvenir des grands domaines fonciers paléochrétiens. Il faut aussi y voir le signe d’un fractionnement des possessions ecclésiastiques. Seules les zones de confins semblent permettre une extension, ou une récupération, des propriétés diocésaines. C’est le cas de la Liburie, partagée et disputée au cours des siècles entre Napolitains et Lombards770. L’Église de Naples y possède des domaines comme le montre l’allusion à un habitant du lieudit Casa Aurea « de l’Église de Naples »771. Il en est de même au nord de Gaète, dans la plaine redevenue marécageuse de l’ancien évêché de Fondi. En 1093, le comte Léon de Fondi donne à l’évêque de Terracine le pagus situé non loin de la ville. Il prend soin de préciser qu’il restitue un bien ayant autrefois appartenu à cette Église772. La décomposition des patrimoines pontificaux profite-t-elle aux patrimoines ecclé­ siastiques dans la région ? L’exemple gaétan amène à nuancer la réponse. L’aliénation du patrimoine romain de Gaète, comme nous l’avons vu, se fait surtout au bénéfice des puissants laïques de la région, en premier lieu les nouveaux « recteurs » des possessions pontificales, les hypati de Gaète. Les terres pontificales sont devenues des terres « publiques ». La pression laïque s’exerce aussi sur les domaines épiscopaux, comme certains documents le montrent773. Que les évêques aient également bénéficié d’une partie du patrimoine du pape, suivant l’exemple de l’évêque de Minturnes-Traetto, reste possible. Il semble que ce soit surtout de manière plus indirecte, sous forme de dons laïques. Après la disparition du patrimoine romain de Traetto, les allusions aux propriétés de l’évêque de Gaète sur les rives du Garigliano augmentent. On le remarque, par exemple, dans les dons qu’il reçoit autour de Suio774. Quant à l’évêché de Minturnes-Traetto, il disparaît vers l’an mille, absorbé par le diocèse de Gaète775.

770. Voir Martin, Guerre, accords et frontières, p. 102-114. 771.  RNAM, vol. IV, 328 – 1025 : abitator in loco qui uocatur Casa Aurea ipsius Neapolitane ecclesie. 772.  CDC, vol. II, 267 – 1093 : certum est me dominum Leonem comitem Fundanae ciuitatis. Hac

die do, dono, reddo, cedo, trado, et irreuocabiliter largior propria, et spontanea mea uoluntate tibi Petro ue­ nerabili Terracinensis episcopo uice B. Caesarii Martyris, tuisque successoribus in perpetuum, idest Casale positum foras ciuitatem Terracinae in loco, qui uocatum Flexu subter uia, et super uia sicuti uestri anteces­ sores eum possiderunt itam uobis integriter concedo, trado atque reddo, quas uero pro supradicto Casale in integro, et cum omnibus ad se pertinentibus. 773.  E.g. CDC, vol. I, 39 – 936. Ce document mentionne une contestation foncière opposant les ducs et hypati Docibilis II et Jean II à l’évêque Pierre de Gaète. Pour d’autres allusions à des différends entre l’Église de Gaète et des laïcs : CDC, vol. I, 13 – 867 ; CDC, vol. I, 101 – 999. 774.  CDC, vol. II, 217 – 1063 (?) ; CDC, vol. II, 224 – 1064 ; CDC, vol. II, 242 – 1069 ; CDC, vol. II, 243 – 1069 ; CDC, vol. II, 280 – 1105. 775.  CDC, vol. I, 100 – 999 ; ibid., p. 188, n. b.

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Mais l’essentiel des terres demeure sous contrôle laïque ou monastique. De manière assez paradoxale, la mainmise des Lombards puis des Normands d’Aversa sur le duché de Gaète permet l’extension des terres épiscopales en dehors de l’évêché de Gaète. En 1131, la veuve Mira Mancanella donne ainsi à l’Église de Gaète plusieurs maisons autour de l’évêché, mais aussi des biens que son mari possédait à Capoue, Aversa, Carinola, Traetto, Itri, Maranola, au castrum Spinei (Spigno Saturnia) et au castrum Fractarum (Fratte, aujourd’hui Ausonia)776. Le patrimoine foncier de l’Église de Naples demeure, quant à lui, dans une obscurité quasi-absolue. Les Gesta font des allusions aux dotations dont les évêques gratifient les établissements religieux de leur diocèse. Le duc-évêque Étienne II (766-794) pourvoit la basilique Stephania en hommes et en terres777. Le même évêque donne encore des terres et des hommes lors de la déposition, dans la basilique reconstruite après incendie, des reliques des saints compagnons de Janvier, Eutychès et Acutius778. Athanase Ier enrichit le patrimoine foncier de l’église du Sauveur (Stephania) et dote en terres l’hospice qu’il fonde dans l’episcopium779. Mais les Gesta ne localisent presque jamais les biens fonciers mentionnés. Quand Athanase Ier offre un jardin aux moines qu’il installe près de la basilique Saint-Janvier extra moenia, Jean Diacre indique seulement que le jardin est situé « dans la plaine de Naples »780. Pourtant, aux viiie-ixe siècles, les Gesta décrivent une Église de Naples auréolée d’un prestige sans égal en Italie méridionale, fondé sur un patrimoine monumental extrêmement riche et des institutions séculaires sur lesquelles les évêques s’appuient. Par rapport à ses voisins, l’évêché de Naples bénéficie d’une situation privilégiée : ayant échappé aux conquêtes lombardes, il dispose d’une partie des riches terres de la plaine campanienne. Mais les évêques napolitains ne sont pas dans une situation différente de leurs confrères de Bénévent ou Capoue. Alors que les évêques d’Italie du Nord bénéficient d’un renforcement de leur autorité avec l’affaiblissement du pouvoir impérial franc781, les patrimoines ecclésiastiques

776.  CDC, vol. II, 321 – 1131 : et hereditatibus omnibus uiri mei pertinentibus in toto territorio Gaietano in Casaregia et in Mola uel Flumicello frigido seu in territorio Fundano simulque et in Capua et Tiano uel Auerse et Calinoli siue Triiecto et Castris uidelicet Itro, Maranula, Spingii uel in ipso Fracte. 777.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 42, p. 426, l. 4-5 : Ad clericorum itaque uictum multas res cum plurimis acquisiuit hominibus. 778.  Ibid., 42, p. 426, l. 23-24 : Corpora quoque sanctorum Euticetis et Acutii martyrum ibidem, mul­ tis terris et hospitibus donatis, cum summo honore collocauit. 779.  Ibid., 63, p. 434, l. 25-28 : Ordinauit etiam, ut in ecclesia Saluatoris omni die missa puplica cum dipticis celebretur, offerens ibidem terras, ex quibus eiusmodi aleretur collegium. Deinde ordinauit xenodo­ chium in atrio praedictae ecclesiae, multis terris oblatis, quatenus egenorum et aduenarum esset repausatio. 780.  Ibid., p. 434, l. 28-30 : In ecclesia denique sancti Ianuarii foris sita monachorum collegium sub abbatis regimine ordinauit, offerens eis unum hortum in campo Neapolitano positum. 781.  Golinelli, « Strutture organizzative », p. 156.

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d’Italie du Sud semblent demeurer dans l’étroite dépendance des familles régnantes. Quand le duc de Naples Bonus (832-834) désire se débarrasser de l’évêque Tibère, il menace d’étrangler le prélat et de saisir tous les hommes et les biens de l’évêché si le futur Jean  IV n’accepte pas l’épiscopat782. Dans les Gesta, les deux évêques les plus généreux envers leurs églises sont, sans surprise, des prélats issus de la famille ducale, Étienne II et Athanase Ier. Ce dernier obtient du duc de Naples l’attribution des terres ecclésiastiques du cap Misène, localité détruite par les Sarrasins en 845783. Il s’agit sans doute du patrimoine de l’Église de Misène, évêché tombé en déshérence à la fin du viie  siècle784. Il paraît singulier que le duc Serge  Ier (840-864) attribue les biens immobiliers d’une Église certes dévastée à son fils, l’évêque Athanase Ier. Peut-être le patrimoine de l’évêché déchu de Misène est-il devenu propriété du duc de Naples après la destruction de 845. La confusion entre le patrimoine ecclésiastique et le patrimoine public ne semble pas assurée. L’alliance entre le trône ducal et le siège épiscopal constitue une garantie de conservation, voire d’accroissement du patrimoine foncier de l’Église. Lorsque le Normand Richard d’Aquila s’empare du trône ducal de Gaète, en 1104 ou 1105, il prend soin de garantir à l’évêque la sécurité de l’ensemble des églises et monastères de la ville785. Nous sommes bien loin des seigneuries épiscopales qui se mettent en place plus au Nord de la péninsule.

Administrer le patrimoine épiscopal En 1002, l’évêque Bernard de Gaète rappelle, en préambule d’une transaction fon­ cière, la nécessité de ne pas diminuer les biens de l’Église, mais de les augmenter786. La légis­ la­ tion canonique médiévale renouvelle l’obligation d’avoir un économe dans chaque évêché, sans entrer néanmoins dans les détails de la gestion des biens épiscopaux787.

782.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 56, p. 431, l. 6-7 : Unde dux ualde iratus, dixit, eundem iugulare Tiberium et totius episcopii seruos possessionesque infiscari. 783.  Ibid., éd. Waitz, 63, p. 434, l. 33-36 : Eodem quoque tempore Misenatis ecclesia, peccatis exigentibus, a paganis diuastata est. Cuius omnes pene immobiles res, hoc presule supplicante, genitor eius Sergius dux Neapolitano concessit episcopio. L’épisode de l’occupation du cap Misène par les Sarrasins est aussi relaté par Jean Diacre dans la notice de l’évêque Jean IV : ibid., éd. Waitz, 60, p. 432-433. 784.  Kehr, Italia pontificia, vol. VIII, p. 471-472. 785.  CDC, vol. II, 280 – 1104 ou 1105. 786.  CDC, vol. I, 109 – 1002 : quicumque loca sanctorum preesse noscuntur diligenti studio uigilare debeat qualiter res et proprietas sacri loci non minuetur set magis hac magis augeatur si fieri potest, propter sustentiones eorum qui presunt qualiter orationes assiduas Domino cumuletur et quod exinde in concam­ biationes subtraxerint preuideat si melioratur ipsa concambiatio et non peioratur ; ut cum facta fuerint concambiatio ipsa inter omnes scripturas plenissimam in se optineat roboris firmitatem.

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Les sources disponibles ne permettent pas de savoir, même pour Gaète, si les évêques parviennent à préserver, voire à accroître le patrimoine de leur Église. En revanche, elles témoignent de l’implication épiscopale dans sa gestion. L’évêque possède une entière autorité sur le temporel de son Église, mais n’est pas libre de l’aliéner, en particulier au profit des puissants788. Quand un contrat est établi à l’initiative de l’évêque, celui-ci en est toujours l’auteur et le premier souscripteur789. Aucun représentant de l’évêque n’est jamais indiqué. La liste des souscriptions des actes conclus par les évêques offre également un intérêt : à partir de la fin du xe  siècle, elle réunit presque toujours les souscriptions non seulement de l’évêque, mais aussi de membres du clergé de son Église790. Parfois, un document précise que l’évêque agit avec l’accord de son clergé791. Loin d’être systématique, cette clause semble de pure forme. L’évêque reste la seule autorité décisionnaire pour engager le patrimoine de son Église, les membres de son clergé ne le faisant que par délégation. Un cas original est fourni à Gaète où le futur évêque Bernard, fils du duc Marin, obtient de disposer du patrimoine épiscopal avant d’avoir été consacré792. On ignore si cette pratique est courante, du moins n’est-elle pas canonique793.

787. Canon  10 du concile de Nicée II, éd. et trad. Joannou, Discipline générale antique, vol. I/1, p. 265-266. 788. Canon 12 du concile de Nicée II, éd. et trad. Joannou, Discipline générale antique, vol. I/1, p. 266-268. 789.  E.g. CDC, vol. I, 82 – 983 : Ideoque nos Stephanus humilis episcopus sancte huius Caietane eccle­ siae. Constat nos ab hodierna die et in omne futurum tempus dare et tribuere donare largire atque transs­ cribere uobis domno Iohanni glorioso consuli et duci nostro filius uero domni Marini similiter consuli et duci nostro. 790.  E.g. CDC, vol. I, 181 – 1047 : † Ego Bernardus episcopus † Ego Christophorus archipresbiter † Ego Iohannes presbiter et primicerius † Ego Iohannes diaconus et primicerius. Ego Iohannes diaconus et notarius compleui et absolui in mense et indictione dicta VX (sic). 791.  E.g. CDC, vol. II, 293 – 1119 : Quod proinde nos Albertus diuina ordinante clementia humilis presul sanctae Gaietanae ecclesiae. Dum uobis uidelicet Stephanus in Dei nomine subdiaconus cui pro­ nomen Bracuccia filius domni Gregorii bone memorie et Bonus in Dei nomine subdiaconus qui dicitur Boccamelli filius domni Leonis, bone recordationis, ambobus uiri uenerabiles decanes de catholicae predicte ecclesie sancte Marie nostri episcopii (…). Una etenim mecum hahendo, et consentiendo domno Gregorio in Dei nomine archipresbytero, et domno Stephano humilis presbiter et priori. Quam et Iohannes uir honestus sacerdos et primicerius, aliorumque ipsius nostri episcopii cuncta nostra congregatione clerum. D’autres actes mentionnent la présence du clergé lors de la rédaction du document : CDC, vol. I, 62 – 962 : Qua de re nos domnus Stephanus uenerabilis episcopus sancte Gaietane ecclesie una nobiscum cuncta plebs dicte nostre ecclesie ; RNAM, vol. VI, 586 – 1123 : Nos Guilielmus Domini gratia episcopus sancte se­ dis Nolane hecclesie, nos autem cum cunctas congregationes sacedotum et clericorum ipsius nostri episcopii. 792.  CDC, vol. I, 96 – 997 : Qua de re nos Bernardus clericus filius domni Marini gloriosi consulis et duci ; concedente Deo qui debeo ad ordinem episcopatum adtingere in sacratissima sede sancte Gaietane aecclesie.

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Certains actes mentionnent d’autres individus intervenant dans la gestion du patrimoine épiscopal. Nous avons évoqué le conductor auquel l’évêque de MinturnesTraetto concède en location une terre794. On peut supposer que le conductor régit le patrimoine pontifical de Traetto. Le contrat de cession du bain aux ducs de Gaète fait allusion à des defensores et des uindicatores de l’Église795. On retrouve les defensores attachés à gérer le patrimoine romain. Les uindicatores sont peut-être les agents de l’Église chargés de vendre ou de récupérer des biens ecclésiastiques. Un uicedominus de l’évêché est mentionné dans le règlement d’un différend entre l’évêque et les ducs de Gaète en 936796. D’après ce document, il n’est pas certain qu’il intervienne directement dans la gestion du patrimoine épiscopal. Nous avons évoqué les précautions prises par Grégoire le Grand pour éviter la confusion entre patrimoine de l’Église et patrimoine de l’évêque. Les actes de la pratique continuent d’opérer cette distinction, en particulier lorsque l’évêque est lié aux ducs de Naples ou de Gaète, qui détiennent la plus grande fortune de leur duché. Membre de la famille régnante, l’évêque conserve des intérêts patrimoniaux et, d’un point de vue légal, est partie prenante dans les transactions familiales. Par exemple, en 1064, Raynerius, comte de Suio, vend une terre à un couple de laïcs. Ce bien foncier étant possédé en communauté avec son frère Léon, évêque de Gaète, le comte doit préciser que la transaction s’effectue avec son accord797. Mais il demeure bien difficile de noter une possible confusion entre le patrimoine de l’évêque et le patrimoine de son Église. Un acte mentionne une terre dite « de l’évêque Aluinus », mais on ignore si cette terre a été acquise sous son épiscopat ou appartenait personnellement à l’évêque798.

793.  Dans le contexte de la querelle des investitures au xie siècle puis des réformes menées par le pape Grégoire VII, l’Église rappelle que le droit de propriété ecclésiastique est associé à la fonction épiscopale, tant pour combattre l’investiture laïque que la simonie. Par conséquent, l’obtention d’une propriété ecclésiastique par un laïc n’est pas canonique. Sur ces questions, voir en particulier Benson, The bishop-elect, p. 217 et 223. 794.  CDC, vol. I, 6 – 839. 795.  CDC, vol. I, 82 – 983 : in eo uero tenore ; ut a nobis et a nostri successoribus a parte suprascripte ecclesie defensores et uindicatores ; omnia quod superius legitur in uestra et heredibus uestris sit potestates. 796.  CDC, vol. I, 39 – 936. 797.  CDC, vol. II, 224 – 1064 : Ideoque me domnus Raynerius comes filius domni Leoni duci qui su­ pra ; constat me ab hodierna die et omnem phuturum tempus ; pro parte et uice domni Leoni gratia Dei presul sancteque Gagetane haecclesie nostroque germano et filio quondam domni Leoni suprascripti gloriosi consuli et duci bone recordationis ; placuit nobis uendere, tradere, largire atque perpetualiter transcribere facimus uobis denique Leo filio quondam Iohannis de Amoro uel Grima iugalibus bone memorie qui estis abitatores in supras­ cripto castro ; idest per licentiam et largietatem de iam dicto domno Leo gratia Dei episcopus nostroque germano uendo et trado uobis a die presentis quinque modia de terra posita in uocabulo qui nuncupatur Casa Riali. 798.  CDC, vol. I, 52 – 954 : Et habeat alia pecziam ibidem suptus uia Massarina at S. Saloninum ha­ bente (…) ab occidente terra Albini episcopi. Cette terre est voisine d’une propriété de « saint Érasme ».

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En revanche, il ne fait pas de doute que la proximité entre biens ecclésiastiques et biens du duché est parfois grande, voire totale, comme en témoigne l’exemple de la cession de la part épiscopale d’un bain à Gaète (supra). De même, les baux sont limités dans le temps ou établis pour la durée d’un épiscopat. Ainsi, dans le contrat d’affermage de terres épiscopales à Pierre, fils du duc Jean de Gaète, en 962, l’évêque prend soin de préciser que les redevances seront dues pour la durée de sa vie799. Cette disposition peut rendre parfois difficile la récupération de biens affermés, comme le révèle en 1064 un document napolitain dans lequel les baux d’une terre du diocèse courent sur 71 ans et nécessitent l’intervention de l’archevêque pour les reconduire800. Quels sont les revenus dont disposent les évêques ? La première source de revenus est sans conteste fournie par les biens fonciers. Il n’entre pas dans le cadre de ce travail d’évaluer ni de confronter les redevances dues par les exploitants des terres possédées par les évêchés. Le nombre très réduit de mentions empêche toute comparaison. Contentons-nous de donner un exemple de la diversité de leurs revenus. En 1047, l’évêque Bernard de Gaète afferme pour vingt-neuf ans un bien foncier (curtis) à deux frères en échange d’une redevance (terraticum) se montant à deux poulets et deux fougasses (focaze) à Noël, une épaule de porc et deux fougasses à Pâques801. D’après un autre acte, le moulin constitue aussi un équipement collectif soumis à un droit d’usage

L’évêque Aluinus de Formies est mentionné dans Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 45 – octobre 598. Quatre siècles plus tard, on garde la mémoire de son nom par le biais de cette terre. Voir PCBE, vol. II/1, p. 91, s.u. Aluinus. 799.  CDC, vol. I, 62 – 962 : et in omnibus uobis illo concessimus cum omnia sibi pertinentibus tan­ tum diebus uite mee annu abere pensionem per singulos annos persoluere debeatis in dicta nostra Ecclesia modia de granu quadraginta intus Gaieta ad iustum modum. 800.  RNAM, vol. V, 404 – 1064. 801.  CDC, vol. I, 181 – 1047 : Ideoque me Vernardus Domini gratia presul sancte Caietane (ecclesie). Au anc itaque die tradidissemus et tradidimus, concessisemus et concessimus uobis quoque Iohanne et Petrus amuos uterini fratres et filii quoddam Venedictus de Domnella hauitatores Castello Suiu, idest a presenti die et usque in uiginti nouem annos expleto damus et tradidimus uobis ad lauorandum et remeliorandum et in melius perducendum unam nostram curte qui posita est in loco et uocabulo Corsanu. Unde amodo presentis diem eam lauoretis et cultetis et in melius perducatis in omni lauora­ zione quodcumque ibidem facere uultis ita ut nulla damnietas in eadem dicta Curte faciatis, et terraticu talem qualem ipsi alii curtesani nobis dat talem uos michi detis. Et quomodo de ipso terraticu ipsi alii curtesani faciunt ita et uos faciatis. Tunc et omni anno in Natiuitas Domini nostri Ihesu Christi adducatis nobis salutem parium unum de pulli quam et parium unum de focaza. Simulque et in Pascha Domini detis nobis omni anno salutem una spalla una et pariu unu de focaza. Sur les redevances annuelles du contrat d’affermage de terres épiscopales à Pierre, fils du duc Jean de Gaète, CDC, vol. I, 62 – 962 : modia de granu quadraginta intus Gaieta ad iustum modium ; et si abueritis porciuri omni anno detis nobis unum porcum, et si non abueritis porciuri nihil uobis queramus de ipso dictum porcum.

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que son propriétaire, l’évêque de Gaète, peut concéder802. On le voit, les renseignements sur les revenus épiscopaux des diocèses du littoral tyrrhénien demeurent maigres. Les livres de compte des évêchés ont disparu et, comme dans l’Antiquité tardive ou dans le reste de l’Italie du Sud, on ne trouve nulle trace de perception d’une dîme. En revanche, un document de 1054 fournit une information intéressante en révélant que l’évêque Léon de Gaète et son frère le sénateur Docibilis, tous deux fils du duc Léon II (1015-1024), empruntent à deux laïcs la somme importante de 20  livres d’argent. En échange, l’évêque et son frère s’engagent à verser chaque année 60  modii de blé tirés d’un moulin dont ils sont propriétaires803. L’acte précise que ces 60 modii de blé seront versés tant que l’évêque et son frère n’auront pas remboursé les 20 livres d’argent. Cet acte dévoile un système de prêt à intérêt utilisé par l’évêque de Gaète. De plus, celui-ci engage ses successeurs à rembourser la somme due804. À la lecture de cet acte, il apparaît que la gestion des revenus de l’Église rend nécessaire le recours à l’emprunt.

III.  Le temporel des églises Si le réseau ecclésial dans les diocèses littoraux, en particulier Naples, est plus dense que dans les diocèses lombards de l’intérieur, déterminer le caractère public ou privé d’une église reste difficile. Les informations les plus importantes concernent l’église cathédrale. Néanmoins, des églises publiques surgissent, çà et là, dans la docu­ mentation. En revanche, la singularité des églises privées permet de mener une étude approfondie.

802.  CDC, vol. I, 190 – 1050 : tota et inclita portione de ipso aquismolum de Armenie, quod nobis pertinet ex nostri episcopii ; cum omnibus sibi pertinentibus : una cum inclita sua portione de paliariis. Et cum sua pensione quam et cum sua seniora. 803.  CDC, vol. II, 197 – 1054 : Idest pro biginti libre de argento bonum curbu affinatum quod uos dedistis nobis ad lauoris et nos ipse reddidimus et pargiabimus ad domno Laidolfo filio domni Gregorii Magnifici bone memorie pro ipsum episcopatum de Ciuitate Gaiete quod eidem episcopatum dicto domno Laydolfo refutabit in omni transacto in potestatem nostram qui supra Leo episcopus propterea nos qui supra Leo episcopus et Docibilis senator ambos germani fratribus dedimus et tradidimus uobis in pignore pro ipse dicte biginti libre de argento hoc est omnia ipsu frugum quodcumque pertinet ad dictum nostrum episcopatum in ipsum aquismolum qui dicitur de Ferrucio in tali ordine ut quamdiu nos et nostri heredibus uel nostris posteris successoribus tenuerimus dicte biginti libre de argento in omnique anno pro ipsi suis lauoris, abeatis et tollatis de dictum aquismolum inclita sexaginta modia de granum a iuxto modio mensurata. 804.  Ibid. : quam diu nos a nostris heredibus uel nostris posteris successoribus dicte biginti libre de argento tenuerimus in omnique anno sibe uos sibe uestris heredibus habeatis et tollatis pro ipsi dicti suis lauoris de dictum aquismolum tota et inclita dicta sexaginta modia de granum cum tota et inclita senia absque omni detinentia uel amaricationes.

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Les trésors de la cathédrale de Naples Les évêques ont doté certaines églises de Naples en terres et en hommes. Jean Diacre n’offre aucun renseignement supplémentaire. Des informations sont néan­ moins fournies pour la vaisselle liturgique, élément fondamental des patrimoines ecclésias­ tiques. Les autels et les objets de culte occupent d’ailleurs une place importante dans les notices épiscopales. Par la mention des contributions personnelles des évêques napolitains à l’enrichissement des trésors ecclésiastiques, leur sainteté au service de l’Église napolitaine est éclatante. Un premier autel est indiqué dans la notice de l’évêque Vincentius, attesté en 558-559, et se situe dans la basilique Saint-Jean-Baptiste. L’évêque aurait offert du mobilier et des objets liturgiques sous la forme d’un ciborium aux colonnes plaquées d’argent et de lampes en argent805. Les mentions de biens précieux apparaissent avec le même évêque Vincentius. Ces trésors, probablement vus par le rédacteur de la première partie des Gesta, étaient au ixe  siècle attribués à cet évêque. Il est peu probable que l’Église de Naples ait conservé des biens antérieurs à Vincentius, sinon les Gesta les auraient mentionnés. L’objet le plus remarquable de la première partie des Gesta est décrit dans la notice de l’évêque Leontius, attesté en 649. « Il fit exécuter une petite croix en or avec des pierres précieuses. En son milieu, il y enferma un morceau de la vraie Croix sur laquelle Notre Seigneur accepta d’être crucifié pour le salut des hommes »806. L’évêque organise le culte de cette relique en l’exposant le Vendredi saint ainsi que pour la fête de l’élévation de la Croix (3 mai) et de son Invention. Les Gesta ne précisent pas l’église dans laquelle cette relique est conservée. On peut supposer qu’il s’agit de l’église cathédrale de Naples, la Stephania. La description du mobilier et des objets liturgiques devient beaucoup plus fréquente dans la deuxième partie des Gesta. Pour la plupart, ils sont encore visibles par Jean Diacre au moment où il continue le Liber Pontificalis napolitain. La notice consacrée à Étienne II, évêque de 766 à 794, montre à quel point le duc-évêque de Naples enrichit son église épiscopale. Le rédacteur déclare même ne vouloir rappeler que les « joyaux les plus précieux et les œuvres d’art importantes »807. Laissons Jean Diacre les décrire : « en effet comme ornement de la sainte église, il fit faire une croix en or,

805.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 19, p. 411, l. 49-50 : Fecit et altare, quem cum columnis et cyburi desuper inuestiuit argento. Fecit fara argentea et arcus quattuor inuestitos argento. 806.  Ibid., 29, p. 416, l. 43-45 : Hic fecit crucem auream mediocrem cum lapidibus pretiosis. In quem medio reclusit ex portione uiuifici ligni, in quo Dominus noster pependi pro salute generis humani dignatus est. 807.  Ibid., 42, p.  425, l.  33-34 : Sed pretiosa monilia et magna opera memorantes, uilia dimittamus.

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travaillée d’une façon admirable selon la technique du spanoclastum et de l’antipenton. Et il fit faire de la même façon trois calices en or avec la patène en or qu’il fit décorer, sur le pourtour et en son centre, de gemmes. Il fit même faire deux paires de mascellaria (couverture ou reliure de livre) sculptées dans un or admirable, dans lesquelles les Évangiles sont lus à l’occasion des Fêtes solennelles. Il fit faire pour le saint autel des étoffes de fête, qu’il s’appliqua à faire décorer d’or et de gemmes, son visage et son nom étant figurés sur tout »808. Étienne II utilise la fortune du duché pour embellir la cathédrale de Naples et, de ce fait, agit en duc-mécène de son Église, le patrimoine et les revenus de l’évêché ne permettant sans doute pas de couvrir de telles dépenses. Détail intéressant, Jean Diacre précise qu’Étienne  II fait apposer son visage et son nom sur ces objets précieux, ainsi liés à sa personne. À la même époque, Arichis II fait construire Sainte-Sophie à Bénévent809. Il est possible que cet exemple soit source d’ému­la­tion et de concurrence pour le duché tyrrhénien. L’incendie de la Stephania fournit l’occasion au duc-évêque de reconstruire la cathédrale et d’y transférer les dé­ pouilles des saints évêques de Naples. Les travaux de reconstruction incitent Étienne II à doter sa cathédrale en précieux objets de culte : un ciborium couvert d’argent et des ammones décorés du même métal810. Son successeur Paul III, évêque de 794 à 819, complète cette dotation. Un détail confirme que l’essentiel des fonds nécessaires à l’enrichissement de la cathédrale en objets précieux provient du duc-évêque Étienne II. En effet, Jean Diacre prend soin de préciser qu’avec l’argent laissé par son prédécesseur Paul III fait recouvrir et dorer l’autel de la Stephania et fabriquer cinq porte-cierges, dont deux dorés811. Tous les évêques de la deuxième partie des Gesta continuent à doter leur cathédrale en objets liturgiques. Même l’évêque Tibère, dont les mésaventures limitent les détails

808.  Ibid., p. 425, l. 34-p.  426, l. 1 : Ad Sanctae enim ecclesiae ornamentum fecit crucem auream, mirabili fabrefactam opere, quod spanoclastum et antipenton uocitatur. Eodemque enim opere fecit et tres calices aureos cum patena aurea, quam in giro et medio gemmis decorauit. Fecit etiam et duo paria mascellarium ex auro mirifice scalpta, in quibus euangelia per festiuitates leguntur. Fecit et sancti altaris festiua uelamina, quae auro gemmisque studuit decorare, figurato tamen uultu et praetitulato in omnibus suo nomine. Dans MND, vol. I, p. 200, n. 2 et 3, B. Capasso explique que la technique du spanocla­ stum et de l’antipenton consisterait à travailler un or très pur ; quant aux deux paires de mascellaria, il pourrait s’agir de missels ou de tablettes sur lesquelles auraient reposé les Évangiles lors des célébrations (ibid., n. 5). 809.  Belting, « Studien zum Beneventanischen Hof », p. 141-193, en particulier p. 175 et suivantes ; Lepore, « L’Église de Bénévent » p. 50-53. 810.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 42, p. 426, l. 21-23 : Ad cuius etiam insigne cyburium argento ad instar pauonum uestiuit et ammones ex eodem decorauit metallo. 811.  Ibid., 46, p. 427, l. 26-28 : Hic cum reuersus esset, ex argento, quod domnus Stephanus, decessor eius, reliquerat, sanctum induit et deaurauit altarium ecclesiae Stephaniae. De reliquo uero fecit ceraptatas quinque, ex quibus duas deaurauit.

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fournis pas Jean Diacre, apporte sa contribution à la Stephania : des plaques de bronze coffrant l’autel et de nombreuses couronnes du même métal812. Il n’est pas indiqué si les objets fabriqués à la demande de l’évêque Jean IV (842-849), commanditaire et peut-être rédacteur de la première partie des Gesta, sont destinés à l’église épiscopale, mais leur richesse plaide en ce sens. Comme Étienne  II, l’évêque appose son nom, mais sur les lèvres de l’ampoule dorée destinée à recevoir le chrême813. Le passage pertinent le plus long des Gesta atteste la prodigalité d’Athanase Ier, non seulement à l’égard de la Stephania, mais encore d’autres édifices religieux de son diocèse. Sa notice clôt la succession des saints évêques de la cité et ce prélat est, de surcroît, issu de la famille ducale. Le saint évêque multiplie les dons d’objets précieux sans commune mesure avec ses prédécesseurs. Pour la cathédrale, un nombre impressionnant d’objets d’art liturgiques sont réalisés : « il fit faire treize tentures du même ouvrage dans l’église Stephania sur lesquels il fit représenter l’histoire de l’Évangile ; il les fit suspendre au sommet des colonnes, comme décoration. Et pour l’autel de cette église, il apporta quatre voiles de cet ouvrage, ornés d’or et de pierres précieuses en abon­ dance (…). Il fit faire aussi un grand nombre de vases d’argent pour cette église ; pour la confection de grandes et petites couronnes et d’autres vases sacrés, il dépensa quarante-huit livres d’argent. Du même métal, il fit faire une grande patène sur laquelle il fit graver le portrait du Sauveur et des anges, il en fit couler l’intérieur en or. Il fit aussi exécuter deux coquilles d’argent pesant vingt livres, sur l’une d’elles figurait le nom de Serge [le duc de Naples, son père]. Il fit faire aussi des livres que les chantres utiliseraient pour les fêtes »814. Les autres églises du diocèse ne sont pas oubliées.

812.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 52, p. 428, l. 39-40 : Iste quoque altarium sanctae Stephaniae ex aeneis circumcinxit quintanis. Fecit et multas aereas ibidem coronas. 813.  Ibid., 59, p. 432, l. 33-36 : Ad sanctum igitur chrisma conficiendum fecit unam deauratam am­ pullam, in cuius labiis nomen suum descripsit. Acquisiuit autem et duo thimiamateria ex auro fabrefacti operis similique labore auream opetus est crucem. 814.  Ibid., éd. Waitz, 63, p. 434, l. 14-17 et 19-24 : Eodem enim opere in ecclesia Stephania tre­ decim pannos fecit, euangelicam in eis depingens historiam ; quos iussit de columnarum capitibus ad ornamentum pendere. Et in altare eiusdem ecclesiae huius operis quattuor uelamina optulit, multo auro multisque gemmis decorata. (…). Ex argento igitur non pauca uasa in ipsa fecit ecclesia. Nam ad magnas breuesque fabricandas coronas et alia sacra uascula quadraginta octo libras argenti appendit. Ex eodem itaque metallo fecit magnam patenam, scalpens in ea uultum Saluatoris et ange­ lorum, quam intrinsecus ex auro perfudit. Item parauit duas conchas argenteas appendentes libras uiginti, ex quibus una nomen Sergii exaratum habebat. Fecit et comiticlos, quibus cantores per festiui­ tates uterentur. On ne trouve aucun élément de trésors liturgiques napolitains, seulement des bijoux du haut Moyen Âge, dans le livre de Breglia, Catalogo delle oreficerie, p. 95-98 et pl. XLII-XLIII. Le trésor de la cathédrale de Naples est constitué d’objets qui, pour les plus anciens, remontent au début du xive siècle. De nombreuses références textuelles à l’orfèvrerie ecclésiastique (éléments décoratifs, reliquaires, croix, couronnes votives, luminaires, vaisselle liturgique), sont en revanche fournies

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C’est, en particulier, le cas de l’église Saint-Janvier, saint envers lequel les Napolitains tiennent à marquer leur attachement dans un contexte de rivalité avec les Lombards. L’église, rénovée par le saint évêque, sert de chapelle au palais épiscopal. Elle est parée « des portraits d’illustres docteurs » et d’un autel de marbre serti d’argent au-dessus duquel est tendu un voile « sur lequel il fit broder avec art le martyre de saint Janvier et de ses compagnons »815. D’autres églises sont pourvues de tentures816. On le voit, l’Église de Naples atteint sa plus grande splendeur. Le propos du rédacteur des Gesta est non seulement de montrer la puissance et la richesse de son Église, mais aussi de faire de ses évêques les imitateurs des papes à Rome, enfin les pendants, voire les supérieurs des ducs de Naples, surtout quand ces derniers sont des usurpateurs. L’apogée se conclut par le retour d’un évêque à la tête de Naples avec l’évêque-duc Athanase II, même si ses errements politiques sont moins dignes d’éloges que l’épiscopat d’Athanase Ier.

Le patrimoine des églises publiques Aucune source ne fournit autant de précisions que les Gesta sur la fortune mobilière des autres églises cathédrales des diocèses tyrrhéniens. Néanmoins, les documents gaétans permettent de connaître le patrimoine immobilier. Comme à Naples, l’église cathédrale de Gaète dispose de richesses qui apparaissent dans plusieurs actes évoquant

dans l’œuvre monumentale de Lesne, Histoire de la propriété ecclésiastique, p. 191-232 ; plus récents, Caillet, « Les trésors ecclésiastiques », p. 36-38 et 41 sur le rôle décisif des évêques dans l’enrichissement de ces trésors utilisés comme une démonstration et une promotion des autorités épiscopales ; Bougard, « Trésors et mobilia italiens », p. 178-183 sur la diversité des trésors liturgiques (croix, couronnes, vaisselle, linges, livres ainsi que des icônes dans le centre et le sud de la Péninsule), connus surtout par les inventaires et, dans une moindre mesure, par les donations ; La  Rocca, « Tesori terresti, tesori celesti », p. 130-131 sur la volonté, caractéristique selon l’auteur des propriétaires et des dépositaires de trésors laïques et ecclésiastiques du haut Moyen Âge, d’ostentation et non d’occultation de richesses accumulées ainsi soustraites, de manière temporaire ou définitive, aux échanges économiques ; toutefois Mariaux, « Trésors et reliques », p. 30-32, dépasse l’opposition entre richesses terrestres et spirituelles en raison de la présence matérielle et de la valeur immatérielle des reliques rendues visibles, précieuses, voire spectaculaires, par l’emploi de matériaux coûteux ; et Caillet, « Nature et enjeux des donations », p. 41-44, insiste sur la motivation politique des souverains carolingiens et ottoniens d’enrichir les trésors d’institutions ecclésiastiques utilisées comme points d’appui de leur autorité et relais de leur piété. 815.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 63, p. 434, l. 11-14 : Praeterea ecclesiam sancti Ianuarii in ipso cubiculo positam renouauit nobiliumque doctorum effigies in ea depinxit, faciens ibi mar­ moreum altare cum regiolis argenteis. Supra quod uelamen cooperuit, in quo martyrium sancti Ianuarii eiusque sociorum acu pictili opere digessit. 816.  Ibid., p. 434, l. 18 : Plurimos enim pannos facere studuit, quos in ecclesiarum ornamentis maluit offerre.

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des dons de fidèles. Par exemple, en 1068, Maria offre à l’église épiscopale Sainte-MarieSaint-Érasme de Gaète des vignes et des terres situées à Treguanzano, sur le territoire du castrum Argentum, près de Traetto817. Il est fort probable que le patrimoine foncier de la cathédrale de Gaète se confonde avec celui de l’évêché, d’autant que les dons sont effectués par l’intermédiaire de l’évêque. Mais, pour les donateurs, l’église cathédrale bénéficie du don, jamais l’évêché. De plus, il n’est pas certain que l’évêque puisse disposer du patrimoine de son église cathédrale. Plusieurs actes évoquent l’archium de la cathédrale de Gaète, sans doute le collège sacerdotal de la cathédrale dirigé par l’archiprêtre818. Cet archium dispose d’un patrimoine évoqué pour la première fois en 1002819. La distinction avec les biens de la cathédrale ou de l’évêché est nette puisque l’archium reçoit des dons de particuliers. En outre, l’évêque ne gère pas le patrimoine de l’archium de sa cathédrale. En effet, en 1002, Jean, archiprêtre de la cathédrale de Gaète, procède à un échange de terres avec la duchesse Emilia sans que l’évêque soit mentionné820. On peut supposer que ce patrimoine doit servir à la seule rétribution des clercs, peut-être à l’archiprêtre de la cathédrale. Une autre information mérite commentaire. En 1135, les autorités municipales et les habitants de Gaète décident d’attribuer au luminaire de la cathédrale la taxe sur l’huile perçue par la ville821. Ce don n’est pas destiné à l’évêque ni à la cathédrale, mais à

817.  CDC, vol. II, 238 – 1068 : Et ideo nos Maria filia quondam Leoni bone memorie cognomento de Horania, habitatrix de loco uidelicet Traguazano (…). Ab hanc itaque die et omnem phuturum tempus cum pronam atque spontanea mea uoluntates dono, concedo, atque offero in ecclesia tua beate Dei genitricis et uirginis Marie et beati Herasmi aepiscopi et martiris episcopio Gaetano ; ubi hodie presul et rectorem esse uidetur domno Leoni in Dei nomine predicto. Mentions d’autres dons à la cathédrale de Gaète : CDC, vol. II, 245 – 1071 ; CDC, vol. II, 321 – 1131. 818.  CDC, vol. I, 94 – 995, voir aussi ibid., p. 175, n. a. C’est son sens vraisemblable dans ce document plutôt qu’une déformation d’archiuium. 819.  CDC, vol. I, 105 – 1002 : in massa in loco qui dicitur Syliano iuxta ipse quattuor modia de terra quod ibi habet nostrum arcium sacri nostri episcopii. 820.  CDC, vol. I, 106 – 1002 : Et ideo nos Ymilla gratia Dei senatrix atque ducissa ; una per consen­ sum domni Iohanni gloriosi consuli et duci nostri senioris Deo seruante huius suprascripte ciuitatis rectores ; constat nos ab hodierna die et omnem phuturum tempus concambiassemus et concambiauimus commu­ tassemus et commutauimus una uobiscum Iohanni uenerauili archipresbitero huius suprascripte ciuitatis ecclesie sancte catholice ; et per uos in sacratissimo uestro archio hoc est una petia de terra quod nobis domnus Bernardus uenerauilis episcopus cognatus noster donauit. 821.  CDC, vol. II, 327 – 1135 : per hac ergo inscritas litteras presentialiter donamus, et tradimus in ista Ecclesia totum, et inclitum ipsum oleum, quod ex nostri comunis esse dinoscitur. Quod est per omnem utrem olei quod Caietae uendetur medietas cafisae ; quod quidem oleum in ista Ecclesia amodo, et semper pro luminaribus suis maneat potestate, et proprietate. Pour les offrandes versées au luminaire, voir des éléments de comparaison dans la Gaule mérovingienne dans le livre, certes vieilli, de Lesne, Histoire

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l’éclairage et à l’illumination du lieu de culte. L’attribution d’un bien ou d’un revenu à une cérémonie ou à un objet liturgique constitue une pratique courante822. En dehors des églises cathédrales, les sources livrent peu d’informations sur le patrimoine dont disposent les autres églises à Naples, Amalfi ou Gaète. À Naples, aucune distinction n’est établie dans les actes de la pratique entre église publique ou privée, sauf en cas de mention explicite des propriétaires. Les allusions aux grandes églises publiques napolitaines, c’est-à-dire les basiliques dites catholicae maiores, apparaissent par le biais de leur congrégation ou confraternité. En 962, un document évoque une terre appartenant à la congrégation et à l’église « sévérienne »823. Il s’agit de la basilique majeure Saint-Georges824. Une « congrégation de la charte » de l’église Stephania est même mentionnée825, mais il est difficile de connaître son lien avec le patrimoine de l’église. Pour la basilique Saint-Georges-Majeur, certains documents indiquent l’église, non sa congrégation826. Une distinction semble exister car, dans un même acte, on évoque à la fois une terre appartenant à Saint-Georges et la congrégation attachée à l’église827. On le voit, les informations demeurent limitées. À Amalfi, la documen­ ta­tion laisse apparaître des patrimoines ecclésiastiques, mais les mentions sont trop éparses pour qu’on en tire la moindre conclusion. À Gaète, un élément singulier ressort des actes de la pratique et montre une dis­tinc­ tion, observée à propos de la basilique majeure Saint-Georges à Naples, entre les dif­ férents patrimoines d’une même église. Il s’agit de l’autel dédié à saint Georges dans l’église du Saint-Sauveur à Gaète. Les trois documents qui y font référence sont liés à la famille des Caraccii. Dans le premier acte, daté de 1067, Léon, fils de Jean Caraccius, couche ses dispositions testamentaires par écrit. À la mort de son épouse, il donne des vignes et des terres à saint Georges, dans l’église du Sauveur à Gaète828. Deux autres actes, datés de 1069, évoquent à nouveau saint Georges en précisant qu’il s’agit d’un autel829.

de la propriété ecclésiastique, vol. I, p. 174-175 ; pour des études récentes, voir Fouracre, « Eternal Light », p. 53-81 ; Bührer-Thierry, « Lumière et pouvoir », p. 521-556. 822.  Voir p. 358 et suivantes. 823.  RNAM, vol. I/2, 96 – 962 : terra congregationis et ecclesie Seberiane. 824.  MND, vol. II, p. 166, n. 7. 825.  RNAM, vol. I/2, 165 – 977 : a cunta congregatione chartule ecclesie Stephanie. 826.  RNAM, vol. V, 428 – 1077 : terra hecclesia sancti Georgii catholice maioris. 827.  RNAM, vol. V, 458 – 1092 : et in aliquantum terra ecclesie sancti Georgii catholice maioris (…) terra pleuis sancti Georgii catholice maioris. 828.  CDC, vol. II, 234 – 1067 : Volo itaque atque confirmo ut post obitum de dicta Matrona uxor mea uadat pro anima nostra in ipso uocabulo Sancti Georgii de Sancti Saluatoris ipsa portione mea de uinea et terram de Conca, et ipso concambium de Trimenzulu quod fecimus cum Iohanni filio domni Docibili. 829.  CDC, vol. II, 240 – 1069 : Ab anc itaque die et omnem phuturum tempus donamus concedi­ mus atque hofferimus in altario tuo bocabulo Sancti Georgii qui est consecratus intus in ecclesia Sancti

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Dans le dernier acte, deux prêtres de l’église du Saint-Sauveur procèdent à la vente de terres données à l’autel qui dispose d’un patrimoine en propre, distinct du patrimoine de l’église. En revanche, le patrimoine de l’autel Saint-Georges est géré par des prêtres du Saint-Sauveur et, dans l’acte de vente, on précise que le produit de la vente sera versé à cette église830. La confusion semble demeurer, du moins dans l’esprit des desservants. Néanmoins, l’autel Saint-Georges semble posséder une personnalité juridique car il peut recevoir des dons et disposer d’un patrimoine. On retrouve cet usage à Naples, où plusieurs actes évoquent, cette fois pour des monastères, des autels recevant des donations immobilières831. Le même principe s’applique aux dons effectués à des images pieuses d’églises et de monastères832.

Le patrimoine des églises privées Le patrimoine des églises privées se trouve documenté grâce aux archives des « monasteri soppressi » autrefois conservées à Naples. En effet, un grand nombre d’églises privées passent sous le contrôle de l’Église par le biais des monastères qui en deviennent propriétaires, souvent grâce à des dons. Parmi les actes conservés concernant les églises privées, ce sont les « contrats de desservants », c’est-à-dire des actes officiels entre propriétaires et clerc assurant le service de l’église, qui permettent de connaître le patrimoine dont dispose une église privée. Ces contrats énumèrent souvent les obligations mais aussi les biens mis à la disposition du desservant. Un exemple est fourni par un acte de 1034833. Le prêtre Étienne prend une série d’engagements auprès de l’abbesse Musanda du monastère des Saints-Érasme-Marcellin-et-Pierre, propriétaire de l’église Saint-Renatus à Naples dont Étienne est le desservant. Les conditions décrites par ce dernier, auteur de l’acte, sont classiques. Pour son entretien, le desservant dispose

Saluatoris situs intus in hac predicta ciuitate ; CDC, vol. II, 241 – 1069 : quod per testamentum dimisit domno Docibili Caraccio bone memorie in ipso altario uocabulo sancti Georgii qui est consecratus intus ecclesia Sancti Saluatoris. 830.  CDC, vol. II, 241 – 1069 : pro eo quod recepimus a uobis pro utilitatis nostre ecclesie uncie tres de denari. 831.  MND, vol. II/1, 369 – 1016 : une Lombarde nommée Aloara, veuve du comte Théodore, offre une terre à l’autel Saint-Nicolas, qu’elle a fait ériger, par l’intermédiaire de l’abbé du monastère des Saints-Séverin-et-Sossius ; MND, vol. II/1, 485 – 1050 : une autre veuve offre un bien immobilier à l’autel de la Trinité du monastère des Saints-Grégoire-et-Sébastien où elle désire entrer. 832.  Martin, « Quelques remarques », p. 228-233 : la fondation pour une icône serait de nature surtout foncière. Quand elle est monétaire, la fondation est convertie en rente foncière. L’exemple de l’autel Saint-Georges, à Gaète, montre que cette pratique n’est pas systématique pour la dotation d’un autel, du moins que les desservants de l’église ont ici une plus grande latitude d’action. 833.  RNAM, vol. IV, 359 – 1034.

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des biens de l’église, notamment des terres et des récoltes834. Il en est le locataire puisqu’il doit une redevance au propriétaire, ici le monastère, et doit donner trois sous à l’église835. En outre les frais d’entretien de l’église sont à sa charge. Une distinction est toujours établie entre biens mobiliers et immobiliers. Les biens mobiliers donnés à l’église sont à la disposition du desservant, non les biens immobiliers. Parmi les biens mobiliers, on distingue ceux de valeur, qui demeurent une propriété de l’église, notamment les codices et les objets ornementaux836. À la mort du desservant, les biens et l’église reviennent à son propriétaire837. Un autre document, daté de 985, renseigne sur le patrimoine de l’église privée Sainte-Euphémie de Naples, propriété du monastère des Saints-Sergeet-Bacchus838. Parmi le patrimoine mobilier de valeur qui doit rester à disposition de l’église après la mort du desservant, on trouve une chasuble en lin avec son étole et son corporal839. Le desservant de l’église Sainte-Euphémie reçoit une pièce d’étoffe en utreccium (?), une nappe d’autel, un linge brodée d’étoiles, un petit linge avec trois croix brodées en son milieu, cinq petits linges teintés, un encensoir en cuivre, deux croix, l’une en fer et l’autre en bronze, un candélabre en forme de couronne, deux livres sur la fête de sainte Euphémie, un cahier sur saint Gervais avec ses actes, un liber comes, un autre écrit en « franc » (c’est-à-dire sans doute en écriture caroline), un calice d’étain recouvert d’argent avec sa patène en étain840. Le détail de la description des objets appartenant à

834.  Ibid. : et pro alimoniis meis (…) et omnem hereditatem ipsius ecclesie pertinentes quatenus in mea totius bite mee sint potestatem eos tenendi et dominandi et ipsis terris lauorandi, et cultandi et at lauoran­ dum eos tribuendi asque seruitio fruendi et comedendi et de ipsa frugias faciendi exinde que uoluerimus. 835.  Ibid. : interea ego memorato Stephano presbytero, uobis uestrasque posteras in memorato uestro monasterio homni annuo uobis dare et dirigere debeas oblatas paria duas hunum parium in natibitatem Domini et alium unum parium in sanctum Pasche, et modo a die presentis ego in eiusdem ecclesie dare et relinquere debeas [debeam], idest auri solidos tres. 836.  Ibid. : et si aliquod in memorata ecclesia offertum uel datum fuerit siue a biribus uel a mulieribus si fuerit mobilem in mea sint potestate faciendi exinde que uoluerimus si autem inmobile fuerit sibe res aut pretium uel annos aut codicibus uel alia tale cause pro hornamentum uel paramentum in possessione ipsius ecclesie remanere debeas. 837.  Ibid. : et post autem meum transitum tunc memorata ecclesia uestra cum omnibus eis pertinenti­ bus una cum homnia quantum mihi per inbentaneum consignaberitis in uestra posterasque uestras memo­ ratoque uestro monasterio rebertant potestate cuius iure hesse bidetur. 838.  RNAM, vol. II, 200 – 985. 839.  Ibid. : una planeta linea cum horarium seu corporalem suum. 840.  Ibid. : uos mihi modo atsignastitis mobilia idest de ipsa hecclesia uestra in primis unum pannum qui est utreccium bonum cum una sindone de altare et unum faciestergium stellatum plummatum et map­ pula cum tres cruces in medium de antiscum plummate et alie quinque mappulelle pictule et turabulum de ramme unum cum duas cruces una exinde ferrea et alia una exinde herea cum una coronella de ramme, quaterni dui de festiuitate memorate sancte Eufimmie unum quaternum de sanctum cerbasum sericum gesta sua liuer commite plenarium, unum franciscum scriptum kalice sanctum de stagnum desuper inar­

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l’église ne manque pas d’étonner. Le but du contrat est de dresser la liste exhaustive du patrimoine mobilier précieux pour s’assurer que le desservant ne le subtilise ou ne le disperse. Les mêmes objets sont mentionnés, quelques années plus tard, dans le contrat d’un nouveau desservant841. Nous possédons un témoignage similaire pour les objets liturgiques d’une église privée de Minori, près d’Amalfi842. En 993, à l’occasion de la cession du quart de l’église Sainte-Lucie au monastère Saint-Cyrice d’Atrani, on dresse l’inventaire des biens du lieu de culte. On insiste de nouveau sur le patrimoine le plus précieux de l’église, non pas les terres ni les propriétés, mais les livres, la vaisselle et le linge liturgiques843, tout ce qui risque de disparaître facilement. Évaluer de manière plus précise le patrimoine immobilier d’une église privée s’avère difficile. La dispersion des renseignements rend les conclusions hasardeuses. Un document daté de 1032 livre cependant des informations sur les propriétés fon­ cières de l’église Saint-Euthyme de Naples. Elle semble posséder un nombre de biens assez conséquent dont la moitié est « donnée » au deuxième desservant de l’église. On y mentionne des maisons, des habitations, des celliers, des codices, des objets liturgiques, des terres et des jardins844. Néanmoins, la liste peut aussi revêtir une valeur générale, pour éviter au notaire d’avoir à tout décrire, et ne pas constituer un état précis des biens de l’église.

gentatum cum pathina sua de stagnum, serolella pictula una ab aqua sanctificata. Selon Arnaldi et Smiraglia, Latinitatis Italicae Medii Aevi Lexicon, p. 936, utreccium ou utseccium serait à rapprocher du classique obsequium, et désignerait un linge destiné aux obsèques, mais cette acception ne semble pas convenir ici. Selon du Cange et al., Glossarium mediae et infimae latinitatis, vol. II, col. 422b, s.u. comes 1, liber comes désignerait un type de lectionnaire composé par saint Jérôme. 841.  RNAM, vol. II, 223 – 991 : et pro ipsum calicem sanctum quod tu ibidem spopondisti dare in memorata ecclesia tuc in memorata ecclesia per ipsum calicem sanctum dimictere tibi alia causa atbaliente tare unum ; RNAM, vol. II, 224 – 991. 842.  CP, 28 – 993. 843.  Ibid. : Inuentarium beate Lucie uirginis et martiris, que est dedicata in Regin[na] Minori. In primis lib[er] com… et sacramentorium omeli[a] quadrag[inta] epistule Pau[li] et actum Apost(olorum) in uno uolumine ; collectarium libr[i] Isidori episcopi super ep[istu]le canonice ; antipha, psalterium, quaternium L., de gesta Sancti Viti et lamentatione Hieremie ; quaternium cum benedic[tione] palme et olibe ; calicem sanctum de argenteum, cum patina sua ; planeta de castanea et orarium plagelle, due serici, cum licte… ad installatu ; pallia dua de caleri de Constantinopoli et quatuor spanesca betusta ; pannu I de linu stellatu ; sinnones III nobe et tres uetuste ; cortine una noua et ali[e] II uetere ; calicem sanctum de stagnu cum patina sua corporale ; riscu I, candelaria erea IIII, cruce ferrea I, oua dua de structione ; recentariu I ere ructo, cruces duas ereas buctes tres due ex ipse sunt in ipsa ecclesia et I est in ipso casale de Reginnis Mayori. Hec omnia adsignauimus Iohanni presbitero de Cisarano. 844.  RNAM, vol. IV, 353 – 1032 : una cum integras sex uncias quod est medietate de domnibus et de auita­ tionibus et cellis et de codicibus et ornamentis et cum medietate de omnes hereditates et de terris et ortuas ipsius ecclesie pertinentes que modo dominant et tenent ipsa ecclesia intus et foris cum omnibus eis pertinentibus.

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Le desservant d’une église privée est, par contrat, le gestionnaire des biens de l’église qui lui est confiée. Il n’est pas forcément le tenancier de ses biens-fonds. En 973, le desservant de l’église Saint-Euthyme confie une tenure à deux laïcs, mais il doit demander au préalable l’accord du propriétaire de l’église845. Cet accord revêt une valeur légale car il se retrouve dans les documents mentionnant des terres d’une église privée confiées à des particuliers.

IV.  Le patrimoine monastique Le patrimoine monastique de la région subit un mouvement historique de diminution, voire de disparition, à la fin de l’Antiquité. Pour la période du haut Moyen Âge, l’origine monastique des actes notariés napolitains offre l’opportunité d’étudier la géographie de la propriété foncière de certains monastères, son mode de gestion et de transmission. Enfin, un phénomène d’expansion du patrimoine de monastères extérieurs aux duchés tyrrhéniens est à l’œuvre à partir du xie siècle.

De la rétraction à la régionalisation La propriété monastique est plus présente que le patrimoine ecclésiastique dans la correspondance de Grégoire le Grand. Ses lettres offrent une information sur le contrôle que peut exercer l’Église sur le patrimoine des monastères. Une lettre de mars 593 traite du cas de Secundinus, abbé du monastère Saint-Martin près de Naples, déposé sur ordre du pape846. Grégoire le Grand évoque les propriétés du monastère qui doivent être placées sous protection ecclésiastique tant que la direction de l’éta­ blis­sement n’est pas assurée847. Ainsi, l’Église peut s’imposer comme protectrice et gestionnaire d’un patrimoine monastique si elle l’estime menacé par un abbé indigne. Dans l’Antiquité tardive, les biens monastiques peuvent être répartis dans des régions éloignées du monastère, phénomène facilité par l’unité politique de l’Italie jusqu’au vie  siècle, qu’elle soit romano-byzantine ou ostrogothique. Le monastère Saint-Marc à Spolète possède la massa Veneris in prouincia Campania, sur le territoire

845.  RNAM, vol. I/2, 154 – 973 : Tu autem per absolutionem et subscriptionem domini Iohannis uenerabilis ygumeni monasterii sanctorum Theodori et Sebastiani qui appellatur Casapicta situm in Viridario dominio memorate ecclesie sancti Heuthimii propter integra una petia de terra que uocatur Ad Campum iuris memorate ecclesie sancti Heuthimii pertinente de fundum memorate ecclesie situm in eodem loco Pinum. Cette précision laisse supposer que plusieurs tenanciers peuvent travailler les terres de l’église privée Saint-Euthyme. 846.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, III, 23 – mars 593. 847.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 23 : Possessiones uero uel hortos eiusdem monasterii ecclesiastica, in quantum ratio patitur, tuitione defende.

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de Minturnes848. Des monastères campaniens disposent aussi de biens fonciers hors de Campanie, notamment en Sicile, comme en témoigne la massa Papyrianensis offerte par de riches laïcs au monastère des Saints-Érasme-Maxime-et-Julienne à Naples et au xenodochium Saint-Théodore en Sicile849. Des biens mobiliers sont également évoqués comme des livres et des tissus (uela) sacerdotaux appartenant au monastère napolitain du Saint-Archange Macharis et au monastère des Saints-Érasme-Maximeet-Julienne850. Tout comme les vases sacrés, ces biens peuvent être facilement mis en sécurité en cas de danger. Le pape mentionne leur transport en Sicile, une région plus sûre, par Constantius, prêtre de l’un des monastères. Les biens immobiliers ne peuvent pas bénéficier de la même garantie de sauvegarde. Nous avons évoqué les demandes répétées de particuliers afin que l’Église romaine assure la protection de leurs domaines menacés par la guerre. Cette protection peut aussi mener à des usurpations au détriment de monastères, comme l’indique la lettre de Grégoire le Grand à propos du domaine campanien appartenant au monastère Saint-Marc de Spolète851. Le pape Benoît Ier (575-579) a demandé sa restitution mais, vingt ans plus tard, celle-ci n’est pas encore effective puisque Grégoire le Grand réitère cet ordre. Les troubles résultant de l’invasion lombarde sont à incriminer. On sait qu’Eleutherius, abbé du monastère Saint-Marc, a fui Spolète occupée par les Lombards et s’est réfugié à Rome où il est mort852. Les difficultés de communication entre Spolète et Rome ont certainement incité l’Église romaine à récupérer la propriété campanienne. Avec la restauration du monastère Saint-Marc, les moines ont pu réclamer leur dû853. En outre, la présence de l’abbé Eleutherius auprès du pape facilite les démarches pour reconstituer le patrimoine du monastère. Ce ne doit sûrement pas être le cas de tous

Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 87, éd. Norberg, IX, 88 – janvier 599. Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 170, éd. Norberg, IX, 171 – juin-juillet 599. Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 172, éd. Norberg, IX, 173 – juin-juillet 599. Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 87, éd. Norberg, IX, 88 – janvier 599 : Et ideo quo­ niam Stephanus abbas monasterii sancti Marci, quod constitutum iuxta muros Spolitinae ciuitatis esse dinoscitur, questus nobis est massam Veneris in prouincia Campania sitam territorio Menturnensi, quam ei beatae memoriae decessoris nostri Benedicti redditam praeceptione cognouimus, ab ecclesia nostra nunc indebite retineri, idcirco hac tibi auctoritate praecipimus, ut, si manifeste ab ecclesiae nostrae hominibus detinetur, in iure eam praedicti monasterii sine aliqua mora uel altercatione restituas. Grégoire le Grand évoque même ensuite la possibilité d’une spoliation au bénéfice de particuliers. 852.  Grégoire le Grand, Dialogues, éd. de Vogüé et trad. Antin, III, 14, 1 : Multa autem de eodem uiro [l’ascète syrien Isaac], narrante uenerabili patre Eleutherio ; ibid., III, 21, 1 : Rei namque, quam narro, uir sanctissimus Eleutherius senex pater, cuius superius memoriam feci, testis extitit, mihique hoc intimare curauit ; ibid., III, 33, 1 : Is autem, cuius superius memoriam feci, Eleutherius, pater monaste­ rii beati euangelistae Marci quod in Spolitanae urbis pomeriis situm est, diu mecum est in hac urbe [Rome] in meo monasterio conuersatus. 853.  Richards, Consul of God, p. 107. 848.  849.  850.  851. 

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les établissements religieux. Pour peu que la communauté monastique ait été dispersée, que le monastère ne se relève plus, les propriétés sont alors accaparées, en particulier les terres éloignées et donc mal contrôlées. Les communications de plus en plus malaisées, évoquées pour le monastère de Spolète, jouent un rôle majeur. Cela entraîne un rétrécissement des déplacements qui entrave la gestion des patrimoines. À l’instar des patrimoines ecclésiastiques, on observe un phénomène de rétraction des propriétés monastiques à un niveau régional, voire local. Circonscrit aux territoires envahis par les Lombards, le mouvement s’étend à toute la péninsule puis à la Sicile. Toute allusion à un patrimoine monastique extra-campanien disparaît ensuite des sources. De ce point de vue, le viie siècle constitue bien une période de rupture. Par conséquent, durant le haut Moyen Âge, la propriété monastique, qui constitue le principal objet des actes de la pratique issus des « monasteri soppressi », se limite au territoire du duché de Naples et, pour certains monastères situés dans les zones frontalières, s’étend au-delà du duché jusqu’en pays lombard. S’il est difficile de tirer des conclusions générales d’actes qui fournissent des informations parcellaires, une géographie de la propriété monastique se dessine pour certains établissements. Certaines propriétés monastiques paraissent liées à la localisation du monastère. Celui de l’île Ruviliana, écueil situé près de Stabies, possède des propriétés foncières dans la région de Sorrente et en territoire lombard854. Le monastère Sainte-Mariede-la-Grotte, sur le Vésuve, est doté de terres dans la principauté lombarde voisine de Salerne, en particulier à Domucella855. Au-delà d’une proximité géographique des établissements monastiques, on observe la constitution de propriétés foncières centrées sur un lieu précis. Le monastère féminin des Saints-Nicandre-et-Marcien possède ainsi à Miana (probablement Miano près de Naples) une terre mentionnée régulièrement entre 945 et 973856. Comme les autres patrimoines, les propriétés monastiques sont variées. Elles consistent surtout en possessions foncières, mais on trouve aussi des bâtiments, des cours et des jardins, en particulier dans Naples intra muros857. Des édifices à vocation agricole sont mentionnés : pressoirs, puits, moulin ou grottes devant servir d’entrepôts858.

854.  RNAM, vol. I/1, 30 – 938. 855.  RNAM, I/2, 180 – 979. 856.  RNAM, vol. I/1, 41 – 945 ; RNAM, vol. I/2, 81 – 958 ; RNAM, vol. I/2, 136 – 970 ; RNAM,

vol. I/2, 151 – 973. 857.  RNAM, vol. I/1, 15 – 931 ; RNAM, vol. I/1, 28 – 937 ; RNAM, vol. I/2, 53 – 949 ; RNAM, vol. I/2, 121 – 966 ; RNAM, vol. I/2, 155 – 973. Maisons en territoire sorrentin et lombard : RNAM, vol. I/1, 30 – 938. 858.  Pressoirs : RNAM, vol. I/2, 122 – 966 ; RNAM, vol. I/2, 170 – 978 ; puits : RNAM, vol. I/2, 78 – 957 ; moulin : RNAM, vol. I/2, 57 – 951 ; grottes : RNAM, vol. I/1, 9 – 921 ; RNAM, vol. I/2, 170 – 978.

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La propriété foncière est elle-même diverse : on compte des fundi, des grands champs, des terres, des bandes de terre ou de simples pièces de terre. On distingue les terres cultivées des terres incultes, les pâtures (souvent appelées « monts ») des olivettes ou des vignes. Des forêts et des marais sont mentionnés859. La propriété ne se réduit pas aux biens immobiliers, un patrimoine foncier pouvant inclure des dépendants et des animaux860. La mise en valeur des propriétés se fait surtout sous forme de concessions accordées par le monastère. Pour la vigne, il s’agit d’un contrat de complant qui stipule les engagements des tenanciers et du monastère propriétaire861. On distingue les produits inférieurs (ce que l’on sème), des produits supérieurs (vigne, arbres auxquels elle est attachée), l’ensemble étant cultivé sous la forme de « coltura promiscua »862. Les redevances sur les produits inférieurs sont faibles (un dixième), élevées pour les produits supérieurs (la moitié). La spécificité des zones de confins, en particulier la Liburie, dans la mise en valeur de la propriété monastique est très nette, les monastères s’insérant dans le système de partage foncier avec les Lombards et la milice napolitaine863. De manière générale, on retrouve le système d’indivision des terres, les monastères possédant d’une terre souvent la moitié, le tiers, voire moins864. L’abbé ou l’higoumène joue un rôle primordial dans la gestion de ces propriétés. Il fait corps avec son monastère, nomme son successeur, gère la fortune foncière du monastère, ce qui explique que la plupart des actes sont rédigés en son nom et au

859.  RNAM, vol. I/1, 7 – 920 ; RNAM, vol. I/1, 39 – 943 ; RNAM, vol. I/2, 120 – 966 ; RNAM, vol. I/2, 179 – 979. Ces forêts adoptent parfois le nom lombard de gualdus et, avec les marais, se situent le plus souvent sur les confins du duché, en particulier en Liburie. Pour le début de l’époque normande, une typologie des biens fonciers faisant l’objet de transactions est proposée par Feniello, « Mercato della terra », p. 295. 860.  RNAM, vol. I/1, 1 – 703 ou 748 ; RNAM, vol. I/1, 37 – 942 ; RNAM, vol. I/1, 39 – 943 ; RNAM, vol. I/2, 63 – 952 ; RNAM, vol. I/2, 169 – 979. Ces actes mentionnent des paysans dépendants (tertiatores, hospites), des servantes, enfin des esclaves, désignés comme des biens monastiques. RNAM, vol. I/2, 67 – 953 : deux frères, dont le père entre au monastère des Saints-Serge-et-Bacchus, travaillent sur une ferme appartenant au monastère et lui donnent leurs bovins et leur croît hormis deux vaches. 861.  RNAM, vol. I/1, 9 – 921 ; RNAM, vol. I/2, 78 – 957 ; RNAM, vol. I/2, 87 – 960 ; RNAM, vol. I/2, 126 – 968 ; RNAM, vol. I/2, 127 – 968 ; RNAM, vol. I/2, 147 – 971. 862.  Voir à ce sujet Martin, « Les caractères originaux », p. 305-324. 863.  RNAM, vol. I/1, 1 – 703 ou 748 (concerne Nola, zone frontalière comparable à la Liburie) ; RNAM, vol. I/2, 78 – 957 ; RNAM, vol. I/2, 169 – 979. Sur le système de gestion foncière en Liburie, voir Martin, « Deux listes », p. 263-276. 864.  Exemple remarquable dans RNAM, vol. I/2, 181 – 980.

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nom de sa communauté. Quelques actes font cependant exception. En 703 (ou 748), le monastère des Saints-Théodore-et-Sébastien est représenté par un dispositor865. Cette fonction, équivalent du dispensator ou de l’économe, apparaît pour le monastère Sainte-Marie de Forcella ad Plateam, contraint d’aliéner une partie de ses biens au profit du monastère Saint-Vincent-au-Volturne. L’acte de vente, souscrit par l’évêque Athanase II, est rédigé en 886 pour le compte de Jean, sous-diacre de l’Église de Naples et dispositor du monastère de Forcella866. On remarque dans les deux cas que la fonction est exercée par un sous-diacre de l’Église de Naples. Toutefois, dans un autre docu­ ment, un moine représente les intérêts de son monastère des Saints-Serge-et-Bacchus, face à des nobiliores homines lombards qui détiennent un domaine en commun avec le monastère867. Des problèmes peuvent surgir lors de la succession à la tête d’un monastère. En 952, l’higoumène Sergius du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus récupère, après dédommagement, le fundus que son prédécesseur Benedictus avait donné à un notaire. Il est difficile de savoir si le fundus appartient en propre à l’higoumène Benedictus ou au monastère868. Des cas particuliers révèlent que l’identité de l’abbé avec son monastère ne va pas de soi. En 937, Gregorius, abbé du monastère Saint-Michel-Archange de Naples, vend un petit bâtiment en son nom propre, l’acte précisant que le bien lui appartient par son père. En contravention du principe de pauvreté monacale, cette pratique est développée à Naples869. De plus, l’abbé possédait une maison, déjà vendue aux enfants de son oncle, et en conserve une autre. Enfin, les témoins signent à la requête expresse de l’abbé Gregorius, et non pour sa communauté monastique, comme c’est l’usage pour une telle transaction870. La propriété monastique ne se distingue guère de la propriété laïque dans sa structure ni sa mise en valeur. Sa seule originalité apparaît dans l’octroi de privilèges. En 975, le duc de Naples Marin abandonne au monastère des Saints-Séverin-et-Sossius les taxes à verser au duc et au publicum, c’est-à-dire à l’État871. Il s’agit d’une immunité, le duc confirmant au monastère le droit de percevoir des taxes sur les dépendants.

865.  RNAM, vol. I/1, 1 – 703 ou 748 : et suscepi a bobis Petro reberentissimo subdiacono sancte ecclesie Neapoletane et dispositore monasterii sanctorum Theodori et Sebasteani. 866.  Chronicon Vulturnense del monaco Giovanni, éd. Federici, p. 25-27, n° 82 (acte de vente de 886) ; ibid., p. 98-102, n° 105 (premier acte de confirmation en 944 par le duc Jean III de Naples) ; ibid., p. 167, n° 126 (second acte de confirmation entre 969 et 977 par le duc Marin). 867.  RNAM, vol. I/1, 7 – 920. 868.  RNAM, vol. I/2, 66 – 952. 869.  Voir p. 302 et suivantes. 870.  RNAM, vol. I/1, 28 – 937. 871.  RNAM, vol. I/2, 162 – 975.

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Le second document est un acte de concession, en 979, de Pandolf Ier Tête-de-Fer au profit du monastère Sainte-Marie-de-la-Grotte, sur le Vésuve872. Le prince de Salerne lui accorde une immunité sur toutes les terres et les droits afférents dans sa principauté.

La structure du patrimoine monastique Les informations sur la structure de la propriété monastique sont riches pour les mo­nastères Saints-Serge-et-Bacchus, Saints-Théodore-et-Sébastien et, dans une moindre mesure, Saints-Séverin-et-Sossius. Pour les xe-xiie siècles, il existe plus de 150 actes mentionnant des biens appartenant au monastère des Saints-Serge-et-Bacchus, près d’une cinquantaine pour le monastère des Saints-Théodore-et-Sébastien. Ces deux monastères sont établis en un même lieu comme l’indique, avec des variantes, la formule qui nunc congregati est in monasterio sanctorum Theodori et Sebastiani qui appellatur Casapicta situm in Viridario. Le monastère des Saints-Sergeet-Bacchus a dû, comme celui des Saints-Séverin-et-Sossius et d’autres établissements religieux, se replier à l’intérieur de la cité de Naples après la destruction du castrum Lucullanum, en 902. Il s’est alors agrégé au monastère des Saints-Théodore-etSébastien873. Les deux monastères conservent leur identité respective et forment deux groupes distincts, comme le prouvent de nombreux actes faisant référence à l’un ou à l’autre monastère. On est moine du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus ou des Saints-Théodore-et-Sébastien, les legs sont faits au monastère des Saints-Sergeet-Bacchus ou à celui des Saints-Théodore-et-Sébastien. En revanche, il existe un higoumène unique à leur tête et la documentation indique la lente fusion des deux monastères, voire leur confusion dans les actes874. Outre des bâtiments dans Naples, notamment des églises privées, les deux monastères sont possessionnés un peu partout dans le duché, à Pomigliano d’Arco et à Saint-Pierre ad Paternum, sur le territoire de Nola et sur le territoire Plagiense (partie orientale du golfe de Naples), enfin en Liburie. Le monastère des Saints-Serge-et-Bacchus conserve des biens fonciers sur le castrum Lucullanum, qu’il a dû quitter au début du xe siècle pour se réfugier dans Naples, mais les terres semblent uacuae, non cultivées875. Il existe sans doute une politique patrimoniale des monastères. Un acte napoli­ tain de 959 montre un regroupement foncier à l’œuvre au profit du monastère des 872.  RNAM, vol. I/2, 180 – 979. 873. Voir Capasso, « Pianta della città », ASPN, 17, p. 861. 874.  Le nombre d’actes relatifs aux biens du monastère des Saints-Théodore-et-Sébastien diminue beaucoup à partir de la seconde moitié du xie siècle, à la différence du monastère des Saints-Serge-etBacchus. Il paraît difficile de conclure à une absorption de l’un par l’autre. 875.  RNAM, vol. I/2, 101 – 963 ; autre allusion : RNAM, vol. VI, 577 – 1120.

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Saints-Serge-et-Bacchus876. Il s’agit de terres situées à Nonnaria, dans le territoire Plagiense, sur les pentes du Vésuve. Le monastère possède la moitié d’une propriété et en acquiert presque le reste. On retrouve ce type de regroupement autour d’un fundus du même monastère à Saint-Pierre ad Paternum (San Pietro a Patierno), au nord-est de Naples877. Le monastère des Saints-Séverin-et-Sossius semble posséder un ensemble foncier qu’il s’efforce de rendre cohérent à Foris Gripta (Fuorigrotta), à l’ouest de Naples, et à Saint-Pierre ad Paternum878. Un monastère agit comme un particulier dans les affaires foncières, même si la finalité de la propriété monastique, instrument de l’économie du salut, est fondamentalement distincte de la propriété laïque. Ainsi on ne constate pas de différences formelles avec les actes rédigés pour des laïcs. Il est probable que la nature des actes n’amène pas à modifier leur contenu en fonction des contractants : l’objectif demeure la garantie juridique des biens concernés. Le hasard des donations ou des acquisitions amène plusieurs monastères à partager un même bien879. Si l’indivision des terres n’implique pas une gestion commune, un acte de 992 indique néanmoins l’existence d’un régime de copropriété entre les monastères Saints-Serge-et-Bacchus et Saints-Séverin-et-Sossius880. Les tenanciers effectuent leurs engagements contractuels, à la fois envers Philippus, abbé du monastère des SaintsSerge-et-Bacchus, et Étienne, abbé du monastère des Saints-Séverin-et-Sossius881.

876.  RNAM, vol. I/2, 84 – 959. L’hypothèse d’une politique patrimoniale des monastères napolitains désireux de rendre leurs possessions foncières plus cohérentes est également avancée par Feniello, « Mercato della terra », p. 311. 877.  RNAM, vol. I/2, 181 – 980. 878.  RNAM, vol. I/1, 31 – 938 ; RNAM, vol. I/2, 135 – 970 (lieudit Casapagna) ; RNAM, vol. I/2, 51 – 948 ; ibid., vol. I/2, 181 – 980 ; RNAM, vol. I/2, 183 – 980 (Saint-Pierre ad Paternum). À propos du monastère des Saints-Séverin-et-Sossius, l’un des trois plus gros acquéreurs de biens fonciers au xiie siècle devant le monastère de Saint-Marcellin, mais loin derrière le monastère des Saints-Grégoire-et-Sébastien (futur monastère Saint-Grégoire-l’Arménien), voir Feniello, « Mercato della terra », p. 312-313. 879.  Par exemple, le monastère des Saints-Serge-et-Bacchus possède la moitié d’un fundus à SaintPierre ad Paternum et le quart d’une terre à Quarto Maiore (territoire de Pouzzoles) en commun avec l’église Sainte-Marie et le monastère des Saints-Séverin-et-Sossius dans RNAM, vol. I/2, 181 – 980. 880.  RNAM, vol. II, 227 – 992 : Il s’agit d’un contrat de tenure établi avec des particuliers pour un grand champ (campus) situé près de la Porta Romana, une porte orientale de l’enceinte napolitaine, voir Capasso, « Pianta della città », ASPN, 17, p. 848-849. 881.  RNAM, vol. II, 227 – 992 : A presenti die promicto uobis domino Filippum uenerabili igu­ meno monasterio sanctorum Sergii et Bachi qui nunc congregatus es in monasterio sanctorum Theodorii et Sebastiani situm in Viridarium [qui appellatur] Casapicta, et domino Stephano uenerabile abbate monasterii sanctorum Seuerini et Sossi ubi eorum uenerabilia corpura requiescunt, et at cuntes ambe congregationes monachorum memorati et uenerabilis uestri sancti monasterii, propter integram portione de campum uestrum.

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Des contestations peuvent naître de la proximité de patrimoines ecclésiastiques et monastiques882. Les querelles de voisinage ne sont toutefois évidemment pas l’apanage des propriétés ecclésiastiques ou monastiques, et nombre d’affaires impliquent des monastères et des propriétaires laïques. Il semble que ce soit surtout le cas avec l’exécution de testaments au bénéfice d’établissements religieux : en 1086 ou 1087, un différend oppose des laïcs au monastère des Saints-Serge-et-Bacchus pour des terres léguées par leur père à cette communauté883. Enfin, un conflit peut naître de la location d’un bien, comme une maison et un jardin possédés à Naples par le même monastère884. Le cas est intéressant mais complexe. Le bien a visiblement été légué au monastère par un homme entré comme moine aux Saints-Serge-et-Bacchus. Le monastère a cependant accordé un bail emphytéotique au fils du donateur. Les choses se compliquent à la mort, sans héritier, du fils, son épouse s’étant remariée avec un clerc et refusant de restituer le bien. On comprend ici que le monastère a cherché à récupérer la maison et le jardin au terme du bail, qui engageait peut-être seulement l’époux et non la veuve. L’affaire est portée devant la justice ducale qui estime qu’Aloara, la veuve, ne peut être expulsée. Elle doit reconnaître au monastère des Saints-Serge-et-Bacchus la propriété de la maison et du jardin, mais en conserve l’usufruit885. On voit les limites du parallélisme entre biens monastiques et biens laïques puisque les donations aux institutions religieuses entraînent des litiges plus importants que pour les particuliers. Si la richesse documentaire de certains monastères reste relative et trop lacunaire pour offrir un panorama des biens acquis ou reçus sur une longue période, les testaments laissent entrevoir l’importance que revêtent les donations immobilières réalisées au profit des institutions religieuses, en particulier des monastères. Dans les dernières volontés de l’évêque Jean de Formies, au ixe  siècle, le monas­ tère Saint-Érasme bénéficie de la plus grande part des dons effectués par le prélat. L’établissement reçoit un ensemble conséquent de domaines (casalia) et de terres tandis que des églises obtiennent un jardin, des pièces d’étoffe, des chèvres886. À la même époque, d’après les Gesta, les évêques de Naples gratifient surtout les églises de leur évêché, au premier chef leur cathédrale. Mais il ne faut pas oublier que les Gesta

882.  RNAM, vol. I/2, 119 – 966 : une terre appelée Cicanellum, à Quarto Maiore (Quarto), fait l’objet d’un litige entre l’évêché de Naples et le monastère des Saints-Serge-et-Bacchus, propriétaires de terres voisines. Selon les termes de l’accord, la terre disputée est divisée en deux parts délimitées par trois bornes. 883.  RNAM, vol. V, 441 – 1086/1087. 884.  RNAM, vol. VI, 592 – 1126. 885.  Ibid. : propter quod per ipsu iudicium michi illut tollere non potuistitis ut ego pro Dei omnipoten­ tis amore et pro mercedis et redemtionis anime mee et de memorato uiro meo da die presentis rendere uobis et per uos in ipso uestro monasterio. 886.  CDC, vol. I, 4 – 831 (?).

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se proposent de mettre en valeur l’action des évêques de Naples au service de leur Église. Le rôle et la place des monastères peuvent être volontairement minorés. En outre, le siège de Naples est beaucoup plus prestigieux que celui de Gaète. Les archives de Gaète ont conservé quelques testaments dont celui de Docibilis Ier, hypatus de la cité-État887. Ce document, long de sept pages dans l’édition moderne du Codex Diplomaticus Cajetanus, date de 906. Il constitue le dernier témoignage du souverain de Gaète. On constate l’absence de dons à des établissements monastiques. Outre sa famille, des églises bénéficient des largesses de l’hypatus, en particulier un hôpital. Cinquante ans plus tard, son petit-fils, le duc Docibilis II, rédige à son tour ses dernières volontés888. L’essentiel des legs est destiné à ses neuf enfants et à ses serviteurs ; les dons aux institutions religieuses sont faibles. Le monastère féminin Sainte-Marie reçoit la confirmation du simple droit d’usage d’un moulin889. Deux testaments postérieurs expriment des dons immobiliers plus conséquents en faveur de monastères de Gaète et de sa région890. Il s’agit surtout de domaines (curtes) ou de vignes. Les dons aux monastères sont mentionnés après les legs destinés aux proches des testateurs, tandis que leurs épouses gardent l’usufruit de tous leurs biens. À Naples, des testaments indiquent aussi des transferts fonciers importants au profit de monastères. En 948, un laïc cède ainsi l’ensemble de ses biens, mobiliers et immobiliers, au monastère SaintPierre-Apôtre si les héritiers qu’il a institués décèdent sans fils légitimes, mais il précise qu’il ne laisse rien au monastère des Saints-Théodore-et-Sébastien891. À Gaète, Amalfi ou Naples, l’essentiel des legs pieux aux monastères sont en numéraire, non en biens immobiliers892. Les dons en argent peuvent être très importants. À Gaète, Gregorius, uir magnificus, parent de la famille ducale, effectue des dons qui se mesurent en livres et en onces d’argent aux églises et monastères du duché893. À Naples, une femme verse pour 500 sous d’or de dons aux établissements religieux de sa cité894. 887.  CDC, vol. I, 19 – 906. 888.  CDC, vol. I, 52 – 954. 889.  Ibid. : Volo, ac iubeo, ut ipso duo mense, et medium, quod habeo in ipsum aquismolum de

S. Georgio sit de Rosula ancilla mea cuntis diebus uitae suae, post obitum suum redeat in potestate de ipso monache de S. Maria in monasterio secundum chartam, quod exinde factam habeo. 890.  CDC, vol. II, 234 – 1067 ; CDC, vol. II, 245 – 1071. 891.  MND, vol. II/1, 66 – 948 ; RNAM, vol. I/2, 152 – 973 : reliqua uero omnem meam substantia de intus et foris seu pretium omnibusque eis pertinentibus sint oblatum et traditum pro anima mea in eodem monasterio sanctorum Theodori et Sebastiani. Le testateur se réserve le droit de disposer de sa fortune jusqu’à sa mort. 892.  À Amalfi : CP, 81 – 1025 ; CP, 112 – 1125. À Naples : MND, vol. II/1, 33 – 936 ; RNAM, vol. I/1, 46 – 947 ; MND, vol. II/1, 107 – 959 ; RNAM, vol. I/2, 84 – 959 ; RNAM, vol. I/2, 88 – 960 ; RNAM, vol. I/2, 105 – 964 ; RNAM, vol. V, 422 – 1074 ; RNAM, vol. V, 426 – 1076 ; RNAM, vol. V, 467 – 1093. Mention de legs pieux en numéraire à Gaète : CDC, vol. I, 143 – 1024. 893.  CDC, vol. I, 143 – 1024.

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En somme, les transferts fonciers au profit des établissements monastiques n’ap­ pa­raissent pas exclusifs ni même déterminants dans les dispositions testamentaires à Gaète, Naples et Amalfi. Tout d’abord, les testateurs transmettent l’essentiel de leurs biens à leur descendance. C’est le cas des souverains de Gaète comme des riches particuliers. Ensuite, il semble que les transferts patrimoniaux en faveur des monastères soient plus complexes qu’une transmission unique par le biais de testaments. De nom­ breux fidèles effectuent des dons au cours de leur existence, en particulier s’ils souhaitent entrer au monastère ou faire revêtir l’habit monastique à un membre de leur famille. Enfin, l’importance des legs en numéraire peut montrer que la puissance patrimoniale des monastères se traduit par un accroissement de leurs capacités financières mobilisées dans l’acquisition de biens fonciers. Le très grand nombre de documents ayant pour objet des transactions immobilières effectuées par les monastères tendrait à le montrer895. La composition immobilière du patrimoine monastique inclut enfin des dépendances, en particulier pour les monastères napolitains. Le cas des oratoires, qui dépendent d’eux, a déjà été évoqué en Campanie pour la fin de l’Antiquité896. Les oboedientiae, qui apparaissent dans nombre de documents du haut Moyen Âge, semblent en constituer la continuation, à la différence près qu’elles ne constituent pas des fondations laïques. Ce phénomène demeure donc en relation étroite avec le patrimoine des monastères. Il n’est fait mention d’oboedientiae que dans les actes napolitains. Cela s’explique par la nature de la documentation, presque uniquement monastique, à la différence de Gaète ou d’Amalfi. On ne trouve pas trace d’une oboedentia avant le début du xie siècle. Le premier cas attesté concerne l’oboedientia Saint-Basile, à Nonnaria près de Naples, propriété du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus897. Elle apparaît une dizaine de fois, entre 1016 et 1111. L’oboedientia correspond à un petit prieuré. Établie sur un domaine foncier du monastère dont elle dépend, elle gère le temporel sur place, comme le montrent les allusions à la livraison de redevances dans la plupart des actes898.

894.  RNAM, vol. V, 426 – 1076. Les 500 sous d’or correspondent sans doute à 2000 tarins à cette époque. 895.  À partir d’une documentation quelque peu postérieure à la période étudiée, une récente étude aboutit à la même conclusion : les surplus agricoles dégagés des donations terriennes sont investis par les monastères dans l’extension de leur patrimoine foncier. Voir Feniello, « Il mercato della terra », p. 311. Mais il est important de rappeler que l’expansionnisme domanial des monastères ne peut être disjoint de l’extension de leur influence sociale, presque clientéliste : Feller, « Les politiques des familles aristocratiques », p. 276-277 et 288-289. 896.  Voir p. 85 et suivantes. 897.  RNAM, vol. IV, 294 – 1016. 898.  E.g. RNAM, vol. IV, 303 – 1017 : usque ad illa obedientia uestra sancti Basilii de Nonnaria sine omni ammaricatione. Il s’agit de tenanciers du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus.

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L’essentiel des oboedientiae relevées dans le duché de Naples se trouve en dehors de la cité, sur le territoire du duché899. Dans la ville même, il existe une oboedientia SaintSéverin qui appartient au monastère Saint-Antoine sur le Pausilippe900. L’oboedientia ne dispose pas d’une personnalité juridique propre. Une laïque, qui a fait placer un crucifix dans l’église Saint-Basile de l’oboedientia du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus, offre une terre au monastère et à l’objet sacré par l’intermédiaire de son abbé901. Les oboedientiae apparaissent souvent dotées d’églises. Un acte de 1027, relatif à l’oboedientia Saint-Basile, opère une distinction entre l’oboedientia et l’église SaintBasile qui s’y trouve902. L’église peut préexister à l’établissement d’une oboedientia d’après un acte daté de 1105. L’évêque de Nola donne une église consacrée à sainte Pauline au monastère napolitain des Saints-Séverin-et-Sossius, et précise que ce dernier pourra construire une oboedientia dans le campus où se trouve l’église903. Nous ne possédons toutefois aucune mention de desservant d’une oboedientia. On peut supposer que le monastère détache un ou plusieurs moines pour gérer son patrimoine. Le service des églises dépendant des oboedientiae n’est pas davantage documenté. L’insistance des puissants laïques ou des évêques, à l’exemple de Nola, pour associer églises et oboedientiae, montre que ces dernières jouent un rôle important dans la reprise en main des églises privées par les autorités ecclésiastiques et civiles. L’apparition des oboedientiae dans les actes à partir du xie  siècle, n’est dès lors pas fortuite.

Le patrimoine campanien du Mont-Cassin et de Saint-Laurent d’Aversa La croissance des patrimoines fonciers monastiques dans les duchés tyrrhéniens demeure limitée par l’exiguïté de ces États maritimes. Deux exemples viennent le confirmer et révèlent de surcroît un « grignotage » foncier au bénéfice de deux établissements extérieurs, le monastère du Mont-Cassin et le monastère Saint-Laurent d’Aversa. 899.  Le monastère Saint-Laurent d’Aversa en possède cependant dans toute l’Italie méridionale. 900.  RNAM, vol. V, 425 – 1075. 901.  RNAM, vol. IV, 331 – 1027 : Hoffero et trado uobis domino Filippo uenerabili igumeno

monasterii sanctorum Sergii et Bachi qui nunc congregatus est in monasterio sanctorum Theodori et Sebastiani qui appelatur Casapicta situm in Biridiarium et at cuncta et uenerabili uestra congregatione monachorum memorati sancti et uenerabilis uestri monasterii et per uos in illum grucixfissum que ego pingere feci et illum positum abeo intus ecclesia uestra sancti Basilii qui est in illa obedientia uestra de Nonnaria. 902.  Ibid. 903.  RNAM, vol. V, 520 – 1105 : Sed omni tempore uos et uestris posteris et suprascripto sancto uestro monasterio in suprascriptum campum ubi est suprascripta ecclesia habere obedientia proprio ipsius uestro monasterio cum omni uestra utilitatem. De même, RNAM, vol. V, 436 – 1082.

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Le monastère bénédictin du Mont-Cassin s’érige en seigneurie monastique à partir des xe-xie siècles904. La Terra sancti Benedicti, ensemble foncier compact, prétendument établi sous le duc Gisulf et Charlemagne, est en réalité constitué au xe siècle par une série de privilèges des princes lombards de Bénévent-Capoue905. Arbitraire, la délimitation de la Terra sancti Benedicti a pour vocation première de borner les ambitions foncières concurrentes des comtes d’Aquino, liés à la famille ducale de Gaète, désireux de fonder un nouvel État dans la région906. Sous l’abbatiat de Desiderius (1058-1087), les prétentions foncières du monastère de Saint-Benoît commencent à déborder les 80 000 hectares du noyau patrimonial cassinésien et empiètent sur le duché de Gaète et la principauté de Capoue907. Dans ce but, les Cassinésiens exhument de prétendues attributions sous Charlemagne, forgées autour de l’an mil, de villages autour d’Aquino, zone de contestation entre le Mont-Cassin et Gaète908. La question est de savoir si cette expansion s’effectue au détriment des autres patrimoines monastiques du duché. L’examen des sources disponibles pour le duché de Gaète montre que l’extension des propriétés du monastère du Mont-Cassin s’effectue surtout au détriment des possessions du duché de Gaète lui-même. Jusqu’au milieu du xie siècle, les mentions de propriétés du Mont-Cassin dans le territoire de Gaète restent rares ; l’expansion patrimoniale de l’abbaye n’a pas encore touché le duché. Dans les testaments conservés, on ne trouve pas de dons au Mont-Cassin ; les donations foncières, lorsqu’elles existent, se font au bénéfice des établissements locaux. Toutefois, on rencontre le terme « terre de saint Benoît » pour désigner les biens fonciers du monastère bénédictin909. Le mouvement s’accélère dans la seconde moitié du xie  siècle, après l’avènement d’Aténolf, gendre de Pandolf  IV de Capoue, alors que Desiderius est à la tête du monastère cassinésien. Le Mont-Cassin paraît avoir joué un rôle déterminant dans l’arrivée d’Aténolf à la tête du duché de Gaète et l’alliance entre le duc et le dangereux voisin normand du comté d’Aversa910. En 1058, le comte et la comtesse de Traetto donnent au monastère du Mont-Cassin le quart de leur comté, la moitié du territoire autour du castrum Spinei (Spigno Saturnia) et le quart du territoire autour du castrum

904.  Fabiani, La Terra di S. Benedetto, p. 63-85 ; Toubert, « Pour une histoire », p. 689-702. 905.  Les regestes des actes princiers de Capoue sont fournis par Poupardin, Étude sur les institu­

tions politiques, p. 95, n° 84 – 928 ; ibid., p. 100, n° 96 – 951 ; ibid., p. 100, n° 97 – 952 ; ibid., p. 100-101, n° 98 – 952 ; ibid., p. 101, n° 99 – 952 ; ibid., p. 101, n° 100 – 952 ; ibid., p. 108-109, n° 120 – 967. 906.  Scandone, « Il gastaldato di Aquino », ASPN, 33, p. 720-735 ; ibid., 34, p. 49-77. 907.  Sur l’abbatiat de Desiderius, voir Fabiani, La Terra di S. Benedetto, vol. I, p. 86-100. 908.  CDC, vol. I, 81 – 982 ; CDC., vol. I, 180 – 1047 ? : allusion au preceptum de Charlemagne en faveur du monastère du Mont-Cassin. 909.  CDC, vol. I, 171 – 1039 : Erga mecum habendo Iaquintum iudicem habitatorem in terra sancti Benedicti loco Sancto Ieorgio. 910.  Merores, Gaeta, p. 37-39.

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Fractarum (Fratte, aujourd’hui Ausonia)911. L’influence grandissante des Normands dans la région, la redistribution des cartes à leur profit après la bataille de Civitate en 1053 et l’accord entre la papauté et Robert Guiscard amènent le Mont-Cassin à davantage lier son sort à celui des nouveaux maîtres en Italie du Sud. Ainsi, à l’expansion de la puissance normande correspond celle des possessions du monastère bénédictin dans la région de Gaète. L’un après l’autre, des castra passent sous le contrôle du Mont-Cassin, et il se peut que les Gaétans voient dans le Mont-Cassin un gage de protection face aux appétits normands912. C’est dans cette optique que doit s’inscrire, en 1058, la donation du comte de Traetto ou en 1072 celle du duc de Fondi, rejeton de l’ancienne famille ducale de Gaète913. Cela n’empêche pas le monastère de bénéficier des largesses des Normands, une fois ces derniers installés sur le trône ducal de Gaète. En 1066, les princes de Capoue, Richard Ier et Jourdain Ier d’Aversa, cèdent le territoire environnant une tour sur le Garigliano aux confins de Sessa Aurunca914. En 1078, Jourdain  Ier offre le castrum de Suio ; une cession confirmée par Robert  II en 1117915. Le dernier castrum mentionné avant l’annexion par Roger  II de Sicile du duché, Pica (Pico), est donné en 1125 par Jourdain II de Capoue916. Le processus d’incastellamento, invisible pour les autres monastères de la région, est ici à l’œuvre917. Les largesses des Gaétans puis des Normands en faveur du monastère bénédictin ne se limitent pas aux propriétés foncières. Ce sont également des établissements religieux qui passent sous la dépendance du prestigieux monastère. Il semble que ce soit d’abord des églises, source de tensions entre l’évêque de Gaète et le monastère bénédictin. En 1009, à l’issue d’un différend, l’évêque Bernard de Gaète reconnaît au MontCassin la pleine propriété de l’église Sainte-Scholastique à Gaète, décision confirmée par le duc et la duchesse918. Le premier monastère gaétan placé sous l’obédience

911.  CDC, vol. II, 204 – 1058. Donation renouvelée en 1059 (CDC, vol. II, 209 et 210 – 1059) et confirmée par les princes de Capoue pour le castrum Fractarum (CDC, vol. II, 226 – 1065). Autre allusion : CDC, vol. II, 213 – 1061. Ces territoires sont ensuite donnés en fief par le Mont-Cassin : Merores, Gaeta, p. 43. 912.  Ibid., p. 42. 913.  CDC, vol. II, 248 – 1072 : le duc Littefreda de Fondi offre au Mont-Cassin la part lui revenant du duché (soit le tiers) dans le cas où il mourrait sans descendance. 914.  CDC, vol. II, 231 – 1066. 915.  CDC, vol. II, 251 – 1078 ; CDC, II, 290 – 1117. 916.  CDC, vol. II, 306 – 1125. Pour les donations, voir Fabiani, La Terra di S. Benedetto, vol. II, p. 101-122. 917.  Toubert, « Pour une histoire », p. 695-697. 918.  CDC, vol. I, 117 – 1009 : on apprend que l’église avait été donnée par l’évêque Étienne, prédécesseur de Bernard de Gaète. CDC, vol. I, 118 – 1009 : la duchesse Emilia et son fils, le duc Jean de Gaète, confirment la propriété de la même église au monastère bénédictin. Une église Saint-Sauveur-

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du monastère du Mont-Cassin apparaît en 1058, dans la donation du comte et de la comtesse de Traetto919. La même année, le prince Jourdain Ier et son épouse Rapizza offrent le monastère Saint-Érasme de Formies au Mont-Cassin, don confirmé en 1073 par leur successeur, Geoffroy Ridel920. En 1091, Richard d’Aquila, comte de Pica (Pico), avec l’ac­cord de son seigneur Renaud Ridel, duc de Gaète, offre quatre monastères921. En 1093, Renaud Ridel transmet à son tour le monastère Saint-Paul de Foresta, près de Pontecorvo922. La mainmise du Mont-Cassin sur un nombre important de monastères du duché de Gaète est impressionnante et se réalise en moins d’une cinquantaine d’années. Cette période correspond à la réorganisation politique de l’Italie du Sud, sous la pression de Robert Guiscard et de ses successeurs et, ici, des princes normands de Capoue. Cette prise de contrôle des établissements religieux ne semble cependant pas s’opérer de la même manière que celle des castra et des territoires légués par les puissants de la région. Prenons l’exemple du monastère Saint-Érasme de Formies. La donation effectuée par Jourdain Ier et son épouse, en 1058, ne signifie pas la capta­ tion des propriétés du monastère par le Mont-Cassin. Plusieurs actes attestent que les abbés de Saint-Érasme continuent de gérer de manière autonome le patrimoine foncier de leur monastère et reçoivent toujours de particuliers des dons en terre923. On assiste à la constitution d’une organisation monastique à l’échelle d’une région dans laquelle le monastère du Mont-Cassin joue le rôle d’abbaye « mère », transformant les monastères voisins en « filles », pour reprendre la terminologie clunisienne.

Saint-Benoît appartenant au Mont-Cassin est aussi évoquée CDC, vol. I, 145 – 1024. Sur SainteScholastique, voir Beau, Le culte et les reliques. 919.  CDC, vol. II, 204 – 1058 : Iterum damus et offerimus tibi totum et integrum nostrum monaste­ rium uocabulo sancti Marini cum omnibus suis para… et codicibus et cum terris et uineis et aquismolis et cum peculiis maiori uol minori et cum omnia et in omnibus ad suprascriptum monasterium pertinentibus et ipsam quartam partem de monasterio sancti Martini de aqua mundula ; cum omnibus suis pertinentiis. 920.  CDC, vol. II, 205 – 1058 ; CDC, vol. II, 249 – 1073 : confirmation du duc Geoffroy Ridel. CDC, vol. II, 252 – 1079 : le comte Jean de Suio et son épouse Sikelgrima offrent au Mont-Cassin et à l’abbé Desiderius la moitié du castrum de Suio avec ses possessions et leur part du monastère SaintÉrasme de Formies. 921.  CDC, vol. II, 263 – 1091 : les monastères Saint-Élie près du castrum Ambrise, Saint-Maurice in Monte près de San Giovanni in Carico, Sainte-Marie ad Fontem sur le mont Cerbaru et Saint-Jean in Actu del Falbatera ab ipso Capusanna. 922.  CDC, vol. II, 266 – 1093 ; CDC, vol. II, 249 – 1073 : son père, le duc Geoffroy Ridel, avait offert le monastère Saint-Pierre de Foresta, sur le territoire de Pontecorvo. 923.  E.g. CDC, vol. II, 216 – 1062 : un particulier offre deux terres au monastère Saint-Érasme de Formies et à son abbé Marinus. Des dons ou ventes de terres impliquant le monastère Saint-Érasme sont connus : CDC, vol. II, 221 et 222 – 1064 ; CDC, vol. II, 225 – 1064 ; CDC, vol. II, 232 – 1066 ; CDC, vol. II, 241 – 1069 ; CDC, vol. II, 270 – 1094 ; CDC, vol. II, 284 – 1109.

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On ignore si les abbés sont dorénavant désignés par le supérieur du Mont-Cassin, ce qui irait dans le sens d’une dépendance de ces monastères envers l’abbaye. Il reste à com­ prendre le sens de ce transfert de monastères autonomes vers l’autorité bénédictine. Il ne peut s’agir d’une volonté d’échapper à l’emprise normande, l’essentiel des do­ na­tions des monastères étant effectué par les princes normands de Capoue ou leurs vassaux du duché de Gaète. Il semble plausible que le mouvement s’inscrive dans le cadre de la réforme dite grégorienne et de la rénovation monastique, engagée par Léon IX (1049-1054) et poursuivie notamment par Étienne IX (1057-1058) et Victor III (1086-1087), anciens abbés du Mont-Cassin924. La fortune foncière d’un autre grand monastère de la région, Saint-Laurent d’Aversa, suit la prise de contrôle de l’Italie du Sud par les Normands. Les sources napolitaines témoignent de ce phénomène qui conduit le monastère à disposer de biens fonciers s’étendant jusqu’au sud de la péninsule. Les archives napolitaines conservent une cinquantaine d’actes concernant ce monastère. Ces actes se distinguent des autres documents des « monasteri soppressi » par leurs auteurs et les biens concernés. La date de fondation du monastère Saint-Laurent, au nord-ouest de la cité d’Aversa, demeure incertaine925. Mais la fortune du monastère coïncide avec la naissance du comté normand d’Aversa, donné en 1029 à Rainulf Drengot par le duc Serge IV. Le monastère, fondé sur un territoire soustrait au duché napolitain, se distingue, par son destin et l’ampleur de son patrimoine, des établissements monastiques restés dans le duché de Naples, d’où la pertinence d’une étude plus approfondie. Sa première mention dans les actes napolitains remonte à 1054. Le comte Richard  Ier donne à l’établissement religieux l’église et le monastère du Saint-Archange-Michel Terraczani, dans le territoire de Naples926. Quatre ans plus tard, Richard Ier est devenu prince de

924.  À propos de Frédéric de Lorraine, élu pape sous le nom d’Étienne IX, voir Cammarosano, « Amato di Montecassino », p. 85-89 ; Hägermann, Das Papsttum, p. 21-28. Sur l’abbé Desiderius, élu pape sous le nom de Victor III, voir Loud, « Abbot Desiderius of Montecassino », p. 305-330, réimpr. Id., Montecassino and Benevento ; Cowdrey, The age of abbot Desiderius, p. 71-102 ; Cilento, « L’opera di Desiderio », p. 223-236. 925.  Kehr, Italia pontificia, vol.  VIII, p. 287. Pour l’histoire artistique de cette abbaye étudiée comme monument, voir pour mémoire Cirelli, La Badia benedettina ; pour son histoire religieuse et économique, voir Gallo, Aversa normanna, p. 177-200 ; Orabona, I Normanni, p. 28-29 et 66-71 ; Cuozzo, « Les évêques d’origine normande », p. 75-78 ; Rascato, « L’Abbazia di San Lorenzo », p. 87-100, en particulier p. 88-92. 926.  RNAM, vol. V, 395 – 1054 : le monastère est dit in partibus Neapoli est foras cripta situm in monte qui est desuper amne qui uocatur Anglane. MND, II, 2, p. 173 : B. Capasso indique la région de Fuorigrotta à Naples mais ne mentionne pas le lieudit Anglane. Il faut alors supposer que le comte d’Aversa possède un monastère dans le duché de Naples, un cas sans parallèle dans les sources. Voir aussi Gallo, Aversa, p. 190.

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Capoue et cette promotion profite à nouveau au monastère aversan qui semble assurer la fonction de monastère princier. Dès lors, son sort est lié à la dynastie d’Aversa. Le successeur de Richard Ier, Jourdain Ier, fait preuve de la même générosité que son père927 et la tradition se perpétue dans la dynastie928. L’alliance de la famille régnante d’Aversa-Capoue avec les Hauteville ( Jourdain Ier est le neveu de Robert Guiscard, le cousin de Roger Borsa et Bohémond de Tarente) se matérialise par les dotations que reçoit le monastère Saint-Laurent929. L’importance de la documentation relative au monastère d’Aversa permet d’obser­ ver, mieux que pour tout autre monastère campanien, le processus d’autonomisation d’un établissement monastique vis-à-vis des autorités, laïques et ecclésiastiques. Il s’agit d’abord d’immunités, c’est-à-dire de dispenses par l’autorité laïque de droits judiciaires et fiscaux pesant sur les propriétés monastiques. Une première immunité au bénéfice du monastère Saint-Laurent d’Aversa est accordée en 1070 par le prince de Capoue, Jourdain Ier930. Une immunité fiscale est concédée en 1105 par Richard d’Aquila, duc de Gaète931. En 1107, Bohémond de Tarente garantit une immunité judiciaire aux moines de Saint-Laurent d’Aversa qui résideraient sur ses terres932. Enfin, en 1121, un acte de Capoue mentionne des immunités octroyées par le prince Jourdain II à propos des redevances de dépendants au monastère d’Aversa933. En 1092, du pape Urbain II, le monastère reçoit une exemption juridictionnelle de l’autorité épiscopale.

927.  RNAM, vol. V, 411 et 412 – 1070. 928.  RNAM, vol. V, 444 – 1087 : Jourdain Ier et Richard II ; RNAM, vol. V, 473 – 1094 ; RNAM,

vol. V, 489 – 1097 ; RNAM, V, 500 – 1100 ; RNAM, V, 505 et 506 – 1101 ; RNAM, V, 511 – 1103 ; RNAM, V, 514 – 1104 ; RNAM, vol. V, 521 – 1105 : Richard  II ; RNAM, vol. V, 522 – 1106 ; RNAM, vol. V, 532 – 1109 ; RNAM, vol. V, 543 – 1113 : Robert Ier ; RNAM, vol. VI, 582 – 1121 : Jourdain II. 929.  RNAM, V, 435 – 1082 ; RNAM, V, 436 – 1082 : Robert Guiscard ; RNAM, V, 454, 455 et 456 – 1092 ; RNAM, V, 508 – 1102 : Roger Borsa ; RNAM, V, 459 – 1092 ; RNAM, V, 502 – 1100 ; RNAM, V, 527 – 1107 : Bohémond Ier ; RNAM, V, 559 – 1115 : Constance, princesse d’Antioche, veuve de Bohémond de Tarente. 930.  RNAM, V, 411 – 1070 : In quibus ortis liceat abbatibus prioribus et rectoribus ipsius monasterii homines coadunare et habitationem hominum facere si uoluerint, de quibus hominibus si illic ad habitandum uenerint omne seruitium, et censum et dationes publicalia et scaditiones, et alia omnia que parte rei publice facere et persoluituri essent quocumque modo prefato monasterio. Autre immunité du prince Richard II de Capoue : RNAM, V, 500 – 1100. 931.  RNAM, vol. V, 519 – 1105 : do, largior et trado me spontanea uoluntate monasterio beati Laurentii et uobis Warine abbas uestrisque successoribus in perpetuum ac fratribus ibidem iugiter die noctuque Deo seruientibus omnem consuetudinem siue ius quod hactenus expetii uel habui in omni terra sancti Laurentii que in potestate mea sita est, scilicet angariam hominum ac bestiarum omnemque supplicationem [et dationem]. 932.  RNAM, vol. V, 527 – 1107. 933.  RNAM, vol. VI, 582 – 1121.

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Placé sous l’autorité directe du pape, le monastère est rendu indépendant de l’évêque d’Aversa dans les domaines liturgique, disciplinaire, fiscal, judiciaire934. Il reçoit des exemptions similaires d’autres évêques, comme Girardus de Troia, en 1092935. À l’instar du Mont-Cassin, Saint-Laurent d’Aversa place d’autres monastères dans sa dépendance. C’est d’abord le monastère Saint-Laurent de Capoue qui, par un retournement de situation, devient dépendant de son ancienne cella936. Les monastères évoqués dans les sources napolitaines sont nombreux et s’étendent à l’ensemble de l’Italie méridionale937. Les mentions sont plus nombreuses pour les églises privées. Le monastère Saint-Laurent semble être le grand bénéficiaire de la réintégration des églises privées, par le biais des monastères, au sein de l’Église. Le nombre des mentions permet à nouveau d’étudier ce phénomène plus avant. Comme pour les monastères, la distribution géographique des églises données est très étendue. Le mouvement concerne les souverains normands qui contrôlent désormais une grande partie de l’Italie méridionale, en premier lieu les princes de Capoue938,

934.  RNAM, vol. V, 452 – 1092 : Et ipsum beati Laurentii martiris monasterium quod iuris beati Petri esse dinoscitur, apostolice sedis gremio specialiter confouendum protegendumque suscipimus et apostolici pri­ uilegii robore communimus. (…) Missas autem publicas ab aliquo episcopo in eodem monasterio celebrari, stationes fieri, precessiones deduci, absque abbatis uel fratrum uoluntate omnimodis prohibemus. (…) Decimas autem propriorum laborum et operum, nullus ab eodem monasterio exigat nullus. Nec liceat alicui episcopo ipsum monasterium et cellas eius interdicere aut excommunicare. Crisma, oleum sanctum, consecrationem altarium, siue basilicarum, ordinationem monachorum siue clericorum monasterio pertinentium qui ad sacros sunt ordines promouendi, a quocumque malueritis catholico episcopo suscipietis, qui nostra fultus au­ ctoritate quod postulatur indulgeat, cappellanos uel clericos qui ipsi monasterio aut eius cellis deseruiunt, excommunicari uel ab officio suspendi, siue ad sinodum prouocare, ab aliquo episcopo prohibemus. Ad hec etiam pro speciali ipsius monasterii dicione ad honorem ac reuerentiam gloriosissimi martiris Laurentii, cuius ibidem reliquie sunt recondite, usum mitre ubilibet in celebrationibus diuinorum, anuli uero tantum in celebratione missarum precipuarum festiuitatum et consessu conciliorum tibi tuisque successoribus concedimus. 935.  RNAM, vol. V, 460 – 1092. À la lecture de l’acte, on comprend que les deux églises ont été exemptées à la demande de Roger Borsa et son épouse Adèle. 936.  RNAM, vol. V, 444 – 1087. La donation du monastère Saint-Laurent de Capoue est confirmée par le prince Richard II (RNAM, vol. V, 489 – 1097). 937.  RNAM, vol. V, 395 – 1054 : monastère du Saint-Archange Terraczani près de Naples ; RNAM, vol. V, 411 et 412 – 1070 : monastère Saint-Blaise près du lac de Patria ; RNAM, vol. V, 444 – 1087 : monastères Saint-Laurent de Capoue, Sainte-Croix et Saint-Blaise (vraisemblablement une confirmation) ; RNAM, vol. V, 454 et 455 – 1092 : monastère Saint-Nicolas de Monopoli (d’autres noms de saints sont mentionnés mais il s’agit plutôt de terres ou de lieudits) ; RNAM, vol. V, 502 – 1100 : monastère Saint-Pierre de lacu Iohannis situé dans le territoire d’Oria (Pouilles) ; RNAM, vol. V, 503 – 1100 : monastère Saint-Félix in territorio Castri Geldonis (Gildone dans le Molise) ; RNAM, vol. V, 523 – 1106 : monastère Sainte-Croix dans le diocèse de Caiazzo sur le mont Berne. 938.  RNAM, vol. V, 444 – 1087 : les princes de Capoue Jourdain Ier et son fils Richard II transmettent plusieurs églises par le même acte de donation du monastère Saint-Laurent de Capoue à

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mais aussi Robert Guiscard939, Roger Borsa940, Bohémond941. D’autres seigneurs de moindre importance procèdent à des transmissions d’églises au même monastère942. Les évêques d’Italie méridionale confient aussi nombre d’églises privées de leur dio­ cèse au monastère d’Aversa : l’archevêque d’Acerenza943, l’évêque de Troia944, l’évêque de Teano945, l’archevêque d’Oria946, l’évêque de Salpi947, l’archevêque de Trani948. Toutefois, le transfert d’églises sous la juridiction du monastère d’Aversa ne semble pas toujours aller de soi ni recevoir l’assentiment de l’évêque du diocèse. Plusieurs actes en témoignent. En 1100, à l’occasion d’un concile tenu par le pape Pascal II à Salerne, une décision est rendue à propos d’une église Sainte-Croix située dans le diocèse de Caiazzo (Campanie lombarde)949. La propriété de l’église est revendiquée à la fois par

Saint-Laurent d’Aversa ; RNAM, vol. V, 489 – 1097 : confirmation de l’acte de 1087 par Richard II ; RNAM, vol. V, 514 – 1104 : Richard  II donne avec toutes ses dépendances une église Saint-Jean, construite près du castellum princier appelé Cicala (Castelcicala) au lieudit ad Plescum. 939.  RNAM, vol. V, 435 – 1082 : église Saint-Arontius de Tarente. 940.  RNAM, vol. V, 454, 455 et 456 – 1092 : les trois actes fournissent un grand nombre de noms de saints, sans doute des églises et leurs biens situés autour de Bari ; RNAM, vol. V, 508 – 1102 : dons d’églises en Pouille et en Calabre. 941.  RNAM, vol. V, 459 – 1092 : une église Saint-Pierre de Babaneo, près de Tarente. Les oboe­ dentiae transmises par la princesse Constance, veuve de Bohémond de Tarente, s’apparentent à des prieurés plutôt qu’à de simples églises privées : RNAM, vol. VI, 559 – 1115. 942.  RNAM, vol. V, 442 – 1087 : Robert, fils de Richard d’Oria (Pouilles) ; RNAM, vol. V, 470 – 1093 : Gausfredus, comte de Conversano ; RNAM, V, 518 – 1105 : Roger, fils de Trugisus du castellum Saint-Séverin de Rota ; RNAM, vol. V, 556 – 1114 : Ugo Sorellus, f. dom. Andree Sorelli domi­ nus castri Mignani, donne cinq églises situées dans le territoire de Mignano (ou Magnano) ; RNAM, vol. VI, 572 – 1118 : Gaufridus surnommé Demediana, seigneur de Suessola et d’Acerra, donne des biens, situés près de Suessola, appartenant à l’église Saint-Pierre-Apôtre dont il semble être le propriétaire. 943.  RNAM, vol. V, 438 – 1084 : l’archevêque Arnaldus d’Acerenza (Basilicate) donne trois églises de son diocèse. À noter que le monastère doit verser une redevance à l’Église d’Acerenza pour la propriété des églises et envoyer un représentant au synode archidiocésain ; le même archevêque est évoqué (RNAM, vol. V, 470 – 1093) dans la confirmation de la cession par le comte de Conversano d’églises au monastère Saint-Laurent d’Aversa ; RNAM, vol. V, 496 – 1098 : l’évêque Giraldus d’Acerenza remet trois autres églises. La datation de l’acte pose problème car Giraldus (1059-1066) est le prédécesseur d’Arnaldus, consacré en 1066, et le dernier évêque d’Acerenza avant l’élévation au rang d’archevêché. L’acte serait antérieur à 1066 et postérieur à 1059. 944.  RNAM, vol. V, 460 – 1092 : exemption accordée par Girardus, évêque de Troia, pour deux églises ; RNAM, vol. V, 485 – 1095 : Willelmus, évêque de Troia confie quatre églises. 945.  RNAM, vol. V, 481 – 1094. 946.  RNAM, vol. V, 484 – 1095. 947.  RNAM, vol. VI, 574 – 1119. 948.  RNAM, vol. VI, 594 – 1126. 949.  RNAM, vol. V, 501 – 1100.

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l’évêque de Caiazzo et le monastère Saint-Laurent d’Aversa950. Le pape confirme au monastère la propriété de l’église en s’appuyant sur un jugement rendu par Urbain II, indice que le différend n’est pas nouveau et que les évêques de Caiazzo ne semblent pas avoir accepté la prise de possession de l’église par le monastère bénédictin d’Aversa951. En 1116, l’évêque de Troia intervient dans une querelle de compétence autour d’une paroisse de son diocèse, disputée par le monastère Saint-Laurent d’Aversa aux chanoines de son église cathédrale952. Enfin, un acte de 1118 montre les interactions entre le pouvoir laïque, l’autorité épiscopale et le monastère autour de la propriété d’une église privée953. L’église, consacrée à sainte Catherine, dans le diocèse de Bari, est revendiquée par le monastère Saint-Laurent d’Aversa et un monastère féminin de la région. Le différend porte sur la donation de l’église par Bohémond, mort en 1111. L’affaire nécessite l’intervention des autorités laïques et religieuses, en la personne du sénéchal Richard de Bitetto et de l’archevêque Risus de Bari, qui attribuent l’église au monastère. À la fin du xie siècle, le monastère d’Aversa possède des biens répartis dans toute l’Italie du Sud, des Pouilles à la Calabre. Avec le Mont-Cassin et Saint-Laurent d’Aversa, on trouve ainsi des patrimoines monastiques qui tendent à se rapprocher de ceux de l’Antiquité tardive. Le processus d’unification territoriale au profit des Normands n’y est pas étranger, mais ces monastères jouent également un rôle de premier plan dans la diffusion de la réforme dite grégorienne. La mention de l’archevêque Arnaldus d’Acerenza, un des principaux réformateurs de l’Église en Italie méridionale, parmi les donateurs d’églises au monastère Saint-Laurent le confirme. On ne trouve rien de tel pour les monastères napolitains dont le patrimoine ne déborde pas les limites du duché.

950.  Ibid. : Super Caiazano episcopo nomine Constantino proclamationem feci de aecclesia sanctae Crucis quae sita est in territorio Caiazano quam ipse presul inuaserat. 951.  Ibid. : Denique post consilium ad sedem rediens sententiam conuenientem dedit, non aliam nisi eandem quam beatae memoriae Urbanus Secundus papa prius inter me et ipsum presulem Caiazanum docuerat, ante cuius presentiam de eadem aecclesia sepius proclamando multa sustinui. Sententia itaque talis fuit, quod si duo monachi sancti Laurentii iureiurando monasterium nostrum accepisse aeclesiam supra memoratam sine pretio ante illud concilium in quo uenerabilis Gregorius Septimus papa decreuit, et preceptum dedit ut nullus deinceps de manu laicorum aecclesiam accipere presumeret, tunc cenobium sancti Laurentii supra dictam aecclesiam haberet et in perpetuum possideret. 952.  RNAM, vol. VI, 565 – 1116 : il semble que l’autorité du monastère d’Aversa sur la paroisse de Nouus Casalis, également appelée Abbranca, soit confirmée après l’intervention du pape Pascal II et le versement d’une redevance annuelle à l’évêché. 953.  RNAM, vol. VI, 566 – 1118.

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V.  Esclaves, dépendants et tenanciers des patrimoines religieux Sans prétendre retracer l’évolution des structures agraires en Campanie, qui a déjà fait l’objet de synthèses importantes, en particulier dans le cadre de l’Italie méridionale954, il est nécessaire de s’intéresser au statut des paysans cultivant les terres ecclésiastiques et monastiques, de la basse Antiquité au Moyen Âge central. La documentation pour les duchés tyrrhéniens offre un outil de recherche de qualité en raison de l’importance des actes fonciers conservés qui, la plupart du temps, ont disparu dans le cas des propriétés laïques.

L’époque de Grégoire le Grand À la fin de l’Antiquité, des esclaves, des locataires et des coloni (de différentes catégories) travaillent les terres de l’Église955. Même s’ils sont aussi attachés à la terre, le droit civil distingue les coloni des esclaves956. À la différence de la Sicile, la cor­res­pon­ dance de Grégoire le Grand ne fait pas mention de coloni en Campanie. Des locataires ou tenanciers n’apparaissent pas davantage, mais la maison édifiée par Adeodatus sur les terres de l’Église romaine contre une redevance annuelle de deux sous, constitue peut-être une allusion à un bien foncier loué à un particulier957. Il est difficile de savoir, d’après la correspondance pontificale, si l’Église de Rome est ou non le plus grand propriétaire d’esclaves en Italie suburbicaire, mais il existe un lien entre l’importance du patrimoine foncier de l’Église et le nombre des dépendants

954.  Lizier, L’economia rurale, p.  21-34 ; Toubert, Les structures du Latium médiéval, p. 465-487 ; Noyé et Martin, « Les campagnes de l’Italie méridionale byzantine », p. 559-596 ; Martin, « Città e campagna », p. 257-382. 955.  Essais de synthèse : Jones, The Later Roman Empire, vol. 1, p. 773-812 ; Carrié, « Colonato del Basso-Impero », p. 75-150. Voir aussi Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 42 – mai 591. Cette lettre est commentée en détail par Fabre, « Les colons de l’Église romaine », p. 74-91. 956.  Le titre 48 du onzième livre du Code Justinien, De agricolis censitis uel colonis, rassemble les dispositions d’une vingtaine de lois promulguées par les empereurs romains tardifs, de Constantin à Justinien. La distinction entre esclaves et colons est fermement établie par le droit, en particulier dans une loi de l’empereur Anastase (491-518) reprise dans CJ, éd. Krueger, XI, 48, 19. Cette distinction est bien connue de Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IV, 21 – mai 594 : Hi uero qui in possessionibus eorum sunt, licet et ipsi ex legum districtione sint liberi, tamen quia colendis terris eorum diutius adheserunt, utpote conditionem loci debentes, ad colenda quae consueuerant rura permaneant, pensiones praedictis uiris praebeant, cuncta quae de colonis uel originariis iura praeci­ piunt peragant. Citation fournie par Fabre, « Les colons de l’Église romaine », p. 85 et 87, n. 2. 957.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 190, éd.  Norberg, IX, 191 – juillet 599.

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travaillant sur ses terres958. L’essentiel des mentions de dépendants établis sur les domaines pontificaux en Campanie apparaît à l’occasion de querelles de propriété avec des laïcs. En 599, la gloriosa femina Erene dénonce l’usurpation de ses dépendants par des actores de l’Église romaine. Le pape ordonne au recteur du patrimoine, le sousdiacre Anthemius, d’enquêter et de restituer, si nécessaire, ces hommes indûment détenus. En cas de mariage de certains de ces hommes avec des femmes possédées par l’Église, Anthemius doit procéder à une compensation en fournissant d’autres hommes à la plaignante959. Les interventions de Grégoire le Grand vis-à-vis de l’esclavage suivent un même principe : assurer la stabilité sociale d’après le droit civil960. Les troubles de la fin du vie siècle bouleversent l’ordre antique dans lequel Grégoire le Grand s’inscrit ou voudrait encore s’inscrire. Le pape soulève ainsi le problème des populations captives qu’il faut racheter, en particulier des esclaves de l’Église. Le souci du pape est de conserver une main-d’œuvre servile indispensable à la mise en valeur des domaines de l’Église. La capture des esclaves travaillant sur les grands domaines fonciers est aussi, à double titre, une arme économique pour les Lombards : elle affaiblit le potentiel humain des territoires aux mains des forces impériales et accroît leur butin du montant des rançons. Grégoire le Grand ne précise pas la somme exigée pour des esclaves, mais son insistance à assurer leur rachat montre leur importance économique pour le patrimoine de Saint-Pierre. Il faut s’assurer que la captivité ne donne pas lieu à un changement de statut ni de propriétaire, également préjudiciable à l’Église. Dans cette optique, le pape demande à son recteur d’enregistrer les noms des esclaves enlevés par les Lombards, une fois rachetés961. L’action de Grégoire le Grand ne semble pas toujours efficace et Étienne, époux d’une esclave de l’Église romaine, lui demande de rembourser à un laïc la somme avancée pour son rachat aux Lombards962.

958.  Serfass, « Slavery and pope Gregory the Great », p. 77-103. On ignore le nombre d’esclaves possédés par la papauté, mais dans un contexte d’essor de la propriété ecclésiastique, l’auteur estime qu’il n’y a aucun déclin des populations serviles (ibid., p. 87). 959.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 192, éd.  Norberg, IX, 193 – juillet 599 : Et si ita est nec est, quod in eis ad nomen nostrae possit ecclesiae uindicari, omni mora postposita aut ipsos restitue aut, si forte mancipiis ecclesiae nostrae coniuncti sunt, dando pro eis uicarios recompensa. PCBE, vol. II/1, p. 655, s.u. Erene. 960.  Serfass, « Slavery and pope Gregory the Great », p. 88. Grégoire le Grand applique ici les principes établis par CJ, éd. Krueger, XI, 48, 27 et Justinien, Novelles, éd. Schoell et Kroll, VII, préf. ; ibid., CLVI. 961.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, VI, 32 – avril 596 : Pariter etiam et seruos ecclesiae qui tua neglegentia perierunt curabis redimere. Quoscumque autem redemeris, suptiliter notitiam, quae nomina eorum uel, quis ubi maneat siue quid agat seu unde sit, contineat, facere modis omnibus studebis, quam tecum possis afferre, cum ueneris. 962.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 84, éd. Norberg, IX, 85 – décembre 598.

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Même sous la dépendance de l’Église, la servitude ne semble pas une condition toujours bien acceptée. En 591, Grégoire le Grand informe son recteur de Campanie, Anthemius, d’une affaire concernant Gaudiosus. Celui-ci s’est plaint au pape, dont il porte la lettre au recteur, d’agents pontificaux réclamant ses fils comme des dépendants de l’Église de Rome963. Complexe, l’affaire porte sur des mariages entre individus de conditions différentes et sur le statut de leurs enfants964. Gaudiosus est veuf d’une ancienne esclave nommée Sirica dont sont issus les enfants réclamés par l’Église. Sirica a été affranchie par Morena qui l’avait reçue d’Attia965. On ne comprend guère le rapport avec l’Église romaine et la pertinence de la revendication des agents patrimoniaux. Ce n’est peut-être pas à cause de Sirica mais de Gaudiosus, tenancier libre du patri­ moine de Campanie, que l’Église réclame désormais ses enfants comme dépendants. Mais l’homme possède des documents prouvant la liberté de ses fils. Le pape demande à son recteur d’opposer, le cas échéant, des titres de propriété de l’Église sur ses enfants. On reconnaît l’empreinte juridique de l’Antiquité et l’attachement de Grégoire le Grand à cette marque de romanité. Le pape donne des esclaves en récompense à des amis ou des personnes ayant rendu des services importants. L’évêque de Nepi reçoit ainsi du sous-diacre Pierre 100 sous et un jeune orphelin de son choix966. Ainsi, les évêques peuvent se trouver, à titre personnel, propriétaires de dépendants et, même si le pape ne les évoque pas, les Églises campaniennes possèdent sans doute des esclaves travaillant leurs terres. La confiscation de ces patrimoines par les Lombards ne doit certes pas aider à conserver cette maind’œuvre servile et nombre d’esclaves peuvent s’enfuir chez l’ennemi, alors synonyme de liberté. Des esclaves appartiennent aussi à des monastères campaniens. En 595, l’abbé Théodose du monastère Saint-Martin se plaint que ses esclaves sont retenus par des hommes de l’Église romaine967. On ne peut s’empêcher de penser que les troubles

963.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 53 – juillet  591 : Praesentium ergo lator Gaudiosus insinuauit nobis, ab actoribus sanctae Romanae, cui Deo auctore praesidemus, ecclesiae sibi uiolentiam inrogari ; asserens, quod filios suos iuri praedictae uelint ecclesiae uindicare. Les actores sanctae Romanae, sont en contact direct avec les dépendants de l’Église, ce qui explique leur mention et la nécessité de l’intervention hiérarchique du sous-diacre et recteur Anthemius. 964.  Grégoire le Grand, Registre, trad. Minard et Reydellet, vol. I/1, p. 244, n. 2. 965.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 53 – juillet 591 : Oblatis etenim ab eo documentis agnouimus, Siricam uxorem praesentium portitoris ab Aetia quondam gloriosae memoriae Morenae cuidam feminae titulo donationis fuisse largitam et ab eadem Morena per epistolam manumissam. 966.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 35 – mai 593. Autres cas de dons d’esclaves : ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 18 – janvier 593 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, VII, 27 – juin 597 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 99 – janvier 599. 967.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 33 – mai 595.

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politiques ont pour conséquence la raréfaction de la main-d’œuvre servile et tendent les relations entre les propriétaires fonciers. À l’inverse, la Sicile, havre de paix, garde les structures de l’Antiquité sur des patrimoines intacts. Le monastère napolitain Saint-Sébastien possède des esclaves dans l’île968. Donnés par le fondateur du monastère, Romanus, ils vivent sur les propriétés du donateur en Sicile, sans doute près de Palerme. Pris en charge par le recteur du patrimoine de Palerme, ils reçoivent une terre de l’Église à cultiver. Une partie de la récolte ou des revenus doit être envoyée chaque année au monastère napolitain. Il s’agit d’un cas intéressant où les esclaves appartiennent juridiquement à un monastère, mais travaillent une terre de l’Église. On ignore le bénéfice ou la contrepartie de l’Église car il n’est pas fait mention d’une redevance969.

L’extinction lente de l’esclavage rural au cours du haut Moyen Âge Le passage de l’Antiquité au Moyen Âge se manifeste par la disparition de l’esclavage rural au profit du faire-valoir indirect par le biais de tenanciers libres. En Italie, ce processus est achevé dès le ve  siècle970. La situation paraît plus complexe dans les duchés tyrrhéniens qui, à nouveau, se révèlent des conservatoires de structures héritées de l’Antiquité tardive. La profusion du vocabulaire associé au statut paysan montre la complexité des évolutions engagées depuis longtemps. On rencontre ainsi des serui, des coloni, des defisi, des hospites, des tertiatores et des famuli. La variété des conditions paraît s’accentuer depuis la fin de l’Antiquité. Les témoignages des viiie-ixe siècles montrent que les liens entre les paysans et la terre durant l’Antiquité tardive perdurent dans ces régions. La Liburie, aux confins du duché de Naples avec les territoires lombards, constitue un champ d’étude bien documenté971. Un acte du viiie siècle évoque deux paysans dépendants achetés, pour moitié par un sous-diacre de l’Église de Naples et dispositor du monastère napolitain des Saints-Théodore-et-Sébastien972. Ces paysans, conduits à travailler sur des terres

968.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 10 – septembre-octobre 598. 969.  Il s’agirait d’un exemple d’esclaves-locataires (servi-affittuari) d’après Cracco Ruggini,

« La Sicilia fra Roma e Bisanzio », p. 1-96, en particulier p. 73, n. 81. Dans cette même note, l’auteur fournit d’autres exemples connus par les sources littéraires de main-d’œuvre cultivant les domaines laïques et ecclésiastiques de Sicile. 970.  Lizier, L’economia rurale, p. 60-65 ; Toubert, « L’Italie rurale », p.  113-118 ; Id., Les structures du Latium médiéval, p. 474-479 ; Wickham, Early medieval Italy, p. 100-101 ; Feller, « Liberté et servitude », p. 511-533, en particulier p. 527-528 ; pour la situation différente dans le monde byzantin, voir Rotman, Les esclaves et l’esclavage, p. 106-122. 971.  Martin, Guerre, accords et frontières, p. 101-114. 972.  RNAM, vol. I/1 – 703 ou 748.

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possédées en tiers par des Lombards, la milice napolitaine et des propriétaires laïques ou monastiques, d’où le qualificatif de tertiatores, demeurent des esclaves ruraux973. L’esclavage sur les domaines ecclésiastiques ou monastiques subsiste longtemps après le viiie siècle. En témoignent les mentions de serui. En 952, le monastère des SaintsSerge-et-Bacchus est propriétaire de huit serui et ancillae attachés à un domaine situé au lieudit Casa Aurea Rauiosa, en Liburie. L’acte présente l’intérêt de montrer la division de ces esclaves entre deux propriétaires, le monastère des Saints-Serge-et-Bacchus et un laïc, résultat de partages successoraux complexes974. Malgré un retard important, le statut des paysans évolue. En 943, le monastère des Saints-Serge-et-Bacchus reçoit des dépendants, qualifiés d’hospites du lieudit Pirum, en Liburie975. La même année, toujours en Liburie, le monastère procède à un échange de biens fonciers auxquels sont attachés des hospites976. En 978, l’higoumène du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus accorde à ses dépendants du domaine de Casa Aurea Rauiosa, qui se qualifient d’hospites et serui, le droit de se marier librement tout en restant dans la dépendance de l’établissement religieux977. Ce droit constitue une innovation au

973.  Martin, Guerre, accords et frontières, p. 124-132. 974.  RNAM, vol. I/2, 63 – 952 : Et in presenti diuisimus inter nobis serbis et ancillis communalis no­

stris et uestris de loco qui uocatur Casa Aurea Rauiosa qui fuerunt portionis quondam domine Iohaquinthe monastriae. 975.  RNAM, vol. I/1, 37 – 943 plutôt que 942 : A presenti die promptissima uoluntate pro redemtio­ nis et saluationis anime mee offerre et offero adque in presenti contradidi uobis domino Benedicto religioso igumeno monasterii sanctorum Sergii et Bachi qui nunc congregatus esse uidetur in monasterio sanctorum Theodori et Sebastiani qui uocatur Casapicta situm in Viridiarium. Idest hospites meos fundatos nomine Stephano et Cimmino thium et nepotem de loco qui uocatur Pirum territorio Liburiano una cum uxori­ bus et filiis filiabus nurus adque nepotibus et cum ipsorum fundos et cespites et omnes consuetudinarium censum. 976.  RNAM, vol. I/1, 39 – 943 : Idest integras sex uncias meas de omnibus ospitibus fundatis et exfun­ datis et de omnes fundoras uiuorum et mortuorum fundatas et exfundatas seu et de omnibus commenditis fundatis et exfundatis insimul de quantos et quales fuerunt et pertinuerunt eidem genitori mei in loco qui uocatur Lauri una cum uxoribus et filiis filiabus nurus adque nepotibus natos nascentibus et cum ipsorum fundoras. 977.  RNAM, vol. I/2, 169 – 979 : Certum est nos Petrum et Stephanum germanis filiis de Trasari qui supranomen Rico commanentes autem in loco qui uocatur Casaaurea Rauiosa. A presenti die promtissima uolumtate promictimus uobis domino Iohanni uenerabili ygumeno monasterii sanctorum Sergii et Baschi (…) cuius hospites et serbis sumus partibus militie et partibus Langobardorum, eo quod tu cum cunta uestra congregatione monachorum nobis chartula promissionis fecistis hodie tertia die quatenus amodo et semper nos et heredes nostris licentiam haberemus a libero maritare et uxorare. Ideoque et nos promictimus uobis ut amodo et semper hac perpetuis temporibus nos et heredes nostris masculis fundatis et serbis uestris esse debeamus in tertia uestra de fundum ex ipso loco Casaaurea et uobis posterisque uestris memoratoque sancto et uenerabili uestro monasterio dare et persolbere seu facere debeamus omnes serbitium et censum seu consuetudine per ratiocineas sicuti fecimus et dedimus nos et parentibus nostris uobis.

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regard du pactum du prince Sicard de Bénévent, rédigé plus d’un siècle auparavant978. Le rapport à la terre change également pour les hospites car, en l’absence d’héritier mâle, une fille pourra continuer d’occuper la tenure979. La différence entre hospites et serui ne semble pas encore nette. Les individus mentionnés dans l’acte de 978 réapparaissent en 988 à propos d’une querelle foncière entre le monastère des Saints-Serge-et-Bacchus et un propriétaire laïque. Ils sont alors qualifiés de serui, non d’hospites980. Les mêmes transformations s’accomplissent dans le duché de Gaète, qui se carac­ térise par une évolution plus lente des structures foncières héritées de l’Antiquité tardive. L’étude d’un document de 999 permet de la mesurer981. L’acte expose un différend entre un groupe d’hommes et de femmes, tous famuli de l’Église de Gaète, et l’évêque Bernard, membre de la famille ducale. Le terme famulus apparaît souvent à Gaète comme à Naples. En 839, l’évêque de Minturnes-castrum Leopoli accorde la part de terre de leur oncle à des famuli de l’église cathédrale de Minturnes pour 15 sous982. En 845, tous les famuli de la massa beati Erasmi, patrimoine de l’Église de FormiesGaète, vendent des terres à Lunisus avec l’accord de l’évêque de Formies983. Le document montre que le droit de cultiver des terres épiscopales peut être transmis, contre argent, à d’autres cultivateurs984. La dépendance reste encore liée à la personne, non à la terre.

978.  Martin, Guerre, accords et frontières, p. 131. Les deux dépendants sont des tertiatores, même si le terme disparaît après 836 (ibid., p. 128). 979.  RNAM, vol. I/2, 169 – 979 : Set si ex ipsis masculis non remanserit masculum a tunc una ex ipse femine et heredes eius in memorata tertia uestra ex ipsum fundum fundata esse debeant in eodem ordine ut super legitur. 980.  RNAM, vol. II, 211 – 988 : uos memorato domino Filippum uenerabile igumeno et cuntas congre­ gatione monachorum memorati sancti et uenerabilis uestri monasterii, pro uice quidem Petro et Stephano uterinis germanis filiis quondam Trasarii serui memorati sancti et uenerabilis uestri monasterii, abitator in uico qui uocatur Casa Aurea Rauiosa territorio Liguriano. Pour les formes de dépendance plutôt que d’esclavage dans le duché d’Amalfi, voir la mise au point de Skinner, Medieval Amalfi, p. 33-37. 981.  CDC, vol. I, 100 – 999. Cet acte, daté de mars 899, a été réédité dans I placiti del Regnum Italiae, éd. Manaresi, vol. II, p. 426-430, n° 250. 982.  CDC, vol. I, 6 – 839 : Certum est me domnus Leo sanctus episcopus sancte Menturnesibus cibi­ tati et Kastri Leopoli concessisse adque concessimus adlocare et adlocauimus bobis « Trasari presbytero » Lupari conductori et Sassi et Rosiani Viti « Romoaldus » Iulianus germani fratribus abitatores in locum qui apellatur Masurianu famuli uero Petri apostoli in episcopiu. (…) † manus Andree uicedominie signum. Le uicedominus commande les famuli de l’évêché 983.  CDC, vol. I, 8 – 845 : Certum est nos omnes famuli masse beati Herasmi temporibus domni Constantini episcopi sancte sedis Formiane ex consensum et auctoritatem ipsius domni Constantini episcopi uno tenore unoque consilio pari mentem promtissima uoluntate uendidissemus et uindedimus tibi quoque Lunisi habitatori in uico nobis coniuncto in loco qui Britti nuncupatur. 984.  Ibid. : Idest ego Petro et Paulus terra capacitatis modium unum in loco qui dicitur Margatarum et accepimus a te solidum unum.

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Le terme famulus est d’un usage assez général et n’apparaît pas forcément lié à une activité agricole. En 959, un Napolitain lègue deux sous à sa famula au nom singulier, Manda Sclava, sans doute d’origine slave985. Des famuli apparaissent souvent dans les testaments et représentent des serviteurs, hommes ou femmes attachés à la cellule familiale. Leur statut personnel n’est toutefois pas clair : sont-ils libres ou esclaves  ? En 1038, un laïc entre au monastère napolitain des Saints-Séverin-et-Sossius avec son famulus986. Comme son maître, le famulus sera nourri et logé, mais l’acte précise qu’il est au service du monastère, à l’instar des autres seruientes, sauf s’il « s’éloigne du service » de son maître987. L’idée de « service » est ambiguë et ne désigne pas obligatoirement la servitude du famulus. Le différend opposant, en 999, l’évêque Bernard de Gaète à ses famuli le montre. L’affaire résulte de la prétention de l’évêque à considérer les famuli comme ses serui, alors qu’ils se prétendent liberi988. D’après l’acte, l’évêque a invoqué une coutume héritée de ses prédécesseurs pour maintenir les famuli dans la dépendance de l’Église de Gaète. L’usage conjoint des termes famuli et serui montre que la distinction existe pour les contemporains. On peut être un famulus de l’Église de Naples sans être un seruus. Le désaccord aboutit au jugement en appel d’Otton  III. L’empereur délègue un missus, son chapelain Notker, et convoque un plaid à la mode carolingienne qui réunit les ducs de Gaète et de Fondi, le comte de Traetto, d’autres nobiliores homines, les avoués de l’évêque, enfin le « peuple » de Gaète, sans doute les représentants de la cité. L’ampleur prise par l’affaire ne manque d’impressionner et laisse penser que les famuli en question ne sont pas de simples serui de l’évêque de Gaète. On imagine mal de petits paysans s’adresser directement à l’empereur, même si le cas peut se produire. La condition des famuli apparaît dans le jugement rendu. L’évêque André de Traetto est choisi comme arbitre d’un éventuel duel judiciaire qui, d’après l’acte, fait reculer « de peur » les famuli (ils ne sont assurément pas des professionnels de la guerre). Un accord est trouvé : les famuli reconnaissent par serment que leur mère était de

985.  MND, vol. II, 1, 107 – 959. 986.  RNAM, vol. IV, 370 – 1038. 987.  Ibid. : Insuper et quidem Petro famulo meo uos et posteris uestris diebus uite meae enutrire et

bestire seu calciare debeatis sicuti ceteris serbientibus memorati uestri monasterii et ipse uobis posterisque uestris diebus uite meae serbire debeas quomodo ceteris serbientibus memorati uestri monasterii : si denique tamen ut ab ipso meo serbitio nequaqua recedat. 988.  CDC, vol. I, 100 – 999 : Quadam die ex more anteriorum uestrorum episcoporum iuxta uestram preceptionem conuocati sunt famulis sancte uestre Aecclesie quatenus deuenirent in uestro seruitio. (…) Nos autem ut talem preceptionem audiuimus a uestra parte, contentione fecimus ut nullo modo essemus uestri serui, sed ueri liberi ; pro qua uidelicet contentione alii uestri famuli sancte uestre Aecclesie ita contendebant se liberi sicut et nos ; ex qua re nullo modo uestris preceptis obtemperauimus sed in nostro consilio perstetimus.

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condition libre mais non leur père, ce qui les oblige à racheter leur liberté à l’évêque de Gaète pour une livre d’or989. Cette somme montre que les famuli disposent d’une fortune importante, sans qu’on en connaisse la nature ni l’origine. L’affaire s’inscrit dans le contexte de transformation des statuts des dépendants de la terre. On peut supposer que l’évêque Bernard, en réaction à cette évolution, utilise une ancienne coutume pour tirer un parti financier d’une servitude qui liait certains habitants du duché à son Église. L’archaïsme réside surtout dans la possibilité juridique qu’a l’évêque d’étayer sa revendication, non dans la réalité d’un esclavage qui, en 999, ne semble plus en usage à Gaète. La différence est significative avec une querelle opposant l’abbaye Saint-Vincent-au-Volturne à des dépendants de la uilla Tritta en 831, plus de 150 ans auparavant990. L’arbitrage, rendu par l’empereur Louis le Pieux, est en défaveur des paysans dont la dépendance est confirmée.

Un faire-valoir indirect dominant Le faire-valoir indirect par des tenanciers plus ou moins libres domine dans les propriétés ecclésiastiques et monastiques. Le colonat, survivance de l’époque antique, disparaît lentement. En 867, un différend relatif à des coloni oppose l’évêque Ramfus de Gaète à des laïcs991. Les coloni ont été faits prisonniers par des Sarrasins, dans le contexte troublé des incursions musulmanes en Italie du Sud, et rachetés par les laïcs qui se sont réparti leurs tenures, issues de la massa de l’Église de Formies992. On ne trouve plus ensuite, à notre connaissance, d’allusion précise à des coloni993.

989.  Ibid. : Quatenus propter omnes inclitas illorum omnium personas daremus nos pro conciandum et renouandum uos palatium uestri episcopii una libra de auro purissimo ; in hac utilitate ut amodo usque in sempiternum omnes heredes suprascripti passari et benefacte iugalibus masculi et femine permaneremus absoluti ab omni condicione uestri episcopii et uestra et de uestris posteris successoribus sicut nostra chartula securitatis continere uidetur. 990.  Regesti dei documenti dell’Italia meridionale 570-899, éd. Martin, Cuozzo, Gasparri et Villani, p. 623. 991.  CDC, vol. I, 13 – 867. 992.  Ibid. : Qua de re nos Ramfus uenerauilis episcopus sedis sanctae Gaietane ecclesie constat nos ab odierna die et in omnem futurum tempus decisissemus et decidere uisi sumus deliberassemus et delibe­ rauimus et a presenti definiuimus una uobiscum Mauro clerico seu Iohannes uir honestus hauitatori huic castro Gaietano idest de altercationes quas insemul habuimus de ipsi nostri coloni que uos comparastis agens Agarenorum in solidos triginta octo unum nomine Mauro Botto cum eius uxorem et alium nomine Palumbi Bussi cum eius uxor quod uos suprascripti Mauro clerico et Iohannes uiro honesto adlibertastitis illos tali tenore ut omnia illorum portiones de terra quanta ad illos pertinuit in Massa ut diuideret illos in tres portiones. 993.  Le terme est employé par B. Capasso dans MND, vol. II/1, 53 – 945, mais il n’est pas sûr que l’acte l’utilise.

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En revanche, un terme nouveau apparaît dans plusieurs actes, celui de defisus, indice de la perméabilité des duchés tyrrhéniens aux influences extérieures. Le defisus, terme dérivé de defensus, traduit un statut apparu aux ixe-xe siècles en territoire lombard. Il désigne des paysans versant à un particulier des taxes normalement dévolues à l’État994. On ne rencontre aucune attribution explicite de defisi par l’État à une institution religieuse dans les duchés tyrrhéniens. Toutefois en 994, des laïcs s’engagent à ne pas revendiquer des defisi du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus995. L’objet de la contestation concerne leur utilisation sur les terres des laïcs en question996. Le statut de defisus marque dès lors une certaine forme de dépendance vis-à-vis du propriétaire. Un autre defisus des Saints-Serge-et-Bacchus apparaît en 996997. Un acte de 1094 apporte une information supplémentaire puisqu’il mentionne un defisus du monastère en même temps prêtre998. Ce détail révèle la nature fiscale et sans doute héréditaire de sa dépendance. On peut supposer que le prêtre était un defisus du monastère avant de devenir prêtre. Le statut ne semble pas peser sur la terre qui, dans le cas de ce prêtre, est dite lui appartenir. Il reste à comprendre pourquoi les laïcs de 994 s’engagent à ne plus employer les defisi sur leurs terres. On peut faire l’hypothèse que la dépendance fiscale se manifeste sous forme de corvées plutôt que de redevances, lesquelles pèsent sur les tenanciers libres. Subsiste le cas des personnes mentionnées comme « hommes de l’Église ». Nous avons vu que certaines terres sont qualifiées de « terres de l’Église de Naples ». Cette indication apparaît aussi pour des personnes comme, par exemple Étienne, prêtre « de la sainte Église de Naples » issu de parents « de la sainte Église de Naples »999.

994.  Lizier, L’economia rurale, p. 51-54 ; Martin, « Città e campagna », p. 305-306.

995.  RNAM, vol. II, 233 – 994 : quia nunquam presummimus nos aut heredibus nostris nec abeamus licentia haliquando tempore uos et posteris uestris uel memorato sancto et uenerabili uestro monasterio querere de integris personibus de quidem Stephano et Racculo uterinis germanis filiis quondam Iohannis defisi uestris et de memorato sancto et uenerabili uestro monasterio aut de suis heredibus per nullum modum nec per summissis personis a nunc et in perpetuis temporibus. 996.  Ibid. : insuper promittimus nos et heredibus nostris uobis uestrisque posteris et in memorato sancto et uenerabili uestro monasterio ut non abeamus licentia aliquando tempore memorati germanis aut suis heredibus eis menare in agarias aut in qualecumque loco per nullum modum nec per summissis personis a nunc et in perpetuis temporibus, a nobis autem uel a nostris heredibus nec a nobis personis summissis nullo tempore. 997.  RNAM, vol. II, 241 – 996. 998.  RNAM, vol. V, 475 – 1094 : terra Leoni presbyteri defiso memorati uestri monasterii. 999.  RNAM, vol. IV, 299 – 1016 : Certum est nos Stephanum presbyterum sancte Neapolitane ecclesie filium quodam Donadei ipsius sancte Neapolitane ecclesie ego autem pro uice mea et pro uice quidem Leoni nepoti mei qui nominatur Catontium ipsius sancte Neapolitane ecclesie filium quondam Petri exadelfi mei (…) insimul omminibus ipsius iamdicte memorate et domine nostre Neapolitane ecclesie.

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Deux possibilités existent : soit ces individus sont membres d’une famille exerçant des fonctions religieuses dans l’Église de Naples, soit ils constituent un groupe de personnes attachées à ses terres. Plus probable, la seconde solution est confirmée par un autre document. En 1025, le monastère des Saints-Serge-et-Bacchus établit un contrat de tenure avec des particuliers. L’un d’eux, Gregorius, surnommé Capuburria, sancte Neapolitane Ecclesie, réside en Liburie, à Casa Aurea ipsius Neapolitane Ecclesie1000. Le lien entre l’individu et l’Église de Naples n’est pas religieux mais économique. Tout en prenant en tenure une terre du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus, il continue peut-être de verser une redevance à l’Église de Naples, signe d’une dépen­ dance reconnue dans le document. Signalons enfin un terme, déjà relevé par Matteo Villani, pour désigner des paysans travaillant des terres d’Église, sans qu’il soit possible de préciser leur statut1001. Il s’agit des Marsani (ou Massarini), mentionnés dans un acte de Gaète impliquant l’évêque et les ducs à propos de la délimitation de terres. L’évêque intervient ici avec les paysans de sa massa, terme lié à l’Antiquité tardive1002. Les contrats de tenure entre établissements religieux et tenanciers libres consti­ tuent une grande partie des actes notariés, en particulier pour Naples. Le plus ancien contrat conservé lie l’Église de Formies-Gaète à des tenanciers libres et date de 8551003. Les clauses demeurent encore peu développées et les redevances sont en nature, 20 modii de blé et trois porcs « pour le lard » à l’époque de la glandée. Les contrats napolitains des xe-xie siècles sont plus détaillés. Leur nombre permettrait d’effectuer une étude comparative et lexicale. En premier lieu, il n’existe pas de différence marquante entre les contrats de tenure des institutions religieuses et ceux des propriétaires laïques. Leur caractère normatif est tout aussi affirmé : identité des contractants, description du bien donné en tenure, exposé des travaux agricoles à réaliser et des redevances. Ces redevances (responsaticum) sont surtout en nature. La redevance est apportée soit à la porte de l’église ou du monastère propriétaire de la tenure, soit dans un lieu de réception, comme les oboedientiae ou dans un entrepôt1004. On trouve aussi à maintes reprises des redevances en argent1005. Les types de contrats n’ont pas beaucoup changé depuis l’Antiquité tardive. Nous sommes dans des régions de droit romain écrit. Les baux sont en général des « livelli », c’est-à-dire des contrats en deux copies,

1000.  RNAM, vol. IV, 328 – 1025. 1001.  Villani, « L’Antroponomia nelle carte napoletane », p. 345-359, en particulier p. 351. 1002.  CDC, vol. I, 39 – 936 : dum intentio uerteretur inter domno Petro episcopo sancte Gaietane

ecclesie huna cum ipsi Marsarini. 1003.  CDC, vol. I, 10 – 855. 1004.  RNAM, vol. I/2, 148 – 971 : le tenancier doit apporter ses redevances au castrum de Pouzzoles. RNAM, vol. IV, 361 – 1034 : le monastère des Saints-Serge-et-Bacchus y possède une casa. 1005.  RNAM, vol. IV, 302 – 1016 : et pro ipsis silbis uobis dare debeamus in auro tare unum.

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le tenancier ayant beaucoup moins de droits que les emphytéotes. La durée n’est pas toujours précisée1006. Comme dans l’Antiquité tardive, la reconduction du bail paraît automatique lors d’un changement de génération, ce que laisse penser la clause de suspension d’un bail si les héritiers n’entretiennent pas la tenure1007. Le contrat lie les tenanciers de génération en génération. Les liens du tenancier libre vis-à-vis de la terre demeurent assez légers, et un acte mentionne la liberté accordée aux tenanciers de quitter leur terre avec leurs biens1008. Leur statut ou leur puissance peut dépasser celui de leur propriétaire. Par exemple, le duc Serge  IV de Naples est tenancier du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus dans plusieurs lieudits du duché1009. Il ne s’agit pas d’un contrat d’exploitation, le duc affermant les terres à son profit. La tenure constitue une source de revenu accordée par l’évêque au duc. Les tenanciers ne sont pas tous laïcs et l’on trouve des clercs cultivant des terres appartenant à un monastère ou une église1010. Il existe une autre particularité liée à la propriété monastique ou ecclésiastique. Des propriétaires, ou leurs héritiers, se retrouvent parfois tenanciers de leur terre donnée à un monastère. À Pumilianum Foris Arcora, près de Naples, deux frères cultivent deux pièces de terre dont une léguée par leur père au monastère des Saints-Théodore-et-Sébastien1011. La tenure possède alors un caractère usufruitier au bénéfice de la famille du donateur. Une pratique plus singulière est attestée. En 997, un contrat entre laïcs stipule que les tenanciers n’ont pas le droit de vendre,

1006. Pour une typologie des contrats ruraux dans l’Italie méridionale pré-normande, voir Lizier, L’economia rurale, p. 75-108 ; précisions dans Martin, « I contratti agrari », p. 1-25 ; Id., « Città e campagna », p. 306-309 ; Feller, « Précaires et livelli », p. 727 et 742-745 ; de manière plus générale : Rosenwein, « Property Transfers and the Church », p. 563-575, en particulier p. 572-573 ; Andreolli, Contadini su terre di signori, p. 237-242. 1007.  RNAM, vol. I/2, 147 – 971 : Verumtamen si ego aut heredes meis memoratum campum bene non lauorauerimus et eum bene non pastinauerimus clara facta ueritate tunc licentiam et potestatem ha­ beatis uos et posteris uestris nobis eum tollere in integro. Une tenure appartenant au monastère napolitain des Saints-Théodore-et-Sébastien. 1008.  RNAM, vol. II, 221 – 990 : et quandoque ego uel heredes meis tibi et a tuis posteris memoratum fundum et terra nostris abrenuntiare uoluerimus licentiam et potestatem abeamus exinde exire cum omnia substantia queque abuerimus. 1009.  RNAM, vol. IV, 302 – 1016. Si les terres données ici en tenure ne semblent guère importantes, elles le sont davantage en 962 dans le contrat entre l’évêque Étienne de Gaète et Pierre, fils de Jean « patrice impérial », sans doute le duc Jean Ier. Celui-ci reçoit toutes les terres de l’Église de Gaète situées dans une région du duché (Agrianu et Pire) contre une redevance de 40 muids de blé et un porc par an (CDC, vol. I, 62 – 962). 1010.  E.g. RNAM, vol. I/2, 78 – 957 : le prêtre Léon conclut un contrat pour six pièces de terre d’un fundus appartenant au monastère napolitain du Saint-Archange. 1011.  RNAM, vol. V, 487 – 1097.

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hypothéquer, donner en gage ou offrir leurs tenures à une église1012. L’allusion au risque d’appropriation de la tenure par le tenancier est limpide. Elle montre que la pratique doit exister. Enfin, parmi les craintes du propriétaire figure le don à une église, lequel, une fois réalisé, complique la récupération du bien. On peut supposer que, parmi les terres ecclésiastiques ou monastiques mentionnées dans les actes, se trouvent des terres transmises par des tenanciers peu respectueux des termes de leur contrat. L’installation des Normands accélère les mutations dans des régions comme la Liburie. Lorsqu’en 1103, Richard  II de Capoue donne des paysans au monastère Saint-Laurent d’Aversa, il ne prend plus la peine de préciser leur statut, se contentant de citer leur nom et d’indiquer qu’ils appartenaient in feuo à un laïc1013. Un système de relations féodales commence à se mettre en place.

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Les patrimoines religieux dans les duchés tyrrhéniens connaissent, entre l’Anti­ quité tardive et le Moyen Âge central, une évolution originale dans ces régions restées en dehors de la domination lombarde. Dans les territoires contrôlés par ces cités maritimes, les mutations socio-économiques paraissent plus lentes, les structures agraires héritées de l’Antiquité plus durables. La conquête lombarde entraîne la disparition du patrimoine romain dans la majeure partie de l’Italie méridionale, mais le pape possède longtemps des domaines en Campanie, en particulier à Gaète. L’affaiblissement de Rome et la constitution de dynasties locales empêchent les papes de conserver un vaste ensemble foncier au sud de Rome. La fortune des grands domaines pontificaux nécessite un soutien politique à leur échelle, et la restauration partielle du patrimoine de saint Pierre grâce au soutien carolingien en constitue la preuve. Qu’une autorité impériale disparaisse et les possessions de Rome sont captées par les pouvoirs locaux. C’est chose faite au xe siècle. La disparition du patrimoine romain dans la région n’implique pas le renforcement des patrimoines épiscopaux qui, du fait de l’exiguïté des diocèses et de l’emprise foncière

1012.  RNAM, vol. II, 247 – 997 : et nec ego nec heredibus meis nullatenus presumimus illos alicui uenumdare aut infiduciare aut in pignus supponere aut cedere uel in ecclesia offere per nullum modum. 1013.  RNAM, vol. V, 511 – 1103 : Ac ob statum nostri principatus, damus, tradimus, concedimus ac confirmamus, in monasterio beati Laurentii leuite et martiris Christi constructo prope nostram Auersanam urbem, per hoc principale scriptum in perpetuum, hos subscriptos quinque homines, cum filiis filiabus et domibus et possessionibus, et uniuersis pertinentiis eorum uidelicet Iohannes Goditanus, et Petrus et Malfridus fratres ipsius Iohannis et Canius et Iohannes frater eius, quos Adenulfus Duto usque modo a nobis in feuo tenuit ac dominatus est.

CHAPITRE 3  • LE  TEMPOREL  DES  ÉGLISES  ET  DES  MONASTÈRES

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des dynasties locales, demeurent limités. Jamais, dans ces petits États littoraux, ne se mettent en place les seigneuries épiscopales ou monastiques qui s’épanouissent dans l’Italie centro-septentrionale. À la périphérie des duchés tyrrhéniens, l’extension de la propriété du Mont-Cassin ou de Saint-Laurent d’Aversa montre que certains établissements monastiques peuvent constituer un patrimoine qui déborde largement de leur terroir d’origine. Le cas de Saint-Laurent d’Aversa est, de ce point de vue, remarquable. Situé sur un territoire donné par le duc de Naples aux Normands, le monastère connaît une évolution de son patrimoine diamétralement opposée à celle des monastères urbains napolitains dont les propriétés demeurent modestes et bornées au duché. La redistribution partielle des terres, sous l’influence des Normands, profite à des établissements monastiques extérieurs à la région et qui, appuyés sur cette base matérielle qui fonde la libertas Ecclesiae, se font les vecteurs de la réforme engagée par l’Église romaine au xie siècle, tandis que les duchés tyrrhéniens demeurent en marge de ce mouvement de fond.

DEUXIÈME PARTIE

LE RÔLE STRUCTURANT DE L’ÉGLISE

Chapitre 1 LES CLERCS À la fin du vie  siècle, Grégoire le Grand rappelle la distinction traditionnelle, en droit canon comme en droit civil, entre clercs, moines et autres religieux, tous relevant en principe de l’autorité épiscopale1. Selon la législation impériale, l’appellation clericus s’applique à tout membre de la hiérarchie ecclésiastique, du chantre au prêtre2. En Campanie, la correspondance de Grégoire le Grand est, pour l’essentiel, adressée aux représentants locaux des intérêts patrimoniaux romains ainsi qu’aux autorités ecclésiastiques –  les évêques en premier lieu  – et aux pouvoirs laïques. Les autres clercs apparaissent le plus souvent de manière incidente. Au-delà de la correspondance pontificale, les autres sources disponibles pour l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge permettent une approche multiple et comparative des clercs campaniens, entre le vie et le xiie siècle. Ces sources amènent, sur le temps long, à mesurer les constances structurelles du clergé et leurs évolutions, profondes ou plus ponctuelles. S’il est impossible de connaître et surtout de suivre l’insertion sociale du clergé campanien, en revanche les sources offrent l’opportunité d’en noter certaines caractéristiques, qu’il s’agisse de l’insertion familiale ou des formes de socialisation plus larges. Outre leurs rapports avec le siècle, ses autorités et ses valeurs, les clercs s’intègrent dans des structures ecclésiastiques définies et connues. Si, au vie  siècle, la hiérarchie du clergé séculier est établie depuis longtemps, la documentation disponible pour le haut Moyen Âge – Gesta episcoporum Neapolitanorum et actes de la pratique – permet d’observer ses permanences et ses mutations. Grâce à la documentation notariale, on peut étendre au haut Moyen Âge l’examen des problèmes disciplinaires présents dans la correspondance de Grégoire le Grand en tenant compte de l’évolution du droit et de la pratique.

1.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, VI, 11 – septembre 595 : Quia uero peruenit ad nos clericos aliasque ciuitatis ac parochiae tuae religiosas personas, ab aliis conue­ niri, fieri hoc de cetero prohibemus et neque clericum tuum neque monachum uel quamlibet ciuitatis aliam religiosam personam parochiaeque tuae conueniri a quoquam uel ad alterius uolumus iudicium exhiberi. 2.  Justinien, Novelles, éd. Schoell et Kroll, CXXIII, 19 (546), p. 608, l. 21-22 : Presbyteros autem et diaconos et subdiaconos et lectores et cantores, quos omnes clericos appellamus.

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I.  Les clercs dans la société des duchés tyrrhéniens À la fin de l’Antiquité tardive, la rareté des informations de Grégoire le Grand relatives au clergé campanien interdit d’aboutir à des conclusions, sinon fermes, du moins précises. Par conséquent, c’est seulement à la lumière des sources du haut Moyen Âge qu’on peut étudier plus à fond l’ancrage des clercs campaniens dans la société locale. L’analyse sérielle des actes notariés forme un instrument heuristique valide pour connaître la socialisation primaire des clercs, c’est-à-dire leur inscription dans le cercle familial. Il s’agit surtout de leurs ascendants et, lorsqu’il apparaît, de leur milieu familial élargi à la parentèle. Si, pour la plupart des clercs campaniens, les informations paraissent limitées, il est toutefois possible de préciser la socialisation primaire de certains d’entre eux, en particulier des évêques, surtout les prélats issus des familles ducales de Naples et Gaète. La transmission des patrimoines familiaux offre un moyen supplémentaire de connaître l’insertion des clercs campaniens dans leur cercle familial, voire local. En un deuxième temps, la documentation conservée fournit des indices précieux et quelquefois même précis de la socialisation secondaire, ou élargie, du clergé campanien. Aussi convient-il de s’interroger sur les traits qui les distinguent ou les rapprochent des autres individus ne ressortissant pas à la cléricature. L’anthroponymie offre, sur ce point, un champ d’investigation adapté à la documentation disponible et rend possible l’étude des origines d’individus ou de leurs familles, car l’enquête onomas­ tique livre des informations sur le recrutement géographique du clergé. On constate également l’exercice de professions, parfois originales, par un clergé dont le degré de socialisation permet d’évaluer et de comprendre ses relations avec les classes dirigeantes. Enfin, quelques témoignages apportent des précisions sur la richesse personnelle du clergé campanien.

Les clercs dans leur cercle familial (xe-xiie siècle) La position sociale des clercs ne se laisse généralement entrevoir que par la porte étroite de leur proche famille3. Les sources disponibles, du xe au xiie siècle, consistent 3.  Pour l’Antiquité tardive, la bibliographie est dominée par la recherche anglo-saxonne : Brown, « Antiquité tardive », p. 256-257 et 288-290, sur la montée en puissance du célibat chrétien comme modèle de vie et les transformations de la vie conjugale dans l’Orient romain tardif ; une rapide synthèse est proposée par Nathan, The family in late Antiquity, p. 160-168 consacrées au thème, jusque-là peu étudié car mal documenté, du maintien ou de la reconstitution de la famille élargie tardo-antique dans les milieux aristocratiques ; Cooper, The fall of the Roman household, chapitre 4, p. 143-198, consacré au développement, dans la littérature parénétique des Pères de l’Église et dans les codes législatifs des vevie siècles, d’une famille chrétienne centrée sur un couple engagé, sur le plan spirituel, dans une vie d’ascèse morale et de rigorisme sexuel ; Evans-Grubbs, « Marriage and family relationships », p. 201-219.

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en actes notariés qui, la plupart du temps, n’indiquent que le nom, parfois le surnom, des contractants, de leurs parents et des témoins souscrivant l’acte. Le statut clérical occupe toutefois une place particulière, car la présence d’un clerc constitue, dans un acte, un élément de distinction. La documentation napolitaine, gaétane et amalfitaine abonde en membres du clergé de tout rang. Mais, hormis la dignité ecclésiastique, peu de choses distinguent les clercs des autres individus. On peut cependant constater, par rapport aux laïcs, une moindre propension des clercs à indiquer leurs ascendants. Le plus souvent, un membre du clergé est cité avec l’église qu’il dessert ou l’Église dont il est membre. Par exemple, Martinus est désigné prêtre et custos de l’église des Saints-Côme-et-Damien à Naples4. La mention des parents d’un ecclésiastique paraît plus fréquente quand il est l’auteur de l’acte. Comme n’importe quel particulier, le clerc suit la forme légale d’authentification des actes notariés en prenant soin de mentionner ses ascendants5. On relève parfois des détails singuliers comme, à Gaète, le prêtre Jean qui, sans détour ni honte, indique être un fils naturel6. De manière plus large, on note parmi

À la recherche de la « représentation des émotions », l’auteur reconnaît que son étude, appuyée sur l’examen de sources narratives éclairant des parcours individuels, n’aboutit à aucune conclusion générale, sinon au constat du réconfort moral apporté aux fidèles par la croyance chrétienne en une vie bienheureuse des parents décédés après leur mort. Pour le haut Moyen Âge et sa période centrale, nous renvoyons à quelques articles fondamentaux : Rouche, « Haut Moyen Âge occidental », p. 399-529, ici les p. 448-452 consacrées aux structures familiales qui, sous influence germanique, favorisent la prééminence sociale, du moins en Gaule (l’Italie reste ignorée), de la famille élargie à sa parentèle ; Barthélemy, « Parenté », p. 96-161 dans lequel malgré son intérêt pour les dynasties aristocratiques et les lignages chevaleresques certes mieux documentés, l’auteur, p. 125-132 et surtout 149-153, questionne l’idée d’un renforcement ou non du couple à partir du xiie siècle ; une prudence confortée par les remarques de Le Jan, Famille et pouvoir dans le monde franc, p. 168 et 176 où l’auteur constate, d’après l’examen du vocabulaire de la parenté influencé par la terminologie latine, la prépondérance du modèle de la famille nucléaire au haut Moyen Âge comme durant l’Antiquité tardive ; GuerreauJalabert, « Parenté », p. 861-876, en particulier ses conclusions pour la période de transition entre l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge que l’auteur énonce p. 873 : apparition d’une parenté seulement cognatique, modèle de la monogamie et indissolubilité du mariage. Enfin Réal, Vies de saints, vie de famille, p. 521 : « Le couple, on l’aura compris à travers cette étude de la vie de famille, est incontestablement le pivot autour duquel se structure le système de la parenté. Tout part de lui et y revient. » 4.  RNAM, vol. IV, 307 – 1017 : Tecum denique domino Martino uenerabili presbytero custus uero ecclesie sanctorum Cosme et Damiani de uico qui uocatur Posulum qui et Armentariu dicitur. 5.  E.g. RNAM, vol. I/2, 106 – 964 : tibi Stephano uenerabili presbitero filio quidem Leoni et Maria hoc est iugalibus. 6.  CDC, vol. II, 211 – 1060 : quidem Iohanni presbiter deseruitore ecclesie sanctorum martyrum Cosme et Damiani in super naturali presentis filii domno Bernardo de domno Mastalo bone memorie. Cette précision, rare, existe aussi pour des laïcs.

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les actes de la pratique une nuance locale : les Amalfitains, laïcs et clercs confondus, tendent à davantage indiquer leur ascendance, en particulier les aristocrates soucieux de la distinction de leur lignage7. C’est aussi le cas des familles possédant un clerc en leur sein, même s’il n’est pas auteur de l’acte. Quand on possède un frère clerc, un oncle ecclésiastique ou un cousin membre du clergé, il convient de le mentionner8. Ce détail statutaire donne peut-être davantage de valeur à l’acte. Au-delà de ces précisions familiales somme toute assez limitées pour l’histoire sociale, on obtient quelques renseignements complémentaires. Des clercs prennent soin d’ajouter des éléments plus distinctifs que leur dignité ecclésiastique. Parfois, le surnom révèle une activité professionnelle de la famille du clerc, comme les Calciolarii. Mais ces mentions se situent à une époque où le surnom, issu d’un métier, tend à se muer en patronyme9. En revanche, à Gaète, un clerc est frère d’un peintre et

7.  E.g. CP, 120 – 1049 : uobis domino Leo presbitero filio Leonis comite de Punara. Pour la « mémoire longue » de l’aristocratie amalfitaine, voir le chapitre ainsi intitulé de Del  Treppo et Leone, Amalfi medioevale, p. 89-119, en particulier p. 96-97 sur le détail généalogique des actes établis devant notaire ; quelques remarques également de Skinner, Medieval Amalfi, p. 49-50 et 160. De manière plus large, pour l’anthroponymie nobiliaire, voir Cuozzo, « Nomi e cognomi dell’aristocrazia », p. 259-260 où l’auteur note, à partir du xie siècle, quatre changements majeurs au sein des noms de la noblesse d’Occident :  1) la moindre variété des noms par adoption de la culture chevaleresque et réduction du culte des saints,  2) l’introduction de noms nouveaux dans le sillage de fondations paroissiales tandis que disparaissent peu à peu les noms germaniques,  3) le choix de noms en rapport avec la famille conjugale,  4) le recours à des cognomina pour réduire les problèmes d’homonymie afin d’améliorer le système seigneurial et féodo-vassalique ; Id., « Qualche nota sull’antroponimia aristocratica », p. 343-344, cet article montre sous forme de tableau, à partir des 194 documents datés entre 839 et 1052 et issus du premier volume du Codex Diplomaticus Cajetanus, le développement au ixe siècle des anthroponymes à deux éléments et son apogée au xie siècle ; Menant, « Les modes de dénomination », p. 539-545, constate la diversité des situations avec l’adjonction d’un patronyme ou, à partir du xie siècle, d’un toponyme associé à la maîtrise d’une place-forte, symbole de pouvoir local, avant que les ramifications d’un même groupe nobiliaire n’impose l’usage de nouveaux cognomina. Ces changements onomastiques dépassent toutefois la classe aristocratique. Voir ainsi, pour l’Italie centrale, Hubert, « Structures urbaines et système anthroponymique », p. 313-347, en particulier p. 321-324 où l’auteur constate aussi un tournant onomastique au xie  siècle marqué par l’essor, précoce à Rome, plus lent dans les villes secondaires, d’un système « polyonymique ». 8.  E.g. RNAM, vol. I/2, 59 – 951 : uobis obuenit a quidem domino Iohanne subdiacono germano meo per firmissima chartula comparationis uestre ut continet. 9.  RNAM, vol. II, 223 – 991 : A presenti die promictimus tiui Sergio uenerabili presbytero filio quidem Iohannis Calciolarii. On trouve ainsi des Carpentarii ou des Ferrarii. Voir à ce sujet Villani, « L’Antroponomia nelle carte napoletane », p. 349. De manière plus large, une étude sur les noms de métier devenus des noms de famille a été menée par Serra, « Aspetti e problemi d’ordine sociale », p. 23-46. À partir d’une documentation provenant surtout de l’Italie centrale et septentrionale plutôt que méridionale (unique référence à un document de Bari, p. 40, n. 46), l’auteur démontre que

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fils de Gaietanus, magister10. À Naples, on mentionne un prêtre fils d’un uicedominus, sans que l’on sache si ce dernier est l’économe d’une institution ecclésiastique ou l’administrateur d’une propriété laïque11. Enfin, le prêtre Anastase est fils d’un miles napolitain12. À l’évidence, l’indication d’une fonction éminente révèle une origine sociale distinguée, qu’elle soit possédée ou revendiquée. En 1049, le prêtre Léon est fils de comes13. À Naples, la mention en 1058 d’une terre autrefois propriété de Pierre, patricius et prêtre, peut difficilement se comprendre comme l’évocation du bien d’un titulaire de dignité byzantine14. Ces mentions demeurent rares et force est de reconnaître que la grande majorité des clercs mentionnant leurs parents n’offrent pas semblables précisions. Faut-il voir dans la relative pauvreté de ces mentions le signe d’une position sociale modeste des clercs ? C’est probable, du moins pour les ecclésiastiques présents dans les actes, au vu de la médiocrité des biens faisant l’objet d’une transaction. Un dernier type d’information permet de préciser les relations entretenues par les clercs avec leur famille. Certains documents laissent apparaître des ecclésiastiques impliqués dans des héritages familiaux, car aucun canon n’empêche un clerc de recevoir une succession. Cette possibilité apparaît à plusieurs reprises dans les sources étudiées. En 964, une Napolitaine précise, parmi ses dispositions testamentaires, les bénéfi­ ciaires de ses dernières volontés. Hormis des donations pieuses, destinées en particulier au monastère des Saints-Serge-et-Bacchus, elle transmet l’essentiel de ses biens, dont sa maison de Naples, à ses fils, le sous-diacre Pierre et son frère Jean, laïc,

les anthroponymes d’origine professionnelle terminés par -arius (par exemple ancillarius, aquarius, librarius, massarius, merciaius, nummularius, etc.) indiquent un statut social plus élevé que ceux pourvus du suffixe diminutif -ariolus (ainsi ancillariolus, aquariolus, librariolus, massariolus, merciaiolus, nummulariolus, etc.). L’auteur conclut son étude par un contre-exemple, celui de calceolarius, « cordonnier », un nom de métier qui, malgré sa terminaison, serait dépourvu de caractère péjoratif ou dépréciatif. En règle générale, dans le sud de la péninsule, « les cognomina tirés de noms de métier sont très rares » d’après Martin, « L’Italie méridionale », p. 29-39, en particulier p. 35. Dans le cas de Naples, la formation des noms de famille s’opère dès le xie siècle, un siècle en avance sur le reste de la péninsule, sans doute en raison de l’importance accrue de l’écrit dans la vie sociale sous l’influence des notaires. Voir à ce sujet Feniello, « La famiglia a Napoli », p. 101-116, ici p. 114-115. 10.  CDC, vol. I, 140 – 1021 : et inter Marinum pictorem et Iohannes presbiter ambo uterinos fratres et filiis quondam Gaietanus magister. La signification de Gaietanus magister demeure obscure. 11.  RNAM, vol. I, 2, 77 – 957 : Certum est nos Iohannem humilem presbiterum filium quondam Vbandelperti uicedomini. 12.  MND, vol. II/1, 19 – 932. Autre mention : MND, vol. II/1, 30 – 936. 13.  CP, 120 – 1049 : uobis domino Leoni presbitero filio Leonis comite de Punara. 14.  RNAM, vol. V, 401 – 1058 : qui fuit quondam Petri Patricii et presbyteri.

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ainsi qu’à ses deux filles15. La valeur globale des biens reste ignorée. On connaît d’autres cas de transmission familiale à des clercs. Par exemple, à Naples en 1120, Marocta, fille d’un prêtre, couche sur son testament plusieurs ecclésiastiques, dont deux prêtres de sa famille16. La relation peut dépasser la parenté biologique avec le testament du Gaétan Sergius, fils du préfet Campulus, qui lègue en 1071 deux pièces de terre à un archiprêtre (le nom manque), qualifié de « père spirituel »17. Mais de tels héritages peuvent donner lieu à des contestations dont les actes notariés conservent la trace, car nombre de chartes concernent le règlement de différends nés de la propriété de biens fonciers. Il existe des cas, comme à Amalfi en 1055, où plusieurs laïcs se disputent l’héritage d’un parent ecclésiastique18.

La socialisation secondaire des clercs campaniens La socialisation secondaire désigne les processus de socialisation extérieurs à la famille d’un individu19. Elle peut s’opérer par un nombre infini de biais, de l’éducation

15.  RNAM, vol. I/2, 105 – 964 : dispono integra domum mea et memorati uiri mei positam uero intus Cesareum regione Thermense (…) ut sit donate eidem Petri subdiaconi et Iohanni filiis meis (…) reliqua uero omnem meam et memorati uiri mei heredidate seu substantia de intus et foris omnibusque eis pertinentibus sint de memoratis filiis et filias meis et diuidant siui illut inter se in quartam partem. 16.  RNAM, vol. VI, 579 – 1120 : et at domino Stephano presbitero qui nominatur Perna, parenti meo exinde dentur tari septem et at Sergio diacono qui nominatur Bulpicella exinde dentur tari quadtuor et at domini Coperna dentur exinde tari quatuor, et at domino Petro presbytero qui nominatur Cosamala parenti meo de somma dentur exinde tari quinque. 17.  CDC, vol. II, 245 – 1071 : Itemque uolo ac iubeo ut domno… archipresbiter pater meus spiritualis abeat pro anima mea de ipso due petie de terra de Viuanum. Même précision CDC, vol. II, 328 – 1135 : Unde dixit ut detur inde solidi quinque ad me qui supra Raynerius presbyter patri suo spirituali ; ou à Amalfi, dans CP, 119 – 1128 : et uolo ut dentur se ad domino Leoni presbitero Sancte Sede spiritali patri meo solidos octo. Sur la parenté spirituelle, voir Guerreau-Jalabert, « Parenté », p. 869-873. 18.  CP, 33 – 1055 : Gregorius filius Iohannis Monte Incollu et reclamauit se nobis supra Gemma relicta Ioh[anni]s fili[i] Petri Cocti et supra Boccia relicta Sergii filii suprascripti Petri Cocti qui sunt ambe uere cognate et dixit sciad domina uestra potestas quoniam anno transacto feci finem cum ille de causa quod tullit ipse diaconus Coctus cognatus eorum per uirtutem ad ipsa uxorem meam in Ponte Primaro positum et tradidit michi eos et stetit inter me et ille ut pergeret supra ipsum locum et ostendere ipse charte meae de ipsa hereditatem. 19.  Sur le concept et les interprétations des formes de socialisation primaire et de socialisation secondaire, nous renvoyons à quelques ouvrages généraux : Lahire, L’homme pluriel, p. 341-345 sur la notion de « plis » provoqués par les étapes successives ou simultanées de socialisation de l’individu ; Patterson et Hastings, « Socialization in the context of family diversity », p. 328-351, sur l’importance de l’environnement économique mais aussi culturel (stabilité matrimoniale, bipolarité du couple parental) ; Bukowski, Brendgen et Vitaro, « Peers and socialization », p. 355-381, à propos des agents extra-familiaux de médiation et de modération dans le comportement et la pensée

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à la profession en passant par le milieu socio-culturel fréquenté. Appliquer ce concept sociologique aux clercs campaniens du haut Moyen Âge peut sembler hasardeux, mais offre néanmoins un moyen efficace d’analyser leur insertion sociale. Il se révèle adapté à la documentation locale, même si les informations demeurent limitées, voire incomplètes. À la question du cloisonnement des sociétés tyrrhéniennes du haut Moyen Âge, l’onomastique offre une réponse documentée. Les actes notariés fournissent, au regard des autres sources de la période, une abondante moisson de noms, surnoms et indications anthroponymiques. Il apparaît, d’emblée, que les clercs ne semblent pas adopter un nom particulier au moment de leur ordination. Dans les actes, ils portent les mêmes noms que les laïcs, avec souvent des surnoms accolés, ancêtres des noms de famille. Les spécificités régionales, comme l’emploi à Amalfi de noms liés à la famille ducale ou la forte proportion de noms latins, sont communes au reste de la population. L’étude par Matteo Villani de l’anthroponymie des laïcs, d’après les chartes napolitaines, permet d’utiles comparaisons. Résumons ses conclusions20 : Naples présenterait une originalité par rapport à ses voisins lombards en raison d’une remarquable stabilité onomastique masculine avec la domination de sept noms, Jean (entre 20 et 30 % du total), Léon, Serge, Pierre, Grégoire et Marinus21. Ces remarques valent pour les noms des clercs napolitains : sur environ 150  prêtres napolitains répertoriés entre le xe et le xiie siècle, on dénombre une trentaine de Jean, une vingtaine d’Étienne et Pierre, une dizaine de Léon, Serge et Grégoire. À Gaète, la situation est similaire avec presque 30 % de Jean parmi les prêtres et les diacres recensés sur la même période. Pour Amalfi, si une étude sérielle se révèle délicate au vu des rares cas observables, les tendances

de l’individu par le biais de ses expériences avec autrui ; Bolliet et Schmitt, La socialisation, p. 44 : « [La] distinction – certes analytique – entre une socialisation primaire et une socialisation secondaire a le mérite de souligner un fait important : la socialisation ne s’arrête pas avec l’enfance, c’est un processus jamais achevé qui se poursuit tout au long de la trajectoire sociale des individus. » ; Dubar, La Socialisation, p. 56 : « selon lui [c’est-à-dire T. Parsons, The Structure of Social Action, New York, 1937], sa théorie de la socialisation rend compte des conditions dans lesquelles l’individu peut être “requis, induit ou motivé à participer à la vie sociale”. Il insiste sur l’importance du passage de la socialisation primaire marquée par la dépendance et considérée comme “hiérarchique et naturaliste” à la socialisation secondaire soumise aux interactions et conçue comme “égalitaire et artificialiste”. » 20.  Villani, « L’Antroponomia », p. 346. 21.  Ibid., p. 358 : ces sept noms représentent chacun plus de 5 % des occurrences. À titre de comparaison, di  Carpegna Falconieri, « L’antroponomastica del clero », p. 513-534, en particulier p. 517-519 où l’auteur montre, à partir de 186 noms attestés 925 fois, parmi un personnel « ecclésiastique » formé de 1048  individus (620  clercs, 305  moines, 123  clercs pontificaux), la prédominance, entre le xe et le xiie siècle, de quelques noms, les plus usités étant Jean (145 occurrences), Pierre (89), Benedictus (66), Romanus (35), Grégoire (26) et Étienne (25).

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semblent identiques22. Par ailleurs, les noms d’origine germanique restent discrets mais présents, comme le prêtre Salpertus, à Frattamaggiore, ou le prêtre Sicenolfus, du castrum de Pouzzoles23. La comparaison avec les actes lombards publiés dans les Regii Neapolitani Archivii Monumenta est éloquente : le nombre d’ecclésiastiques dotés de noms à consonance lombarde y augmente considérablement24. Par exemple, un document de 1038 évoque la maison d’un prêtre Maraldus et de son frère Gictius, en Liburie25. Sans surprise, les zones de confins des duchés tyrrhéniens semblent plus perméables à l’onomastique lombarde, comme l’illustre en 1029 Lando, prêtre et notaire établi dans le Castrum Argentum, aux limites du duché de Gaète avec la principauté de Capoue26. On peut conclure à une stabilité géographique du recrutement du clergé dans les duchés tyrrhéniens d’après la rareté des allusions à l’origine étrangère d’un clerc ou d’un laïc27.

22.  Signalons des originalités, comme à Gaète le prêtre Gaietanus : CDC, vol. I, 91 – 993. 23.  RNAM, vol. IV, 333 – 1026 ou 1027, parmi les souscripteurs de l’acte ; RNAM, vol. I/1,

11 – 926, le père d’un propriétaire d’une terre voisine. En revanche, d’après Martin, « Anthropony­

mie de l’Italie méridionale lombarde », p. 333-342, en particulier p. 338, les chartes de Bénévent, de Saint-Vincent-au-Volturne, du Mont-Cassin et de l’abbaye de Cava, indiquent que l’onomastique lombarde prédomine parmi les clercs et les moines (63,5 %) ainsi que les religieuses (68 %), dans des proportions équivalentes à celles constatées parmi les laïcs, dépendants exceptés. 24.  Sur l’onomastique lombarde, davantage étudiée que l’anthroponymie conservatrice des duchés tyrrhéniens, voir Altenberg, « La trasformazione dei nomi germanici », p. 315-334, en particulier p. 323-324 sur la perte du caractère ethnique des noms germaniques en raison de leur usage, dès le ve siècle, par des Romains. La réciproque, attestée à la même époque, s’expliquerait par les mariages mixtes et la christianisation. À noter Morlicchio, Antroponimia longobarda. Cette étude porte sur 97 actes originaires de Salerne et de ses environs, datés entre 792 et 899, et totalisant 415 anthroponymes germaniques portés par 956 individus différents contre 104 anthroponymes non germaniques portés par 402  individus (chiffres tirés du tableau figurant p. 116). Si le haut Moyen Âge italien se caractérise par une plus grande variété des noms germaniques (ibid., p. 185), la région de Salerne connaît une intégration des populations lombardes et locales attestée par des emprunts anthroponymiques réciproques (ibid., p. 190). Voir aussi Martin, « L’Italie méridionale », p. 29-39, ici p. 32 : « Le seul point de départ dont nous disposions avant le xe siècle est lombard ; ni les duchés tyrrhéniens, ni les zones hellénophones ne nous ont laissé de traces significatives pour cette période. » ; Id., « Anthroponymie de l’Italie méridionale lombarde », p. 338 : l’auteur constate, à partir d’un stock de 3038 noms, une prédominance des noms lombards portés par les deux tiers ou les trois quarts des individus selon leur sexe et leur statut, à l’exception des dépendants où les noms « romans » représentent presque la moitié des cas constatés. 25.  RNAM, vol. IV, 340 – 1028. 26.  CDC, vol. I, 158 – 1029. 27.  Il faut cependant éviter les conclusions hâtives, car certains clercs, au nom typiquement « latin », ont parfois des parents au nom typiquement lombard. Par exemple, en 1126, le prêtre Riccardus (un nom normand), appelé Bonisculo, est le fils de Iohannes Bennisculo de Somma et de Sicelgayta,

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La mention de clercs étrangers traduit le souci d’une distinction parmi le clergé du diocèse. En 933, l’évêque Pierre de Gaète confie l’église Saint-Laurent à Jean, prêtre et moine genere Romanus28. Quand son successeur, l’évêque Bernard, désigne en 1011 trois desservants pour l’église des Saints-Côme-et-Damien, il prend soin de préciser que tous sont originaires de Rome29. Certains actes indiquent une origine régionale, comme un prêtre résidant près de Naples appelé Étienne Surrentinus30. En 993, le prêtre « sorrentin » Pierre reçoit l’église Saint-Sébastien à Pigellula (Pogerola) des mains de l’archevêque Léon II d’Amalfi31. On ignore si cette précision est fournie pour tout prêtre originaire d’autre diocèse, mais cette indication se rencontre pour des laïcs. À Naples, le prêtre Gregorius précise, en 971, qu’il est le fils de Jean Syrrentinus32. Cette indication acquiert une valeur particulière, peut-être liée à l’exigence de stabilité du clergé diocésain. La rareté de telles indications géographiques conforte l’idée d’une faible mobilité des populations, une caractéristique également valable pour le clergé. Si le surnom d’un clerc ne suffit pas à identifier l’activité professionnelle de sa famille, quelques actes explicitent le métier exercé par des clercs et éclairent, par ce biais, leur insertion dans la société campanienne. L’activité professionnelle est autorisée dans la mesure où elle est compatible avec la dignité ecclésiastique33. On trouve ainsi

un nom lombard. Voir RNAM, vol. VI, 590 – 1126 : Certum est me Riccardo presbitero qui uocatur Bonisculo filio quondam Iohanni Bennisculi de Somma, et quedam Sicelgayta iugalium personarum, abitator uero in loco qui nominatur Portici quod est foris flubeum. 28.  CDC, vol. I, 35 – 933 : Constat nos au odierna die concessissemus et concessimus uobis quoque Iohanni uenerauili presbytero et monacho genere Romanus. 29.  CDC, vol. I, 97 – 1011 (997 est erroné) : Constat me hab odierna die et in omnem futurum tempus placuit me cum Christo ausilio dare et tradere et concedere uobis quoque Petrus humilis presbitero natibus de Roma de Scorteclari ; et uobis Venedictus canonicus Romanus de Campu Marsi et uobis Bono canonicus Romanus de Ripa ; uobis toti tres colligantis. 30.  RNAM, vol. II, 254 – 997 : Certum est me Stephano umile presbiterum Surrentino custus ecclesia sancti Martini, abitator in loco qui uocatur Palma et nominatur Liciniana. La résidence du prêtre demeure incertaine ; il s’agit soit de Palma Campagna, au sud de Nola, soit de Liciniano di Napoli, près de Pomigliano d’Arco. 31.  CP, 18 – 993 : uobis Petro presbitero Sirrentino filio Garofali de Ruta. 32.  RNAM, vol. I/2, 148 – 971 : Certum est me Gregorium humilem presbiterum filium quondam Iohanni Syrrentini. 33.  Les interdictions les plus précises et les plus précoces sont énoncées en 451 par le canon 3 du concile de Chalcédoine : les clercs ne doivent prendre à bail aucune marchandise, ni faire d’affaires ou exercer de tutelle, hormis dans certains cas particuliers. Le canon  7 ajoute que le service militaire et les fonctions civiles sont incompatibles avec leur état. Au vie  siècle, la législation impériale interdit également l’exercice de plusieurs responsabilités ou professions comme tuteur d’individus mineurs, percepteur, administrateur de biens, organisateur de jeux. Voir en particulier Justinien,

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des prêtres médecins, à Naples comme à Amalfi. À Naples, en 965, le prêtre Gregorius, desservant de l’église Saint-Euthyme, est médecin34. Un autre document, daté de 970, indique son décès et le statut de magister du nouveau desservant de son église sans autre précision, même si le défunt lui a laissé un codex sur l’art de la médecine35. À Amalfi, Ursus, prêtre et médecin, est attesté par un document de 992. Son fils, laïc, n’a pas hérité du savoir médical de son père36. On ignore si cette activité, attestée dans d’autres régions, procure un surcroît de prestige37. Le rapport entre fonction sacerdotale et exercice de la médecine demeure obscur, même si cette discipline figure aux côtés du notariat dans le programme de formation idéale des clercs à l’époque carolingienne38.

Novelles, éd.  Schoell et Kroll, CXXIII, 5-6 (546), p. 599, l. 11-13 et p. 599, l. 23-p.  600, l. 1 : 5. Deo autem amabiles episcopos et monachos ex nulla lege tutores aut curatores cuiuscumque personae fieri permittimus. (…). 6. Alium autem fieri susceptorem aut exactorem fiscalium functionum aut conductorem publicorum aut alienarum possessionum aut curatorem domus aut procuratorem litis aut fideiussorem pro talibus causis episcopum aut oeconomum aut alium clericum cuiuslibet gradus aut monachum proprio nomine aut ecclesiae aut monasterii subire non sinimus, ut non per hanc occasionem et sanctis domibus damnum fiat et sacra ministeria impediantur. (…). Ibid., 10, 1, p. 602, l. 33-p.  603, l. 4 :  Interdicimus autem sanctissimis episcopis et presbyteris et diaconibus et subdiaconibus et lectoribus et omni alii cuiu­ slibet uenerandi collegii aut schematis constitutis ad tabulam ludere aut talia ludentibus participes aut inspectores fieri aut ad quodlibet spectaculum spectandi gratia uenire. 34.  RNAM, vol. I/2, 115 – 965 : tibi domino Gregorio uenerabili presbytero et medico custus ecclesie sancti Eufimii. 35.  RNAM, vol. I/2, 139 – 970. On retrouve cette particularité RNAM, vol. II, 245 – 997 : le desservant de l’église Saint-Sévère de Naples qualifie son prédécesseur de magister meus. Il ne s’agit pas uniquement d’une référence à la science de la médecine transmise, ici, de prêtre en prêtre. 36.  CP, 23 – 992 : uobiscum Iohannis filii Vrsi presbiteri et medici Cucciarii. 37.  Dès l’Antiquité tardive, les sources littéraires, épigraphiques et papyrologiques attestent l’existence de clercs médecins, comme le révèle le petit corpus prosopographique établi par Schulze, Medizin und Christentum, p. 124-135. Dans le cas de l’Italie du Sud, il apparaît à la lumière des actes notariés, où les médecins figurent comme témoins et non comme praticiens, que la médecine est volontiers pratiquée par des prêtres en Campanie, en particulier dans la principauté de Salerne où la plupart des médecins sont des ecclésiastiques. Voir Skinner, Health and medicine, p. 83-84. 38.  Voir le capitulaire de Charlemagne de 794 dans Capitularia regum Francorum, éd. Boretius, vol. 1, p. 235, l. 11-28 : Haec sunt quae iussa sunt discere omnes ecclesiasticos :  1) Fidem a catholicam sancti Athenasii et cetera quaecumque de fide ;  2) Symbolum etiam apostolicum ; 3) Orationem dominicam ad intellegendum pleniter cum expositione sua ;  4) Librum sacramentorum pleniter tam canonem missasque speciales ad commutandum pleniter ;  5) Exorcismum super caticuminum siue super demoniacos ; 6) Commendationem animae ;  7) Paenitentialem ;  8) Compotum ;  9) Cantum Romanorum in nocte ; 10) Et ad missa similiter  ;  11) Euangelium intellegere, seu lectiones libri comitis ; 12) Omelias dominicis diebus et solemnitatibus dierum ad praedicandum canonem ; monachi regulam similiter et canonem firmiter ;  13) Librum pastoralem canonici atque librum officiorum ;  14) Epistulam Gelasii pastoralem ; 15) Scribere cartas et epistulas.

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L’activité professionnelle de notaire ou de scribe, les deux termes étant souvent confondus dans le sens de secrétaire ou de greffier, est justement présente parmi les prêtres. Attestée en pays lombard, cette fonction l’est également dans les duchés tyrrhé­niens. À Gaète, la grande majorité des actes conservés sont rédigés par des clercs offi­ciant comme notaires qui se qualifient souvent de « scribe », bien que sans exclusive39. Les charges notariales ne sont d’ailleurs pas réservées aux seuls prêtres, et l’on rencontre des archidiacres, des diacres et des sous-diacres40. Le clergé ne détient toutefois aucun monopole sur cette profession et des documents gaétans sont rédigés et authentifiés par des laïcs41. Pour Amalfi, la situation est différente, voire inverse de Gaète : la grande majorité des actes conservés entre le xe et le xiie  siècle sont rédigés par des notaires laïques, généralement qualifiés de scriba, comme à Gaète42. Des ecclésiastiques, qu’ils soient prêtres, diacres ou simples clercs, exercent également cette activité43. Dans un acte de 1133, un notaire, qualifié de curialis, fait allusion à son disciple, le prêtre Jean44. Naples constitue une exception, car la cité possède un corps de notaires laïques appelés curiales qui, dans l’esprit, veut se rattacher à la tradition romaine du notariat (les antiques tabellarii). Par conséquent, à la différence des États voisins,

39.  CDC, vol. I, 135 – 1019 : nostra donatio seu concessio traditionis, quem scriuere iussimus a Iohannem presbiterum et scriua suprascripte ciuitatis. On trouve un prêtre protonotaire CDC, vol. I, 147 – 1025 : Ego Leo presbiter et protonotarius dicte ciuitatis complebi et absolbi in mense et indictione dicta hoctaua. 40.  CDC, vol. I, 73 – 978 : Quem cartulam scripsit per nostras preceptiones Ranerius diaconus scriba ciuitatis et palatii (le notaire est au service à la fois de la cité de Gaète et du palais ducal) ; CDC, vol. I, 9 – 851 : quam cartula concessionis et allocationis scripta per iussione domno Mercuru rector me Gregorius subdiaconu ; CDC, vol. I, 45 – 944 : scripta per iussionem nostram a Marino archidiacono sancte Gaietane ecclesie et scriba suprascripte urbis. 41.  CDC, vol. I, 20 – 909 : nostra donatio firma permaneat scripta per rogos nostros ad Bono uiro honesto et scriua ciuitatis uius ; CDC, vol. II, 283 – 1108 : Quem scribendi rogaui Iohannem Caraccio Dei gratia judex et scriua suprascripte ciuitatis. 42. À Amalfi, les scribes ou curiales forment un collège moins hiérarchisé qu’à Naples ; ils peuvent se recruter dans l’aristocratie des comites : voir Schwarz, « Regesta Amalfitana », p. 73-74, n° 9 – 1091. 43.  Par exemple dans CP, 42 – 1053 : Ego Leo presbiter scriba scripsi ; CP, 122 – 1130 : Ego Robertus diaconus filius domini Martini presbiteri et primicerii scriba scripsi ; CP, 121 – 1130 : Ego Constantinus humilis clericus scriba filius Mauri Ramarii scripsi. Il est à noter que le terme de clericus ne renvoie pas à un ordre particulier, mais constitue un indice statutaire. Voir Andrieu, « Les ordres mineurs », p. 232-278, en particulier p. 260 : « Il est certain qu’au temps où fut rédigé notre Ordo [au début du xe siècle], la cléricature simple était depuis longtemps conférée par une cérémonie distincte, antérieure à la première ordination véritable. » 44.  CP, 125 – 1133 : Ego Constantinus diaconus et curialis hanc chartam compleui per manu Iohanni presbiteri discipuli mei.

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on ne trouve à Naples aucun membre du clergé parmi les notaires. Foyers de conserva­ tisme, les duchés tyrrhéniens ne connaissent pas les transformations des territoires lombards, d’abord attestées en Pouille à partir des xe-xie siècles, avec l’établissement d’un juge spécialisé dans les contrats et une fonction notariale réservée au clergé jusqu’au xiie siècle45. Dans une économie agricole, il n’est guère étonnant de rencontrer des clercs cultivateurs. Certains apparaissent dans les contrats de tenure établis devant notaire. Par exemple, en 957, un prêtre Léon loue plusieurs pièces de terre en Liburie au monastère napolitain du Saint-Archange46. Ce type de contrat n’est pas limité aux monastères et, en 887, dans un autre document concernant la Liburie, cette fois rédigé à Capoue, des laïcs accordent leurs terres en tenure à un prêtre47. Dans les clauses du contrat, le clerc apparaît comme un tenancier soumis aux mêmes obligations et redevances que des tenanciers laïques. La documentation napolitaine livre des cas originaux : en 979, un acte précise qu’une terre est possédée ou cultivée par Léon, prêtre et seruus, comme son père48. La condition servile du père est indéniable et ne peut être confondue avec un surnom, mais on peut douter du maintien du prêtre en esclavage. Si le propriétaire foncier qualifie le prêtre de seruus meus, c’est peut-être par allusion à son origine sociale, car la dignité sacerdotale a dû théoriquement libérer Léon de sa condition servile49. Le terme de seruus, en usage parmi les laïcs au xe  siècle50, désigne toutefois une condition servile rurale. Deux clercs dépendants sont d’ailleurs attestés, l’un en 1028 dans cette zone frontalière particulière qu’est la Liburie, l’autre en 1094 pour un prêtre Léon, defisus du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus51. À l’opposé, la documentation notariée des xe-xiie  siècles interdit de constater l’existence de relations particulières ou privilégiées entre le clergé et les élites laïques. Signalons cependant la mention, en 1020, de Jean, sous-diacre et uesterarius du duc

45.  Pour de plus amples précisions sur le notariat en Italie méridionale, les actes du colloque édités par Vitolo et Mottola, Scrittura e produzione documentaria, notamment la contribution de Martin, « Le juge et l’acte notarié », p. 287-301 ; voir également Feller, Les Abruzzes médiévales, p. 34-37. 46.  RNAM, vol. I/2, 78 – 957. 47.  RNAM, vol. IV, 391 – 1048. 48.  RNAM, vol. I/2, 174 – 979 : terra Leoni presbiteri serbi mei filio Carpiniani serbi mei. 49.  Seruus peut également désigner un tertiator. 50.  Voir p. 209 et suivantes. 51.  RNAM, vol. IV, 340 – 1028 : propter casas Maraldi presbyteri et Gictio germanisi et de Iohanne filio Albirici hoc est thiis et nepote filiis et nepote quondam Iohannis Gictii abitatoribus de loco Puli territorio Liburiano Massa Patriense, hominibus uestris. La formule hominibus uestris peut signifier « vos tenanciers » ; ici, il semble s’agir de dépendants. RNAM, vol. V, 475 – 1094 : terra Leoni presbyteri defiso memorati uestri monasterii.

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Serge de Naples52. À cette époque, des ecclésiastiques exercent des fonctions, civiles ou palatines, au service de la famille ducale autour de laquelle certains clercs gravitent, sans doute pour leur plus grand profit personnel en mettant leurs compétences intellectuelles ou techniques au service de leurs puissants protecteurs. Ainsi, un document d’Amalfi est rédigé en 1104 par Ursus, diacre, abbé et chapelain du palais53. Amalfi étant aux mains des Normands depuis sa capitulation devant Robert Guiscard, en 1073, on peut supposer que ce clerc appartient à l’entourage de Roger Borsa, successeur de Robert Guiscard depuis 1085. Le titre de chapelain, inusité jusqu’alors, désigne le clerc desservant une chapelle palatine. C’est probablement une importation normande54. Gaète ne livre aucun témoignage équivalent.

La fortune personnelle des clercs campaniens À l’exception d’allusions au mobilier liturgique dans les Gesta, la documentation disponible, constituée pour l’essentiel d’actes notariés, renseigne de manière presque exclusive sur le patrimoine immobilier, surtout foncier. Elle permet cependant de mesurer la richesse personnelle des clercs, la législation civile et canonique ne leur interdisant pas la possession de biens propres55. Au vie siècle, Grégoire le Grand évoque la nécessaire

52.  RNAM, vol. IV, 316 – 1020 : tibi Iohanni subdiacono bestararius gloriose potestatis domini Sergii in Dei nomine eminentissimus consuli et duci, filium quondam Sergii uenerabilis presbyteri qui nomina­ tur Sardella postmodum uero monachi. D’après cette dernière formulation, il est possible que l’acte se réfère au duc Serge IV (1002-1027), sur le trône de Naples au moment de la rédaction de l’acte. 53.  CP, 95 – 1104 : Vrsus diaconus et abbas cappelanus palatii scripsi. 54.  Sur la fonction de chapelain et son évolution sémantique, voir Französisches Etymologisches Wörterbuch, éd.  von Wartburg et alii, vol. II/1, p. 285-287, s.u. cappella, ici p. 286 ; Warren, « Chaplain » ; Fleckenstein, « Kapellan » ; Selge, « Kaplan ». Il faut distinguer le desservant d’une chapelle aristocratique, comme c’est le cas ici, du clerc remplaçant le titulaire d’une fondation ecclésiastique consacrée à l’accomplissement de messes et de prières pour les morts. Sur cette fonction, voir Avril, « En marge du clergé paroissial », p. 121-134 ; Id., « Chapelain ». 55.  CJ, éd. Krueger, I, 3, 41 (42), 5-7 (528) ; Justinien, Novelles, éd. Schoell et Kroll, CXXIII, 19 (546), p. 608, l. 22-24 : Presbyteros autem et diaconos et subdiaconos et lectores et cantores, quos omnes clericos appellamus, res quolibet modo ad eorum dominium uenientes habere sub sua potestate praecipimus (…). ; ibid., CXXXI, 13, 1 (545), p. 7-13 : In illis enim solummodo rebus licentiam eis alienandi aut relinquendi quibus uo­ luerint damus, quas ante episcopatum probantur habuisse, post episcopatum uero quae ex genere sibi coniuncto ad eos deuolutae sunt, quibus ab intestato usque ad quartum gradum succedere potuerunt. On retrouve ces prescriptions dans la correspondance de Pélage Ier, Epistulae, 33, éd. Gassó et Batlle, p. 91 – février 559 : Qua de re summo studio ab eodem Syracusanae urbis episcopo, prius quam a nobis eum contingeret ordinari, huiusmodi exegimus cautionem, per quam et suam fateretur quantula esset praesentis temporis habita rerum descriptione substantiam, et nihil umquam, per se aut per filios et uxorem, siue per quamlibet propinquam aut domesticam uel extraneam forte personam, de rebus usurparet ecclesiae, et uniuersa episcopatus quaesita tempore ecclesiae suae dominio sociaret, nihil, ultra id quod modo descriptum est, suis filiis uel heredibus relicturus.

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distinction entre les biens personnels et le patrimoine de l’Église dans le cas de l’évêque Importunus d’Atella56. Ce dernier laisse à sa belle-fille les deux tiers de son héritage, sans qu’on en sache l’ampleur ni la nature. Soucieux de décrire la grandeur des évêques de Naples, les Gesta ne distinguent pas la fortune personnelle de la richesse d’Église ni de celle des ducs. Au sein de la documentation notariale des ixe-xiie siècles, la très grande rareté des testaments d’ecclésiastiques, évêques ou simples clercs, permet de mesurer, en creux, l’intérêt du testament de l’évêque Jean de Formies, établi au ixe siècle et édité dans le Codex Diplomaticus Cajetanus57. Le prélat énumère ses offrandes et détaille ainsi son patrimoine personnel. Son Église, placée sous le vocable de saint Érasme, obtient des portions de casalia58. Une église, Saint-Laurent in Arcatura, reçoit sa partie d’un jardin situé en ce lieu59. L’église bénéficie, en outre, d’un bien foncier à échanger avec le neveu de l’évêque60. Une seconde église, Sainte-Marie extra portam, obtient la confirmation des dons effectués par l’évêque et ses parents avant la rédaction du testament : des pièces d’étoffe pour le dos (?) et des chèvres61. Il s’agit de biens possédés en propre par l’évêque de Formies, car une partie est léguée à son Église. Il est impossible de savoir si le testament décrit tout ou partie de la fortune personnelle de l’évêque. La seule allusion à un parent, un neveu, intervient dans le cadre d’un échange de biens avec une église bénéficiaire. Par conséquent, certains dons ont été accordés avant que le testament ne soit établi et ne les confirme. La richesse de l’évêque repose

56.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 142, éd.  Norberg, IX, 143 – mai 599. 57.  CDC, vol. I, 4 – 831. La datation, sans indiction ni mention de règne, demeure incertaine. Les éditeurs penchent pour le début du ixe siècle, du moins avant 846, date de la destruction de l’église Saint-Érasme de Formies par les Sarrasins. Il s’agirait d’un document contemporain des évêques présents dans les Gesta episcoporum Neapolitanorum. 58.  Ibid. : Volo enim et iuueo hut pro redemtione anime mee uel parentum meorum omnes casales meos habeat beatus Herasmus Christi martir. Verumtamen in serbitio huius episcopii uel successoribus meis. Idest kasalem qui appellatur Carpinianus cum omnibus siui pertinentibus. Item portionem mea de Brizani cum omnia siui pertinentibus. Ite portione mea de Gipsinianum cum omnibus siui pertinentibus. Item portionem mea de cultum ; et portionem mea de perticlas cum omnibus siui pertinentibus. Item por­ tionem meam de casalem qui appellatur Fabrica cum omnibus siui pertinentibus. Item et portionem meam de casale Piniculum cum omnibus siui pertinentibus. Item et portionem meam de casale Antonianum cum omnibus siui pertinentibus. Item et portionem meam de Portula cum omnibus a se pertinentibus. 59.  Ibid. : Volo habere ecclesia beati Laurentii in Arcatura portionem meam de hortum qui ponitur in ipso loco. 60.  Ibid. : Volo enim et iuueo hut pro ipsum hortum quod dedi a Theofilum filio Anatolii Leuesiui fratris mei parim bice pro ipsum hubicumque in ipso loco abuero siue in Salinolas siui in Arcatura. Et quod relicum fuerit sit de suprascripta ecclesia beati Laurentii. 61.  Ibid. : Volo eni et iuueo ut pannos de dorsum meum quantos inbenerint detur pro animam meam. Volo habere suprascripta ecclesia beate Marie capras quas habeo in parte cum Bonosulum de Pontianum.

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sur un patrimoine foncier composite : des casalia, des jardins dont la valeur dépend peut-être de cultures maraîchères d’un rapport élevé, des têtes de bétail et des objets mobiliers comme des tissus sans doute précieux. L’absence de mobilier liturgique, sujet d’inquiétude permanent chez Grégoire le Grand, confirme qu’il s’agit de biens personnels. Dans les actes de la pratique, la distinction entre les biens de l’Église et ceux de nature privée est pourtant incertaine. Par exemple, un autre évêque de Formies, Constantin, afferme en 855 un casale à deux particuliers, mais il est impossible de savoir s’il agit comme propriétaire privé ou au nom de son Église62. L’évaluation du patrimoine personnel de simples ecclésiastiques est plus difficile. Cependant un document amalfitain transmet, au début du xiie  siècle, les dernières volontés d’un prêtre, Pierre Codaro63. Le prêtre détaille l’ensemble des biens, très impor­ tants, qu’il possède et lègue à divers héritiers. Sa fortune se répartit en biens fonciers, argent et biens mobiliers qui méritent d’être détaillés. Les biens fonciers se constituent surtout de la moitié d’une église Sainte-Marie, située à Monte Aurio (ou Auro), avec toutes les propriétés que le prêtre a peut-être données auparavant à cette église. Elles ne sont pas négligeables : une chapelle attenante, des vignes, des châtaigneraies, des terres, des bâtiments64. Le prêtre évoque en outre la partie d’un terrain à bâtir (casalina) en ville65. La somme donnée en espèces aux particuliers atteint 98  sous, c’est-à-dire 392 tarins d’Amalfi. À titre de comparaison, à la fin du xe siècle, l’héritage d’une moniale transmis à un monastère s’élève à 18 sous66. Enfin, le prêtre Pierre évoque un manteau en peau de belette et deux couvertures en lin donnés à Laetitia, moniale de Saint-Laurent d’Amalfi67. Si le gros de la fortune se compose de biens immobiliers, à la différence de l’héritage de l’évêque de Formies, antérieur de deux siècles, on note l’importance du numéraire parmi les biens du prêtre amalfitain, mais l’argent vise à assurer la commémoration posthume de Pierre. Pour disposer de cette somme, il se peut que le testateur ait aliéné une part de ses propriétés. Le testament prévoit d’ailleurs que le produit de la vente de la casalina d’Amalfi sera affecté à des messes pro anima68.

62.  CDC, vol. I, 10 – 855. 63.  CP, 112 – 1125. 64.  Ibid. : ipsa medietate propria mea de ecclesie Sancte Marie de Monte Aurio cum omnia sua

pertinencia uineas et kastanietis et terris et abitacionibus et omnia sua pertinencia et cum inclita ipsa kapella uokabulo Sancti Viti martires que est coniuncta cum suprascripta ecclesie Sancta Maria et cum omnia sua pertinencia. 65.  Ibid. : ipsa portione de ipsa casalina que est hic in plano Amalfi in uico Sancte Marie Mayoris. 66.  CP, 20 – 990. Plus d’un siècle après, une particulière vend un ensemble de biens dans la région d’Amalfi pour la coquette somme de 260 sous d’or : CP, 101 – 1112. 67.  Ibid. : Volo ut ipsu mantellum meum nobum mustarulum et ipse due lene mee de linus dentur ille at suprascripta domina Letitia Dei gratia monacha. 68.  Ibid. : et pretium quod inde tollere facere inde pro anima.

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Hormis l’évêque de Formies et ce prêtre d’Amalfi, pour les autres ecclésiastiques campaniens, il faut se contenter d’allusions éparses, même si plusieurs individus héritent de clercs. À Amalfi, en 1138, on mentionne la terre des héritiers de l’évêque Jean69. À Naples, une parcelle appartient, en 1016, à l’héritier du prêtre Jean, appelé Marcianus70. Ces indications ne diffèrent pas de celles des héritages de laïcs, et la mention d’un clerc constitue à nouveau un simple moyen d’authentification. La plupart des occurrences apparaissent lors de la délimitation d’une terre et de l’énumération des terres adjacentes, certaines étant possédées par des clercs71. On y relève des biens de nature variée : par exemple, un prêtre de Traetto possède en 1048 des maisons en ville72, tandis que la possession d’un four oppose, à Gaète en 1021, l’abbé du monastère Saint-Théodore à deux frères, dont un prêtre73. La propriété d’une église privée par un prêtre, attestée à Amalfi, se rencontre aussi à Naples74. Il s’agit d’une propriété comme les autres, du moins par son mode de transmission. La détention de biens fonciers implique des ecclésiastiques dans des questions immobilières, mais la distinction entre les transactions effectuées à titre privé et celles réalisées pour le compte d’une église n’est pas aisée à établir75. Pourtant, quand le prêtre napolitain Sergius acquiert une terre en 993, il le fait pour lui, sa servante et ses héritiers, preuve que la terre n’est pas destinée à l’église Sainte-Agathe qu’il dessert76. Un clerc peut également être partie prenante dans l’achat ou la vente d’un bien possédé en copropriété par sa famille, comme le sous-diacre Léon qui vend tous les biens détenus avec sa mère et son frère à Ponteprimario, près d’Amalfi77. La détention de biens

69.  CP, 129 – 1138 : a parte occidentis fini fine causa que fuera de ipsa Galla quam modo abet eredes Iohanni episcopi. Il s’agirait de l’archevêque d’Amalfi Jean Ier (1070 – vers 1082). 70.  RNAM, vol. IV, 295 – 1016 : terra heredum quondam Iohanni presbytero qui nominatur Marciano. 71.  E.g. RNAM, vol. IV, 276 – 1006 : et de tertia parte terra Gregorii presbiteri de ipso loco [Munianum]. 72.  CDC, vol. I, 183 – 1048 : A pa[rte uero oc]cidentis coniuncta [est] cum domo de Petrus presbyter de Iamna. 73.  CDC, vol. I, 140 – 1021. 74.  RNAM, vol. I/2, 56 – 951 : le prêtre Jean possède une portion de l’église Sainte-Julienne située près de la porte Saint-Janvier à Naples (idest integra portione mea de ecclesia bocabulo sancte Iulianes regionis Porta sancti Ianuarii). 75.  E.g. RNAM, vol. I/2, 178 : le remembrement au profit de l’église Saint-Sévère dans cet acte semble démontrer que l’achat s’effectue au nom de l’église, non de son seul desservant. 76.  RNAM, vol. II, 232 – 993 : uos memorato domino Sergio uenerabili presbyterum et Anna hoc est domino et seruientis aut heredibus uestris quod absit abeatis exinde aliquando quacumque requisitione aut molestia a nunc et in perpetuis temporibus. 77.  CP, 24 – 989.

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personnels par des ecclésiastiques suscite des querelles de propriété dont les actes notariés se font l’écho. En 1104, un acte démêle l’écheveau du désaccord qui, pour la propriété d’un petit jardin à Naples, oppose trois frères, dont un clerc, à un prêtre. Chaque partie produit ses chartulae de propriété pour asseoir ses droits sur le bien litigieux78. En résumé, les clercs campaniens n’agissent pas de manière différente de leurs contemporains laïques. Propriétaires de biens personnels, parfois en indivision, ils les gèrent, les transmettent et les reçoivent comme n’importe quel individu. Dès lors, il n’existe aucune spécificité ecclésiastique en matière de propriété, pas même dans la possession d’églises ou la transmission de biens à des institutions religieuses.

Les évêques dans la société des duchés tyrrhéniens Dans les sources médiévales étudiées, les évêques sont le plus souvent mentionnés avec leur siège, sans plus de détail79. Connaître leur origine familiale ou sociale est parfois plus difficile que pour les simples clercs. Quelques évêques font exception. La notice de l’évêque Jean IV (842-849) dans les Gesta episcoporum Neapolitanorum présente un grand intérêt dans la mesure où l’auteur, Jean Diacre, s’attarde sur son origine sociale : « Nous prions tout d’abord que l’on ne se moque pas de lui parce que, selon le siècle, il n’est pas issu d’une famille noble ; car celui qui a la vraie noblesse, celle qui fleurit dans le Christ, sait que le Seigneur au départ s’appuyait sur la commu­ nauté des pauvres et de ceux dans le besoin. Donc, issu de parents de la plus basse naissance, il passa son enfance dans la pauvreté »80. Évoquer l’humble extraction de l’évêque Jean  IV ne vise pas seulement à établir un parallèle avec la pauvreté du Christ ; comme il l’affirme en préambule, l’auteur souligne un détail surprenant pour ses lecteurs. Au xe siècle, il est incongru, voire anormal, qu’un pauvre accède à la plus haute dignité ecclésiastique. L’inverse constitue la règle et les Gesta reflètent la proximité entre les familles régnantes et le trône épiscopal, un phénomène commun au monde médiéval. Dans les Gesta, les notices détaillant l’origine familiale des évêques de Naples concernent des

78.  RNAM, vol. V, 116 – 1104. 79.  À Gaète, CDC, vol. I, 17 – 899 : qua de re nos Deusdedius episcopus cum auctoritate domni

Docibilis, et domni Iohannis ypatis istius ciuitatis et consensu omnium clericorum nostri episcopii ; à Minori, près d’Amalfi : RNAM, vol. VI, Appendix, 10 – 1094 : Nos Maurus Domini gratia episcopus sante sedis Reginnensis hecclesie beate Trofimenis uirginis et martiris. 80.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 56, p. 430, l. 30-34 : Obsecrantes prius, ut nul­ latenus irrideatur, quod non secundum saeculum ex nobili prosapia oriundus descendit, quia, qui rectae nobilitatis est, quae uiget in Christo, nouit Dominum ab initio pauperum egenorumque consortio usum. Igitur ex infimis parentibus procreatus, pauperem cucurrit pueritiam.

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membres de la dynastie. Pour leur auteur, la parenté des évêques est digne d’intérêt quand elle se rattache à la famille ducale, a fortiori quand il s’agit du duc lui-même. Étienne II (766-794) inaugure la liste des ducs-évêques : « tous les Napolitains allèrent voir le souverain pour lui demander avec de grandes prières de devenir un berger prévoyant pour la Sainte Église. Ne rejetant pas ces suppliques, cet homme laïque et jusqu’alors consul, se dirigea vers le siège romain. En effet, il avait gouverné le duché de Parthénope pendant douze années avec un calme digne d’éloges »81. Au siècle suivant, Athanase Ier, fils du duc Serge Ier (840-864), est évêque de 849 à 872. La notice du saint évêque napolitain commence par cette précision : « depuis son enfance jusqu’aux honneurs du diaconat, alors que son père Serge était duc »82. Son neveu, Athanase II (876-898) est le fils du duc Grégoire  III et le frère de Serge  II, ce que sa notice met clairement en valeur83. Il devient duc-évêque de Naples en 87884. Le lien étroit entre la famille ducale et l’évêché de Naples dure jusqu’au xe siècle, et l’évêque Athanase III (911-960) est aussi apparenté aux souverains napolitains. À défaut de placer un de leurs rejetons sur le trône épiscopal, les ducs de Naples s’emploient à en conserver le contrôle. La mort du duc-évêque Étienne  II, en 794, pose un problème de succession, car il ne laisse aucune descendance masculine directe. Le pouvoir ducal échoit à son gendre Théophylacte, époux de sa fille Eupraxia85. La famille ducale se trouve dans l’impossibilité de placer un de ses membres à la tête de l’évêché de Naples. Le rédacteur des Gesta l’explique de la manière suivante : « Celui-ci [Théophylacte], entêté par avarice, ne voulait promouvoir personne de la fonction cléricale à l’ordre sacré. Il disait : “Je ne veux pas par là rendre amère ma femme Eupraxia”. Celle-ci aussi, en toute occasion, répétait : “Vous vous réjouissez de la mort de mon géniteur. Croyez-moi, aucun de vous n’accédera à l’épiscopat” »86.

81.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 42, p. 425, l. 19-22 : Ac per hoc omnes Neapolites ad praedictum accedentes praesulem, magnis postularunt precibus, ut ecclesiae sanctae prouidus pastor accederet. Quorum petitiones non rennuens, Romanam sedem laicus et adhuc consul adiit. Nam Parthenopensem ducatum laudabili quiete duodecim rexit annos. 82.  Ibid., 63, p. 433, l. 36-37 : Hic autem ab ipso pueritiae suae tempore usque ad diaconatus honorem, patre suo Sergio duce. 83.  Ibid., 66, p. 436, l. 1-2 et 6-8 : Athenasius iunior episcopus, nepos uidelicet praefati Athanasii prae­ sulis, filius Gregorii consulis ac ducis (…) qui eo tempore illuc aduenerat, ut Sergius consul et dux, germanus praedicti praesulis, foedus dirrumperet cum Agarenis, qui tunc Neapoli habitabant et Romanam prouin­ ciam penitus dissipabant. 84.  MND, vol. I, 95 ; Schipa, « Il ducato di Napoli », ASPN, 17, p. 629 et 805-806. 85.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 46, p. 427. 86.  Ibid., 46, p. 427, l. 18-21 : Qui, obstinatus auaritia, nolebat quempiam ex clericali officio pro­ mouere ad sacrum ordinem, dicens : « Nequeo exinde amaricari Eupraxiam meam uxorem ». Illa quoque quasi comperta occasione referebat : « Laetati estis de morte genitoris mei. Mihi credite, nullus ex uobis ad episcopatum ascendet ».

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De toute évidence la dynastie ducale se trouve en attente d’un membre masculin à promouvoir au siège de Naples. Mais, sous la pression populaire, le nouveau duc et son épouse acceptent comme évêque un individu extérieur à leur famille. Jean Diacre indique qu’il s’agit d’un laïc proche (popularis) de la duchesse Eupraxia, ordonné d’abord prêtre, puis évêque. Si l’auteur ne juge pas utile de le préciser, l’évêque Paul III (794-819) appartient sans doute à l’aristocratie locale liée à la famille ducale. Son ac­ ces­sion au trône épiscopal constitue une solution acceptable par un pouvoir politique soucieux de conserver le contrôle de la fonction ecclésiastique la plus importante de la cité. Les éminentes qualités intellectuelles de Jean  IV (842-849), surnommé le Scribe, justifient sans doute son étonnante élévation. Il est possible qu’il appartienne au milieu intellectuel gravitant autour des ducs de Naples. Cette proximité supposée a pu inciter le duc Bonus à choisir ce candidat modeste pour remplacer l’évêque Tibère, en détention87. Un clerc étranger à l’aristocratie locale, redevable de sa promotion au souverain, offre moins de résistance au pouvoir ducal, désireux d’imposer ses vues à l’autorité épiscopale dans un contexte d’alliance controversée avec les Sarrasins88. À Gaète, la famille ducale accapare également l’épiscopat. Bernard Ier (997-1047) est le benjamin de Marin II (978-984). La plupart des actes indiquent sa filiation avec le duc et son lien de parenté avec les autres membres de la dynastie. En 997, encore simple clerc, Bernard précise son lignage, qu’il rappelle la même année, après son élévation au trône épiscopal de Gaète89. Les actes rédigés au nom de l’évêque fournissent cette précision jusqu’au début du xie siècle. En revanche, à partir de 1012, les mentions de son ascendance disparaissent, y compris quand l’évêque s’exprime à la première per­ sonne90. Événements sans doute corrélés, la même année meurt le duc Jean IV, neveu de Bernard, et Gaète traverse une crise de succession91. L’évêque marque sa distance avec un pouvoir en déliquescence. Les membres de la dynastie ne manquent cependant pas, dans les actes, de préciser leur lien familial avec les évêques qui leur sont apparentés92. Si le successeur de Bernard, Léon IV, omet sa filiation avec la famille régnante quand

87.  Ibid., 55-59, p. 430-432. 88.  Voir p. 95. 89.  CDC, vol. I, 96 – 997 : Qua de re nos Bernardus clericus filius domni Marini gloriosi consulis

et duci ; CDC, vol. I, 97 – 997 : Qua de re me Bernardus in Dei nomine uenerauilis episcopus sancte Gaietane ecclesie et filius domni Marini bone memorie consulus et dux suprascripte ciuitatis. 90.  On retrouve alors la formule suivante, avec quelques variantes, ainsi dans CDC, vol. I, 129 – 1014 : Qua de re me Bernardus in Dei nomine humilis episcopus sancte Gaietane ecclesie sedis. 91.  C’est notamment l’année où Léon Ier, dit l’usurpateur, tente de ravir le pouvoir à la duchesse Emilia, mère de Jean IV, qui gouverne de facto le duché au nom de son petit-fils mineur, Jean V. Pour plus de détails, voir Merores, Gaeta, p. 31-33. 92.  C’est le cas pour Bernard, auquel se rattache la duchesse Emilia dans une transaction foncière conclue en 1002, voir CDC, vol. I, 106 – 1002 : una petia de terra quod nobis domnus Bernardus uene­ rauilis episcopus cognatus noster donauit.

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il est l’auteur d’un acte93, il prend soin de la préciser vis-à-vis des autres contractants. Ainsi, en 1054, on apprend qu’il est fils du défunt duc Léon  II (1015-1024) et de la duchesse Theodora, et frère du sénateur Docibilis, co-auteur de l’acte94. Dans un document de 1064, on le dit frère du comte Raynerius de Suio95. Pourtant, depuis 1032-1033, le duché n’est plus aux mains de la famille de Léon IV et, en 1054, la cité est conquise par Aténolf  Ier (1045-1062), comte d’Aquino et gendre de Pandolf  IV de Capoue. Dans un contexte troublé par l’émergence de la puissance normande, l’ancienne famille ducale détient encore l’évêché de Gaète96. De semblables préoccupations lignagères ne se rencontrent pas dans la documen­ tation amalfitaine. Certes, il existe un évêque Mastalo (960-vers 987), dont le nom rappelle de manière évidente les ducs d’Amalfi Mastalo  Ier (914-953) et Mastalo  II (953-957), mais rien ne permet d’établir un lien de parenté étroit avec la famille ré­ gnante. Le premier archevêque d’Amalfi, Léon, peut-être consacré en 987 par le pape, est dit fils de Sergius de Urso comite  97. Cette précision sur l’ascendance masculine de l’archevêque permet de conclure à une origine sociale élevée, celle des comites, membres de l’aristocratie politico-militaire issue de la période post-exarchale. Au début du xiie  siècle, une onomastique nouvelle apparaît parmi les évêques campaniens. En 1105 et 1123, deux actes sont rédigés et souscrit par Guillaume,

93.  E.g. CDC, vol. I, 190 – 1050 : Certum est nos Leoni in Dei nomme presul sancte Gajetane ecclesie. 94.  CDC, vol. II, 197 – 1054 : Leo gratia Dei episcopus sancte Gajetane ecclesie quam et nos insimul

pariter Docibilis Domini gratia senator, qui sumus ambos germani fratribus et filiis Leoni gloriosi duci bone memorie et presenti filiis domne Theodore ducisse senatrix ambo coniugalis. 95.  CDC, vol. II, 224 – 1064 : Ideoque me domnus Raynerius comes filius domni Leoni duci qui supra. Constat me ab hodierna die et omnem phuturum tempus pro parte et uice domni Leoni gratia Dei presul sancteque Gagetane haeclesie nostroque germani et filio quondam domni Leoni suprascripti gloriosi consuli et duci bone recordationis. 96.  Merores, Gaeta, p. 36-38. 97.  Chronica archiepiscoporum Amalphitanorum, apud Kehr, Italia pontificia, vol.  VIII, p. 386. Le chercheur allemand se base sur l’édition défectueuse, et alors la seule disponible, de Pelliccia, Raccolta di varie croniche, vol. V, p. 163-181. Une édition plus récente et surtout plus satisfaisante a été établie par Pirri, Il duomo di Amalfi, p. 177-178 : Et in anno ab incarnatione Domini Nostri Iesu Christi noncentesimo sexto, die trigesimo mensis nouembris, XV Indictione, placuit domino Mansoni Duco, et Imperiali Patritio, ac cuncto clero et populo uniuerso eligere Leonem presbiterum et monacum, filium Sergii de Urso Comite, ad Archiepiscopalem ordinem, qui consecratus est tertia decima mensis februarii anno Domini DCCCCLXXXII, accepit palium Archiepiscopatus per manus Ioannis Summi Pontificis XV, in sacratissimo Palatio lateranensi cum apostolica benedictione. Igitur praedictus Leo, primus Archiespiscopus sanctae Sedis Amalphitanae ecclesiae, una cum tota plebe sua, et uniuerso clero suae Dioecesis ordinauit tres episcopos Primum uidelicet Iohannem, et eum in episcopum consecrauit in Insula Capritana, secundum uero Sergium, ipsum in Regimine, qui nunc Minori dicitur ; tertium uero Stephanum, in castellis Stabiensibus, qui dicitur nunc Episcopus Litterarum.

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évêque de Nola98. À Gaète, un évêque Richard est présent dans les sources à partir de 112499. Ces noms montrent l’influence grandissante des Normands. Au xiie siècle cependant, les noms normands commencent à se répandre au sein des élites locales et n’indiquent plus une origine certaine. Mais les anciennes dynasties, partout en déclin ou écartées du pouvoir, ont renoncé à placer leurs membres sur les trônes épiscopaux ou archiépiscopaux.

II.  Les clercs dans leur Église La sphère d’étude privilégiée du clergé reste l’Église qu’il sert ou les églises qu’il dessert. Bouleversées par les troubles politiques et économiques de la fin de l’Antiquité, les structures ecclésiastiques retrouvent une stabilité à partir de la seconde moitié du viie siècle, quand les États lombards, passés de l’arianisme au catholicisme, participent désormais à l’organisation religieuse péninsulaire placée sous l’autorité pontificale. À la fin du xe siècle, l’élévation par décision pontificale de plusieurs sièges campaniens et voisins (Capoue, Bénévent, Salerne, Naples, Amalfi, Sorrente) au rang de métropole, entre 966 et 1005, ne remet pas en cause cette stabilité institutionnelle dont bénéficient les clercs des duchés tyrrhéniens jusqu’au début du xiie siècle. La qualité et la quantité des sources disponibles permettent d’étudier l’évolution d’une hiérarchie ecclésiastique fixée depuis l’Antiquité et d’examiner la formation et le recrutement des clercs. Les questions disciplinaires, essentielles à l’organisation de l’Église, tiennent une place importante dans les lettres de Grégoire le Grand. S’il existe un vide documentaire entre cette correspondance et les sources du haut Moyen Âge, celles-ci permettent de poursuivre l’examen de problèmes déjà présents à la fin du vie  siècle, comme le célibat des prêtres dans une région située à la confluence de traditions distinctes. Enfin, l’influence et les développements de la justice ecclésiastique reflètent les rapports des clercs avec un système judiciaire désormais dual.

Une hiérarchie intangible ? À la fin du vie  siècle, la correspondance de Grégoire le Grand atteste, en Italie méridionale comme dans le reste de l’Empire, une hiérarchie ecclésiastique structurée, systématisée et dominée, depuis le iie siècle, par un épiscopat « monarchique ». Dans chaque Église paléochrétienne se trouvent des clercs majeurs et mineurs. Les clercs majeurs, ministres du culte ordonnés présidant et distribuant l’eucharistie, comptent,

98.  RNAM, vol. V, 520 – 1105 : Nos Guillelmus Domini gratia episcopus sancte sedis Nolane ecclesie et, dans les souscriptions, Ego Willelmus episcopus Nolanus ; RNAM, vol. VI, 586 – 1123. 99.  CDC, vol. II, 302 – 1124.

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outre l’évêque, les prêtres et les diacres. Les clercs mineurs, ministres du culte bénis responsables des objets liturgiques et des services préparatoires à l’eucharistie, rassemblent les sous-diacres, les lecteurs et les portiers. Les exorcistes et les acolytes tendent à se marginaliser et disparaître durant l’Antiquité tardive. Enfin, on trouve des détenteurs d’offices aux franges de la cléricature comme les sacristains, les chantres ou les fossoyeurs100. Grégoire le Grand montre que cette hiérarchie n’est pas immuable, ainsi que l’illustre sa lettre adressée en février 601 à l’évêque Pascasius de Naples101. Le pape détaille les échelons de la hiérarchie de l’Église napolitaine afin de préciser la subvention accordée à chaque membre. En premier, le pape évoque, comme il se doit, les clercs majeurs (prêtres et diacres) et indique un total de 126 personnes. À titre de comparaison, au début du vie siècle, une pétition hostile au métropolite d’Apamée de Syrie est signée par 59 clercs majeurs (17 prêtres et 42 diacres). En Italie, la décision du pape Félix IV (526-530), relative aux revenus de la métropole de Ravenne, est souscrite par 21 clercs ma­jeurs (10 prêtres et 11 diacres)102. On reste loin des chiffres atteints, à la même époque, par l’Église de Constantinople où le clergé cathédral de Sainte-Sophie est ramené par Justinien à 160  clercs majeurs (60  prêtres et 100  diacres)103. En Italie méridionale,

100.  La littérature sur les ordres mineurs étant vaste, nous renvoyons à quelques articles synthétiques offrant une bibliographie : Leclercq, « Fossoyeur », sur les témoignages épigraphiques livrés surtout par la ville de Rome aux ve-vie siècles ; Andrieu, « Les ordres mineurs », p. 253-256 sur les exorcistes et les portiers, p. 256-259 et 265-268 sur les lecteurs, p. 268-270 sur les acolytes et p. 271-273 sur les sous-diacres ; Instinsky, « Decanus », en particulier col. 610 ; Fischer, « Esquisse historique sur les ordres mineurs », p. 61-62 pour l’époque de Grégoire le Grand (voir l’autre article du même auteur dans la note suivante) ; Di Berardino et Grossi, La Chiesa antica, p. 105-111 ; Chupungco, « Diaconie – Ministères mineurs », p. 670-673 ; Sander, « Ostiarier » ; Feulner, « Subdiakonat ». 101.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, XI, 22 – février 601. À propos de l’organisation des clercs mineurs sous ce pontificat, voir l’article de Fischer, « Der niedere Klerus », p. 62-63 où l’auteur montre que Grégoire le Grand tend, sinon à rapprocher les sous-diacres des clercs majeurs, du moins à les distinguer des ordres mineurs. De même, on lit dans l’article de Andrieu, « Les ordres mineurs », p. 272 : « Notre Ordo [il s’agit de l’Ordo Romanus VIII des années 900-925] range encore le sous-diaconat parmi les gradus inferiores. Cet ordre prend néanmoins un relief croissant. Il se rapprochait de plus en plus des deux ordres majeurs. » Il existe également une utile mise au point de Faivre, Naissance d’une hiérarchie, p. 355-366. L’élévation en dignité du sous-diaconat parmi les ordres majeurs et sa soumission aux mêmes impératifs moraux sont discutées depuis Grégoire le Grand. À partir de la réforme grégorienne et surtout du pontificat d’Urbain II, dans la seconde moitié du xie siècle, les sous-diacres sont peu à peu assimilés à des clercs majeurs : voir Ott, Le sacrement de l’ordre, p. 120121 ; Reynolds, « The Subdiaconate », p. 20-21, repris dans Id., Clerics in the early Middle Ages, IV. 102.  Exemples fournis par Jones, The Later Roman Empire, vol. 2, p. 911. 103. Voir Justinien, Novelles, éd.  Schoell et Kroll, III, 1 (535), qui fixe les effectifs à 60 prêtres, 100 diacres, 90 sous-diacres, 110 lecteurs, 25 chantres, 100 portiers et 40 diaconesses. Cette décision ne semble pas avoir été appliquée de manière durable puisqu’une nouvelle loi est prise par

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les effectifs du clergé de l’Église de Naples semblent sans équivalent et montrent, à la fin de l’Antiquité tardive, l’importance acquise par la cité et son évêque dans la région. La lettre de Grégoire le Grand à Pascasius opère une distinction, reflet de la division du clergé local entre clercs majeurs et mineurs. Le pape demande à l’évêque de distribuer « à ses clercs » 100 sous prélevés sur les revenus de son Église, dont 64 réservés aux clercs majeurs104. On constate l’ampleur du clergé cathédral, un personnel attaché à l’évêque et destiné à la gestion de son Église. Le peu de cas que Grégoire le Grand semble faire des clercs mineurs de Naples est confirmé par l’ensemble de sa correspondance où seuls sont mentionnés des évêques, des prêtres et des diacres. Si quelques sous-diacres apparaissent de manière occasionnelle, en revanche nulle mention n’est faite des autres dignités cléricales ou « para-ecclésiastiques » pourtant attestées au Bas-Empire, en Occident et en Orient, comme les portiers, les lecteurs, les exorcistes, les acolytes, les chantres105. Dans le détail, il demeure impossible de connaître le fonctionnement et la structure des Églises campaniennes sous Grégoire le Grand. Peu d’ecclésiastiques font l’objet d’un développement dans une correspondance adressée surtout aux représentants pontificaux en Italie suburbicaire, c’est-à-dire aux recteurs et aux évêques de la région. Il est, de surcroît, difficile de savoir si un clerc dépend ou non du clergé cathédral, hormis l’exemple du clerc Iustus, envoyé auprès du pape par l’évêque de Sorrente en 591106. Sa qualité de missus episcopi et d’intermédiaire entre le pape et le recteur de Campanie supposent son appartenance à l’entourage de l’évêque de Sorrente et non à une église du diocèse. À l’inverse, Grégoire le Grand mentionne plusieurs fois des clercs desservant une église précise comme Dominicus, à la tête de l’église Sainte-Marie dite du Pison, près d’Atella107. Après environ 150 ans de quasi-silence, l’Église de Naples réapparaît dans sa splendeur documentaire avec les Gesta episcoporum Neapolitanorum. Soucieux de relater les hauts-faits des évêques de sa cité, surtout quand ils sont apparentés à la famille ducale, Jean Diacre ne s’attarde guère à décrire une hiérarchie ecclésiastique située en dehors

l’empereur Héraclius en 612 pour limiter à nouveau le clergé de la cathédrale de la Sainte-Sophie à 80 prêtres, 150 diacres, 70 sous-diacres, 160 lecteurs, 25 chantres, 100 portiers ainsi que 40 diaconesses. 104.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, XI, 22 – février 601 : Praebendi itaque sunt clericis uestris per singulos, sicuti prospexeritis, simul omnis summa solidi centum ; praeiacen­ tibus, quos centum uiginti sex esse cognouimus, dandi sunt solidi sexaginta tres, id est medium solidi per singulos. 105.  À titre de comparaison statistique, le dépouillement du volume italien de la PCBE, vol. II, permet de recenser environ 2300 clercs, parmi lesquels 1900 clercs majeurs, mais aussi près de 400 clercs mineurs ou titulaires d’une fonction para-ecclésiastique, en particulier des fossoyeurs qui dépassent la centaine d’individus connus, à une exception près, par les seules sources épigraphiques. 106.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 40 – avril 591. 107.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 16, éd. Norberg, II, 12 – janvier 592.

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de son propos. Les éléments d’information sur le clergé napolitain sont rares. Dans sa notice consacrée à l’évêque Athanase Ier, l’auteur des Gesta fournit une petite indi­ ca­tion : « Il ordonna aussi que l’on célèbre chaque jour une messe publique avec les diptyques dans l’église du Sauveur, en lui offrant des terres qui permettraient de nourrir le collège »108. La Vie d’Athanase mentionne un second collège sacerdotal, celui des hebdomadarii, qui, toute la semaine ou peut-être en alternance d’une semaine sur l’autre, assure un service religieux dans la cathédrale, sur le modèle romain109. Il semble exister deux collèges de prêtres liés à la présence d’une cathédrale double à Naples, l’église du Sauveur dite Stephania et l’église S. Restituta110. Enfin, toujours d’après Jean Diacre, Athanase Ier institue, comme à Rome, une schola pour les lecteurs et les chantres, c’est-à-dire une manécanterie, preuve de l’existence de clercs mineurs au sein de l’Église de Naples111. Il faut se tourner vers les actes notariés pour bénéficier d’un aperçu plus précis de la hiérarchie ecclésiastique des duchés tyrrhéniens. Les mentions les plus riches, les plus nombreuses et les plus anciennes proviennent de la documentation gaétane. Un premier témoignage est fourni par un document de 899, rédigé sous l’évêque Deusdedit « avec l’accord de l’ensemble du clergé » de sa cité112. À la suite de l’évêque

108.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 63, p. 434, l. 25-27 : Ordinauit etiam, ut in ecclesia Saluatoris omni de missa publica cum dipticis celebretur, offerens ibi terras, ex quibus eiusmodi aleretur collegium. 109.  Voir p. 101 ; Vie d’Athanase de Naples, éd. Waitz, 4, p. 443, l. 33-36 : Hic itaque zelo fretus diuino, constituit sacerdotes epdomadarios in ecclesia domini Saluatoris quae Stephania uocatur, qui in ea continuis diebus puplicam missam celebrarent, sicut mos est ecclesiae Romanae, in qua etiam ad eorum sumptus necessarias rerum distribuit opes. Sur la foi des actes de la pratique plutôt que des fouilles, une étude a été consacrée à la présence surprenante d’un double collège sacerdotal : voir Lucherini, « Ebdomadari versus canonici », p. 637-640 où l’auteur défend l’idée de la présence continue à Naples d’une seule et même cathédrale (et donc d’un seul collège sacerdotal formant le chapitre canonial), une cathédrale dédiée au Sauveur et appelée Stephania, puis renommée à la fin du xiiie siècle S. Restituta, avant que le collège des hebdomarii forge, au xive siècle, l’histoire d’une cathédrale double pour asseoir ses revendications financières auprès de l’archevêché de Naples. De même, Li Pira, La cattedrale di Napoli, p. 168-172. L’auteur pense qu’il s’agirait d’une première forme d’organisation de chapitre canonial, et exclut également la possibilité d’existence concurrente de deux collèges formés de prêtres du clergé cathédral. 110.  Voir p. 332 et suivantes. 111.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 63, p. 434, l. 7-8 : Ordinauit autem lectorum et cantorum scolas. 112.  CDC, vol. I, 17 – 899 : nos Deusdedius episcopus cum auctoritate domni Docibilis, et domni Iohannis ypatis istius ciuitatis et consensu omnium clericorum nostri episcopii. On trouve aussi le terme plus général de plebs comme CDC, vol. I, 62 – 962 : nos domnus Stephanus uenerabilis episcopus sancte Gaietane ecclesie una nobiscum cuncta plebs dicte nostre ecclesie. Cette mention ne semble pas systématique.

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et du souverain de Gaète, Docibilis  Ier, sept ecclésiastiques, tous prêtres, apposent leur souscription sur l’acte113. Un autre document, de 983, complète cette image impressionniste. Aux côtés des prêtres apparaissent un archiprêtre, un primicier et un archidiacre114. Dans plusieurs documents, l’archiprêtre souscrit toujours en second, après l’évêque115. Nous sommes en présence du clergé cathédral, qui ne constitue qu’une partie du clergé diocésain. Cette distinction apparaît avec les actes de la pratique. Dans un acte de 997, le prêtre Jean, souscrivant après l’évêque Bernard et l’archiprêtre Christophorus, précise qu’il dessert l’église Saint-Pierre116. Un document napolitain offre, en 1064 ou 1065, un aperçu sinon de l’ensemble du clergé cathédral, du moins de ses principaux éléments. Rédigé à l’initiative de l’archevêque Jean  VI, l’acte est assorti des souscriptions de neuf membres du clergé cathédral. Le souci de hiérarchisation est évident : l’archevêque précède un prêtre et primicier, lui-même suivi d’un archiprêtre et cimiliarque, d’un prêtre, d’un archidiacre, de deux diacres et de trois sous-diacres117. D’après l’ordre strictement observé, il faut supposer que l’acte requiert, lors de sa rédaction et de son authentification, la présence de l’entourage ecclésiastique le plus proche de l’archevêque. La liste des souscriptions traduit la hiérarchie du clergé cathédral, puisque les ordres majeurs prennent le pas sur les ordres mineurs et, au sein d’un même ordre, une prééminence honorifique est accordée à l’archiprêtre sur le prêtre, à l’archidiacre sur les diacres et sous-diacres. Un détail mérite commentaire : après l’archevêque Jean VI et le duc de Naples, souscrit le prêtre Pierre, indignus sacerdos et primicerius. Il semble que, dans les services de l’archevêque de Naples, le titre de primicier l’emporte sur la dignité sacerdotale. Moins d’un siècle aupara­ vant, deux actes de Capoue, publiés dans les Regii Neapolitani Archivii Monumenta,

113.  CDC, vol. I, 17 – 899 : Ego Gregorius presbyter scripsit † Ego Mellitus presbyter subscripsi † Ego Iohannes presbyter propria manu subscribsi † Ego Agnellus presbyter subscribsi. Ego Leo presbyter subscribsi. Ego Anastasius presbyter subscribsi. Ego Petrus presbyter filius Ranfus manu propria subscribsi. 114.  CDC, vol. I, 82 – 983 : † ego Stephanus episcopus propria manu subscribsi † ego Iohannes archi­ presbyter propria manu subscripsi † ego Stephanus primicerius propria manu subscripsi † ego Anatolius archidiaconus. 115.  Mallardo, « Arcipreti », p. 95-122. 116.  CDC, vol. I, 97 – 1011 (997 est erroné) : † ego Bernardus episcopus subscribsi † ego Christoforu archi(presbyter) subscribsi † ego Iohannes presbyter deserbitore ecclesie sancti Petri. 117.  RNAM, vol. V, 404 – 1064-1065 : † Iohannes, archiepiscopus subscripsi † Sergius consul et dux subscripsi † Petrus indignus sacerdos et primicerius sancte Neapolitane ecclesie subscripsi † † Enricus archi­ presbyter et cymiliarcha sante Neapolitane ecclesie subscripsi † † Stephanus presbyter et cardinalis sancte Neapolitane ecclesie subscripsi † Adelgisius archidiaconus sancte Neapolitane ecclesie subscripsi † † Sergius diaconus sancte Neapolitane ecclesie subscripsi † † Petrus diaconus sancte Neapolitane ecclesie subscripsi † † Stephanus subdiaconus sancte sedis Neapolitane ecclesie subscripsi † † Iohannes subdiaconus sancte Neapolitane ecclesie subscripsi † † Sergius subdiaconus sancte Neapolitane ecclesie subscripsi †.

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offrent des éléments de comparaison. Ils portent les souscriptions de l’archevêque Aténolf  Ier (981-990) et d’une partie de son clergé cathédral118. Détail intéressant, les documents lombards ne respectent pas la hiérarchie suivie par l’acte napolitain : des archidiacres et des sous-diacres précèdent les archiprêtres et les prêtres. De toute évidence, les souscriptions ont été apposées dans le désordre. En outre, un bibliothécaire apparaît dans le second document de Capoue. Diacre et primicier, ce clerc est sans doute responsable de la rédaction et de l’archivage des chartes de l’archevêché de Capoue. Cette fonction n’est pas attestée à Naples, même si la notice des Gesta consacrée à Athanase Ier fait allusion à une bibliothèque épiscopale119. L’absence, à Naples, d’un bibliothécaire faisant fonction de secrétaire de l’évêque est à mettre en relation avec l’existence du collège des curiales. Certaines dignités et fonctions, évoquées par les trois actes, appellent des remarques. D’une part, les mentions d’archiprêtres et d’archidiacres sont courantes dans la documentation napolitaine et gaétane. Attestées à la fin de l’Antiquité, ces digni­tés apparaissent dans la correspondance de Grégoire le Grand120. À Gaète, le titre d’ar­chi­ prêtre se rencontre dès le ixe siècle121. L’archiprêtrise et l’archidiaconat ne constituent pas des ordres, mais des dignités induisant des préséances dans un même degré de cléricature122. Tous deux se multiplient au haut Moyen Âge, au point que la présence

118.  RNAM, vol. II, 204 – 986 : Quam uidelicet libertatis absolutionem tibi Iohanni subdiacono primicerio et bibliothecario nostro scribere precepimus, nec non et propriis manibus sacerdotes reliquosque clericos nostros se subscribere iussimus, et pro confirmatione supradictorum omniunn secundum consue­ tudinem preceptorum mana nostra subscripsimus. Actu Capuae in sacratissimo archiepiscopatu feliciter. † Ego qui supra Auloaldus archidiaconus ex iussione domini Adenolfi archiepiscopi me subscripsi † ego Petrus diaconus ex iussione domini Adenolfi archiepiscopi me subscripsi † ego Leo diaconus ex iussione domini Adenolfi archiepiscopi me subscripsi † ego Toto archipresbiter ex iussione domini Adenolfi archie­ piscopi me subscripsi † Ioannes presbiter et primicerius ex iussione domini Adenolfi archiepiscopi me subs­ cripsi † ego Bonipertus presbiter ex iussione domini Adenolfi archiepiscopi me subscribsi † ego Audoaldus subdiaconus ex iussione domini Adenolfi apchiepiscopi me subscripsi † ego Ioannes subdiaconus ex iussione domini Adenolfi archiepiscopi me subscribsi † ego Leo subdiaconus ex iussione domini Adenolfi archiepis­ copi me subscripsi. 119.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 63, p. 434, l. 37-38 : Dedit etiam in eiusdem episcopii bibliothecam tres Flabii Iosepi codices. 120.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, V, 27 – mars 595 : allusion à Rusticus, archidiacre de l’Église de Capoue réfugié à Naples. En revanche, seuls deux archiprêtres sont mentionnés dans l’ensemble de la correspondance du pape. De manière plus globale, le volume italien de la Prosopographie chrétienne du Bas-Empire ne totalise qu’une demi-douzaine d’archiprêtres et une trentaine d’archidiacres, les deux groupes étant connus surtout par la documentation épigraphique, qu’elle soit de nature funéraire, votive ou édilitaire. 121.  CDC, vol. I, 3 – 830 (?) : haccessi primis Iohannis archipresbyter sancte Gaietane ecclesie. 122.  Mallardo, « Arcidiaconi della Chiesa napoletana », p. 70-81. Pour les archiprêtres, voir supra.

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d’archiprêtres n’est plus spécifique du clergé cathédral. Il existe des archiprêtres à la tête de simples églises comme Sergius, archiprêtre et dispensator de Saint-Pierre ad Media, près de Naples123. Les primiciers évoqués dans les lettres de Grégoire le Grand n’assument pas la fonction attestée par les sources du haut Moyen Âge. À la fin du vie  siècle, dans la correspondance du pape, un primicier désigne un chef de bureau (scrinium), le premier des secrétaires124. Cette acception perdure au haut Moyen Âge, comme on le voit pour le diacre et primicier de Capoue qui rédige l’acte sous l’archevêque Aténolf Ier. Toutefois, le terme revêt un second sens par son intégration à la hiérarchie ecclésias­ tique. Dans l’acte napolitain de 1064 ou 1065, Pierre, indignus sacerdos et primicerius Sancte Neapolitane Ecclesie, souscrit en troisième position, après l’archevêque et le duc de Naples. Le terme de primicier ne désigne pas le rédacteur de l’acte, en l’occur­ rence Jean, curialis et scriniarius. Il s’agit par conséquent d’une dignité qui distingue son détenteur, le prêtre Pierre, des autres ecclésiastiques de l’Église de Naples. Les allusions à des primiciers deviennent fréquentes dans les actes de la pratique, signe de la large diffusion du titre, mais tous les primiciers ne sont pas des clercs, et certains jouent un rôle dans les confraternités125. Plusieurs fonctions ont des noms empruntés au vocabulaire grec comme les cimiliarques126. En 941, un acte napolitain mentionne l’ancienne propriété d’un Sergius, canonarchus127. Il est impossible de trancher entre la fonction ecclésiastique, celle de chef du chœur des chantres, et un surnom par ailleurs attesté128. À l’image des Calciolarii, cette fonction s’est peut-être muée en patronyme. La question demeure ouverte pour le prêtre Léon, cantotium de l’Église de Naples129. On ignore s’il exerce la fonction de

123.  RNAM, vol. II, 212 – 988 : Certum est nos Sergium umilem archipresbiterum et dispensator ecclesie sancti Petri Christi apostoli que ponitur At Media. 124.  E.g. Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, III, 54 – juillet 593 : allusion au primicier Gaudiosus. On ignore s’il est ecclésiastique. Voir PCBE, vol. II/1, p. 901-902, s.u. Gaudiosus 6. À propos des primiciers de l’Église de Naples, Mallardo, « Arcipreti », p. 95-122. À noter cette remarque de Pietri, Roma christiana, vol. I, p. 676-677 : « le titre de secretarius, un technicien des assemblées (…), la charge de scriniarius, celle d’arcarius, le spécialiste des comptes et surtout celle de primicier, le responsable de tout le service ne sont pas attestés avant une époque plus tardive [que le début du ve siècle]. » 125.  Voir p. 508 et suivantes. 126.  Voir p. 129-130. 127.  RNAM, vol. I/1, 34 – 941 : ab uno latere uinea qui fuit Sergii Canonarchi. 128.  RNAM, vol. I/2, 130 – 968 : il s’agit de Nicetas Kanonarchus. Voir Beck, Kirche und theo­ logische Literatur, p. 133. 129.  RNAM, vol. IV, 299 – 1016 : pro uice quidem Leoni nepoti mei qui nominatur Catontium ipsius sancte Neapolitane ecclesie filium quondam Petri exadelfi mei. On serait tenté de lire cantotium,

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chantre. En revanche, la mention, dans un acte de 1019 ou 1020, d’un cubicularius Sancte Neapolitane Ecclesie, n’est pas ambiguë130. Ce chambellan appartient, voire commande, au personnel domestique de l’archevêque de Naples, mais son statut ecclésiastique est incertain. Il constitue le seul cubiculaire rencontré à Naples, Gaète et Amalfi. En dehors du clergé cathédral, la majorité des clercs présents dans les sources médié­ vales se compose de prêtres et, en moindre proportion, de diacres. Les clercs mineurs in­ ter­viennent rarement, sans doute en raison de l’âge de leurs membres. Encore jeunes ou de condition modeste, les clercs mineurs figurent et souscrivent peu dans les documents notariés des duchés tyrrhéniens comme du reste de l’Italie, à la différence des prêtres et des diacres, plus âgés ou plus aisés. Quelques individus apparaissent avec le seul titre de « clerc », sans autre précision. Il est probable que les clercs mineurs sont surtout présents au sein du clergé de la cathédrale. La masse des clercs des évêchés du littoral campanien échappe à l’historien.

Formation et recrutement des clercs La formation des clercs constitue un aspect fondamental de leur fonction. Les conditions d’accès au clergé sont fixées dès l’Antiquité tardive : être de sexe masculin et baptisé, avoir librement choisi d’entrer dans les ordres, posséder l’âge canonique (18 ans pour le lectorat, 25 ans pour le sous-diaconat ou le diaconat, 30 ans pour la prêtrise)131. Un clerc doit, du moins en théorie, connaître les Écritures, la doctrine et la liturgie132. Enfin, l’impétrant doit savoir lire et écrire, adopter une vie et des mœurs irréprochables,

forme proche de cantor mais la surprenante variété des surnoms dans les chartes napolitaines ne permet pas de trancher. 130.  RNAM, vol. IV, 314 – 1019 ou 1020 : tibi domino Gregorio filio quondam idem domini Gregorii cubicularii sancte Neapolitane ecclesie. La mention d’un cubiculaire père n’est pas étonnante, car cette fonction est revêtue par des eunuques en Orient seulement. La dignité aurait été introduite dans l’Église romaine sous le pontificat de Léon le Grand (440-461). Voir à ce propos Kazhdan, « Koubikoularios », p.  1154. 131.  Ces limites d’âge sont établies par Justinien, Novelles, éd. Schoell et Kroll, CXXIII, 13 (546), p. 604, l. 17-21 : Presbyterum autem minorem XXXV annorum fieri non permittimus, sed neque diaconum aut subdiaconum minorem XXV, neque lectorem minorem X et VIII annorum, diaconissam uero in sanctam ecclesiam non ordinari quae minor est annorum XL aut ad secundas uenit nuptias. Les principales références aux sources législatives et aux travaux modernes sont fournies par Pellegrini, Militia clericatus, p. 103-114. Voir aussi le commentaire de Di Berardino et Grossi, La Chiesa antica, p. 83-91. À titre de comparaison, le concile gaulois réuni à Agde, en 506, stipule que les candidats au diaconat doivent avoir au moins 25 ans (canon  16), ceux à la prêtrise ou à l’épiscopat au moins 30 ans (canon 17). 132.  Di Berardino et Grossi, La Chiesa antica, p. 106. Ces règles sont surtout respectées par les évêques d’après Grégoire le Grand, Homélies sur l’Évangile, I, 17, 16.

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attester une bonne santé morale et physique, enfin respecter les intervalles requis entre les degrés de la cléricature pour éviter les promotions per saltum. Cette pratique, attestée dans l’Occident tardo-antique, est interdite dès le vie siècle133. Les ordres majeurs sont consacrés par imposition des mains de l’évêque, tandis que les ordres mineurs sont conférés par simple bénédiction épiscopale134. Le prélat ne peut ordonner que des individus qui, par leur origine et leur domicile, appartiennent à son diocèse. Avant sa consécration, l’évêque doit examiner la qualité du candidat et tenir compte de l’opinion du peuple135. La correspondance de Grégoire le Grand demeure peu diserte sur le mode de recrutement et la formation du clergé campanien à la fin du vie siècle. Les principales préoccupations du pape concernent la sélection du candidat idéal à l’épiscopat136, et, quand il évoque des membres du clergé, c’est dans un contexte disciplinaire137. Pour le haut Moyen Âge, les Gesta fournissent les données les plus importantes. Les notices consacrées à Jean  IV et Athanase  Ier –  cette dernière développée dans la Vie d’Athanase – permettent de suivre le parcours d’un jeune clerc de l’Église de Naples138.

133. La condamnation de l’ordination per saltum est prononcée en 558 ou 559, par le pape Pélage Ier, Epistulae, 19, 26, éd. Gassó et Batlle, p. 61 : Quis autem nobis ex uobis de eo quod illic fieri conperimus redditurus est rationem, uel in quibus canonibus inuenitur, ut uno eodemque die laicus homo et clericus et acolithus et subdiaconus et diaconus et praesbyter et episcopus fiat, et subito quasi in theatrali spectaculo, mutato habitu missas faciat, qui ante unam horam non dicam domui suae laicus sed uxori etiam suae forsitan coniunctus extiterat ? Voir aussi Ott, Le sacrement de l’ordre, p. 109-112 ; Gibaut, The Cursus Honorum, p. 156-157. 134. Voir Pellegrini, Militia clericatus, p. 78 et n. 28 ; Di Berardino et Grossi, La Chiesa antica, p. 87-144. Le rite et le sens de l’ordination sont commentés p. 91-97. Une lettre adressée à l’évêque d’Orvieto, en 596, évoque la consécration des prêtres et des diacres par imposition des mains. Voir Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, VI, 27 – mars 596. Pellegrini, Militia clericatus, p. 138, rappelle que la consécration s’effectue avec l’accord du clergé et du peuple. 135.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, VI, 40 – juin 596 (à l’évêque de Vibo Valentia en Calabre) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 76 – août 591 (à un évêque de Corse). 136.  Voir p. 41 et suivantes. 137.  Voir p. 258 et suivantes. Un ensemble de textes relatifs au constat fait par le pape d’une véritable crise de l’épiscopat est proposé par Judic, « Grégoire le Grand », p. 31-36. 138.  À propos du cursus clérical de l’Église romaine, voir Pietri, Roma christiana, vol. I, p. 690-693 ; Gibaut, The Cursus Honorum, p. 159-191 pour les viiie-xe siècles. En principe, la progression dans la carrière ecclésiastique impose de passer par les ordres mineurs avant d’accéder au diaconat. Pour le haut Moyen Âge, deux exemples de carrière cléricale sont fournis pour les papes Jean XII, élu en 955, et Léon VIII, élu en 964. Le premier reçoit les ordres de portier, chantre, lecteur, exorciste, acolyte, sous-diacre et diacre ; le second est promu en l’espace de deux jours aux dignités de portier, lecteur, acolyte, sous-diacre, diacre et prêtre. Nous devons ces exemples à Fischer, « Esquisse historique », p. 62-63. L’auteur souligne que certains de ces ordres comme chantre ou exorciste sont dépourvus de fonction réelle.

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Jean IV, comme Athanase Ier et plus tard Athanase II, sont tôt confiés par leurs parents à l’Église afin d’embrasser une carrière ecclésiastique. Le parcours de Jean IV diffère de celui des deux évêques issus de la famille ducale, car on connaît son origine modeste. Jean Diacre la mentionne, en s’excusant, pour davantage édifier le lecteur. Selon le rédacteur des Gesta, ses qualités intellectuelles précoces prédisposent le jeune garçon à suivre une carrière cléricale qui, aux milieux peu favorisés, offre une ascension sociale. Si Jean Diacre ne précise pas comment ses aptitudes sont remarquées, il note que le futur Jean  IV, alors adolescent, « ne suivit pas, comme il est coutumier à cet âge, les sé­duc­tions du monde, mais choisit plutôt de se soumettre aux mains des précepteurs, à ce point plongé dans les lettres, qu’il ne se libérait que pour le Seigneur seul. En effet, il recherchait les maîtres, non pas tant ceux des arts libéraux que de la divine doctrine, vu qu’il désirait s’offrir tout entier à Dieu »139. Pourtant, le jeune homme ne semble pas embrasser d’emblée la cléricature et devient scribe (ou bien il est scribe après avoir reçu les ordres mineurs, mais cela n’est pas attesté à Naples)140. Il accède ensuite au diaconat, préalable de plus en plus fréquent à une carrière brillante141. On ignore s’il reçoit l’épiscopat comme diacre ou plutôt, ce qui est régulier, comme prêtre. La carrière d’Athanase Ier est, quant à elle, tracée dès ses origines. Cadet de la famille ducale, à sa conception il est destiné à la carrière ecclésiastique afin d’occuper le trône épiscopal. Dans ce but, Athanase  Ier brûle les étapes : encore sous la responsabilité de tuteurs, il devient diacre142, soit avant ses 21  ans143. La Vie d’Athanase précise le parcours du futur saint évêque de Naples. Sa biographie par Guarimpotus décrit les échelons qui le mènent au sacerdoce : novice à la basilique Sainte-Marie-Majeure de Naples144,

139.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 56, p. 430, l. 34-37 : Cum autem adoleuit, non, sicut illa aetas assolet, mundi secutus est illecebras, sed magis se praeceptorum elegit subdere manibus, quatenus litteris imbutus soli Domino sciret uacare. Non enim magnopere liberalium artium, sed diuinae doctrinae potissimum quaesiuit magistros, utpote totum se Deo offerre cupiebat. 140.  Ibid., p. 430, l. 38-40 : Nam diuinae doctrinae eruditor praeclarus effulsit. Praesertim sic scriber nouit, ut ex officio cognomen acciperet et ab omnibus Iohannes Scribo uocaretur. 141.  Ibid., p. 430, l. 42-43 : Ac per hoc omnibus dulcis, omnibus carus, nutu caelesti ad diaconatus promotus est honorem. À la même époque, la situation romaine n’est guère différente selon Andrieu, « Les ordres mineurs », p. 273 : « Après Constantin, tous les papes dont le Liber pontificalis résume la carrière passent par le sous-diaconat, avant d’être promus diacres ou prêtres. ». 142.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 63, p. 433, l. 36-38 : Hic autem ab ipso pueritiae suae tempore usque ad diaconatus honorem, patre suo Sergio duce, sub tutoribus et auctoribus mansit, quatenus, negotii secularis ignarus, omni institutione catholica imbueretur. 143.  Ibid., p. 433, l. 39-40 : Infra uicesimum aetatis suae annum leuitali honore suffultus, quasi iam episcopus uenerabatur. 144.  Vie d’Athanase de Naples, éd. Waitz, 3, p. 442, l. 6-8 : Votum suum facto firmarunt, prout decreuerant, clericum eum facientes, in ecclesia beatae Dei genitricis semperque uirginis Mariae ad informandum ecclesiasticae regulae documenta indiderunt.

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le jeune Athanase est vite intégré au clergé cathédral par l’évêque Jean IV, « non pas comme fils [du duc], mais comme le plus petit des serviteurs »145. Il témoigne de telles qualités intellectuelles et religieuses que l’évêque le nomme sous-diacre146. Ce détail révèle que les évêques sont formés au sein du clergé cathédral. Son éducation, décrite de manière incomplète par la Vie, associe la doctrine à la pratique : le jeune homme s’élève « chaque jour dans la crainte de Dieu et l’étude des Écritures » et, peu à peu, connaît « les objets liturgiques et les offices divins »147. Athanase considère comme un honneur ses fonctions mineures, exercées durant sept années avant d’obtenir le diaconat. Le chiffre  7 revêt un sens mystique que l’auteur prend soin d’éclairer148. Tout au long de sa description du cheminement d’Athanase vers l’épiscopat, l’auteur oscille entre la volonté de souligner l’exemplarité de son parcours, qui franchit tous les degrés de la cléricature, et le souci de montrer le caractère rapide, donc exceptionnel, de la formation du saint évêque. On comprend que les règles canoniques et discipli­ naires ne s’appliquent guère à Athanase  Ier qui, « dans sa jeunesse, démontrait déjà un esprit mûr »149. L’auteur de la Vie d’Athanase précise que son diaconat dure un an et deux mois et s’achève, à la mort de Jean IV, par son élection unanime à la tête de l’évêché150. Athanase n’est pas prêtre au moment de son élection, mais cela ne constitue pas une originalité, même à l’époque de Grégoire le Grand.

L’élection des évêques : le témoignage des Gesta Pour le haut Moyen Âge, les Gesta et la Vie d’Athanase permettent de comparer les élections des évêques à celles connues, dans l’Antiquité tardive, par la correspon­ dance de Grégoire le Grand151. Le même mode d’élection se perpétue puisque la

145.  Ibid., p. 442, l. 8-11 : sed non multo post, Iohanne reuerendo uiro Neapolim ordinato presule, genitore uero prefati uiri ducatus regimine iam suscepto, confestim igitur supradicto pontifici iam prefatus traditus est puer, non ut filius, sed ut famulus infimus. 146.  Ibid., p. 442, l. 14-15 : Eumque uidens in ecclesiasticis instrumentis officiisque diuinis pollentem, subdiaconii ministerio uinxit. 147.  Ibid., p. 442, l. 12-13 : proficientem cotidie in Dei timore et litterarum eruditione. 148.  Ibid., p. 442, l. 20-23 : Peractis itaque huiusmodi religionis obtentu septem continuis annis, cum cerneret memoratus presul animam eius feruescere in amore Creatoris sui et in humilitatis proposito immobiliter perdurare, Christi septimum in eadem ecclesia leuitam sublimauit, illustratum uidelicet septiformi Spiritus sancti gratia. Voir aussi les exemples d’exégèse « numérologique » donnés par Ott, Le sacrement de l’ordre, p. 114-119. 149.  Vie d’Athanase de Naples, éd. Waitz, 3, p. 442, l. 17 : in adolescentia senili iam mente ostende­ bat. 150.  Ibid., p. 442, l. 31-33 : Expleto igitur in leuiticali officio anno uno duobusque mensibus, predictus uir Iohannes beatae memoriae, honestissimae uitae presul et Deo satis carus, diem clausit extremum. 151.  Voir p. 33 et suivantes.

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Vie d’Athanase décrit les clercs, le peuple et les notables qui, d’une seule voix, élisent évêque Athanase Ier152. Mais plusieurs remarques s’imposent. Aux viiie-ixe  siècles, le corps des notables se réduit en fait à la seule famille ducale dont les Gesta attestent le rôle déterminant dans la désignation de l’évêque. Le consensus de l’ensemble de la population, mis en exergue pour l’élection d’Athanase Ier, ne paraît ni systématique ni habituel, d’après les notices biographiques rédigées par Jean Diacre. L’élection de Paul  II (762-766), en pleine querelle iconoclaste, semble aussi difficile que celle du visiteur Paul de Nepi, sous Grégoire le Grand. Pour Étienne II (766-794), duc de Naples en exercice, le chroniqueur s’efforce de montrer l’unanimité de la population autour de ce personnage prestigieux. Mais, d’après Jean Diacre, la décimation du clergé local par la peste aurait incité les Napolitains à choisir leur souverain comme évêque153. La situation se complique pour son successeur, Paul III (794-819). L’élection de ce laïc, proche de la duchesse Eupraxia, fille d’Étienne II, ne va pas de soi : « comme personne n’osa s’opposer, Paul, aussitôt tonsuré, ils en prirent leur parti »154. Loin du consensus populaire tant souhaité par Grégoire le Grand, l’élection épiscopale est biaisée par la pression de la duchesse. L’élection de Tibère (819-839) est obtenue, selon les Gesta, par un vote unanime, « bien qu’il y eût un grand nombre de clercs capables à cette époque »155. Les choses se compliquent pour Jean IV (vers 842-849), qui exerce la fonction épiscopale alors que Tibère est en prison, sur ordre du duc. Confronté à cette situation, Jean Diacre simplifie la réalité pour obtenir un récit linéaire de la vie des évêques napolitains : Jean IV est le seul prélat dont les conditions de l’élection ne soient pas connues. Déjà en place, il succède à Tibère dans une scène édifiante où ce dernier, mourant entouré de ses fidèles, lui confie l’évêché156. Une fois l’élection acquise, l’élévation au trône épiscopal requiert une éventuelle enquête du métropolite, ici le pape, pour s’assurer que l’élu possède les qualités requises. D’après les Gesta, cette procédure existe encore à Naples durant le haut Moyen Âge, mais de manière épisodique. Ami du pape, Paul II ne requiert pas plus d’enquête que les évêques issus de la famille ducale, Étienne II ou Athanase Ier. Paul III, imposé par la duchesse de Naples, ne subit pas davantage l’examen pontifical. La situation diffère pour Tibère et Jean IV, les seuls évêques pour lesquels Jean Diacre évoque une enquête diligentée par le pape. Pour Tibère, « quelques personnes qui convoitaient pour

152.  Vie d’Athanase de Naples, éd. Waitz, 3, p. 442, l. 33-35 : Moxque ab uniuerso clero omnique plebe simulque a ducibus, genitore scilicet et germano, communi uoto et consilio electus est enim ad pontificale decus et proficiscens Romam, consecratus est a uenerabili papa Leone. 153.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 42, p. 425. 154.  Ibid., 46, p. 427, l. 24-25 : sed cum reniti nemo auderet, ilico tonsum electum sibi fecerunt. 155.  Ibid., 52, p. 428, l. 32-33 : Et licet multi clericorum idonei illo in tempore essent, uno tamen uoto placuit omnibus, ut iste eligeretur. 156.  Ibid., 58, p. 432.

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elles-mêmes l’honneur de Tibère, lui firent une réputation si infamante qu’elle arriva même aux oreilles apostoliques. De là, l’arrivée d’envoyés de Rome qui menèrent une fine enquête et qui découvrirent de quelle manière tous les rivaux étaient dévorés de jalousie »157. L’élection de Tibère, loin d’avoir joui du consensus auparavant exprimé par l’auteur, a suscité une opposition dont la forme et les motivations demeurent inconnues, du moins une enquête s’avère-t-elle nécessaire pour cet évêque qui va s’opposer au duc. Les Gesta ne précisent pas les conditions de l’enquête, mais la « réputation infamante » rappelle les griefs moraux évoqués par Grégoire le Grand pour écarter de l’épiscopat certains individus158. L’évêque Jean IV fait aussi l’objet d’une enquête menée par Rome, les circonstances de son élévation expliquant la démarche pontificale. Remplaçant de Tibère imposé par le duc, Jean le Scribe nécessite un examen approfondi avant que le pape ne valide ce candidat. « À son tour, le consul Serge, encouragé par la déclaration que l’évêque Tibère avait faite, envoya des ambassadeurs à Rome pour demander humblement que l’élu Jean soit investi. Mais le seigneur Grégoire, pape de Rome, ajourna cette demande pendant fort longtemps avant d’envoyer une délégation canonique pour enquêter, de peur que Jean ne s’empare furtivement du siège épiscopal. Mais une fois qu’il fut satisfait par le serment des clercs et des laïcs, et même du duc, jurant que Jean n’avait pas usurpé le siège de sa propre volonté, qu’il n’avait pas agi contre Tibère mais dans son intérêt et que, comme celui-ci l’avait lui-même déclaré devant tous, il l’avait entouré de multiples sollicitudes pendant sa déchéance, il conféra aussitôt à l’accusé les insignes épiscopaux »159. L’enquête constitue l’aboutissement d’une lutte entre Rome et Naples pour le siège épiscopal. Le pape Grégoire  IV (828-844) n’a sans doute pas accepté l’usurpateur imposé par le duc de Naples alors que Tibère était emprisonné. L’enquête dure le temps des tractations avec Rome pour que le pape confirme Jean le Scribe, certainement connu de Rome avant la mort de Tibère. Comme on l’a noté160, l’élection d’un évêque à Naples, au haut Moyen Âge, traduit le choix du pouvoir ducal, mais, par son droit de confirmation, le pape maintient la consécration à Rome.

157.  Ibid., 52, p. 428, l. 35-38 : nonnulli, qui sibi ipsum appetebant honorem, adeo illudendo eum infa­ marunt, ut etiam apostolicas peruenisset ad aures. Unde factum est, ut missi Romani uenientes suptilique examinatione inuestigantes, reperirent istiusmodi emulatores totos inuidia possideri. 158.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, X, 19 – juillet 600. 159.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 59, p. 432, l. 17-24 : Sergius item consul, anima­ tus ex professione, quam Tiberius episcopus fecit, apocrisarios suos Romam destinans, obnixius Iohannem electum inthronizari postulauit. Sed domnus Gregorius papa Romuleus tam diu huiusmodi petitionem distulit, quoadusque missa legatione canonice inuestigaret, ne pontificalem subriperet sedem. At ubi cleri­ corum et laicorum simulque iipsius ducis iurisiurandi satisfactionem accepit, quod nec sedem uoluntarie inuasisset, nec aliquid contra Tiberium, sed pro Tiberio egisset, et, ut ipse confessus est coram omnibus, multa ei bona periclitanti impedere studuisset, ilico accersitum pontificali infula decorauit. 160.  Voir p. 96 et suivantes.

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Chaque notice des Gesta évoque ce voyage à Rome imposé aux postulants à un évêché d’Italie suburbicaire, selon un usage établi depuis l’Antiquité. Jean Diacre ne détaille pas cette pratique, courante et connue. De toute évidence, la consécration ne se déroule pas toujours à Rome comme le montre le cas d’Athanase II, consacré à Capoue par le pape Jean VIII en 876161. Les autres sources de la région n’offrent pas, au haut Moyen Âge, d’information supplémentaire sur l’élection ou la consécration des évêques. C’est aussi le cas après la promotion des sièges de Naples, Sorrente et Amalfi au statut d’archevêché. On ignore la désignation des archevêques, le détail de leur élection, les rapports avec leurs suffragants.

La discipline des clercs En revanche, les questions disciplinaires du clergé constituent un domaine bien documenté pour les duchés tyrrhéniens, à la fin de l’Antiquité et pendant le haut Moyen Âge. La correspondance de Grégoire le Grand accorde une attention particulière aux questions de discipline, surtout pour les évêchés suffragants de Rome. Dans une lettre au clergé de Capoue, en 594, le pape exprime des considérations générales : « Il est nécessaire d’obéir à ses exhortations régulières [celles du visiteur Gaudentius], afin que vous persévériez avec une application vigilante dans le service de l’Église et dans les louanges de Dieu, et que vos mœurs soient réglées sur la digne discipline du pouvoir ecclésiastique »162. La discipline relevant des compétences de l’évêque, nombre de lettres adressées aux prélats campaniens font allusion au respect des règles disciplinaires, comme l’incardination des clercs à leur Église d’origine. Depuis le concile de Chalcédoine, en 451, jusqu’aux aménagements décidés par les troisième et quatrième conciles du Latran, en 1179 et 1215, les ordinations « absolues » ou « sans lien », c’est-à-dire sans église propre, sont interdites et jugées sans valeur163. Ce principe reste

161.  Ibid., 66, p. 436, l. 4-8 : Consecratus est autem in ecclesia beati Nazarii martyris, sita in loco qui dicitur Canzia, territorio Capuano, a Iohanne octabo pape, qui eo tempore illuc aduenerat, ut Sergius consul et dux, germanus praedicti praesulis, foedus dirrumperet cum Agarenis, qui tunc Neapoli habita­ bant et Romanam prouinciam penitus dissipabant. La notice met en exergue les rapports entre pouvoir ducal et pouvoir pontifical, le sous-diacre Pierre et ses contemporains mesurant l’enjeu politique de cette consécration. 162.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, V, 14 – novembre 594 : Cuius uos adsiduis adhortationibus conuenit oboedire, quatenus in ecclesiastico obsequio atque in Dei laudibus uigilanti debeatis cura persistere moresque uestros sub digna ecclesiastici regiminis disciplina componere. 163. Canon 6 du concile de Chalcédoine, éd. et trad. Joannou, Discipline générale antique, vol. I/1, p. 74-75. La prohibition de l’ordination absolue est réitérée par les conciles et les canonistes. Voir Fuchs, Der Ordinationstitel, p. 124-125 et 259-260 à propos de son interdiction ancienne et de

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valide dans le cas où un clerc reçoit les ordres sacrés dans un autre diocèse, ainsi que le révèle l’exemple de clercs de l’Église de Formies incardinés en Sicile164. Mais le principe de résidence du clergé est malmené par l’invasion lombarde. Gratianus, diacre de Venafro, n’a plus ni Église ni évêque165. L’excardination d’un clerc nécessite, en théorie, sa « cession » par son évêque d’origine et son accueil par l’évêque incardinant166. Si un clerc demeure sans évêque par destruction ou occupation de son Église, comme c’est le cas, le droit de cession est dévolu, en tant que métropolitain, au pape167, qui transfère le diacre Gratianus à l’évêque Fortunatus de Naples. La situation favorise les exceptions à l’obligation de résidence et un assouplissement de la discipline : le clergé de Capoue, réfugié à Naples, doit ainsi obéir à un visiteur pontifical168. D’autres manquements sont évoqués comme la paternité d’un diacre de Naples ou la pratique de l’usure169. Ici, les entorses à la discipline des clercs posent problème pour leur éventuelle élévation épiscopale. Les préoccupations de Grégoire le Grand concernent surtout ses suffragants, car il laisse les questions de discipline des autres clercs à la responsabilité des évêques. La correspondance de Grégoire le Grand permet ainsi d’estimer la discipline des évêques et leurs éventuels manquements, comme l’obligation de résidence170 ou

son renouvellement par Gratien. Cette question a suscité plusieurs études de Vogel, « Vacua ma­ nus impositio », p. 520-521 où est citée la dernière condamnation officielle de l’ordination absolue, en 1198, par le pape Innocent III ; Id., « Chirotonie et Chirothésie », p. 228-231 à propos de l’interdiction de l’ordination absolue au concile de Chalcédoine puis de sa reconnaissance depuis le début du xiiie  siècle ; Id., « Laica communione contentus », p.  103-104 qui réunit des condamnations de l’ordination absolue prononcées entre le viie et le xiie  siècle ; Lécuyer, Le sacrement de l’ordination, p. 180-183 ; Schillebeeckx, Le Ministère dans l’Église, p. 61-62 et 84-87 ; Id., Plaidoyer pour le peuple de Dieu, p. 174-177. 164.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IV, 42 – août 594. 165.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, VI, 11 – septembre 595. 166.  Gregorio Magno, Lettere (IV-VII), trad. Recchia, p. 290-291, n. 2. 167.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, VI, 11 – septembre 595. Voir aussi Damizia, Lineamenti, p. 59-60. 168.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, V, 14 – novembre 594. 169.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 19 – juillet 600 : Nam qua praesumptione ad episcopa­ tum audet accedere, qui adhuc longam corporis sui continentiam filiola teste conuincitur non habere  ? Ambrasi, « Papa Gregorio Magno e Napoli », p. 28, pense qu’il s’agirait du Jean impliqué dans un procès en calomnie à Naples sous Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, XI, 53 – juillet 601. Pour Pierre, simplex et pratiquant l’usure, ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 19 – juillet 600. 170.  Celle-ci ne va pas toujours de soi, comme le rappelle le pape à propos de l’évêque Pimenius d’Amalfi : ibid., éd. Ewald et Hartmann, VI, 23 – janvier 596 : Peruenit ad nos Pimenium Amalfitanae ciuitatis episcopum in ecclesia sua residere non esse contentum sed foris per loca diuersa uagare.

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l’enrichissement personnel171. La lettre adressée par le pape au recteur Anthemius pour admonester Pascasius de Naples  offre à Grégoire le Grand l’occasion de rappeler les qualités attendues du bon évêque, par l’énumération des manquements de l’évêque de Naples. Celui-ci « se révèle si oisif et insouciant en tout qu’on ne reconnaît nullement qu’il est évêque, au point que ni son Église, ni les monastères, les ouailles ou les pauvres malheureux ne ressentent envers eux de marque de sa charité et qu’il n’accorde pas l’assurance de sa protection à ceux qui lui adressent des suppliques dans les cas justifiés ». De plus, l’évêque « ne supporte sous aucun prétexte de recevoir les avis des sages ni les remontrances des conseillers »172. Plusieurs solutions se présentent : une exhortation par le recteur devant le clergé et les priores de la cité ou, en cas de refus de modifier son attitude, la comparution de l’évêque devant le pape173. Malgré la résipiscence de l’évêque Benenatus de Misène, accusé de détournement de fonds, le pape demande à son recteur de faire venir l’évêque, son accusateur et les individus impliqués ou dont le nom figure dans l’acte d’accusation174. Les sanctions encourues relèvent de la discipline pénitentielle175, mais peuvent aboutir à une déposition, comme pour Benenatus de Misène176, ou à la menace de l’envoi au monastère pour Pimenius d’Amalfi177, sans que ces sanctions soient exclusives l’une de l’autre.

Pour la législation civile, voir en particulier Justinien, Novelles, éd. Schoell et Kroll, VI, 2 (535), p. 40, l. 7-15 : Et illud etiam definimus, ut nemo Deo amabilium episcoporum foras a sua ecclesia plus quam annum totum deesse, nisi hoc per imperialem fiat iussionem (tunc enim solum erit inculpabile), sacratissimos patriarchas uniuscuiusque dioceseos compellentes Deo amabiles episcopos suis inhaerere sanctissimis ecclesias et non longo itinere separari neque in peregrinis demorari uelle neque sanctissimas ecclesias neglegere neque annum excedere, quem et ipsum propter misericordiam constituimus. ; ibid., CXXIII, 9 (546), p. 601, l. 19-27 : Interdicimus autem Deo amabilibus episcopis proprias relinquere ecclesiae et ad alias regiones uenire. Si uero necessitas faciendi hoc contigerit, non aliter nisi cum litteris beatissimi eorum patriarchae aut metropolitae aut per imperialem uidelicet iussionem hoc faciant, ita tamen ut nec illis episcopis qui sub beatissimo archiepiscopo Constantinopoleos et patriarcha fuerint liceat citra permissionem eius aut nostrae iussionis ad regiam ciuitatem uenire. 171.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 142, éd.  Norberg, IX, 143 – mai 599. Sur l’évêque d’Atella, voir infra. 172.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIII, 29, éd. Norberg, XIII, 27 – mars 603 : Peruenit ad nos fratrem et coepiscopum nostrum Pascasium ita desidem neglegentemque in cunctis exsistere, ut in nullo, quia est episcopus agnoscatur, adeo ut neque ecclesia ipsius neque monasteria siue filii uel oppressi pauperes eius erga se dilectionis studium sentiant nec aliquam supplicantibus sibi in quibus iustum est opem defensionis accommodet et, quod adhuc dici est grauius, consilia sapientium et recta suadentium nulla patiatur ratione suscipere. 173.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIII, 29, éd.  Norberg, XIII, 27 – mars 603 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIII, 31, éd. Norberg, XIII, 29 – mars 603. 174.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 163, éd. Norberg, IX, 164 – mai-juin 599. 175.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 5, éd. Norberg, II, 3 – septembre 591. 176.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 163, éd. Norberg, IX, 164 – mai-juin 599. Benenatus a d’abord confessé son « crime » et souscrit à sa déposition.

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Tournées vers la glorification des évêques de Naples, les Gesta ne permettent pas de connaître les errements de prélats rendus exemplaires. Quand l’évêque Tibère, à l’heure de sa mort fin mars 839, implore « le pardon pour ses crimes », il démontre sa sainteté durant son emprisonnement, mais n’avoue aucune faute, car Jean Diacre passe sous silence les raisons de son incarcération178. Au mieux sait-on que les prescriptions d’âge pour les ordres majeurs ne semblent guère appliquées à Naples, comme l’illustre le passage accéléré du laïcat à l’épiscopat de Paul III ou la rapide élévation au diaconat d’Athanase Ier. Les actes notariés ne constituent pas davantage une source privilégiée pour les questions de discipline du clergé, mais permettent d’en noter certains aspects. Un grave manquement à la discipline est attesté, en avril 1054, par un document rédigé à l’initiative de l’évêque Léon IV de Gaète, de son frère le sénateur Docibilis et de leur mère, la duchesse et sénatrice Theodora, épouse du défunt duc Léon II (1015-1024)179. Le contrat fixe un dédommagement de 20 livres d’argent que l’évêque, son frère et sa mère déclarent donner à Laidolfus, pour avoir refusé le siège épiscopal de Gaète180. Bien qu’il ne soit pas condamné par l’Église avant la réforme grégorienne, c’est un cas implicite de simonie, puisque les membres de l’ancienne famille ducale gratifient un aristocrate (fils de Gregorius, magnificus, Laidolfus est petit-fils de Docibilis II) d’une grosse somme pour prix de sa renonciation à l’épiscopat. Cette information éclaire les conditions de déroulement des élections épiscopales aux xe-xie  siècles et montre leur contrôle par les grandes familles aristocratiques. Les actes de la pratique soulèvent d’autres questions de discipline à travers les contrats de desservant d’églises privées. De manière récurrente, leurs propriétaires rappellent certaines obligations disciplinaires, préoccupations qu’ils partagent avec l’Église en Italie méridionale. Un contrat, établi en 964 entre l’higoumène du monas­ tère des Saints-Serge-et-Bacchus et le desservant de l’église Saint-Sévère à Naples, propriété du monastère181, énumère les obligations du desservant, parmi lesquelles le devoir de résidence, le service liturgique, la gestion du bâtiment, la conservation des biens de l’église182. Le dessein des propriétaires n’est pas de veiller au strict respect des

Ibid., éd. Ewald et Hartmann, VI, 23 – janvier 596. Gesta episcoporum Neapolitanorum., éd. Waitz, 58, p. 432. CDC, vol. II, 197 – 1054. Ibid. : Idest pro biginti libre de argento bonum curbu affinatum quod uos dedistis nobis ad lauo­ ris et nos ipse reddidimus et pargiabimus ad domno Laidolfo filio domini Gregorii magnifici bone memorie pro ipsum episcopatum de ciuitate Gajete quod eidem episcopatum dicto domno Laidolfo refutabit. 181.  RNAM, vol. I/2, 106 – 964. 182.  Ibid. : Ita et tu in eadem ecclesia nostra superauitare et residere debeas ha nunc et omnibus diebus uite tue et omnem officium sacerdotalem ibidem kanere debeas hoc est besperos et matutinos seu missarum sollemnia et horis laudibus et luminarorium concinnationem ibi exibere debeas ut apud Deum omnipo­ 177.  178.  179.  180. 

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canons disciplinaires par leurs desservants, mais le rappel fréquent des obligations dans les contrats laisse deviner les principaux manquements à cette discipline : la désertion, le vagabondage, l’irrégularité des célébrations liturgiques, le manque d’entretien de l’église, le détournement de ses biens. Un document de 906, le testament de l’hypatus de Gaète Docibilis Ier, pose une condition supplémentaire : le prêtre, placé à la tête de l’église Saint-Ange, doit être célibataire et chaste183. Le célibat et la continence des clercs constituent un problème religieux et social que les actes éclairent mieux que tout autre.

La question du célibat Le célibat ecclésiastique en Occident, durant la fin de l’Antiquité et le haut Moyen Âge, a suscité une ample bibliographie184. Les sources de Campanie permettent d’étudier ce problème dans une perspective régionale. La législation canonique, du ive  siècle au concile Quinisexte (691), interdit le mariage d’une personne ordonnée. Le concile Quinisexte développe la notion de « pureté rituelle » et interdit aux clercs (prêtres, diacres, sous-diacres) de se marier après leur ordination ; seuls les lecteurs et les chantres y sont autorisés. Toutefois le canon  13 rejette l’usage romain de séparation des clercs avec leur épouse. Pour lutter contre le concubinage, le canon 5 réitère le canon 3 de Nicée, insistant sur le fait qu’aucun clerc ne peut cohabiter avec une femme, hormis les personnes au-dessus de tout soupçon (parente, femme âgée)185. La législation impériale reprend les canons de l’Église en les assortissant de peines, en particulier l’interdiction pour les enfants, assimilés aux enfants nés de mariages consanguins, d’hériter186. La novelle CXXIII de Justinien, en 546, reprend les points

tentem tibi mercis adcrescat et apud hominibus laus etiam quodcumque ipsa ecclesia nostra uel ipsis auita­ tionibus eius ad conciandum habueris tu illud conciare debeas ad omni tuo expendio. 183.  CDC, vol. I, 19 – 906 : et habeat parte cum Iuda qui ibidem in suprascripta aecclesia presbyter ordinauerit qui femina habueri ; nisi castum. 184.  Parmi les travaux modernes, citons Gryson, Les origines du célibat ; Stickler, « L’évolution de la discipline du célibat », p. 373-442 ; Rossetti, « Il matrimonio del clero », p. 473-554 ; Di Berardino et Grossi, La Chiesa antica, p. 111-117 ; di Carpegna Falconieri, « Il matrimonio e il concubinato », p. 943-971 ; Thoreau-Girault, « L’usage napolitain du célibat ecclésiastique », p. 653-660. 185.  Les mesures canoniques se multiplient dès le ive siècle. Le canon 27 du pseudo-concile d’Elvire, vers 300, interdit à l’évêque d’habiter avec une femme, sinon sa mère, sa sœur ou sa tante. Le canon  19 du concile d’Ancyre, en 314, rappelle que l’évêque ne doit avoir aucune femme auprès de lui, hormis de proches parentes. Nous avons vu que le canon 2 du concile de Nicée, en 325, exclut les femmes de l’entourage des clercs, sauf les parentes et les personnes « non suspectes ». 186.  CJ, éd. Krueger, I, 3, 44 (45), 3 (530).

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de discipline développés par les lois précédentes : les évêques ne doivent avoir ni femme, ni enfants légitimes ou naturels (chapitre  1) ; les clercs peuvent en revanche avoir une épouse et des enfants légitimes (chapitre  12) ; les diacres doivent prêter serment de chasteté, mais l’évêque peut les autoriser à se marier ; les prêtres, diacres et sousdiacres mariés après leur ordination sont déposés ; un lecteur marié deux fois est exclu (chapitre 14). Les chapitres 29 et 30 traitent des cohabitations suspectes. La correspondance de Grégoire le Grand fournit le cas d’un clerc napolitain qui a répudié son épouse sous prétexte de statut servile187. À cette époque, le fait que l’épouse d’un homme devenu clerc soit esclave justifie le divorce188. Mais la femme répudiée peut faire appel de cette décision auprès du tribunal épiscopal, voire du pape. Après constat du statut libre de la femme, Grégoire le Grand exige du clerc qu’il reprenne son épouse. Le fait que le pape impose le mariage à un ecclésiastique étonne à une époque où Rome veut uniformiser la discipline des Églises sous sa dépendance. Mais le pape fait preuve de souplesse. Il confirme ainsi le mariage contracté par des sous-diacres siciliens avant le décret de Pélage II sur la continence des sous-diacres189. En revanche, Grégoire le Grand élargit l’interdiction de cohabiter aux cas non prévus par les canons190.

187.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, VII, 1 – octobre 596. 188.  Si la législation pontificale, qu’elle émane de Pélage Ier, Epituslae, 64, éd. Gassó et Batlle,

p. 168-170 – mars-avril 559 ou bien de Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 42 – mai 591 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 192, éd. Norberg, IX, 193 – juillet 599 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 200, éd. Norberg, IX, 201 – juillet 599, réaffirme l’indissolubilité des unions matrimoniales entre esclaves, elle les conditionne à l’appartenance des époux à un même domaine, à l’accord de leur maître et au versement d’une taxe à ce dernier. Si, dans le cas du clerc napolitain, la dissolution d’un mariage contracté avec une esclave semble légitime et immédiate aux yeux de Grégoire le Grand, elle résulte non pas du statut ecclésiastique de l’époux, mais de la condition servile de la femme mariée. Le statut servile la priverait, selon les sources canoniques et ecclésiastiques contemporaines de cette affaire sans parallèle dans la correspondance pontificale, de la condition d’épouse légitime, à moins de bénéficier au préalable d’une manumission et d’accéder ainsi à la liberté personnelle. Sur cette lettre de Grégoire le Grand, nous résumons ici le commentaire érudit de Mañaricua, El Matrimonio de los esclavos, p. 235-237 ; à compléter par Verlinden, « Le “mariage” des esclaves », p. 570-578 qui montre comment en Italie, sous l’influence grandissante de l’Église, la législation barbare, d’origine ostrogothique puis lombarde, élève progressivement l’union des esclaves du statut de concubinage sans valeur légale (le contubernium) à celui d’union légitime protégée par Dieu, malgré la persistance du contubernium jusqu’au xe siècle, comme le révèlent les structures familiales des esclaves de l’abbaye de Farfa d’après Feller, Les Abruzzes médiévales, p. 526-528 ; voir également Serfass, « Slavery and pope Gregory the Great », p. 77-103, en particulier p. 89-92. 189.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 42 – mai 591 (au recteur de Sicile) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IV, 5 – septembre 593 (à l’évêque de Reggio Calabria). 190.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 110, éd.  Norberg, IX, 111 – février 599 (plusieurs recteurs du patrimoine) ; ibid éd. Ewald et Hartmann, IX, 218, éd. Norberg, IX, 219 – juillet 599 (évêques de Gaule).

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À Naples, il s’agit d’un clerc mineur. Dans l’absolu, le pape préfère confier les offices ecclésiastiques majeurs à des célibataires, qui ne seront dès lors pas tentés par l’auaritia ou la cupiditas pour assurer l’avenir de leur progéniture191. Sans parler des conciles généraux et des synodes provinciaux192, le problème du cé­li­bat clérical s’est posé à nombre des prédécesseurs de Grégoire le Grand sur le trône romain, comme Sirice (384-399)193, Innocent  Ier (402-417)194, Léon le Grand (440-461)195, Gélase (492-496)196 et Pélage  Ier (556-561)197. Les prises de position du

191.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, VII, 1 – octobre 596. Voir le commentaire de Gregorio Magno, Lettere (IV-VII), trad. Recchia, p. 401, n. 2. 192.  Ce problème est déjà abordé par le canon  33 du pseudo-concile d’Elvire réuni vers 300. Voir le texte dans Mansi, vol. II, col. 11 C : Placuit in totum prohiberi episcopis, presbyteris et diaconibus uel omnibus clericis positis in ministerio, abstinere se a coniugibus suis, et non generare filios : quicumque uero fecerit, ab honore clericatus exterminetur. 193. Décrétale à Himerius de Tarragone (385), dans Sirice, Epistolae et decreta, PL, 13, col. 1139 A : Unde et Dominus Iesus cum nos suo illustrasset aduentu, in Euangelio protestatur, quia Legem uenerit implere, non soluere. Et ideo Ecclesiae, cuius sponsus est, formam castitatis uoluit splendore radiare, ut in die iudicii, cum rursus aduenerit, sine macula et sine ruga eam possit, sicut per Apostolum suum instituit, reperire. Quarum sanctionum omnes sacerdotes atque leuitae insolubili lege constringimur, ut a die ordinationis nostrae, sobrietati ac pudicitiae et corda nostra mancipemus et corpora, dummodo per omnia Deo nostro in his, quae quotidie offerimus, sacrificiis placeamus. 194.  Innocent Ier, Epistulae, 37, 4 (entre 401 et 417), PL, 20, col. 604 B-C : Laici uero, qui habentes uxores baptizati sunt, ac sic se instituerunt, ut opinio eorum in nullo uacillet, ut aut clericis iuncti sunt, aut monasteriis, ex quo baptiztati, haeserint, et si non concubam, non pellicem nouerint, si in omnibus bonis operibus uigilauerint, non prohibentur huiusmodi ad clericatus sortem assumi ; ibid., 38 – entre 401 et 417, col. 605 B-C : Maximilianus filius noster agens in rebus cuiusmodi querelam detulerit, libelli eius series annexa declarat. Qui zelo fidei ac disciplinae ductus, non patitur Ecclesiam pollui ab indignis presbyteris, quos in presbyterio filios asserit procreasse. Quod non licere exponerem, nisi nossem uestram prudentiam legis totius habere noticiam. Et ideo, fratres charissimi, libelli, qui subiectus est, tenore perspecto, eos qui talia perpetrasse dicuntur, iubebitis in medio collocari ; discussisque obiectionibus, quae ipsis presbyteris impinguntur, si conuinci potuerint, a sacerdotali remoueantur officio : quia qui sancti non sunt, sancta tentare non possunt ; atque alieni efficiantur a ministerio, quod uiuendo illicite polluerunt. Miramur autem haec eorum dissimulare episcopos, ut conniuere, aut nescire esse illicita iudicentur. 195.  Léon le Grand, Epistulae, 14, 2 (en 445 ou 446), PL, 44, col.  672  B : Nam cum extra clericorum ordinem constitutis nuptiarum societati et procreationi filiorum studere sit liberum ad exhibendam tamen perfectae continentiae puritatem, nec subdiaconis quidem connubium carnale conceditur, ut et qui habent, sint tamquam non habentes et qui non habent permaneant singulares. 196.  Gélase Ier, Epistulae, 14, 22 (mars 494), éd. Thiel, p. 375 : Secundas nuptias sicut saecularibus inire conceditur, ita post eas nullus ad clericale sinitur uenire collegium. Alia est enim humanae fragilitati generaliter concessa licentia, alia debet esse uita diuinarum rerum seruitio dedicata. 197.  Plus pragmatique, car permettant un certain relâchement devant la carence de bons candidats au diaconat, la lettre adressée à l’évêque Eucarpus de Messine par Pélage  Ier, Epistulae, 14 (septembre-décembre 558), éd. Gassó et Batlle, p. 54 : Mox ergo dilectio tua ad supradictam

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pape Grégoire le Grand contredisent l’usage de l’Église orientale, car en Occident la tradition et Rome continuent de défendre, après leur ordination, la continence absolue des clercs majeurs, mariés ou non198. Des collections canoniques, comme la collectio Dionysiana envoyée par le pape Hadrien Ier à Charlemagne, en 774, renouvellent cette obligation en se fondant sur les canons et les décrétales199. Les Pénitentiels romains insistent également sur l’interdiction de se marier et la continence impérative200. La défense, pour les clercs, de cohabiter avec des femmes qui ne sont pas de proches parentes est sans cesse rappelée au ixe siècle201. Enfin, papes et évêques, lors de conciles régionaux ou de synodes diocésains, insistent sur le principe de continence absolue après l’ordination. Si la discipline tolère le mariage et sa consommation pour les clercs mineurs, les clercs majeurs sont contraints au célibat202. En Campanie, les canons

Catinensem ecclesiam pergat, et hominem de clero, qui nec uxorem habeat, nec filios, nec crimen aliquod canonibus inimicum, eligi cum auxilio Dei compellat atque suadeat, et statim eum ad urbem Romam cum decreto et testificatione relationis tuae transmitte. Fraternitatis tuae relatione suscepta, eius latorem secundas quidem nuptias expertum non fuisse didicimus, castitatem tamen eum priori non seruasse coniugio designasti. Et quamuis multa sint quae in huiusmodi casibus obseruari canonicae iubeat subtilitatis auc­ toritas, tamen quia defectus temporum nostrorum, quibus non solum merita, sed corpora ipsa hominum defecerunt, districtionis illius non patitur in omnibus manere censuram, et aetas istius, de quo agitur, futurae incontinentiae suspicionem auferre dignoscitur, ut diaconatus possit ordinem prouehi, temporum condescen­ tes, ut dictum est, defectui, concessisse nos noueris. En raison d’une homonymie, cette lettre est attribuée par erreur, dans la patrologie latine de l’abbé Migne, au pape Pélage II (PL, 72, col. 747 C-748 A). 198.  Gryson, Les origines, p. 161. Il est à noter que le Libellus responsionum, envoyé à Augustin de Cantorbéry et attribué à Grégoire le Grand (édition et traduction dans le volume 371 des Sources chrétiennes, p. 490-520), évoque dans sa neuvième et dernière réponse à Augustin le principe de célibat et de continence des clercs dans le cas des prêtres (ibid., p. 516-520), ce qui ne suppose pas que le pape limite aux seuls titulaires du sacerdoce cette obligation morale. 199. La collectio Hadriana, appelée aussi collectio Dionysio-Hadriana, rassemble des canons et des décrétales. La version de cette collection établie par le canoniste huguenot Christophe Justel, publiée à Paris en 1628 puis de nouveau en 1643, est réimprimée dans PL, 67, col. 135-230. La partie conciliaire réunit un peu plus de 300  canons et décrets issus des canons apostoliques (un texte apocryphe) et des canons de conciles disposés selon l’ordre suivant : Nicée I (325), Ancyre (314), Néocésarée (entre 314 et 319), Gangres (vers 340), Antioche (341), Laodicée (entre 341 et 381), Constantinople I (381), Chalcédoine (451), Sardique (343) et Carthage (419). Elle a été établie vers 500 par le moine Denys le Petit et, remaniée vers 520 par le même auteur, assortie à cette occasion d’une collection de décrétales de huit papes des ive-ve siècles, de Sirice (384-399) à Anastase II (496-498), voir PL, 67, col. 230-316. En raison de leur intérêt disciplinaire, commun aux canons et aux décrétales, ces deux recueils ont été réunis à Rome, au viiie  siècle, pour former la collectio Dionysio-Hadriana. Voir la présentation de l’œuvre juridique de Denys le Petit par Gaudemet, Les sources du droit, p. 130-137. 200.  Schmitz, Die Bussbücher, p. 227-342. 201.  Stickler, L’évolution, p. 384-386. 202.  Ibid., p. 394.

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d’un synode napolitain de la fin du ixe  siècle détaillent les attentes disciplinaires de l’Église203. Les rappels sont classiques : interdiction d’intervenir dans les affaires séculières et obligation de chasteté. Les actes de la pratique offrent, sur le célibat ecclésiastique dans les duchés tyrrhéniens, une image différente de celle exposée par les canons synodaux. Entre le ixe et le xiie  siècle, on recense environ cinquante cas de particuliers possédant une ascendance ecclésiastique. La plupart se contentent d’indiquer le statut clérical de leur père. Par exemple, à Gaète en 1038, Pierre se dit fils d’Étienne, prêtre bone memorie204. Les enfants de clercs majeurs indiquent la fonction de leur père alors que les enfants de clercs mineurs ne la précisent presque jamais205. Ces mentions indiquent-elles une transgression des interdits canoniques ? Rien ne prouve que le père des contractants ait été ordonné avant sa paternité et la prohibition du mariage ne concerne pas les clercs mineurs. Ces clercs se sont peut-être élevés dans la hiérarchie avant que leurs enfants n’atteignent l’âge de souscrire un acte. Cela expliquerait la rareté des enfants de clercs mineurs et la présence d’enfants de clercs majeurs. Enfin, une entrée tardive dans le clergé est possible et les prescriptions d’âge pour recevoir les ordres ne semblent pas appliquées avec rigueur à Naples. Dans tous les cas, la paternité n’y empêche pas la promotion d’un clerc aux ordres majeurs. Un témoignage corrobore, au plus haut niveau, ce constat. En 971, une vente mentionne la défunte Eupraxia, fille de l’évêque Athanase206. Il s’agit de l’évêque Athanase III (911-960), membre de la famille ducale de Naples207. Cette situation contrevient à la législation civile puisque la novelle VI de Justinien prohibe l’élection d’un évêque doté d’une descendance208.

203.  Martin, « Le rôle de l’Église de Naples », p. 39-64. 204.  CDC, vol. I, 169 – 1038 : uobis uidelicet Petrus et Miranda ambo iugalibus et filius domni

Stefanus presbyter bone memorie, habitatoribus de suprascripte ciuitatis. 205. Deux mentions de filles d’un sous-diacre à Naples dans RNAM, vol. IV, 345 – 1030 : Heupraxia filia quondam Cesarii subdiaconi ; RNAM, vol. VI, 567 – 1117 : [Marocta] filia quondam domini Iohannis subdiaconi qui nominatur De…omagi. Une mention à Gaète dans CDC, vol. I, 48 – 945 : uobiscum Gregorio uiro honesto filio quondam Mauri clerici. 206.  RNAM, vol. I/2, 145 – 971 : quondam domina Eupraxia honesta femina filia domini Athanasii episcopis. 207. Selon Bertolini, « Atanasio [II] », p. 518-519, Athanase III serait attesté entre 907 et 956, mais ces dates n’ont pas été retenues par Cilento, « La Chiesa di Napoli », p. 722. De sa chronologie dépendent pour cette période les fastes épiscopaux. 208.  Justinien, Novelles, éd.  Schoell et Kroll, VI, 1, 3-4 et 7 (535), p. 36, l. 36-p.  37, l. 6 et p. 37, l. 11-14 : 3. Et neque uxori aliae copulatus, sed aut in uirginitate degens a principio aut uxorem quidem habens, ex uirginitate autem ad eum uenientem, et non uiduam neque seiunctam uiro neque concubinam. 4. Neque filios aut nepotes habens neque cognitos legi neque illi odibiles ; alioquin qui praeter

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Si les fils ou filles de prêtres sont issus de l’union d’un clerc, la mère est omise. Les actes napolitains apportent néanmoins des précisions. Le mariage des clercs mineurs est attesté : Eupraxia se dit fille du sous-diacre Caesarius et de sa femme Maria209, Marocta est fille du sous-diacre Jean et de son épouse Gemma210. D’autres documents indiquent la situation matrimoniale de prêtres. En 952, Sergius se déclare fils du prêtre Léon et Rodelgrima, iugalium personarum211. Cette mention se retrouve dans un acte de 1108212 ; la contractante est elle-même mariée à un clerc, sans autre précision213. Deux actes de 1126 mentionnent une certaine Aloara, qui a épousé un clerc en secondes noces, union interdite aux clercs même mineurs214. À Amalfi, une famille apparaît dans un acte de 1092 : le prêtre Sergius, son épouse Blactu, leurs fils Constantin et Ursus, ainsi que leurs autres enfants mineurs215. Certains enfants ont sans doute été conçus après l’ordination sacerdotale de leur père. On trouve deux exemples d’évêques mariés. Le premier est le duc-évêque Étienne II, mais l’auteur des Gesta précise que son épouse est décédée au moment de l’élévation épiscopale216. En outre, Étienne II a une fille, Eupraxia, qui joue un rôle déterminant dans la désignation de son successeur217. L’autre cas est fourni par un acte rédigé en 1013 à Carinola, sous domination lombarde, au sud-est de Gaète. Ce document concerne la vente d’une maison autrefois donnée par l’évêque Étienne de Gaète (972-995), tout à la fois beau-père du vendeur Jean,

haec aliquid agit, et ipse cadet sacerdotio, et qui eum ordinat, foris episcopatum sectabitur, hanc legem offendens. (…) 7. Prius autem aut monachicam uitam professus aut in clero constitutus non minus mensibus sex, uxori tamen non cohaerens, aut filios aut nepotes habens. 209.  RNAM, vol. IV, 345 – 1030 : Heupraxia filia quondam Cesarii subdiaconi et quondam Maria iugalibus. 210.  RNAM, vol. VI, 567 – 1117 : filia quondam domini Iohannis subdiaconi qui nominatur De… omagi et quedam Gemma que uocatur car… dudum iugalium personarum. 211.  RNAM, vol. I/2, 63 – 952 : nos Sergium filium quondam uenerabilis domini Leoni presbiteri et quedam domine Rodelgrime iugalium personarum una cum uoluntate memorate genitrici mee. 212.  RNAM, vol. V, 528 – 1108 : ego uidelicet Fasana filia quondam Sergii presbyteri qui nominatur de Maroccia et quondam Eupraxia iugalium personarum. 213.  Ibid. : ego autem una cum consensu et uoluntate Iohannis clerici qui nominatur Riccio uiri mei. 214.  RNAM, vol. VI, 592-593 – 1126 : me uidelicet hmemorata Haloara relicta memorati quondam Benedicti ego autem una cum consensu et uoluntate quidem domini Leone clerici qui uocatur de Arco posteriori uiro meo. 215.  CP, 86 – 1092 : Certum est nos Sergius presbiter filius quondam Constantini da Butablo et Blactu iugalia filia quondam Iohanni da le Olibe quam et Constantino et Urso germanis qui sumus genitores et filiis qui sumus pro uice nostra quam et pro uice de totis ipsis filiis et germanis nostris et nos quindeniiamus a parte eorum eo quod sunt sine hetate. 216.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 42, p. 425, l. 26-27 : Vxor quoque eius adhuc illo consule ex multis obierat annis. 217.  Ibid., 46, p. 427.

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le fils d’un clerc, et père de la vendeuse Lauthera, fille de sa veuve218. L’élévation au sacerdoce n’entraîne pas la dissolution du mariage et les enfants issus de cette union continuent, après la mort de leurs parents, à indiquer cette union matrimoniale. La mention iugales personae montre seulement, jusqu’au xiie  siècle, que les enfants considèrent leurs parents comme mari et femme légitimes. Le concubinage est également attesté. Des détails sont troublants, comme en 970 à propos du prêtre Léon, desservant l’église du Saint-Adiutor à Patruscanum, sur le territoire de Nola. Avec l’accord de sa servante Maria, il donne un bien au monastère des Saints-Serge-et-Bacchus. Si son fils Pierre décède sans héritier, le reste des biens reviendra au monastère pour le salut de son âme, de son fils et de la mère de l’enfant219. La mention de la servante d’un clerc ne constitue pas forcément la preuve d’une cohabitation condamnée par l’Église220. Mais, en 970, la préoccupation du salut de sa servante et la recherche de son accord ne laissent aucun doute sur les relations du prêtre avec elle221. Ce cas n’est pas isolé. Des laïcs désignent la servante de leur oncle prêtre, comme leur tante, indice que le « couple » est intégré à la structure familiale, la servante placée sur le même plan que le prêtre222. Étienne et Pierre, frères utérins « de la sainte Église de Naples », se présentent comme les fils du prêtre Scictinus et de Maria, « maître et servante »223. L’interdiction canonique est transgressée et le

218.  CDC, vol. I, 127 – 1013 : ideo nos Iohannes uir honestus et Lauthera iugalibus et filius quoddam Domnelli clerici et iudici bone memorie habitatoris de intus ciuitatem Kanilonu (…) una nobiscum adesse et consentientes Stefania socera et genitrice nostra (…). Idest uendibimus uobis a die presentis tota et inclita ipsa domora qualiter domno Stefano episcopo bone memorie, nostro socero et genitores nobis dimisita habuit possita infra suprascripta cibitate Gaietane. 219.  RNAM, vol. I/2, 137 – 970 : Certum est me Leonem presbiterum filium quondam idem Leoni et quondam Galde iugalium personarum custodem bero ecclesie sancti Adiutori de loco qui uocatur Patruschanum, una cum uolumtate Mariae bene serbienti meae. Dans l’acte suivant, RNAM, vol. I/2, 138 – 970, le prêtre est entré au monastère des Saints-Serge-et-Bacchus et remet son patrimoine à son fils : Certum est me Leonem presbiterum et monachum (…). A presenti die promptissima uolumtate dono et trado tibi Petro filio meo. La servante de l’acte précédent est explicitement désignée comme sa mère (quidem Maria genitrici tue). 220.  Par exemple dans RNAM, vol. IV, 312 – 1019 : l’acte est effectué au nom de Maria avec l’accord du sous-diacre Cesarius, dont elle est la servante. Ils habitent au castrum de Pouzzoles (una cum consen­ sum et uoluntate quidem Cesarii subdiaconi cuia seruienti exe uideor abitatoribus de cabstro Putheolano). 221.  Les précautions du prêtre ne sont pas nouvelles, car dans un acte de 950 qui semble le concerner, on parle d’éventuels héritiers : RNAM, vol. I/2, 56. 222.  RNAM, vol. IV, 376 – 1042 : et de uno capite est fundum quidem Stephano presbitero thio uestro qui ad eum pertinuit de quidem Maria thia uestra serbienti sua. On peut aussi supposer qu’une tante des auteurs de l’acte est la servante de son frère. 223.  RNAM, vol. V, 540 – 1112 : Certum est nos Stephano et Petro uterinis germanis sancte Neapolitane ecclesie filiis quidam domini Scictino presbytero qui uocatur Tessitore memorate sancte Neapolitane ecclesie et quedam Maria hoc est domino et serbiente abitatoribus de loco qui nominatur Malitu maiore.

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concubinage officiellement accepté puisque le prêtre mentionne sa servante comme la mère de ses enfants, lui reconnaît une position publique, lui transmet une partie de ses biens. En outre, il n’est pas fait mention de mariage. Les documents napolitains et amalfitains révèlent l’existence de véritables familles sacerdotales au sein desquelles la charge se transmet. À Amalfi, des prêtres souscrivent des actes en indiquant leur filiation « cléricale »224. À Naples, en 1127, le prêtre Bonohommo indique qu’il est fils de prêtre225. Cette mention apparaît plusieurs fois aux xe-xiie siècles à Naples, Gaète et Amalfi. On relève des prêtres fils de prêtres, également un diacre fils de diacre226. L’exercice d’une même fonction n’est pas systématique : en 1020, Jean, sous-diacre et uesterarius du duc de Naples, est fils du prêtre Sergius, plus tard moine227. À l’inverse, en 1092, le prêtre Léon se déclare fils du diacre Léon228. Un document atteste une autre famille de clercs : le prêtre Étienne est fils de Donadeus « de l’Église de Naples », de même son neveu229. Plusieurs actes indiquent qu’une église est desservie par une dynastie sacerdotale conservant la charge de père en fils. En 1072, le clerc Gregorius, fils du défunt Jean, prêtre et primicier, s’engage devant Étienne, higoumène des Saints-Serge-et-Bacchus, pour l’église Saint-Sévère, à Naples. Comme son père, il en est le desservant230. En 1088,

224.  CP, 108 – 1121-1122 : † Iohannes prebister filius domini Ursi presbiteri et primicerii testis est ; † Martinus presbiter et primicerius filius domini Tauri presbiter et primicerii testis est. 225.  RNAM, vol. VI, 599 – 1127 : Certum est me Bonohommo presbitero filium quidem domini Sergii presbiteri qui uocatur de Bustandi. 226.  RNAM, vol. V, 545 – 1113 : ego uidelicet Petro qui nominatur de Magi filio quondam Iohannis diaconi qui iterum de Magi uocabat. Pierre indique qu’il est lui-même diacre : et ego memorato Petro diacono qui nominatur de Magii ; également dans RNAM, V, 446 – 1072, mention d’un diacre fils de clerc : Certum est me Sergium diaconum filium quidem Petri clerici. 227.  RNAM, vol. IV, 316 uice 317 – 1020 : tibi Iohanni subdiacono bestararius gloriose potestatis do­ mini Sergii in Dei nomine eminentissimus consuli et duci, filium quondam Sergii uenerabilis presbyteri qui nominatur Sardella postmodum uero monachi. 228.  RNAM, vol. V, 458 – 1092 : Visus itaque fuit Leone diaconus genitor meus uidelicet Leone presbytero. 229.  RNAM, vol. IV, 299 – 1016 : Certum est nos Stephanum presbyterum sancte Neapolitane ecclesie filium quodam Donadei ipsius sancte Neapolitane ecclesie ego autem pro uice mea et pro uice quidem Leoni nepoti mei qui nominatur Catontium ipsius sancte Neapolitane ecclesie filium quondam Petri exadelfi mei. Sans attester un statut clérical, la mention sancte Neapolitane ecclesie pourrait aussi laisser penser que les trois hommes sont des dépendants de l’Église de Naples, mais ils auraient alors employé la formule defisi sanctae Neapolitanae ecclesiae présente dans RNAM, vol. V, 446 – 1072 : cui ego defisus est et memorato Petro clerico uestro defiso est. 230.  RNAM, vol. V, 416 – 1072 : Certum est me Gregorium clericum filium quondam domini Iohannis uenerabilis presbyteri et primicerii qui nominatur Spadaro qui fuit custus ecclesie sancti Seberi. Nous avons ici aussi une véritable famille cléricale puisque le frère de Grégoire, Jean, est sous-diacre : RNAM, vol. V, 414 – 1071.

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le prêtre Étienne, fils de Dometus, administre l’église Saint-Pierre ad Paternum231, et l’acte précise qu’à la mort du père le fils desservira l’église s’il devient clerc ou prêtre232. La transmission familiale du service d’une église semble acceptée pour ces deux églises privées, propriétés du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus233. La situation de Naples, longtemps considérée comme intégrée au commonwealth byzantin, pose la question de l’influence grecque sur ces pratiques napolitaines du mariage et du célibat des clercs. Dans l’Orient byzantin, le mariage des prêtres avant l’ordination demeure la règle et bénéficie d’un statut reconnu234. À Naples, cette tradition grecque se perpétue jusqu’au xie  siècle235. Deux frères, impliqués dans un différend foncier avec le monastère des Saints-Serge-et-Bacchus, se déclarent clerc et sous-diacre grecs ainsi que fils d’un prêtre grec236. Si ces individus se désignent comme « grecs », les autres ecclésiastiques mariés ou concubinaires ne se considèrent pas ainsi. Le prêtre et ses deux fils sont effectivement grecs, de langue ou d’origine. Les noms des fils, Georges et Nicolas, très rares à Naples, sont d’origine grecque. Mieux, les deux frères souscrivent en caractères grecs, un choix supposant qu’ils sont hellénisants plutôt qu’hellénophones237. Rien n’indique toutefois qu’ils observent les règles disciplinaires du clergé oriental. Il est difficile d’extrapoler de ce cas isolé un comportement général traduisant des usages grecs au sein du clergé napolitain. À la lumière des actes de la pratique, les règles sur la continence des clercs sont en­ freintes à Naples, Gaète ou Amalfi, sans que ce manquement ait d’incidences sociales.

231.  RNAM, vol. V, 447 – 1088 : Certum est me Stephanus presbyter filio quondam domini Dometi qui est parammonerium memorate ecclesie. 232.  Ibid. : in qua domino Deo atiubante uos me ibidem custodem ordinastis a nuc et omnibus diebus uite meae, et post meum transitum quidem Iohannes filio meo cuntis diebus uite sue si ipse clericus aut presbyter fuerit. Mêmes renseignements dans RNAM, vol. V, 448 – 1088. 233.  Cette pratique semble même suffisamment répandue pour entraîner sa condamnation en 1139 par le canon  16 du deuxième concile général du Latran. Voir le texte dans les Canons des conciles œcuméniques, éd. Alberigo et alii, vol. II/1, p. 440 : Indubitatum est quoniam honores ecclesiastici sanguinis non sunt sed meriti, et ecclesia Dei non hereditario iure aliquem, neque secundum carnem, successorem exspectat, sed ad sua regimina et officiorum suorum dispensationes, honestas sapientes et religiosas personas exposcit. Suivent les clauses d’interdiction. 234.  Papadakis et Kazhdan, « Celibacy », p. 395-396. 235.  Voir p. 112 et suivantes. 236.  RNAM, vol. V, 465 – 1093 : nos uidelicet Georgio clerico Greco et Nicola subdiacono Greco uterinis germanis filiis quondam domini Iohannis presbyteri Greci. Ces clercs grecs apparaissent à l’époque de l’arrivée à Naples de Grecs originaires de Calabre. 237.  Ibid. (en respectant la graphie et l’accentuation bien surprenantes de l’édition) : † Εγο Γεοργηοσ κληρὴκὸσ σουβσκρηψηθ † Εγὸ Νηκολαόσ σουβδηακονοῦσ σουβσκρηψηθ †. On voit que les deux frères translittèrent le latin en caractères grecs. Les iotacismes renforceraient l’idée de personnes possédant une certaine connaissance de la langue grecque.

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Pour un prêtre campanien, mener une vie matrimoniale et familiale, légitime ou illégitime, ne suscite nul opprobre et n’entraîne aucune sanction. Le nicolaïsme peut même constituer une stratégie familiale pour conserver une dignité ecclésiastique et des privilèges sur plusieurs générations. Le concubinage semble néanmoins montrer que le vrai mariage n’est pas bien admis. La non-observance du célibat des prêtres, loin de constituer un emprunt à la tradition grecque, trahit un archaïsme ecclésias­tique et montre, en ce domaine, que la réforme grégorienne ne touche pas à Naples avant le xiie siècle238.

La justice des clercs La justice épiscopale en Campanie, à la fin de l’Antiquité239, reste soumise aux difficultés pour les évêques d’établir un for ecclésiastique indépendant de la justice civile. Il ne s’agit pas de revenir sur les affaires judiciaires connues par la correspon­ dance de Grégoire le Grand, mais de voir comment s’exerce la justice ecclésiastique sur les clercs, mineurs et majeurs. En principe, les évêques échappent à la justice civile, comme le pape le rappelle lors de la déposition de l’évêque de Naples Demetrius, intervenue entre décembre 590 et septembre 591. Le pape souligne que ce « pasteur indigne et docteur pervers » aurait subi la mort s’il n’avait été prélat240. La théorie, exposée par Grégoire le Grand, prévoit que les clercs sont justiciables du seul tribunal de leur évêque. Pragmatique, le pape reconnaît l’utilité de recourir à des procédures d’arbitrage pour des laïcs ; il incite l’évêque Fortunatus de Naples à empêcher des clercs ou des religieux de son diocèse de se présenter devant un tribunal autre que le sien241. Les ressorts de la justice des clercs sont mis en lumière dans le cas

238.  La condamnation des prêtres mariés ou concubinaires, exclus de la célébration eucharistique et de tout ministère ecclésiastique, est réitérée par les synodes romains du Latran en 1074 et 1075. Voir Cowdrey, Pope Gregory VII, p. 550-553 ; Id., « Pope Gregory VII and the chastity », p. 273-275, réimpr. Id., Popes and Church reform, III. Le canon 6 du deuxième concile général du Latran, en 1139, déchoit de la cléricature les sous-diacres et les clercs majeurs coupables de vivre dans le mariage ou le concubinage. Voir les Canons des conciles œcuméniques, éd.  Alberigo et alii, vol. II/1, p. 434 : Decernimus etiam ut ii, qui in ordine subdiaconatus et supra uxores duxerint aut concubinas habuerint, officio atque ecclesiastico beneficio careant. Cum enim ipsi templum Dei, uasa Domini, sacrarium Spiritus sancti debeant esse et dici, indignum est eos cubilibus et immunditiis deseruire. 239.  Voir p. 48 et suivantes. 240.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, II, 5, éd. Norberg, II, 3 – septembre 591 : Demetrius siquidem, qui nec ante episcopus dici meruerat, tantis ac talibus negotiis inuentus est inuolutus, ut si secundum suorum qualitatem facinorum iudicium sine misericordia suscepisset, diuinis mundanisque legibus durissima proculdubio fuerat morte plectendus. 241.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, VI, 11 – septembre 595 : Quia uero peruenit ad nos clericos aliasque ciuitatis ac parochiae tuae religiosas personas, ab aliis conueniri, fieri hoc de cetero prohibemus et

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de Pierre, accusé « d’incitation au crime » par des enfants ou des esclaves (pueri)242. Ce clerc de Naples fait appel au pape, proclamant son innocence et dénonçant sa privation du for ecclésiastique243. Il n’a été ni interrogé ni jugé par le tribunal épiscopal, alors que les accusateurs ont subi un rapide interrogatoire244. L’évêque semble avoir rendu une justice expéditive. Le pape accorde au clerc un « examen apostolique », c’est-à-dire une enquête conjointe du recteur du patrimoine de Campanie et de l’évêque de Naples, avec le concours éventuel de Maurentius, magister militum de la cité. Ici interviennent plusieurs niveaux de compétence judiciaire, ecclésiastique, mais aussi civile. Si le clerc est coupable, il doit subir les « peines canoniques », s’il est innocent, il doit recevoir une absolution et ester en justice avec l’évêque. Les sanctions encourues sont évoquées pour le diacre Jean, victime des calomnies du diacre Hilarus. Grégoire le Grand demande à son recteur d’inciter l’évêque à punir Hilarus, qui doit être déposé, fouetté en public et exilé245. Après le vie  siècle, l’absence d’amples correspondances pontificales rend difficile de suivre, sur le long terme, l’évolution de la justice des clercs en Campanie. Comme les duchés tyrrhéniens offrent l’originalité de conserver, en partie, l’héritage juridique romain, il convient de s’interroger sur la permanence et l’importance de cette tradition face à une justice ecclésiastique supposée plus puissante au Moyen Âge. Les actes de la pratique ne constituent pas les minutes de procès impliquant l’Église ou des clercs, mais se font l’écho de questions judiciaires lors de la rédaction de documents scellant le règlement des affaires. Les témoignages conservés dans la documentation de Gaète sont nombreux et offrent l’intérêt de citer à plusieurs reprises

neque clericum tuum neque monachum uel quamlibet ciuitatis aliam religiosam personam parochiaeque tuae conueniri a quoquam uel ad alterius uolumus iudicium exhiberi. Sed si quis contra huiusmodi personas cuiuslibet negotii mouere uoluerit quaestionem, fraternitatem tuam nouerit adeundam. 242.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 68-69, éd. Norberg, IX, 69-70 – novembre-décembre 598. 243. Grégoire le Grand revendique une compétence juridique universelle lui permettant de recevoir les causes de toute la chrétienté, y compris des domaines ressortissant au patriarcat de Constantinople, et exerce de ce fait un droit d’appel bien attesté par sa correspondance qui s’ancre dans la tradition « pétrinienne » de l’Église de Rome et de son « vicaire » invoquée depuis Léon le Grand : Maccarrone, « La dottrina del primato papale », p. 676-686 et 734-738 ; Arnaldi, « Gregorio Magno e la giustizia », p. 76-84 au sujet d’affaires impliquant des évêques et des abbés (rien n’est dit des simples clercs) ; Giordano, Giustizia e potere, p. 49-50 et 55 ; Ead., Itinerari di gius­ tizia gregoriana, p. 98-105 sur l’affirmation de la primauté pontificale et sa critique durant la réforme protestante. 244.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 68-69, éd.  Norberg, IX, 69-70 – novembre-décembre 598. 245.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 53 – juillet 601 : priuet officio atque uerberibus publice castigatum faciat in exsilio deportari, ut unius poena multorum possit esse correctio.

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les évêques de la cité. Le premier document, de 867, évoque un litige entre l’évêque Ramfus et deux individus, un clerc nommé Maurus et un laïc, le uir honestus Jean246. La querelle naît de la possession de dépendants rachetés aux Sarrasins par les deux hommes qui, à cette occasion, auraient acquis des terres appartenant, selon l’évêque, à l’Église de Gaète. L’affaire a été portée devant le tribunal civil de l’hypatus Docibilis Ier (867-906). L’acte conserve l’arbitrage rendu par ce dernier247. Le document ne détaille pas les ressorts juridiques de l’affaire, mais le différend opposant l’évêque à des particuliers entraîne l’intervention de l’hypatus. Cette démarche contrarie le souhait de Grégoire le Grand qu’un évêque relève d’une instance ecclésiastique. Mais il s’agit ici d’une affaire civile et, en application de la législation impériale, un laïc peut citer un ecclésiastique en justice248. Toutefois l’évêque possède une compétence juridique sur les biens de son Église, comme c’est le cas ici et, par conséquent, sur les laïcs qui en dépendent249. Le rôle joué par les souverains de Gaète dans le contrôle,

246.  CDC, vol. I, 13 – 867. 247. Ibid. : unde inter nos magna altercatio fuit deinde uenimus in presentia domni Docibili

magnifico et prefecturio ante eius presentia uenimus inde in bonam conuenientiam. 248.  Justinien, Novelles, éd.  Schoell et Kroll, LXXXVI, 1 (539), p. 419, l. 27-p.  420, l. 3 : Propterea igitur et in praesenti perspeximus praesens edictum ad omnes dirigere subiectos et palam facere omnium ciuitatum et uicorum habitatoribus, quatenus si quis habuerit contentionem aduersus alium siue de pecuniaria causa siue de sublatione rerum mobilium et immobilium seseque mouentium siue de criminalibus, prius interpellet clarissimum prouinciae iudicem, ut et ipse secundum nostras leges exami­ net ea quae proponuntur et unicuique iustitiam seruet. (…) ; ibid., CXXIII, 20-21 et 27 (546), p. 609, l. 8-14, p. 609, l. 21-p. 610, l. 1 et p. 614, l. 5-12 : 20. Pro criminalibus autem causis si falsum testimonium dixerint, clero nudatos legitimis subdi poenis praecipimus. Reliquos autem omnes in aliis ecclesiasticis ordinibus constitutos, si falsum testimonium cuiuslibet causae siue pecuniariae siue criminalis dixisse conuincantur, non solum ecclesiastico officio repelli, sed etiam uerberibus subdi. 21. (…) Si quis autem litigantium intra X dies contradicat his quae iudicata sunt, tunc locorum iudex causam examinet. Et si inuenerit iudicium recte factum, etiam per sententiam propriam hoc confirmet et executioni propriae tradat quae iudicata sunt, et non liceat secundo in tali causa uicto appellare. (…). 27. Si quando autem causa emerserit, ut admonitio et executio inferatur pro qualibet pecuniaria causa siue publica siue priuata clerico aut monacho aut monastriae aut cuicumque monasterio maxime feminarum, iubemus sine iniuria et cum competenti honore admonitionem fieri, non tamen monastriam aut ascetriam monasterio abstrahi, sed procuratorem ab his ordinari qui pro causa respondeat. 249.  C’est, par exemple, le cas pour les contrats d’emphytéose : Justinien, Novelles, éd. Schoell et Kroll, CXX, 6, 1 (544), p. 582, l. 16-27 : Licentiam igitur damus praedictis uenerabilibus domibus non solum ad tempus emphyteosin facere immobilium rerum sibi competentium, sed perpetue haec emphyteotico iure uolentibus dari. Et si quidem sanctissimae sint ecclesiae uel aliae uenerabiles domus, quarum gubernationem loci sanctissimus episcopus aut per se aut per uenerabilem clerum facit, eam uoluntate eorum et consensu fieri huiusmodi contractum, iurantibus praesente eo oeconomis et administra­ toribus et cartulariis ipsius uenerabilis domus, quod ex hac emphyteosi nullum damnum eidem uenerabili domui infertur (…).

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d’abord comme recteurs, de l’ancien patrimoine romain dans la région, laisse penser que l’évêque a peut-être intérêt à s’appuyer sur la plus haute juridiction civile de la cité pour régler définitivement un différend avec un laïc. Dans la documentation gaétane, le recours aux autorités laïques pour régler des questions foncières impliquant des clercs est courant jusqu’au xiie siècle. Une autre affaire met aux prises, en 936, l’évêque Pierre (933-945) avec les ducs Docibilis  II (914-954) et Jean  II (933-963), à nouveau pour des propriétés foncières. La procédure judiciaire se distingue de la précédente : l’évêque est représenté par un uicedominus et les deux parties se rendent à la cathédrale pour prêter serment sur les Évangiles, après quoi les ducs reconnaissent à l’évêque la pleine propriété des biens250. Cette procédure, dite du serment probatoire251, se ren­ contre dans les actes notariés de Gaète dès le ixe siècle252. Un cas intéressant est fourni en 981, quand des laïcs refusent de jurer253. Cette procédure, courante dans la justice civile laïque, n’est pas appliquée par un tribunal ecclésiastique, comme le prouve un acte de 957 relatif à un différend entre laïcs254. L’affaire est portée devant le tribunal civil, celui du duc, et l’on utilise le serment sur les Évangiles pour régler l’affaire255. Quand les parties impliquées semblent puissantes, on convoque un grand plaid, comparable à celui établi en 999 devant Otton  III256. En 1014, le prince de Capoue tranche un désaccord entre Dauferius, comte de Traetto, et le monastère du Mont-Cassin

250.  CDC, vol. I, 39 – 936 : et dum inter eis nimia altercatio atcrebisset uenerunt huterque partes in ecclesia catholica ueate Dei genitricis Marie et tunc intrauit Iohannes uicidominus pro parte supra­ scripti episcopii et iurauit et dixit per ista sacrosancta Christi quattuor Euangelia quia sicuti continunt suprascripte finite de suprascripto casale Logrezzano per circuitum causa est suprascripti episcopii et dum nos suprascriptus domnus Docibili et domnus Iohannes hunc recipissemus sacramentum hemittimus uobis suprascripto domno Petro episcopo uestrisque successoribus hanc plenaria securitatem et completa decisio­ nem ut numquam deinceps querellam aut kalumnia sustineuitis uos qui supra domnus Petrus episcopus aut uestri successores in eo uero tenore ut si aliquando kartula inuenta fuerit quot pars suprascripti uestri episcopii uendidisset uel donasset siue concamuiasset suprascriptus episcopius sibi illut retdere deueat. 251.  Pour élargir le propos au reste de la péninsule, voir l’article de Bougard, « Prêter serment en justice », p. 327-343, ici les conclusions p. 339 où l’auteur constate dans le royaume d’Italie une « relative éclipse au ixe siècle » de l’usage du serment dans les affaires civiles, tandis que sa pratique ne connaît aucun reflux notable dans les usages judiciaires en Italie méridionale. 252.  CDC, vol. I, 3 – 830 (?). 253.  CDC, vol. I, 80 – 981. 254.  CDC, vol. I, 54 – 957. 255.  Ibid. : Tunc iudicauit inter eos domnus Iohannes dux et talem dedit iudicium ut iuraret pars suprascripti Campuli per sanctam Christi quattuor Euangelia (…). Et uenerunt insimul uterque partes ad hecclesiam sancte Dei ienitricis in catholicam et secum duxerunt unam hancillam de Campulo filio quoddam Miri bone met mite [lire bone memorie ut] iuraret uice illorum. Autre exemple, ibid., vol. I, 79 – 981 où l’affaire est jugée par des nobiliores homines. 256.  Voir p. 215.

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pour des terres situées dans la vallée du Garigliano257. Les deux parties plaident devant Pandolf  II de Capoue, le duc Serge  IV de Naples, l’archevêque Pandolf de Capoue, l’abbé Aténolf du Mont-Cassin, l’évêque Bernard de Gaète, le duc Jean de Fondi et plusieurs illustres uiri de Capoue, Naples et Gaète. L’abbé du Mont-Cassin, à la fois juge et partie, est représenté par Lioto, moine et missus de l’abbé, et Landulfus, aduocator du monastère258. Ici, nul serment n’est prêté sur les Évangiles et le plaid vise à confirmer des droits après confrontation des arguments et production des titres de propriété. En 1053, une autre affaire voit l’évêque Léon de Gaète affronter plusieurs laïcs259. Le jugement est rendu par le duc Aténolf Ier de Gaète, en présence de la plupart des comtes et des nobiliores homines du duché. L’acte présente l’intérêt de détailler la procédure suivie : l’évêque est représenté par un aduocator laïc, le juge Docibilis (peut-être un membre de l’ancienne famille ducale dont l’évêque est issu), les plai­ gnants laïques par le juge Ramarius260. Les parties se rendent au lieu du différend avec le « tribunal », duc de Gaète en tête ; les avoués s’expriment au nom de leur client. L’affaire porte sur un sujet récurrent, la délimitation de terres que les laïcs prétendent usurpées par le prédécesseur de Léon, l’évêque Bernard. Après un rappel par le duc de l’impossibilité d’invoquer le témoignage d’un mort (l’évêque Bernard), les avoués sont invités à produire les pièces justificatives261. Jugeant les pièces de Ramarius moins fondées, le duc Aténolf reconnaît la propriété épiscopale sur les biens litigieux262. Le recours à l’arbitrage ecclésiastique apparaît dans quelques documents. À Gaète, en 1016, l’évêque Bernard intervient pour régler un différend entre des laïcs et le monas­ tère Saint-Érasme : pour trancher l’affaire, il se rend sur le lieu du litige, un moulin tenu en copropriété, avec l’aduocator du monastère263. On connaît même un jugement rendu

257.  CDC, vol. I, 130 – 1014. 258.  Ibid. : et te uidelicet Hoto monachus misso domni Atenolfi reuerentissimi abbati cenobii sancti

Benedicti. situs in monte castro Casino (…) eo denique pro parte supratscripti monasterii erga tecum abendo Landolfus abbocator ipsius monasterii. 259.  CDC, vol. II, 195 – 1053. 260.  Ibid. : et ipse qui supra domno Leone benerabilis episcopus erga secum abendo Docibile qui dicitur Caraczolum abbocatorem superscripti episcopatui. 261.  Ibid. : et dixit talia numquam audiuimus ut de omine qui mortuus est iudicaret lex. 262.  Ibid. : Unde prefatus gloriosus consul dicebat contra Ramarius ut ipse scriptionibus minime stare potebat que ipse superius ostenserat set ipsa cartula qui erat scripti episcopatui ueritosa essere et cum lege stare poterat. 263.  CDC, vol. I, 132 – 1016 : Et querelam nobis exinde fecisti. Qua propter quadam die simul cum domino Bernardo episcopo, et cum domno Gregorio aduocatore uestro et cum multis aliis bonis hominibus ibimus super ipsam aque formam et uiderunt et cognouerunt quod iniuste fecerunt uobis nostri homines de ipsa forma et de ipso aque ductu, et multum illos reprehenderunt de tali facto. Propterea nos qui supra Gregorio et Marino simul cum omnus nostros consortes pro locutionem prephati domini Bernardi

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en commun par le duc et l’évêque de Gaète, en 1032, pour une affaire concernant des laïcs264. S’il reste possible, pour un clerc, d’être traduit devant un tribunal civil pour une affaire l’opposant à des laïcs, la législation impose, en principe, le recours au tribunal épiscopal pour des cas entre clercs ou moines265. En 1009, un désaccord oppose l’évêque Bernard à l’abbé du Mont-Cassin pour l’église Sainte-Scholastique, à Gaète266. L’acte précise que les deux parties sont allées en justice, mais sans indiquer le tribunal267. Les références à la justice, à un juge et à la loi laissent supposer que l’affaire est tranchée par un tribunal civil selon une législation civile. Il n’est fait référence à aucun serment sur les Évangiles. Le caractère notarial des sources privilégie les informations de nature foncière et témoigne du recours à la justice pour les propriétés d’églises privées, comme dans un acte napolitain de 1130268. Le desservant este en justice au nom de son église, et le différend est réglé par des juges civils. Il apparaît que les querelles foncières, mettant aux prises des laïcs ou des ecclésiastiques, relèvent de la compétence des tribunaux civils. En revanche, la documentation disponible n’offre pas la possibilité de connaître des procès de nature disciplinaire. Dès lors, le fonctionnement de la justice ecclésiastique, dans les duchés tyrrhéniens, reste opaque.

episcopi et aliorum bonorum hominum qui ibi affuerunt uenimus una uobiscum domne Stephane uenera­ bilis abbas exinde ad bonam finem ex amica pacatione et diffiniuimus illud inter nos cum bona uoluntate. 264.  CDC, vol. I, 162 – 1032 : In ista intentiones perreximus uterque partes ante presentiam domni Iohannis gloriosi consuli et duci et domno Bernardo reuerendissimo episcopo. 265.  Sur le privilège du for ecclésiastique, c’est-à-dire d’instruction et de jugement d’une affaire relative à un clerc seulement par une juridiction diocésaine (audientia episcopalis), la législation impériale des deux premiers siècles de l’Empire chrétien a été réunie par Joannou, La législation impériale, p. 121 ; de manière plus large, voir Gaudemet, L’Église dans l’Empire romain, p. 229-252 ; pour la période postérieure, les principaux privilèges judiciaires des ecclésiastiques sont récapitulés par Imbert, Les temps carolingiens, p. 108-109. 266.  CDC, vol. I, 117 – 1009. 267.  Ibid. : et proinde indiximus nos uobiscum ad legem et dum essemus utriusque partibus ad iu­ dicium hostendisti ipsa chartulam quod ad uestro monasterio fecerat superscriptus Stephanus episcopus bone memorie quod uero chartulam dum ad iudicium esse hostensa et relectam statim cognouimus nos et ipsi iudices quod per legem non possumus sub uestro monasterio sancti Benedicti subtrahere ipsam ecclesia sancte Scolastice. 268.  RNAM, vol. VI, 610 – 1130.

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* * * Entre le vie et le xiie siècle, les sources dessinent un portrait en pointillés du clergé campanien. Précise pour les évêques avec Grégoire le Grand et les Gesta Episcoporum Neapolitanorum, l’analyse se révèle diffuse pour les prêtres ou les diacres, les ordres mineurs demeurant dans une obscurité presque totale. Quelques grands traits se dégagent cependant. En premier lieu, le clergé s’inscrit dans une société traditionnelle qui demeure cloisonnée. L’examen de leur insertion sociale, primaire ou secondaire, montre que les clercs se distinguent peu des laïcs : ils vivent dans une société géographiquement et culturellement circonscrite, marquée par l’influence romaine, peu ouverte aux influences extérieures, même celles de leurs voisins lombards, comme l’atteste une anthroponymie conservatrice. En priorité, les clercs campaniens vivent au sein de structures familiales qui déterminent l’environne­ ment où ils évoluent, le métier qu’ils exercent, le patrimoine dont ils disposent. L’origine conditionne les relations sociales, comme le montrent les évêques campaniens, souvent membres des classes dirigeantes, tendance qui s’accentue au cours du haut Moyen Âge. À l’inverse, la plupart des autres clercs ne semblent pas issus de milieux particulière­ment  favorisés. Au cours des siècles s’établit une double hiérarchie ecclésiastique : l’une, officielle, fixée depuis l’Antiquité, détermine les échelons du clergé de chaque Église ; l’autre, attestée sous Grégoire le Grand, réunit autour des évêques un clergé cathédral appartenant sans doute aux familles distinguées. L’intégration au clergé cathédral conditionne l’accès à une belle carrière ecclésiastique. La dualité du corps ecclésiastique explique les évolutions de la hiérarchie au cours du haut Moyen Âge. La multiplication des titres, comme archiprêtre ou archidiacre, subdivise les ordres canoniques et traduit une volonté accrue de distinction parmi les membres du clergé. Enfin, certains clercs acquièrent une prééminence en passant au service des dirigeants laïques. Hormis les futurs évêques, on ignore le détail de leurs fonctions et les avantages qu’elles procurent. Le clergé des duchés tyrrhéniens est à la fois marqué par un conservatisme important, qui explique ses archaïsmes structurels au Moyen Âge, et soumis à des changements lents. L’élection des évêques, documentée jusqu’au xie siècle, en constitue un exemple. Si le rôle du peuple dans l’élection des prélats obéit à la tradition, son influence paraît de plus en plus limitée par l’intervention des souverains qui, de facto, désignent les évêques, les papes se contentant de ratifier un choix politique déjà déterminé. En revanche, il est malaisé de percevoir des évolutions en matière de discipline. Grégoire le Grand constate les manquements du clergé, en Campanie ou ailleurs, car sa correspondance est, en partie, consacrée à cette question. D’après la documentation

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postérieure, seul le célibat des clercs peut faire l’objet d’une analyse sur le long terme. Là aussi, il est difficile de conclure à un relâchement de la discipline ou à une influence de la tradition byzantine. On constate surtout un profond ancrage social du clergé campanien : la plupart des ecclésiastiques vivent comme leurs contemporains laïques et les différences de mode de vie sont imperceptibles. Si les sources ne permettent guère d’observer le fonctionnement de la justice de l’Église, elles montrent des clercs impliqués dans des affaires civiles aux côtés des laïcs.

Chapitre 2 LES MOINES Dans l’Antiquité comme durant le haut Moyen Âge, être moine ou moniale constitue une identité sociale distinctive. Pour autant le vocabulaire n’est pas fixe. Si les termes les plus courants sont monachus et monacha, on trouve aussi des religiosi uiri et des religiosae feminae comme des monastriae. Les sources disponibles pour les duchés tyrrhéniens apportent, entre la fin du vie et le xiie siècle, un éclairage intermittent et inégal sur la condition monastique. Très diserte sur les questions disciplinaires ou certains abbés et abbesses, la correspondance de Grégoire le Grand demeure presque silencieuse sur la vie quotidienne des moines campaniens. À l’inverse, les actes de la pratique invitent à une étude plus poussée, sur une période de deux siècles environ, de l’onomastique des moines et des moniales afin d’évaluer leur ancrage social. En outre, les documents notariés constituent une matière précieuse pour enquêter sur le quotidien monastique. Certes tous les aspects n’apparaissent pas avec la même fréquence. L’ascèse, la quête de la perfection, les mortifications, le travail manuel ou les questions économiques (budget, dépenses courantes) restent dans l’ombre. En revanche l’entrée au monastère, la vie communautaire ou le respect des règles monastiques peuvent être analysés en détail. La direction des monastères constitue sans doute l’élément le mieux documenté, dès l’époque de Grégoire le Grand. Phénomène essentiel du monachisme, esquissé à la fin de l’Antiquité, la sacerdotalisation des moines prend une ampleur nouvelle durant le haut Moyen Âge. Cette évolution s’observe aussi dans les duchés tyrrhéniens.

I.  Qui est moine ? Si le Registre des lettres de Grégoire le Grand permet d’étudier les structures du monachisme campanien à la fin de l’Antiquité269, la rareté des mentions de moniales et de moines n’autorise pas un travail comparable sur les individus et il faut se tourner vers les sources du haut Moyen Âge qui sont nettement plus riches en détails personnels. Entre le xe et le xiie siècle, les actes notariés fournissent plus de 400 mentions de moines et de moniales : cette abondante documentation permet ainsi l’analyse des origines sociales du personnel monastique. 269.  Voir p. 57 et suivantes.

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Une conversion onomastique ? L’entrée au monastère est assortie de conditions270. Parmi celles-ci figure la pratique du changement de nom, le moine abandonnant son nom civil en même temps que sa vie laïque. Cette pratique, qui relève davantage de l’habitude que de la règle, se répand en Orient au viiie  siècle, mais ne se généralise qu’à la fin de l’Empire byzantin271. Naples constitue de ce point de vue un cas intéressant pour son degré d’ouverture au monachisme oriental et occidental. Plusieurs cas de changement de nom sont attestés au xe  siècle. En 962, le moine Benedictus, du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus, déclare s’appeler Bonitus à l’état laïque272. Cette indication se retrouve dans trois autres documents : un moine Maca­ rius dit s’être appelé Marinus, le moine Sabbatinus, Simeon et le moine Timotheus, Taurus273. Certains noms de moines se rattachent à des figures marquantes du monachisme. Deux des moines mentionnés, Benedictus et Macarius, ont dû adopter leur nom en référence aux saints Benoît et Macaire. Le choix est aussi dicté par le souci de faire correspondre son nom de moine à la première lettre de son ancien nom, un usage attesté à partir du ixe siècle en Orient. Les noms liés au monachisme, tant occidental qu’oriental, restent toutefois assez rares au regard du grand nombre de moines appelés Jean ou Étienne. À Naples, 25 % des moines recensés s’appellent Jean. Les autres noms les plus fréquents sont Étienne, Pierre, Serge, Gregoire et Léon. Sur ce plan, rien ne distingue les moines de leurs contemporains, les noms les plus portés correspondent à ceux des laïcs ou des clercs274.

270.  Voir p. 289 et suivantes. 271. Voir Talbot et McGrath, « Monastic onomastics », p. 93-95. Tributaires des outils de

recherche prosopographique alors disponibles, les auteurs constatent que le changement de nom associé à la prise de l’habit monastique est connu surtout par les sources hagiographiques et demeure peu fréquent durant la période mésobyzantine. 272.  RNAM, vol. I/2, 99 – 965 : Certum est me Benedictum humilem monachum qui in laicatum Bonito appellabam. 273.  RNAM, vol. I/2, 116 – 965 : Certum est me Macarium monachum qui laicus Marino qui supranomen Sillicto clamatur ; RNAM, vol. VI, Appendix, 37 – sans date : Certum est me Sabbatinus monachum qui modo Simeon bocatur ; RNAM, vol. I/2, 119 – 966 : terra uestra memorati sancti uestri monasterii qui fuit quondam Timothei monachi uestri qui in laicitum Taurus uocabat. 274.  Martin, « Anthroponymie de l’Italie méridionale lombarde », p. 340-341 : en zone lombarde, tandis que les noms lombards prédominent dans tous les groupes sociaux, hormis les dépendants, la proportion des noms chrétiens atteint un quart parmi les clercs, les moines et les moniales, phénomène que l’auteur met en relation, de manière hypothétique, avec la pratique de donner un nom chrétien à un enfant destiné à devenir oblat, mais non d’un changement de nom lors de l’entrée

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Le plus souvent, les noms « programmatiques » constituent des cas isolés comme pour les moines Sabas, Pachomios ou Geirasimos275. La mention d’un moine Neilos est peut-être à rapprocher du saint oriental, disciple de Jean Chrysostome, plutôt que de Nil de Rossano276. La pratique de changer de nom n’est cependant pas généralisée parmi les moines, bien au contraire. Les quatre moines, Benedictus, Macarius, Sabbatinus et Timotheus appartiennent au monastère « grec » des Saints-Serge-et-Bacchus. Il est possible qu’ils aient adopté une pratique en usage dans le monde byzantin mais qui n’est pas suivie par la plupart des individus devenus moines dans les duchés tyrrhéniens.

Moines « latins » et moines « grecs » Les listes de souscriptions de moines pour les monastères dit « latins », à Naples ou Gaète, exposent une onomastique à dominante latine. En 949, des moines du monastère des Saints-Séverin-et-Sossius, à Naples, souscrivent après leur abbé Pierre277. On note la présence d’un moine à l’onomastique lombarde mais le reste des noms n’a rien d’original. D’autres listes de souscription à Naples ou à Gaète, présentent les mêmes caractéristiques278. Pour les abbés du monastère des Saints-Séverin-et-Sossius ou pour le monastère Saint-Théodore-Saint-Martin de Gaète, le mieux documenté pour ce duché, on relève des noms masculins courants dans la région et l’absence de noms grecs279.

dans la vie monastique. De même, di Carpegna Falconieri, « L’antroponomastica del clero », p. 529-532, montre l’étroite similitude entre le patrimoine onomastique des clercs, des moines et celui des laïcs à Rome. 275.  RNAM, vol. I/1, 25 – 936 (Sabas) ; RNAM, vol. V, 548 – 1113 (Pacoumios et Geirasimos). Il est à noter que les deux moines signent en grec. Ces trois noms sont empruntés à des figures éminentes du cénobitisme égyptien et palestinien de l’Antiquité tardive. 276.  RNAM, vol. II, 222 – 990 : le moine signe en grec également. Nil de Rossano s’installe dans la région au début du xie siècle, ce qui est trop tard pour influencer un moine napolitain, probablement d’origine grecque. 277.  MND, vol. II, 2, Diplomata et chartae ducum Neapolis, 3 bis – 949 : Ermengarius, Jean, Palumbus et Jean. 278.  RNAM, vol. IV, 352 – 1033 : la liste de souscriptions du monastère des Saints-Anastase-etBasile, de 1032, fournit à la suite de l’abbé, les noms de trois moines Adeodatus, Léon et Jean. À Gaète dans CDC, vol. I, 93 – 994 : une première liste de souscriptions du monastère des Saints-Théodoreet-Martin indique deux moines, Grégoire et Benedictus. CDC, vol. II, 271 – 1094 : dans le même monastère, l’abbé Maraldus est suivi du prêtre Léon, on ne sait s’il est moine, et du moine Damasus. Rien n’indique si ce moine Damasus, qui souscrit en latin, est d’origine grecque. 279.  La liste des abbés du monastère des Saints-Séverin-et-Sossius comprend douze abbés attestés entre 907 et 1130-1131 : Acculsarius (en 907), Jean (entre 907 et 938), Pierre (en 948 ou 949), Aligernus (en 954), Étienne (entre 970 et 974), Bonus (entre 975 et 988), Rocius (en 998), Bonus (en 1005), Étienne (entre 1031 et 1043), Pierre (entre 1104 et 1113), Caesarius (entre 1118 et 1120), Jean (entre 1127

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Le monastère Saint-Laurent d’Aversa présente des noms plus originaux. Situé dans le comté cédé à Rainulf Drengot par le duc de Naples en 1029, il connaît une fortune parallèle à celle des Normands en Italie méridionale. La liste de ses abbés est presque complète sur 70 ans. Elle commence avec Gualterius puis se poursuit avec Rainaldus, Robertus, Hugo, Guarinus, Albero et Matheus280. On est frappé par l’importance des noms d’origine franco-normande et l’absence des noms portés par les abbés dans les duchés tyrrhéniens, preuve de la singularité de son recrutement. Le monastère masculin des Saints-Serge-et-Bacchus est particulièrement bien documenté sur plus de deux siècles. Un ensemble d’actes, rédigés au nom de son higou­ mène, comporte les souscriptions de plusieurs moines du monastère. De tradition grecque, suivant la règle dite « de saint Basile »281, l’établissement accueille un grand nombre de moines portant un nom grec. Le monastère des Saints-Serge-et-Bacchus est le seul où apparaissent des moines appelés Bartolomeos, Cosmas, Geirasimos, Iacobos, Neilos, Pacounios (Pachomios  ?) et Pancratios282. Toutefois, plusieurs informations prouvent que l’élément grec est loin d’être exclusif dans le recrutement du monastère. Les noms d’origine latine restent toujours majoritaires sur la période. Comme ailleurs, on rencontre des Jean, des Sergius et des Étienne, qui souscrivent parfois en grec. Des individus demandant à être reçus comme moines portent aussi des noms latins283. L’essentiel du recrutement du monastère est donc local avec, c’est là son originalité, des moines originaires de régions hellénophones, d’Italie du Sud ou d’ailleurs. L’étude de la liste des higoumènes de ce monastère le confirme. Entre 920 et 1127, onze higoumènes sont attestés à la tête du monastère284. La diversité des noms sur deux

et 1130-1131). Six abbés sont attestés entre la seconde moitié du xe et la fin du xie siècle pour SaintThéodore-Saint-Martin de Gaète : Anastase (en 930), Étienne (entre 957 et 987), Léon (en 994), Albericus Almaficus (entre 1021 et 1027), Jean (entre 1054 et 1067), Maraldus (en 1094). 280.  Gualterius (en 1054), Rainaldus (en 1070), Robertus (en 1082), Hugo (entre 1084 et 1087), Guarinus (entre 1092 et 1106-1107), Albero (en 1109), Matheus (entre 1109 et 1126). 281.  Voir p. 116 et suivantes. 282.  Bartolomeos : RNAM, vol. V, 482 – 1095 ; Cosmas : RNAM, vol. IV, 335 – 1027 ; RNAM, vol. IV, 353 – 1032 ; Geirasimos : RNAM, vol. V, 548 – 1113 ; Iacoos : RNAM, vol. V, 482 – 1095 : Neilos : RNAM, vol. II, 222 – 990 ; RNAM, vol. II, 223 – 990 ; RNAM, vol. II, 244 – 997 ; Pacounios (Pachomios ?) : RNAM, vol. V, 548 – 1113 ; Pancratios : RNAM, vol. II, 244 – 997. 283.  Ursus : RNAM, vol. I/1, 15 – 931 ; Jean : RNAM, vol. I/2, 67 – 953 ; Pierre : RNAM, vol. I/2, 98 – 962 ; Jean : RNAM, vol. I/2, 161 – 975 ; Étienne : RNAM, vol. II, 225 – 979 ; Étienne : RNAM, vol. V, 486 – 1096 ou 1097. 284.  Macarius (en 920 ou 921), Benedictus (entre 931 et 951), Sergius (entre 952 et 967), Jean (entre 968 et 981), Philippus (entre 983 et 1011), Pancratius (entre 1014 et 1023), Grégoire (entre 1025 et 1028), Laurentius (entre 1032 et 1044, attesté higoumène à partir de 1038), Étienne (entre 1071 et 1092), Iacobus (entre 1096-1097 et 1120), Nicodemus (entre 1126 et 1127).

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siècles est le résultat d’une double influence, latine et grecque. À partir de la fin du xe siècle, le nombre des higoumènes portant un nom grec augmente. Alors que ses prédécesseurs souscrivent les documents notariés en latin, l’higoumène Philippus souscrit plusieurs actes en grec285. Cette « hellénisation » se poursuit jusqu’au xiie siècle.

Une origine sociale plus distinguée ? Il est admis que les moines sont d’une origine sociale plus élevée que les clercs286, mais les actes de la pratique révèlent une plus grande diversité sociale. Il existe plusieurs témoignages de membres des familles ducales tyrrhéniennes ayant revêtu l’habit monastique. Au milieu du xie  siècle, le duc de Naples Serge IV devient moine après avoir laissé le pouvoir à ses descendants287. D’autres mentions font

285.  E.g. RNAM, vol. II, 244 – 997 : † Φίλιππος ἁμαρτωλος καὶ ἀναξιος ἡγοῦμενος ἰδιοχεῖρος εγραψα †. C’est également le cas de Laurentius : e.g. RNAM, vol. IV, 353 – 1032 : † Λαυρεντιος πρεσβύ(τερος) μοναχ(ὸς) και ρεκτορ υπεγραψα †. Il ne se qualifie pas encore d’higoumène, mais de rector du monastère. Aussi pour Iacobus : RNAM, vol. V, 548 – 1113 : † Ἐγου ηγοῦμενος Καησβος (?) ταπινος υπεγραψα †. Il existe un problème d’identification de l’higoumène du monastère, dirigé à cette date par Iacobus. Et pour Nicodemus : RNAM, vol. VI, 593 – 1126 : † Εγω Νηκωδημος ηγουμενος υπεγραψα †. Nous respectons l’accentuation erratique indiquée par l’édition. 286.  Le monachisme bénédictin, renforcé en ce sens par la réforme clunisienne et l’esprit de corps

aristocratique, opère une sélection des candidats à la vie conventuelle sur des critères de distinction et de richesse. Voir à ce propos Hill, « Benedictines », p.  171 ; bien que consacré aux monastères piémontais de Saints-Pierre-et-André de Novalesa, Saint-Just de Suse, Saint-Jacques de Turin et à la période postcarolingienne, voir avec profit Sergi, L’aristocrazia della preghiera, p. 45 sur les monastères définis comme des « microcosmi in cui si elaborano le alchemie dell’incontro tra l’antico e il nuovo, fra i residui del potere carolingio e le nuove gerarchie sociali ». De propos plus général, voir également Little, « Moines et religieux », p. 748. De son côté, Fortin, « Social class in saint Benedict’s monastery », p. 207-211, montre que l’idéal exprimé par la règle bénédictine de niveler les différences sociales exige la pratique d’une vie humble et l’exercice de la vertu même s’il autorise une nouvelle hiérarchie basée, en principe, seulement sur l’ancienneté d’âge, l’obéissance et le savoir scripturaire. 287.  RNAM, vol. IV, 382 – 1044 : Certum est nos Marinus comes filius quondam uone recordationis domini Sergii in dei nomine et minentissimis consul et dux postmodum uero monachi. Autre allusion RNAM, vol. VI, Appendix, 4 – 1036 : Nos Sergius in Dei nomine etminentissimus consul et dux filius domini Ioannis gloriosi consuli et duci qui hic modo non est, eo quod ipse perrexit in Costantinopolim, set ego mecum abendo domino Sergio abio meo Domini gratiam nunc uero monachus olim dux. La date de 1036 paraît assez douteuse. Un autre document, daté de 1053 mentionne le duc Serge devenu moine et semble confirmer qu’il s’agit bien de Serge IV en faisant allusion à son fils le duc Jean V et son petit-fils le duc Serge V, voir MND, vol. II, 2, Diplomata et chartae ducum Neapolis, 13 – 1053 : Nos Sergius in Dei nomine magniximus consul et dux atque magister militum filius uero quondam domini Iohannis gloriosi consuli et duci seu magister militum qui fuit filius quondam bone recordationis domini Sergii abii mei consuli et ducis atque magistri militum postmodum uero monachi.

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apparaître des membres de l’ancienne aristocratie militaire de l’époque exarchale, en particulier à Naples et Amalfi. À Naples, en 956, Sergius indique que son père, le préfet Sergius, est devenu moine288. Un autre moine Sergius, auparavant préfet et fortior de Sorrente, est mentionné en 979289. On observe ici le phénomène de l’entrée tardive au monastère. Un moine nommé Macarius est fils de tribun et le moine Léon fils de comes290. Plus bas dans l’échelle sociale, on mentionne le Napolitain Léon, miles devenu moine291. De fait, la proportion des moines ou moniales issus de l’aristocratie reste difficile à établir. Les laïcs, qui disent descendre de moines, se contentent souvent de cette simple indication. L’évaluation des biens de la famille d’un moine offre un indice supplémentaire pour déterminer son origine sociale car certains actes montrent que le moine remet l’intégralité de son héritage à sa communauté. En 930, un jeune homme entre au monastère des Saints-Séverin-et-Sossius et sa famille donne sa part d’héritage à l’abbé292. Le patrimoine consiste en deux pièces de terre provenant de la part de sa mère Eufimia, le falcidium293, après un partage avec ses trois frères et sa sœur. En outre, la famille s’engage à verser chaque année un loyer en nature (responsaticum). La famille appartient sans doute à l’aristocratie napolitaine, ce que semblerait indiquer le nom du père décédé, Marinus Katasergium tribunum de abbatissa. En 938, Gregorius, fils d’un miles, demande à entrer dans le monastère de l’île Ruviliana, petit écueil à proximité de Sorrente294. Les biens transmis sont importants : la totalité de l’héritage du père du donateur (une maison avec son jardin, des fermes avec des terres cultivables), la moitié du falcidium de sa mère (l’autre moitié étant déjà revenue au monastère sous réserve d’usufruit). Il donne enfin la moitié de tout l’héritage de sa mère Anna (maisons et fermes en territoire sorrentin et lombard) qui conserve l’usufruit de l’autre moitié devant revenir à sa mort au monastère. L’ampleur des biens transmis n’atteint pas toujours ces proportions et démontre la diversité sociale des moines. En 1038, un homme remet sa maison « détruite et couverte » et un bassin situés à

288.  RNAM, vol. I/2, 73 – 956 : Certum est me Gregorium filium quondam uenerabilis domini Sergii dudum prefecti postmodum uero monachi. 289.  RNAM, vol. I/2, 174 – 979 : Certum est me Marinum filium quondam domini Sergii dudum prefecti et fortiori ciuitate Syrrentine postmodum uero monachi. 290.  RNAM, vol. I/2, 116 – 965 : Certum est me Macarius monachum qui laicus Marino qui supra­ nomen Sillicto clamatur, filius quondam domini Petri tribuni ; RNAM, vol. II, 256 – 997 : per alia char­ tula comparationis sue in membranas scripta da quondam Leone deboto monaco filio Boniti comitis. 291.  RNAM, vol. I/2 – 131 – 969 : tiui domino Stephano militi filio quondam domini Leoni dudum militi postmodum uero monacho. 292.  RNAM, vol. I/1, 14 – 930. 293. Voir infra note 325. 294.  RNAM, vol. I/1, 30 – 938.

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Naples, ce qui paraît peu. On apprend même que le monastère d’accueil doit régler ses dettes pour huit tarins d’or295. Pour les abbés, les informations restent également parcellaires. Un document de 1073 livre cependant une information précise. Pierre, sous-diacre et abbé du monastère Saint-Agnellus de Naples se trouve impliqué avec sa famille dans un différend l’opposant au monastère des Saints-Serge-et-Bacchus. Les noms de ses frères et sœurs ainsi que de ses parents apparaissent dans l’acte. La famille est composée de trois enfants, outre l’abbé Pierre, sa sœur Maria et son frère Étienne. Son père s’appelle Étienne Ferrarius, nommé Buniscolus, et sa mère Drosu296. L’abbé est apparenté aux Ferrarii, famille ou groupe familial dont la profession d’origine tend à se muer en nom de famille. Cette précision montre que l’abbé n’est pas davantage lié à la dynastie ducale qu’aux familles aristocratiques du duché. La famille d’un autre abbé apparaît dans un acte de 1120. Dans ce document, la testatrice, Marocta, fils d’Étienne, clericus qui nominatur Pictulo, indique être la cousine de Caesarius, abbé du monastère napolitain des SaintsSéverin-et-Sossius où elle souhaite être ensevelie297. Caesarius est peut-être apparenté aux ducs de Naples car il porte un nom courant dans cette dynastie.

Du nom et de l’origine des moniales L’onomastique des moniales confirme les tendances observées pour les moines : recrutement local avec quelques noms « extérieurs », souvent des régions voisines. Sur la quarantaine de moniales napolitaines recensées entre le xe et le xiie  siècle, plus de la moitié s’appelle Anna ou Maria. Cela correspond aux noms les plus portés dans le reste de la société298. Le changement de nom à l’entrée au monastère n’est pas une pratique en usage dans les monastères féminins de la région. Il paraît douteux que des moniales aient abandonné leur nom laïque pour adopter celui de Theodoru,

295.  RNAM, vol. IV, 372 – 1038 : etiam et uos mihi pargiare [debeatis a die] presentis idest auri tari octo quas ego dare debuit a creditoribus meis (…) et ego a die presentis dedi et tradidi seum offerui uobis et per uos in memorato sancto et uenerabili uestro monasterio uestreque congregationis, idest integra domum mea distructa et cooperta insimul in uno coniuntum posita uero intus anc ciuitatem Neapolis in uico qui uocatur Ficariola iusta porta Noba qui dicitur de domino Urso Tata. 296.  RNAM, vol. V, 417 – 1073. 297.  RNAM, vol. VI, 579 – 1120 : intus monasterium sanctorum Seberini et Sossii ubi eorum uene­ rabilia quiescunt corpora pro me ibidem sepeliendum, etiam memoratos solidos decem pro ipsa sepulturia dentur at domino Cesario uenerabili abbati memorati monasterii exadelfo germano meo. 298.  Villani, « L’onomastica femminile », en particulier p. 644. Sur 562 femmes répertoriées par l’auteur dans les Regesti Neapolitani Archivii Monumenta, les Maria représentent plus de 30 %, suivies des Anna (10,8 %), Drosu (8,3 %), Maru (6,3 %), Eupraxia (5,1 %), Theodonanda (4,4 %), Gemma (3,3 %) et Eufimia (3 %).

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Drosu, Sillicta ou Blactu qui ne se rattache à aucune tradition monastique et traduit un usage régional marqué. Trois listes de souscriptions du monastère féminin des Saints-Marcellin-et-Pierre, à Naples, présentent des noms de moniales couramment portés dans la société civile299. Les noms des abbesses à la tête des monastères de la région suivent cette tendance, mais leur diversité est plus importante que pour les moniales300. L’originalité de la liste datée de 983 réside dans les surnoms, souvent de nature géographique, que les moniales prennent soin d’apposer à leur nom301. Cet usage se rencontre en dehors des listes de souscriptions, par exemple pour le monastère des Saints-Serge-et-Bacchus dont un acte de 946 évoque Jean, « notre moine amalfitain »302. Comme pour les clercs, l’indication d’une origine géographique apparaît surtout pour des moines ou des moniales de régions voisines. Les actes de la pratique attestent une origine sociale des moniales plus distinguée que celle des moines. Si un nom d’origine latine permet difficilement de déterminer la condition sociale d’un individu, en revanche les noms féminins d’origine grecque, comme Theoctisti ou Euphimia, sont diffusés dans toutes les classes de la société des duchés tyrrhéniens. Les noms germaniques sont fréquemment portés par des femmes de l’aristocratie ou de condition servile303. La forte présence d’abbesses portant des noms d’origine lombarde dénote la présence d’aristocrates à la tête des établissements féminins au haut Moyen Âge304.

299.  RNAM, vol. I/2, 170 – 978 : trois moniales, deux Anna et une Drosu, souscrivent à la suite de leur abbesse ; RNAM, vol. II, 197 – 983 : trois moniales portent le nom de Maria, deux celui d’Anna. Trois autres moniales possèdent des noms locaux, Maru, déformation dialectale de Marie, et Theodoru pour Theodora. Une dernière possède un nom grec, Theoctisti, mais son surnom Seroniula laisse penser qu’il s’agit d’une habitante de la région. RNAM, vol. IV, 306 – 1017 ou 1018 : la dernière liste comporte, outre l’abbesse, trois souscriptions de moniales, Drosu, Maria et Visantia (Bisantia). 300.  Si le nom le plus en usage reste Maria (6 des 25 abbesses recensées, voire 7 avec Maru), on trouve ensuite Anna (3), Theodonanda (3), Drosu (2). On remarque l’importance des noms « régionaux » (Militu, Megalu, Maru, Blactu) et la présence de noms grecs (Euphrosina, Cali). 301.  RNAM, vol. II, 197 – 983 : signum † Maru monaca Cacapice, signum † manus Theoctisti monache qui super nomen Seroniula, signum † manus Marie monache que super nomen Bolumbula, signum † manus Theodoru monache et Anna monache et Marie monache de illu episcopus signum † Marie monache Capreana et Anna monacha Sirrentine. 302.  RNAM, vol. I/1, 43 – 946 : A presenti die promtissima uoluntate uenumdedimus et tradidimus tibi Iohanni monacho nostro Amalfitano filio quidem Leoni Amalfitani. 303.  Villani, « L’onomastica femminile », p. 644. 304.  À Naples, il s’agit du monastère des Saints-Marcellin-et-Pierre. Cinq abbesses sont attestées entre le viiie-ixe siècle et le début du xiie siècle, Euphrosina (763 ou 882) Theodonanda (entre 964 et 978), Drosu (en 983), une autre Drosu (en 1017 ou 1018), Musanda (entre 1021 et 1034) et Maria (en 1130). Pour le monastère Saint-Laurent d’Amalfi, Maru (en 983), Maria (entre 988 et 990),

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Les sources médiévales révèlent l’importance des membres féminins des familles aristocratiques dans certains établissements de la région. C’est le cas de la moniale Anna, épouse de Gregorius, lociseruator du duc de Naples305. Blactu, moniale du monastère Saint-Laurent d’Amalfi, appartient à une famille de comites de Capri306. À Amalfi, les mentions de moines ou de moniales issus de familles nobles sont fréquentes. Elles se mesurent par le nombre des ascendants indiqués comme la moniale Theodonanda, filia quondam Mauronis de Leone de Constantino de Leone comite307. La direction de certains monastères est assurée par des femmes issues des dynasties ducales. En 954 et 958, deux actes mentionnent l’abbesse Megalu, fille de l’hypatus de Gaète Jean Ier et sœur de Docibilis II, qui l’évoque dans son testament308. À Amalfi, la moniale Drosu, fille de Pulchari, est peut-être liée à l’ancienne famille des souverains d’Amalfi dans laquelle ce nom est courant309. À Naples, certains monastères bénéficient des faveurs des souverains et accueillent, parfois sur plusieurs siècles, des abbesses issues de la famille ducale. Dans la notice des Gesta consacrée à l’évêque Tibère (819-839), la duchesse Theodonanda, veuve du duc Anthime, établit dans son palais le monastère de saint Marcellin avec sa nièce comme abbesse310. Aux xie-xiie siècles, le monastère des Saints-Grégoire-et-Sébastien est dirigé, sur plusieurs générations, par des abbesses de la famille des ducs de Naples. Entre 1009 et 1127, quatre abbesses Maria, Anna, Stephania et Rigale sont dites parentes des ducs de Naples, sans que l’on connaisse leur lien exact311.

Cali (en 994), Blactu (en 1004, peut-être en 1018), Drosu (entre 1059 et 1067), Maria (entre 1094 et 1098) et Anna (en 1130). Pour le monastère napolitain des Saints-Sauveur-et-Pantaléon, ensuite agrégé au monastère des Saints-Grégoire-et-Sébastien, sept abbesses sont mentionnées entre 921 et 1127 : Maria (en 921), Theodonanda (en 968-969), Maria (en 1009), Anna (entre 1033 et 1067), Stephania (en 1090) et Rigale (entre 1097 et 1127). 305.  MND, vol. II, 1, 87 – 955. Le nom du duc de Naples en question est altéré. B.  Capasso, qui résume le document, propose de lire Gregorius (ibid., p. 70, n. 2). 306.  CP, 25 – 983 : Certum est me Blattu gratia Dei iam monacha filia quondam Anastasii comitis de Petro comite de insula Capritana. 307.  CP, 46 – 1064. 308.  CDC, vol. I, 52 – 954 : quae ascendit usque ad domum dominae Megalu abbatissae sororis nostrae ; CDC, I, 58 – 958 : Et ideo nos Megalu abbatissa filia domni Iohannis inperiali patricius. Sur la succession des hypati et ducs de Gaète, voir Merores, Gaeta, p. 25. 309.  CP, 5 – 981 (?) : domina Drosu monacha filia domini Pulchari filii domini Pantaleonis da lu Mercatu. 310.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 52, p.  428 : In ipsis denique diebus Theodonanda, uxor Anthimi quondam ducis, in suo praetorio fecit monasterium sancti Marcellini, in quo abbatissam suam neptem cum ancillis Dei posuit. Les mentions du seul nom des abbesses du monastère entre le xe et le xiie  siècle ne permettent pas de déceler un quelconque rapport avec la famille ducale napolitaine. Voir la note 304.

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Pour autant, le grand nombre des établissements monastiques, féminins comme masculins, en particulier à Naples, interdit le développement de monastères réservés aux seuls aristocrates. Même si certains monastères ont indéniablement un lien privilégié avec les familles ducales, aucun ne reçoit une protection et ne jouit d’une faveur aussi grandes que Saint-Laurent de Capoue ou plus tard Saint-Laurent d’Aversa. Attractifs pour les membres de la noblesse, les monastères de Naples, Gaète et Amalfi, accueillent aussi des individus de condition plus modeste, sinon humble. Les abbesses des monastères féminins ne sont ainsi pas toutes issues des familles régnantes. Un document de 1138 précise l’ascendance d’Anna, abbesse du monastère Saint-Laurent d’Amalfi. Fille de Jean, lui-même fils de Malfrede, elle ne descend pas des souverains d’Amalfi, il est vrai supplantés par les Normands à la fin du xie siècle312.

II.  Le quotidien monastique Même parcellaires, les informations sur le fonctionnement des monastères campaniens permettent de connaître, dans la région, nombre d’aspects de la vie monastique de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge. L’entrée au monastère constitue un thème bien documenté. Sujet de préoccupation disciplinaire de Grégoire le Grand à la fin du vie siècle, elle fait l’objet de contrats au haut Moyen Âge. Le cénobitisme constitue alors le mode de vie monastique dominant pour des communautés nombreuses et surtout urbaines. La généralisation de règles de vie religieuse à tous les établissements monastiques constitue un trait marquant de l’Occident au début du Moyen Âge. Les monastères campaniens sont concernés,

311.  MND, vol. II/2, Diplomata et chartae ducum Neapolis, 8 – 1009 : Nos Sergius in Dei nomine eminentissimus consul et dux concessimus et tradidimus tibi Maria uenerabili abbatissa, filia quondam Stephani parentis nostri ; MND, vol. II/2, 14 – 1060 : Nos Sergius in Dei nomine eminentissimus consul et dux et magister militum (…) concedimus et damus seu tradidimus et firmamus per hunc firmissu­ mum preceptum uobis uidelicet Anna uenerabili abbatissa parenti nostra ; MND, vol. II/2, 20 – 1090 : Nos Sergius in Dei nomine eminentissimus consul et dux atque Domini gratia magister militum nos autem pro uice nostra et pro uice Iohanni duci filii nostri qui infra etatem esse uidetur concedimus et tradidimus seu firmamus tibi Stephania humilem abbatissam dilecta parenti nostra monasterii et cenobii beatissomorum Gregorii et Sebastiani ; MND, vol. II/2, 21 – 1097 : Nos Sergius in Dei nomine eminen­ tissimus consul et dux per Domini gratia magister militum et imperialis protoseuasto. Nos autem pro bice nostra et pro bice Iohanni duci filii nostri qui infra etatem esse bidetur concedimus et tradimus seu damus et firmamus tibi Rigale humilis abbatissa et dilecta parenti nostra monasterii et cenobii beatorum Gregorii et Sebastiani (même allusion à Rigale, ibid., 26 – 1127). 312.  CP, 130 – 1138 : uobis domina Anna gratia Dei monacha et abbatissa monasterii puellarum Beati Laurentii Christi martiris qui constructus et dedicatus est supra Amalfi filia domini Iohanni filii domini Malfrede.

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même s’ils conservent certaines spécificités régionales. L’application des règles connaît pour cette raison des adaptations manifestes dans les actes de la pratique, reflets d’une vie quotidienne impliquant moines et moniales. Sans surprise, les abbés et les abbesses se différencient des autres moines dans les sources, et cette distinction permet une étude plus précise, notamment de leur mode de désignation, inchangé en principe depuis l’Antiquité tardive, mais en réalité de plus en plus influencé par le pouvoir laïc. Outre les supérieurs, il existe même parmi les moines une hiérarchie rendue visible par des fonctions particulières. Cette structuration interne est renforcée par une sacerdotalisation croissante mais inégale des moines, un phénomène religieux majeur du haut Moyen Âge qui témoigne de l’ascendant grandissant du monachisme sur les contemporains.

L’entrée au monastère Les conditions d’entrée d’un laïc au monastère sont fixées depuis l’Antiquité tardive. Grégoire le Grand apporte des précisions pour les individus soumis à des obligations civiles comme les fonctionnaires ou les militaires313 ou les personnes mariées. La fuite de plusieurs moines d’un monastère de Naples donne l’occasion au pape de rappeler qu’une période de probation de deux ans est requise avant d’imposer la tonsure314. La législation impériale étend ce délai à trois ans dans le cas où une incertitude demeure sur la condition du novice, délai ramené à douze mois par la règle bénédictine315. L’entrée de milites au monastère exige l’accord du pape, qui ne mentionne ni le rôle de l’évêque ni la probation de trois ans316. Dans une lettre adressée à Fortunatus, évêque de Naples, ainsi qu’au sousdiacre Anthemius, le pape évoque le cas de la dot d’une femme entrée au monastère que son ancien fiancé refuse de restituer. Comme la novice doit faire vœu de pauvreté, la dot est destinée au monastère. Elle doit de plus être importante, ce qui donne du sens à l’intervention pontificale, elle-même justifiée par la juridiction impériale317.

313.  Voir p. 54. 314.  Cette période de probation n’est pas respectée dans le cas du moine Mauricius, trop tôt ton-

suré : Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, X, 9 – avril 600. 315.  Justinien, Novelles, éd. Schoell et Kroll, V, 2 (535) ; ibid., CXXIII, 35 (546) ; Règle de saint Benoît, éd. et trad. de Vogüé, LVIII, 9-14, vol. II, p. 626-628 : l’examen probatoire se décompose en trois périodes de durée inégale, l’une de deux mois, la suivante de six, la dernière de quatre ; à l’issue de chaque période lecture est faite de la règle pour que le novice confirme son intention d’intégrer la communauté monastique. 316.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, X, 9 – avril 600 ; la période probatoire de trois ans, conforme à la législation impériale, est connue du pape : ibid., éd. Ewald et Hartmann, VIII, 10 – novembre 597. 317.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, VII, 20 – mai 597. La législation impériale requiert la restitution de la dot : CJ, éd. Krueger, I, 3, 54 (56), 3-4.

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Au haut Moyen Âge, les informations concernant l’entrée au monastère sont beaucoup plus riches. Elles permettent de connaître le devenir des biens transmis et de mesurer les conditions d’âge des individus accueillis. Les documents sont de deux types. Il s’agit d’abord de contrats établis devant notaire, au moment de l’entrée au monastère, entre l’abbé et la ou les personnes souhaitant devenir moine. Ces contrats manifestent eux aussi le « retard » tyrrhénien dans l’adoption de la réforme de Benoît d’Aniane. Les sources en conservent dix (huit à Naples et deux à Gaète), qu’il convient d’examiner en détail. Les actes napolitains relatifs à la prise de l’habit monastique datent entre 930 et 1038 et concernent plusieurs établissements monastiques, dont celui des Saints-Serge-et-Bacchus318. On ne constate aucune différence entre les contrats impli­ quant ce monastère « grec » et ceux des autres monastères. À Gaète, deux contrats sont effectués avec des établissements du duché, le monastère Saint-Michel et le monastère Saint-Martin de Correiano, près de Traetto319. Ces contrats concernent uniquement des hommes. La première information fournie par ces contrats constitue leur raison d’être : les biens transmis au monastère au moment de l’admission du futur moine. Sur les dix documents, trois mentionnent la totalité des biens remis au monastère à cette occasion320. Pour les autres, la quantité et la qualité du patrimoine transmis varient. En 975, Jean donne une terre lors de son entrée au monastère, mais l’assortit de l’héritage à venir de ses parents321. Quatre ans plus tard, Étienne donne un ensemble foncier situé à Pumilianum Foris Arcora (Pomigliano d’Arco), près de Naples, à l’exception d’une terre laissée à son beau-fils322. Les biens transmis ne sont pas davantage à la disposi­ tion immédiate du monastère. En 938, la mère de Grégoire, qui entre au monastère de l’île Ruviliana, conserve l’usufruit de la moitié de son falcidium jusqu’à sa mort323. Les divisions patrimoniales induisent des biens gérés en copropriété par les monastères

318.  RNAM, vol. I/1, 14 – 930 (Saints-Séverin-et-Sossius) ; RNAM, vol. I/30 – 938 (île Ruviliana) ; RNAM, vol. I/2, 67 – 953, RNAM, vol. I/2, 98 – 962 ; RNAM, vol. I/2, 102 – 963 ; RNAM, vol. I/2, 161 – 975 ; RNAM, vol. I/2, 179 – 979 ; RNAM, vol. IV, 372 – 1038 (Saints-Serge-et-Bacchus et Saints-Théodore-et-Sébastien). 319.  CDC, vol. II, 255 – 1084 (Saint-Michel) ; CDC, vol. I, 182 – 1047 (Saint-Martin de Correiano). 320.  RNAM, vol. I/1, 14 – 930 ; RNAM, vol. I/1, 30 – 938 ; CDC, vol. I, 182 – 1047. 321.  RNAM, vol. I/2, 161 – 975. 322.  RNAM, vol. I/2, 179 – 979 : excepto unum modium per passos sicuti consuetudo est mesurare ad passum ferreum sancte Neapolitane ecclesie siue de terra mea que uocatur Sianellum Pittulum quem donaui ad quidem Iohannem preuignum meum. 323.  RNAM, vol. I/1, 30 – 938 : Et ipsa prenominatas sex uncias de suprascripto falcidio quod tibi offeruit sit in potestate suprascripte domine Anne honeste femine genitrici mee diebus uite sue ad fruendum et commedendum regendum et gubernandum et post transitus suprascripte genitrici mee reuertur in suprascripto monasterio.

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bénéficiaires, phénomène qu’on retrouve pour une grande partie des donations. En 963, Jean donne au monastère des Saints-Serge-et-Bacchus un vaste ensemble foncier aux alentours de Cimitile et de Marano, mais les propriétés de Marano restent indivises avec sa sœur324. La récurrence de la mention du falcidium, c’est-à-dire des biens dévolus à la mère, laisse penser que c’est la part du patrimoine la plus volontiers transmise325. Ces transferts incomplets et la pratique de l’usufruit à l’entrée au monastère favorisent les contestations entre ayants droit après le décès du moine, et nécessitent l’implication des abbés et des abbesses dans les partages successoraux. Le cas de la moniale Blactu, du monastère Saint-Laurent d’Amalfi, en constitue une illustration326. Les choses se compliquent pour les entrées différées, qui apparaissent surtout lors de la rédaction de testaments. Les testateurs envisagent de devenir moines plus tard, mais transmettent déjà une partie de leurs biens à l’établissement censé les accueillir. En 951, le prêtre Jean établit l’higoumène des Saints-Serge-et-Bacchus héritier de tous ses biens immeubles, sous réserve d’usufruit, et garde la disposition de tous ses biens mobiliers. L’héritage sera transmis de son vivant si le prêtre décide d’entrer au monastère327. Un Amalfitain se montre encore plus imprécis, voire indécis, puisqu’il décide de laisser un sou au monastère où il se retirera, mais ne l’a pas encore choisi328. Il est fréquent de rencontrer une ventilation des biens entre de nombreux bénéficiaires, dont des églises et des monastères, parmi lesquels le futur établissement d’accueil329.

324.  RNAM, vol. I/2, 102 – 963. 325.  Sur le falcidium voir de manière plus large Martin, « Pratiques successorales », p. 193-195.

À propos des possibilités d’hériter et de transmettre reconnues par le droit romain dans les duchés tyrrhéniens, voir Id., « Le droit lombard », p. 109-114. 326.  CP, 20 – 990. 327.  RNAM, vol. I, 2, 56 – 951 : Verumtamen stetit inter nobis ut omnibus nominatis que uobis offerui ut super legitur omnibus diebus uite mee in mea sit potestatem tenendi et dominandi fruendi et commedendi ad uero meum transitum uel si ad monachatum perrexero in uestra posterisque uestris et in nominato sancto et uenerabili uestro monasterio rebertantur potestatem ut super legitur. 328.  CP, 81 – 1025 : in primis si Dominus placuerit et ego ad monasterium perexero (sic) dentur exinde in ipso monasterio ubi me monachum fecero in quantum preuiderit ad domino Petro uenerabili abbati quantum (?) santire spirituali sancti meo solidum unum. 329.  E.g. RNAM, vol. IV, 329 – 1026. Testament de Sergius qui répartit ses biens par l’intermédiaire de ses distributores : et si bolumtas Dei fieri et ego at monasterium perrexero me monachum facien­ dum faciat me monachum in monasterio sancti Sebastiani, et homnes terras meas huna cum illum fundum meum que abeo at Malitum foris illum fossatum publicum, et homnes terras meas que abeo illoco qui uocatur Pischinule insimul una cum arboribus et introitas earum homnibusque eis pertinentibus sit offer­ tum et traditum in memorato monasterio at abendum et possidendum illut ibidem usque in sempiternum tantumodo debeat ipse monasterio dare medietate de frugias ex ipso fundo et terras at memorata Maria genitrice mea bite sue asque homni data hoccansione, post uero suum transitum in memorato monasterio remanere debeat ut super legitur.

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Ces précautions laissent penser que l’incertitude sur l’entrée effective au monastère amène les testateurs à limiter les biens transmis à l’établissement d’accueil ou les assortir de conditions. Ursus fait du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus l’héritier de tous ses biens, avec des restrictions. Si sa femme meurt avant lui, il entrera au monastère, dans le cas contraire, elle conservera l’usufruit de la moitié des biens du couple jusqu’à sa mort330. Le patrimoine transmis lors de l’entrée d’un moine correspond parfois aux intérêts fonciers du monastère. Ainsi la maison détruite donnée par Jean Calciolarius au monastère des Saints-Serge-et-Bacchus jouxte des habitations de l’église Sainte-Agathe, propriété du monastère331. La réalisation d’une opération immobilière détermine le choix du bien et permet le règlement des dettes de Jean Calciolarius. On s’explique mal autrement la mention d’une somme d’argent versée par un monastère à un individu accueilli en échange de la transmission de ses biens. C’est le cas du moine Jean, qui reçoit neuf sous d’or de l’higoumène des Saints-Serge-et-Bacchus en échange du don de ses propriétés foncières et de son entrée au monastère. L’importance des biens transmis et leur intérêt pour le monastère justifient le versement de cette somme. L’acceptation dans un monastère ne constitue pas toujours une opération gratuite. C’est peut-être le sens d’une formule contenue dans l’acte rédigé à l’initiative d’Étienne, en 1096 ou 1097. Avec l’aval de son épouse Munda, il conditionne le don d’une pièce de terre au monastère des Saints-Serge-et-Bacchus à l’accord de son higoumène de le recevoir comme moine quand il le souhaitera. L’acte précise que cet accueil doit se faire gratuitement ; une façon d’interdire toute demande supplémen­ taire de la part du monastère332. Aucune condition d’âge n’est requise pour entrer au monastère333. Outre le cas déjà mentionné d’Athanase  Ier, la documentation médiévale fournit des exemples

330.  RNAM, vol. I/1, 15 – 931 : uerumtamen si memorata Natalia uxor mea ante me memorato Urso mortua fuerit a tunc omnia mouilia mea et memorate Natalie coniugis mee in uestra posterisque uestris ebeniat potestate pro animabus nostris et tu me suscipere debeas in tuo monasterio uel posteris uestris. Et si ego memoratus Ursus ante memorata uxore mea mortuus a tunc uos uel posteris uestris diuidere debeatis omnia cum memorata uxorem meam et ipsa medietatem meam ebeniat in uestra potestate poste­ risque uestris et alia medietas siat de memorata uxorem meam totius uite sue et post eius ouitum in uestra posterisque uestris rebertantur potestatem. 331.  RNAM, vol. IV, 372 – 1038. 332.  RNAM, vol. V, 486 – 1096 ou 1097 : Veruntamen stetit et firmamus inter nobis ut quandoque mihi placuerit me monachu facere in ipso sancto et uenerabili uestro monasterio, uos et posteris uestris me ibidem gratis recipere debeatis et me gratis ibidem monachorum facere et abere debeatis sicuti ceteris monaci de ipsa uestra congregatione ipsius uestri monasterii sine omni atmaricatione. 333.  En dehors des oblats (Règle de saint Benoît, éd. et trad. de Vogüé, LXIX), la présence de moines enfants au sein des communautés bénédictines apparaît à multiples reprises, en particulier

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d’oblats334. Le premier est Jean dont la famille transmet sa part d’héritage au monastère des Saints-Séverin-et-Sossius335. L’acte est conclu entre tous les membres de la famille et l’abbé du monastère, à l’exception de Jean et d’un frère, Aligernus, qualifié de paruulus. Le laïc reçu dans ce monastère est un oblat, sa famille agit pour son compte et le jeune homme n’est pas l’auteur de l’acte. Un autre document révèle la présence d’enfants dans les monastères de la région. En 935, Jean, higoumène du monastère Saint-Anastase, vend une maison pour le compte du moine Étienne, mineur336. Ce témoignage atteste le passage, une fois l’oblat entré au monastère, de la tutelle familiale à celle de l’abbé, ce que laissent aussi sous-entendre les clauses du contrat entre la famille de Jean et l’abbé du monastère des Saints-Séverin-et-Sossius. Hormis les enfants mineurs, il est difficile d’évaluer l’âge d’entrée d’un adulte, car on se fait moine à tout âge. En 1084, le prêtre Jean de Rico demande à entrer avec ses deux fils au monastère Saint-Michel de Gaète337. Tous sont majeurs. Mais une partie importante des individus entrent sur le tard. La formule postmodum uero monachus, fréquente dans les actes, est l’indice d’une vie civile précédant la vie monastique. L’exemple du duc Serge V de Naples se rendant à Constantinople avec son grand-père, le duc Serge IV, devenu moine, laisse supposer que ce dernier a pris l’habit monastique après avoir quitté le pouvoir en 1038. La disparition de l’époux ou de l’épouse constitue une autre motivation, exprimée par certains documents. La rédaction d’un testament offre un deuxième indice d’une admission tardive. Établir ses dernières volontés n’intervient pas nécessairement à l’article de la mort, mais la plupart des rédacteurs sont dans la force de l’âge, voire au-delà, quand ils expriment le souhait de prendre l’habit monastique. L’entrée au monastère revêt un caractère individuel ou collectif. Sur les dix « contrats d’entrée au monastère » conservés pour Naples et Gaète, huit concernent une entrée individuelle, deux des entrées collectives. Dans le premier, daté de 953, le moine Jean demande à intégrer le monastère des Saints-Serge-et-Bacchus avec ses deux fils338. La fortune personnelle de la famille semble peu importante : ils transmettent des

dans l’assouplissement ou l’infléchissement des principes imposés aux moines adultes : ibid., XXII, 7 (les moines adolescents sont séparés les uns des autres et mêlés aux moines âgés) ; ibid., XXX, 2-3 (sanction du jeûne ou des coups pour les enfants et les adolescents) ; ibid., XXXVII, 1 (indulgence envers les enfants) ; ibid., XXXIX, 10 (ration alimentaire proportionnée aux jeunes enfants) ; ibid., XLV, 3 (recours au châtiment corporel pour des enfants qui se trompent durant l’office) ; ibid., LXIII, 18 (discipline des enfants et des adolescents au réfectoire et à la chapelle) ; ibid., LXX, 4 (les enfants sont placés sous surveillance jusqu’à l’âge de 15 ans). 334. Voir Penco, Storia del monachesimo in Italia, p. 382-386. 335.  RNAM, vol. I/1, 14 – 930. 336.  MND, vol. II/1, 29 – 935. 337.  CDC, vol. II, 255 – 1084. 338.  RNAM, vol. I/2, 67 – 953.

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bovins et leur croît. Cette entrée ne concerne pas toute la famille au même titre : le père revêt l’habit monastique alors que les fils entrent au service du monastère comme laïcs, peut-être comme « convers », non comme novices339. En outre, ils conservent deux vaches et un veau pour leur usage. Le deuxième acte traite de l’entrée d’un père et de ses trois fils dans le monastère Saint-Michel de Gaète340. Le cas semble compliqué puisque les quatre hommes n’intègrent pas dans l’immédiat le monastère. Il ne s’agit manifestement pas d’une allusion à la période de probation prévue par la règle bénédictine et mentionnée par Grégoire le Grand. Avant de les recevoir comme moines, l’abbé doit leur confier une terre à semer avec des bœufs, ceux du monastère, sans doute pour travailler les champs341. Enfin, dans un document sur un accueil différé, un homme demande à entrer avec son famulus qui, dès lors, passe au service du monastère342. L’indication des ascendants complète les informations sur l’entrée collective ou individuelle au monastère. En 965, Macarius, moine du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus, évoque sa petite-fille moniale343. La différence d’âge entre le grand-père et la petite-fille est évidente bien qu’imprécise. On ne sait si le grand-père est devenu moine avant sa petite-fille, ce qui paraît plausible. On perçoit cependant la valeur d’exemple que revêt dans la famille la prise d’habit monastique par un de ses membres et les liens particuliers qui unissent les deux personnes, le grand-père prenant soin de laisser l’usufruit de sa terre à sa petite-fille. Dans un autre document napolitain, un donateur indique que ses deux parents, décédés, étaient entrés dans les ordres344.

339.  Voir, en introduction, les remarques générales de Racinet, Moines et monastères, p. 155-157 ; de manière plus précise, Penco, Storia del monachesimo in Italia, p. 388-393 ; Dubois, « Converso », ici col. 110-111 ; Neiske, « Convers », p. 394 ; Beccaria, « I conversi nel Medioevo », p. 137-140 sur l’origine du phénomène des convers, située aux xie-xiie siècles, et ses causes discutées (éloignement des moines du travail manuel, cléricalisation des milieux monastiques, contrecoup de la clôture davantage observée et contraignante, attrait des simples laïcs pour la vie monacale, recherche d’une maind’œuvre supplémentaire) ; également Oexle, « Mönchtum und Hierarchie », p. 196-197, qui rappelle la coexistence des moines avec les laïcs dans le christianisme ancien et la persistance, voulue par la règle bénédictine, d’une forma uiuendi entre laïcs et moines, les uns au service des autres. 340.  CDC, vol. II, 255 – 1084. 341.  CDC, vol. II, 255 – 1084 : Itemque debetis uos domine Constantine abbas et tuis posteris succes­ soribus quousque nos accipiamus habitum monachale seminari unum modium de uitalio cum uestri boui. 342.  RNAM, vol. IV, 370 – 1038 : Insuper et quidem Petro famulo meo uos et posteris uestris diebus uite meae enutrire et bestire seu calciare debeatis sicuti ceteris serbientibus memorati uestri monasterii et ipse uobis posterisque uestris diebus uite meae serbire debeas quomodo ceteris serbientibus memorati uestri monasterii. 343.  RNAM, vol. I/2, 116 – 965. 344.  RNAM, vol. I/2, 128 – 968 : Combenit itaque cum Domini auxilio inter me Ursus filium quondam domini Petri monachi et quondam domini Heufimie qui supra nomen Gemme monacha iugalium personarum.

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Le règlement d’un différend, en 989, permet de mesurer l’importance de la prise de l’habit monastique au sein de plusieurs familles napolitaines345. Le désaccord, qui porte sur la propriété de terres et de dépendants, met aux prises deux familles. La première est composée de Theotisti, honesta femina, fille du défunt Lunissus, moine, de son époux Jean devenu aussi moine, et ses fils, Jean et Aligernus. La deuxième famille est représentée par Sergius, fils du moine Jean, ses cousines Maria, appelée Marenda, et Anna, honeste femine, filles de Jean surnommé Cacapice (future famille aristo­ cratique Capece), et de la moniale Elisabet, sœur du moine Jean auxquels s’adjoignent d’autres personnes apparentées, dont une moniale nommée Iohanna. L’acte présente des lacunes qui brouillent les relations familiales. Il y a au moins deux moines ou moniales par génération, une proportion non négligeable. On mesure bien ici l’ampleur que peuvent prendre les vocations monastiques au sein d’une famille, a fortiori d’un lignage aristocratique.

Vie commune ou solitaire En toute logique, l’essentiel des moines et des moniales présents dans les sources appartiennent à des communautés monastiques. Ce phénomène, observé à la fin de l’Antiquité tardive, est plus prononcé qu’ailleurs du fait du développement d’un monachisme urbain sans comparaison en Italie méridionale346. Il apparaît aussi dans les multiples souscriptions de moines aux documents officiels rédigés à la demande de leur supérieur. Certains documents évoquent la constitution de communautés monastiques par de riches laïcs. En 954, des individus liés à la famille ducale napolitaine donnent à l’abbé Aligernus du monastère des Saints-Séverin-et-Sossius et à sa communauté un ensemble de biens fonciers auxquels s’ajoute une église détruite, nommée Saint-Pierre, située à Ercica près du Vésuve347. L’objectif des donateurs est qu’une communauté de moines s’y installe et se développe. Les moines sont pris en charge par les donateurs tant qu’ils résident sur place. S’ils désertent le lieu, sauf circonstances exceptionnelles, le bien redevient propriété des donateurs348. Leur volonté expresse n’est pas de fonder

RNAM, vol. II, 214 – 989. Voir p. 353 et suivantes. MND, vol. II, 1, 82 – 954. Pour la localisation d’Ercica voir ibid., p. 66, n. 2. Ibid. : ut ibidem pro Dei amore congregatione monachorum fiat in sempiternum et non habe­ amus licentiam nos aut heredes nostros ipsa congregatione monachorum presentibus et futuris, qui ibi accesserit in perpetuum, exinde gectare aut disrumpere uel molestiare aut de omnibus subscrictis exinde subtrahere […], et quando abbas in ipsa congregatione mortuus fuerit, tunc omni tempore quale abbate ipsa congregatio monachorum presentibus et futuris in perpetuum ordinare uoluerint, tale ordinare debeant, sed nobis illud scire facere debeant, ut nos cum ipsa congregatione ipsum abbate quale ipsa 345.  346.  347.  348. 

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un monastère, mais d’installer une communauté dépendant des Saints-Séverin-etSossius, plus valorisante qu’un simple desservant pour leur église. La taille des communautés monastiques est difficile à cerner. Les listes de sous­crip­ tions de moines avec leur abbé ne comportent que quelques noms rendant hasardeux l’évaluation de l’ensemble de leur communauté. Un privilège, accordé en 907 par le duc Grégoire IV de Naples et l’évêque Athanase III au monastère des Saints-Séverinet-Sossius, donne une indication chiffrée : « Alors, le saint évêque Athanase Iunior [Athanase  II], notre prédécesseur, a donné le principe suivant pour ce monastère au d. Acculsarius, vénérable abbé et prêtre, afin que la communauté des moines demeure réunie en ce même lieu pour toute activité […] l’homme de Dieu prenant soin de l’appliquer, entreprit de faire connaître sa disposition aux quinze moines »349. Le monastère des Saints-Séverin-et-Sossius est l’un des plus vieux monastères napoli­ tains. Connu de Grégoire le Grand350, il se trouve sur le site du castrum Lucullanum. Au moment de la rédaction de l’acte, la communauté vient de vivre un tournant dans son histoire. La destruction volontaire en 902 du castrum Lucullanum, par les autorités napolitaines, afin d’éviter qu’il ne se transforme en repaire pour les Sarrasins, entraîne le transfert définitif de tous ses établissements religieux à l’intérieur des murailles de la ville de Naples. L’acte évoque longuement cet épisode afin de renouveler les privilèges accordés au monastère avant son transfert. L’allusion aux quinze moines concerne la communauté sous l’évêque Athanase  II, à la fin du ixe  siècle. Cette indication du nombre de moines concerne l’un des monastères les plus importants des duchés tyrrhéniens, auréolé d’une tradition pluriséculaire et favorisé par les autorités civiles et religieuses de la cité. La communauté doit être l’une des plus importantes de la région, mais elle reste limitée si on la compare aux grands monastères forts de plusieurs dizaines de moines, voire davantage351. Le document précise que la communauté a continué

congregatio uoluerit eum ordinare debeamus sine omni datu et sine omni premio […] tamen si barbaricus fuerit, ut in ipso monasterio non habitaueritis, tunc ipsum mele nobis non detis per omne annum quando de ipsum monasterium fugieritis […] ut si, quod non credimus, et ipsa congregatio quouis tempore dirrupta fuerit et non fuerit congregatio monachorum in ipsa ecclesia, quam nobis superius diximus edificare, ut diximus si fuerit dirrupta, tunc omnibus nostris in nostra nostrisque heredibus reuertatur potestate, excepto si ipsa congregatio dirrupta fuerit pro cuncta de gente aut pro cuncta de persecutione. 349.  MND, vol. II, 2, Diplomata et chartae ducum Neapolis, 1 – 907 : Athanasius igitur iunior episcopus sanctus predecessor noster tale preceptum super hoc monasterio dompno Acculsario uenerabili abbati presbytero emisit, ut omni ibidem industria monachorum collegium aggregaret […] quod uir ille Domini adimplere uigilans, prope ad quindecim monachos suo cepit illic informare proposito. La date, 907, pose problème quant aux indications sur le duc de Naples, Grégoire  IV (897/898 – 914/915) et de l’évêque Athanase III (911-960). 350.  Voir p. 64-65. 351. Voir Berlière, « Le nombre des moines » : le contingent le plus fréquent se situe autour d’une douzaine de moines. Rares sont les communautés qui, au haut Moyen Âge, dépassent la quaran-

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de s’agrandir352. Le nombre élevé de monastères présents à Naples et dans sa région interdit le développement de grandes communautés et explique les écarts d’effectifs. Seuls les monastères des Saints-Serge-et-Bacchus, à Naples, des Saints-Théodore-etMartin, à Gaète, ou le monastère féminin des Saints-Grégoire-et-Sébastien, à Naples, possèdent peut-être des communautés équivalentes à celle des Saints-Séverin-etSossius. Le monastère établi sur l’écueil de Ruviliana, près de Castellammare di Stabia, ne peut accueillir plus d’une dizaine de moines. Ainsi des communautés durables et importantes cohabitent avec de petits groupes de moines ou de moniales installés dans des établissements récents à l’avenir incertain. La vie des communautés reste difficile à appréhender, faute de sources. Des infor­ ma­tions percent pourtant. En 1113, un acte évoque le grand jardin du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus à Naples et le bâtiment principal de l’établissement353. En 983, l’abbesse Drosu, du monastère féminin des Saints-Marcellin-et-Pierre à Naples, met un jardin et une grotte à disposition d’un couple de laïcs afin d’y construire un bain dont les moniales pourront disposer au moins tous les quinze jours354. La concession de l’eau

taine de membres comme Lobbes avec 77 moines vers 850, Saint-Bertin en rassemble 83 vers 820, SaintGermain-des-Prés 212 vers 815 mais 120 en 829, Saint-Denis compte 126 moines en 838, presque autant à Jumièges en 900, Saint-Maximin de Trèves en compte une centaine dès le viie siècle avant de descendre à 12 moines en 885 puis atteindre 70 en 987, autant que Prüm avec 66 moines attestés vers 862 ; en Italie n’est fourni pour le haut Moyen Âge que le cas de Novalèse avec 500 moines au viiie siècle. D’autres exemples sont donnés par Hill, « Benedictines », p.  171. Pour la période carolingienne, font figure d’exception Saint-Riquier, Corbie et Fulda qui compteraient peut-être 300 moines, environ 200 pour la dernière. Les grandes abbayes se situent plutôt entre 70 et 150 moines. À la fin du xie et au début du xiie siècle, période d’apogée du monachisme bénédictin réformé, l’abbaye de Cluny totaliserait 300 moines, celles de Saint-Wandrille, Saint-Albans ou Westminster entre 80 et 120. Aux moines profès doivent être ajoutés les laïcs, les convers et les domestiques qui représentent au moins la moitié de l’effectif des moines. Pour le Mont-Cassin, des effectifs sont connus par un manuscrit de 1164 : la communauté monastique compterait alors environ 300 membres. Voir Constable, « Monasteries, Rural Churches, and the cura animarum », p. 364-365. 352.  MND, vol. II/2, Diplomata et chartae ducum Neapolis, 1 – 907 : ut ex diuersis partibus multi ibidem monachi confluerent. Le sens de ex diuersis partibus est trop vague pour en déduire le recrutement extérieur de la communauté, mais il est possible que les rédacteurs de l’acte aient voulu ici démontrer le rayonnement extra-napolitain du monastère des Saints-Séverin-et-Sossius. 353.  RNAM, vol. V, 545 – 1113 : et a parte occidentis est ortum maiore memorati illorum monasterii […] et iusta memoratum ballatorium parte meridiana abet regia memorati monasterii. 354.  RNAM, vol. II, 197 – 983 : licentiam habeamus descendere et benire per ipso nostro monasterio ad ipsum balneum pro lauandum et uos aut heredes uestri nobis posterasque nostras faciatis facere balneum bonum et aquam nobis dare quantum iustum fuerit gratis et si nos aut posteras nostras totaque ipsa nostra congregatio noluerimus ibidem simul benire adunate at lauandum licerem habeamus de omnes quindecim in quindecim dies ibidem benire media ipsa nostra congregatio at lauandum.

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d’une fontaine au monastère Saint-Laurent d’Amalfi est peut-être liée à cet usage ou à la reconnaissance d’un monopole désormais exempté de taxes355. Enfin, plusieurs actes évoquent l’existence d’un infirmarium dans des monastères356. Le sort des malades fait l’objet d’un chapitre spécifique dans la règle bénédictine357. L’infirmarium constitue la structure d’accueil des moines malades et âgés, comme le confirme l’acte de 946 à propos du monastère des Saints-Théodore-et-Sébastien358. Sa gestion semble séparée du reste de l’établissement359. Sur l’ensemble des trois duchés 70 monastères sont attestés, les trois quarts situés sur le territoire contrôlé par Naples. Les établissements féminins sont au nombre de 23 contre 30  monastères masculins tandis que 17 sont indéterminés. Le dénombrement des moines et moniales, connus entre le xe et le xiie siècle dans les sources notariées de Naples, Gaète et Amalfi, amène à une conclusion identique. Pour environ 140 moines attestés, on compte moins d’une cinquantaine de moniales360. Les mentions d’abbés et d’abbesses, plus précises, conduisent au même rapport : plus de 70  abbés pour 25 abbesses. La séparation entre les hommes et les femmes paraît évidente dans les sources et on ne rencontre aucune allusion à des monastères doubles ni à une direction unique pour un monastère masculin et un monastère féminin361. Toutefois, un acte livre un

355.  CP, 14 – 1018 (?) : le duc Serge d’Amalfi concède à Blactu, abbesse du monastère Saint-Laurent d’Amalfi, toute l’eau courant près de l’église Saint-Pierre-Apôtre dans le lieudit Bostopla, propriété du monastère. Ibid. : id est plenaria tota ipsa aqua qui decurrit per formam ad ipsa ecclesia uestra huius predicti monasterii nominatiui Beati Petri Apostoli qui est dedicatus in locum qui dicitur [Bostopla]. 356.  RNAM, vol. I/1, 44 – 946 : infirmaria du monastère des Saints-Théodore-et-Sébastien et du monastère de l’Insula Saluatoris ; RNAM, vol. II, 212 – 988 ; RNAM, vol. IV, 349 – 1031 : infirmarium du monastère des Saints-Séverin-et-Sossius ; RNAM, vol. IV, 341 – 1028 : infirmarium du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus. 357.  Règle de saint Benoît, éd. et trad. de Vogüé, XXXVI, vol. II, p. 570-572. Ce chapitre de la règle bénédictine a suscité une ample bibliographie au sein de laquelle nous indiquons Gindele, « Zur Frühgeschichte », p. 451-458 ; Schwabb, « La règle de saint Benoît », p. 9-17 ; Böckmann, « I fratelli malati », p. 5-53. De manière plus large, Gantoy, « Serving the sick », p. 63-85 ; Davril et Palazzo, La vie des moine, p. 113-119. 358.  RNAM, vol. I/1, 44 – 946 : in eodem infirmario sit oblatum et traditum ad habendum ibi illud in sempiternum pro regendi et dispensandi omnes infirmis et betulis ipsius dicti monasterii. 359.  Voir p. 195 et suivantes. 360.  On dénombre ici les personnes attestées à l’état monastique au moment de la rédaction de l’acte. Si l’on prend en compte l’ensemble des mentions de moines et de moniales, le rapport est d’environ quatre moines pour une moniale. 361. Voir Jombart et Viller, « Clôture », col.  994-995 ; l’étude fondamentale demeure celle de Hilpisch, Die Doppelklöster, p. 51-52, qu’on complétera avec profit, toujours dans une perspective italienne, par l’article de Jenal, « Doppelklöster », p. 39-40. Les deux auteurs notent l’absence de tout monastère double dans la péninsule italienne entre le viie et le xie siècle.

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cas singulier pour le monastère féminin des Saints-Nicandre-et-Marcien. Alors qu’en 1064 ou 1065, on mentionne l’abbesse Maria à sa tête, en 1123-1124 il s’agit d’un abbé, nommé Theopistus362. Une séparation et un isolement plus stricts paraissent requis pour les moniales. L’abbesse du monastère des Saints-Marcellin-et-Pierre précise que les moniales doivent posséder la jouissance du bain lorsqu’elles s’y rendent, à l’exclusion de toute autre personne, homme ou femme363. Si la vie communautaire semble constituer la « règle » et concerner l’immense majorité des religieux, une vie monastique solitaire est attestée. Pas davantage que la correspondance de Grégoire le Grand, les actes notariés n’offrent un support idéal pour observer la présence de moines gyrovagues ou d’ermites, par essence détachés des biens matériels et moins impliqués dans la vie courante que le monachisme conventuel. Pourtant, la présence de Nil de Rossano, établi au monastère de Serperi près de Gaète, constitue une preuve exceptionnelle de l’existence, peut-être du retour, d’un monachisme ascétique, de type cénobitique, dans la région à la fin du xe  siècle364. Un document de Gaète offre d’ailleurs un témoignage sur un autre ermite. En 978, les ducs Marin II et Jean III confient l’église Saint-JeanBaptiste à Pierre, qualifié de prêtre, moine et ermite du monastère Saint-Michel

362.  RNAM, vol. V, 404 – 1064 ou 1065 : una cum quidem domina Maria religiosa monacha et gubernatrix monasterii beatissimorum Nicandri et Marciani, atque Patricie puellarum Dei et cunctas eius congregationes monacharum ipsius monasterii ; RNAM, vol. VI, 587 – 1124 : uobis domino Theopisti uenerabili abbati monasterii sanctorum Nicandri et Marciani puellarum Dei et per uos in ipso sancto et uenerabili uestro monasterio. Le genre masculin du nom et du mot dominus rend peu probable une erreur de lecture de l’éditeur. 363.  RNAM, vol. II, 197 – 983 : nobis adsignare debeatis ipsum balneum et nullum alium hominem nec uirum nec mulierem ibidem recipere minime presumetis dum nos ibidem laueuerimus. 364.  Quelques brèves remarques de Pepe, Da san Nilo all’Umanesimo, p. 9-18 ; de manière globale, nous renvoyons aux Atti del Congresso internazionale su S.  Nilo di Rossano, Rossano-Grottaferrata, 1989, en particulier à la contribution de Falkenhausen, « La Vita di S.  Nilo », p. 271-305. Un article examine, d’après les sources hagiographiques grecques, la riche terminologie traduisant, dans l’ascétisme byzantin, les diverses formes de vie conventuelle ou érémitique (εὐκτήριον, ἡσυχαστήριον, κελλίον, κοινόβιον, κοινώνια, λαύρα, μοναστήριον, μονή ; il manque le terme de μάνδρα) : voir Morini, « Eremo e cenobio », p. 369-374 sur le monachisme nilien en Calabre. Le modèle ascétique importé par Nil de Rossano dans les régions latines d’Italie du Sud comme la Campanie aurait toutefois subi l’influence du monachisme latin et de la spiritualité bénédictine d’après Borsari, Il monachesimo bizantino, p. 56-60, 91-94 et 112-115. Un rapide inventaire des publications des années 1960-1970 relatives aux monastères italo-byzantins a également été dressé. Id., « Il monachesimo bizantino nell’Italia meridionale », p. 675-695 ; de même, Vitolo, « Eremitismo, cenobitismo », p. 532-535, qui porte sur les xiie-xiiie  siècles surtout et le cas des monastères Saint-Jacques et Saint-Érasme, des communautés érémitiques déjà en voie de « cénobitisation » avant d’entrer dans la dépendance de Sainte-Marie-la-Neuve, un monastère situé près d’Eboli.

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sur le mont Cilio365. L’église, construite au pied du mont, a déjà été donnée au monastère, tout comme une cella à Gaète, près de la cathédrale366. L’érémitisme du moine semble motiver le choix des ducs de Gaète qui, dans cet acte, le désignent parmi les moines du monastère Saint-Michel. Il est impossible de connaître les raisons qui amènent les ducs à qualifier le moine d’ermite. Peut-être la situation du monastère, sur la montagne, est-elle propice à une vie solitaire, à l’écart de la communauté à laquelle le moine se rattache. Sa vie solitaire semble pourtant compatible avec le service d’une église qui lui est ici confiée.

Rappel et respect des règles monastiques Ni la correspondance de Grégoire le Grand, à la fin du vie  siècle, ni les Gesta episcoporum Neapolitanorum, au ixe siècle, n’évoquent de règle monastique. Ces sources ne sont pas centrées sur le monachisme et, quand elles l’évoquent, ne s’attardent pas sur cette question. À partir du xe siècle, les actes de la pratique se font en revanche l’écho de règles monastiques suivies par les établissements de Naples et de Gaète. Les personnes désirant entrer dans un monastère précisent qu’elles entendent suivre la « règle de saint Benoît » ou la « règle de saint Basile »367. Cette insistance se retrouve à propos des monastères féminins, comme en témoigne en 1009 un document dans lequel le duc Serge IV de Naples agrège le monastère féminin des Saints-Sauveur-et-Pantaléon à celui des Saints-Grégoire-et-Sébastien368. La récurrence de ces mentions n’est pas fortuite et leur apparition dans les actes à partir du xe siècle montre un monachisme quelque peu différent de celui de la fin de l’Antiquité369. Les réformes du monachisme menées par Benoît d’Aniane et soutenues par les souverains carolingiens touchent tardivement le littoral campanien caractérisé par son conservatisme. De plus, cette influence apparaît

365.  CDC, vol. I, 72 – 978 : per anc chartulam nobis postulantem Petro presbytero et monachus eremitarius cenouii sancti Mighaeli Arghanieli qui situm est in Cilio montis qui uocatur Altino in pede ipsius montis constructa est ecclesia beati Iohanni Baptiste qui uocatur in Acquolas pertinentes prefati monasterii quam nos et propria nostra causam offerimus tiui beate Mighael Arghangele ut pro nobis omnibus suprascriptis intercedatis ad dominum. La localisation du monastère sur le mont Cilio au lieudit Altino reste inconnue. Il ne peut s’agir d’Altino dans les Abruzzes. 366.  Ibid. : et de suprascripto Petro presbytero et monachus uestro deserbitori abeamus fidelissimam orationem idest ipsa cella totam et inclitam posita intro istius ciuitatis suptus nostri espicopii au ipso parie­ tem qui est subtus altare sancte Eupurie birginis. 367.  E.g. CDC, vol. I, 182 – 1047 : et promitto cum Christi auxilio stare et redire et deseruire in pre­ nominato monasterio homnibus diebus uite mee secundum regula sancti Benedicti et preceptioni abbatis. 368.  MND, vol. II, 2, Diplomata et chartae ducum Neapolis, 8 – 1009 : et sanctam eius congregatio­ nem monacharum cum Dei adiutorium et timore regulariter regere et gubernare debeatis sub castitate et monachali disciplina, ut regula ueati Benedicti docet. 369.  Voir p. 57 et suivantes.

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davantage formelle que structurelle. La diversité des règles dans le duché de Naples en témoigne et laisse une liberté plus importante aux établissements que dans les régions où se développe seul le monachisme bénédictin. La souplesse de la « règle de saint Basile »370 joue peut-être un rôle. L’importance des fondations monastiques et l’existence d’une forte tradition du monachisme urbain371 favorisent cette permanence et cette diversité. Le monachisme des duchés tyrrhéniens, certes perméable aux évolutions, conserve un archaïsme dans ses structures et son fonctionnement. La discipline monastique est évoquée dans la correspondance de Grégoire le Grand. Pour le pape, les moines doivent avant tout se consacrer aux louanges du Seigneur, prier dans la plus grande tranquillité372. Hormis pour les questions de discipline, ni l’évêque, ni les prêtres célébrant la messe dans le monastère ne doivent intervenir dans les affaires du monastère373. Même le service liturgique des prêtres ne doit pas troubler la vie cénobitique, ni empêcher les moines de recueillir les offrandes des fidèles374. La lettre de Grégoire le Grand au sous-diacre et recteur Anthemius375, en réponse à une lettre de l’évêque Jean de Sorrente, est consacrée aux problèmes de discipline monastique dans les monastères de ce diocèse. Le pape déplore le passage des moines d’un monastère à l’autre, le manque d’obéissance aux abbés, la constitution d’un pécule. Un autre problème est posé par les clercs passés à la vie monastique : ils ne peuvent retourner dans leur ancienne Église, sinon à la demande de l’évêque qui, les jugeant « dignes du sacerdoce », peut alors les ordonner à la tête d’une église. Enfin, Grégoire le Grand évoque des moines ayant pris femme qu’il faut contraindre à réintégrer le monastère. Dans une autre lettre, il souligne le problème de la chasteté des moines menacée par la présence de femmes réfugiées dans un monastère masculin des îles Pontiennes376. Quelles sont les sanctions encourues ? Une lettre évoque la destitution pour péché de chair de Secundinus, abbé du monastère Saint-Martin, et son remplacement par décision pontificale377. Enfin il est fait mention d’une rébellion de moines de Saint-Martin, envoyés en mission en Sicile, dont l’abbé Théodose demande au pape la recherche et le retour à Naples378.

370.  Voir p. 116 et suivantes. 371.  Voir p. 353 et suivantes. 372.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 162, éd.  Norberg,

IX, 163 – mai 599 : ut, dum in Dei laudibus liberior uacare ualuerit, pro uobis, cuius opere ut leuationem aliquam habeat factum est, securior Dominum ualeat exorare. 373.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 58 – août 593. 374.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 50 – juin 595. 375.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 40 – avril 591. 376.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 48 – juin 591. 377.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 23 – mars 593. 378.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 33 – mai 595.

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La plupart des documents du haut Moyen Âge relatifs à l’entrée immédiate dans un monastère rappellent quelques éléments de discipline monastique : le respect de la clôture en constitue l’élément fondamental379, au point d’occuper déjà plusieurs chapitres de la règle bénédictine380. L’acte du duc Grégoire IV et de l’évêque Athanase III concernant le monastère des Saints-Séverin-et-Sossius évoque le principe de réunion de la communauté monastique dans un lieu unique381. Ce « principe », énoncé par l’évêque de Naples, reste obscur car dépourvu de toute explication. S’agit-il d’une allusion à la règle de stabilité dans le monastère au moment où, en Italie et avec retard dans les duchés tyrrhéniens, se diffuse le mouvement de réforme du monachisme en parallèle à la législation carolingienne ? En 930, parmi les conditions d’accueil dans le monastère des Saints-Séverin-et-Sossius de l’oblat Jean, l’abbé possède le droit de se saisir du moine s’il tente de quitter l’établissement, de le ramener et le garder pour le reste de ses jours382. Cette disposition, établie par les capitulaires inspirés de Benoît d’Aniane et absente de la règle bénédictine383, est inscrite dans un contrat de cession de biens et d’héritage

379.  Voir, de manière générale, Jombart et Viller, « Clôture », col. 981-982 et 989-990 sur la situation des moniales durant le haut Moyen Âge ; Leclercq, « Clausura », col.  1167-1168 pour le début de la période médiévale. Voir également une rapide mise au point des premières prescriptions monastiques relatives à la clôture des communautés féminines, depuis la règle de Césaire d’Arles jusqu’à la réforme clunisienne, dans Prou, La clôture des moniales, p. 55-73. À compléter par Vidal Celura, « Evolución histórica », p.  113-124 et 297-338 ; Gradowicz-Pancer, « Enfermement monastique », p. 3-18 ; enfin, de propos plus général, Röckelein, « Hiérarchie, ordre et mobilité », p. 214-216. 380.  Si les chapitres 50 et 51 de la règle bénédictine concernent l’obligation de réciter la prière aux heures dites et l’interdiction de déjeuner à l’extérieur du monastère pour les frères qui travaillent au dehors ou sont partis pour une commission, en revanche le chapitre  67 établit un principe de stricte clôture. Voir la Règle de saint Benoît, éd. et trad. de Vogüé, L-LI et LXVII, 2, p. 608 et 662. On relève en particulier cette interdiction : ibid., LXVII, 6-7, p. 662 : Quod si quis praesumpserit, uindictae regulari subiaceat. Similiter et qui praesumpserit claustra monasterii egredi uel quocumque ire uel quippiam quamuis paruum sine iussione abbatis facere. Elle réitère une presciption mentionnée plus haut dans la règle : ibid., XLVIII, 15, p. 628 : sciens et lege regulae constitutum quod ei ex illa die non liceat egredi de monasteri. Voir à ce propos Muschiol, « Von Benedikt bis Bernhard. Klausur zwischen Regula und Realität ». 381.  MND, vol. II/2, Diplomata et chartae ducum Neapolis, 1 – 907 : ut omni ibidem industria monachorum collegium aggregaret. 382.  RNAM, vol. I/1, 14 – 930 : et nullo modo modo (sic) de ipso sancto uestro monasterio exire se pres­ ummet omnibus diebus uite sue et si exinde exire presumserit a tunc licentiam habeatis uos et posteris uestris eum sequere et adpreendere et in memorato sancto uestro monasterio eum reuocare omnibus diebus uite sue. 383.  L’emprisonnement du membre récalcitrant d’une communauté monastique est stipulé par la législation canonique carolingienne. Ainsi au concile d’Aix-la-Chapelle d’août 816, le canon 17 est consacré à la correction des moniales. Voir Concilia Aevi Karolini, éd. Werminghoff, vol. 1, p. 450 : Si uero nec sic se correxerit, separetur a mensa et a ceterarum sanctimonialium in choro psallentium societate et seorsum in loco huius cemodi neglegentibus ab abbatissis stare cogatur constituto, ut saltim rubore sequestrationis emen­

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au profit de l’établissement monastique. Elle permet aussi de garantir la validité et la perpétuité de la transmission du patrimoine, mais ne figure pas de manière sys­té­ ma­tique dans les contrats, preuve qu’elle n’établit pas une garantie absolue. Elle n’est pas davantage destinée aux seuls moines mineurs, et apparaît dans des documents relatifs à l’entrée d’adultes au monastère384. Liée à l’obligation de clôture, l’entrée définitive dans la vie monastique constitue une deuxième caractéristique évoquée dans les actes de la pratique. La règle bénédictine précise qu’il s’agit d’un engagement à vie385. On retrouve ce principe dans presque tous les contrats d’entrée immédiate386. Explicite, la référence à la règle monastique dépasse la logique de précaution contractuelle, tout comme la règle d’obéissance absolue à l’abbé387 ou le rappel de son rôle disciplinaire388.

detur. (…) Postremo, si his omnibus exhibitis prorsus inemendabilis atque in corrigibilis apparuerit, quia nullatenus huic saeculum repetere fas est, aduocetur necesse est episcopus et illius sapientissimo ac discretissimo iudicio ita eiusdem uita, quae se tot uitiis foedando et in pertinatia permanendo a collegio sanctimonialium quodammodo secreuit, intra septa monasterii moderetur, quatenus et paenitentiam sibi ab eo iniunctam salu­ briter gerat et ceteris nullius contagionis morbum inferre ualeat. De même, au concile d’Aix-la-Chapelle de juillet 817, le canon 1 traite du redressement des moines désobéissants. Voir l’édition de J. Semmler dans Corpus consuetudinum monasticarum, éd. Hallinger, vol. I, p. 473 : Vt si quis neglegenter sonitum fecerit uel aliud quid excesserit in refectorio mox a priore ueniam petat ; cf. canons 30-31 et 40, ibid., p. 479 : Vt de furto incerto excommunicatio a sanguine et corpore Christi non fiat quousque culpabilis confiteatur. Vt si frater aduersus fratrem pro qualibet culpa testimonium protulerit fratri perfectiori credatur ; ibid., p. 480 : Vt qui noxa tenentur pro culpa die dominica remissius habeant et ueniam non petant. In fine, la présence de semblables dispositions dans un acte d’un monastère de Naples révèle la perméabilité du monachisme napolitain au mouvement réformateur carolingien relayé par Rome. 384.  RNAM, vol. I/2, 161 – 975 (pour l’entrée de Jean, dans le monastère des Saints-Théodore-etSébastien) : et numquam presummo nec abeuo licentiam sine uestra iussione ipso uestro monasterio exire set diebus meis ibi finire promitto et si sine uestra iussione ipso uestro monasterio exiero tunc liceas uos permisso uestro me appreendere et in eodem uestro monasterio me reducere et me corripere ut ipsa sancta regula docet. L’allusion à la règle de clôture est ici explicite. 385.  Règle de saint Benoît, éd. et trad. de Vogüé, XLVIII, 14-17, vol. II, p. 628-630 : Et si habita secum deliberatione promiserit se omnia custodire et cuncta sibi impetrata seruare, tunc suscipiatur in congregatione, sciens et lege regulae constitutum quod ei ex illa die non liceat egredi de monasterio, nec collum excutere de sub iugo regulae quem sub tam morosam deliberationem licuit aut excusare aut susci­ pere. Suscipiendus autem in oratorio coram omnibus promittat de stabilitate sua et conuersatione morum suorum et oboedentia, coram Deo et sanctius eius, ut si aliquando aliter fecerit, ab eo se damnandum sciat quem inridit. 386.  CDC, vol. I, 182 – 1047 : pro eo quod ego qui supra Iohannes spondeo et promitto cum Christi auxilio stare et redire et deseruire in prenominato monasterio homnibus diebus uite mee secundum regula sancti Benedicti et preceptioni abbatis. 387.  E.g. RNAM, vol. I/2, 67 – 953 : in obendientia et in serbitio esse promitto ut sancta regula beati Basilii docet. 388.  RNAM, vol. I/1, 14 – 930 : et secundum meritum culpe sue in uestra sit potestate eum corripiendi et disciplinandi.

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Enfin, une phrase, très fréquente dans ces « contrats d’entrée au monastère », résume bien la prise définitive de l’habit monastique : « afin que vous me receviez dans votre monastère au sein de la communauté de vos moines et que vous me fassiez moine, me nourrissiez, vêtiez et chaussiez comme les autres moines cénobites de votre saint monastère »389. On ne note ici aucune différence entre monastères bénédictins et monastères « basiliens ». Ces mentions révèlent dans quelle proportion les principes des règles monastiques sont intégrés aux actes juridiques de la vie quotidienne. Ces rappels sont peut-être faits, à la demande de l’abbé du monastère d’accueil, pour officialiser l’engagement du contractant, mais on imagine mal et on ne connaît aucun cas de supérieur d’un monastère estant en justice pour rupture de ces vœux. Ces contrats ne constituent d’ailleurs pas la trace écrite de la prise d’habit ni de l’engagement d’un novice, même s’ils comportent des allusions claires à plusieurs principes des règles monastiques, en particulier de la règle bénédictine. Le dessein des contractants est de manifester leur motivation d’entrer, maintenant ou plus tard, dans un établissement religieux. Dans l’esprit des individus, la mention de ces principes disciplinaires, les plus impor­ tants à leurs yeux, a ainsi valeur de contrat moral, non religieux. Les actes de la pratique révèlent, en creux, les manquements à la règle monastique. L’entrée au monastère implique en théorie le renoncement à la vie passée et aux liens familiaux, la famille monastique se substituant à la famille biologique390. Cet abandon d’une vie antérieure apparaît avec l’emploi, très fréquent dans les actes, de l’expression postmodum monachus après le nom d’un individu391. En 989, Theoctisti évoque le moine Jean, « autrefois son mari »392. Les liens du mariage ont été rompus par l’entrée au monastère de son époux.

389.  RNAM, vol. I/2, 102 – 963 : promitto uobis propter quod uos mihi in memorato uestro monaste­ rio recepistis inter memorata congregationis uestra monachorum et me monachum fecistis, et me nutrire et bestire seu calciare sicuti ceteris monachi cenobiati de memorato sancto uestro monasterio. 390.  On relève cette précision relative à l’abbé dans la Règle de saint Benoît, éd. et trad. de Vogüé, II, 2-3, vol. I, p. 440-442 : Christi enim agere uices in monasterio creditur, quantus ipsius uocatur pronomine, dicente Apostolo : « Accepistis spiritum adoptionis filiorum, in quo clamamus : abba, pater ». Voir sur ce point la contribution de Fernandes, « La comunidad », p. 29-41. Par ailleurs, Pauley, « The Roman Paterfamilias », p. 51-55, réfute toute assimilation de l’autorité de l’abbé dans la règle bénédictine à celle du paterfamilias issu du droit romain dans la mesure où le terme de paterfamilias, fort peu usité dans la règle, désigne le Christ et jamais l’abbé dont l’autorité s’inspire de la tradition spirituelle monastique des Pères du désert et non de la société romaine séculière et de ses préoccupations économiques. 391.  E.g. RNAM, vol. I/2, 73 – 956 : Certum est me Gregorium filium quondam uenerabilis domini Sergii dudum prefecti postmodum uero monachi. Cette indication n’apparaît pas dans les actes de Gaète. 392.  RNAM, vol. II, 214 – 989 : Ego memorata Theotisti honesta femina pro uice et portione Iohannis […] germanis filiis meis quos abeo de memorato domino Iohanne monaco dudum uiro meo.

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La perpétuation de liens familiaux se manifeste pourtant. Au milieu du xie siècle, le monastère des Saints-Serge-et-Bacchus échange une terre avec le moine Jean, qui mentionne son épouse Maria et déclare agir avec son accord393. Son monastère n’est pas indiqué et il paraît douteux qu’il appartienne au monastère des Saints-Serge-etBacchus, auquel cas il aurait qualifié l’higoumène de dominus meus. Rien n’indique que le moine vit encore avec son épouse, mais il reste partie prenante dans les affaires du couple. Un autre cas, plus singulier, apparaît dans un acte de 1058 : Pierre, abbé du monastère Saint-Agnellus à Naples, vend une terre au desservant de l’église Saint-Sévère, propriété du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus. L’abbé n’agit pas au nom de son monastère, mais avec son frère Étienne et en accord avec son épouse Gemma394. De manière générale, nombre d’actes témoignent de l’implication de moines ou de moniales dans des transactions familiales, preuve qu’ils n’ont pas renoncé aux biens de ce monde. En 958, le moine napolitain Étienne intervient dans un partage de terres avec un Lombard pour le compte du défunt Campulu, son beau-père, et la milice napolitaine, car les terres se trouvent en Liburie395. De nombreux moines continuent à gérer leurs biens, entorse au vœu de pauvreté et d’abandon des biens terrestres à l’entrée du monastère comme l’exige la règle bénédictine396. Par exemple, la moniale amalfitaine Theodonanda vend en 1064 une terre à son cousin germain pour 60  sous d’or397. L’implication de moines ou de moniales dans des différends fonciers est une autre illustration du maintien d’attaches séculières398. L’appartenance à un monastère ne semble pas empêcher la conservation et la gestion de ses biens, car il paraît difficile d’imaginer que les moines et les moniales connus par les actes n’ap­ par­tiennent à aucun monastère et ne bénéficient d’aucun contrôle de leur supérieur.

393.  RNAM, vol. V, 394 – 1052 : Certum est me Iohanne monachum filium quondam domini Sergii et quondam domina Maria honesta femina iugalium personarum, una cum consensum Maria honesta femina, conius mea. 394.  RNAM, vol. V, 401 – 1058 : Certum est nos Petrum subdiaconum et abbatem seu rector monasterii beatissimi Agnelli ubi eius uenerabile quiescit corpus, et Stephanum uterinis germanis filiis […] nos autem una cum uolumtate memorata Drosum genitricem nostra […] et oc memorati sumus quia ego memorato Petro subdiacono et abbati una cum uoluntate quidem Gema conius mea. 395.  RNAM, vol. I/2, 82 – 958. 396.  Règle de saint Benoît, éd. et trad.  de  Vogüé, LVIII, 24-25, vol. II, p. 630-632 : Res, si quas habet, aut eroget prius pauperibus aut facta sollemniter donatione conferat monasterio, nihil sibi reseruans ex omnibus, quippe ex illo die nec proprii corporis potestatem se habiturum scit. Le problème se pose également dans les duchés voisins de Naples. Voir sur ce point Skinner, Medieval Amalfi, p. 87. 397.  CP, 46 – 1064. 398.  CP, 5 – 981 (?) : Règlement d’un différend à Amalfi entre un laïc nommé Sparanus et la moniale Drosu à propos d’une pièce de châtaigneraie située à Agerola dans le lieudit Tigillitu. La moniale agit en son nom propre.

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La gestion des biens personnels concerne aussi leur transmission à des héritiers laïques par testament comme le montre le cas de Serge dont les distributores sont chargés de répartir ses biens entre plusieurs bénéficiaires dont le monastère de Saint-Sébastien s’il y entre399. En 962, une moniale transmet l’ensemble des biens immobiliers venant de sa mère, pour son âme, au monastère des Saints-Théodore-et-Sébastien, monastère masculin dont elle ne fait évidemment pas partie. Elle conserve une oliveraie en usufruit, preuve qu’elle administre ses biens hors de toute intervention de son monastère400. Des moines et des moniales sont aussi bénéficiaires, à titre personnel, de legs. Serge Amalfitanus laisse à sa fille Marenda, moniale, le bénéfice d’une redevance en nature (du froment, du vin et aussi des tarins) et 10 sous donnés pour son âme après sa mort. Disposition originale, le testateur prévoit en cas de refus de la donation par sa fille de lui donner 40 sous401. Il est douteux que ce refus soit en rapport avec les vœux professés par la moniale. Dans son testament, le prêtre Pierre offre à Laetitia, moniale à Saint-Laurent d’Amalfi, un manteau en belette, un habit monastique peu commun402. Certains moines ou moniales demeurent usufruitiers jusqu’à leur mort des biens remis à leur monastère. Cela expliquerait la vente de la terre du moine Timotheus par le monastère des Saints-Serge-et-Bacchus après son décès403. Il s’agit peut-être d’une solution, un compromis, pour contourner la règle de pauvreté : les biens sont donnés au monastère, mais le moine donateur en conserve la jouissance et la gestion jusqu’à sa mort. Le respect des règles monastiques se heurte à la gestion complexe des biens fonciers dans un système de propriété, en particulier à Naples, où les possesseurs forment un chaînon de la transmission de patrimoines familiaux. Un document napolitain de 980 illustre cette complexité : les neveux de Maria, veuve du défunt moine Jean du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus, vendent à l’higoumène les terres que la veuve

399.  RNAM, vol. IV, 329 – 1026. Autre exemple à Gaète dans CDC, vol. II, 296 – 1121 : le moine Jean, fils de Grégoire magnificus, et ses sœurs Grusa et Matrona, avec son neveu Pandulphus et son épouse donnent une part de leur héritage à leurs autres neveux Jean et Grégoire. 400.  RNAM, vol. I/2, 97 – 962. Ce don est à rapprocher de RNAM, vol. VI, Appendix, 37 – sans date, dans lequel le monastère des Saints-Serge-et-Bacchus, représenté par son higoumène reçoit trois pièces de terre de la part du moine Sabbatinus, du même monastère. L’higoumène reçoit et gère ici les biens de son moine. 401.  CP, 81 – 1025 : Et si ipsa Marenda monacha filia mea illos noluerit tunc ipsis filiis meis masculis et illorum propriis heredibus ad ea dare debeant auri solidos quadraginta de tari ana quadtuor tari per solidum ubi ipsis recollixerint ipsa illorum donatione de iam dicta ciuitatis Amalfi et de eius pertinentiis et si ipsis totum illut non recollixerint tunc quantum exinde recollixerint per raciocineas ad ea exinde dare debeant pro suprascriptos solidos et in sua sint potestate faciendique uoluerit. 402.  CP, 112 – 1125. 403.  RNAM, vol. I/2, 119 – 966.

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leur a transmises. Maria a en outre donné une portion de terre dont la vente permet aux monastères de payer  une partie des terres achetées404. Les intérêts familiaux et monastiques sont imbriqués au point qu’il est difficile de comprendre le cheminement des biens entre les particuliers et le monastère. Comme l’a noté Laurent  Feller, « la terre est le support matériel d’un réseau d’obligations croisées et d’échanges où le matériel et l’immatériel se côtoient »405.

La direction des monastères Grâce à ses multiples mentions dans les actes notariés, la direction des monastères constitue l’un des domaines les mieux documentés. Les termes utilisés pour désigner les supérieurs des établissements monastiques connaissent des variantes. Pour les monastères masculins, le terme le plus courant est abbas406. Naples offre un cas unique dans la région avec l’existence d’higoumènes à la tête de monastères de tradition grecque tandis que le terme n’existe pas à Gaète ni à Amalfi. On rencontre aussi le terme rector407 et parfois gubernator408, toujours lié au titre d’abbé. Certains actes n’hésitent pas à utiliser une véritable panoplie lexicale comme pour l’abbé Caesarius du monastère napolitain des Saints-Séverin-et-Sossius en 1118 : uobis domino Cesarius uenerabilis abbas religiosus ac pius uir, rector et custos monasterii sanctissimi Seuerini409. On le voit, le vocabulaire fluctue, reprend des termes utilisés pour les desservants d’églises et traduit l’idée générale de surveillance. La variété n’est pas de mise pour les supérieures de monastères féminins. Le terme habituel est abbatissa410,

404.  RNAM, vol. I/2, 181 – 980. 405.  Feller, Église et société, p. 219. 406.  E.g. CDC, vol. I, 154 – 1028 : in monasterio sancto Angelo que modo sito esse uidetur in ciuitate

Caietia ad monte et per te quoque domino Leo uenerabilis abbas de predicto monasterio sancto Angelo. 407.  E.g. CDC, vol. II, 241 – 1064 : Tibi quoque domno Marinus Dei nomine uenerabilis abbas recto­ rem sacri cenobi beati Herasmi qui situs es in loco Furmiano ciuitatis destructe. Autre formulation pour le même monastère : CDC, vol. I, 150 – 1026 : ad suprascripta ecclesia sancti Petri qui est sub dominio et pote­ states suprascripti monasterii sancti Theodori ; unde rectores esse uidetur domnus Albericus Almificus abbas. 408.  RNAM, vol. V, 437 – 1084 : In ecclesia tua beatissime Michahel Archangele, qui situs es in ciuitate Gaieta, ubi nunc rectorem et gubernatorem conspicimus esse domino Constantino in Dei nomine uenerabili abbati. Autre exemple près de Naples dans RNAM, vol. II, 237 – 994 : post eis uenit domino Iohannes benerabilis abbas, gubernator et rector de monasterio sancte Dei genitricis uirginis Marie qui fundatum esse dinoscitur ad illam turrem super Ercica ad ipsam spelucam in monte Vesuueo (l’acte a été rédigé à Salerne). 409.  RNAM, vol. VI, 573 – 1118. L’acte est de Capoue mais un autre acte rédigé l’année suivante pour le même abbé dans la même ville fait preuve de plus de mesure en utilisant uniquement le terme abbas, voir RNAM, vol. VI, 575 – 1119. 410.  E.g. CP, 69 – 994 : uobis domna Cali gratia Dei monacha et abbatissa sancti monasterii puellarum beati Laurentii leuite et martiris.

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un seul acte mentionne Maria, religiosa monacha et gubernatrix du monastère des SaintsNicandre-et-Marcien411. Les principes généraux qui dictent la désignation des abbés, à savoir la recherche de l’unanimité, du consensus ou du meilleur candidat, sont établis dès l’Antiquité tardive et continuent de s’appliquer durant le haut Moyen Âge412. La règle bénédictine se fait plus précise en la matière. Le choix de l’abbé peut traduire un accord de l’ensemble de la communauté des moines ou seulement des membres les plus sages ; la règle prévoit en outre l’intervention de l’évêque si la personne désignée est jugée indigne de cette charge413. Ces indications laissent une grande liberté d’action à la communauté monastique, mais justifient une éventuelle immixtion de l’évêque. Benoît écarte le principe d’ancienneté au profit des qualités attendues de l’abbé, qui constituent l’essentiel du chapitre 68 de sa règle. Même s’il reconnaît la nécessité de la libre élection de l’abbé par sa communauté, Grégoire le Grand insiste sur la prise en considération des moines les plus âgés dans la sélection des candidats à la direction du monastère414. Le pape confirme en outre la législation impériale fixant un âge minimum de 60 ans pour devenir une abbesse415. La correspondance de Grégoire le Grand livre des informations précieuses sur la désignation d’abbés campaniens, supérieurs de monastères napolitains. Par exemple, l’élection de Barbatianus, membre d’un monastère napolitain inconnu, s’effectue avec l’intervention directe du pape. L’évêque de Naples doit le désigner comme prieur du monastère, le temps d’éprouver le moine avant de le nommer abbé416. Secundinus est un moine du monastère de Saint-Martin devenu abbé malgré des fautes qui, au dire de Grégoire le Grand, auraient dû le disqualifier417. On comprend qu’il

411.  RNAM, vol. V, 404 – 1064-1065. 412. Voir Moulin, « Sanior et maior pars », p. 368-376 ; Salmon, L’abbé dans la tradition

monastique, p. 19-23, 43-44 et 62. 413.  Règle de saint Benoît, éd. et trad. de Vogüé, LXIV, vol. II, p. 648-652. Voir aussi les commentaires de Moulin, « Sanior et maior pars », p. 376-379 ; Grundmann, « Pars quamvis parva », p. 237-251 ; Id., « Zur Abt-Wahl nach Benedikts Regel », p. 217-223 ; Sommerville, « Ordinatio abbatis », p. 246-263 ; de Vogüé, « Structure et gouvernement », p. 585-587. 414.  Hallinger, « Papst Gregor der Grosse », p. 315. 415.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IV, 11 – septembre 593, dans le prolongement des dispositions prises par Justinien, Novelles, éd. Schoell et Kroll, V, 9 (535) ; ibid., CXXIII, 34 (546). 416.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 12 – octobre 598 ; PCBE, vol. II/1, p. 256, s.u. Barbatianus 2. On constate qu’il existe ainsi une période probatoire pour devenir abbé. 417.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, III, 23 – mars 593 : cognouimus autem ab eo dictum eo quod, dum tertius a loco esset abbatis, statu habitus sui lapsu corporis cecidisset.

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s’agit ici d’un recrutement interne, libre de toute intervention extérieure. Le pape intervient cependant, en mars 593, pour déposer l’abbé fautif. À la même époque, de 591 à mai-août 593, Naples reste sans évêque, ce qui explique le recours de Grégoire le Grand à son recteur en Campanie pour faire appliquer la sanction. La lettre révèle le mode de désignation du successeur de Secundinus, Théodose : choisi par les moines de Saint-Martin, le pape entérine leur décision418. Cette « promotion interne » ne donne pas toujours les résultats escomptés au vu du mécontentement du pape pour la direction du monastère par Barbatianus419. À la fin du vie siècle, le processus de désignation de l’abbé et l’intervention des autorités ecclésiastiques sont fixés : liberté accordée à la communauté, nomination de l’abbé par l’évêque ou son suppléant, intervention possible de l’évêque ou du métropolite, ici le pape, pouvant aller jusqu’à la destitution de l’abbé. Ces dispositions correspondent à celles énoncées par la règle bénédictine420. La connaissance de ces grands principes semble acquise au haut Moyen Âge. Si les sources notariales passent sous silence le mode de désignation des abbesses ou des abbés présents dans les actes, quelques indices permettent de constater la persistance d’un recrutement interne et donc, a priori, de la désignation du supérieur par sa communauté. En 1030 et 1032, la documentation évoque un dispensator et rector du monastère des

Et licet ad abbatis ordinem tanto coinquinatus facinore nulla debuerit ratione proficere, tamen quia temerario post ausu ac tanta pollutione detentus hoc indignus arripuit. Grégoire le Grand, Registre, trad. Minard et Reydellet, vol. II, p. 124, n. 2, comprend que Secundinus était « au troisième rang derrière l’abbé » avant de devenir abbé contra PCBE, vol. II/2, p. 2014, s.u. Secundinus 7, qui comprend « le troisième à exercer cette charge ». 418.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, III, 23 – mars 593 : experientiae tuae huius auctoritatis tenore praecipimus ut, suprascripto Secundino remoto abbatis officio, Theodosiium, quem congregatio ipsa sibi petiit ordinari, in monasterio sancti Martini abbatem sollemniter per eum cuius interest facias ordinari. Voir PCBE, vol. II/2, p. 2182-2183, s.u. Theodosius 4. 419.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, X, 9 – octobre 598. 420.  Dans le monde byzantin, la diversité des règles et des coutumes en usage dans les milieux monastiques et le silence délibéré ou gêné des sources, en particulier hagiographiques et canoniques, sur un sujet aussi sensible que l’élection des higoumènes expliquent qu’il n’existe pas, à notre connaissance, d’étude générale du mode de désignation des higoumènes à la tête des monastères orthodoxes. On lira toutefois avec profit sur ce point les remarques de Borsari, Il monachesimo bizantino, p. 97-98 qui rappelle, d’après les sources documentaires et hagiographiques, que le successeur est désigné par l’higoumène sur son lit de mort parmi les moines les plus dignes de cette fonction. Voir également Dagron, « Économie et société chrétiennes », p. 266 où l’auteur rappelle que l’une des conséquences de la réforme stoudite aboutit à la nomination des higoumènes directement par le supérieur du monastère du Stoudios, à Constantinople. Quant au monachisme athonite, le typikon de l’empereur Constantin Monomaque, daté de septembre 1045, se contente de demander aux higoumènes de ne pas désigner par testament de successeurs âgés de moins de 30 ans (ibid., p. 277).

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Saints-Serge-et-Bacchus, le prêtre et moine Laurentius421. L’usage de rector indique que Laurentius est en charge du monastère sans en avoir encore la direction officielle422. Dispensator et rector en 1032, le moine Laurentius devient higoumène en 1038, charge attestée jusqu’en 1044423. En 1026 ou 1027, un moine Jean est mentionné comme dispensator et rector du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus424. Jean souscrit, en grec, un des deux actes en se désignant comme ἁμαρτωλὸς ἄββα425. Pourtant le monastère possède un higoumène, Grégoire, attesté depuis 1025 et aucun higoumène dénommé Jean n’apparaît après lui. Malgré sa postérité dans le monde latin, le terme d’abba constitue au sein d’une communauté conventuelle « grecque », comme c’est le cas du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus, une distinction accordée à un moine d’un âge vénérable, remarquable par sa piété ou son ascèse426. Un document de 907 nuance cette image d’une communauté désignant de concert un moine en son sein pour la diriger. Un privilège, accordé par le duc et évêque de Naples Athanase  II, précise que l’abbé du monastère des Saints-Séverin-et-Sossius a désigné son successeur avant de mourir. Il s’agit d’un prêtre « qu’il avait éduqué depuis l’enfance », peut-être un oblat, mais son statut monacal n’est pas indiqué427. Ce mode d’accès à la direction d’un monastère constitue un aménagement de la règle bénédictine, non une infraction. La désignation est opérée, in fine, par tous les moines

421.  RNAM, vol. IV, 345 – 1030 : uobis domino Laurentio uenerabili presbytero et monacho dispen­ sator et rector monasterii sanctorum Sergii et Bachi ; RNAM, vol. IV, 351 – mai 1032 : uobiscum denique domino Laurentio uenerabili presbytero et monacho dispensator et rector monasterii sanctorum Sergii et Bachi ; RNAM, vol. IV, 353 – septembre 1032. 422.  RNAM, vol. V, 393 – 1051 : Ego Iohannes presbyter et abbas custos et rector monasterii sancte Dei genitricis et uirginis Marie quod fundatum esse uidetur in locum Hercica at ipsa Spelea sub monte Vesubeo. 423.  RNAM, vol. IV, 371 – 1038 : uobis domino Laurentio uenerabili presbytero et igummeno monas­ terii sanctorum Sergii et Vachii. 424.  RNAM, vol. IV, 333 – 1026 ou 1027 : Certum est me Iohannes umilis presbytero Greco et monacho, dispensator et rector monasterii sanctorum Sergii et Bachi ; RNAM, vol. IV, 335 – 1027 : Certum est nos Iohannes umilis presbytero Greco et monacho dispensator et rector monasterii sanctorum Sergii et Vachi. 425.  RNAM, vol. IV, 335 – 1027 : † Εγῶ Ιω(άννης) αμαρτωλος αββα πρ(εσβύτερος) υπ(εγραψα) †. Pourtant dans l’acte précédent, RNAM, vol. IV, 333, le moine se contente de souscrire : † εγω Ιω(άννης) αμαρτωλὸς μο(να)χ(ὸς) και πρ(εσβύτερος) υπεγραψα †. Nous reproduisons l’accentuation indiquée par l’édition de la charte. 426.  Lampe, Patristic Greek Lexicon, p. 2, s.u. ἀββᾶς (ἀββᾶ) ; Emonds, « Abt », col.  52-53 ; Gribomont, « Abbas », col. 23 ; Dammertz, « Abt, Äbtissin », col. 96. 427.  MND, vol. II/2, Diplomata et chartae ducum Neapolis, 1 – 907 : Dehinc cum iam a seculo se migrare conspiceret, conuocatis omnibus et sanctis admonitionibus abundanter instructis, una cum uoluntate eorum abbatem illis prefecit dompnum Iohannem honorabilem presbyterum, quem ipse a pueritia educarat.

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et ce procédé, sans doute fréquent, ne pose de problème moral à l’évêque. L’important semble l’accord des moines, qui ne doit cependant pas toujours être obtenu. Enfin, la documentation napolitaine révèle un cas particulier avec le monastère des Saints-Sergeet-Bacchus. Entre 1093 et 1095, les allusions à un higoumène disparaissent au profit de la communauté des moines428. La première allusion à un nouvel higoumène, Iacobus, apparaît en 1096 ou 1097429. Le monastère semble être resté sans supérieur durant plusieurs années, une situation inexpliquée. Deux documents réaffirment le principe de libre élection à la tête des monastères. Le premier est le privilège du duc Grégoire de Naples et de l’évêque Athanase III au monastère des Saints-Séverin-et-Sossius en 907430. Ce rappel est assorti de la garantie de ne demander aucune taxe431. On ignore si l’allusion concerne le duc ou l’évêque, mais il est intéressant de relever l’existence d’une telle pratique. Le deuxième témoignage est le privilège accordé en 1009 par le duc Serge  IV au monastère féminin des Saints-Grégoire-et-Sébastien, à propos de la libre désignation de son abbesse432. Cette insistance d’un pouvoir civil qui, en principe, ne doit pas intervenir dans le fonctionnement interne des monastères, peut paraître incongrue. Elle semble constituer une déclaration de principe qui n’est pas toujours suivie d’effet. Le même monastère en constitue un exemple éloquent. La succession quasi ininterrompue d’abbesses issues de la famille ducale à sa tête laisse douter de la réelle liberté des moniales dans le choix de leur supérieure433. Mieux, le monastère des Saints-Grégoire-et-Sébastien est agrégé par le duc au monastère des Saint-Sauveur-et-Saint-Pantaléon. Dans le document de 1009,

428.  RNAM, vol. V, 462 – 1093 : uos uidelicet cunta congregationis monachorum monasterii sanctorum Sergii et Bachii ; RNAM, vol. V, 463 – 1093 ; RNAM, vol. V, 468 – 1093 ; RNAM, vol. V, 469 – 1093 ; RNAM, vol. V, 475 – 1094 ; RNAM, vol. V, 482 – 1095 ; RNAM, vol. V, 483 – 1095. Voir aussi les remarques Martin, « Hellénisme politique », p. 70. 429.  RNAM, vol. V, 486 – 1096-1097. 430.  Voir p. 296. 431.  Ibid. : Firmamus etiam et in hoc precepto, ut quando abbas ipsius congregationis uita exiuerit, ille fiat ibi abbas, quem inter se omnes illa elegerit congregatio, et nullum impedimentum nos aut posteri nostri ei facere presumamus, aut aliquod calciarum, aut premium querere per nullum modum, sed gratis eum sine omni diliatione permictamus preesse. Le calciarium est à l’origine une somme d’argent destinée à l’achat de chaussures ; progressivement il désigne n’importe quel montant en numéraire versé comme cadeau, voir Grégoire le Grand, Registre, trad. Minard et Reydellet, vol. I, p. 186, n. 4. 432.  MND, vol. II/2, Diplomata et chartae ducum Neapolis, 8 – 1009 : et semper, tu prefata Maria abbatissa in uita tua, quam et uestra congregatio post tuum obitum, licentiam et potestatem habeatis, absque omni contradictione, abbatissam ibidem eligere et ordinare secundum Dominum, et secundum regula sancti Benedicti. 433.  Stasser, Où sont les femmes  ?, p. 251-254 pour les analyses et p. 463-465, nos  252-256 avec les fiches prosopographiques à propos des abbesses du monastère des Saints-Sauveur-et-Pantaléon apparentées à la famille ducale de Naples.

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le duc semble considérer ces établissements comme siens et n’évoque jamais l’intervention de l’archevêque, pourtant compétent. Le privilège de 1009 révèle les transformations en cours depuis la fin de l’Antiquité tardive. L’affaiblissement de l’autorité pontificale, associé à la dépendance, voire la soumission du pouvoir épiscopal vis-à-vis du pouvoir séculier, aboutit à l’intervention fréquente des autorités civiles dans la désignation des supérieurs des établissements conventuels. Cela se vérifie par l’importance des membres des familles régnantes à la tête de certains monastères, sans doute encore davantage pour les abbesses que pour les abbés. Le rôle économique joué par les puissants dans les fondations monastiques se double de la volonté d’en désigner l’abbé ou l’abbesse, voire toute la communauté. Ce phénomène ancien, attesté sous Grégoire le Grand434, se rencontre dans les Gesta avec la fondation de la duchesse Theodonanda, au début du ixe siècle, ou celle d’Eupraxia, religiosa femina qui fait construire un monastère dont elle est nommée abbesse par l’évêque435. Les fondations monastiques mentionnées dans cette source traduisent toutes l’initiative de laïcs et d’évêques, Étienne II et Athanase Ier, deux membres de la famille ducale. La nouveauté par rapport à l’Antiquité tardive consiste dans l’affaiblissement de l’autorité ecclésiastique, qui entérine plus qu’elle ne contrôle le processus de désignation. L’immixtion du pouvoir séculier dans la désignation des supérieurs dure jusqu’aux xiexiie siècles436, comme en témoignent les abbesses du monastère des Saints-Grégoireet-Sébastien. En 1127, l’abbesse Rigale est encore apparentée à la famille ducale437. Marque supplémentaire du conservatisme des structures ecclésiastiques des duchés tyrrhéniens, à la différence des régions voisines, on ne trouve aucune trace d’un mouvement d’immunité visant à libérer l’élection du supérieur des monastère non seulement du pouvoir civil, mais aussi du pouvoir ecclésiastique (exemption)438.

434.  Voir p. 81 et suivantes. 435.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 46, p. 427 : Quaedam igitur Eupraxia religiosa

femina fabricauit in regione Albiensi monasterium, quod ecclesiae sanctae Dei genitricis coniunxit, in quo a predicto episcopo abbatissa est ordinata. 436.  La réforme grégorienne s’efforce de protéger les monastères des interventions extérieures aux communautés, assurer le maintien de leurs propriétés en particulier foncières, enfin garantir la liberté d’élection des abbés : voir Cowdrey, Pope Gregory VII, p. 659-662 et 667-669. 437.  MND, vol. II/2, Diplomata et chartae ducum Neapolis, 26 – 1127. 438. Voir Foviaux, « Les immunités ecclésiastiques », p. 64 ; Lemarignier, « L’exemption monastique », p. 322-323 où l’auteur écrit : « On comprend que les évêques aient lutté, et les meilleurs, contre cette institution qui les privait des éléments les plus éclairés, les plus actifs, les plus saints de leur diocèse ; on comprend aussi que la papauté ait également lutté en faveur de cette institution qui lui subordonnait plus étroitement ces mêmes éléments » ; Szaivert, « Die Entstehung », p. 274-280 et 287-291 sur les privilèges (respect de la clôture, interdiction d’immixtion de l’évêque, libre élection de l’abbé) accordés aux monastères par les rois et les évêques dans le monde franc, puis

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Les actes des xe-xiie  siècles apportent un éclairage différent de celui de Grégoire le Grand sur l’autorité des abbés et des abbesses. Centrés sur les questions foncières, ces documents exposent la responsabilité des supérieurs envers le patrimoine de leur monastère439. Cette autorité se manifeste par la référence systématique au supérieur pour toute transaction impliquant son monastère. Cette précision expliquerait la rareté des mentions d’économes ou de dispensatores dans les actes notariés, en particulier quand l’abbé fait établir le contrat. Même le renouvellement du cens d’une tenure est supervisé par l’abbé ou l’abbesse, par exemple l’abbesse Barbaria du monastère des Saints-Festuset-Desiderius440. Dans un autre acte, l’abbé se déplace pour mesurer les dimensions d’une terre441. Les actes montrent, en liaison avec ces questions foncières, des abbés et abbesses aller en justice. Comme pour les membres du clergé, les actes contiennent de nombreux litiges fonciers impliquant des supérieurs de monastères442. Toutefois, l’autorité sur les moines ou les moniales apparaît dans le privilège du duc de Naples concédé au monastère des Saints-Grégoire-et-Sébastien. Le duc garantit à l’abbesse le droit de désigner les moniales et les prêtres de son monastère443. On en déduit que la pratique d’imposer un moine ou un prêtre à un monastère existe. Il est également fait allusion au paiement d’un droit d’entrée, preuve d’une coutume

dans tout l’Occident latin à partir du xe siècle surtout par la curie romaine qui étend ainsi sa protection et son autorité sur les milieux monastiques désormais soustraits à la juridiction diocésaine ; Penco, Storia del monachesimo in Italia, p. 373-375 à propos des privilèges juridiques accordés, selon les régions d’Italie, par le pape ou l’empereur afin de soustraire des communautés monastiques à l’autorité épiscopale ; Dubois, « Esenzione monastica », col.  1300-1301 ; Pfaff, « Die päpstlichen Klosterexemtionen », p. 92-111 où l’auteur dresse la liste de 162  communautés monastiques bénéficiaires d’une exemption pontificale, la plupart en Étrurie, Ligurie et Émilie ; le premier cas attesté, qui concerne Bobbio, date de 628, mais seuls 11 monastères sont concernés avant l’an mil ; pour l’Italie du Nord et les privilèges accordés aux ixe-xe siècles par les derniers Carolingiens, voir Rosenwein, Negotiating space, p. 140-155 ; enfin pour le mouvement de réforme et d’autonomie monastiques, voir Wood, The proprietary Church, p. 176-190 et 830-850. 439.  Voir p. 75 et suivantes. 440.  MND, vol. II/1/3 – 915. Autre exemple MND, vol. II/1, 140 – 964. 441.  RNAM, vol. IV, 327 – 1025. 442.  E.g. MND, vol. II/1, 93 – 957 : un différend oppose des laïcs à l’abbé du monastère de Saint-Sébastien à propos d’un curtaneus situé sur le littoral, au sud-ouest de Naples ; MND, vol. II/1, 125 – 962 : un autre litige oppose l’archevêque de Naples Nicetas à l’abbé du monastère de SaintSébastien. 443.  MND, vol. II/2, Diplomata et chartae ducum Neapolis, 8 – 1009 : nec alterius ordinis monachos aut sacerdotes ibidem eligere aut ordinare uel pro tali ordine pretium uel munus suscipere, set sicut superius sancimus, omnes predicta monasteria sanctarumque ecclesiarum censarumque rerum ordinatione in tua predicta Maria uenerabilis abbatissa sanctaque uestra congregatione posterisque uestras sint et permaneant potestatem.

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connue et usitée, mais elle concerne ici l’abbesse. Faut-il comprendre qu’une redevance lui est réclamée pour l’ordination d’une moniale ou d’un prêtre ? Un dernier aspect de la direction d’un monastère mérite d’être développé. On admet généralement qu’un abbé exerce sa mission jusqu’à la mort, mais certains actes men­ tionnent, pour la production de titres de propriété, d’anciens abbés ou abbesses. Un acte napolitain évoque Malo (sans doute Maio), ancien abbé du monastère du Sauveur in insula Maris. Le duc Serge  V confie une église à l’ancien abbé avec pour mission de choisir un prêtre et moine à ses côtés444. Le document présente une situation originale : un abbé, déchargé de la direction de son monastère pour une raison inconnue, dessert une église qui lui est confiée par le duc et appartenant à un autre monastère. L’abbé semble bénéficier d’une retraite offerte par le souverain, sans qu’on connaisse les motivations de cette désignation, mais le monastère du Sauveur jouit depuis longtemps de la faveur des ducs de Naples. L’abbé n’assure pas la cura animarum, d’où la nécessité et le droit de choisir un prêtre et moine à ses côtés.

Hiérarchie et fonctions Les règles monastiques promeuvent une communauté de vie entre les moines et instaurent une hiérarchie basée sur le mérite et la sagesse, deux qualités qui, selon la règle bénédictine, doivent présider au choix de l’abbé, « serviteur plutôt que maître »445. Les rangs, évoqués par la règle, sont établis selon l’ordre d’entrée au monastère446.

444.  RNAM, vol. VI, Appendix, 4 – 1036 (ou plutôt après 1053) : portularis tu bidelicet domino Malo dudum abbas monasterii nostri uocabulo domini et saluatoris nostri Ihesu Christi qui est in insule Maris, quatenus ab cunctis diebus uite tue et cunctis diebus uite de alia una personas quale tibi placueris qui siat presbiterum et monachus, concederemus uobis inclita ecclesia nostra memorati sancti nostri monas­ terii uocabulo sanctorum Sergii et Vachi positum uero intus anc nostra ciuitate Neapolis in uico qui nomi­ natur Renarini regione Furcillense, at quieuimus ipsa uestra portulationem a presenti quarta indictione et donec Deo adiubante at uixeritis inclinatis precibus uestris per uius preceptis seriem. 445.  Règle de saint Benoît, éd. et trad.  de  Vogüé, LXIV, 7-8, vol. II, p. 650 : Ordinatus autem abba cogiet semper quale onus suscepit et cui redditurus est rationem uilicationis sua, sciatque sibi oportere prodesse magis quam praesse. D’après l’apparat des sources fourni par l’éditeur de la règle bénédictine, ce passage serait emprunté à Lc, 16, 2 ; Augustin, Règle, 15 ; Id., Sermons, 340, 1. 446.  Règle de saint Benoît, éd. et trad. de Vogüé, LXIII, 1 et 5, vol. II, p. 642-644 : Ordines suos in monasterio ita conseruent ut conuersationis tempus ut uitae meritum discernit utque abbas consti­ tuerit. (…) et omnibus omnino locis aetas non discernat ordines nec praeiudicet. Voir aussi Kardong, « Benedict’s insistence », p. 246-249, qui montre l’insistance de Benoît, en réaction à la suppression du rang formulée par la Règle du Maître, à établir une hiérarchie entre les moines selon leur date d’entrée au monastère et non selon leur âge pour déterminer leur place au cours de la liturgie, sans doute aussi au réfectoire, au dortoir, etc. La séniorité est établie seulement par la longueur de l’expérience monastique, même si l’abbé ne néglige pas de solliciter l’avis des moines entrés récemment dans la communauté.

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La règle reconnaît l’existence d’un second, pour en dénoncer les dangers et les éventuels conflits d’autorité, et recommande à l’abbé de se reposer sur les doyens447. La hiérarchie monacale apparaît peu dans les sources étudiées. Un acte concernant le monastère SaintLaurent d’Aversa évoque les abbates, priores et rectores du monastère448. L’ambiguïté demeure sur le sens à donner à ces termes qui peuvent évoquer une hiérarchie de moines ou désigner un même individu, l’abbé dans une formule juridique. L’étude des listes de souscriptions, apposées à la suite de l’abbé ou de l’abbesse, offre la possibilité de déceler une hiérarchie monastique. La question est de savoir si les moines souscrivent au hasard ou dans un ordre défini, à l’instar des clercs souscrivant après leur évêque449. D’emblée, il apparaît que les listes de souscriptions des moines ne suivent pas l’ordre alphabétique. Le plus souvent, la simple mention du nom et de la dignité monacale n’éclaire pas la position du moine par rapport à ses frères. En 983, sur la liste de souscriptions du monastère féminin des Saints-Marcellin-et-Pierre, les deux dernières moniales à apposer leur signature ne sont pas de Naples, et se nomment Maria monacha Capreana et Anna monaca Sirrentina450. Il s’agit peut-être d’un hasard. En revanche, en 949, la liste de souscriptions des moines des Saints-Séverin-et-Sossius, figurant après celle de l’abbé Pierre, montre que les prêtres et moines ont souscrit avant le seul moine dépourvu du sacerdoce451 ; mais, au monastère des Saints-Serge-et-Bacchus, de simples moines souscrivent avant des moines prêtres452. La hiérarchie dans les monastères se manifeste surtout entre moines et non-moines. Outre les dépendants travaillant les terres453, les sources mentionnent des laïcs présents dans les monastères, comme le famulus entrant avec son maître qui, seul, devient moine454. Un autre acte évoque des « laïcs » du monastère, une probable allusion aux « convers » vivant aux côtés des moines455.

447.  Règle de saint Benoît, éd. et trad.  de  Vogüé, LXV, 11-13, vol. II, p. 656 : Ideo nos uidimus expedire propter pacis caritatisque custodiam in abbatis pendere arbitrio ordinationem monasterii sui ; et si potest fieri per decanos ordinetur, ut ante disposuimus, omnis utilitas monasterii, prout abbas dispo­ suerit, ut, dum pluribus committitur, unus non superbiat. Ce passage a fait l’objet d’un commentaire de Kardong, « Benedict’s prior », p. 127-131, qui explique la réticence de Benoît envers un prieur par sa crainte de le voir devenir ambitieux et par son expérience malheureuse en ce domaine. Il se montre hostile à la désignation d’un prieur par une autorité extérieure et demande qu’il soit désigné par l’abbé de la communauté en accord avec les moines les plus âgés. 448.  RNAM, vol. V, 411 – 1070 : In quibus ortis liceat abbatibus prioribus et rectoribus ipsius mona­ sterii homines coadunare et habitationem hominum facere si uoluerint. 449.  Voir p. 248 et suivantes. 450.  RNAM, vol. II, 197 – 983. 451.  MND, vol. II/2, Diplomata et chartae ducum Neapolis, 3 bis – 949. 452.  E.g. RNAM, vol. V, 482 – 1095. Les moines souscrivent en grec. 453.  Voir p. 209 et suivantes. 454.  RNAM, vol. IV, 370 – 1038.

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La hiérarchie apparaît par le biais des fonctions. Le développement des effectifs et du patrimoine impose la création d’offices spécialisés. Les règles monastiques tiennent compte de cette nécessité et développent les préceptes qui doivent s’appliquer à ces services. Ainsi, le cellérier bénéficie d’un chapitre entier dans la règle bénédictine, de même les cuisiniers ou les artisans au service du monastère456. Une fonction n’apparaît pas en tant que telle, celle d’économe. Imposée dès le milieu du ve  siècle à l’administration épiscopale457, l’obligation d’un économe est étendue en 787 aux monastères par le concile de Nicée II, mais n’est appliquée qu’en Orient. Ni Grégoire le Grand ni les Gesta n’apportent d’information sur les fonctions et services au sein des monastères des duchés tyrrhéniens, et il faut se tourner vers les actes de la pratique pour les étudier jusqu’à la fin du haut Moyen Âge. Si le terme d’économe n’apparaît jamais, en revanche on rencontre un nombre important d’allusions à un dispositor ou dispensator au service d’établissements monastiques. Le mot apparaît dans le plus ancien document, datant de 703 ou 748, édité dans les Regii Neapolitani Archivii Monumenta. Un dispositor, nommé Pierre, intervient au nom du monastère de Saint-Sébastien (non encore agrégé aux Saints-Serge-et-Bacchus) dans des questions foncières impliquant des Lombards en Liburie458. Peut-être en 882, un autre dispositor est mentionné pour le monastère Sainte-Marie in Regione Furcillensi. Il procède à la vente de biens fonciers en faveur du monastère Saint-Vincent-auVolturne459. Un dispensator agit en 982 pour le compte du monastère Saint-Séverin dans la vente de maisons et d’un jardin à des laïcs460. Son rôle semble complexe. Au début de l’acte, on évoque Jean, diacre de l’Église de Naples et dispensator de

455.  RNAM, vol. IV, 317 – 1021 : et quandoque uos aut posteris nostris aut omminibus siue monachis aut ladicis ipsius uestri monasterii uel autoribus uestris ibidem inbentas dederitis aut direxeritis pro serbitium ipsius uestri monasterii. Le terme « convers » désigne de manière plus spécifique les laïcs vivant aux côtés des moines dans les communautés cisterciennes. 456.  Règle de saint Benoît, éd. et trad. de Vogüé, XXXI (de cellarario monasterii, qualis sit) ; ibid., XXXV (de septimanariis coquinae) ; ibid., LVII (de artificibus monasterii) ; ibid., LXVI (de ostiariis monasterii). Voir aussi Borias, « Le cellérier bénédictin », p. 77-92 ; Böckmann, « Qualifications », p. 186-211 ; Davril et Palazzo, La vie des moine, p. 53-55. 457.  Voir p. 32. 458.  RNAM, vol. I/1, 1 – 703/748. Pour davantage de précisions, voir l’article de Martin, « Deux listes », p. 269. 459.  MND, vol. I, Appendix, 5 – 882 (?) : Nos Iohannes subdiaconus sancte Neapolitane ecclesie et dispositor monasteri beate et gloriose Dei genitricis Marie sita in uia Furcillense prompto et libenti animo contradidi uobis domino Maioni uenerabili abbati monasterii beati Vincentii. Le dispositor souscrit : Ego Iohannes subdiaconus sancte Neapolitane ecclesie et dispositor sancti monasterii subscribsi et testes rogaui et suprascriptos solido accepi. 460.  RNAM, vol. II, 193 – 982.

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l’église Sainte-Marie-Majeure, dont fait partie la congrégation sacerdotale impliquée dans la transaction avec les laïcs aux côtés du monastère. En revanche, à la fin du document, le diacre souscrit comme dispensator du monastère461. Il est possible que le diacre agisse à la fois pour le monastère et la congrégation sacerdotale. La règle de saint Benoît n’emploie le terme qu’une seule fois dans le chapitre consacré à l’institution de l’abbé : en cas de manquement de celui-ci un dispensator sera nommé par l’évêque, un abbé ou des fidèles du voisinage462. De fait, on peut le considérer comme un administrateur provisoire qui dépense et distribue l’argent, l’équivalent d’un économe. Qu’un diacre remplisse cette fonction n’est pas étonnant. Les trois dispensatores mentionnés dans l’acte de 982 ne sont pas des moines, mais des clercs, du moins pour les deux derniers. Dans un acte de 979, les ducs de Gaète s’adressent aux rectores et dispensatores du monastère Saint-Magnus-Saint-Michel à Fondi, ainsi qu’à son abbé463. Les premiers moines qualifiés de dispensatores, Jean et Laurentius des SaintsSerge-et-Bacchus, sont mentionnés en 1027 et entre 1030 et 1032464. Faut-il supposer que cette fonction, d’abord exercée par des clercs, est ensuite assumée par un moine ? L’usage du terme est sans doute une particularité napolitaine et gaétane où le dispensator joue un rôle plus important que dans les régions du Nord de l’Europe. Les responsabilités du dispensator en font une fonction éminente, un moyen d’accéder à la dignité d’abbé comme Laurentius, devenu higoumène du monastère des SaintsSerge-et-Bacchus. D’autres fonctions apparaissent de manière ponctuelle. En 1051, dans une liste de souscriptions du monastère Sainte-Marie ad Speluncam, sur le Vésuve, deux moines précisent leurs fonctions au sein du monastère : l’un est praepositus, l’autre cellerarius465.

461.  Ibid. : [una cum] uolumtate domini Iohannis diaconi sancte Neapolitane ecclesie et dispensator memorate ecclesie sancte Marie catholice maioris […] † Iohannes diaconus sancte Neapolitane ecclesie et dispensator monasterii subscripsi †. 462.  Règle de saint Benoît, éd. et trad. de Vogüé, LXIV, 3-6, vol. II, p. 648 : Quod si etiam om­ nis congregatio uitiis suis – quod quidem absit ! – consentientem personam pari consilio elegerit, et uitia ipsa aliquatenus in notitia episcopi ad cuius diocesim pertinet locus ipse uel ad abbates aut christianos uicinos claruerint, prohibeant prauorum praeualere consensum, sed domui Dei dignum constituant dispensatorem, scientes pro hoc se recepturos mercedem bonam, si illud caste et zelo Dei faciant, sicut e diuerso peccatum si neglegant. 463.  CDC, vol. I, 74 – 979 : Deo propitiante rectoribus hac dispensatoribus beati uenerandique cenouii sancti Magni quam et beati Angeli Michaelis, Iohannes uenerabilis abbas eiusque successoribus. 464.  Voir p. 310. 465.  RNAM, vol. V, 393 – 1051 : † Signum manus Stephani monachi et preposito qui per absolutionne domini Iohanni abbatis scribere fecit † Signum manus Stefani monachi et cellarario qui per absolutione suprascripti domini Iohanni abbatis scribere fecit. Voir Penco, Storia del monachesimo in Italia, p. 395-397 à propos des fonctions de praepositus, cellerarius, decanus et infirmarius ; également Picasso,

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Ce sont les seuls moines à souscrire derrière leur abbé pour un contrat de tenure. Un autre document, daté de 1127, mentionne Robertus, moine et propositus du monastère Sainte-Marie466. L’acte, succinct, ne permet pas d’identifier le monastère à l’établissement homonyme établi sur les pentes du Vésuve. On ne rencontre pas de fonctions équivalentes, en particulier dans les contrats concernant d’autres établissements. Le monastère Sainte-Marie ad Speluncam, proche de Salerne, subit une influence extérieure sans qu’il soit possible de savoir si cela constitue une explication. Ce sont les deux seules mentions de prieurs dans les actes notariés. Tous les monastères ne disposent pas de moines exerçant des fonctions aussi précises et nécessitant une compétence particulière acquise au terme d’une formation spécialisée. Il faut supposer que les petites communautés se contentent de répartir entre leurs moines les principales tâches nécessaires à leur bon fonctionnement sans que cela apparaisse dans les actes de la pratique. Sans surprise, les mentions de dispositores concernent les monastères napolitains dont les effectifs paraissent les plus importants de la région. L’essentiel du fonctionnement ou de la gestion d’un monastère dépend de quelques moines sans qu’un terme définisse leurs fonctions. En 936, un moine est res­pon­sable de l’infirmarium du monastère des Saints-Séverin-et-Sossius pour lequel il acquiert un bien, indépendamment de son abbé467. La documentation conserve le souvenir d’interventions de moines au nom de leur établissement pour des transactions foncières, comme Christophorus, présent à Bénévent en 920 pour défendre les intérêts du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus468. Deux moines du monastère SainteMarie ad Speluncam sont chargés de percevoir les redevances de ses tenanciers469. Enfin, les monastères, à l’instar des évêques, sont parfois représentés par des laïcs, comme l’abbé du monastère Saint-Érasme à Formies qui dispose d’un aduocator pour constater la spoliation éventuelle d’un moulin par des laïcs470. Il s’agit d’une pratique normale dans le monde franc et chez les Lombards du Sud.

« Priorato », col.  828-832 sur les fonctions et plus spécialement sur l’étymologie du terme prior ; cf. Davril et Palazzo, La vie des moines, p. 48-49. 466.  RNAM, vol. VI, 597 – 1127 : frater Robbertus monachus et propositus monasterii beate Marie. 467.  MND, vol. II/1, 33 – 936. 468.  RNAM, vol. I/1, 7 – 920. 469.  RNAM, vol. IV, 315 – 1020 : et quando per uindemie ibidem dixereritis uestrum monachum pro ipsa sortione uestra de ipso uino mundo recipere at duos monachi et at caballus eius cum que benerint ego et meis heredibus dare uobis debeamus manducare et uibere ut iustum fuerit. 470.  CDC, vol. I, 132 – 1016. À propos de la fonction d’aduocatus, voir Penco, Storia del mona­ chesimo in Italia, p. 379-380.

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Moine et prêtre À la fin du vie siècle, Grégoire le Grand s’oppose à la sacerdotalisation des moines, une tendance venue d’Orient. Le pape entend maintenir l’intervention des prêtres dans les monastères, et conserver à l’évêque un contrôle liturgique471. Pourtant, de manière indirecte, le pape joue un rôle déterminant dans la multiplication des moines prêtres à partir du viie siècle, un phénomène marquant du haut Moyen Âge, en contribuant à définir le purgatoire. « En opposition aussi avec la croyance paléochrétienne, Grégoire – le premier, semble-t-il, à avoir avancé cette opinion – admet que les défunts séjournant au purgatoire puissent, avant la fin du monde, être libérés pour rejoindre la béatitude éternelle, et ceci grâce aux messes dites à leur intention »472. Cette évolution apparaît dans les sources du haut Moyen Âge, mais le vide documentaire des vie-viiie siècles empêche d’en mesurer la progression dans les duchés tyrrhéniens. Les Gesta sont presque silencieux sur le sujet, hormis une allusion dans la notice de l’évêque Étienne II (766-794) : « Et puis il demanda à Rome que trois clercs, très bien éduqués à la schola cantorum et tout pénétrés de l’ordre sacré des Romains, lui reviennent. Il ordonna prêtre principal l’un d’eux, Léon surnommé Maurunta, ensuite il envoya les autres clercs au monastère de Saint-Benoît auprès du diacre Paul. Or, l’un de ceux-ci, du nom de Jean, qui ensuite fut ordonné diacre, brilla fort par son savoir »473. La citation mérite commentaire. L’auteur des Gesta ne parle pas de prêtres mais de clercs, et la précision que l’un d’eux est devenu diacre ôte toute ambiguïté au texte. On ignore si les clercs sont devenus moines. Il semble qu’on soit encore en présence de clercs affectés comme diacres au service liturgique d’un monastère, aux côtés de prêtres. Les actes de la pratique, surtout à Naples, témoignent de la sacerdotalisation croissante des communautés monastiques. Les mentions dépendent des souscriptions des moines ou des desservants des églises, surtout privées, notamment quand le moine prêtre est auteur de l’acte. La dignité de prêtre figure presque toujours avant celle de moine. Il s’agit d’un élément distinctif entre moines. La proportion de moines prêtres est difficile à mesurer au sein de documents consacrés à des transactions foncières. À Naples, on en compte une quarantaine sur plus de 200  moines recensés entre le

471. Voir 79 et suivantes. 472.  Vogel, « Deux conséquences », p. 269. 473.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 42, p. 425 : Hic etenim Romam direxit tres

clericos, qui in scola cantorum optime edocti omnique sacro Romanorum ordine imbuti, ad propria redierunt. Ex quibus unum Leonem cognomento Maurunta cardinalem ordinauit presbiterum, alios deinde clericos in monasterium sancti Benedicti Paulo leuitae destinauit. Unus uero de istis Iohannes nomine, qui post diaconus ordinatus est, apprime eruditus effulsit.

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xe et le début du xiie siècle. En revanche, le rapport augmente si l’on ne considère que les moines attestés de leur vivant, soit plus de 90. À Gaète, on compte quatre moines prêtres sur plus d’une vingtaine de moines attestés, mais les monastères occupent une place plus réduite dans les archives de Gaète que de Naples. Une étude statistique reste limitée et mène seulement au constat d’un phénomène commun à tout l’Occident. Les souscriptions contiennent l’essentiel des mentions de moines prêtres. Par exemple, en 949, sur quatre moines souscrivant à la suite de l’abbé Pierre du monastère des Saints-Séverin-et-Sossius, trois sont prêtres474. Dans le monastère « grec » des Saints-Serge-et-Bacchus, deux moines prêtres souscrivent après leur higoumène, un autre étant moine et diacre475. Cette proportion et cet ordre hiérarchique, s’ils sont courants, ne se retrouvent pas sur toutes les listes de souscriptions476. En 1033, la liste de souscriptions du monastère napolitain des Saints-Anastase-et-Basile ne compte aucun prêtre477. La communauté de ce monastère semble réduite et il est possible que le phénomène soit plus accentué dans les plus grands établissements. De fait, les mentions les plus nombreuses concernent, à Naples, les monastères des SaintsSéverin-et-Sossius et des Saints-Serge-et-Bacchus, à Gaète, des Saints-Théodore-etMartin. Outre les moines prêtres, on rencontre aussi des moines diacres478 et des moines clercs479, preuve d’une hiérarchie au sein des monastères. La distinction entre diacres et prêtres d’un côté, clercs de l’autre, laisse penser que ces derniers sont investis des ordres mineurs et non majeurs.

474.  MND, vol. II/2, Diplomata et chartae ducum Neapolis, 3 bis – 949 : Petrus presbyter et abbas feci et subscripsi ; Ermengarius presbyter et monachus subscripsi ; Iohannes presbyter et monachus subscripsi ; Palumbus presbyter et monachus subscripsi ; Iohannes monachus subscripsi. 475.  RNAM, vol. II, 222 – 990 : † Φιλιππος ἁμαρτολος καὶ ἀναξιος ηγοῦμενος ἰδιοχεῖρος ἔγραψα † Εγο Λεο μον(αχὸς) εθ πρ(ε)σβ(ύτερος) σουβ(σκριψι) † Νὲιλος ἁμαρτωλός καὶ αναξιος πρεσὺιτερος ιδιοχεὶρος ἐγραψα † † Εγο Ιω(άννης) δηάκονος ἐθ μο(να)κος σουβ(σκριψι) †. 476.  RNAM, vol. II, 244 – 997 : † Φὶλιππος ἁμαρτωλος καὶ ἀναξιος ἡγοῦμενος ἰδιοχεῖρος εγραψα † † Πανκρατιος μονακος ιδιοχιρος εγραψα † † Εγο Ιω(άννης) διακονος εθ μ(ονα)χ(ὸς) σουβ(κριψι) † Νικολ(αος) μοναχος και ιερευς ιδιοχειρος εγραψα. 477.  RNAM, vol. IV, 352 – 1033 : † Stephanus humilis abbas subscripsi † ; † Adeodatus humilis monachum subscripsi † ; † Leo humilis monachus subscripsi † ; † Iohannes humilis monachus subscripsi †. 478.  RNAM, vol. II, 222 – 990 : † Εγο Ιω(άννης) δηάκονος ἐθ μο(να)κος σουβ(σκριψι) † ; autre mention RNAM, vol. II, 244 – 997 : † Εγο Ιω(άννης) διακονος εθ μ(ονα)χ(ὸς) σουβ(κριψι) †. On ignore s’il s’agit, à sept années de distance, du même diacre et moine du monastère des SaintsSerge-et-Bacchus. Les moines diacres souscrivent systématiquement après les moines prêtres. 479.  RNAM, vol. IV, 353 – 1032 : † Κοσμας κληρικος και μο(να)χ(ος) ὑπεγραψα † † Βηταληος κληρικος και μο(να)χ(ο)ς υπεγραψα ; autre mention RNAM, vol. IV, 295 – 1016 : † Ιω(αννης) αμαρτωλος κριρικος υπεγραψα ιδιοχειρος. Ici aussi, les clercs moines souscrivent après les prêtres moines.

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À l’instar des moines, la sacerdotalisation croissante des abbés est attestée en Orient depuis le ve  siècle480. En Occident, alors que la règle bénédictine reste muette sur le sujet, Grégoire le Grand interdit aux clercs de devenir abbés à moins d’abandonner leurs fonctions481. Au haut Moyen Âge, le phénomène a pris une telle ampleur qu’un concile romain de 826 reconnaît que la fonction d’abbé est de préférence associée à la prêtrise482. La documentation atteste un certain nombre d’abbés prêtres483, mais les mentions sont restreintes : seulement 6 sur plus de 70 abbés attestés aux xe-xiie siècles. Cette rareté ne prouve pas que les autres abbés n’ont pas revêtu la dignité sacerdotale, mais qu’ils jugent inutile d’indiquer une fonction en plus de celle d’abbé. Pour preuve, Laurentius est mentionné comme prêtre, moine, dispensator et rector du monastère des SaintsSerge-et-Bacchus jusqu’en 1030 puis, en 1038, deux actes le disent prêtre et higoumène et, à partir de la même année, higoumène sans indiquer sa dignité sacerdotale484.

480. Sur ce phénomène, pour la période antique et le monde byzantin où il est modeste, voir Hausherr, Direction spirituelle, p. 105-110 ; Desprez, Le monachisme primitif, p. 567-571 qui défend la rareté des prêtres parmi les moines. Pour la période médiévale, Leclercq, « Le monachisme », p. 440 et n. 8, souligne la réserve, voire l’opposition, presque convenue dans les sources hagiographiques, de certains moines à l’égard du sacerdoce, tant par humilité que par attachement à la vie contemplative. Les deux engagements peuvent toutefois se concilier dans la mesure où le sacerdoce est interprété dans les milieux monastiques comme une dignité détachée de la mission pastorale. Quelques évaluations, empruntées à des travaux des années 1940 et 1960, sont fournies par Constable, Monasteries, rural churches, and the cura animarum, p. 362-364 : la proportion de moines ordonnés dans les communautés bénédictines passerait, selon Otto Nussbaum, de 23-33 % vers 800 à 55 % au xe siècle, tandis que Philibert Schmitz avance 60 % de moines bénédictins ordonnés au viiie siècle et 75 % deux siècles plus tard. À Saint-Germain-desPrés, la proportion passe de 55 % au milieu du viiie siècle à 74 % vers 840-850 ; à Saint-Denis en 838, 65 % des moines sont ordonnés ; à Farfa, seuls 10 % des moines ne sont pas ordonnés en 1097 (ils étaient 19 % cinquante ans plus tôt), 28 % à Subiaco et 20 % à Rieti vers 1075. En revanche, au Mont-Cassin, la proportion atteint 50 % mais s’expliquerait par le changement fréquent des convers et le grand nombre d’oblats. 481.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IV, 11 – septembre 593. 482.  Concile de Rome de 826, canon 38, dans Concilia Aevi Karolini, éd. Werminghoff, p. 578 : Quales abbates sint constituendi. Abbates etenim per coenobia uel, ut instanti tempore nuncupantur, monasteria tales constituantur, qui sui uocabuli ministerium Deo possint indubitanter supplere, ita docti, ut, quandoque fratrum neglegentia aeciderit, omnino cognoscere possint et emendare. Sacerdotalem quoque sint honorem adepti, ut peccantium sibi subiectorum fratrum ualeant omnimodis refrenare et amputare commissa, et ita obseruent, ut statuta regularum per omnia non inueniantur delinqui. À propos de ce concile romain réuni les 14-15 novembre 826 sous la présidence du pape Eugène II, voir le bref commentaire dans Hefele et Leclercq, Histoire des conciles, vol. IV/1, p. 50-53. 483.  CDC, vol. I, 70 – 976 : † Ego Ioannes humilis abbas et presbyter propria manu subscripsi †. 484.  RNAM, vol. IV, 345 – 1030 : uobis domino Laurentio uenerabili presbytero et monacho dispen­ sator et rector monasterii Sergii et Bachi ; RNAM, vol. IV, 371 – 1038 : uobis domino Laurentio uenerabili presbytero et igummeno monasterii sanctorum Sergii et Vachii ; RNAM, vol. IV, 372 – 1038 ; RNAM, vol. IV, 373 – 1038 : uobis domino Laurentio uenerabili igumeno monasterii sanctorum Sergii et Vachii.

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Un acte de 1058 mentionne Pierre, sous-diacre et abbé du monastère Saint-Agnellus485, témoignage certes unique qu’un abbé n’est pas toujours prêtre. On ignore pourquoi Pierre est sous-diacre : a-t-il été ensuite promu abbé  ? Le monastère, sans doute peu important, ne dispose peut-être pas de moines prêtres. On ne trouve aucune mention de prêtres intervenant dans les monastères féminins, mais leur présence est indispensable à la liturgie eucharistique. En revanche, le privilège concédé par le duc de Naples à Maria, abbesse du monastère des Saints-Grégoire-etSébastien et du Sauveur et Saint-Pantaléon, lui accorde le droit exclusif de désigner et nommer des prêtres. Il s’agit certainement d’une allusion à son autorité et son contrôle sur les prêtres intervenant dans son établissement monastique486. Enfin, Euphrosina est diaconesse et abbesse du monastère des Saints-Marcellin-et-Pierre487. Il s’agit de la seule mention d’une dignité ecclésiastique détenue par une femme, mais c’est l’indice d’un archaïsme paléochrétien plutôt que d’un développement des ordres ecclésiastiques au sein des monastères féminins. Outre les monastères, la documentation mentionne des moines prêtres liés à des églises privées. En 920, une mère et sa fille, propriétaires de l’église Sainte-Euphémie à Naples, confient à l’higoumène du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus le soin de désigner le desservant de leur église si elles ne l’ont pas fait à leur mort. Elles précisent que le desservant peut être un prêtre ou un moine488. S’il n’est pas certain que la distinction soit exclusive pour les propriétaires, elles envisagent un moine à la tête de leur église. Le droit de désignation du desservant accordée, in fine, à l’higoumène s’apparente à un contrôle de l’église par le monastère après la mort des deux femmes. Cette compé­ tence d’un abbé pour nommer un prêtre à la tête d’une église se retrouve ailleurs489.

485.  RNAM, vol. V, 401 – 1058 : nos Petrum subdiaconum et abbatem seu rector monasterii beatissimi Agnelli ubi eius uenerabile quiescit corpus ; RNAM, vol. V, 417 – 1073 (même abbé) ; autre mention d’un abbé diacre RNAM, vol. VI, Appendix, 35 – sans date : de uos domino Urso diacono et abbati eiusdem predicte cappelle et at cuncto clero de suprascripta cappella. 486.  MND, vol. II/2, Diplomata et chartae ducum Neapolis, 8 – 1009 : nec alterius ordinis monachos aut sacerdotes ibidem eligere aut ordinare uel pro tali ordine pretium uel munus suscipere, set sicut superius sanci­ mus, omnes predicta monasteria sanctarumque ecclesiarum censarumque rerum ordinatione in tua predicta Maria uenerabilis abbatissa sanctaque uestra congregatione posterisque uestras sint et permaneant potestatem. 487.  MND, vol. I, Appendix, 2 – 763 ou 882. 488.  RNAM, vol. I/1, 6 – 920 : Verumtamen si memorata nostra ecclesia nos ambe memorate matrix et filia aut qui super de nos uixerit hordinauerit iuidem siue sacerdotem uel monachum nullatenus presument quauis persona illud quem nos iuidem hordinauerimus commouere uel quauis premium querere per nullum modum. Et si memorata sancta nostra ecclesia inordinata a nobis remanserint post ouitum nostrum, tunc hordinetur ea igumenus qui fuerit in congregatione sanctorum Sergi et Bachi. 489.  RNAM, vol. VI, Appendix, 4 – 1036 : un moine doit être désigné par l’abbé Maio pour être le desservant de l’église après sa mort.

CHAPITRE 2  • LES MOINES

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Dans les contrats concernant les églises privées, les propriétaires ne peuvent placer à la tête de l’église un prêtre, un clerc, un moine ou toute autre personne, sinon le desservant490. L’essentiel des mentions de desservants d’églises privées napolitaines montre qu’il s’agit de prêtres, non de moines ni de moines prêtres491. L’important, pour les propriétaires, demeure l’assurance d’une célébration liturgique dans leur édifice religieux. La référence aux moines indiquerait plutôt l’impossibilité pour le desservant d’avoir une autre autorité que les propriétaires de l’église. L’interdiction de placer un laïc à la tête de l’église semble confirmer cette hypothèse492. On assiste, à la fin de la période, à une « monachisation » du clergé au plus haut niveau, phénomène qu’il convient de distinguer de la « sacerdotalisation » des moines. Un document napolitain de 1064 ou 1065 fait allusion à Serge, moine et archevêque de Naples493. Il s’agit probablement de Serge  II, archevêque de Naples attesté entre 981 et 1006. On ignore la date de prise de l’habit monastique par l’archevêque, mais les rédacteurs de l’acte jugent utile de préciser son statut. Un autre prélat, l’archevêque d’Amalfi Laurent (1040-1048) est moine bénédictin, tout comme l’évêque Renaud de Gaète (avant 1090 – après 1093)494. L’élection de deux abbés du Mont-Cassin comme papes au xie siècle, Frédéric de Lorraine (Étienne IX, 1057-1058), puis Didier (Victor III, 1086-1087), confirme l’influence grandissante du monde monastique sur l’Église.

490.  RNAM, vol. I/2, 107 – 964 : nec qualibet sacerdotes uel clericum aut monachum aut alia quauis persona ibidem ponere per nullum modum nec per summissis personis nec per nullum humano aruitrio. L’église Saint-Sévère appartient au monastère des Saints-Serge-et-Bacchus, mais on retrouve cette clause pour des églises privées détenues par des propriétaires laïcs : e.g. RNAM, vol. IV, 339 – 1028. 491.  MND, vol. II/1, 162 – 967 : Grégoire, prêtre, médecin et moine est dit ancien desservant (cus­ tos) de l’église Saint-Euthyme. On ignore s’il était déjà moine alors qu’il desservait l’église. 492.  CP, 18 – 993 : et nos nunquam habeamus licentiam aut potestatem cunctis diebus uite nostre de nos suprascripto Leoni Domini gratia archiepiscopo tibi suprascripto Petro presbitero ipsa suprascripta ecclesia tollere et uos exinde commouere uel degectare aut alium clericum uel monachum aut laycum uobis supermittere et ordinare. 493.  RNAM, vol. V, 404 – 1064 ou 1065 : hecce iam preteritos septuaginta et unum annos expletos uisus itaque fuit quondam uenerabilis monachus dominus Sergius Domini gratiam archiepiscopus sancte sedis Neapolitane ecclesie. 494. Voir aussi le cas de Richard, abbé puis évêque de Gaète dans CDC, vol. II, 315 – 1128. Ce phénomène de monachisation de l’épiscopat par recrutement de moines issus en particulier du Mont-Cassin est attesté à la même époque en Italie centrale : voir Feller, Les Abruzzes médiévales, p. 846-848.

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Les mentions de moines et de moniales dans les actes de la pratique permettent de réaliser une étude onomastique, surtout des abbés et abbesses pour lesquels on dispose parfois de listes quasi-complètes sur plusieurs siècles, qui révèle leur insertion dans la société locale. Les noms les plus portés par les moines et les moniales sont communs au reste de la population et l’hellénisme culturel, un particularisme napolitain, se retrouve parmi les moines. L’existence de noms lombards montre une perméabilité, toute relative, avec l’extérieur. La grande majorité des moines et des moniales de Naples, Gaète et Amalfi sont originaires de cette région assez peuplée pour fournir des effectifs importants aux nombreux monastères attestés dans chaque duché. L’origine des moines paraît plus distinguée que celle des clercs, mais cette particularité n’est pas systématique, même pour les abbés. En revanche, le recrutement des moniales et surtout des abbesses semble s’opérer au sein de l’élite, comme dans le monastère des Saints-Grégoire-et-Sébastien dirigé par des supérieures presque toutes issues de la famille ducale napolitaine. La confrontation de la correspondance de Grégoire le Grand, de nature surtout disciplinaire, avec les actes notariés du haut Moyen Âge permet de mesurer l’évolution des pratiques. L’entrée au monastère traduit les mêmes contingences sociales que l’onomastique. L’ancrage familial incite des moines et des moniales, en particulier pour leur patrimoine, à enfreindre ou adapter certains principes monastiques. La relative modestie des communautés monastiques, liée à leur nombre élevé dans un cadre surtout urbain, expliquerait l’importance et la permanence des attaches séculières des moines et des moniales. L’adaptation de la règle se retrouve dans la désignation des abbés et des abbesses : si le principe d’accord de la communauté paraît bien établi, la réalité sociale l’emporte souvent et l’intervention du pouvoir civil se manifeste d’autant plus que s’efface le pouvoir religieux, en particulier celui du pape. Cette tendance est renforcée par la sacerdotalisation des moines, devenus moins dépendants de l’ordinaire en matière de liturgie. La forte inscription des monastères des duchés tyrrhéniens dans leur environnement constitue leur principale spécificité, mais ne dénote pas l’archaïsme de leurs structures religieuses. La coupure des duchés avec l’arrière-pays lombard a sans doute accentué cette tendance au localisme.

Chapitre 3 L’ENCADREMENT PASTORAL Naples dispose d’un document exceptionnel pour étudier les structures ecclé­ sias­tiques et l’encadrement pastoral de son territoire au haut Moyen Âge, les Gesta episcoporum Neapolitanorum, qui offrent une description sans équivalent dans toute l’Italie méridionale, en particulier à Gaète et Amalfi où les sources demeurent lacunaires. Le territoire napolitain n’a pas connu les bouleversements subis par le reste de l’Italie du Sud après l’effondrement de l’Empire romain en Occident. Son patrimoine monumental, connu aux ixe-xe siècles, a été préservé des destructions et des abandons massifs attestés dans les territoires conquis par les Lombards495. La ville de Naples est protégée par de puissantes fortifications, presque inexpugnables, renforcées de surcroît par Bélisaire496. Après la prise de la ville en 536 par le général byzantin, puis en 542 par le roi goth Totila devant lequel les murailles de la cité n’ont pas cédé, il faut attendre les Normands, un siècle après leur installation en Italie méridionale, pour que la cité tombe aux mains de Roger  II, en 1139. La présence de monuments chrétiens est avérée à Naples dès le début du ive  siècle. La notice du pape Silvestre  Ier (314-335), fournie par le Liber Pontificalis romain, indique la construction d’églises à Rome et dans d’autres villes, parmi lesquelles Naples497. Dans sa correspondance, Grégoire le Grand mentionne quelques monuments religieux napolitains. Toutefois leur nombre est sans comparaison avec ceux connus par les Gesta episcoporum Neapolitanorum. En effet, les auteurs des Gesta mentionnent ou décrivent le patrimoine architectural religieux accumulé dans la cité au fil des siècles. Les indications contenues dans les Gesta ne possèdent toutefois pas une vocation topographique. Certes, l’un des desseins des rédacteurs de Gesta, qu’ils soient de

495. Voir Martin, « Les Églises latines », p. 816. 496.  Capasso, « Pianta della città », ASPN, 16, p . 832-862 ; voir la bibliographie indiquée dans

la partie 1, chapitre 1, n. 252. 497.  Achelis, Die Bischofchronik, p. 64 ; cf. Liber Pontificalis, éd. L.  Duchesne, 34, XXXIV, p. 186 : Eodem tempore fecit Constantinus Augustus basilicam in ciuitatem Neapolim, cui obtulit hoc : patenas argenteas II, pens. sing. lib. XXV ; scyphos argenteos II, pens. sing. lib. X ; calices ministeriales XV, pens. sing. lib.  II ; amas argenteas  II, pens. sing. lib.  XV ; fara argentea  XX, pens. sing. lib.  VIII ; fara aerea XX.

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Naples ou d’ailleurs, est de fournir aux lecteurs une géographie sacrée de leur cité qui « intègre les sépultures d’évêques, les lieux porteurs de traditions et les édifices cultuels »498. L’importance attachée à l’élément monumental dans la rédaction de Gesta est variable. Tous ont cependant un même modèle, le Liber Pontificalis romain. Les informations dont disposent les rédacteurs napolitains pour assortir les notices épiscopales d’indications topographiques proviennent de sources écrites (histoires locales, hagiographies urbaines, littérature ecclésiastique), mais également de la tradition orale et, parfois, d’observations directes. Les églises, les monastères, les diaconies forment autant d’édifices présents au moment de la rédaction des Gesta. Par conséquent, l’étude va se concentrer sur Naples pour comprendre l’organisa­ tion ecclésiastique de ce territoire au haut Moyen Âge et saisir les articulations entre les structures d’encadrement pastoral qui s’y développent. Plaçant les évêques au centre de leurs préoccupations et de leur chronique, les auteurs des Gesta présentent une Église de Naples organisée selon une structure hiérar­ chisée, à la fois par son clergé et ses lieux de culte. Suivant un schéma simplificateur, la cathédrale, c’est-à-dire l’église de l’évêque, domine un réseau d’églises toutes liées de manière étroite aux évêques ou aux ducs de la ville. Cette présentation délibérée des Gesta masque le reste du réseau ecclésial et, de ce fait, nombre de structures d’encadre­ment. Par chance, ce réseau est connu, sinon révélé, par les actes de la pratique, davantage centrés sur la vie quotidienne. L’implantation ancienne de monastères dans les campagnes et les conséquences des bouleversements politiques, qui affectent la région à partir du ixe  siècle, permettent de suivre l’évolution de l’encadrement hors de Naples et, dans une moindre mesure, à Gaète, Amalfi et dans les îles liées au destin des duchés tyrrhéniens. L’organisation ecclésiale encadre les fidèles par les célébrations liturgiques davantage que par le culte des reliques.

I.  Les structures épiscopales d’encadrement Province ecclésiastique placée sous l’autorité métropolitaine de Rome, l’ancienne Italie suburbicaire est divisée entre plusieurs archevêchés dans la seconde moitié du xe siècle. Dans ce cadre institutionnel et régional s’organisent les Églises de Naples, de Gaète et d’Amalfi. Cas unique en Italie du Sud, Naples dispose d’un vaste ensemble épiscopal constitué durant l’Antiquité tardive. La comparaison avec les groupes cathédraux voisins, en particulier celui de Gaète, en confirme l’importance et la singularité. En outre, Naples dispose d’un réseau structuré et hiérarchisé de grandes

498.  Sot, Gesta Episcoporum, p. 20.

CHAPITRE 3  • L’ENCADREMENT PASTORAL

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églises publiques. Qualifiées de basiliques majeures par les Gesta, elles apparaissent dans les actes de la pratique. Leur similitude voulue avec les basiliques romaines reste discutable et théorique, malgré le souci des rédacteurs des Gesta de conformer leur Église au modèle romain.

Provinces ecclésiastiques et diocèses L’élévation de Capoue au rang d’archevêché, en 966, inaugure la partition de l’immense province d’Italie suburbicaire, placée sous l’autorité de l’Église de Rome à partir du ive siècle. Une géographie ecclésiastique nouvelle se dessine dans les duchés tyrrhéniens (voir figure 4). La province ecclésiastique de Naples, de taille réduite, possède quatre suffragants : Pouzzoles, Cumes, Ischia et Acerra499. Au regard des sources, ces évêchés semblent éclipsés par leur métropole et paraissent peu dynamiques. Les confins du duché, en particulier la Liburie, constituent une zone mouvante qui, selon les vicissitudes poli­ tiques, passe sous domination lombarde ou reste sous contrôle napolitain. De même, les circonscriptions ecclésiastiques, plus conservatrices, n’épousent pas toujours avec régularité les limites fluctuantes des divisions politiques. Ainsi, certaines localités sises dans les diocèses de Nola et de Nocera, tous deux suffragants de Salerne, peuvent être incluses dans le duché de Naples500. L’évêché d’Aversa, dont la fortune coïncide avec celle des Normands en Italie du Sud, est créé au milieu xie siècle. Situé sur une partie de l’ancien territoire du duché de Naples et substitué à l’antique siège d’Atella, le diocèse d’Aversa fait l’objet de conflits juridictionnels entre les provinces ecclésias­ tiques de Naples et de Capoue501. Le duché d’Amalfi constitue la plus petite province ecclésiastique d’Italie méridionale avec celle de Sorrente. Élevé à la fin du xe  siècle, le siège archiépiscopal possède quatre suffragants répartis sur le territoire confiné du duché : Minori, Scala,

499.  Kehr, Italia pontificia, vol.  VIII, p. 429-431 (Naples) ; ibid., p. 466-467 (Pouzzoles) ; ibid., p. 469 (Cumes) ; ibid., p. 475 (Ischia). Le siège d’Acerra est probablement érigé à la fin du xie  siècle sur une partie du territoire de l’ancien diocèse de Suessula. Voir ibid., p. 476. Quant à l’évêché de Misène, il disparaît avant la promotion de Naples au rang d’archevêché : ibid., p. 471-472. 500.  Ibid., p. 297-298. L’auteur place le siège de Nola sous l’autorité de Salerne, mais souligne l’ancienneté de ses liens avec Naples. Sa soumission à la province ecclésiastique de Salerne, sous domination lombarde, paraît fluctuante. Dans la seconde moitié du xiie siècle, l’évêché est désormais rattaché à la province de Naples. Voir aussi Kamp, Kirche und Monarchie, vol. I/1, p. 45. 501.  Kehr, Italia pontificia, vol. VIII, p. 279-280 : le siège épiscopal d’Acerra relève de la métropole de Capoue au moment où la principauté passe sous contrôle normand. Malgré l’unification de l’Italie méridionale sous l’autorité du roi Roger II de Sicile, le diocèse d’Acerra est finalement rattaché à Naples. Voir Kamp, Kirche und Monarchie, vol. I/1, p. 45.

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Lettere (sur le versant nord des monts Lattari) et Capri502. L’évêché de Ravello possède la particularité et le privilège d’être soustrait à l’autorité de l’archevêque d’Amalfi et dépend directement de Rome, du moins à partir de la fin du xie siècle503. Micro-État indépendant du duché de Naples au xie siècle, Sorrente est constituée en province ecclésiastique avec trois suffragants : Massa Lubrense, Vico Equense et Castellammare di Stabia504. Dans le duché de Gaète, l’évêché de Minturnes ne se relève pas des déprédations subies lors de l’invasion lombarde. En revanche, le siège voisin de Formies parvient à surmonter cette première épreuve, mais disparaît sous le coup des incursions sarrasines. Ces disparitions successives favorisent l’ascension de Gaète, lieu de résidence des ducs et des évêques à partir du ixe  siècle. En revanche, sans doute trop proche de Rome, Gaète demeure sous l’autorité métropolitaine du pape et ne bénéficie ni d’une élévation au rang d’archevêché ni de la constitution d’une province ecclésiastique. Le duché comprend deux diocèses distincts, celui de Gaète sur la côte et, à l’intérieur des terres, celui de Fondi505. L’évêché de Traetto, à l’embouchure du Garigliano, connaît une existence brève, entre le ixe et le début du xe siècle506.

La cathédrale de Naples Les Gesta présentent une Église de Naples dominée par ses évêques. Leurs auteurs, en particulier Jean Diacre, s’attachent à inscrire cette domination dans la topographie locale. Les édifices religieux les mieux présentés sont ceux du groupe épiscopal, vers le centre de la ville. Il s’agit de comprendre, à partir des indications fournies par les Gesta et les sources documentaires postérieures, la place de l’episcopium au sein de l’Église napolitaine et son rôle dans l’encadrement des fidèles. Aux ixe-xe  siècles, l’episcopium constitue un quartier situé dans la partie nord-est de la ville, près de la Porta Capuana507. Il forme un vaste complexe avec une cathédrale double, deux baptistères, les églises Saint-Pierre et Saint-Janvier ainsi que la résidence de l’évêque508.

502.  Kehr, Italia pontificia, vol.  VIII, p. 386-387 (Amalfi) ; ibid., p. 393 (Minori) ; ibid., p. 395 (Scala) ; ibid., p. 397 (Lettere) ; ibid., p. 399 (Capri). 503.  Ibid., p. 401. 504.  Ibid., p. 406-407 (Sorrente) ; ibid., p. 411 (Massa Lubrense et Vico Equense) ; ibid., p. 412-413 (Castellammare di Stabia). 505.  Ibid., p. 85 (Gaète) ; ibid., p. 94. 506.  Ibid., p. 98, s.u. Episcopatus Minturnensis. Voir aussi infra. 507.  Capasso, « Pianta della città », ASPN, 17, p. 447. 508.  Le groupe cathédral de Naples a suscité une vaste bibliographie dont nous nous bornons à citer les principaux titres visant à reconstituer ou étudier son état primitif, c’est-à-dire antérieur à l’époque angevine : Bertaux, L’art dans l’Italie méridionale, vol. I, p. 30-31 et 58-59 ; Venditti, Archittetura

CHAPITRE 3  • L’ENCADREMENT PASTORAL

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La particularité de la cathédrale de Naples est de compter, jusqu’au xiiie  siècle, deux basiliques distinctes : la basilique S. Restituta, dite basilique constantinienne, et la basilique du Sauveur, dite Stephania, chacune desservie par son clergé509. La première mention de la basilique S. Restituta est fournie par la notice des Gesta consacrée à Zosime, évêque de 355 environ à 383-384. D’après la source, il s’agirait d’une construction de l’empereur Constantin510. À l’origine dédiée au Sauveur et aux saints apôtres et martyrs511, l’église prend, au viiie siècle, le nom de la sainte africaine Restituta à l’occasion du transfert de ses reliques d’Ischia. Le rôle de Constantin dans l’édification paraît incertain. La mention de la construction de la basilique est empruntée à la notice du pape Silvestre Ier dans le Liber Pontificalis romain512, et les dates de l’évêque Zosime ne correspondent pas au règne de Constantin, mais à celui de son fils et de son neveu, Constance II et Julien. L’origine constantinienne de la basilique S. Restituta constitue peut-être une invention du viiie  siècle, au moment où Naples entend calquer ses institutions ecclésiastiques sur celles de Rome. Quelle que soit la véracité de cette attribution, l’édifice conserve son appellation « constantinienne » et la présence d’un lieu de culte, sinon au temps de Constantin du moins à l’époque paléochrétienne, est assurée par son plan basilical513.

bizantina, p. 477-487 ; Id., «  L’archittetura dell’alto medioevo  », p. 790-800 ; Strazzullo, « Edifici sacri », p. 73-84, une étude laissant de côté la basilique double traitée dans un autre article : Id., « Le due antiche cattedrali di Napoli », p. 177-241 ; Di Stefano, La Cattedrale di Napoli, p. 139148 pour les découvertes appartenant au niveau paléochrétien réalisées lors des travaux de restauration menés entre 1969 et 1972, en particulier la disposition parallèle et non perpendiculaire des deux cathédrales ; Farioli, « Gli scavi nell’“insula episcopalis” », p. 282 où l’auteur propose de dater, d’après les pavements de mosaïque qui subsistent, S.  Restituta du ive  siècle et la Stephania du siècle suivant (ce qui est conforme au témoignage des Gesta) ; Coroneo, « Il complesso episcopale », p. 35-43 ; Arthur, Naples, from Roman Town to City-State, p. 62-66 ; Lucherini, La cattedrale di Napoli. Malgré son titre cet ouvrage étudie, pour la période du haut Moyen Âge (ibid., p. 61-148), la reconstruction littéraire, proposée par les Gesta, de l’histoire sainte de la cathédrale de Naples plutôt que l’histoire du monument. 509.  Voir p. 100-101. 510.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 3, p. 404 : in urbem Neapolim basilicam fecit, asserentibus multis, quod Sancta Restituta fuisset. 511.  Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 455 ; Cilento, « La chiesa di Napoli », p. 672, qui rejette cependant la possibilité d’une consécration de la basilique à sainte Restituta dès la fondation. 512.  Achelis, Die Bischofchronik, p. 64 ; Lucherini, La cattedrale di Napoli, p. 79. Sur le caractère lacunaire du Liber Pontificalis romain, voir Guidobaldi, « La fondazione delle basiliche titolari », p. 5-12. 513.  La question de l’origine et du développement du plan basilical a suscité une ample bibliographie parmi les spécialistes de l’architecture paléochrétienne. Nous indiquons ici les principaux argu-

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La basilique S. Restituta est, semble-t-il, supplantée par sa voisine, la basilique Stephania. La première mention de la nouvelle église apparaît dans la notice des Gesta consacrée à Maro, troisième évêque de Naples, et mentionne le transfert de sa dépouille dans la Stephania par décision de Jean IV, évêque de 842 à 849514. Ces trans­ la­tions concernent aussi les évêques Agrippinus, Ephebus, Fortunatus, Maxime et Jean Ier. Elles révèlent l’importance prise par l’édifice515. Selon les Gesta, la basilique est construite à la fin du ve siècle par l’évêque Étienne Ier (attesté entre 499 et 502)516.

ments du débat : Ward Perkins, « Constantine and the origins of the christian basilica », p. 84-87, où l’auteur estime que le plan basilical est moins une innovation radicale, presque spontanée, de la période constantinienne qu’un emprunt à une tradition architecturale romaine d’églises dont le plan basilical aurait été diffusé par Constantin et son entourage ; Langlotz, Der architekturgeschichtliche Ursprung, p. 12 et 41-42, invite à une certaine prudence face à une définition trop stricte de la basilique chrétienne comme modèle architectural unique, mais rejette la filiation entre la basilique commerciale romaine et le sanctuaire chrétien, et lui substitue une dépendance étroite avec l’architecture cultuelle ou résidentielle liée à l’empereur ; cette opinion est partagée par Krautheimer, « The constantinian basilica », p.  123-126 voit dans l’évolution fonctionnelle et architecturale de la basilique civile, devenue un espace de représentation de l’imagerie impériale, la raison de son emploi par l’Église officielle ; Id., Early christian and Byzantine architecture, p. 20-27 et 42, qui insiste également sur le caractère sacré et impérial de la basilique romaine traditionnelle, associée au culte du souverain et à l’exercice de sa justice, et sur son adoption, presque naturelle, par l’Église et ses « architectes », libres de suivre ce modèle et de l’adapter ; Brandenburg, Roms frühchristliche Basiliken, p. 37-54 sur les relations architectoniques, constructives, fonctionnelles et représentatives entre la basilique du Latran, prototype de la basilique constantinienne chrétienne, et l’architecture religieuse (temples et sanctuaires païens) et civile (thermes, basiliques civiles, résidences impériales) du tournant des iiie-ive siècles ; Id., « Die konstantinischen Kirchen », p. 35 où l’auteur, à l’encontre des précédents chercheurs, associe l’influence impériale au caractère « révolutionnaire » des basiliques constantiniennes qui, malgré leur caractère sacré, trouveraient leur inspiration dans les vastes édifices commerciaux antérieurs ; Id., Ancient churches of Rome, p. 12 souligne la polysémie architecturale et fonctionnelle de la basilica dans le monde gréco-romain et sa capacité d’adaptation à des usages variés, en particulier comme salle de réception privée ou lieu d’assemblée publique ; White, Building God’s house, p. 18, 114-118 et 128, qui rappelle l’opinio communis d’un emprunt direct et volontaire sous Constantin à l’architecture civile romaine, mais au terme d’une évolution continue, de la maison privée à la basilique, vers un lieu de culte de plus grandes dimensions. Notons la monographie de de Blaauw, Cultus et decor. Dans cette enquête systématique, peut-être un peu répétitive, l’auteur étudie en détail l’architecture et l’usage liturgique de trois basiliques romaines (Saint-Jean du Latran, Sainte-Marie-Majeure et Saint-Pierre), mais ne s’interroge pas sur l’origine du plan adopté par ces trois lieux de culte édifiés aux ive-ve siècles. 514.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 2, p. 403, l. 39-40 : Cum his praedecessoribus suis ob sanctitatis meritum in ecclesia Stephania translati esse uidentur. 515.  Ibid., 2, p. 404, l. 6, 12-13 et 17-19 ; ibid., 6, p. 406, l. 19-20. 516.  Ibid., 12, p. 409, l. 14-16 : Hic inter alias bonitatis studia fecit basilicam ad nomen Saluatoris, copulatam cum episcopio, quae usitato nomine Stephania uocatur.

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Consacrée au Sauveur, la cathédrale prend le nom de Stephania en l’honneur ou en mémoire de son fondateur. Partie intégrante de l’episcopium, elle s’insère dans un vaste ensemble comprenant la basilique S. Restituta et la résidence de l’évêque. L’entrée principale de la basilique est située sur sa façade occidentale et l’abside, avec les tribunes, se situe à l’est. La nouvelle église épiscopale est peut-être plus vaste que l’ancienne517. Elle est composée de trois nefs518, s’inspirant comme la basilique S. Restituta du modèle basilical constantinien. La Stephania est l’édifice religieux le mieux décrit dans les Gesta. Jean Diacre fournit des détails sur l’aménagement intérieur du monument. Par exemple, les colonnes de la basilique étaient surmontées de bandeaux peints519. Sans doute influencé par le modèle architectural carolingien, le duc-évêque Étienne II (766-794) ajoute deux tours flanquant une nouvelle abside occidentale520. Il s’agit de la première mention de tours pour un édifice religieux napolitain. La basilique Stephania forme la seule église pour laquelle on évoque des incendies521. La description détaillée

517.  Le plan proposé par Arthur, Naples, from Roman Town to City-State, p. 62, est plus précis que celui, dépourvu d’échelle, de Desmulliez, « Le dossier du groupe épiscopal de Naples », p. 347. Selon le plan figurant dans la monographie de P. Arthur, S. Restituta est orientée vers le nord et mesurerait, si l’on en croit l’échelle proposée, 65 m de long sur 30 m de large (en réalité 55 m sur 34 m), mais seules les six dernières travées et l’abside sont connues par l’archéologie, soit une longueur approximative de 30  m. Dans les faits, on ignore la longueur de S.  Restituta. En outre, la basilique Stephania, orientée vers le sud, se trouve sous l’actuelle cathédrale de Naples et les dimensions proposées par le plan de P. Arthur, 40 m de long sur 20 m de large, sont hypothétiques. 518.  Les plans et les commentaires de Desmulliez, « Le dossier du groupe épiscopal de Naples », p. 347 et 352-353, et de Arthur, Naples, from Roman Town to City-State, p. 62 et 66, s’accordent sur une forme basilicale subdivisée en trois nefs. 519.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 25, p. 414, l. 25 : Id ipsud et in parietibus super columnas depingere iussit. Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 460, estime à six le nombre des colonnes disposées de chaque côté de la nef principale. En revanche, un nombre beaucoup plus élevé est supposé par Venditti, « L’archittetura dell’alto medioevo », p. 866, n. 40. 520.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 42, p. 426, l. 1-3 : Edificauit igitur intus episcopio absidam non parui operis duasque procero cacumine turres, sub quibus ecclesiam sancti Petri miris exornatam construxit operibus. Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 458, pense que deux autres tours, par souci d’harmonie, devaient flanquer la basilique en façade. Cependant, il faut noter qu’aucune autre source n’atteste l’existence de ces deux tours. 521.  La première allusion à un incendie dans la basilique Stephania intervient sous l’évêque Jean II, soit dans la première moitié du vie  siècle. Voir Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 16, p. 410 : Hic absidam ecclesia Stephania labsam ex incendio reformauit. Sous l’évêque Étienne II, dans le dernier tiers du viiie siècle, après la construction de la nouvelle abside dans la Stephania, un autre incendie se déclare dans la basilique. L’événement a dû marquer les esprits et la mémoire des Napolitains au point que le chroniqueur, Jean Diacre, en offre un récit relativement détaillé. Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 42, p. 426, l. 10-17 : His ita peractis, ecclesia Saluatoris, quae de nomine sui auctoris Stephania uocitatur, diuino – quod flens dico – iudicio igne cremata est. Moris enim fuit,

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du deuxième incendie par Jean Diacre laisse entendre que le plafond de la basilique était en bois. Conforme à la tradition architecturale paléochrétienne, cet aménagement intérieur expose davantage le bâtiment à d’importants dégâts. Pourtant, le sinistre ne semble pas avoir eu de conséquences majeures, sinon d’endommager la charpente dans la mesure où la basilique est reconstruite sous le même évêque, Étienne II. La présence d’une cathédrale double, structure bien attestée en Italie du Nord, ne se rencontre qu’à Naples et Amalfi en Italie méridionale522. Ce particularisme n’existe pas à Gaète ni dans aucune des capitales des États lombards voisins. Pourquoi Naples disposet-elle d’une cathédrale double ? La réponse réside à la fois dans le contexte local et le domaine liturgique. Il convient d’insister sur la spécificité démographique de Naples par rapport aux autres villes d’Italie méridionale. Il ne fait guère de doute que la population napolitaine dépasse de beaucoup celle des villes voisines, même les plus grandes. Cette originalité induit des conséquences religieuses. La reprise démographique, durant la longue période de domination ostrogothique, accroît les besoins liturgiques accrus de fidèles plus nombreux. Dans ce contexte se situe la construction de la basilique Stephania aux dépens de l’ancienne basilique S. Restituta, devenue peut-être trop exiguë pour le bon déroulement d’une liturgie encore marquée par la participation des fidèles. D’après les Gesta, la Stephania, au cours du haut Moyen Âge, constitue la véritable cathédrale de Naples alors que S. Restituta revêt un rôle secondaire. La place centrale accordée à la basilique Stephania dans les Gesta, en particulier dans la seconde partie rédigée par Jean Diacre, en témoigne. L’auteur fait de la basilique non seulement le cœur religieux, mais encore le lieu d’événements politiques majeurs pour le duché de Naples. Par exemple, c’est devant la basilique Stephania que le duc Étienne III est assassiné par les envoyés du prince Sicon de Bénévent, en 831523.

ut cereus sanctus inormi mensura porrectus propter dominicae resurrectionis honorem a benedictionis exordio usque ad alterius diei missarum expleta sollemnia non extingueretur. Nocte igitur quadam ipsius festiuitatis cum solito dimitteretur accensus, cunctis quiescentibus, ignis per aranearum forte congeriem in laquearia ipsius ecclesiae peruenit, et sic demum aestuauit in omne aedificum. 522.  Sur les cathédrales doubles, voir la synthèse bibliographique et critique de Duval et Caillet, « La recherche sur les églises doubles », p. 32-33 pour les édifices italiens ; Eid., « Conclusions : les tendances actuelles et les problèmes à débattre », p. 225-234 ; Piva, La cattedrale doppia, p. 32-91, où l’auteur établit un catalogue des cathédrales doubles qui, de manière surprenante, ne mentionne pas celle de Naples et d’Amalfi, mais recense, pour l’Italie, les cas d’Aquilée, Milan, Pavie, Brescia, Vérone, Pola, Nesazio et Parenzo (trois basiliques doubles d’Istrie), Grado, Bergame, Mantoue, Côme et Trieste ; Id., « La “cattedrale doppia” e la storia della liturgia », p. 55-60 où l’auteur rejette l’idée d’une segmentation excessive de l’espace liturgique et des fidèles induite par la gémination de la basilique ; voir également Desmulliez, « Le dossier du groupe épiscopal de Naples », p. 353. 523.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 53, p. 429. Sur les rapports politiques entre Napolitains et Lombards aux viiie-ixe siècles, voir l’étude fondamentale de Gay, L’Italie méridionale, p. 2224, 33-34, 40-43, 54-69, 102 et 140-141 ; à compléter par Martin, Guerre, accords et frontières, p. 75-100.

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Outre la cathédrale double, les Gesta mentionnent deux baptistères inclus dans l’ensemble épiscopal. Le premier baptistère inter fontes maiores apparaît dans la notice de l’évêque Jean III, connu entre 615 et 635524. L’édifice est situé à gauche de la basilique Stephania. Le chroniqueur mentionne l’évêque Soter, attesté en 465, comme constructeur du baptistère, mais sa notice n’en fait pas mention525. Ce baptistère constituait le « grand baptistère » de l’ensemble épiscopal napolitain. L’autre baptistère, nommé Saint-Jean ad fontes minores, est situé dans l’un des édifices communiquant avec la basilique S. Restituta, à droite de son abside. Les Gesta le mentionnent dans la notice de l’évêque Vincentius (attesté en 558-559)526. Conservé, S. Giovanni in Fonte pos­sède la particularité d’être l’unique édifice paléochrétien à plan central de Naples527.

524.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 25, p. 414, l. 21-25 : Hic fecit consignatorium aluatorum inter fontes maiores a domino Sotero episcopo digestae et ecclesiam Stephaniam, per quorum baptizati ingredientes ianuas a parte leua ibidem egredientur parti sinistrae. 525.  Achelis, Die Bischofchronik, p. 67 voit dans la notice de l’évêque Soter une allusion à la construction du baptistère et attribue la fondation du premier baptistère à l’évêque Sévère, mais les Gesta ne le mentionnent pas. L’auteur pense qu’il s’agit d’un oubli ou d’une disparition. 526.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 19, p. 412, l. 1-2 : Fecit baptisterium fontis minoris intus episcopio et accubitum iuxta positum grandi opere depictum. L’accubitum iuxta positum grandi opere depictum était un triclinium situé entre la basilique S. Restituta et la basilique Stephania. Les clercs devaient avoir coutume de s’y reposer après les nombreux baptêmes de la période de Pâques. Voir MND, vol. I, p. 179, n. 5. 527.  Au milieu d’une riche bibliographie consacrée à ce baptistère célèbre pour ses mosaïques paléochrétiennes, datées par la plupart des spécialistes du ive ou du ve siècle, nous renvoyons à quelques études de référence : Bertaux, L’art dans l’Italie méridionale, vol. I, p. 47-49 et 55-55 ; Bovini, « I mosaici del Battistero », p. 19 où l’auteur suppose, sans preuve archéologique mais en raison de besoins sacramentels évidents, la construction d’un baptistère contemporain de la basilique S. Restituta, et antérieur au baptistère « sotérien » daté du tournant des ive-ve  siècles (ibid., p. 24) ; Maier, Le baptistère de Naples, p. 8-9, 64-66 et 75-77, qui rappelle qu’avant d’être annexé à S. Restituta le baptistère constituait un édifice isolé dont l’unité stylistique des mosaïques et leur iconographie de transition dateraient ses mosaïques des années 400 en faisant de l’évêque Sévère et non de l’évêque Soter l’auteur de ces travaux de construction et de décoration ; Venditti, Archittetura bizantina, vol. II, p. 484-487 ; Pariset, « I mosaici », p. 1-13, où l’auteur défend l’hypothèse de trois artistes différents ; Strazzullo, « Il battistero di Napoli », p. 145 et n. 10 qui défend la préexistence d’un baptistère napolitain à l’épiscopat de Soter ; Di Stefano, La Cattedrale di Napoli, p. 145 ; Pani Ermini, «  Les mosaïques campaniennes  », p.  201-205 avec une riche bibliographie  ; Liccardo, « Lineamenti di storia antica », p. 130-133 à propos des fontes maiores attribuées malgré le témoignage des Gesta à Sévère, Soter se contentant de consolider l’œuvre de son prédécésseur sur le trône épiscopal, et p. 142-143 sur les fontes minores édifiées par l’évêque Vincentius peut-être pour répondre à un besoin sacramentel accru par la diffusion du baptême des enfants ; Martorelli, « L’architettura dei battisteri », p. 1041-1046 et fig.  10, où l’auteur suppose que les catéchumènes pouvaient entrer dans le baptistère du côté droit et, une fois le sacrement reçu, accéder à S.  Restituta par une entrée aménagée dans le bas-côté ouest de l’abside de cette cathédrale ;

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Le baptistère ad fontes minores est vraisemblablement un ajout au baptistère « sotérien », dans un contexte de paix retrouvée après la fin de la guerre gothique et avant les catastrophes de la seconde moitié du vie siècle528. Les deux baptistères ont dû suffire à l’ensemble des baptêmes, mais la notice consacrée à l’évêque Jean III, situé en 615-635, indique un autre édifice destiné à la confirmation des baptisés et situé entre le baptistère de l’évêque Soter et la Stephania. Il accueille les nouveaux baptisés afin d’être bénis par l’évêque et marqués du chrême, cérémonie décrite avec précision par le chroniqueur de la première partie des Gesta : « Celui-ci [ Jean III] édifia un consignatorium aluatorum entre les fonts majeurs organisés par le seigneur évêque Soter et l’église Stephania par lesquels les baptisés, passant les portes du côté droit, y étaient présentés à l’évêque placé au centre et, une fois la bénédiction reçue, sortaient les uns après les autres par le côté gauche »529. La description des baptistères par les Gesta se justifie par l’importance que revêtent, aux yeux du rédacteur et des évêques,

croisant l’iconographie religieuse et les sources textuelles relatives au baptême, l’article de Gandolfi, « Les mosaïques », p. 21-34 ; une rapide mise au point de Jensen, Living water, p. 191-194. La polémique sur la datation du baptistère, tendant à en faire le plus vieux baptistère occidental, ne semble pas devoir être développée ici, car elle ne relève pas de considérations historiques. 528.  Achelis, Die Bischofchronik, p 68 ; Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 458 et 465-466, distingue nettement les deux baptistères. Voir également la rapide mise au point de Strazzullo, « Edifici sacri », p. 76-79. 529.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 25, p. 414, l. 21-25 : Hic fecit consignatorium aluatorum inter fontes maiores a domino Sotero episcopo digestae et ecclesiam Stephaniam, per quorum baptizati ingredientes ianuas a parte leua ibidem in medio residenti offeruntur episcopo et benedictione accepta per ordinem egredientur parti sinistra. Certains manuscrits offrent comme leçon albatorum (« ceux vêtus de blanc ») à la place d’aluatorum (Muratori proposant même de corriger le texte en ablutorum) ce qui, dans le cadre de la phrase, prend une importance particulière. Voir Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, p. 414, n. c. À propos du consignatorium, cet édifice sur lequel on ne sait rien hormis le passage des Gesta indiquant son emplacement entre le baptistère SaintJean et la basilique Stephania, lire Strazzullo, « Edifici sacri », p. 79-80. Sur la confirmation des nouveaux baptisés accomplie la nuit du samedi saint, voir Galtier, « La consignation », le tableau synoptique, entre les pages 300 et 301, présentant le rite de l’onction frontale ou chrismation qui, s’il est en usage dans l’Église romaine depuis le ive siècle, n’accompagne pas partout le rite de confirmation, accompli en Italie du Nord, en Espagne et en Gaule par imposition des mains de l’évêque ; également la rapide mise au point de Spinks, Early and medieval rituals, p. 110-115, à propos du rituel de confirmation d’après l’ancien sacramentaire pseudo-gélasien qui date du milieu du viiie  siècle. Synthétique, Palazzo, Liturgie et société, p. 43-47, explique la « lente dissociation du baptême et de la confirmation » par des raisons pratiques. Ne pouvant procéder partout dans le ressort de son diocèse au baptême des jeunes enfants, l’évêque délègue l’administration du baptême aux prêtres, mais conserve l’exclusivité sacramentelle de la confirmation. Dans le cas de Naples, la dissociation entre les deux cérémonies est précoce avec la construction de deux baptistères et d’un « confirmatoire », le fameux consignatorium, au sein du groupe cathédral.

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ces lieux servant de cadre à une prérogative épiscopale éminente et autrefois exclusive, l’administration du baptême et sa confirmation. Pourtant, au moment de la rédaction des Gesta, les baptistères ont perdu leur fonction primitive d’accueil d’adultes convertis pour concerner essentielle­ment les enfants, en particulier durant la période de Pâques. Devenue anachronique, l’insistance des Gesta vise désormais à souligner le rôle central de l’évêque dans le sacrement du baptême530. Hormis ces baptistères, deux églises ou oratoires (la distinction est difficile à établir en l’absence de description précise) sont mentionnées dans le groupe épiscopal. L’évêque Étienne II, de toute évidence un grand bâtisseur, fait édifier une église Saint-Pierre aux pieds des tours de la basilique Stephania531. L’entrée de l’église est précédée d’une loggia (solarium, peut-être une chapelle haute) et l’une des tours était peinte, sans qu’on puisse connaître son programme iconographique532. Un deuxième édifice, une église ou un oratoire dédié à saint Janvier, figure dans la notice consacrée à Athanase Ier (849-872)533.

530.  À propos de la structure architecturale des baptistères, plusieurs travaux ont été récemment publiés. Pour l’Antiquité tardive, voir Jensen, Living water, où l’auteur tente une synthèse d’histoire de l’art en adoptant un point de vue iconologique et une méthode typologique avec un passage récapitulatif (ibid., p. 184-209) consacré aux baptistères paléochrétiens d’Italie ; voir aussi l’examen fonctionnel et architectural des baptistères proposé par Brandt, « Understanding the structures », p. 1587-1609 ; à mi-chemin entre l’architecture et l’histoire religieuse se situe également l’article de Foletti, « Saint Ambroise », p. 121-155. Pour le haut Moyen Âge, nous renvoyons à deux études de nature plus historique et textuelle, Cramer, Baptism and change, p. 179-182, où l’auteur souligne, durant l’époque carolingienne, une progressive dissociation, dans la pratique sacramentelle et les usages liturgiques, entre le baptême et la confirmation ; Keefe, Water and the word, vol. I, p. 143-155, où l’auteur conclut, à la lumière d’une soixantaine de collections de textes considérés comme des instructions baptismales ou des manuels sacramentels adressés au clergé, que la réforme carolingienne d’uniformisation, sinon de réorganisation des structures ecclésiastiques, a été entreprise à l’échelle des diocèses et des provinces grâce à l’action des évêques qui, s’ils ne confèrent plus directement le baptême, ont le souci de la validité du baptême accompli, suivant l’Ordo Romanus, par des prêtres mieux instruits. 531.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 42, p. 426, l. 2-3 : turres, sub quibus ecclesiam sancti Petri miris exornatam construxit operibus. L’église Saint-Pierre semble être située à l’emplacement de l’actuelle chapelle Minutolo dans la cathédrale de Naples, voir Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 463. 532.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 42, p. 426, l. 3-4 : Ante cuius ingressum sex patrum sanctorum depinxit concilia, conectens ex latere non mediocris prolixitatis solarium ; ibid., 46, p. 427, l. 29-31 : Depinxit quoque et turrem, quae est ante ecclesiam sancti Petri, et reliquias in altare eiusdem ecclesiae posuit, quia praeuentus morte domnus Stephanus non illud dedicauit. Achelis, Die Bischofchronik, p. 73 considère qu’il s’agit de l’une des deux tours de l’église. Voir également Lucherini, La cattedrale di Napoli, p. 109-124 où l’auteur défend l’hypothèse d’une imitation locale précoce d’innovations romaines. 533.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 63, p. 434, l. 11-12 : Praetera ecclesiam sancti Ianuarii in ipso cubiculo positam renouauit.

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Ce lieu de culte devait se trouver dans le palais épiscopal ou l’une des deux basiliques, voire dans la crypte de la Stephania534. Il traduit l’essor du culte de saint Janvier après la capture de ses reliques, en 831, par le prince Sicon de Bénévent. Les baptistères, les églises et le palais épiscopal étaient peut-être reliés par d’autres constructions. D’après les fouilles réalisées dans les années 1980, les deux basiliques communiquaient peut-être directement par un atrium commun535. Dans l’atrium était installé le xenodochium destiné à soulager ou héberger, de manière temporaire, les nécessiteux et les pèlerins536. Un grenier, sans doute lié aux services d’assistance dispensés par le xenodochium, devait servir à l’approvisionnement du clergé et du personnel au service de la cathédrale et de son évêque537. En face de l’atrium, du côté est, s’élevaient l’église Saint-André et, du côté opposé, l’église Saint-Étienne538. Enfin, parmi ces édifices religieux se trouvait la résidence principale de l’évêque de Naples. Les Gesta ne la décrivent pas en détail, mais Jean Diacre situe plusieurs épisodes de l’histoire de la ville dans l’ensemble épiscopal. C’est, par exemple, dans cette résidence épiscopale que les Napolitains font entrer l’évêque Paul  II (762-766) après deux années d’exil539. En 839, les Napolitains prennent d’assaut l’évêché pour y massacrer l’usurpateur franc Contard et sa suite établis dans le palais540. On peut supposer que la

534.  Capasso (MND, vol. I, p. 215, n. 1) pense que le terme cubiculum désignerait les chapelles, les oratoires des basiliques, voire leurs cryptes (catacumba). Voir aussi Id., « Pianta », ASPN, 17, p. 461. 535.  Ibid., p. 459-460 ; Venditti, « L’archittetura dell’alto medioevo », p. 792. Cet atrium est indiqué dans la notice de l’évêque Athanase Ier, voir Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 63, p. 434, l. 27-28 : Deinde ordinauit xenodochium in atrio praedictae ecclesiae. Une cour à quadriportique, identifiée à l’atrium des Gesta, a été en partie découverte et dégagée devant l’entrée de la Stephania, tandis que la présence d’un second atrium, offrant une grande cour monumentale à la basilique S. Restitua, reste hypothétique : voir Di Stefano, « Quadriportico », p. 81 sur le vaste atrium de l’antique Stephania doté d’une couverture et intégré à la cathédrale reconstruite à l’époque angevine ; Desmulliez, « Le dossier du groupe épiscopal de Naples », p. 352 ; Arthur, Naples, from Roman town to city-state, p. 62-63. 536.  Voir note supra. L’hôpital Saint-Athanase fut détruit au xve siècle. 537.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 46, p. 427, l. 28-29 (dans la notice de Paul III, évêque de 794 à 819) : Ante ingressum uero ipsius episcopii fabricauit magnum horreum et intrinsecus unum cubiculum. Ce grenier, situé vers le quartier de Summa platea, existe encore sous les Normands, mais il n’est plus fait mention du cubiculum. Voir Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 467 et MND, vol. I, p. 204, n. 2. 538.  Ibid., p. 463. Ces deux églises ne sont pas mentionnées dans les Gesta, mais un monastère Saint-André, auquel est adjointe une église, est indiqué dans RNAM, vol. I/1, 18 – 933. L’église SaintAndré devait vraisemblablement exister au début du ixe siècle. 539.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 41, p. 425, l. 5-7. 540.  Ibid., p. 431, l. 36-38. Voir aussi Russo-Mailer, Il Medioevo a Napoli, p. 56.

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bibliothèque d’Athanase Ier se situe dans la résidence de l’évêque541. Dans ce bâtiment réside Roger II de Sicile après son entrée dans Naples, en 1139. Les différentes mentions des Gesta marquent les grandes phases de construction du complexe épiscopal. Après la Paix de l’Église, on peut penser que des bâtiments officiels sont transformés en lieux de culte, une basilique civile devenant la première cathédrale, plus tard consacrée à sainte Restituta. L’avènement d’une période de paix en Italie, correspondant à la domination des Goths, marque une deuxième phase d’expansion avec la construction d’une seconde cathédrale, la basilique Stephania. La question reste en suspens à propos du premier baptistère, ad fontes maiores, édifié soit à la fin du ive siècle, sous l’épiscopat de Sévère, soit au milieu du ve siècle, sous l’épiscopat de Soter, peu avant la construction de la Stephania. La localisation du baptistère qui est relié à la basilique S. Restituta, et sa fonction sacramentelle correspondent aux besoins liturgiques et cérémoniels de l’Église officialisée et conquérante, ce qui indiquerait le ive siècle. La construction d’un autre baptistère, dans la seconde moitié du ve siècle, tend à confirmer cette proposition de datation. Cette nouvelle phase de construction se clôt par l’édification du consignatorium, au début du vie siècle, avant que n’éclatent les troubles engendrés par la guerre gothique puis l’invasion lombarde. Une troisième période de construction commence seulement au viiie  siècle, avec le duc-évêque Étienne  II. Elle correspond à l’affirmation du pouvoir de la dynastie ducale et, plus largement, à l’époque dite de renaissance carolingienne. La Stephania est dotée de tours et rénovée après un incendie, deux oratoires sont construits sur ses côtés, des bâtiments annexes sont édifiés pour accueillir les pèlerins et assurer leur subsistance ainsi que celle des clercs. Cette dernière phase s’achève, en même temps que la rédaction des Gesta, avec les perturbations du ixe siècle liées aux incursions sarrasines. Le groupe épiscopal conserve son emplacement dans la Naples contemporaine, mais l’ensemble est bouleversé sous les Angevins. La basilique Stephania est détruite et S. Restituta transformée en une chapelle annexe de la cathédrale gothique construite par les nouveaux souverains (voir figure 6).

541.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 63, p. 434, l. 24-25.

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DEUXIÈME PARTIE  •  LE RÔLE STRUCTURANT DE L’ÉGLISE

Sts-Apôtres baptistère palais épiscopal Stephania St-Georges ad forum

Ste-Restituta

Ste-MarieMajeure St-Janvier

St-GeorgesMajeur (Seueriana)

St-André ad Nidum Ste-Marie Rotunda

cathédrale

St-JeanSt-Paul

basilique majeure diaconie Ste-Marie in Cosmedin

St-Jean-Majeur

0

200 m

S. DESTEPHEN del.

Fig. 6 – Cathédrales, basiliques majeures et diaconies de Naples d’après B. Capasso.

CHAPITRE 3  • L’ENCADREMENT PASTORAL

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Sur les groupes épiscopaux des autres diocèses Les informations sur les cathédrales des évêchés voisins sont parcellaires, voire inexistantes. Seul le recours à l’archéologie peut fournir des renseignements sur les édifices épiscopaux de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge542. Malgré des caractéristiques organiques similaires à celui de Naples, le groupe cathédral d’Amalfi reste mal connu en raison des transformations importantes qu’il a subies lors de la Contre-Réforme et de son engouement pour l’architecture baroque. Comme à Naples, la cathédrale se compose de deux basiliques, mais elles sont ici mitoyennes et orientées vers l’est : une première basilique, de petite taille, est édifiée au vie siècle et consacrée à la Vierge puis au Christ ; une seconde basilique, nettement plus grande, est construite au xe siècle et placée sous le vocable de saint André543. Le Codex Diplomaticus Cajetanus livre quelques éléments sur le complexe épiscopal de Gaète. À la différence de Naples ou même d’Amalfi, l’évêché de Gaète n’existe pas dans l’Antiquité. Sa création, ou plutôt son transfert, se situe au Moyen Âge. L’affirmation de Gaète comme siège épiscopal est parallèle à la décadence de Formies, d’abord affectée par l’invasion lombarde au vie  siècle, puis détruite par les

542.  À propos de l’apport de l’archéologie à la connaissance des groupes épiscopaux et, plus largement, des institutions ecclésiastiques dans le tissu urbain du haut Moyen Âge, voir Pani Ermini, « Santuario e città », p. 867-872, réimpr. Ead., Forma e cultura, p. 33-38, sur le processus de transfert des groupes épiscopaux italiens hors des centres anciens pendant les troubles du Bas-Empire, et de constitution de nouveaux centres urbains autour des noyaux épiscopaux ; l’essor urbain que connaît l’Italie du Nord à partir des viiie-ixe siècles est mise en relation avec le rôle économique des établissements ecclésiastiques par Balzaretti, « Cities, emporia and monasteries », p. 225-227 ; Gelichi, « Note sulle città bizantine », p. 67-76, révèle une influence durable de l’édilité publique durant l’époque tardo-antique et byzantine, avant une déstructuration des espaces urbains manifeste à partir du viie siècle ; Brogiolo, « Ideas of the town », p. 120-124, où l’auteur situe à la fin du viie siècle l’étiage du monde urbain italien et voit, en pays lombard, dans l’alliance entre aristocratie et clergé la source socio-économique d’une reprise en ville des constructions, certes de nature surtout religieuse ; La Rocca, « Residenze urbane », p. 57, où l’auteur estime qu’en Italie du Nord la christianisation de l’espace urbain permet de constater la hiérarchie des espaces urbains, mais également de mesurer l’influence des nouvelles autorités comme l’épiscopat ; un aperçu historiographique de la question de la « crise » urbaine et de la centralité, physique et hiérarchique, des structures religieuses dans l’Italie du haut Moyen Âge est proposé par Grohmann, « Il recupero », p. 31-36 ; un exemple d’urbanisation stimulée par un noyau épiscopal est fourni, aux viie-viiie siècles en Vénétie, avec le cas de Cittanova Eracliana mis en lumière par Gelichi, « Flourishing places », p. 88-93 ; un cas original, de nouveau emprunté à l’Italie du Nord, d’affirmation civique d’un monastère par un usage militant, voire opportuniste, de l’hagiographie est étudié par Bruce, « Local sanctity », p. 183-184. 543.  Venditti, Archittetura bizantina, vol. II, p. 631-640. Les reliques du saint sont déposées dans la cathédrale en 1208.

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Sarrasins en 846544. Les reliques de saint Érasme sont alors transférées dans la cathé­ drale de Gaète qui, à cette occasion, ajoute à son ancienne dédicace à la Vierge le nom de son nouveau saint patron545. La promotion épiscopale de Gaète se manifeste, dans la documentation notariée, par un programme de monumentalisation. Des travaux sont entrepris sous le duc Jean II (vers 933/934-954/962) dans l’episcopium546. Il s’agit probablement de la cathédrale. Cette réalisation s’inscrit dans le contexte de paix retrouvée et de menace sarrasine écartée après la bataille du Garigliano qui, en 915, s’est déroulée aux portes de Gaète. Sur la scène régionale, ces constructions traduisent l’affirmation politique du duché dont bénéficient également l’Église de Gaète et ses évêques. Les travaux s’étendent sur plusieurs siècles puisque la nouvelle cathédrale est consacrée en 1106 par le pape Pascal II547 et, en 1119, un document fait encore allusion à son chantier548. L’évêque Bernard entreprend, en même temps, de doter son Église d’un baptistère indépendant. Pour sa réalisation, il récupère en 1003, par le biais d’un échange, une maison adossée à la cathédrale549. Les travaux donnent lieu à une restructuration foncière autour de la cathédrale. En 1008, une autre maison est achetée par l’évêque pour construire un escalier d’accès au baptistère550. Les travaux avancent lentement et ne sont toujours pas achevés en 1024551. Ces informations offrent des éléments

544.  Dans sa titulature, l’évêque de Gaète abandonne la mention de Formies. Voir Merores, Gaeta, p. 2-3 et 18. 545.  CDC, vol. I, 4, p. 7, n. a ; cf. Merores, Gaeta, p. 2 et 72, n. 4. 546.  CDC, vol. I, 72 – 978 : quam ego postea rogatus a nostro fratre et tio domno Iohannes in cambium pro edificationem suprascripti episcopii ; ibid., p. 134, n. c : les éditeurs du CDC pensent qu’il s’agit de la cathédrale de Gaète. 547.  Kehr, Italia pontificia, vol. VIII, p. 88. 548.  CDC, vol. II, 293 – 1119 : Cognouimus esse fidelissimis in omnia erga nos et propter innumerabi­ lia seruitia quas fecistis in nostra ecclesia in opera quod constructa habemus in nostris temporibus in edificis et ubicumque opus ibidem fuit. 549.  CDC, vol. I, 109 – 1003 : propter quod ad uicem nobis in concambium dedistis una uestra propria domum propinquius nostra catholica ecclesia […] et inclitam suprascriptam uestram domum cum omnia sibi pertinentibus amodo et semper omni tempore antestare et defendere ab omnibus hominibus, tali hordine ut construamus ibidem baptisterium sancti Iohannis. 550.  CDC, vol. I, 115 – 1008 : in suprascripto uestro aepiscopio a die praesentis uenundedimus et tradidimus propter iungendum in suprascripta aecclesia sancti Iohanni uel aetiam gradibus ipsius aecclesiae faciendum […]. In eo uero tenore, ut amodo et usque in sempiternum in uestra et de uestro ae­ piscopio maneat potestates ad aecclesiae sancti Iohanni iungendum uel gradi ipsius aecclesiam faciendum. La maison est vendue par des nobiliores homines de Gaète. 551.  CDC, vol. I, 143 – 1024 : dans son testament Grégoire magnificus donne une livre d’argent pour l’église Saint-Jean, en construction près de l’évêché (Et libram una de argentum exinde dari iubemus in ecclesia sancti Iohanni qui modo inchoata est construendi iusta episcopio).

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de comparaison avec Naples. La situation très différente des deux sièges épiscopaux apparaît dans l’importance inégale de leur groupe cathédral respectif. Église ancienne, placée à la tête d’un diocèse peuplé et prospère, Naples dispose d’un groupe épiscopal bien plus important que Gaète. L’affirmation de cette dernière comme capitale d’un duché profite néanmoins à sa cathédrale et ses évêques, on le voit, entreprennent des travaux d’agrandissement et d’embellissement. Si l’on ignore leur ampleur et leurs résultats, ils matérialisent l’implantation de l’église cathédrale dans la ville de Gaète, manifestée par l’extension de son emprise au sol avec la construction d’une église et d’un baptistère. Comme à Naples, ce dernier édifice témoigne du rôle central de l’évêque dans l’administration de ce sacrement. Ces monuments ont disparu552.

Les basiliques majeures : un particularisme napolitain ? Outre le groupe cathédral napolitain, les Gesta présentent quatre basiliques dites majeures ou cardinales (catholicae maiores). Le décalque des tituli romains est évident et volontaire553. Suivant l’ordre de leur fondation, ces quatre basiliques portent les noms de Saint-Georges-Majeur, des Saints-Apôtres, de Sainte-Marie-Majeure et de SaintJean-Majeur. La basilique Saint-Georges-Majeur est mentionnée, par le chroniqueur anonyme de la première partie des Gesta, dans la notice de l’évêque Sévère (387/393-397/399)554. À l’origine dédiée au Sauveur et aux douze apôtres, elle prend au ixe  siècle le nom de l’oratoire qui lui est contigu555, puis celui de son fondateur, l’évêque Sévère, pour devenir la basilique Seueriana556. La basilique Saint-Georges-Majeur était située dans la regio Furcillensis ou Herculanensis, au centre de la cité557. Les Gesta décrivent sa décoration intérieure composée de mosaïques, un souci du détail qui tranche avec la pauvreté des autres notices épiscopales de la première partie : « dans son abside est

552.  CDC, vol. I, p. 209, n. b : le baptistère a été détruit lors de la construction de la crypte SaintÉrasme. En 1231, un tremblement de terre endommage gravement la cathédrale et nécessite la construction d’un nouvel édifice obéissant aux principes de l’architecture gothique au point de bouleverser la structure et le plan originels de l’église. Voir Venditti, Archittetura bizantina, vol. II, p. 675-686. 553.  Voir p. 102 ; Martin, « Les Églises latines », p. 817. 554.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 4, p. 404, l. 37 - p. 405, l. 2 : et aliam in ciuita­ tem mirifice operationis, in cuius apsidam depsit ex musiuo Saluatorem cum 12 apostolos sedentes. 555.  Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 468. Gesta episcoporum Neapoli­ tanorum, éd. Waitz, 4, p. 405, l. 10-12 : Nunc uero requiescit in ea ipsa ecclesia Neapolim constituta, quem alii Seuerianam, alii propter oratorium ibi factum sanctum Georgium uocant. 556.  MND, p. 166, n. 7. Voir également Venditti, Archittetura bizantina, vol. II, p. 488-492 ; Id., « L’archittetura dell’alto medioevo », p. 802-806. 557.  Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 445-447.

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représenté sur une mosaïque le Sauveur avec les douze apôtres assis autour de lui et au-dessous les quatre prophètes, distingués par des tesselles de marbres précieux. Isaïe, avec une couronne d’olivier, veut désigner la Nativité du Christ et la toujours Vierge Marie mère de Dieu en disant : “Que la paix règne”. Jérémie, par l’offrande du raisin, annonce la puissance [ou l’Incarnation ?] du Christ et la gloire de sa Passion en disant : “Grâce à ta puissance”. Daniel, en portant des épis, annonce la seconde venue du Christ, lorsque tous, bons et mauvais, seront conduits au Jugement. Pour cela il est dit : “Et que l’abondance soit”. Ézéchiel, portant des roses et des lys, révèle aux fidèles le royaume des cieux, d’où la phrase : “Dans tes tours”. De fait, les roses représentent le sang des martyrs et les lys la persévérance des confesseurs »558. La mosaïque existe au moment de la rédaction des Gesta, car la précision des détails laisse entendre que le chroniqueur l’a vue. Le programme iconographique est peut-être à rapprocher de celui de l’église S. Pudenziana à Rome, dont la mosaïque, de la fin du ive siècle, serait contemporaine de la Seueriana napolitaine559. Dès l’Antiquité tardive, la richesse décorative de l’église atteste son importance précoce dans le paysage religieux napolitain et sa notoriété, sans doute liée à son évêque fondateur, qu’elle conserve pendant le haut Moyen Âge. La deu­xième basilique majeure, selon les Gesta, est celle des Saints-Apôtres, fondée par l’évêque Soter, attesté en 465560. La région où la basilique est localisée porte le même nom561. Son remaniement complet, au cours du xvie siècle, a fait disparaître toute trace d’architecture paléochrétienne562. La basilique Sainte-Marie-Majeure est mentionnée dans la notice de l’évêque Pomponius, connu dans la première moitié du vie siècle563.

558.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 4, p. 405, l. 1-9 : in cuius apsidam depixit ex musiuo Saluatorem cum 12 apostolos sedentes, habentes subtus quattuor prophetas, distinctos pretiosiis marmorum metallis. Esaiaias cum oliue coronam natiuitatem Christi et perpetue uirginitatis Dei genetri­ cis Mariae designare uoluit, dicendo : « Fiat pax ». Hieremias per uuarum offertionem uirtutem Christi et gloriam passionis prefiguratur, cum dicitur : « In uirtute tua ». Danihel spicas gerens Domini adnun­ tiatur secundum aduentum, in quo omnes boni et mali colliguntur ad iudicium. Propterea dictum est : « Et abundantia ». Ezechias proferens manibus rosas et lilias, fidelibus regnum caelorum denuntians ; unde scriptum est : « In turribus tuis ». Etenim in rosis sanguis martyrum, in liliis perseuerentia confessio­ nis exprimitur. Il s’agit d’une citation de Ps. 97, 3. 559.  Achelis, Die Bischofchronik, p. 72. Voir aussi Pani Ermini, « Les mosaïques campaniennes », p. 201. 560.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 10, p. 408, l. 14 : Hic ecclesiam catholicam bea­ torum Apostolorum in ciuitatem constituit. MND, vol. I, p. 173, n. 4 ; Venditti, Archittetura bizantina, vol. II, p. 508-509. 561.  Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 424. Il s’agit de la regio Apostolorum, près de l’enceinte de la ville, au nord-est du groupe épiscopal. 562.  Ibid., p. 469-470, n. 5. 563.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 14, p. 409, l. 31-33 : Hic fecit basilicam intra urbem Neapolim ad nomen sancte Dei genetricis semperque uirginis Mariae, quae dicitur ecclesiae maioris,

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C’est la première basilique pour laquelle le terme ecclesia maior est employé564. SainteMarie-Majeure est située dans la Regio de Arcu Cabredato, près de l’enceinte occidentale de la ville. Il n’en subsiste qu’un campanile pré-roman daté du ixe ou du xe siècle565. La dernière basilique majeure est consacrée à saint Jean. D’après les Gesta, elle est érigée sous l’épiscopat de Vincentius, attesté en 558-559566. Cette mention dément la fondation légendaire attribuée à l’empereur Constantin par la Chronica di Partenope, au xive siècle567. Les édifices construits autour de la basilique devaient servir à accueillir clercs et fidèles. La basilique semble s’inspirer de la Sainte-Sophie à Constantinople, couronnée par une coupole et couverte de mosaïques à l’intérieur568. Situé au sud-ouest de la cité, dans la région du port dite Castellione nouum, l’édifice est transformé en église baroque au xviiie siècle569. Selon les Gesta, la période de construction des basiliques majeures s’étend donc du ive au vie siècle. Les deux premiers édifices construits, Saint-Georges-Majeur (seconde moitié du ive  siècle) et les Saints-Apôtres (milieu du ve  siècle) sont les plus proches de l’episcopium. Les deux autres lieux de culte, Sainte-Marie-Majeure (seconde moitié du ve siècle) et Saint-Jean-Majeur (première moitié du vie siècle), sont plus éloignés de l’episcopium et doivent correspondre à une extension du réseau ecclésiastique vers l’ouest de la ville, au-delà du nucleus urbain et religieux570.

grandi opere constructam. Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 470-472, rapporte une légende médiévale dans laquelle le diable, sévissant sous la forme d’un porc, est vaincu par l’évêque Pomponius après l’intervention de la Vierge qui ordonne l’érection d’une basilique à son nom. 564.  Achelis, Die Bischofchronik, p. 65-66, note au contraire que le chroniqueur a voulu souligner le caractère particulier de la basilique des Saints-Apôtres en la désignant comme « église catholique des bienheureux Apôtres ». Pour la basilique Sainte-Marie, ce n’est qu’après sa fondation, que le terme « Majeure » lui est accolé. 565.  Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 435-438 ; Venditti, Archittetura bizantina, vol. II, p. 509 et 516-522 ; Id., « L’archittetura dell’alto medioevo », p. 840-843. 566.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 19, p. 411, l. 47-49 : Hic fecit praefulgidam basilicam ad nomen beatissimi praecursoris Iohannis baptistae. Quem amplis aedificis in gyro distinxit. 567.  Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 472-473. 568.  Cilento, « La Chiesa di Napoli », p. 676. 569.  Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 451. 570.  Venditti, Archittetura bizantina, vol. II, p. 493-498 ; Id., « L’archittetura dell’alto medioevo », p. 806-810 ; de Napoli, « Le origini della Basilica », p. 16-20, qui fait l’hypothèse que l’édifice attribué par Jean Diacre à l’évêque Vincentius serait la version remaniée de la basilique d’origine constantinienne qui l’aurait précédé. À Vincentius il faudrait associer l’ajout d’une demi-coupole au-dessus de l’abside, la construction d’un déambulatoire pour faciliter l’adoration des reliques par les fidèles, l’érection d’un nouvel autel surélevé dont il subsiste un fragment du revêtement et un arc triomphal fait de spolia avec le monogramme de l’évêque gravé sur un bloc d’architrave retrouvé au xixe siècle (ibid., p. 20-21, fig. 12 et 15).

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DEUXIÈME PARTIE  •  LE RÔLE STRUCTURANT DE L’ÉGLISE

Les sources notariées permettent de mesurer la postérité et la permanence de ces catholicae maiores jusqu’au début du xiie siècle. Une première constatation s’impose : l’emploi du terme n’est pas attesté dans les seuls Gesta, mais apparaît également dans les actes de la pratique. Il est donc d’usage, parmi la population, de distinguer ces basiliques des autres édifices religieux de la ville et cet emploi ne manifeste pas la seule volonté des évêques des viiie-ixe siècles ou des auteurs des Gesta de reproduire, à Naples, la hiérarchie des églises romaines. La Seueriana constitue la basilique majeure la plus souvent mentionnée dans les actes de la pratique, un peu plus d’une dizaine de fois. C’est peu mais, rappelons-le, ces sources proviennent des « monasteri soppressi » et la mention d’un lieu de culte distinct d’un monastère ou d’une église lui appartenant démontre l’importance de la Seueriana, en particulier de son patrimoine foncier. D’autres actes évoquent les basiliques Sainte-Marie-Majeure571 et Saint-Jean-Majeur572. En revanche, la notice de l’évêque Soter, dans les Gesta, livre l’unique mention de la basilique des Saints-Apôtres et l’église n’apparaît jamais dans les actes notariés, ce qui suscite des interrogations sur sa place réelle et sa localisation exacte dans la vie religieuse et la topographie sacrée de la cité. Il faut supposer que les auteurs des Gesta ont mentionné cette église pour totaliser les quatre basiliques majeures conformes au modèle de Rome. La dignité de maior n’est pas réservée aux basiliques. Les sources notariées indiquent, à partir de 992, l’église Saint-Paul catholica maior, mais l’absence d’allusion chez Jean Diacre laisse penser qu’elle a obtenu ce titre après la rédaction des Gesta573. Au début du xie siècle, elle constituerait un monastère, comme Saint-Paul-hors-les-murs à Rome574. L’église Saint-Séverin-Majeur semble également appartenir au monastère du même nom575. Dès lors, la situation semble se compliquer au point de ne plus correspondre au modèle romain. De surcroît, on connaît une église Sainte-Marie-Majeure à Amalfi576. La dignité maior apparaît souvent accolée à celle de catholica. Ce deuxième terme, employé pour désigner une église qui dépend directement de l’évêque, qualifie en

571.  RNAM, vol. II, 193 – 982 : ecclesie sancte Marie katolice maioris ; RNAM, vol. V, 426 – 1076 : chartule que exinde appreensa abemus da ecclesia sancte Marie maioris ; CP, 81 – 1025 : et […] ecclesia Sancte Marie Catholice Mayoris tari duos. 572.  RNAM, vol. VI, 612 – 1130-1131 : terra ecclesie sancti Ioanni maioris ; CP, 81 – 1025 : et in […] mayore ecclesia Sancti Iohannis chatolice maioris tari duos. 573.  MND, vol. II/1, 273 – 992. Autres mentions MND, vol. II/1, 307 – 998. Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 489, pense que l’église Saint-Paul-Majeur a peut-être remplacé la basilique des Saints-Apôtres. 574.  RNAM, vol. IV, 306 – 1017-1018 : iusta terra monasterii sancti Pauli catholice maioris. 575.  RNAM, vol. IV, 361 – 1034 : terra monasterii ecclesie sancti Seuerini maioris. 576.  CP, 121 – 1130 : id est plenarium et integrum ipsum membrum secundum nostrum quod habemus hic in Amalfi in uicus ecclesie Sancte Marie Mayoris.

CHAPITRE 3  • L’ENCADREMENT PASTORAL

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premier lieu l’église cathédrale, nommée à Gaète Sancta catholica et Gaietana ecclesia sanctae Mariae et sancti Erasmi577. En résumé, la dignité de maior semble accordée à une église pour la distinguer des autres édifices religieux de la cité en raison de son ancienneté, de sa notoriété ou de son ampleur. La plupart des basiliques majeures sont des églises publiques qui remplissent des fonctions pastorales dans un secteur particulier de la ville, mais il n’est pas certain que toutes les églises majeures de Naples, en particulier celles indiquées avec un monastère, soient dans la dépendance directe de l’évêque. L’existence probable, à Amalfi, d’une seule église majeure et la multiplication à Naples des catholicae maiores montrent en définitive que Rome reste un modèle qui, dans la réalité, est davantage adapté qu’appliqué.

II.  Le réseau urbain des églises et des monastères à Naples Entre le vie et le xe siècle, le réseau demeure méconnu, car éclairé par les informations rares et partiales que les Gesta fournissent. Une grande partie des églises et des monastères apparaît, de manière ponctuelle, dans les actes de la pratique à partir du xe  siècle. C’est alors que surgit un réseau très dense, bien étudié par les travaux inégalés de B.  Capasso. L’abondance des sources à partir de cette époque ne résout pas tous les problèmes ni ne répond à toutes les questions. Le caractère public ou privé des églises demeure souvent inconnu et la question des plebes, c’est-à-dire l’existence des paroisses, n’est pas simple à trancher. L’importance des églises urbaines constitue une caractéristique des duchés tyrrhéniens et s’accompagne d’une concentration tout aussi marquée, surtout à Naples, de monastères, au point de former un encadrement religieux sans équivalent en Italie méridionale.

Un réseau ecclésial opaque entre le vie et le xe siècle Les Gesta constituent la source fondamentale pour établir les grandes étapes de la mise en place du réseau des églises à l’intérieur de la cité. À la fin de l’Antiquité, un noyau religieux paraît bien établi autour du groupe épiscopal et des basiliques dites majeures. À partir du viiie siècle, les évêques et les ducs de Naples entreprennent un vaste programme de construction d’édifices religieux. En revanche, les édifices mineurs de la cité restent peu ou prou inconnus. Ni Grégoire le Grand, au tournant des vie et viie  siècles, ni les Gesta, pour la période

577.  E.g. CDC, vol. I, 94 – 995 : uobiscum Iohanni uenerauili archipresbytero sancte catholice et Gaietane aecclesie sancte Marie et sancti Erasmi. Un rapprochement plus évident encore entre l’église épiscopale et le terme catholica est offert par CDC, vol. II, 283 – 1108 : in ecclesia catholica episcopi beate Dei genitricis et uirginis Marie et sancti Herasmi Christi martiris.

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suivante, ne permettent de connaître avec précision l’importance du réseau des églises napolitaines déjà implantées ou édifiées entre le vie et le xe siècle. Désireux de magnifier et de commémorer les actions des évêques et des ducs de Naples, les Gesta ne font mention d’un édifice religieux que s’il a été fondé par l’un de ces personnages. Pour cette raison, en dehors du groupe épiscopal et des basiliques majeures, seules trois églises apparaissent à Naples. À l’époque de rédaction des Gesta, au ixe siècle, la ville doit déjà disposer d’un nombre relativement élevé d’églises, mais ces dernières ne semblent pas assez importantes ou prestigieuses pour figurer dans la chronique locale des évêques. Une première église est indiquée dans la notice de l’évêque Jean  II, attesté dans la première moitié du vie  siècle. Il s’agit d’une basilique dite de Saint-Laurent578. Sa localisation reste problématique579, dans la mesure où une autre église, consacrée au même saint, est mentionnée dans la notice consacrée à l’évêque Jean IV (842-849), mais il n’est pas certain que ces deux églises désignent un même lieu de culte580. Leur identification avec la basilique Saint-Laurent-Majeur, postérieure, reste égale­ ment possible, mais n’est pas davantage assurée581. Une autre église, dédiée à sainte Fortunata, est mentionnée sous l’épiscopat d’Étienne  II (766-794)582. Elle n’est pas

578.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 16, p. 410, l. 48 - p. 411, l. 1 : Fecit et basilicam beati Laurenti leuitae et martyris mirificis constructionibus digestam. Pour Cilento, « La Chiesa di Napoli », p. 678, il s’agirait d’une basilique Saint-Laurent, mais les sources ne le précisent pas. 579.  MND, vol. I, p. 177, n. 2. 580.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 57, p. 431, l. 35 : basilicae sancti Laurentii, qui ad fontes dicitur. MND, vol. I, p. 210, n. 1, situe cette deuxième basilique près du baptistère épiscopal construit par les évêques Soter ou Vincentius. 581.  Cilento, « La Chiesa di Napoli », p. 678, penche pour une confusion entre les églises. Voir aussi Recupido, « San Lorenzo Maggiore », p. 13-21, qui attribue au vie siècle, sur des critères matériels (type de construction) et stylistiques (pavements de mosaïque de la prothèsis et du diakonikon), la construction de cette basilique, ce qui vient corroborer le témoignage fourni par Jean Diacre dans les Gesta ; Rusconi, « La basilica paleocristiana », p. 709-731, qui fait état du résultat des fouilles menées en 1954-1955 pour la connaissance de la planimétrie de ce lieu de culte (voir le plan fourni p. 716) ; Venditti, Archittetura bizantina, vol. II, p. 498-501 ; Id., « L’archittetura dell’alto medioevo », p. 812-814 ; Strazzullo, « Edifici sacri », p. 73-76 ; Recupido, « L’area di San Lorenzo Maggiore », p. 8 pour le haut Moyen Âge ; De Simone, « S. Lorenzo Maggiore », p. 234-237 pour l’historique des fouilles et la bibliographie correspondante ; plus largement Fino, Arte e storia di Napoli, p. 15-17 et 127 pour les rares informations dont on dispose sur l’état paléochrétien de cette basilique à triple nef pavée de mosaïques, large de 18 m et longue de 24 m avec une abside semi-circulaire et un large narthex ; Middione, San Lorenzo Maggiore, p. 9-13, offre un aperçu de l’historique des fouilles archéologiques menées dans le quartier de cette basilique depuis le xixe siècle et de son histoire « monumentale » entre l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge. 582.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 42, p. 426, l. 8-10 : Addidit etiam in sancti Gaudiosi monasterio basilicam sanctae Fortunatae, in qua corpus eiusdem martyris allatum a Patriensis

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une fondation épiscopale et fait l’objet d’une donation au monastère Saint-Gaudiosus. Dans ces circonstances, l’édifice serait antérieur à la fin du viiie siècle, mais son nom est sans doute contemporain de l’évêque qui y transfère en grande pompe les reliques de la sainte583. La troisième église, consacrée à saint Paul, n’est évoquée que dans la notice de Paul III, évêque de 794 à 819584. Cette église, de grandes dimensions, n’est pas l’œuvre d’un évêque, mais du duc Anthime (801-816). En outre, elle est concédée au monastère Saint-André, antérieur à l’église, après sa consécration par le pape Léon III (795-816). L’église Saint-Paul est ensuite mentionnée comme catholica maior585.

Un réseau dense aux xe-xiie siècles L’auteur de la Vie d’Athanase évoque le nombre élevé d’églises sises à l’intérieur du périmètre fortifié de Naples, mais ne livre aucun renseignement supplémentaire586. De leur côté, les actes notariés offrent des informations nombreuses mais imprécises sur les églises napolitaines intra muros. Au terme d’une minutieuse enquête de topo­gra­phie, B. Capasso estime qu’il existe vingt-cinq édifices cultuels mineurs dans Naples à la fin de l’Antiquité tardive, et une centaine au xie siècle587. Malgré l’ampleur de ces chiffres, il demeure impossible de connaître les étapes de constitution de ce réseau depuis la fin de l’Antiquité. Les informations fournies par les actes sont parcellaires, leur objectif n’étant pas de détailler la construction d’une église, mais de préciser ses propriétés ou les engagements de son desservant et des éventuels propriétaires. L’absence de sources similaires, pour les siècles précédents, empêche de connaître l’existence des églises avant les xe-xiie siècles, même si elles leur sont antérieures, et ne permet pas d’établir une chronologie précise des églises attestées à partir du xe  siècle. Du moins la floraison

ecclesia, ubi ipsa prius uoluit sepeliri, magno cum honore condidit. La basilique est donc érigée au moment de la translation des reliques de la sainte conservée dans une église située près du lac de Patria. 583.  MND, vol. I, p. 201, n. 4. 584.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 50, p. 428, l. 13-16 : In ipsis igitur diebus Anthimus Neapolitanorum consul ad honorum sancti Pauli amplam construcxit ecclesiam, quam pulcriori decorauit pictura, ubi res multas multosque optulit seruos. Et per praeceptum Leonis Romulei papae, cuius tunc iuris erat, monasterio sancti Andreae, quod Cella noua dicitur, conectit. Une légende attribue la fondation de l’église à une victoire contre les Sarrasins survenue le jour de la saint Paul, voir MND, vol. I, p. 205, n. 3. 585.  Voir p. 344. 586.  Vie d’Athanase de Naples, éd. Waitz, 1, p. 440, l. 20-22 : Quandoquidem ita interius frequentissimis aecclesiis ac preclaris, antiqua uidelicet et uetustissima structura editis, necnon et monaste­ riis uirorum et puellarum farsa retinetur. 587.  Pour l’ensemble des églises napolitaines jusqu’au xie  siècle, voir Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 679-726. Sur les vingt-deux églises antiques, voir ibid., p. 690.

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d’églises dans les actes napolitains des xe-xiie  siècles semble-t-elle correspondre à une reprise générale des constructions d’églises, en Occident comme en Orient588. Alors qu’on dénombre neuf  lieux de culte à Amalfi et seize à Gaète, avec plus de quatre-vingt-dix  basiliques et églises recensées durant le haut Moyen Âge, Naples fi­ gure sans conteste parmi les villes les mieux pourvues d’Occident589. Ce chiffre reste à manier avec précaution. La répartition des églises dans la cité (voir figure 7) permet de dresser un constat évident : la forte densité des églises correspond, pour l’essentiel, au noyau urbain antique, soit le centre et l’est de la cité590. Presque deux tiers des églises recensées au haut Moyen Âge s’y concentrent. L’essentiel de l’activité religieuse s’épanouit près des fortes concentrations de population, et laisse supposer qu’une partie des églises se situe à l’emplacement de lieux de culte antérieurs au xe siècle, mais les preuves manquent591. Les églises attestées par les Gesta sont édifiées au centre de la ville. La faible densité des églises à l’ouest de la cité est compréhensible. Moins urbanisée, domaine des monastères urbains592, c’est une partie moins propice à la construction d’églises. La région Castellione nouum, au sud-ouest de la ville, est la plus pauvre en églises, avec trois édifices attestés. Son incorporation tardive dans le périmètre fortifié de Naples, au moment de la menace sarrasine, entre la fin du ixe et le début du xe siècle, explique une population moindre et le faible nombre d’édifices religieux593. Il convient enfin de mentionner les églises situées à l’extérieur, au pied des murailles et, de ce fait, associées à l’organisation interne de la ville. On en compte certes moins d’une dizaine, mais elles sont presque toutes implantées dans le quartier du port, une zone parfois désignée dans les sources du nom de Calcaria594. L’activité portuaire, qui induit une population importante, pourrait expliquer la relative concentration d’églises. 588.  Arthur, Naples, from Roman Town to City-State, p. 60-61. 589.  Par comparaison, des chiffres sont fournis pour le nombre de paroisses, qui ne constituent pas

un strict décalque du nombre de lieux de culte urbains, de quelques grandes villes de l’Occident médiéval par Gaudemet, « La paroisse au Moyen-Âge », notamment p. 12-13 : Autun, centre urbain pourtant important dans l’Antiquité tardive, réunit seulement 6 églises au vie siècle ; outre sa cathédrale, Sens possèderait quelques chapelles au xie siècle. Il faut, de manière générale, attendre le xiiie siècle pour voir se multiplier les églises en Europe occidentale. Le réseau ecclésial de Naples est donc assez exceptionnel. 590.  Pour les régions et les uici de Naples au haut Moyen Âge, voir Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 422-453. 591.  Voir les remarques prudentes, malgré un schéma quelque peu trompeur, de Arthur, Naples, from Roman Town to City-State, p. 60-61. 592.  Voir p. 353 et suivantes. 593.  Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 451-452. 594.  Ibid., p. 452. D’autres églises sont mentionnées au pied des portes de la ville. Pour l’église Sainte-Marie dite de foris porta Furcilla, ibid., p. 716.

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CHAPITRE 3  • L’ENCADREMENT PASTORAL

porte St-Janvier porta Carbonaria regio portae S. Ianuarii 7

regio Summae Plateae 9

regio Apostolorum 1

porta Capuana

episcopium regio Marmorata 4 porta de domino Petro

porta Romana

regio Thermensis 6

regio Augustalis 10 regio de Arcu Cabredato 3 porta domini Ursitatae

regio Furcillensis 15

porta Furcillensis

regio Nili 3 regio portae domini Ursitatae 3

regio Balnei noui 2

porta noua porta Cumana regio Portanouensis 9

Castellione nouum 3

porta Calcariae

regio

regio

riae 5

Calca

sis 0

inen

Alb porta de illi Vulpulo 0

200 m

Fig. 7 – Répartition des églises par regio de Naples aux xe-xiie siècles.

S. DESTEPHEN del.

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Églises publiques, églises privées Dès la fin de l’Antiquité tardive, Grégoire le Grand s’inquiète de voir les fidèles accéder aux oratoires établis dans les monastères. Le développement des églises privées595 rend la situation plus problématique encore. Durant le haut Moyen Âge, le caractère public d’une église se déduit de l’absence de propriétaires privés, qu’ils soient laïques, ecclésiastiques ou monastiques. Évident pour les églises cathédrales ou les basiliques majeures, ce constat est incertain pour les autres lieux de culte. La nature des sources n’offre aucune garantie. Une grande partie des églises mentionnées dans les actes n’indiquent pas leurs propriétaires ni leur possible dépendance vis-à-vis de l’Église de Naples. Le statut d’une église est assuré quand il est fait mention d’un ou plusieurs propriétaires, preuve de son caractère privé. En revanche, il faut se garder d’attribuer un caractère public à des églises d’après la seule omission de leurs propriétaires. En théorie, les églises privées ne sont pas ouvertes à tous les fidèles, en particulier lors de la célébration des messes et l’administration des sacrements. Dans les faits, les sources montrent une situation plus variable, souvent tributaire de la volonté des propriétaires. En 1074, un miles d’Aversa, le « Franc » Aldoynus, donne à l’higoumène du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus son église Saint-Nicolas, sise à Malitum (Melito di Napoli), au nord-ouest de Naples. Le donateur précise que l’église est offerte à l’usage des moines des Saints-Serge-et-Bacchus, mais aussi de tous les habitants de Malitum qui peuvent assister à la messe et s’y faire enterrer596. La fonction publique de cette église privée est avérée. La localisation de l’église à l’extérieur de Naples, dans une région dotée d’un réseau ecclésial plus lâche597, peut justifier ce rôle. Le trans­ fert de cette église à un monastère peut également expliquer son ouverture aux riverains. Il est permis de supposer que Saint-Nicolas de Malitum ne constitue pas un cas isolé, mais on ne connaît aucun parallèle pour les églises privées établies à l’intérieur de la ville. Sur l’ensemble des églises attestées dans Naples, plus de 30 % sont de caractère privé. La difficulté de déterminer avec certitude le statut public d’une église limite la portée de ce chiffre, qui a pour mérite de souligner l’importance du phénomène des églises privées dans un cadre urbain et non rural, comme c’est le cas en territoire lombard.

595.  Voir p. 353 et suivantes. 596.  RNAM, vol. V, 420 – 1074 : faciendi exinde omnia quocumque uolueritis pro utilitate ipsius

sancti uestri monasterii tantumodo licentiam habeant homines de suprascripto loco ut in ipsia ecclesia recipiatis illi hominibus pro officium audientum et pro sepeliendum. RNAM, vol. II, 205 – 986 : l’archevêque de Capoue accorde le droit de baptiser à l’église-monastère Saint-Laurent, fondée dans la cité par la princesse Aloara et son fils Landenolf : Concedimus etiam prefate sancte ecclesie baptismum oleum uero et crisma. 597.  Voir p. 358 et suivantes.

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La répartition des églises privées dans Naples obéit au schéma général : la très grande majorité se situe à l’est et au centre (voir figure 7). On note toutefois une concentration particulière d’églises privées dans la région de la Porte Saint-Janvier, dans le nord de la cité. Il est difficile de savoir si cette répartition résulte du hasard des sources ou si cette zone proche du rempart, peut-être moins peuplée, était occupée par des propriétés aristocratiques, davantage propices à l’érection de lieux de culte privés. En revanche, à l’ouest, sur les cinq églises privées attestées, quatre sont la propriété de monastères598. Des églises privées, dépendances de monastères, se rencontrent également au centre et à l’est. Il semble que ce phénomène s’accentue à mesure que les particuliers transmettent leurs églises à des établissements monastiques, suivant un mouvement encouragé par les autorités ecclésiastiques599.

La question des plebes La notice des Gesta consacrée à Soter précise que l’évêque « institua ensuite une plebs après saint Sévère »600. Pour Grégoire le Grand, le terme désigne l’ensemble du « peuple chrétien » appelé, en particulier, à participer au processus d’élection épiscopale601. Le sens donné par l’auteur des Gesta est différent. S’il n’englobe plus la communauté des chrétiens, il ne désigne pas davantage une paroisse, comme en Italie du Nord602. La mention de plebs n’est pas limitée aux seuls Gesta et se rencontre,

598.  Dans la région Marmorata : église Saint-Euthyme (monastère des Saints-Serge-et-Bacchus), église Sainte-Marie ad Illu Arcu (monastère Saint-Agnellus) ; dans la région de la Porte Domini Ursitatae : église Sainte-Agathe (monastère des Saints-Théodore-et-Sébastien) ; église Sainte-Euphémie (monastère des Saints-Serge-et-Bacchus). 599. Voir p. 143 et suivantes. 600.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 10, p. 408, l. 14-15 : et pleuem post sanctum Seuerum secundus instituit. 601. Voir p. 33 et suivantes. 602.  Pour l’Italie médiévale, où le système diffus des pievi correspond à un habitat dispersé et ne se limite pas à la seule église de village, voir Violante, « Pievi e parrocchie », p. 677 sur l’implantation du réseau pléban entre le xe et le xie siècle, toutefois ibid., p. 728-730, l’auteur repousse au début du xiie siècle le processus juridique de territorialisation des pievi, prélude à la formation, sur leur ressort, de paroisses rurales ; Bortolami, « Pieve e “Territorium civitatis” nel Medioevo », p. 9 où l’auteur voit dans la réforme carolingienne un préalable au renforcement juridictionnel et territorial des pievi à partir du xe siècle, et ibid., p. 13-20, qui considère la multiplication en ville des pievi comme un phénomène de « déconcentration » de la cura animarum répondant aux nouveaux besoins liturgiques nés de l’essor suburbain des xie-xiie  siècles ; Violante, « L’organizzazione ecclesiastica », p. 214 où l’on relève ce rappel terminologique et historique : « Il nome pieve (plebs) per indicare o la chiesa battesimale o il suo territorio, o – anche – entrambe queste realtà insieme, appare per la prima volta in Toscana, solo alla fine del secolo  vii, e si diffonde in tutta l’Italia centrosettentrionale nel corso dei secoli ix et x ». Par comparaison, voir Imbart de la Tour, Les origines religieuses, p. 50-73 ;

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à plusieurs reprises, dans les sources notariées. C’est, par exemple, le cas pour la cathédrale de Gaète : en 914, l’évêque Deusdedit vend une maison en ville à un prêtre desservant l’église Saint-Théodore. Il agit en son nom et en celui de la plebs de l’Église de Gaète603. L’identification avec l’ensemble de la population de Gaète paraît difficile. Il faut plutôt y voir une allusion soit au clergé cathédral, soit à une congrégation sacerdotale incluant peut-être des laïcs, d’autant que l’acte comporte un grand nombre de souscriptions de prêtres à la suite de leur évêque604. La même expression existe à Amalfi605. À Naples, pour la Seueriana, comme pour les Saints-Apôtres, le terme plebs attesterait l’existence d’un collège de prêtres, établi par l’évêque Soter (attesté en 465), desservant les basiliques et administrant le sacrement du baptême606. Mais l’identification avec une congrégation sacerdotale semble exclue à cette époque et l’auteur des Gesta plaque sur l’Antiquité une réalité médiévale, les congrégations607. En revanche, la présence de prêtres pour la Seueriana et les Saints-Apôtres confirme la mise en place d’un réseau d’églises urbaines dominé par l’évêque et rejoint les préoccupations de Grégoire le Grand d’incardination des prêtres et de contrôle épiscopal sur les sacrements et l’encadrement. Durant le haut Moyen Âge, les actes évoquent l’existence de plebes, en particulier pour la basilique Saints-Georges-Majeur (ou Seueriana). Plusieurs documents in­

à compléter par Gaudemet, « La paroisse au Moyen-Âge », p. 9-10 où l’auteur date le début du réseau des paroisses rurales des vie-viie  siècles et rappelle que, « sociologiquement, une paroisse est une société de fidèles (…) suppos[ant] tout d’abord un territoire et un peuple, ce qui implique la délimitation de frontières et la preuve de l’appartenance du peuple à cette paroisse. » ; Platelle, « La paroisse », p.  13-14, où l’auteur situe au tournant des ixe-xe siècles le processus de territorialisation des paroisses qui, comme en Italie, est imposé par des différends de nature foncière et fiscale ; Aubrun, La paroisse en France, l’auteur distingue trois périodes majeures dans la fondation de paroisses, l’une à l’époque gallo-romaine avec des paroisses de grandes dimensions, l’autre durant l’Empire carolingien avec une multiplication des paroisses rurales, la dernière au xie siècle avec l’établissement d’églises privées. 603.  CDC, vol. I, 22 – 914 : Qua de re nos Deusdedi episcopus seu et cuncta plebs sancte Gaietane ecclesie una cum consensum et auctoritate domni Iohanni et domni Decibili gloriosi ypati. On remarque aussi l’accord des hypati de Gaète. Autre mention CDC, vol. I, 25 – 919 : Qua de re nos Vonus episco­ pus una mecum adsentiente cumta plebs sancte Kaietane ecclesie ; CDC, vol. I, 62 – 962 : Qua de re nos domnus Stephanus uenerabilis episcopus sancte Gaietane ecclesie una nobiscum cuncta plebs dicte nostre ecclesie. On ne trouve plus de mentions après cette date dans les actes rédigés au nom de l’évêque de Gaète. 604.  CDC, vol. I, 22 – 914 ; CDC, vol. I, 25 – 919. Ce n’est en revanche pas le cas CDC, vol. I, 62 – 962. 605.  CP, 18 – 993 : Nos Leo Domini gratia archiepiscopus primus sancte sedis Amalfitane Ecclesie, una cum presentibus nobiscum astantibus magnalibus cunte pleuis huius nostri archiepiscopii. 606.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, p. 408, n. 1 ; MND, vol. I, p. 174, n. 1. 607.  Voir p. 383.

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diquent des propriétés foncières de sa plebs608. Le terme apparaît en 1003, sous une forme différente, avec la mention d’une staurita plebis de Saint-Georges-Majeur609. L’intérêt du document est de révéler l’existence de plusieurs congrégations autour de la basilique sévérienne. Par conséquent, le terme de plebs présenterait un caractère polysémique : il désignerait à la fois le clergé desservant une église de relative importance et une congrégation composée, au moins en partie, de clercs au service d’un lieu de culte610 ; il désigne aussi, tout simplement, l’église publique et la circonscription qui lui est affectée.

Les monastères urbains La première partie des Gesta, rédigée par un auteur anonyme, mentionne fort peu de monastères. La première allusion se trouve dans la notice de l’évêque Sévère, attesté entre 387/393 et 397/399, auquel les Gesta attribuent la fondation du monastère des Saints-Martin-et-Potitus611. La fondation demeure incertaine et sa consécration à saint Martin douteuse612. La deuxième partie des Gesta, rédigée par Jean Diacre, offre da­ van­tage d’indications. Plusieurs explications peuvent être avancées. À la différence des églises, la mémoire des monastères de fondation privée paraît moins digne de figurer dans une chronique des premiers évêques de Naples. Mais, durant le haut Moyen Âge, le développement du monachisme et la force de son modèle se traduisent par un investissement du pouvoir politique, ici les ducs de Naples, dans les fondations monastiques. Désormais, même s’ils confient la desserte pastorale à des prêtres613,

608.  RNAM, vol. V, 394 – 1052 : terra pleue santi Georgii maiori (B. Capasso date le document de 917, voir MND, vol. II/1, 5 – 917). Autre mention dans RNAM, vol. V, 458 – 1092 : et aliquantum terra ecclesie sancti Georgii catholice maioris […] terra pleuis sancti Georgii catholice maioris. On distingue ici l’église et la plebs dont les terres constituent vraisemblablement les bénéfices. 609.  RNAM, vol. IV, 267 – 1003 : Certum est nos Sparanum humilem presbyterum et primicerio congregationis charta sexta feria ecclesia sancti Georgii catholice maioris quod est ecclesia Sebriane una cum nostra congregatione sacerdotum memorate charte quamque et cunta stauritas pleui memorate ecclesie. 610.  Un acte lombard de 977 mentionne la plebs de Saint-Donatus en Liburie et Martinus, prêtre et plebanus, souscrit à la fin du document. Voir RNAM, vol. I/2, 166 – 977 : Te Petrus clericus et notarius scribere rogauimus actum Ligurie in plebe sancti Donati † † ego Martinus presbyter et plebanus. L’allusion à la plebs de Saint-Donatus est troublante et laisserait penser à une paroisse de Liburie. Néanmoins, l’attestation de congrégations de prêtres et de laïcs en zone rurale fait pencher pour ce type d’institution davantage que pour une paroisse. 611.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 4, p. 405, l. 12-13 : Et fecit monasterium sancti Martini et sancti Potiti martyris. 612.  Voir p. 58. 613. Voir Berlière, « L’exercice du ministère paroissial », p. 242-246 sur les deux missions pastorales accomplies par les moines, la prédication et la confession, tandis que l’administration du

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les monastères jouent un rôle d’encadrement des fidèles dont les Gesta se font l’écho. L’action du duc-évêque Étienne  II, dans la seconde moitié du viiie  siècle, est mise en valeur par sa fondation de trois monastères614. Le premier, consacré à saint Festus, dit aussi monastère des Saints-Festus-et-Desiderius, se trouve près du port, dans la région Portanouensis615. Le second, dédié à saint Pantaléon, est situé sur le côté est de la uia Nostriana, au centre de la ville616. La troisième fondation est le monastère féminin de Saint-Gaudiosus, auquel le duc confie la basilique Sainte-Fortunata attenante617. Le monastère était situé dans la région dite Marmorata, au nord-ouest de la ville618. D’autres monastères, sis à l’intérieur des remparts, sont indiqués sous Paul  III dont l’épiscopat se déroule de 794 à 819. La première mention concerne le monastère SainteMarie de Albino, fondé par Eupraxia. Fille du duc-évêque Étienne II, elle en devient l’abbesse619. La dénomination de Albino permet de localiser l’établissement près de la muraille sud-ouest, dans la région Albinensis. Le monastère des Saints-Cyrice-et-Julitte est une fondation du duc Anthime (801-816) et de son épouse Theodonanda ; il est doté d’un xenodochium pour accueillir les pèlerins et de deux basiliques où Paul III dépose des reliques620. La dernière mention d’un monastère, fondé à l’intérieur de l’enceinte,

baptême reste exceptionnelle ; à la précédente étude est, en partie, redevable l’étude de Toubert, « Monachisme et encadrement religieux », p. 422-425 où l’auteur oppose les préoccupations économiques des monastères, soucieux jusqu’au début du xie siècle de remembrer leur patrimoine, à leurs ambitions réformatrices et pastorales à partir de la seconde moitié du même siècle. Pour la fin de la période ici étudiée, voir Cattaneo, « Liturgia monastica », p. 328-331, sur la possible préférence des fidèles pour la liturgie monastique ou canoniale. 614.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 42, p. 426, l. 5-7 : Praetera intra eandem urbem tria fecit monasteria, quae ad nomen sancti Festi et sancti Pantaleonis martyrum sanctique Gaudiosi confessoris praetitulauit. 615.  Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 864. 616.  Ibid., p. 878. Un document de 972 détaille l’architecture de l’édifice, voir MND, vol. II/1, 191 – 972. 617.  Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 866. La tradition attribue la fondation du monastère à Gaudiosus lui-même, au ve siècle. Selon B. Capasso, le monastère aurait été modifié et agrandi par le duc-évêque Étienne II et consacré à saint Gaudiosus au ixe siècle lors du transfert de sa dépouille. 618.  Cilento, « La Chiesa di Napoli », p. 664. 619.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 46, p. 427, l. 31-22 : Quaedam igitur Eupraxia religiosa femina fabricauit in regione Albiensi monasterium, quod ecclesiae sanctae Dei genetricis coniun­ xit, in quo a praedicto episcopo abbatissa est ordinata. 620.  Ibid., p. 428, l. 16-19 : Fabricauit et idem consul cum coniuge sua monasterium sancti Cyrici et Iulitae, in quo duodecim statuit cellulas, quas hospitibus peregrinisque censuit habitari, qui ex ipsius ecclesiae alerentur rebus. In istis utique duabus basilicis praedictus episcopus sacras collocauit reliquias.

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est fournie par la notice de l’évêque Tibère (819-839)621. Jean Diacre place le monastère des Saints-Marcellin-et-Pierre dans le palais de Theodonanda, le palais ducal, dans la région Portanouensis. On ignore s’il s’agit d’une fondation ou d’un transfert car un monastère du même nom existe dans un document de 763622. Les actes permettent de connaître la postérité de certains monastères mentionnés dans les Gesta et d’établir une géographie du monachisme urbain à Naples. Tous les monastères présents dans les Gesta, hormis celui de Saint-Potitus, apparaissent dans les actes notariés623. Les monastères des Saints-Festus-et-Desiderius, de Sainte-Marie de Albino et des Saints-Cyrice-et-Julitte sont mentionnés seulement au xe  siècle624. Le monastère Saint-Gaudiosus apparaît au xe et au xiie  siècle625. Deux monastères font l’objet de fréquentes mentions jusqu’aux xie-xiie  siècles : Saint-Pantaléon, qui apparaît sous le vocable des Saints-Sauveur-et-Pantaléon et se trouve, en 1009, agrégé au monastère des Saints-Grégoire-et-Sébastien626 ; et celui des Saints-Marcellin-et-Pierre, qui est attesté tout au long de la période couverte par les actes de la pratique627. La longue postérité des monastères à l’intérieur de la ville de Naples semble favorisée par la stabilité politique de la cité et la protection qu’offrent ses murailles. Les Gesta, aperçu partial de la géographie religieuse de Naples, ne permettent pas de connaître tous les monastères présents dans la ville. Certains, sans doute d’origine ancienne, n’apparaissent que dans les actes de la pratique,

621.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 52, p. 428, l. 40-42 : : In ipsis denique diebus Theodonanda, uxor Anthimi quondam ducis, in suo praetorio fecit monasterium sancti Marcellini, in quo abbatissam suam neptem cum ancillis Dei posuit. 622.  MND, vol. I, Appendix 2 – 763 ou 882. Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 868. L’auteur penche pour un transfert de l’établissement voisin dans le palais de la duchesse, mais la date du document demeure incertaine, ce qui invite à la prudence. 623. Le monastère Saint-Potitus existe pourtant jusqu’en 1809, avant qu’il ne soit supprimé comme nombre de communautés religieuses du royaume de Naples par décision de Joachim Murat. À propos du monastère Saint-Potitus, voir Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 880. 624.  MND, vol. II, 1, 3 – 915 ; RNAM, vol. I/2, 158 – 974 (Saints-Festus-et-Desiderius) ; MND, vol. II/1, 246 – 985 ; RNAM, vol. II, 242 – 996 (Sainte-Marie de Albino) ; MND, vol. II/1, 313 – 1000 (Saints-Cyrice-et-Julitte). 625.  MND, vol. II/1, 78 – 952 ; RNAM, vol. IV, 304 – 1017-1018. 626.  MND, vol. II/1, 8 – 921 ; MND, vol. II/1, 166 – 968 ; MND, vol. II/1, 172 – 969 ; MND, vol. II/1, 191 – 972 ; MND, vol. II/2, Diplomata et chartae ducum Neapolis, 8 – 1009 ; MND, vol. II/2, 10 – 1033 ; MND, vol. II/2, 14 – 1060 ; MND, vol. II/2, 17 – 1067 ; MND, vol. II/2, 20 – 1090 ; MND, vol. II/2, 21 – 1097. 627.  MND, vol. II/1, 87 – 955 ; MND, vol. II/1, 107 – 959 ; MND, vol. II/1, 135 – 964 ; MND, vol. II/1, 164 – 968 ; RNAM, vol. I/2, 170 – 978 ; RNAM, vol. II, 197 – 983 ; RNAM, vol. IV, 306 – 1017-1018 ; RNAM, vol. IV, 318 – 1021 ; RNAM, vol. IV, 344 – 1030 ; RNAM, vol. IV, 359 – 1034 ; RNAM, vol. VI, 609 – 1130.

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comme le monastère Saint-Sébastien, attesté depuis l’Antiquité tardive et ignoré des Gesta car dépourvu de lien avec les évêques ou les ducs. À l’instar des églises urbaines, les actes de la pratique esquissent une géographie du monachisme entre le xe et le xiie siècle (voir figure 8)628. Une trentaine de monastères sont mentionnés à l’intérieur de Naples, dont vingt-six localisés avec précision629. Onze sont masculins, dix-huit féminins. Cette surreprésentation des monastères féminins ne laisse de surprendre quand le monachisme masculin domine, globalement, au haut Moyen Âge630. La protection de l’enceinte urbaine détermine cette concentration de couvents féminins tandis que les campagnes restent peu sûres. De fait, les monastères attestés à l’extérieur de la ville sont tous masculins. La localisation des monastères diffère de celle des églises urbaines dans la mesure où leur répartition paraît plus équilibrée, à la fois dans la partie nord-est où se trouvent la moitié des établissements localisés, mais aussi dans le sud-ouest. Les deux régions les plus densément pourvues sont le centre ancien, la région dite Furcillensis, et la région proche du port ou Portanouensis, chacune totalisant quatre monastères. Cette dissémination résulte peut-être du hasard des donations foncières, à l’origine des fondations monastiques. L’exemple du monastère des Saints-Marcellin-et-Pierre, refondé sur le site du palais de la duchesse Theodonanda, le montre bien. Pour des raisons politiques, économiques ou de taille, les regroupements de monastères et de communautés sont fréquents et attestés de l’Antiquité tardive au Moyen Âge. En 1009, le duc de Naples autorise la construction d’un passage au-dessus d’une rue pour permettre aux moniales du monastère des Saints-Grégoire-et-Sébastien d’accéder à la communauté désormais unie des Saints-Sauveur-et-Pantaléon631.

628.  Arthur, Naples, from Roman Town to City-State, p. 71-73. 629.  Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 851-881. 630. À propos du monachisme féminin en Europe occidentale, de Fontette, Les religieuses,

p. 153-154 conclut à l’absence, jusqu’aux xiie-xiiie siècles inclus, d’ordres féminins autonomes et à leur sujétion à des ordres masculins par le biais d’une affiliation. Pour l’histoire des moniales en Italie durant l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge, voir l’article de Bocchi, « Monasteri », p. 274-275 et n. 51, qui souligne en Italie méridionale la proximité étroite des monastères féminins avec le monde urbain et les centres fortifiés ; Consolino, « Female asceticism », p. 21-27 pour un panorama de la période tardo-antique et haut-médiévale qui met en relief le caractère élitiste, voire aristocratique du monachisme féminin dans la péninsule ; Musardo Talò, Il monachesimo femminile, p. 105-118 sur l’omniprésence de dame monache dans les monastères conçus, selon l’auteur (ibid., p. 113), comme une réponse sociale à un nombre élevé de filles menaçant les assises de la petite noblesse féodale, au point que 85 % des moniales seraient issues aux xe-xie siècles de ce milieu, d’après la documentation provenant de l’Italie du Nord (ibid., p. 138) ; quant aux trois ou quatre couvents féminins connus dans les régions de peuplement grec, voir Falkenhausen, « Il monachesimo femminile », p. 23-43. De manière plus générale et certes un peu annexe, un recueil de travaux déjà parus relatifs au monachisme et à l’ascétisme féminins dans la correspondance et les traités de Jérôme est proposé par Laurence, Le monachisme féminin. 631.  Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 878-879, n. 3.

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CHAPITRE 3  • L’ENCADREMENT PASTORAL

porte St-Janvier porta Carbonaria regio portae S. Ianuarii 2

regio Summae Plateae 2

regio Apostolorum 2

porta Capuana

episcopium regio Marmorata 2 porta de domino Petro

porta Romana

regio Thermensis 0

regio Augustalis 2 regio de Arcu Cabredato 0 porta domini Ursitatae

regio Furcillensis 5

porta Furcillensis

regio Nili 1 regio Balnei noui 1

regio portae domini Ursitatae 2

porta noua porta Cumana regio Portanouensis 4

Castellione nouum 3

porta Calcariae

regio

regio

riae 1 Calca

inen

Alb sis 1 porta de illi Vulpulo 0

200 m

Fig. 8 – Les monastères établis dans Naples aux xe-xiie siècles.

S. DESTEPHEN del.

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Quant aux diaconies, à Naples comme à Gaète, leur mission d’encadrement des fidèles disparaît au cours du haut Moyen Âge. Elles n’apparaissent plus ou si peu dans la documentation notariale des xe-xiie siècles que les édifices religieux gardent le souvenir de leur ancien statut sans jouer de rôle effectif632. À Rome, les diaconies perdent aussi de leur originalité, mais sont préservées par l’élévation de leurs responsables à la dignité de cardinaux diacres.

III.  L’encadrement pastoral des campagnes Bouleversées par l’invasion lombarde, les structures ecclésiales de l’Italie du Sud tendent à se fixer au début du Moyen Âge avec la mise en place d’entités politiques relativement stables et la conversion des Lombards au catholicisme633. Toutefois, à la différence des principautés lombardes, les duchés tyrrhéniens conservent, en grande partie, un réseau hérité de l’Antiquité tardive. À partir du ixe  siècle, de profondes modifications affectent les structures ecclésiastiques d’encadrement de la région, touchant davantage les campagnes et renforçant les structures ecclésiastiques urbaines. Certains territoires suivent cependant leur propre dynamique, comme c’est le cas de la région d’Amalfi et des îles, en particulier celles éloignées du littoral.

Un réseau ecclésial napolitain préservé En Campanie, le réseau existant à l’époque de Grégoire le Grand634 se maintient aux viiie-ixe  siècles, époque de rédaction des Gesta, qui fixent une géographie religieuse centrée sur les évêques et puisent leurs racines dans les origines de l’Église de Naples. Il faut néanmoins se reposer sur cette base pour ébaucher une carte du réseau ecclésial au-delà de la muraille civique (voir figure 5). Sans surprise aucune, l’évêché de Naples est bien plus étendu que la ville intra muros. L’affaiblissement des sièges voisins, à la fin de l’Antiquité, renforce sa domination sur la région et le prestige de son Église. Le diocèse de Naples s’étend sur l’ager Neapolitanus, mais le duché, plus vaste, déborde sur d’autres diocèses dont beaucoup ont disparu après le vie siècle (voir figure 3). Le territoire napolitain revêt, dès l’Antiquité, une importance religieuse particulière. En dehors de la ville se situent les cimetières les plus importants du duché. Hors les murs se sont d’abord développées les principales fondations monastiques, contraintes

632.  E.g. RNAM, vol. I/1, 34 – 941 : cet acte mentionne des terres possédées par l’église SaintPierre de Diaconia. 633.  Voir p. 135 et suivantes. 634.  Voir p. 18 et suivantes.

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ensuite de se réfugier à l’intérieur de l’enceinte urbaine lors de l’invasion lombarde. Deux espaces religieux spécifiques ont prospéré hors de la ville dès l’Antiquité. Une première zone s’étend au nord, à proximité immédiate. Divers monuments religieux s’y sont établis au cours des siècles, bénéficiant de la protection des murs de Naples. Une seconde zone, à l’ouest, concentre des établissements religieux plus indépendants, établis sur les terres qu’ils possèdent. Selon l’antique législation romaine relative aux morts, édictée dès le milieu du ve siècle avant J.-C. avec la loi des Douze Tables, les lieux de sépulture doivent se situer au-delà du périmètre habité. Les cimetières extra-urbains de Naples accueillent ainsi les corps de la population urbaine, mais également des personnages insignes de la cité comme les évêques et les ducs. Tous sont inhumés dans la uallis sanitatis, au pied des Colli Aminei, petites éminences de tuffeau perforées de caves635. Ces cimetières furent improprement dénommés catacombes, sans doute sur le modèle romain, mais leur utilisation remonte aux iie-iiie siècles636. Le cimetière le plus important et le plus ancien est dédié à saint Janvier. Par la porte homonyme, une route, orientée vers le nord, mène au cimetière et à la basilique Saint-Janvier dite extra moenia, à moins de deux kilomètres de la cité637. Insérée dans cet ensemble religieux, la basilique occupe une place particulière dans les Gesta. Le corps du saint y est transféré avant 432, époque où le cimetière et la basilique adoptent le nom de Saint-Janvier extra moenia638. L’église apparaît à de nombreuses reprises dans les Gesta, la première fois dans la notice consacrée à l’évêque Victor, attesté entre 492 et 495/496, mais comme pour offrir un repère topographique639.

635.  Cilento, « La Chiesa di Napoli », p. 678 ; Arthur, Naples, from Roman Town to CityState, p. 56-58. 636. À propos des catacombes de saint Janvier, la bibliographie est relativement importante sans être toujours très innovante : Bertaux, L’art dans l’Italie méridionale, vol. I, p. 27-29 et 71 ; Achelis, Die Katakomben, p. 28-31 pour une présentation assez rapide des différentes catacombes et des tombes privilégiées qu’elles contiennent, car l’essentiel du livre est occupé par de belles reproductions des fresques accompagnées de commentaires plus ou moins développés ; Venditti, « L’archittetura dell’alto medioevo », p. 784-788 ; Fasola, « Le recenti scoperte », p. 197-224, à propos de la chapelle Saint-Agrippinus découverte sous la basilique ; Id., Le catacombe di San Gennaro, p. 222-224, pour les travaux de restauration menés durant le haut Moyen Âge ; Id., « Le tombe privilegiate », p. 207 où l’auteur avance l’hypothèse que des évêques et peut-être des ducs ont renoué avec la tradition d’inhumation dans les catacombes après la fondation du monastère des Saints-Janvier-etAgrippinus et la reconstruction de la basilique à la fin du ixe siècle ; un bref aperçu est proposé par De Pasquale, « Les catacombes de Naples », p. 64-69. 637.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 11, p. 408, l. 36-37. 638.  Cilento, « La Chiesa di Napoli », p. 685 ; Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz 6, p. 406. 639.  Ibid., 11, p. 408, l. 36-37 : Hic fecit basilicae duas foris ciuitatem Neapolim, unam longius ab urbe ad miliarium unum, ante ecclesias beati Ianuarii martyris et sancti Agrippini confessoris.

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D’autres édifices religieux s’élèvent à proximité du cimetière Saint-Janvier et de sa basilique. Mentionnés dans la première partie des Gesta, ils semblent établis avant la fin de l’Antiquité. Non loin de la basilique Saint-Janvier, l’évêque Victor fait construire une église dédiée à saint Étienne, à proximité d’une église consacrée à saint Agrippinus640. Sur la route entre la porte Saint-Janvier et la basilique cémétériale se trouvent, selon les Gesta, d’autres édifices religieux qui, le plus souvent, abritent la sépulture d’un évêque et, par la suite, une église bâtie sur un lieu devenu un cimetière. Outre le cimetière Saint-Janvier, les Gesta mentionnent quatre cimetières extra-urbains : les ci­ me­tières d’Ephebus, de Saint-Gaudiosus, de Saint-Sévère et de Saint-Fortunatus641. Le premier est mentionné dans la notice d’Ursus (début du ve siècle) qui indique que l’évêque est enterré aux côtés de son prédécesseur des iie-iiie  siècles, Ephebus, plus tard transféré à la Stephania642. Une autre église, dédiée au saint africain du ve siècle, Gaudiosus, se trouve à proximité. Dans ce deuxième cimetière, l’évêque Nostrianus (attesté entre 445 et 449) est enseveli643. À proximité immédiate de la basilique Saint-Janvier, se situe la basilique cémétériale Saint-Sévère, mentionnée dans la notice de cet évêque (387/393-397/399)644. Cette basilique est insérée dans le complexe dit des « catacombes Saint-Sévère », puis prend le nom de S.  Severo alla Sanità645. Le chroniqueur de la première partie des Gesta place la basilique cémétériale Saint-Fortunatus à côté de celle de Saint-Sévère. L’édifice est mentionné dans les notices des évêques Fortunatus (attesté en 343), Maxime (vers 355-362) et

640.  Ibid., p. 408, l. 36-38 : fecit basilicas duas foris ciuitatem Neapolim, unam longius ab urbe ad miliarium unum, ante ecclesias beati Ianuarii martyris et sancti Agrippini confessoris, ad nomen beati Stephani leuitae et martyris. 641.  Achelis, Die Bischofchronik, p. 61. L’auteur donne aux cimetières les noms des évêques qui y avaient leur sépulture. Pour plus de clarté, nous préférons leur donner le nom de l’église élevée à cet emplacement, hormis pour Ephebus. 642.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 6, p. 406, l. 12-13 : Ipse uero Ursus episcopus sepultus est in cymiterio foris ab urbe, ubi et beatus requieuit Epheuus. Pour Ephebus, voir ibid., 2, p. 404, l. 11-13. 643.  Ibid., 8, p. 406, l. 44-46 : Et sepultus est in ecclesia beati Gaudiosi Christi confessoris, foris urbem euntibus ad sanctum Ianuarium martyrem in portico sita. Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 327. 644.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 4, p. 404, l. 37 : Hic fecit basilicas IIII, unam foris urbem iuxta Sanctum Fortunatum. 645.  MND, vol. I, p. 166, n. 5. 646.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 2, p. 404, l. 16-18 (Fortunatus) : Qui sepultus foris urbem quasi ad stadia quattuor. Deinde post longo tempore populi, patrocinia eius petentes, ab ecclesia sui nominis consecrate transferentes. Le rédacteur anonyme de la première partie des Gesta indique la distance séparant l’église des murs de la ville, presque quatre stades, soit environ 700 mètres ; ibid., 2, p. 404, l. 22-23 (Maxime) : Nam et ipse prius in ecclesia beati Fortunati sacerdotis et Christi confessoris est conditus.

CHAPITRE 3  • L’ENCADREMENT PASTORAL

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Sévère (fin du ive  siècle)646. Hormis les églises cémetériales, les Gesta mentionnent fort peu d’édifices hors de la ville. Une église, Sainte-Euphémie, se trouve sur la route menant de la porte de Saint-Janvier au cimetière du même nom, à proximité de la basilique Saint-Gaudiosus. Elle apparaît dans la notice de l’évêque Victor (vers 492-496)647. Les constructions des évêques des viiie-ixe siècles ne modifient guère cet espace religieux établi depuis longtemps. Banni pendant deux ans de Naples648, l’évêque Paul  II (762-766) s’emploie à édifier une série de bâtiments sur le site du cimetière Saint-Janvier : un triclinium attenant à la basilique Saint-Janvier et des fonts baptismaux en marbre649. Poursuivant cette tradition funéraire, les évêques du ixe  siècle sont ensevelis dans la basilique650. C’est là que Tibère, durant son épiscopat mouvementé, est gardé prisonnier sur ordre du duc de Naples651. L’autre pôle religieux extra-urbain s’étend à l’ouest de la ville. Le castrum Lucullanum, promontoire fortifié, joue un rôle central, dès le ve siècle, dans le développement du monachisme en Campanie652. À l’époque ducale, de nombreux édifices s’élèvent encore sur la colline. Les rédacteurs des Gesta sont les derniers témoins de la vie religieuse du lieu. Depuis le vie  siècle, il semble que les établissements monastiques se soient multipliés, mieux protégés des Lombards que les établissements établis sur l’ager Neapolitanus. Parmi ceux du castrum Lucullanum se trouvent le monastère de SaintSéverin et d’autres plus modestes, comme les monastères des Saints-Serge-et-Bacchus,

647.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 11, p. 408, l. 38-39 : et alia [sc. basilica] in medio itinere, modicum discreta a portico euntibus partis sinistrae, ad nomen beatae Eufimiae martyris dedicauit. Le chroniqueur ajoute que l’évêque Victor y fut enseveli. 648.  Ibid., 41, p. 424, l. 41-44 : Qui statim consecratus episcopus, Neapolim est directus, sed propter Graecorum conexionem noluerunt illum recipere sui conciues. Inito tamen consilio, eum ad ecclesiam sancti Ianuarii Christi martyris, non longius ab urbe dicatam, transmiserunt. 649.  Ibid., 41, p. 424, l. 44 - p. 425, l. 1-2 et 3-4 : In qua duos ferme annos degens, plura construxit aedificia. Inter quae fecit triclineum, quod est introeuntibus a parte dextra (…). Construxit etiam ibidem marmoreum baptismatis fontem. Voir aussi Fasola, « Le recenti scoperte », p. 197-213 ; plus récent, De Francesco, « Il battistero », p. 1064 où l’auteur présume, d’après les dimensions de la cuve baptismale, la volonté de Paul II de créer un episcopium « alternatif » doté d’un baptistère qui ne le cèderait pas en taille ni en valeur aux baptistères de la cité. 650.  Sur Paul III (794-819) voir Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 51, p. 428, l. 28-29 : sepultusque est in ecclesia sancti Ianuarii martyris ; pour Tibère (819-839), à l’initiative de son successeur Jean IV, voir ibid., 58, p. 432, l. 15-16 : Cuius corpus cum ueneratione domnus Iohannes in ecclesia sancti Ianuarii sepeliuit. 651.  Ibid., 57, p. 431, l. 19-20. B. Capasso (MND, vol. I, p. 209, n. 2) pense qu’il ne peut s’agir que de la basilique Saint-Janvier extra moenia. Le lieu semble avoir servi de résidence aux évêques que l’on voulait tenir à distance de la ville de Naples. 652.  Voir p. 59 et suivantes.

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de Saint-Michel-Archange et de Saint-Pierre ad Castellum653. À peu de distance se trouve l’église Sainte-Lucie (S. Lucia sul Mare), donnée par l’évêque Athanase Ier654 ; au sud-ouest s’étend l’ensemble monastique regroupé sur l’actuel Castel dell’Ovo655. Le reste du territoire napolitain demeure dans une obscurité presque totale. Dans une des régions les plus urbanisées d’Europe, le recours à l’archéologie ne peut être que parcellaire656. Les Gesta ne mentionnent que trois églises en dehors des cimetières et des centres religieux à l’ouest de la ville. Dans la notice de l’évêque Calvus (750-762) apparaît une église, dédiée à saint Sossius, perchée sur un promontoire, certainement sur la vieille route de Capodimonte, dans l’actuel lieudit S.  Sossio657. L’autre église, construite par les Napolitains et consacrée à saint Julien pour conjurer une invasion de sauterelles, est mentionnée dans la dernière notice, celle de l’évêque Athanase II (876-898)658. L’église se trouvait sur les pentes d’une colline au nord de Naples, au lieudit Liborano, sur la route de la Liburie659. Jean Diacre mentionne enfin, à l’ouest de la ville, une église Saint-Janvier au lieudit Planuria, près de Pouzzoles660.

Un réseau transformé à partir du ixe siècle Le ixe siècle constitue, pour l’Italie méridionale, une période de bouleversements dont l’ampleur n’est pas sans comparaison avec ceux survenus au cours du vie siècle. Les duchés tyrrhéniens doivent affronter une recrudescence des attaques lombardes, lancées depuis l’intérieur de la Campanie, alors qu’une menace beaucoup plus dangereuse, celle des Arabes, grandit en Méditerranée occidentale.

653.  654.  655.  656. 

Cilento, « La Chiesa di Napoli », p. 658. Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 18, p. 345-346. Voir p. 374-375. Pour la période antique, on se reportera par exemple aux travaux dirigés par Carta archeologica e ricerche in Campania, éd. Quilici et Quilici Gigli. 657.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 39, p. 422, l. 43-44 : Hic inter cetera bonitatis studia sancti Sossi non longe ab urbe oratorium instituit, sic in sublime erectum, ut uniuersa quae in circuitu posita sunt conspicere possint. Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 18, p. 326. 658.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 66, p. 436, l. 15 : in honorem beati Iuliani martyris uno die basilicam construerent. Il s’agit du seul edifice religieux mentionné dans la troisième partie des Gesta. 659.  Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 18, p. 323. 660.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 44, p. 426, l. 35. Voir le commentaire de Capasso dans MND, vol. I, p. 202, n. 4. Voir également Christern, « Il cristianesimo », p. 213-225. Malgré son titre, cet article ne traite que de la période paléochrétienne, comme si la christianisation de la région cessait ou, du moins, ne progressait plus après le ve siècle.

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L’évêque de Naples Jean  IV décide, dans ce contexte, de transférer les dépouilles de ses lointains prédécesseurs du cimetière de Saint-Janvier, où la plupart avaient leur sépulture, à la Stephania661, avant de rejoindre en grande pompe ses prédécesseurs immé­ diats dans la basilique Saint-Janvier pour son ultime repos662. Dans une crypte, sous la basilique, se trouvait l’oratoire où étaient déposées les reliques de saint Agrippinus, évêque de Naples des temps apostoliques, et de saint Janvier, évêque de Bénévent663. La dernière mention de la basilique Saint-Janvier extra moenia provient de la notice de l’évêque Athanase Ier (849-872), qui établit en ce lieu une communauté de moines664. Les bouleversements politiques, provoqués par l’arrivée des Arabes, entraînent des modifications importantes d’un réseau ecclésiastique à peu près stable depuis la fin de l’Antiquité. Cette fois la menace vient de la mer : les zones littorales se trouvent exposées aux coups de main et aux prédations. Les sources se font l’écho des répercussions politiques et religieuses. En 812, l’île d’Ischia est ravagée par une incursion sarrasine665. Les Gesta indiquent que les biens de l’Église de Misène, dévastée par les Sarrasins en 845, sont attribués par le duc Serge II à l’évêché de Naples666. Les actes de la pratique évoquent également, à partir du xe siècle, les conséquences des incursions arabes dans la région. La priorité stratégique est d’éviter que les promontoires, nombreux dans la région, ne deviennent des bastions aux mains des Sarrasins, et servent de bases inexpugnables

661.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 59, p. 432, l. 37-39 : Corpora quoque suorum predecessorum de sepulcris, in quibus iacuerunt, leuauit, et in ecclesia Stephania singillatim collocans, aptauit unicuique arcuatum tumulum ac desuper eorum effigies depinxit. 662.  Ibid., 62, p. 433, l. 32-33 : Insignes eius exequias uterque sexus et aetas usque ad basilicam sancti Ianuarii deducentes, officialiter collocarunt. 663.  Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 18, p. 329-330. Le corps de saint Janvier fut volé et transporté à Bénévent par les Lombards du prince Sicon en 831. 664.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 63, p. 434, l. 28-30 : In ecclesia denique sancti Ianuarii foris sita monachorum collegium sub abbatis regimine ordinauit, offerens eis unum hortum in campo Neapolitano positum. Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 18, p. 330-331, pense que l’évêque a dû reconstruire à la même époque une plus grande basilique cémétériale où son corps fut par la suite transféré. Voir également Fasola, « Le recenti scoperte », p. 219-224. 665.  Kehr, Italia pontificia, vol. VIII, p. 475. La nouvelle est transmise à Charlemagne par le pape Léon III. 666.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 63, p. 434, l. 33-36 (notice d’Athanase  Ier) : Eodem quoque tempore Misenatis ecclesia, peccatis exigentibus, a paganis diuastata est. Cuius omnes pene immobiles res, hoc presule supplicante, genitor eius Sergius dux Neapolitano concessit episcopio. L’oppidum de Misène abritait une cathédrale dédiée à saint Sossius, mentionnée dans sa translation. Dévastée par les Sarrasins en 845, ses biens sont donc concédés à Athanase Ier par son frère. L’épisode de l’occupation du cap Misène par les Sarrasins est également relaté par Jean Diacre dans la notice de l’évêque Jean IV. Voir Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 60, p. 432-433.

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pour lancer leurs expéditions dans la péninsule. Par mesure de précaution, le duc de Naples Grégoire  IV fait détruire le castrum Lucullanum en 902. Jean Diacre raconte l’événement dans la Translation de saint Séverin et celle de saint Sossius667. L’abandon et la destruction volontaires du castrum Lucullanum ont des conséquences religieuses importantes668. L’épisode se situe peu au-delà de la période couverte par les Gesta, après la mort du duc-évêque Athanase  II, en 898. Les monastères du castrum sont transférés à l’intérieur de Naples et agrégés, pour la plupart, à des monastères existants. Entre 876 et 898, le monastère Saint-Séverin et les reliques de saint Sossius sont transférés dans le monastère du même nom, fondé par Athanase II, dans la région Nilo669. Le monastère des Saints-Serge-et-Bacchus est accueilli par la communauté des Saints-Théodore-et-Sébastien. Abandonnés, les édifices sur place tombent en ruine. Au xe siècle, le site paraît abandonné, mais les monastères continuent de gérer le pa­tri­ moine foncier qu’ils y possèdent670. Les incursions arabes dans la région accentuent le caractère urbain du monachisme napolitain. Pour les églises, l’évaluation de l’impact de ces raids est difficile à mesurer. Les actes notariés mentionnent des édifices religieux ruinés sur le territoire du duché671. En l’absence d’indications, attribuer leur délabrement aux Sarrasins est téméraire. Certes, l’éloignement de l’époque des attaques sarrasines, survenues aux viiie-xe siècles, ne constitue pas une preuve en soi. En 1120, un acte mentionne une église détruite à l’intérieur du castrum Lucullanum, peut-être un édifice abandonné depuis le ixe siècle672.

667.  À propos de cet épisode, voir également le commentaire de Martin, « Les fortifications de Naples », p. 305. Une liste indicative des principales translations de reliques est dressée par Arthur, Naples, from Roman Town to City-State, p. 72. 668.  Gay, L’Italie méridionale, p. 157-158. 669.  Cilento, « La Chiesa di Napoli », p. 658. 670.  MND, vol. II/1, 133 – 963 : un frère et sa sœur ont offert à Serge, abbé du monastère SaintSébastien, une demi-portion d’une terre non cultivée (uacua) où se trouvait auparavant une maison, située dans le castrum Lucullanum détruit. Parmi les voisins se trouve une terre du monastère SaintSébastien. 671.  E.g. MND, vol. II/1, 82 – 954 : église détruite Saint-Pierre à Ercica. Le site de l’église, sur les pentes orientales du Vésuve, fait douter du rôle des Sarrasins dans le délabrement de l’église. Autres mentions d’églises détruites sur le territoire napolitain : RNAM, vol. II, 206 – 986 : église SainteFortunata, près du lac de Patria ; RNAM, vol. IV, 314 – 1019-1020 : église Saint-Pierre ad Calistum, sur le littoral près du Vésuve ; RNAM, vol. V, 530 – 1108 et vol. V, 538 – 1112 : église Sainte-Marie ad Mascatura près de l’actuel Pomigliano d’Arco. 672.  RNAM, vol. VI, 577 – 1120 : et a foris memorata terra uestra que nominatur de ipsi Gratiani in ipsa orientalis parte est alia terra uestra ubi est ecclesia uestra distructa et abitationibus distructis propriis memorati uestri monasterii qualiter badit et descendit usque intus in mare. Le monastère évoqué est celui des Saints-Serge-et-Bacchus.

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Les sources mentionnent l’essentiel des édifices religieux, notamment ceux qui sont hors de Naples, entre le xe et le xiie siècle, surtout à partir du xie siècle. Cette rareté des attestations ne correspond pas à la rareté des sources, car plus d’un tiers des actes de la pratique sont antérieurs à l’an mil. Les destructions occasionnées par les incursions sarrasines auraient-elles entraîné la désertion des lieux de culte ruraux et induit leur quasi-absence dans les actes notariés ? Faute de preuves, rien ne permet de l’affirmer. À partir du xie siècle, les alentours de Naples semblent réoccupés « pastoralement »673. Outre les mentions plus nombreuses d’églises, les monastères paraissent jouer un rôle actif. Leur action pastorale s’exerce notamment autour du Vésuve où le monastère des Saints-Serge-et-Bacchus possède des terres et une oboedentia dont dépend une église dédiée à saint Basile674. C’est aussi le cas dans la région, autrefois désertée, du castrum Lucullanum. Au xie siècle, les anciens propriétaires mettent en valeur les biens qu’ils y ont conservés. Le monastère des Saints-Serge-et-Bacchus continue non seulement de gérer son patrimoine foncier dans et autour du castrum Lucullanum, mais dispose encore d’églises sur le lieu. Un document de 1031 évoque les églises Sainte-Barbara et Saint-Serge établies sur le castrum675. Plus à l’ouest, au castrum Puteolanum, le monastère des Saints-Théodore-et-Sébastien possède une église Saint-Pierre dont une terre est mentionnée en 956676. On ignore si l’église est desservie par un prêtre à cette date. Soixante-dix ans plus tard, un desservant est attesté677.

673.  Sur l’encadrement religieux des campagnes par les communautés monastiques, outre les références fournies à la note 613, voir également Angenendt, « Die Liturgie », p. 203, qui établit un parallèle entre la constitution des monastères bénédictins en communautés eucharistiques autonomes et le développement des paroisses rurales ; Constable, « Monasteries, rural churches, and the cura animarum », p. 368-370 voit une motivation économique des monastères dans l’acquisition d’églises, même si leurs propriétaires laïques les cèdent dans l’espoir et l’assurance d’une célébration plus consciencieuse de la liturgie accomplie, dans la pratique, par des prêtres désignés par l’abbé, comme c’est le cas dans le modèle clunisien ; Platelle, « La paroisse et son curé », p. 17-18, qui rappelle que les moines ne peuvent pas exercer le ministère pastoral, mais sont habilités à désigner les desservants des églises possédées par leur communauté ; en revanche, sans être contradictoire, Amos, « Monks and pastoral care », p. 172-173, estime que les moines accomplissent aux viie-viiie siècles des missions pastorales (l’auteur ne cite que les messes privées) dans les églises léguées ou érigées sur le ressort foncier de leur communauté, et ce avec l’accord de plusieurs conciles du ixe siècle. 674.  RNAM, vol. IV, 331 – 1027 ; RNAM, vol. V, 536 – 1111. 675.  RNAM, vol. IV, 348 – 1031 : iusta in insula memorati uestris monasterii qui nominatur at sanctum Bicentium et iusta ecclesie uestre sancte Varuare que uos habetis prope ecclesia uestra sancti Sergii de intus castro Lucculano. 676.  RNAM, vol. I/2, 73 – 956 : terra iuris ecclesie uestre uocabulo sancti Petri de intus castro Putheolano. 677.  RNAM, vol. IV, 333 – 1027 ou 1026 : tibi domino Marino uenerabili presbitero filio quondam Iohannis abitator uero in oc castro Putheolano, propter integra ecclesia nostra iuris memorati sancti et

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Au xie siècle, le réseau des églises du duché de Naples semble s’être étoffé. À l’ouest, plusieurs édifices sont attestés autour du castrum Lucullanum et sur les pentes du Pausilippe678. Plus à l’ouest encore, les anciens diocèses de Pouzzoles et de Misène sont le domaine des monastères, les attestations d’églises restant rares679. Au nord-ouest de Naples, le campus Neapoleos, très touché par les Sarrasins, compte peu d’églises. Quelques-unes sont connues à Piscinula (Piscinola), Maranum (Marano di Napoli), Panequocoli (Villaricca) et Malitum (Melito di Napoli)680. Au nord-est, seules cinq églises sont attestées, en particulier Saint-Pierre ad Paternum (S. Pietro a Patierno)681. De nombreuses attestations se trouvent dans la zone excentrée du Vésuve682. Plus que l’indice d’une population importante, ces mentions sont liées à la présence de patrimoines monastiques établis dans la région et, dès lors, connus par les fonds d’archives disponibles. À l’inverse, le territoire anciennement christianisé de Nola livre peu d’attestations d’églises683. Très touché à la fin de l’Antiquité, le diocèse de Nola-Cimitile peine à se relever de l’invasion lombarde et joue un rôle secondaire durant le haut Moyen Âge. Les difficultés des évêques de Nola à contrôler un réseau ecclésial amoindri apparaissent dans la transmission d’églises à des monastères. Par exemple, en 1105, l’évêque Guillaume de Nola confie l’église Sainte-Pauline à l’abbé du monastère napolitain des Saints-Séverin-et-Sossius684. La dernière région docu­ mentée correspond à la Liburie685. Le territoire est, lui aussi, marqué par l’importance des patrimoines monastiques et une partie des églises appartiennent à des monastères, notamment Saint-Vincent-au-Volturne ou la Trinité de Cava.

Le réseau ecclésial de Gaète Les églises du duché de Gaète restent presque inconnues avant le ixe  siècle. Grégoire le Grand mentionne, en 590, l’église épiscopale de Formies abritant le

uenerabilis nostri monasterii uocabulo sancti Petri qui est intus isto iamdicto castro iusta episcopio sancti Proculi istius castri, ubi domino uolentem te ibidem custodem ordinauimus. 678.  MND, vol. II/1, p. 171-173. L’auteur compte une dizaine d’églises attestées aux xie-xiie siècles. 679.  Ibid., p. 183-187. 680.  Ibid., p. 174-176. 681.  Ibid., p. 176-177. 682.  Ibid., p. 177-181. 683.  Ibid., p. 182. B. Capasso mentionne cinq églises. 684.  RNAM, vol. V, 520 – 1105. L’évêque de Nola précise que le monastère pourra en outre construire une oboedientia sur le campus où se trouve l’église Sainte-Pauline. En 1123, une autre église, consacrée à l’archange saint Michel est à nouveau transmise au monastère des Saints-Séverin-et-Sossius. Voir RNAM, vol. VI, 586 – 1123. 685.  MND, vol. II/1, p. 192-196.

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corps de saint Érasme, et annonce, dans la même lettre, la ruine de l’évêché voisin de Minturnes686. Le silence documentaire s’étend ensuite jusqu’au ixe  siècle. Hormis la cathédrale Sainte-Marie-Saint-Érasme et le baptistère Saint-Jean, pour les ixe-xiie  siècles on recense dans la ville de Gaète une dizaine d’églises localisées avec certitude. Ce petit nombre est dû non seulement à la taille plus réduite de la documentation conservée (400  actes contre plus de 600 pour Naples), mais encore à la localisation incertaine de nombreuses églises. Gaète est également moins peuplée, à l’étroit sur son éperon rocheux687. Son réseau ecclésial s’en trouve limité. Comme à Naples, le caractère public ou privé de la plupart des églises est impossible à déterminer. Sur les onze églises connues dans Gaète intra muros, trois sont assurément des églises privées et une seule est certainement publique, c’est-à-dire dans la dépendance directe de l’évêque. Hors de Gaète, une quarantaine d’églises sont mentionnées entre ixe et le xiie siècle, dont trente-et-une localisables avec précision. C’est peu sur plus de deux cents  ans et un territoire d’environ quarante  kilomètres d’ouest en est sur plus de vingt kilomètres du nord au sud. La répartition des églises permet de connaître le réseau ecclésias­tique du duché. Il se dessine (voir figure 9) une concentration sur le littoral proche. Parmi les trente-et-une  églises localisées, vingt-six se situent dans un rayon de moins de quinze  kilomètres à l’ouest ou à l’est de la cité. Cinq ou six églises (le doute subsiste pour l’une d’elles) sont aux portes de la ville. À l’ouest, on compte six édifices religieux répartis sur le littoral à Sperlonga (deux églises), au mont Saint-Magnus (une église) et dans la vallée d’Itri (trois églises). Sur le littoral, à l’est de Gaète, se situe l’essentiel des églises mentionnées, seize au total dont douze autour de Formies, Scauri et MinturnesTraetto. Cette concentration correspond au peuplement du littoral depuis l’Antiquité. Les églises mentionnées dans les sources médiévales reproduisent la géographie humaine et religieuse avec une forte littoralisation de la population et sa polarisation autour de Formies et Minturnes. Cette géographie religieuse n’est pas figée. D’une part, la région est marquée par le déplacement des habitants de Minturnes et Formies vers Gaète, localité sans importance dans l’Antiquité et dont le développement date du Moyen Âge. Minturnes ne se relève pas de l’invasion lombarde et se trouve abandonnée dès la fin du vie siècle688.

686.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 8 – octobre 590. 687.  À propos du phénomène d’incastellamento du littoral gaétan, d’expansion rurale à partir du

xe siècle et de progressive raréfaction de l’habitat ouvert, voir Guiraud, « Le réseau de peuplement », p. 498-501. L’auteur note cependant (ibid., p. 508) : « Tous leurs habitants ne sont pas allés “se réfugier” dans l’enceinte castrale, certains sont restés sur place, groupés dans de petits hameaux, avec leur église paroissiale, lointains héritiers pour quelques-uns des vici de l’âge carolingien. » 688.  Voir p. 27 et suivantes. Un acte de 839 évoque des dépendants de Saint-Pierre in episcopiu.

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DEUXIÈME PARTIE  •  LE RÔLE STRUCTURANT DE L’ÉGLISE

Fondi 1

vallée du Garigliano 5 Itri 3

Sperlonga 3

Maranola 1 castrum Argentum 2

Formies 4 faubourgs de Gaète 6

Scauri 1

MinturnesTraetto 2

Gaète 16

0

5 km

S. DESTEPHEN del.

Fig. 9 – Les églises attestées dans le duché de Gaète aux ixe-xiie siècles. Au début du ixe siècle, la cathédrale n’est plus qu’une église qui, de son passé épiscopal, conserve une allusion dans sa dédicace, Saint-Pierre in episcopio689. Affaiblie, Formies conserve son siège épiscopal et, au début du ixe siècle, un évêque y réside690. Le choc des raids arabes lui est fatal. En 846, le siège épiscopal, ruiné et déserté, est définitivement transféré à Gaète avec les reliques de saint Érasme691. La cité et sa cathédrale disparaissent des sources pendant presque un siècle. En 934, l’église Saint-Érasme de Formies, devenue propriété privée ducale, est concédée à des particuliers par Docibilis II et son fils Jean II692. En 959, l’ancienne cathédrale de Formies est transmise par Jean II à son

689.  CDC, vol. I, 6 – 839 : adlocauimus bobis « Trasari presbytero » Lupari conductori et Sassi et Rosiani Viti « Romoaldus » Iulianus germani fratribus abitatores in locum qui apellatur Masurianu famuli uero ueati Petri apostoli in episcopiu. Ibid., p. 11, n. a : les guillemets indiquent les noms ajoutés par une deuxième main dans l’acte. 690.  CDC, vol. I, 4 – 831 (?). 691.  CDC, vol. I, p. 7, n. a ; cf. Merores, Gaeta, p. 2. 692.  CDC, vol. I, 36 – 934.

CHAPITRE 3  • L’ENCADREMENT PASTORAL

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frère Léon, les « tenanciers » de 934 conservant l’usufruit jusqu’à leur mort. Léon a obligation de s’assurer qu’un prêtre desserve l’édifice693. Outre Formies, les sources évoquent les bouleversements qui affectent le territoire de Gaète. Il est fait mention d’églises ruinées et des difficultés de trouver des desservants pour toutes les églises du diocèse, en particulier celles hors de Gaète. En 889, l’évêque Deusderius (Desiderius  ?) confie au desservant de l’église Saint-Archange in Monte, située à Gaète, une église Sainte-Marie extra portam694. Un siècle plus tard, le réseau des églises dans le territoire du duché n’est toujours pas reconstitué. Deux églises illustrent cette situation. La première, Saint-Pierre in Virga près de Formies, a été abandonnée avant le milieu du xe siècle695. En 1002, « déserte et dépourvue de toit », l’église fait l’objet d’un échange foncier avec des terres voisines696. Les attaques des Sarrasins, malgré leur défaite au Garigliano, en 915, constituent une menace sur le littoral jusqu’au début du xie  siècle. En 1011, l’évêque Bernard évoque la ruine, provoquée par les Sarrasins, de l’église des Saints-Côme-et-Damien. La destruction de l’édifice, établi aux portes de Gaète, dut se produire après 997, date d’accession de Bernard à l’épiscopat, puisque l’évêque indique que l’église a subi l’attaque des Sarrasins après qu’il l’eut confiée à un prêtre et son fils697. Les dégâts semblent importants car le desservant

693.  CDC, vol. I, 59 – 959 : post uero hobitum suprascripti domni Docibili duci genitori nostro et post obitum suprascripte Vone relicte quoddam Leunti et de suprascripto Leone filio suo tunc statim suprascripta ecclesia sancti Herasmi posita in Furmia. […] et in omnibus at suprascripta ecclesia pertinentibus quomodo illam suprascripta Vona cum suprascripto Leo filio suo omnibus diebus uite eorum tenere uisi sunt in uestra et heredibus uestri sit potestatem in sempiternum in eo uero tenore ut omni tempore in suprascripta eccclesia nostra sacerdotem habere debeatis uos et heredes uestris qui ibidem officium semper facere deueat. 694.  CDC, vol. I, 17 – 889. Au début du ixe siècle, l’évêque Jean de Formies confirme et complète dans son testament les dons effectués à l’église Sainte-Marie extra portam, voir CDC, vol. I, 4 – 831 (?). L’église ne semble pas touchée alors par une calamité. 695.  CDC, vol. I, 52 – 954 : Et habeat de terra seminatoria sactione modia decem at iustum modium posita in Palazzu at Caba sub silice antica de Santo Petro in Virga, sicut tenditur ad ipsa columna de dicta ecclesia S. Petri in Virga. 696.  CDC, vol. I, 106 – 1002 : pro eo quod ad uicaneum recepimus a uobis in concambiatione alia una petia de terra de suprascripto uestro archio qui ponitur in Palazzo una cum una aecclesia uocabulo sancti Petri in Virga dissertas et distectas. 697.  CDC, vol. I, 97 – 1011 (997 est erroné) : quia habuit data et concessa Leoni presbitero et primicerio siue ad Constantium diaconus eius filius tota et inclita ipsa ecclesia bocabulus sancti Cosme et Damiani cum omnia sibi pertinentibus et cum suis bocabulis possita foras istius ciuitatis set pro nos­ tris peccatis de suprascripte ciuitate uenerunt gens Hagarenorum ipsa hecclesia diruerunt et omnia sua pertinentias de […]e destruerunt. Les églises du littoral semblent touchées alors que d’autres sont peutêtre épargnées, comme l’église Saint-Laurent, sur les hauteurs de Formies à Maranola, mentionnée de 830 à 1124.

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préfère quitter l’église plutôt qu’entreprendre des travaux, visiblement à sa charge698. L’église et ses biens sont alors attribués à trois clercs romains699. Demeurée sous son contrôle, l’évêque semble considérer l’église comme un bien privé qu’il confie à des desservants et leurs successeurs. La reconstruction de l’église semble à ce prix, même si l’acte prévoit une redevance versée à l’évêché chaque année, lors de la fête des saints Côme et Damien700. Le recours à des clercs romains semble indiquer une pénurie de prêtres, contraignant l’évêque à recruter hors de son diocèse. Un troisième cas semble confirmer les problèmes que connaît l’Église de Gaète. En 1012, l’évêque Bernard confie une église Saint-Sauveur-Sainte-Croix, près de la mer, à un certain Gicto701. Parmi les obligations de ce prêtre figure celle d’assister quotidiennement à l’office de la cathédrale, montrant son lien hiérarchique avec l’évêque et peut-être son appartenance au clergé cathédral702. Mais le prêtre reçoit en sus une seconde église, consacrée à Saint-Grégoire. Outre ses obligations envers la cathédrale, Gicto assure aussi le service de deux églises voisines de Gaète703. Chaque église du diocèse ne possède donc pas, au début du xie siècle, un prêtre attitré. Les monastères jouent un rôle considérable dans la restauration du réseau ecclésial, à charge de reconstruire, si elles sont détruites, les églises qui leur sont confiées, de les entretenir et d’en nommer les desservants. Possédée par la famille ducale, l’ancienne

698.  Ibid. : Hunde per tertia uicem probocabit suprascripto Leo presbitero et primicerio ud si placu­ isset ei conciare place… are et in sua potestates eam habere. Insuper et bocabit eum modo suprascripto Leo primicerio hante Marinus presbiter de sancta Romana ecclesia… Martha et Iohannes presbiter de sanctus Petrus et plures aliis clericis istius ciuitatis, ut si bolere eam ipse primicerius conciare ipsa ecclesia concietis et maneat in sua potestates, et si non boluerit dicere nobis ; set ipse dixit nobis quod non potuisse eam conciare set presentialiter refutauit loco nobis ipsa suprascripta ecclesia cum omnia sua bocabula hante suprascripti presbiteri et plures aliis. 699.  Ibid. : Hunde ab odierna die et in omnem phuturum tempus concedo et trado uobis suprascripti Betrus presbiteri et Benedictus et Bonus canonaci et ad omnes uestros postere sucessore tota et inclita ipsa suprascripta eclesia ruinata bocabula sancti Cosme et Damiana cum omnia sua terra bacua possita foras istius ciuitatis damus eam uobis et concedimus cum omnem pannos et cortina et codece quantum hodic habemus cum omnie terre et bocabula had detinendum et ad oficiandum et conciandum et alaborandum et meliorandum uos et ad uestris posteris sucessoribus. 700.  Ibid. : tantummodo et tali hordinem hud siue uos siue uestris posteris sucessoris detis nobis et ad nostri posteri sucessoris uel in nostro episcopio omnis annos in die sancti Cosme et Damiani cubita de cerea sex. 701.  CDC, vol. I, 126 – 1012. L’église est déjà mentionnée dans CDC, vol. I, 14 – 887. 702.  Ibid. : Insuper autem homnibus diebus uite tue qui supra Giczo uenerabilis presbiter uenire deueas ad hofficium in nostrum predictum episcopium sicut hantea uenire consueueras. Cette obligation est répétée pour le fils du desservant auquel doit ensuite revenir l’église : et hoc memoramus quod superius, minime diximus, ut post ouitum tuum qui supra Iohannes uenerauilis presbiter ipsum filius tuus qui suprascripta ecclesia abuerit uenire deueas ad hofficium in nostrum predictum episcopium. 703.  Ibid. : et foris ciuitatem ecclesia sancti Gregorii cum homni sua pertinentia.

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cathédrale de Formies passe, au xie siècle, sous le contrôle d’un monastère érigé sur le site, peut-être à l’initiative des ducs de Gaète704. L’église, déjà mentionnée, de SainteMarie extra portam connaît un destin similaire. En 958, elle est désormais la propriété du monastère Saint-Michel-Archange de Gaète et l’abbé reçoit les dons accordés à l’église705. Quarante ans plus tard, l’abbé confie l’église à une moniale et son « fils adoptif », le prêtre Étienne706. Le même transfert d’églises privées aux monastères, observé à Naples, se manifeste à Gaète. Le phénomène se situe dans la seconde moitié du xe siècle. Avant 958, on ne trouve aucune mention d’église appartenant à un monastère. En 997, les ducs Jean III et Jean IV confirment au monastère gaétan des Saints-Théodore-etMartin la propriété de trois églises, toutes situées autour de Minturnes707. L’origine des sources, issues en partie des fonds de l’église cathédrale et des archives du Mont-Cassin, permet d’observer le phénomène de transfert d’églises sous un angle différent. En 1009, l’évêque de Gaète s’oppose au monastère du Mont-Cassin, dont la puissance est connue708, pour la propriété d’une église Sainte-Scholastique, située intra muros. L’église a été confiée au Mont-Cassin par l’évêque Étienne (972-995). L’acte précise que l’évêque Bernard a annulé ce don afin de soustraire l’église au monastère et la placer sous son autorité. Le Mont-Cassin porte l’affaire devant les juges et obtient la confirmation, basée sur le droit affirme l’acte, de la pleine propriété de l’église709.

704.  La première mention d’un monastère Saint-Érasme sur le site de l’ancien évêché de Formies date de 1000. Voir CDC, vol. I, 103 – 1000. À propos de ce monastère, voir Ciampani, L’ex cattedrale di S. Erasmo, p. 49-58. 705.  CDC, vol. I, 57 – 958 : dodamus donamus et tradimus atque a die presentis per te Leonem uenerabilem abbatem transcribimus ad eclesias sancte Marie foras porte istius suprascripte ciuitatis. 706.  CDC, vol. I, 98 – 998. 707.  CDC, vol. I, 91 – 993. Il s’agit des églises Saint-Ange in Placiano, Saint-Pierre-Apôtre située dans le port de Scauri et de Sainte-Marie au castrum Argentum (Monte Argento près du site antique de Minturnes). Il est intéressant de constater que les ducs de Gaète se posent en protecteurs des églises et des monastères de leur duché : Igitur quia Dei potentia amministrantes uenerabilium locorum qualitatem, unusquisque debet esset adiutor et protector maximeque defensor. 708.  Voir p. 200 et suivantes. 709.  CDC, vol. I, 117 – 1009 : idest de altercationes quod uobiscum abuimus de ecclesia sancte Scolastice situm infra hac ciuitate ad montem super portam nouam quem uero ecclesiam in suprascripti uestro monasterio offeruimus Stephanus episcopus bone memorie. Sed nos quidem ipsam ecclesiam subtraximus sub uestro monasterio modo quidem horta est inter nobis et uobis intentio ex ipsa predicta ecclesiam sancte Scolastice et proinde indiximus nos uobiscum ad legem et dum essemus utriusque partibus ad iudicium hostendisti ipsa chartulam quod ad uestro monasterio fecerat superscriptus Stephanus episcopus bone memorie quod uero chartulam dum ad iudicium esse hostensa et relectam statim cognouimus nos et ipsi iudices quod per legem non possumus sub uestro monasterio sancti Benedicti subtrahere ipsam ecclesia sancte Scolastice sed qualiter eadem ecclesiam cum sua omnia pertinentiam dedit et offeruit predictus Stephanus episcopus taliter decet haberet uestro monasterio in sempiternum.

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On est frappé par les considérations purement juridiques, relevant du droit privé, qui l’emportent sur l’autorité épiscopale. Ce cas illustre la déprise du contrôle épiscopal sur le réseau des églises du diocèse et la reconnaissance des églises privées comme de simples propriétés. Une autre église, consacrée au Sauveur et à saint Benoît, située à Gaète sur la Platea maior, appartient aussi au Mont-Cassin710. En 1024, la renonciation de son desservant prend un caractère contractuel pour garantir au monastère la conservation des biens appartenant à l’église. L’abbé du Mont-Cassin fait, au même moment, rédiger un acte pour entériner cette renonciation711. Emblématique de l’influence des monastères dans l’encadrement pastoral, un établissement monas­ tique s’installe, comme nous l’avons vu, à l’emplacement de l’ancienne cathédrale de Formies712.

Amalfi : un réseau public ou privé ? Reconstituer le réseau des églises et des monastères se heurte, à Amalfi, au petit nombre de sources disponibles pour le haut Moyen Âge. Seuls cinq monastères apparaissent dans les actes notariés713. En revanche, plus d’une trentaine d’églises sont localisables autour d’Amalfi : la grande majorité se trouve sur le littoral, contre moins d’une dizaine dans la ville. L’essentiel des mentions est postérieur à l’an mil, mais le hasard des sources conservées interdit de dater avec précision la période de (re)constitution du réseau ecclésiastique amalfitain. Si, dans les autres duchés tyrrhé­ niens, il est difficile de déterminer en règle générale le caractère public ou privé d’une église, plus de la moitié des églises attestées possèdent un caractère privé. Cette importance des églises privées ne résulte pas des sources conservées, mais de la géographie ecclésiastique du duché. Élevé au rang d’archevêché à la fin du xe  siècle, le siège d’Amalfi dispose de diocèses suffragants peu étendus. L’existence d’un véri­ table réseau d’églises publiques articulé autour des cathédrales est incompatible avec la taille de ces diocèses. Davantage qu’à Naples et Gaète, l’encadrement pastoral du duché d’Amalfi est assuré, dans une large mesure, par des églises privées.

710.  CDC, vol. I, 144 – 1024 : Léon, prêtre et protonotaire f. qd. Dominici, habitant de Gaète, renonce à la moitié de l’église du Saint-Sauveur-Saint-Benoît située à Gaète, in Platea maiore. L’église lui avait auparavant été concédée par Theobaldus, abbé du Mont-Cassin, attesté entre 1023 et 1035-1037. L’église est mentionnée une première fois à propos d’un don effectué par l’intermédiaire de son prêtre Melitus, voir CDC, I, 14 – 887. 711.  CDC, vol. I, 145 – 1024. 712.  Première allusion à un monastère Saint-Érasme dans CDC, vol. I, 103 – 1000. 713.  Il s’agit des monastères Saint-Laurent à Amalfi, Saint-Cyrice et Saint-Thomas à Atrani, d’un monastère non identifié à Scala et d’un monastère Saint-Syméon non localisé.

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Retour sur les îles au haut Moyen Âge Les sources du haut Moyen Âge éclairent parfois la vie religieuse des îles au large des duchés tyrrhéniens, déjà évoquée à la fin de l’Antiquité714. Après 400  ans de silence, les îles pontiennes réapparaissent, en 976, dans un acte notarié de Gaète715. Une vie monastique est de nouveau attestée, sans qu’on puisse supposer de continuité avec les établissements connus par la correspondance de Grégoire le Grand. En 976, l’abbé du monastère Saint-Ange-et-Saint-Magnus de Sperlonga, près de Gaète, s’oppose à un moine Georges. Les lacunes du document rendent sa compréhension difficile. Le désaccord porte en particulier sur l’île de Zannone, la plus petite de l’archipel pontien. Cette île est la propriété de l’église Saint-Nicolas qui s’y trouve. Le moine Georges semble surtout exploiter la pêcherie et la réserve de chasse716. La vie communautaire paraît réduite, mais le désaccord ne porte que sur les rede­vances que réclame le monastère et qu’accepte de verser George717. À la mort du moine et des deux successeurs qu’il aura désignés, l’ensemble doit revenir au monastère718. L’île voisine de Palmarola est évoquée dans un document de 1063719, qui apporte des précisions sur la propriété de l’île et complète les informations du précédent acte. Avec l’accord, jugé nécessaire, de l’évêque et du « peuple » de Gaète, la duchesse Marie et son fils, le duc Aténolf II, concèdent l’île contre un loyer au monastère gaétan des Saints-Théodore-et-Martin. L’île ressortit au domaine public, peut-être est-ce le cas de tout l’archipel. Une église Sainte-Marie se trouve à Palmarola et le monastère a pour mission d’y fonder un couvent720. Comme pour Zannone, la vie religieuse

714.  Voir p. 73 et suivantes ; Martin, « Da Ponza alle isole Sirenuse », p. 114-119 sur le patrimoine ecclésiastique et les monastères. 715.  CDC, vol. I, 70 – 976. 716.  Ibid. : Idest ecclesiam beati Nicolaii confessoris Christi cum tota insula de Sennone et piscariam a iamfato Greorgio presbytero pastenata, atque cum ipsa casa coturnicaria et pergulis iusta eodem oratorio cum introiitu et exitu per mare omnibus (…). 717.  Ibid. : suprascrittam ecclesiam sancti Nicolaii confessoris cum uinea, et domus uel cum omnibus ad eam pertinentibus ut superius legitur dare, atque interesse debeatis suprascriptis personis (…) per unumquemque annum rationibus propter pasionarium dationem uidelicet modia ordei tres, de feno autem currum unum propter utilitatem dictorum quoque fratrum ibidem ospitantium ad ipsas uero fratres panem, et uinum et pulmentaria sicuti regula S. Benedicti praecipit. 718.  Ibid. : Post uero obitum praetexati Georgii et duabus aliis personis unum pro alio succedente ut superius legitur ex tunc suprascripta ecclesia cum omnia sua pertinentia sicuti fuerit (…) melioratas ad ius suprascripti uenerabilis monasterii curam (…). 719.  CDC, vol. II, 218 – 1063. 720.  Ibid. : Idest totam et inclitam ipsa insula que dicitur Palmaria qui est ex nostro palatio rei publice una insimul cum ecclesia beate Dei genitricis et uirginis Marie qui ibidem modo constructa esse

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sur Palmarola semble réduite, voire inexistante. On n’évoque nul desservant pour les deux églises qui s’y trouvent et la mission confiée au monastère de Gaète traduit une tentative de développer la vie religieuse. L’intérêt du monastère des Saints-Théodore-etMartin n’est pas évident. Certes l’île offre un potentiel économique avec des pêcheries et dispose d’eau douce, mais le souci d’établir une communauté de moines relève d’une initiative des ducs de Gaète, comme en témoigne le loyer modique. On ignore le sort de ce monastère qui n’est plus attesté par la suite. L’isolement et l’exiguïté de l’île, à peine un kilomètre carré, rendent la viabilité de l’entreprise incertaine. Les îles de la baie de Naples sont moins hostiles et plus proches du continent. Fermant le golfe au nord-ouest, Ischia est évoquée dans un seul acte, daté de 1036721. Important pour les informations qu’il fournit, le document confirme les dons effectués par le comte et la comtesse d’Ischia, dotés d’une autorité politique sur l’île, à une image sainte conservée au monastère Sainte-Marie, sur le mont Cementara. Les dons se composent de biens fonciers et d’un oratoire dédié à sainte Restituta. Les donateurs ont reconstruit l’église qui, jusqu’au début du ixe siècle, abritait le corps de la sainte africaine, ensuite transféré à Naples722. L’édifice était resté en ruine jusqu’à cette date. Ce détail confirme la reprise des constructions d’églises dans le duché de Naples au xie siècle, et montre le rôle joué par les monastères et les laïcs, ici des aristocrates, dans le développement du réseau ecclésial. Outre le monastère du mont Cementara, d’autres établissements religieux sont mentionnés : le monastère Saint-Sauveur in insula Maris (Castel dell’Ovo), propriétaire foncier sur l’île, et deux autres monastères situés à Ischia, Saint-Ange et Saint-Constantin723. La densité des établissements monastiques

uidetur et cum suis omnibus pertinentiis terre marique propter ibidem monasterium hedificandi et uiros Deo seruiendi. 721.  RNAM, vol. IV, 367 – 1036. 722.  Ibid. : Idest integrum casalem nostrum qui nominatur at Bicum, in qua nos indignis horatorium construximus ha nobo fundamine had onore ipsius Christi uirginis et martire Restitute, situm bero in memorata insula nostra que Enaria uocitatur qui et insula maior dicitur. À propos du culte de sainte Restituta et son dossier hagiographique, qui ne remonte guère au-delà du xe  siècle, voir Galdi, « Istituzioni religiose e culti », p. 162-170 ; également Lucherini, La cattedrale di Napoli, p. 81-88. 723.  RNAM, vol. IV, 367 – 1036 : faceremus ymaginem in qua eorum sacre effigies pingere faceremus et ditaremus illa de nostris rebus et substantiis et ordinaremus illa intus ecclesia nostri monasterii que ipsius Domini matris hadest sita in monte qui dicitur Cementara […]. A presenti die promtissima uolumtate firmamus et tradidimus uobis domino Petro uenerabili abati ipsius nostri monasterii, et per te in eodem ymaginem que statuimus in eodem nostro monasterio (monastère Sainte-Marie du mont Cementara) ; ibid. : et a parte septemtrionis terra monasterii Saluatoris insule Maris (monastère du Sauveur in insula Maris) ; ibid. : simulque hofferimus et firmamus uobis et integrum casalem nostrum et bineas que nominatur at Simplignana, qualiter descendit usque at monte quod est a parte monasteri nostri sancti Hangeli alloquio (monastère Saint-Ange) ; ibid. : simulque hofferimus et firmamus uobis et integrum

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dans l’île, protégés et peut-être favorisés par le comte et la comtesse d’Ischia, semble élevée. Ces monastères contribuent sans doute autant, sinon davantage à l’encadrement pastoral que l’évêché d’Ischia dont le même acte évoque une propriété foncière724. Les sources ne permettent pas de savoir si l’évêché bénéficie des largesses du comte et de la comtesse. On peut cependant penser que le patrimoine de l’Église d’Ischia, à l’instar de celui des évêchés suffragants d’Amalfi ou de Sorrente, demeure très limité725. Située entre Ischia et le cap Misène, l’île de Procida demeure dans une obscurité presque complète durant le haut Moyen Âge. Seul un document de 1026 mentionne l’existence d’un monastère masculin du Saint-Ange, sans autre détail726. La petite île de Nisida, à l’est du golfe de Pouzzoles, n’est pas davantage éclairée727. L’actuel Castel dell’Ovo, près de Naples, connaît en revanche une histoire mieux documentée. L’antique île de Mégaride est rebaptisée île du Sauveur au haut Moyen Âge. Elle est mentionnée dans les Gesta par Jean Diacre, car l’évêque Athanase Ier s’y réfugie pour échapper à son neveu, le duc Serge II728. La Vie d’Athanase précise que l’évêque réorganise la vie monastique de l’île, qui compte plusieurs cellules depuis le viie siècle729. Le saint évêque a peut-être incité cette modeste communauté à adopter la règle de saint Benoît. À la différence des établissements du castrum Lucullanum, le monastère de l’île du Sauveur ne semble pas avoir été transféré à Naples. Défendue par la flotte du duché, l’île est sans doute moins exposée aux raids sarrasins. La transfor­ mation de l’île en forteresse au début du xiie siècle oblige le monastère à se réfugier à S.  Pietro in Castello, dans l’ancien castrum Lucullanum730. Il est également possible que la petite communauté se soit réfugiée, de manière temporaire, à l’abri des murailles de Naples. Un lien étroit paraît exister entre le monastère et la famille ducale, peut-être depuis Athanase Ier. Le monastère reçoit de riches donations des ducs

casalem nostrum et bineas que nominatur at Simplignana […], ha parte hoccidentis sicuti redit super terra monasterii nostri sancti Constantii et badit iusta cesa que nominatur de Campulo et quomodo exinde ascendit usque at Cilio montis (monastère Saint-Constantin). 724.  Ibid. : et terra episcopatui nostri sancte sedis ipsius nostre insule. 725.  La bibliographie récente sur l’histoire d’Ischia m’est restée malheureusement inaccessible ; citons, à titre indicatif, la brève synthèse de Cilento, « I rapporti fra Ischia e il ducato », p. 97-112 ; ainsi que plusieurs travaux de Monti, Ischia ; Id., « Testimonianze bizantine sull’isola d’Ischia », p. 57-79 ; Id., Ischia altomedievale. 726.  MND, vol. II/1, 408 – 1026. 727.  MND, vol. II/1, p. 183. B. Capasso identifie l’île au toponyme Gipeum où un monastère SaintArchange est mentionné en 1043 ou 1061 dans un résumé d’un document de Saint-Sébastien. 728.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 65, p. 435, l. 17-19 : Diebus igitur decem exple­ tis, commeatum petiuit, quasi conuiuium monachis insulae Saluatoris exhibiturus. 729.  Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 18, p. 347. 730.  Gay, L’Italie méridionale, p. 55-56 ; Martin, « Les fortifications de Naples », p. 306.

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de Naples et des princes lombards. La fréquence des mentions de ce monastère, dans les actes des xe-xie siècles, témoigne de son essor, une fois les périls écartés731. L’écueil de Rovigliano, voisin du littoral de Castellammare di Stabia, a déjà été évoqué. Sa communauté monastique pâtit d’un environnement exigu, hostile, éloigné de la côte, autant de sources de précarité pour un groupe de moines sans doute très réduit. Évoqué une première fois en 938, le monastère apparaît en 994 comme bénéficiaire d’un don732. Sa disparition des sources après cette date indique peut-être sa ruine. La dernière île, présente dans les sources depuis l’Antiquité, est Capri733. Moins grande qu’Ischia, l’île possède des caractéristiques similaires : un peuplement ancien, des conditions favorables à l’installation humaine et au développement d’un réseau religieux plus étoffé que dans les autres îles. Au début du viiie  siècle, elle dépend encore du patrimoine romain de Naples, puis se trouve intégrée au duché d’Amalfi734. Siège d’un évêché au xe siècle, comme Ischia, l’île apparaît peu dans les sources conser­ vées. La seule attestation d’un évêque date de l’élévation d’Amalfi au rang d’archevêché, en 987735. Dans les actes amalfitains, la plupart des mentions concernent des transactions foncières dont bénéficie, entre autres, le monastère Saint-Laurent d’Amalfi736. On ne trouve aucune allusion à une vie religieuse ou un réseau pastoral. Un acte de 1025 évoque un domaine situé près de Saint-Constantin, sans préciser s’il s’agit d’un toponyme ou d’un édifice religieux737. Un autre document mentionne Jean, prêtre et moine de Caprile, mais on ignore s’il en est originaire ou incardiné dans un établissement de l’île738. La disparition des sources joue un rôle majeur dans le brouillard historique qui entoure l’île à cette époque. Les incursions sarrasines ont peut-être aussi pesé sur Capri.

731.  La première mention du monastère dans les actes de la pratique date de 937, voir RNAM, vol. I/1, 29 – 937. La dernière mention pour la période étudiée, date de 1131 dans MND, vol. II/2, Appendix, 5 – 1131. 732.  RNAM, vol. I/1, 30 – 938 ; RNAM, vol. II, 237 – 994. 733.  Les principaux événements politiques – ils sont peu nombreux ou plutôt mal connus pour le haut Moyen Âge en raison de la pauvreté des sources conservées – sont récapitulés par Casale, « Ischia, Procida, Capri », p. 125-141 ; une synthèse de micro-histoire religieuse, à forte tonalité hagiographique, est tentée par Galdi, « Istituzioni religiose e culti » p. 159-160 et 173-176 sur les monastères attestés dans les îles d’Ischia et de Capri durant le haut Moyen Âge. 734.  Kehr, Italia pontificia, vol. VIII, p. 399. L’île passe sous l’autorité d’Amalfi entre le ixe et le xe siècle. 735.  Ibid., p. 400 : l’archevêque Léon d’Amalfi consacre Jean évêque de Capri vers 987. 736.  Dons de biens fonciers situés à Capri au monastère Saint-Laurent d’Amalfi : CP, 25 – 983 ; CP, 26 – 990 ; CP, 51 – 1059 ; CP, 85 – 1090 ; CP, 91 – 1098. Propriétés du monastère à Capri : CP, 49 – 1067. 737.  CP, 52 – 1025 : in insula capritana positum, iusta Sancto Constantio. 738.  CP, 9 – 993 (?). le prêtre et moine est propriétaire d’une terre à Praiano, à l’ouest d’Amalfi, ce qui fait douter de son rattachement à l’île de Capri.

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L’exemple d’Ischia montre cependant un véritable développement de la vie monastique dans une île. L’absence d’attestations similaires à Capri invite à la circonspection739. Les spécificités propres au caractère insulaire, observées à la fin de l’Antiquité, se retrouvent durant le haut Moyen Âge : la difficulté d’une implantation religieuse stable et importante, accentuée pour les îles éloignées du continent ou exiguës, et un monachisme exclusivement masculin. Les îles sont exposées aux aléas politiques, économiques, voire climatiques. Les structures ecclésiastiques demeurent clairsemées, parfois éphémères. De fait, le monachisme sur les îles n’a guère vocation à mener une action pastorale. Ce sont surtout des « déserts » destinés à l’érémitisme, même de groupe.

IV.  Clergé, liturgie et reliques pour encadrer les fidèles Le service des églises au quotidien n’apparaît que dans les actes notariés, en par­ti­ culier les contrats de desservants. Dans ces documents, il faut chercher les détails qui permettent de mesurer l’ampleur et la mission du clergé auprès des fidèles. Toutefois, une institution spécifique apparaît dans les sources documentaires : les congrégations sacerdotales, structures originales qui exercent une action déterminée auprès des fidèles. Culte rendu à Dieu, la liturgie se manifeste dans le rituel ecclésiastique, mais a des incidences sociales740. Les sources du haut Moyen Âge, éloignées de ces questions, manifestent dans la région les préoccupations liturgiques de l’Église et des fidèles. Les Gesta éclairent l’action des évêques de Naples dans ce domaine, en leur accordant une place centrale dans la liturgie et en détaillant les objets sacrés dont ils comblent leur Église. Dans les actes de la pratique, la liturgie fait partie, au même titre que les biens fonciers, des obligations contractuelles qui engagent les desservants. Dans cette perspective, la documentation offre des informations détaillées, en particulier pour les églises privées ou les monastères dont la liturgie gagne en influence au cours du haut Moyen Âge, au point de sortir du cadre monastique. Enfin, les reliques occupent une place particulière, déjà évoquée par la correspondance de Grégoire le Grand. En apparence bien dotée, l’Église de Naples ne possède pas de reliques assez presti­ gieuses pour attirer les pèlerins vers ses sanctuaires.

739.  Kehr, Italia pontificia, vol. VIII, p. 400 : le monastère Saint-Étienne, évoqué par Grégoire le Grand à la fin du vie siècle (voir partie 1, chapitre 1), est encore mentionné au début du viiie siècle, mais disparaît ensuite des sources. 740. Au milieu d’une bibliographie abondante, en particulier dans le monde anglo-saxon, nous renvoyons à quelques travaux récents : L’adattamento culturale della liturgia, éd.  Scicolone, de tonalité contemporaine. Un exemple d’évolution de la pratique liturgique en Italie méridionale du haut Moyen Âge, celle de l’horaire de célébration de l’office, est transmis par un apocryphe liturgique composé à la fin du viiie siècle et connu, entre autres, par un manuscrit napolitain du début du xiie  siècle. Voir Reynolds, « A south italian liturgico-canonical mass commentary », p. 639-640,

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Le service des églises à Naples Dans les actes de la pratique, le mot custos désigne un prêtre attaché à une église741. Le terme sacerdotes indique souvent un groupe de prêtres, une congrégation sacerdo­ tale742. Mais cela ne constitue en aucun cas une règle743. L’attachement d’un clerc à son église fait partie des prescriptions récurrentes des canons conciliaires et synodaux du haut Moyen Âge744. Nombre de prêtres apparaissent à l’occasion d’une mention de terre dont ils sont les propriétaires, sans que l’on sache toujours s’ils vivent sur leur bien foncier745. En revanche, le lieu de résidence de certains prêtres est connu, mais on ne peut toujours savoir s’ils y exercent une activité pastorale746. Toutefois il existe des allusions à des clercs résidant sur le lieu de l’église qu’ils desservent747. D’une manière générale, seuls les prêtres qui font l’objet de demandes précises des fidèles et sont appelés à y répondre sont accompagnés de la mention de l’église où ils exercent leur sacerdoce. Cela apparaît pour les desservants des églises privées. Il est ainsi possible de connaître le nom d’une cinquantaine de prêtres et celui de leur église, parfois de suivre leur ministère sur plusieurs années, voire plusieurs générations. Les églises pour lesquelles les mentions de desservants sont les plus documentées appartiennent à des monastères de Naples et sont situées, pour la plupart, à l’intérieur de la ville. Pour deux églises privées,

réimpr. Id., Law and liturgy, XII ; Bullough, « The carolingian liturgical experience », p. 40-41 et 52-54, qui évoque la participation plus grande de la communauté des fidèles aux célébrations liturgiques accomplies dans les cathédrales que dans les églises rurales, du moins jusqu’à l’époque carolingienne qui voit une sophistication et une cléricalisation de la liturgie. Voir également la rapide mise au point sur les adaptations liturgiques à l’époque médiévale de l’Ordo Romanus et le progressif éloignement des fidèles de toute participation, en fait dès l’époque carolingienne, dans Metzger, Histoire de la liturgie eucharistique, p. 136-144 ; dans le même sens, Palazzo, Liturgie et société, p. 84-85. 741.  E.g. RNAM, vol. I/1, 89 – 960 : domino Gregorio umilis presbytero custus ecclesie sancti Eufimi. 742.  E.g. RNAM, vol. I/1, 17 – 930 : pro anima mea per sacerdotes. 743.  Voir p. 250. 744.  Cet impératif figure notamment dans le septième canon du synode de Naples à la fin du ixe siècle, cité par Martin, « Le rôle de l’Église de Naples », p. 56. 745.  E.g. RNAM, vol. I/1, 41 – 945 : mention d’une terre du prêtre Palumbus, voisine d’une terre située à Miana. 746.  E.g. RNAM, vol. I/2, 78 – 957 : un prêtre habitant au lieudit Ferrunianum Pittulum en Liburie prend en tenure des terres appartenant au monastère du Saint-Archange ad Baiane ; RNAM, vol. I/2, 113 – 965 : les habitants du lieudit Faibanum font un don pour le salut de l’âme du défunt Palumbus, prêtre, qui a demeuré à Faibanum. 747.  E.g. RNAM, vol. VI, 590 - 1126 : le prêtre Riccardus, habitant à Portici quod est foris flubeum est le desservant de l’église Saint-Pierre ad Calistum, lieudit à proximité de Portici. Voir les remarques de B. Capasso dans MND, vol. II/1, p. 177.

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Saint-Euthyme dans la région Marmorata et Saint-Sévère dans la région Summa Platea, la liste des desservants est presque complète sur environ deux siècles. La possession de ces deux églises par le monastère des Saints-Serge-et-Bacchus explique la conservation de ces informations748. Plusieurs aspects du service de prêtres à la tête d’églises, en l’occurrence privées, apparaissent. Il s’agit d’abord des conditions de leur nomination. En théorie, le droit de désigner un desservant relève de l’évêque, le seul à pouvoir nommer un prêtre à la tête d’une église de son diocèse et, si besoin, le relever749. La pratique sud-italienne est plus souple, notamment à Naples où la désignation d’un desservant dépend du propriétaire de l’église, qu’il soit ecclésiastique, monastique ou laïque. La fréquente mention de chartulae ordinationis, qui désignent des contrats devant notaire entre un desservant et les propriétaires d’une église, atteste la privatisation du droit épiscopal de désignation de prêtres au service d’un lieu de culte750. Le choix et la désignation des desservants des églises privées obéissent à des considérations stipulées par les propriétaires dans les contrats. Le premier objectif de ces actes est de fixer en droit, sous une forme contractuelle, les engagements du propriétaire et ceux du desservant. En cas de changement de propriétaire, le nouvel ayant-droit s’engage à ne pas révoquer le desservant déjà institué. En 920, les propriétaires de l’église Sainte-Euphémie,

748.  Pour l’église Saint-Euthyme, il s’agit du prêtre Grégoire : RNAM, vol. I/2, 72 – 956 ; RNAM, vol. I/2, 89 – 960 ; RNAM, vol. I/2, 113 et 115 – 965 ; MND, vol. II/1, 162 – 967. Le prêtre Marinus : RNAM, vol. I/2, 139 – 970 ; RNAM, vol. I/2, 154 – 973. Le prêtre et primicier Léon : RNAM, vol. II, 221 – 990 ; RNAM, vol. II, 236 – 994. Un prêtre ayant pour cognomen Cintrutus (nom effacé) et le clerc Jean : RNAM, vol. IV, 353 – 1032. Le prêtre Jean surnommé Troccularo : RNAM, vol. V, 462 – 1093. Le prêtre Pierre appelé Aurilio : RNAM, vol. V, 482 – 1095 ; RNAM, vol. V, 483 – 1095. Pour l’église Saint-Sévère, il s’agit du prêtre Maurus : RNAM, vol. I/1, 21 – 934 ; RNAM, vol. I, 32 – 939. Le prêtre Étienne : RNAM, vol. I/2, 106 et 107 – 964 ; RNAM, vol. I/2, 178 – 979 ; RNAM, vol. II, 220 – 990. Le prêtre Serge : RNAM, vol. II, 244 et 245 – 997 ; RNAM, vol. IV, 266 – 1002. Jean, sous-diacre de l’Église de Naples : RNAM, IV, 270 – 1003. Le prêtre Jean (probablement différent du précédent) : RNAM, vol. IV, 332 – 1027 ; RNAM, vol. IV, 336 – 1027 ; RNAM, vol. V, 400 et 401 – 1058 ; RNAM, vol. V, 403 – 1063. Le sous-diacre Jean et son frère le clerc Grégoire (fils du précédent prêtre Jean) : RNAM, V, 414 – 1071. Le clerc Grégoire (seul) : RNAM, vol. V, 416 – 1072 ; RNAM, vol. V, 417 – 1073. Le prêtre Jean : RNAM, vol. VI, 610 – 1130. 749.  De manière plus générale, entre autres études pour le haut Moyen Âge sur l’administration du sacrement d’ordre par l’évêque seul, voir Ellard, Ordination anointings, p. 14-17 ; Ott, Le sacrement de l’ordre, p. 129-131 et 142-146 ; Palazzo, Liturgie et société, p. 54-56. Pour l’Antiquité tardive, voir la synthèse de Lécuyer, Le sacrement de l’ordination, p. 214-218. 750.  E.g. RNAM, vol. IV, 353 – 1032 : hec chartula ordinationis ut super legitur sit firma scripta per manus Sergii primarii. Sur les contrats de desservants, voir les remarques de Toubert, « Monachisme et encadrement religieux », p. 425-427, qui insiste sur le caractère viager et libre de toute tutelle épiscopale de ces contrats.

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à Naples, précisent que l’abbé du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus, qui reçoit l’église en donation, ne pourra choisir le desservant, sauf si les propriétaires ne l’ont pas fait avant leur mort751. La nature indivise d’une église privée aboutit parfois à la multiplication de ses propriétaires et à la désignation de plusieurs desservants pour une même église. Il est fréquent de rencontrer deux desservants à la tête d’une église, comme Sainte-Marie de Domino Reclauso752. Un premier desservant peut être ordonné pour une partie de l’église, un second assurant le service de l’autre moitié, voire du quart de l’église selon la répartition du bien753. En revanche, l’existence d’un collège sacerdotal à la tête d’une église privée n’est pas attestée. Dans un document de 951, l’allusion à des clercs de Cicianum (Scisciano, près de Nola), présents lors du règlement d’un litige entre un Lombard et le monastère de Saint-Sébastien, est à rapprocher

751.  RNAM, vol. I/1, 6 – 920 : Verumtamen si memorata nostra ecclesia nos ambe memorate matrix et filia aut qui super de nos uixerit hordinaurit iuidem siue sacerdotem uel monachum nullatenus resument quauis persona illud quem nos iuidem hordinauerimus commouere uel quauis premium querere per nullum modum. Et si memorata sancta nostra ecclesia inordinata a nobis remanserit post ouitum nostrum, tunc hordinetur ea igumenus qui fuerit in congregatione sanctorum Sergi et Bachi qui nunc congregata esse uidetur in Viridiario absque omni premio. 752.  RNAM, vol. I/2, 183 – 980 : Certum est nos Sergium et [Leonem] humiles presbyteris custodes autem ecclesie uocabulo beate et gloriose Dei genitricis semperque uirginis Mariae domine nostre que dicitur de Domino Reclausum. L’église est située à Naples dans la région Furcillensis. Le grand nombre de propriétaires de la même famille explique peut-être la présence des deux prêtres. Autres mentions de deux prêtres à la tête d’une église privée : RNAM, vol. II/1, 160 – 967 (Saint-Angelus du lieudit Montecalbum). RNAM, V, 446 et 447 – 1088, deux contrats successifs sont effectués à quelques jours de distance avec deux desservants pour la même église (Saint-Pierre ad Paternum). 753.  RNAM, vol. IV, 353 – 1032 : l’église Saint-Euthyme à Naples, propriété du monastère masculin des Saints-Serge-et-Bacchus, a pour desservant d’une première moitié le prêtre (nom disparu) surnommé Cintrutus. L’autre moitié de l’église a été donnée au clerc Jean par une précédente chartula ordinationis (unde reliquas alias sex uncias ex ipsa integra ecclesia cum omnibus siui pertinentibus intus et foris per quouis modum quantum modo dominant et tenent datam abemus a quidem Iohanne clerico filio quidem Mundi presbyteri per chartulam ordinationis). L’église semble pourtant appartenir entièrement au monastère. Peut-être est-ce le résultat d’une entrée différée des diverses parts de l’église dans le patrimoine du monastère. RNAM, vol. VI, Appendix, 40 – sans date : l’église Saint-Jean in Curte dans la région Portanouensis à Naples est donnée au prêtre Jean comme desservant pour le quart appartenant à Maria avec le quart de tous ses biens (Idest integra portione mea quod est quartam de integra ecclesia bocabulo sancti Ioanni in Curte regione Porta Nobense una cum portione mea quod est iterum quarta de omnibus rebus et abitationibus seu cellis ipsius ecclesie pertinentibus de intus et foris mouilium et inmouilium et omnibus eis pertinentibus uel pertinentes fueris). Il se trouve un autre desservant (pour les trois quarts restants ?), nommé Bonus, puisqu’à sa mort l’ensemble reviendra au prêtre Jean (Verumtamen stetit inter nobis ut ad obitum quidem Boni presbiteri qui in memorata ecclesia custus esse uideris memorata integra portione mea de memorata ecclesia cum memorata portione mea de rebus et de abitationibus et cum omnibus siui pertinentibus ut super legitur in tua rebertantur potestatem diebus uite tue ut super legitur).

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des congrégations sacerdotales dont on trouve plusieurs mentions dans les actes napolitains754. Les propriétaires ne sont pas les seuls à désigner le desservant de leur église. Des actes montrent que le desservant peut influencer, voire imposer, le choix de son successeur. En 970, l’higoumène du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus s’engage, par contrat, envers le prêtre Marinus, desservant de l’église Saint-Euthyme. Marinus a été désigné par son prédécesseur et « maître », le prêtre Grégoire755. Il s’agit du premier document mentionnant le monastère des Saints-Serge-et-Bacchus comme propriétaire de l’église Saint-Euthyme. On peut supposer que le prêtre Grégoire possédait l’église et l’a transmise, à sa mort, au monastère, d’où l’allusion à la charte d’ordination de son successeur, Marinus. Toutefois, dans l’acte impliquant Marinus, l’higoumène précise que le prêtre devra, à son tour, désigner son successeur756. Il est possible que Marinus, héritier du prêtre Grégoire, soit le dernier propriétaire de l’église qui, à sa mort, revient en définitive au monastère, d’où le droit pour Marinus de choisir un successeur. L’existence d’un disciple se rencontre ailleurs757. Le rôle du desservant est plus explicite en cas de transmission à sa descendance. Le prêtre Jean est attesté à la tête de l’église Saint-Sévère entre 1027 et 1063. En 1071, ses deux fils, le sous-diacre Jean et le clerc Grégoire, accordent en tenure une terre de l’église, disposant de son patrimoine après la mort de leur père758. Quelques mois plus tard, Grégoire est placé à la tête de l’église Saint-Sévère par l’higoumène des Saints-Serge-et-Bacchus759. En théorie interdite dans l’Église latine, cette pratique se rencontre ailleurs760.

754.  Voir p. 382 et suivantes. RNAM, vol. I/2, 61-951. 755.  RNAM, vol. I/2, 139 – 970 : in tua sit potestate tenendi et dominandi seu frugiandi secundum

tenore et ordine chartule quas tibi quondam domino Gregorio presbytero et medico magistro tuo exinde fecit. 756.  Ibid. : ut super legitur, rebertantur at unum clericum uel presbiterum quale tu ibi relinquere et ordinare uolueris. L’higoumène précise que le clerc ou le prêtre que le desservant aura ordonné à sa mort devra être son disciple : et hoc memorati sumus quia ipse clericus aut sacerdos quas tu at tuum transitum in memorata ecclesia ordinaberis ut super legitur discipulus tuus esse debeas. 757.  RNAM¸ vol. VI, 610 – 1130 : allusion à un disciple du prêtre Jean de l’église Saint-Sévère qui intervient à sa place dans un différend l’opposant à un laïc (sin autem iurare uno disciputo tuo pro uice de memora­ ta ecclesia hante hte michi et dicere […] ego in presentis recepi ab ipso discipulo tuo memoratum sacramentum). 758.  RNAM, vol. V, 414 – 1071 : Certum est nos Iohannis subdiacono et Gregorio clerico uterinis germanis filiis quondam domini Iohannis presbyteri et primicerii qui nominabatur Riatharo [Spatharo] custus uero ecclesie sancti Seberi at Gurgite regione Summa Platea. Les redevances de la terre donnée en tenure dans cet acte doivent revenir pour moitié aux deux frères, pour moitié à l’église Saint-Sévère. 759.  RNAM, vol. V, 416 – 1072. Le frère de Grégoire, le sous-diacre Jean, n’a pas été nommé co-desservant de l’église puisqu’il n’apparaît plus dans l’acte ni dans les suivants. 760.  RNAM, vol. V, 448 – 1088 : Étienne, desservant de l’église Saint-Pierre ad Paternum, se dit fils du sacristain de l’église (Stephanus presbyterum filium quondam domini Dometi presbyteri qui fuit parammonerium memorate uenerabilis ecclesie).

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Le rôle des desservants des églises privées dans l’encadrement pastoral semble inégal. Certaines églises ne sont d’ailleurs pas desservies par des prêtres, mais par des diacres, des sous-diacres et même des moines761. Ils sont, de ce fait, incapables d’administrer les sacrements. Toutefois, dans plus de 80 % des cas connus, les desservants sont des prêtres. Tous ceux de l’église Saint-Euthyme, pour laquelle on dispose du nom des desservants entre 956 et 1095, sont des prêtres et la plupart des églises privées suivent cet exemple. De plus, dans les contrats de desservant, les demandes précises, en particulier à caractère liturgique, illustrent le rôle d’encadrement pastoral des églises privées762.

Le rôle des congrégations sacerdotales Les sources font allusion à d’autres institutions religieuses qui rendent un service sacré aux fidèles : les congrégations de prêtres763. Elles apparaissent dans les documents sous le nom de congregatio chartulae, suivi du nom de l’établissement religieux auquel elles se rattachent764. D’autres documents emploient une autre dénomination, celle de

761.  RNAM, vol. IV, 353 – 1032 : le clerc Jean, desservant de l’église Saint-Euthyme ; RNAM, vol. IV, 316 – 1020 : le sous-diacre Jean, uesterarius du duc de Naples, desservant de l’église Sainte-Euphémie ; RNAM, vol. V, 446 – 1088 : le diacre Serge desservant de l’église Saint-Pierre ad Paternum ; MND, vol. II/1, 160 – 967 : le moine Palumbus, co-desservant de l’église Saint-Ange au lieudit Montecalbum. 762.  Voir p. 322 et suivantes. 763.  Par comparaison, la Romana fraternitas, apparue à la fin du xe siècle, est formée de la réunion de plusieurs associations de prêtres, réparties par paroisse urbaine, afin d’y célébrer des messes commémoratives en souvenir de leurs membres ecclésiastiques défunts. À ce sujet voir Ferri, « La Romana Fraternitas », p 453-466 ; di Carpegna Falconieri, Il clero di Roma, p. 241-250. De manière plus large, sur les congrégations sacerdotales au Moyen Âge, voir Meersseman, « Die Klerikervereine », p. 3-10 sur l’obligation dans le monde carolingien de participer et d’appartenir à des fraternités cléricales diocésaines afin d’instruire chaque membre et le rappeler à ses devoirs avant que ces fraternités ne déploient leurs activités charitables et p. 22-24 sur les confréries cléricales urbaines qui offrent un soutien spirituel et matériel à leurs membres et se dotent de statuts particuliers dont les plus anciens remonteraient aux ixe-xe siècles ; Id., Ordo fraternitatis, p. 113-121, à propos des réunions périodiques ou kalendae, à l’initiative de l’épiscopat carolingien, de prêtres ruraux dès les ixe-xe siècles pour compléter leur formation par l’écoute collective des Écritures ; ibid., p. 183 où l’auteur note l’exclusivisme des confraternités cléricales qui n’admettent pas de laïcs en leur sein ; Rigon, « Le congregazioni del clero », p. 343-360, ici p. 352-353 où l’auteur note la progressive prédominance des messes de commémoration des morts parmi les activités spirituelles et matérielles offertes et assurées par les congrégations sacerdotales ; Id., « Congregazioni del clero cittadino », p. 8 où l’auteur met en relation la multiplication des congrégations cléricales avec l’essor de ce qu’il nomme l’« associationisme » dans la vie civile et les activités économiques des cités italiennes ; cf. pour une étude d’un cas local peu antérieure au précédent article, voir Id., « L’associazionismo del clero », p. 106-108 pour la terminologie (voir également sur ce point Meersseman, Ordo fraternitatis, vol. I, p. 17-30). 764.  E.g. RNAM, vol. I/1, 17 – 932 : sit offertum pro mea pariter et illorum anima in congregationis chartulis ecclesia Stephanie.

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staurita plebis765. Ces congrégations jouent un rôle central d’encadrement des fidèles par les réponses qu’elles apportent à leur quête de salut. Treize congrégations sont mentionnées dans les actes napolitains : de la Stephania, de la basilique S. Restituta, les congrégations des basiliques majeures Saint-Georges et Sainte-Marie, des églises Saint-Paul, Saint-Jean-Baptiste, Saint-Pierre ad Media, Saint-Jean in Curte, Saint-Pierre ad illos Ferrarios, Saint-Cyprien, Saint-Nicolas, SaintThomas et Saint-Archange ad Signa766. À Gaète, une seule congrégation, dite de l’évêché (episcopium), est attestée767 ; on n’en connaît aucune à Amalfi ni dans le reste de l’Italie méridionale. L’allusion des Gesta à une plebs au ve siècle, pour les basiliques Saint-Georges-Majeur et des Saints-Apôtres768, semble attester l’existence de congrégations sacerdotales à l’époque de rédaction de la chronique des évêques de Naples, soit aux viiie-ixe siècles. Les congrégations répondent à des besoins religieux qui s’expriment à partir du haut Moyen Âge. Leur existence à Naples, au ve  siècle, est anachronique769. En outre, les premières congrégations mentionnées dans les actes ne sont pas antérieures au début du xe siècle770. Pour les deux basiliques napolitaines, la plebs désigne vraisemblablement l’église publique elle-même.

765. Voir p. 509 et suivantes ; RNAM, vol. I/2, 99 - 962 : terra stauritas pleui. 766.  Congrégation de la Stephania : RNAM, vol. I/1, 17 – 932. S. Restituta : MND, vol. II/2,

Diplomata et chartae ducum Neapolis, Appendix, 3 – 1100. Saint-Georges-Majeur (la congrégation, dite Salutifere Sexte Ferie est distinguée de la stauritas de la basilique) : MND, vol. II/1, 100 – 957 ; RNAM, vol. I/2, 96 – 962 ; RNAM, vol. IV, 267 – 1003 ; RNAM, vol. V, 463, 464 et 465 – 1093 ; RNAM, vol. V, 469 – 1093 ; RNAM, vol. V, 475 et 476 – 1094. Sainte-Marie-Majeure : RNAM, vol. II, 193 – 982. Saint-Paul : RNAM, vol. I/2, 165 – 977. Saint-Jean-Baptiste : MND, vol. II/1, 118 – 961 (?). Saint-Pierre ad Media : RNAM, vol. I/2, 95 – 961. Saint-Jean in Curte : RNAM, vol. I/2, 158 – 974. Saint-Pierre ad illos Ferrarios : RNAM, vol. I/2, 145 – 971 ; RNAM, vol. I/2, 165 – 977 ; ibid., vol. IV, 336 – 1027. Saint-Cyprien : RNAM, vol. II, 253 – 997. Saint-Nicolas : RNAM, vol. I/2, 88 – 960. Saint-Thomas et Saint-Archange ad Signa (ces deux congrégations sont indiquées par la seule mention chartulae sancti Thome et chartulae sancti Archangeli ad Signa : RNAM, vol. I/2, 105 – 964. 767.  CDC, vol. I, 72 – 978 ; CDC, vol. I, 143 – 1024. CDC, vol. II, 234 – 1067, il est fait mention d’une fraternitas de episcopio. 768. Voir p. 341 et suivantes. 769.  Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 469 ; MND, vol. I/1, p. 274, n. 1. 770.  La plus ancienne congrégation est mentionnée dans un document de 923, cité par Cilento, « La Chiesa di Napoli », p. 698. Nous n’avons pas trouvé mention de cet acte dans les sources que nous avons étudiées. La première mention d’une congrégation dans les RNAM est datée de 932, voir RNAM, vol. I/1, 17 – 932 : sit offertum pro mea pariter et illorum anima in congregationis chartulis ecclesia Stephanie. Voir la mise au point proposée par Fonseca, « Congregationes clericorum et sacerdotum », p. 272-276 où, après avoir rappelé la nécessaire et légitime distinction à établir entre les congrégations de S.  Salvator, S.  Restituta et le chapitre de la cathédrale, l’auteur énumère les

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Les grands édifices religieux napolitains possèdent leur congrégation : les cathédrales, S.  Restituta et Stephania, et les basiliques majeures771. De manière générale, chaque congrégation est rattachée à une église, publique ou privée. À Naples, l’église Saint-Jean in Curte, propriété du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus, possède sa congrégation sacerdotale, de même l’église Saint-Pierre ad illos Ferrarios, qui se trouve dans la rue des forgerons772. Toutes les congrégations connues sont situées à l’intérieur de Naples, et celle attestée à Gaète dépend de la cathédrale773. La composition des congrégations permet d’en comprendre la raison. Certes, les documents qui mentionnent les congrégations de Naples et Gaète ne sont guère prolixes. Il s’agit, le plus souvent, d’actes indiquant des biens fonciers détenus par une ou plusieurs congrégations, quelquefois des transactions dans lesquelles elles se trouvent impliquées. Il apparaît que les congrégations disposent d’un patrimoine distinct de celui des églises dont elles dépendent774. Le caractère sacerdotal des congrégations est souvent accompagné du nom de l’église de rattachement, comme la congrégation des prêtres de l’église Saint-Jean in Curte775. Le statut clérical des membres est connu par

congrégations sacerdotales attestées pour les basiliques majeures, les églises qu’il qualifie de « diaconiales », puis les autres églises. L’auteur note également, ibid., p. 279-280, que la documentation disponible ne permet pas de savoir si les membres de ces congrégations sacerdotales à vocation liturgique offrent ou imposent une vie commune à leurs membres. 771. Voir supra la note 766. 772.  Congrégation de l’église Saint-Jean in Curte dans RNAM, vol. I/2, 158 – 974 : terras congre­ gationis sacerdotum chartulas ecclesiae sancti Iohanni in Corte. L’église Saint-Jean in Curte est située à Naples dans la région Portanouensis, voir Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 688. Congrégation de l’église Saint-Pierre ad illos Ferrarios dans RNAM, vol. I/2, 145 – 971 : per absolu­ tione cunta congregatio sacerdotum chartula sancti Petri situm at illos Ferrarios. En outre, dans cet acte, la vente de biens fonciers avec l’accord de la congrégation est effectuée par la veuve d’Occus Ferrarius. L’église Saint-Pierre ad illos Ferrarios se trouve dans la région Summa Platea et un uicus porte le nom de Ferrarii, voir Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 693. 773. Les congrégations désignées comme « charte de Saint-Nicolas » et « charte de SaintThomas » correspondent à des églises de Naples. Voir Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 697-698 (Saint-Thomas) et 719-720 (Saint-Nicolas). La « charte du Saint-Archange ad Signa » correspond à l’église homonyme intra muros, voir ibid., p. 683-685. 774.  Voir p. 186. 775.  RNAM, vol. I/2 – 974 : terras congregationis sacerdotum chartulas ecclesiae sancti Iohanni in Corte. Autres mentions dans MND, vol. II, 1, 118 – 961 : congrégation des prêtres et des clercs de l’église Saint-Jean-Baptiste ; RNAM, vol. I/2, 145 – 971 : per absolutione cunta congregatio sacerdotum chartula sancti Petri situm at illos Ferrarios ; RNAM, vol. II, 193 – 982 : cum cuncta congregatione sacerdotum salutifera chartula secretarii ecclesie sancte Marie katolice maioris ; RNAM, vol. II, 253 – 997 : una cum cunctas memorata sancta et uenerabili nostra congregatione sacerdotum chartule ecclesie sancti Cipriani ; RNAM, vol. IV, 267 – 1003 : quod est ecclesia Sebriane una cum nostra congregatione sacerdotum

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les nombreuses souscriptions d’actes impliquant une congrégation776. Une hiérarchie existe à l’intérieur d’une congrégation : elle s’opère d’abord entre les prêtres et les autres clercs777, mais aussi par la présence d’un primicier. Par exemple, Jean est dit « prêtre et ecclésiastique de l’Église de Naples, primicier et protolustre de la charte de l’église Saint-Cyprien »778. Dans les actes notariés, le primicier participe surtout à la gestion du patrimoine foncier de sa congrégation et souscrit, en premier, dans les contrats. Son intervention n’est pas systématique : les congrégations de la Stephania et de Saint-Paul sont représentées par le prêtre Caesarius, cimiliarque de l’Église de Naples779. On distingue la congrégation rattachée à une église du clergé la desservant. L’exemple des congrégations de la Stephania et de Saint-Paul en constitue une bonne illustration puisque les deux congrégations sont représentées par un même clerc, le cimiliarque. Elles sont donc rattachées à l’évêché. Le nombre parfois élevé de prêtres souscrivant pour leur congrégation ne peut, en outre, correspondre au clergé desservant un lieu de culte mineur, comme l’église Saint-Pierre ad illos Ferrarios. Ces observations

memorate charte (même basilique RNAM, vol. V, 465 – 1093) ; MND, vol. II/2, Diplomata et chartae ducum Neapolis, Appendix, 3 – 1100 : cunctas congregationes sacerdotum et clericorum salutifera (…) congregationis ecclesie sancte Restitute. 776.  E.g. RNAM, vol. I/2, 145 – 971 (congrégation de l’église Saint-Pierre ad illos Ferrarios) : † Stephanus prebyster et primicerius subscripsi † ; † Petrus presbyter subscripsi † ; † Gregorius presbyter subscripsi † Petrus presbyter subscripsi †. 777.  MND, vol. II/1, 118 – 961. 778.  E.g. RNAM, vol. II, 253 – 997 : Visi nanque fuit ego Iohannes umile presbiterum et ecclesias­ ticum sancte Neapolitane ecclesie seu primicerio et protolustrio chartule ecclesie sancti Cipriani una cum cunctas memorata sancta et uenerabili nostra congregatione sacerdotum chartule ecclesie sancti Cipriani. Le terme de protolustre n’apparaît, à notre connaissance, que dans cet acte napolitain. Supposer sa signification précise d’après une occurrence unique s’avère difficile, mais le passage suggère une dignité honorifique, un titre de courtoisie, accordant une prééminence pour une période de cinq ans (lustrum), plutôt qu’une fonction en rapport avec le luminaire (lustro). D’après Cilento, « La Chiesa di Napoli », p. 696, le protolustre administrerait les biens fonciers de sa congrégation sacerdotale. Autre exemple dans MND, vol. II, 2, Diplomata et chartae ducum Neapolis, Appendix, 3 – 1100 où les membres de la congrégation de S. Restituta souscrivent après l’archevêque et le duc de Naples : † Petrus archiepiscopus subscripsi † Sergius consul et dux et protosebasto subscripsi † Aligernus indignus sacerdos et primicerius sancte sedis Neapolitane ecclesie subscripsi † Sergius archipresbyter et cardinalis sancte sedis Neapolitane ecclesie sub. † Petrus archidiaconus sancte Neapolitane ecclesie subscripsi † Iohannes diaconus sancte Neapolitane ecclesie subscripsi † Iohannes diaconus sancte Neapolitane ecclesie subscripsi † Sergius subdiaconus sancte Neapolitane ecclesie subscripsi † Stephanus subdiaconus sancte Neapolitane ecclesie subscripsi † Marinus subdiaconus sancte Neapolitane ecclesie subscripsi. 779.  RNAM, vol. I/2, 165 – 977 : et alia chartula securitate que memoratus genitor meus atpreensit da Cesario presbitero et cymiliarcha sancte Neapolitane ecclesie et a cunta congregatione chartule ecclesie Stephanie et a congregatione chartule sancti Pauli et sic uobis illos antestemus.

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permettent de définir les congrégations sacerdotales comme des associations de prêtres qui, sans être toujours incardinés à l’église de leur congrégation, se réunissent pour accomplir un service religieux ne nécessitant pas, à la différence des sacrements, une présence permanente sur le lieu de culte. Ainsi doit s’expliquer la concentration de congrégations à l’intérieur de Naples et Gaète, où un clergé nombreux peut fournir les effectifs nécessaires aux congrégations sacerdotales, tandis qu’au-delà des murailles, le clergé, plus disséminé, ne peut s’impliquer autant dans des institutions similaires. Les documents ne dévoilent pas le fonctionnement interne des congrégations entre le xe et le xiie  siècle. Bénéficiaires de legs pieux, elles assurent un service de commémoration des défunts qu’attestent les termes de salutifera et de sexta feria (le vendredi) ou la demande des fidèles à figurer dans les chartulae des congrégations780, certains fidèles se faisant inscrire sur plusieurs chartes afin d’accumuler des prières pour leur salut781. Leur rôle essentiel consiste à célébrer des messes d’obit où sont rappelés les noms des fidèles donateurs inscrits sur les registres de la congrégation. La comparaison avec une autre institution ouverte aux laïcs, la staurita plebis, s’avère indispensable pour mieux cerner l’action des congrégations782.

Un service liturgique centré sur l’évêque et son église À partir du viiie siècle, le groupe épiscopal forme un ensemble religieux cohérent centré sur la personne de l’évêque, son rôle religieux à la tête de sa cité, ses fonctions liturgiques distinctives. La double cathédrale répond à ces besoins. Dans sa Vie d’Athanase, Guarimpotus utilise une image pour justifier la présence des deux basiliques épiscopales : « à l’intérieur un prélat dirige les deux sièges à l’instar des deux Testaments qui n’en font qu’un »783. Il semble que S. Restituta ait gardé un collège sacerdotal pour la desservir, un autre clergé desservant la Stephania784. Cette particularité doit être connue des rédacteurs des Gesta et de la Vie d’Athanase qui, aux viiie-ixe siècles, considèrent S. Restituta comme partie intégrante de la cathédrale. L’usage liturgique de la basilique S. Restituta reste incertain. La notice consacrée à Athanase Ier indique que des messes

780.  E.g. RNAM, vol. II, 193 – 982 : cum cuncta congregatione sacerdotum salutifera chartula secreta­ rii ecclesie sancte Marie katolice maioris ; RNAM, vol. IV, 1267 – 1003 : Certum est nos Sparanum humi­ lem presbyterum et primicerio congregationis charta sexta feria ecclesia sancti Georgii catholice maioris. 781.  E.g. RNAM, vol. I/2, 145 – 971 : la testatrice demande à être inscrite dans deux chartes de congrégation tandis que l’higoumène des Saints-Serge-et-Bacchus s’engage à placer son nom dans les diptyques de son monastère. 782.  Voir p. 509 et suivantes. 783.  Vie d’Athanase de Naples, éd. Waitz, 1, p. 440, l. 23-24 : introrsus binas presulum gestat sedes ad instar duorum testamentorum, quamquam una sit. 784.  Capasso, « Pianta della città di Napoli », ASPN, 17, p. 455, n. 5.

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quotidiennes sont célébrées dans l’episcopium, mais sans indiquer le lieu exact785. Il peut s’agir de la basilique S. Restituta, dès lors réservée à l’évêque et au clergé cathédral. La Stephania ne semble pas avoir la même fonction. Dans la même notice, Jean Diacre relate qu’Athanase  Ier institue des messes quotidiennes et publiques dans la Stephania786, cadre privilégié des grandes fêtes liturgiques célébrées par l’évêque et de l’administration du baptême. Dans l’épisode de l’incendie de la basilique, sous Étienne  II, la cause du sinistre est attribuée à un cierge allumé pour les Pâques787. L’institution de messes journalières par Athanase  Ier entraîne une augmentation du clergé cathédral et des terres sont alors accordées pour son entretien. Enfin, la création d’un xenodochium, également doté en terres788, semble correspondre à la trans­for­ ma­tion de la Stephania en une basilique de pèlerinage davantage ouverte aux fidèles. Tout laisse penser que l’objectif des évêques est de faire de la Stephania le lieu sacré par excellence de leur cité, réceptacle des reliques des saints évêques exposées à la vénération des fidèles et des pèlerins, et célébrées par une liturgie quotidienne grâce aux hebdomadarii789. Les transformations architecturales, inaugurées au viiie  siècle, répondent à ces nouveaux impératifs liturgiques : clocher en relation avec la liturgie des heures et la commémoration des morts, absides pour les processions, orientation des fidèles vers le culte des reliques790. 785.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 63, p. 434, l. 24-25 : In ipso uero episcopio ad cotidiana ministeria in cocleariis catinisque fere centum libras contulit argenti. 786.  Ibid., p. 434, l. 25-27 : Ordinauit etiam, ut in ecclesia Saluatoris omni die missa publica cum dipticis celebretur, offerens ibidem terras, ex quibus eiusmodi aleretur collegium. 787.  Ibid., 42, p. 426, l. 10-17 : His ita peractis, ecclesia Saluatoris, quae de nomine sui auctoris Stephania uocitatur, diuino –  quod flens dico  – iudicio igne cremata est. Moris enim fuit, ut cereus sanctus inormi mensura porrectus propter dominicae resurrectionis honorem a benedictionis exordio usque ad alterius diei missarum expleta sollemnia non extingueretur. Nocte igitur quadam ipsius festiuitatis cum solito dimitteretur accensus, cunctis quiescentibus, ignis per aranearum forte congeriem in laquearia ipsius ecclesiae peruenit, et sic demum aestuauit in omne aedificium. 788.  Ibid., 63, p. 434, l. 27-28 : Deinde ordinauit xenodochium in atrio praedictae ecclesiae, multis terris oblatis, quatenus egenorum et aduenarum esset repausatio. 789.  Voir p. 130. 790.  L’histoire des cloches dans l’univers religieux et social de l’Occident connaît un renouvellement depuis une quinzaine d’années. Il est désormais possible de compléter la synthèse, principalement consacrée à l’aspect matériel et à l’inventaire des plus célèbres cloches d’Europe, de Ellerhorst, Handbuch der Glockenkunde. Voir Robinault-Jaulin, Cloches, p. 20-27, où l’auteur rappelle dans son opuscule les principales fonctions de la cloche que sont l’appel des fidèles, l’intercession, l’alarme, l’information, la scansion du quotidien et la solennisation des événements, cf. Palazzo, Liturgie et société, p. 107-108 ; Christie, On bells and belltowers, p. 5-6, sur la découverte d’un four à cloche daté du ixe siècle dans le monastère Saint-Vincent-au-Volturne ; Gouriou, L’art campanaire, p. 81-83, sur l’usage précoce des cloches en milieu monastique d’après la Règle de saint Benoît, éd. et trad.  de  Vogüé, XXI (réveil des moines) et XLVII (appel pour l’office) ; ibid., p. 91-100,

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Les Gesta énumèrent volontiers les trésors réunis par les évêques dans leurs églises, en premier lieu la cathédrale. L’objectif est de mettre en valeur l’action des évêques et des ducs, mais aussi le cadre du pouvoir épiscopal. Il est nécessaire de présenter certains de ces objets précieux, qui enrichissent la Stephania, pour comprendre le sens de cette accumulation d’œuvres d’art. La première mention se trouve dans la notice de l’évêque Jean II, attesté au début du vie siècle. À la suite d’un incendie de la basilique, l’évêque décore l’abside d’une mosaïque de la Transfiguration791. Cette œuvre s’inscrit, d’après les Gesta, dans la période de grande activité monumentale des évêques de Naples. La mosaïque correspond, en outre, à la dédicace de l’édifice au Sauveur. La Stephania reçoit une iconographie similaire à celle de plusieurs édifices qui lui sont contemporains, comme la basilique Saint-Apollinaire in Classe, à Ravenne, ou le monastère Sainte-Catherine du Sinaï792. La représentation de la Transfiguration associe plus étroitement la cathédrale au Christ que les autres lieux de culte de la cité : l’église épiscopale est le temple de Dieu. Le souci des rédacteurs des Gesta de magnifier la cathédrale et ses évêques se traduit par l’établissement d’un catalogue redondant d’objets précieux793. Le duc-évêque Étienne  II figure en position éminente, sans doute à dessein794. L’association entre l’autel, l’évêque et le pouvoir temporel est ici évidente. Ses successeurs complètent son œuvre795. Membre de la famille ducale, Athanase Ier est l’évêque qui, avec Étienne II, dote la Stephania du plus grand nombre d’objets précieux796. On est frappé par l’importance accordée aux objets liturgiques, calices, vases sacrés, portes-cierges

à propos du développement, d’abord en Italie aux ixe-xe siècles, des premiers campaniles ; Ebanista, « Paolino di Nola », ici p. 328-330, où l’auteur rappelle que la diffusion des cloches en Occident, à partir du vie siècle, touche d’abord les milieux monastiques, avant que le Moyen Âge ne forge la légende, amplifiée à l’époque moderne, d’une invention de la cloche par Paulin de Nole, par une association étymologique et étiologique de campana avec Campanie ; enfin Gonon, Les cloches en France, p. 36-45, qui offre un rapide aperçu de l’usage liturgique, monastique et social de la cloche durant le haut Moyen Âge. Dans les duchés tyrrhéniens, outre les campaniles déjà indiqués, une petite cloche est mentionnée dans un contrat de desservant de Monte Auro, près d’Amalfi : CP, 111 – 1125 : ipsa predicta media ecclesia mea cum omnia sua pertinencia et cum suprascripta campanella ueniad in potestatem de illa persona cui ego illos iudicauero per ipsum meum testamentum. 791.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 16, p. 410, l. 47-48 : In quem ibidem ex musiuo depixit transfigurationem domini nostri Ihesu Christi summe operationis. 792.  Ces rapprochements ont été proposés par Pani Ermini, « Les mosaïques campaniennes », p. 214. 793.  Voir p. 181 et suivantes. 794.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 42, p. 425-427. 795.  Ibid., 46, p. 427 ; ibid., 52, p. 428 ; ibid., 59, p. 432. 796.  Ibid., 63, p. 434, l. 18-23.

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et ampoule destinés en particulier à l’enrichissement de l’autel de la Stephania. Les Gesta exaltent ainsi la foi et la munificence des évêques et, répétons-le, leur rôle central dans les cérémonies de la cathédrale. En outre, il s’agit d’imiter l’Église romaine. Les sources notariées font presque silence sur le groupe épiscopal, et l’Église de Naples apparaît par la seule mention de ses biens fonciers. La rareté des informations résulte, en partie, de l’origine monastique des archives conservées alors que les archives cathédrales ont disparu. On ne trouve, par exemple, aucune mention de la basilique S. Restituta, ce qui confirmerait son rôle secondaire face à la basilique Stephania. Pour cette dernière, les allusions concernent sa congrégation sacerdotale797. Les men­ tions confirment la place des messes d’obit dans la cathédrale et le patrimoine dont dispose la congrégation pour les célébrer. Associée au culte des saints, la commémoration des morts occupe désormais une place centrale dans les offices publics de la Stephania, en plus des cérémonies réservées au clergé et peut-être effectuées dans la basilique S. Restituta. Un dernier élément, très présent dans les actes, confirme cette hypothèse : nombre d’actes stipulent le don d’un tremissis pour le luminaire de la cathédrale, c’est-à-dire la Stephania798. D’une valeur d’un tiers de sou d’or, le tremissis napolitain est seulement frappé au viiie siècle dans l’atelier monétaire de la cité qui est ensuite fermé. Par tradition, les fidèles continuent de verser à l’Église de Naples un tremissis, qui prend une valeur symbolique799. Elle concerne même des étrangers : en 1025, Serge Amalfitanus destine ses legs à des églises et des monastères d’Amalfi, mais prévoit un tremissis pour le luminaire de la cathédrale de Naples800. L’acte est rédigé à Naples

797.  Voir p. 186. 798.  E.g. RNAM, vol. I/2, 88 – 960 : Habeat sancta Neapolitana ecclesia pro luminaria absque

iniuria tremisse unum Neapolitanum. Une interprétation mystique des monnaies est proposée, en 516 ou 517, par Sévère d’Antioche, Homélies cathédrales, 119, trad. Brière, p. 434 [488] : « Tu trouveras le statère de la foi orthodoxe de bon aloi et le meilleur : pour l’homme extérieur et intérieur, deux simision, c’est-à-dire moitiés, la science et l’action ; pour l’esprit, l’âme et le corps, trois trimision, la foi, l’espérance et la charité ; de même aussi pour les quatre températures, chaude, sèche, humide (et) froide, les quatre gramma, la force, la sagesse, la chasteté, la justice ; de plus, les vingt-quatre keration, les pensées pieuses des douze patriarches et les belles actions véritables des douze apôtres. » 799.  L’utilisation du tremissis jusqu’au xiie siècle pose problème : soit cette monnaie se transforme en un objet symbolique, soit elle ne constitue plus qu’une unité de compte pour un type d’offrande monétaire particulier. Il paraît plus vraisemblable que cela corresponde à un véritable don, fixe, en numéraire finançant le luminaire de la cathédrale de Naples. Voir aussi l’article assez technique de Rovelli, « Naples, ville et atelier monétaire de l’Empire byzantin », p. 710 qui, d’après les mentions testamentaires, conclut que « cette pratique [du don d’un tremissis au luminaire de la cathédrale de Naples] semble plaider en faveur d’une circulation prolongée (et large ?) des tremisses napolitains ». 800.  CP, 81 – 1025 : abead aut Sancte Neapolitana Ecclesia pro luminaria asque iniuria tremissem unum neapolitanum.

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et cet Amalfitain est membre de la milice napolitaine. Il est probable qu’il réside dans la ville. Tout au long du Moyen Âge, les fidèles jugent ce don nécessaire pour faire brûler des cierges en leur mémoire dans la cathédrale. Le rôle central de la Stephania dans la commémoration des morts est attesté jusqu’à la fin de la période étudiée, mais loin de constituer une spécificité napolitaine, il apparaît dans la cathédrale d’Amalfi où les dons sont en revanche exprimés en monnaie courante801. Les actes d’Amalfi et de Gaète n’offrant pas des renseignements équivalents aux Gesta ni aux documents notariés napolitains, les célébrations organisées dans ces cathédrales demeurent presque inconnues. Un acte de Gaète évoque, en 1050, le don par l’évêque Léon d’un moulin à eau à un prêtre en échange d’une messe quotidienne dans la cathédrale802. Il s’agit probablement d’une messe particulière et cette fonction nécessite la constitution d’un bénéfice accordé au prêtre qui doit s’en charger. Un autre document mentionne un individu qui offre à la cathédrale de Gaète et à l’église Saint-Blaise des tissus précieux pour fabriquer des vêtements sacerdotaux803. Par ce don, le fidèle participe, de manière indirecte, à la célébration du culte804.

Une liturgie monastique au service des morts Les actes de la pratique ne fournissent aucune précision sur l’encadrement pastoral quotidien des fidèles, ni sur leur participation ou leur présence à la liturgie. Une allusion à une croix, portée en procession dans une église privée de Gaète, laisse penser que cet usage est répandu, mais ni les Gesta ni les actes de la pratique ne fournissent de description805.

801.  CP, 119 – 1128 : Iohannes filius domini Mastali filii domini Mansoni de Leone de Mansone comite offre 100 tarins pour le luminaire de l’évêché d’Amalfi comme ses parents l’ont stipulé dans leur testament (Declaramus ut iterum suprascripti meis distributoris tollant de predicta causa mea alii solidi centum de tari unde se faciad ipsa luminaria de ipsu trabe de episcopio Amalfi sicut iudicauit predicto genitori meo per ipsu suu testamentum). 802.  CDC, vol. I, 190 – 1050 : pro eo quod tu qui supra Iohanni presbitero cotidie et assidue officiare debetis in suprascripti nostri episcopii proinde nos qui supra Leoni episcopo concedimus et tradimus tibi a die presentis tota et inclita predicta portione de suprascripto aquismolum cum omnibus sicuti superius diximus. L’episcopium doit désigner le service de la cathédrale plutôt que des messes destinées uniquement à l’évêque. 803.  CDC, vol. I, 153 – 1028 (testament de Constantin) : Similiter uolo hac iubeo ut ipsa fondata mea serica bona gaytanisca una cum ipsa mea lista fresata ad auro post meum obitum detur ille pro redemptionis anime mee ad faciendum exinde planeta in ecclesia episcopio sancte Dei genitricis et uirginis Marie. Similiter uolo hac iubeo ut ipsa alia mea hoblata serica qui est ad gluttule post meum obitum detur illa pro redemp­ tionis animee in ecclesia sancti Blassii posita foras predictam ciuitatem ad faciendum exinde ibidem planeta. 804.  Voir p. 420 et suivantes. 805.  Dans le testament de Docibilis Ier, voir CDC, vol. I, 19 – 915 : et cruce processoria aurea pensilis cum gemmas suas libra una minus uncia una (église Saint-Silvinianus).

CHAPITRE 3  • L’ENCADREMENT PASTORAL

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Les rares informations de nature liturgique figurent dans les contrats entre pro­ prié­taires et desservants d’une église privée. Ces actes imposent aux deux parties d’accomplir des obligations de nature stéréotypée parmi lesquelles la liturgie tient une place importante. Dans la plupart des cas, le desservant s’engage à célébrer l’office de jour et celui de nuit, les messes solennelles et les heures de prières, enfin à s’occuper du luminaire806. Aucun acte n’évoque de sacrements : l’absence de mention est sans doute liée à l’interdiction pour une église privée d’administrer certains sacrements aux fidèles, en particulier le baptême qui reste le privilège sacramentel, distinctif et exclusif, d’une église paroissiale. Mais la réalité est différente807. Si, dans les faits, des sacrements peuvent être administrés dans des églises privées, il reste à comprendre la raison des demandes exprimées par les propriétaires de ces lieux de culte. L’évolution liturgique de l’Antiquité tardive réduit le rôle des fidèles dans la célébration eucharistique et la rareté de la communion réoriente la religiosité vers une liturgie de commémoration des morts plus que de participation des vivants. Les struc­ tures d’encadrement se sont adaptées à cette évolution. Les églises continuent d’exercer leur mission de célébration de la messe, mais l’accomplissent de manière autonome, la présence des fidèles devenant accessoire808. La sacerdotalisation des milieux monas­ tiques accentue l’autonomie des monastères vis-à-vis de la hiérarchie ecclésiastique et les dispense désormais de recourir aux prêtres diocésains. Le développement d’une liturgie monastique originale, la liturgie des heures, exerce une influence considérable sur le nouvel encadrement pastoral pour l’adapter aux aspirations des fidèles tournées vers la commémoration des morts809. La liturgie des heures est répartie en sept ou huit offices, les principaux se déroulant le matin, durant les laudes, et le soir, durant les vêpres. Certains offices, comme celui des vigiles de nuit, sont occupés par de longues lectures de la Bible. Cette liturgie des heures apparaît,

806.  E.g. RNAM, vol. I/1, 12 – 927 : et in eadem ecclesia uestra die noctuque officium sacerdotalem facere et exiuere promitto hoc est uesperos et matutinos et missarum sollemnia et horis laudis et lummina­ riorum concinnatione exiuere promitto. On retrouve ce formulaire jusqu’à la fin de la période étudiée. 807.  Voir p. 261-262. 808.  À Naples, la Stephania constitue une exception, du moins d’après les Gesta qui expriment la volonté des évêques d’en faire un édifice de pèlerinage et donc de célébrations publiques. 809.  L’ouvrage de référence est dû à Salmon, L’office divin au Moyen Âge, p. 33-37, 99-103 et 107-112 pour la liturgie des heures dans l’office romain au début du ixe siècle d’après Amalaire, puis aux xie-xiie siècles dans l’Église de Rome, enfin pour les milieux monastiques du haut Moyen Âge ; voir également la synthèse de Taft, La liturgie des Heures, p. 127-146, à propos de son organisation précoce en Italie avec la Règle du Maître et la Règle de saint Benoît, au point que « l’office de bénédiction était devenu l’office monastique par excellence de l’Église occidentale » ; ibid., p. 289-291, sur le phénomène de monachisation de l’office durant le haut Moyen Âge et le développement de la liturgie des heures en dehors des cathédrales sous l’influence des milieux monastiques.

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dans les contrats de desservant, entre le xe et le xiie siècle. Le modèle est d’origine mo­nas­ tique et les prêtres des églises privées s’efforcent de l’imiter. En relation avec la liturgie, le luminaire sacralise les espaces cultuels : il préfigure la lumière éternelle qui accueillera l’âme du fidèle, propriétaire de l’église ou donateur de la cathédrale810. Dans les contrats de desservant, la liturgie attire la faveur divine sur les vivants, à savoir les propriétaires, et sur les morts, leurs parents décédés. Certains actes explicitent le rôle commémoratif de la liturgie. En 934, deux frères, pour leur salut et celui de leur sœur moniale, effectuent un legs pieux à l’église privée Saint-Sévère, à Naples. Les donateurs demandent au desservant de célébrer des messes en mémoire de leur défunte mère pendant 40 jours, puis à perpétuité une fois par semaine811. Les églises publiques rendent ce même service liturgique, sans doute en réponse à la demande des fidèles et en réaction aux églises privées. En 1094, l’évêque de Ravello, près d’Amalfi, reçoit ainsi un don en argent pour célébrer des messes d’obit le jour anniversaire de la mort du donateur812. Les monastères participent autant, voire davantage, à cet « encadrement des morts ». Si les monastères réservent la liturgie des heures aux membres de leur communauté, les fidèles y sont intégrés, de manière indirecte, par l’inscription dans les diptyques du monastère813, et par la célébration de messes commémoratives que les sources notariées

810.  E.g. Fouracre, « Eternal light », p. 53-81, ici p. 68-74, où l’auteur constate à partir du viiie siècle un accroissement des donations en espèces ou en terre, surtout d’origine royale, pour assurer l’approvisionnement du luminaire liturgique en huile, puis en cire au ixe siècle, des lieux de culte qui, selon la législation carolingienne, doivent posséder des lampes régulièrement entretenues ; Pavolini, « L’illuminazione delle basiliche », p. 115-134, qui met en relief, d’après l’archéologie, la nécessité pour éclairer les églises de Rome de produire de l’huile d’olive dans les environs immédiats de la ville afin de suppléer, à partir du viiie  siècle, aux importations africaines tandis que s’accroissent la production et la consommation de chandelles ; pour la période postérieure à celle ici étudiée, voir Vincent, Fiat lux, p. 26-45, qui retrace l’historique du luminaire chrétien depuis l’époque de Tertullien et situe au ive siècle la diffusion de la lumière en relation avec la liturgie du baptême et celle de commémoration des morts, qu’il s’agisse de simples défunts, de clercs ou de saints parfois martyrs. 811.  RNAM, vol. I/1, 21 – 934 : atamen stetit nobis ut tu a modo et usque in dies quadraginta ad memorata genitrice nostra omnes dies canere debeas exinde missa una ab ipsa denique quadraginta dies hanc perpetuis temporibus tu et posteris tuis ad memoratam genetricem nostram omnes eodommada exinde canere debeatis missa una. Une demande similaire (une messe hebdomadaire chaque jeudi) est présentée à la même église en 939 par d’autres laïcs, voir RNAM, vol. I/1, 32 – 939. 812.  RNAM, vol. VI, Appendix, 15 – 1094 : Unde accepimus a uobis exinde idest auri solidi centum de tari boni ana tari quattuor per solidi quod expedi pro anima de predicti Leonis quomodo continet in suum testamentum et de ipso alio quod superfluum habuerit ipso supradicto quod uobis uenundedimus supra predicti solidi centum debeatis exinde facere uos et uestris posteris usque in perpetuum in die annibersarii de predicti Leonis uespera et matutinam atque missam. 813. Voir Lemaître et Lemaître, « Un test des solidarités paroissiales », p. 272 : « L’inscription dans l’obituaire est le moyen de conserver son nom pour les générations futures de descendants, mais aussi de se trouver des amis dans le ciel, qui seront honorés de façon continue. Fonder ainsi mani-

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attestent814. La régularité intrinsèque de la vie monastique est adaptée à ces célébra­tions périodiques. Dans ce contexte, encouragés par les autorités diocésaines, les monastères peuvent avoir un intérêt pastoral, et non seulement foncier, dans l’attribution d’églises privées par leurs propriétaires. En 998, un acte gaétan établit un contrat par lequel le monastère Saint-Michel-Archange confie son église Sainte-Marie à une moniale et un prêtre, mais conserve le droit d’y célébrer une messe publique des morts le jour de la fête de la Vierge815. De même, les redevances versées par les desservants peuvent servir à la liturgie. En 1105, l’évêque de Nola s’engage, auprès de l’abbé des Saints-Séverinet-Sossius, à verser chaque année de la cire et de l’encens pour l’église Sainte-Pauline confiée au monastère816. Les actes de la pratique éclairent, avec un détail inédit, le mobilier sacré qui frappe par son abondance et sa richesse. Plusieurs documents dressent l’inventaire de ces objets liturgiques dont certains sont récurrents : les vêtements sacerdotaux, les nappes d’autel, les croix, les calices et les encensoirs817. La présence d’ouvrages liturgiques ou

feste la volonté de tout mettre en place pour vivre au mieux avec les saints du ciel, par l’entremise des vivants ». 814.  E.g. CP, 85 – 1090 : set omni tempore usque insempiternum uos et uestres posteres canere exinde debead nobis et ad suprascripto domino Sergio genitori meo seu et ad suprascripta domina Monda geni­ trice mea quam et ad suprascripto domino Mansone uero germano meo missas et uigilia plurales omni annuo sicut pertinead defuncto usque insempiternum sicut ipso suprascriptum nostrum testamentum reclarad. Et ad meum ouitum scriba me ad capitulum de predicto monasterio, sicut fratres et sorores (monastère Saint-Laurent d’Amalfi). Autre exemple à Naples, dans RNAM, vol. IV, 275 – 1005 : pro eo quod in presentis me et memorata coniuge mea in sacro dipticos memorati uestri monasterii scribere dignastis quasi unum ex ipsi monachi cenouiati memorati uestri monasterii (des Saints-Séverin-et-Sossius). On ne trouve pas d’exemple similaire à Gaète, probablement à cause de la rareté des sources relatives aux monastères du duché. 815.  CDC, vol. I, 98 – 998 : Et in die sancte Marie festiuitatem habeamus nos uel nostros posteros successores potestatem ibidem in suprascripta ecclesia missa publica canere de sepulchra. 816.  RNAM, vol. V, 520 – 1105 : dantes uos et posteris uestris ad ipso sancto uestro monasterio nobis nostrisque successoribus hanc nostri episcopii pro omni annuo in die iobi die sancto idest de cera libre quat­ tuor et de incensum libra media nichil plus absque omni amaricatione quia ita inter nobis complacuit. 817.  E.g. RNAM, vol. IV, 317 – 1020 : una planeta linea cum orarium et corporalem et calice sanc­ tum de stagnum super inargintatum cum patina sua de stagnum et unum pannum quod est obsecium cum una sindone insimul ambos desuper altare et unum faciestergium stellatum plumatum et turabu­ lum de rame cum duas cruces una exinde ferrea et alia herea et una coronella de rame quaterni dui de festiuitate memorate ecclesie sancte Heumfimie et unu quaternu pictulu de sancti Cerbasii liber comite plenarium Franciscum scriptum serulella pictula hab aqua sanctificata (église Sainte-Euphémie à Naples). L’ouvrage ici mentionné est déjà attesté trente ans auparavant (cf. RNAM, vol. II, 200 – 985 ; RNAM, vol. II, 223-224 – 991).

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dogmatiques est en revanche rare : si des contrats de desservants soulignent que les codices demeurent la propriété de l’église818, seuls une dizaine de documents apportent des précisions. Ces livres sont de nature variée : vies de saints, dont parfois celui auquel l’église est dédiée, traités dogmatiques, ouvrages de liturgie. Plus fréquents, ces derniers correspondent aux différents moments de la journée ou de l’année liturgique. Un acte de Gaète se révèle sur ce point fort détaillé : il mentionne un liber comes, c’est-à-dire un bréviaire des leçons pour la messe, un antiphonaire rassemblant les lectures de toute l’année, un livre pour les offices nocturnes, un autre pour les offices dominicaux, un rotulus, ou rouleau d’exultet pour bénir le luminaire et les fonts819. Un contrat de desservant napolitain, daté de 1088, précise que le livre de messe commence à la Nativité et comprend l’ensemble de l’année820. La fréquence des mentions laisse supposer que la plupart des églises privées possèdent plusieurs livres liturgiques. Ces collections d’ouvrages ou d’extraits, qu’on hésite à qualifier de bibliothèques, constituent un élément du patrimoine de l’église et, pour cette raison, figurent avec les objets sacrés dans les contrats de desservant, mais aucun document ne fait allusion à leur usage.

La place des reliques dans la pastorale des fidèles La correspondance de Grégoire le Grand montre déjà la place importante des reliques dans l’univers sacré du christianisme tardo-antique. Des monastères et des églises disposent de reliques821. La menace sarrasine sur la région amène les Églises à décider le transfert des reliques à l’intérieur des villes littorales. À Gaète, les reliques

818.  RNAM, vol. IV, 359 – 1034 : sibe res aut pretium uel annos aut codicibus uel alia tale cause pro hornamentum uel paramentum in possessione ipsius ecclesie remanere debeas. 819.  CDC, vol. I, 66 – 964 : pro eo quod tu suprascriptus Petrus uenerauilis presbyter dedisti in ipsa suprascripta unum liber comite et unum antiphonarium et unum codice da leiere in nocte et unum codice de sancta trinitate et unum rotulo ad benedicendum cereum et fontes. Au-delà du liber comes, à propos des livres liturgiques, voir Leclercq, « Bréviaire », col.  1309-1313 pour l’Antiquité tardive et le haut Moyen Âge ; Cabrol, « Missel », col.  1431-1434 sur son origine qui remonte aux ixe-xe siècles ; de manière plus large, sur le développement des livres d’office puis des bréviaires et missels, Salmon, L’office divin au Moyen Âge, p. 23-30 et 67-69 qui repousse au début du xiiie siècle l’existence de bréviaires complets ; sur les rotuli, voir Exultet. Rotoli liturgici del medioevo meridionale, éd. Cavallo, Orofino et Pecere. 820.  RNAM, vol. V, 447 – 1088 : et unu liber comite da missa qui incipit da uentum Domini et badit per circuitum annum et unum tifonarium de nocte et est notatum et decem et octo guaterni de lumarium et tres guaterni de cantare de illa trinitate et dui guaterni de cantare de illa edificatione et unum guaternum de legere sancti Petri et tres guaterni de legere sancti Andreae et quatuor guaterni de legere sancti Tioti una et de legere sancti Pannutium. 821.  Voir p. 79 et suivantes.

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de saint Érasme sont transportées, au milieu du ixe siècle, de l’ancien siège de Formies à Gaète, résidence ducale822. À Naples, l’opération est détaillée par les Gesta. Pour les auteurs des Gesta, les reliques des évêques napolitains participent à la sainteté de leur Église et polarisent la géographie sacrée du diocèse autour des édifices religieux qui les abritent823. Les Sarrasins, mais aussi les Lombards avec le vol des reliques de saint Janvier, mettent fin à cette organisation établie depuis l’Antiquité. L’évêque Jean  IV (842-849) opère la translation des dépouilles de ses prédécesseurs dans la Stephania824. Les Gesta mentionnent, dès la première partie, le transfert de neuf évêques dans cette cathédrale. Évoqué dans la notice de l’évêque Maro, ce transfert concerne les évêques des temps apostoliques, par souci d’établir une succession ininterrompue depuis saint Pierre825. À partir de Fortunatus, évêque attesté en 343, l’auteur des Gesta indique l’emplacement exact des tombeaux d’évêques à l’intérieur de la basilique826. L’auteur décrit un espace sacré qu’il connaît. On peut supposer que les prédécesseurs de Fortunatus ne bénéficient pas d’une sépulture individuelle mais d’une tombe collective, peut-être par impossibilité d’identifier leurs dépouilles avec certitude à l’époque de rédaction des Gesta. La Stephania est devenue le nouveau sanctuaire de Naples où les reliques des saints évêques sont décrites avec la minutie d’un « guide de vénération » destiné aux fidèles. Tous les évêques ne reposent pas dans la cathédrale. L’évêque Eustathe, antérieur à 343, est inhumé dans l’église Sainte-Marie in Cosmedin ; Sévère, actif dans la seconde moitié du ive  siècle, est déposé dans la basilique Saint-Georges-Majeur, ensuite appelée Seueriana827. Bien plus qu’un transfert d’un sanctuaire à l’autre, la translation des reliques revêt une portée symbolique, qui dépasse le souci d’éviter une profanation par les Lombards

822.  CDC, vol. I, 4, p. 7, n. a ; cf. Merores, Gaeta, p. 2 et 72, n. 4. 823.  Voir p. 421 et suivantes. 824.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 59, p. 432, l. 37-39 : Corpora quoque suorum

predecessorum de sepulcris, in quibus iacuerunt, leuauit, et in ecclesia Stephania singillatim collocans, aptauit unicuique arcuatum tumulum ac desuper eorum effigies depinxit. 825.  Ibid., 2, p. 403, l. 39-40 : Cum his praedecessoribus suis ob sanctatis meritum in ecclesia Stephania translati esse uidentur. Il s’agit donc d’Aspren, premier évêque de Naples selon les Gesta, et de ses successeurs Epithymius et Maro. 826.  Ibid., 2, p. 404, l. 18-19 : per manus pontificum conlocarunt in ecclesia Stephania, parti dextrae introeuntibus, sursum, ubi est oratorium, in caput catacumbae (Fortunatus) ; ibid., 2, p. 404, l. 23-24 : partis leue introeuntibus sacro altario adeptus exultat (Maxime) ; ibid., 6, p. 406, l. 19-20 : ubi beatus Fortunatus, similiter parti dextre quiescit ( Jean Ier). 827.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 2, p. 404, l. 8-9 : In altario beate Dei genetricis semperque uirginis Mariae, que dicitur Cosmidi, populi deuotio exequentes, conditus est atque translatus (Eustathe) ; ibid., 4, p. 405, l. 10-12 : Nunc uero requiescit in ea ipsa ecclesia Neapolim constituta, quem alii Seuerianam, alii propter oratorium Sanctum Georgium uocant (Sévère).

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ou les Sarrasins. La rédaction des Gesta est entreprise au moment de la collecte des reliques, disséminées sur le territoire ducal, et de leur regroupement en ville828. Les évêques tirent parti des troubles politiques pour affirmer la sainteté apostolique de leur Église et renforcer la sacralité séculaire de leur pouvoir. Durant l’Antiquité, Naples occupe une place mineure dans le monde chrétien et, épargnée semble-t-il par les persécutions des iiie-ive  siècles, la cité ne dispose pas d’un martyr susceptible d’attirer les pèlerins829. La proximité de Rome constitue un handicap supplémentaire. La volonté des évêques, au ixe siècle, d’affirmer la sainteté de leur Église se double du souci de promouvoir un centre de pèlerinage, sur le modèle romain. Le transfert des reliques est d’ailleurs définitif : les menaces passées, les sanctuaires extra-urbains ne récupèrent pas leurs reliques qui, à l’instar des monastères, restent à l’intérieur des murailles. Les reliques de sainte Restituta par exemple, transférées d’Ischia à Naples, ne retournent jamais dans l’île, malgré la reconstruction de l’église dédiée à la sainte830. Les actes de la pratique illustrent peu la place des reliques dans la vie religieuse. Ils évoquent dans certains lieux de culte la présence de reliques, comme celles de sainte Eupuria, placées dans une crypte de la cathédrale de Gaète831. À Naples, les docu­ ments relatifs au monastère des Saints-Séverin-et-Sossius prennent soin de noter que les corps des saints tutélaires y reposent832. D’autres établissements monastiques

828.  Voir en ce sens Lucherini, La cattedrale di Napoli, p. 71-76 et 128-135. 829. La grande persécution du début du ive  siècle et le martyre de Janvier sont évoqués par

Ambrasi, « Il cristianesimo », p. 623-759, en particulier p. 661-668, mais sans que l’auteur note l’absence de persécutions et de martyres dans la ville de Naples. En revanche, dans le minutieux inventaire des sources hagiographiques dressé par Granier, Histoire, dévotion et culture, vol. I, p. 83-189, il est intéressant de constater que les saints, intégrés au sanctoral napolitain par des hagiographes locaux du haut Moyen Âge, n’ont pas subi le martyre à Naples, mais dans des cités campaniennes voisines, à l’instar de Maxime et Julienne à Cumes, Arthème à Pouzzoles, Janvier et ses compagnons de nouveau à Pouzzoles (ibid., p. 302-344), Potitus sur le Torrente Calaggio (l’ancienne Calabiti), environ 50 km à l’est de Bénévent, ou hors d’Italie, comme Fortunata à Césarée de Palestine, Canion et Restituta en Afrique proconsulaire, Euplus à Catane. Ces martyres datent de la dernière grande persécution, celle de Dioclétien et de ses successeurs (303-312), et non des persécutions décrétées par Dèce (249-251) ou Valérien (257-260). Les exceptions sont fournies par Potitus, qui subit le martyre en 166, et Euplus, martyrisé à Catane en 293. Voir également Granier, op. cit., vol. I, p. 136 et 142. Un inventaire du sanctoral napolitain connu par les sources hagiographiques est établi et commenté par le même auteur, op. cit., vol. III, p. 637-643. 830.  Voir p. 374 et suivantes. 831.  CDC, vol. I, 72 – 978 : allusion à l’autel dédié à la sainte et situé sous la cathédrale de Gaète. Ibid., p. 133, n. a : le corps de la sainte, d’abord placé dans un sanctuaire en forme de croix, fut transféré ensuite dans la crypte de Saint-Érasme, d’après la Vie de la sainte. L’invention miraculeuse se serait déroulée au début du ixe siècle sous le duc Jean et son fils Docibilis II à l’occasion d’un incendie. 832.  RNAM, vol. V, 475 – 1094 : terra monasterii sanctorum Seberini et Sossi ubi eorum uenerabilia quiescunt corpora.

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bénéficient d’une semblable précision833. Cependant, il n’est jamais fait allusion au rapport des fidèles avec ces reliques. Les tombeaux des évêques, déposés dans la cathédrale de Naples, n’apparaissent dans aucun acte notarié et les fidèles ne leur adressent aucune demande spécifique834. * * * Hormis le vide documentaire du viie  siècle, les sources offrent la possibilité de reconstituer l’encadrement pastoral des duchés tyrrhéniens jusqu’au xiie siècle. Malgré les lacunes, une différence structurelle oppose Naples à Gaète et surtout Amalfi. Bien que métropole au même titre que Naples, Amalfi possède en réalité les caractéristiques d’un simple évêché. À l’inverse, Naples jouit d’une situation excep­tionnelle, au point d’inciter son clergé à trouver des éléments de comparaison avec Rome. L’ensemble épiscopal, centré sur la cathédrale, est sans équivalent dans l’Italie méridionale et la présence de grandes églises publiques leur vaut d’être qualifiées de majeures. Dans les Gesta, l’imitation de Rome reste trompeuse, car le réseau des églises napolitaines n’atteint sa plénitude qu’aux xe-xiie siècles, mais la densité élevée d’églises et de monastères urbains reflète, dès le haut Moyen Âge, une population nombreuse à l’intérieur des murailles de la ville. Difficile à cerner, la géographie religieuse des campagnes subit de surcroît les troubles politiques qui secouent la région : d’abord l’invasion lombarde à la fin de l’Antiquité, puis la menace sarrasine jusqu’au xie siècle. Les difficultés rencontrées par les structures religieuses des zones rurales profitent à Naples et Gaète, qui servent de refuge, souvent définitif, en particulier aux communautés monastiques. À Amalfi, l’exiguïté du territoire interdit en revanche un réseau ecclésial étendu et expliquerait l’importance singulière des églises privées. Enfin, dans les îles tyrrhéniennes, les fortes contingences géographiques l’emportent sur les préoccupations ou les motivations religieuses. Dans ce contexte, l’encadrement pastoral, assuré par le clergé, apparaît surtout dans le cadre documenté des églises privées et celui des monastères. L’étude des sources montre le rôle central accordé à la demande de commémoration des morts qui, formulée avec constance et insistance par les fidèles, détermine l’action du clergé, souvent regroupé en congrégations sacerdotales et, plus largement, l’organisation du service liturgique. En revanche, le rôle d’intercession accordé aux reliques n’apparaît pas.

833.  Monastère Saint-Janvier ad Corpus dans RNAM, vol. I/1, 38 – 942 : beatissimi Ianuarii sacer­ dotis et Christi martiris seu Agrippinis confessoris Christi situm foris ad corpus ; monastère Saint-Agnellus, RNAM, vol. V, 401 – 1058 : nos Petrum subdiaconum et abbatem seu rector monasterii beatissimi Agnelli ubi eius uenerabile quiescit corpus. 834.  Voir p. 421 et suivantes.

TROISIÈME  PARTIE

LA VIE RELIGIEUSE DES FIDÈLES

Chapitre 1 CROYANTS ET MÉCRÉANTS Édifiantes, les sources hagiographiques, produites et contrôlées par les autorités ecclésiastiques et monastiques, revêtent un caractère didactique et adoptent un ton apologétique qui idéalisent la société chrétienne de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge. Essentiels pour connaître les structures d’encadrement et leurs représen­ tants, clercs ou moines, les documents narratifs ou normatifs élaborés par l’Église relatent et orientent l’acheminement du peuple chrétien vers le salut, sous la conduite de ses pasteurs. Dans ces circonstances, les simples fidèles occupent l’arrière-plan anonyme de l’action personnelle et exemplaire des saints et des évêques : la vie reli­gieuse des laïcs constitue l’objet privilégié des interventions doctrinales et des corrections disciplinaires. Pour appréhender le quotidien chrétien, le questionnement direct des croyants, sans le regard ni l’intermédiaire des autorités ecclésiastiques, semble de bonne méthode, mais ambitionne l’impossible, car cette perspective impose le recours à une documentation inappropriée. Actes de vente ou contrats d’affermage, la plupart des chartes ne possèdent aucune dimension religieuse. Une minorité d’actes, les legs pieux et les testaments, associe la terre aux cieux et dévoile les rapports, épisodiques ou définitifs, des fidèles au sacré. Bribes de doctrine, rudiments du dogme, traces d’eschatologie, dévotions furtives, fragments du sanctoral, éléments de piété personnelle, esquisses des autres religions, les actes de la pratique évoquent « en pointillés » une vie religieuse des laïcs légèrement distincte de la cité chrétienne promue par l’Église.

I.  Le dogme manifesté et perçu La plupart des sources disponibles constituent des transactions foncières intéressant le patrimoine de quelques monastères urbains de Naples dont les fonds documentaires ont été longtemps préservés de la destruction, à la différence des archives diocésaines ou civiles. Reflets du monde agraire, les chartes de donation, les actes de vente ou les contrats de location détaillent avec soin la nature du bien, le plus souvent immobi­ lier, mais n’établissent aucune distinction religieuse fondamentale entre les légataires, les propriétaires ou les locataires. Agissant comme des puissances terriennes, soucieuses de la prospérité et de la gestion de leurs biens, les monastères et les églises, à la lumière des actes notariés,

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entretiennent avec les laïcs des relations de nature économique dont les préoccupations religieuses ne sont toutefois pas absentes. Bénéficiaires de legs pieux, modestes ou im­ portants, les communautés monastiques et les établissements ecclésiastiques reçoivent des présents matériels que les donateurs assortissent de considérations spirituelles. À la tête de leur institution, placés en position de receveurs et non de solliciteurs, abbés et prêtres desservants ne sont guère amenés à expliciter, sur le plan moral, ou à justifier, sur le plan doctrinal, l’acte de foi concrétisé par le don charitable. Malgré les invasions et les désordres, la subordination juridique, la fidélité doctrinale et, dans une moindre mesure, la conformité disciplinaire et liturgique des évêchés de Naples, Gaète et Amalfi au siège romain perdurent et ne suscitent, par conséquent, aucune polémique susceptible de produire une littérature dogmatique. Si les repré­ sentants des trois Églises paraissent muets ou inaudibles dans le domaine doctrinal, en revanche, les préoccupations spirituelles, quelquefois manifestées dans les actes notariés établis­sant des donations pieuses ou des contrats de desservants, permettent d’appréhender la diffusion et la compréhension du dogme parmi les fidèles.

Un dogme peu manifesté Les évêques de Naples des trois premiers siècles, connus par les Gesta ou le Calendrier de marbre, forment une succession de noms sans épaisseur historique, a fortiori dogmatique, malgré la faveur hagiographique dont certains ont pu jouir durant le haut Moyen Âge, comme Aspren, disciple de l’apôtre Pierre et premier évêque de Naples, ou Agrippinus et Ephebus, évêques attribués au iiie siècle1. Au siècle suivant, l’histori­ cité assurée des évêques de Naples résulte de l’essor du christianisme, contemporain de son officialisation par l’État romain et de l’approfondissement des débats théologiques. Au ive  siècle, plusieurs évêques de Naples se trouvent pris dans la tourmente arienne2. Fortunatus, plus tard considéré comme saint par l’Église locale, figure parmi les destinataires de la lettre synodale que les adversaires orientaux du Symbole de Nicée, réunis en concile à Sardique en 343, accompagnent d’une profession de foi arianisante3. Successeur de Fortunatus, l’évêque Maxime défend une foi nicéenne qui, vers 355, lui vaut d’être déposé par Constance II, de mourir en exil avant 362 et de compter au nombre des confesseurs4. Le parti arien local, fort de l’appui impérial, est capable d’imposer

1. Les dossiers hagiographiques d’Aspren, Agrippinus et Ephebus sont rassemblés, présentés et commentés par Granier, Histoire, dévotion et culture, vol. I, p. 146-149 (Miracles d’Ephebus), p. 152-155 (Vie d’Aspren) et p. 162-170 (Miracles d’Agrippinus). 2. Voir Mallardo, « La Campania e Napoli nella crisi ariana », p. 185-226, et Desmulliez, « La crise arienne », p. 45-66. 3. Voir PCBE, vol. II/1, p. 857-858, s.u. Fortunatus 1. 4.  Ibid., vol. II/2, p. 1466-1467, s.u. Maximus 4.

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son candidat, Zosime, qui se maintient sur le trône de Naples au prix d’une palinodie lui permettant de figurer dans les Gesta5. Malgré l’image de continuité apostolique et de tradition orthodoxe que cette chronique souhaite transmettre, jusqu’à la fin du ive  siècle, l’Église de Naples reste divisée. Correspondant de l’évêque Ambroise de Milan et du païen Symmaque, indice de tolérance religieuse et de relations distinguées, l’évêque Sévère (387/393-397/399) jouit du soutien d’une communauté chrétienne pourtant scindée en factions rivales6. Au siècle suivant, de la querelle arienne ne subsiste nulle trace de division dans l’histoire des évêques de Naples dont la fidélité au siège romain explique leur éloignement des débats doctrinaux qui animent l’Antiquité tardive. Des quinze évêques attestés entre le ve et le début du viie siècle7, la plupart connus par les seuls Gesta, aucun ne se distingue par son engagement dogmatique, hormis peut-être Nostrianus dont le frère, à la suite du pape Léon le Grand, expulse de Misène l’évêque pélagien Florus, vers 444, et Étienne Ier qui, au tournant des ve-vie siècles, assiste à des synodes romains dont l’un anathématise l’hérésiarque Eutychès8. Dans les deux cas, les évêques soutiennent Rome dans sa lutte contre le pélagianisme ou le monophysisme. En revanche, deux lettres de Grégoire le Grand ne permettent pas d’identifier la nature doctrinale des errements de Demetrius, sommé en 590 de régler un schisme local indéterminé, puis exclu en 591 de l’épiscopat pour des crimes graves mais mystérieux9. Seule la proximité chronologique a laissé supposer un lien entre cette destitution et la querelle des Trois Chapitres10, mais, depuis le retour de Milan dans la communion de Rome, la controverse ne touche plus, en cette fin du vie siècle, que le siège d’Aquilée11. En dépit de la maigreur des sources, extérieures à Naples, plusieurs événements révèlent la persistance d’un débat théologique local, du moins d’orientations doctrinales contredisant celles de Rome. Les épiscopats de Zosime, Sévère et Demetrius attestent la présence de groupes de fidèles confessant une foi dissidente au regard de l’or­tho­ do­xie romaine. Si l’on ignore tout des mouvances au sein de la communauté locale, force est de reconnaître sa division, persistante au ive siècle, épisodique au vie siècle.

Ibid., vol. II/2, p. 2380-2381, s.u. Zosimus 2. Ibid., vol. II/2, p. 2055, s.u. Seuerus 6. Pour les fastes épiscopaux, ibid., vol. II/2, p. 2416. Ibid., vol. II/1, p. 1543-1544, s.u. Nostrianus ; ibid., p. 2110-2111, s.u. Stephanus 7. Voir p. 36. Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 14 – décembre 590 : Sed quia eum quosdam dubietatis suae socios ibidem in Neapolitana ciuitate habere comperimus, hoc nobis de his quoque praefatus Stephanus pollicitus esse dinoscitur, ut si eorum ambiguitatem animae nostrae interpositionis periculo sanaremus, ipsos etiam ad communionem catholicam sine mora posse uel replicatione conuerti ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 5, éd. Norberg, II, 3 – septembre 591. 10.  Richards, Consul of God, p. 164. 11.  Bref aperçu de Sotinel, « L’échec en Occident », p. 442-444. 5.  6.  7.  8.  9. 

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Déchirée par l’arianisme, épargnée par le pélagianisme et le monophysisme, peut-être agitée par les Trois Chapitres, l’Église de Naples possède, jusqu’à la fin de l’Antiquité, des clercs et des laïcs attentifs aux controverses théologiques et capables de prendre position, sans toutefois y participer de manière directe ou personnelle. Le hasard de la transmission des sources n’est pas seul en cause. Comme la plupart des évêchés d’Italie méridionale, le siège de Naples ne possède aucun évêque célèbre pour sa contribution aux débats doctrinaux. De toute la Campanie ne se détache que la figure de l’Aquitain Paulin, moine puis évêque de Nole de 410 à 43112. À Naples, les évêques présents dans les Gesta sont de bons pasteurs, des bâtisseurs de lieux de culte, parfois des défenseurs de la foi, non des théologiens. Si l’attribution à Jean II, évêque dans la première moitié du vie siècle, d’une collection anonyme de trente discours demeure incertaine et discutée, au mieux peut-on relever le souci de l’évêque Redux, attesté en 581, de faire copier un florilège d’œuvres augustiniennes composé par l’hagiographe Eugippe13. Les malheurs du temps, si présents dans la correspondance de Grégoire le Grand, incitent les évêques à mettre leur énergie et leurs moyens au service de collèges cléricaux fugitifs, de communautés monastiques errantes, de laïcs désemparés, de réfugiés nombreux14. Engagés dans le siècle et confrontés à ses défis, les titulaires du siège napolitain conservent le souci d’assurer l’éducation religieuse et le salut du peuple chrétien, même s’il ne subsiste aucune œuvre homilétique ou catéchétique. À la tête d’une Église rendue puissante par le déclin ou la disparition des autres sièges de Campanie comme Misène ou Pouzzoles, les évêques de Naples contribuent, par l’image, à nourrir la foi des fidèles. Avec un détail surprenant, les Gesta décrivent les mosaïques dont l’évêque Sévère, à la fin du ive  siècle, orne sa basilique et qui illustrent la consécration au Christ et aux apôtres de l’édifice, plus tard désigné sous le nom de Seueriana. La présence des prophètes Isaïe, Jérémie, Daniel et Ézéchiel, chacun accompagné d’une brève citation des Psaumes annonçant la Nativité, la Passion, le Jugement dernier et le martyre, associe l’Ancien au Nouveau Testament, prélude et conclusion de la révélation15. La

PCBE, vol. II/2, p. 1630-1654, s.u. Paulinus 1. Ibid., vol. II/2, p. 1072-1073, s.u. Iohannes 23 ; ibid., vol. II/2, p. 1886, s.u. Redux. Voir p. 22 et suivantes. Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 4, p. 405, l. 1-9 : in cuius apsidam depixit ex musiuo Saluatorem cum 12 apostolos sedentes, habentes subtus quattuor prophetas, distinctos pretiosiis marmorum metallis. Esaiaias cum oliue coronam natiuitatem Christi et perpetue uirginitatis Dei genetri­ cis Mariae designare uoluit, dicendo : « Fiat pax ». Hieremias per uuarum offertionem uirtutem Christi et gloriam passionis prefiguratur, cum dicitur : « In uirtute tua ». Danihel spicas gerens Domini adnun­ tiatur secundum aduentum, in quo omnes boni et mali colliguntur ad iudicium. Propterea dictum est : « Et abundantia ». Ezechias proferens manibus rosas et lilias, fidelibus regnum caelorum denuntians ; unde scriptum est : « In turribus tuis ». Etenim in rosis sanguis martyrum, in liliis perseuerentia confessio­ nis exprimitur. Il s’agit d’une citation de Ps., 97, 3. 12.  13.  14.  15. 

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simplicité théologique des thèmes représentés n’introduit aucun motif de querelle. À l’instar de l’église Sainte-Agathe des Goths, édifiée par Ricimer à Rome vers 46016, voire du baptistère des Ariens, construit par Théodoric à Ravenne au tournant des vevie siècles17, la Seueriana montrerait une neutralité iconographique adaptée à la pluralité confessionnelle qui caractérise alors la communauté chrétienne de Naples. Le souci pédagogique des successeurs de l’évêque Sévère se traduit par la représentation d’autres points de la doctrine comme la Transfiguration qui, par décision de Jean  II, occupe l’abside de la cathédrale Stephania18. Bien que les Gesta se fassent moins précises, la mosaïque de la Transfiguration, placée au-dessus de l’autel, rappelle la dédicace du lieu de culte au Sauveur, et illustre à nouveau la succession des Testaments, par la présence des prophètes Moïse et Élie, des apôtres Pierre, Jacques et Jean. Guarimpotus, l’hagiographe supposé d’Athanase  Ier (849-872), compare l’unité des basiliques à l’union des Testaments, une idée présente chez Paulin de Nole19. Composée au vie siècle pour une communauté éloignée de son passé arien, la mosaïque de la Transfiguration symbolise la filiation divine du Christ et sa consubstantialité au Père selon l’orthodoxie nicéenne. Davantage que les mystères du dogme, devenus peut-être inaccessibles aux fidèles, l’histoire sainte, transmise par les Évangiles, figure sur les tentures qu’Athanase Ier fait réaliser et attacher aux chapiteaux de la Stephania20. La narration remplace l’explication.

16. Voir Mathisen, « Ricimer’s church in Rome », p. 317. 17.  Voir l’opinion nuancée de Rizzardi, « L’arte dei Goti a Ravenna », p. 377 ; Ead., « La deco-

razione musiva », p. 926-927. 18.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 16, p. 410, l. 47-48 : In quem ibidem ex musiuo depixit transfigurationem domini nostri Ihesu Christi summe operationis. 19.  Vie d’Athanase de Naples, éd. Waitz, 1, p. 440, l. 20-25 : Quandoquidem ita interius frequentissimis aecclesiis ac preclaris, antiqua uidelicet et uetustissima structura editis, necnon et monasteriis uirorum et puellarum farsa retinetur, ut horum continuis precibus nocturnis diurnisque adiuta, inuictrix consistat et tuta. Nam et introrsus binas presulum gestat sedes ad instar duorum testamentorum, quamquam una sit, quae gubernat et regit reliqua, ut capite reguntur artus diuersi. Dans son hymne célébrant en 404 la naissance de saint Félix, Paulin décrit les scènes de l’Ancien Testament qui ornent la nouvelle basilique de Nole, et les fresques d’inspiration vétérotestamentaires qui couvrent les parois de l’ancienne basilique. Voir Paulin de Nole, Carmina, éd. Hartel, 28, v. 167-175, p. 298-299 : Nunc quia dimoto patuerunt obice frontes, / eloquio simul atque animo spatiemur in ipsis / gaudentes spatiis sanctasque feramur in aulas / miremurque sacras, ueterum monumenta, figuras / et tribus in spatiis duo testamenta legamus, / hanc quoque cernentes rationem lumine recto, / quod noua in antiquis tectis, antiqua nouis lex / pingitur ; est etenim pariter decus utile nobis / in ueteri nouitas atque in nouitate uetustas. Voir également le commentaire de de la Portbarré-Viard, « Descriptions monumentales », p. 38-39. 20.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 63, p. 434, l. 14-16 : Eodem enim opere in eccle­ sia Stephania tredecim pannos fecit, euangelicam in eis depingens historiam ; quod iussit de columnarum capitibus ad ornamentum pendere.

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Les trois mentions des Gesta manifestent le souci d’instruire les fidèles par l’image plutôt que la parole dont les évêques napolitains ne sont pas dépourvus et que les papes sollicitent à de rares occasions. Leontius et Agnellus représentent le siège de Naples aux conciles de Latran et Rome qui, en 649 et 680, condamnent par deux fois le monothélisme, imposé puis récusé par Constantinople21. Le soutien apporté par ces évêques traduit tant leur communion que leur subordination ; de même, l’épisode iconoclaste à Naples, par son caractère presque anecdotique au milieu du viiie siècle, manifeste un rapprochement avec Byzance sans doute plus diplomatique que doctrinal22. Mêlant à nouveau religion et politique, la convocation d’Athanase Ier au synode romain de 861 confirme le soutien de Naples à la papauté dans sa lutte pour soumettre l’archevêque Jean de Ravenne23. Ce soutien explique en retour l’anathème brandi par le pape Hadrien II, en 870, contre le duc et le clergé de Naples pour avoir contraint Athanase  Ier à se retirer sur l’insula Maris24. La dimension doctrinale reste également absente de l’excommunication décrétée par le pape Jean  VIII, en 881, contre le duc-évêque Athanase II pour son alliance conclue avec les Sarrasins25. Le reflux de la pensée dogmatique devant les préoccupations séculières se concrétise par le caractère disciplinaire, presque prosaïque, des canons d’un synode sans doute

21.  Pour Leontius, qui souscrit en 86e position aux décisions du concile réuni par le pape Martin

au Latran, voir Mansi, 10, col. 867 B : Leontio Neapolitano episcopo ; pour Agnellus, qui souscrit en 9e position à la lettre synodale envoyée par les 125 évêques rassemblés en concile à Rome autour du pape Agathon, voir Mansi, 11, col. 299 C : Agnellus humilis episcopus sanctae Neapolitanae ecclesiae prouin­ ciae Campaniae, in hanc suggestionem, quam pro apostolica nostra fide unanimiter construximus, simi­ liter subscripsi ; cf. ibid., col. 773 B : Agnellus Dei misericordia sanctae Neapolitanae ecclesiae prouinciae Campaniae episcopus in hac relatione quam pro apostolica nostra fide composuimus, similiter subscripsi. 22.  Voir p. 447 et suivantes. 23.  Vie d’Athanase de Naples, éd. Waitz, 4, p. 444, l. 17-25 : Et quoniam beatitudinis fama nullo ualet circumdari antro, neque, ut euangelii tuba resonat, lucerna sub modio occulatur, sed candelabro supereminens constituitur, ut intrantibus in templo Domini iubar exhibeat inoffensum : cuius opinionem comperiens reuerentissimus uir Nicolaus, uniuersalis ecclesiae pater, apostolicis exortationibus hunc ad synodum, quam contra Iohannem Rauennatis urbis episcopum congregauerat, singulariter euocauit tertiumque in apostolica conuentione consedere fecit, eique ad legendum tradidit cautiones, quas predictus archiepiscopus intexuerat, eo quod ceteris illo conuenientibus in gratiae diuinae collatione omnibus prestantior apparebat ; cf. Kehr, Italia pontificia, vol. VIII, p. 444-445. 24.  Vie d’Athanase de Naples, éd. Waitz, 7, p. 447, l. 20-25 : Hoc nefandissimum scelus et impium nuntium audiens Adrianus summus pontifex, gemuit ualde, simulque et omne collegium sacerdotum et qui timebant Deum. Et misit legatos suos cum epistolis Neapolim, unam antefato iudici et alteram clero, exortans eos et deprecans, ut reconciliarentur et susciperent suum pontificem ut patrem et dominum ; sin autem, extranei essent ab aecclesiastico collegio et a communione sacri corporis et sanguinis domini nostri Ihesu Christi ; cf. Kehr, Italia pontificia, vol. VIII, p. 445. 25.  Ibid., p. 448.

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réuni à Naples au milieu du ixe  siècle26. Certes, il ne relève pas de l’autorité d’une assemblée ecclésiastique locale de définir ou de préciser le dogme, car son propos est de réglementer la vie des clercs et des laïcs, de coordonner leurs activités liturgiques, de juger quelquefois les déviants et les dissidents, enfin d’élire les nouveaux membres de l’épiscopat. Selon un rythme semestriel puis annuel, chaque province rassemble tous les évêques suffragants sous la présidence de leur métropolite27. Dans l’Italie suburbicaire, qui ressortit à la juridiction métropolitaine du pape, ces réunions ne sont guère attestées durant le haut Moyen Âge, ce qui rend les actes du synode napolitain d’autant plus précieux. Parmi les treize canons, seul le troisième revêt une dimension doctrinale par son exigence, minimaliste pour des candidats au sacerdoce, de connaître le Symbole faussement attribué à Athanase d’Alexandrie28. La culture dogmatique des prêtres reste difficile à évaluer. Les contrats de desservants d’églises privées dressent parfois la courte liste des ouvrages religieux appartenant à l’église29. Par exemple, un document napolitain, en 1072, mentionne un codex de « dialogue », mais il paraît douteux qu’il s’agisse d’un exemplaire complet des

26. Voir Martin, « Le rôle de l’Église de Naples », p. 39-64. 27.  Le principe de réunion semestrielle des évêques de chaque province, établi par le canon 5 du

concile de Nicée, est réitéré en 341 par le canon 20 du concile d’Antioche et réaffirmé en 451 par le canon  19 du concile de Chalcédoine. Constatant la difficulté des prélats à satisfaire à ces exigences, l’empereur Justinien assouplit la semestrialisation des synodes. En 546, une loi recommande une ou deux réunions par an puis, en 565, une autre loi institue une réunion annuelle. Voir Justinien, Novelles, éd. Schoell et Kroll, CXXIII, 10 (546) ; ibid., CXXXVII, 4 (565). 28.  Les canons analysés par Martin, « Le rôle de l’Église de Naples », p. 55-56, figurent dans Hefele et Leclercq, Histoire des conciles, vol. III/2, p. 1223-1226. On lit pour le canon 3, ibid., p. 1223 : Tertio statutum est ut fidem sancti Athanasii cum sua interpretatione in alio concilio diligenter omnes [sc. sacerdotes] sciant ; ut possint in commune referre : ut et ipsi recte sciant quod credunt, et alios hinc plene instruere queant, et fidei inimicos si exurrexerint conuincere possint. À propos du Symbole apocryphe, voir en premier Tixeront, « Athanase (Symbole de saint) », col. 2186, qui attribue ce credo au milieu des ascètes et théologiens de Lérins et d’Arles actifs au ve siècle et souligne que le concile de Reims établit, dès 852, l’obligation pour les prêtres de connaître ce credo, ce qui permet de dater le synode de Naples de cette époque ; de manière plus approfondie, Kelly, The Athanasian creed, p. 35-44 : l’auteur, à la suite d’autres patristiciens, reconnaît en Césaire d’Arles le plus ancien témoin du credo pseudo-athanasien, et montre comment ce Symbole se diffuse dans le monde carolingien à l’instigation de Charlemagne et se trouve inséré dans plusieurs psautiers, dont l’un envoyé par l’empereur au pape Hadrien Ier. Malgré ce présent, le credo est entré de manière tardive dans la liturgie de l’Église romaine. Sur la diffusion du credo pseudo-athanasien, voir également Salmon, L’office divin au Moyen Âge, p. 95 et 113 qui note la récitation, à Rome, du Symbole seulement dans la liturgie du Latran, tandis qu’il est mentionné dans la liturgie monastique à partir de la fin du xe siècle sous l’influence clunisienne ; McKitterick, The frankish Church, p. 52-69 et 75-76, qui fournit plusieurs exemples de statuta d’évêques carolingiens qui requièrent l’emploi de la fides Athanasii et recommandent sa récitation par les clercs et les laïcs. 29.  Voir p. 393-394.

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Dialogues de Grégoire le Grand30. On ne rencontre aucun ouvrage de théologie dans les inventaires d’églises privées, leurs desservants se limitant aux fondements du dogme, le credo, et la possession d’ouvrages dogmatiques semble improbable.

Un dogme entr’aperçu Les documents notariaux des xe-xiie siècles permettent d’appréhender des éléments de la foi parmi les hommes et les femmes du quotidien, de mesurer la perméabilité des fidèles au dogme par son évocation dans leur vie chrétienne. Les articles de foi mentionnés par les chartes apparaissent dans les dispositions qui garantissent ces actes. Ces clauses sont de nature financière, dans la mesure où le contractant s’engage à verser une pénalité s’il ne respecte pas ses engagements31, mais aussi de nature religieuse par la mention, dès le xe siècle, d’une malédiction personnelle qui observe une structure formulaire stable, mais révèle des différences entre les actes de Naples, d’Amalfi et de Gaète32. Au-delà des localismes, les variantes imprécatoires ne permettent guère de savoir si elles traduisent un choix délibéré du rédacteur, une inattention de sa part ou une demande personnelle des contractants. Pour appliquer un juste châtiment au contrevenant, la formule invoque la toute-puissance de Dieu, du Christ, des trois Personnes de la Trinité, plus rarement de la Vierge, jamais des saints33. À la différence des formules de deuotio païenne, qui appellent le malheur sur le faussaire, le parjure et surtout l’usurpateur ou le violateur de sépulture34, les formules chrétiennes de malédiction, présentes dans les actes médiévaux, réclament une sanction personnelle et non collective : l’individu est passible de la colère divine, mais sa parenté ou sa descendance sont épargnées.

30.  RNAM, vol. V, 416 – 1072 : et alium codice mediocrum quod est dialogo que nuc ego modo dedit in ipsa ecclesia. 31.  E.g. RNAM, vol. IV, 347 – 1031 : Si autem aliter fecerimus de his omnibus memoratis per quobis modum aut summissas personas tunc compono ego et heredibus meis uobis uestrisque posteris et in memorato uestro monasterio auri solidos uiginti Bythianteos. 32.  Voir Feniello et Martin, « Clausole di anatema », p. 105-127, ici p. 113-115 pour les duchés tyrrhéniens. Tandis que les documents de Gaète et d’Amalfi témoignent d’un caractère très stéréotypé, ceux de Naples offrent une plus grande variété dans les formules de malédiction qui semblent d’un usage social plus répandu. 33.  E.g. CDC, vol. I, 153 – 1028 : Et si quis autem contra hunc meum dispositum testamentum aliquit reluctare uel diminuare aut disrumpere uel inaniare uoluerit, quicumque hec facere presumpserit, nullo modo itaque ualeat adimpleri quod reppetit, sed primum omnium hira Dei omnipotentis super illa persona incurrat (il s’agit d’un testament) ; RNAM, vol. IV, 321 – 1021 : illa persona anathema et maledictionem a Patre et Filio et Spiritui Sancto. 34.  Il est intéressant de noter l’absence de toute formule de déprécation sur les épitaphes paléochrétiennes de Naples. Voir le récent corpus épigraphique établi et publié par Liccardo, Redemptor meus

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Sur les quatre-vingts  actes (quarante de Naples, vingt-cinq de Gaète, quinze d’Amalfi) qui contiennent ces mises en garde, un tiers agite la menace de l’anathème des 318  Pères. Ce chiffre désigne les membres du concile de Nicée qui, en 325, réunit environ 220  prélats35. Dès le ive  siècle, exégètes et théologiens de langue grecque portent cet effectif à 318, chiffre revêtu d’une valeur canonique et symbolique par sa correspondance avec le nombre des serviteurs d’Abraham venus secourir Lot dans l’Ancien Testament36. L’appel fréquent aux Pères nicéens pour contraindre et garantir l’accomplissement d’un testament, d’une donation ou d’une location, sous peine d’une condamnation religieuse assimilant le contrevenant à un hérétique arien, révèle moins l’empreinte dogmatique du premier concile œcuménique que la perpétuation, depuis l’Antiquité tardive, d’une formule stéréotypée. L’autorité des Pères de Nicée est associée à l’anathème qui, dans les actes, perd sa signification théologique précise – le retranchement définitif de la communauté – pour constituer une formule d’exécration appelant la damnation éternelle. L’allusion aux seuls Pères du concile de Nicée résulte de la précocité de la formule, de l’absence de chiffres mystiques associés aux autres assemblées œcuméniques et, peut-être aussi, de la récitation du Symbole de Nicée dans le credo à partir de l’époque carolingienne37. Mais la mention des 318 Pères constitue une clause pénale davantage

uiuit. À l’époque médiévale est toutefois attestée, sur une épitaphe métrique de l’église Sainte-Marie ad Plateam, une malédiction contre les violateurs de sépulture. Voir MND, vol. II/2, p. 226, n° 21 : In Christi nomine. Hic subtus tumulus dupplex in quo requie- / scunt in pace cadauera nostra nomina Deus scit / et coniu­ ramus uos omnes mortales per Deum ut post amborum / uascula repausatorum hoc tumulo aperire nullus / pre­ sumat. Si quis aperierit habeat anathema a Trinitate Domini / et sit extraneus corpus Domini. Orate pro nobis. 35.  Lire à ce propos Honigmann, « La liste originale », p. 17-76. 36.  Voir l’article fondamental de Aubineau, « Les 318 serviteurs d’Abraham », p. 5-43 ; à compléter de manière marginale par Chadwick, « Les 318 Pères de Nicée », p. 808-811. 37.  Sur la formation et la diffusion du credo nicéen, voir Dossetti, Il Simbolo di Nicea, p. 131-155 à propos de la présence de ce credo dans les collections canoniques latines composées durant l’Antiquité tardive, certaines en circulation pendant le haut Moyen Âge, et ibid., p. 175-185 pour les témoignages latins du Symbole de Constantinople ; Kelly, Early christian creeds, p. 209-216 et 296-305 pour les deux Symboles ; pour l’usage du credo à l’époque carolingienne, voir McKitterick, The frankish Church, p. 41 sur sa présence dans les collections canoniques germaniques et p. 50-51 à propos des statuta de Gerbault, évêque de Liège de 787 à 810, requérant des fidèles de connaître orationem dominicam et simbolum fidei christianitatis ; Bullough, Carolingian renewal, p. 167 et 229-230 sur la transcription et la propagation par Alcuin du credo nicéno-constantinopolitain. Cette diffusion du credo s’inscrit dans le processus de généralisation de la liturgie romaine dans l’empire carolingien. Voir Vogel, « Les motifs de la romanisation », p. 15-41. L’auteur estime cette réforme religieuse motivée par des raisons politiques, ibid., p. 38 : « romaniser le culte était une manière de fermer les pays francs aux infiltrations orientales, une manière d’empêcher que, par une voie apparemment mineure, mais éminemment efficace, l’Orient continuât à agir sur les choses franques. »

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qu’une profession de foi. Pour cette raison, certains rédacteurs ou contractants jugent insuffisant l’anathème, qui constitue pourtant la sanction suprême, et l’accompagnent de menaces frappantes, spectaculaires, voire surprenantes. Un acte de Gaète, peut-être du premier tiers du ixe siècle, ajoute à la condamnation des Pères de Nicée le châtiment de Judas38, tandis qu’un acte de Naples, daté de 1096 ou 1097, associe les 318 Pères aux douze apôtres et aux vingt-quatre vieillards de l’Apocalypse39. Plusieurs documents d’Amalfi ajoutent à l’anathème, une notion sans doute incomprise des particuliers, le terme plus explicite de malédiction40. À Gaète, le grec anathema se trouve supplanté par le latin maledictio41. Les formules puisent leur inspiration dans le Nouveau Testament quand elles vouent le contrevenant à partager le sort des traîtres, comme Judas, et des persécuteurs de la religion chrétienne42. Aux côtés de Judas figurent souvent Hanne et Caïphe, les deux grands prêtres du Temple de Jérusalem responsables,

38.  CDC, vol. I, 4 – 831 (?) : Si quis autem hex eredibus meis uel propinquis aut aliqua persona magna uel parba contra hunc meum testamentum nuncupationis contrarie hagere presumpserit abeat anathema a tricentos decem et octo patres et cum Iuda traditore domini nostri Ihesu Christi abeat partem in eterno examine et a Niceno concilio sit condemnatus et non ei sufficiat ec spiritalis innodatio. 39.  RNAM, vol. V, 486 – 1096 ou 1097 : Si autem ego aut heredes mei uel alia quabis persona quobis tempore contra anc chartula offertionis ut super legitur uenire presumpserimus, et in qualecumque partem ea irrita uel bacua facere quesierit per se aut per summissis personis sub anathematis binculis sit obligatus trecentorum decem et octo patrum, abeateque maledictione a Deo omnipotentis et da duodecim apostoli et at uiginti quattuor seniores. Pour n’omettre aucun groupe susceptible d’apporter sa protection et assurer une vengeance, au risque de se répéter, un acte de donation lombard de Salerne ajoute les quatre évangélistes aux 318 Pères, douze apôtres et vingt-quatre vieillards (RNAM, vol. IV, 274 – 1005). 40.  CP, 13 – 1004 ; CP, 25 – 983 ; CP, 26 – 990 ; CP, 28 – 993 ; CP, 33 – 1055 ; CP, 45, 1033 ; CP, 48 – 1068 ; CP, 67 – 989 ; CP, 68 – 990 ; CP, 69 – 994 ; CP, 79 – 988 ; CP, 85 – 1090 ; CP, 88 – 1094 ; CP, 105 – 1120 ; CP, 119 – 1128 ; RNAM, vol. IV, 321 – 1021 ; RNAM, vol. VI, Appendix, 7 – 1091 ; RNAM, vol. VI, Appendix, 10 – 1094 ; RNAM, vol. VI, Appendix, 34 – sans date ; RNAM, vol. VI, Appendix, 46 – sans date ; pour Naples, voir RNAM, vol. V, 404 – 1064 ; RNAM, vol. V, 413 – 1071 ; RNAM, vol. V, 486 – 1096 ou 1097 ; RNAM, vol. V, 538 – 1112 ; RNAM, vol. VI, 598 – 1127 ; pour Gaète, voir CDC, vol. I, 74 – 979. La récurrence formulaire de l’association entre anathème et malédiction laisse supposer un localisme notarial davantage qu’une demande expresse des particuliers. 41.  E.g. CDC, vol. I, 128 – 1013 : Et si quis autem contra hunc dispositum testamentum aliquid reluctare uel diminuare, aut disrumpere, uel inaniare uoluerit quicumque humana persona hoc facere presumserit, nullo modo itaque ualeat adimpleri quod reppetit ; sed primum omnium ira Dei omnipotentis super eum incurrat et habeat maledictiones a trecentis decem et octo Patres, et sine refrigerium eternum permaneat sicut ille impio Iuda traditore domini nostri Jesu Christi. Voir également CDC, vol. I, 142 – 1023 ; CDC, vol. I, 150 – 1026 ; CDC, vol. I, 168 – 1037 ; CDC, vol. I, 182 – 1047 ; CDC, vol. I, 188 – 1049. 42.  Un acte de Gaète réserve le châtiment de Judas à celui qui placera un prêtre marié ou incontinent à la tête de son église privée, dans CDC, vol. I, 19 – 906 : et habeat parte cum Iuda qui ibidem in suprascripta aecclesia presbyter ordinauerit qui femina habuerit nisi castum.

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selon les évangiles de Jean et Matthieu, de l’interrogatoire préliminaire et de la condam­ nation de Jésus devant le Sanhédrin43. Il est fait mention d’Ananie et de son épouse Saphire qui, dans les Actes des Apôtres, incarnent le non-respect des engagements, la malversation financière. Cupides, les époux maudits ont préféré conserver en partie l’argent, tiré de la vente d’une terre, plutôt que l’offrir à l’Église naissante44. Puni d’une mort immédiate, le couple offre un modèle qui sied aux clauses dissuasives de transactions foncières, et incarne une culture religieuse qui se résume à des épisodes mémorables et édifiants de l’histoire sainte. Dans ce contexte de simplification doctrinale, il n’est guère surprenant que la dizaine de références à l’Ancien Testament, contenues dans les sanctions religieuses brandies par les contractants, évoquent des personnages bibliques qui subissent la vengeance divine pour un acte de trahison. Il s’agit, d’une part, des notables Dathan et Abiron qui, rejetant l’autorité de Moïse et Aaron, sont engloutis avec leurs partisans dans les entrailles du Sinaï45 ; d’autre part, Achitophel, le conseiller du roi David, qui soutient la révolte d’Absalon mais, désavoué par ce dernier, se suicide par pendaison46, geste interprété dans une perspective chrétienne comme une préfiguration

43.  Cf. Jn, 18, 19-23 ; Mt, 26, 57-67. E.g. RNAM, vol. V, 400 – 1058 : Si quis autem ex nos aut ex nostris heredibus uel alia quabis personas sibe parba aut magna uel seculari aut sacerdotalis ordine contre anc chartulam offertionis benire presumserit, et eas in quacumque partem irrita uel bacua facere quieserit per se aut per summissas personas sub anathematis uinculis sint obligatus partemque possideat cum Iuda traditore domini nostri Ihesu Christi et cum Anna et Kaifas, et cum omnibus reprobis atque hereticis, insuper componat pars ipsius infidelis et suis heredibus a partem fidem serbantis eiusque heredibus auri solidos triginta bythianteos. 44.  Cf. Ac, 5, 1-11. E.g. RNAM, vol. V, 404 – 1064 ou 1065 : Si quis autem potenx uel impotenx homo secularis aut sacerdotales hordine indutus contra hanc chartulam benire presumseris et ea in quacumque parte ebacuare quesierint per se aut summissas personas sub abathematis uinculis sint obligatus, beniat eis maledictione quo continet in centesimo hoctabo psalmos, fiat eis sicus Dathan et Abiron quos uibos obsorbuit terra, et sicut Acetofel consiliario dauit, et sicut Anania et Saffira qui mentientes ante pedes apostolorum expiraberunt, seu et cum omnibus hereticis et excimaticis tenebrosa partem possideat cum Anna et Cayfa et cum Iuda proditores domini nostri Ihesu Christi. Insuper componat pars ipsius infidelis a partem fidem serbantis et a memorato monasterio auri libras sex Vythianteas. 45.  Cf. Nb, 16, 31. E.g. RNAM, vol. V, 486 – 1096 ou 1097 : abeatque partem cum Anna et Cayfa et cum Iuda proditore domini nostri Ihesu Christi et cum omnibus hereticis atque sismaticis et aperiat terra et deglutiat eum sicud deglutibit Dasthan et Abiron ut in die iudicii ante commune iudicem ubi omnes atsistunt nudus et redituri sunt de propriis factis ratione sit damnandus, insuper componat ipse et suos heredes a partem fidem serbantis eiusque heredes auri solidos sexaginta Bythianteos. 46.  Cf. 2 Sam, 17, 1-23. E.g. RNAM, vol. VI, Appendix, 43 – sans année : et ille qui oc ausus fuerit penetrare sub anathematis uinculis sit obligatos a trecentorum decem et octo patrum parte […] abeat cum Dadan et Abiron et cum Acetofel consiliario dabit simul et cum Anna et Iuda traditor domini et saluatoris nostri Ihesu Christi et cum omnibus ereticis partemque possideat.

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du sort de Judas. Loin d’offrir une protection absolue ou de représenter une menace individuelle suffisante, les personnes divines et saintes, les Pères de Nicée, les maudits de l’Ancien et du Nouveau Testament s’accumulent à la fin des contrats fonciers pour former un groupe composite, mêlant l’obsécration à la réprobation. À l’occasion, leur énumération présente un désordre qui témoigne de la valeur dissuasive incertaine accordée à ces autorités et à ces damnés47. Voir dans ces implorations ou ces malédictions des effets de style ou des expressions de la piété populaire constitue une interprétation possible, mais incomplète. L’usage de formules dénote des traditions locales : les actes de Gaète et d’Amalfi ne mentionnent pas ou fort peu de personnages vétérotestamentaires, tandis que ceux de Naples, à l’instar des documents de Salerne, Aversa ou Capoue, convoquent ces figures effrayantes. Dans ce cas, il faut supposer une habitude notariale, non une demande personnelle. De même, la multiplication des références religieuses ne traduit ni une culture biblique remarquable ni une superstition condamnable. En 967, une Lombarde de Cicciano, Sadelperga, lègue une terre située près de Cimitile au monastère des Saints-Serge-etBacchus. Pour s’assurer du respect de la transaction, l’acte se conclut par la menace d’une amende de cinquante sous byzantins, de l’anathème des 318 Pères de Nicée, du sort de Judas, Dathan et Abiron48. Face à d’éventuelles contestations, en 978, Marin II et Jean III, père et fils, consuls et ducs de Gaète, jugent utile de protéger leur don d’une cella à Pierre, ermite du monastère Saint-Michel, par la mention d’Ananie et Saphire, de Dathan et Abiron, puis des 318 Pères et de Judas49. Loin de surgir du tréfonds de la

47.  CDC, vol. I, 55 – 957 (?) : Contingat ei, sicut Annania, et Saffira, et sicut Dathan, et Saffira, et Abiron. Et illos deglutiat bibos terra, et in diem iudicii, ipse numquam inbeniat requiem, set habeat anathema, a trecentos decem et hoctos patrum, et parte cum Iuda traditorem domini nostri Ihesu Christi. Un autre cas est fourni par un acte de donation d’une veuve fortunée, Mira Mancanella, à l’Église de Gaète : CDC, vol. II, 321 – 1131 : Si quis ausus fuerit temerarius uenire temptauerit, aut inquie­ tare quesierit, sit extraneus a regno Dei habeatque anatherma. a CCC. X. et VIII sancti patres. Consistat dampnatus cum Iuda domini nostri Ihesu Christi traditor. Vt uiuumque axorbeat terra sicut Dathan et Abiron. Demergatur in profundum inferni cum Nerone et Herode. Consumatur igne celestis sicut magi Zazoen et Arphaxan. Et non sufficiat ei hec innodatio spiritualis. 48.  RNAM, vol. I/2, 125 – 967 : Et si aliquando tempore surrexerit qualiscumque homo magnus uel parbus qui in ipsa terra uobis tollere aut contrare boluerit aut de ipso monasterio illut subtraere boluerit per qualecumque modum exinde situ uobis hobligatus at conponendum quinquaginta solidi uizantei et insuper sub anathema iaceat da trecentos decem et octo patrum et partem abeat cum Iuda traditore domini nostri Ihesu Christi et beniat ei sicut ebenit ad Athan et ad Auiron qui sic uibos terras eos deglutibit qui in ispa terra de ipso monasterio suptraere boluerit. 49.  CDC, vol. I, 72 – 978 : Et si nos aut nostri eredes uel qualicumque persona magna aut parba contra anc nostram offertionem aliquit contrarie agere uoluerit aut minime fecerit de ea que superius diximus contingat illis sicut Ananie et Saffira et sicut Dathan et Auiron illum deglutias uiuos terra et in diem iudicii numquam inbenias requiem set abeat hanathema a trecentos decem et octo patrum, et parte cum Iuda traditorem domini nostri Ihesu Christi.

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société, la plus longue énumération de malédictions, datée de 1064 ou 1065, provient d’un acte de l’archevêque Jean VI et du duc Serge V de Naples, qui concèdent une terre à Maria, abbesse des Saints-Nicandre-et-Marcien50. La liste, originale par son accumulation d’élus et de déchus, offre l’intérêt de faire une citation indirecte de la Bible avec la mention du Psaume  108, désigné par sa seule numération qui, dans le canon moderne, correspond au Psaume  109. Les versets 8 à 15 dressent une impressionnante liste de malheurs qui doivent s’abattre sur l’adversaire du roi David : la mort prématurée, l’abandon et la ruine des orphelins et de la veuve, la confiscation et le pillage de leurs biens, l’hostilité générale envers l’ennemi et sa descendance, son effacement des mémoires, l’infamie de ses ancêtres, enfin l’éternité du courroux divin. La menace de cette malédiction d’une autre époque, celle de l’Ancien Testament, s’étend à la famille du parjure et non à sa seule personne, comme le stipulent les autres formules comportant une sanction religieuse. Invoqué en 1064 ou 1065 par la charte de donation de l’archevêque, le terrible Psaume  109 apparaît, au début du xiie  siècle, dans seulement trois actes qui, détail inattendu, concernent Caesarius, Jean et Adenulfus, tous abbés du monastère napolitain des Saints-Séverinet-Sossius51. L’évocation si rare du Psaume de l’épouvante semble circonscrite à un cercle ecclésiastique et monastique et pourrait traduire, en ce cas, moins une sècheresse de cœur ou des croyances superstitieuses qu’une formule recherchée, voire affectée. Ces abbés étaient peut-être les seuls capables d’en fournir la référence. Usuelles ou originales, les formules de protection et de malédiction sont présentes, rappelons-le, dans moins d’une centaine d’actes notariés, en majorité de Naples, alors que les sanctions financières se font omniprésentes, preuve de la confiance des contractants dans la justice humaine et la valeur du droit civil. Si la foi motive nombre de legs considérés comme pieux, l’exécution de leurs clauses dépend de liens sociaux et juridiques solides. Au regard des archives notariales conservées, les for­ mules de malédiction paraissent anecdotiques. Il semble hasardeux d’extrapoler de leur contenu récurrent et de leur fonction utilitaire une foi simple et contractuelle,

50.  RNAM, vol. V, 404 – 1064 ou 1065 : Si quis autem potenx uel impotenx homo secularis aut sacerdotales hordine indutus contra hanc chartulam benire presumseris et ea in quacumque parte ebacuare quesierint per se aut summissas personas sub abathematis uinculis sint obligatus, beniat eis maledictione quo continet in centesimo hoctabo psalmos, fiat eis sicut Dathan et Abiron quos uibos obsorbuit terra, et sicut Acetofel consiliario dauit, et sicut Anania et Saffira qui mentientes ante pedes apostolorum expiraberunt, seu et cum omnibus hereticis et excimaticis tenebrosa partem possideat cum Anna et Cayfa et cum Iuda proditores domini nostri Ihesu Christi. Insuper componat pars ipsius infidelis a partem fidem serbantis et a memorato monasterio auri libras sex Vythianteas. Cf. la liste des maudits néo(Hanne et Caïphe, Judas) et vétérotestamenaires (Dathan et Abiron) fournie par une charte de donation de l’évêque Guillaume de Nola : voir RNAM, vol. VI, 586 – 1123. 51.  RNAM, vol. VI, 575 – 1119 ; RNAM, vol. VI, 598 – 1127 ; RNAM, vol. VI, Appendix, 46 – sans année.

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a fortiori une pratique religieuse routinière et instrumentale. Certes, des forces divines et saintes, protectrices ou vengeresses, emplissent le quotidien d’hommes et de femmes du haut Moyen Âge, qu’ils soient moines, clercs ou laïcs. Archétypes du pécheur, des personnages bibliques honnis rappellent, du moins à certains, le sort effrayant qui s’abat, implacable, sur les contrevenants. Quelles que soient leurs variantes, ces menaces religieuses confluent vers la certitude, enseignée par l’Église, que la faute personnelle appelle le châtiment divin. Loin de traduire une défiance des contemporains, l’invo­ cation de puissances surnaturelles et de punitions mortelles montre une foi nourrie de la crainte de Dieu, une morale révoltée par la faute, une vie inquiète du salut.

L’au-delà des testaments Les sources notariales, dont l’objet n’est pas la dogmatique ni l’eschatologie, permettent de saisir, de manière indirecte, le sens téléologique que les fidèles donnent à la mort et la signification religieuse qu’ils lui attribuent. Les formules de malédiction, placées à la fin d’une minorité d’actes notariés, évoquent parfois le Jugement dernier52. L’idée de mort chrétienne et de rétribution éternelle apparaît dans les testaments, non dans les Gesta ni les sources hagiographiques, les unes soucieuses de narrer les hauts faits de l’épiscopat, les autres d’enrichir un sanctoral local médiocre. Si les centaines d’actes de vente ou de location des trois cités tyrrhéniennes ignorent, par principe et nature, les préoccupations spirituelles, les actes de donation au profit d’une institution religieuse, qu’il s’agisse d’une église, un monastère, une congrégation ou une confraternité, manifestent l’espoir d’une salvation individuelle, parfois familiale. Or la brièveté et le formalisme des legs pieux expliquent que leur dimension spirituelle se limite à exprimer le souhait essentiel dans une religion du salut, c’est un truisme, de sauver son âme53. La formule pro anima constitue l’expression, simple et récurrente,

52.  E.g. RNAM, vol. IV, 382 – 1044 : tunc sint ille innodatus sub uinculo anathematis trecentorum decem et octo patrum abeatque partem cum Iuda traditore domini nostri Ihesu Christi ut in diem iudicii ante commune iudicem sit damnandus. 53.  Parmi de nombreuses contributions, voir l’article de Holger Brunsch, « Genesi, diffusione ed evoluzione », p. 93-95 où l’auteur constate, à partir du xe siècle, un essor en Italie de la pratique du testament avec, dans les régions méridionales, Naples pour « point d’appui » (fulcro) de cette tradition et épicentre de son renouveau. À lire également, non sans quelques réserves sur l’identification trop systématique des testateurs à des membres de l’aristocratie – notion laissée sans définition précise –, Loré, « Disposizioni di tipo testamentario », p. 146-147. L’auteur tend à distinguer, par la nature de leurs dons, deux pratiques testamentaires, l’une commune à Gaète, Capoue et Bénévent, l’autre liant Salerne à Naples : la première se singularise par la faible place accordée à l’Église sauf en cas de rupture du lignage, la seconde par l’imbrication des relations de clientèle entre aristocratie (pourtant peu discernable à Naples) et établissements religieux. Le propos est nuancé par Feller, « Les politiques des familles aristocratiques », p. 285-286, qui adopte une position plus pragmatique, relève la diversité des

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rencontrée dans ces chartes de donation. En revanche, seules les motivations figu­ rant au protocole des actes testamentaires apportent une information développée, voire circonstanciée, sur la volonté du fidèle, exprimée par l’intermédiaire du notaire, de répartir ses biens dans l’attente de la mort et l’espoir de l’au-delà. L’intérêt des testaments pour examiner la vie chrétienne est contrebalancé par leur nombre limité. Alors que l’examen des clauses finales des actes laissait apparaître en­ vi­ron quatre-vingts  documents pourvus d’une formule d’invocation et d’exécration, les chartes qui constituent ou mentionnent un testament sont moitié moins nom­ breuses. L’origine monastique de la plupart des actes, à savoir les archives des Saints-Serge-et-Bacchus et dans une moindre mesure des Saints-Séverin-et-Sossius, expliquerait le petit nombre d’écrits testamentaires, en particulier à Naples où une vingtaine subsiste, comme à Gaète, tandis qu’Amalfi en fournit moins de cinq. Équivalents en volume, les documents regroupés dans le Codex Diplomaticus Cajetanus, compilation d’actes du Mont-Cassin, dépassent en longueur et en précision ceux de Naples et d’Amalfi54. Une fois encore, il faut invoquer les hasards de la transmission des sources plutôt que supposer dans ces cités des traditions notariales moins disertes, de nombreux décès intestats ou un recours plus fréquent au testament à Gaète. Le statut social des individus ne détermine pas davantage la conservation de leurs volontés puisque des aristocrates, la plupart apparentés à la famille ducale, apparaissent dans nombre d’actes de Gaète55, tandis que la condition des testateurs

legs charitables et des fondations pieuses, et voit dans ces dons moins une source d’affaiblissement de l’aristocratie qu’un moyen de contrôle des institutions religieuses. 54.  Pour Naples, nous avons trouvé des testaments ou des allusions à des testaments dans les 21 documents suivants : MND, vol. II/1, 33 – 936 ; MND, vol. II/1, 66 – 948 ; MND, vol. II/1, 87 – 955 ; MND, vol. II/1, 107 – 961 ; MND, vol. II/1, 160 – 967 ; MND, vol. II/1, 164 – 968 ; RNAM, vol. I/1, 15 – 932 ; RNAM, vol. I/1, 38 – 937 ; RNAM, vol. I/1, 32 – 939 ; RNAM, vol. I/1, 46 – 947 ; RNAM, vol. I/2, 53 – 949 ; RNAM, vol. I/2, 61 – 951 (acte lombard) ; RNAM, vol. I/2, 84 – 959 ; RNAM, vol. I/2, 85 – 959 ; RNAM, vol. I/2, 88 – 960 ; RNAM, vol. I/2, 92 – 960 ; RNAM, vol. I/2, 105 – 964 ; RNAM, vol. I/2, 116 – 965 ; RNAM, vol. I/2, 121 – 966 ; RNAM, vol. I/2, 140 – 970 ; RNAM, vol. I/2, 201 – 985. Pour Gaète, voir les 19 chartes suivantes dans CDC, vol. I, 4 – 831 (?) ; CDC, vol. I, 14 – 887 ; CDC, vol. I, 19 – 906 ; CDC, vol. I, 52 – 954 ; CDC, vol. I, 54 – 957 ; CDC, vol. I, 120 – 1010 ; CDC, vol. I, 128 – 1013 ; CDC, vol. I, 131 – 1014 ; CDC, vol. I, 142 – 1023 ; CDC, vol. I, 143 – 1024 ; CDC, I, 153 – 1028 ; CDC, I, 168 – 1037 ; CDC, I, 172 – 1039 (?) ; CDC, II, 219 – 1064 ; CDC, II, 234 – 1067 ; CDC, II, 241 – 1069 ; CDC, II, 245 – 1071 ; CDC, II, 314 – 1128 ; CDC, II, 328 – 1135. Enfin, trois testaments seulement sont connus pour Amalfi d’après CP, 26 – 990 ; CP, 41 – 1005 ; CP, 71 – 1014. 55.  Voir partie 3, chapitre 2. De manière plus large, sur la diversité des domaines couverts par le testament au haut Moyen Âge (patrimoine, lignage, clientèle, mais aussi spiritualité sous l’influence de l’Église), voir l’article de Spreckelmeyer, « Zur rechtlichen Funktion », p. 95-98 et 108-109 ; sur la nature plus juridique que spirituelle des testaments princiers, bien que limitée au monde franc, l’étude de Schmidt-Recla, « Frühmittelalterliche Verfügungen », p. 49-52, rappelle que le dogme,

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des autres villes semble moins privilégiée, sans être médiocre au regard de la valeur des biens transmis ou distribués. Incorporé au Codex Diplomaticus Cajetanus, le plus ancien testament conservé, rédigé sans doute en 831, présente l’intérêt d’avoir été établi par un évêque, Jean de Formies56. Par crainte que la mort ne le surprenne avant l’établissement de l’acte, le testateur convoque pour le rédiger un diacre de son Église, Paul, à qui il dicte ses dernières volontés après avoir cité l’évangéliste Matthieu : « Vois, mon fils, combien nous sommes des hommes fragiles et que nul ne connaît sa fin, comme l’atteste la voix de l’Évangile en disant de veiller car vous ne connaissez ni le jour ni l’heure »57. Au début du xe  siècle, l’hypatus Docibilis  Ier assortit ses dispositions testamentaires de considérations doctrinales, cette fois empruntées à l’Ancien Testament et au péché originel : « Comme le premier homme fut chassé des joies du Paradis par désobéis­ sance, il entendit, envoyé dans les peines de son exil, la voix de la vérité : “tu es poussière et tu retourneras à la poussière” ; et de fait, aucune personne née dans ce monde d’une substance corruptible ne peut échapper à l’obligation de mourir. Il est donc nécessaire, vu la fragilité de la condition humaine, de devoir toujours songer à l’arrivée soudaine de la mort, et de disposer de ses volontés avec un corps et un esprit saints »58. Cette sentence ne constitue pas une marque de piété personnelle, mais une formule notariale édifiante reprise, mot pour mot, par le testament du uir magnificus Gregorius, fils du préfet Léon, en 102459. Rares sont les testaments qui évoquent les Écritures, et le choix des citations ou des allusions semble convenu : deux actes gaétans, de 1067 et 1071, font une même référence aux Psaumes60.

même inexprimé, demeure sous-jacent. De manière plus générale, voir La Rocca, « Pratiche funerarie nell’Italia longobarda », en particulier p. 434-442. 56.  À propos des testaments d’évêques, Lesne, Histoire de la propriété ecclésiastique, vol. I, p. 153-157. 57.  Cf. Mt, 25, 13 ; CDC, vol. I, 4 – 831 (?) : Vide fili quia homines fragiles sumus et nescit hunusqui­ sque finem suum sicut uos euangelica testatur dicens uigilate quia nescitis die neque horam. 58.  Cf. Gn, 3, 19 ; CDC, vol. I, 19 – 906 : Dum primus parens per inobedientiam de paradisi gau­ dia expulsus, huius exilii erumna missus ueridica uoce audiuit, quia puluis aes, et in puluerem reuerteris. Nullus namque in hoc saeculo natus ex corruptiuile semen qui possit mortis effugere debitum, unde necesse est ut humana fragilitas semper debeat de mortis repentinis casibus cogitare, ut uolumtatis sue dispositione sanus corpore et mente disponat. 59.  CDC, vol. I, 143 – 1024 : Dum primus parentes per inobedientia de paradisi gaudii expulsus, uius exilii erumna missus, ueridica uoce audiuit : Quia puluis es, et in pulbere reberteris. Nullus namque in oc seculo natus ex corruptibile semen, qui possit mortis fugere debitum ; unde necesse est, ut humana fragilitas semper debeat hesse sollicita ; et de repentinis casibus cogitare cogitare, ut boluntati sue dispositionis, sanus corpore, et mente ilare. 60. Par exemple, dans un testament lacunaire d’un Lombard de Cicciano : RNAM, vol. I, 2, 61 – 951 : Ideoque me Ianiportus …rano, dum balida infirmitas me … seculum uitam transire ; voir également CDC, vol. II, 234 – 1067 (testament de Leo f. Iohannis Caracii) : Quoniam igitur mortalibus

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Les rares mentions du Nouveau et de l’Ancien Testament illustrent des préoc­cu­ pations, également présentes dans les actes dépourvus de citation biblique, qu’il est possible de grouper autour de trois thèmes régissant l’établissement et la rédaction du testament chrétien : la fin de vie, le salut et la transmission du patrimoine. Le protocole comporte souvent des considérations générales comme le constat résigné de la fragilité humaine, le caractère éphémère mais transitoire de la vie terrestre, le renoncement devant la maladie incurable ou la crainte du décès inattendu et intestat61. Ces moralia ne prétendent exprimer ni désarroi personnel, ni incertitude religieuse, ni crainte de la mort. Au contraire, elles préludent à l’énonciation de principes doctrinaux, d’articles de foi qui, essentiels dans une perspective sotériologique, constituent le deu­ xième point des testaments62. Au soir de sa vie, le fidèle proclame son appartenance à la communauté chrétienne, sa confiance en l’amour salvateur et tout-puissant du Christ63. À l’instar des formules de protection et de malédiction, la Vierge et les saints ne sont presque jamais invoqués dans la quarantaine de testaments des cités tyrrhéniennes et ne semblent remplir aucune fonction d’intercession entre Dieu et ses fidèles64. Leurs attentes spirituelles se traduisent par l’appel direct à la miséricorde divine, le souhait de la rémission des péchés, l’espoir du salut. Si, comme dans toute société

incertum est finis et terminum uite sue omnis homo ignorat quia omnis qui uiuit moritur secundum Psalmiste uoce et nescit que et quis crastinum pariat dies qua horis momentisque sine dilatione ad mortem tetendit et propter talis mentionem, et humana fragilitas qua semper debet esse sollicita et cogitare ne superueniat repentina uocatio et arguente iussione ut ea que sua sunt desideria non ualeat explicare ; CDC, vol. II, 245 – 1071 : testament de Sergius f. d. Campuli praefecturi. 61.  E.g. CDC, vol. I, 131 – 1014 : Humana fragilitas semper deuent de repentinis casibus cogitare nec superueniat eis repentina bocatio et ea que sua sunt non baleat explicare (testament de Marenda, honesta femina, veuve d’un certain Tiberius) ; CDC, vol. II, 245 – 1071 : Quamhobrem ego Sergius filius domni Campuli prefecturi abitator predicte ciuitatis. Cum in presenti die in infirmitatis lectulo iacentem inualida egritudinem, unde me spero de hanc uitam finire. Et quamuis pauidus de carnis anime solutionem. 62.  CDC, vol. I, 153 – 1028 : Omnis homo quisquis in seculo nascitur dies eius sicut fenum dicitur propheta testante, horis dies nec momentis transitus ex hac uita nullus homo nesciens. Quia Deus omnipotens hoc in sua detinet potestates propterea omnibus considerandum est de terminum uite sue ne forte superincurrat repentina uocatio quia nullus scit qui finem sue migrationis cum lingua retinendo aut memorie proprie mentis habeat potestates quia dum oculos clauditur et migrat anima nichil secum preter peccata portantes. 63.  E.g. RNAM, vol. I/2, 116 – 965 : pro Domini amore et salbationis anime meae, et pro anima quondam Maru honesta femina dudum coniugi meae. 64.  Deux exceptions sont fournies par le testament du uir magnificus Grégoire, un aristocrate de Gaète et, quelques années plus tard, par le testament d’un compatriote, Constantinus f. d. Pauli. Voir CDC, vol. I, 143 – 1024 : Et fia omnia eis benedictum a Deo Patrem omnipotentem et ab omnes sanctis ; CDC, vol. I, 153 – 1028 : primitus coram Deo et omnibus sanctis eius.

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pré-médicalisée, par-delà les différences de fortune, de statut et d’âge, la mort exerce des prédations considérables sur la population parmi ses éléments les plus jeunes ou les plus fragiles, la crainte de la disparition physique ne doit pas susciter une angoisse irrationnelle, mais une résignation transfigurée par l’espoir65. Loin de l’imaginaire médiéval recréé à l’époque romantique, les moribonds ne paraissent ni terrassés par la peur du châtiment éternel ni assaillis de démons. Isolé, un acte lombard du xe siècle évoque l’enfer66, tandis que le diable n’envahit jamais les dispositions testamentaires67. La quête du salut se traduit par la constitution d’héritiers en religion qui, par leurs prières, doivent intercéder en faveur du défunt68. L’eschatologie personnelle à l’œuvre dans le testament chrétien favorise la constitution d’un « pécule spirituel »,

65.  Sur les attitudes affichées ou requises des fidèles, à savoir la confiance et la sérénité, face à la mort chrétienne, voir Chélini, L’aube du Moyen Âge, p. 463-467. 66.  RNAM, vol. I/2, 61 – 951 : Et timendo iudicia Dei uolens [animam meam] de inferno liberare. 67.  Les seules mentions du diable apparaissent dans deux chartes normandes de donation d’une église au monastère Saint-Sébastien de Naples par un miles appelé Aldoynus Francus, et du monastère Saint-Laurent au monastère homonyme d’Aversa par les princes Jourdain Ier et Richard II de Capoue. Voir RNAM, vol. V, 420 – 1074 : Et si quis ex nos aut nostris heredibus uel posteris nostris irritum fecerit contra hanc chartulam oblationis, maledictionem habeat ab omnipotente Deo et beate Marie, et a trecentorum decem et octo patribus, habeat partem cum Diauolo, et cum Iuda traditore, et cum Anna et Caypha, et aperiat terra et deglutiat eos sicut Dathan et Abylon ; RNAM, vol. V, 444 – 1087 : Quod si quis diabolica suasione compulsus hoc scriptum uiolare irritumue facere praesumpserit, mille auri purissimi libras persoluat medietatem nostro palatio et medietatem nominato abbati. Il s’agit d’une formule d’origine occidentale. 68.  Voir en particulier McLaughlin, Consorting with saints, p. 67-79 sur la commémoration des morts ; Treffort, L’Église carolingienne et la mort, p. 85-86 qui rappelle que la prière pour les morts s’appuie sur la tradition et non les Écritures ; ibid., p. 90-106 à propos du memento des morts durant l’office, qui ne remonte pas en deçà du pontificat de Gélase (492-496), et de l’essor des commémorations encouragé par le monachisme bénédictin, en particulier le Mont-Cassin qui célèbre l’office des défunts avant le viiie siècle ; Chélini, L’aube du Moyen Âge, p. 489-490 sur la prière familiale et les fondations funéraires ; dans une perspective également générale, mais illustrée par un arrière-plan régional, Lauwers, La mémoire des ancêtres, p. 117-126, qui situe au ixe  siècle dans les monastères bénédictins l’office de tous les morts et l’accomplissement de messes de commémoration personnelle. Cette datation avait été établie par Salmon, L’office divin au Moyen Âge, p. 115, qui mentionne comme premier témoignage possible l’Institutio sancti Angelberti abbatis, rédigée au monastère de SaintRiquier vers 800-811 ; la célébration des morts dans l’office monastique serait à l’origine de l’introduction, sinon de l’attestation au xie siècle, de la récitation de la prière De profundis pro defunctis dans la liturgie des heures de l’office romain (ibid., p. 95). Depuis le canon 12 du concile d’Aix de 817, la commémoration chantée des morts est requise dans les monastères de l’Empire carolingien : Corpus con­ suetudinum monasticarum, éd. Hallinger, vol. I, p. 475 : Vt praetermissis partitionibus psalterii psal­ mi speciales pro elemosinariis et defunctis cantentur ; en revanche il est spécifié par le canon 32, p. 479 : Vt psalmus inuitatorius et Gloria pro defunctis non cantentur.

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symboliquement distribué aux membres de la communauté des fidèles. L’association étroite, dans ces testaments, entre les clauses financières et les gages de piété risque d’aboutir, dans l’esprit du testateur, à une confusion des genres au point d’assimiler sa libéralité à de la piété, de quantifier la foi par la générosité, de stipendier des prières, bref de vouloir financer son salut69. Suivant une conception comptable de la vie chrétienne et de l’au-delà, le rachat des péchés impose, dans quelques actes très rares, un prix à verser pour sauver son âme70. Les considérations morales convenues, les engagements religieux attendus et les préoccupations matérielles coexistent dans les testaments. Leur uniformisation rédac­tionnelle, manifestée au sein des élites et des classes moins fortunées par les mêmes généralités bibliques ou édifiantes, exprime une cohésion doctrinale ou un conformisme spirituel qui transcende les différences sociales, même si le recours aux testaments reste sans doute limité aux patrimoines insignes. D’un point de vue dogmatique, les testaments manifestent l’adhésion générale, bien qu’imprécise, à l’eschatologie chrétienne. Ils témoignent d’un ensemble de références communes qui relèvent de la foi. L’au-delà est un lieu de repos provisoire où les défunts at­ tendent le Jugement dernier et bénéficient des prières commémoratives des fidèles71,

69.  Voir l’étude classique de Chiffoleau, La comptabilité de l’au-delà, p. 214 : « Malgré le lien étroit qui unit toutes les mesures – même les plus profanes – prises par le testateur à l’article de la mort, certaines d’entre elles concernent plus particulièrement l’au-delà, constituent vraiment le “prix du passage”. Toute une économie du salut (entendue au sens commun et non au sens théologique du terme) se cache derrière l’organisation des legs pieux » ; pour le haut Moyen Âge, voir McLaughlin, Consorting with saints, p. 235-240, sur la multiplication des prières en faveur des morts qui entraîne, dès l’époque carolingienne, un processus d’instrumentalisation de la liturgie funèbre au point d’aboutir à ce que l’auteur appelle une « réification » et une quantification de la prière ; Lauwers, La mémoire des ancêtres, p. 474-480, où l’auteur met en relation la monétarisation de l’économie du Moyen Âge central avec la mise en place du « marché funéraire », caractérisé par une fragmentation des legs pieux et l’établissement de relations contractuelles « entre le don matériel et le contre-don spirituel », au point d’inciter les fidèles à vouloir acheter les prières des clercs. 70. Le pretium pro anima sua et ses variantes apparaissent dans quelques actes de nature testamentaire : RNAM, vol. I/1, 29 – 937 ; RNAM, vol. I/2, 105 – 964 ; CDC, vol. I, 168 – 1037 ; CDC, vol. I, 328 – 1135. 71.  Pour l’Antiquité tardive, lire Ntedika, L’évocation de l’au-delà, p. 87-113, où l’auteur étudie les témoignages relatifs à la rémission des péchés des défunts par les prières des vivants, et répartit les Pères latins en deux catégories, selon qu’ils placent leur espoir dans la miséricorde divine ou justifient l’utilité rédemptrice de la prière pour les morts, surtout de la missa pro defunctis, par l’idée du purgatoire ; Rebillard, In hora mortis, p. 158-164 : axé sur la crainte de la mort, ce livre étudie les réponses apportées par les Pères aux angoisses des fidèles, non par volonté d’évacuer ou de nier leur crainte, mais par souci de l’insérer dans une causalité chrétienne, celle du péché originel et de la pénitence qui lui est liée ; Lauwers, La mémoire des ancêtres, p. 69-90 sur la tradition établie et explicitée

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prières qui expliquent le développement des messes privées avec, pour corollaire, la multiplication des moines prêtres72. Auditeurs d’une prédication persuasive, les fidèles se préparent à une mort dévote en se séparant d’une partie de leurs richesses terrestres par la pratique, sous des formes variées, du don pro anima. Le souci de l’au-delà encourage la bienfaisance et justifie l’intercession, qui contribue à édifier une communauté de fidèles associant les vivants aux morts, sans toutefois encourager la dévotion à la Vierge ou aux saints.

II.  Culte des reliques, des saints et des images Le développement du culte des saints est contemporain de la naissance du christianisme et de sa diffusion conflictuelle dans le monde romain. La proximité des martyrs avec le divin explique la récupération de leurs dépouilles, la préservation d’objets associés à leurs personnes, la collecte des instruments de leur passion. Indice d’une forte cohésion sociale, la communauté chrétienne de Naples ignore ce temps d’épreuves et ne compte aucun martyr. L’essor et la popularisation du culte des saints se traduisent par une inflation des reliques et des objets de piété dont la vénération dépasse le cercle, dorénavant presque fermé, des martyrs puis des confesseurs pour intégrer les évêques remarquables et les ascètes exemplaires devenus autant de modèles de perfection et d’intermédiaires avec le divin. Dans ce contexte d’effervescence dévote, l’épiscopat joue un rôle déterminant de promotion cultuelle et d’insertion urbaine des saints et de leurs reliques par le biais d’une institutionnalisation liturgique et spatiale73.

par le De cura pro mortuis gerenda et l’Enchiridion, deux traités d’Augustin composés vers 421-422, le premier en réponse à une sollicitation de Paulin de Nole en faveur de l’inhumation ad sanctos dans la basilique Saint-Félix de son diocèse. Voir Grieser, « Die Bestattung der Toten », p. 408-424, ici p. 418-419. Rebillard, In hora mortis, analyse également la justification de la prière eucharistique pour soulager l’âme des morts développée par Grégoire le Grand, en particulier dans ses Dialogues (Grégoire le Grand, Dialogues, IV, 57, 2, éd. de Vogüé, p. 184 : Si culpae post mortem insolubiles non sunt, multum solet animas etiam post mortem sacra oblatio hostiae salutaris adiuuare, ita ut hoc nonnumquam ipsae defunctorum animae uideantur expetere). Le soulagement spirituel apporté par les offices célébrés en mémoire des morts est déjà manifeste dans l’Église de Naples, mais n’occupe qu’un seul jour de l’année liturgique dans la première moitié du viie siècle : voir Morin, « La liturgie de Naples », p. 491, n° 139 : Legenda pro defunctis (mais il s’agit d’une annotation qui n’est sans doute pas contemporaine de l’époque de rédaction de ces capitula napolitains). 72.  Voir p. 319 et suivantes. 73.  Voir l’étude classique de Brown, Le culte des saints, p. 41-59, qui explique l’essor du culte des saints par une réaction des autorités ecclésiastiques au risque de privatisation de la sainteté par les laïcs puissants et un moyen de solliciter leurs richesses lors des célébrations du saint ; à compléter par Boesch Gajano, « Il culto dei santi », p. 127-128 où l’auteur montre les deux principales

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L’orientation des dévotions populaires vers la promotion de sanctuaires locaux se traduit par une concentration, dans les basiliques martyriales et les églises, de reliques qui suivent un double mouvement de rassemblement et de dispersion. La nécessité d’accumuler un capital sanctifié pour assurer l’efficace et l’ancienneté des lieux de culte ne fait guère difficulté à Naples qui, à l’instar de nombreuses autres villes de l’Antiquité tardive, importe de localités voisines, mieux pourvues mais déclinantes, le patrimoine martyrial qui fait défaut. La floraison du sanctoral tyrrhénien traduit un effort de centralisation et de cléricalisation du culte des saints et de leurs reliques au profit des cités littorales. L’action volontariste du clergé, connue et magnifiée par les sources hagiographiques et les Gesta, ambitionne de tourner la piété des fidèles vers des lieux de culte contrôlés par l’Église. Plus objectifs et plus nombreux, les actes de la pratique révèlent un quotidien religieux différent où le culte des saints et des reliques paraît moins populaire.

Un culte des reliques maîtrisé Force est de constater que la plupart des saints attestés à Naples n’en sont pas originaires. Épargnée par les persécuteurs ou ignorée des premiers hagiographes, la cité ne possède pas de martyrs célèbres et établit les fondements de son sanctoral sur le souvenir et les dépouilles de ses premiers évêques. Leur action et leur existence exaltent la sainteté et l’antiquité de leur Église74. L’absence de saints martyrs incite les évêques

orientations – non exclusives – de la recherche en hagiographie, l’une de nature politique, l’autre de caractère plus anthropologique qu’institutionnel ; Haarländer, « Die Reliquien », vol. I, p. 117-158, ici p. 144-147 à nouveau sur le contrôle épiscopal du culte des saints et, de manière plus large, le rôle joué par l’épiscopat dans le contrôle de ce culte ; Boesch Gajano, « Conclusioni », p. 582 sur l’interaction, dans les Dialogues de Grégoire le Grand, entre hagiographie et géographie, dans la mesure où le saint sacralise les espaces tandis que les lieux saints rythment son parcours de sanctification ; Février, « Martyre et sainteté », p. 64-66, qui met en lumière le développement en Italie aux ive-ve  siècles, face à la popularité des martyrs, d’un culte rendu à des saints évêques qui n’ont pas connu le martyre, mais dont le souvenir est entretenu par des évêques plus récents ; Pietri, « Culte des saints », p. 355-358 sur l’assimilation des célébrations du saint local à un culte poliade ; enfin Chélini, L’aube du Moyen Âge, p. 315-319 et 353-361 à propos de l’origine, du développement et de la polyvalence du culte marial et du culte des saints dans la vie religieuse des fidèles. 74. Voir Picard, Le souvenir des évêques, p. 342 où l’auteur montre comment les cathédrales de Milan, de Ravenne, d’Aquilée mais également de Naples ne reçoivent pas de sépultures épiscopales avant les ixe-xe siècles. De manière plus générale, Heinzelmann, Translationsberichte, p. 94-99, qui situe l’âge d’or des récits de translation de reliques aux viiie-xie siècles, par systématisation des sources hagiographiques qui tendent à assortir les Vies ou les Passions de récits d’invention ou de translation. De propos plus général, Chélini, L’aube du Moyen Âge, p. 320-322 et 330-334 à propos de la quête et des translations de reliques. Pour l’époque carolingienne, voir Geary, Furta sacra, p. 40-50, qui voit dans l’essor du culte des reliques favorisé par Charlemagne et Louis le Pieux une réponse politique et

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à sanctifier leurs prédécesseurs, au point que Naples ne possède pour saints locaux que des évêques, et à rechercher des reliques, mais avec retard sur les autres métropoles méditerranéennes. Alors que le culte des saints se propage partout et que Naples possède une basilique depuis Constantin, dans le premier tiers du ve  siècle, l’évêque Jean Ier déplace le corps du martyr Janvier de Pouzzoles aux catacombes de Naples, peutêtre déjà pourvues d’une petite église. La portée de la translation, commémorée par les Gesta75, est double : transférer à l’Église locale la popularité d’un saint nécessaire à son rayonnement, et rapprocher la sainteté du pouvoir épiscopal par la déposition des reliques de Janvier sous la petite église dont la crypte contient, depuis la seconde moitié du iiie siècle, le corps de l’évêque Agrippinus. La sanctification de l’Église napolitaine requiert l’intervention de ses évêques, mais la recherche de reliques répondrait également à une demande populaire. Parmi un riche dossier hagiographique de nature et de rédaction composites, la version ancienne de la Passion de Janvier et de ses compagnons, datée des vie-viie siècles, traduit les motivations de cette quête76. Dans un climat de rivalité entre communautés chrétiennes et de course éperdue aux reliques et aux saints patrons (sollicite suos sibi patronos rapere festinarent), les Napolitains reçoivent de Dieu le secours de Janvier. Au milieu des cantiques, évêque en tête, les fidèles transfèrent son corps dans la basilique cémétériale d’où il dispense désormais sa bienfaisante protection77. La reconstruction hagiographique de la Passion

religieuse de ces souverains dans leur compétition avec l’empire byzantin. Selon la législation ecclésiastique carolingienne promulguée par les conciles d’Aix-la-Chapelle en 801 et de Mayence en 813, chaque autel doit posséder des reliques sous peine d’être détruit. Canetti, Frammenti di eternità, p. 150-152 et 156-158, estime que le vol des reliques, phénomène qui touche la péninsule italienne aux ixe-xe siècles, revêt un caractère collectif parce qu’il bénéficie à des centres urbains en quête de protection en des temps troublés ; de même la translation de reliques, véritable « performance liturgique », constituerait un transfert spatial et ostentatoire d’autorité à finalité identitaire. 75.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 6, p. 406, l. 15-19 : Hic tante seueritatis plenus fuit, ut etiam sanctus Paulinus Nolanae sedis episcopus, sicut in uita sua legitur, eum accersiret atque uocaret ad Christi gloriam intuendam. Post triduum autem deposito corpore, neophitorum pompa prosequente, in eo oratorio, ubi manu sua dicitur condidisse beatissimum martyrem Ianuarium a Marciano sublato, et ipse parte dextra humatus quieuit. Il est à noter que le transfert des reliques de Janvier est attribué à l’évêque Sévère (387/393-397/399) par la Vie de Sévère de Naples, p. 769  B : Sedit sanctus Seuerus episcopus annos quadraginta sex, menses duos, dies undecim. Hic fecit basilicas quatuor. Nam et corpus beati Ianuarii, sacerdotis et martyris, ipse condidit manibus suis in ecclesia foris porta huius ciuitatis milliario uno, in qua nunc requiescit usque in presentem diem. 76.  Voir le commentaire de Granier, Histoire, dévotion et culture, vol. I, p. 303-305. 77.  Passion de Janvier, 9, p. 871 E : Noctu uero cum unaqueque plebe sollicite suos sibi patronos rapere festinarent, Neapolitani beatum Iannuarium sibi patronum tollentes a Domino meruerunt. Postea uero quieto iam tempore uenerabilis episcopus, una cum plebe Dei sancta cum hymnis, et laudibus tollentes iuxta Neapolim transtulerunt, et posuerunt in basilica, ubi nunc requiescit. Qui praestante Domino nostro

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met en évidence le rôle décisif joué dans la translation par l’évêque, ici anonyme, mais légitime son action par la demande empressée de ses ouailles. Dans la version des Gesta, le souci d’exalter l’épiscopat napolitain par-delà les siècles conduit l’auteur à attribuer le mérite du transfert au seul prélat, accompagné toutefois par la procession des nouveaux convertis. À la lumière de cet exemple, l’origine du culte des saints semble osciller entre une demande spontanée des fidèles laïques et une initiative intéressée de la hiérarchie ecclésiastique. À cette présentation incertaine, résumée en diptyque, s’oppose une réalité complexe. S’il faut reconnaître au sein de l’Église l’existence d’une volonté d’encouragement et d’encadrement du culte des saints, les évêques tentent de maîtriser la propagation des reliques réclamée par les fidèles. La translation de Janvier et sa déposition dans les catacombes plus tard homonymes illustrent tant la quête institutionnelle de sainteté, au profit d’un siège épiscopal, que la recherche collective des grâces du saint rapproché des croyants. À la même époque, la correspondance de Grégoire le Grand se fait l’écho, en Campanie, de l’effort d’épiscopalisation du culte des reliques pour répondre aux demandes de particuliers, mais aussi de monastères et de propriétaires d’oratoires78. Le pape veut que l’Église garde le contrôle des reliques : un évêque de Sorrente doit inspecter un monastère de Capri avant de l’autoriser à conserver, en dépôt, les reliques de sainte Agathe et leur rendre un culte79, qui ne dépasse sans doute pas l’enceinte de l’établissement. De même, conformément au droit, la consécration d’un monastère, à Naples, exige la venue de l’évêque80. Dans ces cas, datés de 591 et 599, selon les canons, une même exigence est formulée : aucune dépouille mortelle ne doit se trouver inhumée à l’intérieur du monastère. Au-delà du constant refus d’incardiner des prêtres aux établissements, la prescription empêche, à Capri, les inhumations ad sanctos, à Naples, la consécration de sépultures inconnues intra muros. Les monastères ne doivent pas détourner les fidèles des cadres dévotionnels établis par l’Église.

Iesu Christo meritorum suorum beneficia imnumerabiles prestare non desinet usque in hodiernum diem. Cuius dies natalis celebratur tertio decimo Kal. Octobris. 78.  Voir p. 79-80 ; Voir McCulloh, « The cult of the relics », p. 151-174, où l’auteur analyse les termes reliquiae (dépouille physique), beneficia (notion générale), sanctuaria (synonyme de reliquiae), brandeum (objet en quête de sainteté), enfin benedictio (objet au contact de reliques et porté comme un talisman) ; Boesch Gajano, « Reliques et pouvoirs », p. 261-262, juge les Dialogues de Grégoire le Grand essentiels dans la conviction que la foi en Dieu des saints rend leur corps influent et leur pouvoir immanent, et la popularisation en Italie du culte des reliques par la sanctification des lieux de leur conservation. 79.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 52 – juillet 591. 80.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 165, éd. Norberg, IX, 166 – juin 599.

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Les reliques de Séverin font ainsi l’objet de demandes de prêt temporaire de particuliers afin de leur consacrer deux oratoires en Sicile81. Si le pape autorise la circulation occasionnelle des reliques, elles ne subissent ni partage ni fragmentation et demeurent sous contrôle épiscopal, au point que le monastère Saint-Sévérin, sis au castrum Lucullanum, n’est jamais mentionné ni son abbé consulté, preuve qu’ils en sont les dépositaires et non les possesseurs. De même, un monastère sur le mont Repperus est consacré à Érasme, martyrisé sous Dioclétien, mais les restes du saint sont conservés par l’Église de Formies82. La circulation des reliques instaure un dialogue entre les autorités ecclésiastiques d’une part, les monastères et les puissants désireux de fonder des oratoires sur leurs domaines d’autre part. Il n’est pas fait état de demandes collectives ni de dévotions populaires. L’omission des fidèles montrerait que le culte des reliques, à la fin de l’Antiquité, est étroitement encadré par l’Église, mais ne susciterait ni une ferveur massive ni une demande pressante. Pourtant, la basilique martyriale de saint Félix, à Cimitile, est le centre d’un pèlerinage qui déplace les foules en Campanie83. Le repli de l’autorité byzantine vers les cités du littoral préserve l’autonomie des prélats de Naples et Sorrente avec lesquels le pape entretient une correspondance, tandis que leurs confrères de l’intérieur tentent de préserver leur Église, quand ils ne l’abandonnent pas. Dans les différents cas recensés, les transferts temporaires de reliques s’effectuent entre des évêchés de la côte et des monastères ou des oratoires établis dans des îles, qu’il s’agisse de Capri ou de la Sicile. Alors que les cités de l’arrière-pays campanien passent sous domination lombarde, les sièges restés sous contrôle impérial parviennent à maintenir, par les reliques, un lien officiel entre lieux de culte qui, dans ces circonstances, pourrait expliquer l’absence des fidèles. Avares d’informations pour le viie siècle, les Gesta livrent néanmoins un renseigne­ ment qui révèle, une fois encore, la mainmise du pouvoir épiscopal sur le culte des reliques. Sous le pontificat d’Eugène  Ier (654-657), l’évêque de Naples Leontius fait réaliser une petite croix reliquaire en matière précieuse pour recevoir un fragment de la Vraie Croix. L’auteur anonyme de la notice ne dit rien des circonstances entourant

81.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 180-181, éd.  Norberg, IX, 181-182 – juillet 599 (oratoire de Ianuaria à Tyndaris) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 19 – janvier 601 (oratoire de Venantius peut-être à Palerme, cf. PCBE, vol. II/2, p. 2257-2258, s.u. Venantius  7). Des reliques de saint Séverin sont également réclamées par le pape pour leur consacrer un monastère fondé à Rome : Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, III, 19 – janvier 593. 82.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 8 – octobre 590 (évêché de Formies) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, I, 23 – février 591 (monastère du mont Repperus). 83. Voir Pani Ermini, « Il pellegrinaggio », p. 121-136 à propos des travaux de construction et d’agrandissement du sanctuaire ; également Ebanista, « Dinamiche insediative », p. 51, 59 et 82-83 sur la popularité du culte favorisant l’essor non seulement de la ville de Nola, mais encore de son territoire rural où se multiplient les uillae rusticae.

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la venue à Naples de cette relique de la Passion, mais tient à préciser que la foule des fidèles, hommes et femmes confondus, afflue le Vendredi saint et durant la fête de l’Exaltation pour que la relique leur accorde sa protection84. Fixée au 14  septembre, en mémoire de l’invention de la Croix en 326 par l’impératrice Hélène et sa récupé­ ration en 628 par l’empereur Héraclius85, l’Exaltation semble adoptée par l’Église napolitaine avec une rapidité étonnante, voire douteuse, trahissant la volonté d’accroître l’ancienneté de cette célébration centrée sur la cathédrale qui anticiperait d’un demi-siècle la cérémonie organisée à Rome par le pape Serge Ier (687-701) dans la basilique Saint-Jean du Latran86. Dans les autres notices des Gesta, il n’est pas fait état

84.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 29, p. 416, l. 42 - p. 417, l. 1 : Leontius episcopus sedit annos  4. Hic fecit crucem auream mediocrem cum lapidibus pretiosis. In quem medio reclusit ex portione uiuifici ligni, in quo Dominus noster pependi pro salute generis humani dignatus est. Pro cuius uenerationis gratiam sexta feria ebdomadae maioris et inuentionis seu exaltationis sanctae crucis omnes promiscui sexus confluunt, deuote flagitantes auxilia. Fuit autem temporibus Eugenii papae et supra dicti Constantini imperatoris. L’auteur anonyme de la première partie des Gesta est sans doute moins responsable d’une erreur de chronologie – Constantin II (337-340) pour Constant II (641-668) – que d’une confusion engendrée par l’assonance des noms, voire le fait que le nom de règne du second empereur était bien Constantin. 85. Voir van Tongeren, Exaltation of the Cross, p. 55-56 : si l’invention de la Croix date du ive siècle, dès le début du siècle suivant la liturgie hiérosolymitaine offre la Croix à la vue des fidèles puis la transporte hors de la ville à partir vie  siècle. Voir Drijvers, « The power of the Cross », p. 243-244. Si des reliques de la Croix sont attestées à Rome dès le pontificat de Léon le Grand (440-461), van Tongeren, Exaltation of the cross, p. 58, relie la fête de l’Exaltation au retour de la Croix à Jérusalem sous Héraclius, et attribue au pape Honorius Ier (625-638) l’introduction de cette fête dans l’Église romaine, une vingtaine d’années avant son attestation dans l’Église napolitaine. Toutefois, un évangéliaire de Naples du viie siècle conserve une péricope de l’Invention de la Croix, ce qui supposerait une célébration locale : voir Morin, « La liturgie de Naples », p. 481-493 et 529-537. L’auteur montre comment le cycle liturgique de Naples, connu par deux évangéliaires anglosaxons, a sans doute été introduit en Angleterre par l’archevêque oriental Théodore de Cantorbéry accompagné de Hadrianus, abbé sans doute du monastère de Nisida, îlot situé entre Naples et Pouzzoles. Parmi les 171  fêtes liturgiques répertoriées, il est fait mention sinon de l’Exaltation, du moins de l’Invention : ibid., p. 487, n° 37 : Inuentione crucis D(omi)ni nostri I(e)h(s)u XPI. 86.  Liber Pontificalis, éd. Duchesne, 86, 10, p. 374 : Hic beatissimus uir in sacrario beati Petri apostoli capsam argenteam in angulo obscurissimo iacentem et ex nigridine transacte annositatis nec si esset argentea apparente, Dei ei reuelante, repperit. Oratione itaque facta, sigillum expressum abstulit ; lucellum aperuit, in quo interius plumacium ex holosirico superpositum, quod stauracin dicitur, inuenit ; eoque ablato, inferius crucem diuersis ac pretiosis lapidibus perornatam inspexit. De qua IIII petalis in quibus gemmae clausae erant, mire magnitudinis et ineffabilem portionem salutaris ligni dominici crucis interius repositam inuenit. Qui etiam ex die illo pro salute humani generis ab omni populo christiano, die Exaltationis sanctae Crucis, in basilicam Saluatoris quae appellatur Constantiniana osculatur ac adoratur. van Tongeren, Exaltation of the Cross, p. 41-42, considère qu’il s’agit du plus ancien témoignage en Occident d’une fête de la Croix – l’épisode napolitain est ignoré –, ce qui ne signifie pas,

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de cette commémoration ni d’aucun autre reliquaire attirant les foules. L’incertitude des temps aussi encourage la vénération de reliques, comme celles du Christ, auxquelles la ferveur populaire et la hiérarchie ecclésiastique reconnaissent un pouvoir thaumaturgique et sotériologique exceptionnelle. Le recentrage du culte des reliques sur la cathédrale de Naples est peut-être jugé trop exclusif par les successeurs de Leontius, au point de vouloir rétablir un équilibre des dévotions en faveur de saint Janvier et des basiliques cémétériales contenant les dépouilles des prélats. À la fin du viie  siècle, le martyr se trouve de nouveau mis à l’honneur, toujours en relation étroite avec le pouvoir épiscopal, par la construction dans Naples, sous l’évêque Agnellus (672-693), d’un ensemble consacré à Janvier et formé d’une basilique, d’une diaconie et d’un monastère87. Le souci de maintenir une vie religieuse suburbaine est manifesté par l’évêque Calvus (750-762), qui consacre au martyr apulien Potitus un oratoire bien en vue des remparts de sa cité, puis par son successeur, Paul  II (762-766). Contraint de s’exiler deux ans aux catacombes de Janvier, il édifie un véritable episcopium ad corpus sanctum, doté de fonts baptismaux, qui rassemble les clercs et les laïcs demeurés en communion avec leur évêque hostile à l’iconoclasme88. De manière paradoxale, la forte instabilité politique, que la région traverse jusqu’au début du xe  siècle, permet à l’Église de Naples d’accumuler un nombre sans pré­ cédent de reliques grâce à l’active collecte organisée par ses évêques. Le duc-évêque

comme le note l’auteur, que le pape Serge Ier en soit l’introducteur à Rome ni en Occident, au mieux il est le premier à célébrer l’Exaltation au Latran. Ibid., p. 51 où l’auteur suppose que ce pape a instauré une messe de célébration de la Croix dans le sacramentaire Hadrianum. L’alliance entre la papauté et les souverains carolingiens explique que la fête de l’Exaltation connaisse une diffusion rapide dans le monde franc après le milieu du viiie siècle (ibid., p. 64). 87.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 31, p. 418, l. 39-43 : Agnellus episcopus sedit ann. 21, dies 15. Hic fecit basilicam intus ciuitatem Neapol. ad nomen sancti Ianuarii martyris, in cuius honorem nominis diaconiam instituit, et fratrum Christi cellulas collocauit, delegans ab episcopio alimonias duocentorum decem tritici modiorum cum duocentas decem uini hornas perennis temporibus per uniuscuiusque successionem annualiter largiri. 88. Voir p. 361. Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 39, p. 422, l. 42-44 : Caluus episcopus sedit ann. 12, mens. 4, dies 3. Hic inter cetera bonitatis studia sancti Sossi non longe ab urbe oratorium instituit, sic in sublime erectum, ut uniuersa quae in circuitu posita sunt conspicere possint ; ibid., 41, p. 424, l. 41 - p. 425, l. 4 : Qui statim consecratus episcopus, Neapolim est directus, sed propter Graecorum conexionem noluerunt illum recipere sui conciues. Inito tamen consilio, eum ad ecclesiam sancti Ianuarii Christi martyris, non longius ab urbe dicatam, transmiserunt. In qua duos ferme annos degens, plura construxit aedificia. Inter quae fecit triclineum, quod est introeuntibus a parte dextra. Sane clerus omnis et populus cunctus canonice illi ut uero obtemperabant pastori, resque omnes eccle­ siae absque ullius detinebat et disponebat obstaculo. Construxit etiam ibidem marmoreum baptismatis fontem.

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Étienne  II (766-794) transfère les reliques de sainte Fortunata de l’église de Patria, dans l’ancienne cité de Liternum, à la nouvelle basilique qu’il lui consacre intra muros, confiée au monastère Saint-Gaudiosus. Après la reconstruction de la basilique Stephania, ruinée par un incendie, le même évêque y dépose les corps des saints Eutychès et Acutius, compagnons de martyre de saint Janvier, dont les reliques ont été prises à la ville de Pouzzoles89. L’évêque Paul  III (794-819) fait déposer à Naples des reliques de nature et d’origine indéterminées, les unes dans l’église Saint-Pierre, les autres dans la basilique double90. Alors que les Gesta soulignaient la participation populaire au culte de la Vraie Croix promu par l’évêque Leontius, ses successeurs capitalisent les reliques par volonté de sanctifier de nouveaux lieux de culte et légitimer leur action. La multiplication des translations rappelle la course aux reliques attestée aux vie-viie  siècles qui, avec le ixe  siècle, partagent un climat de violence endémique. Convertis et non plus païens ou hérétiques, les Lombards se posent désormais en concurrents des Napolitains au point de mener une « guerre des saints » selon Thomas  Granier91. Nous avons fait mention à plusieurs reprises du célèbre vol des reliques de Janvier par le prince Sicon de Bénévent, en 831. L’humiliation de l’Église de Naples est telle que Jean Diacre, sa voix presque officielle, passe sous silence l’événement. L’auteur de la seconde partie des Gesta se borne à évoquer, de manière laconique, le siège et les pillages menés par Sicon92. Un texte hagiographique, favorable aux Bénéventains, relate la translation des reliques de Janvier qui rejoignent celles de

89.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 42, p. 426, l. 8-10 et 23-24 : Addidit etiam in sancti Gaudiosi monasterio basilicam sanctae Fortunatae, in qua corpus eiusdem martyris allatum a Patriensi ecclesia, ubi ipsa prius uoluit sepeliri, magno cum honore condidit. […] Corpora quoque sanctorum Euticetis et Acutii martyrum ibidem, multis terris et hospitibus donatis, cum summo honore collocauit. Cilento, « La Chiesa di Napoli », p. 641-736, en particulier p. 688. 90.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 46, p. 427, l. 29-31 : Depinxit quoque et turrem, quae est ante ecclesiam sancti Petri, et reliquias in altare eiusdem ecclesiae posuit, quia praeuentus morte domnus Stephanus non illud dedicauit ; ibid., 50, p. 428, l. 16-19 : Fabricauit et idem consul cum coniuge sua monasterium sancti Cyrici et Iulitae, in quo duodecim statuit cellulas, quas hospitibus peregrinisque censuit habitari, qui ex ipsius ecclesiae alerentur rebus. In istis utique duabus basilicis praedictus episcopus sacras collocauit reliquias. 91.  Granier, Histoire, dévotion et culture, vol. III, p. 862-893 ; Id., « Napolitains et Lombards », p. 435-442 à propos du culte de saint Janvier et des rivalités politiques qu’il suscite et de sa perpétuation à Naples en l’absence de ses reliques dérobées par Sicon ; Id., « Conflitti, compromessi e trasferimenti », p. 36-39 ; de manière plus générale, pour l’Occident tardo-antique, Orselli, L’idea e il culto del santo patrono, p. 40-43, et, pour le haut Moyen Âge, Peyer, Stadt und Stadtpatron, p. 59-60. 92.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 53, p. 429, l. 1-4 : Cuius inuidia commotus Sico Beneuentanorum princeps, multa mala, nunc obsidendo, nunc depredando, Parthenopensium irrogauit ciuitati, cupiens eam aliquo modo suo pessimo dominatui subiugare.

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ses compagnons Festus et Desiderius, déjà ramenés de Pouzzoles à Bénévent par un mystérieux sénateur Cyphius. Érigé en saint patron de Bénévent dont il aurait été l’évêque avant de subir le martyre à Pouzzoles, Janvier est « rendu » à sa patrie dans la ferveur populaire93. Également associée à la déposition des reliques de Festus et Desiderius, la liesse dévote, à Bénévent comme autrefois à Naples, forme un lieu commun hagiographique, une manifestation convenue d’unanimité cultuelle, de pieuse concélébration94. L’affront du vol des restes de Janvier se déroule sur fond de crise interne où le culte des reliques intervient dans la réconciliation des Napolitains. Sans doute hostile à la diplomatie du duc Bonus, l’évêque Tibère (819-839) est emprisonné et remplacé par un diacre, consacré sous le nom de Jean IV le Scribe (842-849), après la mort de son prédécesseur. Ces événements controversés encouragent le nouvel évêque à rassembler la communauté divisée autour du souvenir et du corps de son épiscopat. Trois événements contemporains témoignent des efforts déployés par Jean  IV pour asseoir sa légitimité et rétablir la concorde : la reconnaissance du caractère canonique de son élévation par une commission d’enquête désignée par le pape Grégoire  IV (828-844)95, la commande probable de la première partie des Gesta pour exalter l’ancienneté et la régularité de la succession des évêques de Naples96, enfin la translation de leurs reliques dans la Stephania pour concentrer leurs charismes et attirer la piété

93.  Translation de Janvier, Festus et Desiderius, 7, AASS, Septembris, vol. VI, p. 889 E : Fama uero iam Martyris Beneuentanam urbem inuaserat. Vnde omnis urbs cum lampadibus et hymnis obuia illi facta est, laudantes Dominum, ac dicentes : Benedictus qui uenit in nomine Domini, quia post tot tem­ pora Patrem suum recipere meruerit. Igitur urbem beatificantes cum Martyre suo ingressi sunt, quem in basilicam sui beatissimi diaconi Festi posuerunt, donec illi summo cum honore locus in sua sede pararetur. 94.  Ibid., 8, p. 889 E : Nam uenerabilis Gucti praesul cum omni plebe, ac multitudine populi ad locum, in quo senator Cyphius beatissimum Festum et Desiderium locauerat, pergens, eosdem in urbem ad suum Pontificem transuexit, ut eorum corpora uno sub tegmine locarentur, quorum spiritus una Dominus gratia uniuit. À propos de la représentation du peuple de Naples dans les récits d’invention et de translation de reliques, voir Granier, « Le peuple devant les saints », p. 64-71. 95.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 59, p. 432, l. 17-24 : Sergius item consul, animatus ex professione, quam Tiberius episcopus fecit, apocrisarios suos Romam destinans, obnixius Iohannem electum inthronizari postulauit. Sed domnus Gregorius papa Romuleus tam diu huiusmodi petitionem distulit, quoadusque missa legatione canonice inuestigaret, ne pontificalem subriperet sedem. At ubi clericorum et laicorum simulque ipsius ducis iurisiurandi satisfactionem accepit, quod nec sedem uoluntarie inuasisset, nec aliquid contra Tiberium, sed pro Tiberio egisset, et, ut ipse confessus est coram omnibus, multa ei bona periclitanti impendere studuisset, ilico accersitum pontificali infula decorauit. 96.  Granier, Histoire, dévotion et culture, vol. I, p. 55-56 ; Id., « Transformations de l’Église et écriture hagiographique », p. 168-169, met en relation l’activité de réécriture hagiographique des textes orientaux avec l’élévation au rang d’archevêché de Naples, la sanctification n’étant plus devenue une priorité dès lors que l’Église bénéficie de cette promotion.

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collective sur la cathédrale devenue le cadre de vénération d’évêques promus à la sainteté97. Les soubassements ecclésiastiques, voire politiques, de cette opération d’autopromotion de grand style semblent trop visibles pour satisfaire la demande locale en reliques. Malgré la rude concurrence imposée par le duc Sicard de Bénévent98, les suc­ cesseurs de Jean IV doivent reprendre leur collecte qui culmine, au tournant des ixe et xe siècles, par les translations des reliques de trois saints couvrant le champ des dévotions offert aux fidèles. Il s’agit du transfert des dépouilles du saint évêque Athanase  Ier en 877, du saint abbé Séverin en 902 et du saint martyr Sossius en 90699. Les trois textes qui relatent ces événements, composés sans doute par Guarimpotus pour le premier et Jean Diacre pour les autres100, mettent à nouveau en évidence l’étroit contrôle épiscopal exercé sur la circulation et le culte des reliques. Conservé au Mont-Cassin où il est mort en exil en 872, le corps d’Athanase Ier est rapatrié à Naples en 877 à la demande de son neveu, l’évêque Athanase II (876-898). Le récit de Guarimpotus justifie la translation par l’appel des reliques à rejoindre leurs fidèles et la volonté du nouvel évêque de placer son Église sous le patronage du corps saint101.

97.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 59, p. 432, l. 37-39 : Corpora quoque suorum predecessorum de sepulcris, in quibus iacuerunt, leuauit, et in ecclesia Stephania singillatim collocans, aptauit unicuique arcuatum tumulum ac desuper eorum effigies depinxit. 98.  Jean Diacre, Translation de saint Sossius, éd. Waitz, 25, p. 460, l. 42-46 : Nam Sicardus princeps Longobardorum, post innumera mala, quibus urbes nostratium afflixit, etiam ad hoc prorupit, ut sepulcra suffoderet et sanctorum ex eis corpora subleuaret, sed martyrem hunc, licet alium pro alio reperisset et nomini eius ecclesiam consecrasset, nequaquam inuenire potuit. Voir également Cilento, « La Chiesa di Napoli », p. 686 ; Granier, Histoire, dévotion et culture, vol. III, p. 872-873 ; par comparaison avec Rome au ixe siècle, voir Geary, Furta sacra, p. 51-59, où l’auteur développe l’exemple du diacre romain Deusdona qui, pour répondre à la demande d’évêques et de moines carolingiens, se livre dans les années 830 à l’activité lucrative de recherche, de vente et d’expédition de reliques trouvées le long des voies et dans les nécropoles. 99.  Les translations sont récapitulées par Achelis, Die Bischofchronik, p. 71, et Arthur, Naples, from Roman Town to City-State, p. 72. 100.  Le texte est rédigé, à la demande de l’abbé du monastère Saint-Sossius, par Jean Diacre, Translation de saint Sossius, éd. Waitz, préf., p. 459, l. 25-28 : Quod ubi uir strenuissimus animaduertit, non est passus ultra dissimulationis funiculum prolongari, sed per idoneos prouentores domno Stephano suggessit episcopo, quatinus eius amplitudinis interuentu obtineret, quod adipisci sua impetratione nequibat. 101.  Translation de saint Athanase, éd. Waitz, préf., p. 449, l. 34-38 : Ita enim et uenerabilis egit Athanasius, qui dum procul a sua diocesi obiret, non passus est suas sanctas reliquias extra septa sui oui­ lis morari, sed crebris coruscans miraculis, quodammodo suos ciues inuitabat sollicite, ne se relinquerent, sed ad suam sedem illum transferre satagerent ; quod et factum est ; ibid., 1, p. 450, l. 6-10 : Cum sanctissimi uiri opinio sanctitatis et fama uirtutum longe lateque discurreret, audiens Athanasius presul, qui ab eo ut proles carissimus dilectus et nutritus fuerat et in honore locoque eius successerat, filius fratris eius Gregorii ducis, cogitabat, qualiter in sedem propriam corpus pontificis sancti reduceret, ut sedes eius non sit orbata tali patrono et pastore.

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En revanche, dans le cas de Séverin et Sossius, les abbés du monastère napolitain placé sous leur vocable réclament la translation de leurs reliques conservées au castrum Lucullanum et dans les ruines de Misène102, alors que la menace des Sarrasins oblige à évacuer les lieux. Pour les mêmes raisons, les reliques de saint Érasme ont déjà été transférées, en 846, de Formies à Gaète103. Si l’on ignore le détail de ce dernier transfert, en revanche les translationes d’Athanase, Séverin et Sossius, composées par deux clercs de l’Église de Naples, accordent de manière prévisible un rôle central à l’évêque dans l’accueil des reliques et leur déposition104. Organisant une entrée solennelle, Athanase II rassemble clercs, moines et laïcs, hommes et femmes confondus, pour recevoir le sarcophage de son oncle. La cérémonie offre à Athanase II l’occasion de mettre en scène son pouvoir pastoral au point de vouloir apporter les reliques aux pieds de son trône avant de les déposer, accompagné d’une foule innombrable, dans l’oratoire Saint-Laurent105. Pour les deux autres translations,

102.  Jean Diacre, Translation de saint Séverin, éd. Waitz, 5, p. 455, l. 36-40 : Cumque decreuis­ sent, ut ad id perficiendum uniuersus proficisceretur populus, Iohannes uenerabilis abbas monasterii Sancti Seuerini Parthenopae constructi, uir per omnia strenuus, suis efflagitabat precibus, ut corpusculum eiusdem confessoris non alibi nisi in suo collocaretur monasterio, quatenus congruenter appellatione et corpore decora­ tum amplissima esset ciuitatis honorificentia et salutifera patrum occursio ; Id., Translation de saint Sossius, éd. Waitz, 24, p. 460, l. 16-20 : Post euersionem igitur Luculani oppidi, sicut in alio constat libello expres­ sum, cum memoratus abbas corpus sancti Seuerini meruisset adipisci, coepit sese omnibus praeparare impen­ sis, ut ad honorem eius opitulante Deo basilicam camerato posset aedificare labore ; ac per hoc dum ubique sollicitus inuestigaret, ut tanto operi competentem ualeret inuenire materiem, ad Misenate direxit castellum. 103.  Merores, Gaeta, p. 72 ; la date est discutée par Ciampani, L’ex cattedrale di S.  Erasmo, p. 43-48. L’auteur situe de manière hypothétique la translation des reliques à la fin du viiie  siècle, et la replace dans le contexte d’un transfert de l’évêché de Formies à Gaète. 104.  Granier, Histoire, dévotion et culture, vol. III, p. 830-836 ; Id., « Conflitti, compromessi e trasferimenti », p. 57-60 et 65-66. 105.  Translation de saint d’Athanase, 1, p. 451, l. 15-18, 27-28 et 37-38 : Mox ut audiuit uenerabilis presul, nepos eius, statim misit cursores per uniuersas ecclesias et loca sibi adiacentia, ut ex cunctis collecta locis sacerdotum collegia atque monachorum et multitudo uirorum ac mulierum occurrerent sanctis eius obsequiis […]. Confluebant autem uterque sexus et aetas diuersa, et qualiter poterant psalmodiae cantus utriusque linguarum Grecae et Latinae suaui modulatione resonabant. […] Tunc ex more pontificali in­ choato officio, presulis corpus ad sedem propriam detulerunt ; ibid., 2, p. 452, l. 14-17 : tunc uniuersus popu­ lus in ingenti fletu conuersus, educentes eum extra fores in oratorium sancti et confessoris Christi Laurentii, eiusdem sedis antistitis, iuxta sanctissimi Iohannis antecessoris et nutritoris eius antrum diligentissime et digne sepulturae tradiderunt cum ipso locello, cum quo adductus est, Kalendas Augustas. Antérieure d’un demi-siècle à cette célébration hagiographico-liturgique, l’épitaphe acrostiche du duc Bonus (832-834) évoque l’union du peuple de Naples lors des funérailles de son souverain. Voir MND, vol. II/2, p. 220, n° 5, l. 10-13 : gementes pax quia nostra cedit, sed decor ipse simul / loquax uigilis tantum habebatur ab omni ut moriens populi corda cremaret idem / ehu teneri quam lacrymas potiuntur infantum clamitat ic nobis paxque paborque fuit / turmatim properant diuersi sexus et etas funere de tanto uoces ubique gemunt.

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l’évêque Étienne III (903-911) occupe une place prépondérante : il marche en tête de procession, accompagné du clergé, du duc, des notables et du peuple, distingués chez Jean Diacre par leur fonction et leur rang, mais unis dans une vénération des reliques mettant en lumière l’évêque qui, de ses mains, place les restes du martyr Sossius dans l’autel de l’église Saint-Séverin, sans doute intégrée au monastère homonyme106. La période des inventions et des translations de reliques se clôt sur ce florilège ha­ gio­graphique à la gloire de l’épiscopat de Naples aux côtés duquel les fidèles semblent des figurants. Produites par les milieux ecclésiastiques napolitains – les données pour Gaète manquent et sont rares pour Amalfi107 –, les informations disponibles confèrent au culte des reliques un caractère ambivalent. L’absence d’autonomie du choix dévotionnel, imposé aux fidèles laïques par une épiscopalisation des reliques, prend la forme d’une surreprésentation des saints évêques et d’une mainmise de l’évêché sur la constitution et la préservation de ce patrimoine de charismes accumulés108.

106.  Jean Diacre, Translation de saint Séverin, éd. Waitz, 6, p. 456, l. 38-43 : Postero autem die pontifex et clerus, dux et optimates passimque populus uniuersae conditionis et aetatis matutino tempore properantes, se in occursum cum dominicae crucis uexillis odoriferisque incensis in praemissi oppodi campo sanctis exequiis obuiarunt, et certatim supplicem exhibentes uenerationem, alternantibus choris Latinis et Graecis, ad monasterium saepefati abbatis debito obsequio concinnatisque luminaribus cineres sanctos deducunt ; Id., Translation de saint Sossius, éd. Waitz, 32, p. 463, l. 25-30 et 36-41 : Tunc nihilominus et Iohannes abbas, nuntio nostro excitus, cum omnibus monachis, quos inuitauerat, aduenit, et gratiarum actione in Deum celebrata, per totam noctem unanimes Graecam Latinamque psalmodiam sonoris uocibus concreparunt. Mane igitur facto, Stephanus episcopus et Gregorius consul cum omni populo sanctis occurrerunt exequiis, et pro inexplebili gaudio praeceperunt nobis cuncta sibi suggerere, quae de inuentione ipsius fuerunt. […] Haec et his similia cum longe sermonis affatu protraxissemus, et insatiabilis audientium deuotio, eadem iterum iterumque repeti, concupisceret, deductum est sanctissimum corpus cum omni gloria in monasterium diffamati abbatis, et nec multo post per manus praelibati antistitis reconditum est in altario ecclesiae sancti prius Seuerini uocabulo dedicatae, ubi omnibus se petentibus innumera praestare beneficia non desinit. 107.  Granier, « Conflitti, compromessi e trasferimenti », p. 40-49 à propos du transfert des reliques de sainte Trophimène à Amalfi, Bénévent et Minori. 108.  À titre de comparaison, pour l’Antiquité tardive, voir Beaujard, « Cités, évêques et martyrs », p.  187 : « C’est, en effet, l’évêque qui invente le martyr. C’est lui qui préside au culte qui lui est rendu » ; pour le haut Moyen Âge, voir Sot, « La fonction du couple saint évêque/saint moine », p. 235-237 où l’auteur montre comment les récits de translationes mettent en valeur soit les reliques d’un saint évêque, soit leur invention et leur transfert par un pieux évêque ; également Picard, « Le modèle épiscopal », p. 371-384, qui montre comment des récits de saints évêques composent deux exemples de sainteté épiscopale : celui du bon administrateur, bâtisseur d’églises et organisateur de sa communauté de fidèles, et celui du guide spirituel détaché des missions temporelles et attaché à sa fonction pastorale ; enfin, pour le sud de l’Italie, voir Campese Simone, « Reliquie, santi vescovi e monasteri », p. 929, qui montre le rôle déterminant joué par les autorités épiscopales pour orienter les dévotions locales des fidèles en faveur du culte d’un saint particulier, patronné et promu par les évêques.

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Mis au service de l’édification d’une autorité sacrée et unique, le monopole des évêques sur les officialisations successives de reliques constitue aussi une réponse aux attentes du peuple chrétien dans sa quête de protection surnaturelle et de salut.

Un culte des saints absent du quotidien ? Loin de résumer le culte des reliques à une instrumentalisation de la piété populaire pour servir les ambitions de l’épiscopat, la lente formation du sanctoral napolitain atteste, du ve au xe siècle, par son incomplétude persistante née de l’absence de martyrs locaux, malgré l’ajout de nombreux saints évêques, une insatisfaction spirituelle qui dépasse les cercles ecclésiastiques et agite les milieux monastiques, à l’initiative des translations de Séverin et de Sossius. Promoteurs du culte des reliques, clercs et moines encouragent une piété institutionnelle que les actes de la pratique ignorent. Les sources notariées, à partir du xe  siècle, jettent une lumière blafarde sur le sanctoral accru par l’Église seulement depuis la fin de l’Antiquité. Dans ses grandes lignes, le sanctoral napolitain contemporain de Grégoire le Grand peut être reconstitué grâce à deux évangéliaires anglo-saxons copiés vers 700 à partir de capitula napolitains. Sur une liste de plus de 170 fêtes religieuses, les saints en occupent trente-trois. Si l’on excepte les fêtes collectives (saints, apôtres, confesseurs, bienheureux, martyrs, innocents), les saints célébrés à titre personnel appartiennent au Nouveau Testament (André, Étienne, Jean, Jean-Baptiste, Lazare, Paul, Pierre) ; font exception Laurent, Vitus et surtout Janvier, ce dernier fêté deux fois. La Vierge est absente de l’année liturgique de Naples. En revanche, sont célébrés l’ordination et l’anniversaire de l’évêque, ainsi que les dédicaces de la Stephania, de la basilique Sainte-Marie-Majeure et du baptistère109. Comme les Gesta l’attestent, il faut repousser au haut Moyen Âge l’entreprise épiscopale d’accroissement du sanctoral napolitain, en particulier par l’acquisition de reliques. Malgré les efforts des évêques, le culte des reliques, absent des formules pro­phy­ lactiques et des dispositions testamentaires, n’apparaît guère dans la piété quotidienne dans la mesure où les sources le révèlent. Les seules dépouilles dont les actes se font l’écho gisent en de rares monastères. Malgré les efforts des évêques et des clercs hagiographes à leur service pour établir un culte des reliques de leurs prédécesseurs déposées dans la cathédrale, les fidèles connaissent des loci sancti liés à des saints incorporés plus tardivement à leur ville. L’origine monastique des archives conservées ne suffit pas à expliquer le silence qui entoure les reliques des saints évêques, mais justifie la surreprésentation du monastère des Saints-Séverin-et-Sossius.

109.  Morin, « La liturgie de Naples », p. 532 qui dresse la liste des saints célébrés. L’auteur conclut : « Les fêtes des saints sont relativement rares dans notre liturgie napolitaine. Ainsi, pas une fête de la Vierge, pas même celle du 2 février qui semble avoir été ailleurs la plus ancienne » (ibid., p. 536).

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Dans le cas de ce monastère, dépositaire depuis 902-906 des corps des saints aux­ quels il est consacré, une vingtaine d’actes, datés entre 930 et 1130, mentionnent la présence corporelle de Séverin et Sossius110. Alors que les autres sources notariales omettent les reliques, cette insistance étonne. L’examen des actes révèle qu’ils constituent une série de dons de particuliers accordés au monastère représenté par son supérieur. Les abbés des Saints-Séverin-et-Sossius reçoivent ces donations en souscrivant des chartes qui, malgré la succession des générations et la diversité des donateurs, évoquent les saints tutélaires par une phraséologie immuable. Le don est accordé à l’abbé du monasterium sanctorum Seuerini et Sossii ubi eorum uenerabilia quiescunt corpora. Il s’agit peut-être d’une influence cassinésienne ou romaine. Quelques actes extérieurs au duché de Naples apportent la même précision111. Le caractère formulaire du libellé montre que l’insistance sur la présence des reliques ne traduit pas une attente des fidèles, mais une demande des autorités du monastère. Hormis les Saints-Séverinet-Sossius, deux attestations de reliques concernent le couvent de Saint-Agnellus, qui recèle le corps de son premier abbé mort au vie siècle. Dans un cas, la précision est fournie par l’abbé, dans l’autre elle constitue une précision topographique dans un contrat entre le prêtre d’une église privée et l’higoumène des Saints-Serge-etBacchus, peut-être soucieux de rappeler cette présence monastique sanctifiée112. Si les reliques rehaussent l’éclat spirituel des communautés, il n’est pas certain que les donateurs recherchent leurs grâces futures plutôt que les prières immédiates des moines. Le seul acte justifiant une inhumation au couvent des Saints-Séverinet-Sossius traduit la volonté du donateur d’être intégré à la communauté et enterré

110.  RNAM, vol. I/1, 14 – 930 ; RNAM, vol. I/2, 82 – 954 ; RNAM, vol. I/2, 135 – 970 ; RNAM, vol. I/2, 158 – 974 ; RNAM, vol. I/2, 162 – 975 ; RNAM, vol. II, 201 – 985 ; RNAM, vol. IV, 275 – 1005 ; RNAM, vol. IV, 370 – 1038 ; RNAM, vol. IV, 377 – 1042 ; RNAM, vol. V, 515 – 1104 ; RNAM, vol. V, 530 – 1108 ; RNAM, vol. V, 536 – 1111 ; RNAM, vol. V, 538 – 1112 ; RNAM, vol. VI, 573 – 1118 ; RNAM, vol. VI, 575 – 1119 ; RNAM, vol. VI, 579 – 1120 ; RNAM, vol. VI, 586 – 1123 ; RNAM, vol. VI, 598 – 1127 ; RNAM, vol. VI, 612 – 1130 ou 1131. 111.  RNAM, vol. VI, 573 – 1118 (Capoue  ?) ; RNAM, vol. VI, 575 – 1119 (Capoue) ; RNAM, vol. VI, 586 – 1123 (Nola). 112.  RNAM, vol. V, 401 – 1058 : Certum est nos Petrum subdiaconum et abbatem seu rector mona­ sterii beatissimi Agnelli ubi eius uenerabile quiescit corpus ; RNAM, vol. V, 529 – 1108 : propter integra medietate uestra iuris propria memorati sancti et uenerabilis uestri monasterii de integra ecclesia bocabulo beate et gloriose Dei genitricis semperque uirginis Marie domine nostre que appellatur ad Illu Arcu, sita uero intus anc ciuitatem Neapolis in uico publico qui descendit da monasterio sancti Agnelli Christi confessoris ubi eius quiescit corpus, regione Marmorata, ubi domino Deo bolente, me ibidem custodem ordinastis a nunc et omnibus diebus uite mee. Granier, Histoire, dévotion et culture, vol. III, p. 662 suppose que Saint-Agnellus constitue une congrégation sacerdotale et non un monastère car, en 1058, l’abbé Pierre est marié, mais la prise de l’habit monastique entraîne la séparation des époux et leur réclusion respective, non la dissolution du mariage.

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en moine113. L’inhumation ad sanctos, attestée à l’époque paléochrétienne par les sépultures des catacombes, ne semble plus susciter le même intérêt. Seul le vocable du monastère Saint-Janvier ad Corpus, fondé par Athanase Ier, illustre le souci de proximité avec la sainteté114. De manière paradoxale, l’absence du corps des saints de la vie religieuse des fidèles ne diminue pas leur présence dans la vie quotidienne des évêchés tyrrhéniens. Si l’anthroponymie des fidèles est en majorité tirée de l’onomastique biblique, surtout néotestamentaire, le sanctoral local semble pourtant foisonnant. Limité aux saints bénéficiant d’une commémoration liturgique et d’une attestation dans les sources hagiographiques, le sanctoral napolitain totaliserait une trentaine de saints et de saintes selon le dénombrement effectué par Thomas  Granier115. Pour aboutir à ce chiffre, l’auteur compile quatre sources hétéroclites : le Calendrier de marbre réalisé au ixe  siècle, un rituel napolitain d’onction des malades composé entre le xe et le xiie siècle avec une litanie de soixante-dix saints et quatorze saintes, un manuscrit du tournant des xie-xiie  siècles provenant du monastère des Saints-Séverin-et-Sossius (Corsinianus  777) totalisant treize  saints et douze  saintes, enfin le Calendrier dit de Tutini qui forme une compilation liturgique du début du xive siècle. Sans mener un examen du choix opéré et des conclusions tirées, force est de recon­ naître la valeur documentaire incertaine de plusieurs de ces sources. Le Calendrier de marbre, formé aux trois quarts de fêtes religieuses empruntées à l’Église byzantine, ne constitue pas le calendrier liturgique officiel de l’Église de Naples, au mieux un synaxaire épigraphique de facture privée et de caractère votif. La panoplie de saints que déploie le Calendrier de marbre déborde trop de Naples pour lui être plaquée

113.  RNAM, vol. V, 530 – 1108 : Veruntamen per anc chartulam firmastis nobis ut si memorato geni­ tori nostro sibe bita sua uel at suum transitum rem omnem facere uolueris, uos et posteris uestris eum monachum facere debeatis et eum ibidem monachum abere debeatis uita sua sicut tenueris monachos ipsius monasterii. Similiter et si at suum transitum sibe monachum se facere uoluerit aut si antea eum mors preoc­ cupaberis, tunc at suum transitum eum recipere debeatis, et uos eum intus memorato uestro monasterio sepelire debeatis in bice monachi sicut ceteris monachis memorati uestri monasterii, asque omni amarica­ tione. 114.  RNAM, vol. I/1, 38 – 942 : nos Petrum humilem presbiterum et abbate monasterii beatissimi Ianuarii sacerdotis et Christi martiris seu Agrippinis confessoris Christi situm foris ad corpus. Voir également Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 63, p. 434, l. 28-30 : In ecclesia denique sancti Ianuarii foris sita monachorum collegium sub abbatis regimine ordinauit, offerens eis unum hortum in campo Neapolitano positum ; Vie d’Athanase de Naples, éd. Waitz, 4, p. 444, l. 9-12 : In ecclesia namque sanctissimi ac beatissimi martiris Ianuarii ante sepius memoratae urbis moenia condita, quae Magna a ciuibus nuncupatur, ubi ante unus tantummodo excubabat obsequium, ipse monasterium instituit sub ab­ batis dumtaxat tuitione illicque religiosae uitae uirum singularem patrem ordinauit ; cf. MND, vol. II/2, p. 174. 115.  Voir le tableau dressé par Granier, Histoire, dévotion et culture, vol. III, p. 643-652.

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sans précaution ni ajustement. En revanche, l’énumération sainte récitée en viatique aux moribonds émanerait du milieu épiscopal et traduirait la volonté officielle de présenter le sanctoral le plus riche de grâces possible. Également tributaire du milieu épiscopal, le document monastique présente également l’intérêt de rassembler vingtcinq  saintes et saints (dont huit évêques), chacun assorti d’un texte hagiographique, l’ensemble formant un livre liturgique d’usage occasionnel. Quant au Calendrier de Tutini, sa composition fort tardive explique qu’il soit très influencé par le sanctoral français importé à Naples par les Angevins. Une fois encore, si l’on retient les deux textes les plus pertinents par leur ancienneté, leur authenticité et leur origine, à savoir la litanie d’extrême-onction et le lectionnaire des Saints-Séverin-et-Sossius, le concert des saints napolitains chante à l’unisson de la cathédrale. Le caractère épiscopal et monastique des deux documents explique leur cohérence avec les témoignages des Gesta, des Translations et des Vies. Croisées, les sources liturgiques et hagiographiques de Naples possèdent en commun dix figures saintes qu’on peut sans doute qualifier de majeures. Il s’agit des saints Agnellus, Agrippinus, Aspren, Athanase, Ephebus, Janvier et Sévère, des saintes Fortunata, Marie l’Égyptienne et Patricia. Ce sanctoral d’élection, paysage religieux officiel de la ville du haut Moyen Âge, s’organise autour des martyrs du ive  siècle avec Janvier et Fortunata, des milieux conventuels et ascétiques représentés par Agnellus, Marie l’Égyptienne et Patricia des ve et viie  siècles, enfin des évêques de Naples. Au nombre de cinq, les saints évêques s’étendent sur un grand arc chronologique : l’époque apostolique est attestée par Aspren, l’époque pré-constantinienne par Agrip­ pinus et Ephebus, l’Empire chrétien par Sévère, la période ducale par Athanase Ier. La fortune de ces saints, promus par les autorités monastiques et surtout ecclé­ sias­tiques, peut être confrontée à l’étude des vocables des sanctuaires de la ville et du territoire de Naples, de Gaète et dans une moindre mesure d’Amalfi. Si les cathédrales, les basiliques et les églises publiques forment des lieux de culte sous contrôle de l’épiscopat, en revanche la dissémination des monastères et le phénomène des églises privée116 permettent d’appréhender la piété de laïcs assez fortunés pour établir des communautés conventuelles ou des églises. La richesse du sanctoral napolitain résulte du poids démographique de la ville et de l’étendue relative du duché qui accroissent les possibilités de fondations religieuses et de connaissance de leur localisation, du moins de leur nom consacré. Tandis que le duché d’Amalfi livre vingt-six vocables et celui de Gaète trente-huit, la ville de Naples en révèle soixante-neuf, son territoire soixante-cinq. Rapporté aux établissements religieux connus (quarante-cinq pour le duché d’Amalfi, soixante-quatre pour Gaète, deux-cent-quarante-huit pour Naples), la diversité des vo­ cables règne. À Naples, deux tiers des vocables sont associés à un établissement unique,

116.  Voir p. 139 et suivantes.

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une proportion équivalente à celle des autres duchés. Loin d’être cloisonné, le sanctoral napolitain étonne par un foisonnement dont les sources hagiographiques et épisco­ pales rendent peu compte. À l’intérieur de la ville, où l’influence de l’Église s’exerce avec autorité, les saints « officiels » ne constituent pas les priorités dévotionnelles des fondateurs laïques. Sur trente églises privées assurées, une seule est dédiée à un évêque (Sévère) ; parmi un nombre équivalent de monastères, deux sont voués à des martyrs campaniens (Séverin et Sossius, Festus et Desiderius). De même, bien que les invocations et les testaments ignorent la Vierge, un quart des établissements de Naples lui sont consacrés, autant que dans le duché d’Amalfi pourtant mal documenté, alors que les églises et les monastères voués au culte marial ne représentent qu’un dixième des établissements religieux du duché de Gaète117. Il se pose un problème de pertinence des sources notariées pour connaître les figures saintes qui illuminent le quotidien religieux. L’omniprésence monumentale de la Vierge et, de manière plus large, des saints sur le territoire urbain et rural des duchés tyrrhéniens contraste avec l’absence d’allusion à leur culte. La toponymie et l’anthroponymie surtout118 témoignent pourtant de la prégnance du christianisme sur la terre et les hommes. De rares contrats de desservant ou d’affermage font mention du saint sous le vocable duquel l’église est placée119. Le dies natalis, à l’instar de la Nativité, de l’Assomption ou de Pâques120, constitue un moment fort dans la vie de la communauté locale pour commémorer la naissance du saint en Dieu, célébrer son

117.  À titre de comparaison, voir Gy, « Le culte des saints », p. 88 : « En plus des saints du Nouveau Testament la grande majorité des saints fêtés à l’époque carolingienne sont des martyrs romains (le plus en relief étant peut-être le diacre saint Laurent), et un tout petit groupe de non-martyrs, avec les deux papes saint Léon et saint Grégoire le Grand, saint Ambroise, saint Augustin et saint Martin, saint Jérôme et encore saint Benoît. » 118.  Voir p. 228-232 et 280-283. 119.  Hasard des sources, un acte d’Amalfi évoque le choix des fondateurs de consacrer une église à un saint particulier. Voir RNAM, vol. IV, 309 – 1018 : quod inspirante Domini clemmentia, placuit uobis fabricare et dedicare ecclesia ad honorem beati Iohannis precusoris Domini atque baptiste in eodem loco Rabelli. 120.  E.g. RNAM, vol. IV, 284 – 1011 : tantummodo nos et nostris propriis heredibus uobis posterisque uestris memoratoque uestro monasterio per omni annuo usque in sancte Marie de Augusto mense exinde terraticum dare debeamus ; RNAM, vol. IV, 298 – 1016 : dare et atducere debeamus per festiuitate sancte Marie de Augusto mense idest triticum bonum siccum modia uiginti septem at modium iustum, et omni annue in memorata festiuitate sancti Sebastiani nos et heredes nostris uobis uestrisque posteris dare et et atducere debeamus dua modia de pane bonum mundum et omni annue per Ioui die sanctum similiter alium unum modium de pane uonum mundum ; RNAM, vol. IV, 380 – 1043 : et omni annue ego cuntis diebus uite mee uobis uestrisque posteris et in memorato uestro monasterio exinde dare et dirigere debea­ mus intus memorato uestro monasterio per natiuitatem Domini oblatas parias dua, et in sanctum Pascam in resurrectione Domini oblatas parias dua, et omni annue per Iobi die sanctum pastillos uiginti.

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souvenir par une liturgie particulière121, faire des dons pieux, verser des redevances ou fixer l’échéance d’un accord122. La périodisation sainte transpose dans le temps socioéconomique l’imprégnation de l’espace par les établissements religieux.

Un culte des images discret L’inscription du christianisme dans le paysage quotidien est marquée par la présence de croix. Il peut s’agir d’une croix offerte par un laïc à un lieu de culte, comme le promet, en 1063, une pieuse donatrice dans un acte notarié établi en faveur de l’église napolitaine de Saint-Sévère123. Certaines églises, comme Saint-Cyprien de Naples ou Saint-Césaire de Terracine, semblent posséder des croix d’une sainteté ou d’une ancienneté si grande qu’elles reçoivent des dons directs, presque personnels, ou sont invoquées par des fidèles à l’article de la mort124. Les croix liturgiques sortent du sanctuaire lors de célébra­

121.  RNAM, vol. II, 223 – 991 : Insuper atsignabimus nos tiui a die presentis idest mouilia de me­ morata ecclesia in primis idest unum pannum quod est ossecium bonum cum una sindone insimul ambos desuper altare, et unum facietergium stellatum plumatuma ampul maiore cum tres cruces de antiscu et alium exseccu pictulu, et quactuor manupule cum cruce de lintiscu, et turabulu de ramme una cum duas cruces una exinde ferrea et alia erea, et una coronella de ramme, quaterni dui de festiuitate memorate sancte Eufimie et unum quaternum pictulu de Cerbasi, liber commite plenarium Franciscu scriptum calicem sanctum de stagnum super inargintatu cum patina sua de stagnum serorella pictula hab aqua sanctifaca. Cf. RNAM, vol. II, 224 – 991. 122.  RNAM, vol. IV, 270 – 1003 : Insuper a nunc et omnibus diebus uite meae omni annuo uobis posterisque uestris memoratoque sancto uestro monasterio exinde dare et dirigere promicto per natiuitatem Domini oblatas parias tres, et per resurrectione Domini similiter oblatas parias tres, et per festiuitatem memorate ecclesie sancti Seberi oblatas parium unum ; RNAM, vol. IV, 282 – 1011 : Tantummodo ego et propriis meis heredibus hominibus memorati uestri monasterii uobis posterisque uestris et at memorato sancto uestro monasterio per omni annue exinde hocto dies ante festiuitatem memorati sancti Sebastiani dare debeamus in auro tare unum bonum ; RNAM, vol. IV, 293 – 1016 : et omni annue ego cuntis diebus uite mee uobis uestrisque posteris et in memorato uestro monasterio dare et dirigere debeamus oblates paria trea unum in natiuitatem Domini et alium in resurrectione Domini, seum et alium parium in festiuitate memorata ecclesia sancte Iulianes sine omni amaricatione ; CDC, vol. I, 97 – 1011 (997 est erroné) : tantummodo et tali hordinem hud siue uos siue uestris posteris sucessoris detis nobis et ad nostri posteri sucessoris uel in nostro episcopio omnis annos in die sancti Cosme et Damiani cubita de cerea sex. 123.  RNAM, vol. V, 403 – 1063 : A presenti die promtissima uolumtate offero et offero atque in presentis contradidi tibi domino Iohannes uenerabili presbytero et primicerio qui nominatur Spatharo custos uero ecclesie sancti Seberi de regione Summa platea, et per te in illu crucifissum quem abeo intus memorata ecclesia sancti Seberi. Le terme crucifissus pourrait désigner une sculpture du Christ en croix ou une image de la Crucifixion. 124.  RNAM, vol. V, 426 – 1076 : at sanctum Ciprianum tari sex pro illa cruce ; CDC, vol. I, 172 – 1039 (?) : uui iacebat in lecto… consentiente Deo per ipsa cruce betusta, que est in ecclesia beati Petri apostoli, et beato Caesario martyre, et S. Iuliano, et Felice, et Euphrosina, ut ego loquarer, et facere testamentum de mea causa.

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tions stationnales, comme semble l’indiquer, en 906, le testament de Docibilis  Ier. Parmi les nombreux et riches présents accordés à l’église Saint-Silvain, le duc de Gaète offre une croix pesant près d’une livre d’or ornée de pierres précieuses. Portative, la croix est prévue pour être montrée lors de processions, mais doit demeurer dans la famille ducale en cas de litige sur la propriété du lieu de culte125. Anciennes ou récentes, fixes ou mobiles, les croix ornent les enceintes sacrées, mais occupent également l’espace public et privé, le monde urbain et rural. En 939, un acte d’Amalfi précise le tracé d’une olivette sise à Stabies par la mention de croix monumentales, du moins assez importantes pour constituer des éléments d’orientation évidents, admis et connus des parties contractantes126. La christianisation territoriale des duchés tyrrhéniens est marquée et symbolisée par l’érection de sculptures cruciformes, sans doute en bois ou en pierre, qui préludent aux croix de carrefour et de chemins du Moyen Âge central. Sur le territoire rural du duché d’Amalfi, afin de procéder à la délimitation intangible de terrains étendus ou de parcelles plus modestes, des croix sont dressées par des particuliers comme s’il s’agissait de bornes consacrées, de cippes inamovibles127. Sans recéler une profusion de croix, les sources notariées révèlent la présence de symboles chrétiens dans le paysage urbain et le monde rural. Les rares allusions sont trop laconiques pour déterminer l’aspect précis de ces croix et rien ne laisse supposer qu’elles soutiennent la figure du Christ crucifié. Monumentale ou modeste, la croix placée le long d’une voie ou en bordure d’un domaine ne constitue pas nécessairement un calvaire narratif. La représentation du Christ ou des figures saintes est toutefois attestée par les sources hagiographiques et notariales. À mi-chemin entre la chronique locale et l’autocélébration, les Gesta ne manquent pas l’occasion de mentionner les mosaïques ou les fresques réalisées, entre le ive et le ixe siècle, par des prélats de Naples en divers lieux de culte, en particulier au sein du groupe épiscopal

125.  CDC, vol. I, 19 – 906 : et cruce processoria aurea pensilis cum gemmas suas libra una minus uncia una […]. Et si quod non credo et retro tempore aliquit surrexerit qualeuis persona magna uel parua, et uoluerit suprascripta aecclesia sancti Siluiniani subtraaere de potestate Leoni filio meo aut de heredibus eius, habeat licentia exinde tollere ipsa cruce et terra et omnem spendium quod ibi misi. 126.  RNAM, vol. I/1, 33 – 939 : Et iactauimus iuidem tote ipse oliue cum et totum ipso terra uacuum au ipsis cruces in lusu nominatim at ipsa noce longitudinem passi uiginti. 127.  CP, 12 – 1006 : primis omnibus bactiuimus crucem in tallea de ipsum insertum da caput buforet et inde in iusu bactiuimus alia cruce in ipsa ceppa ; CP, 30 – 984 : et iam salet insusu puncti in tallea de ipsum milum ubi duas cruces fecimus… sit iam a tallea de ipsum celsum salet in susu puncti in ipsam crucem quem badtiuimus infaciende ipso monte de ipso quilio ista suprascripta fine qualiter superius legitur constituimus inter casalem nostrum et casalem uestrum ; CP, 47 – 1061 : sicut ipsis terminis et ipse crucis enfinant ; CP, 57 – 1069 : sicut terminis et crucis exinde demostrad ; CP, 59 – 966 : ubi fecimus ipsam crucem in susu in dad finem uestra cub(ita) naup(ilis) octo et palmum unum.

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ou des basiliques cémétériales128. Entr’aperçu dans les Gesta, le décor iconogra­ phique des cathédrales, des baptistères et des basiliques majeures est, à la lumière des fouilles et des découvertes, à la fois précoce et soigné, varié et prisé129. L’essor de l’iconographie religieuse ne rencontre aucune opposition, ne suscite aucune querelle. Souvent citées, les deux lettres de remontrance que Grégoire le Grand adresse, en 599 et 600, à l’évêque Serenus de Marseille pour avoir détruit des images pieuses dans ses églises, constituent, au sein d’une abondante correspondante, un cas isolé, voire anecdotique130. Illustration de l’histoire biblique, substitution à la lecture sainte, soutien de l’ins­ truc­tion chrétienne, spectacle d’édification morale, support de l’élévation spirituelle, l’iconographie religieuse est davantage présente dans les Gesta que l’image cultuelle, bien que cette dernière occupe une place réduite mais certaine dans les actes de la pratique. À la différence des chartes de Gaète et d’Amalfi muettes sur ce point, celles de Naples révèlent, dès le xe siècle, l’existence d’images peintes que des particuliers offrent à des établissements ecclésiastiques comme legs pieux. La proximité géographique, politique et culturelle du duché de Naples avec les territoires sous domination ou influence byzantine expliquerait cet usage local d’images pieuses131. Si leur nature précise et la technique employée demeurent insaisissables, ces images peintes, qu’il ne faut peut-être pas identifier trop vite à des icônes, sont offertes

128.  À propos des mosaïques de la basilique Saint-Sauveur réalisées sous l’épiscopat de Sévère (387/393-397/399), voir Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 4, p. 405, l. 1-9. La description, assez développée, est citée et commentée aux pages 341-343. L’évêque Jean III (615-635) fait orner les chapiteaux de la basilique Stephania d’après ibid., 25, p. 414, l. 25 : Id ipsud et in parietibus super colum­ nas depingere iussit. Le duc (755-766), puis évêque (766-794), Étienne II se fait représenter sur du linge liturgique confectionné pour le maître-autel de la cathédrale dans ibid., 42, p. 425, l. 38 - p. 426, l. 1 : Fecit et sancti altaris festiua uelamina, quae auro gemmisque studuit decorare, figurato tamen uultu et praetitulato in omnibus suo nomine. Quant à Athanase II (876-898), il fait restaurer les fresques de la basilique Saint-Janvier extra muros selon ibid., 63, p. 434, l. 11-14 : Praeterea ecclesiam sancti Ianuarii in ipso cubiculo positam renouauit nobiliumque doctorum effigies in ea depinxit, faciens ibi marmoreum altare cum regiolis argenteis. Supra quod uelamen cooperuit, in quo martyrium sancti Ianuarii eiusque sociorum acu pictili opere digessit. 129.  Voir p. 428 et suivantes. 130.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 208, éd.  Norberg, IX, 209 – juillet 599 : Idcirco enim pictura in ecclesiis adhibetur, ut hi qui litteras nesciunt saltem in parietibus uiuendo legant, quae legere in codicibus non ualent ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 10 – octobre 600 : Aliud est enim picturam adorare, aliud per picturae historia, quid sit adorandum addiscere. Nam quod legentibus scriptura, hoc idiotis praestat pictura cernentibus, quia in ipsa ignorantes uident quod sequi debeant, in ipsa legunt qui litteras nesciunt ; unde praecipue gentibus pro lectione pictura est. (…) Et quia in locis uenerabilibus sanctorum depingi historias non sine ratione uetustas admisit. 131. Voir Martin, « Quelques remarques », p. 227.

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à des monastères, des églises qui en dépendent ou à des églises privées132. En 985, un document mentionne la représentation du visage de la Vierge sur la porte de Sainte-Marie ad Albini, une église de Naples133. Dans ce cas, précis mais isolé, il est dif­ ficile de supposer un dispositif d’accrochage ou d’insertion d’une icône, par définition fragile aux intempéries, sur le battant extérieur, et plus simple de considérer cette image comme une sculpture en orfèvrerie ou en bois réalisée en bas-relief et incorporée au vantail de la porte, comme il en existe en Italie méridionale. De même, un autre acte mentionne, en 1027, la réalisation d’une croix ou plutôt d’une Crucifixion à l’intérieur de l’église Saint-Basile de Nonnaria, une propriété du monastère des Saints-Serge-etBacchus sur les pentes du Vésuve134. Le texte ne permet pas de déterminer le caractère, mobile ou non, de l’image qui pourrait être une simple fresque. En revanche, si l’on opte pour l’hypothèse d’une icône de la Passion, la tradition grecque du couvent pourrait expliquer le choix des fidèles fréquentant son église d’offrir un support matériel caractéristique de la piété byzantine. Le problème de la nature précise des images réalisées à la demande de particuliers ne se pose toutefois pas dans le cas d’un acte de 1002. Le document, toujours napolitain, évoque une image peinte représentant un pape Grégoire, qu’on suppose être le premier, et Agnellus, l’abbé du monastère fondé par l’évêque africain Gaudiosus au ve  siècle. L’association des deux personnages, séparés par le temps mais unis par leur sainteté, ne fait pas problème au commanditaire. Toutefois, la syntaxe maladroite de l’acte de donation laisse entendre qu’il pourrait s’agir d’images distinctes, ce qui résoudrait le problème de leur combinaison inattendue et traduirait une dévotion particulière du légataire médiéval aux figures d’un saint pape et d’un saint abbé de l’Antiquité tardive. Selon ses mots, le donateur a placé (posuit) ces images à l’intérieur de l’église privée Saint-Sévère de Naples135. Le verbe d’action traduit l’offrande d’une peinture mobile exécutée pour l’occasion. Un cas similaire est fourni à Ischia par une image

132.  Ibid., p. 228-230 : inventaire des sources napolitaines pour le haut Moyen Âge ; ibid., p. 232 : prédilection des donateurs d’images pieuses pour les établissements religieux de nature monastique ou privée. Le silence des sources entourant les cathédrales et les basiliques dépend de leur origine archivistique et ne permet pas de supposer, à l’intérieur de ces lieux de culte, une absence d’images religieuses que les Gesta réfutent en partie. 133.  RNAM, vol. II, 201 – 985 : tunc dare debeatis in bultus sancte Dei Genitricis que pingere feci in illa porta de sancta Maria ad Albini auri solidos duos. 134.  RNAM, vol. IV, 331 – 1027 : hoffero et rado uobis domino Filippo uenerabili igumeno monasterii sanctorum Sergii et Bachi […] et per uos in illum grucixfissum que ego pingere feci et illum positum abeo intus ecclesia uestra sancti Basilii qui est in illa obedientia uestra de Nonnaria. 135.  RNAM, vol. IV, 266 – 1002 : et per uos inmagine quem quondam Leo filio quondam domini Stephani pingere fecit ad onorem sanctorum Gregori papa Rommani et Agnelli Christi confessori quas ipse posuit intus eadem uestra ecclesia.

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de sainte Restituta, installée dans un oratoire dédié à la martyre dans le monastère de la Vierge136. Transportées à Naples, les reliques de la sainte ont laissé dans l’île un souvenir assez fort pour encourager la commande d’une image cultuelle, certes réservée au milieu monastique. Quant à Pomigliano d’Arco, l’offrande à l’église Saint-Félix d’images du Christ, de la Vierge et de Jean-Baptiste ne permet pas de connaître la nature, fixe ou non, de ces représentations137. Les images peintes sur un support mobile ou immobile induisent la présence d’artistes susceptibles de recevoir et d’exécuter les commandes, et révèlent l’existence, à Naples, sinon d’un atelier d’images pieuses, du moins d’une tradition locale que les peintures des catacombes attestent durant le haut Moyen Âge. Fresques ou icônes, la palette des peintres religieux napolitains semble étendue, même s’il ne subsiste aucune de ces images dont les sources ne mentionnent ni les auteurs ni les détails matériels de la production. À la différence de Byzance, les icônes ne suscitent pas la création de confréries de pieux laïcs138. L’existence d’une tradition locale d’images pieuses mais fixes laisse supposer une réalisation locale des images mobiles. La diversité des supports n’égale toutefois pas la variété des figures choisies par les commanditaires : Jésus, Marie, le Baptiste, mais également les martyrs ou les saints plus récents. Engagés dans des scènes codifiées par l’iconographie paléochrétienne et byzantine, tous offrent un visage secourable aux fidèles en quête de salut.

III.  Hérétiques et non-chrétiens entre Antiquité et haut Moyen Âge En l’espace d’environ soixante-dix ans, de la proclamation de la tolérance religieuse par Constantin en 313 à l’édit Cunctos populos de Théodose Ier en 380, la reconnaissance du christianisme par l’État romain et son officialisation déterminent la propagation rapide de la nouvelle religion au sein de l’Empire et de ses élites à partir de la fin du ive siècle. La condamnation et la marginalisation des religions ancestrales entraînent le brutal reflux puis la disparition programmée des cultes civiques devant la montée en puissance des autorités ecclésiastiques, fortes de l’appui des autorités civiles et de la concession de nombreux privilèges. La densité exceptionnelle du réseau épiscopal de

136.  RNAM, vol. IV, 367 – 1036 : A presenti die promtissima uolumtate firmamus et tradidimus uobis domino Petro uenerabili abati ipsius nostri monasterii et per te in eodem ymaginem, que statuimus in eodem nostro monasterio. 137.  RNAM, vol. V, 419 – 1073 : et per uos in bultora sanctorum que uos pintam abetis intus ecclesia sancti Felici de memorato loco Pumilianum que sunt ad onore domini et salbatoris nostri Ihesu Christi et beatissime Marie matris eius et beatissimi Iohannis Baptisti. 138.  Il s’agit de confraternités attestées à Constantinople et liées à l’icône de la Vierge Hodégétria : voir Oikonomides, « The holy icon as an asset », p. 39 et 43 ; Pentcheva, Icons and power, p. 123-133.

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la péninsule, qui totalise plus de 250 sièges avec les îles voisines, contribue à l’expansion irréversible et au triomphe définitif du christianisme à la fin de l’Antiquité tardive139. L’invasion soudaine et rapide de l’Italie par les Lombards, ariens ou polythéistes, ne remet pas en cause le processus de christianisation qui s’étend aux conquérants dès la fin du vie siècle, au point d’inciter le roi Authari (584-590) à interdire toute conversion à ses sujets, mais l’opposition de la dynastie lombarde au catholicisme s’évanouit avec le baptême en 603 de l’héritier, Adaloald. Dès lors, polythéisme traditionnel et animisme importé sont condamnés à disparaître140.

Survivance ou résurgence du paganisme en Campanie ? Dans le contexte de l’invasion des Lombards puis de leur christianisation, la ques­ tion des survivances païennes en Campanie revêt moins l’aspect d’une renaissance des cultes ancestraux profitant de l’interruption momentanée de l’activité missionnaire de l’Église, que d’une implantation de pratiques idolâtriques introduites par les conquérants germains141. Le paganisme réapparaît de manière ponctuelle, à la fin du vie  siècle. Dans une lettre à l’évêque Agnellus de Terracine, en 598, Grégoire le Grand déplore que certains individus se livrent à des cultes païens comme celui des arbres142. De toute évidence,

139. Voir Lambert, « La cristianizzazione della Campania », p. 954-955. À partir des inscriptions funéraires chrétiennes d’Avellino (78 épitaphes), Bénévent (28) et Salerne (45), l’auteur souligne tant la similitude du formulaire employé dans ces villes que l’importance de leur encadrement ecclésiastique à partir du ve siècle (voir le tableau : ibid., p. 961-962). Pour la région de Naples, voir Liccardo, Redemptor meus uiuit. 140.  Dans une perspective historique générale, voir Boesch Gajano, « Missione, cristianizzazione, conversione », p. 148-166, en particulier p. 151-153 à propos de l’activité missionnaire de Grégoire le Grand et de sa promotion de la conversion forcée par l’appel aux souverains et aux évêques à user de persuasion avec les individus et à détruire les lieux de culte païen. 141.  En Italie continentale, hormis la Campanie, on possède une seule mention de pratiques païennes pour Pérouse ou Luni : Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 102, éd.  Norberg, IX, 103 – janvier 599. Le groupe le plus important des lettres concerne la Sardaigne et les Barbaricini : ibid., éd. Ewald et Hartmann, IV, 23, 25, 26 et 27 – mai 594. On trouve une allusion en Corse : ibid., éd. Ewald et Hartmann, VIII, 1 – septembre 597. Voir Bertolini, « I Papi e le missioni », p. 328-342 ; Boesch Gajano, « Teoria e pratica pastorale », p. 185 ; Ead., Grégoire le Grand, p. 143-148 ; Gasparri, « Gregorio Magno e l’Italia meridionale », p. 77-101, en particulier p. 91. À propos du modèle d’évangélisateur des païens et des Germains incarné par Benoît de Nursie dans les Dialogues, voir Dagens, Saint Grégoire le Grand, p. 305-310 ; sur le rôle central de la prédication missionnaire dans l’œuvre épistolaire de Grégoire, voir ibid., p. 334-336. 142.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, VIII, 19 – mai 598 : arbores colere et multa alia contra christianam fidem illicita perpetrare.

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l’évêque n’en a pas informé le pape : le renseignement a peut-être été fourni par des membres de la communauté chrétienne locale, sans doute choqués que les autorités ecclésiastiques permettent le déroulement de telles cérémonies143. L’attitude pontificale à cet égard est sans ambiguïté : l’évêque, avec l’aide du comes Maurus, doit réprimer ces cultes après avoir mené une enquête préliminaire. À l’instar de ses prédécesseurs et de ses successeurs, le pape Grégoire le Grand fait porter le soupçon de paganisme sur la présence ou l’apparition de pratiques cultuelles divergentes ou étranges parmi les fidèles, la notion de paganisme relevant, au sein de l’Église, d’une catégorie religieuse extensive et, de ce fait, composite144. Si la vénération de bosquets sacrés est bien documentée dans la religion grécoromaine ou certains cultes orientaux comme celui de Cybèle et son parèdre Attis, la dendrolâtrie attestée à Terracine paraît constituer un épiphénomène de la venue des Lombards en Campanie. Certes, la cité de Terracine demeure sous domination impériale, mais il faut sans doute soupçonner parmi les adeptes de ces rites arboricoles des individus d’origine germanique plutôt que locale145. En effet, l’arrivée des Lombards, christianisés de manière incomplète et superficielle, ne ravive pas le paganisme romain traditionnel, elle implante un animisme barbare. C’est seulement au viie  siècle que les arbres sacrés, vénérés par les Lombards de Capoue ou de Bénévent, sont abattus par leurs premiers évêques146. Marginal dans le temps, le paganisme l’est également dans l’espace et la société de Campanie. S’il persiste jusqu’au début du haut Moyen Âge dans l’arrière-pays demeuré sous contrôle lombard et redevenu une terre de mission des évêques, sa présence dans le ressort de Terracine manifeste son caractère périphérique. Biographe de Grégoire le Grand à la fin du ixe siècle, Jean Diacre de Rome, qui a accès au Registre des lettres

143. Le Code Justinien encourage la dénonciation des païens. Voir CJ, éd. Krueger, I, 11, 9. 144.  Markus, Gregory the Great, p. 80-81 et la n. 88 qui déplore l’absence d’étude lexicale de

l’usage, par le pape, de termes comme idolater, gentilis, infidelis ou paganus. 145.  Sur le culte des arbres dans la religion des Germains, voir l’ouvrage classique de de Vries, Altgermanische Religionsgeschichte, p. 350-351 ; à compléter par Derolez, Les dieux et la religion des Germains, p. 112 et suivantes à propos des divinités végétales, généralement féminines, au sein du panthéon germanique ancestral ; Ström et Biezais, Germanische und baltische Religion, p. 332-333 ; Maier, Die Religion der Germanen, p. 75-79 ; Demandt, Über allen Wipfeln ?, p. 149-158 à propos du culte des arbres parmi les Germains, ici p. 153-154 consacrés à l’Antiquité tardive et au haut Moyen Âge en Italie. 146.  Sous l’épiscopat de Barbatus (mort en 682), premier évêque de Bénévent depuis la conquête, les Lombards se convertissent au catholicisme et leur arbre sacré est abattu sur son ordre (action similaire à Capoue par l’évêque Decorosus, mort en 683). Voir la brève mise au point de Figliuolo, « Longobardi e Normanni », p. 38 ; sur la vénération dendrique, voir Martin, « À propos de la Vita de Barbatus », p. 147-148.

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alors conservé dans les archives romaines, dresse la liste des groupes que le pape a gagnés à la foi chrétienne « par l’usage d’une juste force » : il cite les Barbaricini de l’intérieur de l’île de Sardaigne, assimilés ou distingués des Sardes, et les paysans de Campanie147. Le rapprochement, dévalorisant mais courant dans la pastorale chrétienne, entre rustici et pagani se retrouve dans la correspondance pontificale par volonté polémique de ravaler les cultes polythéistes à des superstitions d’illettrés, de stigmatiser l’animisme sous la forme d’une sauvagerie rurale privée de l’urbanité chrétienne par ignorance de la vraie foi.

Schisme et hérésie à Naples La multiplication de croyances et de rites divergents aboutit, dès le concile de Nicée, à une condamnation de tous les groupes qui, de l’Église officielle, se singularisent par leur pratique cultuelle (les schismatiques) ou défendent un choix doctrinal opposé (les hérétiques). Replacée dans le contexte religieux de la Campanie, la limite qui sépare le schisme de l’hérésie devient plus floue. Les incertitudes sacramentelles au sein du clergé favorisent les approximations doctrinales parmi les fidèles au point que, dans les clauses de protection ou d’exécration d’actes du haut Moyen Âge, les contractants ou les rédacteurs rassemblent en une même malédiction tous les hérétiques et les schismatiques148. À la fin de l’époque antique, Grégoire le Grand fait allusion à l’existence d’un groupe dissident à Naples. Dans une lettre de 590, le pape, nouvellement élu, évoque Étienne, porteur d’une lettre adressée à l’évêque Demetrius149. Étienne, sans doute un laïc en l’absence d’épithète usitée pour un clerc ou un moine, a autrefois fait partie d’un groupe de fidèles pris, selon les mots du pape, d’hésitation et d’incertitude sur certains articles de foi150. D’après le vocabulaire employé par le pontife et les catégories

147.  Boesch Gajano, « Teoria e pratica pastorale », p. 184-185 ; Richards, Consul of God, p. 237-238. De manière plus large et davantage historiographique, voir Buddensieg, « Gregory the Great », p. 52-55, à propos du développement, pendant le bas Moyen Âge et la Renaissance, d’une controverse entre humanistes et ecclésiastiques autour de la légende noire de Grégoire le Grand, dépeint comme un pape pourfendeur de païens, « idoloclaste » et ennemi des arts. 148.  E.g. RNAM, vol. I/1, 6 – 920 : parte possideat cum Iuda traditorem domini nostri Ihesu Christi et cum omnibus hereticus insuper iudicium contemnat ; RNAM, vol. IV, 367 – 1036 : partemque possideat cum Iuda traditorem domini nostri Ihesu Christi et omnibus ereticis tenebrosam sorte possideat ; RNAM, vol. V, 404 – 1064 ou 1065 : et cum omnibus hereticis et excimaticis tenebrosa partem possideat ; RNAM, vol. V, 445 – 1087 : et cum omnibus ereticis et scismaticis tenebrosam partem possideant. 149.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 14 – décembre 590. Voir aussi PCBE, vol. II/2, s.u. Stephanus 36. 150.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 14 : cum de quibusdam fidei capitulis eius a uia ueritatis nutaret intentio, pro huius rei dubietate a catholicae se ecclesiae communione

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établies par les conciles, ce groupe, qui s’est mis à l’écart de la communion de l’Église, est de nature schismatique et non hérétique. Pour preuve, Étienne promet le retour de ses anciens compagnons dans la communion, indice qu’ils s’en sont volontairement éloignés, et Grégoire le Grand charge Demetrius de les recevoir dans la communion catholique. Pour convaincre le petit groupe de réintégrer le giron de l’Église, leurs errements dogmatiques réclament un exposé doctrinal et une intervention disciplinaire du pape qui marginalise le rôle et l’autorité de l’évêque de Naples. L’affaire est jugée assez grave –  le mot periculum apparaît deux fois  – pour être réglée depuis Rome, au point que Demetrius, muni d’instructions précises, n’est libre que du discours à tenir aux schismatiques151. La déposition inattendue de Demetrius, connue par une lettre de 591, n’éclaire pas davantage la situation de la communauté locale152. Grégoire le Grand préfère passer sous silence les crimes, passibles de la peine capitale, que Demetrius aurait commis, mais qualifie l’ancien prélat de peruersus doctor et d’indignus pastor. Par-delà la rhétorique de l’invective ecclésiastique, ces reproches dénoncent tant l’enseignement de Demetrius que ses agissements : l’évêque de Naples s’est rendu coupable d’altération de la vraie foi et de manquement à sa dignité. Les deux chefs d’accusation, de nature dogmatique et disciplinaire, peuvent converger vers une corruption de la foi des fidèles et, de manière hypothétique, être rapprochés du groupe des lapsi mené par Étienne. Devant l’impossibilité de déterminer la nature précise des deux affaires, il est difficile de les rapprocher avec certitude et de qualifier Demetrius d’hérétique153, terme que Grégoire le Grand évite d’employer. Les deux cas de schisme plutôt que d’hérésie connus en Campanie à l’extrême fin du vie  siècle, qu’ils soient liés ou indépendants, révèlent la persistance de débats

suspenderat, donec eum Deus, ueritatis index, ad uiam rectitudinis reuocaret. Le rapprochement avec les Trois Chapitres est hasardeux au vu du caractère allusif de la lettre. Richards, Consul of God, p. 164, établit un lien avec Demetrius destitué vers septembre 591 et qualifié de « docteur pervers » (voir note suivante). Le doute subsiste. 151.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 14 : Pro qua re praesentibus epistolis ammonemus, nostra fide nostroque, sicut ipsi uidentur poposcisse periculo, eos in fidem catholicam communionemque suscipite, quibus potestis modis ad lucem de tenebris reuocate, ne postquam ad nos huiu­ scemodi causa perlata est, si silentio praeterimus, de animabus eorum neglegentiae possimus subire iacturam. 152.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, II, 5, éd.  Norberg, II, 3 – septembre 591 : Propter quod dilectionem uestram commonitione paternae caritatis adgredior, ut profusis lacrimis redemptori nostro unanimiter gratias referamus, qui sub tam peruerso doctore uos per auia gradi non pertulit, sed indigni pastoris crimina publicauit. 153.  Richards, Consul of God, p. 164. Voir, en guise de synthèse, Moreschini, « Gregorio Magno e le eresie », p. 341-343 ; également Dagens, Saint Grégoire le Grand, p. 341 : « ces hérésies sont pour la plupart des survivances de querelles déjà anciennes qui mettent plus ou moins de temps à se résorber. »

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dogmatiques, du moins d’un risque de déviance doctrinale parmi les laïcs et le clergé de Naples. Il convient d’en limiter la portée à des cercles manifestement restreints dont l’hétérodoxie résulte sans doute moins d’un approfondissement du savoir théologique que d’une ignorance croissante de ses fondements. Si l’évêque Demetrius dispense un enseignement religieux dévoyé, il est raisonnable de supposer, au regard de sa fonction et de la formation requise, une prédication qui, de propos délibéré, éloigne les fidèles de la juste foi et les oriente vers une interprétation personnelle mais argumentée du dogme. En revanche, Étienne et ses coreligionnaires méconnaissent les articles de foi et réclament leur explicitation par le pape ou son suffragant154. Dans une perspective déterministe, ces affaires, isolées et méconnues, préludent à l’affaissement de la culture chrétienne des laïcs perceptible durant le haut Moyen Âge dans la grande pauvreté doctrinale des formules prophylactiques des actes notariés, et au repli du savoir religieux au sein de milieux ecclésiastiques confinés à l’épiscopat, tandis que les prêtres savent au mieux réciter le Symbole, d’après le canon doctrinal et disciplinaire d’un synode réuni à Naples vers le milieu du ixe siècle155. La rareté des sources pour reconstituer la transmission de la doctrine chrétienne à cette époque n’est pas compensée par la rédaction et la conservation des Gesta qui présentent une histoire apologétique, presque sainte, des évêques de Naples. Condamné et destitué par Grégoire le Grand, Demetrius est présenté sous un jour tout différent par les Gesta. Peu diserte sans être hostile, la maigre notice consacrée à ce prélat « criminel » aux yeux de Grégoire le Grand se contente de fournir des informations erronées de nature chronologique : son avènement sous le pape Pélage II et l’empereur Tibère II, la durée de son épiscopat qui se prolonge certes sous le règne de Maurice, mais dont la brièveté n’est pas expliquée156. Le souvenir de Grégoire le Grand n’est pas évacué, puisqu’un extrait du Liber Pontificalis relatif à son pontificat occupe l’essentiel de la notice de Demetrius dans les Gesta. De sa déposition et de ses circonstances, il n’est fait aucune mention. En communion avec Rome, les évêques de Naples, comme leurs collègues des duchés tyrrhéniens, ne suscitent ni querelle, ni scission, ni divergence. S’il existe un différend doctrinal ou personnel, les sources médiévales n’en font pas état, hormis une allusion à la fin du xe siècle. Expulsé de Rome, le pape Grégoire V réunit en 997, à Pavie, un concile d’évêques du nord de l’Italie pour régler des élections épiscopales litigieuses. Après les affaires des sièges de Reims et de Laon ainsi que le remariage

154.  Ibid., p. 341 : « Grégoire par tempérament ne s’intéresse guère aux controverses intellectuelles et l’époque où il vit, à la différence des siècles précédents, n’est pas marquée par de grands débats théologiques. » 155.  Voir p. 407. 156.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 22, p. 413, l. 13-14 : Demetrius episcopus sedit annos 3. Fuit temporibus Pelagii papae et Tiberii Constantini usque ad exordium Mauricii Tiberii.

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du roi de France Robert  II, le concile anathématise un individu anonyme, coupable d’avoir usurpé, à Naples, la dignité archiépiscopale per simoniacam haeresim157. Cette déposition, postérieure à la dernière partie des Gesta, se situe sous l’archevêque Serge Ier (attesté entre 990 et 1005). Laconique, la sentence du concile est exemplaire des interactions constatées entre l’encadrement pastoral et les fidèles : la confusion au sein de l’Église entre le schisme et l’hérésie par assimilation des questions disciplinaires à des controverses dogmatiques, et la disparition des laïcs des problèmes ecclésiastiques en raison du monopole des affaires religieuses par le clergé, au prix d’une personnalisation de l’histoire religieuse de Naples en faveur de ses évêques. Une illustration de ces évolutions structurelles est fournie par la question iconoclaste.

Naples : cité iconoclaste ? L’iconoclasme napolitain est un sujet qui a passionné les historiens travaillant sur Naples, donnant lieu à des débats contradictoires158. La source de ces interprétations réside dans les Gesta et la manière dont Jean Diacre relate les crises iconoclastes et leur influence sur la vie politique et religieuse du duché napolitain. De fait, la période couverte par le Liber Pontificalis napolitain, surtout la deuxième partie rédigée par Jean Diacre, traverse les deux époques où l’empire byzantin est déchiré par les luttes iconoclastes, en 726-787 puis en 813-843. Les évêques sur le trône épiscopal de Naples sont Serge (717-746), Côme (746-748), Calvus (750-762), Paul II (762-766), Étienne II (766-794), Paul III (794-819), enfin Tibère (819-839). Les controverses autour de l’iconoclasme éclatent à Naples à partir de l’évêque Serge. Son épiscopat débute vers 717-718. Le doute sur l’attitude de l’évêque face à l’iconoclasme provient d’un court passage des Gesta : « Il obtint des Grecs la dignité archiépiscopale et, sur intervention de l’évêque de Rome, il ne l’a pas acceptée »159. L’accession de Serge au trône épiscopal correspond aux dates du règne du premier

157. La demi-douzaine de décisions prises par le concile de Pavie est connue par deux versions presque similaires, l’une réalisée à Reims, l’autre transmise par une lettre du pape Grégoire V (996-999). Voir Synodale de Pavie, 3, Mansi, 19, col. 234 B = MGH, Concilia, vol. II/2, p. 172, l. 10-12 : Cum his etiam sancta synodus sanciuit, ut Neapolitanus inuasor, qui illius loci archiepiscopum apprehendere fecit, et se in eundem locum per simoniacam heresim constitui fecit, ni satisfaciat ana­ thematizetur ; à comparer à Grégoire  V, Lettre à Willigis de Mayence, éd. Pertz, p. 694, l. 19-21 : Item sancta synodus sanciuit, ut Neappolitanus inuasor, qui illius loci archiepiscopum apprehendere fecit, et se in eundem locum per symoniacam heresim constitui fecit, nisi satisfaciat, anathematizetur. Cf. Kehr, Italia pontificia, vol. VIII, p. 448. 158.  Achelis, Die Bischofchronik, p. 86 ; Luzzati Laganà, « Tentazioni iconoclaste a Napoli », p. 99-115 ; Martin, « Hellénisme politique », p. 63-64. 159.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 36, p. 422, l. 8-9 : Hic dum a Grecorum ponti­ fice archiepiscopatum nancisceretur, ab antistite Romano correptus, ueniam impetrauit.

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empereur iconoclaste, Léon III l’Isaurien (717-741), mais nous ignorons si l’événement relaté dans les Gesta est contemporain de la première crise iconoclaste160. Il est certain que la volonté de promouvoir Naples au rang d’archevêché laisse peu de doute sur la tentative de Constantinople de soustraire l’Église de Naples à l’influence romaine161. Rien ne permet pour autant d’y voir la preuve d’une adhésion napolitaine à l’iconoclasme162. Léon III a confisqué le patrimoine du Saint-Siège en Calabre et en Sicile et, surtout, la Pouille et la Calabre ont été assujetties au patriarcat de Constantinople163. Le conflit qui oppose Constantinople à Rome, de nature surtout politique en Italie méridionale, vise à détacher le sud de la péninsule de l’autorité du pape. Les péripéties de ce conflit ont pu s’étendre à Naples, considérée encore comme partie intégrante de l’empire byzantin, et l’offre impériale d’élévation au rang d’archevêché vise à placer davantage le duché napolitain dans l’orbite de Constantinople. Certains spécialistes ont attribué à l’évêque Calvus (750-762) des positions favorables à l’iconoclasme164. Outre la minceur des preuves, les historiens se sont intéressés à la fréquence des voyages du futur Paul  II à Rome en tant que représentant de l’Église napolitaine, avant qu’il ne devienne évêque : « Alors qu’il remplissait la charge de diacre de l’Église de Naples, il allait souvent en tant que légat à Rome »165. Le chroniqueur de la deuxième partie des Gesta ne donne pas d’explications sur la mission du diacre Paul envoyé à Rome par son évêque et les hypothèses sur une volonté de renouer un dialogue rompu entre un Calvus iconoclaste et Rome paraissent infondées166. Toutefois, il est clair que Jean Diacre fait part de ce détail dans un but précis : le chro­

160.  Luzzati Laganà, « Tentazioni iconoclaste », p. 105. 161.  Cilento, « La Chiesa di Napoli », p. 651. 162.  Achelis, Die Bischofchronik, p. 86, ne parvient pas à démontrer que l’adhésion de Serge à

l’iconoclasme lui aurait valu la dignité archiépiscopale. 163.  Marazzi, « Il conflitto fra Leone III Isaurico e il papato », p. 231-257 ; contra Prigent, « Les évêchés byzantins de la Calabre septentrionale », p. 931-954. 164.  Achelis, Die Bischofchronik, p. 86. Pour l’auteur, la notice consacrée à l’évêque Calvus révèle le parti pris iconoclaste du prélat, en particulier dans la description que le rédacteur fait de l’empereur Constantin  V, où celui-ci apparaît sous les traits d’un héros doué d’une force extraordinaire qui débarrasse le pays de divers monstres. Le manuscrit souffre ici d’une lacune et Achelis y voit la possibilité d’une suppression volontaire advenue postérieurement à cause de l’hétérodoxie du contenu. Ces arguments semblent trop minces pour attribuer à Calvus une adhésion à l’iconoclasme. Voir également Luzzati Laganà, « Tentazioni iconoclaste », p. 104. 165.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 41, p. 424, l. 29-30 : Hic quoque cum Neapolitanae ecclesiae diaconatus fungeretur officio, Romanam ad urbem frequens legatus abibat. 166. Ces hypothèses sont principalement soutenues par Achelis, Die Bischofchronik, p. 84 et Bertolini, « La serie episcopale napoletana », p. 365-370. Nous retiendrons plutôt la position de Mallardo, Il calendario marmoreo, p. 194-196 ; Id., « Giovanni diacono napoletano », p. 338.

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niqueur veut souligner l’amitié qui lie le futur évêque de Naples au futur pape Paul Ier (757-767). Cette amitié que le rédacteur développe ensuite est utile pour comprendre le soutien que l’évêque Paul II va obtenir du pape alors que les Napolitains refusent de le laisser recevoir sa consécration à Rome. L’iconoclasme fait son apparition dans la notice de l’évêque Paul II (762-766) : « Mais à cause de la détestable querelle au sujet des images qui avait provoqué un très honteux dissentiment entre l’autorité apostolique et l’empereur Constantin Caballinus, il s’écoula neuf mois pendant lesquels il ne put être consacré parce qu’alors la population de Naples favorisait le pouvoir des Grecs »167. Pendant neuf mois, le diacre Paul, élevé à la dignité épiscopale, ne peut se rendre à Rome pour se faire consacrer par le pape en raison de l’attachement de la population napolitaine aux « Grecs ». Par la suite, l’évêque réussit à se rendre en cachette à Rome mais, à son retour, est empêché de rentrer dans sa cité et doit rester deux ans à proximité, dans la basilique cémétériale de Saint-Janvier168. Jean Diacre met en relation l’iconoclasme et les difficultés de l’évêque Paul II pour se faire consacrer à Rome et regagner à Naples. Quel rôle exact jouent ici les querelles religieuses ? Naples avait-elle basculé dans l’iconoclasme ? Il est certain qu’une partie des habitants de la ville a voulu empêcher le nouvel évêque de se faire consacrer et a contesté la validité de son élection169. Toute la population ne semble pas être passée à l’iconoclasme, car Jean Diacre indique qu’elle « accourait » à la basilique cémétériale de Saint-Janvier pour faire baptiser les enfants au moment des fêtes pascales170. L’opposition à Paul II peut avoir été politique, et la population napolitaine, du moins l’élite des primates, peut-être sensible aux positions de l’empereur byzantin icono­ claste alors en lutte avec le pape, « favorisait le pouvoir des Grecs »171. On ne peut s’empêcher de mettre cet épisode en relation avec les luttes de factions rencontrées dans la correspondance de Grégoire le Grand pour l’élection de l’évêque de Naples à

167.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 41, p. 424, l. 37-40 : Sed propter detestabilem imaginum altercationem, quae inter apostolici tramitis auctoritatem et fedissimam Constantini imperato­ ris Caballini uertebatur amentiam, nouem sunt menses elapsi, in quibus non potuit consecrari ; quia tunc Parthenopensis populus potestati Graecorum fauebat. 168.  Ibid., p. 424, l. 40 - p. 425, l. 1 : Attamen hic cum cuperet praedicto papae quasi amicus de talibus aliquo modo suffragari, clanculo Romam perrexit. Qui statim consecratus episcopus, Neapolim est directus, sed propter Graecorum conexionem noluerunt illum recipere sui conciues. Inito tamen consilio, eum ad ecclesiam sancti Ianuarii Christi martyris, non longius ab urbe dicatam, transmiserunt. In qua duos ferme annos degens plura construxit aedificia. 169.  Bertolini, « La serie episcopale napoletana », p. 374-375. 170.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 41, p. 425, l. 4-5 : In quo paschalibus aliisque festis omnes occurrentes suos baptizabant filios. 171.  Luzzati Laganà, « Tentazioni iconoclaste », p. 105 et 113, n. 21.

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la fin du vie siècle172. L’hypothèse d’une élection contestée entre différents partis, l’un probyzantin, l’autre favorable à Rome est plausible. La promotion d’un candidat proche de Rome au trône épiscopal devait léser les partisans de liens étroits avec Constanti­ nople. C’est un revirement des primates de la ville, détenteurs du pouvoir politique local, qui permet à l’évêque de retourner dans son palais épiscopal, enfin reconnu au bout de deux ans par l’ensemble de ses fidèles173. Par la suite, les Gesta ne comportent plus d’allusions à l’iconoclasme. Devenu évêque de Naples, le duc Étienne, qui aurait favorisé l’iconoclasme sous l’évêque Paul II, confirme la solidité des liens, pour un temps distendus, entre Naples et Rome174. L’iconoclasme à Naples apparaît comme une crise politique due à la position du duché, écartelé entre la ligne politique fixée par Byzance et sa fidélité à Rome175. Si, sur le plan politique, la cité napolitaine a tenté de s’opposer à Rome, elle lui est toujours restée liée dans le domaine spirituel176. Le rétablissement de Paul II sur son trône épiscopal exprime la victoire de la faction favorable à Rome qui triomphe ensuite sous le duc-évêque Étienne II. Cette victoire réaffirme l’attachement profond des Napolitains au culte des images177. L’idéologie iconoclaste professée par les empereurs byzantins reste très éloignée des pratiques religieuses des Latins en Italie méridionale et des traditions locales de l’Église, en particulier à Naples178. Il en va de même du culte des images qui n’a jamais pris en Occident la forme qu’il a en Orient.

Présence et persistance du judaïsme campanien Associée à l’Empire byzantin, Naples est tournée vers la moitié est du bassin médi­ ter­ranéen et, à l’instar des autres cités du golfe, ouverte aux influences culturelles grecques ou hellénisées, en particulier aux religions orientales comme le christianisme et, avant lui, le judaïsme. À la fin de l’Antiquité, la correspondance de Grégoire le Grand permet de connaître l’existence et de mesurer le développement dans la péninsule

172.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, X, 19 – juillet 600. Voir partie

1, chapitre 1.

173.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 41, p. 425, l. 5-7 : Interea Neapolitanorum pri­ mates cernentes, tam egregiam urbem languidam esse de tanto pontifice, uno consilio unoque consensu laetantes et gaudentes eum in ipsius ciuitatis episcopatum introduxerunt. 174.  Il n’est pas envisageable d’imputer le conflit entre l’évêque Tibère et le duc Bonus à l’iconoclasme qui agite une seconde fois l’empire byzantin de 813 à 842. Voir Bertolini, « La serie episcopale napoletana », p. 419 et p. 437-440. 175.  Mallardo, « Giovanni diacono napoletano », p. 336 et 345. 176.  Russo-Mailer, Il Medioevo a Napoli, p. 40-41. 177.  Cilento, « La Chiesa di Napoli », p. 652. 178.  Martin, « Quelques remarques », p. 227-228.

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du judaïsme qui tend ensuite à disparaître des sources, du moins pour la Campanie179. Sur vingt-six lettres du Registre relatives aux juifs, quatre concernent la région étudiée. Les lettres de Grégoire le Grand relatives à la Campanie ne sont pas doctrinales et des bribes du dogme chrétien apparaissent au détour d’une lettre comme, par exemple, dans la justification d’apporter un secours financier à des juifs convertis180. L’attention portée à ces nouveaux chrétiens venus du judaïsme révèle une situation religieuse ambiguë, voire tendue : l’Église tente de soulager la population locale des difficultés engendrées par la guerre lombarde, mais le caractère communautaire de l’entraide dévoile un phénomène de conversion univoque. À la lumière de la correspondance pontificale, les relations entre chrétiens et juifs adoptent deux attitudes tranchées, celle voulue par le pape et celle défendue par les évêques et leurs fidèles. Cette opposition apparaît dans deux lettres concernant la cité de Terracine. En 591, Grégoire le Grand écrit à l’évêque Pierre que Ioseph, membre de la communauté juive locale, l’a informé des humiliations subies par ses coreligionnaires. Ioseph dénonce les mesures vexatoires de l’évêque qui a chassé les juifs d’un premier puis d’un second lieu de réunion, pourtant tous les deux autorisés. Le pape ordonne la restitution d’un espace cultuel aux juifs et incite le prélat à user de douceur et de persuasion, non d’une sévérité « qui dépasse la mesure »181. L’affaire rebondit, en 591 ou 592, quand le pape demande

179.  Sur le judaïsme et Grégoire le Grand, voir l’opuscule de Tiollier, Saint Grégoire le Grand et les Juifs, p. 23-25, 32-33 et 50-52. Dans son œuvre pastorale et homilétique, le pape considère que les juifs, malgré leur ingratitude envers le Christ, bénéficieront également de la miséricorde divine. Empreint de légalisme, il assure aux juifs la protection que leur accorde le droit et leur témoignerait de la bienveillance. Une présentation détaillée de la correspondance de Grégoire le Grand est fournie par Katz, « Pope Gregory the Great and the Jews », p. 119-120 où l’auteur défend une aversion profonde, de nature théologique, du pape pour le judaïsme et ses fidèles. En revanche, Boesch Gajano, « Per una storia degli Ebrei », p. 32 et 33-36, montre à propos des affaires de Terracine et de Naples (voir infra) que, dans les deux cas, le pape adopte une position moyenne. À Terracine, l’interdiction pour les chrétiens de faire usage de violence envers les juifs s’accompagne de celle de posséder des esclaves chrétiens, tandis qu’à Naples Grégoire le Grand défendrait les droits économiques des marchands juifs dans le commerce servile ; Bammel, « Gregor der Große und die Juden », p. 287-290 consacrées à l’affaire du juif Nasas, coupable d’avoir érigé en Sicile un autel à saint Élie et trompé des chrétiens en les incitant à rendre un culte à cet autel (voir Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, III, 37 – mai 593). L’auteur explique que la dureté singulière du pape, qui réclame du gouverneur de l’île un châtiment corporel sévère pour Nasas, également coupable d’avoir acheté des esclaves chrétiens, s’expliquerait par la crainte de voir se mélanger les deux religions. 180.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IV, 31 – juillet 594 : Eis quos de Iudaica perditione Redemptor noster ad se dignatur conuertere rationabili nos oportet moderatione concurrere, ne uictus quod absit inopiam patiantur. Voir aussi PCBE, vol. II/1, p. 855, s.u. Fortuna ; ibid., p. 1172, s.u. Iuliana 9 ; ibid., vol. II/2, p. 1885, s.u. Redemptus 13. 181.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 34 – mars 591.

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aux évêques Bacauda de Formies et Agnellus de Fondi de se rendre à Terracine, car il a appris que les psaumes chantés dans la synagogue, celle qu’il a fait rétablir, étaient entendus de l’église voisine182. De toute évidence contraint d’obéir de mauvaise grâce à l’injonction pontificale, l’évêque Pierre agite un nouvel argument pour justifier sa politique intolérante : la proximité de la salle de réunion restituée aux juifs empêcherait de célébrer le culte chrétien. La mission d’enquête confiée aux évêques par Grégoire le Grand révèle sa défiance vis-à-vis de Pierre et sa volonté d’apaiser les relations intercommunautaires. La cité de Terracine voit coexister, non sans difficulté, trois groupes religieux : des chrétiens encadrés par leur clergé, des juifs citadins dotés d’un porte-parole officieux et des païens. Si le culte rendu aux arbres par ces rustici désigne des Germains établis sur le territoire rural183, la tolérance de l’évêque est peut-être dictée par la crainte de représailles lombardes alors que sa cité se trouve en première ligne depuis la prise de Fondi, en 592. À l’égard des païens comme des juifs, Grégoire est pressé d’intervenir. Dans un cas, il est informé de l’attitude jugée conciliante de l’évêque, dans l’autre il est alerté par un juif de Terracine des vexations infligées par le même prélat. L’attitude de Grégoire le Grand se révèle tolérante envers les juifs et intolérante avec les païens, l’ancienneté et la singularité du judaïsme dans l’histoire du christianisme inclinant le pape à davantage de souplesse. Replacées dans leur cadre local, les deux affaires traduisent une même volonté, de la part des fidèles, d’uniformisation religieuse forcée. Le silence des clercs et des laïcs, mais également des autorités civiles sur ces agissements laisse entendre que l’évêque bénéficie d’un soutien tacite, voire unanime. L’insistance du pape à convaincre les évêques de ne molester ni harceler les juifs, suppose des actes de violence perpétrés par la population chrétienne et encouragés par les autorités ecclésiastiques. L’antijudaïsme campanien réapparaît dix ans plus tard, quand l’évêque Pascasius de Naples se voit reprocher d’interdire aux juifs la célébration de leurs fêtes religieuses184. La correspondance de Grégoire le Grand offre l’image d’évêques hostiles aux juifs et d’un pape prônant la mansuétude, loin de la politique rigoriste des empereurs de Constantinople185.

182.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 6, éd. Norberg, II, 45 – septembre 591 siue août 592. Voir aussi Katz, « Pope Gregory the Great and the Jews », p. 121-122 qui estime que le déménagement de la synagogue de Terracine a dû s’accompagner, au moins pour le bâtiment d’origine (le second est utilisé durant moins d’un an), d’une conversion en lieu de culte chrétien. 183.  Voir p. 442-443. 184.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, XIII, 15, éd. Norberg, XIII, 13 – novembre 602 ; voir aussi la présentation de nature plus générale de Savino, « Ebrei a Napoli », p. 299-313.

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Dans le contexte de christianisation du monde romain, il n’existe pas d’opposition irréductible entre la position de principe défendue par Grégoire le Grand et la violence employée par les évêques et les fidèles de Campanie. Le pape fait le choix, a priori irénique, de s’abstenir de réprimer une religion qui, dans une perspective chrétienne, menace le salut des fidèles et constitue, selon ses mots, une Iudaica perditio186. Caractéristique de la conception antique de tolérance religieuse187, Grégoire le Grand supporte un culte qu’il désapprouve, mais réprouve la coercition pour résoudre le désaccord. Alors que les prélats usent de la manière forte pour gagner à leur foi les juifs de leurs diocèses, le pape souhaite les convaincre d’embrasser le christianisme pour établir l’« unité » autour de l’Église universelle. S’il est hostile à l’apostasie forcée, Grégoire le Grand promeut la conversion collective en décourageant les pratiques judaïques et autorise l’évêque de Terracine à reloger, une fois encore, la synagogue dans un lieu moins gênant pour le culte chrétien188. Attaché au droit et à la coutume, qu’il rappelle tant aux évêques Bacauda de Formies et Agnellus de Fondi189 qu’à l’évêque Pascasius de Naples190, le pape accorde aux juifs une protection qui n’est pas dépourvue de contrainte sociale ni d’empêchement juridique afin de les pousser à se convertir191. Selon Grégoire le Grand, l’Église impose

185.  Voir en particulier Pietri, « Grégoire le Grand », p. 859-860 ; pour l’Orient, Dagron et Déroche, « Juifs et chrétiens », p. 32-38 ; dans la péninsule, voir Falkenhausen, « L’ebraismo dell’Italia meridionale », p. 29-30. 186.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IV, 31 – juillet 594. Voir également les commentaires de Boesch Gajano, Grégoire le Grand, p. 148-152 ; de manière plus large, Cracco Ruggini, « Pagani, Ebrei e cristiani », p. 90 et suivantes sur la progressive détérioration de l’image des juifs dans la littérature patristique, en particulier une fois éliminé le paganisme et réglée la querelle arienne. 187. Voir Kahlos, Forbearance and compulsion, p. 7-9. 188.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, II, 6, éd. Norberg, II, 45 – septembre 591 siue août 592 : et si ita est, aut aliquid uobis ecclesiae fuerit uisum officere, alium locum intra ipsum castellum praeuidete, ubi praefati Hebraei conueniant, quo sua possint sine impedimento cerimonia celebrare. 189.  Ibid. : Sed sicut Romanis uiuere legibus permittuntur, annuente iustitia actosque suos ut norunt, nullo impediente, disponant. 190.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIII, 15, éd. Norberg, XIII, 13 – novembre 602 : Nam quique aliter agunt et eos hoc sub uelamine a consueta ritus sui uolunt cultura suspendere, suas illi magis quam Dei probantur causas attendere. 191. Voir Baltrusch, « Gregor der Grosse », p. 47-52 qui nuance la position juridique adoptée par Grégoire le Grand à l’égard des juifs, en soulignant que le pape, profitant du désordre politique qui règne en Italie et de la situation périphérique de cette région vis-à-vis de l’empire byzantin, tend à adoucir les dispositions antijudaïques du Code Justinien, mais interprète dans un sens restrictif les mesures plus conciliantes du Code Théodosien en distinguant le judaïsme, considéré comme une religio licita, des individus soumis à de nouvelles discriminations.

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des règles aux communautés juives pour les amener, par la persuasion de la parole et l’exemple des Écritures, à rejoindre son giron192. Dans un même temps, en conformité avec la loi, le pape transfère en 591 au tribunal du gouverneur le cas d’un juif coupable de conserver de la vaisselle sacrée achetée à des clercs impécunieux de Venafro, et interdit à des coreligionnaires de Naples de posséder des esclaves chrétiens193. La protection accordée par l’Église aux juifs sanctionne leur infériorité juridique194. Alors que l’Église ne remet pas en cause les conditions ni les statuts, en particulier des esclaves, elle veille à l’émancipation des dépendants, juifs ou païens, soucieux de se convertir. Une lettre à Fortunatus de Naples fait allusion à une précédente missive, celle-ci perdue, recommandant à l’évêque d’interdire aux maîtres juifs de vendre leurs esclaves juifs désirant devenir chrétiens, et de les obliger à les libérer195. Devant la diversité des situations, Grégoire le Grand élabore une casuistique, instituant l’obligation pour l’Église de dédommager les marchands des esclaves bénéficiant de l’asile ecclésiastique et désireux de se convertir196. Des subterfuges sont utilisés par des juifs pour tourner une loi qui limite leur droit de propriété servile. Le pape évoque le cas du juif napolitain Basile, un marchand d’esclaves qui a mis sous le nom de ses fils, convertis au christianisme, des esclaves en réalité à son service, afin de pouvoir les récupérer197.

192.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, XIII, 15, éd.  Norberg, XIII, 13 – novembre 602 : Nam quid utilitatis est, quando, et si contra longum usum fuerint uetiti, ad fidem illis et conuersionem nihil proficit ? Aut cur Iudaeis, qualiter cerimonias suas colere debeant, regulas ponimus, si per hoc eos lucrari non possumus ? Agendum ergo est ut ratione potius et mansuetudine prouocati sequi nos uelint, non fugere, ut eis ex eorum codicibus ostendentes quae dicimus ad sinum matris ecclesiae Deo possimus adiuuante conuertere. Voir aussi Blumenkranz, Juifs et chrétiens, p. 97-99 ; Boesch Gajano, « Teoria e pratica pastorale », p. 183-184 ; Richards, Consul of God, p. 228 ; Markus, Gregory the Great, p. 76 ; Falkenhausen, « L’ebraismo dell’Italia meridionale », p. 30-31. 193.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 66 – août 591 : requisita ueritate, si ita ut suggestum est constiterit, memoratum Hebreum, qui oblitus uigorem legum, praesumpsit sacra comparare cymilia, per iudicem prouinciae faciat conueniri ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, II, 6, éd. Norberg, II, 45 – septembre 591 siue août 592 : Eis tamen Christiana mancipia habere non liceat. Voir aussi Richards, Consul of God, p. 229-230. 194.  Markus, Gregory the Great, p. 77-80 ; Boesch Gajano, Grégoire le Grand, p. 153-154. 195.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, VI, 29 – avril 596. 196. Voir également Tiollier, Saint Grégoire le Grand et les Juifs, p. 67-77 ; Katz, « Pope Gregory the Great and the Jews », p. 128-131 ; Blumenkranz, Juifs et chrétiens, p. 327-329 ; Bammel, « Gregor der Große und die Juden », p. 285-287 ; de Bonfils, Gli schiavi, p. 7-23 ; Rotman, Les esclaves et l’esclavage, p. 113 ; Serfass, « Slavery and pope Gregory the Great », p. 97-101. 197.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 104, éd.  Norberg, IX, 105 – février 599 ; PCBE, vol. II/1, p. 268, s.u. Basilius 18 ; voir aussi Blumenkranz, Juifs et chrétiens, p. 203-204.

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Avant que l’obscurité documentaire ne recouvre pour deux siècles et demi les communautés juives de Campanie, la correspondance de Grégoire le Grand permet d’en relever les principales caractéristiques. Établis dans les cités du littoral tyrrhénien comme Terracine ou Naples, les juifs forment une population urbaine assez nombreuse pour attirer l’attention et susciter l’inquiétude du clergé local, et un groupe suffisamment soudé pour se choisir des représentants capables, comme Ioseph, d’être entendus du pape. Le contexte de guerre lombarde et de crise économique favorise les crispations sociales et les tensions communautaires, et les juifs subissent un climat d’hostilité et de prosélytisme. Le pape accorde une protection fragile et contestée à une communauté marginalisée. Il ne faut pas espérer trouver des informations dans les Gesta dont le caractère confes­ sionnel limite l’histoire de Naples au destin d’une communauté chrétienne guidée par ses pasteurs. Ignorés des rédacteurs des Gesta, les juifs ne sont pas inconnus des contemporains. Il n’est fait mention de juifs ni dans les Vies ni dans les Translations, hormis un bref passage, polémique et anhistorique, du transfert des reliques d’Athanase Ier198. Un autre texte, produit de l’« atelier » hagiographique de Naples, alimente la tradition locale d’antijudaïsme. Composée au début du viie siècle par l’évêque Eutychianos d’Adana en Cilicie, la Pénitence de Théophile relate l’histoire édifiante, en 538, d’un diacre économe de cette Église tenté de pactiser avec Satan et d’abjurer le Christ à l’incitation d’un juif de sa cité199. Outre l’original grec conservé, il subsiste une version latine établie par le diacre Paul de Naples et dédiée à Charles le Chauve200. Diffusée dans le monde carolingien et appelée à un destin exceptionnel, sous la forme versifiée du Miracle de Théophile de Rutebeuf ou du mythe faustien, l’œuvre instille à Naples, puis dans l’Occident latin, le soupçon d’accointance des juifs avec le démon. Le procès en diabolisation, bien antérieur au Moyen Âge, est instruit par les auteurs chrétiens même tolérants comme Grégoire le Grand. Un passage de ses Dialogues évoque un voyageur juif, témoin de démons réunis dans un temple d’Apollon et résolus à perdre l’évêque André de Fondi, accusé de cohabitation suspecte avec une moniale201.

198.  Translation de saint Athanase, éd. Waitz, p. 449, l. 38-42 : Iniquorum consuetudo ita extat peruersa, ut bonos Deoque karos uiros odiant et non solum uiuos, sed etiam mortuos uiperiis linguis car­ pere non desinant, ueluti reproba Iudaeorum labia erga nostrae redemptionis auctorem eiusque famulos existunt ; quod in beati uiri Athanasii moribus et post eius obitum quidam nostratium agere temptabant. 199.  Pénitence de Théophile, 4, p. 484 B : Erat denique in eadem ciuitate Hebraeus quidam nefandis­ simus, et omnino diabolicae artis operator, qui iam multos, infidelitatis argumentis, in foueae perditionis immerserat barathrum. 200.  Le texte grec a été édité, traduit et commenté par Radermacher, Griechische Quellen, p. 164-176 pour une version jugée plus ancienne et p. 182-219 pour deux recensions légèrement différentes de la version d’Eutychianos d’Adana. À propos de la version latine, voir Granier, Histoire, dévotion et culture, vol. I, p. 205-206. 201.  Grégoire le Grand, Dialogues, III, 7 ; cf. PCBE, vol. II/1, p. 132, s.u. Andreas 15.

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Contemporain de ces textes hagiographiques allusifs, un synode, sans doute réuni à Naples au milieu du ixe siècle, consacre un long canon aux relations entre chrétiens et juifs que les autorités ecclésiastiques souhaitent restreindre le plus possible afin d’éviter toute forme de contact : interdiction de former une association commerciale, obligation de travailler le samedi et d’éviter les fêtes juives, expulsion des juifs de la judicature et de la levée des taxes, rachat impératif des esclaves chrétiens par leurs coreligionnaires, refus de toute commensalité, soumission des juifs au repos dominical, éloignement des femmes chrétiennes de la présence de juifs dans la ville où se déroule le synode202. Si le canon récapitule des prescriptions empruntées à divers conciles antiques, le dernier point, le seul original et digne de commentaire, souligne la familiarité quotidienne des chrétiens de Naples avec les membres de la communauté juive locale. Les tensions religieuses et les tentatives de conversion forcée, attestées à la fin de l’Antiquité, ont cédé la place à une coexistence apaisée, au point de susciter l’inquiétude des autorités religieuses203. 202. Voir Martin, « Le rôle de l’Église de Naples », p. 48-49. Le canon 9 du synode est cité dans Hefele et Leclercq, Histoire des conciles, vol. III/2, p. 1224-1225 : [1] De Iudaeis, ut non sint Christiani participes eorum, nec subiecti nec serui Iudaeorum. [2] Quod non oporteat Christianos iudaizare et otiari in Sabbato, sed operari eos in eodem die, praeferentes autem in ueneratione Dominicum diem si uacare uo­ luerint, ut Christiani hoc faciunt : quod si reperti fuerint iudaizare, anathema sunt a Christo. [3] Auguriis uel incantationibus seruientem a conuentu ecclesiae separandum, similiter et Iudaicis superstitionibus uel feriis inhaerentem. [4]  Nec Iudaei Christianis populis iudices deputantur aut tolonearii esse permittant Christiani uideantur esse subiecti. [5] Vt nullus Christianus Iudaeorum conuiuiis participare praesumat : quod si facere quicumque (nefas est dici) clericus aut saecularis praesumserit, ab omni Christianorum consortio se nouerit compescendum, quisquis eorum impietatibus fuerit inquinatus. [6]  Praesenti Deo auctore sancimus ut nullus Christianus Iudaeo deinceps debeat desseruire ; sed datis pro quolibet bono mancipio XII  solidis ipsum mancipium quicumque Christianus seu ad in genuitatem seu ad seruitium licentiam habeat redimendi : qui nefas est ut, quos Christus Dominus sanguinis effusione redemit, persecutorum uinculis permaneant inretiti. Quod si adquiescere haec quae statuimus quicumque Iudaeus noeuerit, quandiu ad pecuniam constitutam uenire distulerit, liceat mancipium ipsum cum Christianis ubicumque uoluerit habitare. [7] Omnes deinceps clerici siue laici Iudaeorum conuiuia euitet, nec eos ad conuiuium quisquam accipiat : quia cum apud Christianos cibis communibus non utantur, indignum est atque sacrilegum eorum cibos a Christianis sumi, cum ea quae apostolo perhibente nos sumimus ab illis iudicentur inmunda. [8] Post haec uero statutum est ut nullo in loco permittatur Iudaeis aut puplicum facere aut contendere aut quocumque modo hominem Christianum possidere uel dominari ei aut Dominico die aliquam operationem facere. Quod si quis repertus fuerit hoc facere, grauius corripiatur, ne ulterius fieri audeat. Sed et hoc summopere praemonendum est… ut a sollicitudine omnes stude… [ f ]eminas proximas sibi et ancillas et liberas et omnes suae curae subiacentes custodire a Iudaeorum consortio propter adulterium : quoniam nimis inoleuit hoc uitium maxime in hac urbe, quod penitus est resecandum. 203.  Le caractère apaisé des relations entre juifs et chrétiens en Campanie trouve confirmation dans le silence de la Vie de Nil de Rossano. Alors que le texte témoigne d’une violente animosité envers les juifs accusés d’impiété et de déicide, les deux épisodes qui opposent le saint à des juifs se situent en Calabre, non en Campanie : voir Falkenhausen, « L’ebraismo dell’Italia meridionale », p. 36-39.

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Le risque d’union entre individus de religion différente trouve peut-être une confir­mation dans un acte notarié d’interprétation assez incertaine. Le document, établi en 965, organise la vente d’une terre entre laïcs habitant le bourg de Miano, au nord-ouest de Naples. Les vendeurs, Jean, Marinus et Eufimia, frères et sœur, sont les enfants du défunt Abraam204. Le nom du père, qui n’est attesté dans aucune autre source napolitaine, constitue un unicum onomastique à l’échelle locale. Les noms des enfants comme ceux de leurs époux respectifs, Gregoria et Pierre, ressortissent au répertoire habituel des anthroponymes chrétiens. Bien que porté en priorité par des religieux ou des clercs, le nom vétérotestamentaire ne suffit à prouver l’appartenance du père à la communauté juive de Naples, d’autant qu’Abraam réside en milieu rural alors que le canon susmentionné indique la présence de juifs à l’intérieur de la ville. Cette implantation urbaine est confirmée par la mention d’un uicus Iudaeorum dans la région de la porte Saint-Janvier205. Ces renseignements sont maigres au regard des centaines d’actes de la pratique conservés dans les trois duchés tyrrhéniens durant le haut Moyen Âge. Certes, le caractère monastique ou ecclésiastique de la plupart des chartes limite la possibilité de trouver mention de juifs, toutefois absents des formules d’exécration des legs et des testaments. L’importance de la communauté juive de Naples et des villes voisines reçoit néanmoins une confirmation dans le journal de voyage, rédigé en 1172-1173, de Benjamin de Tudèle. Traversant la Campanie conquise par les Normands, le probable rabbin aragonais dénombre quelque 300 hommes juifs à Capoue, 500 à Naples, 600 à Salerne où ils ont fondé une école de médecine, une vingtaine seulement à Amalfi où ils pratiquent le négoce, enfin 200 à Bénévent206. Ces chiffres, d’une précision remarquable pour la région207, permettent de mesurer l’importance et le dynamisme,

204.  RNAM, vol. I/2, 111 – 965. 205.  RNAM, vol. IV, 265 – 1002 : propter integris portionibus uestris, de ecclesia uocabulo sancti

Ianuarii situm inter duos uicoras unum qui nominatur Iudeorum, et alium qui nominatur Treafata qui et Carrario dicitur regione porta sancti Ianuarii. 206.  Voir la traduction de Harboun, Les voyageurs juifs, p. 79-80. Le traducteur dresse p. 42 une liste des effectifs des communautés juives fournis par Benjamin de Tudèle qui montre qu’avec respectivement 500 et 600 membres, Naples et Salerne possèdent les groupes les plus importants, égalés par la communauté d’Otrante (500) et seulement dépassés par celle de Palerme (1500). Le faible nombre de juifs à Amalfi résulterait de la prise de la ville par les Pisans en 1135 et de son déclin commercial consécutif et définitif (ibid., p. 59). 207.  Ibid., p. 48 : « Il est fort probable que les chiffres avancés par Benjamin de Tudèle soient ceux des personnes susceptibles d’être admises dans le “Miniane”. Or, pour être partie prenante d’un office juif, il faut obligatoirement avoir treize ans révolus. La preuve de notre hypothèse, nous la trouvons dans le fait que Benjamin cite toujours le nombre de juifs, accompagné de celui des synagogues. Donc à notre avis sont exclus du compte les femmes et les enfants de moins de treize ans. »

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tant intellectuel que commercial, des communautés juives dans les anciens duchés tyrrhéniens et les anciennes principautés lombardes208.

Une religion adverse et absente : l’islam L’expansion musulmane en Méditerranée atteint la péninsule environ deux siècles après la conquête du Proche-Orient209. Marquées par des conflits de durée et d’intensité variables mais récurrents, une fois la Sicile byzantine tombée, en particulier la ville de Palerme210, les relations entre chrétiens et musulmans occupent une place limitée dans les sources des duchés tyrrhéniens. Les Gesta se bornent à présenter les musulmans comme des adversaires redoutables, des envahisseurs opportunistes, des pillards en quête de butin et de prisonniers211. Placés entre les Lombards et les Arabes, certains ducs comme André II (834-840), Serge II (870-877) ou le duc-évêque Athanase  II (876-898) n’hésitent pas à s’allier à ces derniers au mépris des opposi­ tions religieuses212. À l’inverse, le duc Serge Ier (840-864) coalise les forces de Naples,

208.  Pour l’histoire du judaïsme dans l’Italie méridionale du haut Moyen Âge, voir Colafemmina, « Insediamenti e condizione », p. 224-225 : si la moitié de cet article est consacrée à la communauté juive de Venosa en raison d’une riche documentation épigraphique, l’auteur relève la présence d’un uicus Iudaeorum à Naples ; Kreutz, Before the Normans, p. 85-87, qui situe en Apulie les principales communautés juives de l’Italie méridionale en raison du caractère peu disert des sources des duchés tyrrhéniens et lombards. 209. Voir Feniello, Sotto il segno del leone. 210.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 54, p. 429, l. 27 - p. 430, l. : Ex illo iam die impauidi grassantes, totam diuastabant Siciliam. Ad postremum uero capientes Panormitanam prouinciam, cunctos eius habitores in captiuitatem dederunt. 211.  Ibid., 60, p. 432, l. 40-42 et p. 432, l. 45 - p. 433, l. 1 : In eodem denique tempore Theophilo mortuo filioque eius Michahelio imperante, multorum naues Saracenorum latrocinari per Italiam cupientium Pontias deuenerunt. […] Perinde uero illorum Hismahelitum uictoriam adeptus est, qui Licosae latitabant. Propterea magnus exercitus Panormitanorum adueniens, castellum Misenatium comprehendit. Ac inde Africani in forti brachio omnem hanc regionem diuastare cupientes ; ibid., 61, p. 433, l. 23-24 : cateruas Saracenorum Apuliae sub rege commanentes et omnium fines depopulantes ; ibid., 64, p. 434, l. 39-41 : Praeterea, mortuo Sergio consule, et Gregorio, filio eius, ducatum regente, Saracenorum ferocitas ita in his praeualuit regionibus, ut multarum urbium atque castrorum cotidianum fieret excidium. 212.  Ibid., 57, p. 431, l. 20-23 : Contra hunc etenim Andream, Sichardus Beneuentanorum princeps, filius Siconis, innumerabiles molitus est irruptiones. Pro quibus commotus Andreas dux, directo apocrisario, ualidissimam Saracenorum hostem asciuit ; ibid., 66, p. 436, l. 4-8 : Consecratus est autem in ecclesia beati Nazarii martyris, sita in loco qui dicitur Canzia, territorio Capuano, a Iohanne octabo papa, qui eo tempore illuc aduenerat, ut Sergius consul et dux, germanus praedicti praesulis, foedus dirrumperet cum Agarenis, qui tunc Neapoli habitabant et Romanam prouinciam penitus dissipabant. Voir aussi Granier, « Napolitains et Lombards », p. 420-435 à propos de la reconstruction hagio-

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Amalfi, Gaète et Sorrente et, selon les Gesta, remporte une victoire « avec la protection du Seigneur » dont bénéficie également son fils, Caesarius, dans la résistance opposée aux Arabes213. Le plus souvent appelés Sarrasins, les adversaires arabes sont parfois qualifiés d’Ismaélites. Cette ascendance vétérotestamentaire n’aboutit toutefois pas à l’emploi, dans les sources étudiées, du terme Agarène privilégié par les sources byzantines. Le timide rapprochement culturel opéré par l’usage d’Ismaélite suppose une origine ethnico-religieuse connue des auteurs chrétiens et l’insertion des Arabes dans l’histoire biblique et le sens de la Révélation. Dans un cas isolé, sous le duc Grégoire  III (864-870), Jean Diacre assimile, dans ses Gesta, les Arabes à des païens qui, par leur violence, oppriment les chrétiens214. Il s’agit du seul passage où l’affrontement entre les Arabes et les duchés tyrrhéniens revêt l’aspect d’un conflit religieux. Les sources ecclésiastiques non narratives, à la différence par exemple de la chronique du Mont-Cassin, ne se font guère l’écho de ces affrontements. Contemporain des événements, un synode, sans doute réuni à Bénévent sous l’évêque Aion (840-886), édicte une vingtaine de canons de nature surtout disciplinaire. Le canon 9, s’il interdit toute relation sexuelle entre des clercs et une esclave, associe à une tradition musulmane la possibilité d’avoir, sans sanction religieuse, des rapports avec une esclave. Les Arabes sont appelés Agarènes et, indice supplémentaire d’une connaissance relative de l’islam et de sa langue véhiculaire, le synode désigne son « faux prophète » du nom de Muameth, soucieux de corriger la prononciation erronée de Machameta215.

graphique de l’alliance jugée impie du duc Serge Ier puis du duc-évêque Athanase II avec les Sarrasins. À propos du commerce des esclaves pratiqué par les Napolitains avec les Arabes, voir Martin, Guerre, accords et frontières, p. 147-148. 213.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 60, p. 432, l. 42-45 : Tunc Sergius consularis una cum Amalphitanis Caietanisque ac Surrentinis, non in multitudine populorum, sed in misericordia Domini et huius episcopi precibus confisus, bellum cum eius est aggressus. Quibus deuictis, Domino protegente, celeriter triumphauit ; ibid., 60, p. 433, l. 11-13 : Sed Cesarius, praedicti Sergii filius, hoc animaduerso, cum ratibus suis et Amalphitanorum in portum eiusdem ciuitatis magis custos quam propugnator deuertens, Domini protectione illi obsistebat ; cf. ibid., 65, p. 435, l. 38-41 : Unde pius commotus augustus armatam direxit multitudinem, ut Domino protectore bellum inirent aduersus illos. Qui celeriter uenientes, atque plurima cede Saracenos prostrantes, triumpho de caelo donato, uictoriosissimi repedarunt. 214.  Ibid., 64, p. 434, l. 41-44 : Idcirco Lhodoguicus imperator supplicatione commotus Lango­ bardorum, ad eorum liberationem ualidum exercitum, asserens se rationem redditurum, si, pro quibus Christus descendit de sinu Patrius subiens corpoream mortem, non eos a paganissimo iugo liberaret oppressos. 215. Voir Martin, « Le rôle de l’Église de Naples », p. 58 et 60. Le canon  3 du synode de Bénévent est cité par Hefele et Leclercq, Histoire des conciles, vol. III/2, p. 1228-1229 : Procul dubio

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La victoire des troupes chrétiennes, unies autour de la papauté, à la bataille du Garigliano, en 915, éloigne la menace sarrasine de l’Italie méridionale, mais ses conséquences humaines et matérielles apparaissent dans les actes notariés des duchés de Naples et de Gaète tandis que les rares sources d’Amalfi restent muettes. De manière presque anecdotique, de très rares chartes de Naples livrent d’intéressants passages sur le rachat d’esclaves auprès des Sarrasins qui déportent et asservissent leurs prisonniers. Un acte fait part de l’inquiétude de parents pour leur enfant victime d’un rapt, tandis qu’un autre acte établit un contrat de manumission216. Dans son testament établi en 906, l’hypatus Docibilis Ier de Gaète, dont les troupes vont contribuer à la victoire du Garigliano, prévoit une somme au rachat de prisonniers chrétiens des Sarrasins217. La libération des captifs ne constitue pas seulement une nécessité économique pour les populations du littoral menacées dans leurs forces vives par les raids arabes. Suivant l’enseignement des Écritures, l’aide apportée aux prisonniers constitue un acte de piété qui ne se distingue pas des autres formes de charité pratiquées comme l’assistance aux déshérités, aux étrangers ou aux malades218. L’engagement du duché de Gaète aux côtés des princes chrétiens dans leur lutte victorieuse contre les Sarrasins lui permet d’obtenir de la papauté, après la bataille du Garigliano, la concession du patrimoine pontifical de Traetto et du duché de Fondi, concession connue par son renouvellement en 1034219. Le pape Benoît  IX présente la confirmation de ce privilège comme une récompense des ducs de Gaète pour leur participation à l’expulsion des Arabes, qualifiés de Sarrasins ou d’Agarènes220.

si talis commixtionis nulla esset reprehensio, pauci remanserant qui quomodocumque ancillam sibi non acquirerent, cum qua licite cubant assidui. Sed talem legem et consuetudinem Agareni custodiunt, quam eis suus pseudopropheta Muameth, qui corrupto nomine Machameta uocatur, tradidisse dicitur ut ancilla qualitercumque acquisita, licite utantur. 216.  Dans un contrat de vente conclu avec l’abbé Maio, supérieur du monastère Saint-Vincentau-Volturne, un couple de Napolitains, le tribunus Pierre et son épouse Maria, fait allusion à la capture de leur fils, voir MND, vol. I, Appendix, 4 – 868 ou 869 : In uice Iohannis legitimo filio meo, qui a mali­ gnis Sarracenis captus est ; des précisions sur la libération d’esclaves sont fournies par RNAM, vol. I/1, 13 – 928. 217.  E.g. CDC, vol. I, 19 – 906 : Et habeo datum pro hanimam meam inter captiuos redimendum. 218.  Ces formes de charité sont ainsi classées dans Mt, 25, 35-36 : « Car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli ; j’étais nu, et vous m’avez vêtu ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus vers moi. » 219.  Voir p. 172 et suivantes. 220.  CDC, vol. I, 130 – 1014 : Igitur quia suprascripti illis suis filiis penetrauerant una cum eis Sarracenos ad saluandum christianum populum et massime illos qui erant uere famuli apostolorum. […] Insuper pro eorum fideli seruitio et pro defensione gentis christiane et pro eo quod pugnauerat et pugnare

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L’établissement d’une base d’opérations à l’embouchure du Garigliano, à moins de dix kilomètres de Gaète, explique sans doute que les seuls actes qui fassent état de destruc­ tions concernent ce duché. Un acte de 979 mentionne des ecclesiae irreconciliatae, c’est-à-dire profanées par la présence d’occupants musulmans, et concédées au mo­nas­ tère Saint-Magnus afin d’y rétablir le culte chrétien221. En 1011, près d’un siècle après la victoire du Garigliano, l’évêque Bernard de Gaète offre l’église des Saints-Cômeet-Damien au prêtre et primicier Léon et à son fils Constantin, à charge pour eux de restaurer cette église détruite par les Sarrasins pour punir les Gaétans de leurs péchés222. Mais l’importance des dégâts dissuade les repreneurs et contraint l’évêque à solliciter l’aide de trois clercs romains. Au-delà du caractère anecdotique des deux actes, il se fait jour une évolution de l’image des Arabes dans les sources tyrrhéniennes : les invasions et les pillages ne sont plus considérés comme des actes de guerre, mais des sacrilèges et des châtiments divins. L’opposition politique se double d’un antagonisme religieux. * * * Tributaire des sources écrites, la connaissance de la vie religieuse des habitants des duchés tyrrhéniens paraît biaisée. Les sources épiscopales et hagiographiques, qu’elles émanent de Rome ou de Naples, revêtent un caractère surtout normatif par leur souci d’ordonner la société chrétienne selon les principes moraux, spirituels et hiérarchiques de l’Église. Plongés dans le siècle ou séparés de lui, clercs et moines, par la prédication et la prière, l’exemple et la parole, doivent orienter la pratique religieuse des fidèles et enseigner la juste doctrine. Les actes de la pratique, dominés par les questions patri­ moniales et foncières, demeurent éloignés des questions religieuses. Les évidences dogmatiques ou les malédictions convenues transmises par les testaments constituent

deuebat Sarracenos cum eorum populis et cum tota eorum uirtutem. Et ruperat pacem a gente Agarenorum pro Dei amore et eius apostolis totam terram saluando ab ipsis Agarenis. 221.  CDC, vol. I, 74 – 979 : Haec autem quomodo diximus et quantum continere uidetur in oc uolumine precepti in giro et giro quantum de a ipse fines et infra esse uidetur. Idest fluminibus, riuis, aquis, molendinis, fontes, gurgites, locis humectibus, campis, syluis, apendicibus, montibus, uallibus, parietinis, aecclesiis reconciliate et inreconciliate. Voir aussi ibid., p. 138, n. f. 222.  CDC, vol. I, 97 – 1011 (997 est erroné) : Idest clara manifestationes facio ego qui supra Bernardus humilis episcopus ante nobiliores homines et subtus scripti testius, quia habuit data et concessa Leoni presbitero et primicerio siue ad Constantium diaconus eius filius, tota et inclita ipsa ecclesia bocabulus sancti Cosme et Damiani, cum omnia sibi pertinentibus et cum suis bocabulis possita foras istius ciuitatis. Set pro nostris peccatis de suprascripte ciuitate uenerunt gens Hagarenorum ipsa hecclesia diruerunt et omnia sua pertinentia de ...e destruerunt.

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des formules notariales qui ne permettent guère de sonder la foi personnelle des testateurs ni des rédacteurs. À peine articulé dans les sources hagiographiques et épiscopales, soucieuses de sanctification et d’édification plus que de spéculation, le dogme chrétien se réduit, dans les actes, à une eschatologie élémentaire trahissant l’angoisse du salut et la crainte de l’au-delà. Ces préoccupations encouragent les fidèles à solliciter les établissements religieux et assumer un rôle qui contraste avec la position passive que leur attribuent les Gesta ou les récits de translation. Produits par l’épiscopat en quête de sainteté, de reliques et de récits édifiants, ces sources centrent l’histoire religieuse sur l’Église locale et ses titulaires au point d’évacuer les laïcs. La cathédrale et ses dépendances deviennent le pivot de l’activité liturgique, les évêques en constituent les seuls acteurs tandis que la piété est tournée vers les cultes reconnus et promus. Mais la foi des fidèles, révélée par les fondations et les donations, exprime une diversité dévotionnelle manifestée par un sanctoral foisonnant qui rythme le temps et oriente l’espace. L’unité confessionnelle professée par l’Église ne s’oppose pas à la variété des piétés locales ou personnelles, car toutes défendent une commune appartenance religieuse, au point que l’omniprésence du christianisme encourage l’exclusivisme. Si le paganisme antique ou l’animisme germain périclitent dès la fin de l’Antiquité, les autorités ecclésiastiques continuent d’entretenir une attitude hostile envers le judaïsme. En revanche, rattaché au passé biblique mais inscrit dans un contexte militaire et non religieux, le Sarrasin incarne l’adversaire davantage que l’infidèle.

Chapitre 2 VIVRE EN CHRÉTIEN Les sociétés antique et médiévale sont plongées dans un environnement religieux prégnant, qui détermine les comportements individuels et collectifs, et marque autant le quotidien que le rapport des individus à la vie et la mort. Cette empreinte religieuse apparaît d’abord dans le cercle familial, et la variété des sources étudiées permet d’examiner la question des pratiques religieuses au sein de cette communauté restreinte. Les actes de la pratique éclairent la famille sous un jour particulier : documents élaborés à des fins juridiques et foncières, ils permettent d’observer l’environnement familial dans une double perspective, sociologique et spirituelle. Vivre en chrétien, c’est en premier lieu vivre dans une famille chrétienne. La société offre un cadre élargi à l’expression de sa foi. Entre le vie et le xiie siècle, la Campanie connaît des transformations sociales qui affectent la spiritualité de ses habitants. Surreprésentée dans les sources des sociétés traditionnelles, l’aristocratie bénéficie d’un traitement privilégié qui éclaire ses comportements religieux et leurs évolutions. La mi­no­ rité des femmes sur le plan socio-économique détermine aussi leurs rapports au religieux. Enfin, inférieurs sociaux et juridiques, qu’il s’agisse des esclaves dans l’Antiquité ou des dépendants au Moyen Âge, les individus situés au bas de l’échelle demeurent le plus souvent dans une obscurité spirituelle à peine éclairée par ceux qui les dominent. Libération de la vie terrestre et renaissance dans le Christ, la mort constitue pour les chrétiens de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge un événement plus important que la naissance physique. Se préparer à gagner l’au-delà dans les meilleures conditions possibles, organiser les derniers instants de sa vie matérielle et religieuse par volonté de rédemption, constituent l’enjeu spirituel des hommes et des femmes dans l’attente, voire l’angoisse, d’un autre monde, meilleur ou pire, après la mort.

I.  La famille au miroir des RNAM Dans une société pensée comme entièrement chrétienne, la famille constitue le cadre premier, sinon primordial de la vie religieuse. Naître, grandir, se marier, évoluer dans la cellule familiale ou un groupe plus élargi sont autant de moments d’expression de comportements religieux spécifiques. Les Regii Neapolitani Archivii Monumenta constituent un ensemble documentaire pertinent, mais non exclusif, pour révéler ce qui, dans le cercle familial, détermine les pratiques religieuses des habitants des duchés tyrrhéniens du haut Moyen Âge.

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Naître La Vie d’Athanase dévoile les conditions exceptionnelles de la naissance de ce membre de la famille ducale napolitaine promis, dès sa conception, à un destin religieux hors normes : « En effet, avant que sa mère ne le portât dans son ventre, non pas malgré son époux mais à sa demande très insistante, suivant le modèle de la prophétie de sainte Anne, elle fit à Dieu le vœu que le fruit de ses entrailles, si un enfant lui venait, ils le confieraient d’un commun accord au Christ pour le servir et l’appelleraient Athanase, c’est-à-dire immortel, par amour et en l’honneur du très savant saint Athanase, évêque d’Alexandrie ; ils connaissaient le sens caché de son nom qui évoque l’immortalité, puisque le Seigneur dit : “Celui qui croit en moi, aura la vie éternelle” »223. Selon la conception chrétienne de la vie, on ne naît pas seulement, on est destiné, comme le manifeste de manière exemplaire saint Athanase Ier. Les Gesta ne s’attardent pas sur les conditions de naissance des évêques de Naples et même Athanase Ier ne bénéficie pas des détails que livre sa Vie. Les actes de la pratique, reflet diffus du quotidien des fidèles, présentent la naissance d’un individu dans une perspective toute différente. La signification religieuse de la procréation224, ou bien de la naissance, s’efface derrière des considérations plus matérielles. Une naissance a surtout pour conséquence de modifier l’ordre des béné­fi­

223.  Vie d’Athanase de Naples, éd. Waitz, 2, p. 441, l. 45 – p. 442, l. 4 : Hunc etenim priusquam in aluo sua gestaret genitrix, uiro non reluctante, immo id magnopere flagitante, Annae sanctae imitata oraculo, uouit Deo, ut de uteri sui fructum, si inesset proles, aequo assensu Christo traderent ad famulandum, Athanasiumque uocitarent, id est immortale, ob amorem et honorem doctissimi sancti Athanasii Alexandrinae presulis ; non ignari huius misterii nominis, quod immortale sonat ; quoniam Dominus ait : « Qui in me credit, non morietur in aeternum ». 224. Voir la mise au point synthétique de Laurent, Naître au Moyen Âge, p.  107 : « L’embryologie peut aussi nous apparaître comme le miroir de la mentalité médiévale, qui considère la femme comme un être inférieur à l’homme dès sa conception, constituant en quelque sorte une “erreur” de la nature. Esclave de sa constitution, la femme ne participe pas vraiment à la reproduction de l’espèce humaine. Les théologiens médiévaux essaient, coûte que coûte, de justifier leur attitude envers la femme à travers des conceptions médicales qui se réfèrent aux sources antiques. Cependant, en même temps, la femme revêt un caractère mystérieux et sacré : si elle ne participe pas à la génération, elle reste le lieu où s’effectue la conception secrète de l’homme. » L’insistance des Pères latins de l’Église, comme Grégoire le Grand dans son Libellus responsionum, à justifier l’union matrimoniale par l’engendrement d’une descendance est assimilée, non sans audace, à une « valorisation de la procréation et de la grossesse » par Alexandre-Bidon et Lett, Les enfants au Moyen Âge, p. 22 ; également Shahar, Childhood, p. 9-10 ; pour le haut Moyen Âge, en particulier l’influence d’Isidore de Séville sur la popularisation parmi les théologiens de la conception aristotélicienne d’une maternité perçue comme simple matrice du père qui seul transmet l’image humaine, voir Fair Bestor, « Ideas about procreation », p. 155-159.

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ciaires d’un héritage225. Pourtant, des considérations morales et sacramentelles jouent un rôle non négligeable. Les contractants indiquent toujours que leurs parents sont mariés ou qu’eux-mêmes forment une fratrie issue du même père et de la même mère226. Cette précision manifeste et atteste la légitimité d’une naissance survenue dans un couple marié. Davantage qu’un souci de se conformer à la morale ou aux préceptes religieux, ces précisions juridiques permettent d’authentifier et de garantir la validité du document. Des enfants illégitimes apparaissent dans les actes et sont appelés naturales. En 1093, le Napolitain Grégoire, surnommé Infernus, rédige son testament devant notaire et indique l’ensemble de sa descendance : trois fils légitimes, Jean, Grégoire et Étienne et deux enfants nés hors mariage, Gemma et Étienne, qu’il qualifie de defisi, paysans versant à un particulier des taxes normalement dévolues à l’État227. La mention d’enfants légitimes et illégitimes dans un acte officiel ne pose pas de problème social ou moral particulier. En 945, un différend oppose Pierre, dit Mirus, fils naturel du duc Jean  II, à l’évêque Marinus de Gaète228. Si la mention d’une filiation illégitime, rappelée même à l’âge adulte, n’est pas limitée aux classes dirigeantes ou favorisées229, l’absence d’opprobre social n’en est peut-être pas la seule raison. Il est possible que

225.  RNAM, vol. I/2, 88 – 960 : set si ipsa filia mea ouierit sine heredes uel absque dispositum tunc memoratas sexuncias suas rebertantur et sit offertum pro mea pariterque ipsius anime in memorato monas­ terio sanctorum Theodori et Sebastiani. Voir également de manière plus générale Feniello, « La famiglia a Napoli », p. 106-112, qui traite de la question des donations plus que des successions. 226.  E.g. RNAM, vol. V, 394 – 1052 : Certum est me Iohanne monachum filium quondam domini Sergii et quondam domina Maria honesta femina iugalium personarum ; CDC, vol. I, 43 – 941 : merissi et diuisio inter Mirus et Leone et Constantinus uterini fratres filii autem quondam domni Iohanni imperiali patricius. 227.  RNAM, vol. V, 467 – 1093 : Dispositum factum a me Gregorio qui nominatur Inferno […] dispo­ no primum omnium ut at meum transitum dent pro anima mea quidem Iohanne et Gregorio et Stephano uterinis germanis filiis meis […] dispono ut at meum transitum maneat liberi et absoluti quidem Gemma et Stephano uterini germanis naturali et defisi mei. On remarque que les deux enfants illégitimes sont issus de la même mère. Un doute persiste sur la paternité des deux defisi car le testateur n’ajoute pas le terme filii. On peut néanmoins s’interroger sur l’intérêt que représentent pour lui l’illégitimité de deux de ses defisi. L’ensemble des enfants de Gregorius est à nouveau mentionné dans un acte postérieur, dans lequel apparaissent à nouveau Gemma et Étienne, voir RNAM, vol. VI, 568 – 1116 ou 1117 : at Stephano et at Gemma uterinis germanis defisi nostri naturali memorati quondam genitori nostri. 228.  CDC, vol. I, 47 – 945 : Dum orta esset intentio inter Marinum uenerauilem episcopum sancte Gaietane hecclesie et inter Petrum qui Mirus dicitur filius uero naturalis domni Iohannis imperialis patri­ cii suprascriptae ciuitatis. Sur la place juridique et économique moins favorable sans être marginale des enfants naturels, voir Martin, « Structures familiales » p. 123-124. 229.  RNAM, vol. II, 249 – 997 : Certum est me Stephanum Calciolarium naturalis filio quondam domini Iohannis cata domino Sergio tribuno da porta.

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cette précision constitue une obligation légale reflétant un statut juridique particulier en matière de succession. En territoire lombard, des documents notariés évoquent l’édit de Rothari pour les naissances hors mariage230. Un acte napolitain de 1130 mentionne, parmi les voisins d’une terre située à Caput de Monte (Capodimonte) les deux fils de Grégoire, lui-même enfant naturel de Pierre Turziulus231. Le souvenir d’une naissance illégitime court sur plusieurs générations et constitue un facteur d’authentification d’un bien : l’identification d’un enfant naturel par la communauté constitue un repère social assez important pour être indiquée, mais les mentions restent rares. Les enfants naturels éprouvent des difficultés pour acquérir un statut comparable à celui des enfants légitimes : moins favorisés dans les héritages, ils disposent d’une aisance économique limitée, d’un patrimoine réduit, et sont dès lors moins présents dans les contrats232. La notion de fils adoptif reste plus vague. Le cas de Mira, mère spirituelle du prêtre Étienne, son fils adoptif, est particulier et mérite commentaire233. Les deux personnes reçoivent, en 998, la charge de l’église Sainte-Marie de Gaète. Leur insistance à exprimer des liens de filiation traduit peut-être leur volonté d’ôter toute équivoque sur leur cohabitation dans l’église désormais desservie par Étienne, et l’acte ne permet pas d’appréhender davantage les relations qu’ils entretiennent. Le rapport de filiation n’a peut-être pas ici de valeur légale. Les mentions d’enfants adoptifs demeurent fort rares : outre le document de Gaète, on connaît deux cas à Naples, aucun à Amalfi234.

230.  RNAM, vol. II, 194 – 982 (acte de Capoue) : Set pro quibus continet in lege nostra Langobardorum in capitulum Rotharii regis, qui costituit ut filius bibo patre de rebus suis, per nullum titulum dare aut alienare licead, excepto si habuerit filios legitimos aut naturales ut ipsi ei secundum legem conserbet. Les chapitres 164165 et 170-171 de l’édit de Rothari traitent des enfants légitimes et naturels, ces derniers placés vis-à-vis des premiers dans une position d’infériorité juridique : voir Le leggi dei Longobardi, éd. Azzara et Gasparri, p. 46-48 et 52 ; une brève mise au point est proposée par Leverotti, Famiglia e istituzioni, p. 27-29 ; enfin, de propos plus général sur le droit lombard, Everett, « How territorial was the Lombard law ? », p. 347-349 sur l’édit de Rothari qui s’applique à tous les individus établis sur le domaine contrôlé par les Lombards et non simplement à un groupe ethnique particulier par volonté d’unifier par la loi différentes populations vivant sur un même territoire face à la menace des « Romains », c’est-à-dire des Byzantins. 231.  RNAM, vol. VI, 610 – 1130 : et a parte septentrionis est terra de Iohanne Isabro et de Petro Isabro uteri­ nis germanis filiis quondam Gregorii qui fuit naturali quondam Petri Turziuli quem procreabi in illa serbientis. 232.  À propos des enfants illégitimes, voir Winter, Kindheit, p. 41, qui rappelle la possibilité juridique accordée aux enfants illégitimes d’hériter de leur père par contrat notarié, une décision qui dépend du père bien évidemment ; Boswell, Au bon cœur des inconnus, p. 154-161 où l’auteur montre que les enfants illégitimes, parmi les expositi, ne semblent pas occuper une place prépondérante ni susciter une attention particulière dans les sources juridiques, littéraires, hagiographiques et canoniques. 233.  CDC, vol. I, 98 – 998 : amborum Mire uenerauili monache, et Stephano presbitero mater spiri­ tualis et filio adobtiuo. 234.  MND, vol. II/1, 158 – 966 ; RNAM, vol. IV, 373 – 1039 : et Petro Sissano qui sum atobtibo filio me­ marata Vona et de memorato Iohanne Sissano. Remarquons que le fils adoptif a pris le surnom de ses parents.

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Cette rareté est difficile à interpréter : la majorité des enfants doivent omettre cette précision car, une fois adoptés, ils possèdent le même statut juridique que les enfants de naissance légitime. Une allusion à une dernière forme de filiation apparaît dans un acte de Gaète daté de 1014. L’évêque Bernard concède un modius de terre au prêtre Benedictus et à son nutriculus Grimaldus. Le bien foncier est lié à l’église dont Benedictus a la charge235. Il s’agit de la seule mention d’un nutriculus. La dignité sacerdotale de Benedictus l’empêche peut-être d’adopter légalement un enfant (bien que l’on ignore si Grimaldus l’est encore). Si le rapport filial entre les deux hommes semble évident, le rapport religieux demeure mystérieux. On le voit, la place de la religion dans la structuration de la filiation reste difficile à établir, sinon par un biais détourné et pour un résultat incertain. Les allusions directes demeurent très rares, car ce type de source ne constitue pas le vecteur approprié. Une remarque s’impose cependant : un nombre élevé d’actes concerne des donations pieuses à des établissements religieux, or jamais ces dons ne revêtent un caractère votif lié à la procréation ni à la naissance. Les formes de piété associées à l’enfantement ignorent les dons fonciers aux institutions religieuses qui possèdent une vocation surtout funéraire. Elles se présentent peut-être sous la forme de modestes offrandes votives absentes de la documentation. Dans le christianisme médiéval, la naissance précède de peu le baptême. D’abord placé lors de la célébration de Pâques et de la Pentecôte, le sacrement baptismal tend, peu après l’époque carolingienne, à être administré tout au long de l’année236. Les Gesta décrivent les baptistères du complexe épiscopal sans référence au rite237. L’exil de l’évêque Paul  II (762-766) aux catacombes de Saint-Janvier extra moenia, où il fait ériger de nouveaux fonts, est l’occasion, pour Jean Diacre, de rappeler le rôle central du prélat dans le baptême des nouveaux nés au moment de Pâques et des grandes fêtes de l’année liturgique238. L’auteur des Gesta veut montrer le quasi-

235.  CDC, vol. I, 129 – 1014 : tradidimus uobis quoque Benedicte presbiter filius quondam Maioni et Grimaldo nutriculum uestrum bone memorie habitatores de Castro Argenti. […] ut postquam tu qui supra Benedicte presbiter et Grimaldo nutriculum uestrum ibidem fabricatis ecclesiam cunctis diebus uite uestre. 236.  Voir de manière générale Cramer, Baptism and Change, p. 179-184 ; de manière plus précise, Gy, « Du baptême pascal », p. 358-360. 237.  Voir p. 333 et suivantes. 238.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 41, p. 425, l. 3-5 : Construxit etiam ibidem mar­ moreum baptismatis fontem. In quo paschalibus allisque festis omnes occurrentes suos baptizabant filios. On retrouve une autre allusion au baptême pascal des enfants dans les Gesta : lorsque l’évêque meurt, le jour de Pâques, sa dépouille est accompagnée par les enfants baptisés le jour même. Voir ibid., p. 425, l. 10-12 : Mox eius exequias totus clerus omnisque sexus et aetas una cum pueris eadem in nocte baptizatis usque ad basilicam sancti Ianuarii deduxerunt et corpus eius in porticum ante ecclesia sancti Stephani sepelierunt.

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monopole  sacramentel de l’évêque, même en dehors de sa ville. D’autres prêtres admi­nistrent certes le baptême dans le diocèse de Naples au viiie siècle, mais lors des moments forts de la vie religieuse locale, les mères apportent leurs nouveaux nés l’évêque pour qu’ils reçoivent le sacrement de ses mains239. Les actes de la pratique demeurent silencieux sur cette cérémonie, sans doute parce qu’elle ne donne lieu à aucune donation susceptible d’être enregistrée par un notaire. Un acte napolitain de 1076 fournit une indication : dans son testament, Maria prévoit que Jean, « soulevé au-dessus de la conque », recevra deux tarins240. Il doit s’agir de son filleul et d’une allusion à son baptême. Le rôle des parrains et marraines n’est pas davantage éclairci par les sources napolitaines ou des duchés voisins241. Les autres testateurs ne prennent peut-être pas la peine de préciser si leur filleul figure parmi les personnes bénéficiant de leur héritage. Le nom donné aux enfants par leurs parents ne semble pas démontrer une forte connotation religieuse. Nous avons évoqué, pour les clercs et les moines, les spécificités onomastiques des duchés tyrrhéniens, en particulier Naples dont la documentation est la plus riche et la mieux étudiée242. Rappelons que les conclusions s’appliquent à l’ensemble de la population : un nombre limité de noms masculins ( Jean, Léon, Serge, Pierre, Grégoire, Marinus) ou féminins (Maria, Anna, Drosu, Maru, Eupraxia, Theodonanda, Gemma, Euphimia) et, par conséquent, l’absence de référence aux saints locaux ou évêques de la cité. Aucun Napolitain présent dans les actes ne s’appelle Janvier, aucun Gaétan Érasme, aucune Amalfitaine Trophimena. La tradition onomastique voulant que l’on attribue le nom du grand-père ou de la

239.  À propos du rituel baptismal selon ses variantes géographiques dans l’Antiquité et le haut Moyen Âge, voir de Puniet, « Baptême », col. 301-309 et 318-330. 240.  RNAM, vol. V, 426 – 1076 : at Ioannes quem ego cum memorato uiro meo lebauimus de illa conca tari septem. 241.  De manière générale, bien qu’elle adopte une approche surtout socio-politique, voir la synthèse consacrée à l’époque tardo-antique et mérovingienne de Jussen, Patenschaft und Adoption, p. 153-158 où l’auteur montre que, dès l’Antiquité tardive, la parenté spirituelle est associée au rite du baptême, du moins à la lumière de sources ecclésiastiques surtout gallo-romaines ; une brève mise au point est également proposée par Shahar, Childhood, p. 117-118, qui insiste sur l’instruction religieuse que les parrains et marraines doivent donner à leurs filleuls, mais au-delà de cette mission définie par l’Église, les sources évoquent peu des relations concrètes entre membres d’une parenté spirituelle. Même s’il traite surtout du bas Moyen Âge et du début de l’époque moderne, qui n’intéressent pas directement notre étude, voir également Alfani, Padri, padrini, patroni, p. 35-37. Surtout intéressé par les questions d’inceste et d’interdits matrimoniaux, l’auteur consacre un fort bref développement à l’interprétation « classique » de la parenté spirituelle qui, dépourvue de fondements scripturaires et théologiques, aurait résulté de la nécessité de compenser l’essor du baptême d’enfants en bas âge par la présence d’adultes faisant fonction de garants durant le rituel baptismal et ensuite amenés à jouer un rôle dans l’éducation religieuse et morale de leurs filleuls. 242.  Voir p. 228-232 et 280-283.

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grand-mère à l’enfant se vérifie, malgré les rares mentions de grands-parents243. La seule particularité réside dans le caractère lignager de certains noms, surtout dans les familles régnantes et leur descendance, comme Docibilis à Gaète ou Manso à Amalfi244. La fréquence du nom Serge rend difficile de supposer une influence des ducs de Naples homonymes.

Être élevé La place et le rôle des enfants dans les familles demeurent difficiles à percevoir245. Les actes renseignent parfois sur le nombre d’enfants au sein d’une famille quand des biens familiaux sont distribués ou engagés. En 978, Serge et Eupraxia, un frère et sa sœur qui habitent Pouzzoles, prennent en tenure une terre du monastère des SaintsSerge-et-Bacchus, et agissent pour le compte de leur frère mineur, Jean. La famille compte donc au moins trois enfants246. Une esquisse démographique reste impos­ sible, car les énumérations de tous les membres d’une famille sont rares et on ignore tout de la mortalité infantile247. Les testaments offrent davantage de précisions par la mention des enfants vivants lors de l’enregistrement des dernières volontés du testateur, souvent le père, mais les informations sont à prendre avec circonspection.

243.  Les rares mentions d’un grand-parent semblent le confirmer. Par exemple, dans RNAM, vol. IV, 345 – 1030, on évoque Eupraxia, petite-fille d’Eupraxia ; RNAM, vol. V, 428 – 1077 : Sergius et Jean, fils et petit-fils de Jean. À Amalfi, la mention des parents sur plusieurs générations apporte une confirmation, de même les souscriptions dans CP, 15 – 1090 : Sica, Gregorius f. Leonis de Sergio, Leo f. Mansonis de Leone Galloppi, Lupinus f. Sergii de Lupino de Maurone com(ite). Cela ne constitue cependant pas une règle absolue. 244.  À propos du nom Docibilis et de ses titulaires, voir Skinner, « Noble families », p. 358-359 ; Ead., Family power in southern Italy, p. 104-105 ; Stasser, Où sont les femmes ?, p. 177-192 ; à propos du nom Manso, ibid., p. 309-318. 245. Voir Alexandre-Bidon et Lett, Les enfants au Moyen Âge, p. 97-125. Beaucoup plus originale par sa tentative d’évaluer la place de l’enfant parmi les vivants en menant un examen de sa place parmi les morts, la contribution de Treffort, « Archéologie funéraire », p. 102, qui note que « le matériel funéraire qui les accompagne est parfois prestigieux » et que « le traitement privilégié accordé aux corps de ces enfants reproduit vraisemblablement une atittude de deuil, parfois sensible dans les textes. » Il reste toutefois à noter que les sépultures de petits enfants font autant défaut dans le haut Moyen Âge que dans l’Antiquité, même si la place accordée aux enfants dans les cimetières établis autour des lieux de culte chrétien s’accroît à partir de l’époque carolingienne. 246.  RNAM, vol. I/2, 173 – 978. 247.  La documentation des duchés tyrrhéniens n’offre pas de données permettant une étude statistique comme la liste d’esclaves d’Amiterno et de Forcona compilée au ixe siècle pour l’abbaye de Farfa, ou la liste des esclaves du Val Trita établie au milieu du ixe siècle pour le compte de l’abbaye de Saint-Vincent-au-Volturne. Ces listes ont été étudiées par Feller, Les Abruzzes médiévales, p. 421-444.

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Des tes­ta­ments montrent des familles nombreuses, comme celle de l’hypatus de Gaète Docibilis  Ier, composée de quatre filles et trois garçons248, mais d’autres ne laissent apparaître qu’un enfant249. Le rapport entre enfants révèle une domination masculine, les legs immobiliers favorisant les garçons aux dépens des filles250. Autre discrimination notable, les enfants légitimes sont privilégiés sur les enfants illégitimes. Par exemple, dans son testament établi en 1028, le Gaétan Constantin place son fils naturel, Jean, en dernière position après des institutions religieuses (Mont-Cassin, cathédrale de Gaète, monastère de Saint-Théodore), sa sœur Theodora, son oncle Constantin et ses servantes251. En revanche, à la lecture du testament, on s’aperçoit que le fils illégitime bénéficie d’une part importante de la fortune de son père. Les actes fournissent peu d’information sur l’éducation religieuse des enfants. L’enfance constitue pourtant un moment privilégié pour embrasser une carrière ecclésiastique. Hormis Athanase Ier, les Gesta évoquent la vocation précoce de l’évêque Jean IV. Il est difficile de comprendre à quel moment le futur prélat devient membre du clergé. Jean Diacre insiste sur sa prédilection pour la doctrine chrétienne plutôt que les arts libéraux252. L’intérêt du passage est de montrer la formation classique suivie par les jeunes Napolitains253. Il est possible que, développant des qualités intellectuelles

248.  CDC, vol. I, 19 – 906. Le testament de Docibilis II, petit-fils de Docibilis Ier, mentionne cinq

filles et quatre garçons, voir CDC, vol. I, 52 – 954. 249.  CDC, vol. II, 168 – 1037 : testament de Gregorius qui ne mentionne qu’une fille, Drosu, mineure au moment de la consignation des dernières volontés de son père. 250.  E.g. RNAM, vol. I/2, 105 – 964 : dans son testament, Anna précise que sa maison, située à Naples, est transmise à ses fils. Si tous ses fils et leurs héritiers meurent, alors leur héritage reviendra en entier aux filles d’Anna ainsi qu’à leurs héritiers si elles sont mineures. En revanche, si elles sont majeures, elles devront en donner la moitié du prix estimé par des « hommes très chrétiens » au monastère des Saints-Serge-et-Bacchus. 251.  CDC, vol. I, 153 – 1028. Le testateur précise que les dons sont effectués sous condition de ne pas avoir d’héritier légitime. 252.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 56, p. 430, l. 34-39 : Cum autem adoleuit, non, sicut illa aetas assolet, mundi secutus est illecebras, sed magis se praeceptorum elegit subdere manibus, quatenus litteris imbutus soli Domino sciret uacare. Non enim magnopere liberalium artium, sed diui­ nae doctrinae potissimum quaesiuit magistros, utpote totum se Deo offerre cupiebat. Cuius desiderium Dominus misericorditer adimplere dignatus est. Nam diuinae doctrinae eruditor praeclarus effulsit. 253.  Sur la formation religieuse des enfants, voir Riché, Écoles et enseignement, p. 318 : « Une fois baptisé, l’enfant reçoit son instruction religieuse de ses parents, de ses parrains et du prêtre qui dirige l’école rurale, si du moins il fréquente cette école. Les parrains doivent enseigner les prières à leur filleul arrivé à l’âge de raison et veiller à la formation morale des enfants. Pour le reste, les enfants recevront le même enseignement que les adultes en participant à la liturgie et en écoutant la prédication » ; Shahar, Childhood, p. 249, qui conclut également à une culture religieuse minimale de la plupart des enfants issus de la paysannerie et qui se limiterait à la connaissance des principales

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particulières, le jeune homme ait été remarqué malgré son origine modeste et qu’il ait reçu une formation de scribe. Son intérêt et sa formation en théologie lui ont également permis de faire carrière au sein de l’Église de Naples. Les actes n’offrent pas de tels détails sur la formation religieuse d’un enfant ou d’un adolescent. Les cas d’oblats mentionnés demeurent très rares254, et il est impossible de déterminer l’âge exact, toujours omis, des clercs, des moines ou des laïcs dans les sources notariales. Si certaines personnes entrent dès l’enfance en religion, les relations avec leur famille demeurent étroites et le noviciat puis la prise de l’habit monastique ne provoquent pas une rupture des liens familiaux. Si les contrats avec le monastère d’accueil garantissent la pérennité des biens transmis par la famille à l’occasion de la réception de leur enfant, ils manifestent aussi la permanence de liens familiaux très forts, en particulier économiques.

Se marier et fonder une famille Dans sa correspondance, Grégoire le Grand évoque peu les sacrements. Ces ques­ tions ne relèvent pas de ses préoccupations principales ni de sa compétence immédiate. Le mariage est mentionné dans l’affaire de répudiation de l’épouse d’un clerc sous prétexte de son état servile ou dans un cas de restitution de la dot d’une jeune fille entrée au monastère255.

prières récitées pendant l’office ; Alexandre-Bidon et Lett, Les enfants au Moyen Âge, p. 77-79, qui supposent non sans raison une instruction religieuse surtout orale et associent, de manière peutêtre contestable, l’instruction solide et la foi profonde ; Giallongo, Il bambino medievale, p. 48-52 montre, à la lumière de sources bibliques et patristiques, en particulier de Grégoire le Grand, la place centrale de l’obéissance rigoureuse dans l’éducation chrétienne des enfants afin d’inculquer la vertu à un âge associé au péché originel ; malgré une insistance marquée sur la correction et le châtiment corporel, voir également Garver, « The influence of monastic ideals », p. 72-73 et 83 sur le rôle éducatif et religieux dévolu aux parents par les clercs, du moins dans la petite enfance, avant que les parents, par piété personnelle ou ambition sociale, ne requièrent ensuite des clercs une instruction religieuse plus approfondie pour leur descendance. 254.  RNAM, vol. I/1, 14 – 930 ; MND, vol. II/1, 29 – 935. 255. Voir Forlin Patrucco, « La vie quotidienne », p. 61 à propos de la taxe d’un solidus perçue sur chaque mariage (voir Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 42 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 128) ; Reynolds, Marriage in the western Church, p. 139-141 et 228-229 : l’attachement de Grégoire le Grand à l’indissolubilité des liens sacrés du mariage l’incite à protester par lettre (Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, XI, 27 – février 601) auprès de Theoctista, la sœur de l’empereur Maurice, contre la législation en vigueur depuis le règne de Justinien (Novelles, éd. Schoell et Kroll, XXII, 5 – mars 535 ; ibid., CXVII, 12 – décembre 542) autorisant le divorce à la demande d’un des époux pour observer une chasteté consacrée ou embrasser la vie monastique.

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Les sources médiévales, surtout composées de contrats fonciers, offrent une place précise aux questions de mariage. Les liens matrimoniaux apparaissent dans l’indication d’union légitime entre époux, les termes employés ne présentant pas d’originalité particulière (uxor, uir, coniux, iugales personae). Dans une région marquée par l’écrit et le droit, le mariage implique un contrat devant notaire, en particulier pour régler la question du falcidium256, ou celle de la dot257. Les considérations religieuses en sont le plus souvent absentes258. Pour cette raison, un témoignage exceptionnel est fourni par un acte de Gaète. Peut-être daté de 1069, il s’agit d’un contrat de mariage devant notaire du duc Bernard de Fondi avec Offa, fille du comte Landon de Suessa259. Il s’agit d’un mariage mixte entre un « Romain » et une Lombarde. L’acte se décompose en rubriques sur les divers engagements du futur époux. En premier lieu, le duc s’engage devant des fideiussores à verser 50 sous au père de la promise en cas de dédit avant le jour du mariage. L’acte insiste sur la légitimité de l’union. Le comte de Suessa,

256. Des contrats de ce type sont recensés dans MND, vol. II/1, 83 – 954 ; MND, vol. II/1,

– 969. La question du quart des biens détenu par la femme constitue une préoccupation récurrente des actes de donation, en particulier lorsque des Lombards sont concernés comme dans RNAM, vol. I, 7 – 920 où, dans le cadre de la vente d’un fundus au monastère des Saints-Serge-etBacchus, des nobles lombards affirment que le bien vendu n’est pas grevé de la morgengabe de leurs épouses. Sur le droit canonique matrimonial du haut Moyen Âge, son inspiration par le droit romain transmis par les grandes codifications tardives et son adaptation à la société germanique, voir Gaudemet, « Le legs du droit romain », p. 166 : « Le strict consensualisme matrimonial, qui reconnaissait que le mariage était valablement conclu sans qu’aucune forme n’en assure la publicité, rendait difficile la distinction entre mariage et concubinat » ; voir également Sheehan, « Sexuality, marriage, celibacy », p.  179-180 à propos de l’essor de la codification du mariage par la législation canonique des pontifes romains du viiie siècle ; Bührer-Thierry, « Fratelli e sorelle », p. 55-66 sur la question des biens indivis en Bavière et en Toscane à l’époque carolingienne. 257.  CP, 55 – 1007 : scriuere et firmare uisi sumus uobis Urso genero nostro filio Petri Aberadice et Drosu iugalium filia nostra anc chartam firmationis pro quibus ante os annos quando uos coniunximus in coniugio copulationis cum suprascripta Drosu filia nostra dedimus uobis in die uotorum uestrorum plena­ riam et integram ipsam petiam nostram de uinea in Paternum Piczulum posita pro ipsa dote uestra que mihi suprascripta Theodonanda obbenit ex comparatione a Theodonanda relicta quondam Iohannis de Sirica. 258.  Il faut rappeler que la participation d’un prêtre au rituel nuptial sous forme d’une bénédiction n’est pas requise par les sources canoniques et ne se systématise dans l’empire carolingien qu’à partir de la seconde moitié du ixe siècle : voir Vogel, « Les rites de la célébration du mariage », p. 434-435. Cette pratique est encore plus tardive en Italie. Il est intéressant de constater que, dans le monde byzantin, la bénédiction nuptiale devient une condition sine qua non de la validité juridique du mariage à partir du règne de l’empereur Léon  VI le Sage (886-912) dans sa novelle  89, Jus Graeco-Romanum, éd. Zepos et Zepos, vol. 1, p. 156. Nous empruntons cette référence au même article de Vogel, « Les rites de la célébration du mariage », p. 399. 259.  CDC, vol. II, 239 – 1069 (?). La date du document reste incertaine, voir ibid., commentaire p. 93. 173

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déjà venu avec sa fille, a remis « selon la loi » la bague au futur époux et la cérémonie doit se dérouler le dimanche suivant la rédaction du contrat. Le duc garantit à sa femme le quart de ses biens. Enfin, il promet de respecter son épouse et ne pas commettre l’adultère260. L’ensemble des engagements s’appuie sur des éléments de droit. Les seules allusions à la religion consistent dans le choix du jour du mariage, le dimanche, et dans le serment probatoire sur les Évangiles en cas d’accusation d’adultère qui ressortit au droit civil. Le remariage, en cas de veuvage, n’est pas interdit par l’Église, même s’il est décon­ seillé. Plusieurs cas sont attestés dans la documentation notariale. Une fois encore, le principal souci est d’ordre économique et juridique : éviter la captation de la fortune du premier mari par le second époux, une préoccupation bien présente dans les testaments261. Les considérations morales, comme la préservation de la mémoire du mari défunt, jouent un rôle négligeable, mais la clause inverse ne se rencontre pas pour les veufs. Dans un acte napolitain, des enfants indiquent être issus d’un père unique, mais de mères différentes262. Les liens hors mariage sont moins explicites et l’interdit religieux marque assez la société pour qu’ils ne s’affichent pas dans les actes illustrant la vie courante. De ce fait, la pratique du concubinage est surtout visible pour les prêtres, sauf à Amalfi. Le caractère religieux des liens matrimoniaux se manifeste surtout par le souci des époux, exprimé dans les actes, d’assurer le salut commun de leurs âmes263. Les mentions

260.  Ibid. : ipse qui super domno Lando dare nobis Offa dilectam filiam suam ad legitimam uxorem habendam, si uero nos tornare uoluerimus et predicta Offa filia uestra non tollerimus ad legitimam uxorem habendam, ut dictum est, quingentos solidos auri boni uizanteis tibi domno Lando componere obligauimus, et jam dicta Offa filia uestra per inuitis tollere ad legitimam uxorem habendam, tunc statim que a presentem disponsabimus eam Offa dilecta filia uestra ad habendam pro legitima uxore qui supra domnus Lando comes per spatam illam mihi tradidit ad legitimam uxorem habendam, et arre pro eam secundum legem anulo dedit constitutum inter nos posuimus de eadem nuptia perficienda Dominica ista proxima uentura […] et dicte fille uestre uxori mee iniusto non facimus, et aliam feminam non adulteramus si ego qui supra Bernardus nobis crimen miseritis de dicta Offa filia uestra uxori mee quod iniusto fecissemus, aut aliam feminam adulterassemus postquam tibi Offa adsociauimus uxorem et quantas uices nobis pulsaueritis si non fuerit ausus iurare ad Euangelia cum lege quod talia non fecisset, tunc per omnem uicem componere obligauimus uizantei auri quinquaginta et quando iurauerimus sit exinde absolutus eo quod sic combenit inter Nobis per jamdicta guadia […]. 261.  RNAM, vol. I/2, 143 – 970 : Tantum modo hoc adfirmo ut omnia que superius uobis offerui quidem Heufimia coniux mea omnibus uite sue tenere et fruere debeat si lectum meum custodierit et alium uirum non fuerit sociata. 262.  RNAM, vol. I/2, 151 – 973 : germanis filiis quondam Iohannis Ferrarii de memorato uno genitorem et duas genitrices. 263.  RNAM, vol. I/1, 15 – 931 : la transmission de l’héritage d’Ursus et de son épouse Natalia au profit du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus est décidée pour le salut des âmes du couple.

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de veufs et surtout de veuves sont fréquentes pour la commémoration du défunt ou de la défunte264, ou la mention d’une sépulture265. La famille occupe une place singulière dans les actes de la pratique qui offrent des informations mieux fournies et plus précises que la correspondance de Grégoire le Grand ou les Gesta. La connaissance de la famille dans les duchés tyrrhéniens à l’époque médiévale repose sur des documents des xe-xiie siècles. Sans surprise, la famille occupe une place centrale et structurante : il s’agit le plus souvent d’une famille nucléaire, composée des parents et des enfants. Si l’objet de cette étude n’est pas d’entrer dans les détails des structures familiales, il est utile de fournir des repères. La première place est accordée au père de famille, selon un schéma patriarcal. Il n’est cependant pas exceptionnel de rencontrer des actes rédigés au nom d’une femme, devenue chef de famille après la mort de son époux. Dans les duchés, le père de famille est, en règle générale, celui qui établit la donation pieuse s’il est vivant. L’accord de l’épouse est cependant toujours exprimé et donné, preuve qu’il est requis. Il semble que le statut de la femme soit plus élevé que dans les territoires lombards où la femme n’intervient pas dans les contrats de donation établis par son époux, sauf pour sa quarta266. À la différence des époux, les mentions de grands-parents

264.  RNAM, vol. I/2, 116 – 965 : le moine Macarius effectue un don au monastère des SaintsSerge-et-Bacchus pour l’amour de Dieu, le salut de son âme, ainsi que pour celui de Maru, son épouse défunte (pro Domini amore et salbationis anime meae et pro anima quondam Maru honesta femina dudum coniugi meae). De manière plus large, voir Fedele, « Vedovanza e seconde nozze », p. 827 et 830, qui souligne la continuité de la promotion spirituelle par l’Église de la continence dans le veuvage, mais sans toutefois proscrire ni condamner en droit le remariage des veuves, ce que ne fait d’ailleurs pas davantage le droit lombard, certes déterminé par des considérations plus socio-économiques que religieuses ; Jussen, « Der “Name” der Witwe », p. 155-157 sur le statut des veuves dans la littérature normative conciliaire du haut Moyen Âge ; Parisse, « Des veuves au monastère », p. 267-269 ; La Rocca, « Segni di distinzione », p. 46-49, où l’auteur oppose deux formes de veuvage au sein de l’aristocratie, l’une entraîne le maintien de la femme dans le siècle, l’autre son entrée au monastère, les legs pieux à destination de monastères ou d’églises permettant dans les deux cas l’établissement de relations presque de clientèle, du moins de protection pour les veuves. 265.  Voir p. 495 et suivantes. 266.  En comparant Naples à Salerne, on constate que les donations de femmes lombardes sont moins nombreuses mais plus importantes que celles des femmes napolitaines restées sous le régime de la loi romaine : voir Loré, « Disposizioni di tipo testamentario », p. 141. À propos de l’amélioration du statut juridique de la femme dans la législation lombarde sous l’influence grandissante du christianisme, voir Leverotti, Famiglia e istituzioni, p. 32-34. La progressive mais imparfaite égalité de l’épouse avec son conjoint est sanctionnée dans le droit romain tardif et byzantin par une volonté d’équilibrer les apports des époux au patrimoine du couple, les donations nuptiales du mari devant correspondre au montant de la dot de sa femme. Cette recherche d’une forme d’équivalence patrimoniale aboutit même, dans certains cas, à la mise en communauté des biens. Voir Cortese, « La donna moglie e madre », p. 157-169, en particulier p. 159-162.

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sont rares, ce qui n’est guère étonnant dans une société où l’espérance de vie demeure faible. La nature des documents l’explique également : les contrats sont réalisés dans le cadre d’une cellule familiale réduite, le plus souvent un couple, qui agit le cas échéant au nom de ses enfants. Les contractants indiquent parfois leurs parents, jamais au-delà. Amalfi constitue sur ce point une exception avec la mention des ascendants sur plusieurs générations dans l’aristocratie des descendants de comites. Les grands-parents apparaissent davantage dans les affaires impliquant une famille élargie, en particulier lorsqu’un bien est possédé en indivision par une famille regroupant parents, grands-parents et oncles, ou quand il s’agit de prouver la possession d’un bien267. La copropriété, notamment des églises privées, est ainsi révélatrice des liens familiaux qui peuvent unir des individus sur plusieurs générations268. La question du rôle religieux de la parenté ne peut être réglée par les sources dis­ ponibles, mais le cadre familial détermine le rapport à la religion, comme les enfants d’ecclésiastiques devenant clercs en constituent un exemple manifeste269.

Transmettre son patrimoine à ses enfants ou à l’Église ? La transmission de biens à des institutions religieuses a été étudiée pour tenter d’évaluer l’importance des transferts, fonciers ou financiers. La question doit être abordée sous l’angle de la proportion des biens répartis entre la famille et les institutions religieuses. Enjeu économique fondamental, le sujet fait depuis longtemps l’objet d’un débat historiographique. Le problème, posé par Georges  Duby, porte sur l’ampleur des transferts et leur conséquence270. Cette thèse a été depuis remise en cause et la tendance est désormais à relativiser l’appauvrissement des donateurs et à mettre en doute l’idée de captation des patrimoines fonciers par les institutions religieuses, en premier lieu les monastères271.

267.  RNAM, vol. IV, 345 – 1030 : Eupraxia possède des droits sur des parts du campus du monastère des Saints-Serge-Bacchus dans le territoire de Pouzzoles parce que son arrière-grand-père l’a loué per chartulam pour le planter. Le champ doit revenir in fine au monastère en application d’une charte de donation au monastère d’Eupraxia, grand-mère d’Eupraxia. L’intérêt réside ici dans la transmission du patrimoine par les femmes. 268.  E.g. RNAM, vol. IV, 286 – 1012 : l’église Saint-Jean in Curte à Naples possédée notamment par Maria et ses oncles, Théodose et Théodore. 269.  Voir p. 269 et suivantes. 270.  Voir l’étude classique de Duby, La société aux xie et xiie siècles, p. 68-70 où l’auteur associe le développement certes spectaculaire du patrimoine ecclésiastique dans la région étudiée, en particulier celui de Cluny, à l’appauvrissement de l’aristocratie même la plus fortunée. 271.  Voir à ce propos Feller, « Aristocratie, monde monastique et pouvoir », p. 343-344 où l’auteur montre que le rapprochement opéré par la noblesse locale avec les grands monastères carolingiens aboutit non seulement à une imbrication des patrimoines fonciers aristocratiques et monastiques,

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Pour les duchés tyrrhéniens, les sources conservées empêchent d’observer et de mesurer, sur le long terme, l’impact économique précis des transferts réalisés au profit des institutions ecclésiastiques ou monastiques. Le patrimoine foncier détenu par les particuliers reste sans doute assez modeste dans des territoires dont la relative exiguïté ne permet guère la constitution de grands domaines, hormis peut-être en Liburie. Mais, dans cette région, la structure complexe de la propriété, partagée entre Lombards et Napolitains, limite la constitution par les monastères ou les églises d’un patrimoine étendu et de surcroît cohérent. L’indivision des terres, pratique répandue dans le duché de Naples, joue un rôle certain dans l’impossibilité pour les établissements religieux de se transformer en propriétaires latifondiaires272. Au mieux, un monastère bénéficiaire d’un don en terre peut opérer un regroupement foncier progressif, par acquisition, échange ou legs, comme on peut l’observer dans nombre d’actes273. La conservation d’une série de testaments à Gaète, une dizaine sur environ deux siècles, permet cependant de faire quelques observations. Ces testaments ne détaillent pas toujours la totalité de la fortune du donateur, en particulier si l’on compare les testaments des deux hypati de Gaète, celui de Docibilis  Ier, rédigé en 906, avec celui son petit-fils Docibilis II, établi en 954274. Le premier document énumère les donations accordées à divers monastères et églises de Gaète, dresse la liste des dépendants affranchis, indique également des biens, mobiliers et immobiliers, transmis aux filles et fils du souverain. L’essentiel de son patrimoine foncier ne figure pas dans son testa­ ment. En revanche, dans celui de Docibilis II, la transmission des biens, d’une taille très importante, se fait surtout à destination de sa descendance alors que les institutions religieuses sont absentes. D’évidence, les deux testaments ne sont pas destinés aux mêmes bénéficiaires : le premier a pour vocation de détailler les donations pieuses et se contente de mentionner quelques biens destinés aux enfants du donateur, tandis que le second règle en priorité les questions foncières au sein du cercle familial.

mais encore à un enrichissement de l’aristocratie par le biais des contrats de précaire passés par les monastères avec elle ; voir également Id., Les Abruzzes médiévales, p. 187-190 sur l’expansion, non sans rivalités, de la grande propriété aristocratique et de la propriété monastique, p. 353-354 concernant l’essor de la petite aristocratie aux dépens des grands domaines et p. 833-835 au sujet des relations entre aristocratie et milieux monastiques ; Id., « Les politiques des familles aristocratiques », p. 267-268. 272.  RNAM, vol. I/2, 85 – 959 : Maria donne le tiers d’une terre, située au Pausilippe, au monastère des Saints-Serge-et-Bacchus, en conservant les deux autres tiers. 273.  RNAM, vol. I/2, 53 – 949 : le monastère des Saints-Serge-et-Bacchus a acheté un domaine (curtis) grâce à l’héritage de la défunte Leontu. Dans cet acte, le monastère procède à un échange avec le voisin du domaine, beau-frère de la donatrice ; RNAM, vol. I/2, 121 – 966 : l’higoumène des SaintsSerge-et-Bacchus revend à un parent de la donatrice le bien transmis au monastère. 274.  CDC, vol. I, 19 – 906 ; CDC, vol. I, 52 – 954.

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Ce caractère davantage patrimonial trouve sa confirmation dans une allusion du tes­ ta­ment de Docibilis  II. L’hypatus évoque l’existence d’une charte préalablement rédigée au bénéfice des moniales du monastère de Sainte-Marie275. Par conséquent, l’acte notarié que nous considérons comme un testament ne constitue parfois qu’un document parmi l’ensemble des dispositions testamentaires distribuant les biens du légataire entre sa famille, des églises et des monastères. À Naples, le testament d’une particulière nommée Anna, en 964, se limite ainsi aux seules donations pieuses, accordées sous la forme d’espèces et de biens fonciers. Ses enfants font seulement figure d’exécuteurs testamentaires276. Cette distinction ne dépend toutefois pas de l’ampleur de la fortune transmise, même si un patrimoine modeste ne nécessite sans doute pas la rédaction de plusieurs testaments. En 1024, quand Gregorius, uir magnificus, fils du préfet Léon et petit-fils de Docibilis  II, rédige son testament, il inclut la totalité de ses biens277. Son épouse dispose de l’ensemble du patrimoine après sa mort, ses deux fils sont mentionnés, des dots sont prévues pour ses filles, des dépen­ dants affranchis et un grand nombre d’institutions religieuses reçoivent des dons, en argent uniquement. Le total des legs pieux s’élève à environ vingt livres d’argent. La comparaison avec la totalité des biens transmis à sa famille est impossible à établir, d’autant que le testament n’est pas d’une grande précision. Mais, détail intéressant, Gregorius prévoit quarante  livres d’argent pour la dot de chacune de ses filles, sans qu’on puisse déterminer leur nombre. La majeure partie du patrimoine demeure ainsi dans la famille. Les testaments possèdent le plus souvent une clause réservant à la descendance masculine, jusqu’à son éventuelle extinction, le bénéfice d’une partie de l’héritage278. La transmission de l’ensemble des biens hors du cadre familial intervient quand le donateur n’a pas de descendance ou dans des circonstances particulières279. Dans son testament, rédigé en 959, le Napolitain Marinus vend sa maison, son église privée et l’ensemble de ses biens, mobiliers et immobiliers, pour le salut de son âme et de celles de son épouse Theodora et de sa fille Anna, cette dernière moniale au monastère de Saint-Sébastien. Même ses vêtements sont donnés à un monastère pour être vendus. Seule sa famula Manda Sclava reçoit deux sous280. Une partie des donations demeure

275.  Ibid. : post obitum suum redeat in potestate de ipso monache de S.  Maria in Monasterio secundum Chartam quod exinde factam habeo. 276.  Ibid. L’institution religieuse conserve ainsi le testament qui, faisant office de contrat de propriété, atteste le bénéfice de la donation pieuse. Voir RNAM, vol. I/2, 116 – 965 : per suum dispositum qui reiacet in memorato sancto et uenerabili uestro monasterio. 277.  CDC, vol. I, 143 – 1024. 278.  MND, vol. II/1, 66 – 948. 279.  Voir en ce sens Loré, « Disposizioni di tipo testamentario », p. 146. 280.  MND, vol. II/1, 107 – 959.

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cependant sous réserve d’usufruit pour la famille du donateur281. Le transfert d’un bien à un monastère ou à une église n’est donc toujours pas immédiat, ni total. À Gaète, le père de Melitus donne par exemple un bien foncier à l’église du Sauveur, mais il en est le desservant282. Le don n’entraîne pas nécessairement une aliénation définitive des propriétés au profit d’un monastère ou d’une église. Le donateur ou ses héritiers conservent souvent des droits sur le patrimoine transmis283. Cette situation explique que les biens offerts fassent souvent l’objet de contestations et de revendications répétées de la part des héritiers du donateur. Ainsi, en 1016, un différend oppose des laïcs au monastère des Saints-Sergeet-Bacchus et à Étienne, prêtre de l’Église de Naples, à propos de l’héritage d’une terre située à Frattamaggiore, près de Naples. La terre est finalement divisée entre les parties284. Le plus souvent mobiliers, les dons aux monastères ou aux églises recensés dans les actes s’effectuent en partie sans testament, mais sont assortis de demandes précises des fidèles.

II.  Vivre sa foi dans la société campanienne du vie au xiie siècle La société constitue un espace d’échanges et de relations où se manifestent, notam­ ment, des valeurs spirituelles et des normes morales contingentées et conditionnées par le statut et la place de chaque individu en son sein. Étudier une société sur le temps long requiert la prise en compte de ses évolutions manifestes, mais aussi des rapports qui s’établissent entre les personnes ou les groupes. Hiérarchisées, les sociétés pré-industrielles se caractérisent par des signes d’appartenance et de reconnaissance sociale forts qui apparaissent également dans le domaine religieux.

281.  RNAM, vol. I/2, 116 – 965 : hamodo et omnibus diebus uite quidam Maru deuota monacha nepoti mea filia quidem Petri filii mei in sua sit potestatem tenendi et dominandi seu frugiandi et de ipsa frugia faciendi que uoluerit. 282.  CDC, vol. I, 14 – 887. 283.  E.g. RNAM, vol. I/2, 84 – 959 : la veuve de Pierre, Pitru, conserve la charte de concession (de droits accordés par le duc de Naples) qu’elle détient sur des propriétés données par son époux décédé au monastère des Saints-Serge-et-Bacchus. Elle s’engage à la montrer au monastère quand celuici en aura besoin. Voir également l’analyse suggestive de Barbier, « Testaments et pratique testamentaire », ici p. 60 : « la donation pro anima cherchait à convertir des biens terrestres en biens célestes (…) elle plaçait le donateur, sa famille et la (les) communauté(s) bénéficiaire(s) dans une relation de partenariat. De ce point de vue, la donation pro anima pouvait être ressentie comme un instrument mieux adapté que le testament à la réciprocité de l’échange qui formait le lien social. » 284.  RNAM, vol. IV, 301 – 1016. Les différends relatifs à un héritage ne sont cependant pas spécifiques des donations aux institutions religieuses, ils mettent également aux prises des laïcs, en particulier les membres d’une même famille, e.g. RNAM, vol. I/2, 140 – 970.

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À l’époque de Grégoire le Grand, la société campanienne s’épanouit encore dans le cadre des structures établies durant l’Antiquité285. L’aristocratie sénatoriale vit ses derniers moments de splendeur et sa disparition est perceptible à mesure que les bases de son pouvoir économique se dissolvent sous le coup des bouleversements politiques, économiques et sociaux de la fin du vie siècle286. Durant le haut Moyen Âge, de nouvelles structures sociales se mettent en place, un phénomène auquel n’échappent pas les États en cours de constitution sur le littoral tyrrhénien, même s’il intervient de manière plus tardive. Le processus de militarisation des classes dirigeantes a déjà été mis en lumière et étudié par Thomas  Brown287. Une nouvelle société s’épanouit dans les duchés maritimes : à partir du viiie  siècle, le pouvoir local est détenu par des chefs militaires288. Naples possède un duc, en principe soumis à Constantinople, mais dans les faits indépendant depuis la chute

285.  Voir p. 50 et suivantes. 286.  Voir la mise au point de Judic, « Grégoire le Grand », p. 27 : « La perception d’une crise

est particulièrement sensible chez Grégoire le Grand parce qu’il s’agit pour lui d’une crise eschatologique » ; de nature plus économique car centrée sur l’évolution du grand domaine et de la fortune foncière aristocratique en Lucanie et dans le Bruttium, la contribution de Noyé, « Anéantissement et renaissance », p.  185-190 sur la fragilisation, dès le ve siècle, des fondements économiques de l’aristocratie romaine en voie de ruralisation et, plus largement, de l’Italie du Sud avant que n’éclate la guerre entre Ostrogoths et Byzantins. 287.  Brown, Gentlemen and Officers, p. 63-78, qui constate un double phénomène de militarisation et de germanisation des élites au service de l’Empire en Italie jusqu’au viie siècle, période qui marque un reflux des éléments barbares à mesure que les possessions byzantines dans la péninsule passent sous le contrôle définitif des Lombards. 288. Voir Cassandro, « Il ducato bizantino », p. 187-191 où l’auteur, après avoir montré que la titulature de consul et dux revêtue par les souverains napolitains est de nature honorifique, se concentre sur les fonctions des ducs de Naples qui, dépourvus de compétence législative ou religieuse, sont avant tout les chefs de l’aristocratie et les commandants de l’armée locale ; voir à ce propos Cuozzo, « La militia Neapolitanorum », p. 34, qui définit cette militia par le métier des armes, les ressources économiques et la propriété ou l’exploitation foncière. Par souci de comparaison, voir Feller, Les Abruzzes médiévales, p. 577-581, qui montre le cas, différent de la situation des duchés tyrrhéniens, d’une aristocratie locale en voie de territorialisation mais distinguée par les fonctions octroyées par le comte de Camerino ou le duc de Spolète. Ce processus de territorialisation est encore plus avancé dans l’empire carolingien : voir Le Jan, « Continuity and change », p. 53-79, réimpr. Ead., Femmes, pouvoir et société, p. 190-203, ici p. 194-196. En revanche Loré, « L’aristocrazia salernitana », p. 67-70, définit l’aristocratie locale comme un groupe ouvert de propriétaires ruraux puis urbains, liés par des alliances matrimoniales et intégrés au pouvoir princier par la détention d’offices publics ; Id., « Poteri pubblici ed élites rurali », p. 295-298 qui, à l’instar du constat établi pour les Abruzzes, note l’association génétique de l’aristocratie à l’exercice du pouvoir public, mais à la différence de cette région, l’administration d’une charge publique tend à détacher les aristocrates de leur ressort rural et à les intégrer au monde urbain mieux contrôlé par les princes de Salerne.

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de l’exarchat de Ravenne. Une hiérarchie militaire composée de tribuni, comites et lociseruatores se met en place et constitue une classe nobiliaire locale, la pars militiae, encore visible dans les actes de la pratique napolitains289. À la fin de la période étudiée, aux xe-xiie  siècles, de nouvelles évolutions sont à l’œuvre. Les mentions de membres de l’ancienne aristocratie militaire tendent à se raréfier290, tandis que se manifeste une territorialisation des élites, en particulier des comtes, comme par exemple ceux d’Ischia ou de Cumes291. Néanmoins, la féodalité reste un phénomène inconnu au sein de la société des duchés tyrrhéniens ; elle ne s’impose qu’après l’unification de l’Italie méridionale par les Normands, vecteurs des transformations sociales dans la région à partir du xiie siècle292.

Aristocratie et pratiques religieuses à la fin de l’Antiquité Issu d’une famille sénatoriale romaine, Grégoire le Grand entretient des rapports étroits et constants avec l’élite de son temps. La correspondance du pape à destination de la Campanie montre la permanence de liens entre élite laïque, Église et monde monastique, des liens établis et maintenus par la christianisation de l’empire293. Il est nécessaire de revenir sur cette aristocratie « romaine » à son crépuscule pour en comprendre les pratiques religieuses et les comparer avec celles du haut Moyen Âge. Plusieurs membres de l’aristocratie campanienne du vie siècle sont mentionnés dans le Registre des lettres de Grégoire le Grand pour leur implication dans la vie religieuse de leur région. Il s’agit d’Alexandria, Clementina, Félix (indirectement), Marinus, Romanus, Rustica et Venantius294. Leurs initiatives se manifestent dans trois domaines :

289.  E.g. RNAM, vol. I/1, 4 – 912 : Certum est nos Theodorum miles filius quidam domini Ioannis tribuni ; RNAM, vol. I/1, 49 – 947 : Certum est me Leonem filium quidem domini Boniti comitis qui di­ citur Farricellu ; RNAM, vol. I/1, 29 – 937 : propter hereditatem seu substantia quidem domini Iohannis lociseruatori filius quidem domini Leoni comobsequii. 290.  Les mentions de tribuns à Naples sont très rares à partir du xe siècle. Aucun lociseruator n’est mentionné après le xe siècle. 291.  Martin, Guerre, accords et frontières, p. 99. 292.  À propos des principautés de Bénévent et de Capoue où la « greffe » vassalique carolingienne n’a jamais pris, voir Martin, « Éléments préféodaux », p. 579 sur la persistance d’armées publiques considérée comme un archaïsme caractéristique d’une société préféodale ; à titre de comparaison, voir Feller, Les Abruzzes médiévales, p. 593-606 sur le système de précaire comme élément structurel encourageant le développement des institutions féodales déjà en place au tout début du xie siècle, même si elles apparaissent encore peu dans le vocabulaire employé. 293.  Voir p. 46 et suivantes. 294.  Rustica : Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, II, 58 – août 593 ; cf. PCBE, vol. II/2, p. 1947-1948, s.u. Rustica  3 ; Alexandria : Grégoire le Grand, Epistulae,

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le patronage des institutions ecclésiastiques, la charité envers les plus pauvres et les fondations pieuses295. Le patronage a déjà été évoqué à propos de la patricienne Clementina. Attestée sur une période de dix ans, de décembre 590 à mars 600, issue du même milieu que Grégoire le Grand, elle possède des liens anciens avec le pape. Clementina joue un rôle considérable dans la sédition du castrum Lucullanum contre le visiteur de l’Église de Naples, Paul de Nepi. Les événements de 592 contribuent à tendre les relations avec Grégoire le Grand qui ne semble guère apprécier l’action de l’aristocrate, et demande à son recteur de Campanie d’enquêter pour en connaître la teneur exacte296. Elle a peut-être cherché à user de son influence dans le processus de désignation d’un évêque de Naples. Huit ans plus tard, on apprend par une autre lettre de Grégoire le Grand, qu’il est nécessaire de la consulter pour laisser partir du castrum Lucullanum un prêtre, désigné évêque de Sorrente297. Si l’on ignore le rapport précis qui unit Clementina au complexe monastique, elle détient peut-être la pleine propriété sur le castrum Lucullanum, ce qui expliquerait son intervention dans les affaires touchant les institutions religieuses locales. Le moine hagiographe Eugippe parle déjà d’une illustris femina Barbaria possédant, à la fin du ve siècle, une partie du site au moment de la réception des reliques de saint Séverin298. Clementina livre l’ultime témoignage, en Campanie, de l’immixtion des aristocrates dans les affaires religieuses de leur région de résidence. Son cas illustre la permanence, à Naples, d’une société dominée par les élites traditionnelles en voie de disparition. La charité obéit à un commandement chrétien majeur et constitue, avec l’encou­ ragement des autorités ecclésiastiques, une tradition ancienne dans les pratiques religieuses des élites299. À la fin du vie siècle, la charité aristocratique connaît une crise

éd. Ewald et Hartmann, IX, 171, éd.  Norberg, IX, 170 – juin-juillet 599 ; cf. PCBE, vol. II/1, p. 89, s.u. Alexandria ; Venantius : Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, XI, 19 – janvier 601 ; cf. PCBE, vol. II/2, p. 2260, s.u. Venantius 9 ; Romanus : ibid. IX, 10 – septembreoctobre 598 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 165, éd.  Norberg, IX, 166 – juin 599 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 18 – juillet 600 ; cf. PCBE, vol. II/2, p. 1915, s.u. Romanus  24 ; Clementina : Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 11 – décembre 590 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 1 – septembre 592 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 85, éd. Norberg, IX, 86 – décembre 598 - janvier 599 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 6 et 7 – mars 600 ; cf. PCBE, vol. II/1, p. 454-455, s.u. Clementina. 295.  Voir la synthèse de Pietri, « Évergétisme chrétien et fondations privées », p. 253-263. 296.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, III, 1 – septembre 592. 297.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 6 et 7 – mars 600. 298.  Eugippe, Vie de Séverin, 46 ; ibid., p. 292-293, n. 1, et p. 294-295, n. 3 ; cf. PCBE, vol. II/1, p. 253-254, s.u. Barbaria. 299.  Voir de manière générale, bien que centré sur le Moyen Âge central, l’article de Le Blévec, « Fondations et œuvres charitables », p. 8 et 14 rappelle l’obligation de pratiquer la charité faite aux

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provoquée par la disparition des grands patrimoines fonciers, assise économique des puissants. Les aristocrates sont désormais contraints de passer par l’Église, d’user de ses réseaux de relation et de solidarité. Les dominae Pateria, Palatina et Viviana reçoivent, en 591, l’aide financière de Grégoire le Grand pour assurer une action caritative envers leurs esclaves300. L’assistance aux pauvres devient, à la fin de l’Antiquité, une charge dévolue à l’Église qui supplée non seulement un État déliquescent, mais aussi une charité aristocratique en voie de disparition. Ironie du sort, les aristocrates en viennent à bénéficier de l’action caritative de puissants laïcs. Vecta, comes de Misène, reçoit ainsi vingt urnes de vin de l’île de Procida de la part de Théodore, maior populi de Naples301. L’aide apportée par Grégoire le Grand aux veuves Palatina et Viviana ou à sa tante Pateria est aussi destinée à leurs besoins personnels. La solidarité du pape à l’égard de personnes issues de son milieu aboutit à des considérations parfois surprenantes. En 601, Grégoire le Grand demande à l’évêque Pascasius de Naples de distribuer une part des revenus de son Église : sur quatre-cents  sous, cent-cinquante doivent être distribués aux notables tombés dans la misère et ne pouvant pas mendier, alors que trente-six  sous sont prévus pour les pauvres qui demandent l’aumône en public302. Les fondations monastiques constituent une autre manifestation de la piété des élites303. La Campanie est encore, à la fin du vie  siècle, une terre d’élection pour ce type d’évergétisme religieux. Cinq aristocrates sont connus pour leurs fondations

moines et aux chanoines, les uns par le chapitre 57 de la règle bénédictine, les autres par le concile d’Aixla-Chapelle de 816, mais reporte aux xiie-xiiie siècles l’existence d’une initiative laïque ; Brodman, Charity and religion, p. 11-14 à propos de l’idéologie chrétienne de la charité depuis les Pères, mais l’auteur affirme, sans l’appui des sources, que la pratique de la charité du haut Moyen Âge serait surtout symbolique en raison d’une généralisation de la pauvreté. Il existe, dès l’Antiquité tardive, une véritable obligation morale pour les clercs et les laïcs de léguer à l’Église au moins une portion de leurs biens en faisant de Dieu l’un de leurs héritiers. Voir De Salvo, « Nolo munera ista », p. 316-317 sur l’obligation légale, bien présente à l’esprit d’Augustin, de ne pas léser les héritiers légitimes au profit des églises ou des monastères. 300.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 37 – mars 591. Voir aussi PCBE, vol. II/2, p. 1569-1570, s.u. Palatina ; ibid., p. 1612, s.u. Pateria ; ibid., p. 2338, s.u. Viviana. 301.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, IX, 53 – novembre 598. Une ambiguïté subsiste toutefois sur la vocation réelle du don et le pape demande à Maurentius, magister militum, de s’assurer que cet acte de bonté ne se transforme pas en redevance annuelle, dès lors préjudiciable aux habitants de Procida. 302.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 22 – février 601 : hominibus honestis ac egenis, quos publice petere uerecundia non permittit, solidi centum quinquaginta, ita ut quidam eorum ad singulos tremisses, quidam ad binos, quidam ad singulos solidos uel, si uisum fuerit, amplius dimittantur ; reliquis uero pauperibus qui elemosinam publice petere consueuerunt, solidi triginta sex. 303. Voir Pietri, « Évergétisme chrétien et fondations privées », p. 259-260.

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monastiques dans cette région304. Leur action possède des caractéristiques communes exprimant un comportement religieux spécifique à la classe dirigeante de l’Antiquité tardive. La plupart des fondations ont été établies par le biais d’un testament et sont par conséquent réalisées après la mort du fondateur. Une lettre de 595 indique que l’oratoire construit à Naples, dans la maison du défunt Marinus, correspond à ses volontés testamentaires305. Cette indication est intéressante, car elle montre la volonté des testateurs de laisser une trace de leur piété et certainement de leurs largesses après leur mort. Il y a de bonnes raisons de penser que la dédicace de l’établissement est choisie par le donateur lui-même306. La fondation est généralement sise sur une propriété appartenant au fondateur307. Il n’est pas sûr que l’objectif soit d’entretenir la mémoire du fondateur par le biais d’une de ses anciennes propriétés : le propos est avant tout économique et vise, comme les dotations foncières, à assurer la sécurité économique de l’établissement. La volonté d’impliquer les héritiers du fondateur dans le suivi de la fondation religieuse vise le même but. En somme, à la lecture de la correspondance de Grégoire le Grand, les fondations de monastères et d’oratoires, en Campanie ou ailleurs, entretiennent une piété marquée par l’évergétisme traditionnel des élites de l’empire romain. Faire œuvre pie induit autant une volonté de distinction sociale qu’une fortune adéquate. La crise que subit l’aristocratie est déjà manifeste dans la correspondance de Grégoire le Grand, et la plupart des fondations mentionnées ont été prévues par des dispositions testamentaires antérieures à son pontificat. Son intervention vise souvent à permettre leur réalisation dans un contexte de moins en moins favorable. Il ne fait nul doute que les difficultés rencontrées, les réticences des héritiers à accomplir les vœux des testateurs trahissent cette situation. La pérennité d’une fondation monastique

304.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, III, 58 – août 593 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 54 (Rustica) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, V, 50 – juin 595 (Marinus) ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 10 – septembre-octobre 598 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 165, éd.  Norberg, IX, 166 – juin 599 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 18 – juillet 600 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIII, 4, éd.  Norberg, XIII, 2 – septembre 602 (Romanus). Pour les détails sur les fondations monastiques elles-mêmes voir partie 1, chapitre 1. 305.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, V, 50 – 6 juin 595 : in domo quondam Marini ex eius uoluntate secundum testamenti seriem oratorium decessorem suum Andream abbam, in qua monachi habitare debeant, construxisse. Cela n’apparaît cependant pas de manière systématique car en 601, Venantius adresse une requête de son vivant pour la fondation d’un oratoire, peut-être en Campanie. Voir ibid., éd. Ewald et Hartmann, XI, 19 – janvier 601. 306. L’importance de la dédicace du monastère aux saints Hermès, Sébastien, Cyriaque et Pancrace, fondé à la demande de Romanus le montre. Voir ibid., éd. Ewald et Hartmann, IX, 165, éd. Norberg, IX, 166 – juin 599. 307.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 58 – août 593 : la maison attribuée à l’oratoire fondé par Rustica se trouve à Naples, dans le uicus Lampadi de la région Herculensis, soit dans le centre du pôle antique de la cité.

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relève dès lors de la gageure. La postérité de l’oratoire Saint-Sébastien est peut-être liée à l’importance de sa dotation, puisqu’il s’agrège des monastères en déshérence en 600 et devient un des principaux établissements monastiques napolitains du haut Moyen Âge308. Sa survie serait liée à l’acquisition du patrimoine d’autres établissements moins fortunés. L’absence de témoignages postérieurs au début du viie siècle empêche de connaître les étapes du déclin de l’aristocratie. La nouvelle élite militaire qui la remplace peu à peu ne dispose pas d’une fortune foncière équivalente et ses pratiques religieuses le révèlent.

La piété des ducs de Naples La disparition d’un pouvoir central fort à la fin de l’Antiquité transforme l’action des élites dirigeantes dans le domaine religieux. À partir du viiie  siècle, l’émergence d’entités étatiques, stables à l’échelle régionale, aboutit à un interventionnisme des dirigeants dans le domaine religieux, phénomène disparu depuis la fin de l’Antiquité comme le montre le hiatus, révélé par les Gesta, dans la construction d’églises à Naples depuis le vie siècle. Centrés sur l’action des évêques, les Gesta accordent une place secondaire aux ducs et à leur parenté. La chronique de Jean Diacre développe une image ambivalente des dirigeants selon les relations qu’ils entrentiennent avec les évêques. Dans un contexte de concorde et d’harmonie à la tête de la cité, les Gesta valorisent les œuvres pies du pouvoir temporel. Ainsi, le duc Anthime (800/801-817/818) bénéficie d’une notice détaillée sur sa prodigalité envers l’Église de Naples309. À l’inverse, un duc persécuteur est dépeint sous les couleurs les plus sombres. Le duc Bonus (831/832-834), non content d’avoir assassiné son prédécesseur, s’en prend ensuite à l’évêque Tibère. La description du personnage par Jean Diacre est la plus négative des Gesta : « Ainsi, l’année où il commença à exercer le consulat des Napolitains, le susnommé Bonus, l’assassin du duc Étienne, comme pour parachever sa perdition, entreprit de commettre de mauvaises actions envers la sainte Église. Comme l’évêque ne doutait pas qu’il lui fallût résister dans la mesure de ses forces, choisissant d’encourir les foudres terrestres plutôt que célestes, il le menaça aussitôt du jugement divin. Mais Bonus, le cœur engourdi par la queue du vieil aspic, parce qu’il méprisait les richesses du salut si bien qu’il allongeait davantage la liste de ses péchés pour sa mort, était plus attentif aux discours vertueux des licteurs. Pourquoi tarder plus  ? Finalement, il mit la main sur l’évêque, l’arrêta et le fit dépérir dans une sombre geôle,

308.  ibid., éd. Ewald et Hartmann, X, 18 – juillet 600 ; ibid., éd. Ewald et Hartmann, XIII, 4, éd. Norberg, XIII, 2 – septembre 602. Cf. Kehr, Italia pontificia, vol. VIII, p. 460. 309.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 50, p. 428, l. 13-15.

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fermement attaché, au pain et à l’eau »310. Toutefois, les griefs contre le « mauvais » duc paraissent plus politiques que religieux. Certes, son action est dictée par le mal, mais ses successeurs, jusqu’à Serge  Ier, fondateur de la dynastie ducale, se contentent d’al­ lé­ger les conditions de détention de l’évêque Tibère, qui meurt sous bonne garde en 839311. Pourtant, ni le fils de Bonus, Léon, ni le duc Serge Ier n’ont droit à un traitement similaire. Même lorsque, au début des années 870, Serge II s’en prend à son oncle, l’évêque Athanase Ier, c’est à l’instigation d’« hommes mauvais », non de sa propre initiative312. Il est vrai que la dynastie ducale est encore en place lorsque Jean Diacre rédige les Gesta. Représentants du pouvoir public, les ducs se doivent de manifester leur puissance et leur piété par des dotations exemplaires envers des institutions ecclésiastiques de leur cité. Le duc-évêque Étienne II (766-794), cumulant les deux pouvoirs à la tête du duché, est le prélat dont les marques de prodigalité sont les plus développées dans les Gesta313. Sa mu­ ni­ficence à l’égard de son Église, au début du ixe siècle, se rattache à un comportement religieux déjà présent dans l’Antiquité tardive et perpétué par les empereurs byzantins314.

310.  Ibid., 55, p. 430, l. 14-22 : Praefatus igitur Bonus, Stephani ducis necator, in eo anno, quo consula­ tum Neapolitanorum regere orsus est, contra sanctam ecclesiam ad cumulum suae perditionis multa coepit mala peragere. Cui cum hic idem antistes, in quantum uirium erat, obsistere non dubitaret, eligens terreni quam caelestis iram incurrere iudicis, ei iugiter examen cominabatur diuinum. Sed ille antiquae aspidis cauda aurem cordis optusus, adhuc quia spernebat monita salutis, insuper ut funes peccatorum ad suum prolongaret interitum, lictorum uerbositates magis attendebat. Quid multis moror ? Ad ultimum iniecit in eum manus et comprehendit eum atque carceralibus tenebris religatum arto in pane et aqua macerabat. 311.  Ibid., 58, p. 432, l. 1-2. 312.  Ibid., 65, p. 435, l. 1-9 : Interea Gregorius dux, habito cum suis germanis consilio, praesertim cum domno Athanasio episcopo, statuit consulem Sergium, filium suum ; nec multo post diuturnitate aegritudinis spiritum exhalauit. Quo mortuo, Sergius consul instictu malorum hominum coepit omnes germanos patri sui, etiam eundem praesulem. 313.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 42, p. 425, l. 34 - p. 426, l. 1. 314.  Ibid., 50, p. 428, l. 13-19. La correspondance pontificale étant centrée sur les aspects davantage ecclésiastiques, politiques et diplomatiques que sociaux ou financiers, il ne serait guère étonnant de n’y trouver aucune allusion à une libéralité impériale, réelle ou souhaitée. Toutefois, dans les lettres de Grégoire le Grand à l’empereur Phocas et son épouse Leontia (Grégoire le Grand, Epistulae, éd.  Ewald et Hartmann, XIII, 34, éd.  Norberg, XIII, 32 et ibid., éd. Ewald et Hartmann, XII, 42, éd. Norberg, XIII, 40 – mai et juillet 604), le pape caractérise la fonction souveraine par la possession de quatre qualités : benignitas, clementia, zelum et mansuetudo. Il s’y ajoute, dans une lettre adressée à l’empereur Maurice pour le remercier d’un don de 30 livres d’or (Ep., V, 30 – mars 595), la vertu de misericordia mise au service des nécessiteux, mais également du clergé. Voir Azzara, L’ideologia del potere regio, p. 112-113. De manière plus générale sur la piété attendue, démonstrative et légitimatrice des souverains, voir Reydellet, La royauté, p. 467-479, où l’auteur étudie la conception politique et pastorale de la fonction impériale par Grégoire le Grand, et l’obligation religieuse du souverain de protéger ses sujets ; ces idées sont résumées par Sassier, Royauté et idéologie, p. 101-103 ; de manière plus large, Kershaw, Peaceful kings, p. 239 sur la charité des souverains carolingiens.

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Après Anthime, les Gesta n’abordent plus la bienfaisance pieuse des ducs. L’instabilité politique au début du ixe siècle, avec la succession de sept personnes à la tête duché entre 817 et 839, explique sans doute ce mutisme315. Pourtant, la mise en place d’une dynastie durable avec Serge Ier, en 839-840, n’encourage pas la description de marques de piété en faveur de l’Église de Naples. L’auteur des Gesta préfère se concentrer sur les évêques, Jean  IV et Athanase  Ier, et sur les richesses dont ils dotent l’Église. Une explication est peut-être fournie par Jean Diacre : à partir de l’évêque Tibère, les informations historiques fournies par les Gesta se focalisent sur les Sarrasins. Cette menace concentre l’attention des ducs et les détourne peut-être d’une prodigalité manifeste en temps de paix. Il est également possible qu’Athanase Ier coordonne l’action religieuse de toute sa famille, confondant en sa personne initiatives ducales et épiscopales. L’interruption de la chronique avec Athanase II, à la fin du ixe siècle interdit d’observer cela plus avant. Les actes de la pratique permettent d’appréhender des manifestations postérieures de la bienfaisance religieuse des ducs, car certains monastères bénéficient d’une attention particulière de leur part. Dans deux actes, de 1097 et 1124, le monastère du Saint-Sauveur in insula Maris est appelé « notre monastère » par les ducs316. Si l’ex­ pres­sion n’est employée pour aucun autre établissement, il est difficile d’établir les liens unissant les ducs au monastère, faute de précisions. L’existence de monastères privés n’est pas attestée et les documents relatifs au monastère in insula Maris ne traduisent pas une dépendance vis-à-vis du duc, comme le serait une église privée avec ses propriétaires. L’explication est peut-être fournie par la Vie d’Athanase et les Gesta : Athanase  Ier installe une communauté de moines sur l’île et, durant son conflit avec son neveu le duc Serge  II, s’y réfugie317. La relation établie par Athanase  Ier perdure peut-être après sa mort, mais serait davantage liée à la famille ducale qu’à la fonction épiscopale. Autre établissement religieux distingué des sources. Le monastère féminin

315.  Schipa, « Il ducato di Napoli », ASPN, 17, p. 396-421. 316.  MND, vol. II/2, Diplomata et chartae ducum Neapolis, 21 – 1097 : Nos autem pro uice nostra et

pro uice Sergii duci filii nostri qui infra etate esse uidetur concedimus et damus seu tradimus et firmamus uobis dopno Iohannes preclarissimo medico et uenerabili abbati monasterii nostri Domini [et] Saluatoris nostri Ihesu Christi insule Maris et ad cuncta congregatione monachorum suprascripti et uenerabili nostro monasterio ; même formule MND, vol. II/2, 24 – 1124. 317.  Vie d’Athanase de Naples, éd. Waitz, 4, p. 444, l. 3-8 : Insula Saluatoris uocabulo cognomi­ nata, quae a Neapolim uix duodecim abest stadiis, quamquam multis retro annis a monachis in cellis consistentibus in propria singulari a uoluptate incoleretur, illic frequenter properans, crebra exortatione illos ammonens, unum super illis uice pastoris in coenobio degentibus abbatem constituit, qui eos regulari sub districtione foueret, ad quorum cotidianos sumptus ecclesiam beatae Luciae martiris in perpetuum concessit abendam cum omnibus rebus suis ; Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 65, p. 435, l. 17-19 : Diebus igitur decem expletis, commeatum petiuit, quasi conuiuium monachis insulae Saluatoris exhibiturus.

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des Saints-Grégoire-et-Sébastien, du Sauveur et de Saint-Pantaléon semble bénéficier de faveurs insignes des ducs par le biais d’immunités fiscales318. Pour le couvent des Saints-Grégoire-et-Sébastien, du Sauveur et de Saint-Pantaléon, les immunités sont renouvelées à six reprises, entre 1009 et 1127319. Or les Gesta évoquent déjà un monastère féminin Saint-Pantaléon, fondé à Naples par le duc-évêque Étienne II dans le dernier tiers du viiie siècle320. En 1009, à l’initiative du duc Serge IV, le monastère est agrégé à celui des Saints-Grégoire-et-Sébastien321. En outre, la plupart des abbesses qui dirigent la communauté sont, aux xie-xiie  siècles, membres de la famille ducale. Il est évident que les ducs entretiennent des relations privilégiées avec des monastères dont la fondation est liée à leur famille, perpétuant une tradition établie par l’élite campanienne de l’Antiquité tardive. Mais la foi des ducs s’exprime de manière plus large et le bénéfice de leur piété ne se limite pas aux monastères fondés par leur famille. À Naples, les sources attestent des commandes de traductions de textes hagiographiques et des immunités accordées à nombre d’établissements. En 907, le duc Grégoire  IV renouvelle une série de privilèges et d’immunités au monastère des Saints-Séverin-et-Sossius322. En 999, le monastère des Saints-Serge-et-Bacchus reçoit un autre privilège pour ses navires, sans doute des embarcations destinées à la pêche323.

La piété des fidèles durant le haut Moyen Âge Hormis la concession d’immunités, réservée aux détenteurs de l’autorité publique, les ducs de Naples se différencient peu des autres membres de l’aristocratie dans l’expression de leur piété dont il convient de s’interroger sur les formes et l’évolution durant le haut Moyen Âge. D’autres sources que les Gesta attestent la perpétuation, au cours du haut Moyen Âge, de fondations monastiques par l’aristocratie, au point de constituer une carac­

318.  Voir de manière générale Rosenwein, Negotiating space, p. 27-41. 319.  MND, vol. II/2, Diplomata et chartae ducum Neapolis, 8 – 1009 ; MND, vol. II/2, 10 – 1033 ;

MND, vol. II/2, 17 – 1067 ; MND, vol. II/2, 20 – 1090 ; MND, vol. II/2, 21 – 1097 ; MND, vol. II/2, 26 – 1127. 320.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 42, p. 426. 321.  MND, vol. II/2, Diplomata et chartae ducum Neapolis, 8 – 1009. 322.  MND, vol. II/2, 1 – 907 : Huic itaque prefatus Athanasius episcopus sanctus aliud preceptum emictens decreuit una cum cuncto clero et magnatibus suis ut nullam regulam, nullumque censum, neque aliam conditionem in eodem monasterio sancti Seuerini aliquando aberet, sed terram sue potestatis emit, ut in perpetuum, sicut a religioso magistro eius dompno Acculsario incohatum fuerat, monachorum illic congregatio regulariter habitaret. 323.  MND, vol. II/2, Diplomata et chartae ducum Neapolis, 7 – 999.

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téristique de ce groupe privilégié324. En 930, le praefecturius Léon, fils de l’hypatus de Gaète Docibilis  Ier, donne son église Saint-Michel à l’abbé du monastère SaintThéodore afin d’y établir une communauté monastique. À la différence des Gesta, l’acte détaille les conditions de fondation : il ne s’agit pas d’une création ex nihilo mais d’une fondation encadrée par l’abbé d’un établissement existant325. Les témoignages de la correspondance de Grégoire le Grand ne diffèrent guère de ce schéma. Le rôle du fondateur laïque dans la désignation de l’abbé reste déterminant : le praefecturius Léon désigne Anastase comme abbé du monastère Saint-Théodore et ses descendants doivent être consultés pour le choix de ses successeurs à la tête du monastère326. Le patronage laïque demeure important, même s’il est partagé avec l’abbé327. En l’absence de toute allusion à l’évêque de Gaète, que ce soit pour la fondation ou la désignation de l’abbé, il faut supposer que la consécration du nouveau monastère est une formalité, plus simple encore dans le cas d’un membre de la famille régnante. Une église privée ne constitue pas la base unique d’une fondation monastique comme en témoigne le palais napolitain où la duchesse Theodonanda établit une communauté féminine328. De nombreux actes font référence au devoir de charité329, qui n’apparaît pas di­rec­ tement dans ce type de documents. Les actes notariés mettent en relief le rôle médiateur 324.  Voir en particulier Feller, « Les politiques des familles aristocratiques », p. 267 : « parmi ces objets de possession qui sont aussi des objets de prestige et des preuves de statut se trouvent les monastères familiaux, féminins et masculins ainsi que les églises privées, parce qu’ils sont à la fois chargés de prier mais aussi parce qu’ils ont la garde des objets sacrés, des reliques, possédées par la famille » ; de manière plus large, voir Oexle, « Les moines d’Occident », p. 265-266 et 269, qui offre une vision quelque peu idéalisée des relations entre milieux monastiques et monde laïque. 325.  CDC, vol. I, 33 – 930 : Concessisse et concessimus prona expontaneaque nostra uolumtate tiui quoque domno Anastasio uenerauili abbati. Idest ecclesia nostra beati Migaeli arghangeli sita in monte intro istius ciuitatis cum omnibus in integro ad ipsa ecclesia pertinentibus monasterium iuidem Deo con­ cedente faciendum, et locandum pro redemtione anime uone memorie domni Dociuili ypati patri nos­ tri et nostre et per te in cuncta congregatione loci illius tuisque fratribus presentibus et futuris ut iuidem per uos iuuante Deo monasterium construatur usque in sempiternum pro salute animarum nostrarum ceterumque fidelium qui iuidem Domino opitulante futuri saluandis sunt et quemcumque uos in supra­ scripto monasterio ordinanare uel eligere priorem uolueritis in uita uestra uel ad uestrum ouitum in uestre sancteque uestre congregationis sit potestate absque omni premio omnique malo colludio. 326.  Ibid. : et hoc memoramus ut post discessum de abbate quos domni Anastasi ordinatus fuerit et alium abbate suprascripta congregatio eligere uoluerit cum heredes nostros eligat sicut superius legitur absque omni premio uel malo conludio. 327.  Sur le patronage laïque au haut Moyen Âge, parmi les ouvrages les plus récents, voir la monographie locale de Costambeys, Power and patronage, p. 86-89, qui analyse les ressorts politiques du soutien apporté par les dynasties régnantes aux monastères. 328.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 52, p. 428, l. 40-42. 329.  E.g. RNAM, vol. IV, 367 – 1036 : Omnis itaque dispersio helemosine magis impresentis quam in futuro seculo in mandatis Domini precipiuntur largiri, et quoscumque manus hominum potest hoperari in­

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de l’Église, une position occupée dès l’Antiquité tardive. Lorsqu’en 1036, le comte et la comtesse d’Ischia exposent la nécessité de pratiquer l’aumône, il s’agit de faire une donation foncière à une image sainte placée dans un monastère330. La charité ne se limite pas à ces legs pieux et se destine également aux plus démunis, qui sont désignés dans les documents comme des pauperes fratres Christi331. En 964, Anna, habitant Naples, leur laisse trois sous d’or dans son testament par l’intermédiaire de ses enfants et de l’higoumène des Saints-Serge-et-Bacchus332 ; à ce dernier revient la charge de déterminer qui, parmi les pauvres, mérite de recevoir l’aumône. Dans une perspective chrétienne, la pauvreté la plus estimable est celle que pratiquent volontairement les moines. Dès lors, comme les testaments le révèlent, la charité des laïcs bénéficie surtout aux institutions religieuses, en particulier aux monastères, puisque les moines constituent un modèle de vie et une source de prières, pour les morts et les vivants. Une fois la charité canalisée par les établissements religieux, le patronage aristocratique traditionnel disparaît et l’intervention dans la désignation d’un abbé ou d’un évêque n’en constitue pas un avatar. Le changement fondamental par rapport à l’Antiquité tardive réside dans le patronage laïque à grande échelle sur les églises privées333. Les sources attestent des églises privées détenues par les ducs de Naples, Gaète ou Amalfi, mais sans exclusive334. Si la propriété d’une église privée constitue un signe d’appartenance à un milieu favorisé335, les différences spirituelles entre groupes sociaux distincts demeurent faibles et leurs attentes religieuses somme toute identiques. L’angoisse du salut, personnel ou collectif, dépasse les clivages336.

stanter hoperetur, quia sicut scriptum est hilarem datorem diligit Deus, et tristem sine dubio hodit, et ideo unusquisque Christianorum pro uiribus suis in quantum prebalet manum porrigere debet had elemosine hu­ sum uel misericordie hopera qui helemosina ha morte liberat et operarium suum non permictet yre in tenebras. 330.  Ibid. 331.  RNAM, vol. I/1, 17 – 932 : pro anima mea per sacerdotes et pauperum fratrum Christi. 332.  RNAM, vol. I/2, 105 – 964 : Reliqui uero per pauperos fratrum Christi ubi ipse melius preuisus fuerit. 333.  Voir p. 139 et suivantes. 334.  MND, vol. II/1, 70 – 950 : les propriétaires de l’église du Saint-Archange-Michel déclarent l’avoir reçue des ducs de Naples Jean et Marin pro seruitium (il s’agit probablement de Jean  II et Marin  Ier) ; CDC, vol. I, 36 – 934 : les ducs Docibilis  II et Jean  II donnent l’église Saint-Érasme de Formies à deux habitants de Gaète ; CP, 79 – 988 : le duc Manson II avec les fils du défunt duc Serge II donne toutes ses parts de l’église Saint-Pierre au monastère Saint-Laurent d’Amalfi. 335.  L’impossibilité de l’entretenir peut aussi constituer un signe de déclassement, comme le montre un acte de Lucera (Pouilles) dans lequel les propriétaires laïques de l’église déclarent ne plus pouvoir assurer l’entretien de leur église privée. Voir RNAM, vol. IV, 374 – 1039. 336. Voir Gourevitch, La naissance de l’individu, p. 137-139, qui nuance la conception quelque peu « apaisante » de P. Ariès d’une mort vue comme une étape et non une fin, et souligne au contraire la présence de l’attente inquiète du sort personnel associé au Jugement dernier.

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Des évolutions sont toutefois à l’œuvre. Encouragé par les autorités ecclésiastiques, le transfert des églises privées aux monastères affecte les classes privilégiées, propriétaires de ces églises. Mais son influence sur les pratiques religieuses des fidèles est difficile à mesurer, et les fonds monastiques conservent les documents d’églises privées une fois devenues leurs propriétés. Les églises privées continuent de recevoir des donations spécifiques, distinctes de celles faites au monastère dont elles dépendent désormais337. La privatisation des églises suit celle de l’autorité publique, un phénomène qui possède un impact religieux certain. La fragmentation du pouvoir dans les duchés tyrrhéniens s’accompagne de l’apparition de comtes territoriaux, à partir de la fin du xe siècle, dorénavant détenteurs d’un pouvoir autonome. De ce fait, ils adoptent des comportements religieux similaires aux ducs de Naples ou Gaète. L’éparpillement du pouvoir est remarquable dans ce dernier duché où le duc de Fondi et le comte de Traetto transmettent des établissements religieux, lèguent des églises et multiplient les donations338. En ce sens, les éléments pré-féodaux influencent les structures religieuses.

La piété des femmes : une pratique différente ? La spécificité du comportement religieux des femmes à l’époque de Grégoire le Grand reste difficile à cerner. La correspondance du pape offre un aperçu trop personnalisé des formes de piété féminine pour aboutir à des conclusions générales et définitives. Les sources médiévales donnent l’opportunité de saisir, de manière plus précise, la piété des femmes par le nombre et la variété des cas. La place des femmes dans les Gesta, la Vie d’Athanase ou les récits de translation, reste toutefois limitée, car ces sources décrivent un monde d’hommes, laïcs ou clercs. Comme dans l’Antiquité tardive, les femmes subissent une domination masculine et leur place dans la société, comme dans l’Église, en est largement déterminée : elles sont surtout épouses et mères et l’amélioration de leur condition ne dépasse guère les milieux aristocratiques339.

337.  E.g. RNAM, vol. II, 236 – 994 : deux laïcs s’engagent auprès du desservant de l’église SaintEuthyme à ne pas revenir sur le don d’une terre effectuée par un parent. On sait que, depuis 970, l’église appartient au monastère des Saints-Serge-et-Bacchus qui n’est pas mentionné dans l’acte. 338.  E.g. CDC, vol. II, 247 – 1071 : Gérard de Fondi et son épouse Labinea offrent au Mont-Cassin une série de monastères et d’églises situés à Fondi, Terracine et Rome. 339.  Parmi une bibliographie renouvelée par son rapide essor au profit des femmes de l’élite mieux documentées, nous renvoyons à quelques études récentes et importantes : Le Jan, « L’épouse du comte », réimpr. Ead., Femmes, pouvoir et société, p. 24 : « Comme les grands, associés au ministerium royal, doivent au roi fidélité et conseil, fides et consilium, l’épouse, unie à son mari par l’affection et la fides, lui doit le consilium » ; Nelson, « Gendering courts », ici p. 195, réimpr. Ead., Courts, elites, and gendered power, I.

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La piété féminine privilégie un espace religieux : le monastère. L’orientation par l’Église de cette piété vers le monde monastique s’opère dès l’Antiquité tardive340. Les Gesta inscrivent ainsi les femmes de la famille ducale de Naples dans ce schéma : la duchesse Theodonanda fonde des monastères tandis que sa nièce devient abbesse341. Certaines femmes dérogent à ce pieux modèle comme Eupraxia, la fille du duc et évêque Étienne II. Elle sort du rôle secondaire dévolu aux femmes dans la chronique et, « embrasée par un feu tout féminin », règle la succession de son père à la tête de l’évêché342. Le duc Théophylacte semble éclipsé par son énergique épouse. À la fin la même notice, Jean Diacre évoque une autre Eupraxia, fondatrice d’un monastère à Naples dont elle devient abbesse343. Une figure féminine de premier plan marque Gaète durant le haut Moyen Âge : la duchesse et senatrix Emilia domine la vie politique locale au début du xie siècle. Sans doute issue de la famille des comtes de Tusculum, d’où son titre de senatrix, elle épouse le duc Jean III de Gaète (984 – 1008/1009)344. Elle mène la vie d’une pieuse duchesse, protectrice des églises et des monastères de son duché345. La Vie de Nil de Rossano évoque ce modèle de piété346. À la mort de son

340.  Voir les travaux de Consolino, « Modelli di comportamento », p. 279-289 ; Ead., « Sante o patrone ? », p. 971-975 ; Destephen, « L’évergétisme aristocratique au féminin », p. 197-203. 341.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 52, p. 428, l. 40-42. 342.  Ibid., 46, p. 427, l. 22-23 : Tum illa femineis flammis accensa. Voir à propos de ce personnage Stasser, Où sont les femmes ?, p. 227 pour l’analyse et p. 455, n° 230 pour la fiche prosopographique. 343.  Gesta episcoporum Neapolitanorum, éd. Waitz, 46, p. 427, l. 31-33 : Quaedam igitur Eupraxia religiosa femina fabricauit in regione Albiensi monasterium, quod ecclesiae sanctae Dei genetricis coniun­ xit, in quo a praedicto episcopo abbatissa est ordinata. La notice suivante commence avec l’aveuglement de l’empereur Constantin VI par sa mère Irène. Jean Diacre précise qu’elle finit sa vie au monastère, une juste récompense de son action ? 344.  Pour davantage de détails sur ce personnage, voir Merores, Gaeta, p. 31-32 ; Skinner, Family Power in Southern Italy, p. 150-156. De manière plus large, La Rocca, « Segni di distinzione », p. 40-42, qui attribue aux femmes de l’aristocratie un intérêt particulier pour les donations en faveur des établissements monastiques ; sur un plan davantage anecdotique, mais abordant une occupation domestique considérée comme le devoir d’une aristocrate, mais aussi un gage de piété donné aux communautés monastiques dans l’espoir de prières, voir Tibbetts Schulenburg, « Holy women and the needle arts », p. 91-97 pour les époques carolingienne et ottonienne ; également, ibid., p. 87, qui rappelle non sans humour ce dicton anglo-saxon : « La place d’une femme est à son ouvrage ». 345.  La première mention de la duchesse date de 1002. Voir CDC, vol. I, 105 – 1002. CDC, vol. I, 118 – 1009 : Emilia et son fils Jean IV confirment la pleine propriété de l’église Sainte-Scolastique au Mont-Cassin. 346. Vers 998, Emilia, l’épouse du duc Jean III, exprime le désir de rendre visite, dans son ermitage de Valleluce situé à environ 45 km au nord-est de Gaète, au saint dont elle vainc les réticences initiales en venant accompagnée seulement d’hommes de sa suite. Le saint exhorte la duchesse à la pudeur, l’aumône et la crainte de Dieu. Voir la Vie de Nil de Rossano, 88, PG, 120, col. 148 B-C. Cette référence manque dans Stasser, Où sont les femmes ?, p. 259-263, qui analyse la vie du personnage et p. 473-474, n° 279 qui établit sa fiche prosopographique.

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époux puis de son fils en 1014, la duchesse assume un rôle politique durant la minorité de son petit-fils, le duc Jean V. On perd la trace d’Emilia après 1017. Nombre de femmes moins distinguées apparaissent dans les actes : leur statut juridique induit une dépendance vis-à-vis du mari ou des fils pour les biens de la famille347. Les donations aux églises ou aux monastères sont effectuées avec l’accord de l’époux ou des enfants majeurs348. Des documents attestent pourtant l’autonomie de certaines femmes. En 1108, Bona offre un ensemble important de biens fonciers, peutêtre l’essentiel de son patrimoine, à la cathédrale de Gaète. Mais l’acte indique que son mari et son fils sont décédés. Le don de sa maison traduit d’ailleurs un vœu de son fils349. Les femmes disposent néanmoins du tiers ou du quart du patrimoine, issu de leur dot, qui joue un rôle non négligeable dans leurs pratiques religieuses. En 990, Blattu et sa fille Marenda transmettent à Maria, abbesse du monastère Saint-Laurent d’Amalfi, le tiers de leur falcidium350. Au-delà des aspects juridiques, la piété féminine se diffé­ rencie peu de celle des hommes et reste, du fait des sources disponibles, en grande partie dans l’ombre.

Esclaves et dépendants : des pratiques religieuses inconnues La religion des pauvres est plus difficile à percevoir. Éloignées des préoccupations de leurs contemporains, leurs vies et leurs pratiques religieuses apparaissent, le plus souvent, à travers le prisme des dominants, dans l’Antiquité comme au Moyen Âge. La correspondance de Grégoire le Grand accorde pourtant une place notable aux individus de condition servile351. Centre important du trafic d’esclaves en Méditerranée, Naples retient l’attention du pape pour les esclaves possédés par des marchands juifs,

347.  E.g. CDC, vol. I, 163 – 1032 : Drosu, habitante de Gaète et veuve de Gregorius, doit régler des questions de succession avec l’accord de ses fils. Voir également le tableau quelque peu idéalisé de la place des femmes dans la société napolitaine dépeint par Skinner, « Urban communities », p. 297-298. 348.  E.g. CP, 68 – 990 : Drosu et son fils Pantaleo effectuent un don au monastère Saint-Laurent d’Amalfi au nom de leur mari et père qui est ad nauigandum. 349.  CDC, vol. II, 283 – 1108 : quem suprascripta domus precepit suprascripto Leo amabilis filius meus dari in suprascripto episcopio. Autre exemple CDC, vol. II, 303 – 1124. 350.  CP, 26 – 990 : placuit nobis pro ipse suprascripte tertie de predicta quarta dedimus et tradi­ dimus uobis exinde ad transactum omnia cum omnibus quantum uel in quomodo habuit suprascripto Leo Gangella genitor supra soceri nostri in insula Capritana insu et susu in Anocapri cum uiis suis et omnibus suis pertinentibus excepto ipsam sextam partem quod exinde tetigit Lintu cognata ipsius soceri nostri relicta Ursi. 351.  Voir la synthèse de Serfass, « Slavery and pope Gregory the Great », p. 77-103, qui n’enlève pas tout son intérêt à la mise au point un peu plus ancienne et davantage centrée sur les propriétaires juifs d’esclaves de Verlinden, L’esclavage dans l’Europe médiévale, vol. II, p. 92-95.

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mais souhaitant devenir chrétiens352. Pour le pape, la difficulté consiste à mesurer le degré d’opportunisme ou de sincérité de leur conversion : sa position ne consiste pas à remettre en cause l’ordre social, bien qu’il oppose un Deus libertatis auctor au droit légitimant la servitude de l’homme353. Tout au plus, l’Église peut encourager la mansuétude des maîtres envers les esclaves réfugiés en son sein354. Le statut servile révèle les hésitations sociales de l’Église à propos du mariage : l’union d’un clerc avec une esclave est frappée de nullité, et un membre du clergé use de ce prétexte pour rompre les liens matrimoniaux avec son épouse, prétendue esclave355. En dehors de ce cas particulier, la religion des esclaves reste dans l’obscurité356. À l’époque médiévale, dépendants et serviteurs, comme l’ensemble des pauvres, ne disposent pas d’un patrimoine nécessitant un acte devant notaire, que ce soit pour des transactions ou des legs pieux. Leurs pratiques religieuses demeurent dans l’ombre de celles des plus riches. Quand le Napolitain Atenolfus demande à entrer au monastère des Saints-Séverin-et-Sossius, en 1038, son famulus Pierre le suit357. On peut douter, sinon de la foi du famulus, du moins de son libre arbitre.

352.  Voir p. 454. 353.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, VII, 1 - juin 596 ; ibid.,

éd. Ewald et Hartmann, VI, 12 – septembre 595. 354.  Ibid., éd. Ewald et Hartmann, III, 1 – septembre 592. Gregorio Magno, Lettere (I-III), trad. Recchia, p. 374-375, n. 9, rappelle que la restitution à leur maître d’esclaves réfugiés dans une église – pour des fautes minimes précise Grégoire le Grand – avec le serment de pardon de leur maître ou de l’évêque, remonte au pape Gélase Ier (492-496). 355.  Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, VII, 1 – juin 596. 356.  Pour un point de vue davantage économique et social sur l’esclavage dans le sud de la péninsule durant le haut Moyen Âge, voir Verlinden, L’esclavage, vol. II, p. 106-115, qui fait allusion aux sources notariées de Naples et de Gaète et porte un intérêt tout particulier aux marchands amalfitains ; Panero, Schiavi, servi e villani, p. 30-31, estime qu’il n’existe pas de différence structurelle forte entre l’évolution du statut servile dans le nord et celui dans le sud de l’Italie, les deux aboutissant à la multiplication des dépendants « chasés », mais l’auteur relève la persistance, après l’an mil, de non-libres négociés sur les marchés d’esclaves comme Naples ou Amalfi ; un esclavage rural proche du système antique perdure même en Italie centrale et tend parfois à s’étendre comme le révèle Feller, « Liberté et servitude », p. 511-533, ici p. 519-523, où l’auteur montre comment l’extension aux ixe-xe siècles de la grande propriété monastique aux dépens des alleux entraîne, non sans résistance, sinon un asservissement, du moins un assujettissement de la petite paysannerie, jusque-là libre de prestations, de conduites et de procédures recognitives d’une condition servile. 357.  RNAM, vol. IV, 370 – 1038 : Insuper et quidem Petro famulo meo uos et posteris uestris diebus uite meae enutrire et bestire seu calciare debeatis sicuti ceteris serbientibus memorati uestri monasterii et ipse uobis posterisque uestris diebus uite meae serbire debeas quomodo ceteris serbientibus memorati uestri monasterii.

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En outre, la dépendance ne possède pas la valeur spirituelle de la pauvreté dans les esprits médiévaux358. L’affranchissement constitue pourtant une clause des testaments, mais touche les famuli du testataire, membres de sa familia au sens large, parfois à son service depuis des générations. Alors que l’argent distribué aux pauvres revêt une dimension religieuse évidente et manifestée, la liberté accordée aux dépendants représente une forme de legs, au même titre que les biens transmis aux héritiers359. Dans son testament, Docibilis  Ier justifie ses donations par le souci de son salut, ce qu’il ne fait pas pour la dizaine de famuli qu’il libère. Placés après les enfants de l’hypatus, les affranchis reçoivent des biens pour assurer leur subsistance360. Des cas originaux surgissent à l’occasion. Le uir magnificus Gregorius conditionne la libération de ses famulae à leur mariage et à celui de ses filles361. Ce testament évoque l’entrée

358.  Voir l’ouvrage classique de Mollat du Jourdin, Les pauvres au Moyen Âge, p. 17-19 sur la valorisation spirituelle, dans le christianisme ancien et tardo-antique, des pauvres comme figures du Christ à laquelle fait pendant une conception peccamineuse de la pauvreté. Dans les capitulaires carolingiens, le pauvre est assimilé à un homme libre nécessitant la protection du souverain ou de l’évêque, la faiblesse sociale préludant à une progressive infériorité juridique : Id., « Il concetto della povertà nel Medioevo », p. 5-6 ; les capitulaires carolingiens ont fait l’objet d’un examen minutieux de Bosl, « “Potens” e “pauper” », p. 107-118 sur l’évolution sémantique et juridique de la notion de pauvre dans la législation carolingienne qui associe l’indigence à l’arbitraire et à la nécessité de protection, c’està-dire à la sujétion. La littérature normative carolingienne est présentée sous un jour plus positif par Felten, « Zusammenfassung », p. 389-393, qui montre le souci des souverains de protéger les faibles, sur le plan hiérarchique et économique, contre les abus des puissants laïques et ecclésiastiques et de leur porter secours en cas d’urgence, c’est-à-dire surtout de crise alimentaire. La notion même de pauvreté évolue toutefois avec la dislocation de l’Empire carolingien. Selon Bosl, Das Problem der Armut, p. 11-12, les troubles qui secouent l’Occident au xe siècle et la promotion d’une société aristocratique guerrière provoquent la formulation d’un nouveau discours théologique, élaboré en France et en Italie, qui dévalorise le travail et la pauvreté désormais assimilées à la servitude. Pour appréhender l’iconographie du pauvre durant le Moyen Âge central et tardif d’après des exemples issus de ces deux pays, voir Raff, « Das Bild der Armut », p. 11-15. 359.  À propos des clauses de manumission et de la pratique de l’émancipation dans les testaments de Naples et des villes voisines, voir Loré, « Disposizioni di tipo testamentario », p. 148-149. 360.  CDC, vol. I, 19 – 906. Les affranchissements assortis de donations se retrouvent dans d’autres testaments, e.g. RNAM, vol. VI, Appendix, 39 – sans année (testament de Anna qui affranchit sa famula Rosula et lui accorde le libre choix de résidence) : et memorata Rosula famula mea at meum transitum badat libera et absoluta per me de memoratis meis distributoribus, et ubi ire et habitare uolueris in sua sit potestatem. 361.  CDC, vol. I, 143 – 1024 : Itemque uolo et iubeo ut Gemmula filia Gizzuli famuli mei serbiat at ambo ipse filie me usque dum uirum tulerit. Et ab illo die quod ambo suprascripte mee filie uirum tulerit statim suprascripta Gemmula permaneat libera et omni tempore habeat clamore de ipsi filii mei, et per omni anno in natibitas Domini serbiat suprascripta Gemmula unum pariu de pulli ad ipsi filii mei […]. Itemque uolo et precipio ut Bonula filia Sassule famule mee serbiat ad ambo ipse infantule filie mee usque

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éven­tuelle  de Pretulus, un famulus, dans la cléricature avec l’appui (clamor) du fils de Grégoire, l’archidiacre Laidolfus362. Il s’agit moins d’une forme de patronage que d’une garantie juridique fournie par les anciens propriétaires à leurs affranchis afin qu’on ne puisse pas contester leur liberté. La distinction entre l’archidiacre Laidolfus, le seul habilité à témoigner auprès d’un tribunal ecclésiastique si le famulus devient clerc, et ses autres frères, en constitue une preuve.

III.  Mourir en chrétien La mort constitue pour les fidèles un moment déterminant dans l’eschatologie chrétienne, première étape du cheminement attendu des hommes vers vie éternelle. Les testaments manifestent, par l’emploi de certaines formules, cette perspective363. Ils permettent d’observer, de manière plus concrète, les dispositions spirituelles dans lesquelles l’homme et la femme du haut Moyen Âge se trouvent quand leur fin est proche364.

dum uirum tulerit, et ab illo die quod ambo ipse mee filie mee uirum tulerit statim ipsa Bonula libera permaneat et consistat et omni tempore habeat clamore de ipsi filii mei et per omni anno in natibitas Domini serbiat unum parius de pulli ad ipsi filii mei. 362.  Ibid. : Simulque uolo et precipio ut Petrulo filio Iohanni Fusco famulus meus fiat liberum a die presentis et si peruenerit ad clericatum habeat clamore de suprascripto Laidolfus archidiaconus filius meus et si ad onorem clericorum non peruenerit propterea habeat clamore de ambo suprascripti filii mei. Et omni anno in natibitas Domini serbiat ipso Petrulo uno pario de pulli ad ambo ipsi filii mei. Comme pour les famulae, l’affranchissement est assorti d’une redevance annuelle à verser en nature aux héritiers du uir magnificus Gregorius, même pour Petrulus, éventuellement appelé à devenir clerc. 363.  Voir p. 414 et suivantes. 364.  De manière plus générale sur le développement du rituel funéraire et sa progressive christianisation, voir pour l’Antiquité tardive Rebillard, « La formation du culte chrétien des mort », p. 157 : « Il est clair que l’association de l’eucharistie et des funérailles relève des coutumes locales » ; pour le haut Moyen Âge, voir Paxton, Christianizing death, p. 88-91 et 104-106, qui tend à opposer une diversité des pratiques funéraires à la fin de l’Antiquité et au début du Moyen Âge à une uniformisation délibérée, mais incomplète, à l’époque carolingienne avec néanmoins l’expansion du modèle de la pénitence publique sur le lit de mort ; Treffort, L’Église carolingienne et la mort, p. 43-45 et 78-84 sur l’exigence de pénitence du moribond par l’Église et la progressive ritualisation du convoi funèbre, « comme si, tout au long des ixe et xe siècles, les clercs avaient tenté de contrôler la procession funéraire pour faire d’elle un élément de pastorale chrétienne » (ibid., p. 79) ; pour la période tardive, voir en première lecture Alexandre-Bidon, La mort au Moyen Âge, p. 120-131, qui mentionne la présence de clercs à deux moments importants dans le rituel funéraire, la procession constituée par le convoi funèbre et surtout la mise en terre avec aspersion d’eau bénite. La bénédiction de la sépulture, accompagnée de chants et de l’aspersion, est attestée dès le xe  siècle : voir Treffort, L’Église carolingienne et la mort, p. 141-143.

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L’utilisation des testaments requiert, au préalable, quelques précisions sur le sens qu’il faut attribuer à ce terme et sur la taille du corpus par conséquent disponible. Acte juridique à peu près normalisé dans sa structure formelle, l’acte notarié reconnu comme testament doit rassembler trois conditions indispensables : l’attestation de la valeur légale de l’acte du vivant de son auteur par l’affirmation de ses pleines capacités intellectuelles dûment constatées en présence de témoins, une transaction patrimoniale prenant la forme d’une cession, partielle ou totale, enfin le conditionnement de l’exécution impérative de ces dispositions au décès de leur auteur. Évidentes, ces consi­ dé­ra­tions expliquent la valeur documentaire particulière que revêtent les testaments pour l’histoire des croyances et des mentalités religieuses.

À l’article de la mort La volonté d’exprimer par écrit ses dernières volontés se manifeste, en règle générale, quand l’individu sent sa fin venir. Certains testaments, en particulier ceux de Gaète, apportent des précisions remarquables sur les conditions de leur rédaction. La nécessité d’exprimer ses dernières volontés peut intervenir de manière pressante, ce que manifestent certains actes. Par exemple, en 1013, les exécuteurs testamentaires de Marinus se rendent à son domicile alors qu’il gît dans son lit365. La valeur légale d’un testament est déterminée par la pleine disposition des facultés mentales, mais non physiques, du testateur. L’essentiel est d’attester que le malade est en état d’exprimer ses volontés. Cette condition impérative n’est pas toujours remplie et entraîne, ultime espoir, le recours à l’intervention divine avant de rendre l’âme. Un acte, peut-être de 1039, évoque les mésaventures de Constantin, un habitant de Fondi. Souffrant d’une grave maladie, la mala scanna (?), « ne pouvant rien dire, rien boire, ni saliver (…) à moitié mort », Constantin est amené par sa famille, gisant, devant une vieille croix de la cathédrale de Terracine, où il se trouve alors, afin de formuler ses dernières volontés366.

365.  CDC, vol. I, 128 – 1013 : Quamobrem itaque ego Landolfus filio domni Gregorii duci bone memorie commanentem istius predicte ciuitatis ; dum in presentis temporis Dei iussio et uocatio accidit ad migrandum de huius seculi erumnis ad domnum Marinu filium domni Constantini comitis bone memorie cum in infirmitatis lecto iacebat, tunc conuocare fecit me, qui supra Landolfo ante se, ubi aderat domno Gregoriu umili presbitero, et monacho Moraldo filio Costantini. Et dum ante eum adessem tunc cum sana sua mente taxauit in mea potestates. 366.  CDC, vol. I, 172 – 1039 (?) : Is breuis memoria facio ego Costantino filio Leo et de Amata uone memorie hauitator de ciuitate Fundi modo enit in ciuitatem Terracin, stetit in pessima infirmitate, que est mala scanna, nihil potebat loquere, nec aqua inglutire, neque saliua… semiuiuo, sed diligebant uocare in fren mei, et cognati ad domum Marino socero meo, et planxerant, et angustiauerant, uui iacebat in lecto… consentiente Deo per ipsa cruce betusta, que est in ecclesia beati Petri apostoli, et beato Caesario martyre, et S. Juliano, et Felice et Euphrosina, ut ego loquarer, et facere testamentum de mea causa.

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Intervient alors, avec son clergé, l’évêque qui fait boire au malade de l’eau bénite, au préalable versée sur les pieds du Christ de la vieille croix. Le procédé fait miracle : Constantin recouvre la voix, puis la santé367. Passé si près de la mort, redevenu sain de corps et d’esprit, il se décide à rédiger son testament qu’il dépose sur l’autel de la cathédrale. La plupart des testaments indiquent davantage la parfaite santé des testateurs. En 906, Docibilis Ier, conscient « qu’il est nécessaire de disposer de ses volontés avec un corps et un esprit sains », affirme marcher sur ses deux pieds et jouir de son intégrité physique et mentale368. Les motivations de la rédaction du testament se laissent deviner. L’âge venant et inquiet du lendemain, l’individu encore en possession de ses moyens se soucie de distribuer ses biens avant qu’il ne soit trop tard. Les sources ne mentionnent plus Docibilis Ier après la rédaction de son testament. La prise de l’habit monastique exprime une autre forme d’abandon progressif du monde. La maturité constitue l’âge privilégié pour entrer au monastère, comme l’indiquent des individus dans leurs dernières volontés. Par exemple, en 1071, Serge accorde, parmi ses legs, un traitement de choix au monastère de la Sainte-Trinité de Arco Timpano à Gaète, où il a reçu l’habit monastique369. La rédaction des dernières volontés nécessite, d’un point de vue juridique, moral et matériel, la présence de proches et de parents370. Ils remplissent le rôle de témoins et d’exécuteurs testamentaires, de distributores. Leur choix est déterminant car ils doivent, en toute confiance, réaliser les vœux du testateur après sa mort. Les distribu­ tores occupent une place importante dans la documentation notariale, en amont dans les testaments mêmes, en aval dans les contrats de vente ou d’échange de biens en relation avec les legs post mortem. Les actes révèlent la diversité des distributores :

367.  Ibid. : Modo uenerit d. Ioannes episcopus cum clerici cum aqua benedicta qua lauarat pedes do­ minus noster Iesus, quae est in suprascripta cruce betusta, et dederunt mihi biuere, statim ut biuit aqua ipsa, bulnus quod habebat in gutture crepuit, et uomuit multa fracidume, modo uenit mihi loquela, ut fuisse sanus statim me cepit poenitentia de mea peccata, et fecit testamentum de mea causa. 368.  CDC, vol. I, 19 – 906 : Unde necesse est ut humana fragilitas semper debeat de mortis repentinis casibus cogitare, ut uolumtatis sue dispositione sanus corpore et mente disponat, ne diuina urgente iussione sua desideria non ualeat explicare. Ideo ego Docibilis ypatus ciuitatis istius Gaietane, super pedes meos ambulantem sanus corpore mente integra […]. 369.  CDC, vol. II, 245 – 1071 : ut uadat pro anima mea in monasterio sancte et indiuidue Trinitatis da arco timpano hubi monachilem abitum accipio. 370.  E.g. CDC, vol. II, 328 – 1135 : Hoc est quia iam preuaricati sunt, anni tres, fuit uir quidam nomine domnus Iacobus Maltacia, filius domni Bonus bone memorie qui et in ualidam, incidit infirmi­ tate, unde de hoc seculo uita finiuit. Set antea quam de hoc seculo migrasset aut de sua scientia minuasset, fecit nobis omnes prenominati conuocari ante sua presuntia prout faciendum dispositionem, anime sue et in nostra potestate, eos commisit.

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membres de la famille, proches, hommes de confiance, clercs ou moines371. Certains distributores comptent parfois parmi les légataires, peut-être une garantie supplémentaire de bonne exécution des volontés du défunt. En 1076, Maria désigne cinq dispositores, dont l’effectif est augmenté de tous ceux qui seront en possession de son testament372. Un certain nombre de documents évoquent aussi le rôle des « hommes très chrétiens » (christianissimi uiri) comme experts. Ils interviennent quand un testateur prévoit, après sa mort, la vente de biens pour constituer un pécule à distribuer pour son âme. Dans son testament, rédigé à Naples en 964, Anna demande que la moitié de l’héritage de ses enfants soit donnée, en cas de décès, pour le salut de leur âme, par l’intermédiaire de christianissimi uiri chargés d’en évaluer le prix373. Le terme se retrouve à Amalfi et Gaète374. Ce ne sont pas toujours des hommes : un acte napolitain de 975 évoque des « femmes très chrétiennes »375. Il est peu probable qu’ils appar­ tiennent au cercle familial du testateur. Il est parfois tentant de rapprocher les christianissimi uiri des distributores. En 936, les distributores du défunt Serge sont Jean, abbé du monastère des Saints-Séverin-et-Sossius, et Jean, prêtre desservant de l’église du Saint-Archange-Michel376. Ils sont chargés de vendre un casale pour en tirer l’argent

371.  E.g. RNAM, vol. II, 235 – 994 : Gregorius ferrarius et Jean ferrarius, distributores de la défunte Maria, fille de Jean ferrarius surnommé Muca ; RNAM, vol. IV, 329 – 1026 : Sergius, fils naturel du défunt d. Gregorius Infernus désigne ses deux distributores, le d. Iohannes Gundatitius et le d. Pandolfus ; CP, 90 – 1098 : Manso et le prêtre Leo sont les distributores de Iohannes f. Petri de Fausanu ; CP, 112 – 1125 : un prêtre d’Amalfi nommé Pierre indique ses quatre exécuteurs testamentaires, la moniale Letitia, ses neveux Lupinus et Leo, enfin Ursus Collosolfe son « fils spirituel ». Si, à Naples, les aristocrates semblent se conformer aux usages du reste de la population, on relève néanmoins des caractères spécifiques aux donations aristocratiques comme le fait de désigner des parents, pourtant bénéficiaires, comme exécuteurs testamentaires : voir Loré, « Disposizioni di tipo testamentario », p. 155-156. 372.  RNAM, vol. V, 426 – 1076 : Maria, honesta femina désigne ses dispositores, Jean, archevêque de Naples, Sergius, prêtre et primicier de l’Église de Naples, Jean archiprêtre et cimiliarque de l’Église de Naples, l’époux de la testatrice et ceux qui seront en possession du testament (et per manum de persona illa cuius meum dispositum in manus paruerit). Parmi les legs, 15 sous vont à l’archiprêtre Jean et 5 sous au prêtre Sergius (memorato domino Iohannes archipresbyter distributor meus detineat sibi exinde solidos quindecim memorato domino Petro uenerabili presbytero et primicerio sancti et distributor meus detineat sibi exinde solidos quinque). 373.  E.g. RNAM, vol. I/2, 105 – 964 : detur pro eius anima medietatem pretium de quod ipsa eius portio exinde appretiata fuerit a christianissimis uiris. 374.  CP, 81 – 1025 : pro eius defuntis anime medietate pretii ut ipsa eius de reliqua omnia suprascripta appretiata fuerit a christianissimis uiris per manum cui ipse defuntus uel defunte disposuerit ; CDC, vol. I/4 – 831 (?) : et nihil de res parentorum meorum in usum ipsius ecclesie expensauit nisi quantum per orationis et per christianos homines aduesiuit. Il s’agit de la seule allusion pour Gaète. 375.  RNAM, vol. I/2, 162 – 975 : una cum omnes chartulas et offertiones quas fecerunt christianissi­ mis uiris ac mulieribus in prefati uestri monasterii. 376.  MND, vol. II/1, 33 – 936.

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destiné au salut de l’âme du donateur, ce qui correspond à la mission des christianissimi uiri. Si leur statut les y prédispose, c’est plus douteux pour les autres exécuteurs.

Exprimer ses dernières volontés Dans l’attente d’une mort prochaine et certaine, soucieux de se mettre en règle avec Dieu et ses coreligionnaires, le fidèle organise sa succession, qui constitue le troisième et dernier élément du testament chrétien. La nécessité, personnelle et familiale, juridique et financière, de prévoir la transmission de ses biens suppose un patrimoine assez important pour imposer à un particulier de recourir au dispositif testamentaire. Doté de la pleine possession de ses facultés mentales et agissant de son plein gré comme les actes prennent soin de le rappeler, le testateur désigne plusieurs bénéficiaires, qu’il s’agisse de personnes physiques ou morales. Le statut des héritiers dévoile les préoccupations matérielles et spirituelles du légataire377. Les biens sont le plus souvent répartis entre les enfants ou la parenté et, dans une moindre mesure, les serviteurs et autres dépendants ou affranchis. Les institutions ecclésiastiques et monastiques, des clercs ou des moines à titre personnel figurent aussi parmi les bénéficiaires du testament378. Les donations foncières pro anima ne forment pas les legs pieux les plus fréquents. S’ils ne prévoient pas de fixer une somme d’argent à verser en offrandes et aumônes posthumes aux religieux ou aux pauvres379,

377.  Nous relevons cette formule de La Rocca, « Segni di distinzione », p. 34 : « A fronte dei doni indirizzati a un ente ecclesiastico e ad alcuni membri del proprio parentale, il donatore si aspetta di ricevere in cambio la salvezza della propria anima e il rafforzamento patrimoniale della sua discendenza » ; voir également La Rocca et Provero, « The dead and their gifts », p. 229-231 sur l’usage aristocratique et ecclésiastique du testament au haut Moyen Âge et sa combinaison d’éléments spirituels et patrimoniaux, ces derniers l’emportant de loin sur les premiers par souci d’inventorier et de transmettre des biens distinctifs, par leur nature ou leur ampleur, d’une catégorie sociale privilégiée. 378.  Ainsi, le duc Docibilis II dans CDC, vol. I, 52 – mai 954 : Haec iterum uolo, et iubeo ut aurum et argentum ramen, pannos siricos et lineos serbis et ancillis peculiis magnis et parbis omnia et in omnibus quicquit da dicto Iohannes dux datum habemus, sit eis benedictum a Deo Patre omnipotenti. 379. En 1036, le comte et la comtesse d’Ischia justifient par un commandement divin la nécessité de faire l’aumône. Voir RNAM, vol. IV, 367 – 1036 : Omnis itaque dispersio helemosine magis impre­ sentis quam in futuro seculo in mandatis Domini precipiuntur largiri, et quoscumque manus hominum potest hoperari instanter hoperetur, quia sicut scriptum est hilarem datorem diligit Deus. Sur l’origine et le développement du « don pour le remède de l’âme » et ses formes variées (aumône aux pauvres, manumission rédemptrice pour le maître, legs à des institutions religieuses, etc.), voir Jobert, La notion de donation, p. 212-221 : l’auteur, adoptant une conception juridique fort étroite, situe au vie  siècle, à la lumière des inscriptions et des papyri ravennates, la pratique de la donatio pro anima, et constate que si elle devient la principale forme de libéralités pieuses, elle est de plus en plus souvent assortie par le légataire de clauses de sauvegarde, sinon d’usufruit ; mais les ressorts spirituels du don charitable sont plus anciens, même s’ils aboutissent à un mélange des genres, comme le souligne Brown,

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les testateurs optent pour l’aliénation, partielle ou totale, d’un bien immobilier dont le produit de la vente, réalisée après leur décès par les distributores, doit apporter la mise de fonds nécessaire à ces distributions bienfaisantes dont le montant n’est alors pas précisé380, à charge pour les christianissimi uiri de les ventiler. Ainsi, l’essentiel des legs aux institutions religieuses sont en numéraire, non en biens immobiliers381. L’initiative en revient parfois aux églises ou aux monastères, désireux d’obtenir une terre précise382. Mais il est plus intéressant de disposer d’une somme plutôt que d’un bien foncier à la valeur incertaine. Les donations en numéraire expriment le choix des donateurs, car elles présentent l’avantage d’être réparties entre de nombreuses institutions pieuses, chose impossible à réaliser avec la terre qu’on ne peut fragmenter à l’envi. En outre, les questions d’héritage et d’arbitrage entre héritiers ne se posent plus. Pourquoi trouve-t-on néanmoins des donations foncières  ? Plusieurs raisons peuvent être avancées. Le testateur peut ne pas disposer, avant sa mort, du numéraire nécessaire. On imagine mal Constantin, aphone dans la cathédrale, avoir pris soin d’allouer des sommes à ses legs pieux. La fréquence des biens fonciers à vendre après la mort, l’insistance sur le rôle des distributores et des christianissimi uiri le confirment. Toutefois, des terres reçoivent une affectation religieuse assez précise pour ne pas relever du hasard. En tout état de cause, chaque donation, foncière ou en numéraire, possède un but religieux manifeste, à défaut d’être précis. Au seuil de la mort, le testateur éprouve le besoin de convoquer des proches, des parents, des alliés, afin de motiver non la nécessaire transmission de ses biens, mais la répartition singulière qu’il a peut-être établie entre eux. Il est nécessaire de se pencher sur cette répartition pour en comprendre les motivations religieuses. En 1067, invalide

L’essor du christianisme occidental, p. 46 : « La notion d’aumône, associée à l’idée de repentir, rattachait l’usage de la richesse à un nouveau système d’explication religieuse, garantissant ainsi que l’argent gagné dans “le monde” coulerait, sans inhibitions déplacées, à l’intérieur de l’Église. » 380.  E.g. un extrait du testament de Sergius, filius quidam domini Constantini, avec l’accord de son épouse Blactu, dans RNAM, vol. I/1, 17 – 932 : Dispono primum omnium ut ad meum ouitum uendant Iohanne filio quidam domini Gregorii magnifici et Aligerno filio idem domini Aligerni simul et Petro filio quidam Leoni. Hoc est integra portione mea quantum me in portione tetigit de terras positas Foris Gripta et caballum meum. Et cui uendiderint firmus permaneat in perpetuum et pretium quem exinde tulerint quatuor solidos exinde dent ad Aligernum et Anna germana bernaculis meis : reliquos autem distribuant pro anima mea per sacerdotes et pauperum fratrum Christi ubi ipsi preuiderint. 381.  Par exemple, le testament de Gregorius, uir magnificus (CDC, vol. I, 143 – 1024), fixe des donations en numéraire pour un montant total de 10 livres, soit 3,2 kg d’argent, dont la moitié pour des messes d’obit, le reste se répartissant entre l’évêché de Gaète et sa congrégation, une église et cinq monastères. 382.  MND, vol. II/1, 82 – 954 : l’abbé du monastère des Saints-Séverin-et-Sossius doit opérer un choix parmi les terres des donateurs situées à Ercica, près du Vésuve.

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et alité, Léon, fils de Jean Caracius, rédige à Gaète son testament. Cinq témoins, peutêtre les distributores, sont convoqués : Jean, abbé du monastère Saint-Théodore-etSaint-Martin, Campulus, fils de Jean Lanciacane, Léon Puntulus et Marinus, parents du testateur, et Docibilis, fils de Jean Pica. Les volontés du mourant sont exprimées avec l’accord de son épouse, Matrona, qui reçoit l’essentiel de ses biens avec libre disposition d’une vigne et de sa maison383. Deux proches reçoivent des biens précis : sa « fille spirituelle » Blatta obtient une livre d’argent et Jean Gutius, son clientulus, une terre et la liberté à la mort de Matrona384. Le testateur ne semble donc pas avoir de descendance directe. Les legs pieux se répartissent entre deux livres d’argent pro anima sans autre précision, trois livres d’argent à la « Fraternité de l’évêché », sans doute une confrérie qui prie pour les défunts385, à la mort de son épouse Matrona pour le salut de l’âme des deux époux, deux curtes au monastère Saint-Théodore de Gaète pour le salut de leur âme ainsi que des commémorations familiales le jour de la saint Benoît et de la saint Nicolas (en mars et en décembre), une autre curtis à l’église Saint-Martin pro anima à condition que le desservant applique les engagements prévus par une précédente charte de donation386. Une dernière curtis est donnée pro anima au

383.  CDC, vol. II, 234 – 1067 : Similiter uolo ac iubeo ut dicta domna Matrona uxor mea fiat domna hac domina de omnibus rebus et substantie mee cunctis dierum uite sue, tam de intram ciuitatem quam extra ciuitatem. Per hec talem hordine ut da die presenti licentiam et potestatum optineat de ipsa uinea de uindici et de ipsa domum cum omnibus hibidem intus habentibus mobile uel inmobile ad faciendum et iudicandum quodcumque facere uel iudicare uoluerit. 384.  Ibid. : una ad Blatta spiritualem filia meam. Itemque uolo ac iubeo ut Iohanni Gutium clientu­ lus meus habeat da die presenti in benedictione inclite tres modia de terram de Trimenzulu et ipsa terrula da foris porta ad faciendum quodcumque ille facere uel iudicare uoluerit et deseruiant ad dicta domna Matrona uxor mea cunctis dierum uite sue. Post hobitum uero de dicta domna Matrona uxor mea uadat liberum et absolutum ab omni iugo seruitutis. 385.  Voir p. 322 et suivantes. 386.  CDC, vol. II, 234 – 1067 : Tantummodo ad diem hobitum sui surgat exhinde inclite libre quatuor de argentum qui uadat pro anima mea et anima sua, tres in ipsa fraternitate de episcopio […]. Volo itaque atque confirmo ut post hobitum de dicta Matrona uxor mea uadat pro anima mea et anima sua tota et inclita ipsa curte de Costranu et tota et inclita ipsa curte de ipsa Bellota in monasterio sancti Theodori pro eo ut omnique anno in die sancti Benedicti et in die festiuitatis sancti Nycolai faciant annibersarium pro anima dicti Iohannis genitori meo et anima mea et de dicta Matrona uxor mea et pro ipsi defuncti quomodo ego omni tempore consuetus sum facere tam dicto domno Iohannes abbas quam et omnes eius posteris successores qui in dicto cenouio esse videtur. Similiter uolo hac iubeo ut post hobitum de dicta Matrona uxor mea uadat pro anima mea et animam suam tota et inclita ipsa mea portio de ipsa curte de Pedemonte et dicitur Campu Maiore in ecclesia sancti Martini aqua mondula per talem uero hordine sicuti ipsa chartula mee offertionis hibidem declarant. […] Itemque dico atque confirmo de ipsa offertione de dicta ecclesia sancti Martini aquamendola ut si rectorem qui ibidem officiant et non adhimpleuerint qualiter ipsa chartula offertionis declarant cunctis dierum uite de dicta Matrona uxor mea. Tunc ipsa chartula fiat inanis et uacua et deueniat ipsa curte in potestate de dicta Matrona uxor mea ad faciendum quodcumque illi facere et iudicare uoluerit.

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monastère du Saint-Ange de Gaète, à la mort de son épouse, ainsi qu’une vigne et une terre à la chapelle Saint-Georges de la cathédrale387. Les dons sont exprimés à la fois en argent et en biens fonciers. L’état physique du testateur, apparemment très diminué, explique peut-être cette originalité. Le testament montre la complexité des donations foncières, prises dans des questions d’usufruit, d’échange et de partage. Une charte précédente semble avoir réglé une donation foncière assortie de demandes précises auxquelles il est fait allusion. Les donations peuvent être conditionnées à l’application des volontés du testateur, sinon le bien est retiré au bénéficiaire, l’épouse du donateur se chargeant en ce cas de la surveillance et de la récupération de la terre. La variété des bénéficiaires est importante. Certains testaments ventilent davantage encore les legs pieux, comme celui, en 1024, du uir magnificus Gregorius, apparemment sans enfant, où dix monastères, églises et congrégations sont mentionnés388. Les dons sont destinés à des églises et des monastères, parfois des prêtres. Les donateurs s’adressent en priorité aux « professionnels » de la prière, aux institutions spécialisées dans la commémoration des morts389. Le don de ses habits, moins souvent exprimé, reste secondaire. En revanche, l’offrande de tissus pour fabriquer des vêtements sacerdotaux revêt une signification religieuse plus forte et participe à l’obsession des fidèles d’approcher le divin dont l’accès direct leur est refusé390. Une fois le fidèle mort, demeurent sa commémoration et sa tombe. Une dernière remarque. Le maintien d’une tradition de droit écrit explique la permanence des donations par le biais testamentaire. Alors qu’ailleurs, en Occident, les donations pieuses se généralisent au détriment des legs testamentaires, ce n’est pas le cas dans les duchés tyrrhéniens391.

387.  Ibid. : Itemque uolo ut post hobitum de dicta Matrona uxor mea uadat pro anima mea ipsa curte de Trimenzulu in monasterio sancti Angeli istius ciuitatis excepto ipsa dicta tres modia de terra quod in benedictione dedimus ad dictus Iohannes famulus nostrum et excepto ipso concambium quod fecimus cum Iohanni filio domni Docibili. Volo itaque atque confirmo ut post obitum de dicta Matrona uxor mea uadat pro anima nostra in ipso uocabulo sancti Georgii de Sancti Saluatori ipsa portione mea de uinea et terram de Conca et ipso concambium de Trimenzulu quod fecimus cum Iohanni filio domni Docibili. 388.  CDC, vol. I, 143 – 1024. 389.  Voir p. 382 et suivantes. 390.  CDC, vol. I, 153 – 1028 : Constantin offre un manteau en soie de Gaète à la cathédrale de la ville pour fabriquer des vêtements liturgiques (Similiter uolo hac iubeo ut ipsa fondata mea serica bona gaytanisca una cum ipsa mea lista fresata ad auro post meum obitum detur ille pro redemptionis anime mee ad faciendum exinde planeta in ecclesia episcopio sancte Dei genitricis et uirginis Marie). Un don similaire est effectué à l’église Saint-Blaise. 391.  Si la pratique testamentaire, inspirée du modèle romain et transformée par les influences germaniques, permet de satisfaire la volonté des puissants de se dépouiller de leurs biens seulement après la mort, cette forme codifiée et retardée du don charitable est moins recherchée par les établissements

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Recevoir une sépulture Entre le vie et le ixe siècle, les sources présentent un aperçu furtif des rites funéraires en Campanie. Dans sa correspondance, Grégoire le Grand insiste sur la nécessité d’empêcher les fidèles d’être inhumés dans les monastères392. Au ixe  siècle, les Gesta soulignent l’importance des cimetières extra-urbains au sein de l’espace religieux de la cité. Mais l’époque de rédaction des Gesta semble correspondre à la fin des cimetières extra-urbains comme lieu privilégié d’inhumation des Napolitains, alors que l’évêque Jean IV décide de transférer les corps de ses prédécesseurs dans la cathédrale de la ville393. Une tendance se dessine au haut Moyen Âge, manifeste pour les évêques de Naples, à déserter les espaces cémétériaux extra-urbains pour des lieux d’inhumation sis à l’intérieur des remparts de la ville394. Les événements politiques, l’évolution des réseaux

religieux qui en sont pourtant les bénéficiaires, autant par crainte d’une possible annulation des dispositions qu’en raison des difficultés pour prendre possession du legs : voir Lesne, Histoire de la propriété ecclésiastique, vol. I, p. 163-164. 392.  Voir p. 80-81 ; Grégoire le Grand, Epistulae, éd. Ewald et Hartmann, I, 52 – juillet  591 : et in monasterio suo uult ipsa sanctuaria collocari, ideoque ad praedictum monasterium te iubemus accedere et, si ibidem nullum corpus constat humatum, praedicta sanctuaria sollemniter collocabis, ut deuotionis suae potiatur effectu. 393.  Arthur, Naples, from Roman Town to City-State, p. 56. 394.  De manière plus générale, voir Lauwers, Naissance du cimetière, p. 24-30, qui situe aux ve siècle en ville et aux viie-viiie siècles dans le monde rural le déplacement des sépultures, dans un cas auprès des églises urbaines au point d’imposer à l’épiscopat carolingien de limiter les inhumations ad sanctos, dans l’autre cas par abandon des nécropoles de plein champ et regroupement des tombes autour d’un lieu de culte. Pour l’aspect topographique des inhumations, nous renvoyons à des ouvrages collectifs relativement récents parmi lesquels nous indiquons les contributions suivantes : Galinié, « Le passage de la nécropole au cimetière », p. 20, qui attribue aux communautés religieuses un rôle pionnier d’humanisation des espaces cémétériaux par leur intégration progressive aux monastères suburbains ; Treffort, « Du cimiterium christianorum au cimetière paroissial », p. 57-58, qui situe au vie  siècle en Gaule l’inhumation des morts au milieu des vivants ; Ead., L’Église caro­ lingienne et la mort, p. 133-137 où l’auteur précise que si l’Italie et la Provence voient se multipler les sépultures intra muros dès le vie  siècle (voir Wood, « Sépultures ecclésiastiques et sénatoriales », p. 18-19), il faut cependant attendre le siècle suivant pour constater la propagation de ce phénomène dans le monde franc. Dans cette zone où, à l’imitation des Carolingiens, les aristocrates contribuent, par souci de promotion lignagère, à répandre le modèle d’inhumation à l’intérieur des lieux de culte, même s’il requiert en principe l’accord des autorités ecclésiastiques : voir La Rocca, « Le élites, chiese e sepolture familiari », p. 267-269 ; Hartmann, « Bestattungen und Bestattungsrituale », p. 127-143 qui, s’il ne remet pas en cause le processus de relocalisation des espaces funéraires matérialisé par l’abandon des nécropoles antiques situées à la périphérie et la centralité des cimetières médiévaux, souligne l’opposition de l’Église carolingienne aux inhumations dans les lieux de culte.

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urbain et ecclésiastique tendent à le confirmer. L’abandon de Formies pour Gaète, au ixe siècle, doit marquer l’abandon concomitant des lieux de sépulture sur le site395. Reflets du quotidien même après la mort, les actes notariés abordent la question des obsèques et de la sépulture. Une vingtaine de documents ont été conservés à ce sujet. Les fidèles ne souhaitent pas bénéficier à titre posthume de la protection des murailles, mais être enterrés au plus près d’une église, voire d’un monastère. Les documents suivent la tendance observée dans les Gesta et montrent, parmi les fidèles, l’imitation des évêques et des sphères dirigeantes. Les rares inscriptions conservées attestent la présence des sépultures des ducs de Naples ou de Gaète à l’intérieur d’églises de leur duché396. À Gaète, la cathédrale abrite, jusqu’au xviiie siècle, la tombe du duc Jean Ier (867-934)397. À Naples, des inscriptions ornent des sépultures ducales dans l’église Saint-Janvier extra moenia avant le ixe siècle398. En revanche, une autre épitaphe mentionne l’inhumation du duc Bonus (832-834) dans l’église Sainte-Marie ad Plateam, à l’intérieur de Naples399. C’est donc au ixe siècle que l’inhumation en ville devient courante à Naples.

395. Voir Ciampani, L’ex cattedrale di S. Erasmo, p. 39 et 96-97, où l’auteur constate que les inhumations pratiquées dans la cathédrale datent, pour les plus tardives d’entre elles, de la fin du viiie ou du début du ixe siècle ; de même, Miele et Frecentese, Formia, p. 82-83. 396.  Voir en particulier l’étude malheureusement inaccessible de Russo-Mailer, Il senso medie­ vale della morte ; de manière plus large, voir l’étude épigraphique de Treffort, Mémoires carolin­ giennes, p. 294 et 299 : « Dans la finalité de l’oraison, il n’y a aucune différence entre celle que sollicite l’inscription funéraire et celle qu’élève le prêtre à l’autel. En revanche, le dynamisme de la prière induit par les témoignages épigraphiques suggère ou suppose l’existence d’une communauté de fidèles partageant les mêmes valeurs, la même conviction quant à l’utilité de la prière pour les morts et la conscience d’une nécessaire solidarité […] En cela, la prière épigraphique ne se distingue guère de la participation à la liturgie funéraire ». 397.  CDC, vol. I, p. 134, n. c. 398.  L’intercession du martyr Janvier est invoquée par l’épitaphe acrostiche de Caesarius, duc de Naples (677-684), dans MND, vol. II/2, p. 218, n° 3, l. 13-15 : hic iam transcenderat annos cum flamen Christo reddidit aethre suum / uita senis tenuis post nati funus acerbum post illum paucis credo diebus eam / lux te praecedat Christi karissime fili sancte Ianuari quod peto posce Deum ; de même l’épitaphe également acrostiche du duc Étienne Ier (684-687), MND, vol. II/2, p. 219, n° 4, l. 3-5 : Expectans uenturum meum de coelis factorem cum fide / promissionis resurrectionisque substinens diem ut Iosep / hace Chr(ist)i martyr Ianuari deposco ut per te meis delictis ignoscat Sabaoth. 399.  L’intercession de la Vierge est invoquée dans l’épitaphe acrostiche du duc Bonus. Voir MND, vol. II/2, p. 220, n° 5, l. 15 : Virgo praecipua mater Domini posce benigna ut sociare dignetur beatorum amoenis locis. D’autres inscriptions funéraires, qui n’appartiennent peut-être pas toutes à la période ducale, attestent l’inhumation de notables napolitains dans ou à proximité de plusieurs églises de Naples et de ses environs, voir MND, vol. II/2, p. 220, n°  6 (basilique Saint-Jean-Majeur), p. 221, n° 7 et p. 224, n°  11 (église Saint-André ad Nidum), p. 221, n° 8 (cathédrale S. Restituta), p. 222, n° 9 (église Saint-Aspren), p. 223, n° 10 (monastère de la Regina coeli), p. 224, n° 12 (basilique Saint-Georges-

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Clercs et moines bénéficient en premier du privilège d’inhumation dans ou à proximité d’une église ou d’un monastère. Un document, daté de 1119, mentionne la concession, par l’évêque Albert de Gaète, du droit de recevoir une sépulture dans le claustrum de la cathédrale à deux sous-diacres en récompense de nombreux services rendus durant les travaux400. L’acte indique la présence d’espaces encore inoccupés à côté de leur sépulture, mais aussi des tombes voisines de frères laïques401. Il s’agit d’une concession à perpétuité, au profit de la famille des sous-diacres402. L’inhumation à l’intérieur de l’espace sacré de l’église ne constitue pas un droit, même pour le clergé cathédral, mais une faveur recherchée. La cathédrale n’est pas seule à accueillir les corps de fidèles. Pour certaines églises privées, les propriétaires évoquent leurs tombes ou accordent le droit au desservant et à sa famille de bénéficier d’une sépulture devant l’édifice403. Plusieurs actes mentionnent

Majeur), p. 224, n° 13 (église Saints-Séverin-et-Sossius), p. 225, n° 14 (église Saints-Pierre-et-Sébastien), p. 225, n°  15 (église Saint-Augustin), p. 225, n°  16 (église Sainte-Marie della Sanità), p. 225, n°  17 et p. 226, n°  18 (église Saints-Jean-et-Paul), p. 226, n°  19 (église Sainte-Marie dei Piscicelli), p. 226, n° 20 (église Saint-André dei Gattoli), p. 226, n° 21 (église Sainte-Marie ad Plateam), p. 227, n° 22-23 et p. 228, n°  24 (basilique Saint-Janvier extra moenia), p. 228, n°  25 (église Saint-Sauveur de l’insula Maris), p. 229, n° 26 et 27 (église Sainte-Marie à Puglianum). 400.  CDC, vol. II, 293 – 1119 : Concedimus uobis licentiam et potestatem locum et terram uacua infra claustra prefati nostri episcopii subtus ipsa camara ad ipse celle de iamdicta nostra ecclesia quod iam uobis cum uestro stipendio constructum habetis sepulchrum. 401.  Ibid. : Et suprascriptum sepulchrum habet has fines ex omni parte. A parte orientis et a parte septentrionis quod est ad pede habet terra uacua de suprascripta ecclesia et uia ab intrandi et exiendi ad ipse jamdicte celle. A parte occidentis habet parietem de ipsa cella de predicta ecclesia. A meridie uero quod est ad caput coniugitur cum sepulchrum de Leoni et Macino Fabafracta ambo germanis fratribus. Autres mentions de sépultures dans l’enceinte de la cathédrale de Gaète, CDC, vol. II, 314 – 1128. 402.  Ibid. : Haec autem iamdictum sepulchrum in predicto loco positum a nobis concessum uobis quoque Stephane et Bone ambo decani nostri episcopii et fideles nostri ubique donauimus ut illud habeatis dominetis ac possideatis ad uestram proprietatem et de uestris heredibus in sempiternum [...]. Unde tri­ buo uobis licentiam habendi, tenendi, possidendi, donandi, commutandi, alienandi uestrisque heredibus relinquendi et corpora mortuorum ibidem sepeliendi qualia uobis uestrisque heredibus placet. D’autres actes de Gaète évoquent la sépulture de laïcs dans l’enceinte ou à proximité de la cathédrale. Voir CDC, vol. I, 191 – 1052 ; CDC, vol. II, 283 – 1108 ; CDC, vol. II, 314 – 1128. 403.  RNAM, vol. IV, 333 – 1027 : etiam et repromittimus tibi ut nos et posteris nostris tibi facere debeamus at omni nostro expendio una sepulturia hante regia ex ipsa ecclesia pro corposculum tuum sepe­ liendum, et si illa non fecerimus licentia abeatis uos facere sepelire in ille alie sepulturie que facte abetis de antea in memorata ecclesia absque omni contrarietatem, et si uite tue mortuus fueris de casa tua siue mas­ culus aut femines licentiam abeatis illos sepelire in memorate sepulturie que ibi facte abetis ut super legitur sine omni contrarietatem. Allusion à la sépulture de propriétaires d’une église privée : RNAM, vol. IV, 339 – 1028 ; RNAM, vol. V, 474 – 1094 ; à Amalfi dans CP, 120 – 1049.

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l’enterrement dans un établissement religieux. Privilège d’abord réservé aux moines eux-mêmes, il est convoité par les fidèles qui souhaitent recevoir une sépulture comme les moines, auprès des moines. En 1108, Pierre prévoit d’entrer au monastère des Saints-Séverin-et-Sossius mais, s’il meurt avant d’avoir revêtu l’habit monastique, l’abbé s’engage à lui accorder un traitement funéraire semblable à celui des frères404. Un cas original est mentionné dans un document de 968. La moniale Theodota de­ mande que son corps soit enseveli dans le monastère des Saints-Séverin-et-Sossius405, un établissement masculin. On ignore les raisons qui incitent la moniale à être enterrée dans ce monastère et non dans le sien. Le prestige de l’établissement joue un rôle et, peut-être, le soin des moines à commémorer les morts. Comme pour les églises, l’inhumation n’est pas réservée aux moines et moniales, mais elle constitue aussi un privilège. La Napolitaine Marocta demande, par testament, à bénéficier d’une sépulture cum arcum, c’est-à-dire en « arcosolie », dans le monastère des Saints-Séverin-et-Sossius dont l’abbé Caesarius est son cousin. Les relations familiales et sociales semblent jouer ici un rôle non négligeable406. Une sépulture dans un espace consacré n’est pas gratuite. Pour la cathédrale de Gaète, on parle d’une redevance, un census, équivalant à une mesure d’huile (cafisa) perçue pour le luminaire407. En 964, le prêtre de l’église de l’Archange-Saint-Michel, située à l’extérieur des murailles de Naples, vend une parcelle de terre près de l’abside de l’édifice religieux à un particulier pour servir de sépulture à lui et à sa famille  408. Pour chaque corps enseveli une taxe doit être perçue pour le luminaire. Cette redevance n’a pas un but purement lucratif : elle permet de contribuer à une lourde dépense pour l’église alors que l’entretien du luminaire constitue une demande insistante des fidèles après leur mort, même s’ils ne sont pas inhumés dans l’espace sacré, comme le prouve la coutume du tremissis versé à la cathédrale de Naples.

404.  RNAM, vol. V, 530 – 1108 : Veruntamen per anc chartulam firmastis nobis ut si memorato genitori nostro sibe bita sua uel at suum transitum rem omnem facere uolueris uos et posteris uestris eum monachum facere debeatis et eum ibidem monachum abere debeatis uita sua sicut tenueris monachos ipsius monasterii, similiter et si at suum transitum sibe monachum se facere uoluerit aut si antea eum mors preoccupaberis, tunc at suum transitum eum recipere debeatis, et uos eum intus memorato uestro monasterio sepelire debeatis in bice monachi sicut ceteris monachis memorati uestri monasterii asque omni amaricatione. 405.  MND, vol. II/1, 164 – 968. 406.  RNAM, vol. VI, 579 – 1120. Autre exemple d’inhumations de laïcs dans un monastère à Gaète dans CDC, vol. I, 143 – 1024 ; CDC, vol. II, 328 – 1135 ; à Amalfi dans CP, 112 – 1125. 407.  CDC, vol. II, 293 – 1119 : Tantumodo hec anteponimus ut censum quas semper consuetudo esse uidetur persoluere in suprascripto nostro episcopio debeatis per unumquemque corpus quod ibidem humatum fuerit cafisa olei una ; CDC, vol. I, 191 – 1052 : Tantummodo per unumquemque corpus quod ibidem humatum fuerit detur in predicto episcopio luminaria media cafisa. 408.  MND, vol. II/1, 11 – 924.

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Ce n’est pas tant le lieu du dernier repos qui importe aux fidèles, mais les vivants qui s’y trouvent. Inhumé dans une église ou, mieux, dans un monastère, le défunt possède la garantie d’une commémoration de son nom qui contribue à son salut dans l’au-delà.

Entretenir la mémoire des défunts Les considérations qui motivent les legs pieux ou apparaissent dans les testaments restent limitées : il s’agit de dons pro anima. La multiplication des dons et surtout des bénéficiaires obéit à la volonté de multiplier les prières pour l’âme du donateur409. Cela n’empêche pas les testateurs d’être pointilleux et d’établir, par sécurité, un calendrier annuel des prières dont ils doivent bénéficier. En 934, deux frères donnent deux pièces de terre à l’église Saint-Sévère de Naples, certainement en application du testament de leur mère, afin que le prêtre y célèbre des messes commémoratives pendant quarante jours puis chaque semaine, à perpétuité410. En 1036, pour eux et leur famille, le comte et la comtesse d’Ischia prévoient des messes et des prières quotidiennes et perpétuelles, garanties par l’inscription de leurs noms dans les diptyques du monastère bénéficiaire411. La préoccupation essentielle des testateurs et des fidèles est d’obtenir l’assurance de la rémission de leur vie terrestre, par nature pécheresse. Seul le le plus grand nombre possible de prières adressées à Dieu peut contribuer au salut de leur âme. L’inscription dans les diptyques d’un monastère constitue une assurance plus grande encore412. 409.  De manière générale sur la tradition commémorative, voir l’article de synthèse de Oexle, « Memoria und Memorialüberlieferung », p. 70-95, en particulier p. 87-90 sur la notion de prière commémorative comme contre-don religieux et phénomène social de fondation et de consolidation de la communauté entre clercs, moines et laïcs. Sur le plan documentaire, même s’il subsiste quelques documents des xiie-xiiie siècles à Aversa et surtout à Bénévent, les nécrologes, obituaires et autres libri memoriales dont on dispose en Campanie, issus de fonds monastiques et capitulaires principalement, datent pour l’essentiel de la fin du Moyen Âge d’après Vitolo, « Testimonianze commemorative », p. 109-112. Enfin, sur le développement d’un véritable ensemble de prières expiatoires prononcées par les clercs en échange de donations reçues des fidèles, vivants ou morts, voir Angenendt, « Pro vivis et defunctis », p. 568. 410.  RNAM, vol. I/1, 21 – 934 : atamen stetit nobis ut tu a modo et usque in dies quadraginta ad memorata genitrice nostra omnes dies canere debeas exinde missa una ab ipsa denique quadraginta dies hanc perpetuis temporibus tu et posteris tuis ad memoratam genitricem nostram omnes eodommada exinde canere debeatis missa una. 411.  RNAM, vol. IV, 367 – 1036 : Insuper et nobis et at genitoribus seu filiis et nepotibus nostris cotidie commemoratione facere debeatis in uestris sacris orationibus, et per omnes dies quandoque missas in sacros dipticos uestros decantaberitis ibidem nobis dare debeatis tres horationes absque omni pigritia usque in sempiternum. 412. Voir l’article de synthèse de Leclercq, « Diptyque », col.  1050 : « Les diptyques des évêques ont donné naissance au martyrologe, celui des morts au nécrologe, ou obituaire. Ce livre est

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Modèle de vie chrétienne, le moine effectue une double mission. Par sa vie, il s’assure un salut plus certain que ses contemporains. La volonté de revêtir l’habit monastique au seuil de la mort, parfois exprimée dans les testaments ou les donations, prolonge et accentue la volonté de rémission des péchés commis durant la vie laïque. Quand il semble déjà trop tard, l’espoir du salut demeure dans l’intercession non seulement des saints, mais encore des clercs et surtout des moines dont la vie de perfection annonce l’au-delà. Obtenir leurs prières et s’associer à eux constituent une priorité spirituelle. Le souci constant des fidèles est alors d’obtenir l’assurance d’une participation à leur salut à l’instant de leur mort. Les obsèques en constituent la première étape. Pourtant, on n’y trouve aucune allusion ou presque dans les actes. Dans son testament, en 960, Marocta menace le clergé de l’Église de Naples d’être privé de l’argent tiré de la vente de son stagnatum s’il ne vient pas à ses obsèques413. L’absence de prières des clercs inquiète la testatrice, mais la présence du clergé aux obsèques ne semble ni obligatoire ni évidente. Cela constitue peut-être une explication à l’extrême rareté des allusions à cette cérémonie. Réglée par la famille, la cérémonie funèbre constitue un simple rite d’enterrement en présence d’un prêtre414. Il paraît cependant douteux que la demande de Marocta constitue un cas isolé. Les confraternités de laïcs jouent un rôle essentiel, mais qui apparaît de manière détournée dans les actes de la pratique. Le cas des congrégations sacerdotales et leur

encore appelé Liber uitae ». Les libri uitae, dont les exemplaires les plus anciens datent de l’époque carolingienne, sont antérieurs aux nécrologes et s’en distinguent par leur association des morts aux vivants commémorés ensemble durant l’office. Voir Huyghebaert, Les documents nécrologiques, p. 13-16. Cet ouvrage a bénéficié d’une mise à jour bibliographique et de précisions par Lemaître, Les documents nécrologiques : mise à jour, p. 10 où l’auteur rappelle en particulier qu’il ne subsiste qu’une vingtaine de libri uitae contre une centaine de rouleaux des morts et des milliers de nécrologes et d’obituaires ; Id., « Aux origines de la commémoration collective », p. 227, qui interprète le développement de la commémoration des défunts à la lumière du changement de supports de conservation, d’abord les diptyques gravés (voir Treffort, Mémoires carolingiennes, p. 77-83) ou complétés par des feuillets de parchemin, ensuite les annotations sur les sacramentaires et les missels donnant naissance à des nécrologes. Pour un exemple d’obituaire napolitain, certes compilé au xve siècle mais d’après une documentation remontant pour partie à l’époque ducale et provenant du couvent féminin des Saints-Nicandre-et-Marcien, voir Gallo, « L’obituario del Monastero », p. 34-39 sur l’omniprésence dans ce document, fort ancienne mais non surprenante, des abbesses et de moniales. Par comparaison, la situation est identique à la même époque dans le nord de la Gaule : voir Demouy, « Recherche d’une comptabilité de l’au-delà », p. 95-105. 413.  RNAM, vol. I/2, 88 – 960 : Dispono in quid stagnatum meum ut sit de memorata filia mea super partem si in obsequia mea non benerit ille clero et si ipse clero benerit in obsequia mea tunc ipse igumenus et memoratus Iohannes herarius exadelfo meo distributoribus meis uenundetur memoratum stagnatum et pargientur ipsum clerum. Autres allusions à des obsèques RNAM, vol. IV, 329 – 1026. 414.  Sur les rites funéraires du Moyen Âge, voir supra n. 364.

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mission dans la liturgie des morts ont été abordés415. Une institution distincte, les confraternités, est attestée dans les duchés tyrrhéniens et en pays lombard. Les confra­ ternités sont des associations pieuses de laïcs rattachées à une église, parfois un monastère ou une église privée416. À Naples, les confraternités apparaissent sous un vocable original, celui de staurita, terme formé sur le grec σταυρός, et qui correspond, dans l’Orient grec, aux groupes de laïcs dévots connus dans l’Antiquité tardive417. D’inspiration grec, la staurita tire peut-être son nom du porteur de croix, figure emblématique de la confraternité418. La première mention d’une confraternité remonte au début du xe  siècle avec la staurita de l’église de l’Archange-Saint-Michel, située dans la région du port, hors de l’enceinte419. Une dizaine d’associations de ce type sont mentionnées dans le duché de Naples aux xe-xie siècles420. Les actes fournissent quelques précisions qui permettent de différencier les stauritae des congrégations sacerdotales. Pour la basilique SaintGeorges-Majeur, une staurita coexiste avec une congrégation. En 957, le responsable de la staurita de ce lieu de culte échange une terre avec celui de la congrégation dite de la sexta feria, liée à la même basilique421. La composition des deux associations

415.  Voir p. 382 et suivantes. 416.  Sur les confréries pieuses laïques dans le sud de la péninsule, voir Vitolo, Istituzioni ecclesiasti­

che, p. 7-8 où l’auteur, après avoir défini ces confraternités ou chartulae fraternitatis comme des associations permettant aux bienfaiteurs laïques de bénéficier des prières et des célébrations liturgiques d’un monastère ou d’une église, étudie deux actes napolitains (MND, vol. II/1, 137 – 964 ; ibid., 514 – 1073) dans lesquels des femmes, sans doute toutes les deux veuves (le second cas est moins certain que le premier), demandent chacune l’inscription de leurs noms ou ceux de proches dans les chartulae de deux ou trois églises de Naples. L’auteur suppose que les chartulae fraternitatis devaient exister dans toutes les églises de l’Italie méridionale avant la conquête normande, en particulier dans les églises associées à des monastères. 417.  En Orient, les associations, plutôt que les confréries, de pieux laïcs liées au service, voire placées sous l’autorité d’un établissement religieux, comme les parabalanoi, les philoponoi ou les spoudaioi, sont attestées à l’époque protobyzantine surtout : voir Dagron, « “Ainsi rien n’échappera à la réglementation” », p.  155-182, ici p. 175-180 ; Horden, « The confraternities of Byzantium », p. 36-43. 418.  Arnaldi et Smiraglia, Latinitatis Italicae Medii Aevi Lexicon, p. 789. 419.  MND, vol. II/1, 11 – 924. 420.  Hormis la staurita de l’église de l’Archange-Michel, voir MND, vol. II/1, 100 –957 ; RNAM, vol. IV, 267 – 1003 ; RNAM, vol. V, 465 – 1058 (Saint-Georges-Majeur) ; RNAM, vol. I/2, 99 – 962 (Saint-Étienne ad Meiana) ; RNAM, vol. IV, 283 – 1011 (Sainte-Marie-Mère-de-Dieu ou de domino Adriano) ; RNAM, vol. IV, 295 – 1016 (Saint-Étienne ad Actone) ; RNAM, vol. IV, 314 – 1019 ou 1020 (église détruite autrefois appelée Saint-Pierre-Apôtre-du-Christ dans le lieudit Calistum foris flubeum territorio Plagiense) ; RNAM, vol. IV, 358 – 1033 ; RNAM, vol. V, 401 – 1058 (Saint-Sossius) ; RNAM, vol. IV, 358 – 1033 ; RNAM, vol. V, 401 – 1058 (Saint-Sauveur de Piscinule). Leur nombre total doit être assurément plus élevé que ces mentions. 421.  MND, vol. II/1, 100 – 957.

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est éloquente : alors que les congrégations sont en majorité composées de prêtres, les stauritae ont des laïcs à leur tête : la confraternité de la basilique Saint-GeorgesMajeur est représentée par l’archiprimicier Théodore, sa congrégation sacerdotale par le prêtre et primicier Pierre422. Les deux associations possèdent toutefois des biens fonciers en commun et peuvent être représentées par la même personne pour certaines transactions423. À la différence des congrégations de prêtres, un nombre important de stauritae est attesté hors de Naples. En raison de leur composition cléricale, il est difficile pour les congrégations dites sacerdotales de pouvoir fonctionner en dehors des villes, seul endroit où il est possible de réunir, sans difficulté et avec régularité, plusieurs prêtres. Le problème se pose moins pour les confraternités de laïcs, ce qui permet la consti­tu­ tion de stauritae dans des lieux moins peuplés et plus éloignés, c’est-à-dire desservis par un réseau ecclésiastique lâche. Les actes napolitains des xe-xie  siècles livrent peu d’informations sur le fonctionnement des confraternités laïques. Un seul acte, daté de 1019 ou 1020, précise les conditions de fondation de l’association. Il s’agit d’un contrat établi entre deux co-propriétaires d’une église de Saint-Pierre en ruine à Calistum (ou Calistrum), dans la région du Vésuve. Dans l’éventualité de l’établissement d’une staurita plebis, les propriétaires s’engagent à se concerter et suivre le modèle des autres confraternités424. Précieuses, ces informations attestent l’existence de nombreuses stauritae que les sources conservées ignorent, et mettent en lumière l’initiative des propriétaires d’église pour établir une confraternité. On ignore en revanche la procédure suivie quand la staurita dépend d’une église publique ou d’un monastère. Un document, postérieur à la période étudiée, livre des détails exceptionnels sur le fonctionnement de ces institutions. Un acte d’engagement ou chartula promissionis est établi en 1179, soit sous la domination normande, par les membres d’une association appelée congregatio et confraternitas425, qui dépend du monastère

422.  RNAM, vol. IV, 267 – 1003, la congrégation et la staurita de la basilique Saint-GeorgesMajeur sont distinguées, mais représentées par la même personne, le prêtre et primicier Sparanus qui agit en leur nom : Certum est nos Sparanum humilem presbyterum et primicerio congregationis charta sexta feria ecclesia sancti Georgii catholice maioris quod est ecclesia Sebriane una cum nostra congregatione sacerdotum memorate charte, quamque et cunta stauritas pleui memorate ecclesie. 423.  RNAM, vol. IV, 267 – 1003 ; RNAM, vol. V, 465 – 1093. 424.  RNAM, vol. IV, 314 – 1019 ou 1020 : actamen et firmamus ut si aliquando tempore in ipsa ecclesia stauritas plebis facere et abere potuerimus a tunc ambas partes illas ibi facere debeamus, et sic nos et heredibus nostris cum ipse staurite facere debeamus sicuti faciunt aliis domninis de aliis ecclesiis de foris cum suis staurites. 425.  Minieri Riccio, Saggio di codice diplomatico, p. 16-20, n° 11.

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du Sauveur in insula Maris426. Elle rassemble douze  prêtres et quarante-quatre  laïcs avec à sa tête deux primicerii, un prêtre et un laïc, d’où l’utilisation conjointe des termes « congrégation » et « confraternité ». La confraternité se place sous l’autorité de l’abbé du monastère et s’installe dans une église que le monastère lui confie427. Outre les obligations réciproques que se doivent le monastère et la confraternité428, la mission essentielle de cette institution consiste à assurer une sépulture et des messes commémoratives pour ses membres. Ces messes interviennent après la mort du fidèle, mais on constate aussi la célébration de six messes hebdomadaires pour les vivants et les morts. La pratique de l’aumône est assurée deux jours par semaine. Le financement repose sur une participation versée par les membres, une part de l’héritage des défunts et un patrimoine foncier géré par la confraternité. Le document permet de distinguer les fonctions des congrégations, davantage centrées sur la liturgie des défunts, de celles des confraternités qui collectent les fonds et assurent l’entretien et le fonctionnement.

426.  Ce monastère est désormais rattaché à celui de Saint-Pierre. Ibid., p. 16 : salutifera chartula congregationis et fraternitatis iuris propria de monasterio Domini et Saluatoris Ihesu Christi Insule Maris quod nunc congregatum est in monasterio ecclesie beatissimi Petri Christi apostoli de intus distructo castro Lucculano. 427.  Il s’agit de l’église Saint-Barthélemy, située dans un uicus près de la basilique Saint-JeanMajeur, à Naples. Ibid., p. 17 : intus illum ortum de terra iuris ipsius congregationis et fraternitatis quod ipsum ortum antea fuit memorati uestri monasterii, positum uero intus anc ciuitatem Neapolis iusta uico qui descendit da curte ecclesie Sancti Iohannis catholice maioris ad platea pubblici regione media, quod ipsum ortum uos nobis et per nos in ipsa congregatione et fraternitate iuris memorati uestri monasterii ; commutastis per firmissima chartula commuationis quam aput nos abemus cum alium quod ipsa chartula commutationis continet : in quo intus ipsum ortum quod uos nobis commutastis et constituta ecclesia uoca­ bulo beatissimi Bartholomei Christi apostoli cum cellis et abitationibus suis quod simul iterum uos nobis commatastis per ipsa firmissima chartula commutationis ut superius legitur. 428.  Parmi les obligations contractuelles figure le droit accordé à l’abbé de désigner les primicerii placés à la tête de la confraternité. Ibid., p. 18 : quando hobierit primicerium de ipsis presbiteris, tunc uos et posteris uestris et ipsum sanctum uestrum monasterium adunare faciatis presbiteris qui tunc ibidem copulati fuerint, et elebare et facere debeatis uos et posteri uestri et memoratum sancum uestrum monas­ terium una cum ipsi presbiteris primicerium presbiter quae uobis uestrisque posteris et ad ipsum sanctum uestrum monasterium placuerit ; iterum et quando obierit primicerium de ipsi layci, tunc uos et posterius uestris et memoratum sanctum uestrum monasterium adunare faciatis presbiteris et laycis qui tunc ibidem copulati fuerint, et elebare et facere debeatis uos et posteri uestri et ipsum sanctum uestrum monasterium cum ipsi presbiteris et laycis primicerium laycum quale uobis uestrisque posteris et ad ipsu sanctum uestrum monasterium placuerit.

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TROISIÈME PARTIE  •  LA VIE RELIGIEUSE DES FIDÈLES

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Dans la société de l’Antiquité tardive et du haut Moyen Âge, de la naissance à la mort, les hommes et les femmes envisagent leur existence dans une perspective religieuse rappelée à chaque événement majeur de la vie. Pourtant, dans un monde longtemps attaché à la romanité, des signes de sécularité perdurent. Certes, la prépondérance des sources notariales dans la documentation entraîne une déformation de la réalité par une judiciarisation du quotidien, mais la naissance, le mariage et les arbitrages patrimoniaux des individus n’obéissent pas seulement à des considérations religieuses. Les comportements sociaux reflètent autant, sinon plus, la place de l’homme ou de la femme dans la société séculière que l’idéal de communauté chrétienne. À la lumière des actes, les mentalités religieuses paraissent déterminées par la position de chaque individu ou groupe. Inconnue au moment où les Normands s’emparent des derniers territoires du littoral, au début du xiie siècle, la société féodale n’oriente pas encore les démarches spirituelles des habitants des duchés tyrrhéniens longtemps ancrées dans le monde antique. La vie religieuse, révélée par Grégoire le Grand à l’aube du Moyen Âge, apparaît en pleine lumière dans les sources étudiées. La quête du salut dicte les actes religieux de chacun, et la préoccupation de l’au-delà occupe une place centrale dans la documentation quotidienne des actes de la pratique. Davantage que les autres moments de la vie, la mort détermine les comportements religieux, voire sociaux, jusqu’au xiie siècle.

CONCLUSION Au moment où Roger II de Sicile entre dans Naples et place l’ensemble de l’Italie méridionale sous sa couronne, les structures religieuses des duchés tyrrhéniens sont médiévales. Il serait anachronique et erroné de prétendre que, sous prétexte d’avoir échappé à la domination lombarde, Naples, Gaète ou Amalfi ont conservé pendant six cents ans une organisation religieuse archaïque, davantage liée à l’Antiquité qu’au Moyen Âge. La correspondance de Grégoire le Grand dépeint une période de transformation brutale qui affecte l’ensemble de la péninsule et touche sa partie méridionale avec une force inaccoutumée. L’organisation ecclésiastique, établie depuis la paix de l’Église en 313, disparaît à jamais entre le vie et le xiie siècle. Confronté à un monde qui s’écroule sous ses yeux, Grégoire le Grand s’évertue, d’après sa correspondance, à préserver ou sauver ce qui peut encore l’être. Pasteur d’une Église en péril, il nomme des visiteurs à la tête des évêchés sans prélat, réunit des diocèses pour les renforcer, s’inquiète de la menace qui pèse sur les patrimoines ecclésiastiques, en premier lieu celui de la papauté. Le littoral est moins touché par la guerre que l’intérieur, mais n’échappe pas aux bouleversements. Menacées sans être conquises, les cités maritimes, Naples au premier chef, conservent des structures ecclésiastiques ou monastiques ailleurs disparues. Le réseau ecclésial subsiste, voire se renforce de l’afflux de réfugiés, laïcs et clercs, mais aussi de moines repliés vers la Campanie maritime, terre d’élection du monachisme. Tandis que l’entrée dans le Moyen Âge marque un déclin des cités, le caractère urbain des structures religieuses se renforce sur le littoral campanien au vie siècle. À l’instar des populations, les monastères trouvent refuge derrière les murailles les plus solides. De fait, les petits centres urbains, plus exposés, sont délaissés et déclassés au profit des cités plus puissantes. L’affirmation de Naples comme métropole régionale s’opère à ce moment. Cette promotion, urbaine et politique, trouve sa correspondance dans le domaine religieux. Dès le début du Moyen Âge, la ville possède un réseau ecclésiastique et monastique sans équivalent dans l’Italie méridionale. Jusqu’à la fin de l’Antiquité, la Campanie reste sous l’influence directe de l’Église romaine. Le haut Moyen Âge constitue encore, de ce point de vue, une époque nouvelle. La relative stabilité politique de la région, à partir de la seconde moitié du viie siècle, place les cités du littoral tyrrhénien à la croisée de plusieurs influences. La restau­ ration de l’autorité byzantine fait renaître un courant hellénisant presque disparu. Aux franges de l’empire, Naples entretient des liens culturels étroits avec le monde byzantin. Célèbre pour son école de traduction hagiographique, la ville accueille

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notamment des communautés de moines grecs, originalité seulement partagée avec Rome dans l’Italie latine. L’influence religieuse byzantine demeure cependant superficielle. Les différences avec les structures ecclésiastiques et monastiques des territoires lombards sont également manifestes. Si le phénomène des églises privées touche les États maritimes, il s’épanouit davantage dans un cadre urbain que rural et assure des fonctions religieuses différentes. Toujours maintenu, le lien avec Rome demeure le plus fort. Soumis hiérarchiquement au siège métropolitain romain jusqu’à la seconde moitié du xe  siècle, les évêchés des duchés tyrrhéniens entretiennent des relations privilégiées avec la papauté. Même le système des diaconies, d’inspiration orientale, imite Rome, qui reste le modèle religieux par excellence. La chronique des évêques napolitains, au ixe  siècle, le montre à merveille. La promotion de plusieurs évêchés au rang de métropole, dans la seconde moitié du xe  siècle, ne diminue pas cette dépendance. Proches de la Ville, exiguës et sans tradition régionale, les nouvelles provinces ecclésiastiques ne sont pas en mesure d’acquérir une indépendance et un fonctionnement comparables à Milan ou aux métropoles extérieures à l’Italie. Le découpage de l’ancienne Italie suburbicaire obéit à des considérations politiques et se justifie peu du point de vue religieux. Alors que l’influence spirituelle de Rome prédomine, son emprise patrimoniale disparaît au cours du haut Moyen Âge. La rupture avec l’Antiquité est de nouveau manifeste. Il ne faut en aucun cas voir dans les duchés tyrrhéniens d’irréductibles conservatoires d’un monde antique ailleurs disparu. Pourtant, la correspondance de Grégoire le Grand laisse croire, à la fin du vie siècle, à la préservation du patrimoine de saint Pierre sur le littoral alors qu’à l’intérieur des terres les Lombards opèrent une spoliation en règle. Mais le processus semble inéluctable : obligés de déléguer la gestion de leur patrimoine à des potentats locaux, les papes se dessaisissent du contrôle direct de leurs propriétés, prélude à leur captation par les souverains de Naples ou de Gaète. La médiocrité du temporel des Églises constitue une autre caractéristique de la région. Elle s’explique par la préservation d’une forte densité d’évêchés, mais aussi par la confusion entre domaines public et ecclésiastique. L’État semble avoir remplacé le patrimoine romain, concurrent du temporel des Églises dans l’Antiquité tardive. Le nombre important de monastères, leur caractère plus urbain que rural, limitent tout autant l’ampleur de leurs domaines. Jamais dans les duchés tyrrhéniens ne se met en place un ensemble foncier comparable à celui du Mont-Cassin ou de Saint-Vincentau-Volturne. Il faut attendre la séparation d’Aversa du duché de Naples pour qu’un monastère de la ville, consacré à saint Laurent, acquière un patrimoine foncier comparable à ces grands établissements religieux grâce à la bienfaisance des comtes normands de la cité. Au début du xiie  siècle, il ne subsiste plus rien des structures domaniales de la fin de l’Antiquité. Le confinement géographique et politique des duchés maritimes influe sur leurs structures religieuses. S’il est difficile d’étudier la vie des clercs durant le haut Moyen

CONCLUSION

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Âge, quelques caractéristiques se dégagent. Le recrutement du clergé, y compris de son élite, est surtout local. La correspondance de Grégoire le Grand offre peu de renseignements sur ce point, mais il est possible que cette tendance s’accentue après le vie siècle avec le déclin des échanges et le cloisonnement géographique de la région. La hiérarchie ecclésiastique, établie dès l’Antiquité, évolue peu. Au ixe siècle, l’élection épiscopale obéit aux règles et suit les procédures appliquées au vie. Toutefois, la nouvelle stratification de la société médiévale, entre le vie et le xiie siècle, modifie le comportement du clergé. La proximité entre épiscopat et pouvoir politique caractérise la période. Faire carrière dans l’Église implique une familiarité avec les ducs de Naples, Gaète ou Amalfi. De manière générale, l’influence croissante des laïcs sur les établissements religieux se manifeste par la multiplication des églises privées dont le développement atteint son apogée aux ixe-xe siècles. Des symptômes de relâchement disciplinaire, observables à la fin de la période étudiée, constituent une preuve supplémentaire d’un risque de sécularisation de l’Église. L’influence sociale grandissante du monachisme apparaît aussi en pleine lumière à partir du xe siècle. Ce n’est peut-être pas un hasard. Si les Gesta valorisent les évêques de Naples, il est probable que les duchés tyrrhéniens connaissent, avec un certain décalage, les effets des réformes inaugurées dans le monde carolingien, comme l’atteste la généralisation tardive d’une règle à tous les monastères. La diversité des influences monastiques, à la fois latine et grecque, explique la lenteur des adaptations. En revanche, le transfert des églises privées par leurs propriétaires aux monastères, tout comme la sacerdotalisation des moines, sont connus des régions voisines. Toutefois, dans les duchés tyrrhéniens, le monachisme conserve plusieurs originalités : la forte densité des monastères avec, pour corollaire, la faiblesse numérique de leurs communautés, et un fort caractère urbain. Tout au long de la période, ce trait marquant détermine la géographie religieuse de la région. Capitale régionale par élimination ou défaut, Naples étoffe son réseau ecclésiastique au cours du haut Moyen Âge. C’est probablement la seule cité épiscopale à disposer d’une densité d’églises, publiques et privées, et de monastères comparable aux plus grandes villes médiévales, hormis Rome et Constantinople. Les Gesta reflètent l’orgueil et la certitude des Napolitains, en premier lieu de leurs évêques, de disposer d’une Église exceptionnelle. En comparaison, Gaète et surtout Amalfi font pâle figure. En revanche, les diocèses des duchés tyrrhéniens connaissent des évolutions similaires entre le vie et le xiie siècle. La création de métropoles au xe siècle confirme le déclassement de certains sièges, devenus suffragants, au profit des capitales politiques des différents duchés. Les campagnes peinent à se relever de l’invasion lombarde et subissent de plein fouet les incursions sarrasines, dévastatrices dans la région. Ces vicissitudes politiques accentuent le caractère urbain du réseau ecclésiastique et repoussent son essor dans les zones rurales aux xie et xiie siècles. À la différence des territoires lombards, l’encadrement pastoral du clergé s’exerce surtout en ville, même pour les desservants d’églises privées.

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Ce particularisme se retrouve pour les moines dont la proximité avec les fidèles semble plus forte qu’ailleurs grâce au dynamisme du monachisme des centres urbains. Dans cet environnement peuplé, la multiplication des congrégations sacerdotales, à vocation commémorative, dépend de la présence d’effectifs cléricaux importants et répond aux sollicitations de laïcs nombreux. Les duchés tyrrhéniens présentent le paradoxe d’une région qui se veut conservatrice mais qui, évidemment, évolue. Leur originalité s’efface dès lors qu’on étudie la vie religieuse des fidèles. Comme dans le reste de l’Occident médiéval, la connaissance personnelle du dogme se révèle superficielle, reflet d’un clergé peu au fait des détails doctrinaux. L’organisation du culte par les institutions ecclésiastiques ne traduit qu’une partie des pratiques des fidèles. La diversité des formes de dévotion contraste avec la norme exprimée par les évêques de Naples au travers des Gesta et des sources hagiographiques. La médiocrité du sanctoral local, malgré les efforts des évêques, laisse davantage de liberté aux particuliers pour vénérer des saints extérieurs à la région, mais dans un cadre orthodoxe. Les pratiques païennes barbares à la fin de l’Antiquité ou les hérésies demeurent des épiphénomènes, même si l’iconoclasme acquiert une résonance politique particulière à Naples, longtemps ouverte à l’influence de l’Orient hellénisé. L’existence de communautés juives anciennes se retrouve dans la plupart des ports méditerranéens et leur coexistence avec les fidèles amène les autorités ecclésiastiques à imposer une distance. Enfin, les rapports entretenus avec les Sarrasins s’inscrivent dans le cadre d’une lutte politique et non religieuse, loin de l’esprit de croisade absent des sources étudiées. La documentation disponible autorise l’observation, depuis la fin de l’Antiquité, d’une société chrétienne. Les transformations sociales que la région connaît au Moyen Âge affectent peu les comportements religieux. Certes, la disparition de la société antique a des implications importantes. La Campanie constitue, avec la Sicile, une des dernières régions d’Italie où perdure un évergétisme aristocratique qui tend à se réduire à la bienfaisance des élites gravitant autour des familles ducales. Les signes de conservatisme demeurent particulièrement marqués. La structure familiale ne se transforme pas entre le vie et le xiie siècle, et le rôle des femmes, dans le domaine religieux, conserve des caractéristiques acquises dès l’Antiquité. Un élément nouveau se développe cependant au cours du haut Moyen Âge. Il trouve son ancrage spirituel en particulier chez Grégoire le Grand, mais s’épanouit ensuite. L’eschatologie modèle les mentalités du haut Moyen Âge et entraîne des conséquences sociales et religieuses fondamentales. Les sollicitations spirituelles des fidèles sont orientées dans ce sens et déterminent les réponses des institutions religieuses. La capacité du milieu monastique à satisfaire ces attentes explique son développement et son importance, à la fois comme un modèle de vie sur terre et une assurance pour l’au-delà. L’originalité des institutions ecclésiastiques et monastiques des duchés tyrrhéniens réside dans l’ampleur de la réponse donnée à ces demandes insistantes. Les cathédrales et les églises publiques,

CONCLUSION

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les monastères et les églises privées, les congrégations sacerdotales et les confréries de laïcs organisent et multiplient les liturgies de commémoration des morts, au risque de détourner clercs et moines de leurs autres missions. Au début du xiie siècle, la vie religieuse des duchés tyrrhéniens reste en grande partie à l’écart du mouvement de réforme qui anime l’Église d’Occident sous l’impulsion de la papauté. Des transformations sont déjà à l’œuvre à Gaète, par le biais des transferts d’églises et de monastères au bénéfice du Mont-Cassin. En revanche, à Naples, les structures religieuses demeurent pré-grégoriennes. Il faut attendre l’affirmation du pouvoir normand pour que la réforme pénètre dans l’ancien duché et modifie en profondeur son Église, ses institutions, voire la piété des fidèles.

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TRAVAUX MODERNES

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INDEX DES TOPONYMES ET DES LIEUX DE CULTE

A Abellinum  28 Aboridana, domus à Nola  68, 82 Acerenza  207 Acerra  107, 327 Afrique du Nord  58, 96, 112 Ager Campanus  155 Ager Falernus  155   Ager Neapolitanus  358, 361 Agrigente  26 Albains, monts  1 Albinensis, regio à Naples  354 Alexandrie  119, 121 Alvignano  31 Amalfi  3, 4, 5, 10, 13, 18, 54, 72, 93, 96, 106, 107, 108, 109, 111, 112, 113, 114, 115, 116, 133, 136, 141, 142, 143, 149, 170, 173, 186, 189, 198, 199, 230, 231, 234, 235, 237, 239, 240, 244, 245, 252, 258, 267, 269, 270, 284, 287, 288, 298, 307, 324, 325, 326, 327, 328, 332, 339, 344, 345, 348, 352, 358, 372, 375, 376, 383, 389, 390, 392, 397, 402, 408, 409, 410, 412, 415, 431, 435, 436, 438, 439, 457, 459, 460, 466, 469, 473, 475, 489, 498, 513, 515 Amalfi, castrum  54 Anastasioupolis  167 Antioche, concile  33 Apamée de Syrie  246 Aquilée  403 Aquinum (Aquino)  28, 201 Atella  18, 27, 37, 155, 169, 247, 327 Athos  133 Aurunci, monts  1 Ausoni, monts  1 Aversa  5, 96, 109, 175, 201, 204, 205, 206, 207, 208, 327, 350, 412, 514

B Balneum Nostriani, bains à Naples  127 Bari  5, 208 Bénévent  1, 4, 5, 8, 18, 96, 104, 106, 134, 135, 137, 138, 160, 175, 182, 201, 245, 318, 428, 443, 457, 459 Bruttium  160, 165 Byzance  157, 406, 441, 450 C Cagliari  18 Caiazzo  207, 208 Calabre  5, 37, 94, 96, 112, 113, 116, 119, 155, 160, 208, 448 Calcaria, regio de Naples  348 Cales  28 Calistum (ou Calistrum), lieudit près de Naples 510 Campus Neapoleos  366 Campanie  1, 3, 5, 6, 7, 12, 13, 17, 18, 19, 21, 22, 23, 24, 27, 28, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 41, 42, 43, 44, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 55, 57, 59, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 68, 72, 75, 77, 78, 81, 83, 85, 86, 89, 90, 91, 93, 94, 111, 112, 113, 114, 116, 134, 145, 148, 149, 150, 151, 152, 154, 155, 156, 157, 159, 163, 165, 169, 191, 199, 207, 209, 210, 211, 220, 225, 247, 262, 265, 271, 272, 277, 309, 358, 361, 362, 404, 423, 424, 442, 443, 444, 451, 455, 457, 463, 480, 481, 482, 503, 513, 516 Canosa  165 Canzia  99 Capoue  1, 4, 5, 18, 19, 20, 21, 23, 24, 28, 37, 63, 72, 77, 91, 99, 106, 107, 134, 136, 153, 155, 162, 164, 165, 166, 175, 201, 202, 203, 204, 205, 206, 232, 236, 244, 245, 249, 250, 251, 258, 259, 274, 275, 327, 412, 443, 457 Capráia, île  73 Capri  2, 59, 73, 75, 76, 79, 108, 112, 156, 287, 328, 376, 377, 423, 424

562

UNE SOCIÉTÉ CHRÉTIENNE : NAPLES, AMALFI, GAÈTE

Caput de Monte (Capodimonte)  362, 466 Carinola  175, 267 Casa Aurea Rauiosa, lieudit en Liburie  174, 213, 218 Casinum  28 Castel dell’Ovo (voir île du Sauveur)   Castellammare di Stabia  108, 138, 297, 328, 376 Castellione nouum, regio à Naples  343, 348 Castrum Argentum  185, 232 Castrum Fractarum (Ausonia)  175, 202 Castrum Leopoli (Traetto)  158, 159, 161, 172, 214 Castrum Lucullanum (S. Pietro in Castello)  10, 25, 39, 42, 59, 64, 65, 68, 83, 87, 88, 111, 129, 154, 195, 296, 361, 364, 365, 366, 375, 424, 430, 481 Castrum Puteolanum  365 Castrum Spinei (Spigno Saturnia)  175, 201 Cava, abbaye  137, 366 Cella noua, monastère à Naples  124 Cementara, mont à Ischia  374 Chalcédoine, concile  29, 32, 33, 133, 258 Champs Phlégréens  2 Chiaia (voir Plaia) Cicciano  412 Cicianum (Scisciano)  380 Cilicie  455 Cilio, mont près de Gaète  300 Cimitile  291, 366, 412, 424 Civitate  5, 96, 202 Clanio  3 Cluny  111 Colli Aminei, zone extra-urbaine à Naples  359 Constantinople  12, 17, 93, 112, 113, 119, 120, 121, 127, 128, 132, 133, 134, 145, 160, 246, 293, 343, 406, 448, 450, 452, 479, 515 Constantinople I, concile  33 Corse  18, 155 Crateras, voir Graterensis Cubulterna (ou Cubulteria)  28, 31 Cumes  3, 18, 20, 22, 23, 26, 27, 28, 29, 69, 107, 112, 164, 327, 480

D Dalmatie  35 De Arcu Cabretato, regio à Naples  343 Domucella, lieudit près de Salerne  192

E Égypte  120, 121 Ephebus, cimetière extra-urbain à Naples  360 Ercica, lieudit près du Vésuve  295 Espagne  55 Eumorfiana, île  74, 87

F Falcidis, monastère à Pouzzoles  60, 69, 70 Farfa, abbaye  137 Fermo  48 Fondi  1, 18, 19, 20, 28, 63, 162, 174, 202, 215, 317, 328, 452, 460, 490, 496 Foris Gripta (Fuorigrotta)  196 Formies  1, 18, 20, 23, 27, 29, 32, 53, 94, 112, 122, 133, 171, 172, 203, 214, 216, 218, 238, 239, 240, 259, 318, 328, 339, 366, 367, 368, 369, 371, 372, 395, 424, 430, 504 Forum Popilii  28 Frattamaggiore  232, 478 Fundus Marcianus, monastère à Nocera  60, 69, 72 Furcillensis, regio à Naples  110, 341, 356

G Gaète  1, 3, 4, 5, 10, 11, 13, 28, 73, 93, 106, 110, 111, 112, 113, 119, 121, 122, 129, 133, 136, 137, 141, 142, 143, 145, 156, 157, 158, 159, 160, 161, 162, 163, 170, 171, 172, 173, 174, 175, 176, 177, 178, 179, 180, 184, 185, 186, 198, 199, 201, 202, 203, 204, 205, 214, 215, 216, 218, 220, 226, 227, 228, 231, 232, 235, 237, 240, 243, 244, 245, 249, 250, 252, 261, 262, 266, 267, 269, 270, 272, 273, 274, 275, 276, 281, 287, 288, 290, 293, 297, 298, 299, 300, 307, 317, 320, 324, 325, 326, 328, 332, 339, 340, 341, 345, 348, 352, 358, 366, 367, 368, 369, 370, 371, 372, 373, 374, 383, 384, 386, 390, 394, 395, 396, 397, 402, 408, 409, 410, 412, 415, 430, 431,

    ET DES LIEUX     DE   CULTE INDEX DES TOPONYMES

435, 436, 438, 439, 459, 460, 461, 466, 467, 469, 470, 472, 476, 478, 488, 489, 490, 491, 492, 496, 497, 498, 501, 502, 504, 506, 513, 514, 515, 517 Galatie Première  167 Gari  1 Garigliano  1, 4, 158, 162, 172, 174, 202, 275, 328, 340, 369, 460, 461 Gaule  52, 55 Gênes  37, 164 Gérasa  121 Gorgona, île  73, 74, 75 Graterensis (ou Crateras), monastère à Naples  60, 69, 71, 72

H Herculensis ou Herculanensis (voir Furcillensis)

I Icaonia, lac en Campanie  156 Insula maris (voir île du Sauveur) Isaurie  167 Ischia  2, 4, 107, 327, 329, 363, 374, 375, 376, 377, 396, 440, 480, 489, 507 Italie centrale  18, 31, 40, 89, 221 Italie du Nord  3, 69, 136, 139, 175, 332, 351 Italie du Sud  5, 90, 93, 100, 112, 113, 135, 147, 176, 180, 202, 203, 204, 208, 216, 282, 325, 326, 327, 358 Italie méridionale  5, 10, 18, 31, 40, 74, 91, 93, 94, 96, 100, 104, 105, 106, 108, 108, 109, 110, 111, 113, 115, 119, 134, 136, 137, 139, 141, 143, 144, 145, 155, 156, 160, 161, 173, 175, 206, 207, 208, 209, 220, 245, 246, 261, 282, 295, 325, 327, 332, 345, 362, 383, 397, 404, 440, 448, 450, 460, 480, 513 Italie suburbicaire  34, 38, 40, 106, 152, 209, 247, 258, 326, 327, 407, 514 Itri  175, 367

J Jérusalem  410

563

L Laodicée, concile  33 Laon  446 Latium  1, 18, 57, 59, 73 Latran I, concile  28, 406 Latran III, concile  258 Latran IV, concile  258 Latran, basilique et palais  6, 108 Lattari, monts  328 Leopolis (Traetto)  158, 161 Lérins, îles  73 Lettere  108, 328 Liburie  3, 110, 135, 174, 193, 195, 212, 213, 218, 220, 232, 236, 305, 316, 327, 362, 366, 476 Liborano, lieudit près de Naples  362 Licosa  95 Liri  1 Liternum  427 Longobardie  5 Lunisus, lieudit près de Formies  214

M Malitum (Melito di Napoli)  350, 366 Maranola  175 Maranum (Marano di Napoli)  291, 366 Marmorata, regio à Naples  354, 379 Marsala  130 Massa Lubrense  108, 328 Massico, mont  1 Mégaride (voir île du Sauveur)   Mésopotamie  121 Messine  165 Meuania (Bevagna)  23 Miana (Miano)  192, 457 Milan  34, 37, 164, 403, 514 Minori  108, 133, 189, 327 Minturnes  1, 5, 18, 19, 27, 28, 32, 53, 148, 149, 151, 158, 172, 174, 178, 191, 214, 328, 367, 371 Misène  10, 18, 20, 22, 23, 27, 28, 37, 55, 63, 69, 72, 112, 155, 164, 176, 363, 366, 403, 404, 430

564

UNE SOCIÉTÉ CHRÉTIENNE : NAPLES, AMALFI, GAÈTE

Misène, cap  2, 95, 176, 375 Mont-Cassin, monastère  9, 11, 59, 90, 94, 109, 110, 111, 129, 136, 147, 200, 201, 202, 203, 204, 206, 208, 221, 274, 275, 276, 319, 323, 371, 372, 415, 429, 459, 470, 514, 517 Montecristo, île  73, 74 Myria  37

N Nepi  24, 25, 78, 211, Nicée, concile  34, 41, 42, 262, 402, 409, 410, 412, 444 Nicée II, concile  316 Nilo, regio à Naples  364 Nisida, île  375 Nocera  18, 28, 37, 39, 40, 63, 69, 70, 72, 327 Nola (Nole)  1, 18, 19, 46, 58, 61, 63, 68, 77, 82, 143, 171, 173, 195, 200, 268, 327, 366, 380, 393, 404 Nonnaria  196, 199, 440 Norique  10, 64

O Ombrie  23 Oria  207

P Palerme  5, 36, 76, 94, 212, 458 Palestine  121 Palmaria ou Palmarola, île  74, 373, 374   Panequocoli (Villaricca)  366 Parthénope  242 Patria, lac  3 Patruscanum, lieudit près de Nola  268 Pausilippe  2, 200, 366 Pavie, concile  446 Pesaro  121 Pica (Pico)  202, 203 Pigellula (Pogerola)  233 Pirum, lieudit en Liburie  213 Piscinula (Piscinola)  366 Pizzofalcone, quartier de Naples  64

Placidus, uicus de Naples  110 Plagiense, partie orientale du golfe de Naples  195, 196 Plaia (Chiaia)  69, 70, 71, 72 Planuria, lieudit près de Pouzzoles  137, 362 Platea maior, quartier de Gaète  372 Pompéi  2 Ponteprimario  240 Pontiennes, îles  59, 73, 74, 75, 87, 301, 373 Portanouensis, regio à Naples  354, 355, 356 Porte Saint-Janvier, regio à Naples  351, 360, 361, 456, 457 Pouille  5, 96, 208, 236, 448 Pouzzoles  2, 3, 18, 63, 69, 70, 107, 112, 137, 173, 232, 327, 362, 366, 375, 404, 422, 427, 428, 469 Procida  2, 46, 375, 482 Provence  73 Pumilianum Foris Arcora (Pomigliano d’Arco) 195, 219, 290, 441

Q Quinisexte (in Trullo), concile  262

R Ravello  108, 109, 328, 392 Ravenne  3, 7, 41, 65, 121, 130, 165, 167, 246, 388, 405, 480 Ravenne, concile  158 Reims  446 Repperus, mont  68, 424 Rimini  26, 41 Rome  1, 3, 6, 12, 18, 19, 24, 26, 36, 39, 40, 41, 46, 48, 53, 56, 57, 64, 75, 78, 81, 93, 94, 96, 97, 98, 99, 100, 101, 102, 103, 104, 105, 106, 113, 119, 120, 121, 122, 128, 129, 133, 144, 145, 150, 155, 156, 157, 159, 160, 161, 162, 164, 165, 184, 191, 209, 211, 220, 233, 257, 258, 263, 265, 319, 325, 326, 327, 328, 329, 342, 344, 345, 396, 397, 403, 405, 425, 443, 445, 446, 447, 448, 449, 450, 461, 514, 515 Rome, concile de 680  406 Ruviliana (Rovigliano), rocher  192, 284, 290, 297, 376

INDEX DES TOPONYMES ET DES LIEUX DE CULTE

S Sabine  137 Saint-Adiutor, église à Patruscanum  268 Saint-Agnellus, monastère à Naples  285, 305, 322, 433 Saint-Agrippinus, église à Naples  360 Saint-Anastase, monastère à Naples  293 Saint-André, église à Naples  336 Saint-André, monastère à Naples  105, 347 Saint-André, monastère sur l’île de Vulcano  73 Saint-André ad Nidum, diaconie à Naples  123, 124 Saint-Ange, église à Gaète  262 Saint-Ange, monastère à Gaète  502 Saint-Ange, monastère à Ischia  374 Saint-Ange, monastère sur l’île de Procida  375 Saint-Ange-et-Saint-Magnus, monastère à Sperlonga  373 Saint-Apollinaire in Classe, basilique à Ravenne 388 Saint-Archange, monastère à Naples  59, 84, 236 Saint-Archange, oratoire au castrum Lucullanum 64, 68 Saint-Archange ad Signa, église à Naples  383 Saint-Archange dit Macharis, monastère à Naples 59, 62, 191 Saint-Archange in Monte, église à Gaète  369 Saint-Archange-Michel, église à Naples  498, 506, 509 Saint-Archange-Michel Terraczani, monastère du territoire de Naples  204 Saint-Basile, église à Nonnaria  199, 200, 365, 440   Saint-Benoît, monastère (voir Mont-Cassin) Saint-Blaise, église à Castellammare di Stabia  138 Saint-Blaise, église à Gaète  390 Saint-Césaire, église à Terracine  437 Saint-Constantin, église (?) à Capri  376 Saint-Constantin, monastère à Ischia  374, 376 Saint-Cyprien, église à Naples  383, 385, 437 Saint-Cyrice, monastère à Atrani  189 Saint-Démétrius, église à Naples  110 Saint-Érasme, église à Formies  368

565

Saint-Érasme, monastère à Capri  59 Saint-Érasme, monastère à Formies  197, 203, 275, 318 Saint-Érasme, monastère sur le mont Repperus  68 Saint-Étienne, église à Naples  336, 360 Saint-Étienne, monastère à Capri  59, 76, 79 Saint-Euthyme, église à Naples  143, 189, 190, 234, 379, 381, 382 Saint-Félix, église à Pomigliano d’Arco  441 Saint-Fortunatus, basilique et cimetière extra-urbain à Naples  360 Saint-Gaudiosus, basilique et cimetière extra-urbain à Naples  360, 361 Saint-Gaudiosus, monastère à Naples  58, 347, 354, 355, 427 Saint-Georges, chapelle de la cathédrale de Gaète  502 Saint-Georges-Majeur (voir Seueriana) Saint-Georges ad Forum, diaconie à Naples  126 Saint-Grégoire, église à Gaète  370 Saint-Grégoire-Majeur, monastère à Naples  10, 127 Saint-Janvier, église à Naples  328, 335 Saint-Janvier, église près de Pouzzoles  137, 362 Saint-Janvier ad Corpus, monastère à Naples  426, 434 Saint-Janvier ad Diaconiam, diaconie à Naples  123, 124, 126, 127, 426 Saint-Janvier extra moenia, basilique et cimetière à Naples  103, 104, 138, 175, 184, 359, 360, 361, 363, 426, 449, 467, 504 Saint-Jean, baptistère à Gaète  367 Saint-Jean ad Fontes minores, baptistère à Naples  333 Saint-Jean du Latran  100, 425 Saint-Jean in Curte, église à Naples  383, 384 Saint-Jean-Baptiste, basilique à Naples  181 Saint-Jean-Baptiste, église à Naples  383   Saint-Jean-Baptiste, église à Gaète  299 Saint-Jean-l’Évangéliste, église à Naples  141 Saint-Jean-Majeur, basilique à Naples  102, 132, 341, 343, 344 Saint-Jean-et-Saint-Paul, diaconie à Naples  124

566

UNE SOCIÉTÉ CHRÉTIENNE : NAPLES, AMALFI, GAÈTE

Saint-Julien, église à Naples  362 Saint-Laurent, basilique à Naples  346 Saint-Laurent, église à Gaète  233 Saint-Laurent, monastère à Amalfi  11, 239, 287, 288, 291, 298, 306, 376, 492 Saint-Laurent, monastère à Aversa  147, 200, 204, 205, 206, 208, 220, 221, 282, 288, 315, 514 Saint-Laurent, monastère à Capoue  206, 288 Saint-Laurent, oratoire à Naples  430 Saint-Laurent in Arcatura, église à Formies  238 Saint-Magnus, mont  367 Saint-Magnus-Saint-Michel, monastère à Fondi  317, 461 Saint-Marc, monastère à Spolète  148, 190, 191 Saint-Marcellin, monastère à Naples  (voir SaintsMarcellin-et-Pierre) Saint-Martin, église à Gaète  501 Saint-Martin, monastère à Naples  58, 59, 60, 64, 65, 66, 67, 68, 77, 83, 84, 86, 87, 211, 301, 308, 309 Saint-Martin, monastère in Campaniae parti­ bus  66, 67 Saint-Martin, monastère près de Naples  190 Saint-Martin de Correano, monastère près de Traetto  290 Saint-Michel, basilique sur le mont Gargano  138 Saint-Michel, église à Gaète  488 Saint-Michel, monastère à Gaète  290, 293, 294 Saint-Michel, monastère sur le mont Cilio  299, 300 Saint-Michel-Archange, monastère à Gaète  371, 393, 412 Saint-Michel-Archange, monastère à Naples  194, 362 Saint-Nicolas, église à Malitum  350 Saint-Nicolas, église à Naples  383 Saint-Nicolas, église sur l’île de Zannone  373 Saint-Pantaléon (voir Saints-Sauveur-et-Pantaléon)

Saint-Paul, église à Naples  105, 344, 347, 383, 385 Saint-Paul de Foresta, monastère près de Ponte­ corvo  203 Saint-Paul-hors-les-murs, basilique à Rome  162, 344 Saint-Pierre, basilique au castrum Lucullanum, à Naples  64, 65 Saint-Pierre, basilique à Rome  162 Saint-Pierre, diaconie à Naples  126 Saint-Pierre, église à Ercica près du Vésuve  295 Saint-Pierre, église au castrum Putheolanum  365 Saint-Pierre, église à Gaète  249 Saint-Pierre, église à Naples  328, 335, 427 Saint-Pierre, oratoire sur l’île d’Eumorfiana  87 Saint-Pierre ad Calistum, église près de Naples 143, 510 Saint-Pierre ad Castellum, église à Naples  362 Saint-Pierre ad illos Ferrarios, église à Naples  383, 384, 385 Saint-Pierre ad Media, église près de Naples  251, 383 Saint-Pierre ad Paternum (San Pietro a Patierno)  195, 196, 270, 366 Saint-Pierre in episcopio, église à Formies  368 Saint-Pierre in Virga, église près de Formies  369 Saint-Pierre-Apôtre, monastère à Naples  198 Saint-Pierre-et-Saint-Michel, oratoire à Naples  67, 87 Saint-Potitus, monastère à Naples  58, 355 Saint-Renatus, église à Naples  142, 187 Saint-Sauveur, église à Gaète  186, 187, 478 Saint-Sauveur in Insula maris, monastère près de Naples  314, 374, 375, 486, 511 Saint-Sauveur-Saint-Benoît, église à Gaète  372 Saint-Sauveur-Saint-Pantaléon, monastère à Naples  300, 311, 322, 354, 355, 356, 387, 487 Saint-Sauveur-Sainte-Croix, église à Gaète  370 Saint-Sébastien, église à Pigellula (Pogerola)  233 Saint-Sébastien, monastère à Naples  10, 59, 60, 69, 70, 71, 72, 73, 79, 115, 134, 198, 212, 306, 316, 356, 380, 477, 484 Saint-Serge, église au castrum Lucullanum  365

    ET DES LIEUX     DE   CULTE INDEX DES TOPONYMES

Saint-Sévère, basilique et cimetière extra-urbains à Naples  360 Saint-Sévère, église à Naples  261, 269, 305, 379, 381, 392, 437, 440, 507 Saint-Séverin, église à Naples  344, 431 Saint-Séverin, monastère à Naples  59, 60, 64, 316, 431 Saint-Séverin, monastère au castrum Luculla­ num  64, 83, 87, 88, 110, 361, 364, 424 Saint-Séverin, oboedientia au Pausilippe  200 Saint-Silvain, église à Gaète  438 Saint-Sossius, église à Naples  362 Saint-Théodore, église à Gaète  352 Saint-Théodore, xenodochium en Sicile  191 Saint-Théodore-et-Saint-Martin, monastère à Gaète  240, 281, 488, 470, 501 Saint-Thomas, église à Naples  383 Saint-Vincent, monastère à Naples  110 Saint-Vincent-au-Volturne, monastère  94, 109, 110, 111, 137, 194, 216, 316, 366, 514 Sainte-Agathe, église à Naples  240, 292 Sainte-Agathe des Goths, église à Rome  405 Sainte-Barbara, église au castrum Lucullanum  365 Sainte-Catherine, monastère du Sinaï  388 Sainte-Cécile in plebea Palmarum, église à Naples  110 Sainte-Croix, église de l’évêché de Caiazzo  207 Sainte-Euphémie, église à Naples  142, 188, 322, 361, 379 Sainte-Fortunata, basilique à Naples  346, 354 Sainte-Lucie, église à Minori  189 Sainte-Lucie (S. Lucia sul Mare), église à Naples  362 Sainte-Marie, église à Gaète  393, 466 Sainte-Marie, église sur l’île de Palmarola  373 Sainte-Marie, monastère à Gaète  198, 477 Sainte-Marie ou de la Vierge, monastère à Ischia  374, 441 Sainte-Marie, monastère à Naples  82 Sainte-Marie, monastère à Naples  318 Sainte-Marie ad Cosmedin, église et diaconie à Naples  122, 123, 124, 395

567

Sainte-Marie ad Mascatura, église à Naples  142 Sainte-Marie ad Plateam, église à Naples  504 Sainte-Marie de Albino, monastère à Naples  354, 355, 440 Sainte-Marie de Domino Reclauso, église à Naples 380 Sainte-Marie de illa Spelunca, monastère sur le Vésuve  138, 192, 195, 317, 318 Sainte-Marie de Monte Aurio, église près d’Amalfi 239 Sainte-Marie dite du Pison, église près d’Atella 169, 247 Sainte-Marie extra portam, église à Formies  238, 369, 371 Sainte-Marie Furcillensis ad Plateam, monastère à Naples  109, 194, 316 Sainte-Marie-Majeure, basilique à Naples  102, 254, 317, 341, 342, 343, 344, 383, 432 Saint-Marie-Majeure, église à Amalfi  344 Sainte-Marie-Saint-Érasme, église à Gaète  185, 345, 367 Sainte-Pauline, église à Nola  366, 393 Sainte-Restituta, église à Ischia  374, 396, 441 Sainte-Scholastique, église à Gaète  202, 276, 371 Sainte-Sophie, basilique à Bénévent  138, 182 Sainte-Sophie, basilique à Constantinople  134, 246, 343 Sainte-Sophie, monastère à Bénévent  137 Sainte-Trinité de Arco Timpano, monastère à Gaète  497 Saints-Anastase-et-Basile, monastère à Naples  320, 344 Saints-Apôtres, basilique à Naples  102, 132, 341, 342, 343, 344, 352, 383 Saints-Côme-et-Damien, église à Gaète  233, 369, 461 Saints-Côme-et-Damien, église à Naples  227 Saints-Cyrice-et-Julitte, monastère à Naples  133, 354, 355 Saints-Érasme-Marcellin-et-Pierre, monastère à Naples (voir Saints-Marcellin-et-Pierre) Saints-Érasme-Maxime-et-Julienne, monastère à Naples  59, 62, 191

568

UNE SOCIÉTÉ CHRÉTIENNE : NAPLES, AMALFI, GAÈTE

Saints-Festus-et-Desiderius, monastère à Naples 313, 354, 355, 436 Saints-Grégoire-et-Sébastien, monastère à Naples 287, 297, 300, 311, 312, 313, 322, 324, 355, 356, 487 Saints-Hermès-Sébastien-Cyriaque-et-Pancrace, monastère à Naples  59, 79 Saints-Jean-et-Étienne in Classe, monastère à Ravenne  65 Saints-Marcellin-et-Pierre, monastère à Naples 10, 142, 187, 286, 287, 297, 299, 315, 322, 355, 356 Saints-Martin-et-Potitus, monastère à Naples  353 Saints-Nicandre-et-Marcien, monastère à Naples 192, 299, 308, 413 Saints-Serge-et-Bacchus, monastère à Naples  110, 115, 116, 118, 119, 133, 134, 142, 143, 188, 194, 195, 196, 197, 199, 200, 213, 214, 217, 218, 219, 229, 236, 261, 268, 269, 270, 280, 281, 282, 285, 286, 290, 291, 292, 293, 294, 297, 305, 306, 310, 311, 315, 316, 317, 318, 320, 321, 322, 350, 361, 364, 365, 379, 380, 381, 384, 412, 415, 433, 440, 469, 478, 487, 489 Saints-Séverin-et-Sossius, monastère à Naples  111, 129, 142, 143, 194, 195, 196, 200, 215, 281, 284, 285, 293, 295, 296, 297, 302, 307, 310, 311, 315, 318, 320, 364, 366, 393, 396, 413, 415, 430, 432, 433, 434, 435, 436, 487, 493, 498, 506 Saints-Théodore-et-Martin, monastère à Gaète 297, 320, 371, 373, 374 Saints-Théodore-et-Sébastien, monastère à Naples 116, 117, 142, 194, 195, 198 GGG, 212, 219, 298, 306, 364, 365, 470 Salerne  2, 4, 5, 106, 134, 137, 138, 145, 155, 162, 192, 195, 207, 245, 318, 327, 412, 457 Salone  34 Salpi  207 San Gennaro all’Olmo, église à Naples  123 San Marco dei Taverni, église à Naples  124 San Severo alla Sanità, basilique à Naples  360 San Sossio, lieudit à Naples  362 Santa Maria Capua Vetere  1, 18 Santa Maria Donnaromita, église à Naples  124 Santa Maria Rotunda, diaconie à Naples  126 Santa Pudenziana, église à Rome  342

Santa Restituta, cathédrale de Naples  100, 101, 130, 248, 329, 330, 331, 332, 333, 337, 383, 384, 386, 387, 389 Sardaigne  18, 155, 444 Sardique, concile  33, 402 Sarno  2 Sauveur, île (Insula maris puis Castel dell’Ovo) 362, 374, 375, 486 Scala  108, 327 Scauri  149, 367 Serperi  299 Seueriana (Saint-Georges-Majeur), basilique à Naples  102, 130, 186, 341, 342, 343, 344, 352, 353, 383, 395, 404, 405, 509, 510 Sicile  3, 4, 5, 6, 18, 19, 20, 43, 57, 66, 67, 68, 72, 73, 75,76, 77, 82, 83, 88, 94, 112, 116, 148, 149, 150, 153, 154, 155, 160, 162, 164, 165, 173, 191, 192, 209, 212, 259, 301, 424, 448, 458, 516 Sinaï  388, 411 Sorrente  2, 3, 4, 5, 18, 35, 39, 40, 42, 59, 63, 65, 70, 72, 76, 81, 83, 91, 106, 108, 114, 136, 192, 245, 247, 258, 284, 327, 328, 375, 423, 424, 459, 481 Sperlonga  1, 367, 373 Spolète  148, 161, 190, 191, 192 Squillace  37 Stabies  18, 192, 438 Stephania, cathédrale de Naples  101, 104, 130, 175, 181, 182, 183, 186, 248, 329, 330, 331, 332, 333, 334, 335, 336, 337, 360, 363, 383, 384, 385, 386, 387, 388, 389, 390, 395, 405, 427, 428, 432 Suessa Aurunca (Sessa Aurunca)  1, 18, 28, 202, 472 Suio  174, 178, 202 Summa Platea, regio à Naples  379 Syracuse  67, 76, 82, 130 Syrie  121

T Taormine  83 Teanum (Teano)  28, 207 Teramo  43, 89, 98 Terracine  1, 18, 20, 27, 28, 45, 54, 148, 155, 158, 162, 174, 437, 443, 451, 452, 453, 455, 496

    ET DES LIEUX     DE   CULTE INDEX DES TOPONYMES

Thébaïde  121   Thessalonique  21 Toscane  73 Traiectum (Traetto)  158, 160, 161, 162, 172, 173, 174, 175, 178, 185, 201, 202, 203, 215, 240, 274, 290, 328, 367, 460, 489, 490 Trani  207 Treguanzano  185 Troia  207, 208 Tusculum  491 Tyrrhénienne, mer  1, 73, 158

V Vallis sanitatis, zone extra-urbaine à Naples  359 Venafro  20, 28, 31, 259, 454 Vésuve  2, 138, 192, 195, 196, 295, 317, 318, 365, 366, 440, 510

569

Via Appia  1, 19, 54, 148 Via Domitiana  1 Via Nostriana, rue à Naples  123, 354 Vicus Iudaeorum, rue à Naples  457 Vico Equense  108, 328 Vierge, cathédrale de Gaète  340 Vierge, monastère en Campanie  62 Vierge et Christ, basilique à Amalfi  339 Vierge Marie et Christ, monastère à Naples  59, 61, 87 Viterbe  24 Volturne  109, 158 Volturnum  18, 28 Vomero  1 Vulcano, île  73, 74

Z Zannone, île  373

INDEX DES NOMS DE PERSONNES ET DE PEUPLES

A Aaron, prophète  411 Abiron, personnage de l’Ancien Testament  411, 412 Abraham, prophète  409 Absalon, personnage de l’Ancien Testament  411 Acculsarius, abbé du monastère des Saints-Séverin-et-Sossius à Naples  296 Achitophel, personnage de l’Ancien Testament 411 Acutius, saint  133, 175, 427 Adaloald, roi lombard  442 Adenulfus, abbé du monastère des Saints-Séverinet-Sossius à Naples  413 Adeodatus, abbé du monastère Saint-Sébastien à Naples  70, 71 Agapitus, abbé d’un monastère à Sorrente  60, 70, 72 Agarènes  459, 460 Agathe, sainte  76, 112, 423 Agnella, abbesse à Naples  60, 81  , 85   Agnellus, évêque de Fondi et de Terracine  23, 27, 28, 29, 32, 45, 54, 442, 452, 453 Agnellus, évêque de Naples  123, 127, 406, 426 Agnellus, saint  435, 440 Agnellus de Ravenne  7 Agrippinus, évêque de Naples  8, 103, 330, 360, 363, 402, 422, 435 Aion, évêque de Bénévent  459 Albero, abbé du monastère Saint-Laurent à Aversa  282 Albert, évêque de Gaète  505 Alexander, uir magnificus  82 Alexandre III, pape  144 Alexandria, aristocrate en Campanie  480

Alferius Pappacarbone, fondateur du monastère de Cava  137 Aligernus, abbé du monastère des Saints-Séverinet-Sossius à Naples  295 Aluinus, évêque de Formies  29, 32, 178 Amandus, évêque de Sorrente  32, 35, 39, 42, 65, 70, 88 Ambroise de Milan  57, 403 Anaclet, évêque de Rome  104 Ananie, personnage des Actes des Apôtres  411, 412 Anastase, abbé du monastère du monastère SaintThéodore à Gaète  488 Anastase, comte  158 Anastase, empereur  75 Anatole, duc de Terracine  162 André, abbé du monastère Saint-Martin à Naples  66, 86 André, apôtre  128, 339, 432 André, évêque de Fondi  455 André, évêque de Traetto  215 André II, duc de Naples  458 Angevins  337, 435 Anna, abbesse du monastère Saint-Laurent à Amalfi  288 Anna, abbesse du monastère des Saints-Grégoireet-Sébastien à Naples  287 Anne, sainte  464 Anthemius, recteur du patrimoine de Campanie 47, 49, 50, 51, 52, 54, 55, 75, 83, 149, 151, 152, 156, 210, 211, 260, 289, 301 Anthime, duc de Naples  105, 123, 124, 287, 347, 354, 484, 486 Antoninus, defensor en Sicile  83 Apollon, dieu  455 Arabes  3, 161, 362, 363, 458, 459, 460, 461

572

UNE SOCIÉTÉ CHRÉTIENNE : NAPLES, AMALFI, GAÈTE

Arichis Ier, duc de Bénévent  20 Arichis Ier, prince de Bénévent  161 Arichis II, prince de Bénévent  137, 182 Arnaldus, archevêque d’Acerenza  208 Aspren, évêque de Naples  104, 402, 435 Aténolf Ier, archevêque de Capoue  250, 251 Aténolf Ier, duc de Gaète     201, 244, 275 Aténolf II, duc de Gaète  373 Aténolf, abbé du Mont-Cassin  275 Athanase Ier, évêque de Naples  9, 95, 101, 104, 109, 115, 129, 133, 136, 175, 176, 183, 184, 242, 248, 250, 253, 254, 255, 256, 261, 292, 312, 335, 337, 347, 362, 363, 375, 386, 387, 388, 405, 406, 429, 430, 434, 435, 455, 464, 470, 485, 486, 490 Athanase II, duc-évêque de Naples  8, 10, 95, 96, 99, 131, 136, 184, 194, 242, 254, 258, 296, 310, 362, 364, 406, 429, 430, 458, 486 Athanase III, évêque de Naples  9, 242, 266, 296, 302, 311 Athanase d’Alexandrie  19, 407, 464 Attis, dieu  443 Augustin, saint  73 Authari, roi lombard  442

B Bacauda, évêque de Formies  27, 32, 53, 452, 453 Bacchus, saint  133 Barbaria, abbesse du monastère des Saints-Festuset-Desiderius à Naples  313 Barbaria, illustris femina  481 Barbaricini, peuple de Sardaigne  444 Barbatianus, abbé à Naples  60, 78, 308, 309 Barbatus, évêque de Bénévent  135 Basile, évêque de Capoue  19, 24, 32, 37, 71, 165 Basile de Césarée  110, 116, 117, 282, 300, 301, 365 Bède le Vénérable  6 Bélisaire  325 Benedictus, abbé du monastère des Saints-Sergeet-Bacchus  119, 194 Benenatus, évêque de Misène  23, 26, 27, 29, 32, 54, 260 Benjamin de Tudèle  457

Benoît d’Aniane, saint  290, 300, 302 Benoît de Nursie, saint  59, 90, 110, 111, 116, 117, 201, 280, 300, 308, 317, 372, 375, 501 Benoît Ier, pape  191 Benoît II, pape  121 Benoît IX, pape  460 Bernard, duc de Fondi  472 Bernard, évêque de Gaète  136, 176, 177, 179, 202, 214, 215, 216, 233, 243, 249, 275, 276, 340, 369, 370, 371, 461, 467 Bohémond de Tarente  205, 207, 208 Boniface Ier, pape  103 Bonitus, sous-diacre et hagiographe napolitain  131 Bonus, duc de Naples  95, 97, 176, 243, 428, 484, 485, 504 Brown, Thomas  479 Byzantins  5, 95

C Caesarius, abbé du monastère des Saints-Séverinet-Sossius à Naples  285, 307, 413, 506 Caïphe, grand prêtre du temple de Jérusalem  410 Campulus, préfet de Gaète  230, 501 Calvus, évêque de Naples  8, 97, 362, 426, 447, 448 Capasso, Bartolommeo  9, 10, 345, 347 Carloman  109 Carolingiens  7, 151 Castorius, évêque de Rimini  26 Catherine, sainte  208 Charlemagne  160, 161, 201, 265 Charles le Chauve, empereur  455 Christophe, saint  133 Clementina, patricienne  25, 35, 65, 83, 480, 481 Côme, évêque de Naples  447 Côme, saint  370 Comitaticius, comes de Misène  54, 55 Consentius, defensor  31 Constance II, empereur  329, 402 Constantin, defensor de l’Église romaine en Campanie  31 Constantin, empereur  18, 100, 329, 343, 422, 441

INDEX DES NOMS DE PERSONNES ET DE  PEUPLES

Constantin, évêque de Formies  239 Constantin, hypatus de Gaète  161 Constantin V, empereur  113, 124, 449 Constantin VII Porphyrogénète, empereur  113 Constantius, defensor de l’Église  151 Contard, duc usurpateur de Naples  336 Cybèle, déesse  443 Cyrice, saint  133

D Damien, saint  370 Daniel, prophète  342, 404 Dathan, personnage de l’Ancien Testament  411, 412 Dauferius, comte de Traetto  274 David, roi d’Israël  411, 413 Decorosus, évêque de Capoue  135 Demetrius, évêque de Naples  23, 30, 32, 36, 271, 403, 444, 445, 446 Démétrius, saint  133 Desiderius, abbé du monastère du Mont-Cassin (voir Didier) Desiderius, saint  428, 436 Deusdedit, cardinal  156 Deusderius (Desiderius ou Deusdedit), évêque de Gaète  248, 352, 369 Didier, abbé du Mont-Cassin (pape Victor III)  110, 201, 323 Didier, roi des Lombards  157, 160, 161 Dioclétien, empereur  424 Docibilis, juge  275 Docibilis, sénateur de Gaète  180, 244, 261 Docibilis Ier, hypatus de Gaète  161, 162, 198, 244, 249, 262, 273, 416, 438, 460, 470, 476, 488, 494, 497 Docibilis II, duc de Gaète  198, 244, 261, 274, 287, 368, 476, 477 Drosu, abbesse du monastère des Saints-Marcelinet-Pierre à Naples  297 Duby, Georges  475 Duchesne, Louis  18 Dulcitius, vicaire du préfet du prétoire d’Italie  46

573

E Eleutherius, abbé du monastère Saint-Marc à Spolète  191 Élie, prophète  405 Emilia, duchesse de Gaète  185, 491, 492 Ephebus, évêque de Naples  330, 360, 402, 435 Érasme, saint  112, 133, 171, 238, 340, 367, 368, 395, 424, 430 Erchempert, chroniqueur  162 Étienne, abbé du monastère des Saints-Serge-etBacchus  269 Étienne, abbé du monastère des Saints-Séverin-etSossius  196 Étienne, évêque de Gaète  267, 371 Étienne, uir magnificus  47 Étienne le Jeune, saint  113, 360, 432 Étienne Ier, évêque de Naples  330, 403 Étienne II, duc-évêque de Naples  97, 98, 99, 105, 129, 136, 137, 175, 176, 181, 182, 183, 242, 256, 267, 312, 319, 331, 332, 335, 337, 346, 354, 387, 388, 427, 447, 450, 485, 487, 491 Étienne III, duc de Naples  484 Étienne III, évêque de Naples  9, 136, 332, 431 Étienne IX, pape  204, 323 Eugène Ier, pape  424 Eugène II, pape  140 Eugippe, hagiographe  59, 90, 404, 481 Euphémie, sainte  133, 188 Euphrosina, abbesse du monastère des Saints-Marcellin-et-Pierre à Naples  322 Eupraxia, abbesse à Naples  312, 491 Eupraxia, duchesse de Naples  242, 243, 256, 267, 354, 491 Eupraxia, fille de l’évêque de Naples Athanase III  266 Eupuria, sainte  396 Eustathe, évêque de Naples  122, 395 Eutychès, hérésiarque  403 Eutychès, saint  133, 175, 427 Eutychianos, évêque d’Adana  455 Ewald, Paul  6 Ézéchiel, prophète  342, 404

574

UNE SOCIÉTÉ CHRÉTIENNE : NAPLES, AMALFI, GAÈTE

F Faustus, uir gloriosus  31 Félix, évêque de Porto  32 Félix, saint  19, 171, 424 Félix, uir magnificus  52, 480 Félix IV, pape  246 Feller, Laurent  307 Festus, évêque de Capoue  19, 32, 37 Festus, saint  354, 428, 436 Filangieri di Candida, Riccardo  11 Florus, évêque de Misène  403 Fortunata, sainte  346, 427, 435 Fortunatus, évêque de Fano  48 Fortunatus, évêque de Naples  23, 30, 32, 36, 40, 49, 50, 52, 55, 56, 66, 78, 79, 81, 84, 85, 167, 168, 259, 271, 289, 330, 360, 395, 402, 454 Francs  94, 95, 157, 350 Frédéric de Lorraine, abbé du Mont-Cassin (pape Étienne IX)  323 Fuscus, abbé à Naples  81, 84

G Gattola, Erasmo  11 Gaudentius, évêque de Nola  23, 24, 32, 37, 164, 165, 258 Gaudiosus, saint évêque d’Abitina  58, 360, 440 Gélase, pape  165, 264 Geoffroy Ridel, duc de Gaète  203 Georges, saint  128, 133, 186 Germains  452 Gervais, saint  188 Girardus, évêque de Troia  206 Gisulf II, duc de Bénévent  201 Goths  337, 405 Granier, Thomas  427, 434 Grecs  3, 447, 449 Grégoire, abbé du monastère des Saints-Serge-etBacchus à Naples  310 Grégoire de Tours  43

Grégoire le Grand, pape  5, 6, 7, 8, 10, 11, 12, 13, 17, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 59, 60, 61, 62, 63, 64, 65, 66, 68, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 79, 80, 81, 83, 84, 85, 87, 89, 90, 91, 93, 96, 97, 98, 99, 110, 112, 115, 117, 121, 122, 130, 141, 148, 149, 152, 153, 154, 155, 156, 159, 163, 164, 165, 167, 169, 170, 172, 173, 178, 190, 191, 209, 210, 211, 225, 226, 237, 239, 245, 246, 247, 250, 251, 253, 255, 256, 257, 258, 259, 260, 263, 264, 265, 271, 272, 273, 277, 279, 288, 289, 294, 296, 299, 300, 301, 308, 309, 312, 313, 316, 319, 321, 324, 325, 345, 350, 351, 352, 358, 366, 373, 377, 394, 403, 404, 408, 423, 432, 439, 440, 442, 443, 444, 445, 446, 449, 450, 451, 452, 453, 454, 455, 471, 474, 479, 480, 481, 482, 483, 488, 490, 492, 503, 512, 513, 514, 515, 516 Grégoire III, duc de Naples  136, 242, 459 Grégoire IV, duc de Naples  296, 302, 311, 364, 487 Grégoire II, pape  156, 158, 159, 160 Grégoire III, pape  160 Grégoire IV, pape  159, 173, 257, 428 Grégoire V, pape  446 Grégoire VII, pape  143 Gregorius, abbé du monastère Saint-Michel-Archange à Naples  194 Gregorius, comes   et recteur du patrimoine de Gaète  122 , 159, 160, 172 Gregorius, préfet  55 Gregorius, uir magnificus à Gaète  198, 261, 416, 477, 494, 502 Gualterius, abbé du monastère Saint-Laurent à Aversa  282 Guarimpotus, hagiographe napolitain  10, 101, 254, 386, 405, 429 Guarinus, abbé du monastère Saint-Laurent à Aversa  282 Gudiscalcus, dux de Campanie  84 Guillaume, évêque de Nola  143, 244, 366

H Hadrien Ier, pape  127, 157, 265 Hadrien II, pape  406

INDEX DES NOMS DE PERSONNES ET DE  PEUPLES

Hanne, grand prêtre du Temple de Jérusalem  410 Hartmann, Ludwig  6 Hauteville, dynastie normande  205 Hélène, impératrice  425 Héraclius, empereur  425 Hugo, abbé du monastère Saint-Laurent à Aversa 282

I Iacobus, abbé du monastère des Saints-Serge-etBacchus à Naples  311 Innocent Ier, pape  264 Importunus, évêque d’Atella (?)  32, 169, 238 Isaïe, prophète  342, 404 Ismaélites  95, 99, 459

J Jacques, apôtre  405 Janvier, saint  10, 103, 104, 123, 128, 133, 138, 175, 184, 335, 336, 359, 363, 395, 422, 423, 426, 427, 428, 432, 435 Jason, saint  138 Jean, abbé du monastère des Saints-Séverin-etSossius à Naples  293, 413, 498 Jean, abbé du monastère des Saint-Théodore-etsaint-Martin à Naples  501 Jean, apôtre  128, 343, 405, 411, 432 Jean, archevêque de Ravenne  406 Jean, dispensator et rector du monastère des SaintsSerge-et-Bacchus à Naples  310, 317 Jean, duc de Fondi  275 Jean, évêque de Falerii  25 Jean, évêque de Formies  121, 197, 238, 416 Jean, évêque de Sorrente  32, 55, 79, 301 Jean, higoumène du monastère du monastère Saint-Anastase  293 Jean, palatinus  51 Jean, préfet du prétoire d’Italie  46, 122, 155 Jean Ier, archevêque d’Amalfi  240 Jean VI, archevêque de Naples  249, 413 Jean Ier, duc de Gaète  287, 504

575

Jean II, duc de Gaète  179, 274, 340, 368, 465 Jean III, duc de Gaète  299, 371, 412, 491 Jean IV, duc de Gaète  371 Jean V, duc de Gaète  492 Jean III, duc de Naples  110 Jean Ier, évêque de Naples  330, 422 Jean II, évêque de Naples  133, 346, 388, 404, 405 Jean III, évêque de Naples  333, 334 Jean IV le Scribe, évêque de Naples  9, 95, 97, 104, 176, 183, 241, 243, 253, 254, 255, 256, 257, 330, 346, 363, 395, 428, 429, 470, 486, 503 Jean Ier, hypatus de Gaète  162 Jean IV, patriarche de Constantinople  53 Jean VIII, pape  96, 99, 162, 258, 406 Jean X, pape  162 Jean-Baptiste, saint  432, 441 Jean Chrysostome  281 Jean d’Éphèse, historien  121, 127 Jean Diacre, auteur des Gesta  8, 9, 10, 94, 95, 96, 97, 98,123, 126, 131, 163, 175, 181, 182, 183, 241, 243, 247, 248, 254, 256, 258, 261, 328, 331, 332, 336, 344, 353, 355, 362, 364, 375, 387, 427, 429, 431, 447, 448, 449, 459, 467, 470, 484, 485, 486, 491 Jean Diacre, biographe de Grégoire le Grand  6, 443 Jérémie, prophète  342, 404 Jérôme de Stridon  8 Jourdain Ier, prince de Capoue, comte d’Aversa 202, 203, 205 Jourdain II, prince de Capoue, comte d’Aversa 202, 205 Judas  410, 412 Juifs  31, 52, 451, 452, 453, 454, 455, 456, 457 Julien, empereur  329 Julien, saint  362 Julitte, sainte  133 Justinien, empereur  3, 34, 75, 93, 166, 167, 246, 262, 266

576

UNE SOCIÉTÉ CHRÉTIENNE : NAPLES, AMALFI, GAÈTE

L Landolf Ier, comte-évêque de Capoue  136 Landon, comte de Suessa  472 Latins  114, 145, 450 Laurent, archevêque d’Amalfi  323 Laurent, saint  133, 432, 514 Laurentius, abbé du monastère des Saints-Sergeet-Bacchus  118, 310, 317, 321 Lazare, saint  432 Léon, abbé du monastère Saint-Vincent-au-Volturne  110 Léon, comte de Fondi  174 Léon, duc de Naples  485 Léon, évêque de Minturnes  172 Léon le Grand, pape  264, 403 Léon II, archevêque d’Amalfi  108, 115, 233, 244 Léon II, duc de Gaète  180, 244, 261 Léon III, empereur  94, 124, 448   Léon IV, évêque de Gaète  178, 180, 243, 244, 261, 275, 390 Léon III, pape  158, 347 Léon IX, pape  5, 96, 204 Léon, préfet et fils du duc Docibilis Ier  488 Léon, préfet et fils du duc Docibilis II  416, 477 Leontius, évêque de Naples  181, 406, 424, 426, 427 Leontius, visiteur du diocèse de Rimini  26 Lombards  3, 12, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 28, 31, 32, 37, 46, 53, 54, 56, 63, 69, 84, 91, 93, 94, 95, 96, 135, 136, 137, 138, 139, 144, 154, 155, 156, 157, 158, 160, 161, 164, 165, 174, 175, 184, 191, 192, 193, 210, 211, 213, 316, 318, 325, 358, 361, 380, 395, 412, 427, 442, 443, 458, 472, 476, 514 Liberius, évêque de Cumes  32 Liberius, patrice  66, 67, 68 Lin, évêque de Rome  104 Lot, personnage de l’Ancien Testament  409 Louis le Pieux  109, 157, 161, 216 Louis II, empereur  4, 95 Luc, apôtre  120

M Macaire, saint  280 Macarius, higoumène du monastère des SaintsSerge-et-Bacchus  118 Mahomet, prophète  459 Maio (Malo), abbé du monastère du Sauveur in Insula maris  314 Mallardo, Domenico  9 Manso Ier, duc d’Amalfi  4, 108 Marcellin, saint  105 Maria, abbesse du monastère Saint-Laurent d’Amalfi  492 Maria, abbesse du monastère des Saints-Grégoireet-Sébastien   287, 322 et du monastère Saint-Sauveur-saint-Pantaléon à Naples   Maria, abbesse du monastère des Saints-Nicandreet-Marcien à Naples  299, 308, 413 Marie, duchesse de Gaète  373 Marie l’Égyptienne, sainte  435 Marinus, évêque de Gaète  465 Marinus, spectabilis uir  67, 72, 86, 87, 480, 483 Marin II, duc de Gaète  136, 177, 243, 299, 412 Marin II, duc de Naples  110, 194 Maro, évêque de Naples  330, 395 Marrou, Henri-Irénée  119 Martin, saint  66, 68, 353 Martin V, pape  7 Mastalo, évêque d’Amalfi  244 Mastalo Ier, duc d’Amalfi  113, 244 Mastalo II, duc d’Amalfi  244 Matheus, abbé du monastère Saint-Laurent à Aversa  282 Matthieu, apôtre  138, 411, 416 Maur, saint  138 Maurentius, magister militum de Naples  50, 52, 56, 66, 67, 84, 154, 272 Maurice, empereur  85, 446 Maurus, comes  443 Maxime, évêque de Naples  330, 360, 402 Megalu, abbesse à Gaète  287

INDEX DES NOMS DE PERSONNES ET DE  PEUPLES

Mercurius, recteur du patrimoine de Traetto  158, 161 Michel, archange  133, 141 Moïse, prophète  405, 411 Musanda, abbesse du monastère des Saints-ÉrasmeMarcellin-et-Pierre à Naples  187 Musonius, évêque de Méloé  167

N Nazaire, martyr  99 Néron, empereur  112 Nicolas II, pape  5, 96, 143 Nil de Rossano, saint  119, 281, 299, 491 Norberg, Dag  6 Normands  5, 96, 143, 175, 202, 204, 208, 220, 221, 237, 245, 282, 288, 325, 327457, 480, 512 Nostrianus, évêque de Naples  126, 127, 360, 403

O Offa, duchesse de Fondi  472 Otton Ier, empereur  162 Otton III, empereur  215, 274

P Palatina, aristocrate en Campanie  152, 482 Paldon, fondateur du monastère Saint-Vincentau-Volturne  137 Pandolf, archevêque de Capoue  275 Pandolf Ier, prince de Capoue  106, 195 Pandolf II, prince de Capoue  275 Pandolf IV, prince de Capoue  201, 244 Pankratios, abbé du monastère des Saints-Sergeet-Bacchus  118 Pantaléon, saint  133, 354 Pascal Ier, pape  98 Pascal II,  pape  207, 340 Pascasius, évêque de Naples  20, 30, 32, 47, 51, 167, 168, 169, 246, 247, 260, 452, 453, 482 Pateria, tante de Grégoire le Grand  152, 482 Patricia, sainte  435 Paul, apôtre  105, 123, 128, 347, 432

577

Paul, évêque de Nepi  23, 24, 25, 26, 27, 30, 36, 40, 52, 64, 78, 154, 256, 481 Paul Ier, pape  97, 157, 158, 449 Paul II, évêque de Naples  96, 97, 98, 101, 103, 105, 256, 336, 361, 426, 447, 448, 449, 450, 467 Paul III, évêque de Naples  99, 123, 182, 243, 256, 261, 347, 354, 427, 447, Paul de Naples,  hagiographe  455 Paul Diacre, historien  8 Paulin de Nole, saint  19, 58, 404, 405 Pauline, sainte  200 Paulinus, évêque de Taureana  165 Pélage Ier, pape  31, 264 Pélage II, pape  20, 263, 446 Pépin le Bref  109, 157, 158, 160 Philippus (Philippos), abbé du monastère des Saints-Serge-et-Bacchus à Naples  118, 196, 283 Pierre, abbé du monastère Saint-Agnellus à Naples  285, 305, 322 Pierre, abbé du monastère des Saints-Séverin-etSossius   281, 315, 320 Pierre, apôtre  7, 67, 87, 104, 105, 128, 129, 141, 395, 402, 405, 432 Pierre, évêque de Gaète  233, 274 Pierre, évêque de Terracine  28, 32, 451, 452 Pierre, sous-diacre, continuateur des Gesta  8, 99, 131 Pierre, sous-diacre, recteur du patrimoine de Campanie  25, 36, 66, 149, 150, 153, 154, 211 Pimenius, évêque d’Amalfi  32, 53, 260 Pomponius, évêque de Naples  342 Potitus, saint  426 Primenius, évêque de Nocera  32, 70

R Rainaldus, abbé du monastère Saint-Laurent à Aversa  282 Rainulf Ier Drengot, comte d’Aversa  5, 204, 282 Ramfus, évêque de Gaète  122, 216, 273 Rapizza, épouse de Jourdain Ier  203 Raynerius, comte de Suio  178, 244 Redux, évêque de Naples  404

578

UNE SOCIÉTÉ CHRÉTIENNE : NAPLES, AMALFI, GAÈTE

Renaud, évêque de Gaète  323 Renaud Ridel, duc de Gaète  203 Restituta, sainte  329, 337, 374, 396, 441 Richard, évêque de Gaète  245 Richard d’Aquila, comte de Pica  176, 203, 205 Richard Ier ou Richard Quarrel, prince de Capoue, comte d’Aversa  5, 202, 204, 205 Richard II, prince de Capoue  220 Richard de Bitetto, sénéchal  208 Ricimer  405 Rigale, abbesse du monastère des Saints-Grégoireet-Sébastien à Naples  287, 312 Risus, archevêque de Bari  208 Robert Guiscard  5, 96, 202, 203, 205, 207, 237 Robert II, prince de Capoue, comte d’Aversa  202 Robert II, roi de France  447 Robertus, abbé du monastère Saint-Laurent à Aversa  282 Roger Borsa, duc d’Apulie et de Calabre  205, 207, 237 Roger II, roi de Sicile  5, 134, 202, 325, 337, 513 Rothari, roi lombard  466 Rufin d’Aquilée  58, 116 Rustica, illustris femina  62, 67, 68, 77, 82, 83, 86, 480 Rutebeuf  455

S Sabas le Jeune, saint  116 Sabinus, abbé du monastère Saint-Étienne de Capri  76 Saphire, personnage des Actes des Apôtres  411, 412 Sardes  444 Sarrasins  4, 93, 94, 95, 96, 99, 109, 110, 111, 161, 162, 171, 176, 216, 243, 273, 296, 340, 363, 364, 366, 369, 395, 396, 406, 430, 459, 460, 461, 462, 486, 516 Scolasticus, gouverneur de Campanie  154 Secundinus, abbé du monastère Saint-Martin à Naples  65, 78, 190, 301, 308, 309 Serenus, évêque de Marseille  439 Serge, saint  133

Serge II, archevêque de Naples  323 Serge Ier, duc de Naples  4, 95, 115, 136, 176, 183, 242, 257, 458, 485, 486 Serge II, duc de Naples  95, 99, 136, 242, 363, 375, 458, 485, 486 Serge IV, duc de Naples  204, 219, 237, 275, 283, 293, 300, 311, 363, 487 Serge V, duc de Naples  293, 314, 413 Serge Ier, évêque de Naples  447 Serge Ier, pape  425 Serge III, pape  108 Sergius, abbé du monastère des Saints-Serge-etBacchus  à Naples  194 Sévère, évêque de Naples  57, 58, 65, 68, 337, 341, 351, 353, 361, 395, 403, 404, 405, 435, 436 Séverin, saint  10, 59, 64, 112, 129, 133, 138, 364, 424, 429, 430, 432, 433, 436, 481 Sicard, prince de Bénévent  214, 429 Sicon, prince de Bénévent  104, 138, 332, 336, 427 Silvestre Ier, pape  149, 325, 329 Simplice, pape  165 Sinuadus, recteur du patrimoine de Traetto  160, 173 Sirice, pape  264 Sixte III, pape  149 Sossius, saint  10, 133, 362, 364, 429, 430, 431, 432, 433, 436 Soter, évêque de Naples  132, 333, 334, 337, 342, 344, 351, 352 Stephania, abbesse du monastère des Saints-Grégoire-et-Sébastien  287 Symmaque, sénateur et préfet de Rome  403

T Tacite, historien  112 Tason, fondateur du monastère Saint-Vincent-auVolturne  137 Taton, fondateur du monastère Saint-Vincent-auVolturne  137 Thecla, abbesse du monastère Sainte-Marie à Naples  82 Théodime, dispensator de la diaconie de Saint-André ad Nidum

INDEX DES NOMS DE PERSONNES ET DE  PEUPLES

et sous-diacre régionaire à Naples  124, 159 Theodonanda, duchesse de Naples  287, 312, 354, 355, 356, 488, 491 Théodora, duchesse de Gaète  244, 261 Théodore, maior populi de Naples  46, 56, 482 Théodore Ier, duc de Naples  124, 126, 156 Théodore de Sykéon  167 Théodore Stoudite  113 Théodoric, roi goth  405 Théodose, abbé du monastère Saint-Martin à Naples  66, 67, 84, 211, 301, 309 Théodose Ier, empereur  441 Théophile, empereur  172 Théophylacte II, duc de Naples  242, 491 Theopistus, abbé du monastère des Saints-Nicandre-et-Marcien à Naples  299 Tibère, évêque de Naples  95, 97, 98, 176, 182, 243, 256, 257, 261, 287, 355, 361, 428, 447, 484, 485, 486 Tibère, hypatus de Gaète  122 Tibère II, empereur  446 Totila, roi goth  325 Trophimène, sainte  133

579

U Urbain II, pape  205, 208 Urbain III, pape  144 Ursus, abbé et chapelain du palais d’Amalfi  237 Ursus, évêque de Naples  360 Ursus, prêtre et hagiographe napolitain  131  

V Vecta, comes de Misène  46, 55, 482 Venantius, aristocrate en Campanie  86, 480 Victor, évêque de Naples  133, 359, 360, 361 Victor III, pape  204, 323 Villani, Matteo  218, 231 Vincentius, évêque de Naples  181, 333, 343 Vitus, saint  432 Viviana, aristocrate en Campanie  152, 482

W Waitz, Georg  9

Z Zacharie, pape  158, 160 Zosime, évêque de Naples  329, 403

LISTE DES FIGURES

Fig. 1 :  le cadre géographique campanien

2

Fig. 2 :  les duchés tyrrhéniens et les principautés lombardes autour de l’an mil

4

Fig. 3 :  les évêchés de Campanie à la fin du vie siècle

29

Fig. 4 :  archevêchés et évêchés en Campanie au xie siècle

107

Fig. 5 :  le duché de Naples au xe siècle d’après B. Capasso

125

Fig. 6 :  cathédrales, basiliques majeures et diaconies de Naples d’après B. Capasso

338

Fig. 7 :  répartition des églises par regio de Naples aux xe-xiie siècles

349

Fig. 8 :  les monastères établis dans Naples aux xe-xiie siècles

357

Fig. 9 :  les églises attestées dans le duché de Gaète aux ixe-xiie siècles

368

TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION  .................................................................................................................  1   Le cadre géographique  .........................................................................................................................  1   Le cadre historique  .................................................................................................................................  3   Un aperçu des sources  ...........................................................................................................................  5   Les axes de recherche  ............................................................................................................................  12

PREMIÈRE PARTIE

LES INSTITUTIONS RELIGIEUSES ET LEURS PARTICULARITÉS Chapitre 1 DES STRUCTURES PALÉOCHRÉTIENNES  ............................................................  17   I.  L’organisation des sièges épiscopaux campaniens  ....................................................  18        La question du nombre des évêchés en Campanie  ........................................................  18        Préserver le réseau épiscopal campanien : les visiteurs  ..................................................  22        Préserver le réseau épiscopal campanien : la réunion d’évêchés  ................................  27        Assurer la continuité de la mission épiscopale  .................................................................  28        Garder le contrôle du patrimoine ecclésiastique  ............................................................  30   II.  Les évêques campaniens à l’aube du Moyen Âge  .......................................................  32         L’élection des évêques campaniens  .......................................................................................  33        Le recrutement des évêques campaniens  ...........................................................................  41        Les missions d’un évêque  ........................................................................................................  44        Le rôle politique des évêques campaniens  .........................................................................  53   III.  Le monde monastique campanien à la fin du vie siècle  ...................................  57        Une vision parcellaire  ..............................................................................................................  57        Monastères masculins et monastères féminins  ................................................................  61        Un monachisme littoral  ..........................................................................................................  62

584

TABLE DES MATIÈRES

       Littoralisation et regroupement à la fin du vie siècle  ...................................................  68        Un monachisme micro-insulaire  .........................................................................................  73        Les rapports avec les autorités ecclésiastiques  ..................................................................  75        Les rapports avec les laïcs et les autorités civiles  .............................................................  81        Les oratoires  ................................................................................................................................  85        La question des règles monastiques à la fin de l’Antiquité  .........................................  85

Chapitre 2 LES INFLUENCES  ..................................................................................................................  93   I.  L’influence romaine  ...........................................................................................................................  93        Les duchés campaniens et Rome  .........................................................................................  94        L’élection et la consécration des évêques  ............................................................................  96        Une géographie ecclésiastique calquée sur Rome ?  ........................................................  100        Un Ordo Romanus ?  ............................................................................................................  105        De nouvelles métropoles religieuses  ......................................................................................  106        Des monastères latins influencés par les grands monastères voisins  ........................  109   II.  L’influence grecque  .........................................................................................................................  111       La question de l’hellénisme napolitain  ................................................................................  112       Une « renaissance » de l’hellénisme napolitain durant le haut Moyen Âge  ..........  112       L’existence de monastères grecs  ...............................................................................................  115       Une institution originale : la diaconie  ..................................................................................  119       Une Église grecque ?  ...................................................................................................................  129       Un sanctoral grec ou oriental ?  ...............................................................................................  131       La fin de l’hellénisme en Campanie  .....................................................................................  134   III.  L’influence lombarde  ....................................................................................................................  134       Une organisation ecclésiastique différente  ............................................................................  135       Un monachisme favorisé par le pouvoir civil  .....................................................................  136       Un sanctoral partagé ou disputé  .............................................................................................  138       Le système des églises privées : une influence lombarde ?  ................................................  139

Chapitre 3 LE TEMPOREL DES ÉGLISES ET DES MONASTÈRES  .......................................  147   I.  La disparition du patrimoine de l’Église romaine  ..................................................  148        Un patrimoine menacé  ...........................................................................................................  148        Un patrimoine divisé  ...............................................................................................................  156        Un patrimoine aliéné  ..............................................................................................................  160

TABLE DES MATIÈRES

585

  II.  Le patrimoine des évêchés  ...........................................................................................................  163        Le patrimoine des évêchés campaniens à la fin de l’Antiquité  ..................................  163        Un patrimoine amoindri ?  ....................................................................................................  170        Administrer le patrimoine épiscopal  ...................................................................................  176   III.  Le temporel des églises  ................................................................................................................  180       Les trésors de la cathédrale de Naples  .................................................................................  181       Le patrimoine des églises publiques  .......................................................................................  184       Le patrimoine des églises privées  .............................................................................................  187   IV.  Le patrimoine monastique  .........................................................................................................  190       De la rétraction à la régionalisation  .....................................................................................  190       La structure du patrimoine monastique  .............................................................................  195       Le patrimoine campanien du Mont-Cassin et de Saint-Laurent d’Aversa  .............  200   V.  Esclaves, dépendants et tenanciers des patrimoines religieux  ................  209       L’époque de Grégoire le Grand  ..............................................................................................  209       L’extinction lente de l’esclavage rural au cours du haut Moyen Âge  .......................  212       Un faire-valoir indirect dominant  .........................................................................................  216

DEUXIÈME PARTIE

LE RÔLE STRUCTURANT DE L’ÉGLISE Chapitre 1 LES CLERCS  ..............................................................................................................................  225   I.  Les clercs dans la société des duchés tyrrhéniens  .............................................  226       Les clercs dans leur cercle familial (xe-xiie siècle)  .............................................................  212       La socialisation secondaire des clercs campaniens  ............................................................  230       La fortune personnelle des clercs campaniens  ....................................................................  237       Les évêques dans la société des duchés tyrrhéniens  ...........................................................  241   II.  Les clercs dans leur Église  .......................................................................................................  245       Une hiérarchie intangible ?  ......................................................................................................  245       Formation et recrutement des clercs  ......................................................................................  252       L’élection des évêques : le témoignage des Gesta  ..............................................................  255       La discipline des clercs  ...............................................................................................................  258       La question du célibat  ...............................................................................................................  262       La justice des clercs  .....................................................................................................................  271

586

TABLE DES MATIÈRES

Chapitre 2 LES MOINES  .............................................................................................................................  279   I.  Qui est moine ?  ........................................................................................................................................  279       Une conversion onomastique ?  ................................................................................................  280       Moines « latins » et moines « grecs »  ...................................................................................  281       Une origine sociale plus distinguée ?  .....................................................................................  283       Du nom et de l’origine des moniales  ....................................................................................  285   II.  Le quotidien monastique  .............................................................................................................  288       L’entrée au monastère  ................................................................................................................  289       Vie commune ou solitaire  ..........................................................................................................  295       Rappel et respect des règles monastiques  ..............................................................................  300       La direction des monastères  .....................................................................................................  307       Hiérarchie et fonctions  ...............................................................................................................  314       Moine et prêtre  .............................................................................................................................  319

Chapitre 3 L’ENCADREMENT PASTORAL  .....................................................................................  325   I.  Les structures épiscopales d’encadrement  ..................................................................  326       Provinces ecclésiastiques et diocèses  ........................................................................................  327       La cathédrale de Naples  ...........................................................................................................  328       Sur les groupes épiscopaux des autres diocèses  ...................................................................  339       Les basiliques majeures : un particularisme napolitain ?  ..............................................  341   II.  Le réseau urbain des églises et des monastères à Naples  ...............................  345       Un réseau ecclésial opaque entre le vi e et le x e siècle  ........................................................  345       Un réseau dense aux x e-xii e siècles  ........................................................................................  347       Églises publiques, églises privées  ..............................................................................................  350       La question des plebes  ..............................................................................................................  351       Les monastères urbains  ..............................................................................................................  353   III.  L’encadrement pastoral des campagnes  .......................................................................  358       Un réseau ecclésial napolitain préservé  ................................................................................  358       Un réseau transformé à partir du ix e siècle  .......................................................................  362       Le réseau ecclésial de Gaète  .....................................................................................................  366       Amalfi : un réseau public ou privé ?  .....................................................................................  372       Retour sur les îles au haut Moyen Âge  ................................................................................  373

TABLE DES MATIÈRES

587

  IV.  Clergé, liturgie et reliques pour encadrer les fidèles  ................................  377       Le service des églises à Naples  .................................................................................................  378       Le rôle des congrégations sacerdotales  ...................................................................................  382       Un service liturgique centré sur l’évêque et son église  ......................................................  386       Une liturgie monastique au service des morts  ...................................................................  390       La place des reliques dans la pastorale des fidèles  ............................................................  394

TROISIÈME PARTIE

LA VIE RELIGIEUSE DES FIDÈLES Chapitre 1 CROYANTS ET MÉCRÉANTS  .........................................................................................  401   I.  Le dogme manifesté et perçu  .....................................................................................................  401       Un dogme peu manifesté  ...........................................................................................................  402       Un dogme entr’aperçu  ...............................................................................................................  408       L’au-delà des testaments  ............................................................................................................  414   II.  Culte des reliques, des saints et des images  ..............................................................  420       Un culte des reliques maîtrisé  ..................................................................................................  421       Un culte des saints absent du quotidien ?  ...........................................................................  432       Un culte des images discret  ......................................................................................................  437   III.  Hérétiques et non-chrétiens entre Antiquité et haut Moyen Âge  .....  441       Survivance ou résurgence du paganisme en Campanie ?  ...............................................  442       Schisme et hérésie à Naples  ......................................................................................................  444       Naples : cité iconoclaste ?  ...........................................................................................................  447       Présence et persistance du judaïsme campanien  ................................................................  450       Une religion adverse et absente : l’islam  ..............................................................................  458

Chapitre 2 VIVRE EN CHRÉTIEN  .........................................................................................................  463   I.  La famille au miroir des RNAM  ...............................................................................................  463       Naître  ..............................................................................................................................................  464       Être élevé  ........................................................................................................................................  469       Se marier et fonder une famille  ..............................................................................................  471       Transmettre son patrimoine à ses enfants ou à l’Église ?  ...............................................  475

588

TABLE DES MATIÈRES

  II.  Vivre sa foi dans la société campanienne du vie au xiie siècle  ....................  478       Aristocratie et pratiques religieuses à la fin de l’Antiquité  .............................................  480       La piété des ducs de Naples  .....................................................................................................  484       La piété des fidèles durant le haut Moyen Âge  .................................................................  487       La piété des femmes : une pratique différente ?  .................................................................  490       Esclaves et dépendants : des pratiques religieuses inconnues  .........................................  492   III.  Mourir en chrétien  ........................................................................................................................  495       À l’article de la mort  ..................................................................................................................  496       Exprimer ses dernières volontés  ..............................................................................................  499       Recevoir une sépulture  ...............................................................................................................  503       Entretenir la mémoire des défunts  .........................................................................................  507

CONCLUSION  ....................................................................................................................................................  513

BIBLIOGRAPHIE GÉNÉRALE  .........................................................................................  519   Titres abrégés  ..................................................................................................................................  519   Sources  ..................................................................................................................................................  520   Travaux modernes  .......................................................................................................................  523

INDEX  ..........................................................................................................................................  561   Index des toponymes et des lieux de culte  .............................................................  561   Index des noms de personnes et de peuples  .............................................................  571 Liste des figures  ...................................................................................................................................  581 Table des matières  ...........................................................................................................................  583