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PUBLICATIONS DE L’INSTITUT DU PROCHE-ORIENT ANCIEN DU COLLÈGE DE FRANCE
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PRATIQUES ADMINISTRATIVES ET COMPTABLES AU PROCHE-ORIENT À L’ÂGE DU BRONZE
édité par Ilya Arkhipov, Grégory Chambon et Nele Ziegler
PEET ERS
PRATIQUES ADMINISTRATIVES ET COMPTABLES AU PROCHE-ORIENT À L’ÂGE DU BRONZE
PUBLICATIONS DE L’INSTITUT DU PROCHE-ORIENT ANCIEN DU COLLÈGE DE FRANCE
Collection dirigée par D. Charpin, J.-M. Durand et Th. Römer
PIPOAC 1: J.-M. Durand, Th. Römer & J.-P. Mahé (éd.), La Faute et sa punition dans les sociétés orientales, 2010.
PIPOAC 2: D. Charpin, Gods, Kings and Merchants in Old Babylonian Mesopotamia, 2015.
PIPOAC 3/1 et 3/2: G. Chambon, M. Guichard & A.-I. Langlois (éd. avec la participation de Th. Römer et N. Ziegler), De l’Argile au numérique. Mélanges assyriologiques en l’honneur de Dominique Charpin, 2019.
PIPOAC 4: I. Arkhipov, G. Chambon & N. Ziegler (éd.), Pratiques administratives et comptables au Proche-Orient à l’Âge du Bronze, 2021.
PIPOAC 5: M. Béranger, F. Nebiolo & N. Ziegler (éd.), Dieux, rois et capitales dans le Proche-Orient ancien. Compte rendu de la LXVe Rencontre Assyriologique Internationale (Paris, 8-12 juillet 2019) (en préparation).
PIPOAC 4
PRATIQUES ADMINISTRATIVES ET COMPTABLES AU PROCHE-ORIENT À L’ÂGE DU BRONZE
édité par Ilya Arkhipov, Grégory Chambon et Nele Ziegler
PEETERS LEUVEN – PARIS – BRISTOL, CT
2021
A catalogue record for this book is available from the Library of Congress. ISBN 978-90-429-4561-6 eISBN 978-90-429-4562-3 D/2021/0602/165 © 2021, Peeters, Bondgenotenlaan 153, B-3000 Leuven, Belgium No part of this book may be reproduced in any form or by any electronic or mechanical means, including information storage or retrieval devices or systems, without prior written permission from the publisher, except the quotation of brief passages for review purposes.
INTRODUCTION Ilya ARKHIPOV, Grégory CHAMBON & Nele ZIEGLER
Nous publions dans ce volume quelques-unes des communications présentées dans le cadre du projet PICS franco-russe « L’administration économique du palais au Proche-Orient à l’Age du Bronze », alias COMPTABAB. Ce projet, qui avait été soutenu financièrement par le CNRS et la Fondation des sciences humaines de Russie (РГНФ), a réuni en 2014-2016 une vingtaine de chercheurs français et russes sous la direction de Nele Ziegler (CNRS, UMR 7192), Grégory Chambon (Université de Bretagne Occidentale / EHESS) et Ilya Arkhipov (Institut d’histoire mondiale / École supérieure d’économie). Nous souhaitons remercier ici le CNRS et la Fondation des sciences humaines de Russie (РГНФ) qui ont généreusement permis nos déplacements et séjours dans le pays partenaire. Nous sommes également reconnaissants envers les institutions qui nous ont accueillis pour les tables rondes1 : la Faculté d’histoire de l’Université d’État de Moscou, l’Institut d’histoire mondiale de Moscou, l’Institut des manuscrits orientaux de Saint-Pétersbourg ainsi que l’UFR Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Bretagne Occidentale sans oublier l’Institut du Proche-Orient ancien du Collège de France. Notre projet de recherche s’est concentré tout particulièrement sur les textes cunéiformes traditionnellement désignés comme « administratifs » ou « économiques ». Issus avant tout de la comptabilité2 de grands organismes tels que les palais et les temples, mais aussi de celle de grandes maisonnées privées, ce type de documentation, en raison de son caractère répétitif et laconique, a souvent été étudié sous l’angle exclusif de l’histoire économique. À l’aide des données chiffrées et des items enregistrés, on cherchait à mieux comprendre les flux de marchandises et les modes de gestion des organismes qui avaient produit cette documentation. Dans de rares cas la gestion des ressources humaines par
1 Les colloques organisés dans le cadre du projet ont eu lieu à Moscou les 30-31 octobre 2014 et le 2 juillet 2015, à Saint-Pétersbourg le 29 août 2016 et à Brest le 16 octobre 2016 et ont réuni au total 34 communications de vingt chercheurs représentant la France, la Russie et l’Allemagne. Les programmes des colloques sont reproduits e.a. sur la page web https://digitorient.com/ programmes-de-recherche/3-projets-de-lequipe-3-mondes-mesopotamiens/pics-comptabab/. 2 D. Charpin 1990 a proposé que le terme akkadien de « comptabilité » était mušêpišûtum.
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les scribes anciens a été étudiée d’un point de vue plus sociologique3. Les textes administratifs sont néanmoins considérés le plus souvent comme un pur produit des comportements économiques, même si l’on concède en assyriologie comme dans d’autres disciplines historiques, sous l’influence des idées de K. Polanyi, qu’ils entretiennent des liens étroits avec l’histoire sociale. Les études portant sur le système de pensée des anciens Mésopotamiens continuent de se concentrer donc plutôt sur les textes dits « littéraires » ou « savants », les hymnes, listes lexicales ou autres traités divinatoires. Or, la production d’un document administratif fait tout autant appel à des modes d’intellection qui non seulement mobilisent des pratiques cognitives (calculs, organisation, prévision…) et des conventions d’écritures spécifiques (répertoires de signes, terminologie, formulaires…), recourent à des systèmes de tri et de classement, mais également s’inscrivent dans des rapports sociaux particuliers entre les différents acteurs d’une transaction. La compréhension des pratiques comptables et administratives mésopotamiennes ne doit donc pas se limiter à une approche quantitative, à partir des données chiffrées des textes, ou descriptive de la gestion administrative. Elle doit intégrer nécessairement l’étude des caractéristiques intrinsèques des textes comptables anciens, de façon simultanée à celle de leur « raison d’être » dans le fonctionnement et les modes de pensée des sociétés proche-orientales. Toutefois, ce type d’étude reste encore à ce jour beaucoup moins étendu et problématisé en assyriologie que dans d’autres disciplines comme l’histoire médiévale4. Les travaux entrepris sur ce sujet par les historiens du Proche-Orient sont en effet avant tout descriptifs, explorant les activités économiques et administratives (gestion des stocks, dépenses et acquisitions de denrées, 3
Par exemple, Ziegler 1999 ; Postgate 2001. Des questions des modalités de gestion, par exemple la rédaction (ou non) de documents par l’administration y ont été abordées (Ziegler 1999, 21-28 ; Postgate 2001, 184) ou la réutilisation d’un document le mois suivant en changeant la date (Ziegler 1999, 140). Pour des techniques scribales de la gestion du personnel on peut également citer Charpin 1987. Van de Mieroop 2004 propose également une approche fonctionnelle à la compréhension des comptabilités mésopotamiennes, prenant en compte le rôle et la responsabilité des scribes. 4 Un des problèmes de l’assyriologie réside bien évidemment dans la nature même de la documentation et le vocabulaire souvent difficile des textes économiques, ainsi que l’état fragmentaire des documents eux-mêmes. La bonne interprétation des « mots-clés » (cf. infra) n’est pas toujours aisée. Par ailleurs les études de la culture matérielle et du lexique étaient et sont toujours une réelle priorité de la recherche. On citera ici un de ses initiateurs : J.-M. Durand 1983. Il a lancé une série d’éditions de textes économiques intitulée Matériaux pour le Dictionnaire de Babylonien de Paris : Guichard 2005, Durand 2009, Arkhipov 2012 ; on citera également Marti 2008 ; Chambon 2009 ; 2018 et Jacquet 2011.
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distribution de rations, etc.) à partir du contenu des textes plutôt qu’à partir de leur place dans un système global de gestion, de représentations et de pouvoir. Bien que les textes comptables constituent la plus grande partie du corpus cunéiforme publié, ils ont attiré relativement peu l’attention en tant qu’objet de recherche en soi. Beaucoup d’études portant sur une période ou un corpus particulier ont pourtant déjà abordé des questions de comptabilité mésopotamienne, selon plusieurs points de vue méthodologiques5. Cependant, des synthèses recouvrant une longue période sont pratiquement inexistantes, avec l’exception du colloque tenu à Londres en 2000, où plusieurs spécialistes se sont penchés sur la comptabilité mésopotamienne de différentes époques6. Aucun des articles réunis dans les actes de ce colloque ne concerne néanmoins la période paléobabylonienne7. C’est donc sur l’aspect typologique et comparatif ainsi que sur le contexte social, économique et politique de production des documents comptables que notre recherche s’est concentrée, avec une attention particulière portée à la période paléobabylonienne et aux archives de palais royaux ou provinciaux de la Mésopotamie du Nord, comme à Mari (Tell Hariri), Tuttul (Tell Bi’a), Ašnakkum (Chagar Bazar)8, Qaṭṭara (Tell Rimah)9 et Šušarra (Tell Shemshara)10. L’accent a en particulier été mis sur le corpus le plus riche concernant notre objet d’étude, les archives de la cité de Mari sur le Moyen Euphrate, datant majoritairement du premier tiers du XVIIIe siècle av. J.-C. Parmi les milliers de textes à caractère comptable retrouvés dans ces archives, plus de 5000 ont déjà été publiés 11. Leur hétérogénéité, de par leur nature ou leur fonction, est particulièrement frappante ; on trouve aussi bien de simples billets de réception, des récapitulatifs mensuels ou annuels et des apurements de comptes, que des documents juridiques attestant le transfert de biens (grain, champs) entre institutions et particuliers.
5 Cf. Chambon & Arkhipov 2015, 366-367 pour quelques éléments historiographiques ; une histoire détaillée de la recherche sera disponible dans Arkhipov & Chambon en préparation. Un aperçu de la gestion économique de Mari a été donné par N. Ziegler 2001, et un aperçu du système fiscal par G. Chambon 2020. 6 Hudson & Wunsch (éd.) 2004. 7 La base de données ARCHIBAB (www.archibab.fr, fruit de deux projets ANR dirigés par D. Charpin, Collège de France) dans laquelle a été enregistré souvent avec édition critique un très grand nombre de ces documents, a constitué un outil indispensable pour notre recherche. 8 Lacambre 2010. 9 Cf. A.-I. Langlois dans ce volume. 10 Eidem 1992. 11 La base de données www.archibab.fr donne accès à la bibliographie complète.
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L’organisation des archives palatiales a été confrontée à celle des grandes demeures contemporaines de la Mésopotamie du Sud, dont la comptabilité était menée sur le modèle des grands organismes et/ou liée à la fonction « publique » de leurs propriétaires, comme par exemple la gestion des terres du domaine royal de Larsa ou la gestion du domaine d’un particulier. Du point de vue méthodologique, nous avons proposé d’aborder la comptabilité cunéiforme non pas de manière descriptive mais exploratoire, en cherchant sa raison d’être : pourquoi les documents comptables étaient-ils rédigés et conservés ? Il s’est vite révélé impossible de répondre à cette question — c’est d’ailleurs cette impossibilité qui explique qu’elle n’est presque jamais posée en assyriologie, qui lui préfère la question du « comment ? » — sans avoir une idée claire de la fonction et de la nature des archives qui regroupaient ces textes, du point de vue des Anciens12. La reconstitution archivistique devrait néanmoins représenter l’un des axes principaux de recherche13. C’est le cas de Mari où les données des fouilles anciennes concernant les lieux de découverte des tablettes sont malheureusement incomplètes. Plutôt que les archives « artificielles » habituellement reconstituées pour les besoins des publications, selon les protagonistes apparaissant dans les textes ou les types de biens enregistrés, ce sont les archives telles que les Anciens les ont créées, conservées, manipulées, qui nous ont intéressés14. La reconstruction archivistique a donc été accompagnée d’une étude des techniques d’archivage des tablettes (voir ci-dessous les contributions de D. Charpin et L. Marti). Les résultats de cette reconstruction ont été croisés avec les informations issues de l’étude diplomatique des documents, qui concerne aussi bien l’aspect matériel des tablettes (la forme, la présence de trous, de marques non-graphiques etc.) que les formulaires utilisés15. Les « mots-clés » renvoyant à différents types de transactions et d’opérations comptables16, abordés habituellement sous l’angle lexical, ont été étudiés dans leur 12 Par exemple, il a été démontré que deux exemplaires identiques d’un même texte peuvent avoir des fonctions opposées s’ils proviennent de deux archives différentes : l’un a servi de quittance et l’autre, d’aide-mémoire pour la réception (Arkhipov 2019, 39). 13 Pour des points importants sur l’archivistique cunéiforme, voir Veenhof (éd.) 1986 et Brosius (éd.) 2003. 14 Voir le cas des archives de Mukannišum à l’intérieur du palais de Mari, Arkhipov 2019, 39. 15 Pour l’introduction des méthodes de la diplomatique en Assyriologie, on citera notamment les travaux de D. Charpin (Charpin 2002, 2017 et 2018). 16 Une présentation synthétique de ces « mots-clés » de l’administration mariote se trouve dans Arkhipov 2012, 2-6. Voir également pour la terminologie de l’administration,
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contexte d’usage, puis plus généralement dans le cadre de la comptabilité mésopotamienne, en tenant compte de la spécificité et la fonction de chaque document « administratif » concerné17. Il nous paraît que la terminologie et les formulaires comptables ne faisaient sens que par et pour l’administration qui les a produits, selon ses propres besoins et ses propres conventions. Enfin, l’étude des documents comptables a été intégrée dans le contexte plus large des systèmes économiques et administratifs paléobabyloniens ; il s’agissait donc de partir des pratiques concrètes et empiriques pour dégager une vision d’ensemble, plutôt que, inversement, d’appliquer des modèles théoriques à des réalités locales. Cet axe d’étude a mis l’accent, d’un côté, sur les opérations de mesure qui rythmaient la vie quotidienne des organismes (pesée, mesure de denrées, évaluation etc.) et que l’on peut reconstruire à partir des textes, et, de l’autre côté, sur l’interaction entre pouvoir et administration comptable du point de vue structurel et sociologique. La plupart des communications lors des colloques a concerné les archives institutionnelles paléobabyloniennes. Les interventions de I. Arkhipov, G. Chambon, D. Lacambre, L. Marti, F. Nebiolo, J. Patrier, H. Reculeau et N. Ziegler ont porté sur la reconstruction d’archives et différentes pratiques administratives et comptables de Mari. A.-I. Langlois, D. Lacambre, J. Patrier et N. Ziegler ont présenté des études portant sur d’autres archives palatiales de la Mésopotamie du Nord (Tuttul, Ašnakkum, Qaṭṭara, Šušarra). D. Charpin, B. Fiette, A. Jacquet et Th. Nicolas ont concentré leur propos sur la gestion des biens et les pratiques documentaires, d’après les archives privées ou institutionnelles de la Mésopotamie du Sud. Dans une perspective diachronique, le programme des colloques ne s’est toutefois pas limité à l’époque paléobabylonienne. Les communications de K. Markina et W. Sallaberger ont été consacrées aux archives et formulaires des périodes dynastiques archaïques et paléoakkadienne respectivement. Les communications de L. Marti, A. Moskaleva et M. Redina-Thomas ont concerné les pratiques comptables au service de la gestion des palais et des administrations du Bronze récent. Durant ces tables-rondes, nous avons également eu le souci de comparer les pratiques administratives mésopotamiennes à celles d’autres civilisations antiques voisines et plus ou moins contemporaines. B. Alexandrov parmi d’autres, Durand 1984, Chambon & Langlois 2017, ainsi que Wasserman & Ziegler 1994. 17 Pour des réponses préliminaires à cette question, voir Arkhipov 2017, 151.
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a présenté lors de plusieurs conférences les textes administratifs hittites et posé la question des pratiques comptables de cette civilisation, beaucoup moins documentées que celles de Mésopotamie. L’Égypte pharaonique avec l’administration sur papyrus (A. Ilin-Tomich) et la Syrie-Palestine du Ier millénaire (A. Lyavdansky) avec des documents administratifs de nature très différente (tessons, boules d’argile) de même que l’administration de la Mésopotamie à l’époque perse ont été également examinées (N. Czechowicz). Le projet a déjà donné lieu à plusieurs publications. Le numéro 8 de la revue ComptabilitéS en ligne, édité par G. Chambon, fait connaître aux non-spécialistes plusieurs aspects de la comptabilité du Proche-Orient ancien, d’Uruk archaïque à l’Égypte pharaonique en passant par l’Anatolie hittite et les royaumes d’Israël et de Juda18. Des recherches préliminaires d’I. Arkhipov et G. Chambon sur la comptabilité de Mari ont données lieu à plusieurs articles19 ; une étude monographique est en cours de préparation20. BIBLIOGRAPHIE Alexandrov, B. 2016 : « Accounting Texts from Boğazköy in Current Hittitological Research », dans Chambon (éd.) 2016. (cf. https://journals.openedition.org/comptabilites/2010) Arkhipov, I. 2012 : Le Vocabulaire de la métallurgie et la nomenclature des objets en métal dans les textes de Mari. Matériaux pour le Dictionnaire de Babylonien de Paris III, ARM 32, Leuven/Paris/Walpole. —— 2017 : « The “Treasure Archive” of Puzriš-Dagan from a Mari Perspective », RA 111, p. 147-154. —— 2019 : « Who Kept Records in the Palace of Mari, and Why? », dans Wicke, D. (éd.), Der Palast im antiken und islamischen Orient. 9. Internationales Colloquium der Deutschen Orient-Gesellschaft. 30. März - 1. April 2016, Frankfurt am Main, Wiesbaden, 35-42. Arkhipov, I. & Chambon G., en préparation : Pratiques archivistiques et comptables dans le Palais de Mari sous le règne de Zimri-Lim. Brosius, M. (éd.) 2003 : Ancient Archives and Archival Traditions: Concepts of Record-keeping in the Ancient World, Oxford.
18 Chambon (éd.) 2016. Dans cette revue, les articles suivants ont été écrits par les participants du projet : Ziegler 2016, Lyavdansky 2016, Alexandrov 2016, Chambon 2016b. 19 Chambon & Arkhipov 2015, spécialement 368-373 ; Arkhipov 2017, spécialement 147-151; Chambon 2018, spécialement 30-63; Arkhipov 2019. 20 Arkhipov & Chambon en préparation.
INTRODUCTION
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Chambon, G. 2009 : Florilegium Marianum XI. Les Archives du vin à Mari, Mémoires de NABU 12, Paris. —— (éd.) 2016 : Archéologie de la comptabilité. Culture matérielle des pratiques comptables au Proche-Orient ancien, ComptabilitéS 8. (https://journals.openedition.org/comptabilites/1873) —— 2016b : « Écrire, compter, mesurer : comptabilité du grain dans le palais de Mari sur le Moyen Euphrate (XVIIIe siècle av. J.-C.) », dans Chambon (éd.) 2016. (https://journals.openedition.org/comptabilites/1907) —— 2018 : Florilegium marianum XV. Les Archives d’Ilu-kân: gestion et comptabilité du grain dans le palais de Mari, Mémoires de NABU 19, Paris. —— 2020 : « Fiscal Regime and Management of Resources by the ‘King’s Household’ in Mari during the Old Babylonian Period », dans Mynářová, J. & Alivernini, S. (éd.), Economic Complexity in the Ancient Near East: Management of Resources and Taxation (Third-Second Millennium BC), Prague, p. 249-277. Chambon, G. & Arkhipov, I. 2015 : « Pratiques comptables dans le palais de Mari au Proche-Orient ancien (début du IIe millénaire av. J.-C.) », dans Mattéoni, O. & Beck, P. (éd.). Classer, dire, compter. Discipline du chiffre et fabrique d’une norme comptable à la fin du Moyen Âge. Colloque des 10 et 11 octobre 2012, Paris, p. 361-374. Chambon, G. & Langlois, A.-I. 2017 : « nikkassum napiṣ “le compte est clos”, nipiṣ nikkassim “reddition/apurement du compte” », NABU 2017/13. Charpin, D. 1984 : « Une pratique administrative méconnue », MARI 3, p. 258259. —— 1987 : « La mise à jour des listes nominatives », NABU 1987/75. —— 1990 : « mušêpišûtum = “comptabilité” ? », NABU 1990/141. —— 2002 : « Esquisse d’une diplomatique des documents mésopotamiens », Bibliothèque de l’École des chartes 160, p. 487-511. —— 2008 : « Archivage et classification : un récapitulatif de créances à Mari sous Zimrî-Lîm », dans Biggs, R. D., Myers, J. & Roth, M. T. (éd.), Proceedings of the 51st Rencontre Assyriologique Internationale Held at the Oriental Institute of the University of Chicago, July 18-22, 2005, SAOC 62, Chicago, p. 1-13. —— 2017 : « Pour une diplomatique des documents paléo-babyloniens », RA 111, 155-178. —— 2018 : « Schriftkultur in Babylonien: Plädoyer für eine Diplomatik der Keilschrifturkunden », dans Cancik-Kirschbaum, E. & Schnitzlein, B. (éd.), Keilschriftartefakte. Untersuchungen zur Materialität von Keilschriftdokumenten, BBVO 26, Gladbeck, p. 145-160. Durand, J.-M. 1983 : Textes administratifs des salles 134 et 160 du palais de Mari, ARM 21, Paris. —— 1984 : « Sur un emploi du verbe bulluṭum », MARI 3, 1984, p. 260-263. —— 2009 : La Nomenclature des habits et des textiles dans les textes de Mari. Matériaux pour le Dictionnaire de Babylonien de Paris I, ARM 30, Paris. Eidem, J. 1992 : The Shemshāra Archives 2. The Administrative Texts, Historiskfilosofiske Skrifter 15, Copenhagen. Guichard, M. 2005 : La Vaisselle de luxe des rois de Mari. Matériaux pour le Dictionnaire de Babylonien de Paris II, ARM 31, Paris.
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I. ARKHIPOV – G. CHAMBON – N. ZIEGLER
Hudson, M. & Wunsch, C. (éd.) 2004 : Creating Economic Order: RecordKeeping, Standardization and the Development of Accounting in the Ancient Near East, Bethesda. Jacquet, A. 2011 : Florilegium marianum XII. Documents relatifs aux dépenses pour le culte, Mémoires de NABU 13, Paris. Lacambre, D. 2010 : « L’administration de Chagar Bazar (Ašnakkum) à l’époque de Samsī-Addu », dans Kogan, L., Koslova, B., Loesov, S. & Tishchenko, S. (éd.), Babel und Bibel 5. City Administration in the Ancient Near East. Proceedings of the 53e Rencontre Assyriologique Internationale Vol. 2, Orientalia et Classica 31, Winona Lake, p. 97-113. Lyavdansky, A. 2016 : « Economic Administration in the Kingdoms of Israel and Judah (ca. 931 – 587 BCE): Epigraphic Sources and their Interpretations », dans Chambon (éd.) 2016. (https://journals.openedition.org/comptabilites/2024) Marti, L. 2008 : Florilegium Marianum X. Nomades et sédentaires à Mari : la perception de la taxe-sugâgûtum, Mémoires de NABU 11, Paris. Postgate, N. 2001 : « System and Style in Three Near Eastern Bureaucracies », dans Voutsaki, S. & Killen, J. (éd.), Economy and Politics in the Mycenaean Palatial States, Cambridge, p. 181-195. Van de Mieroop, M. 2004 : « Accounting in Early Mesopotamia », dans Hudson & Wunsch (éd.) 2004, p. 47-64. Veenhof, K. R. (éd.) 1986 : Cuneiform Archives and Libraries. Papers Read at the 30e Rencontre Assyriologique Internationale, Leiden, 4-8 July 1983, PIHANS 57, Leiden. Wasserman, N. & Ziegler, N. 1994 : « Qātum ba’ītum – A Check-list », NABU 1994/30. Ziegler, N. 1999 : Florilegium Marianum IV. Le Harem de Zimrî-Lîm, Mémoires de NABU 5, Paris. —— 2001 : « Gestion et contrôle d’après les archives du palais de Mari (XVIIIe siècle av. J.-C.) », Ktèma. Civilisations de l’Orient, de la Grèce et de Rome antiques 26, p. 63-72. —— 2016 : « La comptabilité dans les cuisines d’un roi mésopotamien », dans Chambon (éd.) 2016. (https://journals.openedition.org/comptabilites/1920)
LISTE D’ABRÉVIATIONS
ABAW NF AbB ADFU ADOG AfO AOAT(S) AoF ARM ArOr ASJ ASSF AUCT BAH BaM BBVO(T) BE BiMes BIN BiOr BM Bo BRM BSA CAD CBRM CCT CDLJ CHANE CRRAI CT CTH CUNES CUSAS DBH DMOA EDHIL Emar VI FAOS
Abhandlungen der Bayerischen Akademie der Wissenschaften. Philologisch-historische Klasse, Neue Folge Altbabylonische Briefe Ausgrabungen der deutschen Forschungsgemeinschaft in Uruk-Warka Abhandlungen der Deutschen Orient-Gesellschaft Archiv für Orientforschung Alter Orient und Altes Testament Altorientalische Forschungen Archives Royales de Mari Archiv orientální Acta Sumerologica Acta Societatis Scientiarum Fennicae Andrew University Cuneiforms Texts Bibliothèque Archéologique et Historique Baghdader Mitteilungen Berliner Beiträge zum Vorderen Orient (Texte) The Babylonian Expedition of the University of Pennsylvania Bibliotheca Mesopotamica Babylonian Inscriptions in the Collection of James B. Nies Bibliotheca Orientalis British Museum (référence muséographique) Boğazköy, tablettes cunéiformes Babylonian Records in the Library of J. Pierpont Morgan Bulletin on Sumerian Agriculture The Chicago Akkadian Dictionnary Publications du Comité Belge de Recherches Historiques, Épigraphiques et Archéologiques en Mésopotamie Cuneiform Texts from Cappadocian Tablets in the British Museum Cuneiform Digital Library Journal Culture and History of the Ancient Near East Compte rendu de la Rencontre Assyriologique Internationale Cuneiform Texts from Babylonian Tablets in the British Museum E. Laroche, Catalogue des textes hittites. Paris, 1966 Cornell University Near Eastern Studies (référence muséographique) Cornell University Studies in Assyriology and Sumerology Dresdner Beiträge zur Hethitologie Documenta et monumenta Orientis antiqui A. Kloekhorst, Etymological Dictionary of the Hittite Inherited Lexicon. Leiden, 2008 D. Arnaud, Recherches au pays d’Aštata. Emar VI/1-4. Paris, 19851987 Freiburger Altorientalische Studien
XIV FM GMTR HED HEG HKM HSS HW2 JAC JANES JAOS JCS JCS SS JESHO JMC JNES KBo KASKAL KUB MARI MARV MC MDP MHEM/O/T MIO MTT MVAeG NABU OAA OAM OBO OLA OPBF OrAn OrNS PIPOAC RA RAI PBS
LISTE D’ABRÉVIATIONS
Florilegium Marianum Guides to the Mesopotamian Textual Record J. Puhvel, Hittite Etymological Dictionary. Berlin etc., 1984– J. Tischler, Hethitisches etymologisches Glossar. Innsbruck, 1983–2016 S. Alp, Maşat-Höyük’te Bulunan çivi yazılı Hitit tabletleri (Hethitische Keilschrifttafeln aus Maşat-Höyük). Ankara, 1991 Harvard Semitic Studies J. Friedrich, A. Kammenhuber, Hethisches Wörterbuch. Heidelberg 1975– Journal of Ancient Civilizations Journal of the Ancient Near Eastern Society of Columbia University Journal of the American Oriental Society Journal of Cuneiform Studies Journal of Cuneiform Studies, Special Supplement Journal of the Economic and Social History of the Orient Journal des Médecines Cunéiformes Journal of Near Eastern Studies Keilschrifttexte aus Boghazköi KASKAL. Rivista di storia, cultura y ambiente del Vicino Oriente Antico Keilschrifturkunden aus Boghazköi MARI. Annales de Recherches Interdisciplinaires Mittelassyrische Rechtsurkunden und Verwaltungstexte Mesopotamian Civilizations Mémoires de la Délégation française en Perse Mesopotamian History Environment Memoirs/Occasional Publications/Texts Mitteilungen des Instituts für Orientforschung Matériaux pour l’étude de la toponymie et de la topographie Mitteilungen der Vorderasiatisch-Ägyptischen Gesellschaft Notes Assyriologiques Brèves et Utilitaires Old Assyrian Archives Orientis antiqui miscellanea Orbis Biblicus et Orientalis Orientalia Lovaniensia Analecta Occasional Publications of the Babylonian Fund Oriens antiquus, rivista del Centro per le Antichità e la Storia dell’Arte del Vicino Oriente Orientalia. Nova series Publications de l’Institut du Proche-Orient ancien du Collège de France Revue d’assyriologie et d’archéologie orientale Rencontre Assyriologique Internationale University of Pennsylvania, Publications of the Babylonian Section
LISTE D’ABRÉVIATIONS
PIHANS RIMA RIME RlA RTC SAA SAAB SBL WAW SCCNH SMEA StBoT (Beih) TCBI TCTI TCL TCoaCS UET UF VAB V(A)S VAT WAW SBL W(d)O WOO WZKM YNER YOS ZA
XV
Publications de l’Institut Historique-Archéologique Néerlandais de Stamboul The Royal Inscriptions of Mesopotamia. Assyrian Periods The Royal Inscriptions of Mesopotamia. Early Periods Reallexikon der Assyriologie und Vorderasiatische Archäologie F. Thureau-Dangin, Recueil de tablettes chaldéennes. Paris, 1903 State Archives of Assyria State Archives of Assyria Bulletin Society of Biblical Literature, Writings from the Ancient World Studies on the Civilization and Culture of Nuzi and the Hurrians Studi Micenei ed Egeo-Anatolici Studien zu den Boğazköy-Texten (Beihefte) F. Pomponio et al. (éd.), Tavolette cuneiformi di Adab delle Collezioni della Banca d’Italia. Roma, 2006 B. Lafont & F. Yıldız, Tablettes cunéiformes de Tello au Musée d’Istanbul: datant de l’époque de la IIIe Dynastie d’Ur, 1–2. Leiden, 1989–1996 Textes Cunéiformes du Louvre S. Richardson, The Collapse of a Complex State: A Reappraisal of the End of the First Dynasty of Babylon, 1683-1597 B.C. Ph.D. Diss., Columbia University, New York, 2002 Ur Excavations Texts Ugarit-Forschungen Vorderasiatische Bibliothek Vorderasiatische Schriftdenkmäler Vorderasiatische Abteilung Tontafel (référence muséographique) cf. SBL WAW Die Welt des Orients Wiener Offene Orientalistik Wiener Zeitschrift für die Kunde des Morgenlandes Yale Near Eastern Researches Yale Oriental Series. Babylonian Texts Zeitschrift für Assyriologie und vorderasiatische Archäologie
TECHNIQUES D’ARCHIVAGE
UNE TECHNIQUE MÉCONNUE D’ARCHIVAGE CHRONOLOGIQUE DES TABLETTES COMPTABLES Dominique CHARPIN*
À l’heure du numérique, les techniques comptables du temps du papier, avec l’apposition de tampons sur les documents, leur classement en chemises regroupées en dossiers, etc. paraissent rétrospectivement parfois dérisoires ; elles fonctionnaient cependant fort bien et évitaient certaines aberrations des techniques actuelles, où le contrôle n’est pas toujours la première des préoccupations. Dans le cas du monde mésopotamien, une contrainte très forte était liée à l’utilisation de l’argile comme support principal de l’écriture : en effet, l’argile ne permettait guère d’ajouts a posteriori. Une découverte sur le site de Mari en 1982 m’a permis de montrer comment certains scribes avaient contourné la difficulté, en apposant une marque à l’ocre rouge sur les tablettes au moment où leur contenu était repris dans un récapitulatif1. Je voudrais ici développer un autre aspect des techniques comptables, à savoir le système de classement utilisé par les scribes. On sait depuis longtemps que les tablettes étaient souvent conservées dans des paniers ou des coffres. Le mot akkadien pisannum2 est malheureusement ambigu : comme il est le plus souvent écrit au moyen du sumérogramme PISAN précédé du déterminatif GI marqueur des objets en roseau, on comprend le plus souvent qu’il sert à désigner des paniers
* Collège de France-PSL. Cette contribution développe une partie de ma communication faite lors du colloque « Comptabab » à Moscou en octobre 2014. Je remercie Nele Ziegler, Ilya Arkhipov et Grégory Chambon de m’avoir fait participer à leur projet PICS du CNRS « COMPTABAB », dont les fruits sont en partie publiés dans ce recueil. Elle a été écrite dans le cadre du projet ANR EcritUr (une tablette provenant des fouilles de 2017 est publiée ci-dessous § 3.3) ; merci à B. Fiette, A. Jacquet et N. Ziegler pour leur relecture de mon manuscrit. 1 D. Charpin, « Une pratique administrative méconnue », MARI 3, 1984, p. 258-259. 2 Noter que le CAD P p. 422a § 3’ doit être corrigé : dans les textes de Mari, au lieu de GIŠ.PISÁN(ŠID).DIDLI, il faut lire GIŠ.BANŠURx, comme l’ont montré M. Burke (ARM 11, p. 142-143) et M. Birot (ARM 12, p. 3 n. 2). De très nombreux exemples ont depuis été publiés.
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en roseau tressé. Mais il peut aussi s’agir de coffres en bois3 : la fouille de Tell ed-Dēr a permis le dégagement de deux ensembles de tablettes qui correspondaient de manière évidente au contenu de deux coffres, qui ont complètement disparu4. Cependant, ces coffres étaient le plus souvent scellés, et l’on a retrouvé bon nombre des scellements qui les fermaient. Certains ont des formes irrégulières, qui correspondent à des morceaux d’argile appliqués directement sur le nœud en corde qui servait à clore le contenant ; tel est le cas des étiquettes des coffres/paniers à tablettes de recensement découverts dans le palais de Mari5.
Fig. 1. M.11520 : « tablettes de recensement du district de Saggaratum » (d’après D. Charpin, Mélanges Veenhof, p. 17).
D’autres scellements ont la forme de tablettes plus ou moins carrées, mais qui semblent pourvues de trous : il s’agit en réalité du vide laissé par les cordelettes qui traversaient l’argile. C’est notamment le cas des sept « étiquettes » de coffres/paniers datées de l’année 32 de Hammu-rabi, qui contenaient la plus grande partie de la correspondance des deux derniers rois de Mari6. 3 Le CAD P p. 422a enregistre pour le paléo-babylonien deux exemples de GIŠ.PISAN (BE 6/1 84 : 28 et CT 6 25b : 11), ainsi que la graphie 7 GIŠ.GI.PISAN.HI.A en CT 4 40b : 6. 4 M. Tanret, « Find the Tablet-box… New Aspects of Archive-Keeping in Old Babylonian Sippar-Amnānum », dans R. van der Spek (éd.), Studies in Ancient Near Eastern World View and Society Presented to Marten Stol on the occasion of his 65th birthday, Bethesda, 2008, p. 131-147 (p. 135). Les quelque 207 tablettes contenues dans un des coffres disparus représentent un poids de 23 kg. 5 D. Charpin, « L’archivage des tablettes dans le palais de Mari : nouvelles données », dans W.H. van Soldt, J.G. Dercksen, N.J.C. Kouwenberg & Th.J.H. Krispijn (éd.), Veenhof Anniversary Volume. Studies Presented to Klaas R. Veenhof on the Occasion of his Sixtyfifth Birthday, PIHANS 89, Leyde, 2001, p. 13-30. 6 D. Charpin, « La fin des archives dans le palais de Mari », RA 89, 1995, p. 29-40. Voir la Fig. 2 ci-dessous.
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Fig. 2. Étiquette de panier à tablettes du palais de Mari (A.2179 : tranche latérale et face) (cliché Archives royales de Mari).
Dans tous ces cas, on peut véritablement parler d’étiquettes. Or il existe à l’inverse des tablettes percées de trous laissés par des cordelettes qui ne sont pas des étiquettes, mais de simples textes administratifs. C’est à ces documents que sera consacrée la présente contribution. J’ai eu l’occasion d’en examiner de près une série, appartenant aux archives d’Alammušnaṣir dont je prépare actuellement l’édition7. Cela m’a permis de revoir des tablettes du même genre découvertes à Mari, qui présentent une légère différence. On verra que ces deux cas ne sont nullement isolés et qu’il est possible de démontrer l’existence d’une pratique comptable très fréquente à l’époque paléo-babylonienne, jusqu’à présent restée ignorée. 1. LES ARCHIVES D’ALAMMUŠ-NAṢIR 1.1. Présentation de ces archives Issues de fouilles illicites du début du XXe siècle, les 78 tablettes de ce lot d’archives tel qu’on peut le reconstituer actuellement ont été découvertes dans la région de Kiš8 ; on peut fixer plus précisément leur origine 7
Le livre paraîtra en 2021 comme volume 5 de la série « Archibab ». Voir provisoirement D. Charpin, « Histoire de la Mésopotamie : les archives d’Alammush-nasir », Annuaire de l’École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences historiques et philologiques 139, 2006-07, p. 17-19 (http://ashp.revues.org/ index147.html). 8
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dans la ville de Damrum. Il s’agit d’abord de 37 lettres, dont 17 sont publiées (10 conservées à Yale, 3 au Louvre, 3 dans de petites collections américaines, 1 au Vatican) et 20 inédites (19 à l’Oriental Institute de Chicago et 1 à l’Ermitage de Saint Pétersbourg). S’y ajoutent 41 textes administratifs, dont 2 sont publiés (Louvre) et 39 inédits (Chicago et 1 au British Museum). Les personnages principaux sont Alammuš-naṣir et son épouse Elmeštum, les archives devant être rattachées à l’intendant du domaine d’Alammuš-naṣir, nommé Nabi-Šamaš. Les textes comptables datés remontent à l’an 15 de Samsu-iluna (1 texte), l’an 17 (1 texte), l’an 19 (6 textes), l’an 20 (25 textes) et l’an 21 (1 texte) ; les lettres devraient dater du même moment, le lien de quelques-unes d’entre elles avec certains textes administratifs étant avéré9. 1.2. Observation d’un phénomène Les textes de comptabilité de ces archives peuvent être répartis en deux ensembles : les dépenses de céréales, et la gestion du personnel. Les tablettes du premier groupe sont scellées avec le sceau du maître du domaine, qui comporte comme légende : « Alammuš-naṣir, fils d’Apil-ilišu, serviteur de Samsu-iluna ». On observe sur le côté gauche de ces tablettes les traces de ficelles qui avaient été incorporées à l’argile lors de leur fabrication ; contrairement aux étiquettes de Mari en forme de tablettes (fig. 6), ces trous figurent toujours à proximité des angles des tablettes et non au milieu de la tranche (fig. 3). Cependant, il ne s’agit nullement d’« étiquettes », puisqu’on a affaire à des documents comptables. Il faut par ailleurs noter que les tablettes de ce genre comportent toujours des empreintes de sceaux: ce sont donc des reçus scellés qu’il fallait conserver, à la différence des textes de gestion du personnel. Les tablettes de ce deuxième groupe relèvent de la comptabilité interne ; ils sont d’ailleurs souvent fort mal écrits et beaucoup portent des traces de recyclage. 1.3. Interprétation À quoi pouvaient servir les ficelles qui sortaient de la tranche des tablettes ? Sans doute permettaient-elles d’accrocher les tablettes à la suite les unes des autres. La seule raison qu’on puisse imaginer pour une 9 Voir D. Charpin, « L’exercice du pouvoir par les rois de la Ière dynastie de Babylone : problèmes de méthode », dans G. Wilhelm (éd.), Organization, Representation and Symbols of Power in the Ancient Near East, Winona Lake, 2012, p. 21-32 (spéc. p. 28-29).
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telle procédure est de permettre à l’administrateur de conserver les tablettes dans l’ordre de leur rédaction : il lui suffisait, chaque fois qu’une nouvelle tablette avait été rédigée et scellée, de l’attacher à la précédente. Une telle façon de faire devait l’aider lors de la rédaction des récapitulatifs mensuels : dans le cas présent, aucun d’eux ne nous est parvenu, mais on sait bien que les petits billets établis au jour le jour devaient être repris dans des récapitulatifs, comme le montrent dans le palais de Mari les comptes d’huile, ou les comptes de céréales pour les « repas du roi », etc. 10.
Fig. 3. Tablette A 3571 avec trous de ficelles sur la tranche gauche (Oriental Institute de l’Université de Chicago ; cliché D. Charpin).
Si l’on tente de reconstituer la façon dont le système fonctionnait, on doit supposer que les tablettes étaient placées dans un panier ou un coffre, attachées les unes aux autres : quand le scribe tirait sur les deux extrémités de la chaîne, il obtenait immédiatement le classement chronologique des textes, comme le montre le schéma ci-dessous :
10 Voir notamment D. Duponchel, « Les comptes d’huile du palais de Mari datés de l’année de Kahat », dans D. Charpin & J.-M. Durand (éd.), Florilegium marianum III. Recueil d’études à la mémoire de Marie-Thérèse Barrelet, Mémoires de NABU 4, Paris, 1997, p. 201-262 ; G. Chambon, Florilegium marianum XV. Les archives d’Ilu-kân : gestion et comptabilité du grain dans le palais de Mari, Mémoires de NABU 19, Paris, 2018 ; G. Chambon & I. Arkhipov, « Pratiques comptables dans le palais de Mari au ProcheOrient ancien (début du IIe millénaire av. J.-C.) », dans O. Mattéoni & P. Beck (éd.), Classer, dire, compter. Discipline du chiffre et fabrique d’une norme comptable à la fin du Moyen Âge, Paris, 2015 (https://books.openedition.org/igpde/4109).
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Fig. 4. Reconstitution d’une série de tablettes attachées par des ficelles ; les points rouges symbolisent les nœuds, les traits noirs correspondent aux lignes d’écriture.
2. UN
LOT DE DÉPENSES D’OVINS DU PALAIS DE
MARI
Une technique analogue à celle révélée par les archives du domaine d’Alammuš-naṣir était déjà attestée dans les archives du palais de Mari, mais elle n’a jusqu’à présent pas été correctement comprise : elle apparaît sur plus d’une centaine de tablettes de dépenses d’ovins et caprins, au sceau du devin Asqudum, chacune montrant un trou au milieu de la tranche supérieure.
Fig. 5. Tablette avec trou de ficelle sur la tranche supérieure (ARM 21 51 ; copie J.-M. Durand).
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Lorsqu’il a publié le premier groupe de ces textes, J.-M. Durand avait décrit ces trous comme des « coups de calame »11. Par la suite, un autre groupe de documents du même lot a été publié dans le volume 23 des Archives royales de Mari. B. Lafont a bien vu qu’il s’agissait de trous laissés par une cordelette, mais il a conclu que « chaque document, une fois rédigé, était scellé, puis attaché, peut-être autour du cou de l’une des bêtes du lot qui était dépensé »12. Ce dernier élément pose problème, car il résulte d’une confusion avec un autre type d’objets : les étiquettes de forme plus ou moins triangulaire, qui ne concernent qu’un seul animal13. Elles proviennent toutes de fouilles irrégulières, de sorte que leur origine est inconnue. On y trouve en général seulement deux informations, la nature de l’animal mort et le nom du responsable du troupeau14 : « 1 brebis, le berger-nâqidum (étant) Dadiya. »
Le caractère individuel de ces étiquettes se vérifie lorsqu’est ajoutée une précision, comme dans celle-ci15 : « 1 mouton —le berger (étant) Ribam-ili— qui est mort de froid. »
On peut dans de tels cas penser que l’étiquette était dans un premier temps attachée à l’animal mort, pour permettre ensuite la comptabilité des entrées et sorties pour chaque troupeau. Il faut noter par ailleurs que ces étiquettes ne sont jamais datées. La situation est donc très différente des tablettes de Mari : celles-ci sont de véritables tablettes et pas des étiquettes, elles sont datées et elles portent sur plusieurs animaux, comme dans cet exemple16 : « 2 moutons, sacrifice à Dagan ; [2 moutons] à Yakrub-El ; 2 moutons à Ninhursag ; 1 mouton à Marat-iltim ; 2 moutons à Hišamitum ; 2 moutons pour la table du roi. Total : 11 moutons morts, à Hišamta. Le 14/x. » 11 J.-M. Durand, Textes administratifs des salles 134 et 160 du palais de Mari, ARM 21, Paris, 1983, p. 16 n. 1. 12 ARM 23, p. 232. 13 Voir A. Rositani, « Alcune bullae paleo-babilonesi inedite conservate presso il British Museum », SEL 31, 2014, p. 27-49 ; A. Rositani, « Some Old Babylonian Dockets Dealing with Sheep and Goats », KASKAL 12, 2015, p. 1-30. Voir tout récemment L. Colonna d’Istria, « En marge d’Archibab 33 : à propos d’étiquettes paléo-babyloniennes relatives à la gestion d’ovins et caprins », NABU 2020/88. 14 LB 648 (N. Veldhuis, « Cuneiform Tablets at the Groningen Institute for Semitics », ZA 93, 2003, p. 53-69 [p. 67]) ; pour Dadiya dans des étiquettes analogues, voir Riftin SVJAD 97, BRM 3 60 ou Rositani SEL 31 17 et 31. 15 AO 7486 : J. Nougayrol RA 73, 1979, p. 75 [copie] ; D. Charpin & J.-M. Durand RA 75, p. 18 [édition]. 16 ARM 23 266.
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On ne voit pas à quoi il aurait servi d’attacher une telle tablette à l’un des 11 moutons. Supposer en revanche que ce genre de tablettes étaient attachées les unes aux autres pour permettre la rédaction de récapitulatifs en ordre chronologique fait davantage sens. En l’occurrence, la date ne comportait que le jour et le mois, pas l’année : mais le bureaucrate savait parfaitement ce qu’il en était – et le fait que les tablettes restaient attachées évitait les risques de confusion. On doit d’ailleurs noter que le groupe de 137 tablettes de Mari formaient un lot cohérent et qu’un récapitulatif a été retrouvé17.
Fig. 6. Tablette avec trou de ficelle au milieu de la tranche supérieure (M.11270, FM 12, p. 219).
17 Il s’agit de ARM 7 224 ; voir D. Charpin, « The Historian and the Old Babylonian Archives », dans H. Baker & M. Jursa (éd.), Documentary Sources in Ancient Near Eastern and Greco-Roman History: Methodology and Practice, Oxford, 2014, p. 24-58 (p. 41). Pour la situation chronologique du lot dans les trois mois finissant l’année « 0 » de Zimri-Lim, voir D. Charpin & N. Ziegler, Florilegium marianum V. Mari et le ProcheOrient à l’époque amorrite : essai d’histoire politique, Mémoires de NABU 6, Paris, 2003, p. 172-173. Un exemple supplémentaire a été publié par A. Jacquet, Florilegium Marianum XII. Documents relatifs aux dépenses pour le culte, Mémoires de NABU 13, Paris, 2011, p. 219 M.11270 ; noter que cette tablette n’est pas scellée.
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On voit donc qu’il y avait deux façons de faire légèrement différentes, selon qu’on observe un trou au milieu de la tranche supérieure ou deux trous à chaque extrémité de la tranche latérale. À Mari, le trou apparaît toujours sur la tranche supérieure, sans doute parce que cela permettait de lire la face du texte (ce qui au passage confirme que les scribes lisaient bien à l’horizontale de gauche à droite comme nous…).
Fig. 7. Reconstitution d’une série de tablettes attachées par des ficelles ; les points ronds symbolisent les nœuds, les traits noirs correspondent aux lignes d’écriture.
3. DES TABLETTES DE DÉPENSES À LARSA ET UR SOUS NUR-ADAD ET SES SUCCESSEURS
De façon étonnante, ce dossier de Mari n’a jusqu’à présent pas été mis en relation avec deux autres ensembles de tablettes, qui ont été elles aussi qualifiées d’« étiquettes » (tags). 3.1. Des dépenses d’ovins à Larsa sous Sin-iddinam et Sin-iribam Selon la chronologie des publications, il s’agit d’abord d’un lot de 47 dépenses d’ovins datées des années 4, 6 et 7 du règne de Sin-iddinam et de l’an 1 de son successeur, Sin-iribam, qui a été réuni par A. Goetze18. Ces documents sont scellés par des sceaux décrits pour la plupart dans le texte comme « sceau des intendants-šatammû »19. Leur contexte ne peut malheureusement pas être établi avec certitude. 18 A. Goetze, « Sin-iddinam of Larsa. New tablets from his Reign », JCS 4, 1950, p. 83-118, spéc. p. 87-94 « III. A Series of Tags ». Comme l’a indiqué Goetze, la première tablette de ce lot a été décrite par Keiser dans BRM 3, p. 15 (BRM 3 17 ; copie pl. 7, photos pl. III no 26 et pl. VIII no 67). Le lot a été complété, notamment par F. Rochberg-Halton & P. Zimansky, « The University of Iowa Cuneiform Texts », JCS 31, 1979, p. 127-148 no 11. 19 Le lot a été étudié par M. Gallery, « The Office of the šatammu in the Old Babylonian Period », AfO 27, 1980, p. 1-36 (p. 9).
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De façon étonnante, la seule observation d’A. Goetze relativement à ces tablettes a eu trait à la question de la direction de l’écriture : « The holes are invariably located in what we call the left upper and the left lower corners. When these tags were suspended from the string which once passed through the channel that connects the holes the script formed columns, not lines. This is the same arrangement which we find, e.g., on the stela of Hammurapi and also with seal cylinders of the Old Babylonian period. We, then, have here another indication of the fact that in Old Babylonian times the change in the direction of the script which made lines out of the earlier columns had not yet taken place. » (JCS 4, 1950, p. 87)20.
Mais A. Goetze ne s’est interrogé nulle part sur la raison d’être d’une telle pratique. 3.2. Des dépenses de son pour l’engraissement d’animaux à Larsa sous Nur-Adad Un autre ensemble de sept tablettes présentant les mêmes caractéristiques externes a été publié par D. Arnaud ; il provient des fouilles d’A. Parrot en 1933 dans le palais de Nur-Adad à Larsa. La description accompagnant leur édition indique21 : « Parmi les découvertes de la première campagne, on trouve un petit lot de sept étiquettes de livraison de tourteau, scellées par les “administrateurs”, du règne de Nūr-Adad, percées au coin gauche bas et haut d’un trou où passait une cordelette, d’un type déjà connu. »
Les copies montrent qu’on a affaire, non pas à des « étiquettes », mais à des tablettes scellées (et datées). La pratique mise en évidence par A. Goetze à Larsa sous Sin-iddinam et Sin-iribam y existait déjà sous Nur-Adad.
20 Les conclusions d’A. Goetze sur le sens de l’écriture ne sont pas corroborées par les exemples de Mari étudiés ci-dessus. 21 D. Arnaud, « Les billets de livraison de tourteau du Palais de Nūr-Adad à Larsa », dans J.-M. Durand et J.-R. Kupper (éd.), Miscellanea Babylonica. Mélanges offerts à Maurice Birot, Paris, 1985, p. 35-38 (p. 35). Les copies ont été publiées dans D. Arnaud, Texte aus Larsa, BBVOT 3, Berlin, 1994, nos 7, 19, 20, 21, 22, 23, 25. Noter aussi le no 35, ainsi catalogué (p. 5) : « Etiquette avec trous aux coins gauche, haut et bas. Traces illisibles d’empreintes des sceaux des “administrateurs” (šà-tam-e-ne) sur toute la surface. « Sortie » (ba-zi) d’un « cochon sauvage » (šah-(giš)gi), pour le « repas » ; de (ki) Būṣia. 12 Ayyar Nūr-Adad année «f» ».
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3.3. Un exemple récent découvert à Ur Les fouilles récentes d’Ur ont livré un nouvel exemple datant de la même époque22. Il s’agit d’une tablette découverte dans le « chantier 5 », où a été dégagée une vaste maison habitée vers 1835 par le responsable du temple de Ningal, nommé Sin-nada23. Une tablette enregistrant un reçu de son présente deux trous de ficelles sur la tranche gauche aux angles supérieur et inférieur. Chantier 5, 2017 no 164 Reçu de 60 litres de son par Nuṭṭuptum des mains de Eburitum. Le 18/v. F. 0,1.0 DUH 4 KI e-bu-ri-tum 2 ŠU.TI.A R. ITI NE.NE.GAR I nu-ṭù-up-[t]um 6 U4 18.KAM Sceau : [nu-ú]r-dUTU / ÌR dNIN.[x]
Fig. 8. Tablette d’Ur avec deux trous de ficelle sur la tranche gauche (Chantier 5, 2017 no 164 ; cliché P. Zimansky, montage F. Nebiolo).
22 Je remercie E. Stone (Stony Brook University, NY), directrice de la mission, ainsi que A. Otto (LMU, Munich), responsable de la fouille du chantier 5, de m’avoir confié la publication des découvertes épigraphiques des campagnes 2015, 2017 et 2019. 23 D. Charpin, « Nouvelles découvertes épigraphiques à Ur (2015 et 2017) », Comptes rendus de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 2017, p. 1063-1081, spéc. p. 10741077. Les dates de la couche où cette tablette a été retrouvée correspondent à la période allant du règne de Sin-iribam à celui de Ṣilli-Adad (1842 à 1835) ; voir A. Otto, « Official Seal Motifs at Larsa and Ur in the 19th Century BC », dans G. Chambon, M. Guichard & A.-I. Langlois (éd.), avec la participation de Th. Römer et N. Ziegler, De l’Argile au numérique. Mélanges assyriologiques en l’honneur de Dominique Charpin, PIPOAC 3, Louvain/Paris/Bristol, 2019, p. 764-776 (spéc. p. 764-769).
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On observe que, contrairement à l’usage, le sceau imprimé n’est pas celui de la personne qui reçoit la marchandise ; la fouille de 2019 a permis de retrouver une empreinte de sceau de Nuṭṭuptum, confirmant qu’elle était l’épouse de Sin-nada, donc la maîtresse de maison, comme d’autres éléments le laissaient déjà supposer. Ce n’est donc pas seulement l’administration palatiale, comme on l’a vu à Mari ou à Larsa, qui avait recours à cette technique : les archives des particuliers imitaient sur ce point les pratiques des grands organismes24. 4. DES CAS
ISOLÉS
?
Les cas que nous venons d’observer sont-ils isolés ? Il me semble que non. Toutefois, les assyriologues n’ont pas remarqué ou pas correctement interprété les marques de ficelles qu’ils observaient sur les tablettes qu’ils publiaient, les décrivant mécaniquement comme des « étiquettes ». 4.1. Des « étiquettes » de Larsa Un exemple a été récemment publié par R. Mayr25, qu’il décrit comme « two small clay tags ». Il donne cette définition : « A “tag” is a type of tablet distinguished by string holes. The tag was formed of wet clay pressed around the knot in two strings, after which the text was written on it; and finally the whole tag was sealed on all surfaces » (p. 190b).
Les deux tablettes avaient été scellées par une femme nommée Ayalatum, qui était épouse d’Etellum, le vizir (sukkalmah) du roi de Larsa Gungunum ; la plus ancienne date de l’année 6 d’Abi-sare, l’autre est postérieure de 7 années, étant datée de l’année 2 de Sumu-El. Comme dans 24 D. Charpin, « Maisons et maisonnées en Babylonie ancienne de Sippar à Ur. Remarques sur les grandes demeures des notables paléo-babyloniens », dans K. R. Veenhof (éd.), Houses and Households in Ancient Mesopotamia. Papers read at the 40° Rencontre Assyriologique Internationale, Leiden, July 5-8, 1993, PIHANS 78, Leyde, 1996, p. 221228 ; trad. anglaise D. Charpin, Gods, Kings, and Merchants in Old Babylonian Mesopotamia, PIPOAC 2, Louvain/Paris/Bristol, CT, 2015, p. 212-216. 25 R. H. Mayr, « The Seal of Ayalatum and the Dynasty of Larsa », dans A. Kleinerman & J. M. Sasson (éd.), Why Should Someone Who Knows Something Conceal It? Cuneiform Studies in Honor of David I. Owen on His 70th Birthday, Bethesda, 2010, p. 189-193. Pour la lecture de la légende du sceau, voir depuis Z. Földi, « On the Seal of Ayalatum and the Dynasty of Larsa », NABU 2016/37 et D. Charpin, « En marge d’Archibab, 25 : une offrande à Ur d’Etellum, ministre du roi de Larsa Gungunum », NABU 2017/42.
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Fig. 9. CUNES 51-03-025 (d’après R. Mayr, Mélanges Owen 2, p. 191).
les textes de Mari ou de Larsa examinés précédemment, il s’agit de comptes d’ovins. Leur éditeur a noté : « These two tags appear to be our only record of the activities of Ayalatum », mettant l’accent sur l’identité de la personne qui a ordonné les dépenses ; cependant, ces deux tablettes faisaient manifestement partie de la comptabilité du responsable de troupeau (nâqidum) Halilum, mentionné dans les deux textes. L’éditeur ne pose nulle part la question de l’utilité de ces « étiquettes » : on ne voit pas à quel objet les ficelles auraient pu être attachées. Là encore, l’explication par le désir de garder ces comptes de dépenses en ordre chronologique, en les attachant les uns aux autres, semble la plus probable.
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On doit cependant noter la forme de ces deux « tags ». Il ne s’agit pas véritablement de tablettes, qui ont classiquement un format carré ou rectangulaire : ici, les bords supérieur et inférieur sont obliques et le côté droit est plus petit que le côté gauche, où sont situés les trous de ficelle. Cela semble une caractéristique de toute une série de « tags » de la région de Larsa à l’époque de Sumu-El : c’est par exemple le cas d’un lot de documents enregistrant des apports par Ama-sukkal de son destiné à l’alimentation d’ovins, scellés par Sin-rabi, datant du règne de Sumu-El26. Certains documents sont de forme carrée (comme YOS 14 255), mais d’autres ont les bords obliques (comme YOS 14 254). Dans l’introduction de BIN 7, J. B. Alexander en a fourni une description très exacte : « Another group of texts, 114-125, 127-149, are tags, as shown by traces left by the cord which originally passed through them. Nearly all of them are approximately square in shape, narrowing somewhat on the right side, and with two holes, in the upper and lower left corners respectively » (BIN 7, p. 4 [italiques de DC]).
Il est clair que l’administration dans le royaume de Larsa avait mis au point un système qui permettait de conserver les documents de comptabilité en ordre chronologique, avec des formes qui ne ressemblaient pas toujours complètement à des tablettes. On peut se demander s’il n’y eut pas une évolution chronologique, la forme irrégulière attestée sous Abi-sare et Sumu-El étant peu à peu remplacée par une forme carrée exactement semblable aux tablettes ordinaires : cela semble être devenu la règle à partir de Nur-Adad (cf. supra § 3). 4.1. Une tablette de Terqa Un autre type de document est fourni par une tablette découverte à Terqa, qui a été ainsi décrite par son éditeur : « tablette complète. Deux trous sur la tranche supérieure devaient servir à suspendre l’objet27 ». On connaît des cas où des tablettes devaient être suspendues pour être montrées. Dans la Lamentation sur la destruction d’Ur, le dieu Nanna 26 Il s’agit du lot que j’ai appelé « V2 » dans ma recension de YOS 14 (BiOr 36, 1979, p. 198b) : on y trouve BIN 7 139 à 146, YNER 4 86 et YOS 14 254 et 255. Noter que les catalogues de ces ouvrages ne mentionnent pas explicitement la présence de trous de ficelle sur la tranche gauche, mais elle est implicite par la description « tag » (BIN 7, p. 36). Il existe aussi un lot analogue de documents enregistrant l’apport de son par Ili-ašranni, scellés par les administrateurs-šatammû, datant également de Sumu-El : YOS 14 214-216. Là encore le no 214 a le bord inférieur en biais, alors que les nos 215 et 216 sont de forme carrée. 27 O. Rouault, Terqa Final Reports No.2. Les textes des saisons 5 à 9, BiMes 29, Malibu, 2011, p. 13.
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est appelé à punir la Tempête en suspendant à l’extérieur du temple d’Enlil le bilan (nikkassum) de ses actions28. L’exemple le plus célèbre est plus tardif : il a été découvert en 2009 dans un temple sur le site de Tell Tayinat, l’ancienne Kunaliya29. Cette tablette, percée d’un véritable trou de suspension, reproduit le texte du serment de fidélité prêté par le gouverneur local à Assarhaddon, par lequel lui-même et ses successeurs, ainsi que tous les dignitaires et toute la population de la province s’engageaient à respecter le choix par l’empereur assyrien d’Assurbanipal comme successeur. Une tablette de ce genre devait tout à la fois être accessible pour pouvoir être (re)lue, mais aussi être protégée : elle était scellée aux sceaux du dieu Aššur, et toute personne qui y porterait atteinte serait victime des malédictions énumérées dans le texte30. Le texte de Terqa est d’une tout autre nature ; il a été justement défini par son éditeur comme une « liste d’offrandes ou de livraisons au bénéfice de la déesse Ninkarrak ». La tablette commence par une ligne nommant la déesse Ninkarrak, suivie par 18 lignes énumérant le roi suivi par 17 autres personnes. Comme il n’y a pas de récapitulatif, on ignore l’objet du texte, qui est daté du 9e jour du mois vi d’une année du roi Kaštiliaš31. Il est cependant désormais possible de le comparer à un texte légèrement antérieur, découvert à 160 km de Terqa, sur le site de Tell Taban, l’antique Ṭabatum32. La tablette Tab T05-B39 mentionne en tête le sacrifice-pûdum du dieu Šamaš, puis le roi, suivi par la séquence de 11 mois (v à xii, puis i à iii), chacun accompagné du nom de deux personnes ; celles-ci semblent avoir été responsables du sacrifice pour le mois en 28 N. Samet, The Lamentation over the Destruction of Ur, MC 18, Winona Lake, 2014, p. 76-77 et p. 128 ; voir le commentaire de B. Fiette, Archibab 3. Le palais, la terre et les hommes. La gestion du domaine royal de Larsa d’après les archives de Šamaš-hazir, Mémoires de NABU 20, Paris, 2018, p. 125 et n. 503. 29 J. Lauinger, « Esarhaddon’s Succession Treaty at tell Tayinat: Text and Commentary », JCS 64, 2012, p. 87-123. 30 Pour plus de détails, voir D. Charpin, “Tu es de mon sang !” Les alliances dans le Proche-Orient ancien, Docet omnia 4, Paris, 2019. Ce cas est bien différent des tablettes scolaires percées d’un trou, pour lesquelles voir D. Charpin, « En marge d’EcritUr, 3 : un deuxième cas de “piercing” au no 1 Broad Street », NABU 2018/74. 31 Pour la chronologie des rois de Terqa, cf. Sh. Yamada, « An Adoption Contract from Tell Taban, the Kings of the Land of Hana, and the Hana-style Scribal Tradition », RA 105, 2011, p. 61-84 et en dernier lieu A. Podany, « Hana and the Low Chronology », JNES 73, 2014, p. 49-71. Pour le sanctuaire de Ninkarrak à Terqa, voir en dernier lieu A. Podany, « Family Members, Neighbors, and a Local Shrine in Terqa, Syria, in the Late Old Babylonian Period », dans Ph. Abrahami & L. Battini (éd.), Ina dmarri u qan ṭuppi. Par la bêche et le stylet ! Cultures et sociétés syro-mésopotamiennes. Mélanges offerts à Olivier Rouault, Oxford, 2019, p. 125-134. 32 Sh. Yamada, « A pudûm Rotation List from Tell Taban and the Cultural Milieu of Ṭabatum in the post-Hammurabi Period », RA 105, 2011, p. 137-156.
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question. Le texte de Terqa comporte 18 entrées : on pourrait bien y retrouver une liste de responsables d’offrandes à effectuer chaque mois pendant une période d’un an et demi (du mois vii de l’année en cours au mois xii de l’année suivante). Dès lors, les traces de ficelles pourraient elles aussi révéler la nécessité d’insérer la tablette dans une série de textes peu à peu ajoutés en ordre chronologique.
Fig. 10. Tablette de Terqa (BiMes 29 5-6) : les deux trous laissés par les ficelles sont sur la tranche supérieure (d’après O. Rouault, BiMes 29, p. 104).
La séquence se présente dès lors comme mixte par rapport aux exemples d’Alammuš-naṣir et de Mari. En effet, les tablettes sont attachées par deux ficelles (et non une comme à Mari), mais les trous sont placés sur la tranche supérieure (et non sur la tranche latérale comme pour Alammuš-naṣir) :
Fig. 11. Reconstitution d’une série de tablettes attachées par des ficelles ; les points ronds symbolisent les nœuds, les traits noirs correspondent aux lignes d’écriture.
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4.3. Les « bulles » de Šaduppum On citera pour terminer le cas des dizaines de « bulles » découvertes à Tell Harmal, l’antique Šaduppum, qui enregistraient la fabrication de briques33. Leur forme est particulière, puisqu’on a affaire à des objets sphériques, traversés de part en part par une ficelle34. Les textes enregistrent le nombre de briques, le nombre de personnes ayant exécuté cette tâche (iškarum), leur origine géographique, et pour finir le mois et le jour.
Fig. 12. Bulle de Tell Harmal avec trace de ficelle au sommet (d’après L. Hussein, KASKAL 9, p. 28).
CONCLUSION Une telle enquête est encore loin d’être complète. Elle montre une fois de plus à quel point l’approche diplomatique des documents est nécessaire : l’attention à leurs caractères externes doit se combiner avec la prise en compte de leurs caractères internes35. Il est clair qu’une typologie détaillée des « étiquettes » (tags) devra être entreprise36. La confusion qui règne 33 L. Hussein, « Bauplanung und Administration in altbabylonischer Zeit: ein TonbullenArchiv aus Tell Ḥarmal (Šaduppûm) », KASKAL 9, 2012, p. 3-29. 34 La description de L. Hussein laisse croire qu’on a retrouvé des traces de la ficelle qui reliait certaines de ces bulles : « ca. 25 (…) durchbohrte Tonbullen von meist spitzovaler Form gefunden (…). Sie lagen ca. 30-40 cm über der Brandschicht des Fußbodens und nebeneinander, an einer Schnur aufgezogen » (Id., ibid., p. 4). 35 Voir en dernier lieu D. Charpin, « Schriftkultur in Babylonien: Plädoyer für eine Diplomatik der Keilschrifturkunden», dans B. Schnitzlein & E. Cancik-Kirschbaum (éd.), Keilschriftartefakte. Untersuchungen zur Materialität von Keilschrift dokumenten, BBVO 26, Gladbeck, 2018, p. 145-160. 36 Keiser avait proposé de distinguer quatre catégories : « bullae or labels, tags in the shape of tablets, archive labels, and animal tags » (C. E. Keiser, Cuneiform Bullae of the Third Millennium B.C., BRM 3, 1914, p. 10).
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actuellement est due au fait qu’ont été mélangées deux types de description : l’une formelle et l’autre fonctionnelle : or les « étiquettes de panier à tablettes du palais de Mari (ci-dessus Fig. 2) sont bien fonctionnellement des étiquettes, mais formellement des tablettes (de forme carrée). Le but de la présente contribution était d’attirer l’attention sur un cas inverse : de soi-disant étiquettes qui étaient en réalité de véritables tablettes, mais pourvues de ficelles insérés par les scribes dès leur façonnage, de façon à rendre possible par la suite leur mise en ordre chronologique. L’existence d’une telle technique administrative montre que, malgré le scepticisme qui a parfois été exprimé, les documents comptables primaires servaient bel et bien à l’établissement de récapitulatifs37. Et certains documents montrent qu’il y avait effectivement des contrôles. On trouve ainsi dans une des lettres adressées par Alammuš-naṣir à son intendant Nabi-Šamaš cet ordre38 : « [Qu’on apporte] le conteneur (pišannum) des tablettes scellées de ta comptabilité et le conteneur des tablettes scellées de Šamaš-[…]. »
Le maître du domaine voulait donc pouvoir contrôler les activités de ses intendants et exigeait pour cela que les documents conservés par eux lui soient apportés, manifestement pour les comparer avec les récapitulatifs qui lui avaient été adressés. P.S. Après la rédaction de la présente contribution est paru le livre de N. A. Al-Mutawalli, Kh. S. Isma’el & W. Sallaberger, Bullae from the Shara Temple, Cuneiform Texts from the Iraqi Excavations at Umma (Jokha) 2, Wiesbaden, 2019. Y est publié un lot d’une centaine de « bullae » découvertes dans le temple de Šara à Umma et datant du règne de Sumu-El. On notera en particulier le commentaire p. 24 : « Bullae that document transactions of more than a single animal (e.g., Goetze 1950) or large amounts of grain thus served as independent administrative documents, and not as “labels” per se. Laurita et al. (2008) have argued that Ur III bullae from Umma were subsequently filed as evidentiary documents after they had first been used as tags on tablet baskets. As just 37 J. M. Sasson, « Accounting discrepancies in the Mari NÌ.GUB [NÍG.DU] texts », dans G. van Driel et al. (éd.), Zikir šumim. Assyriological Studies Presented to F. R. Kraus on the Occasion of his Seventieth Birthday, Leyde, 1982, p. 326-341. Il est à peu près certain que la plupart des discordances signalées par cet auteur entre les documents primaires et les récapitulatifs sont dues à des erreurs de déchiffrement et disparaîtraient grâce à des collations systématiques. 38 AbB 9 14 : (15) giPISAN ka-ni-ki ša NÌ.KA9-ka (16) ù giPI[SAN ka-ni]-ki (17) ša dUT[U-… ]-nim-ma.
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stated, however, such a “first use” can be excluded for the bullae from the Shara temple, and hence it follows that they served to document the monthly transfers of grain, but neither by way of tagging containers, nor by being monthly summaries to be stored together with the day-to-day documentation. Therefore, the bullae were written as bureaucratic documents in their own right, and the string must have served a purpose within the administration. Most probably the string was used to tie various bullae together. The administrative clay bullae bundled together could easily be checked for completeness. »
L’avantage de ce cas est que le contexte archéologique des documents est connu. Et les auteurs ont noté des lacunes dans la série (p. 24-25) : « The documentation from the Shara temple is not sufficient for further speculation on how various groups of documents could have been formed, as the gaps show that the record is not complete. Even if one allows for the possibility that a certain quantity of clay bullae was destroyed by collapsing walls, or has crumbled into meaningless fragments, some conspicuous gaps in the chronological record can still be noted: we have no tablets for the three months between Sumuel 6/01 (two tablets) and Sumuel 6/05 (four tablets), nor for two two-month periods in Sumuel 5 (months 02–03, 11–12) despite the rather good coverage on either side of these gaps. Would this indicate that tablets from the same month, or from two- or three-month periods, were kept together? Their absence is at any rate striking, as in the best attested year (Sumuel 6), up to four documents from a single month are preserved (months 5, 6, and 10; three for month 8). »
En dépit – ou peut-être même en raison – des lacunes relevées, ces observations me semblent confirmer que l’archivage chronologique était bien le but principal de la technique décrite dans la présente contribution.
ARCHIVES ET ARCHIVAGE À L’ÉPOQUE MÉDIO-ASSYRIENNE : LE CAS DE L’ARCHIVE « M 4 D » D’AŠŠUR Lionel MARTI*
Le Proche-Orient ancien livre une masse considérable de documentation écrite de tout type et sur une longue période. Elle est parfois, lors des fouilles régulières, retrouvée sous forme d’ensembles considérés comme cohérents. Il peut s’agir soit d’une archive vivante, c’est-à-dire un groupe de documents en usage à l’époque, et retrouvé tel quel par l’archéologue, telles les tablettes d’Ebla, ou d’une archive morte1, mise au rebut dans l’antiquité même, telles les archives du « bureau de l’huile » du palais de Mari de l’époque de Yasmah-Addu2. Notons qu’en dehors des grands ensembles de textes ou des documents regroupés dans des contenants, il peut être difficile de retrouver quelques textes éparpillés dans les structures architecturales, lors de la fouille.
* CNRS, UMR 7192 - PROCLAC. Mes remerciements s’adressent à D. Charpin et à J.-M. Durand pour leurs relectures attentives et leurs suggestions. 1 Pour la question des archives mortes et vivantes et de leurs différentes définitions voir par exemple pour l’époque paléo-babylonienne D. Charpin & N. Ziegler, Florilegium Marianum V. Mari et le Proche-Orient à l’époque amorrite. Essai d’histoire politique, Mémoires de N.A.B.U. 6, Paris, 2003, p. 13 ; D. Charpin, « The Historian and the Old Babylonian Archives », dans H. D. Baker & M. Jursa (éd.), Documentary Sources in Ancient Near Eastern and Greco-Roman Economic History. Methodology and Practice, Oxford & Philadelphia, 2014, p. 29 et 40-41, J. Lauinger, Following the Man of Yamhad. Settlement and Territory at Old Babylonian Alalah, CHANE 75, Leiden, Boston, 2015, p. 50 ; I. Arkhipov, « Who kept records in the palace of Mari, and why ? », dans D. Wicke (éd.), Der Palast im antiken und islamischen Orient. 9. Internationales Colloquium der Deutschen Orient-Gesellschaft. 30. März - 1 April 2016, Frankfurt am Main, Wiesbaden, 2019, p. 36 et pour le premier millénaire notamment C. Castel, « Contexte archéologique et statut des documents. Les textes retrouvés dans les maisons mésopotamiennes du Ier millénaire av. J.-C. », RA 89/2, 1995, p. 111-133 (qui ajoute la catégorie d’archives silencieuses) ; F. M. Fales, « Reflections on Neo-Assyrian Archives », dans M. Brosius (éd.), Ancient Archives and Archival Traditions. Concept of Record-Keeping in the Ancient World, Oxford, 2003, p. 197 ; M. Jursa 2005. Neo-Babylonian Legal and Administrative Documents: Typology, Contents and Archives, GMTR 1, Münster, 2005, p. 58. 2 Voir D. Charpin, « Nouveaux documents du bureau de l’huile à l’époque assyrienne », MARI 3, Paris, 1984, p. 107-108 ; J.-M. Durand, « Les dames du palais de Mari à l’époque du royaume de Haute Mésopotamie », MARI 4, Paris, 1985, p. 385-386.
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La question de la nature de « l’archive » à laquelle l’épigraphiste est confronté est fondamentale car elle conditionne son analyse, tout particulièrement dans le cas de l’étude de l’administration des grandes structures, qu’il s’agisse de vastes maisons, de palais ou de temples3. En d’autres termes, la nature de la documentation permet-elle de comprendre le fonctionnement de l’organisme qui les a produites ? Les approches de ces questions sont diverses en fonction des savants et des types de sources4. Pour la documentation médio-assyrienne par exemple, N. Postgate indiquait que5 : « (…) it (the term archive) is used throughout this book loosely to refer to an assemblage of documents found together and sharing some common features, in respect of content, date or some other criterion which suffice to show that they belonged together in some way. ». (…) « In Maria Brosius’ words, therefore, I am applying “a terminology which considers a set of documents from the viewpoint of the state of excavation” rather than “from the point of view of the contemporary records-keeper(s) of the ancient society who had installed and used a system of archiving, storing, and discarding documents” ».
Or, se poser la question de la nature des archives retrouvées et de leur logique est fondamental car le travail d’historien nécessite la contextualisation de ses sources, qui permettra de comprendre la logique ancienne de leur constitution et ainsi de déduire le fonctionnement de l’administration qui les a produites. Parmi ces ensembles de documents, ceux issus d’un « bureau » en lien avec la gestion des offrandes régulières-ginâ’u du temple d’Aššur d’époque médio-assyrienne sont particulièrement intéressants.
3 La définition des différentes catégories d’archives n’est pas toujours identique selon les études comme le rappelle M. Brosius, « Ancient Archives and Concept of RecordKeeping: An Introduction », dans M. Brosius (éd.), Ancient Archives and Archival Traditions. Concept of Record-Keeping in the Ancient World, Oxford, 2003, p. 5-9. On pourra se reporter aux différents articles contenus dans ce volume qui présente un large ensemble de réflexions sur ces questions. 4 Voir par exemple pour l’époque paléo-babylonienne D. Charpin, « The Historian and the Old Babylonian Archives… », p. 24-58 (pour une version française voir http://digitorient.com/blog/2009/10/30/lhistorien-face-aux-archives-paleo-babyloniennes/). 5 N. Postgate, Bronze Age Bureaucracy. Writing and the Practice of Government in Assyria, Cambridge, 2013, p. 81.
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La plupart des provinces du royaume médio-assyrien devaient livrer annuellement au temple d’Aššur certaines quantités fixes de denrées alimentaires (de l’orge, du blé, du sésame, des fruits, et du « miel »6) pour subvenir aux besoins d’offrandes du temple7. Notons que ce bâtiment a connu une très longue période d’occupation. Ce système d’offrandes devait perdurer à l’époque néo-assyrienne, mais faute d’une documentation équivalente, il est difficile de les comparer8. Toutes les provinces ne payaient pas forcement cette taxe, il n’est pas encore possible actuellement d’en comprendre la raison. En revanche ces textes sont souvent étudiés pour des raisons géographiques puisqu’ils fournissent des listes de provinces assyriennes9. Ces documents, qui datent de la fin du règne de Tukultî-Ninurta Ier vers 1207 au règne de Tiglath-phalasar Ier (1114-1076) ont été retrouvés dans 10 vases. Nous analyserons le contenu de l’un de ces vases, le D, pour essayer de comprendre les raisons de la conservation de ces textes et pour en saisir la cohérence archivistique. Pour ce faire, nous présenterons d’abord cette documentation, puis montrerons qu’il existe une cohérence du lot présent dans le vase D. Son analyse permet de proposer une compréhension plus fine de la notion d’archive d’un service administratif.
6 Sur la question de la traduction du terme dišpu, voir notamment N. Postgate, Bronze Age Bureaucracy…, p. 112-113. 7 L’étude de ce système d’offrandes a entraîné une abondante littérature. Voir notamment D. F. Rosa, « Middle Assyrian ginā’ū Offerings List: Geographical Implications », dans Ana turri gimilli. Studi dedicati al Padre Werner R. Mayer, S.J. da amici e allievi, Rome, 2010, p. 327 ; S. Gaspa, « The Tax for the Regular Offerings in the Middle Assyrian State: An Overview on Quantification, Transportation, and Processing of the Agricultural Products in the Light of the Middle Assyrian Texts from Assur », Archiv orientální 79, 2011, p. 233-259 ; H. Freydank, « Aus dem Opferarchiv des Assurtempels », dans J. Renger (éd.), Assur – Gott, Stadt und Land. 5. Internationales Colloquium der Deutschen Orient-Gesellschaft 18.-21. Februar 2004 in Berlin, CDOG 5, Wiesbaden, 2011, p. 431440 ; S. M. Maul, « Die täglich Speisung des Assur (ginā’u) und deren politische Bedeutung », dans L. Feliu, J. Llop, A. Millet Albà & J. Sanmartín (éd.), Time and History in the Ancient Near East: Proceedings of the 56th Rencontre Assyriologique Internationale, Barcelona, July 26-30, 2010, Winona Lake, 2013, p 561-574 ; N. Postgate, Bronze Age Bureaucracy…, p. 89-146. 8 Voir par exemple F. M. Fales & J. N. Postgate, Imperial Administrative Records, part II, Provincial and Military Administration, SAA 11, Helsinki, 1995, p. xxxv-xxxvi. 9 Pour une explication de l’organisation des listes de toponymes voir E. CancikKirschbaum & J. C. Johnson, « Middle Assyrian Calendrics », SAAB 19, 2011-2012, p. 87-152.
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1. PRÉSENTATION
DE L’«
ARCHIVE M 4 »
Bien que le corpus des textes de la pratique d’époque médio-assyrienne soit finalement assez réduit10 avec environ 2000 textes11, en très grande partie publiés, au moins en copie, il a donné lieu à plusieurs études ponctuelles mais peu de synthèses. 1.1. Une publication hors dossier L’archive des offrandes-ginâ’u ou archive M 4, a été retrouvée dans la pièce 3’ du temple d’Aššur en 1911, par W. Andrae, contenue dans 10 vases (fig. 2 et fig. 3). L’un d’eux était intact, et les autres cassés12. Trois d’entre eux comportaient une inscription13 : – Le vase A (VAT 18763) (fig. 1) contenait d’après l’inventaire de O. Pedersen14 au moins 32 tablettes et portait l’inscription15 : « De Šamaš-aha-êriš, fils de Rîš-Marduk. »
– Le vase B (VAT 18766) contenant 32 tablettes portait l’inscription16 : « Des pâtissiers et des pressureurs d’huile du temple d’Aššur, sous la responsabilité d’Ezbu-lêšir, responsable des offrandes-ginâ’u du temple
10 L’une des raisons avancées à ce sujet est l’usage de plus en plus important de supports périssables pour l’écriture, tel que les lê’u. Sur ces documents voir notamment N. Postgate, Bronze Age Bureaucracy…, p. 64 et M. Cammarosano, K. Weirauch, F. Maruhn, G. Jendritzki & P. L. Kohl, « They wrote on Wax. Wax Boards in the Ancient Near East », Mesopotamia 54, 2019, p. 121-180. 11 E. Cancik-Kirschbaum & Ch. Hess, Materialien zu Toponymie und Topographie. Obermesopotamien im 2. Jt. v.Chr. Toponyme der mittelassyrischen Text: Der Westen des mittelassyrischen Reiches, MTT I/2, Antony, 2016, p. xii. On notera que le nombre de textes connus progresse encore car il n’était que de 1500 dans E. Cancik-Kirschbaum & J. C. Johnson, « Middle Assyrian Calendrics », SAAB 19, 2011-2012, p. 92. 12 Pour une description de cette archive voir notamment O. Pedersen, Archives and Librairies in the City of Assur. A Survey of the Material from the German Excavation. Part I, Studia Semitica Upsaliensia 6, Uppsala, 1985, p. 43-53, J. N. Postgate, « Administrative Archives from the City of Assur in the Middle Assyrian Period », dans K. R. Veenhof (éd.), Cuneiform Archives and Libraries. Papers read at the 30e Rencontre Assyriologique Internationale, Leiden, 4-8 July 1983, Istanbul, 1986, p. 170-171 et N. Postgate, Bronze Age Bureaucracy…, p. 89-146. 13 Pour ces inscriptions voir notamment N. Postgate, Bronze Age Bureaucracy…, p. 90, n. 5, 6, 7. 14 O. Pedersen, Archives and Librairies in the City of Assur…, p. 48. 15 šá mdutu-šeš-kam, dumu ri-iš-damar-utu (voir N. Postgate, Bronze Age Bureaucracy… p. 90 n. 7). 16 ša lú ka-kar-di-ni ù lú ì-sur ša é aš-šur, ša šu miz-bu-si-sá gal gi-na-e ša é aš-šur, ìr migi-dub-ibila-é-šár-ra man kalag man kiš, man kur da-šur, iti ṣi-pu u4 20-kám li-mu m iš-tu-aš-šur-a-šàm-šu, dumu maš-šur-pab/šeš-sum-na.
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d’Aššur, serviteur de Tiglath-phalazar Ier, roi fort, roi puissant, roi de la totalité, roi du pays d’Aššur. Mois de ṣippu (vii), 20e jour, éponyme IštuAššur-ašâmšu, fils de Aššur-aha-iddina. »
– Le vase I (VAT 18782+18827), comportant au moins 33 tablettes portait l’inscription17 : « Conteneur18 des documents scellés des comptes des brasseurs du temple d’Aššur, sous la responsabilité d’Ezbu-lêšir, responsable des offrandesginâ’u du temple d’Aššur, serviteur de Tiglath-phalazar Ier, roi fort, roi puissant, roi de la totalité, roi du pays d’Aššur. »
Fig. 1. Vase A (H. Gries, Der Assur-Tempel in Assur…, pl. 77b, op. cit. n. 20).
Fig. 2. Croquis de la découverte des vases de l’archive M 4 (H. Gries, Der Assur-Tempel in Assur…, pl. 77a).
Les inscriptions portées sur les vases permettent déjà quelques commentaires concernant la nature de l’archive. En effet, si les vases B et I comportent une inscription en lien avec le service des ginâ’u19, le A semble avoir été réutilisé car le personnage mentionné dans l’inscription ne semble ni présent dans les textes contenus dedans, ni mentionné dans le reste des archives. Le recyclage du contenant pour l’abriter indique 17 é ka-ni-ka-a-te-meš ša níg-ka9-meš, ša lú-šim-meš ša é da-šur, ša šu miz-bu-si-sá gal gi-na-e, ša é aš-šur ìr migi-dub-ibila-é-šár-ra, man kalag man kiš man kur aš-šur. 18 Sur les questions de traduction de bît kanîkâte dans ce contexte voir en dernier lieu K. Radner, Das Mittelassyrische Tontafelarchiv von Giricano/Dunna-ša-uzibi, Subartu 14, Turnhout, 2004, p. 51 et N. Postgate, Bronze Age Bureaucracy…, p. 84, n. 141. 19 Voir N. Postgate, Bronze Age Bureaucracy…, p. 90.
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Vase F
Vase H
Vase E
Vase C
Vase K
Vase D
Vase H
Vase E
Vase C
Vase G
Vase I
Vase D
Vase F
Vase K
Fig. 3. Photos de la découverte des vases de l’archive M 4 (H. Gries, Der Assur-Tempel in Assur…, pl. 76b & c).
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déjà que l’archive ne devait plus être d’usage courant. Il ne faut donc pas forcément se fier à l’inscription portée par un contenant pour en juger du contenu, mais cela n’empêche pas de l’étudier pour essayer d’en chercher la cohérence. Puisque leur inscription peut ne pas être pertinente il faut en étudier le contenu de la même façon que celui des vases non inscrits. Ces derniers pouvaient comporter jusqu’à 80 tablettes. À cela s’ajoutent 177 tablettes retrouvées autour de ces vases, sans que l’on sache exactement d’où elles provenaient. On notera que des « tokens » ont aussi été trouvés dans le vase A20. Il s’agit d’un corpus parfaitement adéquat pour les questions d’administration, de comptabilité et d’archives, car il a été regroupé et volontairement classé à l’époque. Les modalités de publication de ces textes font qu’il n’est possible que depuis peu de s’intéresser à ces notions car ils n’ont pas été publiés par dossier. L’archive contenue dans le vase D comporte au moins 53 tablettes, correspondants aux numéros Ass1877321, dont actuellement, 46 sont publiés de la façon suivante : – – – – – – – – –
1 texte dans MARV I (1976) : I 66 ; 1 texte dans MARV II (1982) : II 14 ; 1 texte dans MARV III (1994) : III 6 ; 14 textes dans MARV V (2004) : V 31, 32, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 55, 57, 60, 62, 63, et 68 ; 19 textes dans MARV VI (2005) : VI 3, 7, 9, 13, 22, 24, 26, 28, 31, 34, 37, 41, 75, 76, 82, 83, 85, 86, et 88 ; 1 texte dans MARV VII (2006) : VII 98 ; 3 textes dans MARV VIII (2007) : VIII 24, 60, et 74 : 4 textes dans MARV IX (2010) : IX 9, 32, 97, 110 ; 2 textes dans MARV X (2011) : X 83, 90.
Le nombre véritable de textes doit aussi être repris en fonction des joints internes et des republications22. Grâce à la politique d’intensification de la publication de cette archive, il est donc désormais possible d’en étudier les dossiers. 20 Cf. H. Gries, Der Assur-Tempel in Assur. Das assyrische Hauptheiligtum im Wandel der Zeit, WVDOG 149, Wiesbaden, 2017, p. 63. Cela illustre ainsi un autre usage que pouvait avoir les vases dans un cadre de comptabilité. 21 O. Pedersen, Archives and Librairies in the City of Assur…, p. 50. 22 Ainsi par exemple MARV I 66 a été republié comme MARV VI 28 ; ou MARV VI 85 republié comme MARV VII 98.
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1.2. Une évolution de la publication La publication de ces textes fut une entreprise de longue haleine, qui s’étendit sur plus de 30 ans, ce qui explique l’évolution de leurs normes de publication. Ainsi, les index apparaissent progressivement dans les publications et deviennent de plus en plus fournis tout comme les résumés du contenu des textes. La glyptique est publiée conjointement aux textes dès MARV V. Les enveloppes n’ont pas toujours été publiées avec la tablette qu’elles contenaient23. 2. M 4 D : UN
ENSEMBLE DE TEXTES COHÉRENT
2.1. En lien avec les offrandes-ginâ’u Une analyse rapide du contenu des textes du vase D en révèle une certaine cohérence interne. Fort logiquement, tous les textes sont en lien avec la partie végétale des offrandes-ginâ’u, documentant un moment et une raison des mouvements des produits de ces dernières. Plusieurs responsables, râb ginâ’ê, du bureau des offrandes y sont mentionnés, dont le fameux Ezbu-lêšir, qui apparait directement dans 6 documents. La typologie de ces textes a été élaborée par N. Postgate, qui soulignait le caractère extrêmement disparate des documents24. Par ailleurs, ils illustrent le mécanisme des offrandes-ginâ’u et le fonctionnement d’un bureau administratif recevant ces produits. O. Pedersen proposait que pour une année normale de Tiglath-phalazar Ier, ces offrandes se montent à 1 000 emâru d’orge, soit environ 100 m3 (= environ 75 tonnes), 10 emâru de miel soit 1 m3, 100 emâru de sésame soit 10 m3 et 50 emâru de « fruits » soit 5 m325. Ces textes documentent clairement trois étapes dans le traitement de ces biens26 :
23 C’est par exemple le cas de MARV VI 19, dont l’enveloppe, annoncée dans le volume comme prochainement publié dans MARV VIII le sera finalement comme MARV IX 46. 24 N. Postgate, Bronze Age Bureaucracy…, p. 128-146. 25 O. Pedersen, Archives and Librairies in the City of Assur…, p. 46. Pour une étude quantitative de ces offrandes voir S. Gaspa, « The rab ginā’e’s Administrative Unit at Work. A Quantitative Study on the Provision of Foodstuffs in the Middle Assyrian Period in the Evidence of the Tabular Lists », UF 43, 2011 [2012], p. 161-222. 26 N. Postgate résume leur mouvement dans un diagramme. Cf. N. Postgate, Bronze Age Bureaucracy…, p. 96, fig. 4.5.
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1) la réception des contributions, 2) les mouvements internes au bureau, 3) la « disposition finale » ou la consommation des biens. 2.2. La réception des contributions La réception des contributions peut prendre la forme d’un document comptable, enregistrant matériellement sur le moment l’arrivée des biens. Des textes documentent des réceptions uniques comme MARV VI 8627 par exemple : « 295 emâru 3 sûtu d’orge, selon le sûtu de 5 sûtu, offrande-ginâ’u de la ville d’Erbil, de l’éponyme Aššur-šallimšunu. 170 emâru 7 sûtu, selon le sûtu de 5 sûtu, arriérés de leurs tablettes officielles. Total 466 emâru d’orge, offrandes-ginâ’u de la ville d’Erbil, sa province et leurs arriérés. Mois de kuzallu (=) mois de Abu, le 25e jour, éponyme Šamaš-apla-êreš. Sous la responsabilité de Aššur-nâṣir, le gouverneur de Âh-hurre, de Ninurtamurabbi, le gouverneur du pays de Habriûre, et de Hadû, le scribe, le qêpu de la ville d’Erbil, Ezbu-lêšir, le responsable des offrandes-ginâ’u a reçu. »
Le fragment d’enveloppe de ce texte livre des informations supplémentaires, notamment le volume de grain qui est dû par les trois personnages. Ce texte semble illustrer une situation exceptionnelle, conséquence de troubles politiques en Assyrie et tout particulièrement dans la province d’Arbèles. Ce billet compile des informations issues de plusieurs autres documents : une réception, un remboursement d’arriérés28 et le nom des responsables de la transaction. Ces documents servaient certainement de base à la rédaction des grands tableaux annuels récapitulant les réceptions d’offrandes sur une année, suivant un ordre de toponymes relativement strict. Certains, comme MARV VI 82, livrent sur la face les réceptions et sur le revers les arriérés de chaque province.
27 Ce texte a été publié et discuté par Y. Bloch, « Assyro-Babylonian Conflicts in the Reign of Aššur-rēša-iši I. The Contribution of Administrative Documents to HistoryWriting », dans G. Galil et al. (éd.), The Ancient Near East in the 12th-10th Centuries BCE. Culture and History. Proceedings of the International Conference held at the University of Haifa, 2-5 May, 2010, AOAT 392, Münster, 2012, p. 68-70. 28 Ce remboursement, comme l’illustre l’enveloppe serait en partie lié à un emprunt fait par les trois personnages mentionnés dans le texte.
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Des textes mixtes mentionnant plusieurs opérations à la fois, une réception et une dépense, existent, comme c’est le cas de MARV V 5729 : « 86. Total 43 emâru d’orge de NG, sous la responsabilité de Iksuyu, le batelier : reçu. En ce même jour, 1 emâru : Aššur-danninni ; 3+ sûtu 3 qû les meuniers de Urad-Aššur, l’alahhinu, pour leurs travaux, ont reçu. -----En ce jour, 11+ emâru d’orge d’Aššur-kettî-šêṣi, sous la responsabilité de Aššur-šumu-iddina : reçu. A partir du mois de ṣippu, le 12e jour de ce même éponyme, [x] et 1 sûtu de pain sera donné. »
La première partie du texte documente la réception matérielle d’orge en provenance d’une province, comme le montre la ligne 1, la seconde la réception d’orge par des alahhinu, la troisième, une réception d’orge dont nous ne connaissons que le responsable et l’intermédiaire et, enfin, la quatrième prévoit à partir du lendemain de la rédaction du texte une dépense régulière de pains. Une fois les denrées reçues, elles connaissaient des mouvements dans le service, avant d’être transformées en offrandes pour Aššur. 2.3. Les listes et billets De rares listes illustrant à la fois le personnel et le matériel nécessaire au bon fonctionnement du service apparaissent dans ce corpus. Le vase D en livre au moins deux : l’une MARV V 60 est une liste de meuniers envoyés par les provinces pour travailler pour le temple d’Aššur, et MARV VI 75 fournit une liste de matériel de moûture distribué à des alahhinu et des brasseurs. Le vase D livre aussi quelques exemples de « billets » administratifs, reconnaissables au premier coup d’œil. Il peut s’agir de petites tablettes non scellées, ni datées, telle MARV IX 830 :
29 1 ⸢10⸣ 10 10 10 10 10 10 10 6 2pap 43 anše še ša ⸢NG⸣ 3i+na šu mik-⸢su⸣-ia-e má-lah5 ma-hír 4i+na u4-me an-ni-e-ma 1 anše maš-šur-dan-ni-[ni] 5⸢3+⸣ (bán) 3 qa ⸢erin2⸣-meš ṭé-i-nu 6tr.⸢ša⸣ mìr-aš-šur a-láh-hi-ni 7a-na giš-gàr-meš-te-šu-nu mah-ru 8rev.i+na u4-me an-ni-e-ma 11 ⸢anše⸣ ⸢x⸣ ⸢še?⸣ [ ] 11ša maš-šur-ke-ti-še-ṣi i+na šu 10⸢m⸣aš-šur-mu-sum-na ma-hír 12[i]š-tu ⸢iti⸣ ṣi-pi u4 12-kám li-me 12[a]n-ni-e-ma 13⸢ù⸣ 1 (bán) ta-àm ninda-meš 14 ⸢i⸣-na-din 15[iti ṣ]i-ip-pu iti kin u4 11-kám 16⸢li-me⸣ miš-tu-aš-šur-a-šàm-š[u]. 30 MARV IX 8 : 1-6 : 1⸢25⸣ ⸢anše⸣ 5 (bán) še 2ina ugu ⸢maš-šur-mu-sum-na⸣ 3giš-gàr ⸢ša iti [ṣi]-⸢pe⸣ 418 anše ⸢še⸣-um-meš 5ina ugu mdumu-ṣíl-lí-ia 6giš-gàr ⸢ša⸣ iti ṣip-pe.
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« 25 emâru, 5 sûtu de grain, au débit de Aššur-šuma-iddina, travail du mois de ṣippu. 18 emâru d’orge, au débit de Mâr-ṣillîya, travail du mois de ṣippu.
ou sous forme de tablette ronde, comme dans le cas de MARV V 6331 : « […] 1 emâru : Aššur-šuma-iddina, 2 emâru : Aššur-taklâk, 2 emâru : Ahî-lâmur […] ».
Certains documents mentionnent explicitement la raison de leur rédaction : « écrit pour ne pas être oublié »32, comme l’illustrent deux textes provenant de ce vase33. 2.4. Dépenses pour les dieux Quelques documents enregistrent, dans ce vase, les dépenses pour les dieux34, dernière étape d’usage des bien issus des offrandes, notamment MARV VI 31 et VI 76 (dépenses d’huile) ou MARV VI 37 (dépenses de pains). 3. M 4 D : CE QUI N’EST PAS COHÉRENT Le vase D semblait offrir, au premier abord, une certaine cohérence archivistique, puisque l’ensemble des documents qu’il contient est lié à la gestion des offrandes-ginâ’u. Mais à y regarder de plus près, les choses paraissent moins simples et nécessitent de s’interroger plus spécifiquement sur le statut de cette « archive des offrandes-ginâ’u ». N. Postgate note d’ailleurs que « among the hundreds of tablets which have already been published from the Offerings Archives, few are precisely similar to one another… »35.
31 MARV V 63 : 1’[…] 2’1 an[še maš]-šur-mu!-sum!-na! 3’2 anše [m]aš-šur-ták-lak 2 anše mšeš-la-a-mur […]. Pour les lignes 1-3 voir J. Llop, « The Food of the Gods MARV 3, 16, A Middle Assyrian Offerings List to the Great Gods of the City of Aššur », SAAB 18, 2009/2010, p. 19. 32 a-na la ma-še ša-ṭi-ir. 33 MARV I 66 et MARV V 32. 34 Pour ces dépenses pour les dieux voir notamment J. Llop, « The Food of the Gods MARV 3, 16…, p. 1-46. 35 N. Postgate, Bronze Age Bureaucracy…, p. 128. 4’
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3.1. La documentation manquante Si l’on considère qu’il s’agit des archives de la gestion courante de ces offrandes, il apparaît clairement des manques dans la documentation tels que les billets économiques et les récapitulatifs de gestions. Par ailleurs, seuls les produits végétaux sont mentionnés. Cela ne doit pas laisser supposer qu’il n’existait que des végétaux dans ces offrandes, comme l’illustre l’unique mention de moutons pour les offrandes-ginâ’u36, mais plutôt que les documents traitant de la viande ont été archivés ailleurs. En outre, si l’on cherchait à imaginer quelle aurait pu être l’inscription sur le vase pour qualifier les textes qu’il contenait, on aurait des difficultés à la formuler. 3.2. Non homogénéité du fonds Le fonds documentaire semble finalement peu homogène. 3.2.1. Le manque de cohérence des groupes de personnes L’analyse de l’onomastique ne permet pas de faire beaucoup de recoupements, ce qui est étonnant, compte tenu du nombre réduit de membres du personnel employés et impliqués dans l’affaire. 3.2.2. Une très large fourchette chronologique La fourchette chronologique des textes contenus dans le vase est assez grande, puisque le plus ancien dont la date soit conservée, MARV V 55, serait du règne d’Aššur-nârârî III37, et les plus récents du milieu du règne de Tiglath-phalazar Ier, ce qui fait un laps de temps d’un peu plus d’un siècle. Par ailleurs, si le dernier règne fournit le plus grand nombre de textes avec au moins 10 documents, une quantité non négligeable se répartit dans les règnes intermédiaires, notamment ceux de Ninurta-apilEkur, d’Aššur-dan Ier avec 4 textes, et d’Aššur-rêša-iši.
36 Dans la lettre MARV X 90 : 13 : 9 udu-meš ša gi-⸢na-e⸣. Ce texte est édité dans J. J. Ridder, « Compte rendu de Freydank H., Feller B., Mittelassyrische Rechtsurkunden und Verwaltungstexte X, WVDOG 134, Saarwellingen, 2011 », BiOr 70, 2013, p. 140. 37 Pour cette datation de l’éponyme Salmânu-aha-iddina, voir H. Freydank, Assyrische Jahresbeamte des 12. Jh v. Chr. Eponymen von Tukultī-Ninurta I. bis Tukultī-apil-ešarra I., AOAT 429, Münster, 2016, p. 169-170.
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Si Ezbu-lêšir est le râb-ginâ’u le plus représenté, on trouve une attestation d’un de ses prédécesseurs, Sîn-nâdin-apli38. On trouve aussi deux attestations d’un Aba-lâ-îde, dont le titre n’est pas précisé et qui, même s’il a pu être celui qui fut ša muhhi ginâ’ê, ne l’était plus lors de la production des deux textes39. 3.2.3. Un regroupement de textes typologiquement proches mais distants chronologiquement Certains textes forment des lots de contenus cohérents, telles les dépenses pour les dieux : MARV VI 31, VI 37, VI 76, mais éloignés dans le temps. En effet, MARV VI 37 est de Ninurta-apil-ekur40, MARV VI 31 daterait de la fin du règne d’Aššur-rêša-iši41, et MARV VI 76 est du début du règne de Tiglath-phalazar Ier42. Ces deux derniers textes sont très semblables par leur contenu, enregistrant des dépenses journalières d’huile pour les divinités. Ils sont néanmoins séparés par plusieurs années, ce qui signifie qu’il devait exister d’autres textes de ce type qui comblaient la lacune actuelle, mais qui n’ont pas été conservés dans ce vase. 3.2.4. Un éclatement des dossiers dans divers vases S’il est difficile de trouver des dossiers cohérents dans le vase D, une étude de l’ensemble de l’archive donne une impression d’éclatement des dossiers. Des dossiers appartenant aux deux responsables des offrandes-ginâ’u déjà mentionnés Aba-lâ-îdi et Sîn-nâdin-apli se retrouvent dans le vase A, qui est l’« archive de Šamaš-aha-êriš, fils de Rîš-Marduk ». 38 Dans MARV VIII 60, texte datant du règne de Ninurta-apil-ekur, dans lequel il porte le titre de râb-ginâ’ê. Pour la date de l’éponyme Marduk-aha-êreš, voir H. Freydank, Beiträge zur mittelassyrischen Chronologie und Geschichte, SGKAO 21, Berlin, 1991, p. 150 et H. Freydank, Assyrische Jahresbeamte des 12. Jh v. Chr…, p. 158-159. 39 Il apparaît dans MARV VIII 60 : 14, dans lequel il ne peut pas être responsable des offrandes, et dans l’unique lettre que contient la jarre MARV X 90. 40 L’éponyme Salmânu-zêra-iqîša date du règne de Ninurta-apil-ekur (cf. H. Freydank, Assyrische Jahresbeamte des 12. Jh v. Chr…, p. 170-171). 41 La date de ce texte est très abîmée, néanmoins, un éponyme est nommé dans le corps du document. Il avait été lu Ninurta?-apla-êreš dans MARV 6 (cf. p. 9), repris tel quel par S. Gaspa, « The Tax for the Regular Offerings in the Middle Assyrian State… », p. 246. Compte tenu des traces et de l’espace sur la copie, il est fort possible qu’il faille lire md ⸢utu-ibila⸣-kam comme l’indique H. Freydank, Assyrische Jahresbeamte des 12. Jh v. Chr…, p. 173. 42 Le texte date de l’éponyme Ibri-šarri, et donc du règne de Tiglath-phalazar Ier (cf. H. Freydank, Assyrische Jahresbeamte des 12. Jh v. Chr…, p. 150-151).
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Les cas les plus intéressants sont ceux de certains ensembles de textes qui devaient former des dossiers et être selon notre logique, regroupés, mais se retrouvent en fait séparés. C’est le cas par exemple des textes MARV VI 1943 : « [Au mois de Hibur le 6e jour], éponyme Ina-ilîya-allak 4 emâru ŠûzubSîn, 4 emâru Urad-Gula, 4 emâru Aššur-danninni, 4 emâru Tišpakîya, 4 emâru Sîn-ašarêd, 3 emâru 6 sûtu Kuttahhu, 4 emâru pour le temple Siqqi-Aššur-aṣbat a reçu. Total, 24 emâru d’orge, offrandes-ginâ’u du pays de Halahhu selon le sûtu de la paume de la main. Sous la responsabilité de Siqqi-Aššur-aṣbat, 15les alahhinu et les brasseurs 16ont reçu. Sceau de Aššur-danninni l’alahhinu. Mois de Hibur, le 6e jour, éponyme 19Ina-ilîya-allak. Sceau de Š[ûzub-Sîn]44. Sceau de Urad-Gula. »
et MARV VI 2445 : « Au mois de Abu-šarrâni, le 24e jour, éponyme Ina-ilîya-allak : 6 emâru d’orge, Urad-Gula, 6 emâru Aššur-danninni, 5 emâru Šûzub-Sîn, 4 emâru Tišpakîya, 4 emâru Sîn-ašarêd, 3 emâru Kuttahhu, 2 emâru Tišpak-šumauṣur ; total 30 emâru d’orge, offrande-gina’û de la province de la ville de Šûdu, selon le sûtu de la paume de la main. Sous la responsabilité de Siqqi-Aššur-aṣbat, les alahhinu et les brasseurs ont reçu. Sceau de Aššur-danninni l’alahhinu. Mois de Abu-šarrâni, le 24e jour, éponyme Ina-ilîya-allak. Sceau de Šûzub-Sîn. Sceau de Urad-Gula l’alahhinu.
43 MARV VI 19 : 1[i+na iti hi-bur u4-6]-⸢kám⸣ ⸢li-me⸣ 2⸢i+na-dingir⸣-⸢ia⸣-al-lak 4 anše mkar-d30 44 anše mìr-dgu-la 54 anše mda-šur-dan-⸢ni-ni⸣-⸢i⸣ 64 anše mdtišpak-⸢ia⸣ 7⸢4⸣ anše md30-sag 83 anše 1 (paršiktu) mku-tah-h[u] 94 (bán) a-na é-te msiq-⸢qi⸣-aš šur-⸢dib-bat⸣ 10 ma-hi-ir 11pap 24 anše ⸢še-um-meš⸣ 12tr.gi-na-ú ⸢ša kur⸣ [ha]-⸢láh⸣-hi 13i+na giš-bán ša ⸢pi-rík rit-te⸣ 14⸢i⸣+na šu m⸢siq-qi-aš-šur-dib-bat⸣ 15⸢lú a-láh-hi-nu-meš ⸢ù⸣ lú lunga-meš⸣ 16 ma-ah-ru 17⸢na4-kišib⸣ ⸢maš-šur-dan-ni-ni [a]-⸢láh⸣-hi-ni 18[it]i ⸢hi-bur⸣ u4 6-kám ⸢li-mu⸣ 19 m ⸢ i+na-dingir-ia-al-lak⸣ 20tlg.[n]a4-kišib mìr-dgu-la 21na4-kišib [m?]⸢k⸣[ar*-d30]. 44 Les textes MARV VI 19 et 24 sont très proches. Les sceaux sont les mêmes et les trois personnes qui scellent la tablette sont les premières à recevoir l’orge. C’est pourquoi, il est probable qu’il faille retrouver le sceau de Šûzub-Sîn sur le texte MARV VI 19, et lire l. 21 : na4-kišib [m?]⸢k⸣[ar*-d30]. La copie va aussi dans ce sens, car le début de signe du NP correspond bien à un début de KAR. 45 MARV VI 24: 1i+na iti a-bu-man-meš-ni u4 24-kám 2li-me mi+na-dingir-ia-al-lak 3 6 anše še mìr-dgu-la 46 anše mda-šur!-dan-ni-ni 55 anše mkar-d30 64 anše mdtišpak-ia 74 anše md 30-sag 83 anše mku-tah-hu 92 anše mdtišpak-mu-pap 10pap 30 ⸢anše⸣ še-⸢um-meš⸣ gi-na-ú 11tr ša pa-ha-at uru šu-ú-di 12i+na giš-bán ša pi-rik rit-te 13i+na šu msiq-qi-da-šur-dib-bat 14rev lú a-láh-hi-nu-meš ù lú lunga-meš 15ma-ah-ru 16na4 kišib maš-šur-dan-ni-ni [a]-⸢láhhi⸣-ni 17iti a-bu-man-meš-ni u4-24-kám 18li-me mi+na-dingir-ia-al-lak 19na4 kišib mkar-d30 20tlg na4 kišib mìr-dgu-la a--hi-ni. 3
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Ces deux textes dont les enveloppes respectives ont été retrouvées46, datent de la même année, à moins de deux mois d’écart, et documentent des intervenants identiques pour la plupart et un même intermédiaire. Les sceaux autant qu’ils sont conservés sont aussi les mêmes et placés aussi bien sur les tablettes47 que sur les enveloppes48 au même endroit. Malgré cela, l’un des textes est archivé dans le vase D et l’autre (MARV VI 19) dans le vase E49. Toutes ces considérations amènent à s’interroger sur la nature des archives étudiées. 3.3. Nature du fonds 3.3.1. Les moyens de stockage des archives Si le stockage des tablettes en vase est bien connu grâce aux nombreuses découvertes archéologiques50, ses spécificités ne sont que rarement évoquées. Si une céramique offre l’avantage d’être un contenant très résistant aux atteintes extérieures, elle a l’inconvénient d’être peu pratique car assez difficile à manipuler et surtout paraît finalement peu adaptée pour l’accès facile à un document précis, surtout dans le cas d’une jarre à col étroit51. Il existait plusieurs autres types de contenant à tablettes, en matériaux périssables, que l’archéologie nous documente souvent de manière indirecte par la découverte de leurs étiquettes, ou en négatif lorsque le contenant en matière périssable a disparu mais que l’ensemble des tablettes en
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La copie de l’enveloppe de MARV VI 19 est publiée comme MARV IX 46. La légende d’un déroulement de cylindre étant inscrite dans le sens de lecture du sceau, il faut intervertir l’ordre de lecture des deux dernières lignes de MARV VI 19, le sceau de Šûzub-Sîn arrivant avant celui de Urad-Gula. 48 Le sceau 10 = sceau 4 de B. Feller (H. Freydank & B. Feller, Mittelassyrische Rechtsurkunden und Verwaltungstexte VI, WVDOG 109, Saarwellingen, 2005, p. 82-83 et pl. 9-10) = sceau 27 (H. Freydank & B. Feller, Mittelassyrische Rechtsurkunden und Verwaltungstexte IX, WVDOG 125, Wiesbaden, 2010, p. 84 et pl. 10). Il est probable que sur la face de l’enveloppe MARV IX 46 se trouvait donc le même sceau que sur l’enveloppe MARV VI 24, soit le sceau 9 H. Freydank & B. Feller, Mittelassyrische Rechtsurkunden und Verwaltungstexte VI…, p. 83 ; pl. 8). 49 On notera qu’au contraire dans les vases portant une inscription, les dossiers peuvent être rassemblés, comme par exemple dans le vase I : MARV V 41, 44 et VII 76. Pour ces textes voir J. Llop, « Ṣaḫḫutu, šakin māti », Orientalia 77, 2008, p. 177-185. 50 Voir par exemple N. Postgate, Bronze Age Bureaucracy…, p. 83-85. 51 Pour des réflexions de même nature sur la question des « archives » en vase voir K. Veenhof, « Chroniques bibliographiques 22. “Kültepe Texts” 1990-2010-2020— Part 1 », RA 114, 2020, p. 230-231. 47
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révèle la forme, comme dans le cas des coffres à tablettes52. Pour ce type d’objet il faut se tourner vers les textes. Pour l’époque médio-assyrienne, le fameux texte KAJ 31053 livre entre autres choses, la liste des « boîtes d’archives » ainsi que leur contenu ayant appartenu à Urad-Šerûa. La grande majorité sont des quppu, des « boîtes ». On trouve aussi quelques marsattu, qui traditionnellement sont considérées comme des jarres54 ainsi qu’un vase mišlu et qu’un vase tallu. Le marsattu, s’il s’agit bien d’un vase, est considéré comme servant au brassage, ce qui signifie que son col devait être large, facilitant la manipulation des tablettes déposées dedans. Le vase n’apparaît donc pas dans ce texte comme le moyen de stockage des textes le plus courant, contrairement à ce qui est communément admis. Il faut distinguer ce qui a été le plus communément utilisé de ce qui est le plus communément retrouvé et en vérifier l’adéquation. Les photographies publiées55 de la découverte des vases contenant l’« Archive M 4 » permettent quelques commentaires (fig. 3). Ils appartiennent à plusieurs types et sont donc de formes et de tailles différentes, que l’on peut néanmoins diviser en deux catégories. Les vases C, D, E et H sont hauts et à col étroit, et correspondent à des jarres de stockage. Le F semble avoir une panse plus large, mais conserve un col particulièrement étroit pour sa taille. Il semble, compte tenu de l’état de conservation de C, D et F, qu’ils n’aient pas comporté d’inscription56. Ce type de vase n’est pas aisé à manipuler compte tenu de son poids. Sa forme
52 Voir par exemple pour le cas de Tell ed-Der : M. Tanret, « Find the Tablet-box… New Aspects of Archives-Keeping in Old Babylonian Sippar-Amnānum », dans R. J. van der Spek (éd.), Studies in Ancient Near Eastern Worldview and Society presented to Marten Stol on the occasion of his 65th Birthday, Bethesda, 2008, p. 134-135. 53 Voir l’édition de J. N. Postgate, The archive of Urad-Šerūa and his family. A Middle Assyrian household in government service, Rome, 1988, p. 106-119 et les commentaires de J. N. Postgate, « Documents in Government under the Middle Assyrian Kingdom », dans M. Brosius (éd.), Ancient Archives and Archival Traditions. Concept of RecordKeeping in the Ancient World, Oxford, 2003, p. 124-138; N. Postgate, Bronze Age Bureaucracy…, p. 241-243. 54 Voir par exemple K. Duistermaat, The Pots and Potters of Assyria. Technology and Organization of Production, Ceramic Sequence and Vessel Function at Late Bronze Age Tell Sabi Abyad, Syria, PALMA 4, Turnhout, 2008, p. 451. 55 Voir N. Postgate, Bronze Age Bureaucracy…, p. 92, fig. 4.4 ; H. Gries, Der Assur-Tempel in Assur…, pl. 76-77. Pour le vase A, voir aussi A. Haller & W. Andrae, Die Heiligtümer des Gottes Assur und der Sin-Šamaš-Tempel in Assur, WVDOG 67, Berlin, 1955, pl. 49. 56 On ne peut pas exclure que chacun de ces vases ait pu comporter un scellement ou une étiquette indiquant ce qu’elle contenait. Pour cette pratique voir par exemple K. Radner, Das Mittelassyrische Tontafelarchiv von Giricano/Dunna-ša-uzibi, Subartu 14, Turnhout, 2004, p. 51-52.
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rend en outre malaisée la recherche et la manipulation des tablettes qu’il contient. Les vases comportant des inscriptions (A, B et I) appartiennent à d’autres types. Ils sont tous trois d’une taille quasi équivalente57 et contenaient un nombre quasi identique de tablettes. S’ils ne semblent pas appartenir exactement au même type céramique58, ils partagent les mêmes caractéristiques : petite contenance, poids rendant la manipulation facile, dimensions permettant d’envisager une manipulation assez régulière du contenu. Si le début du texte du vase I est bien compris on peut proposer qu’une des fonctions de ces vases ait été de conserver des tablettes. Le vase A (fig. 1) qui est la seule pour laquelle une photo est publiée a, comme le remarque N. Postgate, son inscription qui a été faite avant cuisson59, ce qui devait être également le cas des deux autres vases. Cela signifiait donc qu’ils avaient été spécifiquement produits pour cette fonction. Comment donc qualifier le contenu du vase D au niveau archivistique ? Il ne s’agit pas d’une archive morte lors de sa constitution car son conditionnement et son association avec d’autres vases soulignant une volonté de classement indiquent le contraire. Il s’agit donc d’une archive vivante, mais, pour quel usage ? 3.3.2. Quel type d’archive ? L’ensemble des textes composant l’« archive 4 D » est cohérent, car en lien avec la gestion des offrandes-ginâ’u mais il manque d’homogénéité. L’intervalle de temps entre le plus ancien et le plus récent des documents est grand. Ceux qui formeraient des dossiers cohérents sont éparpillés dans différents vases. Il manque une grande partie des textes produits par ce bureau, montrant donc qu’il y a eu un tri qui a été opéré. En archivistique moderne les archives sont classées en fonction de leur fréquence de consultation sous les labels : courantes, intermédiaires et définitives.
57 A (Ass 18763) H : 30 cm, D : 21 cm ; B (Ass 18766) H : 32,5 cm, D : 21,8 cm ; I (Ass 18827) H : 39,5 cm, D : 21,5 cm ; voir O. Pedersén, Katalog der Beschrifteten Objekte aus Assur. Die Schriftträger mit Ausnahme der Tontafeln und ähnlicher Architexte, ADOG 23, 1997, p. 126. 58 Les publications permettent de comparer uniquement les vases A et I. Voir par exemple les dessins de ces deux vases dans P. A. Miglus, Das Wohngebiet von Assur, WVDOG 93, Berlin, 1996, pl. 53. 59 N. Postgate, Bronze Age Bureaucracy…, p. 90 n. 4.
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Les archives courantes sont celles qui sont composées de documents utilisés de manière fréquente et habituelle dans les services. Les archives intermédiaires se composent de documents qui n’étant plus d’usage courant doivent néanmoins être conservés temporairement en l’état pour des raisons administratives ou juridiques. Les documents appartenant à ces deux premières catégories pouvaient être rangées dans des paniers ou des vases spécifiquement produits comme par exemple les A, B et I. Les archives définitives se composent de documents ayant traversé avec succès plusieurs phases de tri, qui ne sont plus susceptibles d’élimination et sont conservés pour des raisons juridiques ou autres. Le caractère disparate et le recyclage des moyens de conservation de l’archive M 4 montre qu’il s’agit certainement d’une archive définitive. La datation des textes montre que l’archive n’est plus alimentée à partir de la moitié du règne de Tiglath-phalazar Ier et qu’elle a donc été constituée à une époque postérieure avec une sélection de textes provenant d’une archive courante et intermédiaire. On se demandera d’ailleurs si l’éclatement des dossiers dans différents vases non-inscrits ne serait pas l’indice que les tablettes étaient préalablement rangées dans un espace plus grand et qu’après un tri, elles ont été éparpillées dans différents vases. Le fait que certains de ces conteneurs étaient de grandes jarres de stockage indique une volonté de conservation, mais aussi qu’on ne cherchait pas à les consulter régulièrement. On rappellera que les paniers à tablettes pouvaient en contenir un grand nombre. Ainsi, par exemple celui de Tell ed-Der en comportait 20760, soit environ la capacité de trois jarres de stockage. L’interruption des archives est-elle due à un changement de service, à un changement d’emplacement du service dans le temple ou à des raisons historiques ? Nous ne le savons pas, tout comme nous ne pouvons déterminer la date de constitution finale de cette archive. Si les archives définitives sont alors le plus souvent stockées dans différents types de vases, dont des jarres de stockage, cela explique aussi que ce soit ce type de contenant qui soit le plus souvent retrouvé, car le reste de la documentation est alors jeté ou recyclé, et n’est donc retrouvé que dans des cas exceptionnels, notamment lors de la destruction brutale du bâtiment dans lequel elles étaient conservées.
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M. Tanret, « Find the Tablet-box… », p. 137.
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CONCLUSION La documentation médio-assyrienne commence à devenir utilisable pour qui s’intéresse aux questions de comptabilité et de gestion grâce à la publication des dossiers complets. Certains ensembles de textes permettent d’illustrer les problématiques que l’on peut développer à partir de ces sources qui constituent l’archétype d’une archive : un ensemble de textes regroupés et classés volontairement. Le postulat de base est évident : tout texte appartenant à un lot devrait avoir une raison d’être regroupé. En revanche, la disparité de la documentation amène à penser que nous sommes en fait non pas face à une documentation courante, mais à un ensemble qui a connu plusieurs tris, avant d’être placé dans un stockage spécifiquement dédié et certainement pas fait pour être consulté régulièrement. Cela pourrait peut-être expliquer l’absence d’inscription et l’usage de ce type de jarre. Ce contexte doit bien évidemment être pris en considération pour l’analyse plus globale du fonctionnement du bureau des offrandes-ginâ’u, ce qui n’est pas le cas actuellement, car ces archives sont traitées par les assyriologues comme s’il s‘agissait archives courantes. La très longue histoire de ce bâtiment explique certainement les manques constatés. La raison de la sélection des textes est encore obscure, mais sa confrontation au contenu des autres vases, notamment celles portant une inscription, devrait permettre, je l’espère, de régler prochainement la question ; et c’est cette réponse qui devrait nous permettre de mieux saisir les modalités d’administration des grandes maisons.
L’ADMINISTRATION IMPOSANT SES NORMES
MESURER POUR MIEUX RÉGNER : LA MESURE DE MARDUK, UN OUTIL ÉCONOMIQUE ET SOCIOCULTUREL DES ROIS DE LA PREMIÈRE DYNASTIE DE BABYLONE Thibaud NICOLAS* 1. INTRODUCTION En étudiant la mesure de Marduk, mesure de capacité paléo-babylonienne portant le nom de la divinité principale de la capitale d’Hammurabi, nous avons voulu nous intéresser à un outil économique et nous attarder sur les implications socioculturelles de celui-ci, davantage que sur son aspect strictement matériel. Ceci impliquait d’étudier les communautés de pratique de l’acte économique, ainsi que ses lieux, l’ensemble permettant de nourrir une réflexion sur l’interaction entre pouvoir, économie, religion et administration. Dans cet article on se demandera quelles étaient les implications économiques, sociales, et culturelles de cette mesure et nous verrons qu’elle n’était pas un simple instrument technique, mais bien un instrument de pouvoir au service du roi de Babylone. La question des mesures divines a en effet été peu traitée jusqu’ici, mais quelques articles approchant de près nos problématiques ont déjà vu le jour. M. Stol tout d’abord a consacré un article1 au « poids de Šamaš », employé à Sippar et à Kiš et qui semble contrôlé par une instance appelée « maison de Justice » (bît Kittim) à Sippar. D. Charpin a plus tard identifié cette instance comme un « bureau des poids et mesures » et s’est penché sur la mesure de la déesse Kittum2, liant ainsi les temples aux phénomènes métriques. Il rappelle d’ailleurs que l’argent dévolu aux affaires du palais est parfois emprunté avec usage du poids de Šamaš, ce qui indique déjà un lien entre administrations du palais et du temple. Un dernier article, assez complet, sur ces questions est celui de R. de Boer (2013) qui a voulu étudier la mesure de Šamaš de manière * Professeur agrégé de Lettres Classiques. Doctorant (EHESS et Collège de France), Paris. 1 M. Stol, 1999, p. 573-589. 2 D. Charpin, 2011 puis D. Charpin, 2017, chapitre 3.
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systématique et l’a définie comme étant à l’origine une mesure employée par les religieuses-nadîtum à Sippar dont l’emploi s’est généralisé à partir de la période paléo-babylonienne tardive. Il montre en outre que la mesure de Šamaš était employée prioritairement lorsque du personnel du temple était impliqué dans les activités métriques mentionnées, un point très important à garder à l’esprit. En outre il a ébauché quelques éléments de réponses sur l’emploi de la mesure de Marduk qui était selon lui utilisée par le cloître pour effectuer des paiements vers l’extérieur3. Enfin, il faut rappeler l’article fondateur de K.R. Veenhof, « SAG.ÍL.LÁ = saggîlum » (1985), où ce dernier suppose que la mesure de Marduk et la mesure de Šamaš renvoyaient à deux réalités métriques différentes, comme la livre et le kilogramme, et que leur usage était conditionné à des nécessités métriques et non administratives. Un point dont on verra qu’il peut être nuancé. On peut considérer la notion de mesure de deux manières : soit comme une norme abstraite et conceptuelle soit comme un acte concret et matériel. Généralement la mesure est à la fois une norme culturelle et une réalité matérielle : ici à la fois une norme quantitative et un appareil de mesure. Il nous faut d’ailleurs préciser que nous ne disposons d’attestations que de mesures de capacité de Marduk, jamais de poids, contrairement au cas pour Šamaš, et celles-ci sont de trois types : sûtum (10 SILA), ṣimdum (30 SILA) et parsiktum (60 SILA). Cependant, on ne sait pas si les sûtumm, ṣimdum et parsiktum étaient les contenants employés pour la mesure, ou s’ils contenaient le grain mesuré avec la mesure de Marduk, devenant par métonymie des contenants dits de « mesure de Marduk », parce qu’ils étaient « certifiés » correspondre à une « norme », la mesure de Marduk, dont l’exactitude était garantie par l’emploi d’appareils de mesure de Marduk4. Néanmoins, il demeure actuellement impossible d’identifier avec certitude la forme que prenait la mesure de Marduk, si elle en prenait une.
3
Il se fonde pour cela sur les textes CT 47, 80, CT 4, 29b et CT 8, 21d. Certaines listes lexicales (MSL 1, p. 35) mentionnent l’existence d’une mesure avec une marque en forme de houe. Puisque B. Landsberger a établi le lien de ce dernier symbole avec Marduk, dans l’article « sûtu » du CAD S 420, cette mesure à la houe a été rapprochée de la mesure de Marduk, et selon les auteurs du CAD, la mesure de Marduk pourrait bien être un contenant en céramique orné d’une houe gravée. Malheureusement, nous ne possédons pour l’instant pas de traces de jarres inscrites d’une houe. 4
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2. OÙ ET
QUAND UTILISAIT-ON LA MESURE DE
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MARDUK ?
Fig. 1. Frise spatio-chronologique de la mesure de Marduk.
Rien n’exclut que la « mesure de Marduk » ait renvoyé à une norme administrative et cette hypothèse apparaît même comme la plus plausible comme nous allons le voir.
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Nous avons aussi dressé une carte (voir ci-après) qui représente le royaume de Babylone à son point d’expansion maximal, pour indiquer au mieux au lecteur tous les endroits où l’on aurait pu, ou où l’on pourra, vraisemblablement découvrir des textes mentionnant la mesure de Marduk. Lorsque nous écrivons « zone d’emploi » dans la légende, nous ne désignons donc pas la zone d’emploi réelle de la mesure de Marduk, mais la zone d’emploi où elle est à ce jour attestée par l’épigraphie. Si certains textes nous apprennent que la mesure de Marduk était utilisée dans des zones agricoles vraisemblablement plus « rurales », comme le Yahrurum inférieur, la connaissance que nous en avons en fait surtout un phénomène urbain, lié tout particulièrement aux greniers et aux entrepôts des villes, et à des individus en relation avec le roi. 3. UN EMPLOI FRÉQUENT DE LA MESURE PAR DU
PERSONNEL ROYAL
La mesure de Marduk était essentiellement employée par des individus que l’on peut relier à l’administration royale. Ainsi en va-t-il de Šamaš-hazir, responsable babylonien du cadastre à Larsa à la fin du règne d’Hammurabi, qui a recours à cette mesure dans deux documents comptables5. Il faut d’ailleurs relever qu’un autre chef du cadastre, Adad-rabi, officiant lui dans le Yahrurum inférieur, écrit dans la lettre TCL 1, 30 qu’il emploie la mesure de Marduk lui aussi. Enfin, il est à noter qu’un grand nombre de membres de l’administration royale, manipulaient également la mesure de Marduk, et en particulier des abarakkum, des šandabakkum, des barbiers ou des « pères de la troupe » (abi ṣâbim). L’emploi de la mesure de Marduk par les élites locales et les officiels palatiaux ne se rencontre pas qu’à Larsa, et il n’est pas spécifique aux provinces nouvellement conquises. On connaît en effet l’existence de cette pratique métrique dans les cités rattachées depuis longtemps au royaume de Babylone. À Kiš, par exemple, on voit un personnage nommé Etel-pi-Marduk, portant le titre de šâpir Kiš6, être créditeur d’une dette de grain exprimée en mesure de Marduk. Ce titre, comme le précise R. Pientka (1998) qui a étudié le texte, n’est attesté que dans cette ville, sans qu’on sache vraiment à quelle réalité il renvoie. Les šâpirum sont cependant, à cette époque, généralement dépendants de la maisonnée 5 M. deJ. Ellis, 1977, p. 61-68, ces documents ont été portés à notre connaissance par B. Fiette qui les étudie plus longuement (B. Fiette, 2019, p. 188-189). 6 Dans VS 7, 98.
Fig. 2. Carte d’utilisation de la mesure de Marduk.
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royale de Babylone, et le fait que notre personnage possède un nom théophore en Marduk tend à confirmer cette hypothèse. C’est à Sippar qu’on connaît le plus d’officiels qui emploient la mesure de Marduk : des abarakkum, des šandabakkum, des šatammum, des abi ṣâbim, des šê’iqum, des gallâbum… tous liés directement à l’administration royale. Nous allons à présent nous pencher sur ces officiels, les textes qui les mentionnent et étudier ce qui les relie à la mesure de Marduk. On rencontre, nous l’avons dit, parmi les utilisateurs de la mesure de Marduk, des abarakkum, des « administrateurs de maisonnées » (Hausverwalterschaft selon les mots de M. Stol7), dont on sait qu’ils jouaient un rôle important dans la gestion des biens palatiaux8. Dans JCS 2, 23 (Ae 10), on en rencontre deux, Etel-pi-Ištar et Marduk-tillassu, qui s’occupent de collecter le grain de cette zone agricole située entre Namsûm et Kâr-Šamaš. Enfin, dans JCS 2, 18 (Ae 28), on voit que ces intendants conservaient les archives des opérations effectuées sous leur contrôle. Autres officiels palatiaux qui s’occupaient de questions budgétaires, les šandabakkum, titre qu’on traduit généralement par « économe », apparaissent à plusieurs reprises dans notre corpus. R. Harris9 avait d’ailleurs déjà remarqué qu’il s’agissait visiblement d’un des plus hauts fonctionnaires de la cour. Qu’un tel personnage, à ce point lié aux finances royales ait recours à la mesure de Marduk peut être considéré comme un premier indice du lien entre cette dernière et l’administration royale. Or, on rencontre un šandabakkum utilisant cette mesure en Aṣ 02, dans le texte CUSAS 8, 54, provenant de Dûr-Abi-ešuh. Nommé Utu-luti, celui-ci sert d’intermédiaire, aux côtés de Sin-iddinam le šatammum, pour réceptionner, et vraisemblablement redistribuer, la taxe-biltum d’Utul-Ištar (un personnage très important qui de scribe devint abi ṣâbim). Cette distribution vise à approvisionner les chapelles des cultes de Nippur, transférés à Dûr-Abi-ešuh à l’époque de Samsu-iluna, après
7
D. Charpin, 2004, p. 712. R. Harris, 1975, p. 55-56 notait déjà que ce type de personnel s’occupait de gérer les biens de la princesse Iltani et qu’ils géraient les dépenses de la maisonnée royale telles que le paiement des moissonneurs ou la distribution de grain pour les engraisseurs, dont on a déjà vu le lien avec le palais. Pour une référence plus récente et prenant en compte les dernières découvertes, on verra surtout D. Charpin, 2009, p. 47-51. 9 R. Harris, 1975, p. 53. 8
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la chute du Sud10. Il faudra donc garder à l’esprit que des fonctionnaires de très haut rang emploient la mesure de Marduk dans une forteresse dépendant du roi, et ce pour approvisionner le culte de divinités autres que Marduk. Dans les textes que nous avons étudiés, très souvent lorsque la mesure de Marduk est employée, on trouve l’expression « ina mešêqim »11 ou « šîq mešêqim » 12 qui renvoie à l’application de la « radouère ». Puisque nous étudions les officiels qui se chargent de manier la mesure de Marduk, on est aussi en droit de se demander s’il y avait des individus dont la fonction explicite était l’application de la radouère13. En effet, celle-ci semble liée de près à notre sujet. Au sein de nos textes, on rencontre par deux fois des individus dont la fonction est clairement d’être « awîlum šê’iqum ». Cette fonction est attestée dans le CAD, mais mal documentée : il s’agit selon le dictionnaire d’un « officiel impliqué dans les distri10 D. Charpin avait le premier approfondi ce transfert des cultes du Sud de la Mésopotamie (D. Charpin, 1986), vers le Nord. Le problème a été repris en 2008 par K. Van Lerberghe, et on avait notamment constaté le transfert des cultes d’Uruk vers Kiš. Aujourd’hui, on sait que ce fut aussi le cas entre Nippur et Dûr-Abi-ešuh. D. Charpin relevait au sujet de douze textes datant de l’époque de Samsu-ditana que la mention d’ovins « apportés à Dûr-abiešuh par différents personnages et reçus par les prêtres-nêšakkum et par les purificateurs-pâšîšum de Ninlil et de Ninurta » révélait, comme ce personnel est bien connu pour les périodes antérieures à Nippur, que ce clergé avait fui la ville et s’était réfugié dans la citadelle et qu’il employait là-bas la mesure de Marduk. Ce qui tend à confirmer, par ailleurs, la proximité des deux localités (cf D. Charpin, 2020, p. 149-187). On comprend alors que les exilés à Dûr-Abi-ešuh « y poursuivaient le culte traditionnel des divinités de leur ville d’origine. La légende du sceau dont l’impression figure sur le texte numéro 16 [de CUSAS 8] est révélatrice de l’état d’esprit de ces personnes : « Nanna-medu, celui qui prie Marduk : puisse-t-il voir le renouveau de l’Ekur et de Nippur ! » ». Il est donc intéressant de constater que malgré cette prééminence du panthéon de Nippur, la mesure qui était employée était la mesure de Marduk et que c’était donc Babylone qui contrôlait les mécanismes économiques prévalant à Dûr-Abi-ešuh, fait en lui-même peu étonnant. 11 Dans VS 8, 80 par exemple. 12 Dans OLA 21, 20, JCS 2, 12 ou CT 8, 27b pour ne donner que quelques exemples. 13 Ainsi traduisons nous, à la suite de G. Chambon, 2011, le terme « (giš)mešêqum », traduit en anglais par « strickle » (C. Wilcke, 1983, p. 48-66), et qui renvoie à une sorte de baguette servant à araser un « comble »de grain, c’est-à-dire, à aplanir le sommet du panier ou de la jarre. Peut-être retrouve-t-on ici le même principe qu’à l’époque médiévale, lorsque le gabelou raclait le bol contenant la gabelle avec une baguette, s’octroyant l’excédent. G. Chambon a établi que le terme équivalent, en français, était « radouère » (G. Chambon, 2011, p. 169-170), et c’est celui-là que nous emploierons. Dans les textes, la radouère peut être de trois types, épaisse (kabrum), médiane (birûyum) ou fine (raqqum). Selon G. Chambon, l’épaisseur mentionnée n’est pas celle de l’outil en bois, comme on l’avait jusqu’alors supposé, mais celle du cône qui se forme sur l’appareil de mesure du grain. Ce cône, appelé le comble (selon la terminologie médiévale qui différencie mesure comble et mesure rase), pouvait être plus ou moins épais.
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butions de grain », qui apparaît dans quelques textes seulement : dans Loretz, Chagar Bazar (1969)14, le terme apparaît en 48, i, 35 et en 42, ii, 16. F. R. Kraus, en marge à l’édition de la lettre AbB 10, 81, a noté l’existence de « chefs » (UGULA) de ces šê’iqum, ce qui renforce l’idée d’une fonction spécifique, avec ses tâches administratives et sa hiérarchie. Le CAD mentionne aussi le texte OLA 21, 49, une distribution de grain en mesure de Marduk à différents personnages, dont une religieusenadîtum. Or le grain est issu d’une plus grande quantité de grain mesurée, elle, en mesure de Šamaš. Ceci donne l’impression que, si l’emploi de la mesure de Marduk relève de l’administration royale, le palais prend du grain qui a été mesuré par le temple ou une autre instance employant la mesure de Šamaš et le redistribue, en mesure de Marduk, à des individus à qui il doit du grain. Par ailleurs, dans ce texte, il est fait mention d’une « déduction de grain », mais le verbe ici employé est našârum, qui signifie davantage « mettre de côté », alors que harâṣum indique une déduction de caractère plutôt mathématique ou une diminution de part. C’est pourtant ce verbe qu’on rencontre dans un texte édité par H. Holma en 191415 où l’on peut lire : « X ZÙ.LUM ša (lú)še-i-qum ù (lú)TUR(meš) ša ne-ka-si-šu-nu ha-ar-ṣu », c’est-à-dire : « X GUR de dattes que le šê’iqum et les desservants se trouvent avoir déduit(s) de leurs archives comptables ». Si l’on n’a pas la preuve ici que cet officiel manipulait la radouère, on voit clairement qu’il avait accès aux comptes et participait à leur rédaction. Il est envisageable qu’ici, le grain ainsi déduit servit à payer l’officiel-šê’iqum. En outre, on voit souvent la mesure de Marduk employée par des barbiers, officiels dont le rôle avait déjà été étudié par Harris16 et D. Charpin17. Celui-ci avait relevé le lien entre le barbier et le « mu’errum », le « chef d’assemblée » (GAL.UKKIN.NA), une autre fonction qui apparaît dans notre corpus. Au sein de notre corpus, on rencontre des barbiers dans une liste de rations de Dûr-Abi-ešuh, dans ce texte18 on voit que les barbiers sont payés sous la responsabilité des šatammum, officiels des temples que l’on rencontre souvent dans les textes liés à la 14 Il y a en outre une référence supplémentaire à cette fonction dans Tunca et al. (éd.) Chargar Bazar III, 2008, p. 19 (texte n°1 : 17, le texte est commenté p. 224). Les auteurs suivent la définition du CAD dans l’identification du šê’iqum. 15 H. Holma, 1914, texte 4. 16 R. Harris, 1975, p. 83-84. 17 D. Charpin, 1980, p. 463. 18 Il s’agit de Van Lerberghe & Voet, 4 (Ae 20). Des textes similaires ont été publiés dans CUSAS 29 en 2017.
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mesure de Marduk, et qu’ils sont dirigés par un chef, qui se décrit dans son sceau comme « serviteur d’Abi-ešuh »19, mais aussi par un šukkallum et trois chefs d’assemblées. En outre le grain est issu de Babylone, et il semble d’ailleurs que ce chef des barbiers, Balassu-lîrik, soit lui-même un babylonien d’origine. On constate donc qu’ils étaient clairement des officiels royaux, rétribués par le roi, qui se déplaçaient et qui travaillaient main dans la main avec l’assemblée (puhrum) et leurs chefs. On retrouve d’ailleurs un barbier dans le texte YOS 13, 523 provenant probablement de Kiš. En effet, il y est question d’un Marduk-mušallim, « homme de la grand-porte » qui a emprunté du grain à un barbier nommé Nabium-malik et qui devra le rendre à son entrée à Babylone. Il est à nouveau question de la relation entre ces officiels et la capitale, mais aussi avec l’assemblée, dont on sait que les chefs étaient liés à la « porte du palais » puisqu’ils sont souvent mentionnés ensemble dans les textes20. On peut aussi mentionner le barbier nommé Marduk-lamassašu21 qui utilise la mesure de Marduk notamment dans S. Richardson, TCoaCS 2, p. 469, 07.137a et qui officiait dans les années Aṣ 1022. On sait en effet que les barbiers étaient des officiels royaux et Marduk-lamassašu avait visiblement un rôle assez important, puisqu’il est fréquemment mis en rapport avec la question de la protection des murs de Sippar-Yahrurum, notamment contre une attaque des Kassites en Aṣ 1523. Enfin, nous devons mentionner le barbier Nabium-naṣir, qui emploie la mesure de Marduk dans deux textes (JCS SS 2, 62 et JCS SS 2, 13). Il apparaît en outre que de dernier était en relation avec la princesse Iltani, dont il gérait parfois les biens, et avec Iškur-mansum, un chef des marchands bien connu à Sippar. C’est notamment le cas dans le texte OLA 21, 35 qui atteste que ce barbier est responsable dans une réception de grain appartenant à la princesse Iltani, une opération pour laquelle le chef des marchands Iškur-mansum joue le rôle d’intermédiaire. On sait d’ailleurs 19 Cf K. Van Lerberghe et G. Voet, 2010, p. 184 ainsi que K. Abraham et K. Van Lerberghe, 2017. 20 D. Charpin, 1980, p. 464, a en outre montré que le titre exact des GAL.UKKIN.NA est GAL.UKKIN.NA ERIN2.KÁ É.GAL, « chef de l’assemblée des gens de la porte du palais », ce qui explicite encore davantage cette relation entre assemblée et porte du palais. 21 E. Woestenburg, 1993, p. 425-433 rappelle en effet que c’est le fils de Mardukmušallim, qu’il apparaît comme tel dans OLA 21, 69 et YOS 13, 220. On le retrouve ensuite comme responsable pour un travail fait dans un champ. On le rencontre aussi dans AbB 2, 169, TCL 1, 169 et BM 97241. 22 Pour creuser ce personnage on pourra voir L. Pecha, 2011, p. 176-178. L’auteur lui consacre plusieurs pages et fournit un certain nombre de données biographiques. 23 M. Stol, dans l’édition du texte CTMMA I, 69 :17.
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qu’il existait des liens entre ces chefs des marchands et les dépendants du palais24. Reste à présent à traiter la question de l’officiel abi ṣâbim. La meilleure étude sur le sujet est celle de M. Stol dans OBO 160/4 (p. 927ss). On y apprend que cet officiel royal était chargé d’un grand nombre de missions. Il pouvait ainsi être amené à superviser des travaux commandés par le palais, mais c’est aussi sous sa responsabilité que les denrées issues des réserves royales étaient fournies aux « marchands du palais ». Il s’agit donc d’un membre du personnel administratif jouant un rôle économique important et représentant les intérêts du roi en la matière. Au sein de notre corpus, le premier abi ṣâbim qui apparaisse est un nommé Marduk-lamassašu, dans le texte TCL 1, 158 où il supervise une distribution de rations à des ouvriers chargés de creuser un canal. Vient ensuite Utul-Ištar dans CUSAS 8, 54, un personnage qui a commencé sa carrière comme scribe et l’a terminée comme « père de la troupe » et dont on sait qu’il était un pivot majeur des affaires du roi à Sippar. Dans ce texte cependant, il n’est encore que scribe, mais il est intéressant de constater qu’il est impliqué dans les affaires non de Sippar, comme c’est habituellement le cas, mais de Dûr-Abi-ešuh, puisque sa taxe-biltum est employée pour financer des rations à distribuer aux chapelles des dieux de Nippur dans la forteresse, ce qui montre que le domaine d’action de ces individus était très étendu. On comprend donc que de tels personnages aient eu accès à la mesure de Marduk, puisqu’ils intervenaient pour le roi dans tout le royaume. 4. LA MESURE
DE
MARDUK DANS LES
ENTREPÔTS DU TEMPLE
ET DU KÂRUM
Lorsqu’ils utilisaient la mesure de Marduk, les officiels royaux étaient souvent en contact avec des officiels du temple. Or, nous avons déjà vu, avec l’exemple des prêtres d’Enlil de Nippur en exil à Dûr-Abi-Ešuh, que la mesure de Marduk était employée par les clergés d’autres divinités que Marduk. On peut revenir sur ce site dont proviennent nombre des textes sur la mesure de Marduk et notamment sur un texte qui en provient, CUSAS 8, 54, daté d’As 02. Il y est en effet question de denrées « qui ont été données comme rations pour Enlil, Ninlil, Ninurta, Nusku et les autres dieux de Nippur […] » (l. 9-12). Or ces denrées sont mesurées en mesure de Marduk et reçues par des nešakkum, prêtres attestés essentiellement 24
D. Charpin, 1982.
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à Nippur. On sait aussi qu’à Dûr-Abi-Ešuh, des šatammum pouvaient réceptionner le grain envoyé depuis Babylone (K. Van Lerberghe & G. Voet, 2009, p. 182-183, texte 2). À Sippar, on constate des rapports du même ordre entre clergé et mesure de Marduk, notamment dans JCS SS 2, 13, où Etel-pi-Nabium, un SANGA d’Aya bien attesté par ailleurs, reçoit du grain mesuré en mesure de Marduk « comme ration des offrandes et des chapelles du temple de Šamaš à Sippar et comme ration du mois de tebetum (mois 10) », ce grain est tiré de l’entrepôt du temple, mais il est intéressant de constater qu’au sein de la liste des officiels qui supervisent cette « sortie » de grain, on trouve un barbier (donc un officiel lié au roi). Ce barbier est accompagné d’Iškur-mansum, un chef des marchands bien connu25 et des intendants-šatammum du temple évoqués précédemment. Dans ce texte, le grain appartient au temple mais semble transiter par le kârum, d’où que le chef des marchands supervise les sorties de denrées de ce dernier, en tant que chef du kârum. Quant à la présence d’officiels royaux, elle est due au fait que la mesure de Marduk semble bien dépendre de la royauté de Babylone, un lien clairement identifiable à chaque fois que les acteurs de nos textes comptables sont eux-mêmes identifiables. Par ailleurs, le kârum était le fief des marchands et on connaît le rôle politique que jouaient ces derniers : ils jouissaient d’une immunité contractuelle26, en fonction des alliances entre les cités, mais ils étaient en contact direct avec l’administration royale, avec leur cité et avec la maisonnée royale. Ils jouissaient tout de même, de par leur activité, d’une certaine forme d’indépendance : ainsi, ils relevaient juridiquement du kârum. Ils pouvaient alors disposer de leur propre appareil de mesure. R. de Boer avait déjà remarqué que le kârum possédait le sien27, notamment dans la lettre AbB 6, 53 :10 où il est noté : « ina (giš)BÁN KAR.R[A] »28 et dans AbB 7, 142 :8 qu’on transcrira ainsi : « 0.1 ŠE (giš)BÁN kârim ». Cependant, ce terme pourrait aussi renvoyer à une mesure dont le nom rappelait directement leur institution, ne serait-ce que pour des questions de responsabilité et d’identification, de la même manière que le nom « mesure de Marduk » semble renvoyer systématiquement à l’administration royale. Utiliser le terme « mesure de Marduk » impliquait que 25 Ce n’est d’ailleurs pas le seul cas où ce dernier surveille un apport de grain pour le temple : on le voit en effet être témoin dans BE 6/1, 105, un contrat de vente de maison impliquant une religieuse-nadîtum du nom d’Iltani (il ne s’agit cependant pas de la princesse qu’on connaît par ailleurs). 26 S. Démare-Lafont, 1988, p. 179-180. 27 R. de Boer, 2013, n. 23. 28 Laquelle mesure apparaît aussi dans les listes lexicales : cf MSL 1, p. 36.
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l’administration royale patronnait la transaction ; on peut donc émettre l’hypothèse, non résolue à ce jour, que l’expression «(giš)BÁN KAR.RA » indiquait que le kârum était responsable de la transaction. On sait que le kârum disposait de son propre entrepôt et d’une capacité à superviser les opérations de mesure, mais il est peu vraisemblable que le roi, qui se préoccupait de l’équité métrique, laissât tout cela sans surveillance. Ce contrôle relevait du « chef des marchands » individu dont D. Charpin a montré qu’il était un interlocuteur important pour le palais29 et peut-être de quelques autres officiels qu’on voit très régulièrement apparaître dans nos textes, tels l’abi ṣâbim et le barbier, qui étaient habilités à manipuler l’appareil de mesure de Marduk. Or nous avons vu que le chef des marchands supervisait les entrées et sorties de grain mesuré en mesure de Marduk dans l’entrepôt, accompagné par les šatammum du temple, le grain appartenant à cette dernière institution. Tous ensemble, ils contrôlaient et supervisaient ces opérations. Cela signifie-t-il alors que le chef des marchands et d’autres officiels avaient à leur disposition un appareil de mesure de Marduk qu’ils emmenaient dans d’autres entrepôts pour effectuer la mesure ? Nous n’en croyons rien, les textes tendent plutôt à indiquer que les denrées des différentes institutions étaient centralisées dans l’entrepôt du kârum qui devait avoir un rôle de gestionnaire, son chef employant la mesure de Marduk parce qu’il était mandaté par le roi pour gérer les entrepôts. La mention « d’entrepôt du temple » ne renverrait alors pas forcément à un entrepôt situé dans le temple, mais à une partie de l’entrepôt du kârum dévolu aux biens du temple, probablement les denrées fournies par l’administration royale comme subventions ou comme remboursements, d’où l’emploi de la mesure de Marduk. C’est pour cette raison que les administrateurs-šatammum du temple supervisaient les sorties de grain mesuré en mesure de Marduk en compagnie d’officiels royaux. Tandis que l’emploi de la mesure de Šamaš correspondrait à des retraits effectués au sein de l’entrepôt du temple lui-même, ou du gagûm, des opérations internes au temple, ou bien portant sur du grain appartenant au temple, puisque R. de Boer (2013) a bien montré combien l’emploi de la mesure de Šamaš était corrélé aux opérations métriques menées par l’Ebabbar de Sippar. Cela expliquerait le fait que R. de Boer ait trouvé nombre d’attestations d’un remboursement à effectuer « à la porte du gagûm », « dans le temple de Šamaš » ou simplement « à l’intérieur de Sippar ».
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D. Charpin, 1982.
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Nous pensons donc que l’utilisation d’une mesure plutôt qu’une autre ne correspond pas tant à l’emploi de systèmes métriques matériels différents, a contrario de ce qui fut généralement avancé jusqu’ici, mais bien plutôt à des usages par différentes entités30. Préciser qu’on avait employé « la mesure de Marduk » permettait de savoir qui avait effectué la mesure, et par suite à qui s’adresser pour confirmation ou revendication des sommes mesurées. On peut même déjà proposer qu’en réalité, la mesure de Šamaš et la mesure de Marduk renvoient, d’une certaine façon, à des représentations comptables, que l’appareil de mesure employé est le même du point de vue du matériel, mais qu’on en change le nom en fonction de données contextuelles, notamment ses utilisateurs. Il apparaît alors que la mesure de Marduk était liée de près à l’administration royale : une hypothèse que nous entendons encore étayer en étudiant les rapports de l’armée avec cette mention métrique. 5. APPROVISIONNEMENT DES FORTERESSES ET DE L’ARMÉE EN MESURE DE MARDUK La mesure de Marduk revient dans des textes provenant des forteresses de Dûr-Abi-ešuh, Hirîtum et Kullizum. Dans des textes relatifs à l’armée de manière générale. Par exemple, dans CT 8, 27b (Ae 4), il est question de distribuer des rations à la troupe des soldats-bâ’irum (ŠU.KU6), sous la responsabilité d’un capitaine (UGULA GIDRI) et dans le texte BM 80015, il est question de grain issu de la maisonnée du gentilhomme qui doit servir à verser des rations à un fortin (dunnum) et à des soldats ; dans JCS SS 2, 18 et 19 il est question d’approvisionner la forteresse de Kullizum, qui dépendait de Sippar31. De même dans JCS SS 2, 20, il est à nouveau question d’une troupe résidant à Kullizum approvisionnée depuis Sippar-Yahrurum et ce ne sont là que quelques exemples d’un plus vaste corpus. Cependant, il existe deux situations différentes entre d’un côté DûrAbi-ešuh et de l’autre Hirîtum et Kullizum. Dans le premier cas, on sait grâce aux textes que les mesures pouvaient être effectuées au sein même de la forteresse. On peut donc penser qu’il y avait un appareil de mesure dans la forteresse, ou s’il s’agissait d’une norme, d’un individu autorisé à certifier que le grain avait bien été mesuré en « mesure de Marduk » 30 31
On pourra voir à ce sujet G. Chambon et L. Marti, 2017, p. 65-86. Sur ce point, cf S. Richardson, 2002, à compléter par S. Richardson, 2019.
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– ce qui permettait de « contre-mesurer » le grain provenant de Babylone, afin de vérifier qu’il n’y avait pas eu de pertes pendant le transport – puis de le mesurer à la sortie de l’entrepôt pour distribuer les rations. Car s’il y a bien un contrôle au moment de la dépense du grain, il y en a aussi un à l’entrée du grain dans la forteresse. Dans le premier cas, on parle de mesure de Marduk ša ZI.GA, dans le second cas de mesure ša namhartim (des précisions purement administratives et non métrologiques). Si nous qualifions cette mesure de contre-mesure c’est parce qu’elle répondait à celle faite à Babylone. La mesure de Marduk était une garantie que prenait le palais de Babylone pour ses distributions de biens : on a bien affaire ici à un instrument de contrôle économique avec un envoi direct de Babylone vers la forteresse. Dans le second cas, celui de Kullizum et Hirîtum, on a affaire à des forteresses moins importantes, vraisemblablement ravitaillées non par Babylone, mais par Sippar, avec un système d’approvisionnement réticulaire (cf figure 3) : Babylone envoie le grain pour ses dépendants à Sippar, et vraisemblablement les autres grandes villes du royaume, ce grain est stocké dans l’entrepôt sous contrôle d’officiels palatiaux, puis
Fig. 3. Schéma du système d’approvisionnement réticulaire.
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il sera redistribué aux dépendants royaux de localités plus petites : ici, les militaires stationnés à Kullizum ou Hirîtum. C’est donc à Sippar que s’effectuait la contre-mesure du grain provenant de Babylone, sous le contrôle du chef des marchands et d’autres officiels royaux, dont le barbier. On a un envoi indirect vers les deux forteresses, car le grain transite par Sippar. On sait que le grain était envoyé à Sippar, mais on sait aussi que, pour Kullizum tout du moins (et il y a tout lieu de penser qu’il en allait de même pour Hirîtum), ce grain n’était envoyé de Babylone à Sippar que lorsque les officiers des forteresses en faisaient la demande au roi. La lettre AbB 2, 54 nous éclaire à ce sujet : le roi Ammi-ditana y écrit à Marduk-mušallim, Sin-iddinam et Awil-Sin que « l’officiel en charge à Kullizum » lui a écrit pour lui demander des rations. Le grain va arriver, probablement à Sippar, avec des porteurs, il faudra alors faire une consultation oraculaire et, si elle est favorable, envoyer le grain à Kullizum. Quant à la forteresse de Hirîtum, elle apparaît dans JCS SS 2, 17 dont voici une traduction : « 1X, 3.4 GUR et 2 SILA de grain 2selon la mesure-parsiktu de Marduk, 3 avec usage de la radouère fine, 16ont été donnés 4comme ration de la troupe des Rababéens, 5sous la responsabilité de Nakarum, 6 0, 0.4 et 1 SILA pour chaque homme, 7qui, du 16/I 8jusqu’au 6/II, était sous la responsabilité de […] 10qui habitait à Kâr-Šamaš 9jusqu’à ce qu’il aille à la forteresse de Hirîtum, 11allant avec Marduk-mušallim le père de la troupe, 12 Sin-iddinam le chef d’assemblée, 13Sin-remenni le devin 14et Ibni-Marduk le devin, qui 15 ont résidé à Kâr-Šamaš sur les berges de l’Euphrate. 17[…] 18 sont issus du grenier de l’entrepôt de Sippar-Yahrurum 19 sous la responsabilité d’Ilšu-ibni le chef des marchands, 20-24de Warad-ilišu le juge, d’IbniAdad le juge, d’Ilšu-bani le juge et du kârum de Sippar-Yahrurum. 25Cela sera consigné dans leurs archives comptables. »
Ce texte est une preuve supplémentaire de l’usage de la mesure de Marduk par l’armée babylonienne. Nous n’avons pu trouver de traces prosopographiques certaines de cet Ilulatum, mais le contexte de cette lettre est clair : comme W. van Soldt et K.R. Veenhof l’ont bien montré, un administratif en charge de la mesure a fait un versement d’huile à un dépendant de l’armée, mais ce versement n’était pas complet. Selon K.R. Veenhof32 c’est parce que la mesure en question était « trop petite » : en effet d’après lui il existait différents standards de mesure dans une même ville, qui pouvait employer des appareils différents et 32
K.R. Veenhof, 1985, p. 306.
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nullement harmonisés. Peut-être faut-il nuancer cette idée : certes le recours à des conversions était parfois nécessaire, notamment dans le cadre du commerce international33, néanmoins, le texte peut être compris autrement. En effet, le terme maṭûm, dans le texte, est ambigu, il peut aussi bien vouloir dire « petit », et c’est ainsi que le comprend l’éditeur de la lettre qui considère que la mesure de Marduk est un standard de mesure plus petit que la moyenne, qu’ « insuffisant » ou « détérioré ». Si l’on garde la traduction par « trop petit », il faut comprendre que cette « petitesse » ne s’applique pas au « standard » de la mesure de Marduk, qui, plus qu’à un standard métrique, renvoie à une « norme », une « certification » royale utilisée dans un but de contrôle métrique, mais qu’elle s’applique au contenant de stockage dans lequel l’huile a été donnée. C’est ce dernier, et non le contenant de mesure, qui est trop petit. Si l’on choisit de traduire par « insuffisant », cela signifie que l’huile versée l’était dans une jarre de contenance insuffisante, par exemple, c’est-à-dire dans un contenant de moins de 10 SILA, puisqu’à l’origine l’huile a été fournie dans la mesure-sûtum de Marduk qui représente une contenance de 10 SILA. Ici il fallait fournir 32 SILA d’huile et l’on n’en a fourni que 30, cela pourrait signifier qu’au lieu de donner à Ilulatum quatre jarres remplies pour trois d’entre elles avec 10 SILA et pour la dernière avec 2 SILA, le destinataire n’a donné que trois jarres de 10 SILA. Si l’on choisit de traduire maṭûm par « détérioré », cela signifie que l’huile a été donnée à Ilulatum dans un contenant défectueux, fissuré par exemple, ce qui a entraîné une perte d’huile d’une hauteur de 2 SILA. Un argument allant en ce sens se trouve dans un texte où la mesure-sûtum de Marduk est dite, par opposition, « en bon état »34. Enfin, dernière et principale possibilité, il se peut que derrière chaque mesure « à nom », telles que les mesures de Marduk, de Šamaš ou « du roi », se cache une fiscalité différente, plus ou moins avantageuse. Une possibilité qu’ont commencé à esquisser G. Chambon et L. Marti35 et qui méritera d’être creusée dans l’avenir. Dans ce cas, la mesure de Marduk serait plus lourdement taxée qu’une autre mesure et aurait été utilisée à mauvais escient avec Ilulatum, on lui devrait donc un trop-perçu fiscal. Pour toutes ces raisons nous avons choisi de traduire maṭûm par « mauvais », terme qui permet de garder les trois interprétations. Quoi qu’il en soit, la différence entre résultats escomptés et obtenus lors de 33 34 35
G. Chambon, 2014, p. 105-114. AbB 7, 89. G. Chambon & L. Marti, 2017, p. 65-111.
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l’opération de mesure constitue un arriéré pour les deux personnes qui ont donné l’huile à Ilulatum. C’est pour cette raison qu’ils lui fournissent 2 SILA en compensation. Comme Ilulatum appartient à la troupe, il faut ensuite avertir le chef des amorrites que l’opération a été effectuée. L’identité de l’expéditeur et du récipiendaire de cette note s’esquissent alors : l’expéditeur est, comme on l’a dit, un officiel royal en faction à Hirîtum, peut-être un barbier ou un devin, voire un abi ṣâbim et le récipiendaire est un représentant du pouvoir local à Sippar en mesure de fournir des biens à des dépendants de la maisonnée royale, or on a vu dans le textes JCS SS 2, 17 que ceux qui approvisionnaient cette forteresse étaient le chef des marchands, le kârum et les juges de SipparYahrurum, et nous pensons donc avoir affaire au premier ici. On voit donc qu’à nouveau, un individu lié au roi approvisionne des forteresses avec du grain mesuré selon la mesure de Marduk. 6. MESURE DE MARDUK
ET PAIEMENT DES MERCENAIRES
Un autre aspect intéressant de cette mesure est qu’elle était souvent utilisée pour fournir du grain à des individus désignés comme des « étrangers ». Etudier la question des « étrangers » dans la documentation du Proche-Orient antique, et de l’Antiquité en général, est toujours délicat : il convient d’éviter de confondre un gouvernement avec un état, des liens ethniques avec une organisation politique et des regroupements sociaux avec des nations. Nous emploierons donc les distinctions proposées par S. Démare-Lafont et qui nous paraissent convenir à ce dossier36. On distinguera alors les « étrangers de l’intérieur », c’est-à-dire les populations nomades, semi-nomades ou d’origine nomade intégrées au royaume, et les « étrangers de l’extérieur », qui dépendaient d’une autre autorité politique que celle de Babylone. Ce sont surtout ces « étrangers de l’intérieur » qui feront l’objet de notre propos. Au sein de ces « étrangers de l’intérieur », on rencontre tout d’abord dans notre corpus des Sutéens et des Rababéens. Concernant les premiers, ils apparaissent dans CT 8, 21d (Aṣ 05) où ils reçoivent des rations en mesure de Marduk ša ZI.GA. Il est d’ailleurs indiqué que ces Sutéens « gardent le champ d’orge » : il est tout à fait possible alors qu’on ait affaire à des mercenaires.
36
S. Démare-Lafont, 1998, p. 161-181.
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Dans un second texte37, on voit apparaître des Sutéens38 à qui « le patron que Marduk garde en vie », sans doute un dépendant de la maisonnée royale babylonienne, a distribué des rations sur ordre d’un dénommé Iddin-Ištar, dont le sceau tend à indiquer qu’il dépend de l’Ebabbar. On notera d’ailleurs que ceux-ci sont employés à « garder les champs », peutêtre en qualité de mercenaires à nouveau. Gardons aussi à l’esprit l’idée, récemment avancée, qu’à l’époque tardive ce déterminatif de « Sutéen » puisse indiquer simplement une origine nomade, et non plus une ethnie précise. On mentionnera aussi, parmi les « étrangers de l’intérieur », les Rababéens du texte JCS SS 2, 17 qui résident dans la forteresse de Hirîtum. Si, au sujet des Sutéens, le rôle de mercenaires, attesté à l’époque paléobabylonienne, n’est qu’hypothétique, on voit clairement avec ce texte que les Rababéens payés en mesure de Marduk remplissaient cette fonction. On en sait assez peu sur ce groupe ethnique, référencé dans RGTC 3 (p. 192). B. Landsberger les décrivait comme « a military-like company of river-fishermen »39, idée reprise par M. Stol40 qui rappelle qu’ils étaient surtout actifs à la fin du règne de Samsu-iluna, rapprochant leurs activités de pêche de celles des Amorrites révélées par G. Buccellati41. On a d’ailleurs vu que la mesure de Marduk pouvait servir à approvisionner des pêcheurs (bâ’irum, ŠU.KU6). Ces activités semblent confirmées par un texte publié quelques années après la synthèse de M. Stol par J.-M. Durand et D. Charpin42 où il est question d’un « champ des Rababéens, territoire inondable des pêcheurs »43. On aurait donc affaire à des mercenaires, dont on voit bien que le travail n’était pas confiné à la chose militaire, statut que nous postulons aussi pour les Sutéens de nos textes précédents. Ensuite il y a les Kassites, sous les coups desquels devait tomber Babylone. Dans un grand nombre de textes de Dûr-Abi-ešuh, on rencontre des kassites payés en mesure de Marduk44. K. Van Lerberghe et G. Voet 37
Dans le texte AbB 7, 89. Cette ethnie n’a pas toujours eu bonne réputation en Mésopotamie. Pour la documentation on se reférera le récent article d’H. Reculeau et de N. Ziegler, 2014, p. 209-226. Les Sutéens sont à l’époque de Mari des nomades de la steppe syrienne attestés essentiellement dans les régions du Suhum et du Jebel-Bišri, au sud et au nord de Mari. Par la suite, des Sutéens sont aussi attestés dans d’autres régions de la Mésopotamie. 39 B. Landsberger, 1967, p. 57, I. 3. 40 M. Stol, 1976, p. 86. 41 G. Buccellati, 1969, p. 250. 42 J.-M. Durand et D. Charpin, 1981, p. 27. Il s’agit du texte dans le texte AO 10333. 43 l. 5 : « A.ŠÀ ra-ba-ba-i ru-ús ba-’i-ir ». 44 On pourra notamment citer CUSAS 29, 4 ; CUSAS 29, 6 ; CUSAS 29, 19 ; CUSAS 29,25 et CUSAS 29, 31. 38
MESURER POUR MIEUX RÉGNER : LA MESURE DE MARDUK
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ont identifié de manière convaincante qu’il s’agissait de mercenaires45. Pour autant, un des éléments qui nous paraît attester le mieux de ce statut se trouve dans un texte édité par Z. Földi46, où l’on lit aux l. 39-40 : « 39Z[I.G]A ŠÀ ŠE ˹GÚ˺.UN.[(h]á) ù ŠE a-hi-a-tim / 40ša a-na re-eš ŠUKU um-ma-na-t[i]m ù ˹ERÍN˺ a-hi-a-tim », c’est-à-dire : « Dépense effectuée au sein du grain des taxes-biltu et du grain d’autres (provenances) […] mis à disposition comme ration de l’armée et des autres troupes ». Nous pensons que nous avons ici une distinction claire entre les «autres troupes » (ERÍN ahiâtum) et l’armée « régulière » (ummânâtum), c’està-dire composée de Babyloniens dont la plupart accomplissent ce faisant leur service-ilkum. On notera d’ailleurs que les « troupes » (de mercenaires) que mentionnent ce texte sont d’une part les Kassites, mais d’autre part ceux qui sont « sur la mer ». En effet, ces « messagers de la mer » apparaissent dans un texte de Dûr-Abi-ešuh (Van Lerberghe & Voet, 1) et dans le texte Sem 1278 édité par Z. Földi. Nous rendons en fait par « de la mer » les signes ša A.AB. BA et e-li A.AB.BA. Or dans Sem 1278, il est précisé l. 31 que ces troupes de la mer pouvaient stationner à Babylone, ce qui implique que, davantage qu’une indication géographique de leur lieu de garnison, l’expression « sur la mer » renvoie à l’origine de ce contingent. A la p. 37 de son article dans WZKM 104, Z. Földi s’est attardé sur cette mention énigmatique, rappelant qu’à sa connaissance, la seule attestation de la formule eli tâmtim apparaît dans les annales d’Esarhaddon, et n’y désigne pas une troupe. Il précise ensuite que Lambert a traduit « soldiers on the sea », en ajoutant que c’était la seule attestation de cette expression, et lui-même se refuse à traduire le terme par « batelier », puisque les soldats qui se rapprochent le plus d’un corps de batelier sont désignés par le terme bâ’irum et qu’il est clair que la forteresse ne se situe pas sur les bords de la mer. Le royaume babylonien d’alors ne profite d’ailleurs d’aucune façade maritime. Pour Z. Földi, la dernière possibilité consiste à voir dans ce groupe une troupe venue du « pays de la mer »47, même si l’on attendrait alors davantage ša que eli. Un argument supplémentaire allant en ce sens se trouve dans le commentaire de Z. Földi pour la l. 6 de ce texte (p. 36) :
45
Notamment dans K. Van Lerberghe et G. Voet, 2010. Z. Földi, 2014, p. 33-34. 47 Sur l’existence de liens entre gens « du pays de la mer » et première dynastie de Babylone, cf O. Boivin, 2019, p. 104ss. 46
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« Compare Šuḫutki, the wakil Amurrim general, who acts as first witness in PBS 8/2, 252, a marriage contract (Sippar, Aṣ 12). The same person is attested in the unpublished Sippar texts BM 22514 (Aṣ 07) […] In the opinion of J.-R. Kupper, to judge by his father’s name Kuzzari, he might have been of Hurrian origin. The name Šuḫutki, furthermore, is known also from a Middle Babylonian Sealand tablet »
On voit bien dans ce cas les interactions nombreuses qui existaient entre ces différents peuples, et on peut alors tout à fait envisager qu’on ait affaire à un groupe hétéroclite de mercenaires ou à diverses compagnies d’ethnies différentes qui sont toutes employées par le roi babylonien. On aurait donc en fait affaire à des mercenaires, ce qui permet de répondre à la question de Z. Földi : « why the soldiers eli tâmtim are referred to side by side with foot soldiers and Kassites (in l. 30) ? » Cela se comprend d’autant mieux que les textes proviennent de DûrAbi-ešuh, car on sait que le roi qui laissa son nom à cette forteresse eut à affronter le roi du « pays de la mer » Ilum-ma-ili, celui-là même qui prit Nippur à Samsu-iluna. Or on sait que la forteresse protégeait justement cette zone, il est alors tout à fait envisageable que, de la même manière que des Kassites restèrent en Babylonie après les raids contre le royaume, des hommes du « pays de la mer » furent embauchés comme mercenaires ou se mêlèrent à la population de cette zone frontalière à la suite d’attaques. 7. LA MESURE DE MARDUK :
MESURE D’HAMMURABI
?
Nous avons donc vu que la mesure de Marduk, lorsqu’elle était employée, l’était systématiquement en lien avec l’administration ou la famille royale. Celle-ci servait notamment lorsqu’il était question de : – fournir des denrées aux temples, selon l’obligation bien attestée pour le palais de suppléer partiellement aux cultes. – approvisionner les dépendants royaux, dont l’administration et l’armée, y compris les mercenaires. – mesurer le grain tout au long du circuit d’approvisionnement du grain entre Babylone et ses dépendances, sous contrôle des officiels royaux. Il semble alors que l’on puisse considérer que la mesure de Marduk était une mesure sous contrôle direct de l’administration royale. Par ailleurs, on a vu à plusieurs reprises que la mesure de Marduk était employée lorsque le grain circulait entre différentes zones du royaume. Il s’agit là
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d’une autre preuve, selon nous, de ce caractère « étatique » (bien que ce terme soit fortement anachronique), ou plutôt « régalien » de la mesure de Marduk. D’autant que nous disposons de parallèles pour ce phénomène : G. Chambon a étudié, pour le Royaume de Haute-Mésopotamie de Samsi-Addu, le cas de la mesure de Šamaš48. Il est ainsi parvenu à prouver que celle-ci était la mesure de l’administration royale. Mieux, il a démontré qu’à Ašnakkum (Chagar-Bazar) par exemple, où cette mesure coexiste avec la sût kinattê, on n’avait non pas, selon ses propres mots, une différence de « standard » entre les deux mesures, mais une différence de « standing ». Ainsi, alors qu’à Šubat-Enlil, la capitale, la mesure de comptabilité la plus employée est celle de Šamaš, dans la ville d’Ašnakkum, on emploie plus généralement la sût kinattê, qu’il faut traduire par « mesure du personnel ». La mesure de Šamaš étant en fait réservée à des usages liés à l’administration royale. G. Chambon rappelle que C. Gadd avait argué que « there is no reason to suppose that this measure differed theoretically in quantity from any other sûtum but rather that it had an official character, and was considered a standard of accuracy […] »49. Nous pensons qu’il en va de même pour la mesure de Marduk : plus qu’une distinction d’ordre métrique, on a une distinction d’ordre administratif. Employer la mesure de Marduk, c’était certifier que la mesure avait été effectuée sous contrôle de l’administration royale (et probablement, implicitement, sous celui du grand dieu de Babylone). En même temps, l’emploi d’une telle mesure permettait de retrouver rapidement l’institution et les individus ayant effectué la mesure. Tout est donc lié au roi, on le voit, et, selon nous, plus particulièrement à un roi : Hammurabi, celui-là même qui institua la mesure de Marduk. En effet, du point de vue théologique, le culte de Marduk commence à connaître un essor considérable sous le règne d’Hammurabi, et son clergé apparaît avoir une influence de plus en plus conséquente à mesure que s’étend la souveraineté de la première dynastie de Babylone. Ce double phénomène ne laisse qu’une conclusion possible : l’apparition de la mesure de Marduk relève de facteurs politiques et socio-économiques. Cela correspond par ailleurs aux données que nous avons précédemment collectées, puisque l’on voit que la mesure de Marduk ne dépend pas tant 48 G. Chambon, 2011, p. 137ss. Cependant mis à part son nom, cette mesure n’avait pas grand-chose à voir avec celle qu’on employait à Sippar. Cette dernière a été traitée assez largement par R. de Boer (2013 puis 2016). 49 C. J. Gadd, 1940, p. 30.
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du clergé de la divinité que de l’administration royale babylonienne. La mesure de Marduk trouve sa source dans la royauté de la première dynastie de Babylone. Nous pensons que l’on peut préciser cette assertion et considérer qu’elle trouve son origine dans un règne en particulier : celui d’Hammurabi. Ce n’est pas la première fois dans cette étude que nous mettons ce règne en avant. Son choix peut paraître évident puisque les données épigraphiques le posent, pour l’instant, comme un terminus ante quem. Nous ne pensons pas qu’il faille voir là un hasard de l’archéologie. Il faut alors envisager la possibilité que l’on ne retrouve jamais d’attestation de la mesure de Marduk antérieure au règne d’Hammurabi. Ce qui nous pousse en fait à proposer le règne de ce souverain comme terminus a quo pour notre objet d’étude, c’est le lien très fort qui existe entre Hammurabi et Marduk. Néanmoins, l’existence, par exemple, de religieuses-nadîtum de Marduk, certes en petit nombre, sous le règne d’Apil-Sin et Sin-muballiṭ, nous pousse à nuancer cette hypothèse50. Dès 1983, W. Sommerfeld mettait en avant combien l’essor du culte de Marduk trouvait sa source dans le règne d’Hammurabi51 : c’est à cette époque que se renforce le syncrétisme entre Marduk et Asalluhi en vue de rapprocher Babylone de la prestigieuse ville d’Eridu. A ce sujet L. Barberon a montré52 que si ce syncrétisme apparaissait dans un hymne trouvé à Larsa53, c’est parce que « l’évocation d’Asalluhi comme « roi de Babylone » […] serait alors […] le fait de Babylone afin de garantir, aux yeux des populations imprégnées de culture sumérienne, une légitimité à son panthéon local »54. Elle ajoute un peu plus loin que « l’élaboration [de l’hymne] pourrait remonter aux premières rivalités qui opposèrent le royaume de Babylone à celui de Larsa. » En outre, L. Barberon a mis en évidence le lien intrinsèque qui existait entre les religieuses-nadîtum de Marduk et le roi Hammurabi. Or nous pensons que ce phénomène et la mesure de Marduk sont à mettre en rapport. L. Barberon elle-même écrivait (p. 124, n. 722) :
50
Cf L. Barberon, 2012, p. 115. W. Sommerfeld, 1982, p. 34ss. 52 L. Barberon, 2012, p. 136 : elle s’appuie sur les hypothèses de N. M. Brisch (2007), hypothèse qu’elle approfondit en confrontant les données de Brisch à celles qu’elle a recueilli sur la première dynastie de Babylone. 53 Il s’agit de UET 6, 69, édité dans D. Charpin, 1986, p. 357ss. Cet hymne a été trouvé dans les archives du n° 7 Quiet Street à Ur. 54 L. Barberon, 2012. 51
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« Il serait intéressant d’étendre la réflexion en étudiant les contextes d’utilisation de la « mesure-parsiktum » de Marduk […]. Il est en effet intéressant de noter que cette mesure fut utilisée sous Ammi-ṣaduqa pour la réception et le stockage de l’orge destiné aux salaires des travailleurs du cloître de Sippar-Yahrurum d’après CT 8, 21d (As 5) »
Notre démarche procède directement de l’intérêt de cette question. Concernant les religieuses-nadîtum, L. Barberon est parvenue à montrer que le nombre des religieuses-nadîtum de Marduk, bien qu’elles fussent présentes à Sippar et Damrum sous les règnes d’Apil-Sin et Sin-muballiṭ55, augmente sous le règne d’Hammurabi et tout particulièrement dans les quinze dernières années de celui-ci. Il en va de même pour leur aire de répartition géographique : à cette époque, elles sont en effet présentes jusqu’à Nippur, voire même Larsa (dans un texte daté de l’année Samsuiluna 3 dont l’autrice n’est cependant pas certaine qu’il implique une nadîtum de Marduk). L. Barberon en conclut alors que « là où les troupes de Hammurabi rencontrèrent une victoire décisive, comme à Isin ou à Nippur, les religieuses-nadîtum de Marduk ne tardèrent pas à apparaître », d’où son idée de « diffusion au fil des conquêtes ». Les religieuses-nadîtum de Marduk sont donc un phénomène religieux autant que politique. Le titre de religieuse-nadîtum de Marduk fut « diffusé par les élites babyloniennes et adopté par les élites locales »56 : propre à Babylone, il se répandit rapidement dans tout le royaume. Cette diffusion eut lieu tout particulièrement sous le règne d’Hammurabi, quand notables et hauts dignitaires commencèrent vraiment à faire entrer leurs filles au cloître de Marduk et non plus seulement celui de Šamaš. Sous Hammurabi, on constate que ce phénomène est particulièrement marqué à Sippar, comme si la ville renouvelait ses marques d’allégeance au souverain babylonien. On ne saurait imputer à un homme seul, fut-il roi, l’origine de phénomènes socioculturels complexes, mais on peut arguer que certains individus furent des catalyseurs et nous pensons qu’Hammurabi fut de ceux-là. Sans pouvoir affirmer que la mesure de Marduk fut créée sous son règne, on peut à tout le moins avancer que c’est lui qui en popularisa l’usage. La question qui se pose alors est celle de ses motivations. Certains souverains furent plus novateurs que d’autres, tels Ur-Nammu ou Šulgi dont on connaît les réformes métriques : la volonté de réforme d’Hammurabi transparait elle aussi à travers plusieurs phénomènes. Tout 55 56
L. Barberon, 2012, p. 115ss. L. Barberon, 2012, p. 174.
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d’abord, on vient de le voir, c’est dans les quinze dernières années de son règne que le nombre de religieuses-nadîtum de Marduk croît et l’on a déjà amplement évoqué combien politisé était ce phénomène. C’est aussi sous son règne que se concrétise le syncrétisme entre Marduk et Asalluhi et sous son règne toujours que la pénétration du clergé de Marduk au sein de l’Ebabbar de Sippar est la plus forte57. Ensuite, on ne saurait mentionner Hammurabi sans évoquer son fameux Code, dans lequel les religieuses-nadîtum de Marduk jouissent d’ailleurs d’un statut particulier58. On voit donc que la volonté réformiste d’Hammurabi, couplée à une volonté de contrôle, s’est appliquée dans les domaines religieux et juridiques. Nous pensons qu’avec la mesure de Marduk, il ne fit qu’appliquer cette volonté de contrôle au domaine économique. Ce qui est par ailleurs frappant c’est la concordance chronologique de ces trois mouvements. En effet, les religieuses-nadîtum de Marduk commencent à croître en nombre dans les quinze dernières années du règne d’Hammurabi, à partir de l’année Ha 2859. Concernant la mesure de Marduk, les attestations commencent en Ha 33, soit 5 ans plus tard, en 1759, et elle est régulièrement utilisée à Larsa tout au long des années 1750. Enfin, concernant le Code, on a supposé qu’il fut rédigé dans les années 1750 là encore. Cette période n’est pas anodine historiquement : c’est une période de stabilité pour le royaume nouvellement étendu du souverain babylonien, qui s’est emparé de Larsa en 1763, avant de marcher contre Mari environ 5 ans plus tard, pour finalement affronter une coalition de Turukéens, de Gutis et de Subaréens aux environs de l’année 1755. Après quoi, maître en Mésopotamie, Hammurabi dût s’employer à stabiliser son royaume. Cette stabilisation s’articula notamment autour de la figure divine de Marduk et de tout ce qui lui était attaché (clergé, religieuses-nadîtum, mesure…). Aussi peut-on dire que, d’une certaine manière, la mesure de Marduk fut d’abord celle d’Hammurabi.
57
Cf M. Tanret, 2010, surtout p. 94-124. M. Tanret, 2010, p. 144. 59 Soit aux environs de l’année 1764, selon la chronologie moyenne, et pendant les quinze années suivantes. 58
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LISTE DES TEXTES
MENTIONNANT LA MESURE DE
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MARDUK
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M. deJ. Ellis, 1977, p. 66 M. deJ. Ellis, 1977, p. 65 Th. Friedrich, BA 5, 14 M. Stol, JCS 34, 25 M. Stol, JCS 34, 14 YOS 12, 417 YOS 12, 418 YOS 12, 419 M. Stol, JCS 34, 34 M. Stol, JCS 34, 33 M. Stol, JCS 34, 15 M. Stol, JCS 34, 16 M. Stol, JCS 34, 18 M. Stol, JCS 34, 19 VS 8, 80 YOS 12, 26 YOS 12, 70 BE 6/1, 52 YOS 12, 129 YOS 12, 203 CUSAS 15, 83 YOS 12, 437 OLA 21, 20 VS 29, 102 A. Goetze, JCS 2, 12 CT 8, 27b A. Goetze, JCS 2, 23 Mél. Owen 2, 1 Mél. Owen 2, 2 Mél. Owen 2, 3 Mél. Owen 2, 3 A. Goetze, JCS 2, 16 A. Goetze, JCS 2, 13 Z. Földi, WZKM 104, p. 33 A. Goetze, JCS 2, 18 A. Goetze, JCS 2, 15 E. Sollberger, JCS 5, 97a A. Goetze, JCS 2, 21 A. Goetze, JCS 2, 19 TCL 1, 158 YOS 13, 508 CT 8, 36c BDHP 19 BM 81155
45 46 47 48 49 50 51 52 53 54 55 56 57 58 59 60 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 71 72 73 74 75 76 77 78 79 80 81 82 83 84 85 86 87 88
BM 78348 JCS SS 2, 17 BM 81600 BM 81320 CT 8, 8b M. Stol, 2002, p. 757 BM 97348 JCS SS 2, 18 JCS SS 2, 19 AbB 9, 178 JCS SS 2, 20 JCS SS 2, 62 CT 45, 48 OLA 21, 35 VS 29, 107 MHET 1, 13 CUSAS 8, 54 BM 81443 CT 8, 21d CT 4, 29b CT 8, 21b CT 8, 10c TCL 1, 162 BE 6/1, 99 OLA 21, 61 OLA 21, 40 BM 80067 VS 7, 98 BM 78444 BM 79141 BM 79942 BM 79951 BM 79981 BE 6/1, 100 BM 17253 JCS SS 2, 13 TCL 1, 168 BM 79785 BM 78485 BM 78881 BM 97421 VS 29, 109 K. Van Lerberghe, OLP 24, 1 K. Van Lerberghe, OLP 24, 2
70 89 90 91 92 93 94 95 96 97 98 99 100 101 102 103 104 105 106 107 108 109 110 111 112 113
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BM 81262 BM 97457 YOS 13, 523 VS 29, 84 CT 6, 23c BM 97346 JCS SS 2, 37 BM 80015 MHET 1, 40 OLA 21, 49 CT 47, 80 PBS 8/2, 225 CUSAS 29, 1 CUSAS 29, 2 CUSAS 29, 3 CUSAS 29, 4 CUSAS 29, 5 CUSAS 29, 6 CUSAS 29, 7 CUSAS 29, 8 CUSAS 29, 9 CUSAS 29, 10 CUSAS 29, 12 CUSAS 29, 13 CUSAS 29, 14
114 115 116 117 118 119 120 121 122 123 124 125 126 127 128 129 130 131 132 133 134 135 136 137 138
CUSAS 29, 15 CUSAS 29, 17 CUSAS 29, 18 CUSAS 29, 19 CUSAS 29, 20 CUSAS 29, 21 CUSAS 29, 24 CUSAS 29, 25 CUSAS 29, 27 CUSAS 29, 29 CUSAS 29, 31 CUSAS 29, 33 CUSAS 29, 34 CUSAS 29, 35 CUSAS 29, 36 CUSAS 29, 38 CUSAS 29, 39 CUSAS 29, 40 CUSAS 29, 43 CUSAS 29, 129 CUSAS 29, 130 CUSAS 29, 176 K. De Graef, AOAT 440, n°21 OLP 18, 1 LB 3251 (R. De Boer, 2016)
145 146 147 148 149 150
TLB 4, 78 VS 16, 121 VS 16, 187 CT 52, 89 AbB 12, 142 AbB 13, 72
Lettres et notes 139 140 141 142 143 144
CT 2, 29 AbB 12, 123 TCL 1, 30 TCL 1, 151 CT 43, 43 CT 43, 71
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LES CHAMPS ET LEUR GESTION
LES SURFACES DES CHAMPS ET DES PALMERAIES D’APRÈS LES ARCHIVES DE ŠAMAŠ-HAZIR Baptiste FIETTE* 1. INTRODUCTION La présente étude sur les surfaces des champs et des palmeraies se fonde sur les archives de Šamaš-hazir1, qui ont le double avantage de fournir une abondance de données chiffrées et un cadre spatio-temporel bien défini. 1.1. Conquête et administration babylonienne du Sud mésopotamien sous Hammu-rabi (1763-1750 av. J.-C.) En 1763 av. J.-C., les armées babyloniennes de Hammu-rabi (1792-1750 av. J.-C.) ont vaincu et annexé le royaume de Larsa, dans le Sud mésopotamien2. Ce territoire est alors devenu une province, nommée Yamutbalum3, dont l’administration a été confiée à Sin-iddinam4, l’ancien secrétaire de Hammu-rabi5.
*
Postdoc ANR EcritUr, UMR 7192. Cet article est issu de ma communication sur « Les différents contextes d’expressions des surfaces de champs dans les archives de Šamaš-hazir », présentée lors du colloque sur les « Pratiques comptables au Proche-Orient ancien (IIe millénaire av. J.-C.). Textes et contextes », organisé par Grégory Chambon à l’Université de Bretagne Occidentale (Brest) le 16 octobre 2015. Les sigles utilisés et les transcriptions des textes cités se trouvent sur http://www.archibab.fr/A8. Je tiens à remercier Laura Cousin pour son attentive relecture. 1 Voir FIETTE, 2018a. 2 Voir CHARPIN, 2004, p. 317-324. 3 Voir STOL, 1976, p. 63-72. 4 Voir STOL, 2011, p. 517-518, et FIETTE, 2018a, § 1.2, p. 16-50. Les archives épistolaires de Sin-iddinam, exhumées à Larsa par des fouilleurs clandestins, documentent essentiellement ses activités dans le district inférieur, toutefois la lettre AbB 13 17 montre bien qu’il était le gouverneur de toute la province du Yamutbalum. Sin-iddinam conservait probablement ses archives relatives au lîtum elîtum dans une ville du nord de la province (Maškan-šapir ?). 5 Voir CHARPIN, 2003.
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B. FIETTE
La province est divisée en deux districts : le district supérieur (lîtum elîtum / AN.TA), probablement organisé autour de Maškan-šapir6, et le district inférieur (lîtum šaplîtum / KI.TA), avec Larsa pour capitale régionale. La documentation relative au Yamutbalum qui nous est parvenue est principalement originaire de la région de Larsa. En conséquence, le district inférieur nous est mieux connu que le district supérieur7. Suite à la chute de Larsa, Hammu-rabi s’est approprié le domaine du roi vaincu, Rim-Sin (1822-1763 av. J.-C.). Il a nommé Šamaš-hazir au poste de responsable-šassukkum8 des terres de la couronne du lîtum šaplîtum, situées dans les campagnes de Larsa, Ur, Bad-tibira, Rahabum, Umma, Lagaš et Girsu. Šamaš-hazir occupa ce poste durant les treize années de règne de Hammu-rabi sur le Sud mésopotamien, jusqu’à l’avènement de Samsu-iluna (1749-1712 av. J.-C). Il avait à son service des équipes-ašlum d’arpenteurs-šatammum, dirigées par des abi ašlim9. 1.2. Les archives de Šamaš-hazir On recense actuellement 337 tablettes appartenant aux archives de Šamaš-hazir. Deux tiers environ ont trait à l’administration du domaine royal de Larsa, comprenant des lettres écrites par Hammu-rabi ou par ses ministres, notamment Lu-Ninurta, ainsi que des documents administratifs et comptables circulant au sein du service du šassukkum, tels que des notes d’activité d’arpenteurs, des listes de champs, des rapports d’exploitation produits par des intendants agricoles (ENSI2 / iššakkum), ou encore des registres de récoltes10. Il s’agit du plus important lot de tablettes relatif à la question de l’activité palatiale dans le secteur agricole, pour l’époque paléo-babylonienne11. Le tiers restant de ce corpus concerne les activités économiques privées de Šamaš-hazir. Il s’agit certainement de 6 Voir CHARPIN, 2004, p. 223. Selon AbB 4 22, traduite ci-dessous (§ 2.3), Maškanšapir était un centre archivistique majeur de la province. Elle était aussi la seconde capitale du royaume de Rim-Sin. Voir aussi STEINKELLER, 2004. 7 Voir FIETTE, 2018a, p. 89 carte no 3. Il semblerait que le canal Iturungal ait constitué la limite entre les districts supérieur et inférieur. 8 Šamaš-hazir porte le titre de šassukkum (SA12.DU5) selon AbB 13 43 : 7, AbB 13 48 : 9, OECT 15 12 : R.5’ (avec Marduk-naṣir), Archibab 3 5 : iv.150. Voir également PECHA, 1999. 9 GALLERY, 1980, p. 15, avait déjà établi la séquence hiérarchique šassukkum / abi ašlim / šatammum, lui permettant d’attribuer le titre de šassukkum à Šamaš-hazir, avant les publications de ses premières attestations. 10 FIETTE, 2018a, deuxième chapitre, p. 101-237 ; voir aussi FIETTE 2018b. 11 Les archives de Šamaš-hazir ont nourri d’importantes études en la matière, parmi lesquelles on peut citer : ELLIS, 1976 ; CHARPIN, 1987a ; LAFONT, 1998.
LES SURFACES DES CHAMPS ET DES PALMERAIES
79
l’exemple le mieux documenté d’un domaine appartenant à un serviteur du roi de Babylone, dans la région de Larsa12. 1.3. Le domaine royal de Larsa Le domaine royal est composé de champs, de palmeraies et de forêts. Sa superficie, même approximative, est actuellement inconnue. L’administration des champs, sur lesquels on cultive surtout de l’orge, mais également d’autres plantes comme le sésame, constitue la principale fonction de Šamaš-hazir en tant que šassukkum. Il semblerait qu’il était également en charge des palmeraies du domaine, mais manifestement pas tout au long des treize années de règne de Hammu-rabi sur Larsa, puisque cet aspect de ses fonctions est beaucoup moins bien documenté. Enfin, les responsables des forêts sont bien connus : ils se nomment Apliya’um et Sin-magir (§ 2.4.1). Les ressources foncières du domaine royal sont divisées en deux catégories. D’une part, des champs et, plus marginalement, des palmeraies sont attribués en tenure (Ì.DAB5 / ṣibtum) à des serviteurs du Palais exerçant toutes fonctions et tous métiers, afin de les rémunérer au titre de leur service-ilkum13. Les terres peuvent ainsi également être désignées comme des champs-ilkum, ou encore comme des champs alimentaires (A.ŠÀ.ŠUKU / šukussum), puisque leurs titulaires bénéficient de leur usufruit pour leur subsistance, pour toute la durée de leur service. Les tenures sont inaliénables : personne ne peut en évincer leurs titulaires. Néanmoins, ces derniers n’en sont pas les propriétaires : ils ne peuvent ni les vendre ni les transmettre en héritage, puisque le roi est le véritable propriétaire de son domaine14.
Voir FIETTE, 2018a, troisième chapitre, p. 239-322. ISHIKIDA, 1999. 14 C’est ce qu’expriment trois articles du Code de lois de Hammu-rabi ; dont la publication de référence est ROTH, 1995, p. 71-142 : – § 36 : « Le champ, le verger ou la maison d’un soldat-rêdûm, d’un pêcheur-bâ’irum ou d’un porteur de redevance nâšî biltim ne peut être vendu. » – § 37 : « Si un homme achète le champ, le verger ou la maison d’un soldat-rêdûm, d’un pêcheur-bâ’irum ou d’un porteur de redevance nâšî biltim, sa tablette (son contrat d’achat) sera brisée et il perdra son argent ; le champ, le verger ou la maison retournera à son titulaire. » – § 41 : « Si un homme accepte le champ, le verger ou la maison d’un soldat-rêdûm, d’un pêcheur-bâ’irum ou d’un porteur de redevance nâšî biltim dans le cadre d’un échange et lui donne une compensation ; (le titulaire) pourra réclamer son bien et garder le paiement compensatoire qui lui a été donné. » 12 13
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B. FIETTE
D’autre part, des champs et des palmeraies constituent la réserve du Palais. Les terres agricoles sont placées sous la responsabilité des gouverneurs-šâpirum. Ils ont le devoir de verser une redevance appelée biltum (GÚ.UN) au Palais, essentiellement constituée de grain d’orge15. Les gouverneurs confient l’exploitation des terres à des intendants agricoles désignés par le titre iššakkum. Des rapports d’exploitation16 et des registres de récoltes17 témoignent de leurs activités. Ils permettent de constater que les iššakkum cultivaient aussi bien les terres de la réserve que les tenures que pouvaient leur louer leurs titulaires. Les surfaces cultivées sont variables dans ces documents. Elles sont le résultat à la fois du partage des cultures entre plusieurs iššakkum, et des capacités de chacun à réunir le matériel, le personnel agricole et les bœufs de labour nécessaires à leur exploitation. Les données chiffrées relevées dans cette documentation ne concernent pas l’objet d’étude du présent article. L’exploitation des palmeraies est, quant à elle, beaucoup moins bien connue. Seule la lettre AbB 4 26 montre qu’elle est confiée à des chefssandanakkum d’équipes d’arboriculteurs-nukaribbum18. L’étude qui suit a pour but de mettre en évidence la façon dont les superficies des tenures et de leurs cultures sont exprimées dans les lettres écrites à Šamaš-hazir. L’enjeu de cette question est de déterminer ce que révèlent les données chiffrées, précises ou arrondies, sur le statut de ce qu’elles dénombrent et sur la façon dont les tenures sont conçues par les différents acteurs de l’administration babylonienne, qu’il s’agisse du roi et de ses ministres, ou de Šamaš-hazir et de ses équipes d’arpenteurs. 2. LES SURFACES DES TENURES 2.1. Les unités de surface Dans les archives de Šamaš-hazir, tous types de documents confondus, les unités de surface utilisées pour exprimer les superficies des tenures sont19 : FIETTE, 2018a, § 1.3, § 1.4 et § 1.5, p. 50-89. Dix-huit rapports d’exploitation nous sont parvenus, datés des 15 à 18-iii-Ha 32 : TEBA nos 1-11 ; Ellis, JCS 29 nos 1-6 ; OECT 15 106. À compléter avec Ellis JCS 29 no 7, qui est plus précisément un récapitulatif de plusieurs rapports d’exploitation. Voir FIETTE, 2018a, § 2.3.2.2, p. 179-188. 17 Neuf registres de récoltes nous sont parvenus : Archibab 3 4, OECT 15 6, 12, 16, 17, 121, 122, 134 ; TCL 11 151. Certains ont conservé leurs dates, ils ont été établis lors des mois ii et iii de l’année Ha 35. Voir FIETTE, 2018a, § 2.3.2.3, p. 188-206. 18 Sur la hiérarchie sandanakkum / nukaribbum, voir CHARPIN, 1981, p. 526. 19 Sur les unités de mesure de surface, voir PROUST, 2009, § 3.5. 15 16
81
LES SURFACES DES CHAMPS ET DES PALMERAIES
Tableau : Les unités de surface. Unités
Indicatifs de surface
Signes numéraux
= SAR
= IKU
= EŠE3 = BÙR Valeur en m2 / ha 36 m2
SAR (1/60) (10)
1800 m2
UBU
50
½
IKU
100
EŠE3
600
6
BÙR
1800
18
3
BÙR.U
18000
180
30
10
64,8 ha
ŠÁR
108000
1080
180
60
388,8 ha
ŠÁR.U
1080000
10800
1800
600
3888 ha
3600 m2 2,16 ha 6,48 ha
Exemple : un champ de 4 bur, 2 eše, 3 iku et 70 sar est noté en signes cunéiformes :
Cette surface est retranscrite ainsi, selon le système positionnel : 4,2.3 GÁN 70 SAR.
– l’iku (sum. IKU, akk. ikûm), correspondant à 3600 m2, c’est-à-dire à un carré de 60 mètres de côté (équivalent à l’unité de longueur ašlum20) ; – l’ubu, (sum. UBU, akk. ubûm) correspondant graphiquement à un signe oblique21, équivalent à ½ iku ou 1800 m2 ; – l’eše (sum. EŠE3, akk. eblum), équivalent à 6 iku, correspondant à 2,16 ha ; – le bur (sum. BÙR, akk. bûrum), équivalent à 18 iku ou 3 eše, correspondant à 6,48 ha. 20 Le terme ašlum désigne ainsi la corde à mesurer, l’équipe d’arpenteurs, et l’unité de longueur de 60 m. La corde-ašlum mesurait-elle elle-même 60 m ? La comparaison avec l’unité de longueur égyptienne khet-en-nouh renforce cette hypothèse : elle correspondait à 100 coudées égyptiennes, soit 52,30 mètres. Or, ce terme signifie littéralement « le rouleau de corde », et désignait aussi la corde de l’arpenteur égyptien, étalonnée selon cette unité de mesure ; voir GOYON, GOLVIN, SIMON-BOIDOT & MARTINET, 2004, p. 102103 et p. 386. 21 Le clou oblique ubûm (AŠ-tenû) est souvent confondu avec le signe U désignant le nombre 10, ou bien dénombrant les bur ; voir CHARPIN, 2015, p. 186-187.
82 Il – – –
B. FIETTE
existe graphiquement trois multiples de bur : le BÙR.U, valant 10 bur ; le ŠÁR, valant 60 bur ; le ŠÁR.U, valant 600 bur.
Toutefois, les plus vastes tenures documentées ne dépassant pas les 34 bur, seul le multiple BÙR.U est utilisé dans le contexte des archives épistolaires de Šamaš-hazir. Enfin, la plus petite unité de mesure de surface pour un champ, le sar (sum. SAR, akk. mûšarum), n’est jamais utilisée pour les tenures, sauf dans le cas intéressant d’une expression métonymique, que l’on commentera plus loin (§ 2.5). 2.2. Les différents contextes d’expression des surfaces des tenures : statistiques et analyses Il est intéressant de procéder à une étude statistique des différentes façons d’exprimer les surfaces des tenures à travers les lettres écrites à Šamaš-hazir. Pour ce faire, le tableau ci-dessous enregistre les occurrences des surfaces exprimées selon leurs contextes, sachant qu’une même lettre peut en mentionner plusieurs. Tableau : Les différents contextes d’expression des surfaces des tenures dans les lettres écrites à Šamaš-hazir. Contextes d’expression des surfaces
En bur
En bur et eše
69 95 %
4 5%
0 0%
73
Confirmation pour la possession d’une tenure
8 100 %
0 100 %
0 0%
8
Litige à propos de la possession d’une tenure
16 80 %
4 20 %
0 0%
20
Litige entre titulaire et exploitant
6 100 %
0 0%
0 0%
6
Question d’exploitation
2 100 %
0 0%
0 0%
2
Refus d’une tenure
1 100 %
0 0%
0 0%
1
Extraits de registres
2 17 %
4 33 %
6 50 %
12
104 85 %
12 10 %
6 5%
122
Attribution d’une tenure
Total
En bur, Total eše et iku
LES SURFACES DES CHAMPS ET DES PALMERAIES
83
Une écrasante majorité des surfaces de tenures sont ainsi exprimées en bur à travers les lettres écrites par l’administration palatiale à Šamaš-hazir. Cette tendance générale se retrouve dans tous les contextes, sauf dans le cas particulier des extraits de registres recopiés dans les lettres : ce sont alors les surfaces exprimées jusqu’à l’iku qui l’emportent. On pourrait interpréter cette statistique comme non pertinente, au regard du faible échantillon des extraits de registres connus, toutefois on trouve ce même type de données chiffrées, précisément établies, dans les documents administratifs et comptables circulant au sein du service du šassukkum, comme les listes de champs ou les notes d’arpenteurs22. Il convient dès lors de distinguer deux formes différentes des expressions des surfaces, arrondies ou précises, et d’expliquer pourquoi elles sont en concurrence. 2.3. Le morcellement des tenures Afin de traiter cette problématique, il est nécessaire d’interroger les données chiffrées contenues dans les registres de champs. Ces documents sont le produit du travail de Šamaš-hazir et de ses équipes d’arpenteurs, à destination des archives palatiales, comme le montre AbB 4 22 : (1-2)
Dis à Šamaš-hazir, ainsi parle Hammu-rabi : À la lecture de ma présente tablette, (4-5) les tablettes de tous les services que vous avez accomplis (6-16) : – (celles) des champs soumis à la redevance-biltum, – des champs des eunuques-gerseqqûm du Palais, – des champs des messagers-rakbum de la troupe des archers-awîl qaštim, – des champs des bergers-rê’ûm (et) des pâtres-kaparrum, – des champs des artisans-ummiânum, – et tous les autres champs, tout ce que vous avez donné ou confirmé, – les tablettes de listes de noms et d’inspections du nouveau service que vous accomplissez depuis trois ans, – (celles) des futurs champs du Palais pour lesquels on vous avait écrit ; (3)
(17-22)
vous (les) avez auparavant emportées avec vous puis, dans KarNabium23, vous avez rendu votre rapport, et vous (les) avez déposées dans Maškan-šapir ; (23) prenez(-les) ! (24-28) Amenez avec vous les chefs d’équipe abi ašlim et les arpenteurs-šatammum qui ont accompli le service avec vous, puis venez devant moi à Sippar ! FIETTE, 2018a, § 2.2.4.5, p. 144-152. Kar-Nabium, « Le-Quai-de-Nabium », est un toponyme bien approprié pour une ville abritant des archives, puisque Nabium, ou Nabû, est le dieu babylonien des scribes. La ville se trouvait dans le district supérieur du Yamutbalum, à proximité de Nippur ; voir FIETTE, 2018c. Il y existait très probablement un temple voué à Nabium, qui remplissait cette fonction de centre archivistique, par ailleurs bien connue ; voir CHARPIN, 2017a, p. 107-134. 22
23
84
B. FIETTE
La fin de AbB 4 22 indique que la rencontre entre l’équipe de Šamaš-hazir et Hammu-rabi aura lieu à Sippar24 ; toutefois, la lettre Archibab 3 1 confirme bien que ces registres étaient conservés dans le palais de Babylone25. Lu-Ninurta, le ministre du roi, est en mesure de les consulter et d’en reproduire des passages dans ses lettres. Étant donné que le palais de Hammu-rabi n’a jamais pu être fouillé, puisque le niveau paléo-babylonien de Babylone se trouve sous la nappe phréatique de l’Euphrate, c’est une chance d’en retrouver des extraits dans la correspondance passive de Šamaš-hazir. Il existe deux catégories de registres, les ṭuppi pilkâtim et les ṭuppi ilkâtim26, dont les nomenclatures sont données par Lu-Ninurta : – AbB 4 50, à propos du champ d’un messager-rakbum, l. 11-13 : « J’ai examiné la tablette des secteurs (ṭuppi pilkâtim) d’Ubar-Šamaš et un champ de 2 bur lui est bien donné, dans le district des métallurgistes. »
– AbB 4 117, l. 5-10 : « Au sujet du champ alimentaire d’Išitaman, qui (est situé dans) la Villedu-Devin (Al-barim), on peut tout lire sur le registre des terres de serviceilkum (ṭuppi ilkâtim) : le nom d’Išitaman ainsi que (la mention) ‘revendication : Išitaman’. »
Les ṭuppi pilkâtim sont littéralement les « tablettes (registres) des secteurs-pilkum », pilkum étant un substantif dérivant du verbe palâkum « délimiter (un terrain) ». Dans AbB 4 50, les secteurs-pilkum sont placés sous l’autorité d’Ubar-Šamaš, dont le rang reste à déterminer : il s’agit peut-être d’un šassukkum ou d’un abi ašlim local27. Ainsi, les ṭuppi pilkâtim sont manifestement des registres répertoriant des champs selon Sippar devait abriter une autre résidence royale de Hammu-rabi ; voir CHARPIN, 2004, p. 266, ainsi que les lettres AbB 4 11, 41, 107 et 127 issues des archives épistolaires de Šamaš-hazir. 25 Traduction de Archibab 3 1 : « (1-4) Dis à Šamaš-hazir et ses collègues, ainsi parle Hammu-rabi : (5) Comme je vous l’ai écrit, (6-11) que Šamaš-hazir prenne les tablettes de tous les champs que vous venez de donner, et de (tous) les champs que vous avez examinés afin qu’ils soient disponibles pour (les) octroyer, puis (12-13) qu’il se mette en route pour Babylone. (14-15) Qu’il voyage de jour comme de nuit et (16-18) qu’il me retrouve à Babylone rapidement, avec les tablettes. » 26 FIETTE, 2018a, § 2.2.4.2, p. 131-137. 27 OECT 15 21 est une note d’arpenteurs décrivant les tenures d’Ili-iqišam, le dignitaire-šakkanakkum (voir ci-dessous, § 2.4.1) et de ses frères. L’unique ligne au revers (l. 21) indique que les champs sont situés dans « les secteurs-pilkum sous la responsabilité d’Ubar-Šamaš ». 24
LES SURFACES DES CHAMPS ET DES PALMERAIES
85
une zone géographique donnée. Des extraits, cités dans des lettres de Lu-Ninurta, nous sont parvenus, ce que l’on peut repérer en observant la mise en page de certains passages comprenant des lignes indentées, qui détonnent par rapport au format habituel des lettres, à l’exemple de AbB 4 107, l. 5-10 : 5,0.3 bur, champ de Taribuša le capitaine-rabûm ša haṭṭâtim, au service d’Apil-ilišu ; et 4,1.3 bur, champ d’Ili-ma le capitaine-rabûm ša haṭṭâtim, au service de Beli-išmeanni ; (total) 9,2.0 bur de champ, district-ugârum de l’Élamite, Dans (l’ancienne tenure) d’Išme-Adad le sourd.
Les ṭuppi ilkâtim sont, quant à elles, les « tablettes (registres) des terres de service-ilkum »28. Elles répertorient les tenures en fonction de ce que possède chacun de leurs titulaires, quelles que soient leurs zones géographiques. On retrouve ainsi des extraits de registres dans les lettres AbB 4 130, AbB 4 166 et AbB 8 3, toutes écrites par Lu-Ninurta afin de résoudre des litiges nécessitant d’identifier les titulaires des tenures qui y sont décrites. La lettre AbB 8 3 est traduite ci-dessous in extenso, en reproduisant sa mise en page fidèlement recopiée par Lu-Ninurta : (1-3) Dis à Šamaš-hazir, ainsi parle Lu-Ninurta : (4) Que Šamaš te garde en vie ! (5-7) Au sujet de [superficie] du champ d’Annum-piša le secrétaire-mâr bît ṭuppî (DUMU É DUB.BA), que lui revendique Awil-ilim le messager-rakbum ; j’ai examiné ma tablette, et (8-26) :
[1] 0,2.2 ½ bur, district-ugârum des herbes, dans une friche à côté du district-ugârum de Gimil-Šamaš ; [2] 1,1.0 bur, district-ugârum de Qatantum, dans (le champ) de Šamaš-naṣir, fils de Šašin, que Sin-uballiṭ, le prêtre-lamentateur kalûm, qui (l’) a détenu à la place de [ses] rations de grain, […] les champs, en échange de […], (territoire d’)Eduru-Šulgi, qui ont été rendus à Ea-liṭṭul [titre(?)] ; [3] 0,1.0 bur, district-ugârum de Zalu, dans une friche, [localité de ?], à côté (du champ de) Šep-Sin et du verger de Šašin ; (sous-total) 2,1.2 ½ bur, au bord du Tigre ; 28 Voir le CAD I-J, p. 79a s. v. ilku A § 4. À ne pas traduire par « la tablette des services-ilkum », comme le fait le CAD P, p. 140b s. v. paqru § a 2’.
86
B. FIETTE
[4] 0,2.0 bur, district-ugârum de Gula, dans (la tenure de) Sin-imnanni, localité d’Irra-ursag, au bord du canal de Lagaš ; (total) 3,0.2 ½ bur de champ, tenure d’Awil-ilim le messager. (27) C’est établi pour lui sur ma présente tablette. (28-29) Rien, en ce qui concerne Annum-piša, n’est établi pour lui. (30-31) À ta lecture de ma tablette, […] [envoie-moi(?)] ton rapport. (…)
Ainsi, l’extrait du registre cité dans AbB 8 3 décrit la tenure d’Awil-ilim, le messager-rakbum, mesurant précisément 3,0.2 ½ bur. Elle est divisée en quatre parcelles. La surface de la première parcelle est exprimée jusqu’au ½ iku, tandis que les autres ont été mesurées jusqu’à l’eše. Cela s’explique par le fait que cette première parcelle appartenait à une friche (nidîtum), située dans un district d’irrigation ugârum29 appelé A.GÀR Ú.HI.A. Or, comme son nom l’indique, on doit en réalité avoir affaire à une terre impropre à la culture, recouverte d’herbes sauvages à la date de son octroi. Le fait qu’Awil-ilim reçoive un peu plus que trois bur de terre, ce qui convient très bien pour un rakbum comme nous le verrons plus loin (§ 2.4.3), doit donc s’expliquer comme une compensation pour cette parcelle improductive. On constate ainsi quel impact les réalités topographiques ont pu avoir sur le travail des arpenteurs et sur la surface de la tenure qu’ils ont ainsi composée. En outre, on observe que les quatre parcelles sont dispersées dans le paysage rural. Premièrement, elles appartiennent toutes à des districtsugârum différents. Deuxièmement, les deux premières parcelles sont situées dans le territoire d’Eduru-Šulgi, la troisième dans celui de [NG], et la quatrième dans celui d’Irra-ursag. Troisièmement, le Tigre irrigue les trois premières parcelles, tandis que la dernière est traversée par le canal de Lagaš. Au sein des archives de Šamaš-hazir, AbB 8 3 est l’un des témoignages les plus spectaculaires du morcellement des tenures, ce qu’avait déjà observé K. De Graef à travers MHET II 6 894, daté de l’année Ammiditana 34 (1650 av. J.-C.) et provenant de la région de Sippar30. Il s’agit d’un registre de tenures de soldats-bâ’irum, chacune pouvant effectivement être divisée en deux, trois voire quatre parcelles. Comment expliquer ce phénomène ? Dans l’idéal, le Palais attribue des surfaces standard de tenures à ses serviteurs, exprimées par un chiffre rond correspondant à un nombre de bur. Il est donc souhaité qu’elles 29 Voir STOL, 1982. L’unité cadastrale ugârum, manifestement formée en fonction des canaux d’irrigation, est une invention datée du règne de Hammu-rabi. 30 DE GRAEF, 2002.
LES SURFACES DES CHAMPS ET DES PALMERAIES
87
soient concédées d’un seul tenant, comme le montre par exemple la lettre AbB 4 1 : (1-3)
Dis à Šamaš-hazir, ainsi parle Hammu-rabi : Dans une terre qui est à la disposition du Palais, (12-13) donne à Sin-imguranni le lapicide-purkullum (7-9) 3 bur de champ à la porte de Larsa, parmi les champs laissés en friche, (10-11) un bon champ qui est bien situé pour (recevoir) les eaux. (4-6)
Toutefois, Šamaš-hazir et ses arpenteurs doivent surmonter d’autres contraintes lorsqu’ils reçoivent la mission de concéder et de délimiter des tenures pour de nouveaux titulaires sur un même champ, voire sur un même district. En effet, chaque arrivée d’une nouvelle génération de bénéficiaires aggrave leur fractionnement. Les tenures sont effectivement concédées seulement pour la durée des services-ilkum qu’elles rémunèrent, celle-ci étant aléatoire surtout lorsqu’il est question de militaires partis en campagne pour un temps incertain, au risque de ne jamais en revenir. Il est ainsi aisé pour Šamaš-hazir de délimiter des tenures complètes sur un terrain récemment mis en culture pour une première génération de titulaires, mais il lui est certainement bien plus difficile de trouver des emplacements libres quelques années après sur ce même terrain, pour les nouveaux bénéficiaires de champs alimentaires. La question se complique encore dans les cas des territoires attribués collectivement à des corps de métier. C’est ce que montre par exemple AbB 9 193 relatif à l’octroi d’un terrain à des soldats-rêdûm, ou bien à des acrobates-huppûm : (1-3)
Dis à Šamaš-hazir, ainsi parle Hammu-rabi : 48,1.0 bur de champ, district-ugârum de Hamrum, champ alimentaire de plusieurs troupes pour lequel les lieutenants-laputtûm et les chefs-waklum ne se sont pas présentés et n’ont pas donné une liste de noms, localité de Yae : (11-13) soit ce champ est laissé en friche et est à la disposition du Palais, (14-16) (en conséquence) donne-(le) aux acrobates-huppûm au service de Šu-Amurrum, le chef de musique nargallum ; (17-19) soit ce champ est bien donné à la caserne-bîtum des soldats-rêdûm. (20-21) Écris-moi un rapport sur ce champ. (4-10)
Lorsque certains bénéficiaires quittent leurs tenures une fois leur service-ilkum achevé, il arrive parfois que les champs vacants soient attribués à d’autres individus qui n’exercent pas obligatoirement le même métier qu’eux, ce dont témoigne AbB 4 50 : (1-2) (3)
Dis à Šamaš-hazir, ainsi parle Lu-Ninurta : Que Šamaš te garde en vie !
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B. FIETTE (4-7) Au sujet du champ de Šamaš-ilum le messager-rakbum de(s) cuisinier(s)-nuhatimmum, qu’il détient dans le district-ugârum des métallurgistes-nappâhum ; dans le secteur d’Ubar-Šamaš, un champ de 2 bur lui est donné. (8-9) Peut-être que les métallurgistes te diront ceci : « C’est notre champ ! » (10) Ne leur donne pas gain de cause ! (11-13) J’ai examiné la tablette des secteurs d’Ubar-Šamaš et un champ de 2 bur lui est bien donné dans le district des métallurgistes. (14-16) Comme il détient ce champ, il (le) détient (véritablement). Que personne ne le (lui) retire !
Il est désormais possible d’expliquer les attestations minoritaires de surfaces de tenures notées jusqu’à l’eše à travers les lettres écrites à Šamaš-hazir par le phénomène de leur morcellement ainsi mis en lumière grâce aux extraits des registres conservés dans le palais de Babylone. Parmi toutes les lettres ayant pour objet l’attribution d’une ou de plusieurs tenures, seules quatre d’entre elles indiquent leurs surfaces jusqu’à l’eše, alors que toutes les autres privilégient la mesure du bur. AbB 4 48 aurait pu être classée parmi les lettres majoritaires, puisqu’elle porte sur une tenure de 2 bur. Toutefois, son auteur, Lu-Ninurta, indique qu’elle est divisée en deux parcelles de 1,2.0 et 0,1.0 bur, réparties sur deux districts-ugârum. AbB 9 193, traduite ci-dessus, a trait à l’octroi collectif d’un domaine de 48,1.0 bur à plusieurs soldats-rêdûm ou acrobateshuppûm. Par conséquent, les surfaces des tenures individuelles délimitées sur ce terrain ne peuvent pas correspondre, du moins pour certaines d’entre elles, à une superficie exprimée simplement au bur près. AbB 11 166 porte sur l’attribution de deux champs dans Bad-tibira : 5 bur pour un capitaine-rabûm ša haṭṭâtim, et 1,1.0 bur pour un lieutenant-laputtûm. Il doit certainement s’agir de parcelles de leurs tenures, étant donné qu’il existe des surfaces standard de champs alimentaires à attribuer aux militaires en fonction de leurs grades (voir le § 2.4.2) ; un capitaine recevant 8 bur et un lieutenant 4 bur. Enfin, YOS 15 34 relate un problème dans le processus d’attribution d’une terre de service à un certain Gapnum (sans titre), puisqu’un subordonné de Šamaš-hazir, selon toute vraisemblance, a délimité le champ que Gapnum avait choisi pour un messager-rakbum, soit 2,2.0 bur de terre. Cette surface doit en réalité correspondre, elle aussi, à une parcelle de tenure, puisque les messagers-rakbum, qui sont très bien documentés (voir le § 2.4.3), reçoivent 2 ou 3 bur de terre. Quant aux lettres relatant des litiges à propos de la possession d’une tenure, seules AbB 4 15, AbB 4 90, AbB 4 96 et AbB 4 106 expriment leurs surfaces jusqu’à l’eše. Ceci montre à nouveau que nous sommes
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plutôt en présence de parcelles de tenures, d’autant que les indications cadastrales sont pour chacune systématiquement mentionnées. Les trois dernières lettres relatent des affaires de revendication. Il s’agirait alors de querelles de voisinage. Les disputes ne portent pas véritablement sur le statut des tenures, mais sur leur délimitation, les revendicateurs allant parfois jusqu’à cultiver et moissonner les champs qu’ils considèrent être en leur possession. En revanche, AbB 4 15 révèle une affaire d’usurpation et de tromperie, puisque le substitut-tahhum (sum. DAH) d’un soldat titulaire qaqqad rêdîm (sum. AGA.ÚS SAG)31 a fait effacer le nom de ce dernier d’un registre de tenures, afin d’y faire inscrire le sien : (1-3)
Dis à Šamaš-hazir, ainsi parle Hammu-rabi : Apil-ilišu, l’arpenteur-šatammum, a délimité pour Lipit-Ištar, le soldat titulaire qaqqad rêdîm, un champ dans la localité de Nina, terre déduite de (la propriété de) Dayya’um, (soit) 1,1.0 bur de champ. (9-13) En l’absence de Lipit-Ištar, Lu-Ninšuburka, son substitut-tahhum, a fait effacer le nom de Lipit-Ištar et il a fait inscrire son nom pour ce champ. (14-16) De plus, puisqu’il a fait effacer le nom de Lipit-Ištar et (y) a fait inscrire son nom, (17-18) on a convaincu Lu-Ninšuburka, son substitut. (19-20) Écris : qu’on te ramène Apil-ilišu, et (21-24) qu’il donne 1,1.0 bur de champ, terre déduite de (la propriété de) Dayya’um, à Lipit-Ištar, le soldat titulaire ! (4-8)
2.4. Surfaces standard et surfaces réelles Le phénomène de morcellement des tenures est donc à prendre en compte pour toute étude statistique, puisqu’il oblige à réfléchir sur le statut des terrains mentionnés dans les lettres : a-t-on affaire à une tenure complète, ou bien à une parcelle ? L’étude statistique, ci-dessus (§ 2.2), montre que Hammu-rabi et Lu-Ninurta utilisent très majoritairement l’unité de mesure bur pour exprimer les surfaces des tenures, sauf exceptions justifiées par un phénomène de morcellement. Il existe alors une distinction nette entre les données chiffrées des lettres et celles des registres, témoignant de deux conceptions différentes des surfaces des tenures : – d’une part, l’administration royale arrondit les surfaces des tenures, exprimant en quelque sorte une surface standard et idéale, dont le périmètre peut mentalement être dessiné dans le paysage par un carré ou un rectangle réguliers32 ; Sur les soldats titulaires et leurs substituts, voir LANDSBERGER, 1955, p. 122 n. 9. LIVERANI, 1997. Les champs du Sud mésopotamien formaient des bandes allongées rectangulaires, puisqu’ils étaient placés perpendiculairement au canal d’irrigation. Ils recevaient l’eau par leur petit côté, qui s’écoulait par le seul effet de la gravitation. 31 32
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B. FIETTE
– d’autre part, les registres de champs, tout comme les documents administratifs et comptables produits par les arpenteurs de Šamaš-hazir, décrivent les tenures d’une façon plus précise, correspondant aux réalités du terrain. Les arpenteurs ont ainsi dû confronter les contraintes du paysage rural à l’idéal des surfaces arrondies que le Palais exigeait d’eux. Le morcellement des tenures est donc un phénomène à prendre en compte, si l’on veut effectuer une étude des surfaces des tenures attribuées aux prestataires d’un service-ilkum en fonction de leurs titres. Il faut ainsi être attentif aux données chiffrées et ne pas confondre tenure complète et parcelle de tenure. À titre d’exemple, B. Kienast avait rapidement classé par ordre décroissant les surfaces des tenures mentionnées dans les lettres à Šamaš-hazir publiées dans TCL 733. Il avait inévitablement commis quelques erreurs, dans la mesure où il n’avait pas pris en compte que certains terrains avaient été attribués en complément de tenures existantes. C’est explicitement le cas de AbB 4 2, ayant pour objet l’attribution d’un champ de 1 bur en complément de chacune des tenures des chefs des marchands d’Ur : (1-3)
Dis à Šamaš-hazir, ainsi parle Hammu-rabi : À la lecture de ma présente tablette : (14) donne (6-11) 1 bur de champ à Sin-muštal, 1 bur à Ili-iddinam, 1 bur à Ili-išmeanni, les trois chefs des marchands d’Ur, (12-13) avec leur ancien champ alimentaire. (4-5
On ignore en définitive à quelle surface totale de champ un chef des marchands d’Ur pouvait prétendre34. En revanche, une lettre comme AbB 4 2 montre qu’il est important de trier en amont les données chiffrées livrées par les archives de Šamaš-hazir dans tous les types de documents (lettres, listes de champs, notes d’arpenteurs). Il faut alors uniquement retenir les nombres correspondant à des surfaces de tenures complètes, afin de répondre à la question suivante : existaient-ils des surfaces standard de tenures attribuées à leurs titulaires en fonction de leurs titres ? 2.4.1. Les tenures, reflets de la hiérarchie de la société Une fois ce tri réalisé, on observe tout d’abord que le classement des surfaces reflète l’organisation hiérarchique de la société. Pour les besoins KIENAST, 1976-1980, p. 55. Sur les chefs des marchands d’Ur, parmi lesquels Sin-muštal est le mieux documenté, voir FÖLDI 2011 et FIETTE 2020, § 1.2. 33
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de cette étude, les données chiffrées relatives aux tenures, retenues ci-dessous, sont celles pour lesquelles les titres de leurs titulaires sont assurément connus35. Les tenures les plus vastes sont attribuées à des personnages éminents de la société, tels que les généraux rabi amurrim (UGULA MAR.TU) et les dignitaires-šakkanakkum : – 30 bur de champ complétés par 0,1.3 bur de palmeraie pour les généraux Mar-Ištar et Belšunu, d’après OECT 15 22 et Ellis JCS 29 no 9 ; – 26 bur de l’ancienne tenure du général Idam-arši, partagée entre plusieurs soldats, d’après AbB 4 89 et AbB 4 94 ; mais il est difficile de déterminer s’il s’agit de sa tenure complète ; – 27,1.1 bur de champ, 1,0.0 bur de terre en friche, complétés par 0,1.0 bur de palmeraie pour Ili-iqišam le šakkanakkum, d’après OECT 15 21. Il est à noter qu’un dossier de documents concerne les tenures de Taribatum, Iddiyatum, Sin-ilum et Enlil-zigalani. Ces individus ne sont jamais désignés par leurs titres, toutefois les trois premiers peuvent par ailleurs être identifiés comme gouverneurs-šâpirum36. D’après les lectures conjointes de OECT 15 126, AbB 4 29, AbB 4 102 et AbB 4 108, ils possèdent 10 bur de champ chacun dans Dur-Etellum37 ; mais s’agit-il de leurs tenures complètes ? On pourrait en effet s’attendre à ce qu’un gouverneur-šâpirum détienne autant de terre qu’un šakkanakkum. Les champs alimentaires de 6 à 10 bur sont octroyés à des individus exerçant d’importantes responsabilités dans les sphères militaire, civile et cultuelle : – deux capitaines-rabûm ša haṭṭâtim (UGULA GIDRI) reçoivent 8 bur chacun, dans l’ancienne tenure du général Idam-arši (AbB 4 89 et AbB 4 94) ; – trois chefs-utullum de gardiens de troupeaux possèdent 10 bur (Qurrudum, utullum du troupeau d’ânes du temple de Šamaš, TCL 11 156 : 3-10), 8 ou 9 bur (Apil-Šamaš, AbB 9 195), ou bien 8 bur (Nabi-Sin, TCL 11 156 : 21) ; Voir aussi FIETTE, 2018a, § 2.2.5, p. 152-167. Voir FIETTE, 2018a, § 2.2.4.5.2, p. 149-150. 37 Sur le toponyme Dur-Etellum, voir FIETTE 2018a, p. 150 n. 574 : il pourrait s’agir de la « Forteresse-du-Prince » désignant alors Gungunum le roi de Larsa, ou encore de la « Forteresse-d’Etellum » qui fut le chancelier-šukkalmahhum de Gungunum, et portait donc un nom relevant de l’onomastique de fonction : « (le roi est-)un prince » ; voir CHARPIN 2017b. 35 36
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– les deux responsables des forêts du domaine royal, Apliya’um (UGULA gišTIR.HI.A ; AbB 4 111, daté du lendemain de la conquête38) puis Sin-magir (UGULA EN.NU gišTIR.RA ; TCL 11 145, daté du 20-xi-Ha 33) reçoivent successivement 6 bur de champ. Sin-magir avait déjà reçu 4 bur, d’après AbB 4 111, peut-être en sa qualité d’adjoint d’Apliya’um. – un médecin-asûm reçoit 6 bur (Gadd, RA 23, p. 161 sans no) ; – un exorciste-wâšipum reçoit 6 bur, de l’ancienne tenure d’un prêtregudapsûm d’Ea (YOS 15 26). Ensuite, les titres des titulaires des champs alimentaires de 4 bur sont peu connus, toutefois leurs rares attestations révèlent que l’on a affaire à des individus assez élevés au sein leur hiérarchie professionnelle : – rappelons le cas de Sin-magir dans AbB 4 111, qui était peut-être l’adjoint d’Apliya’um avant devenir lui-même le responsable en chef des gardes forestiers ; – un lieutenant-laputtûm (NU.BANDA3) reçoit 4 bur de l’ancienne tenure d’Idam-arši le général. – il est possible qu’Ea-kima-iliya, titulaire d’un champ de 4 bur selon YOS 15 35, soit à identifier avec Ea-kima-iliya, le musicien-nârum mentionné dans AbB 4 14. L’objet de cette lettre est un litige portant sur 2 bur de son champ alimentaire, cette surface correspondant très vraisemblablement à une parcelle de sa tenure. Les professions des titulaires possédant des tenures de 3 et 2 bur sont beaucoup mieux représentées. Elles correspondent à des métiers qualifiés dans la communication, le soin des animaux, l’artisanat, et on trouve également des gens d’armes : – des messagers-rakbum, très bien attestés, détiennent des champs de 3 bur (AbB 8 3, AbB 4 4, OECT 15 112, YOS 15 34?), ou 2 bur (AbB 4 50, AbB 4 51, TCL 11 145 : 1, TCL 11 145 : 2, TCL 11 156 : 22, TCL 11 156 : 23, OECT 15 112) ; – un courrier-lâsimum : 3 bur (AbB 4 114) ; 38 AbB 4 111 est très probablement daté du lendemain de la conquête de l’ancien royaume de Larsa. D’une part, Hammu-rabi écrit qu’il viendra inspecter les forêts, ce qui signifie qu’il est présent sur place. D’autre part, le fait que les responsables des forêts reçoivent leurs tenures semble montrer qu’ils prennent leurs fonctions à la date de cette lettre. Or AbB 4 111 est forcément antérieur à TCL 11 145, daté de l’an Ha 33, au regard de l’évolution de la surface de la tenure de Sin-magir.
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– deux bergers-rê’ûm : 3 bur (AbB 4 89, YOS 15 24) ; – deux palefreniers-kizûm (des temples d’Adad et de Nergal) : 3 bur (AbB 4 110) ; – des cuisiniers-nuhatimmum : 3 bur (AbB 4 24, AbB 4 90), et 2 bur (AbB 4 97) ; – un lapicide-purkullum : 3 bur (AbB 4 1) ; – deux vanniers-atkuppum : 2 bur (AbB 4 55, AbB 4 58) ; – des soldats-rêdûm : 2 bur (AbB 4 89 et AbB 4 94 pour trois rêdûm sur l’ancienne tenure du général Idam-arši, AbB 4 38, AbB 4 132) ; – un, voire deux, gardien(s) de porte mukil bâbî : 2 bur (AbB 4 46, le titre n’apparaît qu’une seule fois, mais il pourrait qualifier les deux individus) ; – 2 bur pour chaque membre de la troupe-ṣâbum impliquée dans des travaux hydrauliques (AbB 4 120) : des soldats, ou bien des ouvriers agricoles. En outre, des responsables-waklum, exerçant leur autorité sur des groupes professionnels peu qualifiés, reçoivent aussi 2 bur, soit le double de la surface octroyée à leurs subalternes : – les chefs des oiseleurs-usandûm, des pêcheurs-šuhadakkum et des cueilleurs-u’illum du temple de Šamaš (AbB 4 27) ; – le chef des astronomes(?)-LÚ.UD.NÁ.A39 (YOS 15 31) ; – le chef des LÚ.GA.RI.RI, les glaneurs de mottes lâqit kirbânim(?)40 (AbB 9 191). Enfin, les bénéficiaires de champs alimentaires mesurant 1 bur, correspondant à la surface minimale pour une tenure, sont des individus exerçant des professions peu qualifiées : chasseurs, pêcheurs, cueilleurs, ouvriers, saltimbanques : – les oiseleurs-usandûm, les pêcheurs-šuhadakkum et les cueilleursu’illum du temple de Šamaš (AbB 4 27) ; 39 Ce nom de métier est inconnu par ailleurs. Est-il possible que LÚ.UD.NÁ.A soit rendu par l’akkadien awîl bubbulim (voir CAD B, p. 298-300 s. v. bubbulu), et désignait les observateurs du cycle lunaire, et plus largement les astronomes ? La surface de leurs tenures, 1 bur, inclinerait à penser le contraire, puisque l’on s’attendrait à ce qu’ils reçoivent plus de champ dans la mesure où ils exerçaient véritablement un métier qualifié. 40 Selon une suggestion de D. Charpin (communication personnelle), les LÚ.GA.RI.RI correspondent peut-être aux LÚ.LAG.RI.RI.GA, les « glaneurs de mottes » lâqit kirbânim, Voir CAD L, p. 102 s. v. lāqitu, et ajouter Richardson, JCSSS 2 no 53 : 18 aux références réunies.
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les astronomes(?)-LÚ.UD.NÁ.A (YOS 15 31) ; les LÚ.GA.RI.RI, les glaneurs de mottes lâqit kirbânim(?) (AbB 9 191) ; un maçon-itinnum (AbB 4 54) ; un acrobate-huppûm41 (AbB 4 45).
La liste de champs TCL 11 156, établie sur un secteur géographique précis, mentionne deux champs de 1 bur octroyés à deux travailleurs du cuir aškâpum (l. 36-40, déduit du champ d’un métallurgiste-nappâhum, puis l. 41-46). On peut toutefois douter qu’il s’agisse véritablement de leurs tenures complètes, étant donné que d’autres artisans spécialisés reçoivent 2 et 3 bur de champ. Ces données chiffrées, ainsi mises en ordre, permettent dès lors de s’interroger sur l’existence de surfaces standard de tenures, qui seraient évaluées en fonction des titres de leurs titulaires. Les cas bien documentés des militaires et des messagers-rakbum sont étudiés, ci-dessous, afin de résoudre cette question. 2.4.2. L’armée Les archives de Šamaš-hazir permettent d’observer le cas des militaires avec beaucoup de détails42. Les lettres AbB 4 89 et AbB 4 94 ont pour objet le partage de la tenure de 26 bur d’un général rabi amurrim (UGULA MAR.TU) entre six soldats de différents grades ; le n° 89 étant un ordre d’attribution, tandis que le n° 94 relate un litige à propos de ce partage. Les deux lettres sont un peu lacunaires, toutefois leur lecture combinée permet d’effectuer des restitutions. On constate alors que les champs alimentaires concédés aux militaires doublent en superficie à chaque montée en grade : – 8 bur pour un capitaine-rabûm ša haṭṭâtim (UGULA GIDRI) ; – 4 bur pour un lieutenant-laputtûm (NU.BANDA3) ; – 2 bur pour un soldat-rêdûm (AGA.ÚS). 41 Un acrobate-huppûm reçoit donc une tenure moins importante qu’un musicien-nârum, ce qui rejoint la remarque suivante de ZIEGLER, 2013, p. 63, à propos des acrobates-huppûm : « Je retiens comme hypothèse que leur méconnaissance du répertoire savant en langue sumérienne devait expliquer le mépris des autres musiciens à leur égard, situation qui n’est pas sans rappeler le dédain des médecins du temps de Molière envers les chirurgiens ignorant le latin. Je suppose a priori que ce mépris se traduisait corrélativement par un statut social moins élevé. » 42 La hiérarchie de l’armée babylonienne et la valeur akkadienne des sumérogrammes désignant les différents grades ont été établies grâce aux études de ARM 22 270 par DURAND, 1987, et CHARPIN, 1987b. Voir également CHARPIN, 2000 ; STOL, 2004 p. 777-817.
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Cette observation trouve un parallèle intéressant avec ARM 22 270, une liste de distribution de rations d’huile pour une troupe babylonienne envoyée à Mari. Il est alors également question de volumes doublés pour chaque grade supérieur. Il est ainsi possible de considérer que les surfaces des tenures mentionnées dans AbB 4 89 et AbB 4 94 correspondent à une norme pour chacun de ces grades militaires. De fait, il n’existe aucun témoignage d’une surface supérieure à celle indiquée pour tel ou tel grade. En outre, toutes les superficies inférieures qui sont documentées concernent en réalité des parcelles de tenures, comme observé à travers AbB 4 107 (§ 2.3). En revanche, la logique est différente pour les généraux rabi amurrim. Alors que l’on s’attendrait à ce qu’ils possèdent des tenures de 16 bur, deux fois plus grandes que celles de leurs capitaines-rabûm ša haṭṭâtim, ils reçoivent en réalité des domaines fonciers bien plus vastes, jusqu’à 30 bur de terre et 0,1.3 bur de palmeraie pour Mar-Ištar (OECT 15 22) et Belšunu (Ellis JCS 29 no 9). La notion de tenure standard, qui prévaut pour les grades inférieurs de l’armée, semblerait ne plus être mise en pratique pour les généraux. Ils recevraient alors un grand domaine, en récompense de leurs mérites et de la qualité de leur service, et également en raison du fait que, se trouvant au sommet de la hiérarchie militaire, ils échapperaient au barème contraignant des surfaces des tenures attribuées aux soldats moins gradés. Toutefois, une autre hypothèse pourrait expliquer leur différence de traitement. Observant que Mar-Ištar et Belšunu reçoivent tous les deux, en des lieux différents, les mêmes surfaces de champ (30 bur) et de palmeraie (0,1.3 bur), on pourrait considérer que l’on a de nouveau affaire à une norme. Celle-ci ne correspondrait pas au double de la surface d’une tenure de capitaine-rabûm ša haṭṭâtim, mais au quadruple, soit 32 bur. Il faudrait alors établir que 0,1.3 bur de palmeraie valent autant que 2 bur de champ. Cette question sera discutée plus loin (§ 4). 2.4.3 Les messagers-rakbum Les tenures des messagers-rakbum43 sont également bien documentées à travers les archives de Šamaš-hazir, avec douze attestations. Elles permettent d’analyser les surfaces octroyées aux membres d’un groupe professionnel non hiérarchisé. 43
Sur les messagers-rakbum, voir STOL, 2012.
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B. FIETTE
Trois messagers-rakbum possèdent une tenure mesurant 3 bur, incluant Awil-ilim avec ses 3,0.2 ½ bur précisément décrits sur l’extrait de registre reproduit en AbB 8 3 (§ 2.3). Huit autres messagers bénéficient d’une tenure de 2 bur. Enfin, il est question dans YOS 15 34 d’un champ de 2,2.0 bur pour un dernier rakbum, mais il pourrait très bien s’agir de la majeure partie d’une tenure complète de 3 bur. En résumé, il existe deux superficies standard pour les messagers-rakbum dans le domaine royal de Larsa. Comment expliquer une telle différence de traitement ? OECT 15 112, une note d’activité rédigée par un arpenteur, prouve qu’il n’est pas question d’une évolution dans le temps, puisqu’elle enregistre trois tenures de 2 et 3 bur, octroyées à la même date à des rakbum : 2 4 6 8 R.10 12 14 16
3,0.0 GÁN dEN.ZU-re-me-ni RÁ.GAB URU.MA.AN.SUMki 2,0.0 GÁN ip-qú-dIŠKUR RÁ.GAB URU.dEN.LÍL.GAR.RAki 2,0.0 GÁN dEN.ZU-ša-mu-uh RÁ.GAB URU.a-bi-sa-re-e⸢ki⸣ 7,0.0 GÁN ṣi-bi-it 3 RÁ.GAB ša ŠU.HA INIM.TA DINGIR-šu-ib-n[i-š]u DUMU É.DUB.BA ša ŠU.HA.MEŠ LÚ AŠ.DUB.BAki ITI KIN.dINANNA U4 22.KAM MU É.ME.TE.UR≤.SAG≥ MU.UN.GIBIL.LÁ(!) (1-6)
3 bur : (tenure de) Sin-remeni, le messager-rakbum, (localité d’) Al-Mansum ; 2 bur : (tenure d’) Ipqu-Adad, le messager-rakbum, (localité d’) Al-Enlil-garra ; 2 bur : (tenure de) Sin-šamuh, le messager-rakbum, (localité d’) Al-Abi-sare ; (Total :) 7 bur ; (8-9) tenure de trois messagers-rakbum, (au service des) pêcheurs-bâ’irum ; (10-13) par l’intermédiaire d’Ilšu-ibnišu, le secrétairemâr bît ṭuppî44 (au service des) pêcheurs-bâ’irum, ressortissant d’Ašdubba. (14-16) 22-vi-Ha 36.
44 Le rôle d’intermédiaire joué par les secrétaires-mâr bît ṭuppî (DUMU É DUB.BA) apparaît fréquemment dans les documents rédigés par les arpenteurs, à l’occasion de l’octroi des tenures à leurs titulaires ; voir FIETTE, 2018a, § 2.2.4.5.1, p. 144-149. Ils sont manifestement présents le jour de la concession des tenures, en tant que représentants de leurs titulaires absents, ce dont témoignent les lettres AbB 4 11 (ci-dessous), AbB 4 41, et Archibab 3 2.
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Les messagers-rakbum les mieux dotés détiennent ainsi 50 % de terre de plus que leurs collègues. Cette différence de proportion est également visible à travers les tenures liées à d’autres professions : – les responsables des forêts Apliya’um (6 bur) et Sin-magir (4 bur), selon AbB 4 111. On envisage alors que Sin-magir fut le second d’Apliya’um ; – les cuisiniers-nuhatimmum (3 ou 2 bur). Cette fois-ci, on peut suggérer que la différence de traitement s’établit en fonction des compétences culinaires de chacun des cuisiniers qui, comme tout artisan, devaient être évalués sur la qualité de leurs productions. La tenure rémunère donc bien un service, non un titre. Cette différence de traitement au sein d’un groupe cohérent d’individus, porteurs du même titre, est clairement illustrée par la lettre AbB 4 11. Elle oppose, cette fois-ci, les titulaires de champs alimentaires aux bénéficiaires de rations de grain : (1-2)
Dis à Šamaš-hazir, ainsi parle Hammu-rabi : L’an dernier, je t’avais envoyé les messagers-rakbum de(s) archer(s)awîl qaštim pour leur faire prendre (leurs) champs en tenure. (6-7) Ils sont restés huit mois à votre disposition, mais vous n’avez donné satisfaction à personne. (8-10) Cette année, les serviteurs ont tous demeuré dans Sippar, et vous, vous étiez (également) présents ; et (11-13) on a confirmé (les droits) des hommes à prendre un champ en tenure à ceux qui remplissent les critères pour prendre un champ en tenure. (14-16) Vous avez attribué une ration de grain à ceux qui ne remplissent pas les critères pour prendre un champ en tenure. (17-19) Enfin, vous avez laissé un acte scellé pour donner satisfaction à (chacun des) messagers à qui on a attribué un champ à prendre en tenure. (20-23) À présent, (concernant) les messagers qui prendront un champ en tenure, j’envoie devant vous leurs généraux-wakil amurrim ainsi qu’Apililišu le secrétaire-mâr bît ṭuppî (DUMU É DUB.BA). (24-25) Selon la teneur du bail qu’on vient d’établir pour eux, faites-leur prendre les champs en tenure ! (26) Renvoyez-les rapidement ! (27-28) Enfin, renvoyez-moi la tablette des champs que vous leur aurez fait prendre en tenure ! (29-30) (Si) vous ne donnez pas rapidement satisfaction à ces messagers, eh bien (31-32) c’est comme si vous dépassiez les bornes (lit. : c’est comme si vous franchissiez la grande limite) : (33) vous ne seriez pas pardonnés ! (3-5)
Hammu-rabi écrit explicitement que des messagers-rakbum « sont propres à », ou « remplissent les critères pour » (verbe redûm) prendre un champ en tenure, tandis que d’autres ne le sont pas et continueront à être rémunérés par des rations de grain. Toutefois, les critères d’obtention d’une tenure ne sont jamais explicités, ni dans cette lettre, ni ailleurs. Nous pouvons seulement suggérer que l’ancienneté et la qualité du service sont prises en considération.
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2.5. « Ne touche pas à un seul sar de ce champ ! » L’examen des expressions des surfaces de champ s’achève par la plus petite de ses unités, le sar. Bien que le sar n’apparaisse jamais pour désigner les superficies des tenures, il est toutefois utilisé dans plusieurs expressions akkadiennes, écrites par Hammu-rabi ou Lu-Ninurta, afin de souligner un interdit à l’attention de Šamaš-hazir : – AbB 4 6 : Hammu-rabi confirme les possessions des tenures à leurs titulaires, concluant ainsi sa lettre : « Dans ce champ, pas le moindre sar ne doit être repris (litt. touché) ! » (l. 8-10 : i-na A.ŠÀ šu-a-ti / 1 SAR A.ŠÀ-um / la il-la-ap-pa-at). – AbB 4 81 : thématique identique à AbB 4 6, Hammu-rabi conclut ainsi : « Ne retranche pas un seul sar de terre au sein de leur champ ! » (l. 9-10 : i-na li-ib-bu A.ŠÀ-šu-nu / 1 S[AR] A.ŠÀ la ta-na-aš-ša-ar-šu-nu-ti). – AbB 9 188 : thématique identique à AbB 4 6, Hammu-rabi écrit : « Ne lui retranche pas un seul sar de champ ! » (l. 8-9 : 1 SAR A.ŠÀ-am / la ta-na-aš-ša-ar-šu). – AbB 4 89 : à propos du partage de l’ancienne tenure du général Idamarši entre plusieurs militaires, Hammu-rabi écrit finalement : « Dans ce champ, que personne ne touche à un (seul) sar de terre ! » (l. 15-17 : i-na A.ŠÀ-im šu-a-ti / 1 SAR A.ŠÀ / ma-am-ma-an la i-la-ap-pa-at). – AbB 11 189 : Lu-Ninurta écrit à propos des champs qui seront attribués en tenure à des archers, interdisant à Šamaš-hazir de les louer pour exploitation jusqu’à leur venue(?) : « Ne mets pas en location 1 (seul) sar de champ jusqu’à ce que les soldats-rêdûm […] » (l. 14-16 : a-di AGA.ÚS.MEŠ […] / 1 SAR A.ŠÀ a-na ṣi-t[im] / la tu-še-eṣ-[ṣi]). Ces expressions sont formées autour de la plus petite unité de surface de champ afin de désigner, par métonymie, sa totalité. On retrouve de telles figures de style, où le moindre équivaut au tout, dans deux autres lettres écrites à Šamaš-hazir. La première, AbB 4 63, établit fermement les droits de l’individu lésé sur sa récolte : (1-3)
Dis à Šamaš-hazir, ainsi parle Lu-Ninurta : Que Šamaš te garde en vie ! (5) Au sujet d’Išum-abi le messager-rakbum : (6-7) selon la teneur de leur acte scellé qui est remis au Palais, (8-9) et (selon lequel), ici, tu (leur) as confirmé le champ : (10) pas un seul sila (1 SILA3) de leur grain ne doit être saisi (litt. touché) ! (11-12) Ici, on a apaisé le Palais. (13) Rends-lui son grain ! (4)
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Dans la seconde lettre, AbB 4 111, Lu-Ninurta rapporte le propos tenu par Hammu-rabi aux responsables des forêts : (9-10)
À propos des forêts, le roi leur a dit : « (10-11) En ce qui concerne vos forêts, ne soyez pas négligents ! Vos forêts doivent être protégées. (1214) Demain, au cours de mon inspection, je n’épargnerai pas le responsable pour ne serait-ce qu’un seul arbre (1 GIŠ) qui serait frauduleusement coupé ! »
À l’instar du sar représentant la totalité du champ, la plus petite unité de capacité, le sila (env. 1 litre) désigne toute une récolte, tandis qu’un arbre vaut pour toute une forêt. Ce genre de sentences métonymiques ne sont pas sans rappeler certaines expressions françaises, comme : « Ne pas toucher à un seul cheveu de sa tête », le cheveu désignant l’intégrité physique d’un individu. Elles semblent même être les lointains ancêtres de toutes les formulations utilisant le mot once, qui est une petite unité de masse ou de volume, utilisé en tant que synonyme de « moindre » (« une once de vérité, une once de pouvoir, une once d’idée », etc.). 3. LES
SURFACES DE CULTURE DU SÉSAME
Il n’existe pas, à proprement parler, de champs spécifiquement dévolus à la culture du sésame (ŠE.GIŠ.Ì / šamaššammû45). Au contraire, des témoignages tout à fait éclairants montrent que le sésame est planté sur les mêmes terres que l’orge, au lendemain de l’époque de la moisson de cette céréale qui a lieu au mois iii (mai-juin, fin du printemps)46. Par exemple, YOS 8 173, en date du iii-Rim-Sin 31, est un contrat d’exploitation de champ, pour lequel le cultivateur doit récolter (erêšum) l’orge et « aplanir » (sapânum) le sésame. Le verbe sapânum est toujours attesté en association avec le sésame, en contexte agricole47. Il signifie « tasser (la terre) », selon H. Reculeau48. 45 L’identification du šamaššammû a longtemps été débattue, certains assyriologues, comme HELBAEK, 1966, proposant qu’il s’agisse plutôt du lin ; ce qu’a notamment retenu le CAD. Il est désormais clairement établi que le šamaššammû correspond au sésame ; voir en dernier lieu RECULEAU, 2009. Voir également KRAUS, 1968 ; STOL, 1985 ; BEDIGIAN, 1985 ; STOL, 2004, p. 853-854. 46 Voir également les références réunies par RECULEAU, 2009, p. 25-29. 47 CAD S, p. 160 s. v. sapānu § 2. 48 RECULEAU, 2009, p. 32 ; voir aussi FIETTE 2018a, p. 257 n. 888 : il peut aussi être question d’ « aplanir » le sol qui a été labouré après la moisson de l’orge.
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Ceci explique, en toute logique, pourquoi il n’est jamais question de champs de sésame dans les archives professionnelles de Šamaš-hazir. On peut toutefois s’étonner de l’absence de mention de sa culture par des agents du Palais, qui pourraient avoir été les intendants agricoles iššakkum, quand bien même l’on constate à travers la lettre AbB 2 22, écrite par Hammu-rabi à Sin-iddinam, que du sésame était collecté, avec des dattes, dans la province de Larsa pour être acheminé à Babylone. Mais cette lacune est peut-être due au hasard des découvertes. En revanche, les archives de Šamaš-hazir, relatives à ses activités économiques privées, apportent un excellent témoignage de la culture du sésame par un individu établi dans le domaine royal49. Un premier passage, assez lacunaire, de la lettre AbB 4 156, écrite par Šamaš-hazir à son épouse Zinu, fournit un bon parallèle à YOS 8 173 : aš-šum ⸢A.ŠÀ⸣ [ŠE.GIŠ.Ì] ša AŠ.DUB.BAki ⸢x x ša-at-tum(?)⸣ i-zi-bu A.[ŠÀ-lam] ⸢a-na⸣ ŠE.GIŠ.⸢Ì⸣ li-is-pu-nu ⸢ù⸣ [a-na] urura-ka-batki ⸢šu-up⸣-ri-ma [1,0.0 GÁN.(TA?) A.Š]À-lam a-na ŠE.GIŠ.Ì [e-pé-ši-im x] ⸢SAR li-is⸣-pu-nu.
10 12 14
« (10) À propos du champ de [sésame] d’Ašdubba, (11) ⸢puisque(?) la saison(?)⸣ est passée, (12) qu’on aplanisse le champ pour (y planter) du sésame. (13) En outre, écris à la localité de Rakabat, afin qu’ (14-15) on aplanisse [x] ⸢sar⸣ [pour chaque bur de champ] afin d’[y planter] du sésame. »
On doit retrouver à la l. 12 l’expression šattum îzib, qui signifie « la saison (de la moisson de l’orge) est passée », selon les lettres AbB 4 3050 et AbB 4 15451. On constate à nouveau que la plantation du sésame succède immédiatement à la récolte de l’orge.
49 50
FIETTE 2018a, § 3.2.2, p. 255-262. Traduction de AbB 4 30 :
« (1-5) Dis à Šamaš-hazir, Sin-mušallim et leurs collègues, ainsi parle Hammu-rabi : (6-8) À présent, je (vous) envoie treize notables au service de Nur-Šamaš. (9-11) Selon la teneur de leur bail, fournissez-leur vite un champ puis renvoyez-les ! (12-14) Il ne faudrait pas qu’ils manquent la saison de la récolte (litt. Il ne faudrait pas que la saison les abandonne = šattum lâ izzibšunûti), ni qu’ils se plaignent ! » 51 AbB 4 154 est une lettre de Lu-Ninurta à Šamaš-hazir, exigeant qu’il donne un champ à son titulaire qui a trop attendu. La lettre se conclut ainsi, l. 30-31 : « Donne-lui vite satisfaction, afin qu’il ne laisse pas passer la saison (de la moisson) (litt. que la saison de la moisson ne l’abandonne pas = šattum lâ izzibšu) ! »
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Ce même passage apporte une indication importante sur la surface réservée à la culture du sésame. Malgré les lacunes des l. 14-15, il est permis de lire que celle-ci est exprimée en sar, correspondant à 36 m2. D’après ma restitution, le nombre de sar de plantation de sésame, certainement compté par dizaine (100 sar = 1 iku), serait évalué proportionnellement à la superficie totale du champ. La petitesse des parcelles de terre plantées de sésame apparaît plus clairement dans le contrat d’exploitation BIN 7 177, daté du iii-Hammurabi 32. 5 iku de champ planté de sésame, appartenant à Šamaš-hazir, sont confiés à six exploitants, soit plus ou moins 1 iku chacun52. Il est intéressant de comparer cette surface avec celles des champs d’orge qui sont loués par Šamaš-hazir : leurs exploitants cultivent individuellement 1 eše à 2 bur de terre53. 1 bur équivalent à 18 iku, on constate à nouveau la différence d’échelle entre les surfaces plantées de sésame et celles plantées d’orge. Cette différence est visible, une dernière fois, dans une autre lettre de Šamaš-hazir à Zinu, AbB 14 163. Il y est question d’organiser l’exploitation de plusieurs champs de sésame, l’un d’eux étant planté par un certain Apqummam dans une terre de 10 bur, qui vient de produire 50 gur d’orge (env. 15000 litres). La surface réservée à la plantation du sésame n’est pas indiquée. Toutefois, il est question à la l. 23 de 1 ban (env. 10 litres) de sésame que Šamaš-hazir interdit, sans raison explicite, de donner à ce même Apqummam, alors que celui-ci pourrait être l’un des cultivateurs du champ en question. S’agirait-il de la semence ? Il est possible de le suggérer, puisqu’un autre document indique que 7 litres de graines sont semés sur 1 iku de champ de sésame54. Un simple calcul permettrait ainsi de déterminer que, dans AbB 14 163, la culture du sésame se développe sur environ 1 ou 2 iku (soit 10 ou 5 litres de semence par iku), ce qui, quel que soit le résultat exact, constitue à nouveau une proportion de terre très faible par rapport au 10 bur de champ plantés d’orge.
52 Sans prétendre à l’exhaustivité, comparer avec les contrats de culture de sésame YOS 13 414 (9-ii-Ammi-ditana 3), portant sur 1 iku (avec du pois chiche), et YOS 13 510 (26-iv-Ammi-ṣaduqa 9), contrat en société portant sur 3 iku. 53 Les contrats d’exploitation des champs de Šamaš-hazir sont Archibab 3 11, (0,1.0 bur), OECT 8 15 (3,0.3 bur pour deux exploitants), OECT 15 39 ([…]), OECT 15 91 (2 bur pour deux exploitants), OECT 15 107 (2 bur pour deux exploitants), OECT 15 142 (1,1.0 bur), TCL 11 149 (2 bur), TCL 11 152 (1,1.0 bur), TCL 11 188 (1 bur) ; voir FIETTE 2018a, § 3.2.1.1, p. 241-254. 54 CHRISTIAN, 1969, p. 31-33, lettre n° 9 (= A 7460), l. 6-8.
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4. LES
SURFACES DES PALMERAIES
D’après les données chiffrées fournies par les archives de Šamaš-hazir, les palmeraies55 étaient plantées sur des surfaces limitées dans le domaine royal de Larsa56. Il n’est pas possible, au regard des sources disponibles, d’en proposer une estimation générale ; toutefois l’étude des tenures individuelles composées de palmeraies permet d’aboutir à cette observation. D’une part, au sein de ce corpus de 337 textes, qui concerne très majoritairement des champs d’orge, on ne relève qu’un très faible nombre d’occurrences de surfaces de palmeraies. On a mentionné dans l’introduction la lettre AbB 4 26, écrite par Hammurabi à Šamaš-hazir. Elle est la seule à montrer que les palmiers-dattiers étaient cultivés pour le compte du Palais, leur exploitation étant confiée à des chefs-sandanakkum d’équipes de phéniciculteurs-nukaribbum, qui devaient remplir un rôle analogue à celui des iššakkum pour les exploitations céréalières. D’autre part, les quelques attestations de palmeraies attribuées en tenure à des individus, quels que soient leurs rangs, en rémunération de leur service-ilkum, montrent également leur faible superficie par rapport aux champs alimentaires, ces derniers mesurant au minimum 1 bur : – Iltani, religieuse-nadîtum de Ninurta57, reçoit 3 iku (= 1/6ème de bur) de palmeraie (AbB 4 98) ; – un litige oppose Hunzianna, messager-rakbum, à son exploitant, qui a négligé ses 3 iku de palmeraie (Archibab 3 16) ; – des gardiens de troupeaux rê’ûm possèdent ensemble 1 bur de palmeraie, objet d’un litige (AbB 4 13). Šamaš-hazir possédait, lui aussi, des palmeraies d’après ses archives privées58, mais ses contrats d’exploitations portaient spécifiquement sur les volumes de dattes à récolter, non pas sur les surfaces mêmes des palmeraies. Néanmoins, le tableau TCL 11 17159 a trait à cinq récoltes de 55 Consulter LANDSBERGER, 1967 ; COCQUERILLAT, 1967 ; COCQUERILLAT, 1968 ; RENGER, 1982, p. 160-163 ; RENGER, 2000 ; VOLK, 2003-2005 ; STOL, 2004, p. 854-855. 56 FIETTE 2018a, § 2.6.1, p. 234-235. Une simple recherche des contrats d’achat, d’échange, d’héritage, d’exploitation, etc. des palmeraies, sur la base de données ARCHIBAB (http://www.archibab.fr), permet de constater qu’elles se trouvaient en surface limitée sur l’ensemble de la plaine mésopotamienne, chacune couvrant des superficies exprimées en sar, en iku, plus rarement en eše. 57 Selon BARBERON, 2012, p. 95, il s’agit de la seule religieuse-nadîtum de Ninurta attestée dans la région de Larsa. 58 FIETTE, 2018a, § 3.2.3 et § 3.2.4, p. 262-281. 59 FIETTE, 2018a, § 3.2.4.2, p. 279-280. COCQUERILLAT, 1967, p. 205-206, avait interprété TCL 11 171 comme un tableau de rendement de palmeraies.
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grain, les quatre dernières répertoriées ayant été réalisées sur des champs situés à l’ombre des palmiers. Ils mesuraient alors entre 1 iku et 10 sar (l. 2) et 3 iku et 20 sar (l. 4), tandis que la première récolte a été obtenue sur un champ de 1,0.3 bur (l. 2), certainement situé dans le voisinage de la palmeraie. Les écarts de proportions entre les champs et les palmeraies sont criants, lorsque l’on a la possibilité de les observer sur une même tenure individuelle. Les exemples connus ont déjà été cités précédemment : – Mar-Ištar, le général rabi amurrim, reçoit 30 bur de champ et 0,1.3 bur de palmeraie divisée en trois parcelles (OECT 15 22) ; – Belšunu, le général rabi amurrim, reçoit 30 bur de champ et 0,1.3 bur de palmeraie (Ellis JCS 29 no 9) ; – Ili-iqišam, le dignitaire-šakkanakkum, reçoit 27,1.1 bur de champ cultivable, 1,0.0 bur de terre en friche, et 0,1.0 bur de palmeraie. En étudiant les tenures des généraux (§ 2.4.2), on a remarqué que MarIštar et Belšunu avaient reçu le bénéfice des mêmes surfaces de champs et de palmeraies, pourtant tous situés en des lieux différents. Cette observation a permis de suggérer, d’une part, que les surfaces de leurs tenures, identiques, étaient induites par une norme, et d’autre part, que ladite norme devait correspondre à 32 bur de champ, c’est-à-dire au quadruple de ce que reçoivent leurs subalternes directs, les capitaines-rabûm ša haṭṭâtim. À partir de ces hypothèses, il est possible de proposer une équation permettant de connaître la valeur d’une palmeraie par rapport à un champ. Si les tenures de Mar-Ištar et de Belšunu sont équivalentes à 32 bur de champ, cela signifierait que les 0,1.3 bur (= 9 iku ou ½ bur) de palmeraie valent 2 bur (= 36 iku) de champ. En d’autres termes, la valeur d’une palmeraie serait quatre fois supérieure à celle d’un champ de même surface. Il est peut-être plus hasardeux de se livrer à ce genre de calcul avec les possessions d’Ili-iqišam, puisqu’il n’existe pas d’autres attestations de tenures de šakkanakkum avec lesquelles l’on pourrait effectuer une comparaison. De plus, le bur de terre en friche brouille l’équation. Toutefois, considérons que l’eše de la palmeraie, multiplié par quatre, vaut 1,2.0 bur de champ. Ili-iqisam posséderait alors l’équivalent de 30,0.1 bur de champ, incluant le bur de terre en friche. On pourrait alors abaisser ce total d’un iku, qui aurait été donné en compensation du champ improductif, pour aboutir à une norme hypothétique de 30 bur pour les tenures des šakkanakkum.
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On peut en revanche confronter la surface de la palmeraie possédée par le messager-rakbum (3 iku), avec celles des champs alimentaires octroyés à ses collègues (2 et 3 bur). Multipliée par quatre, elle équivaudrait à 12 iku, soit 2 eše ou deux tiers de bur (0,2.0 bur). Il s’agirait donc soit d’un complément à son champ alimentaire, soit d’une parcelle d’une palmeraie plus vaste. Le fait que les palmeraies attribuées en tenure puissent être morcelées, comme c’est le cas de celle de Mar-Ištar selon OECT 15 22, permet d’envisager ces deux pistes, sans pouvoir les trancher. La même remarque peut être également formulée pour les 3 iku de palmiers-dattiers attribués à la religieuse-nadîtum de Ninurta, ou encore pour 1 bur de palmeraie donné collectivement à un nombre indéterminé de gardiens de troupeaux rê’ûm. Sachant que leurs collègues reçoivent individuellement 3 bur, ce bur de palmeraie, s’il valait 4 bur de champ alimentaire, ne suffirait pas à constituer deux tenures complètes pour eux. CONCLUSION Au cours de cette étude sur les surfaces des champs et des palmeraies, les chiffres révèlent, tout d’abord, deux conceptions contradictoires des tenures, selon les points de vue du Palais ou des arpenteurs. Le premier énonce des chiffres ronds, notés à l’aide de la plus grande unité de mesure, le bur, comme s’il découpait mentalement des rectangles réguliers dans un paysage rural uniforme, dont les surfaces correspondraient idéalement aux besoins de ses serviteurs qu’il rémunère. Les seconds, délimitant les champs sur le terrain, doivent prendre en compte les irrégularités du sol et confronter leurs calculs au phénomène du morcellement des tenures, consécutif à la multiplication des partages successifs d’un même terroir. Ils rendent alors compte de leur travail concret, en se souciant de livrer des données chiffrées notées avec précision, en utilisant les unités bur, eše et iku. Ces différentes façons de percevoir une tenure, selon sa surface standard ou bien sa surface réelle, transpirent à travers les différents types de textes produits par le Palais (les lettres écrites à Šamaš-hazir) ou par le service du šassukkum (les registres de champs envoyés au Palais, les notes d’activités)60. 60 Il faut observer que ces deux conceptions contradictoires jouent aussi un rôle dans l’expression des taux de rendement des champs, appelés šukunnûm (sum. NÌ.GAR), que l’on retrouve sur les tableaux de rendement et les registres de récoltes : ils étaient soit exprimés en gur par bur si la récolte était destinée au Palais de Babylone, soit en gin par sar si le but était de noter la production d’un agriculteur ; voir FIETTE 2021.
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Ensuite, il est manifeste que le domaine royal est majoritairement occupé par des champs d’orge. En l’absence de documents offrant une description globale du paysage rural, il apparaît clairement que la campagne de la région de Larsa était avant tout exploitée pour ses productions céréalières, tandis que la culture du sésame y prenait une place moindre. Les palmeraies, elles-mêmes, étaient plantées sur des superficies plus restreintes. Mais, au-delà des chiffres, il faut prendre en considération les conditions de ces cultures et la valeur de leurs productions. Ainsi, là où, dans la partie méridionale de la Mésopotamie, les champs et les palmeraies se développent sur des sols riches en sels minéraux, les palmiers-dattiers et le sésame réclament beaucoup plus d’eau d’irrigation que l’orge. De plus, l’orge était produite en abondance et constituait la base commune de l’alimentation, nécessaire pour la production de la farine et de la bière. Les productions de sésame et de dattes étaient certainement moins importantes, en termes de volume. En revanche, en plus de servir d’ingrédients à des mets plus délicats, les graines de sésame produisaient de l’huile de différentes qualités, vouée à divers usages (parfums, onguents, ingrédients pharmaceutiques, combustibles pour l’éclairage, etc.) ; tandis que le palmier-dattier, dont les fruits étaient indispensables à l’alimentation des Mésopotamiens pour leur apport en sucre, était exploité pour chacune de ses parties : son stipe fibreux était employé en charpenterie, les nervures de ses palmes étaient utilisées pour la fabrication des vantaux de portes ou de légères embarcations, ou encore pour la confection d’objets de vannerie, son lif servait à tresser des cordes, des nattes, ou des paniers. Ainsi, cultivés sur des surfaces égales, les produits des palmiers-dattiers et des champs de sésame avaient certainement plus de valeur que les exploitations céréalières. Enfin, l’étude de ces données chiffrées nous rappelle qu’il convient d’adopter une approche critique des statistiques que l’on peut effectuer à partir d’un corpus de nombres, même lorsqu’il est bien délimité dans son cadre spatio-temporel. Leur collecte doit être opérée avec une solide méthodologie, afin de démêler les différentes caractéristiques de ce qui semble, au premier au coup d’œil, être mesuré de façon homogène, alors qu’il apparaît dans un second temps que le statut de la chose mesurée, et la perception qu’en a celui qui la mesure, a un impact réel sur l’expression chiffrée du résultat de cette mesure. Le cas des surfaces des champs et des palmeraies du domaine royal de Larsa, documentées par les archives de Šamaš-hazir, en a fourni un très bon exemple.
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LES SURFACES DES CHAMPS ET DES PALMERAIES
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B. FIETTE
Roth M., 1995 : Law Collections from Mesopotamia and Asia Minor, WAW SBL 6, Atlanta. Steinkeller P., 2004 : « A History of Mashkan-shapir and Its Role in the Kingdom of Larsa », dans E. C. Stone & P. Zimansky (éd.), The Anatomy of a Mesopotamian City: Survey and Soundings at Mashkan-shapir, Winona Lake, p. 26-42. Stol M., 1976 : Studies in Old Babylonian History, PIHANS 40, Leyde. —— 1979 : On Trees, Mountains, and Millstones in the Ancient Near East, Leyde. —— 1982 : « A cadastral innovation by Hammurabi », dans G. Van Driel, Th. J. H. Krispijn, M. Stol & K. R. Veenhof (éds.), Zikir Šumim. Assyriological Studies Presented to F. R. Kraus on the Occasion of his Seventieth Birthday, Leyde, p. 351-358. —— 1985 : « Remarks on the Cultivation of Sesame and the Extraction of its oil », BSA 2, p. 119-126. —— 2004 : « Wirtschaft und Gesellschaft in altbabylonischer Zeit », dans P. Attinger, W. Sallaberger & M. Wäfler (éd.), Mesopotamien. Die altbabylonische Zeit, Annäherungen 4, OBO 160/4, Fribourg/Göttingen, p. 643-975. —— 2011 : « Sîn-iddinam », RlA 12-7/8. —— 2012 : « Der altbabylonische Beamte rá-gaba », dans C. Mittermayer & S. Ecklin (éd.), Altorientalische Studien zu Ehren von Pascal Attinger, OBO 256, Fribourg/Göttingen, p. 329-352. Volk K., 2003-2005 : « Palme », RlA 10, p. 283-292. Ziegler N., 2013 : « Le statut social des musiciens à l’époque paléo-babylonienne », dans S. Emerit (éd.), Le statut du musicien dans la Méditerranée ancienne. Égypte, Mésopotamie, Grèce, Rome, Le Caire, p. 47-68.
HITTITE FIELD TEXTS: QUESTIONS OF GENRE AND TERMINOLOGY Boris ALEXANDROV*
Field texts or cadasters form a specific category within the Hittite textual corpus, known as CTH 239.1 They originate from different archives of the Hittite kingdom, the majority having been uncovered at the Hittite capital Hattuša / Boğazköy. A large number of the Boğazköy fragments can be brought down to several major manuscripts. Those were studied in detail by V. Souček and M. Paroussis.2 Afterwards several new texts and fragments came to light, and some important contributions were made on the social terminology employed in cadaster texts, among others.3 The present article provides a general overview of CTH 239 taking into account these new finds. 1. HISTORICAL AND GEOGRAPHICAL SETTING The Hittite textual corpus is well known for a large percentage of texts of non-economic nature: festivals, rituals, prayers etc. This fact represents a striking contrast to the composition of royal archives from Mesopotamia where ephemeral documents prevail. Different hypotheses were advanced in Hittitology to account for this asymmetry.4 Along with the land donation texts, the cadasters serve as an important source for reconstructing the socio-economic conditions in the Hittite kingdom.5 However, their information is not easy to exploit due to the problems of terminology, their damaged state of preservation and the insufficient knowledge of their historical context.
* 1 2 3 4 5
Moscow State University / HSE University. Abbreviations are those of the Hittite Dictionary of the University of Chicago. Souček 1959, 1963; Paroussis 1985a, 1985b. Beal 1988. See, e.g., Klengel 1988, 9; van den Hout 2021, 13-17, 165-169. Rüster, Wilhelm 2012.
110
B. ALEXANDROV
1.1. Provenience of the texts The major part of the CTH 239 entries comes from Hattuša / Boğazköy, and it will be the main focus of the survey. Additional fragments belonging to the same genre were found in Maşat-Höyük / Tapigga.6 A CTH 239 text discovered at Tell-Meskene / Emar, Emar VI/3 194, is a legal, not an administrative document, and will not be considered here.7 The same holds for ASJ 14-T 43.8 The Boğazköy tokens of CTH 239 originate mainly from the Great Temple in the Lower City, there is also a small fragment from the House on the slope situated nearby.9 The Great Temple played a significant role in the administration and economic life of the Hittite kingdom, and the finds of the documents related to agriculture may be connected to this fact. CTH 239 texts from Maşat-Höyük / Tapigga were found in Room 8 and in the ‘Pfeilerhalle’ of Building 5, belonging to Level III.10 1.2. Dating The paleography of the Boğazköy texts from the Great Temple area is late, they should be dated to the 13th century BCE. The fragment from the House on the slope is written in an older ductus and should predate those from the Great Temple. The archives of Maşat-Höyük / Tapigga are usually dated to the Early Empire period, i.e. the beginning of the 14th century BCE.11 Thus, the extant documents reflect the administrative practices adopted in the agricultural sphere in the 14th and 13th centuries BCE. 1.3. Geographic references The Boğazköy texts sometimes refer to the towns in whose vicinity the described fields were located. These toponyms point out to the northern parts of the Hittite kingdom, namely to the region of the sacred city of Nerik.12 The most frequently mentioned toponym is the city of Haštira, which can be written with the Sumerian sign MUL.13 The river mentioned in the Boğazköy field lists is identified with Marrašanta / Halys.14 6
HKM 109-111. Yamada 1993. 8 Ibid. 9 Torri 2009, 216-217; Torri, Barsacchi 2018, 286. 10 Alp 1991, xv-xvi. 11 See van den Hout 2007 for details. 12 Paroussis 1985a, 8. 13 Paroussis 1985a, 8; Forlanini 2010, 124. 14 Forlanini 2010, 125. 7
111
HITTITE FIELD TEXTS
2. CLASSIFICATION OF THE
TEXTS
The edition of V. Souček contained eleven pieces which were labeled with the letters A to L. The editor assumed that some of these pieces could be joined as belonging to one and the same manuscript. Thus, D and E would have belonged to A, while C should be attributed to B. The pairs of fragments, F and G, H and I, were seen as belonging to two separate manuscripts. The modern reconstruction is somewhat different: new fragments have been identified to join the manuscripts reconstructed by V. Souček, some pieces that he considered separate have also been joined. To the contrary, some of the suggested connections between the fragments have not been confirmed. Modern reconstruction
Souček 1959
CTH/ hethiter.net
1 1191/u (KBo 19.14) + 6/v (KBo 19.10) + 204/v (KBo 19.11) (+) 92/w (KBo 19.12) + Bo 2545 (KUB 8.75) + Bo 4214 (KUB 42.3) + Bo 8091 (KUB 42.7) 2 Bo 5706 (KUB 42.1)
A (Bo 2545 (KUB 8.75) + Bo 4214 (KUB 42.3) + Bo 8091 (KUB 42.7)), D (Bo 4250 (KUB 8.77)), E (Bo 4714 (KUB 42.2))
239.1
F (Bo 5706 (KUB 42.1)), G (Bo 1820 (KUB 42.5))
239.1
3 572/u (KBo 19.21) + 277/v (KBo 19.24) + 547/v (KBo 19.23) + 785/v (KBo 19.22) + Bo 2304 (KUB 8.78) + Bo 2774 (KUB 42.6) (+) Bo 7252 (KUB 42.8) 4 326/v (KBo 57.8)
B (Bo 2304 (KUB 8.78) + Bo 2774 (KUB 42.6)), C (Bo 7252 (KUB 42.8))
239.2
—
239.2
5 Bo 4250 (KUB 8.77) (+) Bo 4714 (KUB 42.2) 6 388/v (KBo 19.16)
—
239.4
—
239.8
7 672/v (KBo 19.13) 8 Bo 4231 (KUB 42.4) + Bo 4238 (KUB 42.4) + Bo 4376 (KUB 42.4) 9 1268/u (KBo 19.20) + Bo 69/88 (KBo 60.7) + Bo 69/743 (KBo 60.8) 10 1036/u (KBo 19.26)
—
239.8
H (Bo 4238 (KUB 42.4)), I (Bo 4376 (KUB 42.4))
239.8
—
239.8
—
239.8
11 291/v (KBo 19.15) 12 453/z (KBo 19.17)
—
239.8
—
239.8
13 970/z (KBo 19.18) 14 352/e (KBo 19.25) (+) 948/v (KBo 19.9) (+) Bo 3700 (KUB 8.76) (+) Bo 7784 (KUB 42.9)
—
239.8
K (Bo 3700 (KUB 8.76))
239.K
112
B. ALEXANDROV
Modern reconstruction — 15 Bo 1820 (KUB 42.5) 16 1204/v (KBo 48.90) 17 AnAr 9722 (ABoT 2.8) 18 Bo 6250 19 Bo 69/194 (KBo 55.2) 20 E 1353 (KBo 69.34) 21 518/s (KBo 13.254) 22 Bo 7575 23 Bo 69/890 (KBo 55.3)
Souček 1959
CTH/ hethiter.net
L (Bo 7784 (KUB 42.9)
—
—
239
—
239
—
239
—
239
—
239
—
239
—
239?
—
239?
—
239?
The division of the field texts proposed in a monograph by M. Paroussis combined the classification of V. Souček (into texts A-K) and the one advanced by E. Laroche in the earlier versions of CTH. In his classification, E. Laroche singled out seven groups of fragments which were further divided into two sets (2, 4, 5, 6, 7 and 1, 3), each representing a distinct series (I, II) or even belonging to one and the same tablet. The resulting division of M. Paroussis largely coincides with the actual structuring of CTH 239:15 Modern reconstruction
Paroussis 1985
CTH/ hethiter.net
1
1191/u (KBo 19.14) + 6/v (KBo 19.10) + 204/v (KBo 19.11) (+) 92/w (KBo 19.12) + Bo 2545 (KUB 8.75) + Bo 4214 (KUB 42.3) + Bo 8091 (KUB 42.7)
Series I 1, A: KUB 8.75 + KUB 19.10 + KUB 42.3 + KUB 42.7 + KBo 19.14 + KBo 19.11 (+?) KBo 19.12
239.1
2
Bo 5706 (KUB 42.1)
Series II 2, F: KUB 42.1
239.1
3
572/u (KBo 19.21) + 277/v (KBo 19.24) + 547/v (KBo 19.23) + 785/v (KBo 19.22) + Bo 2304 (KUB 8.78) + Bo 2774 (KUB 42.6) (+) Bo 7252 (KUB 42.8)
Series II 1, B and C: KUB 8.78 + KUB 42.6 + KBo 19 21 KBo 19 22 + KBo 19 23 + KBo 19 24 + KUB 42.8
239.2
4
326/v (KBo 57.8)
—
239.2
5
Bo 4250 (KUB 8.77) (+) Bo 4714 (KUB 42.2)
Series I 2, D and E: KUB 8.77 (+) KUB 42.2
239.4
6
388/v (KBo 19.16)
—
239.8
15
Paroussis 1985a, 5-6.
113
HITTITE FIELD TEXTS
Modern reconstruction
Paroussis 1985
CTH/ hethiter.net
7
672/v (KBo 19.13)
—
239.8
8
Bo 4231 (KUB 42.4) + Bo 4238 (KUB 42.4) + Bo 4376 (KUB 42.4)
Series II 4, H (+) I: KUB 42.4
239.8
9
1268/u (KBo 19.20) + Bo 69/88 — (KBo 60.7) + Bo 69/743 (KBo 60.8)
239.8
10 1036/u (KBo 19.26)
—
11 291/v (KBo 19.15)
—
239.8 239.8
12 453/z (KBo 19.17)
—
239.8
13 970/z (KBo 19.18)
—
239.8
14 352/e (KBo 19.25) (+) 948/v (KBo 19.9) (+) Bo 3700 (KUB 8.76) (+) Bo 7784 (KUB 42.9)
Series II 5, K: KUB 8.76 (+?) KBo 19.19 + KBo 19.25(+?)KUB 42.9
239.K
15 Bo 1820 (KUB 42.5)
Series II 3, G: KUB 42.5
239
16 1204/v (KBo 48.90)
—
239
17 AnAr 9722 (ABoT 2.8)
—
239
18 Bo 6250
—
239
19 Bo 69/194 (KBo 55.2)
—
239
20 E 1353 (KBo 69.34)
—
239
21 518/s (KBo 13.254)
—
239?
22 Bo 7575
—
239?
23 Bo 69/890 (KBo 55.3)
—
239?
M. Paroussis left seven fragments unclassified.16 One of them, KBo 19.20, was joined with two newly identified fragments, KBo 60.7 and 8.17 Finally, nine more fragments were published or recognized as belonging to CTH 239 (nos. 4, 16-23 in the table). The division of the Boğazköy material into two series was made on the basis of formal traits of the texts.18 It concerned the most prominent and well-preserved documents. The first series is represented by the tablets written in two columns both on the obverse and the reverse (texts A and D). Each column is divided into two sub-columns of which the left one is narrow and contains the word A.ŠÀ ‘field’ while the right one describes the properties of this field. Each section devoted to a particular field is separated from the next one by a horizontal divider. 16
KBo 19.13, 15, 16, 17, 18, 20, 26. KBo 19.20+Bo 69/88 (KBo 60.7) were edited already in Otten, Rüster 1978, 150-151. 18 Paroussis 1985a, 12-13. 17
114
B. ALEXANDROV
The second series contains, among others, texts with four columns on each side of the tablet which do not have further subdivisions (texts B and K). The Maşat texts have only one column per side. 3. STRUCTURE OF THE
TEXTS
The rubrics in the texts of the first series from Boğazköy have the following structure:19 1) quantity of land plots; 2) topographic characteristics of a plot; 3) quantity of seeds for sowing; 4) personal name of a holder; 5) size of a plot. The entries 3) and 4) can interchange. The texts of the second series contain generally the same information as those of the first one. The sequence of the elements, however, can be different. In KUB 8.78, the most important document of the second group, it is 1), 2), 5), 4) and 3).20 Another peculiarity consists in the PAP-PAP signs which can stand at the end of a paragraph (cf. below). Two examples below illustrate the typical sections from both Boğazköy series: KUB 8.75 (series I, text A) obv. i 68. [1 A.]ŠÀ ŠA I7 URUta-aq-qa-pa-šu-wa-az 69. 3 PA NUMUN-ŠÚ ŠA Ipa-ap-pár-zi-na 70. IŠ-TU GÍD.DA 1 ME 50? KI.MIN 71. [IŠ]-TU DAGAL-ma-aš-ši 15 KI.MIN “One field on a river(’s bank) in the direction of the city of Taqqapašuwa; its seed is three PARĪSU; on its long side it has 150? gipeššar, on its wide side 15 gipeššar.” KUB 8.78 (series II, text B) obv. iv 25. 1 A.ŠÀ a-ši-ia-šu-wa-an-ti 26. 79 gi GÍD.DA 27. 24 gi DAGAL 2 PA NUMUN[-ŠU] 19 20
Paroussis 1985a, 14; 1985b, 162. Paroussis 1985b, 162.
HITTITE FIELD TEXTS
28. 29.
115
ŠA Ipí-qa-aš-ta-ni-li PAP PAP “One ašiyašuwanti-field, 79 gipeššar long, 24 gipeššar wide, 2 PARĪSU is (its) seed, belonging to Piqaštanili. PAP-PAP.”
It was suggested that the enumeration of parcels is ordered according to geographical principles.21 Text A from Boğazköy ends with the recapitulative sections which sum up the quantities of the parcels and the seeds mentioned in the individual sections. The recapitulative sections in text B are inserted into the main body of the text (obv. iv 30-35 and rev. vi 11-15). The texts from Maşat are all written in one column. The text HKM 109 is divided into six paragraphs separated from each other by horizontal line dividers. The first four paragraphs are devoted to calculations of the seeds to be sown and/or mowed in three consecutive years. The final paragraphs, which are damaged, sum up the total of the seeds and, probably, refer to the persons responsible for the agricultural work. HKM 110 is a bitterly damaged fragment. HKM 111 has eight paragraphs. The first four (ll. 1-8) name three individuals to whom modest quantities of emmer and spelt are assigned. These individuals are also said to receive forage in the course of the year. Ll. 9-18, forming the next paragraph which is separated from the previous text with a double line, tell about the barley and spelt from the town of Wahsuwata that were sown by different individuals “during this year.” The next two paragraphs (ll. 19-27) are devoted to the wheat to be sown in the towns of Tapigga and Hariya. The last paragraph (ll. 28-30) registers a transfer of barley from one person to another. It appears that the Boğazköy and Maşat texts served different purposes, which predetermined their special layout in each case. Whereas the Boğazköy texts deal with the distribution of land, the documents from Maşat are devoted to the seed accounting and the planning of agricultural works. 4. PRESENTING THE DATA: LEXICAL AND
STYLISTIC CHARACTERISTICS
In the first series from Boğazköy, the quantity of land plots is given in left sub-columns, and it is uniformly one plot per rubric. In fact, the expression 1 A.ŠÀ, ‘one field’, serves as a sort of paragraph sign. The 21
Souček 1963, 369; Paroussis 1985a, 17.
116
B. ALEXANDROV
Hittite reading of A.ŠÀ is unknown.22 Sometimes, however, a different term can stand at the head of a section — karšattar ‘parcel (of land)’.23 It is always preceded by the number ‘2’, but is grammatically construed as singular. The measurements are also given as it were a single plot. This usage remains somewhat enigmatic. Another variant that can replace 1 A.ŠÀ at the beginning of a section is 1 A.GÀR, which occurs only once.24 The topographic characteristics include reference to the shape of a land parcel, its location, the plants it is sown with, and some other issues. All this will be briefly presented in §6. The seeds for sowing are measured in PARĪSU, which probably corresponded to 50 l.25 In both of the Boğazköy series, as well as in the Maşat texts, it is abbreviated as PA. Whereas the Boğazköy field lists do not specify the type of seeds, the texts from Maşat do contain the information. The following cultures are mentioned: barley, wheat, einkorn, emmer, spelt, a cereal karši-, peas, pods, lentils.26 In rare cases, the personal names of the holders can be accompanied with references to their occupations27 or places of origin.28 The information about the size of a field includes the references to its length and width. Sometimes, when the form of a plot is irregular, three or four of its sides are described. The second measurement of one and the same type, e.g., the second long side of a plot, is introduced with the Akkadian word ŠANÛ, ‘second’, written 2NU-Ú. The unity used for the measurement is gipeššar, which is thought to be equivalent to Akkadian AMMATU, ‘elbow’, corresponding to 50 cm.29 In the first series it is written syllabically only at the beginning of a section, then the scribes use the simple sequence KI.MIN, ‘the same’, instead. The second series uses a shortened phonetic writing via the sign GI. Some minor additional differences between the two series can be spotted. The first series tends for longer and more elaborate writings in order to better represent the elements of grammar.30 Thus, e.g., the word 22
Beckman 1999, 163. HED K, 104; HEG I/K, 519. A verbal noun from kar(a)š- ‘to cut’. See KUB 8.75 obv. ii 10, iv 16. 24 Paroussis 1985b, 163, n. 12, 172. See KUB 8.78 rev. vi 26. 25 van den Hout 1987-1990, 524. 26 Del Monte 1995, 122-124. 27 E.g., Pikkuka who is a gardener according to KUB 8.75 obv. i 61. 28 E.g., Tarhuntaziti, man of Kahlawa, in KUB 8.77 4’. 29 van den Hout 1987-1990, 520. 30 Paroussis 1985a, 16. 23
HITTITE FIELD TEXTS
117
palhatar / DAGAL ‘width’ is written in most cases with the phonetic complements DAGAL-ma-aš(-ši) representing a clitic chain which contains a connector -ma and a 3sg c. subject clitic -aš (or a 3sg dative clitic -ši), accompanied by an Akkadian preposition IŠTU ‘from’ (“on its wide side it (is)”). The second series uses only the Sumerogram for this word, no Akkadian prepositions are written before it. 5. SPECIAL CLAUSES AND
EXPRESSIONS
5.1. Non-specification of the seed quantity In one case in the Boğazköy corpus the quantity of seed is not indicated, and the paragraph carries an interesting explanatory remark: KUB 8.75 rev. iv 9. IŠ-TU NUMUN-ma-aš Ú-UL ti-ik-ku-uš-ša-nu-an-za31 10. IŠ-TU GÍD.DA 2 ME 30 DAGAL-ma-aš-ši ŠU-ŠI KI.MIN 11. 2NU-Ú GÍD.DA DAGAL QA-TAM-MA-pát DI-NU-kán iš-tar-na “The field is not defined as regards to the seed, its length is 230 elbows and its width is 60 elbows, the other long and short sides are the same, there is a legal process inside.”
The absence of seed is evidently related to the fact that the legal status of the land is ambiguous. The cases of legal disputes over agricultural land are now known thanks to the land grants. StBoT Beih. 4 no. 3 describes a long process which took five years and demanded an intervention of the royal justice.32 As for the cited paragraph, M. Paroussis has reasonably pointed out that the land mentioned there is characterized as bordering with the people of the city of Hatiša.33 So, there was probably a legal conflict between the state and the local community for the rights over this plot which made it inaccessible for cultivation at the moment when the text was composed. This paragraph appears to be the only one in the text where no name of a holder is given. Probably, the state could not assign this plot before the process was over. There is one more attestation of the formula “the field is not defined as regards 31 HEG T/2, 302-306. According to the translation by J. Tischler: “Bezüglich der Saat (ist das Feld) nicht bestimmt.” The verbal form is a participle of tekkuššai- ‘show, reveal, indicate’. 32 Rüster, Wilhelm 2012, 92-97. 33 Paroussis 1985a, 51.
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to the seed,” but in that case no explanatory details are given (KUB 8.75 rev. iii 63-65). The above example of non-mentioning the quantity of seeds comes from a text of the first series. It has its parallel in the documents of the second group. In them the equivalent statement may be introduced by a similar formula containing the verb tekkkuššai-, in which case it occurs only in the summing section: KUB 8.78 rev. vi 12. NUMUN A-NA 3 A.ŠÀ-ni 13. Ú-UL te-ek-ku-uš-ša-nu-an “The seed is not presented for three fields.”
Or else, a different formula is used, e.g.: rev. v 12.
NUMUN Ú-UL a-ni-ia-an34
“The seed is not sown (lit. “done”).”
This is a rather frequent situation, and this formula is found both in the sections describing individual plots and in the sections with the totals.35 M. Paroussis refers to an instruction for frontier post governors which demanded to record those fields whose tenants had disappeared.36 Another piece of evidence that helps to understand the situation is §40 of the Hittite laws: it prescribes to transfer the land plot of a disappeared man of GIŠTUKUL-obligation to a man of ILKU-service under the condition that he takes the obligations of the former land holder. If this is not the case, the land plot is to be given for cultivation to a local community.37 Thus, it appears that the formula that does not mention the seed serves in fact to mark those parcels whose holders did not accomplish their work on them. 5.2. PAP-PAP sequence A special feature which occurs only in the second series of the Boğazköy field lists is the sign sequence PAP-PAP at the end of each paragraph: 34 Souček 1959, 31 “Die Saat (ist) nicht geliefert”; HW2 A, 82 “der Saat ist nicht ausgesät, ausgeführt.” 35 KUB 8.78 obv. iv 17, 32, rev. v 12, vi 2, 6, 9; KUB 42.4.A: 5; KUB 42.4.B 6, 9. 36 Miller 2013, 231. 37 Hoffner 1997, 47-48.
HITTITE FIELD TEXTS
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KUB 8.78
rev. v 1. 2. 3. 4. 5.
1 A.ŠÀ :tar-pa-nu-ti-ia-an 90 gi GÍD.DA 48 gi DAGAL 3 PA NUMUN-Š[U] ŠA Iku-ut-tu-pí-ia PAP PAP “One tarpanutiyan-field, 90 gipeššar long, 48 gipeššar wide, its seed being 3 PARĪSU, (belongs) to Kuttupiya. PAP-PAP.”
This sequence does not occur in the paragraphs which sum up the quantities of the preceding sections. Several hypotheses may be advanced to explain this usage: 1) the PAP sign was used by Hittite scribes in order to indicate broken or non-readable and non-understandable passages in the original from which a copy was made;38 here it is definitely not the case,39 because the information in each section seems to be complete, it fully corresponds to what we find in the series where no PAP signs are present; 2) PAP fills a blank space,40 but this explanation can be valid only for those cases where PAP occupies a whole line, like in the above example. Meanwhile it can also stand at the end of the last written line of the paragraph where the gap they fill in is relatively small. 3) PAP is a paragraph marker:41 it indicates a transition from one paragraph to another in sections devoted to one specific individual. It means that the enumeration of the fields belonging to this individual is not finished and more fields will follow. 4) PAP may serve as a sign of calculation and control: the documents were compiled in two stages.42 First, the data on separate plots were written down, then they were summed up, and when the calculations were made for this summing, the scribe left a mark PAP on the sections which he had already added to the sum. This explanation is the most reasonable unless we find clearer examples, probably, in the Mesopotamian corpus.43
38
Sommer, Falkenstein 1938, 132; Paroussis 1985a, 15. See also Friedrich 1930, 114
n. 2. 39
Souček 1959, 382. Ibid. 41 Paroussis 1985a, 16. Cf. oracle texts, where the PAP sign seems to indicate a transition to a new question, Waal 2015, 82. 42 Souček 1959, 382. 43 For the use of the PAP sign as a check-mark in Mesopotamian texts see Arkhipov 2019. 40
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In KUB 42.1, a text belonging to the same second series as KUB 8.78, there is a syllabically written word instead of the PAP-PAP sequence at the end of each section — hatantiyaš, which means ‘soil’, ‘dry, firm ground’ as opposed to water and irrigated land.44 Both writings seem to be structurally equivalent, they have the same positional distribution in the text.45 However, there are serious doubts as to whether hatantiya- is a phonetic reading of PAP-PAP. According to other texts of a different genre, namely land grants, hatantiya is either a type of land or its characteristic feature: KBo 5.7 rev. 15. 37 ka-pu-nu 2 ⸢IKU⸣ [A.ŠÀ x IK]U 3 gi-pé-eš-šar ŠÀ.BA 2 IKU GIŠKIRI6.GEŠTIN 16. ⸢ha⸣-ta-an-ti-ia-aš (…)
GIŠ
KIRI6.GEŠTIN
“37 kapunu 2 IKU of field, x IKU 3 gipeššar of vineyard of which 2 IKU are vineyard of the hatantiya-type.”46
M. Paroussis thinks that in the field texts hatantiya- is more likely to be a technical term related to accounting procedures. So, it may be parallel to the PAP-PAP sequence, but it could hardly be the phonetic reading of PAP-PAP. When looking at the texts of the first series, one may notice that on two occasions (KUB 8.75 obv. i 53, 63) the normal sequence of rubrics is augmented with an additional remark gullanteš ‘situated in a ravine’. It occupies the same structural slot as both hatantiya- and PAP-PAP in the second series. It is probably this word that should be compared with hatantiya-, and not PAP-PAP which is clearly a nonreadable technical mark. It should be added that two texts of the first series use a single or doubled inclined wedge to mark the last line of each column, beginning from column ii.
44 HED H, 263: ‘dry land (opp. aruna- ‘sea’); dry soil (opp. udne ‘wetland, irrigated land’); HW2 H, 497: ‘von hattanti-Art, trockener Boden(?)’; EDHIL, 333: ‘dry land’. See also Sommer, Falkenstein 1938, 132; Riemschneider 1965, 333, n. 5. 45 Souček 1959, 382. 46 Rüster, Wilhelm 2012, 234-235: “davon 2 IKU Weingarten mit trockenem Boden.”
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6. CHARACTERISTICS OF THE
FIELDS
All in all, the major Boǧazköy texts treat 170 land plots.47 As noted by M. Paroussis, the information on them can be divided into two kinds: their characteristic features and their geographical position.48 As for the features, they are related to the form of a field or the objects situated on it. The geographical position is established through references to the neighboring objects such as roads, towns, rivers and river islands, mountains, other geophysical objects and types of landscape.49 The enumeration which is given below does not strictly follow the classification proposed by M. Paroussis. There are fields which are characterized by their relation to different water sources: rivers, canals, ponds, marshes etc. They are situated on a bank or on an island: – ‘field (on a bank) of a river’;50 – ‘field on an inner island’;51 – ‘field (on a bank) of a canal’;52 – ‘field (on a bank) of a pond’;53 – ‘field (on a bank) of a swamp or marsh’;54 – ‘field (on a bank) of a fever-bringing pond’.55 The most enigmatic type, which may also belong to this classification of fields, is A.ŠÀ GIŠMÁ, literally ‘field-boat’. One possible explanation is that this term designated a land plot on a river island, metaphorically equating it to a floating vessel. In that case it must have had some specific properties which distinguished it from a ‘field of an inner island’. According to another interpretation the term referred to a land plot of 47
Paroussis 1985b, 163. There are 95 fields in the first series, of which seven belong to the palace and 88 to the commoners, and 75 fields in the second series. 48 Paroussis 1985a, 33-34; 1985b, 163. 49 Ibid. 50 ŠA I7 (KUB 8.75 obv. i 59, ii 19, rev. iii 6, 8, 10, 14, 18, 20, 22, 24, 26, 28); specifying the town: ŠA I7 URUta-aq-qa-pa-šu-wa-az (KUB 8.75 obv. i 68). 51 an-dur-ia-aš gur-ša-wa-na-aš-ši-iš (KUB 8.75 obv. i 12); with inversed order: ] x-iš an-tu-ri-ia-aš [ (KUB 42.2 12’); an-tu-u-ri-ia-aš ŠA I7 (KUB 8.75 obv. i 16, ii 61, 65). For guršawanaššiš see Souček 1963, 368-371; Starke 1990, 536. 52 ŠA PA5 (KUB 8.75 obv. i 61). 53 [1] A.ŠÀ lu-li-ia-aš (KUB 42.1 obv. iii 12). 54 2 kar-ša-at-tar lu-li-ia-aš-ha-aš (KUB 8.75 obv. ii 10); 1 A.ŠÀ lu-li-ia-aš-ha-aš (KUB 8.75 obv. ii 13, 16). 55 :ta-pa-šu-wa-an-ti(-)lu-ú-li (KUB 8.75 rev. iv 16, 20, 57, 59), ‘fieberträchtiger Teich’, HEG T/1, 123. See also Starke 1990, 98; Klengel 2006, 4.
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an elongated shape reminding a boat. This would mean that the term had nothing to do with the geographical position of a parcel, but only described its specific dimensions. Probably, both solutions can be combined: the “boat-fields” were land plots situated on river islands having an elongated and narrow shape. M. Paroussis duly points out that the measurements of these fields, indeed very long and narrow, are easily compatible with this last hypothesis.56 There are fields that are situated near roads or are divided by them.57 Some fields are marked in regard to the surrounding landscape: there are plots situated near a kind of hill or rock,58 in a gully or hollow,59 in a valley,60 on a meadow.61 Another group contains references to gates,62 buildings,63 and cultivated land.64 The fields can be also referred to as situated on the border of a town or communal land.65 56
Paroussis 1985a, 34-35, n. 77. [A-NA KASKAL URUha?-a]š?-ti-ra-aš-kán ZAG-az, “on the right side of the road of Haštira” (KUB 8.75 obv. i 22); [A-NA KASKAL URUM]UL-ra-aš-kán GÙB-az, “on the left side of the road of Haštira” (KUB 8.75 obv. i 23), and the same: A-NA KASKAL URU MUL-aš-kán GÙB-az (KUB 8.75 rev. iii 49, 52, 55), [A-NA KASKA]L? URUMUL-aškán GÙB-az (KUB 8.75 rev. iv 1); A-NA KASKAL URUzi-iz-za-pa-an-ta-aš-kán ZAG-za, “to the right of the road of Zizzapanta” (KUB 8.75 obv. i 73); 2 KASKAL.HI.A-kán iš-tar-na ar-ha pa-an-zi, “two roads go through” (KUB 8.75 obv. ii 13); A-NA KASKAL URU ta-aq-qa-pa-šu-wa-x-[kán ZA]G-za (KUB 8.75 obv. ii 16) “on the right side of the road of Taqqapašuwa-x”; simply near a road: ŠA KASKALNI (KUB 8.75 rev. iv 12); A-NA KASKAL URUta-lu-qa-ia-aš-kán ZAG-za “on the right side of the road of Taluqaya” (KUB 8.75 rev. iv 23, 26); A-NA KASKAL ap?-pu-u-nu-ma-a-aš-kán ZAG-za “on the right side of the road of Punuma” (KUB 8.78 rev. vi 4); [1] A.ŠÀ lu-wa-ri-eš-ši-kán pa-ri-ia-an “[one] field in front of a country road” (KUB 42.1 iii 8); [1] A.ŠÀ A-NA KASKAL URUKÙ.BABBAR-TI-kán GÙB-za “[one] field on the left side of the road of Hattuša” (KUB 42.1 iii 15’). 58 NA4 pí-ru-n[a-aš (KUB 8.75 obv. i 45); ŠA? HUR.S]AGta-li-ga-ri-mu (KUB 8.75 obv. i 72); A.ŠÀ GÍD.DA HUR.SAGa-ú-ri-ia-aš (demands 10 PA of seed) (KUB 8.75 obv. ii 8); 1 A.ŠÀ HUR.SAGa-ú-ri-ia-aš (KUB 8.75 rev. iv 61); [1 A.ŠÀ] HUR.SAGa-ú-ri-ia-aš (KUB 8.75 rev. iv 5); [H]UR.SAGa-ú-ri-ia-aš (KUB 8.75 rev. iv 55); together with a fever-causing pond: [1 A.Š]À HUR.SAG[a-ú-ri-ia-aš :ta-pa-šu-wa-an-t]i(-)lu-ú-li (KUB 8.75 rev. iv 57); ŠA ZAG NA4še-pa-aš (KUB 8.75 rev. iv 47); [1] A.ŠÀ NA4pí-la-ha-a-ti (KUB 8.75 iv 61). 59 gul-l[a-an-te-…?-eš?] (KUB 8.75 obv. i 53, see also i 63). According to HED K, 238, ‘hollowed, holed (?)’, probably connected to gulliya- ‘pit’, ‘ravine’. 60 [1 A.ŠÀ] ha-ri-ia-aš (demands 15 PA of seed) (KUB 8.75 rev. iv 65). 61 1 A.ŠÀ ŠA Ú.SAL (KUB 42.1 obv. iii 5’; see also KUB 42.4B 8’). 62 Near a gate: [1] A.ŠÀ KÁ GIŠ ŠU.TAG.GA (KUB 8.78 rev. vi 20); K]Á GIŠŠA-AŠŠU-KI (KUB 42.4A 4’, KUB 42.4B 5’). 63 Near buildings: 1 A.ŠÀ ar-zi-aš-ši-iš (KUB 8.75 obv. ii 4; KUB 42.2 10’(?)); near a sanctuary or sacral territory(?): ŠA DINGIRLUM? za-wa-al (KUB 8.75 rev. iii 63); 1 A.Š[À … Š]A dkat-tah-ha (KUB 8.78 rev. v 21); [1] A.Š[À] dIL[LA]T (KUB 8.78 rev. vi 1, the same in KUB 8.78 rev. vi 4). 64 Vineyard: EGIR KIRI6.GEŠTIN “behind a vineyard” (KUB 42.2 8’). 65 1) on the border of communal lands or a town: ŠA ZAG A-NA LÚ.MEŠ URUMUL-ra IGI-an-da (KUB 8.75 rev. iii 58); ŠA ZAG A-NA LÚ.MEŠ URUha-ti-ša IGI-an-da (KUB 57
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The characteristics of fields can be connected to their shape and size. Thus, there are ‘ribbon-like’66 and ‘long’67 fields. Some fields are defined through the plants that grow on them.68 There is a considerable number of characteristics which are impossible to interpret because they are expressed through rare terms, often of Luwian origin, marked with glossing wedges.69 Finally, there are land plots that do not receive any specification or are straightforwardly marked as ordinary ones.70 As M. Paroussis convincingly remarks, the specification of the location and other features of a plot, among other goals, served to indicate the quality of the soil.71 7. QUANTITY AND SIZE OF THE LAND PARCELS When analyzing the amount of land that could be accumulated by an individual mentioned in the field lists, one arrives at the conclusion of a modest character of such possessions.72 Even the persons who held 8.75 rev. iv 8); 1 A.ŠÀ ŠA ZAG URUMUL-ra (KUB 8.78 rev. v 14, vi 8; KUB 42.8 5’); 2) simply on the border: ŠA ZAG (KUB 8.75 rev. iv 50). 66 iš-ha-am-me-na-aš-š[a (KUB 8.75 i 49), ‘bandförmig(?)’, HW2 I, 131. The field measures 189 to 20 gipeššar and demands 8 PA of seed, but cf. in this regard a ‘long’ field, 1 A.ŠÀ GÍD.DA which is 590×20 gipeššar. 67 1 A.ŠÀ GÍD.DA (KUB 8.75 obv. ii 8, rev. iv 63). 68 A.ŠÀ GIŠŠA-AŠ-ŠU-KU (KUB 8.75 obv. i 54); a-ši-ia-šu-wa-an-ti (KUB 8.78 obv. iii 25, iv 25), ‘a field having an ašiyaši-plant’, HW2 A, 405. 69 Such non-classifiable characteristics are: :aš-ha-im-ma-at-ta-na-aš-ši-iš (KUB 8.75 obv. i 56), ‘Flurbezeichnung in jheth.’, according to HW2 A, 339, see also Starke 1990, 484, where a connection to Hitt. iš-ha-am-me-na-aš-ša ‘bandförmig’, HW2 I, 131, is rejected. The išhammenašša-field has exactly the same measurements as :ašhaimmattanaššiš, 120x20, but demands considerably less seed – 2 PA. :hu-u-i-el-la-ri-iš (KUB 8.75 obv. i 66). :a-ša-naaš-ši-iš (KUB 8.75 obv. ii 6), ‘eine Flurbezeichnung’ according to HW2 A, 370. :pa-ra-atta-aš-ši-iš (KUB 8.75 rev. iii 66), connected to a certain topographical feature according to CHD P, 142. :la-la-at-ta-aš-ši (KUB 8.75 obv. iv 52), related to a plant lalatta?, s. CHD L, 29. a-ri-šu-wa-an-ti (KUB 8.78 obv. iii 21), ‘eine Flurbezeichnung’ according to HW2 A, 229. :tar-pa-nu-ti-ia-an (KUB 8.78 rev. v 1, vi 16), ‘unklare Spezifizierung von Grundstücken in der Feldertexten’ according to HEG T/2, 211. :mu-ut-ta-na-wa-an-n[i-eš] (KUB 8.78 v 6, 10), “derived from GN (URU)Muttanna and the suffix -wanni is indicating place of origin or affiliation,” according to CHD L-N, 337, see also Starke 1990, 487. 70 Without any features, simply 1 A.ŠÀ (KUB 8.75+KUB 42.3 obv. ii 69-70, 71-73, rev. iii 1-5, 43-45, 46-47, rev. iv 30-31. [1 A.Š]À ták-ša-an-na-aš (KUB 8.78 rev. vi 23, 29; KUB 8.76 ii 4’, 8’, 11’) ‘ordinary field’ (another translation – ‘communal land’) or ‘field (in a) plain’, HEG T/1, 46. 71 Paroussis 1985b, 164. 72 For a detailed presentation of the quantitative data concerning the fields held by each individual mentioned in the texts, see Paroussis 1985a, 59-60 and tables I-II at the end, 1985b, 180-184.
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several parcels accumulated no more than 4 ha of land. Tuttu with his 16 plots had 37025 m2. 11 plots of a gardener named Pikkuka amounted to 24021 m2. They were the richest among the land tenants mentioned in the first series. An individual plot could be very small, 500 m2, or quite large, 11600 m2. The parcels of the second series are probably even smaller. 11 plots of Piqaštinili make 1176 m2, and though this number should be larger because of the broken passages where additional land plots of this person were mentioned, the total amount of his lands could hardly exceed 6000-7000 m2. The smallest field in the second series is 270 m2, the largest is 3800 m2. The average area is about 1000 m2.73 As M. Paroussis rightly observes, such plots were unable to provide anything above the level of simple subsistence.74 It is doubtful that the holders of all these plots managed to produce a considerable surplus which could be paid as taxes or exchanged and sold on the market. The Hittite land grants show a radically different situation. It is also important that when a person holds several parcels, they are not contiguous, but are situated in different places.75 8. SOCIAL STATUS OF THE
LAND HOLDERS
The described conditions lead to a question: who were all these people carefully listed by name along with their land plots? How did they get their parcels and what right did they exercise on them? The recapitulating sections of the two series may hint at an answer. The colophon of the first series qualifies 88 parcels as belonging to the ‘commoner(s)’ (LÚEN.MAŠ.GAG). Two lines below they are called ‘commoner(s) of the palace’ (É.GAL-LIM LÚMAŠ.EN.GAG).76 The second series attributes all of the landholders to the category of LÚ.MEŠ GIŠTUKUL, ‘men of weapon’.77 In one case in the first series we encounter a field which is said to be cultivated by the local community of Hastira ([LÚ.MEŠ URU MU]L-ra an-ni-eš-kán-zi).78 73
Paroussis 1985a, 40-41. Paroussis 1985a, 41; 1985b, 164. 75 Klengel 1986, 26. 76 KUB 8.75 le.e., le.s. 1, 3. 77 KUB 8.78 obv. iv 35, rev. vi 15. 78 KUB 8.75 rev. iv 43. See a detailed analysis of the sources related to LÚ.MEŠ GIŠ TUKUL in Beal 1988. It is suggested that this category was originally made of persons who served in the Hittite army and were remunerated not with silver or rations, but with land plots. Subsequently this system of remuneration was extended over other, 74
HITTITE FIELD TEXTS
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The first series describes in the first place the fields of the palace, there are seven of them, situated in the town of Hatitina.79 Then a long enumeration of the commoners’ fields follows. According to M. Paroussis, the order of the land tenants reflects a social hierarchy.80 The use of the term MAŠ.EN.GAG is interesting for two reasons.81 First, we see that there is no definitive opposition between this category and the palace, as was the case in Mesopotamia of the Old Babylonian period.82 To the contrary, it is described as related to the palace.83 Second, we do not normally find the term MAŠ.EN.GAG in Hittite legal texts. Thus, it is absent from the Hittite law code.84 This makes it difficult to understand the exact status of the land holders in the first series as well as their legal capacity in regard to their land plots. M. Paroussis identifies those MAŠ.EN.GAG with LÚIL-KI, ‘men of (ILKU-) services’ of the Hittite laws.85 In §§40-41 of the laws, LÚIL-KI are clearly opposed to the group of LÚ GIŠTUKUL: both can acquire from the palace additional land plots which were abandoned by members of the opposite group. At the same time, they can neither change the status of a plot thus acquired, nor switch from one personal status to another.86 The data of the Hittite laws attest to a dependent status of the LÚIL-KI people: they receive land plots from the state in return for services (šahhan). The same is true of the LÚ GIŠTUKUL category. Both do not exercise the rights of private property on the land at their disposal.
non-military specialists in royal service who nonetheless kept the designation with the original term (“men of weapon”), see a list of the attested occupations of LÚ.MEŠ GIŠ TUKUL on p. 291. Besides their duties connected to the GIŠTUKUL land plots, the “men of weapon” were also obliged to render šahhan- and luzzi-services, which were mandatory for the most part of the Hittite population. In this regard LÚ.MEŠ GIŠTUKUL were a special type of land holders, while LÚ.MEŠ IL-KI who provided only šahhan-service can be seen as an ordinary one, see p. 278. 79 KUB 8.75 obv. i 1-27. 80 Paroussis 1985a, 18; 1985b, 163. 81 See a discussion of the term in Souček 1963, 371-382, and a list of attestations in Pecchioli Daddi 1982, 556-567. This list should be expanded with the data from newly published texts including those from Maşat. The Akkadian equivalent of MAŠ.EN.GAG is muškēnum. For the Hittite reading of MAŠ.EN.GAG see below. 82 See for this opposition Stol 1997. 83 This is more in harmony with the interpretation of MAŠ.EN.GAG / muškēnum advanced by I.M. Diakonoff, see Diakonoff 1956; 1967. 84 Souček 1963, 372. 85 Paroussis 1985a, 75. 86 Hoffner 1997, 47-50.
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The identification of MAŠ.EN.GAG as LÚIL-KI is convenient, because MAŠ.EN.GAG and LÚ GIŠTUKUL appear in the different series of the field lists, and an opposition between them seems to be there. However, some difficulties with this understanding of MAŠ.EN.GAG do arise. M. Paroussis admits that their status is connected to the notion of poverty.87 The Hittite reading of this Sumerogram is ašiyawant-, which means ‘poor’ and is traditionally etymologized as a combination of the privative prefix a- and the noun stem šiy-/šiw- ‘god’, i.e. the ‘one who is without god or deprived of the god’s protection’.88 But, as has already been said, the landholders of the first series, i.e. MAŠ.EN.GAG, are assigned larger parcels in comparison to LÚ GIŠTUKUL. This probably indicates that the status of MAŠ.EN.GAG was higher. Further, LÚIL-KI of the law code and other sources are known mainly as agricultural workers charged with the šahhan-services that presumed delivering agricultural products to the state. However, it is doubtful that MAŠ.EN.GAG were able to perform these duties on the base of their parcels fixed in the field lists alone. Another detail that does not fit well is that at least one person from the documents of the first series is a potter.89 The craftsmen dependent of the crown were usually subsumed under the category of LÚ GIŠTUKUL. To overcome these contradictions, it can be suggested that MAŠ.EN.GAG of the first series served as a kind of umbrella term covering simultaneously LÚIL-KI, LÚ GIŠTUKUL, and probably other types of dependants. In fact, this suggestion goes hand in hand with another important observation of M. Paroussis. He states that our two major lists had different aims. Actually, the first one is a list of parcels, and these parcels are characterized through different parameters including their holders. The second list, on the contrary, is a list of persons and not that of fields.90 In it the persons are characterized through their parcels. It means that expressing the exact dependency status was not the goal in the first list, and it could comprise both types of dependent people. The parallels between the Hittite laws and field texts are not the only point in favor of a conditional land tenure of LÚ GIŠTUKUL and MAŠ.EN.GAG. The data of the field texts themselves can be better 87
Paroussis 1985a, 73-74. HW2 A, 405; Lebrun 1981, 109-110. 89 Zamnaziti in KUB 8.75 obv. ii 17, 62. The text attributes to this person four land parcels in total. G. Torri remarks that all of them are situated near waterways. This may be connected to Zamnaziti’s profession, since potters usually obtain raw materials for their work on the riverbanks, see Torri 2020, 437. 90 Paroussis 1985a, 16-18; 1985b, 163. 88
HITTITE FIELD TEXTS
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understood under this assumption. The very fact that these texts were kept in the official archives and had obviously been written to be kept in them attests to a special interest of the state in regard to the land these texts described. At least a part of the land is clearly characterized as belonging to the state (“the palace”). The same status of the rest of the plots is hinted at by the qualification of their holders as state dependents (É.GAL-LIM LÚMAŠ.EN.GAG).91 Most probably, the quantities of seed carefully indicated for each parcel were also provided by the state. Such practice is attested in the administrative instructions of the Hittite kings, though they consider a different group of dependent laborers. A document addressed to a frontier post governor (CTH 261.I) contains the following regulation concerning the deportees (NAM.RA): (§ 41’) (36-39) You must keep an eye on a deportee who has been settled in the province with regard to provisions, seed, cattle (and) sheep; further, you must provide him with cheese, sourdough (and) wool. Whoever remains in place of a deportee who leaves your province, though, (40) you yourself must sow seed for him. Furthermore, he must be satisfied with regard to fields, (41) s[o] they shall promptly assign him a field. (…) (§ 47’) (66’-67’) Also the fields of a run-away land tenant and land allotments that are empty shall be recorded for you (68’-70’) But [w]hen they allocate deportees, they shall promptly assign them a place. And you shall keep an eye on the walhuwant- for the fields with regard to their construction (71’) and they shall be built (translation by J. Miller).92
In fact, this passage presumes that the crown land must be run by a royal administrator irrespective of the presence of a land tenant. The land must be cultivated and bring benefit by providing for the living of its holders. That is why the state administration should know how much seed is needed for each parcel. Besides, the administrators had to provide newly come land tenants with seed and other facilities. Unfortunately, the treatment of the GIŠTUKUL-men by a provincial governor is described in a broken passage, but the very presence of this category in the text of the instruction is telling. So, it is probably along this line that the field texts should be interpreted. They were composed by the state administration in order to keep accounts of the available crown land, its distribution among palace 91 The state ownership over the land described in the field texts is universally accepted, see Souček 1959; Archi 1973; Paroussis 1985a, b. 92 Miller 2013, 230-233.
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dependents as well as other type of tenants, and the seed that was delivered to them. The plots were not in the private property of the holders, but were given to them in return for services. When no palace dependent laborers were available, the crown assigned a land parcel to a local community for cultivation, as is the case in KUB 8.75 rev. iv 43. Such a procedure is described in §40 of the Hittite laws. CONCLUSION M. Paroussis has rightly observed that the Boğazköy field texts should not be interpreted as cadasters.93 They did not aim at registering all the land, but concerned only the state assets which served to maintain the dependent work force. Such land must have been carefully described and controlled by the state administration. According to M. Paroussis, the field texts should be better designated as administrative lists. They reflect the role of the palace as a distributive center in the Hittite society. It should be noted that one of the new fragments, KBo 55.2, mentions the king, which was not the case with all of the previously known texts of the genre. It cannot be excluded that the king was to a certain degree personally engaged in administering the distribution of the state land.94 The texts from Maşat served a different purpose: they represented a written plan for the agricultural operations of sowing and mowing. The fields do not appear in these documents, all attention is paid to the seed which is distributed among persons responsible for agricultural work. So, these texts cannot be subsumed under the same category as the documents from Boğazköy. They probably originated from a special service within the local administration of Tapigga, which accumulated the functions of both a store and a distributive center. However, the Maşat texts are close to those from Boğazköy in the sense that both groups attest to a deep involvement of the Hittite state in agriculture and land-use as the main spheres of economy.
93
Paroussis 1985b, 169. Cf. the data adduced in Souček 1963, 382, according to which the king could assign and confiscate movable assets of MAŠ.EN.GAG. 94
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GÉRER LA SOCIÉTÉ PALATIALE
SERMENT ET ADMINISTRATION PALATIALE : REFLET D’UN PROJET POLITIQUE Francesca NEBIOLO*
Le serment dans la société mésopotamienne touche la presque totalité des domaines d’activité répertoriés dans la documentation épigraphique. La documentation administrative et comptable provenant des archives royales ne fait pas exception, même si dans ces sources nous ne pouvons compter que sur un nombre restreint d’attestations du serment liées à la gestion palatiale. Le rôle du serment est essentiel à la cohésion du royaume, tant sur le plan social que dans les relations avec le palais. Les fonctionnaires et les serviteurs de tout rang entrent en fonction après la prise de serment. Comprendre comment sont gérées les relations entre les serviteurs et le roi à travers cette pratique est alors un élément important permettant de mieux comprendre une « machine » aussi complexe que le palais mésopotamien. D’ailleurs, le serment étant une pratique essentielle à la vie du royaume, il ne peut pas être exclu d’un contrôle de la part du palais. Il est nécessaire de s’interroger non seulement sur les personnalités qui doivent superviser ces pratiques, mais aussi sur ces informations « indirectes » concernant la gestion des biens mis à disposition pour l’exécution des rituels de serment. Ce sont précisément les données issues des archives comptables et administratives qui permettent d’avancer sur ces questions afin de mettre en lumière les implications du serment dans la gestion palatiale. Les informations les plus importantes sur le sujet nous viennent notamment du dossier concernant les grandes campagnes d’assermentation. En croisant les données administratives et comptables liées au serment avec celles issues de la documentation épistolaire, il est possible de mieux comprendre les pratiques mises en place par le pouvoir central afin d’assurer la gouvernance du royaume, notamment lors des moments critiques de son histoire. * Post-doctorante, projet ANR EcritUr (UMR 7192). Je tiens à remercier Antoine Jacquet et Dominique Charpin qui m’ont beaucoup aidée avec leurs relectures et suggestions.
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1. LE SERMENT DANS LA DOCUMENTATION ADMINISTRATIVE : LES SOURCES À DISPOSITION Les sources administratives d’époque paléo-babylonienne ont permis de reconstituer les pratiques de gestion tant au niveau privé qu’au niveau palatial. Les informations issues de ce genre de documentation se révèlent complémentaires des informations provenant surtout de la sphère épistolaire. La documentation paléo-babylonienne ne compte que de rares traces de serment dans les archives administratives, qu’elles soient privées ou royales1. Encore moins nombreuses sont les informations concernant les conditions qui poussent à employer le serment dans ce genre de textes. Le texte M.11729, qui enregistre un apport d’habits, publié dans ARM 302, montre bien le caractère laconique de cette documentation : (Liste d’habits) Apport de Mut-nari et Ṭab-ṣillašu. Lorsque Mut-nari et Ṭab-ṣillašu ont livré les habits, ils ont prêté serment à propos des arriérés.
Normalement, l’apport d’arriérés n’implique pas la prestation d’un serment et le document ne contient aucune information concernant la teneur de l’engagement prononcé par les deux hommes. Le recours à cette pratique ne peut que suggérer la présence de conditions inhabituelles derrière l’apport de ces habits. La possibilité d’établir dans quelles circonstances une prestation de serment s’insère dans un acte administratif est ainsi exceptionnelle3.
1 Mari n’est pas le seul endroit qui atteste cette pratique. En dehors du royaume mariote, d’autres attestations du serment dans des textes administratifs sont connues : BiMes 3 39 (Lagaš) ; CUSAS 29 5, 30-34, 37 (Dur-Abi-ešuh) ; ShA 2 140 (Šušarra) ; Stol 2003, p. 639 YBC 4936 ; Tsukimoto 1997, HC 1 p. 407-408 ; UET 5 205, 432, 444 (Ur). 2 M.11729 publié par Durand 2009, p. 357 : (10) [MU.TÙ] mu-ut-na-ri (11) [ù …] ṭà-ab-ṣíl-la-šu (12) [i-nu-ma] mu-ut-na-ri (13) [ù] ṭà-ab-ṣíl-la-šu (14) […] TÚG.HI.A id-di-nu (15) [aš-šum š]a-pí-il-ti ni-iš DINGIR (16) [iz-k]u-ru. Les traductions présentes dans cet article, sauf indication différente, sont issues du site ARCHIBAB, base de données en ligne et en libre accès, qui rend accessible plus de 21104 textes paléo-babyloniens dont presque 13000 (données d’Avril 2020), avec références bibliographiques, transcriptions, traduction et commentaire. 3 Bien qu’il y ait un manque d’information concernant le recours au serment, on peut parfois se trouver dans le cas inverse où le texte du serment nous précise le cadre de l’affaire. Dans le texte YOS 8 160 : 7-13 (http://www.archibab.fr/T11140) le dépôt de grain de Liqtum auprès de Iddin-Sin est relié à une affaire juridique précédente. Dans ce cas, le document comptable concernant le dépôt de grain est contextualisé grâce à la citation du serment prêté lors de la première affaire.
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1.1 Les protocoles de fidélité : les devoirs des hommes du roi Les archives mariotes conservent généralement deux typologies de protocoles de serment : ceux d’ordre diplomatique et ceux destinés à créer ou renforcer les liens de fidélité des fonctionnaires et des subordonnés au roi notamment lors de la prise de fonction ou de leur confirmation dans un poste4. Ce deuxième groupe nous intéresse tout particulièrement car il donne une idée précise de l’engagement demandé aux personnages chargés de préserver le pouvoir royal. Les protocoles étudiés par J.-M.Durand (Durand 1991, p. 13-71) ont pu être datés du tout début du règne de Zimri-Lim. Un texte supplémentaire a été édité par D. Charpin dans les Mél. Foster5. Il n’a pas pu être daté avec certitude mais date également du règne de Zimri-Lim. Les serments, autant sous leur forme promissoire6 (serment des devins, des subordonnés, serment du gouverneur)7 que sous la forme assertoire (serment des intendants, serment de Sumu-hadum…)8, tournent autour d’un noyau de devoirs essentiels envers le roi : 1. Information / Sincérité : le devoir d’informer constamment le roi sur toutes les affaires en cours et sur l’état du royaume sans rien lui cacher. 2. Secret : l’interdiction de dévoiler les mots privés, les ordres ou autre informations sans l’autorisation du roi. 3. Délation : le devoir d’informer le roi concernant les informations non officielles (et potentiellement dangereuses) et les rumeurs circulant dans le royaume. 4 Il n’est pas rare de voir une partie des individus actifs sous un roi continuer dans leur poste ou garder un rôle dans l’administration à l’arrivée du nouveau souverain. Sous Zimri-Lim, si le roi ne chasse pas totalement les hommes de l’ancien souverain, il choisit des individus employés dans des rôles mineurs à l’époque de Yasmah-Addu (Durand 2019, p. 4-6). Un autre cas bien connu est celui de Lu-Ninurta de Larsa, qui devient l’un des fonctionnaires les plus importants de la cour de Hammu-rabi, après la conquête de Larsa par les Babyloniens, en gardant la juridiction sur les affaires concernant sa ville d’origine. Sur la figure de Lu-Ninurta, voir Dianhua 1996, p. 111-122, et Fiette 2018, p. 94-98. Ce dernier met en avant l’origine larséenne de Lu-Ninurta en s’appuyant sur plusieurs « tics » graphiques et particularités de langage propres à la Babylonie du sud. À ce sujet voir aussi Nebiolo (PhD diss.), §3.4.2. Pour la proposition que Lu-Ninurta ait été le šandabakkum de Hammu-rabi, cf. Charpin 2014, p. 407-420. 5 Charpin 2010, p. 49-75. 6 Sur la construction grammaticale du serment promissoire, voir : von Soden 1952, §185 p. 292-293 ; Huehnergard 1997, §36.3 p. 436-438 ; (Démare-)Lafont 1997, p. 185198 ; Nebiolo (PhD diss.). 7 ARM 26/1 1 ; Durand 1991, p. 24-25 ; Charpin 2010, p. 51-60. 8 Durand 1991, p. 16-20.
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4. Loyauté : le devoir le plus général qu’implique le soutien inconditionnel au roi dans l’administration interne du pays et dans les missions d’ordre diplomatique. L’un des exemples les plus parlants est le « Protocole du devin9 », texte qui recueille les propos/devoirs du devin soumis au serment lors de sa prise de fonction. Les paragraphes de ce document suivent la liste ci-dessus. Tout d’abord (1) le devin ne cachera aucune information, favorable ou défavorable, obtenue pendant l’extispicine ou autre pratique divinatoire. Ensuite, (2) les présages surtout défavorables et les communications du roi seront strictement confidentielles. (3-4) En revanche si quelqu’un lui demande un service à des fins séditieuses il refusera de prendre les présages et informera aussitôt le roi. À ces engagements qui créent un lien entre le roi et ses subordonnés, s’ajoutent des devoirs envers le palais. Ceux-ci affectent plus directement les fonctions du personnel au sein de l’administration. C’est le cas par exemple du serment du gouverneur : – Honnêteté dans la gestion des attributions personnelles des fonctionnaires10 : (§ 4” 1’-9’) Dans le pays, à l’endroit où mon seigneur m’a préposé, (je jure) que je ferai faire « ma maison » par autant de muškênum que mon seigneur m’en a affectés pour le travail de [ma maison] ; (je jure) que je ne ferai pas faire le travail de ma « maison » par les muškênum en plus de ce à quoi j’ai droit.
– Honnêteté dans la gestion des biens et envers le personnel subordonné (soldats)11 : (§ 6” iii 1-13)12 Sur le butin et sur quoi que ce soit sur lequel Zimri-Lim mon seigneur m’a installé comme ebbum et inspecteur, (je jure) que je n’ai 9
Durand 1991, p. 15. M. 5719 publié par Charpin 2010, p. 51-60 (§ 4” 1’-9’) : (4’) (…) a-na a-bu É-tim (5’) lu-ú a-pa-⸢qí⸣-id i-na ma-a-tim a-šar be-lí (6’) ⸢uš⸣-zi-za-an-⸢ni mu⸣-úš-⸢ke-nam⸣ ma-la be-lí (7’) a-na ši-pí-i[r É-ia] i-si-ka[m] ⸢É⸣-ti lu-ú -še-pé-eš (8’) i-na wa-ta-a[rtim š]a a-ha-bu-bu-ma mu-úš-ke-⸢nam⸣ (9’) ši-pí-ir É-ia la ú-še-pé-šu. 11 Des exemples de serment destinés à protéger les biens des soldats qui ne sont pas présents dans la ville (ou ne résident pas de manière stable) nous viennent des archives de Dur-Abi-ešuh (CUSAS 29 5, 30-34, 37). Sur ces derniers : Charpin 2020, Nebiolo (sous presse). 12 M.5719, cf. Charpin 2010, p. 51-60 (§ 6” iii 1-13) : (1) i-na ša-al-la-tim ù mi-im-ma (2) ša a-na eb-bu-tim ù na-ṭà-al qa-tim (3) (I)zi-im-ri-li-im be-lí (4) uš-zi-za-an-ni la él-qú-ú la e-⸢le-qú-ú⸣ (5) la a-ša-ri-qú a-na ⸢KÙ.BABBAR⸣ la a-na-ad-di-nu (6) a-na wa-ar-ka-ti-ia la ad-du-ú (7) a-na DUMU a-wi-lu-tim šum-šu a-na gi-mi-il-lim (8) ⸢ù 10
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rien pris, que je ne prendrai rien, que je ne volerai rien, que je ne vendrai rien, que je ne mettrai rien de côté, que je ne donnerai rien à quiconque comme faveur ou prêt préférentiel. Et si quelqu’un qui est son supérieur prend du grain ou de la laine et que je le vois, que je l’apprends ou qu’on me le dit, (je jure que) je ne lui trouverai pas d’excuse, (que) le jour même je le dirai à Zimri-Lim mon seigneur (ou) que je le lui écrirai et que je ne le cacherai pas.
Lorsqu’on aborde les tâches opérationnelles du jureur, le serment vise à éviter toute sorte d’appropriation illicite. Cette structure qui s’applique aussi aux serments d’entrée en service, dans une vision de règlementation du personnel, est aussi formulée de façon assertive13 lors des enquêtes sur la conduite des fonctionnaires : Depuis l’intronisation de mon seigneur Zimri-Lim, argent, or, pierre fine, bœuf, âne, esclave mâle ou femelle, étoffe, couverture, fourniture de luxe de qualité qui peut exister et qu’il est loisible qu’un humain quelconque prenne, je jure que je ne l’ai pas pris ni n’ai dit à quelqu’un de le prendre, peu ou prou, ni ne l’ai vendu, ni ne l’ai mis en dépôt pour ma succession, ni ne l’ai donné à quelque humain que ce soit en contre-don ou en cadeau.
Les devoirs fondamentaux des serviteurs du roi sont directement liés à la fidélité et soulignent le besoin d’établir formellement, et a priori de façon indélébile, la soumission au souverain. 1.2 Un protocole de serment « administratif » Au-delà des protocoles lors de la prise de fonction, la perception des biens au nom du palais, leur gestion ou le versement des rations étaient soumis à des serments spécifiques imposés aux fonctionnaires en charge. Les archives mariotes ont conservé aussi la trace d’un protocole de serment directement relié à une fonction administrative. Il s’agit du texte A.2279 (Durand 1993, p. 47), où l’on trouve la citation d’un serment d’ordre administratif concernant la perception (melqêtum) d’ovins sutéens : ta-ad⸣-mi-iq-tim la a-na-ad-di-nu (9) ù a-i-yu-um ša e-li-šu ra-bu-ú li-il-⸢qé⸣ (10) ⸢ŠE(?) ú-lu SÍG(?)⸣ lu-mu-ur lu-úš-mi ù li-iq-bu-nim-ma (11) pa-né-šu la ub-ba-lu i-na u4-mišu-ma (12) a-na zi-im-ri-li-im be-lí-ia (13) lu-ú a-qa-ab-bi lu-ú a-ša-pa-ar la a-ka-ta-mu-šu. 13 A.3696 publié par Durand 1991, p. 16-20 (l.1-9) : (1) iš-tu zi-im-ri-li-im be-lí a-[na (giš)GU.ZA É a-bi-šu // i-ru-bu] (2) KÙ.BABBAR KÙ.GI NA4 da-mi-iq-tim ⸢GU4 ANŠE⸣ (3) SAG.ÌR GEME2 TÚG (túg)NÌ.BÀR aš-la-le-⸢e-em⸣ da-a[m-qa-am/ša DINGIR-lum (4) iš-ku-nu ša a-na le-qé DUMU ⸢a-wi-lu⸣-t[im šum-šu] (5) i-re-du-ú iš-tu pé-e a-di K[Ù].GI (6) la él-qú-ú a-na le-qé-i-im le-qé-šu la a[d-bu-bu (7) a-na KÙ.BABBAR la ad-di-nu a-na wa-ar-ka-ti-[ia] (8) la ad-du-ú a-na DUMU a-wi-lu-tim šum-šu a-n[a gi-mi-il-lim] (9) ù ta-ad-mi-iq-tim la ad-di-nu.
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F. NEBIOLO
Jurant par les dieux, Habin-niši a dit ceci : « Sur les ovins des Sutéens, qui se trouvent dans les enclos-purrusâtum, lorsque j’opère une sortie, c’est chaque fois que les gouverneurs du pays prennent ce qu’il faut pour les perceptions (melqêtum) de mon seigneur. » Voilà ce qu’il a dit.14
Contrairement aux exemples précédents concernant le devoir d’honnêteté des fonctionnaires et formulés de manière plutôt générique, ici le responsable Habin-niši prête serment sur une tache bien déterminée. La gestion comptable et administrative pouvait générer des irrégularités par l’appropriation illicite du superviseur : pour éviter toute sorte de « tentation » les sorties des ovins sutéens étaient réglées par serment et exclusivement remises aux gouverneurs pour le melqêtum du roi. On peut affirmer avec une certaine confiance que cette pratique n’est pas exceptionnelle. Le serment servait à préciser et renforcer ponctuellement les limites des serviteurs du roi lors de certaines affectations afin d’éviter des infractions et des comportements frauduleux. Il faut considérer ce serment comme complémentaire à celui prêté lors de la prise de fonction. Habin-niši doit avoir prêté serment au roi selon le protocole des subordonnés qui rappelle les devoirs principaux à l’égard du roi. Le serment administratif ne sert qu’à réglementer une affectation spécifique. 2. DE LA THÉORIE À LA PRATIQUE : LE SERMENT DANS LA GESTION DU PALAIS DE ZIMRI-LIM Lors de l’accession au trône d’un nouveau souverain la gestion des rapports de pouvoir à l’intérieur du palais, et la gestion des changements au sein de l’administration étaient sans aucun doute des processus extrêmement délicats pour la survie du nouveau pouvoir royal15. La nécessité de resserrer les liens avec la « population du palais » et avec le peuple du royaume aboutit à des actes extraordinaires qui permettent de renforcer la position du pouvoir royal. Dans ce cadre précis s’insère le recours pressant à la pratique du serment attesté au début du règne de Zimri-Lim.
14 A.2279 publié par Durand 1993, p. 47 (l. 1-11) : (1) i-na ni-iš DINGIR.MEŠ (2) (I) (d)ha-bi-in-⸢ni(?)⸣-ši (3) ki-a-am [i]q-bi (4) um-ma-a-mi (5) i-na UDU.HI.A LÚ su-ti-i (6) ša i-na pu-ru-sà-t[im] (7) ⸢i⸣-na ṣi-ti-ia (8) ŠU.TI.A be-lí-i[a] (9) LÚ(!).MEŠ ša-pí-ru-ut (10) ma-a-tim (11) il-ta-na-aq-qú-ú. 15 Charpin 2019, notamment p. 77-91.
SERMENT ET ADMINISTRATION PALATIALE
139
Le dossier relatif aux périodes marquées par d’importantes campagnes d’assermentation sous ce règne a été abordé à plusieurs reprises dans des études plus amples concernant notamment les protocoles de serment16 et dans des dossiers concernant les femmes17 et le harem de Zimri-Lim18. Les textes révèlent deux périodes particulièrement complexes du royaume de Mari : tout d’abord, les premières années du règne de ZimriLim, et notamment l’année 2 (= ZL 1’), marquées par l’instabilité interne suite à la prise du pouvoir du nouveau roi19, ensuite, la période de la fin de l’année 9 (= ZL 8’) au début de l’année 11 (= ZL 10’) de Zimri-Lim, lors des menaces externes liées au grand conflit contre l’Elam. Ce qui au début du règne était une volonté de stabiliser les rapports de loyauté des serviteurs et fonctionnaires envers le trône prendra, lors de la deuxième vague d’assermentation, une dimension plus ample en s’étendant à une plus large population au sein du royaume. La nécessité de soumettre au serment les fonctionnaires de tous rangs révèle ce souci constant de tous les souverains quant à la loyauté de leurs serviteurs. Un exemple explicite de cette procédure nous vient de Samsi-Addu. Dans la lettre A.2724, ce dernier incitait son fils Yasmah-Addu à démarrer la « campagne de serment » pour les fonctionnaires exerçant sous sa juridiction20 : Fais jurer un serment par les dieux aux fonctionnaires existants : gouverneurs, intendants, (simples) fonctionnaires, qui sont à ton service personnel, 16
Durand 1991, p. 13-71 ; Charpin 2010, p. 49-75. Bonechi 1996, p. 97-104. 18 Ziegler 1999, p. 209-214. 19 Durand 2019. 20 A.2724 publié par Durand 1991, p. 30-32 : (l. 5-22) : (5) b[e-e]l [t]e-re-t[im ša] ⸢i⸣-ba-aš-šu-ú (6) [š]a-pí-ṭú ab-bu-ú ⸢É-tim⸣ (6) be-el te-re-e-tim (7) [š]a i-na re-ši-ka iz-za-az-zu (8) [u]m-ma-[a]t KU5.MEŠ LÚ su-ga-g[u-M]EŠ (9) ⸢LÚ⸣.NU.BANDA3.MEŠ ù be-el te-re-⸢e⸣-tim (11) ma-la i-ba-aš-šu-ú (10) ni-iš DINGIR.MEŠ šu-úz-ki-ir (12) (I) ma-ši-ia (13) (I)ur-sa-ma-na (14) (I) na-hi-iš-PA-⸢LU⸣-šu (15) ⸢(I)⸣ṭà-ab-el-um-m[a-ni-šu] (16) ⸢(I)ri⸣-ši-[ia] (17) [it-t]i DUMU.MEŠ É ṭu[p-pí] (18) li-iz-zi-zu-[ma] (19) ni-iš DINGIR.MEŠ li-ša-áz-ki-[r]u (20) [ù š]u-nu wa-ar-ka-nu-um (21) [l]i-tu-ru-ma (22) ni-iš DINGIR.MEŠ li-ìz-ku-ru. Le « grand roi » est ici très précis sur ce qu’il entend comme « bêl têrêtim ša ibaššû ». Il impose le serment non seulement aux fonctionnaires concernés (les gouverneurs-šâpiṭum et les abu bîtim) et toute sorte de dignitaires ou de simples figures de la population du palais, mais aussi aux superviseurs responsables du bon déroulement des serments et de leur enregistrement. Ces derniers, appelés par leur nom propre (Durand 1991, p. 33 et 1997, p. 477-478 et Nebiolo (PhD diss.), §3), sont obligés de prêter serment une fois leur tâche accomplie, dans une optique de sauvegarde totale du pouvoir royal et probablement aussi de pragmatisme organisationnel. Les listes des fonctionnaires et des marchands qui prêtent serment mises en regard de la lettre de Samsi-Addu ci-dessus sont la preuve de l’urgence de cette pratique. 17
140
F. NEBIOLO
aux groupes des sections, aux scheichs, aux lieutenants et aux (simples) fonctionnaires, tous ceux qui existent. Mašiya, Ur-Samana, Nahiš-re’ušu, Ṭab-eli-ummanišu, Rišiya doivent se tenir avec les scribes administratifs et faire prêter le serment par les dieux. Eux-mêmes, ensuite, doivent à leur tour prêter serment par les dieux.
Même si les textes ne donnent aucune information spécifique sur la teneur du serment imposé par Samsi-Addu et son fils, on peut supposer que sa structure était à peu près identique à celle du serment imposé dans les protocoles rédigés sous le règne de Zimri-Lim. De la mobilisation administrative sous Zimri-Lim nous avons des traces directes principalement dans les protocoles (et serments à structure similaire) et dans la documentation comptable. D’autres mentions indirectes se trouvent dans la correspondance des premières années du règne. Dans la lettre ARM 33 99 publiée par J.-M. Durand21 on trouve une allusion à cette pratique : Ou sinon, quel poids peut avoir (le propos) de mon seigneur, disant : « Qui a prêté serment par Zimri-(Lim), commence la procédure sur tout sujet » ?
Dans ce texte, il est question d’une affaire judiciaire d’une certaine importance car elle implique des personnages parmi les plus influents de la cour de Mari (Sammetar, Hali-hadum, (H)aqbahum et Sumu-hadum, l’expéditeur) au moment de l’accession au trône de Zimri-Lim. À la fin de sa lettre, Sumu-hadum cite les paroles de son seigneur qui chargent de l’enquête celui qui (parmi les fonctionnaires) avait déjà prêté son serment de fidélité au roi. La prise de fonction ne s’officialise que lors du serment, autant pour les nouveaux serviteurs nommés par Zimri-Lim que pour les fonctionnaires déjà en poste sous l’ancien souverain. Tant le texte ci-dessus que la lettre A.2724 montrent que le serment, étant un moyen essentiel à la légitimation du pouvoir royal et à sa protection, était soumis à la supervision de certains fonctionnaires de l’administration, qui agissaient parallèlement au personnel religieux apte à gérer le contact avec le sacré. 2.1 Les administratifs du serment : le mušazkirum L’organisation du serment se joue à plusieurs niveaux. Le serment étant un acte tant religieux que juridique et politique, les administrateurs du roi sont directement concernés par la préparation matérielle du serment. 21 ARM 33 99 : (35) ú-la-šu-ma mi-nu-um ik-ta-bi-it (36) [š]a be-lí-ia um-ma-mi ta-mì zi-im-ri- (37) [aš-š]um mi-im-ma i-de-en5. Je suis la traduction de J.-M. Durand.
SERMENT ET ADMINISTRATION PALATIALE
141
Il leur revient de conduire les dieux en déplacement lors d’un serment diplomatique, de préparer le roi qui s’engage avec le rituel du lavage des mains, de rester avec lui pour la nuit et de prévoir tout le nécessaire pour le rituel (farine saskûm22 et maṣhatum, ânon, etc.). En revanche, le personnel religieux semble intervenir lors du rituel comme intermédiaire entre l’homme et le(s) dieu(x). Les administrateurs chargés du serment ne sont presque jamais identifiés directement. Leur titre, mušazkirum23, « le gérant du serment » (litt. : celui qui fait prêter serment), nous est connu grâce à quelques attestations épistolaires24, toujours dans des contextes diplomatiques. Le terme mušazkirum n’est explicitement mentionné que dans des contextes diplomatiques, même si la présence de fonctionnaires royaux lors des serments administratifs (recensements, prise de fonctions, organisation des troupes, etc.) et juridiques, est bien connue. La possibilité que ce titre soit adopté indépendamment du domaine d’action du fonctionnaire semble tout à fait plausible. Le statut de ce titre dans l’administration mariote pose problème car il reste impossible d’établir avec certitude s’il s’agissait d’une fonction temporaire, ou bien d’une affectation pérenne. À partir des textes diplomatiques qui nous font entrevoir les pratiques autour des serments d’alliance ou de fidélité, on peut imaginer la présence sur place d’un ou plusieurs mušazkirum qui font partie de la mission royale. Dans cette perspective, ce titre peut indiquer vraisemblablement un rôle assumé par des intendants et/ou des religieux à l’occasion d’un rituel du serment, de façon similaire à ce qu’on voit pour l’appellation mubabbilum attribuée aux soldats d’élite, préalablement choisis, pour une parade ou un événement festif. P. Villard25 avait suggéré d’y voir une « dignité » conférée dans des moments spécifiques. Elle ne se référait en aucun cas à une notion de métier, et le statut qu’elle conférait n’était pas acquis définitivement. Sur ce modèle, les mušazkirum seraient des serviteurs du roi choisis au moment où le besoin se faisait sentir parmi les fonctionnaires et les intendants.
22 Voir par exemple ARM 12 21 et 46. Cf. Charpin 1990, p. 114-115 et 2019, p. 71 ; Lafont 2001, p. 273, p. 280 et n. 255 ; Lacambre 2002, p. 3. 23 Cf. CAD M/II, p. 263. Ce titre est attesté aussi sous la forme amorrite musazkirum, cf. Durand 1997, p. 477-78 i). 24 ARM 13 143 ; ARM 26/2 469 ; ARM 28 40 ; CUSAS 36 77. 25 Villard 1992.
142
F. NEBIOLO
J.-M. Durand, dans LAPO 1626, suggère que « ces gens, dont le titre signifie “habilités à faire prendre les serments”, se trouvaient être les techniciens qui permettaient que le statut religieux et juridique du serment fût inattaquable et en étaient, en quelque sorte, les garants ». Il s’agirait d’un personnel spécifique chargé des tâches concernant le rituel du serment, ce qui est hautement probable étant donnée l’importance d’un rituel irréprochable. Si appliquer le terme à un métier autonome semble plutôt à exclure, d’abord par la spécificité du domaine, ensuite en raison du faible nombre des attestations, le réduire à une désignation momentanée selon la mission à accomplir semble en revanche être une interprétation trop restreinte. Le rituel du serment se développait en plusieurs étapes qui nécessitaient une connaissance précise du protocole à suivre afin d’assurer le respect de l’engagement et sa solennité. Le mot mušazkirum est au pluriel dans la plupart des cas, et les textes épistolaires enregistrent l’envoi de « gens » pour faire prêter serment. Le processus semble impliquer plusieurs serviteurs du roi. Il est plausible que, parmi ces gens, il y avait des serviteurs formés aux techniques nécessaires au déroulement du serment. Ce rôle exercé de façon pérenne ne les reléguait pas pour autant à cette seule fonction, qui n’en devenait pas non plus un métier. 2.2 Les grandes campagnes de serments La documentation concernant la campagne de serments lancée par ZimriLim débute à l’année ZL 2 (= ZL 1’) au cours du mois de Hubur (vi), lorsque se déroule une longue série de consultations oraculaires pour la prise des serments des fonctionnaires du palais, dont on connaît les listes administratives qui enregistrent l’examen par les devins des agneaux des chefs de service et des serviteurs du roi. Après ces examens suivent les prises de serment des hommes qui ont eu une réponse oraculaire favorable ou, au cas contraire, une deuxième (ou troisième) réponse oraculaire. À partir du 8-Hubur, au moins 153 hommes sont soumis au serment. On constate une concentration tout à fait remarquable d’activités relatives au serment, d’autant plus qu’en cas de réponse oraculaire défavorable, l’interrogation devait être renouvelée dans un court délai. Cette campagne d’assermentation, quoique de dimension plus réduite par rapport à celle qui sera mise en place 7 ans plus tard, donne l’impression 26
Durand 1997, p. 448-450 g).
SERMENT ET ADMINISTRATION PALATIALE
143
d’être menée avec le même sentiment d’urgence. Un reflet de cette urgence se trouve peut-être dans les attestations des cas dans lesquels les jureurs prêtent serment sans une interrogation oraculaire des agneaux. Selon la documentation administrative, serviteurs, gardes personnels, intendants, barbiers mais aussi des individus sans identification précise sont appelés à se soumettre au serment par une procédure qui peut se prolonger plusieurs jours jusqu’à une réponse favorable des dieux. Dans les archives, la consultation oraculaire est attestée seulement pour la première campagne de serment, celle relative aux administrateurs. La même année, il est possible d’associer avec certitude au moins trois listes de femmes de rangs différents27 ; ces textes comptent dix-huit femmes identifiées comme épouses de notables, l’épouse d’Itur-Asdu et vingt-six servantes d’Addu-duri, mère du roi, pour un total de 45 femmes ayant prêté serment entre le mois vi et le mois vii de la même année. Comme cela a été souligné par N. Ziegler28 dans son édition de ces listes, la raison de la prise de serment de ces femmes n’est pas mentionnée ni clairement identifiable, d’autant moins que le même texte enregistre aussi le serment des servantes de la reine mère Addu-duri. Six de ces femmes sont mariées avec un des notables qui ont dû passer deux fois l’interrogation oraculaire. N. Ziegler propose de voir là la raison que leurs femmes aussi ont été soumises au serment. Malheureusement, on ne peut pas pour l’instant aller plus loin dans les suppositions. Pourtant la présence du serment des servantes de la reine mère n’est pas si étonnante, si on prend en compte la volonté de protéger la famille royale par des liens de fidélité imposés par le serment. L’entourage de la reine mère serait donc soumis aux devoirs recensés ci-dessus, très probablement en ce qui concerne celui d’information et de délation afin d’obtenir un contrôle total sur la population du palais et de préserver l’intégrité du pouvoir. Les informations concernant la deuxième campagne d’assermentation lancée par le roi amorrite sont différentes. Elle débute à la fin de l’année 9 (= ZL 8’) de son règne et se termine au début de l’année 11 (= ZL 10’). La documentation de cette période présente une succession particulièrement serrée de serments qui ont impliqué une très grande partie de la population masculine et féminine.
27 28
Ziegler 1999, p. 209-214. Ziegler 1999, p. 210-211.
144
F. NEBIOLO
M. Bonechi29 a étudié de près la prestation du serment par les femmes. Cette dernière a laissé des traces presque exclusivement dans la documentation administrative. Malheureusement, les cinquante-neuf textes qui constituent le dossier n’ont pas encore été édités dans leur totalité. La documentation qu’on possède concerne non seulement la capitale mariote et son district, mais aussi les districts de Terqa et de Saggaratum30, deux villes importantes, capitales provinciales du royaume de Mari. Cependant les serments semblent démarrer dans la capitale31 avec un serment d’hommes et de femmes. Des rituels de serment à large échelle sont attestés successivement à Mišlan, Terqa et Saggaratum32. Cette imposante procédure de serment mise en œuvre par Zimri-Lim toucha, selon une estimation faite sur la base des textes conservés, au moins 3700/4000 femmes33, nombre bien inférieur à la réalité, étant donné l’état fragmentaire de la documentation. Les attestations de serments pris par des populations de villes entières sont multiples dans les archives de Mari34, mais ces textes d’ordre épistolaire ne donnent aucune information concernant le moment du jurement, les démarches administratives, si le serment avait été vraiment prêté par l’ensemble de la population ou plus simplement par les représentants de la ville, ou s’il y avait eu une subdivision interne de la population en cas de serment collectif. Une vraie distinction à l’époque paléo-babylonienne entre les serments masculin et féminin telle que celle connue dans les sources paléoassyriennes35 ou d’autres époques, a été suggérée36 mais pas vraiment traitée. 29
Bonechi 1997, p. 97-104. Ziegler & Langlois 2016, p. 293-296 et p. 366-367. 31 Il s’agit du texte M.7834+, le seul daté de l’année 9. M. Bonechi souligne qu’il présente des traits différents par rapport aux autres textes du corpus. Comme on n’a pas encore l’édition de cette tablette, la chose la plus remarquable qui le démarque c’est le regroupement d’hommes et de femmes dans la même liste, et donc dans le même rituel pour prêter serment. Tous les autres textes de ce genre énumèrent des groupes de personnes sexuellement homogènes. 32 À la liste de ARM 8 n° 88 il faudrait ajouter celle de ARM 23 n° 543, bien que le nom d’année soit celui de l’année suivante. N. Ziegler, qui a réédité ce texte dans FM 4 n° 56, exprime des doutes concernant la datation et les indices qui feraient pencher pour une erreur du scribe et une nouvelle datation au début de l’année 11. Le même genre d’erreur, toujours parmi les textes du même corpus sur les serments des femmes, a été souligné par M. Bonechi pour les textes M. 9916 et M. 8640a, datés de ZL 10 (= ZL 9’) mais qu’il faut interpréter comme rédigés en ZL 11 (= ZL 10’). 33 Bonechi 1997. 34 Durand 1991, notamment p. 48-53. 35 Michel 1996, p. 105-145 ; Veenhof 2003, p. 445-446. 36 Sandowicz 2012, p. 86-88 : « […] the intimate link between the oath-taker and the guarantor of an oath is demonstrated with particular clearness in the case of oaths taken 30
SERMENT ET ADMINISTRATION PALATIALE
145
En fait, cette distinction ne semble pas exister réellement à cette époque. Le choix des divinités lors du serment reflète les pouvoirs locaux, politiques et religieux auxquels le jureur est soumis ; de cette manière, la déesse Aya, parèdre de Šamaš, est très souvent nommée dans les serments de Sippar-Yahrurum, ou encore, la déesse Annunitum dans les serments de Sippar-Amnanum, indépendamment du genre du jureur37. Il n’y a que les archives de Mari, avec les listes de femmes prêtant serment, qui signalent une nette division homme/femme dans l’organisation administrative du rituel. Cette division n’est cependant pas indispensable à la prestation du serment. Le texte M. 7834+ semble témoigner une fois de plus du fait que s’il y avait une subdivision entre hommes et femmes, elle n’était pas due à un rituel différent, mais plus probablement à une nécessité d’ordre pratique afin de pouvoir gérer au mieux la masse considérable de personnes convoquées à prêter serment. Le regroupement sur la même liste d’hommes et de femmes, selon une subdivision en groupes sociaux qu’on retrouve dans la plupart des listes publiées, renvoie à une organisation visant à administrer les différentes catégories convoquées de manière pragmatique et non religieuse. 3. LE
SERMENT À TRAVERS LES DONNÉES COMPTABLES
La documentation comptable du début du règne de Zimri-Lim, bien que le plus souvent dépourvue d’informations directes sur la teneur des serments, est néanmoins la source qui permet de compléter le cadre administratif dans lequel s’insère cette procédure de renforcement du pouvoir. À travers l’enregistrement des dépenses d’animaux et de biens alimentaires et l’indication de leur destination il est possible de connaître les dates des rituels du serment et leur typologie.
by women: their guarantors were predominantly female deities. This tradition has a long history. […] ». 37 L. Barberon dans son étude concernant les religieuses et le culte de Marduk dans le royaume de Babylone, avait traité les textes juridiques impliquant les prêtresses kulmašîtum, mais l’invocation d’Annunitum parmi les garants des serments reste presque totalement absente. Il faut même souligner dans la chaîne des garants que la déesse est dans la plupart des cas suivie par la ville de Sippar et sa présence est bien attestée même dans des textes qui ne sont pas liés aux religieuses. Il faudrait interpréter ce choix comme la reconnaissance du pouvoir de la déesse poliade de la ville de Sippar-Amnanum plutôt qu’une réelle consécration personnelle ou une formulation du serment spécifique à une classe sociale.
146
F. NEBIOLO
3.1 Les dépenses de chèvres Les premières attestations relatives aux procédures du serment liées au palais font leur apparition au tout début du règne de Zimri-Lim avec une série de textes comptables38 qui enregistrent des dépenses de chèvres pour le « traitement des devins » et pour le serment par les dieux. L’année 0 de Zimri-Lim enregistre, à partir du mois x et surtout au cours du mois xi et jusqu’à la moitié du mois xii, une succession particulièrement serrée de sorties de chèvres pour ces deux services et, au moins à partir du mois ix, des dépenses de farine pour des serments39. En particulier, le 16 du mois x, le 7, 8, 9 et le 22 du mois xi, le 5 et le 7 du mois xii, on trouve dans la documentation comptable des dépenses de chèvres pour le serment par les dieux dont on conserve la datation. Malheureusement, les informations s’arrêtent ici. À partir de ces textes, il est impossible de savoir à quel serment se réfère la documentation. Même chose pour les textes quelque peu postérieurs. Sur la base des données disponibles, il est malgré tout possible de dresser un cadre des dépenses40 directement liées aux serments ou à leur préparation : TEXTE
DATE
OBJET DE DEPENSE
DEPENSE
ARM 23 n°256
7/x/ Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
8 SILA4.HI.A
ARM 23 n°259
8/x/ Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
8 SILA4.HI.A
ARM 23 n°496 14/x/ Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
x SILA4.HI.A
ARM 23 n°267 15/x/ Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
5 SILA4.HI.A
ARM 23 n°271
19/x/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
8 SILA4.HI.A
ARM 23 n°275
23/x/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
4 SILA4.HI.A
ARM 23 n°276
24/x/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
6 SILA4.HI.A
38
Pour ce lot de textes, cf. Charpin 2014b. Lafont 1984 ; Charpin & Ziegler 2003, p. 178-181. 40 Le « traitement » a eu lieu à Mari sauf indication contraire. Les textes ne conservent que très rarement la formule de datation, mais le lot de tablettes qui ont été étudiées notamment dans ARM 23 semble renvoyer à la même séquence temporelle. L’attribution à l’année 0 de Zimri-Lim n’est plus à remettre en question. 39
147
SERMENT ET ADMINISTRATION PALATIALE
TEXTE
DATE
OBJET DE DEPENSE
DEPENSE
ARM 23 n°247
26/x/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
5 SILA4
ARM 23 n°278
26/x/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
1 SILA4
ARM 23 n°281
3/xi/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
1 SILA4
ARM 21 n°31
3/xi/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
1 SILA4
ARM 21 n°32
3/xi/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
1 SILA4
ARM 23 n°285
7/xi/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
4 SILA4.HI.A
pour le liptum d’IGI.KUR
1 UDU.NITA2
pour le « serment par les dieux »
1 ÙZ
ARM 23 n°287
8/xi/Zimri-Lim 0
« serment par les dieux »
1 ÙZ
ARM 23 n°288
9/xi/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
1 SILA4
ARM 23 n°289
9/xi/Zimri-Lim 0
« serment par les dieux »
1 ÙZ
ARM 21 n°37
10/xi/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
4 SILA4.HI.A
ARM 23 n°291 12/xi/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
2 SILA4
ARM 23 n°293 13/xi/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
3 SILA4.HI.A
ARM 23 n°294 13/xi/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
3 SILA4.HI.A
ARM 23 n°296 14/xi/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
3 SILA4.HI.A
ARM 23 n°297 15/xi/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
1 SILA4
ARM 23 n°301 16/xi/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
2 SILA4
ARM 23 n°305 17/xi/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê (Der)
6 SILA4.HI.A
ARM 23 n°309 20/xi/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
11 SILA4.HI.A
ARM 23 n°311 22/xi/Zimri-Lim 0
« serment par les dieux »
1 ÙZ
ARM 23 n°497 23/xi/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
3 SILA4.HI.A
148
F. NEBIOLO
TEXTE
DATE
OBJET DE DEPENSE
DEPENSE
ARM 23 n°315 24/xi/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
2 SILA4.HI.A
ARM 23 n°317 25/xi/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê (Šehrum)
4 SILA4.HI.A
ARM 23 n°498 25/xi/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê (Šehrum)
4 SILA4.HI.A
ARM 23 n°499 28/xi/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
2 SILA4
ARM 23 n°500
2/xii/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
5 SILA4.HI.A
ARM 23 n°501
4/xii/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
2 SILA4.HI.A
ARM 21 n°49
4/xii/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
6 SILA4.[HI.]A
ARM 23 n°502
5/xii/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê, dans le temple de Dagan
1 SILA4
ARM 23 n°321
5/xii/Zimri-Lim 0
« serment par les dieux »
1 ÙZ
ARM 23 n°322
7/xii/Zimri-Lim 0
« serment par les dieux »
1 ÙZ
ARM 23 n°324
8/xii/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
2 SILA4
ARM 23 n°503 10/xii/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
4 SILA4.HI.A
ARM 23 n°327 11/xii/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
5 SILA4.HI.A
ARM 23 n°291 12/xii/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
2 SILA4
ARM 21 n°53
13/xii/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
6 SILA4.HI.A
ARM 21 n°55
…/…/Zimri-Lim 0
« traitement » des mâr bârê
5 SILA4.HI.A
ARM 23 n°331 …/…/Zimri-Lim 0 « serment par les dieux »
1 ÙZ
Les textes édités montrent une longue série de dépenses presque journalières à partir du mois x. Grâce à ces données, il est possible de suivre la campagne d’interrogation oraculaire qui semble s’être mise en place au moins au début du mois Bêlet-bîrî (x). Celle-ci continue jusqu’à la moitié du mois Ebûrum (xii), avec une série de serments sur un ou plusieurs jours, avec un intervalle de plus ou moins une quinzaine de jour(s) à
149
SERMENT ET ADMINISTRATION PALATIALE
chaque fois. Pour cette période, nous n’avons pas les textes explicitant le sujet de l’extispicine ni son résultat, ni le cadre d’application des serments. Le nombre si important de prises de présages et la cadence régulière des serments nous donnent un aperçu de l’une des périodes les plus mouvementées pour le pouvoir royal mariote. La mention ana nîš ilî/ilim ne donne aucune information sur la nature ni sur le but de ces serments. La documentation épistolaire des premières années du nouveau roi mentionne directement ou indirectement plusieurs serments aptes à renouer les liens de fidélité avec les chefs nomades et les villes ou les pays voisins. En même temps, d’autres actes juridiques internes au royaume de Mari ont été mis en place pour évaluer des conduites douteuses de fonctionnaires ou serviteurs du roi. La lettre (A.2074) et le protocole (M.5719) cités précédemment laissent apercevoir la délicate situation de réorganisation interne à la prise du pouvoir de Zimri-Lim. Ces mouvements internes et externes destinés à reconstruire le pays face au peuple, aux dignitaires, aux alliés et aux ennemis voient se multiplier le recours au serment dans tous les domaines. Dans cette optique, il semble difficile de retrouver dans les textes comptables le miroir de tel ou tel événement. Ces dépenses peuvent tout de même nous donner d’autres informations utiles pour circonscrire le type de serment en préparation. Si on prend en détail les sept textes qui citent le serment par sacrifice, on peut voir une constante dans la nature de la dépense :
TEXTE
DATE
LIEU
DEPENSE
ARM 23 n°268
16/x/Zimri-Lim 0
-
1 ÙZ
ARM 23 n°285
7/xi/Zimri-Lim 0
Mari
1 ÙZ
ARM 23 n°287
8/xi/Zimri-Lim 0
Mari
1 ÙZ
ARM 23 n°289
9/xi/Zimri-Lim 0
Mari
1 ÙZ
ARM 23 n°311
22/xi/Zimri-Lim 0
Mari
1 ÙZ
ARM 23 n°321
5/xii/Zimri-Lim 0
Mari
1 ÙZ
ARM 23 n°322
7/xii/Zimri-Lim 0
Mari
1 ÙZ
ARM 23 n°331
…/…/Zimri-Lim 0
-
1 ÙZ
Les textes recensent des dépenses de chèvres (une à la fois pour le serment par les dieux). La nature de cette dépense semble exclure de façon nette la possibilité qu’il s’agisse d’un serment diplomatique du roi
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F. NEBIOLO
Zimri-Lim, car, comme le texte A.222641 nous informe, les normes impératives du cérémonial diplomatique concernant le roi de Mari imposaient l’immolation de l’ânon : Yatar-Malik de Šuduhum et Apil-Sin d’Ašnakkum, ainsi que les notables d’Urkiš ont pris leur tête et sont venus, en disant : « Tuons une chèvre et un chiot pour que nous jurions ! » Mais moi, je n’ai pas été d’accord. J’ai dit : « De tout temps, jamais notre seigneur Zimri-Lim n’a tué une chèvre ou un chiot pour jurer. » J’ai acheté moi-même un âne pour de l’argent et j’ai fait tuer un ânon, petit d’une ânesse.
Ibal-El, l’expéditeur de cette lettre, revendique avec force d’avoir fait valoir les coutumes de son seigneur42 dans un rituel aussi important que celui d’un serment, d’autant plus que cela implique l’engagement direct du roi. Pour revenir aux documents comptables : la mention de la typologie d’animal envoyé à l’immolation pour le serment pose problème. J.-M. Durand43 a interprété le texte ARM 23 n°285 comme la trace d’un serment avec les chefs des mâr yamîna. Le choix d’une chèvre reflèterait l’origine nomade du jureur qui s’engage dans le serment d’alliance à l’égard de Zimri-Lim. Ce serment est accompagné par le liptum, forme abrégée du lipit napištim, plutôt que « sacrifice » selon 41 Charpin 1993, p. 182-185 (l. 8-18) : (8) (I)ia-tar-ma-lik LÚ šu-du-hi-im ù a-⸢pil-(d) EN.ZU⸣ (9) [LÚ] aš-na-ak-ki-im ù qa-qa-da-at ur-gi-ìs(ki) (10) [pa-ni]-šu-nu iṣ-ba-tunim-ma il-li-ku-nim (11) [um-ma-m]i ÙZ ⸢ù⸣ mi-ra-nam a-na [za-ka-r]i-ni (12) [i ni-i] q-ṭú-u[l] ù a-na-ku ú-ul [am-gu-ur] (13) [um-ma a-n]a-ku-ma iš-tu pa-na a-di wa-[ar-ka] (14) [ma-ti]-⸢ma⸣ be-el-ni [(I)]zi-im-r[i-li-im] (15) [Ù]Z [ú]-lu-ma mi-ra-nam a-na [za-kari-im ú-ul iq-ṭú-ul] (16) a-na-ku ANŠE a-na KÙ.BABBAR a-ša-[am] (17) ANŠE ha(!)-ara-am DUMU-ru a-ta-n[im ú-ša-aq-ṭì-il] (18) ⸢x x x ANŠE⸣ ha-a-ri-im š[u-…]. Voir aussi : Charpin 2019, p. 188-189. La documentation diplomatique concernant le roi amorrite et les alliances scellées avec les scheichs nomades (Charpin 2019, § 2 et p. 283-290) ou avec les autres rois font toujours allusion au sacrifice de l’ânon (hayaram qaṭâlum) comme symbole de l’engagement de paix et de fraternité, mais surtout comme rituel complémentaire au serment (Lafont 2001, notamment p. 262-271 ; Charpin 2019, p. 51-60 ; Nebiolo (PhD diss.)). Le sacrifice de l’ânon-hayarum est attesté bien au-delà des limites des royaumes amorrites, avec des traces dans toute la Mésopotamie, jusqu’à Ugarit sur la Méditerranée. Au-delà des attestations citées par B. Lafont (ibid.), les attestations du rituel du sacrifice de l’ânon pour sceller une alliance sont aussi présentes au moins dans un texte provenant de Tell Leilan : PIHANS 117 n° 56. Concernant l’interprétation de ce rituel voir notamment Charpin 1990, p. 109-118 ; sur la contestation de cette interprétation par J. Eidem et la dernière réplique de D. Charpin, on renvoie à l’article : Charpin 2016, p. 181-182. 42 À ce sujet voir aussi la lettre A.1056 (Charpin 1993 p. 186). Ibal-El écrit à Sunuhra-halu concernant le serment entre les chefs nomades et l’Ida-Maraṣ à Ašlakka. À cette occasion le fonctionnaire refuse une nouvelle fois d’immoler un bœuf et une chèvre par respect pour son seigneur et il tue un ânon. Le même sujet est repris dans une troisième lettre de Ibal-El (ARM 2 37 = LAPO 16 283) à nouveau adressée à son seigneur. La question des serments avec immolation de chèvres a été abordée aussi par Charpin 2003. 43 Durand 2019, §3, notamment p. 71-110.
SERMENT ET ADMINISTRATION PALATIALE
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l’interprétation de J.-M. Durand. Pour le liptum mentionné dans ARM 23 n°285, il y a la dépense d’un bélier. D. Charpin (1993 ; 2003 ; 2019) et J.-M. Durand (2019) ont souligné que le sacrifice d’autres animaux fait partie des rituels du serment propres à des réalités autres que celle que l’on connaît à Mari. Cependant, il est difficile de concilier l’idée que ces textes comptables attestent les dépenses pour des rituels d’alliance avec le roi de Mari scellés avec le sacrifice d’un ovin, lorsque Ibal-El refuse catégoriquement que ce genre d’animal soit associé à son souverain. Même si d’une part sa défense des coutumes du roi n’est peut-être rien d’autre qu’un cas de déférence excessive (ou « d’auto-propagande » face au roi ?), d’autre part nous n’avons pour l’instant aucune preuve explicite d’une alliance qui impliquerait Zimri-Lim scellée par l’immolation d’un animal autre qu’un ânon. D’ailleurs, il faudrait accepter la réitération de cette infraction aux coutumes dans huit serments d’alliance. Des possibilités alternatives s’ouvrent quand on envisage que le serment accompagné par le sacrifice d’une chèvre ne sert qu’à sceller des rapports internes à l’administration royale. Dans cette hypothèse la dépense de chèvres peut indiquer un serment de prise de fonction d’un serviteur sous le nouveau souverain, ou encore dans un cadre juridique, lors d’une enquête interne sur les abus du personnel dans les mois turbulents de la prise du pouvoir. Dans le premier cas, il est possible que l’immolation de l’ânon ne fût plus indispensable : si la structure des protocoles du serment pour ce genre d’assermentation ne diffère pas des protocoles d’alliance sur la nature de l’engagement, les serments de fidélité d’un serviteur pour sa prise de fonction est univoque et le roi n’est que le patient dans cet acte. Dans l’hypothèse d’une dépense pour une affaire juridique, il est tout à fait possible que les échos des enquêtes sur les appropriations illicites ou d’autres abus de pouvoirs lors du changement de dynastie aient eu pour résultat des actions juridiques tranchées par des serments décisoires44, afin de vérifier les déclarations de l’accusé. Étant des serviteurs ou des fonctionnaires royaux, les dépenses pour les rituels du serment revenaient à la gestion du palais. 44 Le serment décisoire intervient dans le cadre de la procédure probatoire du procès sous deux formes : comme attestation de véridicité des déclarations rendues auparavant par les témoins eux-mêmes, ou comme preuve d’innocence (ou culpabilité) de la partie en cause. Les preuves matérielles, écrites et orales, ne sont d’ailleurs pas toujours suffisantes à la résolution d’une affaire juridique et les textes nous montrent très souvent les juges et parfois les parties du procès elles-mêmes, en condition de demander le recours à des preuves d’ordre immatériel : le serment et, moins couramment, l’ordalie. (Cf. Dombradi 1996 ; Démare-Lafont 1997 et 2008 ; Sallaberger 2015 ; Nebiolo (PhD diss.)).
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F. NEBIOLO
3.2 Les dépenses de farine Aux documents comptables concernant les animaux pour l’immolation on peut ajouter une série de textes qui enregistrent des dépenses de farine-saskûm pour le « serment par le dieu » : ARM 12 n°21
3/ix/Zimri-Lim 3
« serment par le dieu »
2 qa A.TIR
ARM 12 n°46
10/xi/Zimri-Lim 3
« serment par le dieu »
5 qa A.TIR
Les dépenses de cette farine spécifique pour le rituel du serment sont attestées par trois autres textes dont la datation n’est pas certaine : ARM 9 n°168
30/iii/Zimri-Lim -
« serment par le dieu »
4 qa A.TIR
ARM 9 n°218
30(?)/x/Zimri-Lim -
« serment par le dieu »
1 GUR 4 qa
ARM 9 n°213
25/xi/Zimri-Lim -
« serment par le dieu »
3 qa A.TIR
Les informations sur l’utilisation des farines dans un rituel de serment sont très limitées. Les deux farines citées dans les sources, maṣhatum et saskûm (ou sasqûm), sont deux produits utilisés notamment dans les offrandes et on les retrouve utilisées à des fins rituelles dans le « Rituel d’Ištar »45 à Mari et dans le « Rituel du devin »46. La seconde, de qualité supérieure à la première, pouvait être employée aussi à la table royale, au moins à l’époque paléo-babylonienne47. La farine-maṣhatum était utilisée dans les rituels de serment lors des procès. En revanche nous n’avons pas, pour l’instant, d’attestation de farine-saskûm dans un contexte juridique mais seulement dans un contexte diplomatique48. Le choix de cette farine particulière pour « le serment par le dieu » peut suggérer un rituel d’alliance tel que ceux mentionnés dans la documentation épistolaire. Cette hypothèse avait déjà été avancée par J.-R. Kupper49 et reprise par D. Lacambre50. Ce dernier soulignait le parallélisme chronologique entre les textes comptables de ARM 12 et la période de la Fête d’Ištar. Il s’agit d’un moment très important pour le
45 46 47 48 49 50
Cf. Durand & Guichard 1997, p. 53-58. Cf. YOS 11 n°23 et Starr 1983. Cf. CAD/S, p. 193-194. Charpin 1990, p. 109-118. Kupper 2001, p. 38. Lacambre 2002, p. 3-4.
SERMENT ET ADMINISTRATION PALATIALE
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royaume de Mari, notamment pour renouer les liens diplomatiques51. Les sorties de « farine-saskûm pour le serment par le dieu » auraient servi pour deux serments d’alliance des dignitaires réunis lors de cette Fête ou pour l’intronisation de l’un eux. En analysant les textes du point de vue chronologique, seulement ARM 12 21 enregistre une dépense lors de la Fête d’Ištar52, le 3/ix. ARM 12 46 est daté du 10/xi et les trois textes de ARM 9 sont daté des mois iii, x et xi. En revanche, ces dates pourraient bien s’insérer dans le cadre d’autres célébrations du calendrier du culte mariote : la Fête de Deritum (x/xi)53 et les fêtes de lahhum (iii)54. Il est possible que des serments d’ordre diplomatique aient pu être programmés en corrélation avec le calendrier cultuel. CONCLUSION Comme nous l’avons vu, les données textuelles concernant le serment relatif à l’administration palatiale sont riches d’informations sur la population sujette au serment et sur les devoirs majeurs sur lesquels se fondaient les serments des personnes chargées d’une fonction administrative ou liées de quelque manière au palais. La gestion du personnel du palais tout comme des fonctionnaires du roi passe à travers une procédure d’assermentation précise qui consiste dans une interrogation oraculaire et un rituel de serment selon un protocole adapté aux différentes classes des jureurs. Des serments plus spécifiques d’ordre administratif peuvent s’ajouter lors d’une affectation particulièrement sensible. La protection
51
Durand & Guichard 1997. Une nouvelle traduction du rituel d’Ištar a été publiée dans FM 9 (Ziegler 2007, p. 55-64). Le déroulement de cette fête n’est pas connu dans tous les détails mais les moments clés étaient « l’entrée d’Ištar » dans le palais et la fête dans le verger du roi. Au niveau politique et diplomatique cette célébration assumait un rôle essentiel dans les rapports avec les rois, les vassaux et les dignitaires proches qui déposaient leurs présents au roi. 52 La Fête d’Ištar se déroule sur plusieurs jours, de la fin du mois viii au début du mois ix de chaque année. Les dignitaires, alliés et vassaux étaient invités à prendre part aux célébrations, et c’est à cette époque qu’on dresse des récapitulatifs des taxes et des présents apportés aux roi (Cf. Chambon & Guichard 2019, p. 238-239). La date ne semble pas être vraiment stable. A. Jacquet (2008 et 2011) en a désormais établi le calendrier signalant l’oscillation de la date de l’entrée d’Ištar entre le 30/viii et le 1/ix sous Zimri-Lim (voir aussi : Chambon & Guichard 2019, p. 239 n. 45). 53 Jacquet 2011, p. 23-24. 54 Jacquet 2011, p. 46 et 167-168.
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des biens du palais et la réaffirmation du devoir d’honnêteté semblent l’un des soucis majeurs de la royauté mésopotamienne. En revanche, les sources à disposition sont pauvres d’indications directes sur le rituel du serment en lui-même. Néanmoins, c’est seulement grâce à la documentation comptable issue des archives royales de Mari qu’on a pu retrouver trace de serments par le/s dieu/x avec l’immolation d’une chèvre à la place de l’ânon. D’après le sources épistolaires, l’immolation de chèvres semble être incompatible avec la royauté mariote, même si elle est attestée pour d’autres régions dans un contexte diplomatique. Les rituels de serment, notamment ceux de fidélité ou diplomatiques, étaient complétés par l’immolation d’un animal. Nous avons plusieurs attestations du sacrifice de l’ânon pour les traités entre rois mais en ce qui concerne l’assermentation des fonctionnaires, des serviteurs du palais ou de la population du royaume, nous ne connaissons pas le déroulement complet du rituel. En revanche, la structure de ces protocoles de serment est très proche de celle des protocoles d’ordre diplomatique. La documentation comptable nous permet d’avancer l’hypothèse que les dépenses de chèvres pour le nîš ilânî servent aux rituels d’immolation lors de la prise de serment d’un ou plusieurs fonctionnaires. On sait que ces derniers devaient jurer au début du règne de Zimri-Lim. Ils auraient prêté le serment de fidélité de façon similaire à celui de Sumu-hadu55 avec un sacrifice de chèvres afin de compléter le rituel. Quoi qu’il en soit, ces dépenses obligent à considérer des variations du rituel du serment en relation au jureur, à la typologie du serment ou peut-être au rôle du roi de Mari lui-même. La documentation comptable et administrative joue un rôle essentiel afin de reconstruire le contexte des événements et leur succession. Le travail conjoint avec la documentation épistolaire permet donc d’éclairer le cadre historique et de faire avancer notre compréhension des pratiques rituelles et diplomatiques liées au serment et à son domaine d’action.
55
Durand 1991, p. 26-27 (M.6182).
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ROYAL COURT ON A VISIT TO THEBES: PALACE OFFICIALS AND LOCAL HOSTS IN PAPYRUS BOULAQ 18 Alexander ILIN-TOMICH*
Papyrus Boulaq 18 is an ancient Egyptian account book from the midThirteenth Dynasty (18th century BC). This hieratic document was found in 1860 in the Theban necropolis at the Ramesseum in the tomb of the scribe of the great enclosure Neferhotep (Miniaci & Quirke 2008; Miniaci & Quirke 2009). An official with the same name and titles figures in one of the documents on the papyrus and it is assumed that it was the same person (Franke 1984, no. 319). The papyrus contains two documents written by two different hands. This paper will focus on the more comprehensible larger manuscript of papyrus Boulaq 18 (Scharff 1922). The so-called smaller manuscript of papyrus Boulaq 18 records people and goods entering and leaving a large estate. As established through indirect evidence by Oleg Berlev, the document most likely concerns the Theban estate of the well-known vizier Ankhu (Berlev 1962; Quirke 1990, 196-197). The larger manuscript also records people coming and leaving, goods received and issued, but these records concern a more important economic entity, and among the recipients of the foodstuff figure the members of the royal family including the king’s wife, royal children, and numerous royal siblings. The document also mentions a king, whose name is unintelligible. Thus, the economic entity, to which the document pertained, was a palace where the king and the royal family resided. The papyrus was found near Thebes and its contents explicitly indicate a Theban setting (like in section 44,1 which mentions the Nubian warriors “Medjay, who have reached the Southern City…”). This is also implied by the records of trips to Medamud, a sanctuary of Montu eight kilometers northeast of Thebes (in sections 6 and 22). *
Institute of Oriental Studies, Russian Academy of Sciences. This research was supported by the Russian Foundation for Humanities (project no. 14-21-17004). The paper was submitted in 2015; the 2019 edition of the papyrus by Allam could not be taken into account. 1 Cited after Scharff 1922.
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On the balance of available evidence, the royal residence during this period was located at Itjtawy, a settlement in the entrance to the Faiyum oasis, established 450 kilometers north of Thebes by the founder of the Twelfth Dynasty Amenemhat I. One of the sections of papyrus Boulaq 18 (section 14) mentions sending an official to the royal residence (ẖnw), which implies that the residence was indeed located elsewhere and rules out the possibility that some king relocated the main residence to Thebes.2 Thus, the students of papyrus Boulaq 18 — Oleg Berlev, Anthony Spalinger, and Stephen Quirke — agree that it likely documents an extraordinary situation — the temporary stay of the royal court at Thebes (Berlev 1962; Quirke 1990, 22; Spalinger 1985). The objective of this visit could have been associated with the temple of Montu at Medamoud, mentioned several times in the papyrus. The excavations at the temple of Medamoud have revealed major additions and improvements by several kings of the Thirteenth Dynasty (Eder 2002, 81-131). Previous scholars used papyrus Boulaq 18 to reconstruct the structure of the royal court (Quirke 1990; Grajetzki, 2006, 159), for it is the only preserved document supposedly enumerating the members of the royal entourage from the first half of the Second Millennium BC. Here is one nuance, which has not been previously addressed. As the papyrus documents the royal court during a visit to Thebes, it can be surmised that it gives an account of a mixed contingent of officials: those who followed the king from the royal residence and the high officials of the Theban administration. Local officials were not inherent to the royal court and they should not be taken into account when one attempts to study the royal entourage based on papyrus Boulaq 18. Hence, a thorough study of the possible origin of the officials figuring in the document is necessary. First, the contents of the document shall be briefly outlined. The larger manuscript of papyrus Boulaq 18 preserves entries for days in the third regnal year of a king, whose name is destroyed. The early- to midThirteenth Dynasty date can be deduced from the mention of the vizier Ankhu, who was a contemporary of the king Khendjer and several subsequent rulers. The records were kept on a daily basis. The accounts concern raw and processed food, and valuables such as incense and cosmetic products. A daily entry in the papyrus includes copies of orders or reports concerning supplies and expenditures. Each daily record is concluded with a day 2 One may still suggest that there was a permanent second royal residence at Thebes (Grajetzki 2009, 111, 261).
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summary account, which sums up all the daily income and expenditure. Among income records there are standing orders for the daily supply of the palace from different sources. Expenditure records include orders for everyday supply of certain groups of people as well as singular acts of withdrawal of goods from the storerooms. The royal court had to rely on local food-producers. The principal suppliers of the royal court were three major economic structures: the sector of the Southern Upper Egypt (wꜤrt tp-rsj), the bureau of issuing people (ḫꜢ n dd rmṯ) and the treasury (pr-ḥḏ). These bureaux had their food processing facilities at Thebes that could be mobilized for the royal court. The facilities of the temple of Amun were also employed (as in sections 12, 25, 41, 58), either because the food for the king had to be produced under the same conditions as the god’s food, as Stephen Quirke (1999, 69) suggests, or because the capacity of other structures was not sufficient. This food was redistributed to the cupbearers of the Outer Palace (ḫntj), the provisioning sector (šnꜤ) supplying the house of nurses, and provisioning sectors supplying ordinary visitors. The house of nurses was responsible for providing food to all women including wives, mothers, sisters, and children of officials (section 18). Most accounts concern with people receiving rewards and participating in festive meals. The document mentions 209 persons including the members of the royal family, officials, and their relatives. The total number of male officials is 140. Some of them occur repeatedly in different accounts, while most are attested only once or twice. Unlike most other preserved Egyptian administrative documents, the data from Boulaq 18 may be directly juxtaposed with epigraphic evidence owing to the interplay of two factors. On the one hand, people figuring in its lists belong to the upper class of Egyptian society (whereas a number of other economic papyri of the Middle Kingdom list workmen), and on the other, the Late Middle Kingdom was the heyday in the production of memorial monuments for mid- and top-ranking officials. Hence, chances are high to meet some of the persons figuring in the feast lists of Boulaq 18 among the owners of preserved stelae and statues of that period. And indeed several officials mentioned in the papyrus are also likely known from the monuments they set up at the votive zone of Abydos or at Thebes. Among them are the vizier Ankhu (Franke 1984, no. 173), the mouth of Nekhen Titi (Franke 1984, no. 730), the great steward Aabmai (Franke 1984, no. 167 or Aabni, UC 80200 and Garstang Mus. E.32), and the elder of the portal Montunakht (Franke 1984, no. 260).
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The origin of officials can be deduced from their names and titles. Judging from the historical context of the papyrus, most officials should belong to one of the two groups: the palace officials, who followed the kings on his trip from the residence of Itjtawy to Thebes, and local officials, who host the royal court and assist in carrying out the mission at Medamoud. One has to label each official as belonging to one of the two groups and to analyze these groups as a whole. The author’s previous research on region-specific personal names in Late Middle Kingdom Egypt has allowed defining a number of personal names pertaining either to the Memphite area including the royal residence Itjtawy (or the wider Northern Upper Egypt and Lower Egypt) or to the Theban region (or the wider Southern Upper Egypt). This resulted from a survey of about four thousand personal names in 861 Late Twelfth and Thirteenth Dynasty sources attributable to any region through direct or indirect indices. Such names can be used as indicators of the origin of officials (Ilin-Tomich 2012).3 Further analysis of documents attributable to Thebes on the basis of personal names has allowed to pinpoint certain administrative titles attested predominantly in Southern Upper Egypt and absent from the northern sources, and vice versa (Ilin-Tomich 2015). Among the titles used predominantly in Theban and Upper Egyptian administration were the three unspecific titles “chief of tens of Upper Egypt,” “sab, mouth of Nekhen,” “elder of the portal,” diverse administrative titles such as “director of the broad court,” “master of the tm,” “scribe of the nome,” and several security and naval offices, primarily “security official estate guard” and “treasury captain.” Among the titles used predominantly by officials and servants at the royal residence and absent from the Theban sources are numerous titles referring to different parts of the palace. Attached to the palace were also the officials bearing the title “interior overseer”; whereas they were often used for royal missions to distant areas they are almost never attested in the regional administration. Here also belongs the numerous staff of the provisioning sector: people responsible for storage and preparation of foods for the royal family and courtiers. One may apply these results for the study of papyrus Boulaq 18. Among 209 persons mentioned in the papyrus, 16 people bear characteristic Theban and Southern Upper Egyptian names (Table 1), and five persons bear names characteristic of the Memphite region or the wider Northern Upper Egypt and Lower Egypt (Table 2). The origin of these persons suggested by their names is generally in line with their titles. 3 A more detailed account of this study was subsequently presented in the present author’s book “From Workshop to Sanctuary: The Production of Late Middle Kingdom Memorial Stelae.”
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Among the officials with Theban names (Table 1), four bear the title “chief of tens of Upper Egypt” virtually unattested outside the Southern Upper Egypt (Ilin-Tomich 2015) and other officials bear the titles well represented in the Theban administration: “reporter,” “controller of scribes,” and “scribe of the great enclosure” (Ilin-Tomich 2015). The rest of these persons bear titles of more general use, all attested in Thebes according to the epigraphic evidence. Only the title “general” is uncommon for Thebes suggesting that this was probably a court official despite his Upper Egyptian name. Of the five persons bearing northern names (Table 2), three bear titles that are best represented in sources from the Memphis-Faiyum region and rarely occur in Southern Upper Egypt (“scribe of the Outer Palace,” “interior-overseer of the Inner Palace,” “chamber-keeper of the watchmen”). Only one title is markedly Southern Upper Egyptian (“elder of the portal”). Table 1. Bearers of Theban and Southern Upper Egyptian epichoric names in papyrus Boulaq 18. Section 60
Title wr mḏw šmꜤw “chief of tens of Upper Egypt”
Name Siamun
74
wr mḏw šmꜤw “chief of tens of Upper Egypt”
Senebmiiu-Iaib
11
wr mḏw šmꜤw “chief of tens of Upper Egypt”
Senebankhef
11, 27, 38
wr mḏw šmꜤw “chief of tens of Upper Egypt”
Dedusobek
11, 60
sš n ḫnrt wr “scribe of the great enclosure”
Ibia
11, 27
sḥḏ sšw “controller of scribes”
Neferhotep
74
wḥmw “reporter”
Yuya
11, 22, 55, 60, 74
sš Ꜥ n nsw n ḫft-ḥr “scribe of royal documents of the Presence”
Yuya
36
Ꜣṯw ꜤꜢ n njwt “commander-in-chief of the city regiment”
Yuya
60
Ꜣṯw ꜤꜢ n njwt “commander-in-chief of the city regiment”
Qeni, son of Siamun
74
Ꜣṯw ꜤꜢ n njwt “commander-in-chief of the city regiment”
Neferhotep
11, 60, 74
Ꜣṯw n ṯt ḥqꜢ “commander of the crew of the ruler”
Siamun
60, 76
sḥḏ šmsw “controller of the guards”
Dedusobek
75
sḫm-Ꜥ “powerful arm”
Yuya
11, 60, 74
jmj-rꜢ qnw “overseer of braves”
Siamun
11, 55, 60, 74
jmj-rꜢ mšꜤ “general”
Ibia
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The overview of evidence derived from personal names suggests that the majority of persons mentioned in the papyrus were local official and only a small group of people accompanied the king on his route from Itjtawy to Thebes. This impression is reinforced by administrative titles. Table 2. Bearers of Memphite, Northern Upper Egyptian, and Lower Egyptian epichoric names in papyrus Boulaq 18. Section 1, 11, 38
Title Ꜥt
4
Name Senbi
1, 11, 38, 60, 74 smsw hꜢjjt “elder of the portal”
Senbi
27, 71
Senbi
sš n ḫntj “scribe of the Outer Palace”
1, 11, 12, 22, 48 jmj-rꜢ Ꜥẖnwtj n kꜢp “interior-overseer of the Inner Palace” 45
Keki
jrj-Ꜥt n wršw “chamber-keeper of the watchmen” Keki
LOCAL OFFICIALS The most common titles among the officials figuring in the papyrus betray their Theban origin: the four best-represented titles (“chief of tens of Upper Egypt,” “security official estate guard,” “elder of the portal,” and “scribe of the great enclosure”) are those used only in the administration of Thebes and the wider Southern Upper Egypt. Further Theban titles occurring in the papyrus are “bowman” and “mouth of Nekhen.” Stephen Quirke outlined several clusters of officials that occur grouped together in different lists of papyrus Boulaq 18 (Quirke 1990, 74-84). One of such lists (Quirke’s block 3) includes a reporter, a great scribe of the vizier, and a controller of scribes. These offices were among the topmost offices in the Late Middle Kingdom administration of Thebes (Ilin-Tomich 2015), however since these titles are well attested in other regions, some external evidence is required to consider these officials named in the papyrus Boulaq 18 to be local. Their co-presence in one cluster with a chief of tens of Upper Egypt provides one supporting point. Another point is provided by the occurrence of the great scribe of the vizier Resseneb in this cluster; this official also occurs in the smaller manuscript of Papyrus Boulaq 18 (Quirke 1990, 196-197), which makes his Theban affiliation more than likely. Lastly, one of the reporters holds the local name Yuya and one of the controllers of scribes — the Upper 4
For this obscure designation, see Quirke 1990, 89-90.
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Egyptian name Neferhotep. Hence, it is likely that all members of Quirke’s block 3 were high Theban officials. One may suggest that beside the abovementioned great scribe of the vizier another scribe of a high official of the central administration attested in the papyrus could also be a Theban official, namely the great scribe of the treasurer Neferhotep. The Theban origin is suggested by his name, and the holder of the same title is attested on one Theban stela (Chiddingstone EDECC:01.2882). It is also likely that most security officials appearing in papyrus Boulaq 18 were locals. This primarily concerns the commanders of the city regiment. Out of seven holders of this title in the papyrus, three bear characteristic Theban names. The accounts of papyrus Boulaq 18 record provisions not only for officials, but also for a number of their female relatives and children (Quirke 1990, 90-94). While female recipients are listed separately from male, their kinsmen may in some cases be decisively identified among the officials figuring in the accounts. In other cases their kinsmen, who are referred to only by name, may be equated with one of the several namesake officials. The four officials unequivocally identifiable with their family members were all Thebans, as suggested by their titles (“security official estate guard,” “elder of the portal,” “the mouth of Nekhen,” “chief of tens of Upper Egypt”). Not a single official among the possible kinsmen of mentioned females bears a title excluding his Theban affiliation. This evidence can be interpreted in two ways. On the one hand, as Theban officials are by far the most numerous group of officials in these accounts, it is logical that they dominate the group of officials with families either. On the other hand, it seems likely that officials from Itjtawy were not travelling with their families; hence, all officials whose family members are mentioned were Thebans. THE OFFICIALS FROM THE RESIDENCE Among the people who came from the Northern residence should be those bearing the following titles: “interior-overseer of the Inner Palace,” “chamber-keeper of the watchmen,” “scribe of the Outer Palace,” and “cup-bearer of the Outer Palace.” These titles were common in the Memphis-Faiyum region and almost completely unattested in Theban documentation. The three former titles were borne by persons with characteristic Memphite names (Table 2).
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It turns out that in the document, which was long considered a register of palace officials, only a few officials were indeed courtiers from the royal residence who arrived to Thebes with the king. However, these officials play the most prominent role in the papyrus. They are not just inarticulate recipients of the royal donations, but they were given orders for the redistribution of goods. The two officials most often referred to in the accounts of papyrus Boulaq 18 were the interior-overseers of the Inner Palace Renefemib and Keki. Renefemib was responsible for the orders concerning fooddonations and Keki was twice sent to Medamoud with some missions. Judging from the contemporary epigraphic sources, the interior-overseers of the Inner Palace were often participating in diverse royal expeditions sent to Nubia or to Sinai. Otherwise, they are attested in sources pertaining to the royal residence. As demonstrated by Oleg Berlev, the title “chamber-keeper of the watchmen” was used exclusively by the employees of the royal palace (Berlev 1978, 258). These officials were controlling the people entering and leaving the palace. Two such chamber-keepers of the watchmen are attested in papyrus Boulaq 18, and one of them bears a characteristic Memphite name. Out of 14 attestations of the title in contemporary epigraphic sources, 10 are attributable to the royal residence based on other administrative titles, artistic style, or personal names. Stephen Quirke (1990, 73-84) attempted to divide the officials figuring in the papyrus into two groups: those belonging to the Inner Palace and those belonging to the Outer Palace. The division into Theban and court officials appears more fundamental and challenges the interpretation of the papyrus by Quirke and other scholars. Altogether a half of 140 officials may be attributed to Thebes based on their names or titles, and only six may be securely attributed to the Memphis region.
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ARCHIVES ET PRATIQUES LOCALES
GASUR IN THE THIRD MILLENNIUM Ekaterina MARKINA*
The paper presented below is an attempt at providing a brief outline of the history of Gasur (mod. Yorghan Tepe) in the 3rd millennium. The site, in Iraqi Kurdistan, 16 km southwest of Kirkuk, is better known under its later name Nuzi, a Late Bronze Age city under Mitannian rule, famous for its rich archives dated between c. 1400 and c. 1300 BC. Our sources for earlier phases of occupation at the site (then called Gasur) are, however, much more modest. Archaeological evidence shows that the main mound at Yorghan Tepe was occupied more or less continuously from Ubaid to Middle Assyrian.1 Unfortunately, in terms of textual evidence, this lengthy period is documented rather poorly. What follows is an attempt at tracing the history of the site in the pre-Nuzi period as reflected in written sources, which mostly belong to the 3rd millennium BC. Most of what we know about Gasur in this period is based on the information that can be gleaned from the corpus of Sargonic administrative texts excavated at the site itself in the late 1920s–early 1930s. These documents received much scholarly attention in various aspects,2 but they have neither been edited, nor studied in detail.3 Before turning to the Gasur texts, however, a number of other third millennium texts of varied provenance that mention Gasur need to be discussed. These documents have never been studied together, although they provide valuable information pertaining to Gasur’s relations with its close and distant neighbors and to its position among them. This small corpus of Early Dynastic and Sargonic texts consists of a handful of administrative records and two inscriptions:
*
HSE University. The paper covers the literature up to 2017. Stein 1998-2001, 641. 2 For Gasur letters see Kienast & Volk 1995, 180-190. Gasur school tablets are discussed in Westenholz 1974, 95-110. Some aspects of Gasur economy are treated in Foster 1982a-c and Foster 1987. 3 An up-to-date edition of Gasur material is being prepared by the author on the basis of her PhD thesis “Gasur in the Sargonic Period” (in Russian). 1
172 Date4
E. MARKINA
Administrative records
Inscriptions
ED
1. (75.G.1945) 2. (76.G.199+169+175)
(Ebla) (Ebla)
–
ED/ES
3. CUSAS 26, 80
(Adab)
–
ES
4. CUSAS 23, 90
(Adab)
–
CS
5. BIN 8, 214 6. MC 4, 24
(Sagub) (Umma)
1. RIME 2.5.1.1 (Nagar)
uncert.
2. RIMA 0.1001 (Aššur)
1. GASUR IN THE EBLAITE SOURCES? The earliest documents on the list above (nos. 1-2) stem from Ebla. Both of them mention a place called Ga-su-luki / Ga-su-ru12ki which might be identical with Gasur known to us from the Sargonic sources.5 This toponym has multiple attestations in the Eblaite texts, but, as convincingly argued by Biga (2014, 95-96), a possible connection of Ga-su-lu/ru12ki with Gasur suggests itself only in the two following instances. The first of the texts under study (75.G.1945) was written in the last years of the Ebla archives. It records the issue of sheep to the messengers from Nagar, Kiš and Ga-su-ru12ki: 6 udu gu7 kas4-kas4 Na-gàrki 6 udu gu7 kas4-kas4 Kiški 4 udu gu7 kas4-kas4 Ga-su-ru12ki (Obv. xi 11-21). The second one (76.G.199+169+175, unp.) mentions the city of Ga-su-luki again in connection to Kiš and Nagar (rev. ii 7). This text is unpublished and briefly discussed by Biga (op. cit.) who interprets it as a report of the vizier Ibbi-zikir to the king about some military affairs that involve Kiš, Nagar and Armi.6 It is likely that the Eblaite Ga-su-luki / Ga-su-ru12ki indeed refers to Gasur known to us from the Sargonic sources because the city is known to have been closely connected to Nagar: a clay bulla excavated at Tell Brak, which bears a seal of a governor of Gasur named Yitbe-labba (RIME 2.5.1.1) may serve as a proof of this. 4 In this chart ED stands for the Early Dynastic period, whereas ES and CS refer to the Early and Classical phases of the Sargonic period respectively. 5 A similar toponym spelled Ga-surx(ḪI×MAŠ)ki in the Ebla sources will not be discussed here. As convincingly argued by Bonechi (1991), it likely refers to a namesake town in the region between Mari and Ebla and is therefore of no significance for the pertinent discussion. 6 This may be a reference to one of the last Eblaite military campaigns, the one directed against Armi, in which Nagar and Kiš were allied with Ebla (see Biga 2014, 95).
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If Ga-su-lu/ru12ki is indeed to be identified with Gasur, it should be assumed that 1) the Eblaite rulers considered Gasur important enough for the Eblaite kingdom to keep a connection with; 2) the city’s relationship with Nagar may go back to Early Dynastic times. 2. GASUR IN THE SARGONIC SOURCES 2.1. Adab Documents nos. 3 and 4 on the list above both stem from Adab and mention Gasur as the destination point for cargo boats loaded with grain and semolina. As the shape of the tablets and their palaeography suggest, they belong to the very beginning of the Sargonic period. In case of CUSAS 26, 80 one can even suggest an earlier date due to the mention of Di-dUtu nubanda (ii 5-6).7 This official was active under Meskigala, the ensi of Adab, whose long career was ended by Rīmuš.8 Since Meskigala is first attested with this title in times of Lugalzagesi, the text could as well have an earlier date and belong to the latest phase of the Early Dynastic period. The same considerations are applicable to CUSAS 23, 90. This text may belong to the Di-dUtu corpus (and hence to the time when Meskigala ruled Adab): one of the Di-dUtu texts9 mentions a certain Lugal-nígpara10-du10, who is likely identical with the namesake trader attested in CUSAS 23, 90. 2.2. Sagub The text BIN 8 214 (no. 5 on the list) stems from the Mesag archive and belongs to the Classical phase of the Sargonic period. It records semolina rations issued to the princes (dumu-lugal-me) and Lugal-ušumgal, who is most probably to be identified as the namesake ensi of Lagaš under Narām-Suen and Šar-kali-šarrē (Obv. 8 and Rev. 2). The text also records the expenditure of bread to the people from Uruk (lú Unuki-me, Obv. 2), as well as to a man from Umma (lú Ummaki, Obv. 4) and a man from Gasur (lú Ga-súrki, Obv. 6) who probably accompanied the princes during their visit to the Mesag estate. The identity and role of these people, however, remain unknown. 7 8 9
See Visicato & Westenholz 2010, 3. Ibid. 2-3. TCBI I, 189 i ll. 1 and 7-8.
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2.3. Umma The “man of Gasur” (lú Ga-súrki, Obv. 5) is also mentioned in a damaged mu-iti text from Umma (no. 6; MC 4, 24). It records beer and bread rations, most probably travel provisions to state officials and their dependents. The “man of Gasur” is not the only notable recipient here: in Obv. 15-18 a group of people from Lagaš is invoked, while in Rev. 9 a general (šagina) occurs, along with persons related to him such as his brother (šeš šagina, Obv. 10) and his secretary (sukkal šagina, Obv. 11). The presence of state officials and representatives of various cities (including the “man of Gasur”) — just like in no. 5 — may suggest a connection between these texts. Both originated in the same region and around the same time, so there is a chance that they may pertain to the same event (one may speculate whether this event was a Sargonic royal voyage). The evidence provided by the Sargonic texts presented above may be summed up as follows: 1) Gasur was in contact with the cities of Sumer (notably Adab) already at the beginning of the Sargonic period (if not earlier); 2) In the Classical phase of the Sargonic period Gasur was important enough to have its representative within the royal retinue (as at least text no. 5 suggests). The city’s importance was most probably due to its major contribution to the economy of the Zab region, which lay some 120-130 km from the Sargonic capital Akkade.10 3. SARGONIC TEXTS FROM GASUR The Gasur archive represents the bulk of our evidence for the city’s life in the 3rd millennium. Its dating to the Classical phase of the Sargonic period is based on physical appearance of the tablets (format and script) as well as on the internal textual data that sets the archive into NarāmSuen’s reign. Our most important pieces of evidence in this respect are the reference to Narām-Suen’s daughter Tuṭṭanābśum in a school exercise11 and a date formula, damaged, but potentially linkable to this king.12 10 Sommerfeld 2014, 174. For Gasur texts as an important source of data pertaining to the location of Akkade see ibid. 165-170. 11 HSS 10, 218 Rev. 3. 12 HSS 10, 37+38 iii 1ˊ, see Markina 2011, 205, note 23. The attribution of this date formula to Narām-Suen seems likely because syllabic spellings of nêrum ‘to conquer’ have
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As published by Meek in 1935, the archive consisted of 222 texts and fragments. Since then several joins have been found, so the total number of tablets reduced to 213.13 The corpus includes eleven letters, three legal documents, eight school tablets and three miscellaneous items (the famous map, a building plan and an inscribed and sealed clay bulla). The rest of the documents are economic records that mainly deal with land management and agriculture in Gasur and its surrounding towns. The institution that produced these texts controlled both production and distribution of the yield and hence may be vaguely labeled an ‘agricultural office.’ The production phase included the assignment of measured land parcels, the distribution of seeding grain at a ratio of 60 sila per iku,14 the harvesting of grain and its delivery to the threshing floor for further processing. A group of people termed engar (‘cultivator’) is frequently mentioned in texts pertaining to the production phase as a link between the office headquarters and the farmers who work the land. The engars are in charge of supplying the farmers with the means of production (draught animals, tools (i.e. sickles) and seeding grain). In addition to this, at least some of the engars are attested as ugulas (‘overseers’) in charge of menial workforce (sagapin).15 In addition to the agricultural work (for which they received resources and manpower) the engars are also attested in connection to grain processing: in some texts they are associated with considerable amounts of barley grits (níg-àr-ra).16 One text explicitly mentions some of them as people responsible for grinding.17 As reward for their services, the engars (occasionally?) received small cattle,18 textiles19 and silver.20 Most importantly, the engars of Gasur were associated with specific amounts of grain called še šu-KADx-RI-a. Both the etymology of the term and its exact meaning are obscure.21 Outside the Gasur corpus it is only
so far been attested only in his inscriptions and date formulae (cf. Kienast & Sommerfeld 1994, 257-259). 13 Some of these joins are published in Markina 2011. Joins found since then will be treated in a forthcoming edition of the Gasur archive based on the author’s PhD. 14 Regardless of the cereal crop type which could be barley, wheat or emmer. 15 HSS 10, 188. 16 HSS 10, 155 i 1-ii 5. 17 HSS 10, 132. 18 HSS 10, 179. 19 HSS 10, 167. 20 HSS 10, 161. 21 Cf., however, Ellis 1976, 90, who links this term to Akk. šibšu denoting an agricultural tax.
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found once, in Sargonic Adab, which suggests that this phenomenon was not a local feature.22 As the Gasur texts show, the term še šu-KADx-RI-a could be applied to both incoming23 and outgoing24 grain. The local households associated with engars are mentioned as the only source of še šu-KADx-RI-a in the Gasur corpus.25 The grain was usually received by the scribe, who worked for the agricultural office.26 After that it could be spent on various purposes, e.g. to be given out as seeding grain,27 to be used for raw rations28 or to be handed over to trading agents (probably as merchandise).29 Since the engars were associated with both production and consumption of še šu-KADx-RI-a, they had to keep balanced accounts.30 The cadaster office also kept track of the expended še šu-KADx-RI-a in form of spreadsheets.31 All this suggests that še šu-KADx-RI-a was the part of the institutional income that was used by the office to keep the system running. After all the expenses were covered, the surplus of še šu-KADx-RI-a could be sold by the merchants, who worked in cooperation with the office. There’s not much evidence pertaining to the internal structure of the Gasur agricultural office. It is clear that Zuzu, the land registrar, was one of its key officials: one document even calls him sag-sug5 šu Za-bi-im,32 which is likely to be understood as ‘the land registrar / cadaster official of the Zab region.’ If this interpretation is correct and his area of responsibility indeed included the whole area adjacent to the Lower Zāb, it could explain his activities outside Gasur.33 The scribe Ilī is also an official of considerable importance. Not only he is mentioned in connection to the šu-KADx-RI-a system, which, as we saw, was an important administrative device, but he is also the addressee of the majority of the Gasur letters. As one of them suggests,34 he was the person to whom engars, the local representatives of the agricultural office, could turn to with their requests. 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 34
Yang Zhi 1989, no. A 712 r. 8. E.g. HSS 10, 47. E.g. HSS 10, 41 and 39. E.g. HSS 10, 45. HSS 10, 45 and 47. HSS 10, 39. HSS 10, 41. HSS 10, 42. E.g. HSS 10, 46. HSS 10, 80+153. HSS 10, 175 iv 3-6. Cf. e.g. HSS 10, 14. Kienast & Volk 1995, 182-183 (Ga 3).
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The sender of the letter in question — Dada — is also the author of probably the most famous of Gasur letters which mentions a royal visit to Gasur.35 This Dada is likely attested in connection with the issue of rations to the king and his servants (LIBIR-ù).36 Sargonic royal visits are documented in texts from Girsu, Umma, Adab, Nippur and Awal.37 Rich documentation pertaining to them records huge amounts of assorted foods being issued to the king and to the members of the royal family, as well as to the retinue of state officials. Compared to this, Gasur evidence looks rather modest and merely suggests that the king (most probably Narām-Suen) visited the city briefly, possibly just stopped there in the course of a military campaign.38 Dada, a person important enough to command the scribe of the agricultural office, must have resided outside Gasur: we encounter him only in letters to Ilī and in documents dealing with the royal visit. In addition to that, in one of the letters he demands a person to come to him using a form of elûm ‘to go up’ instead of the neutral alākum ‘to go’. Visicato proposed the identification of Dada with a namesake grandson of the king attested in HSS 10, 109,39 which seems likely, especially in view of Gasur’s connection to the royal house. This is indicated by several attestations of royal servants (arád lugal40 / géme lugal41) and royal soldiers (geštukul lugal)42 in the Gasur texts (mostly as recipients of rations). Also, a term éš.gàr lugal (‘a royal work assignment’) is found twice in the archive.43 In other Sargonic documents the term éš.gàr (without lugal) is attested mainly in context of plowing.44 In Gasur, however, it is only used in connection with grain, which probably implies that the grain was to be processed on behalf of the crown. As we have seen, Gasur agricultural office indeed had to deal with matters pertaining to the royal house, such as providing royal servants with rations or supplying the king and his men with food. On two occasions it had to perform actions on royal demand (éš.gàr lugal). This suggests that there indeed was a close cooperation between Gasur and 35 36 37 38 39 40 41 42 43 44
Kienast & Volk 1995, 190 (Ga 1). HSS 10, 134. See Foster 1980 and Visicato 2001. See Visicato 2001, 472. Ibid. 470. HSS 10, 32 Obv. 3; HSS 10, 66 Rev. 8; HSS 10, 201 Rev. 2 and HSS 10, 208 Obv. 5. HSS 10, 137 Obv. 5. HSS 10, 81 Obv. 4ˊ and HSS 10, 176 Obv. 11. HSS 10, 64 Obv. 3 and HSS 10, 132 Rev. 8ˊ. Cf. BIN 8, 144.
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the royal administration. However, it should be kept in mind that Sargonic textual evidence for Gasur mostly pertains to the activities of the agricultural office. We barely know about other offices that might have existed in Gasur at the time and the way they were managed.45 The same is probably true about the local administration as a whole, but the evidence we have from the texts is too scarce. The ensi of Gasur is attested in the corpus several times.46 From these occurrences we know that he acted as a judge47 and that his son Ikūnum held a high administrative post (šabra).48 He is also mentioned in an epistolary fragment, possibly in connection to state officials.49 Apart from that, the local administration is represented only by a few city elders (ábba iriki) who are attested in the Gasur archive together with the engars, often with the same functions.50 To sum up, in the Classical phase of the Sargonic period we see Gasur as an important administrative center for land management and agriculture, possibly the key one for the whole Zab region. As such, it had connections with the royal house and acted in its interests. These connections, as well as the agricultural significance of Gasur and its surrounding towns for the regional economy is probably the explanation for the city’s important position within the Sargonic state. 4. POST-SARGONIC EVIDENCE FOR GASUR In the period of turbulence that followed the demise of the Sargonic state Gasur didn’t lose its importance and managed to retain its ties with the Southern Mesopotamia. In a document from Girsu (RTC 236) that falls into the middle of Gudea’s reign, we find the ensi of Gasur as a recipient of 15 minas of copper.51 The dating of this document is secured by the mention of Ur-bagara and Ur-èn maškim. The former official started his career under Šar-kali-šarrē and was active throughout the first half of
45 The only other office traceable in the archive is the kitchen (é-muhaldim) with its literally one and a half documents (HSS 10, 149 and HSS 10, 165). 46 HSS 10, 12 Obv. 6; HSS 10, 109 Obv. 4 and HSS 10, 211 Rev. 5. 47 HSS 10, 211 Rev. 5. 48 HSS 10, 72 ii 13. 49 HSS 10, 12 Obv. 6ˊ. 50 Cf. the case of Šū-ilīśu, a city elder, who often acts together with other engars, e.g. in HSS 10 49 Obv. 3, HSS 10, 80+153 v 30-31 and HSS 10, 162 Obv. 3. 51 RTC 236 Obv. 2.
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Gudea’s reign.52 The latter was an associate of another important official named Šara-ì-sá, whose career began in the middle of Gudea’s reign and ended in the first years of Ur-Ningirsu.53 The relationship between Gasur and Lagaš seems to have continued under the 3rd dynasty of Ur: a document written in the 5th year of Šu-Suen mentions “people from Gasur” as recipients of grain rations in Lagaš.54 We also know that at some point in the period between the Old Akkadian and the Ur III empires Gasur was sacked by Aššur,55 as the famous inscription of Ititi, the ruler of Aššur, testifies (RIMA A.0.1001). The last pre-Nuzi attestation of Gasur comes from the Old Assyrian Period. In addition to the corpus of Sargonic documents, five Old Assyrian letters were excavated at Yorghan Tepe. All of them were published together with Gasur material in HSS 10 (nos. 223-227). Later an additional Old Assyrian letter from Gasur was published by Owen.56 The presence of Old Assyrian texts at Yorghan Tepe suggests that the city of Gasur once belonged to the Old Assyrian trading network. However, in the corpus of Kültepe documents (of the kārum II level), Gasur is rarely attested. Individuals from Gasur named Ilī-ašranni and Šū-bēlum are mentioned (TC 3/2 173:6 and 3/3 262B:4; also in Kay 75:8).57 A possible reference to a textile of Gasur production (TÚG ga-sú-ri-im) is found in a letter from the Aššur-nādā archive.58 To sum up, Gasur appears to have been a prominent agricultural (and military?)59 center in the Zab region throughout the 3rd millennium and hence was deeply involved in its political and economic life. The city enjoyed connections with its close and distant neighbors (notably Adab and Lagaš) as of the dawn of the ED era. These connections seem to have been secure enough to outlive the major political crisis of the time, i.e. the collapse of the Sargonic state and the havoc that followed. The later Old Assyrian evidence, if interpreted correctly, suggests that by this period the textile trade might have become an important source of the city’s income.
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Visicato 2010 and 2011, 311-312. Visicato 2010, 450. 54 TCTI 2 2689. 55 The dating of this event is still uncertain, cf. Larsen 1976, 31-32, Veenhof 2008, 19, fn. 4 and Sallaberger & Schrakamp 2015, 110. 56 Owen 1995. 57 Each time a nisbe (*gasurīum) is applied. 58 CCT 4 2 = Larsen OAA 1 19, L.e. 3-4. 59 Cf. the interpretation of the city’s name as ‘stronghold’ in Bonechi 1998, 227. 53
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LES DÉPENSES DÉCOUVERTES À TELL AL-RIMAH. ARCHIVISTIQUE ET GÉOGRAPHIE HISTORIQUE Anne-Isabelle LANGLOIS*
Lorsque les organisateurs du PICS COMPTABAB m’ont invitée1 à participer au colloque centré sur la gestion économique et les pratiques archivistiques à l’époque de Hammu-rabi de Babylone, organisé à Moscou en juillet 2015, j’y ai vu l’opportunité d’appliquer aux documents administratifs du corpus de ma thèse des considérations d’archivistique et de géographie historique qui m’intéressent au titre de ma collaboration au projet ANR-DFG TEXTELSEM2. J’ai choisi de porter mon attention aux textes de dépenses, et plus particulièrement aux noms géographiques parfois mentionnés dans ces derniers, ainsi qu’à leur implication dans le processus d’identification du site moderne dont ils sont issus avec un toponyme ancien. Après une présentation du site de Tell al-Rimah, nous reviendrons sur l’identification de son nom ancien. Puis nous nous intéresserons aux textes de dépenses issus de ce site. 1. TELL
AL-RIMAH
: SITUATION GÉOGRAPHIQUE,
FOUILLES
ET DÉCOUVERTES ÉPIGRAPHIQUES
Après une brève présentation géographique de la région, une synthèse concernant le site et les fouilles ainsi que les découvertes épigraphiques sera donnée.
* UMR 7192. Postdoctorante, bénéficiaire d’une bourse de recherche de la fondation Gerda Henkel. 1 Je remercie N. Ziegler et L. Marti pour leur relecture attentive. Article achevé le 20/11/2018. 2 « TEXTELSEM, Textes, Tells et Sémantique », projet franco-allemand dirigé par N. Ziegler (CNRS, UMR 7192) ainsi que E. Cancik-Kirschbaum (Université de Berlin) et A. Otto (Université de Munich), fait suite au projet ANR-DFG « HIGEOMES (Géographie historique de la Haute-Mésopotamie) » ; voir www.higeomes.org.
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A.-I. LANGLOIS
1.1. Situation géographique Le site de Tell al-Rimah se trouve dans le nord de l’Irak actuel, au sud-est du djebel Sindjar et à quelque 60 km à l’ouest de Mossoul. La région du Sindjar3 est encadrée à l’ouest par la rivière Habur et à l’est par le Tigre. Une barrière montagneuse, relativement peu élevée (entre 800 m et 1 000 m d’altitude) mais abrupte, est composée de trois ensembles : le djebel Jéribé, antique Murdi, le djebel Sindjar, ancien Saggar et le djebel Ishkaft, alors nommé Zara, se succèdent d’ouest en est. Cette chaîne est uniquement franchissable par quelques passes étroites et rendait la circulation nord-sud difficile. Au IIe millénaire avant notre ère, au nord de la chaîne du Sindjar, différentes puissances se trouvaient dans la riche plaine de la HauteDjéziré : l’Ida-Maraṣ du côté occidental, le pays d’Apum, autour de Šubat-Enlil/Šehna (Tell Leilan) et le pays de Yussan, centré sur Razama (peut-être Tell Hawa), à l’est4. Cette région était traversée par l’itinéraire reliant la Mésopotamie à la Méditerranée, depuis le IIIe millénaire avant notre ère jusqu’à l’époque arabe. La steppe qui accueillait les nomades et leurs troupeaux de moutons s’étend au sud de la barrière montagneuse, après une double terrasse, jusqu’à l’Euphrate. Le piémont sud du djebel abritait notamment les villes de Kurda5, Andarig (vraisemblablement Tell Khoshi) et Allahad (peut-être Tell Hadhail) plus au sud, Karana (peut-être Tell Afar), Qaṭṭara (Tell al-Rimah) et Razama (vraisemblablement Tell Abta)6 à l’est. Un itinéraire est-ouest est connu sur ce versant du Sindjar. De plus, les deux cours d’eau encadrant la région, le Habur et le Tigre, étaient privilégiés pour la circulation nord-sud.
3 Pour une étude sur la région du Sindjar, cf. F. Joannès 1992 : 1-19. Pour une présentation détaillée avec cartes, voir A.-I. Langlois 2017 : 11-13 et 41-46. 4 Pour tous ces sites et autres toponymes évoqués ultérieurement dans cet article, voir N. Ziegler & A.-I. Langlois 2016. Le projet TEXTELSEM a choisi d’attribuer un degré de certitude aux hypothèses d’identification de sites anciens avec un emplacement moderne, allant de 0 (= inconnu), passant par 1 (= peut-être) et 2 (= vraisemblable), à 3 (= sûr) ; cf. ibid., p. x. 5 L’identification avec l’actuelle Balad Sindjar, proposée en premier lieu par F. Joannès 1992, n’est qu’une possibilité ; voir N. Ziegler & A.-I. Langlois 2016 : 195-197. 6 Cette Razama, parfois dénommée « du Yamutbal », est vraisemblablement (= degré de certitude 2) Tell Abta et doit être distinguée d’une autre Razama, dite « du Yussan », peut-être (= degré de certitude 1) identifique à l’actuel Tell Hawa ; se référer à D. Charpin 2003 : 8 et 27 et en dernier lieu N. Ziegler & A.-I. Langlois 2016 : 287-289.
LES DÉPENSES DÉCOUVERTES À TELL AL-RIMAH
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1.2. Site, fouilles et découvertes épigraphiques Le site de Tell al-Rimah consiste en un tell central d’environ 100 m de diamètre et 29 m de hauteur7. Son sommet est arrondi et se termine à l’ouest par une pente abrupte jusqu’au niveau de la plaine. À l’est, à quatre mètres au-dessous du sommet du tell, se trouvent deux crêtes parallèles séparées par un ravin, qui débouchent sur des terrasses, à environ trois mètres au-dessus du niveau de la plaine. Les pentes nord et sud du tell sont interrompues par des terrasses poursuivant vers l’ouest. Un ouadi, aujourd’hui saisonnier, longe le site au nord et à l’est. Le site était entouré d’une circonvallation polygonale d’environ 600 m de diamètre présentant un rentrant dans l’angle nord-est, une porte à l’est et une autre probablement au nord. Les fouilles du site furent entreprises par la British School of Archaeology in Iraq dès 1964 et dirigées par D. Oates. Six campagnes furent effectuées, les cinq premières se succédant chaque année, entre 1964 et 1968, mais la dernière n’ayant eu lieu que trois ans plus tard, en 19718. Plusieurs zones furent explorées : – – – – –
zone zone zone zone zone
A : le temple et sa ziggourat AS : sondage du flanc sud du tell central B : extrémité nord de la terrasse est C : le palais D : sondage près du mur d’enceinte, au nord du temple
Au cours des fouilles de Tell al-Rimah, 334 tablettes9 et un fragment de jarre inscrit, datant de la période paléo-babylonienne, furent mis au jour et livrèrent les impressions de dix-neuf matrices de sceau, appartenant à dix-huit personnes. Cette documentation fut publiée par S. Dalley,
7 Pour une présentation plus détaillée du site, des fouilles et des découvertes épigraphiques d’époque paléo-babylonienne, voir A.-I. Langlois 2017 : 14-29 et 31-37. 8 Pour une présentation plus détaillée, voir A.-I. Langlois 2017 : 14-29. 9 Tablettes auxquelles il faut ajouter les trouvailles de la dernière campagne de fouilles : six tablettes extrêmement fragmentaires partiellement copiées (OBTR, 1976, p. 256 et pl. 106). OBTR 336 : découverte parmi les débris de la salle III du palais ; peutêtre liée à OBTR 246-248. OBTR 337 : dans la salle XIII du palais (au niveau de construction ?), liée à OBTR 338. OBTR 338 : fragment d’une enveloppe comportant le sceau de Lu-Ninsiana, lié à OBTR 337. OBTR 339 et 340 : liées aux textes concernant la bière (OBTR 267-271). OBTR 341 : lettre, présentant une écriture typique de Nuzi, trouvée dans les niveaux situés au-dessus du palais paléo-babylonien, sur le sol de la salle C.
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A.-I. LANGLOIS
C. B. F. Walker et J. D. Hawkins en 1976 dans leur ouvrage The Old Babylonian Tablets from Tell al Rimah (ci-après abrégé en OBTR). Grâce aux progrès réalisés dans notre compréhension de la succession des éponymes10, il est désormais possible d’ordonner chronologiquement les découvertes épigraphiques de Tell al-Rimah. 1.2.1. Tablettes et empreintes de sceaux de la zone C, le palais Dix-huit tablettes (seize lettres et deux textes administratifs) découvertes en 1967 sur le sol de la salle II du palais constituent les archives de Hadnu-rabi11. Trois lettres proviennent du roi de Mari Zimri-Lim (OBTR 1-3) et leur contenu permet de les dater du début de son règne (ZL 3-4)12. Les deux textes administratifs, OBTR 17 et 18, traitent respectivement d’huile et de bière13. 204 tablettes, dont 150 lettres et 53 textes administratifs, formant les archives d’Iltani, furent mises au jour principalement dans la salle VI du palais, mais également dans la salle XIV du même bâtiment14. Certains textes administratifs sont datés par des éponymes contemporains des années de règne 34/35 à 38/39 de Hammu-rabi de Babylone15.
10
G. Barjamovic et al. 2012. Pour les événements concernant Hadnu-rabi, voir A.-I. Langlois 2017 : 52-58, § II.2.4.2. La publication des tablettes fut confiée à S. Dalley (OBTR, p. 1-30 et pl. 1-9). 12 D. Charpin & N. Ziegler 2003 : 197, 200 et n. 265. 13 OBTR 18 comporte une datation par éponyme. Il s’agit d’Attaya (également présent dans les textes administratifs OBTR 215 et 263), étudié par G. Barjamovic et al. 2012 : 15-17. Il se situerait quelques années après la fin du règne de Zimri-Lim (REL 214 = Hammu-rabi 34/35). Or il semble que nous n’ayons pas de mention de Hadnu-rabi après ZL 10 et Asqur-Addu est dès lors attesté comme roi de Karana (voir D. Charpin & N. Ziegler 2003 : 219). Loin de confirmer la datation des lettres reçues par Hadnu-rabi, la présence de cet éponyme remet plutôt en cause l’appartenance de OBTR 18 à ce lot d’archives. 14 L’editio princeps fut réalisée par S. Dalley dans OBTR, p. 31-161 et pl. 9-70. Voir maintenant mon édition, A.-I. Langlois 2017, vol. 2 : 41-204, également disponible sur www.archibab.fr. 15 OBTR 215 comporte l’éponyme Attaya. Ce dernier, daté de 1759 av. J.-C. selon la chronologie moyenne et correspondant à KEL G 100, a été situé au 214e rang de la REL ; voir Barjamovic et al. 2012. Mais D. Charpin & N. Ziegler 2014 remettent en perspective la succession des éponymes et le placent au 213e rang. OBTR 213 et 214 comportent l’éponyme Aya. Ce dernier, daté de 1758 av. J.-C. et contemporain de HR 35/36, est équivalent à KEL G 101 = REL 215 mais REL-rev. 1 214 ; cf. D. Charpin & N. Ziegler 2014. OBTR 197, 198, 212, 216 et 218 comportent l’éponyme Azzubiya. Ce dernier, daté de 1757 av. J.-C. et contemporain de HR 36/37, est équivalent à KEL G 102 = REL 216 mais REL-rev. 1 215 ; cf. D. Charpin & N. Ziegler 2014. 11
LES DÉPENSES DÉCOUVERTES À TELL AL-RIMAH
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Trente-trois tablettes et un fragment de jarre inscrit furent déterrés dans différents secteurs du palais16. Cinq d’entre elles sont des textes administratifs datant de la Phase I du palais, probablement contemporaine de Samsi-Addu17. Vingt-deux autres tablettes, datant de la Phase III du palais et datés par des éponymes qui les situent chronologiquement bien après la mort de Samsi-Addu, composent ce qui pourrait être appelé les « archives » du vin18 et de la bière19. D’autres documents découverts en 1968 n’appartiennent pas aux archives présentées ci-dessus20. Ces documents mis au jour dans le palais produisirent la majorité des empreintes de sceaux. Des fragments d’enveloppes découverts dans la salle XIII du palais documentent les sceaux de deux serviteurs de Samsi-Addu, respectivement Lu-Ninsiana21 et Zimri-Hammu. L’empreinte du sceau d’un homme probablement nommé Nubur-šarri22 était située sur un fragment d’enveloppe découvert dans la salle du palais OBTR 189 comporte probablement l’éponyme Kurkutanum, daté de 1756 av. J.-C. et contemporain de HR 37/38, est équivalent à KEL G 103 = REL 217 mais REL-rev. 1 216, cf. D. Charpin & N. Ziegler 2014. Enfin, l’éponyme Ṣabrum est majoritaire (OBTR 170-188, 190-196, 199-202, 207-208 et 210). Il est daté de 1755 av. J.-C. et contemporain de HR 38/39, est équivalent à KEL G 104 = REL 218 mais REL-rev. 1 217 ; cf. D. Charpin & N. Ziegler 2014. 16 Ils furent publiés par C. B. F. Walker dans OBTR, p. 171-194 et pl. 74-85. 17 OBTR 244 et 245 furent découverts sous la salle XIV du palais de la Phase III, OBTR 249 se trouvait en-dessous de la salle XVI et OBTR 246 à 248 étaient situés dans l’angle sud-est de la zone palatiale, près du mur, au niveau le plus ancien. OBTR 246 est daté par un éponyme endommagé commençant par ri- ; il pourrait correspondre à Ri[gmanum] (= REL 189, an 25 de Samsi-Addu) ou Re[š-Šamaš] (= REL 185, an 21 de Samsi-Addu). 18 OBTR 250-266, trouvés entre les murs des salles XVI et XXII. OBTR 251-259 et 262 comportent l’éponyme Ṣabrum. OBTR 263, quant à lui, est daté par l’éponyme Atta[ya], légèrement antérieur à Ṣabrum. 19 OBTR 267-271, trouvés dans la salle XXIV. 20 Deux étiquettes situées dans la salle IX (OBTR 272 et 273) et un fragment de jarre mentionnant sa capacité dans la salle I (OBTR 274), ainsi qu’un fragment de texte scolaire (OBTR 275) découvert dans la salle IX. Une étiquette portant le nom d’une femme (OBTR 276) et un texte de fondation du palais de Šarrum-kima-kalima de Razama (OBTR 277) furent mis au jour la même année dans un niveau médio-assyrien recouvrant le palais paléo-babylonien mais semblent contemporains de ce dernier. Ces documents sont publiés dans ce même chapitre « Miscellaneous Texts from the Palace Area » de C. B. F. Walker dans OBTR, p. 171-194 et pl. 74-85. 21 S. Dalley et al. 1976 : 249 et pl. 107, sceau n°3 : LÚ.dNIN.SI4.AN.NA, DUMU d ⸢x⸣-[…], ÌR dUTU-ši-d⸢IŠKUR⸣. Ibid. : 250 et pl. 107, sceau n°4 : ⸢zi-im⸣-ri-ha-mu, [DUMU] ⸢su⸣-mu-a-mi-im, ⸢ÌR⸣ dUTU-ši-dIŠKUR. 22 S. Dalley et al. 1976 : 250 et pl. 107, sceau n°6 : [n]u-bur-ša[r-ri], ⸢x x x⸣.
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A.-I. LANGLOIS
contenant les archives de Hadnu-rabi. Cette dernière livra également deux fragments d’enveloppe sur lesquels était apposé le sceau du roi de Mari Zimri-Lim23. Le sceau de Hadnu-rabi, souverain de Qaṭṭara du temps du roi mariote, ne nous est malheureusement pas parvenu. Mais nous avons pu reconstituer deux sceaux appartenant à ses serviteurs24. Le sceau de Mut-hadqim25, à la tête de troupes babyloniennes, n’a pas pu être reconstitué, mais il est attesté par l’empreinte présente sur le fragment de l’enveloppe contenant une lettre destinée à Iltani. Des scellements découverts dans la salle XII du palais ont non seulement permis de reconstituer le sceau d’Asqur-Addu26, frère d’Iltani et souverain de Karana, mais aussi celui du prince héritier Bini-šakim27. De même pour le sceau du fils de Šamaš-naṣir28, probable serviteur d’Asqur-Addu. Deux sceaux appartenant à Haqba-Hammu sont attestés par les archives d’Iltani : l’un, reconstruit d’après les fragments d’enveloppes, le décrit devin, fils de Himdi-Samas29. L’autre, connu par les textes administratifs OBTR 189, 197, 198 et 216, le précise serviteur de Hammu-rabi30.
23 S. Dalley et al. 1976 : 250 et pl. 107, sceau n°5 : ⸢zi⸣-im-r[i-l]i-i[m], [š]a-ki-in [ddagan], [n]a-[r]a-⸢am⸣ [dEN.LÍL], [g]a-[mi-ir], [a-ah] i7[UD.KIB.NUN.NA], [LUGAL ma-riki], [ù ma-at] ⸢ha⸣-[na], [DUMU ia-ah-du-un]-li-i[m], reconstitué grâce aux empreintes découvertes dans les archives de Mari. Il s’agit de l’empreinte du sceau de Zimri-Lim utilisé pour le courrier, le « cylindre I » dans D. Charpin 1992 : 70-71 et n. 56. 24 Cinq scellements trouvés dans l’interstice au nord de la salle XVI du palais permettent de reconstituer le sceau de Beli-ašared ; voir S. Dalley et al. 1976 : 252 et pl. 108 sceau n°11 : be-lí-IGI.DU, DUMU zi-li-ba-an, ÌR ha-ad-nu-ra-bi. Un scellement découvert dans la salle XII du palais atteste l’existence d’un sceau appartenant au fils de Ahu-ṭab dont le nom commençait par Ibal-… ; voir S. Dalley et al. 1976 : 251-252 et pl. 108 sceau n°9 : i-ba-al-[…], DUMU a-hu-DU10.GA (lecture de M. Anbar 1978 : 214), ÌR ha-ad-nu-ra-bi. 25 S. Dalley et al. 1976 : 255 et pl. 109 sceau n°18 : [mu]-⸢tu⸣-ha-ad-qí-i[m], […], […]. Pour Mut-hadqim, voir A.-I. Langlois 2017 : 92-96, § II.4.5. 26 S. Dalley et al. 1976 : 251 et pl. 108 sceau n°7 : [às]-qúr-d[IŠKUR], ⸢pa⸣-li-ih ⸢d⸣ […], [d]la-ga-m[a-al], […] ⸢x⸣ […]. Pour Asqur-Addu, voir A.-I. Langlois 2017 : 50-64, § II.2.4. 27 S. Dalley et al. 1976 : 251 et pl. 108 sceau n°8 : bi-ni-ša-ki-im, DUMU SAG.KAL LUGAL, ÌR às-qúr-dIŠKUR. 28 S. Dalley et al. 1976 : 252 et pl. 108 sceau n°10 : [NP], DUMU dUTU-na-ṣir, ÌR [às?-qúr?]-d[IŠKUR]. 29 S. Dalley et al. 1976 : 253 et pl. 109 sceau n°14i : aq-ba-ha-mu, MÁŠ.ŠU.GÍD.GÍD, DUMU hi-im-di-sa-⸢ma-ás⸣. Concernant Haqba-Hammu, voir A.-I. Langlois 2017 : 65-88, § II.3. 30 S. Dalley et al. 1976 : 253-254 et pl. 109 sceau n°14ii : ⸢aq⸣-ba-⸢ha⸣-mu, MÁŠ. ŠU.GÍD.GÍD, [DU]MU hi-im-di-sa-ma-ás, [ÌR] ša ha-am-mu-ra-⸢bi⸣.
LES DÉPENSES DÉCOUVERTES À TELL AL-RIMAH
189
Le sceau de son épouse Iltani, fille de Samu-Addu et sœur d’AsqurAddu, est connu par les empreintes de fragments d’enveloppe et des textes OBTR 180, 181, 191-19431. De même les sceaux de certains des serviteurs de Haqba-Hammu sont attestés : les empreintes du sceau de Hadnu-tanuha furent retrouvées sur les textes administratifs concernant le vin OBTR 254, 257-259 et 26232. Celles du sceau de Kizzurum33 étaient présentes sur le texte administratif OBTR 195 et les fragments d’une enveloppe. Enfin, le sceau d’InibŠamaš34 est connu grâce à l’empreinte figurant sur le texte administratif OBTR 196. 1.2.2. Tablettes et empreintes de sceaux de la zone A, le temple et sa ziggourat Les fouilles des salles II et XVII du temple livrèrent vingt-et-un textes administratifs, publiés par S. Dalley dans OBTR sous les numéros 223 à 243. D. Oates considérait le niveau dans lequel ils se situaient contemporain de Samsi-Addu35 mais leur datation est difficile à établir : uniquement trois tablettes comportent une date sous forme d’éponymes, or parmi ces derniers deux sont illisibles (OBTR 234 : 8-9 et OBTR 235 : 7) et le dernier a été lu ⸢ÌR⸣-sin (matériellement 30) par S. Dalley (OBTR 239 : 6). Cependant l’éponymie de Warad-Sin n’est pas (encore) autrement connue et serait à situer bien après la mort de Samsi-Addu. Cinquante-huit tablettes furent découvertes au sud de l’escalier monumental menant à la terrasse du temple. Publiées par J. D. Hawkins dans OBTR, ces trente-six lettres (OBTR 278 à 313) et vingt-deux textes administratifs (OBTR 314 à 335) appartiennent probablement à une structure antérieure à la construction de l’escalier et de la terrasse du temple et constituent une seule et même archive. Selon le fouilleur, ce lot de tablettes ne pouvait pas être postérieur aux travaux de construction de l’escalier et de la terrasse, datant du règne de Samsi-Addu, et par conséquent devait 31 S. Dalley et al. 1976 : 253 et pl. 109 sceau n°13 : munusil-ta-ni, DUMU.MUNUS sa-mu-dIŠKUR, DAM aq-ba-ha-mu. Pour le sceau d’Iltani et son arbre généalogique partiel et hypothétique, voir A.-I. Langlois 2017 : 46-47. 32 S. Dalley et al. 1976 : 252-253 et pl. 108 sceau n°12 : ⸢ha⸣-ad-nu-ta-nu-[ha], [DU]MU hi-da-ti-PA-x-[…], ⸢ÌR⸣ aq-ba-ha-m[u]. 33 S. Dalley et al. 1976 : 254 et pl. 109 sceau n°15 : ⸢ki⸣-iz-zu-⸢rum⸣, DUMU ab-du-⸢x⸣-[…], ÌR aq-ba-ha-⸢mu⸣. Pour Kizzurum, voir A.-I. Langlois 2017 : 141-143. 34 S. Dalley et al. 1976 : 254 et pl. 109 sceau n°16 : i-ni-ib-⸢dUTU⸣, DUMU za-ak⸢ku⸣-[ú], ÌR aq-ba-ha-⸢mu⸣. 35 D. Oates 1968 : 119.
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A.-I. LANGLOIS
être antérieur à la mort du souverain36. Leur datation n’était à l’époque pas plus aisée que celle des autres tablettes du temple mais, comme mentionné ci-dessus, ce lot peut maintenant être situé de façon plus précise dans la chronologie : les textes administratifs comportent les éponymes warki ša Aššur-taklaku (OBTR 322) et Uṣur-ša-Aššur (OBTR 316-318), respectivement REL 241+1 et REL 243, correspondant aux années 1731-1730 av. n. ère37, soit les années 19/20 et 20/21 du règne de Samsu-iluna selon la chronologie moyenne. Par ailleurs, certains de ces textes présentent les éponymes Ahiyaya (OBTR 314) et Tutaya (OBTR 315), plus délicats, mais probablement aussi à placer dans la lacune de KEL G 117*-125*38. Les tablettes trouvées près de l’escalier du temple fournissent les empreintes des sceaux d’Ili-Samas39 et de Nihmatum, son épouse40. Le sceau d’un serviteur de Šamaš, dont le nom reste incomplet (Pazu-…41), est également documenté. Datation
Lot et nature des textes
Locus
Zone C : sous les salles Phase I du palais (= règne 5 textes administratifs de Samsi-Addu, après sa (OBTR 244-248) et 1 texte XIV, XVI et angle sud-est scolaire (OBTR 249) du palais 20e année ?) 1 fragment de jarre (OBTR 274)
Zone C : salle I
2 étiquettes (OBTR 272- Zone C : salle IX 273) et 1 fragment de texte scolaire (OBTR 275)
36
D. Oates 1966 : 123 ; 1967 : 71 ; et OBTR (1976) : 195-196. G. Barjamovic et al. 2012 : 96. 38 G. Barjamovic et al. 2012 : 15-17 et l’annexe 1 p. 91-97. Tutaya n’est pas attesté ailleurs et les listes éponymales enregistrent trois Ahiyaya pour lesquels voir op. cit. p. 3-13. 39 S. Dalley et al. 1976 : 248-249 et pl. 107 sceau n°1 : ì-lí-sa-ma-[ás], DUMU iq-qaat-d⸢UTU/IŠKUR?⸣, ÌR pí-it-ha-⸢na⸣. La dernière ligne avait été restituée par M. Anbar 1978 : 214 ga-da-ha-n[u]. La proposition de lire le nom de Pithana est de D. Lacambre & W. Nahm 2015, notamment p. 18. Reconstitué à partir des impressions faites sur les lettres OBTR 283-286 et 288, sur le texte administratif OBTR 317 et sur deux bullae (TR 4980 et 4981). 40 S. Dalley et al. 1976 : 249 et pl. 107 sceau n°2 : [munusn]i-ih-ma-[tum], ⸢DUMU. MUNUS⸣ zi-ki-ir-[…], ⸢GEME2⸣ ì-lí-sa-m[a-ás]. D’après l’empreinte présente sur la lettre OBTR 299 que Nihmatum expédia à Warad-šarrim. Voir pour son sceau D. Lacambre & W. Nahm 2015 : 18-19. 41 S. Dalley et al. 1976 : 254 et pl. 109 sceau n°17 : pa-zu-⸢x⸣-[…], DUMU su-mua-mi, ÌR ša dUTU. Ce sceau a été imprimé sur le texte OBTR 234 mais son empreinte figure également sur le scellement TR 4330 (palais salle VI). Cela serait la seule attestation d’empreintes d’un même sceau sur un document du temple et sur un document du palais. 37
LES DÉPENSES DÉCOUVERTES À TELL AL-RIMAH
Datation
Lot et nature des textes
191
Locus
Contemporains du niveau 1 étiquette (OBTR 276) et Zone C : niveau 3 paléo-babylonien 1 texte de fondation de médio-assyrien Šarrum-kima-kalima (OBTR 277) ZL 3-4 (d’après la teneur des lettres) Eponyme Attaya (= HR 34/35)
« Archives de Zone C : salle II Hadnu-rabi » : 16 lettres (OBTR 1-16) et 2 textes administratifs (OBTR 17-18)
Eponymes Attaya (= HR 34/35) Aya (= HR 35/36) Azzubiya (= HR 36/37) Kurkutanu (= HR 37/38) Ṣabrum (= HR 38/39)
« Archives d’Iltani » : 151 lettres (OBTR 19-169) et 53 textes administratifs (OBTR 170-222)
Zone C : salles VI et XIV
Eponymes Attaya (= HR 34/35) Ṣabrum (= HR 38/39)
« Archives du vin » : 17 textes administratifs (OBTR 250-266)
Zone C : entre les murs des salles XVI et XXII
« Archives de la bière » : Zone C : salle XXIV 5 textes administratifs (OBTR 267-271) Eponyme Warad-Sin 21 textes administratifs (= cassure KEL G 117*- (OBTR 223-243) 125*, Si 4-11) Eponymes Ahiyaya et Tutaya (= cassure KEL G 117*-125*, Si 4-11) warki ša Aššur-taklaku (= REL 241+1, Si 19/20) Uṣur-ša-Aššur (= REL 243, Si 20/21)
Zone A : salles II et XVII
36 lettres, dont 23 adressées à Warad-šarrim (OBTR 278-313), et 22 textes administratifs (OBTR 314-335)
Zone A : au sud de l’escalier monumental menant à la terrasse du temple
Fig. 1. Tableau récapitulatif des lots d’époque paléo-babylonienne.
2. LE NOM ANCIEN DE TELL
AL-RIMAH
L’identification du site moderne avec un nom ancien a longtemps fait débat42. Le fouilleur, D. Oates, hésitait entre Karana et Qaṭṭara, avec une préférence pour Karana43. Les éditeurs des textes médio-assyriens, H. W. F. Saggs et D. J. Wiseman, finirent par exclure l’identification du 42
Pour un bilan détaillé des diverses positions, voir A.-I. Langlois 2017 : 29-31 § I.3. Dans sa dernière synthèse, il concluait encore : « Thus the evidence for the ancient name of Tell al Rimah remains equivocal and inconclusive », restant persuadé que la documentation découverte à Rimah n’empêchait pas l’équation Rimah = Karana, ni ne 43
192
A.-I. LANGLOIS
site avec Qaṭṭara, en dépit de la première opinion de H. W. F. Saggs44. Les éditeurs des textes paléo-babyloniens, quant à eux, privilégiaient l’hypothèse selon laquelle le site de Tell al-Rimah devait être identifié avec l’ancienne Karana45. La plupart des recenseurs d’OBTR qui abordèrent le problème du nom antique du site suivirent, de manière explicite ou implicite, le sentiment de S. Dalley46. B. Groneberg fut la seule à exprimer clairement l’opinion selon laquelle Tell al-Rimah pouvait aussi bien être Karana que Qaṭṭara, et que la candidature de Razama devait être laissée de côté47. Sept ans après la parution de la dernière recension d’OBTR, D. Charpin et J.-M. Durand publièrent une étude qui établit l’identification de Tell al-Rimah avec l’ancienne Qaṭṭara48. Ils établirent premièrement que, contrairement à ce que D. Oates et M. Birot avaient écrit49, Hadnu-rabi n’est jamais défini roi de Karana et que la documentation inédite de Mari le définit en réalité comme roi de Qaṭṭara50. À la lumière de cette nouvelle information concernant le statut de Hadnu-rabi, les empreintes de sceaux perdirent toute valeur argumentaire puisqu’elles appartenaient aussi bien à des serviteurs de Hadnu-rabi, roi de Qaṭṭara, que d’AsqurAddu, roi de Karana (voir la présentation des sources épigraphiques favorisait l’identification avec Qaṭṭara, poursuivant ainsi : « We remain able to say only that Rimah was one or other of these two closely linked towns », D. Oates 1997 : 18-20. 44 Cette dernière était alors principalement basée sur la prédominance du nom de Qaṭṭara dans les archives et l’association entre le toponyme et les propriétaires de ces dernières ; voir H. Saggs 1968 : 156 et D. Wiseman 1968 : 177. Quarante-cinq ans plus tard, J. N. Postgate écrivait encore : « Some uncertainty persists as to whether the site is Karana itself or the sister city of Qatara which belonged in the same small kingdom », J. N. Postgate 2013 : 261 et n. 1. 45 S. Dalley, dans son édition des textes, considéra les trois hypothèses d’identification possibles, nommément Razama (principalement en raison de la découverte — hors contexte — d’une inscription de fondation de Šarrum-kima-kalima pour un palais dans sa capitale Razama), Qaṭṭara et Karana. Elle finit par écarter Qaṭṭara, estimer que Razama était admissible et préférer la candidature de Karana, surtout en raison de l’importance du site — celle d’une capitale — et des empreintes de sceaux trouvées, notamment celle d’Asqur-Addu, roi de Karana ; cf. S. Dalley et al. 1976 : 34-36. Elle répéta par la suite son opinion, précisant toutefois que le doute subsistait ; cf. S. Dalley 1980 : 405b-407 et S. Dalley 1984 : 22. 46 F. Pomponio 1977 ; M. Birot 1978 : 182 ; M. Anbar 1978 : 209a ; W. Mayer 1979 : 286 ; J. Sasson 1980 : 453b. 47 B. Groneberg 1979 : 265. 48 D. Charpin & J.-M. Durand 1987. 49 D. Charpin & J.-M. Durand 1987 : 129-130. 50 D. Charpin & J.-M. Durand 1987 : 132-134, inédit (A.649). Cette information est confirmée par le texte M.13792 (maintenant LAPO 17 593) mentionnant Hadnu-rabi LÚ Qaṭṭara et le fragment M.7949 désignant Qaṭṭara comme la ville de Hadnu-rabi. Hadnu-rabi résidait et gouvernait à Qaṭṭara. Qaṭṭara et Karana appartenaient au même royaume bicéphale, gouverné par Hadnu-rabi depuis Qaṭṭara, puis par Asqur-Addu depuis Karana ; voir D. Charpin & J.-M. Durand 1987 : 135-136.
LES DÉPENSES DÉCOUVERTES À TELL AL-RIMAH
193
ci-dessus). Le fait d’y avoir découvert les archives de Hadnu-rabi, et non celles d’Asqur-Addu, constituait en revanche un argument en faveur d’une identification avec Qaṭṭara. Enfin, les textes administratifs enregistrant des dépenses effectuées dans un lieu géographique précis mentionnent exclusivement Qaṭṭara51, ce qui achevait de démontrer l’identification. J. Eidem publia quelques années plus tard un article concernant les archives d’Iltani et, sans avoir eu accès à l’étude de J.-M. Durand et D. Charpin52, il aboutit de même à la conclusion selon laquelle le site de Tell al-Rimah était l’ancienne Qaṭṭara : à la lumière des textes, et particulièrement des lettres échangées entre Haqba-Hammu et Iltani, il lui parut évident que cette dernière habitait Qaṭṭara, et non Karana. La séparation géographique qui existait entre Iltani, la fille de SamuAddu, et Haqba-Hammu, le devin, son époux, déjà mise en avant par D. Charpin et J.-M. Durand53 puis par J. Eidem, est confirmée par la nouvelle étude des lettres des archives d’Iltani. Iltani demeurait à Qaṭṭara tandis que plusieurs de ses correspondants, parmi lesquels son époux mais aussi Kizzurum et Yataraya, résidaient à Karana54. Par ailleurs, les améliorations de lecture des lettres des archives d’Iltani, effectuées grâce aux photographies des tablettes, ôtent un argument à ceux qui voulaient amoindrir la valeur des mentions de Qaṭṭara dans les textes55. 3. LES DÉPENSES PARMI
LES TEXTES ADMINISTRATIFS PALÉO-BABYLONIENS
DÉCOUVERTS À
TELL AL-RIMAH
Le fait que Qaṭṭara soit mentionnée comme lieu de dépenses et que cela constitue un argument dans l’identification du nom paléo-babylonien de Tell al-Rimah invite à approfondir ce point. Les textes administratifs sont rédigés à l’aide d’un formulaire qui nous aide à identifier certaines catégories d’opérations comme les remises 51
OBTR 196 : 3-4 ; 197 : 3-4 ; 198 : 4-5 ; 213 : 2-3 ; 215 : 5-6 ; 216 : 5-6 ; 263 : 5-6. J. Eidem 1989 : 78. 53 D. Charpin & J.-M. Durand 1987 : 139-141. 54 Pour plus de détails à ce sujet, voir A.-I. Langlois 2017 : 69-74. 55 En s’appuyant sur OBTR 71, D. Oates avait décrit le caractère itinérant des rois de Karana et de Qaṭṭara et insistait sur le fait qu’ils transportaient leurs tablettes ; cf. D. Oates 1997 : 19. Mais en réalité, Haqba-Hammu, par cette lettre, ne demandait pas à son épouse de rentrer chez elle « avec ses tablettes » mais de ne point tarder à rentrer (voir la nouvelle édition du texte, A.-I. Langlois 2017, également disponible sur www. archibab.fr). Certes les tablettes reçues par Zimri-Lim lorsqu’il était en voyage étaient archivées à Mari à son retour. Mais les tablettes reçues par Haqba-Hammu, elles, se trouvaient probablement archivées à Karana. 52
194
A.-I. LANGLOIS
(SI.LÁ = piqittum), les réceptions (ŠU.TI.A = namhartum) ou les envois (šûbultum) ainsi que les dépenses (ZI.GA = ṣîtum)56. Dans leur remarquable étude sur le nom antique de Tell al-Rimah, D. Charpin et J.-M. Durand écrivaient : « Le témoignage des textes économiques confirme l’identification de Rimāh avec Qaṭṭarâ. En effet, des sorties de denrées effectuées à Qaṭṭarâ (zi-ga ina Qaṭṭarâ)41 ont été retrouvées dans deux locus du palais : dans les archives d’Iltani (nos 196, 197, 198, 213, 215 et 216) et dans les Wine archive (no 263)42. Le plus remarquable est qu’il n’existe aucune autre mention du type zi-ga ina NG dans les textes économiques de Rimāh : la mention exclusive de Qaṭṭarâ dans ce genre de contexte ne saurait que difficilement s’expliquer par le fait du hasard43. On remarquera en outre que seul le lot de tablettes de l’escalier du temple n’a pas livré de tablettes comportant la mention zi-ga ina Qaṭṭarâ ; cependant, ce lot de textes économiques et de lettres comporte de nombreuses références à Qaṭṭarâ, mais aucune à Karanâ44. L’argument, considéré isolément, n’avait pas paru probant à l’éditeur de ce chapitre45 ; replacé maintenant dans un contexte plus large, il vient renforcer les indices déjà nombreux en faveur de l’équation Rimāh = Qaṭṭarâ. Si l’on pouvait à la rigueur admettre qu’un lot de textes ait été déplacé, il est invraisemblable que ce soit le cas de tous ceux qui ont été retrouvés. 41
: Comprendre « dépense effectuée à Qaṭṭarâ » et non « outgoing from Qaṭara ». 42 : On restera cependant réservé à propos de la mention au n° 235, qui appartient à ce lot de tablettes retrouvées dans les pièces II et XVII du temple, d’un apport à Qaṭṭarâ (l. 3-4 : mu-tù kislah uruqa-ṭà-ra-aki). Le terme šûrubtum signifie à l’époque « entrée au palais d’un bien », provenant d’ailleurs, évidemment (cf. ARMT XXI, p. 514). On ne peut donc traduire « Entry into the grain-store of Qaṭara » (OBTR, p. 168), mais « entrée au palais, en provenance de l’aire (?) de Qaṭṭarâ ». Cela n’exclut pas, évidemment, un mouvement de biens à l’intérieur même de Qaṭṭarâ, mais cela ne prouve pas qu’il y avait mouvement vers Qaṭṭarâ. 43 : Il faut ici rectifier l’erreur qui consiste à croire que la fréquente mention d’une ville dans un corpus indique que cette ville se situe ailleurs : dans l’ensemble de la documentation de Tell Hariri, Mari est de loin le toponyme qui arrive en tête ! Cf. ci-dessous. 44 : Mis à part le n°319, dont la face est consacrée à la région de Karanâ et le revers à la région de Qaṭṭarâ. Il y a plusieurs textes parallèles à Mari. Il s’agit de textes de conscription. De tels documents énumèrent toute une série de lieux où les gens ont été réquisitionnés 56 Pour une synthèse concernant les catégories identifiées grâce à des mots-clés, voir l’introduction d’I. Arkhipov 2012 : 2-5.
195
LES DÉPENSES DÉCOUVERTES À TELL AL-RIMAH
et sont des récapitulatifs qui renseignent avant tout sur des « zones de mobilisation ». Pour Mari, ils embrassent des territoires qui comprennent surtout les districts de Mari-Terqa-Saggarâtum. 45 : Voir Hawkins, OBTR, p. 199. »57
En établissant la liste des textes de dépenses issus des fouilles de Tell al-Rimah et datant de l’époque paléo-babylonienne, on remarque premièrement que Qaṭṭara est bien le seul toponyme mentionné dans les textes de dépenses appartenant aux archives d’Iltani. En revanche, il n’est pas l’unique toponyme mentionné dans les textes précisant le lieu d’une dépense : Bunineyu et Hurnat apparaissent également. OBTR
Date
Produits
216
23/i*/Attaya étoffes (=REL-rev. 213)
Type
Scellée par
ZI.GA ina Qaṭṭara
« Archives » Iltani
18
6/iv*/Attaya
bière
ZI.GA NP
Hadnu-rabi
263
9+/vii*/Attaya
vin
ZI.GA ina Qaṭṭara
vin
213
5/viii*-bis/Aya argent (=REL-rev. 214)
ZI.GA ina Qaṭṭara
Iltani
212
20+/ii*/Azzubiya étoffes (=REL-rev. 215)
ZI.GA ina [Qaṭṭara]
Iltani
197
23/ii*/Azzubiya
argent
ZI.GA ina Qaṭṭara HaqbaHammu
Iltani
198
23/ii*/Azzubiya
argent
ZI.GA ina Qaṭṭara HaqbaHammu
Iltani
216
23/ii*Azzubiya
argent
ZI.GA ina Qaṭṭara HaqbaHammu
Iltani
254
28/ii*/Ṣabrum vin (=REL-rev. 217)
ZI.GA ina Bunineyu
Hadnu-tanuha vin
255
4/iii*/Ṣabrum
vin
ZI.GA ina Bunineyu
vin
256
8/iii*/Ṣabrum
vin
ZI.GA + inûma… + ina Bunineyu
vin
257
19/iii*/Ṣabrum
vin
ZI.GA ina Bunineyu
Hadnu-tanuha vin
258
20/iii*/Ṣabrum
vin
ZI.GA ina Bunineyu
Hadnu-tanuha vin
259
21/iii*/Ṣabrum
vin
ZI.GA + ûm …
Hadnu-tanuha vin
57
D. Charpin & J.-M. Durand 1987 : 137-138.
196
A.-I. LANGLOIS
OBTR
Date
Produits
Type
Scellée par
« Archives »
260
[-]/iv*/[Ṣabrum] vin
ZI.GA + ûm …
262
6/[-]/Ṣabrum
vin
ZI.GA […]
vin
252
3/iv*/Ṣabrum
vin
ZI.GA ina Hurnat
vin
253
4/iv*/Ṣabrum
vin
ZI.GA ina Hurnat
vin
Hadnu-tanuha vin
196
25/iv*/Ṣabrum
chaussures ZI.GA ina Qaṭṭara Inib-Šamaš
Iltani
195
26/vi*/Ṣabrum
chaussures ZI.GA ana “NP” Kizzurum
Iltani
175
7/ix*/Ṣabrum
grain
ZI.GA
Iltani
182
15/ix*/Ṣabrum
grain
ZI.GA
Iltani
172
16/x*/Ṣabrum
grain
ZI.GA
Iltani
261
[…]
vin
ZI.GA ina Bunineyu
vin
Fig. 2. Tableau récapitulatif des dépenses de Tell al-Rimah.
Parmi les cent-vingt-cinq textes administratifs découverts à Rimah, vingtquatre constituent des dépenses (ZI.GA), ce qui représente moins de 20% des textes administratifs. Toutes les dépenses sont datées. Mais uniquement dix sont scellées, soit un peu plus de 40%. Parmi ces vingt-quatre dépenses, onze appartiennent aux archives d’Iltani (soit environ 45%) alors que la moitié appartiennent aux « archives du vin ». Parmi ces vingt-quatre dépenses, trois sont effectuées sans aucune précision. Deux autres sont déterminées par un événement (inûma… « lorsque… » / ûm… « le jour où… »), une l’est par la personne qui l’effectua (ZI.GA NP) et une autre par les personnes pour qui elle fut effectuée (ana NP). Mais la grande majorité des dépenses (seize, voire dix-sept, soit environ 70%) sont effectuées « ina NG ». Plusieurs questions surgissent. Comment les dépenses sont-elles rédigées ? Quelle signification possède la mention « ina NG » ? Pourquoi ajouter cette précision si la dépense fut effectuée dans le lieu où les archives sont trouvées ? La dépense fut-elle rédigée dans ce lieu géographique même ? Le scribe est-il toujours présent lorsque la dépense est effectuée ? Cette mention peut-elle être un élément déterminant dans l’identification d’un site moderne avec un nom ancien ?
LES DÉPENSES DÉCOUVERTES À TELL AL-RIMAH
197
3.1. Les dépenses pour un individu sans autre complément Pour ces textes dont le terme « dépense » (ZI.GA) n’est suivi d’aucun complément, le formulaire utilisé est le suivant : – produits pour NP – dépense – date OBTR
Produit
Complément
Type ZI.GA a-na ú!-ri-dIŠKUR / ZI.GA / date
175
grain rations pour NP
182
grain rations pour la maison de NP ZI.GA a-na É i-ti-nam / ZI.GA / date
172
grain rations pour NP
Date 7/ix*/ Ṣabrum 15/ix*/ Ṣabrum
ZI.GA a-na SAG-an-kà-nim / 16/x*/ ZI.GA / date Ṣabrum
Fig. 3. Tableau récapitulatif des dépenses pour un individu sans complément.
Aucune de ces dépenses concernant du grain pour des rations et appartenant aux archives d’Iltani n’est scellée. Une dépense des archives d’Iltani constitue une variante par l’inversion dans l’ordre des éléments du formulaire. Il s’agit d’OBTR 195 qui présente le formulaire : – produits – dépense – pour des individus – complément – date OBTR 195
Produit
Type
Complément
Date
parmi les chaussures ZI.GA / a-na chaussures ZI.GA 21/vi*/ pour des du travail assigné à LÚ.MEŠ lu-ul-li-i / Ṣabrum individus Ili-ma-rahe le corroyeur i-na kušŠUHUBx / ša iš-ka-/ar / I ì-lí-ma-ra-he-e AŠGAB / date
Fig. 4. Une variante du formulaire.
198
A.-I. LANGLOIS
Cette tablette-ci fut scellée par Kizzurum, serviteur de Haqba-Hammu et d’Iltani, qui semble avoir joué le rôle d’intendant à Karana auprès de Haqba-Hammu58. 3.2. Les dépenses déterminées par un individu L’un des textes administratifs issus des fouilles de Tell al-Rimah enregistre une dépense déterminée par la mention d’un individu. Il s’agit d’OBTR 18, texte trouvé parmi les archives de Hadnu-rabi mais dont la date pourrait remettre en cause son appartenance à ces dernières (voir § 1.2.1. ci-dessus). Ce texte affiche le formulaire suivant : – produit pour NP – proposition circonstancielle – dépense de NP – date OBTR 18
Produit bière
Complément
Type
ration de NP lorsqu’il ZI.GA SÁ.DUG4 hu-za-lim / est venu du Šubartum de NP i-nu-ma iš-tu kurSUki / il-li-kam / ZI.GA / a-rum-mu-úš-ni / date
Date 6/iv*/ Attaya
Fig. 5. Dépense déterminée par un NP.
Ce texte, qui n’est pas scellé, enregistre donc une dépense effectuée par un individu. On peut dès lors se demander quelle est la différence entre cette formulation et celle d’une « dépense sur le service d’Untel » ZI.GA NÌ.ŠU NP bien attestée par ailleurs par la documentation administrative paléo-babylonienne (pour de nombreux exemples, consulter www.archibab.fr). 3.3. Les dépenses déterminées par un événement Plusieurs textes enregistrant des dépenses exhumés à Tell al-Rimah ont recours à un formulaire bien plus développé. Les dépenses, parfois scellées, semblent être déterminées par un événement : – produit pour NP – intermédiaire(s) NP – dépense « le jour où (ûm) / lorsque (inûma)… » – date 58
Voir A.-I. Langlois 2017 : 141-143.
199
LES DÉPENSES DÉCOUVERTES À TELL AL-RIMAH
OBTR
Complément
Type
Date
259
pour divers NP, diffé- ZI.GA + le jour où le roi vint à 21/iii*/ Ṣabrum Kigamnum depuis rents intermédiaires, ûm… Bunineyu repas du roi
260
pour divers NP, inter- ZI.GA + [lorsque/le jour où … [-]/iv*/ [Ṣabrum] médiaire NP, re[pas du [inûma/ vinrent à H]urnat ûm… roi]
Sceau Hadnu-tanuha
Fig. 6. Dépenses déterminées par un événement.
L’une de ces deux dépenses appartenant aux « archives du vin » fut scellée par Hadnu-tanuha, serviteur de Haqba-Hammu qui n’est pas attesté par les documents des archives d’Iltani. On remarque que les propositions circonstancielles de ces dépenses comportent des noms géographiques. Cela fait-il de ces textes une variante des dépenses déterminées par un lieu géographique, les ZI.GA ina NG ? 3.4. Les dépenses effectuées à NG Comme cela a déjà été précisé, la majorité des textes de dépenses d’époque paléo-babylonienne issus des fouilles de Tell al-Rimah sont déterminés par la mention d’un nom géographique. OBTR
Produit
Complément
Type
+
Date
Scellée par
216
étoffes
intermédiaire NP, service NP
ZI.GA ina Qaṭṭara
23/i*/ Attaya
263
vin
pour divers NP, intermédiaire NP
ZI.GA ina Qaṭṭara
9+/vii*/ Attaya
213
argent
212
étoffes
pour des NP, intermédiaire NP
ZI.GA ina [Qaṭṭara]
20+/ii*/ Azzubiya
197
argent
pour NP
ZI.GA ina Qaṭṭara
23/ii*/ Azzubiya
HaqbaHammu
198
argent
pour NP
ZI.GA ina Qaṭṭara
23/ii*/ Azzubiya
HaqbaHammu
216
argent
pour NP
ZI.GA ina Qaṭṭara
23/ii*/ Azzubiya
HaqbaHammu
ZI.GA ina Qaṭṭara
en présence du roi
5/viii*-bis/ Aya
200 OBTR
A.-I. LANGLOIS
Produit
Complément
Type
+
Date
Scellée par
254
vin
pour divers NP, diffé- ZI.GA ina rents intermédiaires, Bunineyu lorsque l’armée et le palais arrivèrent le soir, repas du roi
28/ii*/ Ṣabrum
255
vin
pour divers NP, diffé- ZI.GA ina Bunineyu rents intermédiaires, repas du roi
4/iii*/ Ṣabrum
256
vin
lorsque NP pour divers NP, inter- ZI.GA + médiaire, repas du roi inûma … + vint, dans ina Bunineyu Bunineyu
8/iii*/ Ṣabrum
257
vin
pour divers NP, diffé- ZI.GA ina Bunineyu rents intermédiaires, repas du roi
19/iii*/ Ṣabrum
Hadnutanuha
258
vin
pour divers NP, repas du roi
ZI.GA ina Bunineyu
20/iii*/ Ṣabrum
Hadnutanuha
252
vin
pour divers NP, diffé- ZI.GA ina Hurnat rents intermédiaires, repas du roi
3/iv*/ Ṣabrum
253
vin
pour divers NP, diffé- ZI.GA ina Hurnat rents intermédiaires, repas du roi
lorsque la 4/iv*/ ville fut prise Ṣabrum
196
chaussures pour NP
262
vin
pour divers NP, diffé- ZI GA […] rents intermédiaires, repas du roi
261
vin
pour divers NP, diffé- ZI.GA ina Bunineyu rents intermédiaires, repas du roi
ZI.GA ina Qaṭṭara
Hadnutanuha
25/iv*/ Ṣabrum
InibŠamaš
?
6/[-]/ Ṣabrum
Hadnutanuha
?
[…]
Fig. 7. Dépenses effectuées dans un lieu géographique.
Le formulaire de ces textes semble suivre le schéma suivant : – produit(s) pour (divers) NP (— intermédiaire(s) NP) (— stock NP) (— proposition circonstancielle « lorsque… ») – dépense (— « lorsque… ») ina NG (— précision) – date (— sceau)
LES DÉPENSES DÉCOUVERTES À TELL AL-RIMAH
201
Parmi ces dix-sept dépenses, huit sont effectuées ina Qaṭṭara (dont sept appartenant aux archives d’Iltani), six ina Bunineyu (appartenant toutes aux « archives » du vin) et deux ina Hurnat (appartenant également aux « archives » du vin). Concernant la mention « ina NG » dans la documentation administrative de Mari, D. Charpin et J.-M. Durand écrivaient59 : « — On trouve à Mari une majorité très nette pour les actes passés ina Mariki ou ses variantes, c’est-à-dire le palais royal, pris absolument ou pour une de ses parties. — Par contre, les mentions d’autres villes que Mari dans cette formule, une fois sériées chronologiquement de façon sûre46, établissent des « déplacements », le plus souvent du roi, et permettent de fixer des itinéraires dont les conséquences géographiques sont exploitées dans PCH II/2. On en peut avoir un échantillon d’après ce que P. Villard a reconstitué pour le déplacement de la cour royale jusqu’à Ugarit47 ou B. Lafont pour les repas royaux48. D’autres exemples spectaculaires existent pour la fin du règne de ZimriLim, à partir de l’an ZL 7’. L’exploitation du procédé a permis, de même, de regrouper tous les textes de Yahdun-Lim de la série « ina ká NG »49. Cependant, quand le roi et les équipes administratives reviennent à Mari, tous ces textes sont rapatriés et archivés dans la résidence royale. Il faut donc désormais tenir compte de ces remarques pour exploiter les notations « ina NG » figurant dans des archives administratives, où qu’elles aient été trouvées50. » 46 : C’est-à-dire après collation des textes, établissements des joints, détermination des années non explicitées par l’établissement des dossiers, et, bien sûr, compte tenu des inédits. 47 : Voir son exposé dans ARMT XXIII, p. 457-475, repris dans Un roi de Mari à Ugarit, UF 18, 1987, 387-412. 48 : Voir Miscellanea Babylonica = Mélanges M. Birot, p. 166. 49 : On en peut plus les considérer simplement comme l’indice de l’extension de Yahdun-Lim, comme l’a fait J.-R. Kupper, MARI 3, p. 183, mais comme la marche de l’armée. Voir la reprise des textes d’ARMT XXII, ainsi que la publication des inédits, dans l’étude de D. Charpin, PCH II/2. 50 : Il n’y a en effet aucune raison de penser que les scribes de Mari aient eu sur ce point des habitudes particulières. Il s’agit donc là d’un point de méthode fondamental pour l’établissement de la géographie historique. De ce fait, il est très regrettable qu’aucun texte de Chagar Bazar ne contienne la mention ina NG qui aurait permis de résoudre le problème de l’identification de ce site.
59
D. Charpin & J.-M. Durand 1987 : 138-139.
202
A.-I. LANGLOIS
Ainsi les dépenses effectuées dans un lieu géographique autre que celui des archives aident-elles à reconstituer un itinéraire. La documentation de Qaṭṭara le montre également avec les repas du roi pris en dehors de la ville : onze textes administratifs n’appartenant pas aux archives d’Iltani mais à celles du vin, découvertes entre les murs des salles XVI et XXII du palais de Qaṭṭara, permettent de reconstituer les étapes et mouvements précédant la prise de la ville de Hurnat60 : – le 28/ii*/Ṣabrum, les troupes du pays, sous le commandement d’un général, ainsi que le Palais arrivent de nuit à Bunineyu. OBTR 254 : 10 [DUG GEŠTIN] a-⸢na⸣ [ka-an]-ni LUGAL 2 [DUG] G[EŠTIN] ⸢a-na⸣ […] GÌR [x]-x-lu-t[i …] i-nu-ma um-ma-at [x] x ⸢LÚ⸣ GAL MAR.TU ša ma-tim ù é-kál-lum i-na mu-ši-im ⸢il-li-ku⸣ ŠU.NIGIN2 12 DUG ⸢GEŠTIN NÌ. GUB⸣ [LUGAL] ù ZI.GA i-na bu-ni-ne-yiki, ITI ki-nu-nim [U4] 28.⸢KAM⸣ li-mu ṣa-ab-rum
10 [jarres de vin] pour le [cel]lier du roi 2 [jarres] de v[in] pour […] intermédiaire ⸢NP⸣ lorsque la troupe [de …] le général du pays et le palais pendant la nuit sont venus total: 12 jarres pour le repas du [roi] et dépense dans Bunineyu mois ii* 28e [jour] éponyme Ṣabrum
– Le 4/iii*/Ṣabrum, le roi, en compagnie des représentants de Babylone et de Kakmum, mais aussi de musiciennes, demeurent à Bunineyu. OBTR 255 : 8 DUG GEŠTIN a-na ka-an-ni L[UGAL] 2 DUG GEŠTIN a-na LÚ KÁ.DINGIR.RAki GÌR dNIN.SI4.AN.NA.MA.AN.SUM 1 DUG GEŠTIN a-na LÚ ka-ak-mi-⸢i⸣ GÌR sa-am-su-⸢ba⸣-li 1 DUG GEŠTIN a-na pu-⸢ul⸣-sí-[ia] 1 DUG GEŠTIN a-na MUNUS [x] x x [x] GÌR 60
Voir A.-I. Langlois 2017 : 238-239.
8 jarres de vin pour le cellier du r[oi] 2 jarres de vin pour l’homme de Babylone intermédiaire Ninsianna-mansum 1 vase de vin pour le Kakméen intermédiaire Samsu-bali 1 vase de vin pour Pulsi[ya] 1 vase de vin pour dame NP? intermédiaire
LES DÉPENSES DÉCOUVERTES À TELL AL-RIMAH
1 DUG GEŠTIN a-na MUNUS.NAR. MEŠ GÌR ŠU.NIGIN2 14 DUG GEŠTIN NÌ.GUB LUGAL ù ZI.GA i-na urubu-ni-ne-yiki ITI tám-hi-ri 4.KAM li-mu ṣa-ab-rum
203
1 vase de vin pour les musiciennes intermédiaire total: 14 jarres de vin repas du roi et dépense dans Bunineyu mois iii*, 4e éponyme Ṣabrum
– Quatre jours plus tard, le 8/iii*/Ṣabrum, Šadug-atal rejoint le roi, qui profitait, entre autres, de la compagnie de l’une de ses concubines61, à Bunineyu. OBTR 256 : 18 DUG GEŠTIN a-na ka-an-ni LUGAL 3 DUG GEŠTIN a-na munusGEME2 LUGAL GÌR ma-an-nu-ba-lu-dUTU 1 DUG GEŠTIN a-n[a …] (deux ou trois lignes perdues) ŠU.NIGIN2 23 DUG ⸢GEŠTIN⸣ NÌ.GUB LUGAL ù ZI.GA i-nu-ma ša-du-ug-a-tal il-li-kam i-na bu-ni-ne-yiki ITI tam-hi-ri U4 8 li-mu ⸢ṣa-ab-rum⸣
18 jarres de vin pour le cellier du roi 3 jarres de vin pour la concubine du roi intermédiare NP 1 vase de vin pou[r …] total: 23 jarres de vin repas du roi et dépense lorsque Šadug-atal est venu dans Bunineyu mois iii* 8 jour éponyme Ṣabrum
– Onze jours après l’arrivée de Šadug-atal, le 19/iii*/Ṣabrum, le roi et sa suite, parmi laquelle l’une de ses filles est présente (l. 6), sont toujours à Bunineyu (OBTR 257). Le lendemain, le 20/iii*/Ṣabrum, le roi demeure toujours dans la ville (OBTR 258). En revanche, le jour suivant, 21/iii*/Ṣabrum, le roi part de Bunineyu et se déplace à Kigamnum (OBTR 259). OBTR 257 : 13 DUG GEŠTIN a-na ka-an-ni ⸢LUGAL⸣ 1 DUG ⸢GEŠTIN⸣ a-na x-ri-ia-x-mi-il-⸢ki⸣ ⸢GÌR⸣ ha-at-⸢ti⸣
61 munus
13 jarres de vin pour le cellier du roi 1 vase de vin pour NP intermédiaire Hatti
GEME2 LUGAL, l. 4, en opposition à DAM LUGAL d’OBTR 263 : 1.
204
A.-I. LANGLOIS
[1] DUG GEŠTIN DUMU.MUNUS [1] vase de vin pour la fille du roi LUGAL ⸢GÌR⸣ ha-zi-ip-⸢a-ra⸣-an-⸢zi⸣ intermédiaire Hazip-aranzi ŠU.NIGIN2 15 DUG GEŠTIN total: 15 jarres de vin NÌ.GUB LUGAL ù ZI.GA repas du roi et dépense i-n[a bu-n]i-⸢ne-yiki⸣ dans Bunineyu ITI tam-hi-ri mois iii* ⸢U4⸣ 19.KAM 19e jour li-mu ṣa-ab-ru éponyme Ṣabrum OBTR 258 : 13 DUG GEŠTIN 13 jarres de vin a-na ka-an-ni ⸢LUGAL⸣ pour le cellier du roi 1 DUG ⸢GEŠTIN⸣ 1 vase de vin a-na zi-im-ri-dIŠKUR x pour Zimri-Addu … ŠU.NIGIN2 14 DUG GEŠTIN total: 14 jarres de vin NÌ.GUB LUGAL ù ZI.GA repas du roi et dépense i-na urubu-ni-ne-[yi]ki dans Bunineyu ITI tam-hi-⸢ri⸣ mois iii* U4 20.KAM 20e jour li-mu ṣa-ab-[rum] éponyme Ṣabrum OBTR 259 : 7 jarres de vin 7 DUG GEŠTIN pour le cellier du roi a-na ka-an-ni ⸢LUGAL⸣ 2 jarres de vin 2 DUG GEŠTIN pour les messagers de a-na DUMU.MEŠ ši-ip-ri l’homme de Babylone LÚ KÁ.DINGIR.RAki GÌR dNIN.SI.AN.NA./MA.AN.SUM intermédiaire Ninsianna-mansum 1 DUG GEŠTIN a-na MUNUS x x x x 1 vase de vin pour dame NP? intermédiaire [Ma]nnu-balu-Šamaš GÌR [ma]-an-nu-⸢ba-lu⸣-dUTU ŠU.NIGIN2 10 DUG GEŠTIN total: 10 jarres de vin NÌ.GUB ⸢LUGAL ù⸣ ZI.GA repas du roi et dépense u4-um LUGAL iš-tu bu-ni-ne-yiki le jour où le roi depuis Bunineyu a-na ⸢ki-ga⸣-am-nimki à Kigamnum il-li-ku est venu ITI tam-hi-ri mois iii* U4 21.KAM 21e jour li-mu ṣa-ab-rum éponyme Ṣabrum
– Quelques jours plus tard, le 3/iv*/Ṣabrum, le roi et sa suite, composée entre autres du représentant de Babylone et de Šadug-atal, atteignent le district de Hurnat (OBTR 252). Le lendemain, 4/iv*/Ṣabrum, la ville tombe et le roi, en compagnie du représentant de Babylone, de Šadugatal, d’un général gutéen et de troupes, y demeure (OBTR 253).
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OBTR 252 : [x] DUG GEŠTIN ⸢a-na ka⸣-an-ni [LUGAL] [x+]4 DUG GEŠTIN ⸢a-na⸣ LÚ KÁ.DINGIR.[RAki] GÌR dNIN.⸢SI.AN⸣.NA!.⸢MA.AN⸣.SUM 5 DUG GEŠTIN a-na ⸢ša⸣-du-ug-⸢a⸣-tal GÌR dEN.[ZU-i]š-me-ni [1 DU]G ⸢GEŠTIN⸣ SUMUN a-na ⸢nu-bur⸣-šar-r[i] [GÌR] dEN.[ZU-i]š-me-ni [1] DUG GEŠTIN a-na ha-mu-x-x ⸢1⸣ DUG GEŠTIN ⸢ma⸣-an-nu-um-⸢zeri⸣-šu GÌR dNIN.SI.AN.NA.MA.AN.SUM [x] DUG GEŠTIN a-na DUMU.MEŠ ⸢ši-ip⸣-ri ⸢GÌR⸣ ì-lí-ma-⸢tár⸣ [ŠU.NIGIN2] 23 DUG GEŠTIN ⸢NÌ.GUB LUGAL⸣ ù ZI.GA i-na ša-⸢al⸣-ši-im i-na uruhu-ur-na-atki ITI ⸢na-ab⸣-ri, U4 3.KAM li-mu ṣa-ab-rum OBTR 253 : ⸢5 DUG GEŠTIN⸣ a-na ka-an-ni ⸢LUGAL⸣ ⸢2? DUG GEŠTIN⸣ a-na LÚ KÁ.DINGIR.RA⸣ ⸢GÌR⸣ d⸢NIN⸣.SI4.AN.NA.MA.AN.SUM [x DU]G GEŠTIN a-na ša-du-ug-a-tal [x DU]G GEŠTIN ⸢a⸣-na iš-me-dIŠKUR [x DUG] ⸢GEŠTIN a-na ma-an⸣-nu-zeri-iš [x DU]G GEŠTIN a-na GAL MAR.TU ⸢qú-ti⸣ [GÌR h]a-at-ti ù ki-in-⸢ni⸣-ia [x DU]G GEŠTIN ha-mu-ut-⸢dUTU⸣ [x] DUG GEŠTIN a-na DUMU-ri ši-ip-⸢ri⸣ i-na ši-⸢ki-in⸣-na-tim 5 ⸢DUG GEŠTIN a-na⸣ ṣa-bi-im 1 DUG ⸢GEŠTIN a-na⸣ x x x x i-na mu-ši 1 DUG GEŠTIN a-na [x x x] x i-na x [x x x] x pa at x [x x] x ⸢hi⸣ ia i-na mu-ši ⸢ŠU.NIGIN2⸣ 27 DUG GEŠTIN NÌ. GUB LUGAL
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[x] jarres de vin pour le cellier du [roi] [x+]4 jarres de vin pour le Babylonien intermédiaire Ninsianna-mansum 5 jarres de vin pour Šadug-atal intermédiaire Si[n-i]šmenni [1 vas]e de vin vieux pour Nubur-šarri [intermédiaire] Si[n-i]šmenni [1] vase de vin pour Hammu… 1 vase de vin pour Mannum-zerišu intermédiaire Ninsianna-mansum [x] jarres de vin pour les messagers intermédiaire Ili-matar [total:] 23 jarres de vin repas du roi et dépense dans le district de Hurnat mois iv*, 3e jour éponyme Ṣabrum 5 jarres de vin pour le cellier du roi 2 jarres de vin pour le Babylonien intermédiaire Ninsianna-mansum [x vas]e(s) de vin pour Šadug-atal [x vas]e(s) de vin pour Išme-Addu [x vase(s)] de vin pour Mannu-zeriš [x vas]e(s) de vin pour le général gutéen [intermédiaire H]atti et Kinniya [x vas]e(s) de vin (pour) HammutŠamaš [x] vase(s) de vin pour le messager dans des jarres-šikinnum 5 jarres de vin pour la troupe 1 vase de vin pour NP? dans la nuit 1 vase de vin pour … dans … … dans la nuit total: 27 jarres de vin, repas du roi
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ù ZI.GA i-na uruhu-ur-na-atki i-nu-ma URUki il-li-⸢qú⸣ ITI na-ab-ri U4 4.KAM ⸢li-mu⸣ ṣa-ab-rum
et dépense dans Hurnat lorsque la ville a été prise mois iv* 4e jour éponyme Ṣabrum
3.4.1. « Dépense le jour où … est allé à NG », une variante ? En observant avec attention cette suite de textes, OBTR 259 attire notre attention. En effet, cette dépense a été réalisée « le jour où le roi est allé à Kigamnum depuis Bunineyu » (l. 11-13). Il semble que l’itinéraire emprunté par le roi et les troupes stationnés à Bunineyu ait fait étape à Kigamnum avant d’atteindre Hurnat : Bunineyu => Kigamnum => Hurnat
Bien que le texte de dépense OBTR 259 ne comporte pas la mention ZI.GA ina Kigamnum, il pourrait y avoir été rédigé, selon la précision qui est faite. Ainsi le formulaire « dépense le jour où … à NG » paraît-il être une variante de la mention « dépense ina NG ». 3.4.2. Lieu de dépense et lieu de rédaction Si la mention « ina NG » indique bien que la dépense de denrées a été réalisée dans ce lieu, indique-t-elle pour autant que le texte y a été rédigé ? Le scribe était-il présent lors de la dépense ? Ou rédigeait-il le texte après coup ? Et qu’en est-il des textes récapitulatifs qui semblent être rédigés à partir de petits billets de dépenses ? L’un des textes de dépense de vin issu des fouilles de Tell al-Rimah est source de questionnement. Il s’agit de OBTR 255, récapitulatif de différentes dépenses, déjà mentionné plus haut : 2 4 6 T.8 10 R. 12 14
8 DUG GEŠTIN a-na ka-an-ni L[UGAL] 2 DUG GEŠTIN a-na LÚ KÁ.DINGIR.RAki GÌR dNIN.SI4.AN.NA.MA.AN.SUM 1 DUG GEŠTIN a-na LÚ ka-ak-mi-⸢i⸣ GÌR sa-am-su-⸢ba⸣-li 1 DUG GEŠTIN a-na pu-⸢ul⸣-sí-[ia] 1 DUG GEŠTIN a-na MUNUS [x] x x [x] GÌR 1 DUG GEŠTIN a-na MUNUS.NAR.MEŠ GÌR ŠU.NIGIN2 14 DUG GEŠTIN
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NÌ.GUB LUGAL ù ZI.GA i-na urubu-ni-ne-yiki T.18 ITI tám-hi-ri 4.KAM li-mu ṣa-ab-rum
Nous constatons que le nom des intermédiaires GÌR des lignes 12 et 15 n’a pas été inscrit et que le reste de la ligne est resté vierge, comme le montre la transcription du texte donnée ci-dessus qui respecte la mise en page originale. Que s’est-il passé lors de la rédaction de ce récapitulatif ? Y eut-il un défaut de communication ? N’aurait-on pas précisé au scribe le nom des intermédiaires de ces dépenses ? Le scribe n’a-t-il pas eu accès aux petits billets de dépense que l’on suppose avoir été rédigés avant ce récapitulatif, puis détruits ? La dépense a-t-elle réellement été effectuée dans la ville précisée, puis rédigée et (ensuite) archivée à Qaṭṭara, sans les informations complètes ? Ou ces deux lignes vides constituent-elles un indice du fait que le texte fut rédigé avant la dépense effective de ces deux jarres de vin mais les prenant en compte par anticipation ?
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3.5. Les dépenses scellées Comme cela a déjà été précisé, seuls dix textes de dépenses parmi les vingt-quatre trouvés lors des fouilles de Tell al-Rimah furent scellés. OBTR 195 et 196 enregistrent des dépenses de chaussures et sont respectivement scellées par Kizzurum et par Inib-Šamaš, deux serviteurs de Haqba-Hammu déjà mentionnés62. OBTR 197, 198 et 216 sont des textes enregistrant des dépenses d’argent qui furent scellées par Haqba-Hammu. Ces derniers portant la mention explicite ZI.GA ina Qaṭṭara pourraient attester la présence de l’époux d’Iltani dans cette ville, si l’on considère que seul le propriétaire d’un sceau en faisait usage. La somme d’un sicle (OBTR 197) ou l’anneau (OBTR 198) peuvent faire penser à la rémunération offerte pour la remise d’un message. Cinq autres dépenses, OBTR 254, 257-259 et 262, concernant cette fois-ci du vin, furent scellées par Hadnu-tanuha, autre serviteur de HaqbaHammu qui n’est pas attesté par les documents des archives d’Iltani. Plusieurs questions se posent : pourquoi toutes les dépenses ne furentelles pas scellées ? Le scellement dépend-il du type de denrée ou d’objet dépensé ? Y a-t-il un lien avec le lieu de la dépense ? Qui doit sceller ces dépenses ? En observant le cas des textes de dépenses de Tell al-Rimah, on pourrait penser que l’impression d’un sceau était nécessaire lorsqu’il s’agissait de matériaux précieux tels que l’argent. Toutefois la dépense de deux sicles d’argent enregistrée par OBTR 213, appartenant également aux archives d’Iltani, ne comporte pas de traces de sceau. Serait-ce en raison du fait que cette dépense fut effectuée « en présence du roi », écartant ainsi toute nécessité d’identifier par la suite un responsable par son sceau ? De même, toutes les dépenses de vin ne sont pas scellées, même lorsqu’elles comportent le repas du roi, ce qui sous-entend sa présence, comme en attestent par exemple OBTR 252, 253, 255 et 256. La nécessité d’apposer un sceau sur un texte de dépense ne semble pas non plus dépendre du lieu de cette opération. En effet, les deux dépenses de chaussures, les seules à être documentées à Tell al-Rimah, sont toutes deux scellées mais seule OBTR 196 précise explicitement ZI.GA ina Qaṭṭara. 62 Inib-Šamaš est moins bien documenté que Kizzurum. Pour Inib-Šamaš, voir A.-I. Langlois 2017 : 139-140 ; pour Kizzurum, voir op. cit. p. 141-143.
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Le fait que les empreintes de sceaux trouvées sur les textes de dépenses appartiennent uniquement à Haqba-Hammu ou à ses serviteurs semble indiquer que seule ce que l’on pourrait appeler l’« administration » de l’époux d’Iltani était en droit de sceller ces textes. Se pose alors la question du rôle de l’individu désigné comme GÌR que l’on traduit par « intermédiaire ». Dans les textes de dépenses de vin, plusieurs intermédiaires sont mentionnés. Leur nom semble avoir une importance puisque deux d’entre eux sont restés incomplets dans OBTR 255, comme nous l’avons vu. Quelle était leur tâche réelle ? Pourquoi ne sont-ils pas systématiquement mentionnés ? Pourquoi l’un d’entre eux ne scellait-il pas le texte de dépense ? Est-ce parce qu’ils n’appartenaient pas à l’administration de HaqbaHammu ? En effet, aucun des noms qui sont lisibles n’est documenté par les archives d’Iltani. Seul Hadnu-tanuha peut être qualifié de façon certaine, grâce à l’inscription de son sceau, de serviteur de Haqba-Hammu. Or Hadnu-tanuha, qui a scellé bon nombre de dépenses de vin, est enregistré comme intermédiaire GÌR dans l’une d’elles, OBTR 261 : 9 et 11, texte qui ne semble cependant pas comporter de traces de scellement. CONCLUSION Ces considérations de géographie historique et d’archivistique appliquées aux textes de dépenses découverts à Tell al-Rimah montrent une nouvelle fois l’importance de pouvoir comprendre une archive et un corpus dans son ensemble. Il faut ici souligner que cette tâche est facilitée par la découverte de ces textes lors de fouilles régulières, alors que bon nombre de textes paléo-babyloniens se trouvent dispersés dans divers musées et collections du monde entier sans contexte archéologique. Il faut toutefois garder à l’esprit que la documentation mise au jour ne représente qu’une petite partie de ce qui a été produit, qu’il s’agisse de la correspondance comme des textes administratifs. Ainsi seuls 125 textes administratifs datant de quelques années uniquement de la période paléo-babylonienne ont-ils été découverts. Après avoir considéré les textes de dépenses trouvés à Tell al-Rimah, il apparaît que le nom de Qaṭṭara est bien celui qui est le plus cité dans les mentions ZI.GA ina NG : huit des dix-sept textes de dépense comportent la mention ZI.GA ina Qaṭṭara. En revanche, des dépenses sont également enregistrées dans d’autres lieux géographiques tels que Bunineyu (OBTR 254, 255, 256, 257, 258, 261)
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et Hurnat (OBTR 252 et 253), ainsi que Kigamnum probablement (OBTR 259). Le fait que la ville de Qaṭṭara soit de peu majoritaire dans les mentions ZI.GA ina NG est certes important mais pas déterminant, à lui seul, pour l’identification du nom paléo-babylonien du site de Tell al-Rimah. Mais ce fait, ajouté à l’ensemble des éléments mis en avant par D. Charpin et J.-M. Durand en 1987 permettent d’établir Qaṭṭara comme le nom ancien de Tell al-Rimah à l’époque paléo-babylonienne. Les mentions de dépenses effectuées dans d’autres lieux géographiques que celui des archives permettent bien de retracer certaines étapes des itinéraires empruntés, ici en l’occurrence celui du roi et de ses troupes lors de la conquête de la ville de Hurnat. Certains textes de ce corpus soulèvent cependant des interrogations quant aux mécanismes et conditions de rédaction des textes administratifs, et en particulier les textes de dépenses. Si des pistes de réflexion ont pu être avancées, des réponses n’ont pas encore pu être apportées. BIBLIOGRAPHIE Anbar M., 1978 : Recension de S. Dalley, C. B. F. Walker & J. D. Hawkins, The Old Babylonian Tablets from Tell al Rimah, Hertford, 1976, BiOr 35, p. 208-217. Arkhipov I., 2012 : Le Vocabulaire de la métallurgie et la nomenclature des objets en métal dans les textes de Mari. Matériaux pour le Dictionnaire de Babylonien de Paris III, ARM 32, Louvain/Paris/Walpole. Barjamonic G., Th. Hertel & M. T. Larsen, 2012 : Ups and Downs at Kanesh, Chronology, History and Society in the Old Assyrian Period, PIHANS 120, Leyde. Birot M., 1978 : Recension de S. Dalley, C. B. F. Walker & J. D. Hawkins, The Old Babylonian Tablets from Tell al Rimah, Hertford, 1976, RA 72, p. 181-191. Charpin D., 1992 : « Légendes de sceaux de Mari : nouvelles données », dans G. D. Young (éd.), Mari in Retrospect. Fifty Years of Mari and Mari Studies, Winona Lake, p. 59-76. —— 2003 : « La “toponymie en miroir” dans le Proche-Orient amorrite », RA 97, p. 3-34. —— 2017a : « Le “mur des Amorrites” à Sumer à la fin du IIIe millénaire av. J.-C. : le premier exemple de mur anti-migrants ? », dans P. Boucheron (éd.), Migrations, réfugiés, exil, Paris, p. 61-81. —— 2017b : « Le roi d’Ugarit et la demeure de Zimri-Lim », UF 48, p. 115-126. Charpin D. & J.-M. Durand, 1987 : « Le nom antique de Tell Rimāh », RA 81, p. 125-146. Charpin D. & N. Ziegler, 2003 : Florilegium Marianum V. Mari et le ProcheOrient à l’époque amorrite : essai d’histoire politique, Mémoires de NABU 6, Paris.
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211
—— 2014 : « En marge d’ARCHIBAB, 14 : la séquence des éponymes », NABU 2014/12, p. 21-22. Dalley S., 1980 : « Karanā », RlA 5, p. 405b-407. —— 1984 : Mari and Karana. Two Old Babylonian Cities, Londres. Dalley S., C. B. F. Walker & J. D. Hawkins, 1976 : The Old Babylonian Tablets from Tell al Rimah, Hertford. Eidem J., 1989 : « Some Remarks on the Iltani Archive from Tell al-Rimah », Iraq 51, p. 67-78. Groneberg B., 1979 : Recension de S. Dalley, C. B. F. Walker & J. D. Hawkins, The Old Babylonian Tablets from Tell al Rimah, Hertford, 1976, ZA 69, p. 258-268. Günbattı C., 2008 : « An Eponym List (KEL G) from Kültepe », AoF 35, p. 103-132. Joannès F., 1992 : « L’organisation de l’espace en Irak du nord (région du Sinjar) au début du IIème millénaire av. J.-C. », Cahiers du centre G. Glotz 3, p. 1-19. Lacambre D. & W. Nahm, 2015 : « Pithana, an Anatolian Ruler in the Time of Samsuiluna of Babylon: New Data from Tell Rimah (Iraq) », RA 109, p. 17-28. Langlois A.-I., 2017 : ARCHIBAB 2. Les archives de la princesse Iltani découvertes à Tell al-Rimah (XVIIIe siècle av. J.-C.) et l’histoire du royaume de Karana/Qaṭṭara, Mémoires de NABU 18, Paris. Mayer W., 1979 : Recension de S. Dalley, C. B. F. Walker & J. D. Hawkins, The Old Babylonian Tablets from Tell al Rimah, Hertford, 1976, Or 48, p. 286-288. Oates D., 1966 : « The Excavations at Tell al-Rimah, 1965 », Iraq 28, p. 122-139. —— 1967 : « The Excavations at Tell al-Rimah, 1966 », Iraq 29, p. 70-96. —— 1968 : « The Excavations at Tell al-Rimah, 1967 », Iraq 30, p. 115-138. —— 1997 : « Introduction », dans C. Postgate, D. Oates & J. Oates, The Excavations at Tell al-Rimah: The Pottery, Iraq Archaeological Reports 4, Warminster, p. 15-20. Pomponio F., 1977 : Recension de S. Dalley, C. B. F. Walker & J. D. Hawkins, The Old Babylonian Tablets from Tell al Rimah, Hertford, 1976, OrAn 16, p. 332-336. Postgate J. N., 2007 : The Land of Assur & the Yoke of Assur, Studies on Assyria: 1971-2005, Oxford, p. 319-330. —— 2013 : Bronze Age Bureaucracy, Writing and the Practice of Government in Assyria, New York. Saggs H. W. F., 1968 : « The Tell al Rimah Tablets, 1965 », Iraq 30, p. 154174. Sasson J. M., 1980 : « The Old Babylonian Tablets from Al-Rimah », JAOS 100, p. 453-460. Wiseman D. J., 1968 : « The Tell al Rimah Tablets, 1966 », Iraq 30, p. 175-205. Ziegler N. & A.-I. Langlois, 2016 : Les Toponymes paléo-babyloniens de la Haute-Mésopotamie, MTT I, Paris.
TABLE DES MATIÈRES ARKHIPOV, I., CHAMBON, G. & ZIEGLER, N., Introduction . . . .
V
Liste d’abréviations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
XIII
TECHNIQUES D’ARCHIVAGE CHARPIN, D., Une technique méconnue d’archivage chronologique des tablettes comptables . . . . . . . . . . . . . . . .
3
MARTI, L., Archives et archivage à l’époque médio-assyrienne : le cas de l’archive « M 4 D » d’Aššur . . . . . . . . . . . .
23
L’ADMINISTRATION IMPOSANT SES NORMES NICOLAS, Th., Mesurer pour mieux régner : la mesure de Marduk, un outil économique et socioculturel des rois de la première dynastie de Babylone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
45
LES CHAMPS ET LEUR GESTION FIETTE, B., Les surfaces des champs et des palmeraies d’après les archives de Šamaš-hazir . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
77
ALEXANDROV, B., Hittite Field Texts: Questions of Genre and Terminology. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
109
GÉRER LA SOCIÉTÉ PALATIALE NEBIOLO, F., Serment et administration palatiale : reflet d’un projet politique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
133
ILIN-TOMICH, A., Royal Court on a Visit to Thebes: Palace Officials and Local Hosts in Papyrus Boulaq 18 . . . . . . . . . . . .
159
214
TABLE DES MATIÈRES
ARCHIVES ET PRATIQUES LOCALES MARKINA, E., Gasur in the Third Millennium . . . . . . . . . . LANGLOIS, A.-I., Les dépenses découvertes à Tell al-Rimah. Archivistique et géographie historique . . . . . . . . . . . .
183
Table des matières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
213
171
PRINTED ON PERMANENT PAPER
• IMPRIME
SUR PAPIER PERMANENT
N.V. PEETERS S.A., WAROTSTRAAT
• GEDRUKT
OP DUURZAAM PAPIER
50, B-3020 HERENT
- ISO 9706