Trans-mission. Création et hybridation dans le domaine d’oc: Nouvelles perspectives de la recherche en domaine occitan 9782503596402, 2503596401


269 3 3MB

French Pages 395 [396]

Report DMCA / Copyright

DOWNLOAD PDF FILE

Table of contents :
Front Matter
Marianoemi Bova. Ancora su Carestia
Alessio Collura. Un aperçu sur la légende du bois de la Croix
Margot Constans. Le Roman dels auzels cassadors de Daude de Pradas
Alexandros Maria Hatzikiriakos. Le retoriche della disarmonia
Giorgia Laricchia. Intorno alla nuova edizione critica di Guirautde Calanso
Manuel Negri. Osservazioni metriche sull’alessandrino dei trovatori provenzali
Noemi Pigini. Création et hybridation
Joanna Poetz. Absolucion
Camilla Talfani. La scripta du Languedoc occidental et la scripta de la Provence au XIVe siècle
Fabio Barberini. La postilla colocciana « discort » nel Canzoniere Colocci-Brancuti, c. 1r
Laure-Anne Caraty. La description de la poésie occitane médiévale au XVIIIe siècle
Andrea Tondi. La storiografia occitana e i parlamenti regionali
Grégoire Andreo-Raynaud. La transmission de la langue occitane à travers le processus de patrimonialisation
Pierre Cames. Eth substrat basco-aquitan en gascon
Damien Canavate. Reconfiguration territoriale et politique linguistique en Occitanie
Jordi Cassany-Bates. Les vocals que separen el catalanovalencià de l’occità
Amélie Deparis. Les parlers du croissant et le défi d’enquêter à la limite des zones oc et oïl
Olivier Pasquetti. La poésie des frontières de Joan-Luc Sauvaigo
Aline Pons. La lingua speciale dei minatori della Val Germanasca (Piemonte, Italia)
Clamença Poujade. Desvolopar una metodologia d’enquista per descriure la fonologia de l’occitan
Etienne Rougier. D’une sociolinguistique médiévale de l’occitan à un imaginaire romantique
Vincent Surrel. Géolinguistique et dialectologie historique de l’espace dialectal vellave
Recommend Papers

Trans-mission. Création et hybridation dans le domaine d’oc: Nouvelles perspectives de la recherche en domaine occitan
 9782503596402, 2503596401

  • 0 0 0
  • Like this paper and download? You can publish your own PDF file online for free in a few minutes! Sign Up
File loading please wait...
Citation preview

Trans-mission. Création et hybridation dans le domaine d’oc

Publications de l’Association Internationale d’Études Occitanes XIV

Directeur de Collection Rosa María Medina Granda

Trans-mission. Création et hybridation dans le domaine d’oc Nouvelles perspectives de la recherche en domaine occitan

textes édités par Fabio Barberini et Camilla Talfani avec la collaboration de Marine Mazars

F

Illustration de couverture : Image downloaded from https://pixabay.com/fr/illustrations/bokeh-contexteabstrait-cercles-848510/?fbclid=IwAR3OiwkJMPiaBVRLa5Iqn1IF1irw41bbruSDfjEpZeoDK4cxoHyxq2RBGc, published 17 july 2015 by user geralt.

© 2022, Brepols Publishers n. v., Turnhout, Belgium. All rights reserved. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system, or transmitted, in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, or otherwise without the prior permission of the publisher. D/2022/0095/135 ISBN 978-2-503-59640-2 E-ISBN 978-2-503-59641-9 DOI 10.1484/M.PAIEO-EB.5.125379 ISSN 1782-1770 E-ISSN 2565-9952 Printed in the EU on acid-free paper.

Table des matières

Avant-propos9 Première partie Moyen Âge Ancora su Carestia13 Tracce del dibattito in Conon de Béthune, Se raige et derverie (RS 1128 = L 50.9) Marianoemi Bova Un aperçu sur la légende du bois de la Croix29 Les deux rédactions occitanes issues du Post Peccatum Adae Alessio Collura Le Roman dels auzels cassadors de Daude de Pradas47 Traité de fauconnerie didactique ou poème lyrique ? Margot Constans Le retoriche della disarmonia61 Strategie sonore e musicali nei descortz occitanici Alexandros Maria Hatzikiriakos Intorno alla nuova edizione critica di Guiraut de Calanso79 Ricostruzione dell’itinerario biografico Giorgia Laricchia Osservazioni metriche sull’alessandrino dei trovatori provenzali95 Il gruppo Frank 3 Manuel Negri Création et hybridation113 Le cas du Destret d’emors occitan-catalan Noemi Pigini

6

ta bl e d e s m at i è r e s

Absolucion129 Édition d’un traité vaudois Joanna Poetz La scripta du Languedoc occidental et la scripta de la Provence au XIV e siècle149 Camilla Talfani Deuxième partie Réception du Moyen Âge et études savantes La postilla colocciana « discort »169 nel Canzoniere Colocci-Brancuti, c. 1r Fabio Barberini La description de la poésie occitane médiévale au XVIIIe siècle191 dans les chansonniers de Sainte-Palaye Laure-Anne Caraty La storiografia occitana e i parlamenti regionali215 il caso dell’Histoire des Albigeois Andrea Tondi Troisième partie Époques moderne et contemporaine La transmission de la langue occitane à travers le processus de patrimonialisation229 Grégoire Andreo-Raynaud Eth substrat basco-aquitan en gascon243 Torn d’orizont dera question e problèmas inerents Pierre Cames Reconfiguration territoriale et politique linguistique en occitanie263 Premiers résultats et pistes de recherche Damien Canavate Les vocals que separen el catalanovalencià de l’occità279 Jordi Cassany-Bates

tab le d e s mat i è re s

Les parlers du croissant et le défi d’enquêter à la limite des zones oc et oïl297 L’exemple du crozantais Amélie Deparis La poésie des frontières de Joan-Luc Sauvaigo311 Olivier Pasquetti La lingua speciale dei minatori della Val Germanasca (Piemonte, Italia)325 Aline Pons Desvolopar una metodologia d’enquista per descriure la fonologia de l’occitan339 Clamença Poujade D’une sociolinguistique médiévale de l’occitan à un imaginaire romantique353 Construction, territorialisation et déterritorialisation poétique et politique Etienne Rougier Géolinguistique et dialectologie historique de l’espace dialectal vellave379 Le témoignage de nouvelles données textuelles pour les issues de lat. tēgŭla Vincent Surrel

7

Avant-propos Ce dernier volume des Publications de l’Association Internationale d’Études Occitanes (PAIEO) voit la lumière à l’occasion du 40e anniversaire de notre Association, fondée en 1981. Une rencontre scientifique internationale est à l’origine de cette publication : la Journée d’Étude Trans-mission : Creacion e ibridacion dins lo domeni d’òc, qui a eu lieu le 29 mars 2019, à Université Toulouse – Jean Jaurès. Organisée par les membres de l’Association des Joves Cercaires en Domeni Occitan ( JCDO), avec le support des Laboratoires Patrimoine, Littérature, Histoire (PLH) et Cognition, Langues, Langage, Ergonomie (CLEE) de l’Université toulousaine et sous le patronage de l’Association Internationale d’Études Occitanes (AIEO), cette Journée a eu également une valeur ajoutée : la supervision scientifique du Conseil d’Administration de l’AIEO dont quelques-uns de ses membres ont joué le rôle de modérateurs de certaines sessions. D’ailleurs, le Conseil d’Administration a été responsable de l’évaluation scientifique des travaux publiés dans ce volume en garantissant la rigueur et la qualité des résultats. Cette Journée d’études a été, donc, la première étape de l’officialisation des rapports institutionnels entre l’AIEO et l’Association des JCDO. Depuis lors, cette relation a été constante, même au milieu de la pandémie qu’on subit encore, étant la compilation et l’édition des 22 articles qui composent ce volume la meilleure preuve, à ce jour, de cette coopération constante et fructueuse. Ce recueil d’article représente également un nouvel exemple de la vitalité de la recherche menée par de jeunes chercheurs dont le domaine de recherche est en lien avec les études occitanes. Le volume X des PAIEO, Nouvelles Recherches dans le domaine occitan : Approches interdisciplinaires, paru en 2015 et édité par Wendy Pfeffer et Jean Thomas, a déjà permis de mettre en évidence le caractère interdisciplinaire et le dynamisme de la recherche occitane qui s’est développée, sous l’égide de l’AIEO, pendant longtemps et dans différentes parties du monde. Ce nouveau volume, dont les textes ont été rassemblés et édités entre 2020 et 2021, grâce au grand travail accompli par trois membres des JCDO, à savoir Fabio Barberini et Camilla Talfani, avec la collaboration de Marine Mazars, réaffirme la vitalité de cette recherche. Le vide provoqué par l’annulation, en 2020, pour des raisons de santé, du XIIIe Congrès international de l’AIEO de Cuneo/Coni, est bien compensé par l’édition de ce volume, achevée à la fin de la même année. Les nouvelles générations de chercheurs, conscientes de la tradition des études occitanes, ainsi que des technologies numériques qui rendent plus aisée l’actuelle recherche, montrent dans ce volume non seulement une grande rigueur et solidité, mais aussi une grande capacité d’innovation : bien que les divisions traditionnelles des genres, des styles, des mouvements, des langues …, en tant que des domaines de recherche bien définis, permettent la réflexion, il se peut que, quand ils tournent seulement autour d’eux-mêmes, ils deviennent aussi des obstacles à la pensée.

10

ava n t-p ro p o s

Dans les derniers temps la plupart des chercheurs étaient déjà bien conscients du besoin de franchir les frontières traditionnelles pour ouvrir de nouveaux domaines de recherche. Pour voir au-delà. La pandémie, pour sa part, est devenue une sorte de loupe qui confirme que parfois il n’est possible de s’écouler que lorsque les hétérogénéités sont combinées. Dans ce volume, la fusion d’éléments, de genres et de pratiques diverses dans les différents domaines (linguistique, sociolinguistique, musicologie, philologie, littérature moderne et contemporaine, littérature médiévale, histoire, anthropologie etc.) implique l’hybridation et permet l’innovation. Les chercheurs qui se sont mis d’accord sur cette combinaison rizomatique d’hétérogénéités, l’ont fait avec des recherches qui touchent, à leur tour, à des différentes époques : Moyen Âge (9 articles) ; Réception du Moyen Âge et Études savantes (3 articles) ; Époques moderne et contemporaine (10 articles). Tous ces chercheurs venant de différentes parties de l’Europe et du monde font leur tour à travers de différentes universités et centres de recherche, rassemblant tout au long de leur parcours académiques et vitales le meilleur fruit de la tradition académique y existant. Ces chercheurs sont aussi une sorte de « nomades », qui croisent les lignes et font le pont entre les différents centres qu’ils transitent. Ce type de nomadisme devient une bonne graine pour l’hybridisme et l’innovation qui caractérisent tout ce volume. La carte qui reflète le parcours de ces chercheurs est constituée par des points névralgiques qui deviennent des lignes performatives, dans la mesure où nous sommes devant les travaux des chercheurs en constante évolution : Portugal (Universidade Nova de Lisboa) ; Espagne (Universidade de Santiago de Compostela, Universitat de Lleida) ; France (Université Toulouse – Jean Jaurès, Université Côte d’Azur, Université Paul-Valéry-Montpellier, Université de Montpellier, Université Paris 8, INaLCO, École nationale des Chartes – Centre Jean-Mabillon) ; Irlande (Trinity College Dublin) ; Suisse (Universität Zurich) ; Italie (Università di Napoli « Federico II », Università di Palermo, Università di Siena, Università di Torino) ; Roumanie (Universitatea din Bucuresti) ; États Unis (Firenze, Villa I Tatti, The Harvard Center for Italian Renaissance Studies) ; Canada (Université de Montréal). À tous ces jeunes contribuant à la poursuite de la recherche en occitan dès nouveaux points de vue, toutes les félicitations et les remerciements au nom de l’AIEO, à l’occasion de son 40e anniversaire. Compte tenu de l’engagement de notre association en faveur de l’internationalisation des Études occitanes (loin des localismes stériles qui tournent autour d’eux) ainsi que de la nature internationale de ce volume, il est possible d’être optimistes et de conclure : Estudis occitans ad futurum. Rosa María Medina Granda Universidad de Oviedo – Présidente de l’AIEO

Première partie

Moyen Âge

Marianoemi Bova 

Ancora su Carestia Tracce del dibattito in Conon de Béthune, Se raige et derverie (RS 1128 = L 50.9) Con l’etichetta ‘questione Carestia’ si suole alludere a una delle più note e suggestive polemiche della lirica medievale, originatasi intorno agli anni ’70 del XII secolo e imperniata sul tema della ricompensa in amore – nonché su quello della sua attesa –, che rivestì un ruolo di primaria importanza « nella definizione dell’ideologia trobadorica e della sua irradiazione nel Medioevo europeo » (Spetia 2017 : 9 ; con ampia rassegna della bibliografia pregressa). Alle celebri posizioni espresse dai partecipanti al débat, ossia Bernart de Ventadorn, Raimbaut d’Aurenga e Chrétien de Troyes1, seguirono infatti declinazioni del tema varie, spesso da questi ispirate, ad opera di voci provenienti dal panorama lirico d’oc e d’oïl, finanche da quello italiano. Parimenti acceso è stato poi il dibattito critico che ne è scaturito, a partire dalle prime brillanti intuizioni di Pattison (1952)2 e Roncaglia (1958)3 fino a contributi piuttosto recenti, prevalentemente vòlti ad offrire soluzioni convincenti in merito all’enigma Carestia, ignoto dedicatario della canzone Non chant per auzel ni per flor di Raimbaut (BEdT 389,32), nonché a definire la corretta successione cronologica delle tre voci del débat. Se tali interrogativi non hanno ancora trovato, ad oggi, una risposta univoca e definitiva4, pare esservi invece sostanziale accordo circa il contenuto





1 Le canzoni coinvolte nel dibattito sono notoriamente Non chant per auzel ni per flor (BEdT 389,32) di Raimbaut d’Aurenga ; Can vei la lauzeta mover (BEdT 70,43) di Bernart de Ventadorn e D’Amors, qui m’a tolu a moi (RS 1664 = L 39.2) di Chrétien de Troyes. 2 Nella sua edizione delle liriche di Raimbaut d’Aurenga, Pattison (1952) fu il primo a segnalare lo stretto legame esistente tra Non chant per auzel di Raimbaut e Can vei la lauzeta di Bernart de Ventadorn, legame comprovato in primo luogo dall’identità dello schema rimico dei due componimenti. Si citano Raimbaut d’Aurenga e Bernart de Ventadorn rispettivamente dalle edizioni Pattison (1952) e Appel (1915). 3 A Roncaglia (1958) si deve il merito di aver esteso i confini del dibattito al dominio oitanico, scorgendo dietro al senhal Carestia impiegato da Raimbaut la figura del romanziere sciampagnino Chrétien de Troyes. 4 Da ultimo, Spetia (2017) giunge a confermare l’ipotesi di Roncaglia circa l’identificazione di Carestia con Chrétien e ad avanzare l’ipotesi che sia stata proprio la canzone D’Amors qui m’a tolu a moi del troviero a dare il via al dibattito : « Se questa ricostruzione è plausibile, allora Carestia è Chrétien e la triangolazione si è svolta secondo la linea Chrétien-Bernart-Raimbaut. D’altra parte il fatto che nei poeti successivi ricompaia il termine carestia (anche nelle varianti carantena o cartatz) conferma che non solo il motivo del débat è quello della carestia amorosa, ma poiché essa coincide con il senhal di uno dei partecipanti, è proprio lui l’iniziatore » (Spetia 2017 : 117).

Marianoemi Bova • Università di Napoli “Federico II” • [email protected] Trans-mission. Création et hybridation dans le domaine d’oc, éd. par Fabio Barberini et Camilla Talfani, Turnhout, 2022 (Publications de l’Association Internationale d’Études Occitanes, 14), pp. 13-28.

© FHG

DOI 10.1484/M.PAIEO-EB.5.126412

14

m a r i a n o e m i b ova

della polemica e le singole posizioni assunte dai tre poeti. Al « sensuale fatalismo » (Meneghetti 1984 : 209) di Raimbaut-Tristan, che prospetta una felice realizzazione dell’amore – concepito come passione ineluttabile ed eterna –, esortando l’amata a emulare la condotta di Isotta, fa da contraltare il pessimismo rinunciatario di Bernart, il quale « di fronte alla […] durezza della donna, fa invece esplicita affermazione di recreantise » (Zaganelli 1982 : 32), abbandonando al contempo l’amore e il canto. A entrambi si oppone Chrétien, proclamando la supremazia di un amore liberamente scelto e non fatalisticamente subìto, « del quale è poi consapevolmente disposto ad accettare l’imperio » (Zaganelli 1982 : 28); tale accettazione si sostanzia in una totale e incondizionata sottomissione ad Amore e alle sue leggi da parte dell’amante, il quale si dichiara intenzionato a perseverare strenuamente nel servitium, anche in caso di mancata ricompensa – ossia in tempi di carestia. Nel suo recente riesame della questione, Spetia (2017 : 122) denuncia la presenza di una grave lacuna all’interno della tradizione di studi consacrata al ‘débat Carestia’: se, infatti, la sua fortuna nella produzione lirica italiana è stata ampiamente indagata, per la poesia d’oïl si tratta di un campo ancora per lo più inesplorato. Tale lacuna appare « tanto più grave tenuto conto del ruolo magistrale giocato da Chrétien nel fondare questa esperienza poetica » (Spetia 2017 : 122). Come ha acutamente osservato Formisano (2009 : 318), sulla scorta di Zaganelli (1982 : 25), il ruolo di iniziatore dell’esperienza lirica d’oïl tradizionalmente riconosciuto a Chrétien de Troyes non è determinato tanto da ragioni meramente cronologiche5, quanto piuttosto « dal significato che [le sue] canzoni assumono nei confronti della fondazione del canone lirico d’oïl ». Sembra infatti evidente che le due canzoni sulla cui attribuzione a Chrétien regna unanime accordo, ossia D’Amors qui m’a tolu a moi (RS 1664 = L 39.2) e Amors tençon et bataille (RS 121 = L 39.1)6, costituiscano dei veri e propri manifesti poetico-ideologici, destinati a orientare in maniera decisiva gli sviluppi della neonata lirica cortese d’oïl, in particolar modo la produzione della prima generazione trovierica7. Una cursoria lettura dell’opera di trovieri quali Blondel de Nesle, Gace Brulé o il Castellano di Coucy basta, infatti, a confermare quanto asserito da Meneghetti (1984 : 209): « fin







5 Formisano (2009 : 320) rammenta quanto, per i trovieri della prima generazione, la cronologia relativa in nostro possesso sia oltremodo incerta. Dopo aver esposto i pochi dati più o meno attendibili che possediamo circa la collocazione temporale dell’attività di trovieri quali Blondel de Nesle, il Castellano di Coucy, Conon de Béthune e Gace Brulé, egli giunge a dichiarare : « se sono nati, come è stato supposto, poco dopo la metà del XII secolo, nel 1175 non erano certo troppo giovani per poetare »; si tratta all’incirca del periodo in cui l’editrice di Chrétien, Zai (1974), colloca la composizione di D’Amors qui m’a tolu a moi, datandola invero intorno al 1177. Spetia (2017 : 121) propone tuttavia di retrodatare il componimento intorno al 1170, come già ipotizzato in tempi remoti da Roncaglia (1958). 6 I canzonieri della lirica oitanica attribuiscono in realtà a Chrétien de Troyes 5 canzoni ; la discussione attributiva è in Zai (1974), da cui saranno tratte le citazioni di Chrétien. Su Amors tençon et bataille (RS 121) si veda altresì l’edizione Tyssens (2002). Sulle liriche complessivamente assegnate a Chrétien dalla tradizione manoscritta si veda Gatti (2017). 7 Si veda Rossi (2001 : 403): « il s’agit en réalité d’un véritable manifeste poétique développant une nouvelle théorie de l’amour et de l’écriture qui n’est pas sans prendre le contre-pied de la fin’amor troubadouresque d’une part et de la passion tristanienne de l’autre ». Si veda anche Zaganelli (1982 : 31).

Anco ra su c arest i a

dall’inizio la scelta ideologica del grand chant courtois è rigorosamente unitaria nel nome di un idealistico culto del sacrificio », culto verosimilmente debitore della “carestia amorosa” propugnata da Chrétien, e da questi probabilmente imposto. Eppure, proprio all’interno di quel panorama lirico in apparenza così compatto e omogeneo, si staglia una voce dissonante, che pare rifiutare energicamente tale « scelta ideologica » (Meneghetti 1984 : 209). Ci riferiamo alla voce del nobile troviero artesiano Conon de Béthune, la cui esistenza si svolse tra la metà del XII secolo e il 1220 circa8. Figura storica di primissimo piano9, nonché poeta tra i più rilevanti della prima generazione trovierica10, Conon de Béthune è ormai stabilmente ritenuto dalla critica uno dei principali anelli di congiunzione tra lirica occitanica ed oitanica. Ben documentati sono i rapporti artistici e personali che intrattenne con trovatori quali Bertran de Born, Raimbaut de Vaqueiras, Elias Cairel (Hoepffner 1946, Bertolucci 1963, Brugnolo 1983, Formisano 1993, Meneghetti 2003, Barbieri 2013, Saviotti 2017 : 125-160 ; Lachin 2004 : 88-90 e 128-132), ma anche con trovieri, quali ad esempio Blondel de Nesle (Lepage 1994 : 9-16). Non sorprende pertanto lo stupore manifestato da Schiassi (1999-2000 : 419) nel constatare come non fosse mai comparso, nel novero degli interlocutori di Conon, il nome di Chrétien de Troyes. Da qui l’acuta intuizione della studiosa, che ritiene di individuare una traccia del ‘débat Carestia’ in un componimento di Conon invero piuttosto trascurato dalla critica, Se raige et derverie (RS 1128 = L 50.9, sesto nell’edizione Wallensköld 1921). Lungi dal voler dimostrare che Conon abbia potuto inserirsi « come quarta voce in un dialogo di almeno quindici anni prima » (Schiassi 1999-2000 : 419), date le evidenti incongruenze cronologiche11, Schiassi mira piuttosto a rinvenire spie e rimandi intertestuali, capaci di confermare la sua tesi circa una presunta opposizione di Conon « all’‘ortodossia’



8 L’ultimo editore di Conon, Wallensköld (1921 : iv), colloca la sua nascita intorno alla metà del XII secolo ma, secondo Barbieri (2016), essa va probabilmente spostata in avanti di circa dieci o quindici anni, poiché il primo documento ufficiale che menziona il poeta, insieme al padre Roberto V d’Artois e ai fratelli, risale al 1180-1181. Si citano i componimenti di Conon dall’edizione Wallensköld (1921, revisione di Wallensköld 1891 ; l’edizione del ’21 viene ristampata nel 1968). Una nuova edizione complessiva dell’opera di Conon de Béthune è attualmente sotto le nostre cure. 9 Ben nota è la sua partecipazione attiva alla quarta crociata, in veste di diplomatico e combattente, che gli valse la conquista di prestigiose cariche amministrative nell’impero latino d’Oriente, finanche il titolo di reggente dell’impero, nel 1216 e nel 1219. 10 Il corpus di 10 liriche di sicura attribuzione a Conon, « tutte originali, intriganti e curiose » per Meneghetti (2003 : 69), è definito da Toja (1966 : 207): « uno dei più brillanti esempi della poesia medievale d’oïl ». 11 Se accettiamo l’ipotesi di Barbieri (2016) sulla nascita del troviero risalente al 1160/1165, nonché la datazione del débat al 1170, dobbiamo convenire che a quell’altezza cronologica Conon fosse troppo giovane per prendere parte attivamente al dibattito. Quanto alla datazione di Se raige, non vi è alcun elemento interno che consenta di avanzare qualsivoglia ipotesi. Nell’ordinamento cronologico prospettato da Wallensköld (1921 : xviii), il quale parte dall’ipotesi che « les chansons d’amour reflètent vraiment la vie amoureuse du poète », tracciando un artificioso romanzo biografico, la canzone apre la serie dei componimenti afferenti alle modalità poetiche del disamore e segue le due canzoni di crociata. Il tradimento subito da parte dell’amata da cui scaturisce la scelta dell’abbandono, tema centrale del componimento, si sarebbe perpetrato proprio durante la permanenza di Conon in Oriente, secondo quanto dichiarato dal troviero stesso in Belle doce dame chiere (« Mal ait vos

15

16

m a r i a n o e m i b ova

difesa da Chrétien » (Schiassi 1999-2000 : 419). Animati dal medesimo proposito, nonché dalla volontà di provare a colmare, seppur in minima parte, la lacuna negli studi su Carestia messa in luce da Spetia (2017), tenteremo dunque di dettagliare e approfondire i primi rilievi compiuti da Schiassi (1999-2000), soffermandoci proprio sull’analisi di Se raige et derverie. La canzone si apre sui toni di un escondich trobadorico : l’io lirico messo in scena da Conon tenta di discolparsi dall’accusa di aver parlato male dell’amore in preda all’ira, riversando « toute la responsabilité de sa colère sur la divinité d’Amour » (Frappier 1963 :132): Amore12 è difatti colpevole di aver mal ricompensato il servitium del suo fedele vassallo, spingendolo ad amare una dama indegna. Se raige et derverie et destrece d’amer m’a fait dire folie    3 et d’amors mesparler, nus ne m’en doit blasmer. S’ele a tort m’i fausnie,    6 Amors, qui j’ai servie, ne me sai ou fïer. Amors, de felonie    9 vous vaurai esprover ; tolu m’avés la vie et mort sans deffïer. 12 Nei primi versi della seconda strofe (vv. 9-12), la colpa imputata espressamente ad Amore – e icasticamente denominata, in virtù della metafora feudale, « felonie » (v. 9) in quanto trasgressione di una norma cavalleresca – è di aver sferrato il colpo mortale al suo miles, senza prima sfidarlo in regolare duello. La metafora del duello cavalleresco tra Amore e l’amante, suo campione, non può che richiamare i versi esordiali di Amors tençon et bataille di Chrétien : « Amors tençon et bataille / vers son champion a prise » (vv 1-2). Ma il motivo ricorre anche nella comparatio imbastita dallo stesso Conon nelle battute finali di un altro componimento, Si voiremant con cele don je chant (RS 303 = L 50.10, vv. 37-40), in cui il timido amante si paragona al campione che, pur avendo appreso da tempo a duellare, giunto alla resa dei conti sul campo di battaglia pare ignorare del tutto l’arte del combattimento. Un primo notevole elemento capace di ancorare Se raige alla questione Carestia è forse ravvisabile già nella citata sezione iniziale del testo, precisamente al v. 11 : « tolu m’aves la vie », in cui non è difficile scorgere un’eco dell’incipit di D’Amors qui m’a tolu a moi, che a sua volta riecheggiava i celebri versi del canto dell’allodoletta cuers covoitos, / ki m’envoia en Surie », (RS 1325 = RS 1131= RS 1137 / L 50.3, vv. 16-17 della redazione MT). Per l’inattendibilità di una siffatta ricostruzione biografica si vedano Formisano (1993 : 141-152), Schiassi (1999-2000 : 399-401) e Barbieri (2016). 12 La presenza fissa di Amore, proprio a partire dalle due canzoni di Chrétien de Troyes, ricorre nel grand chant courtois a complicare la tradizionale dialettica amante-amata, divenendo vera e propria cifra stilistica del codice lirico oitanico.

Anco ra su c arest i a

di Bernart : « Tout m’a mo cor, / e tout m’a me, / e se mezeis e tot lo mon » (BEdT 70,43, vv. 13-14). Il concetto posto in evidenza è il medesimo, ossia il carattere totalizzante dell’esperienza erotica che arriva a coincidere con la vita e l’identità stessa del soggetto innamorato e che può, di conseguenza, alienargliele nel momento del disincanto. Nella tradizione trovierica, non è affatto infrequente imbattersi in componimenti espressamente polemici nei confronti di Amore, sebbene, quantomeno negli esponenti della prima generazione, alle accuse di mancanza di mercé mosse ad Amore seguano per lo più rinnovate promesse di fedeltà incrollabile ; è di certo questa la strada additata a più riprese da Chrétien in entrambe le canzoni, in particolare nella celebre formulazione della carestia amorosa (D’Amors qui m’a tolu a moi): Cuers, se ma dame ne t’a chier, ja mar por cou t’en partiras : tous jours soies en son dangier, puis qu’empris et comencié l’as. Ja, mon los, plenté n’ameras, ne pour chier tans ne t’esmaier ; biens adoucist par delaier, et quant plus desiré l’auras, plus t’en ert douls a l’essaier.

39 42 45

È invece diametralmente opposto il cammino intrapreso da Conon, che in Se raige dispiega, come vedremo, tutte le modalità poetiche afferenti al disamore di matrice trobadorica, ossia il comjat, la chanson de change e la mala canso13. Sebbene il troviero ricorra in ben cinque dei dieci componimenti a lui ascrivibili14 « ai registri della separazione, del cambio e dell’offesa sprezzante » (Sanguineti – Scarpati 2013 : 39), solo in Se raige li vediamo coesistere tutti, ed è significativo che ciò accada proprio in un testo legato, a nostro avviso, alla ‘polemica Carestia’. Un testo che denuncia, in particolare, una profonda affinità d’intenti tra Conon e i due trovatori coinvolti nel débat, Bernart de Ventadorn e Raimbaut d’Aurenga, i quali proprio in Can vei e Non chant formalizzano e utilizzano – forse per primi – « con piena consapevolezza tutte le modalità del disamore » (Sanguineti – Scarpati 2013 : 20). Nella terza strofe di Se raige, accingendosi ad introdurre il modulo del vituperio, Conon ricorre all’immagine della statua15 come termine di paragone per la straordinaria bellezza della dama, cui fa da contraltare la sua indole vile :

13 Per una panoramica dei moduli trobadorici del disamore si veda l’ampia introduzione all’antologia di Sanguineti – Scarpati (2013), a cui si rinvia anche per la bibliografia pregressa. Le due studiose propongono di aggiungere ai tre registri citati, ossia comjat, chanson de change e mala canso, una quarta modalità che « include tutti quei componimenti genericamente polemici nei riguardi di Amore e delle domnas » (Sanguineti – Scarpati 2013 : 13), e dunque anche Se raige di Conon per il contenuto delle prime due strofi. 14 Sull’ideologia erotica di Conon si veda Zaganelli (1983). 15 Per l’accezione di ‘statua’ rivestita da imaige cf. Matsumura (2015 : 1894) e TL (IV : 1339).

17

18

m a r i a n o e m i b ova

Plus est belle k’imaige cele ke je vos di, mais tant a vil coraige, anuieus et failli, k’ele fait tot aussi com la leuve sauvaige ki des leus d’un boskaige trait la pieur a li.

18 21 24

Il tema della statua, resa oggetto d’amore, è un topos che il Medioevo eredita dall’Antichità. Basti pensare al mito ovidiano di Pigmalione, narrato nel X libro delle Metamorfosi, il cui protagonista modella una statua d’avorio dalle sembianze di una donna, per innamorarsene poi perdutamente, finché Venere, mossa a compassione dalle preghiere dello scultore, dà vita alla statua. Ma l’antecedente più illustre del motivo, a quest’altezza cronologica, va senza dubbio rintracciato nel Tristan di Thomas, precisamente nell’episodio della Salle aux images : dopo aver sposato Isotta dalle Bianche Mani, nella vana speranza di riuscire a rimpiazzare l’amata omonima, Tristano commissiona in segreto l’edificazione di una sala, sfarzosamente decorata, all’interno di una grotta scavata nella roccia, nel cuore della foresta (o in un’isola inaccessibile); vi colloca poi le statue, modellate ad altezza naturale, della regina Isotta e dell’ancella Brangania (cf. Gambino 2014 : 82 e ss.). In un celebre studio dedicato alla statua di Isotta in Thomas, che ricostruisce, tra l’altro, con grande perizia la tradizione mediolatina cui essa rimanda, Roncaglia (1971 : 49) illustra come la statua della regina serva « a dare un carattere e un’espressione tangibile alla permanente presenza sentimentale della donna amata », costituendo però al contempo la prova palpabile della sua assenza. Invano Tristano indirizza parole e gesti accorati a un freddo e impassibile simulacro. In maniera analoga, la donna ingrata cantata da Conon in Se raige et derverie si mostra fredda e dura come pietra, sorda alle profferte del suo devoto vassallo e assimilabile, pertanto, a una statua o alla « terre dure », priva di umori vitali, menzionata al v. 33. Possiamo allora supporre che Conon abbia voluto espressamente richiamare alla memoria del suo uditorio l’episodio della statua di Isotta, immedesimandosi nel Tristano di Thomas che la ama invano. Ma sappiamo che al celebre amante di Cornovaglia si paragona in primis uno dei tre partecipanti al ‘débat Carestia’, ossia Raimbaut d’Aurenga, guadagnandosi il senhal « Tristan » con cui Bernart de Ventadorn gli si rivolge in Can vei la lauzeta mover (BEdT 407,9, v. 57) ma anche altrove, e lo fa precisamente nella canzone coinvolta nel dibattito (Non chant): De midonz fatz dompn’e seignor cals que sia·il destinada. Car ieu begui de la amor ja·us dei amar a celada. Tristan, qan la·il det Yseus gen e bela, no·n saup als faire ; et ieu am per aital coven midonz, don no·m posc estraire.

27 30

Anco ra su c arest i a

Sono i versi in cui Raimbaut dichiarava di non potersi sottrarre a una passione incontrollata e irrazionale, seppure illecita, come quella, originata dal filtro magico, che aveva travolto Tristano e Isotta. Di contro, Chrétien de Troyes aveva preso le distanze da Tristano, proclamando la superiorità di un amore d’elezione (D’Amors, qui m’a tolu a moi): Onques du buvrage ne bui dont Tristan fu enpoisonnez ; mes plus me fet amer que lui fins cuers et bone volentez.

29 31

Se la nostra lettura è esatta, la scelta di Conon di paragonare l’amata infingarda all’imaige (Se raige et derverie, v. 17) celerebbe la volontà di ancorarsi al mito tristaniano e soprattutto alla posizione espressa da Raimbaut-Tristan nel dibattito del ’70, ponendosi, come quest’ultimo, in polemica con Chrétien. Commentando il medesimo passo di Se raige et derverie, Zaganelli (1982 : 72) dichiara : l’amore per una ymaige costituisce un’altra traccia continua, un ‘filo rosso’ nella letteratura medievale. L’influenza del Narciso ovidiano si sposa qui a quella del mito di Pigmalione innamorato della propria statua e le due storie incorniciano non a caso la quête della rosa nell’omonimo romanzo. Si ricorderà che una delle più affascinanti declinazioni medievali del mito di Narciso è presente proprio in Can vei la lauzeta mover del limosino Bernart de Ventadorn (vv. 17-24), il terzo vertice poetico del débat. Gli occhi dell’amata rappresentano, per Bernart, lo specchio, « oggetto passivo e immobile » (Di Girolamo 1989 : 130), in cui l’io lirico si smarrisce, poiché non riesce a scorgervi segnali di corrispondenza amorosa, ma solo la sua stessa immagine riflessa ; anche Bernart si lascia dunque ingannare da un simulacro, dall’immagine illusoria di una corresponsione inesistente. A partire dal v. 21 si innesta in Se raige il registro della mala canso, ossia dell’invettiva misogina, nel momento in cui ci viene svelato il crimine di cui si sarebbe macchiata la dama : le viene imputato di aver adottato il peculiare costume amoroso della lupa, accusata di accordare la propria preferenza, tra i lupi di un branco, al membro peggiore16. La presa di coscienza del tradimento subìto da parte dell’amata spinge Conon a mettere in guardia i futuri pretendenti e a verbalizzare, infine, il proposito di congedarsi da una così cattiva signoria :

16 Per un’ampia indagine circa la presenza del motivo all’interno della tradizione poetica galloromanza si veda Bianciotto (1994). Non scorgendo alcuna allusione a una simile consuetudine della lupa nella tradizione dei bestiari, Bianciotto sospetta che la comparatio imbastita da Conon possa avere origine poetica. Nello specifico, le sue prime occorrenze andrebbero rintracciate proprio in Se raige di Conon e nella coeva o forse di poco posteriore Estat ai gran sazo di Peire Vidal (BEdT 364,21). Si veda anche Sanguineti – Scarpati (2013 : 111-112, nota ai vv. 45-47).

19

20

m a r i a n o e m i b ova

N’a pas grant vasselaige fait, s’ele m’a traï ; nus ne l’en tient por saige ki son estre ait oï ; mais puis k’il est ensi k’ele a tort m’i desgaige, je li renc son homaige et si me part de li.

27 30

Nel modulo trobadorico del comjat, è frequente il ricorso, come in questo caso, a un lessico di tipo feudale per descrivere la rottura del vincolo erotico-vassallatico. Conon attinge poi al vocabolario specifico della separazione, selezionando uno dei verbi privilegiati per annunciare l’imminente abbandono della dama, ossia se partir (cf. Zinelli 1996 : 114), impiegato al v. 32. Come già notava Schiassi (1999-2000 : 419), non sembra affatto casuale che, in questa sede, Conon abbia ripreso ad litteram il verso chiave della canzone della lauzeta di Bernart de Ventadorn : « Aissi·m part de leis e·m recre » (v. 53), verso che sancisce l’attuazione della recreantise. L’amante rifiutato, non corrisposto, costretto a spasmodiche attese o tradito è, per Conon come per Bernart, legittimato a rifiutare anch’egli di perseverare in un vano servitium. Nelle battute finali del componimento, l’io lirico di Se raige ribadisce fermamente la propria scelta : S’est bien tans et mesure et raisons et droiture ke li rende s’amor.

38 40

In questi versi si delinea in maniera netta lo scarto tra la dottrina erotica tratteggiata da Conon e quella di Chrétien de Troyes : per quest’ultimo l’asservimento dell’amante ad Amore è tale da non consentirgli alcuna ribellione, né tantomeno una rottura del patto amoroso. Nel momento in cui sceglie di varcare i confini del feudo di Amore, l’amante di Chrétien accetta di porsi in balìa del suo volere, abbandonando senno e misura (Amors, tençon et bataille, vv. 23-24 e 33-36): Raison li convient despandre et mettre mesure en gages […] Molt m’a chier Amors vendue s’onor et sa seignorie, k’a l’entreé ai despendue mesure et raison guerpie.

24 33 36

Dal canto suo, Conon « ristabilisce l’ortodossia di raisons e mesure come valori positivi [valori cardine della cortesia provenzale, specie la ‘mezura’] assieme a droiture ma nel momento della rivalutazione crea un paradosso, perché le riferisce all’atto della recreantise » (Schiassi 1999-2000 : 420). Non sarebbe poi così azzardato, a questo punto, cogliere nel sintagma « bien tans » (v. 38) di Se raige un’eco ironica del « chier tans » di Chrétien (D’amors qui m’a tolu a moi, v. 42).

Anco ra su c arest i a

Ma il temperamento sanguigno dell’artesiano Conon non gli consente di accontentarsi dell’abbandono di una cattiva signoria, né tantomeno di rinunciare passivamente all’amore come Bernart in Can vei. Egli si mostra allora solidale con il terzo vertice del débat Carestia, ossia Raimbaut d’Aurenga, il quale in Non chant per auzel ni per flor (BEdT 389.92) aveva dichiarato : Ar sui partitz de la pejor c’anc fos vista ni trobada, et am del mon la bellazor.

9 11

Come Raimbaut, anche Conon in Se raige decide di riporre altrove le proprie speranze e votarsi a un nuovo amore che si promette più soddisfacente del precedente (vv. 15-16): Cele qui jou em prie me fait d’autre esperer17. Il motivo del change è del resto ben attestato nell’opera del troviero. La più compiuta formulazione è in L’autrier un jor aprés la Saint Denise : « que m’est ou cuer une autre amor assise » (RS 1623 = L 50.7, v. 19)18. Potrebbe a buon diritto, a questo punto, affacciarsi l’ipotesi che anche Bernart, con il suo atteggiamento rinunciatario, sia bersaglio della polemica di Conon. A proposito della posizione del limosino in merito al cambio di dama, Bertolucci Pizzorusso (1993 : 110) scriveva : in ambito provenzale ‘classico’, per così dire, la possibilità del cambio veniva contemplata, ed al tempo stesso temuta e biasimata, da parte del personaggio femminile, ma non poteva, per principio, essere ammessa dal personaggio maschile, l’adorante vassallo e servitore. Bernart de Ventadorn lo aveva affermato : « Eu non vau ges chamjan / si com las domnas fan » [Lo gens tems de pascor, BEdT 70,28, vv. 23-24]. In realtà, Bernart de Ventadorn esibisce in molteplici occasioni una certa familiarità con il registro della chanson de change, ricorrendovi in almeno 5 componimenti (cf. Riquer 2008), primo fra tutti Estat ai com om esperdutz (BEdT 70,19), in cui il poeta si dichiara pentito di aver abbandonato il canto a causa di una donna ingrata e deciso in futuro a seguire le usanze della dama, accogliendo chiunque richieda il suo amore. L’obiettivo polemico di Bernart è qui, ancora una volta, Chrétien de Troyes : si deve a Rossi (1987 : 55-57) il riconoscimento di parole-rima condivise tra Estat ai

17 Secondo Zinelli (1996 : 117) riferirsi alla nuova domna mediante i pronomi autra, tel, cella etc. è topico nella chanson de change. 18 Ron Fernández (2009) ravvisa una coincidenza tra i rimanti in -ise di L’autrier un jor aprés la Saint Denise e quelli di Amors tençon et bataille (RS 121) di Chrétien che comproverebbe, a suo parere, l’esistenza di un dialogo intertestuale tra i due trovieri. Tale teoria sarebbe corroborata altresì dal rinvenimento di corrispondenze lessicali tra Amors tençon et bataille e Chançon legiere a entendre (RS 629 = L 50.5) che non paiono tuttavia, a nostro avviso, così significative.

21

22

m a r i a n o e m i b ova

com om esperdutz e Amors, tençon et bataille, precisamente i rimanti in -age/-atge19. Si tratta del resto della medesima rima che Conon impiega nelle strofi III e IV di Se raige. Se tale circostanza può attribuirsi al caso, pare volutamente ricercato, invece, il legame formale tra Estat ai e Se raige individuato da Meneghetti (2003 : 70): i due componimenti presentano un identico schema rimico ababbaab (MW 860 e Frank 295)20, nonché tre rime in comune (-or, -ar/-er, -atge/-aige). Se è vero dunque che Bernart, con il suo lirismo puro, costituisce, come universalmente riconosciuto, un riferimento imprescindibile, alla stregua di un’auctoritas, per l’esperienza del grand chant courtois21, Conon sembra il solo interessato a seguire il versante ‘eterodosso’ del limosino, privilegiando, nella tessitura di legami intertestuali, i componimenti di quest’ultimo ascrivibili al disamore. Così facendo, egli si colloca consapevolmente sul fronte ideologico opposto a Chrétien, rappresentato tanto da Bernart de Ventadorn quanto da Raimbaut d’Aurenga, vale a dire quello « dell’amante eterodosso che non esita a proclamare il “proprio diritto all’amore”, appellandosi alla propria facoltà di giudizio, rampogna e rifiuto » (Formisano 2009 : 319)22. Alla luce di tali considerazioni, non stupisce affatto che a tali modelli del passato si affianchino, nella trama di rapporti personali e letterari intessuta da Conon nel presente, due interlocutori provenzali del calibro di Bertran de Born e Raimbaut de Vaqueiras, a lui così affini per temperamento e scelte poetico-ideologiche. Zaganelli (1983), sulla scorta di Bertolucci Pizzorusso (1963), ha ben mostrato come nel « registro amoroso [di Raimbaut de Vaqueiras] trovano puntuale riscontro l’insofferenza nel corteggiare e la pretesa alla soddisfazione dell’‘offerta-richiesta’ d’amore che costituiscono la traccia costante del discorso poetico di Conon » (Zaganelli 1983 : 154), determinando, anche in Raimbaut, una particolare propensione per i registri del disamore. Quanto al guerrafondaio Bertran, analizzando i suoi componimenti legati in vario modo all’opera di Conon, è possibile individuare in uno di essi una traccia concreta del dibattito Carestia, da interpretarsi, ancora una volta, in chiave anti-cristaniana. Ci riferiamo a Casutz sui de mal en pena (BEdT 80,9), il cui schema metrico, come 19 Ma si veda quanto dichiarato da Santini (2007) a proposito della frequenza della rima in -age e dei rimanti impiegati da Chrétien e Bernart tanto nella lirica trobadorica quanto in quella oitanica. 20 Tale formula rimica è invero una delle più frequenti nella lirica oitanica – sono ben 128 i componimenti schedati in MW 860 –, ma la coincidenza di più rime comuni e l’affinità del contenuto sembrano comprovare l’esistenza di un legame tra i due componimenti. 21 In particolare è stata ben indagata l’incidenza bernardiana nella produzione di Gace Brulé e del Castellano di Coucy. Sull’apporto dell’opera di Bernart nel corpus del Castellano si veda Latella (2007). La prima canzone indagata da Latella, ossia La douce voiz du louseignol sauvage (RS 40 = L 38.7), notoriamente debitrice nei confronti di La dousa votz ai auzida (BEdT 79,23) di Bernart, costituisce il terzo vertice di una polemica letteraria interamente oitanica, con protagonisti Gace Brulé e Gilles de Viés-Maisons, su cui si veda Scattolini (2013). La canzone del Castellano, oltre a contenere un richiamo esplicito a Tristano e alla polemica del ’70, facendosi portavoce dell’ideologia di Chrétien, si configura altresì come risposta alla mala canso di Gilles de Viés-Maisons Chanter m’estuet, car pris m’en est corage (RS 15 = RS 1124 / L 88.1); questa è attribuita dal solo canzoniere oitanico R a Conon de Béthune. La ragione di tale discordanza attributiva va certamente ricercata nell’eversività del contenuto, tratto distintivo del credo letterario di Conon. 22 Già Formisano (2009 : 319) evidenziava come tale linea di pensiero sembrasse « rinviare a Raimbaut d’Aurenga e all’amor de cavayer ».

Anco ra su c arest i a

evidenziato da Hoepffner (1946), è mutuato dal troviero in Belle doce dame chiere (RS 1325), singolare componimento che consta di due soli strofi (nella redazione MT) dal contenuto antitetico : l’accorato elogio della dama nella prima strofe cede il passo, nella seconda, all’offesa sprezzante. Nella strofe iniziale di Casutz sui de mal en pena, dopo aver lamentato il fardello amoroso da cui mai potrà liberarsi, Bertran afferma : Car mes m’a en tal cadena don mailla no·is descontena,    6 car m’atrais ab un esgart en biais una gaia, fresca Elena.    9 Faicha ai longa carantena, mas oi mais 12 sui al digous de la Cena23. La metafora quaresimale presente al v. 10, riconducibile alla ‘carestia amorosa’, è ripresa testualmente dalla tenzone tra Bernart de Ventadorn e Peire d’Alvernhe Amics Bernartz de Ventadorn (BEdT 323,4 = 70,2) (cf. Spetia 2017 : 39-40), che già Di Girolamo (1984) collegava alla questione Carestia : Peire, mout ai lo cor dolen, can d’una faussa me sove, que m’a mort, e no sai per que, mas car l’amava finamen. Faih ai lonja carantena, e sai, si la fezes lonhor, ades la trobara pejor.

36 39 42

Secondo l’editore Gouiran (1985 : I, 64, nota al v. 10), Bertran « pousse plus loin la métaphore : après avoir attendu une marque d’amour pendant une longue période, la plus grande partie du Carême, il en est arrivé au Jeudi Saint, c’est-à-dire au jour qui a précédé la mort du Christ. Il n’est donc que temps qu’un baiser vienne le sauver ». È legittimo supporre che Conon avesse colto la citazione bernardiana e il riferimento alla polemica del ’70 al momento della scelta del suo modello. Analizzando il testo di Bertran, Spetia (2017 : 40) focalizza la propria attenzione sulla menzione di « Elena », in rima con « carantena » (vv. 9 e 10), e avanza l’ipotesi che possa trattarsi di un’allusione alla mitica città di Troia e a « chi giocava sulla somiglianza Troia-Troyes ». Come rilevato da Barbieri (2010 : 115-116 e 2013), il toponimo Troia ricorre assai di rado tanto nella lirica d’oc quanto in quella oitanica. Tralasciando la presenza del termine nella canzone di Arnaut Daniel Quan chai la fuelha (BEdT 29,16, v. 40), in cui funge banalmente da « complément d’identification pour Hélène » (Barbieri 2010 : 115), scopriamo che le uniche occorrenze trobadoriche del nome della leggendaria città sono rintracciabili nel Carros di Raimbaut de Vaqueiras 23 Si cita Bertran de Born dall’ed. Gouiran (1985).

23

24

m a r i a n o e m i b ova

(BEdT 392,32) e nella canzone di crociata di Bertran de Born, Folheta, vos mi preiatz qe ieu chan (BEdT 80,17)24, indirizzata, quest’ultima, proprio a Conon de Béthune, mediante il senhal « Mon Ysombart ». È poi lo stesso Conon a nominare la città di Troia nel celebre débat L’autrier avint en cel autre païs (RS 1574 = L 50.6): esso si svolge tra un cavaliere e una vecchia dama, la quale, dopo essersi negata per anni alle profferte del cavaliere, decide tardivamente di accordargli il suo favore, ottenendo a sua volta un rifiuto. Il cavaliere assimila qui la bellezza sfiorita della dama alla mitica città di Troia, del cui passato splendore non resta alcuna traccia nel presente, eccetto le rovine. Pare dunque evidente che il comune ricorso, da parte dei tre poeti, al raro toponimo costituisca un ulteriore tassello della fitta maglia di rapporti intertestuali che li lega. Risulta particolarmente significativa, ai fini del nostro discorso, la seconda occorrenza bertrandiana del lemma : il trovatore invia il suo sirventese « a mon Ysombart part Troia » (Ara sai eu de pretz quals l’a plus gran, BEdT 80,4, redazione M, v. 22 ; cfr. qui nota 24), traducibile con “al mio Ysombart (Conon) al di là di Troia”. Barbieri (2013 : 295, nota 75) si chiede se sia legittimo scorgere, nell’espressione « part Troia », una duplice allusione. Il primo richiamo è alla città di Troyes, da intendersi non solo come mero riferimento spaziale, ma in quanto sede della corte comitale di Maria di Champagne, la « contesse » annoverata da Conon nella celebre Mout me semont Amors que je m’envoise (RS 1837 = L 50.8, v. 7) tra gli artefici del pubblico rimprovero mossogli a causa del suo dialetto piccardo. Il ‘discorso’ di Conon, disapprovato dalla famiglia reale e dalla contessa in quanto non francese (« encoir ne soit ma parole franchoise », Mout me semont Amors que je m’envoise, v. 10), consisterebbe, secondo la lettura di Barbieri, in primo luogo in una posizione non convenzionale sulla fin’amor. Tale posizione, condivisa dai due interlocutori occitani Bertran e Raimbaut, sarebbe anche all’origine della nota censura attuata ai danni di Conon da buona parte della tradizione manoscritta, in particolare dai canzonieri parigini (cf. Formisano 2009 : 319); ma essa può motivare altresì la quasi totale esclusione del troviero di Béthune dal circolo poetico che sorge, nel tardo XII secolo, intorno alla figura di Gace Brulé (cf. Scattolini 2013 : 255, in partic. nota 4), poeta di corte e protetto d’elezione di Maria di Champagne. Nella contessa si può ravvisare del resto la première responsable de l’affirmation du courant le plus purement lyrique de la poésie des troubadours et de sa fortune dans le Nord, et de la fixation rigide et sclérosée des règles de l’amour courtois à travers la protection accordée à quelques trouvères tels que Gace Brulé et à Chrétien de Troyes (Barbieri 2013 : 294). Non deve stupire allora che, in occasione del rimprovero a corte, Conon si dolga soprattutto di veder bistrattata la propria arte poetica in presenza della contessa, data

24 Versione alternativa di Ara sai eu de pretz qals l’a plus gran (BEdT 80,4) tràdita dal solo codice provenzale M. Occorre precisare che Gouiran (1985) pubblica le due coblas iniziali indirizzate a Folheta (Gouiran 1985 : II : 795) separatamente dalle restanti tre strofi con tornada della canzone di crociata, che vengono invece presentate come una versione alternativa di Ara sai eu de pretz qals l’a plus gran (BEdT 80,4) (Gouiran 1985 : II : 684). Sulla canzone si veda da ultimo Sanguineti (2019).

Anco ra su c arest i a

la rilevanza del giudizio e del volere di quest’ultima nel processo di formazione del canone lirico d’oïl. Di conseguenza, acquista maggior peso e credibilità la seconda possibilità di lettura dell’espressione « part Troia » proposta da Barbieri, che non contrasta con la prima ma ne rappresenta anzi un corollario : si tratterebbe cioè di un’esplicita allusione a Chrétien de Troyes. Porsi “al di là di Troyes”, significherebbe, per Conon e Bertran de Born, prendere le distanze dall’ortodossia erotica propugnata da Chrétien, irradiata dalla corte di Champagne e destinata ad imporsi, quantomeno nella Francia del Nord fino al XIII secolo.

Manoscritti Lirica oitanica M : Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 844 T : Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 12615 R : Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 1591 Lirica provenzale M : Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 12474

Bibliografia Appel 1915 : Bernart de Ventadorn : seine Lieder, mit Einleitung und Glossar, ed. C. Appel, Halle 1915. Barbieri 2010 : L. Barbieri, Exemples mythologiques de courtoisie dans la lyrique des troubadours, in « Cahiers de Civilisation Médiévale », 53, 2010, pp. 107-127. Barbieri 2013 : L. Barbieri, “A mon Ynsombart part Troia”: une polémique anti-courtoise dans le dialogue entre trouvères et troubadours, in « Medioevo Romanzo », 37, 2013, pp. 264-295. Barbieri 2016 : L. Barbieri, RS 1125 Conon de Béthune, “Ahi! Amors, com dure departie”, Contesto storico e datazione, in Troubadours, Trouvères and the Crusades ‹https:// warwick.ac.uk/fac/arts/modernlanguages/research/french/crusades/texts/of/ rs1125/#page2›. BEdT = Bibliografia Elettronica dei Trovatori, direzione scientifica : S. Asperti. Roma, Università di Roma “la Sapienza”. ‹http://www.bedt.it/BEdT_04_25/index.aspx›. Bertolucci Pizzorusso 1963 : V. Bertolucci Pizzorusso, Posizione e significato del canzoniere di Raimbaut de Vaqueiras nella storia della poesia provenzale, in « Studi Mediolatini e Volgari », 11, 1963, pp. 9-68. Bertolucci Pizzorusso 1993 : V. Bertolucci Pizzorusso, Motivi e registri minoritari nella lirica d’amore galego-portoghese : la cantiga “de change”, in O cantar dos trobadores. Actas do Congreso (Santiago de Compostela, 26-29 abril 1993), Santiago de Compostela 1993, pp. 109-120.

25

26

m a r i a n o e m i b ova

Bianciotto 1994 : G. Bianciotto, “Na Loba” et le plus laid de la meute, in Mélanges de Philologie et de Littérature médiévales offerts à Michel Burger, Genève 1994, pp. 301-320. Brugnolo 1983 : F. Brugnolo, Appunti in margine al discordo plurilingue di Raimbaut de Vaqueiras, in Plurilinguismo e lirica medievale da Raimbaut de Vaqueiras a Dante, Roma 1983, pp. 69-103. Di Girolamo 1984 : C. Di Girolamo, Tristano, Carestia e Chrétien de Troyes, in « Medioevo Romanzo », 9, 1984, pp. 17-26. Di Girolamo 1989 : C. Di Girolamo, I trovatori, Torino 1989. Formisano 1993 : L. Formisano, Prospettive di ricerca sui canzonieri d’autore nella lirica d’oïl, in La Filologia Romanza e i codici, 2 vol., Messina 1993, I, pp. 131-152. Formisano 2008 : L. Formisano, La lyrique d’oïl dans le cadre du mouvement troubadouresque, in Les chansons de langue d’oïl. L’art des trouvères, Valenciennes 2008, pp. 101-115. Formisano 2009 : L. Formisano, Riflessioni sulla lirica d’oïl : il contesto e i tratti pertinenti, in La lirica romanza del Medioevo. Storia, tradizioni, interpretazioni, Atti del VI convegno triennale della SIFR, Padova 2009, pp. 313-335. Frank = I. Frank, Répertoire métrique de la poésie des troubadours, 2 vol., Paris 1953-1957. Frappier 1963 : J. Frappier, La poésie lyrique en France aux XIIe et XIIIe siècles, Paris 1963. Gambino 2014 : Thomas, “Tristano e Isotta”. Revisione del testo, traduzione e note a cura di F. Gambino, Modena 2014. Gatti 2017 : L. Gatti, Qualche annotazione sulle liriche attribuite a Chrestien de Troies nei canzonieri d’oïl, in “Or vos conterons d’autre matiere”. Studi di filologia romanza offerti a Gabriella Ronchi, Roma 2017, pp. 157-169. Gouiran 1985 : L’amour et la guerre. L’œuvre de Bertran de Born, éd. critique, trad. et notes par G. Gouiran, 2 vol., Aix-en-Provence 1985. Hoepffner 1946 : E. Hoepffner, Un ami de Bertran de Born : “Mon Isembart”, in Études romanes dédiées à Mario Roques, Paris 1946, pp. 15-22. L = R. W. Linker, A Bibliography of Old French Lyrics, University Mississippi 1979. Lachin 2004, Il trovatore Elias Cairel, ed. G. Lachin, Modena 2004. Latella 2007 : F. Latella, Il Chastelain de Coucy e Bernart de Ventadorn, in Studi di filologia romanza offerti a Valeria Bertolucci Pizzorusso, 2 vol., Pisa 2007, I, pp. 805-844. Lepage 1994 : Y. Lepage, L’œuvre lyrique de Blondel de Nesle, Paris 1994. Matsumura 2015 : T. Matsumura, Dictionnaire du français médiéval, Paris, 2015. Meneghetti 1984 : M. L. Meneghetti, Il pubblico dei trovatori. Ricezione e riuso dei testi lirici cortesi fino al XIV secolo, Modena 1984. Meneghetti 2003 : M. L. Meneghetti, Parodia e auto-parodia. Il caso Conon de Béthune (R 1325), in Formes de la critique : parodie et satire dans la France et l’Italie médiévales, Paris 2003, pp. 69-85. MW = U. Mölk – F. Wolfzettel, Répertoire métrique de la poésie lyrique française des origines à 1350, München 1972. Pattison 1952 : The Life and Works of the Troubadour Raimbaut d’Orange, ed. W. T. Pattison, Minneapolis 1952. Riquer 2008 : I. de Riquer, “C’autra n’am, plus bel’e melhor” (PC 70.19, v. 22), in « Tenso », 23, 2008, pp. 28-39.

Anco ra su c arest i a

Ron Fernández 2009 : X. Ron Fernández, Conon de Béthune e Chrétien de Troyes. Achega para o establecemento dunha relación dialóxica directa entre os dous trouvères, in “Pola melhor dona de quantas fez nostro Senhor”. Homenaxe á Profesora Giulia Lanciani, Santiago de Compostela 2009, pp. 389-404. Roncaglia 1958 : Au. Roncaglia, Carestia, in « Cultura Neolatina », 18, 1958, pp. 121-137. Roncaglia 1971 : Au. Roncaglia, La statua di Isotta, in « Cultura Neolatina », 31, 1971, pp. 41-67. Rossi 1987 : L. Rossi : Chrétien de Troyes e i trovatori : Tristan, Linhaura, Carestia, in « Vox Romanica », 46, 1987, pp. 25-62. Rossi 2001 : L. Rossi : Carestia, Tristan, les troubadours et le modèle de saint Paul : encore sur « D’Amors qui m’a tolu a moi » (RS 1664), in Convergences médiévales. Épopée, lyrique, roman. Mélanges offerts à Madeleine Tyssens, Bruxelles 2001, pp. 403-419. RS = H. Spanke, G. Raynauds Bibliographie des altfranzösischen Liedes, neu bearbeitet und ergänzt, Leiden 1955. Sanguineti 2019 : F. Sanguineti, Betran de Born : “Ara sai eu de prez qals l’a plus gran” (BEdT 80.4), in « Lecturae tropatorum », 12, 2019, pp. 133-158 ‹http://www.lt.unina.it/ Sanguineti-2019.pdf›. Sanguineti – Scarpati 2013 : F. Sanguineti – O. Scarpati, Canzoni occitane di disamore, Roma 2013. Santini 2007 : G. Santini, Il lessico rimico di Chrétien de Troyes tra lirica e romanzo : la canzone “Amors tençon et bataille”, in Parole e temi del romanzo medievale, Roma 2007, pp. 139-170. Saviotti 2017 : F. Saviotti, Raimbaut de Vaqueiras e gli altri. Percorsi di identificazione nella lirica romanza del Medioevo, Pavia 2017. Scattolini 2013 : M. Scattolini, “Chanter m’estuet”: il ‘dibattito cifrato’ sul canto d’amore, in « Revista de Literatura Medieval », 25, 2013, pp. 255-276. Schiassi 1999-2000 : G. Schiassi, Per una nuova edizione di Conon de Béthune, in « Quaderni di filologia romanza della Facoltà di Lettere e Filosofia dell’Università di Bologna », 14, 1999-2000, pp. 399-427. Spetia 2017 : L. Spetia, La dialettica tra pastorella e canzone e l’identità di Carestia : l’anonima (?) “A une fontaine” (RS 137), Roma 2017. TL = A. Tobler – E. Lommatzsch, Altfranzösisches Wörterbuch, Berlin 1915-1932, poi Wiesbaden 1955-1995. Toja 1966 : G. Toja, Lirica cortese d’oïl. Sec. XII-XIII, Bologna 1966. Tyssens 2002 : M. Tyssens, “Amors, tençon et bataille” (R-S 121), in « Cultura Neolatina », 62, 2002, pp. 19-41. Wallenskӧld 1891 : Chansons de Conon de Béthune trouveur artésien de la fin du XIIᵉ siècle. Édition critique précédée de la biographie du poète par A. Wallensköld, Helsingfors 1891. Wallensköld 1921 : Les Chansons de Conon de Béthune, ed. A. Wallensköld, Paris 1921. Zaganelli 1982 : G. Zaganelli, “Aimer, sofrir, joïr”. I paradigmi della soggettività nella lirica francese dei secoli XII e XIII, Firenze 1982. Zaganelli 1983 : G. Zaganelli, Conon de Béthune e il rovescio della “fin’amor”, in « Romanica Vulgaria – Quaderni », 6, 1983, pp. 143-164.

27

28

m a r i a n o e m i b ova

Zai 1974 : Les Chansons courtoises de Chrétien de Troyes. Édition critique avec introduction, notes et commentaires par M. C. Zai, Bern – Frankfurt 1974. Zinelli 1996 : F. Zinelli, Quando l’amore finisce : “comjat” e “chanson de change” nella poesia dei trovatori, in Liebe und Logos. Beiträge zum XI Nachwuchskolloquium der Romanistik (Berlin/Postdam, 8-11. 6. 1995), Bonn 1996, pp. 113-125.

Alessio Collura 

Un aperçu sur la légende du bois de la Croix Les deux rédactions occitanes issues du Post Peccatum Adae 1. La “Légende du bois de la Croix” en Occitanie au Moyen Âge 1. 1. Dans un article récent, j’ai essayé de présenter une première approximation de la diffusion, dans le contexte occitan médiéval, de ce qu’on appelle “légende (ou histoire) du bois de la Croix” (Collura 2019). Cela est sans doute l’une des légendes apocryphes les plus célèbres et les plus répandues du Moyen Âge religieux. Les nombreuses adaptations, à diverses époques et en plusieurs langues, en témoignent1 : On trouve la légende développée avec extension, on la trouve aussi racontée sous forme épisodique, ou simplement mentionnée, dans des poèmes et des contes en prose traitant de la Passion de Jésus. Cette légende se rencontre également sous une forme picturale. (Lazar 1960 : 34) Sans vouloir retracer l’article susmentionné dans sa complexité, il suffira de dire ici que dans la première décennie du XIIIe siècle l’histoire apocryphe était bien connue dans le Midi occitan. En particulier, la légende du bois de la Croix est la troisième et la dernière des légendes qui, toutes ensemble, constituent le récit beaucoup plus grand de ce qu’est connu comme “Légende de la Vraie Croix”. En effet, la “Légende de la Vraie Croix” peut être divisée en trois noyaux thématiques principaux, correspondants à trois traditions séparées et indépendantes à l’origine, qui plus tard, en se joignant, ont donné vie au complexe de la narration médiévale telle que nous la connaissons : − Légende de l’invention de la sainte Croix ; − Légende de l’exaltation de la sainte Croix ; − Légende du bois de la Croix. En ce qui concerne le troisième noyau thématique, à partir de l’exaltation de la Croix, et donc, concrètement, grâce à l’utilisation de ses reliques, la légende du bois de la Croix commence à se répandre partout dans l’Europe médiévale. Et aussitôt la connexion entre le bois sacré et l’Arbre de Vie se fait jour (cf. Baert 2013 : 684-685 ; Reno 1978 et Dufour-Kowalska 1985).

1 Sur la légende du bois de Croix et son iconographie, cf. Baert (2012 et 2013).

Alessio Collura • Università di Palermo • [email protected] Trans-mission. Création et hybridation dans le domaine d’oc, éd. par Fabio Barberini et Camilla Talfani, Turnhout, 2022 (Publications de l’Association Internationale d’Études Occitanes, 14), pp. 29-46.

© FHG

DOI 10.1484/M.PAIEO-EB.5.126413

30

a l e s s io co l lu r a

Récit de grand impact pour la Christianitas, la légende se décline en plusieurs versions, plus ou moins complètes, ou plus ou moins abrégées et interpolées. En laissant de côté le processus complexe de stratification textuelle qui commence dès l’Antiquité tardive, peut-il être pris pour acquis que l’histoire du bois de la Croix, au moins dans la rédaction la plus large et développé au Moyen Âge, se trouve dans une œuvre apocryphe en latin datant de la fin du XIIe siècle ou du début du XIIIe siècle : le Post Peccatum Adae (PPA)2. L’histoire contenue dans le PPA résulte de la combinaison de différentes traditions autonomes ; de plus, la partie relative à l’origine du bois de la Croix est à son tour structurée sur la base de deux récits indépendants : la Légende du voyage de Seth au paradis terrestre et la Légende du bois de la Croix proprement dite3. Maintenant, rétrospectivement, étant donné la solidité de l’union des deux Légendes, mais surtout, compte tenu de la fonctionnalité du voyage de Seth pour expliquer les épisodes suivants, il en résulte que, en parlant de “Légende du bois de la Croix”, nous faisons allusion à la complexité de l’histoire résultant de la tradition du PPA, et pas seulement à celle-là “proprement dite”. Par ailleurs, malgré la complexité des relations entre les motifs et les épisodes incorporés dans la légende, Quinn (1962), de son côté, avait déjà souligné comment l’histoire du bois de la Croix présente une unité structurelle et idéologique à la fois. Ce qui émerge est la conception que dans une parabole de chute et de rédemption (celle de l’homme, d’Adam à la crucifixion du Christ), c’est le même « objet » celui qui est le protagoniste : « si la chute de l’homme est causée par un arbre, c’est par un arbre aussi que l’homme a été sauvé. La quête de Seth de l’huile de miséricorde a été accomplie par la crucifixion de Jésus-Christ » (Quinn 1962 : 8). Ainsi, dans sa forme la plus complète, la légende du bois de la Croix est structurée en cinq épisodes, chacun étant lié à l’histoire de cinq personnages bibliques différents : Adam (et Seth), Moïse, David, Salomon et Jésus-Christ. 1. 2. À propos des textes occitans qui concernent la légende du bois de la Croix, sur le modèle proposé pour le domain français médiéval par Prangsma-Hajenius (1995), on peut distinguer : a) textes qui contiennent tous les épisodes de la légende ; b) textes qui contiennent qu’un nombre réduit d’épisodes de la légende ; c) textes qui ne présentent que des allusions à la légende ou dans lesquels celle-ci se rencontre sous une forme tout à fait différente (Collura 2019 : 99-100). L’objet de cette contribution concerne la typologie a) de textes, un groupe qui, dans le cas occitan, comprend trois œuvres :



2 De nombreux chercheurs ont étudié les origines et les développements de la légende du bois de la Croix. Parmi les études les plus importantes, bien que datées, nous soulignons : Mussafia (1869) ; Meyer (1882) ; Wilmart (1927). A cela il faut ajouter l’étude de Suchier (1883) et aussi les travaux les plus récents de Quinn (1960 et 1962) ; Lazar (1960) ; Baert (2004) et Murdoch (2009 : 23-24). 3 C’est en l’espace de deux siècles, entre le XIIe et le XIIIe, que la légende s’est constituée : « Vor dem XII. Jahrhundert findet sich keine Spur einer Geschichte des Kreuzholzes vor Christi Zeiten » (Meyer 1882 : 105-106).

u n ap e rçu s u r l a l ég e nd e d u b o i s d e la cro i x

− Apres que Adam fon gitatz de paradis (ex. XIIIe siècle) ; 1 ms. : London, British Library, Harley 7403, ff. 36v-48v (ApAd) − E pueys que Adam ac fag le peccat e ffon gitatz de paradis (XIV e siècle) ; 2 mss. : London, British Library, Royal 19 C 1 ; Paris, BnF, fr. 858 (Pecc) − Chronique universelle de la Création jusqu’à Constantin ou Gènesi de Scriptura (in. XIV e siècle) ; 3 mss. en occitan : Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, ms. 24, ff. 69r-75r ; Paris, BnF, fr. 6261 ; Paris, BnF, n. a. fr. 4131 (Gen). En particulier, les deux premières œuvres (ApAd et Pecc) représentent les deux seules traductions occitanes issues directement du PPA, et celles-ci seront au centre de notre étude.

2. Post Peccatum Adae : ramifications en occitan 2. 1. Comme nous l’avons dit, l’ouvrage latine qui constitue, à bien des égards, la version ‘vulgate’ de la légende du bois de la Croix est le texte apocryphe qu’on désigne aujourd’hui par Post Peccatum Adae4. De plus, le développement rapide et la grande diffusion de la légende semblent dus surtout aux Croisades, mais aussi aux descriptions d’auteur chrétiens tels que Gervais de Tilbury, Jean Beleth, Honoré d’Autun, Jacques de Voragine. (Lazar 1960 : 35) En suivant les études toujours actuelles de la Légende par Mussafia (1869) et par Meyer (1882), il est possible d’inscrire le PPA au sein de la famille 2 de la légende, caractérisée par les trois graines données par l’ange à Seth, par opposition à la famille 1, où il n’y a qu’un seul rameau (et où d’Adam on passe à Salomon, puis au boix pour la croix du Christ). En particulier, des nombreuses versions de la famille 2, deux groupes peuvent être identifiés : appelés C et D, pour les différencier des groupes A et B de la famille 15. Le PPA et également nos rédactions occitanes analysées ici appartiennent au groupe C. Selon les études les plus récentes, la composition du PPA pourrait remonter



4 Cf. Jones (1976). Voir la fiche sur le PPA dans le Corpus Trasmédie (Bozoky 2011 : 753). 5 La famille 2 est particulièrement répandue dans les littératures occidentales du Moyen Âge. Cela diffère de la famille 1, ainsi que pour le remplacement des trois graines par le rameau, également pour les éléments suivants : si les versions de la famille 1 ne traitent pas de la légende ex professo, mais n’en parlent qu’en passant avec plus ou moins de brièveté, la famille 2 comprend des écritures qui racontent largement le voyage de Seth et, en traitant des événements de la Croix, essaient-elles de combler l’écart entre Adam et Salomon. Bien que ces écritures divergent les unes des autres dans certains détails, sont-elles encore suffisamment uniformes pour nous faire reconnaître leur relation. En effet : « È lecito supporre che nel XII o XIII secolo le tradizioni già divulgatissime s’erano fissate e bene sviluppate in una narrazione, che scritta in latino già in questa lingua subì tali modificazioni da formarsene redazioni diverse. Queste poi servirono di modello a scrittori volgari in prosa ed in verso, i quali a loro volta, secondo la consuetudine dei medievali, avranno ora tradotto ora rimutato » (Mussafia 1882 : 180). En particulier, dans la famille 2 la volonté de former un récit large et complet est claire, et cela en rassemblant et en réconciliant les éléments légendaires auparavant distincts et séparés.

31

32

a l e s s io co l lu r a

à environ 1220, et le texte latin semble être contenu dans au moins 74 manuscrits6. Malheureusement, sur le plan ecdotique, aucun progrès n’a été enregistré depuis la fin du XIXe siècle. Et en fait le texte critique à notre disposition est toujours celui de Suchier (1883). Donc, parmi les textes occitans qui ont le PPA comme source directe on trouve les œuvres signées ApAd et Pecc. ApAd est contenu dans un seul manuscrit : London, British Library, Harley 7403, ff. 36v-48v (H). C’est un manuscrit lié au milieu franciscain et remontant probablement aux dernières années du XIIIe siècle ou aux premières décennies du XIVe siècle (Collura 2018 : 25-30). Il s’agit de la traduction occitane du PPA, et il ne semble donc pas étrange qu’elle rapporte tous les épisodes relatifs à la légende du bois de Croix. Par ailleurs, cette traduction ne fait pas partie d’un ensemble plus large mais constitue un texte indépendant. De plus, cette rédaction en prose occitane a été publiée deux fois : par Graf (1882 : 99-104) et par Suchier (1883 : 165-200). Depuis, aucune mise à jour critique n’a été proposée. Pecc est conservé dans deux manuscrits : London, British Library, Royal 19 C I, ff. 253v-255v (R) ; Paris, BnF, fr. 858, ff. 247v-250v (P). Il s’agit de deux manuscrits datant du premier quart du XIVe siècle, peut-être d’origine toulousaine, connus par les occitanistes comme témoins du Breviari d’amor de Matfre Ermengaud et liés aussi au milieu franciscain. En ce qui concerne le texte sur la légende du boix de la Croix, les deux manuscits contiennent des versions étroitement liées de la même rédaction. En particulier, cette rédaction a également été publiée il y a plus d’un siècle par Suchier (1883 : 167-200)7. 2. 2. Suchier, dans l’édition qu’il a donnée de la légende latine et des vulgarisations occitanes, avait divisé celles-ci en 125 propositions (§). Nous avons accepté la même division pour analyser les relations entre les versions occitanes et la source latine. Voici un tableau (Tableau 1) où des leçons significatives sont comparées, ce qui nous permet de mettre en évidence les relations entre les deux rédactions occitanes et entre celles-ci et le PPA. En particulier, le caractère souligné est utilisé pour mettre en évidence les leçons similaires, alors que le caractère gras est utilisé pour tracer des leçons isolées.





6 Cf. Fallon (2009 : 21). Miller (1992 : 129-132) répertorie un total de 81 manuscrits, dont « eight are uncertain, seven are epitomes and one is a compilation » (cf. Fallon 2009 : 93). Et voir aussi Lazar (1960 : 38) : « Selon lui [= Meyer 1882], c’est plus ou moins dans le dernier tiers du XIIIe siècle que la légende aurait acquis sa forme définitive. Il est possible, certes, que la grande diffusion de la légende ait commencé à cette date (grâce à la version de Jacques de Voragine) », mais la version latine publiée par Lazar et son adaptation en anglo-normand « prouvent que la légend était déjà complètement constituée dans le premier tiers du XIIIe siècle, et probablement déjà dans les dernières années du XIIe siècle ». 7 Mais voir aussi Meyer (1882 : 131-149).

u n ap e rçu s u r l a l ég e nd e d u b o i s d e la cro i x Tableau 1

§

PPA

ApAd

Pecc

1

indutus perizomate

de la inobedientia que el hac trespassat

manque

2

manque

El trames

Apres aquesta promessa

3

manque

Et en aquel luec

Aqui

4

respiciebat deus ad munera Abel, quia justus erat, ad Caym non, quia ex nequicia cordis offerebat.

E nostre senher regarda al sacrifici d’Abel plus que al sacrifici de Kaim, per so que Abel era plus drechuriers e sacrificava de bon cor e de bona volontat, et al sacrifici de Kaim no volc regardar, per so que el no sacrificava de bon cor ni de bona volontat.

nostre senher regardec la ufferta d’Abel, car era bona, e la ufferta de Caym non volc regardar [manque]

5

quod ad munera sua non respexit deus

Kaim manque ; nostre senher se tenia mais per pagat del sacrifici d’Abel que de lui

nostre senher al sieu sagrifiszi no volia regardar

6

manque

El fon mot dolenz e mot iratz

fon mot iratz e dolens

7

tot mala mihi contingunt per mulierem

Quant mals e quantas dolors aveno per femena !

totz aquetz mals mi veno per femna

8

ducentis annis (et plus : manque AB)

.CC. anz e plus

doszens e .XX. ans

9

preceptus a domino […] accepit filium loco Abel

Per mandament de ll’angel

nostre senher li mandec […] et adoncx engendrero un filh […] en loc d’Abel

10

Seth […] obediens patri

Sec […] fo obediëns al aquest enfant […] obediëns a son paire Adam payre

11

DCCCC annis et XXXII […] fatigatus a labore extirpacionis veprium reclinavit super bipennem suam.

CC XXXII anz

Quatre cens e XXXII ans […]. Un dia fo mot las per le trebalh que ac suffert ; que ac arancatz les boysshos e apilec se sobre son cauet.

33

34

a l e s s io co l lu r a

§

PPA

ApAd

Pecc

12

Cepit ergo contristari et in intimo meditari quod multa mala videbat pullulare in mundo ex posteritate sua ; cepit eum tedere vite sue.

E pueis li acomenset mot a frevolir sa vida, e pueis si perpesseth que trebals convenria assufrir.

E comensec fort a doloyrar et enpessar dels grans mals que veszia naysher en aquest mon ; e per so quesz el avia fag fon fort enujatz de vieure.

13

Seth

Seht que mot li era obediëns

Sec

« cum gladio flammeo atque versatili »

manque

« ab lo glaszi resplanden que talha de dos partz »

14

angelo

manque

a Cherubin l’angel

15

manque

Bel fil

manque

18

et in hanc vallem deveniremus qua plasmatus fui

manque

e quant nos venguemp en esta val, en que ieu fuy format

19

quo pedes nostri calcaverunt

per lai om nos passem

per la on nostre pes tocavan

25

manque

li respondet

manque

26

manque

ni cor pessar

manque

28

In medio enim paradisi fontem lucidissimum intuebatur

[manque] Mais el vi una fontana mot clara

E mieg loc de paradis vic una fontayna mot bela e mot clara

29

Super fontem

Et el mieg d’aquesta font

Sobre aquela fontayna

30

Meditari enim cepit Seth, quare hec arbor nudata esset. Recolens ergo passus marcidos propter peccata parentum suorum, eadem conjectura concepit in corde arborem ita nudatam esse propter peccata.

Et es[gardet] mot fort aquel albre tant, tro que li menbret de las pezadas de son paire e de sa maire que el avia vistas en la via, [e] li semblet ben que per aquela rason mezesma que las pezadas eran ses erbas, que per aquela raso era l’albres ses fuelhas e ses escorsa.

Sec vic nut ayssi l’albre [el] [B1 vic despulhat ; remembrec] li del peccat desson payre Adam e dessa mayre Eva.

u n ap e rçu s u r l a l ég e nd e d u b o i s d e la cro i x

§

PPA

ApAd

Pecc

32

ad ostium rediret

que el tornes a reire

que tornes a la porta

34

manque

manque

dieys li aquo que avia vist.

36

Quo viso

manque

E quant vic aysso

38

manque

en la cima de l’albre

manque

39

cum venerit plenitudo temporis

de tot en tot

cant sera complit le termini

41

manque

per retornar a son paire

manque

47

Pinus, que multos generat nucleos, dona sancti spiritus nobis predicat.

En lo pi entendem nos lo sanh esperit per la natura dels pinols que so dintre las pinnas.

Lo pin, enayssi com a gran cantitat de fuelhas, significa le sant esperit.

49

Cumque patri omnia que audierat et viderat […] nunciaret

E comtet li so que li es avengut

E quant o ac comtat a’ssom payre, tot cant ac vist ni auzit

52

ulne unius longitudinem habentes

e cregon be .III. palms d’aut cascuna verga

et avia cascuna una brasa d’aut

53

Steteruntque in ore Ade usque ad tempus Noe, e Noe usque ad Abraham, ab Abraham usque ad Moisen, numquam crescentes nec decressentes nec viriditatem amittentes.

Et esteron en la boca d’Adam .M. ans entro a la venguda de Noe, e de Noe tro Abraam .M. ans, e d’Abraam tro a Moïsen .M. ans, que anc las verges non cregron ni descregron ni perderon lur verdor.

Aquelas tres vergas esteron en la boca d’Adam tro al temps de Noe, e del temps de Noe tro al temps d’Abraam, e del temps d’Abraham tro al temps de Moyszen, que hanc no cregron ni amermeron ni perderon lor verdura.

56

manque

el s’agenuillet en terra

manque

« Vere iste tres virgule trinitatem sanctam demonstrant »

En apres dis que aquellas .III. vergas eran en significansa de la sancta trinitat.

« Verament aquelas tres vergas demostravo la santa trinitat ».

manque

E miravillavon s’en molt fort don es issida ni venguda entr’els tan gran odor ni tant bona.

manque

57

35

36

§

a l e s s io co l lu r a

PPA

ApAd

Pecc

58

.XLII. annorum spacio

.XLIIII. ans

.XLII. ans

59

aliquis de exercito

negus d’els

negus homs en la ost

60

Contigit autem ad contradictionis aquas

manque

quant les filhs d’Irael vengron a las aygas de contradicxions

64

« Quia non sanctificasti nomen meum coram filiis Israël […] »

« Per que tu as sanctificat ton nom denant los fils d’Israhel […] »

« Car non as santificat lo mieu nom en preszentia dels filhs d’Irael […] »

66

Calef et Josue

Caleph et Joseph

Gabel e Jause

67

et veniens ad radicem montis Thabor virgas predictas ad radices montis plantavit.

et anet al pe de Montesinaï et plantet las .III. vergas al pe de la montaniha.

Pueys venc en la val de la terra al cap qu’es apelatz Comfrafuor. Aquelas tres vergas que dichas avem plantec al pe del pueg.

69

ad tempus David qui regnavit in Judea

tro al temps que David regnet en Judea

entro al temps que David renhec en Jeruszalem

70

Exactis ergo mille annis post obitum Moisi prophete

manque

Apres la mort de Moyzen quant aquels mial ans foron complitz

72

Nona die pervenit ad montem Thabor

el venc al pe de Montesynaï

e venc a Monticabor, e al noven jorn el fo aqui

76

occurrerunt leprosi aridi moltas maneiras de gens ceci claudi diversis miseriis qu’eran malautas vengron oppressi encontra lui

79

Posuit ergo illas in cisternam que David dicitur secus turrim ejus pausandas

el las mes pres de la tor que hom apela la torre David

la pauszec en una sisterna que non era luenh de la sia tor

81

que […] numquam fallit nec fallitur

manque

que hanc non falhi ni fara ja

82

Mane redeunte rege cum stantes invenirentur, viso miraculo

manque

E quant venc le mati, le rey David trobec las vergas drechas, e quant el ac vist aquest miracle

venian li denant mutz e lebroszes es sex e malautz de motas manieyras

u n ap e rçu s u r l a l ég e nd e d u b o i s d e la cro i x

§

PPA

ApAd

Pecc

84

circa illas murulum steterunt ibi

manque

87

manque

E apres fes sauteri e parlet manque per la boca del sant esperit.

93

Vocavit seniores regni et civitatis dicens : « Audite Salomonem tanquam me, quia illum elegit dominus ».

Et apelet sos baros e totz los plus nobles de son regne, e lur dis : « Lials et obediëns siatz a mon fil Salamon enaissi quant a mi soliatz esser, car nostre seynher l’a elegut e mon luoc ».

Et apelec totz sos savis desson regne, e dieys lor : « Salamo aujas et entendas per senhor ».

94

spacio .XXX. annorum

en .XLVI. ans

en .XXX. ans

95

nec cementarii trabem ultimam

non podion trobar nul albre en negun luoc

unh trauc i falhia

96

in longitudinem .XXX. cubitos et unum

.XXX. coudes

.XXXI. coyde de lonc

99

Tertio quidem deposita, tertio elevata

La segunda ves e la tersa lo troberon a totz jorns a la mezura que era plus loncs

Per tres vegadas fon pujatz e levatz sus, e quant l’evian pauszat bas, el era plus lonx

107

et a demonio arreptam, et traxerunt eam extra portam civitatis aquilonis

manque

E que diables l’avia presza, e giteron la foras […] de la cieutat de Jeruszalem per la porta d’Aguilo

111

infra horam tertiam et sextam

per certanas oras

entre tercia e mieg dia

113

trans torrentem Syloaticum

desobre lo flum d’aquela aigua

sobrel fluvi que a nom Exiloa

115

audire sapientiam Salomonis

per auzir la sapiëntia de Salamon

manque

117

« Judicii signum tellus sudore madescit »

« Judicii signum tellus sudore madesset »

« Al dia del jutgiament la terra gitara gran suzor »

Aqui esteron prop del mur

37

38

a l e s s io co l lu r a

§

PPA

ApAd manque

Pecc

120

[…] ciscitabant Judei quo modo et quo tormento illum morti traderent.

121

« Accipite arborem regiam « Prenes l’albre real que jas que jacet extra civitatem, et foras de la ciutat, e fais ne inde conficite crucem regi crotz al rei dels Juzieus ! » Iudeorum ! »

[…] que preszesson l’albre rial que jatz fora la porta de la cieutat sobre l’ayga.

122

manque

Et avia la crotz .VII. coidadas de lonc et .III. de travers.

manque

123

[…] a quondam obviato nomine Simone Cireneo redeunti de villa, et angariaverunt illum, ut crucem domini tolleret.

manque

E quant els s’en tornavan, [encontravan] un home que avia nom Senherier que era de la cieutat, destreysshero le tant que la crotz li fero portar.

125

In ea quidem crucifixus erat dominus noster Ihesus Christus in salutem omnium in se credentium factus obediens patri usque ad mortem. Cujus est laus, honor et gloria per seculorum secula. Amen.

on el sufri mort e passion per nos peccadors a traire del poder del diable que fes peccar Adam nostre paire et Eva nostra maire.

Et en aquela crussifiquero nostre senhor dieu Jhesu Crist per la salut de totz aquels que en luy creszon, la cal salut el nos deja donar, sil sieu plaszer es, ens aport al sieu regne celestial de paradis. Amen.

126

manque

Dieus Jhesu Crist per la soa sancta gratia e per la sia sancta passio nos tenga al sieu servizi, entz aja en sa garda et en sa sancta protectio e defentio e nostra vida et e nostra mort, e nos aja vera merce, entz fassa verai perdon de notres peccatz, que perdonet a nostres primiers pairos Adam et Eva et a ma dona sancta Maria Magdalena et al layro quel reconoc per salvador del mon sus en la cros, et a Longi quel

Preguem tugz la mayre dieu / qu’ela pregue le filh sieu / que per sa gran passio / nostres peccatz nos perdo. / Amen.

les Juszieus pesseron se, en qual manieyra de mort le turmentarian.

u n ap e rçu s u r l a l ég e nd e d u b o i s d e la cro i x

§

PPA

ApAd

Pecc

trauquet lo costat, quant de bon cor vais lui s’en fon tornatz ; el nos garde entz defenda de tota laja vergoniabla mort e nos done la sancta gloria en paradis. Amen.

Bien que les deux rédactions occitanes suivent de près la source latine, au niveau macroscopique, il convient de noter : a) que dans ApAd manquent les §§ 44, 88, 124 (où, d’autre part, il y a un accord entre PPA et Pecc), et toujours ApAd réélabore la § 114 avec un discours indirect (tandis que Pecc conserve le discours direct de la source latine) ; b) la dernière proposition (§ 126) manque dans le PPA : il s’agit d’une innovation particulière des deux rédactions occitanes, probablement des auteurs-traducteurs et chacun suivant son propre style. À propos de Pecc, il faut souligner : a) la § 30, qui s’apparente au PPA, est particulièrement raccourcie, peut-être en raison d’une lacune (si bien que ApAd semble mieux suivre le PPA : cependant, il s’en écarte pour certains choix de traduction originaux) ; b) la § 34 innove d’une manière particulière ; c) les §§ 14, 28, 47, 67, 93, 99 suivent le PPA mais innovent légèrement ; d) les cas dans lesquels nous avons un accord entre PPA et ApAd contre Pecc sont isolés : voir §§ 66, 69 (erreur polygénétique probable qui peut être expliquée par la fin du § 70), 117 (où Pecc traduit la phrase latine en occitan de manière originale, tandis que ApAd ne le fait pas), 121 (au contenu plus ou moins fidèle, il rend le discours direct de PPA sous une forme indirecte, contrairement à ApAd). Quant à ApAd : a) les §§ 4, 5, 7, 9, 10, 12, 13, 19, 28, 29, 32, 39, 47, 49, 52, 53, 56, 58, 59, 64, 67, 72, 76, 79, 93, 94, 95, 96, 99, 111, 113, 125 (où, au-delà du remaniement du traducteur, la proposition précédente manque, et la § 125 se lie directement à la § 123) sont retravaillées et/ou originales (voir dans le Tableau 1 ci-dessus le caractère gras), où Pecc suit de plus près la dictée textuelle du PPA. Bien qu’on n’entre pas dans le fond des questions philologiques, le schéma présenté – qui se veut le plus exhaustif possible, du moins en ce qui concerne les différences macroscopiques entre les deux rédactions différentes issues du PPA – démontre avec évidence ce qui suit :

39

40

a l e s s io co l lu r a

a) la relation étroite entre la source latine (PPA) et la rédaction occitane appelée Pecc ; b) l’isolement partiel de la rédaction dénommée ApAd, et la relative autonomie de traduction de son vulgarisateur. 2. 3. À ce stade, il semble légitime de se demander si l’auteur de ApAd aurait pu également s’inspirer d’un autre modèle par rapport à l’apocryphe latin, ou s’il a, en fait, avec un flair créatif, retravaillé l’antigraphe du PPA dont il tire. En retraçant et en intégrant les considérations de Shields (1978), il est possible de trouver une réponse à la question en lisant certaines vulgarisations du PPA en ancien français8. Ainsi, selon des études encore plus récentes, et à partir du répertoire de PrangsmaHajenius (1995) relatif à la diffusion de la légende du bois de la Croix dans la littérature française médiévale, il est effectivement possible de tracer une série de parallèles entre la rédaction ApAd et une des traductions françaises du PPA. Il s’agit du texte connu sous le nom Après ce que Adams fu getés de paradis (Mo), datant du XIIIe siècle et contenu dans 14 mss., y compris le ms. Dublin, Trinity College 951 (Mo1) (ff. 113r-121v), qui, en plus de présenter une version intégrale du PPA, appartient à un groupe de manuscrits qui paraît se rapprocher le plus de l’original latin (Prangsma-Hajenius 1995 : 27 et 308-313). Voici un tableau (Tableau 2) où les leçons isolées9 de ApAd sont comparées aux leçons respectives de Mo1 : ce qui nous permet de mettre en évidence les relations entre les deux rédactions vernaculaires (occitane et française) du PPA. Tableau 2

ApAd

§



Mo1

1

de la inobedientia que el hac trespassat

de inobedience que il avoit trespassee

2

El trames

Et lors vint

3

Et en aquel luec

Et illuecques

4

E nostre senher regarda al sacrifici d’Abel plus que al sacrifici de Kaim, per so que Abel era plus drechuriers e sacrificava de bon cor e de bona volontat, et al sacrifici de Kaim no volc regardar, per so que el no sacrificava de bon cor ni de bona volontat.

Et Nostres Sires regardoit plus au sacrefice Abel que a celui de Caym, pour ce que Abel ert plus droituriers et sacrefioit de boin cuer et de bone volenté.

8 En effet, en étudiant les versions françaises issues du PPA, Shields (1978 : 237-241) a déjà émis l’hypothèse que la rédaction occitane ApAd pourrait être une traduction-adaptation d’une version en ancien-français qui se rappoche le plus du texte latin primitif. 9 Autrement dit, pour les leçons où – comme le montre le Tableau 1 – il n’y a pas de correspondance entre PPA et ApAd, ou pour les leçons manquantes dans Pecc. En particulier, dans le Tableau 2 le caractère gras indique les leçons ApAd qui ne sont pas reflétées même dans Mo1.

u n ap e rçu s u r l a l ég e nd e d u b o i s d e la cro i x

ApAd

§

Mo1

5

nostre senher se tenia mais per pagat del sacrifici d’Abel que de lui

Dieux ert mieus apaiés del sacrefice Abel que del suen

6

El fon mot dolenz e mot iratz

en fu molt dolans et corrochiés

7

Quant mals e quantas dolors aveno per femena!

tant mal et tantes dolours aviennent par femes.

8

.CC. anz e plus

.c. ans

9

per mandament de ll’angel

par le commandement de l’angele

10

aquest enfant […] obediëns a son paire Adam

Cist enfes […] si fu molt obeïssans a son père

11

CC XXXII anz

nuef cens et .xxxij. ans

12

E pueis li acomenset mot a frevolir sa vida, e pueis si perpesseth que trebals convenria assufrir.

Puis li commencha anuier molt sa vie, et puis se pourpensa que mains maus vendront aprés lui.

13

Seht que mot li era obediëns

Seth qui molt estoit obeïssans

manque

manque

14

manque

manque

15

Bel fil

Beaus filz

18

manque

manque

19

per lai om nos passem

par la ou nous marchames

25

li respondet

li respondi

26

ni cor pessar

manque

28

Mais el vi una fontana mot clara

Mais il vit une fontaine mot clere

29

Et el mieg d’aquesta font

Seur cele fontaine

30

Et es[gardet] mot fort aquel albre tant, tro que li menbret de las pezadas de son paire e de sa maire que el avia vistas en la via, [e] li semblet ben que per aquela rason mezesma que las pezadas eran ses erbas, que per aquela raso era l’albres ses fuelhas e ses escorsa.

Seth regarda molt durement cel arbre tant que il li sovint des pas des piés de son père et de sa mere que il aoit veu en la voie tous nus et despoilliés sans herbe. Et li sambla bien que par icele raison estoit li arbres sans foille et sans escorce.

41

42

a l e s s io co l lu r a

ApAd

§

Mo1

32

que el tornes a reire

que il alast ariere

34

manque

manque

36

manque

manque

38

en la cima de l’albre

en la cime de l’arbre

39

de tot en tot […] [manque]

del tout en tout […] quant il vendra en terre

41

per retornar a son paire

pour retorner a son père

44

manque

manque

47

En lo pi entendem nos lo sanh esperit per la natura dels pinols que so dintre las pinnas.

En pin entendons nous le Saint Espirit pour la nature des noiaus que il a dedens soi.

49

E comtet li so que li es avengut

se li conta ce que il avoit veu

52

e cregon be .III. palms d’aut cascuna verga

e si orent bien tost une aune de lonc

53

Et esteron en la boca d’Adam .M. ans entro a la venguda de Noe, e de Noe tro Abraam .M. ans, e d’Abraam tro a Moïsen .M. ans […]

Et furent en la bouche Adam mil ans desque a la venue Noé, et de Noé jusques à Abraham mil ans et de Abraham jusques à Moysen mil ans […]

56

el s’agenuillet en terra […]

si s’engnoilla a terre […]

En apres dis que aquellas .III. vergas ‘Ces trois verges sont en senefiace de la eran en significansa de la sancta trinitat. Sainte Trinité’ 57

E miravillavon s’en molt fort don es issida ni venguda entr’els tan gran odor ni tant bona.

et si s’en merveillierent molt dont il estoit venus entre eaus si tres grant odour et si bone.

58

.XLII II. Ans

.xliiii. ans

59

negus d’els

aucuns d’eaus

60

manque

manque

64

« Per que tu as sanctificat ton nom denant los fils d’Israhel […] »

« Pour quoi as tu saintefié ton nom devant les filz Israel […] »

u n ap e rçu s u r l a l ég e nd e d u b o i s d e la cro i x

ApAd

§

Mo1

67

et anet al pe de Montesinaï et plantet las .III. vergas al pe de la montaniha.

si vint au pié del mont de Synaï et planta les trois verges au pié de la montaigne.

70

manque

manque

72

el venc al pe de Montesynaï

il vint au pié del mont Synaï

76

moltas maneiras de gens qu’eran malautas vengron encontra lui

maintes manieres de gens qui estoient malades vindrent encontre lui

79

el las mes pres de la tor que hom apela la torre David

il les mist pres de la tour que l’on apelle le tour David

81

manque

manque

82

manque

manque

84

manque

manque

87

E apres fes sauteri e parlet per la boca del sant esperit.

Et après fist le Psaltier et par la bouche del Saint Espirit.

88

manque

manque

93

Et apelet sos baros e totz los plus nobles de son regne, e lur dis : « Lials et obediëns siatz a mon fil Salamon enaissi quant a mi soliatz esser, car nostre seynher l’a elegut e mon luoc ».

Si appella les barons des plus haus de son regne et lour dist : « Loez et obeïssiés a Salemon mon fill aussi comme a moi, car Nostre Sires l’a esleu en mon lieu ».

94

en .XLVI. ans

en .xlvi. ans

95

non podion trobar nul albre en negun luoc ne pooient trover nul arbre el Temple en nul bois

96

.XXX. coudes [manque]

.xxx. coutes de lonc

99

La segunda ves e la tersa lo troberon a totz jorns a la mezura que era plus loncs, et al metre era lor trop cortz.

la seconde fois et la tierche et le troverent tout jours au mesurer que il ert trop lons ou au metre en labor trop cors.

107

manque

manque

111

per certanas oras

par certaines hores

113

desobre lo flum d’aquela aigua

desus le flun de Siloé

43

44

a l e s s io co l lu r a

ApAd

§

Mo1

120

manque

manque

122

Et avia la crotz .VII. coidadas de lonc et .III. de travers.

Et la crois avoit .vij. coutes de lonc et trois de travers.

123

manque

manque

124

manque

manque

125

on el sufri mort e passion per nos peccadors a traire del poder del diable que fes peccar Adam nostre paire et Eva nostra maire.

ou il souffri mort et passion pour no pechiés et pour nous trair del pooir au deable qui fist pechier Adam nostre père et Eve nostre mere, en cui ses pensers estoit.

Bien que Shields ait déjà avancé l’hypothèse sur la base d’un spécimen unique, ce deuxième tableau – sans aucun doute – nous permet de vérifier réellement l’influence du modèle français Mo1 sur la rédaction ApAd ; néanmoins, les cas où la rédaction occitane se détache de la version française ne manquent pas : voir §§ 2, 8, 11, 26, 29, 49, 52, 56 et 113. Donc, en reprenant les mots de Shields (1978 : 241), nous pouvons dire que ApAd : quoiqu’en bonne prose occitane, reste aussi près du français que celui-ci restait près du latin. On parlerait volontiers de transpositions, plutôt que de traductions, successives. […] le texte de [ApAd] conserve la traduction française avec autant de fidélité […] que les textes français les plus primitifs. Mais la considération la plus importante vient juste après, quand on dit explicitement que « certaines corrections que Suchier a opérées dans le texte de [ApAd] sont donc “ultra-correctes”, parce qu’elles le rapprochent du latin sans avoir recours à l’intermédiaire français » (Shields 1978 : 241). S’il est vrai que peut-être ce « seul défaut » de l’édition de Suchier n’est pas « bien sérieux en pratique », il est tout aussi évident qu’une nouvelle édition de ApAd serait certainement souhaitable, mieux si elle était accompagnée d’un commentaire et, bien sûr, après avoir puisé dans les dernières études sur la légende du bois de Croix. Ce que je propose d’entreprendre.

Manuscrits H : London, British Library, Harley 7403 R : London, British Library, Royal 19 C I P : Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 858 Mo1 : Dublin, Trinity College, 951

u n ap e rçu s u r l a l ég e nd e d u b o i s d e la cro i x

Bibliographie Baert 2004 : B. Baert, A Heritage of Holy Wood. The Legend of the True Cross in Text and Image, Leiden – Boston 2004. Baert 2012 : B. Baert, Adam, Seth and Jerusalem. The Legend of the Wood of the Cross in Medieval Literature and Iconography, dans Adam, le premier homme, Firenze 2012, pp. 69-99. Baert 2013 : B. Baert, La leggenda della vera croce e la sua iconografia (VIII-XV secolo). La disseminazione dei cicli figurativi in prospettiva europea, dans Enciclopedia Costantiniana, II, Istituto della Enciclopedia Italiana, Roma 2013, pp. 683-697. Bozoky 2011 : E. Bozoky, Post peccatum Adae, XIIe s. (n° 446), dans Translations médiévales, cinq siècles de traductions en français du Moyen Âge (XIe-XVe siècles), 2 voll., II, Le Corpus Transmédie : Répertoire, Turnhout 2011, p. 753. Collura 2018 : A. Collura, “Sens e razos d’una escriptura”. Il Vangelo occitano di Nicodemo, Roma 2018. Collura 2019 : A. Collura, Approssimazioni alla “leggenda del legno della Croce” nell’Occitania medievale, dans « Tra chiaro e oscuro ». Studi offerti a Francesco Zambon per il suo settantesimo compleanno, Trento 2019, pp. 95-112. Dufour-Kowalska 1985 : G. Dufour-Kowalska, L’arbre de la vie et la croix, Genève 1985. Fallon 2009 : N. Fallon, The Cross as Tree. The Wood-of-the-Cross Legends in Middle English and Latin Texts in Medieval England, University of Toronto, Toronto 2009 (Ph.D thesis). Graf 1882 : A. Graf, Un testo provenzale della leggenda della Croce, dans « Giornale di Filologia Romanza », 4, 1882, pp. 99-104. Jones 1976 : C. E. Jones, Cursor Mundi and Post Peccatum Adae. A Study of Textual Relationship, University of Miami, Miami, Miami 1976 (Ph.D thesis). Lazar 1960 : M. Lazar, La légende de l’Arbre de Paradis ou bois de la croix, dans « Zeitschrift für romanische Philologie », 76, 1960, pp. 34-64. Meyer 1882 : W. Meyer, Die Geschichte des Kreuzholzes vor Christus, dans « Abhandlungen der philosophisch-philologischen Classe der königlichen bayerischen Akademie der Wissenschaften », 16/2, 1882, pp. 101-166. Miller 1992 : A. R. Miller, German and Dutch Versions of the Legend of the Wood of the Cross, 2 voll., University of Oxford, Oxford 1992 (PhD thesis). Murdoch 2009 : B. Murdoch, The Apocryphal Adam and Eve in Medieval Europe. Vernacular Translations and Adaptations of the “Vita Adae et Evae”, Oxford 2009. Mussafia 1869 : A. Mussafia, Sulla leggenda del legno della Croce, dans « Sitzungsberichte der Kaiserlichen Akademie der Wissenschaften zu Wien, Philosophisch-historische Classe », 63, 1869, pp. 165-216. Pangsma-Hajenius 1995 : A. Pangsma-Hajenius, La Légende du Bois de la Croix dans la littérature française médiévale, Assen 1995. Quinn 1960 : E. C. Quinn, The Legend of Seth and the Holy Cross, Columbia University, New York 1960 (Ph.D thesis). Quinn 1962 : E. C. Quinn, The Quest of Seth for the Oil of Life, Chicago 1962.

45

46

a l e s s io co l lu r a

Reno 1978 : S. J. Reno, The Sacred Tree as an Early Christian Literary Symbol, Saarbücken 1978. Shields 1978 : H. Shields, Le bois de la croix. Ramifications en français et en occitan, dans Mélanges de philologie romane offerts à Charles Camproux, Montpellier 1978, I, pp. 237-248. Suchier 1883 : H. Suchier, Zwei Uebersetzungen der Kreuzlegende ‘Post peccatum Ade’ nebst dem lateinischen Originale, dans Denkmäler der provenzalischen Sprache und Literatur, Halle 1883, pp. 165-200 et 525-528. Wilmart 1927 : A. Wilmart, La légende du bois de la croix, dans « Revue biblique », 36, 1927, pp. 226-236.

Margot Constans 

Le Roman dels auzels cassadors de Daude de Pradas Traité de fauconnerie didactique ou poème lyrique ? 1. Introduction E se dis per bon’aventura de far romans gai e cortes1. [Il s’engage dans cette belle aventure qu’est la composition d’un roman gai et courtois]2 Selon ces quelques vers, Daude de Pradas entame la composition d’un « roman gai et courtois » qui se révèle par la suite être un traité de fauconnerie : Car dels austors e dels falcons, d’esparviers e d’esmerilhons dira quantas manieiras son, per so c’om trobe lo plus bon e per so que mieilhs son cor meta totz homs que d’auzells s’entremeta, a ben tener [e] ben noirir. Pos sabra lo meilhor chauzir, car totz ausells quez autres prenon





1 Le ms. Paris, BnF n.a.f. 4506 (Traité de fauconnerie en vers provençaux, par Daude de Pradas, XIIIe siècle, ff. 1-72v) étant le manuscrit choisi comme manuscrit de base de la nouvelle édition critique du Roman dels Auzels Cassadors, ce sont les folios de ce même manuscrit qui seront indiqués en note des transcriptions utilisées en exemple. Les leçons corrigées proviennent des leçons présentes dans les autres manuscrits du traité qui nous sont parvenus à ce jour et dont les notices figurent dans l’édition d’Alexander Herman Schutz (1945). La présente transcription provient du Prologue, fol. 1r. 2 Toutes les traductions suivantes sont tirées de M. Constans, Daude de Pradas, « Roman dels Auzels Cassadors ». Édition critique et étude historique, mémoire de master 2 sous la direction de Sophie Brouquet et de Jacques Gourc, Université Toulouse – Jean Jaurès, Toulouse 2018, 2 vol. Il s’agit d’un mémoire de recherche en deux volumes proposant une nouvelle édition critique du traité, sa traduction ainsi qu’une première étude historique de son contenu. Cet article est également fondé sur les travaux réalisés pour l’élaboration de ma thèse, qui est en cours à l’Université Toulouse – Jean Jaurès sous la direction de Sophie Brouquet (Toulouse) et Baudouin Van den Abeele (Louvain-la-Neuve).

Margot Constans • FRAMESPA (UMR 5136), Université Toulouse – Jean Jaurès • [email protected] Trans-mission. Création et hybridation dans le domaine d’oc, éd. par Fabio Barberini et Camilla Talfani, Turnhout, 2022 (Publications de l’Association Internationale d’Études Occitanes, 14), pp. 47-59.

© FHG

DOI 10.1484/M.PAIEO-EB.5.126414

48

m a rgot co ns tan s

en drech solatz, gran loguier rendon a cells que·ls noirison ni·ls ament

(Prologue, f. 1r)

[Car des autours, des faucons, des éperviers, et des émerillons, il exposera le nombre de variétés afin de trouver le meilleur, et afin que tout homme ayant à cœur de s’occuper au mieux des oiseaux, puisse bien les maintenir et bien les nourrir. Ensuite il saura choisir le meilleur, car tous les oiseaux qui auront reçu des autres l’attention qui leur est due, témoigneront en retour une grande reconnaissance à ceux qui les nourrissent et qui les aiment]. L’écriture du Roman dels auzels cassadors peut paraître surprenante au regard de la majeure partie de l’œuvre de son auteur. En effet, Daude de Pradas, troubadour dont la période de production se situe pendant la première moitié du XIIIe siècle (Larghi 2011 ; Chambon 2015a), se distingue avant tout par ses productions lyriques. C’est néanmoins son Roman dels auzels cassadors, un traité de fauconnerie technique, didactique et versifié, qui a attiré notre attention. Ce poème octosyllabique d’environ 3792 vers, traitant de la manière de reconnaitre, entretenir, affaiter et soigner les oiseaux de proie est à ce jour le seul et unique traité de fauconnerie médiéval en langue d’oc à avoir été découvert sur le territoire méridional. Bien que cette œuvre soit encore peu exploitée par les chercheurs en sciences humaines et sociales, les études de plusieurs philologues et linguistes sont parvenues à mettre en lumière l’intérêt du dossier pour les chercheurs. Karl Sachs (1865), Ernesto Monaci (1889) et Alexander Herman Schutz (1945) ont chacun réalisé l’édition critique de cette œuvre, sans toutefois proposer de traduction. L’édition d’Alexander Herman Schutz se distingue toutefois comme étant la seule édition critique stricto sensu. Gunnar Tilander (1963 et 1964), Dafydd Evans (1980), ou encore plus récemment Francesco Capaccioni (2002), ont établi une liste partielle des traités qui semblent avoir été des modèles pour Daude de Pradas lors de la rédaction de son œuvre. Dafydd Evans (1983) a également soulevé l’importance du travail de traduction effectué par Daude de Pradas à partir des textes latins, particulièrement en ce qui concerne le vocabulaire botanique. Enfin, bien que Francesco Capaccioni (2010) ait proposé une traduction partielle, en italien, du traité, un nouveau travail d’édition et de traduction est à ce jour en cours de finalisation (voir n. 2). En effet, tenter d’éditer et de traduire le traité de Daude de Pradas sans avoir préalablement identifié et étudié ses sources s’avèrerait incomplet et fournirait un travail à nouveau porteur de nombreuses erreurs. Cet article souhaite toutefois s’orienter vers une étude historique du Roman dels auzels cassadors. L’objectif de cette présentation est donc de proposer quelques pistes de réflexion relatives à une analyse interne du texte pour en saisir des phénomènes externes. Le Roman dels auzels cassadors fait partie de l’abondante tradition médiévale des traités cynégétiques, Daude de Pradas y présente dans un premier temps la manière de reconnaître les différentes espèces d’oiseaux de proie et d’en distinguer les meilleures. Le troubadour énonce ensuite comment entretenir son oiseau, l’éduquer et l’affaiter selon les différentes étapes de sa croissance. La seconde moitié du traité est, quant à elle, entièrement consacrée aux différentes pathologies ou maux dont les

L e Ro man d e l s auz e l s c a s s adors d e Dau d e d e Pradas

oiseaux pourraient souffrir et à la façon de les soigner3. Outre le contenu technique, il est important de distinguer, dans un premier temps, la rubrique CXXII qui joue le rôle d’épilogue et fait écho au prologue au sein duquel le terme « roman » est utilisé pour désigner ce qui se révèle être un traité de chasse, didactique et technique. Dans son avant-dernier vers, « Mos romans del tot complitz es », Daude de Pradas reprend le deuxième vers du début de ce même épilogue. Ce dernier se libère ainsi totalement du cadre imposé par le traité de chasse pour y retrouver son statut de troubadour. Cela lui permet de prendre un certain recul vis-à-vis de son objet de travail, mais également de laisser libre cours à ses talents de compositeur. Cette mise à distance de son œuvre se fait par l’affirmation de sa supériorité, cum auctoritate, sur tous ceux qui seraient tentés de critiquer son travail. Ce procédé débouche alors sur un véritable sirventes4 : Car secs e pecs an tal manieira que neguns non garda hon fieira. Car cells qu’[es] cecs non ves de fors, e cells qu’es pecs non ves dins cors. Ez ha n’i pron d’aitals secs, pecs, hotracujatz, tavecs, bavecs, paires e filhs de vilania, auripellatz de parlaria. Totz jorns van rugent e mugent, e cujan esser maldizent, e non hi podon a venir qu’adrechamentz sapchan mal dir, e lur maldichtz non es neis tals qu’adrech puesca esser dichtz mals.

(Rubrique CXXII, fol. 71r)

[Car l’aveugle et l’imbécile agissent de telle manière qu’aucun des deux ne prête attention à l’endroit où il pourrait frapper. Car celui qui est aveugle ne voit pas l’extérieur et celui qui est stupide ne voit pas dans le cœur. Et il y en a assez de ces aveugles, imbéciles, outrecuidants, niais, bavards, père et fils de la grossièreté, brillants en bavardages. Ils vont chaque jour grognant et mugissant, et ils pensent être médisants, mais ils ne sont pas capables de



3 Pour une typologie des textes voir Van den Abeele (1996). Pour une synthèse générale de la thérapeutique des oiseaux de chasse se référer à Van den Abeele (1994). 4 Le sirventes est un genre poétique, c’est un plaidoyer particulièrement violent contre les nezis (niais) et les maldizents (médisants), c’est-à-dire contre tous les individus totalement ignorants des valeurs du monde courtois et de la fin’amor, communément appelés par tous les troubadours lauzengiers. S’il existe plusieurs types de sirventes, aux formes et aux modalités variées, notre objectif n’est pas de nous attarder sur toutes les possibilités et toutes les modalités de ce genre poétique. Le sirventes peut également être extrêmement satirique et à caractère politique et est très utilisé durant le XIIe et le XIIIe siècle. Parmi les troubadours qui se sont distingués par cette production, nous pouvons notamment citer : Bertran de Born, Guillem Figueira ou encore Peire Cardenal.

49

50

m a rgot co ns tan s

médire adroitement, et leur médisance n’est pas d’un niveau suffisant pour que leurs paroles malveillantes puissent être prononcées adroitement] L’épilogue du Roman dels auzels cassadors contraste donc singulièrement avec le reste du contenu du traité, qui se veut didactique et technique. Il est possible de se demander si Daude de Pradas, rompu à la rhétorique des troubadours, coutumier des milieux aristocratiques mais également membre de l’Église, se serait vu confier la rédaction d’un traité de fauconnerie technique, qui n’offrirait que très peu d’espace à l’expression poétique qu’il maîtrise, et qu’il ne pourrait concevoir en dehors du cadre de la société courtoise à laquelle il appartient ? Cette courte présentation propose donc d’étudier plusieurs points représentatifs d’une réalité culturelle médiévale. En effet, il semblerait que Daude de Pradas ait choisi d’insérer dans son œuvre les concepts culturels qui lui sont familiers et dont il a une parfaite maîtrise.

2. L’oiseau de proie anthropomorphisé Dès les premiers chapitres du traité, on constate une anthropomorphisation de l’oiseau de proie tant dans les descriptions physiques que morales. Daude de Pradas dote l’oiseau de caractéristiques physiques humaines, et lui attribue aussi différents traits de caractères similaires à ceux que l’on peut trouver chez l’Homme : l’oiseau de proie éprouve des sentiments, des désirs et des émotions. Ce procédé n’est pas nouveau puisqu’on le trouve dès l’Antiquité dans la fable, au Moyen Âge dans les bestiaires, et aussi dans le Roman de Renart. Les troubadours eux-mêmes usent fréquemment de comparaisons animalières ; Rigaut de Barbezieux, au XIIe siècle, en a d’ailleurs fait l’un des traits caractéristiques de son œuvre5. L’oiseau n’est pas seulement décrit physiquement, mais se voit également doté d’une certaine capacité de réflexion, de sentiments et d’émotions : l’orgueil, le caprice, l’envie ou encore l’empressement, comme au sein de la rubrique XX, qui caractérise l’oiseau du sixième lignage : Pero a girfalc retras d’ueilh d’alas e de piechtz e d’ergueilh.

(Rubrique XX, fol. 8v)

[Pourtant, il est semblable au faucon gerfaut par ses yeux, ses ailes, sa poitrine mais également par son orgueil] À la lecture du traité, on constate que tout est mis en œuvre pour le confort de l’oiseau, qui doit se sentir bien et pouvoir se développer harmonieusement. L’attention qui lui est portée va au-delà du simple souci éducatif : l’auteur n’énonce pas seulement ce qui est nécessaire à l’oiseau, mais s’attarde aussi sur ce qui lui apporte du plaisir et de la joie. Éduquer et affaiter l’oiseau sont des étapes importantes, à



5 Le troubadour est particulièrement connu pour son poème mettant en scène l’éléphant dans sa chanson Atressi con l’orifantz. Il existe des publications sur l’animal au sein de cette littérature avec par exemple : Hensel 1909, Anglade 1919, Varvaro 1960, Taylor 1978, Monson 1991, Van Vleck 1993.

L e Ro man d e l s auz e l s c a s s adors d e Dau d e d e Pradas

tel point que si l’une d’entre elles n’est pas rigoureusement respectée, l’oiseau ne sera pas convenablement affaité et pourra développer des défauts plus ou moins importants qu’il conservera définitivement. Daude de Pradas met en garde le lecteur, car toute étape manquée dans l’apprivoisement et l’affaitage de l’oiseau aura des incidences irréversibles sur ses futures aptitudes pour la chasse. Il est donc fondamental aux yeux du troubadour de choisir convenablement le fauconnier. Ses qualités morales seront essentielles, puisqu’il sera contraint de respecter un certain nombre d’interdits, qui ne sont pas sans rappeler les contraintes imposées aux clercs. Le fauconnier doit alors renoncer à toute forme d’excès, comme le jeu, la boisson et les affaires du monde : De trop beure si deu gardar que vins no·l puesca enebriar, car nuilhs homs ibres non ha cen ez ausells forssa de vin sent. Qui beu pument ni vin trop fort gart se qu’apres ausell non port, car forssa d’erbas e de vins l’enmalautis e si l’ausis.

(Rubrique XXIV, fol. 10r)

[Il doit se garder de trop boire de manière à ne pas être enivré par le vin, car un homme ivre perd tout son bon sens et l’oiseau sent fortement l’odeur du vin. Que celui qui boit du pimen6 et du vin trop fort fasse attention que l’oiseau ne s’en imprègne pas, car une trop grande quantité d’herbes et de vin le rendra malade et le tuera] On peut également constater, au niveau de la rubrique XXIV : Nuils homs escas, cobe d’aver, afazenatz, non deu tener ausell per que dirai vos ho : car ja non er nuilha sazo que·l en autr’afar non deissenda, e tot lo jorn l’aven fazenda.

(Rubrique XXIV, fol. 11r)

[Aucun homme envieux, avide de possessions et affairé ne doit avoir d’oiseaux et je vais vous dire pourquoi : à aucun moment rien ne sera d’avantage prioritaire pour lui que de s’occuper de ses propres affaires et celles-ci vont l’occuper toute la journée] Tout manquement à ces règles aura pour conséquences le dépérissement, la maladie ou la mort de l’oiseau, dont le fauconnier sera le seul responsable. Outre le plan moral, l’aspect pratique, relevant du bon sens, intervient également. En effet, le dévouement nécessaire à l’oiseau nécessite une disponibilité totale du fauconnier. Ces



6 Le manuscrit présente pumen que nous comprenons comme : « piment, boisson faite de vin épicé et de miel » (DOM, sv. et voir LR, IV, 543).

51

52

m a rgot co ns tan s

deux perspectives sont ici complémentaires et on peut distinguer deux niveaux de mises en garde : le premier, fidèle à la morale chrétienne, et le second relevant du sens commun. Si le manquement à la morale conduit obligatoirement à la dégradation et à la mort de l’oiseau, la pratique de la guerre, de l’amour, du jeu ou des affaires réduit la disponibilité du fauconnier pour l’éducation et l’affaitage de l’oiseau. Ce dernier ne peut donc se borner à un acte ordinaire, relevant des comportements de la vie laïque, puisque la religion se doit d’être partout, dans tout acte quotidien. En somme, le parallélisme entre le prêtre et le fauconnier ne saurait totalement surprendre de la part d’un écrivain qui évolue à la fois dans un univers de cour, dans le monde et dans le milieu clérical. Les rubriques qui précèdent ne sont qu’un exemple parmi bien d’autres des interventions personnelles de l’auteur dans une œuvre où il se fait tour à tour didacticien et moraliste.

3. De la séduction à la formation : la croissance et l’éducation de l’oiseau de proie La rubrique XLI aborde un thème cher à Daude de Pradas. En effet, pour que l’oiseau soit obéissant et apprivoisé, le fauconnier doit aussi le séduire en lui offrant son amour. Afin d’obtenir ses faveurs, il doit user de douceur, au sens propre comme au sens figuré, et par conséquent lui offrir des cadeaux dans le but de l’attendrir et de faire naître l’amour de l’oiseau à son égard : Si voles vostr’auzells vos am, amas vos lui, e ges am fam no˙l cuges far privat ni bon. Ab ben tener, ab manjar pron, es auzells maniers e privatz e de seinhor enamoratz. […] Pero ben es plus amoros e ven plus leu totas sazons, s’am canella l’enpolveras sa carn e de mell la muilhas. […] La boissera er tota vermeilha ; quant la veira [e s’a]pareilha, on ne sia, [dese] venrra ves la doussor que˙ll mells li fa.

(Rubrique XLI, fol. 21r)

[Si vous voulez que votre oiseau vous aime, aimez-le d’abord. Ne pensez en aucune façon le rendre intime et bon avec la faim ou par la faim. En le traitant avec douceur, avec une nourriture suffisante l’oiseau sera intime, apprivoisé et aimant envers son seigneur. […]. Mais il est bien plus aimant et il devient plus vite et durablement aimant, si on saupoudre sa viande de poudre de

L e Ro man d e l s auz e l s c a s s adors d e Dau d e d e Pradas

cannelle et qu’on la laque de miel. […]. La boîte7 sera entièrement vermeille ; lorsqu’il la verra et qu’il se souviendra, où qu’il soit, il se dirigera aussitôt vers la douceur que le miel suscite en lui] À l’évidence, la nature même du présent fait à l’oiseau par son maître ou son fauconnier n’appartient pas au registre masculin et rappelle davantage le type de cadeaux fait à un enfant ou une femme dont on veut s’attacher les faveurs. Il est alors possible de considérer que l’oiseau sorti du nid est asexué et se place dans l’infantia (Paravicini Bagliani 2014 : 10). Dès son extraction du nid, il est choyé, traité avec douceur et attention, sa nourriture est particulièrement élaborée et toujours adaptée à ses besoins et à son bien-être. L’oiseau passe ensuite par l’adolescentia qui, selon Constantin l’Africain, correspond à une phase où se développe sa croissance (Paravicini Bagliani 2014 : 10). Il s’agit du moment où l’oiseau est apprivoisé et en cours d’affaitage et cette phase correspondrait pour l’homme à l’apprentissage de la chevalerie. L’animal est en pleine construction de la figure sexuelle qui lui sera attribuée, une fois son affaitage achevé. Selon Daude de Pradas, lors de cette phase, la préoccupation majeure du fauconnier est d’éviter que l’oiseau n’acquière de mauvaises habitudes ou de mauvais traits de caractère : Mas una cauza hi ha mestier : que ja per cocha d’auzellar no·l fassa trop per tems volar. Car aitall us com ne penrra de primier, tostemps mais tenrra. Per so fai gardar de mal ves.

(Rubrique XXVII, fol. 15)

[Néanmoins, une chose lui est nécessaire : que l’empressement de le voir chasser ne nous incite pas à le faire trop longtemps voler. Car une habitude prise dès le départ par l’oiseau sera définitivement conservée par celui-ci. Pour cela, protégez-le de toute mauvaise habitude] Le fauconnier doit faire preuve de patience à l’égard du faucon, pour lequel chaque étape de l’affaitage aura une grande importance. Dans son De Aetate, Albert le Grand définit le premier âge (qui correspondrait chez l’oiseau à celui de la pueritia et de l’adolescentia), comme celui de l’accumulation de la substance et de la force (Paravicini Bagliani 2014). La phase de l’apprivoisement, qui vise à rendre l’oiseau aimant et attaché à son maître, confiant envers celui-ci, prend fin avec la phase d’affaitage. L’entrée dans cette dernière marquerait alors le passage de l’âge de l’enfance, qui relève essentiellement depuis l’Antiquité de la sphère féminine, à celui de la iuventus, qui relève de la sphère masculine. Comme les jeunes Romains qui abandonnaient la toge prétexte pour entrer dans le monde des hommes, ou les jeunes garçons au Moyen Âge qui commençaient leur formation de chevaliers, le jeune oiseau débute son affaitage, c’est-à-dire l’apprentissage des techniques de chasse

7 Il s’agit d’une boîte dans laquelle le fauconnier place de la viande laquée de miel destinée à l’oiseau.

53

54

m a rgot co ns tan s

(Paravicini Bagliani 2014 : 10). Le fauconnier fait preuve de patience mais la douceur jusqu’alors prodiguée à l’oiseau laisse place à davantage de fermeté : Moisseta es tant rabanieira qu’ab so que pren ten so carrieira e pert se pla[.] per sa rabina. Per sso fai hom cella metzina q’un petitet dels arteilhetz dereire quant los ha tenrretz li toll hom, e d’aquo dol ssi, per que non fach pueis enaissi.

(Rubrique XXXII, fol. 18r)

[L’émouchet est si impétueux que, muni de sa proie, il prend congé pour ensuite se perdre, emporté par son ardeur. C’est pour cette raison qu’on y remédie en lui ôtant le petit orteil lorsque ce dernier est encore tout tendre ; de cela il souffrira, et par la suite il n’agira plus ainsi] En somme, les étapes successives de la croissance et de l’éducation de l’oiseau peuvent être associées à celles du futur jeune chevalier qui doit développer différentes aptitudes physiques et morales. L’équilibre et la mesure sont nécessaires à l’oiseau, pour qui les excès seraient néfastes, et qui iraient à l’encontre de l’idéal que la société courtoise lui attribue : la mezura, terme que l’on retrouve dans le traité Dels Auzels Cassadors, mais également dans la Canso de la Crozada où la mezura des Méridionaux est opposée à la desmezura des Francés. Outre son traité de fauconnerie, Daude de Pradas, clerc et troubadour, a légué une œuvre lyrique importante qui puise aussi bien dans une idéologie féodale et religieuse que dans un idéal amoureux8. C’est donc naturellement que le troubadour a choisi d’insérer dans son œuvre les concepts culturels qui lui sont familiers et qu’il maîtrise parfaitement.

4. Un symbole d’idéal aristocratique guerrier L’association des valeurs chevaleresques et guerrières à l’oiseau de proie affaité parait évidente dans l’esprit du troubadour. En effet, Daude de Pradas distingue sept lignages qui caractérisent les oiseaux de proie, le septième étant l’oiseau pourvu des meilleures qualités physiques et morales. La Rubrique XXI, qui caractérise l’oiseau appartenant au septième et meilleur lignage, est représentative de cette personnalisation de l’oiseau et de son association à la figure chevaleresque : Que nuilhs auzells volar non auza sotz ell quant vola. […]



8 L’œuvre de Daude de Pradas compte dix-neuf pièces lyriques, intégralement éditée par Schutz (1933) et par Melani (2016). Récemment, Chambon (2015b) a proposé d’attribuer aussi à Daude de Pradas le Roman de Flamenca.

L e Ro man d e l s auz e l s c a s s adors d e Dau d e d e Pradas

L’aigla non s’auza aparer lai on el la puesca vezer. De totz ausells es le maistres, reis vo comptes vol per maistres, vo ric home de gran poder, e se·s pros fa lo mais valer. De totz ausells porta la flor. Tostemps fai alegre seinhor, galaubit, prezantz, amoros, adrechs, cortes e vigoros. E tuit falcons cominalment lur seinhor rendon plus valent. Tuit falcon son d’aital natura que l[ur] seinhor per ells meilhura.

(Rubrique XXI, fol. 9r)

[Aucun oiseau ne se risque à voler en dessous de lui quand il est en vol. […] L’aigle n’ose paraître là où il pourrait l’apercevoir. De tous les oiseaux il est le maître, rois et comtes le veulent en être les maîtres, ou encore les hommes riches de grand pouvoir, et s’il est vaillant cela leur donnera davantage de valeur. De tous les oiseaux il remporte le prix. Il fait en permanence la joie du seigneur, magnifique, distingué, aimable, toujours courtois et vigoureux. Il est commun que tous les faucons rendent leur seigneur plus noble. Tous les faucons sont d’une nature telle que leur seigneur grâce à eux s’améliore] Dans ces vers, l’oiseau de proie est pourvu de la plupart des qualités attribuées aux chevaliers : “magnifique”, “distingué”, “aimable”, “toujours courtois et vigoureux”. Il est clairement énoncé que, par ces qualités, l’oiseau améliore son possesseur. Posséder un oiseau de proie était donc un facteur de distinction sociale et morale. Le seigneur se voit attribuer les qualités possédées par l’animal. Cette idée a été reprise et confirmée par de nombreux chercheurs dont Baudouin Van den Abeele (1990). Le traité de Daude de Pradas est donc un apport supplémentaire, qui vient conforter des théories abondamment développées par les historiens des mentalités. Il est également important de souligner cette idée de valorisation de l’homme par l’animal. Nous faisons bien entendu référence aux qualités morales, physiques et guerrières qui viennent s’ajouter à celles que possède le seigneur. Mais tout seigneur n’est pas chevalier, c’est donc l’oiseau qui est en charge de procurer cette distinction supplémentaire. Ce procédé de valorisation est clairement exprimé par Daude de Pradas, dans la rubrique XXII, où il développe les caractéristiques d’un bon faucon et conclut par les vers : Si com autor ez esparvier son [cais] prinses e cavallier, li falcons els esmerilhon quais prinses e cavalhier son.

(Rubrique XXII, fol. 9v)

55

56

m a rgot co ns tan s

[De la même manière que l’autour et l’épervier sont presque princes et chevaliers, le faucon et l’émerillon sont presque des princes et des chevaliers] En définitive, dans cette rubrique, Daude de Pradas identifie totalement le prince au dominus et le chevalier au miles. C’est grâce au faucon que le dominus devient miles. Le faucon, à qui les qualités du miles sont attribuées, vient à son tour élever la valeur morale du seigneur au service duquel il est. L’affaitage conduit l’oiseau à la fidélité et une fois affaité, celui-ci sert son maître en le parant de toutes ses qualités. Selon Georges Duby (2009 : 34), au XIIIe siècle, la chevalerie forme « un corps fort bien délimité et qui s’établit véritablement au centre de l’édifice social ». Le chevalier est en premier lieu un guerrier, et plus particulièrement, un cavalier combattant à cheval (Duby 2009 : 43). Il est également un serviteur par les armes, auxiliaire d’une puissance supérieure, comme par exemple l’Église ou le pouvoir royal (Flori 2014 : 200). Dominus et miles sont deux catégories distinctes qui n’ont pas les mêmes privilèges au XIe siècle, mais qui, au XIIe siècle, se rapprochent jusqu’à fusionner entre elles pour voir les premiers se faire adouber chevaliers et les seconds s’assimiler à la caste des domini. Cette fusion entraîne naturellement une évolution des mentalités puisque, dès le début du XIe siècle, l’Église, en imposant « un modèle de comportement moral » (Duby 2009 : 121), a permis à l’aristocratie de justifier ses privilèges. Les seigneurs sont tenus de respecter certains devoirs moraux, « qui sont ceux du miles Christi, vaillance, loyauté, soumission à l’Église » (Duby 2009 : 122). La diffusion de ce modèle s’effectue de diverses façons, et notamment par le biais de la littérature (moralisante, courtoise, didactique, etc.) dont la lyrique des troubadours fait partie et à laquelle on peut adjoindre le traité de Daude de Pradas. Au XIIIe siècle, le chevalier se trouve assimilé à la noblesse, qui à son tour devient porteuse des valeurs morales de la chevalerie. Au Moyen Âge, les seigneurs et propriétaires d’oiseaux de proie ont un profond respect de la valeur de l’animal. L’oiseau est présenté comme le symbole le plus parfait du guerrier prédateur et est donc identifié à l’idéal militaire et chevaleresque. Il devient le prolongement et l’un des bras armés du seigneur. Toutefois, l’importance accordée aux caractéristiques physiques de l’oiseau traduit un véritable travail effectué en amont par des fauconniers. Le traité de Daude de Pradas se fait manuel pour ces derniers, qui doivent savoir établir, à partir du lignage et des caractéristiques physiques de l’oiseau, ses compétences pour la chasse. C’est ce que montre, par exemple, la rubrique II, au sein de laquelle Daude de Pradas énumère les différentes caractéristiques physiques d’un bon autour : Austor prim gran fach enaissi com ieu dirai, tengas per fi : […] Chamba grossa, jauna e breu, pe grant, trazent, ubert e leu, pouze tallon ez arteilh gros, non per carn mas per nerv’ab os. Ongla grossa e fort e dura, sengla longa tot per mezura.

L e Ro man d e l s auz e l s c a s s adors d e Dau d e d e Pradas

Qui trob’austor d’aital faisson fort bon deu esser per razon.

(Rubrique II, fol. 2v-3r)

[Tenez pour parfait un autour grand et mince, ainsi que je vous le dirai : […]. La jambe est grosse, jaune et courte, la patte est grande, étirée, ouverte et légère, le pouce, le talon, l’orteil seront gros, et ce, non pas par la chair mais par les nerfs et les os ; les serres seront fortes et dures, l’orteil du milieu long et le tout, parfaitement proportionné. Celui qui parviendra à trouver un autour de cette qualité sera assurément très bon] Les oiseaux sont hiérarchisés de la même façon que la société médiévale. Dans son ensemble, celle-ci était fortement stratifiée en fonction de l’origine lignagère de sa noblesse. L’oiseau est choisi selon un certain nombre de caractéristiques physiques préalablement énumérées dans le traité, qui le rendent susceptible de correspondre à différents types de chasse, de terrains et de proies. Cette démarche souligne donc bien le processus de personnification évoqué plus haut. Daude de Pradas évoque, implicitement ou explicitement, plusieurs concepts qui relèvent pour la plupart des mentalités communes de la société médiévale. Ces derniers sont souvent exprimés par le biais de comparaisons, de métaphores empruntées aux différentes sphères dans lesquelles il évolue. Sur un plan didactique, éducatif, les étapes de la croissance émotionnelle et physique de l’oiseau doivent certainement beaucoup à l’éducation de l’enfant, de la femme et du guerrier. Cette éducation tient tout à la fois à l’affection, l’apprivoisement, la séduction et la fermeté. Cette analyse est valable pour l’oiseau affaité, puisque le traité présente une image différente de l’oiseau pendant sa croissance et les phases d’affaitage, au cours desquelles il est encore considéré comme un être faible et passe par une série d’étapes initiatrices qui le conduisent à l’affirmation de la figure masculine. Cette confusion des genres passe également par une délimitation de l’espace dédié à la croissance de l’oiseau, ou encore par une attention toute particulière portée à l’animal, dont les traits de caractère qui lui sont souvent attribués se rapportent à ceux d’un enfant. Les qualités morales chevaleresques sont majoritairement développées dans la littérature courtoise et la lyrique des troubadours. Par exemple, le chevalier qui cherche à séduire la dame, par le biais de la poésie, devra être pourvu d’un certain nombre de ces qualités ; qualités dont est aussi doté l’oiseau de proie et qu’il transmet à son possesseur. En l’occurrence, l’oiseau serait analogue à la dame de l’amour courtois, qui valorise à son tour le seigneur. Il est également présenté comme un exemple du bon chrétien et comme un modèle d’individu à la fois courtois et guerrier. L’oiseau devient donc le symbole d’un idéal social : morale chrétienne, commune, courtoise, esprit chevaleresque. N’oublions pas que le traité de Daude de Pradas demeure une production unique dans le domaine occitan. Le Roman dels auzels cassadors présente tous les éléments caractéristiques d’un véritable traité didactique, bien que structuré par la lyrique courtoise qui contraste singulièrement avec un ouvrage essentiellement destiné à rassembler des recettes médicales souvent bien éloignées des préoccupations purement esthétiques.

57

58

m a rgot co ns tan s

Bibliographie Anglade 1919 : Les chansons du troubadour Rigaut de Barbezieux, texte préparé par Camille Chabaneau ; introduction, traduction et notes par Joseph Anglade, éd. J. Angalde, Montpellier 1919. Capaccioni 2002 : F. Cappaccioni, Le fonti del “Roman dels auzels cassadors” di Daude de Pradas, in La caza en la edad media, Valladolid 2002, pp. 25-37. Capaccioni 2010 : F. Capaccioni, “A conoscere lo sparaviero che è de bona fazone” : una traduzione italiana parziale del “Dels auzels cassadors” di Daude de Pradas, in « Romania », 510, 2010, pp. 135-169. Chambon 2015a : J.-P. Chambon, Gui Ussers (1195, 1196) et Deodatus Pradés (1191) : ni Gui d’Ussel, ni Daude de Pradas, in « Cultura Neolatina », 75, 2015, pp. 201-204. Chambon 2015b : J.-P. Chambon, Un auteur pour Flamenca?, in « Cultura Neolatina », 75, 2015, pp. 229-271. DOM : Dictionnaire de l’Occitan médiéval, München [‹http://www.dom-en-ligne.de›]. Duby 2009 : G. Duby, La société chevaleresque : hommes et structures du Moyen Âge I, Paris 2009. Evans 1983 : D. Evans, Les noms de plantes employés par Daude de Pradas dans son traité “Dels auzels Cassadors”, in « Marche Romane », 2-4, 1983, pp. 65-73. Evans 1980 : D. Evans, Le traité de fauconnerie en vers provençaux : “Dels Auzels Cassadors”, son intérêt culturel, in La chasse au Moyen Âge : actes du colloque de Nice, 22-24 juin 1979, Paris 1980, pp. 9-17. Flori 2014 : J. Flori, “Chevalerie”, in Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval, Paris 2014, pp. 199-213. Hensel 1909 : W. Hensel, Die Vögel in der provenzalischen und nordfranzösischen Lyrik des Mittelalters, in « Romanische Forschungen », 26, 1909, pp. 584-670. Larghi 2011 : G. Larghi, Daude de Pradas trovatore, canonico e maestro (… 1191-1242…), in « Cultura Neolatina », 71, 2011, pp. 23-54. LR := F.-J.-M. Raynouard, Lexique Roman, ou Dictionnaire de la langue des troubadours comparée avec les autres langues de l’Europe latine, 6 vols, Paris 1838-1844 Melani 2016 : Per sen de trobar. L’opera Lirica Di Daude de Pradas, éd. S. Melani, Turnhout 2016. Monaci 1889 : Daude de Prades, “Lo Roman dels Auzels Cassadors” : antico poema provenzale di falconeria, éd. E. Monaci, Livorno 1889. Monson 1991 : A. Monson, De la chanson à la nouvelle : “Atressi cum l’orifanz” de Rigaut de Barbezieux et ses commentaires narratifs médiévaux, in « Medioevo Romanzo », 16, 1991, pp. 271-284. Paravicini Bagliani 2014 : A. Paravicini Bagliani, Âges de la vie, in Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval, Paris 2014, pp. 7-19. Sachs 1865 : “Les auzels cassadors”, poème provençal de Daude de Pradas, éd. K. Sachs, Brandenburg 1865. Schutz 1933 : Poésies de Daude de Pradas, éd. A. H. Schutz, Toulouse 1933. Schutz 1945 : The Romance of Daude de Pradas called “Dels auzels cassadors”, éd. A. H. Schutz, Columbus (Ohio) 1945.

L e Ro man d e l s auz e l s c a s s adors d e Dau d e d e Pradas

Taylor 1978 : R. Taylor, Les images allégoriques d’animaux dans les poésies de Rigaut de Berbezilh, in « Cultura Neolatina », 38, 1978, pp. 251-259. Tilander 1963 : G. Tilander, Dancus Rex, Guillelmus Falconarius, Gerardus Falconarius : les plus anciens traités de fauconnerie de l’Occident publiés d’après tous les manuscrits connus, Lund 1963. Tilander 1964 : G. Tilander, Sources inédites des “Auzels cassadors” de Daude de Pradas : Grisofus medicus, Alexander medicus, deux traités latins de fauconnerie du XIIe siècle, publiés avec des traductions en vieil italien de Grisofus et une traduction en vieux français d’Alexander, Lund 1964. Van den Abeele 1990 : B. Van den Abeele, La Fauconnerie dans les lettres françaises du XIIe au XIVe siècle, Louvain 1990. Van den Abeele 1994 : B. Van den Abeele, La fauconnerie au Moyen Âge : connaissances, affaitage et médecine des oiseaux de chasse d’après les traités latins, Paris 1994. Van den Abeele 1996 : B. Van den Abeele, La littérature cynégétique, Turnhout 1996. Van Vleck 1993 : A. Van Vleck, Rigaut de Berbezilh and the Wild Sound : Implications of a Lyric Bestiary, in « Romanic Review », 84, 1993, pp. 223-240. Varvaro 1960 : Rigaut de Berbezilh, Liriche, éd. A. Varvaro, Bari 1960.

59

ALEXANDROS MARIA Hatzikiriakos 

Le retoriche della disarmonia Strategie sonore e musicali nei descortz occitanici* 1. Il Descort come genere Uno dei principi estetici più noti e discussi della lirica trovadorica – forse quasi un luogo comune – riguarda l’accordanza tra cuore e canto. Il chan, sia questo inteso come componimento poetico oppure come composizione o performance musicale, non può compiersi pienamente se non in armonia col cuore del poeta : « voill qe·l cors s’acord al chant »1, « chantars no pot gaire valer / si d’ins dal cor no mou lo chans »2, così almeno ci assicurano alcuni dei più ‘classici’ tra i trovatori, rispettivamente Guiraut de Bornel e Bernart de Ventadorn. Dal rispetto di tale armonia deriva poi che anche il testo deve accordarsi alla sua intonazione musicale : « mas Amors mi assauta, / que·ls motz ab lo son acorda »3. Sembrerebbe essere quindi imprescindibile per la canso l’ideale acordansa tra cor e chan, dove il chan è a sua volta felice concordia di mot e so. Ma tale triplice connubio non riguarda l’intero spettro dell’esperienza lirica trovadorica4. Ne fa eccezione, infatti, il genere del descort, statisticamente poco rappresentato nelle fonti manoscritte, ma non secondario per prestigio e nella pratica. Il descort, nell’efficace sintesi di Paolo Canettieri (1995 : 55), è « una composizione lirico-musicale in cui al tema dello squilibrio sentimentale del poeta causato dal disaccordo con la donna amata, e a uno stato d’animo comunque disforico, corrisponde una forma metrica non strofica ». Tale stato d’animo disforico è causa di descordansa e mette in crisi l’ideale equilibrio tra cuore e canto che è invece, almeno retoricamente, il fondamento della canzone strofica. Il fulcro tematico essenziale del descort è pertanto la discordanza tra l’io lirico e l’oggetto amato, espressa tramite





* Nonostante si basi su ricerche svolte in precedenza, il presente contributo è stato redatto nei mesi dell’emergenza Covid-19, la possibilità di controlli e aggiornamenti bibliografici è stata quindi limitata dalla ridotta, quando non mancata, possibilità di accedere a biblioteche d’istituzioni universitarie o private. 1 Guiraut de Borneil, Alegrar mi volgr’en chantan (BEdT 242,5), v. 17 (Sharman 1989 : 115). 2 Bernart de Ventadorn, Chantars no pot gaire valer (BEdT 70,15), vv. 1-2 (Appel 1915 : 85). 3 Arnaut Daniel, Autet e bas entre·ls prims foills (BEdT 29,5), vv. 7-8 (Eusebi 1995 : 75). 4 Oggi è poi opinione sempre più comune che anche riguardo alla canzone stricto sensu, tale matrimonio riguardi più l’orizzonte retorico e teorico piuttosto che pratico. Sul rapporto tra musica e poesia nella monodia romanza vedi le recenti riflessioni di Maria Sofia Lannutti (2001 e 2017).

Alexandros Maria Hatzikiriakos • Firenze, Villa I Tatti – The Harvard Center for Italian Renaissance Studies • [email protected] Trans-mission. Création et hybridation dans le domaine d’oc, éd. par Fabio BARBERINI et Camilla TALFANI, Turnhout, 2022 (Publications de l’Association Internationale d’Études Occitanes, 14), p. 61-78.

© FHG

DOI 10.1484/M.PAIEO-EB.5.126415

62

a l e xa n dro s m ar i a h atz i ki r i ako s

disarmonia, o meglio descordansa, metrica, formale, musicale e, in taluni casi, anche linguistica. Dal punto di vista formale, il descort è un componimento non strofico, ossia composto in sezioni modulari denominate periodi e articolati a loro volta in frasi, gruppi di versi di varie estensioni. Oltre alla strutturazione metrica, l’altro tratto peculiare è la forma dell’intonazione musicale che oltre alla medesima articolazione in periodi e frasi, è anche essa non strofica, diversa per ogni periodo. Non è tuttavia la forma della melodia, il suo costante mutare in ogni sezione, che rappresenta il più importante tratto distintivo musicale del descort : l’eterostrofismo è di fatti un fenomeno che riguarda diversi generi lirico-musicali tra cui l’ampia categoria del lai lirico (Spanke 1938, Buckley 1992, Carapezza 2018). Ciò che realmente distingue il descort dalla canzone è il rapporto dialettico che intercorre tra il testo e la sua intonazione : se nella canzone la musica, almeno idealmente si deve accordare all’architettura e al contenuto della lirica, nel descort deve discordarne, non solo cambiando a ogni periodo, ma soprattutto ponendosi in contrasto col testo. Come però questo contrasto debba effettivamente attuarsi, con quali tecniche, strategie di retorica sonora e musicale, non è immediatamente chiaro, poiché, va detto da subito, i modi con il quale contrasto si realizza sembrano essere molteplici e spesso le fonti teoriche e gli esempi superstiti sono, quasi ironicamente, in disaccordo tra loro. In questo contributo mi interesso soprattutto di tale disaccordo, intendendo la discordanza sia come principio estetico derivato da una particolare dialettica tra testo e musica, sia come disorganicità e disomogeneità all’interno delle testimonianze date dalle diverse fonti (intonazioni, testi e trattati). La mia ipotesi è che, nonostante l’atteggiamento prescrittivo dei trattati e le testimonianze pratiche dei testi e delle melodie, non esista realmente un’unica modalità di intonazione per i descortz, o meglio che tale principio estetico di descordansa tra cor, mot e so, possa venire espresso attraverso differenti strategie sonore e musicali. La presenza di diverse possibili rese sonore della discordanza, intrinseca nel significato ultimo di questo genere, non significa però che non esista un’unità estetica di fondo, seppur questa possa essere apparire a tratti incoerente. Il genere del descort nasce e si sviluppa soprattutto tra l’ultimo decennio del dodicesimo secolo e la fine degli anni ’70 del secolo XIII. Si irradia inoltre anche in altre tradizioni lirico-musicali più o meno distanti geograficamente dal Midi. Forme analoghe al descort si riscontrano infatti anche nella tradizione oitanica, e in maniera minore anche nella lirica galego-portoghese (Lang 1889, D’Heur 1968) e in quella italiana (Biadene 1890, Spitzer 1954, Canettieri 1995 : 289-316). Nonostante oggi ne siano ancora leggibili poche decine di esempi, trenta nelle classificazioni più puntuali (Billy 1983, Canettieri 1995), il descort sembra avere avuto invece più ampia diffusione nella realtà cortese, e viene frequentemente menzionato nelle descrizioni di performance giullaresche. Ricorre ad esempio in alcune vidas : « Girautz de Salaingnac si fo de Caersin […] Joglars fo ; ben adregz hom fo e ben cortes, e trobet ben e gen cansons, descortz e sirventes » (Boutière – Schutz 1973 : 198) e in alcune tra le più note descrizioni romanzesche di performance cortesi come quelle del Jaufre : « E·l joglar que son el palais / violon descortz e sons e lais / e dansas e cansons de jesta » (Lee 2006 : vv. 9827-9829) e di Flamenca : « Chansons e lais,

l e r e tori che d e lla d i sarmo ni a

descortz e vers / serventes et autres cantars / sabia plus que nuls joglars » (Manetti 2008 : vv. 1706-1708). Al netto della dovuta cautela, che è sempre necessaria quando si cerca di trarre informazioni pratiche dalle fonti letterarie, la frequenza e stabilità con cui questo genere viene citato suggerisce che la sua pratica performativa fosse più diffusa di quanto non lascino trasparire le fonti manoscritte5. Ne conferma l’importanza e la diffusione anche il riconoscimento che, stando alle Leys d’Amors, il Concistori riservava al descort, conferendogli il medesimo prestigio della canso : « Per vers o per chanso mays neta / de fin aur una violeta, / et aquo meteysh per descort » (Anglade 1920 : I, 42). Il descort ha inoltre ricevuto numerose attenzioni sia dagli studi romanzi, che dalla musicologia. Affrontato sia come singolo genere (Baum 1971, Maillard 1982, Canettieri 1995, Peraino 2011), sia all’interno della più ampia categoria dei generi non strofici ( Jeanroy – Brandin – Aubry 1901, Köhler 1980, Billy 1983, Cyrus 1991), sul descort vi è ormai un’ampia tradizione critica, soprattutto dal punto di vista letterario. Secondo i suoi principali studiosi un descort è un genere che, per forma metrica e, soprattutto contenuto, si distingue nettamente da altre forme liriche, anche apparentemente analoghe. Come il lai e l’estampida, il descort presenta una struttura modulare a doppi versicoli, probabilmente derivata dalla sequenza mediolatina, uno dei generi più innovativi della pratica liturgica e para-liturgica del cristianesimo latino. Diversamente dall’estampida, il descort è eteromodulare, con intonazione eterostrofica, ossia con melodia diversa per ogni periodo. Se tuttavia l’eteromodularità è un criterio identificativo dirimente, non lo è sempre l’eterostrofismo, sia a livello metrico che melodico, poiché come vedremo, si possono dare casi di descortz strofici, per quanto rari6. La differenza tra lai e descort è invece meno netta dal punto di vista formale, sebbene, il lai lirico si discosti spesso dalla tematica amorosa, e quindi anche da quella del disamore, che è invece la caratteristica alla base del discorso proposto in questa sede. Un altro elemento da considerare è la denominazione interna, ossia se il testo è definito come descort dall’autore7. Sulla base degli studi di Dominique Billy (1983, 1987) e Paolo Canettieri (1995) è possibile definire un corpus di trenta testi, selezionati sulla base di criteri sia metrici che tematici8:



5 Ma va detto che il genere è sempre rappresentato in un alto numero di codici : i canzonieri provenzali AGHQefλ ne hanno almeno uno, in numero ben maggiore DDaEIKMRSSgWac, mentre CK più di una decina, inoltre MN gli riservano un’apposita sezione, ancorché in N non sia esplicitamente segnalata (Canettieri 1992). 6 È il caso di Qui la ve, en ditz (BEdT 10,45), numero 16, ma la cui melodia è strofica solo nell’intonazione di R (vedi Marshall 1982). 7 Bisogna però fare eccezione per il descort/acort Bella donna cara (BEdT 461,37), numero 15, su cui tornerò più avanti, che pure può essere considerato a tutti gli effetti una declinazione particolare di descort. 8 Seguo l’ordinamento del repertorio di Canettieri, che si discosta in parte dai testi che Frank (II : 183-195) definisce come descortz nel Répertoire metrique. Tra i casi più significativi, Frank include due lais in mischsprache francese-provenzale (Nompar BEdT 461,122 e Markiol BEdT 461,124), mentre esclude il descortz strofico BEdT 10,45, considerandolo una canzone.

63

64

a l e xa n dro s m ar i a h atz i ki r i ako s

1 Ara quan vei verdeiar 2 Pos la douza sasons gaia 3 Quan vei lo dous temps venir 4 Un gai descort tramet leis cui dezir 5 Ab son gai, plan e car 6 En aquest gai son et leugier 7 Per solaz e per deport 8 Iois e chans e solatz 9 Bel semblans 10 Engles, un novel descort 11 S’a midons plazia 12 Erransa 13 Si·l bella·m tengues per sieu 14 Lai on fis preza naiz e floris e grana 15 Bella donna cara 16 Qui la ve, en ditz 17 Una valenta 18 Bel m’es oimais 19 Quan la freidors 20 Plus amors vol que faça sa comanda 21 Pos aman 22 En voi ai meza 23 Sens alegrage 24 Ab la verdura 25 Estraire·m volia 26 A chantar m’er un descort 27 Amors, dousors 28 On plus fin’amors mi destreng 29 Domna pros e richa 30 Quan foill’e flors reverzis

BEdT 392,4 BEdT 461,194 BEdT 204,4b BEdT 375,26 BEdT 355,1 BEdT 461,104 BEdT 235,2 BEdT 461,142a BEdT 243,5 BEdT 392,16 BEdT 9,20 BEdT 205,3 BEdT 132,12 BEdT 461,144 BEdT 461,37 BEdT 10,45 BEdT 132,13 BEdT 16,7a BEdT 133,10 BEdT 434a,49 BEdT 248,64 BEdT 236,3a BEdT 205,5 BEdT 243,1 BEdT 461,17 BEdT 461,5 BEdT 461,17 BEdT 461,70 BEdT 16,11 BEdT 162,6

Tuttavia, all’interno di questo corpus, soltanto una stretta minoranza di casi (numeri 15, 16 e 23) ci è giunta con almeno un’intonazione, per un totale di quattro melodie : I  15 Bella donna cara IIa   16 Qui la ve, en ditz IIb   16 Qui la ve, en ditz III   23 Sens alegrage

BEdT 461,37 (aggiunte di W) BEdT 10,45 (versione di R) BEdT 10,45 (versione delle aggiunte di W) BEdT 205,5 (aggiunte di W)

Tuttavia le melodie IIa e IIb sono diverse intonazioni per il medesimo descort di Aimeric de Pegulhan, Qui la ve, en ditz (BEdT 10,45), pertanto, vanno considerati solo tre testi) Va inoltre notato che a parte la melodia di R per BEdT 10,45, tutti gli altri casi sono trasmessi da un unico testimone : le aggiunte dello Chansonnier du Roi (W = M francese), che sono in realtà rielaborazioni musicali di fine ’200 di testi precedenti (Peraino 2011, Haines 2013, Hatzikiriakos – Rachetta 2019, Hatzikiriakos

l e r e tori che d e lla d i sarmo ni a

2020a). L’unica intonazione che potrebbe forse risalire all’autore del testo è quella trasmessa dal canzoniere R per BEdT 10,459. Le melodie superstiti non possono essere considerate come un campione rappresentativo, anzi ci danno una declinazione alquanto specifica e limitata di quello che sembra un fenomeno molto più esteso. Data l’esiguità e la particolarità delle intonazioni rimaste, cercare di comprendere la retorica sonora del descort solo tramite l’analisi musicale è sicuramente utile, ma non può fornire dati esaustivi, né offrire una visione complessiva e soddisfacente. Tuttavia, nonostante il numero limitato di esempi, vedremo che non solo i pochi casi rimasti presentano strategie compositive diverse tra loro, ma anche che nessuna di queste liriche sembra concordare né con le prescrizioni dei trattati, né con le descrizioni che gli autori forniscono riguardo alle melodie dei loro testi. Se dal punto di vista testuale è stato quindi finora possibile descrivere il descort tramite alcuni criteri attendibili, dal lato musicale rimane invece un genere decisamente più sfuggente, impossibile da determinare precisamente, se non per quegli elementi formali più generali che derivano dalla sua struttura metrico-formale.

2. Il discorso sul descort Spesso le fonti teoriche forniscono indicazioni solo molto generali riguardo all’intonazione musicale. Non fa eccezione la breve definizione di descort, data dal Donats Proensals che tuttavia lo descrive proprio a partire dalle sue caratteristiche musicali o sonore, come « Cantilena habens sonos diversos » (Marshall 1969 : l. 2861). Si tratta di una definizione alquanto generica, dovuta sicuramente anche allo stile sintetico del Donats, ma è significativo che il descort venga qui definito a partire dai suoi caratteri musico-formali, piuttosto che metrico-formali o contenutistici. Nelle Leys d’Amors non è dato invece nessun peso particolare agli aspetti musicali e sonori, eccezion fatta per l’osservazione che le varie coblas discordano tra loro per melodia, oltre che per rime e linguaggi. Descort es dictatz mot divers e pot haver aytantas coblas coma vers sos assaber de v. e x. lasquals cobals devon esser singulars. dezacordablas e variablas en acort. en so et en lenguatges […] e deu tractar d’amors o de lauzors o per maniera de rancura quar mi dons no mi ama ayssi (Gatien-Arnoult 1841-1843 : I, 340-342). Viene introdotto infatti, oltre al tema del disaccordo amoroso, omesso dal Donatz, il multilinguismo come elemento identificativo del genere. Come è stato già notato



9 Sia le aggiunte di W che la compilazione principale del codice R sono riconducibili ai decenni intorno all’anno 1300 (Aubrey 2001 ; Hatzikiriakos 2020a); la parte antica di W è invece di metà Duecento. Tuttavia la versione di W, come vedremo, è sicuramente una nuova intonazione, mentre quella di R è plausibilmente precedente.

65

66

a l e xa n dro s m ar i a h atz i ki r i ako s

(Billy 1983 : 18 ; Canettieri 1995 : 92) il passaggio risente fortemente dell’influenza del descort multilingue di Raimbaut de Vaqueiras Ara can vei verdeiar (BEdT 392,4). Non sorprende infatti che uno dei più antichi esempi del genere abbia influito sulla trattatistica successiva. Il multilinguismo non è ovviamente una caratteristica esclusiva del descort, che è comune ad altri testi romanzi di diversa tipologia10. Non andrà poi sottovalutata l’efficacia della babele linguistica generata dal descort di Raimbaut, che a ragione può essere ritenuta una delle varie strategie sonore della descordansa, e in tal senso forse era percepita già dagli autori delle Leys. È invece sicuramente più innovativa la descrizione che si trova nella Doctrina de compondre dictatz, soprattutto per quanto riguarda alcuni elementi del tutto singolari : Si vols far discort, deus parlar d’amor com a hom qui n’es desemparat e com a hom qui no pot haver plaser de sa dona e viu turmentatz. E que en lo cantar, lla hon lo so deuria muntar, que·l baxes : e fe lo contrari de tot l’altre cantar (Marshall 1972 : 87). Nella Doctrina, la descordansa amorosa rimane centrale (« parlar d’amor com a hom qui n’es desemparat […] e viu turmentatz ») ma in aggiunta vengono enunciate anche delle prescrizioni precise riguardo alla resa musicale e, parrebbe, alle caratteristiche compositive del descortz : « en lo cantar lla hon lo so deuria muntar que·l baxes ». Va inoltre evidenziata l’espressione « fe lo contrari », che può dare adito a diverse interpretazioni. “Fare al contrario” può riferirsi in senso stretto all’andamento melodico, ossia a un salto, o movimento per suoni congiunti, ascendente della melodia, in un luogo in cui ci si sarebbe invece aspettato un movimento o salto discendente. Tale inversione della melodia si può ricondurre, secondo Carl Appel (1887), anche ad alcune indicazioni deducibili dai testi di quei descortz nei quali la melodia viene definita dall’autore del testo come gay e/o leugier : « En aquest gai son e leugier, / faz descort ses alegransa » (BEdT 461,104 : vv. 1-2), « Un gai descort tramet leis cui dezir » (BEdT 375,26 : v. 1), « Ab son gai plan e car/ faz descort leu e bon » (BEdT 355,1 : vv. 1-2). L’utilizzo di una melodia leggera e gaia per un testo di argomento malinconico rappresenta una diversa declinazione della descordansa, che non si esprime quindi soltanto nel continuo variare della melodia, ma anche nel contrasto tra il carattere allegro dell’intonazione e il contenuto disforico del testo. Così sostiene per l’appunto Appel (1887 : 222): Sind hieraus etwa jene Worte der Doctrina zu deuten : lla hon lo so deuria muntar, qu’il baxes, indem nämlich auch zwischen Inhalt und Singweise eine weitere Diskordanz stattfinden sollte? ein Austeigen der Töne drückt ja nicht selten einen freudigen Affekt, das Absteigen einen elegischen aus.

10 Mi riferisco soprattutto alla celebre Cobla en sis lengatges di Cerveri de Girona e al componimento trilingue di Dante Aï faus ris, pour quoi traï aves, in cui la presenza di linguaggi diversi ha una funzione in parte diversa rispetto a quella del descort di Raimbaut. Sul multilinguismo nella lirica romanza vedi Brugnolo (1986 e 2015).

l e r e tori che d e lla d i sarmo ni a

Il movimento verso l’acuto della melodia sarebbe indicativo del suo carattere gai e leu, mentre un movimento discendente indicherebbe un tono elegiaco. La convinzione che a un’emozione positiva ed euforica debba corrispondere un moto ascendente, mentre ad una melanconica uno discendente, appartiene però ad una sensibilità e ad un’idea di retorica musicale che si afferma soltanto nella pratica primo moderna, e comunque mai in maniera davvero univoca e assoluta11. Per il periodo che ci interessa qui, una retorica musicale, un preciso campionario dei tropoi musicali, adatta ad ogni affetto ed occasione, non ci è pervenuta, né è detto che sia mai esistita. Mancano più in generale notizie riguardo all’orizzonte d’attesa che il descort, secondo la Doctrina, andrebbe a contraddire. L’idea che una lirica possa essere intonata con un’attenzione così analitica è poi davvero una creazione moderna, seppur molto occasionalmente possa trovarsi in repertori medievali o tardo medievali, questa prende consistenza e stabilità solo nella polifonia cinquecentesca profana e sacra. Una melodia troppo dettagliatamente modellata sul carattere, sulle parole di un solo testo sarebbe poi del tutto incompatibile con la pratica, comunissima nella monodia medievale, del contrafactum, giacché passando da un testo ad un altro la medesima melodia perderebbe di funzionalità ed efficacia. Mi sembra più plausibile invece che quel “fare il contrario di ciò che gli altri componimenti fanno” non vada legato necessariamente al movimento melodico, che potrà semmai rappresentare una tra le tante possibilità, bensì alla discordanza intrinseca nel descort. Sotto alcuni aspetti, è proprio il descort in sé che può essere visto come una contraddizione, non solo dei principi estetici della canzone, ma anche, più in generale, del rapporto che normalmente intercorre tra musica e testo. È probabile ovviamente che all’interno del “fare il contrario” rientri anche il gay descort a cui si riferisce Appel, ma, come vedremo, nessuna delle melodie di descortz ad oggi rimaste si adatta facilmente a tale descrizione. Come ho già anticipato, le quattro melodie superstiti di descortz non possono che fornire una visione limitata e parziale di quella che doveva essere una tradizione musicale ben più ricca e andranno pertanto anch’esse considerate soltanto come alcune tra le possibili modalità di intonazione. Due melodie su quattro (IIa e IIb) sono intonazioni diverse del medesimo testo (BEdT 10,45), mentre tre melodie (I, IIb e III) sono tutte trasmesse come aggiunte tra gli spazi bianchi del canzoniere provenzale W12, operate da un medesimo copista. Nel complesso possiamo considerare tre testi – Bella donna cara (BEdT 461,47); Qui la ve, en ditz (BEdT 10,45)

11 Sarà solo nel Seicento che la teoria musicale andrà a identificare come tali puntuali corrispondenze tra affetto e andamento della melodia, definendo le figure retoriche ufficiali dello stile musicale. La lettura di Appel di questo passaggio della Doctrina sembra quasi essere influenzata dalle figure retorico-musicali dell’anabasis e catabasis, come definite da Athanasius Kircher (1650) nella Musurgia Universalis (vedi Bartel 1997), seppure ovviamente si trovassero già usate ampiamente nel madrigale italiano del Cinquecento oltre che in molte composizioni sacre. 12 Le aggiunte sono in provenzale, francese e latino e si trovano per tutto il codice, BnF, Paris, fr. 844, che come è noto contiene, oltre a W, anche il canzoniere francese M e una sezione di mottetti, nota come R. Le aggiunte di A1 si trovano soprattutto in un bifolio inserito a metà tra M e W, cc. 185-187, non possono quindi essere definite come W, ma sono qualcosa di separato : tutte le addizioni provenzali sono opera di diversi copisti tardivi ed utilizzano fonti ben diverse, non francesizzate, la

67

68

a l e xa n dro s m ar i a h atz i ki r i ako s

e Sens alegrage (BEdT 205,5) – e quattro melodie in due manoscritti diversi : R e le aggiunte di W. A parte Bella donna cara che è di autore anonimo ed unicum delle addizioni di W, gli altri due testi sono di autore noto e pluritestimoniali : Qui la ve, en ditz è di Aimeric de Pegulhan tràdito, oltre che dai manoscritti citati, anche da CDEIKMNQa2 mentre Sens alegrage fa parte della produzione di Guillem Augier Novella e si trova anche in CDIKMNSc. I tre testi di W rappresentano però delle aggiunte tardive, del tutto estranee al progetto originale, ed opera di mani ben diverse da quelle responsabili del codice più antico. Si tratta di un gruppo di addizioni provenzali che rientrano in un più ampio processo di aggiunta e aggiornamento del codice avvenuto in contesti legati alla corte angioina di Napoli (Asperti 1995, Haines 2013, Hatzikiriakos – Rachetta 2019, Hatzikiriakos 2020a). Tale processo è opera di un gruppo insolitamente nutrito di copisti, almeno 22, che inseriscono negli spazi bianchi del codice 44 composizioni in notazione mensurale, tra brani francesi, provenzali, latini e danze strumentali, e che hanno operato probabilmente nel medesimo contesto e lasso di tempo, ossia tra la fine del secolo XIII e l’inizio del XIV. Si tratta soprattutto di brani “nuovi”, alcuni ormai più prossimi alle formes fixes trecentesche come i rondeaux o le dansas/virelais, oppure brani eterostrofici. I tre descortz provenzali che qui ci interessano sono il frutto dell’opera di un unico copista (A1) che inserisce un gruppo omogeneo di quattro aggiunte provenzali, i tre descortz citati e la dansa Ben volgra, s’esser poges (BEdT 244,1a) dedicata a Carlo I d’Angiò, re di Sicilia. All’infuori del loro contesto di copia, che a breve vedremo essere un elemento non secondario per la loro comprensione, questi descortz sono legati da alcune particolarità metriche, prima ancora che musicali, che ricorrono esclusivamente in questo gruppo. Oltre alla presenza di intere frasi o periodi di versi composti, elementi comuni a molti altri descortz, queste liriche si distinguono anche per l’uso estensivo di elementi monosillabici staccati, che ripetono la rima del verso13. Tale caratteristica non trova altri esempi nell’ambito dei descortz14 ed è inoltre presente sistematicamente in tutto il componimento solo nella lirica di Aimeric de Pegulhan (BEdT 10,45)15:

scripta non è francesizzata, come invece avviene per W (Hatzikiriakos – Rachetta 2019), e sono da ricondurre a copisti legati agli ambienti angioini di Napoli, mentre W è stato copiato nel nord della Francia, probabilmente nell’Artois (Everist 1989 ; Hatzikiriakos 2018). 13 Per motivi di spazio non riporto gli schemi metrici dei componimenti, che si possono trovare integralmente in Canettieri (1995) e Hatzikiriakos (2020a). 14 Solo nel quarto periodo di BEdT 461,17, si trova un’altra conformazione simile, e in un solo verso ; mentre lo stesso schema di BEdT 10,45 è ripreso nella tenzone tra Guillem Raimon e Ferrari de Ferrara BEdT 299,1a = 150,1 (Gatti 2019). 15 Nelle altre due liriche si trova solo in alcuni periodi. Riguardo alla presenza di questo elemento nei due descortz di Aimeric e Guillem, è ragionevole pensare che si tratti di una esplicita intertestualità, dato che i due trovatori operavano nelle corti del nord-est italiano, negli stessi anni (a tale rapporto intertestuale va ascritta anche la tenzone tra Guillem e Ferrari ; Gatti 2019), Bella donna cara è invece anonimo, benché Canettieri (1995 : 176-177) suggerisca di attribuirlo sulla base di alcune somiglianze metriche a Guiraut de Espaigna, trovatore attivo alla corte provenzale di Carlo I. Anche la dansa presente nel medesimo gruppo è stata attribuita a Guiraut (ma vedi contra Radaelli 2004 : 221), seppure sia dedicata a Reys Karles, e andrebbe perciò collegata a un possibile soggiorno napoletano del trovatore.

l e r e tori che d e lla d i sarmo ni a

BEdT 10,45 : vv. 1-8

Qui la ve en ditz : pos Dyeus tant i mes en Na Biatriz, non i es merces car tan gen noyritz sos gays cors cortes que sara fallitz gautz que non l’ages

res

BEdT 205,5 : vv. 47-54

Bes tans vensa leyals que non chay on semensa florys am veray Mantenensa, car donna sy’eus play, que sil gensa que los sieus d’esmay

benvolensa lay de valensa iay. am sufrensa say, conoysensa tray

BEdT 461,37 : vv 31-34

Sos gay cors plasens, el syei bel semblan que res non n’es mentz mi fan dir cantan

gentz, man, sentz, can16

bes ges ; es

Non si tratta ovviamente solo di puro virtuosismo metrico, né di una sottile stravaganza : il significato e la finalità di questi elementi prevalentemente monosillabici sembrerebbe piuttosto una scelta espressiva, volta a generare un marcato e sonoro effetto “ad eco”, ed interrompere il fluire del verso. Amplifica quindi il ritmo spezzato che si trova già nel ricorso, frequentissimo, a versi composti, comuni anche a molti altri descortz17. Tuttavia, tale gioco metrico e, si può dire, soprattutto sonoro, si sviluppa spesso in una vera propria frammentazione della sintassi, del verso, quando non perfino di singole parole (mio il corsivo nelle citazioni): BEdT 10,45 :    vv. 17-18 vv. 28-29 vv. 33-40

Tant diria, si·n cresia mon cor, de leys chan -tan, […] ames desamatz. Fatz suy, car non l’aten […] qu’en luac de confort port al cor abedos sos

16 Testo secondo le aggiunte di W, Hatzikiriakos (2020a : rispettivamente 307 per BEdT 10,45 ; 327 per BEdT 205,5 e 284 per BEdT 461,37). 17 Shephard – Chambers (1950 : 216.) li definiscono « echo rhymes », mentre Peraino (2011 : 76) propone la denominazione di « trayling rhymes ».

69

70

a l e xa n dro s m ar i a h atz i ki r i ako s



uelz. Ve·us le conort! m’a le gentz respos […]

Mort

Inoltre tali segmenti monosillabici vanno talvolta ad isolare e rimarcare alcune parole significative, come in questo caso Fatz o Mort. La conformazione metrica sembra a tratti preferire un uso espressionistico del verso, a scapito della linearità, ma anche dell’integrità del discorso semantico. Tale effetto sonoro di frammentazione, di contrasto al fluire del verso nonché del discorso verbale viene amplificato dall’intonazione musicale. In questo caso, l’utilizzo di una notazione mensurale, dotata anche di pause misurate, permette di rimarcare musicalmente lo stacco tra i singoli monosillabi e il resto del verso. Esempio 1

(BEdT 10,45 : vv. 39-40, melodia IIb, perfezioni 152-158 ; ed. Hatzikiriakos 2020a : 316). Esempio 2

(BEdT 10,45 : v. 18, melodia IIb, perfezioni 65-68 ; ed. Hatzikiriakos 2020a : 315) Esempio 3

(BEdT 461,37 : vv. 37-38, perfezioni 152-159 ; ed. Hatzikiriakos 2020a : 289)

Non bisogna però farsi trarre in inganno, ritenendo le caratteristiche sonore e musicali di questi descortz come innovazioni introdotte dall’utilizzo della notazione musicale mensurale18. La notazione rappresenta una tecnologia di scrittura, uno strumento a disposizione del copista, non una tecnica compositiva. Inoltre tali 18 Come è noto la notazione comunemente usata nei canzonieri con musica è priva di indicazioni ritmiche (notazione non mensurale o nota quadrata). In questo caso la scrittura del parametro ritmico è un fenomeno eccezionale (sul significato e l’uso di diverse notazioni nelle melodie trovadoriche e per la bibliografia inerente vedi Hatzikiriakos 2020b).

l e r e tori che d e lla d i sarmo ni a

improvvise interruzioni del ductus melodico sono presenti anche nell’intonazione trasmessa da R per BEdT 10,45. Esempio 4

(BEdT 10,45 : vv. 1-2, melodia IIa)

Nonostante la melodia di R del descort di Aimeric sia sostanzialmente diversa da quella di W, e sia stata trascritta in una notazione non espressamente mensurale, entrambe condividono gli stessi salti melodici in corrispondenza dei monosillabi ‘ad eco’19. La notazione mensurale ha in questo caso il semplice scopo di esprimere per iscritto e con maggior precisione la durata dei suoni, rimarcando, anche visivamente nella scrittura, una configurazione ritmica che è già propria dell’intonazione. Tra l’altro, tale tratto compositivo era già in nuce nella configurazione metrica particolarissima di questi descortz, e in questo caso la melodia, sia essa mensurale o meno, non fa altro che amplificare la musicalità, per quanto ‘disarmonica’, del verso. Questi improvvisi salti melodici, sia verso l’acuto che il grave, possono a prima vista far pensare alla descrizione data dalla Doctrina nel passaggio discusso poco sopra20. Non è detto tuttavia che l’autore del trattato intendesse esattamente questo tipo di soluzione compositiva, è chiaro però che tale particolare scrittura metrica e musicale rappresenti una delle possibili applicazioni di “fare il contrario di ciò che gli altri canti fanno”. Questa soluzione metrica, unita alla sua specifica intonazione musicale, è chiaramente alquanto inconsueta e sostanzialmente incompatibile con la funzione veicolare e comunicativa che normalmente assume la melodia di una canzone. Pur seguendo il profilo metrico dei versi, tale intonazione non agevola, né accompagna semplicemente l’ascolto del testo verbale ma anzi ne amplifica ed esagera la frammentazione metrica e sonora, confondendo la percezione della forma e del contenuto del componimento. Se pure si volesse prendere questi casi come l’esemplificazione pratica delle prescrizioni stilistiche della Doctrina de compondre dictatz, bisognerebbe comunque considerare che si tratta per lo più di casi alquanto peculiari, tutt’altro che canonici, di descortz. Inoltre, anche in assenza di altre intonazioni, nessun altro testo presenta una configurazione metrica associabile ad un’intonazione che sia anche soltanto

19 Oltre alla differenza notazionale, la melodia di R presenta una melodia radicalmente diversa. Mentre quella di W è completamente eterostrofica e ad oda continua, quella di R rispetta la struttura versicolare del testo (AA’BB’, ecc.) e mantiene la forma strofica (vedi al riguardo anche Marshall 1982). Il fatto che nelle addizioni di W l’intonazione sia eterostrofica non è un fattore principalmente estetico-espressivo, ma risponde piuttosto all’interesse dei copisti delle aggiunte di W verso le forme eterostrofiche, che spesso porta a una ricomposizione totale dell’intonazione. 20 È poco significativa la direzione del salto melodico, giacché nell’intonazione se ne trovano sia verso l’acuto che verso il grave.

71

72

a l e xa n dro s m ar i a h atz i ki r i ako s

vicina a quelle qui analizzate. Una siffatta costruzione del verso può essere quindi considerata a tutti gli effetti come una tra le possibili retoriche sonore del descort. Sempre all’interno di contraddizione e contravvenzione delle regole si possono far rientrare quei casi, già citati, in cui gli autori di alcuni descortz descrivono la melodia della lirica come gai e/o leu. La mancanza di un sufficiente numero di melodie e la l’assenza di una qualsiasi spiegazione più dettagliata, sia di tipo tecnico che estetico, rende difficile dare significato concreto all’espressione « gay so e leugier ». Vi è inoltre una marcata differenza tra la soluzione adottata nei descortz di W e ciò che avrebbero dovuto essere le melodie di quei descortz che qui per comodità chiamerò ab gay so o gays descortz. In W la conformazione metrica e melodica genera un contrasto tra suono e contenuto, ma che non va in realtà a contraddire il significato ultimo del testo, bensì esaspera il sentimento disforico espresso dal soggetto e disattende qualsiasi aspettativa di regolarità metrica e melodica. Invece le indicazioni che troviamo all’interno di questi gays descortz rappresentano un caso significativo di divergenza tra testo e musica. Rimane comunque difficile apprezzare e capire, in mancanza di testimonianze più precise, tale presunta retorica musicale del leu. Vi sono poi altri casi di discordanza tra mot e so, che seppur non rientrano nella categoria formale del descort, vi si avvicinano molto per estetica. Mi riferisco al caso della desdansa, un sottogenere della dansa di gran lunga minoritario per attestazioni. La desdansa risponde infatti a criteri molto simili a quelli che troviamo dichiarati all’inizio dei gays descortz : Desdança, seguons que par en lo vocable, es contrari a dança, no en la forma, mas en la materia ; car axi en dança se fa per amor o per manera qu’om humilment pregua o loha la dona, axi desdança se fa per despler o per malsaber o per gran ira (Marshall 1972 : 103)21. Secondo il primo “trattato di Ripoll”, la desdansa è uguale per forma e struttura alla dansa, ma ne differisce per contenuto : invece di essere allegra è, come il descort, di argomento malinconico ed elegiaco. Solitamente, la dansa è uno dei generi leggeri per eccellenza – « dictatz gracios […] deu tractar d’amors, e deu haver so ioyos et alegre per dansar » (Gatien-Arnoult 1841-1843 : I, 340-342) –, mentre la desdansa ne rappresenta la variazione disforica. Si tratta dello stesso principio dei descortz ab gay so, ma in questo caso il carattere della melodia è descritto più chiaramente. La dansa ha una finalità coreutica, è un genere non elevato e destinato ad accompagnare il ballo, caratteristica che la rende ai fatti del tutto inadeguata a un contenuto grave e mesto. Nell’ambito occitanico esistono solo due esempi scritti di desdansas, una è Si tot chantar non m’ensansa BEdT 461,224 unicum del canzoniere f, l’altra è Ben volgra, s’esser poges, trascritta con la melodia, sempre all’interno delle addizioni di W dal medesimo copista dei descortz. Il tema del rifiuto amoroso è ben marcato nel testo,

21 Una definizione analoga, seppur più sintetica, si legge anche nelle Leys (Gatien-Arnoult 1841-1843 : I, 342 ma vedi anche la redazione lunga delle Leys edita da Fedi 2019). Sulle dansas come genere vedi Radaelli (2004).

l e r e tori che d e lla d i sarmo ni a

che si evolve nella strofa III in una vera e propria canzone di disamore (BEdT 244,1a ; Radaelli 2004 : 222-223, vv. 11-13 e 25-27). ar m’aves a tal punch mes que tot iorn vauc desiran la mort, don ay dolor gran. […] E tenray·m ab desamor, et auray gauch e socor. Anche in questo caso ovviamente qualsiasi considerazione sullo stile della melodia non è meno a rischio di interpretazioni ‘modernizzanti’. Tuttavia la destinazione, la finalità pratica e coreutica della composizione, unita alle indicazioni date da Ripoll, suggeriscono di vedere in queste intonazioni dei possibili esempi di discordia tra mot e so, applicata alla danza22. Al netto delle dovute cautele, una canzone da ballo che tratta di disforia amorosa è forse l’esempio più riuscito di descordansa tra intonazione e testo. Forse ancor più che nei descortz, tale dialettica tra musica e parola porta l’estetica della disarmonia quasi a forme di vero e proprio straniamento. Il rapporto tra testo e musica in Bella donna cara (BEdT 461,37), il descort/acort anonimo e unicum di W, sembra invece basarsi su di un’ulteriore contraddizione. L’acort non è ovviamente un descort intonato su una melodia allegra, piuttosto un componimento formalmente identificabile come descort, in cui l’autore però si dichiara in accordanza con l’oggetto del concupire (BEdT 461,37 ; Hatzikiriakos 2020a, vv. 45-50): Amors, ben es mos acortz s’apel mos cantz totz tems mays entre·ls fins aymans verays, cuy plas solaz e deportz non deu far qui non s’irays ; descortz, per far acortz gays

que “acortz” que descortz per qu’ieu lays entre·ls gays.

La definizione interna del componimento, data nella tornada, sembra instaurare un gioco dialettico tra forma/melodia e contenuto. In quanto appagato dalla gioia amorosa, l’autore dichiara di lasciare il descort, per cantare di gioiosi acortz, con piacevoli melodie (« dir cantan can e cantars plasens, gentz »). La forma del canto rimane pertanto la medesima di BEdT 10,45 e BEdT 205,5 con i quali condivide anche il sistematico utilizzo della stessa frammentazione metrica e melodica, e che negli esempi precedenti era una delle marche sonore più evidenti di discordanza.

22 Nelle melodie di altre dansas, oltre che nella melodia di questa desdansa, si trovano una maggiore duttilità del ritmo, nonché uno stile meno sillabico e severo, il che suggerisce che si tratti effettivamente di un esempio di stile musicale coreutico, comune in parte anche ad alcune delle danze strumentali delle aggiunte di W.

73

74

a l e xa n dro s m ar i a h atz i ki r i ako s

Il brano è anonimo, unicum delle aggiunte, e probabilmente una composizione decisamente più tarda23. La somiglianza con i descortz degli altri due trovatori, evidente soprattutto nell’uso dei caratteristici monosillabi ‘ad eco’, può suggerire che si tratti dell’opera di un imitatore di Aimeric de Pegulhan e/o Guilhem Augier Novella (Canettieri 1995). Il risultato finale oscilla tra ciò che può essere definito un anti-descort, intendendo una parodia del descort, e, come suggerisce Judith Peraino, un anti-anti-chanson (Peraino 2011). Tale elemento di contraddizione del principio, già contraddittorio, del descort potrebbe forse essere la spia di un ulteriore tardivo sviluppo del genere. Si può quindi spiegare come un atteggiamento parodico, o se si vuole anche manieristico, legato all’opera di un imitatore, successivo di alcuni anni, se non decenni. Nonostante le loro evidenti differenze, per quanto riguarda la forma, sia per la modalità in cui realizzano la discordanza, i tre descortz e la dansa rappresentano un gruppo unitario nel contesto delle aggiunte di W. Analogamente a quanto avviene per altri codici, questo insieme di testi non strofici è separato dal resto del ms. in una microsezione materialmente distinta24. Questo piccolo corpus di aggiunte provenzali, antologizza diverse e ben distinte possibilità di descortz : Sens alegrage (BEdT 205,5) rappresenta il descort ‘canonico’, mentre Qui la ve, en ditz (BEdT 10,45) la sua variante strofica (seppure in W sia stato ricomposto in forma eterostrofica), inoltre Bella Donna cara (BEdT 461,37) è un raro, quasi unico, esempio di acort, in cui melodia e testo discordano, ma in maniera contraria rispetto all’idea di gays descortz, proposta da alcuni autori. Infine, la desdansa Ben volgra, s’esser poges (BEdT 244,1a), nonostante non sia formalmente un descort, è l’unico brano tràdito con melodia a realizzare nella pratica quella descordansa tra mot e so, che nei descortz intonati superstiti non è mai testimoniata. Quindi è possibile che questi componimenti siano stati selezioni dal copista in virtù di tali caratteristiche, giacché, seppur nelle loro diversità formale, rispondono a diverse declinazioni di un comune principio estetico.

3. Conclusioni : il descort tra trasgressione e stile tardo Benché il descort rappresenti quindi un genere con un’identità formale ben evidente dal punto di vista testuale, all’esamina delle principali testimonianze riguardanti i suoi aspetti musicali, questo presenta diverse e discordanti modalità di intonazione ed espressione sonora. Gli autori dei testi di alcuni descortz sembrano concordare sul fatto che tale retorica della descordansa si attui tramite il contrasto insanabile tra 23 Canettieri (1995 : 177), propone gli anni ’20-’30, ma non è del tutto improbabile che il testo sia anche più tardo, forse contemporaneo alle nuove intonazioni delle aggiunte di W. 24 Già a livello generale sono noti alcuni casi importanti di isolamento di generi non strofici in sezioni separate o addizionali di codici altrimenti organizzati su principi autoriali. Nel codice M si trova infatti una sezione di descortz separata in un’unità singola, o similmente le dansas del codice E occupano una sezione distinta (Asperti 1995).

l e r e tori che d e lla d i sarmo ni a

mot malinconico e so allegro. Ma tale discordanza per contrasto non si trova nelle melodie superstiti, né nelle più moderne aggiunte di W, né nella presumibilmente più antica intonazione di R. Aderisce a questo principio invece un genere che non ha nulla a che vedere con la struttura formale del descort, ossia la desdansa, genere strofico e metricamente regolare, ma che col descort condivide invece la tematica del sentimento disforico e del disamore. Le principali intonazioni di descortz a noi rimaste offrono invece un esempio di invenzione metrica e melodica che si potrebbe invece definire contraria e trasgressiva, dove sia l’intonazione che la struttura dei versi sono chiaramente non convenzionali, ed entrambe agiscono nel frammentare il contenuto verbale, e nell’ostacolarne l’ascolto. Sempre in riferimento alle indicazioni, qui più volte citate, della Doctrina, Judith Peraino ha interpretato le particolari modalità di intonazione di questi descortz alla luce del concetto di deliquency, da lei inteso come contravvenzione alle regole, ma anche come elemento di tardività stilistica : « In other words, the melodies of descorts should violate the rules of good behavior ; they should be delinquent » (Peraino 2011 : 100) e ancora « The word “delinquent” means being late, being past due ; it also refers to someone who regularly violates the law » (Peraino 2011 : 76). Peraino intravede in tale contravvenzione delle regole canoniche della canzone, le caratteristiche dell’estetica dello stile tardo, in riferimento esplicito alla teorizzazione fattane da Edward Said (2006 : 7), come stile della disarmonia, della contraddizione irrisolta, ovvero : « nonharmonious, nonserene tension, and above all, a sort of deliberately unproductive productiveness going against ». In tal senso, Peraino intende i descortz come il frutto dello stile tardo dell’esperienza lirica trobadorica, richiamandosi anche alla teorizzazione già antica del genere, che lo considerava un esempio di contravvenzione dell’ars poetica convenzionale. Non si tratta ovviamente di una questione storiografica, l’apparizione del descort (a cavallo tra i secoli XII e XIII) non combacia davvero con la tarda età del trobar. Piuttosto si tratta di una corrispondenza estetica, dell’emersione di una retorica dichiaratamente anti-classica, seppur non necessariamente post-classica. Si potrebbero considerare tarde anche cronologicamente forse solo le intonazioni aggiunte in W, che in effetti sono riconducibili a un periodo decisamente conclusivo della lirica occitanica. Che il descort sia in profonda contraddizione con alcuni dei principi fondamentali, almeno in teoria, della lirica, ve ne era già coscienza nei teorici antichi. Tuttavia, noi moderni percepiamo anche l’imbarazzo della trattatistica nel definire e ricondurre a regola, qualcosa che le regole le infrange per statuto. Ironicamente, qualsiasi teorizzazione antica del genere incorre in un’evidente discordanza e contraddizione nel descriverlo, almeno per quanto riguarda gli aspetti musicali. Ne consegue che, all’infuori dei suoi fondamentali parametri metrici, il descort conosce sul piano musicale e sonoro teorizzazioni e realizzazioni multiformi, il cui unico trait d’union è il disordine sentimentale che li genera, perfino, come nel caso del descort/acort, quando viene enfaticamente negato. E in tale disordine e inconciliabilità di opposti, allora che trovano significato e in qualche modo unità, le discordanti retoriche sonore del descort.

75

76

a l e xa n dro s m ar i a h atz i ki r i ako s

Manoscritti C : Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 856 D : Modena, Biblioteca Estense Universitaria, α.R.4.4 E : Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 1749 I : Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 854 K : Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 12473 M : Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 12474 N : New York, Pierpont Morgan Library, M.819 Q : Firenze, Biblioteca Riccardiana, 2909 W : (= M francese = R mottetti) Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 844 a2 : Modena, Biblioteca Estense Universitaria, Càmpori, γ.N.8.4.11-13 c : Firenze, Biblioteca Medicea Laurenziana, Pluteo 90 inf. 26

Bibliografia Anglade 1919-1920 : Les Leys d’Amors, manuscrit de l’Académie des Jeux Floraux, éd. J. Anglade, 4 voll., Toulouse 1919-1920. Appel 1987 : C. Appel, Vom Descort, in « Zeitschrift für Romanische Philologie », 11, 1887, pp. 212-230. Appel 1915 : Bernart von Ventadorn. Seine Lieder mit Einleitung und Glossar herausgegeben von C. Appel, Halle 1915. Asperti 1995 : S. Asperti, Carlo i d’Angiò e i trovatori : componenti provenzali e angioine nella tradizione manoscritta della lirica trobadorica, Ravenna 1995. Bartel 1990 : D. Bartel, Musica Poetica : Musical-Rhetorical Figures in German Baroque Music, Lincoln – London 1997. Baum 1971 : R. Baum, Le descort ou l’anti-chanson, in Mélanges de philologie romane dédiés à la mémoire de Jean Boutière, Liège 1971, pp. 75-98. BEdT : Bibliografia Elettronica dei Trovatori, direzione scientifica : S. Asperti. Roma, Università di Roma “la Sapienza”. ‹http://www.bedt.it/BEdT_04_25/index.aspx›. Biadene 1890 : L. Biadene, Caribo, in « La biblioteca della scuola italiana », 2/9, 1890, pp. 40-42. Billy 1983 : D. Billy, Le descort occitan : réexamen critique du corpus, dans « Revue des Langues Romanes », 87, 1983, pp. 1-28. Billy 1987 : Lai et descort : la théorie des genres comme volonté et comme représentation, dans Actes du Ier Congrès international d’Études Occitanes (Southampton, 1984), London 1987, pp. 95-117. Boutiére – Schutz 1973 : Biographies des troubadours. Textes provençaux des XIIIe et XIVe siècle, ed. J. Boutière – A. H. Schutz, Paris 1973. Brugnolo 1986 : F. Brugnolo, Appunti in margine al discordo plurilingue di Raimbaut de Vaqueiras, in Studia Occitanica in memoriam Paul Remy, 2 voll., Kalamazoo 1986, I, pp. 45-66. Brugnolo 2015 : F. Brugnolo 2015, Il plurilinguismo medievale e la coscienza distintiva degli idiomi romanzi, in Comunicare nel Medioevo. La conoscenza e l’uso delle lingue nei

l e r e tori che d e lla d i sarmo ni a

secoli XII-XV, Atti del convegno di studio svoltosi in occasione della XXV edizione del Premio internazionale Ascoli Piceno (Ascoli Piceno, Palazzo dei Capitani, 28-30 novembre 2013), Roma 2015, pp. 15-32. Buckley 1992 : A. Buckley, The lyric lai : musicological, philological and cultural questions, in Proceedings of the first British-Swedish Conference on Musicology and Medieval Studies, 11-15 May 1988, Stockholm 1992, pp. 189-234. Canettieri 1992 : P. Canettieri, “Na Joana” e la sezione dei descortz nel canzoniere provenzale N, in « Cultura Neolatina », 52, 1991, pp. 139-165. Canettieri 1995 : P. Canettieri, “Descortz es dictatz mot divers”. Ricerche su un genere lirico romanzo del XIII secolo, Roma 1995. Carapezza 2018 : F. Carapezza, “Musica prior”. Sul rapporto fra testo e musica nei “lais” lirici galloromanzi (e sulla loro prassi editoriale), in Atti del XVIII Congresso internazionale di Linguistica e Filologia romanza (Roma, 18-23 luglio 2016), 2 voll., Strasbourg 2018, I, pp. 139-149. Cyrus 1991 : C. J. Cyrus, Musical Distinctions between “Descorts” and “Lais”: Non-Strophic Genres in the Troubadour and Trouvere Repertory, in « Ars Musica Denver », 4, 1991, pp. 3-19. D’Heur 1968 : J.-M. D’Heur, Des Descortz Occitan et des Descordos Galiciens-Portugais, in « Zeitschrift für romanische Philologie », 84, 1968, pp. 323-339. Eusebi 1995 : Arnaut Daniel, “L’aur’amara”, ed. M. Eusebi, Milano 1995. Fedi 2019 : “Las Leys d’Amors”. Redazione lunga in prosa, a cura di B. Fedi, Firenze 2019. Frank : I. Frank, Répertoire métrique de la poésie des Troubadours, 2 vols., Paris 1953-1957. Gatien-Arnoult 1841-1843 : Las Flors del Gay Saber estier dichas las “Leys d’Amors”, ed. A.-F. Gatien-Arnoult, 2 voll., Toulouse 1841-1843. Gatti 2019 : L. Gatti, Guillem Raimon – Ferrarino da Ferrara, “Amics Ferrairi – Amics en Raimon” (BdT 229.1a = 150.1), in « Lecturae tropatorum », 12, 2019, pp. 1-25 ‹http:// www.lt.unina.it/Gatti-2019.pdf›. Haines 2013 : J. Haines The songbook for Willian of Villehardouin, Prince of the Morea (Paris, Bibliothèque Nationale de France, Fonds Français 844): A Crucial Case in the History of Vernacular Song Collections, in Viewing the Morea : Land and People in the Late Medieval Peloponnese, Washington DC 2013, pp. 57-109. Hatzikiriakos – Rachetta 2019 : A. M. Hatzikiriakos – M. T. Rachetta, Lo Chansonnier du Roi (BnF fr. 844) e la sua storia : un nuovo approccio alle aggiunte successive, in Philologie et musicologie. Des sources à l’interprétation poético-musicale (XIIeXVIe siècle), Paris 2019. Hatzikiriakos 2018 : A. M. Hatzikiriakos, Un canzoniere artesiano a più voci. Ibridazioni e “contaminazioni” tra lirica e polifonia nello “Chansonnier du Roi”, in « Medioevo Romanzo », 42, 2018, pp. 352-378. Hatzikiriakos 2020a : A. M. Hatzikiriakos, Musiche da una corte effimera : Lo Chansonnier du Roi (Paris, BnF, f. fr. 844) e la Napoli dei primi angioini, Verona 2020. Hatzikiriakos 2020b : A. M. Hatzikiriakos, Traduzioni senza originali. Le melodie dei trovatori tra testo e paratesto, in Tradurre i trovatori. Esperienze ecdotiche e di traduzione a confronto, Verona – Bolzano 2020 (in corso di stampa), pp. 163-179. Jeanroy – Brandin – Aubry 1901 : Lais et descorts français du XIIIe siècle. Texte et musique, ed. A. Jeanroy – L. Brandin – P. Aubry, Paris 1901.

77

78

a l e xa n dro s m ar i a h atz i ki r i ako s

Kircher 1650 : A. Kircher, Musurgia Universalis, sive ars magna consoni et dissoni in x libros digesta, 2 voll., Roma 1650. Köhler 1980 : E. Köhler, Descort und Lai, in Grundriss der romanischen Literaturen des Mittelalters, Heidelberg 1980, I, fasc. 4, pp. 1-8. Lang 1889 : H. R. Lang, The Descort in Old Portuguese and Spanish Poetry, in Beiträge zur romanischen Philologie : Festgabe für Gustav Gröber, Halle a S. 1889, pp. 484-506 Lannutti 2001 : M. S. Lannutti, La canzone nel medioevo. Contributo alla definizione del rapporto tra poesia e musica, in « Semicerchio », 43, 2001, pp. 50-61. Lannutti 2017 : M. S. Lannutti, “Dir so, trobar vers, entendre razo”. Poetry and Music in Medieval Romance Lyric, in « Philomusica Online », 16, 2017, pp. 89-116. ‹http:// riviste.paviauniversitypress.it/index.php/phi/article/view/1896›. Lee 2006 : Jaufre, ed. Ch. Lee, Roma 2006, versione digitalizzata : ‹http://www.rialto. unina.it/narrativa/jaufre/jaufre-i.htm›. Maillard 1982 : J. Maillard, Descort, que me veux-tu ? …, in « Cahiers de Civilisation Médiévale », 99-100, 1982, pp. 219-223. Manetti 2008 : R. Manetti, “Flamenca”. Romanzo occitano del XIII secolo, Modena 2008. Marshall 1969 : The “Donatz Proensals” of Uc Faidit, ed. J. H. Marshall, Oxford 1969. Marshall 1972 : The “Razos de trobar” of Raimon Vidal and Associated Texts, ed. J. H. Marshall, London, 1972. Marshal 1982 : J. H. Marshall, The Isostrophic Descort in the Poetry of the Troubadours, in « Romance Philology », 35, 1981-1982, pp. 130-151. Peraino 2011 : J. Peraino, Giving Voice to Love : Song and Self-Expression from the Troubadours to Guillaume de Machaut, Oxford 2011. Radaelli 2004, “Dansas” provenzali del xiii secolo : appunti sul genere ed edizione critica, ed. A. Radaelli, Firenze 2004. Said 2006 : E. Said, On Late Style : Music and Literature Against the Grain, New York 2006. Sharman 1989 : The Cansons and Sirventes of the Troubadour Giraut de Borneil. A Critical Edition, ed. R. V. Sharman, Cambridge 1989. Shephard – Chambers 1950 : The Poems of Aimeric de Peguilhan ed. W. P. Shephard – F. M Chambers, Evanston (Illinois) 1950. Spanke 1938 : H. Spanke, Sequenz und Lai, in « Studi Medievali », 11, 1938, pp. 12-68. Spitzer 1954 : L. Spitzer, Caribo, in « Lingua Nostra », 15, 1954, pp. 65-66.

Giorgia Laricchia 

Intorno alla nuova edizione critica di Guiraut de Calanso Ricostruzione dell’itinerario biografico 1. Guiraut de Calanso, giullare itinerante attivo nei primi anni del XIII secolo, ci ha lasciato un corpus lirico di dodici componimenti, di cui sto attualmente approntando l’edizione critica1: testi di particolare interesse sono il sirventes-canso Sitot l’aura s’es amara (BEdT 243,9), che inserisce il trovatore nella polemica sulle forme del trobar, il sirventes-ensenhamen Fadet juglar (BEdT 243,7a), ars poetica per il giullare e contrafactum di Cabra joglar (BEdT 242a,1) di Guiraut de Cabreira, e un planh, di cui si parlerà in seguito. Il corpus restante è composto da due descortz, dove l’eteromodularità strofica tipica del genere corrisponde alla disforia dell’amante costantemente in bilico tra gioia e tormento, e da sette canzoni che si configurano come il prodotto di una tradizione lirica formalizzata e presentano i motivi topici del discorso erotico (richiesta d’amore, encomio di midons, timore reverenziale e fedeltà incondizionata dell’amante, ostacoli che si frappongono alla realizzazione della fin’amor). Tra queste spicca la canzone allegorica Celeis cui am de cor e de saber (BEdT 243,2) in cui, mediante la prosopopea di Amore, si descrivono i vari gradi del processo d’innamoramento. Se attraverso lo studio dei tratti distintivi della poetica di Guiraut è possibile ricostruire il suo profilo letterario e rintracciare i rapporti che intercorrono con la tradizione trobadorica nel suo complesso, risulta invece difficoltoso definire la figura storica del trovatore, che presenta ad oggi parecchie zone d’ombra. In questa sede propongo pertanto un tentativo di ricollocazione di Guiraut nel panorama trobadorico di inizio XIII secolo tramite la ricostruzione dell’itinerario biografico e un riordinamento cronologico dei testi2. François Pirot (1972 : 229) aveva già evidenziato le criticità delle congetture esposte nell’edizione critica di Willy Ernst (1930) circa il profilo storico del trovatore e la cronologia interna del corpus : cet érudit allemand cède […] un peu trop à une forme d’esprit qui se révèle à la fois systématique et aventureuse. Il se fonde sur des rapprochements textuels peu



1 L’edizione critica del trovatore è oggetto della mia tesi di dottorato in Filologia all’Università di Napoli “Federico II” (XXXIII ciclo): Studio ed edizione del canzoniere di Guiraut de Calanso. 2 Ad altra sede sarà deputato il compito di confrontare più distesamente i dati ricavabili dalle poesie di Guiraut con quelli emergenti dalle fonti d’archivio, attraverso le quali sarà forse possibile rinvenire ulteriori riscontri storico-biografici. Giorgia Laricchia • Università di Napoli “Federico II” • [email protected] Trans-mission. Création et hybridation dans le domaine d’oc, éd. par Fabio BARBERINI et Camilla TALFANI, Turnhout, 2022 (Publications de l’Association Internationale d’Études Occitanes, 14), p. 79-93.

© FHG

DOI 10.1484/M.PAIEO-EB.5.126416

80

gio rgi a l a r i cc h i a

probants, sur l’identification de certains senhals et sur certain nombre d’analogies et de similitudes assez problématiques3. Ritengo pertanto opportuno procedere sfruttando solamente i dati documentaristici affidabili ricavati dalla vida (ovvero quelli che rientrano nella sfera del plausibile) e dai componimenti contenenti riferimenti di tipo cronologico e geografico. Il corpus di Guiraut infatti, per quanto contraddistinto da una forte convenzionalità e impersonalità, è un’altra considerevole risorsa da cui poter attingere informazioni necessarie a una più precisa ricostruzione biografica, grazie alle menzioni di grandi signori e sovrani dell’epoca che forniscono coordinate spaziali e termini a quo. 2. La vida del trovatore (tràdita dai codici gemelli IK)4 costituisce la fonte principale per un primo inquadramento storico-letterario : Guirautz de Calanso si fo uns juglars de Gascoingna. Ben saup letras e suptils fo de trobar ; e fetz cansos maestradas desplazens e descortz d’aquella saison. Mal abelivos fo en Proensa e sos ditz, e petit ac d’onor entre·ls cortes5. Pur essendo, com’è noto, alquanto difficoltoso appurare la veridicità delle informazioni estraibili dalle biografie occitane, sarei meno perentoria di Pirot (1972 : 252) che, rilevando la massiccia presenza di clichés nella vida del trovatore, afferma : « toutes les informations données par la vida de Guiraut de Calanso, relèvent de la plus haute fantaisie, y compris l’origine géographique ». Bruno Panvini (1952 : 21), ragionando sul ricorrente e manifesto carattere affabulatorio delle vidas – determinato dal processo di rielaborazione narrativa delle notizie ricavate dalle canzoni dei trovatori – sostiene : [le vidas] che in genere si limitano a riportare notizie sulla patria e sull’arte dei trovatori ai quali sono dedicate, sono significative in quanto provano nel modo più sicuro che i biografi, quando sapevano pochissimo sui trovatori, si limitavano a quelle poche notizie che avevano potuto raccogliere senza supplire con la loro fantasia alla deficiente formazione6. Sulla scia di queste considerazioni, preferisco dunque essere più cauta nello scartare aprioristicamente notizie ricavate dalla biografia del trovatore, proponendo di rivalutarle sulla base dei possibili riscontri rintracciabili nei testi. 3. È da problematizzare in primis l’indizio sulla provenienza. L’indicazione della Guascogna come luogo di origine del poeta è infatti vaga e « très problématique »



3 Le tesi di Ernst (1930) sono state criticate anche da Lewent (1933). 4 Sui codici IK, provenienti dal medesimo scriptorium veneto e ascrivibili al XIII secolo, cfr. Meliga (2001); sulle vidas tradite dai canzonieri IK cfr. Pulsoni (2005). 5 Per il testo si rimanda alla mia edizione. Cfr. anche il testo di Jeanroy (1923 : 26); Boutière – Schutz (1964 : 217); Ernst (1930 : 304). 6 Sull’attendibilità delle notizie storico-biografiche ricavate dalle vidas trobadoriche cfr. anche Jeanroy (1934 : 132); Bec (1977); Egan (1984); Favati (1961); Liborio (1982 : 7-19); Meneghetti (1979).

i n to r n o al l a n u ova e d i z i o n e c r i t i c a d i gu i rau t d e calanso

(Pirot 1972 : 250)7, dal momento che non è stato ad oggi possibile procedere all’identificazione toponimica di Calanso8, né offre alcuna spia sulla localizzazione geografica il linguaggio convenzionale impiegato dal trovatore, caratterizzato da una forte topicità. Secondo Pirot (1972 : 250) l’origine guascona sembra essere un topos adoperato per dissimulare la scarsità di informazioni di cui era in possesso il biografo della tradizione manoscritta alla quale fanno capo i codici I e K. La notizia circa la presenza del poeta in Guascogna troverebbe tuttavia conferma nella canzone Tan doussamen (BEdT 243,10) in cui viene elogiato il pregio del trovatore guascone, visconte di Bezaume e Bénauges (nella Gironda), Peire de Gavaret (…1195-1231…)9: De·N Peire·us dic de Gavaret que·m platz quar per onor vol far tot son poder, qu’ieu no·lh truep par de bon pretz mantener.

(vv. 56-58)

L’omaggio riservato al visconte lascia ipotizzare un reale incontro e una sincera amicizia tra i due10. Infine, l’espressione « si fo uns juglars de Gascoingna » potrebbe non fare riferimento al luogo di nascita di Guiraut, bensì alla zona in cui ha soggiornato e svolto, per un periodo, la sua attività di compositore ed esecutore, crescendo e affermandosi artisticamente grazie alla frequentazione di corti, come quelle guascone, considerate inesauribili fucine di poeti e costante rifugio per i trovatori ( Jeanroy 1923). 4. Merita poi una glossa l’epiteto juglar. È sempre arduo stabilire con esattezza l’estrazione sociale dei trovatori che nelle vidas vengono definiti “giullari”. Dall’indagine di Giuseppe Noto (1998 : 101) è emerso che il termine è impiegato in riferimento a un’estrazione socio-professionale ben individuata : l’etichetta juglar indica l’« addetto ai lavori che vive grazie alla propria attività all’interno del circuito di produzione/esecuzione della lirica cortese ». I personaggi definiti “giullari” dagli estensori delle biografie provenzali si caratterizzano dunque per la bassa condizione sociale di provenienza,



7 L’origine guascona è asserita invece da Jeanroy (1923 : vi-vii). 8 Si vedano Wiacek (1968 : 91) e Jeanroy (1923 : vi). Sui tentativi di identificazione del toponimo si rimanda allo studio introduttivo dell’edizione Ernst (1930 : 269-272) e all’indagine di Pirot (1972 : 222-229). 9 Di lui ci resta un sirventese, Peironet, en Savartes (BEdT 343,1): cfr. Kolsen (1916-1919 : 72-75). Poco si sa delle vicende biografiche di Peire de Gavaret. Il più antico documento nel quale viene menzionato risale al 1195 ; abbiamo notizia del matrimonio con Guglielma de Benauges, nobildonna anch’essa protettrice dei trovatori – evocata nel tornejamen tra Savaric de Mauleon, Gaucelm Faidit e Uc de la Bacalaria (BEdT 167,26 = 432,2 = 449,1a ; cfr. Guida – Larghi 2014 : 403 e 531). Sappiamo inoltre che ebbe contatti con la dinastia plantageneta e in particolare con il re d’Inghilterra Enrico III, svolgendo un ruolo attivo nella politica regionale. L’ultima informazione, riguardante l’ordinanza di cessione dei suoi possedimenti a Uc de Vivonne, sancita il 21 gennaio 1234, fa supporre che la morte di Peire de Gavaret sia avvenuta intorno a quella data. Per una dettagliata ricostruzione storica del signoretrovatore si veda Guida – Larghi (2014 : 403-404). Per un approfondimento storico-letterario sulle corti di Benauges cfr. Boutoulle (2011) e Boulangé (1954). 10 Cfr. Pirot (1972 : 241), il quale fissa intorno al 1211-1213 l’incontro tra Guiraut de Calanso e Peire de Gavaret.

81

82

gio rgi a l a r i cc h i a

per l’inclinazione al nomadismo (vale a dire per la necessità di guadagnare) e per la continua ricerca di un sostentamento (Allegri 1988 : 77-78). Il termine in sé non assume quell’accezione negativa, attribuitagli invece da Schutz (1957 : 673) e da Pirot (1972 : 248), legata alla cattiva reputazione di un autore11, e prescinde dalla fama poco lusinghiera di cui pure ci informa la « breve y hostil Vida » (Riquer 1975 : III, 1085) di Guiraut : « Mal abelivos fo en Proensa e sos ditz, e petit ac d’onor entre·ls cortes ». Pirot (1972 : 251) ritiene, anche in questo caso, che si tratti di un calcolato espediente per occultare la povertà di informazioni a disposizione del compilatore della vida. In effetti l’impopolarità del trovatore sorprende e appare contraddittoria considerando la fortuna di cui hanno goduto alcuni suoi componimenti apprezzati da poeti contemporanei e delle generazioni successive, tra cui, in particolare, la canzone allegorica Celeis cui am de cor e de saber (BEdT 243,2)12. Oltre che per la fortunata ricezione dell’autore, l’informazione sulla sua scarsa fama stupisce anche in relazione alla maestria stilistica e formale sfoggiata nel corpus, sottolineata inoltre dal biografo stesso : « suptils fo de trobar ; e fetz cansos maestradas desplazens e descortz d’aquella saison ». A parere di Pirot (1972 : 251), l’aggettivo desplazens allude « aux évidentes qualités du poète », ma se così fosse si creerebbe una contraddizione interna con il primo aggettivo riferito a « cansos », « maestradas », e con la precedente affermazione « suptils fo de trobar ». Ernst (1930 : 304) ha provato a risolvere l’antinomia emendando il lemma in « desplazer » con allusione alla categoria descritta nelle Leys d’amors13, ma la congettura non risulta persuasiva a causa dell’occorrenza isolata del termine nel lessico della vidas e delle razos in quest’insolita specializzazione “generica” (cf. Corradini Bozzi 1982 : s.v. desplazer, -s e Capusso 1989 : 17). Ritengo invece che l’aggettivo (cfr. LR : IV, 561 e SW : II, 162) denoti il motivo centrale su cui s’incentrano le sue canzoni : il “dispiacere” amoroso e i tormenti derivati dal mancato soddisfacimento del desiderio14.

11 Si noti che lo stesso appellativo è utilizzato nelle vidas di trovatori che si collocano saldamente in cima al canone dei maggiori poeti in lingua d’oc, come Arnaut Daniel ; si rinvia a Noto (1998) per uno spoglio completo delle vidas che designano i poeti come “giullari”. 12 La canzone è stata omaggiata sul finire del XIII secolo dall’Exposition di Guiraut Riquier ; cfr. Capusso (1989). L’enigma allegorico di Celeis cui am de cor e de saber ha destato interesse anche al di fuori del panorama trobadorico : l’analisi intertestuale ha consentito di individuare l’ipotesto giraldiano nel sonetto di Guido Cavalcanti O tu, che porti nelli occhi sovente e nel componimento O vos mesquins di Ausiàs March, testi che conservano tracce di imitatio della divisione ternaria dell’amore proposta nel modello. Si rimanda alla mia edizione. Sul sonetto cavalcantiano cfr. Contini (1960 : 514); Marti (1969 : 168); De Robertis (1986); Rea – Inglese (2011 : 122). Sul componimento di Ausiàs March cfr. Grilli (2000). 13 « Dictatz no principals no estrenhen a cert nombre de coblas. D’aytals haven gran re coma somis, vezios, cossir, reversaris, enuegz, plazers, desplazers, conortz, desconortz, rebecz, relays, gilozescas, et enaissi de trops autres » (Anglade 1919-1920 : 31). 14 Convincente la spiegazione di Boutière – Schutz (1964 : 217): « chansos composées avec art, mais de ton déplaisant ».

i n to r n o al l a n u ova e d i z i o n e c r i t i c a d i gu i rau t d e calanso

5. Meritevole di attenzione è il riferimento geografico nella locuzione « Mal abelivos fo en Proensa ». Anche in seguito alla disanima del corpus, « nous n’avons aucun témoignage d’un séjour de Guiraut en Provence » (Pirot 1972 : 252); tuttavia si ritiene plausibile l’ipotesi di un breve passaggio in quest’area, avvenuto durante i molteplici trasferimenti effettuati da Guiraut, in cerca di affermazione artistica e protezione, nelle regioni del Sud della Francia. Tali viaggi sono segnalati – oltre che nella lirica Tan doussamen, in precedenza menzionata – anche in altri testi : tra questi vi è la canzone allegorica Celeis cui am de cor e de saber (BEdT 243,2), dedicata a Guglielmo VIII di Montpellier15. L’invio presente nella seconda tornada consente innanzitutto di datare il testo su base interna : il terminus ante quem è il 1202, anno di morte del marchese16. Dal congedo tuttavia non è possibile chiarire con certezza dove Guiraut abbia composto (o cantato) la canzone : A Monpeslier, a·N Guillem lo marques, t’en vai chanso ; fai l’auzir de bon grat qu’en lui a pretz e valor e rictat.

(vv. 52-54)

La perplessità nasce dalla topicità della formula d’invio (a [luogo e/o destinatario] t’en vai chanso) che potrebbe comunque rivelare una distanza geografica tra la corte in cui il trovatore si esibisce e il destinatario. Riguardo al luogo di composizione del testo, o quanto meno di prima esecuzione, ci informa la Exposition di Guiraut Riquier, Als subtils aprimatz, un puntuale commento in versi che intende svelare l’integumentum metaforico del testo (Capusso 1989): En Guirautz a prezen fes sa chanso retraire, en que dis son vejaire primamen e subtil, lai en la cort gentil del Puey, qu’esser solia honrada, que·s fazia per pretz e per honor […] E a totz per engal, ensems e general, a donas, a senhors, als mejas, als menors, en Guirautz fes auzir sa chanso, on cubrir saup son entendemen.

(vv. 186-193)

(vv. 201-207)

15 La prima, indiscussa, proposta di identificare il marques dedicatario della canzone nella figura di Guglielmo VIII di Montpellier, noto protettore dei trovatori (cfr. Jeanroy 1934 : 167), si deve a Dammann (1891); cfr. anche Ernst (1930 : 281) e Pirot (1972 : 231-232). 16 Dammann (1891) indica erroneamente il 1204 come anno di morte di Guglielmo VIII. L’imprecisione è segnalata da Keller (1905 : 281).

83

84

gio rgi a l a r i cc h i a

Guiraut de Calanso viene menzionato nell’atto di « retraire », ossia di “eseguire” (« exposer, raconter », LR : V, 404) la canzone in pubblico (« a prezen »), precisamente alla corte del Puey. Dammann (1891 : 9) si dichiara scettico riguardo al segnale topografico ; la perplessità è condivisa da Capusso (1989 : 18), la quale sottolinea che l’informazione « non va sopravvalutata data la scarsa specificità del vocabolo Puey (che poco aggiunge alle altre labili indicazioni in nostro possesso circa gli itinerari e i soggiorni del poeta nella geografia cortese dell’epoca)». Sostengo invece la tesi, maggiormente accreditata, di Ernst (1930 : 273-274), che propone l’identificazione della località designata nel commento di Guiraut Riquier con la corte del Puy-en-Velay (Haute-Loire)17, famosa per i certamina poetici che essa promuoveva (Favati 1959 : 162-168). È ipotizzabile dunque che Guiraut avesse inviato, da questa regione dell’Alvernia, il componimento a Guglielmo di Montpellier, il cui elogio in tornada può essere dovuto alla volontà di omaggiare l’ospitalità ricevuta in precedenza da questo signore, o al desiderio di conquistare la sua benevolenza in vista di un futuro spostamento. 6. A questi primi dati che avvalorano l’ipotesi dei primi spostamenti dell’autore girovago avvenuti nella zona meridionale della Francia, si aggiunge la notizia del legame con gli ambienti di Maria de Ventadorn, moglie di Eble V de Ventadorn ed erede del casato di Turenna18, che tra Cento e Duecento manifestò una costante attenzione verso l’esperienza trobadorica. Protettrice dei trovatori e trobairitz lei stessa19, Maria fu lodata, oltre che da Bertran de Born, dal Monge de Montaudon, Pistoleta, Gausbert de Poicibot e Gaucelm Faidit, anche da Guiraut de Calanso, che a lei dedica, mediante esplicita menzione nella tornada, la canzone Una doussa res benestan (BEdT 243,11): A Na Maria de Ventadorn vai dir, chansoneta, qu’ieu sui al sieu servir.

(vv. 45-46)

Il componimento è interamente incentrato sull’encomio, svolto secondo la topica della laudatio muliebris, della bellezza superficialis e di quegli aspetti che possiamo definire intrinseca – secondo la definizione di Matteo di Vendôme20 – riguardanti le qualità morali della nobile signora. Sono due gli accadimenti rilevanti della biografia di Maria de Ventadorn, utili per la datazione del testo : il matrimonio con Eble V di Ventadorn, celebrato nel 1190 (Stroński 1914 : 160), e la morte, avvenuta verosimilmente nel 1221 ( Jeanroy 17 In linea con l’editore si situano anche Chambers (1971 : 219), che alla voce Pueg osserva però : « not all the references are entirely clear, and there are other places of this name », e Wiacek (1968 : 155). 18 Figlia di Raimondo II di Turenna e Elisa di Séverac. Per maggiori informazioni biografiche sulla trobairitz cfr. Guida – Larghi (2014 : 358-359); Stroński (1914); Dumitrescu (1968). 19 Maria de Ventadorn si cimenta nella tenzone con Gui d’Uissel, Be·m pesa de vos (BEdT 295,1 = 194,9), il cui dibattito verte sul tema della parità dei diritti degli amanti ; cfr. Harvey – Paterson (2010 : 932); Rieger (1991 : 255). 20 Cfr. Ars versificatoria, I, 74 : « Et notandum quod cujuslibet personae duplex potest esse descriptio : una superficialis, alia intrinseca » (Faral 1924 : 135).

i n to r n o al l a n u ova e d i z i o n e c r i t i c a d i gu i rau t d e calanso

1934 : 157); quest’ultima data non può tuttavia costituire il terminus ante quem, giacché nel testo è presente un ulteriore riferimento : la VI cobla della canzone è interamente dedicata all’iperbolico encomio del re aragonese Pietro II, detto il Cattolico (1196-1213). Mediante il ricorso all’adynaton, Guiraut celebra la largueza del « bon rei », creando un’originale comparazione tra le virtù del sovrano e le stelle nel cielo21: Si·l plai, senes trestot enjan, vuelh que s’en an al bon rei dels Aragones, quar sa valors es tals que·ls sieus bos aips melhors pot om comtar cum las estelas quant es sers e son aders per lui ben servir mout joglar, que res als sieus noi sabon avenir mas quan dizon “Pros reis es, ses falhir”.

(vv. 34-44)

Il rinvio al re d’Aragona consente quindi di restringere i limiti cronologici della canzone : la stesura è collocabile nel ventennio che va dal 1190 (matrimonio di Maria de Ventadorn e Eble V) al 1213 (morte del re d’Aragona). L’anno di morte di Pietro II permette di rintracciare il terminus ante quem anche di altri due testi parimenti encomiastici nei confronti del re d’Aragona, ovvero il sirventes-canso Sitot l’aura s’es amara (BEdT 243,9): De·l bon rei fauc ma lauzor d’Arago, quar ab onor sap tot, quant elh fai, despendre22 (vv. 50-52) e il sirventes-ensenhamen Fadet juglar (BEdT 243,7a): tu t’en iras en Arago, senes falhir, al jove rei, qu’autre non vei, mielhs sapcha bos mestiers grazir

(vv. 230-234)

in cui l’aggettivo jove permette di far risalire il componimento ai primi anni del regno di Pietro II (1196-1197), quando il giovane re successe al trono di Alfonso II sotto la tutela della madre Sancha di Castiglia (Keller 1905 ; Pirot 1972 : 253-254).

21 Il paragone si basa sull’assurdità del proposito di contare i pregi del sovrano, innumerevoli come « las estelas ». Si rimanda alla mia edizione. Per le comparazioni presenti nel corpus di Guiraut si veda Scarpati (2008 : 344-345). 22 Il bon rei d’Arago è senza dubbio Pietro II d’Aragona : cfr. anche Ernst (1930 : 279-280 364); Pirot (1972 : 236).

85

86

gio rgi a l a r i cc h i a

7. Sono molti i trovatori che hanno gravitato intorno alle corti di Pietro II, garante di unità e di stabilità tra Catalogna e sud della Francia e modello all’interno di un sistema cortese incentrato sull’area occitana, ma includente a pieno titolo la corona d’Aragona (Guida 2006 : 223-240 ; Asperti 1999 : 14-17). Incoronato da papa Innocenzo III, Pietro il Cattolico rafforzò la sua influenza oltre i Pirenei attraverso l’alleanza con Raimondo VI di Tolosa (resa possibile mediante il matrimonio di quest’ultimo con la sorella di Pietro, Eleonora, avvenuto nel 1204). Acquisì inoltre la signoria di Montpellier sposando Maria (1204), erede di Guglielmo VIII, e partecipò alla Reconquista e alla battaglia vittoriosa di Las Navas de Tolosa (1212) guidata dall’esercito di Alfonso VIII di Castiglia, altro evento storico utile per la ricollocazione cronologica e geografica di Guiraut (cfr. infra). La situazione per il sovrano precipitò con la crociata contro gli albigesi (iniziata nel 1208), bandita da papa Innocenzo III e capeggiata da Simon de Montfort, rappresentante delle forze politiche della Francia del Nord (Tocco 1884 ; Luchaire 1905). Pietro II, nonostante il suo credo cattolico, si alleò con il conte di Tolosa, sostenitore dell’eresia catara, e insieme a lui si scontrò rovinosamente con l’esercito cristiano nella battaglia di Muret (12 settembre del 1213), durante la quale morì. Lo statuto di mecenate dei trovatori e il prestigio di Pietro II corrispondono a un’importante presenza istituzionale nella Francia meridionale e a un effettivo predominio catalano su Tolosa e Linguadoca : Sino a Muret e quindi per tutto il Regno di Pietro II si può ritenere che la Catalogna appartenga di diritto e a pieno titolo ad un ‘sistema’ di civilizzazione cortese e di diffusione della poesia dei trovatori che è incentrato sull’area occitanica, che ingloba la Catalogna appunto e l’Italia nord-occidentale e che si irradia ancora con forza in direzione della Francia del Nord e della Penisola Iberica (Asperti 1999). Preferisco essere dunque prudente nello stabilire un legame diretto con Pietro II sulla base delle plurime allusioni perifrastiche rintracciabili nel corpus di Guiraut, non essendo possibile dimostrare il soggiorno del trovatore alla corte aragonese : è plausibile che egli abbia elogiato il sovrano solo in quanto signore dei territori a nord dei Pirenei. Tale sembra essere l’intenzione del poeta in Una doussa res benestan, in cui il sentito elogio di Maria de Ventadorn rende verosimile una vicinanza fisica con la nobile signora alla quale vengono rivolte richieste di protezione, e quindi colloca l’esecuzione della canzone nelle regioni meridionali della Francia. Anche nel caso di Fadet juglar, vi è una spia testuale che allude a una lontananza geografica tra il trovatore e Pietro II (« tu t’en iras / en Arago, senes falhir, / al jove rei »). Le lodi a lui rivolte sono in ogni caso un segnale dell’attenzione che Guiraut rivolse al panorama politico delle corti iberiche. 8. Altra notizia desumibile è la scelta di trasferirsi in Spagna con l’intento di sottrarsi alla delicata congiuntura sociale e al fragile sistema feudale del Sud della Francia : le devastazioni del Midi e il genocidio degli eretici verificatisi nel primo decennio del XIII secolo crearono le premesse per la diaspora dei trovatori verso le regioni dell’Italia settentrionale e della Spagna, cui siamo certi Guiraut partecipò (Ernst 1930 : 286-289), contribuendo al processo di ricezione della produzione trobadorica in area iberica : il trovatore guardò con speranza alla Reconquista, considerata una

i n to r n o al l a n u ova e d i z i o n e c r i t i c a d i gu i rau t d e calanso

possibile e fruttuosa fonte di ricchezza. È da ritenere dunque indiscussa la scelta di attraversare i Pirenei per giungere in una regione accogliente verso gli artisti provenienti dall’Occitania. La vida di Guiraut è priva di riferimenti a questo viaggio, altresì dimostrato dai rinvii celebrativi ai sovrani iberici : oltre a Pietro II, il trovatore loda Alfonso VIII di Castiglia (nato nel 1155 e salito al trono all’età di tre anni ; morto nel 1214), destinatario del descort Bel semblan (BEdT 243,5): « Al bon rei castela N’Anfos » (v. 96) e dedicatario dei versi finali (V cobla e tornada) della canzone Li mey dezir (BEdT 243,8): E doncs, si·m vir vas lo bon rey valen, de pretz manen, de Castella, no·us tir, car el a pres sobre·ls emperadors e·ls reys forsors e·ls princeps e·ls marques los pretz e·ls dos, qu’aissi·s perdon vencut, cum mars rescon los noms dels flums, tug l’autre pretz que son, lai on del sieu a sol ges mentaugut, per qu’ieu noy falh si·l retrac ni l’espandi. E sal lo Dieus ad onor e l’ajut, quar es vas pretz tals quo·l vuelh ni·l demandi.

(vv. 57-72)

L’iperbolico elogio di Alfonso VIII offerto da Guiraut s’inserisce nel compatto corpus di testi encomiastici che esalta le qualità del sovrano castigliano in quanto mecenate modello e monarca valoroso (Alvar 1977 : 75-134 e Alvar 2002)23. L’alleanza con Pietro II d’Aragona si rivelò particolarmente propizia per la politica di Alfonso VIII, occupato in quegli anni a fronteggiare la minaccia almohade di Abū ‛Abd Allāh Muḥammad an-Nāṣir. Per contrastare l’avanzata musulmana e riparare ai danni della sconfitta subita nella battaglia di Alarcos (1195), il sovrano castigliano chiese l’aiuto di papa Innocenzo III, il quale concesse l’indulgenza della crociata. L’esercito cristiano di Alfonso VIII – a cui si unirono le truppe di Aragona e Navarra – partì da Toledo e ottenne la decisiva e celebre vittoria di Las Navas de Tolosa, avvenuta il 16 luglio 1212. Il sovrano morì due anni dopo. La data di morte di Alfonso VIII (1214) costituisce dunque il termine ad quem dei due componimenti che lo menzionano. 9. Tornando alla canzone di Guiraut Li mey dezir, merita un approfondimento l’espressione « si·m vir / vas lo bon rey valen » (vv. 57-58). Ernst (1930 : 281) colloca

23 Anche Dante nel Convivio (IV.xi.14) ricorda « lo buono re di Castella », menzionandolo tra gli esempi di liberalità. Cfr. Fioravanti (2014 : 640).

87

88

gio rgi a l a r i cc h i a

il testo nel periodo che precede il viaggio in Spagna, intravedendo, nella locuzione (e in particolare nello stilema se virar), il proposito di un trasferimento presso la corte castigliana : « Ich glaube, daß se virar rein örtlich aufzufassen ist ; die Verse wären also kurz vor Antritt der Reise nach Kastilien verfaßt worden ». Ritengo invece, come già Lewent (1933 : 412) e poi Pirot (1972 : 235), che il verbo se virar (LR : V, 552) non sia da interpretare in senso spaziale (non indica lo spostamento da un luogo ad un altro), bensì si riferisca al brusco cambiamento tematico del componimento. Le prime 4 coblas sono di argomento amoroso e s’incentrano interamente sull’elogio della dama, sfruttando il lessico convenzionale e i topici motivi legati al concetto cortese di fin’amor, riconducibili al genere della canso (costanza nel servitium amoris, superiorità della signora amata, richiesta di mercé e tema dell’attesa ; cfr. mia edizione); a partire dal v. 57 la tenuta del messaggio poetico cambia repentinamente : l’io lirico chiede alla donna il favore di non adirarsi (« no·us tir ») per la scelta improvvisa di interrompere le lodi a lei rivolte e di omaggiare il bon rey di Castiglia. Il componimento in pratica abbandona i tratti peculiari della canzone d’amore trobadorica per assumere i caratteri politici ed encomiastici di un sirventese, mutando ex abrupto la materia del testo. Tale dato non consente pertanto di circoscrivere cronologicamente e geograficamente la composizione (o l’esecuzione) di Li mey dezir. 10. Il trovatore si trova sicuramente in Spagna quando compone il planh Bel senher Dieus, quo pot esser sufritz (BEdT 243,6) per la morte del « jov’ enfan » (v. 2) Ferdinando di Castiglia, unico erede di Alfonso VIII e Eleonora d’Inghilterra, avvenuta il 14 ottobre 1211 a Madrid. La morte prematura (all’età di ventidue anni : era nato il 9 novembre 1189) fu probabilmente conseguente agli sforzi commessi in una battaglia contro gli infedeli (primavera 1211), a seguito della campagna militare organizzata dal padre (Milá y Fontanals 1861 : 123-126). « El sentido y candoroso canto fúnebre que dedicó al malogrado príncipe el trovador Guiraldo de Calansó aun despojado de lo que puede considerarse poética exageracion, muestra las esperanzas que en el jóven príncípe se fundaban » (Milá y Fontanals 1861 : 123): nella sua breve vita partecipò infatti con coraggio e determinazione alle battaglie contro i musulmani, mostrandosi protagonista di una fase importante della Reconquista. Momento topico del lamento commemorativo è l’elogio rivolto al lignaggio del defunto (Thiry 1978 : 50), nel quale viene ricordato il valore degli zii plantageneti, fratelli della madre Eleonora, Enrico III d’Inghilterra († 1183) – menzionato tramite perifrasi –, Riccardo Cuor di Leone († 1199) e Goffredo di Bretagna († 1186): lo joves reis e·N Richartz, lo prezatz, e·l coms Jaufres, tug li trei valen fraire cui semblava de cors e de faissos.

(vv. 26-28)

Un elemento testuale utile a una più precisa datazione del planh è rintracciabile nei seguenti versi : Mas elh era sobre totz elegitz el melhor loc, si visques mais un an servir a Dieu de cor e de talan, fons de belhs dos, murs contra·ls Arabitz,

i n to r n o al l a n u ova e d i z i o n e c r i t i c a d i gu i rau t d e calanso

solelhs de mars, abrils renovelatz, miralhs del mon, ab cui pretz es renhatz.

(vv. 41-46)

Si tratta di una trasparente allusione alla decisiva vittoria di Las Navas de Tolosa, momento cruciale della Reconquista e rivalsa della grave sconfitta subita nel 1195 dall’esercito cristiano di Alfonso VIII nella battaglia di Alarcos per opera del sovrano almohade Abū Yūsuf Ya‛qūb al-Mansūr. L’esplicito riferimento cronologico consente di datare il testo un anno dopo la morte del « jov’enfan » (« si visques mais un an »), ossia all’indomani della battaglia di Las Navas de Tolosa : 16 luglio 1212 (Ernst 1930 : 247-275 e 391 ; Lewent 1933 : 410 ; Pirot 1972 : 233). 11. In conclusione, nonostante la scarsità di dati documentaristici sfruttabili per la ricostruzione della figura storica di Guiraut de Calanso, una più attenta e circoscritta analisi della vida e soprattutto di alcuni componimenti permette di contestualizzare cronologicamente e geograficamente l’attività artistica dell’autore girovago24. Ne emerge il profilo di un professionista del trobar, di origine non nobile, capace di adeguarsi alle diverse realtà delle corti con cui entra in contatto e in grado di compiere molteplici viaggi alla ricerca di affermazione professionale, conquistando di volta in volta la benevolenza di un signore attraverso i mezzi dell’elogio e della celebrazione. È evidente che egli abbia iniziato la sua carriera operando nelle regioni meridionali della Francia e frequentando gli ambienti di Peire de Gavaret, le corti del Puey e di Maria de Ventadorn, per poi attraversare i Pirenei in cerca di fortuna. Se i componimenti encomiastici rivolti a Pietro II d’Aragona non dimostrano necessariamente la sua presenza in terra iberica (cfr. supra), il viaggio in Spagna è ad ogni modo testimoniato dagli iperbolici elogi di Alfonso VIII di Castiglia e dal planh composto per la morte del figlio Ferdinando. Resta da indicare con maggiore precisione il periodo dello spostamento ; per far ciò bisogna innanzitutto considerare il quadro storico-sociale in cui Guiraut si muoveva agli esordi della sua carriera. Egli si trovò a operare nel periodo della graduale estinzione dell’esperienza lirica trobadorica, determinata dalla profonda crisi che agli albori del XIII secolo investì il Sud della Francia : tra il 1195 e il 1205 entrarono progressivamente in crisi le corti di importanti signori, protettori dei trovatori25; « l’oscurantismo religioso e la precarietà politica e economica resero di fatto impossibile la sopravvivenza di una poesia che aveva le sue radici in un sistema sociale ormai agonizzante » (Di Girolamo 1989 : 5). Nei primi decenni del Duecento si assiste infatti al crollo del sistema plantageneto e anche dell’antica e rilevante tradizione letteraria della corte del Puey26; a complicare inesorabilmente la

24 Sono stati esclusi dall’indagine sul profilo biografico di Guiraut i componimenti privi di riferimenti a personaggi o eventi storici : Ab la verdura (BEdT 243,1), Ara s’es ma razos vouta (BEdT 243,4), El mon no pot aver (BEdT 243,7), Los grieus dezir (BEdT 243,8a). 25 Escono di scena trovatori rilevanti quali Folquet de Marseilla, Bertran de Born, Guilhem de Saint-Didier, Guilhem de Berguedà, Gaucelm Faidit, Peire Vidal, Giraut de Borneill, Raimbaut de Vaqueiras ; cfr. Asperti (1999 : 14). 26 Cfr. Asperti (1999); Varvaro (1960 : 22 e n.42, con bibliografia ; 49-51); Lejeune (1969 : 372-376); Riquer (1975 : 1024-1025); Favati (1959 : 162-168).

89

90

gio rgi a l a r i cc h i a

situazione fu la tragica crociata contro gli Albigesi, che determinò il definitivo declino delle strutture feudali delle regioni occitaniche. Sono dunque concorde con Ernst (1930) nel far risalire il viaggio verso la Spagna ai primi anni di questo determinante avvenimento storico (1208-1209), durante il quale Guiraut, verosimilmente, avrà sperato di poter continuare a esercitare la propria professione sfruttando le occasioni prospettate dalla Reconquista, nonché l’accoglienza di potenti sovrani iberici a cui si lega inscindibilmente il processo di diffusione e la fortuna della lirica occitana nelle regioni castigliane e catalane.

Manoscritti I : Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 854 K : Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 12473

Bibliografia Allegri 1988 : L. Allegri, Teatro e spettacolo nel medioevo, Roma – Bari 1988. Alvar 1977 : C. Alvar, La poesia trovadoresca en España y Portugal, Barcellona 1977. Alvar 2002 : C. Alvar, Política y poesía : la corte de Alfonso VIII, in « Mot so razo », 1, 2002, pp. 52-61. Anglade 1919-1920 : J. Anglade, “Las Leys d’Amors”, manuscrit de l’Académie des Jeux Floraux, 4 voll., Toulouse – Paris 1919-20. Asperti 1999 : S. Asperti, I trovatori e la corona d’Aragona. Riflessioni per una cronologia di riferimento, in « Mot so razo », 1, 1999, pp. 12-31 ‹http://www.rialc.unina.it/bollettino/ base/corona-testo.htm›. BEdT : Bibliografia Elettronica dei Trovatori, direzione scientifica : S. Asperti. Roma, Università di Roma “la Sapienza”. ‹http://www.bedt.it/BEdT_04_25/index.aspx›. Bec 1977 : P. Bec, Anthologie de la prose occitane du moyen âge (XIIe-XVe siècle), I : Vidas et razons, chroniques et lettres, prose narrative, Avignon 1977. Boulangé 1954 : R. Boulangé, Les seigneurs de Benauges, des origines à la révolution, Lyon 1954. Boutière – Schutz 1964 : J. Boutière – A.-H. Schutz, Biographies des Troubadours. Textes provençaux des XIIIe et XIVe siècles, Édition refondue […] avec la collaboration d’I.-M- Cluzel, Paris 1964. Boutoulle 2011 : F. Boutoulle, Les deux vies de Guilhemine Cours d’amour, veuvage et politique à Benauges au XIIIe siècle, in De Benauge à Verdelais. L’Entre-deux-Mers et son identité, Actes du XIIe colloque tenu à Arbis et Verdelais les 9, 10 et 11 octobre 2009, Arbis 2011, pp. 31-46. Cabrer – Buresi 2001 : M. Alvira Cabrer – P. Buresi, Alphonse par la grâce de Dieu, roi de Castille et de Tolède, seigneur de Gascogne. Quelques remarques à propos des relations entre Castillans et Aquitains au début du XIIIe siècle, in Aquitaine-Espagne (VIIIe-XIIIe siècle), Poitiers 2001, pp. 219-232.

i n to r n o al l a n u ova e d i z i o n e c r i t i c a d i gu i rau t d e calanso

Capusso 1987 : M. G. Capusso, Le tre frecce d’amore nella canzone allegorica di Guiraut de Calanson “Celeis cui am de cor e de saber”, in Actes du premier Congrès International de l’Association Internationale d’Études Occitanes, London 1987, pp. 157-170. Capusso 1989 : M.G. Capusso, L’ “Exposition” di Guiraut Riquier sulla canzone di Guiraut de Calanson “Celeis cui am de cor e de saber”, Pisa 1989. Chambers 1971 : F. M. Chambers, Proper Names in the Lyrics of the Troubadours, Chapel Hill 1971. Contini 1960 : G. Contini, Poeti del Duecento, Milano – Napoli 1960. Corradini Bozzi 1982 : M. S. Corradini Bozzi, Concordanze delle biografie trobadoriche (A-L), Pisa 1982. Dammann 1891 : O. Dammann, Die allegorische Canzone des Guiraut de Calanso : “A leis cui am de cor e de saber” und ihre Deutung (Inaugural-Dissertation), Breslau 1891. De Robertis 1986 : G. De Robertis, Guido Cavalcanti, Rime. Con le rime di Iacopo Cavalcanti, Torino 1986. Di Girolamo 1989 : C. Di Girolamo, I trovatori, Torino 1989. Dumitrescu 1968 : M. Dumitrescu, Eble II de Ventadorn et Guillaume IX d’Aquitaine, in « Cahiers de Civilisation Médiévale », 11, 1968, pp. 379-412. Egan 1984 : The Vidas of The Troubadours translated by M. Egan, New York – London 1984. Ernst 1930 : W. Ernst, Die Lieder des provenzalischen trobadors Guiraut von Calanso, in « Romanische Forschungen », 44, 1930, pp. 255-406. Faral 1924 : E. Faral, Les arts poétiques du XIIe et du XIIIe siècle, Paris 1924. Favati 1959 : G. Favati, La novella LXIV del “Novellino” e Uc de Saint Circ, in « Lettere italiane », 11, 1959, pp. 133-173. Favati 1961 : G. Favati, Le biografie trobadoriche. Testi provenzali dei secoli XIII e XIV, Bologna 1961. Fioravanti 2014 : Dante Alighieri, Opere : Convivio. Monarchia. Epistole. Egloge, II, dir. M. Santagata, a cura di G. Fioravanti, C. Giunta D. Quaglioni, C. Villa, G. Albanese, Milano 2014. Grilli 2000 : G. Grilli, “O vós mesquins”: un poema sobre els temps de l’amor o sobre l’amor d’un temps? (filolegs i poetes llegeixen Ausias March), in Ausias March (1400-1459) Primier poete en langue catalane, Paris 2000, pp. 197-221. Guida 2006 : S. Guida, Pietro il Cattolico e i trovatori, in Trobadors a la península ibèrica. Homenatge al Dr. Martí de Riquer, Barcelona 2006, pp. 223-240. Guida – Larghi 2014 : S. Guida – G. Larghi, Dizionario Biografico dei Trovatori, Modena 2014. Harvey – Paterson 2010 : R. Harvey – L. Paterson, The troubadour tensos and partimens. A critical edition, Cambridge 2010. Jeanroy 1916 : A. Jeanroy, Les troubadours en Espagne, in « Annales du Midi », 27, 1916, pp. 141-175. Jeanroy 1923 : A. Jeanroy, Jongleurs et trobadours gascon des XIIe et XIIIe siècles, Paris 1923. Jeanroy 1934 : A. Jeanroy, La Poésie lyrique des Troubadours, Toulouse – Paris 1934. Jones 1978 : L. Jones, Guiraut de Calanso’s lyric allegory of Lady Love, in Mélanges offerts à C. Camproux, Montpellier 1978, I, pp. 105-120.

91

92

gio rgi a l a r i cc h i a

Keller 1905 : W. Keller, Das Sirventes “Fadet joglar” des Guiraut von Calanso, Erlangen 1905. Klingebiel 2009 : K. Klingebiel, À la recherche des troubadours : la Gascogne, in La voix occitane. Actes du VIIIe Congrès de l’Association Internationale d’Études Occitanes, Bordeaux, 12-17 octobre [sic] 2005, Bordeaux 2009, pp. 131-140. Kolsen 1916-1919 : A. Kolsen, Dichtungen der trobadors, auf grund altprovenzalischer Handschriften, teils zum ersten Male kritisch herausgegeben, teils berichtigt und ergänzt, Halle 1916-1919, pp. 72-75. Lejeune 1969 : R. Lejeune, Rigaut de Barbezieux, analyse textuelle et histoire littéraire, in « Le Moyen Âge », 68, 1969, pp. 331-377. Lewent 1933 : K. Lewent, Zu den Liedern des Trobadors Guiraut de Calanso, in « Zeitschrift für französische Sprache und Literatur », 57, 1933, pp. 407-446. Liborio 1982 : M. Liborio, Storie di dame e trovatori di Provenza, Milano 1982. LR = F.-J.-M. Raynouard, Lexique Roman, ou Dictionnaire de la langue des troubadours, 6 vols., Paris 1838-1844. Luchaire 1890 : A. Luchaire, Innocent III. La croisade des Albigeois, Paris 1905. Marti 1969 : M. Marti, Poeti del Dolce Stil Nuovo, Firenze 1969. Meliga 2001 : « Intavulare ». Tavole di canzonieri romanzi (serie coordinata da Anna Ferrari), I. Canzonieri provenzali. 2. Bibliothèque nationale de France I (fr. 854), K (fr. 12473), a cura di W. Meliga, Modena 2001. Meneghetti 1979 : M. L. Meneghetti, “Enamoratz” e “fenhedors”. Struttura ideologica e modelli narrativi nelle biografie trobadoriche, in « Medioevo Romanzo », 6, 1979, pp. 271-301. Milá y Fontanals 1861 : M. Milá y Fontanals, De los trovadores en España. Estudio de poesía y lengua provenzal, Barcelona 1861. Noto 1998 : G. Noto, Il giullare e il trovatore nelle liriche e nelle “biografie” provenzali, Alessandria 1998. Panvini 1952 : B. Panvini, Le biografie provenzali. Valore e attendibilità, Firenze 1952. Pirot 1972 : F Pirot, Recherches sur les connaissances littéraires des troubadours occitans et catalans des XIIe et XIIIe siècles. Les sirventes-ensenhamen de Guerau de Cabrera, Guiraut de Calanso et Bertrand de Paris, Barcelona 1972 (= « Memorias de la Real Academia de Buenas Letras de Barcelona », XIV). Pirot 1973 : F Pirot, Le troubadour Eble de Saignes (avec des notes sur Eble de Ventadour et Eble d’Ussel), in Mélanges offerts à Pierre Le Gentil, Paris 1973, pp. 641-659. Pulsoni 2005 : C. Pulsoni, Les vidas de IK et leurs sources, in Études de langue et de littérature médiévales offertes à Peter T. Ricketts à l’occasion de son 70ème anniversaire, Turnhout 2005, pp. 509-516. Rea – Inglese 2011 : R. Rea – G. Inglese, Rime d’amore e di corrispondenza, Roma 2011. Rialto : Repertorio informatizzato dell’antica letteratura occitana. ‹www.rialto.unina.it›. Rieger 1991 : A. Rieger, Trobairitz. Der Beitrag der Frau in der altokzitanischen höfischen Lyrik. Edition des Gesamtkorpus, Tübingen 1991. Riquer 1975 : M. de Riquer, Los Trovadores. Historia literaria y textos, Barcelona 1975. Scarpati 2008 : O. Scarpati, Retorica del “trobar”. Le comparazioni nella lirica occitana, Roma 2008.

i n to r n o al l a n u ova e d i z i o n e c r i t i c a d i gu i rau t d e calanso

Schutz 1957 : A. H. Schutz, Joglar, borges, cavallier dans les biographies provençales, in Mélanges de linguistique et littérature romanes à la mémoire d’Istaván Frank, Saarbrücken 1957, pp. 672-677. Stroński 1914 : S. Stroński, La légende amoureuse de Bertran de Born, critique historique de l’ancienne biographie provençale, appuyée de recherches sur les comtes de Périgord, les vicomtes de Turenne, de Ventadour, de Comborn, de Limoges et quelques autres familles, Paris 1914. SW = E. Levy, Provenzalisches Supplement-Wörterbuch, 8 voll., Leipzig 1894-1924. Thiry 1978 : C. Thiry, La plainte fenèbre, Turnhout 1978. Tocco 1884 : F. Tocco, L’eresia nel Medioevo, Firenze 1884. Varvaro 1960 : A. Varvaro, Rigaut de Berbezilh, Liriche, Bari 1960. Wiacek 1968 : W. M. Wiacek, Lexique des noms géographiques et ethniques dans les poésies des troubadours des XIIe et XIIIe siècles, Paris 1968.

93

Manuel Negri 

Osservazioni metriche sull’alessandrino dei trovatori provenzali Il gruppo Frank 3* Sin dagli inizi della sua apparizione in poesia, risulta chiaro che l’alessandrino « n’est pas celui dans lequel on chante l’amour humain » (Cerquiglini-Toulet 2010 : 59), facendo la sua comparsa in modo più frequente in un contesto di organizzazione strofica che deriva direttamente dalla lirica a sfondo religioso, ossia la quartina monorima. Jacqueline Cerquiglini-Toulet ha offerto, per questo verso, una sintetica ma efficace descrizione connessa col suo utilizzo che può avere una certa utilità anche per inquadrare i termini generali della sua applicazione nella poesia trobadorica. La studiosa sottolinea infatti come l’impiego dell’alessandrino dipenda in primo luogo dalle caratteristiche tonali e metriche di questo verso : da qui si genera la distinzione tra quello che definisce “impiego tonale”, che punta sulla gravità di tono proprio dell’iterazione intrinseca del verso lungo, e “impiego strutturale”, che individua invece come posizione privilegiata di questo verso l’incipit o l’explicit di strofe polisillabiche. Quest’ultima prassi deriverebbe dal suo utilizzo in contesti poetici di materia religiosa dove risulta costante la ricerca di un effetto di sacralità e di solennità generale attraverso la lavorazione e l’estensione del materiale metrico che incornicia i componimenti. Se già questo lascia intuire una certa rarità del verso alessandrino in contesti lirici di argomento amoroso (e dunque profano), ne consegue che la sua comunque scarsa presenza nella poesia dei trovatori diviene alquanto significativa nella declinazione degli stessi argomenti che supporta e veicola.

1. L’alessandrino nella tradizione letteraria francese Entrando nel dettaglio della tradizione letteraria, risulta necessario integrare a quanto rilevato da Cerquiglini anche l’osservazione di Knud Togeby (1963 : 240) quando afferma che, in realtà, la storia del verso alessandrino nel corso del Medioevo



*

Questo contributo è frutto della ripresa e dell’aggiornamento di una parte della mia tesi di laura, Il verso alessandrino nei trovatori, risalente ormai al 2011 e diretta dal prof. Furio Brugnolo dell’Università degli Studi di Padova. Nonostante sia già trascorso molto tempo da quel lavoro, vorrei rinnovare al prof. Brugnolo la mia riconoscenza per avermi permesso, proprio con questo argomento poco battuto, di iniziare ad addentrarmi per le strade della ricerca sul piano metrico e retorico.

Manuel Negri • Universidade de Santiago de Compostela • [email protected] Trans-mission. Création et hybridation dans le domaine d’oc, éd. par Fabio BARBERINI et Camilla TALFANI, Turnhout, 2022 (Publications de l’Association Internationale d’Études Occitanes, 14), p. 95-111.

© FHG

DOI 10.1484/M.PAIEO-EB.5.126417

96

m a n ue l n egr i

francese non si sviluppa lungo una sola direttrice, ma prende ben tre percorsi differenti. Se, infatti, sono tre i luoghi principali di organizzazione metrica dove esso compare e inizia a svilupparsi (indipendentemente dai generi letterari in cui lo si ritrova nel corso del XII sec.) – ossia lasse, strofe e singoli versi –, sempre tre sono le tappe fondamentali della sua apparizione nonché di un suo utilizzo organico in letteratura : il Pelerinage de Charlemagne (1150 ca.), il Roman d’Alexandre (da cui deriva il nome ‘alessandrino’) e i sonetti della Pléiade di Pierre de Ronsard nel più tardo 1555 dopo una eclissi nel corso di tutto il XIV e il XV sec. In mezzo a queste, si dovrebbe aggiungere però anche una quarta tappa, coincidente proprio con la stagione della lirica occitanica durante il secolo XIII. Si tratta di una presenza che, come si vedrà, risulta scarsa dal punto di vista quantitativo, ma sulla quale è tuttavia opportuno fare delle riflessioni1. Evrart de Conty, nella dissertazione dal titolo Livre des échecs amoreux moralisés (Guichard Tesson – Roy 1993), riserva all’alessandrino un’attenzione particolare ribadendo più volte che la percezione dei valori di questo verso si ha soprattutto nei processi di riversificazione di alcune opere proprio con l’impiego di quest’ultimo. Per Evrart – e tale riflessione potrebbe avere una sua validità anche nel campo della poesia occitana – il XIII sec. si rivela fondamentale nella prassi riversificatoria che riguarda le chansons de geste ; prassi che avrebbe potuto influenzare non solo, in modo indiretto, anche le scelte metriche della poesia coeva, ma pure la percezione del valore del verso alessandrino tra gli stessi trovatori2. Le prime sporadiche apparizioni del verso lungo si hanno in un periodo compreso tra il 1150 e il 1170 circa3. In seguito, tale verso appare in quello che è stato definito come il primo testo francese in alessandrini, ossia Li ver del suise (opera di origine liegese), anche se in questo sermone la sua caratterizzazione appare ancora piuttosto debole. Una vera e propria ‘moda dell’alessandrino’, che testimonia un suo utilizzo ormai consapevole e un controllo maturo della sua forza espressiva, si registra solo







1 La precisazione riguarda ovviamente la letteratura d’oc e d’oïl, ma l’uso dell’alessandrino si attesta anche in altre tradizioni poetiche come quella galego-portoghese, senza contare il ruolo di tutto rispetto ricoperto nella poesia medievale castigliana. Per quanto riguarda la lirica religiosa galegoportoghese medievale, ossia le Cantigas de Santa Maria, l’alessandrino si ritaglia uno spazio particolare grazie all’attività culturale del sovrano Alfonso X il Saggio, sebbene le ragioni che sottostanno al suo impiego non siano ancora state ben definite. A tal proposito, si rimanda alla consultazione di Hansenn (1913) e González-Blanco – del Rio Riande (2012). 2 In merito alla ‘percezione’ del valore del verso alessandrino nel contesto della cultura trobadorica, una testimonianza indiretta potrebbe essere rappresentata da uno stralcio delle Leys d’Amors di Guilhem Molinier, redatte tra il 1324 e il 1341. Con l’esempio de La contemplatio de la Croiz, l’uso del verso lungo, quando si tratta di poesia che non accolga la classica tematica amorosa, al di fuori della poesia trobadorica appare confinato solamente a poemi di materia religiosa. Cfr. Anglade (1919 : 70-92 ; Dels bordos de .XII. sillabas). 3 Sempre Togeby (1963 : 244) data il Pelerinage al 1150, sostenendo che si tratti della parodia dell’infelice partecipazione di Luigi VII alla seconda crociata. Tale spostamento si rivela alquanto significativo poiché consentirebbe di affermare che la prima apparizione dell’alessandrino (seppur con caratteristiche vaghe ed imprecise) sia da anticiparsi attorno all’anno 1120 nel ritornello dello Sponsus, testo di carattere religioso ma soprattutto di area occitanica. Sullo Sponsus, cfr. Avalle (1965).

os s e rva zio n i m e t r i c h e s u l l’al e s s an d r i n o de i t rovato ri prove nzali

successivamente, cominciando proprio nelle lasse delle chansons de croisade4. Proprio qui, in particolare, l’adozione di un verso di lunghezza maggiore rispetto agli abituali sembra rispondere all’esigenza di amplificare i contenuti tentando di proiettarli in un lontano passato sfruttando il tono solenne garantito dalla lunghezza del verso. È proprio a questo punto che il verso alessandrino inizia la sua ascesa in campo letterario. Saranno infatti alcuni temi orientaleggianti, ispirati alla poesia arabobizantina, a spingere Raymond d’Antioche a adottare l’alessandrino nei suoi Chetifs, così come in seguito – per le medesime ragioni – Lambert le Tort opterà per tale forma metrica (a rime piane) per la riversificazione e continuazione dell’Alexandre, ossia l’Alexandre en Orient. Se si considera il fatto che le prime versioni del Roman presentavano l’impianto delle canzoni di gesta costituito da lasse rimate di octosyllabes (come accade in Albéric de Pisançon, 1120 ca.) e décasyllabes (1160 ca.) e che trattavano dell’infanzia del celebre condottiero macedone (Roncaglia 1963), si può notare chiaramente come la tematica orientale abbia veicolato l’adozione di un verso metricamente più esteso e dal conseguente tono celebrativo. Ecco che si può rilevare, d’accordo con Togeby (1963 : 254-255), un rapporto tra l’impiego dell’alessandrino nei poemi sulla crociata e la sua introduzione nel Roman d’Alexandre nelle sue rielaborazioni posteriori. In seguito, il verso alessandrino troverà ospitalità nelle cronache in rima fino a raggiungere l’apice del successo nelle canzoni di gesta e nei poemi religiosi del sec. XIII.

2. Caratteristiche formali del verso alessandrino Quanto alle caratteristiche formali, il verso alessandrino presenta di norma una cesura primaria dopo la sesta sillaba tonica. La sillaba portatrice di accento può essere seguita da una sillaba atona che non presenta pertanto rilevanza ai fini del computo metrico. Lo stesso può avvenire dopo l’ultima vocale tonica del verso, cioè al termine del secondo emistichio. Se ne deduce che l’alessandrino francese o occitano – e questo lo si potrà riscontrare a sufficienza anche nella poesia trobadorica – può contare dodici, tredici o quattordici sillabe. Nella sua configurazione di base si organizza nello schema 6 + 6, con entrambi gli emistichi a terminazione maschile. Qualora si avessero invece i tipi 6’ + 6 o 6 + 6’ – sebbene quest’ultimo sia meno diffuso – il numero delle sillabe effettive risulterebbe essere tredici. Nel caso infine della tipologia 6’ + 6’, le sillabe diventano quattordici dando vita ad un verso composto da due emistichi ad uscita femminile. Se, dal punto di vista sincronico, oggi l’alessandrino si presta ad una chiara descrizione formale, volendone indagare le origini ci si imbatte in opinioni ed ipotesi divergenti che mettono in luce tutta la difficoltà del problema. Tra le varie teorie relative ai suoi precedenti metrici – per la discussione delle quali si rimanda

4 Con chansons de croisade ci si riferisce qui a quei poemi che impiegano come metro il verso alessandrino e non al sotto-genere trobadorico della ‘canzone di crociata’.

97

98

m a n ue l n egr i

a Lote (1973) – sono stati proposti l’esametro (Davidson), l’ascepliadeo (Gautier), il trimetro giambico (Burger) o la prosa ritmica (Marouzeau). Il tentativo di associare l’alessandrino all’esametro – verso per eccellenza dell’epica latina – si accompagna già alla fase di sostituzione progressiva del décasyllabe nelle canzoni di gesta durante il XIII sec. e si mostra quindi come un’identificazione piuttosto forzata che alla base parrebbe presentare come elemento di peso solamente il bisogno di legittimazione poetico-letteraria dello stesso. La questione rimane aperta e lo stesso Togeby (1963 : 244) non escludeva l’ipotesi che la formazione dell’alessandrino fosse da ricercarsi in un’espansione metrica di versi brevi avvenuta in ambito romanzo (o in un loro successivo accostamento) e non già derivata in linea diretta dal sistema latino.

3. Il Gruppo Frank 3: alessandrini a terminazione femminile Dopo aver inquadrato brevemente le peculiarità formali e la storia dell’apparizione di questo verso, il presente contributo vuole fare luce sulle caratteristiche degli alessandrini a terminazione femminile impiegati dai trovatori in strofi monome­ triche (12’)5, cercando, qualora possibile, di individuare una qualche costante nel trattamento della sintassi del verso e nel tipo di temi da essi veicolati. Come si è già anticipato nel titolo di questo studio, a presentare tale tipo di alessandrini è il gruppo di componimenti classificato da Frank sotto la formula nº 3. Si hanno, nello specifico, coblas formate da sei alessandrini monorimi nei quali però non si riscontrano cesure epiche tra i due emistichi (tipo 6 + 6’)6. Lo schema è pertanto il seguente per tutti i componimenti censiti : a12’ a12’ a12’ a12’ a12’ a12’. Per quanto riguarda i generi coinvolti, si hanno quattro sirventes, una tenso, una cobla, una canso – l’unica dell’intero gruppo – e uno scambio di coblas7:





5 L’analisi, che qui, per questioni di spazio, si limita a prendere in considerazione gli alessandrini del gruppo Frank 3 (rimandando pertanto i componimenti del gruppo Frank 5, costituiti sempre da alessandrini monirimi, a contributi futuri), si sviluppa a partire dall’unico precedente di studio fino ad ora apparso sull’argomento : Sakari (1961). Lo studioso si riferiva al gruppo qui preso in esame col nome di « Groupe I ». Il censimento dei componimenti che impiegano questo tipo di verso è stato effettuato tenendo conto anche dei risultati ricavati dall’interrogazione del database BEdT. 6 Sull’utilizzo delle terminologie ‘cesura italiana’ e ‘cesura epica’, cfr. Chambers (1985 : 18-19). 7 Cfr. ancora Cerquiglini-Toulet (2010 : 94) per questa prima circoscrizione nell’utilizzo dell’alessandrino in contesti poetici non d’amore : « L’amour n’est pas une des matières traitées avec prédilection par l’alexandrin à moins que cet amour ne soit tourné vers Dieu ou vers la Vierge ». L’osservazione è interessante, se si pensa che nella poesia trobadorica, oltre ai casi analizzati, in altri componimenti eterometrici l’alessandrino viene impiegato nella parte introduttiva dell’alba religiosa di FqRom (BEdT 156,15), nonché nella pastorela in forma di dansa da GrEsp (BEdT 244,8). Sulla prima, cfr. Chambers (1985 : 211-212); per la pastorella di GrEsp, si rimanda all’edizione e all’approfondito studio metrico di Radaelli (2004). Si aggiunge però che l’uso dell’alessandrino in strutture strofiche monorimiche avvicinano questi testi a una versificazione di tipo epico ; cfr. Di Luca (2008).

os s e rva zio n i m e t r i c h e s u l l’al e s s an d r i n o de i t rovato ri prove nzali

3.1 GlSt-Did, Pois tant mi forss’amor (BEdT 234,16 ; Frank 3:4) 3.2 FqMar, Vermillon, clam vos fatz (BEdT 155,25 ; Frank 3:3) 3.3 JaGrill, Per o car vos fegnetz (BEdT 258,1a ; Frank 3:8) 3.4 GlTor, Un sirventes farai (BEdT 236,11 ; Frank 3:6) 3.5 GlTor, Pos n’Aimerics a fait (BEdT 236,5a ; Frank 3:5) 3.6 Sord, Toz hom me van disen (BEdT 437,37 ; Frank 3:8) 3.7 EvCler, Peire de Maensac (BEdT 95,2 ; Frank 3:1) 3.8 DalfAlv, Vergoign’aura breuem (BEdT 119,9 ; Frank 3:2). 3.1. GlSt-Did, Pois tant mi forss’amors que m’a faich entremetre (BEdT 234,16 ; Frank 3:4)

Si tratta dell’unica canso (ed. Sakari 1956 : 153)8 composta interamente con questo tipo di metro in ambito occitano. La sua redazione, come già sottolineava Aimo Sakari, sembra essere contemporanea – se non di poco anteriore – alla redazione dodecasillabica del Roman d’Alexandre9. GlSt-Did si muoverebbe dunque già in quel clima culturale favorevole alla ricezione del verso alessandrino come strumento capace di fornire quel « plus-value esthétique » a cui si è già fatto cenno (Cerquiglini-Toulet 2010 : 91), soprattutto in relazione alla tematica dell’incondizionata fedeltà d’amore riservata dal poeta ad una dama degna di essere servita più di ogni altra donna. Qui però ci si discosta dalla tradizionale tematica cortese e il discorso poetico assume, con un sottile velo d’ironia, i toni del change. Le sette coblas monorime si strutturano secondo il procedimento delle coblas capfinidas, che danno luogo a livello strofico ad un continuo movimento di avanzamento e di ripresa dei concetti, funzionale al discorso dalle tinte didascaliche che GlSt-Did si prefigge di formulare10; non solo in quanto si rivela mirato a portare all’estremo un’esemplare e, al contempo, ironica vicenda cortese (sempre pronta al rovesciamento dei toni), ma anche volto a spingersi sempre più in profondità per delineare le dinamiche psicologiche del paradosso della poesia di corte11. La quinta cobla, sintesi mirabile della classica condizione dell’amante, consente di entrare nel vivo della questione, notando come a livello metrico tale movimento 8 Della canso si conosce la melodia, trasmessa dai canzonieri R e G. Su questo aspetto, cfr. Chaillou (2013 : 205); si veda anche Chambers (1985 : 173-174). 9 Sakari (1956 : 35-36). La nascita del trovatore si deve situare probabilmente attorno agli anni 11301140. Nel luglio del 1165, il nome di W. Sancti Desiderii compare in una bolla emanata dal pontefice Alessandro III in merito ai luoghi che si trovavano sotto la giurisdizione del vescovo del Puy. Su questo, cfr. Guida – Larghi (2014 : 273). 10 Su questo procedimento, si rimanda a Chambers (1985 : 174). 11 Sull’efficacia del verso lungo a fini didascalici e morali, si veda ancora Cerquiglini-Toulet (2010 : 91). La studiosa porta il classico esempio del Sermo di Cerveri de Girona della fine del sec. XIII. Quanto al testo di GlSt-Did, la razo di BEdT 234,16 racconta – sebbene l’occasione sia inverosimile – che il componimento sia scaturito da una fellonia subita dall’amico Ugo Marescal, il quale avrebbe approfittato dell’ospitalità di GlSt-Did per passare una notte d’amore con l’amata del poeta. La razo, se da una parte aggiunge dettagli romanzeschi difficilmente credibili, ha tuttavia il merito di avvertire i lettori sulle straordinarie contingenze della canso, che pertanto si situerà – nei toni e nei contenuti – ai limiti della poesia cortese, disvelando così il suo orizzonte di ricezione. Per un riassunto della razo, cfr. Guida – Larghi (2014 : 274).

99

1 00

m a n ue l n egr i

argomentativo a cui si è fatto cenno venga suggerito concretamente da un verso alessandrino plasmato con peculiari caratteristiche : Retener non puosc mais lo desir ni esbatre c’a totz jorns creis e nais e no·l puosc escombatre ; trop m’i fetz en fols plais mon ferm voler desbatre.

25 27

Evidente infatti è la serie di rime interne in cesura (mais : nais : plais) che perseguono l’obiettivo di mettere in evidenza la bipartizione dell’alessandrino in due emistichi e quindi di far percepire in modo netto la cesura maschile che li caratterizza12. Si è ancora all’interno di quegli accorgimenti sentiti come necessari per ridurre al massimo l’impatto innovativo offerto dal verso lungo dal punto di vista metrico-musicale, che qui presenta ovunque una terminazione femminile (tipologia non impiegata nell’epica e dal timbro più lirico) o, in alternativa, per ricercare dei supporti verbali volti a dare simmetria all’interno di singole frasi musicali piuttosto estese. Il tutto però non si esaurirebbe sul piano retorico e musicale, in quanto il verso sembra plasmato per supportare il tono argomentativo della canzone. Si noti infatti che la stessa costruzione non puosc + verbo inf. (v. 25 retener non puosc ; v. 26 nol puosc escombatre) assume una struttura chiastica che si avvolge attorno alla rima paronomastica mais : nais. La percezione del ristabilimento di un seppur parziale equilibrio argomentativo si ha proprio alla fine del v. 26 grazie a tale struttura speculare, nella quale – come spesso accade nel corso dell’intero componimento – il secondo emistichio a terminazione femminile ospita i concetti più affinati e concreti. Altri esempi possono rinforzare tale ipotesi, offrendo una visione sistematica di tale procedimento all’interno della canzone, sebbene con alcune complicazioni maggiori. Riecco, dapprima, una rispondenza fonica in corrispondenza della cesura di sesta ai vv. 1-3 (amor : aillors): Pois tant mi forss’Amor que m’a faich entremetre c’a la genssor del mon aus ma chansson trametre, e pois non auz aillors mon fin cor esdemetre, ben deur’enplegar mon sotil sen e metre si·l plagues qe·m laisses en son servizi metre cill cui hom liges sui ses dar e ses prometre.

3 6

Amor è in rima interna con genssor (v. 2) e la rispondenza vuole quasi marcare il mot clef che compare subito nel primo verso. Si hanno, inoltre, rimandi fonici in -or (Amor : genssor : aillors, vv. 1-3) in prossimità della cesura di sesta (tranne che per il genssor al v. 2, la cui anticipazione contribuisce maggiormente a sottolineare l’Amor del primo verso) che mettono in relazione ‘verticalmente’ i primi emistichi rendendoli blocchi a sé stanti nel tessuto metrico complessivo ; e si aggiunga anche la volontà di far percepire il verso come costituito chiaramente da due semi-versi mediante le

12 Per ulteriori osservazioni metriche e retoriche, si rimanda sempre a Chambers (1985 : 173-174).

os s e rva zio n i m e t r i c h e s u l l’al e s s an d r i n o de i t rovato ri prove nzali

reiterate somiglianze foniche che quasi rispecchiano, all’interno dell’alessandrino, la rima in coda13. La rima è basata, per ogni cobla, su un singolo tema lessicale. Tuttavia, la novità introdotta da GlSt-Did consiste nel far percepire l’identità dei due emistichi anche attraverso la ripresa di termini analoghi o che hanno parziale identità a livello fonetico all’inizio dei secondi emistichi a terminazione femminile (es. mon : mon, vv. 3-4). Si tratta dunque di un verso lungo al quale viene affidato il compito di veicolare un gioco letterario che si riflette nei contenuti, essendo non solo al servizio di una poetica argomentativa e dal forte impianto didascalico, ma che si carica, di tanto in tanto, di un senso di inappagamento e tensione come accade al v. 26 (C’a totz jorns creis e nais e no·l puosc escombatre), sebbene qui nais si renda complice della monoliticità del primo emistichio (preso in relazione col mais del v. 25 e con il plais del v. 27); dal suo canto, la congiunzione e fa avanzare il discorso con un’amplificazione sintattica che si assesta in un’amara constatazione di impotenza ad agire (e no·l puosc escombatre). Altri esempi che enfatizzano la marcata cesurazione dell’alessandrino impiegato in Pois tant mi forss’amor (e che presentano sempre le dinamiche già descritte) si hanno ai vv. 8 e 14 (Mais que s’autra del non m’auges joia trasmessa ; Ni nuill’autra del mon no·m pot gran joi atraire), dove una stessa formula sintattica (s’autra del mon) che esprime la castrata volontà di un change viene ripresa a distanza tra la seconda e la terza cobla in posizione analoga, ossia nel primo emistichio del secondo verso di ogni stanza, nonché tra la terza e la sesta sillaba. Si vedano anche, a tal proposito, i vv. 11-12 : Mon ferm voler ves tal que, si·m sal sains ni messa, / eu no·il aus descobrir qe·i aia m’amor messa. Si tratta di versi fortemente segmentati pure all’interno degli stessi emistichi e che affidano ai secondi emistichi le subordinate, tradendo pertanto una certa rigidità e linearità d’impostazione (si noti, a tal proposito, l’inciso introdotto da si·m). Si esamini ancora il v. 21 (Pero d’aitant la prec, s’a lieis platz que·m manteigna) nel quale, dopo aver fornito una parvenza di compiutezza e di chiusa circolarità al primo emistichio grazie ad un gioco di assonanza e di consonanza tra Pero e prec, si relegano subordinata ed oggettiva al secondo emistichio, spezzando al contempo l’eccessiva linearità proprio mediante l’inserimento dell’inciso cortese s’a lieis platz. 3.2. FqMar, Vermillon, clam vos fatz d’un’avol pega pemcha (BEdT 155,25 ; Frank 3:3)

Lo stesso trattamento del verso lungo visto nella canzone di GlSt-Did si ritrova in quello che è stato definito dalla critica come estribot, elaborato da FqMar14. Per il

13 Tale rima non ha valenza strutturale. A livello di schema metrico, una proposta alternativa come quella di scomporre il verso lungo considerando ciascun emistichio come verso a sé stante appare dunque infondata. 14 Sulle ragioni di tale categorizzazione, cfr. Squillacioti (1999 : 439-440) e Vatteroni (1990). Occorre però segnalare che la cobla in questione manca di una autodenominazione iniziale, come invece appare nei componimenti PCard, Un estribot farai, que er mot maistraz (BEdT 335,64) e Palais, Un estribot farai don sui aperceubuz (BEdT 315,5), unici esempi pervenuti di estribot nella lirica occitana, e di un verso estramp finale (forse simile al petit vers epico) che sembrerebbe accomunare i componimenti di

101

102

m a n ue l n egr i

suo componimento, il trovatore sembrerebbe prendere spunto dai vv. 19-20 della sua canzone Molt i fetz gran pechat Amors (BEdT 155,14). Lasciando ora da parte la sua appartenenza o meno al genere estribot – il che obbligherebbe ad uno studio comparato con altre tradizioni poetiche della Romània – si riporta di seguito l’intera cobla. Anche qui si è in presenza di un componimento dalla tematica non tradizionale in fatto di cortesia. Si tratta infatti di un irriverente clam nei confronti di una domna descritta come sfrontata e non certo degna di essere l’oggetto dell’interesse poetico del trovatore15: Vermillon, clam vos faç d’un’avol pega pemcha qe m’a una cançon degolada et estencha qe di qe fi de lei, e s’es vanada et feimcha q’eu l’apellei Aut-Ram don il s’es aut empencha : il men, q’eu non plei ram qi tan leu fraing ni trencha, ni vo[i]l branca tochar de qe leu ma man tencha.

3 6

La cobla del trovatore genovese diviene il veicolo di una polemica anti-cortese nel presentare con comico stupore quell’avol pega pemcha che si era illusa di essere la destinataria di un suo componimento precedente16. L’alessandrino di Vermillon, clam vos faç presenta le medesime caratteristiche di quello già impiegato da GlSt-Did : la cesura è molto marcata e per tutti i versi è da rilevare una perfetta congruenza tra la cesurazione primaria e l’organizzazione sintattica dei costituenti. I secondi emistichi vengono riservati, nell’ordine, all’oggetto del discorso (d’un’avol pega pemcha, v. 1), ad una coppia di aggettivi volta a specificare le qualità della chançon precedente (degolada et estencha, v. 2), nonché ad una serie di subordinate ai vv. 4-6 ; tutti elementi che dal punto di vista sintattico sono certamente secondari, ma che, al contempo, si rendono rilevanti ai fini del significato. Si vedano ancora, a titolo di esempio, i vv. 1-2 : Vermillon, clam vos faç d’un’avol pega pemcha / qe m’a una chançon degolada et estencha. La cesura nell’alessandrino di FqMar viene marcata anche grazie ad alcuni artifici di carattere fonico, come si può dedurre dalla rima al mezzo tra il senhal presentato al v. 4 (Aut-Ram) e il pleiram del v. 5. Oltre a perseguire l’effetto di perentorietà del tono in contrasto con la leggerezza del tema, tale organizzazione rigida del verso si rivela

questo genere nei secc. XII e XIII. Un contributo ragionato sulla questione è offerto da Vallín Blanco (2001 : 537-547) in ottica pan-romanza, sebbene la studiosa si soffermi sulla lirica Mort’é Don Martin Marcos, ai Deus, se é verdade? del trovatore galego Pero da Ponte, altro esempio di componimento in alessandrini monorimi stavolta della poesia galego-portoghese. Dato che la definizione del genere al quale il componimento appartiene non costituisce l’obiettivo principale del presente studio, si preferisce al momento la generica definizione di cobla che si configura molto più prudentemente come un termine generico improntato alla descrizione formale ed utilizzato anche in Sakari (1961 : 118). 15 Il testo si riprende da Squillacioti (1999 : 438). Nonostante la mise en page ad emistichi separati da parte del copista di Q – dove i testi rimanenti sono sempre copiati rispettando identità di rigo e verso ad eccezione di un altro componimento – si osserva come nella strofa in questione la sola identità rimica a distanza sia in realtà relativa ai primi emistichi (mon : mon ; vv. 2 e 4). Nel riportare dunque il testo si diverge dalla presentazione grafica adottata da Squillacioti, che separa gli emistichi con un lieve spazio, pur presentandoli nella stessa linea. Si torna dunque a considerare il tipo di impaginazione già proposto da Stroński (1910 : 72). 16 Sull’estribot, cfr. Chambers (1984 : 85-86). I primi esempi noti di questo tipo di satira rivolta a figure religiose (nello specifico, contro dei monaci) sono quelli dei già citati PCard e di Palais.

os s e rva zio n i m e t r i c h e s u l l’al e s s an d r i n o de i t rovato ri prove nzali

funzionale a potenziare ulteriormente quello che si potrebbe definire ‘effetto cataforico’ che, oltre a prodursi all’interno del verso stesso mediante una pausa sintattica forte che obbliga ad una pausa di lettura – o di cantato, avendo sempre in mente l’eventuale esecuzione della lirica – si genera anche tra verso e verso, nello specifico tra i vv. 3 e 4 : qe di qe fi de lei, e s’es vanada et feimcha q’eu l’appellei Aut-Ram don il s’es aut empencha. La marcatura in grassetto vuole sottolineare quella che, a tutti gli effetti, finisce col configurarsi come una inarcatura sintattica, nella quale il réjet al v. 4 è portatore di un completamento semantico inaspettato17. Si noti infatti come i comportamenti della donna (s’es vanada et feimcha) potrebbero trovare apparente giustificazione – oltre che compiutezza – solamente in riferimento alla causa della composizione della stessa canzone, fatto presentato nel primo emistichio del v. 3 ; in realtà, è il senhal successivo (Aut-Ram) a generare il fraintendimento : ecco allora che è proprio il primo emistichio, per via del suo valore e della sua posizione, che obbliga ad una pausa di lettura e che permette la generazione di un alessandrino per così dire ‘virtuale’, inarcato, avente come costituenti il secondo emistichio del v. 3 e il primo emistichio del v. 4. Il fatto che sia poi il luogo ove compare l’unica rima interna della cobla conferma l’abilità e la consapevolezza versificatoria del futuro vescovo di Tolosa, capace di utilizzare particolari risorse metriche e retoriche per convogliare l’attenzione sul senhal lì indicato, vera e propria immagine-tema attorno alla quale ruota l’intera cobla18. 3.3. JaGrill, Per o car vos fegnetz de sotilment entendre (BEdT 258,1a ; Frank 3:8)

Si riportano le prime due coblas di questo partimen di argomento scherzoso, a lungo considerate una prova per determinare come modello di riferimento per il gruppo Frank 3 la canzone di GlSt-Did Pois tant mi forss’amors, data la ripresa della rima rara in -endre sul modello dell’ultima cobla (ed. Branciforti 1954 : 170): Per o car vos fegnetz de sotilment entendre, vos prec qe·m respondatz, en Lafranc, ses atendre : qals es la piegiers res, e si met grant e mendre, qe sia en est mond, q’om tochar puesc’o prendre? E si aizo·m dires, del cobleiar defendre vos poires ab chascun q’ab vos voilla contendre. En Iacme, pos vos plac vostr’arc sobre mi tendre, a zo qe·m demandatz vos voil tal respos rendre

3 6

17 Risulta azzardato parlare di enjambement. Si ricordi che qui, oltre a rimanere in un contesto performativo-musicale, non vi sono apparenti forzature nella catena sintattica. 18 Sembra alquanto impietoso il giudizio di Squillacioti (1999 : 92) che la definisce come « la poesia stilisticamente meno elevata di Folchetto », soprattutto se si considerano tali artifici che, seppur in numero ridotto a causa del materiale metrico poco esteso, sono comunque indizio di una raffinata consapevolezza poetica.

103

104

m a n ue l n egr i

don ia vos no·m poschatz encolpar ni reprendre : la lengu’es tot lo piegz e·l miels c’om pot comprendre e cella qi pot mais pron tener e offendre ; e s’al re sabetz piegz, de vos o voil aprendre.

9 12

La presenza del termine prendre (v. 4) in rima, che instaura un rapporto di felice derivazione o di generazione a distanza con reprendre (v. 9), comprendre (v. 10) e aprendre (v. 12), oltre a confermare l’abilità di JaGrill nel realizzare rispondenze foniche volutamente serrate per legare a due a due le coblas, confermerebbe ulteriormente il contrafactum a partire dalla canzone di GlSt-Did. Inoltre, la vicinanza al modello potrebbe essere suggerita anche dalle caratteristiche comuni del verso alessandrino impiegato. La seconda cobla contiene la risposta al quesito posto a Lanfranc Cigala sulla “peggior cosa che possa accadere al mondo” ed è il primo luogo di organizzazione metrica dove l’alessandrino viene piegato ad esigenze argomentative e dove i tratti già delineati per la canzone di GlSt-Did vengono portati all’estremo, nel tentativo di marcare il più possibile il contrasto tra il tono solenne del verso e la leggerezza del tema trattato. Ai vv. 8 e 9 (a zo qe·m demandatz vos voil tal respos rendre / don ia vos no·m poschatz encolpar ni reprendre), la rima interna demandatz : poschatz, oltre a marcare la cesura canonica di sesta, mette in evidenza la forma verbale alla seconda persona singolare : è questo infatti il luogo dell’azione verbale nel partimen, o meglio quello che prepara il più compiuto atto verbale specificato nelle modalità e nei contenuti nei secondi emistichi. Si veda, a tal proposito, la rispondenza a distanza – nonché nel medesimo luogo versale, nello spazio tra quarta e sesta sillaba – tra la coppia di verbi dal significato speculare (respondatz : demandatz) funzionali a dotare di circolarità il componimento e a fornire quella compiutezza concettuale che richiedono le tenzoni al termine di ogni nucleo argomentativo. Ad una caratterizzazione del verso alessandrino come fortemente spezzato contribuiscono anche altri due versi della seconda cobla, dove i rimandi interni si fanno più complessi. Oltre ad avere un’identità fonica totale ai vv. 10 e 12 (la lengu’es tot lo piegz e·l miels c’om pot comprendre ; e s’al re sabetz piegz, de vos o voil aprendre), grazie ad una rima interna piegz : piegz – ma non identica, poiché nel primo caso piegz è sostantivo mentre nel secondo acquista valore avverbiale –, si noti come il sabetz del v. 12 si ponga in consonanza con il demandatz del v. 8 e con il poschatz del v. 9 chiudendo con grande abilità la catena di rimandi fonici e assumendo al contempo la funzione di punto fermo del discorso ; di ragionamento concluso che si riflette nella stessa struttura del verso alessandrino affinché la parola possa in seguito passare nuovamente a JaGrill. La perentorietà di questo verso è data inoltre da un evidente contraccento di 5ª (e | s’al | re | sa | bétz | piégz). Se, da un lato, gli alessandrini fortemente spezzati della seconda cobla contribu­ iscono a conferire una marcata didascalicità al ragionamento di Lafranc, dall’altro ne irrigidiscono al contempo la posizione concettuale, tradendo la volontà di JaGrill di mettere quanto più possibile in ridicolo la posizione del suo avversario poetico. Al contrario, JaGrill presenta la sua risposta con degli alessandrini che introducono una scorrevolezza spesso sconosciuta nei versi lunghi dei suoi contemporanei, ma senza rifuggire dai suoi tratti abituali. Di tutto questo, un esempio è offerto dal v. 15 : car la

os s e rva zio n i m e t r i c h e s u l l’al e s s an d r i n o de i t rovato ri prove nzali

lengua non ha poder mas qant del dire. Qui la canonica cesura di sesta si trova infatti nel mezzo di due elementi fortemente dipendenti l’un l’altro, ossia un verbo e il suo complemento diretto (ha | poder): si tratta inevitabilmente di una scelta sintattica che obbliga ad una lenizione della pausa di sesta e conseguentemente alla lettura continuata della catena risultante. A conferma della mobilità interna dell’alessandrino di JaGrill, sempre al servizio di un discorso che, rispetto alle parti di Lafranc, vuole mostrarsi articolato e non impacciato, si prendano in considerazione anche i vv. 17 e 18 : donc es pegiers cellui, don mou lo mals : ’scondire no·us en podetz, s’ieu ia haia zo q’ieu dezire. È evidente che l’enjambement con il verbo [e]scondire come controrigetto e il complemento diretto no·us come réjet, crea quel senso di attesa che spinge in avanti il discorso e che permette all’unità sintattica e semantica della frase ipotetica s’ieu ia haia zo q’ieu dezire di invadere lo spazio metrico riservato al primo emistichio di ben due piedi. È inoltre a questa frase ipotetica che il trovatore affida l’auspicio della sua ‘vittoria’ nel partimen grazie a dei ragionamenti capaci di scardinare la visione concettuale dell’avversario. 3.4. GlTor, Un sirventes farai d’una trista persona (BEdT 236,11 ; Frank 3:6) 3.5. GlTor, Pos n’Aimerics a fait far mesclança e batailla (BEdT 236,5a ; Frank 3:5)

All’alessandrino ‘ibrido’ di JaGrill si contrappone quello interamente statico e a cadenza monotona del trovatore GlTor nel suo sirventese diretto contro un certo Porc Armat de Cremona (ed. Negri 2006 : 75), personaggio nominato nel secondo emistichio del v. 6 del componimento che in Frank è schedato sotto la formula 3:6. Si tratta certo di un verso statico, ma, ancora una volta, questa staticità appare funzionale ad amplificare l’effetto parodico prefissato dal componimento. Come primo esempio, si veda ciò che accade ai vv. 2-3 : qui mal fai e mal ditz e mal met e mal dona e mal joga e mal ri e mal parla e pieitz sona. Si assiste qui ad un magistrale procedimento anaforico che serve a tratteggiare, in una sorta di climax ascendente, tutto il campionario di difetti attribuiti alla figura del Porc Armat (il quale, però, verrà nominato in modo esplicito solo tre versi dopo mediante l’apposito senhal belluino). Tale procedimento rende il verso scorrevole in apparenza grazie alle congiunzioni reiterate, ma al contempo, se colto nell’insieme, genera una sensazione di staticità, avvicinando il passo ad una specie di sequenza di stampo canzonatorio. Tutto questo, ovviamente, risulta funzionale a mettere alla berlina il bersaglio della satira. Il v. 6, dove viene nominato il destinatario del sirventes, presenta una forte cesura­ zione. Il primo emistichio ospita una domanda retorica rivolta al lettore/ascoltatore sull’identità del bersaglio ; nel secondo se ne offre la risposta, con un emistichio interamente formato dal senhal che lo identifica : Sabetz cum el ha nom? Porc Armat

105

1 06

m a n ue l n egr i

de Cremona. Si vedano altri esempi, nei quali vari procedimenti retorici concorrono al rallentamento del ritmo obbligando così a soffermarsi sulle rappresentazioni riguardanti il soggetto denigrato, come, ad esempio, l’impiego di una rima interna equivoca che spezza in modo netto il verso lungo ai vv. 16-17 : et ella volria anz, s’il tot de lieis si vana, / q’el jagues quatorze anz de la febre cartana. Proprio qui deve essere colta quella che si configura come la più significativa cifra stilistica di GlTor, e che si riscontra anche nella sua Treva in alessandrini (cf. infra), ossia la presenza di sinalefe di e tra quatorze e anz volta a conferire una seppur minima scorrevolezza alla catena fonosintattica nel contesto generale di monolitica successione di emistichi priva di forti inarcature. Un esempio è dato dai vv. 7-8 : Grans causa es d’auzir e fera descrezensa / tot lo mal q’es en lui e la desconoissenssa. Quest’ultimi sono versi dallo spiccato carattere narrativo, dove il Porc Armat viene presentato senza inutili eufemismi, sebbene ancora una volta la congiunzione e contribuisca a compensare la forte frattura interna dell’alessandrino, rendendolo infine meno spigoloso. Si tratta di una lavorazione particolare del verso lungo che si riscontra anche nella Treva composta dallo stesso trovatore Pos n’Aimerics a fait far mesclança e batailla (ed. Negri 2006 : 179), componimento che rientra nel filone del panegirico collettivo19. A tal proposito, si veda la seconda cobla : Na Biatriz i ven d’Est, qui fins prez capdella, e Marqueset’apres, on valors renovella ; e de Ravena i ven n’Esmilla, cui apella fis prez, e de Magon na Biatriz la bella e n’Alazaiz, sa sor, qui sap ja la novella ; e de Bresaina i ven ma dompna na Donella.

9 12

In questa cobla è ben percepibile un andamento musicale scandito dalla ripetizione costante del sintagma i ven ai vv. 7, 9 e 12, che enfatizza il tono discorsivo oltre a rallentare il ritmo del componimento, ma la formula reiterata si situa, come si può verificare con facilità, sempre alla fine del primo emistichio così che pure la sua sede contribuisce a rafforzare la cesura primaria dei versi. Tale caratteristica riguarda anche i versi che si elencano di seguito, dove talvolta si possono registrare delle variazioni nell’ordine meno marcato dei costituenti grammaticali : v. 13 v. 15 v. 20 v. 22

[E] de Soraigna i ven na Sandra la cortesa na Mabilia i ven, qu’es de totz ben apresa de Canatacabra i ven la bella e l’ensegnada e de Sarzan i ven n’Aiglina la lauzada

19 Cfr. Sanguineti (2008 : 3). La definizione è di Jeanroy (1934 : 250-254). Il genere si caratterizza appunto, come ha precisato più di recente sempre Sanguineti (2008 : 2-3), per « l’enumerazione di un certo numero di dame che vengono citate traendo spunto da un pretesto, con fini sottilmente politici […] giacché l’obiettivo prioritario sarebbe quello di elogiare, attraverso la dama che conquista il primato, il signore che si cela dietro il fascino e il valore di sembianze femminili ». Come altri esempi di questo genere nella poesia occitana, si ricordino, per lo meno, RbVaq, Truan, mala guerra (BEdT 392,32) e Albertet, En amor trob tantz de mals seignoratges (BEdT 16,13).

os s e rva zio n i m e t r i c h e s u l l’al e s s an d r i n o de i t rovato ri prove nzali

v. 29 v. 30 v. 31 v. 33

de Romaigna i ven la dompna cui jois guida e de Castel i ven na Bruna la grazida [E] del Carret i ven na Comtensos qui zenza e de Coissan i ven na Verz, c’as’entendenza.

In tutti questi esempi, la costruzione con i ven trasforma il primo emistichio in una vera e propria formula di presentazione, mentre nelle coblas finali, GlTor, avendo ormai terminato di evocare la ‘sfilata’ delle nobildonne che si recano alla corte dei Malaspina « venute a porre fine alla discordia tra le due sorelle, Selvaggia e Beatrice Malaspina, che si contendevano la supremazia in materia di virtù » (Sanguineti 2008 :3), si avvale di altri strumenti per plasmare un tipo di alessandrino più funzionale ai fini icastici del suo componimento20. A tal proposito, si vedano le rime interne che legano a distanza emistichi vicini tra loro ai vv. 37 e 39 ([A]ras vos dic que son vengudas ses doptanza ; qu’en las doas serors non aian mais erranza), oppure rimandi fonici presentati sottoforma di ripetizione di un sintagma dotato delle medesime valenze semantiche e formali. In tal modo, viene evidenziato ancora una volta il carattere formulare dei primi emistichi (vv. 28, 32): las dompnas c’an fin pretz ab proessa conplida ; chascuns jorns en fin pretz ez en fina valenza. In questa tipologia di alessandrino non si trovano dunque virtuosismi, così come non si riscontra quel movimento interno che aveva caratterizzato invece i componimenti dei due trovatori genovesi. La casistica presentata induce a ritenere le scelte versificatorie di GlTor pienamente giustificate e funzionali all’argomento scelto, dove il ritmo sembra mimare volutamente il progressivo apparire sulla scena delle nobildonne convocate alla corte dell’illustre signore. Si realizza così una sorta di progressiva apparizione mediante un dosato disvelamento delle qualità morali che caratterizzano le protagoniste e che, stando agli ideali di bellezza e cortesia, finiscono per riflettersi anche all’esterno. La monotonia dei versi dovrebbe dunque essere vista come l’esito di precise scelte retoriche da parte del trovatore in questione. 3.6. Sord, Toz hom me van disen en esta maladia (BEdT 437,37 ; Frank 3:8)

Anche questo scambio di coblas tra Sord e Carlo d’Angiò (ed. Boni 1954 : 178) « non si distingue per l’originalità dei dispositivi metrico-retorici », ma « fa ricorso al patrimonio tecnico della lirica secondo un consapevole programma selettivo inteso ad unire il suo fare poetico con la tradizione cortese » (Petrossi 2009 : 9, che riprende il giudizio di Solimena 2000). Vi si trovano versi alessandrini statici, dalle pause sintattiche nette, che presentano ancora una volta le medesime caratteristiche di quelli dei componimenti fino ad ora analizzati. Si riporta, a titolo di

20 Per tale aspetto credo si possa rilevare – oltre al già citato impiego tonale del verso – pure un utilizzo strutturale dell’alessandrino, sebbene confinato alla strofa di presentazione della treva. La reiterazione di i ven ricorda quasi le modalità versificatorie che appaiono nelle descrizioni dei blasoni nobiliari ne Le Livre du Cuer d’amours espris di René d’Anjou, sempre caratterizzate dalla ripetizione estrema mediante rima interna, già portato come esempio in Cerquiglini-Toulet (2010 : 92). Anche qui si parla di personaggi d’alto rango, con la unica differenza che si trovano inseriti in un contesto parodico.

107

1 08

m a n ue l n egr i

esempio, la prima cobla dello scambio (ed. Petrossi 2009 : 12 ; edizione precedente Boni 1954 : 178): Toz hom me van disen en esta maladia qe, s’ieu me conortes, qe gran ben me faria ; ben sai q’il deison ver, mas com far lo porria hom q’es paubre d’ aver et es malatz tot dia et es mal de seignor e d’amor e d’amia? Fos qi m’o ensignes, ben me conortaria.

3 6

Ci si soffermi sulla rima inclusiva ver : d’aver (vv. 3-4) che spezza gli emistichi dei rispettivi versi evidenziando il centro tematico della cobla : la seria ammissione del trovatore in merito alla ‘malattia’ del possedere, poi scongiurata grazie ad una paradossale ammissione di povertà. Per quanto riguarda invece la ripetizione del sintagma et es ai vv. 4-5, al v. 4 esso assolve la funzione di aprire il secondo emistichio apportando una rappresentazione ulteriore di un generalizzato stato morale, laddove al v. 5 apre invece il primo emistichio : la costruzione sintattica ripetuta ricerca certezza a livello strutturale nonché formularità. Si noti, in aggiunta, come quest’ultimo verso propone un trattamento dell’alessandrino all’insegna dell’equilibrio formale anche grazie all’impiego anaforico della congiunzione e e all’allitterazione della d e della m in de, d’amor e d’amia. Sono elementi, questi, che – come si è già evidenziato anteriormente – contribuiscono a rimarcare l’andamento argomentativo del componimento, ma anche a potenziare un certo grado di ironia, confermando così il parere di Antonio Petrossi sulle caratteristiche della metrica di Sordello : « le forme della lirca breve sono state per Sordello il momento dell’autocitazione metrica volta in chiave parodica, nel senso che nelle coblas sono ripresi gli schemi metrici dei componimenti maggiori, riproposti tuttavia con un maggior tasso ironico »21. 3.7. EvCler, Peire de Maensac, ges lo reis no seria (BEdT 95,2 ; Frank 3:1) 3.8. DalfAlv, Vergoign’aura breuem nostr’evesques chantaire (BEdT 119,9 ; Frank 3:2)

È doveroso, per completare la presente analisi, proporre una breve disamina di questo scambio di sirventesi (Kolsen 1925 : 13). Essi sono databili tra il 1212 e il 1215, in quanto composti con buona probabilità in occasione della crociata contro gli Albigesi. Ad un legame sul piano tematico corrisponde una qualche affinità anche su quello formale.

21 Su questo scambio di battute col re, si riprenda ancora Petrossi (2009 : 10, sempre partendo dal contributo di Solimena 2000): « Solimena scorge in Toz hom una componente chiaramente parodica. Infatti, la strofa monorima di alessandrini, già adottata nel planh per Blacatz, è qui riutilizzata, con un chiaro intento ludico, in questo breve scambio di battute con il re, in cui il metro di derivazione epica è degradato nell’utilizzo espressivo del lamento ». Sul registro ironico del testo, si veda anche il più recente Solimena (2013 : 4-5).

os s e rva zio n i m e t r i c h e s u l l’al e s s an d r i n o de i t rovato ri prove nzali

Gli alessandrini più caratteristici si riscontrano nel sirventese del vescovo di Clermont, costituito da cinque coblas capfinidas. Questo si distingue da tutti i componimenti fin qui presi in esame per via dell’impiego di una rima costante in -i, tratta probabilmente dalla canzone di GlSt-Did, derivazione che si può ipotizzare tenendo soprattutto conto dell’altrettanto condivisa tecnica delle capfinidas. Le affinità riguardano anche il livello micro-strutturale, cioè quello del verso, e si rifanno ad un alessandrino fortemente segmentato, modellato sempre in virtù di precise finalità argomentative volte alla denuncia di carattere politico. Degni di nota sono i vv. 12-14, dove si possono osservare tali accorgimenti retorici che rendono i singoli emistichi quasi sequenze sintattiche isolate nel tessuto poetico, con le seconde metà dei rispettivi versi introdotte da congiunzioni che reggono subordinate o false ipotassi (per que al v. 12, qe al v. 13 e qe·il al v. 14): E·l coms sabi’o be, per que la vos tenia tener la teni’el ; qe ges no s’en tolia, ans l’en dava mais l’an qe·il terra non valia.

12 14

4. A modo di conclusione Le caratteristiche qui individuate per il verso alessandrino nel gruppo Frank 3, come verso che si presenta con pochissime flessioni e pause sintattiche interne alquanto marcate – fatto che comunque lo accomuna ai versi lunghi di ogni tradizione letteraria –, potrebbe essere intesa come una sorta di procedimento sentito come necessario per la fissazione (anche mnemonica) del verso lungo, aiutando così la messa in atto performativa delle canzoni, soprattutto in un periodo di ancora acerba adozione del verso lungo in poesia. Quanto al suo impiego invece, per alcuni componimenti si avverte come la scelta di un verso lungo con queste caratteristiche sia funzionale ad accompagnare i toni argomentativi dei rispettivi testi, per rafforzare la didascalicità di alcune coblas o anche solo per suggerire – si veda, ad esempio, il caso di Lanfranc – la rigidità di alcune posizioni concettuali. Parallelamente però, come si è già esposto parzialmente al termine dell’analisi di altri componimenti – come nel caso di Folchetto –, si affaccia la possibilità che certe caratteristiche di ritmo e di segmentazione siano state ricercate e perseguite proprio nel tentativo di marcare il più possibile il contrasto tra il tono solenne di un verso già impiegato in un contesto religioso – dunque ben riconoscibile – e la leggerezza dei temi trattati.

Manoscritti G : Milano, Biblioteca Ambrosiana, R 71 sup. P : Firenze, Biblioteca Medicea Laurenziana, Plut. 41.42 Q : Firenze, Biblioteca Riccardiana, 2909 R : Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 22543

109

110

m a n ue l n egr i

Sigle trobadoriche e edizioni consultate DalfAlv

Dalfi d’Alvergne

Kolsen 1925

EvCler

Lo Vesques de Clarmon

Kolsen 1925

FqMar

Folquet de Marseilla

Squillacioti 1999

GlSt-Did

Guillem de Saint Leidier

Sakari 1956

GlTor

Guillem de la Tor

Negri 2006

JaGrill

Jacme Grill

Branciforti 1954

Sord

Sordel

Petrossi 2009

Bibliografia Anglade 1919 : J. Anglade, Las Leys d’Amors. Manuscrit de l’Académie des Jeux Floraux, 4 voll., Toulouse 1919. Avalle 1965 : d’A . S. Avalle, Sponsus. Dramma delle vergini prudenti e delle vergini stolte, trascrizione musicale di R. Monterosso, Milano 1965. BEdT : Bibliografia Elettronica dei Trovatori, direzione scientifica : S. Asperti. Roma, Università di Roma “la Sapienza”. ‹http://www.bedt.it/BEdT_04_25/index.aspx›. Boni 1954 : M. Boni, Sordello, le poesie. Nuova edizione critica, Bologna 1954. Branciforti 1954 : F. Branciforti, Il canzoniere di Lanfranco Cigala, Firenze 1954. Cerquiglini-Toulet 2010 : J. Cerquiglini-Toulet, La question de l’alexandrin au Moyen Âge, in L. Seláf – P. N. Aziz Hanna – J. Vandriel (ed.), Formes strophiques simples/Simple Strophic Patterns, Budapest 2010, pp. 59-72. Chaillou 2013 : C. Chaillou, “Faire los motz e·l so”. Les mots et la musique dans les chansons de troubadours, Turnhout 2013. Chambers 1985 : F. M. Chambers, An Introduction to Old Provençal Versification, Philadelphia 1985. Di Luca 2008 : P. Di Luca, Epopée et poésie lyrique : de quelques contrafacta occitans sur le son de chansons de geste, in « Revue des Langues Romanes », 112, 2008, pp. 33-60. Frank : I. Frank, Répertoire métrique de la poésie des Troubadours, 2 vols., Paris 1953-1957. González-Blanco García – del Rio Riande 2012 : E. González-Blanco García – Mª. G. del Rio Riande, Uso y función del verso alejandrino en las “Cantigas de Santa María”, in « Ars metrica », 5, 2012 ‹https://ars-metrica.germ-ling.uni-bamberg.de/201205-2/ uso-y-funcion-del-verso-alejandrino-en-las-cantigas-de-santa-maria› [data dell’ultima consultazione : 25/08/2020]. Guichard Tesson – Roy 1993 : F. Guichard Tesson – B. Roy, Evrart de Conty. Le livre des eschez amoreux moralisés, Montréal 1993. Guida – Larghi 2014 : S. Guida – G. Larghi, Dizionario Biografico dei Trovatori, Modena 2014. Hanssen 1913 : F. Hanssen, Los alejandrinos de Alfonso X, in « Anales de la Universidad de Chile », 71, 1913, pp. 81-114.

os s e rva zio n i m e t r i c h e s u l l’al e s s an d r i n o de i t rovato ri prove nzali

Harvey – Paterson 2010 : R. Harvey – L. M. Paterson, The troubadour tensos and partimens : a critical edition, 3 voll., Cambridge 2010. Jeanroy 1934 : A. Jeanroy, La poésie lyrique des troubadours, Toulouse – Paris 1934. Kolsen 1925 : A. Kolsen, Trobadorgedichte : dreissig stucke altprovenzalischer lyrik, Halle 1925. Lote 1973 : G. Lote, Les origines du vers français, Genève 1973. Negri 2006 : A. Negri, Le liriche del trovatore Guilhem de la Tor, Soveria Mannelli 2006. Petrossi 2009 : A. Petrossi, Sordello-Carlo D’Angiò. Toz hom me van disen en esta maladia. Sordels diz mal de mi, e far no lo·m deuria (BdT 437.37, 114ª.1), in « Lecturae tropatorum », 2, 2009, pp. 1-13. Radaelli 2004 : A. Radaelli, Pastorella danzante (BdT 244,8), in “Ab nou cor et ab nou talen”. Nouvelles tendances de la recherche médiévale occitane. Actes du Colloque AIEO (L’Aquila, 5-7 juillet 2001), Modena 2004, pp. 263-286. Roncaglia 1963 : Au. Roncaglia, L’“Alexandre” d’Alberic et la séparation entre chanson de geste et roman, in Höfischer Roman (Heidelberg Kolloquium, 30 januar 1961), Heidelberg 1963, pp. 37-60. Sakari 1956 : A. Sakari, Poesies du troubadour Guillem de Saint-Didier, Helsinki 1956. Sakari 1961 : A. Sakari, Les pièces lyriques en alexandrins des troubadours, in Actes et Mémoires du IIe Congrès International de Langue et Littérature du Midi de la France (Aixen-Provence, 2-8 septembre 1958), Aix-en-Provence 1961, pp. 113-119. Sanguineti 2008 : F. Sanguineti, Albertet, En amor trob tantz de mals seignoratges (BdT 16.13), in « Lecturae tropatorum », 1, 2008, pp. 1-34. Squillacioti 1999 : P. Squillacioti, Le poesie di Folchetto di Marsiglia, Pisa 1999. Solimena 2000 : A. Solimena, Appunti sulla metrica di Sordello, in « Cultura Neolatina », 60, 2000, pp. 209-221. Solimena 2013 : A. Solimena, Sordello – Carlo d’Angiò. “Toz hom me van disen en esta maladia”. “Sordels diz mal de mi, e far no lo·m deuria” (BdT 437.37, 114a.1). Discussione a margine di Petrossi in Lt, 2, 2009, in « Lecturae tropatorum », 6, 2013, pp. 1-8. Stroński 1910 : S. Stroński, Le troubadour Folquet de Marseille. Edition critique précédee d’une étude biographique et litteraire et suivie d’une traduction, d’un commentaire historique, de notes, et d’un glossaire, Cracovie 1910. Togeby 1963 : K. Togeby, Histoire de l’alexandrin français, in Études romanes dédiées à Andreas Blinkemberg à l’occasion de son soixante-dixième anniversaire, Copenhaguen 1963, pp. 240-266. Vallín Blanco 2001 : G. Vallín Blanco, El estribote románico y una cantiga de Pero da Ponte, in Convergences médiévales : épopée, lyrique, roman. Mélanges offerts à Madeleine Tyssens, Bruxelles 2001, pp. 537-547. Vatteroni 1990 : S. Vatteroni, Peire Cardenal e l’estribot nella poesia provenzale, in « Medioevo Romanzo », 15, 1990, pp. 61-91.

111

Noemi Pigini 

Création et hybridation Le cas du Destret d’emors occitan-catalan* 1. Status quaestionis Dans le deuxième fragment du ms. Paris-Carpentras 487 de la Bibliothèque nationale de France, aux feuillets 8r-16v, Paul Meyer a retrouvé une composition lyrique-courtoise de 708 couplets d’octosyllabes1. Unicum exceptionnel, en raison de l’excellence de l’expérimentation littéraire dont il est un fin exemple, ce poème anonyme est connu comme Salut d’amor, étiquette de genre assignée par Meyer lui-même, mais limitant les caractéristiques intrinsèques du texte2. Il s’agit d’un long récit en novas rimadas structuré en forme d’épître amoureuse et adressé du sujet lyrique à sa dona, entrecoupé par l’insertion de 3 coblas de troubadours et 2 lais narratifs – évidemment au service de l’économie du discours du sujet lyrique – bien qu’ils soient structurellement autonomes. Après la première partie de l’épître, en conclusion de la descriptio puellae, la narration s’ouvre sur deux récits érotiques dont la structure est en miroir, c’est-à-dire que les deux récits internes sont destinés à changer le destin de la requête amoureuse du sujet narratif externe. La structure générale du poème est comparable à celle d’une vaste tradition littéraire, à l’instar du Castia-Gilos de Raimon Vidal de Besalú ou de Las novas del papagay. Si le premier lai peut être considéré comme un roman idyllique, choisissant le modèle du Piramus et Tysbé et du Lai de Narcisse, le deuxième récit est beaucoup plus articulé et revient sur le motif de la chasse infernale, que l’on retrouve dans le De Amore d’André le



* Je remercie vivement Stefano Asperti, Pär Larson et Anna Radaelli pour leurs conseils et pour leur aide précieuse. 1 La première édition du texte est celle de Meyer (1891). Éd. de référence : Asperti (2001). Pour la description du manuscrit, encore Meyer (1891 : 614-15) et Asperti (1985 : 93-98) ; en plus de Compagna (1993 : 393, note 17) et le dossier sur BITECA. 2 La définition de salut remonte à Meyer (1891). Ensuite, Massó i Torrents (1932 : 397) parle plutôt de clam d’amor. Plus récemment, Badia (2003) a mis en évidence la ressemblance du texte avec les sermones ou, mieux, avec la conplancha. Au-delà de ces encadrements, le poème est reconnu dans les expressions du corpus des textes en novas rimadas catalans (Grifoll 1995). Encore, sur le genre du salut d’amor on remonte aussitôt à Meyer (1867), Bec (1961) et Parducci (1942). Pour une reconstruction des désignations génériques du salut catalan aussi Uulders (2010). Nous ajoutons la dernière édition critique des salutz occitans par Gambino et alii (Salutz 2009).

Noemi Pigini • Università di Siena – Universität Zürich • [email protected] Trans-mission. Création et hybridation dans le domaine d’oc, éd. par Fabio BARBERINI et Camilla TALFANI, Turnhout, 2022 (Publications de l’Association Internationale d’Études Occitanes, 14), p. 113-128.

© FHG

DOI 10.1484/M.PAIEO-EB.5.126418

114

n o e m i p igin i

Chapelain et le Lai de Trot3 – pour ne citer que les textes dans lesquels le motif s’exprime de manière très proche à celle du Destret – et se déroule dans un locus amoenus sur le modèle du jardin du Roman de la Rose. Cependant la prééminence de l’innovation du récit est représentée par l’insertion de rondeaux français, sur lesquels nous reviendrons. La plupart des critiques ont déjà beaucoup traité la deuxième partie du poème et les deux lais4, mais n’ont presque rien dit sur la première partie du texte : la section qui lui a valu la dénomination de Salut d’amors. Il faut aussi noter que dans ces encadrements critiques, la structure du début du Salut a été réduite à un cliché narratif, une structure lyrique de soutien qui contient les deux lais-exempla. Nous proposons une relecture de la partie du texte en novas rimadas expressément structurée selon les critères de la poésie épistolographique et de mettre en évidence une série de relations intertextuelles avec le Salut catalan. En particulier, nous proposons d’observer les liens que le poème entretient avec les autres textes du même manuscrit et d’autres manuscrits de narrative catalane comme le Vega-Aguiló5 e l’Estanislau Aguiló6 afin d’apporter notre contribution au débat encore ouvert sur la datation du Salut anonyme. La nature polymorphe de l’œuvre n’a pas encore permis à la critique de s’accorder sur sa datation, à savoir si le texte est un produit des premières années du XIVe (et dans ce cas, ce serait l’une des pièces les plus anciennes du recueil de Paris-Carpentras) – c’était là l’opinion de Meyer (1867) ainsi que d’Asperti (1985 : 94-98 ; 2001) – ou de la fin du siècle7. En excluant de ce discours l’insertion de trois citations de troubadours, attribuées respectivement à Aimeric de Belenoi, Rigaut de Berbezilh et Giraut de Bornelh (vv. 92-100 ; 129-139 ; 386-398) – pour lesquelles nous renvoyons à l’étude de Maria Grazia Capusso (2009) –, nous nous concentrerons sur la section qui rappelle le plus précisément l’épître amoureuse, en traitant aussi les 260 premiers vers des 700 octosyllabes ainsi que la partie la plus inspirée des modèles littéraires occitans de mouvance didactique et courtoise. Nous tenterons de montrer comment l’expérience d’hybridation des genres littéraires promue dans le texte est représentée au plus haut niveau dans la section qui, à première vue, semble basée sur des motifs traditionnels. C’est-à-dire que nous parlerons surtout de la descriptio puellae.



3 Sur le motif de la chasse infernale ou Mesnie Hellequin, voir Neilson (1900) ; Mythe ; Lecco (2001) ; Meisen (2001) ; Baricci (2017). 4 Nous ne pouvons pas manquer de mentionner Riquer (1992) et Capusso (2005). Aussi, encore Grifoll (1995) et Badia (2003). 5 Biblioteca Nacional de Catalunya, ms. 7 et 8. Le ms. a été étudié par Bohigas (1982) ; Alberni (2001, 2002, 2003, 2006). Aussi, il y a une description dans BITECA. 6 Palma, Societat Arqueològica Lul·liana. Le ms. est décrit dans BITECA. Voir Asperti (1985 : 59-66) et Compagna (1993). Pour l’étude sur la langue du ms. voir Bohigas (1982 : 155-180). 7 Sur la datation du Salut au début du XIVe voir la publication récente de Cabré – Rodríguez Winiarski (2016 : 31-36). Il y a beaucoup d’études qui suggèrent une datation à la fin du siècle. Voir Pacheco (1983 : 14), Riquer (1992 : 335-336), Grifoll (1995 : 119), Badia (2003 : 32-38).

cré at i o n e t hy b ri dat i o n

2. La tradition occitane dans le Salut catalan Les traits essentiels partagés par le Destret d’emors avec le corpus de salutz occitans8 sont circonscrits au choix du mètre (le couplet d’octosyllabes) et à la salutatio dans l’incipit, « Destret d’emors mi clam a vos, / dona » (vv. 1-2). Ce n’est pas étonnant si l’on pense que Scheludko (1931 : 167-175) et puis Cerullo (dans Salutz, 2009 : 62) ont déjà noté que les éléments formels qui lient la production épistolographique médiévale aux salutz occitans (et aussi, catalans) sont la salutatio et la division de l’épître en 5 parties canoniques (salutatio, exordium ou captatio benevolentiae, narratio, petitio et conclusio) sur le modèle de l’ars dictaminis. Mais, bien que la séparation du contenu des salutz n’ait jamais été ponctuelle comme dans les modèles latins9 et au de-là du respect de la partition classique du contenu épistolographique, on doit reconnaître, selon Speranza Cerullo, « il ruolo primario che Arnaut de Maruelh ha avuto nella codificazione retorica del genere […] il trovatore perigordino si mostra senza dubbio il più attento ai problemi di disposizione delle partes » (Salutz 2009 : 64). Selon le modèle classique, suivant l’exemple de la production d’Arnaut de Maruelh, nous observons que la salutatio du Destret ne prévoit pas que l’envoyeur soit présenté à la troisième personne avec une transition vers la première dans l’exordium, c’est-à-dire au moment de la première apostrophe à la femme. Dans le Salut catalan le sujet lyrique est déjà présent à la première personne, selon une tradition moins commune mais tout-à-fait possible chez les auteurs occitans, comme au début du salut de Folquet de Romans et de l’italien Rambertino Buvalelli10, où on réalise une fusion des deux moments de la salutatio et de l’exordium. Mais revenons sur le v. 1 : il configure immédiatement le poème avec une forte présence du sujet lyrique, sur le modèle de la chanson des troubadours. L’incipit rappelle notamment le début d’une chanson d’Albertet, « Destreytz d’amor, venc denant vos, / bona dompna, de merce clamar » (BEdT 16,9 : vv. 1-2), et le sirventes de Cerverí de Girona, En lurs chantars dizon mal trobadors (BEdT 434a,21), dont le v. 3 dit « mi no destreyn amors ne·n soy clamans »11. Après le climax de l’exordium a lieu la captatio benevolentiae, réalisée sous forme de laus de la femme, également articulé – comme on pouvait s’y attendre – sur le

8 Salutz (2009) constitue la source de comparaison privilégiée pour l’analyse du Salut catalan. En particulier, nous nous référons à l’introduction au volume par Speranza Cerullo. 9 Sur la division de l’épître en 5 parties, il y a les tractations de Maître Bernard (Rationes dictandi), du chanoine Bernard de Meung avec le Flos dictaminum et surtout l’Ars dictaminis Aurelianensis. Pour une discussion exhaustive, on renvoie encore à Salutz (2009 : 56 et suivant). Cette séparation du contenu du salut dans les parties canoniques est contestée par Bec (1961a) dans les introductions aux textes. Bec reconnaît seulement 3 parties (introduction, épître proprement dite, conclusion). 10 Nous présentons les vers pour une comparaison : « Destret d’emors mi clam a vos, / dona, de l’honrat cors joyos / vostre plazent e senyoril » (Rialc 0.38) ; Rambertino Buvalelli (BEdT 281,3) : « D’un saluz me voill entremetre / tal qe a midonz sapcha dir / tot mon talan e mon desir »; Folquet de Romans (BEdT 156,1) : « Domna, eu pren comjat de vos, / ez anc non fui plus angoissos com soi de vostra departia ». 11 En notant que l’incipit du Salut catalan se présente avec une fusion des moments de la salutatio et de l’exordium et une introduction in medias res suggérée par le verbe clamar, il n’est pas surprenant du tout que Massó i Torrents (1932 : 397) parle de clam d’amor (cf. note 2). Sur les récits catalans à la première personne des XIVe et XVe siècles, voir Pacheco (1988).

115

116

n o e m i p igin i

ton hyperbolique de la déclaration de dévouement absolu de l’amant au servitium amoris. La captatio benevolentiae s’étend du v. 3 au v. 21 et est articulée avec d’élégants mouvements hypotaxiques – une rareté si l’on considère la tendance à la parataxe caractéristique des textes en novas rimadas – et elle est continuellement en équilibre entre un discours plat, qui ne dédaigne pas le recours à l’expression proverbiale (vv. 14-15 : « e no creu mostre / nagus homs vius, tant cant mar clau ») et le choix d’un vocabulaire technique et spécifique, nettement juridique (en particulier les vv. 6-7 : « e, segons raho, que·m vullats / jutjar per dret e ab merce ») qui transporte le texte jusqu’au point névralgique de la descriptio puellae. Selon le cliché de la description de haut en bas, le portrait de la femme se déploie de manière extrêmement détaillée dans les vv. 22-91, jusqu’à l’introduction de la première cobla lyrique, attribuée à Aymeric de Belenoi. Chiffres en main, la seule description couvre un septième du Destret et la moitié de la section consacrée à la salutatio.

3. Innovation et prise d’indépendance de la tradition occitane Le travail original de création et de composition du texte est déjà évident dans la descriptio puellae. Même si la description révèle ici et là des sources lyriques de référence – comme par exemple le calque d’Helias Cairel, BEdT 133,6, v. 25 : « e son blanc fron, e·ls cils voutz e delgatz » pour le v. 23 du récit (« e·ls cils vouts, e[·l] clar front blanc ») – nous ne possédons pas dans tout le corpus des salutz occitans un exemple équivalent en ce qui concerne la longueur et la précision dans la liste des qualités physiques de la femme, et des détails qui sont souvent passés sous silence sont ici inclus12. L’exemple du Salut catalan n’est pas comparable, même au niveau des descriptions les plus détaillées du corpus des salutz occitans, à savoir Donna, gencher q’ieu no sai dir d’Arnaut de Maruelh (BEdT, 30,3 ; Salutz 2009, éd. Gambino) et Domna, eu pren comjat de vos de Folquet de Romans (BEdT 156,1 ; Salutz 2009, éd. Squillacioti), qui se déroulent ‘seulement’ sur 40 vers. Le Destret inclut les détails physiques les plus inhabituels, tels que « les memelets » et « las unglas », totalement absents du corpus des salutz occitans et qui ne font même pas partie de la liste des parties physiques décrites dans la poésie lyrique donnée par Christiane Leube-Fey (1971 : 107-118). Si pour les memelets – au diminutif, comme les formes boqueta et mursolets, des formes diminutives également rares, mais toutes les deux attestés dans Flamenca (vv. 2563, 4022, 5284)13, roman qui était déjà connu à la cour de Barcelone au moins 12 Sur l’attention aux détails physiques dans les saluts catalans, on peut voir Ziino (1995 : 194), en particulier les observations sur la descriptio puellae du Facet catalan. 13 La forme diminutive boqueta est un hapax en occitan et n’est attestée que dans le Roman de Flamenca. Pour morsel il y a une attestation dans Flamenca sous la forme morsol et sous musel dans le Roman de Jaufré, mais jamais au diminutif : ce sont les uniques occurrences du lemme avec le sens de “mâchoire” (< mŏrsus ; FEW : III/6, 144a). Pour Flamenca, dans le glossaire de Manetti (2008 : 551a) on dit plus génériquement « parte inferiore del viso ».

cré at i o n e t hy b ri dat i o n

pendant le règne de Jean d’Aragon selon Asperti (1985 : 66) – il y a des apparitions sporadiques14, las unglas ne sont jamais décrites. Poursuivant dans la description, l’auteur note même « e·ls costats drets dessus les anques » (v. 48), en évoquant d’autres détails qui ne sont jamais mentionnés dans les textes lyriques des troubadours. En recoupant tous les éléments qui ont été présentés, on trouve deux descriptions s’approchant de celle présente dans le Salut. La première est dans l’une de deux coblas attribuées à Bertran de Born (BEdT 80,24a, contrafactum de BEdT 80,17) et transmise par le seul chansonnier a1 – chansonnier qui doit être passé à travers l’espace catalan pendant la deuxième partie du XIVe siècle (Asperti 1985 : 99-100, note 106) – où l’on retrouve même une référence aux seins de midons (vv. 3-6) : « las tetinas duras ses tot embart, / e·l ventr’es planz senz ruas e senz comba / e·l conz es gros e·il pelet estan som ; / a las ancas planas per meils jazer » ; bien que ça ne semble pas être une cobla originale de l’auteur15. Le deuxième exemple entre parmi les textes de la production narrative occitanocatalane comme le Roman de Jaufré. Donc, après avoir exclu les salutz occitans et la chanson lyrique, nous retrouvons une description de femme comparable à celle du Salut dans le Jaufré. Il ne s’agit pas du salut d’amor contenant la description de la belle Brunissen mais de la description d’une vieille sorcière dont les ongles et la mâchoire sont mentionnées : vv. 5224-5225 « e·l mursel e·l front e·l menton / negre e ruat e fronsit » et vv. 5231-5235 « E las ganbas secas e longas / e·ls pes enflat ez grantz las onglas, / si que non pot portar sabata. / Ez ac elmusa d’escarlata, / tota de sebelin orlada » (éd. Lee 2006). Il faut dire, en réalité, que le Salut trouve son model plus loin que dans les troubadours. On il y a déjà des descriptions si détaillées dans les autours de l’Ars dictaminis qui offrent un descriptio puellae selon les préceptes du ‘long canon’. En particulier, le modèle latin inclut la mention des seins de la femme. Par exemple, dans le Liber de Planctu Naturae de Alain de Lille on lit des « mamillarum pomula gratiose juventutis maturitatem spondebant » de Nature (PL : CCX, col. 432), et dans la Poetria Nova, Geoffroi de Vinsauf parle de « pectus, imago nivis, quasi quasdam collaterales / gemmas virgineas producat utrimque papillas » (Faral 1924 : 215) ; aussi Hélène dans l’Ars versificatoria de Mathieu de Vendôme a des « parva mamilla » (Munari 1988 : I, 56, v. 30). Plus rare est la description des ongles, qui n’est que dans la Rota Veneris 14 Parmi les occurrences occitanes du lemme mamela on se réfère à la COM2. Bien qu’elle ne soit pas contenue dans une description, il y a une occurrence pour la dura mamela in BEdT 436,2, v. 21 (il s’agit d’un partimen unicum du chansonnier T, daté ante 1250, selon l’éd. Marshall 1989) et in Peire Vidal BEdT 364,11, v. 38 avec une nuance religieuse qui se réfère au Cantique des Cantiques. En effet, nous voyons que la mamela fait son apparition presque exclusivement en contexte sacré pour évoquer le sein de la Vierge. Dans la lyrique, dans un contexte profane, il y a Daude de Pradas, BEdT 124,2, v. 46 (« e si·l vuoill baisar la maissella / o·il estreing un pauc la mamella »), mais l’apparition la plus intéressante est dans la rédaction rimée des Leys d’Amors (éd. Anglade 1926 : v. 2050 « Grossa fo coma toniella e ac cascuna mamiella / tan gran que semblec Englesa »), la seule occurrence de mamela contenue dans une description d’une femme, ainsi que dans le Fierabras occitan (vv. 4928-4930 : « la pieuzela despuelhan, vezen tot lo barnat, / et ac sa carn pus blanca no es flor en estat, / las mamelas petitas e·l pel reserselhat »). 15 L’attribution est tout-à-fait contestable selon Stimming (1916 : 101) et Gouiran (1985 : 382).

117

118

n o e m i p igin i

(Garbini 1996 : 41) : « duo poma velud fasciculi rosarum, a quibus odor suavissimus resultabat […] Manus longe, digiti exiles, nodi coequales et ungule sicut cristallum resplendentes totius stature augmentabant decorem », model aussi pour Yseut la Blonde dans le Tresor : « les doiz granz, traitis et reonz, sor quoi reluist la biautez de ses ongles ; ses très biaus piz est aornez de ii pomes de paradis » (Chabaille 1863 : 489). Ces modèles latins étaient également bien connus des troubadours (Salutz, 2009), mais le ‘long canon’ n’a pas eu de chance du tout. Au contraire, le modèle a survécu à travers la littérature ovidienne en français et latin, et est, peut-être, arrivé en Catalogne grâce à cette dernière médiation. Dans la tradition du roman français, on peut citer les exemples de Aucassin et Nicolette (« et avoit les mameletes dures qui li souslevoient sa vesteure ausi con ce fuissent deus nois gauges », Dufournet 1984 : 80) et de la Philomena de Chretien de Troyes, inclus dans l’Ovide moralisé (« autressi come deus pomettes / estoient ses deus mamelettes », vv. 161-162, De Boer 1909 : 36)16. L’existence de ces modèles anciens n’exclut pas que le Salut appartienne à un filon plus antique, mais on peut rappeler que cette littérature ovidienne a été traduite en catalan à la fin du XIVe siècle. Au-delà du Tresor, traduit par Guillem de Copons en 1418, pour les autres modelés latins du De Vetula pseudo-ovidien, et de l’Historia destructionis Troiae du Sicilien Guido delle Colonne, il y a l’Ovidi enamorat de Bernat Metge, traduction en prose d’une partie du livre II du De Vetula, et Les Histories Troyanes par Jacme Conesa en 1383 : Les sues mans eren blanes […] e les ungles havia fort lluents. […] En lo seu pits se llevaven dues coses redones, ço és dues mamelles, que paria que desijassen ésser be premudes de dolços abraçaments (Ovidi enamorat, Badia 1975 : 111). Les extremitats de sos dits, anants per lur masura, mostraven les ungles que parien vori […] Encara mirava en Helena la egualtat dels pits, en la plenesa dels quals ses mamelles, axi com .ii. pomes resplendents, natura havia compostes (Les Histories Troyanes, Miquel y Planas 1916 : 102). À ce point, nous voudrions revenir sur les vers dédiés aux ongles. Dans le Salut, l’évocation de ce détail physique insiste sur la reprise étymologique (comme déjà dans Jacme Conesa) que les ungles mettent en jeu, dans le même v. 46, avec la rime – également recherchée – onicle, qui à son tour rime au v. 47 avec le bericle, tout aussi rare17. Ce distique, rimé en -icle, nous conduit au problème de définition

16 La forme mamelete est bien attestée en ancien français, aussi dans contexte profane, dans les pastourelles et fabliaux, ainsi que dans le lexique de Jean Renart (attestation dans l’Escoufle) et de l’imitateur du Roman de la Violette. Nous renvoyons aux exemples proposés dans TL, s.v. mamelete (V : 1003 ; 20). Aussi, en lisant les textes des romances et pastourelles du XIIe et XIIIe siècle, édités par Bartsch (1870 : 191, vv. 12-13 et 262 ; vv. 51-52), nous retrouvons au moins deux attestations de la rime bouchete : mamelete. 17 Nous constatons l’utilisation intensive des comparaisons des beautés féminines aux couleurs et aux propriétés des pierres rares qui finissent par caractériser le style de l’auteur, à la recherche d’un lexique ‘précieux’. Avant bericle : onicle (vv. 45-46) aux vv. 26-27 est cité le cristayll le plus commun mais aussi le fis robis ; au v. 32 « les dents sont pus blanxes que vori » et v. 112 « turments plus amars que tora », une comparaison proverbiale qui remonte au texte n. XXVII édité par Jeanroy (1914) dans le recueil

cré at i o n e t hy b ri dat i o n

de la langue du Salut catalan et, au niveau général, de la langue littéraire à la fin de XIVe siècle à la cour d’Aragon18. En nous limitant à la question critique concernant le degré de catalanisation auquel le Salut a été sujet19 – comme on le voit dans plusieurs passages du texte20 – par rapport à une langue originalement ‘plus occitane’ (avec toutes les problématiques de cette étiquette), la rime onicle : bericle ne fonctionne pas correctement en occitan, car, bien que la forme bericle de beryllus soit attestée en occitan, catalan et ancien français21, onicle < onyx est attestée seulement en catalan et en français alors que en occitan il y a onix auquel ne correspond pas une forme *berix, en supposant une prononciation en /ks/ de la graphie de onix22. La rime en -icle a l’air d’être un gallicisme, ainsi que les rimes des vv. 521-522 et 567-568, dans lesquelles jorn(s) rime avec amor(s), rime qui, au contraire, est observable en occitan mais ne l’est pas du tout en catalan. Les formes rimées bericle : onicle sont très rares même en ancien français, mais nous observons une occurrence intéressante de cette rime dans le Roman de Troie de Benoît de Sainte-Maure. Aux vv. 1829-1830 on lit « mout l’en teneit om a plus riche. / Li nasaus fu d’un chier oniche », mais regardant la varia lectio, en particulier la version des mss. B et R et les familles e et k, on trouve « El front devant ot un bericle / li nasaus fu d’un chier onicle »23. Dans le roman français la rime bericle : onicle apparaît dans une description, celle de l’armure pendant l’adoubement de Jason. Les vers en question sont compris dans les deux rondeaux français insérés dans le deuxième lai narratif et donc on pouvait raisonnablement prévoir le recours aux gallicismes. La première chanson de femme dont on parle (vv. 517-523) suit la structure du ‘rondeau simple’ – la structure la plus utilisée par Guillaume de Machaut – selon le schéma AB aAab AB, sans prévoir la répétition du refrain final24.

de la production poétique du Consistori de Toulouse, ainsi qu’à une poésie de Ramenat de Montaut ( Jeanroy 1940) et du côté catalan, à Una ventura di Vincenç Comes, qui serait évoquée encore dans cet article. 18 En général, au moins jusqu’à la génération de Ausias March, la langue de la lyrique courtoise continuera à être « un occità superficial » ou « un català aprovençalat » (cf. Torró 2014 : 265) ; alors que Uulders (2009 : 85, note 41) parle de deux « tendances » que l’on retrouve dans la littérature du XIVe et XVe siècle : l’« ‘occitanisation stylisante’ d’un texte catalan ou ‘catalanisation’ d’un modèle occitan ». 19 Nous concordons avec Asperti (1985 : 94) qui parle ponctuellement de « accentuata impronta provenzale, sensibile anche a livello grafico, presente nel Salut d’amor ». Au contraire, Riquer (1984 : 238) et Pacheco (1983 : 14) croyaient que le Salut était originalement catalan. 20 En ne pouvant pas développer le discours ici – compte tenu du dépouillement linguistique en cours d’évaluation – je constate qu’au-delà de la catalanisation au niveau graphique, toutes les rimes sont reconstruites et acceptables en occitan sauf la rime onicle : bericle. 21 Cf. beryllus, FEW (I, 339a) et vericle, DECat (IX : 169a). 22 Cf. onyx, FEW (VII : 356b) et LR (IV : 374a). 23 Nous nous référons à l’éd. Constans (1904-1912). La forme onicle (en alternance avec bericle, selon la varia lectio) apparaît en rime dans le Roman d’Eneas avec conicle (vv. 6401-6402 du texte édité par Salverda de Grave 1891) dans les vers dédiés à la description du vêtement de Pallas pendant sa sépulture. 24 Cf. Pagès (1936 : 140-141) et Capusso (2009 : 147). Dans le manuscrit de Paris-Carpentras même la cansoneta de Frondino y Brisona aux vv. 245-249 (éd. Annicchiarico 1990) a été transmise sans refrain final.

119

1 20

n o e m i p igin i

Mais, nous ajoutons aussi que le deuxième rondeau (vv. 560-567) corresponde à la forme du ‘rondeau tercet’, ABB1 aA abbABB1, si nous supposons encore une fois une absence de la répétition finale, caractéristique de la mise en page des rondeaux pendant la fin du XIVe siècle et tout le XVe (Calvez 1982). La structure du ‘rondeau simple’ – déjà fixée avec Adam de la Halle – et du ‘rondeau tercet’ – utilisé à partir du XIIIe siècle – n’est pas du tout originale dans la production de Machaut, mais il faut dire qu’il n’y a pas de notices sur la circulation de ces formes lyriques en Catalogne avant de la diffusion des genres cultivés par Guillaume à partir de Jean Ier25. En plus, il faut rappeler que la première formulation du ‘rondel simple’ est dans le Remède de Fortune (Cerquiglini 1988 : 48). On pourrait penser que le Salut est le résultat du climat courtois, en particulier une mise en récit des motifs ovidiens et des formes littéraires françaises qui devaient se répandre à la cour de Barcelone au cours du dernier quart du XIVe siècle. Avant le règne de Pierre le Cérémonieux, du moins selon Pagès (1936 : 3-13), on ne retrouve que peu de traces des relations poétiques parmi la France et la Catalogne, surtout par l’intermédiaire de l’Occitanie. Pendant le règne de Pierre IV la culture littéraire française commence à s’imposer à Barcelone et, puis, Jean Ier « prit une part importante au développement des lettres et des arts en Catalogne » (Pagès 1936 : 21), avec l’acquisition et la copie des livres françaises ou la promotion des traductions du latin. On sait qu’avec Yolande de Bar sont arrivés beaucoup d’exemplaires des textes littéraires qui ont servi de modèles pour les lais narratifs de la deuxième partie de l’œuvre26. Tous les modèles littéraires qu’on trouve comme sources possibles pour la composition du Salut étaient présents en même temps à Barcelone dans la Bibliothèque Real, enrichie pendant les dernières années du règne de Pierre IV. À la cour on lit déjà le Roman de la Rose et on sait que Yolande demande le livre en prêt à son beau-frère, le futur Martin Ier, le 15 novembre 1382. Par ailleurs, on sait qu’en 1393 Jean Ier avait demandé une copié de l’Ovide moralisé et que la traduction catalane du De Amore était rédigée dans cet environnement entre 1387 et 1389 à la demande de Na Carroça de Vilaragut, dame de la cour de Yolande de Bar, qui a fait traduire l’œuvre d’André le Chapelain au chancelier de la reine, Domingo Mascó (Pagès 1936 : 33-34). Il semblerait que le Roman de Flamenca était également connu à la cour de Barcelone, comme on l’a dit. C’est encore sous le règne de Jean que la poésie française se répand sous la forme de rondeaux, virelais et lais, surtout après la révélation, vers 1380, des textes et de la musique de Guillaume de Machaut, dont Yolande était une lectrice assidue et « l’infant Jean d’Aragon, que Bernat Metge représentera plus tard dans l’attitude d’un musicien, […] l’a pris très certainement pour modèle » (Pagès 1936 : 85). En outre, le même infant demande à la duchesse de Bar, mère de Yolande, un exemplaire du Romanç de Mexaut, probablement le Voir dit (Rubió y Lluch 1908-1921 : 25 Selon Cingolani (1991 : 49), « La llàstima és que, atès que els inventaris o les cartes ofereixen només la indicació Machaut, no és possible saber quines obres del poeta eren contingudes en els manuscrits esmentats i si hi havia, també, altres poetes »; mais Earp (1989 : 478) identifie dans Vg de la tradition lyrique française le ms. donné par le comte de Foix à Yolande. 26 Nous renvoyons au recueil de lettres dans Rubió y Lluch (1908-1921) dans lequel on cite ci-dessous toutes les notices sur les acquisitions et les passages des livres dans l’entourage barcelonais.

cré at i o n e t hy b ri dat i o n

II, 225). Parmi les lettres, nous retrouvons aussi le nom de Na Carroça qui avait fait traduire le De Amore : le 31 janvier 1390 Yolande écrit à sa dame pour sommer de lui rendre un ouvrage de Guillaume de Machaut27. En plus de ce qui se passe dans le ms. de Paris-Carpentras – pour lequel les influences du Voir dit ont été soulignées, ainsi que pour les inserts épistolographiques dans le roman de Frondino y Brisona, à part la présence d’un virelai et de 5 rondeaux (Grifoll 1995 : 129 ; Annicchiarico 1990 : 28-30) –, nous constatons la fortune du poète français dans l’autre manuscrit de lyrique et narrative catalanes écrit vers la fin du XIVe et le début du XVe siècle : le ms. Vega-Aguiló28. Tous ces modèles littéraires planent sans aucun doute sur la composition du Salut et il n’est pas difficile de croire que le Lai-salut en novas rimadas ait pris forme à Barcelone à la fin du XIVe siècle. Mais également, il faut analyser ces dates en tenant aussi compte des rapports intertextuels du Salut avec les autres récits qui sont dans le manuscrit de Paris-Carpentras. Revenons donc à la descriptio puellae. L’exceptionnalité de cette amplificatio29, qui s’attarde sur les détails physiques les plus inhabituels de la femme, se reflète au moins dans la description de la femme de la version catalane du Facet pseudo-ovidien30 ; nous soulignons surtout le détail des seins de la femme : « E·l vostra pits agraciat / molt és plasent e ben format, / per virtut de vostres mameles / que féu Déus a grans mereveyles, / qu·en la mà d’un pauc infant / cabrien molt verayama[n]t » (Cantavella 2013 : vv. 758-763). Encore, il y a une description des ongles de la dona dans l’exhaustive portrait du Conte d’amor au vv. 302-303 : « e les ungles ha covinents / si con s’i tany » (Cabré 2001) ; on ne parle pas des seins, mais seulement du pits « qui n’es sclet, blanxet e clar, / si co·s cove » (vv. 316-317). Malheureusement, il faut dire que, bien que les plus récents études sur le Facet (Cantavella 2013) et sur le Conte d’amor (Cabré – Winiarski 2016) fixent la composition des textes au début du XIVe siècle, la datation de ces œuvres est encore à l’étude31. Avant même de renvoyer à des références intertextuelles, on doit dire que la descriptio puellae du Salut d’amor est dans une relation dynamique avec le reste du texte en novas rimadas et donc, les premiers vers du Salut – dans lesquels s’articule la section proprement épistolographique – ne constituent pas un simple cadre structurel au service de l’insertion des lais narratifs, mais ils préfigurent des thèmes et des situations représentés dans la deuxième partie du texte. Ainsi, le détail supplémentaire des vêtements de la femme aux vv. 51-53, « estrets vestits d’un cisclato / endis daurats 27 Pour le texte complet de cette lettre, cf. Pagès (1936 : 86, note 6). 28 Sur la tradition manuscrite de Guillaume de Machaut, analysée par rapport à la diffusion du Roman de Cardenois, nous renvoyons aux études de Alberni (2012), Lagomarsini (2012) et Zinelli (2012). Pour la diffusion de la littérature française à la cour de Barcelone, cf. aussi Riquer (1989). 29 Sur la rhétorique de l’amplificatio dans la narrative catalane, cf. Cabré – Espadaler (2013 : 314 et suivant). 30 Le texte est compris dans le fragment de Carpentras, Bibliothèque Municipale, ms. 381. Comme dans le Destret, même dans le Facet « la retòrica és la de la tradició de les adaptacions pseudoovidianes medievals. En versió vernacla, el llenguatge és idèntic al de la tradició trobadoresca » (Cantavella 2013 : 13). 31 L’édition précédent du Conte d’amor (Pagès 1913) et l’étude préliminaire à l’édition du Facet (Ziino 1995 ; Ziino 2000) proposent une datation à la fin du XIVe siècle.

121

122

n o e m i p igin i

d’aytal fayço, / ques res no y ha ops menys ni may », anticipe la description des robes des femmes du défilé des fidèles d’Amour : « lurs vestiments ni taxels d’aur / tem que y faylis, que del tresaur / d’un ric rey no foren comprats » (vv. 504-506) ; ou celui des femmes de la parade, « ans resplandit / tant cascuna que fit a fit / no les podion regadar » (vv. 500-502), ressemble à celui de la femme destinataire de l’épître : « .i. ray / come ere us faits tan gran clardat / qui ix de la vostra bautat / que no minva ne dessana » (vv. 54-57). La descriptio puellae, à son tour, peut être mise en parallèle avec la description du défilé des femmes dans le De Amore, qu’on lit dans la version catalane du chancelier de la reine Yolande, Domingo Mascó : E seguien a aquest gran companyhia de dones e fort nobles e de honrades […]. E cada huna era vestida de molt maravelloses vestedures d’or, e eren abrigades ab mantells de porpra32 (Pagès 1930 : § LI). Enfin, nous pourrions mettre en cause un autre texte avec des mouvances chevaleresque-courtoises, transmis aux ff. 106-114 du ms. VeAg : la Ventura de Vicenç Comes qui, avec le Destret d’emors, partage des sources, des mouvances et le goût pour l’hybridation littéraire des genres. « Destret per fin’amor / tant ques ma dolor / repaus no pux trobar » (Brunat 2000 : vv. 1-3) est l’incipit du poème de Comes, écrit en hexasyllabes dans les mêmes années que le Salut, dans lequel on propose une opération de reformulation et re-fonctionnalisation de la matière littéraire très proche de celle de l’auteur du Destret anonyme, mais sur la mouvance de la pastorela. Le je narratif, protagoniste de la Ventura, rencontre deux femmes dans un locus amoenus proche d’une source. Ce sont les allégories d’Esperança et Fermesa. Les femmes apparaissent de la sorte (vv. 110-133) : vangueren cavalcan dues dompnes cuytades richamen arresades, quez als no s’i poch far. E viretz les portar als caps corones grans de ffin aur flamegants ab mant obra julia, on fis balays havia maragdes e saffirs, e perles e robis e diamans fort belhs ; e vengron ses mantelhs

32 Les références intertextuelles avec le Salut catalan concernent aussi la représentation des femmes maudites d’Amour. Nous présentons une fois de plus l’extrait dans la version catalane : « Una companya de vils fembres, mas eren fort belles, mas eren mal vestides e d’als draps […] Encara mes que cavalchaven forts leigs cavalls e malvats e mal anans e totans malament e no havien frens ni selles, qu’enans eren raquallosos. Los treballs d’aquestes no podien esser mellorats per ajuda de nengu » (éd. Pagès 1930 : §LI).

cré at i o n e t hy b ri dat i o n

e sens vels sus lus flotes, vestides ab grans cotas brodades tro·ls talos d’obratge molt ricos de perles e d’aur fi ; e la una vesti drap vert, l’altre vermelh, e semblave solelh lur fas, tant era clara, ab tal beutat qu’encara ne suy meravelhatz. En plus des détails des vêtements et de l’insistance sur la liste de toutes les typologies des pierres précieuses, nous constatons le retour de la comparaison de la femme avec le soleil. Mais il faut surtout remarquer les vv. 134-135 : « E vengron latz a latz / e xantan tota via ». Comme les femmes du Salut et du De Amore, les allégories de Comes sont en train de chanter. Néanmoins, le Salut réalise une innovation : si dans les sources dont l’auteur du Salut disposait – dans le De Amore ou dans le Lai du Trot etc. – nous il est question du chant des femmes, il n’est pas retranscrit, tandis que dans le Destret le chant féminin est inséré sous la forme d’un rondeau de danse et pouvait même représenter un interlude exécutable pendant la lecture performative du texte avec un accompagnement musical. En marchant sur les traces de Pagès (1936 : 46-47), nous observons que l’explicitation du chant des femmes reflète bien, et de manière presque réaliste, la diffusion des formes de la chanson française, chantées dans les rues des villes. L’image évoquée dans le texte ressemble bien à la description d’une tranche de vie quotidienne à Barcelone, représentée par Francesc Eiximenis au chapitre 54 du Libre de les dones, consacré aux « dissolucions que huy són en les dones ». Parmi les fautes des femmes on compte : le vêtement somptueux, le maquillage excessif et l’utilisation de parfums. Eiximenis fait remarquer que ce sont les mêmes femmes « qui totes van en joya e tot jorn ab cant francès » (Naccarato 1981 : I, 87-88). Une mode donc, celle de la chanson française, très populaire à Barcelone et dont le Salut d’amor, inattendu, nous offre un portrait opportun, en faisant un sujet de réflexion poétique.

4. Observations finales Le Salut, comme nous avons essayé de le montrer, dialogue avec plusieurs textes catalans, contenus dans le même recueil manuscrit de littérature narrative et de poésie ou dans des manuscrits très proches comme le VeAg. Dans le poème, une opération de confrontation s’établit entre la tradition à laquelle le Salut se conforme et à partir de laquelle il propose de solutions originales, à la limite du maniérisme, avec un usage habile de l’amplificatio de la descriptio puellae qui n’est pas une fin en soi, mais qui préfigure les lais narratifs. Tout est en équilibre, en donnant, avec beaucoup de références intratextuelles et intertextuelles, une circularité discursive du texte. En

123

1 24

n o e m i p igin i

effet, on doit rappeler l’apport de Hans Robert Jauss, qui remarque que l’historicité des genres littéraires se manifeste pendant la formation d’une structure, sa variation, son amplification et sa correction, et que cette opération peut se terminer avec une substitution de genre33. Donc, en changeant le point de vue à partir d’une définition de genre à l’horizon d’attente du public, selon Jauss, le texte est finalement décrit selon les caractéristiques de son Gruppe ou historische Familie ( Jauss 1972 : 110-111) et il est exempté de l’accusation d’anachronisme, en particulier pour la partie du Salut qui a été considérée comme la section la plus traditionnelle du récit. Le Destret, dans sa complexité, explique cette opération de redéfinition de genre et sa langue peut être le miroir du pluralisme linguistique dans lequel la Catalogne vit pendant le règne de Pierre IV, entre l’hérédité occitane, les nouvelles stimulations françaises et l’affirmation de la culture catalane nouvellement née. Le Salut est tout-à-fait conforme au goût littéraire de la cour de Barcelone à la fin du XIVe et sa ‘famille historique’ doit être recherchée dans les produits historiques de ce milieu culturel : les manuscrits et surtout le recueil de Paris-Carpentras si, comme le rappelle d’Arco Silvio Avalle (1985 : 365), « il libro medievale è il tipico prodotto, in non pochi casi, di un antologismo formalmente e ideologicamente motivato, finalizzato alla raccolta ed al riordinamento di testi ritenuti culturalmente omogenei ». Si cela est vrai, il y a encore matière à réflexion sur la configuration de la langue littéraire choisie par les poètes du milieu barcelonais de la fin du XIVe siècle et, au-delà de l’influence française, il serait nécessaire d’investiguer sur l’effective maîtrise de la langue occitane de ces auteurs de narrative catalane : des anonymes aussi bien que des grands noms de la lyrique archaïsante. Toutefois, les incertitudes concernant la collocation chronologique des autres textes narratives du Paris-Carpentras, en rapport avec le Salut, démontrent la nécessité d’une étude globale des autres fragments narrative des collecteurs manuscrits catalans. Le travail reste en grande partie à faire.

Bibliographie Alberni 2001 : A. Alberni, Notes per a una reconstrucció codicològica del Cançoner VegaAguiló (BdC, mss. 7 i 8), in Canzonieri iberici, 2 voll., Padova – A Coruña 2001, pp. 301-311. Alberni 2002 : A. Alberni, El Cançoner Vega-Aguiló : una proposta de reconstrucció codicològica, in Literatura i cultura a la Corona d’Aragó (segles XIII-XV). Actes del III Col·loqui “Problemes i Mètodes de la Literatura Catalana Antiga” (Universitat de Girona, 5-8 juliol de 2000), Barcelona 2002, pp. 151-171. Alberni 2003 : A. Alberni, El cançoner Vega-Aguiló (BC, mss. 7-8): estructura i contigut, thèse de doctorat, Universitat de Barcelona, Barcelona 2003 ‹https://www.tdx.cat/ handle/10803/1679#page = 1›.

33 Nous nous référons à l’apport de Jauss (1972 : 107-138) : « Die Form einer neuen Gattung kann auch aus Strukturveränderungen hervorgehen, die bewirken, dass eine Gruppe schon vorhandener, einfacher Gattungen in ein höheres Organisationsprinzip einrückt » ( Jauss 1972 : 122).

cré at i o n e t hy b ri dat i o n

Alberni 2006 : « Intavulare ». Tavole di canzonieri romanzi (serie coordinata da Anna Ferrari). I. Canzonieri provenzali. 8. Biblioteca de Catalunya : VeAg (mss. 7 e 8) a cura di A. Alberni, Modena 2006. Alberni 2012 : A. Alberni, El « Roman de Cardenois » i l’empremta de Guillaume de Machaut en la poesia catalana medieval, in « Romania », 130, 2012, pp. 74-108. Anglade 1926 : J. Anglade, Las flors del Gay Saber, Barcelona 1926. Annicchiarico 1990 : A. Annicchiarico, Frondino e Brisona, Roma – Bari 1990. Asperti 1985 : S. Asperti, “Flamenca” e dintorni. Considerazioni sui rapporti fra Occitania e Catalogna nel XIV secolo, in « Cultura Neolatina », 45, 1985, pp. 59-103. Asperti 2001 : S. Asperti, édition de 0.38, in Rialc 2001. ‹http://www.rialc.unina.it/0.38. htm›. Avalle 1985 : d’A . S. Avalle, I canzonieri : definizione di genere e problemi di edizione, in La critica del testo : problemi di metodo ed esperienze di lavoro. Atti del convegno di Lecce, 22-26 ottobre 1984, Roma 1985, pp. 363-382. Badia 1975 : L. Badia, Bernat Metge, Obra completa, Barcelona 1975. Badia 2003 : L. Badia, Tres contes meravellosos del segle XIV. Edició i comentaris, Barcelona 2003. Baricci 2017 : F. Baricci, Il Serventese del dio d’Amore, Pisa 2017. Bartsch 1870 : K. Bartsch, Altfranzösische Romanzen und Pastourellen, Leipzig 1870. Bec 1961 : P. Bec, Pour un essai de définition du salut d’amour : les quatre inflexions sémantiques du terme. À propos du salut anonyme “Dompna vos m’aves et amors”, in « Estudis Romànics », 9, 1961, pp. 191-201. Bec 1961a : P. Bec, Les saluts d’amour du troubadour Arnaud de Mareuil, Toulouse 1961. BEdT = Bibliografia Elettronica dei Trovatori, direzione scientifica : S. Asperti, Università di Roma “la Sapienza”. ‹http://www.bedt.it/BEdT_04_25/index.aspx›. BITECA = Bibliografia de Textos Antics Catalans, Valencians i Balears, Bancroft Library – University of California ‹http://bancroft.berkeley.edu/philobiblon/biteca_en.html›. Bohigas 1982 : P. Bohigas, Aportació a l’estudi de la literatura catalana, Barcelona 1982. Brunat 2000 : G. Brunat, édition de 43.1, in Rialc, 2000. ‹http://www.rialc.unina. it/43.1.htm›. Cabré 2001 : M. Cabré, édition de 0.140, in Rialc, 2000. ‹http://www.rialc.unina.it/0.140. htm›. Cabré – Espadaler 2013 : M. Cabré – A. M. Espadaler, La narrativa en vers, in Història de la literatura catalana, II. Literatura medieval ; t. I, Dels orígens al segle XIV », Barcelona 2013, pp. 297-372. Cabré – Rodríguez Winiarski 2016 : M. Cabré – M. V. Rodríguez Winiarski, El Conte d’amor i el recull narratiu de París-Carpentras, in Els manuscrits, el saber i les lletres a la Corona d’Aragó, Barcelona 2016, pp. 13-40. Calvez 1982 : D. Calvez, La structure du rondeau : mise au point, in « The French Review », 55, 1982, pp. 441-470. Cantavella 2013 : R. Cantavella, El ‘Facet’, un ‘ars amandi’ medieval. Edició i estudi, València – Barcelona 2013. Capusso 2005 : M. G. Capusso, La foresta degli amanti. Echi e rifrazioni dell’immaginario medievale nel “salut” “Destret d’emors mi clam a vos” (codice catalano F), in « Il confronto letterario », 43, 2005, pp. 7-23.

125

1 26

n o e m i p igin i

Capusso 2009 : M. G. Capusso, Aspetti citazionali nel ‘salut’ del codice catalano F, in La citazione. Atti del XXXI Convegno di Bressanone, 11-13/7/2003, Padova 2009, pp. 129-148. Cerquiglini 1988 : J. Cerquiglini, Le Rondeau, in La littérature française aux XIVe et XVe siècles. I. Partie historique, Heidelberg 1988, pp. 45-58. Chabaille 1863 : P. Chabaille, “Li Livres dou Tresor” par Brunetto Latini, Paris 1863. Cingolani 1991 : S. Cingolani, “Nos en leyr tales libros trobemos plazer e recreation”. L’estudi sobre la difusió de la literatura d’entreteniment a Catalunya els segles XIV i XV, in « Llengua i literatura », 4, 1991, pp. 39-127. COM2 = Concordance de l’Occitan Médiéval. 2. Les troubadours. Les textes narratifs en vers, direction scientifique P. T. Ricketts, Turnhout 2005. Compagna 1993 : A. M. Compagna Perrone Capano, Sull’omogeneità dei codici : la poesia narrativa catalana nella tradizione manoscritta, in La Filologia Romanza e i codici. Atti del I Convegno SIFR (Messina, 19-22 dicembre 1991), 2 vols., Messina 1993, II, pp. 389-404. Constans 1904-1912 : L. Constans, Le Roman de Troie, Paris 1904-1912. De Boer 1909 : C. De Boer, “Philomena”, Conte raconté d’après Ovide, Paris 1909. DECat = J. Coromines, Diccionario etimològic complementari de la llengua catalana, Barcelona 1980-1995. Dufournet 1984 : J. Dufournet, Aucassin et Nicolette, Paris 1984. Earp 1989 : L. Earp, Machaut’s role in the production of manuscripts of his works, in « Journal of the American Musicological Society », 42, 1989, pp. 461-503. Faral 1924 : E. Faral, Les arts poétiques du XIIe et du XIIIe siècle, Paris 1924. FEW = W. von Wartburg, Französisches Etymologisches Wörterbuch, 26 vols., Bonn – Leipzig – Basel – Paris 1928-2003. Garbini 1996 : Boncompagno da Signa, Rota veneris, éd. par P. Garbini, Roma 1996. Gouiran 1985 : G. Gouiran, L’amour et la guerre. L’œuvre de Bertran de Born, 2 vols., Aixen-Provence 1985. Grifoll 1995 : I. Grifoll, Les noves rimades entre el jo lyric i la ficció de la prosa, in La narrativa in Provenza e Catalogna nel XIII e XIV secolo, Pisa 1995, pp. 109-145. Jauss 1972 : H. R. Jauss, Theorie der Gattungen und Literatur des Mittelalters, in Grundriss der romanischen Literaturen des Mittelalters. I. Généralités, Heidelberg 1972, pp. 107-138. Jeanroy 1914 : A. Jeanroy, Les Joies du Gai Savoir, Toulouse 1914. Jeanroy 1940 : A. Jeanroy, Poésies provençales du XIVe siècle, in « Annales du Midi », 52, 1940, pp. 241-279. Lagomarsini 2012 : C. Lagomarsini, Il “Roman de Cardenois” e la tradizione manoscritta di Guillaume de Machaut, in « Romania », 130, 2012, pp. 109-113. Lecco 2001 : M. Lecco, Il motivo della “Mesnie Hellequin” nella letteratura medievale, Alessandria 2001. Lee 2006 : Ch. Lee, Jaufre, Roma 2006. Leube-Fey 1971 : Ch. Leube-Fey, Bild und Funktion der “dompna” in der lyryk der Trobadors, Heidelberg 1971. LR = F.-J.-M. Raynouard, Lexique Roman, ou Dictionnaire de la langue des troubadours, 6 vols., Paris 1833-1844. Marshall 1989 : J. H. Marshall, Deux “partimens” provençaux du chansonnier T, in Miscellanea di studi in onore di Aurelio Roncaglia a cinquant’anni dalla sua laurea, Modena 1989, pp. 808-817.

cré at i o n e t hy b ri dat i o n

Manetti 2008 : R. Manetti, Flamenca. Romanzo occitano del XIII secolo, Modena 2008. Massó i Torrents 1932 : J. Massó i Torrents, Repertori de l’antiga literatura catalana, La poesia, I, Barcelona 1932. Meisen 2001 : K. Meisen, La leggenda del Cacciatore Furioso e della Caccia Selvaggia, Alessandria 2001. Meyer 1867 : P. Meyer, Le salut d’amour dans les littératures provençale et française, in « Bibliothèque de l’École des Chartes », 3, 1867, pp. 124-170. Meyer 1891 : P. Meyer, Nouvelles catalanes inédites, in « Romania », 20, 1891, pp. 193-215 et 579-615. Miquel y Planas 1916 : R. Miquel y Planas, Les Histories Troyanes de Guiu de Columpnes, Barcelona 1916. Mythe = Le Mythe de la Chasse Sauvage dans l’Europe médiévale, Paris 1997. Munari 1988 : Mathei Vindocinensis, Opera, 3 vols., éd. par F. Munari, Roma 1988. Naccarato 1981 : F. Naccarato, “Lo libre de les dones” de Francesc Eiximenis, 2 vols., Barcelona 1981. Neilson 1900 : W. A. Neilson, The Purgatory of Cruel Beauties. A note on the sources of the 8th novel of the 5th day of the “Decameron”, in « Romania », 29, 1900, pp. 85-93. Pacheco 1983 : A. Pacheco, “Blandin de Cornualla” i altres narracions en vers dels segles XIV i XV, Barcelona 1983. Pacheco 1988 : A. Pacheco, La narració en primera persona en els segles XIV i XV : notes per a una reavaluació crítica, in Actes del Cinquè Col·loqui d’Estudis Catalans a Nord-Amèrica, Barcelona 1988, pp. 99-109. Pagès 1913 : A. Pagès, Poésies catalanes inédites du ms. 377 de Carpentràs, in « Romania », 42, 1913, pp. 174-203. Pagès 1930 : A. Pagès, Andreae Capellani regii Francorum De amore libri tres. Text llatí amb la traducció catalana del segle XIV, Castelló de la Plana 1930. Pagès 1936 : A. Pagès, La poésie française en Catalogne du XIIIe siècle à la fin du XVe. Études suivies de textes inédits ou publiés d’après les manuscrits, Toulouse 1936. Parducci 1942 : A. Parducci, La lettera d’amore nell’antica letteratura provenzale, in « Studi Medievali », 15, 1942, pp. 69-110. PL = J.-P. Migne, Patrologiae Cursus Completus, Series Latina, 221 vols., Paris 1844-1855. Rialc = Repertorio informatizzato dell’antica letteratura catalana, Università di Napoli “Federico II”. ‹http://www.rialc.unina.it›. Riquer 1989 : I. de Riquer, La literatura francesa en la Corona d’Aragón en el reinado de Pedro el Cerimonioso (1336-1387), in Imagénes de Francia en las letras hispánicas, Barcelona 1989, pp. 115-126. Riquer 1992 : I. de Riquer, Les poèmes narratifs catalans en “noves rimades” des XIVe et XVe siècles, in « Revue des Langues Romanes », 96, 1992, pp. 327-350. Riquer 1984 : M. de Riquer, Història de la Literatura Catalana, II, Barcelona 1984. Rubió y Lluch 1908-1921 : A. Rubió y Lluch, Documents per la història de la cultura catalana medieval, 2 vols., Barcelona 1908-1921. Salutz 2009 : Salutz d’amor. Edizione critica del corpus occitanico, a cura di F. Gambino, introduzione e nota ai testi di S. Cerullo, Roma 2009. Salverda de Grave 1891 : J. J. Salverda de Grave, “Eneas”. Roman du XIIe siècle, Halle 1891.

127

1 28

n o e m i p igin i

Scheludko 1931 : D. Scheludko, Beiträge zur Entstehungsgeschichte der altprovenzalischen Lyrik, in « Archivum Romanicum », 15, 1931, pp. 131-206. Stimming 1916 : A. Stimming, Zu Bertran de Born, in « Archiv für das Studium der neueren Sprachen und Literaturen », 134, 1916, pp. 101-110. TL = A. Tobler – E. Lommatzsch, Altfranzösisches Wörterbuch, 13 vols., Berlin – Wiesbaden – Stuttgart 1925-2018. Torró 2014 = J. Torró, La poesia cortesana, in Història de la literatura catalana. II. Literatura medieval ; II. Segles XIV-XV, Barcelona 2014, pp. 261-352. Uulders 2009 : H. Uulders, « Letres qui van per tal afar » : un nouveau salut OccitanoCatalan et la fortune du genre en catalogne (I), in « Estudis Romànics », 31, 2009, pp. 77-103. Uulders 2010 : H. Uulders, « Letres qui van per tal afar » : un nouveau salut OccitanoCatalan et la fortune du genre en catalogne (II), in « Estudis Romànics », 32, 2010, pp. 215-248. Ziino 1995 : F. Ziino, Alcune osservazioni sul “Facet” catalano, in La narrativa in Provenza e Catalogna nel XIII e XIV secolo, Pisa 1995, pp. 185-216. Ziino 2000 : F. Ziino, édition de 0.137, in Rialc, 2000. ‹http://www.rialc.unina.it/0.137. htm›. Zinelli 2012 : F. Zinelli, Il « Roman de Cardenois », Guillaume de Machaut e Oton de Grandson tra Francia del sud e Catalogna, in « Romania », 130, 2012, pp. 294-354.

Joanna Poetz 

Absolucion Édition d’un traité vaudois 1. Introduction Au XIIe siècle, naît en France la dissidence religieuse vaudoise, prônant une vie apostolique et la prédication laïque (sur l’histoire et la théologie du mouvement voir Gonnet – Molnar 1974 ; Cameron 2000). Aujourd’hui, des manuscrits rédigés en langue vernaculaire par les vaudois survivent dans plusieurs bibliothèques européennes dont, par exemple, la University Library de Cambridge, l’Old Library du Trinity College Dublin et la Bibliothèque de Genève (Brenon 2000 ; Balmas – Dal Corso 1977 ; Todd 1865 ; Esposito 1951). La plupart de ces volumes datent de la fin du XVe et du début du XVIe siècle (Brenon 2000 : 144-145 ; Bo 2013 : 6-7 ; Bo 2014 : 4 ; Menichetti 2016 : 149-151 et 154 n. 23). Ils contiennent des traductions bibliques, des traités et des textes didactiques, des sermons ainsi que quelques poèmes et textes d’autre nature, la plupart rédigés en occitan, dans un dialecte caractéristique (Gonnet – Molnar 1974 : 319-369 et 443-456). Cet idiome présente des caractéristiques du nord-est Occitan et des parlers des régions alpines (Cornagliotti 1995 ; Brenon 2000 : 141 ; Borghi Cedrini 2017 : 258-259). Le recours à ce dialecte est souvent le seul critère qui permette d’identifier un texte comme appartenant au corpus « vaudois » (cf. Brenon 2000 : 141-144). En effet, beaucoup de ces textes sont en fait des traductions d’œuvres catholiques comme par exemple la Somme le Roy, le Viridiarum consolationem de Jacques de Bénévent ou des sermons de Jacques de Voragine (Borghi Cedrini 2018 : 90 ; Giraudo 2015 ; Giraudo 2016 ; pour l’édition d’un des témoins vaudois du traité de Jacques de Bénévent, Il Vergier de Cunsollacion, voir Degan Checchini 1979). D’autres, comme celui que nous étudierons dans ce chapitre, sont des traductions ou adaptations d’écrits hussites ou issus des différents mouvements de la Réforme tchèque. Actuellement, de nombreux textes transmis par ces manuscrits n’ont pas encore fait l’objet d’éditions critiques. Cependant, plusieurs chercheurs travaillent actuellement à combler cette lacune (Giraudo 2016 : 5 ; Menichetti 2016). Dans le cadre de cet article, nous nous intéresserons à un de ces textes jusqu’à présent inédit : Absolucion. Ce petit traité est transmis par le manuscrit 260 de l’Old Library du Trinity College Dublin (Du : ff. 383r-385v) et est rédigé dans le dialecte occitan typique des manuscrits vaudois, dont il présente la plupart des caractéristiques (Borghi Cedrini 2017 ; Dal Corso – Borghi Cedrini 1984 ; Raugei

Joanna Poetz • Trinity College Dublin • [email protected] Trans-mission. Création et hybridation dans le domaine d’oc, éd. par Fabio BARBERINI et Camilla TALFANI, Turnhout, 2022 (Publications de l’Association Internationale d’Études Occitanes, 14), p. 129-147.

© FHG

DOI 10.1484/M.PAIEO-EB.5.126419

130

j oa n n a p o e tz

1984 ; Nüesch 1979). Cegna (1982 : 66-67, 72 et Cegna 1994 : 250-253) a étudié Absolution en publiant une traduction italienne du traité, mais sans fournir le texte occitan. Cegna a établi qu’il s’agit d’une traduction en occitan d’une partie du traité latin Puncta rédigé autour de 1412 par Nicolas de Dresde dit de “l’école à la rose noire” (1380-1417), une figure importante de la Réforme tchèque (Cegna 1982 : 72 ; Cegna 1996). L’adaptation vaudoise est anonyme et ne mentionne pas qu’il s’agit d’une traduction d’un texte de Nicolas de Dresde, ce qui est une caractéristique commune des textes vaudois. La circulation en milieu vaudois de Puncta n’est pas connue. En revanche, nous savons que des traductions ou adaptations d’autres textes de cet auteur sont présentes parmi les manuscrits vaudois rédigés en occitan, comme par exemple Alcuns vollon ligar la parolla de Dio (Cegna 1996 : 47-48). Nous pouvons imaginer situer la date de composition d’Absolucion, comme plus ou moins contemporaine à ces autres textes. Cependant, ceci n’est qu’une supposition qui en l’absence de plus de preuves ne peut être confirmée. L’objectif principal de ce travail est de proposer une première édition en langue originale d’Absolucion et d’inclure une comparaison plus détaillée entre Absolucion et Puncta, qui manque encore. Il s’agira d’abord de présenter l’unique témoin vaudois et la tradition manuscrite indirecte, avant de nous interroger sur le contenu d’Absolucion et les liens qu’il entretient avec son hypotexte selon une approche avant tout linguistique et philologique. La dernière partie de cette contribution contient l’édition proprement dite du texte, accompagnée par une traduction en français moderne.

2. Témoins manuscrits L’unique témoin manuscrit (Du) d’Absolucion fait partie du fond d’archive provenant de la collection de l’archevêque James Ussher du Trinity College Dublin (Benedetti 2006). Il s’agit d’un volume de dimensions modestes, 14,5 cm sur 10 cm, généralement daté du début du XVIe siècle, comme le suggère la date 1524 inscrite dans la table pascale du manuscrit au f. 3r (Giraudo 2016 : 21 ; Esposito 1951 : 150). Le volume comporte 394 folios en papier répartis en 34 cahiers de longueur inégale, à quoi s’ajoutent 4 pages de garde, deux en tête et deux en fin de volume (Giraudo 2016 : 21). Sa reliure, plus tardive, est en cuir et comporte sur son dos les inscriptions « Tractatus Waldensium » et « C.5.22 », l’ancienne cote du manuscrit. Elle inclut également une page de garde au début et une à la fin du manuscrit qui comportent des motifs marbrés (Giraudo 2016 : 21). Du est l’œuvre de plusieurs scribes, dont le nombre exact n’a pas encore été déterminé avec certitude (Giraudo 2016 : 21 ; Esposito 1951 : 150). L’écriture prédominante est une litera textualis (Giraudo 2016 : 21). Absolucion a été copié par un seul scribe, probablement celui qui a transcrit la majeure partie du manuscrit et qui semble être également responsable pour la copie, entre autres, des textes suivants : Del Purgatori soyma (ff. 373r-378r), De la Envocacion de li sant (ff. 378r-383r), qui, comme nous le verrons ci-dessous, sont peut-être liés à Absolucion. Au total

absolu ci on

nous pensons que ce scribe est responsable pour l’exécution des folios suivants : 134r-147v, 279v-300v et 310r-389v. La mise en page du manuscrit est simple : les textes sont écrits sur une seule colonne en encre noire, avec quelques rubriques et lettrines en encre rouge (Giraudo 2016 : 22). En outre, il y a quelques illuminations et décorations dans les marges du manuscrit. La plupart se trouvent autour des réclames dans les marges du bas. L’illumination la plus importante du manuscrit est une lettrine en L placée au tout début du premier traité du manuscrit, Vertucz (f. 1r). Il s’agit d’un L en encre rouge, dont les deux bouts représentent des têtes d’animal : celles du haut, un oiseau ; celle du bas, un mammifère quadrupède, peut-être un loup. Le manuscrit 260 est un recueil hétérogène, contenant tant des sermons que des traités et des fragments de nature diverse pour un total de soixante et un textes assortis d’un calendrier et d’une table pascale1. Outre Absolucion, parmi les textes inclus, on compte des traductions de traités de Jan Hus, par exemple Ayci vollen parlar del Matrimony e confort de li bon (fol. 85r-91r), des parties de l’adaptation vaudoise du Verger de Consolation de Jacques de Bénévent (ff. 167v-176v), des sermons (Giraudo 2016) ainsi que d’autres fragments de natures diverses. Certains thèmes ou motifs sont communs à plusieurs textes. Ainsi, la question de la confession, la pénitence et l’absolution se retrouve non seulement dans Absolucion, mais aussi dans le traité Tresor e lume de fe (ff. 176v-271r). Ce texte catéchétique est composé à partir de diverses œuvres d’auteurs hussites, principalement de Nicolas de Pelhrimov (Cegna 1982 : 69-72). Une version du texte est aussi transmise par le manuscrit 208 conservé dans la Bibliothèque de Genève (Ge ; Cegna 1982 : 64-66)2. C’est avec ce texte du manuscrit qu’Absolucion a un rapport plus étroit. En effet, la table des matières du traité Tresor e lume de fe transmise par Ge indique que le dernier chapitre est une discussion des indulgences, qui, selon Cegna (1982 : 65-68 et 72), correspondrait à Absolucion. Cependant, Ge ne contient pas une copie de ce chapitre. Cette table des matières fait aussi référence aux chapitres suivants : Del Purgatori soyma et De l’Invocacion de li sant, textes présents dans Du, juste avant Absolucion. Tresor e lume de fe, sur base de Ge et Du, a été publié et traduit par Cegna (1982 : 125-210 ; Cegna 1994). Puisque ces deux textes, Tresor et lume de fe et Absolucion, ont des sources distinctes et sont transmis comme unités séparées dans Du et que seulement des traductions





1 Il n’y a pour l’heure pas d’accord sur le nombre exact des textes, parce que cela dépend de la valeur accordée aux différentes rubriques et fragments. Doit-on par exemple considérer les rubriques tirées du Verger de Consolation de Jacques de Bénévent comme textes individuels ou comme un seul traité ? La mise en page du manuscrit 260 suggère plutôt la première hypothèse (Todd 1865 : 22-42 ; Gonnet – Molnar 1974 : 446-447 ; Giraudo 2016 : 22). 2 Il est possible qu’une copie supplémentaire du traité Tresor e lume de fe se trouve dans le manuscrit 234 de la Bibliothèque Municipale de Dijon (Di). En effet, l’entrée fournie par le catalogue de cette bibliothèque signale que le volume contient un Exposé de la doctrine chrétienne, ce qui pourrait correspondre au Tresor e lume de fe. Il n’y a, en revanche, pas de texte intitulé Absolucion (Załuska 1991 : 73-74). Cet exposé n’est pas mentionné dans la brève description du ms 234 fournie par Gonnet – Molnar (1974 : 445).

131

13 2

j oa n n a p o e tz

italiennes ont été publiées, il nous a paru important de donner une édition critique indépendante d’Absolucion. Si l’hypothèse de parenté entre le Tresor e lume de fe et Absolucion s’avère correcte, il est possible qu’un témoin d’Absolucion aujourd’hui disparu ait circulé dans la région de Cuneo autour de 1510. Samuele di Cassini, un franciscain qui s’est probablement rendu dans les vallées vaudoises du Piémont autour de 1480 (Cegna 1964 : 6-7) en a peut-être possédé une copie. En effet, en 1510 à Cuneo, Cassini publie un ouvrage polémique contre les vaudois : Victoria triumphale contra li errori de Valdeisi (Cassini 1510). Dans son ouvrage italien, il dit avoir reçu des livres rédigés par les vaudois d’un confrère à Gênes que ce dernier aurait obtenu d’un homme du Piémont (Cassini 1510 : 1). Parmi ceux-ci, il possède un « libro expositivo » qui, selon Cassini (1510 : 31-34), contiendrait une exposition de la foi se terminant par un chapitre sur les indulgences. Cegna (1982 : 84-85 et 99-108 ; Cegna 1994 : 250) a proposé d’y voir une référence au Tresor e lume de fe ainsi qu’à Absolucion. La langue du texte décrit par Cassini demeure inconnue. En effet, la description qu’il donne est en italien, mais il ne semble pas inclure de citations directes. Cegna (1964 : 8) pense qu’il s’agit d’un texte italien. Par ailleurs, Cassini (1510 : 31) est laconique dans sa description de la partie sur les indulgences et n’offre pas une description détaillée de ce chapitre qu’il se contente de lister dans le sommaire fourni du « libro expositivo », ce qui empêche de confirmer qu’il s’agisse d’une version d’Absolucion. Néanmoins, si cette hypothèse est acceptée, alors la date de composition postquem d’Absolucion pourrait remonter à avant 1510. Le texte latin est, quant à lui, transmis par trois témoins complets et trois autres lacunaires : 1) 2) 3) 4) 5)

Praha, Národní knihovna České republiky (Klementinum), IV G 15, ff. 1r-43v (G) Kraków, Biblioteka Jagiellońska, 2148, ff. 119r-156v (J) Berlin, Staatsbibliothek, VIII 8 Bautzen, ff. 35r-90v (Bz) Praha, Národní knihovna České republiky (Klementinum), III G 28, ff. 140r-163r (Cl) Praha, Národní knihovna České republiky (Klementinum), X D 10, ff. 80va-82va et ff. 201va-211va (D) 6) Basel, Universitätsbibliothek, A X 66, ff. 306r-319r (Ba) (Cegna 1996 : 45-51). Cegna (1996 : 45) se sert de G comme manuscrit de base parce qu’il est daté de 1417 et parce que des indices suggèrent qu’il a été rédigé dans « un ambiente ussita moderato, vicino a Nicola, sicuramente con la sua collaborazione ». Selon ses travaux, les autres manuscrits comportant tout ou partie de Puncta appartiennent tous à une même famille, mais il ne prépare pas un stemma codicum (Cegna 1996 : 49). La partie sur le jugement ou l’absolution est contenue dans seulement quatre des six manuscrits : G (manuscrit de base), J (témoin de contrôle), Bz et D. Comme nous le verrons plus bas, la traduction vaudoise est relativement libre, ce qui empêche de déterminer auquel de ces témoins le modèle latin ayant servi à la rédaction du texte occitan ressemble le plus ou duquel il pourrait être un descendant. Par ailleurs, il n’y a pas suffisamment d’indices permettant de savoir si Absolucion dans le ms. 260

absolu ci on

a été rédigé à partir d’un modèle latin de Puncta ou s’il s’agit d’une copie d’un autre témoin vaudois, aujourd’hui perdu.

3. Particularités de la traduction occitane Il s’agit maintenant d’en venir aux liens entre l’hypotexte, la fin du traité Puncta de Nicolas de Dresde et Absolucion. Puncta est divisé en onze chapitres discutant de sujets divers, comme par exemple des vertus théologiques, de la simonie ou des abus du clergé. La traduction vaudoise est relativement libre et ne reprend que la dernière rubrique du texte de Nicolas de Dresde, « triplex iudicium » (Cegna 1996 : 26). Le thème des deux textes est l’absolution qui est comprise de trois manières différentes. La terminologie des deux textes est cependant différente : alors que le texte latin parle de « iudicium », c’est-à-dire de ‘jugement’ ou ‘sentence’, la version occitane parle d’« absolucion », soit de « rémission des péchés » (DOM). De plus, le texte vaudois associe à chaque type d’absolution un terme spécifique, « auctoritativa », « denonciativa » et « dispositiva » (ll. 2-3), qui correspondent à une autre terminologie dans le texte source, puisque ce dernier fait mention de « quod triplex est iudicium scilicet Dei, Petri et curie celestis » (Cegna 1996 : 143). Quant à sa structure, le texte occitan suit son modèle latin et contient trois parties, clairement signalées, précédées d’une brève introduction. Le degré de fidélité de la version occitane au texte source latin varie au fil du texte. Le passage suivant est un exemple d’un passage qui montre une bonne correspondance entre les deux textes : per las claus de la vera sciencia sia demostra a li ome li pecca esser perdona o retengu de Dio. Enaysi deo judicar e obrar lo preyre euvangelic en judicans e decernent la colpa segond la ley en aquilh li qual eran naffra o contamina de la lebrosia la qual significa lo pecca. Dont di Jerome [...] (ll. 22-26) qui correspond au latin : ubi supra quod clavis est auctoritatas examinandi et discernendi et potestas diffiniendi qua ecclesiasticus iudex dignos recipere et indignos excludere debet a regno XX. di. § I (Gratianus : D. 20 ante c. 1 pars 11 § 1 Sed aliud est causis., Fr. 1. 65). Et sic dicit quod vere unica est clavis in essencia, sed propter duplicem effectum quem habet dicitur duplex : primum effectus eius est examinare causam, et discutere et examinare quis ligandus est et quis solvendus et ideo dicitur clavis discrecionis, sicut fiebat in lege ; cum enim dubitabatur de aliquo an esset infectus lepra ducebatur ad sacerdotes qui de illo discernabant (Cegna 1996 : 145-146). Ces deux citations montrent à la fois des exemples de fortes similitudes comme en témoignent les locutions en gras, mais aussi de différences. Dans ce cas, l’auteur de la version occitane semble avoir abrégé la discussion. De manière générale, cependant, le texte occitan tend à afficher des différences notables par rapport à sa source latine,

133

134

j oa n n a p o e tz

dont notamment l’abrégement de certains passages, une réécriture du troisième type d’absolution, l’omission de nombreuses citations de figures d’autorité surtout, mais l’ajout d’autres tirées de la Bible. Le tableau ci-dessous offre une vue d’ensemble des divergences et similitudes entre le texte vaudois et sa source latine, dont nous nous proposons d’analyser quelques exemples. Tableau 1 – Résumé de l’hypotexte latin et de la traduction occitane

Puncta

Absolucion

Prologue

Prologue

Le prologue consiste en une seule phrase : « Ubi nota secundum Astenxem li. VI. ty.XXIII De effectu et virtute penitencie, infine, quod triplex est iudicium scilicet Dei, Petri et curie celestis »

Définition de l’absolution et existence de trois types dont une est dispensée par Dieu, l’autre par les prêtres et la troisième est obtenue par la vraie contrition individuelle.

1ère partie – « Primum est quo Deus animam 1ère partie – absolucion auctoritativa mundat in contricione » (ll. 2694-2744) Rémission des péchés par Dieu, qui a précédence par rapport aux deux autres types. Elle a été acquise grâce à l’Incarnation et à la passion du Christ.

Rémission des péchés par Dieu même. Absolution de la mort éternelle. Citations : Psaume 128,4, Saint Augustin, Ésaïe 53, Ambroise, Matthieu 9,2

2ème partie – « iudicium Petri » (ll. 2745-856) 2ème partie – « absolucion denonciativa » Les prêtres détiennent (la clé) l’autorité d’examiner et de distinguer qui est digne ou non de recevoir le règne des cieux. Les prêtres reçoivent leur pouvoir de Dieu et doivent suivre sa volonté et non pas la leur. Discussion de Lazare.

Rémission des péchés par les prêtres qui ont reçu ce pouvoir de Dieu, clés de la vraie science Seul Dieu peut lier ou délier, les prêtres se contentent de montrer les péchés qui peuvent être remis. Fausse rémission des péchés. Citations : Jérôme, Grégoire, Malachie 2,2.

3ème partie – « iudicium dicitur 3ème partie – absolucion dispositiva approbacionis curie celestis » (ll. 2857-2873) Rémission des péchés par la curie céleste. Par vraie contrition, les hommes peuvent se Ce qui est lié sur terre, et lié dans les cieux ; ce délier de leurs péchés. qui est délié sur terre, l’est aussi dans les cieux. Citations : Ésaïe 58,6, Ézéquiel 33,9.

Premièrement, Absolucion réécrit entièrement la dernière partie de sa source latine et offre donc une interprétation très différente du troisième type de rémission des péchés :

absolu ci on Tableau 2 – Comparaison du troisième type d’absolution

Puncta (ll. 2857-2873)

Absolucion (ll. 71-79)

Tercium, id est iudicium dicitur approbacionis curie celestis. Unde exponitur illud : « Quodcumque ligaveris super terram, scilicet iudico Petri, iuste erit ligatum et in celis, scilicet per approbacionem celestis ». Et hunc intellectum approbat Gregorius et Leo papa in dicto c. Tunc. XI. q. III. et in c. Manet. XXIIII q. I. De isto iudico dicitur in dicto c. Quem penitet. De poen. di. I. : « Quodcumque solveritis super terram, erunt soluta et in celis » : hoc est, ego Dominus et omnes celestis milicie ordines et omnes sancti in gloria mea laudant vobiscum et confirmant quos ligatis et solvitis super terram. Non dixit : quos putatis ligare et solvere, sed in quos exercetis opus iusticie « iuxta penam ligando », aut misericordie « aliquid de pena relaxando ». Alia autem opera vestra in peccatores non cognosco, dicit glo. « scilicet quod dimittatis per vostra peccata ». « Levita enim minister remissionis est », nullius potestatis vim exercet sed tantum ostendit ligatum esse vel absolutum, ut XV q. Nec hiis. etc.

Absolucion dispositiva es una ordena disposicion per la qual alcuns, per vera contricion, deyligan li propi ligam de li pecca. D’aquesta absolucion dis lo Segnor per Ysaia 78 : « Deylia li ligam d’iniquita. Deyliga li faycet apremu ». Czo es que l’ome deyligue li pecca per vera contricion e enapres sactifay per li seo pecca per merit, e per oracions, el huebre lo seo cor a Dio e lo clau al demoni. Car enaysi coma la porta es clausa a nos per las mallas obras, enaysi sencza dubitancza, ilh es huberta a nos per bonas obras. Dont es dit en Eczequiel : « En qual que qual hora lo peccador engemire de li seo pecca e fare judicii e justicia, el viore de vita e non morre ».

Si le traité latin comprend ce « iudicium » comme la concordance de la rémission et de la condamnation des péchés entre la terre et le ciel, la version occitane propose de comprendre ce troisième type d’absolution comme la rémission des péchés obtenue par chacun par contrition et satisfaction des péchés, ainsi que par le mérite et par la prière. L’accent est donc placé sur le rôle de l’individu et de ses actions plutôt que sur la concordance entre terre et ciel. Or, ceci peut être mis en parallèle avec la tradition pénitentielle des vaudois. Par exemple, Cegna affirme que les vaudois ont pu comprendre l’« absolution des péchés avec référence au pardon donné uniquement et directement par Dieu », croyance qui est analogue aux dogmes hussites exprimés dans d’autres sources (Cegna 1982a : 142, cfr. 144-145, 147-148 et Cegna 1994 : 26-27). Par ailleurs, il y a des différences majeures entre Puncta et Absolucion en ce qui concerne les citations extra bibliques. La plupart des citations présentes dans le texte occitan, à l’exception de celle tirées de la Bible, sont déjà contenues dans le traité de Nicolas de Dresde. En revanche, l’inverse n’est pas vrai et Absolucion omet de nombreuses citations de figures d’autorité, par exemple toute référence à Guillaume de Montlauzun, canoniste et abbé de Montier-Neuf à Poitiers (?-1342) sont omises (Cegna 1994 : 72, 250-253 ; Cegna 1996 : 144-150 ; Zapp 1999 : cols 176-177). En revanche, il en ajoute d’autres tirées des sentences de Pierre Lombard (Cegna 1994 : 250-253). Là où les citations sont reprises, la traduction peut diverger plus ou moins

135

1 36

j oa n n a p o e tz

de la source latine. Il n’y a pas d’éléments suffisants pour que l’on puisse déterminer la ou les raisons derrière l’omission de citations dans Absolucion. Il est possible que le traducteur vaudois ne reconnaisse pas toutes les citations ou auteurs mentionnés par Nicolas de Dresde ou juge ces citations inopportunes. Nous ne pouvons pas non plus exclure que ces citations n’aient pas été présentes dans le modèle ayant servi à la rédaction d’Absolucion. Outre l’omission pure et simple de citations, le texte vaudois en raccourcit ou complète d’autres. C’est par exemple le cas de la citation tirée de Saint Jérôme provenant de la troisième partie de son commentaire sur l’Évangile de Saint Matthieu (16,19). Puncta (Cegna 1982 : 144) Absolucion (ll. 26-36)

Commentariorum in Evangelium Matthaei ad Eusebium (PL : 26, 118)

ubi dicit Ieronimus : « Quomodo sacerdos mundum non facit leprosum, sic episcopus vel presbiter non alligat eos qui insontes sunt nec solvit noxios sed pro officio suo cum peccatorum varietas audierit scit qui ligandus sit, qui solvendus ».

Et dabo tibi claves regni coelorum. Et quodcumque ligaveris superterram, erit ligatum in coelis : ut quodcumque solveris super terram, erit solutum in coelis. Istum locum episcopi et presbyteri non intelligentes, aliquid sibi de Phariseum assumunt supercilio, ut vel damnent innocentes, vel solvere se nexios arbitrentur ; cum apud Deum non sententia sacerdotum, sed reorum vita quaeratur. Legimus in Levitico (Cap. XIV) de leprosis, ubi juentur ut ostendant se sacerdotibus, et si lepram habuerint, tunc a sacerdote immundi fiant ; non quo sacerdotes leprosos faciant et immundos ; sed quo habeant notitiam leprosi, et non leprosi, et possint discernere qui mundus, quive immundus sit. Quomodo ergo tibi leprosum sacerdos mundum vel immundum facit : sic et hic alligat, vel solvit episcopus et presbyter, non eos qui insontes sunt, vel noxii ; sed pro officio suo, cum peccatorum audierit varietates, scrit qui ligandus sit, quive solvendus.

Dont di Jerome sobre Mathio 16 : « Lo segnor dis a Sant Peyre : Yo donarey a tu las claus del regne de li cel ». Alcuns volent entendre autrament aquesta parolla e penre del sobrecillia de li pharisios, car ilh pensan condampnar li non-noysent e asolver li noysent, ja sia czo que enapres Dio sia requista la vita de li colpable e non la sentencia de li preyre. Enaysi coma es dit al libre de li Levetient 13, li lebros eran comanda de mostrarse a li preyre lical non faczian li lebros mont, ni li mont lebros. Enaysi lo vescovo, lo preyre, non ligan aquilh li qual son non noysent, ni asoluon li noysent. Mas per lo lor hoffici, con ilh meseyme auren auvi la diversita de li pecca e entendu, conoyssan cal cosa sia a ligar o a deyligar ; e quant ilh ligan en aquesta maniera o deyligan per la clau de la divina sciencia, non erran.

absolu ci on

La citation dans Absolucion est plus fidèle au texte de Jérôme qu’à Puncta. En effet, contrairement au texte de Nicolas de Dresde, la traduction vaudoise inclut dans sa citation les allusions à l’Évangile de Matthieu et au chapitre du Lévitique. Par rapport au texte de Jérôme, Absolucion abrège les deux citations de la Bible (celle de Matthieu 16,19) et celle du Lévitique, qui se voit transformée en paraphrase. En outre, contrairement à Jérôme, le texte occitan attribue la paraphrase non pas au chapitre 14 du Lévitique, mais au chapitre 13. Ce changement n’est pas nécessairement surprenant dans la mesure où il ne s’agit pas d’une citation précise et que les deux chapitres en question traitent de la lèpre. Il y a également quelques différences lexicales et syntactiques entre l’occitan et le texte de Jérôme. Par exemple, comme cela est visible dans la citation donnée ci-dessus, le texte latin dit « legimus in Levitico (cap XIV) » alors que l’occitan dit « enaysi coma es dit al libre de li Levetient ». On passe d’une tournure active à une tournure passive, et l’action de lire (sa valeur sémantique) est rendue par l’emploi d’un nom, « libre ». Ces différences entre Puncta et Absolucion suggèrent deux choses : soit la version du texte de Nicolas de Dresde dont l’auteur vaudois s’est servi était plus complète que les témoins servant à l’édition critique de Cegna, soit il a eu une connaissance précise du texte de Jérôme et a corrigé sa source. L. Vogel a déjà avancé une telle hypothèse à propos des traductions vaudoises de sermons de Jacques de Voragine permettant de mettre en avant la rigueur des traductions vaudoises. En effet, il signale que certains témoins vaudois contiennent des citations plus complètes de Bernard de Clairvaux et d’Origène que les sermons de Jacques de Voragine ayant servi de sources aux vaudois (Vogel 2018 : 124-125 ; pour une édition des sermons vaudois en question voir Giraudo 2016). Dans sa traduction d’Absolucion, Cegna observe avec justesse que cette citation du commentaire de Jérôme se retrouve dans son intégralité dans le Sententiarum libri quatuor de Pierre Lombard (Cegna 1994 : 251 ; PL 192 : 887). Cela pourrait suggérer qu’en milieu vaudois, ce texte de Jérôme était peut-être connu au travers de l’œuvre de Pierre Lombard. Ceci n’est cependant qu’une hypothèse qui ne peut être confirmée en l’absence de plus d’information sur le contexte de production de la traduction vaudoise. Il faut cependant noter que l’œuvre de Pierre Lombard est déjà utilisée par Nicolas de Dresde (Cegna 1996 : 145-146). Finalement, la citation attribuée à un certain Grégoire – « enaysi coma di Gregori a la 17 omellia » (l. 37) – dans Absolucion mérite une attention particulière. Une citation semblable se retrouve dans Puncta, mais l’attribution dans le traité latin ne mentionne pas le nom de Grégoire (Cegna 1982 : 147). Voici la substance des deux citations : « adonca l’asolucion es vera cant l’arbitre ensec l’entempcion del veray juge » (ll. 37-38) et « tunc vera est absolucio presidentis cum interni presidentis sequitur iudicium arbitrium iudicis » (Cegna 1996 : 147). Dans le texte de Nicolas de Dresde elle est attribuée (et identifiée par Cegna) comme suit : « XI q. III (Gregorius papa : C. 11 q. 3, c. 62, Fr. l. 660) », ce qui trouve une correspondance dans le Decretum gratiani. En revanche, dans Absolucion elle est attribuée de façon erronée à la dix-septième homélie de Grégoire. En réalité si l’on consulte l’homélie 17 de Grégoire Le Grand, on y retrouve une correspondance partielle. En effet, la

137

138

j oa n n a p o e tz

citation rappelle ce que dit Grégoire dans son homélie à propos des devoirs des prêtres en ce qui concerne la pénitence. Il y dénonce notamment la simonie et les fausses confessions (PL 75 : 1145). Nous pouvons peut-être interpréter cette différence entre le texte vaudois et le texte de Nicolas de Dresde, comme une erreur dans l’adaptation. Il est possible que l’auteur du texte occitan ait modifié l’attribution de la citation, pensant corriger son texte source. Dans sa traduction italienne d’Absolution, Cegna (1994 : 252) attribue cette citation à l’homélie 27 sur l’Évangile de Grégoire, indiquant qu’elle est aussi présente dans le texte de Pierre Lombard cité ci-dessus : « Item Gregor. in Tract. evang. hom. 27 : Illi soli habent, in hac carne positi potestatem ligandi et solvendi, sicut sancti apostoli, qui illorum exempla simul cum doctrina tenent » (PL 192 : 890). Étant donné que Pierre Lombard fait référence à l’homélie 27 et Absolution à l’homélie 17, il n’est pas possible de dire avec certitude si le traducteur vaudois s’est servi ou non des Quatre Livres de sentences pour la rédaction de ce passage. Le traducteur vaudois a également opéré des changements importants au niveau des citations bibliques. Tant Puncta qu’Absolucion contiennent des citations et des allusions tirées de la Bible. Si certaines allusions se retrouvent dans les deux textes, d’autres sont uniques au traité occitan. En réalité, à l’inverse des citations de figures d’autorité, Absolucion a plus recours à la Bible que Puncta. Le texte contient au total 6 citations ou allusions à l’Ancien Testament qui semble avoir été privilégié dans ce texte : Psaume 129.4, Ésaïe 43.23, Lévitique 13, Malachie 2.2, Ésaïe 53.6 et Ézéquiel 18,28. Il y a également quelques citations directes et quelques allusions au Nouveau Testament (Matthieu 9,2 ; Jean 11 et la résurrection de Lazare). Il faut noter que souvent ces emprunts sont explicites dans le texte et qu’ils sont introduits par des formules stéréotypées comme par exemple « es entendu czo que di lo psalmista » (l. 8) ou encore « Mathio 9 » (ll. 19-20), ce qui indique une bonne connaissance de la Bible, un des principes de base de la culture vaudoise, et peut-être même un accès à une copie physique. La citation tirée d’Ésaïe 43.25 se retrouve aussi dans le livre des sentences de Pierre Lombard, ce qui renforce l’idée que le traducteur vaudois a corrigé son texte source grâce à une connaissance de ce texte (Cegna 1994 : 251).

4. Quelques réflexions pour conclure Bien qu’Absolucion soit un texte très court, il n’en est pas moins important à une bonne compréhension de la littérature religieuse contenue dans les manuscrits vaudois datant de la fin du XVe et du début du XVIe siècle. La date de composition ante quem d’Absolucion doit être fixée à la date de composition de Puncta par Nicolas de Dresde : 1412. Les indices présents dans l’œuvre de Samuele di Cassini semblent eux suggérer que le texte a déjà pu être en circulation parmi les vaudois occitanophones avant 1510, date de publication de la Victoria triumphale. On pourrait donc imaginer que la date de composition post quem d’Absolucion soit antérieure à 1510. Dans tous les cas, la traduction vaudoise de Puncta ne peut pas avoir été réalisée après la composition de Du, autour de 1520. Le contexte de

absolu ci on

traduction demeure encore inconnu. De manière générale il n’y a pas encore de consensus en ce qui concerne le contexte de production des textes et des manuscrits dits “vaudois”. De futures éditions critiques pourront peut-être venir apporter un éclairage supplémentaire. Comme l’analyse ci-dessus et l’édition du texte présentée en appendice le montre, cette traduction vaudoise mérite à être connue en particulier parce qu’il s’agit, dans certains passages, d’une vraie réécriture du texte de Nicolas de Dresde qui pourrait s’avérer intéressante pour une étude plus approfondie de la théologie et pratique de la confession et de la pénitence par les vaudois ainsi que sur la réception de la pensée hussite dans le nord de l’Italie. La littérature religieuse conservée dans les manuscrits vaudois souligne la dimension européenne des textes rédigés en Occitan.

5. Principes d’édition Lors de l’établissement du texte, nous avons suivi les principes éditoriaux suivants : Orthographe et ponctuation. Nous avons respecté les graphies du manuscrit. Les seules différences apportées sont la différentiation entre i et j ainsi qu’entre u et v. De plus, nous avons séparés les mots suivant les conventions modernes. De même, nous avons ponctué le texte suivant les conventions modernes. Abréviations. Nous avons résolu toutes les abréviations sans le signaler dans le texte. Parmi celles qui sont plus problématiques pour l’éditeur, figurent : – l’abréviation « ac’ » a été résolue par « acerta » plutôt qu’« acer ». En effet, comme l’indique Giraudo, seule la forme « acerta » est attestée en toutes lettres dans les manuscrits vaudois (Giraudo 2016 : 25) – le symbole ɔ a été résolu soit par « con » et « com », soit par « cum » lorsqu’il représente la conjonction ou préposition occitane usuelle « com » (Giraudo 2016 : 25) – « enaya » a été résolu en « enaysi coma » puisque cette forme est attestée dans les manuscrits vaudois alors que la solution alternative « enayma » ne l’est pas (Giraudo 2016 : 25). Corrections. Puisqu’il n’y a qu’un témoin connu d’Absolucion, nous avons fait le choix de corriger le texte le moins possible. Nous ne sommes intervenus que là où le texte n’a pas de sens ou lors d’erreurs flagrantes du scribe. Les corrections et les leçons rejetées sont signalées dans l’apparat critique du texte et les ajouts de mots ou de lettre par l’emploi de crochets carrés. Traduction. Absolucion est accompagné d’une traduction en français moderne dont le but est d’aider la lecture. En effet, le texte n’est pas toujours inéquivoque et revêt des formes typiques de l’ancien vaudois. Nous avons donc cherché à rester aussi proche du texte occitan que possible afin d’aider à en saisir le sens littéral.

1 39

140

j oa n n a p o e tz

6. Édition et traduction 3456789101112

Absolucion

5

10

15

[f. 383r] Absollucion, czo es remission o indulgencia o perdonancza, es dicta de trey manieras, ço es : absollucion auctoritativa, absollucion denonciativa3, absollicion dispositiva. La absolucion auctoritativa se conven al sol Dio. La absolucion denonciativa es aquella la qual es demostra de li preyre per lo lor ufficii. La absolucion dispositiva es aquella per la cal alcun se perpausa per veraya contricion a desligar li propi ligam de li pecca qu’el merite d’esser4 asout auctoritativament de Dio e denunciativament del preyre5. De la prumiera absolucion6 es entendu czo que di lo psalmista : « Lo segnor deyliga li liga »7. E aquesta absolucion es dicta remission per la cal Dio per propia auctorita perdona li pecca, car neun non po perdonar li pecca si non lo sol Dio. Enaysi es entendu czo que di Augustin : « Neun non po [f. 383v] perdonar li pecca del mont si non lo sol Dio lo cal es agnel tolent li pecca del mont »8. Enaysi es entendu czo que di Ysaia 43, diczent en persona del Segnor : « Yo sol sfaczo las iniquitas e li pecca del poble »9. Dont dis Ambrois e lo mestre de las summas recorda al 4 libre, a la 18 distincion, 4 capitol, diczent : « La parolla de Dio perdona li pecca, mas lo preyre deo esser juge »10. Encara di Ambrois°: « aquel sol perdona li pecca, lo cal sol es mort per li nostre pecca »11. Donca sapias que lo Segnor perdona e asolv12 per propia auctorita,

3 L’adjectif denonciativa (dénonciative) n’est pas attesté dans les dictionnaires usuels de l’occitan médiéval (LR ; SW ; DOM). Elle pourrait dériver du verbe « denonciar » (DOM) ou être un latinisme. 4 Ce passage a été corrigé par un scribe dans Du. Trois mots, qu’el merite d’esser, sont couverts par une tache d’encre noire et sia a été inscrit en encre brune dans la marge de droite. Comme cette dernière inscription semble être plus tardive et d’une autre main comme si un lecteur avait voulu palier à un dommage dans le manuscrit, nous avons préféré donner la leçon qu’el merite d’esser. 5 Cegna (1994 : 250) rattache la proposition relative au paragraphe suivant du texte. 6 La leçon du manuscrit est « alsolucion ». Il s’agit probablement d’une erreur de transcription. 7 Psaume 128,4 (Cegna 1994 : 250). 8 Augustin, De Consecratione, Distinction 4, chapitre 141, Fr. l. 1407. Cette citation est également présente dans le texte de Nicolas de Dresde : « De con. di. IIII per Augustinum Nemo. Dicitur : “Nemo tollit peccata mundi nisi solus Christus qui est Agnus tollens peccata mundi. Tollit autem dimittendo que facta sunt, ubi et originale continetur, et adiuvando ne fiant et perducendo ad vitam ubi fieri omino non possunt” », (Cegna 1996 : 144 ; voir aussi Cegna 1994 : 250). 9 Il s’agit très probablement d’une citation d’Ésaïe 43,25 (Cegna 1994 : 251). 10 Cette citation est déjà présente, sous une forme différente, dans le texte de Nicolas de Dresde : « Concor. Ambrosius De pe. di. I (De poen. D.I.C.51, Fr. I. 1170-1171) : “Verbum Dei dimittit peccata”, id est Filius Dei qui dicitur Verbum quia sicut per Verbum manifestatur voluntas alicuius ita per Filium voluntas Patris ; vel eciam : Verbum id est predicacio que quandquoque est causa contricionis et per consequens remissio » (Cegna 1996 : 144 ; voir aussi Cegna 1994 : 251). 11 Voir la note 10. 12 Dans le manuscrit, le copiste a écrit « asolue », ce qui est problématique. En effet, le -e n’est pas la désinence de la troisième personne du singulier de l’indicatif présent. Le sujet de ce verbe étant « Segnor », le choix a été fait de corriger et donner « absolv ». Il serait aussi possible de conserver la forme « absolve », qui serait alors comprise comme le parfait de la troisième personne du singulier.

absolu ci on

20

25

30

35

purificant l’arma interior. El asolv13 del debit de la mort eternal. Dont lo es maniffest, Mathio 9°: « O filh, confidate, li teo pecca son perdona a tu »14. Absolucion denonciativa es legittima denonciacion o demostracion del preyre a demostrar l’asolucion fayta de Dio confortivolment15 e del sacerdot, per las claus de la vera sciencia, sia demostra a li ome li pecca esser perdona o retengu de Dio. Enaysi deo judicar e obrar lo preyre euvangelic16 en judicans e decernent la colpa segond la ley en aquilh li qual eran naffra o contamina de la lebrosia la qual significa lo pecca17. Dont di Jerome sobre Mathio 16 : « “Lo segnor dis a Sant Peyre : Yo donarey a tu las claus del regne de li cel”. Alcuns volent entendre autrament aquesta parolla e penre[n]18 del sobrecillia de li pharisios, car [f. 384r] ilh pensan condampnar li non-noysent e asolver li noysent, ja sia czo que enapres Dio sia requista la vita de li colpable e non la sentencia de li preyre. Enaysi coma es dit al libre de li19 Levetienc 13, li lebros eran comanda de mostrarse a li preyre li cal non faczian li lebros mont, ni li mont lebros. Enaysi lo vescovo20, lo preyre, non ligan aquilh li qual son non-noysent, ni asolvon li noysent, mas per lo lor hoffici, cum ilh meseyme auren auvi la diversita de li pecca e entendu, conoyssan cal cosa sia a ligar o a deyligar. E quant ilh ligan en aquesta maniera o deyligan per la clau de la divina sciencia, non erran »21. Adonca l’asolucion es vera, enaysi coma di Gregori a la 17 omellia : « Adonca l’asolucion es vera cant l’arbitre ensec l’entempcion del veray juge »22. La cal cosa

13141516171819202122

13 Voir la note 15. 14 Mathieu 9,2 : « E ve vos presenteron a lui paralysinos iaçent al leyt ; mas Yhesu vesent la fe de lor, dis al parlaysinos : O filh, confida te, li tio peca son perdona a tu » (Nüesch 1979). 15 Confortivolment est un adverbe, non-attesté dans les dictionnaires de l’occitan médiéval usuels, formé par l’ajout du suffixe -ivolment au nom « confort » (LR ; SW ; DOM). L’emploi de ce suffixe est une caractéristique typique du dialecte vaudois, souvent comprise comme un italianisme (Nüesch 1979 : II, 12-13 et 164 ; Borghi Cedrini 2017 : 209). 16 La lecture euvangelic n’est pas certaine. En effet, dans le témoin manuscrit le mot n’est pas très bien lisible et semble apparaître sous la forme suivante : euuagelic avec une barre de suspension au-dessus de ce qui pourrait être uu et du a. La forme euvangelic étant donnée au fol. 384v, nous avons opté de proposer cette lecture ici aussi. 17 Ce passage ressemble au texte source latin : « vere unica est clavis in essencia, sed propter duplicem effectum quem habet dicitur duplex : primum effectus eius est examinare causam, et discutere et examinare quis ligandus est et quis solvendus et ideo dicitur clavis discrecionis, sicut fiebat in lege ; cum enim dubitabatur de aliquo an esset infectus lepra ducebatur ad sacerdotes qui de illo discernabant » (Cegna 1996 : 145-146). 18 Leçon du ms. penre. La correction suppose la perte d’un titulus, fané dans la source ou omis par erreur du copiste. Une autre possibilité de correction serait de modifier volent en volon. 19 Le déterminant défini « li » est inscrit dans la marge interne du fol. 384 et un point en encre rouge indique l’endroit où il doit être inséré. Il n’est pas certain si cette correction a été ajoutée par le scribe en charge de l’exécution de ce folio ou par un autre copiste ou relecteur. 20 Ce substantif est abrégé dans le manuscrit (vescoo). Nous proposons de le résoudre en vescovo, forme qui peut être interprétée comme un italianisme. 21 Hieronymus, Commentatorium, (PL : XXVI, 118 ; Cegna 1994 : 251). 22 Citation du Decretum Gratiani, déjà présente dans l’hypotexte latin (Cegna 1996 : 147 ; Cegna 1994 : 252).

141

142

j oa n n a p o e tz

40

45

50

55

60

65

23242526272829

es demostra per lo laczer lo cal Yesu rexucite ja avent 4 dias. E Yesu dis a li seo deciple que ilh desliguessan luy ja vivent, lo cal cum el fossa mort lo nostre mestre rexucite lui. Mas si li deciple aguessan desliga lo laczer mort, la seria ista demostra la pudor majorment que la vertu23. Donca lo es de considerar que nos deven demostrar a li ome esser liga o desliga per pastoral auctorita aquilh li cal nos conoyssen lo nostre Me|stre24 [f. 384v] vivificar e rexucitar per gracia, emperczo que lo sol Dio desliga li liga, enaysi coma es dit al 4 libre de las summas a la 18 distincion, 6 capitol25. Dont es dit que li preyre non an l’uffici per ligar o deyligar, mas es a demostrar li ome liga o deyliga. Dont lo Segnor restaure prumierament lo lebros a sanita, enapres el comande qu’el se demostres a li preyre per lo judici de li cal el fossa demostra esser monda. « Enaysi lo laczer ja vivifica apresente luy a li deciple qu’ilh desliguessan luy. Donca si alcun es deylia enapres Dio, non es deylia de la facia de la Gleisa si non per lo judicii de li preyre. Li preyre euvangelic an aquesta cosa per dreyt huffici judicant e decernent la colpa, enaysi coma aquilh li qual eran en la ley decernent li lebros »26. Donca li preyre devon demostrar a li ome li pecca esser perdona o retengu de Dio. Acerta lo es demostra qual deo esser lo preyre lo cal liga o desliga li autre. El deo esser descret e just si non el es homecidier de las armas que non moron e vivifican aquellas que non vivon. Enaysi encorron en la maledicion, enaysi coma es dit en Malaquias 2 : « Yo maleyczirey las vostras benedicions »27. Lo es declayra per aquest [f. 385r] test, e de li autre dena[n]t dit, que li preyre ligan sovendierament li28 non-noysent, li qual non son liga de Dio, ni enapres Dio, e demostran absolucion a li non-degne li cal son liga enapres Dio. Lo es vist a moti que li preyre asolvon o ligan cal que cal cosa ilh pensan ligar o desligar. Emperczo es de noctar que una es la ligacion o absolvacion veraya e autra es la ligacion e absolvacion enfeinta. L’asolvacion vera es denonciacion fayta conformivolment a la absolucion divina ; mas la absolucion enfeinta es denonciacion contraria a la volunta divina. Emperczo aytal preyre, denonciant al contrari del divin judicii, non absolvon29 verament, mas ilh se pensan absolver o deyligar enaysi. Mas en

23 Voir Jean 11. 24 La barre verticale signale la segmentation du mot entre le feuillet précédent, 384r, et le feuillet suivant, 384v. 25 Référence aux sentences de Pierre Lombard (PL : CXCII, 887 ; Cegna 1994 : 252), absente chez Nicolas de Dresde. 26 Il s’agit d’une citation tirée de Pierre Lombard : « Unde Dominus leprosum sanitati prius per se restituit, deinde ad sacerdotes nisit, quorum judicio ostenderetur mundatus. Ita etiam Lazarum jam vivificatum obtulit discipulis solvendum. Quia et si aliquis apud Deum sit solutus, non tamen in facie Ecclesiae solutus habetur, nisi per judicium sacerdotis. In solvendis ergo culpis vel retinendis, ita operatur sacerdos evangelicus et judicat, sicut olim legalis in illis qui contaminati erant lepra, quae peccatum signat » (Cegna 1994 : 252 ; PL : CXCII, 187). 27 Malachie 2,2 (Cegna 1994 : 252). 28 Dans le manuscrit il est écrit « lo non-noysent ». Nous avons jugé nécessaire de corriger le déterminant défini singulier lo en li afin de s’accorder avec le pronom relatif pluriel qui suit, « li qual ». 29 La leçon du manuscrit est absolve, ce qui est problématique. En effet, -e ne peut pas être la désinence de la troisième personne du singulier de l’indicatif présent (voir la note 15), tandis que la terminaison de la troisième personne du pluriel en ancien vaudois est normalement -on. Le sujet du verbe, « aytal

absolu ci on

70

75

cant a la reputacion mondana aucion las armas que non vivon. Entende ben cals son las claus apostolicas e en cal modo se dean husar30. Absolucion31 dispositiva es una ordena disposicion per la qual alcuns, per vera contricion, deyligan li propi ligam de li pecca. D’aquesta absolucion dis lo Segnor per Ysaia 78 : « Deylia li ligam d’iniquita. Deyliga li faycet32 apremu »33. Czo es que l’ome deyligue li pecca per vera contricion e [f. 385v] enapres sactifay per li seo pecca, per merit, e per oracions el huebre lo seo cor a Dio e lo clau al demoni. Car enaysi coma la porta es clausa a nos per las mallas obras, enaysi sencza dubitancza, ilh es huberta a nos per bonas obras. Dont es dit en Eczequiel : « En qual que qual hora lo peccador engemire de li seo pecca e fare judicii e justicia, el viore de vita e non morre, etcetera »34.

Traduction

3031323334

L’absolution, c’est-à-dire la rémission, l’indulgence ou le pardon, est dite de trois manières qui sont : l’absolution autoritative, l’absolution dénonciative, l’absolution dispositive. L’absolution autoritative appartient à Dieu seul. L’absolution dénonciative est celle qui est montrée par les prêtres au travers de leur office. L’absolution dispositive est celle grâce à laquelle quelqu’un se résout à délier ses propres liens du péché par vraie contrition afin qu’il mérite d’être absout de façon autoritative par Dieu et dénonciative par le prêtre. À propos de la première absolution est entendu ce que dit le psalmiste : « Le Seigneur délie ceux qui sont liés ». Et cette absolution est appelée rémission grâce à laquelle

30

31 32 33 34

preyre » peut tout aussi bien être un sujet singulier ou pluriel, ce qui rend cette phrase ambigüe. La deuxième proposition comporte quant à elle un sujet pluriel et un verbe pluriel « ilh se pensan ». Dans Puncta, la description de ce deuxième type d’absolution fait systématiquement référence à un prêtre, comme l’attestent les deux citations suivantes : « et sic valet usus illius potestatis nisi erraret expresse, scilicet quando sacerdos est imperitus et nescit discernere inter dignum et indignum » et « Sic cautela est quod si presbiter aliquem induratum vel non penitentem videt, quod non absolvat sed ei penitenciam imponat, ut orat quod Deus eum illuminet. Item ex parte utriusque quia scilicet et sacerdos forte et penitens credidit culpam peccati remissam a Deo et non est, ut potest exemplificari de eo qui confitetur peccatum conmissum non tamen cum animo abstinendi ab eo. Unde presbiter errat si absolvit » (Cegna 1996 : 147 et 148). Cependant, ce passage d’Absolucion n’est pas une traduction littérale et s’écarte d’un point de vue de la forme du texte source. Il serait également envisageable d’interpréter absolve comme le parfait de la troisième personne du singulier et de conserver la leçon du manuscrit. Cependant, pour garantir une plus grande cohérence au sein de la phrase, il nous a paru préférable de donner absolvon. Cegna (1994 : 253) identifie avec justesse que cette phrase est empruntée à Pierre Lombard : « Postquam ostensum est quae sint claves apostolicae, et quis earum usus, superest investigare quando istae claves deventur, et quibus » (PL : CXCII, 889). Dans sa traduction, Cegna rattache cette phrase à la discussion du troisième type d’absolution. La leçon du manuscrit est « alsolucion ». Il s’agit probablement d’une erreur de transcription. Faycet est une variante de « faiset » signifiant « bouquet » (DOM) ; « kleiner Bündel, Büschel » dans le SW. Dans ce contexte, il faudrait plutôt le sens de « liens » ou « attaches ». Ésaïe 58,6, mais qui, dans le texte, est attribuée au chapitre 78. Dans sa traduction, Cegna (1994 : 253) corrige le texte, omettant de signaler la leçon du témoin manuscrit. Ezéchiel 18,28 (Cegna 1994 : 253).

143

144

j oa n n a p o e tz

Dieu, par sa propre autorité, pardonne les péchés, car personne ne peut pardonner les péchés si ce n’est le seul Dieu. Il faut comprendre ainsi ce que dit Augustin : « Personne ne peut pardonner les péchés du monde si ce n’est le seul Dieu qui est l’agneau ôtant les péchés du monde ». Ainsi l’on entend ce que dit Ésaïe 43, disant en la personne du Seigneur : « Moi seul défais les iniquités et les péchés du peuple ». Donc Ambroise dit et le maître de la Somme le rappelle au quatrième livre, à la 18ème distinction, au quatrième chapitre, disant : « La parole de Dieu pardonne les péchés, mais le prêtre doit être le juge » Ambroise dit encore : « lui seul pardonne les péchés, qui est mort pour nos péchés ». Donc, sache que le Seigneur pardonne et absout35 par sa propre autorité, purifiant l’âme intérieure. Il absout de la dette de la mort éternelle. Donc il est manifeste, Matthieu 9 : « Ô fils, aies confiance, tes péchés te sont pardonnés ». L’absolution dénonciative est une légitime dénonciation ou démonstration du prêtre pour montrer l’absolution faite par Dieu de façon réconfortante et que par le prêtre36, par les clés de la science, il soit démontré aux hommes que les péchés sont pardonnés ou retenus de Dieu. Ainsi le prêtre évangélique doit juger ou œuvrer en jugeant et discernant la faute selon la loi en ceux qui étaient atteints ou contaminés par la lèpre laquelle signifie le péché. Donc Jérôme dit au sujet de Matthieu 16 : « ‘Le Seigneur dit à Saint Pierre : Je te donnerai les clés du règne des cieux.’ Certains, voulant comprendre autrement cette parole, adopteront l’attitude des pharisiens aux sourcils froncés37, car ils pensent condamner les innocents et absoudre ceux qui nuisent, alors qu’auprès de Dieu la vie des coupables est requise et non la sentence des prêtres. Ainsi qu’il est dit au livre des Lévites 13, il était ordonné aux lépreux de se montrer aux prêtres lesquels ne rendaient pas les lépreux sains, ni les sains lépreux. Ainsi l’évêque [et] le prêtre ne lient pas ceux qui sont innocents, ni absolvent ceux qui nuisent, mais par leur office, lorsqu’eux-mêmes auront entendu et compris la diversité des péchés, ils savent quelle chose est à lier ou à délier. Et quand ils lient de cette manière ou délient par la clé de la divine connaissance, ils ne se trompent pas ». Donc l’absolution est vraie, comme dit Grégoire dans la 17ème homélie : « Donc, l’absolution est vraie quand l’arbitre suit l’intention du vrai juge ». Et cette chose est démontrée par Lazare que Jésus ressuscita étant déjà [mort] depuis quatre jours. Et Jésus ordonna à ses disciples qu’ils déliassent lui encore vivant, lequel lorsqu’il fut mort, notre maître le ressuscita. Mais si les disciples avaient délié Lazare mort, la puanteur plutôt que la vertu aurait été démontrée. Donc, il s’agit de considérer que nous devons annoncer aux hommes qu’ils sont liés ou déliés par autorité pastorale ceux dont nous savons que notre Maître les vivifie et ressuscite par grâce, étant donné que le seul Dieu délie les liens, comme il est dit au quatrième livre des sommes à la 18ème distinction, 6ème chapitre. 35 D’accord avec le texte critique (voir note 15), nous avons fait le choix de traduire absolv au présent. 36 La traduction donnée n’est qu’une hypothèse interprétative. Il faut préciser que « que par le prêtre » ne traduit pas parfaitement e del sacerdot ; c’est-à-dire que pour traduire de cette manière, il faut supposer un que implicite dans le texte vaudois. 37 Comme le propose déjà Cegna, il n’est pas possible de traduire « penren del sobrecillia de li pharisios » littéralement. Celui-ci propose : « assumono l’atteggiamento di farisei terribilmente accigliati » (Cegna 1994 : 251). Cela fait référence à l’arrogance et hypocrisie des pharisiens.

absolu ci on

Donc il est dit que les prêtres n’ont pas l’office de lier ou délier, mais [leur office] est de montrer les hommes liés ou déliés. Donc le Seigneur restaura premièrement le lépreux à la santé, ensuite il ordonna qu’il se montrât aux prêtres pour que par leur jugement il fut démontré être sain. « Ainsi le lépreux déjà vivifié se présenta aux disciples pour qu’ils le déliassent. Donc si quelqu’un est délié auprès Dieu, il n’est pas délié par la présence de l’Église si non seulement par le jugement des prêtres. Les prêtres évangéliques ont cette chose par juste office jugeant et attribuant la faute, comme ceux qui selon la loi discernaient les lépreux ». Donc les prêtres doivent montrer aux hommes que les péchés sont pardonnés ou retenus de Dieu. Certainement, il est montré quel doit être le prêtre qui délie ou lie les autres. Il doit être discret et juste sinon il est le meurtrier des âmes qui ne meurent pas et ils [les prêtres] vivifient celles qui ne vivent. Ainsi ils tombent dans la malédiction comme il est dit dans Malachie 2 : « Je maudirai vos bénédictions ». Il est déclaré par ce texte, et par les autres mentionnés ci-dessus, que les prêtres lient souvent les innocents lesquels ne sont pas liés par Dieu ni selon Dieu, et donnent l’absolution aux indignes lesquels sont liés selon Dieu. Beaucoup observent que les prêtres absolvent ou lient ce qu’ils pensent lier ou délier. C’est pourquoi il faut noter qu’une chose est le liement et la vraie absolution et une autre est le liement ou l’absolution feinte. La vraie absolution est la dénonciation faite conformément à l’absolution divine ; mais l’absolution feinte est la dénonciation contraire à la volonté divine. C’est pourquoi de tels prêtres, dénonçant contre le jugement divin, n’absolvent pas vraiment, mais ils pensent absoudre ou délier ainsi. Mais en ce qui concerne la réputation mondaine, ils tuent les âmes qui ne vivent pas. Comprenez bien quelles sont les clés apostoliques et de quelle manière elles doivent être utilisées. L’absolution dispositive est une disposition ordonnée selon laquelle certains, par vraie contrition, délient leurs propres liens des péchés. Le Seigneur, par Ésaïe 78, dit au sujet de cette absolution : « Délie les liens d’iniquité. Délie les liens opprimés ». C’est-à-dire que l’homme délie les péchés par vraie contrition et ensuite satisfasse pour ses péchés par mérite, et que par prières il ouvre son cœur à Dieu et le ferme aux démons. Car de même que la porte est fermée pour nous par les mauvaises œuvres, ainsi sans doute elle est ouverte pour nous par les bonnes œuvres. Donc il est dit en Ézéchiel : « Du moment que le pécheur pleurera pour ses péchés et fera le jugement et la justice, il vivra de vie et ne mourra pas, etc ». Manuscrits

Ba : Basel, Universitätsbibliothek, A X 66 Bz : Berlin, Staatsbibliothek, VIII 8 Bautzen Cl : Praha, Národní knihovna České republiky (Klementinum), III G 28 D : Praha, Národní knihovna České republiky (Klementinum), X D 10 Di : Dijon, Bibliothèque municipale, 234 Du : Dublin, Old Library of Trinity College, 260 G : Praha, Národní knihovna České republiky (Klementinum), IV G 15 Ge : Genève, Bibliothèque de Genève, 208 J : Kraków, Biblioteka Jagiellońska, 2148

145

146

j oa n n a p o e tz

Bibliographie Balmas – Dal Corso 1977 : E. Balmas – M. Dal Corso, I manoscritti valdesi di Ginevra, Torino 1977. Benedetti 2006 : M. Benedetti, Il « santo bottino ». Circolazione di manoscritti valdesi nell’Europa del Seicento, Torino 2006. Bo 2013 : F. Bo, Il manoscritto 263 del fondo valdese di Dublino : descrizione, storia e annotazioni filologiche, in « Bolletino della Società di Studi Valdesi », 212, 2013, pp. 3-46. Bo 2014 : F. Bo, I manoscritti valdesi e le Valli del Piemonte. Nuove prospettive sugli antichi luoghi di conservazione nelle Valle oggi dette valdesi, in « Bollettino della Società di Studi Valdesi », 215, 2014, pp. 3-20 Borghi Cedrini 2017 : L. Borghi Cedrini, Ai confini della lingua d’oc (Nord-Est occitano e lingua valdese), Modena 2017. Borghi Cedrini 2018 : L. Borghi Cedrini, Protostoria e storia dell’edizione dei sermoni valdesi, in Predicazione e repressione. Processi e letteratura religiosa, Torino 2018, pp. 89-94. Brenon 2000 : A. Brenon, The Waldensian Books, in Heresy and Literacy, 1000-1530, Cambridge 2000, pp. 137-159. Cameron 2000 : E. Cameron, The Waldenses : Rejections of Holy Church in Medieval Europe, Oxford 2000. Cassini 1510 : S. di Cassini, Victoria triumphale contra li errori de Valdeisi, Simone Bevilaqua Papiensem, Cuneo 1510. Cegna 1964 : R. Cegna, La Polemica antivaldese di Samuele di Cassini O. F. M., in « Bolletino della Società di Studi Valdesi », 115, 1964, pp. 5-20. Cegna 1982 : R. Cegna, Fede ed etica valdese nel quattrocento. Il « Libro espositivo » e il « Tesoro e luce della fede », Torino 1982. Cegna 1982a : R. Cegna, La tradition pénitentielle des Vaudois et des Hussites et Nicolas de Dresde, in « Communio Viatorum », 25, 1982, pp. 137-170. Cegna 1994 : R. Cegna, Medioevo cristiano e penitenza valdese. Il « Libro espositivo » e il « Tesoro e luce della fede », Torino 1994. Cegna 1996 : R. Cegna, Nicolai ut dicunt de Dresda : “Puncta”, in « Mediaevalia Philosophica Polonorum », 33, 1996, pp. 3-206. Cornagliotti 1995 : A. Cornagliotti, Sprache der Waldenser/Il Valdese, in Lexikon der Romanistischen Linguistik, II/2, Tübingen, 1995, pp. 467-473. Dal Corso – Borghi Cedrini 1984 : M. Dal Corso – L. Borghi Cedrini, “Vertuz” e altri scritti (manoscritto GE 206), Torino 1984. Degan Checchini 1979 : A. Degan Checchini, Il “Vergier de cunsollacion” e altri scritti (manoscritto Ge 209), Torino 1979. DOM : Dictionnaire de l’Occitan Médiéval (direction : M. Selig – M. Tausend), Münich, Bayerischen Akademie der Wissenschaften. ‹http://www.dom-en-ligne.de/dom.php›. Esposito 1951 : M. Esposito, Sur quelques manuscrits de l’ancienne littérature religieuse des vaudois du Piémont, in « Revue d’Histoire Ecclésiastique », 46, 1951, pp. 127-159. Giraudo 2015 : A. Giraudo, Volgarizzamenti valdesi di alcuni sermoni di Iacopo da Varazze, in « Studi Medievali », 56, 2015, pp. 741-787.

absolu ci on

Giraudo 2016 : A. Giraudo, Sermoni valdesi medievali. I e II domenica di Avvento, Torino 2016. Gonnet 1966 : J. Gonnet, Waldensia, in « Rivista di Storia e letteratura religiosa », 2, 1966, pp. 461-484. Gonnet – Molnar 1974 : J. Gonnet – A. Molnar, Les Vaudois au moyen âge, Torino 1974. LR = F.-J.-M. Raynouard, Lexique Roman, ou Dictionnaire de la langue des troubadours, 6 vols., Paris 1838-1844. Menichetti 2016 : C. Menichetti, La traduction intra-romane en contexte religieux : la genèse des Actes des apôtres en occitan Vaudois, in L’aventure du sens. Mélanges de philologie provençale en l’honneur de François Zufferey, Strasbourg 2006, pp. 147-176. Nüesch 1979 : H.-R. Nüesch, Altwaldensische Bibelübersetzung. Manuskript Nr. 8 der Bibliothèque municipale Carpentras, 2 vols., Berne 1979. PL = J.-P. Migne, Patrologiae Cursus Completus, Series Latina, 221 vols., Paris 1844-1855. Raugei 1984 : A. M. Raugei, Bestiario valdese, Firenze 1984. SW = E. Levy, Provenzalisches Supplement-Wörterbuch, Leipzig 1894-1924. Todd 1865 : J. H. Todd, The Books of the Vaudois. The Waldensian Manuscripts Preserved in the Library of Trinity College, Dublin, London – Cambridge 1865. Vogel 2018 : L. Vogel, Osservazioni sulla teologia dei sermoni d’avvento, in Predicazione e repressione. Processi e letteratura religiosa, Torino 2018, pp. 121-131. Załuska 1991 : Y. Załuska, Manuscrits enluminés de Dijon, Paris 1991.

147

Camilla Talfani 

La scripta du Languedoc occidental et la scripta de la Provence au XIVe siècle 1. Le cadre de la recherche La réalisation de ma thèse portant sur l’étude stratigraphique de la scripta du Chansonnier R (Paris, BnF, fr. 22543)1 m’a amenée à me consacrer à des recherches minutieuses sur la configuration et la distribution géolinguistique de l’occitan médiéval2. Les résultats des recensements effectués ont mis en évidence qu’une bonne partie des traits du languedocien occidental correspondent aux traits les plus courants dans l’Hérault et en Provence. De la même manière, étant donné que le compilateur du Chansonnier R s’inscrit dans une aire comprise entre le Bas-Quercy et le Toulousain, j’ai remarqué que la plupart des éléments caractérisant la scripta de ce manuscrit se rencontrent également, aux XIIIe et XIVe siècles, dans certaines zones de la Provence et de l’Hérault. Ce fait a clairement complexifié le problème de la détection d’une localisation précise pour le codex, et des examens plus approfondis ont été nécessaires à l’obtention d’un certain degré de fiabilité. Les données tirées de l’exploitation, enfin aptes à démêler et éclaircir l’ambiguïté existante entre les scriptae des deux extrêmes occitans, occidental et oriental, apparaissent particulièrement intéressantes, et c’est pourquoi elles font maintenant l’objet de cette contribution.

2. Les traits linguistiques communs Procédant par étapes, nous présentons d’abord l’inventaire des caractéristiques linguistiques communes et, ensuite, nous analyserons en détail les différences qui ont été établies par rapport à la scripta languedocienne occidentale, sur la base de



1 Ce célèbre chansonnier est un des recueils les plus précieux de poésies des troubadours et remonte à la fin du XIIIe siècle. Il contient à peu près mille cent pièces lyriques, vingt-cinq vidas, une vingtaine de razos, cinquante-sept textes à caractère non-lyrique et cent-soixante mélodies. 2 La contribution la plus récente qui offre un inventaire général assez exhaustif sur l’ensemble des scriptae de l’aire occitane est celle de Pfister (2002), dont nous avons bénéficié davantage pour notre analyse. Néanmoins, nous avons intégré ce précieux appui avec l’apport de travaux plus pointus sur des sujets et des traits spécifiques.

Camilla Talfani • CLLE (UMR 5263) – CNRS, Université Toulouse-Jean Jaurès – Université Paul-Valéry-Montpellier • [email protected] Trans-mission. Création et hybridation dans le domaine d’oc, éd. par Fabio BARBERINI et Camilla TALFANI, Turnhout, 2022 (Publications de l’Association Internationale d’Études Occitanes, 14), p. 149-165.

© FHG

DOI 10.1484/M.PAIEO-EB.5.126420

150

ca m il l a ta l fan i

la présence ou l’absence dans cette dernière, adoptée, donc, comme point de départ et de repère lors de la comparaison. Il faut à cet égard préciser que, dans le but d’observer et évaluer correctement les relations entre les deux scriptae, nous avons évidemment et seulement pris en compte les phénomènes qui se produisent dans les deux aires à la même époque, c’est-à-dire entre la deuxième moitié du XIIIe et le début du XIVe siècle, afin d’éviter le risque d’atteindre des résultats altérés par un décalage chronologique. Il est notoire, en fait, que dès les XVe et XVIe siècles la distance linguistique entre le Languedoc occidental et la Provence est bien plus nettement marquée, car, pour le provençal, un certain nombre de traits assez spécifiques ne s’instaurent qu’à partir de la fin du XIVe siècle ou bien au cours du XVe siècle, et vraisemblablement sous l’influence du français. Parmi ces derniers, on compte, par exemple : le digraphe pour la notation de [o] simple fermé3 ; le passage graphique et, très probablement, aussi phonétique a > e ; la diphtongaison oa issue de o ouvert (Ricketts – Hershon 2007 : 15) ; d’autres solutions de diphtongaison conditionnée de ŏ latin devant c, à savoir ue dans un premier temps et, dès le XVe siècle, ua (Gleßgen 1995 : 428-429). La liste qui suit rassemble, donc, les éléments partagés par les deux aires, traités selon leur dépendance de la phonétique, de la morphologie ou de la lexicographie. 2. 1. Triphtongue ieu  i – habituellement noté 12 – est propre aux conventions scriptologiques de plusieurs régions occitanes. Brayer – Monfrin (1966 : 73), sur la base des chartes de Brunel (1926), assignent cet aboutissement au Quercy, au nord du Toulousain, au Rouergue13, à l’Albigeois, et, encore plus régulièrement, au Nîmois et au Lodévois, et datent son origine au XIIe siècle. Grafström (1958 : 187-188) estime que le phénomène est plus



9 Dans cette région, encore aujourd’hui, le [z] intervocalique tend quelques fois à passer à [r] (Alibert 1976 : 25). 10 Pour la distribution actuelle de l’accomodation voir Ronjat (1930 : II, 203). 11 Aux vv. 128-129 de Dona per cuy (afars : Sescas) ; 3-4 de A vos que ieu (parlars : Sescas) ; 451-452 de l’Ensenhamen de l’escudier (espas : sescas) ; 71-72 de l’Ensenhamen de la donzella (Sescas : escas). 12 Conformément à la norme des Leys d’Amors, qui prescrivent l’adoption du graphème pour le deuxième élément de la diphtongue. 13 Actuellement, en Rouergue et dans le Carcassès, la réduction [iz] > [y] continue à se produire (Alibert 1976 : 25).

15 3

154

ca m il l a ta l fan i

développé en Quercy que dans le Toulousain14, tandis que le LRL place le Rouergue au cœur de son extension géographique (Wüest 1995 : 445). Néanmoins, parfois ce trait se retrouve aussi dans le sud du Périgord, l’Auvergne et le Biterrois, alors qu’il est inconnu dans les aires plus extrêmes du domaine languedocien : la Gascogne pour l’ouest, l’Aude pour l’est, l’Ariège pour le sud. 2. 9. -tz > -s/-z. Le traitement de cet élément est assez délicat, et son interprétation malaisée : en fait, il n’est pas certain que la variation sur le plan graphématique comporte forcément une modification phonétique – lénition de l’affriquée alvéolaire sourde [ts] qui comporte l’aboutissement à sibilante [s] sibilante –, et les théories à ce sujet sont partagées. Meyer (1880 : lvij-lviij et Meyer 1871 : 23) détecte le phénomène encore une fois dans le Daurel et Beton, poème qui est transmis uniquement par le ms. Didot (Paris, BnF, nouv. acq. fr. 4232), et dans le Chansonnier f et remarque que cette mutation phonético-graphique se réalise dès le XIIIe siècle spécialement dans le participe passé et à la deuxième personne du pluriel des verbes. Beaucoup de travaux récents, à la suite de Ronjat (1930)15, utilisent cette donnée comme critère de localisation pour exclure le Languedoc occidental et se diriger plutôt vers la Provence16. En vérité « le passage de tz à s est caractéristique de la Provence, du Limousin, d’une partie du Languedoc et de la Gascogne » (Ricketts – Hershon 2007 : 85-86). Effectivement, Grafström (1958 : 227-236) consacre de longs paragraphes à la question, à propos des chartes languedociennes anciennes, et rapporte un inventaire de taille considérable d’exemples de réduction en s ou z de -tz en position finale, tirés notamment du toulousain, du quercinois et du nîmois, mais aussi de l’albigeois et du rouergat17 : c’est pourquoi ce trait linguistique ne légitime pas la revendication d’une localisation exclusivement ou prioritairement provençale. Par ailleurs, les Leys d’Amors (Gatien-Arnoult 1842 : II, 206, 268 et 270) connaissent bien et blâment cette habitude chez les scribes de leur région et en nomment l’effet « mot romput ». Il semble, en outre, que la permutation se vérifie principalement après consonne – mais ce n’est pas une règle – et, en ce qui concerne la notation par le graphème , elle apparaît spécialement dans les désinences verbales, à cause « des actions analogiques » (Grafström 1958 : 233). Toutefois, la réalisation phonétique de ces représentations graphématiques demeure toujours incertaine, car les deux graphèmes et se mélangent dans les transcriptions et, d’autre

14 Il ne précise pas la situation du Rouergue, vraisemblablement à cause de l’absence de cette région dans l’échantillonnage exploité. Voir la répartition des chartes étudiées (Grafström 1958 : 16). 15 Le linguiste français assigne le maintien stable de -tz, à niveau graphématique et phonétique, à toute l’aire languedocienne occidentale, mais les considérations exposées ne concernent que les parlers modernes et donc ne prouvent pas une identité avec la situation médiévale (Ronjat 1930 : II, 281-284). 16 Un jugement si strict est vraisemblablement influencé par les indications offertes dans la partie du LRL dédiée à la Provence, sous le paragraphe 3.5.6. « Réduction de consonnes devant -s final » (Gleßgen 1995 : 430) et le repère de ce trait dans des textes d’origine provençale comme la Vida de Sant Honorat. 17 La distribution médiévale du phénomène correspond grosso modo à celle des parlers modernes (Alibert 1976 : 24).

la scripta du languedoc occidental et la scripta de la provence au xive siècle

part, il est connu que le graphème peut ordinairement noter une affriquée sourde, palatale [tʃ] (Grafström 1958 : 234) ou alvéolaire [ts] (Hoepffner 1926 : I, 36). D’autre part, les textes littéraires ne fournissent pas, à ce sujet, un appui fiable, car la situation des occurrences à la rime est ambigüe et fortement embrouillée par les effets de la transmission manuscrite. Il est pertinent de rattacher à cet élément un point supplémentaire, qui intéresse les différentes solutions attestées dans l’aire toulousaine pour la troisième personne du singulier du parfait du verbe far : fetz, fes, fec, fe, fey18. Concrètement les formes listées – dont les deux premières s’inscrivent dans le phénomène commenté ici, fe est prescrite comme forme ordinaire par les Leys d’Amors (Gatien-Arnoult 1842 : II, 378), tandis que fec et fey sont caractérisées par une marque locale plus prononcée19 – alternent habituellement et librement chez les scribes occidentaux, sans qu’une dépendance syntactique ou d’autres contraintes contextuelles ne soient respectées. D’autres détails à ce sujet seront offerts sous le paragraphe consacré aux parfaits en -ec (3. 6.). 2. 10. Article le. L’article le, qui a souvent aussi la fonction de pronom personnel atone20 et qui est admis par intégration de l’usage oral dans la norme21, se relève fréquemment au Moyen Âge comme concurrent de l’article lo, dans plusieurs scriptae de localisation et de datation différentes. Les chartes anciennes (Brunel 1926 : xxi ; Grafström 1968 : 3) placent le Toulousain en premier lieu (Nègre 1978), à côté duquel se rangent l’Agenois, le Quercy méridional, le Rouergue sud-occidental, l’Albigeois, les parlers du pays de Foix, le catalan et les variétés provençales du Valentinois au pays d’Orange. Une opposition nette entre le cas sujet et le cas régime, adhérant aux prescriptions des Leys d’Amors (Gatien-Arnoult 1842 : II, 114-116), est rarement appliquée, à l’exception de la Provence, où on le constate uniquement au cas sujet (Gleßgen 1995 : 431). Parmi les textes littéraires, il est célèbre le cas de Flamenca, où la règle est toujours rigoureusement respectée, alors que dans d’autres œuvres, comme le Girart de Roussillon, une systématicité dans la distinction contextuelle n’est pas pratiquée. Nous rappelons enfin que l’appartenance de cet élément à la scripta toulousaine est confirmée à l’époque moderne, où, incluant l’Ariège et le Carcassès, il « règna exclusivament » (Alibert 1976 : 72). 2. 11. Degun  -ldr- et -n’r- > -ndr-. L’épenthèse d’un -d- dans les séquences romanes -lr- et -nr- se réalise au Moyen Âge notamment dans un secteur très restreint entre le Quercy et le Toulousain et, moins souvent, dans le pays de Foix. Grafström (1958 : 124) remarque, à juste titre, que le phénomène a évidemment dû se développer à une époque postérieure à la vocalisation du l devant dentale. Cet élément épenthétique n’est pas régulier, mais en tout cas très fréquent, chez les scribes de l’aire en question et par exemple, en ce qui concerne les textes littéraires, dans la scripta de R, des Leys d’Amors, en particulier pour le verbe hondrar, et des manuscrits B1CKL de la tradition toulousaine II du Breviari d’Amor (Richter 1976 : 74). 3. 3. -tz > -t. Cette réduction, du même genre que le passage -tz > -s/-z (traité au paragraphe 2. 9.), contrairement à ce dernier assure avec une certaine évidence l’intervention d’une mutation conjointement phonétique. Au Moyen Âge elle est beaucoup plus répandue que ce qu’on pourrait le croire : elle se manifeste dans plusieurs parlers aquitains et landais, dans le Béarn, le Limousin, le Périgord, le Haut et Bas-Quercy, l’Auvergne et le Gévaudan (Meyer 1880 : lix-lx et lxv ; Brayer – Monfrin 1966 ; 79-81)27. Nous en conservons plusieurs témoignages littéraires comme le Sponsus ; plusieurs manuscrits de la tradition du Breviari d’Amor ; le ms. P du Girart de Roussillon ; le Daurel et Beton ; la traduction de l’Evangile de Saint Jean et la Passion du ms. Didot (Paris, BnF, nouv. acq. fr. 4232) ; les traductions occitanes du Liber scintillarum et de l’Elucidari de las proprietatz de totas res naturals, les mystères dits “rouergats” ; des troubadours comme Arnaut Daniel et Guiraut de Borneill. Dans la plupart des cas la perte de l’élément sifflant final semble se limiter à la terminaison de la deuxième personne du pluriel, comme Brayer – Monfrin (1966 : 80) le remarquent chez Bernart de Ventadorn, dans la Chanson de la Croisade contre les Albigeois, Flamenca, Jaufre ou la Vida de Santa Margarita28. Le LRL (Gleßgen – Pfister 1995 : 417) rattache le phénomène uniquement au Limousin et au Périgord, probablement parce qu’il est presque systématique dans cette zone, aussi bien dans les chartes que dans les textes littéraires. Les éditeurs observent et signalent cet aspect dans les apparats linguistiques, néanmoins ils ne fournissent pas une explication claire et précise pour sa genèse. Par ailleurs, il est intéressant de noter que, souvent, dans les documents médiévaux, certains suscrits sont rajoutés après un t se trouvant en position finale, par le compilateur-même ou par d’autres scribes, vraisemblablement lors de la révision. C’est pourquoi il est légitime d’estimer que, malgré sa récurrence 25 Solution du languedocien moderne. 26 Solution du gascon moderne. 27 Pour l’époque moderne, qui conserve à peu près la même configuration, voir Ronjat (1930 : III, 158-159). 28 Cette caractéristique pour la désinence verbale se rencontre actuellement en gascon (Rohlfs, 1935 : 146-150) et dans quelques d’autres variétés occitanes modernes, mais une délimitation plus précise reste visiblement trop complexe (Ronjat 1930 : II, 382).

15 7

1 58

ca m il l a ta l fan i

inévitable, les scribes cherchaient à éviter la pratique de ce trait, encore que propre à leurs traditions d’écriture, car ils considéraient trop prononcée la marque locale qu’il apportait. 3. 4. Article les. Cette possibilité pour l’article masculin au pluriel est vraisemblablement due à la forme le du singulier. De la même manière que pour le, aucune distinction entre cas sujet et cas régime n’est opérée. Concrètement les peut ordinairement remplacer l’article de cas sujet li et l’article de cas régime los – formes plus communes et répandues dans tout le domaine et légitimées par les Leys d’Amors (Gatien-Arnoult 1842 : II, 120), ainsi qu’être emprunté en qualité de pronom personnel. Au XIIe siècle, ce phénomène ne se rencontre que dans les environs de Toulouse et de Montauban (Brunel 1926 : xxii et xxvii)29. Au XIIIe siècle, en revanche, en dehors d’un nombre modeste d’occurrences dans le Chansonnier R, on peut le retrouver aussi aux confins de l’Albigeois et jusqu’au pays de Foix (Grafström 1968 : 22-23). Dans cette dernière région, aussi bien que dans le Toulousain, il se conserve encore aujourd’hui (Ronjat 1930 : III, 533 ; Alibert 1976 : 72). Quelques autres témoignages émergent dans une petite aire très circonscrite entre le Quercy, l’Auvergne et le Rouergue (Marichal 1955 : 215 et 222) et dans une partie du Narbonnais. 3. 5. Présent en -i. Une autre des caractéristiques principales de l’aire géolinguistique qui nous intéresse est représentée par la terminaison en -i pour la première personne du singulier du présent, indicatif et subjonctif (Grafström 1968 : 107-117). Elle tire vraisemblablement son origine de l’exigence de marquer nettement la désinence de première personne, préalablement dans les verbes forts (meti, prendi, queri, recebi, solvi, teni, reteni) et plus tenacement dans les chartes, alors que chez les troubadours la forme dépourvue de désinence a gardé pendant longtemps son prestige (nous renvoyons à Müller 1956 pour plus de détails). Sa zone de distribution médiévale, visiblement la même que l’actuelle (Müller 1956 : 65-68 ; Alibert 1976 : 129), comprenait l’Aquitaine, le Quercy, le Toulousain, le Rouergue méridional, l’Albigeois et le Biterrois occidental. Au-delà de cette aire, c’est-à-dire à partir du Rouergue septentrional30, pour le nord, et de Béziers, à peu près, pour l’est, le passage à la désinence -e était obligé31 : le Rouergue, donc, constituait le point de conjonction des deux blocs, et de mélange entre les deux types (Grafström 1968 : 112). Cette répartition semble s’être stabilisée déjà au XIIe siècle. La terminaison en -i est d’ailleurs recommandée par les Razos de Trobar de Raimon Vidal et par les Leys d’Amors qui l’emploient constamment32. De la même manière, elle est actuellement plus répandue que la désinence -e.

29 Le LRL mentionne une ligne Montauban-Toulouse-Foix, sans proposer de précisions ultérieures ou de limites chronologiques (Wüest 1995 : 448). 30 Kalman (1974 : 27) signale pour cette région quelques rares exemples de présent en -ei, décrits par Anglade (1921 : 53) comme des poitevinismes, à cause de leur présence dans le Limousin. 31 Bien que la Provence adhère actuellement à la zone de la terminaison en -i. 32 En tant que solution permettant de distinguer plus clairement la personne verbale et non susceptible de provoquer de l’ambigüité avec les autres personnes ou bien entre le présent et le parfait (GatienArnoult 1842 : II, 362-368).

la scripta du languedoc occidental et la scripta de la provence au xive siècle

3. 6. Parfait en -ec. Un des traits linguistiques les plus distinctifs de l’aire languedocienne occidentale est constitué par la richesse de parfaits faibles dont la troisième personne du singulier se termine en -ec. En fait, à côté de l’aboutissement régulier en -et, un type en -ec33 s’instaure stablement, forgé par analogie à partir des parfaits forts (ac, dec, volc). Les formes en -ec se manifestent au XIIIe et XIVe siècles dans le Toulousain jusqu’au Bas-Quercy (Meyer 1880 : lxiij ; Brunel 1926 : xliv), en Albigeois et dans le pays de Foix (Anglade 1921 : 272). On en trouve quelquesunes en Gascogne mais elles étaient inconnues dans le Rouergue et le Narbonnais (Brayer – Monfrin 1966 : 82-83 ; Grafström 1968 : 127-131). Parallèlement, dans les mêmes régions, un -c désinentiel peut être ajouté, toujours pour la troisième personne, pareillement aux verbes en -ir (issic, jauzic, muric, partic). En particulier, au sein des documents anciens exploités par Grafström, les désinences -et et -ec pour le parfait se contrebalancent dans le Bas-Quercy (1968 : 129). Dans les textes lyriques, vraisemblablement sous l’action des copistes et de la tradition manuscrite, des rimes fautives qui combinent les deux types sont assez communes. « E devetz saber quom pot dire parlet am .t. o parlec am .c. » (Gatien-Arnoult 1842 : I, 42). Pour ce qui est de leur persistance dans la situation géolinguistique moderne, Alibert et l’ALF mettent en évidence que le parfait en -ec « es caracteristic del Fois., del Don.34 e del vièlh Tol. » (Alibert 1976 : 118). Finalement, dans les mêmes régions où l’on constate la désinence -ec, des formes assez emblématiques se dégagent pour la troisième personne du parfait du verbe far, qui compte cinq solutions différentes : fetz, fes35, fec, fe, fey. La première est le produit normal de l’étymologie latine (fecit), alors que que la deuxième est touchée par le phénomène mentionné plus haut, de modification -tz > -s purement graphique ou bien comportant une lénition (paragraphe 2. 9.). Un changement phonétique dû à l’affaiblissement de l’affriquée alvéolaire n’est pas inenvisageable et pourrait être entraîné, par effet d’analogie, par les formes de parfait en -s (Grafström 1958 : 233-236 et, en ce qui concerne les chartes quercinoises, 1968 : 136). Par ailleurs, Grafström (1958 : 235 ; 1968 : 31) se montre perplexe à propos des transcriptions, ambigües, des phonèmes [ts] et [s]. Ces deux possibilités se trouvent également dans le ms. C de la tradition toulousaine II ainsi que dans le ms. I du Breviari d’Amor (Richter 1976 : 76-77). En revanche, en ce qui concerne les variantes fe et fey, elles existent aussi en Provence (Ricketts – Hershon 2007 : 51) et, pour cette raison, elles constituent un élément ultérieur de rapprochement entre les deux zones. La première représente la forme ordinaire autorisée par les Leys d’Amors, à côté de fetz et fec (Gatien-Arnoult 1842 : II, 378) ; la deuxième, probablement analogique sur le pluriel feiron, se retrouve plus rarement et, d’après certains travaux, désignée comme exclusivement auvergnate (Pfister 1978 : 294, qui se base sur Brunel 1926). En vérité, cette dernière atteint 33 Parfois la finale est notée avec le graphème (Grafström 1958 : 215 ; pour le traitement spécifique aux parfaits voir 1968 : 128-131). La règle qui s’était spontanément généralisée dans l’usus scribendi est également compatible avec la suggestion des Leys d’Amors à ce sujet (éd. Gatien-Arnoult 1842 : I, 38). 34 Il s’agit de l’abréviation d’Alibert (1976) pour le Donasenc, secteur aux confins entre la limite occidentale de l’Ariège et l’Aude. 35 Voir aussi les considérations de Brayer – Monfrin (1966 : 77-82) et Grafström (1958 : 235-236 ; 1968 : 31).

1 59

1 60

ca m il l a ta l fan i

vraisemblablement, au Moyen Âge, une diffusion bien plus ample. Nous renvoyons, pour plus d’éclaircissements, aux contributions de Grafström (1991 : 158-159) et de Zufferey (1987 : 128-129) : le savant suisse cite en particulier le Limousin, le Languedoc occidental, le domaine franco-provençal, la Provence, avec quelques exemples textuels. 3. 7. Futur en -ai > -ei/-e. La mutation phonétique ai [ai̯ ] > ei [εi̯ ] > e [ε] est un trait typique tant du Bas Languedoc occidental que de la Gascogne ; ce phénomène touche souvent des mots issus du -ct- latin, comme fait > feit > fet et dreit > dret. Ronjat (1930 : I, 380-381) évoque cette différenciation ai [ai̯ ] > ei [εi̯ ] en syllabe tonique, appartenant principalement – mais pas uniquement – à l’agenois, et la met en relation avec la désinence de la première personne du singulier du futur, tandis que Grafström (1958 : 38-39 ; 1968 : 103) ne la relève pas dans les chartes anciennes qui font l’objet de son exploitation, à l’exception de la terminaison du futur et de quelques noms propres – mais, dans ces derniers, plutôt en syllabe prétonique. Pfister (1958 : 292-301), en revanche, dresse un inventaire de ce type de variations ai [ai̯ ] > ei [εi̯ ] et ei [εi̯ ] > e [ε]36, qui se réalisent spécialement dans le Toulousain, le Rouergue, l’Auvergne, le Valentinois (Pfister 1989 : 1017), ainsi que dans les parlers catalans (Badia 1994 : 84). Le LRL vient en soutien d’une localisation pareillement provençale, signalant que cette dernière région admet le passage ai [ai̯ ] > ei [εi̯ ], quoique seulement en syllabe prétonique (Gleßgen 1995 : 428). Pour revenir aux formes verbales, et spécifiquement à la première personne du singulier du futur, le développement de la terminaison -ei touche notamment le Toulousain, l’Aquitaine, le pays de Foix, les variétés catalanes, mais aussi le Bas-Quercy et l’Albigeois, l’Aude, le Narbonnais, la Lozère. Appartiennent, par contre, clairement à la zone de la désinence -ai, le Rouergue, avec peu d’exceptions le Haut Quercy (Brayer – Monfrin 1966 : 83), les régions septentrionales du domaine et la Provence (Grafström 1968 : 100-104 ; Pfister 1958 : 292-301). Parmi les textes littéraires de localisation toulousaine ou à proximité du Toulousain, des œuvres comme les pièces de Peire Lunel de Montech, la Chanson de la Croisade contre les Albigeois et le manuscrit T de la Vida de Santa Margarita (Lannutti 2012 : liv) témoignent assez fréquemment des futurs comportant également le changement ultérieur -ei [εi̯ ] > -e [ε]. Au Moyen Âge, ces derniers étaient particulièrement productifs dans les documents roussillonnais (Hoepffner1926 : I, 54), mais ils ont aussi été repérés dans le Toulousain (Grafström 1968 : 103) ; actuellement, ils survivent encore dans le Toulousain, le Lauragais, le pays de Foix, le Couserans et le Comminges (Ronjat 1930 : III, 266-267 et 270-271). 3. 8. Loc, foc, joc. Une caractéristique assez remarquable du Toulousain, Quercy, Albigeois, Rouergue, pays de Foix et Aude, jusqu’à Narbonne, c’est l’absence de diphtongaison pour le ŏ tonique latin suivi par un c vélaire, qui, suite à l’amuïssement de u final roman, devient nettement palatal et, en conséquence, peut générer une diphtongue. Dans les manuscrits médiévaux, ce phénomène se reflète principalement dans les lexèmes loc, foc, joc. En dehors du secteur languedocien : la diphtongaison 36 Nous renvoyons, en particulier, à la carte à la page 296.

la scripta du languedoc occidental et la scripta de la provence au xive siècle

en ue était répandue dans une partie du Bas Limousin et de l’Auvergne, le Gévaudan, le niçois et les parlers alpins ; la Gascogne se divisait entre la solution en ue et la conservation de o simple (Rohlfs 1935 : 76) ; les régions septentrionales – Limousin, Haute Auvergne, Haut Quercy, Rouergue – et la partie orientale de l’Aude normalement présentaient la diphtongue uo. En ce qui concerne le domaine provençal, par contre, à une époque plus ancienne il attestait exclusivement la variante avec la diphtongue -uo-, mais à partir du XIVe siècle d’autres possibilités de diphtongaison existaient devant c : d’abord en ue et, dès le XVe siècle, également en ua (Meyer 1871 : 21 ; Meyer 1880 : lij ; Gleßgen 1995 : 428). Quoi qu’il en soit, les études à ce sujet sont unanimes sur le fait que les formes diphtonguées n’apparaissent dans les différentes aires qu’au cours du XIIIe siècle (Ronjat 1930 : I, 150 ; Marichal 1955 : 207, note 2 ; Dobelmann 1944 : 19). Dans les emplois scriptologiques, une certaine cohérence dans le maintien de o simple se manifeste davantage dans les Leys d’Amors, alors que d’autres textes monumentaux, parmi lesquels Flamenca, alternent librement entre des formes comme luec/loc/luoc, en causant de nombreuses rimes fautives. Ces fluctuations sont évidemment imputables à l’action des copistes, qui apportent aux manuscrits leurs différentes habitudes linguistiques, ou bien à l’instabilité même des conventions d’écritures à cette époque. Bien que Grafström (1958 : 79) constate principalement la conservation de o dans les documents plus anciens, ultérieurement dans les mêmes chartes – et donc chez les mêmes scribes – coexistent le maintien de o simple et les diphtongues ue et uo. Pour les dialectes modernes, le o simple persiste dans une vaste aire comprenant le Languedoc occidental, le Carcassès, le Guyennais, le Lauragais, le Toulousain et le pays de Foix (Ronjat 1930 : I, 167-170 ; voir également la carte 558 de l’ALF).

4. Quelques traits linguistiques provençaux Finalement, la dernière étape de cette comparaison consiste à une brève tractation de traits spécifiquement et uniquement provençaux, évalués et déterminés à l’aide de dictionnaires, atlas, grammaires, traités, et éditions de textes dont la provenance est explicitée, évidente ou assurée par plusieurs travaux. Comme nous l’avions précisé, les recensements dressés pour les deux aires qui font l’objet de cette recherche, se fondent seulement sur des éléments attestés pendant la même période chronologique, tirés tant des chartes que des documents littéraires. Voici les principaux traits, listés selon leur degré de récurrence et leur caractère distinctif : • la conservation du n caduc, pour toute la zone à l’est de l’Hérault, jusqu’au XIVe siècle37 ; • l’usage d’une forme li pour l’article féminin du singulier (Gleßgen 1995 : 431) ;

37 Le fait que le n caduc demeure en Provence jusqu’à une époque assez tardive, alors qu’il s’amuït anciennement dans tout le reste de l’ancien occitan, est une information précieuse et largement connue grâce à Kutscha (1934).

161

162

ca m il l a ta l fan i

• le maintien, au moins graphique, de t après n en position finale, notamment dans les terminaisons verbales et dans la scripta littéraire, jusqu’au XVIe siècle (Gleßgen 1995 : 43 ; Giannini – Gasperoni 2006 : 123-124 pour un commentaire plus exhaustif) ; • la prosthèse de v devant la voyelle vélaire, normalement provenant de u latin (Meyer 1871 : 20 ; Gleßgen 1995 : 430).

5. Évaluation d’ensemble sur les données En dernier lieu, en résumant les données rassemblées et exposées dans la présente contribution, une réalité évidente et indéniable s’impose : tout au long des XIIIe et XIVe siècles, de strictes relations et des correspondances solides s’instaurent, de façon non négligeable, entre les deux extrêmes du domaine occitan. CE constat implique forcément, comme résultat, l’affaiblissement de la marque locale traditionnellement attribuée à certains usages scriptologiques, afin d’éviter le risque d’exploitations et d’interprétations géolinguistiques faussées et, en conséquence, de localisations incorrectes. Nous avons en fait démontré, par exemple, que de nombreux travaux, anciens et plus récents, ont presque systématiquement recours à la mutation -tz > -s aussi bien qu’à la réduction -rs > -s, en position finale, comme premiers critères sur la base desquels écarter le Languedoc et se diriger plutôt vers la Provence. De la même manière, des éléments comme le développement de la triphtongue ieu des séquences latines -ĕu- et -iv-/-ib- ou l’article masculin le ont notoirement servi pour tracer une ligne conventionnelle de démarcation entre les secteurs occidental et oriental, et ont été assignés au premier des deux blocs. Pour conclure, dans le but d’assurer la validité de la perspective géolinguistique, il ne paraît donc plus légitime d’employer les traits que nous avons indiqués pour privilégier ou exclure une certaine localisation, et, à l’inverse, il faudrait pertinemment et dûment revenir sur plusieurs axiomes établis et fixés par les études précédentes.

Manuscrits Chansonniers des troubadours R : Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 22543 f : Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 12472 Breviari d’Amor B1 : Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 9219 C :Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 858 I :Carpentras, Bibliothèque Municipale, 380 K : London, British Museum, Harley 4940 L : London, British Museum, Royal 19.C.I.

la scripta du languedoc occidental et la scripta de la provence au xive siècle

Girart de Roussillon P : Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 2180 Vida de Santa Margarita T :Toulouse, Bibliothèque Municipale, 1272

Bibliographie ALF : J. Gillieron – E. Edmont, Atlas linguistique de la France, 10 vols., Paris 1902-1920. Alibert 1976 : L. Alibert, Gramatica Occitana, segon los parlars lengadocians, Montpelhièr 1976. Anglade 1921 : J. Anglade, Grammaire de l’ancien provençal ou ancienne langue d’oc. Phonétique et morphologie, Paris 1921. Badia 1994 : A. Badia i Margarit, Gramática histórica catalana, Barcelona – València 1994. Bec 1984 : P. Bec, La scripta occitane entre le XIIIe et le XVIe siècle, dans Colloque International d’Études Occitanes (Lunel, 25-28 août 1983), Montpellier 1984, pp. 123-134. Borghi Cedrini 1978 : L. Borghi Cedrini, Appunti per la localizzazione linguistica di un testo letterario medievale : la cosiddetta « Traduzione di Beda » in lingua d’oc, Torino 1978. Brayer – Monfrin 1966 : E. Brayer – J. Monfrin, Un fragment du Breviari d’Amor conservé aux Archives municipales de Vienne (Isère), dans « Romania », 87, 1966, pp. 59-93. Brunel 1926 : C. Brunel, Les plus anciennes chartes en langue provençale. Recueil des pièces originales antérieures au XIIIe siècle, publiées avec une étude morphologique, Paris 1926. Dobelmann 1944 : S. Dobelmann, La langue de Cahors des origines à la fin du XVIe siècle, Genève 1944. Gallacher 1978 : D. Gallacher, Les chartes de la Salvetat-Mondragon, Textes albigeois du XIIIe siècle, Édition avec introduction et commentaire phonologique et morphologique, Montpellier 1978. Gatien-Arnoult 1842 : Las Flors del gay saber estier dichas las Leys d’Amors avec une traduction par d’Aguilar et d’Escouloubre, éd. A. F. Gatien-Arnoult, Toulouse 1842. Giannini – Gasperoni 2006 : G. Giannini – M. Gasperoni, Vangeli occitani dell’infanzia di Gesù. Edizione critica delle versioni I e II, Bologna 2006. Glessgen 1995 : M. D. Glessgen, Okzitanische Skriptaformen. III, Provence, dans LRL, II/2, Tübingen 1995, pp. 425-434. Glessgen – Pfister 1995 : M. D. Glessgen – M. Pfister, Okzitanische Skriptaforme. I, Limousin / Périgord, dans LRL, II/2, Tübingen 1995, pp. 412-419. Grafström 1958 : Å. Grafström, Étude sur la graphie des plus anciennes chartes languedociennes avec un essai d’interprétation phonétique, Uppsala 1958. Grafström 1968 : Å. Grafström, Étude sur la morphologie des plus anciennes chartes languedociennes, Stockholm 1968. Guida 1979 : Il trovatore Gavaudan, éd. S. Guida, Modena 1979. Hoepffner 1926 : La chanson de Sainte Foy. Fac-similé du manuscrit et texte critique. Introduction et commentaire philologique, éd. E. Hoepffner, 2 vols., Paris 1926.

163

1 64

ca m il l a ta l fan i

Kalman 1974 : H. Kalman, Étude sur la graphie et la phonétique des plus anciennes chartes rouergates, Zurich 1974. Kutscha 1934 : K. Kutscha, Das sogennante N-mobile im Alt-und Neuprovenzalischen, Halle 1934. Lannutti 2012 : Vita e passione di santa Margherita d’Antiochia, due poemetti in lingua d’oc del XIII secolo, éd. M. S. Lannutti, Firenze 2012. Lieutard – Sauzet 2010 : H. Lieutard – P. Sauzet, D’une diglossie à l’autre : observations linguistiques et sociolinguistiques sur deux textes toulousains de 1555 : “Las Ordenansas e coustumas del libre blanc” et “Las nompareilhas receptas”, dans Autour des quenouilles : la parole des femmes (1450-1600), Turnhout 2010, pp. 109-145. Lodge 1995 : R. A. Lodge, Okzitanische Skriptaforme. II, Auvergne, dans LRL, II/2, Tübingen 1995, pp. 420-424. LRL : G. Holtus – M. Metzeltin – C. Schmitt, Lexikon der Romanistichen Linguistik, 8 vols., Tübingen 1988-2005. Marichal 1955 : R. Marichal, La langue de la traduction provençale du « Livre de Sidrac » (Paris, Bibl. Nat., ms. fr. 1158), dans Recueil de travaux offert à M. Clovis Brunel par ses amis, collègues et élèves, 2 vols., Paris 1955, II, pp. 292-312. Meyer 1871 : P. Meyer, Les derniers troubadours de Provence d’après le chansonnier donné à la Bibliothèque Impériale par M. Ch. Giraud, Paris 1871 [aujourd’hui : Genève – Marseille, 1973]. Meyer 1875 : P. Meyer, Du passage d’s z à r et d’r à s z en provençal, dans « Romania », 4, 1875, pp. 184-194 et 464-470. Meyer 1880 : Daurel et Beton, éd. P. Meyer, Paris 1880. Meyer 1892 : P. Meyer, Les manuscrits de Bertran Boysset, dans « Romania », 21, 1892, pp. 557-580. Müller 1956 : B. Müller, Die Herkunft der Endung -i in der 1 Pers. Sing. Präs. Ind. des provenzalischen Vollverbs, München 1956. Nègre 1978 : E. Nègre, L’article et pronom toulousain le, dans Mélanges de Philologie romane offerts à Charles Camproux, 2 vols., Montpellier 1978, II, pp. 960-965. Pasero 1973°: Guglielmo IX, Poesie, éd. N. Pasero, Modena 1973. Pfister 1958 : M. Pfister, Beiträge zur altprovenzalischen Grammatik, dans « Vox Romanica », 17, 1958, pp. 281-362. Pfister 1972 : M. Pfister, La localisation d’une scripta littéraire en ancien occitan (Brunel Ms 13, British Museum 17920), in « Travaux de linguistique et de littérature », 10, 1972, pp. 253-291. Pfister 1978 : M. Pfister, La localisation d’une scripta juridique en ancien occitan : Lo Codi manuscrit A (Sorbonne 632), dans Orbis Mediaevalis, Mélanges de langue et littérature médiévale offerts à Reto Raduolf Bezzola, Bern 1978, pp. 285-296. Pfister 1989 : M. Pfister, La lingua del ms. fr. 1747 della Biblioteca Nazionale di Parigi (Traduzione di Beda e “Liber scintillarum”), dans Miscellanea di studi in onore di Aurelio Roncaglia a cinquant’anni dalla sua laurea, 4 vols., Mucchi 1989, IV, pp. 1015-1023. Pfister 2002 : L’area galloromanza, in Lo spazio letterario del Medioevo. 2. Il Medioevo volgare. II. La circolazione del testo, Roma 2002, pp. 13-96. Richter 1976 : R. Richter, Die Troubadourzitate im Breviari d’Amor, Modena 1976.

la scripta du languedoc occidental et la scripta de la provence au xive siècle

Ricketts – Hershon 2007 : La Vida da Sant Honorat, éd. P. T. Ricketts – C. P. Hershon, Turnhout 2007. Rohlfs 1935 : G. Rohlfs, Le gascon. Études de philologie pyrénéenne, Halle 1935. Ronjat 1930 : J. Ronjat, Grammaire istorique des parlers provençaux modernes, 4 vols., Montpellier 1930. Sansone 1977 : G. E. Sansone, Testi Didattico-cortesi di Provenza, Bari 1977. van der Horst 1981 : C. van der Horst, Examen dialectologique du manuscrit P2 des “Évangiles de l’Enfance” en occitan, dans « Zeitschrift für romanische Philologie », 97, 1981, pp. 329-351. van der Horst 1986 : C. van der Horst, Observations sur la langue et le texte du Manuscrit F des “Évangiles de l’Enfance” occitans, dans Studia Occitanica. Mélanges en honneur de P. Rémy, 2 vols., Kalamazoo 1986, II, pp. 417-433. Weisse 1883 : R. Weisse, Die sprachformen Mafre Ermengaus, dans « Zeitschrift für romanische Philologie », 7, 1883, pp. 390-406. Wüest 1979 : J. Wüest, La dialectalisation de la Gallo-Romania. Problèmes phonologiques, Bern 1979. Wüest 1995 : J. Wüest, Okzitanische Skriptaforme. IV, Languedoc, dans LRL, II/2, Tübingen 1995, pp. 441-450. Zufferey 1987 : F. Zufferey, Recherches linguistiques sur les chansonniers provençaux, Genève 1987.

165

Deuxième partie

Réception du Moyen Âge et études savantes

Fabio Bar berini 

La postilla colocciana « discort » nel Canzoniere Colocci-Brancuti, c. 1r* Che diremo del Colocci? Non è forse dovuta a lui la conservazione di una parte notevole della lirica portoghese? E il bel codice Vat. 3793 non serba forse tracce continue della sua lettura, del suo studio? E il portoghese, il provenzale e l’italiano antico si danno la mano in quegli zibaldoni, ove egli profondeva le sue curiosità di erudito, le sue sconfinate curiosità. Santorre Debenedetti

Tra « gli strumenti di lavoro del ‘filologo’ Colocci » (Ferrari 1979 : 93) raccolti nel primo fascicolo (cc. 1-9) del Canzoniere portoghese B (= Colocci-Brancuti), le note di confronto col provenzale (c 1r.), che come accertato da Anna Ferrari (1979 : 57-58) rinviano al Canzoniere trobadorico M – già di proprietà dell’umanista jesino (cf. infra nota 9) –, costituiscono un prezioso sussidio per la corretta comprensione di Colocci ‘studioso’ della lirica romanza delle Origini. Ciononostante, queste annotazioni sono rimaste al margine dell’attenzione critica. E se da un lato, dopo le fondamentali pionieristiche ricerche di Valeria Bertolucci (2017 [1966] e 1972), si sono moltiplicati negli ultimi 40 anni gli studi sulle chiose colocciane, e non solo a B1, dall’altro molto resta da fare sia per chiarire il senso di alcune annotazioni, sia per mettere a fuoco con maggiore precisione il rapporto tra le note provenzali a M e le postille che Colocci appunta nei margini di B. Vorrei qui soffermarmi sulla postilla ‹discort », che nella c. 1r di B identifica 10 componimenti.





*

Questo contributo è stato elaborato nell’ambito del progetto di ricerca STEMMA : Do Canto à Escrita – Produção material e percursos da lírica galego-portuguesa (PTDC/LLT-EGL/30984/2017) finanziato dalla FCT – “Fundação para a Ciência e a Tecnologia” (Unità di ricerca : IEM-NOVA/FCSH) e anticipa i primi risultati dell’edizione integrale, in preparazione, delle postille di Angelo Colocci ai Canzonieri portoghese B (Lisboa, Biblioteca Nacional de Portugal, cod. 10991) e provenzale M (Paris, Bibliothèque nationale de France, fr. 12474). Ringrazio Anna Ferrari per aver letto e postillato una prima stesura di questo lavoro. 1 Si vedano, solo a titolo d’esempio, i contributi raccolti nella sezione II di Bologna – Bernardi 2008 e la bibliografia pregressa ivi additata.

Fabio Barberini • Universidade Nova de Lisboa • FCSH – IEM • [email protected] Trans-mission. Création et hybridation dans le domaine d’oc, éd. par Fabio BARBERINI et Camilla TALFANI, Turnhout, 2022 (Publications de l’Association Internationale d’Études Occitanes, 14), p. 169-189.

© FHG

DOI 10.1484/M.PAIEO-EB.5.126421

170

fa bio ba r be r i n i

Do lettura interpretativa delle postille che qui interessano. Opero i seguenti interventi editoriali : 1) parentesi tonde, ( ), per lo scioglimento delle abbreviazioni ; 2) parentesi uncinate, ‹ ›, per le integrazioni ; 3) corsivo per vocaboli provenzali e versi incipitari citati da Colocci ; 4) maiuscole (regolarizzate) e segni interpuntivi (introdotti), secondo l’uso moderno ; 5) tre punti racchiusi tra parentesi quadre, […], per indicare che si tralasciano le postille non pertinenti in questa sede (cf. riproduzione fotografica a fronte). Sono colocciane : 1) le sottolineature ; 2) la numerazione delle postille, progressiva ma non continua, che rinvia alla posizione che i componimenti occupano all’interno di M (Ferrari 1979 : 61-62). La c. 1r è edita integralmente da Molteni (1880 : 1) in trascrizione diplomatica e da Ferrari (1979 : 55-62) in edizione interpretativa con importante commento. Un saggio di edizione commentata delle postille 1 e 21 è in Barberini (2019). Una nuova edizione della c. 1r di B sarà nel volume che sto preparando.

5

discort ; bona dona […]

10

discort et om(n)i sta(n)za fa Se ’l dissi […]

24

q(uas)i discor‹t› […]

[…] 92

q(uas)i discor‹t› […]

177 discor‹t›; .5. discor‹t› 10 178 254 375 376 429

5. bona dona. La postilla rinvia a GrBorn Ara si·m fos (BEdT 242,16). In M, Colocci sottolinea il sintagma a c. 4rb nell’ultimo verso del componimento (= v. 119 ed. Kolsen 1910 : 130) – lezioni di M : « Fals es do(m)nejaire / s’ab critz ni ab braire / vol vas si atraire / prejan / bona domna ni benestan » – e lo ricopia, « bona do(m)na », nel margine superiore della colonna (Ferrari 1979 : 59 e nota 63). Stesso duplice intervento anche nella canzone che immediatamente precede, GrBorn Can lo glatz e·l frechs e la neus (BEdT 242,60): sottolineature nell’incipit della cobla III a c. 3rb e ultimo verso della cobla V (= IV in Kolsen 1910 : 58) a c. 3va ; postilla « bona do(m)na », in entrambe le occorrenze, annotata da Colocci nel margine superiore della carta. 10. et om(n)i sta(n)za fa Se ’l dissi. La postilla rinvia a GrBorn, Gen / m’aten (BEdT 242,34). Colocci istituisce un paragone formale con la struttura metrica dell’escondit petrarchesco Se’l [S’i’ ’l nella lezione Contini 1964] dissi mai. Questa annotazione ricorre più volte anche a margine delle cantigas portoghesi di B (92 occorrenze, secondo i riscontri di Bertolucci 2017 [1966]: 427) e richiederebbe un ampio commento, qui non strettamente pertinente. Rinvio, per ora, a Bertolucci (2017 [1966]: 434) e Pérez Barcala (2008 : 338-340).

l a p o s t i l l a co lo cci ana « d i sco rt  »

Canzoniere portoghese B, c. 1r

177. discor‹t›; .5. discor‹t›. Mi discosto da Molteni (1880 : 1) e Ferrari (1979 : 55) che leggono entrambi, ma senza ulteriori chiarimenti, discor .s. discor. La possibilità di leggere una cifra in luogo d’una lettera sarebbe confermata, nel contesto immediato della c. 1r di B, dal raffronto con la morfologia del numero ‘5’ nelle postille 5, 53, 58, 59, 254 e 375, ancorché sia doveroso tener presente che la complessa grafia colocciana lascia sempre un ampio margine di dubbio. L’ipotesi di lettura proposta mi sembra plausibile laddove si consideri che alla postilla, che affianca il nº 177, sono collegati da tratti obliqui soltanto 3 dei 5 componimenti che

17 1

172

fa bio ba r be r i n i

seguono, vale a dire i numeri 254, 375 e 376 (il tratto di quest’ultimo rimette però direttamente al 375), mentre restano esclusi i numeri 178 e 429, da supporre, tuttavia, omogenei al resto del gruppo per quanto attiene alla caratteristica di « discor‹t›» rilevata da Colocci2. La cifra ‘5’ che precede la seconda occorrenza di « discor‹t›» rappresenterebbe, a mio avviso, proprio l’elemento unificante che accomuna i componimenti annotati a seguire il nº 177. In caso contrario, si dovrebbe assumere che i numeri 178 e 429 siano le uniche postille della c. 1r di B nelle quali Colocci si sia limitato al solo rinvio numerico, possibilità questa non inammissibile, ma stridente con il resto della c. 1r, nella quale alle cifre che rinviano a M corrisponde sempre una postilla che rivela l’elemento del testo che ha richiamato l’attenzione di Colocci, anche in quei casi in cui a due cifre distinte corrisponde la medesima postilla : cf., nella fotografia, annotazioni 33 e 41 e 39-40, dove entrambe le coppie sono collegate da tratti obliqui, rispettivamente, alla parola « pueia » e all’osservazione «(con)gedi 2 ». Se poi per il nº 178 un’ulteriore precisazione poteva sembrare superflua a Colocci, che annota 177 e 178 senza lasciare alcuno spazio tra la prima e la seconda cifra – stessa situazione per i numeri 375-3763 –, la ragione che lo ha spinto ad annotare 429 resterebbe difficile da determinare, soprattutto laddove si consideri che questo componimento – MontSartr, Coms de Tolsan, ja non er qu’ie·us o pliva (BEdT 307,1) – in M (c. 246rab) non reca traccia di lettura colocciana : né le consuete sottolineature, né alcuna annotazione marginale. Se la lettura proposta si rivelasse corretta, il nº 10 a margine delle 2 postille di 177 potrebbe indicare la somma totale dei « discor‹t›» che Colocci individua in M : i 4 della sequenza 5, 10, 24, 92, più il nº 177 (discor‹t›), più la serie 178, 254, 375, 376, 429 (.5. discor‹t›).

Fatti i debiti riscontri in M, si tratta di :45





nº attrib. M

incipit M (in semi-diplomatica)

BEdT

genere

5 GrBorn

Ara si·m fos en grat te(n)gut.

242,16

canzone

10

»

Gen. m’aten. ses failhimen.

242,34

»

24

»

Ses valer de pascor. e ses fueilhas ses flor.

242,68

»

92 PVid

Ajustar. e laissar. sai tan gen motz ab so.

364,2

»

177 RbVaq

No m’agrada iverns ni pascors.

392,24

»

Nulls hom en ren no(n) failh. tan leu ni mesave.

392,26

»

Aissi con cell q’ama e no(n) es amatz.

 30,3

»

178

»4

254

Cadenet5

2 Su questo punto, l’edizione Ferrari è lievemente imprecisa : sulle ultime 5 postille osserva soltanto che i numeri « 178 e ss. [sono] collegati alla scritta che affianca il 177 da tratti obliqui » (Ferrari 1979 : 55), senza segnalare però che il collegamento è esplicitamente effettuato da Colocci solo in 3 delle 5 cifre che seguono il 177 ; nel commento alle postille segnala poi la presenza di « note metriche ai nn. […] 177, 178, 254, 375 e 376 », (Ferrari 1979 : 56), ma esclude senza dichiarata motivazione il nº 429. 3 Ma in un caso, come nell’altro, non escluderei che l’assenza di spazio sia dovuta all’identità d’autore : RbVaq nella prima coppia (177-178), PCard nella seconda (375-376). 4 L’attribuzione a RbVaq è maggioritaria nella tradizione (cf. BEdT 392,26), ma il componimento è da ascrivere con sicurezza ad AimBel ; cf. Dumitrescu (1935 : 35-37) e da ultimo Menichetti (2011). 5 Attribuzione isolata di M. Colocci annota (M, c. 152va) « In L(ibro) Eq(ui)coli : Arnaut de Merueill » (De Lollis 1889 : 455). Sui canzonieri di Equicola prestati a Colocci si veda da ultimo Careri (2017 e 2018).

l a p o s t i l l a co lo cci ana « d i sco rt  »

375 PCard

Tot farai una dema(n)da.

335,61

sirventese

376

Pos ma bocha parlla sens.

335,41

»

429 MontSartr Coms de Tolsan ja no(n) er q’ie·us o pliva.

307,1

»

»

Se si assumono come termine di confronto le nostre cognizioni tecniche di descrizione formale della poesia dei trovatori – vale a dire, in estrema sintesi, la nozione di descort come componimento che deroga al principio dell’isomorfismo strofico, con tutto ciò che ne consegue sul piano metrico e melodico6 –, non si può non rilevare che Colocci identifica come « discort » testi che, sotto il rispetto della forma, non lo sono affatto7. Si impone quindi un’anamnesi delle postille di Colocci – ovvero della sua peculiare lettura della lirica romanza delle Origini – nel loro complesso contesto, costituito da almeno tre elementi fondamentali strettamente interrelati : i canzonieri romanzi posseduti e annotati da Colocci (tradizioni provenzale, italiana e portoghese); gli altri volumi della dispersa biblioteca colocciana (fin ora solo parzialmente ricostruita); le note e i quaderni di lavoro confluiti nei numerosi zibaldoni della Biblioteca Vaticana (alcuni allestiti dopo la morte di Colocci senza alcun ordine previo, né tematico, né cronologico). Va subito premesso che dalle molte, e molto disordinate, carte colocciane – che ancora non si conoscono abbastanza per trarre conclusioni sicure – non è possibile inferire quanto Colocci conoscesse del complesso sistema dei generi lirici provenzali, nonché delle variegate grammatiche e poetiche fiorite, a corollario esegetico della lirica trobadorica, sul finire del s. XIII8. Né è facile determinare con esattezza l’apporto che,





6 Non mi attardo sulla complessa questione definitoria del descort ; si vedano almeno Di Girolamo (1979 : 69); Chambers (1985 : 149-153, 169-179, 214-215 e 274) e soprattutto Canettieri (1995 : 47-92, 95-221 e 225-340 passim). 7 Dell’incongruenza si era già accorta Bertolucci (2017 [1966]: 427) quando rilevava – se interpreto correttamente il suo pensiero – che nelle postille metriche di B « viene indicato con i termini tenzon, discor (solo una volta cantio) il genere che Colocci crede di poter riconoscere nel testo che ha davanti » (sottolineato mio), ma la questione è poi rimasta senza approfondimenti. Ferrari (1979 : 56 e nota 58) riconosce valore metrico alla postilla discort, ma si limita a rinviare a Bertolucci. Nessun accenno, invece, nella bibliografia più recente sulle postille colocciane a B portoghese e M provenzale che per la sua scarsa pertinenza a quanto qui discusso non è necessario riepilogare nel dettaglio. 8 Le poetiche trobadoriche offrono, d’altra parte, definizioni di descort che spiegherebbero solo parzialmente la postilla colocciana. La catalana Doctrina de compondre dictatz (fine s. XIII) descrive il genere in termini soprattutto tematici : « si vols far discort, deus parlar d’amor com a hom qui n’es desemparat e com a hom qui no pot haver plaser de sa dona e viu turmentatz. E que en lo cantar, lla hon lo so deuria muntar, que·l baxes ; e fe lo contrari de tot l’altre cantar. E deu aver tres cobles e una o dues tornades e responedor. E potz metre un o dos motz mes en una cobla que en altra, per ço que mils sia discordant » (Marshall 1972 : 87). Le più tarde Leys d’Amors invece si concentrano in prima istanza proprio sugli aspetti formali : « Descortz es dictatz mot divers, e pot aver aytantas coblas com vers, so’s a saber de .v. a .x.: las quals coblas devon esser singulars, dezacordadas e variables en acort, en so, et en lengatges ; et devon esser totas d’un compas o de divers. E deu tractar d’amors o de lauzors, o per maniera de rancura : ‘quar midons no mi ama, ayssi cum sol’, o de tot aysso essems, qui·s vol » (cito dalla trascrizione di Di Girolamo 1979 : 120). Il Donatz Proensals chiosa « cantilena habens sonos diversos » (Marshall 1969 : rigo 2861).

17 3

1 74

fa bio ba r be r i n i

su tali questioni, poteva derivare dalla folta schiera di umanisti catalani – il Cariteo, in primis, e il di lui nipote Bartolomeo Casassagia9 – di stanza presso la corte aragonese di Napoli (Debenedetti 1995 [1911]: 19-28). Per questo motivo, soltanto sondaggi ‘concentrici’ condotti nelle annotazioni di Colocci possono offrire, per il momento, risultati apprezzabili, almeno come primo tentativo di riprendere il discorso critico sulle postille della c. 1r di B fermo alle ancora imprescindibili osservazioni di Ferrari (1979 : 55-62). La base di partenza più sicura – ancorché, certamente, limitata – restano dunque i canzonieri (e affini) che, con certezza, Colocci possedette e studiò, o che per un certo periodo di tempo, furono messi a sua disposizione. Nel caso della postilla « discort »: 1) M provenzale, da assumere nel contempo come ‘contesto immediato’ – insieme di 10 testi identificati come « discort » nella c. 1r di B portoghese – e come ‘contesto allargato’ – sezione dei descortz di M –; 2) N provenzale, prestatogli da Equicola negli anni 1525-1526 ; 3) R, vale a dire, la tavola colocciana (= Vat. Lat. 3217, cc. 316r-318r) del perduto canzoniere italiano noto come Libro Reale ; 4) V italiano che, insieme a R, servirà da ‘contesto remoto’ – altra tradizione lirica romanza studiata da Colocci – per la verifica delle ipotesi formulate.1011 Cominciamo dal contesto ‘immediato’. Répertoire di Frank alla mano, queste sono le caratteristiche metriche dei 10 testi di M chiosati come « discort » nella c. 1r di B : 5

GrBorn10 242,16

Frank 82:1 (unicum) a8a4a8b4b8c3d5d4d4e2’e2’f2f3f1g5’g5’g5’f2f8 6 coblas unissonans di 19 versi + 1 tornada di 5 versi

10

GrBorn 242,34

Frank 39:1 (unicum) a1a2a3a5b2’b3’c2c4d5d2e3e5f5f3e2g5g5a2a4a5h3h5c5c5h5 5 coblas unissonans di 25 versi + 2 tornadas di 5 e 3 versi11

9 Tramite il Cariteo, antico proprietario di M, Colocci ebbe i primi contatti con questo canzoniere e dagli eredi del Cariteo lo acquistò dopo la morte dell’umanista catalano (Nolhac 1887 : 318-319 ; Debenedetti 1995 [1911]: 299-301). A Bartolomeo Casassagia Colocci chiese, per intermediazione di Pietro Summonte (Debenedetti 1995 [1911]: 301), di tradurre mot à mot le canzoni di Arnaut Daniel e Folquet de Marselha tràdite da M ; gli autografi di queste versioni sono conservati, com’è noto, nel Vat. Lat. 4796 e due copie sono confluite – con modalità che restano ancora da chiarire – nella complessa miscellanea ‘colocciana’ Vat. Lat. 7182, cc. 287-333. In un altro zibaldone composito (Vat. Lat. 3436, c. 22), Colocci annota : « Memorie. Bartholomeo Casassagia se vive en Napoli che tradusse Lemosini » (Nolhac 1887 : 252, nota 7). A Casassagia si deve infine una copia parziale di M, siglata g2 (Bologna, Biblioteca Universitaria, cod. 1290), sulla quale si veda Careri (1993). 10 Autodesignazione di genere, chantaret : « Era, si·m fos en grat tengut, / preir’eu ses glut / un chantaret prim e menut » (Kolsen 1910 : 130 ; mio il corsivo). 11 In M (cc. 6vb-7rab) manca la tornada II (= vv. 126-128 di Kolsen 1910 : 114), ma è previsto lo spazio per la sua trascrizione.



l a p o s t i l l a co lo cci ana « d i sco rt  »

24

GrBorn 242,68

Frank 38:1 (unicum) a6a6a6a6b6b6c4c6c6c1d2d6e6e6f6f6f6g4g6g6g6h6h6h6h6h 5 coblas unissonans di 26 versi + 2 tornadas di 5 e 2 versi12

92

PVid 364,2

Frank 103:1 (unicum) a3a3b6a3a3b6b6c3c3b6b6b6c3c3b6b6b6d8d8 6 coblas unissonans di 19 versi + 3 tornadas di 4 versi13

177

RbVaq 392,24

Frank 598:9 a8b8b8a8c8c8d8d8e8e8f8f8 7 coblas unissonans di 12 versi + 3 tornadas di 4 versi

178

[RbVaq] 392,26 (AimBel)

Frank 715:11 a6b6b6c6c6d10’d10’e10e1014 5 coblas unissonans di 9 versi + 2 tornadas di 4 versi15

254

[Cadenet] 30,3 (ArnMar)

Frank 495:2 a10b10b10a10a10c10c10 5 coblas unissonans di 7 versi + 2 tornadas di 3 versi16

375

PCard 335,61

Frank 461:2 a7’b7’a7’c7’d8d8e7’ 5 coblas unissonans di 7 versi + 1 tornada di 3 versi17

376

PCard 335,41

Frank 503:4 a7b7b7a7a7c7c7d7’c7 5 coblas alternadas di 9 versi + 1 tornada di 5 versi18

429

MontSartr 307,1

Frank 29:3 a10’a10’a10’a10’b4b4a6’b6 4 coblas singulars di 8versi

12131415161718

12 In M (cc. 15ra-15vb) mancano entrambe le tornadas (= vv. 126-130 e 131-132 di Kolsen 1910 : 202), ma è previsto lo spazio per la loro trascrizione. 13 In M (cc. 55vb-56rb) mancano le tornadas I e III (= vv. 91-94 e 99-102 di Avalle 1960 : II, 33); non è previsto spazio per il loro inserimento. 14 Formula sillabica unica entro le realizzazioni conosciute (11 occorrenze) dello schema rimico. 15 In M (cc. 106rb-106vb) mancano entrambe le tornadas (= vv. 46-49 e 50-53 di Menichetti 2011 : 298), ma è previsto lo spazio per il loro inserimento. 16 In M (cc. 152va-153ra) mancano entrambe le tornadas (= vv. 36-38 e 39-41 di Johnston 1935 :50), ma è previsto lo spazio per il loro inserimento. M inoltre è latore unico, in ultima posizione, d’una cobla supplementare (Er auciretz con finan sas beutatz) ritenuta spuria da Johnston (1935 : 57). 17 Schema quasi unico ; l’unica altra formula censita da Frank 461 è Bernart de Ventadorn, Lanquan vei per mei la landa (BEdT 70,26) che costituisce il modello metrico del sirventese di PCard. 18 In M (219vb-220ra) il testo è incompleto, mancano le ultime 2 strofe e la tornada (= vv. 28-36 ; 37-45 e 46-50 di Vatteroni 2013 : I, 552-553); il copista lascia in bianco la seconda metà della col. a e la prima della col. b di c. 220r. Lo schema metrico è raro ; la formula 503 di Frank censisce 4 attestazioni : Cadenet, L’autrier lonc un bosc foillos (BEdT 106,15) e 3 derivati formali di questo componimento, compreso PCard 335,41 che introduce una leggera variante nella formula rimica (cf. Marshall 1978-1979 : 28).

17 5

176

fa bio ba r be r i n i

Per quasi la metà del corpus (postille 5, 10, 24 e 92), l’annotazione « discort » identifica componimenti con particolari caratteristiche metriche. Più precisamente : 1) formule rimiche e sillabiche uniche ; Colocci, ovviamente, non disponeva del Répertoire di Frank, ma M con i suoi 464 componimenti costituiva un campionario di sufficiente estensione perché l’acuta sensibilità prosodica che l’umanista dimostra in molte postille potesse percepire quanto meno l’eccezionalità di questi schemi 2) lunghezza inusuale della cobla 242,16

19 versi

Frank 82:1

10

»

242,36

25 versi

Frank 39:1

24

»

242,68

26 versi

Frank 38:1

364,2

19 versi

Frank 103:1

5 GrBorn

92 PVid

3) brevità inusuale dei versi – con l’eccezione, in alcuni casi, dei più consueti octo- e/o hexasyllabes –, in tutti i componimenti oscillanti tra le 5 e 2 posizioni (a terminazione sia maschile, sia femminile), sino alla presenza di versi monosillabici nelle tre canzoni giraldiane 5 10

GrBorn »

242,16

8/5 e 5’/4/3/2 e 2’/1

242,36

5/4/3 e 3’/2 e 2’/1

24

»

242,68

6/4/2/1

92

PVid

364,2

8/6/3

E un elemento di questo tipo, con la possibilità di ricombinare in unità versali più ampie segmenti sillabici di ridotta estensione, non poteva non richiamare l’attenzione di Colocci che, per rimanere nella c. 1r di B, segnala due casi di ricomposizione versale nei primi 2 componimenti di M (entrambi di GrBorn : postille 1-2 ; cf. Ferrari 1979 : 58-59 da integrare e precisare con Barberini 2019 : 412-419). Le caratteristiche formali di questa prima serie di « discort » non si riscontrano tuttavia nei componimenti, anch’essi identificati da Colocci con la stessa annotazione, ai quali rimandano le postille da 177 a 429. È opportuno segnalare che quest’ultima sequenza, che costituisce la parte conclusiva delle annotazioni provenzali della c. 1r di B, sembra registrare un progressivo restringimento (o specializzazione) dell’interesse di Colocci per i testi di M scelti in funzione dello studio di B. La lettura continua delle 34 chiose della c. 1r mostra come fino alla postilla 177 le annotazioni colocciane manifestino interessi molteplici – osservazioni metriche ; rilievi linguistici ; abbozzi di traduzioni etc. –19, che invece si restringono, a partire proprio dalla postilla 177,

19 Per le postille che qui interessano si vedano alla nº 5 l’annotazione « bona dona » e alla nº 10 la chiosa « et om(n)i sta(n)za fa Se ’l dissi » (cf. note all’edizione delle postille). Più difficile determinare l’esatto significato di « q(uas)i discor‹t›» nelle postille 24 e 92 ; l’avverbio dimostra comunque una riflessione da parte di Colocci che approfondisce l’identificazione dei due componimenti come « discor‹t›». Per ulteriori osservazioni sulle postille di c. 1r rinvio al commento di Ferrari (1979 : 57-61).

l a p o s t i l l a co lo cci ana « d i sco rt  »

alla sola etichetta « discort » – come già visto, annotata 2 volte a lato del primo componimento e collegata a parte dei restanti per mezzo di tratti obliqui – come se la scelta dei testi da 177 a 429 fosse stata guidata solo da questo elemento e, soprattutto, come se fosse stata effettuata in blocco, il che giustificherebbe l’assenza di ulteriori precisazioni. Inoltre – e senza entrare nella complessa questione della cronologia relativa delle postille della c. 1r di B rispetto agli interventi colocciani in M (Ferrari 1979 : 61-62 e cf. qui nota 24) –, tutti i componimenti del canzoniere provenzale postillati nella c. 1r di B recano abbondanti tracce della lettura di Colocci, sottolineature, note di collazione, traduzioni, osservazioni metriche e/o linguistiche etc., alcune delle quali, a mio avviso, potrebbero anche essere contemporanee alla confezione di B (Barberini 2019 : 420-421)20: 1) GrBorn 252,16, M cc. 3vb-4rb (postilla 5): fitte sottolineature ; appunti linguistici e stralci di traduzione relativi ai vv. 51-53 (Kolsen 1910 : 130), « chantan. e lauzan. l’an. q(e)·m fo | comenzaire » / « lauda(n)do », « ch(e) mi », « fo, no(n) fu »; 114, « qals colps ferria d(e) so(n) bran » / « bra(n)do » 2) GrBorn 242,34, M cc. 6vb-7rb (postilla 10): numerose sottolineature ; traduzioni puntuali relative ai vv. 6-8 (Kolsen 1910 : 114), « de lai. on cilh estai. q’ieu am mais que re » / « di là », « ch’io amo p‹iù› ch(e) cosa »; vv. 25-25, « Q’en. rizen. mi fis parven » / « parven » (nel margine superiore di c. 7ra) 3) GrBorn 242,68, M cc. 15ra-15vb (postilla 24): numerose sottolineature ; note grammaticali o traduzioni relative ai vv. 9-10 (Kolsen 1910 : 202), « de l’ira e de l’afan. q’ie·n | trai » / « trare affanno » (nel margine inferiore di c. 15ra); 17-18, « ni non aten. socors ni valemen » / « atendo socorso » (nel margine inferiore di c. 15ra); 53, « semblera de follor » / « semblera, no(n) -bla-, ma -ble- fiore(n)ti‹no » (testo Kolsen : semblara); 85, « qe so q’ieu ma(n)derai » / « manderai, no(n) ma(n)darai » (nel margine laterale esterno di c. 15va ; testo Kolsen : mandarai) 4) PVid 364,2, M cc. 55vb-56rb (postilla 92): numerose sottolineature ; appunti linguistici e traduzioni ai vv. 26 (Avalle 1960 : I, 33), « intriei dintz sa maizo » / « intro »; 42, « mais tant forsatz no(n) fo » / « fo, no(n) fu » (nel margine superiore di c. 56ra); 68, « qe·l bo(n) s reis d’Arago » / « Re d’Aragon‹a›» (nel margine inferiore di c. 56ra) 5) ArnMar (in M Cadenet) 30,3, M cc. 152va-153ra (postilla 254): numerose sottolineature ; a fianco della capitale di inizio testo l’abbreviazione Silº (Allegretti 1990); traduzioni di vocaboli o sintagmi ai vv. 9 ( Johnston 1935 : 50) « qe qi ben serv gizardon | aten » / « atende » (nel margine superiore di c. 152va); 27-28 « mas ieu sui cell qi tem e mu|er aman. e no(n) vos aus p(re)jar | mas en chantan » / « in cantando », « io son q(ue)l ch(e) teme et more amando »; 18 « qar s’ieu·m fazia de vos | trop privat » / « privato » (ordine strofico di M ; le tre postille nel margine inferiore di c. 152vb); 30 e 32 « q’ieu sui ab vos | per semblan en durmen […] q’ieu non volgra ja esser resi|datz » / « in dormendo », « residato : destato » (entrambe nel margine superiore di c. 153ra). 20 Limito la campionatura ai componimenti che Colocci identifica come « discort »; il testo di M è in trascrizione interpretativa, accompagnato dal rimando all’edizione critica di riferimento. La barra verticale (|) indica la fine rigo nel canzoniere. Alla citazione del testo di M seguono, precedute da una barretta obliqua (/), le postille colocciane.

17 7

1 78

fa bio ba r be r i n i

Uniche eccezioni, i cinque testi identificati dalle postille 177, 178, 375, 376, 429, i quali : 1) nella c. 1r di B, sembrerebbero tutti accomunati dall’unica postilla « discort » annotata due volte a lato del nº 177 ; 2) non recano traccia di lettura colocciana in M. Se allora i componimenti di questa sequenza hanno richiamato l’attenzione di Colocci per le loro caratteristiche di « discort », qual è l’elemento che li rende omogenei ai 4 testi della sequenza 5, 10, 24, 92? Se le strutture metriche non riducono a unità di sistema tutti i componimenti identificati dalla stessa postilla, è possibile che il comune denominatore sia non formale, ma tematico? Senza escludere del tutto il parametro metrico, che resterebbe comunque valido per parte del corpus identificato dalle postille della c. 1r di B, non mi pare azzardato supporre che, nel caso dell’annotazione in esame, Colocci presti particolare attenzione al significato di descort ( [m] ; nd > [n]) coma eth frut d’un substrat vasco-iberic12. Ath delà d’açò, en Orígenes del español (1956), que propòsa ua brèva cartografia deras caracteristicas substraticas que bota en evidéncia, en tot cas entara Peninsula iberica e eth domeni occitan, era sua contigüitat ath domeni basco mentre que semblan s’èster difusadas de cap ath sud mercés ara Reconquista13. Jungemann dab La teoría del sustrato y los dialectos hispano-romances y gascones (1955) que consacra eth prumèr tribalh de sintèsi bibliografica e critica dera question deth substrat, en establir era relacion estreta entre eth gascon e eras modalitats romanicas dera Peninsula iberica. Ja que sia limitat ara question en fonetica istorica,

10 Jacques Allières en sué Manuel pratique de basque (1979) que torna a préner eras observacions de Luchaire e Elcock tà illustrar era influéncia deth basco sus eths parlars romanics vesins e balha exemples. 11 Eth adjectiu “iberic” qu’ei entenut ací en sué sens geografic modèrne, qu’ei a díser relatiu ara peninsula iberica. 12 Eth adjectiu “iberic” ací que hè referéncia ara lenga deths ibèrs alavetz considerada coma aparentada ath basco peths partisans deth basco-iberisme ara seguida de von Humboldt (1866 [1821]). 13 Totun, que hè conéisher dab ua mapa mes larga e detalhada era existéncia de bèras uas deras suas caracteristicas ena peninsula italica (Cf. Enciclopedia Lingüística Hispánica).

e t h s u b s t r at b asco -aq u i tan e n gasco n

aqueste obratge que presenta fòrça metodicament eths arguments deths partisans coma deths detractors deras teorias substraticas. Atau, cada-un deths trèts (era s apicoalveolària14 en ispano-romans e gascon ; era nasalizacion deras vocaus en portugués, en galician e en gascon ; era sonorizacion deras intervocalicas latinas enes dialèctes ispano-romans e en gascon ; eths resultats palataus deras liquidas e nasaus latinas enes dialèctes ispano-romans e en gascon ; era pèrda o transformacion de n intervocalica en gascon, portugués e galician ; eth cambiament kt > ȋt en roman occidentau ; era conservacion deras consonantas latinas intervovalicas p, t, k en biarnés e haut-aragonés ; eths cambiaments mb > m, nd > n, nk > ng, rt>rd, etc. deth Nòrd dera Espanha e de Gasconha ; era a protetica davant r latina iniciau en gascon e en dialèctes ispano-romans ; era confluéncia b-v e eras consonantas oclusivo-fricativas sonòras deth espanhòu e deth gascon ; puish deths cambiaments f > h en espanhòu e gascon) qu’ei examinat dera madeisha faiçon, en tot considerar era extension deth fenomèn, era sua cronologia, eras suas caracteristicas fonologicas ena lenga de substitucion, eras deth vasco. En seguir, Jungemann qu’expausa eras diferentas teorias substratistas, era critica deras ipotèsis, eras consideracions estructuralistas (factors intèrnes o extèrnes) e ne propòsa ua conclusion on ei hèra prudent sus eth efècte de substrat pera màger deths punts tractats, que l’envisatja coma possibla en cas deth betacisme e deth passatge de f a h mès non s’amuisha vertadèrament convençut que sus eths elements de qui tòcan exclusivament eras hautas vaths biarnesas e aragonesas (concervacion dera oclusivas sordas intervocalicas e sonorizacion après nasau). 3. 6. Eth bilingüisme perlongat ens Pireneus centraus. Eth exercici malaisit d’evaluacion cronologica deth arrepè deth (proto)basco qu’ei estretament ligat ara question deth substrat e ara sua pregnança enas varietats romanicas que l’an arremplaçat. Qu’ei ad aquesta tasca que s’ei dedicat Joan Coromines en mantuns articles consacrats ara toponimia pre-indoeuropèa, e mes largament preromanica enes Pirenèus. Entremiei aquestes tribalhs, que cau mentàver La toponymie hispanique préromane et la survivance du basque jusqu’au bas moyen âge. Phénomènes de bilinguisme dans les Pyrénées Centrales (1960) de qui, ja que’s centre sus eth versant sud deth massís, postula era idèa deth bilingüisme basco-roman perlongat en bèras vaths deths Pirenèus centraus entiòra mieitat deth Atge Mejancèr. Dab aqueth tribalh, qu’ahorteish era teoria substratica mercés ara toponimia deras vaths pirenencas, e que va mes enlà en parlar dera conservacion deth basco a costat dera varietat romanica de qui s’i substitueish per estratas sociaus successivas. En sué article critic sus eth tribalh de Rohlfs, Coromines (1937 : 451-451) que ditz : Des faits lexicaux rassemblés par M. Rohlfs dans son chapitre I et des traits phonétiques de la toponymie signalés par moi dans mon étude sur Cardós et Vall Ferrera, il résulte que dans les hautes vallées des deux versants des

14 Jungemann qu’utiliza eth caractèr ś tà designar aqueth fonèma que podem notar [s̪ ] en Alfabet Fonetic Internacionau.

25 1

252

p ie r r e c a m e s

Pyrénées centrales il a subsisté longtemps un langage mixte, basque pour la phonétique et pour les formes, mais dont les suffixes et le vocabulaire, en dehors des termes spécifiquement pyrénéens, étaient tout à fait romanisés. Il faut s’attendre à ce que ce basque mourant ait survécu le plus longtemps dans la bouche des bergers et des paysans, alors que les seigneurs et les commerçants étaient déjà romanisés. Aquesta teoria aplicabla aths versants septentrionaus deths Pirenèus qu’apòrta donc elements suplementaris de qui van alimentar eras recèrcas posterioras coma eras d’Allières de qui ditz pera Gasconha pirenenca : Hors de la Gascogne proprement dite, le professeur Joan Coromines a rendu très vraisemblable, dans un article paru en 1960 […], l’hypothèse selon laquelle le vieil idiome euskarien aurait longtemps résisté aux assauts du roman dans les vallées du versant méridional des Pyrénées centrales jusqu’à l’Andorre – au-delà, le même phénomène est également bien possible, mais c’est sans doute un autre problème –, comme le montrerait l’irrégularité du phonétisme des toponymes, obéissant tantôt aux règles romanes, tantôt aux tendances du basque (Allières 1994 : 62). 3. 7. Eth efècte de substrat estenut mercés eras microvarietats. A partir d’atieu, quauques tribalhs posteriors que van assajar d’esténer era explicacion substratica en tot comparar d’autes aspèctes dera lenga dab era estructura basca. Qu’ei eth cas d’Allières, ath còp romanista especialista deth gascon15 e bascològ, de qui compara un gran nombre de trèts entre parlars bascos e gascons en Gascón y euskera : afinidades e interrelaciones lingüísticas (1992) on estableish ua sintèsi deras relacions en fonetica e morfologia en atribuïr eth efècte de substrat a hèra d’autes aspèctes qu’eths dejà mencionats : – era anteriorizacion deth [u] roman < ū latina coma fenomèn tardiu a travèrs eth passatge en contèxte palatau en gascon maritim (cuit, cunh) ; – era conservacion deth timbre [u] entath article [wɔ] en Haut Arièja e en vath d’Aura, e eths participis sèut, éut, quèut ath torn de Gavarnia, o era substitucion deths fonèmas [ø] a [y] ena vath de Sava, ath long d’ua importanta termièra etnolingüistica (cf. Capcir16) ; – era centralizacion (o labializacion) deth fonèma [e] enas Lanas maritimas, frut d’un reequilibri deth sistèma vocau en tres grads d’apertura, coma en basco e en castelhan ; – era resisténcia ath barrament deras vocaus aubridas en ua posicion pretonica : còser [‘kɔze] fut. [koze’ɾa] (mentre qu’eth basco non coneish pas de variacion de timbre dab eth accent tonic) ; 15 Contributor entre autes deth ALG (Atlas Linguistique de la Gascogne). 16 Haut vath d’Auda, qu’ei un territòri catalanofòn dab influéncias occitanas.

e t h s u b s t r at b asco -aq u i tan e n gasco n

– era nasalizacion anciana ath torn de Ortès de vocaus primitivament seguidas d’ua nasau intervocalica e amudida (cf. Souletin17) ; – eth manteniment deras oclusivas e dera s intervocalica (apelha, cleta, acuçar, vetèth, vita) ; eth aflaquiment deras oclusivas sonòras intervocalicas (aver [a’βe], leguir [le’ɣi], sudar > suzar) ; – eth manteniment dera vocau iniciau en article definit feminin pirenenc era (qu’ac vé coma ua traça equivalenta a gizonaren ‘deth òme’ o gizon haren “aqueste òme d’ací”) ; – eths pronoms regims assillabics o encòra era unificacion tonica deths paradigmes deths presents deth indicatiu e deth subjonctiu en gascon maritim e centrau. Atau madeish, Martin Haase, de qui a d’aulhors tractat deth bilingüisme basco-gascon actuau en Baisha-Navarra en fòrça tribalhs, qu’esten eth sué estudi comparatiu deras estructuras enonciativas deth basco e deth gascon (Haase 1994) a un gran nombre de trèts morfosintactics mès tanben fonetics en un navèth article intitulat Gascon et basque : bilinguisme et substrat (1997). Qu’ei sustot en morfo-sintaxi qu’eth sué estudi comparatiu abòrda domenis navèths : eth caractèr conservator dera morfologia verbau (pp. 204-205), eths temps compausats (p. 205), eths demonstratius a tres grads (pp. 205-206), e s’interèssa particularament ara question deths enonciatius (pp. 207-220), considerant qu’eth basco tanben n’ei provesit. Ja que probablament Allières e Haase e sian eths de qui son anats eth mes enlà ena explicacion deths trèts gascons peth substrat, Allières, totun, que’s vòu a còps prudent, sustot entà çò deths enonciatius. 3. 8. Chambon et Greub (2002) : Era datacion deth (proto)gascon. Era ancianetat deths trèts gascons qu’ei un element determinant ena interpretacion substratica. En loé article intitulat Note sur l’âge du (proto)gascon (2002), Chambon e Greub que hèn ua proposicion de datacion de sèt principaus cambiaments fonetics distintius deth gascon (f > h ; n > Ø / V_V ; -ll- > r / V_V ; -ll > t / V_# ; mb, nd > m, n ; Ø > a / #-r̅  :18 ; fusion de b et w) mercés a ua cronologia relativa en partir d’ua mencion deth pòble deths Convènes sus ua pèça de moneda dera epòca merovingiana on apareish ua betacizacion de v. Que n’arriban ara conclusion seguenta : « l’individuation du gascon-par-définition était entièrement acquise ca 600 au plus tard et […] le début de ce processus remonte au moins à la période wisigotique (ca 5e siècle) » (Chambon – Greub 2002 : 489). Era majoritat deras caracteristicas foneticas deth gascon non partatjadas peras autas modalitats d’òc que serén anterioras aths autes trèts comuns ath ensemble occitan e donc, sense ac díser totun explicitament, corresponent a ua epòca on

17 Eth soletin qu’ei un dialècte basco parlat ena vath deth Gave de Mauleon. Qu’ei era forma era mes orientau parlada ath nòrd deths Pirenèus. 18 Corresponent era r vibranta (notada [r] o [r :] en Alfabet fonetic internacionau).

25 3

254

p ie r r e c a m e s

eth gascon èra possiblament en situacion de biligüisme dab eth basco en ua grana part deth sué domeni19. 3. 9. Burov (2017) : ideas substratistas e motivacion intèrna deths cam­ biaments fonetico-fonologics. En sué article intitulat Sur les probables interférences phonologiques entre basque et gascon (2017) Ivaylo Burov que confronta de manèra sistematica eths arguments substratics e eras teorias fonologicas intèrnas. Que hè era analisi de sheis cambiaments deths màgers atribuïts a un substrat eusquarian presents en d’autas varietats romanicas : « le traitement du /r/ initial » (pp. 4-9), « le passage de /f/ à /h/ » (pp. 9-14), « l’amuïssement du /n/ intervocalique » (pp. 14-17), « le rhotacisme des latérales intervocaliques » (pp. 17-19), « le voisement des plosives sourdes après sonante » (pp. 20-22) e « la conservation des plosives sourdes intervocaliques » (pp. 22-23). Que’s vòu prudent de cap ara nocion de substrat tad aquestes trèts atestats aulhors ena Romania peths quaus ei mauaisit de postular era existéncia d’un substrat bascoïd, en tot arreconéisher, totun, un ròtle de facilitator qu’auré podut jogar eth basco ena construccion dera fonologia gascona : le fait que les phénomènes étudiés […] connaissent une extension géographique considérable à travers la Romania ne peut pas invalider complètement les théories substratistes. Leur analyse montre seulement que tout changement phonologique, qu’il ait été conditionné extérieurement ou pas, a nécessairement une motivation interne (phonétique et/ou phonologique). Dans cet ordre d’idées, un changement phonologique est d’autant plus répandu et peut surgir d’autant plus souvent qu’il est naturel (Burov 2017 : 24).

4. Eths enjòcs deras teorias substraticas 4. 1. Eths problèmas inerents. Eths diferents cercaires e tribalhs que relhèvan un bèth nombre de problèmas de qui pausa era teoria substratica. Aquestes problèmas que son : era abséncia de comportament analòg enas duas lengas (f > /h/ en gascon ; f > /p/ o /b/ en basco ; /r/ < -ll- en gascon ; /r/ < -l- en basco ; r- > arr- unicament postconsonantic en Luishonés20 (Burov 2017) ; un sistèma enonciatiu sistematic e preverbau en gascon ; non-sistematic e postverbau o prefixat en basco (Haase

19 Aquesta observacion que pòrta eths autors a considerar eth gascon coma ua modalitat lingüistica distinta deth occitan, ironizant en díser que seré era lenga dera pèira pr’amor eth ensemble occitan non partatjaré qu’un trèt autant ancian, eth passatge de TR a [jr]. 20 Burov (2017 :8), en s’emparar sus Bec (1968), que balha atau duas serias de tres exemples cada-ua, ua dab ua r postvocalica ([ˌflus e rˈryba] « fleurs et rubans », [ˌluŋgo rˈreŋgo] « longue rangée », [ˌsense ˌðiðe rˈreŋ] « sans rien dire ») opausada a ua auta on era r e passa a arr- en contèxte postconsonantic ([ˌdyz arˈriws] « deux ruisseaux », [puˌlidoz arˈrozos] « de jolies roses », [edȝ arˈradim] « le raisin »).

e t h s u b s t r at b asco -aq u i tan e n gasco n

1997) ; era preséncia de fenomèns identics en d’autas zònas dera Romania : cajuda de -n- intervocalica en gallego-portugués ; f > /h/ italo-roman e macedo-roman (Burov 2017) ; eras constrentas fonologicas intèrnas (Burov 2017). D’auta part, entà çò deth lexic, era influéncia deth basco que sembla mes plan establida mès que’s cau pausar era question dera dinamica vertadèra de qui a presidit aths manlhèus. 4. 2. Eths factors a préner en compte. Totun, eths punts aquestes n’an pas sabut eliminar era lectura substratica e que podem notar elements en favor deras teorias qu’eths tribalhs citats mes haut an establits o proposats, coma eth caractèr ancian deths fenomèns fonetico-fonologics (Chambon – Greub 2002), eth continúum geografic format dab eths elements potenciaument substratics dab eth territòri bascofòn actuau (Menéndez Pidal 1956) e era preséncia graduau d’aquestes elements, mes importanta enas zònas sud e occidentau deth domeni gascon, qu’ei a díser a mesura que ns’apressam deth airau on s’ei conservat eth basco.

5. Conclusion Maugrat eth nombre important deths sués partisans, era question deth substrat basco-aquitan entath gascon que soslhèva encòra fòrça questions. Qu’ei avançada per un gran nombre de caracteristicas e en tots eths aspèctes constitutius dera lenga (fonetica, morfosintaxi, lexic), çò que’n hè ua teoria proteifòrma. Totun qu’a rarament hèt eth objècte d’ua descripcion globau de qui confronta aquestes diferents domenis, s’exceptam Allières (1992) e Haase (1997). D’auta part, daubuns recors ara teoria substratica n’an pas convençut tots eths de qui podèvan deféner-la per d’autes aspèctes. Per consequent, qu’ei essenciau de considerar era question ena sua globalitat e véger quinas relacions eths diferents trèts imputats ath substrat e pòden entreténguer entre eths. Atau, eth betacisme e eth passatge dera f latina a /h/ que s’an a considerar coma fenomèns connèxes ara lutz dera repulsion deth basco peras fricativas labiaus. D’auta part, tots aqueths elements n’an pas eth madeish nivèu de fiabilitat : eth caractèr substratic dera conservacion deras oclusivas sordas intervocalicas e era sonorizacion postnasau qu’ei generaument admés mentre qu’eths elements arrelhevats per Allières que constitueishen “sinhaus fèbles”. Qu’ei donc essenciau de questionar era gramatica istorica e era dialecotologia basca entà véger quin esclairatge e’ns pòden aportar, notadament enas dinamicas espaciaus deths trèts fonetics observats. Ua analisi geoliguinstica dab eth lexic, a travèrs notadament ua cartogafia cumulativa, que permeteré tanben de confirmar o infirmar çò que’s pòt aisidament observar dab era fonetica, e atau balhar navèths elements per ua lectura o substratica o adstratica deths elements considerats coma euscarians.

25 5

2 56

p ie r r e c a m e s

Annèxas A) Allières (1979 : 17) Latin

Gascon

Castillan

Languedocien

Portuguais

1. f > h

fīlu

hiu

hilo

fil

fio

2a. -ll- > -r-

illa

era

ella

ela

ela

illu

eth

ello

el

elo

2b. -l-

pala

pala

pala

pala

pá ( < paa)

3a. -nn- > -n-

canna

cana

caña

cana

cana

3b. -n- > -Ø-

plēna

plena

llena

plena

cheia

-ll(-) > -th

B) Allières (1979 : 18) Latin

Gascon

Castillan Languedocien Portuguais

4a. -MB- > -m-

palumba

paloma

paloma

palomba

4b. -ND- > -n-

*vendūtu *vendītu

venut

vendido

vendut

5. R- > arr-

ramīu

arram

ramo

ram

pomba

ramo

C) Allières (1979 : 18) Latin

Aspe-Ossau-Barétous

Haut-Aragon

Languedocien

crombar

combrar

crompar

7. Après nasales a. comperāre b. umbra

ompra

c. plantāre

plandar

plandar

plantar

ombra

d. branca

branga

branga

branca

e. lingua

lenca

lenga

a. alta

hauda alda (h d’origine germanique)

auta

b. caldaria

cautèra

caudièra

8. Après liquides

D) Allières (1979 : 19) Latin

Aspe-Ossau-Barétous

Haut-Aragon

Languedocien

aperta

ipèrta

apierta

aubèrta, ubèrta

clēta

cleta

cleta

cleda

nucaria

noquèra

nuquera

noguièr (masc.)

e t h s u b s t r at b asco -aq u i tan e n gasco n

E) Allières (1979 : 19) Latin

Gascon

1. f > b- ou pfagu

bago, pago, fago

2. voluntāte cella

borondate gela

3b. anate corōna

ahate koroa

5. rege rota

errege errota

6. voluntāte

borondate

7a. tempora (pl.)

denbora

7c. v  oluntāte basque hemen + -tik

borondate hemendik

7d. i ncude basque hemen + -ko

ingude hemengo

8a. a  ltāre culter

aldare golde

9. rīpa rota lucanica

erripa errota lukainka

F) Burov (2017) d’après Ravier (1991 : 87-88) e Allières (1992 : 804)21 Latin

Gascon

Vallées d’Aspe, d’Ossau et de Barétous

Traduction française21

artica >

/ar’tigo/

/ar’tiko/

terrain défriché

apicula >

/a’beʎɔ/

/a’peʎɔ/

abeille

mutare >

/my’da/

/my’ta/

muer

G) Orpustan (2009 : 7) Latin

Basque

Traduction française

pace >

bake

paix

pice >

bike

poix

voluntate >

borondate

volonté

ripa >

erripa

rive

rota >

errota

roue

21 Eths tablèus qu’apareishen coma citacions de tribalhs d’on ei tirat eth contengut. Eths tres tablèus a orde, per èster tirats de tribalhs en francés, eras traduccions que son balhadas tau coma son, en francés tanben.

25 7

258

p ie r r e c a m e s

H) Burov (2017 : 14) Latin

Aragonais

Traduction française

acutu >

/a’kuto/

« aigu »

lepore >

/’ljepre/, /’ljapre/

« lièvre »

Bibliografia Allières 1991 : J. Allières, Manuel pratique de basque, Paris 1991. Allières 1992 : J. Allières, Basque et roman sur leur frontière occidentale d’après les Recueils “Sacaze” et “Bourciez” (vers 1880), in Contacts de langues, de civilisations et intertextualité. Actes du IIIe Congrès International de l’Association Internationale d’Études Occitanes, Montpellier, 20-26 septembre 1990, Montpellier 1992, pp. 173-180 + 13 mapas. Allières 1992 : J. Allières, Gascón y euskera : afinidades e interrelaciones lingüísticas, in « Anuario del Seminario de Filología Vasca “Julio de Urquij” », 26, 1992, pp. 801-812. Allières 1993 : J. Allières, Basque et gascon, in Actes du colloque “La langue basque parmi les autres. Influences et comparaisons”, Bayonne 1993, pp. 17-23. Baldinger 1958 : K. Baldinger, La position du gascon entre la Galloromania et l’Ibéroromania, in « Revue de Linguistique romane », 22, 1958, pp. 243-292. Bec 1963 : P. Bec, La langue occitane, Paris 1963, (4e éd. 1978). Bec 1968 : P. Bèc, Les interférences linguistiques entre gascon et languedocien dans les parlers du Comminges et du Couserans, Paris 1968. Bec, 1970-1971 : P. Bec, Manuel pratique de philologie romane, 2 vols, Paris 1970-1971. Bec 1973 : P. Bec, Manuel pratique d’occitan moderne, Paris 1973. Bonnemason 2006 : J. Bonnemason, Interférences linguistiques entre basque et gascon (Béarnais), Monein 2006. Bouzet 1932 : J. Bouzet, Les particules énonciatives en béarnais (1), in « Òc », 4, 1932, pp. 40-53. Bouzet 1933 : J. Bouzet, Les particules énonciatives en béarnais (2), in « Òc », 10-11, 1933, pp. 21-38. Burov 2017 : I. Burov, Sur les probables interférences phonologiques entre basque et gascon ‹https://www.msha.fr/baseclme/documents/basque-gascon-IvayloBurov_VuAV. pdf›. Castillo Cejuela 2011 : E. Castillo Cejuela, Retroceso del euskara en BaskoniaNabarra ‹http://nabarlur.blogspot.com/2011/05/euskal-herria.html›. Chambon – Greub 2002 : J.-P. Chambon – Y. Greub, Note sur l’âge du (proto)gascon, in « Revue de Linguistique romane », 263-264, 2002, pp. 473-495. Coromines 1937 : J. Coromines, À propos d’un nouveau livre sur le gascon, in « Vox Romanica », 2, 1937, pp. 147-169. Coromines 1937 : J. Coromines, À propos d’un nouveau livre sur le gascon (fin), in « Vox Romanica », 2, 1937, pp. 447-465.

e t h s u b s t r at b asco -aq u i tan e n gasco n

Coromines 1960 : J. Coromines, La toponymie hispanique préromane et la survivance du basque jusqu’au bas moyen âge (Phénomènes de bilinguisme dans les Pyrénées Centrales), in VI. Internationaler Kongress für Namenforschung. München, 24-28 August 1958, Kongressberichte, München 1960, I, pp. 105-146 + 2 mapas plegadas. Coromines 1990 : J. Coromines, El parlar de la Vall d’Aran. Gramàtica, diccionari i estudis lexicals sobre el gascó, Barcelona 1990. Coyos 2001 : J.-B. Coyos, A propos de “Les emprunts de la langue basque à l’occitan de Gascogne” de Txomin Peillen, in « Lapurdum », 6, 2001, pp. 391-419. Elcock 1938 : W. D. Elcock, De quelques affinités phonétiques entre l’aragonais et le béarnais, Paris 1938. Dieterlen – Bengston 2016 : F. Dieterlen – J. Bengston, Confirmation de l’ancienne extension des Basques par l’étude des dialectes de l’Europe de l’Ouest romane, in « Journal of Language Relationship », 14, 2016, pp. 1-27. Dudois 2012 : J. Dudois, et alii, Le dictionnaire linguistique et des sciences du langage, Paris 2012. Gavel 1936 : H. Gavel, Remarques sur les substrats ibériques, réels ou supposés dans la phonétique du gascon et de l’espagnol, in « Revue de Linguistique romane », 12, 1936, pp. 45-46. Gavel 1956 : H. Gavel, Note sur des chutes de labiale initiale devant voyelle vélaire en basque, in « Via Domitia III. Annales publiées par la Faculté des Lettres de Toulouse », 5, 1956, pp. 1-5. Grosclaude 2006 [1986] : M. Grosclaude, La Gascogne, Témoignages sur 2000 ans d’histoire, Orthez 1986 [1e éd. 1986]. Haase 1994 : M. Haase, L’énonciatif et le substrat basque, in Actes du IVe Congrès International de l’Association Internationale d’Études Occitanes, Vitoria-Gasteiz, 22-28 août 1993, Vitoria-Gasteiz 1994, II, pp. 802-819. Haase 1997 : M. Haase, Gascon et basque : bilinguisme et substrat, in « Sprachttypologie und Universalienforschung », 50, 1997, pp. 189-228. Hirschfeld 1913 : O. Hirschfeld, Aquitanien in der Römerzeit, Berlin 1913. Hubschmid 1954 : J. Hubschmid, Pyrenäenwörter vorromanischen Ursprungs und das vorromanische Substrat der Alpen, Salamanca 1954. Humboldt 1866 [1821] : W. von Humboldt, Prüfung der Untersuchungen über die Urbewohner Hispaniens vermittelst der Vaskischen Sprache, Berlin 1866 [1e éd. 1821]. Version française : Recherches sur les habitants primitifs de l’Espagne à l’aide de la langue basque, Traduction de M. A. Marrast, Paris 1866. Iglesias 1999 : H. Iglesias, Affinités toponymiques cantabropyrénéennes et énigmes historiques, in « Lapurdum », 4, 1999, pp. 123-166. Intxausti 1992 : J. Intxausti, Euskara, euskaldonon hizkuntza, Donostia. Version française : Euskara, la langue des basques, Donostia 1992. Jungemann 1956 : F. Jungemann, La teoría del sustrato y los dialectos hispano-romances y gascones, Madrid 1956. Luchaire 1877 : A. Luchaire, Origines linguistiques de l’Aquitaine, Pau 1877. Luchaire 1879 : A. Luchaire, Études sur les idiomes pyrénéens de la région française, Paris 1879 [Réédition : Genève 1973].

259

26 0

p ie r r e c a m e s

Luchaire 1973 [1881] : A. Luchaire, Recueil de textes de l’ancien dialecte gascon d’après les documents antérieurs au XIVe siècle, suivi d’un glossaire, Genève 1973 [1e éd. Paris 1881]. Martinet 1955 : A. Martinet, Economie des changements phonétiques. Traité de phonologie diachronique, Berne 1955. Martinet 1981 : A. Martinet, Phonologie synchronique et diachronique du basque, in Euskalarien Nazioarteko jardunaldiak (Iker 1), Bilbo 1981, pp. 59-74. Massoure 2012 : J.-L. Massoure, Le gascon, les mots et le système, Paris 2012. Menéndez Pidal 1904 : R. Menéndez Pidal, Manual elemental de gramática histórica española, Madrid 1904. Menéndez Pidal 1952 : R. Menéndez Pidal, Toponimia prerrománica hispana, Madrid 1952. Menéndez Pidal 1956 : R. Menéndez Pidal, Orígenes del español. Estado lingüístico de la Península Ibérica hasta el siglo XI, Madrid 1956. Menéndez Pidal 1960-1967 : R. Menéndez Pidal, Enciclopedia Lingüística Hispánica (ELH). I. Antecedentes. Onomástica, Madrid 1960. Millardet 1910 : G. Millardet, Études de dialectologie landaise, Toulouse 1910. Morvan 1987-1997 : M. Morvan, Le basque et la problématique des substrats préindoeuropéens, in Actas de las II Jornadas de Onomástica, Orduña 1987 – Bilbao 1997, pp. 123-127. Morvan 1997 : M. Morvan, Problèmes de substrat (suite), in « Lapurdum » 2, 1997, pp. 23-28. Orpusptan 2009 : J.-B. Orpusptan, L’ibère et le basque : recherches et comparaisons. (Rapport de recherche Université Bordeaux 3 – Michel de Montaigne), in « Artxiker » 2009 ‹https://artxiker.ccsd.cnrs.fr/file/index/docid/465824/filename/ Basque_et_ibere_Recherches_Comparaisons.pdf›. Oyharçabal 2005 : B. Oyharçabal, Etudes des populations et singularité linguistique du Pays basque, in « Artxiker », 2005 ‹https://artxiker.ccsd.cnrs.fr/file/index/ docid/36386/filename/conference_Etude_des_populations_et_singularite_du_ Pays_basque.pdf›. Peillen 1998 : T. Peillen, Les emprunts de la langue basque à l’occitan de Gascogne, Madrid 1998. Ravier 1991 : X. Ravier, Les aires linguistiques, in Lexikon der Romanistischen Linguistik, Tübingen 1991, pp. 80-105. Rohlfs 1935 : G. Rohlfs, Le gascon : étude de philologie pyrénéenne, Tubingen 1935 [dernière éd. 1977]. Rohlfs 1952 : G. Rohlfs, Sur une couche préromane dans la toponymie de la Gascogne et de l’Espagne du Nord, in « Revue de Philologie Espagnole », 36, 1952, pp. 209-256. Ronjat 1930 : J. Ronjat, Grammaire istorique des parlers provençaux modernes, 4 vols., Montpellier 1930. Sablayrolles 2012 : R. Sablayrolles, De l’inscription d’Hasparren aux régionalismes : le particularisme aquitain, réalités du terrain et écritures des histoires, in « Anabases », 9, 2009 ‹http://journals.openedition.org/anabases/310›. Sauzet 2006 : P. Sauzet, La spécificité phonétique du gascon, occitan extrême, in Actes du Colloque de Sabres, 2004, Belin – Beliet 2006, pp. 17-22.

e t h s u b s t r at b asco -aq u i tan e n gasco n

Séguy – Allières – Ravier 1954 : J. Séguy – J. Allières – X. Ravier, Atlas Linguistique de la Gascogne, Paris 1954. Videgain 2003 : C. Videgain, La langue basque ou euskara : incertitudes et faits avérés, in « Clio » ‹https://www.clio.fr/bibliotheque/La_langue_basque_ou_euskara_ incertitudes_et_faits_averes.asp›.

261

Damien Canavate 

Reconfiguration territoriale et politique linguistique en Occitanie Premiers résultats et pistes de recherche 1. Introduction Il est une intervention publique plutôt discrète mais souvent en essor : celle des régions françaises en matière de langues et de cultures régionales. Esquissée dans les années 70, cette action publique se structure dans le sillage des lois de décentralisation promulguées dans les années 80 et prend la forme de programmes publics territoriaux en domaine culturel et linguistique, mais aussi éducatif, touristique ou de développement local. Il s’agit d’un phénomène à plusieurs titres paradoxal. D’abord parce que les langues de France se trouvent dans une situation fragile (Kremnitz 2013), qui est souvent la raison d’être de ces politiques linguistiques mais quelquefois aussi le signe de leur faiblesse. Ensuite parce que ces volontarismes culturels et identitaires locaux sont dans une certaine mesure en décalage avec le cadre politico-juridique en vigueur. En effet, « alors que le régime juridique formel apparaît comme un vecteur puissant d’immobilisme en matière de langue régionale, des mobilisations culturelles et linguistiques informelles trouvent dans des dispositifs publics des appuis sérieux pour esquisser l’institutionnalisation de politiques linguistiques » (Fournis 2010 : 69). Enfin parce qu’en dépit de leur poids généralement modeste, les mouvements et partis régionalistes de France sont capables d’imprimer leur marque dans des secteurs d’action publique (culture, langue) qui constituent le cœur de leurs revendications. Force est de constater qu’en domaine occitan à tout le moins, « l’étude de cette action publique n’a […] pas beaucoup tenté les universitaires » (Hammel 2001 : 102). Certes un ouvrage paru en 1996 en explore les « dynamiques institutionnelles » (Viaut – Cheval 1996). Une analyse comparée entre l’ancienne région Languedoc-Roussillon et le Tyrol du Sud met en perspective ces politiques régionales de la langue (Czernilofsky 2000). Certains observateurs ont parfois livré des conclusions incisives sur l’action des institutions publiques comme sur celle du tissu militant, culturel et politique confondus ( Jeanjean 1992 : 92 ; Diver 2012 ; Bernissan 2013). Au total, les études sur ces politiques publiques apparaissent donc plutôt rares et datées. La région Occitanie, née en 2016 de la fusion des anciennes régions LanguedocRoussillon et Midi-Pyrénées, s’est emparée à la suite d’une consultation citoyenne

Damien Canavate • CEPEL (UMR 5112) Université de Montpellier • damien.canavate@ gmail.com Trans-mission. Création et hybridation dans le domaine d’oc, éd. par Fabio BARBERINI et Camilla TALFANI, Turnhout, 2022 (Publications de l’Association Internationale d’Études Occitanes, 14), p. 263-278.

© FHG

DOI 10.1484/M.PAIEO-EB.5.126426

264

da m i e n c a n avat e

rassemblant près de 204.000 participants d’un nom qui a longtemps fait polémique. Celui-ci a d’abord exprimé un espace culturel et linguistique, puis une forme de vitupération sociale et politique dans la période ouverte par Mai 68. La récente émergence d’un toponyme institutionnel lié au militantisme régionaliste questionne à la fois la portée historique du mouvement occitan et sa fonction contemporaine. C’est dans ce contexte de reconfiguration territoriale qu’il faudra interroger les liens entre la revendication occitane et la conduite d’une action publique culturelle et linguistique régionale. Engagée en 1985 en Languedoc-Roussillon et en 1989 en Midi-Pyrénées, celle-ci renvoie aux interdépendances entre le régionalisme comme principe culturel et politique, la régionalisation comme processus juridique et politique et la gouvernance régionale comme mode de gouvernement (Pasquier 2012).

2. Sociolinguistique et sociologie de l’action publique Il existe au moins deux façons d’appréhender ces formes d’intervention publique : d’une part en les saisissant comme des « politiques linguistiques institutionnelles » (Boyer 2010), d’autre part en les analysant dans un cadre qui est celui des politiques publiques. La première entrée est sans doute la plus ordinaire pour qui s’intéresse aux langues en société. La mise en œuvre de ce travail institutionnel (“aménagement linguistique”, “planification linguistique” ou “normalisation linguistique” selon les acteurs, les observateurs ou les espaces considérés) régit habituellement à la fois le ou les corpus et statut(s) d’une ou de plusieurs langues. La seconde entrée est celle de la sociologie de l’action publique, qui constitue un sous-champ central de la science politique française depuis la fin des années 19801. Il est ici question de rendre raison de « l’État en action » ( Jobert – Muller 1987). À l’instar des politiques du logement ou de santé, les politiques linguistiques répondent en effet elles aussi à des mécanismes généraux qui président à la construction et à la production de l’intervention étatique (Grin 2003). De fait, « l’État gouverne les langues et organise la diversité linguistique comme il le fait pour d’autres biens sociaux et en fonction d’autres enjeux » (Cardinal – Sonntag 2015 : 130). Les appels du linguiste Louis-Jean Calvet (2011 : 122) en faveur d’une « discipline nouvelle, la “politologie linguistique”, qui serait aux politiques linguistiques ce que les sciences politiques sont aux politiques » ou ceux de Louis Guespin et de Jean-Baptiste Marcellesi (eux aussi linguistes) en 1986 au profit d’une “analyse glottopolitique” ont rencontré peu d’écho chez les politistes. Le Dictionnaire des politiques territoriales édité par les Presses de Sciences Po consacre certes une entrée à la langue (Harguindéguy 2020). Quelques travaux abordent les politiques linguistiques publiques au prisme de la sociologie politique, autour des cas breton et corse ­notamment



1 La place essentielle de cette sous-discipline est en partie due à son orientation tournée vers l’action, ce qui renvoie au passage à la dimension thérapeutique de la sociolinguistique appliquée.

reconfiguration territoriale et politique linguistique en occitanie

(Harguindéguy – Cole 2009 ; Fournis 2010 ; Harguindéguy – Pasquier 2010 ; Fazi 2020). Mais alors même que « le domaine de la “politique linguistique” n’est qu’un chapitre de la science politique » (Éloy 1997 : 20), la littérature politologique apparaît singulièrement réduite. Trois niveaux d’analyse peuvent pourtant être dégagés à l’occasion d’un croisement disciplinaire entre sociolinguistique et sociologie de l’action publique. Ceux-ci procèdent d’une réflexion sur les ressorts des politiques linguistiques publiques et sur les mobilisations collectives autour des langues et des cultures régionales. Le premier niveau explore les raisons des politiques de la langue et les modalités de leur mise en œuvre. C’est dans le cadre d’une interrogation sur le pourquoi et le comment de cette forme particulière d’intervention étatique que la sociologie de l’action publique se révèle la plus féconde (Grin 2003). Nourries des apports de l’institutionnalisme historique2, les politistes nord-américaines Linda Cardinal et Selma Sonntag (2015) ont par exemple récemment proposé des pistes d’analyse afin de rendre compte des paramètres de l’action publique en matière linguistique. Certains ont dans ce cadre souligné la pertinence du paradigme de la “gouvernance multi-niveaux”, qui prend en considération toutes les strates institutionnelles dans la production des politiques publiques et les échanges politiques entre ces dernières (Royles – Lewis 2019). Ces approches politologiques renvoient au total à une dimension analytique souvent essentielle, celle de la constitution politique des problèmes publics et de leur mise sur agenda. Il faudra ainsi s’interroger sur les raisons et les temporalités des politiques linguistiques en faveur de l’occitan dans les deux régions considérées, comme sur leurs modes et processus locaux de mise en œuvre. Le deuxième niveau se situe dans une interrogation de temps long et se concentre sur les mobilisations régionalistes. Les formes d’action collective tour à tour qualifiées de « revendications linguistiques » (Alén Garabato 2005), de « nationalisme linguistique » (Boyer 2008), de « mobilisations ethnolinguistiques » (Harguindéguy – Cole 2009) ou bien encore de « mouvements de revitalisation linguistique » (Costa 2013) sont dans nombre de cas (mais pas toujours) au fondement de la revendication régionaliste. Il est question dans ce cadre de spécifier les relations à l’œuvre entre ces mobilisations quelquefois dormantes mais souvent exprimées culturellement et politiquement et la production de l’action publique en domaine culturel et linguistique. Il conviendra de questionner tout particulièrement le paradoxe qui se noue entre l’existence d’une revendication occitane à la fois ancienne, faible et durable et la mise en œuvre d’une action publique en développement. Le troisième niveau examine enfin « ce que la défense des langues régionales nous “dit” sur l’évolution de l’État et de la nation » (Harguindéguy – Pasquier 2010 : 14). Les mobilisations collectives et institutionnelles qui se saisissent des langues et des cultures régionales sont souvent perçues comme anachroniques ou passéistes.



2 Développé à partir des années 80, l’institutionnalisme historique est une approche des sciences sociales qui insiste sur l’importance des institutions politiques dans la société et qui vise à les restituer dans toute leur épaisseur historique.

265

26 6

da m i e n c a n avat e

Or celles-ci sont profondément de leur temps et révèlent des transformations culturelles, économiques ou sociales de fond qui modifient les rapports politiques à l’État et à la nation. Dans ce cadre, le développement depuis une trentaine d’années de ce nouveau domaine d’action publique s’ancre dans le changement social général, et illustre aussi bien les reconfigurations du périmètre d’intervention étatique que les lectures changeantes d’une quelconque “identité nationale” en France. Nous considérerons ainsi l’action publique culturelle et linguistique des anciennes régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, puis celle de la région Occitanie, comme autant de cas emblématiques de ces transformations.

3. Genèse et développement d’une action publique La promotion des langues et des cultures régionales est explicitement devenue une compétence partagée entre toutes les collectivités territoriales (communes, départements, régions) en vertu de l’article 104 de la loi portant « nouvelle organisation territoriale de la République » du 7 août 2015 (loi NOTRe). La question ancienne de leur enseignement relève elle de l’État central. Dialogue d’un sourd et d’un bègue (Martel 2007), celle-ci prend depuis les années 1980 dans le secteur public la forme d’une cogestion entre les associations professionnelles d’enseignants – la FELCO pour le cas de l’occitan, la FLAREP au niveau national3 – et le ministère de l’Éducation nationale. Les années 80 sont également celles de la croissance du réseau des écoles associatives et immersives Calandreta, qui parie sur la gouvernance territoriale. Les collectivités locales – municipales en particulier – jouent en effet un rôle dans les politiques éducatives autour des langues et des cultures régionales, que ce soit dans le secteur public ou associatif. Elles peuvent par exemple informer les familles sur les modalités de leur enseignement, mettre à disposition des locaux, financer des projets éducatifs ou exercer une pression politique auprès des décideurs publics. Depuis 2005, les collectivités territoriales et l’État central sont tous deux compétents par voie contractuelle sur la question. Mais en ce qui concerne les politiques culturelles et linguistiques stricto sensu (c’est-à-dire hors de la thématique de l’enseignement, du moins en tant qu’objet direct de l’action publique), c’est à l’échelon régional que l’intervention des pouvoirs publics a été la plus précoce et la plus ample. On va en tenter ici l’analyse. Le lancement de politiques linguistiques régionales s’appuie de prime abord sur la relance de la décentralisation et sur de nouvelles lectures de l’action publique culturelle, toutes choses engagées dans le sillage de l’arrivée de la gauche au pouvoir avec l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République en mai 1981 (Martigny 2016). Au niveau national, le ministre de la Culture Jack Lang présente à

3 FELCO : “Fédération des enseignants de langue et culture d’oc” ; FLAREP : “Fédération pour les langues régionales dans l’enseignement public”.

reconfiguration territoriale et politique linguistique en occitanie

la presse en mars 1982 à Octon (Hérault) un rapport rédigé par Henri Giordan, alors chargé de recherches au CNRS et militant occitaniste proche de Robert Lafont4, l’un des meneurs du mouvement occitan qui a lui-même rencontré François Mitterrand à deux reprises dans la période afin d’œuvrer au développement de politiques culturelles et linguistiques davantage attentives à la pluralité linguistique. Intitulé Démocratie culturelle et droit à la différence, ce document, véritable aggiornamento de la politique nationale qui rompt singulièrement avec la tradition étatique française et qui constitue à ce titre un événement aussi bien politique que culturel, propose une série de mesures visant à promouvoir les langues et les cultures minoritaires du pays, notamment au travers d’une coordination entre les échelons national et régional. La circulaire Savary publiée en juin 1982 protège leur enseignement à l’école publique. Mais c’est aussi et surtout au niveau local que se négocie ce tournant de l’action publique régionale. Les importantes mobilisations nationalitaires apparues dans les années 60 et 70 se traduisent en effet dans les années 80 par une prise en charge institutionnelle de la thématique occitane, une reconversion facilitée par autant de frictions entre revendication régionale et société locale au cours de la période écoulée. C’est bien ce qu’illustrait déjà dès 1977 une campagne d’opinion lancée par l’Institut d’Estudis Occitans (IEO)5 et baptisée L’occitan langue nationale, qui avait récolté 200.000 signatures et qui avait préparé le terrain à une présence de la langue occitane à l’école, à la télévision et dans la vie publique. Les Obradors Occitans, un nouveau groupement lancé à Montpellier au printemps 1982 à la suite d’une importante scission de l’IEO (entre un courant “universitaire” et un courant “populiste”, majoritaire parmi les adhérents) et qui rassemble essentiellement des travailleurs intellectuels, propose entre autres choses dès le mois de février 1983 des mesures détaillées en faveur du développement de la langue et de la culture occitanes6. Les premiers numéros de la revue Amiras, éditée par l’association à partir de 1982 et qui interroge des thèmes d’actualité depuis les études occitanes, traitent de la question des compétences de ces entités administratives alors promues au rang de collectivité territoriale par les lois Defferre, promulguées entre mars 1982 et juillet 1983. En témoignent le premier volume, paru en janvier 1982 et intitulé Décentralisation an 1, ainsi que le second, paru en avril 1982 et intitulé Régions, pouvoir et Occitanie. En parallèle, certains des animateurs des Obradors Occitans, dont Robert Lafont et le futur premier chargé de mission “langues et cultures régionales” à la région Languedoc-Roussillon, se réunissent à plusieurs reprises avec des personnalités du

4 Écrivain, intellectuel et professeur de linguistique à l’université de Montpellier, Robert Lafont (1923-2009) aura en effet été l’une des personnalités majeures du mouvement occitan de la seconde moitié du XXe siècle. 5 Créé en avril 1945 à Toulouse, l’Institut d’Estudis Occitans poursuit des objectifs littéraires, pédagogiques et scientifiques. Il s’agit d’une des principales organisations du mouvement occitan sur le plan de l’action culturelle. 6 Béziers, CIRDOC (Institut occitan de cultura), fonds Robert Lafont, LAF.G.006 Occitanisme 1983-1985, Programme 1984-1988.

267

26 8

da m i e n c a n avat e

conseil régional languedocien : ainsi une rencontre à Montpellier le 22 septembre 1983, puis une nouvelle le 9 novembre 1983, et encore plusieurs entrevues au cours du printemps 1984, dont une le 20 avril avec le président socialiste de la région depuis mai 1983, Robert Capdeville. Ce sont en effet les mobilisations du printemps 1984 qui vont catalyser la formalisation d’une intervention publique régionale en matière culturelle et linguistique. L’ébauche en 1984 par l’Office régional de la culture languedocien d’un programme mémoriel nommé “Racines et patrimoine” qui oublie les faits catalan et occitan provoque l’occupation du conseil régional par des militants occitanistes. Signe de la permanence des alliances nouées dans les années 1970 entre animateurs culturels et syndicalistes ouvriers ou paysans, une quarantaine d’associations occitanistes soutenues par les unions départementales de la CFDT, de la CGT, de la FSGT, de la LCR, du PCF7 et par Emmanuel Maffre-Baugé – leader viticole alors élu député européen depuis 1979 – rédigent un document, la “charte du 11 avril 1984”. Ce collectif réclame la mise en œuvre de programmes publics régionaux concrets, et l’inscription de ceux-ci au contrat de plan régional négocié avec l’État. C’est finalement en juillet 1985 que l’administration régionale embauche un chargé de mission rattaché à la direction de Culture et octroie un budget de trois millions de francs. Le rôle de Robert Lafont semble avoir été capital dans le dénouement du conflit8. C’est en juillet 1989 qu’une mission similaire est lancée en Midi-Pyrénées. Celle-ci remplace de fait le Centre des cultures régionales, une structure créée dans les années 1980 par la Direction régionale des affaires culturelles Midi-Pyrénées et par la région et qui conduit alors « deux types de recherches, ethnologique et muséographique » (Surre-Garcia 1996 : 126). Le nouveau dispositif mis en place reproduit délibérément le modèle languedocien, la convergence ayant sans doute été facilitée par les origines géographiques et partisanes des présidents des deux collectivités territoriales, Jacques Blanc (en Languedoc-Roussillon) et Marc Censi (en Midi-Pyrénées)9. Ces nouvelles interventions publiques sont fragiles et doivent affronter une triple hostilité (Hammel 1996). D’abord celle des notables et des élus régionaux. Ensuite celle des fonctionnaires qui travaillent dans les services administratifs. Enfin celle d’une partie du mouvement occitan, partagé entre les espérances d’un engagement institutionnel et les craintes d’une dépossession du travail associatif et militant, sur lequel avait presque exclusivement reposé jusqu’alors la promotion de la langue et de la culture d’oc. Au total la prise en charge de la question occitane par les pouvoirs publics « a été un événement et un choc » (Hammel 1996 : 160).



7 CFDT : “Confédération française démocratique du travail” ; CGT : “Confédération générale du travail” ; FSGT : “Fédération sportive et gymnique du travail” ; LCR : “Ligue communiste révolutionnaire” ; PCF : “Parti communiste français”. 8 C’est lui qui négocie avec Robert Capdeville l’ouverture d’une “mission occitane” structurée autour d’orientations stratégiques : entretien avec un responsable du mouvement occitan dans l’ancienne région Languedoc-Roussillon, Montpellier, 4 avril 2019. 9 Tous les deux sont en effet originaires du sud du Massif central (Aveyron, Lozère) et membres dans la période de l’Union pour la démocratie française, un ancien parti de centre-droit.

reconfiguration territoriale et politique linguistique en occitanie

En Languedoc-Roussillon comme en Midi-Pyrénées, cette action publique, à la fois « usurpation de légitimité pour certains [et] occasion de légitimation pour d’autres » (Hammel 1996 : 160), va pourtant s’institutionnaliser. Les premières élections régionales au suffrage universel direct qui se tiennent en mars 1986 et qui aboutissent en Languedoc-Roussillon à un changement de majorité politique n’affectent pas la mise en œuvre des politiques publiques annoncées, bien au contraire. En dépit de structurations de l’occitanisme différentes à Toulouse et à Montpellier, notamment en ce qui concerne les rapports entretenus avec les mouvements sociaux et politiques locaux, les thèmes culturels et linguistiques territoriaux s’insèrent progressivement dans la grammaire de l’action publique régionale. Il est à cet égard peu surprenant que l’assimilation institutionnelle du régionalisme (Alliès 2019) se soit en premier produite en Bas-Languedoc, épicentre s’il en est de la revendication occitane des années 1960 et 197010. Au fil du temps, les militants culturels se dépolitisent et se professionnalisent, en particulier dans la chanson, le théâtre et le livre. Les activités des “missions occitanes” se routinisent. Les budgets qui leur sont dévolus progressent ; en Languedoc-Roussillon, les fonds alloués sont quasiment multipliés par trois en l’espace de quelques années. Les associations intègrent dans leurs pratiques de nouvelles normes : celle de l’ambition culturelle, celle du travail collectif autour de projets, celle de la rigueur gestionnaire. Les militants qui les animent s’associent avec l’État territorial dans la production d’une action publique jusque-là inédite. À Montpellier, une enquête sociolinguistique est menée en 1991 (Hammel – Gardy 1994), puis « une réelle consolidation du dispositif [s’opère] entre 1991 et 1996, sous l’influence des écologistes, par un renforcement technique de l’administration et l’émergence d’une opinion des élus capable d’influencer l’exécutif de l’Assemblée » (Hammel 1996 : 97). À Toulouse, c’est une manifestation culturelle biennale de grande ampleur labellisée par l’Unesco et baptisée Flor enversa qui lance véritablement cette intervention publique (Surre-Garcia 1996). Ce secteur de politique publique représente jusqu’à 10% des dépenses culturelles de la région Languedoc-Roussillon au début des années 2000 (Thibal 2012 : 78), et encore 6,2% en 2009 (Négrier – Teillet 2011 : 145). Le soutien aux opérateurs de terrain et au monde associatif se double d’orientations structurées, mais aussi d’objectifs qualitatifs et quantitatifs à atteindre, qui oscillent entre patrimonialisation culturelle et revitalisation linguistique. À la suite d’un changement de majorité politique en 2004 en Languedoc-Roussillon, une large consultation entre acteurs politiques, administratifs et associatifs débouche sur un rapport intitulé Culture d’oc et développement des territoires en région LanguedocRoussillon (2005), puis sur une délibération du 3 février 2006 qui établit les orientations à suivre (Thibal 2012 : 78-79). En Midi-Pyrénées, les élus régionaux votent en 2007 dans le sillage d’un rapport réalisé par un cabinet de conseil un schéma directeur de développement, qui est organisé autour de cinq axes prioritaires : l’enseignement et

10 D’autres régions marquées par l’occitanisme mettront elles aussi en œuvre dans la période, à des degrés divers, des politiques publiques en faveur de la langue et de la culture d’oc. C’est en particulier le cas en Aquitaine et en Provence-Alpes-Côte d’Azur.

269

270

da m i e n c a n avat e

la formation, la politique médiatique, la socialisation de la langue et de la culture, le soutien à la création et à la diffusion et le soutien à la recherche linguistique et culturelle. Celui-ci est reconduit en 2015 au moment de la fusion avec la région Languedoc-Roussillon. La question occitane devient pied à pied un enjeu d’intérêt général, quelquefois même politique. Les périodes électorales sont de façon générale propices à sa publicisation et à sa politisation, exposant dans un même mouvement un apparent consensus partisan. Mais elle s’incarne aussi au quotidien dans un secteur d’action publique qui s’est institutionnalisé et qui représente en région Occitanie une enveloppe budgétaire globale annuelle d’environ quatre millions d’euros11. En témoigne la création en septembre 2015 de l’Office public de la langue occitane12, financé pour l’essentiel par les régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie et qui a exclusivement la charge de la politique linguistique. C’est bien ce qu’illustre aussi la consolidation de la politique culturelle, au travers par exemple de la transformation du Centre interrégional de développement de l’occitan13 en Établissement public de coopération culturelle en 2019 ou du recrutement d’un agent public supplémentaire en région Occitanie en 2020. À l’exemple d’autres territoires comme la Bretagne ou le Pays basque français, politique culturelle et politique linguistique tendent ainsi à se dissocier, ce qui serait un indice de leurs institutionnalisations respectives (Itçaina 2010).

4. La fusion des collectivités régionales L’invention de l’Occitanie (Négrier – Simoulin 2021) a révélé des cultures admi­ nistratives et politiques distinctes à l’Ouest et à l’Est, dans le secteur des politiques culturelles tout particulièrement (Négrier – Simoulin 2018 ; Huc – Négrier 2019). Avant 2016 du côté toulousain, les dépenses culturelles régionales représentent 2,6% du budget de la région, les investissements sont en grande partie orientés vers le patrimoine et la mise en œuvre de l’action publique est plutôt de type bureaucratique.

11 Cette ligne budgétaire comprend aussi les actions en faveur de la langue et de la culture catalanes, pratiquées dans la majeure partie du département des Pyrénées-Orientales. 12 Groupement d’intérêt public créé en 2015 entre la région Occitanie, la région Nouvelle-Aquitaine et l’État central (ministères de la Culture et de l’Éducation nationale), l’Office public de la langue occitane a pour mission de prendre en charge la politique linguistique autour de l’occitan, c’est-à-dire d’œuvrer à son enseignement, à sa socialisation et à sa transmission. 13 Créé en 1975 en tant qu’association puis refondé en 1998 en tant que syndicat mixte financé par la municipalité de Béziers et la région Languedoc-Roussillon, le “Centre international de recherche et de documentation occitanes” – “Institut occitan de cultura” (il s’agit du nom actuel) – devient en 2019 un Établissement public de coopération culturelle, et fusionne avec son équivalent aquitain. Pôle associé de la Bibliothèque nationale de France depuis 2006, il se consacre à la connaissance, à la sauvegarde et à la promotion de la langue et de la culture occitanes. Les régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine en sont les deux premiers contributeurs financiers (500.000 € et 215.000 € respectivement en 2020).

reconfiguration territoriale et politique linguistique en occitanie

Du côté montpelliérain, l’effort culturel régional s’élève à 4,6% du budget total, les arts du spectacle sont davantage investis qu’à l’Ouest et la conduite de l’action publique est plutôt fondée sur la pratique de l’expérimentation et des projets-pilotes (Négrier 2017). Ce sont des caractéristiques tout aussi bien repérables en domaine occitan. Le lancement du festival Total Festum en 2006 à Montpellier ne témoignet-il pas d’une démarche expérimentale et tournée vers la promotion du spectacle vivant ? Son extension à plusieurs lieux de la région Languedoc-Roussillon à partir de l’édition 2007 n’est-elle pas le reflet de la politique de décentralisation culturelle voulue par la majorité politique d’alors ? L’adoption en 2007 d’un Schéma régional de développement de l’occitan en Midi-Pyrénées n’est-elle pas le signe d’une rationalité bureaucratique ? Il apparaît par ailleurs que la production de l’action publique est davantage sensible à l’environnement politique en Languedoc-Roussillon qu’en Midi-Pyrénées. Alors que les élus régionaux languedociens cultivent volontiers une défiance à l’égard du centre ou de toute autre institution territoriale, l’action publique régionale en Midi-Pyrénées relève davantage du compromis (Huc – Négrier 2019). Les agents publics en charge de l’occitan et du catalan à la région Languedoc-Roussillon se retrouvent dans ce cadre régulièrement en proie au jeu politique : ici une démission à l’occasion de désaccords politiques, là un remerciement à la suite d’un changement de majorité. La thématique occitane sera quelquefois directement intégrée au cabinet politique de l’exécutif régional. C’est en revanche une certaine stabilité qui prévaut en Midi-Pyrénées : de 1989 à 2015, seulement deux chargés de mission se succèdent, tandis que l’alternance politique à gauche en 1998 ne remet pas en cause les objectifs, les méthodes et l’état d’esprit d’une action publique autour du patrimoine culturel et linguistique régional. Il n’en reste pas moins que la fusion régionale de 2015-2016 s’accomplit de manière relativement rapide et consensuelle dans ce domaine d’action publique. Le mimétisme institutionnel des services de Montpellier et de Toulouse, la relative indistinction des interlocuteurs entre l’Est et l’Ouest ainsi que la pratique habituelle du travail partenarial, tout particulièrement à partir de 2011 avec la signature de la Charte de coopération interrégionale et transfrontalière de développement de la langue occitane par six régions françaises, ont sans doute simplifié la transition. Ainsi que le montre le tableau ci-dessous (Tableau 1), la réforme administrative dans le secteur de l’action publique “occitane” s’inscrit donc dans un double mouvement : celui d’une similarité à la fois institutionnelle et procédurale qui facilite la fusion et celui de spécificités territoriales, politiques tout particulièrement.

27 1

272

da m i e n c a n avat e

Tableau 1.  Caractéristiques et paramètres de l’action publique “occitane” des anciennes régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées14

Languedoc-Roussillon14

Midi-Pyrénées

Date de lancement

1985

1989

Environnement politique initial

Fortement conflictuel

Conflictuel

Budget initial

3,0 millions FF (arrondi)

1,4 million FF (arrondi)

Budget en 2015

2,8 millions € (arrondi)

1,6 million € (arrondi)

Enquête sociolinguistique

Oui (1991 et 1997)

Oui (2010)

•  Délibération régionale du 3 février 2006 (axes structurants) Soutien à l’enseignement •  associatif et au spectacle vivant, Servici de la lenga occitana ouvert en 1996 en collaboration avec l’Université Paul-ValéryMontpellier, conduite de projets-pilotes (e. g. le festival Total Festum) Amassada (conseil de •  développement) à partir de 2011 Sensibilité forte à •  l’environnement politique •  Conseiller régional délégué aux langues et cultures régionales à partir de 2004 (élus du Parti socialiste pour les mandatures 20042010 et 2010-2015)

Schéma régional de •  développement de l’occitan adopté en 2007 pour la période 2008-2013 et structuré autour de cinq grands axes Soutien aux associations •  culturelles et éducatives, conduite de projets culturels, emphase sur le statut et les représentations de la langue Amassada (conseil de •  développement) à partir de 2010 Sensibilité faible à •  l’environnement politique •  Conseiller régional délégué à la langue et à la culture occitanes à partir de 2004 (élu du Parti socialiste pour la mandature 2004-2010, du Partit occitan pour la mandature 2010-2015)

Outils et instruments de la politique culturelle et linguistique

5. Déterminants et paramètres Pourquoi et comment ces politiques culturelles et linguistiques ont-elles été mises en œuvre et sans cesse consolidées ? On peut ici mettre en avant quatre facteurs : le premier et le deuxième sont d’ordre microsociologique et renvoient aux interactions que les acteurs du mouvement occitan ont tissées avec leur environnement. Le 14 Il est ici aussi à noter que l’intervention publique de l’ancienne région Languedoc-Roussillon (et donc le budget alloué) couvre également la langue et la culture catalanes.

reconfiguration territoriale et politique linguistique en occitanie

troisième et le quatrième sont plutôt d’ordre macrosociologique. Ils permettent de situer le rôle contemporain du régionalisme et des régions en France. L’ancrage de ce domaine d’action publique se nourrit d’abord d’un profond travail de légitimation des deux premiers chargés de mission. Un temps compagnons de route de la section parisienne de l’IEO, ils partagent un point de vue similaire sur le sens de leur mission : il s’agit de se défaire des représentations folkloriques ou passéistes associées au patrimoine linguistique et de tourner ce dernier vers l’avenir. Ils recherchent pour ce faire le soutien des élus régionaux par la constitution de groupes thématiques capables de définir les contours d’une intervention publique novatrice. Ils parviennent à rassembler dans leurs assemblées respectives entre cinq et vingt élus selon les périodes. Cette action publique s’appuie sur un second levier, celui d’une politique publique partenariale avec les acteurs associatifs. Celle-ci prend du début des années 2010 jusqu’en 2017 la forme aboutie d’une réunion au moins annuelle avec les militants qui œuvrent en domaine culturel : l’Amassada (“l’Assemblée”). Né en région Aquitaine, ce dispositif institue un espace de positions, et s’installe en Midi-Pyrénées comme en Languedoc-Roussillon. De manière générale les Amassadas languedocienne et midi-pyrénéenne interviennent ici comme des lieux de construction concertée de l’action publique, qui portent la trace des styles régionaux de politique publique : la configuration est plutôt frontale à Montpellier, davantage horizontale à Toulouse. Cette dernière se tient par exemple systématiquement en présence du président socialiste de la région Martin Malvy, élu de 1998 à 2015. Mais ces conseils de développement constituent aussi des foyers de tensions : la désunion du mouvement occitan – une constante de son histoire – a ainsi pu périodiquement freiner toute avancée dans l’action publique. À un niveau élargi, des liens se nouent ensuite entre les diverses collectivités locales volontaristes sur la question des langues de France, entre la Bretagne et Midi-Pyrénées par exemple. L’intergroupe d’élus constitué en 1992 en LanguedocRoussillon rend visite à d’autres régions françaises, et les reçoit en retour. Une “Plateforme des langues régionales” est présentée et adoptée à l’unanimité lors du congrès de l’Association des Régions de France à Caen en décembre 2008, puis une commission thématique “Culture et langues régionales” se réunit à partir de 2010. Le travail de lobbying s’incarne aussi au niveau européen, par exemple au travers du Bureau européen pour les langues moins répandues, créé en 198215. Il se constitue donc peu à peu un « réseau d’enjeu » (Marsh – Rhodes 1995 : 53) autour des langues et des cultures régionales. Celui-ci se structure autour d’un ensemble de régimes de justification et de normes d’action publique qui témoignent de mutations dans les environnements juridiques français, européen et mondial en matière de langues et de cultures. Les années 1990 et 2000 sont en effet celles du paradigme de l’écologie linguistique, qui contrebalance une tradition étatique plutôt rétive à la promotion active de la pluralité linguistique. En attestent au concret la déclaration universelle de Barcelone sur les droits linguistiques en 1996, les rapports Poignant et Cerquiglini

15 Cette organisation non-gouvernementale porte depuis 2010 le nom d’European Language Equality Network.

27 3

2 74

da m i e n c a n avat e

sur les langues de France et la tentative de ratification de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, la transformation de la Délégation générale à la langue française en Délégation générale à la langue française et aux langues de France en 2001 ou bien encore les conventions de l’Unesco sur la diversité culturelle et le patrimoine culturel immatériel (Négrier 2008). En 2008, les langues régionales sont introduites dans la Constitution française. Au total ces ressources discursives et normatives, appropriées au local par la recherche de subventions ou par l’insertion dans des projets culturels, européens en particulier, jouent un « rôle argumentatif flexible » (Beacco – Cherkaoui Messin 2010 : 110) dans la conception et la mise en œuvre de politiques publiques qui ne cesseront de gagner en structuration. L’émergence d’une action publique régionale autour de la langue et de la culture occitanes tire ensuite son origine des transformations de la mobilisation régionaliste. Ceci permet de questionner le parcours d’une revendication occitane organisée depuis la seconde moitié du XIXe siècle avec la création du Félibrige et située entre l’action littéraire et l’action politique. Le lancement de “missions occitanes” dans les administrations régionales au milieu des années 80 révèle aussi bien les évolutions du mouvement occitan que les paradoxes de la construction nationale des sociétés en Europe de l’Ouest. Il existe certes un décalage manifeste entre les vœux de l’occitanisme et la conduite de politiques linguistiques ambitieuses (Martel 1989). Mais la prise en charge d’une partie des demandes du mouvement occitan est réelle. L’émergence de ces politiques linguistiques publiques repose dans ce cadre sur un ensemble de stratégies militantes affermies à partir des années 80. Ces décisions rarement consensuelles s’enracinent dans un double contexte : d’une part celui de la crise profonde du mouvement occitan après la poussée nationalitaire des années 60 et 70, qui est à la fois d’effectifs et idéologique (Touraine et al. 1981) ; d’autre part celui des opportunités (mais aussi des contraintes) guidées par le processus de décentralisation amorcé dans la période. Ainsi que l’écrit dans une lettre à Robert Lafont la personne recrutée en région Languedoc-Roussillon lors de la création de la “mission occitane” en 1985, un pauc de seriós e de trabalh menimós nos permetriá de bastir enfin un imatge modèrn de l’occitan, e una identitat regionala bèlament occitana. O podèm faire sonque se destriam la cultura de la politica, e se defugissèm lo gauchisme vièlh que mescla tot sens capitar de bastir ni una basa culturala fondada, ni un moviment politic seriós16. Ces volontarismes publics jouent enfin un double rôle dans la trajectoire des acteurs et des processus institutionnels qui portent l’idée régionale. Certes, de manière générale, « les expressions culturelles régionales ne constituent pas un 16 Béziers, CIRDOC (Institut occitan de cultura), fonds Robert Lafont, LAF.O/3085, lettre d’Étienne Hammel à Robert Lafont, 7 mai 1985 : « Un peu de sérieux et de travail minutieux nous permettrait de bâtir enfin une image moderne de l’occitan, et une identité régionale grandement occitane. Nous pouvons le faire seulement si nous séparons la culture de la politique, et si nous fuyons le gauchisme ancien qui mélange tout sans réussir à bâtir ni une base culturelle fondée, ni un mouvement politique sérieux ».

reconfiguration territoriale et politique linguistique en occitanie

élément fort de légitimation » de l’action culturelle des régions françaises (Négrier – Teillet 2011 : 151). Dans le Languedoc-Roussillon des années 80 et 90, la langue et la culture occitanes peuvent ainsi tour à tour représenter une ressource politique (Négrier 2008 : 45-46) et un facteur de division (Keating – Cole – Deschouwer 2003 : 107-141). Mais la mise en place dans cette période de programmes publics structurés en matière culturelle et linguistique permet d’une part de digérer des mobilisations nationalitaires et régionalistes souvent redoutées, celles de la période ouverte par Mai 68 en l’occurrence. Cette prise en charge institutionnelle accompagne ainsi la retombée de l’occitanisme politique, qui se stabilise avec la création d’un parti autonomiste de centre-gauche en mai 1987 : le “Partit occitan”. C’est bien ce qu’illustre aussi en Bretagne la signature en octobre 1977 de la Charte culturelle bretonne, qui exprime une « tentative de domestication institutionnelle du nationalisme » (Fournis 2006 : 96). Les politiques culturelles et linguistiques publiques assurent d’autre part un rôle symbolique et identitaire, qui s’incarne avant tout dans le gouvernement au local. Ceci se traduit par une « renaissance de la symbolique occitane » (Ferret 1997 : 103 ; voir aussi Morin 1989 ; Thibal 2012), où il est question de « stratégies identitaires comme instruments d’action politique et de gouvernance locale » (Allasino 2001 : 22). Les collectivités territoriales et leurs groupements, mais aussi les “pays” ou les Parcs naturels régionaux, tirent parfois profit des imaginaires enveloppés autour de capitaux particularistes intervenant ici comme autant de marqueurs spatiaux territoriaux, ce qui tend à contribuer en retour à l’institutionnalisation de politiques culturelles et linguistiques.

6. Conclusion Ce retour sur l’action publique culturelle et linguistique des anciennes régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées puis de la région Occitanie dégage plusieurs enseignements. Il montre d’abord les ressorts qui ont présidé à partir des années 1980 à l’émergence puis à la consolidation de programmes publics régionaux quelquefois marginaux mais toujours sous-analysés. Les politiques culturelles et linguistiques “occitanes” des anciennes régions Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées (puis de la région Occitanie) tirent leurs origines de plusieurs processus : celui de la transformation du mouvement occitan et de ses choix stratégiques, celui de l’action des collectivités régionales et du potentiel des identités dans le gouvernement territorial, celui de l’incorporation dans la mise en œuvre de l’action publique de ressources et de normes qui relèvent de l’écologie des langues et du paradigme de la diversité culturelle et linguistique. Dans un contexte de fusion administrative et de recomposition des pouvoirs territoriaux, cette brève analyse fait ensuite apparaître les similarités et les singularités de politiques publiques toujours plus uniformes mais aussi contingentes politiquement et territorialement. Au travers du cas de la région Occitanie, cette contribution souligne enfin la portée de l’analyse de l’action publique des régions françaises en matière culturelle et linguistique. Celle-ci rend d’abord compte de l’itinéraire d’une revendication occitane souvent tamisée mais quelquefois offensive, et questionne partant sa capacité fonctionnelle. Elle situe dans

27 5

2 76

da m i e n c a n avat e

un même mouvement les paradoxes de la forme nationale de l’État en France. Elle fait apparaître les réponses apportées aux contradictions qui se sont historiquement tissées entre la construction administrative et nationale des sociétés et la formation dans les territoires périphériques d’identités culturelles, quelquefois idéologiques ou contestataires. L’entrée politologique que nous avons empruntée ici est une façon parmi d’autres d’éclairer les politiques publiques linguistiques (ou les politiques linguistiques publiques) des collectivités territoriales et de leurs groupements en matière de langues et de cultures régionales. Procédant de la sociologie de l’action publique, elle a orienté l’analyse dans trois directions. D’abord celle de l’examen des origines des politiques régionales de la langue et des mécanismes sociaux et politiques qui les régissent. Ensuite celle qui précise les liens à l’œuvre avec les mobilisations régionalistes ou toute autre forme d’action collective. Enfin celle qui articule les politiques linguistiques avec les questions de l’engagement militant et des mobilisations collectives, de la compétition politique et du jeu électoral, de la construction de l’État-nation et de son intervention en société, toutes choses qui constituent des thèmes de choix des sciences sociales du politique. En ce sens les politistes devraient s’intéresser davantage à cet objet encore marginal dans leur champ disciplinaire. Dans “politique linguistique” il y a “politique”.

Bibliographie Alén Garabato 2005 : C. Alén Garabato (coord.), L’éveil des nationalités et les revendications linguistiques en Europe (1830-1930), Paris 2005. Allasino 2001 : E. Allasino, Lingue, culture, identità e politiche locali. Ipotesi per una ricerca sul Piemonte, Torino 2001. Alliès 2019 : P. Alliès, De l’occitanisme à l’Occitanie : La trajectoire d’un régionalisme, in « Pôle Sud. Revue de science politique de l’Europe méridionale », 50, 2019, pp. 25-47. Beacco – Cherkaoui Messin 2010 : J.-C. Beacco – K. Cherkaoui Messin, Les politiques linguistiques européennes et la gestion de la diversité des langues en France, in « Langue française », 167/3, 2010, pp. 95-111. Bernissan 2013 : F. Bernissan, Discours volontaristes et effets réels. La situation de l’occitan, in « Lengas », 73, 2013. ‹https://journals.openedition.org/lengas/95›. Boyer 2008 : H. Boyer, Langue et identité. Sur le nationalisme linguistique, Limoges 2008. Boyer 2010 : H. Boyer, Les politiques linguistiques, in « Mots. Les langages du politique », 94/3, 2010, pp. 67-74. Calvet 2011 : L.-J. Calvet, La sociolinguistique, Paris 2011 [1e ed. 1993]. Cardinal – Sonntag 2015 : L. Cardinal – S. Sonntag, Traditions étatiques et régimes linguistiques : comment et pourquoi s’opèrent les choix de politiques linguistiques, in « Revue internationale de politique comparée », 22/1, 2015, pp. 115-131. Costa 2013 : J. Costa, Enjeux sociaux de la revitalisation linguistique. Introduction, in « Langage et Société », 145/3, 2013, pp. 7-14. Czernilofsky 2000 : B. Czernilofsky, Regionale Sprachenpolitik in Europa. Südtirol und Languedoc-Roussillon : zwei Eckpunkte ?, Wien 2000.

reconfiguration territoriale et politique linguistique en occitanie

Diver 2012 : L. C. Diver, The Role of Language Policy in the Revitalization of Occitan : A Comparative Analysis of Languedoc-Roussillon and Midi-Pyrénées, thèse en Sciences du langage, Trinity College – Université de Dublin, Dublin 2012. Éloy 1997 : J-M. Éloy, “Aménagement” ou “politique” linguistique ?, in « Mots. Les langages du politique », 52, 1997, pp. 7-22. Fazi 2020 : A. Fazi, How language becomes a political issue : Social change, collective movements and political competition in Corsica, in « International Journal of the Sociology of Language », 261, 2020, pp. 119-144. Ferret 1997 : J. Ferret, Le néo-occitanisme dans les représentations territoriales des élites méridionales, in « Pôle Sud. Revue de science politique de l’Europe méridionale », 7, 1997, pp. 101-117. Fournis 2006 : Y. Fournis, Les régionalismes en Bretagne. La région et l’État (1950-2000), Bruxelles 2006. Fournis 2010 : Y. Fournis, Un immobilisme républicain en trompe-l’œil ? Région, politique linguistique et pays en Bretagne : l’institutionnalisation au prisme de l’informel, in « Politique et Sociétés », 29/1, 2010, pp. 45-70. Grin 2003 : Fr. Grin, Language Policy Evaluation and the European Charter for Regional or Minority Languages, Basingstoke 2003. Guespin – Marcellesi 1986 : L. Guespin – J.-B. Marcellesi, Pour la glottopolitique, in « Langages », 83, 1986, pp. 5-31. Hammel – Gardy 1994 : E. Hammel – Ph. Gardy, L’occitan en LanguedocRoussillon. 1991, Perpignan 1994. Hammel 1996 : E. Hammel, Aide-mémoire : langues et cultures régionales en région Languedoc-Roussillon, Canet 1996. Hammel 2001 : E. Hammel, L’action publique en faveur de l’occitan. Paramètres et contraintes, in Le rayonnement de la civilisation occitane à l’aube d’un nouveau millénaire. Actes du 6e Congrès International de l’Association Internationale d’Études Occitanes, 12-19 septembre 1999, Wien 2001, pp. 102-115. Harguindéguy – Cole 2009 : J.-B. Harguindéguy – A. Cole, La politique linguistique de la France à l’épreuve des revendications ethnoterritoriales, in « Revue française de science politique », 59/5, 2009, pp. 939-966. Harguindéguy – Pasquier 2010 : J.-B. Harguindéguy – R. Pasquier, Langue et politique, in « Cultures & Conflits », 79-80, 2010, pp. 7-18. Harguindéguy 2020 : J.-B. Harguindéguy, Langue, in Dictionnaire des politiques territoriales, Paris 2020, pp. 317-321 [1e ed. 2011]. Huc – Négrier 2019 : A. Huc – E. Négrier, La culture politique en région. L’Occitanie en question, in « Pôle Sud. Revue de science politique de l’Europe méridionale », 50, 2019, pp. 49-66. Itçaina 2010 : X. Itçaina, Appartenances linguistiques, identités collectives et pratiques culturelles en Pays Basque. Retour sur une enquête, in « Cultures & Conflits », 79-80, 2010, pp. 19-36. Jeanjean 1992 : H. Jeanjean, De l’utopie au pragmatisme ? (Le mouvement occitan, 19761990), Perpignan 1992. Jobert – Muller 1987 : B. Jobert – P. Muller, L’État en action. Politiques publiques et corporatisme, Paris 1987.

27 7

278

da m i e n c a n avat e

Keating – Loughlin – Deschouwer 2003 : M. Keating – J. Loughlin – K. Deschouwer, Culture, Institutions and Economic Development. A Study of Eight European Regions, Cheltenham 2003. Kremnitz 2013 : G. Kremnitz (dir.), Histoire sociale des langues de France, Rennes 2013. Marsh – Rhodes 1995 : D. Marsh – R. A. W. Rhodes, Les réseaux d’action publique en Grande-Bretagne, in Les réseaux de politique publique. Débats autour des policy networks, Paris 1995, pp. 31-68. Martel 1989 : Ph. Martel, L’impossible politique linguistique occitaniste, in « Lengas », 25, 1989, pp. 51-69. Martel 2007 : Ph. Martel, L’école française et l’occitan. Le sourd et le bègue, Montpellier 2007. Martigny 2016 : V. Martigny, Dire la France. Culture(s) et identités nationales (1981-1995), Paris 2016. Morin 1989 : Fr. Morin, Les régions nouvelles et le fait occitan : l’instrumentalisation du capital culturel occitan en Midi-Pyrénées, in « Amiras/Repères », 20, 1989, pp. 101-109. Négrier 1998 : E. Négrier, Une action publique sans coopération politique : Le style languedocien de politique régionale, in « Pôle Sud. Revue de science politique de l’Europe méridionale », 8, 1998, pp. 41-53. Négrier 2008 : E. Négrier, Culture et diversité : une comparaison franco-espagnole et entre échelles politiques, in La fin des cultures nationales ? Les politiques culturelles à l’épreuve de la diversité, Paris 2008, pp. 173-183. Négrier 2017 : E. Négrier, Les régions, laboratoires de nouvelles politiques culturelles, in « Nectart », 5, 2017, pp. 66-76. Négrier – Teillet 2011 : E. Négrier – Ph. Teillet, La question régionale en culture, in Les politiques régionales en France, Paris 2011, pp. 135-159. Négrier – Simoulin 2018 : E. Négrier – V. Simoulin, Fusionner des politiques régionales. La recomposition des régions françaises au prisme de l’Occitanie, in « Droit et société », 98, 2018, pp. 91-110. Négrier – Simoulin 2021 : E. Négrier – V. Simoulin, La fusion des régions : le laboratoire d’Occitanie, Grenoble 2021. Pasquier 2012 : R. Pasquier, Le pouvoir régional. Mobilisations, décentralisation et gouvernance en France, Paris 2012. Royles – Lewis 2019 : E. Royles – H. Lewis, Language policy in multi-level systems : A historical institutionalist analysis, in « The British Journal of Politics and International Relations », 21/4, 2019, pp. 709-727. Surre-Garcia 1996 : A. Surre-Garcia, Bilan d’une politique culturelle du Conseil Régional de Midi-Pyrénées en matière de langue et de culture occitanes : 1989-1995, in Viaut – Cheval 1996, pp. 125-132. Thibal 2012 : S. Thibal, Développement local et culture occitane, Thèse en Études occitanes, Université Montpellier III – Paul Valéry, Montpellier 2012. Touraine – Dubet – Hegedus – Wieviorka 1981 : A. Touraine – Fr. Dubet – Z. Hegedus – M. Wieviorka, Le pays contre l’État. Luttes occitanes, Paris 1981. Viaut – Cheval 1996 : A. Viaut – J.-J. Cheval (dir.), Langues d’Aquitaine. Dynamiques institutionnelles et patrimoine linguistique, Pessac 1996.

Jordi Cassany-Bates 

Les vocals que separen el catalanovalencià de l’occità 1. Introducció Múltiples autors han provat de caracteritzar lingüísticament el catalanovalencià1 enfront de l’occità (o, concretament, enfront de les varietats occitanes limítrofes : llenguadocià i gascó) amb llistats de trets opositors. Són, entre altres, els següents estudiosos : Jules Ronjat (1930 : 6-7, 12), Loís Alibèrt (2000 [1935]: xvi-xviii), Pèire Bèc (1995 [1963]: 51-52), Michel Grosclaude i Robert Darrigrand (1975 [1967]: 49-50), Jordi Bruguera (1977 : 102-109), Joan Veny (2002 [1978]: 44), Antoni Maria Badia i Margarit (1986 [1983]: 212), José Ramón Fernández González (1985 : 42-43), Lluís López del Castillo (2000 : 92-98), Lluís Gimeno Betí (2005 : 114-115), August Rafanell (2006 : 27), Christian Nique (2006 : 137), Aitor Carrera (2011 : 42-45), Xavier Lamuela (2011-2012 : 32-39), Ramon Sistac (2016 : 34-35). D’estos llistats de trets, alguns inclouen diferències gràfiques, lèxiques, morfològiques i/o morfosintàctiques. Però els 15 inventaris tracten fenòmens fonològics/fonètics, que tradicionalment han tingut un especial protagonisme a l’hora d’oposar llengües o varietats lingüístiques en general2. En l’àmbit dels sons s’adduïxen múltiples diferències vocàliques, consonàntiques i una prosòdica. Estes oposicions, en total 33, poden ser exemplificades amb els següents parells de cognats, que presentem començant amb el reflex considerat “catalanovalencià” en els llistats i organitzem en tres subgrups, segons que es tracte de fenòmens vocàlics, consonàntics o prosòdics. Vocalisme V1. p[ɔ]c vs. pauc V2. finiré vs. finirai V3. mig vs. mièg





Consonantisme C1. quant vs. [k]ant C2. vint vs. [b]int C3. cai[ʃ]a vs. caissa

Prosòdia P1. tórtora vs. tortora

1 L’Acadèmia Valenciana de la Llengua (2005) recomana, en l’àmbit acadèmic, l’ús de fórmules duals per a denominar la llengua que, oficialment, s’anomena “català” o “valencià” segons els territoris. En el present treball usem el glotònim “catalanovalencià”, que combina les denominacions oficials en el mateix orde cronològic o geogràfic seguit en composts referits a altres romanços peninsulars : “galaicoportugués”, “asturlleonés” i “navarroaragonés”. Esta doble denominació – cal recordar-ho – no és cap novetat : ja ha sigut usada per múltiples autors, com mostra el CIV. 2 Sobre el criteris que s’han usat per a classificar el catalanovalencià entre les llengües romàniques, cf. Sánchez Miret (2016).

Jordi Cassany-Bates • Universitatea din Bucureşti • [email protected] Trans-mission. Création et hybridation dans le domaine d’oc, éd. par Fabio BARBERINI et Camilla TALFANI, Turnhout, 2022 (Publications de l’Association Internationale d’Études Occitanes, 14), p. 279-296.

© FHG

DOI 10.1484/M.PAIEO-EB.5.126427

280

j o r d i ca s s a n y- b at e s

V4. ull vs. uèlh V5. déu vs. dieu V6. b[ɔ]u vs. buòu V7. s[ə]guir vs. seguir V8. arma vs. arm[ɔ] V9. parl[e]s vs. parl[a]s V10. tu vs. t[y] V11. morir vs. m[u]rir V12. sord vs. s[u]rd V13. jeu vs. j[u]3

C4. [ʒ]utge vs. [ʤ]utge C5. coma vs. comba C6. bena vs. benda C7. pa[ ] vs. pan C8. canya vs. cana C9. ella vs. ela C10. llaç vs. laç C11. altra vs. autra C12. sal vs. sau C13. pla[ ]er vs. plaser C14. pau vs. patz C15. grau vs. gra[ ] C16. creurà vs. creirà C17. pa[ ]re/-drí vs. paire/-irin C18 cantar vs. chantar C19 gàbia vs. jàbia

3Observant este llistat de conjunt, criden l’atenció alguns dels reflexos considerats “occitans” per ser manifestament catalanovalencians també : és el cas de [ʤ]utge o gendr[e]. A més, alguns sobten per haver sigut catalanovalencians en el passat – cas de pan, fait – o perquè són l’origen dels reflexos que els autors presenten com a catalanovalencians : cas de [ʤ]utge, gendr[e], pan i fait en relació a [ʒ]utge, gendr[ə], pa i fet. Per tant, sembla clar que convé revisar eixos llistats que solen adduir-se per a caracteritzar el catalanovalencià. Nosaltres, en el present treball, estudiem les 13 oposicions vocàliques. En l’anàlisi mencionarem múltiples glotònims i topònims occitanoromànics4 que podran ser localitzats en el següent mapa. En ell s’expliciten i delimiten (de manera aproximada), per una banda, els sis geolectes que solen considerar-se dialectes de l’occità actual (Sumien 2009 : 18): llemosí, alvernés i vivaroalpí (que formarien el nord-occità), provençal i llenguadocià (formarien el sud-occità) i gascó ; per una altra banda, els blocs dialectals que solen postular-se en el catalanovalencià actual (Veny – Massanell 2015 : 108): occidental i oriental.





3 Es tracta de l’oposició entre l’evolució “catalanovalenciana” [ow] > eu ([ew], dialectalment amb pas ulterior a [əw] i, d’ací, a [ɛw]) i l’evolució “occitana” [ow] > [uw] > [u]. Les dos són infreqüents, per la qual cosa ens ha sigut impossible trobar una parella de cognats que exemplifique l’oposició V13 en la llengua general. La forma jeu es dona solament en una zona central del català oriental (v. ALDC mapa 872), on es pronuncia j[ɛw]; el catalanovalencià general presenta jou, però en altres lexemes sí que coneix el resultat eu. 4 El terme “occitanoromànic”, com el glotònim “occitanoromanç”, fa referència, conjuntament, a l’occità i el catalanovalencià. Es difon amb Pèire Bèc (1970), qui postula un subgrup dins de la seua classificació de les llengües romàniques.

l e s vo c al s q u e s e par e n e l c atalanovale nci à d e  l’o cci tà

Fig. 1.  Glotònims i topònims occitanoromànics mencionats5

Altres geolectes i territoris apareixen en el mapa solament localitzats i representats per un número : 1 Creixent (zona de transició entre els romanços d’hoc i els d’oïl), 2 alpí, 3 departament de les Landes, 4 departament de Gironda, 5 regió de Bearn, 6 regió de Bigorra (amb 7 localitat de Gavarnia), 8 regió de Comenge, 9 aranés, 10 coseranés, 11 llenguadocià meridional (amb 12 foixenc, 13 donasanenc, 14 narbonés), 15 català septentrional (amb 16 capcinés, 17 localitat de Tarerac i 18 localitat de Vingrau), 19 català oriental (també conegut com a català “central”, amb 20 Girona), 21 balear (amb 22 mallorquí – incloent 23 localitat de Sóller i 24 localitat de Manacor–, 25 menorquí i 26 eivissenc), 27 alguerés, 28 català occidental (amb 29 Principat d’Andorra, 30 pallarés i 31 ribagorçà i 32 localitat de Tortosa) i 33 valencià.6 Ens servirem de les següents abreviatures (els números remeten al mapa):



5 Adaptat de ‹https://commons.wikimedia.org/wiki/File :Lenguas_y_dialectos_iberorromances. PNG› (31/8/19). 6 Com es veu, fem un ús pro parte (o stricto sensu) de català, la qual cosa ens permet referir-nos als subdialectes nord-occidental i “central” com a català occidental (24) i català oriental (18) respectivament, com es venia fent tradicionalment. Estes etiquetes tenen, a més, l’avantatge de ser més coherents amb la denominació català septentrional (13) aplicada al subdialecte també conegut com a rossellonés en sentit ampli, parlat en la Catalunya del Nord (actualment França).

281

282

j o r d i ca s s a n y- b at e s

Alg Alv Aran ant Cap CaVa Cat dia Eiv Gas gen Ger Lat Lem Len

alguerés (27) alvernés aranés (9) antic capcinés (16) catalanovalencià català dialectal eivissenc (26) gascó general7 germànic llatí llemosí llenguadocià

Mal Occ occid ori Pro ps. Rib s. sep sg. tar Val ViAl vul

mallorquí (23) occità occidental oriental provençal persona ribagorçà (30) segle septentrional singular tardà (llatí) valencià (33) vivaroalpí vulgar (llatí)

I, com és costum, les versaletes sense cap altra marca indicaran un ètim llatí i el símbol * indicarà que la forma no està documentada però se suposa.7

2. Anàlisi de les oposicions vocàliques Atenent a l’estat actual de la dialectologia8 i de la gramàtica històrica, hem revisat les oposicions vocàliques que solen adduir-se per a caracteritzar el catalanovalencià enfront de l’occità. Concretament, hem estudiat quina és la distribució geogràfica que els reflexos contraposats presenten (tant sincrònicament com diacrònica) dins del catalanovalencià i de l’occità, així com quina és la relació evolutiva entre ells (si un reflex deriva de l’altre, especialment). A continuació, solament podem oferir de cada fenomen exemples que descriuen a grans trets la situació i un resum de l’anàlisi. El text in extenso sobrepassa llargament els límits exigits per a esta publicació. 2.1. p[ɔ]c vs. pauc (V1a), posar vs. pausar (V1b)

• paucu(m) > Len, Vingrau pauc > CaVa poc (Gas dia pòc) • Lat tar pausare > Len, Cap pausar > CaVa, Aran, Gas dia posar • *laudore(m) > CaVa ant laudor, CaVa ant, Occ ant lausor > CaVa llaor El diftong au primari (llatí) monoftonga en catalanovalencià general (també en castellà i francés), però a més pot fer-ho en gascó en posició àtona i en alguns parlars gascons (pirinencs, sembla ser) fins i tot en posició tònica. L’aranés coneix la monoftongació d’au tant àton com tònic (així com el seu manteniment, que sembla ser

7 En el sentit de ‘majoritari’. 8 No obstant, en l’apartat d’atles cal advertir que hem tingut ocasió de consultar l’ALDC, l’ALF i el Sacaze (Costa 1986), però no encara altres atles de regions franceses amb dades posteriors.

l e s vo c al s q u e s e par e n e l c atalanovale nci à d e  l’o cci tà

majoritari): posar, pòc, lòsa, gòi (vs. laurèr, praube, causes, auca, etc.). La pronunciació tònica és CaVa gen, Gas dia [ɔ] i l’àtona CaVa occid [o], CaVa ori gen, Gas dia [u] (v. oposició V11). El canvi es donà en catalanovalencià cap als segles VI-VII, segons la cronologia de Duarte – Alsina (1984 : 241). A més, el diftong [aw], tant primari com secundari (sorgit en romanç, per vocalització de consonant), s’ha tancat i en alguns casos també reduït en altres parts de l’occità, sobretot en el nord, amb els resultats tònics [ɔw], [ɔ], [o] i pretònics [ɔw], [ow], [uw], [u]. L’evolució està documentada en llemosí des del s. XIV (Ronjat 1930 : 298-299, 368-370). Per una altra banda, la monoftongació es dona en tot l’occitanoromanç en el cas de aut : Len, CaVa o. I cal dir que, a diferència de l’occità, en esta paraula sí que presenten l’esperat diftong el portugués (ou) i el romanés (au). La resta de l’occitanoromanç – especialment el llenguadocià i el gascó – conserva generalment el diftong originari. Però també hi ha casos de conservació en catalanovalencià. Per una banda, el ribagorçà i el pallarés presenten auca(m) > auca (vs. CaVa gen oca). Per una altra banda, el català septentrional i diverses altres varietats catalanes (parlars) del nord presenten au en alguns casos, com llaurer i llauseta. Segons l’atles Sacaze (Costa 1986 : mapes 46, 185, 268, 158, 46, 172), la conservació del diftong sembla ser general en les localitats frontereres de Tarerac (caus[ə]s, pauperes > pauris, cf. Len causas, paures) i Vingrau (caus[ə]s, pauris, Lat vul *raubet > raub[ə], cf. Len raube)9. I el catalanovalencià general reduïx el grup au a a quan per la caiguda d’una consonant següent sorgix un hiat (Coromines 2013 : II, s.v. lloar ; Batlle 2016 : 62): *laudore(m) > llaor (Occ ant lausor). Antigament, en catalanovalencià es documenta el resultat au. Per exemple, Coromines (ibidem) reporta laudor (en les Homilies d’Organyà) i lausor (Llull), si bé també indica que laor era la « forma normal ja en Jaume I i en Llull » (Blanquerna). Segons Batlle (2016 : 62), les formes amb au es donen ocasionalment i per influència occitana. En canvi, segons Casanova (2011 : 161) n’hi hauria « molts casos » i especialment en la zona septentrional del catalanovalencià ; segons Coromines (1983 [1943]: 299), « el rossellonès antic conservava en tot o en part l’au primari, a despit que en el dialecte actual a penes si en queda cap relíquia ». 2.2. finiré vs. finirai (V2)

• cantare + (h)a[j]o > Len gen cantarai > Gas gen -rèi > Gas dia, CaVa dia, Len dia -r[ɛ] >  CaVa gen -ré • axe(m) > Len [aj]s, CaVa ant i dia [aj]x > Gas [ɛj]sh > Val gen [ej]x > Cat gen [e]x • Lat tar lacte(m) > Len l[aj]t > Gas l[ɛj]t (Cat dia ll[ɛj]t) > CaVa dia ll[ɛ]t, Gas [lɛt] > CaVa dia ll[ej]t > CaVa gen ll[e]t • factu(m) > Len, CaVa ant f[aj]t > CaVa dia f[ɛj]t (Gas h[ɛj]t) > CaVa dia f[ɛ]t (Gas [hɛt]) > CaVa ant [fejt] > CaVa f[e]t



9 Segons Ronjat (1930 : 204), en capcinés tota au llatina ha esdevingut [ɔ] « sauf emprunt » i d’esta opinió és també Rasico (1982 : 61).

283

284

j o r d i ca s s a n y- b at e s

El diftong [aj] primari (com en laicum, Ger fràncic *laid >CaVa  ll[e]c, ll[e]ig) o secundari antic evolucionà sovint a [ɛj] o [ej] en gascó, llenguadocià meridional i catalanovalencià (és a dir, en el grup aquitanopirinenc segons la classificació que de les varietats occitanoromàniques fa Bèc 2002 [1972]: 354), i més recentment i esporàdica (sobretot en posició àtona) ho ha fet en llemosí, alvernés, alpí i provençal. Els diftongs resultants ([ɛj] o [ej]) poden reduir-se a [ɛ] o [e] en aquitanopirinenc. Al resultat [e] també arriben « certanei varietats nòrd-occitanas » (Sumien 2009 : 12, 24). La resta de l’occitanoromanç (incloent el llenguadocià no meridional) conserva generalment el diftong [aj] originari. En catalanovalencià, hi ha formes amb e documentades (junt a les diftongades) des dels primers texts (Rasico 1982 : 66). I en el s. XI les formes diftongades ja estaven, segons Coromines (1976 [1973]: I, 101) « en forta reculada ». Segons Duarte – Alsina (1984 : 81-82, 246), el pas a [ɛj] es donà en els segles VII-VIII. Després, la iod començà a elidir-se en distints moments segons el context, des del mateix s. VIII fins al XIII. Al mig d’este llarg procés de pèrdua de iod, cap al s. X tingué lloc el tancament [ɛ] > [e]10 (o [ɛj] > [ej], en contexts on es conservava el diftong encara). En el llenguadocià meridional [ɛj] conviu amb [aj] segons Sistac (1993 : 40). En gascó, l’evolució es deté generalment en l’estai [ɛj], però arriba localment a [ɛ], resultat que de fet és fins i tot comú en certs contexts (Romieu – Bianchi 2005 : 50). L’aranés i els punts d’enquesta de l’ALF (mapes 0083, 0469, 0529, 0020, 1041, 0197, 0611, 0463, 0745, 0746, 0533, 0743) més pròxims al catalanovalencià presenten tots [aj], [ɛj] i [ɛ], però amb distintes distribucions en el vocabulari. El catalanovalencià arriba generalment al resultat /e/ (com el castellà), però conserva restes dels estadis anteriors (Duarte – Alsina 1984 : 80-81 ; Recasens 2017 : 39-46). En la llengua general hi ha casos de conservació de [ej] en determinades paraules, pronunciades encara amb iod en l’àrea occidental : deixar, eix, feix, feixa, freixe, greix, madeixa, péixer, queix, teix, xeixa ; també néixer (nàixer). Hi ha també casos de conservació de [aj] davant de [ʃ], però també n’hi ha davant de [ɾ, t]: afaitar, aixa, baix, caire, caixa, empaitar, faixa, gaire, mai, naixem (de nàixer), paixem (de péixer), guaitar, Taix, vair. I el sufix -aire es conserva especialment en Catalunya (Coromines 2013 : s.v. colom): pescaire, llauraire, etc. Pel que fa a la situació dialectal en la zona de frontera, segons Gulsoy (1993 : 85, 89), Sistac (1993 : 41), Veny – Massanell (2015 : 255) i Recasens (2017 : 41-44), en pallarés (sobretot en el Pallars Sobirà), es conserva [ɛ(j)] (si bé no en la mateixa mesura en tots els contexts)11, pronúncia que també presenten – en part dels mots elegibles – el veïns parlars occitans de l’Aran, el Coserans i el País de Foix. Per una altra banda, el català septentrional presenta un timbre mitjà entre [ɛ] i [e]: [e̞ ]. A més, es conserva el diftong en capcinés davant de t i en el parlar de Vingrau en he i el futur (Recasens 2017 : 41, 44). En Vingrau, de fet, es conserva [aj] en els mots

10 Es tracta d’un tancament general [ɛ > e] en catalanovalencià, que no només afecta els reflexos de [aj] (Duarte – Alsina 1984 : 86). 11 També hi ha casos de [ɛ(j)] o [ej] en ribagorçà i altres parlars catalanovalencians.

l e s vo c al s q u e s e par e n e l c atalanovale nci à d e  l’o cci tà

elegibles de l’atles Sacaze : llauraire, mais, llait (Costa 1986 : mapes 128, 131, 193). El parlar de Tarerac, també veí del llenguadocià, presenta més però llait. 2.3. mig vs. mièg (V3), ull vs. uèlh (V4)

• mĕdiu(m) > [mɛʤo] > Len mièg > Pro mieg, ViAl, Len, Bearnés mèg, CaVa mig (cf. Fra mi) • profĕctu(m) > [profɛjto] >  Len profièit >  Gas, Lem profieit (Pro, ViAl profiech) >  Alv profeit, Gas dia, CaVa profit • lŏnge > [lɔɲ] > Len luònh : > Len luènh > Gas, Pro luenh, Alv lònh, Gas lonh, Gas l[y]nh > [lwoɲ] > [lwuɲ] > CaVa lluny • cŏxa(m) > [kɔjsa] / [kɔjʃa] > Len cuòissa / [kwɔjʃa]: > Len cuèissa / Gas cuèisha > Pro, Lem, Alv cueissa / Gas cueisha > Gas dia coisha, Gas nord c[y]isha > [kwojʃa] > [kwujʃa] > CaVa cuixa Els sons [ɛ] i [ɔ] tònics protoromànics en contacte amb un element palatal (les consonants [ʎ], [ɲ], [ʤ] o la semiconsonant [j]) diftonguen en occitanoromanç (Recasens 2017 : 21-27). El resultat és i[ɛ] i u[ɔ] respectivament, que amb una iod posterior produïxen els triftongs i[ɛ]i i u[ɔ]i. La diftongació es deu haver donat entre els segles V i VII aproximadament, segons la cronologia de Duarte – Alsina (1984 : 240)12. Ocorre també en francés (vieil, *nuoit > nuit, Jensen 1999 : 91), aragonés (viello, fuella, nueit) i altres romanços. Després, els diftongs o triftongs resultants han experimentat canvis en catalanovalencià, però també en grans parts de l’occità (així com en francés). En catalanovalencià, els diftongs o triftongs presenten molt generalment tancament de la vocal i reducció del grup. L’evolució de la vocal hauria sigut Protoromanç [ɛ] > [jɛ] > [je] > [ji] >  CaVa [i]; Protoromanç [ɔ] > [wɔ] > [wo] > [wu] >  CaVa [u], possiblement acabant [wu] > [vu] en algunes paraules (com vuit, avui)13. Els tancaments i reduccions deuen ser molt antics, ja que els documents del s. IX de l’àrea catalanovalenciana ja no presenten testimonis de la fase [ji] / [wu], segons Duarte – Alsina (1984 : 76, 242). Quant a la iod que tancava els triftongs, desapareix absorbida per la [i] (ix  u[e]). Per exemple, en els parlars gascons són habituals i[e] i u[e], que solen ser el reflex estàndard. En aranés i en els punts d’enquesta de l’ALF contigus al catalanovalencià, hi ha modificació del timbre en quasi tots els

12 Sobre la datació de la diftongació condicionada en occità hi ha altres parers entre els estudiosos. En qualsevol cas, l’occità antic presentava formes no diftongades i diftongades. 13 També el llenguadocià contigu presenta esta evolució : uèit/vèit, (a)vèi. V. les consideracions que en fa Recasens (2017 : 24-25).

285

286

j o r d i ca s s a n y- b at e s

mots elegibles14 consultats (mapes 1235, 0222, 0468, 0587, 0778, 0388, 1387 ; 0072, 0559, 0932, 1415, 0780, 0370, 0369, 0929, 0703, 1384), amb més incidència en el cas de [ɔ]. En part dels punts, [ɔ] > [e], resultat que també és conegut en el parlar de Vingrau (av[e]i, ll[e]nc “lluny”, neit) i Tarerac (v[e]i “hui”, ll[e]nc, neit), com mostra l’atles Sacaze (Costa 1986 : mapes 18, 145, 168)15. Per una altra banda, també en occità es coneix la reducció del grup, que en alguns casos és general, com -ĕrĭu/a(m) > Len -ièr(a). En els parlars gascons, i[ɛ](i) es reduïx sovint i pot aplegar a monoftongar. En el gascó del nord (Landes, Gironda), el reflex de [ɔ] és [y] (Grosclaude 2000 : 41). Segons l’ALF, l’occità contigu al catalanovalencià presenta reducció del grup en gran part dels mots elegibles. Vet ací altres exemples occitans on el resultat és coincident amb el catalanovalencià : Gas dia mija, Gas dia lhit, Gas dia entira (Cat sep entira); Gas, Lem l[u]nh, Gas dia v[u]i “vull”, Gas dia v[u]it “huit”, Len v[u]id (Lem v[u]ide) “buit”. Per una altra banda, en catalanovalencià hi ha rastres de formes no reduïdes en el benasqués (viello) i, per un altre costat, en capcinés (viell) i en el parlar de Vingrau. Ací, [ɛ] > [je] « davant de consonant palatal »: cadiera (Recasens 2017 : 19, 22). 2.4. déu vs. dieu (V5), b[ɔ]u vs. buòu (V6)

• mĕu(m) > CaVa dia m[ɛ]u (> CaVa gen, Len, Lem, ViAl m[e]u16) > Len mièu > Len mieu • sĕquit > Len sèc > Len sièc (del verb sègre ‘seguir’) • bŏve(m) > CaVa b[ɔ]u > Len buòu (> Pro buou), Len buèu (> Gas, Len bueu) • iŏcu(m) > Gas, Len, Alv, ViAl jòc (CaVa. j[ɔ]c) > Lem juòc, Pro, Lem, Alv, ViAl juec Els sons [ɛ] i [ɔ] protoromànics també poden diftongar en contacte amb un element velar final (la semiconsonant [w] o una oclusiva velar) en occità. Els principals resultats són respectivament iè/ie i uò/uè/ue. La diftongació tingué lloc com a mínim a partir del s. XIII, segons Ronjat (1930 : 149). Esta diftongació condicionada no es dona en catalanovalencià general. No obstant, en occità (actual) la diftongació té una extensió dialectal diversa depenent del mot elegible. És general en alguns casos (en els cognats de CaVa déu, jo, ou, bou). Hi ha altres paraules (cognats de CaVa joc, foc, lloc) on l’occità presenta tant formes sense diftongar com formes diftongades depenent de les varietats. Finalment, hi ha casos on la diftongació és molt minoritària o potser inexistent (cognats de CaVa greu, lleu, breu, neu, bec, rec, nou “novell” i nou “9”, mou, plou). Segons Jensen (1999 : 90), esta diftongació condicionada és en occità solament opcional, i potser en origen depenia dels parlars. A més, davant de [w], la diftongació de [ɔ] és, fora dels casos bòu i òu, 14 Amb “mots elegibles” ens referim a les paraules que poden experimentar un determinat canvi fonètic, independentment de si l’experimenta tot el grup o només algunes de les seues paraules. 15 Tant este reflex [e] com el corresponent [ø/œ] de part del capcinés (av[ø]i, ll[ø]ny/ll[ø]n) podrien provindre, segons Recasens (2017 : 21-22), d’una evolució a través de l’estadi [ɥe/ɥɛ], mentres el resultat general del catalanovalencià hauria passat per l’estadi alternatiu uo. 16 L’evolució [ɛ] > [e] és general en catalanovalencià en els blocs dialectals « oriental i occidental tret del pallarès-ribagorçà »; no obstant, no es dona davant de determinades consonants, entre elles [w] procedent de -t[j]-, -c+e/i- i -d- (com en preu, deu “10”, peu) (Recasens 2017 : 66).

l e s vo c al s q u e s e par e n e l c atalanovale nci à d e  l’o cci tà

molt més rara (Ronjat 1930 : 165-166). I davant de [k], [ɛ] diftonga en menys casos que [ɔ], segons Ronjat (1930 : 151). Este autor només tracta, a part d’un sufix bearnés, el cas de la forma siec de sègre (minoritària actualment). Pel que fa a la diftongació de [ɔ] davant de [k], només tracta lòc, jòc, fòc. En aranés i en els punts d’enquesta de l’ALF (mapes 0404, 1295, 0853, 0903, 0132, 1175, 0935, 0141, 1644, 0906, 1035, 0558, 0719) propers a la frontera amb el catalanovalencià, els parlars occitans presenten diftongació de [ɛ] en part dels mots elegibles. Però sembla haver-hi continuïtat transfronterera entre les dos llengües en una altra part dels mots elegibles, al menys en el tram llenguadocià : ací, l’ALF dona la mateixa transcripció per a Occ rèc, nèu i CaVa rec, neu al dos costats. Quant a [ɔ], els parlars occitans fronterers presenten diftongació davant de [w] en uns molts elegibles però no en altres. Davant de [k], el gascó diftonga huec/h[ju]c però el llenguadocià presenta f[ɔ]c, i tots tenen j[ɔ]c. No trobem en l’ALF Occ lòc. Per una altra banda, segons l’atles Sacaze (Costa 1986 : mapa 62), part del capcinés, Tarerac i Vingrau presenten diu(s), que pressuposa diftong (dieu > diu, segons Ronjat (1930 : 371-372). En canvi, eixos parlars tenen tots neu (Costa 1986 : mapa 165). Més consistent és la diftongació en Vingrau en el cas de [ɔw], com en buou (b[jɔw]) (Balaguer 2010 : 190 ; Recasens 2017 : 22). 2.5. s[ə]eguir vs. seguir (V7a), [ə]mic vs. amic (V7b)

• gĕnĕre(m) > Len, CaVa occid gendr[e] > CaVa ori, Gas dia gendr[ə] • Lat vul *[‘]feticu (Lat ficātum) > Len, CaVa occid fetg[e] > CaVa ori fetg[ə], Gas dia hitg[ə]. • Lat vul *sĕquīre > Len, CaVa occid s[e]guir > Cat ori, Gas dia s[ə]guir La /e/ àtona, així com la /a/ àtona, centralitza a [ə] en catalanovalencià, però solament en la part oriental. La resultant confusió de fonemes s’havia completat en posició pretònica cap al s. XI i en posició posttònica ho feu en el s. XIV (Recasens 2017 : 86, que es basa en Coromines per a la primera data). En catalanovalencià occidental, /e/ conserva el timbre original [e] (i la distinció amb /a/), pronunciació que continua en gran part de la resta de l’occitanoromanç. A més, la centralització de /e/ àtona en [ə] es retroba en parlars occidentals del gascó i en una llarga franja septentrional de l’occitanoromanç17, zones on l’evolució « est probablement récent » (Ronjat 1930 : 87-88)18. El fenomen es dona també en francés i altres varietats romàniques. 2.6. arma vs. arm[ɔ] (V8)

• pōma > CaVa occid gen, Aran poma > Len, Gas ori, Val dia pom[ɔ], CaVa ori, Gas occid pom[ə] • Àrab tássa > CaVa occid gen, Aran tassa > Len, Gas ori, Val dia tass[ɔ], CaVa ori, Gas occid tass[ə] • tĕrra(m) > CaVa occid gen, Aran tèrra > Len, Gas ori, Val dia tèrr[ɔ], CaVa ori, Gas occid tèrr[ə] 17 En esta franja, en posició pretònica, [ə] solament en síl·laba oberta (Ronjat 1930 : 88). 18 El canvi /a/ > [ə] es dona en el gascó occidental, on és « assez ancien » (Ronjat 1930 : 212), i en alguns parlars septentrionals i orientals de l’occitanoromanç, on és recent.

287

288

j o r d i ca s s a n y- b at e s

La /a/ final es tanca a [ɔ] o [o] en gran part de l’occità. No obstant, la vocal conserva el timbre original en distints parlars, entre ells el llenguadocià donasanenc (Deledar – Poujade 2001 : 29) i dos zones pirinenques del gascó, incloent l’aranés19, a través del qual esta pronunciació continua en gran part del catalanovalencià occidental. El catalanovalencià oriental tanca a [ə] (cf. V7), però este resultat es retroba en la mitat occidental del gascó i en el Creixent (Ordaz 2018 : 50). A més, un resultat semblant a [ɔ] presenten també alguns parlars valencians : tass[ɔ], don[ɔ], terr[ɔ] (Beltran – Segura-Llopes 2017 : 158). Finalment, cal tindre en compte que també la /a/ àtona pretònica (en amic o agradar, per exemple) es pronuncia [ɔ] en una ampla zona septentrional de l’occitanoromanç (Ronjat 1930 : 290) i que esta zona està allunyada del catalanovalencià. 2.7. parl[e]s vs. parl[a]s (V9)

• cantas > Len, Gas gen, Rib cantas > CaVa gen, Aran cantes • cantat > Len, Gas gen, CaVa gen canta > CaVa occid gen, Aran cante • cantant > Len, Gas, Rib cantan > CaVa gen, Aran canten • cantatas > Len, Gas, Rib cantadas > CaVa gen, Aran cantades La vocal posttònica dels acabaments verbals -as, -at, -ant (2ª, 3ª i 6ª persones) i de l’acabament nominal -as (en femenins plurals) ascendix a e en catalanovalencià general (-at solament en catalanovalencià occidental general); però també en altres parlars occitanoromànics (Rasico 1993 : 15), concretament en el gascó de la contigua Vall d’Aran (Carrera 2007 : 34) fins a l’alt Comenge i l’alta Bigorra (Lamuela 2010-2011 : 32); també en el llenguadocià donasanenc (exceptuant -at > -[a]) (Deledar – Poujade 2001 : 29). El fenomen també es dona en asturlleonés. En la resta de l’occità, -as, -at, -ant esdevenen [-as, -a, -an] o [-ɔs, -ɔ, -ɔn] (Sumien 2009 : 19). A més, el timbre original [a] es conserva en ribagorçà (sobretot l’occidental en el cas dels plurals nominals) i, depenent de l’acabament, en altres parlars catalanovalencians ; en el cas del reflex de -at, continua en Tortosa i en valencià central i meridional (Recasens 2017 : 50). 2.8. tu vs. t[y] (V10)

• tū > CaVa tu > Len t[y], Cap i Len dia t[ø] • mūtu(m) > CaVa mut > Len m[y]t, Cap i Len dia m[ø]t • fūmu(m) > CaVa fum > Len f[y]m, Cap i Len dia f[ø]m La u llarga llatina conserva el seu timbre en catalanovalencià general (com en iberoromanç generalment). En la resta de l’occitanoromanç actual, la vocal s’ha avançat i arrodonit, generalment en [y] (com en francés). Per a Sánchez Miret (2001 : 423), esta evolució sembla més antiga en francés que en occità i altres romanços (francoprovençal, les varietats nord-italianes i part del retoromanç). El seu origen i 19 En Naut Aran la realització « pòt èster mès o mens labializada e velarizada » (Carrera 2007 : 35).

l e s vo c al s q u e s e par e n e l c atalanovale nci à d e  l’o cci tà

datació no és unànime entre els autors. No obstant, sembla que la lírica trobadoresca es cantava amb [u] (Cremonesi 1967 : 38-39, Lafont 2004 : 26-27)20. De fet, Allières (1996) reporta casos aïllats de conservació en punts del gascó pirinenc actual : els participis a[u]t, ca[u]t, se[u]t (en compte de av[y]t, cad[y]t, sed[y]t) de la localitat de Gavarnia i la pronunciació [wo] de l’article uá < una en part del Coserans. L’autor considera que eixes formes així com la « multiplicació de les […] ocurrències » de [y] en les varietats gascones costaneres (Landes, Gironda) – es deu referir a hipercorreccions – són indicis que « Gascunya fou molt de temps un reducte arcaïtzant on la palatalització no s’havia efectuat ». Per una altra banda, en capcinés tota u llarga llatina es pronuncia com una e labialitzada (Veny – Massanell 2015 : 182), d’acord amb els parlars llenguadocians més limítrofs (Ronjat 1930 : 129) així com « points » del gascó i la « Provence maritime » (Lafont 2004 : 27). Gómez (2016 : 32) explica que l’evolució d’esta zona és el resultat d’un avançament i un abaixament de la [u] del llatí vulgar, i transcriu el nou so amb [ø], puntualitzant que el seu grau d’obertura és intermedi entre [ø] i [œ] franceses (o, el que és el mateix, entre [e] i [ɛ]); és a dir, es tracta de [ø̞ ]. A més, la semiconsonant [ɥ] (corresponent a [y] com [w] es correspon a [u]) és desconeguda tant en catalanovalencià com en gascó i en llenguadocià meridional (Sumien 2009 : 26): Gas [w]ei, Val h[w]i21 vs. Len no meridional [ɥ]ei. Este és un dels trets del grup aquitanopirinenc (Bèc 2002 [1972]: 354). 2.9. morir vs. m[u]rir (V11)

• pŏrtare > CaVa occid, Mal portar > Cat ori, Len, Gas p[u]rtar • cŏmputare > CaVa occid, Mal comptar > Cat ori, Len, Gas c[u]mptar • pŭrgare > CaVa occid, Mal porgar > Cat ori, Len, Gas p[u]rgar La /o/ àtona procedent de ō, ŏ, ŭ llatines tanca a [u] en occità (Ronjat 1930 : 295), però també en català oriental, menorquí, eivissenc, alguerés i el parlar de Sóller (Mallorca). El timbre original [o] es conserva en la resta del catalanovalencià (occidental i mallorquí general), llevant de casos de tancament puntuals, documentats des d’antic (Recasens 2017 : 111).

20 La datació antiga de [y] i la seua explicació pel substrat, postulades tradicionalment tant per a l’occità com per al francés i altres romanços veïns, no explica, segons nota Lafont (2004 : 26-27), per què la consonant [k] precedent no palatalitzà en mots com cūpa(m) > Occ cuba, Fra cuve. Cremonesi (1967 : 38-39) recull altres arguments a favor de la pronúncia [u] en occità medieval : els tractats de l’època (Leys d’amors i gramàtiques) no fan referència a distintes pronúncies de la lletra u ; la variació que es documenta en paraules com morir/murir, com/cum, ponher/punher només s’explica si valia [u]; i actualment hi ha dialectes amb diftongs que encara es pronuncien amb [w] i no [ɥ], com vorem. Lafont (2004 : 27) encara destaca el fet que, com vorem també, certes zones de l’occitanoromanç meridional actual presenten [ø̞ ] (Lafont indica [ø]) en compte de [y] o [u]. Considera que la palatalització de u tingué lloc, « d’abord dans des environnements phoniques favorables, au cours d’une longue évolution qui n’a dû être achevée qu’au xiiie siècle ». 21 Hui provindria d’un antic [wuj], resultat de la diftongació de [ɔ] davant de iod (v. nota 192 de Martí Mestre en Moll 2006 : 151).

289

290

j o r d i ca s s a n y- b at e s

A més, « en principe » l’occità antic encara presentava [o] (Ronjat 1930 : 295). En catalanovalencià, el pas a [u] començà, segons Recasens (2017 : 111), en contexts pretònics tancadors abans del s. XIII i no es sistematitzà en les zones on ara és general fins al s. XVI. 2.10. sord vs. s[u]rd (V12)

• calōre(m) > CaVa gen calor > Len, Cat sep cal[u]r • Lat vul tōtta(m) > CaVa gen tota > Len, Cat sep t[u]ta • Lat vul bŭcca(m) > CaVa gen boca > Len, Cat sep b[u]ca La o tònica ( s[o̞ ]rt) i en les zones septentrionals del català oriental i de l’occidental ; també postula una relació amb excepcions a l’anomenada “llei Coromines”22 que es donen en català septentrional (h[u]ra per h[o̞ ]ra ; cf. CaVa gen h[ɔ]ra), en la zona septentrional del català oriental i en punts septentrionals del català occidental. 2.11. jeu vs. j[u] (V13)

• iŭgu(m) > CaVa gen, Occ ant j[o]u (> CaVa. occid. j[ɔ]u) > j[uw] (> Len j[u]), Cat ori dia jeu • vōce(m) > CaVa ant vots (> Len v[u]tz) > CaVa ant, Manacor vou > CaVa veu • crŭce(m) > crots (> Len cr[u]tz >) CaVa ant crou > CaVa creu • dŭce(m) > dots (> Len d[u]tz) > CaVa ant dou > CaVa deu “font” El diftong ou dissimilà en catalanovalencià a eu, però solament en la zona de Girona (on també es donà una evolució paral·lela oi > ei). El canvi ou > eu s’hauria originat cap al s. XII i, durant una etapa d’influència d’aquella ciutat, s’hauria generalitzat en la resta del catalanovalencià en alguns casos (Moll 2006 : secció 63 ; Badia i Margarit 1994 : secció 52, vi): creu, deu “font” i veu (però vou es conserva en Manacor).

22 Segons la “llei Coromines”, /o/ ( h[o]ra > CaVa gen h[ɔ]ra (cf. Gas occ òra, també amb [ɔ] tònica).

l e s vo c al s q u e s e par e n e l c atalanovale nci à d e  l’o cci tà

Fora d’estos mots, el catalanovalencià general presenta conservació (o eventualment obertura a [ɔw] per la “llei Coromines”, v. V12), com els següents exemples que mencionen Badia i Margarit (1994 : 154) o Batlle (2016 : 53) tractant del canvi que ens interessa : tōfu(m) > tou ; iŭgu(m) > jou ; rōbore(m) > roure ; pŭteu(m) > pou ; prōde > prou. Segons Moll (2006 : 89) i Batlle (2016 : 53), la dissimilació afectaria tot el catalanovalencià, però concretament al diftong ou provinent de [o] + ce. No obstant, també ací trobem excepcions : nŭce(m) > nou ‘anou’; fauce(m) > fōce > fou “barranc, pas estret”23. És difícil comparar el tractament de [ow] en occità, ja que grups que l’originaren en catalanovalencià han tingut altres resultats allí : [o] + ce > Occ [o]tz > [u]tz (v. V12), com en nŭce(m) > notz (vs. CaVa nou); [o] + d esdevinguda final > [o] > [u], com en prōde > pro (vs. CaVa prou). Un cas comparable és el de [ow] sorgit també en occità per vocalització de g (Recasens 2017 : 237): iŭgu(m) >  Occ ant  j[o] u > j[uw] > Len j[u]. L’evolució occitana [ow] > [uw] > [u] es coneix també en català septentrional en mots catalanovalencians no afectats pel canvi [ow] > [ew] ni per la “llei Coromines” (Recasens 2017 : 106-107): en pou, jou i roure, segons l’ALDC (llista L62 i mapes 872 i 1222), múltiples punts d’enquesta nord-catalans (no tots fronterers) pronuncien [u] o [uw], i de tots els punts fronterers, solament el més occidental presenta el reflex [o̞ w]. Cfr. també l’ALF (mapes 1104, 0726).

3. Resultats dels fenòmens vocàlics L’anàlisi dels 13 fenòmens vocàlics que solen adduir-se per a caracteritzar el catalanovalencià ens ha permés arribar a múltiples resultats. A continuació els presentem organitzats en quatre grups, segons que facen referència a la relació evolutiva entre els reflexos contraposats en els llistats, la presència en catalanovalencià del reflex considerat “occità”, la presència en occità del reflex considerat “catalanovalencià” o la coincidència entre el recorregut de les isoglosses i la frontera convencional de les llengües. 3.1. Relació evolutiva

1) Tant el reflex considerat “catalanovalencià” en els llistats com el considerat “occità” s’originen a partir d’una altra forma en 3/13 fenòmens : V4 ull i uèlh  arm[ɔ], V10 tu > t[y], V11 m[o]rir > m[u]rir, V12 sord > s[u]rd.

23 En punts del català oriental, el reflex eu es dona no només en creu, deu “font” i veu sinó també en altres mots elegibles (no tots): tèu “tou”, jeu “jou” i reure “roure” (este últim mot també en mallorquí i menorquí).

291

292

j o r d i ca s s a n y- b at e s

3) El reflex “catalanovalencià” s’origina a partir de l’“occità” en 5/13 fenòmens : V1 p. [ɔ]c