Texts and Translations of the Chronicle of Michael the Great. Volume 10 Texts and Translations of the Chronicle of Michael the Great (10 of 11 volumes): Syriac Original, Arabic Garshuni Version, and Armenian Epitome with Translations into French 9781463215538

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TEXTS AND TRANSLATIONS OF T H E CHRONICLE OF MICHAEL T H E GREAT

Texts and Translations of the Chronicle of Michael the Great General Editor GEORGE A . KIRAZ

VOLUME 1 0

French Translation of the Armenian Epitome (Version I) of the

Chronicle of Michael the Great Translated By

VICTOR LANGLOIS

GORGIAS PRESS

2011

First Gorgias Press Edition, 2011

Copyright © 2011 by Gorgias Press LLC

All rights reserved under International and Pan-American Copyright Conventions. No part of this publication may be reproduced, stored in a retrieval system or transmitted in any form or by any means, electronic, mechanical, photocopying, recording, scanning or otherwise without the prior written permission of Gorgias Press LLC. Published in the United States of America by Gorgias Press LLC, New Jersey

ISBN 978-1-59333-663-9

GORGIAS PRESS 954 River Rd., Piscataway, NJ 08854 USA www.gorgiaspress.com

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PRÉFACE

L a littérature arménienne est une de celles qui, en dehors des chefsd'œuvre qu'elle a produits, offre aux orientalistes l'immense avantage de leur avoir conservé un assez grand nombre d'ouvrages appartenant à des littératures étrangères, dont les textes originaux sont aujourd'hui perdus. Le Tableau des ouvrages anciennement traduits en arménien1, tracé par l'illustre prélat qui fut l'un des restaurateurs de la littérature arménienne, feu Mgr. Sukias Somal, contient la liste des écrits nombreux que les traducteurs anciens et modernes de l'Arménie firent passer dans leur idiome. On sait que, dès les premières années du Ve siècle de notre ère, époque à laquelle la langue et la littérature arméniennes commencèrent à briller de leur éclat le plus vif, et jusqu' à des temps assez rapprochés de nous, d'infatigables travailleurs traduisirent, dans leur idiome, les principales productions sacrées et profanes des Grecs. Dans le siècle dernier, les doctes religieux du monastère de S / Lazare de Venise ont continué les traditions de leurs devanciers, les moines de la Grande-Arménie, de la Mésopotamie et du Taurus, en traduisant aussi les ouvrages les plus saillants des littératures modernes de l'Occident 2 . Mais c'est surtout au zèle des traducteurs des siècles qui suivi1 Quadro délie opere di varii autori anticamente tradotte in armeno. (Venise, S. 1 Laza-

le Catalogue des livres de Vimpr. arrn. de S} Lazare de Venise, (S. 1 Lazare, 1864), et §ni^.

re, 1 8 2 3 , in 8.°).

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2 La liste de ces traductions se trouve dans

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(Venise, 1862).

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î rent immédiatement l'invention des caractères mesrobiens, que nous devons la conservation de la Chronique d'Eusèbe, des écrits de Philon le Juif, de quelques fragments des historiens, philosophes et polygraphes grecs \ des œuvres de plusieurs Pères de l'Eglise, et de tant d'autres productions de cette littérature grecque si riche, si variée, si brillante, dont une notable partie ne nous est malheureusement point parvenue. Cependant les lettrés arméniens des premiers siècles de notre ère, qui semblent avoir traduit de préférence les œuvres des Grecs, n'ont pas négligé non plus de faire passer dans leur idiome les ouvrages les plus importants de la littérature syriaque. En rapports constants, aussi bien avec les Syriens qu'avec les Grecs, beaucoup de lettrés s'adonnèrent d'une manière toute spéciale à l'étude de la langue syriaque, et c'est à ces derniers que nous devons la conservation des ouvrages de quelques Pères de la primitive Église, tels que plusieurs traités et sermons de S.1 Ephrem 2 , et d'autres productions très-précieuses également pour l'histoire du moyen-âge oriental. La Chronique que nous publions aujourd'hui appartient à cette littérature. Elle fut composée d'abord en syriaque, à la fin du XII e siècle de notre ère, et la version arménienne en fut faite dans le siècle suivant. Le texte original est aujourd'hui entièrement perdu, et le savant J. S. Assemani 5 a même complètement ignoré jusqu'à l'existence de la Chronique dont il s'agit. C'est donc à un traducteur arménien que nous devons la conservation de cet ouvrage qui, avec les écrits historiques de Jean d'Asie, de Denys de Tel-Mahr et d'autres chroniqueurs aujourd'hui perdus, formait la chaîne des annales syriennes. §. ILe Patriarche Michel; sa vie; ses tendances

religieuses.

Michel, {S©, naquit en Syrie, vraisemblablement à Antioche ou fO l'an 1126 de dans les environs de cette ville, à Beth-Iiadischa, notre ère, c'est à dire à l'époque où ce pays était au pouvoir des Franks, venus des diverses contrées de l'Europe, pour délivrer Jérusalem et les LieuxSaints des mains des infidèles. En effet, Edesse, Antioche, Tripoli, Jérusalem, la ville sainte par excellence, étaient devenues des cités féodales, sur les 1 Nous publierons prochainement la série des fragments des auteurs grecs perdus, dont il existe des traductions en arménien, dans la Collection des classiques grecs de M. Didot. 2 OEuvres de S. 4 Ephrem (en a r m é n i e n . ) — (S. 1 Lazare, 4 vol. 1 8 3 6 ) .

3 Bibliotheca Orientalis Clementino-Vaticana, T . II, pg. 1S4, Ch. X X X I . Michael Magnus, patriarcha. 4 Aboulpharadj, Chroniqtie Syriaque, (Ed. Bruns et Kirsch, (Leipsik, 1 7 8 9 ) , pg. 2 3 4 de la traduct. latine.

8 quelles dominaient, au nom du Christ, des barons accourus de tous les points du monde occidental, autant pour satisfaire leur ambition chevaleresque, que pour venger la Terre Sainte outragée par la présence d'odieux dominateurs, et reconquérir les lieux où le Rédempteur avait fait sur la Croix le sacrifice de sa vie, pour sauver l'humanité. Michel appartenait à une famille jacobite, et était sujet des princes latins que la fortune des combats avait placés sur le premier trône de la Syrie après celui de Jérusalem. Michel était fils d'Elias prêtre de Mélitène; son nom de famille était Kandis. L'enfance de notre chroniqueur nous est totalement inconnue, et il faut arriver au moment où Michel était déjà revêtu de fonctions sacerdotales, pour avoir quelques détails sur sa vie. Yers l'année I î 6-2 de notre ère, Michel était archimandrite ou supérieur du monastère de Barsame de Schana, V^I j^» près Mardin et dans le voisinage des bourgs de TelCobab et de Baghedschia En 1162, il fît amener les eaux, par un canal, dans le couvent dont il était le supérieur 2 ] l'année suivante, il présida à la construction de l'une des tours du mur d'enceinte du couvent de Barsame; et quelques années plus tard, il y fit encore différentes constructions 3 . À la mort de Jean XI, quatre-vingt-dix-neuvième patriarche jacobite, Michel fut élu à sa place par les évêques rassemblés au monastère de Pheschin, ^A-a-a-s, sur les rives de l'Euphrate, le dimanche de la Pentecôte, et consacré patriarche le 18 octobre 66. Michel était alors âgé de 40 ans. Il parait que son élection ne se fît pas sans difficultés, car il se manifesta une vive opposition contre lui, parceque ses concurrents étaient soutenus par un parti assez fort. Dès que Michel fut installé sur son siège, il adressa sa profession de foi au patriarche cophte d'Alexandrie, qui était alors Jean, fils d'Abou-Galeb, surnommé Aboul-Meged 4 . Aussitôt après, Michel se rendit au monastère d'Anania, près de Mardin, et y transporta le siège du patriarcat qui était à Amid. A cette occasion, Jacques Bar Salibi prononça, en l'honneur de Michel, un discours d'intronisation qui nous a été conservé s . Michel entreprit ensuite plusieurs voyages, pour inspecter les couvents de sa juridiction et installer les évêques et les archimandrites ; puis il vint à Jérusalem, où il fut très-bien accueilli par le patriarche des Franks, et rentra à Antioche en 1168. L'année suivante, Manuel Comnène, empereur de Constantinople, dépêcha vers Michel, Christophore, porteur d'une lettre touchant les affaires 4 Assemani, Biblioth. Orient., T. I l , dissert. de Monophysitis,—Monast. Barsumœ.; et pg. 154. 2 Aboulpharadj, Chronique, citée par Assemani, Bibl. Orient., T. II, pg. 362.

3 Aboulpharadj, Chr. Syr., pg. 264. 4 Renaudot, Liturg. Orient, pg. 448. 5 Cf. Cod. Ecchellens., n.° 5, f." 186 ; et Assemani, Bibl Orient., pg. 154.

4 religieuses, et presqu'aussitôt il chargea Théorien de s'entendre avec le patriarche des Syriens et le catholicos des Arméniens, et de conférer avec eux sur les questions en litige entre les Grecs et les Orientaux. Arrivé à Romgla, résidence de Nersès Schnorhali, Théorien écrivit à Michel pour le prier d'envoyer quelqu'un afin de conférer avec lui. Le patriarche syrien ordonna à Jean, évêque de Kessoun, de se rendre à Romgla, pour prendre part à ces conférences religieuses 1 . Ces réunions n'amenèrent aucun résultat. Théorien revint une seconde fois en Syrie, et écrivit de nouveau à Michel pour l'engager à prendre part à de nouvelles conférences. Michel lui envoya le moine Théodore, surnommé Bar-Yehebun, qu'il chargea de répondre aux questions de Théorien. Les discussions roulèrent sur la Substance et la Nature, d'après les doctrines aristotéliques. C'était en effet la grande question qui divisait les Grecs, les Syriens et les Arméniens, puisque, par suite d'une fausse interprétation que les Grecs prêtaient aux Syriens et aux Arméniens, au sujet des deux Natures ou Substances du Christ, les deux églises se trouvaient séparées. Manuel Comnène, en cherchant à les réunir, croyait pouvoir attirer complètement les Syriens et les Arméniens à la foi orthodoxe grecque ; mais nous avons tout lieu de croire que les chrétiens orientaux n'avaient aucune envie de céder aux exigences des Byzantins. En outre, la mort de Nersès d'une part, la résistance de Michel d'autre part, mirent fin aux négociations, et l'union des Arméniens et des Syriens avec les Grecs ne put s'accomplir 2 . En 1169, Michel bâtit l'église du monastère de Abou-Galeb, près Gargar. En 1176, il fit construire également l'église du couvent de Cancrat. Trois ans après, il vint d'Antioche au monastère de Barsame, dont il avait été l'archimandrite, et il y éleva la nouvelle église. C'est alors que profitant de son absence, plusieurs évêques jacobites élurent un autre patriarche, et leur choix tomba sur Théodore Bar-Vehebun qui prit le nom de Jean. Ce dernier détacha de Michel plusieurs diocèses qu'il administra avec le titre de patriarche 3 ; mais au bout de treize ans, il fut renversé et le schisme cessa. En 1181, le samedi 30 juillet, le feu dévora le couvent de Barsame; les reliques, ainsi que les manuscrits qu'on y conservait, furent consumés. Ce monastère fut rebâti dans la suite ; on mit douze ans à reconstruire l'église et trois ans à la décorer de peintures. En 1192, la nouvelle église fut consacrée par Michel, le dimanche avant la Pentecôte, qui tomba cette année le 15 mai. Les dernières années de la vie de Michel furent attristées par les intri1 Bibliotheca veler. Patrum, T. IV, Dispntatio Theorîani contra Nersese Armen. patriarcha. 2 Galanus, Concilialio ecclesiœ armenœ cum

latina. T. I, ch. XXI, pg. 322. 3 Aboulpharadj, Chr. Syr., dans Assemani, Biblioth. Orient., T. II, pg. 2 1 3 .

5 gués de son neveu Josué, surnommé Labeo, qui, profitant de la vieillesse de son oncle, chercha à gagner le haut clergé jacobite, en vue d'assurer son élection au suprême pontificat, à la mort de Michel. Mais ses intrigues ayant été découvertes, Josué fut dénoncé à son oncle, qui l'accabla de son mépris et déjoua ainsi ses coupables projets. Toutefois, il réussit à parvenir plus tard au trône patriarcal, sous le pontificat d'Anastase IX, et prit le nom de Michel le Jeune. Après trente-trois années de pontificat, Michel mourut dans la nuit du 7 novembre de l'année 1199, à l'âge de 73 ans. Son corps fut enseveli dans la nouvelle église du monastère de Barsame, dans un caveau qu'il avait fait creuser de son vivant, devant l'autel placé du côté du nord \ Michel, que ses écrits nous représentent comme un homme fort instruit pour son temps, et comme un habile théologien, Michel, disons-nous, est la personnification la plus accentuée du jacobitisme au XII e siècle. Tous ses écrits religieux et historiques dénotent une opposition violente aux décisions du concile de Chalcédoine, et la manière dont il parle des Pères de cette assemblée, prouve qu'il fut l'un des adversaires les plus ardents des doctrines qui y furent professées. Dans sa Chronique, Michel profite de toutes les circonstances pour combattre ceux qu'il appelle avec amertume « les Chalcédoniens » ; il fait naître même les occasions d'exposer sa doctrine et ses tendances religieuses, toutes les fois qu'il croit utile de les faire prévaloir pour les besoins de sa cause. Il semble que ses écrits sont comme une arène, où il se plaît à batailler; car il insiste toujours de préférence sur les querelles religieuses, plutôt que sur ces combats meurtriers, où les chrétiens, accablés par les forces musulmanes, reculent, après avoir perdu l'élite de leurs guerriers. La passion et la crédulité se révèlent aussi à chaque page de ses écrits; passion exagérée d'une part et crédulité naïve d'autre part. Sans pitié pour les Franks qu'il se plaît à voir frappés par la main de Dieu, il dévoile leurs fautes avec une insistance qui tient de la partialité. S'il lui arrive de parler des Grecs et de leurs dissensions religieuses, il emploie à leur égard des expressions injurieuses. On reconnaît vite en lui un chef de parti, toujours sur la brèche, sans cesse préparé à la lutte, cherchant à faire prévaloir ses opinions contre ses adversaires en matière de croyance, et constamment dévoré par le désir d'engager une polémique avec les théologiens des communions rivales. Michel est le type par excellence du prêtre militant et de l'homme convaincu ; aucun raisonnement ne parviendra à ébranler sa foi, et il préférerait la palme du martyre, plutôt que d'abandonner un seul de ses principes religieux. Il est vrai que sa vie tout entière fut employée à fortifier ses croyances, et les études théologiques auxquelles il se livra, ne firent qu'augmenter encore 1 Aboulpharadj, Chron. dans Assemani, Biblioth. Orient. T. II, pg. 563-369.

6 ses convictions. C'est surtout en lisant son Traité des Institutions sacerdotales, que l'on voit grandir son zèle et son enthousiasme pour la foi de ses pères. Rien de plus énergique que sa Profession de foi, enchâssée comme le plus beau joyau de sa ferme croyance, dans ce Traité du sacerdoce, où Michel a lancé, avec une verve merveilleuse, tous ses arguments les plus acérés contre le concile de Chalcédoine et contre la suprématie du siège de Rome. Crédule à l'excès, sa confiance est sans bornes; il accepte aveuglément les miracles que les Jacobites prêtent aux saints de leur église, et il croit aux prodiges opérés par les reliques de Rarsame ; il va même jusqu'à admettre que son saint de prédilection a pu rendre la santé à des infidèles, et il ne craint pas de confier la châsse qui renferme ses ossements, à un prince musulman, atteint d'une cruelle maladie. Michel, qui est fort opposé aux Grecs et aux Latins, en matière de religion, se montre plus indulgent envers les Arméniens, avec lesquels il entretient de fréquentes et amicales relations. Il échange meme sa profession de foi avec le catholicos de Romgla, et il se rapproche volontiers de ce prélat; mais on voit cependant que dans sa correspondance avec le pontife d'Arménie, il ne craint pas de se poser en protecteur et en médiateur dans les affaires intérieures du patriarcat de Romgla. Ses lettres renferment des avis, des conseils, voire même des représentations; il traite le catholicos, il est vrai, comme un égal, mais on découvre aussitôt qu'il prétend le dominer des hauteurs de sa sagesse et des retranchements de sa prudence. Toutefois, malgré les défauts que nous venons de signaler dans Michel, nous devons dire que c'était un homme vraiment remarquable pour son siècle. Ses contemporains apprécièrent son mérite et ses vertus et lui décernèrent les titres de vénérable et de grand*. Aboulpharadj en a fait le plus grand éloge en ces termes : (L o fLo . ?Ms Uptoo Ï2^eono Joci ^uasao IA-L^D ZJZG foci Ulb Moi ju^ 001 .JciJL? îZçi*o \JSSÎAj itn-àie o . Jioàcul o foci 4uSmo . fov^l « C'était en effet un homme de glorieuse mémoire, très versé dans les Saintes « Écritures, d'un aspect vénérable, d'une belle physionomie; ayant la parole « agréable et facile, assidu au travail et le jour et la nuit; il laissa des livres « admirables à la sainte Église de Dieu » 3 . Tels sont les détails que nous avons pu rassembler sur la vie de Michel ; nous allons maintenant parler de ses écrits, dont la plus notable partie nous est parvenue, soit en langue syriaque, soit en arménien. 4 Cf. Assemani, Bibl. OrientT.II,pg. 1S4. 2 Cf. Cod. Echeil. n.® S. f.° 186 ; Oratio Bar S alibi, dans Assemani, Biblioth. OrientT. II,

pg. 15h-, 170, 5. 3 Assemani, Bibliot. Orient., T. II, pg. 368 et suiv.

7 §. II. Différents ouvrages de Michel; livres qui lui sont attribués. — Valeur historique de sa Chronique. Si l'on s'en rapporte au témoignage de J. S. Assemani, qui connaissait d'une manière si parfaite et si approfondie, la langue et la littérature de sa patrie, et dont la « Bibliothèque orientale » est la mine la plus riche en fait de documents tirés des manuscrits syriaques, le patriarche Michel serait l'auteur de plusieurs ouvrages, dont quelques-uns sont encore aujourd'hui en usage parmi les Jacobites. Michel passe en effet, aux yeux de ses coreligionaires pour avoir révisé le Rituel et le Pontifical de l'église jacobite 2 , et pour avoir coordonné ces deux livres dans un ordre systématique et raisonné, qui les firent admettre de suite par le clergé national, à l'usage duquel ils étaient plus spécialement destinés. Cette révision ne constitue pas seulement le seul travail littéraire de Michel; il. composa aussi une Liturgie, Anaphora, ÎJ,Q_S?JJÎ, qui présente ceci de singulier, que les prières sont disposées selon l'ordre des lettres de l'alphabet syriaque 5 . L'abbé Renaudot, savant oratorien que le pape Clément XI honorait de son amitié, traduisit en latin cette liturgie 4. Michel passe encore pour être l'auteur d'un Traité sur la préparation au sacrement de la communiond'un recueil de CanonsG et de quelques poésies religieuses, notamment d'un panégyrique en vers de Bar-Andréas, du couvent de S.1 Anania, personnage célèbre par ses vertus 7 , et d'un éloge sur la constance à la foi, d'une jeune fille qui, ayant refusé d'embrasser l'islamisme, à Mossoul, où elle fut emprisonnée, entra ensuite dans un monastère à Jérusalem 8 . Mais les ouvrages qui appartiennent en propre au patriarche jacobite, et sur lesquels on ne peut avoir de doutes quant à leur auteur, sont ceux-là même que les traducteurs arméniens nous ont conservés et transmis, en les faisant passer dans leur idiome, et dont les originaux en langue syriaque sont aujourd'hui perdus. De ce nombre, sont la Chronique et le Traité des Insti1 Cf. Cod. Echell., n.° 4, f.° 1. 2 Assemani, Bibl. Orient., T. II, pg. 155. 3 Cf. Cl. Edenens., ch. 7, de hœret. anaphorarum auctor., num. 6. — Schulting, T. III, pg. 106, n.° 34. — Renaudot, Litur. orient., T. II, pg. 4 4 8 . 4 Litur. orient T. II, pg. 458.

5 Renaudot, T. II, pg 50, 448. — Assemani, T. II, pg. 455. 6 Aboulpharadj, in Nomo canone. — Assemani, T. II, pg. 155, 3 0 2 , 3 6 3 . 7 Assemani, Bibl. Orient. T. II, pg. 362. 8 Aboulpharadj, Chron. Syr. dans Assemani, Bibl. Orient., T. II, pg. 451 et suiv.

8 tutions sacerdotales et des origines du sacerdoce, avec la Profession de foi jacobite. Ce dernier ouvrage que Michel annonce être en préparation, à la fin de sa Chronique, est resté inachevé. Les traducteurs arméniens ont essayé de le compléter, en y ajoutant quelques détails; mais l'œuvre originale n'a rien gagné à ces additions postérieures, et il est probable que Michel est mort avant d'avoir pu terminer son livre. Enfin, pour compléter ce qui nous reste à dire des travaux littéraires de Michel, nous mentionnerons encore la transcription, tout entière de sa main, des Saintes Écritures en syriaque \ Revenons à l'œuvre capitale de Michel, la Chronique universelle, dont nous avons fait une étude spéciale, et qui est un document précieux, tant à cause des renseignements qu'elle fournit sur l'Orient, qu'en raison des détails particuliers qu'elle nous donne sur l'époque des Croisades. La Chronique de Michel, comme la plupart des écrits historiques du moyen-âge, prend pour point de départ l'origine du monde, selon les traditions bibliques, et se termine à la fin du XII e siècle de notre ère. Pour ce qui est des temps antérieurs à la venue du Christ et même jusqu'au YP siècle, l'auteur s'est contenté de donner des abrégés chronologiques qui n'offrent pas, il est vrai, un grand intérêt, mais qui contiennent cependant de temps à autre, des renseignements utiles à consulter. Ce "n'est guère qu'à partir du VIe siècle, que Michel devient réellement chroniqueur, et qu'il entre dans des détails étendus sur les faits dont il fut presque le contemporain, et sur les événements qui s'étaient accomplis alors que la tradition n'avait pas subi encore les graves altérations que le temps fait éclore dans la mémoire des générations. La Chronique de Michel a déjà, à ce que l'on assure, été traduite en latin, par un professeur arménien de Russie, M. Nazarian, qui n'a pas jugé à propos de communiquer son travail au public, et a gardé son manuscrit en portefeuille 2 . En 1849, M. Dulaurier a publié dans le Journal Asiatique, un morceau peu étendu de la Chronique de Michel, accompagné de notes historiques. Ce fragment comprend le récit des événements accomplis depuis le règne de Justin I I , empereur de Constantinople, jusqu'à celui de Léon III l'Isaurien et embrasse un espace de cent cinquante ans environ. L'auteur de cette publication, qui commença à se faire connaître comme arméniste, en éditant'ce fragment de la Chronique de Michel, eut recours aux lumières d'un des savants Mékhitaristes, alors attaché à la direction du collège Mourad à Paris, qui l'aida puissamment dans ses études. Hâtons-nous de dire toutefois que, malgré la coopération du savant arménien auquel nous faisons allusion, la traduction de M. Dulaurier laisse à désirer, comme on pourra s'en assurer, en* comparant attentivement notre version avec celle qu'il a donnée dans le Journal Asiatique. 1 Assemanî, Bibl. Orien., T. II, pg. 283.

2 Brosset, Les Ruines d'Jni, Introduction, pg. IV.

9 Pour rédiger sa Chronique, Michel puisa à beaucoup de sources. Egalement versé dans la connaissance des idiomes grec et arménien, connaissant à fond les langues syriaque et arabe, le patriarche jacobite mit à profit sa vaste érudition, pour extraire des Chroniques rédigées dans ces différents idiomes, les matériaux qui devaient servir à composer son livre. La plupart des auteurs qu'il consulta sont aujourd'hui perdus, et c'est en cela que la Chronique de Michel est précieuse, puisqu'elle nous a conservé, sinon des fragments, du moins des passages abrégés de ces écrivains, dont les noms de quelquesuns nous sont même à peine connus. Michel a rappelé les noms de ces auteurs dans sa préface; ce sont: Anianus, f/hu/bnu, d'Alexandrie, Eusèbe Pamphile, évêque de Césarée, Jean d'Antioche, Théodore de Constantinople, Zacharie de Mélitène, Jean d'Asie, Goria, 7/«^*«/, ou Cyrus, S.1 Jacques d'Edesse, Denys de Tel-Mahr, Ignace de Mélitène, Slivéa(?) de Mélitène, Jean de Kessoun, Denys d'Alexandrie, et d'autres encore, dont les noms sont cités de temps à autre dans le cours de son livre. Ce qui rend encore la Chronique de Michel très-précieuse pour nous, c'est qu'elle fut ecrite avant celle qu'Aboulpharadj composa, et qu'elle contient des faits que ce dernier n'a pas recueillis, notamment tout ce qui a trait aux querelles religieuses provoquées par le concile de Chalcédoine. Toutefois, à part ces particularités, les deux Chroniques de Michel et d'Aboulpharadj présentent à peu près le même caractère, et servent à se contrôler mutuellement ; absolument comme la Chronique du connétable Sempad sert de complément et de contrôle à celles de Matthieu d'Edesse et de Grégoire le prêtre. Michel termine son histoire en Mi)(î, presqu'au moment où Léon II, maître de la Cilicie, alors occupée par les Arméniens, prit en main le pouvoir royal. Aboulpharadj lui sert de continuateur à partir de cette époque. Aussi, on comprend de quelle importance est pour l'histoire des Croisades, le récit de Michel, qui fut en partie témoin des faits qu'il raconte, et qui, en sa qualité de sujet des princes latins, dont il subissait la domination, n'avait aucun intérêt à rehausser ou à atténuer les victoires des Croisés. §. III. Les traducteurs de la Chronique et des œuvres de Michelj David vartabed, Vartan et le prêtre Ischôk. — Altérations et suppressions qu'ils ont fait subir au texte primitif. — Continuation de la Chronique par Ischôk. il paraît certain que plusieurs traducteurs travaillèrent, l'un après l'autre, à faire passer dans la langue arménienne la Chronique de Michel. Le premier qui avait entrepris cette tâche, mourut lorsqu'il était occupé à traduire la pre"2

10 mière partie de la Chronique. Ce traducteur est mentionné dans un mémorial spécial, intercalé entre la fin du règne de l'empereur Anastase et le commencement de celui de Justin le Thrace, et ne se trouve que dans un des manuscrits de S.1 Lazare de Venise. Il est dit dans ce mémorial, que « le tra» ducteur de cet ouvrage sublime, le très révérend docteur, le très estimé et » saint vartabed David, doit être rappelé dans les prières ! » On peut croire que ce mémorial a été placé à l'endroit de la Chronique, où on le lit aujourd'hui, par le second traducteur, qui consacra un souvenir à la mémoire de son prédécesseur, à l'endroit même de l'ouvrage où ce dernier avait cessé son travail. Le second traducteur est mieux connu que le premier, c'était un moine arménien, attaché à la personne du catholicos, à Romgla, et qui portait le nom biblique d'Ischôk, en hébreu , que les Arméniens ont transcrit, le plus souvent, sous les formes fjut^iu^ et jmtuÇiulf. Dans un long mémorial qu'il a placé à la fin de sa traduction du Traite de Sacerdoce, Ischôk nous apprend qu'il était prêtre et médecin, et qu'il traduisit les œuvres de Michel, du syriaque en arménien, en l'année 1248 de J. C. et 697 de l'ère arménienne, pendant le pontificat de Constantin Ier, catholicos des Arméniens, le règne de Héthoum Ier, deuxième successeur de Léon II, et le pontificat de Mar Ignace, patriarche des Syriens qui lui prêta le manuscrit sur lequel il exécuta sa version. Il termine en disant que c'est au château patriarcal de Romgla qu'il fit la traduction 2 . Aboulpharadj, qui nous a conservé, dans sa Chronique, de curieux détails sur la mort d'Ignace, nous a révélé en même temps des faits d'un intérêt immense touchant la Chronique de Michel et la petite bibliothèque que ce prélat avait emportée avec lui à Romgla, lorsqu'il quitta son siège, pour chercher un refuge auprès de Constantin, catholicos des Arméniens. Il paraîtrait, à ce que raconte Aboulpharadj, qu'à la mort d'Ignace, le catholicos Constantin, usant en cette circonstance du droit d'aubaine qui était en vigueur dans les états du prince d'Arménie et dont les Occidentaux obtinrent seulement le désistement en leur faveur dans le XIII e siècle 3 , il paraîtrait, dis-je, que Constantin mit la main sur tout ce que possédait Ignace, à Romgla, comme ses ornements et bijoux d'église, ses livres, à savoir : une 4 Ignace II patriarche des Jacobites, quitta sa résidence pour fuir les persécutions et les embûches d'un de ses évêques, nommé Aaron Tanzig, et se réfugia auprès de Constantin, à Romgla, qui le reçut avec honneur et auprès duquel il mourut, le 1 4 juin 1 2 5 2 . (Aboulpharadj, Chronique, dans Assemani, T . II, pg. 571-376. 2 M. Brosset assure avoir vu dans certains

msc. de Michel le syrien, conservés à la Bibliothëque du monastere patriarcal d'Edchmiadzin, des mémoriaux qui attribuent la traduction de la Chronique du patriarche jacobite à un certain Vartan vartabed. (Cf. 3 e Rapport sur un voyage dans la Géorgie et l'Arménie, pg. 43). Vartan était en effet un des traducteurs des écrits de Michel. 3 Cf. Cartulaire d'Arménie, pg. 3 9 .

u Chronique et un grand ouvrage sur l'Ordination (Chirotonia) etc. qu'il avait destinés par son testament, partie au couvent de Barsame et partie à son successeur. Ce curieux détail nous révèle donc l'existence à Romgla du manuscrit de la Chronique de Michel, qu'Ischôk nous dit, dans son mémorial, lui avoir été prêté par Ignace, et dont Constantin s'empara à la mort du patriarche syrien. Un autre détail non moins curieux, que nous transmet Aboulpharadj, est celui qui a trait au second ouvrage, auquel Assemani donne le nom de Chirotonia. Selon Aboulpharadj, parmi les objets légués par Ignace à son successeur, se trouvait « un grand livre sur l'Ordination3 écrit tout entier de la main « du patriarche Michel le Grand » 2 . Cet ouvrage ne nous paraît pas devoir être autre chose que le Pontifical ou bien encore le Traité des Institutions sacerdotales, qu'Ischôk traduisit à la suite de la Chronique, et dont il n'existait pas d'autre copie, puisque les Syriens n'ont pas connu cet ouvrage, qu'Assemani lui-même n'indique pas dans la série des œuvres de Michel. L a perte du texte original de la Chronique de Michel, qui a dû disparaître lors de la prise et du pillage de Romgla par les Égyptiens, en 1298, ne nous permet pas d'apprécier avec exactitude les altérations que cet ouvrage a subies, en passant sous la plume des traducteurs; mais ce qui est hors de doute, c'est qu'il existe dans l'arménien des passages obscurs, des noms d'hommes et de localités altérés, souvent même méconnaissables. Sans doute, la faute n'en est pas tout entière aux traducteurs, et l'on doit surtout accuser de ces erreurs les copistes, dont l'ignorance leur faisait commettre des fautes très-graves et fort préjudiciables à l'intelligence du texte. Toutefois beaucoup de ces noms altérés ont pu être corrigés au moyen des passages correspondants d'autres chroniques syriaques, mais nous avons été quelquefois arrêté par des difficultés insurmontables. Cependant, ce qui est plus grave encore, ce sont les suppressions que les traducteurs ont faites dans leur version, soit que certains passages leur aient semblé superflus, soit enfin qu'ils aient été arrêtés par des difficultés grammaticales et qu'ils n'aient pas compris le sens de certaines phrases. Nous trouvons la preuve de ces suppressions dans le texte même de la Chronique syriaque d'Aboulpharadj, qui invoque à plusieurs reprises le témoignage de Michel, et reproduit des passages de la Chronique du patriarche syrien qu'on ne trouve pas dans la version arménienne ; tandis que d'autres paragraphes, extraits de cette même Chronique, sont donnés in extenso, et traduits pour ainsi dire mot à mot. Ainsi par exemple, nous avons recueilli dans Aboulpharadj, quatre passages qu'il dit avoir empruntés au texte de la Chromai Assemani, Bibliot. OrienT.

II, pg. 376.

2 Assemani, Bibliot. Orien., T. II, pg. 376.

il que de Michel et qui ont été supprimés par le traducteur. Dans le premier de ces passages, Aboulpharadj1 cite le témoignage de Michel, à propos de la guerre de Romain Diogène et du sultan Alp-Arslan. Selon Aboulpharadj, Michel aurait raconté dans sa Chronique, que lors de la prise de Diogène par les soldats du sultan, l'empereur fut conduitvdevant son vainqueur qui lui demanda ce qu'il aurait fait de lui s'il fut tombé entre ses mains ? L'empereur n'aurait pas hésité à répondre au sultan qu'il l'aurait fait brûler vif. — Le second passage 2 a trait à Gazi, fils de Danischmend. Selon Aboulpharadj, Michel se serait trompé en disant que ce fut ce prince qui vainquit les Franks et tua Roger, seigneur d'Antioche ; car d'après lui, ce fut Gazi, fils d'Ortok, seigneur de Mardin, auquel revient l'honneur de cette victoire. — Le troisième passage 3 a trait à la mort du khalife Mosthader et à l'avènement de son fils Mostarched. —Le quatrième 4 se rapporte à la Croisade de Louis VII et de l'empereur Conrad. Aboulpharadj raconte, en s'appuyant de l'autorité de Michel, que l'émir de Damas, se voyant attaqué par les Franks, éloigna avec de l'argent le roi de Jérusalem, en lui comptant 200,000 pièces d'or fausses, en même temps qu'il donnait 50,000 dinars également faux au comte de Tibériade. Ceux-ci ne s'aperçurent de la fraude qu'après qu'ils se furent éloignés, ainsi qu'ils en étaient convenus. — Ces quatre passages ne se trouvent plus aujourd'hui dans les versions arméniennes de la Chronique de Michel. Toutefois, on ne saurait douter qu'Aboulpharadj a fait ces emprunts au texte de Michel, puisque dans d'autres passages, où il invoque le témoignage du patriarche jacobite, nous trouvons, ainsi que nous l'avons dit plus haut, des paragraphes tout entiers reproduits mot à mot. Nous citerons notamment, les détails relatifs à l'assassinat de Nicéphore par Jean Zimiscès, qu'Aboulpharadj repousse comme erronés 8 ; les appréciations de Michel sur le peuple désigné par Ezéchiel sous les noms de Gog et Magog 6 ; la date de la prise d'Ascalon par les Franks, en 1465 de l'ère syrienne, date qu'Aboulpharadj dit être 1464 7 j enfin les détails du tremblement de terre du 20 juin 1170, c'est-à-dire du 12 e jour du 10e mois de l'année de l'hégire S6S, qui bouleversa Antioche, Alep, Baâlbek, Emèse et d'autres villes, et dont Aboulpharadj emprunte textuellement le récit à Michel, qui fut un des témoins oculaires de cette catastrophe, alors qu'il célébrait l'office divin dans l'église du couvent de Mar Anania 8 . Nous avons dit dans le §. Ier que Michel était mort en 1199, tandis que la traduction de la Chronique qui porte son nom, dépasse de beaucoup cette date, puisque la série des événements se prolonge jusque vers la fin du règne de 1 2 3 4

Chron. Syr., pg. 270. Aboulpharadj, Chron. Syr., pg. 306. Idem, pg. 310. Idem, pg. 340.

5 6 7 8

Chron. Syr., pg. 206. Idem, pg. 234. Idem, pg. 349. Idem, pg. 370.

er

n

Héthoum I roi d'Arménie. Il est donc hors de doute que le traducteur Ischôk a continué la Chronique de Michel jusqu'au moment même où il en termina la traduction, en 124«. Il en est de même du Traité du Sacerdoce que Miche! n'a pas achevé, puisqu'Ischôk, après avoir terminé la traduction de la partie, existante de ce livre, prend la parole en ces termes : « Nous qui avons dépassé [cette époque] et qui avons été témoin des événements accomplis dans la suite, nous en continuons le récit jusqu'à nos jours » ; et en effet, le traducteur achève de donner la liste des catholicos arméniens, interrompue après Nersès IV, et mentionne Grégoire IV, Degha> et Grigoris ou Grégoire V, Karavège, puis Grégoire VI, Abirad, Jean VII le Magnifique, et enfin Constantin Ier son contemporain, dont il célèbre les vertus et la sollicitude pour tout ce qui regarde les œuvres pieuses et les besoins de l'Église. Il ajoute même que « ce pontife légua au trésor de l'Église [de Romgla], la Chronique de Michel, dont il avait fait faire la traduction du syriaque en arménien ». L a continuation de la Chronique de Michel, ou plutôt la péroraison d'Ischôk, est loin d'avoir autant d'intérêt que le reste de l'ouvrage, et il est facile de voir que le traducteur n'a eu simplement en vue, dans son addition, que de compléter sommairement la succession des souverains de la Cilicie, et de glisser quelques louanges à l'adresse des monarques Roupéniens ses seigneurs directs. Ischôk ne dit rien en effet des événements qui s'accomplirent durant la première moitié du XIII e siècle, et on ne trouve pas dans son addition, un seul mot qui ait trait aux Franks et aux Arabes. Il en est de même de la péroraison, dont le traducteur a fait suivre la liste des catholicos arméniens, qui termine l'œuvre inachevée de Michel sur le Sacerdoce. Après avoir parlé en quelques mots des successeurs du patriarche Nersès IV, Ischôk arrive à Constantin Ier, dont il fait l'éloge le plus pompeux; puis quittant le terrain de la flatterie, il entre brusquement dans celui de l'élégie, dont le style est familier aux écrivains de cette époque ; il parle des invasions turques, des dévastations que ces hordes barbares envoyées par la colère de Dieu, ont causé en Arménie ; il reproche à ses compatriotes leur peu de foi, les engage à faire pénitence pour calmer les coups dont la Providence les a frappés, et termine en appelant, sur le catholicos et sur le roi, les bénédictions du Seigneur. Disons maintenant un mot du mode de datation employé par Michel dans sa Chronique. A l'exemple de ses prédécesseurs, cet écrivain s'est servi de l'ère syrienne ou des Séleucides, dont le point initial est l'an 312 avant notre ère. Malheureusement les copistes qui manquaient des éléments nécessaires pour faire correspondre ces dates avec celles de l'ère arménienne, qu'ils ont intercalées dans le texte de Michel, ont commis des erreurs très-graves, et leurs calculs présentent un écart de concordance de plusieurs années. Ces erreurs ne sont pas du fait d'ïschôk, qui disposait de tous les éléments néces-

a

saires pour fixer exactement ses dates chronologiques, et les copistes seuls en sont responsables, car tous les manuscrits présentent des variantes très différentes. Ces dates interpolées dans le texte de Michel, permettent de supposer, que les copistes ont peut-être aussi ajouté des passages relatifs aux Arméniens, car on trouve, à plusieurs reprises, certains détails qui dénotent une intention arménienne, à en juger par l'exagération d'un amour-propre national qui n'aurait pas sa raison d'être de la part d'un syrien. La longue tirade en l'honneur de Léon II et d'Héthoum, qui se lit à la fin de la Chronique, est également une interpolation d'Ischôk, bien que la péroraison de l'ouvrage soit l'œuvre personnelle de Michel, qui termine sa Chronique, en annonçant son intention d'écrire « l'Histoire des Institutions sacerdotales. »

Des manuscrits

de la Chronique de Michel le Syrien.

Les manuscrits de la Chronique de Michel ne sont pas rares dans les grands dépôts littéraires de l'Europe et même de l'Orient. M. Brosset qui a rédigé le catalogue historique de la bibliothèque du monastère patriarcal d'Edchmiadzin, dans la Grande-Arménie a signalé huit exemplaires de cet ouvrage, à savoir: les n.0s 1, 12, 26, 28, 36, 37, 50 et 58 du répertoire historique dressé par le père Chahkhatounoff. On conserve à la bibliothèque de l'Académie des Sciences de S.1 Pétersbourg, un très-bon manuscrit de la Chronique de Michel, qui a été cédé à ce corps savant par le vartabed Chahnazarian. La bibliothèque du patriarcat arménien grégorien de Constantinople possède également plusieurs manuscrits de Michel. Le monastère de S.1 Lazare de Venise est, en Europe, l'un des établissements les plus riches en fait de manuscrits arméniens, et on conserve dans la bibliothèque du couvent plusieurs exemplaires des œuvres de Michel le Syrien. Deux de ces manuscrits qui m'avaient été obligeamment communiqués par Sa Grandeur Mgr. G. Hurmuz, archevêque de Siounie et abbé-général de la Congrégation Mékhitariste, m'ont été très-utiles pour mon travail. L'un de ces manuscrits surtout est excellent ; malheureusement il est incomplet de quelques feuillets, et une main moderne a remplacé les pages manquantes, au moyen d'un exemplaire défectueux et incorrect. Ce manuscrit provient de la Grande-Arménie et a été rapporté par le R. P. Nersès, le savant éditeur des œuvres des Pères de l'Église, conservées en arménien. 1 3.® Rapport sur un voyage en Géorgie, page 42.

15 La bibliothèque impériale de Paris ne possède qu'un seul exemplaire de la Chronique de Michel; c'est une copie moderne, et qui renferme au dernier folio, un mémorandum dont voici la teneur 1 : « Cette histoire et ce sermonaire ont été transcrits en l'année de l'ère arménienne 1170(1720-1721 de J. C.), dans la villle de Constantinople, par le pêcheur Grégoire le prêtre, sous le patriarcat du seigneur Jean, et sous le règne du sultan Achmet. » Ce manuscrit présente quelques lacunes, surtout au commencement, et paraît avoir été copié sur un texte peu fidèle, car les noms propres d'hommes et de localités ont été étrangement défigurés. Notre intention avait d'abord été de publier les deux ouvrages de Michel, c'est à dire sa Chronique et son Traité de Sacerdoces mais en présence des théories développées dans le second de ces écrits, nous avons cru prudent de n'en donner que la partie purement historique et chronologique. Il n'était pas nécessaire du reste, de répandre, dans un livre qui ne s'adresse qu'à des érudits, une série d'attaques violentes dirigées contre le concile de Chalcédoine. Notre texte a été fait à l'aide de trois manuscrits, deux appartenant au monastère de S.1 Lazare de Venise, et le troisième qui fait partie du fonds arménien de la bibliothèque impériale de Paris, n.° 90. Quant à la traduction, nous l'avons soumise à l'appréciation d'un des jeunes savants de la Congrégation Mékhitariste, le R. P. Sukias Baron, qui a bien voulu se charger de comparer les textes, travail délicat et minutieux dont le mérité lui revient tout entier. La Chronique de Michel, de même que toutes les compositions du même genre, exécutées au moyen-âge en Orient, présente de grandes obscurités et giisse souvent avec trop de facilité sur des faits importants qu'il est bon de connaître. Afin de remédier à cet inconvénient, qui laisse souvent l'attention du lecteur en suspens, nous avons annoté les passages obscurs, développé les points historiques trop abrégés, au moyen des chroniques syriaques, arméniennes , arabes et byzantines, et rectifié enfin certaines données erronées de l'auteur. Nous croyons avoir rendu un service à l'histoire et aux études orientales en faisant connaître pour la première fois dans son ensemble, une Chronique, dont le texte n'a jamais été publié et dont la traduction n'existe dans aucun idiome européen. Le public lettré nous tiendra compte, nous l'espérons du moins, des efforts que nous avons faits, en vue de donner une édition, aussi correcte que possible, d'un ouvrage dont le texte original est à jamais perdu. 4 Ane. fonds arménien, n.° 90, f.° 419, V.° rjut^i l|/ïuini«Î»^Îiot_uj0^u , cLbnuitfp. Jhqui„ J^^jç. t^pbgiuL. uf «' m i/tn ll'f.p u II. Jtmpnq^ il finpin uit;p ^.pfiq.npfi'b . IL uiniuiijnpifiii^

ttW'P" '"Ju ' 'fi P'tlutljUM'bnLpltuiliu ^utjng pbtutii Qn tjutiiii I; u \\juprf unijfïmfib , 'fi ffw^ (j^lf surnomCelte ville qui faisait partie de la principauté m é docteur de Hira, S^KS» *JLuuo, par le ned'Antioche, était située entre Valanie et Laostorien Amrou (Assemani, T. II, pg. 4 1 2 , et dicée, et ne doit pas être confondue avec GiT . Ill, P. I, pg. 1 7 0 ) , est surtout connu sous blet, l'ancienne Byblos, dans le comté de Trile nom de Cyrus. Il était disciple du patriarche poli. Mar Abbas, et écrivit dans le courant du V I e 5 Théodore le lecteur, ainsi appelé parce siècle. qu'il était lecteur de l'église de Constantino7 Jacques, évèque d'Edesse, surnommé le ple, vivait au V I e siècle, et composa deux Hi- commentateur f tru'V?, est regarde par stoires ecclésiastiques, l'une qui commençait en les Syriens comme un des saints de leur Eglil'an 2 0 de Constantin le Grand et se terminait se. Il vivait dans le VII e siècle, et composa un à la mort de cet empereur ; l'autre qui s'éten- grand nombre d'ouvrages, parmi lesquels on dait depuis la fin du régne de Théodose le cite sa Chronique, intitulée ?..*-.s>| v^PÀ—n ...te, Jeune jusqu'au commencement de celui de Jus- (Assemani, T. I, pg. 4 6 8 et suiv.).

diacre \ qui raconte les événements survenus depuis Maurice jusqu'à l'empereur byzantin Théophile et jusqu'au règne de Haroun, khalife des Arabes ; Ignace, évêque de Mélitène2, Slivéa, prêtre de la même ville5 ; Jean de Iiessoun 4 et Denys d'Alexandrie, fils de Saliba8, qui composèrent des résumés historiques depuis Adam jusqu'au temps où ils vécurent. Nous aussi, avec l'aide du Seigneur, en entreprenant des travaux analogues, nous nous efforcerons de former avec la trame de leurs écrits et de ceux d'autres auteurs profanes, le tissu de notre histoire, en l'émaillant de couleurs empruntées aux plus belles fleurs, pour la gloire de Dieu. Les esprits critiques ne doivent pas s'étonner de trouver dans la supputation des temps, des intervalles d'années plus ou moins longs, car nous rencontrons beaucoup de divergences dans la version des Septante et dans les écrits d'autres interprètes, et notamment dans la traduction que le roi Abgare fit faire par ordre de Saint Thaddée. Cette version fut revisée par Jacques d'Édesse 6 1 Denys de Tel-Mahr, V* s»QjJDalJaà? cha à établir l'union entre les deux églises qui devint patriarche d'Antioche (jacobite) et grecque et arménienne. (Bibl.vet. Patr., T. IV. qui florissait dans la seconde moitié du VIII e — Max. Bibl. vet. Patr., T . XXII). Assemani siècle (Assemani, T. II, pg. 98 à H o ) , n'était le cite avec éloge [Bibl. Orien., T . II, pg. 364). encore que diacre, lorsqu'il composa sa Chroni5 On ne sait rien de Denys, fils de Saliba, que et. des Annales qui embrassent l'histoire qui est considéré comme l'un des principaux des événements accomplis depuis l'origine du historiens syriens. M. Néve nous a fait connaîmonde jusque vers la fin du siècle où il vécut. tre, d'après M r Beelen, le savant éditeur des Sa Chronique a été publiée par fragments par Lettres de S.1 Clément Romain sur la virginité, Assemani dans sa Bibliotheca Orientalis, et la (prolégomènes, pg. LV et LVI) la valeur qu' première partie in extenso par Tullberg, à Up- attachent les Syriens»aux écrits de cet auteur. sal, en 1850 (un vol. in 4°, texte et index). (Cf. Coup d'œil sur les monuments du Chri2 Ignace, métropolitain de Melitëne, est stianisme primitif publiés en syriaque, pg. 21, cité également par Aboulpharadj, dans sa dans les Annales de Philos, chrét., T. XIII, Chronique syriaque. Il était contemporain de avril 1856). Michel le Syrien, et mourut en 1094 (Asse6 La version syriaque de la Bible, telle que mani, T . II, pg. 212). Tous ses ouvrages sont nous la possédons aujourd'hui, est celle qui perdus. porte le nom de Peschito (simple), et qui fut 3 Le nom de Slivéa, que quelques manu- faite sur l'hébreu pour l'Ancien Testament, et scrits nous donnent sous la forme Livi, est peut- sur le grec pour le Nouveau. Ce texte est le être une altération des appellations Saliba ou plus ancien monument connu de la littérature Scialita, en usage parmi les Syriens, notam- syriaque, et bien que l'époque de sa rédaction ment à l'époque de Michel. Assemani cite plu- soit difficile à fixer, il parait à peu prés certain sieurs personnages qui portaient ces noms. (Cf. qu'il fut écrit à Edesse, dans le courant du II e l'index à la fin des volumes de la Biblioth. 0- siècle de notre ère. (Cf. Renan, Histoire des lanrient.). gues sémitiques, liv. III, ch. III, | 2, pg. 2 6 3 e 4 Jean, évêque de Kessoun, , epis- de la 3 édit. — Cureton, Remains of a very eopus Chisumensis ou Cessunii, comme le qua- antient recension of the four Gospel in sytiac, lifient les écrivains latins, vivait dans le XII e (Londres, 1858). — F.Néve, L'Église d'Orient siècle. Il est mentionné dans le récit de la con- et son histoire, pg. 5 et suiv., dans les Annal, troverse qui eut lieu entre Théorien, envoyé de Philos, chrét. 1860.— Le même, De la rede l'empereur Manuel Comnène, et Nersès IV, naissance des lettres syriaques, pg. 9 et suiv., patriarche d'Arménie, lorsque ce prince cher- dans le même recueil. 1854).

21 qui se fît juif, supposant que les Juifs, par jalousie, n'avaient pas voulu communiquer tous leurs livres aux païens. À quoi bon s'étonner, puisque c'est le Seigneur qui a dit que, tous les hommes commettront des erreurs dans le calcul des heures et du temps, et que c'est le Créateur seul qui le tient dans ¡¿a puissance et en est le dispensateur 1 . Commençons donc notre ouvrage par Adam, souche de l'humanité; et tout d'abord signalons la divergence 2 des historiens dans la supputation du temps, en restant toutefois ferme dans la foi. D'après la version des Septante, Adam âgé de 230 ans, engendra Seth, et vécut encore 4 6 0 ans. Sa vie dura en tout 9 3 0 ans, et se termina à la 138 e année de Malaléel. Adam était donc mort 6 0 ans avant la naissance d'Enoch. Cependant il y a une erreur très-grave dans ces calculs : d'après la version d'Abgar, usitée chez le Syriens, Adam, alors âgé de 2 3 0 ans, engendra Seth et vécut encore 7 0 0 ans; donc la durée totale de sa vie a été de 9 3 0 ans. Anianus cite un passage du livre d'Enoch 5 qui dit que 70 ans après qu'Adam fut sorti du Paradis Terrestre, il connut Eve et engendra Caïn, et que 7 ans plus tard, il engendra Abel. Ce dernier, à l'âge de 53 ans 4 , fut tué par Caïn, et ses parents le pleurèrent durant l'espace de 100 ans. Ensuite Adam engendra Seth, l'enfant de la consolation. Madidime (Méthodius) de Patara 3 ajoute qu'Adam, 30 ans après sa sortie du Paradis Ter1 « Non est vestrum nosce tempora vel momenta, quœ Pater posuit in sua potestate ». Act. Apost. I. 7 . — Rapprochez le passage de Michel de celui d'Eusèbe, Chronique, édit. Aucher, T . I, pg. 5. 2 L'original dit concordance, Jftuipuihm Pf.i-1r. 3 Le Livre apocryphe d'Enoch qui est cité dans l'Epître de S. 1 Jude (14-15), n'a été connu pendant très-longtemps, que par des passages intercalés dans les œuvres des anciens auteurs ecclésiastiques, et uotamment par deux fragments grecs, insérés dans les écrits de Cédrénus et du Syncelle. Bruce, le premier, fit connaître à l'Europe savante le livre d'Enoch, dont il rapporta trois manuscrits découverts par lui en Abyssinie Depuis lors, cet ouvrage n'a cessé d'être l'objet de recherches curieuses et de publications importantes, dues à la plume des Silveslre de Sacy, des Laurence, des Hoffmann, desEwald,desGfrœrer et des Dillmann. Originairement écrit en hébreu, ou en hébreu araméen, à l'époque des Machabées, le Livre d'Enoch fut traduit en éthiopien, dans le courant des IV e et V e siècles. Fabricius, (Codex pseu-

doepigraphus Vel. Test., T. I, pg. 160-223) donne une liste assez longue des anciens auteurs ecclésiastiques qui ont parlé de ce livre dans leurs écrits ; mais il y aurait encore tout un travail à entreprendre sur ceux qui ont fait usage de ce texte apocryphe sans le citer. Au IV e siècle, l'Eglise laline cessa de s'occuper du Livre d'Enoch, mais jusqu'au VIII e siècle, les Grecs et les Syriens continuèrent à y puiser des renseignements. Toutefois, on peut supposer, d'après les paroles mêmes de Michel le Syrien, que les chroniqueurs de cette époque, et notamment Aboulpharadj (Chr. Syr., pg. 1), n'avaient pas sous les yeux le texte du Livre d'Enoch, car il ne cite cet écrit que d'après Anianus, ce qui donnerait à penser que, de son temps, ce livre n'était plus très-répandu en Syrie, et même que le texte hébreu était déjà perdu. 4 13 ans selon quelques-uns. 5 Le nom de Madidime est une altération de celui de Méthodius, surnommé Eubulius. Méthodius fut successivement évêque d'Olympe, de Patara et de Tyr, et ensuite exilé par les Ariens; il souffrit le martyre en 312. Au-

n restre, engendra Caïn avec Guilima (Climia) sa sœur ; qu'après un pareil laps de temps, il engendra Abel avec Abéla sa sœur; qu'Abel fut tué 130ans après, et qu'enfin Adam engendra Seth, dans la 230 e année de sa vie Ceci explique la concordance chronologique des récits. Seth âgé de 205 ans, engendra Enos; tandisque ce fut à l'âge de lr>0 ans, selon les Syriens, qu'il lui aurait donné naissance. Selon les Grecs, la durée totale de sa vie aurait été de 970 ans. Enos, âgé de 190 ans, engendra Caïnan, selon l'Africain; mais, d'après les Syriens, il lui aurait donné naissance à l'âge de 150 ans. Enos, en témoignage de son respect pour la loi naturelle, pratiqua la vertu et l'enseigna à ses enfants. Il invoqua avec confiance le nom du Seigneur Dieu pour qu'il secondât ses bonnies intentions. Ses enfants et ses frères instruits par lui, ayant gardé le souvenir de la vie d'Eden et renonçant au mariage, au nombre de 200, se retirèrent sur le mont Hermon, où ils vécurent dans l'abstinence, en pratiquant les vertus célestes; c'est pour cette raison qu'ils s'appelèrent les Enfants de Dieu 2 . Enos vécut en tout 930 teur de beaucoup d'ouvrages, Méthodius n'a tique (1853), la fille d'Adam est appelée aussi cependant pas composé tous les écrits qu'on Lébuda. C'est une allusion à une fable adoptée lui attribue dans les anciennes Bibliothèques par les Grecs et les Orientaux, d'après laqueldes Pères, et qui sont considères comme apo- le Ëve aurait donné le jour à Caïn, à Abel et cryphes par les critiques. On n'est pas encore à deux filles Cahnana et Lébora. Adam voulut parvenu à déterminer au juste l'époque de la que chacun de ses deux fils épousât la jumelle rédaction des prophéties qu'on lui attribue, et de son frère; mais Caïn, mécontent de cet arqui sont l'œuvre d'un anonyme qu'on a coutu- rangement qui donnait la plus belle femme à me de désigner sous le nom de Pseudo-Métbo- son frère, conçut de la haine contre Abel. Cetdius.(Cf. Monumenta patrum orthodoxographa, te fable a été admise par Méthodius, Michel le Bâle, 1555, T. I, pg. 95-115, et les édit. de Syrien, Eutychius, Aboulpharadj et Vincent de Vet. Cologne, 147$ (?) et de Bâle, 1498). M. Bros- Beauvais (Fabricius, Cod. pseudoepigr. Test., T. I, pg. 109 et suiv., et T. II, pg. 44). Les set a donné, dans sa traduction de l'Histoire de la Siounie, par Et. Orbélian, une note trés-dé- Grecs nomment la jumelle d'Abel, Aefiopx ou taillée sur Méthodius (pg. 94, note 2) ; nous y As(3opa; Eutychius donne la leçon Laphara. S.' Irénée etS. l Epiphane mentionnent ces rêveries renvoyons le lecteur. 1 Tout ce passage est reproduit dans la et les attribuent auxgnostiques et aux sèthiens Chronique syriaque d'Aboulpharadj , (pg. 3) (Fabricius, op. cit., T. I, pg. 125 et 128). Les qui dit : « Selon Méthodius, [Adam], trente ans Arméniens, qui ont également fait usage de » après sa sortie du Paradis [Terrestre], engen- sources apocryphes dans leurs chroniques, men» dra Gain avec Climia, o, sa sœur ; et tionnent les noms des femmes des premiers » trente années après, il engendra Abel avec patriarches depuis Seth jusqu'à Nachor ; on les » Lébuda, frcua !S>, sa sœur. Lorsqu'Adam é- trouvera rappelés dans les ouvrages de Vartan » tait âgé de 130 ans, Abel fut tué. A l'âge de l'Historien, Mékhitar d'Aïrivank, et Samuel » 230 ans, Adam engendra Seth. » Ce passage d'Ani. Mais ces appellations sont de pure inest également reproduit dans Y Histoire des dy- vention, et ont été empruntées, soit aux livres nasties d'Aboulpharadj (pg. 4). Dans un livre apocryphes de l'Ancien Testament, soit aux gnostique intitulé: Apocalypse d'Adam ou bieu auteurs chretiens, soit enfin aux rabbins juifs. encore Testament d'Adam, dont M. Renan a 2 Cf. Aboulpharadj (Chron. syr., pg. 3 et 4) publié le texte syriaque dans le Journal Asia- où le même fait est raconté en abrégé. — Voir

1

n

ans et mourut. Caïnan, âgé de 170 ans selon le!s Septante, engendra Malaléel; selon les Syriens il ne l'eut qu'à 70 ans. La durée de toute sa vie fut de 8S0 ans. Malaléel âgé de 165 ans engendra Jared; au dire des Syriens, il ne l'eut qu'à 67 ans, et mourut après avoir vécu 897 ans 2 . Jared âgé, selon les Septante, de 162 ans, engendra Enoch, tandis que selon les Syriens, il n'avait que 6-2 ans. Toute la durée de sa vie fut de 962 ans jusqu'à la «Î00e année de Noé. Sa 40e année correspond à l'an 1000 depuis la sortie d'Adam du Paradis Terrestre. Dans cette période de temps, il n'y avait point de rois, parcequ'Adam, premier homme, dirigea l'humanité jusqu'à la 135e année de Malaléel, et mourut 30 ans 3 avant la naissance de Jared. Seth avec sa descendance, ne se mêla point avec la race de Caïn, d'après l'ordre que le Seigneur lui avait donné. Mille ans après, les descendants de Caïn, se donnèrent un roi nommé Samiros \ Vers ce temps-là, les enfants de Seth, qui habitaient sur le mont Hermon, fatigués de l'existence angélique qu'ils menaient, quittèrent leurs demeures, à ce que raconte Anianus, qui emprunta ce récit au Livre d'Enoch Leurs frères s'indignèrent contre eux, les chassèrent, et ne voulurent point leur permettre de choisir de femmes parmi eux. Alors les enfants de Seth vinrent se mêler avec la race de Caïn et prirent des femmes à leur choix. C'est depuis ce moment que le mal commença à augmenter et à se répandre sur la terre : la prostitution, la violence, sources de guerres et de meurtres. En même temps, les enfants de Seth qui habitaient le troisième climat formant une partie de la terre, fondèrent aussi un état monarchique, et appelèrent au trône un certain Alorus G. Celui-ci découvrit le premier le nombre des signes aussi plus bas la note S qui explique ce pass a g e . — Aboulpharadj (Dynast, pg. 5) dit que ce fut la descendance de Selh qui alla sur le mont Hermon, mener la vie angélique, et pour cette raison, on nomma sa race les Beni-Elohim ou Fils de Dieu. 1 9 0 5 ans, 3 ms. 2 8 9 5 ans. 3 4 0 0 ans, 3 ms. 4 Aboulpharadj, ( Chr. syr. pg. 4). — Le nom de Samirus ou Samiron est une altération du fait des copistes de Michel, car Aboulpharadj donne la leçon Samiazos, «JDOIÊASÛI®, qui paraît meilleure. J'ignore à quelle" source ces chroniqueurs ont puisé les renseignements qu' ils donnent sur ce personnage. 5 Tout ce passage et ce qui suit, est en effet emprunté au Livre d'Enoch (Cf. chap. VII vers. 1 - 1 5 de l'édit. angl. de Laurence, intitulée The Book of Enoch the prophet, qui a été

publié en éthiopien par M. Dillmann (Leipsik, 1851). Ce chapitre, qui nous a été conservé également par le Syncelle, diffère sensiblement de la version de l'historien byzantin, ce qui est pour nous la preuve que le Syncelle s'est servi d'un texte différent de celui qui nous a été révélé par les publications de Laurence et de Dillmann, et qui n'était autre que la compilation d'Anianus, dont se sont également servis Michel et Aboulpharadj. Anianus lui-même avait sans doute sous les yeux une version grecque du Livre d'Enoch assez peu fidèle, et qui pourrait bien être la même que celle qui vient d'être retrouvée tout récemment. 6 La liste des dix rois chaldéens antédiluviens qui auraient régné successivement durant l'espace de dix années cosmiques est fabuleuse. Cette liste nous a été conservée par Bérose, historien chaldéen du IV e siècle avant notre ère, qui avait composé en grec une hi-

24 du zodiaque et des planètes, et calcula leur révolution. Il devint la souche du chaldéisme, et le pays prit le nom de Chaldée. Alorus régna 98 ans et 230 jours. Son fils Elph'ar (Alaspar) lui succéda et occupa le trône pendant -29 ans et 215 jours. Il fut remplacé par Almion (Amélon) le chaldéen, de la ville de Ph'outivion qui régna pendant 128 ans et 80 jours. Après lui, le chaldéen Aménon régna i 18 ans et 118 jours. Il eut pour successeur Amacar (Amécalar) le chaldéen qui occupa le trône 195 ans. Après lui régna pendant 98 ans et 80 jours Tinos (Daon), pâtre chaldéen. Vint ensuite Evtourinkos (Evédorac) qui gouverna pendant 177 ans et i97 jours. Puis Mampsios (Amempsinos), de la ville d'Anarkon8, qui régna 197 ans et 230 jours, auquel succéda Otiartos (Otiartès), originaire aussi de la même ville, dont le règne fut de 78 ans et 330 jours. Après, vint Khousouthros (Xisuthrus) son fils, qui occupa le trône pendant 178 ans et 195 jours. La durée des règnes de ces rois fut de 1180 ans et 205 jours, y compris le temps pendant lequel le trône fut occupé, et les interrègnes qui durèrent 106-2 ans, ce qui fait un total de 2242 ans " C'est vers ce temps-là qu'eut lieu le déluge universel.

stoire de son pays, aujourd'hui perdue. Quel- II, pg. 4 9 5 et suiv). Nous allons donner Torques fragments de cette histoire nous ont été thographe des noms de ces rois chaldéens, d'atransmis par Joséphe, Moïse de Khorêne, Eu- près le Syncelle, Eusèbe et Aboulpharadj, asèbe, le Syncelle, et ont été groupés par M. Ch. fin qu'on puisse juger des variantes que nous Müller, dans un chapitre spécial consacré à Bé- fournissent ces trois autorités : rose (Fragmenta historie, grœcéd. Didot, T. LE

SYNCELLE.

'ÂXc¿poç, ' A."kdnapoçr

EUSÈBE.

ABOULPHARADJ.

(Ed. Aucher, T. I, pg. 10-11, 46-47).

(Chr. syr. p. 4).

GCipoVÇ t » y . l

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