SALOMON ET SATURNE (French Edition) 250350423x, 250350423X, 9782503504230

Les dialogues de Salomon et Saturne emmnent le lecteur dans un monde religieux chrtien o se ctoient, s'entrecroisen

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SALOMON ET SATURNE (French Edition)
 250350423x, 250350423X, 9782503504230

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Salo mon et Satu rne

APOCRYPHES COLLECTION DE POCHE DE L'AELAC

Direction ALAIN DESREUMAUX ENRICO NORELLI

Volume 6

© 1995 Brepols Imprimé en Belgique DI 1995 ! 0095/36 ISBN 2-503-50423-x Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction (intégrale ou partielle) par tous procédés réservés pour tous pays

Salomon et Saturne Quatre dialogues en vieil-anglais Textes présentés, traduits et commentés par Robert Faerber Préface de Jean-Claude Picard

BREPOLS

APOCRYPHES COLLECTION DE POCHE DE L'AELAC

Volumes parus 1. L'évangile de Barthélemy, par Jean-Daniel KAESTLI, avec la collaboration de Pierre CHERIX, 1993, 281 p. 2. Ascension d'Isaïe, par Enrico NORELLI, 1993, 186 p.

3. Histoire du roi Abgar et de Jésus, par Alain DESREUMAUX, 1993, 184 p. 4. Les Odes de Salomon, par Marie-Joseph PIERRE, avec la collaboration de Jean-Marie MARTIN, 1994, 225 p. 5. L'Épître des Apôtres et le Testament de notre Seigneur, par Jacques-Noël PÉRÈS, 1994, 152 p. 6. Salomon et Saturne, par Robert FAERBER, 1995, 209 p.

En préparation Les Actes d'André, par Jean-Marc PRIEUR Les Actes de Philippe, par François BoVON, Bertrand BOUVIER et Frédéric AMSLER

Les Dormitions de Marie, par Simon MIMOUN! et Sever V orcu Les Actes de Pilate, par Rémi GouNELLE

Maquette de couverture : Vincent GOURAUD Composition et montage : Alain HURTIG

LA COLLECT ION DE POCHE APOCRYP HES

Un fragment de papyrus trouvé dans la tombe d'un moine copte d'Égypte, un fabliau narrant l'histoire de la crèche, une fresque romane sur un mur poitevin, un roman latin à épisodes détaillant les aventures des apôtres ... tous ces documents témoignent à leur manière de l'existence et de la diffusion d' œuvres appelées apocryphes. Tour à tour recherchés et rejetés, exploités et vilipendés, traduits et oubliés, les apocryphes ne gardentils pas un mystérieux pouvoir d'évocation? N'imaginet-on pas, à entendre leur nom, qu'une révélation insoupçonnée, jadis tenue secrète, est enfin amenée à la lumière? À qui se plonge dans la littérature apocryphe, avec l'ardeur parfois frénétique de savoir désormais ce qu'il cherchait depuis longtemps, ces œuvres pourraient réserver une cruelle déception. Certains apocryphes prétendent bien en effet en apprendre au lecteur sur Jésus; l'un rapporte un enseignement ésotérique qu'il aurait confié à un disciple particulier, tel Thomas ; un autre, les Actes de Pilate, transcrit fidèlement le récit que deux ressuscités auraient fait de sa visite aux enfers. D'autres en revanche ont des prétentions beaucoup moins hautaines: la Lettre tombée du ciel a-t-elle d'autres buts que de justifier que l'on paye la dîme et que l'on observe le dimanche? Quant aux récits qui montrent

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un apôtre détournant la femme d'un haut fonctionnaire romain de ses devoirs conjugaux, comme par exemple les Actes de Philippe, ne sont-ils pas avant tout le reflet de choix pratiques de morale sexuelle et un appel à faire acte de chasteté dans le mariage? Pour qui est assoiffé d'éternité, voici des documents de piètre importance! Et pourtant, s'il apprend à ne pas attendre des apocryphes qu'ils lui livrent des secrets ou des révélations cachées sur Jésus et ses disciples, il retirera de sa lecture le plus grand profit. L'intérêt de ces textes est en effet ailleurs : ils transmettent les représentations que les chrétiens de divers lieux et de divers temps se sont faites de la figure de Jésus, du rôle des apôtres, de l'origine de leurs Églises locales ... Ils témoignent également des questions qui les ont agités, et des réponses qu'ils leur ont données : quelle est la nature du Christ, demande !'Ascension d'Isaïe, tandis que les Actes de Pilate s'interrogent sur les liens du christianisme avec le judaïsme et la culture romaine. Certains apocryphes sont très anciens et reflètent des traditions contemporaines d'une partie de ce qui est devenu le Nouveau Testament ... Ils constituent pour les historiens comme pour les biblistes une voie d'accès privilégiée, encore peu exploitée, à des traditions chrétiennes des origines. Pas plus que les évangiles canonisés, ils ne nous donnent accès à la vérité historique sur Jésus et sur ses apôtres. Ils nous transmettent bien plutôt des éclairages sur la vie et sur les croyances des premières communautés de chrétiens. L'imaginaire est en effet ici véhicule de création et de réflexion. Ainsi lorsque l'Évangile de l'enfance selon

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Thomas narre au milieu du deuxième siècle tous les méfaits que Jésus a pu faire étant petit, il ne cherche pas à écrire une biographie de Jésus enfant, encore moins à faire preuve d'imagination débridée - voire sacrilège - mais il s'interroge sur les modalités de l'Incarnation et se demande comment se manifestait dans l'enfant Jésus la plénitude de la grâce divine; c'est enfin et surtout qu'il essaye d'expliquer ce que l'Évangile de Luc voulait dire en affirmant que « l'enfant croissait et se fortifiait en esprit». Reflets de questions exégétiques, dogmatiques et morales de la plus haute importance, les apocryphes que la présente collection offre au public dévoileront leurs richesses à qui n'y cherche pas ce qu'ils ne peuvent lui offrir, mais à qui a écouté P. Valéry lorsqu'il écrivit que «toutes les histoires s'approfondissent en fables ... » Loin d'offrir une image unifiée de la religion chrétienne, les apocryphes nous introduisent à sa diversité doctrinale, mais aussi mythologique et linguistique. Le christianisme, dès ses origines, se présente en effet sous la forme d'un ensemble de communautés étonnamment diverses. De nombreux apocryphes en témoignent, qui nous sont parvenus en de multiples versions. Ainsi la Doctrine d'Addaï nous a-t-elle été transmise en grec, en syriaque, en copte, en éthiopien, en arabe, en arménien, en géorgien et en slavon. Chacune de ces versions porte la marque du milieu qui a produit cet apocryphe, qui l'a conservé, ou transmis. Chacune d'elle témoigne à sa manière du foisonnement doctrinal des premiers siècles du christianisme.

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Voilà pourquoi, à l'heure où, le christianisme devenant religion de l'Empire, les autorités tentaient d'en donner une image unifiée, certains Pères ont vilipendé les apocryphes comme porteurs d'hérésies. En un moment où la recherche redécouvre l'extraordinaire foisonnement des premiers siècles du christianisme, il était urgent de mettre à la portée du public des textes qui en portent si clairement la trace et qui, parfois en quelques lignes, nous éclairent un pan de l'histoire encore méconnu. Au sein de cette diversité, le choix de l'Église ancienne fut difficile. L'Apocalypse dite de Jean a bien failli ne pas être retenue dans le canon. Quant au Pasteur d'Hermas, il a, lui, manqué de peu d'y entrer. Il n'y a aucune différence intrinsèque entre canoniques et apocryphes. Le Nouveau Testament résulte du choix que les autorités ecclésiastiques ont dû opérer parmi des dizaines de textes pour fixer un corpus de référence de la foi chrétienne. D'autres œuvres, non retenues, continuèrent longtemps à alimenter la piété chrétienne, au point qu'elles sont à la source de nombreuses traditions encore vivaces. Qui donc sait que les lectures monastiques pour les fêtes des apôtres puisent dans le Martyrologe des récits édifiants tirés des Actes apocryphes des apôtres? Qui pense apocryphe lorsqu'on évoque Gaspar, Melchior et Balthasar, ces trois mages que la tradition évangélique se garde de nommer mais dont les noms sont déjà sur les peintures coptes dans l'oasis égyptienne de Bawit? ... Oublier les apocryphes équivaudrait à vouer les vitraux de nos cathédrales et les fresques de nos églises

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romanes au silence, à rendre à jamais incompréhensible l'Enfer de Dante ou certaines pages de Flaubert. En un moment où l'on découvre avec inquiétude la méconnaissance que nos contemporains ont de l'histoire religieuse, il devenait urgent de traduire et de diffuser ces textes qui sont partie intégrante de notre mémoire. Les textes originaux sont publiés ou en voie de publication dans la Série des Apocryphes du Corpus Christianorum. On en trouvera ici une traduction fidèle mais agréable. Beaucoup seront aussi rassemblées dans deux volumes de la Pléiade par les mêmes chercheurs, membres de l' Association pour l'Étude de la Littérature Apocryphe Chrétienne. Ceux-ci ont voulu les rendre accessibles au plus grand nombre, sous la forme de volumes indépendants, dans la présente collection de poche. Ainsi introduit au texte, aidé par des notes précises mais simples, nul doute que le lecteur de ces œuvres sera amené à en découvrir l'intérêt, au-delà de ses préjugés, et apprendra à goûter le plaisir d'une lecture sereine des apocryphes.

Deux ecclésiastiques dialoguant. (Durham Cathedra!, ms. B 0

32, f 56 v

0 )

III,

Préface

Les quatre morceaux littéraires groupés ici sous le double éponyme de Salomon et Saturne constituent vraisemblablement les vestiges d'un ensemble apocryphe plus vaste qui vit le jour dans l'Angleterre du temps de Charlemagne, - certains parlent du VIIIe siècle déjà, et pérennisa son souffle et son ton propre au-delà des débuts de la «renaissance bénédictine», à la veille de l'an mil. À ses débuts la littérature vieille-anglaise est avant tout poésie : les quelques trois mille vers de Beowulfl'illustrent excellemment. Avec une richesse lexicale et des audaces d'images, la poésie est le genre qui convient par excellence dans toute l'Europe médiévale aux traditions orales qui s'ouvrent à l'écrit et s'ébrouent dans l'écriture qu'elle s'approprie et comme pour mieux la plier à leurs fantaisies de ses conteurs, l' Anglie en avance d'un siècle ou deux sur le continent pour l'écriture de sa langue n'échappe pas à ce qui semble bien constituer la règle des littératures européennes. Sur la fameuse croix de Ruthwell, en Écosse, sont encore lisibles les premiers vers d'une Vision de la Croix attribuée à Cynewulf Il vaut la peine d'en rappeler brièven1ent le contenu au seuil de ce livre, afin que le lecteur qui découvrirait avec Salomon et Saturne un premier aspect de ce christianisme anglais d'affinité germano-scandinave, ait au moins quelque idée des richesses poétiques qui forment aux œuvres ici traduites un contexte singulier, frappé au coin de l'âme d'une culture aujourd'hui bien oubliée.

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Un grand amateur de littératures en tous genres, de toutes les époques et de toutes les langues, ayant déjà eu l'idée lumineuse de résumer la Vision de la Croix, nous le lui empruntons pour le plus grand bénéfice du lecteur. Au milieu de la nuit silencieuse le poète aperçoit la croix dans le ciel, ornée de vêtements, couverte d'or et de joyaux, tantôt souillée de sang, tantôt à nouveau sertie de pierreries. Finalement «le plus lumineux des arbres » prend la parole et conte son histoire ... la Croix raconte la Passion du Seigneur : « Ceci advint il y a bien des années, je m'en souviens encore. Ils m'ont déraciné à la lisière de la forêt. Là de puissants ennemis se sont saisis de moi. » Elle raconte qu'ils l'ont dressée sur le Golgotha, et demande pardon de ne s'être pas abattue sur les ennemis du Seigneur: Dieu ne l'avait pas permis. Jusqu'alors le poète s'est servi des mots« arbre»,« arbre de la victoire», «potence», «gibet». Mais lorsque la croix sent 1•- 40 • Le moyen de lui faire face était le courage, l'acte héroïque, avec la mort comme aboutissement éventuel. Ce sens fort de wyrd s'est considérablement affaibli sous l'influence du christianisme, sans totalement perdre son contenu d'inexorabilité : c'est le «cours de l'existence des choses et des personnes en tant que déterminé d'avance ou simplement cours de l'existence qui doit se réaliser i>. Mais ce cours des événements de l'existence est perçu dans sa dimension négative, comme succession de malheurs, et c'est ce qui est souligné avec insistance par Salomon et par Saturne dans notre passage, comme plus haut dans le passage v. 187-232.

39

Cf. l'étude de A. WOLFF, 1919.

+o Paul FOULQUÉ, Dictionnaire de la lan,~ue philosophique, art. «Destün, Paris, PUF, 1962, p. 163.

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Le problème discuté est donc celui du destin comme source ou cause de tous nos malheurs. Et la première question de Saturne (v. 268-278) est celle de la différence entre deux forces qui se combattent (et dont il a souvent débattu avec les savants philistins) : wyrd et warnung, entre le destin et ce que nous avons traduit par« providence». C'est un passage ardu, parce que rien, ni dans la question de Saturne, ni dans la réponse de Salomon, ne permet de définir warnung, et aucun des commentateurs n'a donné de réponse satisfaisante. Le sens de warnung donné par les dictionnaires est : «prévoyance, prévision de l'avenir, circonspection»; mais pourquoi y aurait-il lutte entre le destin (wyrd) et par exemple « providence »? Le mot est peu fréquent, et dans aucune des autres occurrences il n'est placé dans le même contexte que celui de notre passage. De quoi s'agit-il alors? Il se pourrait que l'arrière-plan fût le problème devant lequel se trouvait le roi Alfred en traduisant la Consolatio Philosophiae de Boèce. Il a en effet eu de la peine à suivre ce dernier lorsqu'il est question de la destinée et du destin, sous les deux noms latins fatum et fortuna. Ce qui apparaît dans la traduction41 est que la wyrd n'est pas, pour Alfred, une puissance indépendante; elle est subordonnée à Dieu et par conséquent « providence », « l'action par laquelle Dieu dirige le cours des choses, de manière que les créatures réalisent leur fin». Dans sa traduction de Boèce, Alfred dit: «Ce que nous appelons "wyrd" est l' ~uvre de Dieu ... Elle donne à

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Cf Kurt ÜTTEN, r 964.

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chaque créature sa forme, sa place, son temps, sa règle. Mais la "wyrd" vient de la providence de Dieu. » Comme un bon timonier, il avertit (warnung) pour ainsi dire l'être humain, pour que le bon destin ne le séduise pas et que les malheurs ne le désespèrent pas. Dans cette perspective, l'opposition entre wyrd et warnung serait celle entre voir le cours des choses comme dicté par un destin inexorable (sens germanique de wyrd) et le voir comme providence de Dieu. La réponse de Salomon est qu'il est difficile d'écarter cette wyrd, comme il l'avait déjà dit à propos du sort des jumeaux plus haut ; mais par la sagesse et la parole de Dieu, on peut modérer les« coups du destin» (wyrda). Et nous retrouvons là les mêmes idées que dans le poème L'Errant.

Satan et la chute des anges (v. 293-324) Saturne pose alors la question sur l'origine du destin, source des maux et des malheurs, Salomon répond par le récit de la chute de Satan et des anges rebelles et de la création de l'enfer. L'origine de wyrd, dans son sens de «père et mère de tous les maux » est donc la révolte de Satan et de ses anges, et ce sont ces anges déchus qui «nous font la guerre». Ce n'est pas le péché originel de l'être humain. En effet, ce péché est lui aussi l' œuvre de Satan. Dans l'épopée biblique Genesis 42 , le récit commence par la révolte des anges, et le péché d'Ève et d'Adam est raconté ensuite

42

Récit épique vieil-anglais, en vers allitératifs, de la création et de la chute, du début du IXe siècle.

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SALO MON ET SATU RNE

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e déguisé en ange des Adam et Ève tentés par l'aco lyte du diabl cieux (ms. Bodl eianJ uniu s rr, p. 28).

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comme étant un acte vengeur de Satan. Adam et Ève y sont présentés comme victimes des manigances de Satan, qui se déguise en ange du ciel, fait voir à Ève les joies du paradis dès qu'elle aura mangé du fruit offert et qui, lorsqu'il a réussi son coup, redevient un diable avec griffes et queue, comme le montrent les illustrations qui accompagnent le texte dans le manuscrit43 . Dans le poème Juliana de Cynewulf+ 4 , où Juliana discute avec l'émissaire de Satan sur la diffusion du mal dans le monde, le diable avoue que c'est lui et ses acolytes qui sont responsables de toutes les formes du mal sur terre, qu'ils sont en particulier responsables du péché d'Adam et d'Ève. Notons qu'il y a un certain parallélisme entre la chute des anges et la chute des Chaldéens au champ de Shinéar: de même que la rébellion des anges a causé leur perte et a fait d'eux la source du mal, de même l'orgueil et l'arrogance des Chaldéens ont causé leur élimination et ont donné naissance aux « êtres malfaisants » qui nous tourmentent (v. 44-45). Un autre parallélisme apparaît entre le sort des anges déchus et le Vasa mortis (v. 90-97) : de même que Dieu ordonna d'enchaîner Satan et ses anges, de même Salomon avait ordonné d'enchaîner l'oiseau; de même que les anges déchus sont soumis à d'affreuses souffrances, l'oiseau hurle de douleur; de même que les anges vivront dans l'enfer jusqu'à la fin des temps,« tant qu'ils vivront»,

43 44

Cf. Th. H. ÜHLGREEN, r972, p. 2ro suiv. Également un poème épique du début du

IXe

siècle.

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de même l'oiseau restera enchaîné et souffrira jusqu'au jugement dernier. On parle dans le passage des « arts secrets » du diable (v. 296) : c'est probablement une allusion à ce qui est dit, dans par exemple 1 Hénoch 45 , des arts que les anges déchus ont appris aux hommes, l'art de la guerre, la sorcellerie, l'astrologie. On dit du diable qu'il voulait «multiplier la dixième partie par génération interne» (v. 300) : on retrouve une idée semblable dans Jubilés X, l 1 46 : «Nous avons enchaîné tous les esprits mauvais et pervers dans un lieu de jugement et nous en avons laissé un dixième pour obéir à Satan sur terre». De même, dans une homélie du manuscrit Cotton Vespasius A 22 de la British Library, De initio creature47 , il est dit : « Il a créé dix ordres d'anges. Le dixième ordre s'est détaché de lui et s'est tourné vers le mal, autant qu'il fallait pour compléter le nombre que comptera cet ordre», et l'on retrouve la même idée dans l'épopée biblique en vieil anglais, Genesis, où il est dit également que Dieu créa dix ordres d'anges. L'enfer est décrit comme« lieu d'un froid mortel» (v. 317) : la conception que l'enfer est un lieu où règne à la fois le chaud, le feu, et le froid glacial est courante dans la littérature poétique et homélitique. 48 2 Hénoch X 49

45 46

47 48 49

La Bible. Écrits intertestamentaires, La Pléiade, p. 478. Ibid. p. 682. R. MORRIS, Old English Homilies, first series, Londres, Cf. E. S. BECKER, 1988. La Bible. Écrits intertestamentaires, La Pléiade, p. l 178.

1868.

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mentionne aussi le feu et le froid comme caractérisant l'enfer: «Tout tourment et supplice sont en ce lieu, et les ténèbres et le brouillard, et là il n'y a pas de lumière, mais un feu obscur qui s'enflamme sans cesse, et un fleuve de feu s'avance sur tout ce lieu; il y a le froid et la glace». La présence dans l'enfer de monstres, serpents, dragons, est aussi un lieu commun dans la représentation de l'enfer anglo-saxon. (On peut se demander ce que viennent faire les «aigles sanglants».)

L'ange gardien (v. 325-359) La question suivante de Saturne est assez énigmatique et la réponse de Salomon ne permet pas d'en préciser le sens exact. La question semble suggérer que chaque être humain a son« compte des jours», mais que la mort pourrait frapper l'homme pécheur avant que ce compte ne se soit écoulé. La réponse de Salomon contient deux éléments : à chaque homme Dieu envoie à sa naissance un ange, chargé de surveiller sa vie. Et puis l'homme est accompagné de deux esprits, l'un brillant, l'autre noir, l'un venant (du ciel), l'autre de l'enfer; le premier lui apprend l'amour de Dieu, le deuxième le séduit et l'induit au mal au point qu'il s'égare. Alors l'ange s'en retourne rapporter 1' échec et, si les vers 3 5 5-3 59 font partie de ce passage, le malheureux est transpercé de la« pierre d'acier», qui le fixe, et il est lié à son bourreau dans l'enfer, ce qui pourrait impliquer qu'en effet celui qui se laisse séduire par Satan est frappé de mort avant la fin de son compte de jours.

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On trouve un parallèle dans une homélie des Vercelli Homilies (homélie IV) et dans le poème Guthla2° (v. l 141 l 5), où il est dit : « ... deux gardiens veillaient sur lui, l'ange du Seigneur et l'esprit mauvais, qui luttaient l'un contre l'autre. Et souvent ils lui donnaient des conseils tout à fait opposés ... ».Et dans l'homélie, on précise que «l'un vient du ciel... (et l'autre) de l'enfer d'acier ... ». L'idée des deux esprits se trouve déjà dans les Règles de la Communauté de Qumran : « Et il a disposé pour l'homme deux Esprits ... les Esprits de vérité et de perversion. Dans une fontaine de lumière est l'origine de la Vérité et d'une source de ténèbres est l'origine de la Perversion ... »51 . Elle est passée dans les textes chrétiens ensuite, en particulier dans l' Apocalypse de Paul, dont il existe une version fragmentaire en vieil-anglais 52 . Le texte parle des« quatre manières» (v. 346) dont combat le diable. Est-ce une allusion aux « quatre cordes » qui lient celui qui est voué à la mort des vers 162-164, comme le suggère Menner? Thomas D. Hill 53 propose que la source en est la définition que donne Grégoire le Grand

50 Un poème épique sur la vie de l'ermite Guthlac, contenu dans le Exeter Book; cf. bibliographie. 51 La Bible. Écrits intcrtestamentaires, La Pléiade, p. 16 suiv. 52 «The Apocalypse of Paul», dans M. R. JAMES, 1980, p. 525 suiv. « The Apocalypse of Paul (Visio Pauli) », dans]. K. ELLIOTT, The Apocryphal New Testament, Oxford 1993. La version anglaise se trouve dans le ms. Bodleian Lib. Junius 8 5 et a été publiée par Luiselli FADDA, « Una inedita traduzione anglosassone della Visio Pauli », Studi Medievali l 5 ( l 97 4), p. 482-49 5. 53 Cf. Th. D. HILL, 1971, p. 217.

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des quatre étapes du péché : quatuor quippe modis peccatum perpetratur in corde, quatuor consummatur in opere : in corde namque suggestione, delectatione, consensu et defensionis audacia perpetratur04 , ce qui pourrait correspondre aux quatre verbes de notre passage : induit son esprit, le mène et le fait consentir, lui fait faire cause commune et le pervertit. Comme signalé dans l'introduction et dans les notes, le poème s'arrête ici dans le manuscrit. Les vers qui suivent se trouvent au début de la page où commence le poème, mais la plupart des critiques ont considéré qu'ils constituent la vraie fin du poème. La suite des idées est pourtant difficile à établir: une interprétation possible est que l'homme qui, malgré tous les efforts de son ange gardien, n'a pas reconnu la vérité, est irrémédiablement condamné aux enfers lors du jugement dernier, où le « roi ordonne de fermer l'enfer, rempli de flammes, avec tous les diables». Il se peut aussi que, comme le suggère Vincenti, il manque une partie entre les v. 354 et 355 et que les v. 3553 59 soient la fin d'une réponse de Salomon à une autre et une dernière question de Saturne sur le sort des pécheurs. Saturne confondu et heureux (v. 360-364) À la fin, le narrateur reprend la parole, se faisant l'arbitre de cette joute de sagesse: c'est le fils de David qui remporte la victoire, en confondant le noble Chaldéen, venu pour le défier, et celui-ci s'en retourne le cœur ravi.

54

MIGNE, Patrologie Latine 75, col. 62r.

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Conclusion Le poème a été diversement commenté et apprécié. Vincenti donne un bon aperçu de ces commentaires depuis Kemble jusqu'à la fin du XIXe siècle. La plupart de ces commentaires portent sur l'ensemble des trois dialogues dans CCC 422, comme s'ils formaient un tout, et on les associe généralement à l'ensemble des dialogues salomoniens, malgré le caractère unique de notre poème. En effet, ce poème est en quelque sorte une méditation sur la vie et la destinée humaines, sous la forme d'un dialogue entre deux« sages», car, comme il est dit dans une des Maximes en vieil-anglais 55 : «les hommes sages s'associent, leurs esprits se ressemblent ». Et cela met le poème en ligne avec d'autres productions poétiques contemporaines, en particulier avec la série de poèmes appelés « Élégies » contenus dans un des grands manuscrits poétiques, l'Exeter Book. Shippey se demande:« Ne devraiton pas retirer Salomon et Saturne II du contexte du manuscrit (c'est-à-dire les dialogues sur le Notre Père) et le placer dans la compagnie respectable des poèmes du Exeter Book?». Un des problèmes que soulève le poème est celui de sa structure de signification, de sa cohérence sémantique : c'est un entretien apparemment à bâtons rompus, avec des questions apparemment sans réponses et des répliques apparemment sans relation avec les questions posées.

55

T. A. SHIPPEY, 1976, p. 65.

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À certains égards, il a parfois l'allure de ces florilèges dont nous avons cité l'exemple des Collectanea Bedae, cette collection de questions et réponses, entrecoupées de réflexions et de remarques sur des problèmes moraux ou bibliques sans rapport direct avec les questions, des citations d'auteurs tels qu'Isidore ou Augustin. Mais le poème apparaît cependant comme un tout composé et nous avons essayé d'en dégager une certaine structure. Une tentative d'analyse plus profonde est celle de J. D. Dane 56 . Il essaie de découvrir« un cadre logique» dans lequel les différents éléments hétéroclites du poème pourraient trouver leur place et leur fonction. Ainsi croitil voir se développer l'opposition entre deux visions du monde : l'une qui voit le monde en termes de dichotomie, de lutte, de conflit, c'est-à-dire une vision dualiste (Saturne) et l'autre qui est une vision plus élevée faisant la synthèse des éléments opposés (Salomon). Ainsi, le poème serait un débat entre une vision chrétienne et une vision dualiste du monde, et il pourrait avoir sa source dans la controverse chrétienne-manichéenne. Mais peut-être faudrait-il le lire comme poème propre à son époque; cette poésie n'était pas simplement l'expression de la pensée et des sentiments du poète ; elle était toujours adressée à un lecteur ou auditoire sur la participation duquel le poète pouvait compter, dans cc sens qu'il y avait une sorte de connivence entre les deux. Le poète pouvait parler par ellipse, par allusion, par sousentendu, il pouvait se servir de la valeur implicite et

56

Cf. J. D. DANE, 1980.

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connotative des éléments lexicaux et sémantiques faisant partie du corpus idéologique et langagier commun. La terre de Marculf, le Champ de Shinéar, le Loup errant, le Vasa mortis, les quatre liens, la warnung, etc. ne posaient probablement pas de problèmes insolubles aux lecteurs ou auditeurs contemporains. Il ne faut cependant pas écarter la possibilité d'une source ou de plusieurs sources (latines), dont ce poème serait une adaptation. La discontinuité thématique pourrait être due au fait que l'auteur aurait groupé, sans effort de synthèse, un certain nombre d'éléments puisés dans des sources disparates ou trouvés épars dans le contexte philosophique et théologique de son milieu (monastique). Quant au contenu du poème, à son monde« idéologique », il n'a rien d'oriental, à part les références factuelles concernant Salomon et Saturne. Les thèmes discutés sont plutôt germaniques, tempérés et marqués par la « sagesse » vétéro-testamentaire et par des éléments venant de la littérature pseudépigraphe juive non canonisée. Salomon est certes christianisé, mais dans ses réponses, il ne se réfère guère à la théologie néotestamentaire. C'est d'ailleurs le cas aussi dans les autres poèmes de ce genre. B. S. Philippots 57 explique la vision sombre de la destinée humaine que présente la poésie anglo-saxonne par le fait que le christianisme, dans une première étape, s'est greffé sur la conception germanique de la wyrd et que ce sont les notions d'enfer et de paradis, de chute et

'

7

cf. n. s.

PHILIPPoTs,

r92s.

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de punition, qui ont frappé la conscience des poètes, et ce n'est probablement pas un hasard que, parmi les œuvres que le roi Alfred a traduites ou fait traduire en les adaptant en partie, il y ait la Consolatio Philosophiae de Boèce. Nous avons mentionné qu'aucune source directe n'a pu être trouvée jusqu'à présent, bien que Kemble, Vincenti, Menner soient convaincus qu'il devait exister un texte latin dont se serait inspiré l'auteur. Mais je serais enclin à le lire, comme Shippey, comme composition poétique, puisant dans des traditions et des lectures, mais laissant jouer la fonction poétique, qui crée son propre référent.

La puissance guerrière du Pater Nos ter

Poème 1

Poème 1

État du texte

Dans le manuscrit CCC 422, la première page est pratiquement illisible, parce qu'elle avait été collée contre la couverture du codex. Selon les quelques signes encore déchiffrables, elle comportait une première ligne en grands caractères majuscules : Saturne dit ... , suivie de quelque vingt-et-une lignes en caractères ordinaires, représentant les trente premiers vers du poème, dont seuls quelques mots ont pu être déchiffrés. Le manuscrit CCC 41 contient, comme indiqué dans l'Introduction générale, écrits dans la marge, les quatre-vingt-quatorze premiers vers de notre poème, jusqu'à la lettre T (v. 101 du texte français), ce qui permet de récupérer les trente premiers vers illisibles dans le Ms. CCC 422. Les caractéristiques linguistiques montrent que CCC 41 n'est pas une copie de CCC 422 ; les deux textes sont des copies indépendantes d'un même original perdu. Nous avons donc les quatre-vingt-quatorze premiers vers du poème en deux versions, que Menner publie en regard; il appelle le texte de CCC 422, « texte A » et celui de CCC 4 l, « texte B ». Notre traduction correspond, pour les vingt-huit premiers vers, au texte B et pour le

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reste au texte A; la différence entre les deux textes n'est d'ailleurs que mineure. Les remarques que nous avons faites dans l'introduction du Poème II comptent aussi pour le Poème I : l'établissement du texte donne lieu à plusieurs possibilités et nous avons dû faire un certain choix. Le Poème I contient lui aussi un certain nombre de mots propres au texte et quelques mots rares et poétiques. Sur la page 6 du manuscrit, au milieu d'une ligne, est écrit Saturne dit, ce qui semble indiquer une continuation du dialogue. Mais ce qui suit n'est plus de la poésie, c'est de la prose. En outre, bien que le sujet en soit toujours le Notre Père, il n'y a pas de continuité thématique : le dialogue qui suit est ce que nous avons appelé « Dialogue en prose de CCC 422 ». Le Poème I compte ainsi cent soixante-neuf vers allitératifs et forme un tout thématique cohérent.

Traduction

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Saturne dit : Oui, de toutes les îles, j'ai goûté les livres, par mon art des lettres, déchiffré les sciences des Libyens et des Grecs comme aussi l'histoire du royaume des Indiens. Les savants ont initié mon esprit avide aux récits du grand livre [ ... ] 1

Le manuscrit donne ici quatre lettres: m. ces, précédés d'un blanc suffisant pour onze ou douze signes. On a proposé que ce livre est

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dont je n'ai en vérité jamais trouvé de semblable réunis dans aucun des anciens écrits. J'ai aussi cherché de quel esprit ou grandeur, puissance ou richesse ou noblesse était le Pater N oster aux rameaux de palmier. Je te donnerai, fils de David, roi d'Israël, trente livres d'or fin et mes douze fils, si tu réussis à me faire trembler de crainte devant les paroles de ce cantique, ce commandement du Christ, si tu me satisfais par la vérité, que je puisse rentrer chez moi, sain et sauf, sur la crête des eaux, par le Kébar, chez les Chaldéens. Salomon dit : Il est misérable sur terre, inutile dans la vie, dépourvu de sagesse, il erre comme un animal sans intelligence, comme les bêtes des champs, celui qui ne peut, par ce chant, honorer le Christ, il erre, plein de vent; au jour du jugement le diable, le dragon, le criblera, terriblement, sans ménagement, avec sa noire fronde, des boules de fer - toutes issues de la crête des flots de la dépravation humaine. Alors à toute l'éclatante création remplie jusqu'au bord d'or et d'argent,

le livre de Moïse, c'est-à-dire le Pentateuque. Mais rien ne permet de résoudre le problème.

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débordant aux quatre coins de trésors, il aurait préféré avoir appris ce chant. Il sera vil, abject aux yeux du Tout-Puissant et il errera dans la solitude, n'ayant rien de commun avec les anges.

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Saturne dit : Mais laquelle de toutes les créatures peut le plus facilement ouvrir grand les saintes portes du royaume des cieux l'une après l'autre?

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Salomon dit : Le Pater N oster aux rameaux de palmier ouvre les cieux, réjouit les saints, apaise le créateur, anéantit le péché mortel, éteint les flammes du diable, allume le feu du Seigneur. Tu peux, avec cette prière éclatante, chauffer le sang du diable, au point que des gouttes de sueur mêlées de sang lui montent au visage par l'angoisse de son cœur2. Elle le tourmente plus que le chaudron d'airain, lorsqu'il bouillonne des douze infirmités humaines, sauvagement, au-dessus des flammes.

2 Passage difficile au plan linguistique; aucune des interprétations suggérées n'est vraiment satisfaisante; nous en avons choisi une qui nous paraît correspondre à l'idée générale du contexte.

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C'est pourquoi de tous les dire du Christ ce cantique a les paroles les plus célébrées : il enseigne les saintes Écritures, il est un guide pour les peuples et il les affermit, il brandit les armes du royaume des cieux.

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Saturne dit : Mais comment faut-il qu'il cultive ce chant dans son cœur, celui qui veut purifier son âme du péché mortel, la purger des soucis, en effacer les offenses ? Certainement, le Créateur a donné à cette prière une merveilleuse beauté. Souvent ma curiosité a cherché la réponse, fouillé mon âme avec ardeur, agité mon esprit. Personne sur terre, aucun homme, ne sait combien mon esprit erre en vain dans les livres. Parfois une ferveur brûlante monte en moi mon cœur bouillonne anxieusement.

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Salomon dit : Elle est d'or, la parole de Dieu, ornée de gemmes, elle a des feuilles d'argent. Chacun peut, par le don de l'esprit, dans son cœur, réciter la parole de Dieu. Elle est sagesse de l'esprit, miel de l'âme, lait du cœur, elle rend bienheureux. Elle peut faire sortir l'âme de la nuit du péché sous terre, alors même que l'ennemi l'aurait attachée

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profondément; alors même qu'il l'aurait enserrée de cinquante entraves, elle brise sa puissance et elle met en pièces toutes ses ruses. Elle écarte la faim, elle détruit l'enfer, elle détourne la flamme, elle édifie les cieux. Elle est plus inébranlable sur terre, plus ferme dans ses fondations que tous les rochers. Elle est le médecin des paralysés, la lumière des aveugles, la porte des sourds, la langue des muets, le bouclier des pécheurs, le trône du Créateur, le guide des flots, le sauveur du peuple, le gardien des vagues, le courant porteur des pauvres poissons et des serpents, un bosquet pour les bêtes sauvages, un refuge dans le désert, un jardin d'adoration. Et celui qui veut de bon cœur chanter en vérité la parole de Dieu et qui veut toujours l'aimer sans offense, peut mettre en fuite l'esprit haineux, l'ennemi qui l'attaque, en abattant sur lui d'en haut la terrible première lettre dont le nom est P 3 : c'est un guerrier avec une longue lance à aiguillon d'or, sans cesse il frappe le sinistre ennemi

Dans le manuscrit chaque lettre latine est accompagnée de sa correspondante runique. Cf. co111mentaire.

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avec hardiesse; et sur sa trace suit A avec sa formidable puissance et lui assène des coups. T le blesse et lui transperce la langue, lui tord le cou et lui brise les joues. E le malmène, elle qui se dresse fermement contre tout ennemi. Puis, à son grand déplaisir, R, furieusement, se lance contre lui, et le prince des lettres saisit l'ennemi par les cheveux, lui brise la jambe sur le silex; il ne ménage guère les articulations, il ne lui veut pas de bien. Alors le diable s'en retourne sous les nuages, dans sa forteresse couverte de ténèbres ; il doit être bien affligé, quand, pendu par les cheveux, il languit après l'enfer, le royaume le plus exigu. Puis les jumelles \1011-fUV~fm::\\.' hu

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