Représentations et conceptions de l’espace dans la culture médiévale. Repräsentationsformen und Konzeptionen des Raums in der Kultur des Mittelalters: Colloque Fribourgeois 2009. Freiburger Colloquium 2009 9783110259438, 9783110259421

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French Pages 388 Year 2011

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Table of contents :
Avant-propos / Vorwort
Vers une Perfecta Locorum Doctrina : Lieu et espace géographique selon Roger Bacon
Spatial Representation in Medieval Visual Theory
Zwischen Spekulation und Erfahrung. Alberts des Großen Begriff vom Raum
Divine Space and the Space of the Divine: On the Scholastic Rejection of Arab Cosmology
Vers le dépassement du lieu : l’ange, l’espace et le point
The Reception of Peter Auriol’s Doctrine of Place, with Editions of Questions by Landulph Caracciolo and Gerard of Siena
John Buridan on Place
Albert de Saxe et l’idée d’espace infi ni
Pour une nouvelle lecture de l’‹ Imago mundi › de Pierre d’Ailly
Un exemple de représentation et de conceptualisation de l’espace dans la littérature du Moyen Âge: les romans de Chrétien de Troyes?
Jardin, espace clos de la littérature romane des xiie–xiiie siècles
L’espace sacré des églises byzantines
Das frühmittelalterliche Kloster als Freiraum und Engnis. Beobachtungen an den literarischen Quellen St. Gallens
Topographie des Profi ts: Wirtschaft und Raum bei Lukas Rem
Index des noms / Personenregister
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Représentations et conceptions de l’espace dans la culture médiévale. Repräsentationsformen und Konzeptionen des Raums in der Kultur des Mittelalters: Colloque Fribourgeois 2009. Freiburger Colloquium 2009
 9783110259438, 9783110259421

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Repre´sentations et conceptions de l’espace dans la culture me´die´vale Repräsentationsformen und Konzeptionen des Raums in der Kultur des Mittelalters

Scrinium Friburgense Veröffentlichungen des Mediävistischen Instituts der Universität Freiburg Schweiz

Herausgegeben von Hugo Oscar Bizzarri · Christoph Flüeler · Marie-Claire Ge´rard-Zai Peter Kurmann · Eckart Conrad Lutz · Hans-Joachim Schmidt Jean-Michel Spieser · Tiziana Suarez-Nani

Band 30

De Gruyter

Repre´sentations et conceptions de l’espace dans la culture me´die´vale Repräsentationsformen und Konzeptionen des Raums in der Kultur des Mittelalters Colloque Fribourgeois 2009 Freiburger Colloquium 2009

E´dite´ par / Herausgegeben von Tiziana Suarez-Nani · Martin Rohde

De Gruyter

Veröffentlicht mit Unterstützung des Hochschulrates Freiburg Schweiz

ISBN 978-3-11-025942-1 e-ISBN 978-3-11-025943-8 ISSN 1422-4445 Bibliografische Informationen der Deutschen Nationalbibliothek Die Deutsche Nationalbibliothek verzeichnet diese Publikation in der Deutschen Nationalbibliografie; detaillierte bibliografische Daten sind im Internet über http://dnb.d-nb.de abrufbar.

” 2011 Walter de Gruyter GmbH & Co. KG, Berlin/Boston Satz: Mediävistisches Institut der Universität Freiburg Schweiz Druck und Bindung: Hubert & Co. GmbH & Co. KG, Göttingen ⬁ Gedruckt auf säurefreiem Papier Printed in Germany www.degruyter.com

Sommaire / Inhaltsverzeichnis

Avant-propos / Vorwort . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Patrick Gautier Dalché (Paris) – Vers une Perfecta Locorum Doctrina : Lieu et espace géographique selon Roger Bacon . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 A. Mark Smith (Columbia, USA) – Spatial Representation in Medieval Visual Theory . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45 Henryk Anzulewicz (Bonn) – Zwischen Spekulation und Erfahrung. Alberts des Großen Begriff vom Raum . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67 Yossef Schwartz (Tel Aviv) – Divine Space and the Space of the Divine: On the Scholastic Rejection of Arab Cosmology . . . . . . . . . 89 Tiziana Suarez-Nani (Fribourg) – Vers le dépassement du lieu : l’ange, l’espace et le point . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121 Chris Schabel (Nicosia) – The Reception of Peter Auriol’s Doctrine of Place, with Editions of Questions by Landulph Caracciolo and Gerard of Siena . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147 Cecilia Trifogli (Oxford) – John Buridan on Place . . . . . . . . . . . . . . . . . 193 Joël Biard (Tours) – Albert de Saxe et l’idée d’espace infini . . . . . . . . . 215 Nathalie Bouloux (Tours) – Pour une nouvelle lecture de l’‹ Imago mundi › de Pierre d’Ailly . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 237

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Sommaire / Inhaltsverzeichnis

Catherine Blons-Pierre (Fribourg) – Un exemple de représentation et de conceptualisation de l’espace dans la littérature du Moyen Âge: les romans de Chrétien de Troyes? . . . . . . . . . . . . . . . . . 265 Marie-Claire Gérard-Zai (Fribourg) – Jardin, espace clos de la littérature romane des xiie–xiiie siècles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 287 Jean-Michel Spieser (Fribourg) – L’espace sacré des églises byzantines . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 305 Ernst Tremp (St. Gallen) – Das frühmittelalterliche Kloster als Freiraum und Engnis. Beobachtungen an den literarischen Quellen St. Gallens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 323 Hans-Joachim Schmidt (Fribourg) – Topographie des Profits: Wirtschaft und Raum bei Lukas Rem . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 341 Index des noms / Personenregister . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 385

Avant-propos / Vorwort Le présent volume contient les Actes du colloque international sur les « Représentations et conceptions de l’espace dans la culture médiévale » qui s’est déroulé du 19 au 21 octobre 2009 sous les auspices de l’Institut d’Études Médiévales de l’Université de Fribourg (Suisse). La participation de spécialistes de rang international à cette rencontre atteste du vif intérêt que suscitent aujourd’hui dans la communauté scientifique la perception et la compréhension médiévales de l’espace. En effet, d’importantes études menées au cours de la dernière décennie auront éclairé sous un nouveau jour la signification complexe de l’espace dans la civilisation du Moyen Âge latin, qui se décline sur plusieurs registres : social, économique, politique, culturel et religieux. Loin d’apaiser la curiosité scientifique, les études récentes sur ces diverses facettes de l’espace médiéval ont ouvert de nouveaux horizons, suscité des interrogations nouvelles, mis à jour un vaste chantier d’investigation sur les rapports aux lieux et à l’espace dans la vie et la culture du Moyen Âge européen. Le colloque international de Fribourg visait donc à explorer davantage quelques pistes de recherche. Dans l’esprit d’ouverture et d’interdisciplinarité qui caractérise la mission et l’activité de l’Institut d’Études Médiévales, il a réuni des chercheurs de pays, de langues, de cultures et de domaines scientifiques différents. Il a ainsi donné lieu à un dialogue animé qui aura permis de confronter et d’enrichir mutuellement les visions de l’espace médiéval des spécialistes de l’histoire, de la philosophie, de l’histoire de l’art et de la littérature. Puissent ces Actes refléter au mieux l’apport et les percées stimulantes de ce colloque qui, par delà les rituels ordinaires des rencontres académiques, se déroula comme une tentative collective d’apprivoiser la « diversité rebelle » du Moyen Âge. L’Institut d’Études Médiévales tient à remercier le Fonds national suisse de la recherche, le Rectorat de l’Université de Fribourg et la fondation Gerda Henkel Stiftung pour leur généreux soutien, sans lequel il n’eut été possible d’organiser ce colloque. Les Editeurs

Vers une perfecta locorum doctrina : Lieu et espace géographique selon Roger Bacon Patrick Gautier Dalché (Paris)

La description de la terre et de l’œcumène développée par Roger Bacon dans la quatrième partie de l’‹ Opus majus › est souvent comprise de façon réductrice. Par une opposition superficielle avec la science ‹ livresque › de ses prédécesseurs et de ses contemporains, on le loue pour son recours jugé exceptionnel à l’‹ empirisme ›, qui se résume à ses citations du rapport de Guillaume de Rubrouck sur l’Asie dominée par les Tartares, le point crucial étant, de ce point de vue, la reconnaissance du fait que la Caspienne est une 1 mer fermée. – On oublie souvent qu’il emploie aussi le rapport de Jean de Plan Carpin. Cette vision anachronique de l’‹ empirisme › néglige le fait que, pour Bacon, l’experientia de Rubrouck et de ceux qui ont parcouru le monde a la même valeur que celle transmise par les encyclopédistes et les natura2 listes antiques. Un examen approfondi de la géographie de Bacon est en 1

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Une description – par ailleurs soigneuse – de la ‹ géographie › et de la ‹ cartographie › de Bacon relève pourtant l’absence d’‹ originalité › de son savoir qui serait entièrement fondé sur des sources antérieures et non pas sur l’observation des témoins oculaires (sauf Guillaume de Rubrouck), et le crédite seulement de l’incorporation des voyages contemporains. Woodward, David et Herbert M. Howe, Roger Bacon on geography and cartography, dans : Roger Bacon and the sciences, Leiden 1997, pp. 199–221. Une étude sur les citations du voyage de Rubrouck par Bacon affirme vouloir dénoncer l’« ennemi insidieux » qu’est l’anachronisme ; elle lui accorde pourtant une place notable lorsqu’elle relève que Bacon ne parviendrait pas toujours « à distinguer fable et histoire », « nierait » le temps historique en se faisant « le contemporain des événements de l’histoire romaine », ne percevrait pas toujours la « nouveauté », manifesterait d’« étonnantes résistances » devant les observations faites par le voyageur et reproduirait à propos des Amazones des « détails incongrus qui ne semblent aucunement [le] troubler ». Guéret-Laferté, Michèle, Le voyageur et le géographe : l’insertion de la relation de voyage de Guillaume de Rubrouck dans l’‹ Opus majus › de Roger Bacon, dans : Perspectives médiévales. Supplément au numéro 24. La Géographie

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revanche justifié par la place qu’il confère à cette discipline dans l’ensemble des sciences. Dans un grand nombre de ses œuvres, il ne cesse d’insister sur l’importance fondamentale de la description de la terre et de ses parties. Il en a traité plus, et plus souvent, que de toute autre chose, dit-il dans l’‹ Opus 3 tertium ›, ajoutant que cet examen doit susciter la plus grande attention. La description des lieux fait partie des sept radices qui révèlent le caractère 4 nécessaire de la mathématique pour la réflexion théologique. La distinction des lieux habitables est unum de maximis fundamentis sapientie, tum 5 propter divina tum propter humana. Et cette connaissance indispensable manque chez les Latins, comme il le relève à plusieurs reprises. Dans une remarque des ‹ Communia naturalium ›, énumérant les manques de l’œuvre d’Aristote, il présente par contraste sa propre contribution. Le philosophe n’a évoqué les questions géographiques que de façon générale, sans entrer dans des considérations in particulari : il n’a étudié ni l’étendue ni la situation des parties habitables, ni leurs complexions, ni l’action que les éléments 6 et leurs qualités exercent sur la terre. Ainsi, l’entreprise de Bacon vise à compléter l’œuvre du naturaliste qui est son modèle, en exposant les causes

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au Moyen Age. Espaces pensés, espaces vécus, espaces rêvés. Arras, Journée d’études, 30 janvier 1998, Paris 1999, pp. 81–96. Il est inutile de rappeler, notamment, que le réemploi de données historiques obsolètes (selon nos conceptions) est un fondement de la géographie médiévale qui trouve sa justification théorique dans l’ordre de la Création et dans l’économie de l’histoire du salut. Et ideo pluries et plus scripsi de his locis in Majori Opere, quam de aliis rebus […] Et ideo summe notanda est consideratio horum locorum, propter sapientiae magnitudinem. Opus tertium, c. 54, éd. John S. Brewer, Fr. Rogeri Bacon opera quaedam hactenus inedita, t. i (Rerum Britannicarum medii aevi scriptores 15), London 1859, p. 204. Tango septem radices magnas in quibus mathematica necessaria est theologiae, et una est de locis mundi. Opus minus, ibid., p. 318. Opus tertium, éd. Andrew George Little, Part of the Opus tertium of Roger Bacon including a fragment now printed for the first time, Aberdeen 1912, p. 9. Nichil vero docet in particulari de naturis substancialibus celorum et stellarum, neque de virtutibus quibus agunt in hec inferiora, neque de natura lucis in eis, et obscuritatis eclipsium, neque de motibus cuiuslibet planete cuiusmodi sunt, et quot sunt, neque certificat de contiguitate orbium, neque de numero eorum, neque de latitudine celorum et stellarum, neque de spissitudine et magnitudine, et sic de aliis particularibus veritatibus in celestibus. Neque certificat de partibus habitabilibus in magnitudine, figura et situ, neque de complexionibus earum […], Communia naturalium, i, 1, 2, éd. Robert Steele, Liber primus Communium naturalium Fr. Rogeri (Opera hactenus inedita Rogeri ii), Oxford 1911, p. 4.

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de la diversitas locorum à la surface de la terre et en développant une véritable science des lieux. Par là, il rejoint évidemment le projet du ‹ De natura loci › d’Albert le Grand. Comme lui, il cherche à intégrer la science des lieux dans une synthèse explicative. Mais il s’en distingue par une méthode différente et par un mode d’exposition plus répétitif que systématique dicté par l’urgence de convaincre le pape Clément iv, destinataire de ses différents opera – caractère de ses exposés qui rend pénible l’élaboration d’un tableau d’ensemble de ses idées. Pour tenter de faire un tel tableau, je présenterai d’abord les principes de la science des lieux baconnienne. En associant la mathématique (l’astronomie et la théorie des species) et la philosophie naturelle d’empreinte aristotélicienne, ces principes expliquent le mode d’action des influences célestes sur les lieux et leur diversité dans l’espace et dans le temps. Mais cette science des lieux est aussi une science pratique, tant par les moyens de son acquisition que par les buts qu’elle vise. J’étudierai ensuite l’application concrète de ces principes dans la façon même dont la descriptio locorum est menée par Bacon dans une longue section du livre iv de l’‹ Opus majus › où il établit la diversitas locorum à l’aide de la théorie des species, et raisonne à partir du texte de ses sources en vue de déterminer l’exact ordo locorum. Et je terminerai en essayant de mesurer le rôle de la théorie aristotélicienne du lieu et de son élaboration par Bacon dans cette synthèse d’une grande originalité.

i. L’intégration de la géographie dans l’étude des naturalia i.1 Locorum diversitas Bacon, tout comme Albert le Grand, est particulièrement sensible à l’extrême diversité des lieux à la surface de la terre, rendue manifeste par la 7 nature même des inferiora. Il insiste à de nombreuses reprises sur l’infinita diversitas qui y règne, notamment en introduction de la description de l’habitable : « il faut examiner quelle est la diversité des régions du monde, et comment la même région varie selon le temps, et comment les choses différentes de la même région subissent dans le même temps des passions

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[…] accidit infinita diversitas, Opus majus, éd. John Henry Bridges, The Opus Majus of Roger Bacon, t. i, London/Oxford 1900, p. 138.

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différentes ». Pour ne donner qu’un seul exemple, dans le passage de l’‹ Opus tertium › sur l’utilité de la cognitio locorum mundi, le vocabulaire de la 9 variatio est omniprésent. Elle s’observe en premier lieu dans les naturalia, c’est-à-dire dans les propriétés des choses soumises à la génération et à la corruption. Cette formulation générale est spécifiée dans un passage où le rôle essentiel de la mathématique est justifié pour l’exégèse de l’Écriture. Le sens littéral doit être élaboré par la connaissance de « […] la longueur, la largeur, la profondeur, la hauteur, la variété des qualités de chaud, de froid, de sec et d’humide et de leurs effets tels que le mou, le dur, l’épais, le subtil, le rugueux, le lisse, le sec, le liquide, le glissant et d’autres aspects innombrables déterminés dans le quatrième livre des Météorologiques ; et les couleurs, les saveurs, les odeurs, les beautés, les laideurs, les agréments, la stérilité, la fertilité, la nature infective, corruptive et les choses contraires, et toutes les autres choses qu’il faut prendre en considération dans les aspects de ces lieux et 10 leurs propriétés […] ». Cette liste formulée à propos de la Terre sainte démontre la diversitas imprimée dans tous les aspects de la nature par le jeu des éléments et de leurs qualités. Mais elle est plutôt l’expression d’un desideratum qu’un programme correspondant aux travaux de Bacon qui en fait n’est jamais entré dans ces particularités. Elle montre néanmoins l’ambition 8

[…] necesse est considerare quae sit diversitas regionum mundi, et quomodo eadem regio in diversis temporibus variatur, et quomodo res diversae ejusdem regionis diversas recipiunt passiones in eodem tempore. Opus majus, éd. Bridges (note 7), p. 288. 9 Opus tertium, éd. Little (note 5), pp. 9 sqq. 10 Qui enim audit historias versantes circa Jordanem, Jericho cum planitie sua, montem Oliveti, vallem Josaphat, Jerusalem, et non habet imaginationem locorum istorum et proprietatem eorum, sensum litteralem ignorabit, et ei non immerito non multum sapiet cursus historiae, atque per consequens sensus spirituales obteguntur. Qui vero scit longitudines, latitudines, profunditates, altitudines, varietatem qualitatum, ut calidi, frigidi, sicci et humidi, necnon et eorum quae consequuntur ad haec quatuor, ut mollis, duri, grossi, subtilis, asperi, laevis, aridi, liquidi, lubrici, et aliorum innumerabilium, quae quarto Meteorologicorum determinantur ; necnon et colores, et sapores, odores, pulchritudines, turpitudines, amoenitates, sterilitatem, fertilitatem, naturam infectivam, corruptivam, et eis contrarias, et catera quae in locis considerari habent, potest sensum literalem ad purum concipere et in eo delectari, atque ad sensus spirituales gloriose et placide transire. Opus majus, éd. Bridges (note 7), p. 185. Ce programme d’éxégèse totalisante me semble découler du modèle de Hugues de Saint-Victor ; il manque une étude sur l’influence reçue de Saint-Victor par Bacon.

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de la science des lieux du point de vue des réalités physiques de la surface de la terre : elle doit en principe expliquer les moindres aspects des choses naturelles. La diversité ne se rencontre pas que dans les choses naturelles. Bacon insiste aussi sur l’extrême variété des mœurs, des religions et des aptitudes des habitants de la terre : « Et nous voyons que toutes choses varient selon les divers lieux du monde, non seulement dans les choses naturelles, mais les hommes aussi diffèrent par leur mœurs : les Éthiopiens, les Hispaniques, les Romains et les Gaulois ont des mœurs différentes. En effet les Picards, qui sont voisins des Gaulois, ont une si grande différence dans les mœurs et dans la langue, qu’on ne peut que s’étonner de l’origine d’une si grande diversité 11 de lieux proches ». Il va plus loin. Des peuples très voisins, qui devraient donc a priori relever des mêmes influences célestes, sont très différents : « c’est selon la diversité de chaque clima et même des parties d’un clima que varient les mœurs des habitants ; ainsi, dans le septième clima, on voit manifestement que les Picards, les Gaulois et les Normands, et les Flamands, et les Anglais sont distincts par les mœurs, alors que leur situation est contiguë 12 et qu’ils sont proches ». Elle s’observe aussi selon la longitude, ce dont ne rend pas compte l’astrologie habituellement, mais qu’observe l’experientia : 13 les régions et leurs parties varient en effet au long d’un même parallèle. i.2 Complexiones locorum et rerum Les complexiones rerum dépendent des complexiones locorum, et la science des lieux est une science des choses et des corps qui se trouvent dans les lieux en tant qu’ils reçoivent leurs caractères par l’intermédiaire du lieu. La 11 Et nos videmus, quod omnia variantur secundum loca mundi diversa non solum in naturalibus, sed homines in moribus ; quoniam alios mores habent Aethiopes, alios Hispani, alios Romani, et alios Gallici. Nam et Picardi, qui sunt veris Gallicis vicini, habent tantam diversitatem in moribus et in lingua ut non sine admiratione possit esse unde sit tanta diversitas locorum propinquorum. Opus majus, éd. Bridges (note 7), p. 138. 12 […] immo secundum diversitatem cuiuslibet climatis et etiam partium climatis variantur mores habitantium, ut in climate scilicet septimo Picardos, Gallicos, et Normannos, et Flamingos et Anglicos, videmus manifeste in moribus discrepare, cum tamen sint continui ad invicem et propinqui. Ibid., p. 250. 13 Et non solum est haec diversitas secundum latitudinem regionum ab aequinoctiali circulo versus polum, sicut nunc tactum est, sed secundum longitydinem, licet causae sint occultiores. Per experientiam enim videmus, quod sub eodem parallelo variantur régiones, secundum quod magis ab occidente vel

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connaissance des lieux possède sa propre valeur, mais celle-ci est plus grande 14 en vue de la connaissance des choses : « En effet les choses du monde ne peuvent être connues que par la connaissance des lieux où elles sont conte15 nues ». Comme le fait Albert le Grand confronté à la même question, Bacon précise ce concept d’origine aristotélicienne par la citation de la définition du genre selon l’‹ Isagogè › de Porphyre : locus est principium gene16 rationis, quemadmodum et pater, ut dicit Porphyrius. Cette référence où le père et le lieu sont associés et mis sur le même plan accentue le caractère causal du lieu par rapport au corps qu’il produit. A ce constat de la diversité des choses et des hommes et au rôle conféré au lieu en tant que principe de génération, répond la recherche des causes à laquelle Bacon consacre de longs développements. Mais les choses se compliquent du fait qu’il s’agit de connaître non pas tant les lieux en tant que tels que leur propre complexion qui influe sur la complexion des choses contenues : « Selon les diversités des lieux dans leur complexion, les choses se diversifient dans leurs complexions, et les hommes dans leurs arts, leurs sciences, leurs langues, leurs activités et leurs mœurs, comme nous le voyons 17 visiblement, selon la diversité des régions ». Inscrire les analyses baconiennes dans le contexte du déterminisme géographique paraît ici sans intérêt, même si on reconnaît que son déterminisme n’est ni simplifié ni aveugle – toujours d’un point de vue orienté 18 par une vue progressiste de l’histoire de la géographie. Le problème est davantage de savoir comment les lieux reçoivent leurs complexions, plutôt

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oriente distant, et non solum ipsae regiones sed partes regionum. Opus majus, éd. Bridges (note 7), p. 250. Cognitio vero locorum mundi est nobilis secundum se, sed nobilior propter notitiam rerum. Opus tertium, éd. Brewer (note 3), p. 120. Nam res mundi sciri non possunt nisi per notitiam locorum in quibus continentur. Opus majus, éd. Bridges (note 7), pp. 300 sq. Ibid., p. 138 ; cf. Opus tertium, éd. Brewer (note 3), p. 120 ; Porphyre, Isagogè (transl. Boethii), éd. Lorenzo Minio-Paluello, Aristoteles Latinus i, 6–7, Categoriarum supplementa, Brugge/Paris 1966, p. 6. Secundum enim diversitatem locorum in complexione diversificantur res in complexionibus, et homines in artibus, et scientiis, et linguis, et negotiis, et moribus, ut videmus oculata fide, secundum diversitatem egionum. Opus tertium, éd. Brewer (note 3), p. 120 ; Et etiam res locatae non possunt cognosci nisi per loca ; quia complexiones earum accidunt per complexiones locorum. Ibid., p. 204. Glacken, Clarence, Traces on the Rhodian shore. Nature and culture in western thought from ancient times to the end of the eighteenth century, Berkeley 1978, pp. 283 sqq. ; Woodward et Howe (note 1), pp. 210 sq.

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que de connaître la façon dont le lieu agit sur le locatum. Dans la ligne de la remarque d’Aristote à propos du rôle de la course du soleil le long du 19 zodiaque sur la génération et la corruption, ces causes sont célestes. Bacon ajoute à la virtus du soleil celle des signes du zodiaque, des étoiles fixes et des planètes, toutes ces influences s’exerçant par le moyen de la lumière. On sait le rôle de la lumière dans la philosophie de Bacon, par suite de l’influence de Robert Grosseteste et d’al-Kindi, et je ne m’attarderai ici que sur des points en rapport avec la nature et le pouvoir du lieu. Le fondement de la diversité des lieux découle d’une notion astronomique. Chaque point de la terre est le centre d’un horizon différent qui entre dans un rapport spécifique avec l’ensemble de la configuration que présentent par rapport à lui les objets célestes, les planètes et les signes se levant à différents moments sur chaque région. Les virtutes célestes sont produites par les species émanant de ces objets, qui parviennent en chacun de ces points sous la forme d’un cône ayant pour base l’ensemble des cieux. Comme chacun de ces cônes a ses particularités propres, les choses qu’ils produisent ont des natures et des propriétés différentes, et les impressions que les species provoquent physiquement dans les corps les altèrent : « les sommets des différents cônes contenant les virtutes des étoiles et des parties du ciel viennent sur les têtes des habitants sur chaque point de la terre, en sorte qu’une 20 pleine diversité tombe sur les choses ». C’est ainsi que, lors de la création du monde, l’air de chaque région a reçu une altération particulière en fonc21 tion des planètes et des signes, et que le fœtus, exposé à un air nouveau au 19 Nam in Vegetalibus Aristoteles dicit primo de plantis, quod Sol est pater plantarum et terra mater ; et in Animalibus vult illud idem ; quia de homine, de quo minus videtur, dicit secundo Physicorum, homo generat hominem ex materia et sol […], Opus majus, éd. Bridges (note 7), p. 287. Ce trait essentiel de la science baconienne a souvent été relevé, par exemple par Bigalli, Davide, I Tartari e l’Apocalisse, Firenze 1971, pp. 170 sqq. ; Molland, George, Roger Bacon’s ‹ De laudibus mathematicae › : a preliminary study, dans : Texts and contexts in ancient an medieval science. Studies on the occasion of John Murdoch’s seventeenth birthday, Leiden 1997, p. 82 ; Hackett, Jeremiah, Roger Bacon on astronomy/astrology. The sources of the scientia experimentalis, dans : Roger Bacon and the science. Commemorative essays, éd. Jeremiah Hackett, Leiden et alii 1997, p. 182. 20 Notion répétée dans l’Opus majus, éd. Bridges (note 7), pp. 110 sq., 138, 249 sq., 287, 379 sqq. et dans l’Opus tertium, éd. Brewer (note 3), pp. 119 sqq. 21 Nam a principio mundi fuerunt planete et signa 12 in directo regionum determinatarum, et tunc aer cujuslibet regionis fuit alteratus nova et subita alteratione. Opus tertium, éd. Little (note 5), p. 5.

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moment de la naissance, reçoit des impressions nouvelles transmises par les 22 sommets des cônes célestes touchant ses diverses parties. Par conséquent, chaque région, par l’effet des influences célestes, est affectée naturellement à un peuple : comme il le note dans une remarque incidente, l’Afrique étant due aux fils de Cham, il n’est pas vraisemblable que des étrangers, en l’occurrence les Gétules qui descendent des Gètes et des Goths, l’aient habitée 23 en premier : par quoi l’on voit combien la théorie baconienne est attentive aux moindres spécificités. L’empreinte de ce principe est évidemment d’origine astrologique : c’est en effet l’astrologie qui fonde le système d’explication des phénomènes naturels, et toute la fin du livre iv de l’‹ Opus majus › est consacrée à une analyse 24 astrologique des causes de l’influence céleste. Comme les species accompagnent les rayons lumineux émanés des corps célestes, leur propagation suit les lois de l’optique géométrique : réfraction lorsqu’elles rencontrent un milieu de densité différente, réflexion lorsque la densité est très élevée. Astronomie théorique et géométrie sont en conséquence les deux principaux aspects du recours à la mathématique sur la nécessité duquel Bacon insiste dans la quatrième partie de l’‹ Opus majus ›. Seule la mathématique achevée permet, en matière de géographie, de parvenir à la certitude. C’est ce second aspect que je vais maintenant aborder, en examinant comment Bacon entend réaliser ce programme.

22 Et cum puer in nativitate exponitur aeri novo tanquam alteri mundo, tunc recipit conos pyramidarum coelestium secundum singulas partes, et sic recipit impressiones novas, quas nunquam dimittit. Opus majus, éd. Bridges (note 7), p. 138. 23 Ibid., p. 316. 24 Sur la tentative de Bacon de fonder scientifiquement la doctrine de l’influence céleste en décrivant les effets physiques de la géographie et en déterminant les causes astrologiques, voir la présentation novatrice de David Juste, qui note que l’historiographie baconienne ne rend généralement pas compte du rôle central de l’astrologie dans son œuvre scientifique. Juste, David, Astrologie et philosophie naturelle chez Roger Bacon, dans : Villiers 15 (2000), pp. 10–18 ; une exception toutefois, à propos des rapports de l’astrologie et de la géographie : Woodward et Howe (note 1), pp. 199 sq.

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ii. Divisio locorum mathematica Bacon a conscience que les principes de la science des lieux, et notamment l’emploi de la mathématique, n’ont encore trouvé qu’une application limitée dans le monde latin. Le volet géométrique a fait l’objet d’un traité spécifique, le ‹ De multiplicatione specierum › qui est résumé dans l’‹ Opus majus ›. Mais le volet astronomique, dans sa pertinence pour la géographie, n’est pas développé et spécifié avec la même précision. Bien loin de considérer ce domaine particulier comme secondaire, Bacon souligne à plusieurs reprises l’impossibilité pour le philosophe d’achever le programme sous cet aspect dans l’état actuel des connaissances. La seule façon d’analyser et de comprendre l’action des virtutes caeli sur les lieux, et donc de comprendre les complexiones rerum dans leur diversité infinie, est de situer exactement les lieux qui sont leur principe et leur cause. Les caelestia étant la cause des inferiora, le seul medium conceptuel qui les relie est le système des coordonnées géographiques. Depuis l’Antiquité en effet, la longitude et la latitude terrestres étaient conçues non pas comme déterminées par un réseau de méridiens et de parallèles établi de façon autonome à la surface de la terre – c’est une notion moderne –, mais comme la projection sur la terre du réseau couvrant la voûte céleste servant à mesurer le cours des objets qui la parcourent : à chaque degré du ciel correspond 25 ainsi un degré sur la terre. Chaque point de la terre étant le centre d’un horizon qui lui est propre, la configuration des objets célestes à un moment donné et en un lieu donné est appréhendée de la meilleure façon possible si l’on connaît les coordonnées de ce lieu : « alors en effet, nous saurions sous quelles étoiles est chaque lieu, de combien il est distant de la voie du soleil et des planètes, et à quelles planètes et signes les lieux sont soumis, toutes choses qui font les diverses complexions des lieux ; et si on les connaissait,

25 Ostendam etiam cum latitudine cujuslibet climatis quot miliaria quodlibet contineat in se, et quot gradus in coelo cuilibet respondeant […], Opus majus, éd. Bridges (note 7), p. 296. Bacon n’est pas le premier à « appliquer le système de coordonnées afin de calculer la position d’un lieu sur le globe terrestre », Guéret-Laferté (note 2), p. 84, n. 6. De nombreux astronomes, dès e le xii siècle, ont longitudes et latitudes, le premier témoignage étant celui de Walcher de Malvern, longuement étudié en premier lieu par Haskins, Charles Homer, Studies in the history of mediaeval science, 2e éd., Cambridge (Mass.) 1927, pp. 113–117.

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on pourrait connaître les complexions de toutes les choses du monde, et les 26 natures et les propriétés qu’elles reçoivent de la virtus du lieu ». De quelles données Bacon pouvait-il disposer sur ce point dans la deuxième moitié du xiiie siècle ? Depuis la fin du xie siècle, les traductions de l’arabe avaient familiarisé les savants latins avec les méthodes de calcul des coordonnées, et transmis des tables comportant quelques dizaines de lieux définis par leur longitude et leur latitude. L’on dispose d’autre part d’assez nombreux témoignages de calculs de coordonnées opérés par des astronomes en vue d’adapter les tables astronomiques aux lieux où ils exerçaient 27 leur art. Mais, au total, le nombre de localités bien définies par leur longitude et leur latitude restait faible ; et, comme Bacon le note lui-même, les données sur ce point étaient obérées par l’incertitude sur la définition d’un 28 méridien origine – je n’aborde pas la question de la difficulté intrinsèque de la détermination de la longitude en l’absence d’un moyen de conserver le temps d’un méridien de référence, problème bien connu des médiévaux, mais qui n’intervient pas ici. Il utilise l’‹ Almageste › de Ptolémée et le ‹ De elementis astronomiae › d’Alfraganus, ce dernier lui ayant en particulier procuré l’étendue de chaque clima et les noms des cités contenues dans chacun d’eux. Mais pour ce qui est des coordonnées elles-mêmes, il recourt 29 aux Tables de Tolède qui ont le défaut, selon lui, de mesurer les longitudes à partir d’un occident (c’est-à-dire d’un méridien-origine) différent du verum occidens situé sur l’équateur à l’extrémité de l’habitable, soit à 90 degrés du centre du monde : de ce fait la longitude vraie de Tolède est de 29°, alors que la table indique 11°. Plutôt que de s’étendre inutilement sur la justesse ou la fausseté des coordonnées fournies par les Tables de Tolède, l’historien doit fortement 26 […] tunc enim sciremus sub quibus stellis est quilibet locus, et quantum a via solis et planetarum, et quorum planetarum et signorum loca recipiant dominium, quae omnia faciunt diversas complexiones locorum : quae si scirentur, possit homo scire complexiones omnium rerum mundi et naturas et proprietates quas a virtute loci contrahunt. Opus majus, éd. Bridges (note 7), p. 301. 27 Cf. Gautier Dalché, Patrick, Connaissance et usages géographiques des coordonnées dans le Moyen Âge latin (du Vénérable Bède à Roger Bacon), dans : Science antique, science médiévale (Autour d’Avranches 235), Actes du Colloque international (Mont Saint-Michel, 4–7 septembre 1998), éd. par Louis Callebat et Olivier Desbordes, Hildesheim/Zürich/New York 2000, pp. 401–436. 28 Opus majus, éd. Bridges (note 7), pp. 298 sqq. 29 Pour d’évidentes raisons, il paraît hasardeux de traduire « tabulae Toletanae » par « Alphonsine tables » et de les qualifier « the Toledo or Alphonsine tables », comme le font Woodward et Howe (note 1), p. 209.

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souligner l’originalité de trois points essentiels de la pensée de Bacon à ce propos. Tout d’abord, il a eu l’idée de représenter les liens entre les celestia et les inferiora par l’ artificium d’une carte fondée sur les coordonnées qu’il adressa au pape en même temps que l’‹ Opus majus ›. L’idée de cet artefact est née sans doute de la lecture du ‹ De configuratione mundi › d’Alhazen et du commentaire d’Ali ibn Ridwan au ‹ Quadripartitum ›, où l’on pouvait trouver parfaitement caractérisé le modèle qu’était sur ce point la Géographie de Ptolémée, à la fois recueil de coordonnées et livre consacré 30 à la carte du monde. La carte de Bacon portait un réseau de méridiens et de parallèles (ou tout au moins des graduations marquées sur l’équateur et sur un quart de colure joignant le pôle à l’équateur), un certain nombre de civitates famosae placées selon l’intersection de leur méridien et de leur parallèle, les sept climata et les espaces antérieurs, vers l’équateur, et postérieurs, vers les pôles, définis selon la durée du jour le plus long et selon leur 31 étendue en milles. Cette carte décrite sommairement dans l’‹ Opus majus › est résumée dans l’‹ Opus tertium › d’une façon qui souligne son importance pour la science des loca, associée à la description purement textuelle : « En premier intervient ici la division et la description des lieux, tant par écrit qu’en peinture ou figuration sur une peau de parchemin, afin que nous contemplions de 30 Gautier Dalché, Patrick, La Géographie de Ptolémée en Occident (ive–xvie siècle), (Terrarum Orbis 9), Turnhout 2009, pp. 99 sqq. et 111–118. 31 Voir la reconstitution de David Woodward, Roger Bacon’s terrestrial coordinate system, dans : Annals of the Association of American geographers 80 (1990), pp. 109–122. Cette reconstitution est partielle, car elle ne comporte pas les climata et les espaces antérieurs et postérieurs aux climata. A la suite d’un contresens, David Woodward et Herbert M. Howe voient en outre un aspect géographique et cartographique inexistant, à mon sens, dans le passage de la sixième partie de l’‹ Opus majus › décrivant la fabrication d’un astrolabe sphérique comme exemple des pouvoirs de la mathématique et de la scientia experimentalis, Opus majus, éd. Bridges (note 7), t. ii, p. 202 ; ils traduisent secundum longitudines et latitudines certas, tam de circulis quam de stellis juxta artificium Ptolemaei in octavo Almagesti par « placed on accurately measured parallels and meridians – those of both the geographical circles and those of the heaven ». Outre que la notion de ‹ cercle géographique › est quelque peu inhabituelle, il est évident que Bacon parle exclusivement des coordonnées et des cercles célestes, ibid., p. 218. Il est faux par ailleurs de dire qu’il n’y a pas d’autre allusion à un pareil système qui, selon ces auteurs, serait resté ignoré avant l’introduction en Occident de la Géographie de Ptolémée au début du xve siècle, ibid., pp. 215 et 217: cf. Gautier Dalché (note 30), pp. 137 sqq.

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nos yeux les noms et les positions et les distances de toutes les régions et cités fameuses les unes par rapport aux autres, afin de connaître les diversités de tous les peuples dans leurs langues, leurs mœurs, leurs religions, leurs rites, leurs lois, et lesquels sont sans loi, afin de savoir où sont les païens, où les idolâtres, où les Tartares, où les schismatiques, où les sarrasins, où les 32 chrétiens et les juifs, et les autres diversités ». La valeur démonstrative de la carte est d’ailleurs marquée, dans l’‹ Opus tertium ›, par le fait que c’est à elle que sont rapportés la plupart des avantages pratiques de la cognitio 33 locorum. Mais, loin d’être un but en soi, la carte n’était qu’une étape dans l’accès à la connaissance parfaite des lieux. A cette figure dressée astronomice, selon les lois de la mathématique, il aurait fallu ajouter une figure secundum vias naturalium que Bacon regrette de n’avoir pu achever et qui serait susceptible de permettre, une fois les choses naturelles établies, des jugements (astro34 logiques) à leur sujet. On s’interroge sur cette autre figura qui n’a pas été remarquée jusqu’à présent par la critique. S’agit-il d’une autre carte, qui n’aurait pas été dressée sur un canevas de méridiens et de parallèles, analogue donc à quelque type de mappa mundi ? Je soupçonne que Bacon a eu l’intention de réaliser une telle carte en suivant les données qu’il établit rigoureusement dans sa description textuelle, c’est-à-dire une carte qui représenterait la variété des inferiora : accidents physiques de la surface de la terre, mœurs et particularités des peuples. Certains détails de sa description textuelle, sur lesquels je ne peux m’attarder ici, paraissent avoir été élaborés avec une carte

32 Nam primo occurrit hic divisio locorum et descriptio tam in scripto quam in pictura seu figuratione in membrana, ut oculis nostris contemplemur nomina et situs et distantias omnium regionum et civitatum famosarum ad invicem, ut sciamus omnium gentium diversitates in linguis, in moribus, in sectis, ritibus et legibus, et que sunt sine lege, ut sciamus ubi sunt pagani, ubi idolatre, ubi Tartari, ubi scismatici, ubi Sarraceni, ubi Christiani et Judei et alie diversitates. Opus tertium, éd. Little (note 5), p. 9. – L’emploi de l’expression civitates famosae renvoie évidemment aux poleis episèmoi de Ptolémée et de la tradition de la géographie astronomique antique ; voir sur ce point Honigmann, Ernst, Die sieben Klimata und die ȖȢȑȋȏȘ ȋȖȏșȄμȕȏ. Eine Untersuchung zur Geschichte der Geographie und Astrologie im Altertum und Mittelalter, Heidelberg 1929. 33 Opus tertium, éd. Little (note 5), pp. 9–12. 34 Sed cum non potui propter impedimenta perficere descriptionem locorum in figura secundum vias naturalium […], Opus majus, éd. Bridges (note 7), pp. 376 sq.

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sous les yeux. Quoi qu’il en soit, Bacon insiste sur le fait que la connaissance des lieux et son expression, en dessin comme en texte, doivent associer la mathématique et la philosophie naturelle : « J’expose les lieux dans un traité et dans une figure, et cela doublement, c’est-à-dire astronomice, et natura36 liter ». La matrice mathématique du lieu, exprimée par ses coordonnées, doit permettre de rendre raison des caractéristiques des choses naturelles, et le naturaliste doit en vérifier les conclusions par l’experientia, en apportant confirmation pratique : en particulier, par la collecte de coordonnées géogra37 phiques calculées in situ : la valeur accordée par Bacon à la mathématique 38 ne rend donc pas illégitimes les autres sciences. Dans la description de 35 Opinion formulée par Woodward et Howe (note 1), p. 219. Les exemples apportés à l’appui ne sont pas probants : la vallée du Jourdain n’est pas décrite sur le mode de la ‹ visualisation › ; la côte septentrionale de la mer Noire conçue comme un arc est un lieu commun provenant de la géographie antique et n’est pas empruntée à une carte. Quant aux contemporains de Bacon auxquels ces auteurs attribuent des cartes, il convient de répondre que les textes de Jacques de Vitry et d’Albert le Grand qu’ils allèguent à ce propos emploient l’expression mappa mundi pour désigner des textes et non des cartes : dans le premier cas, l’‹ Imago mundi › d’Honorius Augustodunensis ; dans le second, la reprise textuelle, dans le ‹ De natura loci ›, de la ‹ Cosmographia › du Pseudo-Aethicus ; voir respectivement Gautier Dalché, Patrick, Les sens de mappa (mundi) ive– xive siècle, dans : Archivum latinitatis medii aevi 62 (2004), pp. 187–202, et id., La Géographie de Ptolémée en Occident (ive–xvie siècle), p. 134. 36 Expono loca in tractatu et in figura. Et hoc dupliciter, scilicet astronomice, et naturaliter. Opus minus, éd. Brewer (note 4), p. 318 ; de même dans l’Opus tertium : […] in scripto et in figura per leges astronomorum et naturalium philosophorum […], Opus tertium, éd. Little (note 5), p. 10. 37 Sur le rôle de l’experientia vérifiant les conclusions des autres sciences, voir Fisher, N. W., et Sabetai Unguru, Experimental science and mathematics in Roger Bacon’s thought, dans : Traditio 27 (1971), pp. 353–378, particulièrement p. 362 et 367 ; et, en général, Hackett, Jeremiah, Experientia, experimentum and perception of objects in space : Roger Bacon, dans : Raum und Raumvorstellungen im Mittelalter (Miscellanea mediaevalia 25), Berlin 1998, pp. 101–120. 38 Le rôle de la mathématique dans la pensée de Bacon a été diversement apprécié. A côté des sarcasmes de Lynn Thorndike sur la ‹ crédulité › de Roger Bacon marqués par le point de vue ‹ positiviste › de son temps (Roger Bacon and experimental method in the Middle Ages, dans : Philosophical review 23 [1914], pp. 271–298), on a tenté à plusieurs reprises, tout aussi artificiellement, de le présenter en précurseur de la science classique, en dernier lieu : Englisch, Brigitte, Artes und Weltsicht bei Roger Bacon, dans : Artes im Mittelalter,

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l’‹ Opus majus ›, il souligne souvent les particularités naturelles de telle région, l’exemple le plus développé étant le long excursus consacré à la 39 recherche des causes de la crue du Nil. Enfin, Bacon a conscience du caractère provisoire des données dont dispose la Chrétienté pour connaître et évaluer efficacement la diversité des lieux du mondes. Il manque d’une part à la mathématique ce qu’il appelle la certificatio : « parce que les longitudes et les latitudes ne sont pas encore certifiées chez les Latins, et elles ne pourront l’être, ajoute-t-il, que par l’autorité apostolique ou impériale, ou par l’aide de quelque grand roi fournis40 sant son concours aux philosophes ». Ce n’est pas seulement une question d’abondance des données ; il faut encore qu’elles soient fiables, et vérifiées. A la philosophie naturelle d’autre part, qui dépend particulièrement de l’experientia, c’est-à-dire de l’enquête sur le terrain, il manque la généralisation de l’enquête et l’accord des témoins qui ont souvent écrit ex rumore plutôt que d’après des personnes dignes de foi. La géographie descriptive de l’‹ Opus majus › est introduite par une remarque soulignant l’insuffisance tant de la carte que de la description textuelle : « De même que j’ai fait un si grand dessin à titre d’exemple et pour inciter Votre Gloire à faire en sorte qu’il soit complété par les savants de ce monde, plutôt qu’en vue de la certification, de même aussi je note cette division [textuelle] afin que Votre Sagesse reconnaisse qu’il y faut un plus grand effort que ce que mon présent discours doit contenir. Le texte parfait que vous demandez doit, pour être complet, 41 présenter l’une et l’autre description [dessin et texte] ».

Berlin 1999, pp. 53–67. Voir la démonstration éclairante de David Lindberg, qui affirme la nécessité de considérer Bacon comme un savant du xiiie siècle et de s’attacher non pas à son influence supposée sur la science du xviie siècle mais à ses sources et à sa façon de les utiliser. Lindberg, David C., On the applicability of mathematics to nature : Roger Bacon and his predecessors, dans : The British journal for the history of science 15 (1982), pp. 3–25. 39 Opus majus, éd. Bridges (note 7), pp. 318 sqq. 40 Quamquam major certitudo requiratur, quia nondum apud Latinos certificatae sunt longitudines at latitudines civitatum et regionum ; nec unquam certificabuntur nisi per apostolicam auctoritatem vel imperialem, aut per auxilium alicujus regis magni praebentis philosophantibus adjutorium. Opus majus, éd. Bridges (note 7), p. 300. 41 Sicut tantam priorem descriptionem feci, magis propter exemplar et excitationem Gloriae Vestrae, ut compleatur suo tempore per sapientes hujus mundi, quam propter certificationem, sic et hanc divisionem noto ut Vestra Sapientia recognoscat quod major labor hic requiritur, quam praesens persuasio debeat

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Plus que la réalisation de la carte elle-même, c’est la conception qu’a Bacon de sa nature et de son rôle dans la connaissance des lieux qu’il importe de définir. Même incomplets et insuffisants vu l’état des connaissances, carte et texte doivent aller de pair. Ce principe lui vient peut-être de Hugues de Saint-Victor qui, dans le prologue de sa ‹ Descriptio mappe mundi ›, soulignait la nécessité d’accompagner d’un sermo les imagines rerum portées sur 42 la mappa mundi. Vers le milieu du xive siècle, Paulin de Venise, franciscain, 43 exprimera la même idée, peut-être sous l’influence de Bacon. Mais si l’exposé complet requiert texte et carte, cette dernière a des avantages particuliers. Elle rentre en effet pour Bacon dans la catégorie des figures qu’il estime nécessaires, de façon générale, pour toute démonstration : plena cognitio est 44 45 in figuris. La figure aide la compréhension de données complexes. Elle permet une vue d’ensemble : « […] il est très beau d’avoir le monde visible sous la main ; car qui est exercé dans ces figures retient dans sa mémoire toutes les variétés des lieux et des hommes et de toutes les autres choses dans 46 l’habitable tout entière, et il peut les dépeindre avec qui il veut ».

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continere. Scriptura enim perfecta quam requiritis habet utramque descriptionem perficere. Ibid., p. 305. – Je reviens plus loin sur le concept de divisio. La Descriptio mappe mundi de Hugues de Saint-Victor. Texte inédit avec introduction et commentaire, éd. Patrick Gautier Dalché, Paris 1988, p. 133. Requiritur mapa duplex, picture et scripture. Nec unum sine altero putes sufficere, quia pictura sine scriptura provincias seu regna confuse demonstrat, scriptura vero non sufficienter sine adminiculo picture provinciarum confinia per varias partes celi sic determinat, ut quasi ad oculum conspici valeant. De mapa mundi, Cité du Vatican, Bibliotheca apostolica Vaticana, Vat. lat. 1960, f. 13ra. Paulin, qui exerça des fonctions à la curie, eut la possibilité de prendre connaissance de l’œuvre de Roger Bacon dans la bibliothèque papale. Opus minus, éd. Brewer (note 4), p. 317. Et quoniam haec climata et civitates famosae in eis non possunt evidenter percipi sermone, oportet quod figura sensui ministretur. Opus majus, éd. Bridges (note 7), p. 295 sq. […] pulcherrimum est pro manibus totum mundum habere in promptu, nam exercitatus in his scit corde omnes varietates locorum, et hominum, et ceterarum rerum in tota habitabili, et potest ea depingere quibus cum vult. Opus minus, éd. Brewer (note 4), p. 318.

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iii. La connaissance des lieux soumise à la philosophia moralis Outre ce que la carte et le texte apportent à propos des complexiones locorum et rerum, des diversités des hommes, du sens littéral et spirituel de l’Écriture, la connaissance des lieux a une valeur pratique essentielle fréquemment exprimée par le docteur admirable. La pratique intervient à deux niveaux dans la science des lieux. Tout d’abord, l’experientia ne consiste pas seulement dans l’usage immédiat des sens en vue de confirmer les autres sciences ou de découvrir de nouvelles propriétés des choses. Elle recourt aussi, lorsqu’on ne peut avoir de connaissances personnelles, à des témoins dignes de foi : « La méthode par laquelle je procède n’est pas celle de la certification par l’astronomie, c’est-à-dire par les vraies longitudes et latitudes des lieux en rapport avec le ciel, parce que les Latins n’en disposent pas encore, mais elle est prise chez les auteurs qui décrivent les régions du monde selon que chacun peut décrire les lieux de son sol natal et être renseigné par d’autres sur les lieux 47 étrangers ». Cette méthode est à la base de la description géographique de l’‹ Opus majus ›, où de nombreux auteurs antiques et médiévaux qu’il qualifie de naturales sont mis à contribution : Solin, Pline, Aethicus Ister... Les voyageurs contemporains qui ont parcouru l’Asie mongole, Guillaume de Rubrouck et Jean de Plan Carpin, sont mis exactement sur le même plan. Pour cette raison, les historiens de la géographie qui attribuent un rôle particulier à cet élément des sources de Bacon commettent un anachronisme : ils ne voient pas que les témoignages contemporains ont pour lui exactement la même valeur de vérité que ceux des Anciens et en particulier celui d’Aristote qui, selon Bacon, « utilisa plusieurs milliers d’hommes dans l’ex48 perientia des sciences ». Pline à propos de la mer Caspienne et Ptolémée au sujet de la Bretagne se sont trompés parce qu’ils ont conclu ex rumore 49 plutôt que par experientia : de façon générale, cela ne disqualifie pas leur autorité d’experimentatores, mais requiert un examen plus approfondi 47 Haec autem via, qua procedam, non est per certificationem astronomiae, scilicet per veras longitudines et latitudines locorum respectu celi ; quia nondum habent eam Latini, sed est sumpta ex auctoribus qui mundi regiones describunt secundum quod quilibet potest loca natalis soli describere, et per alios de locis extraneis edoceri. Opus majus, éd. Bridges (note 7), p. 304 ; de même à propos de l’aimant, ibid. t. ii, p. 202 ; voir sur ce point Fisher et Unguru (note 37) , pp. 362 sq. 48 Opus tertium, éd. Brewer (note 3), p. 24. 49 Par exemple, Opus majus, éd. Bridges (note 7), p. 305.

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auprès de témoins dignes, sur ces points précis, d’un plus grand crédit. Dans d’autres cas, les affirmations d’experimentatores antiques qui vont contre les opinions traditionnelles sont justifiées par le recours à la théorie des species : « et c’est ainsi qu’il faut comprendre Pline, Martianus Capella 50 et les autres experimentatores ». Parmi les auctores certi, figure même « Merlinus in prophetia sua », c’est-à-dire les prophéties à base cosmogra51 phique attribuées au devin breton par Geoffroy de Monmouth. C’est aussi en fonction des buts qu’il lui assigne que la géographie est une science pratique. Bacon a été frappé, dans ses lectures d’auteurs antiques, du soutien que certains souverains ont apporté aux explorations vers les régions 52 inconnues du sud de l’œcumène. L’exemple d’Aristote tel que Bacon l’a rencontré dans le Secretum secretorum apocryphe a joué un rôle central dans sa pensée, en démontrant l’efficace de secrets, révélés par dieu depuis la plus 53 haute antiquité et transmis aux philosophes. Aristote a reçu d’Alexandre, lui-même explorateur des confins du monde, des rapports sur les choses étonnantes et inhabituelles qu’il rencontrait en Orient, ce qui permit au philosophe, grâce à cette experientia transmise par un témoin autorisé, de 54 parvenir à une certificatio supérieure à celle de Ptolémée, par quoi l’on voit

50 Opus majus, éd. Bridges (note 7), p. 135. On voit que Pline et les autres auctores sont aussi, pour Bacon, des experimentatores, ou rapportent le témoignage d’experimentatores. Ce passage suffit à faire justice de l’affirmation selon laquelle le choix préférentiel des experimentatores serait toujours exclusivement illustré par l’exemple de Guillaume de Rubrouck, Guéret-Laferté (note 2), p. 84. 51 Opus majus, éd. Bridges (note 7), p. 292 ; Prophetia Merlini, éd. Edmond Faral, La légende arthurienne, t. iii, Paris 1920, pp. 307–352. 52 Il cite Néron d’après Sénèque (Quaestiones naturales, 6, 8, 3) et, d’après Ptolémée, les rois d’Égypte qui ont soutenu l’exploration jusqu’à l’équateur. Opus majus, éd. Bridges (note 7), pp. 291 et 296. – Il est bien connu que le ‹ De dispositione spherae › attribué à Ptolémée cité à cette occasion et à d’autres reprises est la traduction par Gérard de Crémone de l’Introduction aux phénomènes de Geminos, voir, entre autres, Hackett, Jeremiah, Scientia experimentalis : from Robert Grosseteste to Roger Bacon, dans : Robert Grosseteste : new perspectives on his thought and scholarship (Instrumenta patristica xxvii), Turnhout 1995, pp. 111 sqq. ; ce n’est pas le ‹ Planisphaerium ›, contrairement à la supposition de Michèle Guéret-Laferté (note 2), p. 85, n. 14. 53 Cf. Williams, Steven J., Roger Bacon and his edition of the Pseudo Aristotelian ‹ Secretum secretorum ›, dans : Speculum 69 (1994), pp. 57–73. 54 Et ipsemet Alexander perambulavit usque ad finem orientis, et sicut patet ex historia Alexandri et ex epistolis quas Aristoteli conscripsit, semper mandavit ei de

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que la certificatio est obtenue indirectement par un témoin oculaire. Aristote a été en effet le conseiller d’Alexandre qui, grâce aux connaissances que le philosophe lui a apportées, s’est soumis le monde tout entier. C’est Aristote qui a enseigné à Alexandre les moments opportuns pour réussir ses entreprises – moments calculés grâce à sa science des cieux et des lieux – et lui a procuré « les moyens, les actions, les instruments et les paroles nécessaires 55 à la victoire et à l’acquisition de la souveraineté sur le monde tout entier ». Il s’étend en particulier sur l’intervention d’Alexandre qui a enfermé les 56 nations apocalyptiques de Gog et Magog derrière les portes Caspiennes. Plus précisément encore, un passage du ‹ Secretum secretorum › pseudoaristotélicien qu’il cite à plusieurs reprises a exercé sur Bacon une impression décisive. Au prix d’un contresens, ce passage lui a donné la preuve des pouvoirs immenses que la science des lieux confère au philosophe, en mesure de modifier les complexiones locorum et, conséquemment, les caractères des 57 peuples. Alexandre s’interrogeait sur l’attitude à adopter envers les Perses dont les caractéristiques morales – intelligence, aptitude à dominer et réticence à l’obéissance – dépendaient des influences célestes qu’ils subissaient en fonction du clima où ils se trouvaient. Il se demandait s’il ne convenait donc pas de les tuer tous. La réponse d’Aristote a été comprise par Bacon comme exprimant le pouvoir de modifier la nature de l’air et de l’eau de la région : « Ayant rencontré des peuples aux mœurs exécrables, il demanda à Aristote ce qu’il devait faire d’eux. Le prince de la philosophie lui répondit : ‹ Si tu peux altérer leur air, permets-leur de vivre ; sinon, tue-les tous. › O quelle très secrète réponse, mais pleine de la puissance de la sagesse ! Car il comprit que les mœurs des hommes changent selon le changement de l’air, qui contient les virtutes célestes […] Il voulut donc qu’Alexandre changeât omnibus mirabilibus et insolitis quae inveniebat in oriente. Et ideo potuit Aristoteles plus certificare quam Ptolemaeus. Opus majus, éd. Bridges (note 7), p. 291. 55 Nam non potuit Alexander armorum potentia subjugare mundum sibi, quoniam non habuit in exercitu suo nisi 32 milia peditum et 4 milia equitum et quingentos. Non magis mirandum est quod vicerit mundum, quam quod ausus fuerit ipsum invedere cum tam parva manu. Sed dictus Aristoteles fuit cum eo, qui tempus elegit aptum aggrediendi mundum, et paravit ea ingenia, et opera, et instrumenta, et verba, et omnia que necessaria fuerunt victorie, per vias sapientie. Opus tertium, éd. Little (note 5), p. 53. 56 Opus majus, éd. Bridges (note 7), pp. 364 sq. (parmi de nombreuses évocations du fait dans d’autres œuvres). 57 Williams, Steven J., Roger Bacon and the Secret of secrets, dans : Roger Bacon and the sciences. Commemorative essays, éd. par Jeremiah Hackett, Leiden et alii 1997, pp. 387 sq.

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en mieux la qualité de l’air de ces peuples, afin que ces mœurs changeassent selon ce changement, et qu’ils soient incités à la bonté des mœurs (sans 58 contradiction avec le libre arbitre) ». L’action sur les complexiones locorum peut emprunter divers moyens qui relèvent des sciences occultes et, plus généralement de la troisième prérogative de la scientia experimentalis qui consiste en la découverte des secrets de la 59 nature et en leur utilisation pro ecclesia et re publica : boissons, nourritures, talismans et incantations « qui sont estimées magiques par le vulgaire, mais 60 philosophiques par ceux qui sont savants en beaucoup de domaines ». Bacon déclare avoir lui-même envoyé dans diverses régions du monde en vue de 61 connaître les secrets de la nature : imitation d’Aristote. Il dédia son édition 58 Et cum Alexander invenit gentes habentes mores pessimos, scribens Aristoteli quid faceret de eis, ipse princeps philosophiae respondit, Si potes alterare aerem ipsorum, permitte eos vivere ; si non, interfice omnes. O quam ocultissima responsio est, sed plena sapientiae potestate ! Nam intellexit quod secundum mutationem aeris, qui continet coelestes virtutes, mutantur mores hominum [...] Voluit ergo quod Alexander in bonum mutaret qualitatem aeris illarum gentium, ut secundum mutationem illam mutarentur mores, et excitarentur ad honestatem morum sine contradictione liberi arbitrii. Opus majus, éd. Bridges (note 7), p. 393 ; Opus tertium, éd. Little (note 5), p. 15 ; Duhem, Pierre, Un fragment inédit de l’Opus tertium de Roger Bacon précédé d’une étude sur ce fragment, Quaracchi 1909, pp. 156 sq. ; Secretum secretorum cum glossis et notulis, éd. Robert Steele (Opera hactenus inedita Rogeri Baconi v), Oxford 1920 pp. 37 sq. (Opera hactenus inedita Rogeri Baconi v). Le Secretum secretorum dit : Si non potes illius terre mutare aerem et aquam insuper et disposicionem civitatum, imple tuum propositum. Si potes dominari super eos cum bonitate, exaudies eos cum benignitate. La remarque finale de Bacon a pour but d’éviter la condamnation traditionnelle de l’astrologie. 59 Hackett, Jeremiah, Roger Bacon on scientia experimentalis, dans : Roger Bacon and the sciences. Commemorative essays, éd. par id., Leiden et alii 1997, p. 308. 60 Opus tertium, éd. Little (note 5), p. 16. 61 Hic Aristoteles magister Alexandri magni effectus duo millia hominum misit per mundi regiones, ut naturas rerum exquirerent, sicut Plinius narrat in Naturalibus octavo libro […], Opus majus, éd. Bridges (note 7), p. 55 ; d’après Pline, Naturalis historia, 8, 44. Et Aristoteles potuit plus nosse, quia auctoritate Alexandri misit duo milia hominum ad investigandum res hujus mundi […], ibid., p. 291 ; Unde multotiens ego misi ultra mare et ad diversas alias regiones et ad nundinas sollemnes ut ipsas res naturales oculis viderem et probarem veritatem creature per visum, tactum et olfactum et aliquando per auditum et per certitudinem experientie, in quibus per libros non potui veritatem intueri, sicut

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du ‹ Secretum secretorum › à un prince, Henry iii ou Édouard ier : comme cela a été remarqué, il se voyait lui-même dans la fonction de conseiller du prince 62 usant des secrets révélés pour agir au mieux des intérêts de la Chrétienté. Car la connaissance des complexiones locorum, telle que l’entend Bacon, a pour but fondamental d’éviter les actions néfastes et d’effectuer des actions utiles au service de la res publica christianorum. Ce but est particulièrement souligné en ouverture de la descriptio locorum, qui ne portera que sur les régions moins connues : « Il n’est pas nécessaire de noter les divisions particulières des régions qui nous sont connues, non plus que les lieux particuliers dans les autres régions, mais seulement les plus notables et les plus fameux dans l’Écriture et dans la philosophie ; de quels lieux les nations tyranniques viendront et sont venues dont on dit qu’elles ont dévasté le monde dans le passé et qu’elles le dévasteront un jour. Et je marquerai les rites et les religions des peuples […] afin qu’une plus sûre compréhension des lieux soit 63 mise à la disposition de celui qui lira en entier ». A cet effet, il convient de connaître l’étendue spatiale des religions – qui dépend des lieux où les 64 peuples les pratiquent et des influences planétaires qu’ils y reçoivent. C’est en ce sens que, comme toutes les autres sciences, la cognitio locorum doit être subordonnée à la philosophia moralis qui doit parvenir à la connaissance Aristoteles plura milia hominum misit per diversas regiones pro rerum veritate scienda. Gasquet, Francis A., An unpublished fragment of a work by Roger Bacon, dans : English historical review 12 (1897), pp. 494–517, ici 502. 62 Easton, Stewart C., Roger Bacon and his search for universal science : a reconsideration of the life and work of Roger Bacon in the light of his own stated purposes, Oxford/New York 1952, p. 81 ; Williams (note 57), p. 379 et n. 74. 63 Sed regionum nobis notarum divisiones particulares non oportet annotare, similiter nec loca singula in aliis regionibus, sed magis notabilia et famosiora in scriptura et philosophia ; de quibus gentes tyrannicae venient et venerunt, quae mundum referuntur de praeterito vastasse aut aliquando vastaturae. Et assignabo ritus et sectas gentium […] , ut certior apprehensio locorum pateat perlegenti. Opus majus, éd. Bridges (note 7), p. 304. 64 Les sectae sont décrites dans la ‹ Moralis philosophia › iv, 1, où les éléments essentiels de la cognitio locorum, notamment la celestis virtus, sont repris dans la perspective de l’analyse des sectae. Rogeri Baconis Moralis philosophia, éd. par Ferdinand Delorme et Eugenio Massa, Zürich 1953, pp. 189 sqq. La conclusion de l’exposé astrologique en rapport avec les sectae dans l’‹ Opus majus › déclare : Et similiter mutatur citius vel tardius secta secundum proprietates planetarum dominantium regnis diversis, ut Saturnus Indiae dominatur, Jupiter Babyloniae, Mars Thraciae, Sol Romanis et imperio eorum, Mercurius Aegypto, Luna Asiae. Opus majus, éd. Bridges (note 7), p. 265.

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du salut du genre humain, principe qui conduit Bacon à des considérations très concrètes. En ce qui concerne la mission d’abord, la connaissance des lieux doit permettre aux envoyés dans des régions qui leur sont inconnues d’atteindre leur but sans dangers, que ces dangers proviennent de la méconnaissance des conditions climatiques ou de l’ignorance de la géographie religieuse. Grâce à ce savoir indispensable, ils pourront choisir un itinéraire adapté traversant des régions tempérées et savoir avec précision à quelle secta appartiennent les peuples qu’ils rencontreront, de façon à adapter la mission à leurs carac65 tères propres découlant de la nature des lieux. Cette science rationnelle aura une dernière utilité pour les chrétiens – et tel est la fonction ultime que Bacon assigne à la géographie : déterminer avec exactitude le temps et le lieu de la venue de l’antéchrist pour être en mesure de s’y opposer avec tous les moyens de la science. Selon ses sources (Jérôme, Pierre Comestor et surtout Aethicus Ister qualifié significativement 66 d’astronomus), l’irruption des nations enfermées par Alexandre dans le Caucase, près de la mer Noire et derrière les portes Caspiennes, annoncera la fin des temps, l’antéchrist devant par après survenir de la partie opposée

65 Necesse est has diversitates sciri a nunciis Christianorum et ecclesie, tum propter vitandos magis contrarios Latinis, tum propter hoc quod, si agendum est de negociis ecclesie et maxime de conversione infidelium aut de rectificatione malorum Christianorum, sciant illi qui vadunt invenire facilius eos quos intendunt, ne in una nacione pro alia cadant, et sic a suo frustrentur proposito. Nam alia suasio debetur genti unius secte quam alterius, et ideo necesse est ut diversitates regionum et nacionum presciantur. Opus tertium, éd. Little (note 5), p. 11 ; de même Opus majus, éd. Bridges (note 7), pp. 301 sq., 365. 66 Parmi d’autres exemples : Quoniam cum ipse fuisset astronomus circuiens cum discipulis suis universas provincias et maria perlustrasset, devenit tandem ad regiones septentrionales, contra ubera aquilonis circa Elyemum Portum. Et describit ibi gentem pessimam […], Metaphysica fratris Rogeri ofm de viciis contractis in studio theologiae, éd. Robert Steele, fasc. i, Oxford s. d., p. 39 ; dans la description des régions septentrionales, son autorité est mise sur le même plan que celle de Rubrouck, Opus majus, éd. Bridges (note 7), p. 356. La Cosmographia d’Aethicus Ister se présente comme traduite du grec par Jérôme. C’est le récit des voyages imaginaires d’un supposé philosophe antique originaire des régions danubiennes, qui s’étend longuement sur l’action d’Alexandre à l’encontre des nations apocalyptiques de Gog et Magog, Die Kosmographie des Aethicus, éd. par Otto Prinz, München 1993. Il n’y a pas lieu de s’étonner de la reprise opérée par Bacon de détails jugés ‹ incongrus › de façon anachronique (voir ci-dessus, note 2).

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du monde : « Si donc nous savons de quelle partie du monde viendront les nations incluses, nous pouvons examiner que l’antéchrist viendra de la 67 partie opposée ». Tout comme Aristote est le modèle du philosophe naturaliste, Aethicus est pour Bacon le modèle du philosophe mathématicien qui témoigne à partir de l’enquête directe. A partir de ces prémisses provenant d’un témoin oculaire, le raisonnement de Bacon tel qu’il l’expose en détails dans la septième partie de l’‹ Opus majus › consacrée à la ‹ Moralis philosophia › est de nature géographique : les Tartares sont sortis des lieux situés au-delà des portes Caspiennes, conduisant des peuples qui dominent désormais jusqu’en Pologne, Bohême et Hongrie ; d’autres envahisseurs sont venus dans le passé d’autres régions et se sont emparés des régions méridionales jusqu’à la Terre sainte ; les Goths et les Vandales venaient quant à eux du nord. L’origine géographique des envahisseurs est certifiée non seulement par les voyageurs et par les auctores, mais aussi « par ceux qui connaissent bien la disposition du monde et connaissent les parties habi68 tables et les diversités des régions grâce à l’astronomie ». Ainsi analysée en particulier grâce à la science des lieux fondée sur l’astronomie, la variété des origines géographiques ne permet pas encore de certifier le temps de la 69 venue de l’antéchrist.

iv. Méthode de la science des lieux, en cosmographie et en géographie Ces considérations générales n’auraient pas grand intérêt si l’on ne vérifiait l’application des principes dans le cours même de la description des lieux. On peut le faire sur deux plans : la structure de l’habitable d’une part, la géographie régionale d’autre part.

67 Si ergo sciverimus ex qua parte isti venient, possumus considerare quod a parte contraria veniet Antichristus. Opus tertium, éd. Little (note 5), p. 12 ; Opus majus, éd. Bridges (note 7), p. 302. 68 Et notum est non solum omnibus nationibus orientis quod Tartari exiverunt a locis eis, sed et eis qui bene sciunt mundi dispositionem, et noverunt partes habitabiles et regionum diversitates per astronomiam, et per auctores alios ut Plinium et Martianum [Capellam] et caeteros qui mundi regiones describunt, et per historias. Opus majus, éd. Bridges (note 7), p. 268. 69 Moralis philosophia, i, 3, 8, éd. Delorme et Massa (note 64), pp. 16 sq.

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iv.1 La structure de l’habitable Les explications de Bacon sur l’étendue de l’habitable en fonction du rapport des surfaces occupées par la terre et par l’eau sont bien connues – trop connues ? – car ces raisonnements furent repris par Pierre d’Ailly dans son ‹ Imago mundi › et firent l’objet de postilles attribuées à Christophe Colomb : l’étroitesse de l’océan entre le principium orientis et le principium occidentis, ainsi que l’extension de la terre habitée en longitude sur plus d’une moitié de la sphère terrestre rendent possible de parvenir en Asie par 70 l’ouest. Je me bornerai à noter à ce sujet que le raisonnement de Bacon part des contradictions relevées entre les auteurs (Ptolémée, Sénèque, Aristote et Avicenne). Il les résoud en confrontant les données élaborées par les mathématiciens qui n’ont pas pu connaître par expérience l’ensemble de l’oecumène, et celles transmises par les naturales attachés à analyser la complexio locorum. Deux exemples suffiront au surplus. En application du principe établissant un rapport étroit entre les complexiones des êtres et la complexio locorum, Bacon reprend chez Aristote la preuve fondée sur l’existence des éléphants d’Afrique et d’Inde – situés en des lieux de même longitude : ils 71 sont de même complexion, donc ces lieux sont proches. En ce qui concerne, d’autre part, l’étendue des terres habitables en latitude, c’est contre le vulgus mathematicorum qu’il affirme que les eaux sont surtout abondantes aux 72 pôles, à cause du froid qui y multiplie l’humidité. Bacon entre davantage dans les causes naturelles de l’habitabilité et de l’habitation dans la discussion respectu coeli des conditions régnant aux pôles 73 et à l’équateur. Dans l’un et l’autre cas, confronté à de semblables divergences entre les autorités, il recourt à la théorie des species pour les réduire 74 et expliquer, au rebours des astronomes, que ces conditions sont variables. Selon Ptolémée (en fait la traduction de l’Introduction aux phénomènes de Geminos), les lieux situés sous les pôles sont inhabitables à cause du froid, ce qui s’explique parce que les cônes transmettant les species sont inclinés et très allongés. Moins efficaces, ils ne peuvent élever et consumer l’humidité 70 Opus majus, éd. Bridges (note 7), pp. 290 sqq. 71 […] sed Aristoteles dicit quod elephantes in illis locis esse non possunt nisi essent similis complexionis, et si essent multum distantes non haberent similem complexionem, et ideo nec elephantes essent in illis locis tantum. Ibid., p. 292. 72 Ibid., pp. 293 sq. 73 Résumé dans l’Opus tertium, éd. Brewer (note 3), pp. 119 sq. 74 Opus majus, éd. Bridges (note 7), pp. 132–135.

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dont l’accumulation rend l’air épais. Mais, selon Aristote et le Commentateur, c’est au contraire la chaleur due à la durée prolongée du jour et à la faible déclinaison du soleil qui produit cet effet. Il faut tenir compte en outre de l’opinion de Pline et de Martianus Capella qui, per experientiam certam, ont conclu que ces régions sont les plus tempérées du monde, car y vivent les Hyperboréens, nation pacifique et de mœurs excellentes, à la 75 vie prolongée. Et quis concordabit tantam contrarietatem ?, interroge Bacon – seulement celui qui connaît les lois de la multiplication et de l’action des species, par lesquelles il complète les explications du ‹ De natura locorum › de Robert Grosseteste qui est sa source pour ces questions d’optique géométrique 76 appliquée à la géographie. Pour justifier cette diversité des opinions, il fait alors intervenir les caractéristiques accidentelles des lieux qui s’ajoutent aux causes générales : des montagnes très élevées qui empêchent le froid de l’aquilon, « comme cela se produit dans les monts d’Italie dans les lieux qui sont entre le soleil et la montagne ». Leurs pentes, du fait de la composition minéralogique, peuvent avoir des surfaces lisses, ce qui provoque davantage de réflexion des rayons solaires et multiplie le pouvoir des species qui de ce fait ne se dissipent pas. Enfin, la forme de ces montagnes réfléchissantes varie, ressemblant suivant les cas à des miroirs ardents, à des miroirs sphériques, ou cylindriques, ou pyramidaux. La variation des formes et du modelé des montagnes entraîne donc des réflexions plus ou moins importantes, ce qui provoque la variété du tempérament des lieux situés sous les pôles : certains sont brûlés, d’autres froids, d’autres tempérés. C’est donc l’association de la théorie et de l’experientia – enseignée par Robert Grosseteste – qui a permis à Bacon de sauver la validité des opinions variées formu-

75 Pline, Naturalis historia, 4, 89–91 ; Martianus Capella, De nuptiis Philologiae et Mercurii, 6, 664. Les mœurs des Hyperboréens – lieu commun de l’ethnographie antique – sont caractérisées dans l’Opus majus, éd. Bridges (note 7), p. 359. Notez que Bacon situe ces montagnes ad ubera aquilonis : c’est l’expression employée par le philosophe Aethicus Ister, témoin oculaire qui les a parcourues avec ses disciples (cf. note 66) ; les données de l’encyclopédisme antique sont pensées dans le cadre de l’expérience du philosophe voyageur. 76 Robert Grosseteste, De natura locorum, éd. Ludwig Baur, Die philosophische Werke des Robert Grosseteste, Bischofs von Lincoln (1253), Münster 1917, pp. 65–72 ; analyse par Eastwood, Bruce S., Mediaeval empiricism : the case of Groseteste’s optics, dans : Speculum 43 (1968), pp. 114–117.

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lées à ce propos, en s’opposant ainsi au savoir courant sur la distribution de 77 l’habitat à la surface du globe. Il en va de même pour l’habitabilité de la zone torride intertropicale à propos de laquelle les autorités expriment des opinions tout aussi contra78 dictoires. Selon l’opinion courante, les tropiques sont brûlés. L’équateur doit l’être encore plus à cause du double passage du soleil au zénith lors des équinoxes, les cônes alors plus courts et perpendiculaires, non soumis à la réfraction, multipliant le rayonnement. Ptolémée et Avicenne soutiennent au contraire que l’équateur est le lieu le plus tempéré de la terre, ce qui a conduit 79 les théologiens à supposer que s’y trouve le paradis terrestre. Mais d’autres causes permettent de nuancer ces conclusions, en fonction de la variation 80 de la déclinaison du soleil. Suivant la période de l’année, l’équateur pourra être brûlé, ou tempéré. Des dispositions accidentelles, comme dans le cas des pôles, modifient en outre les conditions générales de la zone intertropicale, la rendant habitable par endroits, la situation de montagnes ou de plaines par rapport au soleil empêchant sa chaleur d’agir sur certains lieux. Enfin, cela est prouvé par les experimentatores de l’Antiquité qui ont fait état des échanges avec l’île de Taprobane et de l’habitation effective d’une Inde équatoriale. Bacon laisse toutefois pendante la question de savoir si l’équateur est le lieu le plus tempéré et si le paradis s’y trouve, car il y manque la certificatio de l’expérience. Pour la même raison, il ne conclut pas sur l’habitation effective des régions situées au-delà du tropique du Capricorne. Dans le ‹ De multiplicatione specierum ›, il précise le rôle des species dans ces phénomènes et dans leur hiérarchisation. Les species émanant des corps célestes et modifiant l’air agissent-elles de façon permanente sans changement, ou sont-elles remplacées par de nouvelles au fur et à mesure qu’elles se corrompent et perdent de leur efficacité ? A cette dernière conclusion,

77 Il convient donc de nuancer l’affirmation générale de David Juste, selon qui Bacon explique le caractère torride ou glacial des zones torrides et polaires du fait de la perpendicularité ou de l’obliquité des rayons solaires. Juste (note 24), p. 16. 78 Opus majus, éd. Bridges (note 7), pp. 135 sqq. 79 Ptolémée, Almageste, ii, 6 ; Avicenne, Canon, i, 1, 3 ; sur la localisation du paradis, en particulier dans les discussions universitaires : Gautier Dalché, Patrick, Le paradis aux antipodes ? Une Distinctio divisionis terre et paradisi delitiarum (xive siècle), dans : Liber largitorius. Études d’histoire médiévale offertes à Pierre Toubert par ses élèves (EPHE. Sciences historiques et philologiques. Hautes études médiévales et modernes 84), Genève 2003, pp. 615–637. 80 Opus majus, éd. Bridges (note 7), pp. 306 sqq.

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une objection possible serait qu’entre les tropiques, toujours selon le ‹ De dispositione spherae › du Pseudo-Ptolémée, la combustion de l’air empèche l’habitation continue : les species semblent donc y persister sans corruption et exercer par là un effet constant. Mais l’objection ne vaut pas : par rapport aux lieux tempérés, l’air reçoit une disposition à la chaleur du fait de la plus longue station du soleil au zénith et de sa plus grande déclinaison, et les species, bien que corrompues et multipliées, y produisent leurs effets. C’est ce que montre, dans nos régions, le fait d’expérience que la chaleur est plus grande à la fin de la huitième et au début de la neuvième heure qu’à la sixième (c’est-à-dire au milieu du jour). L’intensité du rayonnement imprimant une 81 disposition particulière dans l’air, la chaleur peut augmenter continûment. La variété de l’action des species est aussi évoquée à propos des différents milieux, plus ou moins favorables à leur réfraction : lorsqu’elles touchent les régions tempérées des climata, toutes les species émanant des planètes et des étoiles intertropicales sont réfractées, parce qu’elles parviennent obliquement sur terre ; les species émanant des étoiles fixes extratropicales, en 82 revanche, peuvent toucher les lieux des climata perpendiculairement. Dans ce cas, les effets ne sont pas analysés plus avant par Bacon. iv.2 Raisonnements géographiques Bacon ne s’est pas borné à une compilation, si efficace soit-elle, en extrayant les éléments descriptifs ordonnés par Rubrouck selon la logique de l’itinéraire et en les intégrant à une description dont la logique, géographique 83 et cosmographique, est profondément différente. Le terme de ‹ compilation ›, souvent employé à ce propos, ne rend d’ailleurs pas compte d’un aspect essentiel de sa géographie qui n’a pas été examiné avec l’attention qu’il mérite, sans doute parce qu’il relève des seules sources livresques dont l’auteur disposait et non pas de la prise en compte du seul récit de voyage de Rubrouck qui a monopolisé exagérément et indûment l’attention.

81 Roger Bacon, De multiplicatione specierum, vi, 4, éd. David C. Lindberg, Roger Bacon’s philosophy of nature. A critical edition, with English translation, introduction, and notes, of ‹ De multiplicatione specierum › and ‹ De speculis comburentibus ›, Oxford 1983, p. 267. 82 Ibid., ii, 5, p. 128. 83 Selon Michèle Guéret-Laferté, Bacon est un « compilateur soigneux et efficace […] opération qui lui permet d’introduire bon nombre des observations nouvelles faites par Rubrouck », Guéret-Laferté (note 2), p. 92.

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La description de la terre habitée du livre iv de l’‹ Opus majus ›, quali84 fiée d’historia […] secundum experientiam naturalium et itinerantium, est en effet presque entièrement constituée d’une série de raisonnements portant sur les renseignements, ou lacunaires, ou incertains, ou contradic85 toires, fournis par les très nombreuses sources mises à contribution, en vue de situer les régions dans des rapports topographiques exacts. Outre ces sources textuelles, ces raisonnements baconiens ont peut-être été aidés par la consultation d’une mappa mundi, problème sur lequel je reviendrai en une autre occasion. En cette matière Bacon n’innove pas, du moins quant au principe. Le propre de la géographie descriptive médiévale, qui est souvent mal compris, est de chercher à donner un tableau organisé de l’orbis terrarum par la juxtaposition régulière de provinces identifiées par leurs limites, que celles-ci soient naturelles ou artificielles. Cette méthode, certainement d’origine scolaire, était celle des compilations géographiques de l’Antiquité tardive (comme le tableau donné par Orose au début de ses ‹ Historiae adversus paganos ›, ou la ‹ Dimensio provinciarum › et la ‹ Descriptio provinciarum › atttribuées à saint Jérôme), qui suivaient systématiquement en cela le précepte donné par Strabon (ii, 1, 30). Les Étymologies d’Isidore de Séville en firent au Moyen Age une règle dont l’application permettait de simplifier le tableau et d’aider à sa mémorisation. Par rapport à ce modèle, la différence de Bacon consiste dans le nombre et la variété des sources utilisées et dans l’extrême précision qu’il recherche, qui découle à l’évidence de l’importance attachée au lieu comme générant la complexio rerum. Cette précision descriptive est aussi un moyen de pallier le manque de certificatio mathématique (astronomique) des lieux, « parce que les Latins 86 ne la possèdent pas encore ». Ce procédé qu’on peut nommer à la suite de Bacon lui-même divisio ou distinctio regionum comporte trois aspects concourant tous à une « plus 87 grande évidence » dont je ne donnerai qu’un petit nombre d’exemples. 84 Opus majus, éd. Bridges (note 7), p. 378. 85 Sur le recours à Pline, qu’il suit abundantius, quem omnes sancti et sapientes sequti sunt, mais dont il ne partage pas, après examen, toutes les opinions, voir l’exposé du regretté Arno Borst, Das Buch der Naturgeschichte. Plinius und seine Leser im Zeitalter der Pergaments (Abhandlungen der Heidelberger Akademie der Wissenschaften, Phil.-hist. Kl. 2), Heidelberg 1994, pp. 287–291. 86 Cf. note 47 ci-dessus. 87 Quoniam igitur infinita est utilitas cognitionis locorum hujus mundi pro philosophia et theologia et ecclesia Dei, volo adhuc alium sermonem de hujusmodi locis componere et divisiones regionum evidentiores assignare. Opus majus,

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En premier lieu, il cherche à localiser précisément les accidents naturels, les régions et les cités et s’efforce de réduire les ambiguïtés à ce sujet, comme 88 à propos des mers de Palestine. Ainsi, il distingue les deux Galilées – la Galilea gentium et la Galilea inferior. La première se termine près de Tibériade et du magnus campus Esdrelon ; c’est là que commence la seconde. Mais il faut ici se garder de penser que la Galilea gentium se trouve au-delà du Jourdain à partir d’une interprétation erronée de passages d’Isaïe et de Mathieu : « mais la glose sur Mathieu parle de la Galilea gentium qui est dans la tribu de Nephtalim, proche de Tyr ; et donc, comme cette tribu est de ce côté du Jourdain, il en va de même pour cette Galilée, et c’est ce que dit Jérôme dans le Livre des lieux ; et Josèphe, et Hégésippe, et tous les auteurs concordent sur ce point ». Isaïe employait l’expression trans Jordanem, ce qui s’explique pour des raisons de style : « lorsque l’on dit Galilea gentium au-delà du Jourdain, on prend la partie pour le tout. Car à partir du lieu mentionné par Isaïe, il y avait une grande partie du cours du Jourdain qu’il fallait traverser pour aller d’un lieu à un autre ; pour cette raison il dit ‹ au-delà du Jourdain ›, c’est-à-dire à travers une grande partie 89 du Jourdain […] ». En second lieu, l’enquête porte sur l’étendue et la délimitation des régions. Les sources sont ainsi confrontées à propos de l’Arabie en vue de déterminer les rapports qu’entretiennent ses trois parties : Arabie heureuse, Madian et Epha. Les noms qui les désignent doivent d’abord être définis : les deux dernières régions constituent la province de Saba dont l’Arabie heureuse est une partie : « l’Arabie heureuse est spécialement et principalement appelée Saba, bien que l’ensemble de la région et Madian et Epha soient dites Saba ». Mais il existe des contradictions, que Bacon réduit en distinguant trois modes selon lesquels l’Arabie se définit. Prise au sens large, elle comprend toutes les régions susdites de part et d’autre de la mer Rouge. Dans un sens plus limité, l’Arabie ne correspond qu’à la région allant de la langue de la mer Rouge (le golfe d’Eilath) à l’Euphrate et au golfe Persique vers l’est, vers le nord à l’Idumée d’un côté, et dont une autre partie septentrionale et plus orientale s’étend jusqu’au mont Liban : c’est la définition qui résulte de l’emploi du terme dans l’Écriture. En un troisième sens encore plus étroit, elle éd. Bridges (note 7), p. 304 ; Hic vero oportet exprimi originem Tartarorum, non solum porpter evidentiam distinctionis regionum majorem […], ibid., p. 367. 88 Ce qui le conduit, par respect de sources contradictoires, à conclure que la mer Tibériade et la mer de Genesareth sont diversa, sed coherentia. Et quod hic sit ordo locorum, patet ex evangeliis. Ibid., pp. 341 sq. 89 Opus majus, éd. Bridges (note 7), p. 348.

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exclut Madian, Epha et l’Arabie heureuse : c’est ce qui découle des œuvres de Jérôme et qui peut être compris de ceux qui savent l’hébreu, grâce à l’analyse 90 de la graphie des noms. Il en va de même pour l’Arménie et la Cilicie dont le traitement fournit un concentré commode de la méthode baconienne : « Ensuite, face à la partie restante de la Médie qui est au nord, et à l’ouest de l’Hyrcanie, il y a l’Arménie majeure ; l’Euphrate la sépare de la Cappadoce, selon ce que dit Pline. Par conséquent la Cappadoce est à l’ouest de l’Arménie majeure. Ensuite, vers la Syrie et notre mer, il y a la Cilicie qui est appelée Arménie mineure. Conclusion : elle s’étend en partie au sud, en partie à l’ouest de la Cappadoce, et son début est à moins de deux journées 91 d’Antioche ». Il s’agit enfin d’établir ce que Bacon appelle l’ordo locorum, c’est-à-dire une succession ordonnée et cohérente des régions, comme le montre cette description de l’Europe septentrionale, de la Russie aux îles Britanniques en passant par la Baltique : Et au nord de cette province [la Cassaria, c’est-à-dire le nord de la mer d’Azov] il y a la grande Russie qui, de la même façon que la Pologne, dans une de ses parties d’étend jusqu’au Tanais [le Don] ; mais dans sa plus grande partie elle a la Leucovia à l’ouest, qui est une terre aussi grande que l’Allemagne. A l’ouest de celle-ci il y a de nombreuses terres autour d’une certaine mer, formée par de nombreux bras de l’océan venant par le milieu de la Dacie. Et au-delà, vers l’est, elle s’élargit en une grande mer qui a à l’ouest la Dacie et la Suède. Mais la Suède est au nord-est de la Dacie, un peu inclinée vers l’est au-delà de la Dacie. Au-delà de celles-ci, au nord, il y a la Norvège. Ensuite, après une grande mer, il y a l’Écosse et l’Angleterre et, après une petite mer, l’Irlande. Ces dernières régions sont connues, mais j’y fais allusion pour permettre de connaître [la situation] des autres. Si donc, depuis les extrémités de l’occident, vers le nord, nous montons vers l’orient, il y a en premier l’Irlande, en second la GrandeBretagne qui contient l’Angleterre et l’Écosse, ensuite la Norvège, la Suède, la Dacie. Puis, vers l’est, il y a la grande mer susdite qui est appelée mer orientale, parce que l’océan ne s’étend pas au-delà de cette mer. Sur le côté nord-oriental de cette mer, immédiatement après l’angle de la Suède, il y a l’Estonie, ensuite la Livonie vers l’est de cette mer, ensuite la Courlande en déclinant vers le côté méridional [de la mer], ensuite la Prusse, grande terre sur le côté sud, ensuite la Poméranie, ensuite Lübeck, grand port et fameux aux confins de la Dacie et de la Saxe […] Et au-dessus de la Livonia, à l’est, il y a la Semigallia. Et toutes ces terres, c’est-à-dire l’Estonie, la Livonie, la Semigallia, la Courlande, sont entourées par la susdite Leucovia, laquelle est entourée par la grande Russie 90 L’ensemble de la discussion, beaucoup plus développé, est dans : Opus majus, éd. Bridges (note 7), pp. 330 sqq. 91 Ibid., p. 355.

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Patrick Gautier Dalché des deux côtés de cette mer, et elle se termine dans sa partie méridionale vers la 92 Prusse et la Pologne.

Dans ce tableau, la référence aux îles Britanniques, à l’ouest, sert à localiser d’autres régions moins bien connues : elles constituent le point de départ d’un ordo locorum qui se succèdent vers l’est, chaque région étant rattachée de façon très précise à telle ou telle partie de l’espace contigu. Il est clair que, dans l’esprit de Bacon, un tel exposé permet aisément au lecteur de construire une carte mentale en procédant du connu au moins connu. J’ai examiné jusqu’ici les principes généraux de la science des lieux selon Bacon, puis leur application dans la description de la terre, en cosmographie et en géographie. Une question se pose désormais, eu égard au fait que Bacon a abondamment commenté la ‹ Physique › d’Aristote : peut-on établir un rapport entre l’importance qu’il ne cesse d’attribuer à la cognitio locorum, et la philosophie aristotélicienne du lieu telle qu’il l’a reçue et interprétée ?

v. Cognitio locorum et philosophie du locus Les développements d’Aristote sur le lieu soufrent d’inconséquences qui ont été relevées par les commentateurs antiques et médiévaux. Elles découlent aussi bien des contradictions entre les Catégories, la Physique et les traités de philosophie naturelle, que des problèmes intrinsèques posés par la définition ontologique du lieu comme limite du corps contenant. Ces problèmes concernent deux points : le lieu est conçu par Aristote comme immobile, alors qu’il est en contact avec des corps mobiles ; d’autre part, quel est le lieu de la sphère extérieure de l’univers qui par définition ne peut être contenue 93 et n’a donc pas de lieu ?

92 Opus majus, éd. Bridges (note 7), pp. 358 sq. 93 Voir Grant, Edward, The medieval doctrine of place : some fundamental problems and solutions, dans : Studi sul xiv secolo in memoria di Anneliese Maier, éd. par Alfonso Maierù et Agostino Paravicini (Storia e letteratura 151), Roma 1981, pp. 57–80 ; Algra, Keimpe, Concepts of space in Greek thought (Philosophia antiqua 65), Leiden 1995 ; Casey, Edward S., The fate of place : a philosophical history, Berkeley 1997, p. 65 sqq. ; Trifogli, Cecilia, Oxford physics in the thirteenth century (1250–1270) : motion, infinity, place and time, Leiden et alii 2000, pp. 2 sqq.

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Bacon, qui a développé à de nombreuses reprises des considérations sur ces sujets, en particulier dans les deux séries de ‹ Quaestiones › sur la ‹ Physique ›, dans les ‹ Communia naturalium › et dans les ‹ Communia mathematica ›, a été très conscient de ces apories. Une grande partie de ses explications vise à les réduire à partir de deux constats : locus sumitur 94 multum equivoce ; et d’autre part le mot n’a pas le même sens pour le méta95 physicien, le mathématicien, l’astronome et le naturaliste. Pour le lecteur moderne, et spécialement pour qui s’occupe des représentations médiévales de l’espace géographique, d’autres problèmes particuliers naissent de la conception aristotélicienne du lieu. En tant qu’il est défini comme un accident du corps contenant et qu’il n’est pas séparable du locatus – il n’y a pas de lieu sans corps, ni de corps sans lieu –, le lieu est quelque chose de concret, indissolublement lié au corps, sans rapport avec un espace uniforme et homogène qui, pour Aristote n’a pas d’existence. Comme on l’a souvent remarqué en effet, la philosophie d’Aristote exclut l’espace comme matrice des phénomènes physiques, s’attachant aux corps en tant qu’ils possèdent par eux-mêmes une capacité à être mus. Dans un tel système qui se préoccupe davantage des qualités élémentaires et des rapports de relation que de l’aspect mathématique des phénomènes, il nous est par conséquent difficile de rendre raison de l’usage que fait Bacon des coordonnées géographiques. Bacon insiste fortement sur la mirabilis potentia loci, reprenant une 96 formule d’Aristote d’ailleurs détachée de son contexte. Cette puissance est la virtus celi, cause universelle qui fait le lieu et lui confère le pouvoir de 97 constituer, de générer et de conserver le corps logé. Le lieu proprement 94 Communia naturalium, éd. Steele (note 6), p. 185. 95 Aliter vero sumitur locus septem modis particularibus, quorum quilibet sumitur per defectum alicujus vel plurium condicionum loci nunc descripti, qui non sunt presentis speculacionis sed naturalis philosophi et metaphysici et astronomi […], Communia mathematica fratris Rogeri, partes prima et secunda, éd. Robert Steele (Opera hactenus inedita Rogeri Baconi xvi), Oxford 1940, p. 32 ; […] set naturalis philosophus habet considerare quomodo corpora naturalia conservantur suis locis naturalibus et destruuntur a locis innaturalibus, et ideo naturalis philosophus aliter accipit locum in uno sensu […], Communia naturalium, éd. Steele (note 6), i, iii, 3, p. 201. 96 Aristote fait cette observation au conditionnel, comme conséquence de la conception selon laquelle le lieu serait premier, existant indépendamment des choses. Physique, iv, 1, 208b34. 97 […] causa universalis generans duplex, scilicet primaria, et hec est celum et sol ; alia secundaria, que est virtus celi diffusa que facit locum, et hec est causa universalis propinqua que est mirabilis potentia loci, et hec intelligitur ‹ et ›

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dit n’est pas une substance, mais il peut être pris parfois, dit Bacon, à la fois comme le nom du corps locans et comme le locatus ; dans ce cas de sens 98 equivoce, le lieu peut être dit principe de génération. Il n’y a donc pas de difficulté à faire coïncider, sur ce point, les explications du naturaliste et celle du métaphysicien. Il n’en va pas de même pour l’emploi des coordonnées en vue de situer les objets à la surface de la terre. L’espace aristotélicien – s’il est permis d’employer cette expression, puisque pour Aristote il n’existe pas d’entité incorporelle à trois dimensions antérieure aux corps qui y sont placés – est avant tout un espace de relations entre les corps et de positions variables selon le cadre de référence : un objet peut ainsi être au-dessus par rapport à un corps, ou au-dessous par rapport à un autre. Les corps en tant que tels n’ont de positions dans l’absolu que déterminées en dernière instance par la tendance naturelle des éléments à occuper le lieu qui leur est propre, le haut étant constitué par les limites de la sphère ultime, le bas par le centre de l’univers. A la question de savoir si le lieu est quantité, Bacon répond que la quantité ne peut appartenir au lieu que si celui-ci est considéré en tant que 99 corps logeant. On voit donc aisément la difficulté qu’il y a à concilier la notion des coordonnées, donc des quantités, pour définir le lieu, car l’emploi des coordonnées vise à définir un point dans un réseau homogène de

includitur sub nomine solis, quia causatur a celo et ab illa primaria; […] locum est principium constituens et uniens formam cum materia et generans et conservans. Questiones supra libros octo Physicorum Aristotelis, éd. Ferdinand Delorme et Robert Steele (Opera hactenus inedita Rogeri Baconi xiii), Oxford 1935, p. 178 ; Communia naturalium, éd. Steele (note 6), p. 202. 98 […] dupliciter dicitur ‹ locus › : uno modo sumitur pro corpore locante, et sic est corpus ; alio modo pro ultimo corporis locantis vel continentis, et sic non est corpus. Questiones supra libros quatuor Physicorum Aristotelis, éd. Ferdinand Delorme (Opera hactenus inedita Rogeri Baconi, viii), Oxford 1928, p. 178 ; […] locus quandoque sumitur pro nomine locantis et pro locato, quia proprie loquendo de loco locus est accidens, tamen locans est substantia, et similiter virtus locantis que est principium generationis. Questiones supra libros octo Physicorum, éd. Delorme et Steele (note 97), p. 182. 99 […] sursum et deorsum sunt differentie corporis absolute in quantum corpus, sic sunt in predicamento poistionis vel relationis ; in quantum sunt differentie corporis locantis in quantum locans, sic sunt in predicamento quantitatis. Questiones supra libros octo Physicorum, éd. Delorme et Steele (note 97), p. 183.

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lignes imaginaires. Or, difficulté supplémentaire, un point est différent d’un 100 lieu, puisqu’il est nécessairement lui-même dans un lieu. Le postulat aristotélicien de l’immobilité du lieu rend en outre difficile de comprendre le mouvement des corps, en particulier dans les transformations des éléments les uns dans les autres, ou dans le cas d’un liquide transporté dans un vase. La solution fait intervenir une notion supplémentaire par rapport à la limite interne du corps contenant, à savoir le rapport de la chose logée et du lieu avec les termini mundi, c’est-à-dire les points cardinaux 101 ainsi que le centre et la limite extérieure de l’univers. Un même contenant entrant dans des rapports différents avec ces termes du monde entraîne des lieux différents, tandis que deux contenants ayant le même rapport aux 102 termes fixes définissent un seul et même lieu. Ce type de rapport participe de l’essence du lieu en tant que surface et s’applique non seulement aux 103 éléments, mais aussi à toutes les choses inférieures. Bien que Bacon ne se livre pas à cet exercice, il est possible, dans ce cadre explicatif et dans une certaine mesure seulement, de justifier l’emploi des coordonnées, celles-ci étant déterminées par rapport à deux référents, l’occident vrai et l’équateur, lesquels sont par nature définis par rapport aux termini mundi. Mais la quantité qui s’exprime par les coordonnées appartient au lieu, de même que la dimension de la profondeur qui doit lui être

100 […] quod est locus est partibile, quia locus est quantitas ; punctus non est partibilis, ergo etc. Questiones supra libros quatuor Physicorum, éd. Delorme et Steele (note 98), p. 179. 101 Item, accipiatur vinum et ponatur in vase et deferatur ad diversa loca, locus non variatur, quia ultimum continentis est locus quod semper est idem, tamen respectus loci non semper idem est, quia ultimum continentis est semper locus, tamen habet diversos respectus, quia hic est versus Oriens una pars, alia versus Occidens, quando fertur de loco ad locum e converso est. Questiones altere supra libros prime philosophie Aristotelis (Metaphysica i–iv), éd. Robert Steele et Ferdinand Delorme (Opera hactenus inedita Rogeri Baconi xi), Oxford 1932, pp. 192 sq. ; Communia naturalium, éd. Steele (note 6), pp. 187, 196. 102 Ibid., p. 193 sq. 103 Tercio vero oportet quod locus habeat eundem respectum ad partes mundi, quoniam dum res habet eundem respectum ad oriens et occidens septentrionem et meridiem, habet eundem locum ut turris vel domus vel aliquod tale fixum, sed quando mutat hunc respectum, tunc movetur de loco ad locum, et habet alium et alium locum secundum quod est propinquius et remotius a terminis mundi quam prius fuit […], Communia mathematica, éd. Steele (note 95), p. 31.

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aussi ajoutée selon Bacon. La distance du corps aux termes de l’univers 105 est un accident du corps ; si le corps change, la distance change. Elle ne peut donc être prise comme l’expression d’un système neutre de référents extérieur aux corps, comme le sont les coordonnées. La tentative de Bacon de fonder rigoureusement la doctrina locorum est unique, en ce sens qu’il est le seul à avoir tenté de justifier par le recours aux coordonnées géographiques le pouvoir du lieu dans le cadre de la philosophie aristotélicienne. Il faisait descendre sur terre, en quelque sorte, des outils déjà bien connus des astronomes. Mais les limites de cette entreprise apparaissent lorsqu’on examine les compléments ou les infléchissements qu’il apporte à la théorie du lieu. L’espace n’étant dans ce cadre qu’une collection de corps possédant par nature la capacité de se mouvoir, logés dans des lieux qui sont des accidents des corps contenant, l’usage des coordonnées ne peut devenir la norme. Pour commencer à résoudre cette contradiction, il faudra attendre l’arrivée de la Géographie de Ptolémée, recueil de milliers de coordonnées. Non pas que le problème physique et philosophique du lieu aristotélicien ait été résolu d’un coup par cet événement, il s’en faut ; mais Ptolémée apportait la certificatio recherchée par Bacon et par d’autres après lui, ce qui était un premier pas, purement pratique, vers la solution. Si Bacon n’a pu proposer à Clément iv qu’une carte provisoire, ce n’est donc pas seulement parce qu’il ne disposait pas de coordonnées géographiques en assez grand nombre ; c’est aussi parce que le lieu selon Aristote posait des problèmes ontologiques insurmontables.

vi. Conclusion L’œuvre de Bacon montre une fois de plus que la géographie médiévale n’est pas de la géographie, et qu’il convient de l’analyser dans son contexte intellectuel complet, et surtout pas dans le cadre épistémologiquement étroit de l’‹ histoire de la géographie › En particulier, les développements sur l’‹ expérience directe › opposée au savoir ‹ livresque › devraient cesser de s’appuyer sur les œuvres de Bacon.

104 Sur le lieu comme possédant une troisième dimension, voir Trifogli, Cecilia, Roger Bacon and Aristoteles’ doctrine of place, dans : Vivarium 35 (1997), pp. 155–176. 105 Trifogli (note 93), p. 180.

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Ce qui caractérise sa méthode et lui confère son caractère fascinant, c’est d’abord l’attention aux détails. C’est ensuite la confrontation constante des trois éléments fondamentaux de sa démarche intellectuelle : la théorie astronomique (mathématique), la recherche des causes naturelles, l’experientia enfin, entendue au sens large comme les données empiriques recueillies par les auctores, qu’ils soient naturalistes antiques, philosophes imaginaires (comme Aethicus Ister) ou voyageurs contemporains. Les opinions des uns et des autres sont mises en parallèle, leurs erreurs ou suivant les cas leur caractère indécidable sont soulignés dans des raisonnements complexes souvent rendus difficiles à suivre à cause du mode d’expression rapide de Bacon. C’est enfin la notion selon laquelle le travail de description scientifique de la terre, en fonction des influences célestes et de la physique élémentaire, est une œuvre de longue haleine.

Spatial Representation in Medieval Visual Theory A. Mark Smith (Columbia, MO USA)

Before turning to the actual topic of this paper, I should briefly explain what I mean by ‘medieval visual theory’ and ‘spatial representation’. When I say ‘medieval visual theory’, I am referring to the theory of visual perception developed by a group of four optical thinkers known collectively as the Perspectivists. The first of these was the Englishman, Roger Bacon, whose primary work in optics was the ‘Perspectiva’. Originally included as part 5 of his ‘Opus majus’, which was written in the mid-1260’s, this work was 1 circulated separately during the later Middle Ages. The second was the Polish scholar, Witelo, who composed his ‘Perspectiva’ in the mid-1270s. In it he provided the most comprehensive and technically detailed treat2 ment of optics in the Latin West until the seventeenth century. The third Perspectivist author was the Englishman, John Pecham. Composed around 1280, his ‘Perspectiva communis’ was a popular introductory textbook in 3 optics throughout the later Middle Ages. Fourth and finally comes Ibn al-Haytham, known in the Latin West as Alhacen. His ‘De aspectibus’, which was translated into Latin from the ‘Kitab al-Manazir’ around 1200, was the primary source for the other three Perspectivists, Witelo in 4 particular. 1

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For a critical edition and English translation of Bacon’s ‘Perspectiva’, see Lindberg, David C., Roger Bacon and the Origins of ‘Perspectiva’ in the Middle Ages, Oxford 1996. Although several of the ten books of Witelo’s ‘Perspectiva’ have been critically edited and translated, the most convenient source for the entire text is to be found in the Latin edition included in: Risner, Friedrich, Opticae Thesaurus, Basel 1572. For a critical Latin edition and English translation, see Lindberg, David C., John Pecham and the Science of Optics, Madison 1970. For critical Latin editions and English translations of all seven books of Alhacen’s ‘De aspectibus’ see: Smith, A. Mark, Alhacen’s Theory of Visual Perception (Transactions of the American Philosophical Society 90, 4 and 5),

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As to the meaning of ‘spatial representation’, this can be taken two ways in the context of Perspectivist theory: how spatial reality – or what we assume to be spatial reality – is represented to sight, and how it is represented to the perceptual system. The general issue here is how we, as visual perceivers, identify and locate objects in the field of vision according to such spatial characteristics as size, distance, shape, and so forth. Let us start with sight. At its most fundamental level, sight for the Perspectivists is a function of the structure of the eye. As the Perspectivists understand it, the ocular system originates in the brain, which is divided into hollow ventricles, or cells, from front to back, as illustrated in rough schematic form in figure 1. It starts with the two hollow optic nerves emerging from the forefront of the brain on the left and right sides. Consisting of two sheaths, these nerves converge at the optic chiasma in front of the brain and then branch out again to continue through the eyesockets, where they form the eyes themselves. As represented in figure 2, each eye is enclosed by an outer sphere, the sclera (or ‘consolidativa’), growing from the outer sheath of its optic nerve and centered on point C. This point constitutes what the Perspectivists call the center of sight, and the visual axis passes through it to the middle of the optic nerve. Except for the transparent cornea at front, the sclera is completely opaque. Nesting inside the scleral sphere is another, smaller opaque sphere growing out of the inner sheath of the optic nerve. Called the uvea, it is centered on point c ahead of C and is perforated at the front by the pupil. Finally, inside the uvea is the lens, which is enclosed by two convex, transparent surfaces at the front and back. The front surface is spherical and centered on C, so it is concentric with the cornea ahead of it. The resulting spaces enclosed by the cornea, the lens, and the rest of the uvea are filled with three transparent fluids. The first of these, the albugineous humor, fills the space between the cornea and lens. The lens itself is filled with glacial humor, and the rest of the uvea, up to the optic nerve, is

Philadelphia 2001; Smith, A. Mark, Alhacen on the Principles of Reflection (Transactions of the American Philosophical Society 94, 2 and 3), Philadelphia 2006; id., Alhacen on Image-Formation and Distortion in Mirrors (Transactions of the American Philosophical Society 98, 1, 1 and 2), Philadelphia 2008; and id., Alhacen on Refraction (forthcoming in Transactions of the American Philosophical Society 100), Philadelphia 2010.

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filled with vitreous humor. The albugineous humor is less refractive than the 5 glacial humor, which is less refractive than the vitreous humor. Suppose the thick line facing the eye in figure 3 represents an illuminated object. Every point on its surface will radiate luminous color in all possible directions, as illustrated with the point at the top end of the object. Of all the rays emanating from this point, however, only one will reach the cornea along the perpendicular. That ray will continue straight through the cornea and the front surface of the lens concentric with it, and if it could continue straight through the back surface of the lens, it would reach the center of sight at C. The same holds for the rest of the visible object. From each point on it there will emanate a unique ray that strikes the cornea and the front surface of the lens along the perpendicular so as to continue straight toward centerpoint C. Before reaching that point, however, these rays encounter the back surface of the lens. Only the axial ray strikes that surface perpendicularly, so it will pass straight through. The rest strike it at a slant, and since the vitreous humor behind the lens is more refractive than the glacial humor filling the lens itself, all of those rays will be refracted at the interface between the two. They will thus be refracted in such a way as to be funneled to the opening of the hollow optic nerve in precisely the same order as when 6 they arrived at the lens, as represented in figure 4. That takes care of how the object’s radiation is selected optically by the lens. For the Perspectivists, though, the lens is more than a mere optical instrument. Remember that the eye is connected to the brain and its hollow cells or ventricles by the optic nerves, which are also hollow. According to the Perspectivists, who subscribe to Galen’s physiological system, the cerebral ventricles in figure 1 above are continually suffused with animal spirit, a highly refined form of arterial blood. The medium for all sensitive, perceptual, intellectual, and motor functions, animal spirit flows into the eye through the hollow optic nerve in the specific form of visual spirit. On reaching the front surface of the lens, this spirit enlivens it so that it feels the physical impressions made by the incoming radiation. In so doing, it 5

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See Alhacen, De aspectibus 1, 6, in: Smith, Alhacen’s Theory (note 4), pp. 348–55; Bacon, Perspectiva 1, 2, 2–3 and 1, 3, 1–3, in: Lindberg (note 1), pp. 27–55; Witelo, Perspectiva 3, 4, in: Risner (note 2), pp. 85–87; and Pecham, Perspectiva communis 1, 31, in: Lindberg (note 3), pp. 113–17. See Alhacen, De aspectibus 1, 7, in: Smith, Alhacen’s Theory (note 4), pp. 355–69. See also Bacon, Perspectiva 1, 6, 1–2, in: Lindberg (note 1), pp. 69–79; Witelo, Perspectiva 3, 17–18, in: Risner (note 2), pp. 92–93; and Pecham, Perspectiva communis 1, 37–38, in: Lindberg (note 3), p. 121.

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translates those physical impressions into visual impressions in a way analogous to that in which the sense of touch translates the physical impression 7 of a needle against the skin into the impression of sharp pain. Furthermore, the lens is so exquisitely sensitive that it only feels the impressions made along the perpendicular, ignoring all the rest. That is how it abstracts a visual representation that is in perfect point-to-point correspondence with the external object it represents. This visual representation, which consists of tiny dots of physical color rendered visible, is then passed in proper, upright order through the eye along the optical pathway into the hollow optic nerve. Continuing on through that nerve and supported by the visual spirit filling it, the visual representation eventually reaches the 8 forefront of the brain, where it is perceptually judged. The visual representation abstracted by the lens and sent to the brain is akin to a faithful pointillist depiction insofar as objectively it is nothing more than dots of color – visible rather than physical color – juxtaposed in various ways in a two-dimensional array. And like such a depiction, the visual representation is loaded with spatial information that is not really in it. For instance, when looking at a naturalistic depiction of a landscape, we not only perceive relative distances but actually estimate them according to how many meters or even kilometers a given object in the depicted field of view appears to lie from us. But how is it that we can not only see but actually estimate distances in such a flat, non-spatial representation? This, for the Perspectivists, is a perceptual issue, not a visual one because we do not and cannot actually see distance. We must infer it perceptually from telltale signs. Take as an example the following simple experiment suggested by Alhacen. Close your eyes, and you will notice that the visible world disappears. Open them, and it reappears. We know from experience that the eyelids lie beyond the eye’s surface, so when they’re closed they cover that surface. In blocking 7

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Alhacen is explicit in characterizing the sensation aroused by luminous impressions on the anterior surface of the lens as a form of pain (dolor). See Alhacen, De aspectibus 2, 2, in: Smith, Alhacen’s Theory (note 4), pp. 421–23. See also Bacon, Perspectiva 1, 4, 2, in: Lindberg (note 2), pp. 51–53; Witelo, Perspectiva 3, 16, in: Risner (note 3), p. 91; and Pecham, Perspectiva communis 1, 43, in: Lindberg (note 3), p. 127. For a general account of the Perspectivist analysis of perceptual judgment, see Smith, A. Mark, Getting the Big Picture in Perspectivist Optics, in: Isis 72 (1981), pp. 568–89. See esp. Bacon, Perspectiva 1, 1, 2–5 and 1, 2, 1, in: Lindberg (note 1), pp. 4–27, for a detailed account of the ventricular structure of the brain and its relationship to the faculties of perceptual judgment.

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our view, then, they must be interposed between the eye and what is viewed. Therefore, we can conclude that the visible world lies ‘out there’ in a space 9 beyond our eyelids. This primitive experiment tells us two crucial things about spatial perception in general as understood by the Perspectivists. First, it is empirically based. Second, it is deductive. With that in mind, let us turn to distance-perception. According to Perspectivist theory, we begin life as tabulae rasae when it comes to perception. Theoretically, when we first view the world as infants, all we see is a confusion of disparate colors without even recognizing what kinds of colors they are. Over time, though, repeated experience teaches us to distinguish among not only colors, but also objects. In that way, we develop a taxonomy according to which we distinguish red from blue or green, or mules from horses or oxen. This taxonomy is based on repeated perceptions of the same things or kinds of things, from which we abstract general conceptual representations of them. These we store in memory as mental pictures of a sort. When we perceive new things, we compare them to these mental pictures, which we retrieve from memory, in order to determine where they fit in our taxonomy. Hence, when I see a relatively hairless thing of a certain height 10 walking upright, I perceive that it is human. As we gain mobility, we begin to measure the outside world according to bodily units, such as arms-lengths or paces. With repeated perceptions of such things as humans, for example, we apply these measures to them in order to determine their size, concluding, for instance, that humans are on average roughly one arm-span tall. We then include that determination in our mental picture of ‘human’. With increased mobility, we begin to extend these measures to several arms – lengths or paces away until we are able to judge reasonably long distances with fair accuracy on the basis of our mental pictures of those shorter ones. For longer distances we combine these known distance-measures, but in order to do so effectively, we need markers on the way. These markers consist of things like houses and trees 11 in rough successive order along the distance being estimated. 9

See Alhacen, De aspectibus 2, 3, in: Smith, Alhacen’s Theory (note 4), p. 450; see also Witelo, Perspectiva 4, 9, in: Risner (note 2), p. 121. 10 See Alhacen, De aspectibus 2, 4, in: Smith, Alhacen’s Theory (note 4), pp. 512– 525. See also Bacon, Perspectiva 1, 10, 4, in: Lindberg (note 1), pp. 154–159; Witelo, Perspectiva 3, 51–63, in: Risner (note 2), pp. 108–113; and Pecham, Perspectiva communis 1, 55–56, in: Lindberg (note 3), pp. 134–137. 11 See Alhacen, De aspectibus 1, 3, in: Smith, Alhacen’s Theory (note 4), pp. 448– 457. See also Bacon, Perspectiva 2, 3, 4, in: Lindberg (note 1), p. 211; Witelo,

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Such things become markers by virtue of what modern psychologists call the Size-Distance Invariance Hypothesis. This is best explained geometrically. Let E in figure 5 be the viewpoint from which, when standing upright with our feet at F, we look at an object represented by line AB. Assume that we recognize the object as human and know that it lies a certain distance from us, say three paces as measured by FB or EA. We have already determined that it is roughly one arm-span tall. Now when we see this object, we see it according to the angle it subtends at the center of sight, i.e., visual angle AEB. That angle determines how much of the lens’s front surface will be occupied by the object’s visual representation. By correlating the relative size of that visual representation and its corresponding visual angle to the distance the object lies from the center of the eye, we now know how large that object will appear to be when seen from a distance of three paces. In this case, for instance, it will appear to be just over half as tall as my height of one arm-span. Having determined that, we now know how large any object one arm-span tall will appear to be from a distance of three paces, and we retain this knowledge in the form of the mental picture mentioned earlier. Conversely, we know that any object one arm-span tall that ‘appears’ to be that size lies three paces away. Now move the object twice as far away to a distance of six paces. It will be seen under a correspondingly smaller visual angle CED and will therefore appear to be correspondingly smaller. In fact, it will look half the size it did at three paces away. Move it another three paces away, and it will look a third the size. Continual perceptions of this sort eventually lead us to recognize how large many familiar objects of a known size should look from a wide variety of distances according to a wide variety of remembered visual angles. Not only that, but these perceptions also allow us to estimate 12 expanses of ground according to the visual angles they subtend. Having already determined that each expanse of ground between the three objects is three paces long, we know and remember that the expanse of ground three paces away and three paces long will subtend visual angle BEF, which, for lack of a better term, we can call the ‘standing angle’. So, when we see another expanse of ground subtending the same visual angle under the same standing angle, we know that it is three paces away and three paces in extent. Likewise, we know that an expanse of ground three paces long and six paces Perspectiva 4, 10, in: Risner (note 2), pp. 121–122; and Pecham, Perspectiva communis 1, 63–64, in: Lindberg (note 3), pp. 140–143. 12 See esp. Alhacen, De aspectibus 2, 3, in: Smith, Alhacen’s Theory (note 4), pp. 481–484.

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away will subtend visual BED angle under its corresponding standing angle DEF, and so forth. The perception of constant actual size, according to the Perspectivists, is based on correlating ‘apparent’ size to estimated distance and comparing the result to remembered parameters. Moreover, when we see unfamiliar objects of the same apparent size at the same estimated distance as familiar objects whose size we know, we perceive them to be of the same actual size as those familiar objects. On that basis, we can determine the actual size of objects never seen before by comparing their immediate visual representation to our conceptual representation of commensurate familiar objects. According to Perspectivist theory, then, size- and distance-perception entail deductive judgments based on correlating apparent size and estimated distance and comparing the resulting correlation to known sizes and distances. Because we are so used to making such comparisons and judgments, we are no longer aware of the deductive process leading to them because we carry it out 13 so swiftly and automatically. That is why most of us assume that spatial perception is immediate and intuitive. It is also clear that size- and distance-perception are interlinked and, moreover, that both are dependent on ambient clues. Alhacen suggests the experiment illustrated in figure 6 to demonstrate this point for distanceperception. Erect two walls, B and C from floor to ceiling in a room so that one lies well behind the other and the farther one juts out beyond the nearer one. Cut a small window in the wall facing these internal walls and place your eye at some point A so that you can see inner walls B and C through the window but cannot see the floor, ceiling, or side walls of the room. Accordingly, let ray A1 represent the topmost point to the left in the field of view, and A2 the bottommost point to the right in that field. What you will see is illustrated in the bottom diagram of figure 6, and in that case you will not perceive wall C to lie behind wall B but will instead perceive the part of it that juts out to the right of B as contiguous with it. In other words, B and C will be perceived to lie in the same plane. The reason for this misperception, of course, is the lack of ambient clues. Without being able to see the floor or ceiling, we cannot tell that the bottom of the farther wall lies higher in the

13 See Alhacen, De aspectibus 2, 3, in: Smith, Alhacen’s Theory (note 4), pp. 431–436. See also Bacon, Perspectiva 1, 10, 3, in: Lindberg (note 1), p. 157; Witelo, Perspectiva 3, 69, in: Risner (note 2), p. 115; and Pecham, Perspectiva communis 1, 57, in: Lindberg (note 3), pp. 136–139.

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visual field than the bottom of the nearer one or that the top of the farther 14 one lies lower in the visual field than the top of the nearer one. Not only are distance- and size-perception contingent on ambient clues. So is our perception of the shape of objects according to spatial depth. When we look at the cylinder in figure 7 from viewpoint E, we perceive that it bulges toward us by discerning that the distance from its outer edges, as represented by the thicker black lines, is greater than the distance from its middle, as represented by the grey ones. In this way we perceive the depth of all sorts of objects, not just cylinders, by perceiving the unequal distance 15 of their parts from the center of sight. It is important to realize, however, that distance-, size-, and shape-perceptions are severely limited by our ability to perceive ambient clues, a fact of which the Perspectivists were acutely aware. If the object is small enough and at a great enough distance, we cannot judge its size, distance, or shape properly. Even if a large object, such as the moon, lies too far away, neither its size nor shape will be properly perceived. That is why the moon and all other heavenly bodies look like small disks rather than large spheres, because they are too distant for us to discern their vastness or convexity. They also lie too far away for us to gauge their distances properly; the best we can do is make wild guesses because there are no markers, such as trees, or towers, 16 or mountains of known size, between us and them. 14 For Alhacen’s description of this experiment, see: De aspectibus 2, 3 in: Smith, Alhacen’s Theory (note 4), p. 453. 15 See Alhacen, De aspectibus 2, 3, in: Smith, Alhacen’s Theory (note 4), pp. 471– 474. See also Bacon, Perspectiva 2, 3, 3, in: Lindberg (note 1), pp. 210–213; Witelo, Perspectiva 4, 48–49 in: Risner (note 2), pp. 139–140; and Pecham, Perspectiva communis 1, 83, in: Lindberg (note 3), pp. 154–155. 16 Alhacen and his Latin followers cite eight normative conditions for proper sight: adequate but not excessive light, adequate but not excessive distance, an adequately transparent medium through which to see the given object, an adequate but not excessive distance between eye and object, an adequately large object, an adequately opaque object, an adequate amount of time to discern the object, and an adequately healthy eye. When any of these conditions are transgressed (e.g., too little or too much distance between eye and object), that object will be misperceived in terms either of its defining physical features or its actual spatial location. See Alhacen, De aspectibus 1, 9, in: Smith, Alhacen’s Theory (note 4), pp. 390–394. See also Bacon, Perspectiva 1, 8, 1–1, 9, 4, in: Lindberg (note 1), pp. 108–145; Witelo, Perspectiva 4, 1, in: Risner (note 2), p. 118; and Pecham, Perspectiva communis 1, 48–54, in: Lindberg (note 3), 130–135.

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Size-, distance-, and shape-perception are also determined and limited in non-geometrical ways. Vividness of perception plays a fundamental role in size- and distance-perception according to Perspectivist theory. If we see two objects of the same sort and of the same apparent size, according to equal visual angles, and if one of them is dimmer than the other, that one 17 will be perceived to lie farther away. It will also be perceived to be larger because the correlation of its apparent size to its larger apparent distance leads us to conclude that it is actually larger. This phenomenon is central to the Perspectivist explanation for why objects appear magnified when seen in water. That explanation is based on the Perspectivist theory of image-formation in refraction. This theory, in turn, is based on the principle that, when light strikes a refractive interface at a slant, it will be diverted toward the perpendicular, or normal, dropped to the point of incidence when the medium it enters is more refractive than the one it leaves. It is this principle that governs the refraction of visible radiation at the back of the lens so that it is diverted into the optic nerve. On the other hand, when light passes from a more refractive to a less refractive medium, it is diverted away from the normal. Water is more refractive than air, so when a ray of light passes from water into air, it will be diverted away from the normal. Let the dot labeled O in figure 8 be a tiny object under water, and let a ray from it strike the water’s surface at point of incidence R. Drop NR normal to the water’s surface through that point. When it enters the air above the water, the light will be diverted away from NR toward point E. If we place an eye with its center of sight at E, then the object will be perceived along refracted ray RE. In order to determine where it will be perceived, we drop the perpendicular to the water’s surface from O and then extend ER below the water until it intersects that perpendicular. Image I 18 will be perceived at the point of intersection. 17 Alhacen makes this point somewhat obliquely in: De aspectibus 2, 3, in: Smith, Alhacen’s Theory (note 4), p. 486, when he observes that “the sensitive faculty senses [that] a visible object that lies near the eye […] is seen more clearly [than one lying farther away] precisely because the forms of such [objects] are clearer and more clearly perceived by sight”. It follows, therefore, that of two identical objects subtending the same visual angles, the dimmer one, which is perceived less clearly, will be perceived to lie farther away. 18 This method of finding the image-location is often referred to as the cathetusrule (after the perpendicular, or ‘cathetus’, dropped to the refracting surface from the visible point). If the refracting surface is concave or convex circular, the cathetus will pass through the center of curvature. For Alhacen’s ap-

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Now let line OO' in figure 9 represent an object lying on the bottom of a pan filled with water, and let an eye with center of sight E face it. If the pan were empty, the two endpoints O and O' of the object would radiate their luminous color straight to center of sight E, and the object would be seen under visual angle OEO', which determines its apparent size. But since the pan is filled with water, rays OR and O'R' will radiate to the water’s surface such that after refraction they will be diverted away from their respective normals NR and N'R' to center of sight E. Drop the perpendiculars from O and O' to the water’s surface, and extend ER and ER' until they intersect them. II' will therefore be the image of OO', and it will subtend a larger visual angle IEI' than OO' did when seen straight on through air. Therefore, the apparent size of the image will be larger. But that does not explain magnification, because the image and object are the same absolute size, and according to the Size-Distance Invariance Hypothesis, the greater apparent size of image II' is counterbalanced by its closer distance. That is, when size and distance are correlated for both image II' and object OO', they should be perceived to be precisely the same size. But they are not. Why? Because according to the Perspectivists refraction weakens light and color, so that the image appears dimmer than the object itself would appear if located at the same place and seen without refraction. Since image II' appears dimmer than the object itself would at that location, it will be perceived to lie farther away than it actually does and will therefore be perceived as larger than it actually is. The apparent magnification of the image is therefore due to size19 and distance-misperception. Just how subject we are to spatial misperception is illustrated in this final example, involving the so-called Moon Illusion, which we have all doubtless experienced. It happens at dusk or dawn, when the moon (or sun) lies just over the horizon. In those circumstances, it appears to be larger than when it lies directly overhead at zenith. At times it can appear more than

plication of this rule to determining image-location for point-objects in vision through flat or spherical refractive interfaces, see: De aspectibus 7, 5, in: Smith, Alhacen on Refraction (note 4), pp. 282–295. 19 See Alhacen, De aspectibus 7, 7, in: Smith, Alhacen on Refraction (note 4), pp. 310–311. See also Witelo, Perspectiva 10, 31, in: Risner (note 2), pp. 431– 432. Bacon and Pecham restrict their analyses to geometry alone, imputing the magnification to the enlargement of the visual angle without citing the weakening of the form and its effect on distance-perception and thus sizeperception.

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twice as large. But there is no actual size-change, or at least no significant size-change; the moon subtends the same visual angle at horizon as it does at zenith. The Perspectivist explanation of this phenomenon comes to ground in a fundamental limitation of shape-perception at great distances. Astronomy teaches us that the vault of the heavens is spherical and that the concave surface faces us. Astronomy also teaches us that the moon moves in a circle around the earth. But the vault of the heavens is so far away that we cannot perceive its concavity or any other feature except its apparent blue color during the day or its blackness at night. Still, we are constrained to guess at its shape, and our best guess, according to the Perspectivists, is that it forms a sort of ceiling extending overhead parallel to the ground we stand on. We in turn perceive that ground as a perfectly flat surface extending to the horizon. The same holds for the moon. We cannot perceive the curvature of the orbit it follows, so we perceive its motion as rectilinear along the heavenly ceiling. Accordingly, we perceive the moon to recede ever farther from us as it continues its orbit from zenith to horizon. That being the case, the moon ought to diminish continuously in apparent size because, as it recedes from us, it will subtend ever-smaller visual angles. But since it actually moves about us a circle, the moon subtends the same visual angle throughout its orbit. Consequently, it is perceived to grow in size as it approaches the horizon because its apparent distance increases while its apparent size remains constant. Let the white disk labeled 1 in figure 10 represent the moon at zenith, its actual orbit being the circular segment OO' and its apparent path along the heavenly ceiling the light gray line tangent to it. The visual angle under which it is viewed is contained by the lines coming to convergence at viewpoint E on earth. EO' will therefore represent the plane of the horizon. Accordingly, as the moon passes through positions 1, 2, 3, and 4 of its orbit, it will subtend the same visual angle, but the perceived moon in grey on the rectilinear path will appear increasingly large as the 21 apparent distance along the celestial ceiling lengthens.

20 For a fairly detailed, general account of the Moon Illusion and of various theories advanced to explain it since antiquity, see: Ross, Helen and Cornelis Plug, The Mystery of the Moon Illusion, Oxford 2002. 21 For Alhacen’s complete account of the Moon Illusion, see: De aspectibus 7, 7, in: Smith, Alhacen on Refraction (note 4), pp. 325–331. See also Bacon, Perspectiva 2, 3, 6, in: Lindberg (note 1), pp. 226–229; Witelo, Perspectiva 10, 54, in: Risner (note 2), pp. 448–449; and Pecham, Perspectiva communis 2, 82, in: Lindberg (note 3), pp. 152–153.

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Let me sum up my analysis with a few concluding remarks. First, the Perspectivist account of spatial perception is neither counterintuitive nor simplistic. On the contrary, it makes a great deal of empirical and theoretical sense. It is also quite sophisticated; at times, in fact, it shows sparks of real originality and ingenuity. Second, all appearances to the contrary, spatial perception is not mathematically determined according to Perspectivist theory. As we have seen, our ability to perceive distance, size, and shape is dependent on our ability to judge apparent size. In order to explain how we do this on the basis of the Size-Distance Invariance Hypothesis, I used the geometrical model illustrated in figure 5 above, with the center of sight at E and the three objects at equal intervals of three, six, and nine paces. I then pointed out that object CD will appear half as large as object AB and object GH a third as large. But the visual angles subtended by those objects are not in the same proportion. Angle DEC subtended by object CD is more than half as large as angle BEA subtended by object AB, and angle HEG subtended by object GH is more than a third as large. According to the parameters I used in this example, in fact, the visual angle subtended by object AB will be around 34°, the one subtended by object CD around 19°, and the one subtended by object GH around 13°. Consequently, if the perception of apparent size were contingent on the visual ‘angle’, then object CD would appear to be about 10% larger than half the size of object AB, and object GH about 15% larger than a third the size of object AB. The apparent ‘geometrical’ sizes of the objects, as measured according to their visual angles, will in fact vary as the sines of those angles rather than as the angles themselves. Furthermore, we saw that we could measure expanses of ground by determining the angles BEF, DEB, and HED subtended by each expanse, which is tantamount to determining them by standing angles BEF, DEF, and HEF. That way we could determine the extent of ground between our feet and some object, and we could also determine the extent of some distant expanse of ground by correlating the standing angle under which it is seen and the visual angle subtended by it. But the apparent distances of those expanses do not vary with the standing angles themselves; they vary as the cosines of those angles. If, therefore, size- and distance-perception depended on these geometrical factors, we would need to have the innate capacity to calculate trigonometric functions instantaneously, effortlessly, and unconsciously, while at the same time being able to visually determine an infinite variety of angles with almost unerring accuracy. We would also need an incredibly effi-

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cient memory retrieval system to pull out the right mental pictures against which to compare all these visual impressions. None of this seems likely. The third point follows from the second: namely, that for the Perspectivists spatial perception requires a great deal of psychological intervention on the part of the perceiver. Remember that, according to Perspectivist theory, we do not perceive the external world directly or immediately. We do so by means of a visual representation standing between that world and us, as perceivers. Furthermore, this visual representation is two-dimensional, not three-dimensional, as external reality presumably is. Therefore, our perception of space, which is contingent on our perception of spatial characteristics, is mediate and inferential. As we have seen, in fact, it is the product of deductive judgments based on a variety of clues contained in the flat visual representation abstracted by the eye’s lens. Fourth, these deductive judgments are not intellectual. They are assumed by the Perspectivists to occur at the front of the brain, where the visual representation is subjected to perceptual scrutiny. The psychological model the Perspectivists have in mind for this process involves three faculties lodged in the frontmost ventricular portion of the brain: sensus communis, or common sense; imaginativa, or imagination; and fantasia, or fantasy, which is a dynamic form of imagination. Here, then, is where the mental pictures I mentioned earlier are produced and manipulated for perceptual comparison and correlation. And it is here where imagination, not intellect, is at work. That, perhaps is why so much of spatial perception involves misperception and requires intellectual rectification through the science of mathematical optics. Yet even though we may be intellectually persuaded that the Moon Illusion is just that – an illusion – our intellectual awareness of this fact will not stop us from perceiving the moon as larger at horizon than at zenith. Perception, in short, is essentially autonomous. It is tied to what the visual representation tells us rather than to what our intellects tell us. Otherwise, we would be able to reason our way out of seeing ourselves in mirrors because mirror images are nothing but illusions, fictions of our imagination, according to the Perspectivists. What this means at bottom is that implicit in the Perspectivist account of spatial perception is the idea that space, as visually perceived, is imaginary and, therefore, a sort of fictional construct. After all, as we have seen, the Perspectivists assume that spatial perception is ultimately based on how we sense space according to our bodies: the feeling of ‘an arm’s length away’, ‘an arm-span tall’, or ‘a pace away’. How, then, do the two forms of spatial perception relate? Do they correspond in some fundamental, one-to-one

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way, each somehow an accurate reflection of the other? And if so, precisely how do they reflect one another? Do they in fact represent real space – whatever that may be – in any ontologically or epistemologically meaningful way? Is space actually geometrical in structure, or is our imposition of geometry upon it for visual analysis a mere artifice born out of epistemological convenience or even necessity? To my knowledge, these issues were not raised explicitly before the seventeenth century, but it is clear that they lurk just beneath the surface of the Perspectivist account of spatial perception.

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Zwischen Spekulation und Erfahrung. Alberts des Großen Begriff vom Raum Henryk Anzulewicz (Bonn)

Die Rezeption der Schriften des Aristoteles im lateinischen Westen im 13. Jahrhundert und das damit verbundene Bemühen der führenden lateinischen Aristotelesausleger, die peripatetische Philosophie mit dem christlichen Weltbild zu verschmelzen, führte bei ihnen zur Einsicht, dass Raum neben Materie und Zeit eine Grundbestimmung des endlichen Seins darstellt. Aristoteles und seine griechischen und arabischen Kommentatoren hielten zwar den Raum für ein Naturprinzip und widmeten ihm in verschiedenen Zusammenhängen, insbesondere in den Schriften zur Physik und Kosmologie sowie Meteorologie, viel Aufmerksamkeit. Einen wissenschaftssystematisch eigenständigen Rahmen haben Aristoteles und seine Exegeten diesem Gegenstand jedoch nicht zugewiesen. Auf diesen Umstand, zugleich auf den weiten Begriffsumfang von Raum und auf seine Austauschbarkeit gegen den Begriff des Ortes wurde Anfang der 1250er 1 Jahre als erster Albertus Magnus aufmerksam. Er beschloss, dieses Defizit mit seinem Werk, dessen Kurztitel ‘De natura loci’ dem einleitenden Satz Incipit liber de natura loci ex latitudine et longitudine eiusdem proveni2 ente entnommen wird, zu beseitigen. Ausschlaggebend für dieses wissenschaftlich weitsichtige Vorhaben war seine Überzeugung, dass es aufgrund der Vielfalt und der Unterschiedlichkeit natürlicher Räume neben dem allgemeinen in der Naturphilosophie reflektierten Wissen vom Raum auch ein Wissen darüber im Besonderen gibt, das erschlossen werden muss. 1

2

Zu Alberts Verständnis des Raumes im Allgemeinen und des geographischen Raumes, dem der lateinische Terminus locus zugrundeliegt, sowie zur Austauschbarkeit und Differenz der Konnotationen von Raum und Ort cf. Hoßfeld, Paul, Albertus Magnus über die Natur des geographischen Orts, in: Zeitschrift für Religions- und Geistesgeschichte 30 (1978), S. 107–115, hier 110–112; siehe ferner die weiter unten in der Anm. 23 verzeichneten Aufsätze. Albertus Magnus, De natura loci, tr. 1, c. 1, hg. v. Paul Hoßfeld (Alberti Magni Opera Omnia v/2), Münster 1980, p. 1, v. 6 sqq.

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Seine Auffassung, die er mit einer Reihe von Argumenten für eine spezielle Wissenschaft vom Raum bekräftigte (eine Wissenschaft, die erst später, 3 wohl im 16. Jahrhundert, den Namen ‘Geographie’ erhalten sollte), hatte offenkundig einen wissenschaftstheoretischen Hintergrund. Denn schon bei der Abfassung der Frühschrift ‘De iv coaequaevis’ war ihm aus dem 4 Metaphysikkommentar des Averroes und bald danach aus den ‘Ersten Analytiken’ des Aristoteles, der – neben den ‘Zweiten Analytiken’ – maßgeblichen Quelle der klassischen Wissenschaftstheorie, bekannt, dass das Wissen vom Allgemeinen ‘nur’ ein Wissen in Möglichkeit ist. Dieses sei als solches, folgerte er, unvollkommen, solange es nicht um das Wissen vom Einzelnen, um die Kenntnis der Dinge in ihrer eigenen individuellen 5 Natur ergänzt wird. Seine zu Beginn der Schrift ‘De natura loci’ angeführten Argumente für eine Wissenschaft vom Raum entsprachen also 6 den Vorgaben der ‘Ersten Analytiken’ und gingen über diese hinaus. Die wissenschaftstheoretische Motivation brachte er in diesem Zusammenhang implizit zur Geltung auch durch die Anknüpfung an die Tierkunde, 3 4

5

6

Cf. Kluge, Friedrich, Etymologisches Wörterbuch der deutschen Sprache, 23 bearb. v. Elmar Seebold, Berlin/New York 1999, S. 315. Albertus Magnus, De iv coaequaevis (Summa de creaturis, pars i), tr. 1, q. 2, a. 6, hg. v. Steph. Caes. Auguste Borgnet (B. Alberti Magni Opera Omnia xxxiv), Paris 1895, p. 355a): scire aliquid quod est universale est scire in potentia tantum. Id., De homine, hg. v. Henryk Anzulewicz und Joachim R. Söder (Alberti Magni Opera Omnia xxvii/2), Münster 2008, p. 405, v. 45–46: Aristoteles in secundo Priorum (dicit) quod scire in universali non est scire in propria natura. Ibid., p. 445, v. 2–3: scire in universali est scire in potentia; scire autem in particulari est scire in propria natura. Cf. Aristoteles, Analytica priora, l. 2, c. 21 (67b3–5); translatio Boethii: Arist. Lat. iii, 1–4, hg. v. Laurentius MinioPaluello, Bruges/Paris 1962, p. 131, v. 18–19: Nam scire dicitur tripliciter, aut ut universali aut ut propria aut ut agere. Für weitere Fundstellen in Alberts Werk cf. Anzulewicz, Henryk, Alberts Konzept der Bildung durch Wissenschaft (im Druck). Albertus Magnus, De natura loci, tr. 1, c. 1, p. 2, v. 25–32, 37–41, 49–51: Ex omnibus ergo his satis liquet, quod oportet scire naturam loci, nec sufficit tractatus, qui in Physicis habitus est de ipso, eo quod ille non nisi universaliter certificat de loco, et oportet nos scire diversitates locorum in particulari et causam diversitatis ipsorum et accidentia diversorum locorum; tunc enim perfecte sciemus etiam ea quae in locis generantur et corrumpuntur. […] Propter quod tradentes scientiam naturalem et non inducentes aliquid de locorum diversitate peccant et solacium quaerunt suae imperitiae, si dicunt non oportet de ipso quaerere […]. Et ideo sicut in aliis naturis oportet scientiam naturalem usque ad specialia deducere, ita et in locis […].

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die Aristoteles als eine aus mehreren Teilbereichen bestehende, induktiv verfahrende Wissenschaft begründete und in seinem zoologischen Schriftenverbund zusammenfasste. Analog zur Tierkunde als dem Paradigma einer naturphilosophischen Partikularwissenschaft, welche die allgemeine Wissenschaft von Sinnenwesen ergänzt, sah Albert die Notwendigkeit einer bislang nur teilweise gegebenen, jedoch wissenschaftssystematisch und wissenschaftstheoretisch noch nicht abgesicherten, das Wissen vom 7 Raum im Allgemeinen ergänzenden, speziellen Wissenschaft vom Raum. Die Fragen nach dem Gegenstand dieser Wissenschaft und ihrem Ort im System naturphilosophischer Disziplinen hat Albert schon bei der Vorstellung seines philosophischen Projektes zu Beginn des Physikkommentars geklärt. Dort hielt er fest, dass das räumliche Verhältnis (habitudo) eines beweglichen Körpers zum Himmelskreis als dem Raum, aus dem die Himmelskörper durch die ihnen eigentümlichen Kräfte auf die Elemente einwirken und ihre Eigenschaften beeinflussen, Gegenstand dieser Wissenschaft sei. Allein das, was dieses räumliche Verhältnis der sublunaren Körperwelt zum Himmelskreis ausmacht, bildet demnach den Gegenstand der Wissenschaft, die es in der Schrift mit dem Titel ‘Über die Länge und Breite der Länder und Städte sowie über die bewohnbaren Gegenden’ zu erschließen gilt. Das Wissen um die Einwirkungen der Kraft der Himmelskörper auf die Elemente und die dadurch verursachten Eigenschaften sei indes kein Bestandteil der Wissenschaft vom geographischen Raum, sondern bilde eine eigenständige wissenschaftliche Domäne; dieser ordnete Albert die Schrift ‘Über die Ursachen der Eigenschaften 8 der Elemente und der Planeten’ zu. In der Reihe der naturphilosophischen Disziplinen platzierte er die Wissenschaft vom Raum an vierter Stelle hinter der Physik, der Wissenschaft vom natürlichen Prozess der Entstehung und des Vergehens ‘De 9 generatione et corruptione’ sowie der Kosmologie ‘De caelo et mundo’. 7

8 9

Albertus Magnus, De natura loci, tr. 1, c. 1, p. 2, v. 32–37: Et sicut non sufficit determinare naturam animalis in communi secundum genus, nisi sciatur etiam animalium diversitas in generatione et cibo et moribus, ita non sufficit tradere universaliter de loco, nisi tradatur locorum diversitas et innotescant accidentia locorum diversorum et causa accidentium. Cf. Anzulewicz, Henryk, Albertus Magnus und die Tiere, in: Tiere und Fabelwesen im Mittelalter, hg. v. Sabine Obermaier, Berlin/New York 2009, S. 29–54, hier 34–41. Siehe die nachfolgende Anmerkung. Albertus Magnus, Physica, l. 1, tr. 1, c. 4, hg. v. Paul Hoßfeld (Alberti Magni Opera Omnia iv/1), Münster 1987, p. 6, v. 70–79: ad hoc quod sciatur impres-

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Somit hat Albert bereits zu Beginn seiner Aristotelesparaphrase deutlich gemacht, dass er das Wissenschaftssystem des Stagiriten bezüglich der scientia naturalis für lückenhaft befand und sich dazu entschied, es wie in diesem Fall mit weiteren Teilen zu vervollständigen. Mit seinem Schritt glaubte er, der Intention von Platon und Aristoteles zu entsprechen, die über eine scientia locorum gehandelt hätten, deren Schriften aber 10 unvollständig überliefert worden seien. Nachdem er im wissenschaftssystematischen Lehrstück seines Physikkommentars die Notwendigkeit einer gesonderten Behandlung vom Raum feststellte und die ersten drei zuvor genannten Disziplinen abhandelte, wandte er sich der Wissenschaft von geographischem Raum und Ort zu: „Aus diesen Gründen, nachdem wir über Gegenstände gehandelt haben, die sich zu einem Ort bewegen, war es nötig, uns mit der Unterschiedlichkeit der Natur der Orte, mit der Ursache dieser Unterschiede und den Eigenschaften zu befassen, damit die Lehre über die Gegenstände, die sich zu einem Ort bewegen, insofern man die Unterschiedlichkeit der Orte im Besonderen kennen gelernt hat, 11 vollständig ist.“ Bei der Strukturierung der Inhalte dieser Wissenschaft hat sich Albert nach seinen Angaben an der Vorgehensweise von Platon und Aristoteles orientiert. Er nahm sich vor, in einem ersten Schritt die Ursachen der Verschiedenheit der Räume zu untersuchen, danach die Eigenschaften verschiedener Räume zu behandeln und zum Schluss bestimmte geographische Räume und Orte – Teilgebiete der Erde und Kontinente mit 12 ihren Flüssen, Bergen und Städten – zu beschreiben. Sein Ziel war kein sio, quam caeleste corpus relinquit in elementis, quae moventur ad formam, et etiam in corporibus commixtis, oportet, quod sciatur eius habitudo, quam habet ad locum generationis impressionum illarum. Habitudo autem illa determinari habet in quodam libro, qui dicitur esse ‘De longitudine et latitudine terrarum et civitatum et de locis habitabilibus’. Impressiones autem tractari habent in libro, qui dicitur ‘De causis proprietatum elementorum et planetarum’. 10 Albertus Magnus, De natura loci, tr. 1, c. 1, p. 2, v. 57–60: praecipuos viros in philosophia, sicut fuit Aristoteles et Plato, tractasse videmus de huiusmodi, licet libri eorum de his non integri, sed per partes ad nos devenerint. 11 Ibid., p. 3, v. 4–8: His igitur de causis, postquam nos de mobilibus ad locum determinavimus, oportuit nos tangere de diversitate naturae locorum et de causa diversitatis et accidentibus, ut perfecta sit doctrina de mobilibus ad locum, quando in speciali scitur locorum diversitas. 12 Ibid., p. 3, v. 8–15: Et hunc librum per tres distinctiones dividimus, in prima ostendentes omnes diversitates ex orbe procedere in omnem loci differentiam et in secunda ostendentes accidentia locorum diversorum, et in tertia determinabi-

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enzyklopädisches Wissen über die Erdkunde, sondern eine wissenschaftstheoretisch begründete und systematisch erschlossene Disziplin vom geographischen Raum und Ort. Mit der Verwirklichung dieses Projektes, dessen Ertrag die Schrift ‘De natura loci’ darstellt, behob er nicht nur ein ‘Forschungsdesiderat’, das „die wissenschaftliche Notwendigkeit einer 13 genauen Kenntnis von geographischen Längen und Breiten“ gewesen sei, sondern begründete so eine neue, da im aristotelischen Wissenschaftsgefüge nicht vorhandene, eigenständige Disziplin der Geographie. Das von Albert mit den Worten Liber de natura loci ex latitudine et longitudine eiusdem proveniente eingeleitete Werk ist im lateinischen 14 Mittelalter einzigartig. Sieht man von der ‘Cosmographia’ des Julius 15 Honorius (Ps.-Aethicus, 4. Jahrhundert) ab, welche Albert als Vorlage für den dritten Traktat seiner Geographie benutzte, steht der ‘Liber de natura loci’ allein ohne ein Vorbild und eine Nachbildung da. Roger Bacons geographische Sektion des ‘Opus maius’ weist zwar inhaltliche Parallelen zu Alberts Werk auf, aber sie wird als ein Teil der Mathematik und nicht als eine eigenständige Disziplin entwickelt. Bacons ‘Geographie’ will keine Wissenschaft um ihrer selbst willen sein, sondern steht im Dienst 16 der Theologie und der Kirche bei der Erfüllung ihrer praktischen Ziele.

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mus particularia loca fluminum et civitatum et montium; hoc enim modo in hac scientia processerunt Aristoteles et Plato. Cf. ibid., p. 45–46 (Inhaltsverzeichnis). Lindgren, Uta, Die Geographie als Naturwissenschaft? Wie Albertus Magnus ein Forschungsdesiderat begründete, in: Köln. Stadt und Bistum in Kirche und Reich des Mittelalters. Festschrift für Odilo Engels zum 65. Geburtstag, hg. v. Hanna Vollrath und Stefan Weinfurter (Kölner Historische Abhandlungen 39), Köln/Weimar/Wien 1993, S. 571–587, hier 571; wieder abgedruckt (!): ead., Albertus Magnus und die Geographie als scientia naturalis, in: Archives Internationales d’Histoire des Sciences 132 (1994), S. 3–21, hier 4. Die Überschrift des Werkes, das im Albertautograph in der Österreichischen Nationalbibliothek zu Wien, Codex 273, f. 143r–156r, erhaltenen ist, lautet (f. 142r unterer Rand): Incipit liber de natura loci ex latitudine et longitudine eiusdem proveniente. Die Werkbezeichnung im Explicit (f. 156r) weicht vom Incipit geringfügig ab: Explicit liber de natura locorum quam habent ex longitudine et latitudine eorum. Zum Autor cf. Bridges, John Henry, The Opus maius of Roger Bacon, vol. i, Oxford 1897, S. 302, Anm. 1; Nicolet, Claude et Patrick Gautier Dalché, Les ‘Quatres sages’ de Jules César et la ‘mesure de monde’ selon Julius Honorius: réalité antique et tradition médiévale, in: Journal des Savants (1986), S. 157–218. Cf. Roger Bacon, Opus maius, pars iv, hg. v. John Henry Bridges, vol. i, Oxford 1897, S. 286–376, hier 286.

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Auch Dantes „physische und moralische Topographie der drei Reiche“ (Benedetto Croce), die ihre Phänomene mit philosophischem Ehrgeiz und teilweise in Anlehnung an Alberts Schriften ‘De natura loci’ sowie ‘De causis proprietatum elementorum’ zu erklären vermag, schließt sie sich 17 weder an das eine noch an das andere Werk des Doctor universalis an. Alberts Geographie, die er mit der Schrift ‘De natura loci’ als Wissenschaft etablierte, nimmt eine Sonderstellung in der Wissenschaftsgeschichte ein und verdient aus diesem Grund unsere Aufmerksamkeit. Dem gedanklichen Duktus dieser Schrift folgend, sollen zuerst (i) die verschiedenen Gründe beleuchtet werden, die Albert zur Beschäftigung mit dem Raum, insbesondere dem geographischen Raum veranlasst haben. Sodann (ii) werden sein differenzierter Begriff des natürlichen Raumes, welcher der Gegenstand der Schrift ‘De natura loci’ ist, und (iii) die Ursachen seiner Eigenschaften vorgestellt. Es soll schließlich (iv) umrissen werden, wie sich aus Alberts Sicht die Verschiedenheit der Eigenschaften natürlicher Dinge raum- bzw. ortsabhängig erklärt. Auf einen Exkurs zum topographischen Teil von Alberts Schrift, in dem er, gestützt vor allem auf die Kosmographie des Julius Honorius, die bewohnbaren Räume und Orte der Erde und die drei Kontinente – Asien, Europa und Afrika – beschreibt, 18 wird hier verzichtet.

i Bevor die Gründe erläutert werden, die Albert in seiner Schrift ‘De natura loci’ für ein Wissen von geographischem Raum im Besonderen und somit für eine partikuläre Disziplin anführt, sei der Kontext in den Blick genommen, in dem das Raumproblem in seinem Werk erstmalig erscheint. Dem Raumbegriff begegnet man schon in Alberts Frühwerk im Rahmen der Eschatologie, der Schöpfungstheologie und der Gotteslehre. Dort 17 Cf. Dante Alighieri, Convivio iii, 5, 12; Croce, Benedetto, Dantes Dichtung. Mit Genehmigung des Verfassers ins Deutsche übertragen von Julius Schlosser, Zürich/Leipzig/Wien 1921, S. 92; Hausmann, Frank-Rutger, Dantes Kosmographie – Jerusalem als Nabel der Welt, in: Deutsches Dante-Jahrbuch 63 (1988), S. 7–46, hier 9, 14. 18 Wie sich Albert von seiner Vorlage leiten lässt und wie weit er sich von ihr entfernt, indem er sie korrigiert und ergänzt, schildert Hoßfeld (Anm. 1), S. 108–110.

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interessierten ihn aus heilsgeschichtlicher Perspektive die Konnotationen der lateinischen Termini locus, ubi und situs. Das philosophische, durch Aristoteles’ ‘Physik’ iv, 4 (212a5) vermittelte Verständnis des Raumes „als die Grenze des umfassenden Körpers“ wurde zwar als grundlegend vorausgesetzt, aber es stand nicht im Vordergrund und auch nicht zur Diskussion. Diesen Sachverhalt spiegelt u.a. Alberts theologisch-philosophische Synthese der Himmelslehre wieder, die im Frühwerk ‘De iv coaequaevis’ vorliegt. Bereits dort begreift er den Himmel mit seinen zehn Sphären als den Raum, der das Weltall umfasst. Er weist darauf hin, dass nur acht Himmelssphären der Sinneserkenntnis zugänglich sind. Die Existenz der neunten Sphäre werde von den Astronomen durch Schlussfolgerung angenommen, während die letzte zehnte Himmelssphäre, der empyreische Himmel als der Ort der Engel und der Seligen, sich der natürlichen Sinnesund Verstandeserkenntnis entziehe und nur aus der Offenbarung bekannt 19 sei. Das theologische Verständnis des Himmels als des Weltraumes, das 20 auf Johannes von Damaskus zurückgeht, deckt sich nach Albert mit der aristotelischen Auffassung des Raumes als des Prinzips, das einen Gegen-

19 Albertus Magnus, De iv coaequaevis, tr. 3, q. 11, a. 2, p. 422a: Philosophi enim, ut dicunt Sancti, non potuerunt coelum empyreum cognoscere, nisi forte illi qui secundum Damascenum dogmata Moysi legentes sibi ea attribuerunt. Ibid., a. 3, p. 423b: Tamen Philosophi non ponunt ipsum: quia ipsi locuti sunt de superioribus secundum sensum vel secundum consequentiam rationis: et secundum sensum apparent nobis tantum octo sphaerae, nona vero probatur secundum consequentiam rationis: ut infra habebitur. Decima quae ponitur immobilis, nec sensu, nes forti ratione manifestatur: et ideo ipsi non posuerunt eam. Zum Verständnis von caelum empyreum cf. Kurdzialek, Marian und Gregor Maurach, Empyreum, in: Historisches Wörterbuch der Philosophie, hg. v. Joachim Ritter et alii, Bd. 2, Basel 1972, Sp. 478–480. 20 Cf. Albertus Magnus, De iv coaequaevis, tr. 3, q. 7, a. 4, p. 406a: sumatur diffinitio Damasceni in libro II De fide orthodoxa, ubi dicit, quod coelum est continentia visibilium et invisibilium creaturarum, hoc est, coelum est continens visibiles et invisibiles creaturas. Iohannes Damascenus, De fide orthodoxa, l. 2, c. 6: Die Schriften des Johannes von Damaskos, hg. v. Byzantinischen Institut der Abtei Scheyern, ii: ǖǡȐȊȕșȏȘ ˚ȐȗȏȈΥȘ ȚϳȘ ͱȗǯȕȊȢȔȕț ȖȅșȚȋȟȨ. Expositio fidei, besorgt v. Bonifatius Kotter (Patristische Texte und Studien 12), Berlin/ New York 1973, p. 50, v. 2; transl. Burgundionis c. 20, n. 1: Saint John Damascene, De fide orthodoxa. Versions of Burgundio and Cerbanus, hg. v. Eligius M. Buytaert (Franciscan Institute Publications. Text Series 8), Louvain/Paderborn 1955, p. 78, v. 3.

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stand umfasst und ihn gleichsam schützt. Dieses Raumverständnis gilt im eigentlichen Sinn – Albert folgt darin Aristoteles – für bewegliche Körper, welche den Gegenstandsbereich der Physik bilden. Im uneigentlichen, von Eigenschaften des materiellen Ortes abgeleiteten Sinn ist es aber auch auf geistige Wesen, wie auf die Seele (was Aristoteles ebenfalls billigt), ferner auf Engel und in gewisser Weise auf Gott (wie Albert im 22 Anschluss an Johannes von Damaskus annimmt), anwendbar. Alberts Unterscheidung des Raumes bzw. des Ortes im eigentlichen Sinn in locus diffinitive und in locus circumscriptive, deren Bestimmung vom theologischen Gesichtspunkt, seine ‘Ortskunde’ des Jenseits sowie seine Auffassung des aristotelischen Raumbegriffs, die er im ‘Physik’-Kommentar, Buch iv, darlegte, dürfen nicht unerwähnt bleiben, sollen aber hier nicht 23 erläutert werden, da dies bereits andernorts geschehen ist. Wir richten unsere Aufmerksamkeit auf Alberts Werk ‘Über die Natur des geographischen Ortes, die sich aus seiner Breite und Länge ergibt’, um Genaueres über die dort dargelegten Gründe für dessen Abfassung zu erfahren. Das Wissen über den Raum darf in der Naturwissenschaft nicht fehlen; wer gegenteiliger Auffassung ist, der irrt sich. Mit dieser Überschrift

21 Albertus Magnus, De iv coaequaevis, tr. 3, q. 10, a. 3, p. 418a; q. 11, a. 1, p. 420b: locus est salvativus et contentivus locati; id., De homine, p. 438, v. 27 (mit dem Quellennachweis): locus est salvativus locati, ut habetur in IV Physicorum. 22 Cf. Albertus Magnus, In i Sententiarum, d. 37, a. 25, hg. v. Steph. Caes. Auguste Borgnet (B. Alberti Magni Opera Omnia xxvi), Paris 1893, p. 267a: locus dicitur multipliciter: est enim locus proprie, et est locus per translationem aliquam a proprietate loci dictus. Locus per translationem a proprietate loci dictus potest esse spiritualis natura, sicut dicit Philosophus in III De anima. Id., De iv coaequaevis, tr. 3, q. 7, a. 4, p. 406b: Solus autem Deus incircumscriptibilis est, omnia implens, et omnia continens, et omnia circumterminans ut super omnia ens et omnia condens, p. 407a; ibid., q. 10, a. 3, p. 419a; Iohannes Damascenus, De fide orthodoxa, l. 1, c. 13, p. 38, v. 9–12; transl. Burgundionis c. 13, n. 2, p. 57, v. 13–16; Anzulewicz, Henryk, Perspektive und Raumvorstellung in den Frühwerken des Albertus Magnus, in: Raum und Raumvorstellungen im Mittelalter, hg. v. Jan A. Aertsen und Andreas Speer (Miscellanea Mediaevalia 25), Berlin/New York 1998, S. 249–286, hier 269. 23 Hoßfeld, Paul, Studien zur Physik des Albertus Magnus. i. Ort, örtlicher Raum und Zeit. ii. Die Verneinung der Existenz eines Vakuums, in: Aristotelisches Erbe im arabisch-lateinischen Mittelalter. Übersetzungen, Kommentare, Interpretationen, hg. v. Albert Zimmermann und Gudrun Vuillemin-Diem (Miscellanea Mediaevalia 18), Berlin/New York 1986, S. 1–42, hier 1–15; Anzulewicz, Perspektive und Raumvorstellung (Anm. 22), S. 268–286.

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beginnt Albert das Einleitungskapitel des Werkes ‘De natura loci’, in dem er die Gründe vorstellt, welche die Notwendigkeit der Wissenschaft 24 der Geographie verdeutlichen sollen. Er verweist zuerst auf die Argumente, die in seinen zuvor verfassten Kommentaren zur ‘Physik’ und zu ‘De caelo’ des Aristoteles erörtert wurden. Hiervon nennt er jeweils ein Argument: Der Raum (bzw. Ort) sei das aktive Prinzip der Entstehung der Dinge, weshalb das Verhältnis von Raum (locus) und Rauminhalt (locatum) dem Verhältnis von Form und Materie entspreche. In dieselbe Richtung weist das Argument aus dem Kommentar zu ‘De caelo’: Weil der supralunare Bereich sich zum Bereich des Irdischen wie die Form zu der ihr entsprechenden Materie verhalte, müsse der himmlische Bereich der Raum des Irdischen sein. Er müsse ein aktives Prinzip sein, da die aus ihm strömenden Kräfte das formende Prinzip der Dinge auf der Erde seien. An diese Argumente schließt Albert eine Reihe von Gründen an, die seine Ausgangsthese von der Notwendigkeit einer Wissenschaft vom Raum beweisen sollen. Sie sind physikalischer Art und basieren sowohl auf der Spekulation, die sich maßgeblich an der aristotelischen Naturphilosophie orientiert, als auch auf Alberts Erfahrungswissen. Das erste Argument, vom Raum her ergebe sich die Veränderung seines Inhaltes, stützt sich auf die These, dass die Ursache für jede Veränderung eines Inhaltes (contentum) dasjenige ist, was diesen Inhalt in sich einschließt und enthält (continens). Dass damit das Raumprinzip gemeint wird, ist offenkundig. Außerdem nimmt Albert Bezug auf die ‘Meteora’, Buch iv, und hält fest, dass der Raum das aktive Erhaltungsprinzip einer 25 Sache darstellt. Das nächste Argument, das der Doctor universalis in Anschlag bringt, besagt, dass alle regelmäßig dimensionierten Körper sich zu ihrem eigentümlichen Raum gleichsam als ihrem Entstehungs- und Erhaltungsprinzip bewegen. Diese natürliche Bewegung ist sowohl Lebewesen wie Menschen, Tiere und Pflanzen, als auch unbelebten Naturdingen wie Steinen eigen. Sie geht über die Vorstellung einer mechanistisch verstandenen Gravitationskraft hinaus und gehört zur inneren, 24 Albertus Magnus, De natura loci, tr. 1, c. 1, p. 1, v. 6–8: Quod naturam loci scire oportet in scientia naturali et quod peccant, qui de ipso non quaerunt. 25 Ibid., p. 1, v. 24–28: Putrescunt namque ea que putrescunt, et conservantur conservata per virtutes continentium corporum, sicut probari habet in IV Meteororum, et ideo locum habere virtutem activam in locatum non est ambiguum. Cf. Aristoteles, Meteora, l. 4, c. 1 (379a11–12); Albertus Magnus, Meteora, l. 4, tr. 1, c. 7, hg. v. Paul Hoßfeld (Alberti Magni Opera Omnia vi/1), Münster 2003, p. 218, v. 72 – p. 219, v. 41.

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raumbedingten Ordnungsstruktur der Dinge, wie Alberts Ausführungen über die Bewegung der Nahrung im Organismus und über die Kraft der Mineralien zu entnehmen ist. Bei Lebewesen werde die Nahrung an alle Glieder als ihren eigentümlichen Ort transportiert, wo sie die Form erhalte und ihre eigene Wirkung entfalte. Den Raumfaktor bei den Mineralien verdeutlicht Albert am Beispiel der Entfernung eines Steins von seinem Entstehungsort, welche zu dessen Verfall führt. Steine, die über lange Zeit außerhalb ihres Entstehungsortes bleiben, verlieren zwar nicht ihre Farbe und ihre ursprüngliche Gestalt, wohl aber ihre natürliche Wirkkraft. Sie werden weiterhin mit ihrem Namen bezeichnet, aber nur im äquivoken Sinn. Dieselben Folgen habe eine auf Willkür beruhende Trennung der 26 Lebewesen und der Naturdinge von den Räumen ihrer Entstehung. Wenn der Raum ein unveränderliches Naturprinzip ist, wie Aristoteles (‘Physica’ iv 5, 212a20) und die verlässlicheren Peripatetiker annehmen, dann ist er, so Albert, jedes Mangels (privatio), welcher die Materie kennzeichnet, enthoben. Der Raum sei eine vollendete und vollendende Wirklichkeit, Prinzip und Ziel der natürlichen Bewegung, des Bestehens und 27 Gedeihens der Dinge. Durch die Begründung der Auffassung, dass der Raum ein unveränderliches, für alle Naturgegenstände jeweils eigentümliches natürliches Prinzip ist, unterstreicht Albert die Notwendigkeit einer partikulären Wissenschaftsdisziplin vom Raum, die das in der Physik und in der Kosmologie reflektierte Allgemeinwissen vom Raum ergänzt. Die Kenntnis unterschiedlicher Arten und Eigenschaften des Raumes und deren Ursachen sichert nicht nur ein vollständiges Wissen vom Raum, sondern auch von den räumlich gebundenen und ihrem Sein nach vom Raum bestimmten 28 physikalischen Gegenständen und Prozessen. Es wird deutlich, dass Albert hierbei ausschließlich vom theoretischen Interesse geleitet wird und weder eine Realiengeschichte, wie die antiken ‘Geographen’, noch eine praxisorientierte Topographie, wie Roger Bacon, anstrebt.

26 Albertus Magnus, De natura loci, tr. 1, c. 1, p. 1, v. 29–43, p. 2, v. 1–20. 27 Ibid., p. 1, v. 44–64. 28 Cf. oben Anm. 11.

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ii Albert unterscheidet zwischen zwei Auffassungen vom Raum, nämlich dem Raum im Allgemeinen (communiter), dem uneigentlichen Raumbegriff, und dem naturgemäßen Raum im Besonderen (proprie et secundum naturam), dem eigentlichen Raumbegriff. Wie Aristoteles nimmt er an, dass der Raum im Allgemeinen „jeder Körper ist, der nach Art einer umfassenden und berührenden Oberfläche einen anderen Körper von außen her 29 umgibt“. Der Raum im eigentlichen Sinn hingegen sei „die Höhlung der 30 Oberfläche, wohin sich die Bewegung eines Körpers richtet“. Die erstgenannte Bedeutung des Raumes gilt offenbar für alle Körper des Weltalls bis auf die letzte Himmelssphäre als dem ersten, das Weltall umgebenden und abschließenden Körper. Da die Himmelskörper dem natürlichen Prozess von Entstehen und Vergehen nicht unterliegen, seien sie nur im uneigentlichen Sinn räumlich determiniert. Im engeren Sinn eigne ihnen 31 kein Raum, sondern sie seien der Raum anderer Körper. Alberts zweifacher Unterscheidung des Raumes kann man entnehmen, dass der Raum im engeren Sinn den vorrangigen Gegenstand seines Interesses und der partikulären, sich mit diesem Gegenstand, dem geographischen Raum befassenden Wissenschaft darstellt. Der kosmische Bereich, genauer: der Himmelskreis (orbis) gehört insofern dazu als er die Kraft enthält und ausstrahlt, welche die Dinge entstehen lässt (locans tantum) und die Ursache von einfachen und zusammengesetzten, natürlichen Körpern ist. Alle natürlichen Körper sind nach Albert räumlich determiniert, indem sie sich zu dem ihnen eigentümlichen Raum (bzw. Ort) bewegen: die einfachen Körper von sich aus (per se), die zusammengesetzten Körper hingegen aufgrund der Bewegung der ersteren (propter simplicia). Der eigentümliche Raum dieser Körper sei die „Höhlung“ (concavum) des einfachen bzw. des komplexen Körpers, welche deren Entstehungsraum ist, zu dem sie sich bewegen und vom dem getrennt sie zugrunde gehen. Raum und das, was sich in ihm befindet, entsprechen sich naturgemäß. Wenn es diese Entsprechung zwischen ihnen nicht mehr 29 Albertus Magnus, De natura loci, tr. 1, c. 2, p. 3, v. 19–22: dicitur locus communiter omne corpus ambiens extrinsecus alterum corpus ratione superficiei continentis et tangentis ipsum. 30 Ibid., p. 3, v. 22–23: Alio autem modo locus dicitur concavum superficiei, ad quod est motus alicuius corporis. 31 Cf. ibid., p. 3, v. 23–58.

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gibt oder der Raum und sein Inhalt getrennt werden, wird dieser entweder im Raum und durch den Raum oder außerhalb von ihm nach und nach zerstört. Wie stark sich der Raum bei der Entstehung der Naturdinge und der Lebewesen auswirkt und folglich deren Bestehen und Gedeihen beeinflusst, macht Albert am Beispiel von Klimazonen deutlich. Die Klimazonen bestimmen Arten und Eigenschaften von Flora und Fauna der jeweiligen Räume. Ein radikaler Klimawechsel, der für Mensch, Tier 32 und Pflanze unnatürlich ist, schädigt sie oder zerstört sie sogar.

iii Die verschiedenen Eigenschaften des Raumes haben nach Albert zwei wesentliche Ursachen. Die eine ist seine Entfernung vom Himmelskreis, die andere die Lage und das Verhältnis des Raumes gegenüber den Plane33 tenbahnen. Wie sich der Himmelskreis zum geographischen Raum verhält, wurde schon zuvor erwähnt. Seine formende Kraft sei das Wirkprinzip, das die Naturdinge im Raum entstehen lässt. Die Erde hingegen, das Zentrum des Alls, sei in ihrer reinen Form (terra pura) nur der stoffliche Inhalt des Raumes (locatum tantum), während die drei übrigen Elemente – Feuer, Luft und Wasser – sowohl wirkende als auch stofflich-inhaltliche Raumprinzipien (locans et locatum) seien. Diese Grundstruktur des Raumes erschließt sich laut Albert bereits aus der Erfahrung. Wie beeinflussen aus Alberts Sicht der Himmelskreis und die Planetenbahnen die Eigenschaften des geographischen Raumes und all das, was er umfasst? Die sublunare Raumordnung geht wesentlich auf die ursächliche Kraft des Himmelskreises zurück. Sie bringt nicht nur Naturdinge hervor, sondern bestimmt diese auch räumlich durch die Beschaffenheit 34 der Elemente. Der gestaltende Faktor im supralunaren Bereich sei die 32 Albertus Magnus, De natura loci, tr. i, c. 2, p. 3, v. 59 – p. 4, v. 19; c. 3, p. 4, v. 33–36; Hoßfeld (Anm. 1), S. 110. Näheres dazu weiter unten im Abschn. iv. 33 Hierzu und zum Folgenden cf. Albertus Magnus, De natura loci, tr. 1, c. 3, p. 4, v. 26–41. 34 Hierzu cf. Kintzinger, Martin, Norma elementorum. Studien zum naturphilosophischen und politischen Ordnungsdenken des ausgehenden Mittelalters, Stuttgart 1994, S. 46–49. Alberts Beitrag wird in dieser Studie nur ansatzweise zur Geltung gebracht; dieses und andere Defizite des Buches thematisiert die Rezension in: Theologische Revue 92 (1996), Sp. 293–297.

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Kugelschalensphäre des Feuers, genauer: das Feuer, das an die Kugelschalensphäre des Mondes von allen Seiten hinaufsteigt. Der kugelschalenförmige Raum des Feuers entsteht nach Albert durch die Bewegung des Feuers und durch seine Eigenschaften wie Feinheit, Wärme, Leichtigkeit und Durchsichtigkeit. Eine kausale Erklärung der aufsteigenden Bewegung des Feuers über alle Elemente bis an die Kugelschalensphäre des Mondes bot Albert zuvor in seinem Kommentar zu ‘De caelo’ des Aristo35 teles und verweist daher den Leser von ‘De natura loci’ darauf. Er erläutert die natürlichen, den Raum ordnenden Vorgänge nunmehr in allen die Erde umgebenden Kugelschalensphären der vier Elemente: Feuer, Luft, Wasser und Erde. Wir gehen dem kurz nach. Die für das Feuer eigentümliche Feinheit macht es zur subtilsten Art der Materie unter den vier Elementen. Da das Feuer der Natur der feurigen Kugelschalensphäre entspreche, habe es in ihr seinen eigentümlichen Raum. Sowohl die Feinheit und die Bewegung des Feuers als auch sein natürlicher Raum gehen unmittelbar auf seine Wärme und letztlich auf deren Ursache zurück, nämlich die vielfältigen Bewegungen der Himmelskörper und ihr Licht. Gleiches gilt für die Leichtigkeit und Durchsichtigkeit des Feuers. Die Sphäre des Feuers, die im Verhältnis zur Lage der übrigen Elemente die absolut höchste ist, verleiht ihm laut Albert die meiste Ähnlichkeit mit den Eigenschaften der Himmelsköper und einen weitreichenden, formenden Einfluss auf die Materie der Elemente im sublunaren Raum. Hierzu rechnet er insbesondere eine instrumentale Ursächlichkeit des Feuers bei der Entstehung der drei übrigen Elemente 36 sowie anderer Naturdinge. Die räumliche Lage der Erde in der Mitte des Weltalls ist nach Albert dadurch bedingt, dass dieses Element – Erde – eine größere Dichte und Kälte als die anderen Elemente aufweist, weshalb es am weitesten vom Feuer entfernt ist. Die Bewegung der Erde richte sich aufgrund ihrer Schwere nach unten zum Erdmittelpunkt hin, allerdings nicht insofern es der Mittelpunkt der Erde, sondern der Mittelpunkt des Weltalls sei, dies unabhängig von der Tatsache, dass die beiden Zentren sich decken. Die 35 Albertus Magnus, De natura loci, tr. 1, c. 3, p. 4, v. 44–47; cf. id., De caelo et mundo, l. 1, tr. 2, c. 3, hg. v. Paul Hoßfeld (Alberti Magni Opera Omnia v/1), Münster 1971, p. 40, v. 54–57, p. 38, v. 53; Aristoteles, De caelo, l. 1, c. 6 (273a21–22). 36 Cf. Albertus Magnus, De natura loci, tr. 1, c. 3, p. 4, v. 42 – p. 5, v. 17, bes. p. 5, v. 8–13: ignis ad vicariam facit generationem elementorum in contactu aëris ad ipsum […] Ad aliorum autem generationem virtus eius adducitur per radios solis et quarundam aliarum stellarum […].

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geozentrische Auffassung des Kosmos, die Albert im Anschluss an die Schrift ‘De caelo’ des Aristoteles (ii 14, 296b–297a8) vertritt, stützt sich 37 somit auf die naturphilosophische Elementenlehre. Die Elemente Wasser und Luft nehmen räumlich eine Mittelstellung ein – das Wasser in der „Höhlung“ der Luft und die Luft in der „Höhlung“ des Feuers, dessen naturgemäßer Raum sich oben vom letzten Himmelskreis, der „Höhlung“ des Mondes, bis nach unten zur „Höhlung“ der Luft erstrecke. Die Eigenschaften der einzelnen Elemente seien entsprechend ihrer räumlichen Ausdehnung in der jeweils eigenen Kugelschalensphäre und ihrer Anordnung zueinander in sich differenziert. Die raumbedingten spezifischen Unterschiede hinsichtlich der Qualitäten zeigen sich besonders deutlich und auf jeweils verschiedene Weise an den äußeren Begrenzungen einer Kugelschalensphäre und auch an den Elementen, die gegensätzliche Eigenschaften aufweisen, wie Feuer und Erde. Da zur Eigenschaft des Feuers das Aufsteigen gehöre, erlange dieses Element am obersten Rand seiner Kugelschalensphäre die reinste Form. In der Mitte hingegen und absteigend zur Kugelschalensphäre der Luft nehme die Reinheit des Elements nach und nach ab. Umgekehrt verhalte es sich mit dem Element Erde, das sich aufgrund seiner Schwere naturgemäß zum Mittelpunkt der Erde und des Weltalls bewege, wo es die reinste Form seiner eigentümlichen Qualität aufweise. Mit der Entfernung vom Zentrum verliere das Element seine Formeigenschaft. Die reinste Form der mittleren Elemente hingegen – Luft und Wasser – sei naturgemäß jeweils in der Mitte der 38 eigenen Kugelschalensphäre räumlich verortet. Die entscheidende Beeinflussung der Eigenschaften der Elemente durch den Raum führt zur Frage nach der Ursache der Wirkkraft, welche die Form in die Materie einführt und sie teils Feuer, teils Luft, teils Wasser und teils Erde werden lässt. Die Materie von sich aus (de se) und insofern sie nur das Zugrundliegende der Form darstellt, ist nach Albert zwar räumlich bestimmbar, aber sie ist dadurch nicht wirklich zu diesem oder jenem Raum bzw. Ort im Raum hin bestimmt. Nicht irgendeine Form, sondern eine genau bestimmte substantiale Form (ratione formae substantialis determinatae) der Elemente konstituiert deren Natur und damit den ihnen

37 Cf. Albertus Magnus, De natura loci, tr. 1, c. 3, p. 5, v. 18–38; id., De caelo et mundo, l. 2, tr. 4, c. 8, p. 193, v. 19 – p. 195, v. 84; p. 193, v. 65–80, p. 194, v. 75–86 (Arist.-Text). 38 Cf. Albertus Magnus, De natura loci, tr. 1, c. 3, p. 5, v. 39 – p. 6, v. 6; c. 4, p. 6, v. 10 sqq., bes. v. 67 – p. 7, v. 5.

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jeweils entsprechenden Raum, zu dem sie sich naturgemäß bewegen. Der Raum ist also der Faktor, der die Materie der einfachen Köper, der Elemente, formt, wie Albert unter Hinweis auf diesbezügliche Auffassungen von Avicenna, Averroes und Moses Maimonides annimmt. Das natürliche Wirkprinzip ist allerdings nicht von allein der Raum, sondern, wie zu Beginn in diesem Abschnitt festgehalten, der Raum als die Oberfläche des umfassenden Körpers sowie die je unterschiedliche Entfernung vom Himmelskreis als dem „ersten Zeugenden“. Das Zusammenwirken dieser beiden ist die Ursache der natürlichen Kräfte der Elemente, die als deren Formen oder „schlechthin Naturen“ bezeichnet werden: Warm 40 und Kalt, Trocken und Feucht. Besteht keine Entfernung zwischen dem Himmelskreis und der Materie, wird durch die Bewegung und das Licht die höchste und feinste Wärme erzeugt, welche die Form bzw. die Natur des Feuers ist. Mit der Entfernung vom Himmelskreis lässt die Wirkkraft der Bewegung mit der Folge nach, dass die Materie sich vom Bereich der Form des Feuers absondert. Die Wärme, die in die Materie eintritt, zieht die Feuchtigkeit nicht gänzlich aus ihr heraus, sondern nur die ‘geistige’ (spirituale umidum), die über durchlassende und verursachende Eigenschaften verfügt. Die weiteste Entfernung der Materie vom Himmelskreis bewirkt eine größere Dichte der Teilchen der Materie, und die Feuchtigkeit verursacht deren Zusammenfließen. Je nach Grad der Entfernung vom Himmelskreis und von der Sphäre des Feuers entstehen Luft, Wasser 41 und Erde. 39 Cf. Albertus Magnus, De natura loci, tr. 1, c. 4, p. 6, v. 10–22. 40 Albertus Magnus, De natura loci, tr. 1, c. 4, p. 6, v. 38–44: cum Avicenna et quibusdam philosophis peripateticis dici oportet, quod locus naturalis, qui virtutes habet inducendi formas in materiam corporum simplicium, est superficies continentis corporis cum distantia sui ab orbe; haec enim distantia causat calidum et frigidum et umidum et siccum, quae sunt virtutes naturales elementorum. Ibid., p. 6, v. 63–66: distantia loci ab orbe secundum suas differentias cum loco causat formas elementorum et ad locum sub tali vel tali distantia motus est ipsorum. Ibid., p. 7, v. 6–13: patet veram esse sententiam, quam tres philosophi communiter tradunt, Avicenna videlicet et Averroes et Moyses Aegyptius, quod videlicet locus sub determinata distantia a caelo causat formas elementorum, et ideo moventur elementa determinata ad talem determinatam distantiam loci sub orbe propter loci et locati connaturalitatem. Cf. Albertus Magnus, Liber de natura et origine animae / Über die Natur und den Ursprung der Seele. Lateinisch-Deutsch, übersetzt und eingel. v. Henryk Anzulewicz, Freiburg/ Basel/Wien 2006, S. 52–59. 41 Id., De natura loci, tr. 1, c. 4, p. 6, v. 44–59.

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iv Wir wenden uns dem letzten Punkt unserer Skizze zu, der von Albert als sekundär bezeichneten Ursache der Eigenschaften des Raumes, welche aus dem jeweiligen Verhältnis von Raum und Planetenbahnen resul42 tiert. Die Frage nach den raumbedingten Eigenschaften der Naturdinge nimmt ihren Ausgangspunkt in der zuvor erörterten Einsicht, dass der Raum als das Entstehungs- und Erhaltungsprinzip der Naturdinge, welche aus den Elementen zusammengesetzte Körper (composita) sind, 43 aus einem Gemisch von Elementen besteht. Im Raum, in dem die Dinge entstehen, berühren sich nach Albert Luft, Wasser und Erde, während das vierte Element, das Feuer, aufgrund seiner extremen Eigenschaften den für andere Elemente gemeinsamen Raum nicht teilen kann. Die Eigenschaften des Raumes seien punktuell unterschiedlich, da sie durch die Kraft der Gestirne unterschiedlich geformt werden. Die verschiedenen qualitativen Ausprägungen ergeben sich primär aus dem jeweils individuellen und variablen Bezug des Himmelskreises zum Raum, zu jeder einzelnen Stelle im Raum und zum gesamten die unbelebte und belebte Natur umfassenden Rauminhalt. Jede Stelle und jeder Gegenstand haben im Raum ihren je eigenen Horizont, dem eine je eigentümliche Konstellation entspricht, deren Kräfte die Eigenschaften der Elemente im Raum und der Raumbewohner formen. Der natürlich verlaufende stetige Konstellationenwechsel über ein und demselben Raum führt dazu, dass sich seine Eigenschaften und die aller von ihm umschlossenen Dinge kontinuierlich verändern. Bestimmte Anlagen materieller Gegenstände werden durch den Raum und die sekundären Raumbedingungen, die sich u.a. aus der Nähe von Bergen und Meeren, Wäldern und Sümpfen sowie insgesamt von den Klimaten her ergeben, gestärkt oder geschwächt. Alle hier erwähnten Erscheinungen beruhen nach Albert auf natürlicher Gesetzmäßigkeit, die nach seiner Überzeugung die Artenvielfalt und die Verschiedenheit der Eigenschaften, Aktivitäten und Gewohnheiten von allem, was zum Naturraum gehört (einschließlich des Menschen), adäquat erklärt.

42 Cf. oben Anm. 33. 43 Albertus Magnus, De natura loci, tr. 1, c. 5, p. 8, v. 16–18: locus omnium compositorum commixtus et compositus est, neque est aliquid compositorum, quod habitet in omnino simplici.

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Die Kenntnis der Naturprozesse und ihrer Gesetze gibt den Menschen die 44 Möglichkeit, sie effektiv zu beeinflussen und zu nutzen. Der geographische Raum und die vielfältigen, in ihm und durch ihn wirkenden akzidentellen Kräfte beeinflussen alles, was aus dem Gemisch der Elemente entsteht. Da in allen Naturdingen, die aus einem Gemisch entstehen, die Elemente Erde und Wasser vorhanden sind, sind Erde und Wasser der Entstehungsort fast aller Naturdinge. Ausnahme bilden laut Albert einige Steine und Metalle, welche gelegentlich in der Atmosphäre (in loco aëris) bzw. in den Wolken (in nubibus) entstehen, aber, sobald sie als Gemisch geformt sind, zu Boden gehen und auf der Erde den eigentlichen Raum ihres Fortbestehens haben. Albert macht deutlich, dass der eigentümliche Raum der aus Elementen gebildeten Naturdinge weder die Kugelschalensphäre des Feuers noch der Luft, sondern Erde und Wasser, 45 letztlich Erde (locus terrae), sind, also dezidiert der geographische Raum. Deshalb übt dieser Raum, je nach seiner geographischen Länge und Breite, einen spezifischen und tiefgreifenden Einfluss aus. Wie weit er reichen kann, verdeutlicht Albert u.a. am Phänomen klimatisch bedingter Degeneration, Verwilderung und Mutation mancher Pflanzen, wenn deren Samen nicht in ihrem Ursprungsraum, sondern in einem von diesem nicht weit entfernten Breitengrad ausgesät werden. Durch die veränderten Raumbedingungen und -einflüsse degenerieren die Pflanzen alsbald oder mutieren sogar in ihrer Art – oder aber sie lassen sich durch bessere Raum46 bedingungen veredeln. Dass der Raum mit seinen Kräften lebenswichtig 44 Albertus Magnus, De natura loci, tr. 1, c. 5, p. 8, v. 43–58, 63–71, p. 9, v. 8–12, 38–46; c. 13, p. 21, v. 65 sqq.; tr. 2, c. 1–4, p. 23–28. Cf. Hoßfeld (Anm. 1), S. 110, 113. 45 Albertus Magnus, De natura loci, tr. 2, c. 1, p. 23, v. 18 sqq., p. 24, v. 9–22: Oportet igitur mixturam fieri secundum proportionem et exigentiam speciei, quae constituitur per mixturam, ita quod in omnibus mixtis abundet terra et aqua, quoniam si ignis et aër abundaret, ita quod mixtum haberet locum ignis vel aëris, oporteret ipsum esse adeo rarum, quod figuras proprias non contineret et quod ipsum esset penetrabile valde et tunc terra et aqua exciderent ab ipso et dissolveretur mixtura. Ei ideo nihil mixtorum locum habet in igne et aëre, sed in terra et in aqua, quin potius si aliquando generatur in loco aëris, sicut lapides vel metalla quaedam aliquando generantur in nubibus, tamen accipiendo formam mixti statim tendit ad locum terrae et ibi salvatur et manet […]. 46 Ibid., p. 24, v. 27–34, 39–45: omnia mixta corpora ad locum terrae moventur et ibi quiescunt. Propter quod et maximam suae naturae diversitatem accipiunt ex terrae longitudine et latitudine et reliquis accidentibus eius. Huius autem signum est, quod semina non ad magnam distantiam terrae a terra seminata

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sei, zeige sich auch dann, wenn eine Pflanze mit ihren Wurzeln an einen anderen Ort verpflanzt werde. Nach der Entwurzelung und Verpflanzung verliere sie zunächst ihre Vitalität, und es brauche Zeit, bis sie den räumlichen Wechsel, mag dieser auch nur eine geringe Distanz zum ursprünglichen Vegetationsraum ausmachen, und die veränderten Bedingungen, genauer: den Unterschied der Wirkkräfte des einen und des anderen Raumes (dissimilitudo virtutum unius loci ad locum alium) überwinde und die neuen assimiliere. Aus diesem Umstand schließt Albert, dass im irdischen Raum punktuell jeder Stelle eigentümliche Wirkkräfte eignen, die mit Wirkkräften keiner anderen Stelle identisch sind. Diese Wirkkräfte unterliegen zudem einem ständigen Wechsel, entsprechend der kreisförmigen Bewegung des Himmelskreises, der den irdischen Raum und alles, 47 was in ihm durch seine Kraft entsteht, erzeugt. Die im Raum wirkenden Kräfte gehen, wie Albert und die Astronomen (sapientes in astris) annehmen, auf die Wirkursächlichkeit des Himmelskreises zurück und seien gleichsam Zweitsterne (quasi stellae secundae), die zusammen mit dem Himmelskreis Aufschluss über die Eigenschaften der entstehenden Naturdinge erlauben. Der Begriff der Zweitsterne ist aus Ps.-Ptolemäus’ ‘Centiloquium’ entlehnt und bedeutet sekundäre Ursachen, genauer: die den sekundären Ursachen inhärenten Wirkkräfte der 48 primären kosmischen Ursachen, wie Albert andernorts festhält. Die Sterne flößen ihre Kräfte indirekt der Materie der entstehenden Naturdinge ein, formen und determinieren diese. Dieser Einfluss erfolgt vermittelt, und zwar einerseits durch die Strahlen und andererseits durch den die Dinge umgebenden Raum. Mit der sich kontinuierlich verändernden statim degenerant et aliquando ad aliam speciem convertuntur; […] E contra autem in terra minoris latitudinis seminata siligo infra duas vel tres vel ut multum quattuor seminationes nobilitatur in triticum, et similiter de multis aliis granis. Et licet non sit sic in quibusdam aliis plantis et animalibus, tamen multam et magnam suorum fructuum et seminum recipiunt alterationem ex locorum distantia. 47 Albertus Magnus, De natura loci, tr. 2, c. 1, p. 24, v. 53–69. 48 Albertus Magnus, Super Ethica, l. 3, lect. 7, hg. v. Wilhelm Kübel (Alberti Magni Opera Omnia xiv/1), Münster 1968–1972, p. 176, v. 56–64: astrologi prognosticantur futuros eventus ex causis primis, quae non inducunt necessitatem, et ideo non est iudicium ipsorum necessarium, sed coniecturale, sicut Ptolemaeus dicit, propter quod variantur in causis secundis, et ideo dicit etiam, quod certior esset prognosticatio, si possemus scire virtutes superiorum causarum, secundum quod sunt incorporatae causis secundis, et has vocat stellas secundas.

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Lage der Sterne ändert sich die Figur, welche die Strahlen auf dem Horizont beschreiben. Diese Bewegung des Himmelskreises ist nach Albert die Ursache der ständigen Veränderung der im Raum wirkenden Kräfte und der in ihm entstehenden Naturdinge. Deshalb sei es notwendig, dass der 49 Naturphilosoph diese Prozesse kenne. Der Raum als eine der sekundären Ursachen des himmlischen Einflusses auf die unbelebte und belebte Natur wirkt auf diese durch die Wärme, welche die Feuchtigkeit begrenzt (calor terminans), und durch die Feuchtigkeit, die gleichsam die Materie zur Samenbildung bereitstellt (umidum seminale). Als natürliche Werkzeuge des Raumes sind Wärme und Feuchtigkeit und mit ihnen alles, was im Raum ist, entsprechend der Raumverschiedenheit verschieden. Da es bekannt ist, wie die Kälte im Gemisch wirkt, wie dieses durch Wärme veränderbar ist, ferner welche Eigenschaften der Naturdinge durch die Qualitäten Trocken und Feucht verursacht werden, lassen sich in dieser Wissenschaft nach Albert die raumbedingten Eigenschaften der Dinge genau ermitteln. Die Voraussetzung hierfür ist eine genaue Kenntnis der jeweils eigentümlichen Feuchtigkeit und Wärme der geographischen Räume. Albert geht davon aus, dass die bewohnbare Erde sich in sieben Klimate teilt; er nimmt an, dass es sieben klimatisch gemäßigte und 14 extreme Subbereiche gibt. Die räumlich-klimatischen Unterschiede ergeben 21 Typen unterschiedlicher, auch 50 anthropologisch relevanter Eigenschaften der Körper. Ein ganzes Kapitel widmet Albert den anthropologischen Merk51 malen, welche durch die verschiedenen Klimate verursacht werden. Er beschreibt sie anhand von Eigenschaften der Bewohner aller Klimate. Von den Bewohnern der beiden tropischen Klimate nennt er die Inder und die Äthiopier. Die Inder, die im ersten, äquatorialen Klima unter einer starken, da senkrecht einfallenden Bestrahlung der Sterne lebten, wären besonders vorzüglich in der Philosophie, Mathematik und Magie. Die Äthiopier hingegen hätten ihren natürlichen Wohnraum im zweiten, extrem heißen Klima, weshalb sie äußerst dunkelhäutig und kraushaarig wären; sie hätten auffällig weiße Knochen und Zähne, große Ohren, rötende Vene in den Augen, spitze Münder, leichte und agile Körper, aber sie seien dabei mental einfältig (leves corpore et fatui mente). Die Eigen49 Albertus Magnus, De natura loci, tr. 2, c. 1, p. 24, v. 70–84. 50 Ibid., c. 2, p. 24, v. 85 – p. 25, v. 16, 42–46, bes. p. 25, v. 8–11: si sciverimus ex loco varietatem calidi et umidi, sciemus universaliter, secundum quod competit huic scientiae, naturas corporum generatorum, quas habent ex locis. 51 Hierzu und zum Folgenden: Ibid., c. 3, p. 26, v. 41 – p. 27, v. 83.

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schaften von Menschen, die am oberen Rand und unterhalb des siebten Klimates geboren seien – also Dänen und Goten im Westen sowie Slawen und Parther in Osten –, bildeten einen augenfälligen Kontrast zu denen der beiden ersten Klimate. Das gelte auch in Bezug auf deren animalische und geistige Veranlagungen, denn sie seien stumpf und tölpelhaft (hebetes et stolidi), wenn nicht, geschehe dies durch deren eifrige Bestrebung. Während die südlichen Völker des vierten und fünften Klimates sich stets dem Studium der freien Künste und der Kunst hingeben, kümmerten sich die Dänen und Slawen, die nordischen Völker der siebten und sechsten Klimazone, darum recht wenig. Die mittleren Klimate – das vierte und das fünfte – bieten für die dort geborenen Menschen die optimalen Bedingungen für die überhaupt besten natürlichen, sittlichen, sinnenhaften und intellektuellen Eigenschaften. Außer den Klimaten sind die konkreten ökologischen Faktoren der natürlichen Lebensräume, meint Albert, anthropologisch und insgesamt für die Flora und Fauna relevant. Denn, wie die Eigenschaften der Lebensräume von ihrer Nähe zu den Bergen, Meeren, Wäldern, Sumpfgebieten u.ä. beeinflusst werden, so werden dadurch auch die natürlichen Eigenschaften der dort geborenen Menschen und Tiere sowie der dort wachsenden Pflanzen beeinflusst. Albert beschreibt im Einzelnen, welche Charaktereigenschaften und physiognomischen Merkmale den Menschen eigentümlich sind, die in steinigen, flachen, kalten und trockenen oder in feuchten und kalten, warmen und trockenen, warmen und feuchten Gegenden, in den Bergen etc. geborenen werden. Es gelte im Allgemeinen, hält Albert fest, dass die ökologische Beeinflussung der Eigenschaften der Lebewesen über die Qualitäten der Elemente in den jeweiligen Räumen 52 und über deren Wechselwirkungen erfolgt.

Fazit Albert vertritt und begründet naturphilosophisch den Standpunkt, dass der Raum im Allgemeinen und der geographische Raum im Besonderen das bestimmende und ordnende Prinzip der materiellen Welt und des gesamten Naturprozesses ist. Der durch die Entfernung vom Himmelskreis und durch die Konstellation in seinen Eigenschaften konstituierte

52 Albertus Magnus, De natura loci, tr. 2, c. 4, p. 27, v. 84 – p. 28, v. 90.

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und durch die geographische Länge und Breite örtlich bestimmte Raum formt die Materie der Elemente und konstituiert die aus den simplicia zusammengesetzte materielle Wirklichkeit. Die im Raum wirkende, vom Himmelskreis herrührende Kraft sei die göttliche Kraft der natürli53 chen Verursachung (virtus causandi divina et optima). Alberts Raumverständnis, das uns aus der Schrift ‘De natura loci’ entgegentritt und dem seine naturphilosophischen Reflexionen und das Erfahrungswissen zugrundeliegen, ist heute in vielerlei Hinsicht, bisweilen grundsätzlich, überholt. Sein wissenschaftstheoretischer und systematischer Beitrag gilt dennoch als Meilenstein in der Geschichte der Naturwissenschaften, in diesem Fall der Geographie, und behält einen bleibenden Wert und festen Platz in der Geschichte dieses Faches.

53 Albertus Magnus, De natura loci, tr. 1, c. 4, p. 7, v. 13–20, 39–42. Cf. Takahashi, Adam, Nature, Formative Power and Intellect in the Natural Philosophy of Albert the Great, in: Early Science and Medecine 13 (2008), S. 451–481. Zur Ergänzung unserer an die ersten beiden Traktate von Alberts Schrift ‘De natura loci’ angelehnten Ausführungen cf. Gobbo, Ida, Il pensiero geografico di S. Alberto Magno (Memoriae et studi geografici A1/1950), Torino 1950; Klauck, Karl, Albertus Magnus und die Erdkunde, in: Studia Albertina. Festschrift für Bernhard Geyer zum 70. Geburtstage, hg. v. Heinrich Ostlender (Beiträge zur Geschichte der Philosophie und Theologie des Mittelalters. Supplementband iv), Münster 1952, S. 234–248; Babicz, Józef und Heribert M. Nobis, Die mathematisch-geographischen und kartographischen Ideen von Albertus Magnus und ihre Stelle in der Geschichte der Geographie, in: Die Kölner Universität im Mittelalter. Geistige Wurzel und soziale Wirklichkeit, hg. v. Albert Zimmermann und Gudrun Vuillemin-Diem (Miscellanea Mediaevalia 20), Berlin/New York 1989, S. 97–110; Bergevin, Jean, Déterminisme et géographie: Hérodote, Strabon, Albert le Grand et Sebastian Münster, Sainte-Foy 1992, S. 87–113. Einen wissenschaftshistorisch interessanten, für Albert jedoch nicht in dem unterstellten Maße relevanten Ansatz verfolgt in ihrem wiederholt veröffentlichten Beitrag Lindgren, Die Geographie als Naturwissenschaft? (Anm. 13).

Divine Space and the Space of the Divine: On the Scholastic Rejection of Arab Cosmology Yossef Schwartz (Tel Aviv)

i. Two introductory remarks i.1 The interreligious dimension of medieval angelology The ‘international’ character of medieval philosophy and science is a fact that today does not need much further clarification. Needless to say this intercultural global character does not apply homogeneously and cannot suppress strong local commitments. Yet, in spite of substantial efforts since the late 19th century to establish autonomous realms such as Christian, Moslem, or Jewish philosophy, there is no necessary corollary between cultural identity and specific philosophic attitude. Time and again one confronts the reality in which rival philosophical parties ignore religious borders and arrange themselves according to purely philosophical considerations. Medieval thinkers themselves are the first to acknowledge this cultural interdependence and have no problem whatsoever admitting their great intellectual debt to their predecessors, be it pagans or adherents of rival monotheistic beliefs. While doing so they normally concentrate on the neutral scientific realms of astronomy, medicine, logic etc. The antagonistic intercultural polemics were preserved for theological discourse, mostly for religious doctrines and scriptural interpretation. This general state of affairs is crucial for any analysis of my present subject matter, one that presents us with an interesting hybrid case. Every medieval encounter with angels, be it of Christian, Moslem or Jewish origin, involves two different source-traditions, first of which derives its language directly from the particular mythical imagination of the culture involved while the second belongs to a common language of universal scientific knowledge. Indeed, every monotheistic scriptural cannon includes a mythical description of the spiritual creatures that inhabit the celestial and divine realm and that, being defined as mediating entities, move back and forth between it and the earthly human realm. At the same time, any rationalistic thinker would

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assume that such spiritual creatures must be considered part of the reality analyzed in the Hellenistic sciences of physics, metaphysics and astronomy: or put differently, since spiritual creatures were conceived as a part of physical reality, any medieval description of them must have been rooted in some 1 of the principles of the Hellenistic scientific heritage. Such interdependence of the two realms works in both directions: not only must one consider scientific explanatory mechanisms when trying to explain biblical narrative but one cannot ignore that same biblical narrative when formulating his overall cosmological paradigm. It is precisely the case that a significant number of intellectuals in all three religions share an almost common mythology of divine heavenly entities, based on divine revelation and canonical writings, while at the same time sharing a basically similar scientific worldview, that makes medieval angelology into a transcultural phenomenon. Hence medieval angelology is extremely interreligious in its basic constitution, and it is on the basis of this primordial identity that each medieval thinker arrived at his own unique solution. Hence it is my conviction that the uniqueness of these solutions can be never fully exposed without paying attention to the rich 2 cultural interchange that took place from the beginning. But the case study 1

2

Cf. Piron, Sylvain, Deplatonising the Celestial Hierarchy: Peter John Olivi’s Interpretation of the Pseudo-Dionysius, in: Angels in Medieval Philosophical Inquiry: Their Function and Significance, Eds. Isabel Irribarren and Martin Lenz (Ashgate Studies in Medieval Philosophy), Aldershot 2008, pp. 29–44, here 29: “The encounter of biblical and Neoplatonist angels produced one of the most crucial questions that theologians had to face in the second half of the thirteenth century: could they, or indeed, should they be identified?” This particularistic assertion must be universalized in order to reconstruct the general multicultural context of medieval philosophy. This problematic can be seen in the clearest way in the above mentioned recently published collection of essays dedicated to this topic, and see Irribaren and Lenz (note 1). In the introduction to this volume the editors declare that they have confined their discussion “to the Western Latin world, being compelled by space and thematic coherence to exclude the very rich angelological contribution coming from the Arabic and the Jewish tradition.” Indeed, neither the editors in their introduction, nor any of the other contributors of this rich and illuminating volume mention any of the examples which I examine in the following. I leave it to the reader to judge to what extent the following western attitudes make sense, without giving any account of the polemical context toward the Moslem and Jewish doctrines to which they developed in parallel.

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of angelology in its cosmological aspects is not only an example of medieval transmission of knowledge. As I shall claim in this article, it provides us with one of the most striking examples of the development of an independent Latin European position, one that bears great significance for the further development of European thought. i.2 Theories of space in an Aristotelian Ptolemaic voidless universe The problem of space, as a most general category that strives to include all physical entities, from the creator himself to the last element in the chain of being and from the void that exists or does not exist beyond the universe to the middle of the universe is one of the most central topics of medieval 3 cosmology. The voidless Aristotelian Ptolemaic universe of Greek science (to exclude atomist theories) is a perfectly concentric system made, from its very center up to the outer sphere, of physical bodies that contain each other without distance and that move each other through direct contact. It is a closed and limited space, in which all parts, from the all-encompassing outer celestial sphere to the center of the earth are both contained and containers. None of these parts except its two extremes is motionless, and all motion, from the eternal constant movement of the celestial bodies to the contingent movement of physical bodies in the sublunar world of elements is both spatial and local. On the physical level it is a universe built of places, in which spatial language has only limited function, mostly as part of mathematical order (especially important for the development of optics and mathematical 4 astronomy). Unlike the infinitude attributed to time in the ‘Physics’ (book 8, 250b–253a), the universe’s space is defined as finite (‘De caelo’ 271b18– 273a6). This definition would change only with early modern formulations

3

4

For some classic studies of the topic see Jammer, Max, Das Problem des Raumes. Die Entwicklung der Raumtheorien, Darmstadt 1960; Sorabji, Richard, Matter, Space and Motion: Theories in Antiquity and Their Sequel, Ithaca, New York 1988. See Zekl, Hans Günter, Raum, in: Historisches Wörterbuch der Philosophie, Eds. Joachim Ritter and Karlfried Gründer, Vol. 8, Basel 1992, c. 75: “Der All-Körper ist gleichzeitig All-Ort”; Suarez-Nani, Tiziana, Les anges et la philosophie. Subjectivitè et function cosmologique des substances séparées à la fin du xiiie siècle (Étude de philosophie medieval 82), Paris 2002, p. 93.

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of the infinity of cosmic space, which is identified with God and the divine 5 attributes, hence Henry More, Spinoza and Newton. Aristotle’s discussion of place (xora, topos) in ‘Physics’, book iv (208a27–212a31), defines the framework for any philosophical discussion of these topics among medieval philosophers. In general medieval thinkers adopt the Aristotelian dichotomy of the sublunar/translunar parts of the universe. This dichotomy between earthly and heavenly realms raises the question as to the exact way in which the spatial relations between them, the 6 one contained within the other, can be transformed into causal relations. This discussion immediately involves the examination of the precise relation between space, motion and physical causality. But it is only with the Arabs, especially Alfarabi, Avicenna, Algazali in his influential scientific philosophical encyclopedia ‘The Intention of the Philosophers’ (Latin ‘Metaphysica’) and Maimonides’ ‘Guide of the Perplexed’ – I limit my discussion here to works that later on became widespread among European Scholastics – that this principle became part of a systematic cosmology, one that combines Aristotelian and Ptolemaic teaching within a strong Neoplatonic framework. The process of emanation as described in Avicenna’s ‘Metaphysics’ creates a unified universe in which the cognitive, the mental and the physical are closely related, creating a cosmological picture which is completely parallel to the human triad of 7 body – soul – intellect. In a voidless universe body is a defined extension and its local definition derives from the surface of the matter in which it is contained. Soul is an organic part of body, either unseparated in a completely hylemorphic definition or a separate substance from elsewhere which is 8 mysteriously united with its body. In both cases however this location differs from the material location of bodies in that the soul has no defined 5

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Cf. Funkenstein, Amos, Theology and the Scientific Imagination from the Middle Ages to the Seventeenth Century, Princeton, New Jersey 1986, pp. 23–116; Grant, Edward, The Foundations of Modern Science in the Middle Ages: Their Religious, Institutional and Intellectual Contexts, Cambridge 1996, p. 125. Grant, Edward, Planets, Stars and Orbs: The Medieval Cosmos 1200–1687, Cambridge 1996, pp. 569–617. Avicenna Latinus, Liber de philosophia prima sive scientia divina, tract 1, cap. 5, tract 10, cap. 1, Ed. S. Van Riet, Louvain/Leiden 1977, i, 31–42, ii, 522–530. On the western reception of Avicennian psychological doctrines see Hasse, Dag Nikolaus, Avicenna’s ‘De Anima’ in the Latin West: The Formation of a Peripatetic Philosophy of the Soul 1160–1300, London/Torino 2000.

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and essential single place in the body. Human intellect adds a further element that does not exist in other sublunar species and that in all the Arab systems mentioned above is linked to the agent intellect as a natural place outside the particular human body and outside the sublunar realm. The description of angels in their holy scriptures provided Moslems and Jews with an important part of their cosmology. In their mythical appearances in human shape they provide an example of an accidental relationship between spiritual substance and material body. In their essential form they could be integrated into the heavenly system, where they took their place as the manifestation of the spiritual forces active in the otherwise fully material Aristotelian universe that normally knows only material efficient causality. Their natural place is the place of their orbs to which they relate in a way similar to the way human intellect relates to human body and soul. This ‘divine space’ 9 – rooted in late Neoplatonic interpretations of Aristotle – mediates between 10 the theological concepts of divine omnipresence and the physical-cosmological reality. Early modern scientific deism would either further develop this 11 mediated pleroma as the workplace of magical powers or give it up altogether 12 in favor of divine omnipotent and omnipresent power.

ii. Arabic and Jewish-Arabic thought: Mediated substances and divine power It is not the development of Arab (Moslem and Jewish) theories that I would like to describe here in detail but its reception in Latin scholastic literature of the thirteenth and early fourteenth centuries. I shall therefore now 9

Sambursky, Shmuel, Die Raumvorstellungen der Antike, in: Eranos 44 (1975), pp. 167–198; id., The Concept of Place in Late Neoplatonism, Jerusalem 1982. 10 Funkenstein (note 5), pp. 89–97. 11 Schmidt-Biggemann, Wilhelm, Philosophia perennis. Historische Umrisse abendländischer Spiritualität in Antike, Mittelalter und früher Neuzeit, Frankfurt am Main 1998, pp. 428–520, esp. 503–507; Blanco, Arturo, The Influence of Faith in Angels on the Medieval Vision of Nature and Man, in: Mensch und Natur im Mittelalter, Eds. Albert Zimmermann and Andreas Speer (Miscellanea Mediaevalia 21/1), Berlin/New York 1991, pp. 456–467, here 461f. 12 Copenhaver, Brian P., Jewish Theologies of Space in the Scientific Revolution: Henry More, Joseph Raphson, Isaac Newton and their Predecessors, in: Annals of Science 37 (1980), pp. 489–548; Funkenstein (note 5), pp. 117–201.

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try and provide a few short remarks on the most essential and common elements of Arab cosmology as it is known in the West. Although I could easily bring the examples from Avicenna or Algazali I shall focus instead on Maimonides. In his philosophical work ‘The Guide of the Perplexed’ (arab. ‘DalƗlat al-HƗ’irƯn’, hebr. ‘Moreh Nevukhim’, lat. ‘Dux Neutrorum’), the general tendency of Arab falsafa toward rationalization and demythologization of angelic figures reached its most extreme form. Once it was translated into Latin during the 1230’s–1240’s it became one of the most representative pieces of Arab speculation on that matter, mostly because as a Jewish thinker Maimonides used biblical authorities that were familiar to his Christian reader, different from Moslem philosophers who, if at all, use the mythical figures of Koranic tradition. In the opening chapter of ‘Guide’ ii Maimonides offers his well known 13 summary of Aristotelian physics and metaphysics in 26 prepositions. Based on these premises he can move on in chapter 1 (chapter 2 in the Latin translation) to demonstrate God’s existence (ready to pay the price that such an apodictic knowledge of God requires from him, i.e. to accept ad hoc proposition 26 concerning the eternal movement of the heavenly sphere). After doing all this, and before moving to his well known discussion of 14 creation, Maimonides dedicates the next chapters, 2–12, to the translunar 13 This introductory part of the second book has occasionally been perceived as an independent unit and as such was indeed copied separately in different traditions and languages. The Moslem (Persian) philosopher Muhammad al-Tabrizi wrote a commentary on it, as did some European Jews, and see Schwartz, Yossef, Einleitung, in: Hillel von Verona, Über die Vollendung der Seele [Sefer tagmule ha-nefesh], übersetzt und eingeleitet von Yossef Schwartz (Herders Bibliothek der Philosophie des Mittelaters 17), Freiburg i.Br. 2009, pp. 11, 285, n. 21. It was translated separately into Latin and circulated among the scholastics under the title ‘De uno deo benedicto’ before the full translation became widespread, and see Kluxen, Wolfgang, Die Geschichte des Maimonides im lateinischen Abendland als Beispiel einer Christlich-Jüdischen Begegnung, in: Judentum im Mittelalter. Beiträge zum Christlich-Jüdischen Gespräch, Ed. Paul Wilpert (Miscellanea mediaevalia 4), Berlin 1966, pp. 146–182; For a critical edition of ‘De uno deo benedicto’ see Kluxen, op. cit. pp. 167–182; Hasselhoff, Görge K., Dicit Rabbi Moyses. Studien zum Bild von Moss Maimonides im lateinischen Westen vom 13. bis zum 15. Jahrhundert, Würzburg 2004, pp.88–122. 14 For the discussion and its reception among the scholastics see Rohner, Anselm, Das Schöpfungsproblem bei Moses Maimonides, Albertus Magnus und Thomas von Aquin (Beiträge zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters 11/5), Münster 1913; Davidson, Herbert A., Proofs for Eternity, Creation and

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heavenly realm. Unlike in his discussion of God’s existence, where Maimonides was apparently willing to accept an heretical philosophical assertion (eternity of the world) in order to justify a central religious doctrine (existence of God), here in the following discussions Maimonides declares that he intends to do the opposite: he shall adopt some biblical and especially rabbinical assertions in order to justify the scientific discourse that loses its apodictic certainty in the move to discussing translunar physical reality. The first cosmological claim, formulated in chapters 4–5, is that the heavenly spheres shall be understood as living creatures, animated and intelligent. It is only then that Maimonides makes the bold assertion (chapter 6) that “there is [only] a difference in the terms; for he [Aristotle] speaks of separate intellects [arab: ʤʷʸʠʴʮ ʬʥʷʲ; lat.: intellectus abstractos], and we speak of 15 angels [arab: ʭʩʫʠʬʮ; lat.: angelos].” In the following chapters Maimonides draws the consequences of this identity in the realm of Bible exegesis as well as in the realm of cosmology and metaphysics. The hermeneutic principle implemented by Maimonides in this discussion seems to be rather clear: wherever the biblical narrative provides us with a concrete (mostly human) shape of an angel this description must be explained (away) either as the result of a prophetic vision or else as the equivocal usage of the term ‘angel’ for any creature who functions as mediator of divine providence. The only accurate description of angels is in the 16 form of natural powers. the Existence of God in Medieval Islamic and Jewish Philosophy, New York 1987; Burrell, David B., Freedom and Creation in Three Traditions, Notre Dame, Indiana 1993. 15 Moses Maimonides, The Guide of the Perplexed ii, 6, translated with Introduction and notes by Shlomo Pines, Chicago/London 1963, p. 262; Rabbi Mossei Aegyptii, Dux seu Director dubitantium aut perplexorum, ii, 7, Ed. Augustini Iustiniani, Paris 1520, Fol. 43r. 16 Maimonides’ demythologized enlightenment reaches its peak in the present context in the following claim (Guide [note 15], ii, 6; Pines, 263): “If you told a man who is one of those who deem themselves the sages of Israel that the deity sends an angel, who enters the womb of a woman and forms the fetus there, he would be pleased with this assertion and would accept it and would regard it as a manifestation of greatness and power on the part of the deity, and also of His wisdom, may He be exalted. Nevertheless he would also believe at the same time that the angel is a body formed of burning fire and that his size is equal to that of a third part of the whole world. He would regard all this as possible with respect to God. But if you tell him that God has placed in the sperm a formative force shaping the limbs and giving them their configuration

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As I said, Maimonides draws out some important conclusions from this equivalence in the cosmological realm as well. This seems to be the case especially where he is unconvinced by the power of the scientific argumentation, and manipulates Rabbinic sources in order to justify his position in a discussion which is both philosophical and religious. One way to introduce Maimonides’ synthesis of scientific and biblical discourse is to follow his interpretation of Gen 28, 12–13, i.e. his interpretation of the appearance of the angels in Jacob’s dream. Maimonides comments on this biblical verse in several places, each time suggesting a 17 different hermeneutic approach: the first is rather static and describes the seven stages architecture of the universe from the element of earth in its very middle point up until the Creator God who stands “on top of the 18 ladder”. The second is dynamic and relates to sublunar physical reality, constructed according to the theory of the four elements qua natural places. The two descending angels represent the two heavy elements, earth and water, while the two ascending angels are the two light elements, air and fire. All of them stand together on one step of the ladder, i.e. in the sublunar 19 world of elements. The third description is dynamic and epistemological in nature. Here the descending and ascending angels are the intelligences of the prophets that ascend to the higher stages of cosmic hierarchy in order 20 to meet there with the intelligences descending from above. The archetypal description of such an event of meeting can be seen in another exegetical metaphor of place: the Sinai revelation. Moses is described as the one who climbed the mountain while God is described as the one descending the mountain. The mountain itself is an abstract place that represents the highest stage in the hierarchy of knowledge. Hence ʩʺʠ ʭʥʷʮ ʤʰʤ – ecce est locus apud me, to be understood neither geographically nor cosmolog-

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and that this force is the angel, or that all the forms derive from the act of the Active Intellect and that the latter is the angel and the prince of the world constantly mentioned by the sages, the man would shrink from this opinion.” Cf. Klein-Braslavi, Sara, Maimonides’ Commentary on Jacob’s Dream of the Ladder, in: Bar- Ilan: Annual of Bar-Ilan University Studies in Judaica and the Humanities 22–23 (Moshe Schwartz Memorial Volume), Ramat-Gan 1987, pp. 329–350. Guide (note 15), i, Introduction, pp. 12f. Guide (note 15), ii, 10, pp. 272f. Guide (note 15), i, 15, p. 41.

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ically in the physical sense but epistemologically. We shall see below what role such allegoric interpretation plays within the cosmological discussion. In Chapter 9 Maimonides developed his well known hypothesis 22 concerning the four orbs/globes. Against Ptolemy and with some ‘ancient 23 astronomers’ and Andalusian contemporaries he suggest that Mercury 24 and Venus shall be located with the three other planets above the sun. Therefore the number of elementary celestial primal movements might be reduced to four: the movement of the moon, sun, five planets, and the sphere

21 Cf. Schwartz, Yossef, Ecce est locus apud me. Eckharts’ und Maimonides’ Raumvorstellung als Begriff des Göttlichen, in: Raum und Raumvorstellungen im Mittelalter, Eds. Jan A. Aertsen and Andreas Speer (Miscellanea Mediaevalia 25), Berlin 1997, pp. 348–364. 22 By using the term ‘globe’ to translate the Arabic Kura (instead of Pines’ ‘sphere’) I accept the terminological suggestion of Gad Freudenthal; see Freudenthal, Gad, Maimonides on the Scope of Metaphysics alias Ma’aseh Merkavah: The Evolution of his Views, in: Maimónides y su época, Eds. Carlos del Valle, Santiago Garcia-Jalón and Juan Pedro Monferrer, Madrid 2007, pp. 221–230, here 225. 23 Among these Andalusians Maimonides refers mainly to Jabir ibn Aflah and his followers, see Guide (note 15) ii, 9, pp. 268f. 24 Guide (note 15), ii, 9, p. 268, Dux (note 15), ii, 10, fol. 44r: “Know that regarding the spheres of Venus and Mercury there exists a difference of opinion among the early mathematicians about whether they are above the sun or below the sun. For there is no demonstration proving to us what the position of these two spheres is. The doctrine of all the ancients was that the sphere of Venus and Mercury are above the sun. […] Then Ptolemy came and decided in favor of the opinion that they were both below the sun […]. Then came latterday groups of people in Andalusia who became very proficient in mathematics and explained, conforming to Ptolemy’s premises, that Venus and Mercury were above the sun.” The difficulty in reaching an agreement in this matter derives from the main method of argumentation used here. Ptolemy based his calculation of the order of the planets on their relative velocity in relation to the fixed stars. Venus and Mercury however are equal in that matter to the sun. All three complete their circle in one year. Therefore Ptolemy could only adopt the common order of his time. For a detailed description of Greek and Arabic attitudes on the matter see Albertus Magnus, De caelo et mundo, lib. 2, tract. 3, cap. 2, Ed. Paul Hossfeld (Ed. colon. v,1), Aschendorff 1971, pp. 168, 13–169, 52. Without mentioning the discussion of Maimonides Albert accepts the same opinion concerning the location of Mercury and Venus.

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of the fixed stars. Hence the basic cosmological movements that Aristotle, according to medieval diverse traditions, estimated with 47 or 55 can be further reduced not only to ten but even to four. These four basic movements stand in direct relation to a series of fourfold cosmological structures 26 in the trans and sublunar realms. As mentioned above, Maimonides does not believe that the debate concerning the exact location of Mercury and Venus can be definitely settled through scientific arguments, and therefore he is more than happy to call on in his support a series of rabbinic assertions 27 that seems to support his opinion. Maimonides uses this cosmological hypothesis in order to formulate a strong metaphysical claim, one that establishes a firm continuity between the two separate realms of the sublunar and translunar universe, reducing every 28 movement in the elemental world to a concrete heavenly remote cause.

25 Guide (note 15), ii, 9, p. 269: “Accordingly, the number of informed spheres […] is four; namely the sphere of the fixed stars, that of the five planets, that of the sun, and that of the moon.” 26 Guide (note 15) ii, 10, p. 271, Dux (note 15), ii, 11, fol. 44v: “The spheres are four; the elements moved by the spheres are four; and the forces proceeding from the spheres into that which exists in general are four […]. Similarly the causes of every motion belonging to the sphere are four: namely, the shape of the sphere – I mean to say its sphericity; its soul; and its intellect through which it has conceptions […]; and the separate intellect, which is its beloved. […] There are thus four causes of the motion of spheres and four sorts of general forces proceeding from it toward us. These are, as we have explained, the force causing the generation of the minerals, the force of the vegetative soul, the force of the animal soul, and the force of the rational soul.” 27 Ibid., p. 272, Dux (note 15), fol. 45r: “They said in Midrash Rabbi Tanhuma: How many steps were in the ladder? Four – which refers to the dictum: And behold a ladder set up on the earth.’ […] that the angels of God, whom [Jacob] saw ascending and descending were only four […] – two ascending and two descending – and that the four gathered together upon one step of the ladder, all four being in one row”. 28 Guide (note 15), ii, 10, pp. 270f.: “[I]t occurred to me that while the four spheres having stars have forces that overflow from them as a whole toward all the things subject to generation – these spheres being the causes of the later – each spheres is also specially assigned to one of the four elements […]. Thus the sphere of the moon moves the water, the sphere of the sun the fire, while the sphere of the other planets move the air. It is because of the multiplicity of the motions of these planets – their differences, their retrogressions, their di-

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In his thorough examination of this Maimonidean hypothesis Gad Freudenthal reconstructs an inner shift within Maimonides’ thought from an early metaphysical oriented interpretation to a later maturer cosmological speculation. The metaphysical element of the early speculation is connected by Freudenthal with the identification of angels with separate substances/ intellects, an identification that seems to be lost in the later cosmological theory that identifies Ezekiel’s figures with ‘material substances’ (the 29 globes). No doubt there is an evolution in Maimonides’ understanding of this matter and Freudenthal’s assertions are certainly correct. Yet they do not necessarily correspond to the simple way in which Maimonides himself understands and uses his terminology. Planets, spheres and orbs, none of them can be defined as an ‘angel’. Who then are the four angels on Jacob’s ladder? They are neither the four celestial orbs nor the four earthly elements, but rather the forces that emanate from the orbs on the elements, who are called ‘angels’. And what is the relation of the intelligences to the orbs? Maimonides asserts very clearly “the equivocality of the term ‘angel’ and that it includes the intellects, the spheres and the elements, in as much as all 30 of them carry out orders.” But more than that he directly relates all those subdivisions into a total understanding of the heavenly organism. As he himself puts it, the four causes of every spherical motion are the shape of the sphere, its soul, its intellect and the “separate intellect, which is its beloved”. Finally I would like to mention Freudenthal’s claim that the sole reason for Maimonides to develop his innovative cosmology in part two of the ‘Guide’ is in order to prepare his interpretation of Ezekiel’s vision in part 31 three. I for my part would rather assume the opposite, i.e. that Maimonides manipulates the biblical verses, just as he has done with the Rabbinic midrash, in order to promote his philosophical agenda: metaphysics becomes cosmology as God’s transcendence merges into a Spinozistic understanding of the universe as divine attribute, an attitude developed mostly in the second part of the ‘Guide’ and most clearly stated in ‘Guide’ 32 ii, chapter 30.

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rect progressions, and their stations – that the shape of the air, its differences, and its rapid contractions and expansions are multiple. The sphere of the fixed stars moves the earth.” Freudenthal (note 22), pp. 228–230. Guide (note 15), ii, 7, p. 266, Dux (note 15), ii, 8, fol. 43v. Ibid., p. 227. Guide (note 15) ii, 30, pp. 348–359.

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iii. What exactly did the Latins reject in Arabic celestial cosmology? Whatever the final judgment relating to the role played by Arab thought in Western intellectual history since the 12th century might be, one surely cannot write such a history of Europe without understanding precisely the position taken by the Christian authors toward their Arab predecessors. This is true for most realms of Scholastic thought but it is even more crucial here precisely because a large part of Arab speculation on these matters was rejected or avoided by the Christian theologians, and because these rejections seem to function as a strong emotive force toward new formulations and definitions. As Marcia Colish argues, angelology as part not only of devotional and exegetical literature but also of systematic cosmology and natural philosophy is developed among Latin theologians not before the first half of the 33 13th century. Once Aristotelian physics and metaphysics becomes an integral part of the theological imagination, then the existence of purely spiritual entities, such as angels, enables medieval thinkers to break through the limitations of classical Aristotelian discourse. Among the Latins, the breakthrough was neatly related to the encounter with Arab cosmology. Following these general assertions I would like to emphasize the fact that it is well nigh impossible to suggest any definitive description of the high scholastic attitude toward Arabic cosmology. The vast corpus of Albertus Magnus’ writings alone is full of different claims that seem to reflect changing attitudes or different rhetorical strategies. In this short paper I shall try and give a synthesis of main attitudes with very limited historical contextual remarks. During the formative period of scholastic encounter with Arab philosophy, one shall not be surprised by the fact that the two most systematiccritical texts to come out of this polemic, i.e. the well known ‘reactionary’ texts of the 1270’s, especially the condemnation of 1277 and ‘De errores 33 Colish, Marcia L., Early Scholastic Angelology, in: Recherches de Théologie ancienne et medieval 62 (1995), pp. 80–109, esp. 80f., 91, 98f. Colish limits her discussion of the later period to two representative figures of the first quarter of the 13th century: William of Auxere and Alexander of Hales. Her survey is brief and many details could be added, but they do not seem to change the overall picture.

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philosophorum’, so intensively discuss angelological matters. In this discussion they seem to present the hegemonic opinion of scholastic theology, which is not strongly contradicted by any other scholastic author known to me. Before moving into the details of this critique I would like to generalize what seems to be its most basic features: 1.The division between the philosophical and theological discourse realms leads in some cases to a systematic division between the natural philosophical language concerning Aristotelian intelligences and the theological biblical language concerning angels. Here Albert and Thomas are 34 usually taken to represent two different options. 2.The bottom line is that the scholastic discussion represents a united front against Arabic theo-cosmology in its entirety. The difficulty of tracing a coherent and exact attitude of Latin philosophers toward the questions under discussion might be described through the notions suggested by Robert J. Henle, SJ in his monographon ‘Saint Thomas and Platonism’, 35 differentiating between ratio, positio and via. None of the Latin philosophers totally reject all three elements. But all of them, each in his own way, rejects the via, i.e. the overall naturalistic framework, with its possible determinist implications. Hence one cannot deduce or expect the logical/analogical ‘implicit’ assertion of a given theory. Instead we must carefully follow the concrete line of argumentation and only afterwards try and understand 36 the possible motivations lying underneath. In the following I shall provide such an analysis in relation to some major points of criticism. iii.1 The heavenly location of angels: between theology and cosmology I have tried to show that the theo-ontological cosmic hierarchy of physical and spiritual substances has a clear spatial manifestation. One of its clearest components is the location of an angels’ hierarchy parallel to the cosmic hierarchy of the nine/ten celestial spheres. This contradicts the well known Catholic doctrine, generally accepted by all scholastic theologians, that locates the angels in the empyreum. Hence the refusal to adopt the 34 Cf. Suarez-Nani (note 4), pp. 122–125. 35 Henle, Robert J., SJ, Saint Thomas and Platonism. A Study of the Plato and Platonici texts in the Writings of Saint Thomas, Den Haag 1956, pp. 294–312. 36 Cf. Suarez-Nani, Tiziana, Les anges et la cosmologie au Moyen Âge, in: Connaissance des religions 71–72 (Anges et esprit mèdiateurs), Paris 2004, pp. 103–115, here 108: “Ces deux aspects posent une analogie ou une parenté de statut entre les anges et les sphères célestes […]”

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cosmological hierarchy of intelligences, celestial spheres and orbs as an adequate description of the angelic realm. On different occasions angels would be defined as the ministers of these celestial bodies, hence identified with Aristotelian intelligences. Such a solution solves the local problem, in that each celestial sphere is directly connected with an angel, yet the Latins clearly reject two possible implications of such a hypothesis: first, the identity cannot be complete, as there are angels who do not minister to the orbs, as Bonaventure claims in Hexaemeron; second the total number of angels 37 cannot be reduced to the number of the heavenly spheres. Recently, Sylvain Piron argued, relating to the angelological doctrines of Thomas Aquinas, that “(N)o other attempt at reconcilling both traditions [i.e. biblical and Hellenistic] was pursued as conscientiously and exhaus38 tively in the thirteenth century.” As true as such a general assertion might be we shall see that Thomas does not radically differ from his contemporaries in his attitude toward the questions discussed here. Concerning the number of angels, Thomas mentions Maimonides’ name as one who (unsuccessfully) tried to accomplish precisely the achievement assigned to Thomas 39 himself by Piron (Rabbi Moyses, Iudaeus, volens utrumque concordare). 37 Bonaventura, In Hexaemeron, sermo v, Ed. Adolph C. Peltier, S. Bonaventurae Opera Omnia, 9, Paris 1867, p. 59: Alii posuerunt, quod Angeli essent numerate secundum numerum motuum, propter inclinationem naturalem ad motum. Alii posuerunt decem intelligentias, solum considerantes earum influentias, et fecerunt insanias et contentions. Angelus bene potest esse sine motu. 38 Piron, Sylvain, Deplatonising the Celestial Hierarchy: Peter John Olivi’s Interpretation of the Pseudo-Dionysius, in: Angels in Medieval Philosophical Inquiry (note 1), pp. 29–44, here 30. 39 Thomas Aquinas, Summae theologiae, i, q. 50, art. 3, in: Opera omnia, iussu Leonis xiii, edita cura et studio Fratrum Praedicatorum, t. v, Roma 1889, p. 8: Posuit tamen Aristoteles quod illae naturae perfectiores habent ordinem ad sensibilia ista, secundum rationem moventis et finis. Et ideo secundum numerum primorum motuum, conatus est adinvenire numerum substantiarum separatarum. Sed quia hoc videtur repugnare documentis sacrae Scripturae, Rabbi Moyses, Iudaeus, volens utrumque concordare, posuit quod Angeli, secundum quod dicuntur substantiae immateriales, multiplicantur secundum numerum motuum vel corporum caelestium, secundum Aristotelem. Sed posuit quod Angeli in Scriptura dicuntur etiam homines divina annuntiantes; et iterum virtutes rerum naturalium, quae Dei omnipotentiam manifestant. Sed hoc est alienum a consuetudine Scripturae, quod virtutes rerum irrationabilium Angeli nominentur.

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In his commentary on the second book of the ‘Sentences’ Thomas expounds on the different attitudes toward these classifications in Greek, Jewish and Moslem traditions, related to the exegetical question concerning the identification of the nature of biblical angels with the cosmological discussion of their total numbering: Respondeo dicendum, quod ratio humana deficit a cognitione substantiarum separatarum, quae tamen sunt notissima naturae, ad quae intellectus noster se habet sicut oculus noctuae ad lumen solis, ut dicitur in 2 Metaphys. […] Et ideo philosophi de illis nihil quasi demonstrative, et pauca probabiliter dixerunt: et hoc ostendit eorum diversitas in ponendo numerum Angelorum. Quidam enim posuerunt numerum substantiarum separatarum secundum numerum motuum caeli, sicut Aristoteles in 12 Metaphys. Quidam secundum numerum sphaerarum, ut Avicenna in sua Metaphysic. […] Quidam vero posuit Angelos non in determinato numero nobis; sed tantum per Angelos significari dicit in Scripturis omnem virtutem vel corporalem vel spiritualem per quam Deus ordinem suae providentiae explet, quasi divinae voluntatis nuntium; adeo quod vim concupiscibilem nominat Angelum concupiscentiae: sed substantias separatas dicit esse secundum numerum quem philosophi posuerunt; et iste est Rabbi Moyses. Fides autem Catholica tenet numerum substantiarum separatarum, quas Angelos dicimus, esse numerum Deo finitum, sed nobis 40 infinitum.

The biblical angel cannot be completely identified with heavenly intelligences according to Aristotle in the ‘Metaphysics’ and ‘De caelo’ because there is an agreement among the commentators that Aristotelian intelligences are unmoved movers, immovable in themselves, while the biblical angel is clearly a moving entity. The Latins reject the systematic identification of the hierarchy of angels with the hierarchy of celestial spheres, not to mention the assumption that each sphere is ruled by one single angel (hence that plurality is an attribute only of the sublunar world). Once rejecting the simple elegant solution of Alfarabi, Avicenna and Maimonides, the problem remains how one can define the location of angels. It is mostly here that the well known scholastic theological differentiation between locus circumscriptivus and definitivus becomes highly relevant

40 Thomas Aquinas, In ii Sententiarum, dist. 3, q. 1, art. 3, Solutio, in: Commentum in quatuor libros Sententiarum magistri Petri Lombardi, vol. i., Parma 1856, p. 414.

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and suggest a crucial subdivision within the cosmic notion of place. It is mostly through such analytic precision that the scholastics try to resolve the paradox pointed out by Tiziana Suarez-Nani, i.e. that angels according to the Catholic truth as presented by Thomas Aquinas are deprived of any 42 locality, that they do not have place. A most systematic integration of these different definitions of place in their cosmological context is to be found in the ‘Summa philosophiae’. Its English author, writing in the early 1270s’, first states the problematic of spiritual substances that cannot be located, neither in place nor in space, 43 since they have no physical dimensional existence. Hence the author provides a series of definitions for locality, such as locus circumscriptivus and definitivus, then implementing them on a series of entities, from the highest sphere, to the inferior orbs, spirits and souls. The first heaven, since it is not contained by any physical entity, has only a corporeal but not a circumscriptive definitive place, while the inferior spheres have both circumscriptive and corporeal. Spiritual substances have neither circumscriptive nor corporeal spatial definition. Instead the author adopt the Thomistic solution: their place is defined by their operations. The soul finally is defined as having essentially solely a definitive place and only accidentally having a 44 circumscriptive place, which is the body animated by it. The beginnings of 41 For Abelard as an early source for the description of angelic location as ‘circumscribable’ see Marenbon, John, Abelard on Angels, in: Angels in Medieval Philosophical Inquiry (note 1), pp. 63–72, esp. pp. 69–71. Abelard might be considered as a direct source for the Lombard who further develops this differentiation in a manner that would become crucial for later authors and who relates it to a whole index of authorities and topics, cf. Magistri Petri Lombardi Sententiae in iv libris distinctae, Lib. 1, Dist. 37, Cap. 5–8; Roma 1971, pp. 270, 1–273, 10. 42 Suarez-Nani (note 4), pp. 87–90; eadem (note 36), p. 106. 43 [Pseudo] Grosseteste, Summa philosophiae v, 26, in: Die philosophischen Werke des Robert Grosseteste, Bischofs von Lincoln, Ed. Ludwig Baur, Münster 1912, pp. 275–643, here 365: Rei enim spiritualis nullus est contactus. 44 Ibid., Cap. 23, p. 452: (Qualiter intelligentiae possint esse in loco, et quot modis, et de earum localitate): In loco aliquid esse potest vel per se vel per accidens; vel circumscriptive, ut corpora omnia citra corpus caeli primi cetera omnia continens; vel definitive, et hoc dupliciter, id est per modum corporalem, quo omne corpus necessario terminatum sit et finitum ac situatum, vel per modum spiritualem, quo omnis creatura corporea et incorporeal virtute et actio, sicut et forma, terminate sit et infinita esse non possit. […] Caelum ergo primum cetera omnia concludens alicubi est per modum non circumscriptum ab aliquot

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such a Dominican doctrine can be seen already in the writings of Guerric of Saint-Quentin in his ‘Quaestiones de quolibet’, composed during the 1230s. Guerric’s unsystematic discussion of angels is found throughout the whole text. While rather undeveloped in his sources, heavily relying on Augustine, Lombard and other early scholastic authorities, Guerric does show interest in some of the acute questions of the second half of the century. His angels, located in the empyreum, have no power to move corporeal objects at a distance and have no connection whatsoever to heavenly bodies. I shall come back to this in the following, in discussing the question of physically distant causality. iii.2 Angels and Intelligences The identification, even on the strictly semiotic level, between Aristotelian intelligences and biblical angels creates one of the most misleading formulations of scholastic literature, as the two notions have all too often been used synonymously. This ambiguity is elaborated by Thomas, claiming in the ‘Summa theologica’: quod hoc nomen intelligentia proprie significat ipsum actum intellectus qui est intelligere. In quibusdam tamen libris de Arabico translatis, substantiae separatae quas nos Angelos dicimus, intelligentiae vocantur; forte propter hoc, quod huiusmodi substantiae semper actu intelligunt. In libris tamen de Graeco 45 translatis, dicuntur intellectus seu mentes.

A more systematic effort at clarification of the notions involved and of the exact context in which each of them shall be used is to be found again in Albert throughout his academic career. In his commentary on ‘De causis’, written in the second half of the 1260s Albert strives for a clear separation of the Aristotelian cosmological discourse of the separated intelligences and the theological discourse on angels. At the same time he refers to the ‘Jewish philosophers’, who trespass this differentiation: alio corpora, sed corporaliter tantum definitum. Sphaerae vero inferiores cum omnibus infra contentis in loco sunt et circumscriptive atque etiam corporaliter definitive. Spiritus autem creati in loco sunt quidem definitive per modum tamen non corporalem, cum non sint dimensionalia, sed spiritualem, […]. Ibi ergo est, ubi operator, omnisque locus, in quo operator unicus est ei locus, […]. Anima itaque, cum corpus vivificat, vere et per se in loco definitive est, sed per accidens in loco circumscriptivo. 45 Thomas Aquinas, Summae Theologiae (note 39), i, q. 79, art. 10, solutio.

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Ordines autem intelligentiarum, quas nos determinavìmus, Quidam dicunt esse ordines angelorum et intelligentias vocant angelos. Et hoc quidem dicunt Isaac et Rabbi Moyses et ceteri philosophi Iudaeorum. Sed nos hoc verum esse non credimus. Ordines enim angelorum distinguuntur secundum differentias illuminationum et theophaniarum, quae revelatione accipiuntur et fide creduntur et ad perfectionem regni caelestis ordinantur in gratia et beatitudine. 46 De quibus philosophìa nihil potest per rationem philosophicam determinare.

The individuation of angels and their hierarchy has nothing to do with their local position in space but with their spiritual grade of illumination and grace, which do not belong to the discursive realm of philosophy and science. Peripatetic intelligences are motionless, unlike the spheres and their souls. Every intelligence is an unmoved mover, and therefore the hierarchy of the intelligences is deprived of the dynamic moment characteristic of the 47 elemental realm. For Albert, the spheres mediate cosmic powers, angels mediate divine power. Identification of the two leads to radical naturaliza48 tion of the divine as Deus sive natura. ‘De errores philosophorum’ and the condemnation of 1277 are two texts of the 1270s aiming at organizing and disciplining the Christian encounter with classical and Arabic ideas. Aegidius Romanus or pseudo Aegidius 49 Romanus ‘De errores philosophorum’ is directed toward the original teachings of Aristotle and the Arabic peripatetic tradition, the condemnation of 1277 against their scholastic reception, including some of the teaching of Thomas. In the condemnation, the articles that have to do with angels, intelligences, separated substances and celestial influence on the sublunar world 46 Albertus Magnus, De causis et processu universitatis a prima causa, i, 4, 8, Ed. Winfrid Fauser SJ, Münster 1993, 17,2, 58, 19–29. 47 Ibid, ii, 5, 24; 191, 30–192, 6: Scimus etiam, quod quidam contendunt spiritus, qui vulgariter angeli vocantur, intelligentias esse. Sed hoc certum est, quod angeli inellectuales substantiae sunt secundum ministeria gratiae distributae. Sed quod hoc modo intelligentiae sint, qua intelligentiae a Peripateticis ponuntur, scilicet quod immobiles sint loco et opratione, penitus absurdum est et non convenit cum dictis eorum qui de motibus et apparitionibus et operationibus angelorum locuti sunt. 48 For a radical interpretation of Maimonides in this naturalistic direction in Jewish tradition see Idel, Moshe, Maïmonide et la mystique juive, Paris 1991, pp. 105–134. 49 For the authenticity of the work see Koch’s introduction in [Ps.] Aegidius Romanus, Errores Philosophorum, Ed. Josef Koch, English trans. by John O. Riedl, Milwaukee 1944, xxxiv–xxxvi; for the opposite claim see Hasselhoff (note 13), pp. 189–191. Hasselhoff suggests a Spanish origin for the author.

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are approximately 60 out of 219 articles (without taking into consideration topics related to the possible and agent intellect which are also relevant to 50 our discussion). Also a large part of ‘De errores philosophorum’ is dedicated to this topic. In the first chapter, dealing with the errors of Aristotle himself, the author mentions an identification of angels with intelligences 51 and celestial orbs, reading anachronistically angelos into Aristotle’s terminology. When it comes to Averroes our author again takes for granted the identity between angels and celestial intelligences, while blaming Averroes for defining angels as actio pura, hence eliminating the inner distinction in 52 the celestial realm between God and the other spiritual substances. iii.3 Angels as mediators of divine creation and providence According to the author of ‘De errores philosophorum’ Averroes is also mistaken in assuming that the angel cannot act on physical entities immedi53 ately without the mediation of the celestial bodies. The location of angels within the cosmic realm of heavenly spheres implies their mediatory role in the origin of the universe (creation) as well as in its maintenance (providence). The possibility of mediated creation in its mature neo-Aristotelian formulation was most systematically transmitted to Latin philosophy through a series of translations produced in Toledo during the mid 12th century. Neoplatonic works such as Isaac Israeli’s ‘Liber definitionibus’, Avicebron’s ‘Fons vitae’, the ‘Liber de Causis’ and Avicenna’s (as well 50 It seems worth noting that already in the early attempt at controlling heretical philosophical-theological opinions in Paris 1241 the short list of ten articles included four that were directly related to angels, and see Chartularium universitatis Parisiensis, Ed. Heinrich Denifle, i, Paris 1889, p. 171: art. 4: quod anime glorificate non sunt in cello empireo cum angelis; Art. 6: quod angelus in eodem instanti potest esse in diversis locis et esse ubique si voluerit. 51 Errores Philosophorum (note 49), i, 14, 10: [Aristotles] dixit tot esse angelos vel tot intelligentias quot sunt orbes. 52 Ibid., v, 3; Koch (note 49), 24: Quod angelus est actio pura. A permanent mixture of both terminologies can be found by the author of the ‘Summa philosophiae’, for example in Tractatus x; Baur (note 43), 421ff. The titles of the chapters speak about intelligentiae while the text moves easily back and forth between the natural terminology of intelligences and the theological ‘angels’. See chapter 1, p. 421: substantias intellectuales incorporeas, quas theologi a ministerio angelos dicunt. Chapter 2, p. 422: Est autem intelligentia vel angelus […]. 53 Ibid., v, 2; Koch (note 49), 24: Quod angelus nihil potest movere immediate nisi caeleste corpus.

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as Algazali’s) ‘Metaphysics’ provided a full synthesis of Aristotelian and Neoplatonic cosmologies. This cosmology was accepted by early scholastic authors such as Dominicus Gundissalinus, the author of the ‘Liber de causis primis et secundis’ and partially also by Alan of Lille and William of Auvergne in his ‘De universo’. From the mid 13th century however it would be systematically rejected by theologians, who did not accept the existence of secondary causes as mediated forces between God and the creatures. According to Caterina Rigo’s analysis of Albertus Magnus’ encounter 54 with Maimonides one can trace a turning point within Albert’s early intellectual development around the writing of the second part of his commentary on the Sentences and the second redaction of his ‘De iv coaequaevis’ around 1246. From now on Albert the theologian, in contrast to the former scholar of artes, is not willing to accept the identification between angels and intelligences, rejects the concept of animated spheres and rejects the 55 concept of secondary causes. As shown by Alexander Fidora, it is already in the ‘Summa de creaturis’, composed in the early 1240s, that Albert formulates his new Christian Metaphysics, systematically rejecting the doctrines of creatio mediante intelli56 gentis. This is clearly shown in Albert’s refutation of the doctrines developed by Dominicus Gundisalinus in his treatises ‘Tractatus de anima’ and 57 ‘De processione mundi’. Gundisalinus’ teaching is in its turn a synthesis 54 Rigo, Caterina, Zur Rezeption des Moses Maimonides im Werk des Albertus Magnus, in: Albertus Magnus. Zum Gedenken nach 800 Jahren: Neue Zugänge, Aspekte und Perspektiven, Eds. Walter Senner et alii, Berlin 2001, pp. 29–66, here 48f., 52f. 55 Winkler, Norbert, Seele – Engel – Intelligenzen. Ein philosophiegeschichtlicher Einblick, in: Fragmenta Melanchthoniana 3: Melanchthons Wirkung in der europäischen Bildungsgeschichte, Eds. Günter Frank and Sebastian Lalla, Heidelberg 2007, pp. 239–264, here 255–261, esp. 258f. 56 Fidora, Alexander, From Arabic into Latin into Hebrew: Aristotelian Psychology and its Contribution to the Rationalisation of Theological Traditions, in: Philosophical Psychology in Medieval Arabic and Latin Aristotelianism, Eds. Jörg A. Tellkamp and Luis Xavier López Farjeat, Leiden (in print). I would like to thank Professor Fidora for letting me use his manuscript. 57 Each of these treatises has two critical editions; only the second was also translated into English: Joseph T. Muckle, The Treatise ‘De anima’ of Dominicus Gundissalinus, in: Medieval Studies 2 (1940), pp. 23–103; El Tractatus ‘De Anima’ atribuido a Dominicus Gundi[s]salinus. Estudio, Edición Critica y traducción Castellana, Eds. Concepción Alonso del Real and María Jesús Soto Bruna, Pamplona 2009; Des Dominicus Gundisalinus Schrift von dem

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of a series of Arab texts translated in Toledo, mostly by him, such as ‘Liber 58 59 de causis’ and Avicenna’s ‘Metaphysics’. Albert discuss Gundissalinus in ‘De homine’ [second part of ‘Summa de creaturis’] i,3 (Utrum animae 60 rationales immediate creentur a deo an ab intelligentiis angelicis) quoting, beside Gundissalinus, also the third proposition of the ‘Liber de causis’ (quia cusa prima creavit esse animae mediante intelligentia), and a passage from Isaac Israeli’s ‘Liber de definitionibus’, another text translated by Gundissalinus. Against these claims Albert asserts that one has to maintain that the angels were not involved in the creation of the human soul at all and do not 61 even create as God’s ministers. Later on, in Albert’s commentary on Dionysius’ ‘Celestial hierarchy’, written in 1248, Albert clearly connected the problem of mediated causa62 tion to the cosmic order of angels. The philosophers cannot accept that the intelligences can act upon the sublunar world in any way other than through the mediation of the spheres, “but we do not assume that angels act through 63 mediation.” As with many other scholastics and as definitely formulated in the refutation of 1277 the rejection of intermediary agents functions here on a double level: first it is the rejection of any mediation between God’s direct actions and our world of contingent substances. Secondly it rejects any such mediation between the angel as a celestial entity and his mundane actions.

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Hervorgang der Welt (De processione mundi), Ed. Georg Bülow, in: Beiträge zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters 29.3, Münster 1925; De Processione Mundi. Studio y edición critica del tratado de Domingo Gundisalvo, Eds. Concepción Alonso del Real and María Jesús Soto Bruna, Pamplona 1999; Dominicus Gundissalinus, the Procession of the World (De processione mundi), translated from the Latin with an introduction and notes by John A. Laumakis, Marquette 2002. See especially propositions 3, 8–9 and 18. Cf. also D’Ancona Costa, Cristina, La doctrine de la création ‘mediante intelligentia’ dans le ‘Liber de causis’ et dans ses sources, in: Revue des sciences philosophiques et théologiques 76 (1992), pp. 209–233. Avicenna Latinus, Liber de philosophia prima sive scientia divina, Ed. Simone van Riet, 2 vols., Louvain/Leiden 1977–1980, vol. i, pp. 486f., 522–530. Albertus Magnus, De homine i, 3, Ed. Henryk Anzulewicz and Joachim Söder (Opera Omnia, Ed. Colon. 27,2), Münster 2008, pp. 75, 10–77, 12. Ibid., p. 76, 13–33. Albertus Magnus, Super Dionysium De caelestis hierarchia, Ed. Paulus Simon and Wilhelmus Kübel (Opera Omnia, Ed. Colon. 36,1), Münster 1993, c. 13, p. 207, 31–41. Ibid., p. 212, 17–26.

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These are precisely the two facets of Arab cosmology where the celestial entities mediate between the divine and the created universe and the orbs mediate between the separate intellects (angels) and the sublunar elements. A most detailed description of the different attitudes toward the problem of mediated creation is given by Thomas in his ‘Quaestiones disputatae de potentia’. His final judgment of such attitudes, including the one to be found in the ‘Liber de causis’, is that it leads directly to idolatry, since it leads the believer into the false conclusion that he should worship the direct ‘proxi64 mate’ causes, instead of the one true creator. Although Thomas’ statement in his commentary on ‘De causis’ itself is rather ambiguous, he reject this position clearly and systematically in his late ‘De substantiis separatis’, talking generally about those (aliqui) who derived from the spiritual substances their origin in a first and highest author (Ch. 9). In chapter 10 he identifies this position explicitly with Avicenna and the ‘Liber de causis’, hence referring to the very same Toledean Arab tradition as Albert. The spatial aspects of this claim follow immediately in Chapter 17, modifying Augustine’s famous response to the question concerning the exact place in which the universe has been created. As incorporeal entities angels have no place within the order of the created cosmos, unless one

64 Thomas Aquinas, Quaestiones Disputatae de potentia, q. 3, a. 4, solutio, in: Opera omnia, t. viii, Parma 1856, S. 31: Respondeo. Dicendum, quod quorumdam philosophorum fuit positio, quod Deus creavit creaturas inferiores mediantibus superioribus, ut patet in Lib. de causis; et in Metaphys. Avicennae, et Algazelis, et movebantur ad hoc opinandum propter quod credebant quod ab uno simplici non posset immediate nisi unum provenire, et illo mediante ex uno primo multitudo procedebat. […] Et ideo secundum fidem Catholicam ponimus, quod omnes substantias spirituales et materiam corporalium Deus immediate creavit, haereticum reputantes si dicatur per Angelum vel aliquam creaturam aliquid esse creatum; unde Damascenus dicit: quicumque dixerit Angelum aliquid creare, anathema sit […] Et per hunc modum posuerunt quidam philosophi, quod intelligentiae primae sunt creatrices secundarum, in quantum dant eis esse per virtutem causae primae in eis existentem. Nam esse per creationem, bonum vero et vita et huiusmodi, per informationem, ut in libro de causis habetur. Et hoc fuit idolatriae principium, dum ipsis creatis substantiis quasi creatricibus aliarum, latriae cultus exhibebatur. One finds the same explanation of the historic mechanism and cosmologic rationalization of idolatry in Maimonides, esp. in Guide (note 15), iii, chapter 29, and cf. Stroumsa, Sarah, Maimonides in his World. Portrait of a Mediterranean Thinker, Princeton/Oxford 2009, pp. 84–124, esp. 93–97.

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uses the notion of place in a spiritual sense to designate a degree of divine 65 illumination. Many articles in the condemnation of 1277 are dedicated to the issue of mediatory causes. The different articles refer to great variety of mistaken and heretical assumptions, all derived from the same cosmological principle. It limits the power of God, who cannot create without the mediation 66 of secondary causes; limits the ontological role of the separated substances 67 to their function as mediatory causes and ministers of the sublunar world; limits the power of the intelligences, who cannot practice any influence on 68 the inferior corporeal entities without the mediation of the physical orbs. Finally, it opens a set of problems regarding human free will under the role 69 of the heavenly powers. None of these points of criticism were new for the theologians of the three decades previous to the condemnation. 65 Thomas Aquinas, De substantiis separatis, C. 18 (De origine substantiarum spiritualium secundum ), in: Opera omnia, iussu Leonis xiii, edita cura et studio Fratrum Praedicatorum, t. 40, Roma 1968, 73, 203–208: Si vero quaeratur ubi creati sunt Angeli, manifestum est quod quaestio ista locum non habet si sunt creati ante omnem corpoream creaturam, cum locus sit aliquid corporale, nisi forte pro loco accipiamus spiritualem claritatem qua illustrantur a Deo; cf. Blanchette, Oliva, The Perfection of the Universe According to Aquinas: A Teleological Cosmology, Pennsylvania 1992, pp. 164, 281. 66 Chartularium Universitatis Parisiensis, i, art. 38, Ed. Heinrich Denifle and Emile Chatelain, Paris 1889, p. 545: Quod Deus non potuit fecisse primam materiam, nisi mediante corpore celesti; art. 73, p. 547: Quod substantie separate per suum intellectum creant res; ibid., art. 61: Quod Deus possit agere contraria, hoc est, mediante corpore celesti, quod est diversum in ubi; art. 198, p. 554: Quod in causis efficientibus cessante habet actionem, quam non accepit a causa prima. 67 Ibid., art. 77, p. 548: Quod si esset aliqua substantia separata, que non moveret aliquod corpus in hoc mundo sensibili, non cluderetur in universo; art. 195, p. 554: Quod fatum, quod est dispositio universi, procedit ex providentia divina non inmediate, sed mediante motu corporum superiorum; et quod istud fatum non imponit necessitate inferioribus, quia habent contrarietatem, sed superioribus. 68 Ibid., art. 30, p. 545: Quod intelligentie superiores creant animas rationales sine motu celi; intelligentie autem inferiores creant vegetativam et sensitivam motu celi mediante; art. 75, p. 547: Quod angelus non potest in actus oppositos inmediate, sed in actus mediatos mediante alio, ut orbe. 69 Ibid., art. 161, 162, 167 et alii; This point was already discussed by Albert as the fourth question dealt with in his ‘De quindecim problematibus’, and see Albert der Grosse, De quindecim problematibus / Über die fünfzehn Streit-

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iii.4 Heaven inanimate In its most extreme formulation this rejection would not be limited anymore to the pure theological discourse of angels but would be formulated as a strong assertion of natural philosophy, i.e. that the heavens are inanimate. A possible turning point here is to be found in the early writings of Albert, 70 during the 1240s’. But even earlier one can trace some interesting assertions in favour of such an Arab doctrine, or against it. A clear evidence for the reception of Avicennian cosmology and metaphysics is to be found in the ‘Liber de causis primis et secundis’, most probably composed in the first quarter of the 13th 71 century. Its author treats intelligentiae as synonym with angelos, relating 72 it to the process of creation and emanation and to the soul of the heavens. A relatively early refutation of these doctrines might be found in the writings of William of Auvergne, especially in his ‘De universo’, written during the early 1230s. Here William sharply refuted both the concept of animated 73 heaven as well as the idea of mediatory causes. One can see the ambiguity most clearly in Aquinas’ ‘De causis’ commen74 tary, written in 1272, and shortly afterwards in the unambiguous denial formulated by Bishop Tempier and in the ‘Errores philosophorum’. The most detailed Arabic teaching as reflected in ‘De erorres philosophorum’ belongs to Avicenna’s and to Algazali’s metaphysical works. Articles 6–9 in the chapters dedicated to the errors of Avicenna relate to 75 his theory of emanation. Article 10 (repeated in Algazali, Art. 5) is dedi-

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fragen, übersetzt von Henryk Anzulewicz, eingeleitet und kommentiert von Norbert Winkler (Herders Bibliothek der Philosophie des Mittelalters 23), Freiburg/Basel/Wien 2010, pp. 68–70; Cf. Winkler (note 55), p. 253. See the discussion in chapter iii, 2 above, n. 54, 55. De Vaux, Roland, Notes et Textes sur l’Avicennisme Latin aux confins des xiie–iiie siècles, Paris 1934, pp. 69f. Liber de causis primis et secundis, Ed. Roland de Vaux (Bibliothèque Thomiste 20), Paris 1934, c. 4, pp. 97, 12–102, 22. See the sources quoted by de Vaux, ibid., pp. 24f. For a parallel Dominican assertion see Guerric of Saint Quentin, bellow (note 84). Thomas Aquinas, In librum de causis 3, in: Sancti Thomae de Aquino Super librum de causis expositio, Ed. Henri Dominique Saffrey (Textus Philosophici Friburgenses 4/5), Fribourg/Louvain 1954, pp. 22, 4–7, 25, 9–14. See especially Errores Philosophorum, v, 7, Koch (note 49), 28: [quod] animas caelestes produci ab intelligentiis sive ab angelis, et unam intelligentiam produci ab alia.

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cated to the false conception of the celestial spheres as animated living entities, being analogous to the human body – mind system. Against such an assumption the author quotes as Catholic authority Damascenus, claiming 76 that the heavens are inanimate and insensible. The same mistake is attributed to Maimonides as well. In his case however, the author emphasized that the heavens are not only animated but also must be regarded as rational souls Ulterius erravit circa supercaelestias corpora, ponens ea esse animata et dicens ipsa esse animalia rationalis, adducens pro se illud Psalmi [Ps 18, 2]: ‘Caeli enarrant gloriam Dei’, et illud Iob [Job 38, 7]: ‘Cum me laudarent simul astra 77 matutina’, quae omnia patent IIo libro De expositione legis, cap. Vo.

Finally the condemnation of 1277 clearly states the fallacies of the doctrines of animated heaven, especially in Articles 102 and 110: Art. 102: Quod anima celi est intelligentia, et orbes celestes non sunt instrumenta intelligentiarum sed organa, sicut auris et oculus sunt organa virtutis sensitive. Art. 110: Quod motus celi sunt propter animam intellectivam; et anima intellectiva sive intellectus non potest educi, nisi mediante corpore.

iv. Some receptions of Maimonidean theory of space: Albert, Ps. Grosseteste and Meister Eckhart The general rejection of Arab theo-philosophical cosmology included as we have just seen, the rejection of Maimonides’ angelology. This general attitude did however have its exceptions, related in large part to Maimonides’ above mentioned hypothesis of the four globes. As we have seen, if Maimonides’ Aristotelian cosmology adds very little to that of his Arab predecessors then it is in his theory concerning the fourfold division of the universe 76 Errores Philosophorum, vi, 10; Koch (note 49), 30: Ulterius erravit circa animationem caeli. Posuit enim caelum animatum. Cuius animam non solum dicit motorem appropriatum, secundum quod Philosophus et Commentator nisi sunt dicere, sed quod fieret unum ex anima caeli et caelo sicut et anima nostra et corpore nostro. Quod est contra Damascenum, qui dicit IIo libro [De fide orthodoxa] capitulo VIo caelos esse inanimatos et insensibiles; in relation to Algazali cf. ibid, viii, 5; Koch (note 49), 38. 77 Cf. ibid, xii [Maimonides], 5; Koch (note 49), 60.

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that Maimonides himself claims originality. The four orbs/globes theory – according to Gad Freudenthal, at least in its precise formulation truly an 79 independent theory of Maimonides – creates a multifaceted system that connects all ontological realms and cosmological levels. One can find some traces of it in Albert’s ‘De caelo et mundo’, but they are not more than isolated pieces, without any connection whatsoever to the original context 80 and content, and without mentioning Maimonides’ name even once. A relatively lawful description of it is found in the ‘Summa philosophiae’. Here as well the reference to Maimonides’ hypothesis does not mean a 81 general acceptance of its theoretical framework. As usual the situation radically changes whan we move to the writings of Meister Eckhart. In a previous work I dealt with Maimonides’ and Eckhart’s 82 concept of place as divine attribute. In the following I would like to relate it to the question about the various possible levels of immaterial physical causality. Maimonides relates his hypothesis of the four globes directly to 83 the question of physical influence at a distance. As we have seen above, this dynamic moment cannot be understood without taking into account the overall architecture of the Maimonidean universe. The opposite motivation can be seen among the Dominicans as 78 Guide (note 15), ii, 9, p. 269: “Now this number is for me a very important basis for a notion that has occurred to me and that I have not seen explicitly stated by any philosopher”. 79 Freudentahl (note 22), p. 226. 80 For the full list see Rigo (note 54), p. 51, n. 122. 81 Summa philosophiae xv, 28, Baur (note 43), 584: Aestimavit tamen Rabbi Moyses solem dominari fundamento ignis, cuius est et actio inter cetera elementa praecipua, lunam vero fundamento aquae, cuius est inter cetera elementa fluxibilitas maxima; cetrosque quinque fundamento aeris, qui una cum terra in via generationis et mixtionis radicale principium est, licet reliqua duo, id est ignis et aqua, quandoque concurrant. – Supradictum est etiam orbem stellarum fixarum dominari fundamento terrae. Quattuor itaque qualitates elementares singulis singillatim elementis a praedictis octo orbibus immediatius, et ab orbe none mediate imprimi omnino supponimus. 82 Schwartz (note 21). 83 Cf. Guide (note 15), ii, 12, 277–280; For a general description of the problem in its Arab – Latin context see Wood, Rega, The Influence of Arabic Aristotelianism on Scholastic Natural Philosophy: Projectile Motion, the Place of the Universe, and Elemental Composition, in: The Cambridge History of Medieval Philosophy, Ed. Robert Pasnau, Volume 1, Cambridge 2010, pp. 247–266, here 249f.

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early as in Guerric of Saint-Quentin’s ‘Quaestiones de quolibet’, composed during the 1230s. Here Guerric repeatedly asserts that an angel non potest 84 movere corpus distans […] cum omnis actio sit per contactum. Against his Dominican predecessors, Meister Eckhart, in the different places in his writings where he chooses to quote this Maimonidean doctrine, indeed reveals a far reaching reception of his ontological structure. As I claimed in my previous research, Eckhart is probably the only preRenaissance Latin writer who seriously adopts (through Maimonides) the Jewish divine attribute of place. Trying to explain in what sense locus should be defined as an appropriate divine attribute Eckhart asserts: Propter quod 85 in deo sunt omnia, et ipse est locus propriisime omnium entium. In order to explicate the cosmological meaning of such a definition Eckhart explains that: Sic ergo locus naturaliter ambit et includit undique sphaerice et aequaliter sphaerice ex omni parte suum locatum, si vere et proprie est locus formalis et naturalis. Et istae sunt universaliter condiciones primi. Unde et primum in unoquoque ordine essentiali includit et locat omnia quae sunt post in illo ordine. Hinc est quod primum corpus, puta caelum, est locus omnium corporum et est sphaericum, ut illa aequaliter ambiat, circumdet et includat, utpote finis. Quantum ergo unumquodque recedit a natura primi, superioris et perfecti, tantum cadit a natura ambientis spherice aequaliter omnia quae sunt post, et per 86 consequens cadit a natura loci. 87

Hence it is no coincidence that next to Dante and in a much more accurate manner Eckhart is one of the very few medieval scholars who, after the Parisian condemnations of the 1270’s, has no difficulties accepting Arab

84 Guerric of Saint-Quentin, Quaestiones de quolibet, q. 1, art. 2, 37, in: Quaestiones de quolibet. A critical edition by Walter H. Principe and Jonathan Black, Toronto 2002, p. 188, 192–201; see also q. 9, art. 2, 36; pp. 379–382. 85 Magistri Echardi, Prologi Expositio libri Genesis 49, Ed. Konrad Weiss (Meister Eckhart, Die Lateinischen Werke i), Stuttgart 1964, p. 220, 1–8. 86 Ibid., pp. 220, 8–221, 6. 87 A chapter dedicated to Dante would lead me far beyond my space limits in this article. In the second book of the ‘Convivio’ (ii, 5; ii, 13) Dante identifies the hierarchy of the heavenly spheres with the hierarchy of angels. This identification is repeated in ‘Paradiso’ 28. To this Dante adds an adoption of the theory of mediated causality and developed theory of astral influence. Cf. Bemrose, Stephen, Dante’s Angelic Intelligences, Roma 1983.

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angelology. He argues for the animation of heavenly spheres and, like Dante, for mediated creation through angels that are identified with the Aristotelian intelligences. This he does most clearly in his commentary on 89 Genesis 1, 26: Faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostrum. In this part Eckhart concentrates on the plural faciamus which in the Christian-Jewish debate was usually interpreted by the Christians as referring to the trinity. Eckhart quotes at length Maimonides who understands the plural as referring to God and the secondary causes. All these metaphysical speculations culminate in a spatial cosmological formulation in Eckhart’s encounter with Maimonides’ interpretation of Jacob’s ladder dream (Gen. 28, 12–13) in the ‘Liber parabolarum Gene90 sis’. As usual in Eckhart’s encounter with Maimonides, the length, depth and eagerness with which he accepts the doctrine involved has no parallel in scholastic literature. At the same time the final result is quite far from the original tendency of Maimonides and reflects the fact that this enthusiastic adoption is produced by an independent and critical mind. The whole universe, thus Eckhart following Maimonides, is built of hierarchical ontological degrees, each of them representing a fourfold division: the four heavenly sphaeras, four elements that are influenced by them, four causes of the heavenly movement of the sphere (quatuor causae motus sphaerici), the four virtues descending from the translunal to the elemental world, and the four 91 directions of the earth. To this Eckhart adds the four Aristotelian causes (efficiens, formalis, finalis et materialis) and the fourfold division of the 92 universe according to Macrobius. The dynamic movement of the angels up and down the ladder represent the descending of the cause to its effects and the ascending of the effects to their causes (quia causa descendit in effectum et e converso effectus quasi

88 Magistri Echardi, Expositio Libri Sapientiae 12, Ed. Heribert Fischer et alii, (Meister Eckhart, Die Lateinischen Werke ii), Stuttgart 1992, p. 333, 1–4: Caelos enim animatos habentes intelectum probat Rabbi Moyses l. ii c. 6 per illud quod scriptum est: ‘caeli enarrant gloriam dei’. This claim stands in direct contradiction with ‘De erorres philosophorum’ quoted above, see above (note 77). 89 Magistri Echardi, Prologi Expositio libri Genesis 116, Ed. Konrad Weiss (Meister Eckhart, Die Lateinischen Werke i), Stuttgart 1964, pp. 273, 1–274, 3. 90 Magistri Echardi, Liber parabolarum Genesis 204–213, Ed. Konrad Weiss (Meister Eckhart, Die Lateinischen Werke i), Stuttgart 1964, pp. 677, 1–689, 14. 91 Ibid. 204, 210–211, p. 678, 13–16, pp. 687, 1–688, 15. 92 Ibid. 212, p. 689, 1–5.

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ascendens in sua causa) within the totality of a universe that is conceived as 93 an organic unity, where each element is functioning as pars propter totum.

v. Concluding remarks So what is the motivation for rejecting Arab cosmology? It certainly derives much of its basic inspiration from the simple fact that this description contradicts the literal interpretation of the biblical angel. The result however is very interesting. While Maimonides’ solution is highly rational it adds very little to the basic Aristotelian Ptolemaic worldview. In the scholastic discussion on the other hand we find a very serious attempt to reconcile Aristotelian physics and cosmology with a whole set of new data originating in revelation. Hence the serious attempt to solve the problem of individuation, location and locomotion of immaterial entities. The case becomes even stronger after 1277, for instance in Ockham’s arguments concerning the place and motion of angels. The inanimate spheres demand a different explanation for their movement. Already Kilwardby would suggest therefore, in Lindberg’s words an “innate tendency to move spherically” and Buridan would connect the question of heavenly spherical movement directly to his 94 impetus theory. In this connection I would like to disagree with David Kack’s conclusion to the second part of his book ‘Angels & Angelology in the Middle Ages’ dedicated to the discussion concerning the nature of angels 93 Magistri Echardi, Liber parabolarum Genesis 205–206, Ed. Konrad Weiss (Meister Eckhart, Die Lateinischen Werke i), Stuttgart 1964, pp. 679, 9–681, 8. Such a description does not truly coincide with the regular description of Eckhart’s ontology that seems to leave no space for any mediating entities between God and man. See for example the assertion of Winkler (note 55), pp. 263f. This difference is surely true of the majority of Eckhart’s writings but a full account of his thought cannot ignore the systematic discussion described here. A similar case, again depending on Maimonides’ theory combined with Ptolemaic cosmology is Eckhart’s metaphysics of language, and see Gottschall, Dagmar, ‘Man möhte wunder tuon mit worten’ (Predigt 18). Zum Umgang Meister Eckharts mit Wörtern in seinen deutschen Predigten, in: Meister Eckhart in Erfurt, Eds. Andreas Speer and Lydia Wegener (Miscellanea Mediaevalia 32), Berlin/New York 2005, pp. 427–449. 94 Lindberg, David C., The Beginnings of Western Science: The European Scientific Tradition in Philosophical, Religious, and Institutional Context, Prehistory to A.D. 1450, Chicago/London 2007, p. 260.

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Yossef Schwartz

in the 13th century. There he claims that there was no significant advance in late scholastic thought after 1277, i.e. beyond the teaching of Bonaventure and Aquinas. “The science of angels became complete in the thirteenth 95 century.” I believe that Keck concludes here his important study with a mistaken claim, ignoring the revolutionary elements in 14th century thought 96 concerning angels. What I have tried to show in the examples quoted in this paper is that the turning point of 1277 – precisely in the context of our present topic – was not a reactionary turn against the common metaphysical synthesis but a conclusive formulation of the general attitude. The intercultural encounter described here has immediate cosmological implications. There exists no space, at least in the modern meaning of the term, in an Aristotelian voidless ‘closed universe’, made of physical bodies, 97 materially containing each other. In such a cosmos the only possible spatial discourse is provided by scientiae mediae such as mathematical astronomy and optics. However, besides the mathematization of cosmic hierarchy there is the possibility of its theologization. Here the mythical figure of angels plays important role. None of our scholastic thinkers believes in any kind of void space, neither within nor beyond the universe. In spite of this, immaterial creatures like angels and other forms of separate substances, and the immaterial causality they produce, present the opportunity to discuss the hypothetical and realistic possibilities of divine, immaterial, hence ‘empty’ spaces. Ockham’s discussion of the movement of angels in space and their location, in comparison with Thomas discussion of the same questions shortly before the condemnations of the 1270’s demonstrate the potential of 98 such theological ideas. Scholars such as Alexander Koyré, Anneliese Maier and Amos Funkenstein who pointed out the significance of these discussions for the development of early modern science emphasizing the definition of 95 Keck, David, Angels & Angelology in the Middle Ages, New York/Oxford 1998, pp. 112–114, here 114. 96 Ockham’s most radical assertion concerning the nature of place and of locomotion takes place within his discussion of angels, and see William of Ockham, Quodlibetal Questions, translated by Alfred J. Freddoso and Francis E. Kelley, New Haven/London 1991, i, 4–5, pp. 23–33 (Is an angel in a place through his substance? Can an angel move locally?); i, 8, pp. 42–46 (Can an angel move through a vacuum?). 97 Here the well known description of Koyré, Alexander, From the Closed World to the Infinite Universe, Baltimore/London 1957. 98 Maier, Anneliese, Metaphysische Hintergründe der spätscholastischen Naturphilosophie, Roma 1955, pp. 227–269.

Divine Space and the Space of the Divine

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space and of spatial motion on the borderline between physics, metaphysics and astronomy, were perhaps not fully aware of the significant contribution of the rejection of Arab Aristotelianism to these matters. Alfarabi, Avicenna and Maimonides rationalized biblical myth into an Aristotelian Ptolemaic model, not less but also not more. The Latins, while rejecting the full identification of angels with Aristotelian intellects made space for new elements in their own cosmology. In this specific example, the overcoming of Arab Aristotelianism was not less meaningful for the further development of European thought than its eager reception.

Vers le dépassement du lieu : l’ange, l’espace et le point Tiziana Suarez-Nani (Fribourg)

« Comment expliquer que nos ancêtres aient accordé tant de prix à l’opinion selon laquelle à tel endroit la peinture du dieu écoute les prières et exauce même les vœux des justes, tandis qu’à un autre endroit, aussi proche soit-il du premier, la statue du même dieu les écoute moins ? Davantage, lorsqu’on change de place des statues auxquelles la foule accordait une vénération particulière, on ne trouvera personne pour continuer à leur faire crédit ou à leur confier des offrandes 1 votives, comme si elles avaient fait faillite ».

Leon Battista Alberti exprimait ainsi son étonnement face à la perception et à la représentation qualitative de l’espace propre à la culture et à l’art médiéval – une représentation qui n’admettait pas l’idée d’un espace séparé et qui attribuait à chaque lieu une qualité propre, une fonction et un pouvoir 2 le rendant apte à accueillir telle chose plutôt qu’une autre.

1 2

Cf. Alberti, Leon Battista, L’art d’édifier, vii, ch. 17, trad. de Pierre Caye, Paris 2004, pp. 371–372. Jean-Claude Schmitt l’a clairement formulé : « dans la culture médiévale les lieux s’identifient à leur contenu, ils ont une qualité propre et une place particulière dans la hiérarchie des valeurs et des usages liturgiques » ; et encore : « l’image médiévale ne figure pas un espace unifié, au sens où nous entendons ce terme, mais consiste en un assemblage ordonné et subtilement hiérarchisé de ‹ lieux › », cf. : Schmitt, Jean-Claude, De l’espace aux lieux : les images médiévales, dans : Constructions de l’espace au Moyen Âge : pratiques et représentations (Publications de la Sorbonne-Histoire ancienne et médiévale 96), Paris 2007, pp. 324 et 325. Sur cet aspect on consultera aussi Panofsky, Erwin, La perspective comme forme symbolique (Le sens commun), Paris 1978 ; Kelly Gadol, Joan, Leon Battista Alberti. Homme universel de la Renaissance, trad. de Jean-Pierre Ricard, Paris 1995, pp. 141–143 et, plus récemment : IognaPrat, Dominique, La maison de Dieu. Une histoire monumentale de l’Église au Moyen Âge (L’univers historique), Paris 2006.

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Tiziana Suarez-Nani

Les raisons sociales et culturelles de ce rapport particulier à l’espace étaient multiples. Dans le cadre de la pensée médiévale – et du xiiie siècle en particulier – deux motifs sont susceptibles d’en rendre compte : la conception métaphysique de l’ordre des choses et la théorie aristotélicienne du lieu. 3 La première véhiculait l’idée que l’univers est ordonné de manière hiérarchique selon des degrés de perfection correspondants à la nature des choses, de sorte qu’à chaque espèce de réalité revient un emplacement et une fonction précise dans la hiérarchie du réel. La loi de l’ordre hiérarchique assigne ainsi à chaque espèce de réalité une place fixe et immuable et détermine un ordre spatial, qui est celui des lieux qualifiés par les choses qui les occupent. Cette solidarité entre l’ordre ontologique et l’ordre spatial est manifeste encore au début du xive siècle, par exemple chez Dietrich de Freiberg, partisan d’une conception éminemment qualitative du lieu : situant dans l’être des choses le fondement de leur localisation, il posait une correspondance étroite entre la hiérarchie des lieux et celle des êtres et de leur dignité : Unicuique entium per se convenit esse alicubi, id est in aliqua regione, secundum suum modum et proprietatem substantiae suae ; ou encore : secundum communem rationem eius, […] esse in loco est esse alicubi ; esse autem alicubi secundum proprietatem convenientem rebus est unamquamque rem annumerari rebus sui generis, id est suae maneriei, secundum statum et 4 gradum dignitatis suae.

Fortement tributaire de la métaphysique néoplatonicienne, cette solidarité entre les êtres et leurs lieux trouvait également un appui dans la physique 5 d’Aristote, et notamment dans sa doctrine du lieu naturel. Comme l’on sait, Aristote attribuait au lieu la capacité de conservation du corps localisé en vertu de la proximité de nature entre le corps contenant et le corps contenu :

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L’importance de la métaphysique de l’ordre des choses a été illustrée magistralement par Lovejoy, Arthur O., The Great Chain of Being. A Study of the History of an Idea, Cambridge, Mass. 1936. Dietrich de Freiberg, De cognitione entium separatorum, 39, éd. par Hartmut Steffan (Corpus philosophorum Teutonicorum Medii Aevi : Dietrich von Freiberg Opera Omnia, t. ii), Hamburg 1980, p. 204 et De substantiis spiritualibus, 23, éd. par Maria Rita Pagnoni-Sturlese (ibid.), p. 313. Pour la conception du lieu chez Dietrich, cf. : Suarez-Nani, Tiziana, Les êtres et leurs lieux : le fondement de la localisation selon Dietrich de Freiberg, dans : Recherches sur Dietrich de Freiberg, éd. par Joël Biard, Dragos Calma et Ruedi Imbach (Studia Artistarum 19), Turnhout 2009, pp. 145–164. Pour la définition aristotélicienne du lieu cf. Aristote, Physique, iv, 4, 212a 20.

Vers le dépassement du lieu : l’ange, l’espace et le point

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pour cette raison, dans l’univers physique chaque corps tend à occuper le lieu qui correspond à ses qualités naturelles. Cette doctrine sera largement partagée par les aristotéliciens médiévaux : dans son traité sur la nature du lieu, Albert le Grand insiste sur la connaturalité du lieu et du corps localisé afin de justifier son enquête sur la diversité des lieux, des régions et des 6 climats dans le but de démontrer leur influence sur les êtres humains. Dans son commentaire de la ‹ Physique › d’Aristote, Thomas d’Aquin souligne également la proximité de nature entre le lieu contenant et le corps contenu et relève la correspondance entre l’ordre des lieux et l’ordre de perfection des êtres : justifiant la définition aristotélicienne du lieu, il affirme que illud corpus continens […] est proximum ei [sc. corpori contento] secundum naturam. Ordo enim situs in partibus universi attenditur secundum ordinem naturae. Nam corpus caeleste, quod est supremum, est nobilissimum : post quod inter alia corpora secundum nobilitatem naturae est ignis : et sic deinceps usque ad terram.7

Ces lectures de la ‹ Physique › d’Aristote rejoignent ainsi la thèse métaphysique de l’ordre des choses dans l’idée de la différenciation qualitative des êtres et de leurs lieux. Dans cette conception hiérarchique du réel, la doctrine des anges et des substances séparées joue un rôle de premier plan. Degré intermédiaire entre le principe premier et ses dérivés ultimes, les substances spirituelles représentent le chaînon indispensable à l’ordre et au fonctionnement de l’univers. Thomas d’Aquin nous en donne la preuve lorsqu’il justifie leur exis8 tence comme une nécessité inhérente à l’ordre et à la perfection du cosmos. 6

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Albert le Grand, De natura loci, tract. i, c. 1 (Editio coloniensis, t. 5/2), Münster 1980, p. 2 : Oportet scire naturam loci, nec sufficit tractatus, qui in Physicis habitu est de ipso, eo quod ille non nisi universaliter certificat de loco, et oportet nos scire diversitates locorum in particulari et causam diversitatis ipsorum et accidentia diversorum locorum. Thomas d’Aquin, In viii libros Physicorum Aristotelis expositio, l. iv, lectio viii, éd. par Mariano Maggiòlo, Torino 1965, n. 492. Cette proximité de nature empêche l’identification du lieu avec l’espace : « Cette raison n’est pas valable si l’on pose que le lieu est l’espace, car dans l’étendue d’un espace séparé (des corps) il n’y a aucun ordre de nature » (ibid.). La thèse de la proximité naturelle du lieu physique avec le corps localisé est partagée aussi par Dietrich de Freiberg, De substantiis spiritualibus, 16 (note 4), p. 315. Cf. Thomas d’Aquin, Summa contra Gentiles, ii, 45–46 (Editio Leonina, vol. xiii), Roma 1918, pp. 372–376 ; à ce propos cf. Suarez-Nani, Tiziana, Les anges et la philosophie. Subjectivité et fonction cosmologique des substances

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Tiziana Suarez-Nani

Aussi, et d’une manière générale, la doctrine angélologique peut être considérée comme l’emblème de l’inégalité et de la différenciation qualitative des choses. La problématique du temps est exemplaire à cet égard : pour bon nombre de penseurs médiévaux, de par leur situation intermédiaire dans l’ordre de l’univers les anges connaissent une dimension temporelle spécifiquement et qualitativement différente de celle des hommes, à savoir un temps discontinu, étranger à la succession continue qui caractérise le 9 temps humain. Quant à la catégorie du lieu, dans le domaine angélologique elle va susciter un questionnement encore plus radical : en effet, quand bien même la tradition théologique invitait à situer les anges quelque part dans les cieux – et plus précisément dans le ciel Empyrée –, leur immatérialité semblait les rendre totalement hétérogènes à la détermination locale. Aussi, dans ce contexte la question portait sur la possibilité-même que les anges puissent s’inscrire dans les coordonnées de l’espace : se demander Utrum angelus sit in loco revenait à s’interroger sur la pertinence de la catégorie du lieu en relation à des entités immatérielles. Le domaine angélologique offrait ainsi un terrain privilégié pour examiner à nouveaux frais certaines questions et pour mettre à l’épreuve certaines catégories dont l’usage dans l’explication du monde physique était désormais acquis. Pour illustrer notre propos nous allons examiner un petit échantillon d’auteurs actifs à l’université de Paris entre la seconde moitié du xiiie et le début du xive siècle : il s’agira en particulier de montrer que leurs doctrines de la localisation des anges ont produit une révision significative de la théorie aristotélicienne du lieu et ont favorisé le dépassement de sa conception qualitative.

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séparées au xiiie siècle (Etudes de philosophie médiévale lxxxii), Paris 2002, pp. 27–35. Cf. Nicolas de Strasbourg, Summa, l. ii, tract. 8–14 : De tempore, éd. par Tiziana Suarez-Nani (Corpus Philosophorum Teutonicorum Medii Aevi V, 2,3), Hamburg 1990. À ce propos cf. : Porro, Pasquale, Forme e modelli della durata nel pensiero medievale, Leuven 1996 et Suarez-Nani, Tiziana, Tempo ed essere nell’autunno del Medioevo (Bochumer Studien zur Philosophie 13), Amsterdam 1989, pp. 23–44.

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i. La localisation des anges La distinction – fixée par Pierre Lombard dans le premier livre des Sentences (dist. xxxvii) – entre les deux modalités de localisation que sont la localisation par circonscription et la localisation par définition constitue le point de référence des discussions médiévales sur ce thème. La première (localisation dite circumscriptive) caractérise les corps en tant que circonscrits dans les dimensions de l’espace, alors que la localisation dite definitive caractérise 10 le rapport au lieu propre aux esprits créés. Plus précisément, esse in loco definitive signifie être situé dans un lieu de manière à ne pas pouvoir être simultanément dans un autre – ce qui distingue la localisation des anges à 11 la fois de la circonscription des corps et de l’ubiquité divine. Être dans un lieu definitive signale ainsi la manière intermédiaire – propre aux créatures spirituelles – de se rapporter à la détermination spatiale. Cette distinction étant admise, il restait à identifier le fondement de la localisation dite definitive : les uns le voyaient dans des opérations par lesquelles l’ange agit sur les corps, alors que les autres le situaient dans l’être même des créatures spirituelles.

10 Pierre Lombard, Sententiae in iv libris distinctae, l. i, d. xxxvii, c. 6, éd. par Collegii a S. Bonaventurae, Quaracchi 1916, p. 270. Cette distinction, qui remonte à Jean Damascène (De fide orthodoxa, i, c. 13, versio Burgundionis, éd. Eloi M. Buytaert, St. Bonaventure, N.Y./Louvain/Paderborn 1955, p. 58), était déjà présente chez Anselme de Canterbury (Proslogion, c. 13) et Hugues de St. Victor (De sacramentis i, p. 3, c. 18). 11 Dans l’‹ Opus tertium › (achevé vers 1267), Roger Bacon accepte de localiser l’ange précisément pour distinguer sa condition de celle de Dieu, tout en défendant la thèse que l’ange n’est localisé nulle part (spiritualis substantia nullum locum corporalem requirit, nec debeat habere, propter continentiam, sicut neque propter salutem ) : cf. Opus tertium, c. 47, éd. John S. Brewer, Fr. Rogeri Bacon opera quaedam hactenus inedita, t. i (Rerum Britannicarum medii aevi scriptores 15), London 1859, pp. 175 et 183–184, ainsi que l’étude de Long, James R., Roger Bacon on the Nature and Place of Angels, dans : Vivarium 35/2 (1997), pp. 266–282.

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i.1 La localisation de l’ange par ses opérations La thèse de la localisation de l’ange par ses opérations a été soutenue par 12 13 14 Thomas d’Aquin, Gilles de Rome et Godefroid de Fontaines – pour ne 15 citer que les plus connus. Pour ces auteurs, étant donné que l’ange n’est pas contenu dans l’espace physique, son rapport au lieu ne peut dériver que de son agir : aussi, l’application de la virtus angélique à un lieu déterminé produit un contact (contactum virtutis) par lequel l’ange est situé locale16 ment. Cette modalité de localisation ne signifie ni présence dans un lieu, 12 Cf. Scriptum in libros Sententiarum, i, d. 37, q. 3, a. 1–3, éd. par Pierre Mandonnet et Marie-Fabien Moos, Paris 1929, t. i, pp. 869–877 ; Quodlibet i, q. 3, Editio Leonina, t. 25/2, Roma/Paris 1996, pp. 181–183 ; Summa theologiae i, q. 52, a. 1–3, Editio Leonina, t. 5, Roma 1889, pp. 20–29. 13 Cf. In Libros Sententiarum, i, d. 37, q. 1, éd. par Concetta Luna, Reportatio Monacensis, dans : Aegidii Romani Opera Omnia iii.2, Firenze 2003, p. 169. 14 Cf. Quodlibet xiii, q. iv, éd. Jean Hoffmans, Les Quodlibets 13 et 14 de Godefroid de Fontaines (Philosophes Belges. Textes et Etudes, t. v), Louvain 1935, p. 215. 15 À cette liste on peut ajouter, entre autres, Rambert de Primadizzi de Bologna, qui défend vigoureusement la position de Thomas d’Aquin dans son Apologeticum veritatis contra corruptorium, éd. Jean-Pierre Müller (Studi e testi 108), Roma 1943, pp. 193–196, ou Hervé de Nédellec, qui dans son commentaire des Sentences (1309) défend la thèse que l’ange est localisé selon la modalité de la présence de la cause dans son effet (thèse qui rappelle celle de Thomas d’Aquin, Summa theologiae, i, q. 52, a. 3) : cf. In i librum Sententiarum, d. 35, q. 1, a. 1, Parisiis 1647, p. 146. Sur la conception thomasienne du lieu physique, cf. Suarez-Nani, Tiziana, Conceptions médiévales de l’espace et du lieu : les éléments d’une trajectoire, dans : Généalogie de la pensée moderne. Volume d’hommage à Ingeborg Schlüssler, éd. par Michael Esfeld et Jean-Marc Tétaz, Frankfurt a. M. 2004, pp. 97–114. 16 Cf. Thomas d’Aquin, Summa theologiae i, q. 52, a. 1 (note 12) : Eodem modo convenit angelo moveri in loco sicut esse in loco : et utrumque est aequivoce respectu corporalium. Dicitur enim angelus esse in loco inquantum applicatur loco per operationem ; In i Sent., d. 37, q. 4, a.1 : Sicut ergo corpus est in loco per contactum dimensivae quantitatis, ita angelus est in loco per contactum virtutis ; Quodlibet i, q. 3, a. 1 : angelo convenit esse in loco : aequivoce tamen dicitur angelus esse in loco et corpus. Corpus enim est in loco per […] contactum dimensivae quantitatis. Quae quidem in angelis non est ; sed est in eis quantitas virtualis. Per applicationem igitur virtutis angelicae ad aliquem locum qualitercumque dicitur angelus esse in loco corporeo.

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ni appartenance de l’ange à l’espace. Bien au contraire, la relation habituelle entre le lieu contenant et l’objet contenu est ici renversée : Thomas d’Aquin, par exemple, explique que l’ange est le contenant et que le lieu auquel il se 17 rapporte est son contenu. Libre de toute relation d’appartenance et de 18 commensurabilité, l’ange domine ainsi son rapport à l’espace – un rapport 19 qui est totalement extérieur à son être.

i.2 La localisation de l’ange par son être La thèse alternative, qui pose la localisation de l’ange par son être (ou per se), a été adoptée par la plupart des penseurs qui ont attribués une valeur normative aux directives de la censure de 1277. Comme l’on sait, le syllabus d’Etienne Tempier avait accordé à la localisation des anges une attention particulière, puisqu’il s’y référait dans trois articles : il frappait notamment l’idée que l’ange n’est nulle part, mais aussi qu’il est localisé unique20 ment par son agir et que sa substance constitue la raison de sa localisation. Malgré leur manque de clarté – déjà relevé par Henri de Gand, membre de

17 Cf. Summa theologiae, i, q. 52, a. 3 : […] angelus dicatur esse in loco per hoc quod virtus eius immediate contingit locum per modum continentis perfecti. À ce propos, cf. Suarez-Nani, Tiziana, Les anges et la philosophie (note 8), pp. 87–90. 18 Summa theologiae, i, q. 52, a. 2 : [Angelus] voluntarie applicat suam virtutem ad corpus maius vel minus ; Quodlibet i, q. 3, a. 2 : cum angelus sit […] sua virtute supereminens in loco : unde non habet necesse quod sequatur in suo motu conditiones loci ; sed voluntati suae subest quod applicet se per contactum virtutis huic loco et illo, et si vult, absque medio. 19 Gilles de Rome a cerné la difficulté de cette conception qui faisait de l’ange une entité parfaitement libre par rapport à l’espace : aussi, tout en partageant la thèse de la localisation par l’agir, il précise que l’ange est néanmoins toujours déterminé localement : angelus semper operatur circa locum et sic semper est in loco. Reportatio in i Sententiarum, d. 37, q. 1, éd. par Concetta Luna, Aegidii Romani Opera Omnia iii, 2 (Corpus philosophorum medii Aevi. Testi e Studi xvii), Firenze 2003, p. 169. 20 Cf. Chartularium Universitatis Parisiensis, i, articles 204, 218 et 219, pp. 554–555 ; Hissette, Roland, Enquête sur les 219 articles condamnés à Paris le 7 mars 1277, Paris/Louvain 1977, articles n° 53 à 55, pp. 104–110 ; traduction française dans : Piché, David, La condamnation parisienne de 1277 (Sic et Non), Paris 1999, pp. 140, 144 et 146.

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la commission de censure, – ces articles ont exercé un impact considérable 22 et seront sans cesse rappelés tout au long du xive et jusqu’au xve siècle. Les partisans de la localisation de l’ange per se ont justifié cette thèse de manière différenciée. Pierre de Jean Olivi, attachant à la question une impor23 tance particulière, prouve que les anges sont localisés en vertu de trois rapports inhérents à leur être : le rapport de co-existence (ou co-présence) aux autres réalités du monde, le rapport (intentionnel) instauré par l’agir à l’égard de ses objets et le rapport au lieu présupposé par la capacité de mouvement ; ces différents rapports attestent tous d’une « présence à […] » qui, pour Olivi, signifie localisation. Dans cette argumentation, la doctrine aristotélicienne du lieu est dépassée par une conception qui fonde la localisation dans la nature relationnelle du créé.

21 Cf. Henri de Gand, Quodlibet ii, q. 9, éd. par Robert Wielockx, Henrici de Gandavo Opera Omnia vi (Ancient and medieval philosophy series 2), Leuven 1983, p. 67, 20–35. Gilles de Rome n’hésitait pas à considérer que plusieurs articles de la condamnation étaient la conséquence de la partialité et de l’obstination de quelques maîtres : cf. In ii Sententiarum, d. 32, q. 2, a. 3, Venetiis 1581, p. 471. En 1296–97, dans son Quodlibet xii, Godefroid de Fontaines va jusqu’à dire que les trois articles mentionnés sont contradictoires. 22 Et ce malgré leur révocation en 1325 : cf. Mahoney, Edward P., Reverberations of the Condemnation of 1277 in Later Mediaeval and Renaissance Philosophy, dans : Nach der Verurteilung von 1277. Philosophie und Theologie an der Universität von Paris im letzten Viertel des 13. Jahrhunderts, éd. par Jan Aertsen/Kent Emery/Andreas Speer (Miscellanea mediaevalia 28), Berlin/ New York 2001, pp. 902–930 ; Wels, Henrik, Late Mediaeval Debates on the Location of Angels after Condemnation of 1277, dans : Angels in Mediaeval Philosophical Inquiry, éd. par Isabel Iribarren et Martin Lenz, Ashgate 2008, pp. 113–127 ; Biard, Joël, Le rôle des condamnations de 1277 selon Pierre Duhem, dans : Revue des Questions Scientifiques 175 (2004), pp. 15–36. 23 Elle intervient notamment dans sa révision de la doctrine philosophique des substances séparées : cf. De perlegendis philosophorum libris, éd. par Ferdinand M. Délorme, dans : Antonianum 16 (1941), p. 43 et Suarez-Nani, Tiziana, Pierre de Jean Olivi et la subjectivité angélique, dans : Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge 70 (2004), pp. 234–316 ; Suarez-Nani, Tiziana, Angels, Space and Place : The Location of Separate Substances according to John Duns Scotus, dans : Angels in Mediaeval Philosophical Inquiry (note 22), pp. 89–112 (dans ces lignes nous reprenons quelques éléments de cette étude).

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Ce motif est confirmé par le recours à l’hypothèse de la suppression 24 des lieux physiques : même en l’absence de toute réalité corporelle, l’ange serait localisé, car sa localisation ne consiste pas dans l’appartenance à un lieu physique, mais en un mode d’être relationnel inscrit dans la nature des 25 réalités créées. Le rapport nécessaire de l’ange à l’espace s’avère ainsi être 26 une marque incontournable de sa finitude et de sa créaturalité. Mathieu d’Aquasparta partage la même thèse et conçoit la localisation des anges comme « la communication de leur présence ou la présentation de leur substance » (quandam suae praesentiae communicationem vel suae subs27 tantiae praesentationem et existentiae praesentialis definitionem). Cette modalité de localisation est fondée dans la mesure, le mode et les limites 28 de la substance angélique en tant que créée : pour cette raison, l’ange est 24 Cf. Pierre de Jean Olivi, Quaestiones in ii librum Sententiarum, q. xxxii, éd. par Bernard Jansen, Quaracchi 1922, t. ii, p. 590 : Tertia positio est quod eandem habitudinem localem quam habet angelus ad locum corporalem, quando est in ipso, retinet seu retineret, quantum est ex se, si omnia loca corporalia annihilarentur, ita quod inter angelos prius localiter distantes possit poni tantae distantiae quantitas quanta prius erat inter eos et non aliqua maior. 25 Ibid., p. 586 : Dicendum quod ubi seu esse hic vel illic addit aliquid ad rem quae est hic vel illic […] [hoc est] quendam modum essendi multum relativum qui locatio vel situatio vocatur. Une hypothèse analogue est formulée par Olivi dans sa discussion de la question de l’unicité/pluralité des mondes : cf. Rodolfi, Anna, Pluralità dei mondi, spazio e onnipotenza divina in Pietro di Giovanni Olivi, dans : Memorie domenicane 2010 (nous remercions Anna Rodolfi de nous avoir transmis son étude avant sa parution). 26 Cf. Pierre de Jean Olivi, Quaestiones in ii librum Sententiarum, q. xxxii (note 24), p. 587 : omnis res creata, cum sit limitata ad esse partiale seu particulare et ad esse relatum et connexum seu connexibile ad omnia quae sibi intra vel extra superaddi possent, quod impossibile est eam habere esse absolutissimum ab omni respectu locali, aut habere esse immensum, attingens absolutissime et immensissime omnem locum actualem et etiam possibilem ; et hinc est quod non potest poni nec extra omnem locum nec in omni loco deo possibili ; ex quo relinquitur quod semper oportet eam esse in aliquo loco suae limitatae magnitudini comproportionato. 27 Cf. Mathieu d’Aquasparata, Quaestiones disputatae de anima separata, q. ii, éd. par Victorin Doucet, Quaracchi 1959, pp. 20–39 (p. 30). 28 Cf. ibid., p. 31 : Ratio autem determinationis et definitionis est propria limitatio, mensura et modus cuiuslibet naturae creatae. Et quia substantia spiritualis natura creata est, habet mensuram et modum et certum limitem sicut potentiae et virtutis, ita et existentiae, et propterea sic est locus praesens quod ad locum aliquem determinatur et definitur.

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nécessairement défini par rapport au lieu selon une mesure déterminée, de manière à ne pas pouvoir être dans un lieu « qui s’étendrait jusqu’aux confins 29 du monde ». Dans la même lignée, Richard de Mediavilla défend la thèse de la localisation de l’ange par son essence. Plus précisément, sa présence dans le lieu résulte à la fois de sa volonté et de Dieu en tant que causes efficientes ; l’unité de l’univers en constitue la cause finale et la co-présence de l’ange au lieu en 30 est la cause formelle. La limite intrinsèque à toute nature créée figure également chez Henri de Gand comme raison ultime de la localisation des anges. Sa position fait état d’un embarras évident vis-à-vis des articles condamnés, comme en témoignent les formules qui ponctuent sa determinatio : mallem alios audire quam aliquid dicere, quin ita sit nec determino, nec defendo, re vera nescio, nullatenus dogmatizo, sustineo seu defendo quoquo modo, dico 31 quod penitus ignoro.

Soucieux de ne pas contredire la censure de 1277, Henri insiste sur l’indépendance de la localisation à l’égard de l’agir et refuse l’idée que la substance 32 angélique constitue le fondement de sa localisation. A partir de là : « il ne reste que la limitation de la nature angélique […], en ce sens que, en raison de sa limitation, il est nécessaire que l’ange soit quelque part dans l’univers corporel : non pas nulle part ni partout, mais quelque part, même s’il 33 n’est pas de manière déterminée seulement ici ou seulement là-bas ». Cette inscription dans l’espace est cependant affranchie des conditions de la localisation des corps : aussi, il n’y a ni lien de connaturalité, ni dépendance, ni une forme quelconque de commensurabilité de l’ange au lieu qu’il occupe. 29 Mathieu d’Aquasparata (note 27), p. 38 : Ad decimum quintum posset dici quod revera substantia spiritualis non est in loco ratione alicuius figurae. Tamen quod dicit posse describi quadrangulum usque ad fines mundi aequale spatio quadrato tanto quanta est una domus, dico […] quod quamvis [angelus] non sit in loco ratione figurae, quod non posset esse in toto illo quadrangulo quod ipse imaginatur, non est propter impedimentum figurae, sed magis propter distantiam terminorum. 30 Cf. Richard de Mediavilla, In i Sententiarum, d. xxxvii, art. ii, q. 1, Brixiae 1591, pp. 326–327. 31 Cf. Henri de Gand, Quodlibet ii, q. 9, (note 21), pp. 67, 70, 71. 32 Cf. ibid., p. 67. Pour la conception d’Henri, cf. Cross, Richard, The Condemnation of 1277 and Henry of Ghent on Angelic Location, dans : Angels in Mediaeval Philosophical Inquiry (note 22), pp. 73–88. 33 Cf. Henri de Gand (note 21), p. 68 (nous traduisons).

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Cette doctrine est tributaire d’une double distinction : celle du lieu (locus) et de la situation (situs), et celle de la « situation naturelle » (situs naturalis) et de la « situation mathématique » (situs mathematicus). En vertu de la première, Henri précise que seule la catégorie de situation (situs) est pertinente dans le cas des créatures spirituelles : l’ange est localisé uniquement 34 en ce sens qu’il est nécessairement situé quelque part. La distinction entre situs naturalis – qui implique une dépendance naturelle de la chose localisée à l’égard de son lieu – et situs mathematicus – qui n’implique aucune dépen35 dance ni rattachement à une situation plutôt qu’à une autre – permet de préciser ultérieurement que les anges sont affranchis de toute dépendance et de tout rapport naturel à l’espace et qu’ils sont situés localement selon le mode du situs mathematicus. Dans ces considérations, le dépassement de la doctrine aristotélicienne est manifeste : Henri conçoit ici le rapport (des anges) au lieu comme dépourvu de tout caractère naturel et met en avant l’idée d’un espace ou « situation mathématique » qui n’est plus qualifié par ce qu’il accueille.

34 Cf. Henri de Gand (note 21), p. 59 : loquendo proprie de esse in tali loco sub ratione tali, quia angelus simplex est, omni ratione quantitatis dimensivae carens, nullo modo angelus intelligitur esse in loco secundum suam substantiam […]. Nec de hoc modo essendi in loco est quaestio. Sed solum est quaestio extendendo ‹ locum › ad omnem rationem situs, ut dicatur esse in loco, quod situm sibi aliquod determinat per suam praesentiam alicubi. 35 Cf. ibid., p. 60 : Appellatur autem ‹ situs naturalis › rei, ad quem se habet per naturalem dependentiam, ut naturale sit ei esse in illo, et violentum et extra naturam esse alibi et extra illum […] Appellatur autem ‹ situs mathematicus › applicatio rei ad ‹ ubi › aliquod determinatum, sive supra sive infra, sive in oriente sive in occidente, sine aliqua naturali dependentia et determinatione plus ad unum quam ad alterum, ita tamen quod necesse est rei ex sua natura esse in aliquo illorum. La distinction entre « lieu naturel » et « lieu mathématique » avait déjà été formulée dans la question 5 du même Quodlibet (note 21), pp. 29–30, où elle servait à préciser la modalité de présence du corps du Christ dans le sacrement eucharistique : Et hoc modo, sicut substantia panis per sua accidentia habuit esse in loco non naturali sed mathematico in altari, et substantia corporis Christi non habet ibi esse nisi quatenus transsubstantiata est substantia panis sub illis speciebus ibi existens in corpus Christi.

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i.3 Continuités et ruptures: Jean Duns Scot, Pierre Auriol, François de la Marche La révision de la doctrine aristotélicienne se poursuit avec Jean Duns Scot, dont la conception se situe à la fois en continuité avec l’esprit du syllabus 36 de 1277 et en rupture avec les positions de ses héritiers. Jugeant insuffisants les arguments de ses prédécesseurs, il entreprend un vaste examen des conditions de localisation des corps avant d’en tirer les conséquences 37 au niveau de la localisation des substances séparées. La théorie aristotélicienne du lieu reste un point de référence incontournable, mais Scot s’en écarte de manière significative : il dissocie en effet la localisation des corps de leurs qualités naturelles et la fonde dans leurs dimensions au sens mathématique (c’est-à-dire abstraites de leur configuration physique). De la sorte, le lieu renvoie d’abord à une quantité et à une figure avant de signifier une propriété physique : il s’apprête ainsi à devenir une entité homogène, « une forme sans contenu », « une propriété mathématique absolue de tout être 38 corporel ou incorporel ».

36 Pour la référence de Duns Scot au syllabus de 1277, cf. Ioannis Duns Scoti, Ordinatio ii, d. 2, p. 2, q. 1–2, Editio Vaticana : Opera Omnia vol. vii, Roma 1963, p. 244 : Contra hoc est quod istud est damnatum sicut quidam articulus, damnatus ab episcopo Parisiensi et excommunicatus et l’étude de Boulnois, Olivier, Du lieu cosmique à l’espace continu ? La représentation de l’espace selon Duns Scot et les condamnations de 1277, dans : Miscellanea mediaevalia 25 (1998), pp. 314–331. Sur les aspects de rupture de la conception scotiste par rapport à celle de ses confrères cf. Suarez-Nani (note 23). 37 L’examen scotiste occupe quatre questions : Ordinatio ii, d. 2, p. 2 qq. 1–4, (note 36), pp. 241–278, suivies de deux questions sur le mouvement des anges. 38 Cf. Boulnois (note 36), pp. 325, 327 et 330. Cette transformation a été rendue possible notamment par la prise en compte de l’hypothèse aristotélicienne du vide : Licet enim nullum quantum exsistat nisi ipsum sit quale, – et secundum hoc, prius naturaliter est mathematicum quam quale, hoc est, tale quale primo consideratur a mathematico, per se et primo. Hoc intendit Philosophus IV Physicorum ‹ De vacuo ›, quia vult quod ‹ si corpus cubicum ponatur in aerem vel in aquam, – licet nullam habeat passionem naturalem, tantum tamen facit distare quantum est ipsum corpus impositum ›, ita quod quantum est ipsum corpus, tantum facit distare ; et hoc non convenit sibi in quantum scilicet est tantum naturale, sed inquantum in se est ‹ quantum › praecise, et ita mathematicum, Ordinatio ii, d. 2, p. 2, q. 1–2 (note 36), p. 254 ; Aristote, Physique iv, 8, 216a–216b 8.

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Cette transformation trouve un appui important dans le principe métho39 dologique de la toute-puissance divine : évoquant l’hypothèse que « Dieu pourrait créer une pierre en l’absence de tout autre corps contenant ou la créer hors de l’univers », Duns Scot affirme que cette pierre continuerait d’exister sans être située dans un lieu. Il en déduit que la localisation n’est pas à considérer comme une nécessité absolue, car en vertu de la toute-puissance divine même une réalité quantitative pourrait exister dans le monde ou hors de lui sans être localisée, c’est-à-dire sans rapport au lieu cosmique. Dans cette révision de la conception aristotélicienne la localisation est donc soustraite au réseau des rapports physiques entre les corps et ramenée à une pure possibilité : il n’y a en effet rien d’absolu et d’extérieur aux corps qui exigerait qu’ils soient nécessairement localisés, car ils ne possèdent qu’une 40 puissance passive par laquelle ils peuvent être dans un lieu. L’hypothèse de la suppression des corps intervient également dans la discussion qui porte sur la localisation des substances séparées : l’ange pourrait être créé par Dieu indépendamment des réalités corporelles ou être créé hors du monde, ce qui l’exempterait du rapport au lieu physique. Ce refus d’une inscription nécessaire dans les coordonnées de l’espace cosmique n’implique cependant pas la suppression pure et simple de tout rapport au lieu : ce rapport subsiste en effet en vertu d’une « puissance passive par laquelle 41 l’ange peut être dans un lieu ». S’écartant de la tradition franciscaine qui

39 L’axiome de la toute-puissance divine, qui inspire plusieurs articles du syllabus de 1277, est adopté comme principe méthodologique tout au long du xive siècle « pour éprouver ce qui est pensable sans être pour autant réalisé dans le cours de la nature » : cf. Biard, Joël, Conception sémiologique de la science et statut ontologique de la quantité dans le nominalisme parisien du xive siècle, dans : Filosofia, scienza e astrologia nel Trecento europeo, éd. par Graziella Federici-Vescovini et Francesco Baroncelli, Padova 1992, pp. 135–154. 40 Cf. Ordinatio ii, d. 2, p. 2, q. 1–2 (note 36), p. 259 : Per nihil igitur absolutum in alio, requirit necessario esse in loco, sed tantum habet necessario potentiam passivam qua posset esse in loco ; mais aussi Quodlibet, q. 11, a. 2, éd. Vivès, Parisiis 1895, pp. 444–446 et l’étude de Cross, Richard, The Physics of Duns Scotus. The scientific context of theological vision, Oxford 1998, pp. 196–202. 41 Cf. Ordinatio ii, d. 2, p. 2, q. 1–2 (note 36), p. 261 : Ad propositum igitur ista applicando de angelo, dico quod angelus non necessario est in loco, quia multo magis posset fieri sine creatione creaturae corporalis, vel facta creatura corporali posset fieri et esse extra omnem creaturam corporalem. Et tamen in angelo est potentia passiva, qua potest esse in loco.

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le précède, Duns Scot pose ainsi la localisation de l’ange comme une simple 42 possibilité, justifiée par sa compatibilité avec la réalité angélique. Il ne s’ensuit pas pour autant que l’ange n’est pas localisé : le Docteur Subtil précise en effet qu’il est localisé de facto, même s’il ne l’est pas de iure car, dès sa création, chaque ange a été situé dans un lieu (« de manière 43 44 indéterminée » ) de sorte à ne pouvoir être ni partout ni nulle part. Cette inscription dans les coordonnées spatiales est soustraite aux limites d’une configuration et d’un lieu déterminés : étant donné que la puissance passive 45 qui fonde sa localisation n’est ni naturelle ni violente, mais « neutre », l’ange est indifférent à l’égard de toute configuration spatiale et peut occuper 46 n’importe quel lieu. Ces considérations montrent à quel point la réflexion 42 Cf. Ordinatio ii, d. 2, p. 2, q. 1–2 (note 36), p. 261 : Tantum est in ipso [angelo] potentialitas passiva, qua potest esse in loco quia non repugnat sibi. La nouveauté de cette position consiste entre autres à déplacer le problème au niveau des conditions de possibilité : l’approche de la localisation n’est pas ici relative à une donnée de fait qu’il faudrait justifier par l’identification de son fondement, mais concerne une pure possibilité. Cette manière d’aborder le problème est confirmée dans la question 3 (Utrum angelus posset simul esse in duobus locis), où Scot oppose explicitement l’approche de facto à la considération de la possibilitas naturalis. Pour de plus amples considérations, cf. Suarez-Nani (note 23). 43 Cf. Ordinatio ii, d. 2, p. 2, q. 1–2 (note 36), p. 264 : De isto articulo videtur concedendum quod habet locum determinatum, indeterminate tamen. Hoc modo et aliquis est quo maiorem non posset habere, et aliquis quo non posset habere minorem (loquendo de loco continuo). Sur cet aspect d’indétermination cf. Suarez-Nani (note 23), pp. 104sv. 44 Cf. Ordinatio ii, d. 2, p. 2, q. 1–2 (note 36), p. 265 : Dico quod est in hoc loco vel in illo, quia non est ubique. 45 Cf. ibid., 1. 1–2, p 267 : ista potentia passiva (quae est in angelo ad essendum in loco) non est naturalis nec violenta, sed neutra. 46 L’adéquation de la quantité virtuelle de l’ange au lieu qu’il occupe reste objet de doute : cf. ibid., pp. 264–265 : Utrum autem determinatum locum requirat et determinate, ita quod habens tantam virtutem (si est praesens loco) de necessitate est praesens tanto loco, nec in potestate sua est ut sit praesens maiori vel minori loco (sicut est in corporibus, quia quodlibet necessario est in loco sibi aequali ; […] hoc dubium est, quia non videtur posse probari faciliter, necessario, una pars nec alia. Quod enim inconveniens est si quantitas sua virtutis (per quam potest esse praesens alicui loco) sit naturalis ratio essendi in tanto loco suo modo, sicut quantitas corporis naturalis est ratio essendi in loco suo modo […], vel si ponatur quod quantitas eorum habet aliquem locum adaequatum quo maiorem non posset habere, licet tamen ipsa subsit voluntati angeli ut possit non semper habere illum locum, sed maiorem vel minorem, non sequitur inconveniens.

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scotiste sur la localisation des créatures spirituelles fait avancer la révision de la doctrine aristotélicienne amorcée par ses prédécesseurs : alors que la conception aristotélicienne accordait une importance primordiale aux notions de limite et de contenance et à la proximité naturelle du lieu et de l’objet localisé, Duns Scot conçoit désormais le lieu comme dimension mathématique (homogène et neutre) et la localisation comme pure possibilité de se rapporter à l’espace. Nous trouvons un autre témoignage de dépassement de la doctrine aristotélicienne dans l’angélologie de Pierre Auriol, qui conçoit le lieu comme 47 48 position et distingue le « lieu physique » du « lieu métaphysique ». En ce qui concerne les anges, Auriol adhère à la thèse de leur localisation par mode de dé-finition (definitive), mais la comprend de manière négative comme 49 « manque de distance par rapport au lieu » (indistantia ab alio). Aussi, refusant les explications de ses prédécesseurs quant au fondement de cette localisation, il penche pour l’idée que le rapport des anges au lieu résulte de

47 Cf. Pierre Auriol, In ii Sententiarum, d. 2, p. 3, q. 1, éd. par Chris Schabel, dans : Vivarium xxxviii (2000), pp. 143–154 : l’édition de ce texte est accompagnée d’une étude du même auteur sur Place, Space, and the Physics of Grace, ibid., pp. 117–142, p. 143 : Pono hic duas propositiones. Prima est quod locus per se et primo non est aliud quam positio, puta hic vel ibi. Secunda est quod per accidens locus est superficies corporis continentis. Pour la conception d’Auriol nous renvoyons à la contribution de Chris Schabel dans ce volume. 48 Cf. ibid., pp. 151–152 : Propter istas difficultates sciendum est quod ratio loci aliter accipitur secundum considerationem metaphysicam, aliter secundum considerationem physicam. […] Tunc ad propositum, dico quod de per se quidditate loci non est aliud quam ratio ipsius ubi et ideo locus quidditative est in praedicamento ubi. Quapropter locus, secundum considerationem metaphysicam, non est aliud quam ipsum ubi sive positio. […] Sed secundum physicam considerationem, locus ultra ipsum ubi et situm dicit aliquid materiale, puta ultimum continentis. Cette distinction recoupe partiellement celle, déjà rencontrée, entre « lieu naturel » et « lieu mathématique ». 49 Cf. Pierre Auriol, In ii Sententiarum, d. 2, q. 3, a.2, Parisiis 1605, p. 52b : Ista quaestio de loco angeli est valde difficilis, et sicut Magister dicit in primo de praesentialitate Dei, vel specie ad locum, quod sic est difficillimum investigare positive […]: quia est quaedam indistantiam ab alio […]. Sed quantum nunc spectat ad propositum pono aliquam propositionem negativam excludentem modum multorum, quem assignant circa locabilitatem angelorum. La source de cette conception ‹ négative › de la localisation des anges pourrait être Roger Bacon (note 11).

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l’exercice d’une causalité formelle analogue, mais non identique, à celle que 50 l’âme exerce par rapport au corps. Commentant les Sentences à l’université de Paris en 1319/1320, François d’Ascoli (ou : de la Marche) reconsidère de manière critique les positions de ses prédécesseurs : contre Duns Scot, il fait valoir qu’une « puissance 51 passive » ne saurait rendre compte du rapport des anges au lieu physique et, contre Auriol, il relève l’inconsistance d’une explication purement néga52 tive du rapport des anges au lieu. François considère, pour sa part, que la localisation des anges résulte de la limite et de la finitude de leur essence.

50 Cf. Pierre Auriol, In ii Sententiarum, d. 2, q. 3, a.2 (note 49), p. 53b : Nunc secundo restat dicere, applicatio angeli ad locum, quid sit positive […]. Videtur mihi, quod inter corpus et spiritum nulla sit talis habitudo, vel applicatio sive connexio, immo spiritus abstrahit ab omni tali habitudine ad corpus. Oportet ergo quod illa applicatio vel determinatio reducatur ad aliquod genus causae, vel formalis, eo modo quo anima applicatur corpori, non in habitudine quae sit praesentialitas […] ; vel si non appareat, quod habitudo causalitatis formalis possit esse inter angelum et corpus, saltem oportet dare habitudinem efficientis vel moventis […], sed tunc angelus esset in loco per operationem […]. 51 Cf. Francisci de Marchia Quaestiones in ii Sententiarum, q. 16, § 30, éd. par Tiziana Suarez-Nani et alii, Francisci de Marchia Opera philosophica et theologica ii, 2 (Ancient and Medieval Philosophy series 3), Leuven 2010 : Sed licet ista opinio sit multum probabilis et etiam rationabilior omnibus praedictis, tamen arguo contra eam sic : huiusmodi potentia receptiva [passiva], quam ponis tertiam, est ita immaterialis sicut est substantia angeli ; sed non est alia ratio quare essentia angeli non est immediate in loco, nisi quia est immaterialis ; ergo nec ista potentia mediante magis quam sine ipsa poterit esse in loco. Pour un examen de la conception de François cf. Suarez-Nani, Tiziana, Francesco d’Appignano e la localizzazione degli angeli, dans : Atti del iii° Convegno internazionale su Francesco d’Appignano, éd. par Domenico Priori, Appignano del Tronto 2006, pp. 155–182. 52 Cf. Francisci de Marchia Quaestiones in ii Sententiarum (note 51), q. 16, § 12 : Contra istum modum arguo sic : nulla negatio vel privatio removetur nisi propter affirmationem oppositam vel includendum oppositam […]. Sed huiusmodi indivisio angeli existenti in loco ab ipso loco non est nisi quaedam negatio […]. Sed quando angelus movetur a loco aliquo, in quo fuit prius, ad alium locum, in termino motus non habet indivisionem cum loco priori quem habuit prius, sicut quando est in terra non habet indivisionem a caelo, nec quando est in caelo habet indivisionem a terra. Ergo huiusmodi indivisio a loco priori non removetur ab ipso nisi propter aliquam affirmationem ei oppositam. Sed huiusmodi affirmatio non est nisi quia nunc est in loco in quo prius non erat. Ergo est in isto, et per consequens eadem ratione in primo non negative, sed positive.

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Se rapprochant ainsi des positions d’Olivi et d’Henri de Gand, le franciscain italien pousse néanmoins plus loin qu’eux l’idée de limitation et de finitude, car il la fait intervenir comme fondement ultime de la localisation de toute réalité créée. Par un procédé inverse à celui de ses prédécesseurs, il transfère en effet sa thèse angélologique – à savoir la finitude ontologique comme fondement de la localisation – au domaine de la physique pour en conclure que même la localisation des corps ne résulte pas uniquement de leurs dimensions quantitatives. Ce résultat est rendu possible par une hypothèse fondée sur l’axiome de la toute-puissance divine : si par l’intervention divine une substance matérielle circonscrite dans un lieu physique venait à être privée de ses dimensions quantitatives, elle resterait localisée dans le même lieu, de manière toutefois à y être définie sans y être circonscrite. François en conclut que la localisation par mode de dé-finition (definitive) caractérise l’ensemble du créé et qu’elle est donc antérieure et fondatrice par rapport à toute autre forme de localisation. Même au niveau des réalités corporelles, la présence dans un lieu par mode de circonscription n’est qu’une modalité de localisation parmi d’autres : celle qui affecte les corps en fonction de leurs dimen54 sions quantitatives. Dès lors, la localisation par mode de dé-finition n’est plus une exclusivité des créatures spirituelles, car les corps sont aussi localisés definitive 55 par leur essence, tout en étant situés circumscriptive par leurs dimensions. 53 Cf. Pierre de Jean Olivi, Quaestiones in ii librum Sententiarum, q. 32 (note 24), p. 587 ; Henri de Gand, Quodlibet ii, q. 9 (note 21), p. 68 et supra notes 26 et 33. 54 Cf. Francisci de Marchia Quaestiones in ii Sententiarum (note 51), q. 16, § 33 : Unde substantia materialis existens in loco circumscriptive, separata quantitate, sine aliquo motu locali primo, ab ipsa – et hoc per divinam potentiam – remaneret in eodem loco in quo prius, et hoc definitive, non circumscriptive ut prius. Ex quo sequitur quod quantitas non est simpliciter ratio essendi substantiae materiali in loco, licet sit ratio essendi in loco praecise secundum aliquem modum, videlicet circumscriptive. L’idée que les corps sont localisés de différentes manières n’était pas nouvelle : avant François on la trouve chez Jean de Paris (Jean Quidort), qui attribuait aux corps trois modalités de localisation (circumscriptive, definitive, praesentialiter) ; son argumentation est cependant sensiblement différente de celle de François et ne fait pas appel à la toute-puissance divine (cf. Jean de Paris, In i Sententiarum, d. 37, q. 4, éd. par Jean-Pierre Müller, Roma 1961, pp. 390–391). 55 Cf. Francisci de Marchia Quaestiones in ii Sententiarum (note 51), q. 16, § 34 : Exemplum : in hoc corpore, quod est in loco, est substantia, quantitas, qualitas, relatio. Omnes istae tres, praeter quantitatem, habent ex rationibus suis,

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On assiste ici à un changement notable de paradigme dans la conception de la détermination locale : celle-ci est la marque de toute réalité finie avant de caractériser les entités corporelles. Pour cette raison, François précise que, tout comme « l’être au sens absolu » précède « l’être étendu », ainsi 56 la dé-finition selon le lieu précède la présence dans le lieu. À l’aune de ce nouveau paradigme, la détermination spatiale se présente désormais comme une condition métaphysique universelle et comme un mode transcendantal de l’être créé.

ii. Les anges, l’espace et le point Le chantier ouvert par les discussions médiévales sur la localisation des anges ouvrait sur trois questions d’apparence byzantine, mais dont la portée philosophique est loin d’être négligeable. ii.1 Plusieurs anges dans un même lieu Y a-t-il plusieurs anges dans un même lieu ? Les réponses à cette question résultaient des différentes options quant au fondement de la localisation. Concevant le rapport des anges au lieu en fonction de leur agir, Thomas d’Aquin niait la présence de plusieurs anges dans un même lieu, argumentant que plusieurs causes ne peuvent pas produire un même effet – l’effet 57 produit étant ici précisément le rapport au lieu. Gilles de Rome défendait la même position, mais pour une raison différente : selon lui, tout ce qui partage une même modalité de localisation ne peut pas occuper le même lieu, alors que cela est possible pour des entités rationibus cuiuslibet limitationis, modum essendi in loco definitive. Quantitas autem, et per ipsam omnia, habent modum essendi in loco circumscriptive ; et ideo, quia omnia quae sunt in essentia angeli sunt finita et limitata, puta essentia, potentia et operatio, hinc est quod quodlibet istorum, etiam ut distinguitur ab alio, habet esse vel potest esse in loco per suam propriam entitatem. 56 Cf. Francisci de Marchia Quaestiones in ii Sententiarum (note 51), q. 16, § 40 : Sed esse in loco definitive est prius quam esse in loco dimensive, sicut ens absolutum est prius quam ens extensum. 57 Cf. Summa theologica, i, q. 52, a. 3 (note 12), p. 28 : duo angeli non sunt simul in eodem loco. Et ratio huius est, quia impossibile est quod duae causae completae sint immediate unius eiusdem rei.

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localisées de manière différente. Aussi, Dieu, un ange et une âme pourront 58 occuper le même lieu, alors que deux anges ne le peuvent pas. Plusieurs auteurs franciscains défendaient la même position : selon Bonaventure, la présence de plusieurs anges dans un même lieu serait contraire 59 60 à l’ordre de l’univers. Pierre de Jean Olivi le suit sur ce point, de même que Richard de Mediavilla, qui transpose au niveau des anges l’axiome de 61 l’impénétrabilité des corps. Jean Duns Scot, en revanche, s’écarte considérablement de la position de ses confrères : il nie, comme eux, que plusieurs anges se situent de facto dans un même lieu, mais il en reconnaît la possibilité de iure, et ce aussi bien du 62 point de vue de la toute-puissance divine que du point de vue de l’ordre naturel. Cette dernière possibilité est argumentée en vertu de l’analogie entre le rapport au lieu et le rapport au temps : à partir du moment où deux réalités temporelles peuvent exister dans un même temps, il n’y a pas d’inconvénient à ce que deux anges puissent se situer dans le même lieu – un ‹ lieu › qui n’est

58 Cf. In i Sententiarum, d. 37, p. 2, princ. ii, q. 3, Venetiis 1521, f. 196rb ; In i Sententiarum, d. 37, q. 3 : Reportatio monacensis, éd. par Concetta Luna (note 19), p. 174 : Sed quae secundum diversam rationem essendi insunt, possunt esse in eodem loco, ut sapor et color in eadem parte pomi. Et quia Deus et angelus et anima habent diversam rationem essendi in loco, ideo possunt esse in eodem loco. Nec duo animae nec duo dii, si essent. […] Et quia duo angeli habent eundem modum essendi, ideo non possunt esse in eodem loco. 59 Cf. Bonaventure de Bagnoregio, In Quatuor Sententiarum libros, ii, d. ii, p. ii, art. ii, q. iv (S. Bonaventurae Opera Omnia, t. ii), éd. par Collegii a S. Bonaventurae, Quaracchi 1885, pp. 82–85. 60 Cf. Pierre de Jean Olivi, Quaestiones in ii librum Sententiarum, q. 32 (note 24), p. 585. 61 Cf. Richard de Mediavilla, In i Sententiarum, d. xxxvii, art. ii, q. iv (note 30), p. 329b : Respondeo quod plures angeli non possunt esse simul in eodem loco virtute creata, quia quaecumque simul sunt in eodem loco oportet quod unum penetret aliud. 62 Cf. Jean Duns Scot, Ordinatio ii, d. 2, p. 2, q. 4 (note 36), p. 276 : Quidquid sit de facto et de possibili potentia naturali eorum, de possibili tamen respectu potentiae divinae non videtur impossibile quin per ipsam possint simul esse. Dans sa dicussion de la problématique eucharistique, Duns Scot formule également l’hypothèse de la présence de plusieurs corps dans un même lieu, la justifiant à partir de l’idée que le lieu est un accident qui signifie une relation extrinsèque : cf. Quodlibet xi, art. 4, (note 41), p. 453 (trad. anglaise de Felix Alluntis et Allan B. Wolter, God and Creatures. The Quodlibetal Questions, Princeton 1975, p. 268). Cf. Suarez-Nani (note 23).

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plus la limite du corps contenant, mais qui apparaît désormais comme un 63 horizon ou espace commun et unique. Dans un même ordre d’idées, François d’Ascoli fait recours à la notion 64 d’« étendue non-quantitative » pour justifier la possibilité de la présence 65 de plusieurs anges dans un même lieu. Guillaume d’Ockham est non seulement du même avis, mais semble considérer que cela va de soi, puisque par la toute-puissance divine même 66 deux corps pourraient occuper le même lieu. Quant à François de Meyronnes, il considère que la présence de plusieurs anges dans le même lieu est tout à fait plausible, mais il reconnaît la difficulté 67 de concilier cette thèse avec le principe de l’ordre de l’univers. 63 Cf. Jean Duns Scot, Lectura in libros Sententiarum, ii, d. 2, p. 2, q. 4, Editio Vaticana : Opera Omnia vol. xviii, Roma 1982, p. 177 : Similiter, duo temporalia sunt in tempore simul ; quare non sic in proposito ? ; dans le même sens, cf. Ordinatio ii, d. 2, p. 2, q. 4 (note 36), pp. 277–278. Pour la conception scotiste du temps, cf. Boulnois, Olivier, Du temps cosmique à la durée ontologique ? Duns Scot, le temps, l’aevum et l’éternité, dans : The Mediaeval concept of Time, éd. par Pasquale Porro, Leiden/Boston/Köln 2001, pp. 161–188. 64 Comme Duns Scot, François donne des précisions importantes sur ce thème dans sa discussion de l’eucharistie : cf. Quaestiones in iv Sententiarum, d. 13, dont nous donnons un extrait tiré de Maier, Anneliese, Metaphysische Hintergründe der spätscholastischen Naturphilosophie (Storia e letteratura 52), Roma 1955, pp. 208–209 : Sola enim quantitas est illa, quarum partes isto modo sunt situ distantes, videlicet positive. Cuilibet enim partium quantitatis repugnat esse in eodem situ cum alia. Concedo ergo quod omne habens partes extra se, quarum cuilibet repugnat esse in loco alterius, est quantum. Sed tunc, in isto sensu minor est falsa, quia partes substantiae a quantitate separatae non sic essent extra se situ distantes, cum nulli repugnaret esse in eodem loco cum alia quantum est ex se, ut dictum est. 65 Cf. Francisci de Marchia Quaestiones in ii Sententiarum, q. 16, § 57 : Et ideo dico quod plures possunt esse in eodem loco, nec ex hoc sequitur confusio aliqua, nec quod plures sint causae totales eiusdem effectus. Sola quantitas enim est ratio et causa quare plura corpora non possunt simul esse in eodem loco. Cf. Suarez-Nani, Tiziana, Francesco d’Appignano e la localizzazione degli angeli (note 51). 66 Cf. Quodlibet i, q. 4, éd. par Joseph C. Wey (Guilelmi de Ockham Opera theologica et philosophica, t. ix), St. Bonaventure, N. Y. 1980, p. 28. Pour le rapport entre François d’Ascoli et Ockham, cf. Russell Friedman et Chris Schabel, Introduction, dans : Vivarium xliv (2006), pp. 1–14. 67 Cf. Francisci de Mayronis in Libros Sententiarum, l. ii, d. xii, q. vii, Venetiis 1520 (repr. Frankfurt 1966), f. 142v.

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ii.2 Un seul ange dans plusieurs lieux À la question qui consiste à savoir si un ange peut occuper simultanément 68 69 70 plusieurs lieux, Bonaventure, Thomas d’Aquin et Richard de Mediavilla – pour n’en citer que quelques uns – répondent de manière négative, en argumentant principalement par l’idée des limites inhérentes à toute substance et à toute puissance créée. La réponse de Godefroid de Fontaines est plus nuancée. D’après lui, si la localisation de l’ange est fondée dans son être, il faut exclure qu’il puisse occuper plusieurs lieux. En revanche, si sa localisation est accidentelle – c’est-à-dire produite par ses opérations –, on pourra admettre qu’il puisse agir simultanément sur plusieurs lieux et, par conséquent, être présent simul71 tanément en des lieux différents. Pour Duns Scot, l’hypothèse que l’ange puisse occuper plusieurs lieux 72 n’implique aucune contradiction eu égard à la toute-puissance divine ; elle est également plausible selon l’ordre naturel, à condition toutefois que la « quantité virtuelle » (quantitas virtutis) de l’ange ne soit pas totalement contenue dans un seul lieu, mais distribuée, en quelque sorte, entre les divers 73 lieux qu’il occupe. 68 69 70 71

Cf. In Quatuor Sententiarum Libros, ii, p. ii, a. ii, q. ii (note 59), pp. 78–80. Cf. Summa theologiae, i, q. 52, a. 2 (note 12). Cf. In i Sententiarum, d. xxxvii, art. ii, q. iii (note 30), p. 329a. Cf. Quodlibet xiii, q. iv (note 14), pp. 215–220 : praesens quaestio quaerit […] utrum [angelus] possit esse simul in pluribus locis ; quia etiam quidam articuli videntur dicere quod angelus per se habet esse in loco, quia in illo habet esse non solum per suam operationem sed etiam per suam substantiam, de hoc ad praesens nihil diffiniendo, ad quaestionem propositam videtur dicendum quod secundum quod aliquid sive angelus sive quodcumque corpus habet esse in loco per se, non potest fieri quod simul habeat esse illo modo, scilicet per se in pluribus locis ; […]. Si autem ei conveniat esse in loco per accidens, scilicet per suam operationem, si potest simul operari in pluribus locis ut sunt plura et plures operationes ut plures causare, potest esse in pluribus locis simul. 72 Cf. Ordinatio ii, d. 2, p. 2, q. 3 (note 36), p. 271 : Sed quod in duobus locis (sive adaequatis sive non) posset esse per potentiam divinam, certum puto, quia nullam contradictionem includit, ut dicetur in IV, in materia de eucharistia. 73 Cf. ibid., p. 270 : De possibilitate tamen eorum naturali, videtur probabile quod non possit simul unus esse in duobus locis quorum uterque sit sibi adaequatus secundum ultimum potentiae suae : puta, si secundum ultimum potenatie suae potest esse in loco unius milliaris, non potest virtute sua propria esse in duobus locis talibus, quia tunc iste locus non videtur sibi esse adaequatus secundum

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Guillaume d’Ockham souscrit à l’opinion de Duns Scot, tout en précisant que les lieux occupés par l’ange doivent être continus, car la modalité de cette localisation est analogue à celle de l’âme présente dans plusieurs 74 parties du corps qu’elle informe. Quant à François de Meyronnes, il admet également cette possibilité en vertu de la toute-puissance divine et – comme Duns Scot – il ne voit pas de contradiction par rapport à l’ordre naturel pour autant que les lieux occupés soient commensurables (en termes de « quantité virtuelle ») à la puissance 75 de l’ange. ii.3 L’ange et le point La troisième et dernière question portait sur la divisibilité du lieu occupé par l’ange : s’agit-il d’un lieu divisible ou d’un point indivisible de l’espace ? Les réponses à cette question font état d’un large 76 77 78 consensus : Bonaventure, Thomas d’Aquin, Gilles de Rome, Henri de

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virtutem suam naturalem ; Lectura in ii Sententiarum, ii, d. 2, p. 2, q. 3–4 (note 63), p. 172 : non tamen video quare non (ex quo non est in omni loco – in quo est – secundum ultimum potentiae suae) potest derelinquere medium et manere in extremis, et sic esse in duobus locis simul. Cf. Quodlibet i, q. 4 (note 66), p. 28. Duns Scot avait déjà distingué entre lieux continus et discontinus, laissant ce second cas dans le doute. Cf. Francisci de Mayronis in libros Sententiarum, l. ii, d. 12, q. viii (note 67), f. 143r. Cf. In Quatuor Libros Sententiarum, ii, d. ii, p. ii, q. iii (note 59), p. 81 : Angelus, cum contineatur a loco corporali, est in loco partibili tamquam in loco primo ; et quoniam non potest extendi in eo, ideo necesse est, quod sit in toto, ita quod totus in toto et totus in qualibet parte. Et in hoc est similis quodammodo simplicitas angeli simplicitati divinae, sed deficit, quia angelus in uno loco sic est, Deus autem ubique. Cf. Summa theologiae, i, q. 52, a. 2 (note 12), p. 25 : Circa hoc tamen aliqui decepti sunt.[…] crediderunt quod angelus non posset esse nisi in loco punctali. Sed manifeste decepti sunt. Nam punctum est indivisibile habens situm, sed angelus est indivisibile extra genus quantitatis et situs existens. Unde non est necesse quod determinetur ei unus locus indivisibilis secundum situm. Cf. In i Sententiarum., d. 37, pars ii, princ. i, q. ii (note 58), f. 195rb–va : angelus non potest esse in loco punctali. […] nam, ut habitum est, angelus est in loco per operationem et punctus non est operationis susceptivus, quia virtualis contactus secundum quod est actus et passio ad punctum esse non potest. Dato tamen quod ad punctum posset esse applicatio virtutis angelicae, propter talem applicationem non sequeretur quod angelus in puncto esset vel in loco

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Gand, Richard de Mediavilla et Guillaume d’Ockham récusent l’idée que l’ange puisse se situer dans un point. Ils invoquent principalement deux motifs. D’une part, ils soulignent l’hétérogénéité de l’ange par rapport au point : malgré son indivisibilité, le point possède une dimension quantitative par laquelle il est inscrit dans l’espace continu, alors que l’indivisibilité de l’ange résulte d’une simplicité essentielle, étrangère à tout ordre dimensionnel ou de grandeur. D’autre part, et inversement, on argue que dans la mesure où il est indivisible, le point n’est pas un lieu et ne peut rien contenir. La réflexion de Duns Scot sur cette question s’écarte une fois encore des sentiers battus : sans arrêter une conclusion tranchante, il souligne qu’il n’y a pas d’inconvénient à ce que l’ange puisse se situer en un point et qu’il n’y 82 a aucune raison contraignante en un sens ou dans l’autre.

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indivisibili existeret. […] Nullum igitur indivisibile potest esse angeli locus cum in eo esse non possit […]. Conveniunt autem in hoc omnia indivisibilia, quod nihil in eis esse potest. La même doctrine est formulée dans la ‹ Reportatio monacensis › du même commentaire (note 19), pp. 171–172. Cf. Henri de Gand, Quodlibet ii, q. 9 (note 21), pp. 62–63 : Nunc autem sic est quod angelus in sua substantia et essentia simplicitatem habet, non ad modum puncti, sed potius ad modum unitatis, quia natura sua omnino abstracta est a natura magnitudinis, ita quod in sua natura nec est magnitudo, nec principium alicuius magnitudinis natus est esse. Quod ergo angelus secundum suam substantiam sit in situ vel in loco, ut ipsa substantia angeli sit ratio ipsum essendi in situ aut loco hoc vel illo determinate, vel etiam sive in hoc sive in illo determinate, ut tamen necesse sit ipsum ad modum puncti esse in aliquo, omnino adhuc est impossibile, ut dicit praedictus articulus. Cf. Richard de Mediavilla, In i Sententiarum, d. xxxvii, art. ii, q. ii (note 30), p. 328a : Respondeo quod angelus est in corporali spatio ita tamen quod illius spatii cuilibet parti simul potest esse praesens […]. Ad cuius intelligentiam debes scire quod est considerare quadruplicem simplicitatem : […] Est simplicitatem positivam alicuius specialis magnitudinis in infinitum, tamen deficiens ab immensitate, et hoc est simplicitas spiritus creati sicut animae et angeli. Quia ergo simplicitas angeli est positiva spiritualis magnitudinis finitae tamen, […], ideo ratione huius positivae spiritualis magnitudinis ita potest esse praesens alicui spatio toti simul, quod tamen propter simplicitatem erit in qualibet parte totius. Cf. Guillaume d’Ockham, Quodlibet i, q. 4 (note 66), p. 27 : Ad primum istorum dico quod angelus est in loco divisibili et non indivisibili, quia nullus talis est. Pour d’autres positions sur cette question cf. Long, Raynold James, Of Angels and Pinheads, dans : Franciscan Studies 56 (1998), pp. 239–254. Cf. Ordinatio ii, d. 2, p. 2, q. 1–2 (note 36), p. 264 : Si tamen posset esse in puncto, vel non, – non videtur ratio necessaria ad unam partem nec ad aliam ; quia licet sit indivisibilis, non tamen habet indivisibilitatem limitatam sicut

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Comme lui, François d’Ascoli admet la possibilité théorique que l’ange puisse se situer en un point, mais il relève une difficulté, à savoir que l’ange – tout comme les corps – est soumis à une exigence de correspondance avec 83 le lieu qu’il occupe en fonction de sa « quantité virtuelle » ou de perfection.

iii. Bilan provisoire Bien que le segment temporel et l’échantillon d’auteurs pris en considération n’autorisent pas de bilan définitif, les conceptions rencontrées dans ce bref parcours témoignent de l’intérêt des spéculations angélologiques pour la reconstitution des théories de l’espace dans la culture philosophique et 84 théologique du Moyen Âge latin. En examinant le problème du rapport de l’ange au lieu, nos auteurs ont cherché à expliquer l’inscription des créatures spirituelles dans la dimension spatiale et ont été amenés à réviser, corriger, adapter et dépasser la doctrine aristotélicienne. La notion de lieu a été ainsi mise à l’épreuve, élargie, réinventée : le lieu est devenu contenu (et non plus contenant), position, situation ‹ mathématique ›, punctus, et ideo non oportet ipsum esse in puncto sicut in loco ; nec forte repugnat sibi esse in puncto sicut in loco, quia nullum inconveniens videtur ex hoc inferri. […] De isto articulo videtur concedendum quod habet locum determinatum, indeterminate tamen. Hoc modo et aliquis est quo maiorem non posset habere, et aliquis quo non posset habere minorem (loquendo de loco continuo), licet forte posset esse in puncto. 83 Cf. Francisci de Marchia Quaestiones in ii Sententiarum, q. xvi, a. 2, § 45 : Utrum autem angelus sit necessario in loco divisibili quod non possit esse in loco indivisibili, est dubium. […] Dico tamen hic quod angelus non potest se facere virtute sua propria esse in puncto, supposito quod punctus dicat aliquid positivum, quia alias quaestio nulla esset. Nec etiam in loco aliquo divisibili minori quam sit locus sibi adequatus ratione suae perfectionis. Cuius ratio est quoniam, sicut est de modo essendi in loco corporalium quantum ad quantitatem molis, ita consimilter proportionaliter videtur esse dicendum de modo essendi in loco rerum spiritualium quantum ad quantitatem virtualem sive perfectionalem ipsarum. 84 Paul Vignaux avait déjà signalé l’intérêt de l’étude de la question de la localisation des anges dans : Jean de Ripa, i Sent. Dist. xxxvii : De modo inexistendi divine essentie in omnibus creaturis, édition critique par André Combes et Francis Ruello. Présentation de Paul Vignaux, dans : Traditio 23 (1967), pp. 191–267 (p. 194).

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quantité sans qualités ; mais il a aussi été transformé en une détermination intrinsèque du réel, en une condition ontologique et une marque de finitude. Par ailleurs, la localisation conçue comme rapport nécessaire d’appartenance au lieu a été remplacée tour à tour par un rapport d’extériorité et de domination, par un rapport sans dépendance, un rapport neutre, sans équivalence et sans proximité de nature, un rapport dépourvu de nécessité. Bref, dans le contexte angélologique les notions de lieu et de localisation ont progressivement perdu tout ou partie de la dimension qualitative qu’elles possédaient dans la conception aristotélicienne, ouvrant à la réflexion des défis et des horizons nouveaux : la présence simultanée d’un ange en plusieurs lieux, celle de deux anges en un seul ou la localisation d’un ange en un point indivisible étaient désormais pensables. Aussi, sans exagérer la portée de ces spéculations, l’échantillon des positions que nous avons rappelées tend à suggérer que certaines théories angélologiques apporteraient une contribution significative au dépassement 85 86 de la « logique des lieux » et à l’invention du lieu comme espace : en d’autres termes – et pour reprendre une formule célèbre d’Einstein – la

85 Cf. Schmitt (note 2), p. 338. 86 L’identification du lieu avec l’espace est posée explicitement par Gerardus Odonis (Guiral Ot) dans son commentaire des Sentences, qui date des années 1326–28 : cf. Bakker, Paul J.J.M., Locus est spatium. On Gerald Odonis’ Quaestio de loco, dans : Vivarium 47 (2009), pp. 295–330. Pour les théories médiévales de l’espace et leur évolution restent fondamentales les études classiques de Grant, Edward, Studies in Medieval Science and Natural Philosophy, London 1981 et idem, Much Ado about Nothing. Theories of Space and Vacuum from the Middle Ages to the scientific Revolution, Cambridge 1981 ; Koyré, Alexandre, Le vide et l’espace infini au xive siècle, dans : Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge 24 (1949), pp. 45–91 et idem, Du monde clos à l’univers infini, Paris 1962. On trouvera plusieurs contributions utiles dans : Miscellanea Mediaevalia 25 (1998), ainsi que des perspectives nouvelles dans: Atomisme in late medieval philosophy and theology, éd. par Aurélien Robert et Christophe Grellard, Leiden 2009. Pour l’évolution de la représentation de l’espace dans l’art on peut rappeler l’étude fondamantale de Panofsky (note 2), ainsi que Kelly Gadol (note 2), où l’on trouvera des indications bibliographiques utiles, et Schmitt (note 2), pp. 343–344. Plus généralement, pour la perception sociale de l’espace dans la culture médiévale nous nous bornerons à signaler deux publications parmi les plus récentes : Raumerfassung und Raumbewusstsein im späteren Mittelalter, éd. par Peter Moraw, Stuttgart 2002, et Construction de l’espace au Moyen Âge (Publications de la Sorbonne-Histoire ancienne et médiévale 96), Paris 2007.

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transformation du « lieu-attribut » en « espace-boîte » pourrait se situer dans la lignée des spéculations médiévales sur le lieu des anges. Si tel était le cas, on ne pourrait que relever le paradoxe qui habiterait cette petite histoire : l’angélologie, théorisation emblématique de la différenciation qualitative du réel, serait devenue l’atelier d’une pensée vouée à prendre discrètement le chemin de l’homogénéité.

87 Cf. Einstein, Albert, Préface à : Jammer, Max, Concepts of Space. The History of Theories of Space in Physics, Cambridge (Mass.) 1954.

The Reception of Peter Auriol’s Doctrine of Place, with Editions of Questions by Landulph Caracciolo and Gerard of Siena Chris Schabel (Cyprus)*

i. Oresme Fever In the first version of a recent entry in the online ‘Stanford Encyclopedia of Philosophy’, there was the following statement: [Nicole] Oresme seems to be the first scholar in Western Europe since late antiquity […] to have rejected Aristotle’s definition of place as the innermost surface of the surrounding body. In his Commentary on Aristotle’s Physics Oresme argued for the non-Aristotelian position that the place of a body is the space filled or occupied by the body. We know of no other Christian medieval 1 philosopher who shared Oresme’s position.

The entry, published on 23 July 2009, went on to state that Oresme’s theory “can also be regarded” as a precursor to Newton’s view of place and absolute space. The author of the entry, Stefan Kirschner, was careful about his wording: “Oresme seems to be the first”; “We know of no other.” Except for Ed Grant’s ‘Much Ado about Nothing’, moreover, no study dealing with Oresme’s possible scientific precursors in the Faculty of Theology of the University of Paris was in the secondary bibliography, not even Pierre Duhem’s

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I would like to thank Bill Courtenay, Bill Duba, Mark Henninger, Cecila Trifogli, and of course Tiziana Suarez-Nani for their kind assistance. The University of Cyprus provided funds for the purchase of microfilms and CD’s, and I thank the libraries noted below that supplied these reproductions. The entry, Kirschner, Stefan, Nicole Oresme, in: The Stanford Encyclopedia of Philosophy, ed. by Edward N. Zalta (2009), has been revised at: http://plato.stanford.edu/entries/nicole-oresme/.

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lengthy discussion in ‘Le système du monde’. It was just plain bad luck that Kirschner’s own article on ‘Oresme’s Concepts of Place, Space, and Time’ of 2000 appeared simultaneously with an article published in ‘Vivarium’ 3 on Peter Auriol’s doctrine of place and space. Finally, it was also unfortunate that his ‘Stanford Encyclopedia’ entry on Oresme had already been submitted when Paul Bakker and Sander de Boer’s article on Gerald Odonis’ 4 theory of place appeared in the June 2009 issue of ‘Vivarium’. Of course, the beauty of the ‘Stanford Encyclopedia’ was that Kirschner was able to make a small adjustment. How small it should be is a difficult question. Gerald Odonis taught theology at Paris in the 1320s, just before becoming Minister General of the Franciscan Order. Odonis’ theory of place had not been studied in the modern era before Bakker and de Boer’s article on the Minorite, which they entitle ‘Locus est spatium’. In it they edit a question on place by Odonis, surviving in a single manuscript, which is parallelled in Odonis’ Parisian commentary on book ii of the ‘Sentences’, extant in three witnesses. Odonis asks Utrum locus sit ultima superficies corporis ambientis immobile primum, which amounts to the question whether Aristotle’s definition of place is correct. Odonis first argues in the affirmative on the basis of Aristotle, but then Odonis supports the opposite. Next he posits two conclusions: first, Locus non est superficies mobilis vel immobilis, and second, Locus est spatium corporis receptivum. This is precisely the position ascribed above to Oresme,

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Grant, Edward, Much Ado about Nothing. Theories of Space and Vacuum from the Middle Ages to the Scientific Revolution, Cambridge 1981; Duhem, Pierre, Medieval Cosmology. Theories of Infinity, Place, Time, Void, and the Plurality of Worlds, trans. by Roger Ariew, Chicago 1985, pp. 139–268, from: idem, Le Système du monde. Histoire des doctrines cosmologiques de Platon à Copernic, vol. vii, Paris 1956, pp. 158–302. Kirshner, Stefan, Oresme’s Concepts of Place, Space, and Time in His Commentary on Aristotle’s ‘Physics’, in: Oriens – Occidens. Sciences, Mathématiques et Philosophie de l’Antiquité à l’Âge classique 3 (2000), pp. 145–179; Schabel, Chris, Place, Space, and the Physics of Grace in Auriol’s ‘Sentences’ Commentary, pp. 117–161 of a special issue of Vivarium 38.1 (2000) devoted to Peter Auriol, ed. by Russell L. Friedman and Lauge O. Nielsen. Bakker, Paul J.J.M. and de Boer, Sander W., Locus est spatium. On Gerald Odonis’ Quaestio de loco’, pp. 295–330 of a special issue of Vivarium 47.2–3 (2009) devoted to Gerald Odonis, ed. by William O. Duba and Chris Schabel and also published as Gerald Odonis, Doctor Moralis and Franciscan Minister General. Studies in Honour of Lambertus M. de Rijk, Leiden 2009, pp. 149–184.

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defended by a famous Parisian theologian a few years before Oresme himself 5 began to teach in the Capetian capital. Odonis may have been the first ‘Christian medieval philosopher’ to assert that place is the space occupied by a body (yet see below on Walter Chatton), but this paper is not about Odonis, the direct impact of whose theory of place is a subject for speculation. Although Odonis did reject “Aristotle’s definition of place as the innermost surface of the containing body” before Oresme, he was not the “first scholar in Western Europe since antiquity” to do so: Odonis’ confrere Peter Auriol had rejected Aristotle’s definition while 6 lecturing on the ‘Sentences’ at Paris about a decade before Odonis did. In Auriol’s own commentary on book ii of the ‘Sentences’, stemming from lectures delivered in 1317, he asks Utrum locus sit superficies corporis continentis immobile primum, which, again, merely asks whether Aristotle was right. Like Odonis, Auriol first gives Aristotle’s affirmative opinion and, again like Odonis, Auriol then gives his own stance against Aristotle. His first positive conclusion is that Locus per se et primo non est aliud quam positio, puta hic vel ibi, while his second is slightly more cautious than 7 Odonis’ view would be: Per accidens locus est superficies corporis continentis. Unlike the case of Odonis, Auriol’s theory of place had been exam8 ined already, by Pierre Duhem, and we are now quite certain that Auriol’s opinion had an impact, which will be investigated further in this paper. Unfortunately, two items complicate this investigation, one general and one specific. The general item is that much of the discussion about place in the texts from this era concentrates on definitions. To a certain extent, then, it is like listening to a debate about atheism where the participants exhaust most of the allotted time arguing about what the word means, and in some cases never agreeing on a definition and talking past each other. In this instance, how one defines the terms locus, positio, and so on does provide information on what we might consider the more ‘interesting’ aspects of an author’s 5 6

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Bakker/de Boer, Locus est spatium (note 4). Nor was Auriol’s own theory, that place is position in the universe, wholly original, since some elements were treated explicitly or implicitly in earlier discussions, even those of Thomas Aquinas and Giles of Rome, especially when dealing with the issue of the immobility of place. Auriol himself mentions some of these earlier ideas. Peter Auriol, Reportatio in secundum librum Sententiarum, d. 2, pars 3, q. 1, ed. by Chris Schabel, in: id., Place, Space, and the Physics of Grace (note 3), p. 143.4 and 15–17. Duhem, Medieval Cosmology (note 2), pp. 197–198 and passim.

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theory, but it is still not the same as if all authors agreed on the definitions in the first place. The specific item complicating matters is the curious state in which Auriol’s text has come down to us. Duhem was unaware that the often faulty printed edition of 1605, along with the majority of the manuscripts, breaks off in mid-sentence before the final determination, which takes up one quarter of the question, and of the few witnesses that continue, only one contains what appears to be the entire text. What this means is that most of Auriol’s successors argue against a truncated version of his question, avoiding some of the most important aspects of the defense and explanation of his theory and compounding the historian’s frustration caused by the concentration on definitions. In the following, I shall review in brief what Auriol has to say on place and present the reaction of his successors by dividing the discussion into five parts: first summarizing what Auriol says in the first three quarters of his question, extant in all manuscripts; second analyzing the refutations of his successors, mainly Landulph Caracciolo; third, presenting Walter Chatton’s reaction to Auriol; fourth, explaining what Auriol asserts in the last quarter of the text, in the minority of the witnesses; and fifth, by way of conclusion, determining whether anyone read and reacted to this section.

ii. Locus est positio In the half decade or so following Auriol’s Parisian lectures on the ‘Sentences’, several theologians constructed their discussions of place around Auriol’s opinion, including Walter Chatton OFM at Oxford and Landulph Caracciolo OFM, Gerard of Siena OESA, and John Baconthorpe OCarm at Paris, while a few years later the secular arts master at Toulouse 9 John the Canon did the same. The first section of Auriol’s question is 9

Walter Chatton, whose complete Sentences commentary has now been published by Joseph C. Wey and Girard J. Etzkorn in eight volumes, lectured at Oxford in 1321–23; see now Keele, Rondo, Walter Chatton, in: The Stanford Encyclopedia of Philosophy, ed. by Edward N. Zalta (2007), http://plato.stanford.edu/entries/walter-chatton/. Landulph Caracciolo lectured on the Sentences at Paris in 1318–19: Schabel, Chris, The Commentary on the Sentences by Landulphus Caracciolus, OFM, in: Bulletin de philosophie médiévale 51 (2009), pp. 145–219, at pp. 151–155. For the latest on Ger-

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what his immediate successor Caracciolo summarizes in his commentary on ii ‘Sentences’, where he asks “Whether place is an absolute or respective being (ens)”: I respond to the question. I posit three conclusions. The first [conclusion] posits an opinion stating three things. First, that place is position, here or there. The proof: what is formally place is that which, when posited for a located object, that object has a determinate place in the universe […] Posit that a body is in a determinate position, say here or there; vary the container: the body will always remain in the same place. But with the same container, say a vessel, if the position is changed, it will not be the same place. Furthermore, place is that to which local motion is first terminated; but this is position, here or there […] because setting aside air and water, if a piece of earth were placed next to the orb of the moon, it would move toward the center, and yet there would only be position there, without any container [lines 6–16 in the edition below].

Caracciolo gives three other arguments in favor of the view that place is position: two based on their having the same differentiae, namely ante, retro, sursum, deorsum, dextrum, sinistrum, and one asserting that “to locate is to position situaliter” [ll. 17–25]. These are in fact paraphrases of the five arguments that constitute Auriol’s article one, which is only 32 lines long. The Carmelite Baconthorpe’s commentary on book ii of the ‘Sentences’ presents a slightly longer, mostly verbatim quotation of Auriol’s first article, while 10 John the Canon, in his ‘Physics’ commentary, offers a brief paraphrase. ard of Siena, see Courtenay, William J., The Sentences Commentary of Gerard of Siena, O.E.S.A., in: Augustiniana 59 (2009), pp. 247–300, which redates Gerard’s Sentences lectures to 1319–21 (p. 249) and provides a handy question and citation list, recording a marginal reference to Auriol as the opponent for the first article on place (p. 291). I have argued that 1320–21 is the most likely date for John Baconthorpe’s Parisian Sentences lectures: Schabel, Chris, Carmelite Quodlibeta, in: Theological Quodlibeta in the Middle Ages: The Fourteenth Century, ed. by idem, Leiden 2007, pp. 493–543, at pp. 533–534. For my argument that John the Canon’s Physics commentary dates to the early 1330s, see Schabel, Chris, Francis of Marchia’s Virtus derelicta and the Context of Its Development, pp. 41–80 of a special issue of Vivarium 44.1 (1996) devoted to Francis of Marchia, ed. by Russell L. Friedman and idem and also published as Francis of Marchia – Theologian and Philosopher. A Franciscan at the University of Paris in the Early Fourteenth Century, Leiden 2006, at pp. 48–49, n. 14. 10 John Baconthorpe, In secundum librum Sententiarum, d. 3, q. 2, a. 1 (MS London, British Library, Royal 11 C. vi, f. 194va–b, refuted on ff. 194vb–195rb;

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The texts of the Augustinian Gerard of Siena and the Oxonian Franciscan Chatton are Reportationes on ii ‘Sentences’ that describe Auriol’s position in confused fashion, with Gerard at first offering five lines to Auriol [ll. 3–8 in the edition below] and later refuting each argument of Auriol’s article one without giving the arguments themselves [ll. 156–193], while, as we shall see, Chatton explains practically nothing. Caracciolo then presents Auriol’s second statement, which can be interpreted as saving Aristotle while explaining why his definition is not the best: The second thing they say is that per accidens place is the surface of the containing body. The proof: because glorified bodies are truly in a place, and yet they do not have a containing surface of a body, since they are above the empyrean heaven. Furthermore, the sky is in a place because it has a determinate position, and yet it does not have a containing surface, at least not the last heaven [ll. 26–30].

Caracciolo gives one more argument stating that an object can have the differentiae of place or position without being contained [ll. 31–33], and with that he has paraphrased the three arguments of Auriol’s article two, which is just seven lines in length. Baconthorpe more or less quotes this article, but, despite the importance of the first two arguments, John the Canon (along with Chatton) omits the article entirely. In his ‘Reportatio’, Gerard of Siena’s passing reference can only be understood by someone directly acquainted with Auriol’s text [ll. 56–59]. Caracciolo’s presentation of the first two articles is adequate. Now, Auriol’s article three takes up six pages in the edition, and yet Baconthorpe and John the Canon (and Chatton) stop their coverage and only Caracciolo and Gerard of Siena discuss what Caracciolo calls Auriol’s third statement: “The third thing they say is that place or position is per se in the genus of quantity, and that position is a quantity distinct from body and surface and line,” which Caracciolo then explains in a few lines of text [ll. 34–41]. Again, Gerard merely describes Auriol’s article three in the process of refuting it [ll. 60–61, 88–90, 114–116]. Why did they pay so little attention to this section of Auriol’s question? One reason is the confusing organization of article three. Auriol begins by saying: “Third principaliter I save the things that are said about place. For it is said that it is a continual quantity and a distinct species of continual Quaestiones in quatuor libros Sententiarum et quodlibetales, Cremona 1618, p. 484a–b, refuted on pp. 484b–486a); John the Canon, In Physicam iv, q. 1, a. 1 (Venice 1520, f. 39vb, refuted on ff. 39vb–40ra).

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quantity. I want to explain this, and so that my point may be better seen, first I object (insto) and second I show my point from the solutions to the 11 objections (instantiarum).” So Auriol is merely saving “the things that are said,” and to do so he says he will object and solve the objections. In fact, after offering reasons against accepting that place is a continual quantity and a distinct species of continual quantity, Auriol first presents “the responses of others that are commonly given”, then he rejects those responses, before positing two propositions against those responses, and only after all of this does he now answer the question “How is position quantity?” before 12 finishing the article by responding to the objections in brief. That all of this was confusing, especially in manuscript, is amply demonstrated by John Capreolus’ summary of Auriol’s theory from the following 13 century. Capreolus starts out just fine, quoting Auriol’s first two articles almost verbatim, except for an omission per homoioteleuton, which may have been in his copy of Auriol (none of the extant witnesses), if it was not his own carelessness. When faced with Auriol’s article three, however, Capreolus gets lost, beginning by presenting the objections to what is commonly said about place as if they were arguments for Auriol’s own position, although Auriol himself would refute them later. Then Capreolus begins to jump backwards and forwards in Auriol’s text, obviously trying to make sense of what he had before him. At least he eventually manages to return more or less to what Auriol meant as his own words. Baconthorpe and John the Canon were probably too short of time to bother, and we have to ask just how much time they put into their questions. Gerard of Siena does devote a considerable amount of energy to the basis of Auriol’s article three [ll. 88–128], that “position is a certain species of continuous quantity distinct from the other species” [ll. 89–90], but he gives no indication that he followed Auriol’s arguments, which he does not present to the reader. Gerard’s reasoning is nevertheless interesting, for example, that according to Auriol’s theory, one will grant a fourth dimension, which is most absurd, as is clear in itself. But the consequence is evident, since any species of continuus quantity is a certain dimension. So if position in this way is a certain species that is really distinct 11 Peter Auriol, Reportatio ii, d. 2, pars 3, q. 1, a. 3, ed. by Schabel (note 7), p. 145.6–9. 12 Ibid., pp. 145.11–150.27. 13 John Capreolus, Defensiones theologiae divi Thomae Aquinatis, ii Sent., d. 2, q. 1, a. 2, ad conc. 2 (ed. by Ceslaus Paban and Thomas Pegues, Tours 1899– 1908, vol. iii, pp. 128b–129b, refuted on pp. 139b–143b).

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from the others, because according to him it can be acquired and lost without any change in the other species, it necessarily remains that position is a fourth dimension that is really distinct from the other three, namely line, surface, and body [ll. 107–113].

Caracciolo is more careful about explaining Auriol’s opinion, but rather than go through all of this, he simply skips five pages and jumps to the punchline, 14 paraphrasing Auriol’s explanation of how position is quantity. So it turns out that Caracciolo’s portrayal of Auriol’s theory is the most coherent, but did he omit anything important in what he had available to him? One of the confusing things about the traditional philosophical view about place as the inner surface of the containing body is that, with a boat moored to a dock on a river, or a twig in the wind, the boat and twig do not seem to ‘move’, but the inner surfaces of their containers change. Auriol’s solution seems to be to ignore all the terms and definitions that have to do with place, situation, location, position, etc., that is locus, positio, situs, ubi, ubeitas, and anything else one can think of, and to reduce everything to the one notion of position in the universe. So Auriol approaches the twig in the wind as follows: A body does not move from place to place except by being under different ubeitates. For when you say that “it is true when this happens through a change of the body,” contra: When a body moves from place to place, it changes according to nothing except ubeitates. For give something else according to which it changes. Not according to anything absolute, because when everything absolute stands and remains the same, the body moves from place to place. Not according to some other respect, because I ask what sort of respect this is; therefore, etc. Therefore, [by the other theory,] if air moves past a twig, in the same way the twig will be said to move from place to place as if the twig went from [one section of] air to [another section of] air, with the air remaining immobile. So the twig will then change place, for the twig undergoes no other change except of its ubi when the container changes around it. So it is said [by my opponents] in another way that the twig does not change place, given that the surrounding air moves. The reason is because it retains the same situs and distantia. But if it is said thus, I think something true is stated. But I take this as in my favor, for from this it appears that place is nothing other than situs itself and 15 positio.

14 Peter Auriol, Reportatio ii, d. 2, pars 3, q. 1, a. 3 (note 7), p. 150.2–16. 15 Ibid., p. 149.19–34.

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For me, this explanation, in the midst of Auriol’s attempt to save what is commonly said about where place fits in the categories, together with Auriol’s original emphasis on position “in the universe”, shows that Auriol is not simply cleaning up the terminological clutter of traditional discussions of place, but leaning toward a view of absolute space, which I have argued he was doing from the evidence of several other loci in the various books and versions of his ‘Sentences’ commentary. Since these loci are spread out, however, and since those who dealt with Auriol’s question on place head-on restricted themselves to paraphrasing the opening lines and, with Caracciolo, a few more, it is easy to see how Auriol’s opinion could be reduced to a simple redefinition of terms and then forgotten.

iii. Expresse est contra Aristotelem et Commentatorem If this assessment is correct and Auriol did intend to put forth an ambitious new theory of place and space, he certainly departed from the Aristotelian tradition, even on the basic level of the definition of terms. John Baconthorpe’s refutation of Auriol’s view is an appeal to Aristotle’s definitions and authority, so much so that, to Auriol’s claim that place is only per accidens the surface of the container, the Carmelite replies: “This is 16 expressly against the Philosopher, as if to say that white is black.” Likewise, when Gerard of Siena asserts that Auriol’s theory suffers from “six defects” entailing a total of eighteen inconvenientia, the first inconveniens of the first defect is simply that, since Auriol does not take positio or situs in the two ways that Aristotle and Averroes understood it, “they are necessarily forced to conceive of a third way to accept situs, concerning which Aristotle and the Commentator made no mention” [ll. 54–55]. Like Baconthorpe, Gerard posits this sort of argument from definition numerous times, perhaps the strangest being the next inconveniens: “They are forced to say that all bodies are in a place in the same way, which is against the intent of Aristotle and the Commentator in ‘Physics’ iv, where they maintain that the ultimate sphere is not in a place per se like other bodies, but per accidens [...] But this opinion is forced to state that all bodies are attributed

16 John Baconthorpe, In secundum librum Sententiarum, d. 3, q. 2, a. 1 (MS Royal ii, c. vi, f. 194vb; ed. Cremona 1618, p. 484bF).

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to place, because all bodies have position per se” [ll. 56–59, 66–67] – with which Auriol would have agreed. Landulph Caracciolo puts forth six propositions against Auriol [ll. 42–161]. “The first, in no way is place position here or there” [ll. 42–43]. His four arguments for the first proposition depend on authority and on his definition of place and position. “The second proposition, that from the fact that motion is in one way toward position and in another way toward place, place is not position” [ll. 74–75]. Again, the argument in support relies on definitions. Especially telling is “the third proposition, that the differentiae that constitute place are not up, down, in front, behind, and such” [ll. 85–86]. Here Caracciolo does a thought experiment: “Supposing that God annihilated every body except a vessel full of water, place would most truly be there, and yet there would not be up or down, in front or behind, because there would be no center or surface of the sphere” [ll. 91–93]. Auriol could easily respond by saying that, if the only things that existed in the universe were the container and the water inside, then the water would still have a position with respect to that tiny universe, and parts of the water would have positions as well. Or Auriol could go one step further and annihilate the container: what would the water’s place be in that case? However he would have responded, annihilating the heavens and the center of the universe is perhaps too extreme a thought experient when discussing physics. Caracciolo’s fourth proposition discusses the boat moored on a river, accepting the common explanation of how the boat does not change place and actually using this weak explanation to argue against Auriol. Caracciolo’s attempt seems useless, as useless as the fifth proposition is irrelevant when Auriol is redefining the terms: “Place per se regards containing, such that the inner surface of the container per se regards place” [ll. 111–112]. The circular argument is based on Aristotle’s definition of place. Caracciolo continues for 40 lines, but all he manages to do is say that everybody agrees against Auriol about what place is defined as. Along the way Caracciolo has to offer the weak explanation of how the sky is in a place per accidens, although it moves per se because it moves around something at rest, that is, the center. Caracciolo concludes briefly with the sixth proposition about where these items fit in the categories, relying on auctoritates. Having argued against Auriol’s opinion, Caracciolo turns to his own in his conclusio secunda, giving three propositions, as usual following John Duns Scotus [ll. 162–303]. The first explicitly explains and defends Aristotle’s definition of place: Locus est ultimum continentis immobile primum [ll. 163–164]. Caracciolo breaks it apart, having little difficulty with ultimum,

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continens, and primum, but he has to stop at immobile and the example of the boat moored on the river. Caracciolo offers three pro-Aristotelian explanations for the immobility of the boat’s place when the containing water keeps constantly rushing by, and he refutes each one in turn. Then he presents his own attempt to save the phenomena. Suffice it to say that, in 140 interesting lines of text, Caracciolo struggles to explain how Aristotle’s definition is coherent. And while it would seem to me, as it did to Duhem, that in one blow Auriol replaced Aristotle’s definition with one that eliminates entirely the boat on the river problem, nevertheless, in Caracciolo’s conclusio tertia, responding to the question itself on whether place is an ens absolutum, where Caracciolo argues that it is indeed an ens absolutum, the argument seems to miss Auriol’s point entirely: It is not an ens respectivum, therefore [it is an ens] absolutum […] because if place were an ens respectivum, it would be with respect to a located body or with respect to parts of the universe. Not the first […] nor the second, because when a ship is stuck on a river the aspect towards the parts of the universe is changed in the [surrounding] surface that is continually flowing, but the place does not vary [ll. 308–314].

Auriol would say that the boat’s aspect toward the parts of the universe would not change, and hence the boat’s place would not change either, and this place could be considered absolute in the universe. Caracciolo concludes his question by refuting Auriol’s arguments in predictable fashion, except for one or two interesting points that cannot be discussed here.

iv. Non locantis sed locati Once Gerard of Siena turns to refute Auriol’s five arguments in favor of equating place with position – arguments that Gerard has not even presented to the reader – he begins as follows: The first argument fails in four ways. First, because it does not prove that place is position, but it proves that it is not a surface. Second, were it granted that it is not a surface, they could not assert on this basis that it is position, because there have been many people who said that place is not a surface, and yet they did not maintain because of this that it is position. Third, because it supposes without proof that the surface can vary when the position is not varied, which at least requires proof. Fourth, because it supposes something that is commonly conceded, that when the surface is varied, the place can still remain the same, which

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statement, although it appears to be commonly conceded, I do not concede without seeing a compelling argument, which I have not yet seen [ll. 156–166].

Gerard goes on to discuss this further in his next article (not printed here), but what is significant for present purposes is that he states that Auriol’s arguments could lead to different conclusions. This is the case with Walter Chatton. As more texts appear in critical editions, our portrayal of the theological background to Nicole Oresme’s physical theories becomes more precise. Chatton’s ‘Sentences’ commentary is now available, and in book ii, d. 2, q. 5, where Chatton asks Utrum angelus possit moveri localiter, the first article is Quid sit locus et quid sit esse in loco: First we must say what place is and what it is to be in a place. And whatever the case with others, those who deny that there are indivisibles in reality cannot posit that [place] is the surface (ultimum) of the containing body, because they 17 posit no surface (ultimum) in reality.

With one sweep, Chatton the atomist discards the theory of the vast majority of his contemporaries. Then he continues: “But Peter Auriol’s opinion on place is different: that it is a passion of quantity, not of the locating body, 18 but of the located body.” The remainder of the article is an odd refutation of Auriol’s opinion, odd because, as the above sentence indicates, Chatton is uninterested in the affirmative ‘place equals position’ element of Auriol’s theory, but in the negative ‘place is not surface’ element. In fact, since Chatton’s text is a rather rough Reportatio, his readers would not even know based on his words that Auriol equated place with position, since we are simply told: “Look for the arguments and explanation of the opinion in 19 Peter Auriol’s book ii.” We have seen that Auriol’s explanation for how place is quantity was rather confusing and perhaps meant in part to please the Aristotelians in the audience, who would be unlikely to grant him a sympathetic hearing, as Caracciolo’s reaction illustrates. But Chatton was no Aristotelian on this issue, so he tacitly accepts Auriol’s arguments as they are directed against the traditional definition of place, but where Auriol backed off, Chatton wants to go further. What Chatton does is commandeer Auriol’s arguments, 17 Walter Chatton, Reportatio super Sententias, Liber ii, d. 2, q. 5, a. 1, ed. by Joseph C. Wey and Girard J. Etzkorn, Toronto 2004, p. 160.13–16. 18 Ibid., p. 160.18–19. 19 Ibid., p. 160.19–20.

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claiming that they prove something else entirely. “I don’t see that there is such a passion in the located thing”, Chatton complains, eliminating the possibility that it could be relative or absolute, in the soul or imagination or in external reality. Chatton seems to see through Auriol’s attempt to placate the traditionalists: What they say, that [place] is not the surface intrinsically but through extrinsic denomination, and that if [place] were the surface of the containing body it would be mobile, which is against the nature of place, they do not [thereby] explain the Philosopher’s opinion, because Aristotle attributed to [place] that it is immobile and that it is the surface of the containing body.

It is worth continuing the quotation: Again, their arguments, if they are valid, prove a different conclusion and not that one, namely that place must be the space between the sides of the containing body and nothing else, because, as they say, that is first place by which, when unchanged and everything else changed, a body remains in the same place. But this is space, I say, for vary anything else you want, as long as the 20 body stays the same, it will be in the same space it was.

Chatton then goes through Auriol’s other arguments in such a way that the listener would not have understood Auriol’s intent, for example: “Place is what per se et primo is required for local motion, and this is space”, and “Space is what one responds with to the question ‘where’ asked concerning 21 something.” Following this, without warning, Chatton switches to arguments against the common definition of place as the surface of the containing body, argu22 ments with which Auriol may have agreed. Chatton also has to deal with inevitable objections from the Aristotelians, e.g., “Aristotle tries to prove that there is no such space” and “According to Aristotle, place is the surface 23 of the containing body, but space is not.” But Chatton’s refutations of these arguments are, again, not directed at Auriol’s equation of place and 24 position. 20 21 22 23 24

Chatton (note 17), p. 161.5–10. Ibid., p. 161.11–19. Ibid., pp. 161.20–162.20. Ibid., p. 162.21–22. The notation of the critical edition is confused in this section. It is unclear whether pars. 15–20 (ed. by Wey/Etzkorn, pp. 161.20–162.20), belong under the rubric ‘Contra opinionem Petri Aureoli’ together with pars. 6–14 (pp.

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In sum, Chatton is an atomist rejecting the common opinion out of hand, then dealing with the part of Auriol’s theory that states that place is a property of the located body, not the locating body, which part plays only a minor role in Auriol’s own presentation of his assertion that place is position in the universe. Chatton then goes on to deal with Aristotelian objections to his own claim that place is the space between the sides of the containing body, or rather the space occupied by the body, since “the last sphere is not 25 nowhere, but somewhere, et non nisi in spatio.” A number of questions arise. Did Chatton disagree with Auriol’s opinion, did he deem it irrelevant, or did he simply think that Auriol had not gone far enough? If the latter, Chatton’s silence suggests that he wished to avoid dealing with potential arguments directed against Auriol. What, if any, is Chatton’s relationship with Gerald Odonis? Both were atomists who equated place and space, and Chatton explicitly mentions indivisibles in his 26 brief treatment. Chatton’s ‘Reportatio’ dates from 1321–23 and Odonis’ Parisian ‘Sentences commentary’ to 1326–28, but Odonis’ stance – much more developed – circulated as a separate question presumably before his Parisian lectures, and he may have put forth his theory while teaching in Toulouse in the late 1310s. As evidence that Chatton’s commentary was quickly known on the continent, we have the testimony of William Rubio, OFM, who absorbed much of it, although Rubio does not seem to discuss 160.21–161.19), but paragraphs 21–28 (pp. 162.21–163.18) should go under a new rubric dealing with Aristotelian objections, and the rubic ‘Ad argumenta Petri Aureoli’ between pars. 22 and 23 should be removed (along with notes 7–8 on p. 163). Rather par. 21 has the statement that Primo, quia Aristoteles nititur probare quod non est tale spatium [...] followed by two pro-Aristotelian reasons (tum [...] tum [...]); par. 22 refutes the statement; par. 23 refutes the first reason; and par. 24 refutes the second reason. Then par. 25 (Item, secundo contra me arguo [...] Dico quod [...]) contains another pro-Aristotelian argument along with Chatton’s refutation, and par. 26 (Item, tertio [...] Dico quod [...]) does as well. Then par. 27 (Item, secundum Aristotelem [...]) has a final argument, refuted in par. 28 (Ad aliud [...]). Elsewhere, in d. 14, dub. 3, an unidentified unus Doctor (p. 296.4) who claims that something “impresses an active motive virtus on the part next to it” (p. 296.4–5), could be Francis of Marchia. 25 Chatton (note 17), p. 162.3–4. 26 I have checked the pertinent material from Henry of Harclay, Ordinary Questions xv–xxix, qq. 21 and 29, par. 78 (ed. by Mark G. Henninger, Oxford 2008), from before 1317, but while Harclay’s theory is interesting, it does not match that of the later atomists.

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Chatton’s or Auriol’s opinion in this context. Yet all we know is that Rubio probably lectured between 1324 and 1331, and we are unsure whether he 27 ever taught at Paris, since Barcelona is just as likely. Finally, if Auriol inspired Chatton, who nevertheless never mentions Auriol’s main point, did he also inspire Odonis, who is altogether silent?

v. Physice et metaphysice Landulph Caracciolo and most others who dealt with Auriol’s treatment of place in ii ‘Sentences’ either ignored or did not have access to Auriol’s final words (unless Walter Chatton’s passing mention of passio quantitis and 28 denominatio extrinseca are based on this reading ). Given John the Canon’s and Baconthorpe’s approach to Auriol’s confusing article three, both explanations are plausible. Having equated place with position, and indeed taking locus, positio, situs, and even ubi more or less as synonyms, Auriol gives 29 eight ‘difficulties’, which are objections to his own theory. These objections are grounded in Aristotle’s definition of place in the ‘Physics’ as “the motionless inner edge of the containing body”, his classification of place in the ‘Categories’, and several other related traditional characteristics of place as opposed to position. Here, finally, we can expect Auriol’s reconciliation of the apparently contradictory statements in Aristotle’s works, Auriol’s explanation of position in the universe, and perhaps an answer to the future objections of the likes of Caracciolo. If we are reading the Rome edition or six of the eleven manuscript witnesses, we now read, “Because of these difficulties one must know [...]” and then we find the next question, “whether the angels were created in the empyrean heaven”, although three of these six manuscripts have a blank space. Four of the five manuscripts that continue complete the sentence as follows: 27 See discussion in Schabel, Chris and Garrett M. Smith, The Franciscan Studium in Barcelona in the Early Fourteenth Century, in: Philosophy and Theology at the Studia of the Religious Orders and the Papal Court, ed. by Kent Emery Jr. and William J. Courtenay, Turnhout, forthcoming, and Stephen D. Dumont’s forthcoming study on Rubio’s ‘Sentences commentary’. 28 Chatton (note 17), pp 160.18–19 and 161.1, which may reflect Peter Auriol, Reportatio ii, d. 2, pars 3, q. 1, a. 4 (note 7), pp. 154.11 and 152.1 respectively. 29 Ibid., p. 151.4–20.

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Because of these difficulties one must know that, according to a physical consideration, place, beyond ubi and situs, adds something material, namely the inner surface of the container, and so physically place is not any one ens per se, but it is one per accidens put together from two categories. Or if you don’t like it being an ens per accidens, such that it includes the things of two genera in recto and in the principle significate, then at least one must say that it includes something in recto, namely the quiddity of place itself, and in obliquo by way of a connotatum it includes what is material to place itself, namely the inner 30 surface of the container.

Auriol goes on to state that place is only immobile because situs or ubi is immobile, not because the material part, the inner surface, is immobile. Thus in response to the last objection Auriol “concedes that it is of the ratio of physical place taken materially to contain, but it is not of the ratio of place 31 taken metaphysically and according to its precise formal ratio”. So a physicist does not deal with place absolutely, but only because of natural local motion, and if we remove the container, the physicist no longer deals with it qua physicist. This appears to be Auriol’s attempt to save Aristotle and Averroes. Although we are entitled to ask whether it was Auriol himself who wrote these words, or a student, the existence of blank spaces suggests that Auriol had wanted to think more on this, added a 62-line section in the margin of his copy, and hoped it would be incorporated. In any case it is entirely in keeping with Auriol’s opinion. Now the fifth manuscript that preserves more text, one of the Florentine codices, is particularly confusing and interesting. It begins the next question prematurely and then returns to add the text in the other four, but before this it contains 22 fascinating lines that are found in no other witnesses: Because of these difficulties one must know that the ratio of place is taken one way according to a metaphysical consideration and in another way according to a physical consideration. A physicist defines through matter, not of course through matter that is one part of the composite, because a metaphysician defines through matter in this way. But rather ‘matter’ must be taken here for all that is beyond the ratio of the quiddity. So according to this a metaphysical consideration differs from a physical consideration because a metaphysician only takes what pertains intrinsically to the quiddity, while a physicist takes material things and accidents and things that are extraneous to the quiddity. So in his 30 Peter Auriol, Reportatio ii, d. 2, pars 3, q. 1, a. 4 (note 7), pp. 151.22 and 152.15–22, and apparatus criticus. 31 Ibid., p. 153.22–24.

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consideration [the physicist] is concerned with sensible qualities according to which the thing itself is subject to motion, action, and passion. So to the point, I say that concerning the per se quiddity of place that it is none other than the ratio of ubi itself, and so place quidditively is in the category ubi. For this reason place, according to a metaphysical consideration, is none other than ubi itself or positio. And note that the immediate subject is continual quantity […] So quidditively place is not quantity, but something that applies 32 to quantity. But this is situs itself, or ubi, as was said.

It is here that this manuscript joins the other four, seemlessly: “But according to a physical consideration, place, beyond ubi and situs, bespeaks of some33 thing material […]”. Again, the explanation extant only in the Florence codex fits in perfectly with what the other four manuscripts contain, and it is likely that Auriol himself added this, perhaps on a second occasion, or at least a student of his did, following his thought.

vi. Conclusion Did anyone ever read and comment on what the Florence manuscript, or the other four, for that matter, contain? Not Caracciolo, Chatton, Baconthorpe, John the Canon, or Capreolus, but Gerard of Siena lists as the sixth defect of Auriol’s theory “what they conclude last, because they say that place, insofar as it is of the consideration of a natural philosopher, either isn’t one ens per se, or it bespeaks of position in recto and surface in obliquo” [ll. 143–146], which is one of the opening arguments Gerard assigned to the opposing side [ll. 16–17]. Clearly Gerard had access to the passage quoted above extant in all five Auriol manuscripts, but there is no reason to suppose that he had the further material in the Florence witness. Perhaps as a result, two of Gerard’s three inconvenientia have to do with Aristotle’s definition, the last being that, according to Auriol, “Aristotle would not have known how to define place, because in defining it he neither posited it to be position nor posited it to be surface in obliquo, but rather in recto” [ll. 152–153]. Nevertheless, ten years ago I suggested that the Franciscan Nicholas Bonet, in his ‘Physics’ commentary, or ‘Naturalis philosophia’, from the 34 1330s, had access to this section of Auriol’s text. Certainly Bonet knew 32 Peter Auriol, Reportatio ii, d. 2, pars 3, q. 1, a. 4 (note 7), pp. 151.22–152.14. 33 Ibid., p. 152.15–16. 34 Schabel (note 3), pp. 140–141.

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that Auriol equated place with situs, although the printed edition does not 35 mention Auriol by name. Bonet argues against this on the basis of definitions. Later, however, in explaining Aristotle’s own view, Bonet presents the Philosopher’s distinction between a natural consideration and a mathematical consideration in a way that closely resembled, to me, Auriol’s distinction between physical and metaphysical considerations. I also asserted that Bonet’s discussion influenced Francisco of Toledo in the late sixteenth century, and there is no doubt that Francisco knew Auriol’s own opinion, although perhaps via John Capreolus. But given that only one manuscript preserves what seems to be Auriol’s complete text, I now think it unlikely that Bonet had this text before his eyes, and that he was perhaps extrapolating from common statements on the mathematical vs. natural distinction going back to Aristotle himself. So at the moment I am unsure about the nature of Auriol’s impact on later doctrines of place. We cannot expect anyone in the fourteenth century to have been so interested in Auriol’s theory of place that he inspected the various other loci in Auriol’s theological oeuvre that contain elements of his interesting take on the issue, and if most manuscripts had an incomplete text, most readers would have been left with partially explained assertions about a stance that departed radically from Aristotle and everyone else without complete justification. He would have provoked thought, and indeed he influenced Walter Chatton and perhaps Gerald Odonis and/or Nicole Oresme in this way, but clearer evidence is needed to claim with certainty anything more than this. Stefan Kirshner should have the last word. Let us quote from his modified (on 10 September 2009) Stanford Encyclopedia of Philosophy entry on Oresme: There were only very few authors since late antiquity [...] who rejected Aristotle’s definition of place as the innermost surface of the surrounding body [...] Prior to Oresme, Geraldus Odonis held the same view [as Oresme]. Since Odonis’ discussion is rather different from Oresme’s, it is questionable whether Odonis’s arguments exerted a direct influence on Oresme. Another anti-Aristotelian theory of place was propounded by Petrus Aureoli. Aureoli held that,

35 Nicholas Bonet, Physica viii, c. 4 (Metaphysicae, naturalis philosophia, praedicamenta, et theologia naturalis, Padua 1503, f. 74vb).

The Reception of Peter Auriol’s Doctrine of Place

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if one looks at place metaphysically, place is the determinate position of the 36 located body in the universe.

And perhaps that is all Odonis and Auriol deserve, with respect to their individual historical impact. The immediate theological background to Nicole Oresme’s brilliant physical theories was much richer than previously thought. Odonis was not alone in equating place and space, since Walter Chatton, his contemporary at Oxford, was of the same opinion. Gerard of Siena’s extensive treatment of place, five separate articles, runs close to 1000 lines, and certainly deserves more attention than could be given here. In 1320–21, Francis of Meyronnes, who informs us that the rotation of the earth was seriously debated in his time, mentions that some (the Aristotelians) claimed that place is the surface of the containing body, others (like Odonis and Chatton) that place is the space occupied by a body, still others that place is a vacuum, and another group that place is the object’s disposition with respect to the immoble poles of the world – which Auriol and others had brought up and rejected. Meyronnes himself maintained that “place formally is a respect of 37 located body to the immoble first mover”, yet another alternative. In an era when theologians were rejecting Aristotle’s theory of projectile motion, seriously entertaining the possibility of multiple worlds, presenting numerous solutions to the problem of qualitative change, considering various atomistic scenarios, and in general enjoying and encouraging and open atmosphere of inquiry, there should be no surprise that someone like Nicole Oresme would 38 emerge. Rather than an influential innovator himself, therefore, Auriol may be more of an indicator of this broader climate of innovation that involved many theologians heralding a new era in physics and cosmology, which matured in the seventeenth century. 36 Kirshner, Oresme (note 3). 37 Duhem, Pierre, François de Meyronnes O.F.M. et la question de la rotation de la terre, in: Archivum Franciscanum Historicum 6 (1913), pp. 23–25; Duba, William, Francis of Meyronnes, in: Encyclopedia of Medieval Philosophy, ed. by Henrik Lagerlund, Heidelberg, forthcoming; Francis of Meyronnes, Conflatus in secundum librum Sententiarum, d. 14, q. 8bis (ed. Venice 1520, f. 151vb). 38 Pierre Duhem and Anneliese Maier investigated this theological background in depth in their voluminous writings, and John Murdoch provided further nuances. Presently a number of students have returned to Oresme’s immediate theological predecessors. See for example Atomism in Late Medieval Philosophy and Theology, ed. by Christophe Grellard and Aurélien Robert, Leiden 2009.

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The Editions Landulph Caracciolo’s text is preserved in seven manuscript witnesses and 39 an undated incunabulum edition, probably Venice. The sigla used are as follows: C = Cambridge, Gonville and Caius College Library, 326 (526) (pp. 78b–82a) E = Erlangen-Nürnberg, Universitätsbibliothek, 257 (olim 168) (ff. 35ra–36va) F = Firenze, Biblioteca nazionale centrale, Conv. Soppr. A. 3 641 (ff. 192ra–193rb) M = Milano, Biblioteca Ambrosiana, H 218 Inf. (ff. 35va–36vb) P = Padova, Biblioteca Antoniana, 157 Scaff. ix (ff. 42rb–44rb) S = Salamanca, Biblioteca Universitaria, 1746 (ff. 35va–37rb) V = Venezia edition (ff. ee iiva–ee iiiira) W = Wien, Österreichische Nationalbibliothek, Palatinus lat. 1485 (ff. 37vb–39va) It is noteworthy that Caracciolo quotes Aristotle via the translation from the Arabic accompanying Averroes’ commentary. In the edition, all variants are reported except for the numerous small unshared variants of E. Such things as igitur/ergo are ignored, as are corrections, except where another variant is given. A principle of charity has been employed. The notation is standard; * = lectio incerta. Gerard of Siena’s commentary on book ii survives down to distinction 9 in three witnesses, while a fourth, Paris BNF lat. nouv. acq. 1431, stops 40 at distinction 6. One of the manuscripts, Roma, Biblioteca Angelica 920 (R.4.9), is a seventeenth-century copy of another manuscript in the same library, 625 (Q.1.12), but the latter and the Paris codex are fifteenth century, the only fourteenth-century witness being Città del Vaticano, BAV, Vat. lat. 959. The edition below is preliminary based on the Vatican manuscript (V), on ff. 77rb–78rb, and the Rome witness (A), ff. 72vb–73vb. The notation is standard; * = lectio incerta. 39 A full description of the commentary and the manuscripts is in Schabel, The Commentary (note 9). 40 A full description of the commentary and the manuscripts is in Courtenay, The Sentences Commentary (note 9).

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Utrum locus sit ens absolutum vel respectivum. Quod respectivum, quia locus est id quo locatum continetur; sed ista continentia respectum dicit eo quod ordinem ad aliud; ergo etc. Contra. Philosophus ponit ipsum in Praedicamentis in genere absoluto, scilicet quantitatis. Respondeo. Ad quaestionem pono tres conclusiones.

‹ Conclusio prima › ‹ Opinio Petri Aureoli: tria dicta ›

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Prima ponit opinionem dicentem tria. Primum: quod locus est positio hic vel ibi. Probatio: illud est formaliter locus quo posito circa locatum habet determinatum locum in universo; sic est in proposito; ergo etc. Maior patet. Minor probatur: pone quod corpus sit in determinata positione, puta hic vel ibi; varia continens: semper corpus remanebit in eodem loco. Sed pone idem continens, sicut vas: si varietur positio, non remanebit idem locus. Praeterea, locus est id ad quod primo terminatur motus localis; sed istud est positio hic vel ibi; ergo etc. Maior patet. Minorem probant: quia circumscripto aere et aqua, si terra poneretur iuxta orbem lunae, adhuc moveretur adversus centrum, et tamen ibi esset sola positio sine aliquo continente. Praeterea, illa sunt eadem quorum sunt eaedem differentiae; loci autem et positionis sunt eaedem differentiae; ergo etc. Maior patet. Minor probatur: quia ante, retro, sursum, deorsum, dextrum, sinistrum sunt differentiae positionis et etiam loci. Praeterea, locari est situari vel poni, ergo locus est positio per locum a coniugatis. Praeterea, illud est locus quod respondetur ad interrogationem factam per “ubi”; sed respondetur positio, ut cum interrogo “Ubi est?” dicitur “Extra” vel “Intus,” “Sursum,” vel “Deorsum”; ergo etc.

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Landulphi Caraccioli Secundum dicunt quod per accidens locus est superficies corporis continentis. Probatio: quia corpora glorificata sunt vere in loco, et tamen non habent corporis superficiem continentem, cum sint supra empyreum caelum. Praeterea, caelum est in loco quia habet determinatam positionem, et tamen non habet superficiem continentem, saltem ultimum caelum. Praeterea, istae differentiae sursum, deorsum, etc., constituunt locum et positionem, et tamen accidit eis quod contineantur, quia potest esse sursum absque eo quod contineatur, sicut ultimum caelum. Tertium dicunt quod locus vel positio est per se in genere quantitatis et quod positio est distincta quantitas a corpore et superficie et linea. Quod sit quantitas patet, quia a Philosopho collocatur ut species distincta sub quantitate per differentiam constituentem eam. Sed quod sit quantitas distincta probatur: quia sicut se habent partes corporis, superficiei, et lineae ad partes situs, ita totum ad totum; sed quaelibet dictarum partium est quantitas distincta a parte situs quae est in ea, quia quaelibet potest amittere situm suum; ergo totus situs erit alius ab illis totis.

‹ Contra opinionem Petri Aureoli: sex propositiones ›

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Contra istam opinionem dico sex propositiones. Prima: quod locus nullo modo est positio hic vel ibi. Probatio: illa non sunt idem quorum unum manet, altero realiter non manente; sed locus manet, positione non manente; ergo locus non est positio. Maior patet per extrema contradictionis. Minor est Philosophi, iv Physicorum: “Locus non corrumpitur cum corruptione eius quod est in eo.” Ubi dicit Commentator, et est commentum 7, quod quia locus non corrumpitur corrupto eo quod est in eo, necesse est ut sit prior naturaliter, non secundum naturam tantum, sed secundum tempus. Manet ergo locus corrupto locato, sed non manet positio, quia non est idem positum. Confirmatur, quia Philosophus, iv Physicorum, probat contra Platonem quod locus non est materia vel forma, quia locus potest separari a locato, sed non materia et forma ab eo cuius est. Ubi Commentator dicit, commento 17: Formae non separantur a materia. “Sed separatio eius a materia est corruptio.” Locus autem separatur ab ipsis locatis. Certum est autem quod positio non separatur, ergo non est locus. Praeterea, illa non sunt idem realiter quorum unum potest realiter multiplicari, altero non realiter multiplicato; sed positio potest realiter multiplicari, loco non multiplicato realiter; ergo etc. Maior patet per extrema contradictionis. Minorem probo: posito quod Deus possit facere multa corpora in eodem loco, sicut isti tenent, erit unus locus numero non realiter multiplicatus; sed positiones realiter multiplicantur. Probatio: quia corrupto

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uno illorum corporum, corrumpitur eius positio, et tamen non corrumpitur positio alterius corporis remanentis, sicut si Petrus et Paulus essent in eodem 65 loco, posset Petrus adnihilari, Paulo manente. Praeterea, si positio est locus, locus informabit locatum. Consequens est falsum, ergo etc. Falsitas consequentis est clara per Philosophum in iv Physicorum, qui hoc expresse probat contra Platonem: quod nec accidentaliter nec substantialiter locus est forma locati. Consequentiam probo: tum quia 70 evidens est quod positio et situs est in re posita et situata, et per consequens non nisi sicut forma. Tum quia nihil absolutum quod est in locante deperditur, remoto locato; tamen positio deperditur; ergo non est aliquid locantis, sed magis locati, ex quo per istos est absolutum et desinit, remoto locato. Secunda propositio: quod ex hoc quod motus aliter est ad positionem, 75 aliter ad locum, locus non est positio. Probatio: illa duo non sunt idem realiter quorum unum praeexistit motui realiter et acquiritur ut praeexistens, alterum non praeexistit realiter sed acquiritur de novo; sed locus praeexistit motui realiter, nec inducitur per motum, positio autem sic; ergo locus non est realiter positio. Maior patet, quia quando aliqua sunt unum realiter, impossibile est 80 unum acquiri realiter, alterum non, et unum praeexistere realiter, alterum non. Minor patet, quia locus non accipit esse per motum, cum sit quantitas quaedam continua permanens in locante; sed per motum acquiritur ille ordo partium locati ad locum; qui ordo est situs et positio, vel quicquid sit, sola positio acquiritur, non locus, cum locus etiam motui et mobili praesupponatur. Tertia propositio: quod differentiae constitutivae loci non sunt sursum, 85 deorsum, ante, retro, et talia. Probatio: illa non est differentia loci constitutiva sine qua potest esse vere locus secundum omnem suam entitatem, saltem per divinam potentiam; sed sine istis differentiis potest locus esse per divinam potentiam; ergo etc. Maior patet, quia Deus non potest facere rem sine eo quod 90 est sibi specifice intrinsecum, sicut non posset facere hominem sine rationali. Minor patet: posito quod Deus adnihilaret omne corpus excepto vase pleno aqua, ibi esset verissime locus, et tamen non esset sursum vel deorsum, ante vel retro, quia non esset centrum sphaerae vel superficies. Confirmatur, quia nihil ad alterum videtur esse differentia per se alicuius 95 absoluti; sursum, deorsum, et talia videntur esse ad alterum, quia sunt respectus ad partes universi, et tolluntur remoto termino. Unde caelo adnihilato et centro, vas remanens nec esset sursum nec deorsum. Quarta propositio: quod ex hoc quod superficies corporis continentis potest mutari, non mutato loco, sicut navi stante in eodem loco, superficies 100 aquae currentis in flumine continue variatur, ex hoc, dico, potest demonstrative ostendi quod nullo modo locus est positio. Probatio: mutato continente circumscribente numero, necessario mutatur ubi vel positio numero; sed non

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Landulphi Caraccioli mutatur locus idem numero; ergo ubi vel positio non est locus. Deductio patet, quia contradictio est idem numero realiter mutari et non mutari. Probo assumptum: quia cum ubi seu positio sit ex circumscriptione loci continentis ad locatum, secundum auctorem Sex principiorum – immo si numquam diceretur, ex ordine enim partium locati ad partes loci et totius ad totum secundum commensurationem est ubi seu positio – variata illa superficie loci quae mensurabatur, mutatur necessario ipsa commensuratio et ubi, locus autem non mutatur, quia navis ligata ad palum in aquis immobilis non mutat locum. Quinta propositio: quod locus per se respicit continere, ita quod esse ultimum continentis per se spectat ad locum. Probatio: illud per se spectat ad locum quod spectat ad eius rationem definitivam; sed esse ultimum continentis est huiusmodi; ergo etc. Maior patet: quia ad primum modum dicendi per se spectant per se definientia. Minor est Philosophi, iv Physicorum, ubi, definiendo locum, dicit: “Ultimum continentis immobile primum est locus.” Ubi dicit Commentator in commento 41 quod ista definitio est “in qua perficiuntur omnes differentiae determinantes naturam loci.” Et dicit Commentator quod locus per hoc quod est ultimum continentis primum “differt continens aequale ab inaequali.” Sed per hoc quod est immobile distinguitur ab omni alio ultimo corporis naturalis, quia illud est mobile per se, locus autem non. Praeterea, Philosophus, post recitatas opiniones aliorum de loco, incipit determinare de eo, dicens: “Accipiamus de loco quae existimatur re vera esse ei essentialiter. Dicamus igitur quod omnes conveniunt in hoc quod locus primo vere continet illud cuius est locus et non est aliquid ipsius.” Ergo ad eius essentiam pertinet esse continens ab ipso contento distinctum. Praeterea, illud spectat ad locum per se quo remoto facit locatum esse in loco per accidens; sed continere est huiusmodi; ergo etc. Maior patet, quia posito locato in loco, si ex condicione remota tollatur per se ratio loci, illa condicio erit per se spectans ad locum. Minor est Commentatoris, iv Physicorum, commento 43, dicentis quod, quia “locus est primum continens,” ideo sequitur ut “illud extra quod non est corpus continens non sit secundum totum in loco essentialiter, et ista est dispositio totius universi, scilicet quod non sit in loco essentialiter, cum nihil sit extra ipsum.” Vult ergo quod universum non est in loco per se, quia non habet corpus continens. Confirmatur, quia in fine commenti, postquam narravit opiniones aliorum quomodo caelum ultimum movetur in loco, cum non sit in alio corpore, dicit quod movetur per accidens in loco, quia movetur circa centrum, quod est quiescens. Sed obicit contra se: quomodo primus orbis movetur per accidens in loco, cum eius motus sit primus et regula omnium motuum aliorum? Respondet

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quod non est necessarium ad aliquid esse per se motum illud esse per se in loco, ideo caelum, quamvis per accidens sit in loco, quia non habet extra se corpus, non tamen movetur per accidens, quia sufficit ad moveri per se quod aliquid moveatur circa quiescens sicut est centrum. Confirmatur iterum, quia si locus est positio, cum totum universum habeat positionem et caelum similiter, quomodo Commentator et omnes alii tantum laborassent investigando quomodo ista sunt et moventur in loco? Omnis tamen eorum dubitatio fuit quia nec totum universum nec primus orbis habebant continens, ut patet in isto commento 43. Sexta propositio: quod locus vel situs vel positio – quae idem sunt, secundum eos – non est quantitas distincta a linea, corpore, et superficie. Probatio, per Commentatorem, iv Physicorum, commento 41: “Locus est ultimum continentis” “intelligit per ‘ultimum’ superficiem continentem.” Praeterea, si esset distincta quantitas, quaero in quo est sicut subiecto? Non in corpore locante, quia nulla forma absoluta tollitur ab eo, remoto ipso locato, cum faciat cum eo unum accidentaliter per accidens. Nec in corpore locato, quia impossibile est locum esse formam locati, nec substantialem nec accidentalem. 27 commento iv ‹ Physicorum › dicitur: “Impossibile est ut aliquid recipiat se per aliquod accidens sibi.”

‹ Conclusio secunda › ‹ Opinio propria: tres propositiones › Secunda conclusio ponit quod sentio sub tribus propositionibus. Prima propositio declarat definitionem loci, iv Physicorum: “Locus est ultimum continentis immobile primum.” Prima pars, quae est ‘ultimum’, non est 165 intelligenda in actu, quia superficies separata posset vere locus esse. ‘Ultimum’ ergo hic est accipiendum pro aliquo indivisibili quod natum est esse ultimum alicuius divisibilis, et istud ultimum proprie, secundum Commentatorem, est ipsa superficies continentis. Secunda pars, quae est ‘continens esse’, per se spectat ad locum, quia 170 Aristoteles ponit quod essentialiter competit loco continere aliquid cuius est locus et non esse aliquid eius. Et ratio est quia, cum esse in loco sit per commensurativam applicationem quanti ad quantum, ideo necessario est ibi continentia. Tertia pars, scilicet ‘esse primum’, exponitur a Commentatore, dicente quod, 175 si corpus locans est maius corpore locato, per illud solum erit locus per quod

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Landulphi Caraccioli primo applicatur locato, ita quod illud est locus solum quo primo applicatur locato et aequaliter, quia locus non excedit locatum nec e converso. Quarta pars, scilicet ‘esse immobile’, exponitur tripliciter. Primo, in ordine ad polos ut ad totum universum. Exemplum: quando navis stat ligata ad palum in flumine, manet in eodem loco, non quod sit eadem superficies aquae, quia fluit continue, sed quia stat in eodem aspectu ad polos et ad totum universum. Sed hoc non valet, quia variato subiecto numero, impossibile est esse idem accidens numero, accidentia enim non migrant a subiecto in subiectum; sed hic variatur superficies locans numero; ergo non poterit manere idem aspectus istius locantis numero. Si enim aqua locat navim per superficiem, quomodo manebit idem aspectus totiens superficie variata? Aliter exponitur: quod licet in aqua varietur ultimum, scilicet superficies, non tamen variatur inquantum est quoddam ultimum universi, et hoc sufficit. Contra istud: non est ultimum universi nisi quia est ultimum alicuius partis in universo. Variata ergo ista superficie ut est partis universi, scilicet aquae, variatur ut est totius universi, quia ista superficies non est ultimum universi nisi quia est alicuius partis in universo. Aliter exponitur: quod locus necessario est immobilis per se, per accidens tamen potest moveri, sicut patet quod sedens in navi non mutat locum, licet navis moveatur. Locus ergo per accidens potest moveri. Contra: quia motum per accidens habet locum per accidens; sed locus non potest habere locum per accidens; ergo nec motum. Maior patet in exemplo: similitudo movetur accidentaliter per accidens, quia 4 loco. Moto enim corpore, movetur superficies, et ista mota, movetur albedo, et mota albedine, movetur similitudo, et tamen dicimus quod similitudo est in alio loco modo et antequam corpus moveretur. Minor patet, quia si loci esset locus, quantumcumque per accidens, iretur in infinitum. Praeterea, si locus moveretur per accidens, aliquis quiescens moveretur, scilicet ipsum locatum in loco per accidens moto, puta sedens in navi, et tunc, si navis adnihilaretur, iste quiescendo acquireret locum distantem ad mille passus, quod est impossibile. Expono ergo aliter: quod locus est immobilis immobilitate et incorruptibilitate opposita motui locali, et per aequivalentiam continentis immobilis secundum locum. Declaro ista: impossibile est quod aliquis moveatur localiter de eodem loco numero ad eundem locum numero, nec ab uno loco numero ad alium locum qui aequivalet primum locum solum numero, quia cum in omni motu sit deperditio termini a quo et acquisitio termini ad quem, sive sit idem locus numero sive aequivalet eum solum numero, non erit motus localis, quia idem terminus non potest perdi et acquiri. Et ideo in motu circulari, ubi mobile vadit de eodem puncto ad eundem punctum numero, non

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potest accipi motus localis nisi in tota linea exeunte a puncto et non in ipso puncto. Modo dico quod, quando navis stat ligata in flumine, quamvis superficies continens continue fluat et varietur numero, alia superficies succedit aequivalens primam numero. Ideo non variatur locus. Immobilitas ergo in loco est illa quae opponitur motui locali, vel in comparatione ad unum locum numero, vel in comparatione ad aliquid aequivalens secundum numerum, sicut superficies aquae fluentis continue est eadem, non numero, sed secundum aequivalentiam. Et nota quod si haec domus tota moveretur motu locali, corrumperetur in eius superficie ratio loci. Unde non esset mihi idem locus modo et ante. Ratio est quia tolleretur ab ea formalis ratio qua locus est immobile primum. Et si dicas quod non, quia manet eadem circumscriptio domus ad me existentem in ea, hoc non valet. Ista enim circumscriptio non erit eadem a domo sicut a loco, sed a domo sicut a vase continente, quia circumscriptio quae est a continente sicut a loco est necessario a continente immobili per se et per accidens. A vase autem non oportet. Unde veges plena vino est idem vas quantumcumque moveatur, licet continue dum movetur corrumpatur in ea ratio loci propter deperditionem differentiae loci qua est immobile primum. Secunda propositio est recolligere condiciones loci. Philosophus, iv Physicorum, videtur sex condiciones attribuere loco. Prima condicio est esse locum actualiter, non in potentia, quia nisi ponantur latera continentis actualiter distare, non est proprie locus, sicut aer remoto corpore totum fit unum continuum, et similiter aqua. Et licet latera eius possint distare posito corpore in eis, non tamen actualiter distant nisi posito corpore, puta quadrangulari. Secunda condicio est quod locus sit aequalis locato. Unde Philosophus dicit in iv Physicorum quod locus non est maior vel minor locato, quia da oppositum, quod sit maior, locus esset sine locato. Da quod sit minor, locatum erit sine loco. Tertia condicio: quod locus commensuretur locato, quia ex quo, secundum Commentatorem, quaelibet pars loci attingit et coexistit cuilibet parti locati, necessario oportet quod locatum sit in loco commensurative. Quarta condicio: quod cuiuslibet locati sit locus determinatus hic vel ille, quia ex quo corpus locatum coexistit et commensuratur loco et est sibi aequalis, necessario habebit sibi determinatum locum, nec poterit ubique esse. Quinta condicio: quod locus nihil est locati. Hoc expresse Philosophus vult, iv Physicorum. Unde dicit quod non est aliquod singulorum locatorum, immo separatur ab eis. Et ratio eius est quia, si locus esset aliquid locati, idem reciperet se ipsum et esset in se ipso, quod est impossibile. Sexta condicio: quod locus aliquis est naturalis, aliquis violentus. Unde Philosophus dicit quod omne corpus fertur superius aut inferius vel circulariter,

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Landulphi Caraccioli superius levia, inferius gravia, circulariter orbes. Nota tamen quod quinque primae condiciones insunt loco in ordine ad corpus ut est quoddam quantum, quia quod latera continentis actualiter distent, et quod aequentur locato et commensurentur eidem, et quod locatum non sit ubique, et quod locus nihil sit locati, ista omnia competunt inquantum corpus est quoddam extensum. Unde Philosophus vult, in capitulo “de vacuo,” quod si corpus mathematicum ponatur in vacuo, habebit omnes quinque primas condiciones. Ultima autem condicio competit loco in ordine ad corpus quale, quia locus naturalis, puta centrum, habet aliquam qualitatem ad conservationem gravis. Et apparet quod qualitas inclinat ad ipsum, sicut est gravitas et levitas. Tertia propositio: quae differentia est inter superficiem et locum? Cum enim locus ponatur ultimum continentis et illud ultimum sit superficies, videtur quod locus sit superficies, et tamen Philosophus ponit quod sunt duae species sub quantitate. Dico hic quod, licet multae differentiae possint assignari, puta quod superfices inquantum respicit corpus quod terminat est superficies, sed inquantum respicit aliud corpus est locus, et quod superficies ut sic est mobilis, non autem ut est locus, tamen tota difficultas remanet quomodo locus et superficies sunt duae quantitates specie distinctae, secundum Philosophum. Et videtur mihi dupliciter dicendum. Primo, quod locus est realiter superficies cum aliqua aptitudine fundamentaliter, quod possit alicui aequaliter commensurari et illud continere. Et tunc superficies erit dimensio quantitativa indivisibilis secundum latitudinem, locus autem erit eadem dimensio fundamentaliter apta commensurari secundum aequalitatem alteri et continere ipsum. Dices quod ista videntur importare respectum, scilicet commensurari, adaequari, continere. Respondeo quod locus non est formaliter commensuratio vel adaequatio vel continentia, sed tantum fundamentaliter et subiective. Unde magis se habet per modum materiae quia per modum recipientis. Secundo, potest dici quod Philosophus non posuisset locum distinctam quantitatem a superficie nisi quia locus non videtur esse nisi superficies causata a corpore locato. Vult enim quod corpus locatum facit distare latera corporis continentis, et remoto locato, non remanent latera continentis distantia, quia esset vacuum. Non ergo remanet superficies vel locus nisi cum praesentia corporis locati. Exemplum: cum moveo manum per aerem vel per aquam, facio latera eius distare causando novam superficiem locantem manum meam. Statim cum retraho manum, non remanet illa superficies locans, nec distant latera continentis aeris vel aquae. Superficies ergo est dimensio non causata a corpore locante faciente distare latera continentis, sed locus sic. Unde Commentator, iv Physicorum, commento 42, dicit quod locus et locatum sunt quasi correlativa

In secundum librum Sententiarum, d. 8, q. 1

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quae insimul sunt, et si unum aufertur, et reliquum. Unde dicit quod locus videtur esse permanens cum permanentia corporis locati in eo. Si dicas quod superius allegavi per Aristotelem quod, recedente locato, remanet locus realiter, respondeo: verum est hoc locato particulari vel illo, sed 300 remoto omni locato, non remaneret locus, maxime secundum Philosophum, quia esset vacuum in natura. In eodem ergo loco numero realiter possunt sibi succedere multa corpora quorum quodlibet faciet latera continentis distare, quod non esset omni locato remoto.

‹ Conclusio tertia › ‹ Ad quaestionem › Tertia conclusio respondet ad quaestionem quod locus est ens absolutum. 305 Probatio: quia Aristoteles ponit ipsum realem speciem generis absoluti in Praedicamentis. Et iv Physicorum dicit quod est ultimum, Commentator quod est superficies. Praeterea, ratione: non est ens respectivum, ergo absolutum. Consequentia patet per immediatam divisionem entis in absolutum et respectivum. 310 Antecedens probo: quia si locus esset ens respectivum, esset respectu corporis locati vel respectu partium universi. Primum non, quia variato locato, manet idem locus numero, idem autem respectus non manet, variato extremo. Nec secundum, quia in flumine navi stante mutatur aspectus ad partes universi in superficie continue fluente, non tamen variatur locus.

‹ Ad rationes opinionis Petri Aurioli › 315 Ad rationes opinionis in primo dicto. Ad primum, dico quod oppositum minoris est verum. Variata enim positione et situ, non oportet variari locum, immo erit idem locus numero, quia si plura corpora sint in eodem loco numero, variantur positiones, non tamen loca. Sed si locus variatur, necessario variatur positio, immo impossibile est positionem eandem esse, puta si idem corpus 320 sit in duobus locis. Variatur ergo positio et in loco eodem et diverso. Ulterius, cum navis stat ligata, per continuum fluxum aquae mutatur continue positio navis, quia mutatur superficies. Non tamen mutatur locus. Ad secundum, dico quod est ad oppositum, quod motus localis non est ad locum sicut ad terminum qui formaliter acquiritur locato, sed ad positionem 325 sic, quia positio est in re posita formaliter, non in re locante vel re accipiente.

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Landulphi Caraccioli Ideo locus non est realiter positio. Ad tertium, concedo quod illa sunt eadem quorum differentiae sunt eaedem, loquendo per se. Minorem nego, quia per accidens convenit situi et positioni differentia quantitatis vel loci. Omne enim ubi sequitur circumscriptionem locantis ad locatum. Et quia omnis locus aut est superior vel inferior, vel ante vel retro, etc., ideo omne ubi vel est sursum vel deorsum etc. Ex hoc enim ubi vel positio est sursum quia locus in quo locatum ponitur et a quo circumscribitur est sursum, ideo est per accidens. Ad quartum, est ad oppositum: si locari sit situari et poni, sequitur quod locus non sit situs vel positio, quia locus erit situans et ponens, et per consequens non erit positio formaliter vel situatio. Dico ergo quod locare non est situare nisi consecutive, quia ad locationem sequitur situatio. Si enim locare sit situare, cum in uno loco sit tantum unum locare, non posset ibi esse nisi unum situare, cuius contrarium est cum multa corpora sunt in uno loco. Ad quintum, dico quod ad interrogationem factam per “Ubi?” non quaeritur communiter de illa positione vel situ quae exurgit inter continens et contentum, sed interrogamus communiter de ubi continente large accepto, scilicet de loco. Exemplum: cum interrogo “Ubi est Petrus?” non quaero de positione quam habet in loco, sed quaero de loco in quo habet positionem. Ideo dicitur “in foro” vel “in scholis.” Ideo cum dicitur “extra,” intelligitur de loco. Ad primum secundi dicti, nego assumptum. Non enim sancti in caelo empyreo stabunt cum pedibus supra convexum caeli empyrei, ita quod totum corpus sit in vacuo vel nihilo superiori, sicut isti imaginantur, sed toti erunt infra caelum empyreum et erunt duo corpora in eodem loco, nisi ponatur quod illud corpus cedit, quod non est impossibile, quia empyreum erit ad habitaculum sanctorum. Modo quod Deus producat corpus nobilissimum cedens corporibus sanctorum, sicut nobis aer, non video inconveniens nisi propter rarefactionem et condensationem. Alius tamen modus Deo est possibilis. Ad secundum, nego ultimum caelum esse in loco, quia hoc expresse negat Commentator – immo dicit quod, licet sit in loco per accidens, tamen potest per se moveri. Ad tertium, dico quod omne sursum vel deorsum aut est corpus continens aut corpus contentum. Si continens, erit locus; si contentum, erit locatum. Et illa vult Commentator expresse iv Physicorum, commento 42. Ad argumentum tertii dicti opinionis, concedo quod locus sit quantitas, sed quod distincta a superficie realiter nego. Cum dicis quod quaelibet pars locati distinguitur a suo situ, ergo totum a toto, concedo. Sed dico quod situs non est quantitas nec locus, sed est quidam respectus extrinsecus adveniens. Ideo non concluditur quod sit distincta quantitas, quia nec est quantitas.

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‹ Ad argumentum principale › Ad argumentum principale, dico: quamvis ad locum sequitur continentia, et multi alii respectus, non tamen sunt formaliter locus, quia locus non est formaliter continentia, sed est continens ipsum.

Apparatus Fontium 4 7 26 34 36 45 47 51 53 67 106 115 117 123 131 137 154 160 163 167 170 174 233 245 255 261 274 285 294 298 300 305

Aristoteles, Praedicamenta, c. 6: 4b24–25. Petrus Aureoli, Reportatio in secundum librum Sententiarum, d. 2, pars 3, q. 1, a. 1 (ed. Schabel, 143.21–144.26). Petrus Aureoli, Reportatio ii, d. 2, pars 3, q. 1, a. 2 (ed. Schabel, 144.29–145.3). Petrus Aureoli, Reportatio ii, d. 2, pars 3, q. 1, a. 3 (ed. Schabel, 150.2–16). Aristoteles, Praedicamenta, c. 6: 4b20–5a24. Aristoteles, Physica iv, c. 1: 208b37–209a1 (Aristotelis Opera cum Averrois Commentariis, vol. 4, ed. Venetiis 1562, f. 124ra–bC–D). Averroes, In Aristotelis Physicam iv, comm. 7 (ed. cit., f. 124rbD–E). Aristoteles, Physica iv, c. 2: 209b23 (ed. cit., f. 127vbL). Averroes, In Aristotelis Physicam iv, comm. 17 (ed. cit., f. 127vbM). Aristoteles, Physica iv, c. 2: 209b22–210a9 (ed. cit., f. 127vbL, 128ra–bC–D). Liber de Sex Principiis Gilberto Porretae Ascriptus, c. 5 (ed. A. Heysse et D. Van Den Eynde, Münster 1953, 20.15–16). Aristoteles, Physica iv, c. 4: 212a20–21 (ed. cit., f. 139vbL). Averroes, In Aristotelis Physicam iv, comm. 41 (ed. cit., 140raA–B). Aristoteles, Physica iv, c. 4: 210b34–211a1 (ed. cit., f. 133rbE). Averroes, In Aristotelis Physicam iv, comm. 43 (ed. cit., f. 141ra–bC–D). Averroes, In Aristotelis Physicam iv, comm. 43 (ed. cit., f. 142vaG–I). Averroes, In Aristotelis Physicam iv, comm. 41 (ed. cit., f. 140raA–B). Averroes, In Aristotelis Physicam iv, comm. 27 (ed. cit., f. 132rbD). Aristoteles, Physica iv, c. 4: 212a20–21 (ed. cit., f. 139vbL). Averroes, In Aristotelis Physicam iv, comm. 41 (ed. cit., f. 140raA–B). Aristoteles, Physica iv, c. 4: 210b35–211a1 (ed. cit., f. 133raE). Averroes, In Aristotelis Physicam iv, comm. 41 (ed. cit., f. 140raB). Aristoteles, Physica iv, c. 4: 210b35–211a6 (ed. cit., f. 133raE). Averroes, In Aristotelis Physicam iv, e.g., comm. 17 (ed. cit., ff. 137rbD–138rbE). Aristoteles, Physica iv, c. 4: 212a21–28 (ed. cit., f. 140rbD). Aristoteles, Physica iv, c. 8: e.g. 216b2–19. Aristoteles, Praedicamenta, c. 6: 4b24–25. Aristoteles, Physica iv, c. 7: 214a16–217b29. Averroes, In Aristotelis Physicam iv, comm. 42 (ed. cit., f. 140vbL). Hic supra, ll. 46. Aristoteles, Physica iv, c. 7: 214a16–20. Aristoteles, Praedicamenta, c. 6: 4b24–25; Physica iv, c. 4: 212a20–21 (ed. cit., f. 139vbL).

Apparatus 306 315 323 327 334 340 346 355 356 358 360 361 366

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Averroes, In Aristotelis Physicam iv, comm. 41 (ed. cit., f. 140raA–B). Hic supra, ll. 7–12. Hic supra, ll. 13–16. Hic supra, ll. 17–20. Hic supra, ll. 21–22. Hic supra, ll. 23–25. Hic supra, ll. 26–28. Hic supra, ll. 29–30. Hic supra, ll. 31–33. Averroes, In Aristotelis Physicam iv, comm. 43 (ed. cit., f. 143raA–C). Averroes, In Aristotelis Physicam iv, comm. 42 (ed. cit., f. 140vbK–L). Hic supra, ll. 36–41. Hic supra, ll. 2–3.

Apparatus Criticus 2 3 11 14 15 21 23–24 25 26 27 28 29 30 31 34 37 40 41 47 50 52

quod respectivum om. per hom. M; mg.2 C || id om. V || locatum continetur] continet locatum W ordinem] ordinationem V || aliud] aliquid V pone om. V probant] probat P adversus] C p.c. mg.; virtus E; versus MV situari vel poni] situalis poni S; situaliter poni V; situalis positio a.c. mg. W ad... respondetur om. per hom. CFSV; mg. PW intus] intra W secundum] sed CS || dicunt] dicit F || corporis om. S continentis] continentibus M || vere om. C || corporis] coras M; continen + lac. a.c. P; continentie S quia] qui M continentem] continemmte M sursum] et add. EV tertium] tertia S; tertio W sed om. V || distincta om. F quia... suum om. V erit] esset V et] esse M || commentum] obiectum P || quia] cum V est om. V locus2] non add. P

180 53 54 55 57 58 61 62 63 64 65 66 67 68 69 70 72 75 76 79 79–80 80 81 83 84 85 86 91 92 93 95 98 99 100 106 107 108 109 110 111

Landulphi Caraccioli ab eo cuius est] est cuius ab eo V || ubi] unde F eius] est add. S, C a.c. || a materia est] est a materia F autem1] in F non om. F altero] alio V || multiplicato realiter inv. EM non om. F multiplicatus... realiter om. per hom. E corporum om. S sicut] sic W manente] remanente VW locus2 om. CEMV etc.] et antecedens V quod] quia F || accidentaliter] actualiter CEF*V, S a.c. locus est] non est locus F consequentiam om. V et situs est] et sicut est CE; et finitus est F; et etiam situs est S; est situs V tamen] C a.c.; tum quia p.c. C; cum E*V probatio] probo CEMPS motui] motu S impossible] possible FS (om. V) impossibile... realiter1 om. per hom. V realiter1 om. C (V) || realiter2] et V esse] rem V || sit] sint F, P a.c. locati ad locum] loci ad locatum V cum locus om. per hom. E || motui] in motu FPS sursum] et add. EFP differentia] differentie M patet] quia add. V || excepto] accepto F aqua] aquae V centrum] certum M sursum deorsum] sursum et deorsum V; per se deorsum vel sursum W || videntur esse] videntur esset M; differunt V, C a.c. quarta propositio inv. P; quod2 om. M mutari] immutari W || mutato] immutato W || sicut] sic W dico om. V || potest om. mss sex] seu C || diceretur] dicetur CFMV, P a.c.; diceret S enim] tantum C variata] ergo add. V mensurabatur] commensurabatur EMV || ubi] ibi V, C a.c. palum] paulum E; planum S || in aquis om. EMV esse] est E; omne S

Apparatus 113

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locum quod spectat om. per hom. E; locum quod spectant P || eius] esse V, C a.c. quia om. V 114 spectant] spectat EF || definientia] differentia V 115 dicit commentator inv. V || 41] XI CS 117 determinantes] terminantes CV || naturam loci] naturam V; inv. W 118 inaequali] aequali F || quod om. P 120 philosophus] est add. CEFV || recitatas] recitatis E; recitas F; recitans SV 122 existimatur] existimantur M || re om. V 123 primo om. C (V) || primo... locus om. per hom. V || locus om. CP (V) 125 erit] erat CMV || physicorum om. V 130 43] 42 P || dicentis] dicens S 131 totius om. V 133 movetur] moveretur W (om. P) 137 137–138 movetur... quod om. per hom. P (dicit quod mg. P) non sit in] sit V (om. P) 137 omnium motuum] motuum CEMV; inv. W || respondet] responsio V 141 esse2] est F 143 144 se] ie F 149 quomodo] quo P 150 quia] quod V || orbis] or F 151 isto] ista C 153 a linea] aliena S 154 41] xi CS 155 continentis] continens PS, F p.c. (!) || continentem om. V 156 sicut om. CEMV; in add. W || subiecto] subito M 157 nulla om. FS; mg. PW 158 accidentaliter] actualiter EV 159–160 substantialem nec accidentalem] accidentalem E; substantiale et accidentale W 160 ut] quod V 163 ultimum] ultimus C 164 continentis] continens F || pars] propositio CF, PSW a.c. || est1] esse add. M 167 istud ultimum inv. V 170 aliquid] ad C, F a.c.; id EMV 171 ratio] ideo C || quia om. P 172 commensurativam] mensura E; commensurationem S || quanti] quantitati M || necessario] necessaria V || ibi] in FS, C a.c. 175 erit] et E; est P; sit S 175–176 per2... solum om. per hom. E 176 primo2] primum P, W p.c. (!)

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Landulphi Caraccioli

ut] vel CEMV sed] stat F subiecto] subito* M enim non] autem non C; inv. E || a subiecto in] a subito* in M; de subiecto ad W manere] maior nature a.c. C; om. E; via nunc V || idem aspectus] esse add. 184 V; inv. W istius locantis numero] iste locantis a numero P; numero istius locantis W 185 superficiem] quo add. P aspectus] totius add. PW (mg. W) 186 quoddam] quod est P 188 188–189 et... universi om. per hom. F in... partis om. per hom. E 190 quod] quia W 193 potest] ponitur S || quod] quia EW || in navi om. F || mutat] movet CEMV, 194 W a.c. habet... accidens2] habet (per hom.) E; mg. P 196 197–198 ergo... accidens om. per hom. E 199 mota1 om. V 200 dicimus] dicemus V 201 esset] essent F 202 iretur] iret E; ireret M 204 et tunc om. F 205 acquireret] acquiretur M; acquiesceret a.c. W || ad om. P 206 quod] quae V 208 incorruptibilitate] corruptibilitate EV, C a.c. || continentis] continens FSVW, CP a.c. 209 aliquis] aliquid V 210–211 eundem... numero1 om. per hom. P || numero2... locum1 om. per hom. F; numero add. W 211 solum] solo V 212 cum] tamen EV 213 sive1] si non C; mg. P 214 terminus om. CFMSV; mg. PW 215 ubi] est add. EV, C a.c. || puncto] pucto S 216 in1] a V || exeunte] existente ES || ipso om. FS; mg. P 218 varietur] evarietur M || succedit] accedit V 219 est] scilicet F; mg. P; vel S 221 aequivalens] aequalens M 222 secundum aequivalentiam] aequivalentia V

Apparatus 223 225 226 226–227 227

nota] sciendum W || haec] ista W || corrumperetur] corrumpetur MP tolleretur] tolletur V dicas] dicatur EW domus... circumscriptio om. per hom. E existentem] existente CFPSW (om. E) || ea] eodem M (om. E) || erit] est P; erat a.c. W domo1] do F || domo2] loco C a.c. (om. p.c.) 228 228–229 quia... continente1 om. per hom. E 229 immobili] et add. E, C i.l. 230 veges] neges ES 231 dum] cum W 232 qua] quae V 233 recolligere] colligere V 235 esse] est E; omne a.c. S 237 et2] est E; om. W 239 quadrangulari] quadrangulariter V 241 in om. EVW || non om. S || locato] lacato S 242 sit1] esset W || locus] iam add. W 243 erit] est P 244 secundum] scilicet V 245 locati] loci E; locanti P 247 cuiuslibet] cuilibet EM 249 sibi om. CEMV || nec] ut ES; nisi V, C a.c. 250–251 philosophus vult inv. S 252 eius] est inv. S 254 violentus] violenteus F 255 aut] vel W 256 levia] et add. S 257 nota lac. M 258 quoddam] quiddam P 260 competunt] competuntur M 261 extensum om. F 262 quinque om. V 263 quale] naturale V 264 quia] quae P 265 ad ipsum om. P; situm add. mg. C 266 quae] quod SE || differentia est inv. PW 267 ponatur] ponat S 267–268 videtur... superficies om. per hom. M 268 ponit] ponis F || sunt] sint SVW

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Landulphi Caraccioli

270 quod2] si add. S 272 respicit] recipit CEFV || corpus] quod continet add. mg. P; quod verum* add. mg. W 273 ut om. FS, PW a.c. 274 secundum philosophum om. V 275 dicendum] dupliciter (mg.) P || primo om. C || cum] et S 276 possit] primo sit V 277 illud] id CFSV || erit] est P 278 eadem dimensio] dimensio C; eisdem dimensi F; om. V 279 apta om. F || continere] continetur a.c. C; contineret V 281 continere] continetur a.c. CP; contineretur p.c. P; continent S 286 causata] tanta S, a.c. P; p.c. W 287 locato V; locante mss 288 remanent] remanet M; remaneret V; remanerent* (mg. ) W 290 per2 om. F 292 cum] tamen S || remanet] manet W 293 non causata inv. a.c. CS; non tanta E 295 commento] quarto E; 9 add. S 297 in eo] in esse P, W a.c. mg. 300 remaneret] remanet EP 301 quia] quod S 302 faciet] facit VW 306 commentator] commentum* C; et commentator PW; commentator ibi V 307 quod] id CEMV 311 manet om. F 312 nec] ut W 313 quia] quod W 317 immo] hoc C; ergo E || locus om. CEMV; mg. W 318 necessario variatur om. per hom. E 319 immo] quo CFSV, P a.c. 320 duobus] diversis W 323 quod2] quia MP 324 sicut a.c. C; sed p.c. C 325 quia] enim V || re3 om. EMP; de F 327 eaedem] eodem C; eadem MSV 330 aut] vel EM || vel1] aut S || vel2] modo FSV, P a.c. 331 vel1] et V 332 positio] non C; ideo F; ratio P a.c. 335 non] est add. S || situs om. F; finis M || locus2 om. V 336 formaliter] formalis S || locare] localiter CV

Apparatus 337 338 339 341 342 343 348 350 356–357 358 360 362 363 365 366 368

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quia om. W || locationem] enim add. W tantum unum inv. C || esse] esset F corpora om. P || sunt] sint VW exurgit] exurgunt EMV, C p.c.; exigunt a.c. C; exurgint F; ex vergit a.c. W interrogamus] interroga W quaero] curo CEMV imaginantur] imaginabantur W quia] est add. P || ad] et S; om. V potest per se] potest se E; per se potest V aut om. V illa] ita MV || 42] 43 S realiter om. V totum om. S || toto] totu F distincta quantitas inv. P argumentum] primum add. CEMV continens ipsum inv. EM

Gerardi Senensis ‹ In secundum librum Sententiarum ›, d. 2, q. 3, a. 1 Tertio circa eandem distinctionem, ‹ in › qua[e] Magister agit de loco in generali, ‹ quaeritur › utrum locus sit res de aliquo determinato genere.

‹ Opinio Petri Aureoli ›

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Et videtur primo quod locus secundum suum formale sit positio, quia istud formaliter est locus de quo respondetur ad interrogationem factam per ‘ubi?’; sed ad interrogationem factam de aliquo ‘ubi est?’ respondemus quod est ante vel retro, sursum vel deorsum, vel sinistrorsum ‹ vel ›, destrorsum, et omnia haec sunt species vel differentiae positionis; ergo etc. Minor de se apparet. Maior probatur, quia interrogatio facta per ‘ubi?’ semper quaerit de loco. Ulterius secundo videtur quod locus secundum suum formale sit ordo ad universum sive determinata distantia a caelo, quia de ratione loci est quod sit quid immobile, ut patet ex quarto Physicorum; nihil autem apparet in loco quid sit quod immobile nisi ordo, quod non considerat de loco, nisi propter locum motum motus esset ad locum. Ideo quaeritur ut locatum in loco salvetur. Hoc autem non competit loco in ratione continenti, et ideo propter hoc ulterius elicidunt quod locus isto modo vel non sit unum ens per se vel quod dicat positionem in recto et superficiem in obliquo. Hic est ergo modus ponendi cum suis motivis.

‹ Contra opinionem Petri Aureoli ›

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In isto autem modo ponendi apparent mihi sex defectus. Primus siquidem defectus est quantum ad principalem conclusionem, quia ponunt quod “locus secundum suum formale sit positio.” Ad quam quidem conclusionem sequuntur tria inconvenientia. Primum est quia non possunt fingere quid sit illa positio quam dicunt formaliter esse locum. Nam Aristoteles et Commentator, in distinguendo,

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sed non in positio vel situs, in quinto Metaphysicae dicunt quod situs est ordo habentis partes. Qui quidem ordo accipitur dupliciter secundum eos, quia vel est ordo partium in loco vel est ordo partium ad se invicem in toto. Et ibidem dicit Commentator quod ordo partium in loco est situs, qui est praedicamentum: ordo vero partium ad se invicem in toto est situs, qui est una differentia quantitatis, secundum quod dictum est in Praedicamentis. Cum ergo positores praefatae opinionis dicunt quod locus secundum suum formale est situs sive positio, vel intelligunt quod sit situs acceptus primo modo, prout est ordo partium in loco, secundum quem modum est praedicamentum; vel intelligunt quod sit situs acceptus secundo modo, scilicet prout est ordo partium ad se invicem in toto, secundum quem modum est differentia quantitatis distinguens continuum a discreto; vel coguntur fingere quandam acceptionem de situ quam numquam viderunt [77va] Aristoteles et Commentator. Non dicere quod locus sit situs acceptus primo modo, quia cum talis situs sit ordo partium in loco, necessario supponit locum, et per consequens non est locus, quia tunc ratio loci supponeret locum, et secundum istam viam locus esset antequam esset, quae omnia sunt absurda. Sequeretur etiam ulterius quod locus faceret per se praedicamentum, et multa alia inconvenientia, quod leve est videre. Ulterius, non possunt dicere quod locus sit situs acceptus secundo modo, quia talis situs est quaedam differentia quantitatis continuae, per quam differt continuum a discreto. Et cum sit differentia communis et essentialis omnibus speciebus quantitatis continuae, sequeretur quod quaelibet species quantitatis continuae esset essentialiter locus, et per consequens ulterius quod nulla quantitas continua esset in loco, quia nulla res est in sua differentia essentiali continuativa, et maxime non potest dici quod sit in ea tanquam in loco. Sequerentur etiam quam plura alia inconvenientia, quae patent de se cuilibet intuenti. Coguntur ‹ ergo › necessario [dicere] fingere quemadmodum tertiam acceptionem situs de qua Aristoteles et Commentator nullam fecerunt mentionem. Secundum inconveniens contra eandem conclusionem est quia coguntur dicere quod omnia corpora sint in loco eodem modo, quod est contra intentionem Aristotelis et Commentatoris in quarto Physicorum, ubi volunt quod ultima sphaera non sit in loco per se sicut alia corpora, sed per accidens. Consequentia autem apparet, quia secundum viam praefatae opinionis, positio per se sequitur quamlibet speciem quantitatis continuae, et per consequens nullum est corpus quod non habet per se positionem et per se locum.

‹ In secundum librum Sententiarum ›, d. 2, q. 3, a. 1

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Et secundum istam viam destruetur distinctio quam facit Aristoteles in quarto Physicorum, et quam magis explicit Commentator ibidem, commento 43, 65 dicens quod corpora attribuuntur loco aut per se, aut per accidens, aut per partem. Haec autem opinio cogitur dicere quod omnia corpora attribuuntur loco per se, quia omnia corpora habent per se positionem. Tertium inconveniens contra eandem conclusionem est quia locus non erit quid absolutum, sed erit ad aliquid, et per consequens erit quid [sit] indivisibile, 70 nec poterit acquiri per motum. Consequentiam probo per Aristotelem et Commentatorem in quinto Metaphysicae, ubi volunt quod omnis situs vel positio, qualitercumque accipiatur, sit ordo habentis partes. Patet ergo primus defectus praefatae opinionis, qui est quantum ad principalem conclusionem. Secundus defectus eiusdem opinionis est quantum ad modum accipiendi 75 positionem, quia dicunt positores opinionis quod ipsi intelligunt per positionem illud quod formaliter vel quasi active locat ipsum locatum. Ad quod quidem dictum sequuntur tria alia inconvenientia. Primum est quia locare idem erit quod locatum informari, et locari idem 80 erit quod a loco informari, quod est contra omnem extimationem. Secundum inconveniens, quia locus erit aliquid intrinsecum formaliter ipsi locato, quod expresse est contra Aristotelem et Commentatorem in quarto Physicorum. Tertium inconveniens, quia duo [77vb] praedicamenta, scilicet ubi et situs, 85 quae inveniunt ex loco non erunt intrinsecus advenientia, immo potius erunt advenientia intrinsecus, quia proveniunt ex loco, qui secundum viam dictam est aliquid formale intrinsecum. Tertius defectus eiusdem opinionis est quantum ad modum ponendi, quia dicunt quod positio isto modo est quaedam species quantitatis continuae 90 distincta ab aliis speciebus. Ad quod dictum sequuntur etiam tria alia inconvenientia. Primum est quia differentia continuativa generis distinguetur contra species contentas sub illo genere, quod est absurdum quemadmodum et animalis* dicere quod est sensitivum, quod est continuativum aliquis* 95 animalis* distingueretur contra hominem et contra asinum quasi distincta species ab eis. Consequentia apparet, quia positio, quae pertinet ad genus quantitatis continuae, constituit dictum genus distinguendo ipsum a discreto quemadmodum sensitivum constituit animal distinguendo ipsum a non animali. Secundum inconveniens est quia positio erit extra rationem specificam 100 de genere quantitatis continuae, ut pote extra rationem lineae, superficiei, et corporis, quod est absurdum, quia tunc possent intelligi linea et superficies

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Gerardi Senensis et corpus habere continuitatem in suis partibus absque hoc quod haberent positionem, quod nullus sanae mentis diceret. Consequentia apparet, quia semper species contentae sub eodem genere ita se habent ad invicem quod una est extra rationem alterius et potest una intelligi sine alio et e converso. Tertium inconveniens est quia erit dare quartam dimensionem, quod est absurdissimum, ut de se patet. Consequentia autem apparet, ‹ quia › [quod] quaelibet species quantitatis continuae est quaedam dimensio. Si ergo positio isto modo est quaedam species distincta realiter ab aliis speciebus, quia secundum eos potest acquiri et perdi, non facta mutatione in aliis speciebus, relinquitur necessario quod ipsa sit quaedam quarta dimensio distincta realiter ab aliis tribus, scilicet linea, superficie, et corpore. Quartus defectus eiusdem opinionis est etiam quantum ad modum ponendi, quia dicunt quod ista species quantitatis quae appellatur ‘positio’ et ‘locus’ est formaliter et tanquam in subiecto in ipso corpore locato, et ideo secundum eos non variatur quamdiu corpus locatum non ‹ est › mutatum. Ad quod dictum sequuntur quatuor inconvenientia. Primum est quia ipsa non poterit moveri corpus locatum, loco manente immobili, quod est contra Aristotelem et Commentatorem in quarto Physicorum. Secundum est ‹ quia › duo corpora non poterunt sibi succedere in eodem loco quemadmodum nec sub eadem albedine, quod est contra consensum. Tertium est quia non dicetur proprie quod locatum sit in loco, immo magis proprie dicetur quod locus sit in locato. Quartum est quia locus non praeexistet locato, immo sicut per motum locus de novo acquiretur, ita etiam de novo generabitur, et per consequens motus localis erit motus ad formam quemadmodum alteratio vel augmentum. Quintus defectus eiusdem [78ra] opinionis est quantum ad illud quod addunt, quia dicunt quod [superior] superficies non pertinet ad rationem loci per se, sed per accidens. Ad quod dictum sequuntur duo [duo] inconvenientia. Primum est quia proprietates loci quae a Philosopho supponuntur in quarto Physicorum non convenient superficiei, ut pote quod contineat locatum et aequetur ei, quod patet evidenter esse falsum, quia nec videtur possibile fingere aliquid aliud cui dictae proprietates conveniant. Secundum inconveniens est quia differentiae essentiales loci, ut pote sursum et deorsum, remanerent in rerum natura etiam dato quod per impossibile circumscriberentur superficies, quia circumscripto eo quod est per accidens, nihil debet tolli de essentialibus. Falsitas autem consequentis apparet, quia sursum et deorsum non distinguuntur nisi propter aliam et aliam virtutem conservativam, scilicet levium et gravium, quae quidem virtutes conservativae non debentur nisi superficiebus ratione corporum in quibus existunt.

‹ In secundum librum Sententiarum ›, d. 2, q. 3, a. 1

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Sextus et ultimus defectus eiusdem opinionis est quantum ad illud quod ultimo concludunt, quia dicunt quod locus secundum quod est de consideratione 145 philosophi naturalis "vel non est unum ens per se vel dicit positionem in recto et superficiem in obliquo." Ad quod dictum sequuntur tria inconvenientia. Primum est quia si locus esset ‹ homoioteleuton? › definibile, quod patet ‹ esse › [est] falsum, quia Aristoteles ipsum ‹ definit › [desinit]. Secundum est quia terminus motus localis non esset simplex, et per 150 consequens nec motus localis simplex, quod est absurdum, quia ab omnibus philosophantibus conceditur esse simplissimus. Tertium est quia Aristoteles nescivisset definire locum, quia in definiendo eum nec posuit illi positionem nec posuit superficiem in obliquo, sed in recto. Et ideo propter ista et plura alia quae induci possent, dicendum est simpliciter 155 quod locus secundum suum formale[m] non est positio.

‹ Ad rationes Petri Aureoli ›

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Motiva autem dictae opinionis faciliter tollunt‹ ur ›. Nam prima ratio deficit quadrupliciter. Primo, quia non probat directe quod locus sit positio, sed probat quod non sit superficies. Secundo, quia dato quod non esset superficies, non propter hoc possent asserere quod esset positio, quia plures fuerunt qui dixerunt locum non esse superficiem, et tamen non propter hoc dixerunt ipsum esse positionem. Tertio, quia supponit sine probatione quod possit variari superficies, non variata positione, quod utique indigeret probatione. Quarto, quia supponit communiter concessum, quod variata superficie, adhuc possit remanere idem locus, quod quidem dictum, quamvis videatur communiter concessum, ego tamen non concedo istud nisi viderem aliquam rationem cogentem, quam adhuc non vidi. Unde tamen veniunt ista communis concessio videbitur in sequenti articulo. Secunda etiam ratio deficit, quia minor simpliciter ‹ est › falsa. Nec probatio valet, nam si tollentur aer et aqua, et ponentur termini a concavitate lineae, non ulterius moveretur ad centrum sicut modo, sed moventur ad concavitatem ignis, quia nunc locus medius ipsius centri est concavitas aquae. Ita [78rb] facta dicta suppositione, esset nunc concavitas ignis, et si tolleretur ignis, tunc locus medius et infimus in universo remaneret concavitas lineae. Tertia etiam ratio totaliter deficit, quia supponit quod sursum et deorsum sint differentiae positionis, subtracta etiam superficie corporis continentis, quod utique est ‹ verum ›, quia dictae differentiae non distinguuntur nisi propter aliam et aliam virtutem conservativam. Subtracta autem superficie

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Gerardi Senensis corporis continentis, nulla remanet virtus conservativa, et per consequens nulla differentia positionis vel loci. Quarta etiam ratio deficit, quia situari potest accipi dupliciter, uno modo prout est idem ‹ quod › [quia] situm a loco causari, alio modo prout prout idem est quod a situ causato formaliter denominari. Cum ergo dicunt quod locari idem est quod situari, si accipiatur situari primo modo, vera [quod] est propositio, et tunc non debet inferri quod locus sit idem quod situs, sed quod locans sit idem quod situans, quod utique est verum, quia idem locus locat et situat ex eo quod situm in corpore locato causat. Si vero accipiatur situari secundo modo, sic simpliciter neganda est propositio, quia corpus locatum ita denominatur formaliter situatum ipso situ, qui est aliquid intrinsecum causatum a loco, quia non potest denominari localiter ipso loco qui est aliquid extrinsecum. Quinta etiam ratio deficit, quia sursum et deorsum ideo dicuntur differentiae positionis quia differentiae loci a quo causatur positio. Quando ergo ad interrogationem factam per ‘ubi?’ respondemus per aliquam talem differentiam, accipimus eam prout pertinet ad [pro]positionem. Apparet ergo quid sit dicendum quantum ad istum articulum, quia dicendum est quod locus secundum suum formale non est positio.

John Buridan on Place Cecilia Trifogli (Oxford)

i. Introduction John Buridan (ca. 1300–1361) was a major philosopher of his time and arguably the most influential. He spent his entire academic career as a master of Arts at the University of Paris, where he lectured on logic and on the major works of Aristotle (e.g., ‘Metaphysics’, ‘Physics’, ‘De Caelo’, ‘De Anima’, 1 ‘De Generatione et Corruptione’, ‘Parva naturalia’, ‘Nicomachean Ethics’). In the course of his career Buridan gave more than one series of lectures on Aristotle’s ‘Physics’, and indeed six commentaries on the ‘Physics’ are ascribed to him. His last commentary (written between ca. 1350/52 and 1357) – his ‘Quaestiones longae super octo libros Physicorum secundum ultimam lecturam’ (hereafter for short ‘Questions on the Physics’) – is his 2 most important contribution to natural philosophy. It is on this work that 3 my reconstruction of Buridan’s view on place is based. 1

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For more details about Buridan’s life and writings, see John Buridan’s Tractatus de infinito, ed. by Johannes M.M.H. Thijssen (Artistarium, Supplementa vi), Nijmegen 1991, pp. xi–xiv and the bibliography quoted therein. For a recent monograph on Buridan covering some major aspects of his logical and metaphysical thought see Zupko, Jack, John Buridan. Portrait of a Fourteenth-Century Arts Master, Notre Dame, Indiana 2003. See also the collection of essays The Metaphysics and Natural Philosophy of John Buridan, Eds. Johannes M.M.H. Thijssen and Jack Zupko (Medieval and Early Modern Science 2), Leiden/New York/Köln 2001. On Buridan’s different commentaries on the ‘Physics’ see John Buridan’s Tractatus de infinito (note 1), pp. xvii–xxi. There is not a critical edition of the ‘Questions on the Physics’, except for the section on the infinite (Questions on Physics, Book iii, chapters 4–8), ed. by Thijssen (note 1). All references to the ‘Questions on the Physics’ in this paper are to the 16th-century edition Johannes Buridanus, Kommentar zur Aristotelischen Physik, Paris 1509, repr. Frankfurt a. M. 1964. The questions

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Buridan accepts a fundamental assumption of Aristotle about the location of bodies, namely, that the place of a body can be defined without positing space conceived of as three-dimensional incorporeal extension. He departs, 4 however, very radically from other major Aristotelian presuppositions. Although almost all medieval commentators feel that Aristotle’s discussion of place is not completely satisfactory and point out some obvious problems in it, they try, however, to find solutions to these problems which respect some basic Aristotelian principles about place. Buridan’s attitude to the open problems of Aristotle’s discussion and also the actual solutions he proposes, compared to those of the other medieval commentators, seem much more innovative and original, and tend to undermine the very foundations of Aristotle’s theory. In this paper I will present two aspects of Buridan’s discussion of place, in which in my view his most radical ideas very clearly appear. The first aspect concerns the place of a body as the constituent of the natural world answering the question ‘Where is this body?’ (hereafter ‘the question of location’). Following Aristotle, Buridan maintains that place and some of its essential features are determined by the answer to the question of location. While Aristotle assumes that the only legitimate answer is in terms of a container – in Aristotle’s definition place is the limit of the containing body – Buridan holds that there are many other legitimate answers. The place of a body is not necessarily the limit of a containing body nor necessarily a container at all. It can well be a body situated on the right or on the left or below or above the located body. The second aspect concerns the relationship between place and local motion. According to Aristotle, the existence of place is a necessary condition for the existence of local motion. Buridan questions this Aristotelian assumption, maintaining that local motion can exist even in absence of place. He proposes some interesting conceptual experiments, based on counterfactual situations, to illustrate the possibility of a local motion without place. He also clarifies on which ontological assumption this possibility is grounded. He does not deny, however, that place is somehow relevant to local motion, but he gives place only a phenomenological role: place (any

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on place (questions on Physics, Book iv, chapters 1–5) are at fols. 66va–72vb. For Buridan’s view on place see also the classical study by Duhem, Pierre, Le systeme du monde, vol. 7, Paris 1956, pp. 268–279. On Aristotle’s theory of place, see especially Aristotle, Physics. Books iii and iv. Translated with Introduction and Notes by Edward Hussey (Clarendon Aristotle Series), Oxford 1983, pp. xxvi–xxxii, 99–122; Morison, Benjamin, On Location. Aristotle’s Concept of Place (Oxford Aristotle Studies), Oxford 2002.

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place, not necessarily the Aristotelian place) is not necessary for the existence of local motion but it is necessary for our perception of local motion. In absence of place – Buridan claims – local motion could exist but could not be perceived by us.

ii. Location of a body Aristotle defines the place of a body A as the limit of the body B containing A, limit in contact with A. By limit of a body, Aristotle means the external surface of the body, that which delimits its three-dimensional extension. With a simple example: the place of a fish in a river is the surface of water 5 in contact with the fish and completely surrounding the fish. Aristotelian commentators generally remark that Aristotle’s definition can be extended also to more complex but more common cases in which a body is surrounded by more than one body: the place of such a body consists of the collection of all the surrounding surfaces in contact with it. For example, the place of water in a glass is given by the internal surface of the glass and by the surface of air in contact with the upper part of water. As to the ontology of place, Aristotle’s definition presupposes that place can be defined without positing the existence of space, but not also that it can be defined simply in terms of one or more bodies. For the place of a body is not strictly speaking the body containing it but the surface of the containing body. Although for Aristotle a surface can exist only in a body, as limit of the body as a whole or of some three-dimensional portion of the body, he also assumes that the distinction between the containing body and its external surface is relevant for the proper understanding of the location of a body. On the contrary, as other 14th-century philosophers (Ockham 6 is the most famous), Buridan adopts a very reduced ontology of quantity (continuous quantity). He maintains that there are no surfaces understood as bi-dimensional extensions (i.e., extensions having only length and breadth but not depth), as well as there are no lines understood as one-dimensional extensions (i.e, extensions having only length but no breadth and depth) and no points (i.e., entities without any extension). In short, for Buridan there

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Aristotle, Physics, iv.4, 212a2–7. On Ockham’s ontology of quantity, see especially McCord Adams, Marilyn, William Ockham, vol. 1, Notre Dame, Indiana 1987, pp. 169–213.

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are no extensions indivisible in one or more dimensions. The only extension 7 there is is the three-dimensional one, that proper of bodies and their parts. Accordingly, in Buridan’s reduced ontology, the Aristotelian place as limit of the containing body in contact with the contained body is not a surface of the containing body but a three-dimensional layer of the containing body in contact with the contained body. Buridan, however, admits that there is a conceptual distinction between a surface and a body and tries to explain why for Aristotle the concept of place is defined in terms of the concept of surface rather than of the concept of body. His explanation is that the third dimension of a surface, i.e., its depth, is not relevant in defining the 8 concept of place. In Buridan’s ontology, Aristotelian place loses a property that both Aristotle and other Aristotelian commentators seem to regard as important, namely, the unity of place, that is, that one body has (at a given instant) only one (proper) place. Indeed, the unity-requirement is saved if place is posited to be the surface of the containing body in contact with the contained body but it is not saved if place is posited to be a three-dimensional layer of the containing body. The reason for this is that a three-dimensional layer is infinitely divisible also with respect to depth. To clarify this point with an example, if the place of a fish in a river is the layer of water in contact with the fish, since such a layer is divisible ad infinitum in every dimension, also a thinner layer of water (one closer to the fish) is a three-dimensional

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Buridan gives an extensive presentation of his view on indivisibles in the first four questions of Book vi. See Buridan, Questions on the Physics (note 3), Book vi, fols. 93va–98va. Buridan, Questions on the Physics (note 3), Book iv, q. 2, fol. 68va: Cum omnis superficies sit corpus, quare magis dicimus quod locus sit superficies corporis continentis quam quod locus sit corpus continens? Responde quod secundum veritatem locus est corpus continens locatum, cum omnis superficies sit corpus. Sed quamvis locus sit superficies et corpus locus, tamen non dicitur locus proprius secundum illam rationem secundum quam dicitur corpus, sed secundum illam rationem secundum quam dicitur superficies, quoniam linea dicitur linea secundum quod est divisibilis secundum unam dimensionem, scilicet longitudinis, non considerata divisione (dimensione ed.) secundum alias dimensiones, et superficies dicitur superficies secundum quod intelligitur divisibilis secundum duas dimensiones, scilicet longitudinis et latitudinis, non considerata divisione secundum aliam dimensionem; sed corpus dicitur corpus secundum quod intelligitur undiquaque esse divisibile, scilicet secundum triplicem dimensionem, scilicet longitudinis, latitudinis et profunditatis.

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portion of the containing body in contact with the fish and hence satisfies 9 the definition of place as part of the containing body. This modification of Aristotle’s original notion which Buridan introduces on ontological grounds, however, is not his most radical and innovative. For Aristotelian place understood as part of the containing body has in common with the original Aristotelian place as surface of the containing body the essential property of containing the located body. Accordingly, in the rest of this paper I will call Aristotelian place both that originally defined by Aristotle as surface and that re-defined by Buridan as part of the containing body. What is most original in Buridan’s position on the location of bodies is that he challenges the property of place of being a container. According to Aristotle, containing the located body is a primary axiom that place must 10 satisfy. For Aristotle there is universal agreement on the containment of place, that is, containing is a property that we all ascribe to place. For example, if we are asked ‘where is that body?’, Aristotle thinks that the common and natural answer is that in terms of a container, and also that this answer is philosophically correct. Aristotle does not explicit defend and justify the axiom on the containment of place. He does not seem to believe, 9

Buridan, Questions on the Physics (note 3), Book iv, q. 1, fol. 67ra: Tertia conclusio est quod eiusdem locati infinita sunt secundum multitudinem loca propria, ut huius mundi inferioris et congregati ex omnibus elementis et mixtis locus proprius est superficies concava orbis lunae circumdans totum istum mundum inferiorem […] Tunc ergo arguo sic: omnis superficies concava orbis lunae tangens istum mundum inferiorem et circumdans ipsum totum est locus proprius huius mundi inferioris; sed infinitae sunt tales superficies; ergo etc. Maior apparet quia aliqua talis ponitur esse locus proprius huius mundi inferioris, et non est ratio quare magis una quam alia, si plures sint tales. Sed minor ex hoc patet quia non ponimus superficiem distinctam a corpore nec terminum corporis distinctum a corpore, sicut ante dictum fuit et dicetur in sexto. Immo, superficies extrema vel terminus corporis est eius ultima pars. Et sicut infinitae sunt ultimae partes lineae ita et corporis. Nos debemus imaginari quod si orbis lunae dividatur in duas medietates vel in tres tertias vel in decem decimas vel in centum centesimas, et sic deinceps semper illarum partium erit una ultima versus nos tangens istum mundum inferiorem, scilicet sphaeram ignis; verbi gratia, erit ultima medietatum, ultima decimarum, ultima centesimarum, et sic sine statu. Et quaelibet istarum erit ultima superficies orbis lunae versus nos quia qua ratione una eadem ratione alia, et sic quaelibet illarum est locus proprius etc. 10 Aristotle, Physics, iv.4, 210b32–211a1.

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however, that this axiom reflects nothing else than our common use of local notions. On the contrary, he suggests that there is also a philosophical/scien11 tific idea behind this axiom. The idea is that only a containing place makes it possible to define the place proper to a body, that is, the place belonging to that body and only to that body. More explicitly, the idea is that place must defined in such a way that the proper place of a body A is the place of body A alone and not also of another body B. I will call this the requirement of proper location. Under the assumption of the existence of incorporeal space, containment is not necessary to satisfy the requirement of proper location. Indeed, place understood as the portion of space occupied by body A would satisfy that requirement. But without space, the only way to satisfy the requirement of proper location is by positing that place is a container. It is true that not every container satisfies the requirement of proper location but it is also true that only a container can be such as to contain exactly one body. For example, let us consider the location of the water in this glass in terms of containment. That water is contained in this building, more precisely in this room, and finally most precisely and properly in this glass and in the 12 surface of air in contact with it which contain nothing else apart from it. To put it more abstractly, a containing place can be a proper place exactly because it can be specified in such a way as to surround exactly one body in all its directions. This is not possible for other local relations. For example, ‘be on the right of’ is a local relation that cannot be specified in such a way as to define a proper location. Indeed, suppose that a body A is on the right of a given body B. Then A is normally not the only body on the right of B, also all the bodies on the left of A are on the right of B. Buridan seems to admit that the containing place of Aristotle has a privileged role in the location of bodies. For, he claims that place properly speaking is that defined by Aristotle as limit of the containing body in contact with the located body. And it is also clear that in making this claim he has 13 in mind the requirement of proper location. Unlike Aristotle, however, 11 On this point I follow the illuminating remarks by Morison (note 4), pp. 6–8. 12 The ‘nesting’ of ever more precise places is an important part of Aristotle’s discussion of place. See, e.g., Aristotle, Physics, iv.2, 209a31–b1, and iv.4, 211a25–29, where Aristotle distinguish common place (i.e., place containing more than one body) and proper place. 13 Buridan, Questions on the Physics (note 3), Book iv, q. 3, fol. 69vb: Sed iterum quia si quaeramus de aliquo ubi est, si habeat locum proprium nobis manifestum, proprissima et finalis responsio est assignando illum locum proprium, ut si quaeramus ubi est Sortes et dicamus ipse est Parisius, hoc non

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Buridan takes into account and appears to consider legitimate many other ways of defining the location of a body. More precisely, it is true that Aristotle admits that the location of a body is not necessarily given in terms of the proper place of a body, but he appears to consider only one alternative location to the proper location, namely, that in terms of a ‘common’ container, that is, something that contains also other bodies. To illustrate this point with an example, Aristotle considers only two kinds of answer to the question ‘Where is this table?’: the answer in terms of a proper place as something that contains this table only and the answer in terms of a container common also to other bodies, e.g., this room. In both cases, the answer is given in terms of a containing place. On the contrary, Buridan points out that the answer to the question of location is not necessarily given in terms of a containing body. In fact we do give many other kinds of answer. For example, in terms of other local relations like ‘ouside’ (and not only ‘inside’), ‘below’/‘above’, ‘in front’/‘behind’ or in terms of direction or distance relative to other bodies. In Buridan’s examples, to the question ‘Where is Robert?’ we can reply that he is outside town or on a tree or on the roof of his house. To the question ‘Where is the town of Saint Denis?’ we can reply that it is two miles north of Paris. And, as Buridan remarks, the answers to the question of location in terms of a containing place are relatively rare. In most of our answers there is no reference to a containing 14 place. sufficit, sed iterum quaeremus et ubi invenire eum Parisius, dicetur in tali loco et in tali domo, et adhuc cum venies ad domum tu quaeres ubi ille est donec assignabitur tibi vel apparebit tibi locus proprius ubi ipse est, et tunc cessabit quaestio, ideo secundum quandam similitudinem et attributionem ad talem locum proprie dictum nos vocamus omne illud locum respectu alicuius quod respondemus ad quaestionem factam per ubi de illo. Et ita non est mirum si multis modis impropriis dicatur locus sicut improprie tempus diceretur panis aut vinum. 14 Buridan, Questions on the Physics (note 3), Book iv, q. 3, fol. 69va: Item, omnes ex communi animi conceptione concedunt quaestionem per ubi quaerere de loco, ideo [et caetera] etiam respondentes communiter ad illam quaestionem debent assignare locum de quo quaeritur. Sed saepius non reponderemus locum continentem illud de quo quaeritur, sed aliquando contentum ab eo, aliquando illud quod nec est continens ipsum nec contentum ab eo. Quod apparet quia omnia ista nomina ‘intra’ et ‘extra’, ‘supra’ et ‘infra’, ‘ante’ et ‘retro’, et huiusmodi et multa alia responderentur ad quaestionem quaerentem ubi est, ut ubi est sphaera stellata, supra sphaeras planetarum. Non dicemus quod sit in aliqua alia sphaera si non credamus esse sphaeram aliquam superiorem. Et si

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It is clear, in my view, that for Buridan the property of containing the located body is no longer the distinctive property of place. The question that naturally arises then is whether Buridan wants to replace containing with another property or another set of properties which allow to define place as basic constituent of the physical world and hence to develop a physical/philosophical theory of place. I think that the examples in his discussion show that for Buridan there are no defining properties of place nor as a consequence the requisites for a physical/philosophical theory of place. For him, whatsoever local relation we use to reply to the question on the location of a body, provided that it gives some information on the location of that body, can legitimately be used to define the place of that body. But the great variety of local relations that we use in our legitimate answers is such that it seems to make vain any attempt to find properties common to all local items.

iii. Place and Local Motion The negative attitude of Buridan towards a physical theory of place appears even more clearly in his treatment of the relation between place and local motion. 15 This is a topic of crucial importance in Aristotle’s theory of place. Indeed, for Aristotle, it is exactly the strict connection of place with local motion that makes the concept of place one of the fundamental concepts of natural philosophy. Aristotle maintains that motion or change is the primary object of natural philosophy, and place is an object of natural philosophy just because it is necessarily linked with one kind of motion, namely, local 16 motion.

credamus esse spatium infinitum vel vacuum infinitum et quaeramus ubi est, dicemus quod ultra caelum. Et ubi est sol, dicemus in oriente vel meridie; et erit responsio secundum habitudinem ad nos, quia quando erit nobis in oriente erit quibusdam aliis in meridie. Et ubi est Robertus, dicimus quod extra villam vel super talem arborem aut supra talem domum. Et ubi est villa Sancti Dionisii, dicemus quod ad duas leucas prope Parisius versus septentrionem. Et ubi est talis puer, ipse est cum matre sua [...] Et sic de multis. 15 For a more detailed presentation of this aspect of Aristotle’s theory, see especially Morison (note 4), pp. 11–15. 16 Aristotle, Physics, iii.1, 200b12–21; iv.1, 208a31–32.

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Aristotle appeals to the relationship of place with local motion in some fundamental steps of his treatment of place. For example, he believes that the evidence for the existence of place is given by the existence of local motion: the phenomenon of replacement of bodies – i.e., the succession of bodies in the same place (e.g., in the same container there is first water and then air) – and the natural motions of the elements (e.g., the upward 17 motion of fire and the downward motion of earth) prove that place exists. In these arguments Aristotle assumes that the existence of place is a necessary condition for the existence of local motion so that there could be no local motion without place. And for Aristotle the existence of local motion cannot reasonably be doubted. In Aristotle’s theory, not only the existence of place but also a definitional property of place, namely, its immobility, appears to be determined by the connection of place with local motion. His complete and final definition of place says that place is not simply the limit of the containing body in contact with the contained body, but the immobile limit of the containing body. As Aristotle puts this, place is not simply a vessel, that is, a container, but 18 an immobile vessel. In a first approximation, the idea behind the requisite of the immobility of place is that change of place and rest in a place can be defined only with respect to an immobile place. In spelling out this idea Medieval commentators often appeal to paradoxical consequences (‘paradoxes’ for short) about local motion and rest arising from the denial of the immobility of place : (1) Let us consider the case of rain carried by air (wind). We all assume that the rain moves of local motion. Then place must be defined in such a way that this common assumption is saved, that is, the definition of place must be such that the motion of the rain is a change with respect to place so defined. In this case, however, the Aristotelian place – that is, the surface of air in contact with rain – moves and moves together with rain. Therefore, the motion of the rain cannot be a change with respect to its Aristotelian place. For the rain moves of local motion but remains in the same Aristote19 lian place (paradox of local motion). 17 Aristotle, Physics, iv.1, 208b1–25. 18 Aristotle, Physics, iv.4, 212a14–24. 19 Buridan, Questions on the Physics (note 3), Book iv, q. 3, fol. 69rb: Quinta conclusio est quod idem corpus manet in eodem loco proprio continue per quoddam totum tempus, et tamen continue movetur per illud totum tempus motu quem consuevimus vocare motum localem. Sic enim sol movetur et luna et unumquodque astrorum, et sic movetur pluvia delata in aere continente eam

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(2) There is a similar paradox in the case of rest. As Buridan’s example illustrates it, we all assume that the towers of Notre Dame Cathedral are at rest. The Aristotelian place of these towers are the surfaces of air in contact with them; but these surfaces continuously change in a windy day. Accordingly, 20 the towers are at rest but they continuously change their Aristotelian place. Having these paradoxes in mind, most medieval commentators recognize the importance of the requisite of the immobility of place but they also point out its intrinsic difficulty. The problem is that this requisite is apparently incompatible with the ontological status that Aristotle ascribes to place. Place, being the limit of the containing body, is necessarily subject to motion when the containing body to which it belongs undergoes motion – when the containing body moves, it carries along its limit. And all bodies can be subject to motion (the only exception is the earth in its entirety in Aristotle’s cosmology). Despite this serious problem, Aristotelian commentators, at least those of the 13th century, try to save the requisite of the immobility of place and they do this by introducing some modifications in Aristotle’s 21 original understanding of place. Buridan too devotes a long question to the immobility of place (Book iv, q. 3 Utrum locus sit immobilis). After presenting some standard pro- and contra-arguments, he first reports the authoritative interpretation of the requirement of the immobility of place given by the Commentator, that is, Averroes, who believes that it is not Aristotle’s intention to deny without qualification that place is subject to motion. Aristotle would concede that place is subject to motion but only accidentally, in a way derivative on the motion of the containing body: it is because and only because the containing body moves that its limit, that is, place, moves too. Thus Aristotle just wants

ad motum illius aeris, sic etiam forte movetur ignis continue circulariter cum orbe lunae continente ipsum et locante. 20 Buridan, Questions on the Physics (note 3), Book iv, q. 3, fol. 69rb: Sexta conclusio est quod possibile est aliquod corpus per aliquod totum tempus quiescere, et tamen continue vel multotiens fieri in illo tempore in alio et alio loco. Sic enim est de turri Beatae Mariae vel de ligno fixo in littore maris, quod (et ed.) quotidie bis successive continetur, modo ab aqua per accessum maris, modo ab aere per recessum maris. 21 On the medieval debate about the immobility of place and some of the major solutions to this problem see Trifogli, Cecilia, Oxford Physics in the Thirtenth Century (ca. 1250–1270). Motion, Infinity, Place and Time (Studien und Texte zur Geistesgeschichte des Mittelalters 72), Leiden/Boston/Köln 2000, pp. 164–186, and the bibliography quoted therein.

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to deny that place moves per se and also that it necessarily moves when the 22 located body moves. Buridan remarks that Averroes’ interpretation is correct, that is, if place is the limit of the containing body, it is true that place moves only accidentally and does not necessarily move together with the located body. But he also points out that this interpretation is not adequate as a solution to the 23 paradoxes of local motion and rest. Buridan then presents the most popular 13th-century solution to the proble, that proposed by Thomas Aquinas and Giles of Rome. This solution is based on the distinction between material and formal place. Material place is the limit of the containing body, whereas formal place is the distance of the located body (or of the surface of the containing body in contact with it) from the fixed points of the universe, i.e., the central earth and the celestial poles. Given this distinction, Aquinas and Giles maintain that while material place is subject or can be subject to motion, formal place is immobile, in the relevant sense that it remains the same when the body is at rest. For 22 Averroes Cordubensis, Aristotelis de Physico Auditu (Aristotelis Opera cum Averrois Commentariis viii), Venice 1562, repr. Frankfurt 1962, Book iv, t.c. 41, fols. 139vb–140ra. In his report Buridan expands Averroes’ exegesis in three conclusions: Commentator respondet ponendo tres conclusiones. Prima est quod omnis locus est mobilis, quia est superficies corporis continentis et omne corpus est mobile, ad motum eius movetur simul eius superficies. Secunda conclusio est quod (quia ed.) locus non est mobilis per se, scilicet solitarie, quia locus est superficies corporis, quae non movetur sine corpore cuius est superficies sed cum eo […] Tertia conclusio est quod locus non de necessitate movetur ad motum locati, quia est continens extrinsecum a quo locatum potest recedere. Et dicit Commentator quod per hoc differt locus a materia et forma locati et ab accidentibus sibi inhaerentibus. Et vult Commentator quod ita intendat Aristoteles locum esse immobilem, scilicet quia non per se movetur et quia non de necessitate movetur ad motum locati, sed potest remanere locato (loco ed.) remoto. Questions on the Physics (note 3), Book iv, q. 3, fol. 68vb. 23 Buridan, Questions on the Physics (note 3), Book iv, q. 3, fols. 68vb–69ra: Sed licet istae tres conclusiones sint verae, tamen illae non sufficiunt in proposito, quia non amplius possemus assignare rationem quod aliquod corpus moveretur localiter vel quiesceret, quia non ex alio dicitur moveri localiter nisi quia mutat locum nec quiescere localiter nisi quia manet in eodem loco. Et hoc totum esset falsum, quia, si contingeret locum moveri et non cum locato, tunc locatum quiesceret et tamen fieret in alio loco; etsi etiam contingeret locum moveri cum locato, licet non de necessitate, tunc contingeret quod locatum localiter moveretur et non mutaret locum sicut dicebatur de pluvia.

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example, the towers of Notre Dame are not in the same material place, given that the surfaces of the air surrounding them are always different, but are in the same formal place because their distance from the fixed points of the 24 universe remains the same. For Buridan, however, also this solution is not satisfactory. He objects that it is not true that formal place is immobile or remains the same, because formal place defined as distance is a body or a collection of bodies. For example, the distance of a stone from the fixed points of the universe is either the stone itself (if the relation ‘distance of the stone from the fixed points of the universe’ is identified with its foundation, namely the stone) or the collection of bodies that separate the stone from the fixed points of the universe. But all these bodies are subject to change and so the distance does not remain the same. What is more, while the limit of the containing body, that is, material place, in this solution, is subject to motion only accidentally, as Averroes correctly remarks, formal place as distance, being a collection of bodies, is per se subject to motion because bodies are per se subject to motion. So formal place is even less adequate than material place 25 to account for the immobility of place. 24 Buridan, Questions on the Physics (note 3), Book iv, q. 3, fol. 69ra: Ad hoc solvendum respondent multi expositores Aristotelis quod ad locum concurrunt duo, scilicet materiale, quod est superficies corporis continentis, et quantum ad illud materiale bene dicit Commentator et verae tenendae sunt conclusiones ipsius. Aliud concurrit formale, scilicet distantia vel propinquitas ad caelum et terram et partes mundi quiescentes. Caelum enim quod modo capitur tamquam quiescens quia non movetur motu recto propter quod in habitudine ad ipsum possemus iudicare motus rectos aliorum corporum. Et quantum ad tale formale locus dicitur immobilis pro tanto quia quamdiu aliquod corpus quiesceret tamdiu diceremus ipsum manere in eadem propinquitate vel distantia ad caelum et ad terram et ad omnia corpora mundi quiescentia, quantumcumque corpus continens ipsum moveretur et mutaretur ut si aliquando esset aer et aliquando esset aqua. Buridan’s report of this opinion differs from Aquinas’ original version. For Aquinas, the distance is that of the limit of the containing body and not of the located body from the fixed points of the universe. On Aquinas’ and Giles’ solution see Trifogli, Cecilia, La dottrina del luogo in Egidio Romano, in: Medioevo 14 (1988), pp. 254–275. 25 Ibid.: Sed adhuc restaret dubitatio quia cum isti dicant locum pro materiali esse mobilem et locum pro formali esse immobilem videtur quod magis deberent dicere econverso, quoniam distantia illa vel propinquitas magis est mobilis per se quam superficies, quia superficies corporis non est per se mobilis, scilicet solitarie, quin moveatur cuius est superficies nisi fiat illius corporis dissolutio.

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Buridan’s obiection presupposes a reductionist ontology of relations and quantitative determinations like distance, which is not universally accepted. It is still the case, however, that his objection remains valid when formulated in a more neutral and universally acceptable version as follows: distance, either understood as a collection of bodies or as an accident inhering in bodies, is not something that exists over and above bodies; accordingly, since bodies are subject to motion, also distance is. Before dismissing Aquinas’ and Giles’ opinion, Buridan remarks that, although it is not strictly speaking true, it is close to the truth. It expresses 26 a valid idea but this idea is formulated in inappropriate terms. Buridan explains what he has in mind at the very end of the question on the immobility of place. The distance of a body at rest from the fixed points of the universe does not remain absolutely (i.e., numerically) the same, as Aquinas and Giles want to maintain, but does remain equal, that is, the numerically distinct distances of a body at rest from the fixed points of the universe are equal to one another. So the opinion of Aquinas and Giles is true if ‘same 27 distance’ is understood as ‘equal distance’. Distantia autem esset magis per se mobilis, quia distantia huius lapidis a caelo vel a terra non est aliud quam ille lapis vel non est aliud quam corpus medium per quod distat et utrumque eorum est per se mobile. 26 Buridan, Questions on the Physics (note 3), Book iv, q. 3, fol. 69ra: Verum est tamen quod haec opinio appropinquat ad veritatem, sed ponitur sub verbis valde impropriis et non solventibus clare difficultatem. On Buridan’s discussion of this opinion, see Trifogli (note 24), pp. 284–290. 27 Ibid., fols. 69vb–70ra: Sed tamen adhuc restat una dubitatio, quia omnes concedunt tamquam communem animi conceptionem turres beatae Mariae esse in eisdem locis suis in quibus erant quando primo factae fuerunt, non obstante quod saepe fuit alius et alius aer continens et etiam non obstante quod corpora media per quae distabant a caelo fuerint saepius facta alia et alia. Quid est ergo ille locus manens idem secundum quem dicimus illam turrim esse et fuisse in eodem loco continue? Hoc videtur difficile et est facile, quia non debe[n]t hic accipi idem pro eodem simpliciter et essentialiter, sed debet accipi idem pro aequalitate distantiae vel propinquitatis ad caelum vel ad terram vel ad aliud corpus per quod iudicamus locatum moveri aut quiescere, scilicet moveri quia aliter et aliter se habet ad illud secundum situm et quiescere quia non aliter et aliter se habet ad ipsum. Sic enim lapidem vel arborem in campis dicimus permanere in eodem loco, quamvis continue habeat alium et alium locum proprie dictum ex eo quod continue manet in aequali distantia ad caelum et ad terram vel ad aliquod aliud quod imaginatur tamquam non motum. Et cum etiam dicimus pluviam delatam ab aere continue moveri localiter et esse in alio

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In presenting his own view about the immobility of place, however, Buridan takes a fresh start. He first makes clear that his answer to the question whether place is immobile is negative: place is indeed mobile. And he specifies that this is true not only of Aristotelian place as the limit of the containing body but also of the place as involving the distance of the located body from the universe. He then adds, against Averroes, that place is mobile per se rather than accidentally. The reason for this is that both Aristotelian place and place as a distance in Buridan’s view are bodies, which are per se subject to motion, or three-dimensional parts of a body, and also such parts 28 are per se subject to motion when they exist separately from the whole. We have seen that in the13th-century view the immobility of place must be saved if we are to avoid the paradoxes about local motion and rest. Buridan’s view is very different: in admitting that place is subject to motion he also believes that the ‘paradoxes’ about local motion and rest are not paradoxes at all. Indeed, Buridan maintains that it is perfectly possible that (1) place is in motion when the body located in it is at rest (example 29 of fire and of the towers of Notre Dame); (2) that a body moves of local motion and that it is in the same place (example of rain carried by air); et alio loco prius et posterius non intendimus de alietate essentiali loci proprie dicti, sed capimus alietatem loci pro inaequalitate distantiae vel propinquitatis pluviae ad caelum vel ad terram vel ad aliud per quod iudicamus etc., sicut ante dictum est. Constat enim ut in Metaphysica dicitur in pluribus locis quod unum et idem dicitur multipliciter: vel quia idem simpliciter vel quia aequale aut quia simile et aliis pluribus modis etc. 28 Buridan, Questions on the Physics (note 3), Book iv, q. 3, fol. 69ra: Prima conclusio est quod omnis locus est mobilis quia omnis locus est corpus, et omne corpus est mobile. Et illa propositio quod omnis locus est corpus apparet quia dictum est quod omnis superficies est corpus et quod omnis locus est superficies. Et adhuc si locus poneretur esse distantia vel ad caelum vel ad terram vel ad aliquod aliud, locus esset dimensio vel habens dimensionem, et omne tale est corporeum et mobile. Secunda conclusio est quod omnis locus, saltem si sit aliquid unum, est mobilis per se, scilicet solitarie, absque hoc quod aliquid aliud moveatur cum eo vel cum alio – dico aliud quod non sit pars eius – quia omnis superficies alicuius corporis, cum sit pars, posset saltem per potentiam divinam separari et separatim conservari ab aliis partibus, et tunc posset Deus illud movere solitarie. 29 Ibid., fol. 69rb: Quarta conclusio est quod ita possibile est locum moveri, locato (loco ed.) quiescente, sicut locatum, loco quiescente, quia, si ignis quiesceret in sphaera sua, non minus moveretur orbis lunae, et turribus Beatae Mariae quiescentibus, movetur et mutatur aer circumstans per ventum.

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(3) that a body is at rest and changes place continuously (example of the 30 towers of Notre Dame). Why are these conclusions only apparently paradoxical? What is the solution to the paradoxes? The most obvious solution is to say that the concept of place used is not the correct one, so that the Aristotelian notion of place as limit of the containing body must be modified. The 13th-century attempts to define an immobile place by modifying the original Aristotelian place do move in this direction. Since as we have seen Buridan accepts that there are many other places in addition to the Aristotelian place, it would in principle be possible for Buridan to propose a solution along the lines of 13th-century attempts. Buridan, however, proposes a much more radical and original solution. The crucial point of his solution is to separate the notion of local motion (and rest) from that of place. He claims that the motion that we call local (as, for example, that of the rain carried by air) can take place also without a change of place, and not only of Aristotle’s place but of any kind of place. It is not in the nature of local motion that it is a change in a 31 place or with respect to a place. For an explanation of the possibility of a local motion without place, Buridan refers the reader to the questions on motion in his commentary on ‘Physics’ iii. The context of the discussion there is a major issue about the ontological status of motion, an issue much debated by medieval philosophers. The crucial ontological question for them is whether motion is a thing (res) distinct from the substance undergoing motion, i.e., the mobile, and the formal determinations in respect of which the mobile changes: e.g., whether the becoming white of a body (a qualitative motion or alteration) is a thing distinct from that body and from whiteness and from all the other colors that the body takes on in becoming white (starting, say, from being 32 black). In the case of local motion (Book iii, q. 7 Utrum motus localis est res distincta a loco et ab eo quod localiter movetur), Buridan takes a realistic view, maintaining that local motion is a thing distinct from the mobile body and from place(s). In presenting this view, Buridan has in mind a forceful 30 For (2) and (3) see the passages quoted in notes 19 and 20. 31 Buridan, Questions on the Physics (note 3), Book iv, q. 3, fol. 69rb: Ex his concluditur septima conclusio quod possibile est sine loci mutatione, immo sine loco, fieri motum continue quem communiter vocamus localem vel sibi similem quantum ad essentiam et proprietates intrinsecas motus. Et hoc dictum fuit in tertio libro. 32 For the medieval debate about the ontological status of motion see Trifogli (note 21), pp. 37–86, and the bibliography quoted therein.

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objection advanced especially by the 14th-century exponents of the opposite party, those who maintain that local motion is not such a distinct thing. The objection appeals to a commonly accepted criterion for real distinction (i.e., distinction between things): A and B are two distinct things if and only if it is logically possible that A exists without B and B without A. In our case, if local motion is a thing distinct from place, it follows from that 33 criterion that it is logically possible that local motion exists without place. Buridan accepts the criterion of real distinction. Accordingly, he also accepts that it is logically possible that local motion can exist without place, and tries to clarify this possibility with some counterfactual examples. Let us consider the case of the circular motion of the last sphere (the outermost celestial sphere). This is a problematic case for Aristotle’s theory because it seems to question the necessary link between place and local motion: there is no doubt that the rotation of the last sphere is a local motion but the last sphere does not have an Aristotelian place because it does not have 34 a container, given that there is no body external to it. Aristotle himself and most 13th-century commentators formulate solutions to this problem that preserve the necessary link between local motion and place: since the last sphere moves of local motion, it necessarily has a place, although not a containing place. What is then the place of the last sphere? In the 13th-century the two most popular views on this are that of Aristotle, according to which the place of the last sphere must be defined in terms of the place of its parts, and that of Averroes, according to which it is the 35 central earth around which the last sphere rotates. The strategy of Buridan in dealing with the case of the rotation of the last sphere is completely different. For he uses this case exactly to show that local motion does not necessarily require a place. Let us suppose – Buridan says – that the whole universe contained by the last sphere is one continuous body in such a way that the whole universe consists of only one continuous body whose outermost surface is the last sphere. In this situation, there could not 33 Buridan, Questions on the Physics (note 3), Book iii, q. 7, fol. 50ra: Item, sequitur quod Deus posset separare et separatim conservare motum sine mobili et loco, immo, ipsis annihilatis, quod videtur inconveniens, quia tunc esset motus et nihil moveretur. 34 Aristotle, Physics, iv.5, 212a31–b22. 35 For the debate about the place of the last sphere among Greek and Medieval commentators, see Trifogli, Cecilia, Il luogo dell’ultima sfera nei commenti tardo-antichi e medievali a Physica iv.5, in: Giornale critico della filosofia italiana 68 (1989), pp. 144–152, and the bibliography quoted therein.

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be place. For a necessary condition that place – and not only Aristotelian place – must satisfy is that it is physically divided from the located body so that in order to have place there must be at least two bodies: the locating body and the located body. But in the counterfactual situation presented by Buridan there is only one body. But also in this situation, God could move the whole universe of circular motion, as Buridan points out referring to a 36 famous article condemned by Etienne Tempier. For Buridan this shows that the motion that we regard as local is possible also without place, so that local motion by its nature does not require a place. Local motion is by its nature a change intrinsic to the body undergoing it, not a change relative to 37 something distinct from it. A question that naturally arises is then why we classify some motions as local motions although they can exist without place. Buridan has two replies to this question. The first is that in the natural course of events (in absence of counterfactual situations) every body that moves of a motion

36 Buridan, Questions on the Physics (note 3), Book iii, q. 7, fol. 50va: Prima conclusio est quod possibile esset ultimam sphaeram moveri motu quo movetur sine loco. Probatur sic quia, si ultima sphaera et alia fuerint unum continuum per potentiam divinam ita quod totus mundus esset unum corpus continuum, tunc nullus esset locus, secundum Aristotelem, quia nulla esset superficies corporis continentis divisi et tangentis. Unde Aristoteles ponit totum mundum non habere locum nisi ratione partium quarum una locat aliam, quia continet eam et est divisa ab ea et tangens ipsam. Hoc enim requiritur ad hoc quod sit locus. Unde si Deus omnia corpora annihilaret praeter istum lapidem, iste lapis non amplius esset in loco, et tamen isto casu posito adhuc esset possibile quod Deus moveret simul circulariter totum mundum. Hoc probo per quendam articulum Parisius condemnatum, in quo dicitur quod Deus non possit movere simul totum mundum motu recto: error. Et non est ratio quare magis posset ipsum movere motu recto quam motu circulari. Et iterum sicut motu diurno movet omnes sphaeras caelestes simul cum ultima sphaera, ita posset omnia alia, scilicet inferiora, volvere simul; et si ipse (si ipse] se ipso ed.) potest omnia volvere simul cum modo sint ad invicem discontinua, non minus hoc posset si essent facta unum continuum; ergo posset totum mundum movere, licet non sit (est ed.) locus. 37 Ibid., fol. 50va–vb: Tunc sit tertia conclusio, scilicet quod ultimam sphaeram moveri est eam intrinsece aliter et aliter se habere prius et posterius. Probatio per quid nominis, quia non movetur propter aliter et aliter se habere prius et posterius ad aliquod extrinsecum et tamen moveretur, licet non se haberet aliter et aliter prius et posterius ad aliquod extrinsecum, ut apparuit per conclusiones praecedentes; ergo etc.

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that we classify as local changes its position and location relative to other bodies, although this relative change is not necessary for the existence of local motion. The second reply is that a local motion cannot be perceived without a place, that is, necessary condition for the perception of a motion that we classify as local is that we perceive a change in the relative position of the body undergoing it. With an illuminating example of Buridan: if we are at rest in a ship in motion and we do not have a frame of reference external 38 to the ship, we do not perceive that the ship is in motion. The second reply by Buridan is the one most relevant in this context. It is that reproposed by Buridan in his question on the immobility of place. There he claims that necessary and sufficient condition for the perception of the local motion of a body is the perception of the change in the position 39 of this body relative to other bodies. In conclusion, the Aristotelian claim that the existence of place is necessary for the existence of local motion is replaced by Buridan with the weaker claim that the existence of place is

38 Buridan, Questions on the Physics (note 3), Book iii, q. 7, fol. 51ra: Sed de hoc quod dicitur quod implicat contradictionem esse motum localem et non esse locum, ego dico quod motus ultimae sphaerae vel navis in fluvio non dicitur localis quia necesse sit quod secundum illum mutetur locus, sed quia secundum communem cursum naturae omne quod movetur illo motu variat de facto habitudinem localem vel situalem ad aliquid aliud. Et omnis ille motus quem vocamus localem posset non esse localis, quia nullus mutaretur locus nec situs ad aliquam aliam rem, sed tunc non possemus illum percipere. Non ergo vocatur localis quia ad ipsum sit locus necessarius, sed quia percipi non posset nisi appareret mutatio loci vel situs rei ad aliam. Unde existentes in navibus in mari aeque velociter et simul motis non percipiunt quod illae moveantur. 39 Ibid., Book iv, q. 3, fol. 69rb: Octava conclusio est quod impossibile est nos percipere saltem sensu aliquid moveri motu quem vocamus localem nisi percipiamus ipsum aliter et aliter se habere ad aliquod aliud corpus secundum situm distantiae vel propinquitatis. Dico aliter et aliter se habere totum ad totum vel partes ad partes. Et hoc experiuntur illi qui sunt in fundo navis velociter motae, non aspicientes extra. Non enim percipiunt quando navis movetur vel quiescit. Nona conclusio est quod nos iudicamus motum fieri quem vocamus localem si percipiamus corpora diversa continue se habere aliter et aliter ad invicem secundum situm, immo haec non debet poni conclusio, sed communis animi conceptio, quia omnes sic iudicant. Sed non possunt cum certitudine iudicare quid (quod ed.) illorum movetur nisi sciant alterum illorum non moveri vel nisi percipiant illud aliter se habere secundum situm ad aliquod alterum quod sciant non moveri vel saltem non tali motu moveri vel non ita velociter.

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necessary for our perception and recognition of local motion. In absence of place local motion can exist but it cannot be perceived. In Buridan’s perspective the claim that place is necessary for the perception of local motion must not be taken – so it seems – as a starting point to build a ‘phenomenological’ theory of place as an alternative to Aristotle’s ‘ontological’ theory of place. That is, Buridan does not use that claim to identify a set of properties that something must have in order to be a place. On the contrary, he appears to think that this claim exhausts the phenomenological meaning of place. More explicitly, we call place of a body – Buridan claims – whatever allows us to judge and perceive that the body moves of local motion and that it is at rest because of the perception of the 40 variation or identity of the relative position of that body. The place of a body is whatever answer to the question: relative to what do we perceive the local motion of that body? Clearly, the answer to this question is not necessarily in terms of a container nor in terms of something immobile. As the example of the ship shows, it is enough that the body of reference, that is place, does not move of the same motion of the body undergoing that motion.

40 Buridan, Questions on the Physics (note 3), Book iv, q. 7, fol. 69va–b: Prima enim acceptio huius nominis ‘locus’ est prout Aristoteles definit ipsum in isto libro, consequenter secundum attributionem ad istam primam acceptionem, quia, si locus proprie dictus non moveretur et sciretur non moveri et locatum perciperetur moveri, aliter et aliter se habere secundum situm ad illum locum, nos iudicaremus locatum moveri motu quem vocamus localem, ideo propter veritatem illius conditionalis nos omne illud vocamus locum alicuius corporis vel respectu alicuius corporis per quod propter mutationem eius ad ipsum secundum situm iudicamus illud corpus moveri. Et similiter est de quiete, quia si sciremus locum proprie dictum non moveri et locatum continue se habere similiter ad illum locum secundum situm et totius ad totum et singularum partium ad singulas partes nos iudicamus locatum quiescere, ideo consequenter omne per quod propter non mutationem alicuius corporis ad ipsum secundum situm nos iudicamus illud quiescere nos vocamus locum respectu ipsius. Et sic valde bene dictum est quod omne quod cognoscimus moveri motu quem vocamus localem habet locum. Habet enim aliud ad quod apparet aliter et aliter se habere secundum situm. Unde sic non est inconveniens terram dicere locum respectu caeli, quamvis non sit proprie locus eius.

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Cecilia Trifogli

iv. Conclusions At the time when Buridan wrote his last commentary on the ‘Physics’, Aristotle’s theory of place had been a topic of discussion in the Medieval Latin tradition for around thirteen decades. Over this long period of time Latin commentators used their exegetical and philosophical skills to formulate an extremely rich set of problems and solutions, most of which gave a positive contribution to the intelligibility and consistency of Aristotle’s view. A positive contribution is not totally absent also from Buridan’s discussion. We have seen, for example, that he provides a significant refinement of a classical solution to the problem of the immobility of place, a refinement which is philosophically very valid. Similarly, he makes some efforts to show how Aristotle’s definition of place as a surface can be adapted to his own ontology of quantity where surfaces are not distinct from bodies. Buridan’s dominant attitude, however, to the exegetical efforts of his predecessors is not positive. He seems to think that not only some of the solutions proposed by his predecessors are inadequate, but even that some of the problems themselves that they raised are not really genuine problems. Buridan’s remarks on the classical problem of the place of the last sphere show this attitude very openly. In the question specifically devoted to this topic, he claims that the question was regarded as most difficult, but in fact it is extremely easy. He means that it is most difficult to define a place of the last sphere if place is understood as a container, as in Aristotle’s original definition. But it becomes extremely easy if the equivocation of the term ‘place’ is admitted so that it covers not only a containing place but also whatever we use as a reference to perceive the motion of the last sphere. And this can be something purely conventional: not only the central earth, as in Aver41 roes’ solution, but also any observer on earth or any other thing. Indeed 41 Buridan, Questions on the Physics (note 3), Book iv, q. 6, fol. 72rb–va: Ista quaestio reputata fuit difficillima, et credo quod hoc fuit propter non distinguere aequivocationem huius termini ‘locus’. Dictum est enim prius quod uno modo dicitur locus proprie, scilicet continens locatum, divisum ab eo et immediatum sibi, alio modo improprie vel minus proprie secundum attributionem aut quoque modo loqui volueris, scilicet pro eo quod aliquod corpus iudicatur moveri ex eo quod aliter et aliter se habet ad ipsum secundum situm ut totum ad totum aut partes ad partes. Si ergo haec definitio data sit concessa, quaestio est valde facilis. Et est prima conclusio quod capiendo locum proprie, scilicet pro continente etc., ultima sphaera nec est in loco nec habet locum qui sit locus ipsius, quia supponimus nullum esse corpus continens ipsam, sed ipsam

John Buridan on Place

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in Buridan’s approach this question becomes extremely easy but at the price of seriously undermining the physical significance of the notion of place.

omnia alia corpora continere […] Tertia conclusio est quod capiendo locum alicuius corporis pro eo per quod illud corpus apparet moveri vel quiescere ex eo quod aliter et aliter vel eodem modo secundum situm apparet se habere ad ipsum prius et posterius, suprema sphaera habet locum, scilicet terram, vel me vel lapidem aut murum aut quadratum. Et hoc est per se notum.

Albert de Saxe et l’idée d’espace infini Joël Biard (Tours)

La physique et la cosmologie d’Albert de Saxe ont eu une notoriété certaine durant le Moyen Âge tardif. Albert de Saxe a été l’un des principaux vecteurs en Italie des doctrines élaborées et discutées à Paris durant le xive siècle. Pour ne prendre qu’un exemple, ses questions sur le ‹ Traité du ciel › ont été prises par Blaise de Parme comme base de ses propres questions sur le ciel et le monde. Albert de Saxe a été cité avec emphase par Pierre Duhem 1 comme l’un des principaux promoteurs de la ‹ physique parisienne ›. Les théories cosmologiques développées dans ce cadre seraient précisément l’un des domaines où s’élaboreraient les fondements d’une conception du monde différente de celle d’Aristote. De fait, les principaux concepts de la physique aristotélicienne sont soumis au crible d’une réflexion critique, à la fois en raison d’une ontologie et d’une conception de la nature qui s’éloignent sur certains points cruciaux de la doctrine aristotélicienne, et en raison d’une démarche d’analyse logique qui conduit à réexaminer le sens de certaines thèses. Les notions de lieu, d’espace et de vide constituent l’un des champs où se produisent de telles mises en chantier, par des questions comme celles du lieu du monde ou du monde comme repère spatial général, par le problème de savoir si le monde peut se déplacer, et si oui dans ou vers quel lieu, s’il se meut à l’infini ou non, etc. Mais on ne peut apprécier les positions d’Albert, pas plus d’ailleurs que celles de Jean Buridan ou de Nicole Oresme, si l’on s’en tient aux quelques passages qui paraissent contredire Aristote en s’appuyant sur les condamnations de 1277. Il importe de repartir des conceptions du lieu et de l’espace dans leur ensemble, telles qu’elles sont exposées en référence critique à Aristote, pour évaluer la nature, la portée et les limites des modifications que connaît l’idée d’espace dans la pensée physique et cosmologique de cette époque. En effet, il y a chez Aristote une solidarité entre sa conception du cosmos et sa théorie du lieu. La théorie aristotélicienne du lieu ne

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Voir Duhem, Pierre, Le Système du monde, t. vii, Paris 1956, pp. 268–285.

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Joël Biard

se comprend que dans le cadre d’une cosmophysique où tous les corps sont contigus (il n’existe pas de vide) et où les positions respectives se déterminent, selon des différences qualitatives, par rapport au tout qu’est le monde.

i. Qu’est-ce que le lieu ? Définition aristotélicienne et réaménagements nominalistes Dans les ‹ Questions sur la Physique rédigées › par Albert de Saxe, les ques2 tions 1 à 4 sur livre iv concernent la définition du lieu. 3 Dans la question 1, après avoir énuméré un certain nombre de propriétés du lieu, Albert de Saxe présente quatre opinions sur le lieu qui reprennent l’énumération donnée par Aristote, à savoir le lieu comme forme, comme 4 matière, comme intervalle, ou comme limite du corps enveloppant. L’hypothèse du lieu comme matière, qu’Aristote référait au ‹ Timée › de Platon, 2

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4

Voir Albert de Saxe, Quaestiones in Aristotelis physicam, dans : Expositio et Quaestiones in Aristotelis ‹ Physicam › ad Albertum de Saxonia attributae, éd. par Benoît Patar, Louvain-la-Neuve/Louvain/Paris 1999, t. iii, pp. 605–616. Les arguments livrés par l’éditeur pour contester l’attribution ne me paraissant pas convaincants, je cite ce texte comme étant bien celui d’Albert. On trouvera un commentaire détaillé de cette question et des positions d’Albert sur la nature du lieu dans Sarnowsky, Jürgen, Die aristotelisch-scholastische Theorie der Bewegung. Studien zur Kommentar Alberts von Sachsen zur Physik des Aristoteles, Münster 1989, pp. 171–203. Qu. Phys. (note 2), iv, qu. 1, t. iii, p. 605 : Utrum locus sit superficies ? Aristote définissait le lieu comme limite (peras), traduit en latin par terminus ; voir Physique, iv, 4, 212 a 5–6, et Aristoteles latinus, Physica (translatio vetus, Iacobus Veneticus translator), éd. par Fernand Bossier, Jozef Brams et Augustin Mansion, Leiden 1990, p. 149 : necesse est locum esse […] terminum continentis corporis. Mais il conclut son paragraphe par « Le lieu paraît être comme une surface » ; voir Physica, 212 a 28 : Propter hoc videtur planum quoddam esse (je souligne – J.B.). Les différences de vocabulaire entre ce texte et la question d’Albert (planum, superficies) semblent confirmer que celui-ci n’utilisait pas la translatio vetus, mais sans doute une version de la translatio nova, révision faite sur la vetus par Guillaume de Moerbeke (inédite). Cf. aussi Les Auctoritates Aristotelis, éd. par Jaqueline Hamesse, Louvain/Paris 1974, p. 149 : Locus est terminus corporis continentis immobilis primum, id est locus est ultima superficies corporis continentis. Aristote, Physique, iv, 4, 211 b 6–10.

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est écartée assez rapidement en invoquant la deuxième propriété du lieu, à savoir que le lieu n’est pas « quelque chose du localisé » – en effet, si le lieu était la matière d’un corps, ce corps ne pourrait pas changer de lieu, et un 5 lieu n’accueillerait pas différents corps. Cette hypothèse contredit aussi plusieurs autres propriétés précédemment énumérées, notamment que le lieu se différencie en six directions, alors que la matière par elle-même ne connaît ni haut ni bas ; en conséquence la propriété selon laquelle les corps lourds ou légers se meuvent en raison de leurs lieux naturels serait également vidée de son sens. Enfin, on ne saurait faire une analogie, en disant que le lieu reçoit des corps différents comme la matière reçoit des formes successives puisque, à l’évidence, dans un cas il s’agit de la réception de formes substantielles et dans l’autre il s’agirait de substances. La deuxième hypothèse est que le lieu serait la forme – hypothèse évoquée par Aristote en symétrie à la matière, mais en vérité peu argumentée chez lui. Ici, la forme n’est pas entendue, ainsi que la symétrie pourrait le laisser croire, comme l’autre partie essentielle du composé ; la forme est la confi6 guration, donc selon la doctrine aristotélicienne des catégories une qualité. Cette hypothèse est à nouveau refusée parce que le lieu ne peut pas être une propriété du corps localisé ; dans ce cas il faudrait en effet que le lieu se meuve en même temps que le corps. La troisième hypothèse est plus intéressante pour notre propos, et marque d’emblée les limites des transformations qu’Albert fait subir à la notion de lieu. Le lieu n’est pas un ‹ espace séparé ›. Cette théorie n’est pas présentée 7 comme une nouveauté mais est attribuée aux ‹ Anciens ›. Il est difficile de savoir à qui Albert pense ; en vérité il suit encore de près Aristote, lequel ne 8 cite personne nommément. L’hypothèse se retrouve donc dans les commentaires médiévaux, par exemple dans l’‹ Exposition sur la Physique › de Thomas 9 d’Aquin. Mais la question revêt sans doute une portée plus actuelle au xive 5 6 7 8 9

Qu. Phys. (note 2), iv, qu. 1, p. 610. Ibid. : non forma substantialis sed figuratio et superficies extrinseca locati. Ibid., p. 612 : Non est tale spatium separatum sicut imaginabantur antiqui. Physique, iv, 4, 411 b 14–17 : « on est d’avis qu’il y a un certain intervalle intermédiaire, dans l’idée qu’il est quelque chose à côté du corps qui se déplace ». Voir Thomas d’Aquin, In octo libros Physicorum Expositio, iv, lectio 6, n. 2 : Videtur enim secundum ea quae consueverunt de loco dici, quod locus sit unum de quatuor, scilicet vel materia, vel forma, vel aliquod spatium inter extrema continentis […], Sancti Thomae Aquinitatis Opera omnia iussu impensaque Leonis xiii P. M., t. ii : Commentaria in octo libros Physicorum Aristotelis, Romae, ex typographia polyglotta s. c. de propaganda fide, mdccclxxxiv, p. 162.

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siècle en raison de la réflexion, sur laquelle nous reviendrons à la fin de la 10 présente contribution, sur le vide extra-cosmique. Albert refuse que le lieu soit assimilé à un tel ‹ espace séparé ›. L’adjectif ‹ séparé › (dans ‹ espace séparé ›, mais aussi ‹ dimensions séparées ›) veut dire indépendant des corps, contenants ou contenus. Quelles sont les raisons données pour refuser une telle conception du lieu ? La première est à nouveau qu’on ne pourrait différencier les directions, ni caractériser les lieux naturels. Autrement dit, l’appréhension du lieu qui sert de critère pour accepter ou refuser les différentes conceptions est incompatible avec un concept de l’espace comme étant isotrope, c’est-à-dire doté des mêmes propriétés dans toutes les directions. La deuxième raison réside dans l’usage de la notion de dimension : dans ce cas, les dimensions de lieu et du corps localisé se pénétreraient. Une telle assertion peut paraître obscure, mais elle était courante dans les traités sur le lieu. Elle s’explique par l’idée complexe de corps, qui recouvre à la fois la notion géométrique de tridimensionnalité, et une notion physique reposant sur l’impossibilité pour deux corps d’être en un même lieu. On peut y voir une certaine confusion, mais à la base il y a moins une faute de raisonnement qu’une conception selon laquelle les concepts mathématiques ne se réfèrent pas à des réalités spécifiques, mais à des choses naturelles, qui sont le sujet (le support) d’abstractions. Si donc le lieu était non pas le corps enveloppant, ou bien une partie ou limite du corps enveloppant, mais était une dimension séparée ou un intervalle, cela impliquerait une compénétration de deux réalités tridimensionnelles, cela impliquerait par conséquent que deux corps se pénètrent. Là encore, se trouve écarté un élément essentiel de toute notion moderne de l’espace, ou du lieu comme localisation dans un tel espace. Il ne reste donc comme définition du lieu, que la quatrième des opinions précédemment énumérées : […] locus est superficies corporis continentis contigua locato (le lieu est la surface, contiguë au corps localisé, du corps 11 contenant). Cette définition nous fait donc retomber sur une formulation proche d’Aristote : le lieu est la limite du corps enveloppant. Ce ne sont pas les raisons invoquées qui sont ici intéressantes : on procède par élimination à partir des trois autres, et on pose de façon générale que cela permet de retrouver les propriétés requises pour le lieu (les douze propriétés énumérées au départ). Ce sont plutôt les précisions qui suivent, lesquelles permet-

10 Voir Grant, Edward, Much Ado about Nothing, Cambridge 1981, p. 116–147. 11 Qu. Phys. (note 2), iv, qu. 1, p. 612.

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tent de caractériser la manière propre à Albert d’interpréter cette définition traditionnelle. En effet, Albert de Saxe ne fait pas que répéter Aristote. Premièrement, il réinterprète cette définition dans le cadre d’une ontologie parcimonieuse qui évite toute réification du signifié des termes quantitatifs tels que ‹ ligne › ou ‹ surface ›. Albert évoque l’alternative entre ceux qui considèrent la surface comme une chose indivisible selon la profondeur, qui serait ajoutée au corps, et ceux qui nient que ce soit une telle chose. On a là un écho du débat ontologique entre ceux qui estiment que certains termes de la catégorie de quantité peuvent renvoyer à des réalités spécifiques, et ceux qui pensent, dans le prolongement de Guillaume d’Ockham, que seules existent des substances et des qualités. Pour Albert, la surface n’est pas une chose indivisible qui serait réellement distincte du corps ; cette position revient à récuser à la fois la réalité des indivisibles (il y avait eu de nombreux débats sur la composition du continu depuis la fin du xiiie siècle), et la réalisation des concepts géométriques, donc du point, de la ligne et de la surface. Or seuls ceux qui posent que la surface est quelque chose de réellement distinct du corps pourraient entendre la définition d’Aristote de manière littérale : Ista conclusio secundum ponentes superficiem esse unam rem indivisibilem se12 cundum profunditatem superadditam corpori debet intelligi sicut verba iacent.

Ceux qui nient que la surface soit une telle chose doivent en revanche ‹ exposer › la définition, c’est-à-dire en donner un équivalent qui manifeste son sens sous-jacent. Il convient donc, deuxièmement, de se livrer à une l’analyse logique de la proposition définitionnelle. Il faut distinguer ce à quoi se réfère l’expression « surface du corps contenant » et ce que ces termes connotent. Ici le terme ‹ surface › se réfère au corps lui-même (c’est-à-dire qu’il est susceptible de ‹ supposer › pour lui dans une proposition). En ce sens, on est en droit de poser l’identité : « la surface est le corps ». On trouve des affirmations similaires à partir du xive siècle dans les doctrines qui refusent toute forme d’être aux entités mathématiques. Si donc nous revenons à notre définition, l’expression « surface du corps contenant » équivaut à ‹ corps contenant ›, signifié de telle ou telle manière, ou, dans les termes de l’époque, sous telle

12 Qu. Phys. (note 2), iv, 1, p. 613.

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ou telle raison (celle-ci étant un mode actif de concevoir). Mais sous quel mode ? C’est ici que les choses se compliquent : Locus est superficies corporis continentis, id est corpus ambiens et continens locatum dicitur locus corporis locati, non quia commensuretur locato et tangat locatum secundum profunditatem, sed quia commensuratur locato et tangit ipsum 13 secundum latitudinem et longitudinem partium immediatarum locato […]

Le corps contenant est considéré selon deux dimensions, largeur et profondeur pour autant qu’elles sont communes aux deux corps qui se touchent. 14 Et puisque Albert de Saxe n’accepte pas l’être des indivisibles, le terme ‹ contact › ne désigne rien d’autre que les corps eux-mêmes disposés d’une certaine manière. Cela requiert encore des précisions sémantiques sur le terme ‹ immédiat › (les deux corps sont immédiats l’un à l’autre), grâce à la distinction entre sens catégorématique et sens syncatégorématique. Ces précisions sémantiques conduisent à une reformulation de la définition du lieu : Unde sciendum quod in veritate locus est corpus, propter hoc quod locus est superficies et quod corpus et superficies sunt una res ; sed tamen quia corpus ambiens non dicitur esse locus secundum rationem corporis, sed bene secundum rationem superficiei, inde est quod nos dicimus locum esse superficiem et non 15 dicimus locum esse corpus.

De cette question ressortent quelques caractères de la démarche d’Albert de Saxe. Premièrement, dans sa première caractérisation du lieu comme surface, Albert reste dans le cadre de l’aristotélisme et il écarte l’idée d’un espace abstrait c’est-à-dire considéré indépendamment des corps qui le remplissent et doté des propriétés identiques en chaque point. Sa seule originalité (qui est plutôt une caractéristique d’époque qu’une singularité) est d’une part la réinterprétation de cette définition dans le cadre d’une ontologie parcimonieuse qui évite toute réification des signifiés de termes quantitatifs tels que ‹ ligne › ou ‹ surface › ; d’autre part l’usage d’instruments logiques pour analyser les termes contenus dans la définition des concepts physiques : signification et connotation, sens catégorématique et sens syncatégorématique, exposition des propositions.

13 Qu. Phys. (note 2), iv, 1, p. 613. 14 Qu. Phys. (note 2), vi, qu. 1 et 2 , pp. 865–885. 15 Qu. Phys. (note 2), iv, qu. 1, pp. 613–614.

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La question 4, qui se penche explicitement sur la validité de la définition attribuée à Aristote, vient conforter cette approche : se demandant « est-ce que la définition du lieu dans laquelle il est dit ‹ le lieu est la limite du corps 16 contenant immobile › est valide ? », Albert soulève un certain nombre de difficultés conduisant à considérer la définition initiale comme incomplète, mais il propose une nouvelle formulation qui reste dans le même cadre : 17 locus est superficies corporis continentis divisim immobilis immediata locato. En revanche, les deux questions intercalées entre ces deux professions de foi aristotéliciennes montrent bien que l’enjeu est la confrontation entre la définition aristotélicienne du lieu d’une part et l’idée du lieu comme espace ou dimension séparée d’autre part, cette dernière hypothèse se trouvant ainsi mise en avant alors qu’elle n’était mentionnée chez Aristote que comme une possibilité parmi d’autres. Ces deux questions sont l’occasion d’introduire des distinctions et des compléments qui n’étaient pas chez Aristote mais qui ont été développés au xiiie siècle. La question 2 distingue ainsi d’emblée le lieu commun et le lieu propre, une opposition introduite dans l’Exposition 18 de Thomas d’Aquin pour résoudre la difficulté de l’immobilité du lieu. La question 3 formule une distinction voisine, celle de l’élément matériel et de l’élément formel du lieu : materiale loci et formale loci. Littéralement absente de l’‹ Exposition › thomiste, cette distinction avait été mise en avant par Gilles de Rome : celui-ci assimile ce qui est formel dans le lieu à son immo19 bilité et reprend la formule : Locus est immobilis formaliter, mobilis vero 16 Qu. Phys. (note 2), iv, qu. 4, p. 633 : Consequenter queritur utrum definitio loci sit bona in qua dicitur : locus est terminus corporis continentis immobilis primum ; cf. Aristote, Physique, iv, 4, 212 a 2–6, Aristoteles latinus (note 3), p. 149 : Si igitur nichil trium locus est, neque species neque materia neque spatium aliquod semper est alterum preter id quod est rei, distantiam, necesse est locum esse reliquum quatuor, terminum continentis corporis […] ; 212 a 20 : Quare continentis terminus inmobilis primum, hoc est locus. 17 Qu. Phys. (note 2), iv, qu. 4, p. 638. 18 Thomas d’Aquin, Commentaria in octo libros Physicorum Aristotelis (note 9), iv, lect. 6, n. 14, p. 164 : Sic igitur fluvius totus inquantum est immobilis, est locus communis. Cum autem locus proprius sit pars loci communis, oportet accipere proprium locum navis in aqua fluminis, inquantum habet ordinem ad totum fluvium ut est immobilis. 19 Voir Gilles de Rome, In libros de physico auditu Aristotelis commentaria […], Venetiis 1502, f° 72rb : […] de eo quod est formale in loco, videlicet de immobilitate eius. Sur la théorie du lieu chez Gilles de Rome, voir : Trifogli, Cecilia, The Place of the Last Sphere in Late-Ancient and Medieval Commentaries, dans : Knowledge and the Sciences in Medieval Philosophy.

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materialiter. Guillaume d’Ockham s’y était référé. Plus développée que la distinction précédente, celle-ci est considérée par Albert de Saxe comme l’outil adéquat pour résoudre la question de l’immobilité du lieu évoquée par Aristote, ce que selon lui ne parvenait pas à faire Averroès. Le lieu matériel est la surface ultime du corps enveloppant ; le lieu formel est la distance du corps à l’orbe céleste ou à des corps en repos dans le monde. Cette distinction conduit à considérer le lieu comme un terme connotatif, supposant pour le corps enveloppant mais connotant la distance à l’orbe ou au corps fixe servant de repère. Elle permet surtout de répondre précisément, par une série de conclusions, à la question de l’immobilité ou de la mobilité du lieu. Le lieu matériel est mobile. Quant au lieu formel il requiert une précision. En un sens strict, la ‹ distance › change puisqu’elle n’est rien en dehors des corps distants et de tout ce qui les relie, et que les corps intermédiaires entre un corps, par exemple les tours de Notre-Dame, et l’orbe céleste ne cessent de changer ; mais on considérera ici une équivalence entre ces distances numériquement distinctes. Le lieu formel peut donc être dit immobile ‹ par équivalence ›. De cette façon, les principes aristotéliciens sont acceptés mais considérablement précisés. Il n’en reste pas moins que dans ces deux questions, une alternative est posée qui équivaut à prendre au sérieux deux réponses, même si l’une d’entre elles est rapidement laissée de côté. Ainsi, la question 2 sur l’égalité du lieu et du localisé, après avoir énoncé toute une série de conclusions, ajoute : Sed accipiendo locum pro spatio imaginato inter latera corporis circumdantis locatum, statim clarum esset, si esset tale spatium, quod locus esset aequalis locato et esset aequalis locato simpliciter, tam secundum longitudinem quam secundum latitudinem et profunditatem ; sed accipiendo locum sicut accipit Aristoteles, 22 dicendum est de aequalitate loci et locati secundum conclusiones positas.

Proceedings of the Eighth International Congress of Medieval Philosophy (SIEPM), éd. par Simo Knuuttila, Reijo Työrinoja et Sten Ebbesen, vol. ii, Helsinki 1990, pp. 342–350. 20 Ibid. Cette formule semble provenir de Robert Grosseteste, Super octo libros Physicorum, iv. 21 Voir Guillelmi de Ockham, Expositio in libros Physicorum Aristotelis, iv, c. 7, § 2, ed. Rega Wood et alii (Opera philosophica v), St. Bonaventure 1985, p. 80 : Dicunt enim aliqui quod in loco est duo considerare, scilicet illud quod est materiale in loco, ut est superficies corporis continentis, et illud quod est ibi formale, ut ordo ad universum ; Guillaume d’Ockham, cependant, ne se satisfaisait pas de cette théorie. 22 Qu. Phys. (note 2), iv, qu. 2, p. 622.

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Dans la question 3 sur l’immobilité du lieu, c’est tout au début de la réponse que l’on évoque cette théorie, avant de passer aux précisions indiquées plus haut : Breviter in ista quaestione non esset dubium si locus poneretur esse dimensio separata : tunc enim quilibet locus esset superficies simpliciter immobilis. Sed accipiendo locum pro ultima superficie, eo modo quo accipit Aristoteles in isto 23 iv°, tunc quaestio habet dubitationem.

On voit donc que la primauté de la position aristotélicienne n’est pas mise en cause, même si aux analyses de type logico-linguistique s’ajoutent des précisions dont l’origine remonte aux commentaires latins du siècle précédent. Cependant, on a l’impression que le débat se recentre sur l’alternative entre deux doctrines, la théorie aristotélicienne et la théorie de l’espace qui serait ‹ imaginé › comme dimension séparée. C’est cette dualité que l’on retrouve dans les développements cosmologiques.

ii. La négation de l’espace infini Dans la doctrine aristotélicienne, physique et cosmologie sont solidaires, même si elles ont pour partie affaire à des substances de nature différente. En ce qui concerne la question du lieu ou de l’espace, c’est dans le cadre de la cosmologie que peut apparaître une réflexion sur l’infinité. Mais même dans ce cas, elle doit être rapportée aux principes de la théorie du lieu. L’existence réelle d’un espace infini est niée dans plusieurs questions sur la ‹ Physique › mais aussi dans les questions sur le livre i ‹ Du ciel ›, où l’on s’interroge sur l’infinité du monde. ii.1 La négation des dimensions infinies dans le monde La question 12 sur le livre iii de la ‹ Physique › porte sur la question de savoir s’il y a une dimension infinie : Utrum aliqua dimensio sit infinita. La question 13 paraît davantage centrée sur la question d’une grandeur infinie en acte, ou d’un espace infini en acte (Utrum possibile sit esse aliquam magnitudinem actu infinitam et etiam an possibile sit aliquod esse spatium actu infinitum), en se situant cette fois sur le plan du possible.

23 Qu. Phys. (note 2), iv, qu. 3, p. 627.

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Dans la question 12, avant d’énoncer les thèses (conclusiones) qui répondent à la question, Albert de Saxe introduit des précisions indispensables. La première concerne la validité de l’inférence infinita dimensio est, ergo aliqua dimensio infinita est. On y retrouve les éléments d’analyse logique de l’infini qui sont longuement développées dans le recueil des ‹ Sophismes › où, à la suite de Guillaume Heytesbury, Albert de Saxe distingue le sens des propositions selon la place du terme ‹ infini ›, et selon le double sens, l’un 24 dit ‹ catégorématique › et l’autre ‹ syncatégorématique › de l’infini. Dans la première proposition, le terme n’a pas une signification propre et déterminée, ou encore ne nomme pas une chose qui serait l’infini, mais il modifie d’une certaine façon la signification des autres termes ; on peut traduire cette proposition par « à l’infini il y a une dimension », et pour être vraie elle ne suppose qu’une infinité potentielle des dimensions ; en revanche « une certaine dimension est infinie » renverrait à une dimension infiniment grande ou à un corps infini. Albert refuse l’inférence de l’un à l’autre : on ne peut pas inférer infinita dimensio est, ergo aliqua dimensio est infinita. On peut transposer aux corps (car le corps implique la dimension), en se situant du point de vue de la puissance divine : si Dieu créait à l’infini des corps, qu’ils soient en continuité ou non, on pourrait avoir infinitum corpus est mais non corpus infinitum est. Une fois précisé que ces propositions ne sont pas équivalentes et que l’on ne peut inférer la seconde de la première, Albert se demande si l’une et l’autre peuvent être vraies dans le monde tel qu’il est. La dimension (largeur, longueur, profondeur) doit être considérée ou mesurée selon la ligne droite. Alors il ne faut pas concéder : infinita magnitudo recta est. La raison en est que le plus grande dimension est le diamètre du monde et qu’il est fini. En revanche, il y a une grandeur courbe infinie, et dans ce cas l’on revient à des arguments traditionnels à la limite des mathématiques, de la logique et de la physique : il s’agit de la célèbre spirale autour d’une corps cylindrique, dont le pas est diminué de moitié à chaque partie proportionnelle du cylindre (la moitié, un quart, un huitième, etc.). Mais ce point ne concerne pas notre propos car cela n’a pas à voir directement avec le lieu et l’espace. En revanche, en raison de la distinction de sens énoncée

24 Voir Albert de Saxe, Sophismata, Paris 1502, (repr. Hildesheim/New York 1975) prima pars, soph. lii et liii ; et Biard, Joël, Albert de Saxe et les sophismes de l’infini, dans : Sophism in Medieval Logic and Grammar. Acts of the Ninth European Symposium for Medieval Logic and Semantics (St. Andrews, June 1990), éd. par Stephen Read, Dordrecht/Boston/London 1993, pp. 288–303.

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plus haut, on doit admettre la proposition nulla magnitudo, sive sit recta 25 sive sit curva, est infinita. ii.2 La question de la possibilité naturelle 26

Alors que la question 12 posait une question de fait. La question 13 change de perspective en se situant sur le plan du possible : Quia visum est quod de facto non est aliqua magnitudo infinita, nunc videndum est utrum tamen aliqua possent fieri infinita, pro quo formetur ista questio : utrum possibile sit esse aliquam magnitudinem actu infinitam, et etiam an possibile sit 27 aliquod esse spatium actu infinitum.

Cette question reste toutefois dans le cadre de l’ordre actuel du monde, dont les principes ont été posés par la physique aristotélicienne. Elle est ainsi plus timide sur l’affirmation de la possibilité d’une grandeur ou d’un espace infini que ne le seront, du moins par certains aspects, les ‹ Questions sur le traité du Ciel ›, même si l’hypothèse affleure dans certains arguments quod sic. Les conclusions insistent sur l’impossibilité d’une grandeur infinie, ce qui revient à nier la possibilité d’une dimension et d’un espace infinis. Albert de Saxe oppose à une telle possibilité deux séries d’arguments. La première ne lui paraît pas suffisamment convaincante : non faciunt mihi magnam fidem. Elle repose sur une série de conséquences qui résulteraient de la position d’une grandeur ou d’un corps infini, et qui sont présentées comme impossibles ou contradictoires. Certaines concernent l’optique (un corps opaque fini devant un corps lumineux infini), quatre autres portent sur le passage à la limite (par exemple que A soit fini pendant toute une heure et soit infini immédiatement après sans que rien ne lui soit ajouté). Ces arguments ne sont pas convaincants parce que, dit Albert, celui qui accorderait la possibilité 28 qu’une grandeur soit infinie accorderait de telles conséquences.

25 Qu. Phys. (note 2), iii, qu. 12, p. 563. 26 L’incise sur la toute puissance divine n’avait qu’une valeur argumentative pour poser provisoirement l’hypothèse d’un accroissement infini d’un corps, ou des corps ; mais le poids de la démonstration portait sur la thèse de l’être en acte d’une grandeur infinie, ou accessoirement d’un corps infini. 27 Qu. Phys. (note 2), iii, qu. 13, p. 565. 28 Ibid., p. 574 : Breviter istae rationes non faciunt mihi magnam fidem pro conclusione : immo, si quis vellet concedere quod possibile esset aliquam magnitudinem esse infinitam, concederet omnia ista consequentia.

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Il y a en revanche un argument qui lui paraît plus convaincant. Il repose à nouveau sur la considération des parties proportionnelles. On suppose alors qu’il n’est pas possible de parvenir à la dernière partie proportionnelle d’un continu – c’est-à-dire que l’on refuse la sommation de la série et le passage à la limite. Dans ces conditions, étant donné que ‹ de fait › il n’est pas de corps infini, on estime qu’il n’est pas non plus ‹ possible › d’en obtenir par le procédé de division en parties proportionnelles. Il serait contradictoire de poser que Dieu, tout en conservant les pierres faites et à faire, crée une pierre d’un pied dans n’importe quelle partie proportionnelle. S’agit-il de limiter la toute-puissance divine ? pas vraiment, car la seule limite de la toute-puissance est la contradiction. Or il serait contradictoire d’obtenir un corps infini puisque cela supposerait qu’il n’y ait plus la possibilité de diviser les parties proportionnelles et de poursuivre le processus. C’est contradic29 toire avec l’idée même de continu. Dans ces conditions, on ne peut pas imaginer, même par toute-puissance, un processus d’adjonction, en chaque partie proportionnelle d’une heure, d’une pierre d’un pied à celles qui sont déjà faites et à celles qui sont à faire. Comprenons que si l’on se donnait seulement celles qui sont faites, on aurait une progression à l’infini, ce qui est admis dans une conclusion mais ne répond pas positivement à la question initiale ; le seul moyen d’obtenir un infini actuel serait une sommation intégrant toutes les parties proportionnelles, donc les pierres faites et à faire, mais il faudrait alors, suivant le raisonnement d’Albert, une ultime partie proportionnelle, ce qui a été refusé (puisque implicitement considéré 30 comme contradictoire). Une précision introduite pour résoudre certains arguments est particulièrement intéressante pour notre propos. On avait fait au début de la question une hypothèse que l’on retrouvera dans le ‹ Traité du ciel ›, selon laquelle Dieu annihilerait tout dans le monde en dessous des bords du ciel (infra latera caeli) ; dans ce cas, ne faudrait-il pas considérer qu’il resterait encore 29 Qu. Phys. (note 2), iii, qu. 13, pp. 574 et 575. 30 Le raisonnement d’Albert pâtit évidemment ici de l’absence d’une véritable théorie de l’intégration, si bien qu’il est réduit à poser que, pour clore la série infinie, il faudrait se donner une ultime partie. Nicole Oresme, plus expert en mathématiques, admettait quant à lui la possibilité d’un infini en acte ; voir Mazet, Edmond, La théorie des séries de Nicole Oresme dans sa perspective aristotélicienne. Questions 1 et 2 sur la Géométrie d’Euclide, dans : Revue d’histoire des mathématiques 9 (2003), pp. 33–80 et Celeyrette, Jean et Edmond Mazet, Nicole Oresme, dans : De la théologie aux mathématiques. L’infini au xive siècle, éd. par Joël Biard et Jean Celeyrette, Paris 2005, pp. 221–252.

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une distance et de l’espace entre les côtés du monde, puisque sans cela ils se toucheraient ? Et si l’on peut poser un espace intra-mondain sans aucun corps, ne pourrait-on pas penser de la même manière un espace en dehors du 31 monde ? La précision apportée n’explore pas l’espace extra-cosmique, mais pose que si Dieu annihilait tout ce qui est en dessous des bords du ciel, la 32 proposition « un espace est entre les bords du ciel » serait fausse. La raison est un principe de base de la sémantique commune à Ockham, Buridan ou Albert : une proposition affirmative dont le sujet ne suppose pour rien est 33 fausse. Autrement dit, le sujet ne se réfèrerait à aucune chose, à rien de réel. On peut faire l’objection : il se réfèrerait à l’espace ! On répondra alors que cet espace est quelque chose ou n’est rien. S’il est rien, on a ce que l’on avait posé ; s’il était quelque chose, Dieu n’aurait pas tout annihilé. Qu’en conclure ? D’abord que la notion d’espace ici avancée puis récusée (et avec Albert nous sommes toujours dans cet entre-deux) paraît trop abstraite : elle ne contient aucune chose, aucune substance ni accident. Au delà de cette précision, il se confirme que cette question se place dans le cadre du ‹ cours naturel des choses ›, si je puis reprendre une expression buridanienne. Certes, on y trouve quelques appels à la toute-puissance et des hypothèses imaginaires. Mais la toute-puissance n’a été invoquée que pour confirmer en fin de compte la divisibilité à l’infini du continu, et l’impossi34 bilité de penser un espace qui serait vide de corps. La question de la possibilité d’une dimension infinie, donc aussi bien d’un corps que d’un espace infini, porte ici sur ce qu’il est possible de réaliser, même si cela n’existe pas actuellement. Un corps infini est impossible, et un espace infini n’est rien dans la nature. On comprend alors mieux que le lieu n’ait pu être défini par un tel espace.

31 Qu. Phys. (note 2), iii, qu. 13, pp. 566–567. 32 Ibid., p. 578. 33 La même affirmation se trouvait dans la question 18 sur le livre i, mentionnée par l’éditeur, mais Albert renvoie fondamentalement à un principe logique : voir par exemple ‹ Quaestiones in librum de Aristotelis De interpretatione ›, § 775, dans : Alberti de Saxonia Quaestiones in artem veterem, éd. par Angel Muñoz Garcìa, Maracaibo 1988, p. 502. 34 La question de l’espace imaginaire est étroitement liée à celle de vide. Voir Sarnowsky (note 2), pp. 203–224 ; Biard, Joël, Signification et statut du concept de vide selon Albert de Saxe et Jean Buridan, dans : Le Vide et la Nature ? Actes de la table ronde internationale (Tours CESR, 16–17 novembre 2009), éd. par Joël Biard et Sabine Rommevaux, à paraître.

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Est-ce à dire qu’Albert en reste à une conception traditionnelle du lieu, simplement réaménagée à travers une présentation logique un peu différente ? Non, mais il faut pour cela se tourner vers d’autres questions, où il n’est plus simplement question du possible dans le cours naturel des choses mais de l’imaginaire.

iii. L’hypothèse d’un espace infini iii.1 L’espace extra-cosmique La question 11 sur le livre i du ‹ Traité du ciel › peut nous donner une idée de la façon dont Albert introduit, avec prudence, l’hypothèse d’un espace infini. On s’y demande « Est-ce que le monde dans sa totalité est une gran35 deur finie ou infinie ? » La réponse se déploie en deux moments : d’abord la question principale, ensuite la question de savoir si, puisque le monde est fini, il y a en dehors de lui quelque chose, à savoir un espace infini ou quelque chose d’autre. Dans cette discussion, locus et spatium sont parfois employés comme synonymes, mais en vérité c’est bien le concept d’espace qui est au centre. Videtur quod extra mundum sit spatium. Ce qui caractérise cette notion, c’est que, alors que le lieu se définit par des corps, l’espace est d’abord caractérisé par la divisibilité. C’est ce que montre le premier argu36 ment allant dans le sens de la position d’un espace infini : si Dieu créait une pierre en dehors du monde, ce ne serait pas dans un indivisible, donc ce serait dans quelque chose de divisible ; cette divisibilité se déploie alors en différence de lieu par la possibilité de distance (arguments 2 et 3) ; on peut en conséquence lui appliquer des propriétés géométriques, comme par exemple la possibilité pour deux sphères d’être tangentes (argument 4). De même apparaît un lien entre cette hypothèse et celle du vide (argument 6) : Ubi non est corpus, sed potest esse, ibi est vacuum ; sed extra mundum non est corpus, cum mundus sit universitas entium ; sed potest ibi esse, quia Deus posset dici ibi creare de novo corpus ; igitur videtur quod extra mundum sit vacuum 37 infinitum, cum non appareat ad quantum illud praecise deberet terminari.

35 Alberti de Saxonia Quaestiones in Aristotelis ‹ De caelo ›, éd. crit. par Benoît Patar (Philosophes médiévaux li), Louvain-la-Neuve et alii 2008, p. 130 : Utrum mundus totalis sit magnitudo finita vel infinita ? 36 Qu. de caelo (note 35), p. 131 : De secundo videtur quod extra mundum sit locus. 37 Ibid., p. 132.

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Ce lien avec le vide se retrouve, de façon un peu différente, dans les conclusions : si toutes les choses en dessous de l’orbe de la lune étaient annihilées, il ne resterait rien entre les bords (latera) du ciel (conclusion 10). On retrouve ainsi une hypothèse que nous avions déjà rencontrée dans les ‹ Questions 38 sur la Physique ›. Si elle paraît s’écarter de la question de l’espace extracosmique, puisqu’il s’agit cette fois d’un vide intra-cosmique, sa fonction est d’obliger à réfléchir sur la pertinence dans une telle situation de l’idée de distance, sur le contact, sur le rapport immédiat ou médiat entre deux 39 choses ou entre deux points tels que les pôles. Il importe cependant de préciser le statut de cette première série de raisonnements. La série d’arguments introduit dans le second article (lequel se demande si, puisque le monde est fini, il y a en dehors de lui un espace infini) est introduite par le verbe videtur (il semble que), qui sera repris dans le 7e et dernier argument. Le terme est certes assez faible, mais les conclusions qui suivent s’attachent à ‹ neutraliser › cette hypothèse d’un espace infini. On réaffirme d’abord qu’en dehors du monde il n’y a pas de corps, il n’y a pas de lieu (pour autant que celui-ci est défini par le corps), il n’y a pas de vide non plus, il n’y a pas de mouvement ni de temps. Quant à dire que Dieu et les intelligences sont en dehors du monde, il convient d’entendre cela non pas ‹ positive › mais ‹ privative ›, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas de place ou de site (situm) dans le monde. La 9e conclusion, toutefois, nuance ce refus. Il convient de sauver l’hypothèse de la création surnaturelle d’une chose (une pierre, un haricot) en dehors du monde. Il s’agit évidemment d’une hypothèse qui excède le cours actuel de la nature, mais on peut la faire selon la toute-puissance divine : Deus supernaturaliter extra mundum posset creare unum lapidem vel duos

38 Qu. Phys. (note 2), iii, qu. 13, pp. 566–567 et p. 578. Les deux commentaires sont doctrinalement et chronologiquement proches, mais leur datation relative est assez complexe. Les ‹ Questions sur le traité Du ciel › évoquent les commentaires sur la ‹ Physique › ; Sarnowsky (note 2) p. 53, situe les commentaires sur la ‹ Physique › peu après 1351 et les questions sur le ‹ De caelo › entre 1351 et 1355. Cependant d’après l’édition de Patar, le principal passage (Qu. de caelo, i, 1, p. 13) de comporte un futur de hoc magis videbitur in libro ‹ Physicorum › (variante : debet videri, un autre manuscrit, cité par Sarnowsky [note 2], p. 51, omettant le verbe) ; d’autres passages signalés par Sarnowsky se réfèrent à la ‹ Physique ›, mais de façon moins explicite au commentaire d’Albert : voir Qu. de caelo, i, qu. 10, p. 122, l. 45–47, et ii, qu. 8, p. 288, l. 63. 39 Qu. de caelo (note 35), i, qu. 11, p. 135.

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vel unum alium mundum vel plures. Toutefois Albert pose que même dans ce cas ‹ surnaturel › il ne serait pas requis de poser un espace qui serve de réceptacle : Ad salvandum […] non oportet ponere quod de facto extra mundum sit spatium vel vacuum vel distantia vel aliquid tale […]. On peut se demander ce que veut dire dans ce cas de facto. Il n’y aurait pas effectivement un tel espace ou un tel vide. Il semble que l’hypothèse surnaturelle doive être bien circonscrite. Dans le cours actuel de la nature, il n’y a rien en dehors du monde. Même si Dieu créait quelque chose en dehors du monde actuel, ce serait tout à fait en vain (frustra), donc de manière superflue et contrevenant au principe d’économie des hypothèses, que l’on poserait un tel espace préexistant qui servirait de réceptacle : […] extra mundum ponere tale spatium vel talem distantiam propter creationem alicuius extra mundum possibilem supernaturaliter videtur esse frustra omnino, 41 quia consimiles fierent difficultates tali spatio annihilato quales fiunt modo.

Est-ce à dire que nous n’avons pas avancé ? Pas tout à fait car on lit dans les réponses aux arguments que si Dieu créait une pierre en dehors du monde, il créerait aussi l’espace correspondant ; mais celui-ci ne lui préexisterait pas : bene tamen concedo quod, quando crearetur lapis extra mundum, crearetur 42 spatium extra mundum […].

Il n’y a donc pas, même pour sauver cette hypothèse surnaturelle, à poser en dehors du monde un espace qui doive être fini ou infini. Si l’espace se différencie désormais du lieu par son caractère plus abstrait en termes de distance ou de dimension, par son adéquation à ce qui y est 43 localisé et par sa tridimensionnalité, il n’en reste pas moins lié aux corps qui en définissent les positions. Il ne faudrait pas croire toutefois que nous ne faisons ici que réitérer les positions de base de la physique aristotélicienne. Ces discussions donnent lieu à des réflexions non seulement sur le rapport entre le corps et l’espace, mais aussi à des précisions sur la distance, sur la mesure de cette distance (courbe, droite ?), sur le vide intracosmique 44 imaginaire, et cela permet la distinction de deux sens du mouvement local. 40 41 42 43 44

Qu. de caelo (note 35), i, qu. 11, p. 134. Ibid., p. 135. Ibid., p. 139. Ibid., qu. 7, p. 89 : mundus non occupat spatium distinctum a se. Le vide à l’intérieur du monde peut objet d’imagination ; Albert précise toutefois en quel sens limité : voir ibid., qu. 11, p. 139 : Vacuum non potest imaginari tamquam dimensio separata, sed tamquam corpus non locans quod aptum

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Au premier sens, il s’agit du mouvement par lequel un corps change de lieu, entendu comme ‹ vrai lieu › (donc corps enveloppant) ; dans ce cas, le mouvement d’un haricot dans un vide créé surnaturellement au sein du monde ne serait pas local. Mais on peut entendre le mouvement comme un changement de lieu vrai, imaginé ou imaginaire – c’est en ce sens seulement que la dernière sphère peut être mue. Ce mouvement est « de même espèce [ou nature] que le mouvement local ». Même si Albert n’approfondit pas, on peut supposer que ce lieu vrai, imaginé ou imaginaire, est entendu comme repère spatial, même sans corps immédiatement contigu, sans doute en relation à la dernière sphère servant de coordonnées. iii.2 La fonction de l’imaginaire en cosmologie Dans toute la série de questions consacrées à l’infinité du monde, à savoir les question 6 à 11 sur le livre i ‹ Du ciel ›, Albert est conduit à manier ces différents plans du réel, du possible et de l’imaginaire. Il le fait surtout afin 45 de préciser le concept d’infini, mais aussi ce faisant en relation à l’idée de monde et à celle d’espace. L’usage de l’imaginaire était répandue dans la réflexion cosmologique 46 dès le xiiie siècle. Il semble que ce soit Averroès, dans son commentaire du ‹ De caelo ›, qui introduisit la faculté d’imagination dans la pensée du 47 vide extracosmique qui avait été évoquée et refusée par Aristote. Le lien e se retrouve dans les commentaires du xiii siècle, mais c’est au siècle suivant que l’usage de l’imaginaire change de sens et devient un moyen d’explorer 48 des hypothèses conceptuelles.

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natum est locare; ou p. 140 : Sic etiam secundum hoc non debemus vocare vacuum dimensionem separatam vel imaginatam nullo corpore occupatam, sed debemus vocare vacuum corpus quod non locat, sed aptum natum est locare. Le concept d’infini sera étudié en détail par Albert de Saxe dans ses ‹ Sophismata ›, prima pars, soph. li–lxiii. On trouve aussi quelques éléments dans la question 7 sur le livre vi de la ‹ Physique › (Qu. Phys., p. 910 sqq.). Voir Grant (note 10), chap. 6 : « Late medieval conceptions of extracosmic (‹ imaginary ›) void space », pp. 116–147. Voir Aristotelis Opera cum Averrois commentariis, Venetiis apud Junctas 1562–1574, vol. v : Aristotelis De coelo […] cum Averrois Cordubensis variis in eosdem commentariis, comm. 92, f° 62r. Voir Hugonnard-Roche, Henri, Analyse sémantique et analyse secundum imaginationem dans la physique parisienne au xive siècle, dans : Studies in Medieval Natural Philosophy, éd. par Stefano Caroti, Firenze 1989, pp. 133–153.

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La question 7 est celle où l’on trouve les occurrences les plus nombreuses de l’imagination. Le point de départ est toutefois la notion d’impossible. Le texte souligne qu’il convient de distinguer deux sens d’impossible : ce qui est impossible simpliciter, qui ne peut être par aucune puissance, ni naturelle ni surnaturelle, et ce qui est impossible secundum quid, qui ne peut être par 50 une puissance naturelle mais peut être surnaturellement. L’opposition de la ‹ nature › et de la ‹ surnature › recouvre ici la distinction de l’ordre naturel 51 (puissance ordonnée) et de la puissance absolue de Dieu. C’est cet impossible secundum quid qui ouvre le champ de l’imaginable. La pensée scientifique et philosophique est ainsi autorisée à proposer des hypothèses qui éprouvent la cohérence logique de théories qui ne correspondent pas à l’état naturel des choses. C’est en ce point qu’on peut explorer l’idée d’un monde infini, d’un monde en mouvement ou d’un espace infini entourant le monde. C’est à la fois un jeu de pensée et la prise en compte d’hypothèses qui de fait 52 circulent dans les textes depuis la fin du xiiie siècle. Ainsi Albert de Saxe décline trois façons dont on pourrait imaginer l’infi53 nité d’un corps se mouvant circulairement. Les deux premières font varier 49 Qu. de caelo (note 35), i, qu. 7, p. 84 : Utrum possit esse aliquod corpus infinitum mobile circulariter. Cette question correspond chez Aristote au traité ‹ Du ciel ›, i, chap. 5. 50 Ibid., p. 85 : De primo sciendum est quod dupliciter dicitur impossibile, scilicet simpliciter et secundum quid. Impossibile simpliciter dicitur quod nec est nec potest esse per aliquam potentiam, sive naturalem, sive supernaturalem, verbi gratia sicut est plures deos esse, similiter sicut est oppositum primi principii complexi. Impossibile autem secundum quid dicitur quod non potest esse per aliquam potentiam naturalem, licet bene supernaturalem, verbi gratia sicut caelum quiescere vel aliquod tale. Dans ses ‹ Questions sur la Physique › (ca. 1345), Nicole Oresme distingue aussi, à propos du vide, plusieurs sens de l’impossible, mais sa division est quelque peu différente, puisqu’elle est tripartite : absolument impossible, infiniment difficile à réaliser, et impossible par des puissances naturelles : voir Kirschner, Stefan, Nikolaus Oresme Kommentar zur Physik des Aristoteles, mit Edition der Quaestionen zu Buch 3 und Buch 4 der aristotelischen Physik sowie von vier Quaestionen zu Buch 5, iv, qu. 8, Stuttgart 1997, pp. 329–332. 51 On trouve même dans une question l’adjectif ‹ miraculeux ›. 52 Il serait sans doute utile de comparer cette fonction avec celle qui est traditionnellement assignée à l’imagination en mathématiques. Mais pour l’heure, ce sont les objets de la philosophie naturelle qui nous retiennent. 53 Qu. de caelo (note 35), i, qu. 7, p. 85 : Secundo sciendum quod infinitum corpus esse mobile circulariter potest tripliciter imaginari.

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selon des proportions continues, croissantes ou décroissantes selon les cas, la taille ainsi que la rapidité ou la lenteur d’orbes concentriques successifs, la troisième considère un corps circulaire s’étendant partout à l’infini et mû d’un mouvement circulaire. La première série de conclusions s’attache à préciser les réponses possibles à la question du mouvement circulaire d’un corps infini, dans les divers cas énumérés ci-dessus, en fonction du statut modal donné à ces énoncés. Ainsi, aux deux premiers sens qui ont présidé à la variation des mouvements circulaires, un mouvement infini n’existe pas et ne peut pas exister naturellement, mais il peut exister surnaturellement ; dans le troisième cas, il est impossible en quelque sens qu’on entende l’impossible. Au cours de l’enchaînement assez compliqué des arguments, objections, réponses, conclusions provisoires, on trouve un passage dans lequel il est imaginé que Dieu puisse détruire tout lieu d’une pierre et encore mouvoir cette pierre. Dans une réponse, Albert souligne qu’Aristote n’imagine pas à proprement parler un tel espace, toutefois il n’est pas contradictoire de l’imaginer : non 54 supponit quod tale spatium sit, sed quod non repugnat imaginationi. Cela permet de raisonner : et infert unum quod repugnat imaginationi, scilicet quod spatium infinitum pertransiretur in tempore finito. Cette conclusion étant impossible, on en conclut qu’un corps infini est impossible. En vérité, la démarche d’Aristote est différente : celui-ci pose que s’il y avait un espace infini il s’ensuivrait des contradictions, ce qui interdit de penser aussi bien une distance ou dimension infinie, que (puisque c’est l’objet principal du chapitre) un corps infini. Il ne cherche pas à donner un statut particulier à cette imagination, encore moins à en tirer des conclusions positives sur ce qui se passerait dans cette hypothèse. Quant à la question 8, elle porte sur la possibilité d’un mouvement recti55 ligne, et non plus circulaire, d’un corps infini. Elle est assez brève et il convient de distinguer l’idée du mouvement rectiligne d’un corps infini et l’idée de mouvement du monde dans un espace infini. La première est impossible, puisqu’il n’existe ni corps infini ni lieu infini. C’est un peu en passant, à l’occasion d’une remarque sur le lieu ‹ vrai ou imaginable ›, qu’Albert évoque le mouvement rectiligne du monde, et il le fait en se rapportant à un ‹ article parisien ›, c’est-à-dire aux condamnations de 1277.

54 Qu. de caelo (note 35), i, qu. 7, p. 89; voir Aristote, Du ciel, i, 5. 55 Ibid., qu. 8, p. 93 : Utrum possit esse aliquod corpus infinitum mobile motu recto.

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Et notanter dico ‹ imaginabile › quia Deus potest movere totalem mundum motu recto, sicut dicit articulus parisiensis ; et si Deus ipse taliter moveret, non 56 moveret ipsum in spatio vero sed imaginabili vel imaginato.

Cette remarque prend place dans un paragraphe destiné à établir l’unique conclusion de la question, jugée conforme à la pensée d’Aristote, à savoir qu’il n’est pas possible qu’un corps infini soit mû d’un mouvement rectiligne. Car dans ce cas, il faudrait un lieu infini. Au cours du raisonnement, on rappelle que tout corps qui se meut localement doit avoir un lieu, et l’on précise : vrai ou imaginaire. C’est cela seul qui permet de penser, de façon éphémère, un corps infini mobile en mouvement, donc dans un lieu (non pas vrai mais imaginaire) qui serait infini. Mais cela est jugé impossible. Et la place qu’Albert accorde à cette hypothèse avancée par un ‹ article parisien › est des plus réduites. Comme on l’a vu plus haut, c’est ce même élargissement du ‹ vrai › à l’‹ imaginaire › qui est évoqué à nouveau dans la question 11 pour autoriser à parler d’un mouvement local, ou « de même espèce que le mouvement local » pour la dernière sphère. Puisqu’il est question de mouvement local, on ne s’étonnera pas qu’il soit question du lieu. Dans ce cas, cependant, il est difficile d’imaginer le lieu comme limite du corps enveloppant. Le lieu devient ici espace, d’autant que c’est toujours un appel similaire à l’imagination qui permet, dans d’autres passages, de passer du lieu à l’espace comme dimension, sans les contraintes liées à l’idée de corps enveloppant. L’espace infini, qui n’est ni réel ni naturellement possible, est bien imaginable.

iv. Conclusions Albert de Saxe contribue à une mise en chantier des théories du lieu et de l’espace, qui est générale au xive siècle. Tous les maîtres ès arts du milieu du siècle y contribuent. Albert y a tenu un rôle important, à la fois direct en participant aux débats sur des questions précises, notamment avec Jean

56 Qu. de caelo (note 35), i, qu. 8, pp. 94–95.

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Buridan, et indirect parce que ses ‹ Questions sur le Traité du ciel › ont connu eu une grande diffusion en Italie. Il s’agit de faire jouer tantôt ensemble, tantôt l’un contre l’autre les concepts de lieu et d’espace. Le concept de lieu reste très marqué par la lettre d’Aristote, même s’il est interprété dans le cadre d’une sémiologie et d’une sémantique toute différentes, et s’il s’ouvre vers l’idée de lieu imaginaire. L’idée d’espace ‹ séparé › vient d’une remarque d’Aristote mais se développe dans une direction qui vient davantage contredire l’aristotélisme. C’est cette idée qui prend une ampleur inédite. A un premier niveau, Albert explore et refuse certaines hypothèses qui permettent de faire jouer le concept d’espace pour autant qu’il se différencie de celui de lieu. En vérité les réflexions les plus novatrices concernent l’infini. Ici, le concept d’espace abstrait et isotrope est refusé, mais il devient pensable. Il suscite des interrogations qui jusque là n’étaient pas explorées : qu’est-ce qu’un espace sans corps ? Comment déterminer des repères ? etc. Le statut de cet espace est imaginaire. Ce caractère imaginaire est figuré par la ‹ toute-puissance divine ›, ou encore la ‹ surnature ›. Le surnaturel renvoie moins à une dimension théologique qu’à une relativisation du cours naturel des choses, lequel est factuel, contingent, et non le seul possible. C’est dans ce cadre que sont évoqués les ‹ articles parisiens ›. Mais leur place est limitée. Par conséquent, il ne faut pas surestimer la place des condamna58 tions de 1277 dans ces évolutions. En ce qui concerne l’article 66, Albert ne l’évoque qu’en passant, pour soutenir un argument qui conduit finalement à refuser l’idée de corps infini. Quant à Jean Buridan, il l’invoque également, 59 au cours de la question 16 sur le livre i, mais ce qui intéresse Buridan, ce

57 On sait aujourd’hui que sur plusieurs questions, Buridan a infléchi ses positions entre la tertia lectura et la quarta lectura de sa ‹ Physique › à la suite des ‹ Questions sur la Physique › d’Albert, et en tout cas que dans sa quatrième et dernière lecture, il prend soin de répondre à celui-ci. Il faudrait une étude comparée plus détaillée des questions sur le traité ‹ Du ciel › des deux auteurs pour voir comment elles se rapportent l’une à l’autre. Les fourchettes chronologiques les plus couramment avancées pour la rédaction de ces traités sont les années 1350 pour Buridan, et entre 1351 et 1355 pour Albert de Saxe. 58 Voir Hissette, Roland, Enquête sur les 219 articles condamnés à Paris le 7 mars 1277, Louvain/Paris 1997, p. 118 : Quod Deus non possit movere caelum motu recto. Et ratio est quia tunc relinqueret vacuum. 59 Jean Buridan, Questiones in Aristotelis de caelo, i, qu. 16, éd. Benoît Patar, Louvain-la-Neuve/Louvain/Paris 1996, p. 314 : Sed de potentia divina, determinatum fuit per episcopum Parisiensem et per studium Parisiense, quod error

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Joël Biard

n’est pas tant de développer cette hypothèse d’un mouvement rectiligne du monde que d’en tirer la conclusion que dans ce cas, on aurait un mouvement (déplacement) d’un corps qui ne serait pas dans un lieu, puisque le 60 monde entier n’a pas de lieu. Ainsi, plutôt que de survaloriser l’impact de ces condamnations, mon hypothèse serait plutôt celle de concepts et de questions qui émergent au sein même de la philosophie naturelle péripatéticienne, sur la base de suggestions ou parfois de difficultés du texte d’Aristote, et qui se développent selon la dynamique propre des débats qu’elles suscitent, en venant le modifier et parfois le contredire de l’intérieur, ouvrant ainsi des espaces nouveaux de réflexion.

esset dicere quod Deus non posset movere totum mundum simul motu recto. Buridan évoque également cet article condamné à Paris dans la question 7 sur le livre iii de la ‹ Physique › (ultima lectura), toujours afin de prouver que l’on peut concevoir le mouvement de la dernière sphère sans lieu : voir Questiones in octo libros Physicorum Aristotelis, iii, qu. 7, Parisiis 1509, 7, f° Lva. Pour une interprétation qui accorde un effet plus grand aux condamnations de 1277, voir Grant (note 10), chap. 6 ; et id., The Condamnation of 1277, God’s Absolute Power and Physical Thought in the Late Middle Ages, dans : Viator 10 (1979), pp. 211–244. 60 Il faut à l’évidence ajouter un ‹ non › dans l’édition critique, conformément à la leçon de plusieurs manuscrits (op. cit., p. 314, l. 80) : et tamen totus mundus simul non est in loco, quia nullum est corpus extra continens ipsum. Et sic non requiritur locus ad hoc quod aliquid per potentiam divinam moveatur motu recto […].

Pour une nouvelle lecture de l’‹ Imago mundi › de Pierre d’Ailly Nathalie Bouloux (Tours)

L’ ‹ Imago mundi › de Pierre d’Ailly est souvent jugée négativement par les commentateurs modernes. Écoutons seulement le jugement de son éditeur, Edmond Buron, fondé sur des reproches révélateurs d’une conception ancienne de l’histoire des sciences dont nous ne sommes pas totalement libérés : On remarquera au cours de la lecture de d’Ailly que celui-ci savait parfaitement son astronomie, qu’il avait des principes certains de l’astrologie mais que, en ce qui regarde la géographie, ses connaissances se révèlent purement livresques. On ne s’en étonnera pas, si on sait que le cardinal de Cambrai n’avait pas voyagé hors de la France et de l’Allemagne, de l’Italie et de la Suisse. Quand il traite d’astronomie, on sent que l’écrivain est sur un terrain solide. Ses sources sont moins visibles. Il construit comme toujours le plan de son enseignement avec plus d’autorité et d’originalité. En cette matière il est difficile d’attribuer une influence plus particulière de Sacrobosco que d’Oresme ou d’Alfragan ou peut1 être Honoré d’Autun.

Certes, Edmond Buron écrivait en 1930, mais nous avons là un catalogue des principales critiques faites d’une manière générale à la géographie médiévale : son caractère livresque, son manque d’originalité, son respect des autorités et son absence de connaissances directes des espaces décrits. Le jugement sur l’astronomie, que les spécialistes modernes ne rejoignent 2 plus tout à fait, est plus positif. Écrite en 1410, l’‹ Imago mundi › est le produit de la retraite lettrée de Pierre d’Ailly, période où ses contacts avec 1

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Pierre d’Ailly, Imago mundi, texte latin et traduction française des quatre traités cosmogrpahiques de Pierre d’Ailly et des notes marginales de Christophe Colomb, éd. par Edmond Buron, 3 vol., Paris 1930, i, p. 172, note 5. Boudet, Jean-Patrice, Un prélat et son équipe de travail à la fin du Moyen Âge : remarques sur l’œuvre scientifique de Pierre d’Ailly, dans : Humanisme et culture géographique à l’époque du concile de Constance. Autour

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la littérature classique s’approfondissent, en même temps que sa lecture de l’‹ Opus Majus › de Roger Bacon. L’‹ Imago mundi › est surtout restée dans 4 les mémoires pour la lecture qu’en fit Christophe Colomb, raison de l’édition d’Edmond Buron : ce point de vue explique que le traité n’a guère été 5 étudié pour lui-même. Ce n’est pas le seul traité géographique du cardinal : il est suivi d’un ‹ Epilogus mappe mundi ›, qui revient sur la question de l’extension du monde habité, puis du ‹ Compendium cosmographiae ›, de 6 date incertaine mais écrit après l’achèvement de l’‹ Imago mundi ›, avant 1414–1415, témoin précoce de la réception de la ‹ Géographie › de Ptolémée, 7 nouvellement traduite. Je voudrais tenter de réévaluer l’‹ Imago mundi › en l’examinant sous un angle nouveau, afin de répondre à une question simple : pourquoi Pierre d’Ailly l’a-t-il écrit ? Quel sens avait pour lui l’écriture d’un traité de géographie en partie fondé sur des sources à nos yeux dépassées ? J’examinerai pour cela le plan de l’œuvre, les sources et leur utilisation, avant d’étudier le rôle de l’‹ Imago mundi › dans l’activité intellectuelle de son auteur dans les années 1410–1415. Il n’est évidemment pas possible d’analyser le texte sous tous ses aspects : je me contenterai de poser quelques jalons d’une nouvelle interprétation du traité. Au préalable, posons d’emblée une autre limite de l’étude, qui tient à l’édition réalisée par Edmond Buron. Elle a pour première qualité de rendre le texte facilement disponible, d’en offrir une traduction française, d’avoir placé en notes de bas de page des pans entiers des œuvres dont l’auteur s’est inspiré, d’avoir accompagné le texte des transcriptions des annotations

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de Guillaume Fillastre, éd. par Didier Marcotte (Terrarum orbis 3), Turnhout 2002, pp. 127–150, en particulier pp. 134 sq. Guenée, Bernard, Entre l’Eglise et l’Etat. Quatre vies de prélats français à la fin du Moyen Âge, Paris 1987, p. 263. Ibid., p. 264 ; plus récemment : Edson, Evelyn, The world Map, 1300–1492. The persistance of Tradition and Transformation, Baltimore 2007, pp. 130 sq. et Wey Gómez, Nicolás, The Tropics of Empire. Why Columbus sailed south to the Indies, Cambridge 2008. On pourrait multiplier les exemples. Quillet, Jeannine, L’‹ Imago mundi › de Pierre d’Ailly, dans : Nouveaux mondes et mondes nouveaux au Moyen Âge, éd. par Danielle Buschinger et Wolfgang Spiewok (Greifswalder Beiträge zum Mittelalter 22), Greifswald 1994, pp. 107–114 : l’auteur y étudie rapidement le traité mais la seconde partie de l’article, pp. 111–114 traite de la lecture que Colomb en a fait. Sur ce point, voir Gautier Dalché, Patrick, La Géographie de Ptolémée en Occident (ive–xvie siècle), Turnhout 2009, p. 169, en particulier n. 126. Ibid., pp. 168–172.

Pour une nouvelle lecture de l’‹ Imago mundi › de Pierre d’Ailly

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d’un lecteur identifié avec Christophe Colomb. Mais le texte latin est celui de l’édition de Jean de Westphalie, parue vers 1480–1483, à Louvain, sans recours aux manuscrits. Elle est d’un maniement extrêmement pénible : les abréviations de l’édition ne sont pas développées, la traduction française, parfois rapide, n’est pas toujours en vis-à-vis du texte latin, ce qui est dû en partie aux longues citations des sources qui courent sur plusieurs pages ; le repérage des sources, en particulier dans la partie de géographie descriptive à laquelle je m’intéresse spécialement ici, est largement à revoir. C’est une édition qui rend des services mais qui mériterait aujourd’hui d’être refaite.

i. L’ordre descriptif de l’‹ Imago mundi › : une synthèse de deux traditions géographiques Le plan suivi par Pierre d’Ailly n’est pas aussi banal qu’une lecture rapide peut le laisser croire. Il est en tout cas mûrement réfléchi, comme l’indique l’ouverture du chapitre xiv : Hucusque de diuisione terre secundum astrologos dictum est, qui per diuisionem climatum procedunt. Nunc aliam diuisionem quam ponunt Cosmographi prosequamur. Sciendum igitur quod secundum Plinium, Solinum, Orosium, Ysidorum et plures alios cosmographos, idest mundi descriptores, quibus etiam concordant aliqui astrologi sicut Abbategni terra diuiditur in tres partes, scilicet Asyam, Africam et Europam, et quamlibet illarum partiuntur in plures 8 regiones.

Le projet de Pierre d’Ailly est donc de réunir, en un même ouvrage, deux modes de description du monde qui proviennent de deux traditions intellectuelles jusqu’ici le plus souvent séparées. L’une tient son origine dans l’astronomie (« jusqu’ici nous avons traité de la division de la terre d’après les astrologues »). Elle est issue des discussions 8

Pierre d’Ailly (note 1), p. 252 : « Jusqu’ici nous avons traité de la division de la terre d’après les astrologues, qui procédent par le moyen de la division des climats. Nous continuerons par une autre division, celle des cosmographes. Il est connu que, d’après Pline, Solin, Orose et Isidore, et plusieurs autres cosmographes, c’est-à-dire ceux qui décrivent le monde, avec qui quelques astrologues, comme Albatagni concordent, la terre est divisée en trois parties, l’Asie, l’Afrique et l’Europe, qui elles-mêmes sont partagées autant que l’on veut en plusieurs régions ». Les traductions d’Edmond Buron ont été en partie revues.

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dans les facultés des arts autour des traités de la sphère, qui décrivent le fonctionnement de l’univers créé, dont le manuel universel est celui de Jean de Sacrobosco (début du xiiie siècle), maintes fois commenté au Moyen Âge, et des commentaires des ‹ Météorologiques › et du ‹ De caelo et mundo › d’Aristote. On y trouve des exposés sur la division du globe en cinq zones 9 climatiques – et le partage de l’espace habité par l’homme en sept climata (bandes de latitude définies par la durée du jour le plus long de l’année) ; cette division en climata, produite par les savants de la Grèce antique était connue des Latins mais c’est avec les traductions du xiie siècle, enrichies par les commentaires des savants arabes que les exposés relatifs à l’espace habité par l’homme s’amorcent. Sans entrer dans le détail de discussions souvent complexes, issues de la confrontation des deux modèles et de la prise de conscience de l’inadaptation de la définition des climata aux réalités de l’habitation humaine (notamment dans leur délimitation nord et sud), rappelons cependant qu’elles ont animé les débats universitaires, se sont enrichies de questions nouvelles, par exemple celle des rapports entretenus entre la sphère de l’eau et celle de la terre, de la discussion de la taille exacte de l’habitable -180° comme le veut Ptolémée dans l’‹ Almageste › ou bien plus, comme l’a démontré Roger Bacon dans l’‹ Opus majus › ? – de l’existence 10 des antipodes, voire de la possibilité théorique de voyages circumterrestres. e Dans le courant du xiv siècle, ces questions, notamment celles relatives à l’extension réelle de l’espace habité animent la vie intellectuelle dans les 11 facultés des arts. Mais elles n’ont jamais débouché sur une solution simple et définitive aux problèmes posés, qui aurait donné lieu à l’élaboration d’un système de représentation dominant. Il importe surtout de noter que les recherches concernant l’extension du monde habité et l’habitabilité de la

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Ce découpage en cinq zones de l’ensemble de la sphère terrestre (deux zones inhabitables en raison du froid, deux zones tempérées et une zone torride inhabitable en raison de la chaleur) est resté vivace dans la tradition latine ; il s’agit d’une projection sur la surface terrestre des divisions du ciel. 10 Lejbowicz, Max, Nicole Oresme et les voyages circumterrestres ou le poème entre la science et la religion, dans : Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge 55 (1989), pp. 99–142. 11 Sur ces discussions voir Moody, Ernest A., John Buridan on the Habitability of the Earth, dans : Speculum 16 (1941), pp. 415–425 ; Gautier Dalché, Patrick, L’influence de Jean Buridan : l’habitabilité de la terre selon Dominicus de Clavasio dans : Comprendre et maîtriser la nature au Moyen Âge. Mélanges d’histoire des sciences offerts à Guy Beaujouan (Hautes Études Médiévales et Modernes 73), Genève 1994, pp. 101–113.

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terre se développent toujours dans le cadre de l’enseignement en astronomie, mais qu’elles ne sont pas restées, au xive siècle, confinées dans les murs de l’université. Dante a ainsi fait une lecture publique de sa ‹ Questio de aqua et 12 terra › devant une assemblée composée tant de laïc que de clercs à Padoue, le dominicain Giordano da Rivalto prêchait sur ces thèmes à Florence en 13 1304 ; et plus près de Pierre d’Ailly, Nicole Oresme écrivait en français un ‹ Traité de l’espere › (vers 1368–1375) qu’Edmond Buron a reconnu comme une des sources principales de l’‹ Imago mundi ›. La première partie du traité résume ces questions en en proposant une vue synthétique et problématique, l’auteur soulignant à plusieurs reprises les difficultés d’avoir des certitudes sur certains des points abordés. Cette partie couvre les chapitres 1 à 13. Après avoir rappelé la conformation générale du monde, Pierre d’Ailly discute dans les chapitres 5 à 13 la division du monde habitable et de son extension. Ces chapitres et notamment les premiers ont un caractère pédagogique marqué (avec son corollaire de simplification), l’auteur renvoyant à plusieurs reprises vers de possibles approfondissements, qui ne sont pas l’objet de l’‹ Imago mundi › : Diximus de speris et stellis et planetis de zodiaco et signis, et de uariis circulis celes14 tibus generaliter, quorum specialior consideratio altioris est speculationis. Ce type de phrases est souvent la manifestation de l’intervention directe de Pierre d’Ailly dans ses sources dont il donne une compilation raisonnée. Elles ont pour fonction d’orienter la réflexion du lecteur, de lui faciliter la compréhension de la construction du traité et de lui indiquer les points qui ne sont qu’un simple survol d’une connaissance qui reste à approfondir. Elles constituent un des aspects pédagogiques de l’œuvre, commun, bien sûr, avec la seconde partie, consacrée à la géographie descriptive. Ce souci pédagogique est également manifeste dans les sept schémas dessinés en ouver-

12 Bouloux, Nathalie, Culture et savoirs géographiques au xive siècle en Italie (Terrarum orbis 2), Turnhout 2002, pp. 27 sqq. 13 Voir Gautier Dalché, Patrick, Représentations géographiques savantes, constructions et pratiques de l’espace, dans : Construction de l’espace au Moyen Âge : pratiques et représentations, éd. par Thomas Lienhard, Paris 2007, pp. 5–15. 14 Pierre d’Ailly (note 1), iii, p. 178 : Nous avons parlé en général des sphères, des étoiles, des planètes, du Zodiaque et des constellations ainsi que des divers cercles célestes, dont une étude plus approfondie peut être l’objet d’une science plus avancée.

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ture du traité, accompagné d’un texte explicite, et qui ne sont d’ailleurs pas sans lien avec l’‹ Epilogus mappe mundi ›, composé en complément de l’‹ Imago mundi ›, en partie fondé sur le commentaire de ces figures. Si cette première partie de l’‹ Imago mundi › est la plus courte, elle aborde des problèmes centraux dans la pensée de Pierre d’Ailly, relatifs à la mesure du monde habité et aux discussions relatives à l’habitabilité de la sphère, objets de l’attention de ses autres traités géographiques. Les principales sources reconnues à ce jour pour cette partie sont le ‹ Traité de la sphère › de Sacrobosco, le ‹ Traité de l’espère › de Nicole Oresme et la partie géographique de l’‹ Opus Majus › de Roger Bacon. Mais comme toute compilation, l’auteur expose ses idées (ou des hésitations) à travers le choix opéré et l’agencement des extraits : de ce point de vue, il ne saurait être question de ‹ plagiat › comme on lit encore quelque fois. Cette première partie a le plus retenu l’attention des commentateurs, dans la mesure où Pierre d’Ailly, sur la base de la lecture de Roger Bacon, y soutient l’extension de l’habitable au-delà des 180e de longitude – cette mesure de l’habitable en longitude est celle de l’‹ Almageste › de Ptolémée – et, par voie de conséquence, l’étroitesse relative de l’Océan séparant l’Inde de l’Europe occidentale, qui n’est évidemment pas sans conséquence pour les entreprises de navigations atlantiques. La deuxième partie de l’‹ Imago mundi › commence au chapitre 14 par la citation, rappelée plus haut. On peut y voir une adaptation d’une phrase de Nicole Oresme dans le ‹ Traité de l’espère › : En retournant a propos la portion dessus ditte qui est terre habitable peut estre divisee en une maniere selon les historiens que l’en appelle cosmographes comme sunt Plinius Pomponius Solinus Priscian Anselme et plusieurs autres et aucuns astrologiens si comme Albategni qui la divisent en iii. parties ce est assavoir asie vers orient afrique et europe vers occident et est affrique devers lequinocial et europe devers septentrion et entre ces. ii. parties est la mer de me-

15 Figure sequentes ad declarationem et intelligentiam ymaginis mundi pertinent, Pierre d’Ailly (note 1), i, p. 126. La mappemonde représente la division de l’œcumène en climata avec des noms de provinces, illustrant les intentions du traité. Sur cette carte, voir Brincken, Anna-Dorothee von den, Oceani angustior latitudo. Die Ökumene auf der Klimatenkarte des Pierre d’Ailly, dans : Studien zum 15. Jahrhundert. Festschrift für Erich Meuthen, éd. par Johannes Heldmarath et Heribert Müller, München 1994, i, pp. 565–581.

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diterranee et divisent les aucteurs chascune de ces parties en plusieurs royalmes 16 et regions mes ceci appartient à la mappemonde.

On retrouve dans cette phrase d’Oresme l’idée exprimée par Pierre d’Ailly selon laquelle il existe plusieurs modes de division de l’œcumène : l’un relève de l’astronomie et des traités de la sphère, qui traite du monde habité selon la division en climata (objet de la première partie de l’‹ Imago mundi ›) ; l’autre est propre aux cosmographes, partage que les astronomes rappellent 17 parfois dans leurs traités (ici Al-Battânî) : il s’agit de la division en trois 16 Je cite le traité de la sphère d’Oresme à partir du manuscrit Paris, BNF, fr. 565 (chap. xxxi, cité par Pierre d’Ailly [note 1], i, p. 252) qui donne une version légérement différente de celle du meilleur manuscrit, Oxford, Saint John’s College 164, f. 1–32 : « En retournant a propos, la portion dessus dite qui est terre habitable puet estre divisee en iii manieres, en une maniere selonc les hystoriens que l’en appele cosmographes, comme sont Plinius, Pomponius, Solinus, Prescian, Anselme et plusieurs autres, et aucuns astrologiens, si comme Albategni, qui la divisent en iii. parties, c’est a savoir Asye vers orient, Affrique et Europe vers occident, et est Affrique devers l’equinocial, et Europe devers septentrion. Et entre ces. ii. parties est la mer Myterre et divisent les aucteurs chascune de ces parties en plusieurs royaumes et regions, mais ceci appartient à la mappe monde » (f. 18v). Deux manuscrits parisiens (Paris, BNF, fr. 1350, f. 1ra–38vb ; Paris, BNF, nouv. acq., fr. 10045, f. 1–39) donnent quant à eux le chiffre de deux. La logique du texte invite à retenir le chiffre trois (Oresme rappelle en effet qu’il existe diverses divisions : celle des cosmographes, celle de Ptolémée dans l’Almageste fondée sur une division horaire [Almageste, ii, 6] et une troisième, reprise notamment par la majorité des auteurs arabes qui divise le monde habité selon les sept climata). Je remercie Jean-Patrice Boudet qui m’a permis de consulter son édition en préparation du traité d’Oresme. Pierre d’Ailly consultait vraisemblablemnt une version du texte contenant le chiffre 2. Qu’il s’agisse d’une erreur ou d’une intervention du copiste, elle montre que la réduction à deux types de division de l’espace, fondés l’un sur l’astronomie et l’autre sur la cosmographie, devait être plus facile à penser que la tripartition d’Oresme – qui correspond à deux modalités de division chez les astronomes, une modalité pour les géographes (Oresme poursuit en effet son traité de la manière suivant : « Une autre maniere est selonc Ptholomee qui divise la terre habitable par xxvi lignes equidistantes de l’equinocial et qui procedent d’orient en occident »). 17 Il arrive en effet que les astronomes rappellent rapidement la division de l’œcumène entre l’Asie, l’Afrique et l’Europe, sans entrer dans les détails. Voir Al-Battânî sive Albatenii, Opus astronomicum, éd. par Carlo Alfonso Nallino, Milano 1903, vol. i, ch. 6, 19.

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parties (Asie, Europe, Afrique) de l’œkoumène, d’origine antique et fondement de la géographie descriptive médiévale. Mais dit Oresme, « ceci appartient à la mappe monde », qu’il faut entendre ici comme texte de géographie descriptive et qui ne fait pas partie d’un traité sur la sphère. Aussi Oresme ne traite-t-il pas de la description du monde. Au contraire, le projet de Pierre d’Ailly est de lier ces deux modes de partage du monde en un seul traité qui expose et synthétise ce qui est connu du monde d’après cette double tradition, ce qui constitue une position originale, même si le titre ‹ Imago mundi › le place aussi dans une tradition encyclopédique plus commune, celle d’Honorius Augustudonensis ou de Gossuin de Metz. Mais dans ces modèles encyclopédiques, la description de la terre habitée n’est jamais qu’une partie d’un projet qui vise à ordonner le savoir sur l’ensemble de la création et la géographie n’y a aucune autonomie. Or Pierre d’Ailly élabore un traité uniquement consacré à la géographie, long, précis et autonome, même s’il conserve un caractère synthétique.

ii. La partie descriptive et ses sources La seconde partie de l’‹ Imago mundi › est constituée d’une description générale du monde, suivie d’exposés sur les montagnes, promontoires, îles, mers, lacs, étangs, fleuves. L’ordre descriptif est modelé par la lecture des livres xiii et xiv des ‹ Etymologies › d’Isidore de Séville. Dans la phrase liminaire au livre 14, Pierre d’Ailly expose les sources qu’il entend suivre : In quarum descriptione principaliter sequar Orosium in libro de Ormesta mundi et Ysidorum libro xiiii Ethymologiarum, quod isti alios auctores breuiter et fideliter recitarunt. Ad materie tamen declarationem quandoque alia 18 superaddam.

Au début du xve siècle, choisir, pour structurer sa description du monde, le tableau géographique dressé par Orose au début de son ‹ Histoire

18 Pierre d’Ailly (note 1), p. 252 : « Dans cette description, je suivrai principalement Orose dans son le livre de l’Ormeste du monde et Ysidore, dans le livre xiv de ses Etymologies parce que ces auteurs ont résumé brièvement et fidèlement les autres auteurs ; j’ajouterai cependant parfois à leur matière d’autres données ».

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contre les Païens › et la géographie du livre xiv des ‹ Etymologies › d’Isidore de Séville, tous deux considérablement datés, peut paraître insolite, voire régressif, surtout si on associe ce passage à la citation d’Oresme, qui énumère bien plus d’auteurs et évoque la division du monde, non selon des provinces antiques mais d’après les royaumes et les pays, ce qui signifie à la fois une actualisation des données et une politisation de l’espace. Il faut donc tenter de comprendre pourquoi les descriptions d’Orose et d’Isidore conservent toute leur validité aux yeux du cardinal. On pourrait arguer qu’il les a utilisées parce qu’il n’avait alors aucun autre texte à disposition ou pire, parce qu’il travaille rapidement, dans un esprit ‹ médiéval › de géographe de cabinet, sans aucun souci de modernisation. Ces explications simples ne résistent cependant pas à l’étude du texte. Les descriptions du monde d’Orose et d’Isidore ont connu un succès remarquable durant tout le Moyen Âge, en raison de leur caractère synthétique et de leur parfaite adéquation aux méthodes de la géographie médiévale, surtout attentive à diviser l’espace habité de façon à en rendre aisée la 20 perception. Pierre d’Ailly définit d’ailleurs sa géographie comme une divi21 sion du monde – et l’on verra plus loin que le terme est important. Pour autant, son utilisation de sources, dont il sait bien qu’elles décrivent un état ancien, n’est pas servile mais critique, comme le montrent sa méthode de travail et certaines de ses remarques : Sciendum est quod Orosius Pannoniam cum Norico et Rethia post Dalmaciam describit. Ysidorus etiam licet eam post Messiam locauerit, postea tamen

19 Parmi la douzaine de manuscrits reconnus par Denis Muzerelle comme ayant avec certitude appartenu à Pierre d’Ailly, se trouve un manuscrit d’Orose (Cambrai, Bibl. mun., 789) ; à ma connaissance, aucun manuscrit des Etymologies n’est lié à Pierre d’Ailly (la bibliothèque de Cambrai possède un manuscrit de ce texte mais entré dans la collection de la cathédrale au xvie siècle). Voir Muzerelle, Denis, Manuscrits datés des bibliothèques de France, t. i Cambrai, Paris 2000. 20 Roger Bacon lui-même s’y réfère comme deux auteurs indispensables pour décrire le monde : Orosius etiam ad Augustinum haec loca mirabili utilitate ac sincera veritate explicat evidenter. Isidorus autem in pluribus locis regiones et civitates utilius, si potest dici, quam priores determinat, The ‹ Opus Majus › of Roger Bacon, éd. par John Henry Bridges, London 1897–1900, i, p. 184. Notons cependant que Roger Bacon parle ici de la description de la Terre sainte et cite d’autres auteurs (Jérôme, Casiodore, Eusèbe de Césarée, Origène). 21 Ainsi écrit-il, après un excursus sur les merveilles du monde : Sed iam ad terre diuisionem redeamus, Pierre d’Ailly (note 1), i, p. 270.

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Pannoniam et Hystriam describens eas post Greciam et ante Ytaliam collocat. Nec istud obstat nam eadem regio vel prouincia potest ab actoribus variis in locis collocari secundum varios respectus seu habitudines quos habere potest 22 penes diuersas eius partes ad diuersas regiones.

Cette remarque touche aux limites de la description médiévale, qui précisément, localise les régions les unes par rapport aux autres en s’appuyant sur la détermination de leurs limites, toujours dans l’optique d’en donner une représentation cohérente et efficace. Le nom des régions comme leur délimitation est antique car le découpage de l’espace doit dépasser les changements historiques pour atteindre à un ordre immuable, dont le modèle est fourni par les géographes romains. Mais cette géographie des limites n’est pas sans contradictions, inhérentes au procédé descriptif : tous les auteurs ne divisent pas l’espace de la même façon, car tous ne suivent pas le même ordre descriptif – c’est le fondement même de la remarque méthodologique de Pierre d’Ailly ; les limites des provinces évoluent avec le temps, ce que les cosmographes savent bien, rendant très difficile une synthèse géographique qui inclurait le nouveau dans l’ancien et rendant finalement peu utile de refaire ce qu’Orose et Isidore ont déjà si bien construit. C’est un des aspects de la nature de la géographie médiévale qui explique en partie la rareté des traités de géographie médiévale autonomes. Pierre d’Ailly est conscient de ces difficultés. Aussi, prenant pour fil directeur de l’écriture géographique les textes d’Orose et d’Isidore, il les compare, évalue les apports de l’un ou de l’autre :

22 Pierre d’Ailly (note 1), ii, p. 326 : « Notons qu’Orose décrit la Pannonie avec la Norique et la Rhétie après la Dalmatie. Isidore aussi, bien qu’il la place après la Mésie, décrivant cependant ensuite la Pannonie et l’Hystrie, qu’il place après la Grèce et avant l’Italie. Cela n’a pas d’importance car une même région ou province peut être placée par les auteurs à différents endroits, en fonction des rapports ou situations que ses diverses parties entretiennent avec différentes régions ».

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Asyam minorem ante Egyptum describit Orosius breuissime quidem et nihil de eius prouinciis loquitur. Sed Ysidorus post omnes predictas Asye maioris 23 regiones eam conuenienter locat, eiusque prouincias nouem describit.

Sa description de la Gaule dénote également d’une autre forme de critique à l’égard de ses sources antiques. Après avoir rapporté les données d’Orose et d’Isidore, il écrit : Sciendum autem quod Orosius et Ysidorus aliique antiqui cosmographi nichil pene loquuntur de francie regno in galliis constituto, quod omnium regnorum europe nunc maximum est. Nichil etiam de eius precipua ciuitate Parisius ubi est uelut quedam mundi lucerna maximum tam diuinarum quam humanarum studium litterarum. Nichil preterea de aliis huius regni ciuitatumque suarum preminentiis aut aliarum uicinarum terrarum huic regno adiacentium sicut Lothoringorum, Leodiensium, Hannoniensis, Cameracensis, Brabantinorum, Flamingorum aliorumque plurium, in quibus sunt urbes et oppida populique numerosi et multis bonis ac diuiciis copiosi. Quod ideo factum existimo quia antiqui actores tractabant non dominationibus regnorum que sepe mutantur sed de diuisionibus regionum que per aliqua immutabiliter manentia describuntur. Forte etiam quod partes iste non tunc sicut nunc erant populate nec famose. Sed et nostri cosmographi grecorum et romanorum scripta secuti sunt qui res suas 24 multoplus quam alienas extulerunt.

Deux aspects me paraissent essentiels dans ce passage de l’‹ Imago Mundi ›. Il éclaire l’analyse que fait Pierre d’Ailly de la méthode des géographes

23 Pierre d’Ailly (note 1), ii, p. 308. Autre exemple : Sed Ysidorus prefate montium ac fluminum distinctioni non insistens aliquas dictarum regionum particularius describit, placé en ouverture du chapitre xxiii. Le chapitre précédent, consacré aux régions touchant à l’Egypte, était principalement inspiré d’Orose. 24 Pierre d’Ailly (note 1), ii, p. 334 : « Il faut savoir qu’Orose et Isidore et quelques autres cosmographes anciens ne parlent presque pas du royaume de France, établi dans les Gaules, et qui est maintenant le plus grand de tous les royaumes d’Europe, ni de Paris sa ville principale, qui est comme la lumière du monde dans l’étude des lettres divines et humaines. Ils ne disent rien non plus des cités éminentes de ce royaume ou des terres qui le jouxtent, comme la Lotharingie, le Liégeois, le Hainaut, le Cambresis, le Brabant, la Flandre et d’autres où se trouvent des villes et des forteresses peuplées et riches de biens. Je pense que cela vient de ce que les auteurs anciens ne traitaient pas des royaumes et des souverainetés qui changent souvent mais décrivaient les divisions des régions qui restent immuables. Il se peut aussi que ces parties n’étaient pas aussi peuplées et célèbres qu’elles ne le sont de nos jours ».

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anciens : décrire l’espace par le moyen de la division des régions, qui sont stables alors que l’instabilité des dominations politiques entraîne la confusion des frontières. Pierre d’Ailly a également conscience du caractère presque patriotique des descriptions des Anciens, qui sont en effet plus détaillées sur l’Italie, objet d’attentions et d’éloges, comme de l’effet de l’histoire qui a promu le royaume de France, sis dans les Gaules, au rang qui est le sien au début du xve siècle. L’historicité de l’espace, et ses implications pour les descriptions géographiques, n’est donc pas étrangère à Pierre d’Ailly. Ce n’est pas par facilité qu’il s’appuie principalement sur Orose et sur Isidore pour décrire le monde : il s’agit d’un choix raisonné, celui d’un découpage en régions qui conserve les délimitations anciennes, considérées comme pérennes. Un détail vient renforcer cette interprétation. Le manuscrit 927, réalisé sous la direction de l’auteur, conservé à la bibliothèque de Cambrai contient l’‹ Imago mundi › et l’‹ Epilogus mappe mundi ›, suivi du ‹ Tractatus de legibus et sectis contra supersticiosos astronomos › et les traités de Pierre d’Ailly consacrés à la réforme du calendrier. Ce manuscrit, réalisé par un copiste professionnel sous le contrôle de l’auteur, comporte 26 un certain nombre d’annotations. Il a servi à la réalisation du manuscrit 954 de la bibliothèque de Cambrai, une belle copie calligraphiée, réalisée sous la direction de Raoul Le Prestre, neveu, collaborateur et exécuteur testamentaire de Pierre d’Ailly. Le copiste du manuscrit 954 a intégré les annotations 27 de lecture du manuscrit 927, sauf une glose relative à la Gaule. Cette note, qui actualise les données antiques, peut apparaître comme une réponse à la remarque de Pierre d’Ailly, mais elle n’est pas reprise dans le manuscrit 954. Peut-être a-telle été écrite après la confection du manuscrit 954, mais il est plus probable qu’elle n’est pas été jugée utile parce qu’elle s’intègre mal à

25 Les régions définies par leurs limites naturelles (fleuves, montagnes) et leurs confronts avec les régions voisines. 26 Boudet (note 2), p. 131 et pp. 136 sq. 27 Gallia triplex a quibusdam sic distinguitur. Gallia comata continet Alemaniam inferiorem, Lotoringiam, Picardiam, Flandriam, Campaniam, Franciam, Normaniam. Gallia Belgica continet Burgodiam, Briam, Bituriam, Turoniam et Britaniam armoricam. Gallia Togata continet Hyspaniam maiorem habentem regnum Arelatense, Gostiam, Aluerniam totam patriam ocanicam usque ad montes pyreneos et mare oceanum burdegalense. Secundum istos, Hyspania multum large extenditur, Cambrai, Bibl. mun. 927, f. 32v.

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un traité qui cherche surtout à retrouver une image stable de la division du monde en régions, sur le modèle des géographes antiques. Pourtant, Pierre d’Ailly n’ignore pas des sources plus modernes. Edmond Buron avait déjà noté qu’il utilise des textes plus récents, probablement un manuscrit du ‹ Liber secretorum fidelium crucis › de Marino Sanudo (vers 1320) dans lequel il puise par exemple une description des îles mineures de 28 la Méditerranée ou la description de l’Asie mineure, elle-même copiée sur Haython, et qui constitue une description modernisée selon les dominations politiques (les regna) de cette contrée, que Pierre d’Ailly place après celle 29 prise chez Isidore et chez Orose. Une autre source, elle aussi d’origine italienne, se cache derrière les emplois qu’Edmond Buron pensait pouvoir attribuer à Pomponius Mela. Son ‹ De chorographia › a été peu connu et utilisé, jusqu’au début du xive siècle, où il est apparaît d’abord dans le ‹ Memoriale historiarum › de Jean de Saint-Victor pour ensuite être ‹ découvert › apparemment en Avignon par Pétrarque vers 1335 et diffusé en Italie 30 auprès de ses amis. Dès lors, l’ouvrage jouit au-delà des Alpes d’une grande estime, qui explique sans doute en retour l’intérêt pour Pomponius Mela dans les milieux savants français. Nicole Oresme le cite dans 28 De insulis minoribus minusque famosis, ca. xlviii, qui commence : Sed preter supramemoratas famosas insulas que ab antiquis actoribus discribuntur. Sunt et alie minores minusque famose que a quibusdam modernis notate sunt, Pierre d’Ailly (note 1), p. 421. La source est Marino Sanudo, Liber secretorum fidelium crucis super Terrae sanctae recuperatione et conservatione, Gesta dei per Francos, ii, éd. par Jacques Bongars, Hannover 1611, p. 287. 29 Moderni uero Schithiam et Hyrcaniam partesque adiacentes aliter per regna diuidunt et denominant, ponentes ubi Scithia regnum Cathay […], Pierre d’Ailly (note 1), ii, p. 304. Haython de Gorhigos, La Flor des estoires d’Orient/ Flos historiarum terre orientis, dans : Recueil des historiens des Croisades. Documents arméniens, ii, Paris 1906, pp. 255–363, livre i, chap. i. Il donne également deux descriptions de l’Espagne : l’une reprend celle d’Orose (Pierre d’Ailly [note 1], ii, pp. 338 sq.), l’autre, placée au début du traité, dans une évocation générale des limites du monde, énumère les noms modernes des régions : Hyspanie autem partes sunt Castella, Arragonia, Nauarra, Galicea, Portugalia, Almaria, Garnata [sic], Pierre d’Ailly (note 1), ii, p. 256. 30 Gormley, Catherine M., Mary A. Rouse et Richard H. Rouse, The medieval circulation of the ‹ De Chorographia › of Pomponius Mela, dans : Medieval Studies 46 (1984), pp. 268–319, en particulier pp. 311–319. Sur l’utilisation de Pomponius Mela par Jean de Saint Victor, voir Guyot-Bachy, Isabelle, Le Memoriale historiarum de Jean de Saint-Victor : un historien et sa communauté au début du xive siècle, Turnhout 2000.

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son ‹ Traité de l’espere ›. Les premiers humanistes français se sont également intéressés à Pomponius Mela, comme en témoignent leurs manuscrits plutôt que leurs écrits. Le manuscrit de la Reine 581 de la bibliothèque vaticane a été copié de la main de Jean de Montreuil. L’officier royal Simon de 32 Plumetot (1371–1443) en possédait un exemplaire. Nicolas de Clamanges cite une fois Pomponius Mela dans une de ses lettres à Galeotteo da Pietra33 mala. Ce premier humanisme français, qui se développe dans le sillage du collège de Navarre, n’est évidemment pas étranger à Pierre d’Ailly. Il n’est donc pas absurde de penser qu’il connaît le ‹ De Chorographia ›. Pourtant, derrière les citations de Pomponius Mela repérées par Edmond Buron se cache un autre texte, dont l’usage par Pierre d’Ailly, ne manque pas d’en34 seignements. Il s’agit du ‹ De montibus › de Boccace. Pierre d’Ailly, lecteur de Boccace ! Cela ne doit pas étonner : l’ouvrage est connu de Laurent de 35 36 Premierfait, de Nicolas de Gonesse et de Jean de Montreuil. Un manus37 crit se trouve à la bibliothèque de Saint-Victor. Boccace fait donc partie de ces auteurs dont Pierre d’Ailly s’est servi pour compléter ses sources 31 Cf. ci-dessus, p. 242 ; Pierre d’Ailly n’a pas retenu ce nom dans la liste des auteurs, ce qui tendrait à prouver qu’il ne le connaissait pas. 32 Ouy, Gilbert, Simon de Plumetot (1371–1443) et sa bibliothèque, dans : Miscellanea codicologica F. Masai dicata, éd. par Pierre Cockshaw, MoniqueCécile Garand et Pierre Jodogne, Gent 1979, pp. 353–381. 33 Il ne s’agit pas d’une référence géographique. Dans sa lettre à Galeotteo da Pietramala, Nicolas de Clamanges s’efforce de réduire à néant l’affirmation de Pétrarque selon laquelle extra Italiam oratores aut poetas minime querendos. Conscient, sans doute, de la popularité de Mela dans les milieux humanistes italiens, Nicolas de Clamanges remarque perfidement qu’il était originaire d’Espagne (Cecchetti, Dario, Petrarca, Pietramala e Clamanges. Storia di una ‹ querelle › inventata, Paris 1982, p. 167). 34 Voir annexe. 35 Il le mentionne dans des vers à la louange de Boccace : Ille deum sobolem triplici rimatus in orbe / Ordine composuit : montes quibus invidet astris / Terra parens hominum, silvas lucosque virentes, / Quos fecere sibi pecudes volucresque cubile, / Et que gramineas humectant flumina terras. Ouy, Gilbert, Poèmes retrouvés de Laurent de Premierfait. Un poète « engagé » au début du xve siècle, dans : Un traducteur et un humaniste de l’époque de Charles vi, Laurent de Premierfait, éd. par Carla Bozzolo, Paris 2004, p. 250. 36 Cf. Di Stefano, Giuseppe, Il Trecento, dans : Il Boccacio nella cultura francese, éd. par Carlo Pellegrini, Firenze 1971, p. 14. 37 Ouy, Gilbert, Le catalogue de la bibliothèque de l’abbaye de Saint-Victor de Paris de Claude de Grandrue, 1514, Paris 1983, p. 33 (actuel Paris, BNF, lat. 14627).

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principales. Les citations qu’il en fait sont précises et supposent une lecture active de l’œuvre. Or la préface et la postface du ‹ De montibus › exposent méthodiquement les difficultés rencontrées par les humanistes italiens dans leurs recherches géographiques, dont les conséquences furent d’empêcher l’entreprise délicate d’une synthèse des connaissances anciennes et modernes. Dans une partie annexe du traité, celle où il dresse un catalogue des montagnes, fleuves et mer célèbres, Pierre d’Ailly recopie en le résumant un passage qui illustre parfaitement cette particularité de la géographie humaniste, celui où Boccace juxtapose l’image d’une Caspienne mer 39 ouverte et mer fermée, c’est-à-dire la représentation des géographes latins qui en font un golfe de l’océan, et celle des Modernes, qui, depuis Guillaume de Rubrouck, sans doute connu à travers l’utilisation faite par Roger Bacon dans son ‹ Opus maius ›, celle d’une mer fermée. Pierre d’Ailly reprend à son compte la conclusion de Boccace : il est impossible de trancher entre les Anciens et les Modernes. Il ne suit donc pas sur ce point les conclusions de Roger Bacon sur le sujet. L’ utilisation du ‹ De montibus › de Boccace, celle probable du ‹ Liber secretorum fidelium crucis ›, dénotent d’une bonne connaissance des sources modernes (et italiennes), plutôt qu’une utilisation directe des sources antiques. Sur ce point, il conviendrait de vérifier si l’utilisation de Pline, que Pierre d’Ailly connaît et qu’il confronte à Ptolémée dans le ‹ Compendium ›, est directe dans l’‹ Imago Mundi ›, et si elle ne viendrait pas plutôt de l’‹ Opus Majus ›. Quoi qu’il en soit, cela confirme que l’utilisation d’Orose et d’Isidore de Séville n’est pas un pis-aller, mais relève au contraire d’un choix, résumer et synthétiser les connaissances géographiques pour donner une image stable, cohérente, donc opératoire de l’orbis terrarum. Décrire le monde sur cette base présente l’avantage d’éliminer les perturbations qui affectent l’image du monde au xive siécle dont témoigne l’usage des sources modernes. Celles-ci sont intégrées surtout quand elles complètent efficacement Orose et Isidore, et sont plutôt juxtaposées que confontrées au reste de la description. Au final, c’est une image du monde découpée en entités régionales immuables, donc anciennes, et certaines, que recherche Pierre d’Ailly, une division éloignée des modifications produites

38 Edson (note 4), qui a bien remarqué le passage sur la Caspienne, n’a pas pour autant établi le lien avec Boccace, p. 132. 39 Il s’agit précisément d’un des passages où Edmond Buron voyait la trace de Pomponius Mela. Il est reproduit en annexe.

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par des dominations politiques modernes, en perpétuelle mutation, qui ne sont pas le sujet de sa ‹ géographie ›.

iii. L’ ‹ Imago mundi › et les traités historico-astronomiques Il faut tenter d’expliquer les raisons pour lesquelles Pierre d’Ailly restitue un découpage immuable de l’orbis terrarum, et chercher à comprendre les raisons d’être de l’‹ Imago mundi ›, ce qui nous conduira à reprendre le prologue, puis à replacer le traité dans la production de Pierre d’Ailly dans les années 1410–1415. Ymago mundi seu eius ymaginaria descriptio ipsum uelut in materiali quodam speculo representans non parum utilis esse uidetur ad diuinarum elucidationem scripturarum. Cum in eis de partibus ipsius et maxime de locis terre habitabilis 40 mentio sepius habeatur.

Pierre d’Ailly use de l’image bien connue dans le domaine des encyclopédies du livre contenant la description de l’univers créé comme dans un 41 miroir. La nécessité de connaître la position des lieux mentionnés dans la bible pour mieux la comprendre rappelle les justifications de l’usage de 42 la géographie par Roger Bacon et explique quelques développements 40 Pierre d’Ailly (note 1), i , p. 152 : « Il semble que l’image du monde ou du moins sa représentation, comme figurée dans un miroir matériel, n’est pas sans utilité pour l’intelligence des saintes écritures qui en mentionnent si souvent les diverses parties et surtout celles de la terre habitée ». 41 Voir en premier lieu Honorius Augustodunensis : Nomenque ei Imago Mundi indatur, eo quod dispositio totius orbis in eo quasi in speculo conspiciatur, Imago mundi, éd. par Victoria Flint, dans : Archives d’histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge 49 (1982), p. 49. 42 Roger Bacon (note 20), à propos de l’importance d’une connaissance exacte des lieux pour comprendre le texte sacré : Hic enim est magna utilitas istarum scientiarum in sacra scriptura. Et forte nihil utilius de philosophia poterit inveniri ; quoniam qui ignorat loca mundi, ei multoties non sapit cortex historiae per loca infinita, et maxime propter falsitatem multiplicem bibliarum novarum ; atque per consequens ad intellectus spirituales impedietur ascendere et non nisi imperfecte poterit eos explicare (p. 183). La connaissance des lieux permet d’accèder l’intelligence spirituelle, par le moyen de la contemplation (et ideo istorum locorum cognitio et literam facit, ut dictum est, intelligi, et vias parat ad intelligentias spirituales, p. 184).

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particuliers de l’ ‹ Imago mundi ›, sur la Terre sainte ou sur le Jourdain par exemple. L’ ‹ Imago mundi › est bien l’œuvre d’un théologien pour qui le but ultime de la connaissance du monde est sa contemplation comme image de la grandeur et de la magnificence divines. Le prologue de l’‹ Epilogus mappe 43 mundi › reprend en partie ces idées. Des indices montrent cependant que l’arrière-plan conceptuel de l’‹ Imago mundi › ne s’arrête pas là. L’ouverture du traité comme les nombreuses citations de l’‹ Opus maius › en son sein confirment l’importance de la lecture de Roger Bacon dans la vie intellectuelle de Pierre d’Ailly : une étude complète des œuvres du cardinal permettrait sans aucun doute de faire émerger les citations et les lieux parallèles, nombreux dans l’‹ Imago mundi › mais qui se retrouveraient également dans ses traités sur la nécessaire révision du calendrier. Chez Roger Bacon, la géographie s’insère dans un programme scientifique total, où elle constitue un prolégomène à la connaissance spirituelle, sert, d’un point de vue pratique, à assurer la réussite des missions d’évangélisation, et participe de l’anticipation de la venue de l’antéchrist. Elle est insérée dans le livre iv de l’‹ Opus Majus ›, qui traite principalement de l’utilité des mathématiques pour les études théologiques. L’astronomie y est considérée comme la science par excellence et Roger Bacon détermine trois champs d’application des mathématiques, la géographie, la correction du calendrier et l’astrologie, trois domaines d’études explorés par Pierre d’Ailly, dans une perspective proche de celle du docteur admirable : rendre plus efficace le gouvernement 44 de l’Eglise. L’année 1410, moment où le cardinal se retire provisoirement de l’agitation du monde, marque une lecture ou relecture des œuvres du docteur

43 Post tractatum de ymagine mundi ut res ipsa uelut in speculo clarius appareret, nec solum oculis cordis sed etiam corporis sensibili visione nota fieret figuram que mappa mundi dici solum cum astronomica climatum distinctione temptaui describere, Pierre d’Ailly (note 1), p. 498. 44 Voir sur la géographie de Roger Bacon: Bouloux, Nathalie, Les formes d’intégration des récits de voyage dans la géographie savante : quelques remarques et un cas d’étude (Roger Bacon lecteur de Guillaume de Rubrouck), dans : Géographes et voyageurs au Moyen Âge, éd. Henri Bresc et Emmanuelle Tixier du Mesnil, Paris 2010, pp. 119–146. On retrouve chez Roger Bacon la même attention aux divers moyens de diviser l’orbis terrarum et l’intérêt porté aux climata : Tota enim series scripturae decurrit penes regiones, civitates, deserta, montes, maria, et caetera loca mundi, quorum certitudo non potest haberi nisi per scientias praedictas, quia harum proprium est distinguere partes habitabiles a non habitabilibus, et habitabile dividere in tres partes magnas, Europam,

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admirable, un changement ou du moins un approfondissement de sa connaissance de l’astrologie et une adhésion affermie au concept de l’influence des étoiles sur l’histoire des hommes comme sur la nature des lieux qu’ils habi45 tent, celle qui sous-tend l’œuvre géographique de Roger Bacon. Entre 1410 et 1414–1415, le cardinal compose, outre ses traités de géographie, sa trilogie sur l’accord de l’histoire, de l’astrologie et de la théologie, et ses opuscules relatifs à la révision du calendrier. Ces traités, publiés ensemble dans l’édition 46 de Louvain de 1483, et souvent copiés ensemble dans les manuscrits, sont conçus comme une série d’œuvres qui relèvent, à mon avis, si ce n’est d’un programme scientifique, au moins d’une vision cohérente du monde dans laquelle l’‹ Imago mundi › a toute sa place. Le ‹ Compendium cosmographie ›, écrit vers 1414–1415, lie précisément sept traités dont l’‹ Imago mundi ›, le ‹ De concordia theologie et astrologie, de concordia discordantium ›, qui 47 sont présentés comme relevant de la vérité mathématique. Les ouvrages produits dans les années 1410–1415 me paraissent unis dans la pensée de Pierre d’Ailly, qui fait se conjoindre conception de l’histoire et conception du monde sensible comme le produit de l’influence des astres sur les sphères 48 inférieures, dont la connaissance culmine dans une théologie naturelle. Cette conception du monde n’est pas originale et n’est pas le seul résultat de la lecture de l’‹ Opus maius ›. Depuis le xiie siècle, la nouvelle physique aristotélicienne, pensée à travers les traductions des textes grecs et arabes, repose sur la conviction de l’effet des astres sur les changements qui affectent

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Africam, et Asiam, et istas tres in septem climata nota, praeter alia climata irregularia quamplura. Roger Bacon, (note 20), p. 183. La géographie de Roger Bacon, exposée plus loin dans le traité, commence précisément par une détermination de l’extension de l’habitable, puis une description du monde ordonnée selon les climata et s’attache surtout à décrire les loca extranea. Sur cet aspect des connaissances astronomiques et de leurs usages par Pierre d’Ailly, voir le livre de Smoller, Laura Ackerman, History, Prophecy and the Stars. The Christian Astrologie of Pierre d’Ailly, 1350–1420, Princeton 1994, en particulier le chapitre 4 et le chapitre 7. Analyse de certains de ces manuscrits dans : Thorndike, Lynn, Four British manuscripts of scientific works by Pierre d’Ailly, dans : Imago mundi 16 (1962), pp. 157–160. Pierre d’Ailly (note 1), t. iii, p. 556 : Compendium : De ymagine mundi et eius descriptione tractatum unum et de concordia theologie et astrologie, de concordantia quoque discordantium varieque opinantium circa mathematicam veritatem tractactus septem ex sapientum sententia dudum utiliter componere tempatuimus. Voir le chapitre vii de Smoller (note 45).

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le monde sublunaire. Dans le domaine qui nous occupe, il faut souligner que les astres agissent sur la nature des lieux comme sur les mutations qui régissent l’histoire des hommes, particulièrement visibles dans l’idée translatio imperii pour laquelle la succession des empires est liée aux variations de l’in49 fluence des planètes. Les travaux historiques de Pierre d’Ailly, qui visent essentiellement à démontrer les correspondances entre l’astronomie (par la théorie des grandes conjonctions), la théologie et l’histoire, dans une pers50 pective eschatologique, sont un exemple extrême de cette forma mentis. Pour mener à bien ce projet des dernières années, Pierre d’Ailly, inspiré par sa lecture de l’‹ Opus Maius ›, doit maîtriser le temps, en connaître à la fois le déroulement passé (c’est-à-dire la détermination du temps d’ ‹ origine › et la date exacte de la naissance du Christ, une des conditions de la validité du lien établi entre événement et grandes conjonctions astrales, ce qui rendait nécessaire la révision du calendrier), et en prévoir les orientations futures, qui permettaient de pronostiquer les grandes mutations dans l’histoire des hommes et l’arrivée de l’Antéchrist, par la maîtrise de l’astrologie. Est-il possible de faire une place aux traités géographiques dans ce programme et d’en préciser le rôle ? Outre un intérêt très réel de l’auteur pour les savoirs géographiques, Pierre d’Ailly cherchait-il à mettre en œuvre une conception particulière de l’espace qui s’intégrerait dans son programme historico-astrologique ? Certains passages de l’‹ Imago mundi › montrent que le concept de l’influence des astres sur les lieux est présent à l’esprit de Pierre d’Ailly lors de l’écriture géographique. J’en prendrai deux exemples. Il rappelle, dans le

49 Tullio, Gregory, Temps astrologique et temps chrétien, dans : Le temps chrétien de la fin de l’Antiquité au Moyen Âge iiie–xiiie siècle, Paris 1984, pp. 557–568 ; Boudet, Jean-Patrice, Entre science et nigromance – Astrologie, divination et magie, dans l’Occident médiéval (xiie–xve siècle), Paris 2006. 50 Cf. Smoller, chap. 7 (note 45) ; North, John David, Astrology and the Fortunes of Churches, dans : Stars, Minds and Fate. Essays in Ancient and Medieval Cosmology, London 1989, pp. 59–89 ; pour une mise en perspective de la pensée de Pierre d’Ailly avec d’autres traités, voir Boudet, Jean-Patrice, Prévision de l’avenir et connaissance du passé : les relations entre astrologie et histoire à la fin du Moyen Âge, dans : Pratiques de la culture écrite en France au xve siècle, éd. par Monique Ornato et Nicole Pons, Louvain-La-Neuve 1995, pp. 299–312 ; id. (note 49), pp. 320–322.

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courant du chapitre xii, consacré aux régions inhabitables, le rôle de l’astronomie en médecine : Ubi sciendum est quod quemadmodum medici dicunt quod ad cognoscendum naturam corporis humani oportet considerare ad radicem superiorem, secundum ad celum et eius dispositionem ac etiam ad radicem inferiorem, secundum ad complexionem et dispositionem persone. Consimiliter est in proposito quod quantum ad habitationem terra una causa generalis est respectu celi, secundum moderatio seu temperantia distantie uie solis quia nimia eius distantia vel nimia 51 propinquitas est causa nimii frigoris vel coloris.

Cette remarque sur le rôle des astres en médecine n’est pas propre à Pierre 52 d’Ailly. Sans surprise, elle se lit dans l’‹ Opus maius › de Roger Bacon. Plus généralement, elle est assez répandue, notamment chez certains astrologues 53 soucieux de justifier l’importance pratique de l’astrologie, dans des textes de nature géo-astronomique, pour lesquels la connaissance de la nature du 54 lieu est essentielle. Dans le chapitre xiii (‹ Des différences entre les pays habitables ›), qui conclut la première partie de l’‹ Imago mundi ›, Pierre d’Ailly établit un 51 Pierre d’Ailly (note 1), p. 238 : « Ainsi que font les médecins qui disent que pour connaître la nature du corps humain, il importe d’examiner la source supérieure, à savoir le Ciel et sa disposition, et la source secondaire, c’està-dire la complexion et l’état de la personne, de même pour ce qui concerne l’habitabilité de la Terre, il faut considérer les causes générales, à savoir le ciel, autrement dit le rapprochement ou l’éloignement du Soleil, parce que son éloignement et sa proximité sont causes du froid et de la chaleur ». 52 Roger Bacon (note 20) : p. 287 : Et licet, ubi actum est de excusatione mathematicae, atque superius de comparatione virtutum coelestium ad haec inferiora, sit tactum de cognitione locorum mundi et rerum generabilium in eis per coelestia, tamen nunc uberius hoc exponam transeundo ad medicinam propter corpus humanum, cujus cognitio magis est homini necessaria quam alicujus rei alterius in hoc mundo. 53 Pietro d’Abano ou Cecco d’Ascoli ont ainsi assuré l’utilité de la science des astres pour l’exercice de la médecine. Sur ce point voir Gautier Dalché (note 6), p. 122. 54 C’est particulièrement clair chez Roger Bacon (note 20). Cecco d’Ascoli, dans un autre passage, l’exprime tout aussi clairement : « […] il est mieux de savoir les propriétés des lieux que de connaître la quantité de terre, car je ne vois pas quelle est l’utilité pour le chercheur de savoir la quantité de terre, si ce n’est pas pure spéculation : mais s’enquérir de la nature des lieux qui leur a été conféré par les corps célestes, voilà qui importe pour connaître l’avenir » (Ce passage traite spécialement de la fondation des villes). Cité par Gautier Dalché (note 2), p. 123.

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lien direct entre la région où s’exercent les dominations politiques et l’influence des astres, cette fois largement inspiré du ‹ Traité de l’espère › de Nicole Oresme : Unde credendum est quod ultra causam predictam sunt alie cause in celo fortiores ad manutenendum dominium regale et bonam policiam, sicut forte motus augis solis et octaue spere, quorum uterque est in centum annis uno gradu, uel aliquis alius motus celi qui patet esse causa disponens ad bonum regimen policie uel ad tyrannidem disponentem ad diuisionem et translationem 55 dominii, nunc in uno nunc in alio loco.

Pierre d’Ailly y énonce l’idée théorique des actions des astres sur les changements des souverainetés politiques en relation avec l’espace de leur domination, concept au cœur de son traité sur la concorde entre l’astronomie et l’histoire. La détermination de l’étendue du monde habitable, l’étude de l’habitabilité du monde connu comme la description précise des régions s’élaborent bien dans un contexte historico-astronomique, ce qui est confirmé par les renvois fréquents à l’‹ Imago mundi › dans les traités historico-astronomiques. C’est dans sa défense de la vérité astrologique que l’articulation avec la nécessité d’une connaissance sur les modes de division du monde pour l’astronomie est la plus évidente, comme l’indique le prologue du ‹ Tractatus de concordia discordantium astronomorum › : De concordia discordantium astronomorum super significationibus triplicitatum signorum zodiaci et applicationibus eorum ad partes terre aliqua scribere utile iudicaui. Tum propter multorum applicationum dubiorum tum precipue propter complementum et perfectionem quorundam tractatuum

55 Pierre d’Ailly (note 1), p. 244 : « On doit donc admettre qu’en dehors de cette raison [il s’agit des différences dues à la position en longitude et latitude] il y a d’autres causes astronomiques plus propres à maintenir le pouvoir royal et le bon régime, telles que le mouvement de l’élevation du soleil et de la huitième sphère, qui tous deux gagnent un degré par siècle, ou bien encore quelqu’autre mouvement céleste pouvant favoriser soit le bon régime politique, soit la tyrannie, laquelle engendre la division et les déplacements de domination tantôt dans un endroit tantôt dans un autre ».

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quos de ymagine mundi et concordantia astronomie et theologie ac hystorice 56 veritatis conscripsi.

Dans le cours du traité, il confronte les différentes manières de diviser l’espace habitable. Après avoir exposé des données issues de la lecture d’Albumasar et sa division du monde, il ajoute : Sed etiam expedit alias terre partitiones attendere. Pro cuius declaratione sciendum est quod astronomi terram multipliciter partiti sunt et specialiter in septem climata famosa et aliqui anticlimata et postclimata posuerunt. Ipsi vero cosmographi climata in varias regiones variaque regionum loca particularia distinxerunt, sicut in tractatu de Ymagine mundi plenius declaraui et sicut ibidem breviter tetigi. Ipsi astronomi huiusmodi climatibus aliisque terre partibus signa et stellas appropriauerunt non uno quidem modo sed multipharie, alii et alii aliter et aliter sicut ex eorum libris manifestum est. Unde hec discrepantia magnam gignit difficultatem que non videtur aliter posse concordari nisi quod ipsi eidem climati vel regioni aut parti terre plura signa pluresque planetas assignant. Et quia difficile est perfecte cognoscere quis illorum principalior significator existit respectu illius partis terre, ideo sepe ex hoc fallunt astronomorum iudici 57 nisi super hoc diligentem causam exactamque diligentiam exhibeant.

La connaissance géographique a donc des fonctions multiples : elle a une valeur propre, comme savoir nécessaire à l’intelligence ; elle a une utilité 56 Edité dans Pierre d’Ailly, Imago mundi, Louvain 1483, sp : « Nous avons jugé utile d’écrire sur la concorde des désaccords des astronomes, sur les significations de la triple nature des signes du zodiaque et sur ses effets sur les différentes parties de la terre, en raison des doutes nombreux sur leurs applications et pour complèter et achever les traités sur l’Image du monde et sur la Concordance entre l’astronomie, la théologie avec la vérité historique ». 57 Pierre d’Ailly, Imago mundi, Louvain 1483, iii, sp. : « Mais il convient également de prendre en compte d’autres divisions de la terre. Pour plus de clarté, il faut savoir que les astronomes ont partagé la terre de plusieurs manières, notamment en sept climata célèbres, certains ajoutant des anticlimata et des postclimata. Mais les cosmographes ont divisé ces climata en différentes régions et en divers lieux particuliers, comme je l’ai exposé plus longuement dans l’Imago mundi et comme je l’ai traité brièvement ici. Les astronomes ont ainsi attribué aux climata et aux autres parties de la terre des constellations et des étoiles, non pas d’une seule manière mais selon plusieurs, chacun à sa façon comme il est clair dans leurs livres. De cette discrépance vient une grande difficulté : on voit qu’on ne peut trouver une concordance autrement qu’en ce qu’ils assignent eux-mêmes plusieurs constellations et planètes aux mêmes climats ou régions ou parties de la terre. Et comme il est difficile de connaître parfaitement

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pratique pour la lecture et la compréhension de l’Ecriture et comme moyen de méditation sur la grandeur divine ; mais, en tant que science qui divise l’espace habitable selon son propre système, complémentaire de la division des astronomes, elle participe d’une conception du monde qui assigne à chaque lieu terrestre des caractères déterminés en partie par les actions des astres. La diversité des modes de partage, selon les spécialités des auteurs, astronomes ou cosmographes, reflète cependant une difficulté. Qu’il n’existe pas de division parfaite du monde est une des explications aux apories de l’astrologie judiciaire, car, pour la pratiquer avec certitude, il faudrait pouvoir établir une correspondance exacte entre les lieux ou les régions et un significateur principal à un moment donné de l’histoire, afin de comprendre et de prévoir, avec toute la précision nécessaire, les effets concrets des astres. Établir la réforme du calendrier comme décrire exactement le monde sont deux conditions préalables pour dépasser les apories de l’astrologie, vraie dans ses principes mais dont la complexité pratique explique les nombreuses erreurs. Finalement, la géographie, telle qu’on la trouve dans l’‹ Imago mundi ›, est surtout une affaire de division de l’orbis terrarum, d’où les longs développements relatifs à la taille de l’espace habitable de la première partie comme le choix de décrire l’espace à partir des provinces antiques telles qu’on les trouve chez Orose et chez Isidore de Séville, de sorte à obtenir une division du monde stable, cohérente et opératoire, valable par elle-même, et éventuellement utile à l’astronome. Replacer l’‹ Imago mundi › dans le cadre de la pensée de son auteur n’épuise pas l’intérêt en soi du traité. Il reste beaucoup à faire pour lui redonner sa place. Il faudrait en refaire l’édition critique et en identifier toutes les sources, à propos desquelles ne sont données ici que quelques pistes. Il faudrait surtout en donner une étude de détail, qui permette de préciser les méthodes de travail du cardinal et l’évolution de sa pensée. Mais on peut déjà parvenir à quelques conclusions. Pierre d’Ailly est un pédagogue qui entend rendre accessibles des notions compliquées, d’où une tendance à la simplification pédagogique. C’est un point important pour qui veut juger son œuvre. Il est aussi l’héritier d’une conception de l’espace aristotélicienne : les affaires du monde sublunaire sont régies par les influences astrales qui agissent directement sur les lieux en en conformant la nature

le significateur premier associé à chaque partie de la terre, pour cette raison, les jugements des astronomes sont souvent faux, excepté s’ils ont montré sur ce point une justification exacte et rigoureuse et un soin scrupuleux ».

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et en dirigeant les changements. C’est cette conception du monde qui l’a entraîné à joindre en un seul ouvrage la géographie des traités de la sphère et des commentaires d’Aristote et les descriptions de l’orbis terrarum issues de la tradition antique. L’idée sous-jacente qui préside à la réunion de ces deux traditions est celle des différents modes de division du monde, qu’il est nécessaire de connaître, en soi, mais aussi parce qu’il s’agit d’un savoir utile à la pratique astronomique. Il s’agit donc d’abord de résumer les discussions sur les climats et de restituer, dans sa pérennité, les divisions des anciens géographes, principalement Orose et Isidore, parce qu’ils ont excellemment synthétisé leurs devanciers, en les complétant sur des points précis par les nouvelles connaissances des modernes. De ce point de vue, il n’y a guère de raison de reprocher l’absence des voyageurs et le caractère dépassé de ses sources. Pierre d’Ailly est aussi un théologien et un homme de pouvoir au sein d’une institution qu’il considère en péril. À partir sans doute de 1410, sa lecture approfondie des œuvres de Roger Bacon, qui plaçait l’usage des sciences mathématiques au cœur de la direction spirituelle (et donc aussi temporelle) du monde par l’institution ecclésiastique, l’a sans doute persuadé qu’il fallait appliquer, en l’adaptant à son époque et à ses vues personnelles, le programme du docteur admirable. Pierre d’Ailly partageait avec Roger Bacon la certitude que l’étude du ciel et de ses effets permettrait l’élaboration d’une théologie naturelle dont l’ultime visée, spirituelle et contemplative, accompagne le souci du gouvernement de l’Eglise. C’est ce programme que nous livre l’œuvre scientifique du cardinal : étude de l’espace à travers l’‹ Imago mundi ›, l’ ‹ Epilogue mappe mundi › et le ‹ Compendium › ; étude du temps et correction du calendrier ; justification de l’astrologie par l’étude des concordances entre grands événements et conjonctions astrales.

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Pierre d’Ailly, éd. Edmond Buron (note 1).

Boccace, De montibus, Pomponius Mela, éd. Manlio Pastore Chorographie, éd. A. Stocchi, Milano 1998. Silberman, Paris 1988.

pp. 442–444

p. 1828

i, 27, p. 9

Abila mons est in Mauritania multum altus oppositus Calpe monti qui in Hyspania est. Quos ambos herculis esse columnas quidam ayunt. Et hos unum et eundem colle continuato olim fuisse montem sed ab hercule divisum. Et ab oceano inde intromissum.

Abyla mons est in Mauritania celsitudine levatus in sidera, oppositus Calpe monti qui in Hispania est. Quos ambos Herculis esse columnas aiunt, voluereque ex veteribus quidam hos unum et eundem iam dudum, colle continuato, fuisse montem herculeaque virtute fuisse divisum, et ex Occeano quod ante non erat intromissum terris mare quod postea in hodiernum usque diem Mediterraneum dictum est.

Deinde est mons praealtus, ei quem ex aduerso Hispania adtollit obiectus : hunc Abilam, illum Calpen uocant, Columnas Herculis utrumque. Addit fama nominis fabulam, Herculem ipsum iunctos olim perpetuo iugo diremisse colles, atque ita exclusum anteam mole montium oceanum ad quae nunc inundat admissum. Hic iam mare latius funditur, submotasque uastius terras magno impetu inflectit.

pp. 452–454

p. 2001

iii, 38–39, pp. 77–78

Unde lacus et stagna describit Ysidorus nullam facit de mari Caspio mentionem licet tamen a quibusdam asseratur esse lacus aque dulcis, totius orbis maximus habens

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in circuitu portus et littora et nauigia uehit ingentia patiens insuper tempestates et maris accidentia reliqua. Propter quod et ob eius magnitudinem mare dicitur. Caspium autem duplex esse mare legimus. Unum in mediterraneis nulli communicans mari. Aliud vero ab oceano procedens Scitico, et in Scitas Hyrcanosque descendens. Et hec ut quidam arbitrantur ex scriptorum negligentia ex uno duo facta sunt.

Caspium duplex esse mare comperio : aliud in mediterraneis nullo communicans mari, aliud vero ab Occeano procedens haud longe ab Occeano Scythico, et Scythas Hyrcanosque descindens. Arbitror enim scriptorum incuria ex uno duo facta sint. Sane ne ipse de duobus unum velle facere videar, de utroque que sunt comperta sub brevitate describam.

Nam moderni qui Scicita peragrauerunt regna dicunt Caspium mare inter Hircanos Caspiosque montes immensum occupare spacium, nec ullum habere exitum aut introitum sed ex maximis qui in eum confluunt fluminibus factum et in modum

Primum quidem moderni qui nostro evo Scythica peragravere regna dicunt Caspium mare inter Hyrcanos Caspiosque montes immensum occupare spacium nel ullum habere exitum aut introitum, sed ex maximis que in eo concurrunt fluminibus

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lacus reductum. Cuius littora Caspii incolunt et Hircani. A quibus uariis in locis duplex nomen sortitur ut in uno Caspium, in alio uero loco Hircanum mare denominetur.

factum et in modum lacus redactum : esto ambitus sit immensi, verum tamen pedibus circumiri posse et eius litora Caspii incolunt et Hyrcani.

Veteres autem dicunt hoc mare Caspium ex oceano more fluminis angusto ore terras intrare et ubi longo freto diu se tulit, amplissimum occupat locum se deinde in tres pregrandes synus diffundens. Quorum unus qui in introitu oppositus est Hyrcanum mare uocari dicitur, qui autem ad dexteram Schiticum, qui uero ad sinistram Caspium. Ipsum autem seuum asserunt et importunum mare et undique turbinibus et procellis expositum. Dicentes insuper multos et pregrandes amnes in prefatos sinus effundi et circumquaquam eos gentes uarias habitare. Que autem ex hiis opinionibus uera sit non

De reliquo sic veteres eliquere : dicunt enim hoc, scilicet mare Caspium, ex Occeano Hyperborico ore angusto et more fluminis terras intrare, et, ubi longo freto diu sese tulit, amplissimum occupat spacium, se deinde in tres pregrandes sinus diffundens, quorum is qui intranti oppositus est vocari dicunt Hyrcanum, qui ad dextram Scythicum, qui autem ad sinistram Caspium, eum reliquorum etiam nomina suo nomine occupare, et sevum asserunt atque importuosum mare et undique turbini et procellis expositum ; a dextris autem introeuntibus Scythas nomades litus incolere, ad Caspium sinum Caspios et

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Mare Caspium ut angusto ita longo etiam freto primum terras quasi fluuius inrumpit, atque ubi recto alueo influxit, in tres sinus diffunditur : contra os ipsum in Hyrcanium, ad sinistram in Scythicum, ad dextram in eum quem proprie totius nomine Caspium adpellant : omne atrox saeuum sine portibus, procellis undique expositum, ac beluis magis quam cetera refertum et ideo minus nauigabile. Ad introeuntium dextram Scythae Nomades freti litoribus insident. Intus sunt ad Caspium sinum Caspii et Amazones sed quas Sauromatidas adpellant, ad Hyrcanium Albani et Moschi et Hyrcani, in Scythico Amardi et Pestici et iam ad fretum Derbices. Multi in eo

264 est meum diffinire, cum ab antiquis fidem amouere non audeam et modernis de uisu testantibus negare non possim.

Nathalie Bouloux

Amazonas quas Sauromatidas vocant, ad Hyrcanum autem Albanos, Mochos et Hyrcanos, ad Scythicum Amerdos et Pesticos, ed ad fretum Debrices ; multos aientes insuper atque pregrandes amnes in eos effundi sinus. Que autem ex his opinionibus vera sit diligentioribus scrutari permittam, cum ab antiquis fidem amovere non audeam et modernis de visu testantibus negare non possim.

sinu magni paruique amnes fluunt, sed qui famam habeat ex Ceraunis montibus uno alueo descendit, duobus exit in Caspium.

Un exemple de représentation et de conceptualisation de l’espace dans la littérature du Moyen Âge : les romans de Chrétien de Troyes Catherine Blons-Pierre (Fribourg)

Pour tenter de cerner quelle était la représentation de l’espace au Moyen Âge, en particulier au xiie et au xiiie siècles, il est possible de se référer à la cartographie ou à la toponymie, qui expriment chacune à leur façon une manière qu’avaient les hommes et les femmes de cette époque de se représenter le monde. Ces approches apportent des informations pertinentes qui peuvent être complétées par d’autres types d’approches, comme celle qui permet, à travers l’examen de la littérature, de mettre à jour une conception et une représentation de l’espace qui témoignent de concepts généraux permettant de dire et de figurer l’espace. Tout d’abord, il convient de rappeler que la conception de l’espace ne diffère pas beaucoup au Moyen Âge suivant les types d’écrits : un récit comme les ‹ Grandes Chroniques de France › sera construit à peu près de la même façon qu’un conte rédigé en vers et en français, un ‹ roman ›, quant à la conceptualisation de l’espace et du temps. Le travail de celui qui informe, qui donne une forme au conte ou à la chronique, va consister à doter les différents lieux d’une valeur dramatique propre, qui orientera le récit et lui donnera sa coloration historique ou fictionnelle. Etaient communs aux clercs du Moyen Âge pour exprimer l’espace, les outils nécessaires à la conceptualisation : adverbes, prépositions, toponymes, syntaxe, ainsi que les représentations attachées aux paysages naturels et construits, symboles de puissance ou au contraire de faiblesse. Chrétien de Troyes, qui a composé ses ‹ romans › au xiie siècle, nous révèle à travers cinq contes très différents les uns des autres par leur style et leur matière mais néanmoins issus de l’imaginaire d’un même auteur/ écrivain, une géographie imaginaire nourrie et pétrie de tous les lieux réels et imaginaires caractéristiques de son époque. Dans la première partie de notre étude, nous évoquerons les outils conceptuels dont il disposait pour

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exprimer l’espace dans ses cinq romans : ‹ Erec et Enide ›, ‹ Cligès ›, ‹ Le Chevalier de la Charrette ›, ‹ Le Chevalier au lion › et ‹ Le Conte du Graal › et nous verrons également comment il a organisé les lieux dans chacun de ses romans, au niveau de la structure générale. Dans une seconde partie nous nous intéresserons aux fonctions dramatiques, symboliques et sociohistoriques des lieux, ce qui permettra de passer d’une vision globale à une vision plus détaillée ayant pour objectif de saisir et d’expliciter les variations à l’œuvre dans chacun des romans.

i. Les outils conceptuels et l’organisation générale des lieux au niveau de la macrostructure Les adverbes et les prépositions de lieu étaient très nombreux en ancien français. Ainsi, pour exprimer les notions attachées aux adverbes ‹ ici › et ‹ là ›, la langue française disposait d’une dizaine de formes qui distinguaient entre les notions de proximité, d’éloignement, d’intériorité et d’extériorité. Par exemple, l’adverbe ‹ ça › signifie ‹ ici où je suis ›, l’adverbe ‹ ci › veut dire ‹ ici ›, près du locuteur ou du narrateur ; ‹ i › et ‹ en › et ‹ illuec › signifient également ‹ ici › et ‹ là › sans nuance particulière ; ‹ enz › signifie ‹ à l’intérieur ›, ‹ çaienz › signifie ‹ ici ›, ‹ dedans où je suis › et laienz › ‹ là ›, ‹ dedans où je ne 1 suis pas ›. Nous avons abandonné nombre de ces adverbes et prépositions de lieu en français moderne, ils étaient extrêmement nombreux en ancien français et souvent renforcés par des suffixes ou préfixes, comme par exemple, ‹ devant › renforcé en ‹ dedevant ›. On pourrait penser que, le plus souvent, ces adverbes et prépositions de lieu servaient de chevilles faciles notamment pour finir ou équilibrer un octosyllabe mais, du moins, pour Chrétien de Troyes, ce n’est pas une pratique que l’on repère dans l’ensemble de son œuvre. Il est, en effet, le 2 premier à briser le carcan du couplet, ce qui lui permet de poursuivre son récit d’un octosyllabe sur l’autre et lui laisse une liberté proche de celle d’un prosateur dans le choix de son lexique. Il faut savoir que si l’on mesure l’indice de richesse lexicale d’œuvres littéraires comme celles de Gracq,

1 2

Ménard, Philippe, Syntaxe de l’ancien français, Bordeaux 1988, voir p. 266. Frappier, Jean, La brisure du couplet dans ‹ Erec et Enide ›, dans : Romania lxxxvi (1965), pp. 1–21.

Un exemple de représentation et de conceptualisation de l’espace

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3

Giono et Chrétien de Troyes, l’œuvre de Chrétien de Troyes vient large4 ment en tête. Au xiie siècle, en effet, il faut créer, pour ceux qui veulent s’exprimer et composer en français, tous les outils qui vont permettre à la langue de se développer. Il y a donc un foisonnement d’adverbes, de prépositions, de subordonnants qui vont peu à peu donner lieu à des spécialisations et des sélections. Chrétien de Troyes, premier auteur reconnu en tant que tel a participé à l’invention de tous ces outils conceptuels, de même qu’il a transformé le conte en vers jusque-là oral en œuvre littéraire, à tel point que l’on peut considérer que tous les ressorts et les règles de la fiction sont déjà à l’œuvre dans les récits de Chrétien de Troyes. On a même pu dire qu’un roman de Chrétien de Troyes […] se présentait un peu sur le modèle des ‹ séries modernes › : D’une œuvre à l’autre, le lecteur retrouve un même lieu initial, la cour d’Arthur, un même temps initial, un jour de grande fête […]. Changent en revanche les péripéties du scénario et le héros, le protagoniste du récit, qui appartient cependant (ou finit par s’y intégrer) au monde arthurien, au cercle très élitiste des 5 ‹ chevaliers › ou ‹ compagnons de la Table ronde.

Il est indéniable que Chrétien de Troyes, héritier du savoir faire des conteurs du Moyen Âge, est à l’origine, de par ses contes en vers et en français, des schémas narratifs et dramatiques que nous retrouvons dans les récits de fiction actuels, cependant, il faut reconnaître à Chrétien un art élaboré de conteur, qui le pousse à ne jamais répéter exactement la même situation, tout en donnant l’illusion que son récit se passe dans un lieu et un univers familier, d’où cette impression de même lieu initial et de même temps initial. Le tableau suivant permet d’examiner comment fonctionne cette illusion :

3 4 5

Muller, Charles, Principes et méthodes de statistique lexicale, Paris 1977. Blons-Pierre, Catherine, La subordination dans l’œuvre de Chrétien de Troyes, Lyon 1989 (thèse de doctorat). Baumgartner, Emmanuèle, Sur quelques structures du ‹ Chevalier de la Charrette ›, dans: Analyses et réflexions sur Chrétien de Troyes, ‹ Lancelot ou Le Chevalier de la Charrette ›, ouvrage collectif (Ellipses), Paris 1996, pp. 22–24, voir p. 22.

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Conte ou ‹ roman ›

Lieu initial

Temps initial

Erec et Enide Cligès Le Chevalier de la Charrette Le Chevalier au lion Le Conte du Graal

Caradigan Constantinople Cour Arthur Carduel Pays de Galles

Pâques Début avril Ascension Pentecôte Printemps

D’après les indications portées dans ce tableau, on constate que sur les cinq romans, il y en a trois qui ont, effectivement, pour lieu initial la cour du roi Arthur : - dans le premier roman écrit par Chrétien de Troyes, ‹ Erec et Enide ›, le héros Erec se trouve à Caradigan, l’un des châteaux du roi Arthur, lorsque commence l’histoire, - dans ‹ Le Chevalier au lion ›, la scène qui ouvre le ‹ roman › a lieu à la cour du roi Arthur mais cette fois-ci à Carduel, au pays de Galles, - dans ‹ Le Chevalier de la Charrette ›, roman écrit à la même époque que ‹ Le Chevalier au lion ›, la scène d’ouverture se situe également à la cour du roi Arthur mais sans que le lieu en soit précisé, et deux qui commencent en dehors de la cour du roi Arthur : - dans le deuxième roman de Chrétien de Troyes, ‹ Cligès ›, il n’est pas question, au début de l’histoire, du roi Arthur mais de l’empereur de Constantinople et de son fils Alexandre, ce n’est que par la suite qu’Alexandre décidera de quitter son pays pour éprouver sa vaillance à la cour du roi Arthur à Guincestre, - dans le ‹ Conte du Graal ›, dernier roman de Chrétien de Troyes, le héros Perceval, au début de l’histoire, se trouve dans le manoir de sa mère au pays de Galles et il n’a jamais entendu parler du roi Arthur, puisque sa mère lui cache soigneusement tout ce qui se rapporte de près ou de loin à la chevalerie pour tenter de lui éviter de périr comme ses deux frères aînés. L’unité de lieu initial est donc toute relative puisque aucun des romans de Chrétien de Troyes ne commence exactement au même endroit et certains pas du tout à la cour du roi Arthur, cette constatation est également valable pour l’unité de temps initial. On a plutôt l’impression que l’auteur est attentif à varier aussi bien le lieu initial que le temps initial de façon à ne pas lasser son public. Ses héros sont de nobles chevaliers, dont l’activité essentielle est la quête d’aventures plus ou moins spirituelles, la plus noble étant sans conteste la quête du Saint Graal, mise en œuvre dans son dernier roman.

Un exemple de représentation et de conceptualisation de l’espace

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La thématique de la quête suppose une structure narrative relativement simple et répétitive, qui, au niveau de la construction de l’espace, engendre une succession de lieux liés à des aventures réalisées ou non réalisées. Ainsi, le protagoniste principal partira d’un lieu L0 pour aller tenter sa première aventure dans un lieu L1, sa deuxième aventure en L2 et ainsi de suite. Le schéma dynamique des lieux de la quête peut se résumer ainsi : L0 → L1→L2 → L3 → […] Ln. Cependant, si on y regarde de plus près, on s’aperçoit que Chrétien de Troyes a également trouvé le moyen d’apporter de la variété et de la diversité dans cette macro structure de la quête. L’étude suivante des différentes structures narratives des cinq contes permet d’en juger. i.1 Macrostructure spatiale dans ‹ Erec et Enide › ‹ Erec et Enide › possède, dans l’ensemble, une structure narrative simple qui suit la structure linéaire typique de la quête avec deux points d’ancrage principaux que constituent, d’une part, le château de Caradigan, l’un des châteaux du roi Arthur, lieu initial du roman, et, d’autre part, la maison d’un vavasseur, père d’Enide, héroïne principale du conte de Chrétien et compagne, puis épouse d’Erec. A cette structure linéaire vient s’ajouter une structure d’aller-retour essentiellement axée entre le château du roi Arthur et la maison du père d’Enide, qui a pour fonction de créer une densité narrative. Au niveau dramatique, cela correspond à une succession d’aventures vécues par le héros principal, Erec. Au début du roman, Erec quitte la cour du roi Arthur pour venger le déshonneur infligé à la suivante de la reine, celle-ci a été giflée par le nain d’un chevalier non identifié. Erec décide de se lancer à la poursuite du chevalier, responsable de l’injure, finit par le rejoindre et, finalement, le vainc dans un combat singulier. Hébergé pendant cette aventure chez un vavasseur, il tombe amoureux de la fille de ce dernier, Enide. Erec envoie le chevalier qu’il a vaincu, Ydier, se constituer prisonnier à Caradigan, auprès du roi Arthur. Ce premier substitut de retour d’Erec, retour par procuration, a pour objectif de donner des nouvelles d’Erec à la cour du roi Arthur mais aussi de témoigner de la vaillance d’Erec et de la vengeance exercée suite au déshonneur infligé à la reine et à sa suivante. Le deuxième retour constitue le vrai retour d’Erec, qui ne revient pas seul mais accompagné d’Enide, ce qui permet à l’action de progresser sur le plan dramatique et à la macrostructure de se développer puisque le roi et la reine

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accueillent somptueusement Enide mais, de plus, organisent son mariage à Caradigan avec Erec. On pourrait représenter cette structure linéaire spatiale de la quête renforcée par celle des allers-retours entre les lieux par le schéma suivant : Erec → château Caradigan → forêt → maison vavasseur Ydier ← château Caradigan ← forêt ← maison vavasseur Erec + Enide ← château Caradigan ← forêt ← maison vavasseur. Erec part ensuite avec sa femme dans le royaume de son père à Carnant, loin du roi Arthur. Il mène là-bas une vie sédentaire de plaisir et de luxe, ce que finit par lui reprocher son entourage et Enide en particulier. Erec décide alors d’emmener Enide sur les routes avec lui pour lui prouver sa vaillance. La structure est alors, à nouveau, une structure spatiale de la quête : linéaire, progressant successivement d’un château à un autre, à travers des paysages naturels comme la forêt et la lande : Erec + Enide → Carnant royaume du père d’Erec → lande → bourg comte Galoain → forêt château L → château P → château B. Qui dit succession linéaire de lieux ne veut pas dire forcément absence de points de contact. En effet, les parcours menés en parallèle par la cour du roi Arthur et le couple formé par Erec et Enide finissent par se rejoindre, pas dans un château mais dans une tente, un paveillon, au plus profond de la forêt. A l’issue de cette rencontre, il y a séparation des deux itinéraires avec, à nouveau, une structure exclusivement linéaire, qui mène Erec et Enide de château en château. Au niveau dramatique, cette succession de lieux correspond à une succession d’aventures sans lendemain ou presque. Le point de rencontre suivant avec la cour du roi Arthur dans l’espace a lieu dans la ville de Roais. La structure continue à être linéaire conduisant tout le monde successivement de Roais à Tintagel, puis à Nantes où a lieu le couronnement d’Erec et d’Enide et où s’achève le roman : Cour Roi Arthur + Erec et Enide → Roais → Tintagel → Nantes.

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i.2 Macrostructure spatiale dans ‹ Cligès › Si l’on observe le schéma des parcours dans le deuxième roman de Chrétien de Troyes, on retrouve le schéma de la structure linéaire de la quête, qui relie et tisse la structure narrative entre Constantinople et les différents séjours du roi Arthur avec un détour par Ratisbonne où le héros principal, Cligès, va faire la connaissance de Fénice, qui, après bien des péripéties, deviendra sa femme. Comme on peut le constater d’après le schéma (Figure 1 ; p. 281), la structure des parcours des différents protagonistes se résume à des allers-retours entre Constantinople et l’Angleterre via Cologne et Ratisbonne. De plus, il n’y a pas vraiment de points de contact entre les itinéraires. Les personnages voyagent soit seuls soit en groupes déjà constitués, d’où une structure spatiale très simple, en général. La variation entre le premier et le deuxième roman ne se fait donc pas par le biais d’un renouvellement du schéma de la macrostructure spatiale mais par un déplacement des points d’ancrage : ‹ Cligès › apparaît comme un roman ‹ exotique › dans la mesure où il se déroule en grande partie dans le lointain royaume de Constantinople avec des incursions, cependant, en Europe et, en particulier, dans le royaume d’Angleterre. i.3 Macrostructure spatiale dans ‹ Le Chevalier de la Charrette › Ce roman présente une structure qui ressemble à celle que nous avons rencontrée dans les deux romans précédents mais elle commence à gagner en densité. Si l’on considère le noeud dramatique qui se noue grâce aux allers-retours de Lancelot, personnage central du roman, et d’autres personnages comme la reine, Keu, Gauvain ou Méléagant, entre le château du roi Arthur et celui du roi Méléagant, en passant par les différents lieux où Lancelot est retenu prisonnier, on s’aperçoit qu’une structure verticale vient s’ajouter à la structure linéaire, ce qui va contribuer à consacrer le château de Méléagant comme lieu dramatique principal. Dans le schéma (Figure 2 ; p. 282), qui retrace de manière simplifiée la quête de Lancelot, on constate, en effet, que les allers-retours du héros, ne se font plus à destination du château du roi Arthur mais à destination du château de Méléagant. Une autre différence apparaît au niveau de la nature des toponymes : dans les deux premiers romans, Chrétien de Troyes utilise des noms de ville qui sont réels (Constantinople, Cologne, Ratisbonne, Oxford, Nantes)

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ou qui donnent un effet de réel comme Caradigan, Carnant ou Tintagel. Même si nous ne savons pas où situer ces lieux clairement sur une carte, nous les identifions comme des noms propres caractéristiques de la toponymie. Il n’en va pas de même dans ‹ Le Chevalier de la Charrette ›, le conte commence, certes, à la cour du roi Arthur mais dans un lieu non précisé. Lorsque Lancelot se lancera à la poursuite du chevalier qui emmène la reine, la structure linéaire sans aller-retour le mènera successivement d’un château à un gué défendu puis à un pré aux jeux, un cimetière futur, un passage dit ‹ des pierres ›, un pont constitué d’une épée, pour aboutir dans le château qui renferme la reine et qui appartient à Méléagant et à son père. Même si l’on admet qu’au Moyen Âge, les lieux peuvent être identifiés au moyen de toponymes constitués d’un substantif indéfini qualifié, du type Beaurepaire par exemple, il n’en demeure pas moins que les châteaux du roi Arthur ne portent pas de nom et qu’il y a une ‹ détoponymisation › générale des lieux dans ce roman, qui peut être mise en rapport avec la non identification du chevalier qui se lance au début de l’histoire à la poursuite de la reine et de son ravisseur. i.4 Macrostructure spatiale dans ‹ Le Chevalier au lion › ‹ Le Chevalier au lion ›, dont la rédaction est probablement contemporaine de celle du ‹ Chevalier de la Charrette › commence dans un lieu clairement identifié, Carduel, avec des personnages qui sont clairement nommés : le roi Arthur, la reine, Calogrenant , Yvain, Gauvain. Cependant, la toponymie dans ce roman devient par la suite beaucoup plus floue, comme le montre en partie le tableau (Figure 3 ; p. 283) : la forêt, un lieu défriché, une fontaine, le château de Laudine, la maison d’un ermite, plusieurs châteaux identifiés par le nom de leurs propriétaires respectifs et un château dénommé de la Pesme aventure (de la Pire aventure), qui porte bien son nom mais qui, justement, se définit par sa fonction narrative plus que par une dénomination relevant de la géographie. L’importance dramatique que revêtent certains lieux autres que les châteaux du roi Arthur est une caractéristique qui se renforce dans ‹ Le Chevalier au lion ›. La fontaine est un lieu emblématique à cet égard, comme le montre le schéma (Figure 4 ; p. 284). La structure du ‹ Chevalier au lion › apparaît comme extrêmement complexe, dans la mesure où le roman s’ouvre sur une fin de repas au château de Carduel : le roi Arthur s’étant endormi, l’un des chevaliers, Calogrenant décide de distraire les autres en racontant l’une de ses aventures passées,

Un exemple de représentation et de conceptualisation de l’espace

273

ce qui donne lieu à un flash-back. L’aventure de Calogrenant possède une structure linéaire d’aller-retour partant du château de Carduel pour aller jusqu’à la fontaine et revenir ensuite à Carduel. Cette aventure disfractée de Calogrenant va être à l’origine de parcours successifs qui vont mener successivement Yvain, puis le roi et ses chevaliers, de Carduel à la fontaine, pour aboutir au château de Laudine, enjeu de l’aventure. La fontaine va jouer un rôle majeur en tant que lieu dramatique dans la mesure où Yvain, après avoir quitté Laudine et surtout après avoir oublié la promesse qu’il lui avait faite de revenir dans son château au bout d’un an, va sombrer dans la folie mais n’aura de cesse de revenir vers ce lieu, une fois la raison retrouvée, dans l’espoir d’obtenir son pardon. Il finira par l’obtenir et restera alors définitivement au château de Laudine, attaché symboliquement à la fontaine puisque sa mission sera avant tout de défendre cette fontaine, qui donne accès au château de Laudine. Le royaume de Laudine apparaît un peu comme un royaume fantastique appartenant à une autre dimension. Les lieux se répètent mais l’épaisseur du récit se construit grâce à la disfraction de l’aventure de Calogrenant, qui se démultiplie avec des variantes. Des lieux comme la forêt, le château du vavasseur, la fontaine, le château de Laudine servent de lieux d’ancrage dramatique. Il s’agit d’imbrications de récit individuels qui finissent par construire un univers imaginaire complexe. Si l’on compare les schémas des macrostructures spatiales dans les différents romans, on prend la mesure du développement de la géographie imaginaire construite par Chrétien de Troyes depuis son premier roman ‹ Erec › jusqu’au ‹ Chevalier au lion › et au ‹ Conte du Graal ›. Malheureusement la macrostructure générale du dernier roman de Chrétien de Troyes est probablement incomplète car l’intrigue du roman s’arrête brutalement sans qu’on en sache la raison. On peut cependant avoir un aperçu de cette structure à travers les quelque 7 000 vers de ce roman. i.5 Macrostructure spatiale dans ‹ Le conte du Graal › Dans ce dernier roman, on remarquera que la technique de maillage et de cohérence de la structure narrative se fait principalement à partir des lieux (Figure 5 ; p. 285). Les allers-retours entre Carduel et Carlion donnent du relief à ces deux lieux emblématiques du séjour du roi Arthur, même si le récit a comme lieu embrayeur non pas un château du roi Arthur mais le manoir de la mère du héros Perceval, mis en valeur également par plusieurs allers-retours ou tentatives d’allers-retours de Perceval vers la demeure maternelle.

274

Catherine Blons-Pierre

Si l’on observe maintenant dans ce dernier roman, l’évolution des noms de lieux eux-mêmes, on s’aperçoit que les noms de lieux faisant référence à une toponymie réelle comme Nantes ou Oxford ont complètement disparu mais que les lieux, notamment les châteaux, sont décrits avec précision et sont identifiés clairement grâce aux personnages qui les possèdent. Le château du roi Pêcheur dans lequel Perceval aperçoit le Graal, par exemple, ne peut être confondu avec celui de Gornemant qui l’initie au métier de chevalier ou encore avec celui de Blanchefleur que Perceval défendra de tout son cœur et de toutes ses forces contre ses ennemis. Progressivement, Chrétien de Troyes est passé d’un univers constitué de lieux possédant des noms réels à une absence de détermination de ces lieux pour aboutir à une construction de lieux clairement identifiés et décrits mais qui relèvent entièrement de l’univers qu’il a créé pour ses personnages et qui possèdent leur propre toponymie : celle des romans arthuriens. Ces lieux apparaissent tellement réels que certains passionnés du monde arthurien n’ont de cesse de tenter de les retrouver dans la forêt de Brocéliande, 6 en Bretagne, ou ailleurs. Cet effet de réel des lieux est dû au maillage instauré dans les parcours des différents personnages principaux et secondaires par les allers-retours, les points de rencontre mais aussi les fonctions symboliques et socioculturelles que ces lieux occupent dans la réalité et l’imaginaire des hommes et des femmes du xiie et du xiiie siècles.

ii. Les fonctions symboliques et socioculturelles des lieux Nous focaliserons notre étude sur les lieux construits, en rapport avec la société castrale dans laquelle évoluent les héros de Chrétien de Troyes et dans laquelle vivent les hommes et les femmes des xiie et xiiie siècles. On peut distinguer cinq types de demeures castrales évoqués par Chrétien dans ses romans : le château ou le chastelet (204 occurrences), la tour ou la tournelle (116 occurrences), la forteresse (9 occurrences), le manoir (8 occurrences) et la maison ou maisonete (68 occurrences).

6

Blons-Pierre, Catherine, L’utopie dans sa définition originelle chez Chrétien de Troyes, dans : Provinces, régions, terroirs au Moyen Âge, Nancy 1994, pp. 263–274.

Un exemple de représentation et de conceptualisation de l’espace

275

On peut représenter la répartition de ces différentes demeures dans chacun des romans par un graphique (Figure 6 ; p. 286). L’observation de ce graphique suscite plusieurs remarques. Tout d’abord, on constate l’importance du château dans ‹ Erec et Enide › (69.86 %), dans ‹ Le Chevalier au lion › (57.75 %) et dans ‹ Le Conte du Graal › (55.7 %). On peut également observer l’importance numérique de la répartition de la tour dans ‹ Cligès › (50 %) et dans ‹ Le Chevalier de la Charrette › (68 %). A l’opposé, on peut également remarquer que le manoir est totalement absent d’ ‹ Erec et Enide ›, du ‹ Chevalier de la Charrette › et compte 1 seule occurrence dans ‹ Cligès › et dans ‹ Le Chevalier au lion › contre 6 dans ‹ Le Conte du Graal ›. La forteresse, elle, qui ne compte que 9 occurrences au total dans les 5 romans, en compte 1 seule dans ‹Erec et Enide ›, ‹ Le Chevalier de la Charrette › et ‹ Le Conte du Graal ›, 2 dans ‹ Cligès › et 4 dans ‹ Le Chevalier au lion ›. Quant à la maison, elle apparaît rarement dans ‹ Cligès › (3 occur7 rences) mais compte entre 10 et 21 occurrences dans les autres romans. Ces répartitions numériques permettent de constater que Chrétien de Troyes met en avant ou au contraire laisse dans l’ombre certains lieux. Cette différence de traitement des lieux peut s’expliquer en partie par les différentes fonctions dramatiques, symboliques et socioculturelles que revêtent ces lieux dans chacun des romans. Dans un premier temps, nous allons examiner dans quelles situations on rencontre généralement ces différents lieux dans les romans de Chrétien de Troyes et avec quelles fonctions. ii.1 Le château Le château, comme on l’a vu précédemment, peut représenter sur le plan dramatique soit le lieu initial d’où part l’aventure soit un point d’ancrage important dans le récit, mis en valeur par les trajectoires d’allers-retours des personnages vers ce lieu. Symboliquement, si l’on se réfère aux fonctions idéologiques identifiées par Georges Dumézil, le château participe à la fois des fonctions guerrières 8 et nourricières. En effet, du côté des fonctions guerrières, le château représente la puissance et le pouvoir. Chrétien de Troyes insiste particulièrement sur cette puissance et ce pouvoir dans ‹ Le Conte du Graal › à travers les descriptions 7

8

Toutes ces répartitions ont été calculées d’après les données fournies par Ollier, Marie-Louise, Lexique et concordance de Chrétien de Troyes d’après la copie de Guiot Montréal/Paris 1986. Dumézil, Georges, Mythe et épopée, Paris 1995, voir pp. 16 ; 235–236.

276

Catherine Blons-Pierre

de l’architecture des châteaux, par exemple, lorsqu’il décrit le château de Gornemant : Sor cele roche […] ot un chastel mout riche et fort […] Li ponz 9 estoit et forz et hauz. Le château est souvent convoité pour le potentiel de pouvoir et de puissance qu’il représente mais aussi pour les richesses matérielles et humaines qu’il renferme. C’est le cas, toujours dans ‹ Le Conte du Graal ›, lorsque Clamadeu assiège le château de Blanchefleur : il veut à la fois posséder le château et la suzeraine de ce château, Blanchefleur, c’est clairement dit par le sénéchal de Clamadeu qui assiège le château et résume la situation de la manière suivante : Je vuel qu’ancui me soit vuidiez li chastiax [… ] et mes 10 sire avra la pucele. Le château peut aussi revêtir des fonctions plus positives, que l’on peut regrouper sous les fonctions symboliques nourricières de Dumézil. Tout d’abord le château peut être un lieu de fêtes et de réjouissances. Par exemple, les fêtes de Pâques et de Pentecôte donnent lieu à des réceptions somptueuses et joyeuses à Caradigan, Carlion et dans les autres châteaux du roi Arthur. Des événements plus privés sont également célébrés dans ces châteaux. Ainsi, les fêtes données à l’occasion du mariage d’Erec et Enide ont lieu à Caradigan. Ces noces sont célébrées avec force victuailles, vin et 11 distractions pendant quinze jours et se terminent par un tournoi. Dans la réalité et la vie de tous les jours, les châteaux au Moyen Âge servaient de relais pour les voyageurs appartenant à la noblesse. Les chevaliers, les dames et les demoiselles y trouvaient le gîte, le couvert et des vêtements propres, notamment un manteau, symbole de l’accueil. Offrir l’hospitalité représentait non seulement un devoir mais aussi un honneur. Les exemples de cet accueil sont nombreux dans les romans de Chrétien de Troyes, ainsi, le roi Arthur est reçu et hébergé dans le château de Laudine, dans ‹ Le Chevalier au lion ›, avec musique, draps de soie et tapis, et Perceval est successivement hébergé, au fil de ses aventures, plus ou moins confortablement suivant les ressources de ses hôtes, dans ‹ Le Conte du Graal ›. Le château a donc pour fonction d’apporter le gîte et le couvert au chevalier qui erre, qui voyage, mais il peut également aller plus loin dans cette fonction nourricière puisqu’il est assez souvent le lieu où l’on soigne les blessures d’un chevalier errant. On peut donner comme exemple de cette 9

Le Conte du Graal, Les romans de Chrétien de Troyes édités d’après la copie de Guiot, Félix Lecoy, Paris 1981, voir vv. 1317–1340. 10 Le Conte du Graal, (note 9), voir vv. 2182–2185. 11 Erec et Enide, Les romans de Chrétien de Troyes édités d’après la copie de Guiot, Mario Roques, Paris 1981, voir vv. 2006–2208.

Un exemple de représentation et de conceptualisation de l’espace

277

pratique le château de la dame de Norison dans lequel une demoiselle 12 emmène Yvain pour le soigner et le guérir de sa démence. ii.2 La tour Les répartitions relatives de la tour dans ‹ Cligès › et dans ‹ Le Chevalier de la Charrette › s’élèvent respectivement à 50 et 68 %, ce qui correspond aux pourcentages de répartition du château dans les autres romans de Chrétien. L’une des raisons de ces inversions de répartition est d’ordre dramatique : que ce soit dans ‹ Cligès › ou dans ‹ Le Chevalier de la Charrette ›, les protagonistes passent une bonne partie de leur temps cachés ou emprisonnés dans des tours. Mais il existe une grande différence entre les fonctions symboliques revêtues par les tours dans ‹ Cligès › et dans ‹ Le Chevalier de la Charrette ›. Dans le premier roman, Cligès et sa compagne Fénice décident de se cacher dans une tour pour échapper à l’oncle de Cligès, qui a épousé Fénice contre son gré. Cligès fait appel à un fidèle serviteur, Jean, qui lui propose une tour ‹ 4 étoiles › avec eau chaude pour les bains, cheminées, images 13 peintes aux belles et riches couleurs et jardin intérieur. Cette tour confortable ne ressemble en rien à la tour dans laquelle Méléagant retient Lancelot prisonnier dans ‹ Le Chevalier de la Charrette ›. Dans ce dernier roman, il s’agit d’une tour fortifiée, aux murs épais, sans escalier ni échelle. Lancelot y est emmuré et souffre de la faim et du manque d’hygiène à tel point qu’il y attrape la gale. On a affaire dans les deux cas à des tours à part entière. Il existe également des tours rattachées aux châteaux et qui, en tant qu’éléments métonymiques du château symbolisent sa force et sa puissance et peuvent faire l’objet d’un siège ou d’une bataille. C’est le cas de la tour de Guinesore dans ‹ Cligès › ou encore de la tour dans laquelle se trouvent Gauvain et la demoiselle d’Escavalon dans ‹ Le Conte du Graal ›. Certains protagonistes des romans de Chrétien de Troyes paraissent être attachés plus que d’autres à la tour parce qu’ils symbolisent les valeurs guerrières en lien avec la représentation de la tour au Moyen Âge, il s’agit, par exemple, de Lancelot ou de Gauvain dans ‹ Le Chevalier de la Charrette ›. Perceval, en revanche, reste extérieur à la tour, il est hébergé dans 12 Le Chevalier au lion, Les romans de Chrétien de Troyes édités d’après la copie de Guiot, Mario Roques, Paris 1974, voir vv. 3070–3081. 13 Cligès, Les romans de Chrétien de Troyes édités d’après la copie de Guiot, Alexandre Micha, Paris 1978, voir vv. 5487–5501 et 5558–5563.

278

Catherine Blons-Pierre

des châteaux, des maisons ou encore dans des manoirs. Il est possible que l’évolution du statut et de la quête chevaleresque explique la relation d’intériorité puis d’extériorité du chevalier par rapport à la tour dans les différents romans. En effet, Lancelot et Yvain apparaissent comme des chevaliers dont les objectifs principaux sont la conquête guerrière et occasionnellement la défense des plus faibles, alors que Perceval est le chevalier qui ouvre une quête plus spirituelle que temporelle : celle du Graal. Perceval ne sera jamais retenu prisonnier physiquement dans une tour mais sa prison sera spirituelle, par exemple, celle de l’obsession du remords vis-à-vis de sa mère qu’il a fait mourir de chagrin en l’abandonnant dans son manoir ou encore l’oubli de Dieu qui le fera s’enfermer en lui-même et errer cinq ans sans but véritable avant de rencontrer un groupe de pèlerins, qui le ramènera vers le contact avec le monde extérieur et vers la paix intérieure. ii.3 La maison La maison, qui occupe un rôle beaucoup moins important que la château ou la tour, représente en principe un lieu d’accueil rattaché à la fonction nourricière. C’est une demeure plus modeste qu’un château et qui peut appartenir à un vavasseur (dans ce cas, il peut s’agir d’une maison fortifiée) ou à un ermite. Dans ce dernier cas, on remarque que la maison peut aussi être connotée avec le domaine religieux. Ainsi, lorsque Perceval demande la définition d’un ‹ mostier ›, on le lui décrit comme étant une meison bele et saintisme et à la fin du ‹ Conte du Graal ›, c’est dans la maison d’un ermite que Perceval trouvera refuge et consolation. Perceval se trouve également fortement connoté avec un dernier type de lieu bâti, qui a une fonction essentiellement nourricière : le manoir. ii.4 Le manoir et la forteresse Au début du ‹ Conte du Graal ›, Perceval quitte le manoir de sa mère et reste attaché à cette image maternelle et nourricière. Il existe peu d’occurrences du terme ‹ manoir › dans l’ensemble des romans de Chrétien de Troyes. Chaque fois que les propriétaires des manoirs peuvent être clairement identifiés, il s’agit de personnages féminins : la mère de Perceval et la reine Ygerne dans ‹ Le Conte du Graal ›, Laudine dans ‹ Le Chevalier au lion › et Fenice dans ‹ Cligès ›. Le manoir est donc essentiellement tourné vers la fonction nourricière tandis qu’à l’inverse la forteresse, symbole de la force masculine, sera, elle, tournée essentiellement vers la fonction guerrière.

Un exemple de représentation et de conceptualisation de l’espace

279

En fait, tous ces lieux construits existent bel et bien dans la société féodale des xiie et xiiie siècles et les mettre en scène dans des œuvres de fiction, en leur accordant plus ou moins d’importance, revient à illustrer l’équilibre ou le déséquilibre entre des forces sociales. Nous avons vu les différentes valeurs socioculturelles de ces lieux dans les romans de Chrétien mais son œuvre a donné lieu à de nombreux développements et continuations, qui reflètent également par l’organisation des lieux la hiérarchie des pouvoirs en place à l’époque où ils ont été rédigés. Le château déjà prépondérant dans les romans de Chrétien de Troyes va encore gagner de l’importance dans la ‹ Première continuation de Perceval ›, roman qui a été composé dans les dernières années du xiie siècle ou dans ‹ Le Lancelot propre ›, composé au début du xiiie siècle. Cela correspond aux grandes créations castrales entreprises par Saint Louis ou son petitfils Philippe Le Bel. On constate également un renforcement de l’importance dramatique de la tour, par exemple, dans le ‹ Merlin › de Robert de Boron, composé à la fin du xiie ou au début du xiiie siècle. Cette présence renforcée de la tour dans les récits de fiction peut être mise en relation avec le programme de construction des gros donjons vôutés entrepris par Philippe Auguste, dans le but de mieux contrôler les frontières. La fonction guerrière est ici clairement identifiée et correspond au phénomène de la montée du pouvoir de la royauté. Ce qui frappe également dans ces romans qui prennent le relais des romans de Chrétien de Troyes, c’est le rôle prépondérant que vont progressivement occuper les abbayes dans la littérature, par exemple, dans la ‹ Queste del Saint Graal ›, datant du début du xiiie siècle. Au niveau historique et social, cela correspond au développement et à la puissance de l’ordre des Cisterciens, tout comme la prépondérance des châteaux correspondait à la montée du pouvoir des rois Capétiens dans la société féodale. On peut donc constater qu’à travers leur façon d’orchestrer les lieux construits, Chrétien de Troyes et les autres auteurs des xiie et xiiie siècles, tout en nous nous livrant leurs conceptions de l’espace, nous donnent également des renseignements sur l’importance symbolique et historique que ces différents lieux ont occupé, tour à tour, dans la société féodale. En conclusion, on peut dire que la représentation de l’espace dans les romans de Chrétien de Troyes est conditionnée par la réalité des lieux des xiie et xiiie siècles. Les paysages naturels et construits sont très différents de ceux que nous connaissons de nos jours. Un autre facteur intervient : le public auquel s’adresse ces contes ou romans en vers. Les commanditaires en sont,

280

Catherine Blons-Pierre

par exemple, Marie de Champagne, pour ‹ Le Chevalier de la Charrette ›, ou Philippe d’Alsace pour ‹ Le Conte du Graal ›. Ces commanditaires évoluent dans la société castrale du xiie siècle, où l’on se déplace de château en château. Cependant, la structuration de l’espace obéit également à une esthétique qui participe d’un principe d’organisation constitutif de la construction romanesque chez Chrétien de Troyes : les variations sans répétition. Loin d’être la même histoire répétée avec quelques variantes, les romans de Chrétien de Troyes sont des œuvres complètement différentes et les lieux contribuent à cette différence par la construction d’une géographie à géométrie variable. Les lieux initiaux sont différents dans chaque roman, les fonctions dramatiques varient également et sont représentatives d’une société féodale en pleine mutation, reflétant la montée du pouvoir royal des Capétiens et le développement de l’ordre des Cisterciens. Quant à la mise en œuvre des concepts nécessaires pour la définition de ces espaces, elle s’opère par le biais d’une multiplicité d’outils lexicaux en rapport avec les notions de verticalité, d’horizontalité, d’intériorité et d’extériorité, qui constituent des espaces multidimensionnels où se superposent les mondes de l’intérieur et ceux de l’extérieur pour constituer cette géographie utopique, de nulle part, ancrée plus ou moins dans la réalité toponymique et géographique du xiie siècle, qui ne s’arrête pas aux frontières du royaume des rois Capétiens et de leurs vassaux.

Figure 1

Cligès + Fénice

Constantinople

←─────────

─────────→

→ ─→ Constantinople Cologne Ratisbonne(Fenice) ──→ Ratisbonne ←───────── Constantinople

Cligès + Fénice (+ Alis) Constantinople

Cligès

Alis +Cligès

cour Arthur

cour Arthur

Angleterre Oxford Angleterre Oxford

Un exemple de représentation et de conceptualisation de l’espace

281

Lancelot

Gauvain

Figure 2

capturé

capturé

château Méléagant

château Méléagant

←─────

─→

←─────

pont de l’épée

←─────────

forêt

─→ château lance ─→ ─→ forêt château lance

forêt

cour du roi non précisée capturé = tour ──────────────────────→ tour ←─────────── cour du roi non précisée tour

cour du roi non précisée ────────→

Méléagant/ reine/Keu/ Gauvain cour du roi non précisée

282 Catherine Blons-Pierre

Carduel

chevaliers+roi Yvain + Gauvain Gauvain = quête reine

Figure 3

─→ ────→ château vavasseur lieu défriché ─→────────────────────→

─→

château

cour Arthur cour Arthur cour Arthur

demoiselle 2+ Yvain Yvain

──────────────────────→

château

cour Arthur

─────────────→

forêt

forêt

─→ ─→ ────→ forêt château vavasseur lieu défriché ←─── château vavasseur ←─────────

demoiselle 1 : quête Yvain demoiselle 2 : quête Yvain

cour Arthur

Carduel

Yvain

Yvain = folie, errance

Carduel Carduel

────→

cheva liers+roi+reine

Calogrenant : flash back

Un exemple de représentation et de conceptualisation de l’espace

283

Figure 4 château = fin

demoiselle 2+Yvain Yvain

fontaine

←─────

─────→

────────→ ←────────

château

château château

château Lunete ───→

fontaine fontaine fontaine

fontaine fontaine

fontaine fontaine

demoiselle 1 : quête Yvain demoiselle 2 : quête Yvain

Yvain = folie, errance

Yvain+Gauvain Gauvain = quête reine

chevaliers+roi+reine Yvain chevaliers+roi

Calogrenant : flash back

château Harpin

château Harpin château Harpin

folie

pavillon Chester quête reine

pavillon Chester

284 Catherine Blons-Pierre

Figure 5

manoir

manoir

manoir

Gauvain

Cour Arthur

Orgueilleux et demoiselle

Clamadieu et Aguingueron

Perceval ←─

─→

forêt ─→ forêt

forêt

prairie tente



Carduel

Carduel

Carduel

Carduel

──→

──→

Carlion

Carlion Carlion

Carlion Carlion

Carlion

Carlion Carlion

──────→

Un exemple de représentation et de conceptualisation de l’espace

285

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

Erec et Enide

69.86%

10.96%

17.81%

90%

80%

1.37%

100%

Cligès

40.32%

50.00%

1.61% 3.23% 4.84%

Chevalier de la charrette

8.00%

68.00%

22.00%

2.00%

Chevalier au lion

57.75%

7.04%

28.17%

1.41% 5.63%

Figure 6 : Répartition des lieux par roman

Conte du Graal

55.70%

25.50%

14.09%

4.03% 0.67%

château

tour

maison

forteresse

manoir

286 Catherine Blons-Pierre

Jardin, espace clos de la littérature romane des xiie–xiiie siècles Marie-Claire Gérard-Zai (Fribourg)

Le jardin et le verger jouent un rôle non négligeable dans la littérature médiévale : lieux protégés, lieux de la rencontre, lieux d’intimité et de méditation, cadre de l’‹ aventure › et de la ‹ fin’Amors › ; cet espace polysémique devient le réceptacle de la parole, du signe et du message. Il délimite un endroit organisé où se trouvent encloses toutes les formes du savoir, il représente les mots, la connaissance. Loin d’être une invention du Moyen Âge, il acquiert, à cette époque-là, une fonction spécifique qui se démarque par rapport aux conventions du topos du locus amoenus de la tradition poétique gréco-latine 1 et aux exigences de la rhétorique de la Renaissance. Par rapport aux interventions de collègues médiévistes, historiens et philosophes, l’objet de la communication se place sur un plan un peu différent : elle est consacrée à la littérature, plus précisément la littérature courtoise, c’est-à-dire à des conceptions fictives qui appartiennent à l’espace 2 imaginaire tel que l’a défini Jacques Le Goff. Le jardin dont nous parlerons sera celui des poètes et romanciers médiévaux, illustré postérieurement, cent ou cent cinquante ans plus tard par des miniaturistes et non celui des cadastres ou des archives. Le sujet est immensément large – et à lui tout seul pourrait constituer le thème d’un congrès : je restreindrai donc fortement les objets analysés : je privilégierai d’une part la langue d’oc des xiie et xiiie siècles à travers la poésie lyrique des troubadours et un texte narratif de la France du Sud et d’autre 1

2

Le thème du jardin a suscité ces dernières années de multiples colloques, dont celui de l’Université de Lausanne en mai 2009, intitulé ‹ Les Jardins dans l’Antiquité ›, plusieurs publications de qualité et une exposition à Paris au Musée national du Moyen Âge (Thermes de Cluny) en 2002 : Sur la terre comme au ciel. Jardins d’Occident à la fin du Moyen Âge, Catalogue de l’exposition du 6 juin–16 septembre 2002 au Musée national du Moyen Âge, Thermes de Cluny, Paris 2002. Le Goff, Jacques, L’Imaginaire médiéval, Essais, Paris 1985.

288

Marie-Claire Gérard-Zai

part la langue d’oïl (l’ancien français) de la même période à travers deux ou trois trouvères et quelques exemples de littérature narrative. 3 J’exclurai le jardin monastique, et le fameux plan du ixe siècle de l’abbaye de St-Gall, jardin compris, avec son herbularius (jardin médicinal jouxtant l’infirmerie), son viridarium (jardin du cimetière et verger) et son hortus (jardin potager) considéré comme la référence du monde médiéval en terme d’organisation monastique, qui servira de modèle pour la construction des monastères et des abbayes pratiquement jusqu’au xviiie siècle, suscitant de très nombreuses compositions littéraires en latin d’abord puis en langue 4 vulgaire. À part ce célèbre exemple, nous ne connaissons aucun plan de jardin réalisé au Moyen Âge ; nous ne possédons que les témoignages indirects des miniatures et des peintures postérieures de plusieurs siècles. J’exclurai également le jardin de paysan, peu présent dans la littérature, pour privilégier le ‹ jardin courtois ›, le jardin aulique dans l’enceinte du château qui deviendra le cadre idéal de l’action et du récit courtois. Je ne m’occuperai, dans le cadre étroit de ce colloque, que du jardin profane, occultant l’abondante littérature religieuse dans laquelle la valeur spirituelle du jardin est renforcée, aux yeux des auditeurs chrétiens de l’époque par la personnalité du Christ jardinier qui apparaît ressuscité à Marie-Madeleine et l’inépuisable littérature mariale (latine et en langue vernaculaire) dans laquelle la Vierge devient le sujet majeur de quasi toutes les allégories et de tous les jardins. 5 Pour reprendre les mots de Pierre Grimal, « le jardin, œuvre des hommes, ne relève pas seulement de la botanique, de l’esthétique […] mais aussi de la religion, de la métaphysique puisque, dans son essence, le jardin met en question les rapports de l’homme et de la Création ». Les Livres sacrés, la Bible parle d’un « jardin » où l’homme aux premiers temps, fut placé et qu’il perdit. « Cela conférait à l’idée même de jardin une aura de sacralité ; il était 6 l’un des lieux où semblait s’engager le dialogue entre Dieu et les hommes ». L’histoire des jardins se confond avec l’histoire des hommes depuis la Genèse où le paradis terrestre est un jardin cultivé par Adam et l’on ne peut occulter 7 le ‹ Cantique des Cantiques › (iv, 16), où l’on trouve l’un des plus beaux 3 4 5 6 7

Ernst Tremp (Stiftsbibliothek St. Gallen) analyse avec pertinence, dans ce volume, les commentaires d’Ekkehart iv. Voir l’étude de Heitz, Carol, L’exemple des Jardins de Saint-Gall, dans : Jardins du Moyen Âge, éd. par Pierre-Gilles Girault, Paris 1995, pp. 25–35. Grimal, Pierre, Jardins du Moyen Âge, Paris 1995, Introduction, p. 6. Ibid., p. 6. Ct 4, 12–16 ; Gn 2, 9–10.

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hymnes en l’honneur des jardins : celui-ci est toujours présent en filigrane dans les textes des auteurs du Moyen Âge. Le jardin médiéval littéraire a une fonction et une signification propres que nous tenterons d’analyser. Une interrogation tout d’abord : Quels sont les éléments constitutifs du jardin courtois médiéval ? Il n’est pas inintéressant de se pencher sur la terminologie utilisée à l’époque médiévale et l’analyse de ce champ lexical et de ses origines sont révélatrices. Le français et l’occitan ont utilisé, mais peu fréquemment, le mot ort (du 8 9 latin hortum ) ou son diminutif ortel, on trouve fréquemment dans les 10 chartes oche, ouche (du bas-latin ocla, mot d’origine gauloise) « terrain cultivé, généralement clos, proche de la maison » mais pratiquement jamais dans les textes littéraires ; dès 1150, on rencontre les formes gart, jart, 11 jardin, chardin en ancien français (venant d’un francique gart ou gardo, très répandu en germanique [cf. all. Garten, angl. Garden] et qui donnera la forme adjectivée gardinum, d’où hortus + gardinus) « jardin entouré d’une clôture ». C’est la forme française qui influencera les formes provençales, gardi, jarzin, l’italien giardino, le catalan jardi, l’espagnol jardin ou le portugais jardim. Quand on parle de jardin ou de verger, vergier, verdier, verzier 12 en occitan, terme attesté dès 1080, il désigne au Moyen Âge certes un terrain planté d’arbres fruitiers, mais le plus souvent un ‹ jardin d’agrément ›, d’ailleurs les deux mots sont des synonymes chez la plupart des auteurs

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Walther von Wartburg, Französisches Etymologisches Wörterbuch. Eine Darstellung des galloromanischen Sprachschatzes (dorénavant FEW), iv, 489. 9 horticulum. 10 FEW vii, 339 ; dans les nombreux dialectes qui usent du mot ouche, le sens de « jardin enclos fait dans une bonne terre » est fréquent. Cette expression est d’autre part répandue en toponymie. V. Gendron, Stéphane, Les Noms des lieux en France. Essai de toponymie (Collection des Hespérides), Paris 2003, p. 227. Voir Lectures de l’Atlas linguistique de la France. Carte 22. ALF 712 Jardin : aires lexicales, p. 58. Voir également Coulet, Noël, Jardin et jardiniers du roi René à Aix, dans : Annales du Midi 102 (1990), pp. 275–286, en particulier, les pièces justificatives des Archives départementales des Bouchesdu-Rhône. Ménard, Philippe, Jardins et Vergers dans la littérature médiévale, dans : Flaran 9 (1989), pp. 41–70. 11 FEW xvi, 18–22. 12 FEW xiv, 506 sq. Il vient de viridis, ou plutôt du neutre pluriel viridia, d’où le latin viridarium et viridiarium ; transmis grâce au succès de la littérature courtoise, la forme gallo-romane a donné entre autres, l’italien ‹ verziere ›, le catalan ‹ verger ›.

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médiévaux comme le romancier Chrétien de Troyes et les troubadours Bertran de Born, Jaufré Rudel ou Arnaut Daniel. Pour le jardin, le verger de nos poètes, il y a évidemment certains éléments préétablis : C’est un espace conquis sur la nature, une clairière défrichée, protégée des intrus et des animaux sauvages par des barrières, des clôtures. L’endroit doit 13 impérativement être clos, entouré d’une haie vive, d’épineux, d’un mur, 14 15 en briques ou crénelé, d’une claie, treillage en osier, en bois, de fascine, 16 sorte de fagot serré de branchages servant à combler des fossés, de palis, 17 rangée de pieux formant une enceinte, ou encore de plaissis, plessis, clôture faite d’un entrelacs de branches d’osier, de coudrier ou de châtaignier ; les 18 textes littéraires utilisent le terme pourpris, porpris : enceinte, enclos, jardin et par extension (dans le ‹ Roman de la Rose ›), il prendra la signification de ‹ verger d’amour ›. Les nombreuses miniatures qui illustrent cette œuvre nous montrent un lieu rigoureusement clos, protégé et fermé par une petite porte (un huis), un guichet, réservé à des élus. Á part, la clôture, indispensable, nous trouvons d’autres éléments non essentiels mais qui peuvent jouer un rôle littéraire certain : le point d’eau ; celui-ci peut revêtir la forme d’une fontaine de marbre, d’une source vive ou d’un puits ; les arbres : espèces indigènes ou exotiques, les fruits les plus variés, les fleurs, aux couleurs et parfums remarquables, avec une prédilection pour les rosiers, qu’ils soient blancs ou rouges, les lys, les violettes, les iris, les giroflées, les pervenches, les marguerites… Nous trouvons également divers oiseaux dont le chant ensorcelle les protagonistes et d’autres animaux : daims, cerfs, écureuils ou lièvres. Quant à la forme de ces jardins médiévaux, selon les rares descriptions ou plans que nous livrent les Archives, ils seraient plutôt rectangulaires ; les textes littéraires et l’imaginaire des miniaturistes leur attribuent des formes 19 circulaires voire elliptiques. Dans le ‹ De Amore › d’Andreas Capellanus 13 Dans le ‹ Cantique des Cantiques › déjà « Elle est un jardin bien clos » Ct vi, 2. 14 Ancien français cleide, du gaulois cleta ou d’une soif du latin saepem « clôture, palissade ». 15 Ancien français faissin, fessine, du latin fascina. 16 Bas-latin palicium, de palus, « pal ». 17 Vient du verbe de l’ancien français plaissier (latin populaire plaxare) « tresser, tordre ». 18 Vient du latin porprehendere, en ancien français pourprendre « entourer ». 19 Andreae Capellani regii Francorum De Amore Libri tres, éd. Emil Trojel, München 1964 ; André le Chapelain, Traité de l’amour courtois. Traduction,

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troisième tiers du xiie siècle, par ex., au Livre i, dans le dialogue intitulé ‹ Loquitur nobilis nobili › (dialogue entre un noble et une femme de la noblesse), le chapelain de la Comtesse Marie de Champagne nous décrit longuement un espace circulaire, divisé concentriquement en trois parties distinctes, trois cercles. Andreas donne une évocation du locus amoenus (avec tous les éléments traditionnels : prairies, profusions d’arbres fruitiers, source jaillissante, poissons, etc.) jouant habilement entre une représentation résolument profane et courtoise, un espace voué aux plaisirs de la fin’Amor et une interprétation chrétienne, reprenant les images bibliques et renvoyant à un idéal de perfection. Jean de Meun, vers 1270, auteur de la seconde partie du célèbre ‹ Roman de la Rose ›, oppose le carré (la quarrure du jardin de Déduit [du Plaisir]) à la circularité (la rondesce du jardin de Genius de la première partie), de son prédécesseur, Guillaume de Lorris, opposant, entre autre l’œuvre humaine à l’œuvre divine, selon une des innombrables interprétations de cet ouvrage éminemment complexe. Nous venons de citer le ‹ Roman de la Rose › […] Quand on s’occupe de jardins profanes au Moyen Âge, il y en a un qui semble incontournable, c’est celui du ‹ Roman de la Rose › pour plusieurs raisons, dont deux principales : c’est la description la plus longue et la plus circonstanciée (elle couvre près 20 de 1500 vers) et grâce à la notoriété de ce texte, conservé dans quelque 300 21 manuscrits, nous avons le privilège d’avoir de très nombreuses miniatures, mais qui sont souvent postérieures d’un siècle ou deux à la rédaction du texte, ce qui modifie considérablement la perspective. Elles sont le plus

introduction et notes par Claude Buridant, Paris 1974 ; Andrea Capellano, Trattato d’amore. Testo latino del sec. xii con due traduzioni toscane inedite del sec. xiv, a cura di Salvatore Battaglia, Roma 1947. 20 Dès les vers 129, jusqu’au vers 1678, si l’on inclut l’épisode de la fontaine de Narcisse. L’édition récente : Guillaume de Lorris et Jean de Meun, Le Roman de la Rose. Édition d’après les ms BN 12786 et BN 378, traduction, présentation et notes par Armand Strubel (Lettres Gothiques 4533), Paris 1992 complète les éditions de Ernest Langlois (Société des Anciens Textes Français, 1914–1924, en 5 vol.) et de Félix Lecoy, en 3 vol. (Les classiques français du moyen âge, 1965–1970). 21 La première étude globale, fort ancienne, est due à Kuhn, Alfred, Die Illustration des Rosenromans, Freiburg i.Br. 1911, suivie d’études plus ponctuelles.

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souvent le reflet de l’époque de leur exécution et du milieu pour lesquelles ces œuvres picturales ont été exécutées. Ce long texte de plus de 22’000 octosyllabes raconte sous la forme d’un songe allégorique la conquête par le narrateur de la rose qui représente la femme aimée Ce est li romanz de la rose / Ou l’art d’amours est toute enclose v. 37–38. (C’est le ‹ Roman de la Rose › qui contient tout l’art d’aimer). Dans la première partie, l’auteur entreprend de raconter ce rêve qui porte sur une aventure amoureuse et s’étend sur la vision d’une rose dans un verger qu’il décrit minutieusement, il narre la naissance du désir et les tentatives pour cueillir cette fleur. Le verger est longuement décrit : le protagoniste fait un songe, il s’approche du verger, avec ses solides murailles qui le protègent, il est accueilli par la portière, Dame Oiseuse, il découvre la splendeur des arbres fruitiers, des pins, des cyprès, les plantes odoriférantes, les épices indigènes et exotiques, les bosquets de roses, les chants d’oiseaux, la source d’eau vive… Le narrateur fait la connaissance des hôtes du verger : Félonie, Vilenie, Convoitise, Avarice, Envie, Tristesse, Vieillesse, Papelardie, Pauvreté, mais aussi Amour, Ami et Raison ; il assiste ébloui à une carole. Il avoue Et sachez que je cuidai estre / Pour voir en paradis terestre. v. 635– 636. (Sachez que j’imaginais pour de vrai être en paradis terrestre). La seconde partie du ‹ Roman de la Rose › prendra une tonalité radicalement différente, très moralisatrice et ce verger quasi paradisiaque deviendra un miroër aus amoureus (v. 10.655), c’est-à-dire une somme, une encyclopédie. Jean de Meun pendant près de 400 vers (v. 20.292–20.671) compare les principaux éléments constitutifs du verger et les modifie (la forme passe de carrée à ronde, le cristal de la fontaine devient escarboucle, le pin se transforme en olivier) et comme le souligne excellemment Armand Strubel : « C’est là que l’entreprise de la continuation se dévoile définitivement comme une réécriture, qui touche aux sources mêmes de la fiction de Guillaume : le songe n’a apporté que des leurres et des illusions, la vraie vie 22 est ailleurs » ; « Par l’ironie, par la subversion, Jean de Meun fait apparaître […] le caractère factice de l’amour courtois et prêche la vérité de l’amour 23 selon la nature ». Si l’on suit l’hypothèse convaincante de Luciano Rossi, Jean de Meun serait le seul auteur du ‹ Roman de la Rose › et le texte de Guillaume de Lorris une œuvre de jeunesse de Jean de Meun qui la pour24 suivra sur un ton radicalement différent. 22 Éd. Strubel (note 20), note, p. 1163. 23 Zink, Michel, Le Moyen Âge : Littérature française, Nancy 1990, pp. 115–116. 24 Rossi, Luciano, Du nouveau sur Jean de Meun, dans : Romania 121 (2003), pp. 430–460 et Rossi, Luciano, Jean de Meun e Guido Guinizelli a Bologna, dans :

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Un des plus éminents spécialistes actuels du ‹ Roman de la Rose ›, Armand 25 Strubel a analysé si magistralement comment l’auteur du ‹ Roman de la Rose › se livre à un exercice d’ekphrasis, variante à l’amplification traditionnelle, qu’il serait outrecuidant d’ajouter une petite pierre à ces études sur la description du verger et à une bibliographie qui compte, à ce jour, plus d’une 26 centaine de titres. C’est la raison pour laquelle, j’ai choisi d’autres jardins moins connus. Le premier volet analysera le jardin des troubadours. Un aspect doit immédiatement être clarifié : il ne s’agit pas de la strophe introductive des trouvères et troubadours occitans qui permet au poète d’être en communion avec le renouveau de la nature. La strophe printanière, ce que l’on nomme traditionnellement « Natureingang », n’est pas un ornement monotone et lassant mais, comme l’exprime excellemment Michel Zink c’est « un élément fondateur de cette poésie, sa justification, le lieu où elle 27 prend sens ». Cette strophe permet de mettre en jeu les cinq sens : les arbres verdissent, se couvrent de fleurs odoriférantes, la douceur des chants des oiseaux enchantent […] bref, un ensemble d’éléments convenus et récurrents qui invitent à composer, à trobar et à chanter l’amour de la domna (la dame aimée). Dans l’exorde printanier, rarement hivernal ou automnal, il suffit de citer presqu’allusivement un des termes pour initier ce locus amoenus (lieu 28 de plaisance) attendu et quasi obligatoire. Ce qui m’intéresse ici, et qui n’a pratiquement jamais été étudié, c’est le jardin ou le verger dans le corpus des 29 quelque 2500 cansos (poèmes accompagnés de musique) des troubadours. Nous n’aurons, bien entendu, pas les longues descriptions des textes narratifs : c’est à peine une strophe, deux ou trois vers. Le jardin des troubadours est un espace, bien délimité : attenant ou jouxtant le château, il est éloigné de la menace de la forêt, du monde extérieur, du danger des ennemis de la fin’Amor, de la duplicité des lauzengiers

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Bologna nel Medioevo. Atti del Colloquio Internazionale, Bologna, 28–29 ottobre 2002 (Quaderni di Filologia Romanza 17), Bologna 2004, pp. 87–108. Éd. Strubel (note 20). Strubel, Armand, L’allégorie et la description : le début du ‹ Roman de la Rose › de Guillaume de Lorris, dans : Riens ne m’est seur que la chose incertaine. Etudes sur l’art d’écrire au Moyen Âge offertes à Eric Hicks, Genève 2001, pp. 121–132. Zink, Michel, Nature et poésie au Moyen Âge, Paris 2006, p. 123. Il a été abondamment analysé, ce sera le sujet privilégié de débats et polémiques dès le xixe siècle de Gaston Paris à Alfred Jeanroy jusqu’à nos jours. Si l’on excepte l’article de Brea, Mercedes, L’Hortus conclusus dans la poésie lyrique des troubadours, dans : L’espace lyrique méditerranéen au Moyen Âge, Toulouse 2006, pp. 101–119.

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(médisants) et de la fourberie sournoise des gilos (jaloux) ; cette fin’Amor, 30 « force au centre de tout, moteur des choses et des êtres ». Il a également, et c’est là que nous touchons un point essentiel, une fonction bien déterminée : c’est un lieu d’intimité privilégiée, c’est, comme nous l’indiquent explicitement plusieurs passages des poètes (ceci dès 1125 environ ) l’équivalent d’un autre lieu fermé et protégé, le lieu érotique par excellence de la 31 fin’Amor, la cambra (la chambre du château). Cette alternance, ce refuge protecteur, éloigné des regards, nous est décrit par Jaufré Rudel, vers 1140, dans la célèbre canso Lanquand li jorn son lonc en mai : (Lorsque les jours sont longs en mai) Qu’ieu veia sest’amor de lonh Veraiamen, en tals aizis, Si que la cambra e.l jardis 32 Mi resembles totz temps palatz ! (strophe iv, vers 39–42) (Que je voie cet amour lointain pour de bon, en des lieux tellement agréables 33 que la chambre et le jardin me semblent toujours un palais !).

également du même auteur, le seigneur de Blaye, les vers de Quan lo rius 34 de la fontana : E non puesc trobar meizina Si non vai al sieu reclam Ab atraich d’amor doussana Dinz vergier o sotz cortina Ab dezirada companha. (strophe iii, vers 10–14)

30 Roubaud, Jacques, Les Troubadours. Anthologie bilingue, Paris 1971, p. 10. 31 Roubaud, Jacques, La fleur inverse. Essai sur l’art formel des troubadours, Paris 1986, pp. 159 sq : « […] la chambre est aussi le ‹ jardin fermé », le hortus conclusus de la tradition méditerranéenne. L’amors don ieu sui mostraire / nasquet en un gentil aire / e-l luocs on ill es creguda / es claus de rama branchuda / e de chant e de gelada / qu’estrains no l’en puesc estraire. (Traduction de Jacques Roubaud : « L’amour dont je suis montreur / naquit dans un air de noblesse/ et le lieu où elle a grandi / est clos de feuillage branchu / contre le froid et la gelée / nul intrus ne l’en volera) ». 32 Lanquand li jorn son lonc en mai, L’amore di lontano di Jaufré Rudel, éd. par Giorgio Chiarini, Roma 1960, réimpression Roma 2006, strophe vi, vers 39–42. 33 Traduction de Pierre Bec, Nouvelle anthologie de la lyrique occitane du Moyen Âge, Avignon 1972, légèrement modifiée, pp. 181–184. 34 Quan lo rius de la fontana, Chiarini (note 32), strophe iii, vers 10–14.

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(Quand l’eau de la source devient plus limpide. Et je ne puis trouver de remède, si je ne me rends à son appel, dans le charme d’un doux amour, dans le 35 verger ou sous les tentures, avec la compagne désirée). 36

Marcabru, après 1135, dans l’étonnante pièce ‹ A la fontana del vergier › nous décrit ce lieu. (À la fontaine du verger, où l’herbe verdoie le long du gravier, à l’ombre d’un arbre fruitier, dans un entourage de blanches fleurs et parmi les chants coutumiers de la saison nouvelle […]), le narrateur rencontre une jeune femme qui se lamente du départ de son ami pour la Croisade et maudit le roi Louis vii qui organisa cette Croisade. Vers 1180, Arnaut Daniel, élevé par Dante au premier rang des trouba37 dours et qualifié par Pétrarque de « gran maestro d’amore », dans sa sextine si hermétique, (Lo ferm voler q’el cor m’intra) établit également une équivalence entre les deux éléments jausirai joi en vergier o dins chambra (J’aurai 38 ma joie au verger ou dans la chambre). Et encore un autre troubadour, 39 mentionné entre 1190 et 1221, Aimeric de Peguilhan : No.m meravill si m’en ai desirier / Qu’eu la tengues en chambra o en vergier (Je ne m’émer40 veille pas si j’ai désir de l’avoir avec moi dans une chambre ou un verger). Le trobar de nos poètes célèbre la fin’Amor, source de toutes les vertus – principe créateur de l’écriture poétique – clé de voûte d’un système de valeurs d’une morale laïque, à contre-courant de l’antiféminisme médiéval et de la doctrine de l’Eglise. Le troubadour aspire à connaître, dans une sorte d’ascèse, le joy, vérité suprême de l’existence, essence de l’amour par une alliance complexe de souffrance de d’exaltation, redoutant la disparition du désir dans l’aboutissement du désir même. Dans une alba (aube) anonyme, En un vergier, sotz fuella d’albespi (En un verger, sous le feuillage d’une aubépine), une des plus belles aubes qui nous soit parvenue et que le philologue Alfred Jeanroy, pourtant si avare en compliments quand il analyse la littérature vernaculaire médiévale, qualifie

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Traduction de Pierre Bec (note 33), p. 179. Bec (note 33), pp. 88 sq. Purg. xxvi, 117. Lo ferm voler q’el cor m’intra, Arnaut Daniel, Canzoni, éd. par Gianluigi Toja, Firenze 1961, strophe i, v. 6, traduction de l’éditeur italien, p. 384 : « godiò la gioia d’amore, in verziere o in camera ». 39 Aimeric de Peguilhan est mentionné entre 1190 et 1221, il séjourne en Catalogne, en Italie du Nord ; près de 50 cansos nous sont conservées. The Poems of Aimeric de Peguilhan, éd. par William P. Shepard et Frank M. Chambers, Evanston 1950, v. 29–30. 40 Traduction de Mercedes Brea (note 29), p. 107.

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le texte d’« une des perles de la poésie provençale », récemment éditée en 41 2008 par Christophe Chaguinian ; le poète chante, au point du jour, la séparation des amants : Bels dous amicx, fassam un joc novel Yns e.l jardi on chanton li auzel, Tro la guaita toque son caramelh. 42 Ref. Oy Dieus, oy Dieus, de l’alba, tan tost ve ! (strophe iii) (Trad. de l’éditeur : Beau, doux ami, jouons un nouveau jeu, dans le jardin où chantent les oiseaux, jusqu’à ce que le guetteur joue de son chalumeau. Avec le refrain : Oh ! Dieu ! Oh ! Dieu ! cette aube ! comme elle vient tôt !).

Dans la charmante pièce occitane, ‹ Las Novas del Papagay ›, composée vers 43 1250, et attribuée au troubadour Arnaut de Carcassés, le texte s’ouvre par la présentation exordiale convenue Dins un verdier de mur serrat / A l’ombra 44 d’un laurier folhat (À l’intérieur d’un verger clos par un mur, à l’ombre d’un laurier feuillu). Le sujet de ‹ las Novas › est le suivant : une domna de la haute société, dont on tait le nom, reçoit dans son verger un perroquet anthropomorphe qui se fait le messager de son maître Antiphanor et lui fait part de la passion que celui-ci éprouve pour elle ; elle proteste avec vigueur qu’elle aime son mari, (bien qu’elle soit en quelque sorte sa prisonnière). Après un échange de réparties dans le plus pur style de la tenso occitane (jeu parti), elle accepte une entrevue et donne un anneau et un cordon ouvré d’or comme gages de son accord. Pour favoriser cette rencontre dans le verger clôturé Mas aquest verdier es trop claus / e las gardas non an repaus, v. 172–173 (Mais ce verger est parfaitement clos et les gardiens ne se reposent jamais), le papagay imagine alors un stratagème pour que les futurs amants puissent se rencontrer à l’insu du mari jaloux. Il mettra le feu au

41 Les Albas occitanes. Étude et édition par Christophe Chaguinian. Transcription musicale et étude des mélodies par John Haines (Classiques français du Moyen Âge 156), Paris 2008, pp. 206–212. 42 Ibid., strophe iii, p. 209, traduction p. 210 (légèrement modifiée). 43 La tradition manuscrite de ce texte est particulièrement complexe : si l’on néglige les fragments (G : Milan, Biblioteca Ambrosiana, R 71, Riccardiana 2756 : Florence, Biblioteca Riccardiana 2756), nous avons le manuscrit R (Paris, BNF, fr. 22553, ancien chansonnier d’Urfé) et le chansonnier J (Florence, Biblioteca Nazionale, F iv 776) qui sont les seuls à conserver l’ensemble du récit, avec des variantes notables. 44 Arnaut de Carcassés, Las Novas del Papagay, intr. et trad. de Pierre Bec, Mussidan 1988.

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donjon afin d’occuper les hommes du château. Antiphanor qui attend au pied du mur (v. 236) entre dans le verger par le portail que la dame ouvre malgré la surveillance des guetteurs ; lorsque le feu embrase les communs et la tour et que les gens du château sont tous mobilisés pour éteindre l’incendie, la dame et Antiphanor peuvent prendre librement leurs ébats (dans un lit) au-dessous d’un laurier (Antiphanor intr’el verdier, / en un lieg dejotz un laurier v. 266–267), avec discrétion, le poète ajoute : personne ne saurait conter la jouissance qu’ils partagèrent et dire celui qui fut le plus heureux des deux : il leur semble, à mon avis, connaître là leur paradis (v. 269–273) 45 c’aquo sia lur paradis. Lorsque l’incendie est éteint, le papagay vient mettre fin à cette brève rencontre qu’il avait suscitée, à la manière des aubes dans lesquelles le guetteur annonce le point du jour et le moment de la séparation des amants. Le verger /verdier n’est pas longuement décrit : il est clos de hauts murs, on y entre par une porte surveillée, la végétation dépeinte se limite aux lauriers et au pin mais ce qui me semble essentiel, c’est la fonction de ce verger, ici clairement identifié comme le lieu de la rencontre amoureuse dans la plus pure tradition de la fin’Amors. Opposition du donjon, symbolisé par le mari jaloux : nous retrouvons ici le genre prisé par les poètes occitans du Castia-Gilos (le châtiment du jaloux) et de l’espace du jardin, 46 dédié au plaisir amoureux. D’ailleurs le mot verdier, avec neuf occurrences 47 (dont une seule à la rime, il est vrai) et le mot jardi (une occurrence à la rime) ponctuent comme un motif récurrent et quasi obsessionnel cette brève ‹ Novas › de moins de 300 vers. Pour les troubadours, le verger, c’est le lieu du joy, « c’est [selon l’ex48 pression pertinente de Jacques Roubaud] l’état d’harmonie, d’extase et de perfection que donne l’amour quand la [domna] dame le veut, plus intense que son affaiblissement lexical ultérieur [français] ‹ joie ›, il colore le chant, illumine le monde pour les yeux du troubadour, il change tout en bien ». Pour la poésie lyrique de la France du Nord, au xiie et xiiie siècles, nous avons moins d’exemples de vergers ou de jardins. La chanson d’amour

45 E lunhs homs non o sap contar / lo gaug que fo entre lor dos, / cals pus fo del autre joyos : / vejaire lor es, so m’es vis, / c’aquo sia lur paradis. 46 Bec (note 44) : vers 1, 109, 123, 130, 144, 159, 172, 238 et 266 (à la rime). 47 Ibid. vers 10 (à la rime). 48 Roubaud, Jacques, Les Troubadours, Paris 1971, pp. 15 sq.

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anonyme Or seux liés del dous termine souligne cette équivalence entre le verger et la chambre : Or seux liés del dous termine Ke naist la flor premerainne, Ke croist la flor en l’espine Et l’erbe leis la fontainne ; Lors ne puis avoir saixine De celi ke m’est lontainne, N’el vergier desous cortine Joie de volenteit plainne. (strophe 1, vers 1–8) (Maintenant je suis content de ce doux moment / où naît la première fleur / où croît la fleur sur l’aubépine / et l’herbe auprès de la fontaine. / Mais alors je ne peux posséder / celle qui m’est lointaine / ni au verger sous les courtines / avoir ma joie, de désir pleine.)

Dans les ‹ chansons de rencontre ›, le verger est, par excellence, le lieu 50 érotique entre un chevalier et une demoiselle, dans Ce fu en mai de Moniot d’Arras (dont l’activité poétique se situe durant le premier tiers du xiiie 51 siècle) ou dans la pièce anonyme du xiiie siècle, L’autrier un lundi matin entre une nonette et un frans moinnes loialz (une jeune nonne et un moine sincère et loyal). 52 Dans la chanson de toile, En un vergier, lez une fontenele, l’auteur anonyme nous raconte l’historiette d’une fille de roi, (mal) mariée à un vieillard, assise dans un verger, elle appelle l’ami cher à son cœur, le comte Gui, mais li mals mariz (v. 13) entend sa plainte, entre dans le verger et tant 53 la bati q’ele en fu perse et tainte (v. 15). La jeune femme revient à elle, invoque Dieu du fond du cœur afin de ne pas être oubliée et surtout que son ami revienne avant le soir. Dans la strophe conclusive, Notre Seigneur l’a très bien écoutée. Son ami est présent, il la réconforte Assis se sont sotz une 49 Chansons des trouvères : Chanter m’estuet, éd. par Samuel N. Rosenberg, Hans Tischler, avec la coll. de Marie-Geneviève Grossel (Lettres gothiques 4545), Paris 1995, Nº 43, pp. 218–221 ; il s’agit de la pièce RS 1386 qui n’est pas sans rappeler la dame lointaine de Jaufré Rudel. 50 Chanter m’estuet (note 49), RS 94, Nº 127, pp. 516–521. 51 Ibid., RS 1370, Nº 38, pp. 204–207. 52 Zink, Michel, Les Chansons de toile, Paris 1978, pp. 86 sqq. (RS 594). 53 Trad. strophe 3, « Le méchant mari entendit sa plainte. Il entre dans le jardin, il a enlevé sa ceinture. Il la battit tellement qu’elle en devint violette et livide : c’est tout juste s’il ne l’a pas tuée à ses pieds ».

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ante ramee ; la ot d’amors mainte larme ploree (v. 34–35), (Ils se sont assis sous un arbre fruitier aux larges branches ; là furent versées maintes larmes 54 d’amour). Ou encore la chanson de toile Bele Ysabiauz, pucele bien aprise du trouvère Audefroi le Bâtard. Ysabeau aime Gérard mais ses parents la marient, contre son gré, à un vavasseur ; désespéré, Gérard décide de partir outre-mer. Lors d’une dernière rencontre des deux amoureux, dans le verger, le mari les découvre et meurt de chagrin ; après des obsèques solennelles, Gérard devant la sainte Eglise a fait de sa dame son épouse. Il y a quelques (rares) jardins et vergers mentionnés dans un genre lyrique, plus populaire, la pastourelle. Contrairement au lieu fermé, clôturé que nous avons vu précédemment, la scène se déroule dans un lieu ouvert, souvent en pleine nature, au bord d’un bois, d’un bosquet, d’une rivière et le verger perd sa fonction pour ne devenir qu’un simple décor. Les trouvères, souvent anonymes, dans une langue crue et plus explicite, prennent le contre-pied de la poésie aulique et de ses codes courtois. Ils expriment leur désir et la satisfaction souvent brutale de celui-ci. La rencontre et le dialogue des deux protagonistes, d’une classe sociale différente, le chevalier et la jeune fille, peuvent se clore par le refus de la bergère, par une agression violente ou par l’acceptation ravie de la jeune femme, mais ils peuvent aussi se terminer d’une manière cocasse et ridicule pour le poète qui doit prendre la fuite, poursuivi par les coups de bâton de bergers venus à la rescousse de la jeune pastourelle. Pour la littérature narrative d’oïl, du xiie siècle, j’ai choisi l’œuvre romanesque du Champenois, Chrétien de Troyes. Pour l’iconographie, nous avons la chance de posséder les deux grands volumes illustrés des manuscrits de Chrétien, étude qui porte sur les quarante-cinq manuscrits qui transmettent ses textes et pour la première fois, nous avons un corpus 55 photographique (noir/blanc) aussi complet que possible ; en examinant attentivement les miniatures, je n’en ai trouvé aucune montrant un jardin ou un verger : les scènes de la chasse au cerf blanc, d’autres scènes de combat ou de rencontres amoureuses, agrémentées d’arbres stéréotypés ou de pins sont nombreuses. Mais les textes eux-mêmes sont plus explicites et nous trouvons 54 Chanter m’estuet (note 49), RS 1616, Nº 123, pp. 498–505. Ysabeau aime Gérard mais ses parents la marient, contre son gré, à un vavasseur ; désespéré, Gérard décide de partir outre-mer. Lors d’une dernière rencontre des deux amoureux, dans le verger, le mari les découvre et meurt de chagrin ; après des obsèques solennelles, Gérard devant la sainte Eglise a fait de sa dame son épouse. 55 Les Manuscrits de Chrétien de Troyes, éd. par Keith Busby et alii, Amsterdam/Atlanta 1993, (2 vol. illustrés).

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plusieurs passages révélateurs. Jean-Claude Bibolet a relevé trente-trois occurrences de verg(i)er et trois de jarz /jardin (par ailleurs les deux termes y sont parfaitement synonymes) dans les cinq romans ‹ Erec et Enide ›, ‹ Cligès ›, ‹ Yvain, Chevalier au Lion ›, ‹ Lancelot, Chevalier à la charrette › 56 et ‹ le Conte du Graal ›, c’est-à-dire sur 36.422 vers) ; on ne trouve de jardin ni dans ‹ Guillaume d’Angleterre ›, ni dans ‹ Philomena ›, dont les attributions sont sujettes à caution, ni dans la poésie lyrique de Chrétien de Troyes. Dans ‹ Cligès ›, composé vers 1176, nous avons le seul véritable « verger d’amour » décrit par Chrétien de Troyes. À Constantinople, Alis a usurpé le trône de l’empereur Alexandre et il obtient en mariage la fille de l’empereur d’Allemagne, Fénice. Dès que Cligès aperçoit Fénice, les jeunes gens tombent amoureux. Fénice se confie à Thessala, elle ne veut appartenir à deux hommes comme Iseut. Thessala, une magicienne, prépare un filtre par lequel Alis ne possèdera Fénice qu’en songe, il n’étreindra qu’une ombre. Fenice va simuler une grave maladie : elle sera la ‹ Fausse Morte ›, on la portera au tombeau. Après quinze mois confinée dans l’obscurité, Fénice entend chanter le rossignol, elle veut revoir la lumière du soleil, elle sort dans un verger splendide, elle retrouve Cligès. Fénice est libre, elle a quitté le statut de ‹ Fausse Morte › : Par l’uis est entree ou vergier, Qui molt li plaist et atalente. Enmi le vergier ot une ente Molt haute et bele et parcreüe 57 De flos chargie et bien vestue. (Par la porte elle entre dans le verger qui est conforme à ses désirs. Au milieu du verger se trouvait un arbre greffé chargé de fleurs et d’un riche feuillage qui s’évasait vers le bas).

Tout concourt à transmettre une impression de bien-être, la ramure de l’ente protège de la chaleur trop intense et les branches forment une sorte de voûte propice aux joies amoureuses. Et li vergiers est clos entor / De haut mur qui 58 tient a la tor (Tout autour le verger est clos d’un haut mur attenant à la tour). La sunt a joie et a delit (v. 6338) (Là ils se livrent à la joie et au plaisir) dit très sobrement Chrétien. Un chevalier (Bertrand) les découvre Soz l’ente 56 Bibolet, Jean-Claude, Jardins et vergers dans l’œuvre de Chrétien de Troyes, dans : Senefiance 28 (1990), pp. 31–40. 57 Chrétien de Troyes, Cligès, éd. par Charles Méla et Olivier Collet (Lettres gothiques 4541), Paris 1994, vers 6318–6322. 58 Ibid., vers 6339–6340.

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voit dormir a masse / Fenice et Cligés nu a nu (Sous l’ente, il voit dormir ensemble Fénice et Cligès, nue à nu). L’empereur, furieux, apprend la vérité. Á peine, les deux amants ont-ils le temps de fuir vers la Bretagne […]. Chrétien de Troyes ne s’attarde pas dans de longues descriptions de la nature : la place qu’il accorde au jardin est, il est vrai, moins importante que celle qu’il accorde à la forêt et à la nature sauvage, décor du début de plusieurs de ses romans. (‹ Le Chevalier au Lion › ou ‹ Yvain ›, ‹ Le Conte du Graal › ou ‹ Perceval ›). Les jardins ont chez lui une fonction, ils jouent un rôle dans l’action : ce sont souvent des lieux de passage, des lieux que l’on traverse pour aller ailleurs. Nous avons encore un autre verger clos, dans ‹ Cligès ›, celui du cimetière. Notre romancier le décrit entouré d’un haut mur et planté d’une grande quantité d’arbres. Le héros éponyme escalade un mur pour retrouver Fénice 60 La dedenz estoit .I. vergiers, / S’i avoit arbres a plenté. (Il s’agrippe au mur et l’escalade, car il avait force et souplesse. Il y avait au-dedans un verger, on y trouvait quantité d’arbres). Dans le ‹ Chevalier de la Charrette ›, Lancelot y donne rendez-vous à la reine Guenièvre, Quant par ceanz dormiront tuit, /Et si vanroiz par cel 61 vergier (à l’heure où tous en ces lieux dormiront, vous passerez par ce verger) et dans le ‹ Chevalier au Lion ›, Yvain sombrant dans la folie traverse 62 haies et vergers (endroit où on le recherche) pour s’enfoncer vers la vallée, dans la forêt. Dans ‹ Erec et Enide ›, le premier roman arthurien de l’auteur, composé vers 1170, le jardin présente un aspect fort différent : c’est un verger terri63 fiant et extraordinaire, entouré d’air, il n’y a ni mur, ni clôture mais par

59 Cligès (note 57), vers 6368–6369. 60 Ibid., vers 6114–6115. 61 Chrétien de Troyes, Le Chevalier de la Charrette ou le Roman de Lancelot, éd. Charles Méla (Lettres gothiques 4527), Paris 1992, vers 4510–4511. 62 Chrétien de Troyes, Le Chevalier au Lion ou Yvain, éd. David F. Hult (Lettres gothiques 4539), Paris 1994, vers 2804–2812. 63 Chrétien de Troyes, Erec et Enide, éd. Jean-Marie Fritz (Lettres gothiques 4534), Paris 1992, vers 5731–5737 Ou vergier n’avoit environ / Mur ne paliz se de l’air non ; / Mais de l’air ert de totes parz, / Par nigromance clos li jarz, / Si que riens entrer n’i pooit, / Se par desore n’i voloit, / Ne que s’il fust toz clos a fer. (Autour du verger, il n’y avait ni mur, ni palissade, mais de l’air seulement. C’était de l’air qui de toutes parts formait par magie la clôture du jardin, si bien qu’on ne pouvait y pénétrer, sinon en volant par-dessus, comme s’il fût tout clos de fer).

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l’effet d’un pouvoir de ‹ nigromancie › (v. 5734), il y règne une atmosphère effrayante et paradisiaque à la fois. Ou vergier n’avoit environ Mur ne paliz se de l’air non ; Mais de l’air ert de totes parz, Par nigromance clos li jarz, Si que riens entrer n’i pooit, Se par desore n’i voloit, Ne que s’il fust toz clos a fer. (Autour du verger, il n’y avait ni mur, ni palissade, mais de l’air seulement. C’était de l’air qui de toutes parts formait par magie la clôture du jardin, si bien qu’on ne pouvait y pénétrer, sinon en volant par-dessus, comme s’il fût tout clos de fer). 64

Il y a là, à toutes saisons, des fleurs et des fruits mûrs, des ‹ simples › en abondance, des plantes rares et la mélodie des oiseaux ; il y a une entrée, exiguë qui sert également de sortie à condition de ne rien emporter mais aussi (et surtout) une rangée de pieux aigus portent des heaumes, avec des têtes de morts, sauf le dernier auquel un cor [instrument de musique] est 65 suspendu : c’est l’épisode mystérieux de la ‹ Joie de la Cour ›. Quiconque pénètre dans cet enclos magique doit combattre le chevalier géant Mabonagrain, retenu prisonnier, et au terme de cet assaut, le vaincu aura la tête fichée sur le dernier pieu ; mais Erec, après avoir surmonté de nombreuses épreuves, met fin à ces enchantements maléfiques, il vaincra Mabonagrain, sonnera le cor et suscitera à nouveau la joie à la cour du roi Evrain. Il s’agit ici d’un verger particulier, d’un espace spécifique inspiré de la mythologie celtique, d’une aventure de l’‹ Autre Monde ›. Cette dernière et périlleuse épreuve permet de confirmer la progression du héros arthurien, elle accroît le prestige d’Erec dans sa quête et l’affirmation de sa valeur aux yeux d’Enide et devant toute la cour.

64 Erec et Enide (note 63), vers 5738 Et tot esté et tot yver / I avoit flors et fruit maür (Et tout l’été comme tout l’hiver, il y avait là fleurs et fruits mûrs). 65 Ibid., vers 5772–5778.

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Conclusion 66

Les jardins, les vergers jalonnent nos textes médiévaux galloromans : leurs descriptions ne relèvent pas de l’ornatus, du simple décor, ils participent à la senefiance profonde de la canso et du récit, lieu privilégié et dédié au Joy et à la fin’Amors ou lieux de passage et d’épreuves libératrices. Ces scènes ne sont pas dénuées d’intérêt comme on l’a prétendu : le motif du jardin est traité de manière très diversifiée selon les genres et les poètes, reflet d’une culture qui admet la cohabitation d’éléments hétérogènes.

66 Nous pourrions citer une longue liste d’œuvres narratives : le roman occitan Jaufré, le ‹ Roman d’Eneas ›, le ‹ Roman de Thèbes ›, le lai anonyme de l’‹ Oiselet ›, le conte de la ‹ Châtelaine de Vergy ›, les jardins florentins de Boccace, décor du ‹ Décaméron ›, entre autres, qui utilisent le motif du verger comme lieu où se réalise un certain idéal courtois. Le ‹ Dit dou Vergier › de Guillaume de Machaut au milieu du xive siècle reprend, quant à lui, les descriptions et éléments fondamentaux de la première partie du ‹ Roman de la Rose ›.

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Figure 1, Exemple de ‹ clôtures de plessis › , vers 1470. Cologny, Fondation Martin Bodmer, Cod. Bodmer 144, p. 39r – René d’Anjou : Le Mortifiement de vaine Plaisance. © 2006 Cologny, Fondation Martin Bodmer / e-codices (Terms of use)

L’espace sacré des églises byzantines Jean-Michel Spieser (Fribourg)

Le but de cette communication est de réfléchir, par quelques exemples qui sont loin d’épuiser la matière et la problématique, aux indications qui sont à notre disposition pour essayer, dans une certaine mesure au moins, de comprendre comment l’espace des églises byzantines était appréhendé par ceux qui y pénétraient et qui participaient à la liturgie et aux autres offices qui s’y déroulaient. En raison de la rareté des témoignages directs, c’est la disposition du décor qui, étroitement lié à la structure architecturale, suggèrera quelques pistes pour comprendre la perception de cet espace, que ce décor soit conservé ou connu par des sources écrites. Il faudra en particulier prendre en compte une différence fondamentale dans l’organisation du décor entre les grandes basiliques paléochrétiennes et les églises du Moyen 1 Âge byzantin. Pour les basiliques chrétiennes les plus anciennes, ce sont des ekphraseis qui permettent un certain nombre de remarques. L’ekphrasis a une tradition bien antérieure au christianisme et il n’y a rien de surprenant à ce que de telles descriptions accompagnent les premiers grands monuments 2 chrétiens. Il est néanmoins bon de rappeler que, dans la rhétorique traditionnelle, les descriptions les plus fréquentes ne concernent pas l’architecture et, peut-être encore moins l’intérieur des bâtiments, sauf quelques palais plus 1

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Pour des réflexions sur le caractère sacré en soi des églises paléochrétiennes et byzantines, on peut maintenant se reporter aux essais publiés dans un récent catalogue d’exposition : ûurþiü, Slobodan, Architecture as Icon, in : Architecture as Icon. Perception and representation of Architecture in Byzantine Art, éd. par Slobodan ûurþiü et Evangelia Hadjitryphonos, Princeton 2010, pp. 3–37 ; McVey, Kathleen E., Spirit embodied : The Emergence of Symbolic Interpretations of Early Christian and Byzantine Architecture, in : ibid., pp. 39–71 ; Saradi, Helen G., Space in Byzantine Thought, in : ibid. pp. 73–111 (en particulier 98–105). Pour les ekphraseis concernant les églises byzantines, voir Webb, Ruth, The Aesthetics of Sacred Space : Narrative, Metaphor and Motion in Ekphraseis of Church Buildings, in : Dumbarton Oaks Papers 53 (1999), pp. 59–74.

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ou moins fantastiques. Il y a certes des exceptions, comme la description par Lucien de la salle dans laquelle il fait son discours ou encore la description du décor intérieur du Tychaion d’Alexandrie, attribuée à Nikolaos le 4 Sophiste. Mais aucune de ces deux ekphraseis n’a à assumer la complexité de l’espace intérieur et du décor d’une église. L’intérêt au contraire, dès Eusèbe, pour les descriptions d’intérieur, permet de souligner encore une fois l’importance de la signification que la nouvelle architecture chrétienne donne au lieu de la rencontre entre Dieu et les fidèles. En effet, incluse dans un panégyrique de l’évêque Paulin, la description, ca 317, de la cathédrale 5 de Tyr par Eusèbe est le premier exemple d’une longue série. Le premier thème qui s’impose est l’importance accordée à la sacralité d’un espace, une fois qu’il a été consacré. La cathédrale est construite sur l’emplacement d’une église démolie lors de la dernière grande persécution. L’auteur insiste sur cette continuité, topographique évidemment et non architecturale. Eusèbe ne donne aucune indication qui permettrait de connaître la forme qu’avait ce premier lieu de réunion de la communauté chrétienne. Le second thème apparaît dans la description du nouvel ensemble : Eusèbe insiste sur sa splendeur. Cette insistance sur le luxe sera récurrente dans toutes les descriptions postérieures, mais c’était déjà un trait récurrent dans les ekphraseis plus anciennes. Il est néanmoins important de mettre en évidence que, dès l’époque constantinienne, un lieu sacré ne peut être qu’un lieu richement décoré. Il est inutile de rappeler que le sacré, dans toutes les cultures, doit se distinguer ; les premières grandes églises choisissent l’ostentation de la

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Pour l’ekphrasis en général, cf. Hohlweg, Arnim, s.v., Reallexikon zur Byzantinischen Kunst ii (1971), col. 33–75 (avec une vue rapide de l’ekphrasis antérieure au christianisme, col. 34–43) ; Downey, Glanville, s.v., Reallexikon für Antike und Christentum 4, 1959, col. 921–944. Lucien, Peri tou oikou (La Salle) in : Lucien, Œuvres. Introduction générale, Opuscules 1–10, éd. par Jacques Bompaire, Paris 1993, pp. 156–172 ; voir aussi l’ekphrasis du Tychaion d’Alexandrie dans les Progymnasmata attribués à Nicolas le Sophiste : Rhetores graeci i, éd. par Christian Walz, Stuttgart 1832ss. (réimpr. Osnabrück 1968), pp. 408–409. Ce discours a aussi été attribué à Libanios, éd. par Richard Foerster, vol. 8, Leipzig 1915, n°25, pp. 529–531. Eusèbe, Histoire Ecclésiastique, x, 4, 37–68, éd. par Gustave Bardy (Sources Chrétiennes 55), Paris 1958, pp. 93–103. Voir aussi la traduction de Cyril Mango, The Art of the Byzantine Empire 312–1453, Englewood Cliffs, N.J. 1972 (réimpr. Toronto 1986), pp. 4–7.

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richesse et de la puissance. Il serait plus exact de dire que, pour ces églises, c’est l’autorité impériale qui choisit cette forme de distinction. Dans la description de la cathédrale de Tyr, peu de détails sont mentionnés. L’immensité de l’espace est soulignée et apparaît comme un élément important. Eusèbe souligne encore la richesse des marbres, en particulier ceux 6 utilisés dans le pavement. Cette image peut être complétée par les informations données par le ‹ Liber Pontificalis › sur les fournitures données par Constantin aux basi7 liques qu’il fait construire à Rome, en particulier pour Saint-Pierre. On peut encore y ajouter les allusions d’Eusèbe à des lettres de Constantin à des évêques, dès « la paix de l’Église », lettres accompagnées de dons en 8 monnaie, sans oublier la lettre de Constantin à l’évêque de Jérusalem pour 9 la construction du Saint-Sépulcre. Tous ces témoignages confirment que la volonté impériale est à l’origine de ce développement, mais aussi qu’il a 10 été facilement accepté par la hiérarchie ecclésiastique. Après la sacralité du lieu et le fait que celle-ci est soulignée par le luxe et la richesse, le troisième thème qui s’exprime dans la description de l’église de Tyr est l’organisation spatiale de la première architecture chrétienne. La monumentalité de l’entrée 6 7

Eusèbe (note 5), x, 4, 45. Pour Saint-Pierre : Liber Pontificalis, i, éd. par Louis Duchesne, Paris 1886, pp. 176–178. 8 Eusèbe (note 5), x, 2. 9 Eusebius, Über das Leben des Kaisers Konstantin, éd. par Friedhelm Winkelmann (GCS Eusebius 1/1), Berlin 1991, iii, 31 ; cf. Eusebius, Life of Constantine. Introduction, translation and commentary, éd. par Averil Cameron et Stuart G. Hall, Oxford 1999. 10 Pour une réflexion sur cette direction prise l’art chrétien, cf. Février, PaulAlbert, Une approche de la conversion des élites au ive siècle : le décor de la mort, in : Miscellanea Historiae Ecclesiasticae vi, (Congrès de Varsovie, 25 juin–1er juillet 1978), Bruxelles 1983, pp. 22–46. Il attire en particulier, pp. 42–43, l’attention sur une parole prêtée à saint Martin, évêque de Tours, qui ne se réfère pas directement, il est vrai, au décor des églises, mais qui apparaît néanmoins comme un écho négatif de la richesse des décors : « Non le Seigneur Jésus n’a point prédit qu’il viendrait vêtu de la pourpre, ni avec un diadème éclatant ; pour ma part, je ne croirai à la venue du Christ que lorsqu’il se présente avec les habits et sous l’aspect qu’il avait lors de sa passion et s’il porte les marques de sa croix », avec renvoi, p. 42, n. 67 à Sulpice Sévère, Vie de saint Martin, vii, 5 (24, 4), éd. par Jacques Fontaine, t. i (Sources Chrétiennes 133), Paris 1967 pp. 304–307, le contexte étant une apparition au saint de Satan vêtu en souverain et se faisant passer pour le Christ.

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doit attirer les regards et donner envie, même à ceux qui ne sont pas encore chrétiens, de pénétrer dans l’édifice ainsi signalé. On n’est en fait pas loin du thème précédent ; c’est la grandeur qui doit attirer. Mais cet espace sacré est aussi hiérarchisé, de manière à régler l’accès aux différentes parties de l’église 11 depuis le non-chrétien jusqu’au clergé. Cette hiérarchie des personnes est subtilement mise en relation avec différents aspects de l’architecture d’une manière qui n’est pas toujours très claire. Sans en discuter le détail, on peut en rappeler les éléments essentiels, car si les modalités varient en fonction des régions et évoluent avec le temps, le principe en restera constant. En effet, avec quelques variantes, l’essentiel de la hiérarchie que l’on retrouvera dans les basiliques paléochrétiennes en général, est bien présente. L’entrée monumentale donne sur une cour, considérée encore comme extérieure à l’espace sacré, à laquelle peuvent encore accéder les non-baptisés et peutêtre même les non-catéchumènes ou, plutôt, des catéchumènes au début de leur instruction. Apparemment, cette église est encore dépourvue d’un narthex : aucun élément de la description ne renvoie à un espace qui pourrait être qualifié ainsi. Certains catéchumènes, les plus avancés sans doute, 12 accèdent aux nefs latérales. Les baptisés prennent peut-être place dans la 13 nef centrale, séparée du sanctuaire par une barrière en bois. En dehors de ces éléments qui, avec des variantes comme indiqué, deviendront classiques, un point doit retenir l’attention dans la perspective d’une réflexion sur la perception de l’espace. Eusèbe fait un parallélisme implicite et un peu inattendu entre la cour entourée de portiques, l’atrium dans la terminologie habituellement utilisée, et le corps même de l’église qu’elle 14 précède. Pour la cour, il précise, ce qui paraît évident, que l’espace entre les portiques est laissé libre, c’est-à-dire sans couverture. Pour le corps de l’église même, il parle d’un espace central, qu’il a l’air de désigner ici par le terme de naos, évidemment couvert, mais bordé de deux portiques. Il s’agit bien sûr de ce que nous appelons les nefs latérales, mais le vocabulaire utilisé par Eusèbe suggère que l’espace intérieur de l’église était perçu d’une 15 manière hétérogène. On pourrait penser qu’il s’agit d’une simple question 11 12 13 14 15

Eusèbe (note 5), x, 4, 63–66. Ibid., x, 4, 63. Ibid., x, 4, 45. Ibid., x, 4, 39 et 42. Le texte du paragraphe 42 n’est pas absolument clair et la traduction de l’édition Bardy (note 5) peut faire penser qu’il s’agit de portiques situés de part et d’autre de l’église, mais il faut préférer l’interprétation de Cyril Mango à cause du parallélisme avec l’utilisation du mot stoa par Choricius (voir

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de vocabulaire et que c’est l’utilisation du mot stoa, portique, utilisé à défaut de mieux pour la ressemblance formelle entre ces nefs et un portique, qui donne cette impression. Mais l’ordre même dans lequel Eusèbe agence sa description montre qu’il perçoit l’espace central, le naos, comme un espace réservé entre deux portiques. La séparation physique entre les ‹ portiques › et l’espace central et l’utilisation différenciée, dans certaines régions, en particulier en Grèce, entre nef centrale, réservée au clergé et nefs latérales pour les fidèles, renforce cette interprétation. Il est vrai qu’on ne retrouve pas ce problème dans la description que fait Eusèbe de ce qu’il appelle le Marty16 rion, qui est bien la basilique du complexe du Saint-Sépulcre à Jérusalem. Par contre, comme Eusèbe, Choricius, dans sa description de Saint-Serge 17 de Gaza, considère les deux nefs latérales comme des portiques qui partent 18 du narthex, lui-même décrit comme un portique. Cette description apporte un élément neuf par rapport aux basiliques constantiniennes, dû à la présence de voûtes qui seront un élément essentiel de l’architecture byzantine. On remarque certes une certaine difficulté ou lourdeur dans la description dès que des voûtes entrent en jeu ou, peut-être, dès qu’il y a combinaison entre un plan basé sur le rectangle ou le carré et des couvrements qui font appel à des formes dérivées de la sphère. Peut-être ne s’agit-il là que d’une difficulté due à la volonté rhétorique de ne pas utiliser le vocabulaire technique adéquat : il paraît connu par Choricius qui le cite brièvement, décrivant

ci-dessous), de la mention de fenêtres situées « au-dessus » et qui éclairent l‘« oikos », qui désigne certainement la nef centrale (les fenêtres mentionnées étant la claire-voie usuelle dans les basiliques). 16 Eusèbe, Vie de Constantin iii, 37. Ici, c’est l’emploi du mot « parastas » qui fait difficulté : Mango (note 5), p. 13, lui donne le sens, pas vraiment attesté, de « nef latérale ». La traduction de Averil Cameron et Stuart G. Hall montre que, en forçant un peu, le mot peut garder son sens habituel, Cameron (note 9), p. 136. 17 Choricius, Laudatio Marciani, i, 17–68, éd. par Richard Foerster, Leipzig 1929 ; traduction : Mango (note 5), pp. 60–68 ; en français : Abel, Félix-Marie, Gaza au vie siècle d’après le rhéteur Chorikios, in : Revue Biblique 40 (1931), pp. 5–31. L’église a été construite à une date pas complètement précisée entre 527 et 536 : Mango (note 5), p. 60, n. 25. 18 Choricius i (note 17), 22 et 24.

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l’abside comme un segment de cylindre placé verticalement et surmonté 19 d’un quart de sphère. De manière générale, dans la description de Choricius, l’accent est mis sur les voûtes, sur la hauteur de l’espace interne lié aux voûtes. Il paraît évident que la qualité visuelle d’un espace dominé par des voûtes, davantage sans doute que le symbolisme qui s’y superposera, a été, pour l’architecture byzantine, un facteur essentiel de la généralisation des voûtes et de 20 leur utilisation systématique qui commence en fait au vie siècle. L’insistance de Choricius est un signe de l’apport de l’utilisation des voûtes pour la perception de l’espace. On est alors au moment où la combinaison entre voûte, coupole en particulier, et plan basilical prend véritablement forme 21 et s’impose définitivement, ce qui permettait de réunir les avantages de la qualité de l’espace perçu et d’un plan qui correspond mieux à la hiérarchisation voulue de l’espace et au déroulement de la liturgie où les processions, y compris des processions qui avaient leur point de départ à l’extérieur de l’église, jouent un rôle important. La disposition du décor peint donne-t-elle des renseignements sur la manière dont l’espace d’une église était perçu ? On sait maintenant que les grands cycles picturaux, peintures ou mosaïques, ne semblent pas se répandre avant le dernier tiers du ive siècle. Ils ne sont en tout cas pas attestés auparavant, même si des décors peints devaient déjà exister antérieurement, comme le montre la maison chrétienne de Doura-Europos ou encore l’al22 lusion à des images dans un canon du « concile » d’Elvire. La description 19 Choricius i (note 17), 27. 20 Pour le rapport entre développement architectural et symbolisme, voir les remarques pertinentes de Ousterhout, Robert, The Temple, The Sepulchre, and the Martyrion of the Savior, in : Gesta 29 (1990), pp. 44–53. Pour la signification symbolique des couples en général, voir la mise au point de Arbeiter, Achim, s.v. Kuppel ii, Reallexikon für Antike und Christentum 22 (2008), col 488–517, en particulier 488–495. 21 Cf. maintenant sur cette question, Iacobini, Antonio, Un modello architettonico bisantino tra centro e periferia : la chiesa cupolata ad ambulacro, in : Rendiconti della Pontificia Accademia Romana si Archeologia 76 (2003–2004), pp. 135–174. 22 Pour les peintures du baptistère de Doura Europos, cf. toujours Kraeling, Carl, The Christian Building (The excavations at Dura Europos, final report 8, part 2), New Haven 1967. Pour le canon de ce que l’on appelle le concile d’Elvire, mentionnant des images (pour les interdire), Vives, José, Concilios Visigóticos e Hispano-Romanos (España Cristiana i), Barcelona/Madrid 1963, xxxvi, p. 8 ; Meigne, Maurice, Concile ou Collection d’Elvire ?, in : Re-

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la plus complète dont il est possible de se servir est de nouveau celle, plus tardive, de Saint-Serge de Gaza. Ce que dit Choricius du décor apparaît en deux temps. Lorsque, dans sa description de l’architecture, il en arrive aux absides, il décrit le décor en mosaïques de celles-ci, une Théotokos tenant l’Enfant, entourée de divers 23 personnages dont le fondateur de l’église et le saint auquel elle est dédiée. Il s’agit donc du même décor que celui de l’abside quasi contemporaine de 24 la basilique Euphrasiana de Poreć. Les absides latérales ont un décor purement végétal. Cette mise en valeur du décor des absides dans la description correspond sans aucun doute au fait que l’abside, en particulier l’abside centrale, est le point focal de la basilique et que son décor attire donc naturellement les regards. C’est bien cette organisation spatiale qui a permis, dans le plan basilical tel qu’il a été réinterprété dans l’architecture chrétienne, de placer le sanctuaire au point focal de l’architecture et de le rendre encore plus prégnant en le surmontant d’un Christ, image de Dieu, qui met le fidèle en présence de son Dieu avant que divers facteurs – l’introduction de la coupole en étant certainement un – n’entraînent progressivement une 25 autre disposition. Le reste du décor figuré n’est décrit qu’après l’architecture. De manière à première vue surprenante, Choricius annonce qu’il ne décrira pas les peintures, sans doute plutôt des mosaïques, sans que le mot grec qu’il emploie – istoriai – ne permette de préciser, figurées sur les murs, mais seulement 26 celles qui se trouvent dans le voûtes, désignées simplement par orophon. On peut y voir un choix rhétorique, la volonté de ne pas faire un discours trop long ou déséquilibré, et d’aller à l’essentiel, mais, pour cette dernière raison précisément, nous sommes de nouveau ramenés à la question de la hiérarchisation du décor, à la fois hiérarchie du sens et hiérarchie de l’emplacement. Ce sont bien les voûtes qui attirent les regards et c’est là qu’on place

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vue d’Histoire Ecclésiastique 70 (1975), pp. 361–387 ; Murray, Sister Charles, Art and the Early Church, in : Journal of Theological Studies 28 (1977), pp. 303–345, en particulier pp. 317–319. Choricius i, 27–31, Mango (note 5), p. 62. Terry, Ann et Maguire, Henry, Dynamic Splendor : The Wall Mosaics in the Cathedral of Eufrasius at Poreć, 2 vol., University Park, PA 2007. Spieser, Jean-Michel, Liturgie et programmes iconographiques, in : Travaux et Mémoires 11 (1991), pp. 575–590 ; id., Décor de portes et hiérarchisation de l’espace dans les églises paléochrétiennes, in : Klio 77 (1995), pp. 433–445. Choricius i, 47. Un peu plus haut, ibid., 26, il avait utilisé koilè orophè pour désigner des voûtes en berceau.

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les scènes les plus importantes. Choricius décrit ces images, qu’il appelle, comme mentionné, istoriai, comme un récit de la vie du Christ depuis l’An27 nonciation jusqu’à l’Ascension. Sa description se transforme d’ailleurs lentement en narration, si bien que, pour la fin de ce récit, c’est-à-dire pour les épisodes de la Passion, il n’est plus guère possible de déterminer quelles 28 scènes ou combien de scènes sont vraiment représentées. Choricius ne donne aucune indication précise sur l’emplacement de ces images en dehors du fait déjà signalé qu’elles se trouvent dans les voûtes. Il fait une seule exception, une brève mention des prophètes « qui entou29 rent le couvrement central », en utilisant de nouveau orophè, mais qui se 30 rapporte ici certainement à une coupole. Rien dans cette description ne nous permet de voir si, dans l’ordonnancement du décor est respecté le système qui est attesté avec certitude dans les quelques basiliques paléochrétiennes dont le décor est connu, parce qu’il est conservé ou grâce à des dessins modernes, allant du xvie au xviiie siècle. Dans toutes les basiliques dont le décor constitue un véritable programme, et ce malgré les différences de programmes, des deux côtés de la nef, les scènes se suivent à peu près chronologiquement avec, parfois, quelques inversions liées à la proximité du sanctuaire, en partant, de chaque côté de la nef principale, depuis le sanc31 tuaire. C’est le cas aussi bien à Rome pour Saint-Pierre, Saint-Paul-horsles-Murs, Sainte-Marie-Majeure qu’à Ravenne pour Saint-Apollinaire-leNeuf, pour les scènes christologiques qui datent des environs de 500 et qui 32 sont donc assez proches chronologiquement des mosaïques de Gaza. Cette disposition montre que ces scènes ne sont pas faites pour être vues et comprises par le fidèle qui entrerait dans l’espace du naos et se dirigerait

27 Choricius i, 48–76. 28 Cette absence de distinction entre description et narration est une caractéristique des ekphraseis : Webb (note 2), p. 64. 29 Choricius i, 76. 30 Mango (note 5), p. 68, n. 68, pense que les prophètes sont dans le tambour de la coupole. On peut aussi bien supposer qu’ils sont à la base de la coupole, comme c’est le cas, par exemple à Sainte-Sophie de Thessalonique . 31 Voir Spieser, Décor (note 25). 32 Pour Saint-Pierre et Saint-Paul-hors-les murs, cf. Kessler, Herbert L., Pictures as Scriptures in Fifth Century Churches, in : Studia Artium Orientalis et Occidentalis 2 (1985), pp. 17–31 (réimprimé dans id., Old St. Peter’s and Church Decoration in Medieval Italy, Spoleto 2002, pp. 15–43) ; pour Sainte-MarieMajeure, Brenk, Beat, Die frühchristlichen Mosaiken in S. Maria Maggiore zu Rom, Wiesbaden 1975 ; pour Saint-Apollinaire-le Neuf, Deichmann, Fried-

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vers le sanctuaire. Tout se passe comme si leur origine était dans le sanctuaire 33 et comme si c’étaient des images de la parole de Dieu. Il n’est pas exclu, mais il n’est pas possible de le montrer de manière sûre, que la présence d’une coupole à Saint-Serge de Gaza a entraîné une disposition différente annonçant celle qui va être la règle dans les églises médio-byzantines. Mais même les ekphraseis plus tardives qui, à partir du xe siècle, décrivent des églises contemporaines, ne rendent pas compte explicitement de cette transformation de la disposition du décor. Celle-ci est sans doute liée à l’adoption d’un plan centré. C’est le plan dit en croix grecque inscrite et ses variantes qui sont alors utilisés dans la grande majorité des églises byzantines. En même temps, certains aspects de la liturgie se sont transformés. L’entrée en procession du clergé ne se fait plus par la porte d’entrée de l’église ; elle est remplacée par une double entrée, dite ‹ petite entrée › et ‹ grande entrée › par lesquelles le clergé entre dans le naos, à partir de l’annexe nord du sanctuaire, la prothesis, et fait le tour de l’église pour péné34 trer dans le sanctuaire principal. De manière analogue pourrait-on dire, le décor aussi fait le tour de l’espace central de l’église. L’Annonciation, point de départ du cycle, est placé à l’Est ou au Sud-Est de l’espace central, les scènes se suivent ensuite chronologiquement en passant du Sud à l’Ouest, 35 puis au Nord. Mais, même dans la période où cette disposition des images était appliquée le plus systématiquement, mais jamais de manière rigide, il existe des exceptions, qu’elles soient constantes, comme la place presque toujours fixe de la Dormition de la Vierge, ou liées à des questions spéci36 fiques (choix du commanditaire, contraintes de l’architecture). Mais, même si les ekphraseis ne sont pas explicites à ce point de vue, on peut essayer de voir si l’ordre de la description, suivi dans certaines d’entre

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rich Wilhem, Ravenna. Hauptstadt des spätantiken Abendlandes. i Geschichte und Monumente, Wiesbaden 1969, pp. 176–198 ; id., Ravenna. Hauptstadt des spätantiken Abendlandes. ii.1, Kommentar, 1. Teil, Wiesbaden 1974, pp. 139–189. Spieser, Décor (note 25). Voir, par exemple, à titre d’introduction : Taft, Robert, The byzantine Rite. A short History, Collegeville, MN 1992, pp. 72–73 ; de manière approfondie, id., The Great Entrance. A History of the Transfer of Gifts and other Preanaphoral Rites in the Liturgy of St. John Chrysostom (Orientalia Christiana Analecta 200), Roma 1978. Spieser, Liturgie (note 25). À tire d’exemple, pour une analyse plus détaillée des programmes de SaintLuc en Phocide et de Daphni, cf. Cutler, Anthony et Spieser, Jean-Michel,

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elles, donne des indices. Aussi bien, au xe siècle, Constantin le Rhodien, dans sa description des Saints-Apôtres de Constantinople, que Léon vi, dans les sermons qu’il prononce à l’occasion de la consécration de deux églises, puis Nicolas Mésaritès, de nouveau pour les Saints-Apôtres, mais cette fois au xiie siècle, commencent par parler du Pantocrator qui se trouve 37 dans la coupole. Parfois est ensuite évoquée tout de suite la Vierge de l’abside, confirmant le rôle de point focal de ce lieu et de cette figure. Mais le reste du décor est ensuite décrit dans un ordre qui est d’autant moins facile à interpréter que ces descriptions ne sont pas nécessairement complètes. Constantin le Rhodien décrit onze scènes dans l’ordre chronologique des événements qu’ils représentent, mais sans indication sur leur locali38 sation, sauf à préciser qu’elles figurent dans les parties hautes de l’église. Nicolas Mésaritès, au contraire, décrit les scènes dans un ordre difficile à comprendre. On l’a interprété comme correspondant à ses préférences, mais 39 aussi comme lié à son cheminement dans l’église. Ces deux hypothèses

Byzance médiévale, 700–1204, Paris 1996, pp. 241–246. Pour une analyse intéressante d’une modification de ce système, liée à la volonté des commanditaires, Tsakalos, Antonis, Art et Donation en Cappadoce Byzantine : L’église Rupestre de Karanlık Kilise, in : Donations et donateurs dans l’empire byzantin, éd. par Spieser, Jean-Michel et Yota, Elisabeth (Réalités Byzantines 14), à paraître. 37 Constantin le Rhodien : Legrand, Émile, Description des œuvres d’art et de l’Église des Saints-Apôtres à Constantinople par Constantin le Rhodien, in : Revue des Études Grecques 9 (1896), pp. 36–65 (pour les mosaïques, cf. pp. 58–65 – v. 737 sqq.) ; commentaire de Théodore Reinach, ibid., pp. 66–103 ; pour les deux sermons de Léon vi, Frolow, Anatole, Deux églises byzantines d’après des sermons peu connus de Léon vi le Sage, in : Revue des études byzantines 3 (1945), pp. 43–91 ; pour le texte de ces deux homélies : Leonis vi sapientis imperatoris byzantini Homiliae, éd. par Théodora Antonopoulou (CC Series graeca 63), Turnhout 2008, pp. 423–429 (Homélie 31, sur l’église du monastère de Kauleas), et pp. 471–478 (Homélie 37 sur l’église de Stylianos) ; pour Nicolas Mésaritès : Nikolaos Mesarites : Description of the Church of the Holy Apostles at Constantinople, Greek text ed. and tr. by Glanville Downey (Transactions of the American Philological Association 47), Philadelphia 1957, pp. 855–924. 38 Voir les références données à la note précédente. Cf. aussi Wharton Epstein, Ann, The Rebuilding and Redecoration of the Holy Apostles in Constantinople : A Reconsideration, in : Greek, Roman and Byzantine Studies 23 (1982), pp. 79–92. 39 Ibid., pp. 84–85.

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ne sont pas nécessairement compatibles, sauf si l’on suppose un cheminement assez désordonné. L’idée de cheminement paraît plus intéressante que celle de préférence, malgré le désordre apparent. Dans une architecture complexe comme celle des Saints-Apôtres, on peut embrasser d’un œil des scènes représentées par exemple à des niveaux différents, mais qui n’appartiennent pas à un même cycle. Il faut aussi insister avec raison sur la dimension personnelle et émotionnelle, de la réaction de Nicolas Mésaritès 40 et qui donne une tonalité propre à la description des scènes. C’est aussi le reflet d’une époque et Nicolas Mésaritès ne fait sans doute que mettre en évidence des sentiments qu’il n’était pas seul à ressentir. Quant à Léon vi, contemporain de Constantin le Rhodien, un seul des deux sermons indiqués, 41 est à considérer, celui prononcé pour l’église de Stylianos. Les mosaïques décrites par Léon vi sont toutes situées dans la partie supérieure de l’église. Les scènes se laissent, dans l’ensemble, facilement identifier, Annonciation, Nativité, Présentation au Temple, Baptême, Résurrection de Lazare, Cruci42 fixion, Mise au Tombeau, Anastasis, Ascension. Cette succession correspond bien à la disposition qui va se généraliser dans les églises byzantines et à l’ordre qui permet à ces scènes de faire un tour complet de l’espace central de l’église. On peut donc dire que cette description se fait du point de vue d’un spectateur, d’un fidèle idéal qui serait placé au centre de l’église. Mais cette situation idéale correspond sans aucun doute approximativement à une situation réelle, puisque l’espace central sous la coupole est à peu près le lieu jusqu’où le fidèle peut s’avancer. À partir de là, en levant les yeux, il pouvait voir les figures les plus importantes du décor et, en regardant autour de lui, il pouvait saisir dans son ensemble le décor, d’autant plus que la taille de ces églises n’a plus rien à voir avec celle des grandes basiliques paléochrétiennes où il était impossible de survoler l’ensemble du décor d’un seul regard. On peut aussi considérer comme le point de vue privilégié celui atteint lorsque le fidèle

40 Wharton Epstein, Holy Apostles (note 38). 41 L’église du monastère de Kauleas ne semble être décorée que de figures isolées, sans scène : Frolow, Deux églises (note 37), p. 47. 42 Antonopoulou, Leonis vi (note 37), pp. 474–476, l. 99–138. La division en paragraphes, reprise du manuscrit B, le plus ancien, permet de comprendre sans ambiguïté, la division en scènes (même si la mention de l’Anastasis se fait sur deux paragraphes).

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pénètre dans le naos, venant du narthex : on a montré que c’est l’endroit 43 d’où on a la meilleure vision du Pantocrator de Daphni. D’une certaine façon donc, les ekphraseis de la période médio-byzantine correspondent au moins approximativement à la perception qu’un fidèle pouvait avoir du décor, davantage sans doute que dans la période précédente : celle de Léon vi décrirait la vision d’un fidèle debout sous la coupole, celle de Mésaritès serait, peut-être, un exemple d’une perception liée à des déplacements dans l’église. Il est vrai que la comparaison avec l’époque antérieure est difficile dans la mesure où nous n’avons pas d’ekphrasis portant 44 sur le décor figuré d’une basilique paléochrétienne. Mais il reste que le principe même de cette disposition dans les églises médio-byzantines obéit à une logique qui peut correspondre à un mouvement habituel sinon banal du regard d’un spectateur ou d’un fidèle et a, peut-être, tenu compte de celui-ci. Ce n’est absolument pas le cas du décor des basiliques qui ne tiennent pas compte, dans les scènes figurées au-dessus des colonnades de la nef centrale, de la perception du fidèle. Ces décors obéissent à une logique différente jouant davantage sur le sens du décor que sur sa perception. Cette remarque entraîne la question de savoir si ces décors étaient faits pour être véritablement regardés. Il est banal de rappeler la difficulté de comprendre et même de percevoir les scènes figurées au-dessus des colonnades de la nef centrale de Sainte-Marie-Majeure. Il serait tentant d’en rapprocher certains passages de la description de Sainte-Sophie par Procope, même si, dans ce cas, ce n’est pas le décor qui est concerné. En effet, il parle de la difficulté pour le spectateur de fixer son regard sur un détail, l’œil 45 étant sans cesse entraîné par la magnificence de l’ensemble. C’est sans aucun doute ce type de perception, lié à la splendeur du décor et à l’impression générale qu’il faisait, qui jouait un rôle primordial dans la perception de l’espace d’une église. Cela devient encore plus évident lorsque, dans le décor des églises de la dernière période byzantine, les scènes se multiplient et couvrent la surface entière des murs, d’autant plus que, en même temps, le décor cesse d’être structuré comme il l’était aux xie et xiie siècles. Le 43 Shearman, John K. G., Only Connect, Princeton 1992, pp. 163–164, cité par Cormack, Robin, Rediscovering the Christ Pantocrator at Daphni, in : Journal of the Warburg and Courtauld Institutes 71 (2008), pp. 55–74, cf. p. 56 et n. 6. 44 Cf. ci-dessus pour l’ambiguïté que le texte ne permet pas de lever, en ce qui concerne la disposition du décor, de la description de celui de Saint-Serge de Gaza. 45 Procopius, Buildings i, i. 47, avec trad. anglais de Henry B. Dewing (The Loeb classical library), London 1940. Pour une interprétation de ce passage qui va dans un autre sens, cf. ûurþiü (note 1), p. 24.

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décor peint devient alors envahissant au point de devenir illisible en raison de la multiplication de petites scènes. Cette évolution se trouve aussi bien dans des églises d’assez grande dimension que dans de petites églises pour lesquelles, il est vrai, les dimensions réduites compensent en partie cette difficulté. Saint-Nicolas Orphanos de Thessalonique en est un bon exemple avec son petit naos entièrement recouvert de peintures dont la répartition 46 en cycles n’est pas évidente à première vue On remarquera par exemple que le cycle de la Passion commence dans la partie est du mur Nord, ce qui est tout à fait inhabituel, et qu’il a l’air de s’interrompre, de nouveau sur le mur Nord, avec la scène de la Montée à la Croix. En fait, à partir de là, il se confond avec le cycle christologique dit des Grandes Fêtes qui se prolonge sur le registre supérieur du même mur. L’église qui présente la situation la plus extrême à ce point de vue est le katholikon du monastère de Deþani où 47 l’œil se perd. Il est clair que, dans ces situations, le fidèle ne regarde plus le décor, mais que celui-ci devient un cadre obligé qui ne peut pas manquer. Cette constatation doit pourtant être nuancée de différentes manières. Un texte du xie siècle, le typikon rédigé par Grégoire Pakourianos pour le 48 monastère de Petritzos (aujourd’hui Baþkovo en Bulgarie), qu’il venait de fonder, nous apprend que, pendant les offices, douze lampes doivent éclairer les douze images des Fêtes du Seigneur qui sont représentées sur le templon, c’est-à-dire sur la clôture qui deviendra l’iconostase, plus préci49 sément au-dessus de son épistyle. C’est certes une manière de montrer la vénération pour ces images, mais c’est aussi un moyen d’attirer l’attention sur elles et de les faire regarder. Cette mention est d’autant plus intéressante 46 En dernier, Ayios Nikolaos Orphanos. The Wall Paintings, éd. par Charalambos Bakirtzis, Athína 2003 (en grec et en anglais). 47 Mural Painting of Monastery of Deþani. Material and Studies, éd. par Vojislav Djuriü, Beograd 1995 (articles en serbe avec résumés anglais). Voir en particulier pp. 42–74, la liste des scènes et les schémas de répartition. 48 Gautier, Paul, Le typikon du sébaste Grégoire Pakourianos, in : Revue des Études Byzantines 42 (1984), pp. 5–145 ; voir aussi Lemerle, Paul, Le typikon de Grégoire Pakourianos (décembre 1083) in : id., Cinq études sur le xie siècle byzantin, Paris 1977, pp. 113–191. Voir aussi la traduction en anglais in : Byzantine Monastic Foundation Documents, ii éd. par John-F. Thomas et Angela Constantinides Hero (Dumbarton Oaks Studies 35), Washington 2000, pp. 507–563. Sur cette problématique : Spieser, Jean-Michel, Le développement du templon et les images des Douze Fêtes in : Les images dans les sociétés médiévales : Pour une histoire comparée, éd. par Jean-Marie Sansterre et Jean-Claude Schmitt (Bull. Inst. Historique Belge de Rome 69/1999), pp. 131–164. 49 Gautier (note 48), p. 73, l. 895–897.

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dans la perspective de cette réflexion que les scènes ainsi représentées sur le templon constituent encore l’essentiel du décor peint sur les murs des églises du xie siècle. Donc, au moins pendant les offices, l’attention et le regard des fidèles étaient focalisés en direction du templon, où était, plus ou moins, répété le décor peint sur les murs, et du sanctuaire. Le même texte montre d’autres lampes qui doivent brûler devant des images de saints ou même devant des représentations de scènes. Il s’agit vraisemblablement cette fois, d’images peintes sur les murs, en particulier 50 sur les piliers prolongeant la clôture du sanctuaire. On trouve des notations du même genre dans le typikon du monastère de la Kosmosoteira, à 51 Pherrai, au Nord-Est de la Grèce. L’image du Christ et de la Théotokos, sans doute celles qui se trouvent de part et d’autre du templon, sont ainsi 52 éclairées. Mais des images figurées ailleurs sur les murs peuvent aussi recevoir un éclairage qui permet de les distinguer. C’est le cas pour un certain nombre de scènes dans le monastère du Pantocrator à Constantinople. À côté de quelques images dont l’emplacement est difficile à préciser, c’est sûr pour la Dormition placée à son emplacement habituel, au-dessus de la porte 53 conduisant du naos dans le narthex. Dans l’église de la Kosmosoteira, la Dormition de la Vierge, placée au même emplacement, bénéficie du même privilège. À l’église Agios Stephanos de Kastoria, un crochet encore visible au-dessus d’une image de la Théotokos dans le narthex était sans doute 54 destinée à porter une lampe qui éclairait cette peinture. L’idée semble donc s’imposer que, au moins dès le xiie siècle, et, peutêtre de plus en plus, l’attention, la vraie attention au décor était fragmentée et dirigée sur des images spécifiques, destinées à être l’objet de la dévotion des fidèles. Mais le choix des images à vénérer particulièrement est celui du

50 Spieser, Templon (note 48), pp. 140–143. 51 Edition : Petit, Louis, Typikon du monastère de la Kosmosoteira près d’Aenos (1152), in : Izvestija Russkogo Arheologiþeskogo Instituta v Konstantinopole 13 (1908), pp. 17–75 ; on peut aussi utiliser : Papazoglou, Georgios, Typikon d’Isaac Alexis Comnène du monastère de la Théotokos Kosmosoteiras, Komotini 1994 (en grec) ; traduction et commentaires : Thomas (note 48), pp. 782–858. 52 Pour les indications qui suivent sur l’éclairage de certaines images, des développements plus détaillés et des références sont à trouver dans Spieser, Templon (note 48), pp. 140–147. 53 Pour le typikon du Pantocrator, voir Gautier, Paul, Le typikon du Christ Pantocrator, in : Revue des Études Byzantines 32 (1974), pp. 1–145. 54 Pélékanidès, Stylianos, Chatzidakis, Manolis, Kastoria, Athína 1985, p. 13, fig. 7.

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commanditaire de l’église qui les impose en quelque sorte aux moines des monastères concernés et aux fidèles admis à assister à la liturgie dans celles-ci ou dans les petites églises privées également nombreuses. Il n’est pas exclu que cette focalisation sur des points particuliers soit un des facteurs qui a contribué à la déstructuration du décor qui a été évoquée ci-dessus. Il reste pourtant quelques exemples qui montrent que, parfois, on restait fidèle au système traditionnel, en tout cas pour le décor de l’espace central sous la coupole. Sans trop de surprise, cela semble être le cas pour les rares églises de la fin du xiiie ou du xive siècle qui reçoivent encore un décor de mosaïques. On le voit clairement pour les Saints-Apôtres de Thessalonique grâce à l’état 55 de conservation des mosaïques ; même si le décor est moins complètement conservé, on peut le conjecturer pour la chapelle funéraire de la Pammaka56 ristos (Fethiye Camii) ; enfin la configuration du naos du Christ de Chora (Kariye Camii) ne laisse guère d’autre possibilité, même si une seule scène, la 57 Dormition, y est conservée. Mais une disposition, sinon traditionnelle, du moins qui témoigne d’un effort pour permettre une grande visibilité et lisibilité des scènes les plus importantes peut se trouver même pour des églises décorées uniquement de peintures ; dans la Pantanassa de Mistra, une répartition très subtile des scènes dans l’espace central du naos, plus particulière58 ment dans les voûtes, montre un effort conscient en ce sens. On peut conclure que, sur la longue durée, le sacré est mis en scène par la richesse et la splendeur. Très rapidement, ces caractéristiques seront renforcées par un décor figuré qui impose sa présence. Il faut aller jusqu’à dire que, dans les églises plus modestes, le décor peint se substitue à la richesse des monuments les plus importants pour donner au fidèle l’illusion d’un monde qui n’est plus celui du quotidien. Il est inutile de citer encore une fois l’exclamation des émissaires du prince Vladimir de Kiev pour dire, à l’occasion d’une liturgie dans Sainte-Sophie, qu’ils ne savaient plus s’ils se trouvaient 55 Xyngopoulos, Andreas, È psèphidotè diakosmèsis tou naou ton Agion Apostolon Thessalonikès (Le décor de mosaïques de l’église des Saints-Apôtres de Thessalonique, en grec), Thessalonique 1953 ; Stephan, Christine, Ein byzantinisches Bildensemble. Die Mosaiken und Fresken der Apostelkirche zu Thessaloniki, Worms 1986. 56 Belting, Hans , Mango, Cyril, Mouriki, Doula, The mosaics and frescoes of St. Mary Pammakaristos (Fethiye Camii) at Istanbul, Washington 1978. 57 Underwood, Paul A., The Kariye Djami, 4 vol., New York 1966–1975. 58 Cf. Spieser, Jean-Michel, Le décor de la Pantanassa de Mistra entre tradition et innovation, in : Mystras : Identities and Perspectives, éd. par Maria Georgopoulou et Saradi Eleni, à paraître.

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sur terre ou dans le ciel ; il est plus important de rappeler que les peintures d’une modeste église de village devaient avoir le même effet. Dans un premier temps, ce décor figuré était disposé d’une manière savante qui ne correspondait pas à la perception que pouvait en avoir le fidèle. Aucun texte ne semble rendre compte de cette disposition. Plus tard, à une date difficile à déterminer, mais qui peut être antérieure à l’iconoclasme, des changements dans la liturgie s’accompagnent d’une nouvelle configuration du décor, certainement plus proche d’une perception spontanée. Par cette disposition des scènes qui entourent les fidèles d’un cercle d’images, ceux-ci sont en quelque sorte séparés du monde terrestre et enfermés dans 60 un autre monde, celui du divin et du sacré, un monde hors du temps. La structure des images, l’importance donnée à l’espace réel dans lequel elles sont placées et non à l’espace pictural vont dans le même sens. Les exemples en sont nombreux, ne serait-ce que les Annonciations où, presque systématiquement, ange et Vierge, sont représentés sur deux piliers qui se font face. La disposition est encore plus subtile, lorsque, pour l’Annonciation comme pour d’autres scènes, les personnages sont placés sur les deux faces 61 d’une trompe d’angle comme à Osios Loukas ou à Daphni. Les coupoles, par exemple l’Ascension dans celle de Sainte-Sophie de Thessalonique, en 62 offrent d’autres exemples, sans oublier les scènes qui débordent d’un mur sur un autre, comme l’Entrée à Jérusalem à Saint-Nicolas Orphanos de Thessalonique, qui passe du mur Sud au mur Ouest, le lien étant fait par 63 la tête de l’ânesse qui ‹ déborde › sur le mur Ouest. Il resterait évidemment à évaluer qui acceptait cette mise en scène d’un autre monde et dans quelles circonstances et qui ne voyait que murs et images. Dans une dernière évolution, le développement d’une dévotion privée conduit à attirer l’attention sur certaines images, même dans le cadre de l’église. Ce phénomène contribue à provoquer un éparpillement de l’attention portée au décor dans 59 The Russian Primary Chronicle, trad. et éd. par Samuel H. Cross et Olgerd P. Sherbowitz-Wetzo, Cambridge, Mass. 1953 ; cf. Mainstone, Rowland J., Hagia Sophia. Architecture, Structure and Liturgy of Justinian’s Great Church, London 1988, p. 11. 60 Voir des remarques en ce sens de Ousterhout, Robert, Temporal Structuring in the Chora Parekklesion, in : Gesta 34 (1995), pp. 63–76 (cf. p. 75). 61 Cf., pour deux illustrations, le Baptême et la Présentation au Temple de Osios Loukas, Cutler/Spieser, Byzance médiévale (note 36), p. 223, fig. 175 et p. 247, fig. 200. 62 Ibid., p. 111, fig. 81. 63 Cf. Bakirtzis (note 46), pl. 32 et 33.

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son ensemble et anticipe, peut-être provoque, la destructuration de celui-ci, telle qu’on la constate dans de très nombreuses églises des xiiie et xive siècles, même si on trouve encore des exemples où il est clair que les concepteurs ont réfléchi à sa visibilité et à sa lisibilité. Mais même dans cette nouvelle configuration, la signification d’ensemble du décor, sa visée de transporter hors du monde celui qui était présent dans l’église, restait présente. La perception du détail n’était pas nécessaire.

Das frühmittelalterliche Kloster als Freiraum und Engnis. Beobachtungen an den literarischen Quellen St. Gallens Ernst Tremp (St. Gallen/Freiburg i. Ü.) Für Martin Steinmann zum 70. Geburtstag Der St. Galler Mönch und Geschichtsschreiber Ekkehart iv. († um 1060) berichtet in seinen um die Mitte des 11. Jahrhunderts verfassten ‘Casus sancti Galli’ eine bewegende Geschichte. Eines Tages sassen die Schreiber konzentriert und schweigsam in ihre Arbeiten vertieft im klösterlichen Skriptorium. Da sprang ein junger Mönch namens Wolo unvermittelt auf und eilte, unbeirrt von den Zurufen der erschrockenen Mitbrüder, die Treppe zum Glockenturm der Galluskirche hinauf: „denn er wollte die Berge und Fluren ringsum mit den Augen schauen, da er schon nicht hingehen durfte“. Beim Hinaufsteigen stürzte er, „vom Teufel angetrieben (impulsu satan), wie man glaubt, durch die Holzdecke herab und brach 1 sich den Hals“. Dies geschah am 12. Dezember 876, einem Mittwoch. Das Ereignis hat die Mönche erschüttert und sogar in die grösseren St. Galler Annalen, die offizielle St. Galler Geschichtsschreibung, Eingang gefunden 2 mit der lapidaren Feststellung: Volo cecidit („Wolo ist heruntergestürzt“). War es ein Unfall oder war es Suizid? Der Bericht schliesst die Möglichkeit eines Selbstmords nicht aus, er liefert im Gegenteil mehrere Hinweise für 1

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Ekkehard iv., Casus sancti Galli / St. Galler Klostergeschichten, c. 43, hg. und übers. von Hans F. Haefele (Ausgewählte Quellen zur deutschen Geschichte, Bd. 10), Darmstadt 1980, 42002, S. 98f. (Neuausgabe in den ‘Monumenta Germaniae Historica’ durch den Verfasser in Vorbereitung). Annales Sangallenses maiores, hg. von Carl Henking (Mittheilungen zur Vaterländischen Geschichte 19, 1884), S. 275 (Neuausgabe in den ‘Monumenta Germaniae Historica’ durch Roland Zingg in Vorbereitung). Zu beachten ist der Kontext, in dem dieser Annalen-Eintrag steht: Voran geht die Nachricht vom Tod Ludwigs des Deutschen, anschliessend wird der Regierungsantritt Karls iii. erwähnt. Weitere Einträge gibt es zum Jahr 876 keine.

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diese Interpretation. Das Unglück geschah an einem Tag, „da ihm, Wolo“, wie Ekkehart schreibt, „der Dekan, wie alle wussten, untersagt hatte, aus der 3 Klausur irgendwohin zu gehen, wie er gewöhnlich tat“. Der unstete junge Mann hatte schon früher seinen Lehrern und Vorgesetzten Sorge bereitet. Seine Eltern aus vornehmem Grafengeschlecht waren eigens ins Kloster gekommen, um ihn zu ermahnen, aber ohne Erfolg. Schliesslich dürften 4 Verzweiflung und Heimweh Wolo in den Tod getrieben haben. Die tragische Geschichte führt uns drastisch vor Augen, wie das Kloster zum Zwang und tödlichen Engnis werden konnte für einen Mönch, der nicht aus eigenem Entschluss, sondern als Knabe durch elterliche Entscheidung und gesellschaftliche Normen für das Leben im Kloster bestimmt war. Wenn er sich in die Gemeinschaft nicht einfügen, auf dem engen Raum nicht zurechtfinden konnte und keine Flucht möglich war, blieb nur die Verzweiflungstat. Für Wolo hatte sich das claustrum, dieser Ort der Loslösung von der Welt, ihren Lasten und Gefahren, dieser Schutzwall und Freiraum für das geistliche und geistige Leben, in sein Gegenteil, in ein tödliches Gefängnis verkehrt. Die folgenden Ausführungen befassen sich mit dem Kloster als abgeschlossenem Raum, Lebensraum der Mönche, Rahmen für einen komplexen sozialen Organismus. Es wird nach den Verbindungen zwischen draussen und drinnen gefragt, nach den Grenzen, Übergängen und ihren Ritualen. Der Innenraum des claustrum wiederum war nach seinen verschiedenen Funktionen gegliedert. Es gab den sakralen und den profanen Raum, mit Abstufungen und Verdichtungen. Im Kloster gab es Orte, die man in einer zeitlichen Achse geradlinig mit dem Paradies und dem Jüngsten Gericht verbunden sah; dazu gehörte insbesondere das Gotteshaus, aber auch der Friedhof. Andere Orte wie die Latrinen wurden als Einfallstore der Unterwelt mit ihren Dämonen gefürchtet. Der Raum wurde auch in 3 4

Ekkehart, Casus (Anm. 1). Vgl. Haefele, Hans F., Wolo cecidit. Zur Deutung einer Ekkehard-Erzählung, in: Deutsches Archiv für Erforschung des Mittelalters 35 (1979), S. 18–32; Neiske, Franz, Europa im frühen Mittelalter 500–1050. Eine Kultur- und Mentalitätsgeschichte, Darmstadt 2007, S. 108; Diem, Albrecht, Das monastische Experiment. Die Rolle der Keuschheit bei der Entstehung des westlichen Klosterwesens (Vita regularis 24), Münster 2005, S. 11; zum Selbstmord im Mittelalter allgemein vgl. das neue Standardwerk von Alexander Murray, das aber den Fall Wolo nicht behandelt: Murray, Alexander, Suicide in the Middle Ages, 3 Bde., Bd. 1: The Violent against Themselves; Bd. 2: The Course on Self-Murder, Oxford 1999, 2000; Bd. 3 angekündigt, noch nicht erschienen.

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seinen Geräuschen, der Stille des Silentiums und seinen Abstufungen, den Tagzeiten des Singens, den Oasen und Zeitfenstern des Sprechens unterschiedlich erfahren. Das sind nur einige ausgewählte Zugänge zu einem breit gefächerten Thema. Als Ort der Untersuchung wurde das frühmittelalterliche Benediktinerkloster St. Gallen gewählt. St. Gallen ist bekanntlich durch eine literarische Überlieferung von aussergewöhnlicher Dichte begünstigt. Hier schufen die Mönche vom 9. Jahrhundert an eine genuine Klostergeschichtsschreibung. Der Erzählstrang der ‘Casus sancti Galli’ reicht von der Gründung der Abtei 5 im frühen 8. Jahrhundert bis ins 14. Jahrhundert. Ihr berühmtester und für unsere Fragestellung ergiebigster Verfasser ist der bereits genannte Ekkehart iv. In St. Gallen wurde ausserdem die annalistische Geschichtsschreibung gepflegt. Die ‘Annales Sangallenses maiores’ als deren Hauptwerk wurden bereits zitiert. Im Umkreis der seit dem 9. Jahrhundert blühenden Schule und 6 Gelehrsamkeit entstanden weitere literarische Werke in Poesie und Prosa. Erinnert sei nur an die ‘Gesta Karoli Magni imperatoris’, die Notker i. der Stammler († 912) um 883 verfasste. Dank seinen drei Hausheiligen Gallus, Otmar und Wiborada hat St. Gallen auch eine reichhaltige hagiographische Produktion hervorgebracht. Nicht zuletzt liefert der um 820 geschaffene karolingische Klosterplan mit seinen über fünfzig Gebäuden und 334 lateinischen Beischriften eine Fülle von Beobachtungen zum Thema ‘klös7 terlicher Raum’. 5

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Vgl. den Überblick über das literarische Schaffen im Kloster St. Gallen in: St. Gallen. Geschichte einer literarischen Kultur. Kloster – Stadt – Kanton – Region, hg. von Werner Wunderlich, Bd. 1: Darstellung; Bd. 2: Quellen, St. Gallen 1999, bes. die Beiträge von Ochsenbein, Peter, Klosterliteratur der Blütezeit (Bd. 1, S. 161–180) und Schmuki, Karl, Klosterchronistik und Hagiographie des 11. bis 13. Jahrhunderts (Bd. 1, S. 181–205). Zur Schule vgl.: Das Kloster St. Gallen und seine Schulen. Zum 200. Geburtstag der Katholischen Kantonssekundarschule „Flade“, Katalog zur Jahresausstellung in der Stiftsbibliothek St. Gallen (1. Dezember 2008–8. November 2009), St. Gallen 2009. Unter der zahlreichen Literatur zum Klosterplan hier die wichtigsten Titel: Horn, Walter und Born, Ernest, The Plan of St. Gall. A Study of the Architecture and Economy of, and Life in a Paradigmatic Carolingian Monastery, 3 Bde., Berkeley/Los Angeles/London 1979; Hecht, Konrad, Der St. Galler Klosterplan, Sigmaringen 1983; Studien zum St. Galler Klosterplan ii, hg. von Peter Ochsenbein und Karl Schmuki (Mitteilungen zur Vaterländischen Geschichte, Bd. 52), St. Gallen 2002; Zettler, Alfons, Der Himmel auf Erden... Raumkonzepte des St. Galler Klosterplans, in: Virtuelle Räume. Raumwahr-

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St. Gallen nimmt zwar aufgrund seiner Überlieferung eine Sonderstellung unter den Benediktinerklöstern des Frühmittelalters ein, die Rahmenbedingungen seiner monastischen Lebensform unterscheiden sich aber grundsätzlich nicht von denen anderer grosser Klöster der Karolinger- und Ottonenzeit. Bestimmend für das Zusammenleben war die hier im Jahr 747 eingeführte und bis zur Aufhebung der Abtei im Jahr 1805 befolgte Benediktsregel. Brauchtexte und mündliche, von Generation zu Generation tradierte Gewohnheiten regelten die Einzelheiten. St. Gallen war kein Reformkloster, es konnte sich aber den Reformbewegungen des 10. und 11. Jahrhunderts nicht verschliessen. Was wir in St. Gallen an Beobachtungen über den Raum im Kloster, seine Funktionen und Bedeutungen gewinnen werden, darf auch auf andere Klöster übertragen werden. Das Kloster an der Steinach ist daher als ein Exemplum der conditio humana monastica zu verstehen, wie sie unter derselben Mönchsregel in derselben Epoche anderswo auch anzutreffen wäre.

i. Kloster und Welt Gegenüber draussen bildet das Kloster einen abgegrenzten, abgeschlossenen und definierten Raum. Auf seine Abgeschiedenheit legt die Benediktsregel grossen Wert. Alle für das Leben notwendigen Einrichtungen sollen sich wenn möglich innerhalb der Abgrenzung befinden, damit die Mönche nicht „draussen herumzulaufen brauchen, was ihren Seelen keineswegs zuträg8 lich ist“. Gerade dieses Kapitel soll nach Wunsch des Ordensvaters der Gemeinschaft häufig vorgelesen und eingeschärft werden. Wer den Bereich 9 des Klosters eigenmächtig verlässt, soll bestraft werden. Drakonisch sind die diesbezüglichen Strafbestimmungen in der Aachener Reformgesetzgebung von 816 und im Regelkommentar des aus Corbie stammenden Mönchs

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nehmung und Raumvorstellung im Mittelalter, hg. von Elisabeth Vavra, Berlin 2005, S. 35–46; Schedl, Barbara, Der St. Galler Klosterplan – ein materialisierter Diskurs, in: Macht des Wortes. Benediktinisches Mönchtum im Spiegel Europas, hg. von Gerfried Sitar und Martin Kroker, Regensburg 2009, S. 134– 147; vgl. auch das laufende Klosterplan-Projekt der University of California, Los Angeles: http://www.stgallplan.org. Regula Benedicti, c. 66, 7, hg. v. Georg Holzherr, Die Benediktsregel. Eine Anleitung zu christlichem Leben, Freiburg i. Ü., 62005, S. 387. Ibid., S. 391

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Hildemar von Civate († um 850). Wenn dem Kloster übergebene Jugendliche (oblati) in die Welt fliehen wollen, sollen sie mit Kerkerhaft und Fesse10 lung bestraft werden. Den armen Wolo in Ekkeharts Erzählung erwarteten also düstere Aussichten, falls er hätte fliehen wollen. In der Absage an das Weltliche und in der Trennung von der Welt liegt das Wesen des Mönchs begründet. Im Schutz des Klosters, befreit von den Sorgen und Ablenkungen der Welt, soll er die geistliche Kunst erlernen und auf dem Weg der Vollkommenheit voranschreiten. Die Werkstatt (officina), wo der Mönch sein geistliches „Handwerk“ ausübt, „ist die Abgeschlossenheit des Klos11 ters mit der Beständigkeit (stabilitas) in der Gemeinschaft“. Entsprechend der zentralen Bedeutung des abgeschlossenen Raumes für die mönchische Existenz musste der Eintrittswillige hohe Hürden überwinden, bevor er zur Gemeinschaft zugelassen wurde. Im Kapitel 58 der Regel werden die verschiedenen Stufen ausführlich beschrieben. Wenn der Kandidat an die Pforte klopft und Einlass begehrt, soll er sich zuerst einige Tage im Gästehaus aufhalten und dann ins Noviziat (cella noviciorum) eintreten. Hier leben die Novizen für sich, abgetrennt vom Kloster und in der Obhut des Novizenmeisters, hier lernen, essen und schlafen sie. Im St. Galler Klosterplan ist die cella noviciorum als eine eigene kleine Klosteranlage ausgebildet, die sich im stillen Bereich im Osten der Kirche und neben dem Krankenhaus befindet. Um einen offenen Kreuzgang mit offener Bogenhalle sind neben einer kleinen Kirche drei Gebäudeflügel angeordnet. In dem einen Flügel befinden sich der Speisesaal und eine camera, im mittleren Flügel der Wohnraum des Magisters und eine Krankenstation, beide sind mit Öfen ausgestattet, von beiden geht je ein Ausgang zu einem zweisitzigen Abtritt, im dritten Flügel befinden sich der Tagesraum mit einer äusseren Hypokaust-Heizung sowie der Schlafsaal mit Ausgang 12 zur sechssitzigen Latrinenanlage. Nach Ablauf des Noviziats wurde der 10 Synodi Aquisgranensis i decreta authentica (816), c. 36, hg. v. Josef Semmler, in: Corpus Consuetudinum Monasticarum i (1963), S. 468; Hafner, Wolfgang, Der St. Galler Klosterplan im Lichte von Hildemars Regelkommentar, in: Studien zum St. Galler Klosterplan, hg. v. Johannes Duft (Mitteilungen zur Vaterländischen Geschichte 42, 1962), S. 177–192, hier S. 186. 11 Regula Benedicti, c. 4, 78 (Anm. 8), S. 94, 97. 12 Zum Gebäudekomplex des Noviziats im Klosterplan vgl. Horn/Born, The Plan of St. Gall (Anm. 7), Bd. 1, S. 302–321; die Beischriften des Plans sind ediert und übersetzt von Berschin, Walter, Der St. Galler Klosterplan als Literaturdenkmal, in: Studien zum St. Galler Klosterplan (Anm. 7), S. 107–150, hier S. 114f.

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Novize im feierlichen Akt der Profess in die Gemeinschaft aufgenommen. Das Versprechen wurde mündlich abgelegt und anschliessend eigenhändig 13 schriftlich beurkundet. Von diesem Tag an, schreibt Benedikt, dürfe der Mönch „weder das Kloster verlassen noch das Joch der Regel von seinem 14 Nacken abschütteln“. Der Prozess des Verlassens der Welt und Eintretens in das Kloster wird auch als conversio bezeichnet. Diese setzt den freien Willensentschluss voraus, was nur bei einem Erwachsenen möglich ist. Die Konversen, die als Erwachsene eingetretenen Mönche, waren in der Realität der frühmittelalterlichen Gesellschaft jedoch nur eine Möglichkeit, Mönch zu werden. Der 15 zweite, vom 9. Jahrhundert an offenbar zahlenmässig überwiegende Weg war jener über die Oblation, die bereits Benedikt in seiner Regel vorgesehen hatte (c. 59). Ein dem frühen Kindesalter entwachsener Knabe im Alter von sechs bis sieben Jahren wurde von seinen Eltern, die fast ausnahmslos wohl16 habend und von adligem Geschlecht oder freier Geburt waren, in einem feierlichen Akt dem Heiligen des Klosters übergeben. Der puer oblatus war damit noch nicht Mönch, Noviziat und Profess legte er erst nach dem Erreichen des Erwachsenenalters ab. Aber er gehörte bereits dem Kloster, war zum Mönchtum bestimmt, besuchte die Klosterschule und wurde durch eine intensive Inkulturation in das künftige Mönchsleben eingeführt. Der unglückliche Wolo war gewiss zunächst ein puer oblatus, aber auch manche andere, die sich im Unterschied zu Wolo mit ihrem Schicksal zurechtfanden und später vielleicht berühmte, gelehrte Mönche wurden. 17 Wer diese Übergangsriten („rites de passage“) nicht vollzogen hatte, gehörte nicht zur Mönchsgemeinschaft und hatte im innersten Bereich der

13 Zum St. Galler Professformular vgl. Schaab, Rupert, Mönch in St. Gallen. Zur inneren Geschichte eines frühmittelalterlichen Klosters (Vorträge und Forschungen, Sonderband 47), Ostfildern 2003, S. 101–133. 14 Regula Benedicti (Anm. 8), c. 58 ,15f., S. 336–338. 15 In der Forschung sind die Proportionen zwischen den Konversen und den Oblaten im Kloster immer noch umstritten; vgl. de Jong, Mayke, In Samuel’s Image. Child Oblation in the Early Medieval West, Leiden 1996, S. 126ff.; Schaab, Mönch in St. Gallen (Anm. 13), S. 111ff. 16 So hält Ekkehart, Casus (Anm. 1), c. 43, S. 98f., im Fall des Wolo verallgemeinernd und offenbar für seine Zeit, das 11. Jahrhundert gültig fest: Nam cum numquam sanctus Gallus nisi libertatis monachum habuisset, nobiliores tamen sepius aberrabant. 17 Vgl. zu diesem anthropologischen Konzept die grundlegende Arbeit von van Gennep, Arnold, Übergangsriten, Frankfurt a. M. 1986.

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Kirche und des Klosters, in der eigentlichen Klausur (wovon später gehandelt wird) nichts zu suchen. Doch es gab Ausnahmen. Das Kloster konnte sich den Wünschen und Erwartungen der Welt nie ganz entziehen. Ein besonders heikler Fall machte den St. Galler Mönchen in der zweiten Hälfte des 9. Jahrhunderts zu schaffen. Der vornehme, begabte junge Salomo, Neffe und Grossneffe zweier gleichnamiger Bischöfe von Konstanz und Anwärter auf die Nachfolge seines Onkels Salomo ii. auf dem Bischofsthron, hatte die Schule in St. Gallen besucht, wo er von Notker dem Stammler besonders gefördert wurde. Aus Rücksicht auf seine bevorstehende kirchliche Laufbahn wurde er jedoch nicht Mönch, sondern blieb Weltkleriker. Man wollte sich mit dem einflussreichen Gönner verbinden und gab ihm das Recht, eingetragener Mitbruder (frater conscriptus) des Gallusklosters zu werden 18 und dadurch an den geistlichen Früchten teilzuhaben. Der hohe Herr ging im Leinenhabit des Weltgeistlichen im Kloster ein und aus, ohne von einem Mönch begleitet zu sein, wie es vorgeschrieben gewesen wäre. Später nahm er sogar heimlich und des Nachts, mit übergezogener Kapuze und barfuss, an den Fastenübungen der Mönche in den innersten Räumen der Klausur teil. Dieser „frommen Betrug“ sancta fraus kam an den Tag, nach langen Beratungen gab der Konvent Salomo die Erlaubnis, die innere Klausur zu betreten, aber nur mit dem Mönchsgewand bekleidet. Eine Stelle im Boden wurde mit Quadersteinen, die noch zur Zeit Ekkeharts im 11. Jahrhundert sichtbar waren, markiert. Hier musste Salomo das Mönchsgewand anziehen 19 und beim Hinausgehen wieder ablegen. Die St. Galler Mönche taten übrigens gut daran, sich dem Wunsch Salomos zu beugen; denn er wurde nicht nur als Salomo iii. Bischof von Konstanz, sondern, wie man geahnt hatte – und wie der aus späterer Sicht „wissende“ Ekkehart kunstvoll in seine

18 Zur Einrichtung der fratres conscripti in St. Gallen vgl. Schmid, Karl, Von den fratres conscripti in Ekkeharts St. Galler Klostergeschichten, in: Frühmittelalterliche Studien 25 (1991), S. 109–122, hier bes. S. 116f. 19 Ekkehart, Casus (Anm. 1), c. 5f., S. 24–29; zur Sonderrolle des praemonachus Salomo vgl. Jordan, Gesine, „Nichts als Nahrung und Kleidung“. Laien und Kleriker als Wohngäste bei den Mönchen von St. Gallen und Redon (8. und 9. Jahrhundert), Berlin 2007, S. 152–165; zu Salomo und allgemein zum Respektieren und Überschreiten der inneren Klausurgrenze in St. Gallen: de Jong, Mayke, Internal Cloisters: The case of Ekkehard’s Casus Sancti Galli, in: Grenze und Differenz im frühen Mittelalter, hg. v. Walter Pohl und Helmut Reimitz (Forschungen zur Geschichte des Mittelalters 1), Wien 2000, S. 209–221.

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Erzählung einflicht –, auch Abt von St. Gallen, das er neben dem Bistum von 890 bis 920 als Weltgeistlicher regierte. Um einen richtigen Abt im richtigen Mönchskleid handelte es sich beim nächsten Eindringling, der in den 960er Jahren heimlich und wieder des Nachts in die Klausur von St. Gallen eingedrungen sein soll. Es war der Abt der Reichenau namens Ruodmann (dessen Amtszeit 972–985 allerdings mit den chronologischen Angaben in Ekkeharts Erzählung nicht übereinstimmt). Ruodmann habe unerkannt herausfinden wollen, ob die inneren Räume des Klosters regelkonform angelegt und eingerichtet waren. Von der Kirche her schlich er sich in den Schlafsaal der Mönche und verbarg sich dann im dunklen Abort. Es müsste nicht Ekkehart gewesen sein, der Meistererzähler, wenn er diese Geschichte nicht genüsslich ausgebreitet und farbig ausgeschmückt hätte. Ruodmann wurde natürlich erkannt und höflich, wie es sich für einen hohen Gast geziemte, von den Latrinen zum Eingang der Kirche und zum Sprechzimmer hinausgeleitet.20 Wenn Herrscher St. Gallen besuchten, nahmen sie mit ihrer Begleitung im Gästehaus ausserhalb der Klausur Herberge. Ihnen konnten die Mönche allerdings nicht verwehren, dass sie das Innere des Klosters betraten, am Gottesdienst teilnahmen und im Refektorium mit Abt und Konvent Gastmähler hielten. Um sich dem König näher zu verbinden, nahm der Konvent diesen als frater conscriptus symbolisch in seine Gebetsbrüderschaft auf. Dies war beim Besuch Kaiser Karls iii. im Jahr 883, König Konrads i. im Jahr 911 und der Kaiserin Gisela mit ihrem Sohn Heinrich im Jahr 1027 der Fall. Die auf diese Weise geistlich Beschenkten, die ihrerseits dem Kloster grosszügige Schenkungen machten, hatten während ihrer Anwesenheit das Recht, im Mönchschor aus einem eigenen Psalter mitzubeten und mitzu21 singen. Für Karl iii. wurde wahrscheinlich zu diesem Zweck der Goldene Psalter (Cod. Sang. 22) geschaffen, eine der kostbarsten Zimelien in der 22 Stiftsbibliothek St. Gallen. Trotz der momentanen Nähe der hohen Herr-

20 Ekkehart, Casus (Anm. 1), c. 91f., S. 188–191; zur Interpretation vgl. Tremp, Ernst, Ekkehart iv. von St. Gallen († um 1060) und die monastische Reform, in: Studien und Mitteilungen zur Geschichte des Benediktinerordens und seiner Zweige 116 (2005), S. 67–88. 21 Vgl. Schmid, Von den fratres conscripti (Anm. 18). 22 Zur Entstehung des Goldenen Psalters vgl. Forschungsstand und neue Interpretationen bei von Euw, Anton, St. Galler Buchkunst vom 8. bis zum Ende des 11. Jahrhunderts, 2 Bde. (Monasterium Sancti Galli, 3), St. Gallen 2008, Bd. 1: Textband, Nr. 98, S. 400–408.

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schaften zu den Mönchen blieb der Unterschied gewahrt, die Klausur blieb 23 den weltlichen Besuchern im Normalfall verschlossen. Auch gewöhnliche Laien und Kleriker suchten immer wieder die Nähe der Mönche. Die Anziehungskraft des Klosters mag in der materiellen Sicherheit oder im geistlichen Gewinn oder in beidem zusammen gelegen haben. Als Wohngäste beanspruchten sie Nahrung und Kleidung und beschritten einen individuellen Weg der religiösen Konversion, ausserhalb der benediktinischen Profess. Befreit von materiellen Beschäftigungen und Sorgen, widmeten sie sich je nach Umständen dem geistlichen Leben und hatten auch Zutritt zur Klausur und zu den Gottesdiensten der Mönche, obwohl sie nicht Mönche wurden. In St. Gallen ist ein Korpus von über dreissig Urkunden solcher Tradenten und Wohngäste aus dem 8. und 9. 24 Jahrhundert überliefert, das neulich umfassend untersucht worden ist. Hatte ein Mönch einmal seine Profess abgelegt, waren ihm im Grundsatz der Austritt aus dem Kloster und die Rückkehr in die Welt verschlossen. Wolo mochte gerade durch die Ausweglosigkeit seiner Lage zu seiner Verzweiflungstat getrieben worden sein. Mit Erlaubnis und im Auftrag des Abtes durften geeignete Mönche aber Reisen auch in fernere Gegenden unternehmen. Die Regel suchte in einem solchen Fall zu verhindern, dass nach der Rückkehr eines Bruders von seiner Reise, wenn er von der Welt draussen berichtete und seine Reiseabenteuer zum Besten gab, im Kloster Unruhe entstand. Benedikt ordnete daher an: „Es nehme sich keiner heraus, einem anderen zu berichten, was er ausserhalb des Klosters sah und hörte, 25 weil das grossen Schaden anrichtet“. So regelgetreu und verschwiegen scheinen die St. Galler Mönche allerdings nicht gewesen zu sein. Der Chronist Ekkehart weiss jedenfalls in seinen ‘Casus sancti Galli’ aus der Klosterüberlieferung manches Stücklein etwa vom reise- und abenteuerlustigen Künstler Tuotilo zu berichten, den seine Aufträge bis nach Mainz und Metz führten und der danach zu Hause ausführlich davon erzählte. Ganz anders als Tuotilo nahm dessen Mitbruder und Freund Notker der Stammler die Trennung zwischen Kloster und Welt wahr. Er hielt sich an die in der Profess versprochene stabilitas, sein Leben verlief im engen Rahmen der klösterlichen Klausur. Nach eigenen Aussagen lebte er als „eingeschlossener Mönch“ (ego inclusus) mit eng begrenztem räumlichem Horizont und bewegte sich „langsamer und weit träger als eine Schildkröte“ (lentus ego

23 Vgl. de Jong, Internal Cloisters (Anm. 19). 24 Jordan, „Nichts als Nahrung und Kleidung“ (Anm. 19). 25 Regula Benedicti, c. 67, 5 (Anm. 8), S. 391.

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et testudine tardior). Mit Notkers eigener Charakterisierung stimmt die Beschreibung seiner Persönlichkeit bei Ekkehart iv. überein: Im Unterschied etwa zu Tuotilo war Notker furchtsam. Er fühlte sich am sichersten in der Geborgenheit seines Klosters. Und drohte einmal auch hier Ungemach oder stand eine Rauferei bevor wie im Fall des ihren nächtlichen gelehrten Gesprächen lauschenden Sindolf, eines Zuträgers des Abtes, schickten Tuotilo und Ratpert ihren Freund Notker zum Beten in die Kirche, bevor 27 das Handgemenge losging. Notker dürfte also nur widerstrebend und auf ausdrückliches Geheiss des Abtes, wenn dies erforderlich war, die schützende Klausur je verlassen haben.

ii. Grenzlinien, Grenzräume und Übergänge Der karolingische Klosterplan wurde um 820 im Kloster Reichenau als Anregung für den St. Galler Abt und Bauherrn Gozbert (816–837) geschaffen, 28 „um Gozberts Findigkeit zu üben“, wie es im Widmungsbrief heisst, d. h. zum Studium und zur Erprobung der Gelehrsamkeit des Empfängers. Der Plan ordnet die Klosteranlage auf fünf zusammengenähten Pergamentblättern im rechteckigen Format an. Das Plangeviert wird durch eine Umwehrung vermutlich in Form eines mannshohen Palisadenzauns abgeschlossen, die aber auf dem Plan nicht dargestellt ist. Verschiedene Verkehrswege erschliessen das Areal. Von Westen her geleitet ein breiter Weg als wichtigster Zugang den Besucher vom Haupttor zur Basilika und zu den seitlich vor ihr liegenden Bauten, namentlich zur Herberge für Reisende zu Fuss, d. h. Pilger und Arme, auf der rechten und zum Gasthaus für die vornehmen Gäste zu Pferd auf der linken Seite der Kirche. Die verschiedenen Quartiere des Klosters sind durch Zäune voneinander abgegrenzt. Das Küchenviertel und die im Süden des Klosters gelegenen Handwerksbetriebe waren darauf 26 Notker der Stammler, Taten Kaiser Karls des Grossen, hg. v. Hans F. Haefele (Monumenta Germaniae Historica SS. rer. Germ. N. S. 12), Berlin 1959, i, 30, 34, S. 41, 47. 27 Ekkehart Casus (Anm. 1), c. 36, S. 82f.; eine Annäherung an das Lebensbild Notkers ist zuletzt versucht worden von Tremp, Ernst, Menschliche Grösse und Schwäche bei Notker Balbulus († 912), in: Liebe und Zorn. Zu Literatur und Buchkultur in St. Gallen, hg. v. Andreas Härter (Buchwissenschaftliche Beiträge, Bd. 77), Wiesbaden 2009, S. 15–40. 28 Berschin, Klosterplan als Literaturdenkmal (Anm. 12), S. 111f.

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angewiesen, von draussen ständig Zufuhren zu erhalten, lebten doch nach Schätzungen von Konrad Hecht im „Klosterplan-Kloster“ insgesamt bis zu 350 Menschen. Davon dürften die Mönche etwa ein Viertel, die Gäste und Pilger ein Drittel und die Novizen, Schüler und Bediensteten zwei Fünftel ausgemacht haben. Wenn im Herbst die Getreidespeicher und das Vorratshaus gefüllt werden sollten, herrschte in diesem Quartier des Klosters sogar Schwerverkehr. Über den Kirchweg und das Westatrium liessen sich solche Transporte nicht durchführen. Daher dürfte neben dem Haupttor im Westen ein zweites Tor auf der Südseite vorhanden gewesen sein, das sich dem Wirtschaftsverkehr öffnete und die südlichen zwei Drittel des Klos29 ters versorgte. Den Kern innerhalb der Klosteranlage des Plans bilden die Kirche und die Klausur der Mönche. Dazu gehören die der Mönchsliturgie vorbehaltenen Bereiche in der Klosterkirche, der südlich an die Kirche anschliessende, auch als claustrum im engeren Sinn bezeichnete Kreuzgang mit den darum herum angeordneten Wohngebäuden der Mönche und auf der Nordseite der Kirche die Bibliothek mit dem Skriptorium. Neue Untersuchungen am Original des Plans haben ergeben, dass dieser nicht von Beginn an als Gesamtplan konzipiert wurde, sondern aus dem quadratischen Mittelstück herausgewachsen ist. Dieses Mittelstück enthält genau die Klausur der Mönche und die Kirche, ausserdem auf der Nordseite einige repräsentative Gebäude, den Abtspalast, die Schule und das Gästehaus sowie auf der Westseite die Pilgerherberge. Spätere Bearbeitungsstufen fügten auf drei weiteren Pergamentstreifen Erweiterungen der Anlage hinzu, darunter östlich von Kirche und Kreuzgang den stillen Bezirk mit dem Haus für die Novizen, dem Kran30 kenhaus und dem Friedhof, die ebenfalls zur Klausur gehören. Die Schöpfer des Plans gingen zunächst also offenbar von einem Raumkonzept aus, das alle für das Funktionieren einer Mönchsgemeinschaft nötigen Einrichtungen enthielt. Erst im Verlauf der Umsetzung entschloss man sich, den Plan zu erweitern. Man gruppierte um die Kernanlage herum alle denkbaren Einrichtungen, über die ein karolingisches Königskloster verfügte oder gemäss den Vorschriften der Regel und der 29 Hecht, St. Galler Klosterplan (Anm. 7), bes. S. 134–140; Tremp, Ernst, Der karolingische Klosterplan, ältester überlieferter Stadtplan des Mittelalters? in: Karten und Atlanten. Handschriften und Drucke vom 8. bis zum 18. Jahrhundert, Katalog zur Jahresausstellung der Stiftsbibliothek St. Gallen (3. März bis 11. November 2007), St. Gallen 2007, S. 125–127. 30 Vgl. zuletzt die schematischen Darstellungen bei Schedl, St. Galler Klosterplan (Anm. 7).

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monastisch-kanonikalen Reformgesetzgebung der Karolinger verfügen 31 sollte. Der Entstehungsprozess des Klosterplans unterschied dadurch zwanglos zwischen dem inneren Klausurbereich und dem erweiterten äusseren Klosterbereich. Zwischen den beiden Bereichen gab es zwei Berührungs- und Übergangszonen. Die eine befand sich in der Kirche, die andere im Sprechzimmer zwischen Kreuzgang und Pilgerherberge. Das Sprechzimmer bildete die eigentliche „Drehscheibe“ zwischen Klausur und Aussenräumen des Klosters. Der Titulus zum Sprechzimmer auf dem Klosterplan lautet: „Einund Ausgang vor dem Kreuzgang zum Gespräch mit den Gästen und 32 zur Fusswaschung“. Dadurch wird klar, dass hier die rituellen Fusswaschungen an den Armen stattfanden, welche die Mönche gemäss der Bene33 diktsregel als Demutsübungen zu leisten hatten. In den Erzählungen Ekkeharts iv. spielt das auditorium eine wichtige Rolle als Nahtstelle zwischen Kloster und Welt. Die Kirche diente sowohl den Mönchen als auch den Gläubigen als Bethaus. Hier befanden sich der Taufstein und der Volksaltar, zu welchem vermutlich der Kreuzaltar oder der Johannesaltar bestimmt war. Um den vielen Pilgern den Zutritt zum Grab des Klosterheiligen zu ermöglichen, richteten die Planschöpfer eine Stollenkrypta ein, die von den Seitenschiffen aus zugänglich war. Abschrankungen sollten den Pilgerstrom lenken und die Laien daran hindern, in den innersten Chorbereich der Kirche einzudringen, wo die Mönche ihre Gottesdienste feierten und ihre private Andacht pflegten. Nicht immer erfüllten die Schranken ihren Zweck. Die St. Galler Annalen berichten zum Jahr 1004 von einem solchen Zwischenfall. Am Karsamstag drang während der Mittagspause eine stumme Frau unbemerkt in den streng abgeschlossenen Mönchschor ein und begab sich zum Hauptaltar. Ihr stummes Gebet wurde erhöhrt, der heilige Gallus heilte 34 sie von ihrem Gebrechen. Wie die Beispiele von Salomo und Ruodmann gezeigt haben, war es nicht unmöglich, durch die Kirche auch unerkannt in die Klausur einzudringen, zumal wenn man sich während der Nacht oder im Dämmerlicht unter einer Kapuze verstecken konnte. Solches musste unter allen 31 Wie Semmler, Josef, Die Reform geistlicher Gemeinschaften in der ersten Hälfte des 9. Jahrhunderts und der Klosterplan von St. Gallen, in: Studien zum St. Galler Klosterplan ii (Anm. 7), S. 87–105, aufgezeigt hat. 32 Berschin, Klosterplan als Literaturdenkmal (Anm. 12), S. 131f. 33 Regula Benedicti, c. 53, 13 (Anm. 8), S. 315f. 34 Annales Sangallenses maiores (Anm. 2), S. 303.

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Umständen verhindert werden, die Mönche wollten und mussten ihren geistlichen Raum vor dem Zutritt Unbefugter schützen. Zu diesem Zweck waren zwei Mönche speziell beauftragt, die Klausur zu überwachen. Sie durften notfalls auch reden und eine zwielichtige Gestalt leise ansprechen, während für die anderen strengstes Schweigegebot galt. Im Falle der Enttarnung Salomos hatten als Wächter ausgerechnet Ratpert und Tuotilo 35 Dienst, was nicht gerade zu einem guten Verhältnis der Beiden zu ihrem künftigen Abt beitrug.

iii. Verdichtete und imaginäre Räume Die Beobachtungen zur Klausur haben uns bereits vor Augen geführt, dass der innerklösterliche Raum unterschiedliche Verdichtungen aufweist, je nach seiner religiösen und sozialen Funktion. Diese Aspekte sollen im dritten und letzten Teil der Abhandlung vertieft werden. Neben der topographischen Abgrenzung war ‘Raum’ auch akustisch differenziert wahrnehmbar. Die Klausur war vor allem ein Ort der Stille, des Gebetes und der Andacht oder umgekehrt der Abwesenheit von weltlichem Reden. In den erzählenden Quellen stösst man immer wieder auf die Stille als Grundvoraussetzung für das kontemplative Leben. Auf dem klösterlichen Alltag lag das Gesetz des Schweigens. Die Gewohnheiten bestimmten im Tageslauf der Mönche genau die verschiedenen Abstufungen der Stille nach Zeit und Raum. In den auf Dialogen aufgebauten Erzählungen in den ‘Casus sancti Galli’ Ekkeharts iv. kommt es immer wieder zu unterhaltsamen Szenen, wenn man das Schweigegebot unter Umständen zu umgehen suchte oder brechen musste. Erwähnt sei die nächtliche Szene vom ertappten Lauscher Sindolf, dem Zuträger des Abtes Salomo, der von Ratpert verprügelt wurde – alles zunächst unter Beachtung des Silentiums! – und schliesslich nicht mehr an sich halten konnte. Bevor er aber laut zu zetern begann, kündigte er seinen Bruch des Schweigegebots an: „Ich muss rufen!“ (voce opus est). Nun erst wurde die Prügelei öffentlich und eilten die Mitbrüder herbei, um das Spek36 takel zu erleben.

35 Ekkehart, Casus (Anm. 1), c. 5, S. 24f. 36 Ibid., c. 36, S. 82f.

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Die gleiche Erzählung offenbart noch andere unterschiedliche SprachRäume im Kloster. Sie fängt damit an, dass die drei Mönche Notker, Ratpert und Tuotilo mit Erlaubnis des Abtes frühmorgens in den Pausen zwischen den Stundengebeten im Skriptorium gelehrte Gespräche über die Bibel führten, zu einer Zeit und in einer Umgebung, die nach der Regel strengstes Schweigen gebieten würden. Im Dienst der Wissenschaft durfte das Skriptorium zu einer Oase des Sprechens in der von Schweigen erfüllten Klausur werden. Eine zweite unsichtbare, aber hörbare Sprach-Grenze ist zwischen den sich in Latein unterhaltenden drei Mönchen und dem Lauscher Sindolf, der des Lateins nicht mächtig ist, aufgerichtet. Diese Grenze durchzog das ganze Kloster, sie teilte den Konvent in zwei Teile, die litterati und die illiterati. Das Latein wurde zu einem Kommunikationsmittel für Eingeweihte, umgekehrt wurde es von denen, die davon ausgeschlossen waren, als etwas 37 Geheimnisvolles und Unheimliches, ja als Teufelswerk wahrgenommen. Das Teuflische – um an dieses Stichwort anzuknüpfen – hat im Kloster und gerade in seinem Innersten auch seinen Raum. Die Klausur ist der Kampfplatz der Mönche im Ringen mit dem Bösen. Als vor dem drohenden Ungarneinfall vom Jahr 926 Abt Engilbert seine Mönche zum Kampf rüstete, soll er gemäss Ekkehart vor versammelter ‘Mönchs-Truppe’ folgende Rede gehalten haben: „Meine Brüder, wie wir gegen den Teufel bisher voller Gottvertrauen mit unseren Seelen gekämpft haben, so lasst uns Gott bitten, dass 38 wir es jetzt dem Teufel mit unseren Fäusten zeigen“. Die Gegenwart von Dämonen war gerade für fromme und asketische Mönche eine immer wieder erlebte Wirklichkeit. Einen berühmten Kampf mit Luzifer focht Notker der Stammler aus, ein Mann von schwächlichem Körperbau und ein schüchterner Mensch dazu. Als sich einmal ein Hund in die Galluskrypta verirrt hatte, in die Notker frühmorgens zum Gebet hinunter stieg, bekämpfte er dieses Ungeheuer, den vermeintlichen Teufel, mit Heldenmut. Seine eigenen Kräfte hätten nicht ausgereicht, um Luzifer, wie er glaubte, zu überwinden. Dafür nahm er den Teufel bannende heilige Gegenstände zu Hilfe, die ihm gerade erreichbar waren. Mit dem Krummstab des heiligen Kolumban 39 drosch er auf den Hund ein, bis diese kostbare Reliquie zerbrach (Abb. 1).

37 Vgl. Stotz, Peter, Dazugehören, Bescheid wissen, Spuren hinterlassen: die Rolle(n) der Schrift im frühen Mittelalter, in: Geheimnisse auf Pergament. Katalog zur Jahresausstellung in der Stiftsbibliothek St. Gallen (3. Dezember 2007–9. November 2008), St. Gallen 2008, S. 95–102. 38 Ekkehart, Casus (Anm. 1), c. 51, S. 114f. 39 Ibid., c. 41, S. 92–95.

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Das Dämonische stellte den Mönchen mit Vorliebe an den heiligsten Orten nach, in der Kirche und in der Krypta, dort wo sie ihr kontemplatives Werk verrichteten. Einen anderen gefährlichen Ort, sozusagen ein Einfallstor der Unterwelt, bildeten die Latrinen. Es ist kein Zufall, dass der Eindringling Abt Ruodmann von Reichenau gerade auf dem Abort 40 entdeckt wurde. Der Abort galt seit jeher als ein unheimlicher Ort, wo 41 Geister und Teufel erscheinen. Die St. Galler Mönche betraten, wie Ekkehart schreibt, während der Nachtruhe die Latrinen ausser in Notfällen nicht. Die im trüben Licht dieses Raumes sitzende dunkle Gestalt, als Ruodmann enttarnt, wurde von ihnen unwillkürlich mit dem Leibhaftigen assoziiert. Zum Glück für die Mönche gab es im Kloster aber auch die Manifestation des Überirdischen, verdichtete Räume, wo sie in ihrem täglichen Kampf die Kräfte des Erlösers, seiner Heiligen und Engel erfuhren. Solche besonderen Orte waren wiederum die Kirche, ausserdem der Kreuzgang und der Friedhof. Das Kreuz als Zeichen für Christus und die Erlösung der Welt war mitten in der Kirche am Kreuzaltar aufgerichtet und mit dem Vers geschmückt: „Hehres Kreuz, du bist das Leben, das Heil und die Erlösung 42 der elenden Welt“. Auf dem Klosterplan findet sich das Kreuz, enigmatisch verschlüsselt, auch in der Mitte des Kreuzganggartens, d. h. innerhalb der Klausur. Es tritt hier dem Betrachter in verschiedenen, ineinander greifenden Formen entgegen, als Wegkreuz, in der Diagonale und im immergrünen Sevenbaum in der Mitte des Gartens mit seinen andreaskreuzförmig ausgebreiteten Ästen. Ein Kreuz besetzt auf dem Klosterplan auch den Mittelpunkt des Friedhofs. Darum herum finden sich 14 Gräber und ein Obstgarten mit 13 verschiedenen Bäumen und Sträuchern eingezeichnet. Das Kreuz als vierzehnter ‘Baum’ symbolisiert den Lebensbaum, wie das das Kreuz umgebende Distichon verdeutlicht: Unter diesen Hölzern der Erde ist das heiligste immer das Kreuz, an dem duften die Früchte des ewigen Heils. Um es herum sollen liegen die Leiber der verstorbenen Brüder, 43 wenn es wieder erglänzt, mögen sie empfangen die Reiche des Himmels.

40 Ekkehart, Casus (Anm. 1), c. 91, S. 188f. 41 Vgl. Art. Abort, in: Handwörterbuch des deutschen Aberglaubens 1 (1927), Sp. 91–95. 42 Berschin, Klosterplan als Literaturdenkmal (Anm. 12), S. 124, 126. 43 Ibid., S. 140f.

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Mit dem Friedhof als Symbol für das Paradies findet das Kloster seinen Ort in der universellen Heilsgeschichte. Es wird gleichsam darin verankert, eingebettet in die Zeitachse vom ersten Paradies im Garten Eden bis zum Anbruch des neuen, ewigen Paradieses am Jüngsten Tag. Darin liegt das Ziel 44 der Klosterbewohner auf ihrem Weg der Kontemplation. Der abgegrenzte Raum der Klausur bot den Mönchen auf dem Weg der Verinnerlichung verschiedene Freiräume und Entfaltungsmöglichkeiten. Wer aber durch den Tageslauf und die vielen Beschäftigungen, welche die Regel und das Gemeinschaftsleben mit sich brachten, in seiner Kontemplation behindert wurde, konnte eine noch strengere Form der Abschliessung wählen, das Reklusentum. Das Kloster St. Gallen war im Frühmittelalter ein fruchtbarer Boden für diese radikalste Form der Weltabwendung. Die Eremitentradition an der Zelle des heiligen Gallus zog immer wieder Einsiedler an. Leuchtendes Vorbild war die Reklusin Wiborada, die an ihrem Lebensende beim Einfall der Ungarn im Mai 926 noch mit dem Martyrium belohnt wurde, da sie sich standhaft weigerte, ihr Gelübde des eingeschlossenen Lebens auch nur vorübergehend zu brechen. Abt Purchart zog sich im Jahr 971 von seinem Amt zurück, errichtete die Galluskapelle am Ort, wo der heilige Gallus nach der Legende einst ins Dornengestrüpp gefallen war, und daneben einen Verschlag, um sich darin einzuschliessen. Nur der Einspruch des Bischofs von Konstanz, Purchart sei dafür körperlich zu 45 schwach, hinderte ihn an der Ausführung seines Plans. Die vielleicht eindrücklichste Gestalt unter den St. Galler Reklusen war Hartker. Er liess sich um 980 in der Zelle St. Georgen unweit vom Kloster einmauern und lebte hier über dreissig Jahre lang bis zu seinem Tod im Jahr 1011. Seine Zelle sei so niedrig gewesen, dass Hartker darin nicht habe aufrecht stehen können, und als Kopfkissen habe ihm ein Stein gedient, 46 berichtet Ekkehart iv. in seinem ‘Liber Benedictionum’. Hartker widmete sich dem Abschreiben von Büchern. Erhalten ist sein mit sechs ganzseitigen Federzeichnungen geschmücktes Antiphonar, das mit seinen ausserordentlich feinen Neumen ein frühes graphisches Meisterwerk der europäischen Buchgeschichte bildet. Die Autorschaft des Eremiten geht aus 44 Zur Interpretation vgl. Tremp, Ernst, Gartenanlagen im St. Galler Klosterplan, in: Heilkräuter und Gartenanlagen im Kloster St. Gallen. Katalog zur Jahresausstellung der Stiftsbibliothek St. Gallen (30. November 2009–7. November 2010), St. Gallen 2010, S. 13–19. 45 Ekkehart Casus (Anm. 1), c. 122, S. 236f. 46 Der ‘Liber Benedictionum’ Ekkeharts iv., hg. v. Johannes Egli (Mittheilungen zur Vaterländischen Geschichte 31, 1909), S. 226f.

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der Beischrift zum Widmungsbild hervor, worin Hartker sein Buch dem heiligen Gallus überreicht. Neue Forschungen haben allerdings gezeigt, dass Hartker zwar den Text des Antiphonars und den grössten Teil der Neumen geschrieben hat, dass er aber bei der musikalischen Notation mit anderen 47 Mönchen des Klosters eng zusammenarbeitete. Dennoch bleibt die Leistung des Reklusen Hartker bewundernswert. In diesem in engster Behausung lebenden Mönch und seiner kunstvollen Schöpfung ist der im Titel dieses Beitrags formulierte Gegensatz von „Freiraum und Engnis“ aufgehoben und zu seiner höchsten Vollendung gelangt.

47 Vgl. Pouderoijen, Kees, Wer ist Hartker? Die Entstehung des Hartkerischen Antiphonars, in: Beiträge zur Gregorianik 47 (2009), S. 67–86.

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Abb. 1 – Notker hindert den Teufel mit einem Kreuz auf der Treppe am Verlassen der Galluskrypta und schlägt mit dem Krummstab des heiligen Kolumban auf ihn ein, bis der Stab zerbricht. Notker Balbulus im Kampf mit dem Teufel in Hundegestalt. Miniatur von Kaspar Härtli beim Introitus zum Gallusfest (16. Oktober) im Graduale mit vierstimmigen Gesängen, komponiert von Manfred Barbarini Lupus, geschaffen um 1560/62 für das Kloster St. Gallen. Stiftsbibliothek St. Gallen, Cod. Sang. 542, S. 606 / Codices Electronici Sangallenses.

Topographie des Profits: Wirtschaft und Raum bei Lukas Rem Hans-Joachim Schmidt (Freiburg i. Ü.)

i. Konzepte von Raum und Zeit in der Wirtschaftsgeschichte Die Raumkonzepte in der Wirtschaftsgeschichte beruhen bis heute auf zwei Mustern: erstens auf dem der globalen Relationen, so wie sie Immanuel Wallerstein konzipierte und als Lokationen von Macht und Machtdefiziten 1 charakterisierte, zweitens auf dem der abgestuften Umgebungskreise, die in der Tradition von Heinrich von Thünen und Walter Christaller die Stadt2 Land-Beziehungen und den Transfer von Gütern widerspiegelten. Beide Modelle zeichnen sich durch die Dichotomie von Zentrum und Peripherie aus. In diesem Gegensatzpaar sind die ungleiche Verteilung von Ressourcen, von deren Verfügung, die Verbindung von Produktion und Konsum und die unilateralen Beziehungen zu zentralen Regionen oder Orten vorgegeben.

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Wallerstein, Immanuel, The Modern World System. Capitalist Agriculture and the Origine of the European World Economy in the 16th Century, New York 1976; Imbusch, Peter, Das moderne Weltsystem. Eine Kritik der Weltsystemtheorie Immanuel Wallersteins, Marburg 1990. Thünen, Johann Heinrich, Der isolierte Staat in Beziehung auf Landwirtschaft und Nationalökonomie, Berlin 1842–1850; Christaller, Walter, Die zentralen Orte in Süddeutschland. Eine ökonomisch-geographische Untersuchung über die Gesetzmäßigkeit der Verbreitung und Entwicklung der Siedlungen mit städtischen Funktionen, Jena 1933, NDr. Darmstadt 1968; id., Rapports fonctionnels entre les agglomérations urbaines et les campagnes, in: Comptes rendus du Congrès international de géographie Amsterdam 1938, sect. iiia, Leiden 1938, S. 123–137; id., Wie ich zu der Theorie der zentralen Orte gekommen bin. Ein Bericht, wie eine Theorie entstehen kann, und in meinem Fach entstanden ist, in: Geographische Zeitschrift 56 (1968), S. 88–101.

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Beiden Prämissen gemeinsam ist die Relation zu Zentralen. Beiden 3 Prämissen bleibt die Wirtschaftsgeschichte bis heute verpflichtet, wohingegen das Konzept der Netzwerke, durchaus fruchtbar gemacht für andere 4 Bereiche der Geschichtswissenschaft, noch keine hinreichende Beachtung gefunden hat. Dies liegt allein schon an der bevorzugten Untersuchung zu einzelnen Personen oder kommerziellen Gesellschaften, an der Fixierung auf Produktionsstätten und Produktionsräume, an der Typologisierung von regionalen und lokalen Befunden. Im Folgenden soll ein anderer Ansatz erprobt werden. Nicht um die Hierarchisierung von Räumen soll es dabei gehen, nicht um die Zuordnung von Peripherien zu Zentren, nicht um die Lokalisierung konzentrischer Einflußzonen, sondern um die Modellierung von räumlichen Beziehungen, die auf Verbindungslinien beruhen, welche voneinander entfernt liegende Punkte verknüpfen. Die Zentralität der Punkte soll sich dabei nicht nach ihrer Wirkung in das Umland, sondern auf ihre Figuration von Relationen bemessen. Diese beruhen auf Transferierungen von Personen, von Gegenständen und von Informationen. Es geht also um Praktiken der Erkundung, der Nutzung und der Erfassung des Raumes, ohne ein Kontinuum des Einflusses vorauszusetzen. Alle drei Praktiken, soweit sie in Texten festgehalten und überliefert sind, eignen sich dazu, ein Bild des wirtschaftlichen Austausches und der Kommunikation zu entwerfen, das sich als Ensemble von Relationen darstellt, in denen Distanzen und deren Überwindung, die Fixierung von Orten der Aktion und die Verknüpfung solcher Orte vorgestellt werden. Statt einer unilateralen Zentrierung ist hier nach multiplen Relationen zu fragen, die zwar an Zentren anknüpfen, wegen deren Vielzahl aber keine dominanten Raumbeziehungen erzeugen. Statt konzentrische und sich mit der Entfernung vom Zentrum abschwächende Einflußzonen 3

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Irsigler, Franz, Raumerfahrung und Raumkonzepte im späten Mittelalter und in der frühen Neuzeit, in: Miscellanea Franz Irsigler. Festgabe zum 65. Geburtstag, hg. v. Volker Henn, Trier 2006, S. 429–440. Städtelandschaft, Städtenetz, zentralörtliches Gefüge. Ansätze und Befunde zur Geschichte der Städte im hohen und späten Mittelalter. Internationale Tagung Trier 3.–5. Juni 1998, hg. v. Monika Escher und Alfred Haverkamp (Trierer Historische Forschungen 43), Mainz 2000; Ordnungskonfigurationen im hohen Mittelalter, hg. v. Bernd Schneidmüller und Stefan Weinfurter (Vorträge und Forschungen 64), Ostfildern 2006; Zentrum und Netzwerk. Kirchliche Kommunikationen und Raumstrukturen im Mittelalter, hg. v. Gisela Drossbach und Hans-Joachim Schmidt (Scrinium Friburgense 22), Berlin/New York 2008.

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zu erstellen, sollen die Raumbeziehungen als Netz von Verbindungen vorgestellt werden. Es soll also nach einem Modell verfahren werden, das zwar eine hierarchische Strukturierung ergibt; aber diese bildet sich nicht durch eine Differenzierung von unterschiedlichen Räumen und nicht durch eine Zuordnung auf ein Zentrum ab, sondern durch eine Gewichtung der Bedeutung von Orten. Deren Bedeutung ist nicht gleichzusetzen mit einer Über5 schußfunktion zugunsten der Umgebung, sondern durch die Quantität der Kontakte. Es ist also zu fragen, wie eine räumliche Ordnung als Ergebnis von Relationen, nicht als Zusammenstellung von territorialen Einheiten grundgelegt war. Für den Handelsverkehr sind dies immanent notwendige Relationen. Die Distributionsfunktion des Handels setzt Ungleichheiten in den Raummustern voraus. Die Aneignung des Raumes gilt es im Folgenden als Überwindung von Entfernungen zu interpretieren. Die dazu erforderliche Zeit ist sowohl Hemmnis als auch Voraussetzung für den Handelsgewinn. Die instrumentelle Aneignung des Raumes vermag erst den Profit 6 zu erzeugen. Ein weiterer Aspekt der folgenden Überlegungen betrifft die Profite, die durch die Verbindung von Orten und damit durch die Bewegung im Raum gewonnen wurden. Profite beruhten auf der Transferierung von Waren und auf der Übermittlung von Informationen. Dazu bedurfte es des mobilen Kaufmanns – auch noch zu Beginn des 16. Jahrhunderts. Die Einsatzorte waren zeitlich limitiert und sie waren durch Distanzen getrennt, die es zu überwinden galt. Im Folgenden sollen die Lokalisierung von Tätigkeitsorden und die Quantifizierung von Distanzen im kommerziellen Verkehr im beginnenden 16. Jahrhundert untersucht werden. Welche Orte bildeten Kerne, charakterisiert durch häufige Aufenthalte? Wie gestaltete sich die Überwindung von Entfernungen? Wie verhielt sich die Zeitausdehnung des Reisens zu der räumlichen Entfernung? In welcher Beziehung standen

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Beispielhaft sei auf die Untersuchung zu den vielfältigen, nicht allein wirtschaftlichen Bedeutungsüberschüssen der Stadt Verdun verwiesen: Hirschmann, Frank, Verdun im hohen Mittelalter. Eine lothringische Kathedralstadt und ihr Umland im Spiegel der geistlichen Institutionen (Trierer Historische Forschungen 27), Trier 1996; allgemein siehe: Städtelandschaft (Anm. 4). Siehe die Hinweise hinsichtlich moderner Raumgestaltung durch funktionales Handeln: Engels, Jens Ivo und Obertreis, Julia, Infrastrukturen in der Moderne. Einführung in ein junges Forschungsfeld, in: Saeculum. Jahrbuch für Universalgeschichte 58 (2007), S. 1–12.

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Profite und Reisen? Wie wurde diese Relation in mentalen Repräsentationen abgebildet? Der Austausch von Gütern erzeuge Gewinn, sofern er auf einem räumlichen Transfer von Waren beruht. Auf diese Weise rechtfertigten Theologen, Kanonisten und Philosophen seit dem 13. Jahrhundert den Gewinn der Kaufleute. Die augenscheinliche Tatsache, daß anders als in der Güterproduktion die materielle Substanz von Waren nicht durch den Handel und auch nicht durch den Transport von einem Ort zum anderen verändert wird, rief Probleme hervor bei einer Sichtweise, die auf den ontologischen Status von Gegenständen fixiert war. Diese Probleme zu lösen, hätte die theoretische Fundierung auf die sozialen Relationen des Warenverkehrs erfordert, d.h. die Negierung eines dem Objekt der Ware selbst innewohnenden Wertes. Indes, dies geschah nur ausnahmsweise, etwa durch den Franziskaner Petrus Johannes Olivi an der Wende zum 14. Jahrhundert, am deutlichsten noch in juristischen Kommentaren, die den Kontrakt, der jedem Handelsautausch zugrunde liegt, als rechtlich verbindlich darstellten. Durchgesetzt hat sich freilich die Vorstellung, daß die räumliche Dislokation von Waren einen Plus an Wert nach sich ziehe und dies gerechtfertigt sei, erstens weil der Transport von Waren Arbeit sei, zweitens weil das Risiko des Verlustes während des Transports eine Entlohnung verlange, drittens die Bereitstellung von Waren an Orten, an denen sie nicht hergestellt werden könnten, eine Belohnung rechtfertige, viertens die Verfügbarkeit von Waren an entfernten Orten ihre Herstellung erst ermögliche, und fünftens weil wegen der Preisdifferenz in unterschiedlichen Räumen der Handel sowohl Käufern als auch Verkäufern Nutzen bringe. Der Dominikaner Johannes Nider († 1438) konzentrierte die gelehrte Sicht auf die Gestaltung von Verträgen der Kaufleute, verband diese mit der praktischen Anwendung und vermittelte eine Moraldidaxe, die das Problem, wie der notwendige Warentausch in rechter Weise gestaltet werden sollte, behandelte. Wiederum ging es um die Gewährleistung eines Gleichgewichtes zwischen den Leistungen der am Handelskontrakt Beteiligten. Die Mehrung des Nutzens müsse Käufer und Verkäufer erfassen. Anders als bei Olivi war damit die Rechtmäßigkeit des Handels weniger vom Zustandekommen des Kontrakts als von dessen Ergebnis abgeleitet. Die Reziprozität des Nutzens war wichtiger als die Symmetrie der Handelspartner. Aber auch in diesem Fall waren

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Handelsgewinne gerechtfertigt, da sie die Belohnungen von Mühen und Risiken darstellten.7 Diese Auffassung vertrat auch Martin Luther, der anders als bei seinen Invektiven gegen den Zinskauf den Warenhandel rechtfertigte und lediglich davor warnte, den maximalen Preis erzielen zu wollen, anstatt sich mit dem 8 zu begnügen, was „recht und billich“ sei. Anders die zeitliche Differenz. Sie war nicht als Quelle von Profiten legitimiert. Mit der – so die herrschende Lehre – allein Gott zur Verfügung 9 stehenden Zeit zu handeln, galt als verwerflich. Realiter aber waren sowohl zeitliche als auch räumliche Differenzen für den Handel entscheidend und auf beiden beruhte der Profit. Dies zeigt sich 7

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Johannes Nider, On the Contracts of Merchants (Tractatus de contractibus Mercatorum), hg. v. Ronald B. Shuman, Norman 1966; Alexander Engel, Homo oecumenicus trifft ehrbaren Kaufmann. Theoretische Dimensionen und historische Spezifität kaufmännischen Handels, in: Praktiken des Handels. Geschäfte und soziale Beziehungen europäischer Kaufleute in Mittelalter und früher Neuzeit, hg. v. Mark Häberlein und Christof Jeggle (Irseer Schriften NF 6), Konstanz 2010, S. 145–172, hier 149–152. Martin Luther, Von Kaufshandlung und Wucher, in: ders., Gesammelte Werke. Kritische Gesamtausgabe, Bd. 15, Weimar 1899, S. 295; Bruchhäuser, Hanns-Peter, Kaufmannsbildung im Mittelalter. Determinanten des Curriculums deutscher Kaufleute im Spiegel der Formalisierung von Qualifizierungsprozessen, Köln/Wien 1989, S. 31f. Dumas, Auguste, Intérêt et usure, in: Dictionnaire de droit canonique, hg. v. Raoul Naz, Bd. 5, Paris 1953, Sp. 1475–1518; McLaughlin, Terence P., The Teaching of the Canonsits on Usury (12th, 13th, 14th Centuries), in: Medieval Studies 1 (1939), S. 81–147; 2 (1940), S. 1–22; Noonan, John Thomas, The Scholastic Analysis of Usury, Cambridge, Mass. 1957; Trusen, Winfried, Spätmittelalterliche Jurisprudenz und Wirtschaftsethik (Vierteljahresschrift für Sozial- und Wirtschaftsgeschichte. Beihefte 43), Wiesbaden 1961, S. 52–79; Nelson, Benjamin, The Idea of Usury: From Tribul Brotherhood to Universal Otherhood, Chicago 1969; Zafarana, Zelina La predicazione ai laici da secolo xiii als xiv, in: Studi Medieval 24 (1983), S. 265–275; Le Goff, Jacques, Temps de l’Eglise et temps du marchand, in: Annales Économies, Sociétés, Civilisations 15 (1960), S. 412–433; id., Wucherzins und Höllenqualen. Ökonomie und Religion im Mittelalter, Stuttgart 1988, S. 17–29; Diestelkamp, Bernhard, Wucherverbot und abstrakte Schuldanerkenntnis in der Praxis Brabanter Schöffen zu Anfang des 14. Jahrhunderts. Zur Anwendung der Clementine „De usuris“, in: Beiträge zur Rechtsgeschichte. Festschrift für Hermann Conrad, hg. v. Gerd Kleinheyer und Paul Mikat (Rechts- und staatswissenschaftliche Veröffentlichungen der Görres-Gesellschaft NF 34), Paderborn 1979,

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in einer Buchführung und in einer Verschriftlichung, welche den Warenverkehr begleitete und in ein rationales Gerüst der Gewinn- und Verlustberechnung überführte. Wie Fernand Braudel formulierte, war die Beschleunigung des Verkehrs eine Voraussetzung der Raumerweiterung des Handels, der sich an der Wende zum 16. Jahrhundert anschickte, zum Welthandel zu werden und damit – in den Worten von Immanuel Wallerstein – die Voraussetzung des Weltsystems mit Arbeitsteilungen und Aufteilungen in Zentren und Peripherien schuf. Fernand Braudel hat die Zentralität einer Handelsstadt – zu Beginn des 16. Jahrhunderts war dies Antwerpen – herausgestellt. Eine Nahtstelle von Welthandel und europäischen Handel sei damit 10 hergestellt worden. Im Unterschied aber zu Fernand Braudel, soll im Folgenden die Multipolarität des Handelsverkehrs zu Beginn des 16. Jahrhunderts vorausgesetzt werden; das Fehlen eines einzigen dominanten Zentrums als Voraussetzung für Profitchancen soll aufgezeigt werden. Nur durch die Verbindung mehrerer Zentren diversifizierten sich nicht allein Handelsströme, sondern verteilten sich auch Profitoptionen, die mit ihren jeweiligen Risiken sowohl Anreiz als auch Konkurrenz schufen, zugleich aber auch eine Vielzahl von Möglichkeiten eröffneten, die zu nutzen den Kaufleuten offenstand und die dadurch eine Streuung des Risikos erreichten. Entgegen der Auffassung von Friedrich Wilhelm Henning und mit ihm der Mehrzahl der Wirtschafts11 historiker soll außerdem aufgezeigt werden, daß auch zu Beginn des 16. Jahrhunderts Handel nicht allein durch den in seinem Kontor operierenden Kaufmann, also von einem Zentrum aus agierend, gestaltet wurde, sondern weiterhin des ambulanten, mit seinen Waren reisenden und an vielen Orten

S. 47–63; Cullen, Bernard, Property in the Writings of St. Bonaventura, in: L’homme et son univers au moyen âge. Actes du 7e congrès intern. de philosophie médiévale, 30 août–4 sept. 1982, hg. v. Christian Wenin (Philosophes médiévaux 27), Louvain-La-Neuve 1986, S. 827–834; Schmitt, Jean-Claude, Il tempo como parametro e come ogetto della storia, in: Le frontiere del tempo, hg. v. Roggiero Romano, Milano 1981, S. 45–59; Kirshner, Julius und Pete, Kimberly Lo, Peter John Olivi’s Treatises on Contracts of Sale, Usury and Restitution. Minorite Economic or Minor Works?, in: Quaderni Fiorentini 13 (1984), S. 233–286. 10 Braudel, Fernand, Sozialgeschichte des 15.–18. Jahrhunderts, München 1986, S. 22ff. 11 Hennig, Friedrich-Wilhelm, Handbuch der Wirtschafts- und Sozialgeschichte Deutschlands, Bd. 1: Deutsche Wirtschafts- und Sozialgeschichte im Mittelalter und in der frühen Neuzeit, Paderborn et alii 1991, S. 458f.

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präsenten und dort sein Wissen erweiternden und einsetzenden Kaufmanns bedurfte, also auf dezentral und räumlich vernetzenden Akteuren beruhte. Es sollen daher im Folgenden keine Wirtschaftsräume vorgestellt werden, die durch die in ihnen praktizierten Kooperationen und durch die Reisen innerhalb von ihnen Einheitlichkeit erzeugten; sondern im Gegenteil ist das Zusammenspiel zwischen disparaten Regionen mit differenten Warenangeboten die leitende Überlegung. Es geht um Beziehungen, die, eben weil sie ungleichartige Beziehungsobjekte verbanden, d.h. auf nicht homogenen Relationen basierten, Möglichkeiten des Gewinns eröffneten. Nicht die Konstituierung von Raumeinheiten wird zu behandeln sein, sondern die Erstellung von Verbindungslinien und Begegnungsorten. Die Transgression von Räumen war die Quelle des Reichtums. Indem im Folgenden kommerzielle Reisen untersucht werden, soll sich die Mobilität als Quelle 12 von Kaufmannsgewinnen erweisen.

ii. Lukas Rem Ich will die Überlegungen anhand eines Quellenkorpus erläutern, der, in der ersten Hälfte des 16. Jahrhunderts verfaßt, sich als Tagebuch, Reisebericht, Rechnungsführung, Vermögensaufstellung präsentiert. Es handelt sich um das sogenannte Tagebuch des in Augsburg beheimateten Kaufmanns Lukas Rem. Bei der Niederschrift des Textes konnte dieser sich auf laufende Rechnungsbücher stützen, die, obwohl nicht erhalten, vorauszusetzen sind angesichts der Präzision seiner Angaben. Einer wohlhabenden Familie entstammend, setzte der 1481 geborene Lukas Rem die Aktivitäten seiner Vorfahren fort, engagierte sich im Fernhandel und war durch familiäre Bande mit reicheren Personen seiner Stadt verbunden. Seine Mutter war die Tochter von Lukas Welser. Sein Vater hatte bereits Ländereien und Grundherrschaften außerhalb der Stadt erworben und war dadurch Mitglied des Schwäbischen Bundes und der Gesell13 schaft St. Jörgenschild geworden, und auch Lukas Rem selbst erwarb 12 Ohlen, Norbert, Reisen im Mittelalter, München 1986; Reisen und Reiseliteratur im Mittelalter und in der frühen Neuzeit, hg. v. Xenia von Ertzdorff, und Dieter Neukirch, Amsterdam 1992. 13 Carl, Horst, Der Schwäbische Bund 1488–1534. Landfrieden und Genossenschaft im Übergang vom Spätmittelalter zur Reformation (Schriften zur südwestdeutschen Landeskunde 24), Leinfelden-Echterdingen 2000; Oben-

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umfangreichen ländlichen Besitz. Sein Bruder, Gilg Rem, wurde Fürstbischof von Chiemsee. Der Weg zur Nobilität war vorgezeichnet. Lukas Rem wurde 1538 in das Patriziat der Stadt Augsburg und drei Jahre später durch Kaiser Karl v. in den erblichen Reichsadel aufgenommen. Anders aber als seine Vorfahren betrieb Lukas Rem seine Handelsaktivitäten zunächst nicht als selbständiger Kaufmann, sondern als Mitglied der Handelsgesellschaft von Konrad Vöhlin und Anton Welser, zwar mit einer eigenen Kapitaleinlage, faktisch aber durchaus als untergeordneter und Befehle empfangender Angestellter. Erst 1517 gelang es ihm, nach einem ersten gescheiterten Anlauf drei Jahre zuvor, eine eigene Gesellschaft zu gründen – ein Schritt, der durch Divergenzen mit seinem Herrn, Anton Welser motiviert war, worauf noch zurückzukommen sein wird. Er heiratete spät im Alter von 37 Jahren; seine Gattin Anna stammte aus dem reichen Augsburger Kaufmannsgeschlecht der Ehein. Am 22. September 1541 ist Rem in seiner Heimatstadt gestor14 ben. Die Aufzeichnungen von Lukas Rem wurden von der Geschichtswissenschaft als Quelle der oberdeutschen Handelsgeschichte des beginnenden 16. Jahrhunderts ausgewertet, aber es wurde fast ausschließlich das überseeische aus, Herbert, Recht und Verfassung der Gesellschaften mit St. Jörgenschild in Schwaben. Untersuchungen über Adel, Einung, Schiedsgericht und Fehde im 15. Jahrhundert (Veröffentlichungen des Max-Planck-Instituts für Geschichte 7), Göttingen 1961; Ranft, Andreas, Adelsgesellschaften. Gruppenbildung und Genossenschaft im spätmittelalterlichen Reich (Kieler Historische Studien 38), Sigmaringen 1994. 14 Von Welser, Hubert, Lucas Rem, in: Lebensbilder aus dem Bayerischen Schwaben, Bd. 6, hg. v. Götz von Pölnitz (Schwäbische Forschungsgemeinschaft bei der Kommission für Bayerische Landesgeschichte. Veröffentlichungen, Reihe 3, Bd. 6), München 1958; Zahnd, Urs Martin, Die autobiographischen Aufzeichnungen Ludwig von Diesbachs. Studien zur spätmittelalterlichen Selbstdarstellung im oberdeutschen und schweizerischen Raume, Bern 1986, S. 288f.; Häberlein, Mark, „Die Tag und Nacht auff Fürkauff trachten“. Augsburger Großkaufleute des 16. und beginnenden 17. Jahrhunderts in der Beurteilung ihrer Zeitgenossen und Mitbürger, in: Augsburger Handelshäuser im Wandel des historischen Urteils, hg. v. Johannes Burkhardt (Institut für Europäische Kulturgeschichte der Universität Augsburg. Colloquia Augustana 3), Berlin 1996, S. 46–68; Frenken, Ralph, Lucas Rem (1481–1541), in: Kindheit und Autobiographie vom 14. bis zum 17. Jahrhundert, hg. v. id. (Psychohistorische Forschungen 1/1), Kiel 1999, S. 358–361; Certin, Aude-Marie, Relations professionnelles et relations fraternelles d’après le journal de Lucas Rem, marchand d’Augsbourg (1481–1542), in: Médiévales 54 (2008), S. 83–98.

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Engagement, das von Portugal ausging, untersucht. Dabei standen die Akti15 vitäten und Investitionen der Welser im Vordergrund. Desweiteren war der Text Quelle für Forschungen zum bürgerlichen Selbstbewußtsein, zur Geschichte der Familie, zu moralischen Normen in der Stadt, zu Anweisungen für den rechten Handel und zu Individualisierungsvorgängen durch Selbstreflexion und Selbstdarstellung. Im Folgenden soll die Handelstätigkeit, also das, was Lukas Rem in dem von ihm verfaßten Text vornehmlich beschreibt, als Ausgangspunkt für Überlegungen dienen, um die räumlichen Relationen, die Handel und Reisen hervorbrachten, zu untersuchen. Es sollen dabei nicht die außereuropäischen Expansionen, deren Handel bislang behandelt wurde, vielmehr die inner-europäischen Relationen erfaßt werden, womit ein räumlich kompaktes Gebilde figuriert erscheint, das in dem Text von Rem als Handelsraum vorstellt ist. Es geht also nicht um eine Handelsgeschichte, sondern um die Darlegung von Beziehungen, die sich als Relationen im Raumgefüge präsentieren. Ich hege die Hoffnung, daß entgegen der Einschätzung von Mark Häberlein, dem ausgewiesenen Kenner oberdeutscher Wirtschaftsgeschichte des 16. Jahrhunderts, keineswegs „die Ausbeute eher mager“ sei hinsichtlich der Themen von Reisen 16 und Handel. Die Aufzeichnungen von Rem sind präzise, in dem Sinne, daß sie genau die Zeiten angeben, die für die Reise zwischen zwei angegebenen Orten benötigt werden. In derselben Weise sind die Angaben präzise hinsichtlich der akkumulierten Geldbeträge. Die genaue Rechnungsführung, die hier vorliegt, erfaßt nicht allein das Handelsgeschäft, sondern auch die Bewegung im Raum, die indes nicht in Maßeinheiten der Länge, sondern der Zeitdifferenz angegeben ist. Die überlieferten Aufzeichnungen von Lukas Rem gehören gleichwohl nicht der kaufmännischen Buchführung an, profitieren aber offensichtlich von ihrer Praxis. Die Anwendung der doppelten Buchführung, in Augsburg, von Italien übernommen, förderte eine quantitative Erfassung ökonomischer und sozialer Tatbestände. Offensichtlich waren die Aufzeichnungen ähnlich den ‘libri di ricordanze’ in der italienischen Kaufmannspraxis gehalten und nahmen Anteil an einer Rationalisierung, die den Gewinn als Ausweis der eigenen Tüchtigkeit, d.h. von 15 Haebler, Konrad, Die überseeischen Unternehmungen der Welser und ihrer Gesellschafter, Leipzig 1903; Großhaupt, Walter, Commercial Relations between Portugal and the Merchants of Augsburg and Nuremberg, in: La Découverte, le Portugal et l’Europe. Actes du colloque Paris 26–28 mai 1988, hg. v. Jean Aubin, Paris 1990, S. 359–397. 16 Häberlein, Tag (Anm. 14), S. 46.

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Arbeit und Wissen, erachtete und über diese Tüchtigkeit Rechenschaft abzulegen suchte. Dies hatte auch Auswirkungen auf die Erfassung von 17 Raumbeziehungen. Zugleich sind die Aufzeichnungen in den Aufschwung einer laikalen Bildung zu stellen, die nicht allein den Kreis von Rezipienten, Lesern, Käufern und Sammlern von literarischen Texten erweiterte, sondern auch die eigene Text-Produktion durch Stadtbürger – und hier vor allem auch in Augsburg – beförderte. Die Darstellung des eigenen Erlebens sowie die des kaufmännischen Handelns wurde seit dem endenden 15. Jahrhundert häufig. Ein Verwandter von Lukas Rem, Wilhelm Rem, war ebenfalls 18 literarisch als Autor einer Chronik tätig. Außerdem waren einige Famili19 enmitglieder als Sammler römischer antiker Münzen bekannt. Der Text von Rem ist in deutscher Sprache geschrieben. Die Gestaltung der einzigen Handschrift von Rems Aufzeichnungen gibt die Gliederungselemente vor. Es sind dies Überwindungen von Strecken, die von einzelnen Orten ausgehen. Der Text ist in Abschnitte gegliedert, die jeweils mit der Buchstabenkombination adi beginnen, wohl eine Abkürzung von adicio. Darauf folgt eine Datumsangabe. Häufig erscheint in der Kopfzeile die Angabe des Jahres, während der die auf der betreffenden Seite berichteten Handlungen geschahen. Deutliche Markierungsmerkmale gliedern den Text der Handschrift. Die streng chronologische Ordnung ist verknüpft mit der räumlichen Abfolge, die sich als Etappenorte des Reisens darstellen. Die Gliederung durch Abschnitte und Einleitungsworte faßt Einheiten zusammen, die bezogen sind auf längere Aufenthalte in einzelnen Orten oder auf zusammenhängende Handlungsstränge, wie etwa die 17 Zahnd, Die autobiographischen Aufzeichnungen (Anm. 14), S. 289–293; Meyer, Andreas, Fernhandel mit Spanien im Spätmittelalter. Die Ravensburger Humpis-Gesellschaft, in: Oberschwaben und Spanien an der Schwelle zur Neuzeit. Einflüsse, Wirkungen, Beziehungen, hg. v. Dieter R. Bauer, Klaus Herbers und Elmar L. Kuhn, Stuttgart 2006, S. 33–52, S. 37f.; Herbers, Klaus, Vom Bodensee nach Spanien. Eigenes und Fremdes im Blick eines Reisenden um 1500, ibid., S. 9–19. 18 Schneider, Karin, Berufs- und Amateurschreiber. Zum Laien-Schreibbetrieb im spätmittelalterlichen Augsburg, in: Literarisches Leben in Augsburg während des 15. Jahrhunderts, hg. v. Johannes Janota und Werner WilliamsKrapp (Studia Augustana 7), Tübingen 1995, S. 8–26; Henkel, Nikolaus, Ein Augsburger Hausbuch des Spätmittelalters. Der Wolffenbütteler Codex des Bürgermeisters Ulrich Schwarz († 1478), ibid., S. 27–46; Häberlein, Tag (Anm. 14), S. 51f. 19 Kuhoff, Wolfgang, Augsburger Handelshäuser und die Antike, in: Augsburger Handelshäuser (Anm. 14), S. 258–278, S. 272.

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Verhandlungen mit dem portugiesischen König. Die Erzählung mündet häufig in ein Ergebnis, das entweder als Erfolg, Mißerfolg oder Ruhephase vorgestellt wird. Die Edition der Handschrift hat die Textgliederung des Originals nicht berücksichtigt. Die Verschränkung von Chronologie und Raum ist damit weniger deutlich gemacht. Aber sie ist es, die dem Text nicht nur Struktur, sondern auch Intentionalität verleiht. In einem weiteren Abschnitt präsentiert Lukas Rem Zahlenkolonnen, die den kommerziellen 20 Ertrag seiner Reisen darstellen. Ich werde die folgenden Überlegungen unter drei Aspekte stellen: Erstens den der Konfiguration von Orten, zweitens den der Relation von Distanzen und drittens den der Akkumulation von Kapital als Resultat der Bewegung im Raum.

iii. Konfiguration von Orten Ein räumliches Ensemble erscheint bereits bei der Ausbildung von Lukas Rem. Kompetenzen waren in einzelnen Orten abzurufen und zu ihnen mußte man sich begeben. Die räumliche Verteilung dieser Orte war durch drei Momente bestimmt: durch die personelle Vernetzung, die zugleich auch eine verwandtschaftliche darstellte, dann durch das kommerzielle Knowhow, das jeweils in unterschiedlichen Städten erworben werden konnte, und schließlich durch die unterschiedlichen Sprachen, die vorgaben, wo Fremdsprachenkenntnisse angeeignet werden konnten. Alle drei Momente verlangten eine Entfernung aus der Heimatstadt Augsburg. Als Zwölfjähriger ritt Lukas Rem am 6. Oktober 1494 in Richtung Venedig. Dort wurde er in die Obhut mehrerer Kaufleute und ihrer Familien übergeben, teils deutscher, teils italienischer Herkunft. Er lernte in den Gastfamilien die fremde Sprache. Hinzu kam das Lernen in einer der dortigen Schulen. Die weit fortgeschrittenen Bildungsinstitutionen Venedigs, wohl die besten in Europa, welche bis zum Ende des 15. Jahrhunderts eine fast vollständige Alphabetisierung zumindest der männlichen Bevölkerung hervorbrachten, 21 übten auch nördlich der Alpen Anziehung aus. Neben das Lernen der italienischen Sprache trat der Erwerb von Kenntnissen kaufmännischer 20 Staats- und Stadtbibliothek Augsburg, 4 Cod. H 13, fol. 6v–9r, 26v–27r. 21 Fees, Irmgard, Eine Stadt lernt schreiben. Venedig vom 10. bis zum 12. Jahrhundert (Bibliothek des Deutschen Historischen Instituts in Rom 103), Tübingen 2002.

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Rechnungs- und Buchführung. Die Personen, bei denen Rem unterge22 bracht war, standen mit den Welsern in enger Verbindung. Der junge Lukas konnte also die durch seine Herkunftsfamilie angelegte enge Anlehnung an die Welser nutzen und wuchs in deren Beziehungsnetz hinein. Formale Aneignung von Wissen verband sich mit Einführung in praktische Tätigkeit. Beide wurden ermöglicht dank personeller Relation. Von Venedig ging es vier Jahre später weiter nach Mailand. Als nunmehr Sechzehnjähriger trat Rem dort in die Filiale der Welser-Kompagnie ein, die Anton Lauginger leitete. Anscheinend waren die Kenntnisse Rems so weit fortgeschritten, daß er letzterem Fehler in der Buchführung nachweisen und korrigieren konnte – jedenfalls stellte dies Rem so dar. Nur wenige Wochen später brach er nach Lyon auf. Auch dort war er erneut in der Obhut heimisch augsburgischer Personen, wiederum eines Angestellten der Welser, von Narcis Lauginger, dem Leiter der dortigen Handelsniederlassung. Die Welsergesellschaft war in der Stadt an der Rhône seit kurz vor 1500 in der Stadt präsent und stand seit 1510 unter der direkten Leitung von Anton Welser. Beziehungen zu Verwandten und zu Augsburger Bürgern in Lyon waren die Voraussetzungen der Aktivität der Kaufleute und für die Einübung in der Praxis 23 des Handels. Die praktische Wissensvermittlung von Rem bestand in der Mitarbeit an der Verschriftlichung der Handelstätigkeit. Nicht mehr nur als Lernender, sondern als nützlicher Mitarbeiter erweiterte Rem sein Wissen: Und zuo andrem vil brauchet er mich – so die Formulierung in seinen Aufzeichnungen. Aber auch in Lyon ging es um den Erwerb von Fremsprachenkenntnissen, hier vermittelt durch einen einheimischen Lehrer. Die Kenntnis fremder Sprachen war in Augsburg als Voraussetzung des weiträumigen Handels erkannt worden. Marx Fugger beklagte sich in einem Brief, daß es schwierig sei, geeignete Personen in entfernte Faktoreien zu entsenden, wenn sie entweder zu jung und damit zu unerfahren – oder zu alt 24 und dann unfähig seien, fremde Sprachen zu erlernen. Lukas Rem erwarb 22 Die Welser. Neue Forschungen zur Geschichte und Kultur des oberdeutschen Handelshauses, hg. v. Mark Häberlein und Johannes Burckhardt (Colloquia Augustana 16), München 2002. 23 Häberlein, Mark, Commerce, formation et reseaux de compatriotes: la ville de Lyon vue par les marchands de l’Allemagne du Sud au xvie siècle et au début du xviie siècle, in: Lyon vu/e d’ailleurs (1245–1800). Echanges, compétitions et perception, hg. v. Jean-Louis Gaulin und Susanne Rau, Lyon 2009, S. 141–159. 24 Hildebrandt, Reinhard, Diener und Herren. Zur Anatomie großer Unternehmen im Zeitalter der Fugger, in: Augsburger Handelshäuser (Anm. 14), S. 165; von Trauchburg-Kuhnle, Gabriele, Kooperation und Konkurrenz. Augs-

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beides: Techniken des Handels und Kompetenz in fremden Sprachen. Er eignete sich in Lyon Wissen von Geldmünzen, Währungen und deren Relationen an. Nach Augsburg zurückgekehrt, wurde Lukas Rem dort am 13. November 1499 in den Dienst von Anton Welser und seiner Gesellschaft 25 aufgenommen. Das Learning by doing mündete in die praktische Arbeit. Der Eintritt in die Welser-Gesellschaft beendete die formale Ausbildung. Diese hatte an Schnittstellen des Handelsverkehrs stattgefunden, ohne jedoch eine Vollständigkeit räumlicher Verortung anzustreben. Die rasche Absolvierung des Ausbildungsgangs und die schnelle Praxisanwendung des Gelernten standen einer breiten räumlichen Streuung von Aufenthalten entgegen. Es ging bei der Auswahl der Ausbildungsstätten sowohl um Wissensspeicherung und Wissensvermittlung des Handels als auch um die Hinführung zu romanischen Sprachen. Für beide Bereiche war der Wissenserwerb mit dem Ende des Aufenthaltes in Lyon nicht abgeschlossen, wohl aber war die außerhalb verantwortlicher Tätigkeit stehende Initiationsphase beendet. Nunmehr galt es, Gewinn durch Handel zu erzielen und sich für die Kompagnie der Welser nützlich zu machen. Die weiteren Aktivitäten Rems führten zu akzelerierten Ortswechseln, die in der Summe Räume markierten, in denen Handel organisiert wurde, um Waren und Geld zu transferieren. Da Rem in seinen Berichten häufig den Verlust von Waren erwähnte, die er während seiner Reisen erlitt, ist es offensichtlich, daß er zur Begleitung mitgeführter Handelswaren reiste. Handel erforderte auch im 16. Jahrhundert die Präsenz des Kaufmanns, welche aber auch durch einen Angestellten geleistet werden konnte, der aber gleichwohl

burger Kaufleute in Antwerpen, in: Augsburger Handelshäuser (Anm. 14), S. 210–223, S. 220. 25 Tagebuch des Lucas Rem aus den Jahren 1494–1541. Ein Beitrag zur Handelsgeschichte der Stadt Augsburg, hg. v. Greiff, Benedikt (Jahres-Bericht des historischen Kreis-Vereins im Regierungsbezirke von Schwaben und Neuburg 26), Augsburg 1861, S. 5f.; Bischoff, Bernhard, The Study of Foreign Languages in the Middle Ages, in: Speculum 36 (1961), S. 209–224; Rocher, Daniel, Das Problem der sprachlichen Verständigung bei Auslandsreisen in der deutschen Literatur des Mittelalters, in: Reisen und Welterfahrung in der deutschen Literatur des Mittelalters, hg. v. Dietrich Huschenbett und John Margetts (Würzburger Beiträge zur deutschen Philologie 7), Würzburg 1991, S. 24–34; Fouquet, Gerhard, Kaufleute auf Reisen. Sprachliche Verständigung im Europa des 14. und 15. Jahrhunderts, in: Europa im späten Mittelalter. Politik, Gesellschaft, Kultur, hg. v. Rainer Christoph Schwinges et alii (Historische Zeitschrift. Beiheft 40), München 2006, S. 465–487.

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mehr war als Transporteur, vielmehr in die Handelsgeschäfte aktiv eingriff. Auch nachdem Rem selbständiger Handelsherr wurde, reiste er weiterhin mit seinen Waren, was erst durch hohes Alter und Gebrechen nachließ. Rem leistete eine Vielzahl von Aufgaben, die mit der Handelstätigkeit in Verbindung standen: Er transportierte Waren, wachte über deren Erhaltung, wich Gefahren aus. An wichtigen Orten, wie Antwerpen, empfing er Befehle, übermittelte Angaben zur Rechnungsführung, realisierte Profite und trieb Gelder ein. Rem erfüllte mehrere Funktionen zugleich: Warentransporte, Geldtransfers, Informationsaustausch, Verhandlungen, organisatorische Leitung, Kontrolle. Sowohl das Sammeln von Informationen als auch die Akkumulation von Geld, sowohl die Bewegung von Waren als auch die Optimierung von Geschäftsabläufen gehörten zu seinen Aufgaben. Die Zeitspannen sowohl des Aufenthaltes an einzelnen Orten als auch die der Ortswechsel waren meist kurz. Wartezeiten schätzte Lukas Rem nicht: Da blib ich, un unmas ungern und windt wartend […] und dorft 26 nit raissen, sorgend etwaz versaumen. Die knappe Zeit trieb ihn an. Zeit wurde in Beziehung gesetzt zu räumlicher Distanz. Die Zeitangaben in Rems Aufzeichnungen stehen stets in Relation zu den zurückgelegten Wegstrecken. Räumliche Entfernungen sind repräsentiert durch die Zeitdifferenzen, die deren Überwindung erforderte. Damit war Zeit in Relation zu den Potentialitäten des Profits gesetzt, der sich realisierte als Ausgleich räumlich begründeter Differenzen in den Warenwerten. Also nicht eine geometrische Quantifizierung, sondern eine chronologische dient der Messung von Entfernungen. Das Raum-Zeit-Kontinuum wird durch die Maßeinheit des Tages wiedergegeben, so daß sich eine Chronologie der räumlichen Distanzüberwindungen ergibt. Die Entfernungen bestehen zwischen einzelnen Punkten, die als Start- und Zielorte vorgestellt werden und die den Handelsund Handlungsraum markieren. Es sind dies immer Städte. Dabei zeigen sich markante Konzentrationen von häufigen und zugleich langen Aufenthalten. Daß einer dieser Orte in der Heimatstadt von Rem, in Augsburg, sich befindet, ist zu erwarten. Aber diese Stadt war zwar durch häufige Aufenthalte von Rem gekennzeichnet – zwischen 1500 und 1517 insgesamt zehn mit einer Gesamtdauer von 350 Tagen –, lag ab aber nicht im Mittelpunkt des Handlungsraumes von Raum, vielmehr am Rande. Weiter nach Osten

26 Rem, Tagebuch (Anm. 25), S. 12; vgl. Zahnd, Die autobiographischen Aufzeichnungen (Anm. 14), S. 291.

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von Augsburg zog Rem nicht. Andere Aufenthaltsorte der Handelsreisen von Rem lagen an weiteren Schnittstellen des europäischen Fernhandels. Es war dies zunächst Lyon, der am frühesten ab 1500 benutzte zentrale Ort mit bis 1517 elf Aufenthalten mit 796 Tagen, also mehr als doppelt so viele wie in Augsburg. Wichtiger noch waren Lissabon mit zwar nur vier Aufenthalten, aber mit insgesamt 2013 Tagen der Verweildauer und schließlich Antwerpen, mit mehr als neun voneinander unabhänigigen Aufenthalten mit insgesamt ungefähr 1031 Tagen des Aufenthaltes. Lissabon war der Ausgangspunkt einer überseeischen Expedition, die 28 Rem nach Madeira und zu den Kanarischen Inseln führte. Lukas Rem war damit involviert in den Handel, der den transatlantischen Austausch mit dem innereuropäischen verband. Er leistete damit das, was in der Diktion von Wallerstein das globale Wirtschaftssystem konstituierte, dessen Entstehung an der Wende zum 16. Jahrhundert anzusetzen ist, und er leistete das, was Fernand Braudel für den Transfer der Gewinne von den atlantischen Seehäfen zu den zentraleuropäischen Finanzzentren als bedeutsam 29 ansah. Die Kompagnie der Welser war durch eine Faktorei in dieser Stadt präsent, konnte also in Permanenz dort ihre Geschäfte abwickeln. Auch andere Augsburger Handelshäuser waren auf der iberischen Halbinsel und in Lissabon präsent und verbanden nicht allein den atlantischen mit dem kontinentalen Handel, sondern betrieben die Verbindung von mediterranem mit dem nordalpinen Wirtschaftsraum. Die weite Entfernung setzte beständige Niederlassungen und den beständigen Informationsaustausch durch 30 Briefe voraus. Für beides sorgte Lukas Rem im Auftrag der Welser. Die Faktorei in Lissabon hat Lukas Rem 1503 aufgebaut und sie bildete die 31 organisatorische Voraussetzung für seine Tätigkeit. Die Verbindungslinien von Augsburg nach Lissabon und nach Antwerpen waren nicht allein für 27 Augsburg im Mittelalter, hg. v. Martin Kaufhold, Augsburg 2009; Augsburger Netzwerke zwischen Mittelalter und Neuzeit. Wirtschaft, Kultur und Pilgerfahrten, hg. v. Klaus Herbers und Peter Rückert, Tübingen 2009. 28 Rem, Tagebuch (Anm. 25), S. 13; Jasmìns Rodrigues, Mihuel, Organizaçao dos poderes e strutura social a ilha da Madeira 1460–1521, Cascai 1996; Lobo Cabrera, Manuel, Canarias en la época de Carlos i, in: Carlos v. Europeísmo y universalidad, hg. v. Juan Luis Castellano, Madrid 2001, Bd. 3, S. 337–348. 29 Wallerstein, Modern World System (Anm. 1); Braudel, Sozialgeschichte (Anm. 10). 30 Meyer, Humpis-Gesellschaft (Anm. 17), S. 38–42. 31 Häberlein, Mark, Fugger und Welser: Kooperation und Konkurrenz 1406– 1614, in: Welser (Anm. 22), S. 223–259.

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die Welser, sondern für eine Reihe anderer Handelsgesellschaften für den geschäftlichen Erfolg entscheidend. Antwerpen als nördliche Außenposition des Handels mit der iberischen Halbinsel erlangte die Funktion einer Drehscheibe Augsburger Handelshäuser seit der Wende zum 16. Jahrhundert. Dies galt nicht allein für Warentransfers, sondern auch für den Austausch von Informationen. Briefe und Rechnungsbelege wurden dorthin und von dort versandt. In Antwerpen wurden erstmals in Europa seit 1540 Preislisten verwendet, die einen Überblick über Preisdifferenzen und Courtage32 Optionen im europäischen Handelsverkehr ermöglichten. Zur Illustrierung siehe Abb. 1 und 2 am Ende des Beitrags. Mit den hier genannten Städten ist ein Raum beschrieben, der das südliche Mitteleuropa, Frankreich und die iberische Halbinsel erfaßt und damit Italien einschließlich Venedig ausschließt – bis auf eine einzige Reise dorthin. Rem hat zwischen 1500 und 1517 den gesamten Raum östlich von Augsburg, also auch Bayern, nicht betreten, genauso wenig das nördliche Deutschland. Trotz der auch dort lokalisierten Aktivitäten der WelserKompagnie, in deren Diensten Rem bis 1517 stand und die – wie auch 33 die Fugger – bis Breslau Handelsbeziehungen knüpfte, zeichnet sich eine räumliche Arbeitsteilung eines ihrer Angestellten und zugleich Anteilseigners ab. Innerhalb des umschriebenen Handelsraums von Rem wurden weitere Städte zwar häufig aufgesucht, aber nur als sehr kurzfristige Etappenorte. Selbst so bedeutende wirtschaftliche Zentren wie Barcelona, Köln, Paris, Zaragossa, hat er nicht für längere Handelstätigkeit genutzt. Ulm war elf Mal von ihm durchreist worden, ohne dort länger als einen Tag zu verweilen. Die Verbindungsorte zwischen Augsburg und Lyon waren Zürich, Bern, Freiburg in der Schweiz und Genf, die er ebenfalls schnell

32 Haberer, Stephanie, Wirtschaftliche Beziehungen zwischen Augsburg und Spanien. Der Spanienhandel der Fugger, in: Oberschwaben (Anm. 17), S. 53– 70, S. 54f.; Häberlein, Mark, Der Kopf in der Schlinge. Praktiken deutscher Kaufleute im Handel zwischen Sevilla und Antwerpen um 1540, in: Praktiken (Anm. 7), S. 335–353, hier S. 335f.; Schmidt, Sven, Kommunikationsrevolution oder Zweite Kommerzielle Revolution? Die neuen Geschäftsmedien des 16. Jahrhunderts und ihr Einfluss auf die Praktiken des frühneuzeitlichen Börsenhandels am Beispiel der Nürnberger Preiscourants (1586–1640), ibid., S. 245–282, hier S. 252–255. 33 Hennig, Deutsche Wirtschafts- und Sozialgeschichte (Anm. 11), S. 366; Roth, Gunhild, Breslauer Kaufleute unterwegs in Europa. Handelsbeziehungen, Waren und Risiken im Spiegel von Rechtstexten des 15. und 16. Jahrhunderts, in: Reisen und Welterfahrung (Anm. 25), S. 228–239.

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durchquerte. Nur in Freiburg blieb er länger, vom 22. bis zum 26. Juni 1511, um dort Rechnungen zu überprüfen und Schulden einzutreiben. In dieser Stadt dominierten die Welser die Vermarktung der dort produzierten Textilien; sie waren vor allem durch den Export von Tuchen über die Zwischenstation in Lugano und Como bis nach Venedig aktiv. Ihre Rolle als faktische Verleger der in Freiburg ansässigen Handwerker brachte sie auch in 34 die Funktion von Krediteuren. Neben die zentralen Orte, Augsburg, Lissabon, Lyon und Antwerpen, traten transitorische Orte, wie Ulm, Bern, Paris oder Köln, und periphere Orte, wie Venedig, La Coruña oder Tours. Waren die ersten durch häufige und lange Aufenthalte, so die zweiten durch ebenfalls häufige, aber kurze Aufenthalte und die dritten durch sowohl seltene als auch kurze Besuche, die überdies außerhalb der meist von Rem bereisten Routen lagen, gekennzeichnet. Hinzu trat ein weiter Raum des Desinteresses und der fehlenden Erfassung. Es waren dies die Gebiete östlich von Augsburg und nördlich des Mains. Die Eliminierung von Raumbeziehungen war das Ergebnis einer Konzentration, die kommerzielle Spezialisierung in Raumbeziehungen übertrug. Die zentralen Orte, also Antwerpen, Lyon, Lissabon, Augsburg, verweisen indes nicht auf einen sie eng umschließenden Anschluß- und Umgebungsraum, sondern auf ein multizentrisches Gefüge, in dem die Zentren miteinander in Beziehung standen, so daß die transitorischen Orte meist nur in ihrer Funktion als Verbindungsstellen in Erscheinung traten, allerdings mit wenigen Ausnahmen, zu denen auch ein Aufenthalt von Rem in Freiburg in der Schweiz gehört, wo er Geldgeschäfte tätigte. Die Multizentralität des Raumes, den die Handelsreisen von Rem hervorbrachten, besaß indes ein institutionelles Zentrum, das des Hauptsitzes der Welser-Gesellschaft in der Stadt Augsburg, wo die jährlichen Abrechungen erfolgten, an denen auch Rem mitwirkte. Jedoch war es kein räumliches Zentrum. Augsburg wurde schließlich erst institutionelles und zugleich räumliches Zentrum, als Rem nach 1517 selbständig Handel trieb. Immer aber waren die Reisen und damit auch der Waren- und Geldverkehr in einer zirkulären Relation eingebunden, deren Glieder verkettet waren an Orten häufiger Aufenthalte. Rems Reisen, die teils von den mehreren zentralen Orten ausschwärmten, meistens aber sukzessive Etappenorte erreichten, erfaßten einen Raum, welcher, sich von Portugal bis Antwerpen, von Tours

34 Rem, Tagebuch (Anm. 25), S. 16; Holbach, Rudolf, Frühformen von Verlag und Großbetrieb in der gewerblichen Produktion (13.–16. Jahrhundert), Stuttgart 1994, S. 141, 144, 437.

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bis Augsburg erstreckte. Dieser Raum war in seiner Gesamtheit nicht einem einzigen dominanten Zentrum zugeordnet, so daß die zirkuläre Bewegungsrichtung geeignet war, ein Netzwerk zu knüpfen. Dieses wurde durch die Aktivität von Rem zusammengehalten. Er konnte dabei auf die Stützpunkte der Welserkompagnie zugehen; er blieb aber auf eine konkrete Durchquerung des Raumes angewiesen, um seine Handelsgeschäfte zu betreiben. Die Orte der Verknüpfung, also dort, wo Rem sich häufig und lange aufhielt, waren die Zielorte des Gütertransfers. Dort fanden die Abgleichungen der Wertrelationen statt. Diese Aktivitäten waren es, die die Konzentration der Reisen von Rem begründeten. Daß er dies in seinen Aufzeichnungen nicht ausführte, liegt offensichtlich an der selbstverständlichen und nicht näher zu erläuternden Funktionsdichte der Städte Augsburg, Lyon, Antwerpen und Lissabon. Obwohl er die Gründe für die räumliche Orientierung des Handels nach Portugal, Lyon, und Antwerpen nirgends explizit erwähnt, unterliegt dem räumlichen Muster eine Rationalität, die sich in der räumlichen Planung manifestierte. Was aber waren die Gründe für die räumliche Spezialisierung von Rem? Sprachkenntnisse kamen offensichtlich nicht in Betracht, denn das Erlernen der italienischen Sprache hat nicht zu einer häufigen Entsendung nach Italien geführt. Auszuschließen sind mit Sicherheit Entscheidungen, die Lukas Rem bis zum Jahre 1517 selbst traf, denn seine Absichten fanden mehrmals bei seinen Auftraggebern kein Gehör: Häufig wurde er gegen seinen erklärten Willen für Portugal und Lissabon eingesetzt. Selbst heftiger Streit mit den Welsern bewahrte ihn nicht davor. Als er am 23. Juni 1509 in Antwerpen eintraf, erreichte ihn dort ein Brief, der ihn sofort wieder nach Lissabon beorderte, was Rem mit einer schnellen Schiffsreise auch tat, so daß er am 15. August desselben Jahres an seinem Ziel eintraf, obwohl er ernstlich unwillens was, der, wie er schrieb, durch Vertrag und Eid eingegangenen Verpflichtung gegenüber seinen Herren zu folgen. Auch das ihm gegebene Versprechen, wieder nach Augsburg zurückkehren 35 zu können, haben seine Auftraggeber mißachtet. Lukas Rem folgte den Anweisungen seiner Auftraggeber. Die Orte, an denen er mit den Welsern in Kontakt trat, also entweder von ihnen Briefe empfing, sich mit einem ihrer Familienmitglieder besprach oder mit Vorstehern einer ihrer Handelsniederlassung Informationen austauschte, waren genau die Orte, die als Schnitt-

35 Rem, Tagebuch (Anm. 25), S. 12.

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stellen der Reisen hervortraten: also Lyon, Lissabon, Antwerpen. Am 30. 36 Mai 1511 traf er sich in Lyon mit seinem Auftraggeber, Anton Welser. Rem war fremdbestimmt. Auch die Tatsache, daß er persönlichen Profit erwarb, daß er Gewinnbeteiligungen an seinen Unternehmungen besaß, ebenso die Tatsache, daß er wiederholt in seinen Aufzeichnungen darauf verweist, wie energisch er in den Faktoreien der Welser, so in der auf der Insel Madeira und in Las Palmas und andernorts, Verschwendungen und Veruntreuungen abstellte, all dies kann seine subalterne Position nicht vergessen lassen. Die Raumplanung war Sache der Firma, bei der er ange37 stellt war, also die der Welser. Deren Beziehungsnetz war weit gespannt. Rem konnte nur einen Teil davon durch seine Reisen und Handelstätigkeit bedienen. Der höhere Organisationsgrad, der durch die große Handelskompagnie vorausgesetzt und erstrebt wurde, verlangte einen höheren Personalbedarf, so daß eine diversifizierte Aktivität und zugleich eine Professionalisierung des Handels möglich wurde. Beide Momente zeigen sich bei Lukas Rem: in der räumlichen Spezialisierung, d.h. in der Zuordnung zu definierten Reiserouten und Kommunikationsorten, und in der organisierten Vorbereitung und dem Kenntniserwerb. Die Funktion von Rem bestand in einer partiellen Bedienung des räumlichen Beziehungs- und Handelsnetzes. Die gesteigerten Anforderungen an Wissen und Kapital machten es schwierig, abseits der großen Firmen Fernhandel zu betreiben. Stattdessen bot sich für Lukas Rem eine Karriere innerhalb der Welser-Kompagnie an. Die Voraussetzungen dazu waren das Wissen, das seine Vorfahren als selbständige Händler erworben hatten, die Verfügung über einen eigenen Kapitalstock und die familiären Bande zu den reichsten Kaufleuten Augsburgs und zu den Welsern selbst durch die Heirat von Lukas Rems Vater mit einer 38 Tochter von Lukas Welser. Die Rekrutierung eines ‘Dieners’ war daher mehr als nur die Vereinbarung einer Lohnarbeit, sondern der Beginn einer Konvergenz der Interessen, die Loyalität hervorrufen sollte. Ein Mix von

36 Rem, Tagebuch (Anm. 25), S. 15; Häberlein, Mark, Die Welser-Vöhlin-Gesellschaft: Fernhandel, Familienbeziehungen und sozialer Status an der Wende vom Mittelalter zur Neuzeit, in: Geld und Glaube. Leben in evangelischen Reichsstädten. Katalog zur Ausstellung im Antonierhaus Memmingen, 12. Mai bis 4. Oktober 1998, hg. v. Wolfgang Jahn et alii, Augsburg 1998, S. 17–37, S. 26. 37 Geffcken, Peter, Die Welser und ihr Handel 1246–1496, in: Welser (Anm. 22), S. 27–167, S. 158. 38 Die Welser. Des Freiherrn Johann Michael von Welser Nachrichten über die Familie für den Druck bearbeitet, 2 Bde., Nürnberg 1917, i, S. 48.

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Jahresgehalt, Gewinnbeteiligung und eigener Kapitalinvestition waren die 39 Voraussetzungen hierzu. Neben kommerziellen Überlegungen zu Gewinnspannen, wie die von Pfeffer, das von Lissabon nach Antwerpen gehandelt wurde, galt es, politische Peripetien und die Kontakte zu Herrschern einzukalkulieren: Es ging dabei unter anderem um Verträge mit dem portugiesischen König 40 Manuel i. oder mit der spanischen Krone. Außerdem war das Risiko von Kriegen abzuschätzen. Diese bestimmten oft die Reiserouten, worauf noch einzugehen ist. Das fremdbestimmte Handeln änderte sich erst, als Rem am 24. Dezember 1517 den Dienst der Welser endgültig quittierte, ohne daß der schon zuvor ausgebrochene Streit um Rückzahlung ihm zustehender Schulden beendet 41 worden wäre. Er sei, wie Rem schrieb, übelst belont worden. Lukas Rem gründete mit seinen Brüdern am 1. September 1518 eine eigene Gesellschaft. Raumplanung konnte er nun selbst in die Hand nehmen. Aber auch er war auf Gegebenheiten angewiesen, die außerhalb seiner Verfügung standen. Die Bedingungen, denen er unterlag, beruhten auf einem, verglichen mit dem der Welser, deutlich kleineren Kapitalstock und damit zusammenhängend auf dem Fehlen fester Außenstationen. Von nun an reduzierte sich der Handlungsradius. An die alten weit ausgreifenden Verbindungen der Welser konnte Rem nicht mehr anknüpfen. Was ihm blieb, war der Zentralort Antwerpen, den er – auch durch weiter bestehende Geschäftskontakte und durch die Präsenz von Verwandten abgesichert – weiterhin als Ausgangspunkt von Geschäftsreisen nutzen konnte. Von 1518 bis 1530 hielt er sich der Stadt an der Schelde insgesamt fünfmal auf und verbrachte dort 201 Tage. Auch die benachbarte Stadt Bergen in der Grafschaft Seeland wurde nunmehr zu einem geeigneten Ort seiner Handelsreisen. Es gab dort vier Aufenthalte mit 110 Tagen Verweildauer. Ansonsten waren die zuvor bis 1517 von ihm bereisten Regionen, also Frankreich, Italien, Spanien, Portugal, von Rem nicht mehr erfaßt. Sie waren wie abgeschnitten. Der Raum der Aktivitäten Rems reduzierte sich. Eine Erweiterung des räumlichen Einsatzbereiches fand nur noch im Nahbereich statt. Nördlich der Donau und in geringem Umfang östlich von Augsburg erweiterte er seinen Aktionsbereich. In Nürnberg machte er fünf Mal Station und verweilte dort insgesamt 84 Tage. Auch in Köln hielt er sich längere Zeit auf. Er besuchte 39 Hildebrandt, Diener (Anm. 24), S. 152–169. 40 Rem, Tagebuch (Anm. 25), S. 14, 19; Handbuch der europäischen Geschichte, hg. v. Theodor Schieder, Bd. 3, Stuttgart 1971, S. 652–657. 41 Rem, Tagebuch (Anm. 25), S. 20f.

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die Frankfurter Messen. Die Kontraktion seines Aktionsradius auf das südwestliche und westliche Deutschland und auf Brabant und Seeland zeigt die nunmehr verminderte Größe seiner vornehmlich von ihm geleiteten Unternehmung, die sich mit der der Welser nicht zu messen vermochte. Auch die Geschäftsverbindung mit Jakob Fugger, dem reichsten Augsburger Handelsherrn, mit dem er sich in Brüssel traf und mit dessen Firma er in Antwerpen und in Bergen kooperierte, erweiterte nicht mehr seinen Handlungsraum. In den Handel mit Spanien trat er ein, indem er sich am Geschäft von Anton Fugger mit spanischen Handelspartnern mit 10 % beteiligte, worüber er in Weißenhorn nahe Ulm am 20. März 1535 einen 43 Vertrag abschloß. Zu dieser Zeit hatte Lukas Rem freilich seine Handelsreisen fast gänzlich eingestellt. Angesichts der familiären Bindungen – er heiratete am 17. Mai 1518 Anna Ochainin und mit ihr hatte er mehrere Kinder – zog er es vor, zwischen seinen Reisen längere Zeit in Augsburg zu verweilen. Immer mehr wurde er nun auch von Krankheiten geplagt, weswegen seine Reisen immer öfter zu Kurbädern führten. Nach 1530 sind fast nur noch diese Aufenthalte, vor allem in Baden und in Wildbad, in 44 seinen Aufzeichnungen vermerkt. (Abb. 3)

iv. Konfiguration von Linien und Distanzen Zwischen den Orten – sie waren teils zentral, teils peripher, teils transitorisch – gab es Verbindungslinien, die auf Entfernungen beruhten und sich in den Aufzeichnungen von Rem als Zeitspannen der Raumüberwindung darstellten. Die Reise von Augsburg nach Freiburg über Memmingen, Lindau, Konstanz, Baden und Bern – also unter Umgehung von Zürich – dauerte sieben Tage. Von dort bis Lyon über Genf werden fünf Tage angegeben. Die Strecke von Lyon über Paris nach Antwerpen wird mit sechzehn Tagen veranschlagt. Neunzehn Tage benötigte Lukas um von dort über Mecheln, Löwen, Namur, Bastogne, Metz, Nancy, Straßburg, Rastatt, 42 Rem, Tagebuch (Anm. 25), S. 27; Beiträge zur Geschichte der Frankfurter Messe, hg. v. Roland Hoede et alii (Brücke zwischen den Völkern. Zur Geschichte der Frankfurter Messe 2), Frankfurt a. M. 1991. 43 Rem, Tagebuch (Anm. 25), S. 27; Häberlin, Kopf (Anm. 32), S. 341f. 44 Rem, Tagebuch (Anm. 25), S. 25–29; Kaufmann, Pius, Gesellschaft im Bad. Die Entwicklung der Badefahrten und der „Naturbäder“ im Gebiet der Schweiz und im angrenzenden südwestdeutschen Raum (1300–1610), Zürich 2009.

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Esslingen und Ulm nach Augsburg zu gelangen, also auf einer Reiseroute, 45 die Flußschifffahrt mit Landverkehr kombinierte. Als Agent der Welser begann Rem seine Aktivität mit einer Reise von Augsburg nach Avignon. Von dort aus unternahm er eine Rundreise durch Frankreich bis nach Flandern, bei der er u.a Paris, Rouen, Brügge, Tours und Blois besuchte und schließlich nach Lyon zurückkehrte, das zum Zentrum seiner Geschäftsreisen in Frankreich werden sollte. Die Routen leiteten ihn von dort aus oft weiter nach Süden, nach Saint Antoine bei Vienne und Avignon sowie nach Albi, wo er mit Safran handelte, und nach Osten außerhalb des Königreiches Frankreich nach Genf, Freiburg und Bern, um wiederum in Augsburg einzutreffen. Er führte bei seinen Reisen geprägtes Münzgold mit sich, was durchaus mit Risiken verbunden war. Im März 1501 sank das Schiff, das ihn von Genf nach Lyon bringen sollte, in der Rhône und mit ihm 600 Mark; die Versuche, das Geld zu bergen, schlugen fehl. Sowohl um zugunsten der Welser-Kompanie Schulden einzutreiben als auch um Geldsummen zu transferieren, reiste Rem und schlug dabei nicht selten weite Bögen, die ihn oft über eine Rundreise zu seinen Ausgangspunkten zurückführten. Sowohl auf Landwegen als auch auf den Flüssen bewegte sich Rem. Hindernisse waren nicht nur die erwähnte Schiffskatastrophe – es sollte nicht die letzte sein – sondern stets auch die zahlreichen Zollstellen, die ihm nicht nur Geld abzogen, sondern auch Zeit kosteten: […] muost ich an all zöllen abrechnen, hett […] fil gescheft, dah Ich an jedem 46 ort lang still lag. Die Erhebung von Zöllen war nicht das einzige Hemmnis seiner Reisen. Schwerwiegender noch waren die Kriege zwischen Kaiser Karl v. und dem König von Frankreich Franz i. Sie verlangten von Lukas Rem bei seiner ersten Reise nach Spanien erhebliche Umwege. Um von Toulouse nach Zaragossa zu gelangen, überquerte er die Pyrenäen weit im Westen und gelangte durch Navarra und dessen Hauptstadt Pamplona zu seinem Ziel. Im Frühjahr 1509 zwang der Krieg zwischen Venedig und dem Papst ihn zu einem langen ungewollten Aufenthalt in Rom. Häufig suchten Lukas Rem Krankheiten heim. Auch sie werden minutiös in seinen Aufzeichnungen vermerkt und als Gründe für verlängerte Aufenthalte an einen Ort genannt. Die Krankheiten waren umso schlimmer, wenn Rem in fremder Umgebung auf keine Hilfe von Vertrauten rechnen konnte, wie dies ihm auch in Lissabon widerfuhr, wo er, wie er schrieb, im Umkreis von hundert

45 Rem, Tagebuch (Anm. 25), S. 16. 46 Ibid., S. 6f.

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Meilen keinen bekannten Menschen vorfand. Noch bedrohlicher waren allgemeine Seuchen, die Rem entweder zur Flucht aus der betroffenen Stadt und zur Untätigkeit in der Umgebung zwangen oder ihn in Quarantäne legten. Die Unbeweglichkeit störte die Geschäftstätigkeit. Sie war auf Orts47 wechsel angewiesen. Nur sie generierten Profite. Die Verbindung von Lyon nach Augsburg stellte für Rem die Lebensader seiner Aktivitäten von 1499 bis Oktober 1502 dar. Die Kombination von Schiffstransport auf Rhône und Genfersee mit dem Landverkehr ab Lausanne bildete die übliche Handelsroute und war durch ein gut ausgebautes System von gepflasterten Straßen und Brücken für den schnellen 48 Verkehr geeignet. Es gab aber noch weitere Ziele und Routen: neben Augsburg orientierte sich Rem von Lyon aus in zwei weitere Richtungen: nach Norden durch Frankreich und durch Flandern mit dem Endpunkt Antwerpen, nach Südwesten bis nach Albi. Er nutzte die Zentralitätsfunktion von Lyon, diese aber in Relation zu der von Augsburg, so daß die Wege nach Italien, die die Welser von ihrer Heimatstadt und hauptsächlich über Venedig beschritten, Rem verschlossen blieben. Mit der Jahreswende zu 1503 erfolgte die deutliche Verlängerung der zurückgelegten Wegstrecken und damit die Ausweitung des Handlungsraumes von Lukas Rem – weiterhin stets in Ausführung von Anweisung der Welser. Nachdem er in Zaragossa vom 7. bis zum 13. Januar 1503 sich 49 dem ihm wohl schon vertrauten Handel mit Safran gewidmet hatte und 50 überdies auch in den Wollhandel eingestiegen war, setzte er die Reise fort nach Valencia, um kurz darauf wieder nach Zaragossa zurückzukehren, 47 Rem, Tagebuch (Anm. 25), S. 7f., 11; zu den Kriegen siehe: Handbuch der europäischen Geschichte (Anm. 40), S. 602–608, 871–876. 48 Hübner, Klara, Meliorar chimins et pont. Zwischen städtischer Infrastruktur und Fernhandelsinteressen. Straßen- und Brückenbau im spätmittelalterlichen Freiburg im Üchtland, in: Straßen- und Verkehrswesen im hohen und späten Mittelalter, hg. v. Rainer C. Schwinges (Vorträge und Forschungen 66), Ostfildern 2007, S. 257–288; Häberlein, Commerce (Anm. 23), S. 141–145. 49 Zum Handel mit Safran siehe: Eitel, Peter, Safran, Seide, Silberbarren. Ravensburger Handelsherren in Genua, in: Um Mehlsack und Martinsberg, hg. v. id. und Jan Koppmann, Biberach 1991, S. 59–64; Häberlein, Welser-Vöhlin-Gesellschaft (Anm. 36), S. 26. 50 Von Stromer, Wolfgang, Die Wolle in der oberdeutschen Wirtschaft vom 13. bis zum 17. Jahrhundet, in: La lana come materia prima. I fenomeni della sua produzione e circolazione nei secoli xiii–xvii. Atti della Prima Settimana di Studio 18–24 ap. 1969, hg. v. Marco Spallanzani (Istituto internazionale di storia economica Francesco Datini 2), Florenz 1974, S. 109–119.

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was insgesamt 14 Tage dauerte. Erneut am 21. April aufgebrochen, zog er über die Stationen Seria, Medina del Campo und Salamanca in das Königreich Portugal und erreichte am 8. Mai Lissabon. Er war damit an der Drehschreibe des überseeischen Handels angekommen und engagierte sich an ihm auch sogleich. Die Welser-Gesellschaft – Rem benutzt in seinem Text das Wort „wir“ – schloss einen Vertrag mit dem portugiesischen König und erhielt das Recht, drei Schiffe für die Fahrt nach ‘Indien’ auszurüsten und mit ihnen Handel zu treiben. Rem wartete die Rückkehr der Schiffe ab; er hielt sich mit Unterbrechungen drei Jahre in Lissabon auf. Die von ihm beklagte große mie, anxt und arbeit sowie widerertigkeit hatte sich aber offensichtlich gelohnt, denn der Profit dieser Schiffsexpedition belief sich auf 50%. Auch künftig blieb Lissabon zentraler Bezugspunkt der Tätigkeit von Rem. Die Profite, die durch die Indienfahrten gewonnen wurden, waren auch weiterhin enorm, allerdings auch die Risiken. Die Expedition wiederum von drei von den Welsern georderten Schiffen nach Indien und die Investition von zusammen 3430 portugiesischen Cruciati erbrachte keinen Gewinn, denn zwei der drei Schiffe sanken; aber immerhin war der Verkauf der in Indien geladenen und nur noch durch ein einziges Schiff transpor51 tierten Gewürze doch noch so lukrativ, um den Verlust fast auszugleichen. Neben dem Gewürzhandel widmete sich Rem dem Handel mit Kupfer, Blei, Zinnober, Quecksilber, neben diesen Metallen auch mit dem Verkauf flandrischer Tuche sowie dem Import von Getreide, welches aus England, der Bretagne und den Niederlanden transportiert wurde. Umgekehrt organisierte Rem den Export portugiesischer Waren: von Olivenöl, Wein, Baumwolle, Feigen. Rem war während seines langen, fast ununterbrochenen Aufenthaltes in Lissabon, vom 8. Mai 1503 bis zum 27. September 1508, in das Handelsnetz der Welser eingebunden, konnte also von einer zentralen Position aus die Waren- und Geldströme lenken, war aber auch persönlich von Lissabon ausgehend auf Einkaufsfahrten, nach Aragon, Andalusien, Kastilien unterwegs. Am 1. Oktober 1508 verließ Rem Lissabon. Bei einer Schiffsreise nach Porto an der Küste entlang entging er nur knapp einem Piratenüberfall. Die Reise weiter nach Norden bis Santiago de Compostella unternahm er von La Coruña aus auf dem Landweg. Kurz nur nutzte er die Gelegenheit, die Pilgerkirche des heiligen Jakob zu besuchen zusammen mit seinem 51 Rem, Tagebuch (Anm. 25), S. 8; Hennig, Handbuch (Anm. 11), S. 576–579, 598; Braudel, Sozialgeschichte (Anm. 10), S. 540–595; Häberlein, WelserVöhlin-Gesellschaft (Anm. 36), S. 28f.; Baum, Wilhelm und Senoner, Raimund, Indien und Europa im Mittelalter, Klagenfurt 2000.

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Schiffherrn, Steuermann und einem weiteren Seefahrer. Die Fahrt auf hoher See fortsetzend, wurde er erneut von Piraten angegriffen, konnte aber mit seinem Schiff entrinnen, geriet dann in einen Sturm, bevor er – wie geplant – an der bretonischen Küste landete und von dort weiter nach England reiste. Nach kurzem Aufenthalt in einem dortigen Hafen setzte er seine Seereise fort, um nach Seeland und in die Stadt Middelburg zu gelangen. Damit trat Lukas Rem in einen weiteren Aktionsradius der Welser-Gesellschaft: Er war auf die Stadt Antwerpen ausgerichtet, wo er am 10. November 1508 ankam. Die Reise von Lissabon bis zu seinem Ziel hatte trotz Widerwärtigkeiten 40 Tage gedauert. Die Gefährdungen, die er dabei erlebte, betrafen viele der Handelsfahrten auf dieser Route. Handelsakten in der Stadt Antwerpen enthalten Deklarationen über den Verlust von Schiffen und von auf ihnen geladenen Gütern. Wenige Monate vor der Ankunft von Rem in Antwerpen war eine Angelegenheit über einen erheblichen Vermögensverlust durch Piraterie zu behandeln, der Augsburger Kaufleute betraf, unter ihnen auch solche, die in enger Beziehung zu Lukas Rem standen. Am 23. Oktober 1507 beklagten sich mehrere portugisiesiche, flandrische und deutsche Kaufherren, unter ihnen auch Anton Welser, daß ein von ihnen ausgerüstetes Schiff, das in Lissabon gestartet war, von Untertanen des französischen Königs angegriffen und zerstört worden sei. Die Geschädigten bildeten ein Konsortium, das die 52 Ansprüche gegen den französischen König gemeinsam durchsetzen sollte. In dieser Angelegenheit erklärten am 24. Januar 1508 die beiden deutschen Kaufleute Wolf Hoefman und Ulrick Focker, daß das Schiff, dessen Eigner ein Gerhard Havercoop sei, vor der Küste Westfrankreichs in der Nähe von La Rochelle von Piraten überfallen worden sei, die unter dem Befehl des Herren von Outon in der Grafschaft Poitou gestanden hätten. Dabei seien vollständig die geladenen Güter geraubt und anschließend das Schiff in Brand gesetzt worden. Der gesamte Verlust belief sich – “peu plus ou moins” – auf 388 Pfund flandrischer Münze. Die verlorenen Güter seien mit Warenzeichen versehen gewesen. Darunter befanden sich auch Wolltuche, die zusätzlich einen Wert von 273 Pfund derselben Währung dargestellt hätten. Unter den Kaufleuten, die sich auf diesem gekaperten Schiff befanden, waren auch Felix Rem und Wilhelm Relinger. Beide betrieben gemeinsam zu dieser Zeit eine eigene Kompagnie; beide waren mit Lukas Rem verwandt, bzw. 52 Études anversoises. Documents sur le commerce international d’Anvers 1488–1514, Bd. iii: Certificats 1512–1513, lettres échevinales 1490–1514, hg. v. Rénée Doehaerd, Paris 1962, S. 192f.; Praktiken des Handelns, hg. v. Mark Häberlein et alii, Konstanz 2010.

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verschwägert. Auch sie gaben in einer gesonderten Deklaration ihre Verluste an: insgesamt 264 Pfund. Geschädigt war außerdem die Welser-Handelsgesellschaft: Bartholomäus bezifferte sie – auch im Namen von Anton Welser – sogar auf 631 Pfund. Die Versuche, eine Entschädigung des Verlustes zu erlangen, waren offensichtlich erfolglos. Auch eine weitere Demarche, von den Geschädigten am 9. Juni 1512 initiiert, brachte keine Wende. Der mit der Angelegenheit beauftragte Hans Honzer, dem erhebliche Geldbeträge 53 vorgestreckt worden waren, hatte nichts erreichen können. Die Präsenz von weiteren Augsburger Kaufleuten ist in den Antwerpener Handelsakten bezeugt. Unter ihnen wiederum ein Angehöriger der mit der Familie Rem verschwägerten Familie der Rehlinger. Er erklärte unter Eid, daß ihm große Mengen an Edelmetall an der Grenze zu Brabant geraubt worden seien. Der Verlust war enorm: Es ging um 3.251 Pfund, wozu noch die Kosten des Transports und der Wert der Behältnisse in Höhe von 46 und 54 von 72 Pfund hinzuzurechnen seien. Die hier erwähnten Hinweise zeigen die Bedeutung der Stadt an der Schelde. Die Verlagerung des Handels von Brügge nach Antwerpen machte diese Stadt für die Augsburger Kaufleute interessant. Im Jahre 1479 wurde erstmals einer von ihnen als Handeltrei55 bender in Antwerpen erwähnt. Lukas Rem hatte auf seiner Schiffsreise von Lissabon nach Antwerpen indes keine Waren geladen. Es ging ganz offensichtlich um seine Versetzung an einen neuen Einsatzort. In der Tat wurde nunmehr Antwerpen der zentrale Ort der Tätigkeiten, dort wo die Welser, wie schon in Lissabon, mit einer eigenen Faktorei vertreten waren, dort wo, wie auch zuvor, Rem auf Mitarbeiter der Handelsgesellschaft zurückgreifen konnte, sei es, daß sie ihm unterstellt waren, sei es, daß sie ihn bei sich aufnahmen. Neben die Funktion als Messestandort mit temporärer Funktion im Jahresverlauf trat 56 die permanente Präsenz durch die Platzierung von Angestellten. Auch 53 Études anversoises. Documents sur le commerce international à Anvers 1488– 1514, Bd. ii: Certificats 1488–1510, hg. v. Renée Doehaerd, Paris 1962, S. 256f.; Études anversoises iii (Anm. 52), S. 191ff., 209, 219ff. 54 Études anversoises ii (Anm. 53), S. 293f. 55 Trauchburg-Kuhnle, Kooperation (Anm. 24), S. 210–223. 56 Rem, Tagebuch (Anm. 25), S. 10; Ennen, Edith, Die Rheinlande, Mittel- und Osteuropa im Antwerpener Messenetz, in: Europäische Messen und Märktesysteme in Mittelalter und Neuzeit, hg. v. Peter Johannek und Heinz Stoob (Städteforschung A 39), Köln 1996, S. 87–104; Häberlein, Welser-Vöhlin-Gesellschaft (Anm. 36), S. 26f.; Herborn, Wolfgang, Der Antwerpener Markt und die Städte im Herzogtum Jülich um 1500, in: id., Gesammelte Aufsätze

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in der Überlieferung der Antwerpener Handelsregister wird Lukas Rem genannt. Die Entsendung von Kaufleuten aus Augsburg in die Stadt an der Schelde ist verglichen mit anderen Städten sehr hoch. Genannt werden u.a. Anton Welser und weitere Personen seiner Familie, weiterhin Angehörige der Fugger, der Rehlinger und der Hochstätter. Die Verwandten von Rem, so Bartholomäus Rem, beauftragten selbst wiederum Mandatare, die Waren nach Münster in Westfalen exportieren sollten. Bartholomäus Rem hatte, nach Streit und Konflikt mit der Familie der Hochstätter, dessen Kompagnie verlassen und selbständig seine Handelstätigkeit begon57 nen. Die Rem-Kompagnie versah ihre Waren mit eigenen Markenzeichen. Neben den Augsburger Handeltreibenden sind nur Kaufleute aus Köln, Aachen und Nürnberg in den Antwerpener Akten noch häufiger vermerkt. Der sowohl die atlantischen Küsten als auch das Mittelmeerbecken, die Rheinlande als auch Oberdeutschland, sowohl Frankreich als auch England, sowohl die Nord- als auch die Ostsee erfassende Handelsverkehr, der von Antwerpen ausging, zeigt die Bedeutung, die die Stadt für die Familie Rem, für die Welser-Kompagnie und für ihren Angestellten Lukas Rem besaß. Das Ziel bestand darin, von Antwerpen aus direkt mit Lissabon in Kontakt zu treten, den Zwischenhandel also auszuschlagen und die Verbindung in die eigene Hand zu bekommen. Das Geschäft war, wie oben dargestellt, mit Risiken und Gefährdungen verbunden, eröffnete aber auch große 58 Gewinnspannen, wie Lukas Rem selbst schrieb. Die Welser-Kompagnie trieb in Antwerpen Handel mittels einer Vielzahl von Verbindungsleuten. Darunter befanden sich Fuhrleute, die die Warentransporte leisteten. Befördert wurden Rohwolle, Tuche, Gewürze, Öl, Zucker, getrocknete Reben, Wein, Salz, Käse, Butter und Fische, vor allem Heringe und Bücklinge. Die

zur Jülicher Territorialgeschichte, Jülich 2005, S. 53–93; Blockmans, Frans und Blockmanns, Pieter Willem, Aux origines des foires d’Anvers, in: Messen, Jahrmärkte und Stadtentwicklung in Europa, hg. v. Franz Irsigler und Michel Pauly (Beiträge zur Landes- und Kulturgeschichte 5), Trier 2000, S. 161–166. 57 Mark Häberlein, Tag (Anm. 14), S. 50f.; von Trauchburg-Kuhnle, Kooperation (Anm. 24), S. 220. 58 Rem, Tagebuch (Anm. 25), S. 35; Études anversoises. Documents sur le commerce international à Anvers 1488–1514, Bd. 1: Introduction, hg. v. Renée Doehaerd, Paris 1963, S. 86–115, 136–143, 200–263, 266–271, 281f.; Études anversoises ii (Anm. 53), S. 158, 256–259f; Häberlein, Welser-Vöhlin-Gesellschaft (Anm. 36), S. 27; allgemein zur Bedeutung Antwerpens als dem wichtigsten zentralen Knotenpunkt des europäischen Handels: Braudel, Sozialgeschichte (Anm. 10). S. 154–166.

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Warenlieferungen von Antwerpen gingen nach Augsburg, Kempten, Köln, Nürnberg, Frankfurt und Leipzig. Schiffsfahrten wurden ausgerüstet, um 59 Tuche in Amsterdam zu laden und von dort nach Danzig zu exportieren. Für die Abgaben der Exporte bürgten Antwerpener Bürger. Auch am Kapitalmarkt waren die Welser beteiligt, wozu der Stadtrat sein Einverständnis erklärte. Am 16. Juni 1492 verlangte Jakob Welser im Namen seiner Kompagnie, daß der Rat der Stadt einen säumigen Schuldner gefangen nehmen 60 sollte. Am 9. Oktober 1507 erklärten mehrere Kaufleute aus Brüssel, ihre Schulden von 345 Pfund flandrischer Münze zugunsten der Welser durch Warenbestände abzusichern. Sollte die erste Rate von 150 Pfund nicht bis zum 25. März des folgenden Jahres bezahlt werden, gelangten die Krediteure in den Besitz der Waren. Sollte deren Verkauf nicht vollständig die 61 Schulden ablösen, blieben die Brüsseler Kaufleute weiterhin Schuldner. Lukas Rem hatte spezialisierte räumliche Einsatzgebiete und deckte keineswegs die Totalität des Aktionsradius’ der Welser, die von Antwerpen aus Warengeschäfte tätigten. Rem war für die Verbindung nach Portugal und zum Haupthaus in Augsburg zuständig, während die Verbindungen in die Städte im Rheinland, nach Nürnberg und nach Leipzig nicht in seinen Aufgabenbereich fielen. Die Antwerpener Überlieferung erlaubt, anders als die Aufzeichnungen von Rem, der eine fast ausschließlich geographisch ausgerichtete Zusammenstellung von Orten, Routen und Reisen bietet, einen Überblick über die Art der gehandelten Waren und über die Finanztransaktionen zu gewinnen. Die Beschränkung des Informationsgehaltes im Text von Rem zeigt das Bestreben, seine eigene Person in den Vordergrund zu stellen, die Gefährdungen seiner Reisen, deren Weitläufigkeit und deren genaue zeitliche Ausdehnung zu benennen und die Ergebnisse des Reisens in einer quantitativen Erfassung des in Abhängigkeit von Zeit und Raumüberwindung erzielten Profits zu präzisieren. Auf diesen Aspekt wird am Ende des Aufsatzes noch zurückzukommen sein. War auch Antwerpen Scharnierstelle des Handels, Lukas Rem blieb dort nicht lange. Seine Reisetätigkeit setzte sich fort – häufig in der Form einer Rundreise, bei der die Niederlassungen des Handelsimperiums der Welser angesteuert wurden. Am 26. Dezember 1508 begann Rem eine dieser Reisen 59 Études anversoises iii (Anm. 52), S. 50, 53, 63, 67ff., 76, 78, 88, 91, 95ff., 100, 102, 104f., 107, 121, 180, 209. 60 Études anversoises ii (Anm. 53), S. 92, 198, 205; Études anversoises iii (Anm. 52), S. 191f. 61 Études anversoises iii (Anm. 52), S. 192f.

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von Antwerpen aus. Über Köln, Mainz, Speyer, Ulm, Dillingen kam er am 12. Januar 1509 in Augsburg an. Für eine Strecke von ca. 730 km, die er auf einem Pferd reitend zurücklegte, benötigte er also 18 Tage, was einer Tagesleistung von durchschnittlich ca. 41 km entspricht. Schneller konnte er die Strecke von der in der Nähe von Antwerpen gelegenen brabantischen Metropole Brüssel nach Augsburg zurücklegen, wenn er die Poststationen mit wechselnden Pferden benutzte. Im Oktober 1516 benötigte er für diese Reise nur sechs Tage, konnte also ungefähr 115 km täglich durchmessen. Die enorme Reisegeschwindigkeit blieb aber die Ausnahme. Nur einmal noch unternahm er für diese Strecke eine Postreise im Januar 1519. Weniger schnell, aber kostengünstiger überwand Rem die Entfernung, wenn er – offensichtlich die Zollstellen am Rhein ausweichend – von Rhens bei Koblenz bis Mainz durch den Hunsrück ritt und für die gesamte Strecke 62 von Antwerpen nach Augsburg dann lediglich 13 Tage beanspruchte. Ansonsten benötigte er für die Strecke Augsburg–Antwerpen zwischen 16 63 und 20 Tagen. Der Transport auf Rheinschiffen, auch flußabwärts, brachte 64 ihm keinen Zeitgewinn. Rem hat also nur ausnahmsweise die Post, das schnellste Fortbewegungsmittel, das zu seiner Zeit zur Verfügung stand, genutzt. Die erheblichen Kosten, die das Reisen mittels der Poststationen mit sich brachte, waren wohl meist nicht gerechtfertigt und hatten offensichtlich keine höheren Profiterwartungen begründet. Mitunter erwähnt Rem, daß er – so wie im März 1513 – zwischen Augs65 burg und Frankfurt im Geleit reiste, was ihm zwar keinen Gewinn an 62 Rem, Tagebuch (Anm. 25), S. 25; Behringer, Wolfgang, Thurn und Taxis. Die Geschichte ihrer Post und ihrer Unternehmungen, München 1990; Sebald, Eduard, Die Pfalzgrafschaft und die Kauber Zollstelle im Kontext der Zollund Territorialpolitik der Pfalzgrafen bei Rhein, in: Burgen und Schlösser 47 (2006), S. 123–135. 63 Rem, Tagebuch (Anm. 25), S. 18, 21f. 64 Ibid., S. 21, 25. 65 Ibid., S. 17; Kintzinger, Martin, Cum salvor conductu. Geleit im westeuropäischen Spätmittelalter, in: Gesandtschafts- und Botenwesen im spätmittelalterlichen Europa, hg. v. Rainer C. Schwinges und Klaus Wriedt (Vorträge und Forschungen 60), Ostfildern 2003, S. 313–363; Rothmann, Michael, Innerer Friede und herrschaftliches Gewaltmonopol. Zur herrschaftlichen Funktion von Fehde und Geleit in Spätmittelalter und beginnender Früher Neuzeit unter besonderer Berücksichtigung von Frankfurt und dessen Umland, in: Ihrer Bürger Freiheit. Frankfurt am Main im Mittelalter. Beiträge zur Erinnerung an die Frankfurter Mediävistin Elsbet Orth, hg. v. Heribert Müller, Frankfurt a. M. 2004, S. 89–124.

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Schnelligkeit, wohl aber an Sicherheit verschaffte und damit die Realisierung von Gewinnen erlaubte, die ansonsten, so wie nicht selten geschehen, durch Raubüberfälle einzubüßen riskierte. Die Reise, zu der er am 24. März 1509 von Augsburg aufbrach und nach einer Überquerung der Alpen, vermutlich über den Reschenpass und einer Passage durch Bozen am 2. April nach Venedig führte, dauerte zehn Tage; die durchschnittliche tägliche Reisegeschwindigkeit über die insgesamt ca. 630 km hinweg betrug diesmal 63 km pro Tag – eine Steigerung der Reisegeschwindigkeit verglichen mit der zwischen Antwerpen und Augsburg trotz der Alpenüberquerung. Die maximale Reisegeschwindigkeit eines Reiters konnte bis zu 80 km pro Tag betragen; der Transport auf Pferdekutschen 66 war hingegen auf 20 bis 30 km beschränkt. Rem bewegte sich also im üblichen Rahmen der technischen Möglichkeiten seiner Zeit und war in der Lage, bis dicht an die Maxima heranzureichen. Seine Schiffsreisen waren ähnlich schnell: Von Civitavecchia, nördlich von Rom gelegen, fuhr Rem mit einer französischen Galeone nach Genua, von dort mit einem anderen Schiff nach Savona, Nizza, Cannes und Marseille. Ein dreitägiger Aufenthalt wegen widriger Winde in Nizza und ein eintägiger Ausritt von Cannes nach Grasse unterbrachen die Schiffsfahrt, die insgesamt 14 Tage dauerte – dies für eine Strecke, die auf dem Landweg an der Küste entlang ca. 820 km betragen hätte. Die Dauer von 67 Seereisen war nicht planbar und abhängig von der Wetterlage. Rem bevorzugte indes das Reisen auf Straßen. Binnenschiffart als auch Seeverkehr waren mit Risiken verbunden, die er in Gestalt von Piratenangriffen, Schiffsbrüchen und widrigen Winden auch ausführlich darstellt. Das Reisen auf Straßen war hingegen eher planbar, vor allem als das Straßenwesen seit dem hohen Mittelalter dank umfangreicher Investitionen auf einer verbesserten Organisation mittels Brücken, ausgebauter Wege und Beherbergungsstationen beruhte, und sowohl für das rasche Reisen als auch für die Mitfüh-

66 Ritt durch die Kulturgeschichte. Katalog der Ausstellung: Pferdestärken. Das Pferd bewegt die Menschheit, Mannheim 2009. 67 Balard, Michel, Coastal Shipping and Navigation in the Mediterranean, in: Cogs, Caravels and Galleons. The Sailing Ships 1000–1650, hg. v. Robert Gardiner, London 1994, S. 131–138; Les ports et la navigation en Mediterranée au moyen âge. Actes du colloque de Lattes, 12–14 nov. 2004, hg. v. Ghislaine Fabre, Paris 2009; Lieux, places, espaces. Pratiques marchandes en Mediterrannée, hg. v. Wolfgang Kaiser, Paris 2009.

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rung großer Warenmengen geeignet war. Jedoch erscheinen auch in den Aufzeichnungen von Rem die Straßen nicht in ihrer Funktion als soziale Organisationen, sie werden lediglich vorausgesetzt und werden als Tatbestände zwischen den Etappenorten nicht beschrieben. Der Fokus liegt auf einer Anordnung von Punkten. Die Verbindungslinien sind nicht Teil der 69 Darstellung. Auf dem Pferd reitend, benötigte Rem für die Strecke von ca. 320 km von Marseille nach Lyon zwölf Tage, legte also täglich durchschnittlich 27 km zurück. Die Reisegeschwindigkeit war gering. Aber er hatte, wie er schrieb, an den einzelnen Etappenstädten längere Aufenthalte eingehalten. Für den Ritt von Lyon über Moulins und Bourges, also für ca. 550 km, war er in nur acht Tagen unterwegs, legte also durchschnittlich jeden Tag 69 km zurück. Ähnlich rasch ging die Reise von Paris über Valenciennes nach Antwerpen: In fünf Tagen ritt er ca. 360 km, was einer Tagesleistung 70 von 72 km entspricht. Auf der iberischen Halbinsel waren die Reisegeschwindigkeiten etwas geringer. Für den Ritt von Lissabon über Badajos nach Madrid benötigte Rem 15 Tage. Die Strecke war ca. 650 km lang. Die Reisegeschwindigkeit betrug 43 km pro Tag. Als Vergleich für die Reisewege Rems bietet sich die Reise des wallonischen Händlers Eustache de la Fosse nach Spanien und Portugal an. Im Jahre 1479 von Brügge aufbrechend, gelangte er über See an die galizische Küstenstadt Laredo, von dort auf Straßen nach Toledo, Cordoba und Sevilla. Er schiffte sich in Sanlucar de Barrameda ein, gelangte nach Cadiz. Die Entfernungen werden in Meilen angegeben, aber auch die zeitlichen Differenzen bei den Reisen zwischen den Orten und die Aufenthaltsdauer werden vermerkt. Dies gilt auch für den Aufenthalt in Portugal, wo er von Lissabon aus das Land bereiste. Anders als Rem beschreibt dieser Reisebericht detailgenau Gebäude, Menschen, Begegnungen, Feste. Er benennt Handelswaren, die er mit sich führte, er schildert die Praxis des Handels, konzentriert sich also nicht auf die Quantität von Fortbewegungen

68 Schwinges, Rainer C., Straßen- und Verkehrswesen im hohen und späten Mittelalter. Eine Einführung, in: Straßen- und Verkehrswesen (Anm. 48), S. 9–18; Dennecke, Dietrich, Linienführung und Netzgestalt mittelalterlicher Verkehrswege. Eine raumstrukturelle Perspektive, in: ibid., S. 49–70. 69 Szabo, Thomas, Die Straßen in Deutschland und Italien im Mittelalter, in: Straßen- und Verkehrswesen (Anm. 48), S. 71–118, S. 71. 70 Rem, Tagebuch (Anm. 25), S. 10ff.

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im Raum. Aber genau darauf kommt es Lukas Rem an. Ihm geht es um eine Addition von Zahlen, die Zeitabschnitte berechnen, damit zugleich Raumüberwindung angeben und auf eine kumulierte Rechnungsführung der Ergebnisse seiner Geschäftstätigkeit hinführen. Anders als Eustache de la Fosse erzählt Rem keine einzelne Reise, damit nur einen Abschnitt seines Lebens, sondern bietet ein Rechenschaftsbericht über sein gesamtes bisheriges Handeln an. Das Leben von Rem stellt sich als Ensemble von Zahlenrelation dar: zunächst die Zeiteinheiten in der Raumüberwindung, dann in Geldeinheiten seiner Geschäfte.

v. Profit und Kapitalakkumulation Lukas Rem quantifiziert den Raum, den er für seine Handelsgeschäfte nutzt. Indem er die räumliche Distanz in temporären Einheiten bemißt, vereinigt er Raum und Zeit. Beide Größen figurieren bei ihm als Voraussetzungen des Profits. In einer Berechnung, parallel zu seinen Reiseaufzeichnungen, beziffert er die Entwicklung seines Vermögens. Das gesamte Erbe seiner Eltern, das zur Verteilung anstand betrug im Oktober 1502 2.000 Gulden und im September weitere 1.000 Gulden, so daß er selbst, als einer von vier Brüdern, einen Betrag von 525 Gulden zur Verfügung hatte, die er als Kapitaleinlage, in seinen Aufzeichnungen „firlegong“ genannt, in die Welser-Kompagnie einzahlte. Die von ihm ansonsten beklagten Widerwärtigkeiten, Zahlungsverzüge und sogar Zahlungsverweigerungen durch die Welser verhinderten letztlich nicht, daß er seine Geschäftstätigkeiten mit sehr hohen persönlichen Gewinnen abschließen konnte. In den Zeiträumen von 1505 bis 1507, 1508 bis 1510, 1511 bis 1512, 1513 bis 1514 und 1516 bis 1517 – Zeiträume, die jeweils durch Generalabrechnungen abgeschlossen wurden – konnte er sein Kapital beträchtlich vermehren. Während der ersten drei Jahre um 39%, also um 13% jährlich. Die folgenden Jahre waren etwas weniger ertragreich, immerhin konnte er von 1508 bis 1510 jährlich noch 5% Profit erzielen, 1511 und 1512 jährlich 5,5 % und 1513 bis 1516 jährlich 5,3% und in den beiden letzten Jahren vor seinem Ausscheiden aus der Welser-Kompagnie sogar 15% jährlich, nachdem, wie Rem schrieb, die Gesellschaft gros gluck in Portugal und in

71 Eustache de la Fosse, Voyage à la côte occidentale d’Afrique, en Portugal et en Espagne (1479–1480), in: Revue Hispanique 4 (1897), S. 174–201.

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Frankreich gehabt hatte. Handelsgüter, die Rem in Lissabon besonders hohe Profite brachten, seien Papageien, Katzen und andere exotische Tiere und in Antwerpen Tücher und Tafelbilder. Hinzu kamen Profite durch Versicherungsgeschäfte (Abb. 4.). Als Rem Ende 1517 die Gesellschaft der Welser verließ, hatte er Anrecht auf die Auszahlung von 9.440 Gulden, die an vier Terminen in Frankfurt zu jeweils 2.360 Gulden beglichen werden sollten. Jedoch beklagte Rem Zahlungsausfälle. Der Streit mit den Welsern sollte ihn noch lange beschäftigen. Hingegen hatte er durch die Mitgift seiner Frau 4.000 Gulden hinzugewonnen. Als Kapitalstock der zusammen mit seinen Brüdern gegründeten Firma legte er am 1. September 1518 insgesamt 9.000 Gulden an. Auch in seiner eigenen Firma setzte sich der kommerzielle Erfolg fort, trotz der auch weiterhin von ihm beklagten Unstimmigkeiten und Unfähigkeiten der nunmehr aus seiner eigenen Familie stammenden Firmenteilhaber. Am 1. November 1521 war das Kapital auf 10.500 Gulden vermehrt, bis zum 15. Juni 1525 auf 17.950 Gulden. Selbst die wegen Krankheit bedingte Seßhaftigkeit in Augsburg tat den Erträgen seiner Kapitaleinsätze keinen Abbruch. Zwar stagnierte das Vermögen bis zum 1. Juni 1527 und verharrte auf 17.941 Gulden, machte aber bis zum 1.Oktober 1530 einen Sprung auf 21.910 Gulden, bis zum 1. Dezember 1532 auf 26.480 Gulden und kletterte an den Terminen der Generalabrechungen vom 1. August 1535, 1. August 1536 und 1. März 1540 auf 37.769 Gulden, 44.626 Gulden und schließlich 73 59.980 Gulden. Als eigener Herr hatte Rem deutlich höhere prozentuale Erträge für sich gewonnen. Jährlich kamen 2317 Gulden durchschnittlich hinzu, was 25,6% vom Ausgangskapital beträgt. Die durchschnittliche jährliche Kapitalrendite ist wegen des Zinzeszinseffektes jedoch niedriger zu veranschlagen: Sie beträgt 5,6 %. Die Profite waren Resultate der Reisen von Lukas Rem. Aber sie wurden auch dann noch erzielt, als er selbst sich von dem aktiven Geschäft und dem Reisen zurückzog und die auswärtige Präsenz seinen Angestellten überließ. Profit beruhte auch weiterhin auf Raumüberwindung. Diese war aber nicht notwendigerweise mit der Person des Handelsherren, zu dem Rem geworden war, verbunden. Die Gesamtbilanz kurz vor dem Tod Rems sah in finanzieller Hinsicht glänzend aus. Der kommerzielle Erfolg ist selbst dann nicht weniger beeindruckend, wenn man ihn in Relation zur Steigerung des gesamten Vermögens der reichen Augsburger Handelsherren stellt, der sich in den Jahrzehnten

72 Rem, Tagebuch (Anm. 25), S. 32. 73 Ibid., S. 32–38.

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von 1470 bis 1500 vervierfacht hatte und sich auch in den folgenden Jahrzehnten weiter vermehrte. Den Welsern gelang es, in der Summe des Vermögens ihrer Familienmitglieder von 1441 bis 1492 die Beträge um mehr als das 75 dreizehnfache zu vermehren. Aber vor dem Hintergrund spektakulärer Firmenbankrotte in Augsburg, auch der enormen finanziellen Verluste der Fugger und Welser aufgrund der Zahlungsausfälle der spanischen Krone und dem bereits seit 1510 sich abzeichnenden Vermögenseinbußen von Anton 76 Welser, erscheint die Bilanz von Rem gelungen. Dies vorzuführen, war gewiß eine Intention seines Textes, der zum Ansporn für die folgenden Generationen, viel eher aber wohl als Ausweis der eigenen Vortrefflichkeit intendiert war. Die von Rem ausgewiesenen Geldbeträge sind jeweils in der Form kapitalisierten Vermögens ausgewiesen, dessen Option für Investitionen und weitere Kapitalakkumulation realisiert wurde. Daß Rem gegen Ende seiner Lebenszeit – durchaus typisch – Vermögensteile von dem aktiven Kapitalstock abtrennte und für den Erwerb von Land77 gütern verwendete, sollte das Erreichte vor dem kommerziellen Risiko abschirmen, keineswegs aber dem Re-Investieren gänzlich entgegenstehen. Die Vermehrung des Kapitals setzte sich sogar in den letzten Lebensjahrzehnten Rems beschleunigt fort, beruhte aber gleichwohl sowohl auf dem Verfahrenswissen, das er in seinen jüngeren Lebensjahren erworben hatte, und auf der Platzierung seines Kapitals zu eben dieser Zeit. Der Erfolg war offensichtlich der Ertrag einer ausgedehnten Reisetätigkeit und damit verbunden mit einer unmittelbaren Kenntnis der angebotenen Waren und der mit ihrem Transport und Verkauf einhergehenden Risiken – Kenntnisse, die auch dann noch offensichtlich Bestand hatten, als

74 Zorn, Wolfgang, Augsburg, Geschichte einer europäischen Stadt, 3. Aufl. Augsburg 1994, S. 183. 75 Geffcken, Peter, Soziale Schichtung in Augsburg 1396 bis 1521. Beitrag zu einer Strukturanalyse Augsburgs im Spätmittelalter, München 1983, S. 89– 177; id., Welser (Anm. 37), S. 86. 76 Göttmann, Frank, Bankrott und Gerücht in politischer, rechtlicher und moralischer Grenzlage, in: Grenzüberschreitungen. Die Außenbeziehungen Schwabens in Mittelalter und Neuzeit, hg. v. Wolfgang Wüst et alii, Augsburg 2008, S. 493–514; Hildebrandt, Reinhard, Der Niedergang der Augsburger Welser-Firma (1560–1614), in: Welser (Anm. 22), S. 265–283; Häberlein, Mark, Die Augsburger Welser und ihr Umfeld zwischen Karolinischer Regimentsreform und Dreißigjährigem Krieg: Ökonomisches, kulturelles und soziales Kapital, ibid., S 382–407, S. 386–389. 77 Rem, Tagebuch (Anm. 25), S. 18, 58–61.

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Rem, durch seine Krankheiten behindert, nicht mehr selbst reisen konnte und sich auf das Investieren in Gewinn versprechende Unternehmungen beschränkte. Aber auch diese waren die Frucht einer lebenslangen Investition, die er – gestützt auf Wissen und Informationsausstausch – tätigen konnte. Die Realisierung von Profiten war abhängig von einer Asymmetrie der Zugangsmöglichkeiten sowohl zu Informationen als auch zu Waren. Diese Asymmetrie beruhte auf der räumlichen Differenz, die Rem wie andere Handelsherren überwanden, um so Preisdifferenzen zu Gewinnen zu nutzen, die mehr waren als ein Entgelt für eingesetzte Mühen und für eingesetzte Kapitalien, sondern auf prospektive Optimierungen von oligopolistischer Preisbildung setzten, insofern ein zeitlicher Vorsprung des Warenangebots gegenüber der Konkurrenz als auch eine räumliche Dislokation von konkurrierenden Warenangeboten angestrebt wurde. Der Marktzutritt neuer Anbieter war außerdem erschwert, weil er erhebliche Investitionen und langfristige Aktivitäten an den Handelsplätzen erforderte. Lukas Rem konnte die selbständige Handelstätigkeit nur wagen, weil er diese Voraussetzungen mitbrachte – sowohl Kapital als auch Kenntnisse. Die Kombination der Faktoren bedurfte des Wissens über Preise und Absatzchancen. Sie setzte kommunikative Kompetenz voraus, um Informationen gewinnbringend zu verwerten. Dies wiederum verlangte weiterhin persönliche Präsenz an den Schnittstellen des Handels, zugleich aber auch Austausch schriftlich niedergelegter Informationen. Die räumliche Konfiguration war eine solche 78 des Reisens, des Warentransfers und der kommunikativen Praktiken. Die akribisch geführten Zahlenreihen über Reiserouten und Profite zeigen sowohl das Wissen über einen geographischen Raum, der durch die Handelstätigkeit Rems abgesteckt war, als auch einen genauen Überblick über Gewinnchancen und realisierte Gewinne. Die Parallelisierung von Raumüberwindung und Profit verweisen auf die Ursprünge des geschäftlichen Erfolgs von Rem: Die durch seine Reise herbeigeführte Entgrenzung von Räumen versetzte ihn in die Lage, Preisdifferenzen zwischen unterschiedlichen Räumen zu nutzen: sei es durch den direkten Kauf und Verkauf, sei es durch den Abschluß von Warenversicherungen. Warenverkehr und Risikostreuung tendierten zwar zu einer tendenziellen Minderung der Gewinnmargen, hätten gar zu einer produktiven Zerstörung der Fernhandelsunternehmen führen können. Dem standen aber handfeste technische Hindernisse im Wege – und dies im wahrsten Sinne des Wortes, weil die Verkehrsverbindungen langsam und überdies gefährlich waren. Dem

78 Schmidt, Kommunikationsrevolution (Anm. 32).

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stand auch das kaufmännische Wissen im Wege, das Rem praktisch erwarb, das aber ansonsten nicht frei verfügbar war. Die Raum-Zeit-Ausdehnung war durch Brüche markiert, beließ damit Differenzen intakt und verhinderte eine Homogenisierung des Raumes. Die zeitlich retardierte Verbindung und damit die Separierung von Räumen waren die Grundlage des Profits, keineswegs die schnelle Anbindung und die zeitliche Verkürzung von räumlichen Entfernungen. Daher sind die Aufzeichnungen von Lukas Rem ein Dokument über die geschickte Vernetzung von Räumen und über die daraus entspringenden Profite. Die Aufzeichnungen von Lukas Rem sind insofern ein einzigartiges Dokument, als sie die Genauigkeit von räumlichen Entfernungen und von Zeiten, sie zu überwinden, nicht allein auf eine kurzfristige Lebensspanne und auf eine einzige Reise beschränken. Reiseaufzeichnungen sind über das gesamte Mittelalter verbreitet und kennzeichnen zahlreiche Pilgerberichte, die nicht selten in ähnlicher Weise Zahlenreihen für Entfernungen präsentieren, nicht aber das gesamte aktive Leben vorführen. Vor allem aber, sofern sie praktische Ratschläge enthalten, zielen sie nicht auf die Darlegung von Akkumulationen, sondern beschreiben Beherbergung, günstigen Einkauf von Lebensmitteln, Schiffspassagen und Gefahren. Ein österreichischer Anonymus, der die Fahrt ins Heilige Land darstellt, die gegen Ende des 14. Jahrhunderts stattfand, legte Wert auf die Angabe von Entfernungen, so wie ein anderer Anonymus, der in den vierziger Jahren des 15. Jahrhunderts die Reise nach Jerusalem mit der Angabe von linearen Abständen, quantifiziert in Meilen, verbindet. Es ist dies eine Quantifizierung, die auch andere, wie Girnand von Schwalbach, zur selben Zeit vornahmen. Ähnlich auch der Pilgerbericht des Ritters Arnold von Harff am Ende des 15. Jahrhunderts: Die Entfernungen zwischen den eng aufeinander folgenden Etappen, die er benennt, werden in Meilen bemessen. Der Pilgerführer nach Santiago de Compostella, verfasst um das Jahr 1500, bemißt die Entfernungen ebenso 79 nicht als Zeitdifferenzen, sondern in den Angaben von Meilen. Es zeichnet 79 Fünf Pilgerberichte aus dem 15. Jahrhundert, hg. v. Randall Herz et alii, Wiesbaden 1998, S. 13f., 103–106, 139–173; Rom – Jerusalem – Santiago. Das Pilgertagebuch des Ritters Arnold von Harff (1496–1498), hg. v. Helmut Brall-Tuchel und Folker Reichert, Köln et alii 2007; Die Strass zu Sankt Jakob, hg. v. Klaus Herbers und Robert Plötz, Ostfildern 2004; Richard, Jean, Les récits de voyages et de pèlerinages (Typologie des sources du moyen âge occidental 38), Turnhout 1981; Schmugge, Ludwig, Die Pilger, in: Unterwegssein im Spätmittelalter, hg. v. Peter Moraw (Zeitschrift für Historische Forschung, Beiheft 1), Berlin 1985, S. 17–47.

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sich ein Gesamtbild ab: Entfernungsangaben in Pilgerberichten waren meist in Streckeneinheiten bemessen, denn es ging um die Annäherung an ein örtliches Ziel. Anders Lukas Rem, der Raumdifferenzen in Zeitdifferenzen überführte und sie als Indikatoren für die Bewegung im Raum angab. Ihm ging es eben nicht um die Erreichung eines Ortes, sondern um die Herstellung von ökonomischen Kommunikationssträngen, die zur Erreichung von Profiten vorausgesetzt waren. Nicht ein lokalisiertes Ziel, sondern die Verbindung zwischen Punkten war wesentlich für die Aktivität von Lukas Rem. Die Verknüpfung von Handelsgewinn und Zeit läßt eindeutig diese Kategorie als entscheidend hervortreten. Sie wird zur Bemessung von Streckenabschnitten im Raum herangezogen. Anders auch als die Pilgerberichte ist der Text von Rem nicht auf eine singuläre Phase seines Lebens beschränkt, sondern erfasst mehrere Jahrzehnte und wurden von ihm durchaus als Quintessenz seines Lebenswerkes vorgestellt, welches in seiner Vortrefflichkeit seinen Nachkommen offensichtlich als Vorbild gelten sollte. Die Präzision der Angaben steht in Relation zur Präzision der Angaben zur Kapitalvermehrung. Die Raumerfahrung, die dieser Augsburger Kaufmann formulierte, ist nicht zentripetal, nicht auf Peripherien und ihren Beziehungen zu einem unilateralen Zentrum angelegt, auch nicht durch eine Definition von Raumeinheiten, d.h. Territorien gekennzeichnet. Der Bericht von Rem kommt ohne die Nennung von Ländern, Königreichen, Fürstentümern, Diözesen und ihren Grenzen aus. Der Kommunikations- und Handlungsraum ist nicht durch seine Ränder definiert, sondern durch Relationen. Die Bewegung im Raum ist auf Verbindungslinien orientiert, die eine Mehrzahl von Zentren in Beziehung setzen. Die Bewegung ist durchweg zirkulär. Sie ist nicht darauf ausgerichtet, ein Ziel zu erreichen, um von dort wieder an den Ausgangspunkt zurückzukehren, vielmehr ist eine Verkettung von Orten zu beobachten. Das zirkuläre Grundmuster verbindet zwar Orte miteinander, die als zentrale Verbindungsglieder figurieren, erzeugt aber selbst keine hierarchisch abgestufte Relationen von Regionen, also keine Zuordnung von niederen zu höheren Einheiten, keine administrativ determinierte Gliederung und damit letztlich keine Ordnung des Raumes, die auf Herrschaft beruht. Nicht einmal die Organisation eines großen Handelshauses und auch nicht die eines selbständig agierenden Kaufmanns vermögen eine Abstufung von Regionen zu erzeugen, weil die Mobilität von Informationen und von Warentransferierungen eine Fixierung verhindert, ja vielmehr die Voraussetzung für den kommerziellen Erfolg im Verzicht auf fest gefügte Verbindungen liegt. Die Rationalität der Raumerfassung beruht auf den

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ökonomisch intendierten Kontakten. Sie finden zwar häufig in bestimmten Städten statt. Diese werden zu bevorzugten Ziel- und Ausgangspunkten des Reisens. Aber sie stehen nicht in starrer hierarchischer Relation zueinander. Allein die Bündelung von Transaktionen und die Konzentration auf einzelne Orte erzeugen eine Abstufung von deren Wichtigkeit. Die Reiserouten beruhen auf der Zentralität von Orten; zugleich erzeugen sie sie. Die Raumerfassung von Lukas Rem beruht auf einer Verknüpfung zentraler Orte, ohne daß diese aber in eine an sie anschließende und sie umgebene Peripherie ausstrahlen, vielmehr in weiträumiger Verbindung stehen und in dieser Verbindung Orte geringerer Stufe von Zentralität einbeziehen. Peripherie gibt es auch, aber sie ist nicht definiert als Marginalität in einem definierten Territorium, sondern markiert durch Entfernung von häufig genutzten Reisewegen. Der Raum von Lukas Rem ist ein Raum ohne Regionen. Er ist einer der Linien. Die zirkuläre Bewegung ist tendenziell endlos, sie kennt keinen Endpunkt. Sie ist kongenial zur zirkulären Kapitalbewegung mit ihrem Kreislauf von Investition, Gewinn, wiederholter Investition und erneutem und wenn möglich vermehrtem Gewinn. Die prinzipielle Endlosschleife wird indes durch die biographische Endlichkeit abgebrochen. Krankheit und schließlich Tod trennen Leben und Kapitalakkumulation. Die den Aufzeichnungen eigentümliche De-Ritualisierung, durch die selbst Hochzeit und Geburt der Kinder Anlässe zu Kosten- und Gewinnberechnungen 80 sind, ist als eine Lösungsstrategie zu verstehen, um der Unausweichlichkeit des nicht-umkehrbaren Lebensablaufes die arithmetisch exakte, letztlich aber doch illusionäre Vermehrung entgegenzustellen. Die Aufzeichnungen sind daher als Versuch zu verstehen, einen Text zu verfassen, der der Vermehrung gewidmet ist, um diese wirkmächtig hervortreten zu lassen, sich ihrer zu versichern und deren Realität sowohl dem Vergessen als auch dem potentiellen Ruin zu entreißen. Der durchmessene Raum gilt dabei als Voraussetzung und als Rechtfertigung des Erfolges. Dieser manifestiert sich im Profit. So wird das Geld, zu Kapital akkumuliert, Indikator zur Beurteilung der lebenslangen Tätigkeit, genauso wie Geld Bewegung im Raum widerspiegelt. Geld ist daher mehr als nur Tausch- und Wertobjekt. Es wird zum alles bestimmenden und alles messenden Quantitätsmerkmal. Es eignet

80 Rem, Tagebuch (Anm. 25), S. 30–42.

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sich auch, auf geographische Distanzen zu verweisen, indem das Geld auf die Zeit und diese auf den Raum projiziert wird. Die monetäre Rationalität wirkte sich auf die Raumgestaltung aus. Der Raum, den Lukas Rem beschrieb, ist entgrenzt, er ist nicht durch Markierungen der Differenz gegliedert, vielmehr zeichnet er sich durch die Konfiguration von Beziehungen aus. Weder nach außen noch innerhalb seines Bewegungsgebietes gibt Rem Grenzlinien an. Keine Bezirke werden benannt. Hinsichtlich des Gebietes erscheint der Raum also diffus zu sein, die Präzisierung erfolgt indes durch die Orte, die Rem durch seine Tätigkeit miteinander verbindet. Statt eines Territorienraumes entsteht ein Relationenraum. Statt Grenzlinien gibt es Verbindungslinien. Statt Gebiete markieren Orte den Raum. Nicht Flächen, sondern Punkte gestalten Verfahren der Bewegung und der Beschreibung.

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Index des noms / Personenregister A Abaelardus 104 Aegidius Romanus 106, 149, 203sqq., 221 Aethicus Ister 24, 29sq., 32, 43 Alanus ab Insulis 108 Albategnius 239, 242sq. Albertus Magnus 11, 14, 67–87, 97, 100sq., 105sq., 108–114, 217sq., 221, 226–231, 233sqq. Albertus de Saxonia 216, 219sq., 222, 224sq., 232 Albumasar 258 Alexander Halensis 100 Alexander Magnus 25sq., 29 Alfarabi 92, 103, 119 Alfraganus 18, 237 Algazel 92, 94, 108, 110, 112 Alhazen 19, 45, 48, 51sqq, 55 Ali ibn Ridwan 19 Al-Kindi 15 Almaricus de Peguilhan 295 Andreas Capellanus 291 Anselmus Cantuariensis 243 Aristoteles 10, 15, 24–28, 30sqq., 38sqq., 42, 67–71, 73–77, 79sq., 91, 93sqq., 98, 100– 103, 105–108, 113, 116sqq., 147sqq., 155–166, 171, 175, 178, 187–191, 193–202, 204, 206–212, 215–219, 221sqq., 231–236, 240, 260 Arnaut de Carcassès 296

Arnaut Daniel 290, 295 Arnold von Harff 376 Audefroi le Bâtard 299 Augustinus Hipponensis 105, 110, 244sq. Averroes 68, 81, 107, 155, 162, 166, 178sq., 203sq., 206, 208, 222, 231 Avicebron 107 Avicenna 31, 33, 81, 92, 94, 103, 107, 109sq., 112, 119

B Bertran de Born 290 Blasius Parmensis 215 Bonaventura de Bagnorea 102, 118

C Cassiodorus 245 Cecco d’Ascoli 256 Choricius 309–312 Chrétien de Troyes 265–269, 271, 273–276, 278sqq., 290, 299sqq. Christophorus Colombus 31, 238sq. Clemens iv, Pape/Papst 11 Constantinus Magnus, Empereur/ Kaiser 307

D Dante Alighieri 72, 115sq., 241, 295 Dominicus Gundissalinus 108sq.

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Index des noms

E Edward i, Roi/König 28 Ekkehart iv. (St. Gallen) 323sqq., 327, 329–332, 334sq., 337sq. Engilbert, Abbé/Abt 336 Étienne Tempier, Évêque/Bischof 112, 209 Eusebius Pamphili Caesariensis 245, 306–309 Eustache de la Fosse 371sq.

F Focker, Ulrick 365 Francesco Petrarca 249sq., 295 Francisco de Toledo 164 Franciscus de Marchia 160 Franciscus de Mayronis 165 François i, Roi/König 362 Fugger, Anton 361 Fugger, Jakob 361 Fugger, Marx 352

G Galenus 47 Galeotteo da Pietramala 250 Geminos de Rhodos 25, 31 Geoffrey of Monmouth 25 Gerardus Cremonensis 25 Gerardus Odonis 148sq., 161sq., 165sq. Gerardus Senensis 147, 150–153, 155, 157sq., 163, 165sq., 187 Giono, Jean 267 Giordano da Rivalto 241 Giovanni Boccaccio 250sq., 303 Girnand von Schwalbach 376 Gisela, Impératrice/Kaiserin 330 Gossuin de Metz 244

Gozbert, Abbé/Abt 332 Gracq, Julien 266 Gregorius Pakourianos 317 Guerric de Saint-Quentin 105, 112, 115 Guillaume d’Auvergne, Évêque/ Bischof 108, 112 Guillaume d’Auxerre 100 Guillaume de Lorris 291sq. Guillaume de Machaut 303 Guillaume de Moerbeke 216 Guillaume de Rubrouck 9, 24sq., 29, 34, 251 Guillelmus de Ockham 117sq., 195, 219, 222, 227 Guillelmus Rubio 160sq.

H Haython de Gorhigos 249 Henricus iii, Empereur/Kaiser 330 Henricus de Harclay 160 Henry iii, Roi/König 28 Hieronymus 29, 35sqq., 245 Hildemarus Corbiensis 327 Hoefman, Wolf 365 Honorius Augustodunensis 237, 244, 252 Honzer, Hans 366 Hugo de Sancto Victore 12, 23

I Ioannes Baconthorpe 150–153, 155 161, 163 Ioannes Buridanus 117, 193–200, 202–213, 215, 227, 234, 236 Ioannes Canonicus 150–153, 161, 163 Ioannes Capreolus 153, 163sq.

Personenregister

Ioannes Damascenus 73, 110, 113 Ioannes Duns Scotus 156 Ioannes Pecham 45, 54 Ioannes de Plano Carpini 9, 24 Ioannes de Sacrobosco 237, 240, 242 Isaac Israeli 107, 109 Isidorus Hispalensis 35, 239, 244–249, 251, 259sqq.

J Jabir ibn Aflah 97 Jaufré Rudel 290, 294, 298, 303 Jean de Meun 291sq. Jean de Montreuil 250 Jean de Saint-Victor 249 Johannes Nider 344 Julius Honorius 71sq.

K Karl iii., Empereur/Kaiser 323, 330 Karl v., Empereur/Kaiser 348, 362 Konrad i., Roi/König 330 Konstantinos Rhodios 314sq.

L Landulfus Caracciolus 150sqq., 154–158, 161, 163, 166sq. Lauginger, Anton 352 Lauginger, Narcis 352 Laurent de Premierfait 250 Leo vi, Empereur/Kaiser 315sq. Louis vii, Roi/König 295 Louis ix, Roi/König 279 Ludovicus ii Germanicus, Roi/ König 323 Luther, Martin 345

M Macrobius 116

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Maimonides 81, 92, 94–99, 102sq., 106, 108, 110, 113–117, 119 Manuel i, Roi/König 360 Marcabru 295 Marie de Champagne 280, 291 Marino Sanudo 249 Martianus Capella 25, 32 Martinus Turonensis, Évêque/Bischof 307 Meister Eckhart 113–117 Moniot d’Arras 298 More, Henry 92 Muhammad al-Tabrizi 94

N Nero, Empereur/Kaiser 25 Newton, Isaac 92, 147 Nicolas Bonet 163sq. Nicolas de Clamanges 250 Nicolas de Gonesse 250 Nicolaus Oresmius 147sq., 158, 164sq., 215, 226, 232, 237, 241–245, 249, 257 Nikolaos Mesarites 314sq. Nikolaos le Sophiste 306 Notker Balbulus 325, 329, 331sq., 336

O Ochainin, Anna 361 Ockham v./s. Guillelmus Origenes 245 Orosius 35, 239, 244–249, 251, 259sq.

P Paulus Venetus 23 Petrus Aureolus 147–165, 167sq., 175, 178, 187, 191

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Index des noms

Petrus Comestor 29 Petrus Iohannis Olivi 344 Petrus Lombardus 104sq. Philippe ii Auguste, Roi/König 279 Philippe iv le Bel, Roi/König 279 Pierre d’Ailly 31, 237, 239, 241–257, 259sq. Pietro d’Abano 256 Plato 70sq., 216 Plinius 24sq., 27, 32, 35, 37, 239, 242sq., 251 Pomponius Mela 242sq., 249sqq. Porphyrios 14 Priscian 242sq. Pseudo-Aegidius Romanus 106 Pseudo-Aethicus 71 Pseudo-Dionysius Areopagita 109 Pseudo-Grosseteste 113 Pseudo-Ptolemaeus 34, 84 Ptolemaeus 18sqq., 24sqq., 33, 42, 91sq., 97, 117, 238, 240, 242sq., 251 Purchart, Abbé/Abt 338

Ruodmann, Abbé/Abt 330, 334, 337

R

Walcher de Malvern 17 Walter Chatton 149sq., 152, 158–161, 163sqq. Welser, Anton 348, 352sq., 359, 365sqq., 374 Welser, Jakob 368 Welser, Lukas 347, 359 William Heytesbury 224 William of Ockham v./s. Guillelmus Witelo 45

Raoul le Prestre 248 Relinger, Wilhelm 365 Rem, Anna 348 Rem, Bartholomäus 367 Rem, Felix 365 Rem, Gilg, Prince-évêque/Fürstbischof 348 Rem, Lukas 341, 347–379 Rem, Wilhelm 350 Robert de Boron 279 Robertus Grosseteste 15, 32, 222 Roger Bacon 9–27, 29–43, 45, 54, 71, 76, 238, 240, 242, 245, 251–254, 256, 260

S Salomo iii, Évêque/Bischof 329, 334sq. Seneca minor 25, 31 Simon de Plumetot 250 Solinus 24, 239, 242sq. Spinoza, Baruch 92 Strabo 35

T Thomas Aquinas 101sq., 104, 106, 110, 112, 118, 149, 203sqq., 217, 221

V Vladimirus i Magnus, GrandPrince/Fürst 319 Vöhlin, Konrad 348

W