189 74 39MB
French Pages 96 Year 2022
Sophie Sacquin-Mora
Le carnaval du vivant
Anmryn
3
S E N I É T O R P S LE ! R U O T E R E D SONT Dans notre ouvrage précédent (Protéines, Un
Dans cet épisode, nous allons donc vous parler
voyage au centre de la cellule), nous vous avions
de protéines rencontrées dans le monde animal
raconté la fabuleuse histoire des protéines. Leur
et qui donnent leurs superpouvoirs à toute
découverte progressive au cours des
et
une galerie de drôles de bestioles. Au fil des
siècles, leur rôle central dans le vivant et la
pages, on croisera donc le chemin de l’invin-
façon dont les scientifiques peuvent les étudier
cible tardigrade, d’un cafard à paillettes, d’un
pour ainsi mieux comprendre le fonctionnement
requin centenaire ou d’un vampire poilu. Tous
de notre organisme. Nous vous présentions
se distinguent par leurs incroyables protéines
également une petite vingtaine d’exemples parmi
qui pourraient bien nous servir un jour !
xix
e
e
xx
nos protéines préférées, des indispensables qui font tourner la baraque au quotidien aux stars
Le dernier chapitre se penche quant à lui sur
internationales et nobélisées.
un groupe d’organismes bien particuliers et qui occupe le devant de la scène mondiale depuis
Mais vingt exemples, c’est bien peu en regard
maintenant plus de deux ans, les virus. Il permet
des centaines de milliers de protéines que
donc de faire plus ample connaissance avec ces
l’on connaît (et sans compter toutes celles qui
objets qui interrogent notre définition du vivant,
restent encore à découvrir), alors on s’est dit
et aussi de revoir les principes de base de la
que nos molécules préférées méritaient bien un
vaccination et des anticorps (et ce, toujours
deuxième tome.
avec l’aide de quelques animaux, bien sûr !).
TOUT CE QU’IL FAUT SAVOIR AVANT DE COMMENCER VO TRE LECTURE (RÉSUMÉ DE L’ ÉPISODE PRÉCÉ
DENT)
Bon, en gros, c’est quoi une protéine ?
des formes très variées. Mais elles ont toutes en commun d’être constituées d’acides aminés,
Les protéines sont des macromolécules, c’est-
des petites molécules comprenant à la fois un
à-dire des grosses molécules comprenant de
groupe amine et un groupe acide. Ceux-ci sont
quelques centaines à plusieurs centaines de
alors accrochés les uns à la suite des autres via
milliers d’atomes (majoritairement du carbone,
une liaison peptidique, formant ainsi une longue
de l’hydrogène, de l’azote, de l’oxygène et
chaîne qui peut contenir jusqu’à 30 000 mail-
aussi un peu de soufre), et qui peuvent prendre
lons pour les plus grosses protéines.
1. S. Sacquin-Mora, A. Taly et Anmryn, Protéines, Un voyage au centre de la cellule.
5
Il existe 20 acides aminés naturels différents, que
Les protéines, c’est un truc qu’on trouve dans
l’on distingue par leur chaîne latérale, et que l’on
la viande et les muscles, c’est ça ?
peut combiner pour former des protéines : • La succession des acides aminés le long de
Pas seulement, loin de là ! En fait, les proté-
la chaîne est appelée structure primaire (ou
ines sont omniprésentes dans les cellules (dont
séquence protéique).
elles représentent plus de la moitié de la
• La façon dont des petits fragments de cette
masse sèche) de tous les êtres vivants, qu’ils
chaîne vont former des formes régulières dans
soient animaux ou végétaux. Elles y accom-
l’espace (souvent sous forme d’hélices ou de
plissent une multitude de missions diverses et
feuillets) correspond à la structure secondaire.
variées, mais qui sont indispensables à notre
• Puis ces fragments s’agencent les uns par rapport
survie. On estime que le seul corps humain
aux autres pour donner la structure tertiaire de la
contient près 400 000 protéines différentes.
protéine, que l’on appelle également repliement.
Certaines portent des noms connus du grand
• Enfin, il arrive parfois qu’une protéine soit si
public, comme l’hémoglobine, les enzymes
grosse qu’elle contient plusieurs chaînes. On
ou les anticorps. D’autres sont plus discrètes
parlera alors de complexe protéique, et l’agen-
mais tout aussi essentielles au vivant (comme
cement des chaînes forme la structure quater-
le ribosome qui est la petite usine à protéines
naire de l’ensemble.
présente dans chacune de nos cellules).
Les hélices et les feuillets que l’on rencontre dans la structure secondaire sont maintenus en place via des liaisons hydrogène (montrées ici en magenta), qui se forment entre les atomes d’hydrogène, d’azote et d’oxygène de la protéine.
6
Les vingt acides aminés naturels qui servent à fabriquer les protéines portent chacun une chaîne latérale distincte. Ces chaînes latérales possèdent des propriétés chimiques variées, ce qui va permettre aux protéines de remplir des missions très différentes selon le nombre et le type d’acides aminés qui les composent et la façon dont elles sont repliées dans l’espace.
SOMMAIRE
Les protéines sont de retour !.......................................................................................3 Tout ce qu’il faut savoir avant de commencer votre lecture (Résumé de l’épisode précédent)......................................................................4 1. LES PATTES SUR TERRE.......................................................................................9 Le gel anti-dessication du tardigrade......................................................................... 10 Pourquoi il faut se méfier des ornithorynques....................................................... 12 L’histoire du lapin qui ne sautait pas......................................................................... 15 Le rat qui ne voulait pas mourir.................................................................................. 16 Dans le caca des capybaras........................................................................................18 Soirée mousse chez les grenouilles.......................................................................... 21 Le cafard aux entrailles de cristal............................................................................ 23 2. SOUS L’OCÉAN..................................................................................................... 25 Les protéines antigel, une petite laine pour les poissons......................................26 Des protéines qui en bavent......................................................................................... 28 Quand les holoturies ont un coup de mou...............................................................30 Les limaces font bronzette..........................................................................................32 Les protéines bioluminescentes illuminent le vivant..............................................34 Les cristallines, regardez-les dans les yeux !........................................................37 Les dents de la mer étaient centenaires................................................................. 39 Les réflectines, protéines furtives.............................................................................. 41 3. LA TÊTE DANS LES NUAGES..............................................................................43 La guerre des lépidoptères........................................................................................... 44 Draculine, la reine de la nuit........................................................................................ 46 Les cryptochromes ne sont jamais à l’ouest..........................................................48 4. LES INCLASSABLES..............................................................................................51 La caséine, on en fait tout un fromage.................................................................... 53 Le collagène, on l’a dans la peau............................................................................... 55 Quand les protéines s’emmêlent..................................................................................57 Les protéines tombent sur un os.................................................................................59 Hibernatus chez les protéines...................................................................................... 61 La bactérie qui faisait du rodéo................................................................................. 63 5. AUX FRONTIÈRES DU VIVANT...........................................................................65 Des virus trop beaux pour être honnêtes................................................................67 L’hémagglutinine, protéine pirate.................................................................................69 Commando Corona..........................................................................................................71 Retour vers l’ADN, les rétrovirus entrent en scène.............................................. 74 Des antigènes à l’ARN, la grande aventure de la vaccination...........................77 Les lamas ne sont pas chameaux.............................................................................. 80
CONCLUSION........................................................................................................82 GLOSSAIRE............................................................................................................83 BIBLIOGRAPHIE....................................................................................................90 LES AUTRICES......................................................................................................95
1
LES PATTES SUR TERRE
10
LE GEL ANTI-DE SSICATION DU TARDIGRAD E Appelé également ourson d’eau, le tardigrade
de terreur les aventurier·ère·s les plus chevron-
est un petit bibendum miniature (d’environ
né·e·s (#RepÀÇa Indiana Jones et Lara Croft).
0,5 mm), que l’on peut trouver dans les mousses et lichens dont il se nourrit. Il a été décrit par les
Dans le cas du tardigrade, on a d’ores et déjà
naturalistes dès le
pu tester ses capacités de résistance :
siècle, mais c’est surtout
e
xviii
depuis une petite dizaine d’années qu’il fait la
• au vide ;
joie des amateur·rice·s de science amusante et
• au froid (dans de l’hélium liquide à –272 °C,
de bestioles étonnantes. Il faut dire aussi qu’il y
soit près du zéro absolu) ;
a de quoi. Cet animal qui ne ressemble à aucun
• à la chaleur (jusqu’à 150 °C) ;
autre, et dont il existe près d’un millier d’es-
• à la pression ;
pèces, appartient au club très spécial des extré-
• aux radiations ;
mophiles, ces organismes capables de survivre
• à la dessiccation ;
dans des environnements hostiles à faire hurler
• à l’absence d’eau et de nourriture.
Le tardigrade résiste à tout, mais quel est donc son secret ?
11
Histoire de mettre à l’épreuve les talents de
L’eau est le solvant naturel de la plupart des
ce survivor de compétition, des équipes de
protéines (exception faite de celles qui sont
recherche sont même allées jusqu’à l’envoyer
insérées dans la membrane lipidique qui sert
dans l’espace, où notre ourson de poche a été
d’enveloppe aux cellules). En son absence, les
exposé au vide spatial et à des radiations (UV-A
protéines vont se dégrader, perdre leur structure
et/ou UV-B) près de mille fois supérieures à ce
native, voire même s’agréger, et ce de manière
que nous recevons à la surface de la Terre. Pour
irréversible. Mais super-ourson, lui, possède
résister à de telles conditions, le tardigrade va
un jeu de protéines bien particulières, qui sont
se dessécher et se racornir, jusqu’à entrer en
formées chacune d’une chaîne désordonnée, et
anhydrobiose, un état de vie ralentie où le méta-
dont les extrémités ont tendance à se coller les
bolisme est à l’arrêt et où le tardigrade devient
unes aux autres. En cas de dessiccation, ces
quasi indestructible.
protéines seront exprimées en grande quantité dans les cellules et, en s’associant, vont
Or il semblerait que le secret des superpouvoirs
former un gel protecteur qui va englober les
du tardigrade réside en partie dans ses proté-
autres protéines comme dans un petit coussin
ines pas comme les autres. En effet, le génome
moelleux. Ce cocon va alors leur éviter de
du tardigrade est composé à plus de 40 % de
s’agréger et leur permettre de conserver leur
protéines que l’on ne trouve dans aucun autre
structure native dans des conditions extrêmes
organisme et qui n’appartiennent donc qu’à
en attendant sagement des jours meilleurs et
lui. Dans le lot, certaines sont soupçonnées de
mieux hydratés.
protéger son ADN contre les dégâts causés par les radiations, tandis que d’autres vont lui
Alors, si un jour vous tombez sur un tardigrade
permettre de survivre à la dessiccation et leur
desséché, peut-être qu’il suffira d’un petit bisou
fonctionnement a été élucidé il y a peu.
baveux pour le réveiller !
La protéine au gel dormant. La légende raconte que dans les vieux tardigrades desséchés, les protéines dorment paisiblement dans leur gel protecteur en attendant la goutte d’eau providentielle qui viendra les ramener à la vie.
12
POURQUOI IL FA UT SE MÉFIER DES ORNITHORYNQU ES Si l’on devait organiser un jour un Grand
petits, la vision d’une nichée d’ornithorynques en
concours mondial des bestioles les plus impro-
plein repas aurait de quoi faire frémir d’horreur
bables, il y a fort à parier que l’on retrouverait
un jeune parent humain en plein trip hygiéniste.
dans la liste des finalistes l’increvable tardigrade
Mais Madame O. a de la ressource. Une équipe
et face à lui le non moins incroyable ornitho-
de recherche australienne a en effet montré
rynque. À vrai dire, l’ornithorynque est même
que son lait possède en grande quantité une
tellement incroyable que, lorsqu’à la fin du
protéine unique à cette espèce, qui présente des
siècle les savants britanniques ont eu vent
propriétés antimicrobiennes, et pourrait donc
pour la première fois de cet animal, et bien
protéger la santé des plus jeunes nonobstant
ils n’y ont tout simplement pas cru. Devant les
leurs habitudes alimentaires un peu cracra.
e
xviii
dessins envoyés d’Australie, le premier réflexe des naturalistes fut de conclure à un canular issu de l’imagination d’un taxidermiste facétieux et on les comprend bien. En contemplant cette chose poilue dotée d’une queue de castor, de pattes palmées et d’un bec de canard, il y avait de quoi rester perplexe… Deux siècles plus tard, l’ornithorynque fascine toujours autant les chercheur·se·s, et pas seulement à cause de son apparence baroque. Dans le tome précédent, nous avions déjà évoqué sa température corporelle remarquablement basse, mais ce n’est pas la moindre de ses particularités. Les ornithorynques sont des mammifères et, comme toutes les femelles de cet ensemble d’animaux, Madame O. allaite ses petits. Néanmoins, elle n’a pas de mamelons et se contente donc de suinter du lait par ses pores. Les bébés ornithorynques s’alimentent ensuite en léchant
Cette protéine présente une structure unique,
simplement les poils du ventre maternel. Comme
toute en hélices α, et qui lui a valu le surnom
les mères ornithorynques n’ont nulle intention de
de Shirley Temple, en hommage aux bouclettes
passer au stérilisateur avant le repas de leurs
de l’enfant star des années trente. Chez les
13
chercheur·se·s humain·e·s, Miss Temple suscite
connues chez les grenouilles, les mollusques ou
de grands espoirs pour la recherche médi-
encore les araignées. Et voilà qu’il y a une quin-
cale, car elle pourrait aboutir à l’élaboration
zaine d’années, en analysant la composition du
de nouveaux antibiotiques, qui permettraient
venin d’ornithorynque, une équipe de recherche
notamment de s’attaquer aux bactéries ayant
basée à Sydney a découvert une protéine
développé des résistances aux médicaments
comportant une leucine de type D. Et c’est ainsi
utilisés jusque-là.
que l’ornithorynque est devenu le premier (et jusqu’ici le seul) mammifère à faire son entrée
Autre bizarrerie cette fois rencontrée du côté
dans le club très sélect des organismes avec des
des mâles, ceux-ci sont dotés à la base de
protéines à résidus D. Des études ultérieures par
leurs pattes arrière d’un aiguillon venimeux,
la même équipe ont également permis d’isoler
ce qui est déjà tout à fait inhabituel, car les
dans le venin de l’ornithorynque l’isomérase
mammifères venimeux sont très rares. Bien que
responsable de cette transformation.
non mortelles pour un humain, les piqûres d’ornithorynques sont connues comme étant particulièrement douloureuses. Le venin va provo-
Mais c’est quoi l’intérêt d’avoir des acides
quer un œdème et une paralysie temporaire
aminés de type D dans ses protéines (à part
du membre piqué. La sensation de douleur va
pour frimer avec sa carte de club auprès des
résister à des analgésiques puissants tels que la
autres mammifères) ?
morphine et perdurer de quelques semaines à plusieurs mois. Ah là, tout de suite on a moins
Eh bien, quand une protéine étrangère est
envie de lui faire un gros câlin au petit canard
injectée dans notre organisme (via par exemple
poilu du bout du monde !
une morsure ou une piqûre d’animal venimeux), elle fera effet tant qu’elle n’aura pas été
Mais ce qui passionne tout particulièrement les
dégradée par une protéase, une enzyme dont
biochimistes dans le venin de l’ornithorynque,
le job est précisément de découper les autres
c’est sa recette vraiment unique. Celui-ci est en
protéines en petits morceaux. Or comme toutes
effet composé d’un mélange de peptides et de
les enzymes, les protéases sont des machines
protéines spécifiques à l’espèce et qui comportent
hautement spécialisées, qui se sont adaptées
des acides aminés pas comme les autres.
aux protéines du vivant, qui ne contiennent que des acides aminés de type L. Face au venin d’or-
Il se trouve que tous les acides aminés (à l’excep-
nithorynque avec sa D-leucine, nos protéases se
tion de la glycine) sont des molécules chirales.
retrouvent d’un coup fort dépourvues et mettront
Chaque acide aminé existe en deux variétés
beaucoup plus de temps à détruire ces proté-
(on va parler d’isomères) non superposables,
ines exotiques. Et c’est comme ça qu’on peut
qui sont le reflet l’une de l’autre dans un miroir,
se retrouver à souffrir plusieurs mois pour avoir
et que l’on désigne par les lettres L et D. Dans
voulu serrer dans ses bras une bestiole qu’on
le vivant, les protéines sont fabriquées exclu-
trouvait trop mignonne. Là où cela devient inté-
sivement avec des isomères de type L. Mais il
ressant pour la recherche médicale, c’est que
peut arriver très rarement qu’une protéine soit
si l’on était capable de concevoir des peptides
modifiée après fabrication par une enzyme de
d’intérêt thérapeutique comprenant ces fameux
type isomérase (car elle change les isomères)
acides aminés de type D, ceux-ci auraient donc
et présente alors quelques acides aminés de
une longévité accrue dans notre organisme
type D. De telles protéines inversées étaient déjà
et nécessiteraient la prise de doses bien plus
14
faibles. Actuellement, cette piste est par exemple
Moralité pour les amateurs de bestioles
explorée dans le cadre de la recherche de
amusantes : le tardigrade n’a peut-être pas une
thérapies contre la maladie d’Alzheimer.
tête de peluche, mais au moins il est complètement inoffensif, lui.
15
N I P A L U D E R L’HISTOI S A P T I A T U A S QUI NE En 1935, l’École vétérinaire de Maisons-Alfort
montrent qu’elle est active dans les neurones et
recueillait un lapin incapable de sauter, mais
la moelle épinière, et qu’elle est indispensable
qui présentait l’étrange faculté de se déplacer
à la coordination des membres nécessaire aux
sur ses pattes avant. Afin d’en savoir plus sur les
sauts observés chez les lapins ordinaires. Les
mutations génétiques à l’origine de cette particu-
Sauteurs d’Alfort quant à eux sont soit privés
larité, les chercheurs entreprirent d’élever cette
de cette protéine, soit porteurs d’un mutant non
variété assez ironiquement baptisée Sauteur
fonctionnel. L’impact de la perte de RORB sur
d’Alfort.
la locomotion avait d’ailleurs déjà été observé par le passé chez des souris, les spécimens
Après la guerre, le Sauteur d’Alfort sombra
dépourvus de cette protéine adoptant une
dans l’oubli, pour être finalement redécouvert
démarche dite en dandinement de canard. Au
dans les années 1990, et cette espèce est désor-
final, il semble que chez ces deux espèces,
mais un objet d’étude pour les scientifiques qui
RORB joue un rôle clé dans la synchronisation
tentent de comprendre le phénomène de loco-
de la contraction des muscles entre membres
motion chez les vertébrés. Quatre-vingt cinq ans
postérieurs et antérieurs lors de la locomotion.
après leur découverte, il semble que le mystère de ces lapins acrobates ait enfin été résolu par des équipes de recherche distribuées entre la Suède et le Portugal. Les scientifiques ont passé en revue le patrimoine génétique d’une cinquantaine de lapins issus de la même lignée (dont une dizaine se déplaçait sur les pattes avant), et à l’origine de cette démarche si particulière, il·elle·s ont pu identifier un gène, et donc bien sûr une protéine. RORB (pour RAR-related orphan receptor β) est un facteur de transcription présent dans le noyau cellulaire. Sa mission est de jouer les intermédiaires entre les hormones et l’ADN, et ainsi de contrôler l’expression de certains gènes en fonction des messages chimiques reçus par la cellule. Jusque-là le rôle physiologique de cette protéine était mal connu, mais ces travaux
16
LE RAT QUI NE VOULAIT PAS MOURIR
Les rats-taupes nus, dits aussi hétérocéphales,
servent à forer les galeries et une peau nue,
sont des petits rongeurs d’Afrique de l’Est
rose et ridée.
qui vivent dans des colonies pouvant abriter quelques centaines d’individus et qui fascinent
Bref, le rat-taupe nu est moche comme un pou,
le monde scientifique à plus d’un titre.
certes, mais il possède des protéines de toute beauté :
Leur mode de vie déjà est tout à fait remar-
• Tout commence au moment de la fabrication
quable, puisqu’il s’agit d’une des seules
des protéines. Le rat-taupe nu est en effet doté
espèces de mammifères eusociaux, à savoir
d’un ribosome (la machinerie en charge de
que leur mode d’organisation social rappelle
fabriquer les protéines) de compétition, qui
celui observé chez les abeilles ou les fourmis.
va convertir l’ARN en acides aminés avec
Une reine unique est en charge de la reproduc-
une fidélité sans pareille. Des chercheur·se·s
tion, et les autres membres de la colonie vont
ont ainsi montré que les erreurs de traduction
se diviser entre ouvrières, nourrices, soldates et
lors de la synthèse protéique sont près de dix
quelques mâles reproducteurs.
fois moins nombreuses chez le rat-taupe nu que chez des souris ordinaires. Ce qui limite
Leur habitat souterrain est à l’origine d’un
le nombre de protéines défectueuses dans la
physique un peu particulier : de tout petits
cellule, qui peuvent elles-mêmes être à l’origine
yeux quasi atrophiés, d’énormes incisives qui
de diverses pathologies.
17
• La résistance aux cancers passe par plusieurs
tournent quant à elles au ralenti chez le rongeur
stratégies. Les suppresseurs de tumeur sont une
par rapport à d’autres espèces.
famille de protéines chargées de réguler le cycle cellulaire, et dont l’activité est souvent
L’acide hyaluronique, c’est une grosse molécule
déficiente dans les cellules cancéreuses (ce qui
(faite d’un enchaînement de disaccharides)
va faciliter leur prolifération). Chez les rats-
surtout connue du grand public, car elle est
taupes nus, les cellules où les suppresseurs de
utilisée en chirurgie esthétique en injection pour
tumeur ne fonctionnent plus vont être détectées
le comblement des rides. Elle contribue égale-
et entrer en sénescence, ce qui interrompt leur
ment à l’élasticité de la peau et entre dans la
division et donc la multiplication de cellules
composition des crèmes antirides.
potentiellement malignes. • Le rat-taupe nu possède également un suppres-
Sur le plan évolutif, cette production accrue
seur de tumeur qui lui est propre (alors que
d’acide hyaluronique chez le rat-taupe nu serait
d’autres sont communs à plusieurs espèces de
due à une adaptation de l’espèce à la vie souter-
mammifères), et qui semble avoir une activité
raine dans des galeries étroites. Mais il se trouve
accrue. Il est tout particulièrement produit par
qu’en enrobant les cellules, l’acide hyaluronique
ses cellules lorsque celles-ci sont soumises à des
possède aussi une activité anticancéreuse, car
contraintes externes (rayonnement UV, présence
il les empêche de s’agréger et entrave donc la
d’oncogènes) susceptibles de les faire évoluer en
formation de potentielles tumeurs. Et c’est ainsi
cellules cancéreuses.
que l’étude de ce petit rongeur au physique
• Enfin, notre indestructible rongeur possède
ingrat (et de ses protéines) ouvre de nouvelles
une hyaluronane synthase de compétition, c’est-
perspectives dans la lutte contre les cancers.
à-dire une enzyme capable de produire de l’acide hyaluronique à la surface des cellules.
On espère juste très fort que le secret de sa
Inversement, les enzymes chargées de la dégra-
longévité ne passe pas par l’adoption de son
dation de cette substance (les hyaluronate lyases)
look un peu particulier…
Une structure de la cellulose synthase, une enzyme proche de la hyaluronane synthase (pour laquelle il n’y a pas encore de structure disponible). Le domaine violet est inséré dans la membrane cellulaire et sert de canal pour la sécrétion de cellulose (ou d’acide hyaluronique) à la surface de la cellule.
18
DANS LE CACA DES CAPYBARA S Le capybara est un mammifère social d’Amé-
Cependant, il ne suffit pas d’être une star sur
rique du Sud, que l’on rencontre à proximité
les réseaux sociaux pour avoir les honneurs de
des cours d’eau (l’animal est excellent nageur)
cet ouvrage. En l’occurrence, si nous nous inté-
et qui possède la particularité d’être le plus gros
ressons au capybara dans ces pages, c’est à
rongeur connu. Avec ses 1 m de long et ses
cause de son système digestif très particulier.
50 kg, cette belle bête peut être élevée pour sa
Cet herbivore se nourrit principalement d’herbes
viande, ou bien domestiquée. Mais ce qui fait
aquatiques, de fruits et d’écorces d’arbres, mais
la popularité du capybara sur internet, c’est sa
comme tous les autres mammifères (humains
réputation de créature imperturbable en toutes
compris), il ne possède pourtant pas d’enzymes
circonstances.
capables de dégrader les fibres végétales. Leur
19
assimilation repose donc sur le travail de son
tant des capacités de dégradation accrues de
microbiote intestinal, c’est-à-dire l’ensemble des
matériaux cellulosiques (i.e. les fibres végétales
bactéries qui vivent dans ses entrailles, qui va
consommées par nos gros rongeurs). Cela
être sollicité lors de plusieurs cycles de régurgi-
grâce à une famille de protéines particulières,
tation et de remâchage des aliments, afin d’en
les CaZymes (Carbohydrate-active Enzymes),
extraire le plus de nutriments possible. Le capy-
pour lesquelles plus de 7 000 gènes ont été
bara est d’ailleurs coprophage, à savoir qu’il
identifiés. On est donc bien là en face d’une
peut également consommer ses propres excré-
arme de dégradation massive des végétaux.
ments, qui vont lui servir de source de bactéries
Cette armada d’enzymes présente une grande
pour enrichir sa flore intestinale.
variété de formes et de fonctions qui vont permettre de couper des liaisons au sein des
Récemment, des équipes de recherche brési-
molécules de cellulose. Parmi elles, CapGH173
liennes et françaises ont passé à la loupe le
(pour Capybara Glycoside Hydrolase 173) et
microbiote intestinal des capybaras, notamment
CapGH43-12 semblent être particulièrement
pour en savoir plus sur les enzymes à l’œuvre
efficaces. Les chercheur·se·s ont aussi identifié
lors de la digestion de leurs aliments. Ce travail,
une enzyme, CapCMB89 (CBM pour carbohy-
qui a nécessité l’analyse de selles fraîches pour
drate-binding module, soit module de fixation
en extraire des populations bactériennes, a ainsi
aux glucides), comportant un domaine à la
permis d’identifier des bactéries fréquemment
structure inhabituelle, composée d’une succes-
rencontrées chez les herbivores, ainsi que des
sion de feuillets β, et dont la fonction exacte
variants spécifiques aux capybaras et présen-
reste encore à élucider.
Trois protéines produites par le microbiote du capybara et qui l’aident à digérer ses aliments : CapGH173 (en magenta), CapGH43-12 (en cyan) et CapCBM89 (en vert)
20
Si ces équipes de recherche se sont ainsi
tielle encore mal exploitée. Notamment parce
amusées à aller dépiauter des selles de capy-
qu’il n’existe pour l’heure que peu de procédés
baras, ce n’est pas seulement pour l’amour de
permettant de dégrader celle-ci de manière effi-
la science (ha bon ?), mais aussi parce que
cace. Et ces nouvelles CaZymes pourraient bien
les enzymes identifiées lors de cette étude
changer la donne.
présentent un intérêt industriel. En effet, la biomasse végétale (et notamment les déchets
Qui sait si les avancées énergétiques de
issus de la culture de la canne à sucre) repré-
demain ne sont pas cachées dans le caca
sente actuellement une source d’énergie poten-
des capybaras ?
21
Z E H C E S S U O SOIRÉE M S E L L I U O N E R LES G Plusieurs espèces de grenouilles tropicales
Si l’on se penche sur la composition du liquide
(qu’elles viennent d’Amérique du Sud, d’Afrique
produit par Mme Grenouille et à l’origine de
ou d’Asie du Sud-Est) possèdent l’étonnante
cette mousse miraculeuse, on trouve de l’eau et
capacité de fabriquer des nids en mousse pour
un cocktail de protéines (surprise !), que l’on a
abriter leur ponte. Au moment de l’accouple-
baptisée ranaspumine (en reprenant les racines
ment, la femelle va produire un fluide et le mâle
latines pour la grenouille, rana, et la mousse,
va monter en neige celui-ci en se servant de ses
spuma). Dans cette famille protéique, la ranas-
pattes arrière comme batteurs.
pumine-2 possède notamment des propriétés surfactantes, c’est-à-dire qui vont permettre la
Malgré son apparente fragilité, cette meringue
formation de la mousse lors du battage, remar-
un peu spéciale s’avère être un abri de choix
quablement efficaces. La concentration en ranas-
pour les œufs. La mousse est d’une grande
pumine dans le fluide moussant des grenouilles
stabilité mécanique, avec une résistance aux
est de l’ordre de 10 à 100 μg par litre, alors
déchirures accrue, tout en gardant une certaine
qu’il faut des concentrations 10 à 100 fois plus
souplesse. Elle reste en place plusieurs jours, le
importantes en albumine et en lysozyme, qui
temps que les œufs éclosent, et garde ceux-ci au
sont les principales protéines trouvées dans le
bien chaud (ce qui favorise leur incubation). Les
blanc d’œuf, pour monter des blancs en neige.
nids de mousse résistent à la déshydratation, protègent les œufs des prédateurs et possèdent également des propriétés antimicrobiennes.
Pour la Saint-Valentin, M. Grenouille a pour habitude de proposer une petite mousse à Mme Grenouille, mais ça n’est pas ce que vous imaginiez…
22
verte de la mousse. Les chercheur·se·s qui se sont penché·e·s d’un peu plus près sur cette protéine ont obtenu de magnifiques cristaux d’un bleu intense. Leur étude a mis en évidence une structure quaternaire formée de deux domaines protéiques associés via un atome de zinc. Sur le plan chimique, cette structure rappelle celle de l’indophénol, un colorant bleu utilisé notamment dans l’industrie textile et les teintures capillaires.
Aussi à l’aise dans l’eau qu’à l’interface eau/air, la ranaspumine-2 est un véritable petit Transformer protéique. Alors que la plupart des protéines ont évolué pour fonctionner en milieu aqueux, ou en étant insérées dans une membrane lipidique, la ranaspumine-2 semble s’être adaptée à l’interface eau/air. En solution, elle présente, comme ses petites camarades, un cœur hydrophobe et une surface hydrophile (en contact avec l’eau). Mais lors de la formation de la mousse, la protéine va s’ouvrir, un peu à la façon d’un coquillage, et l’extérieur hydrophile restera
Peu après l’apparition de la ranasmurfin dans leur phénotype, les grenouilles arboricoles de Malaisie ont également développé une excellente mémoire…
en contact avec l’eau tandis que son intérieur hydrophobe sera mis en contact avec l’air.
C’est donc tout naturellement que cette protéine s’est vue baptiser du doux nom de ranasmurfin
Combiné aux propriétés antimicrobiennes de la
(rana c’est toujours pour la grenouille, et smurf
mousse, ce détergent naturel, qui doit être non
c’est le nom anglais des célèbres petits person-
toxique pour les œufs qui se développent dans
nages bleus de Peyo !). En ce qui concerne les
le nid, est particulièrement intéressant pour la
grenouilles, on ne sait pas encore exactement
recherche médicale et pourrait par exemple
quelle fonction remplit la couleur bleu de la
être exploité pour le traitement de plaies.
ranasmurfin. La coloration pourrait tenir lieu de protection contre les UV, ou servir à mieux
Une seconde protéine, que l’on trouve dans les nids des grenouilles arboricoles P. leucolystax en Malaisie, est à l’origine d’une coloration bleue/
camoufler le nid au milieu de la végétation.
23
X U A D R A F A C LE L A T S I R C E D S E ENTRAILL Entre répulsion et fascination, les cafards (ou
Hawaï, possède la particularité (unique chez
blattes) occupent une place toute particulière
les cafards, et très rare chez les insectes)
dans notre imaginaire collectif. Arrivés sur terre
d’être vivipare. Au lieu de pondre des œufs
il y a environ 355 millions d’années (alors que
comme ses congénères, Madame Diploptera
les premiers hominidés n’ont pointé le bout
va directement donner naissance à des jeunes
de leur nez qu’il y a 7 millions d’années), les
qui se seront préalablement développés dans
cafards survivront probablement à l’humanité,
son abdomen. C’est ce même abdomen
notamment grâce à leur résistance remarquable
qui a attiré l’attention de biochimistes il y a
au manque de nourriture ou aux radiations
quelques années, car il semblait rempli de
(mais pas au point de survivre à une explo-
petits cristaux qui forment comme des pail-
sion nucléaire). De ce point de vue, les cafards
lettes lors de leur extraction.
ont pas mal de choses en commun avec les tardigrades, mais pas la mignonnitude, hélas.
Quand on trouve des cristaux dans les entrailles d’un organisme vivant, il s’agit le plus souvent d’urée, ou d’autres produits du processus digestif. Mais dans ce cas précis, un passage aux rayons X a permis de montrer qu’il s’agissait de protéines. Ce qui est d’autant plus surprenant que les protéines cristallisent rarement d’elles-mêmes in vivo, une des raisons pour lesquelles la détermination de leur structure par cristallographie est encore loin d’être triviale. En l’occurrence, l’obtention de la structure des protéines constitutives de ces cristaux s’est avérée être particulièrement difficile, et a nécessité plusieurs années de travail et le recours à des méthodes de pointe. Finalement, en 2016, une collaboration internationale (qui regroupait des chercheur·se·s travaillant au Canada, en France, en Inde, au
Sur les quelque 6 000 espèces de blattes
Japon et aux États-Unis) a réussi à percer le
connues à travers le monde, Diploptera
secret de ces cristaux tout bios. Les protéines qui
punctata, que l’on rencontre dans la zone
les composent sont apparentées aux lipocalines,
du Pacifique s’étendant de l’Inde jusqu’à
une famille de protéines dédiées au transport
24
de petites molécules hydrophobes (comme des
calorique tout à fait remarquable (à poids égal,
lipides), et parmi lesquelles on rencontre notam-
il est trois fois plus nutritif que le lait de buffle,
ment les OBP, qui sont en charge d’acheminer
un des laits les plus riches connus), ce qui ouvre
les molécules odorantes jusqu’à nos neurones
des perspectives nouvelles de recherches dans
olfactifs. Nos protéines de cafard présentent
le domaine des compléments alimentaires. Un
une structure similaire (un petit tonneau en feuil-
des objectifs actuels reste néanmoins de trouver
lets β où la molécule transportée va se loger)
un moyen de produire ce super-mélange d’une
sur laquelle sont venus en plus se greffer des
manière un peu plus efficace et ragoûtante
groupements chimiques de type sucre (on parle
(via des organismes génétiquement modifiés,
alors de glycoprotéine).
ou via un procédé synthétique) qu’en écrasant simplement le ventre des blattes. Quoi qu’il en soit, cette découverte vient ajouter de l’eau au moulin de celles et ceux qui voient dans les insectes l’avenir de l’alimentation humaine.
Structure d’une des protéines extraites des entrailles de Diploptera punctata. La protéine (en vert) est associée à des groupements de type sucre (en orange) et un lipide (en violet) dans sa cavité centrale.
Le mélange pailleté extrait des tripes de notre cafard contient également des lipides, et l’ensemble constitue une substance nutritive produite par Mme Diploptera pour nourrir sa progéniture. Ce lait de cafard semble avoir une teneur
2
SOUS L’OCÉAN
26
LES PROTÉINES ANTIGEL, UNE PETITE LAI NE POUR LES POISSONS Le vivant possède la faculté fascinante de se
de sécurité autour de celui-ci. Telles une armée
développer dans des conditions extrêmes qui
de petits gardes du corps, elles empêchent ainsi
pourraient sembler insoutenables aux pauvres
d’autres molécules d’eau de le rejoindre et le
organismes tempérés que nous sommes, et les
cristal de grossir.
protéines sont toujours aux premières loges pour l’assister dans cette entreprise. C’est ainsi que les sources hydrothermales découvertes au fond des océans il y a près d’un demi-siècle, et où l’eau peut atteindre plus de 300 °C en jaillissant, abritent tout un écosystème d’organismes thermophiles, voire hyperthermophiles, qui se sont spécifiquement adaptés à la vie à haute température. On soupçonne d’ailleurs les premiers organismes vivants, d’avoir vu le jour (enfin plutôt la nuit, puisqu’il y règne une obscurité complète) dans cet environnement très particulier. À l’autre bout du spectre thermal, on trouve les organismes psychrophiles, qui ont élu domicile dans les environnements (très) froids : mers polaires, où la température est inférieure à 5 °C,
On trouve des protéines antigel dans de
abysses (sans sources pour réchauffer l’am-
nombreuses espèces, poissons, plantes ou
biance cette fois) ou glaciers. Ces organismes
insectes, et celles-ci peuvent aussi présenter une
passionnent également les chercheur·se·s, car
grande variété de structures, en hélices α ou
ils ont développé une catégorie de protéines
en solénoïdes β (où les feuillets β s’enroulent
bien à eux, les protéines antigel, dites aussi
eux-mêmes en hélice, comme dans l’exemple
AFPs (pour Anti Freeze Proteins). Comme leur
en rouge de la figure plus haut). Elles repré-
nom l’indique assez clairement, les AFPs ont
sentent donc un exemple frappant d’évolution
pour mission d’empêcher la croissance à l’in-
convergente, où des espèces distinctes, mais
térieur des cellules de cristaux de glace qui
soumises à des contraintes environnementales
pourraient détériorer celles-ci en déchirant la
similaires (résister au froid et au risque de dété-
membrane cellulaire. Lorsqu’un petit cristal de
rioration de cellules associé) ont développé
glace apparaît, les AFPs vont former un cordon
indépendamment des réponses semblables.
27
effet décidé d’introduire des protéines antigel de la loquette (un poisson vivant dans les eaux froides de l’Atlantique nord) dans une de ses crèmes glacées, afin d’y éviter la formation de cristaux de glace (les petites paillettes qui nuisent à l’onctuosité de la crème quand celle-ci a été un peu trop décongelée puis recongelée).
Quatre exemples de protéines antigel issues d’une puce des neiges (en vert), de la plie (en bleu), du hareng (en violet), et d’une chenille de l’épicéa (en magenta). Les résidus de type thréonine (ici représentés sous forme de sphères) situés à la surface de ces protéines leur permettent de se fixer aux cristaux de glace en formation.
Les AFPs ouvrent aussi de nombreuses perspectives en biotechnologies, que ce soit pour améliorer la résistance au froid d’un organisme, le stockage à basse température de tissus vivants
Mais que les gastronomes se rassurent, le
(par exemple en attente d’une greffe), mais aussi
poisson ne figure pas dans la liste des ingré-
l’amélioration de la durée de vie des produits
dients nécessaires pour préparer la crème
surgelés. C’est d’ailleurs dans l’agroalimentaire
glacée, puisque la protéine utilisée est inté-
que les protéines antigel ont récemment connu
gralement produite par une levure génétique-
leur heure de gloire. Le géant Unilever a en
ment modifiée.
La maman des poissons, elle est peut-être bien gentille, mais elle vérifie toujours que ses rejetons sont correctement couverts avant de sortir.
28
DES PROTÉINES QUI EN BAVEN T Les sécrétions biologiques animales sont souvent
baveux, que tout parent est un jour amené à
riches en protéines, c’est par exemple le cas de
faire à sa progéniture souffrante…
la salive des chauves-souris vampires (à découvrir au chapitre 3) qui contient des protéines
Dans notre salive il y a également des mucines,
anticoagulantes. Mais c’est également le cas de
de grandes glycoprotéines qu’on trouve dans les
notre propre salive, qui contient plus d’un millier
mucus, c’est-à-dire dans les sécrétions visqueuses.
de protéines différentes. Si bien qu’on envisage
Elles servent notamment à empêcher les bactéries
désormais de remplacer les prises de sang par
d’adhérer à nos dents et nous protègent donc des
des tests salivaires pour accéder à un certain
caries. Plus généralement, de nombreux animaux
nombre de paramètres physiologiques.
sécrètent du mucus (les amphibiens, les escargots et les poissons), mais le plus surprenant d’entre
Parmi les protéines salivaires, on trouve des
tous est probablement celui de la myxine.
enzymes chargées de dégrader nos aliments (comme les protéases qui s’attaquent aux proté-
Les myxines sont une famille d’animaux aqua-
ines, ou l’amylase, qui s’occupe de digérer
tiques allongés et ressemblant vaguement à
l’amidon de notre pain quotidien), et aussi des
des anguilles, sauf qu’elles sont dépourvues
anticorps divers et variés qui lui confèrent des
de colonne vertébrale, ce qui leur confère la
propriétés désinfectantes. Mais j’ignore si cet
faculté de faire des nœuds avec leur corps.
aspect est à l’origine de la légende du célèbre bisou magique, qui est souvent aussi un bisou
Les myxines ne possèdent pas de mâchoire non plus, ce qui ne les empêche pas d’arborer quatre rangées de dents pointues du plus bel effet.
29
Si on voulait être sympa, on pourrait dire que les myxines ne sont pas moches. C’est juste qu’elles n’ont pas un physique facile
Du coup on comprend mieux pourquoi en
Et c’est comme ça qu’en 2017, une autoroute
anglais on les appelle des Hagfish (soit le
d’Oregon s’est retrouvée noyée sous le mucus
Poisson vieille sorcière…)
après qu’un camion transportant des myxines se soit renversé sur la chaussée.
Mais ce qui leur vaut les honneurs de cet ouvrage, c’est le mucus qu’elles produisent via
Tout répugnant qu’il soit, le mucus de myxine
les 150 pores disséminés sur tout le corps et
fait la joie des chercheur·se·s de la Navy améri-
qui leur sert de défense contre les prédateurs.
caine, qui ont tenté de le reproduire en isolant
En effet, lorsqu’elles sont attaquées, les glandes
ses deux protéines constitutives, et en intégrant
visqueuses de la myxine vont expulser des fibres
les gènes codant ses protéines dans des bacté-
sèches de mucines, qui vont immédiatement
ries. Côté applications, les idées ne manquent
hydrater, énormément gonfler (5 g de mucine
pas, puisque le gel ainsi formé pourrait servir
aboutissent à la formation de 20 l de mucus) et
de couche protectrice pour les plongeurs (ce qui
former un matériau remarquablement visqueux
explique les recherches militaires), de bio-alter-
et résistant. On passe alors en une fraction
native au Kevlar, mais aussi d’alternative à la
de seconde de petites pelotes de protéines de
gélatine traditionnelle (faite à base de collagène)
100 μm de diamètre, à des fibres de 10 cm
qui nécessite d’être chauffée pour se gélifier.
de long. Le mucus ainsi produit va obstruer la bouche et les ouïes du prédateur qui s’empresse
Bref, devant ce drôle d’animal, ne faites pas la
alors de recracher ce casse-dalle récalcitrant (et
fine bouche, car il n’est pas impossible qu’un
franchement dégueu, il faut bien le dire).
jour la bave de la myxine atteigne votre cuisine !
30
QUAND LES HO LOTURIES ONT UN COUP DE MOU Les holoturies, plus connues sous le nom de
Malgré leur apparence inoffensive, les
concombres de mer, sont des animaux marins
concombres de mer présentent tout un arsenal
de la famille des échinodermes (où l’on trouve
de techniques de défense plus ou moins fantai-
également les étoiles de mer et les oursins) et que
sistes, à savoir :
l’on retrouve dans toutes les mers du monde, de
• l’émission de toxines, qui vont décourager
la surface aux abysses. Comme leur sobriquet
nombre de prédateurs ;
l’indique clairement, les holoturies ont un corps
• la bioluminescence ;
mou et allongé, qui peut néanmoins arborer des
• l’éviscération, l’holoturie va expulser ses
formes et des couleurs variées, tout en restant
organes internes par l’anus (ce qui va couper
invariablement assez moches, il faut bien le
l’appétit du prédateur ?), après quoi il lui faudra
reconnaître. Mais ça n’empêche pas plusieurs
vivre au ralenti quelques semaines, le temps que
espèces d’être des mets appréciés, notamment
de nouveaux organes soient régénérés ;
dans la cuisine asiatique (soit dit en passant, le
• l’émission de tubes de Cuvier : soit des petits fila-
premier être humain à s’être demandé quel goût
ments gluants qui vont immobiliser son agresseur ;
cette bestiole pouvait bien avoir, et à l’avoir
• le durcissement, le corps de l’holoturie peut
cuisinée, a droit à toute mon admiration).
se rétracter, ce qui va permettre à l’animal de devenir dur comme la pierre. Ce sont ces deux dernières stratégies qui nous intéressent et qui valent à l’holoturie l’honneur de figurer dans cet ouvrage. En effet, les tubes de Cuvier comme le corps du concombre de mer peuvent changer de propriétés mécaniques car ils sont constitués d’une fibre composite à base de protéines, le Mutable Collagenous Tissue (MCT), donc la consistance peut varier sur des intervalles de temps courts (de quelques dizaines de secondes à quelques minutes). On distingue en général trois états pour le MCT : mou, standard ou rigide. Le passage d’un état à l’autre peut être contrôlé par l’environnement de l’animal. Ainsi, un morceau de derme d’holoturie plongé dans de l’eau de mer standard comprenant des ions calcium
31
diverses protéines qui peuvent être exprimées de manière variable par l’animal selon qu’il est en situation de stress ou non. Celles-ci ont justement pour mission de moduler les interactions entre les fibres de collagène, et donc la flexibilité du MCT. Parmi ces protéines modulatrices, on trouve par exemple la tensilin, qui a pour mission de faire passer le MCT de l’état mou à l’état standard, et le NSF (New Stiffening Factor, soit le nouveau facteur de rigidification), qui se charge du passage à l’état rigide. À l’opposé, la softenin sert quant à elle à ramollir le MCT en empêchant l’interaction entre les fibres de collagène. Si les holoturies fascinent tant les chercheur·se·s, c’est bien sûr parce qu’une meilleure compré(Ca ) sera dans son état standard. L’ajout d’ions
hension du fonctionnement du MCT ouvre des
potassium (K ) entraînera un passage vers l’état
perspectives en termes de biotechnologies, pour
rigide, et si au contraire on supprime le calcium
la production de matériaux intelligents dont les
on observe une transition vers l’état mou.
propriétés mécaniques peuvent être modulées à
2+
+
volonté. Mais aussi parce qu’elle nous permetL’état du MCT peut également dépendre de sa
trait de mieux comprendre certaines patholo-
composition. Dans celui-ci, on trouve bien sûr
gies humaines associées à des anomalies dans
des fibres de collagène, dont on vous parlera
les fibrilles de collagène, comme le syndrome
plus en détail au chapitre 4, mais également
d’Ehlers-Danlos.
32
LES LIMACES FO NT BRONZETTE
Et au début était la lumière…
Comment ça marche la photosynthèse ?
Tous les organismes vivants ont besoin d’un
C’est un processus en plusieurs étapes, qui se
apport d’énergie extérieur. Pour de nombreux
déroule au niveau d’une membrane cellulaire.
êtres vivants (dont les êtres humains), cet apport
• Captation de la lumière : l’énergie de la
repose sur la consommation de molécules
lumière est absorbée par une protéine ancrée
organiques (c’est-à-dire à base de carbone)
dans une membrane cellulaire. Plus précisé-
synthétisées par d’autres. On parle alors d’or-
ment au niveau d’une petite molécule, ou
ganismes hétérotrophes. Bien évidemment,
cofacteur, portée par cette protéine et qu’on
cette stratégie ne fonctionne que parce que
qualifiera de pigment (comme la chlorophylle,
d’autres organismes, les autotrophes, sont
qui donne leur belle couleur verte aux végé-
capables quant à eux de synthétiser ces mêmes
taux). La petite quantité d’énergie ainsi récu-
molécules organiques grâce à un apport exté-
pérée va mettre en mouvement un électron,
rieur d’énergie. En pratique, les principaux
qui pourra alors se déplacer en sautant d’un
autotrophes, qui constituent l’un des points
cofacteur à l’autre.
de départ de la chaîne alimentaire, sont les
• Gradient de protons : le déplacement des
plantes (dotées de chlorophylle) et certaines
électrons permet de créer un déséquilibre
bactéries. Les hétérotrophes, qui exploitent
dans la répartition des protons. Ceux-ci sont
l’énergie des autotrophes, ne représentent pour
en effet attirés par les électrons et vont donc
leur part que moins de 10 % de la biomasse
les suivre dans leur déplacement. In fine, on
totale sur Terre.
se retrouve donc avec plus de protons d’un côté de la membrane que de l’autre.
Il existe plusieurs sources d’énergie non
• F-ATPase : le déséquilibre de concentration
biologiques. Cet apport extérieur peut être
des protons est utilisé par la F-ATPase (ou ATP
chimique, comme dans les sources hydro-
synthase), une enzyme qui ressemble un peu à
thermales, où des molécules organiques sont
un gros moulin à poivre que l’on aurait planté
produites de manière abiotique, c’est-à-dire
dans la membrane cellulaire. Le passage des
sans intervention d’un organisme vivant. Cette
protons d’un côté de la membrane à l’autre
option est intéressante car elle pourrait avoir
fait tourner un des domaines de la F-ATPase
contribué à l’apparition de la vie sur Terre,
et cette rotation est couplée à la fabrication
mais elle est aujourd’hui ultra-minoritaire dans
d’ATP (pour Adénosine Tri-Phosphate), une
le vivant. Désormais les organismes photosyn-
petite molécule qui est souvent considérée
thétiques, qui tirent leur énergie de la lumière,
comme étant l’unité de stockage d’énergie
représentent la majorité des autotrophes.
de la cellule.
33
Dans la F-ATPase, le premier domaine moteur (en bleu), ancré dans la membrane cellulaire (en gris), est activé par un flux de protons. Ce mouvement va entraîner la rotation du second domaine moteur (en rose), qui va convertir les molécules d’ADP en ATP. Ce processus est inversé dans des protéines voisines, les ATPases, où cette fois c’est la conversion d’ATP en ADP qui met en mouvement le second domaine moteur. Ce qui entraîne la rotation du premier domaine moteur et le passage d’un flux de protons dans la membrane cellulaire. Ce phénomène va notamment servir à faire rentrer ou sortir des ions de la cellule. (Figure de David Goodsell pour la PDB, https://pdb101.rcsb.org/motm/72)
34
Si la photosynthèse est un processus caracté-
tales où se produit la photosynthèse. Cela
ristique du monde végétal, certains animaux
va leur permettre d’utiliser l’énergie solaire
ont trouvé un moyen original de se nourrir
à leur profit, et ce parfois pendant plusieurs
en le détournant. Ainsi, quelques espèces de
semaines.
limaces marines, comme Elysia chlorotica, mangent des algues et récupèrent leurs plas-
Elles pourront donc se nourrir en faisant la
tides, qui sont les éléments des cellules végé-
sieste au soleil, le rêve !
Pour certaines limaces, le concept de bronzette prend un sens bien particulier…
35
S E N I É T O R P S LE S E T N E C S E N I M BIOLU T N A V I V E L T N E ILLUMIN La bioluminescence (à ne pas confondre avec la
• Répulsion, certaines espèces de calamars
fluorescence et la phosphorescence) désigne la
et crustacés vont expulser un mélange biolu-
production de lumière (le plus souvent jaune ou
minescent afin de repousser les attaques des
verte) par des organismes vivants. Sur terre, ce
prédateurs, un peu à la manière de l’encre
phénomène est surtout restreint aux lucioles et
des pieuvres (mais en mode very bad trip
vers luisants et à quelques champignons. Mais
sous LSD), ce qui va leur permettre de prendre
en mer, il concerne près de 75 % des espèces
la fuite.
sous-marines, et on le rencontre donc fréquem-
• Attraction, la lumière produite par un animal
ment chez les méduses, les poissons, les crus-
peut servir à attirer des partenaires (comme
tacés, les céphalopodes et un grand nombre
chez les lucioles), mais aussi leurrer des proies
d’organismes microscopiques. La biolumines-
potentielles. C’est le cas chez la baudroie des
cence peut être produite par l’animal même
abysses, ce poisson très moche rencontré par
ou par des bactéries vivant en symbiose avec
exemple dans Le Monde de Némo, et qui porte
celui-ci, et va remplir des fonctions diverses :
un organe lumineux au-dessus de sa tête.
• Camouflage, certains poissons ont une face ventrale lumineuse, ce qui évite que leur
Et comme on peut s’en douter, si ce phénomène
silhouette sombre ne soit repérée par des
fait l’objet d’un chapitre de ce livre, c’est qu’à
prédateurs nageant en dessous d’eux.
sa source on trouve bien sûr des protéines !
36
À l’heure actuelle, les deux plus connues sont
(un peu à la manière des limaces photosyn-
les luciférases, une famille d’enzymes que l’on
thétiques du chapitre précédent).
trouve chez les lucioles, mais aussi des poissons, des méduses, des champignons ou des
Que ce soit pour les luciférases ou l’aequorine,
bactéries, et l’aequorine, qui a été isolée chez
la lumière émise par la protéine provient d’une
la méduse A. victoria. Les luciférases (et leur
série de réactions chimiques qui ont lieu au
substrat, la luciférine) ont été ainsi nommées
cœur de l’enzyme. Dans le cas des luciférases,
au début du
siècle par le médecin fran-
ces réactions impliquent la consommation d’une
çais Raphaël Dubois, non pas parce qu’il
molécule d’ATP, tandis que pour l’aequorine
voyait dans ce phénomène une quelconque
elles mettront en jeu des ions Ca2+. C’est ainsi
origine démoniaque, mais parce qu’il voulait
que ces protéines peuvent être exploitées en
souligner l’aspect porteur de lumière de
imagerie médicale, pour doser l’ATP ou le
la protéine. Dans les années cinquante, la
calcium dans un organisme. Mais elles sont
luciférase de la luciole fut ensuite isolée et
également une source d’inspiration pour les
cristallisée par Arda Green. La majorité des
biotechnologies, et des entreprises envisagent
organismes bioluminescents produisent des
par exemple d’utiliser des microorganismes
luciférases, mais on a également observé de
bioluminescents ou des plantes génétiquement
la kleptoluminescence chez le Parapriacan-
modifiées pour l’éclairage des lieux publics.
xx
e
thus, un petit poisson de l’océan Indien qui se contente de récupérer de la luciférase chez les
Décidément, les protéines n’ont pas fini de nous
petits crustacés qui forment son alimentation
éblouir !
Dans le vivant les protéines bioluminescentes arborent des formes et des tailles variées : luciférase de la luciole (en vert), nanoluciférase de la crevette O. gracilirostris (en violet) et aequorine de la méduse A. victoria (en orange, la coelentérazine où se déroule la réaction chimique est dessinée en bleu).
37
, S E N I L L A T S I R LES C S E L Z E D R A G E R ! X U E Y S E L DANS Comme on peut aisément le deviner, les cristal-
caractéristiques de certains groupes d’espèces.
lines sont présentes dans le cristallin, la lentille
Ainsi, on trouve des cristallines α, β et γ chez les
naturelle de l’œil placée derrière l’iris et dont la
vertébrés, les classes β et γ présentant une struc-
mission est de faire converger les rayons lumi-
ture en feuillets. Chez les oiseaux et les reptiles,
neux sur la rétine. Si l’on parle de cristallines au
on trouve également des cristallines de type δ
pluriel, c’est qu’il s’agit cette fois d’un groupe
qui arborent, elles, de magnifiques hélices.
très large de protéines pouvant présenter des structures secondaires et tertiaires variées
La dénaturation au fil du temps des cristallines
(contrairement aux opsines que l’on trouve dans
(notamment sous l’effet des UV) va entraîner
la rétine, et qui ont toutes une structure similaire,
l’opacification du mélange eau-protéines du
avec sept hélices α ancrées dans une membrane
cristallin qui caractérise la cataracte. Le cristallin
cellulaire). Les classes de cristallines sont dési-
peut alors être enlevé lors d’une opération, où il
gnées via des lettres grecques, et sont parfois
sera remplacé par une lentille artificielle.
On le sait peu, mais le romantisme des calmars a beaucoup inspiré le cinéma français…
38
La composition du mélange de cristallines
réseau dense de S-cristallines, qui vont progres-
présent dans le cristallin va déterminer son
sivement s’écarter les unes des autres quand on
indice de réfraction, c’est-à-dire la façon dont
se dirige vers la périphérie. Ces S-cristallines
les rayons lumineux qui le traversent vont être
présentent un cœur bien structuré, et avec à sa
déviés. Chez le calmar, qui possède, lui, un
surface des boucles désordonnées de longueur
cristallin sphérique et non en forme de lentille
variable que l’on peut voir comme autant de
comme chez les humains, cet indice de réfrac-
bras chargés de maintenir les autres protéines à
tion varie continûment au fur et à mesure que
distance. Les S-cristallines à petits bras (boucles
l’on s’éloigne de son centre. Ce qui fait du cris-
courtes ou même absentes), qui peuvent donc
tallin du calmar une lentille parfaite et donnant
rester proches les unes des autres, sont alors
des images d’une grande netteté et sans aber-
majoritaires dans la composition du mélange
ration (les déformations de l’image qui peuvent
au centre du cristallin. Sur les bords, le mélange
justement être dues à un défaut de la lentille).
contient une plus grande proportion de S-cris-
Cette variation de l’indice de réfraction vient
tallines à grand bras (boucles longues) qui
du fait que la densité et la composition du
éloignent leurs voisines et rendent ainsi la solu-
mélange de cristallines varient elles aussi dans
tion eau + protéines moins dense et son indice
le cristallin. Au centre de celui-ci, on trouve un
de réfraction plus faible.
39
R E M A L E D S LES DENT S E R I A N E T N E C ÉTAIENT Parmi les géants maritimes, le requin du Groen-
telle analyse n’est pas réalisable sur leurs tissus
land reste une espèce mal connue du grand
mous. Il a donc fallu ruser pour déterminer la
public. La faute sans doute à sa localisation (il
longévité des requins du Groenland, et au final
fréquente les eaux polaires de l’Arctique) et un
la solution était juste sous nos yeux.
physique pas des plus avantageux : un gros nez, une bouche un peu béante et des petits yeux sur
Ou plutôt, dans leurs yeux.
lesquels pendouillent des parasites bioluminescents du plus bel effet. Pour couronner le tout,
Dans les yeux des requins, comme dans les
sa chair contient une neurotoxine qui la rend
nôtres d’ailleurs, on trouve des cristallines, ces
immangeable sans une longue préparation
protéines qui servent à faire du cristallin une
préalable, ainsi qu’une grande quantité d’urée
lentille naturelle, et dont nous avons déjà parlé
(une molécule qui permet aux animaux marins
dans les pages précédentes. En plus de leur
qui évoluent dans les profondeurs de réguler leur
structure tout à fait remarquable, qui comprend
flottabilité), ce qui lui a valu le doux sobriquet
un cœur replié entouré de boucles désordon-
de requin-pipi… Ce qui finalement est à peine
nées, les cristallines possèdent la particularité
pire que le nom latin de l’espèce Somniosus
d’échapper au grand cycle de la vie protéique.
microcephalus, soit le requin à petite tête.
En effet, dans la cellule, les protéines sont régulièrement dégradées (via l’ubiquitine) et leurs
Bref, notre pauvre requin a tout pour plaire. Jusqu’à récemment, le plus grand mystère qui entourait cette espèce était sa longévité. Sachant que l’animal peut mesurer de 3 à 7 m de long, et que sa croissance n’est que de quelques centimètres par an, on se doutait bien que l’animal pouvait vivre longtemps, mais longtemps comment ? En temps normal, pour évaluer l’âge d’un poisson, on s’appuie sur une analyse de sa structure osseuse, en analysant les différentes couches à la manière des cernes annuelles observées dans les troncs d’arbres. Le souci c’est que les requins sont des poissons cartilagineux, dépourvus d’os solides, et qu’une
composants sont ensuite recyclés pour fabriquer
40
de nouvelles protéines selon les besoins cellu-
C’est ainsi que le requin du Groenland a
laires du moment. Mais entre les cristallines et
remporté la palme du vertébré à la longévité la
nous, c’est à la vie, à la mort. Ce qui signifie
plus importante, écrasant au passage un record
qu’au centre de l’œil, les cristallines ont été
détenu par la baleine boréale et ses deux petits
formées au moment du développement prénatal
siècles d’ancienneté. L’équipe de recherche a
et ont très exactement l’âge de leur proprié-
également montré que l’espèce n’atteindrait sa
taire. Cette particularité a été exploitée par
maturité sexuelle que vers l’âge déjà canonique
une équipe de recherche danoise, qui a réalisé
de 150 ans (quand les spécimens mesurent
des datations au carbone 14 sur les protéines
environ 4 m), ce qui pose des problèmes pour
contenues dans le noyau du cristallin d’une
sa survie, vu que des requins sont régulièrement
petite trentaine de spécimens de tailles variées
capturés accidentellement avant d’avoir atteint
et prélevés lors de missions au Groenland. Les
cette taille et donc d’avoir pu se reproduire. Qui
données montrent une corrélation entre la taille
plus est, l’extraordinaire longévité de l’espèce
des requins et l’âge de leurs protéines, et le
intéresse tout particulièrement les scientifiques
spécimen le plus ancien (une femelle de 5 m de
qui se penchent sur les problèmes de vieillisse-
long) semble être âgé de près de 400 ans (plus
ment, et c’est ainsi que notre requin est passé
ou moins un siècle) !
des grands fonds marins aux feux de la rampe !
Fun fact : la légende dit même que Steven Spielberg préparerait un documentaire sur une mamie requin âgée de 400 ans…
41
, S E N I T C E L F É R LES S E V I T R U F S E N PROTÉI On sait déjà que les calmars ont de beaux yeux
Enfin, les tissus réflectifs hébergent des cellules
grâce aux cristallines, mais on peut également
dites iridophores, qui contiennent des structures
s’extasier sur leurs facultés de camouflage
en plaquettes formées d’une famille de protéines
hors du commun et leur capacité à changer de
spécifiques aux céphalopodes, les réflectines.
couleur à volonté.
Ces protéines qui ont été découvertes il y a moins de vingt ans chez une espèce de calmar hawaïen
Cet art du déguisement à nul autre pareil, les
ont la capacité de s’auto-organiser en couches
calmars (mais aussi les autres céphalopodes
présentant des indices de réfraction différents.
comme les pieuvres et les seiches) le doivent
Or l’indice de réfraction, c’est ce qui détermine
à leurs tissus réflectifs aux multiples pouvoirs.
le comportement de la lumière dans un milieu
Chez certaines espèces, ces tissus hébergent
et notamment sa déviation lorsqu’elle va péné-
des bactéries bioluminescentes, Vibrio fischeri,
trer celui-ci. En jouant sur l’indice de réfraction
qui vivent en symbiose avec le calmar. Et celui-ci
des couches de réflectines dans les iridophores,
est capable de moduler leur émission lumineuse
le calmar va pouvoir moduler la façon dont la
à sa guise. On y trouve également des cellules
lumière incidente sera réfléchie, et donc son
de type chromatophores, qui contiennent des
apparence. Ce qui est d’un intérêt certain quand
pigments, et dont la taille peut varier avec la
on veut se faire discret, que ce soit par rapport
contraction des muscles peauciers.
à des prédateurs ou à des proies potentielles.
42
Au niveau moléculaire, on en sait encore assez
mise au point de matériaux de camouflage. C’est
peu sur les réflectines. À l’heure actuelle, environ
ainsi qu’un groupe de chercheurs californiens a
une trentaine de séquences sont disponibles
mis au point un revêtement à base de réflectine
dans la base de données UniProt (qui regroupe
qui, lorsqu’il est soumis à un stimulus chimique,
toutes les séquences de protéines connues). Les
peut, de manière réversible, devenir invisible
réflectines déjà identifiées viennent de calmars
sous une caméra infrarouge. Une propriété
ou de seiches, et au sein d’un même organisme
appréciable lorsque l’on souhaite opérer discrè-
elles possèdent des séquences très proches, qui
tement de nuit. Plus récemment, des expériences
sont caractérisées par la répétition d’un motif
sur les réflectines in vitro ont permis de mimer
d’une vingtaine d’acides aminés. Malheureu-
le changement de couleur dynamique dans les
sement, on ne dispose pas encore de struc-
iridophores, qui serait dû à des changements
ture pour ces protéines, mais les expériences
dans la structure des assemblages de protéines.
semblent indiquer une coexistence entre des
Ces assemblages pouvant refléter et disperser
zones désordonnées (et qui peuvent donc faci-
la lumière de diverses façons.
lement changer de structure) et des feuillets β. Comme quoi la fameuse cape d’invisibilité de Les propriétés optiques uniques des réflectines
Harry Potter contenait peut-être un ingrédient
ont cependant suscité l’intérêt de l’armée améri-
inattendu !
caine, qui a entrepris de les exploiter pour la
3
LA TÊTE DANS LES NUAGES
44
LA GUERRE DES LÉPIDOPTÈ RE
S
Dans le vivant, la guerre entre proies et préda-
La guerre biologique contre les chenilles peut
teurs se fait souvent par protéines interposées.
également passer par l’utilisation de virus
Certaines espèces produisent des toxines qui
susceptibles d’infecter celles-ci. C’est par
ciblent des protéines, et d’autres voient leurs
exemple le cas de certains baculovirus (une
protéines évoluer pour résister au poison. Mais
famille de virus qui attaquent spécifiquement les
il arrive aussi que l’on observe des coalitions
arthropodes) qui sont commercialisés comme
inattendues entre des espèces ennemies.
biopesticides.
Les lépidoptères (le groupe d’insectes qui
Face à ces attaques, certaines espèces de
comprend les papillons et les mites) peuvent
papillons ont décidé de suivre l’adage De deux
souvent être victimes d’espèces parasitaires
maux il faut choisir le moindre, en forgeant une
(mouches ou guêpes), qui pondent leurs œufs
alliance avec la #TeamVirus. Une équipe d’en-
dans le corps des chenilles. Après éclosion, les
tomologistes japonaise a ainsi découvert que
larves de parasite vont se servir de la chenille
certaines chenilles présentaient une résistance
hôte comme garde-manger jusqu’à atteindre leur
accrue aux guêpes parasitaires lorsqu’elles
maturité. Si ce mode de développement semble
avaient été au préalable infectées par un ento-
assez peu ragoûtant, il est pourtant particulière-
mopoxvirus (un cousin de notre variole, mais
ment utile quand il s’agit de protéger certaines
spécifique aux insectes). Dans les chenilles
récoltes. Et c’est ainsi qu’une petite guêpe para-
infectées, le développement des larves de para-
sitaire a été exploitée comme outil de lutte biolo-
sites est fortement ralenti par rapport à celui
gique contre les insectes ravageurs de culture.
observé dans les chenilles saines. En creusant un peu plus, nos chercheur·se·s ont découvert que les chenilles infectées produisaient un ensemble de protéines (nommées PKF, comme Parasitoid Killing Factors, facteurs de mort des parasites) toxiques pour les guêpes parasitaires. Les recherches ont ensuite montré que ces PKF peuvent être produites par plusieurs espèces de virus, mais également par certains lépidoptères. Ceux-ci ont probablement acquis ce pouvoir de résistance via un transfert de gène d’un virus vers l’insecte, ce qui laisse supposer que cette alliance virus-papillon ne date pas d’hier et a une longue histoire évolutive.
45
répétition de domaines riches en cystéines, ce qui signifie qu’elles sont capables de découper l’ADN ou l’ARN. En pratique, l’injection de PKF aux larves de parasites va entraîner un phénomène d’apoptose, où les cellules se mettent en mode autodestruction.
Par contre on ignore toujours quel virus a bien pu infecter la chenille d’Alice au pays des merveilles…
Le domaine commun à toutes les PKF présente une séquence (et donc aussi probablement une structure) proche de cette endonucléase bactérienne.
Toutes les séquences de PKF identifiées ont en commun de présenter un domaine de type
Malheureusement pour nos papillons, les ententes
endonucléase (une enzyme qui peut découper
politiques sont souvent de courte durée et on n’est
l’ADN, comme le célèbre CRISPR-Cas9) et une
jamais à l’abri d’une trahison de ses alliés. En l’occurrence, l’infection par un virus ne garantit pas de protection contre toutes les espèces de parasites. Pire encore, dans certains cas il semble que la présence de PKF dans la chenille va favoriser le développement de larves d’une espèce de parasite au détriment des autres. De plus, il existe également des espèces de virus qui se sont quant à elles associées aux guêpes parasitaires en leur transmettant des protéines capables d’inhiber les défenses immunitaires des chenilles. Décidément dans le vivant, quand on joue à Game of Prots, il faut savoir rester vigilant à chaque instant !
46
DRACULINE, LA REINE DE LA NUIT
Ce chapitre sera consacré aux vampires.
de la blessure. Le repas dure une vingtaine de minutes durant lesquelles le vampire va prélever environ 20 g de sang, ce qui correspond à la moitié de son poids.
Les chauves-souris vampires regroupent les trois seules espèces de mammifères hématophages (qui se nourrissent exclusivement de sang). Ces animaux nocturnes, que l’on trouve en Amérique centrale et latine (du Mexique au Nord de l’Argentine), boivent principalement
La blessure infligée par le vampire est indolore,
le sang de gros mammifères, comme le bétail
et la salive de la chauve-souris contient tout
ou les chevaux, et peuvent également attaquer
un cocktail de molécules qui vont empêcher le
des cibles de taille plus modeste, telles que
sang de sa proie de coaguler. Le processus de
des chèvres, cochons ou moutons, voire même
coagulation met en jeu une succession de réac-
des oiseaux, et beaucoup plus rarement des
tions chimiques où sont impliquées plus d’une
humains. Comme ses congénères chauves-
quinzaine de protéines. Et dans la salive du
souris, le vampire se repère par écholocation,
vampire, on va trouver d’autres protéines qui
mais il est aussi doté d’un capteur infrarouge
vont interférer afin de ralentir ce processus :
dans le nez, qui va lui permettre d’identifier les
• La DSPA (Desmodus Salivary Plasminogen
zones les plus chaudes de leurs proies, là où les
Activator, dite aussi desmoteplase) est un acti-
vaisseaux sanguins passent le plus près de la
vateur de plasminogène. C’est-à-dire qu’elle est
surface de la peau. Une fois posé sur sa cible, le
responsable de la conversion du plasminogène
vampire va percer la peau de l’animal à l’aide
en plasmine, une protéine qui va détruire les
de ses incisives et laper le sang qui s’écoule
caillots de fibrine formés lors de la coagulation
47
(inversement, un déficit en plasmine dans l’or-
Si ce descriptif vous donne des sueurs froides,
ganisme peut induire des pathologies de type
il n’en fait pas moins la joie des chercheur·se·s.
thrombose).
Car ces deux anticoagulants sont extrêmement
• La Draculine est quant à elle une glycopro-
actifs, et pourraient être exploités dans le cadre
téine, ce qui signifie que les chaînes latérales de
de traitements pour des personnes ayant subi
certains de ses acides aminés (le plus souvent
une attaque cardiaque, une pathologie qui est
des asparagines, tryptophanes, sérines ou
justement induite par l’occlusion d’une artère
thréonines) ont été modifiées et portent désor-
suite à la formation d’un caillot de sang.
mais des groupements oligosides (des chaînes de sucre quoi). Son rôle est d’inhiber les facteurs
Comme quoi il ne faut pas se fier aux appa-
d’activation IX et X, deux autres protéines asso-
rences. De nos deux vampires, c’est le plus
ciées à la coagulation (et dont l’absence dans
moche qui pourra éventuellement faire le bien
l’organisme peut cette fois être à l’origine de
de l’humanité !
problèmes d’hémophilie).
Chaque année, pour Halloween, DSPA et Draculine sèment la terreur dans le voisinage (et récoltent plein de bonbons au passage).
48
LES CRYPTOCHR OMES NE SONT JAMAIS À L’OUEST Beaucoup d’espèces animales se servent des
ment été localisées dans les yeux des oiseaux et
variations du champ magnétique terrestre
des études ont montré que la magnétoréception
autour du globe (que ce soit son intensité ou
aviaire nécessite justement la présence de lumière
son inclinaison par rapport à l’horizontale)
bleue (présente en journée ou au clair de lune)
pour s’orienter sur des trajets qui représentent
pour fonctionner. Les recherches sur le CRY1 (un
parfois des milliers de kilomètres. Le phénomène
des membres de cette famille protéique) montrent
de magnétoréception est ainsi exploité par des
que la production de cette protéine dans la rétine
tortues marines, qui parviennent à retrouver
dépend du comportement migratoire de l’es-
leur plage de naissance après avoir traversé les
pèce considérée (qu’elle soit non migrante ou à
océans, les saumons, les abeilles, ou encore des
migration diurne ou nocturne). Qui plus est, un
espèces de papillons et d’oiseaux migrateurs.
autre de ces cryptochromes, CRY4, est présent à des niveaux constants chez les oiseaux au
Les origines de ce surperpouvoir ne sont pas
cours de la journée (alors que les autres variants
encore parfaitement comprises par les cher-
présentent de fortes variations sur 24 heures), et
cheur·se·s, et à l’heure actuelle, deux hypo-
il est surexprimé (c’est-à-dire produit de manière
thèses ont été formulées (qui ne sont pas forcé-
supérieure à la normale) chez le rouge-gorge à
ment incompatibles) :
la saison des migrations. Tous ces indices font
• Certaines espèces possèdent dans leur
donc de ces protéines d’excellentes candidates
organisme des nanocristaux de magnétite, un
au poste de boussole moléculaire.
oxyde de fer (produit par biominéralisation, cf. le chapitre 4) sensible au champ magnétique de son environnement. Ce matériau a ainsi été retrouvé dans le bec des pigeons domestiques ou encore chez certaines bactéries. • L’autre candidat pour expliquer la magnétoréception chez les animaux est une famille de protéines (what else?), les cryptochromes. Les cryptochromes sont des homologues des photolysases, des protéines chargées de réparer les dommages causés par les rayons UV dans l’ADN. Comme elles, les cryptochromes sont des photorécepteurs sensibles aux UV et à la lumière bleue, mais ils sont quant à eux impliqués dans le rythme circadien. Ces protéines ont égale-
Les cryptochromes occupent le haut du podium des courses d’orientation depuis déjà plus de quarante ans !
49
Reste à savoir comment ladite boussole fonc-
les rhodopsines (les protéines de la vision) et les
tionne. Chaque cryptochrome comporte en son
informations sur le champ magnétique externe
sein une flavine (dite FAD), une petite molécule
seraient alors intégrées dans le champ visuel
susceptible d’absorber la lumière bleue. Cette
des oiseaux.
absorption d’énergie, combinée à un déplacement d’électrons venant des acides aminés
Il reste encore beaucoup de choses à apprendre
voisins, va aboutir à la formation d’espèces
sur le fonctionnement de ce phénomène et
radicalaires (FAD• et FADH•) dites actives. Il
notamment s’il pourrait également être présent
s’agit d’espèces qui présentent des électrons
chez les humains. Une étude récente a ainsi
non appariés (célibataires) et dont l’espérance
mis en évidence que les ondes cérébrales
de vie (avant retour à un état inactif) est sensible
humaines pouvaient être influencées par le
au champ magnétique environnant, et notam-
champ magnétique environnant. Mais d’ici à
ment à ses variations (d’orientation et d’inten-
ce qu’on comprenne cet effet plus en détail, on
sité) lorsque l’oiseau bouge sa tête. Ce signal
vous déconseille fortement de partir à l’aventure
pourrait alors être associé à celui transmis par
sans carte et sans GPS !
Structure du CRY4 du pigeon : la flavine centrale (en orange) est activée lorsqu’elle est exposée à de la lumière bleue. La chaîne de résidus tryptophane et tyrosine dessinés en violet facilite l’apport d’électron et la formation des espèces radicalaires même en condition de faible luminosité (par exemple en cas de vol nocturne éclairé par la lune).
4
LES INCLASSABLES
52
Dans ce chapitre, on rencontrera des protéines qui ne rentraient dans aucune des catégories précédentes, mais dont on tenait tout de même à vous parler. Soit parce qu’elles sont très présentes dans notre vie quotidienne (mais vous ne le savez pas encore !), parce qu’elles sont produites par plusieurs espèces animales (comme les protéines de la biominéralisation, que l’on rencontre aussi bien chez les oiseaux que chez les crustacés), ou encore parce qu’on ne savait pas vraiment où ranger l’organisme qui les produit (les bactéries, on les case où ?).
53
T I A F N E N O , LA CASÉINE E G A M O R F N U TOUT La caséine, ou plutôt les caséines, puisqu’il
jus de citron dans le lait), ou lors de l’ajout de
s’agit en fait d’une famille protéique compre-
présure, un mélange de deux enzymes (chymo-
nant quatre membres distincts, représente la
sine et pepsine) qui provoque la coagulation du
grande majorité (82 %) des protéines trouvées
lait initiale lors de la fabrication d’un fromage.
dans le lait de vache. Il s’agit d’une protéine désordonnée, elle ne possède ni structure secon-
Mais cette protéine a connu également plein
daire ni structure tertiaire, et on peut donc l’ima-
d’autres types d’utilisations non alimentaires.
giner comme une petite boule de spaghettis
• Elle peut ainsi servir de ligand en peinture et a
entremêlés. Cette absence de structure est sans
été exploitée comme tel dès l’Antiquité romaine
doute frustrante pour les cristallographes, qui ne
pour réaliser des fresques sur les murs des
pourront jamais prendre que des photos floues
maisons. De nos jours, on peut toujours acheter
de notre protéine, mais elle est particulièrement
du liant à base de caséine chez les marchands
appréciable à l’heure du petit-déjeuner quand
de couleurs, qui servira pour la préparation
vous vous préparez un chocolat chaud. Contrai-
d’enduits ou de badigeons. Sachant que ce
rement aux autres protéines, qui perdent leur
liant forme une couche solide au séchage, il est
structure native (on dit qu’elles sont dénaturées)
par contre inadapté à des usages sur supports
sous l’effet de la chaleur, comme l’ovalbumine
souples comme la toile.
du blanc d’œuf qui va coaguler et s’opacifier
• Combinée au formol, la caséine permet de
lorsque vous cuisinez des œufs au plat, les
produire un matériau dur, breveté en 1897
caséines supportent très bien d’être chauffées.
sous le nom de galalithe (du grec gala-le
Et c’est d’ailleurs cette propriété qui permet les
lait, et lithe-la pierre). Ce polymère fut utilisé
traitements de type UHT (Ultra Haute Tempéra-
à l’échelle industrielle jusque dans les années
ture, soit 2 à 5 secondes de chauffe à 150 °C)
trente pour produire nombre de petits objets,
pour stériliser le lait.
boutons, bijoux, stylos… ou même comme substitut à l’ivoire pour fabriquer des touches de piano à bas coût. La galalithe fut ensuite
Et le fromage alors ?
progressivement détrônée par les matières plastiques modernes moins coûteuses à produire et
Et bien, la caséine joue effectivement un rôle
plus faciles à mettre en forme (et qui présentent
central dans la préparation du fromage (elle
également l’avantage certain de ne pas
tire d’ailleurs son nom du terme latin caseus qui
dégager une légère odeur de fromage en cas
signifie fromage). Alors que la protéine est soluble
de grandes chaleurs… Néanmoins, si celle-ci
dans l’eau à pH neutre, elle va coaguler et former
ne vous dérange pas, on trouve facilement en
des caillots en cas d’acidification de la solution
ligne le mode d’emploi pour fabriquer soi-même
(par exemple si vous versez du vinaigre ou du
de la pierre de lait).
54
• On peut aussi utiliser la caséine pour fabriquer
sert à l’assemblage des pièces en bois des
une colle très efficace, notamment sur le bois et
premiers aéroplanes, notamment dans l’armée
le papier (soit des matériaux cellulosiques) avec
allemande durant la première guerre mondiale.
lesquels la caséine est susceptible de former un
Son usage tombera ensuite en désuétude dans
grand nombre de liaisons hydrogène, assurant
les années vingt-trente avec l’apparition de
ainsi une bonne tenue du collage. L’utilisation
nouveaux adhésifs moins coûteux. Cette fois
de cet adhésif à base de lait que l’on peut
l’histoire ne nous dit rien d’un éventuel problème
aisément fabriquer chez soi est avérée dès le
d’odeur fromagère, mais une des faiblesses de
Moyen Âge (les menuisiers parlaient alors de
la colle à la caséine étant le développement de
colle de fromage). On la retrouve ensuite à la
moisissures lorsque celle-ci est placée en milieu
fin du
humide, on peut facilement imaginer que ça ne
xix
e
siècle en Suisse, où elle est utilisée
pour produire des charpentes en bois lamellé-collé. Puis au début du
xx
e
sentait pas trop la rose…
siècle, où elle
Bien que son usage par l’aviation allemande fût très répandu pendant la première guerre mondiale, la colle à caséine ne faisait pas toujours l’unanimité auprès des officiers.
55
, E N È G A L L O C LE U A E P A L S N A ON L’A D Le collagène appartient à la grande famille des
principalement consacrées au type I, qui repré-
protéines structurales. Sa mission première est
sente environ 90 % du collagène des verté-
de conférer résistance et souplesse aux tissus
brés. Malgré ses allures de géant (chacune de
vivants. À ce titre, cette grande protéine formée
ses hélices comprend en effet plus de 1 000
de l’assemblage de trois longues hélices entre-
résidus), le collagène possède une structure
lacées est présente dans notre peau, dans les
relativement simple. Chaque chaîne comporte
os et les cartilages, et il s’agit de la protéine
principalement trois types de résidus :
la plus abondante chez les mammifères. Elle
• des glycines placées toutes les trois positions
représente environ un quart de la masse des
le long de la séquence primaire ;
protéines et 5 % de la masse totale de notre
• des prolines ;
organisme.
• des hydroxyprolines (Hyp) et des hydroxylysines (Hyl), qui sont des acides aminés modi-
Pour être tout à fait rigoureux, on devrait plutôt
fiés, où l’un des carbones de la chaîne latérale
parler des collagènes, puisqu’il s’agit en fait
(d’une proline ou d’une lysine donc) s’est vu
d’une famille protéique comportant près d’une
ajouter un groupement -OH (via une réaction
trentaine de membres. Mais ces pages seront
d’hydroxylation).
Un fragment de la triple hélice de collagène humain : sur la chaîne verte, les glycines présentes tous les trois résidus sont représentées sous forme de sphères.
Cette modification chimique des acides aminés
ainsi que le collagène du cabillaud, qui évolue
va permettre aux trois hélices du collagène
dans des eaux entre 10 et 14 °C, ne comprend
de former encore plus de liaisons hydrogène
que 15 % d’Hyp, tandis que le collagène
entre elles, ce qui confère sa robustesse à
humain, censé fonctionner à 37 °C, comprend
l’assemblage. Il se trouve que la chaleur est
lui près de 22 % de prolines modifiées.
l’ennemie du repliement protéique. La proportion de prolines hydroxylées dans le collagène
La réaction d’hydroxylation des prolines se fait
d’un organisme, et donc sa résistance, va
via une autre protéine, la prolyl hydroxylase,
dépendre de sa température corporelle. C’est
qui ne fonctionne qu’en présence de vitamine C.
56
En son absence, l’organisme ne peut fabriquer
Le collagène joue donc un rôle essentiel dans
correctement du collagène, et l’on voit alors
notre organisme, mais il est également très
apparaître les premiers symptômes du scorbut,
présent dans nos foyers. Son utilisation pour
soit des troubles dentaires ou osseux, et des
la préparation de colles d’origine animale (ce
retards de cicatrisation des plaies.
qui a d’ailleurs donné son nom à la protéine) est avérée dès l’Antiquité, et dans nos cuisines
Cette maladie associée aux grandes traver-
il sert surtout à la fabrication de gélatine. Le
sées maritimes a touché près d’un million de
chauffage des fibres de collagène entraîne leur
marins aux xvii et xviii siècles, jusqu’à ce qu’on
dénaturation, la séparation des trois hélices, et
adapte leur régime alimentaire et que celui-ci
la protéine va alors former une pelote désor-
soit enrichi en fruits et légumes frais (notam-
donnée, qui lors de son refroidissement absorbe
ment des agrumes). En effet, contrairement à la
l’eau environnante. Il en résulte de la gélatine,
plupart des vertébrés, les humains ne peuvent
que l’on retrouve dans un très grand nombre
synthétiser leur propre vitamine C et dépendent
de produits alimentaires, comme des célèbres
donc entièrement de leur alimentation pour s’en
bonbons colorés.
e
e
procurer. Si le scorbut a fortement régressé au xixe siècle,
il faudra néanmoins attendre les
années 1930 pour que la vitamine C, égale-
Mais attention !
ment nommée acide ascorbique, qui est une
Pas question de se gaver d’oursons ou de croco-
abréviation de antiscorbutique, soit découverte
diles sous prétexte d’ingérer des protéines !
par le chimiste hongrois Albert Szent-Györgyi (ce qui lui vaudra un prix Nobel de médecine
Comme on l’a vu plus haut, la faible diversité
en 1937).
des acides aminés présents dans le collagène en fait une protéine peu intéressante sur le plan nutritionnel, il vous faudra donc un autre alibi pour aller piquer dans les réserves de bonbecs des enfants… (et puis avec seulement 5 % de protéines pour 50 % de sucres, avouez que l’argument diététique n’aurait pas fait long feu).
57
S E N I É T O R P S QUAND LE S’EMMÊLENT
Les kératines forment une grande famille de
des animaux. C’est d’ailleurs à ce dernier
protéines fibreuses qui vont adopter des replie-
élément que ces protéines doivent leur nom (du
ments en hélice α ou en feuillet β, puis s’as-
grec κέρας, la corne). Historiquement, elles font
sembler en longs filaments de quelques nm de
partie des premières protéines dont la structure
diamètre (un peu à la manière du collagène).
a été étudiée par diffraction des rayons X, car
Elles sont à l’origine de différents tissus du
les recherches étaient, entre autres, financées
corps, tels que les cheveux bien sûr, mais aussi
par l’industrie textile, qui s’intéressait tout parti-
nos ongles, les plumes, les écailles ou les cornes
culièrement aux protéines fibreuses.
Un dimère de deux chaînes de kératine (KRT1 et KRT11) en hélices α entremêlées
Les kératines ont pour caractéristique d’être parti-
protéiques, et ainsi rigidifier les cheveux dans
culièrement riches en acides aminés de type cysté-
la forme que l’on souhaite leur donner.
ines (qui représentent 14 % des résidus dans les kératines de nos cheveux et seulement 3 % des résidus dans les autres protéines des vertébrés). Or ces cystéines (qui comprennent des atomes de soufre) ont la faculté de former des ponts disulfure entre elles et ces liaisons additionnelles entre les chaînes protéiques vont fortement rigidifier leur assemblage. Les traitements capillaires de type permanente exploitent cette particularité avec un fonctionnement en deux étapes : • l’application d’un réducteur va détruire une grande partie des ponts disulfure pour assouplir la fibre (mais pas tous, sinon celle-ci sera trop endommagée !) ; • le produit fixateur qui suit va quant à lui reformer des ponts disulfure entre les chaînes
58
Les fibres de kératine sont insolubles, ce qui
ans, narre en effet les très navrantes mésaven-
confère à notre épiderme son imperméabilité,
tures d’un garnement chevelu et griffu.
et extrêmement résistantes aux protéines digestives. C’est ce qui explique pourquoi votre chat finit toujours par vomir les boules de poils accumulés dans son estomac alors qu’il faisait sa toilette, au lieu de simplement les digérer. Et chez les humains atteints de trichophagie (quand on mange ses cheveux), cela peut aboutir à une occlusion intestinale portant le doux nom de syndrome de Raiponce… Pour le plus grand désespoir des fashionistas, il existe néanmoins des insectes capables de digérer la kératine (on parle de kératophages) comme les mites, qui vont donc se nourrir de vos vêtements en laine ou en soie (une autre fibre protéique), mais laisseront intacts le coton ou les textiles synthétiques. Les insectes kératophages jouent cependant un rôle essentiel dans la nature, puisqu’ils contribuent à l’élimination des parties les plus difficilement dégradables des cadavres animaux (poils, plumes, griffes, cornes ou sabots). Bien entendu, les kératines ne sont pas les
Or donc, un matin de Noël 1844, le bon Dr Hoffmann se dit que ce serait une chouette idée d’offrir une histoire parlant d’un personnage qui a probablement inspiré Edward aux mains d’argent et Freddy, Les Griffes de la nuit à son petit garçon de 3 ans. (Couverture de l’édition de 1917 du conte, qu’on ne vienne surtout pas me dire que la littérature jeunesse c’était mieux avant…)
seules protéines en jeu dans la constitution de
Une étude a montré que ce syndrome est associé
notre chevelure. Récemment, un trio protéique
à des mutations dans trois protéines chargées
a fait parler de lui pour son implication dans le
de donner sa structure à sa fibre capillaire. La
syndrome du cheveu incoiffable. Il s’agit d’une
trichohyaline s’occupe de former des liaisons
anomalie rare de la structure des cheveux, d’or-
entre les chaînes de kératine et de renforcer
dinaire observée chez les enfants, et qui rend
le cheveu, tandis que ses compères PADI3 et
ceux-ci rêches et impossibles à aplatir (je précise
TGM3 sont justement chargés de sa production.
que je parle toujours des cheveux). Plusieurs
Au final, les cheveux défectueux se retrouvent
cas ont été rapportés au cours du
siècle et
avec une fibre déformée de section triangu-
le syndrome a été décrit plus en détail dans
laire et non plus circulaire. Heureusement, ce
les années 1970. Mais il semble qu’il était
syndrome semble régresser spontanément lors
déjà présent dans un classique de la littérature
du passage à l’âge adulte.
xx
e
jeunesse allemande datant 1845, Struwwelpeter, dit Pierre l’ébouriffé (dit aussi Crasse-Ti-
Finalement le poète disait vrai, un seul résidu
gnasse). Ce conte écrit par un médecin, Hein-
vous manque et tout est emmêlé !
rich Hoffmann, afin d’éduquer son fils de trois
59
S E N I É T O R P S LE S O N U R U S T TOMBEN Le processus de biominérali-
• Les oxydes de fer, tels que la magnétite,
sation désigne la capa-
peuvent être produits par des bactéries mais
cité des organismes
aussi des oiseaux, et ce minéral pourrait leur
vivants à produire des
servir à s’orienter en fonction du champ magné-
minéraux (c’est-à-dire
tique terrestre (cf. le chapitre 3).
des matériaux solides). Ce
phénomène
se
Tous ces minéraux sont
retrouve fréquemment
riches d’informations
dans le vivant et est apparu très tôt dans l’his-
concernant l’environ-
toire de l’évolution (il y a plus de 500 millions
nement dans lequel ils
d’années). À l’heure actuelle, on recense plus
ont été produits. L’ana-
d’une soixantaine de biominéraux distincts,
lyse des squelettes de
qu’ils soient amorphes (où les atomes ne sont
coraux ou des coquilles
pas particulièrement ordonnés) ou cristallins,
de mollusques permet
et ceux-ci vont présenter une grande variété
ainsi de retrouver la température, la salinité
de compositions chimiques, de structures ou de
ou la concentration en CO2 de l’eau où ils se
fonctions. Parmi les plus connus, on peut citer :
sont formés.
• Le phosphate de calcium sous forme d’hydroxyapatite, qui est la composante prin-
Comme on pouvait s’en douter, à l’origine de
cipale de nos os et de l’émail de nos dents.
ce phénomène, il y a toute une armada de
• Le carbonate de calcium peut adopter
protéines qui vont assurer diverses fonctions
plusieurs structures. La calcite va former la
lors de la biominéralisation : mettre en place
coquille des crustacés ou des œufs, tandis que
le compartiment cellulaire où le processus va
la forme aragonite est à l’origine de la nacre.
avoir lieu, acheminer les ions (calcium, fer, etc.)
Les crustacés d’eau douce peuvent également
nécessaires à la formation du solide, ou encore
fabriquer des amas de carbonate de calcium
contrôler sa composition et sa structure. Des
amorphe (appelés gastrolithes, ou yeux d’écre-
protéines vont également être intégrées au cristal
visses) qui vont servir de réserve de calcium en
en formation, ce qui va permettre de consolider
vue de la construction d’une nouvelle carapace
celui-ci. Par ailleurs, ces mêmes protéines vont
lors de la mue.
se conserver particulièrement longtemps, ce qui
• Les silicates peuvent être produits par les
s’avère extrêmement utile du côté de la paléo-
éponges, des algues ou des diatomées (des
protéomique (cf. le chapitre suivant), lorsque
microalgues unicellulaires présentant un sque-
l’on souhaite étudier des séquences anciennes.
lette externe).
60
deux à leur surface un grand nombre d’acides aminés chargés négativement. Ceux-ci vont leur permettre de se fixer aux ions calcium (chargés eux positivement) du minéral en formation, afin de diriger celle-ci. Par ailleurs, le repliement de la struthiocalcine est similaire à celui de la protéine antigel du hareng que nous avons rencontrée précédemment, ce qui suggère que ces deux molécules auraient évolué à partir d’un ancêtre commun. Ces protéines sont une source d’inspiration pour les chercheur·se·s, et un groupe de recherche Bien entendu la structure de ces protéines est
a ainsi synthétisé des peptides riches en acides
étroitement liée au rôle qu’elles jouent dans le
glutamiques (qui vont porter des charges néga-
processus. Ainsi, l’ostéocalcine, qui sert à la
tives) et capables d’induire la formation de vaté-
formation des os, et la struthiocalcine, qui sert à
rite, une autre variété de carbonate de calcium.
produire les coquilles d’œufs, comportent toutes
Deux protéines impliquées dans la biominéralisation, avec leurs acides aminés chargés négativement en rouge, et les ions calciums du minéral en formation tracés en bleu. (Image de David Goodsell pour la Protéine du mois : https://pdb101.rcsb.org/motm/232)
61
Z E H C S U T A N HIBER S E N I É T O R P S E L La paléogénétique consiste à récupérer et
a immédiatement su stimuler l’imagination des
analyser des séquences d’ADN anciennes, ce
auteurs de science-fiction. Dès 1990, Michael
qui va permettre d’étudier le génome d’êtres
Crichton faisait passer ce domaine à la posté-
vivants disparus il y a des milliers d’années.
rité via le retour des dinosaures orchestré dans
C’est une discipline récente, qui a émergé au
le roman Jurassic Park, qui a lui-même inspiré
milieu des années quatre-vingt (via notamment
pas moins de six films au cinéma.
la récupération d’ADN sur une momie), mais qui
62
Le seul souci, c’est qu’en vrai, l’ADN a un léger
des restes de dinosaures (datant d’il y a 60 à
problème de conservation et qu’à ce jour, les
80 millions d’années), mais ces résultats restent
séquences les plus anciennes jamais récupé-
à confirmer. Quoi qu’il en soit, la perspective
rées sont âgées d’environ 800 000 ans. Et
d’un Proteic Parc se rapproche de plus en plus !
elles n’ont tenu le coup aussi longtemps que parce qu’elles étaient conservées bien au frais
Depuis maintenant une petite vingtaine d’an-
dans le petit congélateur naturel que forment
nées, les scientifiques ont donc commencé
les sols du Groenland. Alors certes, 800 000
à s’intéresser aux protéines anciennes. On
ans, c’est déjà un âge fort respectable. Et c’est
appelle protéome l’ensemble des protéines d’un
amplement suffisant si l’on souhaite reconstituer
organisme vivant, ou plus modestement d’une
par exemple le génome d’un mammouth sibé-
cellule ou d’un organite de celui-ci. Le protéome
rien (âgé d’environ 43 000 ans). Mais les dino-
est donc le reflet du génome, pour un environne-
saures, quant à eux, ont disparu il y a quelque
ment donné, et à un moment donné (car toutes
65 millions d’années, alors on n’est pas près
les protéines ne sont pas forcément exprimées
de retrouver le bout de la queue de leur ADN.
au même moment dans une cellule). Et la paléoprotéomique, c’est l’étude à grande échelle des
Du côté des protéines, il semble que celles-ci
protéomes anciens.
puissent tenir le coup un peu plus longtemps, notamment grâce à leur faculté à se fixer à
Plus près de nous, la paléoprotéomique a égale-
des surfaces minérales. On a ainsi retrouvé
ment beaucoup de choses à nous apprendre
des peptides conservés sur des coquilles
sur les origines de l’humanité. Ainsi, les proté-
d’œufs d’autruche datant d’il y a 3,8 millions
ines récupérées sur des ossements vieux de
d’années, et des séquences de collagène ont
40 000 ans dans la grotte du Renne, à Arcy-sur-
été récupérées sur des os de chameau âgés
Cure en Bourgogne, ont montré que les bijoux
de 3,4 millions d’années. Sachant que ces
et outils retrouvés dans la grotte étaient bien
échantillons proviennent de zones chaudes
l’œuvre de Néandertaliens, alors qu’on a long-
(où l’on s’attend à une moins bonne conserva-
temps cru Homo sapiens seul capable de fabri-
tion des molécules), on ne désespère pas de
quer de tels objets. Les informations apportées
retrouver des protéines encore plus âgées dans
par ces protéines ancestrales nous invitent donc
des territoires plus tempérés. Des fragments
à revoir l’histoire de l’humanité et nos liens avec
de séquences auraient même été retrouvés sur
Néandertal.
63
T I A S I A F I U Q LA BACTÉRIE DU RODÉO
Filament d’actine (avec un monomère isolé à gauche), dessiné par David Goodsell pour la PDB (https://pdb101.rcsb.org/motm/19)
la membrane cellulaire, les filaments d’actine vont servir à moduler la forme et l’élasticité de la cellule. Lorsque ces filaments sont reliés entre eux par une autre protéine, la myosine, ils vont être impliqués dans le phénomène de contraction musculaire. Une cellule peut également projeter des filaments d’actine vers l’extérieur, comme des petits tentacules, que l’on appelle alors des lamellipodes, et qui vont lui servir à explorer son environnement et à se déplacer. Tout comme pour la tubuline, le réseau des filaments d’actine est un système hautement dynamique. À chaque instant, le filament va croître par une extrémité et se défaire de l’autre côté. Cette étape de dépolymérisation est d’ailleurs essentielle, sans quoi la formation de filaments trop longs représenterait un danger pour la cellule. Certaines En guise de monture pour ce drôle de rodéo cellu-
protéines ont donc
laire, on trouve l’actine. Cette protéine structurale
pour fonction de
possède la capacité de s’assembler pour former
limiter l’extension
de longs filaments en hélice impliqués dans le
des filaments d’ac-
cytosquelette. Assemblés en réseau dense sous
tine. La gelsoline se
64
charge de découper les filaments déjà formés
fâcheuse capacité de se développer même à
en petits morceaux, et la profiline quant à elle
basse température. Ce qui signifie qu’elle peut
se fixe aux molécules d’actine isolées pour les
parfaitement proliférer dans des aliments stockés
empêcher de rejoindre le filament en formation.
au frigo, et que la congélation ne fait que l’en-
Inversement, la phalloïdine, qui est une toxine
dormir. Pour régler son compte à Listeria, il faut
produite par la tristement célèbre amanite phal-
la chauffer au-delà de 60 °C pendant plus de
loïde (ainsi que ses non moins terribles cousines,
trente minutes, c’est ce qui se passe dans les
l’amanite printanière et l’amanite vireuse), se
procédés de pasteurisation, mais cela peut
fixe sur les filaments d’actine déjà présents,
effectivement nuire aux qualités gustatives de
ce qui va empêcher leur dépolymérisation et
votre camembert préféré…
empoisonner la cellule. Listeria est non seulement une coriace, mais c’est aussi une petite maline. À la surface de cette bactérie, vers l’arrière, on trouve en effet une autre protéine qui répond au doux nom de ActA, comme Actin Assembly. ActA va provoquer la polymérisation des monomères d’actine présents dans la cellule infectée par la bactérie. Les filaments d’actine ainsi produits forment alors une comète qui va propulser Listeria à travers le cytoplasme, et même lui permettre de transpercer la membrane cellulaire pour aller infecter une cellule voisine. Tout comme les Côté cavalier, on trouve la bactérie Listeria
virus hackent la machinerie protéique de leurs
monocytogenes, dite aussi la terreur des
hôtes pour se multiplier, cette bactérie a réussi
fromages au lait cru et des femmes enceintes.
à détourner les protéines du cytosquelette pour
Ce minuscule organisme monocellulaire qui ne
son bénéfice propre.
mesure qu’un à deux μm de long, alors que nos cellules humaines font en moyenne autour
Moralité, Listeria est une bactérie qui se fait des
de 100 μm de diamètre, possède en effet la
plans sur la comète, et ça lui réussit !
Telles une bande de petits blousons noirs, les listeria propulsées à l’actine empêchent les cellules respectables de goûter à un repos bien mérité.
5
AUX FRONTIÈRES DU VIVANT
66
Les virus accompagnent l’humanité depuis ses origines, mais nos connaissances à leur sujet sont encore récentes, puisqu’elles ne démarrent vraiment qu’à la fin du xixe siècle, avec l’obtention du virus de la mosaïque du tabac. Partant de là, les grandes épidémies qui frappent l’humanité peuvent soit être associées à la Team Bactéries (où figurent en bonne place la peste, le choléra et la tuberculose), ou à la Team Virus (avec dans ses rangs la variole, la rage ou la grippe). Mais contrairement aux bactéries qui cochent toutes les cases associées à un être vivant (si tant est qu’il existe une définition du vivant qui ferait consensus au sein de la communauté scientifique), les virus occupent quant à eux une place un peu spéciale par rapport au grand arbre de la vie, puisque le débat reste encore ouvert de savoir s’ils peuvent être considérés, ou non, comme vivants. Certes un virus possède un patrimoine génétique (sous forme d’ADN ou d’ARN), soit un jeu d’instructions qui devrait lui permettre de fabriquer des protéines. Mais il est par contre dépourvu de la machinerie protéique nécessaire à leur mise en production, et doit donc infecter une cellule pour lui emprunter son matériel et donc pouvoir se reproduire. Ce qui l’exclurait a priori de la famille du vivant. Ou alors on peut considérer un virus comme vivant lorsqu’il se trouve au sein d’une cellule infectée, et non vivant à l’extérieur de celle-ci. De plus le patrimoine génétique des virus est lui aussi susceptible d’évoluer, lorsqu’il est multiplié au sein de la cellule infectée, et c’est justement cette capacité d’évolution qui fait des virus ces pathogènes redoutables dont on a tant de mal à se débarrasser. À tout le moins, par leurs interactions avec les êtres vivants, les virus jouent un rôle essentiel dans l’évolution de ceux-ci depuis les origines de la vie sur Terre, et cela méritait bien un chapitre rien que pour eux.
67
X U A E B P O R T DES VIRUS S E T Ê N N O H E R POUR ÊT Les virus sont un peu des pirates du vivant,
Nous allons passer en revue quelques-uns de
dans la mesure où ils exploitent de manière
plus beaux spécimens connus.
éhontée la machinerie protéique des cellules
• Le plus petit : A minima, un virus est formé
qu’ils infectent afin de se multiplier. Malgré
d’une enveloppe en protéines (la capside virale)
leur dangerosité, ils n’en restent pas moins des
qui contient du matériel génétique (de l’ADN ou
objets fascinants et de toute beauté, qui ont su
de l’ARN). À l’heure actuelle, un des plus petits
captiver plusieurs générations de scientifiques.
virus connus est celui de l’hépatite D (HDV), qui ne comprend qu’un unique brin d’ARN (long de
Les virus sont des objets acaryotes, c’est-à-dire
1 700 nucléotides), contenu dans une capside
qu’ils sont dépourvus de noyau, d’organites
de 36 nm de diamètre et formée de trois types
(mitochondrie ou chloroplastes) et de métabo-
de protéines. À vrai dire, HDV est si minimaliste
lisme. Ils sont donc entièrement dépendants
qu’il s’agit d’un satellite du virus de l’hépatite B
de l’organisme qu’ils infectent pour leur répli-
(HBV), dont il squatte une partie du matériel
cation. Une fois rempli ce cahier des charges
génétique pour fabriquer les protéines dont il a
sommaire, ils peuvent présenter une très grande
besoin pour sa multiplication.
variété en forme et en taille. Les virus sont également soupçonnés d’avoir été à l’origine de la molécule d’ADN. L’ADN viral, plus stable que l’ARN, étant capable de mieux résister aux enzymes de dégradation produites par les cellules infectées. Sur les millions d’espèces de virus susceptibles d’exister, près de 5 000 ont déjà été décrites en détail, mais à peine plus d’une centaine sont pathogènes pour l’espèce humaine. Historiquement (au cours du
xixe siècle),
les virus ont été
définis comme des agents infectieux microscopiques, dont la taille est comprise entre 10 et 300 nm (un nanomètre valant un millionième de millimètre), ce qui permettait de les distinguer
• Le plus gros : À l’autre bout du spectre de
des bactéries qui étaient, elles, plus grosses.
taille, on sait depuis le début des années 2000
Bien entendu, cette définition a été amenée à
qu’il existe des virus géants (dits aussi girus), dont
évoluer au fur et à mesure de l’avancée des
la capside mesure plus de 200 nm de diamètre
recherches dans le domaine.
et contient un génome (à ADN et/ou ARN) de
68
plus de 300 000 nucléotides. Ce qui en fait des objets de taille comparable, voire supérieure, à certaines bactéries. Parmi ces géants, il y a le (bien mal nommé) mimivirus, et ses 400 nm de diamètre. Ironie du sort, certains mimivirus peuvent eux-mêmes être infectés par Spoutnik, un autre petit virus satellite. On dira que c’est le prix à payer pour avoir eu la folie des grandeurs ! • Des formes et des couleurs : Beaucoup de virus présentent une capside en icosaèdre (à vingt côtés), formée d’un assemblage régulier de plusieurs centaines de protéines. La Protein Data Bank, une énorme base de données en ligne où les scientifiques déposent les structures protéiques qu’ils déterminent expérimentalespécimens dont la structure a pu être résolue
Le virus de la mosaïque du tabac, dont l’enveloppe hélicoïdale (en bleu) abrite un brin d’ARN (en rouge). Image de David Goodsell pour la Molécule du Mois (https://pdb101.rcsb.org/motm/109).
par cristallographie ou cryo-EM.
Enfin, il existe également des virus nettement
ment, contient un grand nombre de très beaux
plus sophistiqués, tels que les terribles bactériophages, qui sont formés de l’assemblage d’une grande variété de protéines, qui ont pour fonction de protéger le matériel génétique du virus (comme le fait la capside), mais aussi de se fixer aux cellules cibles et d’y injecter ledit matériel génétique.
Quatre exemples de virus icosaédriques dessinés par David Goodsell pour la Molécule du mois (https://pdb101.rcsb.org/motm/200). Les pointes de chaque icosaèdre sont formées de pentamères de protéines (colorés en rouge) et les faces sont formées d’hexamères (colorés en jaune orangé).
D’autres virus se présentent sous forme d’une hélice qui entoure le matériel génétique. Comme la mosaïque du tabac qui a notamment été étudiée par Wendel Stanley (qui reçut le prix Nobel de chimie en 1946 pour son travail sur les protéines virales) et Rosalind Franklin.
Pas de panique, comme leur nom l’indique, les bactériophages n’infectent que les bactéries !
69
, E N I N I T U L G G L’HÉMA E T A R I P E N I É T PRO L’hémagglutinine est une grosse protéine
dans la membrane cellulaire et permettre la fixa-
allongée que l’on rencontre à la surface du
tion du virus à la cellule attaquée.
virus de la grippe. Il s’agit d’une protéine antigénique, c’est-à-dire qu’elle induit une réponse
L’hémagglutinine a été ainsi nommée car elle
immunitaire de la part des organismes où elle
entraîne l’agglomération de globules rouges (les
est introduite. Elle se trouve en effet à la surface
hématies) à la surface du virus. Chaque virus de
du virus, et lui permet de se fixer aux cellules
la grippe est caractérisé par le type d’hémag-
cibles. Une fois l’amarrage réalisé, l’hémagglu-
glutinines qu’il porte fixées à sa membrane. On
tinine va aider à la fusion entre les membranes
connaît actuellement plus d’une quinzaine de
virale et cellulaire. Le matériel génétique du
variétés (numérotées de H1 à H16), les trois
virus sera alors injecté dans la cellule hôte où
premières correspondant aux souches de la
il pourra utiliser la machinerie cellulaire pour
grippe humaine. Quand on désigne un virus de
se reproduire. Pour passer à l’abordage, elle
la grippe avec un code de type H1N1, on fait
dispose de peptides de fusion qui forment
donc référence à la variété d’hémagglutinine
comme un trident d’hélices α qui vont s’enfoncer
qu’il emploie pour attaquer les cellules.
Chaque hiver, Captain Hémagglutinine revient semer la terreur dans notre organisme.
70
Et le N me direz-vous ?
de 12 à 50 acides aminés) produites par des organismes vivants et présentant des propriétés
Et bien celui-ci fait référence à une autre
antivirales. C’est ainsi qu’une équipe de
protéine, la neuraminidase. Cette complice
recherche américaine s’est penchée sur le cas
de l’hémagglutinine se trouve également à la
de l’urumin, un peptide produit dans la peau
surface du virus, et va lui permettre de se déta-
d’une grenouille indienne (Hydrophylax bahu-
cher de la cellule infectée une fois son méfait
vistara de son petit nom). Ils ont notamment
accompli, abandonnant celle-ci à son triste sort.
montré que l’urumin va se fixer spécifiquement à
À bien y réfléchir, l’hémagglutinine et la neura-
l’hémagglutinine H1 (qui est issue d’une souche
minidase sont un peu les Bonnie and Clyde du
virale humaine), entraîner la destruction du virus
monde protéique !
et ainsi améliorer considérablement la survie de souris infectées par la grippe.
Compte tenu du rôle clé joué par l’hémagglutinine lorsque notre organisme est attaqué par le
Et voilà comment une petite protéine apporte
virus de la grippe, on comprend aisément que
un éclairage nouveau sur les contes de notre
nombre de scientifiques étudient cette protéine
enfance.
et cherchent par exemple à trouver des moyens de la neutraliser. Certaines équipes s’intéressent
Et si la célèbre princesse à la grenouille était
tout particulièrement aux peptides antimicro-
tout simplement très enrhumée ?
biens, soit des petites protéines (comprenant
Structures de l’hémagglutinine (à gauche et sans son trident) et de la neuraminidase (à droite) de la grippe A.
71
COMMANDO CORONA
Les coronavirus sont une famille de virus qui
susceptibles de s’attaquer aux humains. Quatre
doit son nom à la couronne de protéines qui
d’entre eux entraînent de simples rhumes sans
entoure la membrane de ceux-ci lorsqu’on les
gravité, mais les trois suivants peuvent provo-
observe au microscope électronique. Ils ont été
quer des maladies respiratoires graves ; c’est
découverts au cours du
le cas du SARS-CoV-2 qui est apparu en Chine
e
xx
siècle, tout d’abord
chez des animaux (volailles, porcs, souris) et
fin 2019 et qui est à l’origine de la Covid-19.
puis chez les humains dans les années soixante. Actuellement on connaît plus de 5 000 variétés
SARS-CoV-2 est un virus à ARN, son matériel
de coronavirus, mais seulement sept sont
génétique consiste donc en un unique long brin d’ARN comprenant environ 30 000 bases nucléiques (ce qui est 10 000 fois plus court que le génome humain). Le génome du SARS-CoV-2 a été séquencé dès le mois de janvier 2020, et on sait qu’il code pour 29 protéines. Parmi celles dont la fonction a été identifiée, certaines servent à reproduire le matériel génétique du virus, d’autres à former l’enveloppe qui va protéger celui-ci, ou encore à camoufler l’activité virale au sein de la cellule afin que celle-ci ne puisse pas déclencher son système de défense (dans les films de braquage, ce serait le geek qui va hacker les caméras de surveillance pour que ses petits camarades puissent bosser en toute discrétion). Bref, on a affaire à une équipe de professionnels !
En haut : une représentation du SARS-CoV-2 par David Goodsell (https://pdb101.rcsb.org/sci-art/goodsellgallery/coronavirus). En bas : une image (Public Health Image Library, PHIL) de coronavirus prise au microscope électronique.
72
Depuis le début de la crise sanitaire, les équipes
Parmi elles, deux protéines sont plus particu-
de recherche en biochimie structurale sont à pied
lièrement sous le feu des projecteurs :
d’œuvre. En avril 2020, plus d’une centaine de
• La protéine S (comme spike, soit « pointe »
structures protéiques étaient déjà disponibles sur
en anglais), c’est celle qui forme des protubé-
la PDB, et deux ans plus tard on en était à près de
rances à la surface de l’enveloppe virale (en
2 000 structures. Attention, cela ne concerne pas
rose clair dans l’illustration de Goodsell placée
forcément toutes les protéines du virus, puisque
plus haut). On sait désormais qu’il s’agit un
pour certaines d’entre elles plusieurs structures
peu du bras armé du virus, et c’est son inte-
différentes sont disponibles.
raction avec le récepteur ACE2 (une protéine que l’on trouve à la surface de la membrane cellulaire humaine) qui va permettre au virus de pénétrer la cellule cible. Et comme ACE2 est plus particulièrement exprimée dans les cellules pulmonaires, on comprend mieux pourquoi ce virus provoque des problèmes respiratoires. La protéine S représente une cible potentielle dans les travaux visant à développer un vaccin contre le virus. L’objectif serait donc d’aider notre organisme à fabriquer des anticorps capables de l’identifier et de la neutraliser avant que les cellules ne soient infectées.
À gauche, deux vues de la protéine S qui est un assemblage de trois chaînes identiques (homotrimère). À droite, le complexe formé par le domaine de fixation au récepteur (RBD) de la protéine S et le récepteur ACE2 humain.
73
La protéase principale (car le virus en produit plusieurs) a pour mission de couper la chaîne peptidique continue produite lors de l’étape de traduction ARN → protéine en plusieurs morceaux peptidiques fonctionnels. C’est une des cibles potentielles des antiviraux qui sont en cours de développement contre la maladie. Protéase du SARS-CoV-2 (en vert) associée à un petit inhibiteur peptidique (en violet).
74
RETOUR VERS L ’ADN, LES RÉTROVIRU S ENTRENT EN SC ÈNE Les virus ont pour mode opératoire standard le
pas le fruit du hasard et nous allons voir qu’elle
détournement de la machinerie protéique de
sert en fait les intérêts du rétrovirus. En effet, ce
la cellule qu’ils infectent pour reproduire leur
fort taux d’erreur permet de produire rapidement
propre matériel génétique. Ledit matériel géné-
de nouveaux variants du virus, qui en quelques
tique peut être constitué d’ADN (comme pour
semaines sera à même de résister au traitement
la varicelle), qui devra d’abord être transcrit
initial. Pour lutter efficacement contre un rétro-
en ARN, qui sera lui-même traduit en protéine
virus, il faut donc le prendre de vitesse, via un
par le ribosome, ou bien d’ARN (comme pour
traitement incluant plusieurs molécules, afin qu’il
la grippe ou le terrible coronavirus), et dans
ne puisse pas simultanément développer de résis-
ce cas on peut passer directe-
tance à toutes. Cette variabilité géné-
ment à la case ribosome pour
tique des rétrovirus rend également diffi-
produire des protéines virales.
cile la conception de vaccins, puisque les antigènes à cibler sont susceptibles de
Et puis dans la famille des virus à
changer au fur et à mesure de l’évolution
ARN, on trouve aussi une bande
du génome du rétrovirus. La transcriptase
de petits rebelles qui ont décidé
inverse est une enzyme multifonction-
de ne rien faire comme les autres, ce sont les
nelle, puisqu’elle possède un site de type polymé-
rétrovirus. Chez les rétrovirus, on ne se contente
rase, qui a pour mission de synthétiser de l’ADN
pas bêtement de squatter le ribosome du voisin,
à partir d’un modèle en ARN, mais également un
non, non, non. Dans cette famille-là, on a décidé
site de type nucléase, qui va, lui, se charger de
de voir plus grand et d’infecter durablement les
réduire en pièce détachée l’ARN viral après utili-
cellules en modifiant leur patrimoine génétique.
sation. Il s’agit donc d’un malfaiteur qui prend
Et pour ce faire, les rétrovirus disposent de deux
soin d’effacer ses traces après son forfait…
enzymes de destruction massive, la transcriptase inverse et l’intégrase. • La transcriptase inverse est capable de synthétiser de l’ADN à partir de l’ARN viral. Mais contrairement à l’ADN polymérase (notre petite photocopieuse à ADN perso) qui aime travailler proprement et ne fait que très rarement des erreurs, lorsqu’elle se charge de dupliquer notre ADN la transcriptase inverse, elle, travaille comme un cochon et se trompe environ toutes les 2 000 bases (soit 5 millions de fois plus souvent). Mais cette approche brouillonne n’est
Structure cristallographique de la transcriptase inverse du VIH (en vert et violet), en complexe avec le double brin d’ADN (rouge et bleu) qu’elle vient de fabriquer.
75
des cellules filles. Qui plus est, une cellule infectée peut parfaitement continuer à vivre paisiblement sa vie sans initialement produire de protéines virales, mais en se multipliant. On aura alors toute une population cellulaire porteuse de matériel génétique viral dormant, qui pourra peut-être un jour s’exprimer, ou peutêtre jamais. Cette caractéristique des infections par rétrovirus les rend également particulièrement coriaces à combattre. Par ailleurs, on estime que près de 8 % du génome humain serait d’origine rétrovirale, certains fragments d’ADN viral nous ayant été transmis par nos ancêtres pendant plusieurs millions d’années d’évolution. La syncitine, qui est une protéine jouant un rôle clé dans la formation du placenta durant la grossesse, est ainsi d’origine virale. Comme quoi une cohabitation paisible avec les petits squatteurs est parfois possible ! • Dans un second temps, l’intégrase va se
Le plus (tristement) célèbre des rétrovirus est sans
charger d’intégrer l’ADN ainsi fabriqué au
doute le VIH, contre lequel les chercheur·se·s
génome de la cellule infectée. Le matériel géné-
s’efforcent de développer des antirétroviraux,
tique du rétrovirus est alors présent de manière
qui cibleront justement ces deux enzymes, via
permanente dans cette cellule, et si elle vient à
des inhibiteurs qui vont entraver leur bon fonc-
se diviser, il sera alors transmis à l’ensemble
tionnement.
76
Structure cristallographique de l’intégrase du spumatorétrovirus humain (en vert et violet) en cours d’intégration de l’ADN viral (en rouge et bleu) à l’ADN humain (en orange).
Mais les rétrovirus sont aussi une source d’espoir
thérapies géniques et la compréhension appro-
pour la recherche médicale, car leur capacité à
fondie de leur fonctionnement représente donc
intégrer de l’ADN dans le génome d’une cellule
une perspective intéressante pour la lutte contre
cible pourrait être exploitée dans le cadre de
les maladies génétiques.
77
, N R A ’ L À S E DES ANTIGÈN E R U T N E V A E D LA GRAN N O I T A N I C C A V DE LA Contrairement à un médicament dont le prin-
européenne est ravagée par la variole, une
cipe actif va attaquer directement l’agent patho-
maladie infectieuse extrêmement contagieuse,
gène responsable d’une maladie, le principe de
responsable de 10 % des décès dans la popu-
la vaccination repose sur l’idée que c’est notre
lation, et qui touche tout particulièrement les
corps qui va fabriquer lui-même ses propres
enfants. En 1796, Jenner prélève du pus sur
molécules défensives, mais pour cela il a besoin
une fermière atteinte de la vaccine, la variole
d’un peu d’entraînement !
des vaches, qui est une forme plus bénigne de la maladie, et l’inocule à un jeune garçon.
Le principe d’inoculation, où l’on tente de
Trois mois plus tard, il lui injecte la variole et
protéger un sujet d’une maladie en le mettant en
l’enfant s’avère être immunisé. La vaccination
contact avec une forme peu virulente de celle-ci
(dont le nom est donc dérivé de la vaccine) était
(via du pus par exemple), est connu depuis le
née. Le principe va être développé et étendu
xviii
e
siècle. Un des essais les plus connus sur
tout au long du
xixe siècle
(au Royaume-Uni, le
le territoire européen est celui du Dr Edward
vaccin antivariolique devient obligatoire pour
Jenner en Angleterre. À l’époque, la p opulation
les enfants en 1853).
Déjà au xixe siècle, la vaccination crée des inquiétudes chez le grand public. Cette gravure de 1802 du satiriste britannique James Gillray montre la population inquiète à l’idée que l’inoculation de la variole de vache entraîne justement sa transformation… en vache ! (Image Wellcome Trust https://wellcomecollection.org/)
78
De ce côté de la Manche, on connaît surtout
les instructions pour qu’il fabrique lui-même la
les travaux de Pasteur qui, en faisant le lien
protéine antigénique, qui entraînera ensuite
entre maladie et agent infectieux, va mettre au
la formation d’anticorps par notre système
point plusieurs vaccins, d’abord à destination
immunitaire. En l’occurrence, l’antigène codé
des animaux (contre la maladie du charbon qui
par l’ARNm des vaccins est la protéine S (pour
touchait les moutons), puis pour les humains,
spike), que l’on trouve à la surface de l’enve-
avec notamment le vaccin contre la rage
loppe du coronavirus et qui lui permet de péné-
en 1885. Le
trer dans les cellules cibles (un peu à la manière
siècle verra le développement
e
xx
de nombreux autres vaccins (contre la tubercu-
de l’hémagglutinine de la grippe).
lose, la diphtérie, le tétanos…) et, en 1980, la variole est déclarée éradiquée par l’Organisation mondiale de la santé. Tous les vaccins cités jusque-là reposent sur l’introduction dans l’organisme d’une catégorie particulière de protéines, les antigènes. Ceux-ci vont être reconnus par notre système immunitaire, ce qui en réaction va induire la production d’anticorps, ces protéines qui nous servent de douaniers moléculaires. Comme les anticorps sont des protéines spécifiquement adaptées à un antigène, si l’agent pathogène évolue au cours du temps et se met à produire de nouveaux antigènes, il faudra également remettre le vaccin à jour. Et c’est notamment pour cela qu’il est nécessaire de se faire à nouveau vacciner contre la grippe chaque année.
Une représentation du vaccin à ARNm contre le SARSCoV-2 par David Goodsell (RCSB Protein Data Bank; doi: 10.2210/rcsb_pdb/goodsell-gallery-027). L’ARNm, représenté en rose, est encapsulé dans une double couche de lipides (bleu ciel), elles-mêmes couvertes de chaînes de polyéthylène glycol (en vert) qui vont protéger l’ARN du système immunitaire. L’enveloppe lipidique est représentée comme une sphère, mais peut en fait adopter des formes plus irrégulières.
En décembre 2020, les laboratoires Pfizer et
En revanche, ces ARN messagers ne pourront pas
Moderna ont annoncé avoir développé des
venir taper l’incruste dans notre matériel géné-
vaccins contre le SARS-CoV-2 reposant non plus
tique. En effet, cela nécessiterait une conversion
sur l’injection d’antigènes, mais sur de l’ARN
de l’ARN en ADN (qui, s’il est un proche cousin,
messager. L’ARN, c’est un acide nucléique
n’en reste pas moins une molécule différente) et
et donc un proche parent de l’ADN, et une
pour cela il faut une transcriptase inverse, une
des molécules que l’on soupçonne d’être aux
protéine que l’on rencontre notamment chez
origines de la vie. Les ARN messagers quant à
les rétrovirus, mais dont l’humain est dépourvu.
eux sont fabriqués dans le noyau cellulaire lors
Contrairement aux protéines, les acides
de l’étape de transcription de l’ADN. Ils vont
nucléiques sont des molécules plutôt fragiles, ce
ensuite migrer dans le cytoplasme jusqu’au ribo-
qui explique la nécessité de conserver le vaccin
some, l’énorme machinerie protéique chargée
à ARNm à très basse température (–80 °C !).
de fabriquer les protéines à partir de l’ARN
Pour améliorer leur espérance de vie, les ARNm
lors de l’étape de traduction. Dans un vaccin
sont également encapsulés dans des liposomes
à ARNm, on fournit donc à notre organisme
(soit des petites bulles de gras), qui vont leur
79
permettre de parvenir jusqu’au ribosome sans
première, mais il faut savoir que les vaccins à
se faire intercepter et détruire par notre système
ARNm sont utilisés depuis déjà quelques années
immunitaire en cours de route.
en santé animale (le vaccin contre la grippe porcine est exploité depuis 2018) et sont égale-
L’utilisation de cette technologie pour un vaccin
ment à l’étude pour d’autres maladies telles que
destiné à l’humain représente une grande
la grippe ou des cancers.
80
LES LAMAS NE SONT PAS CHAMEAUX
Depuis la publication du mythique Temple du
reconnaissance et de diagnostic d’un anti-
Soleil, cela fait maintenant plus de 70 ans
gène, pour un usage thérapeutique ou pour
que les lamas ont mauvaise presse auprès des
l’imagerie médicale (s’ils sont associés à une
amateurs de bande dessinée franco-belge. Pour-
protéine fluorescente). Le souci c’est qu’il s’agit
tant ces camélidés pourraient s’avérer des alliés
encore de gros objets protéiques (400 acides
de choix dans notre lutte contre le SARs-CoV-2.
aminés au total) dont la stabilité au cours du temps laisse parfois à désirer (car il s’agit d’un
Les anticorps sont de grosses protéines dont
assemblage de deux chaînes).
la principale mission est de repérer les intrus dans notre organisme. Ils sont formés le plus
Or il se trouve que du côté des camélidés (et
souvent d’un assemblage de quatre chaînes
aussi, allez savoir pourquoi, chez les requins),
protéiques, deux chaînes lourdes (d’environ
l’évolution a décidé de jouer la carte de la simpli-
450 acides aminés chacune) et deux chaînes
cité. En lieu et place de nos gros anticorps, ces
légères (à 200 acides aminés pièce), toutes
animaux possèdent une version réduite, qui ne
constituées de quatre ou deux domaines d’en-
comporte plus que deux chaînes lourdes. Et le
viron une centaine d’acides aminés de long.
domaine variable est entièrement localisé sur un
Chaînes lourdes et chaînes légères possèdent
unique fragment d’environ 150 acides aminés.
chacune un domaine dit variable, car il va
Ces anticorps à domaines uniques, dits aussi
servir à reconnaître de manière spécifique un
nanocorps (ou nanobodies en anglais) ont été
antigène précis, initiant ainsi l’élimination des
découverts il y a près d’une trentaine d’années
visiteurs indésirables. Le terme Fab (pour frag-
et font l’objet de nombreuses recherches. En
ment antigen binding, fragment de liaison à
effet, leur taille réduite permet d’envisager des
l’antigène) désigne donc un morceau de l’an-
modes d’administration alternatifs aux perfu-
ticorps comportant ces domaines variables.
sions, par spray nasal ou inhalateur.
Illustration de David Goodsell pour la Molécule du mois : https://pdb101.rcsb.org/motm/136
Les Fab servent couramment comme outils de
Comparaison d’un anticorps classique (à gauche) et d’un anticorps de camélidé (à droite). Les chaînes lourdes sont représentées en bleu et les chaînes légères en vert. La zone de reconnaissance de l’antigène est entourée en magenta.
81
C’est ainsi que depuis 2020, des équipes de
(les nanosouris) capables de fabriquer des
recherche développent des nanocorps suscep-
nanocorps issus du lama, du dromadaire et du
tibles de se fixer spécifiquement à la protéine
chameau (mais toujours pas de requin à l’ho-
spike du SARS-CoV-2. Contre cette cible parti-
rizon hélas).
culière, la petite taille des nanocorps comparés aux Fab classiques est également un atout. En
Au final, après plus d’un demi-siècle de
effet, spike est recouverte de molécules de sucre
mauvaise réputation, il semble donc que la
qui vont lui permettre de passer inaperçue face
rédemption des lamas soit pour bientôt. Adieu
à notre système immunitaire. Heureusement
les crachats, bye bye corona, finalement les
pour nous, le tissu de cette cape d’invisibilité
lamas sont sympas !
moléculaire est un peu mité et les nanocorps vont pouvoir s’y infiltrer avec plus de facilité que nos gros anticorps humains. En pratique, les chercheur·se·s d’une équipe belge ont immunisé un lama (parce que travailler sur des requins c’était plus compliqué) en lui injectant des protéines spikes issues de deux autres coronavirus (SARS-CoV-1 et MERS-CoV) néanmoins très proches de celle du SARS-CoV-2. En réaction, son organisme a produit des nanocorps qui se fixent également aux protéines spikes de SARS-CoV-2 et dont l’effet protecteur par inhalation a déjà été montré chez les hamsters. Il reste maintenant à transformer l’essai chez l’humain. En Allemagne, une équipe a procédé de manière similaire sur des alpacas et aux États-Unis, des groupes de recherche ont utilisé la technologie CRISPR-CAS9 pour produire des souris OGM
Représentation de la protéine spike (en cyan) ancrée dans la membrane du virus (en violet) et recouverte de sucres (en magenta). En solution, l’agitation des molécules de sucre forme un bouclier protecteur tout autour de la protéine.
82
CONCLUSION
Le premier tome des Protéines s’ouvrait sur
Néanmoins, la carrière médiatique des proté-
un constat, malgré leur importance au sein
ines ne saurait s’arrêter là. Deux cents ans
de la cellule, les protéines restent encore mal
après les premiers travaux visant à comprendre
connues du grand public, cantonnées aux
leur nature et leur fonctionnement, ces molé-
ouvrages de diététique et de musculation,
cules continuent de surprendre et d’émerveiller
alors que l’ADN reste la star des biomolé-
la communauté scientifique. Depuis le début du
cules. C’est ce qui avait motivé la création en
xxie siècle,
janvier 2019 du blog de vulgarisation Top
deux) prix Nobel quasiment chaque année (en
of the Prots (https://topoftheprots.com/) et la
médecine ou/et en chimie). Si les protéines
publication deux ans plus tard de Protéines,
sont une fenêtre sur l’extraordinaire inventi-
dont l’objectif était de faire découvrir au plus
vité du vivant, comme le montrent les diverses
grand nombre ces fabuleuses molécules essen-
histoires naturelles contées dans cet ouvrage,
tielles à la vie et d’une incroyable diversité.
elles sont également riches de promesses pour
elles sont d’ailleurs l’objet d’un (voire
demain. Chaque connaissance nouvelle sur Depuis, une pandémie virale est passée par
ces molécules nous ouvre des perspectives du
là et a singulièrement changé la donne. Alors
côté de la santé, en permettant la conception
que l’humanité faisait plus ample connais-
de nouveaux médicaments ou traitements théra-
sance avec le coronavirus, les protéines se sont
peutiques, ou du côté des biotechnologies, où
soudain retrouvées sous les feux des projecteurs.
elles pourraient représenter un chemin vers une
Celles-ci ne sont désormais plus seulement syno-
production d’énergie plus respectueuse de notre
nymes de viande, mais sont également asso-
environnement.
ciées au concept d’anticorps. Le grand public a pu également en apprendre plus sur spike,
Si le
xxe siècle
fut celui de l’ADN, on espère
la protéine ciblée dans les recherches sur les
donc très fort que celui-ci sera le siècle des
vaccins contre le SARS-CoV-2.
protéines !
83
GLOSSAIRE Ce terme caractérise l’absence de vivant (du grec bios). Il peut par exemple qualifier un milieu dépourvu d’organismes vivants, ou encore un processus ne faisant intervenir aucun être vivant.
• Abiotique
Un acide aminé est une molécule comprenant une fonction acide carboxylique (un groupe CO2H) et une fonction amine (un groupe NH2). Il existe plusieurs centaines d’acides aminés, mais seule une vingtaine servent à fabriquer des protéines.
• Acide aminé
L’acide désoxyribonucléique (ADN) et l’acide ribonucléique (ARN) appartiennent tous deux à la famille des acides nucléiques. L’ADN reste confiné dans le noyau cellulaire et sa fonction principale est de stocker l’information génétique. L’ARN quant à lui peut jouer plusieurs rôles. Il sert notamment de messager entre le noyau, où il copie l’information génétique de l’ADN, et le ribosome qui va fabriquer les protéines à partir de cette information.
• ADN/ARN
En biochimie, l’affinité va décrire la force d’une interaction non covalente entre deux macromolécules biologiques (protéine ou acide nucléique), ou entre une macromolécule biologique et une molécule plus petite (le ligand) qui va se fixer sur un site à sa surface ou au sein d’une cavité interne.
• Affinité
L’allostérie caractérise le comportement d’une protéine quand la fixation d’une molécule en un point de celle-ci modifie la façon dont une seconde molécule pourra se fixer sur un autre site distant de la même protéine. Ce phénomène est souvent associé à des changements conformationnels de la protéine induits ou stabilisés par la fixation de la première molécule.
• Allostérie
Se dit d’un composé chimique qui possède à la fois des fragments polaires et non polaires. En conséquence, ces composés ont tendance à se placer à l’interface entre les molécules hydrophiles et hydrophobes.
• Amphipathique/Amphiphile
Un antigène est une macromolécule (le plus souvent une protéine, mais pas toujours) qui va générer chez un organisme une réponse de son système immunitaire, comme la production de protéines anticorps. Ces anticorps vont alors reconnaître les antigènes et se lier à eux, ce qui permettra de les neutraliser.
• Antigène/Anticorps
L’apoptose est une mort cellulaire programmée par la cellule elle-même, qui va déclencher son autodestruction suite à un signal.
• Apoptose
L’adénosine tri-phospate (ATP) est une petite molécule rencontrée chez tous les êtres vivants et qui sert de réserve d’énergie (permettant ainsi des réactions chimiques dans l’organisme). Lors de la libération d’énergie, l’ATP va libérer un groupement phosphate (H3PO4) et ainsi former de l’ADP (adénosine di-phosphate). Les cellules vont ensuite régénérer l’ATP en utilisant l’énergie fournie par notre alimentation ou la photosynthèse.
• ATP/ADP
La bioluminescence caractérise une émission de lumière suite à une réaction chimique catalysée par une biomolécule (qui peut être une protéine).
• Bioluminescence
La biomasse désigne la masse totale des organismes vivants mesurée dans une population, une aire ou tout autre échantillon.
• Biomasse
Le processus de biominéralisation désigne la capacité des organismes vivants à produire des minéraux (c’est-à-dire des matériaux solides).
• Biominéralisation
Les canaux ioniques sont des protéines insérées dans la membrane cellulaire, et qui, en alternant entre des formes ouverte ou fermée (dites aussi active ou inactive), vont pouvoir contrôler le passage d’ions à travers celle-ci.
• Canal ionique
C’est une substance qui va augmenter la vitesse (cinétique) d’une réaction chimique, mais n’apparaît pas dans le bilan global de la réaction (car elle est consommée puis régénérée) et ne nécessite d’être utilisée qu’en très petites quantités. Suivant cette définition, la température n’est pas un catalyseur (même si elle impacte effectivement la vitesse des réactions chimiques).
• Catalyseur
latérale Dans un polymère, la chaîne latérale correspond au groupement chimique qui dépasse du squelette répété. Dans le cas des protéines, ce fragment est lié au carbone α du squelette et caractérise chacun des 20 acides aminés.
• Chaîne
Un composé chimique est dit chiral s’il n’est pas superposable à son image dans un miroir (tout comme nos mains gauche et droite). On appelle alors énantiomères la paire formée par le composé en question et le composé image dans un miroir.
• Chiralité
Les chloroplastes sont les organites spécifiques des cellules végétales où se déroule la photosynthèse.
• Chloroplaste
En biologie, la coévolution décrit les transformations qui se produisent au cours de l’évolution entre deux espèces (ou plus) à la suite de leurs influences réciproques. Cette définition peut également s’appliquer à deux protéines qui interagissent ensemble, les transformations de l’une induisant des transformations dans l’autre.
• Coévolution
85
Petite molécule (non protéique) qui est liée à une protéine et est indispensable à l’activité biologique de cette dernière.
• Cofacteur
Un cristal est un solide dont les constituants (atomes, molécules, ions… ou protéines) sont assemblés de manière régulière, c’est-à-dire avec la répétition un grand nombre de fois d’un motif identique.
• Cristal
La cristallographie est une technique qui permet de déterminer la position des atomes au sein d’un cristal en utilisant la diffraction des rayons X. C’est une des principales méthodes expérimentales utilisées pour déterminer la structure des protéines repliées.
• Cristallographie
La Cryo-EM (ou cryo-microscopie électronique) est une technique de détermination de la structure des protéines où celles-ci vont être refroidies (à − 160 °C !) très rapidement avant de passer sous un faisceau d’électrons. Cette méthode est particulièrement adaptée pour déterminer la structure de très grands assemblages de protéines (comme les enveloppes des virus).
• Cryo-EM
Le cytoplasme désigne le contenu d’une cellule vivante, à l’exception du noyau s’il s’agit d’une cellule eucaryote.
• Cytoplasme
Le cytosquelette d’une cellule est l’ensemble des assemblages de protéines qui lui confèrent sa forme et ses propriétés mécaniques.
• Cytosquelette
La dénaturation d’une protéine désigne la perte de sa structure native (par exemple sous l’effet de la chaleur ou suite à une réaction chimique), ce qui peut entraîner une perte de son activité biologique.
• Dénaturation
L’écholocation est la capacité de certains animaux à localiser et identifier les objets dans leur environnement via l’écho reçu dans les différentes directions des sons qu’ils émettent.
• Écholocation
L’électronégativité d’un élément est une grandeur qui caractérise sa capacité à attirer les électrons lors de la formation d’une liaison chimique avec un autre élément.
• Électronégativité
• Enzyme Une
enzyme est une protéine dotée de propriétés catalytiques. Elle va rendre possible ou accélérer fortement la vitesse d’une réaction chimique. Le terme enzyme (qui vient du grec zyme, levain) a été introduit en 1878. natif/Structure native L’état natif d’une protéine caractérise sa forme fonctionnelle, qui peut être repliée (dans la plupart des cas), mais parfois aussi désordonnée.
• État
Les eucaryotes sont l’ensemble des organismes caractérisés par la présence d’un noyau dans leurs cellules (les animaux et les plantes font partie de ce groupe). Ils sont définis en opposition aux organismes procaryotes (par exemple les bactéries), qui eux ne comportent pas de noyau dans leur cellule.
• Eucaryotes/Procaryotes
86
convergente L’évolution convergente est un processus où des espèces distinctes, mais soumises à des contraintes environnementales similaires, adoptent indépendamment l’une de l’autre une réponse semblable (en termes de morphologie ou de comportement) à ces contraintes. Ce phénomène s’observe aussi dans le cadre de l’évolution des protéines, par exemple avec l’apparition des protéines responsables de l’écholocation chez les chauves-souris et les cétacés.
• Évolution
de transcription Un facteur de transcription est une protéine nécessaire pour initier ou réguler la transcription d’un gène. Elle interagit donc avec l’ADN et l’ARN-polymérase.
• Facteur
La fluorescence caractérise la capacité d’un atome ou d’une molécule d’absorber la lumière à une longueur d’onde donnée et de réémettre de la lumière à une longue d’onde supérieure (et donc avec une énergie moindre). Ce phénomène se déroulant sur un temps très court (quelques ns).
• Fluorescence
Une glycoprotéine est une protéine dont les chaînes latérales de certains de ses acides aminés ont été modifiées et portent désormais des groupements oligosides (des chaînes de sucre quoi).
• Glycoprotéine
L’hémophilie est une maladie d’origine génétique où le sang présente un défaut de coagulation.
• Hémophilie
Deux protéines sont dites homologues si elles dérivent d’un ancêtre commun et qu’elles ont divergé depuis ce dernier. L’homologie va alors caractériser la similarité entre ces protéines. On peut s’intéresser à leur homologie de séquence, qui s’exprime comme un pourcentage de résidus identiques entre les deux protéines, ou à leur homologie de structure, où l’on va cette fois comparer leur repliement.
• Homologue
L’hydrolyse est une réaction chimique, et enzymatique, où une liaison covalente est rompue par action d’une molécule d’eau. Dans le vivant, un exemple courant est la réaction d’hydrolyse de l’ATP en ADP qui va libérer de l’énergie.
• Hydrolyse
Un composé est dit hydrophile s’il a une affinité pour l’eau et tendance à s’y dissoudre. Inversement, un composé hydrophobe aura peu d’affinité pour l’eau et y sera difficilement soluble.
• Hydrophile/Hydrophobe
L’hypoxie désigne un apport insuffisant en oxygène dans un tissu (en opposition à la normoxie, lorsque le taux d’oxygène est normal).
• Hypoxie
Deux isotopes sont des atomes dont les noyaux possèdent le même nombre de protons (caractérisant un élément chimique donné), mais des nombres de neutrons différents. Ainsi, le noyau du carbone 14 (souvent utilisé pour dater des objets anciens) comporte 6 protons et 8 neutrons, alors que le carbone 12 (qui est l’isotope majoritaire de cet élément) comporte lui 6 protons et 6 neutrons.
• Isotope
87
On appelle liaison chimique une interaction attractive entre deux atomes qui va permettre de maintenir une très courte distance entre ceux-ci (moins d’1 nm). Dans les protéines, on rencontrera surtout des liaisons covalentes qui résultent de la mise en commun des électrons entre deux atomes et des liaisons hydrogène, formées entre un atome d’hydrogène et un atome électronégatif (oxygène ou azote).
• Liaison chimique
La liaison peptidique résulte de la réaction chimique d’un groupe amine (−NH2) avec un groupe acide carboxylique (COOH) et caractérise la façon dont deux acides aminés successifs sont accrochés l’un à l’autre au sein d’une protéine.
• Liaison peptidique
Un ligand est une petite molécule qui se lie de manière réversible à une macromolécule spécifique, protéine ou acide nucléique. Le ligand joue en général un rôle fonctionnel : stabilisation structurale, catalyse, modulation d’une activité enzymatique, transmission d’un signal, etc.
• Ligand
Le métabolisme est l’ensemble des réactions chimiques qui se déroulent à l’intérieur d’un être vivant et qui permettent de le maintenir en vie, sa reproduction ou son développement.
• Métabolisme
Le microbiote est l’ensemble des microorganismes (tels que des bactéries ou microchampignons) vivant dans un environnement spécifique (que l’on appelle le microbiome).
• Microbiote
La mitochondrie est un élément (organite) de la cellule dont la fonction principale est de lui fournir de l’énergie via la production d’ATP.
• Mitochondrie
Un mutant est une protéine donc la séquence primaire comporte des variations ponctuelles par rapport à sa séquence native (qui est celle produite par la majorité d’une population d’organismes vivants).
• Mutant (ou variant)
• Neurotoxine
Une neurotoxine est une toxine qui agit sur le système
nerveux. • Nucléotide Les
nucléotides sont les molécules de base formant les acides nucléiques (ADN et ARN). L’ADN est formé des quatre nucléotides, adénine, cytosine, guanine et thymine, tandis que dans l’ARN l’uracile remplace la thymine. Un oncogène est un gène dont l’expression dans la cellule va favoriser l’apparition d’un cancer. On peut également parler de virus oncogènes pour désigner les virus capables de rendre cancéreuse la cellule qu’ils infectent.
• Oncogène
Un organite est une structure spécialisée de la cellule et délimitée par une membrane lipidique, par exemple les mitochondries, ou les chloroplastes chez les végétaux.
• Organite
Un peptide est une molécule formée d’un petit nombre d’acides aminés (de deux à quelques dizaines), c’est donc une petite protéine.
• Peptide
88
Le phénotype désigne l’ensemble des traits observables chez un organisme vivant. Il dépend de l’environnement de cet organisme, et n’est donc pas directement déductible de son génotype (l’ensemble de ses gènes).
• Phénotype
La phosphorescence caractérise la capacité d’un atome ou d’une molécule d’absorber la lumière à une longueur d’onde donnée et de réémettre de la lumière à une longueur d’onde supérieure (et donc avec une énergie moindre). Contrairement à la fluorescence, ce phénomène se déroule sur un temps plus long (de quelques minutes à quelques heures).
• Phosphorescence
Un photorécepteur est une molécule capable de convertir de l’énergie lumineuse en signal chimique.
• Photorécepteur
Un composé polaire présente en son sein une répartition de charges positives et négatives due à la présence d’éléments chimiques ayant des électronégativités différentes.
• Polaire/Apolaire
Un polymère est une molécule formée par la répétition de nombreuses sous-unités (qui peuvent être identiques ou non).
• Polymère
disulfure Un pont disulfure est une liaison covalente formée entre deux atomes de soufre provenant d’acides aminés de type cystéine, situés près l’un de l’autre dans la protéine répliée.
• Pont
Le proton est une particule composante du noyau atomique et porteuse d’une charge électrique élémentaire positive.
• Proton
Un radical est une espèce chimique comportant un ou plusieurs électrons non appariés, ce qui lui confère une forte réactivité et un temps de vie très court.
• Radical
Les rhodopsines sont des protéines photosensibles présentes dans la rétine et impliquées dans la vision.
• Rhodopsine
Le ribosome est un gros assemblage moléculaire comportant des protéines et de l’ARN et qui est en charge de fabriquer les protéines dans la cellule.
• Ribosome
• Rythme circardien Le rythme
circadien regroupe tous les processus biologiques qui se déroulent de manière cyclique sur une durée d’environ 24 heures. La sénescence désigne le lent processus de dégradation des fonctions de la cellule qui est à l’origine du vieillissement des organismes.
• Sénescence
La séquence d’une protéine correspond à l’enchaînement d’acides aminés qui la composent. Elle se lit en partant de l’atome d’azote initial et jusqu’à l’atome de carbone final de la molécule.
• Séquence
Un solvant est un liquide qui peut dissoudre ou diluer d’autres substances sans les modifier chimiquement et sans lui-même se modifier.
• Solvant
89
• Squelette Dans un polymère,
le squelette est la partie répétée de façon régulière. Le long de la chaîne protéique, celui-ci comporte le groupement amide (-N-H), le carbone α et le groupe carbonyle (-C=O) de chaque acide aminé. oxydant Le stress oxydant est une forme d’agression des composants de la cellule due à la présence dans celle-ci d’espèces réactives oxygénées ou azotées en excès.
• Stress
• Structure native
Voir État natif d’une protéine.
• Substrat Un substrat
est une petite molécule qui va subir une réaction chimique au sein d’une enzyme et qui est spécifique à cette enzyme. Un composé tension actif modifie la tension de surface entre deux phases. Il s’agit le plus souvent d’une molécule amphiphile, qui va stabiliser le mélange de deux phases non miscibles en interagissant avec l’une par sa partie polaire (ou hydrophile) et avec l’autre via sa partie apolaire (ou hydrophobe).
• Surfactant/Tensioactif
La symbiose est une association forte et durable entre deux organismes appartenant à des espèces distinctes (et que l’on appellera des symbiotes).
• Symbiose
Les synapses correspondent à des zones de contact entre deux neurones ou entre un neurone et un autre type de cellule (muscle, glande…). Il s’agit d’une zone de transmission d’un signal, qui peut être soit électrique, soit chimique (via la diffusion de petites molécules, les neurotransmetteurs).
• Synapse
Les toxines sont des substances toxiques produites par des organismes vivants, y compris des bactéries, des microalgues, des plantes ou des champignons.
• Toxine
C’est l’étape de synthèse des protéines au sein du ribosome à partir de l’information génétique contenue dans les ARN messagers.
• Traduction
C’est le mécanisme de copie de l’information contenue dans l’ADN en molécules d’ARN messagers qui serviront ensuite à la fabrication de protéines au niveau du ribosome.
• Transcription
Une vésicule est un petit compartiment formé d’une double couche de lipides (et donc semblable à la membrane cellulaire) et qui peut servir à stocker ou transporter des molécules dans le cytoplasme.
• Vésicule
90
BIBLIOGRAPHIE
Les pattes sur terre 1. Jönsson K.I. et al. Tardigrades survive exposure to space in low Earth orbit. Current Biology 18, R729-R731 (2008). https://doi.org/10.1016/j.cub.2008.06.048 2. Hashimoto T. et al. Extremotolerant tardigrade genome and improved radiotolerance of human cultured cells by tardigrade-unique protein. Nat Commun 7, 12808 (2016). https://doi.org/10.1038/ncomms12808 3. Boothby T.C. et al. Tardigrades use intrinsically disordered proteins to survive desiccation. Molecular Cell 65, 975 (2017). https://doi.org/10.1016/j. molcel.2017.02.018 4. Newman J. et al. Structural characterization of a novel monotreme-specific protein with antimicrobial activity from the milk of the platypus. Acta Cryst F74, 39 (2018). https://doi.org/10.1107/S2053230X17017708 5. Torres A.M. et al. D-Amino acid residue in the C-type natriuretic peptide from the venom of the mammal, Ornithorhynchus anatinus, the Australian platypus. FEBS Letters 524, 172 (2002). doi: 10.1016/S0014-5793(02)03050-8 6. Torres A.M. et al. Characterization and isolation of L-to-D-amino-acid-residue isomerase from platypus venom. Amino Acids 32, 63 (2007). doi: 10.1007/ s00726-006-0346-6 7. Kumar J., Sim V. D-amino acid-based peptide inhibitors as early or preventative therapy in Alzheimer disease. Prion 8, 119 (2014). doi: 10.4161/pri.28220 8. Carneiro M. et al. A loss-of-function mutation in RORB disrupts saltatorial locomotion in rabbits. PLOS Genetics 17, e1009429 (2021). https://doi. org/10.1371/journal.pgen.1009429 9. Koch S.C. et al. RORβ spinal interneurons gate sensory transmission during locomotion to secure a fluid walking gait. Neuron 96, 1419 (2017). https://doi. org/10.1016/j.neuron.2017.11.011 10. Azpurua J., Ke Z. et al. Naked mole-rat has increased translational fidelity compared with the mouse, as well as a unique 28S ribosomal RNA cleavage. Proceedings of the National Academy of Sciences 110, 17350 (2013). https://doi. org/10.1073/pnas.1313473110
91
11. Seluanov A. et al. Mechanisms of cancer resistance in long-lived mammals. Nat Rev Cancer 18, 433 (2018). https://doi.org/10.1038/s41568-018-0004-9 12. Zhengdong Z. et al. INK4 locus of the tumor-resistant rodent, the naked mole rat, expresses a functional p15/p16 hybrid isoform. Proceedings of the National Academy of Sciences 112, 1053 (2015). https://doi.org/10.1073/pnas.1418203112 13. Tian X. et al. High-molecular-mass hyaluronan mediates the cancer resistance of the naked mole rat. Nature 499, 346 (2013). https://doi.org/10.1038/nature12234 14. Cabral L. et al. Gut microbiome of the largest living rodent harbors unprecedented enzymatic systems to degrade plant polysaccharides. Nat Commun 13, 629 (2022). https://doi.org/10.1038/s41467-022-28310-y 15. Cooper A. et al. Frog foams and natural protein surfactants. Colloids and Surfaces A 534, 120 (2017). https://doi.org/10.1016/j.colsurfa.2017.01.049 16. Mackenzie, C.D. et al. Ranaspumin-2: Structure and function of a surfactant protein from the foam nests of a tropical frog. Biophysical Journal 96, 4984 (2009). https://doi.org/10.1016/j.bpj.2009.03.044 17. Oke M. et al. Unusual chromophore and cross-links in ranasmurfin: A blue protein from the foam nests of a tropical frog. Angewandte Chemie 47, 7853 (2008). https://doi.org/10.1002/anie.200802901 18. Banerjee S. et al. Structure of a heterogeneous, glycosylated, lipid-bound, in vivo-grown protein crystal at atomic resolution from the viviparous cockroach Diploptera punctata. IUCrJ 3, 282 (2016). doi:10.1107/S2052252516008903 Sous l’océan 19. Böni L. et al. Hagfish slime and mucin flow properties and their implications for defense. Sci Rep 6, 30371 (2016). https://doi.org/10.1038/srep30371 20. Tipper J.P. et al. Purification, characterization and cloning of tensilin, the collagenfibril binding and tissue-stiffening factor from Cucumaria frondosa dermis. Matrix Biology 21, 625 (2002). https://doi.org/10.1016/S0945-053X(02)00090-2 21. Takehana Y. et al. Softenin, a novel protein that softens the connective tissue of sea cucumbers through inhibiting interaction between collagen fibrils. PLoS One 9, e85644 (2014). doi:10.1371/journal.pone.0085644 22. Himadri S. Gupta et al. Unlocking the secrets of mutable collagenous tissue. Biochemist 40, 8 (2018). https://doi.org/10.1042/BIO04001008 23. Bar-On Y.M. et al. The biomass distribution on Earth. PNAS 115, 6506 (2018). doi:10.1073/pnas.1711842115 24. de Vries J. et al. Plastid survival in the cytosol of animal cells. Trends Plant Sci 19, 347 (2014). doi:10.1016/j.tplants.2014.03.010
92
25. Martini S., Haddock S. Quantification of bioluminescence from the surface to the deep sea demonstrates its predominance as an ecological trait. Sci Rep 7, 45750 (2017). https://doi.org/10.1038/srep45750 26. Shigenobu S. et al. Kleptoprotein bioluminescence: Parapriacanthus fish obtain luciferase from ostracod prey. Science Advances 6, eaax4942 (2020). doi:10.1126/ sciadv.aax4942. 27. Cai J. et al. Eye patches: Protein assembly of index-gradient squid lenses. Science 357, 564 (2017). doi:10.1126/science.aal2674 28. Lynnerup N. et al. Radiocarbon dating of the human eye lens crystallines reveal proteins without carbon turnover throughout life. PLoS One 3, e1529 (2008). doi:10.1371/journal.pone.0001529 29. Nielsen J. et al. Eye lens radiocarbon reveals centuries of longevity in the Greenland shark (Somniosus microcephalus). Science 353, 702 (2016). doi:10.1126/science.aaf1703 30. Crookes W.J. et al. Reflectins: The unusual proteins of squid reflective tissues. Science 303, 235 (2004). doi:10.1126/science.1091288 31. Phan L. et al. Reconfigurable infrared camouflage coatings from a cephalopod protein. Adv Mater 25, 5621 (2013). https://doi.org/10.1002/adma.201301472 32. Cai T. et al. Reconstruction of dynamic and reversible color change using reflectin protein. Sci Rep 9, 5201 (2019). https://doi.org/10.1038/s41598-019-41638-8 La tête dans les nuages 33. Gasmi L. et al. Horizontally transmitted parasitoid killing factor shapes insect defense to parasitoids. Science 373, 535 (2021). doi:10.1126/science.abb63961 34. Renatus M. et al. Catalytic domain structure of vampire bat plasminogen activator: a molecular paradigm for proteolysis without activation cleavage. Biochemistry 36, 13483 (1997). doi:10.1021/bi971129x 35. Fernandez A.Z. et al. Expression of biological activity of draculin, the anticoagulant factor from vampire bat saliva, is strictly dependent on the appropriate glycosylation of the native molecule. Biochim Biophys Acta 1425, 291 (1998). doi:10.1016/s0304-4165(98)00082-8 36. Wiltschko W., Wiltschko R. The effect of yellow and blue light on magnetic compass orientation in European robins, Erithacus rubecula. J Comp Physiol A 184, 295 (1999). https://doi.org/10.1007/s003590050327 37. Fusani L. et al. Cryptochrome expression in the eye of migratory birds depends on their migratory status. J Exp Biol 217, 918 (2014). https://doi.org/10.1242/ jeb.096479
93
38. Gunther A. et al. Double-cone localization and seasonal expression pattern suggest a role in magnetoreception for european robin cryptochrome 4. Current biology: CB 28, 211 e214 (2018). doi:10.1016/j.cub.2017.12.003 Les inclassables 39. Gonuguntla V, Joshi DD. Rapunzel syndrome: a comprehensive review of an unusual case of trichobezoar. Clin Med Res 7, 99 (2009). doi:10.3121/ cmr.2009.822 40 . U". Basmanav F.B. et al. Mutations in three genes encoding proteins involved in hair shaft formation cause uncombable hair syndrome. The American Journal of Human Genetics 99, 1292 (2016). doi:10.1016/j.ajhg.2016.10.004 41. Steinert P.M. et al. Trichohyalin mechanically strengthens the hair follicle: multiple cross-bridging roles in the inner root shealth. J Biol Chem 278, 41409 (2003). doi:10.1074/jbc.M302037200 42. Addadi L., Weiner S. Biomineralization: mineral formation by organisms. Phys Scr 89, 098003 (2014). doi:10.1088/0031-8949/89/9/098003 43. Lu H. et al. Calcium-induced molecular rearrangement of peptide folds enables biomineralization of vaterite calcium carbonate. J Am Chem Soc 140, 2793 (2018). doi:10.1021/jacs.8b00281 44. Pääbo S. Molecular cloning of ancient Egyptian mummy DNA. Nature 314, 644 (1985). https://doi.org/10.1038/314644a0 45. Rybczynski N. et al. Mid-Pliocene warm-period deposits in the High Arctic yield insight into camel evolution. Nat Commun 4, 1550 (2013). https://doi.org/10.1038/ ncomms2516 46. Zaucha J., Heddle J.G. Resurrecting the Dead (Molecules). Computational and Structural Biotechnology Journal 15, 351 (2017). https://doi.org/10.1016/j. csbj.2017.05.002 47. Welker F. et al. Palaeoproteomic evidence identifies archaic hominins associated with the Châtelperronian at the Grotte du Renne. PNAS 113, 11162 (2016). doi:10.1073/pnas.1605834113 48. Pollard T.D., Borisy G.G. Cellular motility driven by assembly and disassembly of actin filaments. Cell 112, 453 (2003). doi:10.1016/s0092-8674(03)00120-x Aux frontières du vivant 49. Tania Louis. La folle histoire des virus, Ed. humenSciences (2020). 50. Holthausen D.J. et al. An amphibian host defense peptide is virucidal for human H1 hemagglutinin-bearing influenza viruses. Immunity 46, 587 (2017). doi:10.1016/j. immuni.2017.03.018
94
51. Shang J. et al. Structural basis of receptor recognition by SARSCoV-2. Nature 581, 221 (2020). https://doi.org/10.1038/s41586-020-2179-y 52. Horie M. et al. Endogenous non-retroviral RNA virus elements in mammalian genomes. Nature 463, 84 (2010). https://doi.org/10.1038/nature08695 53. Jackson N.A.C. et al. The promise of mRNA vaccines: a biotech and industrial perspective. NPJ Vaccines 5, 11 (2020). https://doi.org/10.1038/s41541-0200159-8 54. Hamers-Casterman C. et al. Naturally occurring antibodies devoid of light chains. Nature 363, 446 (1993). https://doi.org/10.1038/363446a0 55. Jovcevska I., Muyldermans S. The therapeutic potential of nanobodies. BioDrugs 34, 11 (2020). https://doi.org/10.1007/s40259-01900392-z 56. Casalino L. et al. Beyond shielding: the roles of glycans in the SARS-CoV-2 Spike protein. ACS Central Science 6, 1722 (2020). doi:10.1021/acscentsci.0c01056 57. Gu"ttler T. et al. Neutralization of SARS-CoV-2 by highly potent, hyperthermostable, and mutation-tolerant nanobodies. The EMBO Journal 40, e107985 (2021). https:// doi.org/10.15252/embj.2021107985 58. Xu J. et al. Nanobodies from camelid mice and llamas neutralize SARS-CoV-2 variants. Nature 595, 278 (2021). https://doi.org/10.1038/s41586-021-03676-z 59. Casalino L. et al. Beyond Shielding: The Roles of Glycans in the SARS-CoV-2 Spike Protein. ACS Central Science 6, 1722 (2020). doi:10.1021/acscentsci.0c01056
95
S E C I R T U A S E L Sophie Sacquin-Mora. Après l’agrégation de chimie et une thèse en thermodynamique statistique, j’ai rejoint le Laboratoire de Biochimie Théorique, où je suis chercheuse CNRS depuis 2006. Mes travaux de recherche portent sur le développement de modèles théoriques pour mieux comprendre comment fonctionnent les protéines à l’échelle atomique. Je m’intéresse notamment à leurs propriétés mécaniques et à la façon dont elles interagissent entre elles (je dis parfois que je fais de la sociologie des protéines). Mes grandes passions sont la science, le féminisme et la littérature jeunesse et je parle aussi de tout ça sur Twitter (@sacquin_mo). Anmryn. J’ai fait des sciences molles avec 3 mastères dedans, ce qui m’a permis de bien rebondir puisque j’ai travaillé pour des sites web et l’édition de livres en tous genres et à tous les niveaux. J’ai été enseignante (de français et même de latin) en France et en Corée du Sud et aussi en Pologne, également rédactrice ou traductrice pour plein de supports variés et encore plus de thèmes différents. La vraie vie de hippie, quoi. Et comme toute bonne hippie, entre un projet de yarn bombing pour dénoncer le grand Capital et des tests capillaires impliquant beaucoup trop de henné, je dessine des trucs et des machins souvent carrés pour entrer dans le format Instagram (@anmryn). Comme quoi, on finit toujours par trouver sa case.
Remerciements • Manifestement ce tome 2 n’existerait pas si notre premier opus sur les protéines n’avait pas rencontré son public. Je voudrais donc remercier l’ensemble des gentil·le·s lecteur·rice·s de Protéines (avec une dédicace spéciale à Samuel Étienne et aux fans de Questions pour un Champion), et j’espère très fort que nous avons réussi à leur transmettre un peu de notre passion pour ces molécules hors du commun. Mes remerciements vont aussi particulièrement à Claire Marrache-Kikuchi, Pierre Poulain, Martin Tiano et Sylvain Chambon, qui se sont penché·e·s sur les toutes premières versions de l’ouvrage et nous ont apporté leur aide dans cet exercice nouveau d’écriture pour le grand public. Je remercie également France Citrini, notre éditrice, pour sa confiance immédiate, et renouvelée, dans ce projet. SS
Un ouvrage de la collection Carnet de labo, dirigée par Pierre-Étienne Bertrand Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.
Imprimé en France par SEPEC, 01960 Péronnas ISBN (papier) : 978-2-7598-2747-3 ISBN (ebook) : 978-2-7598-2748-0 Dépôt légal : octobre 2022 © EDP Sciences, 2022 17, avenue du Hoggar 91944 Les Ulis