Protéines 2: Le carnaval du vivant 9782759827480

Les fabuleuses protéines sont de retour dans un nouvel opus consacré au monde animal !Parce que la nature est une inépui

187 74 39MB

French Pages 96 Year 2022

Report DMCA / Copyright

DOWNLOAD PDF FILE

Table of contents :
LES PROTÉINES SONT DE RETOUR !
TOUT CE QU’IL FAUT SAVOIR AVANT DE COMMENCER VOTRE LECTURE (RÉSUMÉ DE L’ÉPISODE PRÉCÉDENT)
SOMMAIRE
1. LES PATTES SUR TERRE
2. SOUS L’OCÉAN
3. LA TÊTE DANS LES NUAGES
4. LES INCLASSABLES
5. AUX FRONTIÈRES DU VIVANT
CONCLUSION
GLOSSAIRE
BIBLIOGRAPHIE
LES AUTRICES
Recommend Papers

Protéines 2: Le carnaval du vivant
 9782759827480

  • 0 0 0
  • Like this paper and download? You can publish your own PDF file online for free in a few minutes! Sign Up
File loading please wait...
Citation preview

Sophie Sacquin-Mora

Le carnaval du vivant

Anmryn

3

S E N I É T O R P S LE !   R U O T E R E D SONT Dans notre ouvrage précédent (Protéines, Un

Dans cet épisode, nous allons donc vous parler

voyage au centre de la cellule), nous vous avions

de protéines rencontrées dans le monde animal

raconté la fabuleuse histoire des protéines. Leur

et qui donnent leurs superpouvoirs à toute

découverte progressive au cours des

et

une galerie de drôles de bestioles. Au fil des

 siècles, leur rôle central dans le vivant et la

pages, on croisera donc le chemin de l’invin-

façon dont les scientifiques peuvent les étudier

cible tardigrade, d’un cafard à paillettes, d’un

pour ainsi mieux comprendre le fonctionnement

requin centenaire ou d’un vampire poilu. Tous

de notre organisme. Nous vous présentions

se distinguent par leurs incroyables protéines

également une petite vingtaine d’exemples parmi

qui pourraient bien nous servir un jour !

xix

e

e

xx

nos protéines préférées, des indispensables qui font tourner la baraque au quotidien aux stars

Le dernier chapitre se penche quant à lui sur

internationales et nobélisées.

un groupe d’organismes bien particuliers et qui occupe le devant de la scène mondiale depuis

Mais vingt exemples, c’est bien peu en regard

maintenant plus de deux ans, les virus. Il permet

des centaines de milliers de protéines que

donc de faire plus ample connaissance avec ces

l’on connaît (et sans compter toutes celles qui

objets qui interrogent notre définition du vivant,

restent encore à découvrir), alors on s’est dit

et aussi de revoir les principes de base de la

que nos molécules préférées méritaient bien un

vaccination et des anticorps (et ce, toujours

deuxième tome.

avec l’aide de quelques animaux, bien sûr !).

TOUT CE QU’IL FAUT SAVOIR AVANT DE COMMENCER VO TRE LECTURE (RÉSUMÉ DE L’ ÉPISODE PRÉCÉ

DENT)

Bon, en gros, c’est quoi une protéine ?

des formes très variées. Mais elles ont toutes en commun d’être constituées d’acides aminés,

Les protéines sont des macromolécules, c’est-

des petites molécules comprenant à la fois un

à-dire des grosses molécules comprenant de

groupe amine et un groupe acide. Ceux-ci sont

quelques centaines à plusieurs centaines de

alors accrochés les uns à la suite des autres via

milliers d’atomes (majoritairement du carbone,

une liaison peptidique, formant ainsi une longue

de l’hydrogène, de l’azote, de l’oxygène et

chaîne qui peut contenir jusqu’à 30 000 mail-

aussi un peu de soufre), et qui peuvent prendre

lons pour les plus grosses protéines.

1. S. Sacquin-Mora, A. Taly et Anmryn, Protéines, Un voyage au centre de la cellule.

5

Il existe 20 acides aminés naturels différents, que

Les protéines, c’est un truc qu’on trouve dans

l’on distingue par leur chaîne latérale, et que l’on

la viande et les muscles, c’est ça ?

peut combiner pour former des protéines : • La succession des acides aminés le long de

Pas seulement, loin de là ! En fait, les proté-

la chaîne est appelée structure primaire (ou

ines sont omniprésentes dans les cellules (dont

séquence protéique).

elles représentent plus de la moitié de la

• La façon dont des petits fragments de cette

masse sèche) de tous les êtres vivants, qu’ils

chaîne vont former des formes régulières dans

soient animaux ou végétaux. Elles y accom-

l’espace (souvent sous forme d’hélices ou de

plissent une multitude de missions diverses et

feuillets) correspond à la structure secondaire.

variées, mais qui sont indispensables à notre

• Puis ces fragments s’agencent les uns par rapport

survie. On estime que le seul corps humain

aux autres pour donner la structure tertiaire de la

contient près 400 000 protéines différentes.

protéine, que l’on appelle également repliement.

Certaines portent des noms connus du grand

• Enfin, il arrive parfois qu’une protéine soit si

public, comme l’hémoglobine, les enzymes

grosse qu’elle contient plusieurs chaînes. On

ou les anticorps. D’autres sont plus discrètes

parlera alors de complexe protéique, et l’agen-

mais tout aussi essentielles au vivant (comme

cement des chaînes forme la structure quater-

le ribosome qui est la petite usine à protéines

naire de l’ensemble.

présente dans chacune de nos cellules).

Les hélices et les feuillets que l’on rencontre dans la structure secondaire sont maintenus en place via des liaisons hydrogène (montrées ici en magenta), qui se forment entre les atomes d’hydrogène, d’azote et d’oxygène de la protéine.

6

Les vingt acides aminés naturels qui servent à fabriquer les protéines portent chacun une chaîne latérale distincte. Ces chaînes latérales possèdent des propriétés chimiques variées, ce qui va permettre aux protéines de remplir des missions très différentes selon le nombre et le type d’acides aminés qui les composent et la façon dont elles sont repliées dans l’espace.

SOMMAIRE

Les protéines sont de retour !.......................................................................................3 Tout ce qu’il faut savoir avant de commencer votre lecture (Résumé de l’épisode précédent)......................................................................4 1. LES PATTES SUR TERRE.......................................................................................9 Le gel anti-dessication du tardigrade......................................................................... 10 Pourquoi il faut se méfier des ornithorynques....................................................... 12 L’histoire du lapin qui ne sautait pas......................................................................... 15 Le rat qui ne voulait pas mourir.................................................................................. 16 Dans le caca des capybaras........................................................................................18 Soirée mousse chez les grenouilles.......................................................................... 21 Le cafard aux entrailles de cristal............................................................................ 23 2. SOUS L’OCÉAN..................................................................................................... 25 Les protéines antigel, une petite laine pour les poissons......................................26 Des protéines qui en bavent......................................................................................... 28 Quand les holoturies ont un coup de mou...............................................................30 Les limaces font bronzette..........................................................................................32 Les protéines bioluminescentes illuminent le vivant..............................................34 Les cristallines, regardez-les dans les yeux !........................................................37 Les dents de la mer étaient centenaires................................................................. 39 Les réflectines, protéines furtives.............................................................................. 41 3. LA TÊTE DANS LES NUAGES..............................................................................43 La guerre des lépidoptères........................................................................................... 44 Draculine, la reine de la nuit........................................................................................ 46 Les cryptochromes ne sont jamais à l’ouest..........................................................48 4. LES INCLASSABLES..............................................................................................51 La caséine, on en fait tout un fromage.................................................................... 53 Le collagène, on l’a dans la peau............................................................................... 55 Quand les protéines s’emmêlent..................................................................................57 Les protéines tombent sur un os.................................................................................59 Hibernatus chez les protéines...................................................................................... 61 La bactérie qui faisait du rodéo................................................................................. 63 5. AUX FRONTIÈRES DU VIVANT...........................................................................65 Des virus trop beaux pour être honnêtes................................................................67 L’hémagglutinine, protéine pirate.................................................................................69 Commando Corona..........................................................................................................71 Retour vers l’ADN, les rétrovirus entrent en scène.............................................. 74 Des antigènes à l’ARN, la grande aventure de la vaccination...........................77 Les lamas ne sont pas chameaux.............................................................................. 80

CONCLUSION........................................................................................................82 GLOSSAIRE............................................................................................................83 BIBLIOGRAPHIE....................................................................................................90 LES AUTRICES......................................................................................................95

1

LES PATTES SUR TERRE

10

LE GEL ANTI-DE SSICATION DU TARDIGRAD E Appelé également ourson d’eau, le tardigrade

de terreur les aventurier·ère·s les plus chevron-

est un petit bibendum miniature (d’environ

né·e·s (#RepÀÇa Indiana Jones et Lara Croft).

0,5 mm), que l’on peut trouver dans les mousses et lichens dont il se nourrit. Il a été décrit par les

Dans le cas du tardigrade, on a d’ores et déjà

naturalistes dès le

pu tester ses capacités de résistance :

 siècle, mais c’est surtout

e

xviii

depuis une petite dizaine d’années qu’il fait la

• au vide ;

joie des amateur·rice·s de science amusante et

• au froid (dans de l’hélium liquide à –272 °C,

de bestioles étonnantes. Il faut dire aussi qu’il y

soit près du zéro absolu) ;

a de quoi. Cet animal qui ne ressemble à aucun

• à la chaleur (jusqu’à 150 °C) ;

autre, et dont il existe près d’un millier d’es-

• à la pression ;

pèces, appartient au club très spécial des extré-

• aux radiations ;

mophiles, ces organismes capables de survivre

• à la dessiccation ;

dans des environnements hostiles à faire hurler

• à l’absence d’eau et de nourriture.

Le tardigrade résiste à tout, mais quel est donc son secret ?

11

Histoire de mettre à l’épreuve les talents de

L’eau est le solvant naturel de la plupart des

ce  survivor  de compétition, des équipes de

protéines (exception faite de celles qui sont

recherche sont même allées jusqu’à l’envoyer

insérées dans la membrane lipidique qui sert

dans l’espace, où notre ourson de poche a été

d’enveloppe aux cellules). En son absence, les

exposé au vide spatial et à des radiations (UV-A

protéines vont se dégrader, perdre leur structure

et/ou UV-B) près de mille fois supérieures à ce

native, voire même s’agréger, et ce de manière

que nous recevons à la surface de la Terre. Pour

irréversible. Mais super-ourson, lui, possède

résister à de telles conditions, le tardigrade va

un jeu de protéines bien particulières, qui sont

se dessécher et se racornir, jusqu’à entrer en

formées chacune d’une chaîne désordonnée, et

anhydrobiose, un état de vie ralentie où le méta-

dont les extrémités ont tendance à se coller les

bolisme est à l’arrêt et où le tardigrade devient

unes aux autres. En cas de dessiccation, ces

quasi indestructible.

protéines seront exprimées en grande quantité dans les cellules et, en s’associant, vont

Or il semblerait que le secret des superpouvoirs

former un gel protecteur qui va englober les

du tardigrade réside en partie dans ses proté-

autres protéines comme dans un petit coussin

ines pas comme les autres. En effet, le génome

moelleux. Ce cocon va alors leur éviter de

du tardigrade est composé à plus de 40 % de

s’agréger et leur permettre de conserver leur

protéines que l’on ne trouve dans aucun autre

structure native dans des conditions extrêmes

organisme et qui n’appartiennent donc qu’à

en attendant sagement des jours meilleurs et

lui. Dans le lot, certaines sont soupçonnées de

mieux hydratés.

protéger son ADN contre les dégâts causés par les radiations, tandis que d’autres vont lui

Alors, si un jour vous tombez sur un tardigrade

permettre de survivre à la dessiccation et leur

desséché, peut-être qu’il suffira d’un petit bisou

fonctionnement a été élucidé il y a peu.

baveux pour le réveiller !

La protéine au gel dormant. La légende raconte que dans les vieux tardigrades desséchés, les protéines dorment paisiblement dans leur gel protecteur en attendant la goutte d’eau providentielle qui viendra les ramener à la vie.

12

POURQUOI IL FA UT SE MÉFIER DES ORNITHORYNQU ES Si l’on devait organiser un jour un  Grand

petits, la vision d’une nichée d’ornithorynques en

concours mondial des bestioles les plus impro-

plein repas aurait de quoi faire frémir d’horreur

bables, il y a fort à parier que l’on retrouverait

un jeune parent humain en plein trip hygiéniste.

dans la liste des finalistes l’increvable tardigrade

Mais Madame O. a de la ressource. Une équipe

et face à lui le non moins incroyable ornitho-

de recherche australienne  a en effet montré

rynque. À vrai dire, l’ornithorynque est même

que son lait possède en grande quantité une

tellement incroyable que, lorsqu’à la fin du

protéine unique à cette espèce, qui présente des

 siècle les savants britanniques ont eu vent

propriétés antimicrobiennes, et pourrait donc

pour la première fois de cet animal, et bien

protéger la santé des plus jeunes nonobstant

ils n’y ont tout simplement pas cru. Devant les

leurs habitudes alimentaires un peu cracra.

e

xviii

dessins envoyés d’Australie, le premier réflexe des naturalistes fut de conclure à un canular issu de l’imagination d’un taxidermiste facétieux et on les comprend bien. En contemplant cette chose poilue dotée d’une queue de castor, de pattes palmées et d’un bec de canard, il y avait de quoi rester perplexe… Deux siècles plus tard, l’ornithorynque fascine toujours autant les chercheur·se·s, et pas seulement à cause de son apparence baroque. Dans le tome précédent, nous avions déjà évoqué sa température corporelle remarquablement basse, mais ce n’est pas la moindre de ses particularités. Les ornithorynques sont des mammifères et, comme toutes les femelles de cet ensemble d’animaux, Madame O. allaite ses petits. Néanmoins, elle n’a pas de mamelons et se contente donc de suinter du lait par ses pores. Les bébés ornithorynques s’alimentent ensuite en léchant

Cette protéine présente une structure unique,

simplement les poils du ventre maternel. Comme

toute en hélices α, et qui lui a valu le surnom

les mères ornithorynques n’ont nulle intention de

de Shirley Temple, en hommage aux bouclettes

passer au stérilisateur avant le repas de leurs

de l’enfant star des années trente. Chez les

13

chercheur·se·s humain·e·s, Miss Temple suscite

connues chez les grenouilles, les mollusques ou

de grands espoirs pour la recherche médi-

encore les araignées. Et voilà qu’il y a une quin-

cale, car elle pourrait aboutir à l’élaboration

zaine d’années, en analysant la composition du

de nouveaux antibiotiques, qui permettraient

venin d’ornithorynque, une équipe de recherche

notamment de s’attaquer aux bactéries ayant

basée à Sydney a découvert une protéine

développé des résistances aux médicaments

comportant une leucine de type D. Et c’est ainsi

utilisés jusque-là.

que l’ornithorynque est devenu le premier (et jusqu’ici le seul) mammifère à faire son entrée

Autre bizarrerie cette fois rencontrée du côté

dans le club très sélect des organismes avec des

des mâles, ceux-ci sont dotés à la base de

protéines à résidus D. Des études ultérieures par

leurs pattes arrière d’un aiguillon venimeux,

la même équipe ont également permis d’isoler

ce qui est déjà tout à fait inhabituel, car les

dans le venin de l’ornithorynque l’isomérase

mammifères venimeux sont très rares. Bien que

responsable de cette transformation.

non mortelles pour un humain, les piqûres d’ornithorynques sont connues comme étant particulièrement douloureuses. Le venin va provo-

Mais c’est quoi l’intérêt d’avoir des acides

quer un œdème et une paralysie temporaire

aminés de type  D dans ses protéines (à part

du membre piqué. La sensation de douleur va

pour frimer avec sa carte de club auprès des

résister à des analgésiques puissants tels que la

autres mammifères) ?

morphine et perdurer de quelques semaines à plusieurs mois. Ah là, tout de suite on a moins

Eh bien, quand une protéine étrangère est

envie de lui faire un gros câlin au petit canard

injectée dans notre organisme (via par exemple

poilu du bout du monde !

une morsure ou une piqûre d’animal venimeux), elle fera effet tant qu’elle n’aura pas été

Mais ce qui passionne tout particulièrement les

dégradée par une protéase, une enzyme dont

biochimistes dans le venin de l’ornithorynque,

le job est précisément de découper les autres

c’est sa recette vraiment unique. Celui-ci est en

protéines en petits morceaux. Or comme toutes

effet composé d’un mélange de peptides et de

les enzymes, les protéases sont des machines

protéines spécifiques à l’espèce et qui comportent

hautement spécialisées, qui se sont adaptées

des acides aminés pas comme les autres.

aux protéines du vivant, qui ne contiennent que des acides aminés de type L. Face au venin d’or-

Il se trouve que tous les acides aminés (à l’excep-

nithorynque avec sa D-leucine, nos protéases se

tion de la glycine) sont des molécules chirales.

retrouvent d’un coup fort dépourvues et mettront

Chaque acide aminé existe en deux variétés

beaucoup plus de temps à détruire ces proté-

(on va parler d’isomères) non superposables,

ines exotiques. Et c’est comme ça qu’on peut

qui sont le reflet l’une de l’autre dans un miroir,

se retrouver à souffrir plusieurs mois pour avoir

et que l’on désigne par les lettres L et D. Dans

voulu serrer dans ses bras une bestiole qu’on

le vivant, les protéines sont fabriquées exclu-

trouvait trop mignonne. Là où cela devient inté-

sivement avec des isomères de type L. Mais il

ressant pour la recherche médicale, c’est que

peut arriver très rarement qu’une protéine soit

si l’on était capable de concevoir des peptides

modifiée après fabrication par une enzyme de

d’intérêt thérapeutique comprenant ces fameux

type isomérase (car elle change les isomères)

acides aminés de type D, ceux-ci auraient donc

et présente alors quelques acides aminés de

une longévité accrue dans notre organisme

type D. De telles protéines inversées étaient déjà

et nécessiteraient la prise de doses bien plus

14

faibles. Actuellement, cette piste est par exemple

Moralité pour les amateurs de bestioles

explorée dans le cadre de la recherche de

amusantes : le tardigrade n’a peut-être pas une

thérapies contre la maladie d’Alzheimer.

tête de peluche, mais au moins il est complètement inoffensif, lui.

15

N I P A L U D E R L’HISTOI S A P T I A T U A S QUI NE En 1935, l’École vétérinaire de Maisons-Alfort

montrent qu’elle est active dans les neurones et

recueillait un lapin incapable de sauter, mais

la moelle épinière, et qu’elle est indispensable

qui présentait l’étrange faculté de se déplacer

à la coordination des membres nécessaire aux

sur ses pattes avant. Afin d’en savoir plus sur les

sauts observés chez les lapins ordinaires. Les

mutations génétiques à l’origine de cette particu-

Sauteurs d’Alfort quant à eux sont soit privés

larité, les chercheurs entreprirent d’élever cette

de cette protéine, soit porteurs d’un mutant non

variété assez ironiquement baptisée  Sauteur

fonctionnel. L’impact de la perte de RORB sur

d’Alfort.

la locomotion avait d’ailleurs déjà été observé par le passé chez des souris, les spécimens

Après la guerre, le Sauteur d’Alfort sombra

dépourvus de cette protéine adoptant une

dans l’oubli, pour être finalement redécouvert

démarche dite en dandinement de canard. Au

dans les années 1990, et cette espèce est désor-

final, il semble que chez ces deux espèces,

mais un objet d’étude pour les scientifiques qui

RORB joue un rôle clé dans la synchronisation

tentent de comprendre le phénomène de loco-

de la contraction des muscles entre membres

motion chez les vertébrés. Quatre-vingt cinq ans

postérieurs et antérieurs lors de la locomotion.

après leur découverte, il semble que le mystère de ces lapins acrobates ait enfin été résolu par des équipes de recherche distribuées entre la Suède et le Portugal. Les scientifiques ont passé en revue le patrimoine génétique d’une cinquantaine de lapins issus de la même lignée (dont une dizaine se déplaçait sur les pattes avant), et à l’origine de cette démarche si particulière, il·elle·s ont pu identifier un gène, et donc bien sûr une protéine. RORB (pour RAR-related orphan receptor β) est un facteur de transcription présent dans le noyau cellulaire. Sa mission est de jouer les intermédiaires entre les hormones et l’ADN, et ainsi de contrôler l’expression de certains gènes en fonction des messages chimiques reçus par la cellule. Jusque-là le rôle physiologique de cette protéine était mal connu, mais ces travaux

16

LE RAT QUI NE VOULAIT PAS MOURIR

Les rats-taupes nus, dits aussi hétérocéphales,

servent à forer les galeries et une peau nue,

sont des petits rongeurs d’Afrique de l’Est

rose et ridée.

qui vivent dans des colonies pouvant abriter quelques centaines d’individus et qui fascinent

Bref, le rat-taupe nu est moche comme un pou,

le monde scientifique à plus d’un titre.

certes, mais il possède des protéines de toute beauté :

Leur mode de vie déjà est tout à fait remar-

• Tout commence au moment de la fabrication

quable, puisqu’il s’agit d’une des seules

des protéines. Le rat-taupe nu est en effet doté

espèces de mammifères eusociaux, à savoir

d’un ribosome (la machinerie en charge de

que leur mode d’organisation social rappelle

fabriquer les protéines) de compétition, qui

celui observé chez les abeilles ou les fourmis.

va convertir l’ARN en acides aminés avec

Une reine unique est en charge de la reproduc-

une fidélité sans pareille. Des chercheur·se·s

tion, et les autres membres de la colonie vont

ont ainsi montré que les erreurs de traduction

se diviser entre ouvrières, nourrices, soldates et

lors de la synthèse protéique sont près de dix

quelques mâles reproducteurs.

fois moins nombreuses  chez le rat-taupe nu que chez des souris ordinaires. Ce qui limite

Leur habitat souterrain est à l’origine d’un

le nombre de protéines défectueuses dans la

physique un peu particulier  : de tout petits

cellule, qui peuvent elles-mêmes être à l’origine

yeux quasi atrophiés, d’énormes incisives qui

de diverses pathologies.

17

• La résistance aux cancers passe par plusieurs

tournent quant à elles au ralenti chez le rongeur

stratégies. Les suppresseurs de tumeur sont une

par rapport à d’autres espèces.

famille de protéines chargées de réguler le cycle cellulaire, et dont l’activité est souvent

L’acide hyaluronique, c’est une grosse ­molécule

déficiente dans les cellules cancéreuses (ce qui

(faite d’un enchaînement de disaccharides)

va faciliter leur prolifération). Chez les rats-

surtout connue du grand public, car elle est

taupes nus, les cellules où les suppresseurs de

utilisée en chirurgie esthétique en injection pour

tumeur ne fonctionnent plus vont être détectées

le comblement des rides. Elle contribue égale-

et entrer en sénescence, ce qui interrompt leur

ment à l’élasticité de la peau et entre dans la

division et donc la multiplication de cellules

composition des crèmes antirides.

potentiellement malignes. • Le rat-taupe nu possède également un suppres-

Sur le plan évolutif, cette production accrue

seur de tumeur qui lui est propre (alors que

d’acide hyaluronique chez le rat-taupe nu serait

d’autres sont communs à plusieurs espèces de

due à une adaptation de l’espèce à la vie souter-

mammifères), et qui semble avoir une activité

raine dans des galeries étroites. Mais il se trouve

accrue. Il est tout particulièrement produit par

qu’en enrobant les cellules, l’acide hyaluronique

ses cellules lorsque celles-ci sont soumises à des

possède aussi une activité anticancéreuse, car

contraintes externes (rayonnement UV, présence

il les empêche de s’agréger et entrave donc la

d’oncogènes) susceptibles de les faire évoluer en

formation de potentielles tumeurs. Et c’est ainsi

cellules cancéreuses.

que l’étude de ce petit rongeur au physique

• Enfin, notre indestructible rongeur possède

ingrat (et de ses protéines) ouvre de nouvelles

une hyaluronane synthase de compétition, c’est-

perspectives dans la lutte contre les cancers.

à-dire une enzyme capable de produire de l’acide hyaluronique à la surface des cellules.

On espère juste très fort que le secret de sa

Inversement, les enzymes chargées de la dégra-

longévité ne passe pas par l’adoption de son

dation de cette substance (les hyaluronate lyases)

look un peu particulier…

Une structure de la cellulose synthase, une enzyme proche de la hyaluronane synthase (pour laquelle il n’y a pas encore de structure disponible). Le domaine violet est inséré dans la membrane cellulaire et sert de canal pour la sécrétion de cellulose (ou d’acide hyaluronique) à la surface de la cellule.

18

DANS LE CACA DES CAPYBARA S Le capybara est un mammifère social d’Amé-

Cependant, il ne suffit pas d’être une star sur

rique du Sud, que l’on rencontre à proximité

les réseaux sociaux pour avoir les honneurs de

des cours d’eau (l’animal est excellent nageur)

cet ouvrage. En l’occurrence, si nous nous inté-

et qui possède la particularité d’être le plus gros

ressons au capybara dans ces pages, c’est à

rongeur connu. Avec ses 1  m de long et ses

cause de son système digestif très particulier.

50 kg, cette belle bête peut être élevée pour sa

Cet herbivore se nourrit principalement d’herbes

viande, ou bien domestiquée. Mais ce qui fait

aquatiques, de fruits et d’écorces d’arbres, mais

la popularité du capybara sur internet, c’est sa

comme tous les autres mammifères (humains

réputation de créature imperturbable en toutes

compris), il ne possède pourtant pas d’enzymes

circonstances.

capables de dégrader les fibres végétales. Leur

19

assimilation repose donc sur le travail de son

tant des capacités de dégradation accrues de

microbiote intestinal, c’est-à-dire l’ensemble des

matériaux cellulosiques (i.e. les fibres végétales

bactéries qui vivent dans ses entrailles, qui va

consommées par nos gros rongeurs). Cela

être sollicité lors de plusieurs cycles de régurgi-

grâce à une famille de protéines particulières,

tation et de remâchage des aliments, afin d’en

les CaZymes (Carbohydrate-active Enzymes),

extraire le plus de nutriments possible. Le capy-

pour lesquelles plus de 7  000 gènes ont été

bara est d’ailleurs coprophage, à savoir qu’il

identifiés. On est donc bien là en face d’une

peut également consommer ses propres excré-

arme de dégradation massive des végétaux.

ments, qui vont lui servir de source de bactéries

Cette armada d’enzymes présente une grande

pour enrichir sa flore intestinale.

variété de formes et de fonctions qui vont permettre de couper des liaisons au sein des

Récemment, des équipes de recherche brési-

molécules de cellulose. Parmi elles, CapGH173

liennes et françaises ont passé à la loupe le

(pour Capybara Glycoside Hydrolase 173) et

microbiote intestinal des capybaras, notamment

CapGH43-12 semblent être particulièrement

pour en savoir plus sur les enzymes à l’œuvre

efficaces. Les chercheur·se·s ont aussi identifié

lors de la digestion de leurs aliments. Ce travail,

une enzyme, CapCMB89 (CBM pour carbohy-

qui a nécessité l’analyse de selles fraîches pour

drate-binding module, soit module de fixation

en extraire des populations bactériennes, a ainsi

aux glucides), comportant un domaine à la

permis d’identifier des bactéries fréquemment

structure inhabituelle, composée d’une succes-

rencontrées chez les herbivores, ainsi que des

sion de feuillets β, et dont la fonction exacte

variants spécifiques aux capybaras et présen-

reste encore à élucider.

Trois protéines produites par le microbiote du capybara et qui l’aident à digérer ses aliments : CapGH173 (en magenta), CapGH43-12 (en cyan) et CapCBM89 (en vert)

20

Si ces équipes de recherche se sont ainsi

tielle encore mal exploitée. Notamment parce

amusées à aller dépiauter des selles de capy-

qu’il n’existe pour l’heure que peu de procédés

baras, ce n’est pas seulement pour l’amour de

permettant de dégrader celle-ci de manière effi-

la science (ha bon  ?), mais aussi parce que

cace. Et ces nouvelles CaZymes pourraient bien

les enzymes identifiées lors de cette étude

changer la donne.

présentent un intérêt industriel. En effet, la biomasse végétale (et notamment les déchets

Qui sait si les avancées énergétiques de

issus de la culture de la canne à sucre) repré-

demain ne sont pas cachées dans le caca

sente actuellement une source d’énergie poten-

des capybaras ?

21

Z E H C E S S U O SOIRÉE M S E L L I U O N E R LES G Plusieurs espèces de grenouilles tropicales

Si l’on se penche sur la composition du liquide

(qu’elles viennent d’Amérique du Sud, d’Afrique

produit par Mme Grenouille et à l’origine de

ou d’Asie du Sud-Est) possèdent l’étonnante

cette mousse miraculeuse, on trouve de l’eau et

capacité de fabriquer des nids en mousse pour

un cocktail de protéines (surprise !), que l’on a

abriter leur ponte. Au moment de l’accouple-

baptisée ranaspumine (en reprenant les racines

ment, la femelle va produire un fluide et le mâle

latines pour la grenouille, rana, et la mousse,

va monter en neige celui-ci en se servant de ses

spuma). Dans cette famille protéique, la ranas-

pattes arrière comme batteurs.

pumine-2 possède notamment des propriétés surfactantes, c’est-à-dire qui vont permettre la

Malgré son apparente fragilité, cette meringue

formation de la mousse lors du battage, remar-

un peu spéciale s’avère être un abri de choix

quablement efficaces. La concentration en ranas-

pour les œufs. La mousse est d’une grande

pumine dans le fluide moussant des grenouilles

stabilité mécanique, avec une résistance aux

est de l’ordre de 10 à 100 μg par litre, alors

déchirures accrue, tout en gardant une certaine

qu’il faut des concentrations 10 à 100 fois plus

souplesse. Elle reste en place plusieurs jours, le

importantes en albumine et en  lysozyme, qui

temps que les œufs éclosent, et garde ceux-ci au

sont les principales protéines trouvées dans le

bien chaud (ce qui favorise leur incubation). Les

blanc d’œuf, pour monter des blancs en neige.

nids de mousse résistent à la déshydratation, protègent les œufs des prédateurs et possèdent également des propriétés antimicrobiennes.

Pour la Saint-Valentin, M. Grenouille a pour habitude de proposer une petite mousse à Mme Grenouille, mais ça n’est pas ce que vous imaginiez…

22

verte de la mousse. Les chercheur·se·s qui se sont penché·e·s d’un peu plus près sur cette protéine ont obtenu de magnifiques cristaux d’un bleu intense. Leur étude a mis en évidence une structure quaternaire  formée de deux domaines protéiques associés via un atome de zinc. Sur le plan chimique, cette structure rappelle celle de l’indophénol, un colorant bleu utilisé notamment dans l’industrie textile et les teintures capillaires.

Aussi à l’aise dans l’eau qu’à l’interface eau/air, la ranaspumine-2 est un véritable petit Transformer protéique. Alors que la plupart des protéines ont évolué pour fonctionner en milieu aqueux, ou en étant insérées dans une membrane lipidique, la ranaspumine-2 semble s’être adaptée à l’interface eau/air. En solution, elle présente, comme ses petites camarades, un cœur hydrophobe et une surface hydrophile (en contact avec l’eau). Mais lors de la formation de la mousse, la protéine va s’ouvrir, un peu à la façon d’un coquillage, et l’extérieur hydrophile restera

Peu après l’apparition de la ranasmurfin dans leur phénotype, les grenouilles arboricoles de Malaisie ont également développé une excellente mémoire…

en contact avec l’eau tandis que son intérieur hydrophobe sera mis en contact avec l’air.

C’est donc tout naturellement que cette protéine s’est vue baptiser du doux nom de ranasmurfin

Combiné aux propriétés antimicrobiennes de la

(rana c’est toujours pour la grenouille, et smurf

mousse, ce détergent naturel, qui doit être non

c’est le nom anglais des célèbres petits person-

toxique pour les œufs qui se développent dans

nages bleus de Peyo !). En ce qui concerne les

le nid, est particulièrement intéressant pour la

grenouilles, on ne sait pas encore exactement

recherche médicale et pourrait par exemple

quelle fonction remplit la couleur bleu de la

être exploité pour le traitement de plaies.

ranasmurfin. La coloration pourrait tenir lieu de protection contre les UV, ou servir à mieux

Une seconde protéine, que l’on trouve dans les nids des grenouilles arboricoles P. leucolystax en Malaisie, est à l’origine d’une coloration bleue/

camoufler le nid au milieu de la végétation.

23

X U A D R A F A C LE L A T S I R C E D S E ENTRAILL Entre répulsion et fascination, les cafards (ou

Hawaï, possède la particularité (unique chez

blattes) occupent une place toute particulière

les cafards, et très rare chez les insectes)

dans notre imaginaire collectif. Arrivés sur terre

d’être vivipare. Au lieu de pondre des œufs

il y a environ 355 millions d’années (alors que

comme ses congénères, Madame Diploptera

les premiers hominidés n’ont pointé le bout

va directement donner naissance à des jeunes

de leur nez qu’il y a 7 millions d’années), les

qui se seront préalablement développés dans

cafards survivront probablement à l’humanité,

son abdomen. C’est ce même abdomen

notamment grâce à leur résistance remarquable

qui a attiré l’attention de biochimistes il y a

au manque de nourriture ou aux radiations

quelques années, car il semblait rempli de

(mais pas au point de survivre à une explo-

petits cristaux qui forment comme des pail-

sion nucléaire). De ce point de vue, les cafards

lettes lors de leur extraction.

ont pas mal de choses en commun avec les tardigrades, mais pas la mignonnitude, hélas.

Quand on trouve des cristaux dans les entrailles d’un organisme vivant, il s’agit le plus souvent d’urée, ou d’autres produits du processus digestif. Mais dans ce cas précis, un passage aux rayons X a permis de montrer qu’il s’agissait de protéines. Ce qui est d’autant plus surprenant que les protéines cristallisent rarement d’elles-mêmes in vivo, une des raisons pour lesquelles la détermination de leur structure par cristallographie est encore loin d’être triviale. En l’occurrence, l’obtention de la structure des protéines constitutives de ces cristaux s’est avérée être particulièrement difficile, et a nécessité plusieurs années de travail et le recours à des méthodes de pointe. Finalement, en 2016, une collaboration internationale (qui regroupait des chercheur·se·s travaillant au Canada, en France, en Inde, au

Sur les quelque 6  000 espèces de blattes

Japon et aux États-Unis) a réussi à percer le

connues à travers le monde, Diploptera

secret de ces cristaux tout bios. Les protéines qui

punctata, que l’on rencontre dans la zone

les composent sont apparentées aux lipocalines,

du Pacifique s’étendant de l’Inde jusqu’à

une famille de protéines dédiées au transport

24

de petites molécules hydrophobes (comme des

calorique tout à fait remarquable (à poids égal,

lipides), et parmi lesquelles on rencontre notam-

il est trois fois plus nutritif que le lait de buffle,

ment les OBP, qui sont en charge d’acheminer

un des laits les plus riches connus), ce qui ouvre

les molécules odorantes jusqu’à nos neurones

des perspectives nouvelles de recherches dans

olfactifs. Nos protéines de cafard présentent

le domaine des compléments alimentaires. Un

une structure similaire (un petit tonneau en feuil-

des objectifs actuels reste néanmoins de trouver

lets β où la molécule transportée va se loger)

un moyen de produire ce super-mélange d’une

sur laquelle sont venus en plus se greffer des

manière un peu plus efficace et ragoûtante

groupements chimiques de type sucre (on parle

(via des organismes génétiquement modifiés,

alors de glycoprotéine).

ou via un procédé synthétique) qu’en écrasant simplement le ventre des blattes. Quoi qu’il en soit, cette découverte vient ajouter de l’eau au moulin de celles et ceux qui voient dans les insectes l’avenir de l’alimentation humaine.

Structure d’une des protéines extraites des entrailles de Diploptera punctata. La protéine (en vert) est associée à des groupements de type sucre (en orange) et un lipide (en violet) dans sa cavité centrale.

Le mélange pailleté extrait des tripes de notre cafard contient également des lipides, et l’ensemble constitue une substance nutritive produite par Mme Diploptera pour nourrir sa progéniture. Ce lait de cafard semble avoir une teneur

2

SOUS L’OCÉAN

26

LES PROTÉINES ANTIGEL, UNE PETITE LAI NE POUR LES POISSONS Le vivant possède la faculté fascinante de se

de sécurité autour de celui-ci. Telles une armée

développer dans des conditions extrêmes qui

de petits gardes du corps, elles empêchent ainsi

pourraient sembler insoutenables aux pauvres

d’autres molécules d’eau de le rejoindre et le

organismes tempérés que nous sommes, et les

cristal de grossir.

protéines sont toujours aux premières loges pour l’assister dans cette entreprise. C’est ainsi que les sources hydrothermales découvertes au fond des océans il y a près d’un demi-siècle, et où l’eau peut atteindre plus de 300 °C en jaillissant, abritent tout un écosystème d’organismes thermophiles, voire hyperthermophiles, qui se sont spécifiquement adaptés à la vie à haute température. On soupçonne d’ailleurs les premiers organismes vivants, d’avoir vu le jour (enfin plutôt la nuit, puisqu’il y règne une obscurité complète) dans cet environnement très particulier. À l’autre bout du spectre thermal, on trouve les organismes psychrophiles, qui ont élu domicile dans les environnements (très) froids  : mers polaires, où la température est inférieure à 5 °C,

On trouve des protéines antigel dans de

abysses (sans sources pour réchauffer l’am-

nombreuses espèces, poissons, plantes ou

biance cette fois) ou glaciers. Ces organismes

insectes, et celles-ci peuvent aussi présenter une

passionnent également les chercheur·se·s, car

grande variété de structures, en hélices  α ou

ils ont développé une catégorie de protéines

en solénoïdes  β (où les feuillets  β s’enroulent

bien à eux, les protéines antigel, dites aussi

eux-mêmes en hélice, comme dans l’exemple

AFPs (pour Anti Freeze Proteins). Comme leur

en rouge de la figure plus haut). Elles repré-

nom l’indique assez clairement, les AFPs ont

sentent donc un exemple frappant d’évolution

pour mission d’empêcher la croissance à l’in-

convergente, où des espèces distinctes, mais

térieur des cellules de cristaux de glace qui

soumises à des contraintes environnementales

pourraient détériorer celles-ci en déchirant la

similaires (résister au froid et au risque de dété-

membrane cellulaire. Lorsqu’un petit cristal de

rioration de cellules associé) ont développé

glace apparaît, les AFPs vont former un cordon

indépendamment des réponses semblables.

27

effet décidé d’introduire des protéines antigel de la loquette (un poisson vivant dans les eaux froides de l’Atlantique nord) dans une de ses crèmes glacées, afin d’y éviter la formation de cristaux de glace (les petites paillettes qui nuisent à l’onctuosité de la crème quand celle-ci a été un peu trop décongelée puis recongelée).

Quatre exemples de protéines antigel issues d’une puce des neiges (en vert), de la plie (en bleu), du hareng (en violet), et d’une chenille de l’épicéa (en magenta). Les résidus de type thréonine (ici représentés sous forme de sphères) situés à la surface de ces protéines leur permettent de se fixer aux cristaux de glace en formation.

Les AFPs ouvrent aussi de nombreuses perspectives en biotechnologies, que ce soit pour améliorer la résistance au froid d’un organisme, le stockage à basse température de tissus vivants

Mais que les gastronomes se rassurent, le

(par exemple en attente d’une greffe), mais aussi

poisson ne figure pas dans la liste des ingré-

l’amélioration de la durée de vie des produits

dients nécessaires pour préparer la crème

surgelés. C’est d’ailleurs dans l’agroalimentaire

glacée, puisque la protéine utilisée est inté-

que les protéines antigel ont récemment connu

gralement produite par une levure génétique-

leur heure de gloire. Le géant Unilever a en

ment modifiée.

La maman des poissons, elle est peut-être bien gentille, mais elle vérifie toujours que ses rejetons sont correctement couverts avant de sortir.

28

DES PROTÉINES QUI EN BAVEN T Les sécrétions biologiques animales sont souvent

baveux, que tout parent est un jour amené à

riches en protéines, c’est par exemple le cas de

faire à sa progéniture souffrante…

la salive des chauves-souris vampires (à découvrir au chapitre  3) qui contient des protéines

Dans notre salive il y a également des mucines,

anticoagulantes. Mais c’est également le cas de

de grandes glycoprotéines qu’on trouve dans les

notre propre salive, qui contient plus d’un millier

mucus, c’est-à-dire dans les sécrétions visqueuses.

de protéines différentes. Si bien qu’on envisage

Elles servent notamment à empêcher les bactéries

désormais de remplacer les prises de sang par

d’adhérer à nos dents et nous protègent donc des

des tests salivaires pour accéder à un certain

caries. Plus généralement, de nombreux animaux

nombre de paramètres physiologiques.

sécrètent du mucus (les amphibiens, les escargots et les poissons), mais le plus surprenant d’entre

Parmi les protéines salivaires, on trouve des

tous est probablement celui de la myxine.

enzymes chargées de dégrader nos aliments (comme les protéases qui s’attaquent aux proté-

Les myxines sont une famille d’animaux aqua-

ines, ou l’amylase, qui s’occupe de digérer

tiques allongés et ressemblant vaguement à

l’amidon de notre pain quotidien), et aussi des

des anguilles, sauf qu’elles sont dépourvues

anticorps divers et variés qui lui confèrent des

de colonne vertébrale, ce qui leur confère la

propriétés désinfectantes. Mais j’ignore si cet

faculté de faire des nœuds avec leur corps.

aspect est à l’origine de la légende du célèbre bisou magique, qui est souvent aussi un bisou

Les myxines ne possèdent pas de mâchoire non plus, ce qui ne les empêche pas d’arborer quatre rangées de dents pointues du plus bel effet.

29

Si on voulait être sympa, on pourrait dire que les myxines ne sont pas moches. C’est juste qu’elles n’ont pas un physique facile

Du coup on comprend mieux pourquoi en

Et c’est comme ça qu’en 2017, une autoroute

anglais on les appelle des Hagfish (soit le

d’Oregon s’est retrouvée noyée sous le mucus

Poisson vieille sorcière…)

après qu’un camion transportant des myxines se soit renversé sur la chaussée.

Mais ce qui leur vaut les honneurs de cet ouvrage, c’est le mucus qu’elles produisent via

Tout répugnant qu’il soit, le mucus de myxine

les 150  pores disséminés sur tout le corps et

fait la joie des chercheur·se·s de la Navy améri-

qui leur sert de défense contre les prédateurs.

caine, qui ont tenté de le reproduire en isolant

En effet, lorsqu’elles sont attaquées, les glandes

ses deux protéines constitutives, et en intégrant

visqueuses de la myxine vont expulser des fibres

les gènes codant ses protéines dans des bacté-

sèches de mucines, qui vont immédiatement

ries. Côté applications, les idées ne manquent

hydrater, énormément gonfler (5 g de mucine

pas, puisque le gel ainsi formé pourrait servir

aboutissent à la formation de 20 l de mucus) et

de couche protectrice pour les plongeurs (ce qui

former un matériau remarquablement visqueux

explique les recherches militaires), de bio-alter-

et résistant. On passe alors en une fraction

native au Kevlar, mais aussi d’alternative à la

de seconde de petites pelotes de protéines de

gélatine traditionnelle (faite à base de collagène)

100  μm de diamètre, à des fibres de 10  cm

qui nécessite d’être chauffée pour se gélifier.

de long. Le mucus ainsi produit va obstruer la bouche et les ouïes du prédateur qui s’empresse

Bref, devant ce drôle d’animal, ne faites pas la

alors de recracher ce casse-dalle récalcitrant (et

fine bouche, car il n’est pas impossible qu’un

franchement dégueu, il faut bien le dire).

jour la bave de la myxine atteigne votre cuisine !

30

QUAND LES HO LOTURIES ONT UN COUP DE MOU Les holoturies, plus connues sous le nom de

Malgré leur apparence inoffensive, les

concombres de mer, sont des animaux marins

concombres de mer présentent tout un arsenal

de la famille des échinodermes (où l’on trouve

de techniques de défense plus ou moins fantai-

également les étoiles de mer et les oursins) et que

sistes, à savoir :

l’on retrouve dans toutes les mers du monde, de

• l’émission de toxines, qui vont décourager

la surface aux abysses. Comme leur sobriquet

nombre de prédateurs ;

l’indique clairement, les holoturies ont un corps

• la bioluminescence ;

mou et allongé, qui peut néanmoins arborer des

• l’éviscération, l’holoturie va expulser ses

formes et des couleurs variées, tout en restant

organes internes par l’anus (ce qui va couper

invariablement assez moches, il faut bien le

l’appétit du prédateur ?), après quoi il lui faudra

reconnaître. Mais ça n’empêche pas plusieurs

vivre au ralenti quelques semaines, le temps que

espèces d’être des mets appréciés, notamment

de nouveaux organes soient régénérés ;

dans la cuisine asiatique (soit dit en passant, le

• l’émission de tubes de Cuvier : soit des petits fila-

premier être humain à s’être demandé quel goût

ments gluants qui vont immobiliser son agresseur ;

cette bestiole pouvait bien avoir, et à l’avoir

• le durcissement, le corps de l’holoturie peut

cuisinée, a droit à toute mon admiration).

se rétracter, ce qui va permettre à l’animal de devenir dur comme la pierre. Ce sont ces deux dernières stratégies qui nous intéressent et qui valent à l’holoturie l’honneur de figurer dans cet ouvrage. En effet, les tubes de Cuvier comme le corps du concombre de mer peuvent changer de propriétés mécaniques car ils sont constitués d’une fibre composite à base de protéines, le Mutable Collagenous Tissue (MCT), donc la consistance peut varier sur des intervalles de temps courts (de quelques dizaines de secondes à quelques minutes). On distingue en général trois états pour le MCT  : mou, standard ou rigide. Le passage d’un état à l’autre peut être contrôlé par l’environnement de l’animal. Ainsi, un morceau de derme d’holoturie plongé dans de l’eau de mer standard comprenant des ions calcium

31

diverses protéines qui peuvent être exprimées de manière variable par l’animal selon qu’il est en situation de stress ou non. Celles-ci ont justement pour mission de moduler les interactions entre les fibres de collagène, et donc la flexibilité du MCT. Parmi ces protéines modulatrices, on trouve par exemple la tensilin, qui a pour mission de faire passer le MCT de l’état mou à l’état standard, et le NSF (New Stiffening Factor, soit le nouveau facteur de rigidification), qui se charge du passage à l’état rigide. À l’opposé, la softenin sert quant à elle à ramollir le MCT en empêchant l’interaction entre les fibres de collagène. Si les holoturies fascinent tant les chercheur·se·s, c’est bien sûr parce qu’une meilleure compré(Ca ) sera dans son état standard. L’ajout d’ions

hension du fonctionnement du MCT ouvre des

potassium (K ) entraînera un passage vers l’état

perspectives en termes de biotechnologies, pour

rigide, et si au contraire on supprime le calcium

la production de matériaux intelligents dont les

on observe une transition vers l’état mou.

propriétés mécaniques peuvent être modulées à

2+

+

volonté. Mais aussi parce qu’elle nous permetL’état du MCT peut également dépendre de sa

trait de mieux comprendre certaines patholo-

composition. Dans celui-ci, on trouve bien sûr

gies humaines associées à des anomalies dans

des fibres de collagène, dont on vous parlera

les fibrilles de collagène, comme le syndrome

plus en détail au chapitre 4, mais également

d’Ehlers-Danlos.

32

LES LIMACES FO NT BRONZETTE

Et au début était la lumière…

Comment ça marche la photosynthèse ?

Tous les organismes vivants ont besoin d’un

C’est un processus en plusieurs étapes, qui se

apport d’énergie extérieur. Pour de nombreux

déroule au niveau d’une membrane cellulaire.

êtres vivants (dont les êtres humains), cet apport

• Captation de la lumière  : l’énergie de la

repose sur la consommation de molécules

lumière est absorbée par une protéine ancrée

organiques (c’est-à-dire à base de carbone)

dans une membrane cellulaire. Plus précisé-

synthétisées par d’autres. On parle alors d’or-

ment au niveau d’une petite molécule, ou

ganismes hétérotrophes. Bien évidemment,

cofacteur, portée par cette protéine et qu’on

cette stratégie ne fonctionne que parce que

qualifiera de pigment (comme la chlorophylle,

d’autres organismes, les autotrophes, sont

qui donne leur belle couleur verte aux végé-

capables quant à eux de synthétiser ces mêmes

taux). La petite quantité d’énergie ainsi récu-

molécules organiques grâce à un apport exté-

pérée va mettre en mouvement un électron,

rieur d’énergie. En pratique, les principaux

qui pourra alors se déplacer en sautant d’un

autotrophes, qui constituent l’un des points

cofacteur à l’autre.

de départ de la chaîne alimentaire, sont les

• Gradient de protons : le déplacement des

plantes (dotées de chlorophylle) et certaines

électrons permet de créer un déséquilibre

bactéries. Les hétérotrophes, qui exploitent

dans la répartition des protons. Ceux-ci sont

l’énergie des autotrophes, ne représentent pour

en effet attirés par les électrons et vont donc

leur part que moins de 10 % de la biomasse

les suivre dans leur déplacement. In fine, on

totale sur Terre.

se retrouve donc avec plus de protons d’un côté de la membrane que de l’autre.

Il existe plusieurs sources d’énergie non

• F-ATPase : le déséquilibre de concentration

biologiques. Cet apport extérieur peut être

des protons est utilisé par la F-ATPase (ou ATP

chimique, comme dans les sources hydro-

synthase), une enzyme qui ressemble un peu à

thermales, où des molécules organiques sont

un gros moulin à poivre que l’on aurait planté

produites de manière abiotique, c’est-à-dire

dans la membrane cellulaire. Le passage des

sans intervention d’un organisme vivant. Cette

protons d’un côté de la membrane à l’autre

option est intéressante car elle pourrait avoir

fait tourner un des domaines de la F-ATPase

contribué à l’apparition de la vie sur Terre,

et cette rotation est couplée à la fabrication

mais elle est aujourd’hui ultra-minoritaire dans

d’ATP (pour Adénosine Tri-Phosphate), une

le vivant. Désormais les organismes photosyn-

petite molécule qui est souvent considérée

thétiques, qui tirent leur énergie de la lumière,

comme étant l’unité de stockage d’énergie

représentent la majorité des autotrophes.

de la cellule.

33

Dans la F-ATPase, le premier domaine moteur (en bleu), ancré dans la membrane cellulaire (en gris), est activé par un flux de protons. Ce mouvement va entraîner la rotation du second domaine moteur (en rose), qui va convertir les molécules d’ADP en ATP. Ce processus est inversé dans des protéines voisines, les ATPases, où cette fois c’est la conversion d’ATP en ADP qui met en mouvement le second domaine moteur. Ce qui entraîne la rotation du premier domaine moteur et le passage d’un flux de protons dans la membrane cellulaire. Ce phénomène va notamment servir à faire rentrer ou sortir des ions de la cellule. (Figure de David Goodsell pour la PDB, https://pdb101.rcsb.org/motm/72)

34

Si la photosynthèse est un processus caracté-

tales où se produit la photosynthèse. Cela

ristique du monde végétal, certains animaux

va leur permettre d’utiliser l’énergie solaire

ont trouvé un moyen original de se nourrir

à leur profit, et ce parfois pendant plusieurs

en le détournant. Ainsi, quelques espèces de

semaines.

limaces marines, comme Elysia chlorotica, mangent des algues et récupèrent leurs plas-

Elles pourront donc se nourrir en faisant la

tides, qui sont les éléments des cellules végé-

sieste au soleil, le rêve !

Pour certaines limaces, le concept de bronzette prend un sens bien particulier…

35

S E N I É T O R P S LE S E T N E C S E N I M BIOLU T N A V I V E L T N E ILLUMIN La bioluminescence (à ne pas confondre avec la

• Répulsion, certaines espèces de calamars

fluorescence et la phosphorescence) désigne la

et crustacés vont expulser un mélange biolu-

production de lumière (le plus souvent jaune ou

minescent afin de repousser les attaques des

verte) par des organismes vivants. Sur terre, ce

prédateurs, un peu à la manière de l’encre

phénomène est surtout restreint aux lucioles et

des pieuvres (mais en mode very bad trip

vers luisants et à quelques champignons. Mais

sous LSD), ce qui va leur permettre de prendre

en mer, il concerne près de 75 % des espèces

la fuite.

sous-marines, et on le rencontre donc fréquem-

• Attraction, la lumière produite par un animal

ment chez les méduses, les poissons, les crus-

peut servir à attirer des partenaires (comme

tacés, les céphalopodes et un grand nombre

chez les lucioles), mais aussi leurrer des proies

d’organismes microscopiques. La biolumines-

potentielles. C’est le cas chez la baudroie des

cence peut être produite par l’animal même

abysses, ce poisson très moche rencontré par

ou par des bactéries vivant en symbiose avec

exemple dans Le Monde de Némo, et qui porte

celui-ci, et va remplir des fonctions diverses :

un organe lumineux au-dessus de sa tête.

• Camouflage, certains poissons ont une face ventrale lumineuse, ce qui évite que leur

Et comme on peut s’en douter, si ce phénomène

silhouette sombre ne soit repérée par des

fait l’objet d’un chapitre de ce livre, c’est qu’à

prédateurs nageant en dessous d’eux.

sa source on trouve bien sûr des protéines !

36

À l’heure actuelle, les deux plus connues sont

(un peu à la manière des limaces photosyn-

les luciférases, une famille d’enzymes que l’on

thétiques du chapitre précédent).

trouve chez les lucioles, mais aussi des poissons, des méduses, des champignons ou des

Que ce soit pour les luciférases ou l’aequorine,

bactéries, et l’aequorine, qui a été isolée chez

la lumière émise par la protéine provient d’une

la méduse A. victoria. Les luciférases (et leur

série de réactions chimiques qui ont lieu au

substrat, la luciférine) ont été ainsi nommées

cœur de l’enzyme. Dans le cas des luciférases,

au début du

  siècle par le médecin fran-

ces réactions impliquent la consommation d’une

çais Raphaël Dubois, non pas parce qu’il

molécule d’ATP, tandis que pour l’aequorine

voyait dans ce phénomène une quelconque

elles mettront en jeu des ions Ca2+. C’est ainsi

origine démoniaque, mais parce qu’il voulait

que ces protéines peuvent être exploitées en

souligner l’aspect porteur de lumière de

imagerie médicale, pour doser l’ATP ou le

la protéine. Dans les années cinquante, la

calcium dans un organisme. Mais elles sont

luciférase de la luciole fut ensuite isolée et

également une source d’inspiration pour les

cristallisée par Arda Green. La majorité des

biotechnologies, et des entreprises envisagent

organismes bioluminescents produisent des

par exemple d’utiliser des microorganismes

luciférases, mais on a également observé de

bioluminescents ou des plantes génétiquement

la kleptoluminescence chez le Parapriacan-

modifiées pour l’éclairage des lieux publics.

xx

e

thus, un petit poisson de l’océan Indien qui se contente de récupérer de la luciférase chez les

Décidément, les protéines n’ont pas fini de nous

petits crustacés qui forment son alimentation

éblouir !

Dans le vivant les protéines bioluminescentes arborent des formes et des tailles variées : luciférase de la luciole (en vert), nanoluciférase de la crevette O. gracilirostris (en violet) et aequorine de la méduse A. victoria (en orange, la coelentérazine où se déroule la réaction chimique est dessinée en bleu).

37

, S E N I L L A T S I R LES C S E L Z E D R A G E R !   X U E Y S E L DANS Comme on peut aisément le deviner, les cristal-

caractéristiques de certains groupes d’espèces.

lines sont présentes dans le cristallin, la lentille

Ainsi, on trouve des cristallines α, β et γ chez les

naturelle de l’œil placée derrière l’iris et dont la

vertébrés, les classes β et γ présentant une struc-

mission est de faire converger les rayons lumi-

ture en feuillets. Chez les oiseaux et les reptiles,

neux sur la rétine. Si l’on parle de cristallines au

on trouve également des cristallines de type δ

pluriel, c’est qu’il s’agit cette fois d’un groupe

qui arborent, elles, de magnifiques hélices.

très large de protéines pouvant présenter des structures secondaires et tertiaires variées

La dénaturation au fil du temps des cristallines

(contrairement aux opsines que l’on trouve dans

(notamment sous l’effet des UV) va entraîner

la rétine, et qui ont toutes une structure similaire,

l’opacification du mélange eau-protéines du

avec sept hélices α ancrées dans une membrane

cristallin qui caractérise la cataracte. Le cristallin

cellulaire). Les classes de cristallines sont dési-

peut alors être enlevé lors d’une opération, où il

gnées via des lettres grecques, et sont parfois

sera remplacé par une lentille artificielle.

On le sait peu, mais le romantisme des calmars a beaucoup inspiré le cinéma français…

38

La composition du mélange de cristallines

réseau dense de S-cristallines, qui vont progres-

présent dans le cristallin va déterminer son

sivement s’écarter les unes des autres quand on

indice de réfraction, c’est-à-dire la façon dont

se dirige vers la périphérie. Ces S-cristallines

les rayons lumineux qui le traversent vont être

présentent un cœur bien structuré, et avec à sa

déviés. Chez le calmar, qui possède, lui, un

surface des boucles désordonnées de longueur

cristallin sphérique et non en forme de lentille

variable que l’on peut voir comme autant de

comme chez les humains, cet indice de réfrac-

bras chargés de maintenir les autres protéines à

tion varie continûment au fur et à mesure que

distance. Les S-cristallines à petits bras (boucles

l’on s’éloigne de son centre. Ce qui fait du cris-

courtes ou même absentes), qui peuvent donc

tallin du calmar une lentille parfaite et donnant

rester proches les unes des autres, sont alors

des images d’une grande netteté et sans aber-

majoritaires dans la composition du mélange

ration (les déformations de l’image qui peuvent

au centre du cristallin. Sur les bords, le mélange

justement être dues à un défaut de la lentille).

contient une plus grande proportion de S-cris-

Cette variation de l’indice de réfraction vient

tallines à grand bras (boucles longues) qui

du fait que la densité et la composition du

éloignent leurs voisines et rendent ainsi la solu-

mélange de cristallines varient elles aussi dans

tion eau + protéines moins dense et son indice

le cristallin. Au centre de celui-ci, on trouve un

de réfraction plus faible.

39

R E M A L E D S LES DENT S E R I A N E T N E C ÉTAIENT Parmi les géants maritimes, le requin du Groen-

telle analyse n’est pas réalisable sur leurs tissus

land reste une espèce mal connue du grand

mous. Il a donc fallu ruser pour déterminer la

public. La faute sans doute à sa localisation (il

longévité des requins du Groenland, et au final

fréquente les eaux polaires de l’Arctique) et un

la solution était juste sous nos yeux.

physique pas des plus avantageux : un gros nez, une bouche un peu béante et des petits yeux sur

Ou plutôt, dans leurs yeux.

lesquels pendouillent des parasites bioluminescents du plus bel effet. Pour couronner le tout,

Dans les yeux des requins, comme dans les

sa chair contient une neurotoxine qui la rend

nôtres d’ailleurs, on trouve des cristallines, ces

immangeable sans une longue préparation

protéines qui servent à faire du cristallin une

préalable, ainsi qu’une grande quantité d’urée

lentille naturelle, et dont nous avons déjà parlé

(une molécule qui permet aux animaux marins

dans les pages précédentes. En plus de leur

qui évoluent dans les profondeurs de réguler leur

structure tout à fait remarquable, qui comprend

flottabilité), ce qui lui a valu le doux sobriquet

un cœur replié entouré de boucles désordon-

de requin-pipi… Ce qui finalement est à peine

nées, les cristallines possèdent la particularité

pire que le nom latin de l’espèce Somniosus

d’échapper au grand cycle de la vie protéique.

microcephalus, soit le requin à petite tête.

En effet, dans la cellule, les protéines sont régulièrement dégradées (via l’ubiquitine) et leurs

Bref, notre pauvre requin a tout pour plaire. Jusqu’à récemment, le plus grand mystère qui entourait cette espèce était sa longévité. Sachant que l’animal peut mesurer de 3 à 7  m de long, et que sa croissance n’est que de quelques centimètres par an, on se doutait bien que l’animal pouvait vivre longtemps, mais longtemps comment ? En temps normal, pour évaluer l’âge d’un poisson, on s’appuie sur une analyse de sa structure osseuse, en analysant les différentes couches à la manière des cernes annuelles observées dans les troncs d’arbres. Le souci c’est que les requins sont des poissons cartilagineux, dépourvus d’os solides, et qu’une

composants sont ensuite recyclés pour fabriquer

40

de nouvelles protéines selon les besoins cellu-

C’est ainsi que le requin du Groenland a

laires du moment. Mais entre les cristallines et

remporté la palme du vertébré à la longévité la

nous, c’est à la vie, à la mort. Ce qui signifie

plus importante, écrasant au passage un record

qu’au centre de l’œil, les cristallines ont été

détenu par la baleine boréale et ses deux petits

formées au moment du développement prénatal

siècles d’ancienneté. L’équipe de recherche a

et ont très exactement l’âge de leur proprié-

également montré que l’espèce n’atteindrait sa

taire. Cette particularité a été exploitée par

maturité sexuelle que vers l’âge déjà canonique

une équipe de recherche danoise, qui a réalisé

de 150  ans (quand les spécimens mesurent

des datations au carbone 14 sur les protéines

environ 4 m), ce qui pose des problèmes pour

contenues dans le noyau du cristallin d’une

sa survie, vu que des requins sont régulièrement

petite trentaine de spécimens de tailles variées

capturés accidentellement avant d’avoir atteint

et prélevés lors de missions au Groenland. Les

cette taille et donc d’avoir pu se reproduire. Qui

données montrent une corrélation entre la taille

plus est, l’extraordinaire longévité de l’espèce

des requins et l’âge de leurs protéines, et le

intéresse tout particulièrement les scientifiques

spécimen le plus ancien (une femelle de 5 m de

qui se penchent sur les problèmes de vieillisse-

long) semble être âgé de près de 400 ans (plus

ment, et c’est ainsi que notre requin est passé

ou moins un siècle) !

des grands fonds marins aux feux de la rampe !

Fun fact : la légende dit même que Steven Spielberg préparerait un documentaire sur une mamie requin âgée de 400 ans…

41

, S E N I T C E L F É R LES S E V I T R U F S E N PROTÉI On sait déjà que les calmars ont de beaux yeux

Enfin, les tissus réflectifs hébergent des cellules

grâce aux cristallines, mais on peut également

dites iridophores, qui contiennent des structures

s’extasier sur leurs facultés de camouflage

en plaquettes formées d’une famille de protéines

hors du commun et leur capacité à changer de

spécifiques aux céphalopodes, les réflectines.

couleur à volonté.

Ces protéines qui ont été découvertes il y a moins de vingt ans chez une espèce de calmar hawaïen

Cet art du déguisement à nul autre pareil, les

ont la capacité de s’auto-organiser en couches

calmars (mais aussi les autres céphalopodes

présentant des indices de réfraction différents.

comme les pieuvres et les seiches) le doivent

Or l’indice de réfraction, c’est ce qui détermine

à leurs tissus réflectifs aux multiples pouvoirs.

le comportement de la lumière dans un milieu

Chez certaines espèces, ces tissus hébergent

et notamment sa déviation lorsqu’elle va péné-

des bactéries bioluminescentes, Vibrio fischeri,

trer celui-ci. En jouant sur l’indice de réfraction

qui vivent en symbiose avec le calmar. Et celui-ci

des couches de réflectines dans les iridophores,

est capable de moduler leur émission lumineuse

le calmar va pouvoir moduler la façon dont la

à sa guise. On y trouve également des cellules

lumière incidente sera réfléchie, et donc son

de type chromatophores, qui contiennent des

apparence. Ce qui est d’un intérêt certain quand

pigments, et dont la taille peut varier avec la

on veut se faire discret, que ce soit par rapport

contraction des muscles peauciers.

à des prédateurs ou à des proies potentielles.

42

Au niveau moléculaire, on en sait encore assez

mise au point de matériaux de camouflage. C’est

peu sur les réflectines. À l’heure actuelle, environ

ainsi qu’un groupe de chercheurs californiens a

une trentaine de séquences sont disponibles

mis au point un revêtement à base de réflectine

dans la base de données UniProt (qui regroupe

qui, lorsqu’il est soumis à un stimulus chimique,

toutes les séquences de protéines connues). Les

peut, de manière réversible, devenir invisible

réflectines déjà identifiées viennent de calmars

sous une caméra infrarouge. Une propriété

ou de seiches, et au sein d’un même organisme

appréciable lorsque l’on souhaite opérer discrè-

elles possèdent des séquences très proches, qui

tement de nuit. Plus récemment, des expériences

sont caractérisées par la répétition d’un motif

sur les réflectines in vitro ont permis de mimer

d’une vingtaine d’acides aminés. Malheureu-

le changement de couleur dynamique dans les

sement, on ne dispose pas encore de struc-

iridophores, qui serait dû à des changements

ture pour ces protéines, mais les expériences

dans la structure des assemblages de protéines.

semblent indiquer une coexistence entre des

Ces assemblages pouvant refléter et disperser

zones désordonnées (et qui peuvent donc faci-

la lumière de diverses façons.

lement changer de structure) et des feuillets β. Comme quoi la fameuse cape d’invisibilité de Les propriétés optiques uniques des réflectines

Harry Potter contenait peut-être un ingrédient

ont cependant suscité l’intérêt de l’armée améri-

inattendu !

caine, qui a entrepris de les exploiter pour la

3

LA TÊTE DANS LES NUAGES

44

LA GUERRE DES LÉPIDOPTÈ RE

S

Dans le vivant, la guerre entre proies et préda-

La guerre biologique contre les chenilles peut

teurs se fait souvent par protéines interposées.

également passer par l’utilisation de virus

Certaines espèces produisent des toxines qui

susceptibles d’infecter celles-ci. C’est par

ciblent des protéines, et d’autres voient leurs

exemple le cas de certains baculovirus (une

protéines évoluer pour résister au poison. Mais

famille de virus qui attaquent spécifiquement les

il arrive aussi que l’on observe des coalitions

arthropodes) qui sont commercialisés comme

inattendues entre des espèces ennemies.

biopesticides.

Les lépidoptères (le groupe d’insectes qui

Face à ces attaques, certaines espèces de

comprend les papillons et les mites) peuvent

papillons ont décidé de suivre l’adage De deux

souvent être victimes d’espèces parasitaires

maux il faut choisir le moindre, en forgeant une

(mouches ou guêpes), qui pondent leurs œufs

alliance avec la #TeamVirus. Une équipe d’en-

dans le corps des chenilles. Après éclosion, les

tomologistes japonaise a ainsi découvert que

larves de parasite vont se servir de la chenille

certaines chenilles présentaient une résistance

hôte comme garde-manger jusqu’à atteindre leur

accrue aux guêpes parasitaires lorsqu’elles

maturité. Si ce mode de développement semble

avaient été au préalable infectées par un ento-

assez peu ragoûtant, il est pourtant particulière-

mopoxvirus (un cousin de notre variole, mais

ment utile quand il s’agit de protéger certaines

spécifique aux insectes). Dans les chenilles

récoltes. Et c’est ainsi qu’une petite guêpe para-

infectées, le développement des larves de para-

sitaire a été exploitée comme outil de lutte biolo-

sites est fortement ralenti par rapport à celui

gique contre les insectes ravageurs de culture.

observé dans les chenilles saines. En creusant un peu plus, nos chercheur·se·s ont découvert que les chenilles infectées produisaient un ensemble de protéines (nommées PKF, comme Parasitoid Killing Factors, facteurs de mort des parasites) toxiques pour les guêpes parasitaires. Les recherches ont ensuite montré que ces PKF peuvent être produites par plusieurs espèces de virus, mais également par certains lépidoptères. Ceux-ci ont probablement acquis ce pouvoir de résistance via un transfert de gène d’un virus vers l’insecte, ce qui laisse supposer que cette alliance virus-papillon ne date pas d’hier et a une longue histoire évolutive.

45

répétition de domaines riches en cystéines, ce qui signifie qu’elles sont capables de découper l’ADN ou l’ARN. En pratique, l’injection de PKF aux larves de parasites va entraîner un phénomène d’apoptose, où les cellules se mettent en mode autodestruction.

Par contre on ignore toujours quel virus a bien pu infecter la chenille d’Alice au pays des merveilles…

Le domaine commun à toutes les PKF présente une séquence (et donc aussi probablement une structure) proche de cette endonucléase bactérienne.

Toutes les séquences de PKF identifiées ont en commun de présenter un domaine de type

Malheureusement pour nos papillons, les ententes

endonucléase (une enzyme qui peut découper

politiques sont souvent de courte durée et on n’est

l’ADN, comme le célèbre CRISPR-Cas9) et une

jamais à l’abri d’une trahison de ses alliés. En l’occurrence, l’infection par un virus ne garantit pas de protection contre toutes les espèces de parasites. Pire encore, dans certains cas il semble que la présence de PKF dans la chenille va favoriser le développement de larves d’une espèce de parasite au détriment des autres. De plus, il existe également des espèces de virus qui se sont quant à elles associées aux guêpes parasitaires en leur transmettant des protéines capables d’inhiber les défenses immunitaires des chenilles. Décidément dans le vivant, quand on joue à Game of Prots, il faut savoir rester vigilant à chaque instant !

46

DRACULINE, LA REINE DE LA NUIT

Ce chapitre sera consacré aux vampires.

de la blessure. Le repas dure une vingtaine de minutes durant lesquelles le vampire va prélever environ 20 g de sang, ce qui correspond à la moitié de son poids.

Les chauves-souris vampires regroupent les trois seules espèces de mammifères hématophages (qui se nourrissent exclusivement de sang). Ces animaux nocturnes, que l’on trouve en Amérique centrale et latine (du Mexique au Nord de l’Argentine), boivent principalement

La blessure infligée par le vampire est indolore,

le sang de gros mammifères, comme le bétail

et la salive de la chauve-souris contient tout

ou les chevaux, et peuvent également attaquer

un cocktail de molécules qui vont empêcher le

des cibles de taille plus modeste, telles que

sang de sa proie de coaguler. Le processus de

des chèvres, cochons ou moutons, voire même

coagulation met en jeu une succession de réac-

des oiseaux, et beaucoup plus rarement des

tions chimiques où sont impliquées plus d’une

humains. Comme ses congénères chauves-

quinzaine de protéines. Et dans la salive du

souris, le vampire se repère par écholocation,

vampire, on va trouver d’autres protéines qui

mais il est aussi doté d’un capteur infrarouge

vont interférer afin de ralentir ce processus :

dans le nez, qui va lui permettre d’identifier les

• La DSPA (Desmodus Salivary Plasminogen

zones les plus chaudes de leurs proies, là où les

Activator, dite aussi desmoteplase) est un acti-

vaisseaux sanguins passent le plus près de la

vateur de plasminogène. C’est-à-dire qu’elle est

surface de la peau. Une fois posé sur sa cible, le

responsable de la conversion du plasminogène

vampire va percer la peau de l’animal à l’aide

en plasmine, une protéine qui va détruire les

de ses incisives et laper le sang qui s’écoule

caillots de fibrine formés lors de la coagulation

47

(inversement, un déficit en plasmine dans l’or-

Si ce descriptif vous donne des sueurs froides,

ganisme peut induire des pathologies de type

il n’en fait pas moins la joie des chercheur·se·s.

thrombose).

Car ces deux anticoagulants sont extrêmement

• La Draculine est quant à elle une glycopro-

actifs, et pourraient être exploités dans le cadre

téine, ce qui signifie que les chaînes latérales de

de traitements pour des personnes ayant subi

certains de ses acides aminés (le plus souvent

une attaque cardiaque, une pathologie qui est

des asparagines, tryptophanes, sérines ou

justement induite par l’occlusion d’une artère

thréonines) ont été modifiées et portent désor-

suite à la formation d’un caillot de sang.

mais des groupements oligosides (des chaînes de sucre quoi). Son rôle est d’inhiber les facteurs

Comme quoi il ne faut pas se fier aux appa-

d’activation IX et X, deux autres protéines asso-

rences. De nos deux vampires, c’est le plus

ciées à la coagulation (et dont l’absence dans

moche qui pourra éventuellement faire le bien

l’organisme peut cette fois être à l’origine de

de l’humanité !

problèmes d’hémophilie).

Chaque année, pour Halloween, DSPA et Draculine sèment la terreur dans le voisinage (et récoltent plein de bonbons au passage).

48

LES CRYPTOCHR OMES NE SONT JAMAIS À L’OUEST Beaucoup d’espèces animales se servent des

ment été localisées dans les yeux des oiseaux et

variations du champ magnétique terrestre

des études ont montré que la magnétoréception

autour du globe (que ce soit son intensité ou

aviaire nécessite justement la présence de lumière

son inclinaison par rapport à l’horizontale)

bleue (présente en journée ou au clair de lune)

pour s’orienter sur des trajets qui représentent

pour fonctionner. Les recherches sur le CRY1 (un

parfois des milliers de kilomètres. Le phénomène

des membres de cette famille protéique) montrent

de magnétoréception est ainsi exploité par des

que la production de cette protéine dans la rétine

tortues marines, qui parviennent à retrouver

dépend du comportement migratoire de l’es-

leur plage de naissance après avoir traversé les

pèce considérée (qu’elle soit non migrante ou à

océans, les saumons, les abeilles, ou encore des

migration diurne ou nocturne). Qui plus est, un

espèces de papillons et d’oiseaux migrateurs.

autre de ces cryptochromes, CRY4, est présent à des niveaux constants chez les oiseaux au

Les origines de ce surperpouvoir ne sont pas

cours de la journée (alors que les autres variants

encore parfaitement comprises par les cher-

présentent de fortes variations sur 24 heures), et

cheur·se·s, et à l’heure actuelle, deux hypo-

il est surexprimé (c’est-à-dire produit de manière

thèses ont été formulées (qui ne sont pas forcé-

supérieure à la normale) chez le rouge-gorge à

ment incompatibles) :

la saison des migrations. Tous ces indices font

• Certaines espèces possèdent dans leur

donc de ces protéines d’excellentes candidates

organisme des nanocristaux de magnétite, un

au poste de boussole moléculaire.

oxyde de fer (produit par biominéralisation, cf. le chapitre 4) sensible au champ magnétique de son environnement. Ce matériau a ainsi été retrouvé dans le bec des pigeons domestiques ou encore chez certaines bactéries. • L’autre candidat pour expliquer la magnétoréception chez les animaux est une famille de protéines (what else?), les cryptochromes. Les cryptochromes sont des homologues des photolysases, des protéines chargées de réparer les dommages causés par les rayons UV dans l’ADN. Comme elles, les cryptochromes sont des photorécepteurs sensibles aux UV et à la lumière bleue, mais ils sont quant à eux impliqués dans le rythme circadien. Ces protéines ont égale-

Les cryptochromes occupent le haut du podium des courses d’orientation depuis déjà plus de quarante ans !

49

Reste à savoir comment ladite boussole fonc-

les rhodopsines (les protéines de la vision) et les

tionne. Chaque cryptochrome comporte en son

informations sur le champ magnétique externe

sein une flavine (dite FAD), une petite molécule

seraient alors intégrées dans le champ visuel

susceptible d’absorber la lumière bleue. Cette

des oiseaux.

absorption d’énergie, combinée à un déplacement d’électrons venant des acides aminés

Il reste encore beaucoup de choses à apprendre

voisins, va aboutir à la formation d’espèces

sur le fonctionnement de ce phénomène et

radicalaires (FAD• et FADH•) dites actives. Il

notamment s’il pourrait également être présent

s’agit d’espèces qui présentent des électrons

chez les humains. Une étude récente a ainsi

non appariés (célibataires) et dont l’espérance

mis en évidence que les ondes cérébrales

de vie (avant retour à un état inactif) est sensible

humaines pouvaient être influencées par le

au champ magnétique environnant, et notam-

champ magnétique environnant. Mais d’ici à

ment à ses variations (d’orientation et d’inten-

ce qu’on comprenne cet effet plus en détail, on

sité) lorsque l’oiseau bouge sa tête. Ce signal

vous déconseille fortement de partir à l’aventure

pourrait alors être associé à celui transmis par

sans carte et sans GPS !

Structure du CRY4 du pigeon : la flavine centrale (en orange) est activée lorsqu’elle est exposée à de la lumière bleue. La chaîne de résidus tryptophane et tyrosine dessinés en violet facilite l’apport d’électron et la formation des espèces radicalaires même en condition de faible luminosité (par exemple en cas de vol nocturne éclairé par la lune).

4

LES INCLASSABLES

52

Dans ce chapitre, on rencontrera des protéines qui ne rentraient dans aucune des catégories précédentes, mais dont on tenait tout de même à vous parler. Soit parce qu’elles sont très présentes dans notre vie quotidienne (mais vous ne le savez pas encore !), parce qu’elles sont produites par plusieurs espèces animales (comme les protéines de la biominéralisation, que l’on rencontre aussi bien chez les oiseaux que chez les crustacés), ou encore parce qu’on ne savait pas vraiment où ranger l’organisme qui les produit (les bactéries, on les case où ?).

53

T I A F N E N O , LA CASÉINE E G A M O R F N U TOUT La caséine, ou plutôt les caséines, puisqu’il

jus de citron dans le lait), ou lors de l’ajout de

s’agit en fait d’une famille protéique compre-

présure, un mélange de deux enzymes (chymo-

nant quatre membres distincts, représente la

sine et pepsine) qui provoque la coagulation du

grande majorité (82 %) des protéines trouvées

lait initiale lors de la fabrication d’un fromage.

dans le lait de vache. Il s’agit d’une protéine désordonnée, elle ne possède ni structure secon-

Mais cette protéine a connu également plein

daire ni structure tertiaire, et on peut donc l’ima-

d’autres types d’utilisations non alimentaires.

giner comme une petite boule de spaghettis

• Elle peut ainsi servir de ligand en peinture et a

entremêlés. Cette absence de structure est sans

été exploitée comme tel dès l’Antiquité romaine

doute frustrante pour les cristallographes, qui ne

pour réaliser des fresques sur les murs des

pourront jamais prendre que des photos floues

maisons. De nos jours, on peut toujours acheter

de notre protéine, mais elle est particulièrement

du liant à base de caséine chez les marchands

appréciable à l’heure du petit-déjeuner quand

de couleurs, qui servira pour la préparation

vous vous préparez un chocolat chaud. Contrai-

d’enduits ou de badigeons. Sachant que ce

rement aux autres protéines, qui perdent leur

liant forme une couche solide au séchage, il est

structure native (on dit qu’elles sont dénaturées)

par contre inadapté à des usages sur supports

sous l’effet de la chaleur, comme l’ovalbumine

souples comme la toile.

du blanc d’œuf qui va coaguler et s’opacifier

• Combinée au formol, la caséine permet de

lorsque vous cuisinez des œufs au plat, les

produire un matériau dur, breveté en 1897

caséines supportent très bien d’être chauffées.

sous le nom de  galalithe  (du grec  gala-le

Et c’est d’ailleurs cette propriété qui permet les

lait, et  lithe-la pierre). Ce polymère fut utilisé

traitements de type UHT (Ultra Haute Tempéra-

à l’échelle industrielle jusque dans les années

ture, soit 2 à 5 secondes de chauffe à 150 °C)

trente pour produire nombre de petits objets,

pour stériliser le lait.

boutons, bijoux, stylos… ou même comme substitut à l’ivoire pour fabriquer des touches de piano à bas coût. La galalithe fut ensuite

Et le fromage alors ?

progressivement détrônée par les matières plastiques modernes moins coûteuses à produire et

Et bien, la caséine joue effectivement un rôle

plus faciles à mettre en forme (et qui présentent

central dans la préparation du fromage (elle

également l’avantage certain de ne pas

tire d’ailleurs son nom du terme latin caseus qui

dégager une légère odeur de fromage en cas

signifie fromage). Alors que la protéine est soluble

de grandes chaleurs… Néanmoins, si celle-ci

dans l’eau à pH neutre, elle va coaguler et former

ne vous dérange pas, on trouve facilement en

des caillots en cas d’acidification de la solution

ligne le mode d’emploi pour fabriquer soi-même

(par exemple si vous versez du vinaigre ou du

de la pierre de lait).

54

• On peut aussi utiliser la caséine pour fabriquer

sert à l’assemblage des pièces en bois des

une colle très efficace, notamment sur le bois et

premiers aéroplanes, notamment dans l’armée

le papier (soit des matériaux cellulosiques) avec

allemande durant la première guerre mondiale.

lesquels la caséine est susceptible de former un

Son usage tombera ensuite en désuétude dans

grand nombre de liaisons hydrogène, assurant

les années vingt-trente avec l’apparition de

ainsi une bonne tenue du collage. L’utilisation

nouveaux adhésifs moins coûteux.  Cette fois

de cet adhésif à base de lait que l’on peut

l’histoire ne nous dit rien d’un éventuel problème

aisément fabriquer chez soi est avérée dès le

d’odeur fromagère, mais une des faiblesses de

Moyen Âge (les menuisiers parlaient alors de

la colle à la caséine étant le développement de

colle de fromage). On la retrouve ensuite à la

moisissures lorsque celle-ci est placée en milieu

fin du

humide, on peut facilement imaginer que ça ne

xix

e

 siècle en Suisse, où elle est utilisée

pour produire des charpentes en bois lamellé-collé. Puis au début du

xx

e

sentait pas trop la rose…

  siècle, où elle

Bien que son usage par l’aviation allemande fût très répandu pendant la première guerre mondiale, la colle à caséine ne faisait pas toujours l’unanimité auprès des officiers.

55

, E N È G A L L O C LE U A E P A L S N A ON L’A D Le collagène appartient à la grande famille des

principalement consacrées au type I, qui repré-

protéines structurales. Sa mission première est

sente environ 90  % du collagène des verté-

de conférer résistance et souplesse aux tissus

brés. Malgré ses allures de géant (chacune de

vivants. À ce titre, cette grande protéine formée

ses hélices comprend en effet plus de 1 000

de l’assemblage de trois longues hélices entre-

résidus), le collagène possède une structure

lacées est présente dans notre peau, dans les

relativement simple. Chaque chaîne comporte

os et les cartilages, et il s’agit de la protéine

principalement trois types de résidus :

la plus abondante chez les mammifères. Elle

• des glycines placées toutes les trois positions

représente environ un quart de la masse des

le long de la séquence primaire ;

protéines et 5 % de la masse totale de notre

• des prolines ;

organisme.

• des hydroxyprolines (Hyp) et des hydroxylysines (Hyl), qui sont des acides aminés modi-

Pour être tout à fait rigoureux, on devrait plutôt

fiés, où l’un des carbones de la chaîne latérale

parler  des  collagènes, puisqu’il s’agit en fait

(d’une proline ou d’une lysine donc) s’est vu

d’une famille protéique comportant près d’une

ajouter un groupement -OH (via une réaction

trentaine de membres. Mais ces pages seront

d’hydroxylation).

Un fragment de la triple hélice de collagène humain : sur la chaîne verte, les glycines présentes tous les trois résidus sont représentées sous forme de sphères.

Cette modification chimique des acides aminés

ainsi que le collagène du cabillaud, qui évolue

va permettre aux trois hélices du collagène

dans des eaux entre 10 et 14 °C, ne comprend

de former encore plus de liaisons hydrogène

que 15  % d’Hyp, tandis que le collagène

entre elles, ce qui confère sa robustesse à

humain, censé fonctionner à 37 °C, comprend

­l’assemblage. Il se trouve que la chaleur est

lui près de 22 % de prolines modifiées.

­l­’ennemie du repliement protéique. La proportion de prolines hydroxylées dans le collagène

La réaction d’hydroxylation des prolines se fait

d’un organisme, et donc sa résistance, va

via une autre protéine, la prolyl hydroxylase,

dépendre de sa température corporelle. C’est

qui ne fonctionne qu’en présence de ­vitamine C.

56

En son absence, l’organisme ne peut fabriquer

Le collagène joue donc un rôle essentiel dans

correctement du collagène, et l’on voit alors

notre organisme, mais il est également très

apparaître les premiers symptômes du scorbut,

présent dans nos foyers. Son utilisation pour

soit des troubles dentaires ou osseux, et des

la préparation de colles d’origine animale (ce

retards de cicatrisation des plaies.

qui a d’ailleurs donné son nom à la protéine) est avérée dès l’Antiquité, et dans nos cuisines

Cette maladie associée aux grandes traver-

il sert surtout à la fabrication de gélatine. Le

sées maritimes a touché près d’un million de

chauffage des fibres de collagène entraîne leur

marins aux xvii et xviii  siècles, jusqu’à ce qu’on

dénaturation, la séparation des trois hélices, et

adapte leur régime alimentaire et que celui-ci

la protéine va alors former une pelote désor-

soit enrichi en fruits et légumes frais (notam-

donnée, qui lors de son refroidissement absorbe

ment des agrumes). En effet, contrairement à la

l’eau environnante. Il en résulte de la gélatine,

plupart des vertébrés, les humains ne peuvent

que l’on retrouve dans un très grand nombre

synthétiser leur propre vitamine C et dépendent

de produits alimentaires, comme des célèbres

donc entièrement de leur alimentation pour s’en

bonbons colorés.

e

e

procurer. Si le scorbut a fortement régressé au xixe  siècle,

il faudra néanmoins attendre les

années 1930 pour que la vitamine C, égale-

Mais attention !

ment nommée acide ascorbique, qui est une

Pas question de se gaver d’oursons ou de croco-

abréviation de antiscorbutique, soit découverte

diles sous prétexte d’ingérer des protéines !

par le chimiste hongrois Albert Szent-Györgyi (ce qui lui vaudra un prix Nobel de médecine

Comme on l’a vu plus haut, la faible diversité

en 1937).

des acides aminés présents dans le collagène en fait une protéine peu intéressante sur le plan nutritionnel, il vous faudra donc un autre alibi pour aller piquer dans les réserves de bonbecs des enfants… (et puis avec seulement 5 % de protéines pour 50 % de sucres, avouez que l’argument diététique n’aurait pas fait long feu).

57

S E N I É T O R P S QUAND LE S’EMMÊLENT

Les kératines forment une grande famille de

des animaux. C’est d’ailleurs à ce dernier

protéines fibreuses qui vont adopter des replie-

élément que ces protéines doivent leur nom (du

ments en hélice α ou en feuillet β, puis s’as-

grec κέρας, la corne). Historiquement, elles font

sembler en longs filaments de quelques nm de

partie des premières protéines dont la structure

diamètre (un peu à la manière du collagène).

a été étudiée par diffraction des rayons X, car

Elles sont à l’origine de différents tissus du

les recherches étaient, entre autres, financées

corps, tels que les cheveux bien sûr, mais aussi

par l’industrie textile, qui s’intéressait tout parti-

nos ongles, les plumes, les écailles ou les cornes

culièrement aux protéines fibreuses.

Un dimère de deux chaînes de kératine (KRT1 et KRT11) en hélices α entremêlées

Les kératines ont pour caractéristique d’être parti-

protéiques, et ainsi rigidifier les cheveux dans

culièrement riches en acides aminés de type cysté-

la forme que l’on souhaite leur donner.

ines (qui représentent 14 % des résidus dans les kératines de nos cheveux et seulement 3 % des résidus dans les autres protéines des vertébrés). Or ces cystéines (qui comprennent des atomes de soufre) ont la faculté de former des ponts disulfure entre elles et ces liaisons additionnelles entre les chaînes protéiques vont fortement rigidifier leur assemblage. Les traitements capillaires de type permanente exploitent cette particularité avec un fonctionnement en deux étapes : • l’application d’un réducteur va détruire une grande partie des ponts disulfure pour assouplir la fibre (mais pas tous, sinon celle-ci sera trop endommagée !) ; • le produit fixateur qui suit va quant à lui reformer des ponts disulfure entre les chaînes

58

Les fibres de kératine sont insolubles, ce qui

ans, narre en effet les très navrantes mésaven-

confère à notre épiderme son imperméabilité,

tures d’un garnement chevelu et griffu.

et extrêmement résistantes aux protéines digestives. C’est ce qui explique pourquoi votre chat finit toujours par vomir les boules de poils accumulés dans son estomac alors qu’il faisait sa toilette, au lieu de simplement les digérer. Et chez les humains atteints de trichophagie (quand on mange ses cheveux), cela peut aboutir à une occlusion intestinale portant le doux nom de syndrome de Raiponce… Pour le plus grand désespoir des fashionistas, il existe néanmoins des insectes capables de digérer la kératine (on parle de kératophages) comme les mites, qui vont donc se nourrir de vos vêtements en laine ou en soie (une autre fibre protéique), mais laisseront intacts le coton ou les textiles synthétiques. Les insectes kératophages jouent cependant un rôle essentiel dans la nature, puisqu’ils contribuent à l’élimination des parties les plus difficilement dégradables des cadavres animaux (poils, plumes, griffes, cornes ou sabots). Bien entendu, les kératines ne sont pas les

Or donc, un matin de Noël 1844, le bon Dr Hoffmann se dit que ce serait une chouette idée d’offrir une histoire parlant d’un personnage qui a probablement inspiré Edward aux mains d’argent et Freddy, Les Griffes de la nuit à son petit garçon de 3 ans. (Couverture de l’édition de 1917 du conte, qu’on ne vienne surtout pas me dire que la littérature jeunesse c’était mieux avant…)

seules protéines en jeu dans la constitution de

Une étude a montré que ce syndrome est associé

notre chevelure. Récemment, un trio protéique

à des mutations dans trois protéines chargées

a fait parler de lui pour son implication dans le

de donner sa structure à sa fibre capillaire. La

syndrome du cheveu incoiffable. Il s’agit d’une

trichohyaline s’occupe de former des liaisons

anomalie rare de la structure des cheveux, d’or-

entre les chaînes de kératine et de renforcer

dinaire observée chez les enfants, et qui rend

le cheveu, tandis que ses compères PADI3 et

ceux-ci rêches et impossibles à aplatir (je précise

TGM3 sont justement chargés de sa production.

que je parle toujours des cheveux). Plusieurs

Au final, les cheveux défectueux se retrouvent

cas ont été rapportés au cours du

 siècle et

avec une fibre déformée de section triangu-

le syndrome a été décrit plus en détail dans

laire et non plus circulaire. Heureusement, ce

les années 1970. Mais il semble qu’il était

syndrome semble régresser spontanément lors

déjà présent dans un classique de la littérature

du passage à l’âge adulte.

xx

e

jeunesse allemande datant 1845, Struwwelpeter, dit Pierre l’ébouriffé (dit aussi Crasse-Ti-

Finalement le poète disait vrai, un seul résidu

gnasse). Ce conte écrit par un médecin, Hein-

vous manque et tout est emmêlé !

rich Hoffmann, afin d’éduquer son fils de trois

59

S E N I É T O R P S LE S O N U R U S T TOMBEN Le processus de biominérali-

• Les oxydes de fer, tels que la magnétite,

sation désigne la capa-

peuvent être produits par des bactéries mais

cité des organismes

aussi des oiseaux, et ce minéral pourrait leur

vivants à produire des

servir à s’orienter en fonction du champ magné-

minéraux (c’est-à-dire

tique terrestre (cf. le chapitre 3).

des matériaux solides). Ce

phénomène

se

Tous ces minéraux sont

retrouve fréquemment

riches d’informations

dans le vivant et est apparu très tôt dans l’his-

concernant l’environ-

toire de l’évolution (il y a plus de 500 millions

nement dans lequel ils

d’années). À l’heure actuelle, on recense plus

ont été produits. L’ana-

d’une soixantaine de biominéraux distincts,

lyse des squelettes de

qu’ils soient amorphes (où les atomes ne sont

coraux ou des coquilles

pas particulièrement ordonnés) ou cristallins,

de mollusques permet

et ceux-ci vont présenter une grande variété

ainsi de retrouver la température, la salinité

de compositions chimiques, de structures ou de

ou la concentration en CO2 de l’eau où ils se

fonctions. Parmi les plus connus, on peut citer :

sont formés.

• Le phosphate de calcium sous forme ­d’hydroxyapatite, qui est la composante prin-

Comme on pouvait s’en douter, à l’origine de

cipale de nos os et de l’émail de nos dents.

ce phénomène, il y a toute une armada de

• Le carbonate de calcium peut adopter

protéines qui vont assurer diverses fonctions

plusieurs structures. La calcite va former la

lors de la biominéralisation : mettre en place

coquille des crustacés ou des œufs, tandis que

le compartiment cellulaire où le processus va

la forme aragonite est à l’origine de la nacre.

avoir lieu, acheminer les ions (calcium, fer, etc.)

Les crustacés d’eau douce peuvent également

nécessaires à la formation du solide, ou encore

fabriquer des amas de carbonate de calcium

contrôler sa composition et sa structure. Des

amorphe (appelés gastrolithes, ou yeux d’écre-

protéines vont également être intégrées au cristal

visses) qui vont servir de réserve de calcium en

en formation, ce qui va permettre de consolider

vue de la construction d’une nouvelle carapace

celui-ci. Par ailleurs, ces mêmes protéines vont

lors de la mue.

se conserver particulièrement longtemps, ce qui

• Les silicates peuvent être produits par les

s’avère extrêmement utile du côté de la paléo-

éponges, des algues ou des diatomées (des

protéomique (cf. le chapitre suivant), lorsque

microalgues unicellulaires présentant un sque-

l’on souhaite étudier des séquences anciennes.

lette externe).

60

deux à leur surface un grand nombre d’acides aminés chargés négativement. Ceux-ci vont leur permettre de se fixer aux ions calcium (chargés eux positivement) du minéral en formation, afin de diriger celle-ci. Par ailleurs, le repliement de la struthiocalcine est similaire à celui de la protéine antigel du hareng que nous avons rencontrée précédemment, ce qui suggère que ces deux molécules auraient évolué à partir d’un ancêtre commun. Ces protéines sont une source d’inspiration pour les chercheur·se·s, et un groupe de recherche Bien entendu la structure de ces protéines est

a ainsi synthétisé des peptides riches en acides

étroitement liée au rôle qu’elles jouent dans le

glutamiques (qui vont porter des charges néga-

processus. Ainsi, l’ostéocalcine, qui sert à la

tives) et capables d’induire la formation de vaté-

formation des os, et la struthiocalcine, qui sert à

rite, une autre variété de carbonate de calcium.

produire les coquilles d’œufs, comportent toutes

Deux protéines impliquées dans la biominéralisation, avec leurs acides aminés chargés négativement en rouge, et les ions calciums du minéral en formation tracés en bleu. (Image de David Goodsell pour la Protéine du mois : https://pdb101.rcsb.org/motm/232)

61

Z E H C S U T A N HIBER S E N I É T O R P   S E L La paléogénétique  consiste à récupérer et

a immédiatement su stimuler l’imagination des

analyser des séquences d’ADN anciennes, ce

auteurs de science-fiction. Dès 1990, Michael

qui va permettre d’étudier le génome d’êtres

Crichton faisait passer ce domaine à la posté-

vivants disparus il y a des milliers d’années.

rité via le retour des dinosaures orchestré dans

C’est une discipline récente, qui a émergé au

le roman Jurassic Park, qui a lui-même inspiré

milieu des années quatre-vingt (via notamment

pas moins de six films au cinéma.

la récupération d’ADN sur une momie), mais qui

62

Le seul souci, c’est qu’en vrai, l’ADN a un léger

des restes de dinosaures (datant d’il y a 60 à

problème de conservation et qu’à ce jour, les

80 millions d’années), mais ces résultats restent

séquences les plus anciennes jamais récupé-

à confirmer. Quoi qu’il en soit, la perspective

rées sont âgées d’environ 800  000 ans. Et

d’un Proteic Parc se rapproche de plus en plus !

elles n’ont tenu le coup aussi longtemps que parce qu’elles étaient conservées bien au frais

Depuis maintenant une petite vingtaine d’an-

dans le petit congélateur naturel que forment

nées, les scientifiques ont donc commencé

les sols du Groenland. Alors certes, 800 000

à s’intéresser aux protéines anciennes. On

ans, c’est déjà un âge fort respectable. Et c’est

appelle protéome l’ensemble des protéines d’un

amplement suffisant si l’on souhaite reconstituer

organisme vivant, ou plus modestement d’une

par exemple le génome d’un mammouth sibé-

cellule ou d’un organite de celui-ci. Le protéome

rien (âgé d’environ 43 000 ans). Mais les dino-

est donc le reflet du génome, pour un environne-

saures, quant à eux, ont disparu il y a quelque

ment donné, et à un moment donné (car toutes

65 millions d’années, alors on n’est pas près

les protéines ne sont pas forcément exprimées

de retrouver le bout de la queue de leur ADN.

au même moment dans une cellule). Et la paléoprotéomique, c’est l’étude à grande échelle des

Du côté des protéines, il semble que celles-ci

protéomes anciens.

puissent tenir le coup un peu plus longtemps, notamment grâce à leur faculté à se fixer à

Plus près de nous, la paléoprotéomique a égale-

des surfaces minérales. On a ainsi retrouvé

ment beaucoup de choses à nous apprendre

des peptides conservés sur des coquilles

sur les origines de l’humanité. Ainsi, les proté-

d’œufs d’autruche datant d’il y a 3,8 millions

ines récupérées sur des ossements vieux de

­d’années, et des séquences de collagène ont

40 000 ans dans la grotte du Renne, à Arcy-sur-

été récupérées sur des os de chameau âgés

Cure en Bourgogne, ont montré que les bijoux

de 3,4  millions d’années. Sachant que ces

et outils retrouvés dans la grotte étaient bien

échantillons proviennent de zones chaudes

l’œuvre de Néandertaliens, alors qu’on a long-

(où l’on s’attend à une moins bonne conserva-

temps cru Homo sapiens seul capable de fabri-

tion des molécules), on ne désespère pas de

quer de tels objets. Les informations apportées

retrouver des protéines encore plus âgées dans

par ces protéines ancestrales nous invitent donc

des territoires plus tempérés. Des fragments

à revoir l’histoire de l’humanité et nos liens avec

de séquences auraient même été retrouvés sur

Néandertal.

63

T I A S I A F I U Q LA BACTÉRIE DU RODÉO

Filament d’actine (avec un monomère isolé à gauche), dessiné par David Goodsell pour la PDB (https://pdb101.rcsb.org/motm/19)

la membrane cellulaire, les filaments d’actine vont servir à moduler la forme et l’élasticité de la cellule. Lorsque ces filaments sont reliés entre eux par une autre protéine, la myosine, ils vont être impliqués dans le phénomène de contraction musculaire. Une cellule peut également projeter des filaments d’actine vers l’extérieur, comme des petits tentacules, que l’on appelle alors des lamellipodes, et qui vont lui servir à explorer son environnement et à se déplacer. Tout comme pour la tubuline, le réseau des filaments d’actine est un système hautement dynamique. À chaque instant, le filament va croître par une extrémité et se défaire de l’autre côté. Cette étape de dépolymérisation est d’ailleurs essentielle, sans quoi la formation de filaments trop longs représenterait un danger pour la cellule. Certaines En guise de monture pour ce drôle de rodéo cellu-

protéines ont donc

laire, on trouve l’actine. Cette protéine structurale

pour fonction de

possède la capacité de s’assembler pour former

limiter l’extension

de longs filaments en hélice impliqués dans le

des filaments d’ac-

cytosquelette. Assemblés en réseau dense sous

tine. La gelsoline se

64

charge de découper les filaments déjà formés

fâcheuse capacité de se développer même à

en petits morceaux, et la profiline quant à elle

basse température. Ce qui signifie qu’elle peut

se fixe aux molécules d’actine isolées pour les

parfaitement proliférer dans des aliments stockés

empêcher de rejoindre le filament en formation.

au frigo, et que la congélation ne fait que l’en-

Inversement, la phalloïdine, qui est une toxine

dormir. Pour régler son compte à Listeria, il faut

produite par la tristement célèbre amanite phal-

la chauffer au-delà de 60 °C pendant plus de

loïde (ainsi que ses non moins terribles cousines,

trente minutes, c’est ce qui se passe dans les

l’amanite printanière et l’amanite vireuse), se

procédés de pasteurisation, mais cela peut

fixe sur les filaments d’actine déjà présents,

effectivement nuire aux qualités gustatives de

ce qui va empêcher leur dépolymérisation et

votre camembert préféré…

empoisonner la cellule. Listeria  est non seulement une coriace, mais c’est aussi une petite maline. À la surface de cette bactérie, vers l’arrière, on trouve en effet une autre protéine qui répond au doux nom de ActA, comme Actin Assembly. ActA va provoquer la polymérisation des monomères d’actine présents dans la cellule infectée par la bactérie. Les filaments d’actine ainsi produits forment alors une comète qui va propulser  Listeria  à travers le cytoplasme, et même lui permettre de transpercer la membrane cellulaire pour aller infecter une cellule voisine. Tout comme les Côté cavalier, on trouve la bactérie  Listeria

virus hackent la machinerie protéique de leurs

monocytogenes, dite aussi la terreur des

hôtes pour se multiplier, cette bactérie a réussi

fromages au lait cru et des femmes enceintes.

à détourner les protéines du cytosquelette pour

Ce minuscule organisme monocellulaire qui ne

son bénéfice propre.

mesure qu’un à deux μm de long, alors que nos cellules humaines font en moyenne autour

Moralité, Listeria est une bactérie qui se fait des

de 100 μm de diamètre, possède en effet la

plans sur la comète, et ça lui réussit !

Telles une bande de petits blousons noirs, les listeria propulsées à l’actine empêchent les cellules respectables de goûter à un repos bien mérité.

5

AUX FRONTIÈRES DU VIVANT

66

Les virus accompagnent l’humanité depuis ses origines, mais nos connaissances à leur sujet sont encore récentes, puisqu’elles ne démarrent vraiment qu’à la fin du xixe siècle, avec l’obtention du virus de la mosaïque du tabac. Partant de là, les grandes épidémies qui frappent l’humanité peuvent soit être associées à la Team Bactéries (où figurent en bonne place la peste, le choléra et la tuberculose), ou à la Team Virus (avec dans ses rangs la variole, la rage ou la grippe). Mais contrairement aux bactéries qui cochent toutes les cases associées à un être vivant (si tant est qu’il existe une définition du vivant qui ferait consensus au sein de la communauté scientifique), les virus occupent quant à eux une place un peu spéciale par rapport au grand arbre de la vie, puisque le débat reste encore ouvert de savoir s’ils peuvent être considérés, ou non, comme vivants. Certes un virus possède un patrimoine génétique (sous forme d’ADN ou d’ARN), soit un jeu d’instructions qui devrait lui permettre de fabriquer des protéines. Mais il est par contre dépourvu de la machinerie protéique nécessaire à leur mise en production, et doit donc infecter une cellule pour lui emprunter son matériel et donc pouvoir se reproduire. Ce qui l’exclurait a priori de la famille du vivant. Ou alors on peut considérer un virus comme vivant lorsqu’il se trouve au sein d’une cellule infectée, et non vivant à l’extérieur de celle-ci. De plus le patrimoine génétique des virus est lui aussi susceptible d’évoluer, lorsqu’il est multiplié au sein de la cellule infectée, et c’est justement cette capacité d’évolution qui fait des virus ces pathogènes redoutables dont on a tant de mal à se débarrasser. À tout le moins, par leurs interactions avec les êtres vivants, les virus jouent un rôle essentiel dans l’évolution de ceux-ci depuis les origines de la vie sur Terre, et cela méritait bien un chapitre rien que pour eux.

67

X U A E B P O R T DES VIRUS S E T Ê N N O H E R POUR ÊT Les virus sont un peu des pirates du vivant,

Nous allons passer en revue quelques-uns de

dans la mesure où ils exploitent de manière

plus beaux spécimens connus.

éhontée la machinerie protéique des cellules

• Le plus petit : A minima, un virus est formé

qu’ils infectent afin de se multiplier. Malgré

d’une enveloppe en protéines (la capside virale)

leur dangerosité, ils n’en restent pas moins des

qui contient du matériel génétique (de l’ADN ou

objets fascinants et de toute beauté, qui ont su

de l’ARN). À l’heure actuelle, un des plus petits

captiver plusieurs générations de scientifiques.

virus connus est celui de l’hépatite D (HDV), qui ne comprend qu’un unique brin d’ARN (long de

Les virus sont des objets acaryotes, c’est-à-dire

1 700 nucléotides), contenu dans une capside

qu’ils sont dépourvus de noyau, d’organites

de 36 nm de diamètre et formée de trois types

(mitochondrie ou chloroplastes) et de métabo-

de protéines. À vrai dire, HDV est si minimaliste

lisme. Ils sont donc entièrement dépendants

qu’il s’agit d’un satellite du virus de l’hépatite B

de l’organisme qu’ils infectent pour leur répli-

(HBV), dont il squatte une partie du matériel

cation. Une fois rempli ce cahier des charges

génétique pour fabriquer les protéines dont il a

sommaire, ils peuvent présenter une très grande

besoin pour sa multiplication.

variété en forme et en taille. Les virus sont également soupçonnés d’avoir été à l’origine de la molécule d’ADN. L’ADN viral, plus stable que l’ARN, étant capable de mieux résister aux enzymes de dégradation produites par les cellules infectées. Sur les millions d’espèces de virus susceptibles d’exister, près de 5 000 ont déjà été décrites en détail, mais à peine plus d’une centaine sont pathogènes pour l’espèce humaine. Historiquement (au cours du

xixe siècle),

les virus ont été

définis comme des agents infectieux microscopiques, dont la taille est comprise entre 10 et 300 nm (un nanomètre valant un millionième de millimètre), ce qui permettait de les distinguer

• Le  plus gros : À l’autre bout du spectre de

des bactéries qui étaient, elles, plus grosses.

taille, on sait depuis le début des années 2000

Bien entendu, cette définition a été amenée à

qu’il existe des virus géants (dits aussi girus), dont

évoluer au fur et à mesure de l’avancée des

la capside mesure plus de 200 nm de diamètre

recherches dans le domaine.

et contient un génome (à ADN et/ou ARN) de

68

plus de 300 000 nucléotides. Ce qui en fait des objets de taille comparable, voire supérieure, à certaines bactéries. Parmi ces géants, il y a le (bien mal nommé) mimivirus, et ses 400 nm de diamètre. Ironie du sort, certains mimivirus peuvent eux-mêmes être infectés par Spoutnik, un autre petit virus satellite. On dira que c’est le prix à payer pour avoir eu la folie des grandeurs ! • Des formes et des couleurs  : Beaucoup de virus présentent une capside en icosaèdre (à vingt côtés), formée d’un assemblage régulier de plusieurs centaines de protéines. La Protein Data Bank, une énorme base de données en ligne où les scientifiques déposent les structures protéiques qu’ils déterminent expérimentalespécimens dont la structure a pu être résolue

Le virus de la mosaïque du tabac, dont l’enveloppe hélicoïdale (en bleu) abrite un brin d’ARN (en rouge). Image de David Goodsell pour la Molécule du Mois (https://pdb101.rcsb.org/motm/109).

par cristallographie ou cryo-EM.

Enfin, il existe également des virus nettement

ment, contient un grand nombre de très beaux

plus sophistiqués, tels que les terribles bactériophages, qui sont formés de l’assemblage d’une grande variété de protéines, qui ont pour fonction de protéger le matériel génétique du virus (comme le fait la capside), mais aussi de se fixer aux cellules cibles et d’y injecter ledit matériel génétique.

Quatre exemples de virus icosaédriques dessinés par David Goodsell pour la Molécule du mois (https://pdb101.rcsb.org/motm/200). Les pointes de chaque icosaèdre sont formées de pentamères de protéines (colorés en rouge) et les faces sont formées d’hexamères (colorés en jaune orangé).

D’autres virus se présentent sous forme d’une hélice qui entoure le matériel génétique. Comme la mosaïque du tabac qui a notamment été étudiée par Wendel Stanley (qui reçut le prix Nobel de chimie en 1946 pour son travail sur les protéines virales) et Rosalind Franklin.

Pas de panique, comme leur nom l’indique, les bactériophages n’infectent que les bactéries !

69

, E N I N I T U L G G L’HÉMA E T A R I P E N I É T PRO L’hémagglutinine est une grosse protéine

dans la membrane cellulaire et permettre la fixa-

allongée que l’on rencontre à la surface du

tion du virus à la cellule attaquée.

virus de la grippe. Il s’agit d’une protéine antigénique, c’est-à-dire qu’elle induit une réponse

L’hémagglutinine a été ainsi nommée car elle

immunitaire de la part des organismes où elle

entraîne l’agglomération de globules rouges (les

est introduite. Elle se trouve en effet à la surface

hématies) à la surface du virus. Chaque virus de

du virus, et lui permet de se fixer aux cellules

la grippe est caractérisé par le type d’hémag-

cibles. Une fois l’amarrage réalisé, l’hémagglu-

glutinines qu’il porte fixées à sa membrane. On

tinine va aider à la fusion entre les membranes

connaît actuellement plus d’une quinzaine de

virale et cellulaire. Le matériel génétique du

variétés (numérotées de H1 à H16), les trois

virus sera alors injecté dans la cellule hôte où

premières correspondant aux souches de la

il pourra utiliser la machinerie cellulaire pour

grippe humaine. Quand on désigne un virus de

se reproduire. Pour passer à l’abordage, elle

la grippe avec un code de type H1N1, on fait

dispose de peptides de fusion qui forment

donc référence à la variété d’hémagglutinine

comme un trident d’hélices α qui vont s’enfoncer

qu’il emploie pour attaquer les cellules.

Chaque hiver, Captain Hémagglutinine revient semer la terreur dans notre organisme.

70

Et le N me direz-vous ?

de 12 à 50 acides aminés) produites par des organismes vivants et présentant des propriétés

Et bien celui-ci fait référence à une autre

antivirales. C’est ainsi qu’une équipe de

protéine, la neuraminidase. Cette complice

recherche américaine s’est penchée sur le cas

de l’hémagglutinine se trouve également à la

de l’urumin, un peptide produit dans la peau

surface du virus, et va lui permettre de se déta-

d’une grenouille indienne (Hydrophylax bahu-

cher de la cellule infectée une fois son méfait

vistara  de son petit nom). Ils ont notamment

accompli, abandonnant celle-ci à son triste sort.

montré que l’urumin va se fixer spécifiquement à

À bien y réfléchir, l’hémagglutinine et la neura-

l’hémagglutinine H1 (qui est issue d’une souche

minidase sont un peu les Bonnie and Clyde du

virale humaine), entraîner la destruction du virus

monde protéique !

et ainsi améliorer considérablement la survie de souris infectées par la grippe.

Compte tenu du rôle clé joué par l’hémagglutinine lorsque notre organisme est attaqué par le

Et voilà comment une petite protéine apporte

virus de la grippe, on comprend aisément que

un éclairage nouveau sur les contes de notre

nombre de scientifiques étudient cette protéine

enfance.

et cherchent par exemple à trouver des moyens de la neutraliser. Certaines équipes s’intéressent

Et si la célèbre princesse à la grenouille était

tout particulièrement aux  peptides antimicro-

tout simplement très enrhumée ?

biens, soit des petites protéines (comprenant

Structures de l’hémagglutinine (à gauche et sans son trident) et de la neuraminidase (à droite) de la grippe A.

71

COMMANDO CORONA

Les coronavirus sont une famille de virus qui

susceptibles de s’attaquer aux humains. Quatre

doit son nom à la couronne de protéines qui

d’entre eux entraînent de simples rhumes sans

entoure la membrane de ceux-ci lorsqu’on les

gravité, mais les trois suivants peuvent provo-

observe au microscope électronique. Ils ont été

quer des maladies respiratoires graves ; c’est

découverts au cours du

le cas du SARS-CoV-2 qui est apparu en Chine

e

xx

 siècle, tout d’abord

chez des animaux (volailles, porcs, souris) et

fin 2019 et qui est à l’origine de la Covid-19.

puis chez les humains dans les années soixante. Actuellement on connaît plus de 5 000 variétés

SARS-CoV-2 est un virus à ARN, son matériel

de coronavirus, mais seulement sept sont

génétique consiste donc en un unique long brin d’ARN comprenant environ 30 000 bases nucléiques (ce qui est 10 000 fois plus court que le génome humain). Le génome du SARS-CoV-2 a été séquencé dès le mois de janvier 2020, et on sait qu’il code pour 29 protéines. Parmi celles dont la fonction a été identifiée, certaines servent à reproduire le matériel génétique du virus, d’autres à former l’enveloppe qui va protéger celui-ci, ou encore à camoufler l’activité virale au sein de la cellule afin que celle-ci  ne puisse pas déclencher son système de défense (dans les films de braquage, ce serait le geek qui va hacker les caméras de surveillance pour que ses petits camarades puissent bosser en toute discrétion). Bref, on a affaire à une équipe de professionnels !

En haut : une représentation du SARS-CoV-2 par David Goodsell (https://pdb101.rcsb.org/sci-art/goodsellgallery/coronavirus). En bas : une image (Public Health Image Library, PHIL) de coronavirus prise au microscope électronique.

72

Depuis le début de la crise sanitaire, les équipes

Parmi elles, deux protéines sont plus particu-

de recherche en biochimie structurale sont à pied

lièrement sous le feu des projecteurs :

d’œuvre. En avril 2020, plus d’une centaine de

• La protéine S (comme spike, soit « pointe »

structures protéiques étaient déjà disponibles sur

en anglais), c’est celle qui forme des protubé-

la PDB, et deux ans plus tard on en était à près de

rances à la surface de l’enveloppe virale (en

2 000 structures. Attention, cela ne concerne pas

rose clair dans l’illustration de Goodsell placée

forcément toutes les protéines du virus, puisque

plus haut). On sait désormais qu’il s’agit un

pour certaines d’entre elles plusieurs structures

peu du bras armé du virus, et c’est son inte-

différentes sont disponibles.

raction avec le récepteur ACE2 (une protéine que l’on trouve à la surface de la membrane cellulaire humaine) qui va permettre au virus de pénétrer la cellule cible. Et comme ACE2 est plus particulièrement exprimée dans les cellules pulmonaires, on comprend mieux pourquoi ce virus provoque des problèmes respiratoires. La protéine  S représente une cible potentielle dans les travaux visant à développer un vaccin contre le virus. L’objectif serait donc d’aider notre organisme à fabriquer des anticorps capables de l’identifier et de la neutraliser avant que les cellules ne soient infectées.

À gauche, deux vues de la protéine S qui est un assemblage de trois chaînes identiques (homotrimère). À droite, le complexe formé par le domaine de fixation au récepteur (RBD) de la protéine S et le récepteur ACE2 humain.

73

La protéase principale (car le virus en produit plusieurs) a pour mission de couper la chaîne peptidique continue produite lors de l’étape de traduction ARN → protéine en plusieurs morceaux peptidiques fonctionnels. C’est une des cibles potentielles des antiviraux qui sont en cours de développement contre la maladie. Protéase du SARS-CoV-2 (en vert) associée à un petit inhibiteur peptidique (en violet).

74

RETOUR VERS L ’ADN, LES RÉTROVIRU S ENTRENT EN SC ÈNE Les virus ont pour mode opératoire standard le

pas le fruit du hasard et nous allons voir qu’elle

détournement de la machinerie protéique de

sert en fait les intérêts du rétrovirus. En effet, ce

la cellule qu’ils infectent pour reproduire leur

fort taux d’erreur permet de produire rapidement

propre matériel génétique. Ledit matériel géné-

de nouveaux variants du virus, qui en quelques

tique peut être constitué d’ADN (comme pour

semaines sera à même de résister au traitement

la varicelle), qui devra d’abord être transcrit

initial. Pour lutter efficacement contre un rétro-

en ARN, qui sera lui-même traduit en protéine

virus, il faut donc le prendre de vitesse, via un

par le ribosome, ou bien d’ARN (comme pour

traitement incluant plusieurs molécules, afin qu’il

la grippe ou le terrible coronavirus), et dans

ne puisse pas simultanément développer de résis-

ce cas on peut passer directe-

tance à toutes. Cette variabilité géné-

ment à la case ribosome pour

tique des rétrovirus rend également diffi-

produire des protéines virales.

cile la conception de vaccins, puisque les antigènes à cibler sont susceptibles de

Et puis dans la famille des virus à

changer au fur et à mesure de l’évolution

ARN, on trouve aussi une bande

du génome du rétrovirus. La transcriptase

de petits rebelles qui ont décidé

inverse est une enzyme multifonction-

de ne rien faire comme les autres, ce sont les

nelle, puisqu’elle possède un site de type polymé-

rétrovirus. Chez les rétrovirus, on ne se contente

rase, qui a pour mission de synthétiser de l’ADN

pas bêtement de squatter le ribosome du voisin,

à partir d’un modèle en ARN, mais également un

non, non, non. Dans cette famille-là, on a décidé

site de type nucléase, qui va, lui, se charger de

de voir plus grand et d’infecter durablement les

réduire en pièce détachée l’ARN viral après utili-

cellules en modifiant leur patrimoine génétique.

sation. Il s’agit donc d’un malfaiteur qui prend

Et pour ce faire, les rétrovirus disposent de deux

soin d’effacer ses traces après son forfait…

enzymes de destruction massive, la transcriptase inverse et l’intégrase. • La transcriptase inverse est capable de synthétiser de l’ADN à partir de l’ARN viral. Mais contrairement à l’ADN polymérase (notre petite photocopieuse à ADN perso) qui aime travailler proprement et ne fait que très rarement des erreurs, lorsqu’elle se charge de dupliquer notre ADN la transcriptase inverse, elle, travaille comme un cochon et se trompe environ toutes les 2  000 bases (soit 5  millions de fois plus souvent). Mais cette approche brouillonne n’est

Structure cristallographique de la transcriptase inverse du VIH (en vert et violet), en complexe avec le double brin d’ADN (rouge et bleu) qu’elle vient de fabriquer.

75

des cellules filles. Qui plus est, une cellule infectée peut parfaitement continuer à vivre paisiblement sa vie sans initialement produire de protéines virales, mais en se multipliant. On aura alors toute une population cellulaire porteuse de matériel génétique viral dormant, qui pourra peut-être un jour s’exprimer, ou peutêtre jamais. Cette caractéristique des infections par rétrovirus les rend également particulièrement coriaces à combattre. Par ailleurs, on estime que près de 8  % du génome humain serait d’origine rétrovirale, certains fragments d’ADN viral nous ayant été transmis par nos ancêtres pendant plusieurs millions d’années d’évolution. La syncitine, qui est une protéine jouant un rôle clé dans la formation du placenta durant la grossesse, est ainsi d’origine virale. Comme quoi une cohabitation paisible avec les petits squatteurs est parfois possible ! • Dans un second temps, l’intégrase va se

Le plus (tristement) célèbre des rétrovirus est sans

charger d’intégrer l’ADN ainsi fabriqué au

doute le VIH, contre lequel les chercheur·se·s

génome de la cellule infectée. Le matériel géné-

s’efforcent de développer des antirétroviraux,

tique du rétrovirus est alors présent de manière

qui cibleront justement ces deux enzymes, via

permanente dans cette cellule, et si elle vient à

des inhibiteurs qui vont entraver leur bon fonc-

se diviser, il sera alors transmis à l’ensemble

tionnement.

76

Structure cristallographique de l’intégrase du spumatorétrovirus humain (en vert et violet) en cours d’intégration de l’ADN viral (en rouge et bleu) à l’ADN humain (en orange).

Mais les rétrovirus sont aussi une source d’espoir

thérapies géniques et la compréhension appro-

pour la recherche médicale, car leur capacité à

fondie de leur fonctionnement représente donc

intégrer de l’ADN dans le génome d’une cellule

une perspective intéressante pour la lutte contre

cible pourrait être exploitée dans le cadre de

les maladies génétiques.

77

, N R A ’ L À S E DES ANTIGÈN E R U T N E V A E D LA GRAN N O I T A N I C C A V DE LA Contrairement à un médicament dont le prin-

européenne est ravagée par la variole, une

cipe actif va attaquer directement l’agent patho-

maladie infectieuse extrêmement contagieuse,

gène responsable d’une maladie, le principe de

responsable de 10 % des décès dans la popu-

la vaccination repose sur l’idée que c’est notre

lation, et qui touche tout particulièrement les

corps qui va fabriquer lui-même ses propres

enfants. En 1796, Jenner prélève du pus sur

molécules défensives, mais pour cela il a besoin

une fermière atteinte de la vaccine, la variole

d’un peu d’entraînement !

des vaches, qui est une forme plus bénigne de la maladie, et l’inocule à un jeune garçon.

Le principe d’inoculation, où l’on tente de

Trois mois plus tard, il lui injecte la variole et

protéger un sujet d’une maladie en le mettant en

l’enfant s’avère être immunisé. La vaccination

contact avec une forme peu virulente de celle-ci

(dont le nom est donc dérivé de la vaccine) était

(via du pus par exemple), est connu depuis le

née. Le principe va être développé et étendu

xviii

e

 siècle. Un des essais les plus connus sur

tout au long du

xixe siècle

(au Royaume-Uni, le

le territoire européen est celui du Dr  Edward

vaccin antivariolique devient obligatoire pour

Jenner en Angleterre. À l’époque, la p ­ opulation

les enfants en 1853).

Déjà au xixe siècle, la vaccination crée des inquiétudes chez le grand public. Cette gravure de 1802 du satiriste britannique James Gillray montre la population inquiète à l’idée que l’inoculation de la variole de vache entraîne justement sa transformation… en vache ! (Image Wellcome Trust https://wellcomecollection.org/)

78

De ce côté de la Manche, on connaît surtout

les instructions pour qu’il fabrique lui-même la

les travaux de Pasteur qui, en faisant le lien

protéine antigénique, qui entraînera ensuite

entre maladie et agent infectieux, va mettre au

la formation d’anticorps par notre système

point plusieurs vaccins, d’abord à destination

­immunitaire. En l’occurrence, l’antigène codé

des animaux (contre la maladie du charbon qui

par l’ARNm des vaccins est la protéine S (pour

touchait les moutons), puis pour les humains,

spike), que l’on trouve à la surface de l’enve-

avec notamment le vaccin contre la rage

loppe du coronavirus et qui lui permet de péné-

en 1885. Le

trer dans les cellules cibles (un peu à la manière

 siècle verra le développement

e

xx

de nombreux autres vaccins (contre la tubercu-

de l’hémagglutinine de la grippe).

lose, la diphtérie, le tétanos…) et, en 1980, la variole est déclarée éradiquée par l’Organisation mondiale de la santé. Tous les vaccins cités jusque-là reposent sur l’introduction dans l’organisme d’une catégorie particulière de protéines, les antigènes. Ceux-ci vont être reconnus par notre système immunitaire, ce qui en réaction va induire la production d’anticorps, ces protéines qui nous servent de douaniers moléculaires. Comme les anticorps sont des protéines spécifiquement adaptées à un antigène, si l’agent pathogène évolue au cours du temps et se met à produire de nouveaux antigènes, il faudra également remettre le vaccin à jour. Et c’est notamment pour cela qu’il est nécessaire de se faire à nouveau vacciner contre la grippe chaque année.

Une représentation du vaccin à ARNm contre le SARSCoV-2 par David Goodsell (RCSB Protein Data Bank; doi: 10.2210/rcsb_pdb/goodsell-gallery-027). L’ARNm, représenté en rose, est encapsulé dans une double couche de lipides (bleu ciel), elles-mêmes couvertes de chaînes de polyéthylène glycol (en vert) qui vont protéger l’ARN du système immunitaire. L’enveloppe lipidique est représentée comme une sphère, mais peut en fait adopter des formes plus irrégulières.

En décembre 2020, les laboratoires Pfizer et

En revanche, ces ARN messagers ne pourront pas

Moderna ont annoncé avoir développé des

venir taper l’incruste dans notre matériel géné-

vaccins contre le SARS-CoV-2 reposant non plus

tique. En effet, cela nécessiterait une conversion

sur l’injection d’antigènes, mais sur de l’ARN

de l’ARN en ADN (qui, s’il est un proche cousin,

messager. L’ARN, c’est un acide nucléique

n’en reste pas moins une molécule différente) et

et donc un proche parent de l’ADN, et une

pour cela il faut une transcriptase inverse, une

des molécules que l’on soupçonne d’être aux

protéine que l’on rencontre notamment chez

origines de la vie. Les ARN messagers quant à

les rétrovirus, mais dont l’humain est dépourvu.

eux sont fabriqués dans le noyau cellulaire lors

Contrairement aux protéines, les acides

de l’étape de transcription de l’ADN. Ils vont

nucléiques sont des molécules plutôt fragiles, ce

ensuite migrer dans le cytoplasme jusqu’au ribo-

qui explique la nécessité de conserver le vaccin

some, l’énorme machinerie protéique chargée

à ARNm à très basse température (–80 °C !).

de fabriquer les protéines à partir de l’ARN

Pour améliorer leur espérance de vie, les ARNm

lors de l’étape de traduction. Dans un vaccin

sont également encapsulés dans des liposomes

à ARNm, on fournit donc à notre organisme

(soit des petites bulles de gras), qui vont leur

79

permettre de parvenir jusqu’au ribosome sans

première, mais il faut savoir que les vaccins à

se faire intercepter et détruire par notre système

ARNm sont utilisés depuis déjà quelques années

immunitaire en cours de route.

en santé animale (le vaccin contre la grippe porcine est exploité depuis 2018) et sont égale-

L’utilisation de cette technologie pour un vaccin

ment à l’étude pour d’autres maladies telles que

destiné à l’humain représente une grande

la grippe ou des cancers.

80

LES LAMAS NE SONT PAS CHAMEAUX

Depuis la publication du mythique Temple du

reconnaissance et de diagnostic d’un anti-

Soleil, cela fait maintenant plus de 70  ans

gène, pour un usage thérapeutique ou pour

que les lamas ont mauvaise presse auprès des

l’imagerie médicale (s’ils sont associés à une

amateurs de bande dessinée franco-belge. Pour-

protéine fluorescente). Le souci c’est qu’il s’agit

tant ces camélidés pourraient s’avérer des alliés

encore de gros objets protéiques (400 acides

de choix dans notre lutte contre le SARs-CoV-2.

aminés au total) dont la stabilité au cours du temps laisse parfois à désirer (car il s’agit d’un

Les anticorps sont de grosses protéines dont

assemblage de deux chaînes).

la principale mission est de repérer les intrus dans notre organisme. Ils sont formés le plus

Or il se trouve que du côté des camélidés (et

souvent d’un assemblage de quatre chaînes

aussi, allez savoir pourquoi, chez les requins),

protéiques, deux chaînes lourdes (d’environ

l’évolution a décidé de jouer la carte de la simpli-

450 acides aminés chacune) et deux chaînes

cité. En lieu et place de nos gros anticorps, ces

légères (à 200  acides aminés pièce), toutes

animaux possèdent une version réduite, qui ne

constituées de quatre ou deux domaines d’en-

comporte plus que deux chaînes lourdes. Et le

viron une centaine d’acides aminés de long.

domaine variable est entièrement localisé sur un

Chaînes lourdes et chaînes légères possèdent

unique fragment d’environ 150 acides aminés.

chacune un domaine dit variable, car il va

Ces anticorps à domaines uniques, dits aussi

servir à reconnaître de manière spécifique un

nanocorps (ou nanobodies en anglais) ont été

antigène précis, initiant ainsi l’élimination des

découverts il y a près d’une trentaine d’années

visiteurs indésirables. Le terme Fab (pour frag-

et font l’objet de nombreuses recherches. En

ment antigen binding, fragment de liaison à

effet, leur taille réduite permet d’envisager des

l’antigène) désigne donc un morceau de l’an-

modes d’administration alternatifs aux perfu-

ticorps comportant ces domaines variables.

sions, par spray nasal ou inhalateur.

Illustration de David Goodsell pour la Molécule du mois : https://pdb101.rcsb.org/motm/136

Les Fab servent couramment comme outils de

Comparaison d’un anticorps classique (à gauche) et d’un anticorps de camélidé (à droite). Les chaînes lourdes sont représentées en bleu et les chaînes légères en vert. La zone de reconnaissance de l’antigène est entourée en magenta.

81

C’est ainsi que depuis 2020, des équipes de

(les nanosouris) capables de fabriquer des

recherche développent des nanocorps suscep-

nanocorps issus du lama, du dromadaire et du

tibles de se fixer spécifiquement à la protéine

chameau (mais toujours pas de requin à l’ho-

spike du SARS-CoV-2. Contre cette cible parti-

rizon hélas).

culière, la petite taille des nanocorps comparés aux Fab classiques est également un atout. En

Au final, après plus d’un demi-siècle de

effet, spike est recouverte de molécules de sucre

mauvaise réputation, il semble donc que la

qui vont lui permettre de passer inaperçue face

rédemption des lamas soit pour bientôt. Adieu

à notre système immunitaire. Heureusement

les crachats, bye bye corona, finalement les

pour nous, le tissu de cette cape d’invisibilité

lamas sont sympas !

moléculaire est un peu mité et les nanocorps vont pouvoir s’y infiltrer avec plus de facilité que nos gros anticorps humains. En pratique, les chercheur·se·s d’une équipe belge ont immunisé un lama (parce que travailler sur des requins c’était plus compliqué) en lui injectant des protéines spikes issues de deux autres coronavirus (SARS-CoV-1 et MERS-CoV) néanmoins très proches de celle du SARS-CoV-2. En réaction, son organisme a produit des nanocorps qui se fixent également aux protéines spikes de SARS-CoV-2 et dont l’effet protecteur par inhalation a déjà été montré chez les hamsters. Il reste maintenant à transformer l’essai chez l’humain. En Allemagne, une équipe a procédé de manière similaire sur des alpacas et aux États-Unis, des groupes de recherche ont utilisé la technologie CRISPR-CAS9 pour produire des souris OGM

Représentation de la protéine spike (en cyan) ancrée dans la membrane du virus (en violet) et recouverte de sucres (en magenta). En solution, l’agitation des molécules de sucre forme un bouclier protecteur tout autour de la protéine.

82

CONCLUSION

Le premier tome des Protéines s’ouvrait sur

Néanmoins, la carrière médiatique des proté-

un constat, malgré leur importance au sein

ines ne saurait s’arrêter là. Deux cents ans

de la cellule, les protéines restent encore mal

après les premiers travaux visant à comprendre

connues du grand public, cantonnées aux

leur nature et leur fonctionnement, ces molé-

ouvrages de diététique et de musculation,

cules continuent de surprendre et d’émerveiller

alors que l’ADN reste la star des biomolé-

la communauté scientifique. Depuis le début du

cules. C’est ce qui avait motivé la création en

xxie siècle,

janvier  2019 du blog de vulgarisation Top

deux) prix Nobel quasiment chaque année (en

of the Prots (https://topoftheprots.com/) et la

médecine ou/et en chimie). Si les protéines

publication deux ans plus tard de Protéines,

sont une fenêtre sur l’extraordinaire inventi-

dont l’objectif était de faire découvrir au plus

vité du vivant, comme le montrent les diverses

grand nombre ces fabuleuses molécules essen-

histoires naturelles contées dans cet ouvrage,

tielles à la vie et d’une incroyable diversité.

elles sont également riches de promesses pour

elles sont d’ailleurs l’objet d’un (voire

demain. Chaque connaissance nouvelle sur Depuis, une pandémie virale est passée par

ces molécules nous ouvre des perspectives du

là et a singulièrement changé la donne. Alors

côté de la santé, en permettant la conception

que l’humanité faisait plus ample connais-

de nouveaux médicaments ou traitements théra-

sance avec le coronavirus, les protéines se sont

peutiques, ou du côté des biotechnologies, où

soudain retrouvées sous les feux des projecteurs.

elles pourraient représenter un chemin vers une

Celles-ci ne sont désormais plus seulement syno-

production d’énergie plus respectueuse de notre

nymes de viande, mais sont également asso-

environnement.

ciées au concept d’anticorps. Le grand public a pu également en apprendre plus sur spike,

Si le

xxe  siècle

fut celui de l’ADN, on espère

la protéine ciblée dans les recherches sur les

donc très fort que celui-ci sera le siècle des

vaccins contre le SARS-CoV-2.

protéines !

83

GLOSSAIRE Ce terme caractérise l’absence de vivant (du grec bios). Il peut par exemple qualifier un milieu dépourvu d’organismes vivants, ou encore un processus ne faisant intervenir aucun être vivant.

• Abiotique

Un acide aminé est une molécule comprenant une fonction acide carboxylique (un groupe CO2H) et une fonction amine (un groupe NH2). Il existe plusieurs centaines d’acides aminés, mais seule une vingtaine servent à fabriquer des protéines.

• Acide aminé

L’acide désoxyribonucléique (ADN) et l’acide ribonucléique (ARN) appartiennent tous deux à la famille des acides nucléiques. L’ADN reste confiné dans le noyau cellulaire et sa fonction principale est de stocker l’information génétique. L’ARN quant à lui peut jouer plusieurs rôles. Il sert notamment de messager entre le noyau, où il copie l’information génétique de l’ADN, et le ribosome qui va fabriquer les protéines à partir de cette information.

• ADN/ARN

En biochimie, l’affinité va décrire la force d’une interaction non covalente entre deux macromolécules biologiques (protéine ou acide nucléique), ou entre une macromolécule biologique et une molécule plus petite (le ligand) qui va se fixer sur un site à sa surface ou au sein d’une cavité interne.

• Affinité

L’allostérie caractérise le comportement d’une protéine quand la fixation d’une molécule en un point de celle-ci modifie la façon dont une seconde molécule pourra se fixer sur un autre site distant de la même protéine. Ce phénomène est souvent associé à des changements conformationnels de la protéine induits ou stabilisés par la fixation de la première molécule.

• Allostérie

Se dit d’un composé chimique qui possède à la fois des fragments polaires et non polaires. En conséquence, ces composés ont tendance à se placer à l’interface entre les molécules hydrophiles et hydrophobes.

• Amphipathique/Amphiphile

Un antigène est une macromolécule (le plus souvent une protéine, mais pas toujours) qui va générer chez un organisme une réponse de son système immunitaire, comme la production de protéines anticorps. Ces anticorps vont alors reconnaître les antigènes et se lier à eux, ce qui permettra de les neutraliser.

• Antigène/Anticorps

L’apoptose est une mort cellulaire programmée par la cellule elle-même, qui va déclencher son autodestruction suite à un signal.

• Apoptose

L’adénosine tri-phospate (ATP) est une petite molécule rencontrée chez tous les êtres vivants et qui sert de réserve d’énergie (permettant ainsi des réactions chimiques dans l’organisme). Lors de la libération d’énergie, l’ATP va libérer un groupement phosphate (H3PO4) et ainsi former de l’ADP (adénosine di-phosphate). Les cellules vont ensuite régénérer l’ATP en utilisant l’énergie fournie par notre alimentation ou la photosynthèse.

• ATP/ADP

La bioluminescence caractérise une émission de lumière suite à une réaction chimique catalysée par une biomolécule (qui peut être une protéine).

• Bioluminescence

La biomasse désigne la masse totale des organismes vivants mesurée dans une population, une aire ou tout autre échantillon.

• Biomasse

Le processus de biominéralisation désigne la capacité des organismes vivants à produire des minéraux (c’est-à-dire des matériaux solides).

• Biominéralisation

Les canaux ioniques sont des protéines insérées dans la membrane cellulaire, et qui, en alternant entre des formes ouverte ou fermée (dites aussi active ou inactive), vont pouvoir contrôler le passage d’ions à travers celle-ci.

• Canal ionique

C’est une substance qui va augmenter la vitesse (cinétique) d’une réaction chimique, mais n’apparaît pas dans le bilan global de la réaction (car elle est consommée puis régénérée) et ne nécessite d’être utilisée qu’en très petites quantités. Suivant cette définition, la température n’est pas un catalyseur (même si elle impacte effectivement la vitesse des réactions chimiques).

• Catalyseur

latérale Dans un polymère, la chaîne latérale correspond au groupement chimique qui dépasse du squelette répété. Dans le cas des protéines, ce fragment est lié au carbone α du squelette et caractérise chacun des 20 acides aminés.

• Chaîne

Un composé chimique est dit chiral s’il n’est pas superposable à son image dans un miroir (tout comme nos mains gauche et droite). On appelle alors énantiomères la paire formée par le composé en question et le composé image dans un miroir.

• Chiralité

Les chloroplastes sont les organites spécifiques des cellules végétales où se déroule la photosynthèse.

• Chloroplaste

En biologie, la coévolution décrit les transformations qui se produisent au cours de l’évolution entre deux espèces (ou plus) à la suite de leurs influences réciproques. Cette définition peut également s’appliquer à deux protéines qui interagissent ensemble, les transformations de l’une induisant des transformations dans l’autre.

• Coévolution

85

Petite molécule (non protéique) qui est liée à une protéine et est indispensable à l’activité biologique de cette dernière.

• Cofacteur

Un cristal est un solide dont les constituants (atomes, molécules, ions… ou protéines) sont assemblés de manière régulière, c’est-à-dire avec la répétition un grand nombre de fois d’un motif identique.

• Cristal

La cristallographie est une technique qui permet de déterminer la position des atomes au sein d’un cristal en utilisant la diffraction des rayons X. C’est une des principales méthodes expérimentales utilisées pour déterminer la structure des protéines repliées.

• Cristallographie

La Cryo-EM (ou cryo-microscopie électronique) est une technique de détermination de la structure des protéines où celles-ci vont être refroidies (à − 160 °C !) très rapidement avant de passer sous un faisceau d’électrons. Cette méthode est particulièrement adaptée pour déterminer la structure de très grands assemblages de protéines (comme les enveloppes des virus).

• Cryo-EM

Le cytoplasme désigne le contenu d’une cellule vivante, à l’exception du noyau s’il s’agit d’une cellule eucaryote.

• Cytoplasme

Le cytosquelette d’une cellule est l’ensemble des assemblages de protéines qui lui confèrent sa forme et ses propriétés mécaniques.

• Cytosquelette

La dénaturation d’une protéine désigne la perte de sa structure native (par exemple sous l’effet de la chaleur ou suite à une réaction chimique), ce qui peut entraîner une perte de son activité biologique.

• Dénaturation

L’écholocation est la capacité de certains animaux à localiser et identifier les objets dans leur environnement via l’écho reçu dans les différentes directions des sons qu’ils émettent.

• Écholocation

L’électronégativité d’un élément est une grandeur qui caractérise sa capacité à attirer les électrons lors de la formation d’une liaison chimique avec un autre élément.

• Électronégativité

• Enzyme Une

enzyme est une protéine dotée de propriétés catalytiques. Elle va rendre possible ou accélérer fortement la vitesse d’une réaction chimique. Le terme enzyme (qui vient du grec zyme, levain) a été introduit en 1878. natif/Structure native L’état natif d’une protéine caractérise sa forme fonctionnelle, qui peut être repliée (dans la plupart des cas), mais parfois aussi désordonnée.

• État

Les eucaryotes sont l’ensemble des organismes caractérisés par la présence d’un noyau dans leurs cellules (les animaux et les plantes font partie de ce groupe). Ils sont définis en opposition aux organismes procaryotes (par exemple les bactéries), qui eux ne comportent pas de noyau dans leur cellule.

• Eucaryotes/Procaryotes

86

convergente L’évolution convergente est un processus où des espèces distinctes, mais soumises à des contraintes environnementales similaires, adoptent indépendamment l’une de l’autre une réponse semblable (en termes de morphologie ou de comportement) à ces contraintes. Ce phénomène s’observe aussi dans le cadre de l’évolution des protéines, par exemple avec l’apparition des protéines responsables de l’écholocation chez les chauves-souris et les cétacés.

• Évolution

de transcription Un facteur de transcription est une protéine nécessaire pour initier ou réguler la transcription d’un gène. Elle interagit donc avec l’ADN et l’ARN-polymérase.

• Facteur

La fluorescence caractérise la capacité d’un atome ou d’une molécule d’absorber la lumière à une longueur d’onde donnée et de réémettre de la lumière à une longue d’onde supérieure (et donc avec une énergie moindre). Ce phénomène se déroulant sur un temps très court (quelques ns).

• Fluorescence

Une glycoprotéine est une protéine dont les chaînes latérales de certains de ses acides aminés ont été modifiées et portent désormais des groupements oligosides (des chaînes de sucre quoi).

• Glycoprotéine

L’hémophilie est une maladie d’origine génétique où le sang présente un défaut de coagulation.

• Hémophilie

Deux protéines sont dites homologues si elles dérivent d’un ancêtre commun et qu’elles ont divergé depuis ce dernier. L’homologie va alors caractériser la similarité entre ces protéines. On peut s’intéresser à leur homologie de séquence, qui s’exprime comme un pourcentage de résidus identiques entre les deux protéines, ou à leur homologie de structure, où l’on va cette fois comparer leur repliement.

• Homologue

L’hydrolyse est une réaction chimique, et enzymatique, où une liaison covalente est rompue par action d’une molécule d’eau. Dans le vivant, un exemple courant est la réaction d’hydrolyse de l’ATP en ADP qui va libérer de l’énergie.

• Hydrolyse

Un composé est dit hydrophile s’il a une affinité pour l’eau et tendance à s’y dissoudre. Inversement, un composé hydrophobe aura peu d’affinité pour l’eau et y sera difficilement soluble.

• Hydrophile/Hydrophobe

L’hypoxie désigne un apport insuffisant en oxygène dans un tissu (en opposition à la normoxie, lorsque le taux d’oxygène est normal).

• Hypoxie

Deux isotopes sont des atomes dont les noyaux possèdent le même nombre de protons (caractérisant un élément chimique donné), mais des nombres de neutrons différents. Ainsi, le noyau du carbone 14 (souvent utilisé pour dater des objets anciens) comporte 6 protons et 8 neutrons, alors que le carbone 12 (qui est l’isotope majoritaire de cet élément) comporte lui 6 protons et 6 neutrons.

• Isotope

87

On appelle liaison chimique une interaction attractive entre deux atomes qui va permettre de maintenir une très courte distance entre ceux-ci (moins d’1 nm). Dans les protéines, on rencontrera surtout des liaisons covalentes qui résultent de la mise en commun des électrons entre deux atomes et des liaisons hydrogène, formées entre un atome d’hydrogène et un atome électronégatif (oxygène ou azote).

• Liaison chimique

La liaison peptidique résulte de la réaction chimique d’un groupe amine (−NH2) avec un groupe acide carboxylique (COOH) et caractérise la façon dont deux acides aminés successifs sont accrochés l’un à l’autre au sein d’une protéine.

• Liaison peptidique

Un ligand est une petite molécule qui se lie de manière réversible à une macromolécule spécifique, protéine ou acide nucléique. Le ligand joue en général un rôle fonctionnel : stabilisation structurale, catalyse, modulation d’une activité enzymatique, transmission d’un signal, etc.

• Ligand

Le métabolisme est l’ensemble des réactions chimiques qui se déroulent à l’intérieur d’un être vivant et qui permettent de le maintenir en vie, sa reproduction ou son développement.

• Métabolisme

Le microbiote est l’ensemble des microorganismes (tels que des bactéries ou microchampignons) vivant dans un environnement spécifique (que l’on appelle le microbiome).

• Microbiote

La mitochondrie est un élément (organite) de la cellule dont la fonction principale est de lui fournir de l’énergie via la production d’ATP.

• Mitochondrie

Un mutant est une protéine donc la séquence primaire comporte des variations ponctuelles par rapport à sa séquence native (qui est celle produite par la majorité d’une population d’organismes vivants).

• Mutant (ou variant)

• Neurotoxine

Une neurotoxine est une toxine qui agit sur le système

nerveux. • Nucléotide Les

nucléotides sont les molécules de base formant les acides nucléiques (ADN et ARN). L’ADN est formé des quatre nucléotides, adénine, cytosine, guanine et thymine, tandis que dans l’ARN l’uracile remplace la thymine. Un oncogène est un gène dont l’expression dans la cellule va favoriser l’apparition d’un cancer. On peut également parler de virus oncogènes pour désigner les virus capables de rendre cancéreuse la cellule qu’ils infectent.

• Oncogène

Un organite est une structure spécialisée de la cellule et délimitée par une membrane lipidique, par exemple les mitochondries, ou les chloroplastes chez les végétaux.

• Organite

Un peptide est une molécule formée d’un petit nombre d’acides aminés (de deux à quelques dizaines), c’est donc une petite protéine.

• Peptide

88

Le phénotype désigne l’ensemble des traits observables chez un organisme vivant. Il dépend de l’environnement de cet organisme, et n’est donc pas directement déductible de son génotype (l’ensemble de ses gènes).

• Phénotype

La phosphorescence caractérise la capacité d’un atome ou d’une molécule d’absorber la lumière à une longueur d’onde donnée et de réémettre de la lumière à une longueur d’onde supérieure (et donc avec une énergie moindre). Contrairement à la fluorescence, ce phénomène se déroule sur un temps plus long (de quelques minutes à quelques heures).

• Phosphorescence

Un photorécepteur est une molécule capable de convertir de l’énergie lumineuse en signal chimique.

• Photorécepteur

Un composé polaire présente en son sein une répartition de charges positives et négatives due à la présence d’éléments chimiques ayant des électronégativités différentes.

• Polaire/Apolaire

Un polymère est une molécule formée par la répétition de nombreuses sous-unités (qui peuvent être identiques ou non).

• Polymère

disulfure Un pont disulfure est une liaison covalente formée entre deux atomes de soufre provenant d’acides aminés de type cystéine, situés près l’un de l’autre dans la protéine répliée.

• Pont

Le proton est une particule composante du noyau atomique et porteuse d’une charge électrique élémentaire positive.

• Proton

Un radical est une espèce chimique comportant un ou plusieurs électrons non appariés, ce qui lui confère une forte réactivité et un temps de vie très court.

• Radical

Les rhodopsines sont des protéines photosensibles présentes dans la rétine et impliquées dans la vision.

• Rhodopsine

Le ribosome est un gros assemblage moléculaire comportant des protéines et de l’ARN et qui est en charge de fabriquer les protéines dans la cellule.

• Ribosome

• Rythme circardien Le rythme

circadien regroupe tous les processus biologiques qui se déroulent de manière cyclique sur une durée d’environ 24 heures. La sénescence désigne le lent processus de dégradation des fonctions de la cellule qui est à l’origine du vieillissement des organismes.

• Sénescence

La séquence d’une protéine correspond à l’enchaînement d’acides aminés qui la composent. Elle se lit en partant de l’atome d’azote initial et jusqu’à l’atome de carbone final de la molécule.

• Séquence

Un solvant est un liquide qui peut dissoudre ou diluer d’autres substances sans les modifier chimiquement et sans lui-même se modifier.

• Solvant

89

• Squelette Dans un polymère,

le squelette est la partie répétée de façon régulière. Le long de la chaîne protéique, celui-ci comporte le groupement amide (-N-H), le carbone α et le groupe carbonyle (-C=O) de chaque acide aminé. oxydant Le stress oxydant est une forme d’agression des composants de la cellule due à la présence dans celle-ci d’espèces réactives oxygénées ou azotées en excès.

• Stress

• Structure native

Voir État natif d’une protéine.

• Substrat Un substrat

est une petite molécule qui va subir une réaction chimique au sein d’une enzyme et qui est spécifique à cette enzyme. Un composé tension actif modifie la tension de surface entre deux phases. Il s’agit le plus souvent d’une molécule amphiphile, qui va stabiliser le mélange de deux phases non miscibles en interagissant avec l’une par sa partie polaire (ou hydrophile) et avec l’autre via sa partie apolaire (ou hydrophobe).

• Surfactant/Tensioactif

La symbiose est une association forte et durable entre deux organismes appartenant à des espèces distinctes (et que l’on appellera des symbiotes).

• Symbiose

Les synapses correspondent à des zones de contact entre deux neurones ou entre un neurone et un autre type de cellule (muscle, glande…). Il s’agit d’une zone de transmission d’un signal, qui peut être soit électrique, soit chimique (via la diffusion de petites molécules, les neurotransmetteurs).

• Synapse

Les toxines sont des substances toxiques produites par des organismes vivants, y compris des bactéries, des microalgues, des plantes ou des champignons.

• Toxine

C’est l’étape de synthèse des protéines au sein du ribosome à partir de l’information génétique contenue dans les ARN messagers.

• Traduction

C’est le mécanisme de copie de l’information contenue dans l’ADN en molécules d’ARN messagers qui serviront ensuite à la fabrication de protéines au niveau du ribosome.

• Transcription

Une vésicule est un petit compartiment formé d’une double couche de lipides (et donc semblable à la membrane cellulaire) et qui peut servir à stocker ou transporter des molécules dans le cytoplasme.

• Vésicule

90

BIBLIOGRAPHIE

Les pattes sur terre 1. Jönsson K.I. et al. Tardigrades survive exposure to space in low Earth orbit. Current Biology 18, R729-R731 (2008). https://doi.org/10.1016/j.cub.2008.06.048 2. Hashimoto T. et al. Extremotolerant tardigrade genome and improved radiotolerance of human cultured cells by tardigrade-unique protein. Nat Commun 7, 12808 (2016). https://doi.org/10.1038/ncomms12808 3. Boothby T.C. et al. Tardigrades use intrinsically disordered proteins to survive desiccation. Molecular Cell 65, 975 (2017). https://doi.org/10.1016/j. molcel.2017.02.018 4. Newman J. et al. Structural characterization of a novel monotreme-specific protein with antimicrobial activity from the milk of the platypus. Acta Cryst F74, 39 (2018). https://doi.org/10.1107/S2053230X17017708 5. Torres A.M. et al. D-Amino acid residue in the C-type natriuretic peptide from the venom of the mammal, Ornithorhynchus anatinus, the Australian platypus. FEBS Letters 524, 172 (2002). doi: 10.1016/S0014-5793(02)03050-8 6. Torres A.M. et al. Characterization and isolation of L-to-D-amino-acid-residue isomerase from platypus venom. Amino Acids 32, 63 (2007). doi: 10.1007/ s00726-006-0346-6 7. Kumar J., Sim V. D-amino acid-based peptide inhibitors as early or preventative therapy in Alzheimer disease. Prion 8, 119 (2014). doi: 10.4161/pri.28220 8. Carneiro M. et al. A loss-of-function mutation in RORB disrupts saltatorial locomotion in rabbits. PLOS Genetics 17, e1009429 (2021). https://doi. org/10.1371/journal.pgen.1009429 9. Koch S.C. et al. RORβ spinal interneurons gate sensory transmission during locomotion to secure a fluid walking gait. Neuron 96, 1419 (2017). https://doi. org/10.1016/j.neuron.2017.11.011 10. Azpurua J., Ke Z. et al. Naked mole-rat has increased translational fidelity compared with the mouse, as well as a unique 28S ribosomal RNA cleavage. Proceedings of the National Academy of Sciences 110, 17350 (2013).  https://doi. org/10.1073/pnas.1313473110

91

11. Seluanov A. et al. Mechanisms of cancer resistance in long-lived mammals. Nat Rev Cancer 18, 433 (2018). https://doi.org/10.1038/s41568-018-0004-9 12. Zhengdong Z. et al. INK4 locus of the tumor-resistant rodent, the naked mole rat, expresses a functional p15/p16 hybrid isoform. Proceedings of the National Academy of Sciences 112, 1053 (2015). https://doi.org/10.1073/pnas.1418203112 13. Tian X. et al. High-molecular-mass hyaluronan mediates the cancer resistance of the naked mole rat. Nature 499, 346 (2013). https://doi.org/10.1038/nature12234 14. Cabral L. et al. Gut microbiome of the largest living rodent harbors unprecedented enzymatic systems to degrade plant polysaccharides. Nat Commun 13, 629 (2022). https://doi.org/10.1038/s41467-022-28310-y 15. Cooper A. et al. Frog foams and natural protein surfactants. Colloids and Surfaces A 534, 120 (2017). https://doi.org/10.1016/j.colsurfa.2017.01.049 16. Mackenzie, C.D. et al. Ranaspumin-2: Structure and function of a surfactant protein from the foam nests of a tropical frog. Biophysical Journal 96, 4984 (2009). https://doi.org/10.1016/j.bpj.2009.03.044 17. Oke M. et al. Unusual chromophore and cross-links in ranasmurfin: A blue protein from the foam nests of a tropical frog. Angewandte Chemie 47, 7853 (2008). https://doi.org/10.1002/anie.200802901 18. Banerjee S. et al. Structure of a heterogeneous, glycosylated, lipid-bound, in vivo-grown protein crystal at atomic resolution from the viviparous cockroach Diploptera punctata. IUCrJ 3, 282 (2016). doi:10.1107/S2052252516008903 Sous l’océan 19. Böni L. et al. Hagfish slime and mucin flow properties and their implications for defense. Sci Rep 6, 30371 (2016). https://doi.org/10.1038/srep30371 20. Tipper J.P. et al. Purification, characterization and cloning of tensilin, the collagenfibril binding and tissue-stiffening factor from Cucumaria frondosa dermis. Matrix Biology 21, 625 (2002). https://doi.org/10.1016/S0945-053X(02)00090-2 21. Takehana Y. et al. Softenin, a novel protein that softens the connective tissue of sea cucumbers through inhibiting interaction between collagen fibrils. PLoS One 9, e85644 (2014). doi:10.1371/journal.pone.0085644 22. Himadri S. Gupta et al. Unlocking the secrets of mutable collagenous tissue. Biochemist 40, 8 (2018). https://doi.org/10.1042/BIO04001008 23. Bar-On Y.M. et al. The biomass distribution on Earth. PNAS 115, 6506 (2018). doi:10.1073/pnas.1711842115 24. de Vries J. et al. Plastid survival in the cytosol of animal cells. Trends Plant Sci 19, 347 (2014). doi:10.1016/j.tplants.2014.03.010

92

25. Martini S., Haddock S. Quantification of bioluminescence from the surface to the deep sea demonstrates its predominance as an ecological trait. Sci Rep 7, 45750 (2017). https://doi.org/10.1038/srep45750 26. Shigenobu S. et al. Kleptoprotein bioluminescence: Parapriacanthus fish obtain luciferase from ostracod prey. Science Advances 6, eaax4942 (2020). doi:10.1126/ sciadv.aax4942. 27. Cai J. et al. Eye patches: Protein assembly of index-gradient squid lenses. Science 357, 564 (2017). doi:10.1126/science.aal2674 28. Lynnerup N. et al. Radiocarbon dating of the human eye lens crystallines reveal proteins without carbon turnover throughout life. PLoS One 3, e1529 (2008). doi:10.1371/journal.pone.0001529 29. Nielsen J. et al. Eye lens radiocarbon reveals centuries of longevity in the Greenland shark (Somniosus microcephalus). Science 353, 702 (2016). doi:10.1126/science.aaf1703 30. Crookes W.J. et al. Reflectins: The unusual proteins of squid reflective tissues. Science 303, 235 (2004). doi:10.1126/science.1091288 31. Phan L. et al. Reconfigurable infrared camouflage coatings from a cephalopod protein. Adv Mater 25, 5621 (2013). https://doi.org/10.1002/adma.201301472 32. Cai T. et al. Reconstruction of dynamic and reversible color change using reflectin protein. Sci Rep 9, 5201 (2019). https://doi.org/10.1038/s41598-019-41638-8 La tête dans les nuages 33. Gasmi L. et al. Horizontally transmitted parasitoid killing factor shapes insect defense to parasitoids. Science 373, 535 (2021). doi:10.1126/science.abb63961 34. Renatus M. et al. Catalytic domain structure of vampire bat plasminogen activator: a molecular paradigm for proteolysis without activation cleavage. Biochemistry 36, 13483 (1997). doi:10.1021/bi971129x 35. Fernandez A.Z. et al. Expression of biological activity of draculin, the anticoagulant factor from vampire bat saliva, is strictly dependent on the appropriate glycosylation of the native molecule. Biochim Biophys Acta 1425, 291 (1998). doi:10.1016/s0304-4165(98)00082-8 36. Wiltschko W., Wiltschko R. The effect of yellow and blue light on magnetic compass orientation in European robins, Erithacus rubecula. J Comp Physiol A 184, 295 (1999). https://doi.org/10.1007/s003590050327 37. Fusani L. et al. Cryptochrome expression in the eye of migratory birds depends on their migratory status. J Exp Biol 217, 918 (2014). https://doi.org/10.1242/ jeb.096479

93

38. Gunther A. et al. Double-cone localization and seasonal expression pattern suggest a role in magnetoreception for european robin cryptochrome 4. Current biology: CB 28, 211 e214 (2018). doi:10.1016/j.cub.2017.12.003 Les inclassables 39. Gonuguntla V, Joshi DD. Rapunzel syndrome: a comprehensive review of an unusual case of trichobezoar. Clin Med Res 7, 99 (2009). doi:10.3121/ cmr.2009.822 40 . U". Basmanav F.B. et al. Mutations in three genes encoding proteins involved in hair shaft formation cause uncombable hair syndrome. The American Journal of Human Genetics 99, 1292 (2016). doi:10.1016/j.ajhg.2016.10.004 41. Steinert P.M. et al. Trichohyalin mechanically strengthens the hair follicle: multiple cross-bridging roles in the inner root shealth. J Biol Chem 278, 41409 (2003). doi:10.1074/jbc.M302037200 42. Addadi L., Weiner S. Biomineralization: mineral formation by organisms. Phys Scr 89, 098003 (2014). doi:10.1088/0031-8949/89/9/098003 43. Lu H. et al. Calcium-induced molecular rearrangement of peptide folds enables biomineralization of vaterite calcium carbonate. J Am Chem Soc 140, 2793 (2018). doi:10.1021/jacs.8b00281 44. Pääbo S. Molecular cloning of ancient Egyptian mummy DNA. Nature 314, 644 (1985). https://doi.org/10.1038/314644a0 45. Rybczynski N. et al. Mid-Pliocene warm-period deposits in the High Arctic yield insight into camel evolution. Nat Commun 4, 1550 (2013). https://doi.org/10.1038/ ncomms2516 46. Zaucha J., Heddle J.G. Resurrecting the Dead (Molecules). Computational and Structural Biotechnology Journal 15, 351 (2017). https://doi.org/10.1016/j. csbj.2017.05.002 47. Welker F. et al. Palaeoproteomic evidence identifies archaic hominins associated with the Châtelperronian at the Grotte du Renne. PNAS 113, 11162 (2016). doi:10.1073/pnas.1605834113 48. Pollard T.D., Borisy G.G. Cellular motility driven by assembly and disassembly of actin filaments. Cell 112, 453 (2003). doi:10.1016/s0092-8674(03)00120-x Aux frontières du vivant 49. Tania Louis. La folle histoire des virus, Ed. humenSciences (2020). 50. Holthausen D.J. et al. An amphibian host defense peptide is virucidal for human H1 hemagglutinin-bearing influenza viruses. Immunity 46, 587 (2017). doi:10.1016/j. immuni.2017.03.018

94

51. Shang J. et al. Structural basis of receptor recognition by SARSCoV-2. Nature 581, 221 (2020). https://doi.org/10.1038/s41586-020-2179-y 52. Horie M. et al. Endogenous non-retroviral RNA virus elements in mammalian genomes. Nature 463, 84 (2010). https://doi.org/10.1038/nature08695 53. Jackson N.A.C. et al. The promise of mRNA vaccines: a biotech and industrial perspective. NPJ Vaccines 5, 11 (2020). https://doi.org/10.1038/s41541-0200159-8 54. Hamers-Casterman C. et al. Naturally occurring antibodies devoid of light chains. Nature 363, 446 (1993). https://doi.org/10.1038/363446a0 55. Jovcevska I., Muyldermans S. The therapeutic potential of nanobodies. BioDrugs 34, 11 (2020). https://doi.org/10.1007/s40259-01900392-z 56. Casalino L. et al. Beyond shielding: the roles of glycans in the SARS-CoV-2 Spike protein. ACS Central Science 6, 1722 (2020). doi:10.1021/acscentsci.0c01056 57. Gu"ttler T. et al. Neutralization of SARS-CoV-2 by highly potent, hyperthermostable, and mutation-tolerant nanobodies. The EMBO Journal 40, e107985 (2021). https:// doi.org/10.15252/embj.2021107985 58. Xu J. et al. Nanobodies from camelid mice and llamas neutralize SARS-CoV-2 variants. Nature 595, 278 (2021). https://doi.org/10.1038/s41586-021-03676-z 59. Casalino L. et al. Beyond Shielding: The Roles of Glycans in the SARS-CoV-2 Spike Protein. ACS Central Science 6, 1722 (2020). doi:10.1021/acscentsci.0c01056

95

S E C I R T U A S E L Sophie Sacquin-Mora. Après l’agrégation de chimie et une thèse en thermodynamique statistique, j’ai rejoint le Laboratoire de Biochimie Théorique, où je suis chercheuse CNRS depuis 2006. Mes travaux de recherche portent sur le développement de modèles théoriques pour mieux comprendre comment fonctionnent les protéines à l’échelle atomique. Je m’intéresse notamment à leurs propriétés mécaniques et à la façon dont elles interagissent entre elles (je dis parfois que je fais de la sociologie des protéines). Mes grandes passions sont la science, le féminisme et la littérature jeunesse et je parle aussi de tout ça sur Twitter (@sacquin_mo). Anmryn. J’ai fait des sciences molles avec 3 mastères dedans, ce qui m’a permis de bien rebondir puisque j’ai travaillé pour des sites web et l’édition de livres en tous genres et à tous les niveaux. J’ai été enseignante (de français et même de latin) en France et en Corée du Sud et aussi en Pologne, également rédactrice ou traductrice pour plein de supports variés et encore plus de thèmes différents. La vraie vie de hippie, quoi. Et comme toute bonne hippie, entre un projet de yarn bombing pour dénoncer le grand Capital et des tests capillaires impliquant beaucoup trop de henné, je dessine des trucs et des machins souvent carrés pour entrer dans le format Instagram (@anmryn). Comme quoi, on finit toujours par trouver sa case.

Remerciements • Manifestement ce tome 2 n’existerait pas si notre premier opus sur les protéines n’avait pas rencontré son public. Je voudrais donc remercier l’ensemble des gentil·le·s lecteur·rice·s de Protéines (avec une dédicace spéciale à Samuel Étienne et aux fans de Questions pour un Champion), et j’espère très fort que nous avons réussi à leur transmettre un peu de notre passion pour ces molécules hors du commun. Mes remerciements vont aussi particulièrement à Claire Marrache-Kikuchi, Pierre Poulain, Martin Tiano et Sylvain Chambon, qui se sont penché·e·s sur les toutes premières versions de l’ouvrage et nous ont apporté leur aide dans cet exercice nouveau d’écriture pour le grand public. Je remercie également France Citrini, notre éditrice, pour sa confiance immédiate, et renouvelée, dans ce projet. SS

Un ouvrage de la collection Carnet de labo, dirigée par Pierre-Étienne Bertrand Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. La loi du 11 mars 1957 n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article 41, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite » (alinéa 1er de l’article 40). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

Imprimé en France par SEPEC, 01960 Péronnas ISBN (papier) : 978-2-7598-2747-3 ISBN (ebook) : 978-2-7598-2748-0 Dépôt légal : octobre 2022 © EDP Sciences, 2022 17, avenue du Hoggar 91944 Les Ulis