Phonétique et phonologie du judéo-espagnol de Bucarest [Reprint 2017 ed.] 9783110810332, 9789027917089


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French Pages 224 Year 1971

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Table of contents :
AVANT-PROPOS
TABLE DES MATIÈRES
I. INTRODUCTION
II. PHONÉTIQUE DESCRIPTIVE
III. PHONÉTIQUE HISTORIQUE
IV. PHONOLOGIE SYNCHRONIQUE
V. PHONOLOGIE DIACHRONIQUE
VI. CONCLUSIONS
BIBLIOGRAPHIE
INDEX
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Phonétique et phonologie du judéo-espagnol de Bucarest [Reprint 2017 ed.]
 9783110810332, 9789027917089

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JANUA LINGUARUM STUDIA N I C O L A I VAN

MEMORIAE WIJK DEDICATA

edenda C. H.

VAN Indiana

curai

SCHOONEVELD University

Series Practica,

142

PHONETIQUE ET

PHONOLOGIE DU JUDÉO-ESPAGNOL DE BUCAREST

par

MARIUS INSTITUT

SALA

DE L I N G U I S T I Q U E BUCAREST

1971

MOUTON THE HAGUE PARIS

Cet ouvrage paraît par les soins des Éditions de l'Académie de la République Socialiste de Roumanie et Mouton & Co. N. V., Publishers

Les droits de reproduction du présent ouvrage appartiennent aux ÉDITIONS DE L ' A C A D É M I E D E LA R É P U B L I Q U E SOCIALISTE D E R O U M A N I E 3 bis, rue Gutenberg, Bucarest

P R I N T E D IN R O M A N I A

A la mémoire du Professeur ÉMILE PETROVICI (1899 - 1968)

AVANT-PROPOS

Le présent ouvrage constitue la thèse de doctorat de l'auteur, soutenue à l'Institut de linguistique de Bucarest près l'Académie de la République Socialiste de Roumanie. L'existence de la colonie séphardite de Bucarest nous a été signalée par le regretté professeur É. Petrovici, qui a assisté aux premières enquêtes. Au cours de l'élaboration de cette étude nous avons reçu de précieuses suggestions de la part de notre maître, M. Iorgu Iordan. Nous avons introduit dans le texte initial quelques modifications, suite aux remarques figurant dans les rapports officiels présentés, lors de la soutenance de la thèse, par MM. A. Rosetti et A. Graur, nos anciens professeurs, et par le professeur G. Ivânescu. Le texte a été lu aussi, après la soutenance de la thèse, par MM. Andrei Avram, chef de la Section de phonétique et phonologie du Centre de recherches phonétiques et dialectales de Bucarest, et D. Copceag, chercheur au même centre. La traduction française a été assurée par Mme Ioana Yintilâ-Râdulescu, chercheur à l'Institut de linguistique de Bucarest. Nous sommes heureux de leur exprimer ici, à tous, notre sincère gratitude. Bucarest, septembre 1969.

TABLE DES MATIÈRES

Avant-propos I.

INTRODUCTION

1. Importance du judéo-espagnol (p. 11 ) ; 2. Développement et déclin des colonies séphardites de la Péninsule des Balkans (p. 11) ; 3. Histoire des Séphardim de Roumanie (p. 13) ; 4. Bibliographie consacrée au judéo-espagnol (p. 15) ; 5. Études sur le judéo-espagnol de Roumanie (p. 16) ; 6. Caractéristiques de l'enquête : questionnaire, enquêteur, sujets (p. 18) ; 7. Stade du judéo-espagnol de Bucarest (p. 20) ; 8. Plan de l'ouvrage (p. 22). PHONÉTIQUE I I . PHONÉTIQUE DESCRIPTIVE

0. Plan du chapitre (p. 25) Vocalisme : 1. a (p. 26) ; 2. e (p. 27) ; 3. ë, â (p. 30) ; 4. i, i (p. 30) ; 5. o (p. 32) ; 6. u, u (p. 34) ; 7. Diphtongues (p. 35) ; 8. Triphtongues (p. 37) ; 9. Voyelles nasales (p. 38) ; Consonantisme : 10. p (p. 40) ; 11. b (p. 43) ; 12. t (p. 46) ; 13. d (p. 49) ; 14. k (p. 52) ; 15. g (p. 56) ; 16. c (p. 58) ; 17. g (p. 59) ; 18. \ (p. 60) ; 19. d (p. 61) ; 20. / (p. 61) ; 21. v (p. 64) ; 22. s (p. 67) ; 23. z (p. 70) ; 24. S (p. 71) ; 25. S (p. 73) ; 26. x (P- 73) ; 27. m (p. 75) ; 28. n (p. 77) ; 29. I (p. 79) ; 30. r (p. 80) ; 31. Accent (p. 81) ; 32. Conclusions (p. 82). I I I . PHONÉTIQUE HISTORIQUE

1. Plan du chapitre (p. 85) Vocalisme : 2. a (p. 86) ; 3. e (p. 93) ; 4. i, i (p. 100) ; 5. o (p. 106) ; 6. u, u (p. 108) ; Consonantisme: 7. p (p. 111); 8. b (p. 112); 9. t (p. 115); 10. d (p. 117) ; 11. k (p. 121) ; 12. g (p. 123) ; 13. S (p. 125) ; 14. g (p. 126) ; 15. f (p. 127) ; 16. d (p. 128) ; 17. / (p. 130) ; 18. v

10

(p. 133) ; 19.s(p.137) ; 20.s(p.142); 21.s(p.144); 22.i(p.145) ; 23. X (p. 146) ; 24. m (p. 147) ; 25. n (p. 149) ; 26. I (p. 151) ; 27. r (p. 153) ; 28. Accent (p. 155) ; 29. Phénomènes divers (p. 156) ; 30. Conclusions (p. 157). PHONOLOGIE IV.

PHONOLOGIE SYNCHBONIQUE

163

1. Analyse phonématique (p. 163) ; 2. Méthode adoptée (p. 163) ; 3. Phonèmes vocaliques (p. 163) ; 4. Phonèmes consonantiques (p. 166) ; 5. Fréquence des phonèmes (p. 177) ; 6. Neutralisation des oppositions (p. 177) ; 7. Combinaisons de phonèmes (p. 179) ; 8. Faits prosodiques (p. 184) ; 9. Conclusions (p. 184). V.

PHONOLOGIE DIACHRONIQUE

187

1. Méthode adoptée (p. 187) ; 2. Système phonologique de l'espagnol médiéval (p. 187) ; 3. Système phonologique de l'espagnol littéraire contemporain (p. 190) ; 4. Système phonologique du judéo-espagnol de Bucarest (p. 191) ; 5. Différences entre les trois systèmes phonologiques (p. 191) ; 6. Conclusions (p. 197). VI.

CONCLUSIONS

199

BIBLIOGRAPHIE

203

INDEX

a) des noms d'auteurs b) des mots judéo-espagnols

209

209 210

I INTRODUCTION

1. La présente étude sur la phonétique et la phonologie du judéo-espagnol de Bucarest est le résultat des recherches faites par l'auteur pendant plusieurs années. L'objet de cette étude présente de l'intérêt aussi bien pour la linguistique romane que pour la linguistique générale. L'importance du judéo-espagnol pour l'étude de l'histoire de la langue espagnole a été soulignée bien des fois 1 ; il a été relevé que cet idiome conserve, dans leurs grandes lignes, les traits caractéristiques de l'espagnol du XVe siècle — époque de l'expulsion des juifs d'Espagne —, et que le judéo-espagnol explique certains phénomènes de l'espagnol ancien et contemporain. Le judéo-espagnol représente un objet d'étude pour la linguistique générale également, permettant d'étudier sur le vif de nombreux phénomènes de bilinguisme (le judéo-espagnol ayant évolué dans un milieu tout à fait différent de celui où s'est développé l'espagnol actuel), ou de surprendre la manière dont se crée une nouvelle norme linguistique, qui admet un certain nombre d'éléments dialectaux exclus de la norme de l'espagnol littéraire (cf. Sala, Norma, p. 179 — 181). Enfin, le judéo-espagnol de Bucarest notamment est à même d'offrir à la linguistique générale certaines indications sur la manière dont une langue meurt (cf. Sala, Disp. limbii, p. 107 — 122). En raison de l'importance particulière du judéo-espagnol nous avons jugé nécessaire d'entreprendre à Bucarest une enquête plus ample qui, s'ajoutant aux observations faites jusqu'à présent, nous permette de décrire le plus complètement possible l'idiome en question. 2. Dans un article consacré au phénomène de l'extinction du judéoespagnol de Bucarest, nous avons esquissé les étapes les plus importantes du développement et du déclin des colonies séphardites de la Péninsule des Balkans (Sala, Disp. limbii, p. 108 — 110). 1 Voir, par exemple: Subak, Jsp., p. 129— 178; Wagner, Klpel, Algs. obs., p. 225 - 244 ; Wagner, Car., p. 16 - 52 ; Lapesa, Hist5, p. Man., p. 173.

§ 1 — 181; Wagner, 335 - 339 ; Rohlfs,

INTRODUCTION

12

Eepoussés d'Espagne à la fin du XVe siècle, à la suite de l'édit d'expulsion promulgué par les Eois Catholiques Ferdinand et Isabelle, les juifs espagnols s'établirent dans l'Empire ottoman (plus exactement dans la Péninsule des Balkans), se rendant à l'invitation que leur avait faite Bajazet II. En raison de leurs professions (commerce, médecine), la plupart des Séphardim s'établirent dans les villes, vivant dans des ghettos, tout comme en Espagne (cf. Eenard, Syst. phon., p. 24). A cause de la vie au ghetto et des mariages à l'intérieur des communautés séphardites, les relations des juifs espagnols avec les autres populations se bornèrent aux seuls aspects administratifs. C'est pourquoi les femmes séphardites n'employèrent pendant longtemps d'autre idiome que l'espagnol. Ajoutons que, pour les mêmes raisons, les contacts culturels n'étaient pas très développés, le type de culture religieuse hébraïque étant différent des types de culture auxquels appartenaient les peuples de la Péninsule des Balkans. Tous ces faits contribuèrent à conserver jusqu'à nos jours, avec les modifications que nous présenterons ci-dessous, l'idiome espagnol apporté d'Espagne par les juifs expulsés à la fin du XV e siècle (cf. Eenard, Syst. phon., p. 23). A leur arrivée dans l'Empire ottoman, les Séphardim avaient apporté les deux aspects de l'espagnol employés en Espagne : la forme écrite littéraire, qu'ils nommaient ladino, et la langue courante employée dans la conversation quotidienne. La forme littéraire du judéo-espagnol des XV e et XVI e siècles ne différait que très peu de l'espagnol littéraire employé à la même époque en Espagne. 2 Le prestige économique et social des Séphardim a conduit à l'adoption de l'aspect courant du judéo-espagnol par les juifs de langue grecque ou allemande qui vivaient déjà ou qui étaient venus ultérieurement dans l'Empire ottoman. L'espagnol courant commença à être employé par un nombre toujours croissant de sujets parlants non espagnols qui ne le parlaient pas aussi correctement que les juifs originaires d'Espagne, introduisant des mots et des expressions de leur ancien idiome.3 Il s'est formé une sorte de koiné, où pénétrèrent, outre les usages linguistiques des juifs portugais et catalans (expulsés en même temps que les juifs espagnols 2

Wagner, Car., p. 2 9 ; Entwistle, Spanish,

p. 178 — 1 8 0 ;

S. Marcus, A-l-il

existé

en

Es-

pagne un dialecte judéo-espagnol"!, « S e f a r a d » X X I I , 1962, p. 129 — 1 4 9 ; Renard, Syst. phon,. p. 23—25. Cf. D . S. Blondheim, Les parlers judéo-romans et la Vêtus latlna, P a r i s , 1925. 3 Vendryes, Le langage, Paris, 1921, p.339, montre que le b r e t o n et l'irlandais, qui reculent d e v a n t le français, respectivement l'anglais, exercent une certaine influence sur les langues qui les éliminent. Cf. A . Meillet, Linguistique historique..., II, Paris, 1952, p. 9 9 , 1 0 7 et surtout p. 77, où il est montré que la langue adoptée a bouche de ceux qui l'adoptent.

tendance à se dégrader dans la

INTRODUCTION

13

et qui avaient renoncé à leur langue en faveur de l'espagnol), les particularités linguistiques des autres juifs non espagnols également. La modification du langage courant est due aussi à d'autres causes. Étant médecins, commerçants ou artisans, les Séphardim ont dû, pour se créer certaines terminologies, telles la terminologie administrative ou celle relative à la culture matérielle, avoir recours aux langues des populations au sein desquelles ils vivaient et, en premier lieu, au turc. Au fur et à mesure que les emprunts devenaient plus nombreux, la langue courante s'éloignait du ladino employé dans les textes religieux. Le phénomène devient encore plus évident après la cessation de toutes relations avec l'Espagne, le ladino ayant conservé certains termes disparus du langage courant (Entwistle, Spanish, p. 180). Autrement dit, le langage courant s'est différencié de la langue écrite par les éléments mêmes qui l'y rattachaient auparavant. Les influences étrangères ont donc accentué les différences entre les deux aspects du judéo-espagnol. L'importance de la culture des Séphardim se trouvant diminuée, l'aspect littéraire, écrit, du judéo-espagnol est employé de moins en moins. Des deux aspects du judéo-espagnol, il ne reste qu'un seul, le langage courant (cf. Renard, Syst. phon., p. 23), qui se transforme peu à peu en un langage de conversation familiale et finalement meurt. Il est à observer que la disparition du judéo-espagnol consiste surtout en la réduction de la sphère de ses emplois, soit la diminution progressive de la valeur sociale de ce moyen de communication. L'abandon du judéo-espagnol est pourtant, en même temps, le résultat de la diminution du nombre de sujets parlants, qui renoncent à l'employer et lui préfèrent une autre langue4. 3. Les informations sur l'histoire et le nombre des Séphardim de Roumanie ont toujours été peu nombreuses et contradictoires (Wagner, RDR I, p. 483). On ne connaît pas la date exacte de l'arrivée des premiers Séphardim en Roumanie (cf. Wagner, RDR I, p. 484). Selon la Jewish Encyclopedia (s.v. Romanía) et selon Hasdeu,5 ils seraient venus dès le XVI 9 siècle. Nous disposons d'informations plus sûres sur les juifs espagnols de Roumanie seulement à partir du XVIII e siècle, quand le prince Nicolas Mavrocordat a fait venir en Yalachie Mentesh Bally, banquier du vizir6. On affirme qu'en 1848 il y aurait eu à Bucarest une communauté séphardite et qu'un de ses membres, D. Bally, aurait été ami des 4

On peut trouver une analyse détaillée de ce processus d'abandon du judéo-espagnol chez Crews, Jesp., p. 12; Sala, Disp. limbii, p. 108 — 115. 6 B. P. Hasdeu, Istoria toleranfei religioase In Romdnia, Bucarest, 1868, p. 79. 6 M. Schwartzfeld, Davidicion Bally, « Anuarul pentru israeli^i » IX, 1886 — 1887, p. 2.

INTRODUCTION

14

révolutionnaires de 18487. I l semble que c'est ainsi qu'on pourrait interpréter la date des pierres funéraires du cimetière espagnol de Bucarest (les plus anciennes ne remontent qu'à 1800 ; cf. Crews, Jesp., p. 12). Ces informations concordent avec celles fournies au chercheur espagnol Ángel Pulido y Fernández 8 par le rabbin Bejarano de Bucarest. Bejarano soutient qu'il s'agit d'une colonie récente, datant du début du X I X e siècle. C'est au cours du X I X e siècle que s'établirent en Roumanie la plupart des ancêtres des Séphardim, venus de Bulgarie 9 et de Bosnie. En général, les Séphardim établis en Eoumanie provenaient de toutes les régions de la Péninsule des Balkans.10 Les informations dont nous disposons concernant le nombre des Séphardim de Eoumanie sont également peu sûres et contradictoires. I l est certain que leur nombre a toujours été plus petit en Eoumanie que dans les pays balkaniques. Au début de notre siècle, selon les informations fournies par le rabbin Bejarano (dont il a déjà été question ci-dessus), il y avait en Eoumanie 640 familles totalisant un peu plus de 3000 personnes, qui vivaient dans quelques villes de Yalachie. La plus grande colonie, selon la même source, était celle de Bucarest (320 familles, soit 1000 personnes), suivie par les communautés de Craiova, Giurgiu, Turnu Severin, Ploieçti, Càlâraçi, Constanza et Calafat (Pulido, op. cit., p. 25). Ces informations, acceptées par M. L. Wagner également ( R D B I , p. 484) et qui concordent en grandes lignes avec les indications antérieures fournies par Barasch11, semblent plus proches de la vérité que celles qui se trouvent dans le livre de M. Franco12, qui soutient qu'à la fin du siècle dernier, les juifs espagnols auraient été plus nombreux en Eoumanie que les juifs de langue allemande.13 De nos jours, le nombre des Séphardim est encore moindre, comme il sera montré plus loin. Ces faits nous empêchent d'accepter les informations publiées par la revue « Sefarad » ( X X , 1960, p. 146), selon lesquelles un tiers des juifs de Eoumanie seraient séphardites. 7

Ibidem, p. 10 — 11. En 1878 est mentionnée une fabrique de charpenterie appartenant à

un certain I. I. Bally ( I s t o r i a Româniet,

I V , Bucarest, 1964, p. 456).

8

Cf. Los israelitos españoles y el idioma

9

Rosanis, in « Anuarul pentru israeliti» I X , 1886 — 1887, p. 14.

10

J.

Barasch,

Ceva

despre israelita

anuí 5638 ( 1 8 7 7 - 1 8 7 8 ) » , 11

Voir

«Anuarul

castellano,

nostri

Madrid,

spanioli,

in

1904, p. 15 — 31,

« Calendar pentru

146 — 154.

israeliti

pe

p. 97.

pentru israeliti»

I V , 1880 — 1881, p. 23, qui estime le nombre des fa-

milles de Bucarest à 150. 12

M. Franco, Essai

sur l'histoire

des Israélites

de l'empire

ottoman,

Paris, 1897, p. 26,

note 1. 13

Les informations statistiques officielles ( A n u a r u l statistic

Buletinul

statistic

al României,

al României,

Bucarest, 1904 ;

Bucarest, 1901) n'indiquent dans le cas des juifs s'ils

ou non de langue espagnole (cf. également Wagner, RDR non plus ne comprennent de telles indications.

sont

I, p. 483). Les documents ultérieurs

INTRODUCTION

15

Il est évident qu'à Bucarest, la communauté séphardite a été moins nombreuse que les communautés des centres balkaniques. Toute sa structure le prouve. Ainsi, tandis que dans certaines villes balkaniques il existe plusieurs temples, souvent un temple correspondant à chaque région ou ville d'Espagne, 14 à Bucarest il n'y en avait que deux. Il n'en est resté de nos jours qu'un seul, l'autre ayant été détruit au cours de la seconde guerre mondiale. Selon les informations obtenues par Pulido (op. cit., p. 153—154), il n'y avait à Bucarest pendant une longue période qu'une seule école confessionnelle, qui a cessé de fonctionner à la fin du siècle dernier. On y enseignait le roumain selon les mêmes programmes que dans les écoles roumaines ; la religion y était enseignée en espagnol. La vie culturelle des Séphardim n'a pas été, elle non plus, très développée à Bucarest. On ne doit pas oublier que les Séphardim se sont établis en Roumanie surtout au X I X e siècle, à savoir à une époque où, en général, la culture séphardite était en régression évidente dans toute la Péninsule des Balkans. A Bucarest il n'existait pas de publications en langue espagnole. Les quelques journaux espagnols de Roumanie, imprimés en caractères latins, El Luzero de la Paciencia (Turnu Severin, 1886) et La Alborada (Ploieçti, 1898—1899) ont eu une existence éphémère; de plus, ils ne paraissaient pas dans la capitale. La littérature en langue espagnole était également très restreinte. En 1930, lorsque C.M. Crews menait son enquête en Roumanie, à Bucarest il ne circulait pas de littérature orale, comme il en existe dans les autres centres séphardites (cf. Crews, Jesp., p. 11). Il en est de même actuellement. Tous les faits présentés ci-dessus ont déterminé une sensible diminution du nombre des Séphardim qui emploient encore le judéo-espagnol. Selon les informations recueillies lors de l'enquête, il ressort que de nos jours il existe environ 150 personnes parlant l'idiome en question, dont les plus jeunes âgées de 50 à 60 ans. Beaucoup d'entre elles n'emploient l'espagnol que lorsqu'elles se rencontrent en dehors de la famille, car la plupart habitent soit seules, soit dans des familles formées de Roumains ou de juifs de langue allemande. 4. De nombreuses études ont été consacrées jusqu'à présent au judéo-espagnol. Une bibliographie incomplète, comme celle dressée par H. Y. Besso 15 il y a 17 ans, compte à elle seule presque 150 études. Au cours des dernières années il en a paru beaucoup d'autres. Parmi les romanistes qui se sont occupés du judéo-espagnol rappelons des noms 14 16

Franco, op. cit., p. 4 0 ; Wagner, Car., p. 1 5 ; Baruch, RIEB I, p. 513. Bibtiografta sobre el judeo-espafiol, in «Bulletin hispanique» LIV, 1952, p. 413—422.

INTRODUCTION

16

connus comme ceux de M. L. Wagner, E . Menéndez Pidal, J . Subak, M. Alvar, C. M. Crews. La plupart de leurs ouvrages analysent surtout les particularités par lesquelles le judéo-espagnol diffère de l'espagnol littéraire. Cette tendance de souligner les différences et d'ignorer les particularités communes au judéo-espagnol et à l'espagnol littéraire s'explique par le fait que les auteurs ont étudié le judéo-espagnol du seul point de vue de la grammaire historique et de l'histoire de l'espagnol (cf. Sala, Recherches, p. 121). C'est pourquoi on ne trouve dans aucun ouvrage une d e s c r i p t i o n c o m p l è t e du judéo-espagnol. Les seules exceptions, partielles, sont les études à caractère d e s c r i p t i f de Crews — Vinay, Lamouche et Barnils (citées dans l'ordre de leur importance). Dans leur article (Quelques observations supplémentaires sur le parler judéo-espagnol de Salonique, in « Bulletin hispanique » XLI, 1939, p. 209—235), Crews — Yinay décrivent en détail les sons du judéo-espagnol de Salonique. C'est toujours à cet idiome qu'est consacré l'article, moins détaillé, de L. Lamouche (Quelques mots sur le dialecte espagnol parlé par les Israélites de Salonique, in « Eomanische Forschungen » X X I I I , 1907, p. 969—991). Quelques observations fragmentaires, fondées sur l'enregistrement au kimographe du parler d'un juif de Constantinople, sont fournies par P. Barnils dans son étude Sobre el parlar jueu-espanyol, publiée dans « Estudis fonètics » I, 1917, p. 303—310. Aucun de ces ouvrages ne discute les différentes positions que peuvent occuper les sons étudiés dans la chaîne parlée. Les études de p h o n o l o g i e sont presque inexistantes. Les seules considérations phonologiques se rencontrent dans un court chapitre de l'article cité de Crews — Yinay (Sal., p. 224—225), où les auteurs discutent la valeur phonologique de (3, à, y en opposition avec b, d, g. A la page 225 on donne un tableau des phonèmes du judéo-espagnol de Salonique, sans indiquer comment ces unités ont été dégagées. 5. La remarque faite par C. M. Crews il y a plus de 35 ans au sujet des études consacrées au judéo-espagnol de Roumanie reste valable de nos jours : « il constitue un champ de recherche presque complètement négligé » (Crews, Jesp., p. 7), les travaux consacrés au judéo-espagnol de Roumanie en général et surtout ceux consacrés au judéo-espagnol de Bucarest étant peu nombreux. Ils se fondent, de plus, sur des informations indirectes (M. L. Wagner, J . Subak), ou sur un recueil restreint de textes (C. M. Crews).16 16

La réserve

manifestée par Crews (Jesp.,

p. 31) e n v e r s

la langue employée dans les

j o u r n a u x et les livres parus en R o u m a n i e est justifiée, car leurs auteurs, é t a n t s o u v e n t établis depuis peu en R o u m a n i e , n'ont jamais employé le v é r i t a b l e dialecte parlé à Bucarest.

INTRODUCTION

17

On trouve les premières informations sur le judéo-espagnol de Bucarest dans l'aperçu général sur le judéo-espagnol d'Orient 17 de M. L. Wagner. Ces informations se fondent sur les données communiquées par le rabbin E. Bejarano, originaire d'Andrinople, qui, fonctionnant à cette époque à Bucarest, connaissait bien l'idiome dont nous nous occupons. M. L. Wagner se borne à discuter certains aspects du vocabulaire du judéo-espagnol de Bucarest ; il ne s'occupe pas de la phonétique et de la morphologie de cet idiome. Un an plus tard, J. Subak ( VB, p. 36—37) a donné quelques brèves informations, en général justes (cf. Crews, Jesp., p. 7, 30), sur le même idiome. Ainsi, il relève dans le domaine de la phonétique le passage de -o à -u, la transformation de e et o atones en i, respectivement u, de même que la prononciation occlusive de d et g intervocaliques. Il constate également l'existence d'un son de transition (Gleitlaut) dans certains mots comme friyir, riyir, et la palatalisation (Jotazierung) de Te dans des mots tels que lcimár. Les informations et les observations les plus nombreuses sur le judéoespagnol en question ont été données par C. M. Crews, dans son ouvrage bien connu consacré au judéo-espagnol des Balkans (Recherches sur le judéo-espagnol dans les pays balkaniques, Paris, 1935). Malheureusement, comme il est souligné dans l'introduction de son livre, l'auteur n'a pas pu analyser en détail la phonétique de l'idiome dont nous nous occupons, les données obtenues d'une seule personne n'ayant pas pu être vérifiées par celles qu'auraient pu fournir d'autres sujets. Les textes manquent d'uniformité, et, de ce fait, les diverses variantes qui paraissent dans le même texte ne peuvent être corroborées avec celles qu'on trouve dans d'autres textes (Crews, Jesp., p. 32 ; Sala, Recherches, p. 121). C'est pourquoi les observations, pourtant si riches, de Crews, groupées dans les notes 1—286 de son livre, et qui expliquent les phénomènes les plus intéressants illustrés par les 7 textes cueillis par l'auteur à Bucarest, ne présentent pas une description systématique de la phonétique de l'idiome de Bucarest. Outre ces études, on peut trouver certaines informations sur le judéoespagnol de Boumanie dans l'ouvrage précité de Ángel Pulido y Fernández. Ainsi, une lettre adressée par A. Cappon, Séphardite de Bucarest, à Pulido, le 30 V I 1 9 0 4 (dont Crews, Jesp., p. 31 cite un fragment), contient quelques phrases permettant d'observer certaines particularités de l'idiome qui forme l'objet de notre étude. En présentant ces particularités on n'a cependant opéré aucun tri entre les faits appartenant au dialecte parlé 17 Los judíos de Levante. Kritischer Rückblick bis 1907. Die Sprachen der Spanischen in RDR I, 1909, p. 4 8 7 - 5 0 2 .

2 - C. 341

Juden,

18

INTRODUCTION

à Bucarest et ceux appartenant aux dialectes parlés en Bulgarie et en Serbie (cf. Crews, Jesp., p. 31) ; de plus, elles sont indiquées par un non-spécialiste, ce qui oblige à les considérer avec beaucoup de réserve. 18 Bappelons également le livre de Galimir Mosco (Proverbios (refranes). Pocos proverbios del rey Salamón, del Talmud, fábulas, consejas, reflexiones, dichas de españoles sefaraditas, New York, 1951,64p.), dont la plupart des matériaux proviennent de Eoumanie. L'auteur de la présente étude a déjà publié un nombre de travaux consacrés au judéo-espagnol de Bucarest ; leurs titres figurent dans la bibliographie qui accompagne le présent ouvrage. 6. Notre enquête a les caractéristiques suivantes : 6.1. L e q u e s t i o n n a i r e . Nous avons employé deux questionnaires : le questionnaire A, plus restreint, et le questionnaire B, plus ample. Le questionnaire A comprend environ 2 500 questions à l'aide desquelles nous avons cherché à obtenir les mots les plus importants et les plus usuels de l'idiome étudié. Nous l'avons dressé à partir des mots discutés dans le livre de 0. M. Crews, cité ci-dessus, et dans l'œuvre fondamentale de M. L. Wagner, consacrée au judéo-espagnol de Constantinople (Wagner, K¡pel). Les questions ont été formulées en roumain, de la manière suivante : « Comment dites-vous en espagnol cap (« tête ») ? ». Le questionnaire B, plus ample, comprenant environ 7 000 questions, a été établi de la manière suivante. Nous avons extrait des principaux ouvrages consacrés au judéo-espagnol (environ 40) t o u s les mots discutés, y compris leurs variantes. Nous les avons inclus tous dans notre questionnaire, qui comprend des questions directes, formulées en roumain, telles que : « Connaissez-vous le mot kavésa ? Qu'est-ce qu'il signifie ? ». Nous avons employé ce questionnaire en vue d'obtenir certaines données lexicales, notamment pour établir le rapport existant entre le vocabulaire actif et le vocabulaire passif du judéo-espagnol de Bucarest. Notre recherche ayant pour objet un idiome en voie de disparition, une telle enquête nous a semblé absolument nécessaire. Elle présente l'avantage de permettre également de vérifier les résultats obtenus à l'aide de l'enquête indirecte. Évidemment, les résultats fournis par le questionnaire B n'ont été employés que dans une bien moindre mesure dans la partie consacrée à la phonétique et à la phonologie, qui s'inscrit dans une description plus ample du judéo-espagnol de Bucarest que nous préparons. 18

Le compte rendu de l'étude de C. M. Crews, publié parW. L.Wagner ( V K R IX, 1936, p. 167), comprend un aperçu critique sur les études consacrées au judéo-espagnol de Bucarest antérieures à l'œuvre de C. M. Crews.

INTRODUCTION

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6.2. L ' e n q u ê t e u r ne parle pas l'idiome étudié. 6.3. L e s s u j e t s parlants enquêtés : nous avons enquêté 8 personnes. Pour le choix de ces personnes nous avons tenu compte dans la mesure du possible des critères observés dans toute enquête dialectale, c'est-à-dire que nous avons choisi les sujets parlants les plus représentatifs pour l'idiome en question. Des causes objectives — dont, en premier lieu, le stade où se trouve le judéo-espagnol de Bucarest et dont nous parlerons ci-dessous — nous ont empêché d'observer toutes ces conditions. Yoici les sujets enquêtés : I. A.D., née en 1898, a suivi les cours secondaires. Dactylographe (actuellement à la retraite). Parle également le français. Habite chez sa sœur, avec laquelle elle s'entretient quelquefois en judéo-espagnol. I I . I.F., né en 1889, comptable. A terminé ses études de lycée. Parle aussi le français, l'italien, l'allemand. Connaissances d'anglais. Il a parlé le judéo-espagnol jusqu'à l'âge de 55 ans avec ses parents. Il l'emploie maintenant lorsqu'il rencontre au temple ses coreligionnaires. I I I . L.P., né en 1900 à Nikopol (Bulgarie), fonctionnaire, 7 classes élémentaires, parle seulement le roumain et le judéo-espagnol. A employé le judéo-espagnol jusqu'il y a quelques ans. Maintenant il le parle rarement. Il est le mari du sujet IY. IV. M.P., née en 1902 à Calafat (Roumanie). Sans profession. 4 classes primaires. Parle seulement le roumain et le judéo-espagnol ; elle emploie encore ce dernier lorsqu'elle rencontre ses proches parents. V. C.C., né en 1897, ingénieur. Parle également le français. N'a employé le judéo-espagnol qu'en famille. Connaissance plutôt passive du judéo-espagnol. Il est le mari du sujet VI. YI. F.C., née en 1900, a terminé le lycée. Parle également le français. A parlé le judéo-espagnol jusqu'à l'âge de 40 ans avec sa mère. Maintenant, elle le parle rarement, surtout comme langue secrète. VII. D.A., née en 1901, a terminé le lycée. Parle aussi le français. A parlé le judéo-espagnol jusqu'à l'âge de 45 ans avec sa mère. Maintenant elle le parle rarement, surtout comme langue secrète. VIII. G.P., né en 1878 à Giurgiu (Roumanie), a terminé l'école commerciale. Ancien commerçant. Connaît très bien le français et l'italien. Possède également des connaissances d'allemand et de turc. Il a été le meilleur informateur. Il remplit des fonctions religieuses au temple séphardite. Il nous a été impossible d'obtenir des informations exactes sur l'origine des familles enquêtées. Au sujet des personnes enquêtées, il faut faire deux remarques :

20

INTRODUCTION

1) Les personnes les plus « jeunes » qui parlent de nos jours le judéoespagnol ont plus de 50 ans. Force nous a été donc d'avoir recours pour l'enquête seulement à des sujets âgés; 2) La plupart des informateurs n'emploient l'idiome en question qu'à des occasions tout à fait spéciales. Dans le cas des sujets I, II, III, VIII, ces occasions sont plus fréquentes, tandis que pour d'autres sujets (IV, VI, VII) elles sont plus rares. Le sujet V représente une catégorie assez nombreuse parmi les Séphardim de Bucarest, à savoir les personnes qui ont de nombreuses connaissances p a s s i v e s de judéo-espagnol, mais dont les connaissances a c t i v e s sont presque nulles. Les éléments mentionnés présentent une grande importance, car ils expliquent de nombreux faits qui seront rencontrés dans la description qui suit. 7. L'analyse que nous avons entreprise offre des renseignements concernant la situation présente du judéo-espagnol de Bucarest, qu'on pourrait caractériser brièvement comme une langue à sphère d'emploi imitée. Cette limitation se rapporte tant au nombre restreint de sujets parlants, comme il a été montré ci-dessus, qu'au nombre limité de circonstances dans lesquelles est employée la langue respective.19 On peut affirmer que, pour les raisons mentionnées, le judéo-espagnol de Bucarest est devenu une langue de famille et ne sert plus à transmettre une culture développée. Elle n'est plus considérée par les Séphardim comme « une langue chic »20 et c'est pourquoi ils hésitent à l'employer en public. Le processus de dégradation continue de nos jours, ayant pour conséquence l'aspect de « jargon » mi-espagnol—mi-roumain (comme le remarquait M. L. Wagner, RDB I, p. 494) que présente cet idiome dans certaines circonstances (par exemple, dans une conversation où l'on raconte une visite en ville). Dans des circonstances semblables, l'idiome est souvent abandonné, les sujets parlants préférant employer le roumain. La sphère d'emploi du judéo-espagnol se restreint considérablement, celui-ci n'étant plus employé que dans la conversation usuelle ou comme langage secret. Parmi les sujets enquêtés, I I et surtout VIII, dont les connaissances dépassent la moyenne, représentent des exceptions.

18

Voir la remarque de Crews : « Bien vite, je me rendis compte qu'il n'y a aucune famille à Bucarest parlant habituellement le judéo-espagnol. Je pus même constater qu'il y a peu d'individus qui savent encore le parler. Ceux-ci s'en servent surtout quand ils se trouvent en présence d'auditeurs qui pourraient les gêner » (Crews, Jesp., p. 10). Cf. Sala, Disp. limbii, p. 1 1 1 - 1 1 4 . 20

Cf. Gentille Farhi, La situation linguistique du séphardite à Istanbul v i e w » V, p. 151 — 158, qui observe la même situation à Constantinople.

in « Hispanic Re-

INTRODUCTION

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Le processus de la dégradation du judéo-espagnol de Bucarest revêt plusieurs formes, selon que les sujets parlants connaissent plus ou moins l'idiome (cf. Sala, Disp. limbii, p. 120—122). Ainsi, chez les sujets qui emploient le judéo-espagnol de la manière la plus correcte (I, II, III, VIII), ce processus comprend de nombreuses et permanentes hésitations ou corrections auxquelles s'ajoute parfois l'ignorance de la forme ou du sens exact du mot. Chez les sujets parlants qui ont employé autrefois le judéoespagnol et ne le parlent maintenant que rarement, ces phénomènes sont bien plus nombreux. De plus, l'idiome des sujets parlants appartenant à cette catégorie est « ankylosé », c'est-à-dire qu'il ne donne plus naissance à des dérivés, surtout pour les mots d'origine espagnole (cf. Wagner, Esp., p. 18) ; les sujets parlants appartenant à cette catégorie ne dérivent que rarement des mots nouveaux même à partir de mots ayant d'autres origines. Ceux-ci se contentent d'adapter, et d'une manière imparfaite, les mots non espagnols qu'ils donnent comme réponse au questionnaire à la place des formes correctes respectives. Enfin, une troisième catégorie de sujets parlants n'ont presque jamais parlé le judéo-espagnol et se rappellent seulement quelques mots figurant dans des proverbes. Ceux-ci sont d'ailleurs expliqués d'une manière tout à fait approximative. Les sujets appartenant à cette dernière catégorie possèdent pourtant un vocabulaire passif assez riche. Il faut remarquer que sur les 2500 questions incluses dans le questionnaire A, il n'y en a que très peu auxquelles tous les 8 informateurs aient donné les mêmes réponses, sans hésiter et sans se reprendre. Si l'on remarque que les mots inconnus ne sont pas les mêmes pour différentes personnes, on se rend compte que le nombre de mots appartenant au fond passif du judéo-espagnol de Bucarest est très grand et qu'il s'accroît sans cesse au détriment du vocabulaire actif. Nous assistons donc à une réduction de vocabulaire dans son entier et à la diminution des possibilités de communication en judéo-espagnol. Si nous avons présenté ces renseignements sur la situation du judéoespagnol à Bucarest, c'est parce qu'il est absolument nécessaire de tenir compte de la situation particulière de ce dialecte21 pour juger de la valeur scientifique des résultats auxquels la présente étude a abouti. L'inexistence d'une norme consolidée (cf. Sala, Norma, p. 176) conduit à des hésitations permanentes dans la prononciation de toutes les personnes qui al

Nous employons dans ce qui suit le terme de dialecte, sans avoir jugé nécessaire d'exposer ici les raisons qui nous ont conduit à adopter ce terme, une telle discussion devant tenir compte non seulement de l'aspect phonétique, mais également de la morphologie et du lexique de l'idiome en question. Or, le présent ouvrage ne s'occupe que de la phonétique et de la phonologie du judéo-espagnol de Bucarest.

22

INTRODUCTION

emploient l'idiome. C'est pourquoi nous avons interrogé plusieurs sujets, car en se fondant sur la prononciation d'une seule personne on serait amené à ignorer cette hésitation, qui représente la particularité la plus saillante du judéo-espagnol de Bucarest. En interrogeant plusieurs personnes, nous nous sommes efforcé d'observer dans la plus grande mesure les exigences d'objectivité (cf. Malmberg, Études, p. 25—28). 8. L e présent ouvrage comprend deux parties : la première, consacrée à la phonétique du judéo-espagnol de Bucarest, la seconde, à l'analyse de son système phonologique. Tant dans la partie consacrée à la phonétique, que dans celle consacrée à la phonologie, l'aspect synchronique et l'aspect diachronique sont traités dans des chapitres à part. Notre étude se distingue de ce fait de tous les ouvrages similaires publiés jusqu'à présent. Nous avons déjà rappelé que les études consacrées au système phonologique du judéo-espagnol font défaut. Notre étude diffère essentiellement des contributions antérieures même en ce qui concerne la phonétique, celle-ci se proposant de mettre en évidence les t r a i t s considérés e s s e n t i e l s par lesquels le judéo-espagnol se d i s t i n g u e des autres idiomes espagnols (cf. Sala, Recherches, p. 121), tandis que dans notre ouvrage sont enregistrés t o u s les faits que nous avons rencontrés, qu'ils existent ou non dans l'espagnol littéraire également. Cette manière d'envisager les faits explique l'importance que nous avons accordée à l'aspect synchronique, complètement négligé dans les études antérieures. L a description phonétique synchronique détaillée, accompagnée de nombreux exemples, nous permet de nous former une image plus exacte de cet idiome et représente en même temps un fondement indispensable pour celui qui se propose de présenter une description phonologique également. D e plus, on élimine de cette manière le caractère accidentel qui marque la plupart des observations sur le judéo-espagnol publiées jusqu'à présent. Tout en accordant une grande importance à l'aspect synchronique, nous n'avons pas négligé l'aspect diachronique, que nous avons invoqué pour expliquer les différents faits enregistrés (les considérations d'ordre diachronique sont évitées dans le chapitre consacré à l'aspect synchronique), ainsi que pour pouvoir situer le dialecte de Bucarest dans l'ensemble des dialectes judéo-espagnols de la Péninsule des Balkans, de même que dans le cadre général du domaine hispanique.

PHONÉTIQUE

II PHONÉTIQUE DESCRIPTIVE

0. Dans le présent chapitre nous décrivons chaque son, dans l'ordre habituel adopté dans les travaux de ce type (voyelles, consonnes). Après une description du son en question — en vue de laquelle nous avons toujours confronté la situation existant en judéo-espagnol avec celle de l'espagnol littéraire, en renvoyant à la description qu'en a donnée T. Navarro Tomás dans son manuel de grand prestige (Navarro Tomás, Man.12)1 —, nous avons comparé, toutes les fois que nous en avons eu la possibilité, la situation de Bucarest avec celle des divers centres balkaniques. Nous avons également signalé les cas où le dialecte de Bucarest ne connaît pas un son qui a été relevé dans d'autres dialectes judéoespagnols. Nous avons toujours fourni des exemples pour les différentes positions dans lesquelles peut apparaître le son respectif, en indiquant également sa fréquence approximative (pour les groupes de consonnes, ces indications sont plus précises). Nous avons cité des exemples obtenus à l'aide des deux questionnaires employés chaque fois que les questions directes ne risquaient pas d'influencer la prononciation du mot respectif. Les exemples sont assez nombreux, en premier lieu en raison du nombre considérable de positions et de contextes dans lesquels peuvent apparaître les sons et, en second lieu, parce que nous donnons ici la première description de la phonétique judéo-espagnole. Étant donné la situation spéciale du judéo-espagnol de Bucarest — idiome en voie de disparition, sujets ayant des connaissances qui diffèrent d'une personne à une autre —, nous avons précisé chaque fois le nombre des informateurs qui nous ont fourni le mot en question. Ce procédé, qui représente une nouveauté par rapport aux ouvrages de dialectologie espagnole publiés jusqu'à présent, rend possibles les recherches ultérieures d'autre nature également. Le système de transcription est simplifié au maximum ; chaque signe est expliqué lorsqu'il est employé pour la première fois. Les signes entre crochets ([ ]) représentent la transcription phonétique. 1 Pour l'espagnol américain nous avons employé la seule étude de phonétique descriptive de grande envergure, à savoir le livre de Bertil Malmberg, Études sur la phonétique de l'espagnol parlé en Argentine, Lund, 1950.

PHONÉTIQUE

21}

VOCALISME 1.

[a]

1.1. [ a ] est une voyelle médiale à aperture maximale, tout comme dans l'espagnol littéraire et dans les autres variétés espagnoles (cf. Navarro Tomás, Man.12, § 54—57). Rarement, à proximité d'un son palatal nous avons perçu une variante à nuance palatale [&] plus sensible lorsqu'il s'agit d'un [i] : Icaifàjr « se taire » II, III, i[à]vi « clé » II, VII, Ml[à]i « facilement » II, III. Le phénomène n'est pas stable, comme il semble l'être dans l'espagnol littéraire ; à Bucarest, il apparaît dans des conditions qui varient selon l'individu et même dans la prononciation d'une même personne. Nous n'avons pas enregistré de cas de vélarisation de [aJ, pas même dans la prononciation emphatique. Cette variante apparaît chez Crews — Vinay, Sal, p. 227 2. 1.2. La voyelle [ a ] existe dans toutes les positions : initiale, intérieure, finale, accentuée ou non accentuée. 1.2.1. En syllabe a c c e n t u é e , [a] apparaît e n : 1.2.1.1. position i n i t i a l e : [à ]gua « eau » I—VIII, [ á Jiu « ail » I - V I I I , fájlma «âme» I I - I V , V I - V I I I , fájltu «haut» I I - V I I I , fâjncu «large» II—IV, VIII, [ájpiu «céleri» I—IV, VIII, fdjrtu «rassasié» I—V, VII et [A]rto V I I I ; 1.2.1.2. position i n t é r i e u r e : abfájéu «bas, en bas» I—VIII, aclil[á]ntri «devant, en avant» I—VII et adél[á]ntri VIII, balcfájl «épicier» IV, VIII et baTc[á]n II, bailfâjr «danser» I—VIII, lcap[á]lt «couvercle» I, II, VII, VIII, malfájx «ange» II, III, VIII et «roi» IV, tausfájn «lièvre» I I - I V , V I I I ; 1.2.1.3. position f i n a l e : agadfá] «prière récitée à la maison le premier soir de Pâques» I—VIII, bera%[á] «bénédiction» II, III, VIII, xaifà] «bête, être vivant» II, III, VII, VIII, %evr[á] «confrérie» I—VIII, pac[à] «pied de poule » II—IV, VI—VIII et «jambe » II, IV, V, VII, papfáj «père, papa» VI—VIII, par [A] «pièce de monnaie» I I - I V , VI, VIII et bar[á] I, vidrfá] «vérité» VI. 1.2.2. En syllabe n o n a c c e n t u é e , [a] apparaît e n : 1.2.2.1. position i n i t i a l e : [a]kél «celui-là» I—IV, VI—VIII, [a]firár «attraper, saisir» I—IV, VII, VIII, [a]góra «maintenant» I—VIII, [a]yarv)ár « administrer une volée » II—IV, VII, VIII et [a]yar3

Cf. Malmberg, Éludes, p. 44, qui enregistre en espagnol d'Argentine la même variante vélaire décrite par Navarro Tomás, Man.13, § 56.

PHONÉTIQUE DESCRIPTIVE

27

bár I, fajlxát «dimanche» I—'VIII, [a]rón «cercueil» I—IV, VIII, [ajvél « deuil » IV, VII, V I I I et [v]el I I I , IV, fajvión I, I I I , IV, VI,VII ; 1.2.2.2. position i n t é r i e u r e : amfajrgúra « amertume, tristesse » I—IV, VII, VIII, amfajriiu «jaune» I—IV, V I I I et amfajríu V—VII, amfajriiu «jaune d'œuf » I—III, VII, VIII, «pâle» I—III, amfajríu «pâle» V, VIII, bjajrâtu «bon marché» I—VIII, Jcfajváju «cheval» I—IV, VI—VIII, ifajnukà «la fête des Macchabées» II—IV, VIII, « fête » V—VII, xfajsîd « pieux, dévot » I—IV, VII, VIII, Ifajvâr « laver » I - V I I I , m[aJbúl «déluge» II, I I I , V I I I ; 1.2.2.3. position f i n a l e : bókfa] « bouche » I—VIII, bódfaj « noce » I - V I I I , kavésfa] «tête» I—VIII, fúskfaj «ampoule» I - I V , VIII, «petit bouton, furoncle» VII, palávrfaj «mot» I—VIII, tiSérfa] «ciseaux » I—IV, VII, VIII, viézfaj «vieille femme » I—VIII. 2. [e]

2.1. [e] est une voyelle antérieure à aperture moyenne, semblable à celle de fr. dé, fée, ou de roum. sete, à savoir, un [e] identique à Ve de l'espagnol argentin, décrit par Bertil Malmberg (Études, p. 34). Nous n'avons jamais enregistré la variante [ e ] existante en espagnol littéraire (cf. Navarro Tomás, Man.12, § 52) et en espagnol argentin (cf. Malmberg, Études, p. 34—36). Un e ouvert a été également enregistré par Crews — Vinay (Sal., p. 227) devant certaines consonnes, à peu près les mêmes que celles signalées par Navarro Tomás {loe. cit.), en syllabes fermées (tant accentuées que non accentuées). La même variante est enregistrée dans le judéo-espagnol de Constantinople, par M. L. Wagner {Klpel., col. 1 et suiv.) 3 . 2.2. Nous avons rencontré la voyelle [e] en toutes positions : initiale, intérieure, finale, accentuée ou non accentuée. 2.2.1. Suivent quelques exemples en syllabe a c c e n t u é e : 2.2.1.1. position i n i t i a l e : [éjëu «travail» I—VIII, [éjgadu «foie » I, II, VII, VIII, féjgri « aigre » VI, VII, à côté de fájgru II—IV, VIII, [ájgri VII, [ájlgru I, féjia « elle » I—VIII, [éjntri « entre, parmi » II, IV, VIII, à côté de fíjntri I, VI, V I I et [âJntri I I I , V, féjref « pays » II, VIII, féjrev «veille» II, VIII, [éjsti «celui-ci» I—VIII. Ce sont les seuls exemples que nous avons rencontrés ; 2.2.1.2. position i n t é r i e u r e : akféjl « celui-là » I—IV, VI—VIII, aêféjnu «étranger» I—VII et aíféjno VIII, kavjéjsa «tête» I—VIII, 8

Nous ne pouvons

nous

rendre

compte

des conditions dans lesquelles a p p a r a î t [ e ]

à

Constantinople, p a r c e que W a g n e r , qui étudie dans son ouvrage n o t a m m e n t l'aspect historique du judéo-espagnol, ne donne pas d'informations de cet ordre.

28

PHONÉTIQUE

derexféjrei «bien élevé» VIII, d[ê]vda «dette» I—VIII, f[é]iu «laid» II—'VIII, x a m [ é ] t «pain levé» VIII, «aliment interdit par la religion» VI, ligféjn «bassine» I—IV, VI, VIII, mamzféjr «bâtard» I, II, VI-VIII; 2.2.1.3. position f i n a l e : bax$[é] «jardin » I I I , IV, kav[é] « café » I—VIII, havan[é] « café (endroit où l'on consomme du café) » et kavinféj V, VII, miianféj «guinguette» I, VII, VIII, perdféj «rideau» I—IV, VII, VIII, tingirfé] « marmite en métal » I—III, VIII. Il faut remarquer que [é] apparaît également dans la désinence de la I ère personne du passé simple des verbes de la Ière conjugaison, de même que dans la désinence de la Ièr®personne du futur: ganféj «je gagnai», iamféj «j'appelai», ganarfé] «je gagnerai», venderfêj «je vendrai», etc. 2.2.2. En syllabe n o n a c c e n t u é e nous avons noté, outre la variante qui apparaît également en syllabe accentuée, un son intermédiaire entre [e] et [i], que nous avons souvent perçu comme i. Un tel son intermédiaire a été enregistré également à Salonique (Lamouche, Sal., p. 975 en note) et à Bitola (Crew.s, Jesp., p. 36 : «la nuance entre cet e qui est fermé et i est souvent difficile à saisir »). A condition de souligner, comme nous l'avons fait ci-dessus, le caractère plus ouvert de i provenu de e, on peut considérer juste l'observation de Crews (Jesp., p. 179) sur la situation qui se présente en judéo-espagnol de Bucarest : « e inaccentué > i à Bucarest, excepté quand il est conservé par la tradition littéraire » (cf. Sala, Recueil, p. 228). Ce dernier phénomène est caractéristique pour tous les Judéo-Espagnols de Bucarest, avec certaines différences d'un sujet à un autre (cf. Sala, Recueil, p. 227). Ainsi, le son intermédiaire entre e et i, que nous avons noté [ç], est moins fréquent dans la prononciation des sujets II et VIII (et surtout chez ce dernier), qui ont prononcé bien des fois un e identique à celui qui apparaît en syllabe accentuée. Les deux sujets considèrent la variante e plus «belle», les phonétismes [ç] et [i] représentant à leur avis une particularité du parler populaire, relâché. Les phonétismes [ç] et [i] sont caractéristiques pour le judéo-espagnol de Bucarest ; ils apparaissent souvent chez tous les sujets enquêtés. Il nous faut remarquer que le phonétisme [e] se rencontre surtout dans les mots employés plus rarement et qui ne sont souvent connus que grâce au ladino. La liste des exemples que l'on pourrait fournir pour illustrer le phénomène est très longue (cf. Eenard, Syst. phon., p. 27, qui montre que le phénomène ne se produit pas selon des règles précises). Une situation semblable à celle de Bucarest existe également en judéoespagnol de Bosnie. Selon la description qu'en donne Baruch, il ressort

PHONÉTIQUE DESCRIPTIVE

29

que dans cet idiome également, en syllabe non accentuée, tant en position protonique qu'en position post-tonique (finale ou non), e se prononce i. La situation est à peu près la même à Bitola, où, selon Crews (Jesp., p. 36) et Luria {Mon., §4, 7) 4 , e final est prononcé i. Dans les autres dialectes judéo-espagnols, cette prononciation ne se rencontre qu'en position protonique (Constantinople : Wagner, K/pel, § 8 ; Salonique : Lamouche, S al., p. 975; Simon, Sal., p. 674). La différence de traitement entre e en position protonique et e en position post-tonique finale a été rangée par M. L. Wagner (Car., p. 22) parmi les particularités fondamentales du judéo-espagnol de l'Ouest de la Péninsule des Balkans, à l'encontre du judéo-espagnol parlé à l'Est de la même Péninsule (Constantinople, Andrinople, etc.) : tandis que dans les dialectes occidentaux, e se prononce i en toute position, dans les dialectes orientaux, cette prononciation n'apparaît qu'en position protonique. Une place à part revient, semble-t-il, au dialecte de Salonique, où les Judéo-Espagnols hésitent entre la prononciation e et la prononciation i, même en position protonique (Simon, Sal., §3). Voici maintenant quelques exemples : 2.2.2.1. position i n i t i a l e : [ejcârse «se coucher» II et fijcârsi 6 I, I I I - V I I I , [e]clâd «âge» VIII, [ejdât I et [ijdâd I I - I V , VII, [e]mbarasâdu « embarrassé » III, IV, [ejmfasiâr « ennuyer, déranger » II—VIII, [ejmfasâr «emmailloter» I—IV, VIII, [ejnsuziâr «salir» I—IV, VII, VIII, fejrmâna «sœur» I—VIII, [ejspôzu «fiancé» IV, VIII. Dans cette position, le nombre des cas avec [e] est, semble-t-il, plus grand ; 2.2.2.2. position i n t e r v o c a l i q u e : adf e Jlântri « devant, en avant » VIII et ad [i Jlântri I—VII, alfejgrârse « se réjouir » VIII et alfijgrârsi I—VIII, ângfejl «ange» III, IV, VIII, ângjijl VI et ângfejli VII, aspfejrâr «attendre» II, VIII et asp[ijrâr I, III, IV, VI, VII, hfejtubâ «acte dotal» II, VIII et kfijtubâ I, III, IV, VII, xavfelr^nsa « confrérie » I, II, VIII et %av[iJrânsa VII, yjeJnézu « gentil » I, II et Xfijnôzu VIT, VIII, yjëJnézu VII; 2.2.2.3. position f i n a l e : âmbr[e] «faim» II, VIII et I - V I I I , siétfe] « sept » VIII et sjétfij I - V I I .

4

L u r i a (Mon.,

§ 7 ) cite une série

de

mots

dans lesquels e final est prononcé e e t non pas 6

Par

[i]

nous

comprenons toutes

les

d'origine

dmbrjij

italienne (capâche, difichile,

clase)

i.

nuances qui existent entre [e]

et [i]

et pour

lesquelles nous n'employons pas de signes spéciaux afin de simplifier la présentation des faits. Les nuances v a r i e n t selon le m o t e t l'informateur (quelquefois m ê m e dans la prononciation de la m ê m e personne), sans qu'on puisse y découvrir des règles précises.

30

PHONÉTIQUE

3. [ë],

[â]

En position nasale (notamment dans les préfixes em-, en-) nous avons enregistré dans certains cas une voyelle centrale à nuance antérieure intermédiaire entre [e] et [â] du roumain, que nous avons notée [ë]. C'est un son qui ressemble beaucoup à [9] de l'allemand danlce, bitte. Yoici les exemples enregistrés : [ëjmbarasâr « embarrasser » I I I , [ ëjmbarasimiéntu « embarras » VII, [ëjmbatakàr «salir, souiller » VII, [ëjmbizàr « enseigner, apprendre » V, [ ëjmbutlr « gorger les oies » I I I , [ëjnkavér « contenir, avoir de la place» I I I , [ë]nyaminàdu, dans l'expression guévu ~ «œuf dur» VI—VIII. Il faut remarquer que la voyelle perd quelquefois davantage son timbre antérieur, aboutissant à une voyelle centrale ; en même temps, elle devient plus fermée que le roum. [â] (et plus ouverte que le roum. [î]). Cette variante ressemble à la voyelle du parler moldave, notée dans VAtlas linguistique roumain par â. Pour l'explication de l'origine de cette voyelle, voir I I I . 3.2.5. La variante [ ë ] apparaît isolément dans quelques mots d'origine hébraïque également: y[ë]nôzu «gentil, gracieux» VII, séyjë]l «esprit, intelligence » V I I et sé%[e]l I — I I I , V—VIII, sêyfi]V I. Il est à remarquer que la voyelle peut perdre son timbre antérieur, aboutissant à une voyelle centrale non antérieure. Une voyelle semblable à celle décrite par nous a été également rencontrée par M. L. Wagner (Ésp., p. 17) dans les préfixes em-, en-, es-. Malheureusement il n'est pas précisé dans quels dialectes cette variante de e apparaît. Il faut également remarquer que Navarro Tomás (Man.12, §53) signale un e faible en espagnol littéraire, qu'il note [9]. Entre la situation de l'espagnol littéraire et celle du judéo-espagnol de Bucarest il y a une différence en ce qui concerne la position de la voyelle : en espagnol, cette voyelle apparaît entre l'accent principal et l'accent secondaire ou en finale absolue, tandis qu'en judéo-espagnol elle apparaît en position nasale (selon Wagner, loc. cit., dans le préfixe es- également). Nous soulignons le caractère fluctuant du phénomène, remarqué d'ailleurs par Wagner (loe. cit.) également. 4- f i j , [il 4.1. [i] est une voyelle palatale fermée non arrondie, identique à i espagnol décrit par Navarro Tomás (Man.12, § 45) et par Bertil Malmberg (Études, p. 31). A la différence des autres idiomes espagnols, dans lesquels Navarro Tomás (Man.12, § 46, 47 ; cf. également Malmberg, Études, p. 31—34) distingue plusieurs sortes de i, selon les conditions pho-

PHONETIQUE DESCRIPTIVE

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nétiques et l'accent, à Bucarest nous n'avons rencontré qu'une seule voyelle fermée, tant en syllabe entravée qu'en syllabe ouverte. Nous n'avons pas jugé nécessaire d'employer un signe spécial pour noter un i faible, situé entre l'accent principal et l'accent secondaire. Par contre, nous avons introduit un signe spécial [ i ] pour indiquer la valeur non syllabique de ce son avant ou après voyelle. Il est à remarquer qu'en judéoespagnol de Bucarest cet [ i ] apparaît également à la place de la fricative y et de l'affriquée y de l'espagnol littéraire, pour lesquelles voir Navarro Tomâs, Man.12, §119, 120. 4.2. Nous avons rencontré [i] en toute position: initiale, intérieure, finale, tant en syllabe accentuée qu'en syllabe non accentuée. 4.2.1. Yoici quelques exemples en syllabe a c c e n t u é e : 4.2.1.1. position i n i t i a l e : [i]da «départ» II, VIII, [IJdolo «idole» II, YIII, [ijêu «fils» I—VIII, fljntri «entre, parmi» I, YI, VIII, et féjntri II, IV, VIII, fâjntri III, V, fijra « haine » VIII, « dépit » II, fijzu «(il) a fait» I - I I I , V I I I ; 4.2.1.2. position i n t é r i e u r e : abrfîjgu «abri» VIII et abrfijgo I, amfijgu «ami» I—VIII, arfijva «en haut» I—IV, VI—VIII, arvfijt « prière qu'on récite après la tombée de la nuit » VIII, éadfî]r « parapluie » I—IV, VII, VIII, farmaëfije «pharmacie» III, VIII, %ai[ilr «profit» II, VIII, ladfijk «vertueux» II, V I I I ; 4.2.1.3. position f i n a l e : akfi] «ici» I—VIII, aifij «là-bas» I - V I I I , ans fi] «ainsi» VIII, carSfl ] «marché» I I - V , VII, VIII, ôin[i] «assiette» I—VIII, rab[i] «rabbin» II, rak[i] «espèce d'eau-devie» III, VIII, saJcsfi] «pot de fleurs» III, VIII, ut[i] «fer à repasser» III, IV. 4.2.2. En syllabe n o n a c c e n t u é e il apparaît également en : 4.2.2.1. position i n i t i a l e : fijaprâkis « boulettes de viande hachée roulées dans des feuilles de vigne» I—VIII, [ijëurîa «médicament» III, IV, VI, VII, fijlàdu «qui a pris froid» I, V, VI, VIII, «froid» I—VII, fijslik «bonnet de fourrure» II, [ijtalidnu «italien» II, VIII, fijurâr «pleurer» I—VII et fijorâr VIII, [ijurulti «vacarme» I, III, IV, V I I I ; 4.2.2.2. position i n t é r i e u r e : af[i]târ « tomber juste » VII, VIII et « survenir, arriver » I, VI, VII, ar[i]vatâr « ravir » I, III, VIII, ar[i]zvalâr «glisser» I—IV, VIII, kamfijnâr «marcher» I—VIII, m[i]nyâ « prière des vêpres » II, III, VIII et mfi jlyà IV, V, VII, mfi]lôn « melon » I - V , VII, VIII, mfijzûra «mesure» I, III, VIII. 4.2.2.3. position f i n a l e : kaiéntfi] «chaud» II—VII et kaiéntfej VIII, kaliéntfij I, kôvrfi] «cuivre» I—IV, VII, VIII, ést[i] «celui-ci» I—VIII, grand [i] « grand » I—VIII, mâdr[i] «mère» I—VIII, niévfi]

32

PHONÉTIQUE

«neige »1—IV, VII, V I I I e t névfeJY,

nó¿[i]«nuit

»1—VIII,«soir »1—VII.

5. [o]

5.1. [o] est une voyelle postérieure, labiale, à aperture moyenne, un peu plus ouverte que l'o de l'allemand Rose, Ofen, à savoir, un o identique à celui décrit par Bertil Malmberg pour l'espagnol argentin (Malmberg, Études, p. 46). Nous n'avons jamais entendu la variante [g] de l'espagnol littéraire (cf. Navarro Tomás, Man.1*, § 59) ou de l'espagnol argentin (cf. Malmberg, Études, p. 47—48). Un o ouvert a été noté par Crews — Vinay (Sal., p. 227), devant certaines consonnes, et par Wagner ( K / p e l , col.l et suiv.) ; il paraît que dans ce dernier cas, tout o accentué est un [Q]. 5.2. Nous avons rencontré [o] dans toutes les positions : initiale, intérieure ou finale, aussi bien en syllabe accentuée qu'en syllabe inaccentuée. 5.2.1. Nous donnons ci-dessous quelques exemples en syllabe a c cent uée: 5.2.1.1. position i n i t i a l e : [ó JÓu « huit » I—VIII, [ ojia « pot » I - I V , V I - V I I I , fó]Sa « feuille » I - I V , VIII, « feuille de papier » I - I V , VII, VIII, fôjêu «œil» I—VIII, [ó]mbri «homme» I—VIII, fójndu «profond» I I — V I I I et [ójndo I, [ó]ru «or» I—IV, VII, VIII, [ó]tru « autre » I — V I I I ; 5.2.1.2. position i n t é r i e u r e : albf ó Jndiga « boulette de viande hachée » I—VIII, amf o'/r « amour » I, IV, VIII, bf ó]ka « bouche » I—VIII, b[ó]da «noce» I—VIII, Jcartfójf «pomme de terre» I — I I I , V I I et Jcart[ó]fa IV, VIII, homp[ó]t « compote » I—IV, VI—VIII, gar[ójn « gorge » II—IV, VIII, « voix » VIII, sal[ó]m « paix » (s'emploie également comme formule de salutation) II, V I I I ; 5.2.1.3. position f i n a l e : avlfój «(il) parla», I I I e pers. passé simple de aviar I—IV, VI—VIII, ot[ó] « automobile » IV, paltfój « manteau » IV, pas [ó] «(il) passa» I—IV, VII, VIII. Dans cette position, [ ó ] se rencontre surtout comme désinence de la I I I e personne du passé simple. 5.2.2. E n syllabe n o n a c c e n t u é e , [o] apparaît dans des conditions semblables à celles où l'on rencontre [e], à savoir, à côté de [o] il. existe également un son intermédiaire entre [o] et [u], que nous avons souvent perçu comme [u], cf. la remarque de Crews (Jesp., p. 179 : « o inaccentué > u àBuc[arest], excepté quand il est conservé par la tra-

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PHONÉTIQUE DESCRIPTIVE

âition littéraire ») et l'observation que nous avons faite ci-dessus, 2.2,2., à ce sujet ; cf. également Sala, Recueil, p. 228. Il paraît qu'entre la situation de o inaccentué et celle de e inaccentué, le parallélisme est parfait, en ce sens que les différentes variantes de o inaccentué apparaissent chez les sujets que nous avons enquêtés à Bucarest dans des conditions identiques à celles de l'apparition des variantes de [e] inaccentué. Il nous faut remarquer que ce parallélisme ne semble pas exister ailleurs. P a r exemple, Crews (Jesp., p. 36), en parlant du son intermédiaire entre e et i qui existe à Bitola, ou Lamouche (Sal., p. 975), en parlant du même son de Salonique, ne rappellent pas l'existence d'un son intermédiaire entre o et u. La prononciation de o inaccentué comme [u] se rencontre pourtant dans d'autres dialectes judéo-espagnols également. En Bosnie, par exemple, o est prononcé comme u en syllabe inaccentuée, tant en position protonique qu'en position post-tonique. Le stade u de o final inaccentué a été signalé à Bitola (Crews, Jesp., p. 36), tandis que dans d'autres dialectes judéo-espagnols, cette prononciation apparaît seulement en position protonique (Constantinople : Wagner, K/pel, § 14 ; Salonique : Lamouche, Sal., p. 975, Simon, Sal., p. 675). Tout comme pour e, la différence de traitement qui existe entre o en position protonique et o en position posttonique finale a été considérée par M. L. Wagner (Car., p. 22) comme représentant l'une des particularités du judéo-espagnol de l'Ouest de la Péninsule des Balkans, à l'encontre du judéo-espagnol de l'Est de la Péninsule (Constantinople, Andrinople, etc.) : tandis qu'à l'Ouest, o se prononce u en toutes positions, à l'Est u apparaît en position protonique seulement. Cf. également la discussion ci-dessus, 2.2.2. Yoici quelques exemples en syllabe n o n

accentuée:

5.2.2.1. position i n i t i a l e : [o]kâ «ancienne mesure de poids ou de capacité » VIII, [o]dâ « chambre » I I , VIII, [o Jmbligu « nombril » V I I I et [ujmbligu I, III—V, fojndûra «précipice » I, VIII, [o]nôr «honneur » I, V - V I I I et [ujnôr I I - I V , VIII, foJréêa «oreille» I, V I I I et [uJréSa I - V I I I , [ujrêëa «chas (de l'aiguille) » I, I I I , VII, VIII, [o]ré£a « anse » I, VIII, [uJréêa I I I , IV, [ojrgoliôzu « orgueilleux » I, VII, fojvéza «mouton» I, IV, V I I I et [uJvéSa I I ; 5.2.2.2. position i n t é r i e u r e : adfo ]vdr « arranger, accommoder » II, I I I , V I I I et adfujvâr I—IV, VII, VIII, am[o]strâr «montrer» II, VIII, m[oJstrâr V, V I I I et amfujstrâr I I I , IV, VII, mfujstrâr I, VI, JcfoJlôr « couleur » VI, V I I I et JcfuJlôr I —V, VII, Jcfo]nsé$a « conte » I, V I I I et ~k[u]nsêza I, I I I , IV, cfojrâp «bas» I, II, V I I I et cfujrâp I I I , VII, Mfojsê «Moïse» I—VIII, s[o]xèt «employé du culte chargé 8 - c. 341

34

PHONÉTIQUE

du sacrifice des animaux, selon le rite mozaïque » I, II, VIII et sfo]iyjt III, tfojrá « Bible, loi de Moïse » II, IV, V, VIII et tfójra III, VI, VII ; 5.2.2.3. position f i n a 1 e : abrig[o] « abri »1 et abrigfuJYÏll, agúdfo] « éveillé, intelligent » I, VIII et agúd[u] I—III, árt[o] «rassasié » VIII et árt[u] I—V, VII, emprestad [o] «emprunté» VIII, frútfoj «fruit» I, II, VIII. 6. [u],

[u]

6.1. [u] est une voyelle postérieure, labiale, fermée qui ressemble à la voyelle du fr. tout, allem. du, roum. tu. C'est une voyelle très fréquente en espagnol littéraire également (cf. Navarro Tomás, Man.12, § 61) et en espagnol argentin (cf. Malmberg, Études, p. 45). Nous n'avons pas enregistré de différences de timbre entre les divers types de u, du genre de celles notées par Navarro Tomás pour l'espagnol littéraire en fonction des conditions phonétiques et de l'accent. A Bucarest nous avons rencontré la même voyelle fermée tant en syllabe fermée qu'en syllabe ouverte ; c'est pourquoi nous n'avons pas employé de signe spécial pour noter un u affaibli situé entre l'accent principal et l'accent secondaire. Par contre, nous avons employé un signe spécial [ u ] pour indiquer la valeur syllabique de ce son devant ou à la suite d'une voyelle. Cet [u] apparaît tant pour u semi-voyelle [u], que pour u semi-consonne [w], de l'espagnol littéraire (cf. Navarro Tomás, Man.12, § 64—65). Nous n'avons rencontré non plus de variante ü devant b ou (3, variante qui apparaît chez Crews — Vinay, Sal., p. 228. 6.2. Nous avons enregistré [u] dans toutes les positions : initiale, intérieure et finale (en syllabe accentuée et inaccentuée). 6.2.1. Voici quelques exemples en syllabe a c c e n t u é e : 6.2.1.1. position i n i t i a l e : [újna « une » I—VIII, fújnia « ongle » I - I V , VII, VIII et «griffe » I - V I , VIII, [újniko «unique » VIII, [û/va «raisin» I—VIII, [ú]zu «mauvaise habitude» VIII; 6.2.1.2. position i n t é r i e u r e : álk[ú]nia «nom de famille» III, IV, VIII, algfújza « aiguille à coudre » I—IV, VII, VIII, bfujénu « bon » I - V I I I et «bien» I - I V , VI, VII, b[ú]rla «moquerie» I, II, I V - V I I I , kukur[ú ]z « maïs » II, III, VI, VIII et Tcuhur[ú]s I, VI, galfújt «exil, captivité » II, VIII, mabfú]l « déluge » II, III, VIII, pasfúJk « verset biblique » VIII ; 6.2.1.3. position f i n a l e : afilfúj « quoique » VIII, papfú] « grandpère » I - I V , V I - V I I I . 6.2.2. En syllabe n o n a c c e n t u é e , il apparaît également en:

P H O N É T I Q U E DESCRIPTIVE

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6.2.2.1. position i n i t i a l e : [u]físiu «métier» I, III, VIII, fu]iír «entendre» I, II, Y—YIII, [ujlvidár «oublier» I—VIII, [ujntár «enduire de » I—IV, VII, VIII, fujrtiga « ortie » VIII, [ujtî « fer à repasser » III, I V ; 6.2.2.2. position i n t é r i e u r e : aifujdár «aider» I—VIII, asfujvir «monter» I - V , VII, VIII et sfujvîr VIII, bfujiîr «bouillir» I - V I I I et abfujiír III, IV, b[u]raéón «ivrogne» I—VIII, kfuJdrêru «agneau» III, IV, VI—VIII, k[u]ladór «passoire» IV, VIII, kfuJlêvru «serpent» I - I V , VII, VIII, dfujláp « armoire » I I - I V , VI, VIII, dfujmán « brouillard » I, III, IV et d[u]mám VIII, ffu]rfu]ngí « ramoneur » I, III, VIII et « boulangerie » VIII ; 6.2.2.3. position f i n a l e : àSfu] «ail» I—VIII, áltfu] «haut» II—VIII, amigfu] « ami » I—VIII, áskf u] « dégoût », « aversion » I—IV, VII, VIII, bàniju] «bain» I—VIII, céntrfu] «centre» I, VI, dáfin[u] « laurier » VII. 7.

Diphtongues

7.1.1. Les voyelles i et u combinées entre elles ou accompagnées d'autres voyelles à l'intérieur de la même syllabe forment des diphtongues (cf. Navarro Tomás, Man.12, § 66). En judéo-espagnol de Bucarest, nous avons rencontré une série de diphtongues ascendantes (fia], fieJ, fii], [io], [iuj, fuá], fue], fuo]) et une série de diphtongues descendantes {[a{], [au], fei], [eu], foi], fui])6. 7.1.2. Il faut remarquer qu'à la différence de l'espagnol littéraire, i et m se prononcent comme semi-voyelles tant au début qu'à la fin de la diphtongue. On sait qu'en espagnol littéraire, i et u ont une valeur semi-vocalique dans les diphtongues descendantes seulement, tandis que dans les diphtongues ascendantes ils ont une valeur consonantique (cf. Navarro Tomás, Man.12, § 66). 7.2. Voici quelques exemples : 7.2.1. Diphtongues a s c e n d a n t e s : [iá]ga «plaie» I, III, IV, VIII, [iajmár «appeler» I—VIII, fié]nu «plein» I—IV, VI, VII et fjéjno VIII, [iejlârsi «prendre froid» II—IV, VII, VIII, [ii]rár «se tromper» VIII et [i]rár I, VII, afií] «là-bas» I—VIII, dfio] «Dieu» 6

Les diphtongues sont considérées comme typiques pour le judéo-espagnol, à l'encontre des langues avec lesquelles les Séphardim ont eu contact (notamment le yiddish). La plupart des sujets enquêtés ont attiré notre attention sur les difficultés que les personnes ayant d'autres langues maternelles doivent surmonter en prononçant ces diphtongues. Cf. Ana Hauser, Cómo hablan los húngaros del Rio de la Plata, in « Archivum » IX, 1959, p. 41 : la diphtongue espagnole ne peut pas être prononcée par les Hongrois qui apprennent l'espagnol en Argentine.

PHONÉTIQUE

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II—VIII et difio] I, [iujrôn «pleurnicheur» III, IV, VII et fiojrôn I, II, VIII, âg[ua] « eau » I—'VIII, gfuajdrâr « garder » I—IV, VI—VIII et gfuajrdâr V, gfîiajrdér V, pfwêjrta «porte» I—VIII, mengfuô] «(il) a diminué » VIII. 7.2.2. Diphtongues d e s c e n d a n t e s : [ âijri « air » I—IV, VIII, b[ai]lâr «danser» I—VIII, b[auJtizâr «baptiser» II, az[éi]ti «huile» II, i n , VIII et azféjti I, II, I V - V I I , pfeijnâr «peigner» ï , III, VIII et pfijnâr II, VII, r[eu]matîsm «rhumatisme» III, IV, VIII et r[e]matlsm II, foi] «aujourd'hui» I—VIII, b[ûi]das « ébullition » II et bufiiJdas I. 7.3. Au sujet des diphtongues [ie] et [ue] il faut observer beaucoup d'hésitations en ce qui concerne leur emploi en judéo-espagnol bucarestois, dans ce sens que bien des fois, les diphtongues se trouvent dans des mots et des formes dans lesquels elles n'existent pas en espagnol littéraire et, au contraire, elles n'apparaissent pas là où l'espagnol littéraire présente une diphtongue. Cette situation a été signalée tant pour le judéoespagnol de Bucarest (Crews, Jesp., p. 180, 193, 194, 198), que pour les idiomes judéo-espagnols d'autres régions (Eenard, Syst. phon., p. 28 ; Constantinople : Wagner, Kjpel, § 3,4 ; Salonique : Lamouche, Sal., p. 976, Crews, Jesp., p. 210) ; elle a été caractérisée comme «un manque de diphtongaison... et un excès de diphtongaison » (Crews, Jesp., p. 26). Nous avons remarqué cette hésitation aussi bien en syllabe accentuée qu'en syllabe inaccentuée. Dans ce qui suit, nous distinguons plusieurs cas : 7.3.1. Le judéo-espagnol de Bucarest possède des diphtongues là où l'espagnol littéraire n'en a pas : fie]: adfiéjntru (cf. esp. adentro) «dans, dedans» II, III, VIII et adfiéjntu I, adil[ié]ntru VII, a[ié]ntru III, ar[f.é]ntru V, VI, avfiejrtûra (cf. esp. àbertura) « ouverture » VIII, [ie]lârsi (cf. esp. helarse) « prendre froid» I I - I V , VII, VIII. [ue]: b[ue]ndâd'' (cf. esp. bondad) «bonté» IV. Souvent les formes à diphtongue coexistent avec celles sans diphtongues : [ie] : Tc[ié]zu (cf. esp. queso) « fromage » VI et k[é]zu I—V, VII, VIII, kunsfiéjêu (cf. esp. consejo) « conseil » VII et Tcuns[é]£u II—IV, hons[é]zo VIII, [ii]râr8 (cf. esp. errar) «se tromper » VIII et [i]râr I, VII, n[ié]rvu (cf. esp. nervio, roum. nerv) «nerf» I, II, VIII et n[é]rvu III, V, VI, n[é]rvis (pl.) VII, s[ié]za (cf. esp. ceja) «sourcil» VII et s[é]£a I—IV, VIII, s[iê]rha (cf. esp. cerca) «près de » VI et s[é]rka I—IV, VII, VIII. 7

Crews, Jesp.,

8

[ii]

p. 215 explique l'apparition de ue dans ce mot par l'influence de bueno.

provient de [ie]

en

syllabe inaccentuée.

PHONÉTIQUE DESCRIPTIVE

37

fue] : kfuêjdu (cf. esp. codo) «coude» I, Y et kfó]du IV, Jcfôjdo II, Jcfuéjntra (cf. esp. contra) « contre » "VTII, Icfuéfntru II, VI et h[ójntra I, III, V, ffuéjmu (cf. esp. humo) «fumée» V et f[ú]mu I—IV, VI—VIII, ffuéjndu (cf. esp. hondo) « fond » VIII et ffújndo I, II, pfué]lvu (cf. esp. polvo) «poussière, poudre » V et pfójlvu I—IV, VII, VIII, pfuéjniu (cf. esp. puño) «poing, coup de poing» V et pfújniu I—VIII. On doit remarquer le nombre relativement restreint de cas où l'idiome étudié possède des diphtongues là où l'espagnol littéraire n'en a pas, en regard de la situation existante à Constantinople (cf. Wagner, Kjpel, § 4). Nous soulignons également le fait que la plupart des formes à diphtongue ont été signalées chez les sujets V, VI, VII. 7.3.2. Le judéo-espagnol ne présente pas de diphtongue là où l'espagnol littéraire en a une : [e]: aprfêjtu (cf. esp. aprieto) «embarras, disette» II, III, VIII, gr[é]gu (cf. esp. griego) «grec» I—VIII, prétu (cf. esp. prieto) «noir» I—VIII, pas[é]nsia (cf. esp. paciencia) « patience » VIII. Cf. aussi dfijzisés, dfijzisiéti, dfijziócu. [o]: rfójgu (cf. esp. ruego) «(je) prie» I, IV, rig[ó]ldu (cf. esp. regüeldo) « renvoi, rot » VI, VIII. Cf. également t[ú]tanu (cf. esp. tuétano) « moelle » I I - I V , VIII. Dans beaucoup de cas, les formes avec [e], [o] coexistent avec les formes à diphtongue : [e]: ~k[e]n (cf. esp. quien) «qui» I—V, VII—VIII et k[ie]n VI, dféjntu (cf. esp. diente) « dent » VI et dfiéjnti I—IV, VI—VIII, dfiéjntu V, n[é]ve (cf. esp. nieve) « neige » V et nfiéjvi I—IV, VII, VIII, p[é]rna (cf. esp. pierna) «hanche» IV et pfiéjrna «cuisse» III, V, VIII. Cf. aussi vfijntit «vent» noté par Crews (Jesp., p. 190) qui l'explique par l'influence du roumain vînt. [o]: Jc[ó]rpi (cf. esp. cuerpo) «corps» VI et kfuêJrpu I—IV, VII, VIII, g[û]go (cf. esp. juego) «jeu» II et gfuéjgu9 I, III, IV, V I - V I I I , g[ó]vi (cf. esp. jueves) «jeudi» V et g fuéJvis I—VIII, pfójnti (cf. esp. puente) «pont» I, VIII et pfuéjnti VIII, p[ú]nta IV, sfójrti (cf. esp. suerte) « sort » I et sfuéjrti VII, VIII. 8. Triphtongues 8.1. La présence de i ou m dans la même syllabe, au début ou à la fin d'un groupe vocalique dont l'élément central et prédominant est a ou e donne naissance à une triphtongue. 9 L'affirmation de Crews (Jesp., p. 210), à savoir que la présence de la diphtongue dans ce mot serait inconnue au judéo-espagnol, nous surprend.

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PHONÉTIQUE

8.2. Yoici quelques exemples: bfueij «bœuf» I—V, VIII et VII, bfuéjvu VI, bfojvu II, gfuaij «hélas» I—VIII.

b[ué]vi

9. Voyelles nasales 9.1. En adoptant le plan observé par Bertil Malmberg dans la description de l'espagnol argentin (Études, p. 51—58), nous consacrons un chapitre à part aux voyelles nasales. Nous l'avons jugé nécessaire en tenant compte du fait qu'il s'agit d'un phénomène commun à toutes les voyelles. Au cours de notre enquête, nous avons enregistré souvent la nasalisation d'une voyelle suivie par une nasale (n, m) implosive. La nasalisation se produit surtout lorsque la nasale est suivie par une fricative (s, z, s, &) ou par une latérale (l, r)10. Le phénomène est fluctuant en judéoespagnol de Bucarest, tout comme dans d'autres dialectes judéo-espagnols, pour lesquels voir Wagner, Esp., p. 17. 9.2. En voici quelques exemples : ns : ak[ûnJsiSârsi « se conseiller » III, IV, VIII et k[ùnJsuSârsi VII, [ânjsîna « ainsi » II, VI—VIII et fàjsina I, III—V, Jcfânjsâr « fatiguer » I—III, VI—VIII et k[â]sdr I, Jc[ânjsiâr VI, enkfâjsâr IV, lc[ôn]suldr «consoler» VIII et kfôjsulâr I, III, IV, p[ën]sàr «penser» II, VIII et pfîjsdr I, IV, V, VII. Les exemples sont nombreux. nz : mfânjziia « dommage » II et mfajziia11 III, IV, m[ân]dia «mal/ heur» VIII, prfânjzu «déjeuner» VIII, s[ën]zasién «sensation» VIII. Ce sont les seuls exemples. ns : [ënjsagudr «rincer» VIII et [ëjsagudr III, [Injsagudr I, [njsaguâr IV, [ënjsugdr II, [ënjsalsâr «porter aux nues» VIII, fënjsémplo « exemple » VIII, m[ân]Uta « manchette » III, IV, VIII. Ce sont les seuls exemples 12. n% : [ën]xaminddu, dans l'expression guévu ~ «(œuf) dur » VI—VIII, fënJXaminâdu VI, VIII, [ân] %aminàdu III, IV, [in] xaminddu I, II, VII, [ën]xarimâdu «fâché» VIII, m[ln]xd «prière des vêpres» II, III, VIII et milxâ IV, V, VII, P[ln]xas «nom propre» VIII. Ce sont les seuls exemples. mz13 : m[âm]zér «bâtard» I, II, VI—VIII. C'est le seul exemple. 10 Nous n'avons pas noté une nasalisation de la voyelle lorsque la nasale se trouve en finale absolue, dans des suffixes tels que -an, -on. Ce type de nasalisation a également été enregistré dans d'autres dialectes judéo-espagnols (cf. Renard, Syst. phon., p. 28). 11 A remarquer dans ce cas la disparition de la nasalité. 12 Pas de cas avec ni. 13 ms, mi, m% ne se rencontrent pas.

PHONÉTIQUE DESCRIPTIVE

39

Il faut remarquer la nasalisation plus forte de la voyelle lorsqu'elle est suivie par n + s. Les différences de degré dans la nasalisation des voyelles nous conduisent à la noter seulement dans les cas où il nous semble que la nasalisation des voyelles était plus forte. 9.3. La tendance de nasaliser une voyelle précédée ou suivie par une consonne nasale semble presque générale dans toutes les langues (cf. Malmberg, Études, p. 51—52). La différence entre diverses langues à cet égard est seulement de degré, même les langues qui ne possèdent pas de voyelles nasales proprement dites ayant, surtout entre deux consonnes nasales, des voyelles à nasalisation presque complète. Malmberg cite le cas de langues telles que le suédois et l'allemand qui, tout en ne possédant pas de voyelles nasales, connaissent des variantes nasales des voyelles qui passent souvent inaperçues, n'ayant pas de valeur phonologique. Du point de vue de la nasalité, l'espagnol occupe une place à part dans la Eomania ; il se rapproche de l'italien et du roumain et se distingue du portugais et du français. Navarro Tomás (Man.12, § 38) montre qu'en espagnol il existe des voyelles nasales entre deux consonnes nasales (p. ex. : monte, mano) ou à l'initiale absolue, devant un n ou un m implosif (enfermo, ánfora). Il paraît que dans les dialectes espagnols péninsulaires et américains, le phénomène de la nasalisation des voyelles est encore plus fort que dans l'espagnol littéraire décrit par Navarro Tomás, et se produit dans d'autres positions également 14 . En judéo-espagnol il est également très fréquent et très évident, ce qui a conduit M. L. Wagner (BDB I, p. 58) à soutenir que le judéo-espagnol diffère de l'espagnol littéraire par la nasalisation des voyelles. 9.4. Nous n'avons pas enregistré à Bucarest de cas de nasalisation progressive, qui apparaissent en espagnol argentin. Le seul exemple — qui d'ailleurs n'est pas propre seulement au judéo-espagnol de Bucarest — est représenté par mfûjnëu, phonétisme général à Bucarest et fréquent dans les autres idiomes judéo-espagnols 15, dans l'ancien espagnol et dans divers dialectes espagnols modernes 16. 14 Une bibliographie ample sur cette question se trouve chez Kriiger, Westsp. Mund., § 1 7 9 - 1 8 3 ; Espinosa, BDH I, p. 5 8 - 7 9 ; Amado Alonso, BDH I, p. 382; Lenz, BDH V, p- 1 6 0 - 1 6 2 , et Malmberg, Études, p. 5 2 - 5 3 . 16

Subak, Jsp., p. 173; Subak, VU, p. 35 ; Lamouche, Sal., p. 985 ; Wagner, K / p e / § 41, 112; Crews, Jesp., p. 184, 192. 16

Espinosa, d. 156.

BDH

I, p. 73 et la note d'Alonso - Rosenblat, ibidem ; Marden,

BDH IV,

40

PHONÉTIQUE CONSONANTISME

10.

[p]

10.1. [ p ] est une occlusive bilabiale sourde non aspirée, tout comme en espagnol littéraire (cf. Navarro Tomás, Man.12, § 79) et dans les variantes de l'espagnol américain (cf. Malmberg, Études, p. 59 ; Eobe, Pan., p. 44). L a situation du judéo-espagnol bucarestois est identique à celle des autres dialectes judéo-espagnols, pour lesquels les chercheurs ne signalent rien de spécial dans la prononciation de [ p ] . Cf. Crews — Vinay, Sal., p. 225. 10.2. Il existe dans toutes les positions : initiale, intérieure et finale. Suivent quelques exemples pour chaque position. 10.2.1. E n position i n i t i a l e il apparaît devant une voyelle ou dans un groupe consonantique : 10.2.1.1. devant une voyelle : [p Jadér « mur » I—VIII, [p Jádri « père » I—VIII, [p]ága «paye» I I - V I I I , fpjerdé «rideau» I - I V , VII, VIII, [pjésax «Pâques» I—VIII, [p ]iláf « risotto » I I — V I I I , [p]6du «puits» II, III, VII, VIII, [pjósta «poste» I—VIII, [pjulga «puce» II—IV, VII, VIII, [pjurirn « Purim » I — V I I I ; 10.2.1.2. dans les groupes [pl], [pr] : fplj : [pljâta « argent » I—IV, VII, VIII, [pljéitu « querelle » II—IV, fpljêito V I I I et fpljétu V, VII, fpljómu «balle» I - I I I , VII, VIII, «plomb» II—IV, VII, «arme» IV, [pljómbo «plomb» VIII, [pljomb «plomb» I, fpljúma «plume» I I — VIII, «porte-plume» II—VII, [pl]úvia « pluie » V, VI ; [pr] : [prjésiu «prix» II—IV, V I — V I I I et [prjlsiu I, [prjizénti «cadeau» I, III, IV, VII, VIII, [prjezênti II, V I I I et [prjizént I, V, [pr]ezéntYI,YII, [prJezêntuYI, [prjiniâda « femme enceinte » I—VIII, [prjoféta «prophète» III, IV, V I I I et [prjofèt V, [prjúna «prune» VIII. Nous n'avons pas enregistré la présence de [ p ] dans d'autres groupes consonantiques initiaux, par exemple [psj discuté par Navarro Tomás (Man.12, § 79). A Bucarest, les mots dont s'occupe Navarro Tomás n'existent pas. 10.2.2. E n position i n t é r i e u r e , [p] se trouve soit entre voyelles, soit dans des groupes consonantiques (dans ce dernier cas, il peut se trouver soit en début, soit en fin de syllabe) : 10.2.2.1. en position i n t e r v o c a l i q u e : Jcafp ]âk « couvercle » I, II, VII, VIII, Tci[p]úr «la fête nommée kipúr » I—VIII, ju[p ]á «tente

PHONÉTIQUE DESCRIPTIVE

41

sous laquelle se célèbre le mariage » VIII, pajp Jâda « jabot » I—IV, VI—VIII, pajpjél «papier» II, VII, VIII, pajpjén «gourmand» I, II, V—VIII, pajpjusa «poupée» I—V, VII, rejpjézu «repos» I, VIII, tofpjûz «boulet» VIII, trlfpja «ventre» I—VIII, tu[p]âr «trouver» I-VIII. 10.2.2.2. Parmi les groupes consonantiques comprenant un [ p / , on peut distinguer deux catégories, selon la position de [p] : 10.2.2.2.1. groupes consonantiques dans lesquels [ p ] se trouve à l'initiale de la syllabe: [Ip], [mpj, [rp], [spj, [spj; fpl], fprj. Il faut remarquer que dans ce même cas on peut distinguer deux sous-catégories : la première, formée par les groupes hétérosyllabiques [Ip], [mp], etc., et la deuxième comprenant les groupes homosyllabiques [pi], [pr]. Tous les groupes avec [p] à l'initiale de la syllabe (à l'exception de [spj17) existent également en espagnol littéraire (cf. Alarcos Llorach, Fonol.3, p. 184—185). Voici quelques exemples : [Ip J : ka[lpJàk « bonnet de fourrure » IV, VIII, kûflp]a « faute » I - V I I I , gé[lp]i «coup» II, VII, VIII, paflpjâr «tâter» I, V - V I I I , tâflp]a « la plante du pied » I, VI et « semelle » I, IV. Groupe faiblement représenté. [mp] : ari[mpJusâr «pousser» I—IV, VII et e[mp]usâr VIII, aru[mpjér «rompre» I—VIII et ru[mp]ér II, V, VI, ro[mp]ér VIII, kâ[mp]u «champ» I—VIII, kojmpjét «compote» I—IV, VI—VIII, ëu[mpJurlûk « envie, désir » I, e[mpJulvâr « couvrir de poussière » IV, VIII et e[mpJolvâr III, li[mpJiu « propre » I—VIII, relàfmpJagu « éclair » I, VIII et arilâ[mpJagu II, lâfmpJagu IV, rlâfmp]agu III, sarafmpJiàn « rougeole » I, II, VIII et sara[mp]ié III, IV, tiéfmpju «temps» I—VIII. Groupe très fréquent. [rp] : a[rp]agile « ciboulette » II, III, VIII, ka[rp ]uz « pastèque » I - I V , VIII et ka[rp]ûs VI, VII, kué[rpju « corps » I - I V , VII, VIII et kô[rp]i VI, xe[rP« dédain, honte » VIII, sa[rp]ikâr « casser une bouteille », « badigeonner les murs à la brosse » VIII, tô[rp]i « nigaud, stupide » III, IV. Groupe assez bien représenté. [spj: ajspjàn «impertinent» II, VIII, afspjirdr «attendre» I, III, IV, VI, VII et a[sp]erâr II, VIII, dijspjasénsia «impatience» II—IV, VI—VIII, difspjiértu «intelligent» I—VIII, «éveillé» I, VIII et [spjiértu « éveillé » III, IV, dijspJuzàrsi « se fiancer » I, II, VII, VIII et e[spJuzârsi IV, [spJuzârsi III, e[spJêSu «miroir» II, IV, VIII et [spjéêu I—IV, VII. Groupe bien représenté. 17

L'absence du groupe [Sp) de l'espagnol s'explique par l'inexistence en espagnol d'un de ses éléments constitutifs, [S],

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PHONÉTIQUE

JspJ : mijsp Jaxd «famille» II, VII, VIII, «parent» Y, «groupe de personnes non apparentées» IV, à côté de mijsp JaXâ «famille» VI, mijspjât «jugement» VIII, pijspjeréta «personne qui a de l'aplomb» VIII. Groupe mal représenté 18 . f p l j : aso[pl]âr «souffler» VIII, kofplja «couplet» VIII, dUiJplJa « apprentie » VIII. Ce sont les seuls exemples. Ils n'apparaissent que dans les réponses du sujet VIII. [pr] : afprJesurârsi « se presser » I, VIII, a[prJétu « embarras, disette » II, I I I , VIII, ajprjivâr «essayer» I, I I I , IV, VI, VIII, afprjevdr II, V I I I et afprjuvâr «idem» I I I , VII, afprjovâr II, [prjovâr, JprJivâr VIII, [pr Juvâr VI, iajprJakis « boulettes de viande hachée roulées dans des feuilles de vigne » I—VIII. Groupe bien représenté. Nous avons discuté jusqu'à présent la situation de [ p ] dans les groupes consonantiques à deux membres. Il existe quelques cas également où [p ] se trouve en début de syllabe dans des groupes formés de trois consonnes : [mpl], fmprj, [splj : fmplj : ahojmpljir « accomplir » II, V I I I et hujmpljir chez les mêmes informateurs, e[mpl]antâr « planter » VIII, efmpljeiâr « acheter » I I I , IV, VII, « employer » II, ensefmplJu « exemple » VIII, téfmplJu « temple, synagogue » I—VIII. Groupe faiblement représenté. [mpr] : ejmpr Jestâr «emprunter» II, IV, VI, V I I I , if mpr Jistâr I et â[mprJistâr V, VII, [rp,prJistâr I I I , IV, ejmprJetérse « noircir » VIII, ejmprJezentâr « faire cadeau » I, II, e[mprJizintâr VIII, ijmprJizintdr I I I , IV, V I I et «remettre (un péché)» VIII, ejmpr Juvisér «se ruiner, s'appauvrir» VIII, siéjmprji «toujours» I, II, V—VIII et «tout de suite» VI. Groupe faiblement représenté. fsplj : dijspljazêr «regretter», rejspljendâr «éclat, splendeur». Tous les exemples sont fournis par le sujet V I I I ; 10.2.2.2.2. groupes consonantiques dans lesquels [p] se trouve en position implosive : JplcJ, JpéJ, JpsJ, JpSJ, JptJ. Quelques-uns, [pkJ, [pt] existent également en espagnol littéraire (cf. Alarcos Llorach, Fonol.3, p. 184—185). A l'encontre de l'espagnol littéraire, où dans de tels cas [p] a, une articulation très affaiblie, qui peut même conduire à la disparition de [p] (cf. îfavarro Tomâs, Man,12, § 79), dans le dialecte judéo-espagnol dont nous nous occupons, [p] a une articulation occlusive. Voici les exemples : 18 Dans d'autres dialectes judéo-espagnols, [êp] est plus fréquent. Cf., par exemple, mû[$p]ula enregistré à Salonique (Subak, Sal., p. 12; cf. Menaché, RDTP XV, p. 124). Cf. également Wagner, Esp., p. 79 et Crews, II. Jud. II, p. 3 7 - 3 8 .

P H O N É T I Q U E DESCRIPTIVE

43

[pk] : ôa[pk]én « méchant homme » VIII, tó[pk]a « balle » III. Groupe mal représenté. [pc] : kasa[pc]iu «boucher» IV, tofpcjé «balle» VIII. Groupe mal représenté. [ps] : a[ps]ént « absent » II, VI—VIII, edifpsjis « impertinent » VIII, tefpsJi « plateau pour porter les plats » VIII, tifps]î « plateau de balance » II, VIII. Groupe mal représenté. [ps J : safps Jál « négligent » VIII. Groupe mal représenté. [pt] : ba[ptJizádo « baptisé » VIII, ¿afpt Jeár « gifler » VIII, enregistré à côté de capetiár VIII, sefptjémbre II—IV, VII, VIII, tifptjil «tout doucement, furtivement » II, VIII. Groupe mal représenté. 10.2.3. En position f i n a l e absolue nous rencontrons [ p ] dans un nombre limité de mots : aráfp] « nègre » VIII, kasáfp] « boucher » I—III, VIII, coráfp] «bas» I, II, VIII et curá[p] III, VII, duláfpj «armoire» II—IV, VI, VIII, sirófpj «sirop» IV, VII et sirúfp] III, to[p] «pièce d'étoffe » II. Remarquer la prononciation occlusive de [p ] même dans cette position. 11. [b] 11.1. [b] est une occlusive bilabiale sourde correspondant à [p]. A la différence de l'espagnol littéraire (cf. Navarro Tomás, Man.12, § 80) et des variantes de l'espagnol d'Amérique (cf. Ma-lmberg, Études, p. 58 — 60; Robe, Pan., p. 41), dans le judéo-espagnol de Bucarest, [b] existe dans toutes les positions. Il apparaît, par exemple, même en position intervocalique, là où l'espagnol n'a que [b], soit une fricative bilabiale sonore. Nous avons également noté un [b] en position finale absolue, situation qui ne se rencontre pas en espagnol. A Bucarest il n'existe pas de b fricatif [b] et, par conséquent, il n'existe pas non plus l'alternance entre [b] et [h], caractéristique pour l'espagnol littéraire (cf. Navarro Tomás, Man.12, § 80—81). A la place de [b] apparaît [v], dans les conditions décrites sous 21.1.—21.2.3. Nous n'avons pas rencontré la variante décrite par Crews—Vinay (Sal., p. 215), semblable à b de l'anglais et qui se caractérise, selon Navarro Tomás [Man.12, § 74), par le fait que b est prononcé avec des vibrations laryngales retardées et plus faibles que celles d'un b prononcé par un espagnol. 11.2. Nous avons montré plus haut que b existe dans toutes les positions : initiale, intérieure et finale. Voici quelques exemples : 11.2.1. En position i n i t i a l e il apparaît devant une voyelle ou dans des groupes consonantiques :

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PHONÉTIQUE

11.2.1.1. devant voyelle : [bJarér « balayer » I I I , VII, V I I I et [bJarir «idem» I I , IV, [bjeemâ «bête, bêta» I—IV, VII, VIII, [bjien «bien» V, VIII, fbjilét « billet » I, II, Y—VIII, [bjivér « boire » I - V Î l I , [bjizâr «embrasser» I — V I I I et [b]ezâr V, VIII, [b]6ka «bouche» I—VIII, [bjôda «noce » I—VIII, [bjoiâ «teinture » I, II, IV, VI—VIII et [b]uiâ I I I , [b Julcét « bouquet » I, VIII, [bJuénu « bon » I — V I I I et « bien » I—IV, VI, VII, [b]uz « glace » I - I V , VII, V I I I ; 11.2.1.2. dans les groupes consonantiques fblj, [br], tout comme en espagnol littéraire : fbl] : [blJânJcu «blanc» I—VIII, [bl]ându «mou» I—VIII, [bl]ûza « blouse » I, I I I , IV, VIII. Groupe faiblement représenté. [br] : [brjâga « bosan » VI, VIII, fbrjàgas « caleçon » II, « pantalon » I I I , fbrjâsu «bras» I—VIII, [br]e «hé, holà» VIII, fbrjiiâr «briller» II—IV, [brjôsa «brosse» II, VII, [brjumuélus «beignets faits de pâte non levée, à l'occasion des Pâques » I, I I , V—VII. Groupe bien représenté. 11.2.2. En position i n t é r i e u r e , [b] apparaît soit en position intervocalique, soit dans des groupes consonantiques. Il faut remarquer que dans les groupes consonantiques, fb] n'est enregistré qu'à l'initiale de la syllabe. La seule exception est représentée par le groupe fbs], que nous avons noté dans afbsJénti « absent » VIII. C'est une prononciation isolée, qui se rencontre à côté de a[ps]ént (voir 10.2.2.2.2.). 11.2.2.1. Exemples avec [b] i n t e r v o c a l i q u e : a[b Jafâdu « étouffé » II, V I I I et « braisé » VIII, a[bJandonâr « abandonner » I, II, VII, VIII, a[bJondânsa « abondance » II, VIII, a[bJultâr « tourner, retourner » I - I V , V I - V I I I et «changer» VIII, kefb]âb «kebâb» I I - I V , VIII, xafbjér « nouvelle » I I - I V , V I - V I I I , sa[b]ât « samedi » I - I V , VI, V I I I et safb]ât V, VII, tisafb]eâv « le I X e jour du mois av » I I , VIII, tufbJisvàt « fête nommée aussi las frutas » II, VIII. 11.2.2.2. Les groupes consonantiques dans lesquels on rencontre [b] sont : [db], [£b], flb], [mb], [rb], [zb] ; [bl], [br]. Dans tous les cas, [b] se trouve à l'initiale de la syllabe. Les groupes sont hétérosyllabiques [db], [Zb], etc. et homosyllabiques [bl], [br]. Tous ces groupes (à l'exception de [£b], pour les raisons mentionnées pour [sp]) existent également en espagnol (cf. Alarcos Llorach, Fonol.3, p. 184—185). îfous en donnons ci-dessous quelques exemples : [db] : mi[db]ir « désert » V I I I . Groupe mal représenté. [èb] : xe[Zb]6n «compte» I I I , VIII, ya[&b ]ôn II, IV, yi[&b]on IV, V, V I I et %ri[%b]on « idem » I. Groupe mal représenté. [Ib] : a[lb]ondiga «boulette de viande hachée» I—VIII. Groupe mal représenté.

PHONÉTIQUE DESCRIPTIVE

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[mb] : afmbjizár «apprendre, enseigner» I — IV, VI — V I I I et efmbjezár «idem» VIII, ëjmbjizàr V, á[mb]os «tous les deux» I I , IV, VIII, ejmbjatakár « salir, souiller » I I I , IV, VI, V I I I et ëjmbjatakàr V I I , eJmbJuruSár «couvrir, envelopper» II, VII, V I I I et [ipbjruèàr II, I I I , ijmbjutunár «boutonner» et efmb]utunár I I I , VIII, lafmbjér «lécher» I—IV, VIII, lôjmbju «reins » II, VIII. Groupe très bien représenté. frb] : befrbjér «barbier» I I , VIII, Tcojrb Ján «sacrifice traditionnel à l'occasion des noces » VIII, cójrbJa « potage aigre » I I I , IV, VIII, ée[rb]ét « sorte de confiture » I—IV, V I I I et H frb Jêt VII. Groupe faiblement représenté. [zb] : bé[zb]a «abeille» II, IV, V I I I et abêjzbja «idem» VIII, di[zb]arasár «faire le nettoyage, nettoyer» I, I I , IV, V I I I et [zbjarasár I I I , mi[zb]eáy_ «autel» II, VIII, su[zb]ln «parrain» VIII. Groupe mal représenté. [bl] : a[blJandár « amollir » VIII, agreáfblJi « agréable » VIII, agreáble II, VII, lefbljebl «pois chiche torréfié» VIII. Groupe mal représenté. [br] : a[brJámila « fruit du prunier cerise » II, VIII, a[br Jasar « étreindre, embrasser » II, VIII, ajbrjazár « répandre une forte chaleur » I—IV, VIII, ajbrjlgu «abri» V I I I et ajbrjígo I, kijbrjit «allumette» I, III, IV, VIII, ifbrjik « petite verseuse » VIII. Groupe bien représenté. Il existe également des cas où [ b ] se trouve en début de syllabe, dans un groupe consonantique à trois membres: JlbrJ, JmblJ, [mbrj, fzbrj : flbr J : ajlbr Jîsia « nouvelle » VIII. Groupe mal représenté. JmblJ : ejmbljiskár «bouger, remuer» IV, tiJmblJár «trembler» I, II, VIII, tejmbljár I I I , IV et trijmblJár VII, tirité[mblJu «tremblement de terre » I—IV, VII, VIII, ujmbljigu «nombril » I, III—V et o[mbl]îgu VIII. Groupe mal représenté. Jmbr] : ájmbrji «faim» I — V I I I et á[mbr]e II, VIII, bijmbrjîiu « coing » II, IV, VII, VIII, (jingijmbrJi « genévrier » VIII, « poivre » I I , « agile » I I I , yasidújmbrje « pieux » VII, VIII, lú Jmbr Ji « feu » I—V, VII, VIII, nófmbrji «nom» I—VIII, «nombre» I, II, V, VIII, sefrnbrJár « ressembler » I, V I I I et asijmbrjár I I I , asujmbr Jár IV, sulójmbr Ja «ombre» I I I , IV, V I I I et ó [mbr] a V, VII, VIII, ájmbrji I, só Jmbr Ja II. Groupe bien représenté. Jzbr] : dejzbrjucár « déchaîner » VIII. Groupe mal représenté. 11.2.3. En position f i n a l e absolue, [b] apparaît très rarement: kebájb] « kebâb » II—IV, VIII. A remarquer la prononciation occlusive de [b J dans cette position, à l'encontre de l'espagnol littéraire, qui possède un b fricatif (cf. Navarro Tomás, Man}2, § 81).

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PHONÉTIQUE 12. [t]

12.3. [t] est une occlusive dentale sourde, plus proche du t du français et du roumain que du t antérieur, apico-dental, de l'espagnol, tel qu'il est décrit par Navarro Tomâs {Man.12, § 98 ; cf. Malmberg, Études, p. 69 — 70, pour l'espagnol argentin). Nous n'avons pas entendu u n t légèrement aspiré, du genre de celui décrit par Crews — Yinay (Sal., p. 225—226) pour le judéo-espagnol de Salonique. 12.2. Cette consonne peut occuper n'importe quelle position : initiale, intérieure ou finale. Nous donnons dans ce qui suit des exemples pour chaque position. 12.2.1. E n position i n i t i a l e il apparaît devant une voyelle ou dans le groupe consonantique [tr] : 12.2.1.1. devant une voyelle: [tjâdri « t a r d » I I — Y I I I et ftjâdre I, ftjanît « j e û n e » I — V I I et [tjaanit Y I I I , ftjas «plateau d'une balance» I I I , IV, V I I I , [tjitâr « t é t e r » I, I I I , I V et [tjetâr I I , IV, V I I I , [tjefilà «prière du m a t i n » I I I , IV, V I I I , [tjiémpu « t e m p s » I — V I I I , [t]ivâ « autel » I I I - V I I et ftjevâ V I I I , [t]6Jca « (il) touche » I - I V , V I - V I I I , ftjôdu « t o u t » I — V I I I , [tjorâ «Bible, loi de Moïse» I I , IV, V, V I I I et [t]ôra I I I , VI, VII, [tjuértu « tordu, tortu » I - I V , VII, V I I I , [t Jufék « arme » I, V I I I ; 12.2.1.2. dans le groupe [tr] : [trjampatôs « supercherie » I I I , IV, V I I et [trJampatôSu V I I I , [trjampatûèu I I , [trjen « t r a i n » I — V I I I , [tr]es «trois» I I , IV, V, V I I et ftrjez I, I I I , VI, V I I I , [trjîgu «blé» I I - I V , VII, V I I I , ftrjéncu « tronc » I I , V I I I , « cœur d'une pomme » I I I , IV, V I I I , [tr]ukâr « changer » I — V I I I et [trjokâr I I , V I I I , ftrjuénu « tonnerre » I, I V . Groupe bien représenté. 12.2.2. E n position i n t é r i e u r e , [t] peut se trouver soit entre voyelles, soit dans des groupes de consonnes (dans ce dernier cas, il peut figurer en début ou en fin de syllabe). 12.2.2.1. Exemples de [t] i n t e r v o c a l i q u e : barà[t]u «bon marché » I — V I I I , ba[t]dl « oisif, paresseux » I I , V I I I , kali[t]â « qualité » I I , V I I I , gô[t]a « goutte » I I — I V , V I I I , ya[t]ir «faveur, plaisir » I I I , IV, V I I , V I I I , nié[t]u «petit-fils» I, I I I — V I I I , «neveu» V I I , pâ[t]u «oie» I, I I I — V I I I et « canard » I I , IV, tûftjanu « moelle » I I — I V , V I I I , tuftjûn « tabac » I, I I I - V I I I ; 12.2.2.2. P a r m i les groupes consonantiques comprenant u n [t], nous avons isolé deux catégories, selon la position occupée par [t] : 12.2.2.2.1. groupes de consonnes dans lesquels [t] se trouve à l'initiale de la syllabe: [ht], f f t ] , [xt], [It], fntj, [pt], f r t j , [st], [H]-, [tr]. I l

PHONÉTIQUE DESCRIPTIVE

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faut remarquer qu'outre les groupes hétérosyllabiques, tels que [ht], [ft], etc., il existe un seul groupe homosyllabique, [ t r j . La plupart de ces groupes existent en espagnol littéraire également (cf. Alarcos Llorach, Fonol.3, p. 184—185), à l'exception de [ yt] et [st], Yoici quelques exemples : [kt ] : do[kt ]6r « docteur » X, VIII. Groupe mal représenté. [ft] : a[ft]axâ «espoir» I, VIII, Aiifftju « Ëgypte » I I , VIII, ari[ft]âr «corriger» "VIII, ke[fi]ê «boulette de viande hachée» VIII, ya[ft]ûna « rossée, coups » I I et ya[lt]ûna VI, VII, ya[lflJûna V, sa[ft]é «première vente »1—IV et se[ft]ê VIII. Groupe faiblement représenté. [lt] : ta[yt]ôn « cul » I I , VIII. Groupe mal représenté. [It] : abu[lt]âr «tourner, retourner» I—IV, VI—VIII, «changer» VIII, â[lt]u «haut» I I - V I I I , ba[lt]â «hache» I, I I I , IV, VII, VIII, bé[lt]u « bosse au front » I I I , IV, VIII, ce[lt]ê « matelas » I—IV et ci[ltjé VII, « couverture de lit ouatée et piquée » V I I I et sa[lt]é « matelas » II, V, VIII, sa[lt]âr «sauter» I—IV, V I - V I I I , «sautiller» II, V I - V I I I , « s'éveiller en sursaut » I I I . Groupe bien représenté. [nt] : aku[nt]isér « arriver, se passer » I I I , IV, VII, V I I I et aku[ntJisdr V, asi[nt]âr «être assis» I—V, VII et si[nt]âr VI, asi[nt]âr «ranger, arranger » TI, VI, VII, atamié[nt]u «lien, liaison » II—IV, VIII, Tca[nt]dr « chanter » I—VIII, ku[nt]âdu « dot (en argent) » I—IV, VII et ko[nt]âdo VIII, kuàfntju « combien » I—VIII, i[nt]éru « entier » II, V, VI, e[nt]éru IV, V I I I et â[nt]éru I, I I I , VII, e[nt]6zus «lunettes» I, I I I , VIII, i[ntJôSus II, VII, li[nt]ôzus IV et u[ntJôzus III, pa[ntJilôn « pantalons » I, I I I , IV, VI—VIII et pa[ntJalon II, V. Groupe consonantique très fréquent. [pt] : voir 10.2.2.1.2. [rt] : â[rt]u «rassasié » I—V, VII et â[rt]o VIII, kâ[rt]a «lettre » II, VIII, ka[rt]6f «pomme de terre» I—III, VII et ka[rt]6fa IV, VIII, ku[rt]âr «tailler, couper» I—VII et ko[rt]âr II, VIII, ku[rt]îzu «cour» I—VIII, dispié[rt]u « intelligent » I—VIII, « éveillé » I, V I I I et spiéfrtju « éveillé » III, IV, fu[rt]ûna « tempête » VIII, guéfrt Ja « jardin » I I I , VII, VIII, «cour devant la maison» I I et «grotte» IV, mâ[rtjis «mardi» I—V, VII, VIII, ma[rt]iiu « marteau » I—IV, V I I I et ma[rt]io V, mué[rt]i «(la) mort » I—IV, VI, V I I I et mué[rt]e, mué[rt]a\,po[rt]ukâla « orange» I I I et po[rtJokâla IV, VII. Groupe bien représenté. [st] : àbâ[st]a «assez» V, VII, VIII, aba[st]ânti I I I , VI, VII et ba[st]ânti I, II, IV, agri[st]âda « mayonnaise » I—VIII, krô[st]a « croûte de pain » I—IV, VII, V I I I et krû[st]a VII, kré[st]a « croûte (d'une blessure)» IV, VIII, fié[st]a « fête» VIII, fû[st]a « jupe » VIII, gû[st]u « goût » II—IV, VIII, mu[st]âëu «moustache» I—IV, VI—VIII et mu[st]àÈa

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PHONÉTIQUE

V, ri[st]orânt «restaurant» V I I I et refstjaurânt II. C'est le groupe le plus fréquent après [ni], A remarquer que, dans certains cas, [st] alterne avec [st] : bu[st]izâr « bâiller » I I — I Y et bufstJiSâr I, YII. [St] : mu[it]àr «moutarde» I I I , IV, VII, "VIII, mu[stJeri «client» VIII. Il faut souligner que dans un troisième exemple, pelifSt]îm « philistins » "VIII, [st] alterne avec [st] : peli[st]lm II. Cf. [st]. [tr] : adi[tr]âs « en arrière » I, II, IY—YIII et a[tr]âs II, VIII, a[tr]âz I I I , Mlomé[tr]u « kilomètre » I—VIII, Jcuâ[tr]u «quatre» I — V I I I et Tcuâ[rt]u I—VIII, meha[tr]ég « malveillant » VIII, 6[tr]u « autre » I—VIII, pa[tr]ânias «bagatelles» IV, VII, VIII, pa[tr]6n «patron» V—VIII. Groupe bien représenté. Nous avons présenté ci-dessus la situation de [t] dans les groupes formés de deux consonnes. Il existe en outre, en début de syllabe, quelques groupes consonantiques à trois membres, dont l'un est [t] : [Ur], [ntr], [str] : [Ur] : ma[ltr]âSe « mal mis, négligent » VIII, ma[ltr]atdr « maltraiter » VII, VIII. Groupe mal représenté. [ntr]: adilâ[ntr]i «devant, en avant » I—VII et adelâ[ntr]i VIII, lcô[ntr]a « contre » I, I I I , V, Tcué[ntr ]a V I I I et hué [ntr ]u II, VI, e[ntr]âr « entrer » II—IV, V I I I et i[ntr]âr I, IV—VI, e[ntr]ompiésu « obstacle » I, V I I I et i[ntr]ompiésu I I , VII. Groupe bien représenté. [str]x di[str]asâr «effilocher» IV, V I I I et [strjasâr I I I , e[str]éia « étoile » I I et [strjêia I — I I I , VII, VIII, e[str]imisirsi « frémir, frissonner » IV, VII, V I I I et [strjimisirsi I I I , [strjimisérsi IV, ma[str]apâ «pot (en cuivre) dont on boit de l'eau » VIII, mué[str]u « notre » I, V—VIII. Groupe bien représenté ; 12.2.2.2.2. groupes consonantiques avec [t] en position implosive : [tic], [te], [il]. De ces trois groupes, [tic] et [tl] existent également en espagnol littéraire (cf. Alarcos Llorach, Fonol.3, p. 184). [tic] : ba[tlc]âr «détacher la viande des os» VIII, mé[th]u «médecin » I I I , V, V I I et médilcu I I , IV, VI, V I I I . Groupe mal représenté. [të] : ina[të]i « obstiné » VIII, noté à côté de inaci IV et enacî I I I . Groupe mal représenté. [tl] : ba[tl]ân «paresseux» I I , «mendiant» VIII, ëa[tl]adeâr «se quereller » VIII, ca[tl]iâr « se fendre » I I I , pa[tl]iâr « crever » I, IV, VI— V I I I et pa[tl]eâr II, I I I , pa[tl]eâr «crever de dépit» II, I I I , V, VII, pa[tl]iârsi VIII, apa[tl]eâr IV. Groupe mal représenté. 12.2.3. E n position f i n a l e absolue, [t] peut se trouver seul ou bien dans un groupe de consonnes. E n position finale, cette consonne conserve son caractère occlusif :

P H O N É T I Q U E DESCHIPTIVK

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12.2.3.1. après voyelle : alXàft] « dimanche » I—'VIII, bilé[t] « billet » I, II, V - V I I I , biriftj « circoncision » I I I - Y I I et beriftj I I , VIII, cufléft] « sifflet » I, IV, VII, V I I I et cufléftJu I I I , inâft] « ambition, obstination » I I I , IV, VIII, miatâft] «moitié» V—VIII, metâ[t] V I I I et meitâfd ] I I I , Sab â ft] «samedi» I - I V , VI, V I I I et sabâft] V, VII, se ft] «soif» I, II, IV, VIII, taniftj «jeûne» I—VTI et taanift] VIII, ziaféft] «ripaille» VIII. Dans certains cas, ft] alterne avec [d] dans cette position : zaXûft] « repas funéraire » I, II, IV, VII, V I I I et zaXufd] I I I , miatâft] et meitâfd] déjà cités. Pour d'autres cas d'alternance entre ft] et fd], voir 13.2.2.1., 13.2.3 ; 12.2.3.2. le seul groupe consonantique comprenant un ft] qui figure dans cette position est fnt] : diamâfnt] «diamant» I—VIII, restaurâfnt] « restaurant » I I et ristorâfnt] VIII. 13. [d] 13.1. [d] est une occlusive dentale sonore correspondant à ft]. A rencontre de l'espagnol littéraire (cf. Navarro Tomas, Man.12, § 99—101) et des variantes de l'espagnol d'Amérique (cf. Malmberg, Études, p. 70; Eobe, Pan., p. 42), dans le judéo-espagnol dont nous nous occupons, cette occlusive dentale existe dans toutes les positions (cf. Crews, Jesp., p. 179). A Bucarest elle existe même en position intervocalique, là où l'espagnol et ses différentes variantes (auxquelles on peut ajouter quelques dialectes judéo-espagnols) ont une fricative dentale sonore. Cette fricative n'existe pas à Bucarest. Nous n'avons pas rencontré le fd] faiblement aspiré noté par Crews — Vinay, Sal., p. 2 1 6 - 2 2 6 . 13.2. Nous avons affirmé ci-dessus que [d] se trouve dans toutes les positions : initiale, intérieure et finale. Voici quelques exemples : 13.2.1. E n position i n i t i a l e il apparaît seulement devant voyelle : fdjâniu « dommage » I I , I I I , V—VIII, fdjarsâr « prêcher » V I I I et fdfarsâr VIII, fd]édu « doigt » I—VII et fd]édo VIII, fd]ereXéref «bien élevé » VIII, fd]iez « dix » I I I , V—VIII et fd]ies I, II, IV, f d Jimandâr « demander » I — V I I I et «interroger» I, II, IV—VIII, [d]emandâr I I I «idem», fdjip «le fond (d'un tonneau) » II—IV, VIII, fd]oz « deux » I, I I I , VII, V I I I et fdfos II, I V - V I , fdjulâp «armoire» I I - I V , VI, VIII, fdjulôr « douleur » I—VIII. Nous n'avons enregistré aucun mot qui présente dans cette position un fd] membre d'un groupe consonantique. 13.2.2. En position i n t é r i e u r e , fd] se rencontre soit en position intervocalique, soit dans des groupes consonantiques (pouvant figurer dans cette dernière position soit à l'initiale, soit à la fin de la syllabe). 4 - C. S i l

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PHONÉTIQUE

13.2.2.1. Exemples p o u r / d y i n t e r v o c a l i q ue : a[ d Jovâr « arranger, accommoder » I I , I I I , V I I I et afdjuvâr I—IV, VII, VIII, agrafdjâr « plaire » I—V, VII, V I I I et agrafdjér VI, Jcâda «chacun» I—VIII, kafdjéna «chaîne» II, VIII, ka[ d Jls « prière récitée par les fils du mort» I—VIII, Jcdza « maison » I - I V , V I - V I I I , ki[d]âr « rester » I, I I I - V I I I et ke[d]âr II, krû[d]u «cru, vert» I, IV—VIII, ca[d]ir «parapluie» I—IV, VII, VIII, dé[d]u « doigt » I - V I I et dé[d]o VIII, lôfdju « boue » II, VIII, o[d]â «chambre» II, VIII, sé[d]a «soie» I - I V , VIT, VIII. Nous avons groupé à part les mots qui présentent un [d] dans la désinence -ado-. arepuzâ[d]o «tranquille» VIII, kaiâ[d]u «silencieux» I, II, VII, VIII, delgâ[d]u «mince, fin» I I I , dilgâ[d]u I, II, IV, VII et delgâ[d]o VIII, salâ[d]u « salé » II—IV, V I I et silâfdju VI. Dans cette position, [d] alterne avec [t] dans certains mots : bi[dJakisé « cabinet d'aisances, latrines » IV, V I I I et be[t]akisé VIII, bifdJaXaim «cimetière» I, I I I — V I I I et beftJaXaim II, VIII, Jcaftjifé «velours» I, II, IV, VII, V I I I et Icafdjifê I I I , saldftja « salade » I, I I I , IV, VI, V I I et salâfdja V, VIII. Pour l'explication de ce fait voir III.10.2.1. 13.2.2.2. Dans les groupes consonantiques, [d] peut se trouver soit en début soit en fin de syllabe : 13.2.2.2.1. groupes consonantiques ayant un [d] à l'initiale de la syllabe : [Id], [nd], frd], [vd], fzd] ; [dr]. Cette fois encore, nous rencontrons les deux mêmes catégories : les groupes hétérosyllabiques [Id], [nd], etc., et le groupe homosyllabique [dr]. Tous les groupes ci-dessus, à une exception près (le groupe [vd]), existent également en espagnol littéraire (cf. Alarcos Llorach, Fonol.3, p. 184—185). [Id] : a[ld]ukéra «poche» I, II, VI—VIII et a[ld]ikéra II, a[ld]ukuéra I I I , IV, ka[ld]éra «seau» I—IV, VII, VIII, kâ[ld]u «soupe» I — VIII, fruzâ[ld]a «gâteau en feuilletage» I, II, V—VIII et frizâ[ld]a VIII, mi[ld]âr «lire» I—VIII, spâ[ld]a «dos» I—VIII. Groupe bien représenté. [nd] : Jca[nd]éla «cierge» I—VIII, ku[nd]ûcu «aliments» I, I I I , VII, V I I I et « légumes » IV, VIII, kuâ[nd]u « quand » I - I V , V I - V I I I et kuâ[nd]o V, ciku[nd]ûria «betterave» I, I I I , IV, VIII, à côté des variantes ciku[nd]ûlia II, cuku[nd]ûlia VIII, e[nd]ivinâr «deviner» II, IV, VIII, «accuser» I I I , e[nd]urmir «s'endormir» I, I I , VIII, grâ[nd]i «grand» I—VIII, i[nd]iricâr «redresser, rendre droit» I I I , IV, VII, VIII, e[nd]iricâr I I et e[ndJereëâr VIII, ma[nd]âr « envoyer » II—VIII, sa[nd]âk « parrain » I, II, IV, VIII. Groupe bien représenté. [rd] : cafu[rd]iâr « gaspiller » VIII, gya[rd]dr, gua[rd]ér « garder » V, à côté de gua[dr]âr I—IV, VI—VIII, lake[rd]l «conversation» VIII, Mo[rd]eXâi « Mardochée » II, VIII, 6[rd]en «ordre» II, o[rd]onâr

PHONÉTIQUE DESCRIPTIVE

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«ordonner» I I , pe[rd]ê « rideau » I—IV, VII, V I I I , ve[ rd Jâd «vérité» I - I I I , VII, V I I I , à côté de vi[dr]ât IV, vifdrjâ VI, adivifdrjâ V, zifrdjilis « petit abricot à noyau amer » I I I , I V et zifrdjili V I I I , zifrzjilis IV. Groupe assez bien représenté. [vd] : arislcufvdjâdu «vautré, accoudé» I, I I , V I I I , bl[vd]u « v e u f » I—IV, VII, V I I I , kafvdjâl « capital » V I I I , kofvdjisia « convoitise, envie » V I I I , kofvdjil «coude» V I I I , dê[vd]a « d e t t e » I — V I I I , di[vd]6r «débiteur » I I I , IV, V I I et de[vd]6r I I , V I I I , le[vd]âr «lever (la pâte) » I I I , V I I I , lefvdjûra «levure» V I I I et léfvdja I I I , levadura I I , V I I , V I I I , rikafvdjâr « encaisser » I I I , V I I I , « tromper » IV, sifvdjâd « ville » I—IV, VII, V I I I et sifvdjât V, siffdjât VI, sâfvdju «non salé, f a d e » I — V I I I . Groupe assez bien représenté. [zd] : bo[zd]eâr «se fâcher» V I I I , ki[zd]ireâr «ennuyer quelqu'un» V I I I , defzdjeéâr « pleurer (un mort) » V I I I , defzdjublâr « doubler » V I I I . Groupe mal représenté. [dr] : a[dr]ér « brûler » I—V, V I I I , gô[dr]u « gras » I — V I I I et « gros » I—IV, V I — V I I I , guafdrjâr «garder» I — V I I I (cf. également [rd]), gu[dr]ûra «graisse» I — V I I I , xâ[dr]as «simagrées» I I I — V I I I , la[dr]âr « a b o y e r » I—IV, V I I I , la[dr]6n «voleur» I — V I I I , mâfdrji «mère» I — V I I I , mafdrjûga « aube » I I — I V et mafdrjugâda I I I , VIII, pi[dr]unâr «pardonner» I, I I I , IV, V I — V I I et pi[dr]onâr I I , piê[dr]a «pierre» I — V I I I , tâfdrji « t a r d » I I — V I I I et tâ[dr]e I, véfdrji « v e r t » I — V I I I . Groupe bien représenté. A noter que dans beaucoup de cas, [dr] correspond au groupe [rd] de l'espagnol littéraire. [d] apparaît également en position initiale, comme membre d'un groupe formé de trois consonnes, [ndr] : almé[ndr]a « amande » I I — V I I I et « noisette » I I , kulu[ndr]ûna « hirondelle » I I I , IV, à côté de kuli[ndr]ina V I I I et golo[ndr]lna I I , enge[ndr]âr «engendrer » V I I I , filâ[ndr]a «nouilles » V I I I . Groupe bien représenté ; 13.2.2.2.2. groupes consonantiques où [d] se trouve en fin de syllabe : [ d b [ d m ] . Les deux existent également en espagnol littéraire (cf. Alarcos Llorach, Fonol.3, p. 185). [db] : voir 11.2.2.2. [dm] : a[dm]itêr « admettre » I I , V I I I . Groupe mal représenté. 13.2.3. E n position f i n a l e , [d] alterne dans la plupart des cas avec [t]. Sauf kantidâ[d] « q u a n t i t é » I—IV, V I I , V I I I , le seul cas où nous n'avons rencontré que la forme avec [ d ] , nous avons enregistré les cas suivants d'alternance [d] — [t] : bundâ[d] a bonté » I, V I I I et bundâ[t] VII, idâ[d] «âge» II—IV, VII, edâ[d] V I I I et edâ[t] I, kavô[d] «honn e u r » I, I I I , V I I I et kavô[t] I, I I , IV, V, V I I , komunidâ[d] «commun a u t é » I I I — V , V I I et komunidâ[t] VII, salu[d] « s a n t é » VII, V I I I et

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phonétique

salú[t] I—TU, VI, sivdáfd] «ville» I - I V , VII, V I I I et sivdáft] V, sifdáft ] VI, verdáfd ] «vérité» I - I I I , VII, V I I I et vidrá[t J IV, adividrá V vidrá VI. A retenir le caractère occlusif de [d] final. 14.

[k]

14.1. [k] est une occlusive vélaire sourde, tout comme en espagnol littéraire (cf. Navarro Tomás, Man.12, § 125) et dans les variantes américaines de l'espagnol (cf. Malmberg, Études, p. 77 ; Eobe, Pan., p. 44). Lorsque [k] vient en contact avec les voyelles [u], [o], [a], le point où se produit l'occlusion est vélaire, tandis qu'en contact avec [i], [e], ce point est plutôt postpalatal que vélaire. La situation du judéo-espagnol est identique à celle de l'espagnol littéraire (cf. Navarro Tomás, loe. cit. ; Malmberg, loe. cit.). C'est pourquoi nous n'avons pas prévu dans notre système de transcription deux signes différents pour les deux types de [k]. Nous n'avons pas enregistré la palatalisation de [k] en contact avec [i], [e], attribuée par Subak {VB, p. 37) au dialecte de Bucarest. Le sujet I présente rarement une faible palatalisation, que nous avons notée par [kv], comme dans VAtlas linguistique roumain (cf. Sala, Recueil, p. 231). Il ne s'agit cependant que d'une prononciation accidentelle qui ne se produit que dans certains cas et dont les conditions d'apparition sont difficiles à préciser. On arrive à conclure que la prononciation typique de k + e, i dans le judéo-espagnol bucarestois est [ke], [ki], comme le soutient également Crews (Jesp., p. 32 ; cf. Sala, Recueil, p. 231) et non pas kje, kji, comme l'affirme Subak (loe. cit.). La situation existante à Bucarest ressemble à celle des autres dialectes judéo-espagnols, pour lesquels on ne signale rien de spécial au sujet de la prononciation de k (cf. Crews—Vinay, 8al., p. 225). 14.2. [k] existe dans toutes les positions : initiale, intérieure et finale. En voici quelques exemples : 14.2.1. En position i n i t i a l e il se rencontre devant voyelle ou dans un groupe consonantique : 14.2.1.1. devant voyelle : [kjáiu « durillon » I—IV, VIII, [k]al « synagogue » I - V I I et [k]aál VIII, kayál II, [k]al «chaux » I - I V , VII, VIII, [k]ézu « fromage » I —V, VII, V I I I et [kJiézu VI, [kJibrit « allumette » I, I I I , IV, VIII, [kJidár «rester» I, I I I — V I I I et [k]edár II, [kjimen « carvi » VI—VIII, [kjóda «queue» I—V, VII—VIII, [k]ol «choux» I—VIII, [kjompót «compote» I—IV, VI—VIII, [kjuántu «combien» I—VIII, [kjuèàra «cuiller» I—VIII, [kJulpózu «coupable» IV, VII, VIII ;

PHONÉTIQUE DESCRIPTIVE

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14.2.1.2. dans les groupes consonantiques [kl], [krj, tout comme en espagnol littéraire, qui admet ces deux groupes à l'initiale du mot (cf. Alarcos Llorach, Fonol.3, p. 182) : [kl] : [kl]áru « clair » I—IY, VI—YIII et [ikl Jar V, [kl Jása « sorte » VIII, «classe» VII, VIII, [MJávu «clou» I I - I V , VII, VIII et [gljávu I, [klJavilna « œillet » III, VIII, [kl Jéinis « boulettes de semoule pour la soupe» I, II, VI—VIII et [kljéniz III—V, [kljénëa «raie» III, V I I I et « collier » VIII, [kl Jisia « église » II, VIII et [kl Jisa « idem » V, VII, [klJisma «lavement intestinal» II—IV, VII, VIII, [kljosét «cabinet d'aisances, latrines » I, II, V, VI, [klJóska « couveuse » VIII. Groupe assez bien représenté. [krj : [krjátifa «casserole» V—VII, [kr Jetón «crayon» I, VI—VIII, [krjéma « crème » II, VIII, [krjiiatúra « enfant » I—III, [krjiatúra V—VII et [krjíu II—IV, VII, VIII, [krjisér « élever » I—VIII, [krjisiánu « chrétien » I - I V , V I - V I I I , [krjósta «croûte de pain» I - I V , VII, VIII et [krJusta VII, [krjósta « croûte (d'une blessure) » IV, VIII, [krjúdu « cru, vert » I, IV—VIII. Groupe bien représenté. 14.2.2. En position i n t é r i e u r e , [k] existe soit entre voyelles, soit dans des groupes consonantiques (dans lesquels il peut se trouver soit en début soit en fin de syllabe) : 14.2.2.1. en position i n t e r v o c a l i q u e : a[k Jél « celui-là » I—IV, V I - V I I I , a[k[i «ici» I - V I I I , a[k]udrâr «rappeler» I - I V , V I - V I I et ri[kjudrár VIII, arijkjuzér « serrer, amasser »1—IV, VII, VIII, «cueillir » I, II, VII et rijkjuzér II, VIII, «faire le nettoyage» V I - V I I I , bajkjál « épicier » IV, VIII et ba[k]án II, lôjkju « fou » I—VIII, pëjkjas « taches de rousseur » I, II, V, VIII et pé[kJaz III, pi[k Jâr « hacher » I, VII, VIII, pó[k]u « peu » I—VIII, sâ[k]u « sac » et « besace » I, II, VIII ; 14.2.2.2.1. groupes consonantiques dans lesquels [k] se trouve en début de syllabe: [IkJ, [0kJ, [pk], [rkj, [skj, [skj, [tkj, [kl], [krj. Parmi les groupes ci-dessus il y a des groupes hétérosyllabiques ([lk], [okj, etc.) et des groupes homosyllabiques [kl], [kr]. Tous les groupes hétérosyllabiques (à l'exception de [skj, pour les raisons discutées sous 10.2.2.2.1) existent également en espagnol littéraire (cf. Alarcos Llorach, Fonol.3, p. 184—185) ; [kl], [kr] ne sont pas mentionnés par Alarcos Llorach (loc. cit.). Voici quelques exemples : [lk] : A[lk]alái« nom propre » I, II, VIII, ajlkjansár « arriver, atteindre » II, VIII, à côté de a[ok]ansár III, IV, ijokjalsár V, âfgkjalsâr VI, VII, nkalsár IV, a[lkJúnia « nom de famille » III, IV, VIII, a[lkJúza « récipient » VIII, ba[lk Jôn « balcon » VII, VIII, kua[lk Jér « quelconque » VIII, eskujlkJâr « épier » VIII, sa[lkJúm « acacia » VIII. Groupe faiblement représenté.

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PHONÉTIQUE

[ok] : arujokJâr « ronfler » III, IV et roj glcJâr VIII, « haleter » IV, rojgkJéra « enjouement » VIII et ru[ok]éra IV, rô[ok]u « enroué » I—IV, VII, VIII, sifokju « cinq » I—VIII, sijokJuénta « cinquante » I—IV, VII, VIII. Groupe faiblement représenté. [pic]: voir 10.2.2.2.2. [rk] : â[rkJo « arc » II, VIII, bâjrkja «barque» II, VIII, Jca[rlc Janiâl « talon » I—IV, VIII, 1co[r1c]6va « bosse » I, II, IV, VII, VIII et ku[rkJova III, M [rie] a «dinde» I—IV, VI—VIII, emfu[rkjâr «pendre» IV et imfu[rlcJâr I, mfujrkJâr III, guéjrk]u « diable » II—V, VII, VIII, mi[rkJâr «acheter» I, III—VII et me[rlc]âr II, VIII, miéjrkjulis «mercredi» I—IV, VII, VIII et miéjrkjuris V, VI, remajrkJâr «remarquer» VIII, sé[rk]a « près de » I—IV, VII, VIII et sièjrkja VI. Groupe fréquent. Jsk] : ali[sk]ûru «obscurité» I, II, e[sk]ûru «obscur» IV, VIII et JskJûru III, arajskJâr « gratter » I, III, IV, VIII et « égratigner » II, âjskju « dégoût, aversion » I—IV, VII, VIII, ajskjuéâr « écouter » I—V, VII et ejskjucâr VIII, dijskjasâr «caresser» I—IV, VI—VIII, pidHJskJu «grêle » III, VIII, pilijskjârapincer »1—IV, VII, Ylll,pi[skjuésu «nuque» I—III, VIII, réjskjas «biscottes farcies de noix, préparées à l'occasion du Purim » I—VIII, tudéjskju «juif non espagnol» I—VIII. Groupe consonantique très fréquent. Jsk J : arijskjâr «risquer» VIII, ajskjavâ «prière pour les morts» VIII, bu[sk]âr «chercher» I—VIII, kâjslc Ja « écorce, croûte, pelure, coque » I—IV, VIII, « coquille » I, III, VIII, kâ[SkJara « écorce, croûte » II, kajskjakavâl «fromage sec» VIII, kajskjitas «mets préparé d'écorce de citrouille» V, VI, kuêjskju «noyau» I—IV, VIII, camujikjâr «flamber (le porc) » VIII, cûjskja « enfant turbulent » VIII, fûjskja « ampoule » I—IV, VIII, «petit bouton, fouroncle » VII, majskjâr «mâcher» I, II, IV, VI, VIII, ma Jsk Jareâr « salir » VIII, mujsk Jita « moustique » I et mô[skju III, pejskjir «serviette» VIII, pijskjâdu «poisson» I—VII et pejskjâdu VIII, pi Jsk Jâr «pincer» V—VII. Groupe bien représenté. [tkj : voir 12.2.2.1.2. [kl] : artijklju «article» et artikolo «idem» VIII, bajkljavâ «feuilletage farci de noix » II, VII, VIII, batajklJl « embarras » VIII, bejklJeâr « monter la garde » VIII, parmajkl Jik « balustrade, grille » VIII, si [kl Jét «ennui» I—III, «souci» VII, VIII et «mal au cœur» V, si [kl Jeâr si « s'attrister » VIII. Groupe mal représenté. Jkr] : a[kr]evantâr «éclater, craquer» VIII, a[kr]eiâr «croire» IV, ajkrjisintâr «ajouter» I, asûjkrji «sucre» VIII, sûjkrji I I et asukir I, III—VII, asûker II. Groupe mal représenté. Voir 14.2.1.2. Nous avons présenté jusqu'ici la situation de JkJ comme membre de groupes consonantiques formés de deux éléments. Suit la situation des

PHONÉTIQUE DESCRIPTIVE

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groupes de trois consonnes comprenant un [k] : [okl], [okr], [ski], [zld], [skr] : [okl] : e[okl]ézo « inclus » VIII (« s'emploie dans le langage soutenu » VIII). Groupe mal représenté. [okr] : efokrjostonââu «empesé» VIII. Groupe mal représenté. [ski] : mi[skl]àr «mêler» I—YII et mefzkljâr VIII. Groupe mal représenté. fskrj : efskrjimirsi «faire des efforts pour évacuer les selles» VIII, e[skr]ivir « écrire » II et [skrjivir I—IV, VII, VIII, efskrjusir « grincer » II et fsJcrJusir VIII. Groupe mal représenté; 14.2.2.2.2. groupes consonantiques dans lesquels fkj se trouve en fin de syllabe: [kc], [kd], [km], [ks], [les], [kt]. Certains groupes existent également en espagnol littéraire: [km], [ks], [kt] (cf. Alarcos Llorach, Fonol.3, p. 184—185) ; [kc], [ks] ne s'y retrouvent pas. Suivent les exemples : [kc] : bata[kc]î « sans valeur » VIII, kai[kc]i «batelier » VIII, cibu[kc]i « personne qui fume la pipe » VIII. Groupe mal représenté. [kcl] : betami[kd[⧠«le temple de Jérusalem» VIII. Groupe mal représenté. [km] : ce[km]egé «comptoir» VIII. Groupe mal représenté. [ks] : fri[ks]ionâr « frictionner » VIII, ma[ks]ûz « à dessein » I, VI— VIII et ma[ks]ûs I, VI, VII, redu[ks]iôn « réduction » II, VIII, sa[ks]i «pot de fleurs» III, VIII, tâ[ks]a «taxe» I—III, VII, VIII et «sort, destin » III, ta[ks]âr « destiner, prédestiner » V, VII, VIII. Groupe mal représenté. [kt]: voir 12.2.2.2.1. Nous insistons sur le caractère occlusif de [ k ] dans les groupes consonantiques de la dernière catégorie, à la différence de l'espagnol littéraire où, souvent, [k] se prononce comme une fricative plus ou moins sonorisée ou ne se prononce pas (cf. Navarro Tomâs, Man.12, § 125, 128, 129). 14.2.3. En position f i n a l e absolue, [k] apparaît soit seul, soit dans des groupes de consonnes : 14.2.3.1. kaii[k] «barque» I, IV, VIII, kaimâ[k[ «crème (du lait)» I—IV, VI—VIII, kapâ[k] « couvercle » I, II, VII, VIII, pasu[k] « verset biblique » VIII, sulé[k] « respiration » VIII, tuféfk] « arme » I, VIII. Dans cette position, [k] n'est pas fréquent ; 14.2.3.2. les groupes consonantiques qui comprennent un [k] en position finale absolue sont [ok] et [$k] : be[ok] « grain de beauté » VIII et kio[sk] «kiosque» VIII.

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PHONÉTIQUE

15- [g] 15.1. [g] est une occlusive vélaire sonore, correspondant à fk]. A l'encontre de l'espagnol littéraire (cf. Navarro Tomás, Man.12, § 126—127) et des variantes américaines de l'espagnol (cf. Malmberg, Études, p. 77 ; Robe, Pan., p. 43), en judéo-espagnol bucarestois cette occlusive vélaire sonore existe dans toutes les positions. Elle apparaît même en position intervocalique, là où l'espagnol présente une fricative vélaire sonore. Nous n'avons pas enregistré à Bucarest la variante décrite par Crews — Vinay, Sal., p. 216, qui ressemble au g de l'anglais. Nous n'avons rencontré non plus, dans aucun exemple, la fricative [y]. Ce dernier fait a d'ailleurs été déjà mentionné dans les descriptions qu'on a données jusqu'à présent de l'idiome en question (Crews, Jesp., p. 180 ; Subak, VB, p. 36). 15.2. Nous venons de l'affirmer que [g] existe dans toutes les positions : initiale, intérieure et finale. Nous en présentons ci-dessous quelques exemples. 15.2.1. En position i n i t i a l e , [g] apparaît devant voyelle ou dans des groupes de consonnes : 15.2.1.1. devant voyelle : fgjaiîna « poule » II—IV, VI—VIII, [gjaláx «prêtre chrétien» III, V, VII, VIII, fgjána «désir, envie» I—VIII, [g]átu «chat» I—VIII, [g]éra «guerre» I—VIII, [g]et «divorce» I, III, IV, VIII, [gJivéc « macédoine de légumes » I, III, IV, VI et iuvéc VIII, fgjizár «cuisiner» I—IV, VI—VIII, fgjódru «gras» I—VIII, «gros» I—IV, VI—VIII, [gjudrúra «graisse» I—VIII; 15.2.1.2. dans les groupes consonantiques [gl], [gr] : [gl] : [gljisár « glisser » V, [gljória « gloire » VIII et [gljor « idem » IV. Groupe mal représenté. [gr] : [grjáya «petits pois» III, IV, VII, VIII, fgrJMa «corneille» VIII, «moineau» IV, [grjándi «grand» I—VIII, fgrjánu «grain» I— VIII, «bouton, furoncle» I—IV, VII, VIII, [grjasiár «remercier» VI, [grjégu « grec » I—VIII, fgrjiio « cigale » VIII, fgrjitár « crier » I—VIII. Groupe mal représenté. 15.2.2. En position i n t é r i e u r e , nous rencontrons [g] soit entre voyelles, soit dans un groupe de consonnes (dans ce dernier cas, [g] peut se trouver à l'initiale ou à la fin de la syllabe) : 15.2.2.1. en position i n t e r v o c a l i q u e : a[g Jadá « prière récitée à la maison le premier soir de Pâques » I—VIII, afgjóra «maintenant » I—VIII, á[g]ua «eau» I—VIII, afgjúdo «éveillé, intelligent» I, VIII et afgjúdu I—III, amifgju « ami » I—VIII, fyê[g]u « feu » III, VI, VIII et xwá/^/w III, ya[g]á «fête chrétienne» I—III, VII, VIII, iafgjúrt « yaourt » I, III, IV, VII, ifg Júrt VII et iaúrt VI, VIII, iaurtís V, nufgjáda

PHONÉTIQUE DESCRIPTIVE

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« nouilles préparées avec des noix et de la viande » I, I I I , IV, VIII, réfg]ula « règle » I, VI et réfglja IV, V I I I ; 15.2.2.2. dans les groupes consonantiques, [g] apparaît à l'initiale et à la fin de la syllabe : 15.2.2.2.1. groupes consonantiques dans lesquels [g] se trouve à l'initiale de la syllabe : flg], fmg], [og], [rg], [zg]; fgl/, [gr], Parmi ces groupes, quelques-uns sont hétérosyllabiques : flg], [mg], etc. et d'autres sont homosyllabiques : fgl], [gr]. Tous ces groupes existent également en espagnol littéraire (cf. Alarcos Llorach, Fonol.3, p 184—185) : [Ig] : â[lg]u «quelque chose» II—IV, VII, VIII, a[lg]odôn «coton» IV, VIII, a[lg]uaiâr « (se) plaindre » II, VIII, a flg ]ûêa « aiguille à coudre » I - I V , VII, VIÎI," diflgjâdu « mince, fin » I, II, IV, VII et de[lg]âdo VIII, deflgfâdu I I I , pû[lg]a « puce » II—IV, VII, VIII. Groupe bien représenté. [mg] : da[mg]â «douleur, ennui» VIII. Groupe mal représenté. [og] ' a[og]ûstia «embarras, ennui» VIII, afogjusia VIII, e[og]ânca «en liaison avec» VIII,e[og]ualâr «marchander» II—IV, V I I I et i[og]ualâr I, â[og]ualâr «idem» VII, e[og]ûios «nausée» VIII, lifogjua «langue, idiome» I—VIII, luéfogja «langue (organe anatomique) » I—VIII, mâfgg]a «manche» I—VIII, mafogfiris «nouilles» I, II, V—VIII, zifogjanu «tzigane» I—VIII. Groupe bien représenté. [rg] : amâ[rg]u «amer» I—V, VII, VIII, atufrgfâr « avouer » I—IV, VIII, kafrg]âr « charger » II, V, V I I I et enkafrg]âr IV, V, VIII, inka[rg Jdr I, I I , ânkafrgjâr I I I , IV, VI, VII, gafrg]â£u « flegme » I I - I V , VII, VIII, pûfrgja «laxatif» VIII, vifrgfuéla «variole» VIII. Groupe bien représenté. [zg] : ara[zg]âr «rompre» VIII, ari[zg]atâr «racheter» II, VIII, arifzg]uniâr «gratter, écorcher » I—III, VIII, difzg fanâdu «indisposé» IV, VII, difzgJargantâdu « sans cravate » VII, difzg fustu « dégoût » VIII, gufzg]àr « juger » I—IV, VII, VIII, péfzgfu « lourd, difficile » II—IV, VI, VII et pifzgjâdu «idem» I, II, V, pefzgjàdu VIII, pifzgjâdu «antipathique» II, V, VII, pifzgjûra «difficulté» IV, VII. Groupe bien représenté. fgl] : arifgljâr «arranger, régler» VIII, ré fgl fa «règle» IV, V I I I et régula I, VI, si[glfo « siècle » II, V I I I et sékolu I. Groupe mal représenté. [gr] : a[gr]adâr « plaire » I—V, VII, V I I I et a[gr]adér VI, a[gr]istàda «mayonnaise» I—VIII, â[gr]u «aigre» II—IV, V I I I et â[gr]i VII, â[lgr]u I, é[gr]i VI, VIII, alé[gr]i « joyeux » I, I I I , VI—VIII et alé[gr]u IV, ali[gr]iâzu I I , malu[gr]ddu « défunt » II—IV, VIII, né[gr]u « méchant » I, I I I , V—VIII, « noir » V, VI, vinâ[gr]i « vinaigre » I—VIII. Groupe bien représenté.

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PHONÉTIQUE

Il existe également des groupes consonantiques formés de trois éléments dans lesquels [g] se trouve en initiale de syllabe : [ogl/, [ggr J, [zgr]. [ogl]: e[ ogl Jeneársi « se divertir » VIII, if ogl Jutîr « avaler » I, I I et efogl]utír

IV, V I I I , efogl[utár

IV, âfogljutlr

«amusement, passe-temps» VIII, safogljutir safogljotîr VIII. Groupe mal représenté.

I I I , VI, V I I ,

i[0gl]ingè

«sangloter» I—III, VII et

[ogr] : arifogrjasiiár «remercier» I, I I et ari[gr]asiár II, ari[ogr]aI I I , ri[ogr]asiár V, V I I I , ifogrjáta « ingrate » siár IV, V I I , arifogrjansiár

VIII, mafogrjána « grenade » II, VIII, sáfogrji « sang » I—VIII. Groupe mal représenté. [zgr] : difzgr Jásia « malheur » I, III, IV, VIII. Groupe mal représenté. 15.2.2.2.2. Il existe un seul groupe consonantique dans lequel [g] se trouve en fin de syllabe : fgz] : efgzJémpio « exemple » VIII, et e[gzJistár « exister » II, VII, VIII. Groupe mal représenté. 15.2.3. En position f i n a l e absolue, [g] apparaît dans quelques mots seulement: besogéfg] «par erreur» («en ladino») VIII, melcatré[g] « malveillant » VIII. 16. [c] 16.1. [ c ] est une affriquée palatale sourde identique à celle décrite par Navarro Tomás (Man.12, § 118) pour l'espagnol littéraire. Nous n'avons rencontré aucune des variantes dialectales de [ c ] signalées par S. Gili Gaya (EFE X, 1923, p. 179—182 ; cf. Amado Alonso, RLiB

I, 1925, p. 174).

16.2. [ c ] apparaît dans toutes les positions: initiale, intérieure et finale. Nous donnons ci-dessous quelques exemples : 16.2.1. En position i n i t i a l e , [ë] apparaît seulement devant une voyelle: [ëJadîr «parapluie» I—IV, VII, VIII, [ëjapéiu «chapeau» I—VIII, [cjéntru «centre» I, VI, fcJiJcu «petit» I—VIII, [cjinca «punaise » II, VIII, [Sjinî « assiette » I—VIII, [c]oráp « bas » I, II, VIII et fójuráp III, VII, [SJórba « potage aigre » III, IV, VIII, [cjuflár « siffler » III, IV, VII, VIII, fëjuruk « déchet » I, II, IV, VII. 16.2.2. En position i n t é r i e u r e , [ë] peut être intervocalique ou faire partie d'un groupe de consonnes (dans ce dernier cas il peut se trouver en début de syllabe). Suivent quelques exemples : 16.2.2.1. position i n t e r v o c a l i q u e : afc Jetâr « accepter » I, VIII, é[ë]u « travail » I—VIII, %à[è]u « croix » I—IV, VIII et « crochet » II, léfëji «lait» I—VIII, nôfëji «nuit» I—VIII, «soir» I—VII, ófcju «huit» I—VIII, pa[ë]à «pied de poule» II—IV, VI—VIII et «jambe» II, IV, V, VII, péfë]u « poitrine » I - I V , V I - V I I I et « sein » I - I V , VII ;

PHONÉTIQUE DESCRIPTIVE

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16.2.2.2.1. dans les groupes consonantiques où [ c ] se trouve à l'initiale syllabique : [kë], [yjë], [lè], [ne], [pë], [rë], [té]. Beaucoup existent également en espagnol littéraire (cf. Alarcos Llorach, Fonol.3, p. 184 — 185). [kë], [ yc], [pS], [tê] n'existent pas. Voici quelques exemples : [kë] : voir 14.2.2.2.2. [ xë] : ba[ xc]é « jardin » III, IV. Groupe mal représenté. [lë] : ké[lë]a « couverture de lit ouatée et piquée » I, IV, VII, VIII. Groupe mal représenté. [në] : â[në]u «large» II—IV, VIII, klé[në]a «raie» III, VIII et «collier» VIII, ko[nc]éntu «nausée (se dit des femmes enceintes) » VIII, cl[në]a «punaise» II, VIII, ëi[në]ôn «bosse (au front) » I, VIII, i[në]ir « remplir » I—IV, VI—VIII, mâ[në]a « tache » I—VIII, mû[në]u « beaucoup » I—VIII, pri[në]ipâl « principal » II, IV, VIII, pu[nc]6n « épine » I—IV, VII, VIII, « point de côté » V, « intrigue » V—VIT. Groupe bien représenté. [pë] : voir 10.2.2.2.2. [rc] : amu[rc]âdu «sans vigueur» VI, VII, amu[rë]ârsi «se faner» III, IV, VIII, komê[rc]u « commerce » II, VIII et komé[rs]{u II, pe[rc]ûl « sorte de cadenette » VIII. Groupe faiblement représenté. [te] : voir 12.2.2. 16.2.2.2.2. [ c ] implosif ne figure pas dans des groupes de consonnes. 16.2.3. En position f i n a l e absolue, [ c ] se retrouve dans quelques mots : ko[c] « osselet » VIII, ëipi[ë] « chausson » III, IV, givé[c] « macédoine de légumes » I, III, IV, VI et iuvé[c] VIII, iu[c] «difficile » VIII. 17.

[g]

17.1. [g] est une affriquée palatale sonore, correspondant à [ë]. Ce son n'existe pas en espagnol moderne (ni dans la langue littéraire, ni dans ses variantes dialectales). 17.2. Il apparaît seulement en position initiale et intérieure. Nous donnons quelques exemples. 17.2.1. En position i n i t i a l e il apparaît seulement devant une voyelle : [g]eneràl «général» IV—VI, VIII et [g]inerâl I, VII, [gjenitôris «parents» I, II, IV, VIII, [gjénti «monde, gens» I—VIII, [g]idiô « juif » I—VIII, [gjimir « gémir » I—IV et [gjemîr VIII, [g]6ia « joyau » I - I V , VII, VIII, [gjuêgu « jeu » I, III, IV, V I - V I I I et [gjûgo II, [g]uévis « jeudi » I—VIII et [g]ôvi V, [g]uxà « personnage bouffon des contes populaires» I, III, VIII et [ e : eskuru 52 (cf. esp. oscuro) « obscur » IV, VIII noté à côté de skúru III. Il s'agit probablement d'un changement de préfixe (cf. Malmberg, Études, p. 49). Wagner, K/pel, §12 considère les variantes avec e comme étant dialectales et se retrouvant en ancien espagnol. Nous n'avons pas enregistré d'exemples du passage de o à e dans des mots du type de veluntad cité par Wagner, K/pel, §12. 5.2.6. o > a : sarnudár53 (cf. esp. estornudar) « éternuer » II, III, à côté de stranudár IV, VIII, tartúga (cf. it., ptg. tartaruga Wagner, K/pel, § 13 ; Subak, Jsp., p. 142) « (homme) sot » VIII, « mégère » VII. Wagner, K/pel, § 13 met ce phénomène en relation avec la présence de r, qui serait à même de provoquer le passage de o à a. 5.3. Nous remarquons la conservation de o étymologique dans sospirár (cf. esp. suspirar) « soupirer » VIII, à côté de suspirar II, VIII. Cette variante, fréquente chez Cervantes (Alvar, Endechas, p. 154), a été enregistrée dans différentes régions de l'Amérique latine et dans le dialecte montañés (Alonso—Rosenblat, BDHI, p. 104 en note). Pour le judéo-espagnol, elle n'est citée que par Alvar (Endechas, p. 154). Cf. aussi it. sospirare. 51

La même variante se rencontre également à Salonique : krosta (Crews, Notes III,p.7). C'est une variante qui se retrouve dans d'autres dialectes judéo-espagnols également : Subak, Sal., p. 5 ; Wagner, Klpel, § 12. 63 Enregistré aussi par Subak, Jsp., p. 174; Subak, Sal., p. 14; Wagner, Klpel., §13, 34; Wagner, KKB, p. 195; Wagner, Esp., p. 52; Saporta, Refr., p. 336. 62

108

PHONÉTIQUE

6.

U,

U

6.1. Il apparaît dans les mots espagnols et dans les emprunts, à savoir : 6.1.1. dans les mots e s p a g n o l s , en syllabe non accentuée, il apparaît dans toutes les positions : initiale, intérieure et finale. Exemples : 6.1.1.1. syllabe accentuée : úna, úva ; búrla ; 6.1.1.2. syllabe non accentuée: untar, urtiga; avadar, ktdévru ; amigu, bániu ; 6.1.2. dans les mots empruntés à l'hébreu, au turc, aux langues romanes, etc. Exemples : 6.1.2.1. syllabe accentuée : galút ( < hébr. gàlût Cantera, EMP V, p. 75), mabúl ( < hébr. mabbûl Crews, ML, p. 86), pasúlc ( < hébr. pâsûq Crews, Pron., p. 89) ; Jcalúp « pain (de savon) » V I I I ( < te. Tcalup Luria, Mon., p. 176), Tcarpús ( < te. Tcarpuz Subak, Jsp., p. 155) ; afilú ( < hébr. tox7ttoù(ç) 'âfillû Crews, Pron., p. 84 ; Crews, ML, p. 52), papú ( < ngr. Wagner, K/pel, col. 67). A noter l'absence d'emprunts avec u accentué à l'initiale du mot et la faible fréquence des emprunts avec u accentué à la finale du mot ; 6.1.2.2. syllabe non accentuée : ulái « peut-être » V I I I ( < hébr. ,ûlay Crews, ML p. 103 ; cf. Subak, Jsp., p. 156 qui le dérive du te. ulak), umâ « peuple » V I I I ( < hébr. 'ummâ Crews, ML, p. 103 ; cf. Cantera, EMP V, p. 79) ; uidir « s'harmoniser (deux caractères) » V I I I ( < te. uydurmáh Wagner, Car., p. 77), utî ( < te. iitii Wagner, K/pel, §152 ; le phonétisme suppose une forme dialectale turque balkanique occidentale) ; Ierusaláim ( < h é b r . yërûsâlaym Crews, Pron., p. 91), mizuzá ( < hébr. mëzûzah Crews, Pron., p. 93); dumán (III.2.1.2.1.), musterî ( < te. müsteri Wagner, K/pel, col. 25; Luria, Mon., § 176), duláp ( < roum. dulap)', ëéntru ( < it. centro Luria, Mon., § 173 ; cf. roum. centru), trén ( < it. treno Luria, Mon., § 173 ; cf. roum. tren) ; ddfinu ( < roum. dafin), doliu ( < roum. doliu). A remarquer l'absence de mots d'origine hébraïque et turque avec u non accentué en position finale. 6.2.1. E n position accentuée, nous n'avons pas enregistré de modifications de u. Nous pouvons signaler un seul cas de passage de u à o : maimón ( < te. maymun-, chez Subak, Jsp., p. 131: maimun) «singe» I, V—VIII, à côté de maimun IV et maimúna I I I . C'est une variante qui se retrouve aussi dans d'autres dialectes judéo-espagnols (Subak, Jsp., p. 131 ; Wagner, Esp., p. 73 ; Menaché, BDTP XVI, p. 130). 6.2.2. E n position non accentuée, u subit de nombreuses transformations, accidentelles pour la plupart. Nous précisons que nous avons inclus

PHONÉTIQUE niSTOKIQÛË

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les modifications du t y p e privécu o : aprigontár (cf. esp. preguntar) « raconter » VIII, podiéron (cf. esp. pudieron) II, VII. Le dernier exemple figure également dans un texte enregistré à Bucarest par Crews, qui l'explique par l'extension de la voyelle de l'infinitif à d'autres temps et modes (Crews, Jesp., p. 199). On remarquera l'absence de certaines variantes telles que goes, froëiguâr, (a)$ofáifa, moleta citées par Wagner (K/pel, §16), pour Constantinople. Wagner (loc. cit.) estime qu'on est en présence d'un phénomène dialectal léonais. 6.2.6. Dans des exemples tels que gásti (cf. esp. gasto) « dépense » II— IV, VI—VIII, milágri (cf. esp. milagro) « miracle » VIII, unguénti (cf. esp. ungüento) « onguent » II, VIII, u final passe à i ; il s'agit d'un processus d'ordre morphologique 58 présent dans d'autres dialectes judéo-espagnols 59 ou espagnols 60 également. Dans hunténti (cf. esp. contento) « content » VIII on est en présence d'un fait d'analogie d'après alêgri, les deux adverbes étant souvent employés ensemble : alêgri i hunténti (Crews, Jesp., 187). Wagner (jK/pel, §17) rapproche cette variante judéo-espagnole de ptg. contente, mais on peut invoquer aussi la grande fréquence du suffixe -ente. 6.2.7. La métathèse de u se produit dans luénga (cf. esp. lengua) « langue (organe de la parole) » I—VIII, tout comme dans les autres idiomes judéo-espagnols. 61 6.3. A remarquer la conservation de u étymologique dans húrtu (cf. esp. corto) « court » I—IV, VI—VIII. C'est un phonétisme qui se retrouve dans l'ancien espagnol (cf. Wagner, K/pel, §5) et qui a été enregistré dans d'autres régions également 62 . Trùêi (cf. esp. traje) II, IV, VIII représente toujours un phonétisme ancien, répandu dans les dialectes judéo-espagnols 63 et espagnols américains M . 68 Pour les diverses explications du phénomène, voir Alonso-Rosenblat, BDH I, p. 100 en note. 68 gásti: Wagner, K/pel, §128; Crews-Vinay, Sal., p. 223 ; inguênti : Benoliel, BRAE XV, p. 205; Luria, Mon., §34, 35; Wagner, Mak., p. 243; Wagner, Esp., p. 62; Crews, ML, p. 78 ; milágri : Baruch, Bosnia, p. 95. 60 Espinosa, BDH, I p. 100. 81

Subak, Jsp., p. 159, 170; Subak, Sal., p. 5, 10, 13; Baruch, Bosnia, p. 137; Crews, ML, p. 85 ; Saporta, Refr., p. 330. Cf. Subak, VB, p. 36 ; Wagner, Klpet, §40 ; Luria, Mon., §62. 62 Wagner, Kjpel, §5, 135; Luria, Mon., §3; Saporta. Refr., p. 323. 63

Wagner, K/pel, §36; Subak, Verbum,§326; p. 245. M Alonso-Rosenblat, BDH, I, p. 80.

Baruch, Bosnia, p. 136; Crews,

Jesp.,

PHONÉTIQUE HISTORIQUE

111

6.4. L'apparition de u a été enregistrée dans lu kue « que, quoi » (cf. esp. lo que) II—IV, VII, VIII. Plusieurs explications en ont été données. Crews (Jesp., p. 185) considère que le phénomène s'est produit au début dans le syntagme lo Ice, où o atone passe à m et que cet u a exercé par la suite une « assimilation progressive ». Crews suppose également une influence de kual. 6.5. La disparition du u a été enregistrée dans prêva (cf. esp. prueba) « essai » "VIII. C'est une variante qui existe également en judéo-espagnol de Bosnie et de Constantinople 66 et en espagnol américain 6®.

CONSONANTISME

7. p 7.1. Cette consonne apparaît dans des mots espagnols et dans des emprunts comme suit : 7.1.1. dans les mots e s p a g n o l s , seulement à l'initiale de la syllabe : pàdri, pulga, plâta, prêsiu ; papél, tripa, gôlpi, kâmpu, kuêrpu, aspirât, asoplâr, aprivâr. Septembre et oktémbre ne sont pas d'origine espagnole, mais sont empruntés au grec (voir Wagner, KKB, p. 197) ; 7.1.2. dans les mots e m p r u n t é s à l'hébreu, au turc, aux langues romanes, au néo-grec, il apparaît à l'initiale et à la fin de la syllabe : 7.1.2.1. initiale de syllabe pésax ( < h é b r . Pêsah Molho, Lit., p. 392), purim ( < hébr. pûrîm Cantera, EMP V, p. 89), perde ( < te. perde Crews, Jesp., p. 258), pilâf ( < t c . pilâv ; cf. roum. pilaf), pantilon (cf. fr. pantalon), papû (III.6.1.2.1.), pirôn «fourchette» I—IV, VI—YIII ( < n g r . 7n)poûvt + -on Wagner, K/pel, § 142) 67 ; plâSa « plage » II, YIII ( < roum. plajâ ; cf. Crews, Jesp., p. 198), préstu « vite » I—YIII ( < it. presto Wagner, Kjpel, § 138), yupà (hébr. huppâh Cantera, EMP V, p. 79), Icapâh ( < te. Tcapalc Crews, Jesp., p. 240; cf. roum. capac), topûz ( < t c . topuz Crews, Jesp., p. 239), papûsa ( < roum. pâpusâ) ; Jcalpâk ( < te. kalpak Crews, Jesp., p. 254); mispaxà (mot d'origine hébraïque, voir Wagner, K/pel, §173); 7.1.2.2. fin de syllabe : kasâp ( < te. kasap Wagner, K/pel, §148 : kassab) ; èorâp (voir III.5.1.2.2.), sirop ( < roum. sirop) ; apsent (cf. fr. absent, roum. absent) ; èapteâr ( < t c . çatmak influencé par son synonyme 66

Wagner, Car., p. 108. Alonso-Roscnblat, BDH I, p. 120. 67 Subak, Jsp., p. 141 et Luria, Mon.. prunt au dialecte vénitien. 66

§172 considèrent le mot comme étant un em-

112

PHONÉTIQUE

çarpmalc Wagner, K/pel, col. 181), tipsî ( < te. tepsi Baruch, RIEB I, p. 515), tiptil (cf. te. tebdil Crews, Jesp., p. 201, roum. tiptil). On notera l'absence de p implosif dans les mots d'origine espagnole (il n'apparaît ni en finale absolue, ni en fin de syllabe à l'intérieur du mot). Dans le premier cas, la situation en finale absolue concorde avec celle de l'espagnol (cf. Alarcos Llorach, Fonol.3, p. 190). Le second cas — groupes consonantiques avec p en fin de syllabe — est d'autant plus intéressant qu'on retrouve en espagnol trois groupes sur cinq qui présentent un p implosif (pic, ps, pt) par rapport au judéo-espagnol (cf. Alarcos Llorach, Fonol.3, p. 184—185). Ce fait s'explique par le caractère de cultismos ou emprunts récents qu'ont en espagnol les mots comprenant les trois groupes cités. Le caractère savant de ces mots explique la conservation de p, car dans les mots latins hérités par l'espagnol, p s'est assimilé à la consonne suivante (lat. septem > esp. siete cf. Menéndez Pidal, Man.10, §49 : 1) ou s'est vocalisé (lat. capitale > esp. caudal cf. Menéndez Pidal, Man.10, §60 :1). La vocalisation des consonnes explosives, qui s'est produite dès les origines de l'espagnol jusqu'au Moyen Age, se retrouve d'ailleurs de nos jours dans le langage populaire, qui modifie les groupes consonantiques récents par la vocalisation de la consonne implosive. Navarro Tomâs (Man.12, §79, en note) et Bertil Malmberg (Études, p. 68—69; Estudios, p. 107) citent nombre d'exemples de ce genre. Le judéo-espagnol, qui est un idiome conservateur à cet égard également, maintient les groupes récents tels quels. 7.1.3. Les emprunts, où p peut se trouver dans toutes les positions, ont conduit à la modification de la distribution de p par rapport à l'espagnol littéraire. Il peut figurer en finale absolue, dans des groupes de consonnes inexistants (pè, ps) ou relativement récents en espagnol littéraire (pk, ps, pt), donc inexistants à l'époque de l'expulsion des Juifs d'Espagne. C'est toujours par les emprunts que s'est consolidée la position de certains groupes faiblement représentés dans les mots espagnols (Ip, rp). 7.2. Nous n'avons pas enregistré de modifications de la consonne p. 8.

b

8.1. Cette consonne apparaît dans des mots espagnols et dans des emprunts, comme suit : 8.1.1. dans les mots e s p a g n o l s b apparaît seulement à l'initiale du mot. Les mots espagnols avec b initial peuvent être groupés dans deux catégories : mots dans lesquels b continue la même consonne du latin (bâniu, bivér, bien, bôka, buénu) et mots d'origine latine dans lesquels b continue un u : barér ( < lat. uerrere), bôda ( < lat. uota), bolâr « voler »

PHONÉTIQUE

HISTORIQUE

113

VIII, noté à côté de bular III, abulár I, IV, abolár VIII, avulár II, volar II ( < l a t . uolare), boz « voix » I—IV, VI—VIII, noté à côté de bos VII, vos V ( < l a t . uos), buélta dans l'expression dar a buélta «tourner» VIII (cf. lat. uoluere) ; hiervo « mot » VIII ( < lat. uerbum), bívdu ( < lat. uiduus), bivir ( < lat. uiuere). Nous avons également enregistré b dans des groupes de consonnes, à l'intérieur du mot : albóndiga, bézba, dizbarasár. Une place à part revient au groupe mb, figurant non seulement dans des mots qui présentent le même groupe en espagnol également ( ambos, embarár « blanchir à la chaux » VIII noté à côté de r¡ibarár II, embutir), mais aussi dans des mots qui présentent en espagnol littéraire le groupe mb réduit à m : lambêr (cf. esp. lamer), lómbu (cf. esp. lomo), palómba (cf. esp. paloma) « pigeon » IV—VII, noté à côté de paloma I—III, VIII. Cette dernière catégorie d'exemples, fréquents en judéo-espagnol68, représente des variantes dialectales, archaïques, propres au dialecte léonais 69 et au portugais. Dans les mots espagnols, b apparaît aussi dans des groupes consonantiques initiaux : bláriku, blándu, bragas, brásu. On pourrait ajouter à ces exemples les mots formés à l'aide du préfixe a- et dans lesquels les éléments constitutifs des dérivés sont analysables : abastâr (cf. esp. abastar) « suffire » I, III, IV, VII, VIII, abasár (cf. esp. (a)bajar) « descendre » III, IV, VII, VIII, abatir (cf. esp. abatir) « écarter » VIII. Ce b n'est pas intervocalique, tout b intervocalique s'étant transformé en judéo-espagnol en v 70, comme on le verra plus loin. 8.1.2. Dans les mots e m p r u n t é s à l'hébreu, au turc, aux langues romanes, etc. b apparaît à l'initiale et à la fin du mot (il n'apparaît pas en fin de syllabe à l'intérieur du mot) : 8.1.2.1. initiale de syllabe : beemâ ( < hébr. bêhêmah Crews, Pron., p. 86), boi « stature, taille » VIII ( < te. boy Wagner, Kjpel, col. 25 ; cf. roum. boi), bilêt ( < r o u m . bilet cf. Crews, Jesp., p. 197), bukét ( < r o u m . buchet) ; blâna « fourrure » VII ( < roum. blanâ), blúza ( < roum. bluzá), brávo (III.5.1.2.2.), brósa ( < f r . brosse); sabát ( < hébr. sabbâth Crews, Pron., p. 89), tisabeáv ( < h é b r . tis'a'1 b e 'âbh Crews, Pron., p. 91), berbér ( < t c . berber Luria, Mon., §176), serbét (Wagner, K¡pel, col. 1 ; cf. roum. serbet), mizbeáx ( < hébr. mizbëah Molho, Lit., p. 390), agreábli ( < f r . agréable cf. Wagner, Kjpel, § 140) ; 8.1.2.2. fin de syllabe (plus exactement, fin de mot): Jcebáb ( < te. l-ebap). 68 6

Wagner, Kjpel,

' Cf.

70

Staaf,

Ane.

§23; lion.,

L a seule exception

Crews, Jesp., p.

est le groupe bs, noté dans absénti

une prononciation isolée, alternant avec 8 -

c. 341

p. 259, etc.

239. apsent.

« absent » V I I I , qui représente

114

PHONÊTIÛUË

8.1.3. Nous soulignons une fois de plus la stabilité du consonantisme judéo-espagnol. Nous n'ayons pas enregistré de cas de vocalisation de b implosif dans des groupes consonantiques du type de ausoluto ou des réductions des groupes consonantiques du type de asurdo, qui se produisent dans les autres idiomes espagnols (cf. Malmberg, Notes, p. 239—253; Études, p. 68). 8.1.4. Les emprunts ont contribué pour b également à modifier sa distribution en judéo-espagnol : il apparaît en position finale absolue, à l'initiale de la syllabe, à l'intérieur du mot et dans des groupes inexistants en espagnol littéraire (¿b, zb). On remarquera que même certains groupes consonantiques qui se retrouvent en espagnol tels que db et rb n'apparaissent en judéo-espagnol que dans des emprunts (les mots espagnols comprenant ces groupes n'existent pas en judéo-espagnol). 8.1.5. La situation était en grandes lignes la même (évidemment, en exceptant les termes récemment empruntés par le judéo-espagnol) en ancien espagnol antérieur au XVI e siècle. On sait qu'en ancien espagnol on distinguait à l'initiale du mot entre b et v selon qu'ils provenaient d'un b ou d'un u latins : a.esp. bafio, boca, mais vaea, mile (cf. Menéndez Pidal, Man.10, § 37 : 2a). On remarque à cette époque déjà la tendance de prononcer u- comme b, comme le prouvent des exemples tels que barrer ( < lat. uerrere), berrnejo ( < lat. uermiculum), boda(< lat. nota), etc., dont quelques-uns ont été enregistrés aussi en judéo-espagnol de Bucarest. Si dans ces cas de confusion entre b- et v- on peut indiquer la tendance — qui s'est imposée par la suite — de généraliser b en position initiale (cf. Menéndez Pidal, loc. cit.), dans d'autres exemples (esp. bivir < lat. uiuere, esp. barvecho < lat. uerbactu), où v- est également remplacé par b- dès l'ancien espagnol, les écarts par rapport à la règle de la conservation delà distinction entre b- et v- peuvent être expliqués également par dissimilation (cf. Menéndez Pidal, loc. cit). E n position intervocalique, l'ancien espagnol distinguait entre un b occlusif sonore et un v fricatif sonore ; le premier provenait de -p- latin (lat. recipio > a. esp. recibo), tandis que le second de -b- ou -u- (lat. caballurn > a.esp. caballo, lat. auem > a.esp. ave). A partir du XVI e siècle — période de grands bouleversements dans le phonétisme espagnol — la situation de la langue ancienne se modifie, aboutissant au stade de l'espagnol littéraire actuel. Le judéo-espagnol s'étant séparé du reste du domaine espagnol avant le XVI e siècle, donc avant la disparition de la distinction entre occlusive et fricative, il conserve la situation de l'ancien espagnol. C'est ce qui explique, d'une part l'apparition de b limitée aux mots latins contenant un b- (nous laissons de côté, pour simplifier, les cas du type boda), et d'autre part, l'absence de b en position intervocalique (comme

PHONETIQUE HISTOKIQTJK

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on le verra plus loin, dans cette position v seul apparaît). Nous expliquons la situation du judéo-espagnol bucarestois dans la partie consacrée à la phonologie diachronique. 8.2.1. Dans quelques mots d'origine turque, b alterne avec p : bazar « marché » II et pazâr VIII ( < te. bazar Crews, Jesp., p. 264 ; la forme littéraire actuelle est pazar), para « pièce de monnaie » ( < te. para cf. Wagner, Kjpel, § 162) II—IV, VI, VIII et barâ I. Cf. également l'alternance entre k et g, qui se produit toujours en position initiale. 8.2.2. Dans les cas isolés, b > m : miringéna (cf. esp. berenjena) « aubergine » I—VIII. Le phonétisme en question existe dans d'autres idiomes judéo-espagnols, également 7 1 de même qu'en espagnol américain 72 . Pour le phénomène contraire m esp. x, s (voir Menéndez Pidal, Man.10, § 50 :1,2). Par les emprunts, le judéo-espagnol a changé la distribution de k contrairement aux tendances de la langue espagnole car, à l'encontre de l'espagnol littéraire, où k implosif disparaît ou se transforme, dans le dialecte que nous décrivons, k implosif est nettement occlusif et ne subit aucune transformation. On observe que tous les groupes consonantiques avec k à l'initiale de la syllabe existent également en espagnol littéraire (cf. Alarcos Llorach, Fonol.3, p. 184 — 185), à l'exception de sk, pour les raisons discutées pour sp.pk se trouve également dans une situation spéciale: il existe en espagnol littéraire, mais n'est représenté en judéo-espagnol que par des emprunts. 11.2. Rarement, surtout à l'initiale du mot, à la place de k apparaît g : gaméiu (cf. esp. camello) « chameau » II—IV, gaméio V I I I et gaméiu « moustique » VII, gavritlku (cf. esp. cabrito) « bouc » IV, glávu (cf. esp. clavo) « clou » I, à côté de klávu II—IV, VII, VIII. Cf. également le phénomène inverse : kulundrúna (cf. esp. golondrina) « hirondelle » I I I , IV et kulindrîna V I I I à côté de golondrina II. L'alternance entre k et g k l'initiale de certains mots judéo-espagnols a été enregistrée dans d'autres cas encore, tels q u e : gatas ( < t c . kavas Crews, Jesp., p. 270; kavâs a été enregistré occasionnellement à Bucarest) « policier », graváta ( < fr.

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cravate Luria, Mon., § 173, ou ngr. xpa^áxa Wagner, Car., p. 87) et kraváta « cravate », graveîna (cf. a. esp. clavellina Wagner, Algs. obs., p. 235 ; Yahuda, RFE II, p. 358 le dérive de l'arag. clavelina) et klaviina «œillet ». Les variantes mentionnées ont été enregistrées dans divers dialectes judéoespagnols 84. Cette alternance s'est manifestée dans diverses périodes de l'histoire de la langue espagnole (cf. a. esp. gamello qui correspond à l'esp. mod. camello Wagner, Kjpel, § 134) et apparaît de nos jours dans certaines régions de la Péninsule Ibérique, comme il ressort de l'Atlas linguistique de la Péninsule Ibérique ( A L P I ) et de l'Atlas de l'Andalousie (ALEA)65. Tous ces faits nous empêchent d'accepter les explications spéciales qui ont été données pour chaque cas où la transformation en question a lieu. Ainsi, Crews (Jesp., p. 201) considère que g de gaméiu est dû peut-être à l'influence de l'hébreu gamal, et Wagner {Esp., p. 60) estime que les variantes avec k de golondrina sont dues à l'influence de kola, kulu. Nous croyons qu'il s'agit d'un phénomène d'alternance 86 qui n'est pas absent des idiomes de la Péninsule Ibérique 87. Il ne faut pas oublier qu'il existe en turc également une tendance analogue à confondre k et g initiaux (Crews, Jesp., p. 226). Compte tenu des informations plus amples dont nous disposons actuellement sur la situation des dialectes espagnols, nous ne considérons plus que ce phénomène soit dû exclusivement à l'influence turque, comme nous l'avons affirmé une autre occasion (cf. Sala, Recueil, p. 230). 12. g

12.1. g apparaît tant dans les mots espagnols que dans les emprunts, comme suit : 12.1.1. dans les mots e s p a g n o l s seulement à l'initiale de la syllabe : gaiina, géra, gódru, guadrár, guésu, grandi, grégu ; amigu, água, agúdu, nugáda, álgu, enguálar, amárgu, arizguniár, siglo, agradar ; gamé(i)o: Subak, Sal., p. 6 ; Wagner, Kjpel, § 1 3 4 ; Luria, Mon., § 169 ; Wagner, Mak., p. 242; Crews, Jesp., p. 201 ; kaméio n'existe pas; gaoritiku n'est pas signalé; gldvu non plus; kulundrina : Subak, Sal, p. 4 ; Wagner, Esp., p. 60; Wagner, Car., p. 48 — 49, et golondrina: Wagner, Esp., p. 6 0 ; gavas: Crews, Jesp., p. 270; kavás n'apparaît pas; gravâta: Subak, Sai., p. 10; Luria, Mon., § 1 7 3 ; Wagner, Car., p. 87, et kraváía : Subak, Jsp., p. 159, 171; Levy, Unt., p. 374; graveîna: Wagner, KKB, p. 195, 200; Crews, Jesp,, p. 262; Crews —Vinay, Sal., p. 223 ; Molho Lit., p. 380, et klavina : Wagner, K/pel, col. 180, § 136; Wagner, KKB, p. 200; Mézan, Bulg., p. 119; Bucarest (III, VIII). 85 Cf. M. Sala in Revue roumaine de linguistique IX, p. 217. 8 9 Nous avons laissé de côté des réponses isolées telles que lákrima V, noté à côté de lágrima I— IV, VI —VIII, qui représente le résultat évident d'une influence roumaine, 8 7 Cf. andal. guchillo, gamello, arag. guchara et de nombreux autres exemples cités par A. Steiger, BRAE X, p. 167. Alonso-Rosenblat, BDHl, p. 162, la note, expliquent ces variantes par l'influence d'autres mots qui présentent un g-. Pour la situation de la Romania, voir Udo L. Figge, Die romanische Anlautsonorisation, Bonn, 1966. si

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PHONÉTIQUE

12.1.2. dans les mots e m p r u n t é s à l'hébreu, au turc, aux langues romanes, etc. il apparaît en début et en fin de syllabe : 12.1.2.1. à l'initiale de la syllabe : galáx ( < hébr. galah Crews, Jesp., p. 192), ganédem ( < hébr. gariëSen Crews, ML, p. 73), gára ( < roum. gara), géta «bottine» I—IV, VII, V I I I ( < r o u m . gheatâ), gráya ( < ser. grah Subak, Jsp., p. 156) ; agadá (III. 2.1.2.), yaragân (mot arabe cf. Levy, ZRPh LI, p. 704 ; Wagner, Esp., p. 100) « paresseux » I—IV, VIII, iagúrt ( < te. yogurt + roum. iaurt), régula ( < roum. regula) ; damgá ( < te. clamga Wagner, K/pel, col. 3), engúios ( < ptg. engulho Wagner, Esp., p. 47) ; 12.1.2.2. en fin de syllabe: besogég ( < h é b r . bësôyëy Crews, ML, p. 60), meJcatrég (mot d'origine hébraïque, Cantera, EMP V, p. 82—83); egzistár ( < f r . exister Wagner, Car., p. 45 ; cf. roum. exista). Nous soulignons une fois de plus la stabilité du consonantisme judéoespagnol. Nous n'avons pas enregistré de cas de vocalisation de g implosif dans les groupes consonantiques. La variante fricative de g, présente dans l'espagnol littéraire et dans d'autres idiomes judéo-espagnols, n'existe non plus dans l'idiome de Bucarest. La situation concorde avec celle présentée pour d. La distribution de g se trouve modifiée par les emprunts : ainsi, il apparaît en fin de mot ou à l'intérieur du mot, dans les groupes consonantiques. E n position initiale, g apparaît aussi bien dans les éléments espagnols que dans les emprunts (dans le groupe mg, il n'apparaît que dans des emprunts). 12.2. Pour g > Je, voir III.11.2. 12.3. La conservation de g de l'ancien espagnol a été enregistrée dans agora (cf. esp. ahora) « maintenant » I—VIII, de même que dans certains dialectes espagnols modernes (cf. Wagner, K/pel, § 112). C'est un phonétisme général en judéo-espagnol. 12.4.1. Le développement d'un g à l'initiale de la syllabe (et surtout à l'initiale du mot) est fréquent dans le judéo-espagnol dont nous nous occupons. Le phénomène se produit là où l'espagnol littéraire présente [ue] ( [we], dans la transcription de Navarro Tomás, Man.12, § 65). Dans le système orthographique de l'espagnol littéraire on emploie dans de tels cas la graphie hue. Voici quelques exemples : guérlcu (cf. esp. huerco), guérfanu (cf. esp. huérfano) « orphelin » I—VIII, guérta (cf. esp. huerta), guésu (cf. esp. hueso), guévu (cf. esp. huevo) « œuf » I—VIII, guézmu (cf. esp. husmo). Dans la même situation se trouve gulér (cf. esp. oler, ast. goler) « sentir » I—IV, VII, VIII, dont le g est dû à l'analogie avec les autres formes du paradigme verbal, qui présentent hue-. Cf. des phonétismes tels que guéli (Baruch, Bosnia, p. 137), gweler (Wagner, Esp., p. 44). Men-

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tionnons aussi le cas de virguéla (cf. esp. viruela), enregistré à Bucarest ( V I I I ) , dans lequel g se trouve à l'intérieur du mot à l'initiale de la syllabe (Amado Alonso, BDH I, p. 405—410 a expliqué l'apparition de gue dans un exemple comme virguéla par le déplacement de la limite syllabique). Le phénomène est répandu dans tous les dialectes espagnols péninsulaires ou américains et en judéo-espagnol (Wagner, Kjpel, § 40 ; Wagner, KEB, p. 195). A la différence d'autres dialectes judéo-espagnols, dans lesquels l'apparition de g se produit également en position intervocalique (cf. tugwersyô, dugweler Crews, Jesp., p. 205), en judéo-espagnol de Bucarest le phénomène est limité au début du mot. Même dans cette position, nous n'avons pas rencontré toutes les variantes enregistrées pour d'autres dialectes (p. ex. guestro pour vuestro, cf. Wagner, Car., p. 88). 12.4.2. Nous signalons l'apparition de g dans asugar (cf. esp. ajuar) « dot » V I I I , variante qui se retrouve dans d'autres dialectes judéo-espagnols 88 également. 13. c 13.1. ë apparaît dans des mots espagnols et dans des emprunts, comme suit : 13.1.1. dans les mots e s p a g n o l s il apparaît seulement à l'initiale de la syllabe : capéiu, ciku, cuflâr ; écu, léêi, nôci, écu ; kôlca, an eu, Ménéa ; 13.1.2. dans les mots e m p r u n t é s à l'hébreu, au grec, aux langues romanes, etc., il apparaît à l'initiale de la syllabe et en fin de mot (il n'apparaît pas en position implosive à l'intérieur du mot) : 13.1.2.1. à l'initiale de la syllabe : cai (III.4.1.2.), Uni ( I I I . 4.1.2.), curuk ( < t c . çiïriïk ; cf. roum. ciuruc), Ukundûria (III.6.2.3.), xâéu ( < t c . xaê Wagner, Esp., p. 53), pacâ (III.2.1.2.), acetâr ( < it. accettare Crews, Jesp., p. 264; cf. Yahuda, RFE I I , p. 361), bajèê (III.3.1.2.), percûl (cf. te. perôem Subak, Jsp., p. 141 ; cf. roum. perciun), komérèu (voir Wagner, Algs. obs., p. 229), principal ( < roum. principal) ; 13.1.2.2. en fin de syllabe : koê ( < ngr. XÔTCJI Wagner, Kjpel, § 142), cipiô ( < roum. cipici), givéc ( < roum. ghiveci). 13.1.3. On remarquera l'apparition de c dans des positions où il n'apparaît pas en espagnol littéraire, à savoir, en finale de mot ou dans des groupes consonantiques tels que y6, pè, tè. 13.2. Xous n'avons pas enregistré de modifications de 6. 98 Subak, Jsp., p. 1G0 ; Subak, Sal., p. 1 0 ; W a g n e r , Kjpel, § 4 0 ; W a g n e r , KKB, p. 195, 2 0 0 ; Y a h u d a , RFE I I , p. 3 4 8 ; L u r i a , Mon., § 1 4 , 1 9 ; B a r u c h , Bosnia, p. 1 3 7 ; C r e w s , Jesp., p. 214 ; W a g n e r , Esp., p . 30 ; S a p o r t a , Refr., p. 317. L a seule v a r i a n t e sans g a p p a r a î t au M a r o c ( A l v a r , Endechas, p . 157).

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14. g 14.1. g a p p a r a î t dans des mots espagnols et dans des emprunts, comme suit : 14.1.1. dans les mots e s p a g n o l s il se t r o u v e à l'initiale d u m o t ; à l'intérieur du m o t il apparaît, seulement dans le groupe ng. P o u r des raisons qui seront exposées ci-dessous, nous présentons ici tous les exemples : gimir, general89, gentil90 « gentil » V i l i , gènti, gidió (cf. esp. judío), gingîvis « gencive » V I I I (mot d'origine dialectale W a g n e r , Esp., p. 102), gàia, guégu, guévis, (en, in, ân) gúntu «ensemble» I — V I I I , gurâr «jurer, prêter s e r m e n t » I — I V , V I I I , à côté de £urér V, gústu « j u s t e » V, V I , guviiu (variante asturienne correspondant à l'esp. ovillo Wagner, Algs. obs., p. 241), guzgár ; ángel, arungár (cf. esp. arrojar Wagner, Esp., p . 29—30), engendrar «créer» V I I I , engéniu « m é t h o d e » V I I I , lôngi, miringéna (cf. esp. berenjena), mungír91 (cf. a. esp. munger Wagner, Kjpel, § 37), sanguéla (cf. esp. sanguijuela), spónga (cf. esp. esponja) ; 14.1.2. dans les mots e m p r u n t é s au turc, au grec et a u x langues romanes il a p p a r a î t toujours à l'initiale de la syllabe : guxá ( < t c . hogá Crews, Jesp., p. 201, p a r métathèse), gakéta (III.3.1.2.1.), genitôris ( < it. genitori B a r u c h , Bosnia, p. 122 ; Wagner, Car., p. 73), generátie « génération» I I I ( < roum. generare) ; agideár (III. 10.1.2.), arpagik (III.2.1.2.2.), Jcungá ( < te. konca Subak, Jsp., p. 132), dilingi (III.10.1.2.), Ungiré ( < t c . tencere Crews, Jesp., p. 2 2 7 ; cf. Farhi, V. Rom,., I I I , p. 306). Les mots espagnols avec g représentent u n état linguistique archaïque, pour l'explication duquel voir V. 2.3.1., 2.3.2. Les e m p r u n t s ont consolidé la position de g. 14.2.1. D a n s quelques mots, g devient z : ¿urér V (cf. fr. jurer), spónda V (cf. f r . éponge, esp. esponja), évidemment sous l'influence de la langue française. 14.2.2. Isolément, g > i : iu%á (cf. Sala, Recueil, p. 231), noté à côté de gu%á I, I I I , V I I I , gu%án IV. 14.3. L'apparition de g dans guviiu (cf. esp. ovillo) « pelote » I, I I I , IV, V I I I s'explique par l'origine dialectale de cette variante. Elle est propre a u dialecte asturien (Wagner, Algs. obs., p. 241; Crews, Jesp., p. 230). 89

Ce mot à valeur adjectivale a été également enregistré à Constantinople (Wagner, § 37 le considère un continuateur de la forme ancienne espagnole). 90 Ce mot a également été noté à Constantinople (Subak, Jsp., p. 165 ; Wagner, Kjpel, § 45). Baruch (Bosnia, p. 121) le cite seulement comme nom de femme. 91 Ce mot a aussi la variante mullir, où