Operae pretium facimus: Mélanges en l'honneur de Charles Guittard 9782343213453

Le professeur Charles Guittard, spécialiste notamment d'histoire et de religion romaines, a mis fin à sa carrière à

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French Pages [766] Year 2021

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Operae pretium facimus: Mélanges en l'honneur de Charles Guittard
 9782343213453

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Président de l'association: Michel MAZOYER

Comité de rédaction Trésorier: Christian BANAKAS Secrétaire: Charles GUITTARD

Comité scientifique: Sydney AUFRERE, Sébastien BARBARA, Marielle de BECHILLON, Nathalie BOSSON, Dominique BRIQUEL, Sylvain BROCQUET, Gérard CAPDEVILLE, Jacques FREU, Charles GUITTARD, Jean-Pierre LEVET, Michel MAZOYER, Paul MIRAULT, Dennis PARDEE, Eric PIRART, Jean­ Michel RENAUD, Nicolas RICHER, Bernard SERGENT, Claude STERCKX, Patrick VOISIN

Logo Kubaba: La déesse KUBABA, Vladimir TCHERNYCHEV

Ingénieur informatique Laurent DELBEKE ([email protected])

Association KUBABA

KUBABA, Université de Paris 1 Panthéon - Sorbonne

12, place du Panthéon 75231 Paris CEDEX 05 Kubaba.univ.paris 1 @gmail.com

Publié avec le soutien de l'Université de Paris Nanterre (UMR 7041 ArScAn) et de l'École Normale Supérieure (Département Sciences de l'Antiquité)

©L'Harmattan,

2021

5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.editions-harmattan.fr

ISBN : 978-2-343-21345-3 EAN : 9782343213453

PRÉSENTATION

La consistance du volume que forment ces hommages à Charles Guittard

témoigne à la fois de l'ampleur de ses centres d'intérêt et de l'élan de sympathie qu'a suscité cette initiative. Les collègues, aussi bien étrangers que français, ont été très nombreux à souhaiter s'associer à cet hommage, et notre projet a, nous devons le dire, rencontré immédiatement un grand succès.

Nous

avons

choisi

de regrouper

les contributions

selon

une

articulation qui renvoie aux grands champs disciplinaires qui ont occupé Charles Guittard, depuis ses premières années d'élève à l'École normale

supérieure, puis comme membre de 1 'École française de Rome, ensuite comme enseignant dans diverses universités (Tours,

Lille, Paris Nanterre).

Clermont-Ferrand,

Les études religieuses, dans la droite ligne de

l'enseignement de Raymond Bloch qui a beaucoup marqué sa génération, ont été le premier de ses centres d'intérêt; la prière à Rome a été le sujet de

sa thèse d'État. Elles l'ont amené à s'intéresser de près à l'historiographie, et

en particulier à Tite-Live dont il a édité le livre VIII dans la CUF (le IX est

en préparation): une deuxième section regroupe les études liées à l'écriture de 1 'Histoire. Ces premières préoccupations ont amené Charles Guittard à pénétrer dans le domaine vaste et encore souvent inédit de l'érudition et de l'encyclopédisme romains,

qui constituent la

troisième section de cet

ouvrage. Puis, une quatrième partie regroupe les études concernant un domaine qu'il a chronologiquement abordé en dernier, mais auquel il consacre aujourd'hui beaucoup de son énergie scientifique:

les études

africaines, en particulier 1 'Algérie et les Aurès. Enfin une dernière section est dédiée à ce qui a été une constante de la vie et de la carrière de Charles Guittard, le goût pour la langue et les textes. La diversité de ces champs disciplinaires ne doit pas masquer le dialogue que Charles Guittard a su instaurer entre eux, la complémentarité de ses interrogations scientifiques dont témoigne le présent ouvrage et qui repose sur la dimension profondément humaniste de la personnalité scientifique de Charles Guittard. Elle fait de lui un des héritiers de nos grands maîtres du xx• siècle. Mathilde Simon et Étienne Wolff

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BIBLIOGRAPHIE DE CHARLES GUITTARD

!.OUVRAGES

Ouvrages personnels L'Or des Étrusques, Paris, 1985, 343 pages (Traduction et adaptation de l'Oro degli Etruschi, dirigé par M. Cristofani et Marina Martelli, Novara, 1983). Tite-Live, Ab Vrbe Condita, VIII, Édition, traduction et commentaire, CXXX, 2. + 139 p. dans la CUF, Paris, 1987 (en collaboration avec Raymond Bloch). 3. Recherches sur le carmen et la prière dans la religion romaine et la littérature latine, Thèse d'État, Paris, 1996, 1949 pages. Macrobe, Les Saturnales 1-III, Introduction, traduction et notes, Collection La 4. Roue à livres, Paris, 1997,364 pages. 5. Sénèque, Médée, Introduction, traduction, notes et dossier, Collection Gamier­ Flammarion, Paris, 1997. 6. Plaute, Amphitryon, Introduction, traduction, notes et dossier, Collection Gamier-Flammarion, Paris 1998, 289 pages. 7. Sophocle, Antigone, Introduction, traduction, notes et dossier, Collection Garnier-Flammarion, Paris 1999. Lucrèce, De Rerum Natura, Introduction, traduction, notes, Collection La 8. Salamandre, Paris, 2000, 595 pages. 9. Carmen et prophéties à Rome, Collection Recherches sur les rhétoriques religieuses, Brepols, Turhnout, 2007, 370 pages. 10. Le massif de l'Aurès, du début du II" ap. J.-C. siècle jusqu'à l'expédition de Salomon, traduction française de la thèse latine de É. Masqueray, De Aurasio monte, Paris, 1886 (en collaboration avec N. Roux et F. Simonet), Revue Aouras, Société d'études et de recherches sur l'Aurès antique, numéro 4, septembre 2007. 11. Sénèque, Phèdre, Introduction, traduction, notes et dossier, Collection Gamier­ Flammarion, Paris, 2019, 240 pages. 1.

Ouvrages collectifs 12.

La religion étrusque, in Manuel d'étruscologie, traduit en hongrois sous le titre Brevezetés az okortudomanibanyba V, Agatha XVIII, Debrecen, 2006, p. 113200. 13. Le monothéisme : diversité, exclusivisme ou dialogue ? , in Actes du Congrès de l'Association Européenne pour l'Étude des Religions (Paris, 11-14 septembre 2002), Société Ernest Renan, Paris, Editions Non Lieu, 2010, 340 pages. 14. La fondation dans les langues indo-européennes : religion, droit et linguistique, éd. Ch. Guittard et M. Mazoyer, Collection Kubaba, L'Harmattan, Paris, 2014, 256 pages. 9

15.

La prière dans les langues indo-européennes : linguistique et religion, éd. Ch. Guittard et M. Mazoyer, Collection Kubaba, L'Harmattan, Paris, 2015, 250 pages.

Ouvrages pour la jeunesse 16. 17.

La vie des Romains, Paris, Larousse, 1990 (traduction et adaptation d'après Anthony Brierley et Giovanni Caselli). Autour de la Méditerranée : Les Romains, Collection Peuples du passé, Paris, Nathan,1991.

II. ARTICLES 1. 2.

3. 4. 5. 6.

7. 8. 9.

1O. 11.

12. 13. 14. 15.

16. 17.

Le calendrier romain des origines au milieu du V" siècle av. J-C., in BAGB, 1973,2,p. 203-219. Une tentative de conciliation de valeurs chrétiennes et païennes à travers l'œuvre de Macrobe: syncrétisme et philosophie de l'histoire à la fin du I Ve siècle, in Actes du IX" Congrès de l'Association G. Budé (Rome, 13-18 avril 1973),Paris,1975,Il,p. 1019-1030. Le problème des limites et subdivisions du jour civil à Rome, in MEFRA, 88, 1976,2,p. 815-842. Recherches sur la nature de Saturne, in Recherches sur les religions de 1'Italie antique, dir. R. Bloch,EPHE, Paris-Genève, Droz,1976,p. 43-71 . L'étymologie varronienne de Saturne ( Varron LL V, 64), in Varron, grammaire antique et stylistique latine, Paris,Belles Lettres,1978,p. 53-56. Saturnia Terra : mythe et réalité, in Actes du colloque Histoire et historiographie, Caesarodunum XVbis,1 978,p. 177-186. Saturni fanum in faucibus (Varron LL V, 42) : à propos de Saturne et de l'Asylum, in Mélanges Pierre Wuilleumier, Paris 1979,p. 159-166. Aspects épiques de la première décade de Tite-Live : le rituel de la deuotio, in Actes du colloque sur 1 'épopée latine, Caesarodunum XVI bis, 1979, p. 33-44. L'expression du verbe de la prière dans le carmen latin archaïque, in Recherches sur les religions de 1'Antiquité classique, dir. R. Bloch, EPHE, Droz,1980,p. 395-403. L'expression du délit religieux dans le rituel archaïque de la prière, in Le délit religieux dans la cité antique, Rome, 1980,p. 9-20. La topographie du temple de Saturne d'après la notice varronienne du De Lingua Latina V, 42, in Présence de l'architecture et de l'urbanisme romains, Caesarodunum XVIII bis, 1983,p. 31-39. Tite-Live, Accius et le rituel de la devotio,in CRAI, 1984,p. 581-600. La tradition oraculaire étrusco-latine dans ses rapports avec le vers saturnien et le carmen primitif, in Caesarodunum, suppl. 52,1985,p. 33-55. Raymond Bloch, in Le Club français de la Médaille, 88,juillet 1985, p. 128131. Les sources littéraires et historiques concernant l'armement du légionnaire romain, in Guerre et Société en Italie ( V•-Iv• siècles av. J-C.), Paris, 1986, p. 51-64. Haruspicine et deuotio: 'caput iocineris a familiari parte caesum ' (Tite-Live VIII, 9, 1), in Caesarodunum, suppl. 56,1986,p. 49-67. Le songe de Tarquin (Accius, Brutus, fr. 1-11 Klotz), in Caesarodunum, suppl. 54,1 986,p. 47-67.

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Note sur prooemium en latin, in Le texte et ses représentations, Paris, 1987, p. 29-35. Pline et la classification des prières dans la religion romaine (HN 28, 10-21), in Pline l'Ancien témoin de son temps, Salamanque-Nantes, 1987, p. 475-486. Naissance et développement d'une légende : les Decii, in Mélanges H. Le Bonniec, Latomus 201, 1988, p. 256-266. Caton et le sacré (XII• Congrès de 1'Association G. Budé, Bordeaux, 17-21 août 1988) ,Paris 1989,p. 409-411 . Les trois formules concernant le prodige du Lac d'Albe (Secondo Congresso Intemazionale Etrusco, Firenze, 1985) , in Atti, vol III, suppl. Studi Etruschi, Roma, 1989,p. 1237-1246. Tite-Live et la jin de siècle, in Fins de Siècle (Colloque de Tours, 1985), Bordeaux, 1990, p. 49-59. Ritualisme et sentiment religieux dans la prière à Rome et en Ombrie, in Ritualisme et vie intérieure, Paris, 1990,p. 19-33. Formes et fonctions de la prière chez Plaute et Térence, in Actes du XXIV" Congrès de l'APLAES (Tours, 24-26 mai 1991), Tours, 1991, p. 75-99. Contribution des sources littéraires à notre connaissance de l'Etrusca Disciplina : Tarquitius Prisetts et les 'Arbores infelices' in Die Welt der Etrusker, Berlin, 1991 ,p. 9 1-99. Le monde des dieux et des prodiges, in Historia, n° 550, oct. 1992, p. 42-49. Tite-Live et l'Etrusca Disciplina, in Caesarodunum, suppl. 65, 1993, p. 115131. De Tite-Live à La Fontaine: la fable de Ménénius sur les Membres et 1'Estomac (Colloque Présence de Tite-Live, Tours, 1992) , in Présence de Tite­ Live. Hommage au Professeur Paul Jal, Caesarodunum XXVII bis, Tours, Centre Piganiol, 1994,p. 133-144. Comment les Romains traduisaient-ils l'Etrusque ? Quelques problèmes d'adaptation, in Mélanges Raymond Chevallier, 1 (Présence des idées romaines dans le monde d'aujourd'hui), Bulletin des Antiquités luxembourgeoises 23, Luxembourg, 1994,213-232. La religion romaine, in La Rome antique, Paris, Bordas, 1994,p. 257-290. L'Etrusca Disciplina chez Lucain, in Caesarodunum, suppl. 64, 1995, p. 94104. L'Etrusca Disciplina chez Phlégon de Tralles (Colloque de Dijon), in Caesarodunum, suppl. 65, 1996, p. 123-133. Auctoritas extorum : haruspicine et rituel d 'euocatio (Colloque Etrusca Disciplina, Orvieto, 1987) , in Annali della Fondazione per il Museo 'Claudio Faina', vol. V, Orvieto 1998,p. 55-67. Aspects de l'Encyclopédisme à !a fin du IV" siècle: l'exemple de Macrobe dans L'Entreprise encyclopédique. Etudes réunies par Jean Bouffartigue et Françoise Melonio, Littérales, n° 21 , Université Paris 10-Nanterre, 1997, p. 181-188. Questions sur la divination étrusque : les formules dans la tradition latine, dans Les étrusques, les plus religieux des hommes, Rencontres de l'École du Louvre, Paris, 1997,p. 399-412 Invocations et structures théologiques dans la prière à Rome, in REL 76, 1998, p. 71-92. Les Étrusques, in Dictionnaire de l'Ésotérisme, Paris, P.U.F. , 1998, p. 497500. ,

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70. Le dîner d'Amphitryon: esquisse d'un thème de Plaute à Kleist, in Liber Amicorum. Mélanges de littérature antique et moderne à la mémoire de Jean­ Pierre Néraudau, Paris, 2005, p. 325-344. 71. Invocation et présence divine dans la prière à Rome, Colloque Nommer les dieux, Strasbourg, 26-28 octobre 2001, in Nommer les dieux. Théonymes, épithètes, épiclèses dans l'Antiquité, Brepols-Presses Universitaires de Rennes, 2005, p. 491-502. 72. La notion d'archaïsme à Rome: l'exemple des formules de prières latines, Actes de la table ronde La notion d'archaïsme. Définition et usage (Universités Paris I et Paris VII, 10-11 décembre 2004), in Ktema 31, 2006, p. 155-165. 73. Signes du destin et pouvoir dans les pratiques étrusco-italiques, in Signes et destins d'élection dans l 'Antiquité (Colloque de Besançon, 16-17 novembre 2000), Besançon, 2006, p. 71-82. 74. Les origines de la prière latine: préhistoire et formation de la precatio dans le monde italique, in La prière en latin de 1'Antiquité au XVI" siècle. Formes, évolution, signification, Collection d'Études médiévales de Nice 6, Brepols, 2007 (Actes du Congrès de Nice, mai 2003), p. 55-81. 75. 'Aurea aetas ' et 'Saturnia tellus' dans la poésie virgilienne, dans Klassizismus und Modernitiit (Szeged, 11-13 septembre 2003), Acta Antiqua Archeologica (Acta Universitatis Szegediensis), Szeged (Hongrie), XXX, 2007, p. 71-90. 76. Les 'praecepta medica' et le couplet des 'Meditrinalia' dans la religion romaine, in Mythe, religion, médecine (Actes du 37" Congrès de l'APLAES, Lille, 21-23 mai 2004), Lille, 2007, p. 73-85. 77. Objets sacrés, objets magiques: le rituel des fétiaux, in Objets sacrés, objets magiques de 1'Antiquité au Moyen Age (Actes de la table ronde Objets sacrés, objets magiques, de l'Antiquité au Haut Moyen Age, Université Paris X, 14-15 avril 2005), Paris, 2007, p. 11-21. 78. Tolérance et intolérance dans le monde romain: l'exemple du rituel de l 'evocatio, dans Être Romain. Hommages in memoriam Charles-Marie Ternes, Remshalden, 2007, p. 475-483. 79. Tite-Live historien de la religion romaine?, Colloque international de l'EASR (European Association for the Study of Religions), Bucarest, 23-25 septembre 2006, dans Les Études Classiques 75, 2007, p. 79-91. 80. Esiste una oracion silenciosa en Roma? in Religion y silencio. El silencio en las religiones antiguas (Seminario Intemacional UCM, Complutense, Madrid, 16-17 noviembre 2006), in !lu. Revista de Ciencias de las Religiones XIX, 2007, p. 133-141. 81. Le millénarisme étrusque, in Troïka. Parcours antiques (Mélanges offerts à Michel Woronoff), Presses Universitaires de Franche-Comté, Besançon, 2007, vol. I, p. 19-26. 82. Yves-Marie Duval (1934-2007), in REL 85, 2007, p. 14-16. 83. Préface, in Ars pictoris, ars scriptoris. Peinture, littérature, histoire. Mélanges offerts à Jean-Michel Croisille, Clermont-Ferrand, 2008, p. 9-11. 84. Les prières des voyageurs romains et le 'propempticon', in Les voyageurs dans 1 'Antiquité, Actes du 130• Congrès des Sociétés Historiques et Scientifiques (La Rochelle, 18-23 avril 2005), édition électronique sous la direction de Yann Le Bohec, Paris, CTHS, 2008, p. 35-46. 85. La lance ou les lances de Mars, in Dix siècles de religion romaine: à la recherche d'une intériorisation. Hommage à Nicole Boels (Table ronde de Dijon Dix siècles de sentiment religieux, Dijon, 26 mai 2005), Dijon, 2008, p. 76-92.

14

L'arrivée de Cybèle à Rome: élaboration du thème, de Tite-Live à l'empereur Julien, in Culture classique et christianisme, Mélanges offerts à Jean Bouffartigue, Paris, 2008, p. 191-200. 87. De l'étrusque au latin et du latin à l'étrusque, in Traduire, transposer, transmettre dans l'Antiquité gréco-romaine (Table ronde, 7-8 juin 2007, Université Paris X,Paris, 2009, p. 113-125. 88. Le latin de Masqueray, Colloque sur l'Aurès antique organisé par Aouras à Compiègne (6-8 septembre 2007), dans Aouras 5, 2009, p. 47-56. 89. Les animaux dans l'Etrusca disciplina, Communication au Colloque sur Les animaux dans les sciences de l'Antiquité, Caen, mai 2006, dans L'animal et le savoir de l'Antiquité à la Renaissance, Schedae, fasc. 2, Presses de l'université de Caen, 2009, p. 93-106. 90. Justice et injustice chez Sénèque, in Classica Medievalia Neolatina III, Actes du colloque international organisé à Budapest et à Debrecen sur Les valeurs de l'Europe, l'Europe des valeurs, 18-25 novembre 2007, Debrecen 2009, p. 2332. 91. Présence de Suétone chez un antiquaire et compilateur tardif: Macrobe et l'histoire du calendrier romain, Colloque Présence de Suétone, Clermont­ Ferrand, novembre 2004, Clermont-Ferrand, 2009, p. 185-199. 92. Les dieux de l'autre : les Romains face aux dieux de l'étranger. L'exemple du rituel de l'evocatio, Colloque de Pau, mars 2009, Pau, p. 521-527. 93. Les noms de l'offrande dans les prières latines (Journées d'études 'Le vocabulaire latin de la prière', Tours, 22 mai 2007), dans Prier dans la Rome antique. Études lexicales, Paris, 2010, p. 35-46. 94. Hommage, dans Varietates Fortunae (Hommage à Jacqueline Champeaux), Paris, 2010, p. 7-10. 95. La prière philosophique, grecque et latine: une esquisse de définition et de classification, in Varietates Fortunae (Hommage à Jacqueline Champeaux), Paris, 2010, p. 195-21O. 96. Etruscan influence on dramatic art in Campania: the example of the Atellan, in The Etruscan Presence in Magna Graecia, Symposium Cumanum, organisé par The Vergilian Society ( 19-21 juin 2003), Bénévent, 2010, p. 95-107. 97. Des haruspices en Afrique, dans les légions et auprès des gouverneurs: l'exemple de Lucius Atonius Saturus, d'Helvius Ca/vus, haruspices de camp, de Sextus Julius Felix et d'Antonius December, haruspices de gouverneurs, Colloque international de Tébessa sur l'archéologie, Tébessa, 24-29 avril 2009, in Aouras 6, 2010, p. 139-151. 98. Prier à Rome. Comment les Romains s'adressaient à leurs dieux ?, in Les dieux et les hommes ( dir. Ph. Guisard, Chr. Laizé), Paris, 2010, p. 169-191. 99. Carmen, Carmen/a, Canens (Ovide, 'Métamorphoses', XIV, 320-440) : Canens est-elle une invention ovidienne ?, Journées Ovide, Métamorphoses, organisées à Paris Ouest Nanterre, mars 2011 (en ligne). 100. L'Humanisme de Cicéron et les valeurs républicaines, in Humanisme 293, 20ll, p. 72-79. 101. Un aspect méconnu du génie de Servius dans les Saturnales de Macrobe : la nomenclature des fruits et des arbres, in Servius et sa réception de l'Antiquité à la Renaissance (Actes du colloque Réception de Servius, Rennes, oct. 2009), Rennes, 2011, p. 39-51. 102. The name of Cybele in Latin poetry and litera/ure: Cybela, Cybebe or Cybele/Cybelle, in Demeler, Isis, Vesta and Cybele. Stttdies in Greek and Roman Religion in honour of Giulia Sfameni Gasparro (edited by A. 86.

15

Mastrocinque and C. Giuffrè Scibona, Postdamer Altertumswissenschaftliche Beitrage 36,Stuttgart,2012,p. 213-220. 103. La destruction des villes dévouées dans le rituel guerrier de l'evocatio­ devotio : la représentation du conflit dans les formules de prière accompagnant le rituel, Colloque Le conflit et sa représentation dans l'Antiquité (Montpellier, 13-15 mars 2008), in La Pomme d'Eris. Le conflit et sp représentation dans l'Antiquité, Montpellier,PULM,2012,p. 349-363. 104. Emile Masqueray et les origines de Rome, in Hommages offerts à Pierre Morizot, in A auras 7,2012,p. 183-188. 105. Etrusca Disciplina: how was it possible ta learn Etruscan religious matters in Ancient Rome?, Colloque de l'EASR (European Association for the Study of Religions), Brême, septembre 2007, dans Religious Education in Pre-Modern Europe, edited by Ilinca Tanaseanu-Dôbler and Marvin Dobler, Numen Book Series 140,2012,p. 63-75. 106. Les crises religieuses et les changements d'années dans l'Histoire romaine de Tite-Live: l'exemple des années 218-217 av. J.-C. , dans Le temps dans l'Antiquité (dir. A. Rouveret et J.-P. Morel), Actes du colloque Le temps, organisé par le Comité des Travaux Historiques et Scientifiques (Besançon,1924 avril 2004),Paris,CTHS,2013,p. 111-130. 107. Ordo temporum: problèmes de chronologie livienne, in REL 91,2013,p. 115131. 108. Spartacus: la transmission par l'exemple de la révolte, in Humanisme 298, 2013,p. 61-65. 109. From the Curia on the Palatine Hill to the Regia on the Forum. The Itinerary of the Sal!i as a War Ritual, in Memory and Religious Experience in the Greco­ Roman World (edited by N. Cusumano, V. Gasparini, A. Mastrocinque, J. Rüpke) , Postdamer Altertumswissenschaftliche Beitrage 45,Stuttgart,2013,p. 177-184 . 11O. Anthropommphisme et abstractions divinisées dans la religion romaine, in Le voyage des légendes (Hommages à Pierre Chuvin),Paris,2013,p. 327-335. 111. Spartacus, héros de l'antiquité et des temps modernes, in Cahiers de psychologie politique 23,Université de Caen,juillet 2013 (en ligne). 112. Rome et les dieux des autres: tolérance, intolérance, dieux nouveaux et anciens, in Hereditas litteraria tatius Graeco-latinitatis II, AfA0A XXVIII, Debrecen,2014,p. 31-43. 113. Quelques aspects du vocabulaire de la prière en latin, in La prière dans les langues indo-européennes: linguistique et religion, Collection Kubaba, L'Hannattan,Paris,2014,p. 125-139. 114. Fondation et refondation de Rome, in La fondation dans les langues indo­ européennes : religion, droit et linguistique, Collection Kubaba, Paris, L'Harmattan,2014,p. 75-86. 115. Hoc nemus ... habitat deus ( Verg ., Aen., VIII, 351-352). Présence des dieux dans la campagne virgilienne. Qui sont les di agrestes?, in Acta Classica Universitatis Scientiarum Debreceniensis 50,2014,p. 73-82. 116. Prières aux dieux, prières aux hommes: Quinte-Curee et la proskynèse, in L'Histoire d'Alexandre selon Quinte-Curee, éd. M. Simon et J. Trinquier (Actes du colloque Quinte-Curee,ENS,déc. 2010),Paris,2014,p. 53-60. 117. La grande prière 'catonienne' à Mars (Calo, agr. 141) : y a-t-il un verbe 'piaculare' en latin?, in Polutropia, d 'Homère à nos jours (Mélanges offerts à Danièle Aubriot), Classiques Garnier,Paris,2014,p. 181-196.

16

118. Le prodige du lac d'Albe dans le conflit entre Rome et Véies (397-396 av. J.­ C.): action des dieux ou débordement des eaux?, in Au confluent des cultures. Enjeux et maîtrise de l'eau, Paris, L'Harmattan, 2014, p. 151-161. 119. Douris et la tradition de la 'devotio' des Decii, in De Samos à Rome: personnalité et influence de Douris (Actes du colloque Douris de Samos, ENS, nov. 201l, édités par Valérie Naas et Mathilde Simon), Paris, Presses Universitaires de Paris-Ouest, 2015, p. 329-339. 120. L'Aurès dans la littérature latine classique: une région aux contours mal définis, inAouras 8, 2015, p. 1-14. 121. Émile Masqueray et l'Algérie: le regard d'un historien humaniste sur l'Algérie du XIXe siècle, in Pour une histoire de 1 'archéologie XVIIIe siècle1945 (Hommages offerts à Ève Gran-Eymerich),Bordeaux, Ausonius, 2015,p. 393-399. 122. Article Haruspices, in The Routledge Encyclopedia of Ancient Mediterranean Religions, ed. E. Orlin, New York-London, 2015, p. 389-390. 123. Article Henotheism, in The Routledge Encyclopedia of Ancien! Mediterranean Religions, ed. E. Orlin,New York-London,2015, p. 407. 124. Article Macrobius, in The Routledge Encyclopedia of Ancien! Mediterranean Religions, ed. E. Orlin,New York-London, 2015,p. 356-357. 125. Article Ver sacrum, in The Routledge Encyclopedia of Ancien! Mediterranean Religions, ed. E. Orlin, New York-London, 2015, p. 988. 126. Les prières des voyageurs dans le monde romain, in Nouveaux horizons sur l'espace antique et moderne, (éd. Marie-Ange Julia), Bordeaux, 2015,p. 57-67 127. La dénomination de l'espace dans les formules de prière à Rome, in L'espace dans l'Antiquité, Paris,2015, p. 101-113. 128. L'Aurès de Procope dans 1 'Afi'ique vandale : définition, délimitation, résistance (la bataille de Baghai), in Littérature, politique et religion en Afrique vandale, éd. E. Wolff, Collection des Études Augustiniennes, Paris, 2015, p. 53-63. 129. Siècle d'Auguste et Age d'Or, in Acta Antiqua Academiae Scientiarum Hung aricae 55,2015, p. 477-487. 130. Forme et fonctions de la prière dans la 'Médée' de Sénèque, in Médée. Versions et inte1prétations d'un mythe, CITA n° 20, n. s. 2,2016, p. 25-32. 131. Dieux de la joie et du bonheur à Rome : quelques entités religieuses, in Joie et bonheur, croyances, mythes, idéologies, Collection Kubaba, Europeana 7, Paris, L'Hannattan,2016, p. 83-92. 132. Les femmes dans le culte public à Rome. Supplications et Jeux Séculaires, in La femme et le sacré, éd. P. Guelpa, Paris,L'Harmattan, 2016, p. 71-84. 133. Religion romaine et religion punique dans le livre XXI de l'Ab Vrbe condita, in REL 94,2016, p. 107-120. 134. Self-portrait in Livy's histmy: the concept ofpersona/ image in the speeches by the 'oratores' and the fimction of rhetoric, in Autorretratos: la creacion de la imaginen persona/ en la antigiiedad, Coleccion Instrumenta 53, Barcelona, 2016, p. 59-67. 135. Macrobe et l'Etrusca disciplina: ostentarium Tuscum et ostentarium arborarium, in L 'Etrusca disciplina au V" siècle apr. J.-C., La divination dans le monde étrusco-italique X (Actes du colloque de Besançon, 13-14 mai 2013), Presses Universitaires de Franche-Comté, 2016, p. 13-26. 136. Le mariage dans la Rome antique, in Evolutions et transformations du mariage dans le christianisme, Cahiers Disputatio, éd. M. Mazoyer et P. Mirault, Paris, L'Harmattan,2017,p. 71-78.

17

137. Carmenta, déesse de la prophétie et la Porte Carmentale à Rome: un problème de topographie religieuse chez Virgile (Énéide 8, 331-343), in Diuina studia. Mélanges de religion et de philosophie anciennes offerts à François Guillaumont, éd. E. Gavoille et S. Roesch, Ausonius, Scripta Antiqua 110, Bordeaux, 2018, p. 43-54. 138. Virgile dans les Saturnales de Macrobe: la théorie des 'quatre styles', nouvelle lecture et perspectives, in (Re)lire les poètes grecs et latins, éd. J. Dion et G. Vottéro, Nancy-Paris, De Boccard, 2018, p. 203-212. 139. Ausone et l'histoire du calendrier romain: le poème De feriis et les Eglogues, in Ausone en 2015: bilan et perspectives, éd. E. Wolff, Collection des Études Augustiniennes, Paris, 2018, p. 147-157. 140. Olivier Thévenaz, Pierre Siegenthaler, Charles Guittard et Florian Barrière, Traduire Gérard Macé: Poésie, in Acta, Litt&Arts, no 5 (dir. P. Roux), Épreuves de l'étranger. Une expérience de traduction et de rétrotraduction avec Gérard Macé, en ligne, 2017 : http://ouvroir-litt-arts.univ-grenoble­ alpes.fr/revues/actalittarts/224-1-epreuve-de-l-etranger ; et Gérard Macé, Chenilles et Papillons, Éditions La Pionnière, Droue-sur-Drouette, 2017, p. 2627. 141. Olivier Thévenaz, Pierre Siegenthaler, Charles Guittard et Florian Barrière, Traduire Gérard Macé: Prose, in Acta, Litt&Arts, n° 5 (dir. P. Roux), Épreuves de 1'étranger. Une expérience de traduction et de rétrotraduction avec Gérard Macé, en ligne, 2017 : http://ouvroir-litt-arts.univ-grenoble­ alpes .fr/revues/actalittarts/224-1-epreuve-de-1-etranger. 142. Le roi des sacrifices (rex sacrorum) à Rome : un vestige de la royauté dans la religion romaine? in Dieux et hommes. Modèles et héritages antiques, éd. J. Bouineau, D. Calus et B. Kasparian), vol. 1, Pouvoir et persona, Paris, L'Harmattan, 2018, p. 11-29. 143. Sciences et techniques dans l'Antiquité: l'homme romain, héritier de la Grèce, in Kwartalnik Naukowy Fides et Ratio 2 (34), 2018, p. 329-343. 144. Enseigner et transmettre l'héritage de Rome au Bas-Empire: l 'exemple du néoplatonicien Macrobe (Saturnales et Commentaires sur le Songe de Scipion), in Autun, capitale des langues anciennes, Actes du colloque des 10 et Il mars 2018, Human-hist, Autun 2019, p. 117-130. 145. La parole divine dans l'organisation religieuse des Romains, in Actes du colloque Les médiateurs du divin dans le monde méditerranéen antique, organisé par l'Université de Palma de Majorque (13-15 octobre 2005), à paraître. 146. La légende d'Hercule aux confins de la Méditerranée occidentale: les colonnes d'Hercule, l'île d 'Erythie (les bœufs de Géryon) et le jardin des Hespérides, in Actes du colloque L'homme et la mer en Afrique du Nord antique à l'époque maure, Kenitra (Maroc), 3-5 mai 2018, à paraître. 147. An amazing oracle of Apollo of Claros and the question of the supreme god (Macrobius, Saturnalia, 1, 18, 20): Zeus, Hades, Helios, Dionysos and Iaô, in Actes du Symposium Archaeology and History of Lydia from Early Lydian Period to the Late Antiquity (8th Cent. B.C.-5th Cent. A.D.), 17-18 mai 2017, Dokuz Eylul University, Izmir, à paraître. 148. Parole des dieux, parole des hommes dans la religion romaine, in Actes du colloque Effets de voix, Université de Lille 3, 13-15 novembre 2014, in Magna voce. Effets et pouvoirs de la voix dans la philosophie et la littérature antiques, éd. A.-1. Bouton-Touboulic, Classiques-Garnier, Collection Kainon, à paraître. 149. Au confluent des traditions: regards sur la poésie dans l'œuvre de Macrobe et le cercle de Symmaque, in La poésie latine de l'Antiquité tardive entre

18

tradition classique et inspiration chrétienne, éd. G. Scafoglio et F. Wendling, à paraître. 150. 'Livius apud Livium '.À propos du carmen de 207 (Liv. 27, 37, 7), in Actes du colloque Livius noster (Bimillénaire de la mort de Tite-Live), Padoue, 6-10 novembre 2017, sous presse. 151. Les Étrusques dans le théâtre populaire : l'Atellane, in Hommages Dominique Brique!, à paraître. 152. Lucrèce et Cybèle ou l'histoire d'un malentendu (De rerum natura, 600-660), communication dans le cadre du programme d'Agrégation Ganvier 2016), à paraître en ligne sur le site de 1 'APLAES. 153. Qu'est-ce que la souveraineté nationale ? in Sur la République, colloque organisé par l'Association pour une Constituante et la Fédération Nationale de la Libre-Pensée, Paris, 2019, p. 31-43. 154. Macrobe, historien de la religion romaine: place du fait religieux dans le livre 3 des «Saturnales», in Actes de l'Atelier sur Macrobe, Saturnales 3, Besançon, 17-18 octobre 2019 (à paraître). 155. «Imperium, potestas, auctoritas, dignitas ». Quelques aspects de la domination et de son vocabulaire en latin dans la Rome antique, in Actes du colloque international «Domination et antiquité. Aspects politiques et juridiques», organisé par l'Université de La Rochelle, Sainte-Eulalie-de­ Cernon, 30 et 31 octobre 2019 (à paraître). 156. Un roi illyrien en Ombrie: Genthios, de Scodra à lguvium, Colloque «La Serbie comme Pont », Sremska Mitrovica - Sirmium, 15-18 Avril 2019 (à paraître).

19

Ad Studiorum Vniuersitatem Lutetiae. Carmen Carolo Guittard sacrum Michael von Albrecht (Universitat Heidelberg)

Quid somniaui ? Peruolito uiam, Quae Sancte nomen fert Michael tuum. Rogoque tranquillam in tumultu Effigiem Michaelis acris: « Quae tanta doctorum ecce uenit cohors

?

»

05

« Magna haec magistrorum agmina Carolo

Gratantur. Auctores Latinos Hic coluit coliturque ab illis. » Etrusca Livi gens sequitur gradus. Raymonde doctor, semper ades uirens.

l0

Perite linguarum, Georgi, Fabula nuntia cui deorum. At tu, Lucreti, diceris exules Misisse in intermundia qui deos,

15

Sed corde firmatae manebant Relligio pietasque sancta. Beate Naso, quot comites tibi ! Simona, Petrum quae sequeris magum, Henrice Fastorum perite, Anna Maria potens magîae ! Alphonse, nosti qui abdita codicum Mysteria, idem fautor imaginum, Varroque et Augustinus ipse, Tuque, Petre, optime mi magister.

21

20

Annaee, quid te, quid ueterum preces,

25

Quid uerba culti dextera Symmachi, Firmice, te astrorum peritum Macrobium Amobiumque dicam ? Immensa doctorum ecce uenit cohors,

30

Quae gratuletur impigra Carolo, Quos inter extemus modesta Audeo uix reserare labra. Isdem magistris sum decies abhinc Sex usus annis. Hos colui uirens. Grates Athenaeis referre, Carole, nunc cupio tibique.

35

Adnotatio : In his uersibus haec nomina recentiora afferuntur :

1 Boulevard Saint-Michel; 3 Michel de Montaigne ; 6 Charles Guittard ; 10

Raymond Bloch; 11 Georges Dumézil ; 18 Simone Viarre; Pierre Grimal ;

19 Henri Le Bonniec; 20 Anne-Marie Tupet; 2 1 Alphonse Dain; 24 Pierre

Courcelle ; 30 et 35 Charles Guittard.

22

1. RELIGION

Varros Umgang mit Religion und Mythos Thomas Baier (Universität Würzburg)

1. Einleitung Als die Römer nach Beendigung des ersten Punischen Krieges zu einer

Mittelmeermacht aufstiegen, sahen sie sich dem Vorwurf ausgesetzt, sie seien kulturlose Parvenüs und Fremdlinge in der hellenistisch geprägten

Oikumene.

Sie

selbst

dürften

sich

spätestens

damals

des

Umstands

bewusstgeworden sein, dass sie rund 500 Jahre seit der Gründung Roms ohne Literatur ausgekommen waren. Gemessen an den Griechenstädten des Mittelmeerraums stach

ihre kulturelle Armut hervor. 1 Es

ist gar

die

Vermutung geäußert worden, dass der Galliersturm des Jahres 387 v.Chr.,

bei dem nach dem Zeugnis des Livius die ganze Stadt mit Ausnahme des Kapitols in Schutt und Asche gelegt worden

sein soll,

von späteren

Historikern maßlos übertrieben wurde.2 Die archäologischen Befunde lassen

jedenfalls ein viel unspektakuläreres Ausmaß an Zerstörungen vermuten. Warum aber sollten die Römer ihre eigene Niederlage so aufbauschen? Eben

weil

sich

dadurch

begründen

ließ,

weshalb

aus

der

Frühzeit

keine

Dokumente, keine materiellen Zeugnisse der Kultur erhalten sind. Seit dem zweiten Jahrhundert waren die Römer entweder bemüht, ihre Zugehörigkeit zur hellenistischen Kultur zu belegen, sich als Teil der hellenistischen Welt darzustellen, oder aber, ihre Gleichrangigkeit mit der griechischen Kultur

herauszustellen.

Das früheste Zeugnis für diese Bestrebungen ist das Geschichtswerk des Fabius Pictor, in dem Rom im Wesentlichen als eine Polis hellenistischer Prägung erscheint. Fabius ist ,malgre lui' eine vielsagende Quelle. Bei seinem Versuch, Rom als hellenistische Gründung zu erweisen, enthüllt er 1 Belege für den kulturellen ,Komplex' der Römer listet N. HORSFALL, 1993, p. 63-65 auf. 2 G. PERL, 2007, p. 346-355 legt dar, dass die Gallier Rom keineswegs völlig zerstörten, die

Tempel vielmehr unangetastet ließen und mit ihnen auch die Archive. Urkunden, die etwa im Jupiter-Tempel auf dem Kapitol aufbewahrt wurden, dürften erhalten geblieben sein. Immens war jedenfalls die psychologische Folge des Debakels von 387. Die Römer wähnten sich von Hass und Feindschaft umzingelt, vgl. Liv. 6, 6,

et odio jinitimorum.

II: circumsederi urbem Romancun ab invidia bell. civ. 2,

Das Gallier- Trauma wirkte bis in Caesars Zeit nach (App.

146), vgl. H. BELLEN, 1994, p. 33. Als Vorbild fiir die Ausmalung des Galliersturms kann der

persische Angriff auf Athen 480 v.Chr. gedient haben, vgl. N. HORSFALL, 1987, p. 72; N.

HORSFALL, 1994, p. 57-58.

25

gegen seine Absicht zahlreiche italische und etmskische Merkmale. 3 Wie ging Fabius Pietor vor? Mit hoher Wahrscheinlichkeit konnte er sich auf erhaltene Akten, vielleicht die Annales Maximi stützen. Diese waren jedoch, wie noch Cicero bemängelt, bloße "Erinnerungshilfen" (de or. 2, 52) und bedurften der Ausgestaltung. Dazu bediente sich Fabius griechischer Quellen, die er als Muster oder Blaupause verwendete. Anders ausgedrückt,

er interpretierte die römischen Befunde im Lichte der griechischen Beispiele,

nahm gewissermaßen eine

interpretatio graeca

der römischen Zeugnisse

vor. Fabius Pietor modellierte also eine römische Kulturgeschichte nach

griechischem Vorbild.4

Für die Wahl dieses Verfahrens gibt es mehrere Gründe: Erstens ist Fabius der erste römische Historiker; ihm stand weder eine lateinische Fachsprache zu Verfügung noch eine römische literarische Tradition. Er musste sich also auf die griechische Sprache und die griechischen Vertreter

der Gattung stützen. Damit war eine gewisse Prägung seiner Darstellung vorgegeben. Wichtiger ist jedoch, dass er für ein griechisches Publikum schrieb und der prohannibalischen Propaganda des Philinos von Akragas entgegentreten etablierte

wollte.

Fabius

Unabhängig

Pietor

damit

von

jedoch

diesem

eine

politischen

Sicht

auf

Interesse

die

eigene

Vergangenheit, die für die römische Geschichtsschreibung und für die antiquarischen Studien prägend werden sollte: Man präsentierte römische Inhalte in griechischen Formen.

Das ist zunächst nicht verwunderlich, denn die ganze römische Literatur

ist abgeleitet und griechischen Vorbitdem verpflichtet. In der historisch­

antiquarischen Schriftstellerei liegt jedoch der besondere Fall vor, dass die

eigene Vergangenheit mit griechischen Versatzstücken nicht rekonstruiert,

sondem eigentlich konstruiert, somit neu erfunden wird. In diesem Prozess nimmt Varro eine zentrale Stellung ein.5 Seine Rolle soll im Folgenden näher beleuchtet werden. Dabei wird dargelegt, dass Varro Elemente aus der italisch-etmskischen Mythologie in Parallele zu vergleichbaren griechischen

Phänomenen setzte und den Römem auf diese Weise eine Kulturgeschichte erschuf, die sie bisher nicht hatten . Cicero rühmt den Reatiner in den diesem

gewidmeten

Academici libri,

er habe die Römer erkennen lassen,

qui et ubi

3 Vgl. J. -P. THU!LLIER, 1975, und J. POUCET, 1985, p. 58. Zur geistigen Physiognomie des Fabius vgl. auch E. RAwsoN, 1989, p. 426 und D. TIMPE, 1972, p. 940. Ein abgewogenes Urteil bei J. FABRE-SERR!S, 1998, p. 9: "on considere aujourd'hui Fabius Pietor avant tout coll11ne un metteur en scene de traditions preexistantes, qui aurait ete largement tributaire d'ecrits grecs anterieurs." 4 Vgl. A. PIGAN!OL, 1923, p. 31, Amn. 2: "I! est pennis de supposer qu'il voulait aider un progres de l'hellenisation de Rome, justifier l'importation des coutumes grecques en prouvant que ces coutumes etaient identiques aux plus vieilles coutumes de Rome. I! eilt alors esquisse d'avance Ia these que !es Antiquites de Denys se proposerent de defendre." Älmlich N. HORSFALL 1994, p. 68f. D. TIMPE, 1972, p. 948 sieht Fabius in der Tradition des mutmaßlich romfreundlichen Historikers Timaios (FGrHist 566) , dessen "einfachen politischen Gedanken [ .. . ] (Zugehörigkeit der Römer zur hellenistischen Kulturgemeinschaft, Legitimation ihrer Macht durch hohes Alter und rechten Gebrauch)" er sich allzu gern angeschlossen habe. 5 Vgl. D.J. BUTTERFIELD, 2015, p. 7, der einerseits Varros als "model scholar" fiir spätere Antiquare bezeichnet, andererseits seinen Einfluss auf die augusteische Literatur betont: "it is hard to read any collection of Augustan poetry carefully without turning up traces of schalarship that were very probably drawn from, or filtercd through, Varro himself."

26

essemus (Ac. post. 1, 9).

Varro habe den Römern erst eine "Geschichte"

gegeben.

Tatsächlich hat er diese aber nicht nur "aufgeschlossen" (aperuisti), wie Cicero unterstellt, sondern zu einem gewissen Teil pietätvoll

geschaffen. Was wir heute über römische Altertümer wissen, ist in hohem

Maße durch Varros Schriften beeinflusst. Zwar sind von ihnen nur wenige erhalten, doch beruhen manche Befunde bei späteren Autoren auf varronischen Quellen. Sie beurteilen kann man nur in Kenntnis der Arbeitsweise Varros. Es soll nicht behauptet werden, Varro habe bewusst gefälscht. Doch versteht es sich, dass seine Perspektive auf die römische Geschichte auch deren Darstellung prägte. Wie Varro und andere Antiquare vorgingen, kann man aus einer satirischen Bemerkung bei Horaz schließen.

In

der

Augustus-Epistel

karikiert

Literaturgeschichtsschreibung,

er

die

eine

jedem

Marotte

in

römischen

der

römischen

Autor

einen

griechischen an die Seite stellte. Afranius sei der römische Menander, Plautus mit Epicharm zu vergleichen (epist. 2, 1 , 5 7f.). In der Kritik steht einerseits die Verblendung, mit der römische Leistungen griechischen als ebenbürtig

erachtet

werden,

mehr

aber

noch

die

Methode

der

Literaturbetrachtung selbst. Es geht niemals darum, ein literarisches Werk

um seiner selbst willen zu würdigen, sondern es zählt nur der Vergleich mit den als Maßstab erachteten griechischen Vorbildern. Kulturgeschichte wird einem agonalen Prinzip unterworfen. Diese horazische Zuspitzung macht deutlich, welche Gesichtspunkte Varro und die Varroniani anlegten. Gewiss leitete sie zum einen das Bestreben, Ebenbürtigkeit zu oder Überlegenheit über die Griechen zu demonstrieren. Doch dürfte das Vorgehen vor allem dem Umstand geschuldet sein, dass die historisch-antiquarische Literatur der Griechen

das

nötige

methodische

Rüstzeug

und

die

einschlägigen

Kategorien bot.

2. De scaenicis originibus Die

These,

dass

Varro

römische

Mythologie

in

Historie

griechischem Muster umformte,6 soll zunächst anhand der Schrift

nach

Über die

Ursprünge des Theaters belegt werden.

Aus ihr sind lediglich acht Fragmente überliefert. Aus diesen sollen uns

die folgenden drei interessieren:

1.

cum multa portenta fierent et murus ac turris, quae sunt inter portam

Collinam et Esquilinam, de caelo tacta essent et ideo libros Sibyllinos XV viri adissent, renuntiarunt uti Diti patri et Proserpinae Iudi Tarentini in campo Martio fierent tribus noctibus et hostiae furvae immolarentur, utique Iudi centesimo quoque anno fierent. (fr.

2.

sub Ruminali ficu (fr.

72

70 Funaioli)

Funaioli)

3. ubi compitus erat aliquis (Fr.

75

Funaioli)

Varro spricht im ersten Fragment von der Einführung der Ludi Tarentini im Jahr

249. 7 Es

handelte sich um ein Sühnefest, das die Götter inmitten des

6

Vgl. N. HORSFALL, 1994, p. 53 zur Frage, "how Greek accotmts of their own literary origins influenced in tum the way in which the Romans wrote up their literary prehistory."

27

ersten Punischen Kriegs milde stimmen sollte. Der Bericht enthält ähnliche

Merkmale wie die ebenfalls auf Varro zurückgehende8 Darstellung der

Pestepidemie des Jahres 3 64, in der Livius (7, 2) die Anfänge des römischen Theaters erkennen will. Zu diesen Merkmalen gehören warnende

Vorzeichen, Orakelbefragung und schließlich Einführung eines regelmäßig zu wiederholenden Festes zu apotropäischen Zwecken.

Das zweite Fragment nennt die Ficus Ruminalis, die in verschiedenen Quellen mit dem Lupereal in Zusammenhang gebracht wird (Varro

1 3;

Liv.

1 , 5,

lf.)Y In

die Lupercer als

De ludis circensibus (RD 9, 80 ludii, Schauspieler, bezeichnet. 10

fing. 6,

Cardauns) hatte Varro

Insofern nimmt auch

dieses Fragment auf Vorformen des Theaters Bezug.

Das gilt offenkundig auch für das dritte Fragment, das "Wegkreuzungen"

(compita)

nennt, den Ort der Compitalia - ein Fest, welches Varro mit den

griechischen

Komoi

und

Lenäen

parallelisierte. 11 Schließlich stellt Varro

einen Zusammenhang zwischen den Lupercern und Pan bzw. Zeus Lykaios her.12 Würdigt man all die Belege im Zusammenhang, 13 so zeigt sich, dass Varro eine bereits zu seiner Zeit nur schwer fassbare Überlieferung nach

griechischem

Muster

rationalisiert

hat.

Man

pflegte

zwar

archaisch

anmutende Riten an den Lupercalien, welcher Gottheit sie galten, bleibt aber

im Dunkeln. Die Widmung an Pan oder Zeus Lykaios dürfte erst spät,

möglicherweise durch Varro, erfolgt sein. Der Kult erhielt jedenfalls mit der

Benennung oder Erfindung einer Gottheit eine festere Form. Zudem hat

Varro dem ursprünglichen Reinigungsfest, das den Schilderungen zufolge zu einer

ziemlich

albernen

und

rüden

Belustigung

adliger

Jugendlicher

verkommen war, eine kulturstiftende Funktion zugewiesen, indem er es mit

den Anfängen des Theaters verband. Nach Cic. Lupercalia schon vor

humanitas

und

Ieges,

Cael. 26

existierten die

hatten also ein hohes Alter,

waren sozusagen vorzivilisatorisch. Das passt zu der von Dionys von Halikarnass

(1,

80,

1)

dem Aelius Tubero zugeschriebenen Verbindung der

Luperealien mit dem Pan-Kult des Euander. Varro scheint die Luperealien

dagegen- dafür spricht die Erwähnung der Ruminalis Ficus14 - mit Romulus und Remus in Verbindung zu bringen, ihren Ursprung also bedeutend später zu datieren. Zugleich macht er sie damit zu einem genuin römischen Fest.

Valerius Antias, HRR, wahrscheinlich auf das Tarenturn (an der Westseite des Marsfeldes, vgl. F. COARELLI, 1975, p. 239) als Veranstaltungsort Bezug, vgl. F. BERNSTEIN, 1998, p. 130. 8 P.L. ScHMIDT, 1989, p. 78-80 arbeitet die ältere Literatur auf; zu Varro und Livius vgl. TH. 7 Die Iudi Tarentini werden sonst als Iudi saeculares bezeichnet, vgl. 12, fr. 22, p. 247 = Cens. 17, 10. Varro nahm mit dieser Bezeichnung

BAIER, 1997,p. 71-101.

Vgl. C. C!CHOR!US, 1888,422 und J.H. WASZINK, 1948, p. 227. ludios a ludo, id est a lusu [ ... ] sicut et Lupercos ludios appellabant, quod ludendo discurrant. Vgl. J.H. WASZINK, 1948, p. 229. II Vgl. TH. BAIER, 1997, p. 131. 12 De gente populi Romani fr. 17 Peter 189 Funaioli Aug. civ. 18, 17; fing. 5, 54. Zu der seltsamen Parallelisierung von Pan Lycaeus mit lupiter-Lycaeus vgl auch Vitruv 3, 2, 3: in aede lovis et Fauni. Zum Werwolfs-Hintergrund vgl. W. BURKERT, 1972, p. 98-108. Vgl. ferner die Arbeit von B. RIPOSATI, 1978. 13 Vgl. TH. BAIER, 1997, p. 82-88. 14 Vgl. auch fr. 452 Funaioli zur Entstehung des Namens Ruminalisficus. 9

10

=

=

28

Offenbar lag ihm daran, ein römisches Gegenstück zu den griechischen

Berichten über Vorstufen des Theaters zu konstruieren. Dieses ordnende Eingreifen in eine wirre Überlieferung blieb nicht ohne Folgen. Sie gab möglicherweise Horaz und Ovid den Anstoß, über die Identifikation von Pan mit Faunus die Luperealien als Faunsfest anzusehen.15 16 und sind somit die ländlichen Die Faune wiederum gelten als vates Vorfahren der sich als vates bezeichnenden Dichter. 17 Horaz und die Elegiker zeichnen sich unter anderem dadurch aus,

dass

sie italische

Lokaltraditionen in alexandrinische Gedichte aufnahmen. Die Voraussetzung für diesen Transfer schufen Antiquare wie Varro, indem sie den römischen

Mythos nach griechischen Vorbildern aufarbeiteten.

3. De cultu deorum Varros Modellierung der römischen Geschichte erfolgte nach einem

durchaus rationalistischen Plan.18 Ihm diente antiquarisches Wissen zur Disziplinierung der Gegenwart. Dies räumt er mit einer Klarheit ein, die

nachgerade an Polybias gemahnt.19 Ein historischer Vorfall und seine Rezeption mögen als Beispiel dienen.

Im Jahre 181 v.Chr. wurden die Römer Zeugen eines merkwürdigen

Autodafes.20 Der Vorfall wird von verschiedenen Historikern überliefert. Unser ältester Zeuge ist Cassius Hemina, der in der Mitte des zweiten Jahrhunderts schrieb und vermutlich eigene Erinnerungen in seinen Bericht

einflocht.2 1 Das einschlägige Fragment aus seinem weitgehend verlorenen Geschichtswerk ist aus zweiter Hand durch ein Zitat beim älteren Plinius

erhalten. Dieser referiert (fr.

37

HRR

=

fr.

40

Beck I Walter

=

Plin.

nat. 1 3,

84-86): Cassius Hemina, veh1stissimus auctor annalium, quatto eorum libro prodidit Cn. Terentium scribam agrum suum in laniculo repastinantem effodisse arcam, in qua Numa, qui Romae regnavit, situs fuisset. in eadem libros eius repertos P. Comelio L. filio Cethego, M. Baebio Q. filio amphilo cos., ad quos a regno Numae colliguntur anni DXXXV. hos fuisse e charta, maiore etiamnum miraculo, quod infossi duraverint - quapropter in re tanta ipsius Heminae verba 15

Nach

W.

STROH,

1998,

p.

6 10 gelang

es

Ovid,

"bis

heute die

Mehrzahl

der

Religionshistoriker davon zu überzeugen, dass die Lupercalia ein Fest des altlatinischen Faunus gewesen wären". Vgl. schon A. PIGANIOL, 1923, p. 22-23. 1 6 Varro, ling. 7, 36 leitet Fauni von fari ab und scheint damit dieser Deutung Vorschub zu leisten. 17 Vgl. Ov. fas t. 5, 97ff.; Hor. epod. 15, 66; zu letzterem: vgl. W. STROH, 1993, p. 3 1 1-3 13. 18 A.J. KLEYWEGT, 1972, p. 247 spricht von "der erstaunlichen Masse gelehrter Kenntnisse, richtiger Bemerkungen und phantastischer Konstruktionen, die Varro in seinen verschiedenen Werken zu solcher eigenartigen Mischung kombiniert hat". 19 Z.B. RD J, 20 und I, 21 Cardauns, wo Varro Religion unter dem Aspekt des utile abhandelt. Vgl. Pol . 6, 56, 6- 1 1: "Ginge es darum, ein Gemeinwesen aus weisen Männem zu bilden, dann bedürfte es dieses Merkmals (der Gottesfurcht) nicht. Da aber die Masse in iiu·er Gesamtheit leichtsinnig, voller gesetzloser Begierden, voller sinnloser Wut und gewalttätiger Anmaßung ist, bleibt nichts anderes übrig, als die Massen mit diffusen Ängsten und einer derat1igen Tragödie [gemeint ist, mit solchem Theater oder Popanz] zusammenzuhalten." 20 Dazu ausftihrlich: K. ROSEN, 1985; TH. BA I ER, 1997, p. 44 f. 21 Die Quellen sind zusammengestellt bei E. PERUZZI, 1973, p. 107- 143 ("I Libri di Numa").

29

ponam: "Mirabantur alii, quomodo i l l i l ibri durare possent; ille ita rationem reddebat: lapidem fuisse quadratum circiter in media arca evinctum candelis quoquoversus. in eo lapide insuper libros insitos fuisse; propterea arbitrarier non computuisse. et libros citratos fuisse; propterea arbitrarier tineas non tetigisse." in iis libris scripta erant philosophiae Pythagoricae. "eosque combustos a Q. Petilio praetore, quia philosophiae scripta essent." [ ...] Cassius Hemina, einer der ältesten Annalisten, überliefert im vierten Buch, Cn. Terentius, ein Schreiber (scriba), habe seinen Acker auf dem laniculus umgestochen und dabei einen Sarkophag ausgegraben, in dem Numa, welcher dereinst Rom regierte, beigesetzt gewesen sei. In demselben Sarg hätten sich auch Numas Schriften befunden. Der Vorfall begab sich unter den Consuln Publius Comelius Cethegus, Sohn des Lucius, und Marcus Baebius Tamphilus, Sohn des Quintus [das entspricht 181 v. Chr.], welche 535 Jahre nach Numa im Amt waren. Die Bücher seien aus Papyrus gewesen - ein um so größeres Mirakel, dass sie eingegraben überdauerten. Ich will deshalb bei einer so wichtigen Sache Hemina selbst zu Wort kommen lassen : "Andere wunderten sich, wie die Bücher überleben konnten; er aber nannte folgenden Grund: in dem Sarg habe sich ein quadratischer Stein befunden, welchen man mit Wachs umhüllt habe; auf diesen Stein habe man die Bücher placiert; deshalb seien sie nicht verwest. Außerdem seien die Bücher citrati, mit Zitrusöl getränkt, gewesen, weshalb die Maden sie nicht angetastet hätten." Die Bücher enthielten pythagoreische Philosophie. "Sie seien vom Prätor Quintus Petilius verbrannt worden, weil sie philosophischen Inhalts waren."

Der Naturforscher und Historiker Plinius zitiert den Text lediglich, um dem älteren Kollegen Varro einen Fehler nachzuweisen. Dieser habe nämlich behauptet, der Beschreibstoff Papyrus sei erst unter Alexander dem Großen in Gebrauch gekommen, erwähne jedoch in den

humanarum Jahrhunderts

Antiquitates rerum

diese Geschichte, derzufolge schon Numa am Ende des achten v.Chr.

Kontroverse zeigt,

darauf

geschrieben

habe.

Diese

Wissenschaftler­

dass sowohl Varro als auch Plinius - und beider

Gewährsmann Hemina ohnehin - die

Bücher

des Priesterkönigs

und

Religionsstifters Numa für echt hielten. Den Inhalt der aufgefundenen und sogleich verbrannten Schriften gibt Plinius ein wenig schwammig mit

philosophiae Pythagoricae

an.22 Hier ist

dem sonst so genauen Polyhistor seinerseits ein Fehler unterlaufen. Er selbst hatte nämlich Pythagoras auf das

1 42.

Jahr der Stadt Rom datiert,23 also über

hundet1 Jahre später als Numa, und er hatte vor allem übersehen, dass gerade Varro, gegen den er seine Auseinandersetzung führt, den Zusammenhang zwischen Pythagoras und Numa widerlegt hatte. Der Vielschreiber Plinius war im Eifer des Gefechts dem wohl bis in seine Zeit hinein fleißig kolportierten Irrtum aufgesessen, Numa sei Pythagoreer gewesen. In Ciceros

De re publica

(2, 28f.) fragt der Unterredner Manilius, ob Numa wirklich

Pythagoreer, ja sogar Schüler des Pythagoras selbst gewesen sei:

saepe enim hoc de maioribus natu audivimus et ita intellegimus vulgo existimari. Dieses weitverbreitete Gerücht weist Scipio heftig, beinahe empört zurück: Falsum est enim, Manili, inquit, id totum, neque so/um fictum, sed etiam imperite absurdeque fictum; ea sunt enim demum non ferenda in mendacio, quae non 22 23

Zur Erklärung vgl.

K.

ROSEN, 1985, p. 79.

2, 37; 36, 71.

30

solum ficta esse, sed ne fieri quidem potuisse cernimus. [Das ist völlig falsch, Manilius, und nicht nur erfunden, sondern sogar ohne Sachkunde und widersinnig erfunden. Solche Lügen sind unerträglich, bei denen man sofort merkt, dass sie nicht nur erfunden sind, sondern nicht einmal sein könnten.] Es folgt eine Berechnung, der zufolge die beiden 1 40 Jahre auseinander gewesen seien. Es gilt, an dieser Stelle kurz innezuhalten und zu fragen, was aus diesen Quellen gewonnen werden kann. Die von Hemina und späteren Historikern bezeugte Bücherverbrennung ist mit Sicherheit historisch. Ebenso sicher ist jedoch, dass die in jenem Acker zum Vorschein gekommenen und sogleich vernichteten Schriften nicht von König Numa - sofern es ihn überhaupt gegeben hat - stammten, sondern eine späte Fälschung waren. Was enthielt der mysteriöse Sarg also wirklich? Gewissheit ist über diesen Punkt nicht mehr zu erlangen, wohl aber eine begründete Vermutung. Eine solche stellte nämlich im ersten Jahrhundert v.Chr. schon Varro auf, der denselben Vorfall berichtet. Er schreibt in seinem Buch de cu/tu deorum - der Passus ist bei Augustin überliefert (civ. 7 , 34):24 Terentius quidam cum haberet ad Ianiculum fundum et bubulcus eius iuxta sepulcrum Numae Pompilii traiciens aratrum eruisset ex terra libros eius, ubi sacrorum instituterum scriptae erant causae, in Urbem pertulit ad praetorem. At ille cum inspexisset principia, rem tantam detulit ad senatum. Ubi cum primores quasdam causas legissent, cur quidque in sacris fuerit institutum, Numae mortuo senatus adsensus est, eosque libros tamquam religiosi patres conscripti, praetor ut combureret, censuerunt. Ein gewisser Terentius besaß am Ianiculus ein Grundstück, und als er seinen Pflug nahe am Grab des Numa Pompilius vorbeiführte, zog er dessen Bücher aus der Erde, in denen die Gründe fiir die Einrichtung von Heiligtümern aufgeschrieben waren, und brachte sie dem Prätor. Als dieser sich nur die Überschriften ansah, brachte er eine so wichtige Angelegenheit vor den Senat. Als die Häupter des Senats einige der Ursachen, gelesen hatten, warum welche Einrichtung in kultischen Dingen besteht, da pflichteten sie dem verstorbenen Numa bei, [der dieses Wissen hatte verborgen halten wollen], und der Senat befand, gleichsam in religiöser Verantwortung, der Prätor solle diese Bücher verbrennen.

Wer immer der Autor der verbrannten Schriften war, Prätor und Senat erschien der Inhalt so brisant, dass sie ihre Verbreitung unbedingt verhindern wollten. Sogar die mit dem Fall betrauten Autoritäten hatten eine religiöse Scheu, die Schriften zu lesen. Der Prätor las nur die Ü berschriften und spürte sofort, dass seine Kompetenz nicht ausreichte, im Senat befassten sich ausschließlich die primores damit, und auch sie beschränkten sich auf die Lektüre einiger causae, hatten Hemmungen, das Ganze zur Kenntni s zu nehmen. Livius, der denselben Vorfall, wenn auch mit anderen Namen der Protagonisten im 40. Buch (29, 3- 1 4) bezeugt, spricht ebenfall s davon, dass das Autodafe Ieefis rerum summis erfolgte, nach einer summarischen Lektüre - man wagte also nur die ,headlines' zur Kenntnis zu nehmen. 24

Vgl. B.

CARDAUNS, 1960, p. 19-28.

31

Forschung hat die unterschiedlichen Varianten dieser Episode ig gegeneinander abgewogen und ihre jeweilige Genese ������t z ge eichnet.2� Es bleibt, auch w�nn �an An�kdotisc?es, insbesondere in Anttas und L. Calpurmus P1so Frug1 verpflichteten Version des der Valeriuseht, eine Scheu vor Schriften, die man im weitesten Sinne als abzi Livius, stufte. ein religiös ' D

D ieser Befund deckt sich durchaus mit anderen zeitgenössischen Dokumenten. Gerade fünf Jahre zuvor wurde Rom von dem vielleicht berühmtesten religiösen Skandal seiner Geschichte erschüttert. Beim Prätor wurden geheime religiöse Vereine denunziert, denen unter dem Deckmantel

dionysischer Mysterien Verbrechen zur Last gelegt wurden. Ob die zutrafen, ist Anschuldigungen religionsgeschichtlich unerheblich. Geheimkulte standen zu allen Zeiten im Ruf der Ungesetzlichkeit. Der Senat schritt gegen den Bacchuskult mit dem Senatusconsultum de Bacchanalibus ein und verbot die, wie Livius mutmaßt, aus Griechenland eingeführten neuen Riten. Wer fortan der alten Bacchusverehrung weiterhin anhängen wollte, hatte sich beim Prätor zu melden, der seinerseits beim Senat Dispens

beantragen musste. Zur Beschlussfähigkeit des Senats war ein Quorum von mindestens 100 Anwesenden erforderlich.26 Der Finder der Schriften bei Hemina hält sich also genau an diesen ,Dienstweg', der kurz zuvor in Sachen Bacchanalien festgelegt worden war.27 Die Bacchanalien wurden als unkontrollierbare Bedrohung empfunden

und mussten daher eingedämmt werden. Hier waren freilich keine Bücher im Spiel.

Um solche ging es jedoch im Jahr21 3 , als aufgrund eines Ediktes des

Praetor urbanus heilige Bücher, Prophetensprüche und Gebetsformeln beschlagnahmt wurden.28 Das rechtliche Umfeld und der Einfluss fremder Kulte und unterschiedlichster geistiger Strömungen in Rom lassen also die von Hemina geschilderte Begebenheit durchaus plausibel erscheinen.

Repressive Maßnahmen jedoch, die bei fremden Kulten noch einleuchten mögen, sind bei dem Religionsstifter Numa mehr als erstaunlich. Warum mussten die Schriften dessen, der neben Romulus als zweiter Stadtgründer

galt, verborgen bleiben? Die Antwort hat Varro gegeben: Weil sie ,das Funktionieren der Religion' offenlegten und damit ihr Geheimnis preisgaben. Numa hatte die "Götterfurcht als Herrschaftsmittel entdeckt,

aber aus Sorge vor der korrumpierenden Wirkung bestimmt, dass ihm alles,

was er dazu geschrieben hatte, mit ins Grab gelegt werde."29 Diese Deutung überzeugte jedenfalls die Autoren des ersten Jahrhunderts v. Chr., Varro und Livius. Was auch immer die Bücher wirklich enthielten, zwei Schlüsse lassen sich ziehen:

1) Es herrschte spätestens seit dem Ende des dritten Jahrhunderts eine Scheu vor heiligen Schriften, Gebetsformeln und Prophezeiungen. Man

25

Vgl. E. PERUZZI, 1973; K. ROSEN, 1985. Vgl. K. ROSEN, 1985, p. 72. 27 Aus Papyrusfunden wissen wir, dass im zweiten Jh. auch in Agypten dionysische Geheimkulte bestanden und dass Ptolemaios Philopator Kopien der heiligen Schriften einforderte, vgl. K. LAITE, 1960, p. 271. 28 Liv. 25, I, 12; 39, 16, 8. 29 K. RosEN, 1985, p. 78. Vgl. Liv. 1, 19, 4-5; 40, 29, 11; DH 2, 61, 1-2; Plut. Num. 22, 6.

26

..

32

schien

zu

glauben,

es

gehe

von

ihnen

eine

fiir

die

Gesellschaft

destabilisierende Wirkung aus. 2) Im ersten Jahrhundert betrachtete man die von Numa eingefiihrte Religion als ein menschliches Konstrukt zur inneren Festigung des Gemeinwesens, gleichsam ein ,Arcanum imperii'. Sie ist damit etwas fundamental anderes als etwa die christliche Offenbarungsreligion. Die Kenntnis der Grundlagen der Religion war Herrschaftswissen, das nicht verbreitet werden durfte. Verschriftlichung war gleichbedeutend mit

Weitergabe, Verftigbarmachung und Entzauberung des Numinosen. Wie tief diese Vorstellung verwurzelt war, wird daran deutlich, dass niemand den naheliegenden und gewiss zutreffenden Gedanken hegte, die Bücher könnten Fälschungen sein. Vielmehr mussten sie verbrannt werden, weil sie gerade als echt angesehen wurden.

Um kein Missverständnis aufkommen zu lassen: Numas Leistung als

Religionsstifter wurde mindestens bis in Hadrianische Zeit hochgeschätzt. 30

Die Konstruktion einer ,Religionsverfassung' trug ihm den Rang eines Nomotheten, neben Romulus gar eines neuen npoYro� m)pc·n'l� ein.31 Der Gedanke an Betrug oder Irrtum, der sich bei dem modernen Betrachter

einschleicht, lag völlig fern. Ein weiterer Aspekt verdient Betrachtung, nämlich die Numa zu Unrecht unterstellten pythagoreischen Einflüsse. Der Zusammenhang zwischen beiden Gestalten, Numa und Pythagoras, ist seit dem vierten Jahrhundert belegt. Der ältere Plinius referiert die Darstellung Heminas in oratio obliqua und ftigt in direkter Rede hinzu: in iis libris scripta erant philosophiae Mit einiger Wahrscheinlichkeit hat der Vielleser und Vielschreiber den Zusatz nicht bei Hemina gefunden, sondern aus anderer

Pythagoricae (13, 86).

Quelle bzw. als Referat der Communis opinio hinzugefügt. Die althistorische

Forschung hat als Erfinder der Nachricht Piso wahrscheinlich gemacht.32 Anrüchig ist in römischen Ohren jedoch nicht nur das Pythagoreertum,

sondern

überhaupt der Begriff philosophia. Ein Römer war saf /ens, philosophos galt noch im zweiten Jahrhundert v.Chr. als Schimpfwort. 3 Der erste, der sich philosophos nannte, war nach dem Zeugnis von Cicero tusc. 5, 8 eben Pythagoras. Wie kam der ehrwürdige Numa mit Pythagoras und Philosophie in Berührung? Seit Ennius gibt es die Tradition, Numa habe mit

der Nymphe Egeria Kontakt gehabt, und sie habe ihm den Willen der Götter offenbart und ihn bei den Regierungsgeschäften beraten. Diese O).nA.ia npos

8c6v genügte, um einen Zusammenhang zu griechischen Weisheitslehren herzustellen. Die in der griechischen Religion bekannte Epiphanie, der

unmittelbare Kontakt zwischen Göttern und Menschen, war den Römern aber höchst suspekt. 0dot

avopc�

wollte die Republik nicht dulden.34 Ein

Grund lag in der sozialen Disziplinierung; der einzelne sollte sich nicht über

den

populus

erheben. Der wichtigste Repräsentant dieser Haltung ist der

30 Zum Nachleben Numas vgl. R. ZOEPFFEL, 1978. 31 Vgl. K. ROSEN, 1985, p. 79. 32 Vgl. K. ROSEN, 1985, p, 74-78. 33 Vgl. Afran. fr. 302 Daviault; Pacuv. 348 R3; Sen. epist. 89, 7. Allenfalls sophia war akzeptiert, vgl. Enn. ann. 218f. V3. Vgl. auch TH. BAIER, 2010, p. 83f. 34 Zur politischen Brisanz von Numas Umgang mit Egeria vgl. K. ROSEN, 1985, p. 83-85. 33

ältere Cato der etwa Fulvius Nobilior vorwarf, dass er Ennius als laudator mit auf s �ine Feldzüge nahm.35 Ennius selbst sah sich, in prononciert griechischer Attitüde, als 9do� avi]p, wenn er berichtet, er habe mit der Seele Homers Kontakt aufgenommen. Überhaupt entstammt das Motiv der göttlichen Eingebung, der Museninspiration der Dichter, griechischer Tradition.36 Was sich in der Dichtung nicht verhindern ließ, wollte man wenigstens im öffentlichen Leben nicht gelten lassen.

Das Numinose war den Römern suspekt, da es sich der Kontrolle entzog. Deshalb gab man ihm keinen Raum oder lenkte es zumindest in

menschliche, d.h. staatliche Bahnen. Tertullian spottet, bei den Heiden sei es Sache der Menschen festzulegen, wer ein Gott sei und wer nicht (apol. 5 , 1). Und in der Tat, ein Kult musste durch Senatsbeschluss eingerichtet werden. Als Aius Locutius37 die Römer vor dem verheerenden Galliereinfall durch eine Stimme warnte, musste die Epi �hanie erst offiziell beglaubigt werden, ehe ein Tempel entstehen konnte. 8 Zur Zeit der Schlacht von Pydna erschienen einem gewissen P. Vatinius aus Reate Castor und Pollux auf weißen

Pferden und verkündeten, Aemilius Paullus habe Perseus von

Makedonien gefangen genommen. In Rom berichtete er dem Senat und 39 wurde dafUr ins Gefängnis geworfen, quasi temere de re publica locutus. Unkontrolliertes, unbeglaubigtes Auftreten der Götter wollte der Staat nicht

dulden. Die Götter der Römer waren vielmehr eingebunden in den magistratischen Apparat; sie waren nicht, wie die griechischen Götter, autonom. War ein Gott erst einmal Teil der Gemeinschaft, so ,äußerte' er

sich nur auf Anfrage eines Magistraten. Seine Antwort war affirmativ oder negativ; er hatte jedoch keine alternative Meinung, aus der sich die

Menschen eine Handlungsanweisung hätten ableiten können. Wenn vor einer Gesetzesabstimmung Jupiter durch Auspizien befragt wurde, so war er

gleichsam der erste ,Bürger', der reagierte, indem er den Magistraten gestattete fortzufahren oder nicht. Insofern genoss er einen Vorrang vor dem

römischen Volk. Darin lag aber auch schon die Beschränkung seiner Befugnisse. Es war der Magistrat, der sowohl die Fragen stellte als auch die Antworten ennittelte. Cicero, der Augur, erläutert in de divinatione (2, 72), dass das Zeichen eines Gottes fUr sich genommen keinen Wert hatte,

sondern erst in der Interpretation desjenigen Magistraten, der es einholte, Bedeutung erlangte. 40 Insbesondere bei auspicia impetrativa, also angeforderten Vorzeichen, ließ sich durch geschickte Anordnung das gewünschte Ergebnis manipulieren. Bei auguria oblativa, also unerbetenen Zeichen, lag es in der Verantwortung dessen, der sie empfing, ob er sie als Zeichen ernstnahm oder schlicht ignorierte. Göttliches Wirken war also auf menschliche

Vermittlung

angewiesen.41

35

Dass

m

einem

derartigen

Vgl. W. SUERBAUM, 1968, p. 202f. Zu Enn. ann. Prooem. vgl. W. SUERBAUM, 1968, p. 61. 37 Zur Namensform und Herleitung von Aius locutus est vgl. G. RADKE, 1970, p. 29. 3 8 Liv. 5, 32, 6f. 39 Cic. nat. 2, 6; 3, li; Val. Max. I, 8, I; Lact. inst. 2, 7, I0. 40 Vgl. J. SCHEID, 1998, p. I25; G. WISSOWA, I9I2, p. 456f. über die magistratische Einholung von Auspizien. 41 Vgl. G. RADKE, 1970. 36

34

Ämtersystem der 8Ei:o� avf]p, der sich auf Unmittelbarkeit zu Gott berief, der spontan Erleuchtete, keinen Platz hatte, ist evident.

Blicken wir noch einmal zurück auf Numa. Als einen 8do� avf]p wollte man auch ihn, den Religionsstifter, nicht gelten lassen und entmythologisierte seinen Umgang mit der Nymphe Egeria. Varro vermutete, der Name Egeria sei aus einer Verballhornung von

egerere

entstanden, da Numa Pompilius Wasser geschöpft I herausgenommen (egerere) habe, anhand dessen er die Hydromantie betrieb, und so habe man

ihm Egeria als

coniunx

angedichtet.42 Livius

( 1, 1 9, 5)

Geschichte für eine Art ,pia fraus', durch die Numa der

hält die Egeria­

multitudo

einen

heilsamen metus deorum einflößen wollte. Man sieht, im ersten Jahrhundert wurde alles unternommen, um die Nurna-Gestalt des Numinosen zu entkleiden und ihn als gewieften Staatsmann darzustellen. Die Römer betrachten ihre Religion von außen, und zwar in drei

unterschiedlichen Ausprägungen,43 wie sie in der von Mucius Scaevola geprägten und von Varro theoretisch erläuterten religio triperlila aufgefächert sind:44 die religio naturalis, die Religion der Philosophen, die

religio poetarum, die Religion der Dichter - gemeint sind die anthropomorphen Göttermythen - und schließlich die religio civilis, welche

im alltäglichen Leben durch den offiziellen Kult manifest wird. Letztere ist Grundlage des menschlichen Zusammenlebens.45 Die Religion der Philosophen, so fuhrt Varro aus, befasse sich mit abgehobenen, flir den Alltag aber völlig irrelevanten Fragen, wie etwa nach der Natur der Götter, ob sie aus Feuer sind, wie Heraklit glaubt, ob nach Pythagoras aus Zahlen oder nach Epikur aus Atomen.

dii qui sint, ubi, quod genus, quale est: a quodam tempore an a sempiterno fuerint dii; ex igni sint, ut credit Heraclitus, an ex numeris, ut Pythagoras, an ex atomis, ut ait Epicurus. Sie alia, quae facilius intra parietes in schola quam extra in foro ferre possunt aures (RD 1, 8 Cardauns).

Diese esoterische Form, so legt er dar, brauche keine Standbilder und

Tempel;46 sie ist letztlich ein Versuch der wissenschaftlichen Welterklärung;

das zu ihr gehörende Schrifttum ist P,hilosophisch, aber nicht heilig. Varro lässt es in dem zitierten Abriss im Ubrigen offen, welche Philosophie die

richtige, wie es um die Natur der Götter bestellt sei. Exempli gratia führt er Heraklit, Pythagoras und Epikur an. Es ist jedoch bezeichnend, dass der Kompilator und Systematiker keine abschließende Antwort gibt, dass er kein , Dogma' gültiger Glaubenssätze vorlegt. Der rein theoretische Charakter der

Philosophenreligion impliziert die Bildlosigkeit.47 Varro beschreibt diesen

anikonischen Zustand als den ursprünglichen, als früheste und damit unverdorbene Stufe der Religion: antiquos Romanos plus annos centum et

42

Aug. civ. 7, 35: Quod ergo aquam egesserit, id est exportaverit, Numa Pompilius, zmde hydromantiamjäceret, ideo nympham Egeriam coniugem dicitur habuisse. 43 Zum Folgenden TH. BAIER, 2001. 44 Vgl. G. LIEBERG, 1973. 45 Vgl. G. LIEBERG, 1982, p. 30. 46 Varro RD I, 21 Cardauns: dii veri neque desiderant ea (sc. sacra) neque depos cun t [. . ]. 4 7 Vgl. Y. LEHMANN, 1997, p. 184- 192 über "Varron et Je problerne des statues divines". .

35

septuaginta deos sine simulacro co!isse. quod si adhuc [ ... ] mansisset, castius di observarentur [. ] (RD 1 , 8 Cardauns).48 . .

Die Religion der Dichter stellt das genaue Gegenteil dar; sie berichte von Ehebruch und anderen Schändlichkeiten seitens der Götter und sei daher als gesellschaftsgefahrdend abzulehnen: in hoc, ut diifitrati sint, ut adulterarint,

ut servierint homini; denique in hoc omnia diis attribuuntur, quae non modo in hominem, sed etiam quae in contemptissimum hominem cadere passuni (RD 1 , 7 Cardauns). Dieses genus mythicon ist ein literarisches Phänomen,

das mit Religion im engeren Sinne nichts zu tun hat.

Die dritte Ausprägung der Religion, die religio civilis, ist die wichtigste. Die Begründer von Staaten hätten die Notwendigkeit gesehen, den Götterglauben einzufuhren und ihn als Zugeständnis an die Masse durch äußere Zeichen, nämlich Bildnisse, zu untermauern. Diese Entwicklung wird als

error

bezeichnet,

Götterfurcht aufhebe:

weil

die

Sichtbarmachung

des

Göttlichen

die

qui primi simulacra deorum populis posuerunt, eos civitatibus suis et metum dempsisse et errorem addidisse (RD 1 , 1 8

Cardauns). Entsprechend stiftet die religio civilis eine rein utilitaristische Ethik. Varro erläutert den Zweck der Zivilreligion konsequentialistisch, mit einer beinahe zynisch anmutenden Nüchternheit am Beispiel der Vergöttlichung von Herrschern: utile esse civitatibus [ ... ], ut se viri fortes, etiam si falsum sit, diis genitos esse credant, ut eo modo animus humanus velut divinae stirpis fiduciam gerens res magnas adgrediendas praesumat audacius, agat vehementins et ob hoc imp leat ipsa securitate felicius (RD 1, 20 Cardauns). es ist nützlich, dass tap fere Männer, auch wenn es falsch ist, glauben, sie stammten von Göttern ab, damit ihr Mut, gleichsam gestützt auf den göttlichen Stammbaum, große Taten kühner angreift, energischer durchfuhrt und deshalb auch glücklicher vollendet.

Varro betrachtet die Zivilreligion als ein Konstrukt, als eine Funktion des

Staates.49 In diesem Beispiel dient sie der positiven Autosuggestion. Die Götter Roms sind nicht universal, sondern Teile des römischen Staates. Aus

dem Fehlen eines metaphysischen ,Überbaus' bei den Römern ergeben sich Folgen ftir die Ethik. Sie ist nicht deontologisch, indem sie bestimmte Handlungsweisen um ihrer selbst willen als geboten oder häufiger verboten

qualifiziert,

sondern

vielmehr

konsequentialistisch.

Religion einem höheren Ziel unter, nämlich der

Varro

utilitas

ordnet

die

des Staates, der

Staatsräson. Auf den Bereich der Ethik bezogen heißt das, eine Handlung ist

dann gut, wenn sie den Nutzen des Staates mehrt. Die Mittel, dieses Telos zu erreichen, können jeweils andere sein. Unumstößliche Gebote oder Verbote

gab es nicht, folglich auch keine ,heilige Schrift', die solche enthielte. Eine Ausnahme stellen allenfalls die Sibyllinischen Bücher dar. Diese

kamen am Ende der Königszeit aus dem unteritalischen Cumae. Es handelte

48

Im Logistoricus Curio fr 4 Cardauns (= Aug. civ. 7, 35) merkt Varro kritisch zu Numa an, dieser habe durch Hydromantie imagines deorum gesucht, wobei nicht nur das Verfahren selbst, sondern auch die Orientierung an Bildern in ein schiefes Licht gerückt wird. 49 Vgl. TH. BAIER, 1 999, p. 36 1-366. 36

sich um eine aus griechischen Hexametern bestehende Orakelsammlung. Sie wurde im Kapitol aufbewahrt, fiel jedoch im Jahr 83 v. Chr. einem Brand zu Opfer. Die verlorenen Sprüche wurden daraufhin durch eine von Staats wegen eingesetzte Kommission ersetzt, die in sämtliche Orte, welche man mit Sibyllinischer Prophetie in Verbindung brachte, ausschwärmte und Abschriften von rund I 000 Versen mitbrachte, die fortan an die Stelle der verlorenen traten.50 Augustus veranlaßte eine Überführung der Bücher in den

Tempel des Palatinischen Apoll, Tiberius nahm eine Sichtung und Säuberung der Bestände von vermuteten Fälschungen vor. Die Praxis der Orakelbefragung wurde bis ins fünfte Jahrhundert beibehalten, bis Stilicho sie als Residuum heidnischer Religiosität ins Feuer warf. 51 Das Verfahren der Orakelbefragung hat Varro in einer nicht erhaltenen Schrift beschrieben, deren Titel Dionys von Halikamass als 8wA.oytK�

npay11a•Eia zitiert ( 4, 6 2, 6). Sowohl aus dessen Referat als auch aus Ciceros De divinatione (2, 110-112) lässt sich ein guter Eindruck der Orakelpraxis gewinnen.

Man ermittelte

die

Aussage nach einer

Art

,Akrostichon­

Verfahren'. Das heißt, man wählte einen Vers aus - nach Kriterien, die wir

nicht kennen, sei es durch Losverfahren, sei es aufgrund signifikanter Worte -, dessen Buchstaben dann die Anfangsbuchstaben aller weiteren Verse des Spruches bestimmten: ex primis versus litteris aliquid conectitur (Cic. div. 2, 11 1 ). Cicero bemerkt zu Recht, hoc scriptoris est, non fitrentis, adhibentis diligentiam, non insani. Um das zu bewerkstelligen, müsse man ein Schreiber sein, nicht ein Gottbegeisterter, einer der Sorgfalt walten lasse und nicht vom Wahn befallen sei. Die Quindecimviri, die mit der Orakelkonsultation befasst waren, hatten vermutlich Assistenten, die im Griechischen versiert waren. 52 Bei der Auslegung der Sibyllinensprüche eröffnete sich, wie man unschwer erkennt, dem Scharfsinn, der Willkür oder der Phantasie der Fünfzehnmänner ein reiches Betätigungsfeld. callide enim

qui illa composuit perfecit ut quodcumque accidisset praedictum videretur hominum et temporum definitione sublata. adhibuit enim !atebram obscuritatis, ut iidem versus alias in aliam rem passe accomodari viderentur (div. 2, IIOf.). [Schlau hat es nämlich der Verfasser darauf angelegt, dass was auch immer passiert, als vorhergesagt erscheint, indem er Namen und Zeitpunkt offenließ. Er hat nämlich den Schlupfwinkel der Unklarheit

genutzt, so dass ein und dieselben Verse auf jeweils andere Begebenheiten

zu passen scheinen.] Cicero selbst unterstellt also Schläue und bewusste Verdunkelung. Die Bücher wurden nur auf Anordnung des Senats und eines

Magistraten konsultiert. Der Inhalt der Orakel betraf wohl in der Regel Sühneriten und sakrale Akte, die einen offenkundigen Groll der Götter, wie er sich in Seuchen oder Katastrophen äußerte, besänftigen sollten. Bisweilen, wie im Falle des Magna-Mater-Kultes, konnte auch zur Einführung einer neuen Gottheit geraten werden. Die ausschließliche Befugnis des Senats, Orakel in Auftrag zu geben, sollte ausuferndem Gebrauch vorbeugen. Cicero erläutert:

Sibyllam quidem sepositam et conditam habeamus, ut, id quod

50

DH 4, 62, 6. Vgl. G. WISSOWA, 1912, p. 463f. 5 2 Vgl. J. SCHEID, 1998, p. 103. 51

37

proditum est a maioribus, mzussu senatus ne legantur quidem libri valeantque ad deponendas potius quam ad suscipiendas religiones (div. 2, 112). religionem potius deponere quam suscipere [religiöse Gefühle eher niederhalten als aufflammen lassen] ist eine gute Beschreibung des generellen Verhältnisses der Römer zum Religiösen: man hielt es für schwer kontrollierbar und wollte es eindämmen, so gut es ging. Diese Mischung aus östcrtÖat!..tOVia und Pragmatismus mag eine Erklärung für den ,unmetaphysischen' Zug der römischen Religion abgeben. Die Götter hatten sich in den Staat ebenso wie die Bürger einzuordnen, und sie äußerten sich für gewöhnlich nicht. Taten sie es dennoch, so geschah es im Zorn über eine Regelverletzung, und sie mussten besänftigt werden. Diesen Sonderfall versuchten die Römer ebenso eifrig zu vermeiden wie die Sanktionen eines Magistraten. Eine ungefragte göttliche Äußerung ist zunächst einmal negativ, kommt einer B estrafung gleich. Die Epiphanie eines Gottes ist, anders als in der griechischen Religion, deshalb meist unerwünscht. Nach Polybias (6, 56, 6-11) ist, wenn man von Religion spricht, gleichsam ein ,Augurenlächeln' mitzudenken - was keineswegs negativ zu beurteilen sei. 53 So sahen das zumindest Livius und Varro, wohl auch Cicero. Doch muss man einwenden, dass ein von oben eingeimpfter Aberglaube nicht reicht, um das Phänomen der 8t:tatOatf..lOVia zu erklären. 'A811A.ot

/eto > leto > lento. Il faut donc rejeter la variante lento. La leçon /aeto a notamment été défendue par Housman 71 : il note, après Burman, que l ' adjectif /aetus peut tout à fait être appliqué à une partie du corps, compare l ' expression de Lucain à gaudentibus umeris, chez Valerius Flaccus72 , et laisse entendre qu'un tel argument aurait dû mettre fin à d' autres interprétations et propositions conj ecturales73 • Il paraît, néanmoins, 65

Horace, Odes, 3, 18, 12; Sénèque, Ag., 311, 643-645, 780. Cf. Claudien, Get., 206 festae

doleant ne tristibus aures. 66 K. LAITE, 1960, p. 25 1 et 398-399.

Voir supra n. 53. La conjectme de Barth, lata, (K.F. WEBER, 1828-1829, ad loc.) ne sera pas discutée, dans le détail, ici. Sa réfutation par Oudendorp (F. OUDENDORP , 1728, ad loc.) qui montre que les parallèles avancés par Barth n'ont rien à voir avec la fonction des Saliens paraît suffisante. 68 R. CuMBERLAND, 1760, p. 58. Lento apparaît comme une variante proposée par une deuxième main dans le manuscrit de Berlin, Staatsbibliothek Preussicher Kulturbesitz, lat. 2° 67

35. 69

R. JAHNKE 1891, p. 30; G. LUCK, 2009, ad loc. Dans aucun de ces passages n'est indiquée de justification pour cette conjecture et son intégration dans le texte de Lucain. 70 Paris, Bibliothèque nationale de France, lat 7502. 71 A.E. HOUSMAN, 1926, ad loc. qui suit P. BURMAN, 1740, ad loc. 72 Valerius Flaccus, 1, 109. Pour l'emploi d'adjectifs évoquant une émotion rapportés à une partie du corps, on peut ajouter Catulle, 46, 8 iam laeti studio pedes uigescunt, Ovide, Am., 1, 6, 67 non laetis detracta corona capillis, Ovide, Ars, 1, 320 et tenuit laeta paelicis exta manu. 73

nec tamen effecit ut prauae interpretationes coniecturaeque proferri desinerent.

53

nécessaire d ' ouvrir à nouveau la discussion sur le choix de la leçon laeto: en effet, ni Burman, ni Housman, ni aucun des éditeurs qui les ont suivis n ' ont discuté la pettinence de l ' emploi de l ' adj ectif dans ce contexte et se sont contentés de rappeler que laetus doit faire allusion aux mouvements de danse caractéristiques des Saliens, le tripudium74• Cettes, l ' adj ectif laetus et ses synonymes peuvent être associés à la danse75 et même plus spécifiquement au tripudium : ainsi, la joie est liée au tripudium par Accius76 et par Quinte­ Curce77 , mais il n ' est, alors, j amais question des Saliens. Au contraire, la danse de ces sacerdotes semble être caractérisée par des mouvements qui mettent en avant la force et la puissance martiale de Rome dont le tripudium est l ' image78• De fait, la description des danses liées aux armes à Rome n ' est pas celle de la laetitia des danseurs : Sénèque, lorsqu' il évoque le tripudium comme une danse s ' adressant aussi aux ennemis de Rome, souligne expressément qu' elle n ' est pas constituée de mouvements empreints de mollesse mais bien de gestes uiriles79. Il est donc peu vraisemblable que Lucain ait voulu mettre en avant une quelconque laetitia à propos des Saliens, qui sont censés incarner la force de Rome80 • En outre, seul l ' adj ectif laetus ferait ici allusion à la danse : en effet, le vers de Lucain est centré sur une autre activité caractéristique de cette sodalité, celle du transport des boucliers sacrés, les ancilia, lors des festivités en l 'honneur de Mars. Les boucliers étaient transportés à l ' aide de perches auxquels ils étaient attachés et que les Saliens, ou des serviteurs, portaient sur leurs épaules81• Or, dans le texte de Lucain, ce sont les Saliens eux-mêmes qui transportent ces ancilia82• Il semble, alors, impossible que le S alien décrit par le poète au vers 603 soit en train de danser, puisqu' il porte sur l ' épaule une perche qui soutient les boucliers. Comme cette épithète n ' est en rien caractéristique des Saliens et 74

Voir notamment F. ÜUDENDORP, 1 728, ad loc. ou encore le commentaire de Cortius au vers 603 (K.F. WEBER, 1 828-1829, ad loc.). 75 Apulée, Met., 1 0, 34 : Venus uero faudens et hilm·is laetitiiam suam saltando toto cum choro professa est. 76

Accius, Bacchae, frag 2 1 3-2 1 4 (E.H.

WARMINGTON,

1 96 1 ) 1 249 (0.

RIBBECK,

1 87 1 ):

laetwn in Parnaso inter pinos tripudiantem in circulis 1 ludere. 77 Quinte-Curee, 7, 10, 4: qui ubi per interpretem cognouerunt iussu regis ipsos ad supplicium trahi, carmen laetantizmz modo canere tripudiisque et lasciuiori co1poris motu gaudiwn quoddam animi ostentare coeperunt. 78

79

W. 1-lELBIG, 1906, p. 266 et 276. Sénèque, Tranq. , 1 7, 4 : non molliter se infringens . .. ut antiqui illi uiri solebant inter lusum

ac festa !empara uirilem in modum tripudiare, non facturi detrimentum etiam si ab hostibus suis spectarentur. 80

Tite-Live (1, 20, 4) indique que la danse des Saliens a

tm

caractère solennel (cum tripudiis

sollemnique saltatu)

81

C'est ainsi que l'on explique le mouvement d'oscillation des ancilia évoqué par Juvénal, 2, 1 25- 1 26: arcana qui sacra ferens 1111tantia !oro 1 sudauit clipeis ancilibus. Les perches sont représentées sur deux pierres gravées, une sardoine (A. FURTWÂNGLER, 1 900, pl. XXII, 64 ; W. HELBIG, 1 906, p. 208, figure 1 ) et une cornaline (A. FURTWANGLER, 1 900, pl. XXII, 62; W. HELBIG, 1906, p. 206, figure 3). 82 On trouve cette même idée plus loin dans le Bellum ciuile en 9, 477-479 ainsi que chez Valère Maxime, 1 , 1 , 9 et Juvénal, Sat., 2, 125- 1 26. Il est, toutefois, vraisemblable que les ancilia étaient le plus souvent portés par des serviteurs, comme cela apparaît chez Denys d'Halicamasse, 2, 71 et sur deux représentations iconographiques anciennes ( W. HELBIG, 1906, p. 221-222).

Sat. ,

54

que son usage paraît improbable dans le contexte du vers 603, il faut supposer que le texte est corrompu. Pour corriger ce passage, la conjecture laeuo semble être une solution parfaite dont il nous revient de donner la justification puisque ni Jahnke, son auteur, ni Luck qui l ' a adoptée n'ont eu l 'occasion de le faire. Tout d' abord, la confusion entre les adjectifs laeuus et laetus n' est pas unique dans les manuscrits latins : on en trouve un exemple dans la tradition de Pacuvius83 et de Perse84 . En outre, la mention de la gauche pour la place de l ' ancile pourrait être inspirée par Virgile, qui met en scène Picus qui porte ce bouclier dans sa main gauche85 • Bien plus, les deux représentations du transport des anciles sur des pierreries anciennes 86 mettent en scène des personnages portant précisément sur 1' épaule gauche des perches auxquelles sont suspendus les boucliers. Il apparaît ainsi que la précision apportée par l ' adjectif !aeuus est tout à fait adaptée au contexte développé par Lucain au vers 603. En outre, l ' emploi de laeuus pour désigner la gauche d'une partie du corps est très bien attesté87 • Il convient donc d' adopter la conjecture de Jahnke, laeuo. L' ensemble de ces remarques nous amène donc à établir et traduire ainsi les vers 596 à 604 du livre 1 88 : Turba minor ritu sequitur succincta Gabino, Vestalemque chorum ducit uittata sacerdos, Troianam soli cui fas uidisse Mineruam. Tum, qui fata deum secretaque carmina seruant et lotam paruo renouant Aimone Cybeben, 600 et doctus uolucres augur seruare sinistras septemuirque epulis festis Titiique sodales et Sal ius l aeuo portans ancilia collo et tol lens apicem generoso uertice flamen.

599 tum : tune

Cybeben : -belen lento

D2

MZY Il 600 renouant Burman: reuocant 0 referunt SG" Il PGUVM2Z2II 602 festis : festus 0 11603 laeuo Jahnke: laeto 0

« Une troupe de moindre importance les suit, avec la toge retroussée à la façon de Gabies,

et l e chœur des Vestales est conduit par une prêtresse couronnée d e bandelettes, qui seule a le droit de voir l a Minerve de Troie. Ensuite viennent ceux qui conservent les arrêts divins et les orac les secrets

8

3

84 8 5 86

Pacuvius, frag 231 (E.H. WARMINGTON, 1961) Perse, 2,

/ 218 (0. RlBBECK, 1871 )

.

53.

Virgile, En., 7, Voir la note

188 : laeuaque ancile gerebat. 80. Si, sur la sardoine, la perche semble posée sur l'épaule droite des

personnages, c'est parce qu'il s'agit, en réalité, d'un cachet et que l'image que nous voyons représentée est, par conséquent, inversée. 87

Stace, Theb.,

8, 747 spirantem laeuaque super ceruice reportat; Silu., 4, 8, 48 uolucrem

laeua ceruice sedentem et Perse, 2, 53-54 sudes et pectore laeu o 1 excutiat guttas laetari praetrepidum cor. 88 Les changements apportés par rapport à l'édition de Shackleton Bailey apparaissent en gras.

55

et qui, en la baignant dans le petit Almon, restaurent la pureté de Cybèle, puis ce sont l' augure, instruit à l ' observation des oiseaux volant à sa gauche, le septemuir préposé aux banquets rituels, la confrérie des Titi ens, le Salien qui, à la gauche de son cou, porte les anciles et le flamine qui dresse son aigrette sur son noble front.

»

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58

Cicéron anadyomène Jean-Paul Brachet

Sorbonne Université

1.

Le rêve de Quintus

Le De diuinatione, 1, 58 évoque un curieux songe qu' aurait eu Quintus Cicéron au cours de son proconsulat en Asie (de 61 à 58) 1 , avant que son frère ne soit contraint à l ' exil, en mars 58. Le passage est assez bref pour être cité in extenso: Saepe tibi meum narraui, saepe ex te audiui tuum somnium : me, cum Asiae pro consule praeessem, uidisse in quiete, cum tu, equo aduectus ad quandam magni fluminis ripam, prouectus subito atque delapsus in flumen nusquam apparuisses, me contremuisse timore perterritum ; tum te repente laetum exstitisse eodemque equo aduersam ascendisse ripam, nosque inter nos esse complexas. Facilis coniectura huius somnii, mihique a peritis in Asia praedictum est fore eos euentus rerum qui acciderunt. « Souvent je t'ai raconté mon rêve, souvent j e t'ai entendu conter le tien. De mon côté, quand j 'étais proconsul en Asie, j'ai rêvé que tu arrivais à cheval sur la rive d'un grand fleuve; soudain te voilà emporté au galop, précipité dans le fleuve et, comme tu ne réapparaissais nulle part, je me suis mis à trembler de terreur ; tout à coup tu as resurgi, heureux, puis, sur le même cheval, tu as remonté la rive et nous nous sommes embrassés. L'interprétation de ce rêve était facile et des spécialistes m'ont prédit en Asie les événements qui se produisirent p ar la suite. »2

L ' interprétation facile à laquelle il est fait allusion est évidemment le retour d'exil de Cicéron. Les divers composants du rêve se comprennent aisément dans cette perspective : Cicéron est emporté dans la tourmente, avant de faire sa réapparition, et de retrouver son frère. Il est assurément difficile de savoir si ce rêve a eu une quelconque réalité . . . En tout état de cause, ce qui nous préoccupera ici, c' est que ce rêve

1

Quintus Cicéron avait été préteur en 62, il n ' a jamais été consul, ce qui ne l'empêcha pas

d'être désigné gouvemeur pro consule, situation dont il ne fut pas le seul

à bénéficier (cf.

Freyburger et Scheid 1992 n. 124). 2 Traduction de J. KANY-TURPIN, Cicéron. De la divination, Paris, OF-Flammarion, 2004. L'adjectif aduersam « opposée » n ' est pas traduit al ors qu'il est essentiel : il s'agit d'une traversée.

59

correspond à un schème mythologique que nous pensons avoir identifié dans un travail précédent. En ce qui concerne l ' exil, mi contraint, mi volontaire, de Cicéron, qu' i l nous suffise d e rappeler brièvement l e s faits e n suivant P . GRIMAL 3 • Aux consuls de 59, C. Julius Caesar et M. Calpurnius B ibulus, succèdent pour l ' année 58 L. Calpurnius Piso Caesoninus et A. Gabinius. Mais surtout, P. Clodius, élu tribun, entre en charge le 10 décembre, et commence aussitôt à déposer diverses rogationes qui heurtent les sénateurs. Ces propositions de lois sont votées par les comices tributes, sans que cela inquiète Cicéron, à qui Clodius p araît avoir promis de ne pas s ' attaquer. Toutefois, Clodius change d' attitude et dépose une rogatio de capite ciuium (février 58), pour rappeler et renforcer 1 ' interdiction de mettre à mort un citoyen romain sans le jugement d'un tribunal régulier émanant du populus Romanus. Bien que Cicéron ne fût pas nommé, il était clair que cela le visait, lui qui avait fait exécuter avant tout j ugement les complices les Catilina. Cicéron espère des soutiens, il s ' adresse aux « triumvirs », mais n ' obtient rien ni de Pompée, ni de César, qui se dérobent. Il n ' a rien non plus à attendre de la part des consuls. Bien qu'il ne se laisse pas abattre et qu' i l souhaite faire face, la situation étant très tendue et la violence présente dans les rues de Rome, ses amis lui conseillent de s ' éloigner, ce qu' i l fait le 1 1 mars, la veille du j our où est votée la rogatio de Clodius. Où s ' exiler ? Cicéron hésite, il se rend à Brindes, de là à Dyrrachium puis à Thessalonique, où il se fixe, pour un peu plus d'une année. Les proches de Cicéron ne restent pas inactifs pendant cette période, notamment son ami Atticus et son frère Quintus. La situation politique se modifie, Clodius perd de son pouvoir, Pompée surtout se remet à soutenir Cicéron, et fait accélérer son rappel. La loi ordonnant le rappel de Cicéron est votée le 4 août 57 ; Cicéron s' embarque aussitôt pour Brindes, et, le 4 septembre, il se présente devant Rome, à la porte Capène. La foule lui réserve un accueil triomphal tandis qu' il se dirige vers le temple de Jupiter Capitolin.

2.

Étude du rêve

Le rêve de Quintus se décompose en deux parties évidentes. La première est l ' engloutissement dans les flots, la seconde la sortie triomphale des eaux. Ces deux composantes correspondent à deux motifs mythiques distincts. La présence du cheval est essentielle, comme nous le verrons. En 1 'occurrence, le cheval est ambivalent : d'une part, c ' est lui qui précipite Cicéron dans l ' abîme des eaux, dans le monde infernal, et c ' est sur le même cheval que Cicéron ressort triomphalement du fleuve, et revient parmi les vivants. 2 . 1 . L ' engloutissement dans les flots

On a mis en évidence depuis longtemps, comme 1 ' écrit KRAPPE ( 1 952 : 203), que « la forme la plus courante prise par les dieux aquatiques est [ . . . ] celle du cheval. » Outre diverses traditions mythologiques et légendaires, 3

GRIMAL 1986 ch. X. L' exil, p. 1 87-207.

60

évoque bien entendu Poséidon4 et Neptune. L ' anthropologue français G. DURAND ( 1 992 : 82-83) va encore plus loin, en affirmant : « le cheval aquatique nous semble également se réduire au cheval infernal. Non seulement parce que le même schème de mouvement est suggéré par l ' eau courante, les vagues bondissantes et le rapide coursier, non seulement p arce que s' impose l ' image folklorique de "la grande jument blanche", mais encore le cheval est associé à 1' eau à cause du caractère terrifiant et infernal de l ' abîme aquatique. Le thème de la chevauchée fantastique est courant dans le folklore français, allemand ou anglo-saxon. » Le cheval infernal, qui annonce ou amène la mort 5 , est bien connu par les chevauchées infernales, et le psychanalyste Charles BAUDOUIN avait forgé à ce sujet l ' expression de 6 « complexe de Mazeppa » • Rêver qu' on doit traverser une rivière ne semble pas avoir été considéré comme très favorable par les Anciens. Artémidore écrit : « Il est mauvais aussi de se tenir debout en un fleuve, d'en être baigné tout autour et de ne pouvoir en sortir : après un tel rêve, même si l ' on est très courageux, on ne saurait soutenir les maux. Des rivières torrentielles signifient des juges cruels et des maîtres pénibles, et tout ensemble une grande populace à cause de leur violence et du grand bruit qu ' elles font. Il est bon de les traverser, surtout à pied, sinon, en nageant. [ . . . ] Rêver qu'on nage dans une rivière ou dans un étang signifie qu' on va aux derniers périls : car tout ce qu 'un poisson souffre au sol, il est naturel que l ' homme aussi le souffre dans l ' élément humide. Cependant il est meilleur de traverser le fl euve à la nage que de s' éveiller 7 alors qu 'on est au beau milieu du plongeon. »

.KRAPPE

2.2. La « fuite magique » dans la mythologie latine

Le second aspect du rêve de Quintus nous occupera davantage. Il s ' agit de la sortie des eaux, sur un cheval également, qui évoque un motif de conte répertorié et étudié depuis déj à un certain temps. AARNE ( 1 930) avait étudié 8 un motif qu' il avait baptisé « die magische F lucht », la « fuite magique » • Le héros, le plus souvent un j eune homme (« Jüngling » ) , ou une j eune femme, échappe à l ' être malfaisant qui le retient, s ' enfuit généralement à 9 dos de cheval , et franchit un obstacle, le plus souvent un fleuve, franchissement qui lui assure le salut 1 0 . L' obstacle en question, 4 5

6 7

Qui est le père, qui plus est, des chevaux Pégase et Aréion.

KRAPPE ( 1 952 : 227-228) et DURAND ( 1 992 : 78-81 ).

Cité par

DURAND

( 1 992: 78).

La clef des songes (Oneirocriticon) ,

II, 27, traduit et annoté par A.-J. FESTUGIERE, Paris, Vrin, 1 975, p. 1 35. 8 Outre Die magische Flucht, voir aussi N. BELMONT, « Les seuil s de l ' autre monde dans les contes merveilleux français », p. 63 notamment. 9 « auf dem Rücken eines Pferdes », Die magische Flucht, p. 49. AARNE évoque des variantes avec divers animaux, oiseau, âne, bœuf. P. 50 : « in Europa sind die Flüchtlinge meistens ein Ji.ingling und ein Pferd » . 10 « Fluss ais Hindemis ». Au lieu du fleuve, on peut avoir un autre obstacle liquide, étang, source, fontaine, lac, parfois un obstacle non liquide, forêt, montagne, mais, comme le note AARNE p. 4 1 , la mer proprement dite n'apparaît que très rarement (signe que ce motif s'est diffusé surtout dans des cultures non marines).

61

1 ' « unüberwindliches Hindernis » selon Aarne, empêche les méchants de rattraper le héros 1 1 , en même temps que son franchissement fournit audit héros une épreuve qualifiante. Dans la mythologie romaine, notoirement transformée en histoire des premiers temps de la cité, le franchissement du fleuve, acte central, suffit par exemple à caractériser Clélie, comme le font Virgile ou Juvénal :

Aen. 8, 65 1

:

etjluuium uinclis innaret Cloelia ruptis.

Juv. 8 , 264-265

:

quae/imperiifines Tiberinum uirgo natauit.

12 « la j eune fille qui traversa le Tibre, frontière de notre territoire. »

Ps. Aur. Vict. Vir. 1 3 , 1

: Porsenna Cloeliam nobilem UÙ'J> dicitur, a maioribus autem nostris «optimus maximus », et quidem ante optimus, id est, beneficentissimus, quam maximus, quia maius est certeque gratius prodesse omnibus quam opes magnas habere.

80

en premier lieu, parce que la bienfaisance importe plus que la puissance. Définition d'un philosophe que le polémiste Arnobe est loin de partager. Le Jupiter qu'il nous montre en action se caractérise par deux traits: sexualité débridée et cruauté. Jupiter est un séducteur impénitent. Son appétit sexuel sans limites, évoqué à maintes reprises, n'épargne aucune femme, déesse ou mortelle. Outre son épouse, les victimes de ses frasques sont innombrables. Arnobe les recense avec un malin plaisir, jusqu'au jeune Ganymède, enlevé pour être promu échanson des dieux48. L'inceste ne lui fait pas peur: sa sœur-épouse Junon, bien sûr, selon la tradition. Mais, pire encore, sa mère (ou plutôt ses mères), sa fille: Cybèle, Cérès, Proserpine49. Il semble d'ailleurs que ce soit un caractère de famille. Son frère Neptune n'est guère plus vertueux50• Son autre frère, le triste Pluton, enlève la jeune Proserpine51• La chaste Cérès elle-même, loin d'en être offusquée, prend plaisir à l'indécence de Baubô52• La cruauté de Jupiter n'est pas moins évidente. C'est à l'astuce du bon Numa, à son art de manier les arguties juridiques, que Rome doit d'avoir échappé aux horribles sacrifices humains que le dieu avait malgré tout honte de demander dans un langage direct53• Mais, pour compenser, pour satisfaire son désir de souffrance et de mort, il frappe de paralysie le pauvre T. Latinius, le prive de tous ses fils et envoie au peuple romain une épidémie qui fait périr en masse les malheureux mortels54• Le plus puissant des dieux ne serait-il pas le plus malfaisant ? Les autres dieux, ses enfants, ses parents, n'ont que des pouvoirs limités. Ils sont incapables d'empêcher le mal. Jupiter, lui, le fait: débauché, cruel, il exerce sur les hommes, sans retenue, son pouvoir néfaste. Ces dieux vilipendés jouissent-ils au moins de l'immortalité que leur attribue la croyance commune ? Pro di (per deos) immortales ! s'écrie 4 8 4, 22, 2-5 Hypériona (mère du Soleil), Latone (d'Apollon et Diane), Léda (des Dioscures),

Alcmène (d'Hercule), Sémélé (de Liber), Maia (de Mercure) . Junon ne lui suffisait-elle pas? ? De nouveau 4, 26, 4-5 métamorphoses de Jupiter, en serpent, en oiseau, en taureau, en fourmi, sans oublier les neuf nuits passées auprès d'Alcmène. 5 , 22, 4-5 Léda, Danaé, Europe, Alcmène, É lectre, Latone, Laodamie, mille aliae uirgines ac mille matres cumque illis Catamitus puer ... eadem ubique est Iuppiter fabula! 5, 44, 2 et quid pro illis Ganymedibus raptis atque in libidinum magisteria substitutis ? 49 5, 20, 2-2 1 , 5. Cybèle et Cérès Dé-méter sont identifiées comme Mères des dieux (voir le chœur de l'Hélène d'Euripide, v. 1 3 0 1 - 1 3 68). 50 4, 26, 1 numquid enim a nobis arguitur rex maris Amphitritas, Hippothoas, Amymonas, nonne illi fiterat satis luno nec sedare impetum cupiditatum in regina poterat numinum

Menalippas, Alcyonas perfuriosae cupiditatis ardorem castimoniae uirginitate priuasse 51

5, 24, 5

?

Quodam, inquiunt, tempore, cum in Siciliae pratulis purpureos legere! nondum

mulierjlores et adhuc uirago Proserpina; cumque illam perjloream messem, huc atque illuc, passim lectionis cupiditas auocaret, per projimdae altitudinis speluncam, rex prosiliens Manium raptam uirginem sectun uehit et terrarum absconditur successibus rursus. 52 53

p. 78, n. 3 2 . 5 , 1 . A u § 9 : nam

Supra,

ego humanis capitibus procurari constitueram jit!gurita, non maena,

capillo, caepicio ; quoniam me tamen tua circumuenit astutia ...

54 7, 3 8-43 . Conclusion de l ' épisode, en 43, 9 : avoir guéri le père ne fut qu' une cruauté de plus, quodsi penitus res pendas, magis ilia crudelitas quam beneficium sahttis jilit, si quidem

hominem miserum et interire post filios cupientem non gaudia seruauit ad uitae sed ut suam solitudinem disceret et orbitatis cruciamenta sentiret

81

Cicéron55. Arnobe emploie, une fois, par dérision, la formule consacrée56. Que les dieux soient mortels ne fait aucun doute: la preuve en est qu'on montre leurs tombeaux. Ceux de Jupiter en Crète, des Dioscures sur le territoire de Sparte, de Saturne en Sicile57• On ne s'attardera pas sur les autres dieux. C'est leur sort commun à tous, en vertu du principe «tout ce qui a des formes corporelles mortale esse »58• Les dieux anthropomorphes du paganisme sont peut-être plus beaux, plus grands, plus lumineux que les hommes: ils n'en ont pas moins, même sublimés, les mêmes formes que nous. Donc, comme nous, ils sont mortels. Affirmation confirmée par les faiblesses indignes que vous attribuez à vos dieux : « tout ce que vous en racontez est le fait de mortels»59; et par l'exemple des temples-tombeaux. Car les temples de vos dieux abritent des cendres et des ossements. Ils sont construits sur des sépultures : vous honorez des morts en place des dieux immortels60• Arnobe n'a de cesse de le répéter: les corps sont «périssables et mortels», ceux des hommes, mais aussi ceux des dieux. Vos dieux sont amoureux, adultères, incestueux, homosexuels. Ils ont tous les vices. Ils ont été enchaînés, foudroyés; et même, arrivés à leur dernière heure, ils ont reçu une sépulture terrestre61• Vos dieux sont des hommes morts. Invective d'autant plus remarquable qu'elle fait suite au chapitre 5 , 30, dont nous

55

Cael. 59; har. resp. 25 et 42 ; S. Rose. 143 (deux occurrences) ; Manil. 53; Phil. 8, 2 3 , etc. Voir aussi ND 3, 50 (supra, p. 75 , n. 15). 56 4, 5, 7, dans un chapitre satirique sur le templum augural: les « dieux immottels » sont censés ne protéger que les régions de gauche, au détriment des régions de droite, qui restent sans protecteurs. Qualité niée en 1, 18, 1 immortales et perpetui non sunt. 57 4, 25, 4 Apud insu/am Cretam sepulturae esse mandatum louem nabis editum traditur ? In Spart anis et Lacedaemoniis finibus nos dicimus conditos in cunis coalitos fi"atres ? noster ille est auctor, qui Patrocles Thurius scriptorum in titulis indicatur, qui tumulos memorat reliquiasque Saturnias tellure in Sicu/a contineri ? 58 Le raisonnement d'Arnobe, 3, 12, 4-5, est le suivant. Toute nature divine doit être éternelle et dépourvue de traits corporels, Nostra de hoc sententia talis est : naturam omnem diuinam, quae neque esse coeperit aliquando nec uitalem ad terminum sit aliquando uentura, /iniamentis carere c01poreis ... Quicquid enim tale est, mortale esse arbitramur et labile, nec obtinere pe1petuam passe credimus aeuitatem . .. 59 4, 28, 4 Atquin omnia uos isla et fuisse et Îllesse in diis adseueratis uestris, neque ullam praetermittis speciem uitiositatis, maleficii, lapsus, quam non in conuicium numinum opinionum petulantia conferatis. Aut igitur uobis quaerendi sunt dii a/ii in quos omnia ista non cadant - in quos enim haec cadunt, humani sunt generis atque terreni - aut si hi sunt tantummodo quorum nomina publicastis et mores, opinionibus tol!itis uestris. Mm·ta/ia sunt enim quaecumque narratis. 60 6, 6, 1 -2 Quid quod mu/ta ex his templa quae tho/is sunt aureis et sublimibus elatafastigiis, auctorum conscriptionibus comprobatur contegere cineres atque ossa et functorum esse corporum sepulturas ? Esse nonne patet et promptum est aut pro dis immortalibus mortuos uos colere aut inexpiabilem fieri numinibus contumeliam, quorum delubra et templa mortuorum superlata sunt bustis? 61 5, 31, 2-3 Quis caduca et mortalia empara deos edidit amasse ? non uos ? Quis illa furta dulcissima in alienis genialibus pe1petrasse ? non uos? Quis cum matribus liberas, quis cum suis uirginibus rursus patres infaustos miscuisse concubitus? non uos? Quis scitu/os pusiones atque adultos uenustissimis lineis adpetitos esse iniuste? non uos ? Quis abscisos, quis exoletos, quis uersipelles, quis fures, quis in uinculis habitas, quis in catenis, quis denique fu/minibus appetitos, quis uulneratos, quis obisse supremos dies, sepulturas etiam mentisse terrenas? non uos ?

82

soulignions ci-dessus la si parfaite«orthodoxie» évhémériste62, qui apparaît désormais dans toute sa vanité. 1. Pépin donnait de l'évhémérisme cette excellente définition: «l'idée maîtresse est que les dieux de la mythologie auraient été à 1 'origine des hommes, divinisés post mortem en reconnaissance de services éminents rendus à 1 'humanité »63. Au terme de notre lecture d'Arnobe, que reste-t-il de cette formulation ? Des hommes morts, à peine plus. Leurs bienfaits ne sont pas niés: le pain, le vin, l'art médical. Mais, loin de les exalter, le polémiste met l'accent sur l'indignité des dieux qui en sont les auteurs. Divinisés, sans doute, mais à tort. Donc, tous vos dieux sont de faux dieux. En fait, leur divinisation, loin d'être réelle et confirmée par le témoignage de l'histoire et du monde visible, est illusoire. Elle n'est qu'un trompe l'œil, puisque les temples, censés donner la preuve de leur divinité, ne sont en fait que leurs tombeaux- des tombeaux d'hommes morts, et qui le restent; qui n'ont pas été véritablement élevés à la divinité et n'ont été l'objet d'aucune «consécration». On aura noté qu'Arnobe évite soigneusement d'évoquer le culte impérial, sujet tabou qu'en chrétien certes convaincu, mais prudent, il se garde bien d'aborder. Les diui ont des temples, qui les honorent comme dieux du ciel64 ; mais leur dépouille humaine, ce qui reste de leur corps mortel repose dans Je mausolée dynastique, celui d'Auguste ou d'Hadrien, au château Saint-Ange. Rien de tel pour les dieux de la mythologie, dont les temples sont en même temps les tombeaux; ce qUi prouve bien que ce ne sont pas de«vrais dieux». Loin d'être tout-puissants, ces dieux ne savent pas protéger leurs temples des incendies65, ni leurs statues qui tombent en poussière, rongées par les souris et les rats, envahies par les toiles d'araignées, souillées par la fiente des oiseaux66, et auxquelles il faut des temples pour les abriter de J'humidité, de la pluie, des vents, du soleil67• Comme ces monuments de leur culte, les dieux vermoulus se sont écroulés. Triste symbole d'une religion en ruine. 62

Supra, p. 76. J. PÉPIN, 198 1 , p . 1 75 . 64 Comme dans l ' apothéose d 'Antonin e t Faustine, enlevés au ciel sur les ailes d e l'Aiôn, sur la base de la colonne Antonine; voir M. LE GLAY, 1 98 1 , n° 1 9, p. 403 sq. 65 6, 23 , 2-4 Cum Capitolium totiens edax ignis absumeret Iouemque ipsum Capitolinum cum 63

uxore corripuisset ac filia, ubinam fulmina/or tempore illo fuit, ut sceleratum illud arceret incendium et a pestifero casu res suas ac semet et cunctam jamiliam uindicaret

? Vbi

luno

regina, cum inclutwn eius fanum sacerdotemque Ch1ysidem eadem uis flammae Argiua in ciuitate deleret ? Vbi Serapis Aegyptius, cum consimili casu iacuit solutus in cinerem cum mysteriis omnibus atque Iside

?

Vbi Liber Eleutherius, cum Athenis

?

Vbi Diana, cum

Ephesi ? Vbi Dodonaeus Iuppiter, cum Dodonae ? Vbi denique Apollo diuinus, cum a piratis maritimisque praedonibus et spoliatus ita est et incensus . . . ? 66

6, 1 6, 7-9

/ta, inquam, non uidetis sub istorum simulacrorum cauis steliones sorices mures

blattasque lucijitgas nidamenta ponere clique habitare ... Non in ore aliquando simulacri ab araneis ordiri relia at que insidiosos casses ... Non hirundines deni que, infra ipsos aedium circumuolantes tholos, iacularier stercoris glebas, et modo ipsos uultus, modo numinum ora depingere, barbam oculos nasos aliasque omnis partes, in quascumque se detulerit deonerati proluuies podicis 67

6, 4, 1

?

sed non, inquit, idcirco adtribuimus diis templa tamquam umidos ab his imbres

uentos pluuias arceamus aut soles, sed ut eos possimus CO/"C/111 et comminus contueri, adfari de proxima et cum praesentibus quodam modo uenerationum conloquia mis cere.

83

Amobe est évhémériste, sans nul doute. Mais, plus qu'une adhésion à la doctrine, c'est une subversion de l'évhémérisme, détruit de l'intérieur, miné par ses contradictions, que nous donne à lire 1 'Aduersus nationes. Les armes de l'adversaire sont retoumées contre lui. L'auteur de l''l�:>pà Avaypa tur.

« Elle ne l ' obtiendra que si elle dit vrai : c ' est en vain qu' elle devinera6 8 • »

Gripus et Démonès sont donc en désaccord sur ce que peut faire une hariola. Pour Gripus, 1 ' hariola peut décrire le contenu de la corbeille sans l ' avoir jamais vu de ses yeux ; pour Démonès, elle n ' a pas ce pouvoir (ce qui ne veut pas dire qu' elle n' ait aucun pouvoir). En fait Démonès est très probablement convaincu du bon droit et de la sincérité de la j eune fille (qui va se révéler être sa fille) : il a compris que la corbeille est vraiment à elle, que Gripus s ' inquiète à tort, et ses propos ont surtout pour but de le rassurer. En dépit de ce passage, nous pouvons donc conclure que, dans l ' ensemble, Plaute donne une image favorable de l ' art des harioli69 comme des autres formes de divination. Ainsi le théâtre de Plaute reflète non pas 1 ' hostilité et la défiance des autorités romaines à 1 ' égard de la divination privée, mais le respect et la confiance que, dans sa maj orité, le peuple romain devait témoigner aux professionnels de la mantique.

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Ru. 1 1 39- 1 1 4 1 (au vers 1 1 40 nous adoptons la correction de l ' édition Lindsay, Oxford, 1 905). Chez Plaute, le s uperstitiosus est celui qui connaît le présent caché (Rudens) ou le passé caché (Amp. 323 ; Cure. 397). 69 Voir en ce sens A . TRAILL, 2004, p. 1 2 5 - 1 26.

1 06

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1 08

Roman lsis Patricia A. Johnston

Brandeis University

Introduction

In 45 CE, the emperor Claudius founded a colony in the Roman province of Pannonia Superior (now Hungary). close to the Amber Road trade route, which became the town of Savaria (modern Szombathely). This was the oldest recorded city in Hungary (Colonia Claudia Savariensum, "Claudius' Colony of Savarians") and the capital of the province. The city had an imperial residence, a public bath and an amphitheater. A Temple of Isis was subsequently constructed there (outside the pomerium); the remains of the one constructed there in 188 CE was discovered in 1958; this Iseum had been expanded into a large complex which survived until the fourth century. Early in the fourth century, The Emperor Constantine the Great visited Savaria several times. He ended the persecution of Christians, which previously claimed the lives of many people in the area, including Bishop St. Quirinus and St. Rutilus. The emperor re-organized the colonies and made Savaria the capital of the province Pannonia Prima. This era was the height of prosperity for Savaria: its population grew, and new buildings were erected, among them theatres and churches. St. Martin of Tours was born here. In 391 CE, when pagan cults in the Empire were ended by Theodosius, the cult of Isis was also ended across the Roman Empire, although there is evidence that the temple at Szombathely stayed in use until the mid-fifth century, after an earthquake destroyed the buildings.' This site was uncovered, beginning in 1958, and the site has since been redeveloped as an Archaeological Park tourist site, including the rebuilding of the temple and its fa ;:::

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Emplacement d'une

Emplacement façade prim itive

tribune

0

5

lO m

Plan de la Cathédrale Sainte-Marie de l 'Assomption, dans la cité médiévale. G. BARO et A. YERBRUGGE, 20 1 7, p. 24. Je remercie Guilhem d'avoir mis de la c ouleur sur ce plan pour différencier les époques.

3 17

Fig. 1 : Aquarelle de Jean-Joseph Bonaventure Laurens ( 1 80 1 - 1 890) représentant Vaison, datée du 4 octobre 1 848. On voit la cathédrale en haut du rocher. Cmpentras, Bibliothèque­

Musée lnguimbertine album 2, folio 86.

Fig. 2

:

Vue est de la cité médiévale. Le château est visible en haut à gauche . Cliché Laurent

Pamato.

318

Fig. 3 : Le chœur avec la voûte sexpartite. On voit à droite la tribune construite au XVIIe siècle. Cliché M -Fr. D. -H.

Fig. 4 : Chapelle des âmes du purgatoire (à gauche) et chapelle Sainte Rusticule. Le tombeau de Guillaume de Cheysolme Ill est sous l ' escalier du clocher dont on devine la porte à droite. Cliché M -Fr. D. -H.

319

Fig. 5 : Fresque du couronnement de la Vierge. Cliché M -Fr. D. -H.

Fig. 6 : Chapelle de la Vierge avec sa coupole surmontée d ' un lanternon. Cliché M -Fr. D. -H.

320

Fig.

7 : Toiture de la cathédrale. Cliché Laurent Pcunato.

32 1

Du qualificatif des arcs romains Bérangère Fortuner

Chercheur indépendant, Aouras

L' arc romain, qui était promis à une longévité exceptionnelle puisque sa st ructure a été reprise à 1 ' époque moderne, suscite de très nombreuses questions et nombreux sont les archéologues qui cherchent à préciser sa signification. Ainsi au qualificatif de « triomphe » A.L. Frothingham substitue dès 1 905 celui de « communal » 1 ; puis W . Mac Donald2 et P. Gros3 lui préfèrent celui d ' « honorifique », terme adopté par S. De Maria dans son ouvrage de 1 9884, ouvrage étudié par F S Klein er dans son article « Triumphal and honorary arches »5• Le terme « arcus »6 apparaît à la fin du 1er siècle av. J.-C. Pline l ' Ancien7 écrit que « les colonnes étaient le symbole d'une élévation au-dessus du reste des mortels ; tel est aussi le sens des arcs, invention récente » ( columnarum ratio erat attolli super ceteros morta/es, quod et arcus sign ificant nouicio inuento ), sans utiliser le qualificatif de « triumphalis ». Et Dion Cassius8 rapporte à propos du premier arc élevé à la suite de la bataille d'Actium : « Pendant ce temps et déj à auparavant, les Romains restés en Italie rendirent une foule de décrets à 1 ' occasion de la victoire navale. Ils décernèrent à César le triomphe, comme s ' il l ' eût obtenu sur Cléopâtre, avec un arc p orte­ trophée à Brindes et un autre dans le Forum Romain » . .

.

1 A.-L. FROTHINGHAM, « D e l a véritable signification d e ces monuments romains que l ' on appelle arcs de triomphe », RA , 1 905, II, p. 2 1 6-230. 2 WILLIAM LLOYD MACDONALD, The architecture of the Roman Empire. Il, An urban appraisal, Yale University Press, II, 1 986, p. 7 5 . 3 PIERRE GROS, L 'architecture romaine du début du JIIe siècle av. J. - C. à la jin du Haut­ Empire. I, Picard, Paris, 1 996, p. 5 6 . 4 SANDRO D E MARIA, Gli archi onorari di Roma e dell 'ltalia romana, L'Erma di Bretschneider, Rome. 5 FRED S. KLEINER, « The Study of Roman Triumphal and Honorat-y Arches 50 Years after Kahler », JRA , 1 989, 2, p. 1 95-206. 6 I l est inutile de revenir sur la transformation de la terminologie de fornix à arcus étudiée entre autres par ANDREW WALLACE-HADRILL, Rome les Césars et la Ville, Presses universitaires de Rennes, 200 1 , p. 5 1 -85. 7 P!in., nat., XXXIV, 27. 8 Dion Cassius, LI, 1 9, 1 .

323

Il y a donc une liaison entre la victoire, le triomphe et le monument, et si le premier arc en 29 av. J.-C. célèbre la victoire d'Auguste à Actium9, le texte de Dion Cassius mentionne un arc « porte-trophée » élevé en dehors de Rome alors que les trophées sont offerts à Jupiter Capitolin lors de la cérémonie du triomphe. Des arcs peuvent donc être élevés en dehors de la Ville, ce que confirment les monuments glorifiant le souvenir d 'un homme. Ainsi Tacite 1 0 rapporte les décisions du Sénat à la mort de Germanicus en 1 9 ap. J.-C. : « On ordonna qu' i l lui fut élevé à Rome, sur la rive du Rhin et au mont Amanus en Syrie, des arcs qui porteraient inscrits ses exploits avec la mention qu' il était mort pour la République », et la Tabula Siarensis 1 1 précise que, à Rome « au-dessus de 1' arc sera dressée une statue de Germanicus Caesar sur un char triomphal, et à ses côtés, des statues de son père Drusus Germanicus, (frère de Tiberius Caesar Augustus), de sa mère Antonia, sa femme Agrippine, sa sœur Livie, son frère Tiberius Germanicus et de ses frères et sœurs. Un deuxième arc sera érigé dans le bois du mont Amanus, dans la province de Syrie. [ ] Un troisième arc sera construit sur les rives du Rhin près du tumulus de Drusus ». Au 1er siècle, en Italie ou en Provence, des arcs sont à mettre en rapport avec des faits historiques précis tel 1 ' arc de Suse, par exemple, construit à l ' occasion du rattachement à Rome des quatorze peuplades alpines. D ' autres sont ornés de motifs sculptés : trophées et captifs enchaînés à Glanum ou à Orange ; victoires dans les écoinçons à Cavaillon et à Orange ou sur ce dernier des amoncellements d ' armes qui attestent donc de la liaison entre victoire et arc. D ' une manière plus générale, les arcs de Provence font appel au climat politique et militaire du début du principat de Tibère. Mais en 27 av . J.-C., donc deux ans après l ' arc d' Actium, à Rimini, un arc construit par décision « du Sénat et du Peuple romain » est consacré à Auguste pour la restauration de la via Flaminia et des autres voies italiennes. Dans les c!ipei sont représentées des divinités : Jupiter et Apollon sur la façade extérieure à la ville ; Neptune et la Dea Roma à l ' intérieur. À la même époque, il faut signaler des arcs « privés » : en Croatie, à Pula, un arc est élevé par une femme de la gens Sergia en l ' honneur de personnes de sa famille dont l ' un avait pris part à la bataille d'A ctium, ce qui le rattache à 1 ' iconographie de la victoire ; mais à Vérone 1' arc des Gavii construit à 1 ' extérieur de la ville a peut-être été lié à 1 ' aire funéraire de la famille. Toutefois ce type d ' arcs élevés par et pour des particuliers n ' aura pas de suite. Ces quelques exemples montrent bien que dès 1 ' origine, il est difficile de préciser d'une manière définitive la signification de ce monument puisque cet1ains arcs ont été élevés pour des raisons qui ne sont pas directement liées à la victoire. . . .

9 LI, 1 9, 1 : Senatus populusque Romanus 1 imp(eratori) Caesari Diui luli f(ilio) 1 co(n)s(uli) quinet(a) co(n)s(uli) design(ato) sext(o) imp(eratori) sept(imo) 1 respublica conservata . 10 Tac . , Ann., II, 8 3 . 1 1 CLAUDE NICOLET, « La Tabula Sim·ensis, la lex de Imperia Vespasiani, et le jus relationis de l 'empereur au Sénat », MEFRA , 1 00-2. 1 9 8 8 , p. 827-866 ; bibliographie p. 827, note n° 1 .

3 24

Le problème du qualificatif de l ' arc est donc totalement justifié. S i les conclusions de l ' étude de Frothingham1 2 peuvent facilement être rejetées, en revanche les autres, basées sur des monuments conservés (arcs itali ens, provençaux ou du Moyen-Orient), sont beaucoup plus convaincantes. Toutefois Kleiner 1 3 regrette qu' elles ne soient pas fondées sur l ' étude de la totalité des monuments d'une province. Il est donc indispensable de tenter d' étudier les arcs des provinces que sont la Proconsulaire et la Numidie, puisque c ' est là qu' apparaît ce qualificatif. En effet, c ' est en Afrique romaine qu'apparaît le qualificatif « triumphalis » au début du m e siècle sous Caracall a : à Cirta 1 4, un arc est offert par Natalis que celui-ci avait promis à l ' occasion de sa charge de quinquennal « M. Caecilius Natalis, fils de Quintus, de la tribu Quirina, édile, triumvir, questeur quinquennal, préfet des colonies de Mila Rusicade et Chullu. Outre les 60.000 sesterces qu'il versa à la République à l'occasion de ses charges d ' édile de triumvir et de quinquennal, il érigea à l ' occasion de son accession à l ' édilité et au triumvirat, une statue en bronze de la Sécurité du siècle, et un édifice tétrastyle avec une statue en bronze de l ' indulgence de notre Seigneur. Il donna des j eux scéniques pendant sept j ours accompagnés de distributions gratuites dans les quatre colonies, et la même année, il construisit à ses frais, un arc triomphal surmonté d ' une statue en bronze représentant la Virtus de notre seigneur Antonin Auguste qu' il avait promis à l ' occasion de sa charge de quinquennal » . À Cuicu/ 1 5 un arc daté de 1 ' année 2 1 6, dont la construction a été décidée par décret des décurions, porte l ' inscription : « À l ' Empereur César M. Aurelius Severus Antoninus, Pieux, Heureux Auguste, très grand Parthique, très grand Britannique, très grand Germanique, grand pontife, investi pour la XVIII" de la puissance tribunicienne, consul pour la quatrième fois, investi de la m e puissance impériale, Père de la Patrie, proconsul, et à Julia Damna, Pieuse, Heureuse, mère de celui-ci, et du Sénat et de la Patrie et des Camps, et au divin Sévère Auguste, Pieux, père de 1 ' Empereur César M. Aurelius Severus Antoninus, Pieux, Heureux, Auguste, la République a fait entièrement un arc triomphal selon un décret des décurions ». À Sua, un arc a été édifié durant la première moitié du lUC siècle selon l ' étude des moulures, mais 1 ' inscription « arcum triumphalem » 1 6 étant

12 FROTHINGAM prend plusieurs exemples qui se révèlent tous contestables : la plus significative étant celle de l ' inscription de l 'arc de Ci/lium (CIL VIII, 2 1 0 = 1 1 299 - IL T 3 3 9), qui pour lui était la preuve qu'un arc pouvait être élevé à la Colonie. Or il s'agit d ' une mauvaise lecture du texte qui a été martelé faisant disparaître le nom de l ' empereur auquel le monument était dédié. 13 « The Study of Roman Triumphal and Honorat-y Arches 50 Years after Kahler », JRA , 1 9 89, p. 1 98. 1 9434 - ILA !g, II, 674 ; 14 Cinq inscriptions semblables ont été retrouvées : CIL VIII, 7094 CIL 7095 = 1 943 5 - ILA/g, II, 675 ; CIL 7096 - ILA!g, II, 676 ; CIL 7097 - ILA/g, II, 67 ; CIL 7098 = 1 9436 - ILA/g, II, 678. La première peut être restituée sur l ' entablement ou l' attique, mais les autres peuvent provenir de bases comme on le constate sur l'arc dit de Traj an à =

Thamugadi. 1 5 CIL VIII, 832 1 = 20 1 37 . 1 6 CIL VIII, 1 3 1 4 = 1 4 8 1 7 . 325

incomplète on ne peut connaître le donateur, ni l ' empereur auquel i l éta it dédié. Enfin à Ghardimaou, sous Gratien, Valentinien et Théodose entre 3 7 9 et 383 1 7 un arc a été offert par C. Crepereius Felicissimus . . . et son fils Crepereius Clycerus, flamine perpétuel : « Aux temps heureux et au siècle très florissant de nos S eigneurs Gratien, Valentinien et Théodose, perpétuels et touj ours Augustes . . . Virius Adventius Aemilianus, clarissime et éminentissime étant proconsul, et Claudius . . . , clarissime, légat de la Province de Numidie. (Il y avait) un arc triomphal construit j adis entièrement en pierres de taille. Mais ensuite, il avait été affecté par une fente entre ces mêmes pierres et abandonné. Maintenant pour 1' ornement de la plus belle des cités . . . C. Crepereius Felicissimus . . . avec son fils Crepereius Clycerus, flamine perpétuel, a fait construire et a dédié (un nouvel arc) » Il est donc indispensable de savoir s ' ils présentent des particularités qui expliqueraient 1 'utilisation de ce qualificatif. Ces inscriptions permettent de déterminer qui sont les donateurs et les raisons de leur élévation. À Cirta, Natalis l ' offre lorsqu ' il devient quinquennal ; pour celui de Ghardimaou, sans que ce soit vraiment défini, l ' arc triomphal a été restauré ou reconstruit par le père dont on a perdu la fonction et son fils qui est flamine perpétuel . L ' inscription ne permet pas d' affirmer de façon définitive si c' est à 1' occasion de 1 ' obtention de cette fonction, mais c' est probable. Ces deux arcs « de triomphe » s ' intègrent dans une liste de 42 monuments offerts par des particuliers, dont 1 7 peuvent être rangées dans le système de la pollicitatio. Celui de Cuicul fait partie d'une liste de 24 arcs dont la construction a été décidée par les villes : 4 au moment où elles accèdent à un nouveau statut, 1 pour célébrer une déduction de colons en 208/9 et enfin 1 9 sans raison particulière, ce qui est le cas de Cuicul. L ' inscription de Sua ne permet pas de savoir dans quelle catégorie il faut placer le monument. Ces quatre arcs ne sont donc pas liés à la célébration d'une quelconque victoire. Si l ' on se réfère à l ' évocation de la victoire et du triomphe il faut noter que plusieurs monuments évoquent les dieux de l ' arc que sont Mars, dieu de la victoire, et Jupiter à qui le triomphateur consacrait les trophées au Capitole 1 8• À Thiggiba, une petite inscription, gravée sur les piédestaux de deux colonnes de l ' arc, d ' une manière très cocasse, menace des foudres de Mars quiconque s ' oublierait contre le monument : « si qui(s) hic urinam /fecerit 1 habebit Martem 1 iratum » (« si quelqu' un y urine il rendra Mars furieux »), ce qui montre que la population dans son ensemble savait que Mars était un des dieux de l ' arc. À Cuicul, l ' arc de la rue du théâtre consacré à Antonin et à Mars portait trois statues : celles de la Fortune, de l 'Empereur Antonin le Pieux et de

1 7 CIL VIII, 1 4728. 1 8 GILBERT CHARLES-PICARD, Les Trophées romains, De Boccard, Paris, 1 957, 326

p.

133.

M ars, qui est aussi le Génie de la Colonie19, et on peut se demander si ce dieu n ' est pas représenté ici pour cette raison. À Thamugadi, un flamine, après avoir offert un arc panthée20, élève une statue de Mars à côté. Dans cette même ville, deux bases de statue placées contre des pylônes intérieurs de la façade Est de l ' arc dit de Traj an portent des dédicaces : la première est une dédicace à Mars, sauveur de Septime Sévère, de Caracalla et de Julia Damna ; la seconde a été offerte par L. Licin ius Optianus à 1 ' occasion de son flaminat perpétuel, pour la Concorde et M ars, en 1 ' honneur des trois empereurs Septime S évère, Caracall a et Géta2 1 . L ' évocation de Jupiter se trouve à Thamugadi sur l ' arc dit de Traj an où l ' aigle est représenté au niveau des hélices des chapiteaux de l ' ordre intérieur. Ce même symbole se retrouve à Uzappa sur les consoles de l ' ordre extérieur de la porte du temple de Liber Pater ; à Mustis, dans un caisson de la corniche de l ' entablement ; à Theveste sur l ' archivolte de la façade ouest du quadrifrons, où l ' aigle est surmonté d'un clipeus ornée d ' une figure féminine représentant la Fortune de la ville. De plus, un fragment de ronde­ bosse provenant de la décoration sculpturale de ce monument a pu représenter Jupiter. Toutefois ce fragment est incomplet, et l ' identification est incettaine. Mais Jupiter n ' est pas la seule divinité qui soit évoquée puisque l ' on a pu y reconnaître la Fortune de la ville, Minerve et la tête de Méduse. Les autres divinités sont difficilement lisibles. Les seules décorations guerrières se rencontrent à Mustis, où les caissons de la corniche présentent des boucliers, peltes, cuirasses et lances ; à Lambeasis où l ' intrados de la clé de voûte est orné d ' une épée dans son fourreau entre deux autres motifs non identifiables. Mais Mars et Jupiter ne sont pas les seules divinités à qui des arcs sont consacrés : Caelestis à Theveste (Hr Rohbane)22, à Thac(iensium ?)23 et à Vicus Phosphorus24. À Aïn Lebba, l ' arc est édifié en l 'honneur de Mercure « pour le salut » de l ' empereur (Gallien) et de sa femme25 • À Uzappa l' inscription en place Genio civitatis Uzappae 1 A ug(usto) sac(rum) d(ecurionum) d(ecreto) p(ecunia) p(ublica/6 indique que le monument situé à l' entrée du temple de Liber Pater est offert au Genius A ugusti, sans mention de l ' Empereur, mais nous avons vu que l ' aigle de J upiter est y représenté. Enfin 1 ' arc panthée de Thamugadi peut être classé dans cette catégorie. Cette offrande d'un arc à un dieu n' est pas exceptionnelle puisque à Rome, un arc a été offert à Jupiter par Trajan, après sa première victoire sur

1 9 CIL VIII, 83 1 3 - 20 1 36 - CIL VIII, 83 3 5

1 0900 2 0 1 42 - CIL VIII, 1 0898 20 1 4 1 . CIL VIII, 2372. Cette mention d 'un arc offert à tous les dieux est pour l'instant, l'unique exemple connu d'une telle dédicace. 21 CIL VIII, 1 78 3 5 et 1 7 829. 22 ILA lg. , l, no 2997 . 23 CIL VIII, 274 1 6. 24 AE 1 9 1 3, 11° 226. 25 AE 1 93 0/3 1 n° 42 . 26 CIL VIII, 1 l924 2°

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327

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les Daces, en 1 03- 1 04. P. L. Strack27, puis H. Kahler28 pensent qu' il a été érigé à l ' entrée du temple du Capitole à Rome. Connu par une monnaie, il s ' agit d'un arc isolé, surmonté d 'un quadrige et de trophées. Quadrige et trophées sont donc liés à l ' arc et Pline l ' Ancien29 indique : « De là l ' usage chez nous des chars pour les statues des triomphateurs . Cet usage n ' est venu que tard ; et parmi ces chars c' est le dieu Auguste qui le premier a fait figurer des chars à six chevaux et des chars traînés par des éléphants ». Et de nombreuses monnaies attestent leur présence sur les arcs. En Afrique romaine, seules des inscriptions permettent d ' en conserver le souvenir. Quinze inscriptions répertoriées précisent l ' existence de statues qui peuvent être définies comme « superpositis statuis » donc engees sur 1 'attique, et deux un quadrige, ce qui montre combien 1' arc est lié à la Victoire. À Capsa, l ' arc est détruit mais l ' inscription connue : « À l 'Empereur César, fils du divin Trajan le Parthique, petit-fils du divin Nerva, Traj an Hadrien Auguste, grand pontife, investi pour la . . . e fois de la puissance tribunicienne, consul pour la me fois, P ère de la Patrie, Publius Aelius . . . de la tribu Papiria . . . a fait faire un arc depuis le sol avec une statue et un quadrige »30• À Seressi, il s ' agit d'un arc à une baie dont la partie inférieure des pylônes a reçu le décor d'un piédestal exhaussant des pilastres. L ' architecture est simple, mais l ' inscription fait appel au triomphe : « Selon le testament de C. M . . . . F elix Armenianus, citoyen de bonne mémoire, admis dans l ' ordre équestre, Armenia Auge, sa mère et Bebenia Pauliana, sa sœur, ont payé un arc pour l ' ornement duquel elles ont donné 2 5 . 000 sesterces de leur propre générosité. Et au j our anniversaire de sa mort, elles 1 'ont dédié. Et elles ont donné des sportules aux décurions, et un banquet et des distributions d'huile aux habitants . De même, le municipe de Seressi a fait faire sur les fonds publics, un quadrige pour en rehausser 1' ornementation »3 1 • Là encore il faut noter que ce sont des monuments offerts par des particuliers, tout comme à Macomades où un flamine perpétuel et un pontife offrent l ' arc, tandis que le Sénat de la ville se limite aux statues des Victoires32, que A. Chastagnol restitue sur 1 ' arc33 • Les pylônes n e sont pas ornés d e grands décors sculptés34, toutefois à Cillium, les inscriptions de l ' arc primitif et de sa reconstruction mentionnent PAUL L. STRA C K Untersuchungen zur romischen Reichspriigung des zweiten Jahrhunderts, W. Kohlhammer, Stuttgart, 1 93 1 , t. 1, n° 387. 2 8 HEINZ KAHLER, Triumphbogen, Pauly Wissova, Real Encyclopiidie der c/assischen Altertumswisenschaft, Stuttgart, 1 939, VII A 1 , col. 373-493, n° 26. 29 Plin., nat., XXXIV, 1 0. 3° CIL VIII, 98. 3 1 CIL VIII , 937 = 1 1 2 1 6 . 32 CIL VIII, 4 764 1 8698 - ILS 644 33 ANDRE CHASTAGNOL, « Les inscriptions des monuments inaugurés lors des fêtes impériales », MEFRA, 1 988, p. 1 7 . Inscription p. 23 n° 27. 34 En ce qui concerne le cortège triomphal de Sousse, NATHALIE DE CHAISEMARTIN, « Hadr u m etum et les empereurs romains : la faveur de Traj an », BSNAF, 20 1 5 , p. 250, indique qu' il peut « trouver place sur un des côtés de la fornix d'un arc de triomphe, à la 27

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« les insignes de la colonie et les ornements de la liberté »35. D ' autre part, à Thubumica, de petits motifs sculptés - poissons sur deux claveaux de l 'arc et à la clé un personnage coiffé d'un modius placé à côté d ' une come d' abondance -, ont été associés à l 'Abondance. À Mustis, certains caissons de la corniche de l ' entablement présentent des motifs végétaux qui évoquent la fertilité de la terre. En revanche, dix-sept arcs présentent des pylônes ornés de niches dans les quelles il faut restituer des statues qui peuvent être de hauts reliefs lorsque leur profondeur est insuffisante pour des rondes-bosses. Mais il est difficile d'en définir l ' iconographie, sauf à Thugga, où les niches de l ' arc dédié à Septime Sévère et à sa famille sont surmontées d' inscriptions relatives à Caracalla36, Géta37, et à Julia Domna38, celle de Septime Sévère étant perdue. De plus une base de statue avec une dédicace à Julia Domna a été ret rouvée39• On peut également supposer qu' à Sufetula, le monument situé à l 'entrée du forum et consacré à Antonin le Pieux était orné dans les deux niches de hauts reliefs des fils d'Antonin : Marc-Aurèle et Lucius Verus, étant donné les inscriptions sur les avancées au droit de l ' ordre extérieur40• D ' autre part, sur l ' attique, des statues ont pu être restituées : ainsi à Mustis, une base présente une inscription dédiée à Gordien III ; à Cuicul, sur l'arc de la rue du théâtre, les statues de la Fortune, de Mars, et de l ' Empereur Antonin, à qui l ' arc est dédié selon sa dédicace4 1 • Sur l'arc de la place

manière du relief au triomphe de l ' arc de Titus dont les mesures seraient comparables, ou avoir décoré l' attique d ' un monument, par exemple au-dessus du portique de façade d ' une basilique )). À Catthage, plusieurs reliefs représentant des Victoires ont été découverts près de la cathédrale par le R.P. Delattre en 1 894 (Antoine HERON DE VILLEFOSSE, « Rapport sur les découvettes faites à Catthage par le R.P. Delattre )) CRAI, 1 894, p. 1 97). Conservés au Musée, ils mesurent 3 ,04 m de hauteur et 1 , 1 9 m de largeur. Il a été possible d' identifier 3 reliefs de Victoires (et peut-être 4) et 2 de Felicitas. D ' autre part HENRI LA V AGNE publie en 20 1 2 « Un relief de l ' arc de triomphe du forum de Carthage conservé près d'Aix-en-Provence )) , Monuments et mémoires de la Fondation Piat, t. 9 1 , 20 1 2, p. 59-89. Ce haut relief présentant une scène de sacrifice mesure 2,64 m de hauteur sur 1 ,54 m mais il est incomplet en particulier au niveau de sa largeur, ce qui le tàit dépasser largement la dimension des autres. Ces différents reliefs font certainement partie du même ensemble, à intégrer dans les édifices célébrant la victoire, mais la très grande difficulté vient des dimensions de ces reliefs si on veut les intégrer dans le décor d'un arc de triomphe. La hauteur des piédestaux de l ' arc de Septime Sévère sur le forum romain ne dépasse pas 1 ,8 5 m ; or, ces reliefs mesurent entre 3,04 m pour les Victoires et 2,64 m pour le demier, ce qui permet d ' éliminer cette hypothèse. Ils pourraient omer les pylônes mêmes, ce qui serait possible pour les six reliefs de 1 , 1 9 m de large ; mais il est difficile de leur adjoindre celui de 1 ,5 4 m, d' autant plus qu' i l est incomplet. Il serait possible d ' imaginer pour ce dernier un relief semblable à ceux de l ' arc de Titus, mais cotmne à Sousse nous n' avons pas la certitude que ces reliefs provietment d 'un arc : ils peuvent là encore provenir d ' un autre édifice urbain. 3 5 CIL VIII, 2 1 0 1 1 299. 36 CIL VIII, 2654 1 - ILT, 1 4 1 0. 37 CIL VIII, 26542. 38 1LT, 563 . 39 CIL VIII, 26544. 4° CIL VIII, 228 1 1 3 1 9. 4 1 CIL VIII , 83 1 3 20 1 3 6 - 8 3 3 5 1 0900 20 1 42 - 1 0898 20 1 4 1 . =

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329

sévérienne les bases des statues de Septime Sévère, Caracalla et Julia Domn a ont été replacées sur l ' attique au droit de la baie. Dans la très longue liste des arcs répertoriés dans ces provinces - 1 70 monuments dont 98 inscriptions, il n'y a pas de référence à de quelconques victoires ou faits militaires précis. Mais plusieurs inscriptions célèbrent les victoires des empereurs sans qu' elles soient identifiées ; ainsi à Thugga, un arc est dédié « aux victoires des Tétrarques »42 tandis que celui de Tigisi est élevé pour « le salut et aux victoires » de Septime Sévère, Caracalla et Geta43 ; à Sufetula « à la victoire de Septime Sévère et de ses fils »44, à Thubursicu Numidarum un arc offert à Constance « vainqueur et triomphateur »45 ; à Thibilis un fragment d' inscription mentionne les victoires de l ' empereur sans que celui-ci puisse être identifié46• Mais à Membressa un arc est consacré à Gratien, Valentinien et Théodose entre 379 et 3 8 3 « en raison de la paix selon la coutume »47• Cette victoire et cette paix qui en découle sont bien entendu celles qui sont apportées par 1 'empereur, perpétuel triomphateur qui protège l ' empire, ce qu' exprime Caïus Orfius Luciscus dans la dédicace de l ' arc qu' il fait ériger à Henchir el Oust « en raison de la particulière vénération qu 'il voue à la très sainte puissance divine (de l ' Empereur) et son perpétuel attachement à sa patrie »48• Architecturalement, les trois arcs de triomphe conservés s' intègrent parfaitement dans des séries représentées par ailleurs : 1 'arc de Cui cul avec ses colonnes dégagées, répondant à des pilastres, exhaussées sur des piédestaux indépendants est à rapprocher de ceux de Thamugadi ou de Thibilis. L ' arc de Cirta totalement détruit après l ' occupation française de Constantine, en 1 83 7 , au moment de l ' aménagement d'une rue, conduisant de la Place du 1 cr Novembre (Nemours) à la Place d' Orléans, présentait, légèrement décalée vers la baie, une colonne exhaussée sur un piédestal répondant à un pilastre selon la formule que l ' on trouve à Diana Veteranorum ou à Madauros, arc détruit mais dont Gsell49 avait pu relever des éléments du décor. À Sua, plus simplement, les pylônes, sans décor architectural, sont portés par des assises débordant de 0,54 m. sur la façade sud uniquement : cette solution sans décor architectural est particulièrement bien représentée en Afrique romaine (Mididi, Thignica ou Tuccabor). La pat1ie supérieure de la plupart des arcs de Proconsulaire et de Numidie est très mal conservée. Mais à Cuicul on peut noter un attique particulièrement important orné d' aediculae et une dernière assise de couronnement supportant les trois bases de statue, situées au droit de la baie, et qui sont très certainement celles de Caracalla, Septime Sévère et Julia Domna. Ces aediculae se retrouvent à Theveste où une seule est conservée 42 CIL VIII, 1 5 5 1 6 - 1 5 5 1 7 . 43 AE 1 957, n° 1 86 . 4 4 ILAJ, n ° 1 2 1 . 45 ILA/g. I , 1 27 5 . 4 6 CIL VIII, 5 5 2 7 1 8 86 1 . 4 7 Inscription non répertoriée au CIL. 4 8 Traduction de AZZEDINE BESCHAOUCH, Mustitana : recueil des nouvelles inscriptions de Mustis, t. I, K1incksieck, Paris, 1 968, texte n° 1 4 . 4 9 STEPHANE GSELL, Monuments antiques de l 'A lgérie, Fontemoing, Paris, 1 90 1 , t. 1 , p . 1 79. =

330

façade sud. D ' autres arcs présentent aussi des couronnements importants comme à Ammaedara ou à Cillium. À Sua la structure de l ' attique est très particulière : deux assises supportent une corniche, dont les moulures se répètent sur les deux façades. Elle est couronnée par une assise dont la p artie supérieure est ornée de moulures au niveau de la façade Sud, uniquement. Il est possible que ce dernier élément, dont on ne possède plus qu' un bloc ait été destiné à supporter des statues. Sur le plan de 1 'urbanisme, les arcs sont construits en différents points de la ville : il a été possible de déterminer que 39 sont situés à l ' entrée de la cité ; 7 sur une voie ; 1 4 à l 'entrée du forum ; 9 à l ' entrée d'un temple ; 1 à l ' entrée d'une basilique ; 2 à l 'entrée d'un nymphée ; 3 à l 'entrée d'tm monument indéterminé ; 2 à la limite du territoire de la ville50• Or ces situations ne sont pas différentes pour les trois arcs « de triomphe ». Celui de Cuicul est situé à l'entrée de la place s évérienne et lui sert de limite comme à Thibilis ; celui de Cirta était élevé au­ dessus d'une rue ; à Sua il constitue l 'entrée d'un nymphée comme à Bulla Regia ; l 'arc de Ghardimaou n' est connu que par l 'inscription. Pourquoi donc avoir utilisé le qualificatif de triomphal, qualificatif qui au IV E siècle sera repris par Ammien Marcellin qui à propos de Constance II indiquera « c' est une inclinaison dépravée, qui lui fit élever à grands frais dans les Gaules et en Pannonie, à la suite du désastre de ces provinces, des arcs de triomphe, en y scellant des inscriptions relatant ses hauts faits à l ' adresse de leurs futurs lecteurs - tant que ces monuments pourront rester debout »5 1 ? Le qualificatif utilisé pour la première fois en Afrique romaine fait désormais partie du monument. Les arcs de Proconsulaire et de Numidie ne sont pas construits pour une victoire précise, mais mis à part ces quelques monuments consacrés à des divinités, tous les autres le seront à 1 'Empereur2, perpétuel triomphateur, et pour certains à sa famille. Ils témoignent du sentiment de se trouver intégrés à cet Empire où règne la pax Romana, et par là même à la prospérité ce qui justifie les quelques motifs sculptés mais également les quelques inscriptions mentionnées ci-dessus. C' est ainsi que G. Charles-Picard53 estime donc justement que ces « monuments ne célèbrent plus telle ou telle victoire pour elle-même, ou plutôt ils ne la célèbrent que comme un effet particulier de cette énergie qui émane de la suprême Providence ». Ils sont l' émanation de l' énergie « fécondante autant que protectrice )) de l 'Empereur, ce qui justifie pleinement l ' emploi de ce qualificatif dont la « signification religieuse symbolise 1 'harmonie entre la Providence et l ' empereur cosmocrate )). 5 0 Ils peuvent être intégrés dans une enceinte, comme à Tiddis, où l ' inscription mentionne qu' il s ' agit d ' un arcus cum va/vis ce qui permet d' assurer qu'il pouvait être fermé. Mais il est qualifié d ' arc et non de porte. 5 1 Amm. Marc., XXI, 1 6, 1 5 . 52 I l faut noter que deux arcs découlant de l a fondation d e l a ville d e Thamugadi ont été offerts à la ville par Trajan. Leur construction découle de la création même de la nouvelle cité, ville de vétérans, déduite sur l ' ordre direct de l 'Empereur. Ils symbolisent l ' état romain de l a ville et ce sont eux qui reçoivent le texte de la charte de fondation. À Lambaesis, un arc est construit par la Légion sur l ' ordre de Commode, réaffirmant la communauté entre le camp et la ville, entre les soldats et les civils sous l ' égide de Rome. 53 GILBERT CHARLES-PICARD, Empire Romain, Office du Livre, Fribourg (CH), 1 965, p. 1 74.

33 1

3.

ÉRUDITION ET ENCYCLOPÉDISME

Servius, critique littéraire : la préface au chant IV de l' Énéide Julien Bocholier

ENS, P aris

Ayant indiqué, comme il le fait ailleurs, la source principale d'où est imité le livre qu'il commente' , Servius poursuit sa description préfacielle du chant IV de 1 'Enéide comme suit : Est autem paene lotus in aflectione, licet in fine pathos habeat, ubi abscessus Aeneae gignit dolorem. Sane lotus in consiliis et subtilitatibus est ; nam paene comicus stilus est : nec mirum, ubi de amore tractatur. « (Le chant) est presque tout sentimental, sauf à la fin, où il comporte du pathos, lorsque le départ d' Énée est source de douleur. En tout cas, il est tout en débats et en finesses ; de fait, le style est presque celui de la comédie, ce qui n ' a rien d' étonnant où il est question d ' amour. »

La qualification de « style presque comique » appliquée à un chant où les lecteurs reconnaissent depuis longtemps de très apparents emprunts à la tragédie2 n ' a pas laissé de surprendre, voire d' amuser3, et réclame un examen d' ensemble pour être bien comprise4• Deux études, à ce j our, se sont appliquées à la question, qui arrivent à des résultats opposés5 : Anderson disqualifie le jugement final de Servius, mais admet qu'il avait raison de souligner que « les intrigues » (consiliis) font la particularité du chant IV ; 1 Servius cite ici le chant III des Argonautiques, qui montre Médée amoureuse. Le même procédé se retrouve dans les préfaces aux chants V (pars maior ex Homero sumpta est), VI (ex Homero pars maior est), VII (primi sex [libri] ad imaginem Odyssiae dicti sunt, q uos

personarum et adlocutionum varietate constat esse graviores, hi autem sex qui sequuntur ad imaginem 1/iados dicti sunt) et IX (sane formatus est iste liber ad illud Homeri, ubi dicit per noctem egressos esse Diomeden et Vlixen). Dans les chants XI (ad 483 ) et XII (ad 1 1 6 ) , Servius signale l ' imitation d' Homère dans des passages plus circonscrits. 2 Voir par exemple A. S. PEASE, 1 93 5 , p. 5- 1 4 ; A. WLOSOK, 1 976, p. 228-5 0 ; P. GRIMAL, 1 990, p. 5 - 1 0 ; V. PANOUSSI, 2009, p. 45-56. 3 G. SAINTSBURY, 1 96 1 (vol. I, p. 3 3 9 ) écrit ainsi : « So the Fourth book, with its steady rise to ward the hopeless, the helpless, the inevitable end, is paene comicus. Certainly the criticism is. » 4 D ' emblée, nous pouvons écarter l 'hypothèse selon laquelle stilus comicus ferait référence à la forme souvent dialoguée du chant IV, qui, de toute 1 'Énéide, est en effet celui qui comporte le plus de passages au discours direct : si telle avait été l'intention de S ervius, il aurait employé le vocable de dramaticus character (cf. ad B. III 1 ) . 5 W. S . ANDERSON, 1 98 1 , p. 1 1 5-25 ; A. BAUDOU, 20 1 2 , p. 275-88.

335

Baudou défend, lui, le grammairien en supposant que l ' expression s tilus comicus signale la prééminence de la psychologie dans le chant IV, tout dévolu aux « questionnements intérieurs » (consiliis) et aux « pensées subtiles » (subtilitatibus). Les traductions qui ont été faites de cette courte préface sont également variées6, et montrent la difficulté qu' il y a à donner un sens clair, en l ' absence de tout développement ultérieur, aux nombreux éléments d'interprétation qu' elle renferme (a.ffectio, pathos, consilia, subtilitates, stilus comicus). Le mot d' a.ffectio est ainsi compris soit de manière très générale, comme désignant l ' ordre psychologique (« mental states » Mackail), soit plus étroitement, comme désignant le sentiment amoureux ( « feelings [of love] » Anderson, McDonough et al. ; « love » Ziolkowski & Putnam), l ' adj ectif « sentimental » tenant le milieu entre les deux (« une intrigue sentimentale » Bureau, « registre sentimental » Baudou, Guillaumin). La même distribution se retrouve au suj et du tour in consiliis et subtilitatibus, entre un sens abstrait (« processes and delicate pyschological touches » Mackail, « délibérations et raffinements d' analyse » Bureau, « counsels and fineness of perception » Ziolkowski & Putnam, cf. Baudou supra, « la délibération intérieure et la finesse » Guillaumin), et un sens plus particulier ( « plots and contrivances » McDonough et al. , cf. Anderson supra). Cette diversité convie à un nouvel examen, qui fasse peut-être meilleure part aux sources grammaticales et rhétoriques à l ' arrière-plan de la lecture de Servius. La première phrase repose sur une opposition nette entre la première partie du chant, qui se situe sur le plan de 1 'a.ffectio, et la fin, qui comporte du pathos. Si le second terme est fréquemment utilisé par le grammairien, ce n ' est pas le cas du premier, qui n ' apparaît que deux autres fois dans les Commentaires : la première, dans une scholie aux Bucoliques, où a.ffectio vaut amor7 ; la seconde, dans une scholie au chant IX de 1 ' Énéide, où a.ffectio désigne l' émotion du poète introduisant un mot personnel dans le récit épique8. Ces deux emplois particuliers et assez distincts ne nous aident guère à comprendre le sens d'affectio quand le mot est utilisé de façon générale. Il vaut donc mieux raisonner à partir de pathos, qui lui fait contrepoids. Ce terme recouvre une catégorie qui, depuis la Rhétorique d' Aristote, est traditionnellement opposée celle d'�8oç. Chez le Stagirite, �8oç et mi8oç sont deux n(crn:tç extra-logiques : le premier est lié à la personne de l' orateur en tant qu' elle apparaît digne de bonne foi ; le second a rapport avec 1 ' auditeur et embrasse 1 ' ensemble des sentiments que 1 ' orateur est susceptible de lui inspirer (Rh. 11. 1 ). La même structure est reprise dans le De oratore, mais connaît une légère inflexion qui sera de quelque conséquence : Cicéron réserve le mot de mi8oç aux sentiments violents, et 6 J. W.

1 9 14, p. 1 73 ; B . BUREAU, 2003, en ligne ; C. M. MCDONOUGH et al. , 2004, J. M. ZIOLKOWSKI & M. C. J. P UTNAM, 2008, p. 63 1 ; J .-Y. GUILLAUMIN, 20 1 9, ad loc. Ces références sont toutes, sauf la demière, celles données par A. BAuoou, op. cit . , p. 28 1 n. 3 5 . MACKAIL,

ad loc. ;

7 PALLENTES VIOLAS amantum tinctas colore : Horatius e t « tinctus viola pal/or amantium » (Od. III 1 0. 1 4) : unde non praeter affectionem amantis eos jlores nymphas dicit offerre, qui

sunt amantibus similes (ad B.

II 47). 8 DEMENS hoc ex qffectione sua posttit poeta (ad A en. IX 725).

336

réciproquement attribue les leniores affectus à 1 'N1oc;9• Si, chez 1 'Arpinate, les sentiments de douceur ne se confondent pas avec l '�eoc; (ils sont simplement très susceptibles d ' être produits par lui, qui reste « le caractère » de 1 'orateur 1 0), ce n'est plus le cas chez Quintilien, qui traite l '�eoc; et le n:aeoc; non plus comme deux classes de n:icrTf:tc; mais comme deux classes d' affects (Inst. VI.2. 8), l '�eoc; décrivant les mouvements doux et durables, le n:aeoc; les mouvements violents et fulgurants 1 1 • Est-il possible, dès lors, qu' affectio traduise ici �eoc; ? C'est ce que laisse supposer la note servienne qui ferme le chant III, où le grammairien dresse un panorama de la matière des six premiers chants de 1' ouvrage : Singulis res singulas dedit, ut primo omina, secundo pathos, tertio errores, quarto ethos, quinto festivitatem, sexto scientiam. « À chaque chant, il [= Virgile] a donné sa matière propre : au premier, les présages ; au deuxième, le pathos ; au troisième, les errances ; au quatrième, l'éthos ; au cinquième, les festivités ; au sixième, la science . »

Dans le passage précédemment cité, Quintilien soulignait que le latin ne possédait pas d' équivalent au mot �eoc; (VI.2. 8), qu' il trouvait imparfaitement rendu par mores, tandis que n:aeoc; pouvait être traduit littéralement par adfectus. Ici, l ' ironie veut que ce soit un mot de la même famille qu'adfectus qui transpose le concept opposé : autrement dit, chez Servius, affectio désigne les sentiments pour autant qu'ils ne sont pas violents, c ' est-à-dire ici l ' amour. Il y a là cependant quelque distorsion avec la théorie rhétorique habituelle : si l ' amour peut relever de l'�eoc;, comme l ' admet Quintilien (VI.2. 1 2), c ' est uniquement sous sa forme la p lus légère, celle de caritas ; 1 'am or, en revanche, est constamment rangé parmi les n:ae11 (cf. Cie. de Or. 11.206). Et de fait, l ' amour de Didon ne nous est jamais montré par Virgile comme une simple affection, mais d ' emblée comme une passion mortifère, inspirée par Vénus. C ' est que la division de Servius se complique d'autres classifications qui 1' amènent à un certain schématisme. Derrière 1 ' opposition entre affectio et pathos, il faut aussi l ire 1 'opposition entre deux genres, comédie et tragédie, comme le fait voir la mention du stilus comicus à la fin de la notice. Cette association se trouve déj à chez Quintilien (lnst. VI.2.20), qui écrit : Diuersum est huic quod n 6.8 oç dicitur quodque nos adfectum proprie uocamus, et, ut proxime utriusque differentiam signem, illud comoediae, hoc tragoediae magis simile. « D 'une autre espèce (que 1'�8oç) est ce qui se nomme n6.8oç et que nous appelons proprement affect ; pour marquer au plus près la différence de chaque

9 L '�Ooç est traité au livre II dans les § § 1 82-4, le nâOoç dans les § § 1 85-2 1 1 . Pour une étude détaillée du premier dans son rapport avec son correspondant aristotélicien, voir J. WISSE, 1 989, p. 23 6-49. 1 0 Sur ce point, voir J. WISSE, op. cit., p. 259.

1 1 Cautiores uoluntatem complecti quam nomina inte1pretari maluerunt. A dfectus igitur

naOoç concitatos, �Ooç mites atque compositos esse dixerunt ; in altera vehementer

commotos, in altera !enes ; denique hos imperare, illas persuadere ; hos ad perturbationem, illas ad benivolentiam praevalere. Adiiciunt quidam �Ooç pe1petuum, naOoç temporale esse (lnst. VI.2. 9).

337

terme, je dirais que le premier se rapproche plutôt de la comédie et le second de la tragédie. »

Ce que ces genres recouvraient pour un grammairien latin de la fin de l 'empire nous est expliqué par Diomède (GL 1 .487), qui définit la tragédie comme heroicae fortunae in adversis conprehensio et la comédie comme privatae civilisque fortunae sine periculo vitae conprehensio (488). L 'opposition entre le public et le privé sous-tendant l ' opposition des genres est d ' ailleurs confirmée par Servius lui-même, qui écrit dans sa présentation du magnum opus formé par les chants VII à XII : re vera tragicum opus est, ubi tantum bella tractantur. Si l ' adj ectif epicum ou heroicum nous semblerait ici plus à propos, c' est pourtant bien la même idée que le grammairien veut exprimer par tragicum : la dimension publique et héroïque de l 'action. Réciproquement, un suj et d'amour est considéré comme foncièrement comique, ainsi que Diomède le signale : in ilia (tragoedia) luctus exilia caedes, in hac (comoedia) amores, virginum raptus (488). L a même association apparaît chez Macrobe, qui range ensemble les comédie s de Ménandre et de ses imitateurs et les argumenta fictis casibus amatorum referta de Pétrone et Apulée (Somn. 1.2. 8). Lorsque Servius évoque la comédie, c ' est donc d' abord relativement au suj et, ainsi qu' il le dit lui­ même : nec mirum ubi de amore tractatur. Néanmoins, dans 1 ' expression stilus comicus, il semble bien qu ' il parle aussi de la langue. Stilus est en effet un vocable technique dont Donat dit clairement qu 'il ne s' applique qu' aux mots (01·atio ad res refertur, stilus ad uerba [ad Andr. 1 2]). C' est ce que confirme l ' examen de ses occurrences chez Servius : ainsi, l ' emploi d'un infinitif pour un indicatif est signalé comme un trait du stilus historicus (ad Aen. VIII 493) ; de même, dans une scholie aux Géorgiques (ad G. 1 . 39 1 ), le mot de testa est dit appartenir au sti!us medius propre à cette œuvre. À stilus, le grammairien préfère souvent la dénomination équivalente de character 1 2• Quel est donc le style de la comédie ? Servius ne le dit j amais explicitement, car pour décrire la qualité d'un style, ses catégories usuelles sont les tria genera dicendi cicéroniens (Orat. 5.20) 1 3 , qu 'il répartit entre les trois œuvres du Mantouan : aux Bucoliques, le style bas ; aux Géorgiques, le style médian ; à l ' Énéide, le style élevé 1 4• Il n ' est toutefois pas difficile de situer la comédie parmi ces registres : dans son commentaire au Phormion, Donat la rattache au gemts

12 I l passe d e l ' un à l ' autre terme dans une même scholie : allegoricos autem significat se composuisse hune libellum tenuissimo stilo ; qualitas autem haec est, sci/icet humi!is

X 7 1). Cette classification est traditionnellement attribuée à Théophraste qui distinguait trois xapau�pt:ç Myou : le �-It:yaÂ.o1tpÉ1ti1Ç (graue, sublime), le 1-!Écroç ou �nKt6ç (mediocre) et l ' lcrxv6ç (sub tile, tenue). L ' attribution à Théophraste a été contestée par ce1tains (voir A. KôRTE, 1 928, p. 79 sq.). 14 Ce fait est posé dès la préface aux Bucoliques : tres enim sunt characteres, humilis, medius, character (ad B. 13

grandiloquus : quos onmes in hoc invenimus poeta : nam in A eneide grandiloquum habet, in georgicis medium, in b ucolicis humile. Ainsi, lorsque Virgile décrit les basses tâches des

esclaves, Servius note : DANT MANIBUS FAMVLI LYMPHAS humilis character, qui iaxvàç 70 1 )

dicitur ; vilia enim describuntur (ad A en. 1

.

338

hum ile1 5, ce qui inviterait donc à placer le chant IV, « presque comique » , dans le voisinage du style médian. Cette situation recoupe exactement celle que Quintilien voulait pour 1 '�8oç, qu'il attribuait aussi au medius orationis modus (VI.2. 1 9) . Après avoir marqué la spécificité de sujet du chant IV, Servius enregistre donc la répercussion de ce choix sur la forme en appliquant son axiome que Virgile adapte son style pro qualitate negotiorum et personarum (proem. ad B.) On ne trouve cependant qu' une seule remarque dans la suite du commentaire au chant IV qui fasse crédit à cette déclaration initiale, lorsque Servius, notant le début abrupt du premier monologue de Didon (en quid ago ?), y voit un écho à la manière des comiques et rappelle, une fois encore, que cela n ' a rien d' étonnant où il est question d' amour 1 6 • À la décharge du grammairien, que l ' on pourrait facilement taxer ici de négligence, il faut dire que le style médian où il situe le chant IV ne se prête guère au relevé d'un commentaire perpétuel plutôt intéressé par les tours frappants : à l ' opposé du grand style, il n ' y a pas de mots spéciaux qui signalent le style médian ; tout au contraire, il est le point de référence par lequel on définit le haut et le bas, ce qui explique sans doute que les notations de style, que l ' on rencontre plus d'une fois dans le Commentaire aux Bucoliques 1 7, soient presque absentes des notes aux Géorgiques 1 8• La qualification de stilus paene comicus aboutit donc à signaler une rupture de ton par comparaison au reste de 1 'épopée, dont Servius avait défini le style comme suit dans sa préface au chant 1 : est autem stilus grandiloquus, qui constat alto sermone magnisque sententiis (proem. ad Aen.). Si la notice d'introduction fait état de la matière du chant IV (affectione, amore) et de son traitement (stilus comicus), comment faut-il comprendre la notation : sane tolus in consiliis et subtilitatibus est ? Le mot de consilium est trop banal et trop riche d' acceptions pour qu ' une enquête interne donne ici des résultats probants ; celui de subtilitas n'offre guère de meilleur secours, puisqu'il n ' apparaît qu 'en un seul autre endroit du corpus servien, dans une note du Servius de Daniel où il signifie visiblement « exactitude » 1 9 , ce qui ne convient pas ici. Le mot est cependant bien attesté dans les sources rhétoriques, notamment chez C icéron : celui-ci lui reconnaît deux acceptions, 1 'une stylistique (de Orat. II 1 29, III 28, 3 1 , 3 2 , 66, 1 77 , Brut. 63 ; cf. Quint . lnst X 5 .2), l ' autre argumentative (de Orat. III 60, Brut. .

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TENVI ESSE ORATIONE ET SCRIPTVRA LEVI imperitum inducit criminatorem, qui hoc obiciat, quod propriwn debet esse comici stili (ad Phorm. 5). 16 EN QUID AGO ? ' en ' ecce : et quasi demonstrantis particula est, per quam intellegimus eam mu/ta cogitasse et sic prorupisse : « ecce, quid actura sum ? » Est autem comicum principium, nec incongrue amatrici datum. Sic Terentius quid igitur faciam ? nam haec conizmctio mulla eum cogitasse signifiait (ad Aen . IV 534). 1 7 Voir par exempl e : q ualitas autem haec est, scilicet h umilis character (proem. ad B.) ; dicendo autem 'tenui avena ', stili gemts humilis latenter ostendit, quo, ut supra dictwn est, in bucolicis utitur (ad B. I 2) ; allegoricos autem significat se composuisse hune libellum tenuissimo stilo (ad B. X 7 1 ). 18 À l ' exception du passage précédemment cité (G. I 3 9 1 ). 19 DttuPVERE FOCOS quaeritur, quid ibi jaciant foci. Sed in carminibus quaedam nec ad subtilitatem nec ad veritatem exigenda sunt aut certe 'jacos ', quos ibi habere potuerunt.

339

3 1 ), qui pareillement décrivent la précision, l ' à-propos20• La subtilitas est particulièrement associée au style simple (de Orat. III 1 77, Orat. 20), dont Lysias est la parfaite illustration - ce qui pourrait avoir quelque rapport avec le stilus paene comicus du chant IV. Néanmoins, la mention de consilia dans la notice nous éloigne des considérations de langue et rend cette hypothèse difficile. Plus pertinent est le témoignage d'un contemporain de Servius, Tibérius Claudius Donat, qui, dans ses lnterpretationes à 1 ' Énéide, commente comme suit le discours de Vénus à Jupiter lors du grand conseil des dieux du chant X (II, p. 297) : Si nulla est regio Teucris quam det tua coniunx dura : dum inpersonaliter loquitur et oblique malorztm ipsorum pulsa! auctorem, tandem nimia doloris necessitate conpulsa est ut ad eius specialem designationem descenderet, usa tantis subtilitatibus consilii, ut ipsum Jovem nonnullo pudore confunderet. «

Si nulla est regio Teucris quam det tua coniunx dura : tout en parlant de façon impersonnelle et en chargeant indirectement la responsable de ces malheurs, elle (= Vénus) est finalement contrainte par la douleur de condescendre à la désigner expressément, après avoir employé assez de finesses de raisonnement pour troubler l ' esprit de Jupiter même et lui inspirer quelque honte. »

Les subtilitates décrivent ici non seulement des arguments fins et pertinents, mais aussi une manière indirecte et cauteleuse de faire progresser l ' argumentation. La même idée de ruse se retrouve chez Servius, lorsqu' au chant XI, dans le débat devant Latinus, il écrit au suj et d'une manœuvre rhétorique de Turnus2 1 : 4 1 1 . SI NVLLAM NOSTRIS VL TRA SPEM PONIS IN ARMIS insinuatione utitur, id est callido et subtili aditu ad persuadendum : vult enim dicere melius esse interire, quam pacem rogare. quod quia aperte non aude!, latenter et paulatim ad hoc serpit. 4 1 1 . SI NVLLAM NOSTRIS VLTRA SPEM PONIS IN ARMIS : il emploie une insinuation, c 'est-à-dire un procédé de persuasion cauteleux et subtil : il veut dire en effet qu' il vaut mieux mourir que de demander la paix. Comme il n ' ose pas le dire ouvertement, il arrive à cette idée en avançant masqué et à petits pas.

Ces deux exemples éclairent du même coup 1 ' ensemble de 1' expression in consiliis et subtilitatibus, car ils montrent que les finesses de l ' argumentation indirecte (subtilitates) sont particulièrement de mise dans les débats (consilia), lorsque les personnages cherchent le meilleur moyen de persuader leur interlocuteur. De fait, le chant IV présente plusieurs scènes de ce genre : l ' entretien entre Didon et Anna, entre Junon et Vénus, entre Didon et Énée. Et de fait, Servius prend soin de noter à plusieurs reprises le caractère indirect de certains procédés de persuasion employés dans ces scènes : « elle parle avec ruse (callide), comme si elle disait qu' elle pourrait s'unir avec Énée, si la moti ne devait pas en résulter » (24) ; « elle a bien fait de commencer par trouver une excuse (excusationem) à ses larmes dans le rappel de son premier mari » (30) ; « ADGREDITUR (i.e. elle l ' aborde/elle 20

Sur ce point, voir le commentaire de D. MANKJN, 20 1 1 , ad III 28. C ' est aussi en ce sens que le Servius de Daniel emploie fréquemment l ' adverbe subtiliter (e.g. ad A en. III 3, IV 3 0 5 etc.). L ' analyse par Servius des subtilités du chant IV se retrouve, sous une forme plus développée, dans les notes du Danielis (e.g. ad A en. IV 3 1 , 92, 3 09).

21

340

la circonvient) : elle parle avec ruse (callide) » ( 92 ) ; « ingressa relève de la ruse (calliditatis) » ( 1 07 ) ; « le discours est fort adroit (satis artijiciosa), car s ous couvert de parler dans l ' intérêt d ' Énée, c ' est le sien qu'elle a en vue » ( 3 05 ) ; « elle ne veut pas encore faire valoir ouvertement (aperte) ses bienfaits » ( 3 1 4 ) ; « elle voile (tegit) une chose honteuse }} ( 3 1 8 ) ; « l ' interdiction est fort adroite (salis artificiosa), qui se fait par concession » ( 3 8 1 ). L ' association des subtilités aux discours d ' amour n ' est pas une in vention de Servius ; elle était déj à présente en puissance dans le traité des p assions de 1 'Institution oratoire, dont il a été parlé plus haut : Quintilien y attribuait à 1 '�8oç « les demandes d ' indulgence des jeunes gens et la défense de leurs amours » (ueniam petere adulescentiae, defendere amores, VI. 2 . 1 5 ) - suj et même des comédies - ainsi que le maniement de l ' ironie (dpcovEia), « qui réclame que l ' on comprenne autre chose que ce qui est dit » (ibid.). Au terme de cet examen, nous pouvons dire que la notice servienne définit à la fois le suj et du chant IV (affectione, amore), son style (stilus comicus) et ses modalités (in consiliis et subtilitatibus). Autrement dit, il s' agit d ' un chant qui s ' occupe de simples sentiments humains, ce qui est inhabituel dans l ' épopée ; qui, conséquemment, comporte de nombreux débats, tout en finesses d ' argumentations ; et qui, pour la langue, se rapproche de la comédie - c ' est-à-dire qu' i l n' est pas écrit dans un style sublime. L ' analyse de Servius réussit donc à identifier des éléments effectivement remarquables du chant IV ; elle a seulement le défaut de les raccorder à des notions plus larges, qui ne conviennent pas à leur emploi spécifique par le poète : si l ' amour n' est pas le sujet habituel de l'épopée, l ' amour de Didon, comme celui de Phèdre dans l 'Hippolyte d 'Euripide, a tout d ' un pathos dès le départ et ne ressortit donc pas à l ' ordre de 1 'affectio ; de même, si le chant nous entretient d' amours et dans un style souvent naturel, il ne relève pas de la comédie, qui pourtant est définie par ces deux traits. Dans son appréciation de la valeur de la notice, le lecteur moderne pourra donc, au choix, critiquer le schématisme rigide d'une classification toute grammaticale ou bien essayer de retracer la logique qui la sous-tend et qui comp011e sa part de vérité.

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342

Livio nella scoliastica lucanea Paolo Esposito

Università di S alerno

1. A confermare l ' importanza di materiali peraltro spesso negletti come i M Annaei Lucani Commenta Bernensia e le Adnotationes super Lucanum 1

puo contribuire quanto qui si cercherà di mettere in evidenza. Scopo di queste pagine è infatti quello di estrapolare e porre in successione tutti i luo ghi di questi corpora di scolii a Lucano nei quali compaiono riferimenti a porzioni dell'opera di Livio per noi perdute. Prima pero va ricordato come 1' auctoritas di Livio fosse incontrastata ed imprescindibile per chiunque, dopo l ' età augustea, volesse accingersi a trattare della guerra civile tra Cesare e Pompeo e sicuramente fu cosi anche per Lucano. Ma, una volta riconosciuto questo dato, la situazione si complica, perché si tocca la questione più generale della fonte, o meglio delle fonti, di Lucano. Tra quelle storiche, vanno senz' altro ipotizzate le Storie di Seneca il retore e di Asinio Pollione, i commentarii cesariani, 1 'epistolario di Cicerone e, soprattutto, Livio. Ma la dipendenza di Lucano da queste fonti non è totale e assoluta, come attestano le molte trasgressioni e le libere manipolazioni da lui operate dei dati storici2• 2. Per quanta riguarda Livia, la fonte storiografica principale di Lucano, in mancanza della parte della sua opera che affrontava la guerra civile, ci si deve accontentare della testimonianza delle periochae3 e delle tracee desumibili dalla cosiddetta 'tradizione livi ana' , ossia da quelle opere che in qualche modo dal testa di Livio risultano dipendenti4. A complicare questo quadro della situazione, interviene il problema dell' epitome ( o delle epitomi) Per un primo orientamento su questi due blocchi di annotazioni si vedano SH. WERNER, 1 998; P. ESPOSITO, 2004; P . ESPOSITO, 20 1 1 . 2 Il tema della fonte o delle fonti del Bellwn Civile e, i n generale, i l problema dell'attendibilità storica del l ' opera di Lucano appare ormai aver perduto da tempo interesse ne! dibattito critico specialistico. Per aveme un' idea attendibile, non si puo prescindere da G. BAIER, 1 874; C. VITELLI, 1 902 ; V. USSANI, 1 903 ; R. PICI-ION, 1 9 1 2 ; E. MATTHEWS SANFORD, 1 93 3 ; A . W. LINTOTJ', 1 97 1 . 3 Su cui s i vedano A . KLOTZ, 1 936; L . BESSONE, 1 984; L . CANFORA, 1 993; L . BESSONE, 20 1 5 . Sulla questione della struttura e della scansione dell' opera liviana, inevitabilmente connessa con quella dei tempi e dei ritmi della sua composizione, si possono vedere PH. A. STADTER, 1 972 e L. CANFORA, 1 993 , p. 1 7 1 ss. 4 Cfr. L. BESSONE, 1 977. 1

343

degli Ab Urbe condita5, che ben presto prese (presero) ad affiancarne la circolazione, fino a soppiantarla, se non del tutto, almeno in larga parte. Per non parlare delle origini e della cronologia dei sunti dell'opera liviana che vanno sotto il nome di periochae. Ora, in questo contesto bisogna collocare anche le scarne ma non insignificanti tracce del Livio integrale, o di una sua epitome, che si incontrano, in massima parte, nei Commenta Bernensia e, in misura minore, nelle Adnotationes.

3. Per cominciare, gioverà citare integralmente tutti i contesti che nei corpora esegetici dedicati a Lucano menzionano espressamente Livio per analizzarne e ricavarne tutti i dati che interessano la ricostruzione, diretta o indiretta, di una porzione della sua opera per noi perduta. Le testimonianze verranno citate sulla base delle edizioni delle annotazioni a Lucano che le contengono, ma in una successione che tenga conto, riferimento,

del

libro

liviano

riferita

corrispondente

cui

tali

rinvii

sono

come punto di espressamente

o verosimilmente collegati. Di ciascuna testimonianza viene contestualmente la

collocazione

all'interno

dell'edizione

dei

frammenti liviani curata da Rossbach6• Il tutto sarà fatto precedere dalla citazione del contesto lucaneo dal cui commento si prendono le mosse7•

Liber CII Lucan. 2, 592-593 (Pompeo, rivolto alle truppe, sta passando in rassegna i

suoi numerosi successi conseguiti in tutto il mondo) : Cappadoces mea signa timent et dedita sacris incerti Iudaea dei mollisque Sophene.

Comm.

Bern.

2, 593 :INCERTI IVDEA DEI Livius de Iudaeis:

«

Hìerosolymis

fanum cuius deorum sit non nominant, neque ullum ibi simulacrum est, neque enim esse dei figuram putant

5

»

(= Liv. fr. 26a).

In proposito esiste una letteratura molto ricca ed at1icolata, ben rappresentata da H. A.

SANDERS, 1904; A. KLOTZ, 1913; M. GALDI, 1922 e 1934; C. M. BEGBIE, 1967; P. A. BRUNT,

1980; L. BESSONE, 1980; M. HORSTER-CHR. REITZ, 2010. 6

Cfr. O. RossBACH, 191 O (da cui dipende sostanzialmente A. C. SCHLESINGER 1959). Non si

terrà conto di alcuni rinvii liviani non espliciti, ma ritenuti ipotizzabili, sulla scorta di probabili consonanze stilistiche di alcune note a Lucano con il Livio conosciuto o con altri testi compresi tra quelli della cosiddetta 'tradizione liviana', che pure in H. USENER, 1967 non mancano (cfr. Comm. Bern. 3, 64; 6, 787; 8, 287 e 8, 694). La ragione è presto detta. Quand'anche si potessero nutrire, in alcuni casi, fondati sospetti di trovarci, nelle annotazioni lucanee, al cospetto di fatti e dettagli che solo da Livio potevano derivare, non si deve mai dimenticare che in fondo la principale fonte documentaria del poema di Lucano è proprio Livio, sicché specificare solo in talune circostanze i debiti del poema dall'opera dello storico di Padova è tutto sommato fatica inutile, poiché la dipendenza, più o meno fedele, dallo stesso modello storiografico è da ritenere molto diffusa e costante, anche laddove non ne emergano gli indizi. Non si può nemmeno escludere, ma non è qui il caso di parlarne, che Livio abbia lasciato tracce anche di tipo fonnale e stilistico in Lucano. 7

Che verrà citato sulla scorta dell'edizione di R. 8ADALÌ 1992.

344

La notizia si riferisce alla conquista di Gerusalemme da parte di Pompeo nel 63 a. C. e costutuisce una testimonianza importante, anche se non unica8,

del fatto che gli Ebrei consideravano Dio invisibile ed innominabile (se non attraverso perifrasi) e, pur avendogli edificato un tempio di grandi

dimensioni, ritenevano sconveniente ed impossibile dedicargli statue. Di

tutto questo i Greci ed i Romani erano al corrente e se ne mostravano stupiti,

non riuscendo a comprenderne le ragioni.

Liber CIX

l)

Lucan. 3, 181-183 (all'interno del catalogo degli alleati di Pompeo, si

descrive l'esiguo contributo di navi fornito da Atene): exhausit totas quamvis dilectus Athenas, exiguae Phoebea tenent navalia puppes tresque petunt veram credi Salamina carinae9•

Comm. Bern. 3, 182: EXIGVAE FOEBEA TENENT NABALIA P. Livius in primo libro belli civilis ait naves effecere

»

: «

nam Athenienses de tanta maritima gloria vix duas

(= Liv. fr. 32a).

2) Lucan. 3,59 (Curione viene mandato da Cesare in Sicilia, provocando

la fuga, da questa provincia, di Marco Catone che la governava): Curio Sicanias transcendere iussus in urbes

Comm. Bern. 3, 59 : CVRIO SICANIAS TRASC. l. l. A. ut ait Livius, Marcum Catonem expulit provincia(= Liv. fr. 32b). Per una ricostruzione completa della vicenda che vede protagonista Curione, già pompeiano e poi passato a Cesare, si deve ricorrere a Caes. civ. 1,30,2e5: Sardiniam obtinebat M. Cotta, Siciliam M. Cato, Africam sorte Tubero obtinere debebat [ . ]. Quibus rebus paene perfectis adventu Curionis cognito queritur in contione sese proiectum ac proditum a Cn. Pompeio, qui omnibus rebus imparatissimis non necessarium bellum suscepisset et ab se reliquisque in senatu interrogatus ornnia sibi esse ad bellum apta ac parata confirmavisset. Haec m . .

contione questus ex provincia fugit10•

8 Cfr. ad esempio C. Dione, 37, 17, 2. Per un'indagine sistematica dell'attestazione fomita, in proposito, dai Comm. Bern., che ha giustamente goduto di un rilievo particolare all'interno

delle testimonianze pagane su alcuni tratti particolarmente originali della concezione di Dio

degli Ebrei, si rinvia agli studi di É. D E S PLACES, 1973 e di CH. 0. TOMMAS!, 2013. 9 Vale la pena di riportare l'esegesi ad l. di G. CORTIUS, 1828, p. 337 che è la migliore e la più limpida in proposito : « Exhaustae Athenae, exiguae puppes liquido ostendunt voluisse poetam obiter miserabilem maximorum olim oppidorum statum describere. Quare etiam hoc vs. exiguas copias celeberrimae quondam Salaminis significavit, quae cum tres tantum naves misisset, precario quasi obtinuit, ut crederetur eas a vera Salamine (a qua plures naves sperasses) venire, et urbem ipsam esse veram Salamina ». Da vedere anche le note a questo passo di V. HUNrNK, 1992, p. l 09-11 O. 10 A questa testimonianza si aggiungono Plut. Cato 53; Appian. b. c. 2, 6, 40 s.; nonché per. l.

CIX : C. Caesar bello inimicos persecuturus cum exercitu in Jtaliam uenit, C01jìniun cum L. Domitio et P. Lentulo cepit eosque dimisit, Cn. Pompeiwn ceterosque partium eius Italia expulit.

345

Liber CX

l) Lucan. 4, 354-358 (discorso del pompeiano Afranio che tratta con :

Cesare la resa dei suoi dopo la sconfitta presso Ilerda) nec cruor effusus campis tibi bella peregit nec ferrum lassaeque manus: hoc hostibus unum, quod vincas, ignosce tuis. nec magna petuntur: otia des fessis, vitam patiaris inermis degere, quam tribuis.

Comm. Bern. 4, 354: NEC CRVOR EFFVSVS CAMPIS T. B. P. Livius: «et duces sumus in bello inutiles, per quos tibi licuit sine sanguine vincere. Quod Caesari pulcrum est, petimus: quibus armatis pepercisti, deditis consulas » ( =

Liv. fr.

32c).

Il modo in cui Lucano rielabora i dati storici è qui sintomatico della sua tendenza a selezionare solo quello che a lui sembra utile e funzionale alla prospettiva scelta. In particolare, qui si tende a nobilitare quella che fu, in terra ispanica, una resa di fatto incondizionata e non particolarmente 11 dignitosa dei comandanti pompeiani a Cesare • La vicenda è accennata anche in per. l. CX : C. Caesar Massiliam, quae portas cluserat, obsedit et relictis in obsidione urbis eius legatis C. Trebonio et D. Bruto profectus in Hispaniam L. Afranium et M. Petreium, legatos Cn. Pompei, cum septem legionibus ad Ilerdam in deditionem accepit omnesque incolumes dimisit12•

2) Lucan. 5, 493-494 (Cesare rivolto a Marco Antonio, cui rimprovera un eccessivo indugio nel raggiungerlo, con le sue forze, da Brindisi, laddove i suoi soldati, pur di ricongiungersi a lui, rischierebbero perfino il naufragio) : si bene nota mihi est, ad Caesaris arma iuventus naufragio venisse volet.13

Comm. Bern. 5, 494: NAVFRAGIO VENISSE V. deest: etiam. [et] ut amor periculis conprobetur. Livius de hoc: «Veniant si modo mei sunt

»

(

=

Liv. fr.

32d). Il tono deciso e spavaldo dell'affermazione cesariana riferita da Livio potrebbe far pensare ad una sua appartenenza ad un discorso diretto del comandante o a sue parole contenute in un messaggio da lui inviato ad Antonio. A ricostruire la vicenda è di indubbia utilità il resoconto dei

commentarii cesariani (civ. 3, 25, l e 4) : Multi iam menses erant et hiems praecipitaverat, neque Brundisio

naves

legionesque ad Caesarem veniebant. Ac nmmullae eius rei praetermissae quod

certi

necessario committendum existimabat

occasiones

Caesari

videbantur,

[ ...].

saepe

flaverant

venti,

quibus

Quibus rebus permotus Caesar

Brundisium ad suos severius scripsit, nacti idoneum ventum ne occasionem

11 12 13

Per un'analisi particolareggiata della scena rinvio a P. ESPOSITO, 2009, p. 180 ss. Per maggiori dettagli cfr. Caes. civ. l, 72 e 84; Appian. b. M. MATTHEWS, 2008, p. 66 osserva giustamente

: «

c.

2, 43.

the willingness of Caesar's soldiers to

suffer even shipwreck to be with him is an indication of their almost unnatural devotion to their leader». Ma si veda anche C. M. FRANCKEN 1894, p. 164-165.

346

navigandi dimitterent, sive ad litora Apolloniatium sive ad Labeatium cursum dirigere atque eo naves eicere possent.

Liber CXI

l) Lucan. 7, 470-471 (si tratta di un'apostrofe del poeta a Crastino, il

pr imipilo cesariano che avrebbe dato inizio alla battaglia di Farsàlo)14: di tibi non mortem, quae cunctis poena paratur, sed sensum post fata tuae dent, Crastine, morti.

Adn. 7, 471 : CRASTINE MORTI proprium nomen est 'Crastine' eius militis, qui primus tela iaculatus est, ut ait Titus Livius pilo sumpto primo Gaius Crastinus

»

«

Primus hostem percussit nuper

(= Liv. fr. 33).

Comm. Bern. 7, 470: DII TIBI NON MORTEM Crastinus dictus est hic qui primus iaculatus in Pompei aciem pilum bella commisit, qui, ut historia refert, adacto in os gladio, sic inter cadavera repertus est, libidinem ac rabiam qua pugnaverat ipsa novitate vulneris praeferebat. de quo Titus Livius dicit « tunc fuisse evocatum, proximo anno deduxisse primum pilum Gaium Crastinum qui a parte Caesaris primus lanceam misit

»

(= Liv.

fr. 33a).

La vicenda trova riscontro in Caes. civ. 3, 91 : Erat Crastinus evocatus in exercitu Caesaris, qui superiore anno apud eum primum pilum in legione x duxerat, vir singulari vittute. Hic signo dato, «

Sequimini me

»,

inquit,

«

manipulares mei qui fuistis, et vestro imperatori

quam constituistis operam date. Unum hoc proelium superest; quo confecto et ille suam dignitatem et nos nostram libertatem recuperabimus ». Simul respiciens « Faciam », inquit, « hodie, imperator, ut aut vivo mihi aut mortuo

Caesarem,

gratias agas

»

. Haec cum dixisset, primus ex dextro cormi procucurrit, atque

eum electi milites circiter centum et viginti voluntarii eiusdem centuriae sunt prosecuti 15•

14

15

Su cui si sofferma, con dovizia di informazioni, N. LANZARONE, Su Crastino il resoconto di Appiano (b. c.

2, 82)

2016,

p.

378-380.

oltre a contenere, in forma quasi identica, la sua promessa riferita dai commentarii cesariani, aggiunge che, dopo la battaglia, Cesare in persona tributò al caduto, poiché questi aveva dato straordinaria testimonianza di valore nel corso della battaglia, solenni onoranze funebri, e che perciò gli fece erigere una tomba speciale. In Plut. Caes.

44

la vicenda presenta una variante nell'indicazione del nome del

centurione, ricordato come Crassinio, ed in altri particolari, tra i quali mette conto di segnalare il dato del rinvenimento del suo cadavere con una spada conficcata in bocca (e qui fuoriuscita dalla nuca), a testimonianza dello slancio e della furia con cui si era battuto, che lascia traccia anche nei Comm. Bern. a Lucano. In Fior. 2, 13,46 si ritrovano un po' tutti gli elementi della vicenda (adnotatum quoque committentis aciem Crastini pilum, qui mox adacto in os gladio sic inter cadavera repertus - libidinem ac rabiem qua pugnaverat ipsa novitate volneris praeferebat). Ci sarebbero gli estremi per ipotizzare che il resoconto liviano, da supporre come avantesto di tutta la tradizione che ne dipende, avesse narrato lo scoppio delle ostilità con una certa dovizia di dettagli, più o meno direttamente confluiti nelle riprese di quanti, dopo, lo avevano utilizzato. Lo fa supporre la presenza dell'identica espressione adacto in os gladio sia nei Commenta che in Floro, che potrebbe essere spia di una loro comune fonte liviana (cui forse, anche prima di nominare Livio, si alluderebbe nei Commenta Bernensia con la formula ut historia refert).

347

2)

Lucan. 7,

62-67

(a Farsàlo, Cicerone, il massimo oratore di Roma, che

aveva già fatto tremare Catilina, interpretando la volontà dei suoi soldati, 16 esorta Pompeo a rompere gli indugi e ad attaccare battaglia) : cunctorum voces Romani maximus auctor Tullius eloquii, cuius sub iure togaque pacificas saevus tremuit Catilina securis, pertulit iratus bellis, cum rostra forumque optaret passus tam longa silentia miles. addidit invalidae robur facundia causae.

Comm. Bern. 7, 62: ROMANI MAXIMVS AVCTOR TVLLIVS ELOQVII fingit hoc. nam Titus Liuius eum in Sicilia aegmm fuisse tradit eo tempore quo Pharsaliae pugnatum est et ibi eum accepisse litteras a uictore Caesare, ut bono animo esset (Liv. fr. 34a).

È

interessante che già la scoliastica lucanea sottolineasse la natura di

'falso storico' della presenza ciceroniana a Farsàlo, e lo facesse sulla scorta di una testimonianza, risalente a Livio (ancorché contenente un palese errore topografico), che evidentemente segnalava nella sua opera l'assenza di Cicerone dal campo di battaglia, come attesta anche la per.

castris remansit, vir nihil minus quam ad bella natus)17•

l.

CXI

(Cicero in

CXII

l)

Lucan. 8, 90-97 (lamenti di Cornelia al marito, cui si accusa di aver

apportato solo danni) : bis nocui mundo : me pronuba ducit Erinys Crassorumque umbrae devotaque manibus illis Assyrios in castra tuli civilia casus praecipitesque dedi populos cunctosque fugavi a causa meliore deos. o maxime coniunx, o thalamis indigne meis, hoc iuris habebat in tantum Fortuna caput? cur inpia nupsi, si miserum factura fui?

Comm. Bern. 8, 91 : CRASSORVMQ. VMBRAE quasi irascantur quod fuerit nupta Pompeio. Hunc locum poeta de Livio tulit qui Corneliam dicit dixisse Pompeio

: «

Vicit, Magne, felicitatem tuam mea fortuna. Quid enim ex funesta

Crassorum domo recipiebas nisi ut minueretur magnitudo tua?»(= Liv. fr. 39a).

Cornelia Metella, sposata nel 53 a. C. a Publio Licinio Crasso, figlio del triumviro Marco, rimasta ben presto vedova per la morte del marito a Carre, divenne nel 52 moglie di Pompeo. Lucano parrebbe aver derivato dal resoconto di Livio il dettaglio della consapevolezza, da parte di Cornelia, di 16 17

Cfr. N. LANZARONE, 2016, p. 148-154. La notizia, oltre che nei Comm. Bern., è attestata anche in C ic

.

fam .

4, 7, 2; 9, 18, 2; 11, 4;

div. 68-69; P1ut. Cat. Min. 55; P1ut. Cic. 39, l. Va precisato però che solo nella biografia

ciceroniana di Plutarco e nell'annotazione dei Commenta Bernensia si fa esplicitamente menzione, come ragione dell'assenza da Farsà1o, di una malattia di Cicerone.

348

essere portatrice di una sorte funesta per i suoi mariti, come sembrerebbero avvalorare le coincidenze tra la testimonianza fornita in proposito dai 8 Commenta e le analoghe frasi che si trovano in Plutarco (Pomp. 74, 5)1 • 2) Lucan. l O, 467-474 (Cesare assediato in Alessandria invia un

ambasciatore presso il ribelle Achilla; questi lo fa uccidere infrangendo ogni

normale e consolidata consuetudine che imponeva il rispetto quasi sacro dell'ambasciatore) 19 : cogunt tamen ultima rerum spem pacis temptare ducem missusque satelles regius, ut saevos absentis voce tyranni corriperet famulos, quo bellum auctore moverent, sed neque ius mundi valuit nec foedera sancta gentibus : orator regis pacisque sequester aestimat in numero scelerum ponenda tuorum, tot monstris Aegypte nocens.

Adn. 10,471: SED NEQVE IVS MVNDI legatos, quos rex miserat duo fuerunt,

Dioscorides et Serapio, quorum alter occisus est, ut Titus Livius meminit libro

quarto(= Liv. fr. 40).

La vicenda era già narrata in Caes. civ. 3, l 09, 2-5 : Relinquebatur, ut se suis locis oppido teneret consiliumque Achillae cognosceret. Milites tamen ornnes in armis esse iussit regemque hortatus est, ut ex suis necessariis, quos haberet maximae auctoritatis, legatos ad Achillam mitteret et, quid esset suae voluntatis, ostenderet. A quo missi Dioscorides et Serapion, qui ambo legati Romae fuerant magnamque apud patrem Ptolomaeum auctoritatem habuerant,

ad

Achillam

pervenerunt.

Quos

ille,

cum

in conspectum eius

venissent, priusquam audiret aut, cuius rei causa missi essent, cognosceret, corripi atque interfici iussit; quorum alter accepto vulnere occupatus per suos pro occiso sublatus, alter interfectus est.

3) Lucan. l O, 519-523 (si ricorda la fuga dalla reggia di Alessandria, ad opera del servo Ganimede, di Arsinoe, sorella di Cleopatra e di Tolomeo XIII, la quale assume il comando del campo avverso a Cesare e vi fa

uccidere Achilla)20 :

nec non subrepta paratis a famulo Ganymede dolis pervenit ad hostis Caesaris Arsinoe; quae castra carentia rege ut proles Lagea tenet famulumque tyranni terribilem iusto transegit Achillea ferro.

Adn. l O, 521 : CAESARIS ARSINOE soror Ptolemaei fuit; hanc Ganymedes

quidam, spado21 puellae acceptissimus, in castra Achillae perduxit, cuius iussu

18

Sulla Cornelia di Lucano si vedano R. T. BRUERE, 1951 e L. SANNICANDRO, 2010, p. 43-82.

J. P. PosTGATE 2015, p. 45 così spiega il passo lucaneo:

«

the sense is that she had passed

completely into the power of the dead Crassi, and thus brings death and disaster to any cause she espouses ». 19 2° 21

II passo è diffusamente commentato in E. BERTI 2000, p. 314-317. ,

Cfr. E. B E RTI, 2000, p. 337-339. Su spada, per eunuco, in Livio, cfr. Liv. 9, 17, 16; 35, 15, 3-4.

349

Achillas occisus est et exercitui Ganymedes praepositus. Hanc postea Caesar victis Aegyptiis in triumphum duxit, ut meminit Livius in libro quarto civilis belli(= Liv. fr.

41)22•

4. Le tracce liviane presenti nella prima scoliastica lucanea pongono una serie di interrogativi di difficile soluzione, ma al contempo costituiscono un utile contributo alla determinazione della cronologia dei testi che le contengono. Intanto va detto che sull'attendibilità della loro derivazione dali'opera dello storico di Padova non pare sussistano dubbi, per il tono sostanzialmente puntuale e letterale dei rinvii in essi contenuti. Inoltre, per i frammenti relativi a fatti e personaggi della guerra civile, che costituiscono la quasi totalità, compare l 'indicazione precisa del numero del libro della microsezione (libri CIX-CXVI) dedicata specificamente, negli Ab Urbe condita, al bellum civile tra Cesare e Pompeo.

Quanto alla precisazione del libro de bello civili utilizzato, va aggiunto che si tratta di un'indicazione presente nelle corrispondenti periochae, il che conferma senza dubbio che doveva essere presente già in Livio (integro o epitomato poco importa). Nessun elemento nuovo offrono invece queste citazioni scoliastiche su una loro dipendenza diretta da Livio o piuttosto da una sua epitome, anche in questo in linea con quanto si può ragionevolmente dire delle periochae. Altra questione, non meno importante delle altre, è quella del riflesso che simili testimonianze possono avere sulla determinazione della cronologia delle note che le contengono. Si tratta qui di un problema molto complesso, poiché i blocchi di annotazioni in questione, pur risalendo ad una tradizione manoscritta medievale, contengono sicuramente materiali molto più antichi, grosso modo risalenti al Tardoantico. E in tal senso, i rinvii a Livio in essi contenuti servono a confermare la presenza, al loro interno, di uno strato cronologicamente più alto,

che sembra differenziarsi rispetto

ad

altri

chiaramente seriori23. Si pensi ad esempio a quanto accade per le note mitologiche della stessa scoliastica lucanea, molto vicine ai blocchi più 24 Vaticani • Ora, le note

chiaramente carolingi dei cosiddetti Mitografi

contenenti riferimenti a Livio rientrano con buona probabilità tra quelle portatrici di notizie e conoscenze risalenti molto più indietro e confermano perciò l'interesse e l'importanza di questi corpora esegetici sviluppatisi intorno al testo di Lucano, portatori, tra l'altro, di unafacies di osservazioni, conoscenze, citazioni la cui datazione potrebbe essere collocata a ridosso del commento serviano a Virgilio o in un'epoca non molto posteriore ad esso. Forse proprio in questo consiste un motivo di interesse specifico di queste tracce di Livio, non meno rilevante del merito di rappresentare una

22

Cfr. bel!. Alexandr. 4, 1-2: interim dissensione orta inter Achi/lam, qui veterano exercitui

praeerat, et Arsinoen, regis Ptolomaei minorem .fì!iam, 111 supra demonstratum est, cum uterque utrique insidiaretw· et summum imperii ipse obtinere vellet, praeoccupat Arsinoe per Ganymeden eunuchum, nutricium Sl/11111, atque Achil!an interjìcit. Hoc occiso sine ullo socio ipsa omne imperium obtinebat; exercitus Ganymedi traditur. 23

La loro datazione alta era sostenuta, tra gli altri, da S. MARI01TI, 2000 (nella stessa

direzione andavo in P. ESPOSITO, 2004, p. 25 ss.). 24

Per un orientamento generale su questi testi si veda R. E. PEPIN, 2006, soprattutto p. 5 ss.

350

testimonianza unica, ancorché frammentaria, dell'opera dello storico di età augustea.

di parti per nm perdute

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Ioh.

Lagunae,

interruptam

É.

Frider.

Dan.

Gronovii,

Wilh.

absolvit

Trilleri C.

Nicol. Heinsii, aliorumque

F.

Weber,

Ioh.

Aloys,

editionem volumen

Msrtyni­

motte prius

Cortii Lipsiae

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353

Zeus, Typhée et les singes : mé tamorphoses mythiques et déformations textuelles (note au commentaire de Servius Danielis ad Aen. 9, 715) Stefano Grazzini

Università di Salemo

Le commentaire de Servius Danielis ad A en. 9, 715 pose un certain nombre de problèmes en raison de divers éléments corrompus qui en rendent difficile la compréhension. On en examinera ici un passage significatif, d'un point de vue méthodologique, puisque, suivant la perspective adoptée et les solutions proposées, le lecteur est amené à suivre des voies tout à fait différentes. Je reproduis ci-dessous en vis-à-vis le texte établi par Thilo, Ramires et Murgia-Kaster, avec les éléments principaux de 1 ' apparat critique, en respectant la graphie d'origine, mais je préviens d'emblée qu'il s ' agit de l 'un des deux passages sur lequel Ramires s'écarte notablement des deux autres éditeurs.

355

Ed. Thilo ad Aen. 9, 712 Prochyta alta tt·emit atqui haec insula plana est; sed epitheton de praeterito traxit: nam, ut dicit Plinius in naturali historia, Inarimes mons fuit qui terrae motu de ea fusus alteram insulam fecit,

Ed. Ramires ad A en. 9, 715

PROCHYTA ALTA TREMIT

atqui haec insula plana est,

sed epitheton de praeterito traxit; nam, ut dicit Plinius in naturali historia, Inarimes mons fuit qui terrae motu de ea fusus alteram insulam fecit, quae Prochyta ab effusione dicta est èmo mil npoxuvcu: fundere enim est ÈK;(ÉEtv: Prochyta ergo alta

quae Prochyta ab effusione dicta est: fundere enim est éqéstv. 'Prochyta' ergo 'alta' quondam scilicet. Hanc Naevius in primo belli Punici de cognata Aeneae nomen accepisse clicil. Sed Inarime nunc Aenaria

Naevi11s ill primo belli Pwrici

dicitw·. et saepe

hoc quod Typhoeurn

quod T)JJiwewn premat,

contumeliam simiae missae

et quia in feamdi contumeliam simiae

anarrhinas dicunt: ob quam

jidgoribus petitur ob hoc

missae sunt, quas Etruscorum /ingua arimos dicunt: ob quam causam Pithecusam etiam vocitant: lice/ diversi auctores varie dicant: nam a/ii hanc insu/am Typhoeum, a/ii Enceladum tradrmt premere. et pu/atur nove dictum 'lnarime ', quod et singulari numero, et addita syllaba dixerit,

crmr Homerus eiv iJpipcuç posrterit, ut prio1· syllaba praepositionis /oc11m obtineat. Livius in libro nonagesimo quarto Inarimen in Maeoniae partibus esse dicit, ubi per

quondam scilicet.

/ume

de cog11ata Aeneae 110111e11 accepisse dicit. sed Ina rime nunc Aenaria dicitur. et saepe fulgoribus petitur ob premat, et quia in eandem su nt, quas Dorum lingua causam Pithecusam etiam vocitant. licet diversi auctores varie dicant: nam alii hanc insulam Typhoeum, alii Enceladum tradunt premere. e [!] putatur nove dictum Inarimem [ !] , quod et singulari numero, et addita

Ed. Mm·gia-Kaster ad Aen. 9, 715 PROCHYTA ALTA TREMIT atqui haec insula plana est; sed epitheton de praeterito traxit: nam, ut dicit Plinius in Naturali Historia (2, 203), Inarimes

1

1

insula fuit alta

mons fuit

qui terrae motu de ea fusus alteram insulam fecit, quae Prochyta ab effusione dicta

Il

est

èmè

npoxuvat,

·roü

1

est:

fundere enim est BK;(ÉEtV. Prochyta ergo alta quondam scilicet.

1

... '--------....�=====-==..;.,;,;--.J

Hanc Naevius in primo Belli Punici (fr.

13)

de

cognata Aeneae nomen accepisse dicit. Sed Inarime nunc Aenaria dicitur. et saepe fulgoribus petitur ob hoc quod Typhoeum premat, et quia in eam tdi contumeliamt simiae missae sunt, quas

Etruscorum lingua arimos dicunt: ob quam causam Pithecusam etiam vocitant, lice! diversi auctores varie dicant: nam alii hanc insulam Typhoeum, alii Enceladum tradunt premere. et putatur

nove

dictum

Inarime((m]],

quod

et

singulari numero, et addita syllaba dixerit, cmn Homerus (Il. 2, 783) Elv A.plpotç posuerit, ut prior syllaba praepositionis locum obtineat. Livius in libro nonagesimo quarto (fr. 24) Inarimen in Maeoniae pattibus esse dicit, ubi quinquaginta milia terrae igni exustae sunt. hoc etiam Homerum significasse vult.

syllaba dixerit, cum Homerum[!] eiv Jfpi}IOI di contumeliam 9 • La chute de in se comprendrait bien après-m et di peut très facilement être une corruption de dei dans le système tachygraphique 1 0 • Mais il est plus probable que Servius Danielis a conservé une version du mythe qui s 'accorde avec la tradition selon laquelle Ischia était la demeure de Typhée et des singes, et qui rappellerait 1 'ultime pied-de-nez de Zeus clôturant le conflit qui l 'opposait au monstre emprisonné sous l 'île - dont l ' identité faisait débat. Cette version d'autorité, rassemblant deux mythes aussi éloignés l 'un de l 'autre que sont celui de Typhée et celui des Cercopes, unis seulement par la présence de Zeus, en tant qu'auteur du châtiment et par la mention de l 'île d'Ischia, comme lieu des événements, n'est connue que par l 'Alexandra de Lycophron (v. 688-693), où Typhon/Typhée est associé aux Géants11 : 69ëv ftyavrcov vfjooç � Jlf:Tapi'j. Ce motif peut être tiré aussi du rapprochement avec Osiris qui apparaît par exemple dans le nom PHOY:EIPI (PGM 4, 890) . On trouve également cette association dans plusieurs tablettes de défixion, sous forme de la formule "Omptç Mveu pi'j, avec des variantes graphiques ou phonétiques, notamment Mve, Mvo, Mvro et pt : voir en particulier A . AUDOLLENT, 1 904, n° 140 ; 1 5 5 ; 1 56 ; 1 5 8- 1 69 ; 1 74 ; 1 76 ; 1 84 - il s ' agit donc uniquement de la catégorie des « Sethianorum tabellae ». À l ' exception de ces mentions qui appuient l ' identité magique (et solaire par le rapprochement avec Osiris) de Phrê, nous n' avons pas trouvé dans les tablettes de défixion de rapprochement concluant pour notre propos, après consultation des indices de A. AUDOLLENT, 1 904 (en particulier p. 46 1 -4 70, « Nomina et cognomina deorum daemonumque invocatorum »), du tableau synoptique des p. C-CI, ainsi que de l ' ouvrage de A. KROPP, 2008 (en particulier p. 94- 1 03, « Die numinosen Machte des Rituals », et base de d01mées disponible dans le CD-ROM joint). 66 Voir n. 62. 67 Voir en particulier les travaux pionniers de J. L'HEUREUX (Macarius) et J. CHJFFLET, réunis en 1 657 dans un même volume intitulé Abraxas seu Apistopistus ; quae est antiquaria de gemmis basilidianis disquisitio. A ccedit Abraxas Proteus, seu multiformis gemmae Basilidianae portentosa uarietas, publié à Anvers chez Plantin 1 B. Moretus. En 1 702, A. CAPELLO leur consacre un ouvrage dans lequel il fixe pour longtemps l ' interprétation gnostique, Prodromus iconicus sculptilium gemmarum Basilidiani amulectici atque talismani generis, Venise. Ces premières recherches sont utilisées et diffusées par B . DE MONTFAUCON dans sa Palaeographia Graeca, Paris, Guerin, 1 708, livre 2, p. 1 77- 1 83 , puis dans le deuxième tome de sa vaste encyclopédie, L 'A ntiquité expliquée et représentée en figures, Paris, Delaulne, 1 7 1 9 . 68 En particulier C. BONNER, 1 950. 6 9 Pour une approche historiographique complète munie d ' une bibliographie exhaustive à la date de la parution, voir S. MICI-IEL, 2004, p. 1 8-34.

378

actuellement de l 'étude de S. Miche170, ainsi que de la base de données en ligne The Campbell Bonner Magical Gems Database7 1 (http://classics.mfab.hu/talismans/), maintenue et alimentée depuis 20 1 1 , qui comprend actuellement des descriptions et photographies de plus de 2000 gemmes et fournit un moteur de recherches textuel, thématique et iconographique. C ' est cette base de données que l'on utilisera principalement ici72• Ces dernières années, plusieurs travaux collectifs ont mis l 'accent sur l 'intérêt de l 'étude de ce corpus, qui reflète « des manifestations à part entière de la vie sociale, religieuse et politique7 3 ». La fréquence du nom ' A�pacral/-�aç dans le corpus des gemmes magiques n ' est plus à démontrer : cette particularité a été relevée dès les premiers travaux sur le corpus74, et la bibliographie plus récente a même parfois utilisé la catégorie des « gemmes Abraxas75 » comme quasi synonyme de « gemmes magiques ». À titre d'exemple, le corpus informatique mentionné plus haut renvoie 203 résultats76 (pour une recherche de toutes les variantes d' ' A�pacra�-�aç). Dans 2 1 cas, une pierre portant la mention ' A�pacra�-�aç (à l'avers ou au revers) comporte également un ouroboros, et dans six cas 77 le nom, accompagné ou non d'autres noms ou lettres, est entouré par 1 'ouroboros. En revanche, nous n'avons pas trouvé d'iconographie correspondant exactement à la description de Martianus, c'est-à-dire comportant un dieu voilé portant à la main droite un ouroboros nommé 'A�pacra�/-�aç. De manière générale ' A�pacra�/-�aç correspond au type de l ' « anguipède alectorocéphale » pmtant un bouclier dans lequel figure souvent la mention lAO., beaucoup 70 S . MICHEL, 2004 : si cette étude ne revendique pas l ' exhaustivité, il s ' agit toutefois d'une somme impressionnante proposant un classement de 2600 gemmes (p . XIII). 7 1 Cette base de données, hébergée par le Museum of Fine Arts de Budapest, est supervisée par A. M. NAGY. 7 2 Nous citons donc les gemmes selon le système employé dans cette base de données : indication « CBd- » puis numéro ; lorsqu' une gemme figure également dans la nomenclature mise en place par S. MICHEL, 2004, nous en indiquons la référence, en précisant le cas échéant après un tiret le numéro au sein de la liste d ' une même rubrique. En revanche, nous n' indiquons pas, sauf exception, les références dans des catalogues ou études plus anciennes, malgré leur importance : elles peuvent être facilement retrouvées grâce à la bibliographie fournie par la base de données. 73 V. DASEN, J.- M SPIESER, 20 1 4, p. IX : l ' ouvrage, qui rassemble les actes d'un colloque tenu à l ' université de Fribourg et d ' une table-ronde organisée à Sofia en 20 1 1 , fournit des études fondamentales pour comprendre les processus de transmission et d ' appropriation des rites magiques antiques. S ur les gemmes magiques de l 'Antiquité tardive ("' 200-600 ap. J.-C.), on peut également consulter la synthèse de C. ENTWISTLE, N. ADAMS, 20 I l . On trouvera une synthèse sur les recherches consacrées à la magie antique ces dernières décennies dans M. DE HARO SANCHEZ, 20 1 5 (actes d ' un colloque sur la magie dans l 'Antiquité), en particulier p. 914. 74 Voir e n particulier le titre d e l ' étude d e J. CHIFFLET, 1 657, A braxas Proteus. 75 Voir S. MiCHEL, 2 004, p. 1 , ainsi que les références fournies. 7 6 Corpus consulté le 20/ 1 2/20 1 7 (comme pour l ' ensemble des développements qui suivent). Voir également les nombreuses mentions relevées par S. MICHEL, 2004 dans 1' « Alphabetisches Verzeichnis magischer W ôrter und lnschriften nach ausgewiihlten Publikationen », p. 489. 77 CBd-32 1 ; CBd-886 ; CBd- 1 53 1 (= S . MICHEL, 2004, 3 9 . 7-4 + tab. 89, 2) ; CBd- 1 64 1 (= S . MiCHEL, 2004, 46.2- 1 ) ; CBd-2 1 44 (= S . MiCHEL, 2004, 2 8 . 7 .c-6) ; CBd-244 5 .

379

plus rarement ABPAI:AS78 ; parfois apparaît également, au revers, un serpent à tête de lion ornée de rayons (Chnoubis79). Il existe également deux pierres 80 représentant probablement Kronos-Saturne voilé et coiffé d'un disque solaire, avec l 'inscription ABPAI:AS (à la fin d'une formule) sur la tranche et un serpent à tête de lion piétiné par un sanglier8 1 au revers, ce qui peut être mis en relation avec un détail curieux de la description de la sphère de Saturne en 2, 1 97, où le dieu se caractérise tantôt par l' apparence d'un serpent, tantôt par une gueule de lion, tantôt par une crête et des dents de sanglier8 2. Martianus s'est-il insptre d'une pierre comportant une iconographie plus rare, qui n' aurait pas été conservée? A-t-il fusionné différents types iconographiques en plaçant un ouroboros dans la main de Saturne plutôt qu'un bouclier dans celle de l ' anguipède alectorocéphale? S 'il est difficile de répondre à cette question, on peut toutefois souligner que la consultation de ce corpus confirme la résolution de l ' isopséphie en 'AppacHx�/-�aç et fournit des éléments iconographiques permettant de voir dans la description de 1 , 70 autre chose qu 'une pure fantaisie. Dans le même corpus, le nom PH (avec ses différentes variantes, PHN, PHP ou PHE>) apparaît 1 9 fois 83 ; son caractère cosmique est parfois rappelé par l'ouroboros 84 ou par un élément lié au symbolisme solaire 8 5 : le contexte n'est donc pas très éloigné de celui que nous avons relevé pour ' Appacra�/-�aç. Par ailleurs, deux gemmes représentent à l ' avers l 'anguipède alectorocéphale avec le nom ABPAI:AS et au revers une figure solaire (Harpocrate ou Hélios) avec le nom PH(N) 8 6, une porte à 1 'avers un lion couronné de sept rayons avec l ' inscription PH et au revers un paon avec ABPAI:AS87, une autre 88 associe, sur la même face, l ' anguipède avec 78

Voir par exemple CBd-229 (= S . MICHEL, 2004, 3.A.3.h- 1 0). CBd-3 ; CBd-6 1 0 (= S . MICHEL, 2004, 3 .A.2.i-9) ; CBd-7 1 5 (= S. MICHEL, 2004, 1 1 . 3 . e-3) ; CBd-766 (= S . Michel, 2004, 3 . C . l .b-2) ; CBd- 1 7 52 (= S . MICHEL, 2004, 1 1 .3 .e-4) - dans ce dernier cas, la scène à l ' avers, qui comprend l ' anguipède, un scarabée et un lion, est entourée par un ouroboros. 8 ° CBd- 1 746 (= S . MICHEL, 2004) et CBd- 1 5 1 7 (= S . MICHEL, 2004, 4 8 . 1 . 1 ). Le même type de scène (sans Saturne mais toujours avec ABPA2:A3 au revers) figure sur CBd- 1 747 (= S . MICHEL, 2004, 48. 1 .4). Voir également S . MICHEL, 2004, p . 428 (tab. 5 8). 8 1 Pour les gemmes citées à la note précédente, la base de données mentionne un « four­ legged animal » ou un « quadruped, unspecified ». S. MICHEL, 2004, p. 329-330, les classe dans la rubrique « Schwein » (n 48). Il nous semble pourtant qu' i l s' agit de sangliers (les défenses sont généralement visibles), ce qui est également l ' interprétation de A. MASTROCINQUE, 1 998, p. 84 (et fig. 1 9), pour une gemme du même type (Museo Ci vico Archeologico di Bologna), où ne figure toutefois pas le mention 'A�pacraÇ/-Çaç. 82 2, 1 97 : ipsi praesuli nunc draconis facies, nunc rictus leonis, nunc cristae cum apruginis dentibus uidebantur (« le maître [de cette sphère] lui-même montrait tantôt une face de serpent, tantôt une gueule de lion, tantôt une crête avec des dents de sanglier »). 83 S . MICHEL, 2004, p. 242, consacre à PH la catégorie 3 .A. l .h de sa « Materialliste nach Motivgruppen » ; on trouve par ailleurs 33 références dans l ' index des noms et inscriptions magiques, p. 525 ( 1 8 PH, 1 PEN, 4 PH0, 1 PH8H, 8 PHN, 1 PHP). 84 CBd-70 (PHN avec un N qui semble avoir été gravé postérieurement). 85 CBd-2008 (= S . MICHEL, 2004, 22. 1 -2) représentant Hélios, un coq et un lion ; CBd-287 1 (= S . MICHEL, 2004, 4 5 . l .b-2) représentant Hélios debout sur un lion ; CBd- 1 6 1 9 représentant un dieu à tête de lion couronnée de sept rayons tenant le serpent Chnoubis. 86 CBd-62 1 (= S . MICHEL, 2004, 3 .A.3 .c-6) ; CBd-65 7 (= S. MICHEL, 2004, 22.2.d- l ). 87 CBd- 1 420 (= S. MICHEL, 2004, 3 7 .A. l .a- 1 2). 79

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les noms ABPAI:AS et PH et une demière 8 9 comporte à l ' avers une représentation d 'Harpocrate avec les noms I]AQ et ABP AI:AS, au revers les noms OI:IPIL, MHNH, PHI. Ces éléments confirment donc le bien-fondé de l'hypothèse piJ pour résoudre l ' isopséphie de 2, 1 93 : l'hésitation sur la voyelle finale, dans les gemmes magiques, semble traduire le jeu avec le grec Ktoc; . . . L ' inscription du columbarium de Rome et celle d' Athènes dissuadent de corriger en fa'(oç le prénom précédant le gentilice MatK�vaç, comme le proposaient les premiers éditeurs (et encore E. PARMENTIER, F.P. BARONE, 20 1 1 , ad loc. , p. 29 1 , note 1 40 [numérotée 1 3 9, mais il y a déjà une note 1 3 9, p. 290, et une note 24 1 , p. 292] ; incertitude plus ou moins grande chez C.M. HALL, 1 923, ad loc., p . 96, note 2 ; B. SCARDIGLI, 1 98 3 , ad loc . , p. 23 1 -232 ; J. BELLEMORE, 1 984, ad loc., p. 1 3 1 ; J. MALITZ, 2003, ad loc., p . 1 92, note 440 ; M. TOHER, 20 1 7, ad loc., p . 4 1 7) ; il s'agit bien du père. 14 Nous reviendrons sur son témoignage dans la seconde partie de cet article (p. 5 4 1 ). 1 5 Cilniu.s est bien donné à la place du prénom. On a l ' impression d ' une marque de pédanterie, peut-être inconsciente, chez TACITE, qui montre ainsi sa connaissance des liens de Mécène avec la gens Ci/nia ; c 'est aussi ce que fait P. WUILLEUMIER, 1 978, note ad An., 1 4, 5 3 , 3 (p. 1 1 5 , n. 3) : au texte de la traduction avec appel de note C. Mécène3 répond la note " 3 . Cilnius", sans commentaire . - R. SYME, 1 95 8, 2 , p . 7 0 9 , n. 3 , remarque qu' il y avait un Cilnius important à l' époque de Tacite, C. Cilnius Proculus, consul suffect en 87 (E. GROAG, 1 899 b [ CIL , 1 5 , 4536], à rectifier et compléter avec R. HANSLICK, 1 970, ! 5 5) ; en fait, il y en avait deux, puisqu'il faut le distinguer de son fils, homonyme, consul suffect en 1 00 (W. ECK, 1 974 ; voir n. 1 8). 1 6 Cilnie au masculin, Cilnei au féminin. C ' est bien le cas dans les six inscriptions étrusques concernant cette gens recensées par A. MAGGIANI, 1 98 8 , et reprises par A. FATUCCHI, 1 99 5 . Deux seulement provi ennent du territoire d'Arezzo : la plus ancienne ( [fin rve - début me s.] CIE, 408 = TLE, 674 = EC, p. 1 04, n° 1 = MAGGIANI, n° 1 , p. 1 72- 1 75 . 1 9 1 , fig. 1 -3 , pl. L-LI = FATUCCHI, « più antiqua », p. 1 8 8 = ET, Ar 1 . 5 5), trouvée à Bettole, dans la Valdichiana, à un carrefour de voies de communication en direction de la mer, est l ' épitaphe, sur un sarcophage double, d ' un couple, dont l ' épouse s ' appelle 0anxvil Kilnei, avec une graphie archaïque de l ' initiale du gentilice (à côté se trouvait l ' ume de leur fils [CIE, 409 : . . . Kilna(l) 1 klan]) ; l a plus récente ( [ Il e s . ] = MAGGIANI, n° 6, p . 1 84- 1 85 , pl. LIV, 1 = FATUCCHI, « sesta », p . 1 89 = E T, Ar 1 . 80), trouvée à Arezzo même, est l 'épitaphe d ' un homme seul L. Cilni Vera Titu![nal] . Sur les quatre autres, qui proviennent de diverses cités, l ' une donne une séquence de sept noms d'hommes, parmi lesquels un Cilni (MAGGIANI, n° 3, lin. 3, p. 1 77- 1 83 = FATUCCHI, « terza », p. 1 8 8- 1 89 [Valdichiana, loc. S. Anna, entre Pienza et Montefollonico, 3e quart du rn• s. av. J.-C.]), deux comportent seulement un nom de femme : Cilnia(l) sur une écuelle (CIE, 1 0493 = MAGGIANI, n° 4, p. 1 84 = FATUCCHI, « quarta », p. 1 89 = ET, AT 2.29 [ager Tarquiniensis, loc. Piello, Sorrina 1 Viterbe, me-ne s.]) et La(r)9i Cilnei sur le fronton d ' une tombe rupestre de Sovana -

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saurait en porter deux 1 8• L'on ne peut pas envisager non plus qu' il ait été employé comme cognomen, puisqu'il n'aurait été alors ni abrégé, ni placé en tête. Et ceci est confirmé par la formule identitaire des affranchis de notre personnage, qui, selon l ' usage, portent toujours, devant leur nom unique d' esclave devenu cognomen, le prénom et le gentilice de leur patronus : toujours C. Maecenas 1 9 , jamais Cilnius. Pour nous, le lien de Mécène avec les Cilnii n'est en fait attesté que par une périphrase imagée parmi d' autres, qui évoquent, avec ironie20, tous ses titres de gloire en relation avec l ' Étrurie et Arezzo, dans un passage d'une (MAGGIANI, n° 5 , p . 1 84 [ager Vulcentanus] = FATUCCHI, [« quinta »], p. 1 89 [III0-II0 s.]), la dernière (MAGGIANI, n° 2, p . 1 76- 1 77 = FATUCCHI, « seconda », p. 188 = E'fl, T a 1 .263 [IV•-m• s.]) atteste le mariage d ' une Cilnei avec u n dirigeant de Tarquinia, dont nous reparlerons plus loin (p. 540-54 1 ). 1 7 La langue étrusque est abandonnée progressivement au cours du premier siècle av. J.-C. ; Arezzo a fourni trois inscriptions latines concernant des membres de la famille Ci/nia, l ' épitaphe d ' une femme par son mari (CIL, I l , 1 8 5 7 [Musée d'Arezzo, n° inv. 80]) et celle posée par une autre femme pour son époux (CIL, I l , 1 85 8 [Musée d ' Arezzo, n° inv. 54]) toutes deux datables du !0' ou du ne s. ap. J.-C. -, ainsi qu' une plaque monumentale, mutilée, portant une dédicace à un personnage qui fut consul suffect en l OO ap. J .-C. et dont l ' identité devait comporter le nom de la tribu Pomptina : C(AIO) CILNIO C(AI) F(IL/0) [PO]M(PTINA) PROCULO (partie gauche [auj ourd' hui perdue] = CIL, I I , 1 83 3 , partie droite trouvée en 1 92 3 ; les deux parties ensemble par G. MOR! , 1 994, p. 5 3 . 75. 76, thèse non publiée citée par A. FATUCCHI, 1 99 5 , p. 1 94 (cf. W. ECK, 1 974, 97-98). - Hors d ' Arezzo on peut citer une inscription de Rome pour un Cilnius lui aussi membre de la même tribu, légat de Tibère et proconsul (CIL, 6, 1 3 76 [base de marbre trouvée dans les Horti Iustiniani, auj . dans les Musei Capitolini]) : C CILNIO P F POM 1 PAETINO . . (cf. E. GROAG , s. u. Cilnius 2 C. Cilnius Paetinus, in RE, 3 / 2, 1 899, 2546). 18 Un gentilice maternel aurait pu être utilisé comme cognomen. 1 9 Ces deux éléments figurent ainsi dans la formule identitaire d ' un affranchi, qui apparaît sur une épitaphe de provenance incertaine (CIL, 1 0, 2687 [Naples ou Capoue] = CHILLET, n° 3 , p . 498-499 [Putteoli, 1 er s . av. J.-C . , avant 8 ?]) : C. Maecenati 1 Maecenatis . ipsius . l 1 Lysiae. On les retrouve dans l ' i dentité d ' tm autre affranchi, devenu grammairien et poète, qu' OVIDE (Pont. , 4, 1 6, 30) appelle Me/issus, PLINE (N.H., 28, 1 8, 62) Maecenatem Melissum, sans prénom, et SUÉTONE, qui lui consacre une longue notice biographique (Gram. , 2 1 , 1 -5 ), C. Me/issus (erreur sur le prénom chez PS. ACRON, in HOR. , A. Poet. , 288 : Gn. Me/issus) : son nom complet devait être C. Maecenas Me/issus (cf. P. WESSNER, 1 93 1 , col. 532). Et c ' est encore le cas pour plusieurs affranchis passés après la mm1 de leur patronus dans la familia impériale ; ainsi par exemple C. Maecenas Eros (CIL, 6, 46 1 0 = CHILLET, n° 1 4, p. 5 00-5 0 1 ), ou C. Maecenas Helios (CIL, 6, 1 6663 = CHILLET, no 1 6, p . 502-503 ), et bien d ' autres (recensés par C l . CHILLET, 20 1 6 a, p. 498- 5 1 5), avec parfois des extensions du nom en Maecenatus, Maecenatianus (CIL, 6 40 1 6d. 4032. 409 5 . 1 9926 . 22970). - Maecenas est donc bien un nomen e t Mécène n ' a j amais pm1é, à aucw1 titre, l e nom de Cilnius. Cf. JÉRÔME (Chron., ad an. Abr. 20 1 3 = 4 av. J.-C.). - On ne connaît qu'un seul Cilianus, esclave public collecteur d'impôt, dont l 'épitaphe a été trouvée à Rome dans la vigne du cardinal Casali en 1 77 5 (publiée par Th. ASHBY fils, Dossiers inédits de Carlo Labrucci, in MEFR, 23, 1 903, 375-4 1 8, p. 3 8 1 , note 2 / 1 = ILS, 9049 = CIL, 6, 3 7 1 74), sans lien avec la famille de Mécène. 20 Il semble que le prince ait voulu pasticher le style poétique de son ami, dont ISIDORE DE S É VILLE (Or., 1 9, 32, 6) a conservé un échantillon (fr. poet. 5 Avallone), qui témoigne de l ' intérêt de Mécène pour les pierres précieuses (PLINE le cite comme l ' une des sources de son livre sur les gemmes, N. H. , 1 , 3 7 : ex auctoribus . . M{lecenate . . . ) ; on y trouve précisément trois des éléments repris par AUGUSTE : lucentes, mea ttita, nec smamgdo 1 beryllos mihi, Flacce, nec nitentes 1 nec percandida margarita quaerop /nec quos Thynica lima petpoliuit 1 anulols neque Ï{lspios lapillos. Voir sur ce texte le commentaire de R. A VALLONE, 1 962, p. 3 09-3 1 6. •







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lettre à lui adressée par AUGUSTE (Epist. , fr. 32 Malcovati), conservé par MACROBE (Sat. , 2, 4, 1 2i' : Yale, mi ebenum Medulliae, ebur ex Etruria, lasar Arretinum, adamas Supernas, Tiberinum margaritum, Cilniorum smaragde, iaspi figulorum, berulle Porsen ae, carbunculum habeas, tva O"UV'tÉ�l(l) nav-ra, �Lét.ÂayJ.La moecharum.

Comme les poètes de son cercle ont rivalisé d' emphase pour célébrer une ascendance royale22, et comme le nom même de Maecenas n'a guère laissé de trace avant lui2 3 , on pense généralement que c'est à sa famille maternelle qu'il devait cette noble origine et que celle-ci devait être celle des Cilnii. Et 1 'on rappelle que la mention fréquente du matronyme dans les inscriptions funéraires des Étrusques montre que ceux-ci attachaient effectivement une grande importance à l 'ascendance maternelle dans la détermination de la position sociale des individus. Malheureusement l ' on n'a aucune information 2 1 Pour l ' établissement du texte, voir R. GELSOMINO, 1 95 8 , 1 47- 1 52 , en particul ier sur les "corrections" proposées par O. JAHN, 1 867, § 1 5 , p. 247-248. L ' un des points les plus litigieux conceme le mot qui suit iaspis, pour lequel la tradition manuscrite unanime donne figulorum (sauf M qui donne fieu/arum) ; O.J. proposait - sans doute pour avoir un nom propre, comme dans les autres expressions - !guuinorum, que l ' on retrouve dans quelques éditions des Saturnales de MACROBE (J. WILLIS , Teubner, 1 96 3 . 2 1 994) - ainsi que dans la traduction de Ch. GUITTARD, 1 997, p . 1 63, et celle de D . PORTE, 20 1 7, p . 2 1 4 - mais lguuium (Gubbio [PG]) est une ville ombrienne, et non étrusque, d ' où le retour, dans des citations et éditions plus récentes (R.A. KASTER, Loeb, 20 1 1 ) à figulorum, "potiers", qui se réfère naturel lement à l ' activité industrielle la plus connue de la cité d'Arezzo et de la famille Ci/nia (voir note 25). A l' avant-dernier élément, habeas, donné par les manuscrits, rompt le parallélisme des constructions précédentes et n'est guère compréhensible (R.A. KASTER écrit thabeast et renonce à traduire), mais les propositions de remplacement par Hadriae (O.J., Cl. CHILLET, 20 1 6a [p. 2 3 , texte] ) ou même Italiae (Ph. LE DOZE, 20 1 4 [p. 1 0 1 , mais ' Adriatique ' p . 247 ! ] , Ch. GUITTARD [p . 1 63 ] , Cl. CHILLET [p. 23, traduction ! ] , D. PORTE [p. 2 1 4]) sont arbitraires. 2 2 HORACE (Sat. , 1 , 6, 1 ) : Non quia, Maecenas, Lydorum quicquid Etruscos 1 incoluitfines, nemo generosior est te, 1 nec quod au us tibi matemus fuit atque patemus 1 olim qui magnis legionibus imperitarent . . (Od. , 1 , 1 , 1 ) : Maecenas atauis edite regibus . (Od. , 3, 29, 1 -3) : Tyrrllena regum progenies . . . , Maecenas . . PROPERCE (3, 9, 1 -2) : Maecenas, eques Etrusco de sanguine regum, 1 infra fortunam qui cupis esse tuam . . . Appendix Vergiliana (Eleg. in Maecen. , 1 , 1 3 ) : Regis eras, Etrusce, gem1s ; MARTIAL ( 1 2, 3 [4], 2) : Maecenas, atauis regibus ortus eques . Voir G. CRESCI, 1 99 5 . 23 L e passage d' HORACE (Sat. , 1 , 6 , 1 [cité note p récédente]), qui met sur l e même plan les deux ascendances, semble relever de la simple flatterie. On peut aussi penser que dans les arbres généalogiques monumentaux, dont les Étrusques étaient friands sur les murs de leurs résidences (cf. PERS., Sat., 3, 27 : An deceat pulmonem rumpere uentis 1 stemmate quod Tusco ramum millesime ducis), l ' on cherchait à établir, fût-ce artificiellement, une certaine symétrie entre les branches d ' tme famille. - En l ' absence de données concrètes sur les ancêtres paternels de Mécène, certains conunentateurs font valoir cette présentation de VELLEIUS PATERCULUS (2, 88, 2) : tune w·bis custodiis praepositis C. Maecenas equestri sed splemlido ge��ere natus. Mais l ' expression est bien vague et même paradoxale, puisqu'elle semble établir une opposition entre equestri et splendido, alors même que l 'adjectif sp!endidus est considéré comme l ' un de ceux qui caractérisent spécifiquement les chevaliers : A. STEIN, 1 927, p. 98-99 ; J. HELLEGOUARC ' H, 1 96 3 , p. 45 8-46 1 ; Cl. NICOLET, 1 966- 1 974, 1 , p. 2 1 3-224. VELLEIUS a pu vouloir dire que « la dignité équestre ne correspondait en réalité pas au rang de la famille de Mécène » (Cl. CHILLET, 20 1 6a, p. 2 1 -22, note 4). - On verra p lus loin (p. 549- 5 5 0) un C. Maecenas, au premier rang des chevaliers qui s ' opposèrent, en 9 1 av. J.-C., aux lois de M. Livius Drusus : il est possible qu'il s ' agisse de son grand-père. .

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particulière sur la mère de Mécène24 et le seul témoignage d'historien que l'on ait sur sa famille est un passage de TITE-LIVE ( 1 0, 3, 2 - 5, 1 3), qui fait état d'une révolte, en 452 a.V.c. = 302 av. J.-C., de la plèbe d'Arezzo contre le Cilnium genus - dont la prépondérance est présentée du reste comme d 'ordre économique2 5 plutôt que politique - et d'un rétablissement de l' ordre par un dictateur romain, M Valerius Maximus Coruus2 6 , sans que notre auteur puisse dire s ' il y a eu victoire militaire ou réconciliation27 : ( 1 0, 3 , 2) Etruriam rebellare ab Arretinorum seditionibus motu orto nuntiabatur, ubi Cilnium genus praepotens diuitiarum inuidia pelli armis coeptum; simul Marsos agrum ui tueri, in quem co1onia carseoli deducta erat quattuor milibus hominum scriptis. ( 1 0, 3 , 3) Itaque propter eos tumultus dictus M. Valerius Maximus dictator . . . ( 1 0, 3, 6) Tum in Etruscos uersum bellum . . . ( 1 0, 5, 1 3) Dictator triumphans in urbem redi it. Habeo auctores sine ullo memorabili proelio pacatam ab dictatore Etruriam esse, seditionibus tantum Arretinorum compositis et Cilnio genere cum plebe in gratiam reducto.

On notera l' emploi, deux fois, de genus 2 8 , qui semble désigner un groupe plus large qu'une gens et fait penser à une sorte d'oligarchie. L 'imprécision des données sur les Cilnii a conduit quelques commentateurs à des hypothèses extrêmes, notamment que Cilnius ne serait pas le matronyme de Mécène29 - mais on voit mal pourquoi AUGUSTE aurait mentionné une famille autre que celle à laquelle son ami se rattachait effectivement -, ou que son ascendance royale proviendrait en fait de la branche patemelle30 - mais l' obscurité encore plus profonde qui règne sur celle-ci rend cette proposition tout à fait improbable. 24

On ignore notamment le prénom qu'elle devait potter, comme toute femme étrusque, à la différence de la femme romaine, qui n' était désignée que par le gentilice de son père, au féminin : voir P. AMANN, 2000, p. 80-82. 2 5 Des marques de potier tardives attestent l ' impl ication de la famille dans l ' industrie typique de la cité, la céramique sigillée à vernis rouge (CIL, 1 1 , 6700, 1 83 abcd A. O XÉ , H. COM F ORT, 1 968, p. 1 42, n° 43 1 abcde ; peut-être aussi no 430 1 Second edition by Ph. KENRICK, 2000, p. 1 80, n° 556, 1 . 2. 3 . (C/LNI). 4. 5 (CILN) [= 1 4 3 0 . 4 3 1 ] , 1 1 entrées [« Approx. date : AD 1 5 + » ] ) . Cf. e.g. A. FATUCCill , 1 99 5 , p. 1 95- 1 96 ; Cl. CHILLET, 20 1 6 a, p. 280-282. 26 L' intervention de Rome suppose qu'Arezzo lui était liée par unfoedus, qui devait remonter à 3 1 0 av. J.-C. (W.V. HARRIS, Rome in Etruria, 1 97 1 , p. 96-97) ; elle était pour Rome un rempart contre les incursions gauloises ( POLYB . , 2, 1 9, 7 ; cf. A. FATUCCHI, 1 995, p. 1 88). 2 7 Les Fasti triumphales Capitolini (Parastata II, fgts XIII, XIV, XV = lnslt, 13 1 1 , p. 72-73 Degrassi, commentaire p. 543) attestent bien, pour a.V.c. 452 = 3 02 av. J.-C., un triomphe : M VA LER(l) VS M F. M n. Cor[uus] IV, dict(ator) Il, [de] Etrusceis et [Majrseis X k. Dece[m}br. an. CDLII (de même L IV . , 1 0, 5, 1 3 [cité ci-dessus]). Sur l ' incertitude de la tradition : W.V. HARRIS, 1 97 1 , p. 63-65 . 2 8 Il est frappant de constater que le mot gemts apparaît chez d' autres auteurs lorsqu' i l est question de l ' ascendance maternelle de Mécène ; ainsi chez VELLE I US PATERCULUS (2, 88, 2 [cité note 23]), dans la première Elégie à Mécène ( 1 , 13 [cité note 22]), et aussi dans un passage de VIRGILE (Aen. , 1 1 , 340 [cité p . 5 54-5 5 5), où, comme on le verra, il semble qu' il y ait une allusion à notre personnage. 29 Selon C.J. SIMPSON, 1 996, p. 3 95, la référence d'AUGUSTE aux Cilnii indiquerait seulement l ' appartenance de Mécène à l ' aristocratie de la cité . L 'hypothèse est reprise par Cl. CHILLET, 20 1 6a, p. 3 2-3 3 , qui la résume par ces mots : « Ainsi, chez Auguste, ce nomen n' aurait d' autre valeur que métonymique pour "grand seigneur étrusque" ». 30 Ph. LE DOZE, 20 1 4, p . 12, n. 4. - Cl. CHILLET, 20 1 6, p . 3 3 -34, est le seul - comme il le souligne - à présenter l 'hypothèse d'une adoption, d ' un Cilnius par un Maecenas, l a grande =

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Il est du reste inexact qu' il n'y ait pas d' attestation de la dignité royale pour les Cilnii: l 'inscription funéraire de Larei Cilnei (ET2 , Ta 1 .263), qu i figure dans un manuscrit de la Bibliothèque Vaticane (ms. Vat. Lat. 6040)3 1 , présente celle-ci comme la fille de Luvxumes Cilnie3 2 : Lar9i : Cilnei : Luvxumesai Cilnies : sec : [ari :] Aritin . ai

Quelle que soit la valeur exacte de Luvxumes, qui, il est vrai, apparaît ici comme un prénom, il reste qu ' il s' agit d'une forme du mot transcrit en latin par lucumon 33 , aussi bien comme titre équivalent à rex3 \ selon SERVIUS (A en., 2, 278; 8, 475)3 \ que comme nom personnel - unique ? - pour le futur

famille d' Arezzo ayant pu vouloir tisser un lien avec une gens d ' origine étrusque installée depuis longtemps dans la vie publique de Rome et intégrée à l ' ordre équestre. Mais il reconnaît qu' il n'y a aucun indice en ce sens, l ' épigraphie n ' attestant pas de formule onomastique révélatrice d ' une telle opération. 31 Première présentation par A. CAMPANA, 1 989, et A . MAGGIANI, 1 989 [au congrès de 1 98 5 ] . Puis A. MAGGIANI, 1 98 8 , p. 1 76- 1 77 ; A. FATUCCHI, 1 99 5 , p. 1 88 ; D .H. STEINBAUER, 1 998, 263-28 1 ; L. AGOSTINIANI, G . GIANNECHINI, 2002 ; L. AGOSTINIANI, 2003 , p. 24-25 (§ 2 . 5 ) . 3 2 Le texte cité correspond à celui de la première publication. A . MAGGIANI, 1 989, p. 1 627, considère que les deux dernières l ettres de la première ligne, ai "non danno senso" et sont donc à supprimer, tandis que les deux dernières de la seconde ligne, également ai, seraient à rattacher au mot qui précède et à corriger en al, donnant ainsi Aritinial, matronyme au génitif (en supprimant le groupe ari, qui duplique par ereur le début du nom). Il est suivi sur le premier point par D. STEINBAUER, 1 998, qui, en revanche lit an le groupe médian et supprime les deux dernières lettres de la seconde ligne, trouvant dans Aritim (sic) le nom de la ville d' Arezzo. L. AGOSTINIANI, 2003 , p . 2 5 , lui, conserve Aritinial comme matronyme et montre que -ai final de la première ligne est aussi à corriger en -al, d ' où Luvxumesal, patronyme au génitif. I l confirme ces interprétations dans L . AGOSTINIANI [G. GIANECCHINI] , 2002, p . 206-207, tandis que son co-auteur, p . 208, lit Aritini à la fin da la seconde ligne et y voit une forme de l ' ethnique étrusque (*Aritina) d'Arezzo (* Ariti). Enfin dans les E'J'l (Ta 1 .263), pour les trois mots incertains, on a respectivement Luvxumesal, an et a riti {.}ar, avec renvoi global à MAGGIANI, STEINBAUER et AGOSTINIANI, sans indication particulière pour la dernière lecture, qui ne se trouve pourtant chez aucun de ces auteurs. 33 D. H . STEINBAUER, 1 998, refuse de se prononcer "auf die Etymologie des Namens und seine Beziehung zu lat. Lucumo" ; L. AGOSTINIANI, 2003, observe (p. 28) que l(a)uxnmes - avec des variantes dans la transcription de la diphtongue de la première syllabe - semble pouvoir fonctionner conune gentilice ou comme prénom, voire conune cognomen et "si chiede infine . . . se in aleune almeno delle iscrizioni in cui compare nella posizione di prenome non si tratti in realtà di un epiteto." 34 On peut rapprocher cet anthroponyme de l ' appellatif lanxumneti, attesté une seule fois, dans le Liber Linteus (ET, LL IX.f2) : comme l ' a montré E. VETTER, 1 924, p. 1 4 5 - 1 46, § 3, lanxum neti est un locatif (désinence -ti) formé sur *lanxumna, adj ectif dérivé du mot transcrit lucumo par les Romains, avec le sens de rex ; *lauxuma correspondrait donc à regius et lauxumneti signifierait in regia. Cf. C. DE SIMONE, 1 975, p. 1 3 9- 1 40 ; A. FATUCCHI, 1 995, p. 1 88 . 35 (Aen. , 2, 2 7 8 ) : duodecim enim lucumones, q u i reges sunt lingua Tuscorum, habebant. (A en., 8, 475) . . . nam Tuscia duodecim lucumones habuit, id est reges, quibus unus praeerat. Cf. plus loin, à propos de Mantoue (Aen. , 1 0, 202) : . . . quia Mantzw tres habuit populi tribus, quae in quaternas curias diuidebantur ; et singulis singuli lucumon es imperabant, quos tota in Tuscia cluodecim filisse manifestum est, ex qui bus un us omnibus praeerat.

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L. Tarquin ius Priscus 3 6 ou d'autres personnages exerçant - ou destinés à

exercer - des fonctions dirigeantes37• L 'emploi de ce nom, à la fin du IVe s. av. J.-C., reflète à tout le moins une tradition dynastique des Cilnii, dont le souvenir a pu perdurer jusqu'à Mécène 3 8• Au total, il est donc tout à fait probable que Cilnius soit bien le gentilice de la mère de Mécène et que ce soit sur ce nom qu'il fondait ses prétentions à une ascendance royale ; mais cela n'influait en rien sur son identité personnelle : les matronymes figurant dans les épitaphes étrusques restent formellement les noms des mères, touj ours exprimés au génitif féminin39 et non transmissibles; ils ne sont jamais portés effectivement par l'individu concemé40 • * *

*

Avant qu' il ne soit illustré à jamais par l ' ami d'Auguste, le nom41 de

Maecenas était apparu, plus modestement, dans une notice de V ARRON (L.L., 8, 83-84)42 , qui concernait une catégorie de gentilices43 provenant en

fait d'ethniques: après avoir évoqué les noms pris par des affranchis de cités,

36 TITE-LIVE ( 1 , 34, 1 . 2). À Rome (LIV. , 1 , 34, 1 0), il prit le prénom qui ressemblait le p lus à son nom unique, Lucius, et l ' ethnique qui rappelait sa cité natale, Tarquinius, comme gentilice. Il est probable en revanche que le cognomen Priscus ne lui fut attribué qu' à titre posthume, à l ' avènement de son fils ou petit-fils, le second L. Tarquinius . 3 7 Un chef étrusque allié de Romulus contre les Sabins (CIC., Rp. , 2, 8, 1 4 ; Lycmon : PROP., 4, 1, 29 ; Lycomedius : PROP . , 4, 2, 5 1 ), un praepotens iuuenis de Clusium (LIV., 5, 3 3 , 3 ; cf. PLVT., Cam. , 1 5 , 4-6 [génitif AouKOUJ.!Wvoç] ; chez DION. HAL., 1 3 , 1 0, le jeune homme est anonyme, c ' est son père qui pmte ce nom : AoKO J.!W V nç TuppTJVWV TjyEJ.!WV ; sur l ' anecdote : J. GAG É , 1 953). 3 8 SILIUS ITALICUS (Pun. , 7, 27-73) met en scène un membre de cette illustre famille d'Arezzo en prisonnier interrogé par Hannibal : Ocius accitum captiuo ex agmine poscit 1 progeniem ritusque ducis dextraeque labores. 1 Cilnius, Arreti Tyrrhenis ortus i11 oris, 1 clarum nomen erat . Voir F. SPALTENSTEIN, 1 986- 1 990, 1 , p 445-447. On notera que les interrogatoires de prisonniers par Hannibal sont attestés par POLYB E (3, 1 04, 1 ; 9, 6, 8). Un peu plus loin (Pun., 1 0, 39-4 1 ) le poète présente un Maecenas tué dans une bataille. 39 En étrusque, et aussi quelquefois en latin, mais plus souvent à l'ablatif (avec natus), dans le texte latin d ' une bilingue (CIE, 1 729 = CIL, I l , 2272 = ILS, 7832 = TLE, 926) ou d'épitaphes en latin pour des personnes d ' origine étrusque (voir L. GASPERINI, 1 989, Catalogo, p. 1 9 1 208). En revanche l e gentilice transmis par le père fait pattie intégrante de 1 ' identité de l ' individu et prend une forme de féminin lorsqu'il est porté par une fille. 4 0 On peut comparer les formules identitaires complètes des épitaphes étrusques à nos documents d ' état civil tels que les actes de naissance : l ' identité de nos deux parents y figure, mais cela ne signifie pas que nous portions deux noms de famille. - Parmi les inscriptions mentionnant des persom1es de souche étrusque, seules les épitaphes, y compris les plus récentes, rédigées en latin, peuvent contenir un matronyme, pas les dédicaces ou autres documents (cf. P. AMANN, 2000, p. 90-92 [Das Metronymikon]). 4 1 Sur les noms propres de personnes, l ' ouvrage de référence reste celui de W. SCHULZE, 1 904. 42 Voir H. DAHLMANN, 1 940 : § 83 = p. 1 85- 1 86 ; § 84 = p. 1 86- 1 87 . 4 3 A.J. PFIFFIG, 1 964, p . 2 7 1 ! 99 5 , p . 1 32, est un des rares savants modemes à y voir u n « Familiencognomen » . Parmi les inscriptions latines trouvées hors d'Arezzo, l ' une, provenant de Chiusi, mentionne un C. Maecenat. (CIL, 1 1 , 23 60) pour lequel A. FATUCCHI, 1 995, p. 1 92 , note 1 4, précise curieusement « senza gentilizio » ( ! ). . .

-

. . .

54 1

tels que Fauentinus ( < Fau enlia), Reatinus (< Reate t4 , Ramanus ( superus > supernus > supernas) et désignant les populations ou les produits provenant des terres voisines de ces mers. 50 Le mot, qui désigne des divinités du foyer domestique, est formé sur le vieux substantif penus, qui a signifié l' "intérieur d ' une maison" (cf. FESTVS, s. u., 296, 12 L : Pe11us uocatur locus illlimus in aede Vestae). 51 « Sur les raisons qui empêchent d ' assigner à ce suffixe une origine non-indo-européenne (étrusque notamment), v. A. ERNOUT, loc. cit. , p. 53 » (citation de P. MONTEIL, 1 970, p. 194, note 1 ) : A. ERNOUT, 1 965, p. 53 -54, relève notamment que le sutlixe est attesté dans toute l ' Italie et même en dehors, notamment en Gaule, donc dans beaucoup de zones où l ' influence étrusque n'a pas pu s 'exercer. 5 2 Il est à noter que parmi les mots cités par VARRON à côté de Maecenas, seul Carrinas est attesté indépendamment comme gentilice d'après le répertoire des nomina et cognomina fondé sur l ' ouvrage de W. SCHULZE, 1 904 - de H. SOLIN, O. SALOMIES, 1 98 8 1 2. Aufl., 1 994, p. 48 ; de fait, on Je trouve chez JUVÉNAL (7, 205), comme nom d'un rhéteur qui aurait été banni à Athènes, puis poussé au suicide par Caligula (Schol. ad loc. ; cf. A . STEIN, 1 899, 1 6 1 2- 1 6 1 3 ; autres dans F. MÜNZER, E. GROAG, A. STEIN, 1 899, 1 6 1 2- 1 6 1 3 ; W. SCHULZE , 1 904, p. 76. 1 46 . 5 3 0) ; il existe aussi un doublet * Carrina, -ae, attesté au datif (C/L, 6, 1 765 1 ) : Q. Carrinae Euhodo (cfr. W.S., 1 904, p. 76. 5 8 0), mais on ne connaît pas Je toponyme dont ces formes pourraient dériver. - En revanche Vrbinas � st bien un ethnique, formé sur Je poléonyme Vrbinum (Urbino [PU]), dans le passage de CI CERON où i l s'applique à u n partisan d 'Antoine, désigné par son gentilice au datif (Phil. , 1 2, 8 , 1 9) : Petusio Vrbinati - gentilice qui apparaît seul, dans le discours suivant, à l ' accusatif (Phil., 1 3 , 2 , 3 ) : Petusium. Mais n ' est attesté comme gentilice que J e nom latinisé Vrbinius (CIL, 5 , 7769 ; 1 0, 3 3 89 ; cf. W.S., 1 904, p . 3 8 1 ). Quant à Lesas et Vfenas, o n n'en connaît aucune attestation indépendante et l ' on ne voit pas de quels toponymes ils pourraient dériver. - Enfin Sziffenas, ethnique distinguant une partie des Trebulani en Sabine (PLIN., N. H. , 3, 1 7, 1 07 ; cf. CIL, 9, p. 434. 45 1 ; W.S., 1 904, p. 76. 95. 239. 530), apparaît comme gentilice pour des affranchis ( CIL, 6, 529 1 . 2693 3 . 26934 ; Szifenas : CIL, 6, 1 0027 ; 8, 1 068 [Carthage]), puis comme cognomen d' une branche de la gens Nonia (W. S . , 1 904, p. 1 86, parfois employé seul : CIC ., A tt., 4, 1 5 , 4 ; 8, 1 5, 3 ) ; on est dès lors tenté d' attribuer la même origine à Asprenas, cognomen d ' une autre branche de la même gens ( CIL, 6, 8 1 1 , lin. 2 ; 1 3 7 1 , lin. 2-3 ; 2 1 56, lin

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Mais la qualité d' Étrusque, qui semble consubstantielle à Mécène, a conduit les modernes à chercher une formation étrusque à laquelle pourrait se rattacher le nom Maecenas. W. SCHULZE 5 3 avait pensé aux ethniques étrusques en -(na) 1/qe 54 , dont beaucoup sont employés comme gentilices, et mis en avant Mehnate 55 , attesté quatre fois à Pérouse56• H. RIX 57 liste en tout 3 5 mots relevant de cette formation, parmi lesquels 2 1 sont certainement ou probablement des ethniques, parce que 1 'on peut, avec plus ou moins de certitude, les relier à un nom de lieu; pour les 1 4 restants, on peut s'interroger sur la disparition du toponyme sur lequel l 'un ou l 'autre pourrait reposer: panni ceux-ci figure précisément Mehnate, qui pourrait provenir, par échange [f] > [h], de Mefanate, syncopé en Mefnate 58 , ethnique de Mevania (mod. Bevagna [PG]). Mais, quelle que soit son étymologie, il est impossible que Mehnate soit la forme authentiquement étrusque correspondant à Maecenas, car on ne saurait alors comment expliquer 1 'élément [k] central de ce dernier. Par ailleurs, la correspondance entre lat. as, -atis et étr. -ate reste bien difficile à établir59• A. ERNOUT60, lui, rapproche les nombreux gentilices étrusques en -as du type Vipna-s [sic] 6 1 , mais le -s représente ici une désinence figée de -

4-5), mais attesté antérieurement comme gentilice (CIL, 1 1 , 4 1 1 9 [Narni] cf. W.S., 1 904, p. 530). 5 3 W. SCHULZE, 1 904, p. 529, utilise une formulation ambiguë : « Mit den etruskischen Familiennamen auf na-te sind die 1ateinischen auf -nas -natius zu verbinden . . . » - quel genre de « lien » exprime ici « verbinden » ? 54 W. SCHULZE, 1 904, p. 529, écrit en réalité -n ate, mais le a est présent dans le radical de beaucoup de toponymes et le n seulement dans quelques-uns. 55 W. SCHULZE, 1 904, p. 529. Ce rapprochement remonte en fait à W. DEECKE, 1 877, 1 , p. 484-485, qui, après avoir rappelé avec approbation que K . O . MÜL LER, 1 828, p. 404, voyait dans Maecenas le gentilice maternel de notre personnage, cite les quatre inscriptions de Pérouse - sans se soucier de la différence de cité. Il n' est pas cautionné par H. RIX, 1 963, qui, de fait, ne cite nulle part Maecenas. 5 6 On a les formes Mehnates (CIE, 3 888 = ET, Pe 1 .43 7 ; CIE, 4405 = ET, Pe 1 . 1 1 34), fém. Mebnati (CIE, 4395 = ET, Pe 1 . 1 1 1 4 ), gén. m/f Mehnatial (CIE, 4 1 80 = ET, Pe 1 . 842). 5 7 H. RIX, 1 963, p. 232-2 3 3 . 58 O n a les formes Mefanates (CIE, 2, p. 1 2 1 NRIE, 2 7 6 = TLE, 63 0 = ET, C o 1 .3), fém. Mefanatei (CIE, 2468 = ET, Co 1 .28), gén. mlf Mefa natial : CIE, 1 927. 1 928 = ET, Ci 1 . 1 428. 1 429 [mais M . CRISTOFANI MARTELLI, Clusium, i n REEISE, 45, 1 977, p . 308-309, n° 43, refuse de compléter le digramme me de CIE, 1 928, sur le modèle de CIE, 1 927]) et avec syncope Mefna[te- (REE, 2 1 , 23 = ET, Vs 1 .3 1 8). Il pourrait s ' agir de l ' ethnique du Mefanus pagus dans le S amn i u m (W. SCHULZE, 1 904, p. 566 ; H. RIX, 1 963, p. 232, n. 1 26) ou de celui de Mevana en Ombrie (W. SCHULZE, 1 904, p. 226, n. 7 ; H. RIX, 1 963, p. 244, n. 2 1 ) 59 Les formes comparables d'une langue à l ' autre sont du reste très rares et ne concernent pas des cités étrusques : Atinas 1 Atinate pour A tina en pays volsque, Capenas 1 Capenate pour Capena, enclave latine dans le sud de l ' Étrurie, Sentinas 1 Sentinate, pour Sentinum en Ombrie. 60 A. ERNOUT, 1 965, 29-54, p. 3 3 . Cet article souffre d ' une certaine désinvolture, déjà dans son titre (il s' agit non pas d'un « suffixe en -as », mais du sufffixe -as, -atis [cf. 3" l igne]), mais aussi dans la transcription de certains noms (Ciinius, Clinia pour la tàmille maternelle de Mécène [p. 5 3 , n. 3 ] ! Vipnas, forme syncopée non attestée [cf. note suivante]) et surtout dans l ' emploi constant de « toponymes » pour « ethniques (issus de toponymes) ». On notera que l ' observation (p. 3 3 ) « Laenas . . . Maecenas . . . sont des fonnes étrusques passées sans changement dans les noms romains » n ' est pas fondée, puisque ces deux formes ne sont pas attestées en étrusque et ne correspondent à aucun type morphologique attesté dans cette =

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génitif et n 'est pas susceptible de se fléchir en -tis : de fait, la forme latinisée de ce nom est Vibenna62 et appartient à la première déclinaison. En rev anche le nominatif des noms du type Maecenas remonte bien à une ancienne finale en -ati6 3 , car, comme 1' explique clairement PRISCIEN (De accentibus liber, 26 1 GL, 3, 524, 8- 1 4 Keil)64, l 'accentuation de ces mots sur leur dernière syllabe ne peut se justifier que si celle-ci est le résultat d'une syncope : 'As' sy lia ba terminata producuntur, ut ' dignitas, dignitatis', 'pietas ', ' felicitas ' et omnia a litteram in nominatiuo productam seruant. Notantur pauca masculini generis propria partim a nominibus ciuitatum propriis translata, quae per syncopam proferri uidentur, dum accentum in ultima seruant syllaba, quod est contra regulam Latinorum, ut Larinâs, Maecenâs, Arpinâs. Sed in uetustissimis libris inueniuntur proferri Larinatis, Maecenatis, Arpinatis, pro Larinas, Maecenas, Arpinas; unde substracta ti accedntus remansit.

Notre attention est alors attirée par un certain L. Maecenas65 , designator et patronus sunhodi cantorum Graecorum connu par une inscription apposée sur un tombeau situé près de la porta Praenestina (Maggiore) de Rome et datant de la première moitié du 1er s. av. J.-C. 66 • La photographie et langue ; plus loin, l ' auteur n ?te du reste « la rareté relative de toponymes [sic] en -as que cite Pline dans un chapitre sur l ' Etrurie §§ 5 0-52 (VII" région) ». 61 Cette forme syncopée n' est pas attestée ; en revanche Vipinas (Cil, 2 5 7 9 TLE, 942 = ET Vc 3 . 9 ; CIE, 5266 = ET, Vc 7.24 ; CIE, 3 = ET, Vc, 7 . 3 1 ) et d'autres formes, fléchies - sans élargissement par t -, sont bien présentes (plus de 1 00 rérérences dans les ET). 62 Caeli . . . Viuennae (au génitif) pour le guerrier légendaire de Vulci sur la Table de Lyon (lin. 1 8- 1 9) et chez FESTUS (s. u. Tuscum uicum, 486, 12 [ 1 6] L) ; C. Vibenna ( CIL, 6, 7 1 79 [Rome, columbarium ad Viam Latinam]), Q. Vibenna (CIL, 1 4, 22 1 3 , lin. 9 [Nemi , dédicace à Diana Nemorensis]) pour des personnes réelles. On observe une "latinisation" plus complète avec Vibennius (CATUL., 3 3 , 2 [sans prénom]). 63 A. ERNOUT, 1 96 5 , p. 3 1 considère la forme en -ati comme secondaire, mais P. MONTEIL, 1 970, p. 1 94, n. 1 , observe que l ' adverbe archaïque uestratim ( Vatic . , GL, 5, 279 Keil) - mentionné par A . ERNOUT, à côté de tuatim (PL. , Amph., 5 54, rétabl i [codd. tu autem] grâce aux citations de NONIUS MARCELLUS, Camp. doctr. , 2 , s. u., 1 79, 29 M / 26 4 L et d e CHARISIUS, Inst. gram. , 2 1 GL, 1 , 22 1 , 6 Keil) - atteste l ' ancienneté des formes en ­ i. Tel est bien, comme on le voit, l ' enseignement de PRISCIEN ; ct� M. NIEDERMANN, 1 906 / 4 ibid. , 1 95 9 / 1 963 / 1 968, p. 1 4, § 1 0 fin. On posera *Maecenat(i)s > *Maecenâts > Maecenâs. 6 4 Le grammairien est revenu sur cette question en trois passages de son traité principal : (lnst. , 4 [De denominatiuis], 4, 2 1 1 GL, 2, 1 2 8, 23 - 1 29, 9 K), pour introduire la notion d' accent circonflexe, avec comme exemples : primâs, optimâs, Rauennâs, Capenâs, Arpinâs, Crotoniâs, Pontiâs, Larinâs, quae ideo in fine habent circwnjlexum acccentum, quia per syncopam proferuntur - puis (Inst. , 5 [De generibus], 4, 2 1 -23 1 GL, 2, 1 5 5, 1 2 - 1 5 6, 4 K), avec conune exemples (§ 2 1 ) A 1pinâs, Supinâs, Sujènâs, mais en en distinguant curieusement Maecenas, qui est associé aux abstraits féminins en -as (§ 22) : A lict uero omnia in 'as ' desinentia femina sunt, ut pietas, probitas, auctoritas, excepta uno proprio, Maecenas Maecenatis - et enfin (Inst., 1 2 [De generibus pronominum] , 4, 1 7 1 GL, 2, 586, 26 - 587, 3 K ), en j oignant d ' autres cas, tout différents, de syncope finale : Duo tantum inueniuntur communia 'nostrâs ' et 'uestrâs ', quorum pe1jecta 'nostrâtis ' erant et 'uostrâtis '. Vnde quia 'ti ' syllaba syncopa jàcta est, mansit in a accentus pe1jecti, quomodo et in aliis muftis, ut 'Arpinâs ' pro 'Arpinatis, 'fumât ' pro 'fu mau if ', 'cupît ' pro 'cupiuit, 'illîc ' pro 'illice. 65 Voir F. MÜNZER, 1 928a ; Cl. CHILLET, 20 1 6a, p. 27. 1 00- 1 0 1 . 66 Publiée par R. PARIBENI, 1 92 5 (texte p. 288, photo h.-t. en face) ; l ' auteur (p. 288) note que le personnage paraît bien s'inscrire déj à dans la tradition de l ibéralité qu' illustrera l'ami d'Auguste. Voir les comptes rendus : Ed. FRAENKEL, 1 92 5 , 246 (« um die Wende des 2 . =

545

,

le facsimile permettent de lire ainsi son identité (CIL, 1 2, 25 1 9 Lommatzs ch [ 1 93 1 ] ILLRP, 77 1 Degrassi [ 1 963] / lin. 2-3)67 : =

1



[M]AECENAS D •



F



MAL DESIGNATOR68 •

et l ' on s' accorde à identifier dans MAL l' abréviation erronée du nom de la tribu, qui ne peut être que MAE(CIA)69 , 1 'une des 3 1 tribus rustiques. L 'origine de ce nom est ainsi expliquée dans le résumé de PAUL DIACRE (s. u. Maecia tribus, 1 2 1 , 1 8 L) : Maecia tribus a quodam castro sic appellatur70 •

Et les érudits modernes7 1 rapprochent le lieu-dit ad Mecium situé près de Lanuvium, où se trouvait un camp volsque attaqué par le dictateur romain Camille (a.V.c. 365 = 389 av. J.-C.), comme le rapporte TITE-LIVE (6, 2, 8): . . . tertiam partem ipse (sc. Camillus) a d Volscos duxit, nec procul a Lanuuio ­ ad Mecium is locus dicitur - castra oppugnare est adortus.

Mais des sources grecques sur le même épisode indiquent que le toponyme lui-même désignait en fait une montagne72, dont Camille fit le tour pour surprendre ses adversaires, selon PLUTARQUE (Cam . , 34, 2f3 : und 1 . Jahrhunderts v. Chr. ») ; R. CAGNAT, M. BESNIER, 1 92 5 , 340-3 89, n° 1 27, p. 3 76 (époque de Sylla) ; R. FRIGGERI , 2003 , p. 62 (avec photo). 67 Le texte complet des trois premières lignes est le suivant : SOCIETA TIS CANTOR GRAECOR VM QUEl IN f2 HA C SVNHODO S VNT DE PEQUNIA COMMUNE I,_ MAECENAS D F MAL DES/ PGNA TOR PA TRONVS S VNHODI PROBA UIT. - La brisure de la pierre a fait presque disparaître l 'initiale du gentilice et rendu mal lisible ce qui précède. PARIBENI lit : . . communei - - [M]aecenas, LOMMATZSCH : . . . commune[i}. Maecenas, DEGRASSI : . . . commune. L . Maecenas. 68 Sur le rôle, purement administratif, du designator (ou dissignator : PL. , Poen. , 19 ; chez HOR., Ep. , l , 7, 5 « ordonnateur de pompes funèbres »), voir ULPIEN (Dig. , 3, 2, 4, 1 ) : Designator autem, quos Graece ppa.pwràç appel/anf, artem ludicram non facere Celsus probat, quia ministerium, non artem ludicram exerceant. - CL NICOLET, 1 974, 2, p. 933, considère que la fonction de designator n' est pas incompatible avec l'appartenance à l 'ordre équestre. 69 J.-M. LAS S È RE, 2007, 1 , p. 1 2 1 , foumit en un seul tableau la liste des tribus et de leurs abréviations, selon ce qui pourrait être l ' ordre officiel, d 'après la reconstitution proposée par L.R. TAYLOR, 1 960, p . 74. La tribu Maecia serait la cinquième des tribus rustiques dans l ' ordre officiel. On trouvera dans W. KUBITSCHEK, 1 882, p. 4 1 -42, la liste et les références des abréviations du nom de la tribu Maecia attestées épigraphiquement (cf. M. MALAVOLTA, 1 99 1 ). 70 Sur la tribu Maecia : W. KROLL , 1 92 8 ; W. KUBITC HEK , 1 93 7 , c. 2502-25 03 ; L.R. TAYLOR, 1 960, p . 274 (liste des villes d'origine des familles sénatoriales). 7 1 Depuis B . G . NIEBUHR, 1 832, 3, p. 1 64 1 trad. fr. de P.A. DE GOLBERY, 1 83 0 - 1 840, 5 ( 1 83 6), p. 1 95 : « mont Maecius » (cf. notes 72-73). 72 C ' est la situation du camp volsque à proximité de cette montagne qui a pu entraîner la confusion que l ' on observe dans le lemme conservé par PAUL. - A. GALIETI, 1 9 1 8 , après une analyse approfond ie des attestations et du terrain, propose le Colle dei Marmi, près de Lanuvium, à 200 stades de Rome, mais en territoire volsque au moment de la bataille (cf. la carte, malheureusement peu liible, p. 1 09) ; c ' est ce qu'avait déjà pressenti Ph. CL Ü VER, 1 624, 2, p. 1 026- 1 027, s. u. Marcius co/lis, pour une colline qu' il situe à 5 000 pas de Lanuvium et à laquelle il conserve la forme dominante de son appellation dans la tradition manuscrite. 73 L' oronyme apparaît en fait sous la forme (accusatif) MapKtov - une fois MaKtov - dans les manuscrits de PLUTARQUE (cf. Cam. , 3 3 , 2) et aussi dans la Suda (s. u., M, 2 1 2 Adler) : MapKtov· ovow:.t. opou. On lit de même F.v 'tep KaÀOUj.lÉVCfl MapKi(J) sans variante, chez •





















.

546













TicplEÀ9wv [sc. 6 K 69 r, lin. 7), tout en suggérant dans ses « scholies », 1 5 66b, de l ire MatKiQl chez DIODORE (f> 19 v, s. u. ADMETIVM), avant de transcrire Maecium dans l ' édition de de TITE-LIVE de 1 572 (f> 69 r, lin. 7) ; il évoque certes les leçons grecques avec r, mais pour les rej eter ; c'est donc à tort que J. BAYET, 1 966, lui attribue une proposition de correction en Marcium, tout en retenant lui­ même Mecium, en tant que base du nom de la tribu (le tout est repris, sans indication de source, par R. BLOCH et Ch. GUILLARD, 1 987, ad LIV., 8, 1 7, I l , où les mss. donnent Maecia, sauf le Mediceus A, qui présente une variante Maetia écrite d ' une autre main). Signalons enfin que la leçon des manuscrits est conservée pour DIODORE par E. BENNETT, l ' éditeur de la seconde partie du l ivre concerné dans la CUF, 1 997, qui s'appuie (ad loc. , p. ! 5 1 , note 1) sur 1 ' accord des deux autres sources grecques et sur la date bien postérieure de la création de la tribu (mais celle qu'il donne est erronée !). 74 TITE-LIVE (8, 1 7, I l ) : Eodem anno census actus nouique ciues censi. Tribus propter eos additae Maecia et Scaptia. Censores addiderunt Q. Publilius Philo Sp. Postumius. La tribu Maecia, la 28• dans l ' ordre de création, est encore citée par TITE-LIVE (29, 3 7 , 1 3) et par CIC É RON (Plane. , 1 6, 3 8 ; Att., 4 , 15 = Ep. , 142 Constans [CUF, 1 950], § 9). O utre Lanuvium (1), elle comprenait Neapolis (1), Brundisium (II), Paestum, Rhegium (III), Hadria (V), Libarna (IX), mais aucune cité d ' É trurie (région VII). Cf. L.R. TAYLOR, 1 960, p. 2 7 3 ; L BITTO, 1 968, p. 32-37 (Maecia - Scaptia) ; Cl. CHILLET, 20 1 6a, p. 27, n. 2 7 ; p. l O I ), 75 La tribu Scaptia, 29• dans l 'ordre de création, porte le nom d'une ville du Latium (PLIN., N. H. , 3 , 9 , 68), qui avait fait partie d ' une coalition de 29 cités contre Rome (DION. HAL . , 5 , 6 1 , 3) e n a.V.c. 255 = 499 av. J.-C. (LIV., 2, 1 8 , 4-8), ou en a.V.c. 2 5 8 496 a v . J.-C. (LIV., 2, 2 1 , 1 ) ; elle pourrait correspondre à la modeme Passerano [RM], à l ' est de Castiglione (H. ZEHNACKER, 1 998, note ad loc., p. 1 78). La tribu comprenait Velitrae (1), A ltinum, Forum lu/ii (X), ainsi que Faesulae, Florentia, Vetulonia en É trurie (VII). 76 Lanuvium, qui avait été longtemps fidèle à Rome, avant de la trahir en a.V.c. 3 7 1 383 av. J.-C. (LIV. , 6, 2 1 , 2), fut d' abord un municipium sans droit de vote ni participation aux magistratures (LIV . , 8 , 1 4, 2 ; CIC., Ba/b. , 1 3 , 3 1 ; cf. CIL, 6, 1 2904), mais devint rapidement une ciuitas optima iure, comme l ' indique PAUL (s. u. m unicipium, ! 5 5, 7 [ 1 2] L ; cf. CIC., Mur. , 40, 5 6 : L. Licini us Murena, qui en était originaire, fut consul en 62 av. J.-C.). C' est ce que paraît bien confirmer la tonalité des témoignages de CICÉ RON (Ba/b., 1 3 , 3 1 ) : . . !taque et ex Latio mufti, ut Tusculani, ut Lanuuini, et ex ceteris region ibus gentes universae in ciuitatem sunt receptae, ut Sabinorum, Volscorum, Hernicorum et de TITE-LIVE (8, 1 4, 2) : Lanuuinis ciuitas data sacraque sua reddita, cum eo ut aedes lucusque Sospitae Iunonis communis Lanuuinis municipalibus cum populo Romano. On notera le partage du sanctuaire de luno Sospita avec les Romains. 7 7 Voir H . PHILIPP, 1 924, col. 694, lin. 62-68; L.R. TAYLOR, 1 960, p. 54 (cf. p. 25 1 ) ; M. HUMBERT, 1 97 8 , p. 1 77- 1 79. - L' inscription de Lanuvium dans la tribu Maecia n'est pas attestée explicitement, mais la conjecture, fondée sur la proximité chronologique et géographique, est renforcée par l 'appartenance à cette tribu de l'un de ses magistrats, nommé en conclusion d'une dédicace (CIL, 1 , 1 4 8 1 = CIL, 2, 3439 = CIL, 14, 2 1 04 1 lin. 7-8) : DED!C Q VARJN/0 Q F 1 MA EC LAE VIANO AED (voir le commentaire de H. DESSAU, CIL, 1 4, p . 1 9 1 ) et peut-être par l ' inscription sur 3 0 "saumons" de plombs argentifères trouvés vers 1 846 près de Carthagène, en Tarraconnaise, et dispersés dans divers musées, qui contient le nom de deux frères Roscii, membres de la tribu (voi r E. EGGER, 1 862 , 275-28 1 , p. 276-278 1 reproduit dans E .E . , 1 868, 3 84-39 1 , p. 3 84-387) ; le texte, qui est =

=

.

-













547



Il est difficile de penser qu'un personnage nommé Maecenas et membre de la tribu Maecia, ne doive pas, d'une manière ou d'une autre, son gentil ic e à ladite tribu: 1 'un de ses ascendants a pu être affranchi par ses autorités , selon le cas de figure évoqué par VARRON, ou a choisi lui-même cet ethnique comme gentilice, à l ' occasion d'une installation hors de s on territoire d'origine. Pour la dérivation, on peut penser à un suffixe complex e réunissant les deux suffixes -n (o) e -as 7 8 , et poser, avec le radical du nom de la tribu79 : * Maec-n-as > Maecenas 8 0 • le p lus ancien texte épigraphique d'Espagne (époque de Sylla), est à lire (CIL, 2, 3439 [A . , HUBNER, 1 869 ] ) : M P ROSCIEIS M F MAIC, soit M(arcu�) P(ubliu�) Roscie is M(arci) f(ilieis) Maic(ia) . Or on sait qu'il y avait des Roscii à Lanuvium, notamment le comédien L. Roscius, client de CIC É RON (Pro Q. Roscio Comoedo ; voir CIC., de Or. , 1 , 28 , 1 30 ; Diu., 1 , 36, 79 ; 2, 3 1 , 66 ; cf. N.D., 1 , 28, 79) et le monétaire L. Roscius Fabatus, qui fit figurer au droit de ses deniers l ' image de Junon Sospita, honorée à Lanuvium : H .A . 70 av. J.-C.); E.A . GRUEBER, 1 9 1 0 1 1 970, I, p. 422-43 1 , n°' 3 3 94-3 5 1 0 (ca a.V.c. 684 SYDENHAM, 1 952, n° 9 1 5 , p. 1 52, pl. 25 (ca a.V.c. 696 58 av. J.-C.) ; M .H . CRAWFORD, 1 974, 1 , p. 43 9-440, no 4 1 2 (690 a.V.c. 64 av. J.-C.) [voir L.R. TAYLOR , 1 960, p. 25 1 ] . - Plus récemment une nouvelle attestation a été fournie par le cippe funéraire, trouvé dans un j ardin à Ariccia (RM), proche de Lanuvium (mais appartenant dans l ' antiquité à la tribu Horatia), d'un fils de parents affranchis, de 7 ans, dont la tribu est indiquée malgré son jeune âge (M.G. GRANINO CECERE, 1 995, 235-243) : D M 1 P CORNELIO P FILIO 1 MA EC HELIANO 1 VIX ANN VII MENS II BID UO 1 P CORNELIUS 1 CALLICRA TES ET 1 FLA VIA HELIAS 1 PARENTES (on remarque que l ' enfant porte un cognomen dérivé de celui de sa mère). 78 Comme le rappelle la note de VARRON, il s ' agit de deux suffixes servant à former des ethniques ; ils ont pu se joindre pour se renforcer, comme le suggère la paire Infernas et Supernas, à propos desquels, on a vu (note 49) que le suffixe -as s ' aj oute parfois au radical d' adjectifs déjà suffixés en -n. Mais l ' on peut aussi penser à une analogie avec les nombreux ethniques formés sur des topopnymes dont le radical se termine par n ; les ethniques formés sur des noms propres de lieux à radicaux sans n sont de fait assez nombreux : A letrinates (PLIN. , N.H. , 3 , 9, 63), de A letrium, ville hemique, Asisinates (ILS, 3039. 3398. 3 752), de Asisium (mod. Assisi, Assise [PG]), Iguuinas (CIC., Ba/b . , 20, 47 [Iguinatium]), de Iguuium (mod. Gubbio [PG]), Truentinates (CIL, 1 0, 6440 = ILS, 6277) de Truentum, ville picénienne (PLIN . , N. H. , 3, 1 8, 1 1 0), et plusieurs formés sur des noms de fleuves, tels que A esinates (PLIN . , N. H. , 3 , 1 9, 1 1 3 ) de Aesis (LIV. , 5, 3 5 , 3 ; PLIN . , N.H., 3 , 1 9, 1 1 3 ; cf. STRA B . , 5, 1 , 1 1 1 2 1 7 C [Almç] ) , Lirenates (PLIN., N. H. , 3 , 9, 64) d e Liris (CIC., Leg. , 2, 3, 6 ; HOR., Od., 1, 3 1 , 7 ; MELA, 2, 4, 7 1 ; PLIN., N. H. , 3 , 9, 5 6 . 59 ; cf. STRAB . , 5 , 3 , 1 0 1 23 7 C [AEiptç]), Sapinates (PLIN., N. H. , 3, 1 9, 1 1 4) de Sapis (PLIN., N.H. , 3, 20, 1 1 5 ; cf. STRAB . , 5 , 1 , 1 1 1 2 1 7 C [:Eâ.mç]). 79 A.J. PFIFFIG, 1 964, p. 27 et n. 1 2 1 1 995, p. 132 et n. 1 2, suit VARRON pour la reconnaisssance du mot comme etlmique et pose comme étymon m aicna, sans analyse (à lire sans doute maie-na). - Cl. CHILLET, 201 6a, p. 25-26, refuse l ' étymologie par le nom de la tribu au motif qu' il faudrait poser *Maec-en-as, forme « trop irrégulière » (?), considère comme plus satisfaisante linguistiquement une séquence *maicenate > *mecenate > *mecnate > lat. maecenas, mais reconnaît que les premières formes ne sont pas attestées en étrusque, évoque enfin une dérivation en -na «courante en étrusque pour former les gentilices» sur un radical *maic-/*mec- « qui n ' est pas plus repérable » - alors que c'est précisément celui du nom du lieu-dit éponyme dans ses diverses orthographes ! tandis que la dérivation en -na, -nalis est également bien attestée en latin. 80 Voir PLINE (N. H. , 1 4, 8, 67) : Maecenatia uina, nom d ' un cru de vin qui n 'aurait rien à voir avec Mécène, mais serait tiré d ' un anthroponyme ou d ' un toponyme datant de la période d' expansion étrusque en Cisalpine orientale, selon J. AND RÉ , 1 95 8 , comm. ad loc. ; cf. W. SCHULZE, 1 904, p. 1 85 . 529). - Les incertitudes sur la forme exacte du nom de la tribu, sur son origine et son rapport avec celui du lieu-dit Ad Maecium, n ' affaiblissent en rien le rapport étymologique que le gentilice Maecenas doit entretenir avec elle. •









=

=

=











548













À une époque vmsme, on découvre un autre Maecenas8 1 , en tant que

scribe attaché à Sertorius, dans un fragment des Histoires de SALLUSTE (3, 5, fr. 83 [B . Maurenbrecher, Teubner, 1 893]) 8 2 - cité par SERVIUS (Aen. , 1 , 6 9 8 )8 3 - qui énumère les convives du banquet au cours duquel le chef rebelle sera assassiné (682 a.V.c. 72 av. J.-C.): =

MEDIAMQVE LOCA VIT ipse enim apud maiores domini fuerat locus, ut apette Sallustius docet: «lgitur discubuere: Sertorius inferior in medio, super eum L . Fabius Hispaniensis senator ex proscriptis, in summo Antonius et infra scriba Sertorii Versius et alter scriba Maecenas in imo medius inter Tarquitium et dominum Perpernam».

On constate la présence parmi les convives de deux personnes portant un n om d' origine étrusque, Tarquitius et Perperna; mais Sertorius lui-même porte un nom latin, de même que M A ntonius, L. Fabius Hispaniensis et l'autre scribe, Versius 84 • Quant à Maecenas, nous ne connaissons ni son identité complète, ni sa tribu de rattachement; mais, comme le précédent, il paraît s' agir d'un citoyen de rang relativement modeste, bien éloigné du ni veau social de l ' ami d'Auguste8 5 , ce qui rend improbable son inscription dans 1' arbre généalogique de ce dernier86• Ce n ' est pas le cas pour le premier personnage de ce nom à avoir joué un certain rôle politique, C. Maecenas 8 7 , qui fut, en a.V.c. 663 9 1 av. J.-C. , =

81

F . MÜ NZER, 1 928b ; Cl. CHILLET, 20 1 6 a, p. 1 1 3 - 1 1 4 .

Voir P. Mc G USHIN, 1 992- 1 994, Il, p. 1 2 9- 1 3 1 = Hist. , 3, fr. 79 (avec une notice sur chacun des personnages). 8 3 Le dernier membre de pluase, à pattir de alter scriba, est aussi d01mé par NONIUS MARCELLUS (Comp. doct., 4, s. u. dominus, 2 8 1 , I l M 1 43 3 L [28 1 , 28-30 1 434 L]), qui l' introduit par Sallustius Hist. lib. III, comme exemple d ' emploi de dominus - avec scriba Maecenas corrigé d' après SERVIUS sur scribam et cenas, et Pe1pennam, là où les manuscrits de SERVIUS et de NONIUS se partagent entre les deux formes. 84 L'existence d ' un Virsius sur une inscription latine de Tarquinia (CIL, 1 1 , 3505) a suggéré à E. GABBA, 1 954, 4 1 - 1 1 4 . 293-345, p. 3 1 3 , la possibilité que Versius soit étrusque , ce qui pour W.V. HARRIS , 1 97 1 , p. 286-287, est «rather speculative, but may be accepted». W. SCHULZE, 1 904, p. 2 5 3 , sépare au contraire les deux gentilices au vocalisme différent. 85 B ien que la fonction de scribe ne füt pas incompatible avec la qualité de chevalier - au contraire, selon W.V. HARRIS, 1 97 1 , qui va jusqu'à écrire, p. 287 : «scribae habitually had equestrian status». Il semble même que la fonction ait pu tàire acquérir le statut équestre : un aftl'anchl s ' énorgueillit d ' avoir reçu les anneaux d ' or de la part de Commode en ayant occupé deux fonctions de scribe (CIL, 6, 1 847) : /. MAR/VS L LIB DORYPHOROS ANVLOS A VREOS 1 CONSECVTVS A DIVO COMMODO SCRIB AEDIL/C ET 1 TRIB VNIC SCRIB . . . Mais il devait y avoir plusieurs catégories de scribes et les textes allégués (CIC . , Cat., 4, 7 , 1 5 ; Dom. , 2 7 , 74) n e permettent pas d e généraliser l ' appartenance à l' ordre équestre : voir E. KORNEMANN, 1 92 1 , spéc. col . 850-85 5 . 86 L.A. MacKA Y, 1 942, p. 79-80, suppose que ce personnage pourrait être le père du grand Mécène. Mais même s ' i l était chevalier, sa fonction paraît trop modeste pour j ustifier la formule de VELLEIUS PATERCULUS (2, 88, 2) : equestri sed splendido genere natus. Sur splendidus 1 splendor, qui s' appliquent à l ' i llustration acquise par les equites : J. HELLEGOUARC 'H, 1 963, p . 45 8-46 1 . 8 7 F. M ÜNZER, 1 928c ; Cl. NICOLET, 1 966- 1 974, 2, p. 9 3 3 -934 = n° 2 1 0. C. Maecenas ; C l . CHILLET, 20 1 6a, p. 26. On remarque que ce C. Maecenas n'est cité par CICÉ RON qu' en troisième position : il n' était donc pas le principal meneur. Néanmoins il ne devait pas être non plus un nouveau venu dans l ' ordre des chevaliers ; il faut donc admettre qu'il était citoyen romain avant la guerre sociale : voir W.V. HARRIS, 1 97 1 , p. 3 1 9-328, l iste d' Étrusques qui auraient obtenu la citoyenneté avant la guerre sociale (p. 320-3 2 1 pour notre personnage) ; p. 3 1 8 tableau récapitulatif (pour Arretium : Maecenates, C. Maecenas, eq. R . , 82













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l ' un des principaux opposants88 à la réforme de M. Livius Drusus89, tendant à supprimer 1 'exceptio legis dont bénéficiaient les juges équestres depuis la lex Sempronia de a.V.c. 63 1 1 23 av. J.-C.90• L 'épisode n 'est connu que p ar un passage de CIC ÉRON (Cluent., 56, 1 5 3- 1 54) : =

0 uiros fortis, equites Romanos, qui homini clarissimo ac potentissimo, M. Druso, tribuno plebis, restiterunt, cum ille nihil aliud ageret cum ilia cuncta quae

tum erat nobilitate, nisi ut ei qui rem iudicassent huiusce modi quaestionibus in iudicium uocarentur ! Tum C . Flauius Pusio, Cn. Titinus, C. Maecenas, illa robura populi Romani, ceterique eiusdem ordinis, non fecerunt idem quod Cluentius . . . sed apertissime repugnarunt . . 1 54. Aut si bi ad honores petendos aetatem integram restitui oportere, aut, quoniam id non posset, eam condicionem uitae . . . manere. .

C. Maecenas pourrait être le grand-père de notre personnage9 1 qui, selon un usage courant, aurait reçu son prénom. Ce dernier du reste appartenait à une tribu autre que celle du designator, en l ' occurrence la Pomptina, comme l 'indique sa nomenclature officielle d ' après CIC ., Cluent., 56, 1 53 ) ; M. TORELLI, 1 982, 2 , 27 5 -299, p. 289 (tableau emprunté à W. V. HARRIS, avec correction, p. 278). 8 8 Cl. NICOLET, 1 966- 1 974 qualifie à l ' occasion C. Maecenas ( 1 , p. 224) et ses deux compagnons ( 1 , p. 78. 64 1 ) de princeps 1 principes equestris ordinis. Ce titre apparaît effectivement dans les titulatures de certains chevaliers, telles qu'elles nous sont transmises par des sources littéraires (5 panni les notices de Cl. N. , notamment celle de L. Aelius Lamia [ 1 , p. 2 6 1 ; 2, p. 762-765, n° 1 0, d' après CIC ÉRON, Fam., I I , 1 6, 2]) ; mais il n' est pas attesté formellement pour ces trois personnages et ne figure du reste pas dans les notices individuelles que leur consacre notre auteur (2, p. 879, n° 1 46 ; p. 1 03 9, n° 344 ; p. 93 2-93 3 , n ° 209). Par ailleurs, o n n e trouve nulle part dans l ' ouvrage d e description de cette fonction (désignation, pouvoirs, titulaires multiples ?), bien que l ' ordre équestre soit qualifié d' «institution cohérente, structurée, hiérarchisée» ( 1 , p. 646). 8 9 Sur cette réfonne : Cl. NICOLET, 1 966- 1 974, 1, p. 5 5 9-570. Voir aussi Cl. NICOLET, 1 972 : sur la problématique j udiciaire, p. 205-207 ; sur les trois meneurs, p. 2 1 0-2 1 1 . 9 0 Dans un autre discours, CIC É RON (Rab. Post., 7 , 1 6- 1 7) rappelle l ' argumentation des opposants. - Sur la lex Sempronia (de C. Sempronius Graccchus) : Cl. NICOLET, 1 966- 1 974, 1 , p. 475-48 5 . L'exceptio legis (ibid., p. 5 1 1 -5 1 3) exemptait les chevaliers de toute responsabilité, civile et politique, dans 1' exercice de leurs fonctions j udiciaires. 9 1 Ce possible lien de parenté n'est pas évoqué dans l 'article de F . MÜNZER, 1 928c, mais l ' est dans des ouvrages plus récents, comme ceux de R. SYME, 1 939, p. 1 29, n. 4, ou de J. HEURGON, 1 96 1 1 2 1 979 1 3 1 989, p. 3 1 9 : on fait généralement valoir que les deux Mécènes expriment le même refus de s 'élever au-dessus de l ' ordre auquel ils appa1tiennent. Cl. NI COLET, 1 974, 2 , p. 933, émet sur la question un jugement bien surprenant : « Cependant, remarquons que la tradition, si abondante, concernant les ancêtres de Mécène, ne mentionne absolument pas cet eques, inconnu par ailleurs ». On se demande où il a bien pu trouver cette « tradition, si abondante », alors que, de la généalogie de Mécène, l ' on ne connaît guère, avec une ce1titude rais01mable, que l ' initiale du prénom de son père ! (supra, p. 536). Cette observation ne 1' empêche pas d' écrire plus haut, 1 , 1 966, p. 224 : « C. Maecenas, le grand­ père de Mécène certainement, qui, en tant que princeps de l ' ordre équestre . . . » ; puis, p. 5 70 : « C. Maecenas, ancêtre de Mécène, issu d ' une très grande famille "royale" d 'Arezzo » et encore, p. 705 : « Nous connaissons bien les Maecenates d'Arezzo, une des plus puissantes dynasties locales », anticipant ainsi de deux générations l ' effet de l ' allliance avec, p. 224, « les Cilnii, ancêtres maternels de Mécène », qui « avaient, on le sait, régné sur Arezzo aux IV• et Ille siècles ». - On remarquera que le même glissement d ' une famille à l ' autre se rencontre déjà chez SILIUS ITALICUS (Pun., 1 0, 39-4 1 ), qui met en scène un Maecenas tué lors d ' un combat avec l ' armée carthaginoise : Oppetis et Tyrio super unguina fixe ueruto 1 Maecenas, cui Maeonia uenerabile terra 1 et sceptris olim celebratur nomen Etruscis (voir le commentaire de F . SPALTENSTEIN, 1 986- 1 990, 2 , p . 58).

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dans l 'inscription rédigée par ses affranchis que nous avons exammee en ouverture ( CIL, 6, 2 1 77 1 )92 ; ceci s'accorde avec son lieu de naissance - ou du moins d'origine de sa famille93 -, puisque les habitants d'Arezzo ont été effectivement inscrits dans cette tribu lors de leur intégration à l'Etat romain, en 88 av. J.-C. 94 • Mais il est difficile de penser qu'un gentilice identique puisse avoir deux origines différentes95 : l'on admettra qu'il a dû y avoir un ch angement de tribu justement au moment de l ' intégration de la ville, pour les citoyens romains qui y résidaient déjà, ou bien, dans ce cas particulier, au moment du rapprochement avec la famille arétine des Cilnii. Au total, on ne peut qu' être frappé du contraste entre les affirmations péremptoires sur 1' origine étrusque et plus précisément arétine de Mécène et la faiblesse des éléments de preuve que l ' on invoque96• Comme on l ' a vu, il est inexact de dire que « la terminaison en -nas désignait de toute évidence le n omen comme étrusque97 », puisqu'en réalité aucune des formations étrusques proposées comme équivalentes ne l ' est réellement et qu' en revanche une étymologie latine est possible, tant pour le radical que pour le suffixe de ce gentilice, qui n ' est du reste pas attesté en Étrurie, mais l ' est b ien à Rome. Il est tout aussi inexact de parler d'« une origine arétine bien établie98 » en se fondant sur l 'appartenance à la tribu Pomptina99, quand on affirme par ailleurs que les Maecenates sont installés à Rome depuis plusieurs générations et que 1' on constate que l ' un des leurs était un chevalier romain en vue avant même l 'octroi du droit de cité à tous les Étrusques et donc leur répartition dans diverses tribus. 92 Le territoire de la tribu Pomptina est limité par la création de la Maecia et de la Scaptia vers le nord ; les nouvelles tribus comblent l ' espace entre la Pomptina et l ' ager Romanus (L.R. TAYLOR, 1 960, p. 53) 9 3 On connaît le j our de sa naissance, 1 3 avril, selon HORACE (Od. , 4, 1 1 , 1 3 -20) : . . 11" !dus tibi sunt agendae, 1 1 5 qui dies mensem Veneris marinae 1 1 6_findit Aprilem, 1 . . . 1 1 8 quod ex hac 1 19/uce Maecenas meus ajjluentis 1 20ordinat annos), mais ni l'année (entre 74 et 64 av. J.-C.), ni le lieu, qui pourrait bien être Rome. 94 Voir supra, note 1 0. Cf. CIL, I l [E. BORMANN, 1 8 88], s. u. A rretium (Arezzo). Tribu Pomptina, 3 35-337, p. 3 3 6 (liste d' inscriptions d'Arezzo contenant le nom de la tribu) ; L.R. TAYLOR, 1 960, p. 1 1 5 . 1 79. 274 ; A.J. PFIFFIG, 1 966, p. 7 8 (liste). 95 On ne connaît pas la tribu du C. Maecenas de 9 1 . Mais rien ne j ustifie qu' on le rattache particulièrement à Arezzo - comme le fait par exemple W.V. HARRI S , 1 97 1 , p. 328, au seul motif que son éventuel petit-fils appartenait bien à la tribu à laquelle fut intégrée la cité, après la guerre sociale. Le peu que l ' on sait du premier suggère qu' i l jouait un rôle assez important dans l ' ordre équestre et qu' i l était probablement juge à Rome ; l'admission à la citoyenneté devait donc remonter au moins à son père, mais pouvait aussi être plus ancienne : ne peut-on pas penser à Lanuvium et à la tribu Maecia de son homonyme ? 96 On en trouvera une synthèse p. ex. chez W.V. HARRIS, 1 97 1 , p. 320-3 2 1 , s. u. Maecenas. 97 Cl. CHILLET, 20 1 6a, p. 29. Le même auteur ne craint pas, du reste, d'écrire le contraire quelques pages plus loin, p. 6 1 : « Son gentilice emploie la forme latinisée en -nas et non pas la forme la plus proche de l 'étrusque en -na » : cette fois, le suffixe -nas est un suffixe latin . . - W.V. HARRIS, 1 97 1 , p. 3 1 9-320 cite plusieurs références censées confirmer le caractère étrusque de Maecenas, mais aucune ne mentionne ce nom. R. SYME, 1 939, p. 90, n. 4, se demande si Carrinas est ombrien ou étrusque - mais F. MÜNZER, 1 899, col. 1 6 1 2, lin. 5 , considère qu' i l s' agit d' une famille romaine. 98 Cl. CHILLET, 20 1 6a, p. 27. 99 Curieusement l ' auteur oublie ici un autre indice de cette origine, l ' une des expressions d'AUGUSTE dans sa lettre : lasar Arretinum ( ! ) . .

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Dès lors que Mécène revendiquait une ascendance à la fois étrusque et royale indissolublement1 00 et que l'on s 'accorde à estimer que la seconde prétention se référait à sa lignée maternelle, celle-ci peut fort bien avoi r satisfait aussi, à elle seule, à la première: il n'était pas indispensable que son père fût également étrusque. En fait, comme on l ' a vu, il n'y a pas vraiment de raison impérative de penser que les Maecenates sont des Étrusques qui seraient arrivés à Rome au plus tard au dernier quart du ne siècle av. J.-C. 1 0 1 : ce sont des Romains, ou éventuellement des Latins, peut-être de Lanuvium . Tout au plus peut-on envisager un déplacement du père de notre personnag e qui se serait installé, au moins temporairement, à Arezzo au moment de son mariage, en raison de la supériorité sociale de son épouse, ce qui a pu permettre à leur fils de naître dans la cité des Cilnii 1 02 • On ajoutera qu'en épousant Terentia1 03, Mécène n ' a pas sacrifié à la tendance endogamique des grandes familles étrusques, encore décelable à la fin du 1er siècle ap. J.-C. 1 04, mais sans doute moins impérative chez lui 1 05• 1 0° Cette revendiction est en quelque condensée dans l ' apostrophe de la première Élégie à Mécène ( 1 3 ) : Regis eras, Etrusce, genus (cf. les autres expressions citées note 22, qui sont aussi toutes des apostrophes). - Cl. CHILLET, 20 1 6a, p. 22, observe que la double revendication venait bien de Mécène lui-même, puisqu'elle disparaît dès le premier auteur qui lui soit postérieur, VELLEIUS PATERCULUS (2, 88, 2 [cité note 86), pour qui il n ' est plus que chevalier. La seule exception est MARTIAL ( 1 2, 3 [4] , 2 [cité note 22]), mais celui-ci démarque HORACE (Od. , 1, 1, 1 [cité note 22]). 101 Comme o n le fait généralement, essentiellement à propos d u chevalier C. Maecenas : voir supra, note 86. 102 On ne sait si Mécène parlait l ' étrusque : lorsqu' HORACE (Od. , 3, 8, 5) l ' interpelle docte sermones utriusq ue linguae, il loue son bilinguisme en latin et en grec ; cf. la réplique qui lui , , est prêtée par SENEQUE LE RHETEUR (Contr., 9, 3, 1 4), à propos des traducteurs qui sont mal payés et dont on ne sait pas finalement à quel pays ils appartiennent, situation qu'il illustre plaisamment par la présentation chez HOI\1ÈRE du héros Diomède, dont l ' apparence ne permet pas de savoir à quel camp il appartient (Il., E = 5, 8 5 [-86]) : Dixit Haterius : . . . numquam magnas mercedes excepisse eos, qui hermeneumata docerent, Maecenas dixit : Tu8e'î8T]v 8'oùK iiv yvoi11ç, nortpm> Cf. J. CONINGTON, H. NETTLESHIP 3 , 1 96 3 , p. 3 1 7 (H.N. introduction au chant I l ). 1 1 3 Ces comparaisons ne vont pas sans quiproquo ; on part ici d 'un bref passage de MACROBE (Sat. , 5, 2, 1 5) : . . . altercatio, ut Achillis et Agamemnonis, ita Drancis et Turni ­ utrobique enim alter suum, alter publicum commodum cogitabat - . . Malgré le membre de phrase final, Ch.G. HEYNE, 1 83 3 , comm. ad Aen., I l , 3 3 6 , III, p. 622, pense que c' est Achille, que MACROBE rapproche de Drances, tandis que pour A. LA PENNA, 1 98 5 , p . 1 3 9b, la comparaison « mette fuori strada », puisque c ' est Tm·nus q u i serait fonctionnellement plus proche d'Achille, sans que l ' on puisse pour autant rapprocher Drances d'Agamemnon ! 1 1 4 C' est J. PERRET qui, à notre connaissance, est le premier (et le seul ?) à avoir pensé à Ulysse, dans une longue note à son édition de l ' Énéide, 1 980, ad loc. (p. 228-229). Il rapproche l ' ascendance paternelle incertaine de Drances de celle du héros héros grec, dont la mère, Anticleia, fille d' Autolycos, l ui-même fils d 'Hermès, était de noble ascendance, mais le père d' origine plus obscure, en se référant aux déclarations du héros lui-même lors de la contestation avec Ajax sur les armes d'Achille, racontée par OVIDE (Met., 1 3 , 1 42- 1 50). Mais en réalité Ulysse, dans ce passage, s'il revendique bien une haute origine maternelle, affirme être par son père le petit-fils de Jupiter (Zeus), ce qui n' est guère méprisable . . . - On notera, avec J. PERRET, I. e., que, dans la pièce de SOPHOCLE qui porte son nom, Philoctète ( 438-444) rapproche Ulysse de Thersite - rapprochement attribué à Néoptolème par FÉNELON, dans son Télémaque ([Bibliothèque de la Pléiade, 437, Paris, Gallimard, 1 997], l ivre XII, 2, p. 203). 1 1 5 Dans la catégorie des personnages historiques, on peut aussi citer la proposition isolée de J. CONINGTON, 1 883, ad loc. 3 3 6, p . 349, qui, tout en soutenant surtout, comme on le verra (note 1 1 6), le rapprochement avec C icéron, pense aussi à « the part played by Hanno against Hannibal in Livy 2 1 and 23 >> . En fait, les trois interventions de Hanno devant ce que TITE­ LIVE (2 1 , 1 0, 2) appelle le « sénat >> carthaginois (LIV. , 2 1 , 3, 4-5 ; 2 1 , 1 0, 2- 1 3 ; 23, 1 2, 61 3 ), sont effectuées en l ' absence d ' Hannibal : il n ' y a jamais de face à face comme entre Drances et Tm·nus et dans les exemples homériques cités ci-dessus. 1 1 6 Le premier à avoir soutenu ce rapprochement semble avoir été A. TURNÈBE, 1 565, livre 23, chap. 1 4, 2, p. 47 1 , l in. 5- 1 0 ( 1 5 80, 2, p. 822, lin. 1 0- 1 4 1 1 604 editio Argentinensis, 2, p . 760), qui écrit : « Quod autem d e Drance l i b . 1 1 . AEneid. Maro scribit, Ciceronis personae mirifice conuenit : ut non dubitem in eius imaginem Drancis personam a Marone institutam esse & inductam » ( ' dubitem ' , à la première personne, laisse à penser qu'il ne doit cette idée à nul autre). On peut encore citer ici le commentaire sceptique de Ch.G. HEYNE, 1 83 3 , ad 1 1 , 3 3 6, p. 622 : « Male ingeniosi nonnulli in Drance Ciceronem, ut in Turno M. Antonium quaesiuere. » - et celui de E. PARATORE, qui ne prend pas position, dans son édition, 1 983, ad loc. , p . 1 65 : « È stata ravvisata in questo personaggio un'imitazione caricaturale ai danni di Cicerone, come in Turno è stato visto per contrapposizione Antonio ». On retouve ce rapprochement, avec plus ou moins d ' arguments, chez F . OLIVIER, 1 93 0, p. 48-50 (II), reproduit in F O , 1 963, 1 99-2 1 3 , p. 204-205 (avec mention du point de vue de divers commentateurs) ; K. QUINN, 1 968, p. 24 1 ; G. HIGHET, 1 972, 1 4 1 - 1 44. 284-285 ; W.C. McDERMOTT, 1 980, 34-3 8 ; F . GOYET, 2000, p. 1 78- 1 85 (+ p . 1 85- 1 9 1 «L' interprétation de Dumézil») ; et plus récemment encore chez E. RAYMOND, 20 1 1 , p. 97 et note 49. Dans son commentaire, J.J. CONINGTON, 1 88 3 , ad loc. 3 3 6, p. 349, observe que le rapprochement repose essentiellement sur le fait que Drances, comme Cicéron - et Démosthène ( ! ) - est beau parleur mais piètre combattant. l l1 Parmi les éléments qui peuvent orienter vers Cicéron, on mentimmera la modestie sociale du père de l 'orateur - qui était foulon - en opposition à la fois à une généalogie qui prétendait remonter à un illustre roi des Volsques et à la position beaucoup plus brillante de sa mère, comme le souligne PLUTARQUE (Cie., 1 , 1 -2) : K t KÉ p wv o ç ÙÈ n'jv �nrctpa Myouow EÀ�iav Kat yEyovtvm KaÀû:Jç Kat �E�tWKIÎVat, m:pt ÙÈ -roù rra-rpoç o ù 8 Èv �v rru8tcr8at �ÉT p tov . 2 Oi �tÈV yàp Èv yva I o en d e nombreuses occasions (2, 3 , 5, 8 , 1 1 , 1 5 . . . pour l e seul livre 1 ), il ressort qu'il est conforme à celui de toutes les maîtresses élégiaques : elle possède toutes les grâces et les talents, incomparablement belle, séduisante, mais elle est aussi coquette, cruelle, tyrannique, jalouse, volage, perfide . . . Elle est belle au point d'enflammer Ego ; elle est dure et volage au point de le soumettre à un pénible servitium amoris, de provoquer ses lamentations éplorées, en lui faisant craindre une séparation. Mais elle est bien plus qu'un personnage j ouant un rôle dans une histoire d'amour. Dès l 'élégie 1 , 2, dans l ' énumération qu'il fait devant elle de ses atouts pour la convaincre de ne pas se parer1 1 , le poète lui rappelle qu ' outre la grâce, la beauté et la séduction de Vénus, elle possède l' art de la poésie et de la musique qui lui viennent d'Apollon - le dieu du Cynthe dont elle tire son nom - et de Calliope, l'art de la conversation d'une mondaine cultivée et sans doute celui du tissage associé à Minerve : Uni si qua placet, cuita puella sat est ; cum tibi praesertim Phoebus sua cannina donet Aoniamque libens C alliopea lyram, unica nec desit iucundis gratia nerbis, Omnia quaeque Venus, quaeque Minerva probat. His tu semper eris nostrae gratissima uitae, taedia dum miserae sint tibi luxuriae. (v. 26-32)

9 Cette question a été étudiée de manière argumentée et précise par E. CoUTELLE dans plusieurs publications (2005a, 2005b, 2006). Je n' apporterai ici que quelques réflexions complémentaires. 10 Voir M. WYIŒ, 1 98 7 ; F. NAu, 2007, p. 1 2 : « . elle n' a aucun passé : son existence se confond avec son existence l ittéraire et rien ne vient j amais évoquer la vie de la jeune femme avant sa ravissante apparition dans l 'élégie l iminaire de la monobliblos » . 11 Voir infra, p. 597. . .

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À plusieurs reprises, Properce revient sur les talents de son arnica : elle est une docta puella, dit-il en 1 , 7, 1 1 - 1 2 1 2, incluant dans cette épithète tout ce qui contribue à faire d'elle une image de lui-même : Me laudent doctae solum placuisse puellae, Pontice, et iniustas saepe tulisse minas ;

Mais, parmi ces talents il en est un qui prend un relief singulier : non seulement elle est pour Properce la lectrice qui sait apprécier sa poésie 1 3 , mais elle est elle-même une poétesse14• Celui-ci ne se contente pas de vanter cette compétence de Cynthie : il la prouve en citant dans 1 ' élégie 1 , 3 , qui suit immédiatement celle où il fait son éloge, un discours de la j eune femme où elle raconte la soirée qu' elle a passée en son absence à filer de la pourpre1 5, jouer de la lyre et composer en pleurant un chant plaintif. Rentrant tard d'un banquet, passablement éméché, il la trouve endormie et, après quelques tentatives maladroites pour la réveiller, il la voit ouvrir enfin les yeux sous l 'effet d'un rayon de lune et s' adresser à lui : Sic ait in molli fixa toro cubitum : « Tandem te nostro referens iniuria lecto alterius clausis expulit e foribus ? Namque ubi longa meae consumpsti tempora noctis, languidus exactis, ei mihi, sideribus ? 0 utinam talis producas, improbe, noctes, me miseram qualis semper habere iubes ! Nam modo purpureo fallebam stamine somnum, rursus et Orpheae carmine, fessa, lyrae ; interdum leuiter mecum deserta querebar externo longas saepe in amore moras : dum me iucundis lapsam Sopor impulit alis. Ilia fuit lacrimis ultima cura meis. » (v. 34-46)

Ce discours de Cynthie est lui-même (métriquement) une élégie qui met en scène la composition nocturne d'une élégie et, qui plus est, d'une élégie modèle qui fixe les principaux constituants de la scène élégiaque. Cette élégie qu'elle prononce est celle qu'elle a composée la nuit, puisque le thème qu'elle y développe, l ' infidélité (iniuria alterius), est précisément celui qui faisait l ' objet de ses plaintes nocturnes (amore externo). En outre les termes par lesquels elle évoque son activité lors de cette nuit solitaire sont ceux qui 12

Cf. aussi 2, 3 ; 2, 1 1 , 6 ; 2, 1 3 , 1 1 ; 3, 20. Voir 1, 8, 40. En 2, 26, 26 i l dira qu' elle voue à la poésie un culte quasi religieux : carmina tam sancte nul/a puella coli!. 14 Voir S. VIARRE, 2007. Cf. aussi 2, 1 , 9- 1 0 et 2, 3, 1 9-20. En 2, 3, 2 1 -22, elle ne craint pas de se comparer à Corinna et É rinna : Et sua cum antiquae committit scripta Corinnal f'carminaque Erinnae1' non putat aequa suis. (Si l ' on retient la conclusion de S . HEYWORTH, 2007, p. 1 2, qui propose d e lire à la suite d ' Heinsius carminaque Erinnae a u lieu de carmina quae quivis des manuscrits). 1 5 Sur Cynthie en train de filer et de se plaindre de son abandon, voir aussi 3 , 6. 13

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sont traditionnellement employés par les élégiaques pour désigner le genre qu ' ils pratiquent : querebar1 6 (v. 44) et lacrimis (v. 46) représentent la pl ainte élégiaque, Orpheae lyrae (v. 42) fait allusion au fondateur mythique de 1 ' élégie ; et le tissage est 1 'une des métaphores les plus fréquemment associées à la composition poétique1 7• Properce ne se contente pas de présenter Cynthie comme son double fém inin, elle qui se lamente, comme il le fera, d' être abandonnée ou trompée : il lui confère le statut d 'inspiratrice, voire de muse1 8, en disant que tout ce qu' il a appris de l 'amour, et donc de l'élégie, vient d 'elle ( 1 , 1 0, 1 920). Ce faisant, il laisse entendre qu' elle est la figure de l'élégie, son incarnation, et que son allure et sa beauté sont à l ' image de celles qui, pour lui, conviennent au genre élégiaque. Il est utile à ce propos de mentionner le problème que soulève la contradiction apparente, que soulignera Ovide 1 9 , des deux positions prises par Properce qui, dans l'élégie 1 , 2 reproche à Cynthie de « (s')avancer la coiffure ornée et de faire ondoyer le fin drapé d'un tissu de Cos » pour lui conseiller « de laisser son corps briller de ses propres atouts », en lui rappelant « (qu')Amour qui est nu n'aime pas qui se fait 1' artisan de la beauté », alors que, dans la 2, 1 , il déclarera au contraire : « Si je l ' ai vue s'avancer éclatante dans un tissu de Cos, je tirerai tout un volume du tissu de Cos (5-6) ». De ces deux textes, dont la dimension métaphorique a été souvent soulignée20, il a été déduit que Properce défendait deux conceptions opposées du style élégiaque, l 'une qui prône un style simple et dépouillé21 correspondant à un gemts tenue, et l 'autre, au contraire, un style raffiné et orné, sous la bannière de Callimaque et de Philétas. Même si cette différence de positionnement de la part de Properce peut s'expliquer par l'ambigüité même du concept de tenuitas �ui traduit à la fois la Àenrûrl)c; callimaquéenne et l ' icr:;cvûrl)ç du genus temœ- 2, il n ' en reste pas moins que la contradiction demeure entre les deux textes et qu' il est légitime de tenter de la résoudre. Il me semble que la voie pour y parvenir passe par le rappel du rôle que joue Cynthie dans le livre l . C ' est elle qui occupe le rôle de 16

Voir 1, 5 , 1 8 ; 1 , 6, 8 et I l ; 1 , 7, 8 ; 1 , 8, 22 ; 1, 1 6, 14 et 3 9 ; 1, 1 7, 9 ; 1, 1 8, 1 et 29 ; 2, 1 8, 1 ; 2, 20, 4 et 5 ; 3 , 6, 1 8 ; 3 , 7, 5 5 ; 4, 7, 6 et 95 ; 4, 8, 79 pour les exemples les plus clairs. Le genre lui-même est souvent désigné par les tennes de querela ou de querimonia. 1 7 En deux autres occasions, aussi, Properce nous livre une élégie composée par Cynthie - si l'on ne tient pas compte de l ' élégie 1, 6 ( 5 - 1 1 ) où ses propos sont rapportés au style indirect (mais le terme querelis apparaît au vers 1 1 ) - : il s 'agit d ' abord de l ' élégie 2, 29 dont l' argument est très proche de celui de la 1 , 2 (retour de banquet, beauté de Cynthie endormie, reproches de cette dernière) et de la pièce 4, 7 où elle s 'adresse longuement au poète en songe pour lui reprocher son indifférence lors de ses funérailles, lui j urer qu' elle lui a toujours été fidèle et attendre de lui qu' i l le soit également en souvenir d ' elle. 1 8 Il abordera explicitement ce thème dans l'élégie liminaire du livre 2 : Non haec Calliope, non haec mi hi cantat Apollo : 1 lngenium nabis ipsa puellafacit. (v. 3-4). 1 9 Voir la très riche analyse de cette contradiction dans F. KLEIN, 20 1 0, passim. 2 ° C' est en effet par ces métaphores du texte-femme, de sa parure, de sa coiffure . . . que les poètes et les rhéteurs ont illustré leurs conceptions des styles poétiques ; voir P. GALLAND­ HALLYN, 1 994, p. 1 07- 1 1 9 et passim. 2 1 D. Ross, 1 975, p. 1 02 pense que cette défense du style simple s'explique par une réaction de Properce contre le style obscur et alambiqué, hérité d'Euphorion, de Gallus. L ' idée est ingénieuse, mais n' explique pas la palinodie de Properce. 22 Voir F . KLEIN, 20 1 0, p. 1 23 sq.

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magistra am oris face au poète novice de 1 ' élégie 1 , 1 , c' est elle qui fait son éducation amoureuse et poétique comme Properce le dit en 1 , 1 0 à Gallus : Cynthia me docuit, semper quae cuique petenda quaeque cauenda forent: non nihil egit Amor. (v. 1 9-20)

C ' est elle aussi qui, comme je l ' ai dit plus haut, compose de nuit l' élégie modèle, à valeur paradigmatique, que Properce imitera à plusieurs reprises dans son œuvre, celle de 1 'amant( e) abandonnée qui se plaint de 1 ' infidélité de son (sa) partenaire. Il paraît ainsi possible d' émettre l 'hypothèse que l 'élégie 1 , 2 est l ' illustration métaphorique d'un débat entre Properce et sa maîtresse portant sur la définition du style qui convient à 1 ' élégie, 1 'un revendiquant pour ce genre un style dépouillé et l ' autre un style orné, et que, dans ce débat, 1 ' élégie 2, 1 nous apprend la victoire de Cynthie qui a su, en instruisant son amant, l 'amener à rejoindre la position qu'elle défendait. Et, quand celle-ci, quittant le style qui était le sien, se plaira à suivre une mode extravagante, en se teignant les tempes en bleu et les cheveux en roux, c' est lui qui lui rappellera que ce style exotique n'est pas naturel pour une Romaine, l' engageant ainsi à revenir à celui que sa tenue antérieure illustrait : Nunc etiam infectos demens imitare Britannos, ludis et externo tincta nitore caput ? Vt natura dedit, sic otnnis recta figurast : turpis Romano Belgicus ore color. An si caemleo quaedam sua tempora f'uco tinxerit, idcirco caemla forma bonast ? (2, 1 8 D, 23 -26 ; 3 1 -32)

Venons-en à l' image qu'Ego donne de lui-même. Si sa jeunesse2 3 et la modestie24 de sa condition sont des attributs topiques qui seront plus particulièrement développés dans les livres 2 et 3, celui qui est le plus souvent affinné, dès 1' élégie liminaire 2 5, est son indéfectible (ou presque) fidélité : . . . sua quemque moretur cura, neque assueto mutet amore torum. (v. 3 5-36)

L 'affirmation de fidélité à Cynthie est convoquée en premier lieu par Properce dans le contexte de 1 ' argunientation qu'il développe en réponse à 23 Cette insistance de Properce sur la jeunesse de l ' amant de Cynthie ne s' explique pas

seulement par le fait que cet âge est par nature celui des émois érotiques : elle se fonde aussi sur le dogme poétique qui associe un genre à une classe d ' âge : la jeunesse est l ' âge approprié à la poésie d ' amour et c ' est elle qui qualifie Ego comme poète élégiaque ; car les genres plus graves et plus savants doivent être réservés à un âge plus avancé comme il est dit en 2, 1 0 : A etas prima canal Veneres, extrema tumultus ; 1 bella canam, quando scripta puella mea est. (v. 7-8). Cf. aussi la recusatio adressée à Mécène, en 3 , 9, et 3 , 5, 1 9-28. 24 Voir 2, 24, 3 5 - 3 8 et 2, 34, 5 5 - 5 8 . 2 5 Cf. aussi 1 , 4 ; 1 , 1 2 avec la célèbre formule : Cynthia prima filit, Cynthia finis erit ; 1 , 1 8 puis 2 , 1 ; 2 , 1 7 ; 2 , 20 ; 2 , 24 ; 2 , 2 5 ; 2 , 26 ; 3 , 2 5 . . .

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Bassus qui lui conseille d' aimer d'autres femmes ( 1 , 4), ou à Tullus qui l 'invite à changer de mode de vie ( 1 , 1 2) et à se rendre à Athènes ( 1 , 6). En rép ondant à l 'un qu'il ne peut la quitter, parce qu' elle l 'emporte sur toutes les femmes par sa beauté et ses charmes ( 1 - 1 2) et qu' ils sont liés par un pacte mutuel (5- 1 6) et à l 'autre que son destin l ' oblige à rester fidèle à son amour jusqu ' à la mort ( 1 , 6, 25-30), il avance deux arguments qui annoncent ceux qu'il opposera dans les recusationes des livres 2 et 3 26 aux lecteurs et protecteurs qui veulent le voir quitter le genre élégiaque pour une poésie plus haute. Affirmer sa fidélité à Cynthie revient d' abord à justifier sa 'fidélité' au genre élégiaque et ensuite à prétendre que c'est de lui qu'il tirera sa renommée de poète. C 'est bien d'ailleurs ce qui apparaît clairement dans les élégies à Ponticus ( 1 , 7 et 9), le poète épique qui méprise sa pratique d'un genre mineur et qui, tombé amoureux lui-même, découvre tardivement la valeur du genre élégiaque. En second lieu, bien que l 'assurance répétée par Ego de cette disposition d' esprit puisse être interprétée sur le simple plan d'une stratégie amoureuse, comme un argument propre à fléchir la femme aimée pour la conquérir, regagner ses faveurs ou obtenir d'elle le respect de ses engagements, la fidélité pa1ticipe également à l 'illustration par Properce de sa conception du genre, en complétant les préceptes qu'il délivre subtilement sur l'art élégiaque tout au long de son recueil. Elle contribue, d'abord, à signifier que le pacte générique de l 'élégie, telle qu'il le conçoit, impose que l 'objet de l ' amour célébré par le poète dans les pièces qui forment son recueil soit unique. À la différence d' autres genres comme la satire, la poésie iambique ou lyrique, voire du genre élégiaque pratiqué par Gallus2 7 et par Tibulle28, qui chantent l ' amour pour une pluralité de femmes (ou de garçons), l ' œuvre élégiaque doit être, selon lui, tout entière consacrée à une seule arnica dont le nom même constitue son titre, au moins pour les lecteurs. C ' est également d' ailleurs en vertu de cette règle spécifique du genre qu'Ego est contraint de réfuter ou d' ignorer les conseils des amis qui veulent le détourner de cet amour indigne qui le fait souffrir et l 'engager à se tourner vers d'autres jeunes femmes. Peut-être faut-il accorder à cette affirmation de fidélité une troisième implication poétique qui subsume les deux autres : celle de laisser entendre qu'il est nécessaire de prêter à l ' amant élégiaque la constance qui le conduit à endurer toutes les situations auxquelles l ' expose son amour pour une arnica dure et volage, pour que lui, le poète, puisse explorer et décliner l ' ensemble des éléments constituant la topique élégiaque, centrée autour du servitium amoris (voir par exemple 2, 5 et 2, 1 7). La fidélité serait ainsi présentée comme la condition de possibilité du déploiement de la composition élégiaque. Le second attribut d'Ego, sur lequel il convient de s'attarder un instant, même s'il a donné lieu à de nombreuses études éclairantes, est sa qualité de 26 Voir 2, 1, J -4 et 30-48 ; 3, 2 ; 3 , 9 ; 3 , J I . 2 7 Voir infra, p . 60 1 . I l est probable que Gallus ne consacra pas les quatre livres de ses élégies à la seule Lycoris. 2 8 Tibulle chanta trois amours : Délie, Némésis et Marathus.

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magister amoris qu'il a acquise au contact de Cynthie, alors qu'il « n'avait encore été touché par nul désir » avant de subir le charme de ses yeux ( 1 , 1 , 2). Elle est fondée sur deux arguments : le pouvoir de sa poésie sur les victimes de l 'amour, développé surtout dans le livre 1 (7, 8, 9, 1 0) et sa notoriété29, suggérée dès la 1 , 7, mais clairement évoquée dans les deux livres suivants (2, 5 ; 2, 24 ; 2, 34 ; 3, 2 ; 3 , 24). L ' élégie 1 , 1 0 adressée à Gallus résume bien le premier argument : Possum ego diuersos iterum coniungere amantis et dominae tardas possum aperire fores ; et possum alterius curas sanare recentis, nec leuis in uerbis est medicina meis. (v. 1 5- 1 8)

Suivis des quelques conseils pratiques que lui a enseignés Cynthie sur ce qu'il convient de faire ou d'éviter en amour, ces deux distiques, anticipant le diptyque ovidien, attribuent à son œuvre la double dimension d'être à la fo is un art d'aimer et un remède à l'amour, comme Properce l 'avait déjà suggéré dans 1 'élégie 1 , 7 adressée à Ponticus30 • Mais, comme j ' ai eu 1 ' occasion de le montrer à propos d'Ovide3 \ loin d'être contradictoires, ces deux enseignements du magister, apprendre à aimer et apprendre à ne plus aimer sont les deux volets d'un même programme poétique, celui d'écrire un art didactique de l'élégie érotique. L' élégie 1 , 7, qui vient d' être mentionnée, contient la première allusion à sa notoriété, notoriété sans doute plus espérée encore que constatée32. Concluant son élégie à Ponticus, il affirme que s ' il arrivait à son ami d' être lui-même blessé par l ' amour, il cesserait de mépriser la poésie de Properce qui sera un jour glorifié par ses jeunes lecteurs : Tum me non humilem mirabere saepe poetam, tune ego Romanis praeferar ingeniis ; nec poterunt iuuenes nostro reticere sepulcro « Ardoris nostri magne poeta iaces. » (v. 2 1 -24)

Sa prédiction se réalisera, comme il le signifiera implicitement dans 2, 5 33 où, feignant d'apprendre que tout Rome parle de 1 'inconduite de Cynthie, il laisse entendre en réalité que tout Rome a lu son premier 1 ' élégie

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En 1, 7, 9- 1 0 : Hic mihi conteritur uitae modus, haec mea fama est, 1 hinc cupio nomen cm·minis ire mei. 3 0 En 1 , 7, 1 1 - 1 4 : Me laudent doctae solum placuisse puellae, 1 Pontice, et iniustas saepe tu/isse minas : 1 me legat assidue post haec neglectus amator 1 et prosint illi cognita nostra mala. 3 1 Cf. Ovide R. A . , 43 -44 : « Venez à mes leçons, j eunes gens trompés, qui n' avez trouvé que déceptions dans votre amour. Apprenez à être guéris par celui qui vous a appris à aimer. La même main vous apportera la blessure et le remède ». 32 Voir les déclarations de 2, 5 ; 2, 24 et aussi 3, 2, 1 5- 1 8 où il compare, à la manière d'Horace, son œuvre élégiaque à un monument : « Mais les Muses sont mes compagnes, mes vers sont chers à qui les lit, et Calliope ne se lasse pas de suivre mes chœurs. Heureuse, s'il en est, celle que célèbre mon petit l ivre ! Mes poèmes seront autant de monuments à ta beauté » . 33 Hoc uerum est, tata te ferri, Cynthia, Roma, let non ignota uiuere nequitia ? ( 1 -2).

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livre ; et explicitement dans l ' élégie 2, 24 A34 où il fait dire à un i nterlocuteur inconnu que tout Rome a lu ce livre qui porte en titre le nom de Cynthie35• D 'un livre à l 'autre Ego passe ainsi du statut de magister amoris dans le cercle clos de ses amis à celui de maître du genre élégiaque à Rome : s on expertise érotique s'est muée en expertise poétique qui lui vaut, une fois s on liber publié, de devenir un poète reconnu. Gallus

Outre les énonciataires déjà cités, Cynthie, Tullus, et les poètes, Bassus et Ponticus, il est une autre figure maj eure du livre dont il convient de préciser le rôle qu'elle j oue dans la scénographie élégiaque. Il s' agit bien sûr de G allus, personnage énigmatique, mais qui, qu'il soit ou non l 'auteur des A mores, se révèle clairement dans les 4 élégies qui lui sont destinées comme une sorte d'alter ego du poète avec lequel il partage le même idéal de vie centré sur l 'amour dont il a pourtant une conception bien différente. En ce domaine, il est toujours en quête de nouvelles proies et ne s' attarde sur aucune, comme le poète le dit dans 1' élégie 1 , 1 3 : Dum tibi deceptis augetur fama puellis, Certus et in nullo quaeris amore moram . . . (v. 5-6)

C ' est cette incontinence qui est pointée d' emblée par le premier qualificatif que lui attribue Ego dans 1 ' élégie 1 , 5, invide36 : il est un séducteur jaloux du poète qui, par les questions insidieuses qu' il lui pose, cherche à s ' immiscer dans sa relation avec Cynthie afin, sans doute, d'ajouter celle-ci à son tableau de chasse. Averti du danger que représenterait pour lui cette maîtresse tyrannique, Gallus, comme s'il avait entendu le message, réapparaît dans les bras d'une amie dont il semble éperdument amoureux ( 1 , 1 0). Aurait-il donc abandonné ses conquêtes éphémères pour rej oindre Ego dans sa fidélité à une seule arnica ? C ' est ce qu' espère Ego qui lui prodigue alors les conseils qu' il disait ne pas pouvoir lui donner dans l' élégie précédente : instruit par Cynthie, lui, le magister amoris, saura lui apprendre comment faire durer cet amour pour cette seule femme : Is poterit felix una remanere puella, qui numquam uacuo pectore liber erit. (v. 29-30)

Et, dans l ' élégie 1 , 1 3, alors que Properce soupçonne Gallus de se réj ouir de son infmtune, sachant qu'il en a été informé par l ' élégie 1 , 12 où lui34 Voir aussi 3, 2, 1 5 - 1 8 où il compare, à la manière d 'Horace, son œuvre élégiaque à un monument : « Mais les Muses sont mes compagnes, mes vers sont chers à qui les lit, et Calliope ne se lasse pas de suivre mes chœurs. Heureuse, s ' i l en est, celle que célèbre mon petit l ivre ! Mes poèmes seront autant de monuments à ta beauté » . 35 Tu loqueris, cum sis iam nato fabula libro 1 et tua sit toto 'Cynthia ' lecta faro ? ( 1-2). 36 En 1, 1 3 , 3 il le qualifiera de perfide.

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même s'est plaint de l 'infidélité de Cynthie en villégiature à Baïes37, il lui souhaite de ne pas connaître le même sort et fait le vœu que puisse enfin le satisfaire cette passion exclusive : una sit ista tibi (v. 36). Mais le souhait d'Ego ne semble pas avoir été exaucé, car nous retrouvons Gallus, dans l 'élégie 1 , 20, à nouveau amoureux, mais cette fois d'un favori. Properce, qui reste dans son rôle de maître d' amour, l' avertit alors du danger que présente pour lui cet amour pour un éphèbe dont la beauté attirera bien des convoitises. Il a été souvent démontré qu'au travers de l 'évocation de la vie amoureuse de Gallus, Properce faisait allusion à l' œuvre poétique38 de ce dernier et engageait avec lui un débat portant sur leurs pratiques respectives du genre élégiaque 3 9 ; et que, de cette intention allusive, il avait déposé des indices dans les élégies 1 0 et 1 3 en recourant aux termes testis ( 1 0, 1 ) , meminisse ( 1 0, 3), vidimus ( 1 0, 6) et vidi ( 1 3, 1 1 ; 1 4 ; 1 5) qui dans la poésie latine ont souvent pour fonction de signaler des renvois textuels : en disant qu'il a été témoin et qu'il a vu cette scène d'amour, il aurait ainsi laissé entendre qu'en réalité il l ' a lue dans un poème de Gallus. De fait, ces deux élégies semblent bien reprendre, comme Virgile 1 'a fait plus explicitement dans la bucolique 1 040, des thèmes poétiques et des schémas métriques chers à Gallus, voire citer des expressions ou des termes qu'il aurait lui-même employées dans ses Amores. Parmi ces thèmes galliens41 , il en est deux au moins auxquels ces élégies feraient allusion : le premier est la nuit d' amour ( 1 0 et 1 3) et le second, évoqué en 1 0, 5 et, ironiquement semble-t-il en 1 3 , 3 3 , est celui du poète qui meurt d'amour ; et parmi les termes42 qui seraient à mettre à son crédit medicina ( 1 0, 1 8) etfuror ( 1 3, 20). Mais Properce ne se limiterait pas à cette évocation de la poésie gallienne : en mentionnant la tentative de séduction à laquelle se serait livré son ami ( 1 , 5) et en avertissant ce dernier des dangers auxquels conduirait une liaison avec Cynthie, il l'aurait prévenu, si l ' on suit la brillante analyse de D. Ross43 , de la difficulté et des risques que présenterait pour lui le projet (ou la tentative) de se lancer dans une nouvelle voie de 1 ' écriture élégiaque qui lui est encore inconnue (ou dont il vient de faire un premier essai, comme le suggère l' élégie 1 0), celle de l 'élégie subjective centrée sur un servitium amoris. Properce lui ferait ainsi comprendre que cette voie nouvelle, qui est celle-là même que lui-même pratique et dont il est devenu le maître, exige de celui qui est encore novice en la matière de satisfaire à toute une série de conditions et d'exigences et de réviser sa pratique antérieure qui portait la marque de l'élégie néotérique à la manière de Catulle et de son imitation d'Euphorion. 37 38

Voir le commentaire de R. BAKER, 2000, ad loc., p. 1 27. Voir F. CAIRNS, 2006 ; J. FABRE-SERRIS, 2008, passim. 39 Voir A. KEITH, 2008, p. 1 2 1 - 1 22. 40 Voir J. FABRE-SERRIS, 2008, p. 29 sq. 4 1 Voir D. Ross, 1 975, p. 1 0 1 , cite parmi ces thèmes « Le bois de Grynium, Acontius et Cydippé, Milanion et Atalante et Hylas » 42 Voir F. CAIRNS, 2006, p. 1 1 1 -2 1 8. 43 Sur toute cette question, voir l 'excellente analyse de D. Ross, 1 975, et ses conclusions p. 1 02 sq. auxquelles ces lignes sont redevables.

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L'énumération des règles et des contenus4 4 (notamment en 5 , 1 1 -20 et 1 0, 2 1-3 0) qu' impose cette élégie nouvelle - que Properce désigne par l 'expression « feux (qui te sont) inconnus » ( 1 , 5, 5) - est habilement dressée en deux occasions : dans le catalogue qu'il établit des pouvoirs de Cynthie (5) et dans la succession des conseils de conduite amoureuse qu'il donne à Ga llus ( 1 0 et 1 3). Parmi ces règles, il en est trois qui sont mises en relief. La pl us importante est celle dont nous avons déjà parlé plus haut : elle est de p lacer le servitium amoris imposé par une dura pue !la au centre du dispositif thématique élégiaque. Properce le dit en le prévenant qu'il lui faudra graue seruitium . . . dis cere en 1 , 5 , 1 9-20 : sinon il lui sera impossible de se plaindre, c 'est-à-dire de produire une élégie ( quaecumque uoles jitgient (tibi) uerba querenti4 5, 1 , 5 , 1 7). La seconde est celle de 1 'unicité de 1 ' amie chantée dans le recueil : fini de collectionner les filles frivoles (uagis . . . p uellis, 1 , 5 , 7) abandonnées aussitôt que conquises ( deceptis . . . pu ellis, 1 , 1 3, 5) ; une seule qui mettra un terme à ces amours vulgaires ( 1 , 1 3 , 1 1 ) devra les remplacer toutes (una sit tibi ipsa, 1 , 1 3 , 3 6) ; et lui qui en amour ne cherche pas la durée ( 1 , 1 3, 6), il lui faudra devenir fidèle et supporter tout ce que cette unique amie lui imposera : At quo sis humilis magis et subiectus amori, hoc magis effectu saepe fruare bono. (v. 1 0, 27-28)

La conclusion qu'il faut tirer de cette mise en scène par Properce de ses relations avec Gallus est qu'elle nous donne à lire le passage de flambeau poétique entre celui qui détenait le patronage du genre élégiaque et celui qui lui ravit la palme en ouvrant une voie nouvelle dont il est le seul à connaître le parcours. Manière habile de suggérer qu'il est le second fondateur et le nouveau maître du genre. Temps et lieu

Pour découvrir ce que la monobiblos nous dit des circonstances temporelles et spatiales de l' énonciation élégiaque, il faut nous tourner d' abord vers l 'ensemble formé par trois élégies contigües qui associent chacune un lieu particulier à 1 ' émission de la plainte élégiaque : la 1 6 l'associe à l a porte de l a maîtresse, l a 1 7 à un rivage isolé et l a 1 8 à un bois. L'élégie 1 , 1 6 du paraclausithuron désigne, en effet, comme lieu emblématique de la plainte élégiaque la porte close de la maîtresse à laquelle 1' exclusus amator adresse une supplique nocturne ; et cette supplique longuement citée par le poète ( 1 7-44) est assimilée à une élégie par plusieurs termes qui désignent habituelle le chant élégiaque : arguta carmina blanditia (v. 1 6), fitrtiuae preces (v. 20) et longa querela (v. 29) et plus explicitement encore carmina (v. 4 1 ). La suivante présente le poète gémissant la nuit sur un rivage ingrat au milieu d'une tempête plus cruelle que sa maîtresse elle44 45

Par exemple les thèmes du paraclausithuron et de l ' exclusus amator en 5 , 20. Il faut noter que ces deux mots juxtaposés (uerba querenti) désignent bien la lamentation élégiaque ; voir supra.

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même qu'il regrette d ' avoir quittée. S ' il est probable, comme l ' a remarqué Papanghelis46 , que Properce y« dramatise une métaphore », celle de l ' amour comme voyage sur mer, la tempête symbolisant la colère de la maîtresse et le naufrage la rupture amoureuse, la plainte nocturne sur le rivage est, comme le paraclausithuron, l ' expression de la distance géographique et sentimentale séparant le poète de sa maîtresse dont procède la plainte élégiaque. Quant à l ' élégie 1 8, reprenant le même thème de la séparation , elle réactive un motif traditionnel de la poésie élégiaque qu' ont illustré les mythes d ' Acontius et de Milanion chers à Gallus47 , la retraite dans les bois de l ' amant, meurtri par l ' inconstance de sa maîtresse, qui écrit le nom de celle-ci sur 1 ' écorce des arbres, comme le Gallus de la bucolique 1 0 écrit ses Amours sur les arbres tendres, Mais la mention de ces trois lieux emblématiques de la poésie érotique ne nous éclaire pas sur le contexte réel ou supposé de la composition élégiaque ni sur les modalités de sa divulgation. Telle qu' elle est décrite dans sa genèse, la plainte élégiaque n ' est associée qu' à la voix et pas à l ' écriture48 et l ' élégie ne dit rien sur la voie qu' elle utilise pour se faire connaître. S i elle est prolixe, en effet, sur les statuts et la fonction des interlocuteurs de ses élégies, la monobiblos « ne montre pas (ou si peu49 ) la scénographie qui (la) rend possible 50 ». Pour que cette scénographie apparaisse explicitement 5 1 , il faudra attendre le livre 2 et surtout la fin du livre 3 , et avec elle la fin du cycle de Cynthie. Elle apparaîtra d' abord, en effet, quand Properce fera intervenir, en 2, 23, 3-6, 1 'esclave entremetteur et porteur des messages, à qui il se plaindra de devoir « offrir des cadeaux pour qu' il remette à sa maîtresse le message (uerba) qui lui a été confié » ; puis en 3 , 6 quand, à cet esclave messager qui a désormais un nom, Lygdamus52 , il demandera qu' il lui confie ce qu ' il sait de l ' état d ' esprit de sa maîtresse- c ' est en fait celui que Properce souhaite - et qu 'il lui rapporte en retour « par la même route, ses paroles (uerba) qu' il lui a confiées avec beaucoup de larmes » (36-3 7). Elle se précisera enfin avec 1 ' élégie 3, 23 53 où pour la première fois (?) il est fait mention des tablettes qui ont servi à la correspondance entre les acteurs de la monobiblos et plus particulièrement entre Ego et Cynthie, tablettes « que ses mains avaient abîmées à 1 'usage » et dont il regrette la perte parce qu' elles avaient contenu « tant d'écrits précieux », c ' est-à-dire sans doute les trois livres de ses élégies à Cynthie avec laquelle la relation amoureuse est désormais révolue. La mention finale de 1' esclave chargé de mettre une annonce avec son adresse sur une colonne, celui-là même qui avait assuré la 46Th. D. PAPANGHELIS, 1 987, p. 97 sq. 47 J. FABRE-SERRIS, 2008, p. 90-93 ; sur le mythe de Milanion voir l ' élégie 1, 1 , 9- 1 4 . 48 S i l ' on excepte l ' allusion à l ' écriture sur les arbres d e la 1 , 1 8 . 49 C ' est moi qui précise. 50 D. MAINGUENEAU, 1 99 3 , p. 1 2 5 . 51 Les allusions d e 2, 5 e t 2, 2 4 à l a notoriété scandaleuse d e Cynthie e t d e s a « Cynthia » ne concement pas la scène de parole qui sous-tend la composition de la monobiblos, mais laissent entendre que cette notoriété résulte des révélations indiscrètes des confidents du premier cercle (2, 5), puis de la publication indécente de sa correspondance amoureuse (2, 24). 52 Lygdamus reparaît en 4, 8, mais comme l ' esclave de Properce. 5 3 Voir S. HEYWORTH et J. MORWOOD, 20 1 1 , p. 3 24-3 30. 604

circulation des tablettes, complètera enfin la scénographie puisque nous savons, bien tardivement du reste, pour qui et comment la plainte élégiaque est devenue un contenu de communication écrit. De tout cela, la monobiblos semble-t-il, ne parle pas. Tout au p lus est-il qu estion des billets (libel!i, 1, 1 1 , 1 9) envoyés à Cynthie en villégiature à Baïes. Portant, si elle reste allusive sur le statut des élégies - fragment de c onversation, performance lors d'une recitatio, monologue ou échange ép istolaire ? -, elle introduit discrètement un élément essentiel de l a sc énographie d u genre élégiaque : le durus labor qu'exige son élaboration nocturne. Sa mention est introduite dès 1 ' élégie liminaire et plus précisément dans les vers 33-34 : In me nostra Venus noctes exercet amaras, et nullo uacuus tempore defit Amor.

Ces vers ont sans doute pour fonction d' instaurer, après d' autres, l ' un des thèmes centraux de la thématique érotique, la souffrance de l ' amant qui passe des nuits loin de sa maîtresse. Mais ces vers supportent un autre sens si on les insère dans le réseau de termes équivoques qui se succèdent dans le poème. Dès le vers 4, l ' expression et caput impositis pressit Amor pedibus, empruntée à une épigramme de Méléagre 54 , semble évoquer, derrière l a m étaphore militaire d e la soumission d u vaincu, la subordination du poète à la métrique (pedib us 55 ) imposée par le genre élégiaque que symbolise Amor56. De même le fitror (v. 7), folie amoureuse dont il se dit victime depuis une année, est assimilable au délire poétique qui l ' a animé depui s qu 'il a commencé la rédaction d e l a monobiblos, u n an plus tôt ; e t sa haine des j eunes femmes vettueuses (v. 5) est elle aussi interprétable sur le plan poétique : elle définit ironiquement, comme Ovide le fera dans ! 'Art d'A imer57 , le lectorat qu' exclut l ' élégie, genre prétendument réservé aux seules femmes légères et aux courtisanes. Aussi peut-on sans doute lire l ' élégie liminaire58 dans le sens allégorique d'un manifeste p oétique du genre élégiaque et d ' interpréter les amaras noctes que Vénus fait subir au poète comme les nuits passées chez lui à écrire, à la lueur d'une lampe, en proie aux affres de la création poétique, et le harcèlement dont i l se dit la proie de la part de Vénus et d 'Amour (v. 34) comme l ' indication de la place obsédante qu' occupe la création élégiaque dans sa vie. Properce reviendra à plusieurs reprises sur cette dimension créatrice de la solitude nocturne, associée à 1 ' elucubratio, qui est propice aussi bien à la Cf. Ant.Pal., 1 2 , 1 0 1 , 4 ; la même idée sera reprise en 2, 3 0 , 7-8. Cf. un emploi comparable chez Tibulle 2, 5 , 1 6. Ovide parodiera cet e mploi dans l' élégie 1 , 1 des Amores (cf. aussi Am. 2 , 1 ) en disant que le dieu Amortira une flèche dans le talon du poète qui voulait composer une épopée pour le faire claudiquer comme le rythme élégiaque qui unit deux vers inégaux. 56 Cette assimilation repose sur le double sens que 1 'on peut donner à amo dans 1 'élégie : j' aime et je suis un poète élégiaque. A mor est ainsi à la fois le dieu de l ' amour et le genre qui chante l' amour, l'élégie. 57 A. A., 3 1 -3 2 : « Loin d'ici , minces bandelettes, insignes de la pudeur, et toi, large volant, qui couvres la moitié des pieds. ». De même dans les Tristes (2, 303-304) : « De mon Art écrit pour les seules comtisanes la première page écarte les mains vertueuses ». 58 Voir A. DEREMETZ, 20 1 0, p. 38. 54

55

605

célébration d'une nuit d ' amour passée avec son amie ( 1 , 9, 3 3-34) qu' à la plainte qu' engendre une séparation, mais qui dans tous les cas exige du poète un long et fastidieux travail d ' écritures et de lectures répétées. Peut-être peut-on lire comme un indice de ce manifeste les vers 13 et 14 de l ' élégie 1 , 1 25 9 : Nunc primum longas solus cognoscere noctes cogor et ipse meis auribus esse grauis.

Si la nuit peut être longue pour l ' amant qui la passe, seul dans sa chambre, à se lamenter point de s ' importuner lui-même, elle l ' est à coup sûr pour le poète qui n ' a de cesse de lire et de relire ce qu' il a écrit au point d ' en être lui-même lassé. Bref, comme cette étude a tenté de le montrer, pour Properce 60 , la nuit, qui est le moment privilégié des relations privées, amicales et amoureuses , est la temporalité qui s ' inscrit le plus profondément au cœur du code générique de l ' élégie ; et c ' est à elle que« la scénographie élégiaque associe le temps de l ' amour, c ' est-à-dire le temps où l ' on fait et où l ' on chante l ' amour61 », incarné dans la personne d' une femme légère. Si la scène de parole vraisemblable des élégies doit être associée aux performances orales présentées par un poète lors de recitationes privées devant un auditoire choisi de poètes et d'amis, ce n' est pas à ces circonstances réelles qu' elle est référée, mais bien à la fiction d ' un amant solitaire qui de nuit se plaint de la souffrance que lui fait endurer sa passion.

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.

59

,

Cf. aussi le troisième distique de l' élégie 2, 17 : Horum ego sum uates, quotiens desertus amaras 1 expleui noe tes, frac tus ttfroque toro. 60 Horace développe le même thème dans ses Épîtres (cf. 1 , 20). 61 Voir A. DEREMETZ, 20 1 0, p. 39. 606

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A. DEREMETZ, 20 1 1

607

D'une épigramme latine au milieu épicurien de la baie de Naples

Jeanne Dion Université de Lorraine

C ' est un redoutable plaisir d ' écrire quelques mots pour Charles Guittard, brillant spécialiste de Tite-Live, de la religion étrusque et romaine, mais aussi de Lucrèce et Macrobe entre autres . . . Que lui offrir ? Peut-être une courte épigramme latine écrite en distiques élégiaques, qui peut révéler des liens avec l ' épicurisme de la baie de Naples au 1er siècle avant J.-C. : Scilicet1 hoc sine fraude, Vari dulcissime, dicam: "dispeream, nisi me perdidit isle Pathus !" Sin autem praecepta uetant me dicere, sane non dicam, sed: "me perdidit isle puer !'12

Bien sûr, sans tromperie je dirai, mon très doux V arius : "que je périsse, s 'il ne m ' a pas perdu, ton Désiré Mais si les préceptes

rn'

!"

interdisent de le dire, assurément

je ne le dirai plus, mais : "il m ' a perdu, ton garçon!"

Ce poème, septième du Catalepton, cache bien des difficultés3 sous une apparente simplicité. L ' une porte sur Pathus et sa substitution par puer, une autre sur Varius et son mystérieux interlocuteur. S ont-ils les seuls dans l ' œuvre à évoquer le milieu épicurien de Naples et ses rivages ?

Pothus 1puer

Pathus est un mot tellement inattendu4 en latin que Scaliger lui substitue Putus dans I 'Appendix5 : c ' est pourtant la leçon du manuscrit ancien le plus 1 Ce1tains éditeurs proposent la leçon Si lice t présente dans le Vossianus La t. 78 du xve siè cle, dans l' édition aldine de 1517 et dans une correction proposée en marge de I'Appendix (p. 96) de Scaliger qui garde cependant Scilicet dans le texte du poème. Les manuscrits antérieurs ont Sc ilice t dont 1 ' ironie fait aussitôt attendre une épigramme. 2 Pour ce texte latin et ma traduction française, voir VIRGILE, 2015, p. 1014. 3 Voir ainsi de grandes éditions commentées du Catalepton: R. E. H. WESTENDORP-BOERMA, 1949-1963, A. SALVATORE, 1957-1960, A. SALVATORE, 1997, M. G. lODICE, 2002. 4 Il ne figure même pas dans le dictionnaire Gaffiot.

609

complet de l ' œuvre : Bruxellensis 1 067 5-6 du XIIe siècle, ainsi que des manuscrits Helmstadiensis 332 et Monacensis Lat. 1 8895 , tous deux du xve siècle. La forme est reprise, simplifiée en Potus, dans les manuscrits Arundelianus 13 3 , Rehdigeranus bibl. urb. Vratislavensis 125 , Vatican us Vrbinas Lat. 3 5 3 et Vossianus Lat. 78. On peut bien sûr y voir le nom potus signifiant « la boisson ». Mais sa première syllabe est longue : le poète aurait alors sciemment écrit un vers faux et l ' interdit des « préceptes » évoqué ensuite serait donc métrique. Où serait cependant le j eu de mots entre po tus « boisson » et puer « garçon » ? Une interprétation métriquement correcte existe. Elle consiste à comprendre ce Pathus comme un équivalent latin du grec Pathos dont la première syllabe est brève. Il s ' agit alors d'une personnification du désir nostalgique, nommé fils d'Aphrodite par Eschyle6 , fils d ' Eros par Platon7 , avant que d' autres parentés ne lui soient encore attribuées. L 'interdit des préceptes est alors éthique. Car bien des philosophes s ' élèvent contre l ' emprise que peut exercer sur l ' âme un désir amoureux sans contrôle, c 'e st même un lieu commun de la philosophie antique. Pour les Épicuriens qui l ' incluent dans une typologie des désirs 8 naturels ou non, nécessaires ou no n, il faut s ' en défier, même s ' il ne s ' agit que d'un désir charnel sans nuisance pour quiconque ou soi-même 9 • Mais Pathos est plus subtil encore. Apparu plus tard qu'Himéros et Eros déjà cités par Hésiode10 , il implique une nostalgie de ce qui est absent, « ailleurs », comme Platon l ' imagine dans une de ses merveilleuses étymologies imaginaires : « Il (pathos) signifie un rapport, non pas à 1' obj et présent, mais à son existence quelque part ailleurs, allothi pou on, et à son absence: d 'où la dénomination de pathos pour ce qui s ' appelait auparavant himeros, quand était présente la chose à laquelle on tendait ; celle-ci s 'étant évanouie, on a donné à ce même sentiment le nom de pathos. » 11

Pareil désir nourrit alors l ' inspiration amoureuse, en particulier chez les épigrammatistes élégants comme Méléagre : «

La fête se termine car Eros

Le dieu des beaux chagrins, m' est apparu. Déclenchant la tempête, ô Myiscos.

5

Voir A PPENDIX , 1 5 72 : à la page 509, pour Scaliger puflts correspond au grec mikros d' après « un vieux glossaire », mais avec une valem: « lascive », comme dans les mots composés praeputium « prépuce », sa!aputi um (sic)« petit bout d'homn� e ». 6 Voir EscHYLE, 1 963 : Suppliantes, vers 1 039- 1 043 : «A ses côtés (=Aphrodite), pour assister leur mère, voici Désir (Pathos), et Persuasion enchanteresse (Peitho) qui jamais n'a subi un refus ; Harmonie (Harmonia) aussi a sa part du lot d'Aphrodite, tout comme les Amours au babil joyeux (Erotes) ». 7 Voir PLATON, 1 95 0 : Banquet 1 97 d. Il s ' agit du discours d'Agathon. 8 Voir LES ÉPICURIENS, 20 1 0 : Lettre à Ménécée 1 27 , Maximes capitales 1 49. 9 Voir LES ÉPICURIENS, 20 lO : Sentences vaticanes ou Recommandations d Épic ure 5 1 : « Le plaisir sexuel n'est jamais profitable : il est beau déjà qu' il ne cause pas de dommage ». 10 Voir HESIODE, 1 982 : Théogonie vers 20 1 : « Amour (Eros) et le beau Désir (Himéras) sans tarder lui (=Aphrodite) firent cortège ». 11 Voir PLATON, 1 950 : Cratyle 420 a. '

61 0

Le Désir, ce vent, fait rage bientôt. Viens mon aimé, sur le rivage, accours Repêche-moi, j e suis ce matelot É garé sur l ' océan d ' amour. »12

!

Notre épigramme est toutefois plus complexe : car Pathus n' y est p lus le r egret éprouvé par le poète de l ' être qui lui manque, il est l ' incarnation de cet être même, son nom ; c ' est pourquoi on peut essayer de rendre un peu cet 13 effet en transformant désir en Désiré : « que j e périsse, s ' il ne m ' a pas perdu, ton Désiré! » Au 1v• siècle avant J.-C. Scopas avait donné corps à Eros, Himéras et Pathos, en sculptant leur groupe, visible dans un temple 14 d ' Aphrodite à Mégare d ' après la description qu ' en fit Pausanias au II" 1 5 siècle. Des copies romaines restent de ce Pathos: la sinuosité contrariée de ses pas et son regard mélancoliquement tourné vers le ciel, témoignent de sa passion. Sa célébrité a-t-elle incité les Romains à se servir de ce nom à peine lati nisé pour désigner des affranchis ou esclaves d 'origine grecque qui peut­ être lui ressemblent un peu ? Toujours est-il qu' une inscription 1 6 sur la pyramide de Cestius mentionne que le monument fut érigé en 330 jours avant 12 avant J. -C. sous la surveillance de L. Pontius Mela et de l' affranchi Pothus, bien réel; un Pathus pediseq(uus) c'est-à-dire « valet de pied » figure avec 1 5 autres accompagnateurs (senti uicarii) sur l ' épitaphe de Musicus S curranus 1 7 , esclave p robable de Tibère; un Pothus 1 8 , esclave de Numitor, est mentionné parmi les quatre ministres du temple de la Fortune Auguste à Pompéi en 3 ap. J. -C. Et d' autres p ersonnages de ce nom apparaissent ensuite. Où est alors l ' interdit des préceptes ? S ' agit-il d'une lourde indiscrétion quand la bienséance invite à ne pas dire le nom de l ' être aimé ? S ' agit-il d'un excès de grec, cher aux poètes néotériques mais contraire à certains enseignements traditionnels de la rhétorique romaine 19 , d' autant que Pathus mêle racine grecque et suffixe latin ? Cette hyper­ grécité avait aussi caractérisé un des premiers Épicuriens romains, T. Albucius, dont Scaevola voulut se moquer en le saluant en grec, et elle continue ensuite de caractériser les É picuriens selon P. Vesperini 20 . Sans doute tout cela peut-il mener au remplacement de Pathus par puer. Mais relisons Lucrèce pour comprendre mieux encore : Nam si abest quod ames, praesto simulacra tamen sunt 11/ius, et nomen du/ce obuersatur ad auris. 12

Voir ANTHOLOGIE PALATINE, 2005, l ivre XII 1 67. Tout en regrettant la valeur passive du prénom français. 14 Voir V. PlRENNE-DELFORGE, 1 994, commentant le texte de Pausanias 1, 43, 6 dans son chapitre sur « Mégare » (p. 83 -92). Voir aussi PLINE L'ANCIEN, 20 1 3 : livre XXXVI, IV, 25. 15 Copie romaine peut-être du Ier siècle après J.-C. au Louvre (inv. Cp 6466, n° usuel Ma 54 1 ), ou bien de l ' époque d ' Hadrien à Rome (inv. n° MC 2417 Muse i Capitolini). 16 Voir INSCRIPT!ONES LATINAE SELECTAE, 1 892 : n° 9 1 7 Poth i. 17 INSCRIPT!ONES LAT!NAE SELECTAE, 1 892: n° 1 5 14. 18 INSCRIPT!ONES LATINAE SELECTAE, 1 902 : n° 6382. 19 Voir CICERON, 1 922 : De o ratore livre I 32, 1 44 où i l s ' agit du discours de Crassus rappelant que le précepte est d' abord de parler de façon correcte et latine : praecipitur primum, ut pure et Latine loquamur. 20 Voir P. VESPERTNI, 2009: p. 52 1 -524. 13

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Sedjitgitare decet simulacra, et pabu/a amoris absterrere sibi, atque alio conuertere mentem, et iacere umorem conlectum in corpora quaeque ...

« Car, en l ' absence de l ' obj et aimé, touj ours son image est présente à nos yeux, toujours son doux nom obsède notre oreille. Mais il convient de fuir sans cesse ces simulacres, de repousser ce qui peut nourrir notre amour, de tourner notre esprit vers d'autres obj ets: il vaut mieux j eter dans le premier corps venu la liqueur amassée . »21 .

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In corpora quaeque a-t-il pour équivalent un puer du Catalepton ? Serait­ il le remède épicurien au Désir nostalgique ? Là où Lucrèce est chamel, le poète du Catalepton est pudique ; là où Lucrèce suggère qu'on remédie au désir par une multiplicité d'aventures, notre poète n'y croit guère : et la pointe du texte est ainsi qu'il affirme sa perte, qu ' i l ait face à lui le Désir ou un simple garçon, rien ne saurait changer quand bien même il fait semblant de suivre les préceptes épicuriens ! Qui peut ainsi j ouer avec l ' épicurisme dans cette épigramme ?

V arius /le poète

Dès le premier vers apparaît le nom du destinataire du poème : V arius, qui pourrait être Lucius V arius Rufus, poète romain né vers 74 avant J.-C. et mort vers 12 avant J.-C . A Naples en effet c ' est un de ceux qui suivent les leçons des maîtres épicuriens. Or en 45 avant J.-C. dans les Tusculanes, Cicéron se plaint du développement de 1' épicurisme, regrettant que de nombreux écrivains épicuriens aient envahi « toute 1 'Italie »22 . Car pour éviter la foule et vivre dans une calme retraite selon les préceptes d' Épicure, ils se sont installés23 en Campanie et en p articulier dans la baie de Naples, ville d' origine grecque. Leurs principaux maîtres sont alors Philodème de Gadara24 , auteur d ' épigrammes en plus de ses traités savants, et Siron25 dont le nom apparaît justement dans le poème du Catalepton qui suit notre épigramme. V arius est de leurs proches ; lui aussi voudrait sans doute débarrasser 1 'homme de la crainte de la mort : mais il ne reste que quatre fragments de son De morte 26, qui rendent difficile une comparaison précise 21

Voir LUCRECE, 1 920 : IV 1 06 1 - 1 065. CICERON, 1 93 1 : Tusculanes IV 3 : Italiam totam occupauerunt. Leur diffusion après deux siècles d' exclusion est signalée par P. VESPERINI, 2009, en particulier aux pages 520-52 1 . 23 Voir A. ROSTAGNI, 1 96 1 : Virgilio minore, en particulier le chapitre intitulé « Nella scuola epicurea di Napoli » p. 1 69- 1 83 . 24 Voir M . GIGANTE, 1 987 à propos des ouvrages de Philodème qu'on a retrouvés dans la Villa des Papyrus à Herculanum, et sur la chronologie des œuvres écrites de 75 avant J.-C. jusqu'aux années 40 avant J.-C. 2 5 Poème 8 : Villula, quae Sironis eras . . . : « Petit domaine, qui étais celui de Siron . . . » . 26 Voir pour le texte latin qui en montre l ' influence sur des vers des Géorgiques et de l' Énéide, MACROBE, 1 852 : Saturnales, livre VI 1 3 9-40, VI 2 1 9-20. Pour une étude moderne et un texte français, voir MACROBE, 1 997. V arius écrira aussi un Thyeste, dont Quintilien fait l'éloge dans !'Institution oratoire (X 1 98 ), pour célébrer la victoire d'Octave à Actium; il lui valut une récompense de 1 000 000 de sesterces. Voir pour le texte O. RIBBECK, 1 852, p. 229 et pour Quintilien: M. 22

612

avec le traité Sur la mor f27 de l ' épicurien Philodème. Mais quel bon dédicataire pour un poète qui proteste « que je meure » et se dit « perdu » de désir, que ce spécialiste de la mort ! Son choix aj oute un sourire à cette épi gramme subtile. Il contribue aussi à l ' identification du poète de l ' épigramme. Un tel poète écrit avec subtilité, il est l ' ami de Varius à qui il fait confidence de ses am ours, il connaît les préceptes épicuriens. Pourrait-il être Virgile, qui a une retraite (secessus) en Campanie et en S icile, si l ' on en croit Donae 8 reprenant Suétone ? Là il pouvait se retirer pour pratiquer 1 ' otium, en fuyant la Cisalpine et Rome où les troubles des guerres civiles étaient plus graves. Un passage de Probus 29 signale de plus que Virgile vécut p lusieurs années « en suivant la secte épicurienne » et en parfaite concorde « avec Quintilius (Varus), (Plotius) Tucca et Varius ». Philodème mentionne de fait leurs quatre noms dans deux livres des Vices qu'il leur dédie : (De l'amour des richesses) et Flatterie conservés dans les papyrus d'Herculanum 30 • Et Servius 3 1 précise le nom de leur maître : Siron. On sait par ailleurs le p enchant que Virgile éprouve envers des jeunes gens puisque Donat32 mentionne Cébès et Alexandre, 1 'Alexis de la deuxième Bucolique, que Pollion lui avait offert. Pathus est-il alors ici un véritable esclave ou affranchi de V arius qui aurait touché Virgile, ou est-ce la personnification du WINTERBOTTOM, 1 970. P our une tentative de reconstruction du Thyeste de Varius, voir E. LEFEVRE, 1 976. Il ne reste également qu'un passage du l ivre IV de Philodème : voir sa traduction dans LES ÉPICURIENS, 20 1 0 : p. 63 1 -633. Il pourrait avoir été écrit vers 43 avant J.-C. et celui de Varius peu après: voir A. S. HOL LI S, 1 977, « L. Varius Rufus, De morte (Frs 1 -4 Morel)», CQ, vol. 27, n° 1 ( 1 977), pp. 1 87- 1 90. Cette datation rejoint celle de A . RüSTAGNI, 1 961 p. 39 1 -404 dans son chapitre « Il 'De morte ' di Varia » , rappelée par M. GIGANTE , 1 987, p. 67 : 43-39 avant J.-C. ; mais le lien avec Antoine est en revanche récusé par M. GIGANTE, 1987 . 28 Voir J. BRUMMER, 1933 : Vergilii vita Donatiana p . 3; s' agit-il, à l ' écart des fastes de la villa des Pisons, du petit domaine de Siran que le poète reprendrait après la mort du philosophe vers 42 avant J.-C. ? Le poème 8 du Catalepton s ' inspirerait en tout cas de la tradition des jardins légués par Platon à Adeimantos, par Épicure à Hermarque (Diogène Laërce, X 1 6-22 : voir LES ÉPICURIENS, 20 1 0, p. 8). Bien des auteurs ont travaillé sur les vies de Virgile : citons seulement ici parmi les plus récents J.-J. VAN DOOREN, 1 961, C. HARDIE, 1 966, et surtout G. BRUGNO L I et F. STOK, 1 997. Il faut leur ajouter le remarquable ouvrage de J. M. ZIOLKOWSKI et M. C. J. PUTNAM, 2008 . 29 Voir J. BRUMMER, 1 933 : Probus p 73, secutus Epicuri sectam, insigni concordia et familiaritate usus Quintili, Tuccae et Varii. 30 Il s' agit du PHerc. 253, frg. 1 2 , 4 pour le premier l ivre et pour le second des PHerc. 1 082, Il et PHerc. Paris. 2 frg. 278 b-279 a. L' ordre des noms est alors Plotius Tucca, Varius Rufus, Virgile et Quintilius Varus. Voir à ce sujet LES ÉPICURIENS, 20 1 0 p. 1 223 note 2, ainsi que A. ROS TAG NI, 1 96 1 : p. 1 76- 1 77, note 22. 3 1 Il le fait à deux reprises. Voir SERVIUS, 1 8 8 1 : commentaire à la Bucolique VI, 13 : sectam Epicuream, quam didicerant tam Vergilius quam Varus docente Siran (pour Servius, Siran est ici peint sous les traits du Silène). Voir aussi le conm1entaire au livre VI de l'Enéide, vers 264 : S ervius rappelle encore Siran, maître épicurien de Virgile (magistrum suum Epicureum), car il lui permet de rester prudent face aux diverses théories de la peinture des âmes. 32 Voir VIRGILE, 20 1 5 : Vie de Virgile par Donat, 9, p. 1 05 0 ; pour le texte latin, voir J. BRUMMER, 1 933 : Vergilii vita Donatiana, p. 3 : !ibidinis in pueras pronioris, quorum maxime di/exit Cebetem et Alexandrum, quem secunda Bucolicorum egloga Alexim appel/at, donatum si bi ab Asinio Pollione, utrumque non ineruditum, Cebetem vero et poetam. 27

613

Désir même? Son nom fait écho à celui d' Eros, l ' affranchi qui était le librarius 33 de Virgile. Et que V arius ait contribué aux amours de Virgile est en tout cas relaté par une autre anecdote : « On a dit communément qu' il avait eu aussi des rapports sexuels avec Plotia Hiéria, mais Asconius Pédianus affirme qu'elle-même racontait souvent, alors qu'elle était plus âgée, qu' i l avait b ien été invité, par l ' intermédiaire de Varius, à avoir commerce avec elle, mais qu' il avait obstinément refusé ».34

Aj outons-y une remarque. Un des plus grands attraits de l ' épicurisme a pu être l ' exaltation de l ' amitié comme bien le plus précieux d'une vie heureuse : « Parmi ce que la sagesse se procure en vue du bonheur de la vie tout entière, le plus important, de très loin, c ' est la possession de l ' amitié »35.

Cicéron parle même d'une « union-conspiration » d 'amour (amoris conspiratione36 ) rassemblant des troupes d ' amis dans la petite maison d'Epicure et il aj oute : « l ' exemple, du reste, est encore suivi par les Epicuriens ». À la passion destructrice notre poète oppose ainsi l ' amitié, à Pathus (Désir ou Désiré) le très doux Varius. Pareil langage n'est-il pas caractéristique de Virgile qui opposera encore dans l' Énéide au doux amour d' É née lefuror de Didon? On dira cependant qu'un imitateur pourrait faire de même et reprendre des mots caractéristiques de Virgile pour faire croire à son identité : la passion, la douceur, le goût des mots grecs même fautifs (Pathus) dont Macrobe imaginera que le poète rougirait « quand on relèverait mille autres erreurs répréhensibles, soit dans les expressions tantôt grecques, tantôt étrangères, soit dans la composition même de l ' ouvrage »37•

Ce n ' est sans doute pas impossible. Dans l'Art poétique, Horace réclame pourtant le droit de forger des termes nouveaux « s ' ils j aillissent d'une source grecque dont on les dérivera avec ménagement » 38 expressément pour Virgile et Varius justement. . . Mais n' oublions pas que Cicéron nomme Philodème et Siron « les meilleurs et les plus savants des hommes » à la fin du livre II du De jinibus 3 9 • Varius et notre poète sont de leur école et l ' on a vu la subtilité de cette épigramme amoureuse, digne de l ' alexandrinisme par sa grâce et sa pointe. Mais où sera sa science? Pour l ' apprécier il faut en 33 Voir VIRGILE, 20 1 5 : Vie de Virgile par Donat, 34, p. 105 4 ; J. BRUMMER, 1 93 3 : Vergi/ii vita Donatiana, p. 7. 34 Voir VIRGILE, 2015 : Vie de Virgile par Donat, 9-10 p. 1050 ; J. B RUMMER, 1 93 3 : Vergilii vila Donatiana, p. 3 : Vulgatum est consuesse eum et cum Plotia Hieria. Sed Asconius Pedianus adjirmat, ipsam postea maiorem natunarrare solitam, invitatum quidem a Varia ad communionem sui, verwn pertinacissime recusasse. 35 Voir LES É PICURIENS, 2010 : Maximes capitales XXVII, p. 1 6 . 3 6 Voir CICERON, 2002 : Definibus livre I , XX, 65 : quodfit etiam nunc ab Epicureis. 37 Il s ' agit cependant ici de 1'Enéide : voir MACROBE, 1 997 : Les Saturnales, l ivres I, XXIV, 7 , traduction Ch. Guittard. 3 8 Voir HORACE, 1 934: Art poétique, vers 5 1 -55. 39 Voir CICERON, 2002 : De finibus livre II, XXXV, 1 19 : cum optimos uiros, tum homines doctissimos. On peut citer effectivement bien des traités savants de Philodème comme Les phénomènes et les interférences, La musique: voir LEs É PICURIENS, 2010, p. 535-5 62, p. 665733. 61 4

venir brièvement à la composition même du Catalepton, comme le suggérait Macrobe pour l ' épopée, puisqu ' au-delà des erreurs de mots il pourrait y avoir des erreurs d' ensemble. Mais une composition ferait-elle apparaître d' autres thématiques épicuriennes et d' autres représentants du milieu épi curien de Naples? La composition du Catalepton et le milieu épicurien de la baie de Naples

L ' œuvre compte 1 5 poèmes40 , d ' apparence très diverse : leur longueur varie de 4 vers à 64 ; leur métrique se compose tantôt de distiques él égiaques, tantôt de vers iambiques (iambes, épode iambique, choliambes) ; leur suj et va de l 'érotisme gracieux à l'obscénité, d ' un adieu aux rhéteurs à une invitation à Vénus, d'un vainqueur anonyme et déchu à l ' éloge d ' un poète. Leur disposition semble sans ordre. Mais certains noms propres s ' y découvrent, dont certains évoquent la baie de Naples et ses rivages. Au poème 1 est ainsi nommé Tucca en qui chacun reconnaît Plotius Tucca, un des amis de Virgile qui suivent les leçons de Siran à Naples. À la fin de sa vie, le poète le mentionnera avec Varius (poème 7) parmi les héritiers de ses biens4 1 , et surtout du manuscrit42 de l' Énéide : tous deux seront ainsi chargés par Auguste de 1' édition de l'épopée à la mort du poète en 19 avant J.-C. Les poèmes 5 et 8 évoquent l'épicurien Siran : « ses doctes paroles » (docta dicta Sironis), son « petit domaine » ( Villula, quae Sironis eras . ) : après la mort du phi losophe vers 42 avant J.-C. il devient, probablement pour la famille de Virgile, « ce qu' avaient été Mantoue et Crémone jadis » (Mantua quod fuerat quodque Cremona prius). Mais face à Tucca, Varius et Siran qui sont évoqués avec affection ou déférence, un autre personnage apparaît dans les poèmes sous le surnom peu flatteur de Noctuinus : « Lehibou » pourrait-on dire. La plupatt des commentateurs y reconnaissent Calpurnius Piso Caesoninus, propriétaire à Herculanum d'une somptueuse villa et protecteur de Philodème certes, mais lourdement attaqué par Cicéron en 55 avant J.-C. comme un prodige de puanteur43 , qui prend le j our pour la nuit44 et s ' adonne aux beuveries 45 ; ainsi est-il vilipendé au poème 6 du Catalepton cmmne César et Pompée l ' avaient été par Catulle, puis au poème 1 2 en tant qu'ivrogne qui épouse non deux « fillettes » mais « une cruche » ! S ' agit-il de son mariage avec une fille46 de .

.

40

Le 1 6• poème, absent du manuscrit principal de l ' œuvre le Bruxellensis 1 0675-6 du XII• siècle, est interpolé au xv• après le poème 1 3 ; il est donc à juste titre considéré conune étranger au recueil et ne figure d'ailleurs pas dans l'É DITION ALDINE DE 1 5 1 7 . 41 Virgile partage ainsi ses biens : la moitié à son demi-frère Valerius Proculus, un quart à Auguste, un douzième à Mécène et le reste (soit deux douzièmes) à Varius et Tucca. Voir VIRGILE, 20 1 5 : Vie de Virgile par Donat, 37 p . 1 05 5 . 42 Voir VIRGILE, 201 5 : Vie de Virgile par Donat, 4 0 p. 1 05 5 : « il légua ses écrits à c e même Varius et aussi à Tucca ». 43 Voir CI CERON, 1 966 : Pisonem jàedissimum monstrum, 1 4, 3 1 . 44 Voir C!CERON, 1 966 : tib i nox erat pro die, 22, 53. 45 Voir Cl CERON, 1 966 : pe1potationes, 1 0, 22. 46 Voir Y. BENFERHAT, 2005 :p . 1 82 note 65 . 615

Rutilius (Atilius) Nudus dans les années 54-52 av. J.-C. ? S ans doute les vols d' œuvres d' art commis par Pison lors de son gouvernement de 57-5 5 av. J.­ C. en Macédoine avaient-ils aggravé les griefs contre lui ; et les piques du Catalepton feraient ici référence à une époque bien antérieure à celle du séj our à Naples de Virgile. C ' est l ' inverse quand il s ' agit d'un Messala, très probablement Marcus Valerius Messala Corvinus, apparenté par son premier mariage vers 40 avant J.-C. à la gens Calpurnia (sa Calpurnia était peut-être une fille de M. Calpurnius Bibulus). Le poème 9 en fait l ' éloge, moins pour son triomphe militaire que pour ses vers d ' inspiration très grecque ; mais les faits évoqués vont ici j usqu' en 27 avant J.-C. où Messala, qui avait été consul à Actium auprès d ' Octave en 3 1 avant J.-C., triompha des Aquitains, ce dont il fut également loué par le célèbre panégyrique du Corpus Tibullianum. Quant au poème 14 c ' est à Vénus qu' i l s 'adresse : pour que le Troyen Énée aille par les cités romaines, elle aura des offrandes; qu ' elle quitte donc l ' Olympe, son cher « César » l ' appelle, ainsi qu 'un autel du rivage sorrentin. Le poème 15 fait enfin l ' éloge de l ' œuvre d'un poète qui ne peut être que Virgile et dont le Catalepton serait les premiers « éléments » ( elementa). On peut ainsi trouver dans le Catalepton une évocation de bien des personnages qui ont un lien avec le milieu épicurien de la baie de Naples, à des époques différentes. Mais Philodème en semble absent, de même que Quintilius Varus, cité en dernier dans le papyrus de Philodème47 ; Pison y est peu glorieux même si les faits qui lui sont reprochés sont bien antérieurs aux années 40 avant J.-C. Au cœur du recueil il y a en effet Siran ; et Cypris, « mère des Désirs » selon la formule de Philodème48 , est devenue Vénus mère d' Énée et de sa race : sous 1 ' influence de la Genitrix lucrétienne et des volontés politiques de Jules César, puis d ' Octavien ? Une composition 49 savante fait alors apparaître des thématiques cohérentes, en dépit du désordre apparent. Elle se révèle quand on dispose ces 1 5 poèmes, non de façon linéaire, mais de façon verticale sur trois lignes, sans en changer 1 ' ordre. Dans chaque case de cette figure sont indiqués le numéro d ' ordre du poème, son titre abrégé, sa métrique et son nombre de vers.

47

Voir note 30. Traduction Ph. Renault : voir ANTHOLOGIE PALATINE, 2004 : X 2 1 . 49 Pour plus de précisions, voir J. DION, 20 1 8 : « Relire l e Catalecton/Catalepton : l 'étonnante composition d'une œuvre attribuée à Virgile », (Re)lire les poètes grecs et latins, Nancy ADRA-Paris de Boccard, 20 1 8, p. 1 73-19 1 . 48

61 6

Poème 1

À Tucca

Poème 4

À Musa

Poèm e7 À Varius

distiques

distiques

distiques

élégiaques

élégiaques

élégiaques

6 vers

Poème 2 Le perfide rhéteur choliambes 5 vers Poème3 Sur la gloire distiques élégiaques

10 vers

12 vers

Poème 5 Adieu aux rhéteurs, non aux Muses choliambes 14 vers Poème 6 Noctuinus et son beau-père iambes cf. Catulle 6 vers

4 vers Poème 8

Au domaine de Siron distiques élégiaques

6 vers

Poème 9

À Messala Corvin us distiques élégiaques

64 vers

Poème 1 0 Sabinus le muletier iambes cf. Catulle 25 vers

Poème l3 Au cinède Luccius épode iambique 40 vers

Poème Il

Poème 14

distiques

distiques

élégiaques

élégiaques

8 vers

12 vers

Poème 1 2 À Noctuinus iambes 9 vers

Eloge d'un

À Octavins

À Vénu s

Poème 15 poète distiques élégiaques 4 vers

Cette disposition révèle l ' importance donnée aux poèmes en distiques élégiaques (en caractères gras) : non seulement ils sont 3 par ligne pour 2 en métrique iambique, mais ils signalent la plupart des personnages 50 de l' entourage de S iron à Naples ainsi que l ' adresse à Vénus, tandis que « Noctuinus » est évidemment fustigé en métrique iambique. De plus chaque ligne horizontale possède une unité thématique. La première horizontale (poèmes 1 , 4, 7, 1 0 et 1 3) s' attache au désir, comme notre épigramme 7 de Pothus l ' a montré: il est d' abord amoureux, éprouvé pour une femme (poème 1 ) ou des hommes (poèmes 4 et 7), et transcrit alors en distiques élégiaques faits de subtilité ; mais il peut aussi être désir de pouvoir et richesse, et dès lors fustigé en métrique iambique quand il est ironiquement comblé chez Sabinus et amèrement déçu p our le cinède Luccius. Une réflexion sur la gloire y fait écho dans la dernière ligne horizontale : les iambes y dénoncent un Noctuinus et son beau-père qui « ont tout détruit », comme Pompée et César chez Catulle ; et les mariages politiques de la fin de la République y sont caricaturés (poèmes 6 et 1 2). Des p oèmes en distiques scandent alors la vanité de la gloire militaire (poème 3) et la suprématie de la gloire poétique (poèmes 9 et 15). L 'horizontale centrale du recueil (poèmes 2, 5 , 8 , 11 et 1 4) frappe en choliambes les rhéteurs parfois criminels 5 1 (poèmes 2 et 5) et incite au départ 50 Octavius Musa ne semble pas en avoir fait partie avant la mort de Siron vers 42 av. J.-C. Mais quelques années plus tard vers 35 avant J.-C . Horace le nomme dans le premier livre de ses Satires parmi ceux dont il attend le j ugement: « Que Plotius et Varius, Mécène et Virgile, et Valgius et l 'excellent Octavius, et Fuscus approuvent ce que j ' écris » (1, X 51-52) : voir HORACE, 1 932 . D'après le poème l l du Catalepton, il avait écrit une Histoire romaine et le deutéro-Servius50 précise qu' i l était de Mantoue et fut mandaté par Octave pour distribuer des terres en 4 1 avant J.-C. : voir SERVIUS, 1 8 8 1 :commentaire à la Bucolique IX 7 . 51 Ainsi au poème 2 : sous couvert d'un défaut d'élocution, c'est le rhéteur T. Annius Cimber qu'on découvre, lui que Cicéron avait déjà raillé : nisi forte iure Germanum Cimber occidit (Philippiques XI, 6, 1 4). En faisant semblant de dire« à moins qu' à bon droit peut-être \Ul Cimbre ait tué un Germain ! » Cicéron dit en effet « à moins qu'à bon droit peut-être Cimber ait tué son frère ! ». Et sa raillerie va jusqu'à nommer ce partisan d'Antoine 61 7

vers les retraites épicuriennes de Siron : véritable refuge pour Virgile et le s siens (poème 8) au temps des guerres civiles. Et des rhéteurs le recueil mène à l 'histoire et à la poésie, en s 'amusant de l ' ouvrage en déroute d ' Octaviu s Musa quand il abuse un peu du vin (poème Il) et en s ' efforçant de séduire Vénus par l ' invitation de son « César » et d ' un autel à S orrente, rivage des sirènes (poème 1 4). Une profonde méditation sur le désir, la gloire, la poésie marque ainsi le recueil. Elle s' accompagne encore d'une savante construction chiffrée 52 , typique de certains poètes grecs et romains. Poème 1

À Tucca

Poème 4

À

distiques

distiques

élégiaques

élégiaques

6 vers

Sabinus le muletier iambes cf. Catulle

Musa

12

vers

Poème 2 Le perfide rhéteur choliambes 5 vers Poème 3 Sur la gloire distiques élégiaques 10 vers

Poème 13 Au cinède Luccius épode iambique 40 vers Poème 14

À

Vénus

distiques élégiaques 12 vers

Poème 12 À Noctuinus iambes 9 vers

Noctuinus et son beau-père iambes cf. Catulle 6 vers.

Poème 15

É loge d'un poète distiques élégiaques 4 vers

Aux angles du tableau les poèmes 1 , 3 , 1 3 et 1 5 totalisent 60 vers soit 4 x 1 5 . Tous les poèmes pairs (cases blanches) font un total de 75 vers soit 5 x 1 5 . Quant au losange des poèmes 5 , 7, 9 et 1 1 , il compte 90 vers soit 6 x 1 5 . L ' ensemble des vers de l ' œuvre compte 225 vers soit 1 5 x 1 5 . La composition en est aussi habile que simple à mémoriser : nombre de poèmes 1 5 , total des vers 1 5 x 1 5 , construction en 4 x 15, 5 x 1 5, 6 x 1 5 . Beau call igramme, régulier sous l 'apparent désordre. C ' est ainsi que le Catalepton révèle un tableau inattendu du mil ieu épicurien de la baie de Naples, sans Philodème, puisqu 'au cœur de l ' œuvre il y a Siron et son entourage. La réflexion d ' ensemble porte sur le désir, la gloire et la poésie ; et ses j eux savants, pleins de grec et d' esprit, sont dignes à la fois de l ' alexandrinisme des poetae noui et des goûts épicuriens. De plus pareil j eu de nombres n ' est pas saris évoquer la construction également chiffrée 53 des Bucoliques virgiliennes écrites dans les années 42 à 3 9, où Virgile a rej oint Pollion en Cisalpine. Est-ce à dire que Virgile est l' auteur du Catalepton, comme 1' ont affirmé ses grands biographes antiques Donat54 « philadelphe » (Philippiques XIII 1 2, 2 6) ! On est alors fin mars 43 av. J.-C. Le crime de Cimber est, pour Cicéron, une illustration de ceux d 'Antoine ; le 7 décembre 43 av. J.-C. l ' orateur paiera de sa vie ses choix . 52 Voir par exemple A. BLANCHARD, 2008, J. lRIGOIN, 2009, J. DION, 20 1 2 . 5 3 Voir P. MAURY 1944 . 54 Voir VIRGILE, 2015 : Vie de Virgile par Donat, 1 7 p. 105 1 . 61 8

et Servius 55 ? La présence autour du poète de ses divers amis inclinerait peut­ être à imaginer une sorte de guirlande poétique, dont il serait le maître d' œuvre mais qui serait parfois faite à plusieurs mains et se complèterait au fil du temps. Tandis que Philodème écrivait pour Pison une épigramme 56 d ' invitation à dîner en mémoire de l ' anniversaire d' Épicure au vingt57 du mois de Gamélion, Virgile et ses amis auraient à leur tour composé des poèmes en l 'honneur de Siron : auraient-ils ainsi célébré des icades ? C e n ' est qu'une hypothèse. La certitude est la force de leur amitié qui traversera le temps et les méandres politiques ou philosophiques, fidèle à l' esprit d' Épicure : « L ' amitié danse autour du monde, nous ordonnant à tous, comme un héraut, de nous éveiller à (ce qui constitue) la béatitude » 58 •

Bibliographie PALATINE, 2004 : Anthologie Palatine, Livre V et Epigrammes érotiques non répertoriées dans le livre V, traduction Ph. Renault, mise en ligne sur le site de Bibliotheca Classica Selecta. ANTHOLOGIE PALATINE, 2005 : Anthologie Palatine, Livre XII, traduction Ph. Renault, mise en ligne sur le site de Bibliotheca Classica Selecta. APPENDIX DE S CAL I GER , 1 5 72 : Pub/ii Virgilii Maronis Appendix, Cum supplemento multorum antehac nunquam excusorum Poematum veterum Poetarum. Josephi Scaligeri in eandem Appendicem Commentarü et castigationes, Lugduni, apud Guliel. Rovillium 1 5 72. Y. BENFERHAT, 2005 : YASMINA BENFERHAT, Ciues Epicurei. Les Epicuriens et 1 'idée de monarchie à Rome et en Italie de Sylla à Octave, Bruxelles, Latomus, vol. 292, 200 5 . A. BLANCHARD, 2008 : ALAIN B LANCHARD, Dans l 'ouvroir du poète. Structures et nombres de la poésie grecque antique, PUPS, 2008. G. B RUGNOL I , F . S TOK , 1 997 : GIORGIO B RUGNOLI, FABI O S TOK , Vitae Vergilianae A ntiquae, Rome, Istituto Poligrafico e Zecca dello Stato Archivi di Stato, 1 997. J. BRUMMER, 1 933 : JACOB B RUMMER, Vitae Vergilianae, Leipzig, Teubner, 1 9 1 2, rééd. 1 93 3 . CICERON, 1 922 : CICERON, D e oratore l ivre I, texte établi et traduit par É . Courbaud, Paris : « Les Belles Lettres », r tirage 1 985. CICERON, 1 93 1 : CICERON, Tusculanes tome II, Texte établi par G. Fohlen et traduit par J. Humbert, Paris, "Les Belles Lettres", 1 93 1 . CICERON, 1 960 : C ICERON, Discours tome XX : Philippiques V X I V Texte établi et traduit par P . Wuilleumier, Paris, « Les B elles Lettres », 1 960.

ANTHOLOGIE

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55

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Voir SERVIUS, 1 8 8 1 : début du commentaire d e l ' Enéide. Voir M. GIGANTE, 1 987 : « Philodème et Pison d'Herculanum à Rome », p. 1 09- 1 2 2 ; pour P . VESPERINI, 2009, l ' épigramme est plus une « marqueterie » alexandrine qu'une véritable invitation : « Pison et l ' icade de Philodème » p. 529-536. 57 Le vingt de chaque mois, les membres de 1 ' É cole se réunissaient aussi : voir le testament d ' Épicure cité par Diogène Laërce, X, 1 8 dans LES É PICURJENS, 20 1 5 p. 8 . 5 8 Voir L E S ÉPICURIENS , 20 1 5 : Sentences vaticanes, 52, p. 69. 56

619

CICERON, 1 966 : Discours tome XVI, 1 ère partie : Contre Pison, Texte établi et traduit par P. Grimal, Paris « Les Belles Lettres », 1 966. CICERON, 2002 : CICERON, Des termes extrêmes des b iens et des maux, livres 1 et II, Texte établi et traduit par J. Martha, Paris, « Les Belles Lettres », 1 928 : 1 ère éd. , 2002 : 3e tirage de la se édition revue, augmentée et corrigée par C. Lévy. J. D I ON , 20 1 2 : JEANNE DION, « Les poètes latins et les nombres », dans J. Dion (éd.), La création littéraire et les nombres. Études dans les littératures grecque et latine, Nancy ADRA-Paris De Boccard, 20 1 2, p . 1 1 3- 1 48 . J. DION, 20 1 8 : JEANNE D ION , « Relire le Catalecton 1 Catalepton : l ' étonnante composition d ' une œuvre attribuée à Virgile », dans J. Dion et G. Vottéro (éd.), (Re)lire les poètes grecs et latins, Nancy ADRA-Paris De Boccard, 20 1 8, p. 1 73 - 1 9 1 . ÉDITION ALDINE DE 1 5 1 7 : Diversorum veterum poetarum in Priapum lusus. Pub/ii Vir�ili i Maronis Catalecta. Copa. Rosae. Culex. Dirae. Moretum. Ciris. Aetna. Ele�ia in Mecoenatis obitum, et alia nonnulla quae .falso Vir�ili i creduntur. Ar�umenta in Vir�ili i libros, et alia diversorum complura. Venetiis, in aedibus Aldi et Andreae soceri, mense decembri 1 5 1 7. LES ÉPICU RIENS, 20 1 0 : Les Épicuriens, édition publiée sous la direction de D. De lattre et J. Pigeaud, Gallimard, « B ibliothèque de la Pléiade », 2 0 1 O. ESCHYLE, 1 963 : ESCHYLE, Suppliantes, texte établi et traduit par P. Mazon, Paris : « Les Belles Lettres », 1 963, 8e tirage. M. GIGANTE, 1 987 : MARCELLO GIGANTE, La b ibliothèque de Ph ilodème et 1 'épicurisme romain, Paris, Les Belles Lettres, 1 987. C. HARDIE, 1 966 : C. HARDIE, Vitae Vergilianae Antiquae, Oxford, Clarendon Press, 1 966 (révision de l ' édition de 1 954 ) . HESIODE, 1 982 : HESIODE, Théogonie, texte établi et traduit par P . Mazon, Paris, Les Belles Lettres, 1 982, 1 1 e tirage. A. S . HOLLIS , 1 977 : ADRIAN S . H OLLI S , « L. Varius Rufus, De morte (Frs 1 -4 Morel) », CQ, vol. 27, n° 1 , p. 1 87- 1 90. H ORACE 1 932 : H ORACE, Satires, Texte établi et traduit par F . Villeneuve, Paris, Les Belles Lettres, 1 932, 1 2e tirage 1 99 5 . HORACE, 1 934 : HORACE, Épîtres, Texte établi et traduit par F . Villeneuve, Paris, Les Belles Lettres, 1 è re éd. 1 934, 9e tirage 1 99 5 . lNSCRIPTIONES LATINAE SELECTAE, 1 892 : H . DESSAU, lnscriptiones Latinae selectae, 1 ( 1 à 2956 ) , Berlin 1 892. lNSCRIPTIONES LATINAE SELECTAE, 1 902 : H . DESSAU, lnscriptiones Latinae selectae, I l 1 (2957 à 72 1 0 ) , Berlin 1 902. M. G. l ODICE, 2002 : MARIA GRAZIA IODICE Appendix Vergiliana, préface de L. CANALI, Milan, Mondadori, 2002. J. IRIGOIN, 2009 : JEAN I RI GOIN, Le poète grec au travail, Mémoires de l 'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres tome 39, Paris, 2009. E. LEFEVRE, 1 976 : ECKHART LEFEVRE, Der Thyestes des Lucius Varus Rufus. Zehn Überlegungen zu seiner Rekonstruktion, Wiesbaden, Steiner, 1 976.

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Violence et politique dans le

Pro Sestio Michèle Ducos S orbonne Université

Prononcé en mars 56 av. J.-C. pour défendre Publius Sestius, accusé de violence, le Pro Sestio est un important discours politique. Encore très proche de l ' exil et de ses souffrances, il reprend les thèmes déjà développés dans les discours prononcés par Cicéron à son retour. Mais il les dépasse : il ne s ' agit plus seulement de remercier le peuple et le sénat pour leur vote ou d' obtenir la restitution de ses b iens. Dans ce procès, Cicéron intervient en dernier : les avocats précédents, Hortensius, Crassus et Licinius Macer, ont déj à exposé et réfuté de façon détaillée les différents chefs d'accusation 1 ; 1 'orateur élargit le débat. Certes, le souvenir des excès et des malheurs passés est touj ours présent, mais il se trouve désormais associé à une réflexion générale sur la cité et à un projet politique. Ce programme a souvent retenu l ' attention2 • Mais Cicéron décrit aussi les scènes de violence où intervient Clodius : en les analysant, il s ' interroge sur la naissance de la violence, sur 1 ' État de droit et les institutions et sur la stabilité de la res pub/ica. A travers la description et l ' analyse de la violence, c ' est une réflexion politique qui commence à s' esquisser. Pour mettre en lumière la dégradation politique dans les années qui ont précédé son exil ou pendant son exil, Cicéron insiste sur la violence qui s' est développée dans la cité. Cette question occupe une place importante dans les discours prononcés à son retour et dans les années suivantes. Les Lettres à Atticus et à Quintus montrent aussi ce climat de violence ; mais, quand il écrit à son ami ou à son frère, Cicéron évoque surtout les attaques dirigées contre lui : le portique de Catulus, qui fait l ' obj et d'une reconstruction, est détruit par Clodius, la maison de Quintus est incendiée ; dans la même lettre, se trouve décrite l ' attaque qui visa personnellement Cicéron sur la Voie Sacrée et l ' obligea à se réfugier dans une maison amie ; l'attaque de la maison de Milon est aussi mentionnée 3 • En outre, les procès pour violence ne manquent pas pendant cette période : en février 56, Milon est accusé de violence par Clodius et comparaît devant l ' assemblée du peuple4 ; S estius est 1

Sest. 2, 3 ; 2, 5 . W.K. LACEY, 1 962 ; N . WOOD, 1 988 ; P . GRIMAL, 1 993 . 3 Att. 4, 3, 2 -3 . Sest. 39, 85 ; T. MASLOWSKI, 1 98 5 . 4 Q. fr. 2 , 3 , 2. 2

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accusé à son tour pour avoir enrôlé des gardes du corps pendant son tribunat : le procès a lieu début mars. Le Pro Caelio, prononcé en avril 56, a aussi pour obj et une accusation de violence fondée sur la lex Plautia, bien que Cicéron, dans son plaidoyer, n' ait pas fait une très grande place à cette question. Et c' est aussi devant une quaestio de ui que fut traduit Milon, accusé du meurtre de Clodius en 52. Durant ces années, la violence constitue donc une préoccupation manifeste. B ien qu'il s ' agisse d'une accusation de ui, le contenu de cette notion n ' est pas vraiment précisé dans le Pro Sestio : c' est seulement dans le Pro Caelio que sont énumérés un cettain nombre d ' actes tombant sous le coup de la !ex Plautia5 • Mais Cicéron ne cherche pas à donner une définition générale6 • En outre, ce n'était pas la loi qui indiquait si la violence était contra rem publicam 7 , mais le sénat8 • Toutefois, les descriptions de l ' orateur suffisent à montrer que cette violence porte manifestement atteinte à la res pub/ica. En dehors des plaidoyers où Cicéron défend ses amis, la violence figure aussi dans les discours de remerciements prononcés à son retour d ' exil. Lorsqu ' il s' adresse au sénat, Cicéron mentionne les violences commises dans la ville : Vous avez vu des hommes, le fer et les torches à la main, courir çà et là dans toute la ville, les maisons des magistrats attaquées, les temples des dieux incendiés, les faisceaux d'un consul éminent et illustre brisés, le corps sacré d'un tribun de la plèbe plein de courage et de mérite non seulement touché de la main et profané, mais blessé par le fer et abattu9 •

Dans le discours adressé au peuple romain, il évoque aussi une cité « où la violence et les armes occupaient le forum, alors que les citoyens trouvaient dans l ' abri de leurs murs une protection qu' ils ne trouvaient plus dans les lois, que les tribuns de la plèbe étaient blessés sous vos yeux, les maisons des magistrats attaquées par le fer et le feu, les faisceaux des consuls brisés, les temples des dieux immortels incendiés 1 0 . » Par ces rappels d'un passé encore proche, Cicéron entend évidemment montrer qu'il n'y avait plus de res pub!ica ; le pouvoir et la j ustice avaient disparu, seule régnait la violence. Les actes de violence sont énumérés pour montrer leur nombre et leur gravité, mais ils ne sont pas décrits. L ' orateur évoque à grands traits une situation avant de remercier le peuple et le sénat qui ont permis son retour, mais il ne cherche pas à susciter 1' émotion de 1 ' auditoire face à des scènes que tous connaissent. Certes, les mêmes faits, les mêmes . .

5 Cael. 1, 1 . 6 Chr. CRAIG, 200 1 , p. 1 1 4, souligne que la notion de uis s ' élargit durant les a�mées 5 7 et 56. 7 RIGGSBY, 1 999, p . 79-84 ; A LINTOTT, 1 999, p. 1 1 6- 1 1 8. Pro Mi/one 5 , 1 3 - 1 4. 8 Har. Resp. 1 5 : decreuit idem senatus fi'equentissimus qui meam domum uiolasset contra rem publicam esse facturum. 9 Red. Sen. 3, 7 : . . . cum ferro et facibus ho mines lota urbe uolitantis, magistratuum tecta impugnata, deorum templa injlammata, summi uiri et clarissimi consulis fasces fractos, fortissimi atque optimi tribuni plebis sanctissimum cmpus non factum ac uiolatum manu, sed uulneratum ferro confectumque uidistis. 1 0Red. Pop. 6, 1 4 : in qua ciuitate . . . uis et ferrum in fora uersaretur, cum priuati parietum se praesidio, non legum tuerentur, tribuni plebi uobis inspectantibus uulnerarentur, ad magistratuum damas cum ferro et facibus iretur, consulis fasces fi'angerentur, deorum immortalium templa incenderentur . . .

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formules, parfois, se retrouvent dans le Pro Sestio, mais ils sont présentés dans un cadre qui les met plus nettement en relief. Dans ce plaidoyer, Cicéron, parlant en dernier, reconnaît qu'il va 11 s' exprimer « avec plus d' âpreté ou de liberté que les orateurs précédents » et j ustifie ce choix par une douleur légitime et une juste indignation. Après avoir traité de son exil, en mentionnant la situation actuelle à Rome, il opp ose les guerres extérieures et la paix aux « maux intérieurs et aux manœuvres des citoyens audacieux contre lesquels il faut souvent lutter 12 ». Ce sont la discorde et la violence qu' il faut maintenant combattre. En effet, le danger qu' elles représentent pour la cité est fortement souligné : il ne s ' agit pas seulement de la violence dont Sestius est accusé, ni des gladiateurs dont il s ' est entouré, mais d'une situation générale aux conséquences particulièrement dangereuses. Car elle aboutit à la discorde civile. Dans son évocation des années 5 8 et 57 av. J.-C., Cicéron en marque la présence de façon répétée : uis, manus, caedes, ui manu ferro 1 3 sont des expressions utilisées de façon récurrente. Elles renvoient aux événements de façon globale sans en donner le détail et préparent le lecteur aux descriptions sanglantes qui vont suivre. Ici, la violence ne se réduit pas à une simple agressivité n i à un échange de coups : elle entraîne des blessures et des morts. Cicéron s ' arrête sur les violences qui se sont produites à la fin de j anvier 57, lorsqu'il s ' agit de voter une rogatio concernant son retour. Il en donne une description précise. Le forum est occupé la nuit par des hommes armés 1 4 ; Q. Fabricius, l ' auteur de la proposition, est attaqué et s ' ensuit un « terrible carnage 1 5 ». Le frère de Cicéron, Quintus, est agressé et blessé mais réussit à s ' enfuir. L ' orateur insiste donc sur une violence généralisée et conduit 1 ' auditoire à en mesurer 1' extrême gravité. La force de 1 'expression fait ressm1ir 1 'horreur de la situation : Vous vous souvenez, j uges, qu'alors le Tibre était rempli des cadavres de nos concitoyens, que les égouts en étaient comblés, qu'on étanchait le sang sur le forum avec des éponges 1 6 .

Elle fait écho à 1 ' image du fleuve de sang figurant dans les deux discours de remerciements 1 7 • Sont ensuite évoqués des monceaux de cadavres 1 8 ; par son art de l' euidentia, Cicéron fait donc appel à l ' imagination de l ' auditoire ; 11

Sest. 2, 4 : si aut acrius egero aut liberius quam qui ante me dixerunt . . . Sest. 23, 5 1 : Domesticis malis et audacium ciuium consiliis saepe est resistendum. 1 3 Ses!. 2, 2 : ui manu copiis ; 1 5 ,34 : u is manus, caedes ; 1 7, 40 : uim, arma, exercitus ; 36, 78 : ui, manu, ferro ; 39, 85 : ui, manu. 14 Sest. . 35 , 75 : Cum forum, comitium, curiam, mu/ta de nocte, armalis hominibus ac sentis plerisque occupauissent, impetum fàciunt in Fabricium, manus adferunt occidunt n o nn ullos uulnerant multos. 15 Sest. 35 , 76 : caedem in foro maximam facitmt ; pour le détail des événements voir aussi Mi/. 1 4, 38 ; Dio Cass . 39, 7, 2 . 16 Sest. 35, 77 : Meministis twn, iudices, cmporibus ciuium Tiberim compleri, cloacas refarciri, e foro spongiis effingi sanguinem . . . Cf 39, 85 : Fon11n c01poribus ciuium Romanorum constratum caede nocturna. 17 Red. Sen. 3, 6-7 ; Red. Pop. 5 , 1 4. 1 8Sest. 36, 77 : Aceruos c01porum exstructos ; 39, 85 : Forum corporibus ciuium Romanorum constratum caede nocturna. 12

,

,

.

625

,

i l fait aussi appel à sa mémoire en évoquant Cinna et Octavius 1 9 , autrement dit le temps de la guerre civile. Peu après, c ' est Sestius l ui-même qui est l ' obj et d'une agression particulièrement brutale20 • Il se rend au temple de Castor pour annoncer à 1 'un des consuls que les auspices sont contraires et se trouve attaqué par les hommes de Clodius, alors qu ' il est lui-même sans armes. La rencontre est violente : la bande de Clodius utilise des épées, des gourdins et même des morceaux de barrières ; finalement, le tribun est laissé pour mort par ses agresseurs. Cette attaque et ces blessures ont été évoquées brièvement dans les discours de remerciements prononcés par Cicéron à son retour2 1 ; mais, dans ce plaidoyer destiné à défendre son ami, l ' avocat se fait plus précis et cherche manifestement à susciter l ' émotion des juges et du public. Cicéron décrit Sestius, couvert de blessures, « épuisé et percé de coups, sans connaissance ». Et il continue sa description pathétique : « gisant à terre, transpercé de mille blessures, exsangue, anéanti, à son dernier souffle22 ». L ' orateur en tire argument pour souligner que Sestius a subi la violence, alors qu' il est accusé de ui: « Et c ' est Sestius qui est accusé ? Pourquoi ? Parce qu'il est vivant. . . est-ce donc une violence de ne pouvoir mourir23 ? . . . » Le paradoxe révèle l 'horreur de la situation, l ' accumulation des détails précis permet d' innocenter l ' accusé. À la brutalité de ces actes s ' aj oute leur caractère scandaleux, accentué par les lieux où ils se déroulent ; c ' est au Forum, au Comitium, ou dans la Curie qu' ont lieu ces attaques meurtrières : il s ' agit de lieux publics et de lieux consacrés. En occupant le Comitium avec ses bandes armées, Clodius « chasse les magistrats d'une enceinte consacrée 24 » et commet un sacrilège. L ' attaque menée contre Sestius entraîne des blessures qui le laissent presque mort ; elle relève aussi du sacrilège : en effet, elle atteint un tribun qui est sacra-saint, elle se produit « au moment où il obéissait aux auspices et à la religion, où il annonçait des présages défavorables réellement constatés ». Ainsi Sestius « aurait été tué sous le regard des dieux et des hommes, il aurait été tué par des criminels impies dans 1' enceinte la plus sacrée, pour la

19

Sest. 36, 77 : caedem uero tantam, tantos aceruos corporum exstructos, nisi forte illo Cinnano atque Octauiano die, quis unquam inforo uidit ? 20 Sest. 37, 79 ; voir Red. Pop. 5, 1 4 ; Red. Sen. 3 , 7 ; Q. Fr. 2, 3 , 6 ; Mil. 1 4, 3 8 ; Dion Cassius 39, 7, 1 . La date de l ' attaque contre Sestius n' est pas indiquée par Cicéron. Mais elle semble de peu postérieure à la rogatio de Fabricius. On ignore l ' objet de la réunion des comices. Selon W.J. TATUM, 1 999, p. 1 7 8 - 1 79, il s ' agirait d ' une réunion des comices tributes (voir aussi R.A. KASTER, 2006, p. 293 qui propose une session législative des comices tri butes). L' obnuntiatio devait empêcher un vote. 2 1 Red. Sen. 3, 7. Cf Red. Sen. 1 2, 30 ; Red. Pop. 6, 14. 22 Sest. 37, 79 : inermem atque imparatum. A quibus hic multis uulneribus acceptis ac debilitato c01pore et contrucidato se abiecit exanimatus . . . Quem cwn iacentem et concisum plurimis uulneribus extrema spiritu exsanguem et confectum uiderent, defetigatione magis et en·ore quam misericordia et modo aliquando caedere destiterunt. Dans une lettre à Quintus, Cicéron précise que Sestius fut sauvé par L. Calpurnius Bestia (Q. Fr. 2, 3, 7). 2 3 Sest. 3 7, 80 : Et causam dicit Sestius de ui ? Quid ita ? quia uiuit. A t id non sua cu/pa : plaga una ilia extrema dejitit, quae si accessisset reliquum spiritum exhausisset . . . 38, 80 : An haec ipsa uis est, non passe emori ? 2 4 Sest. 36, 77 : magistratus templo deicias . . . 626

cause la plus sacrée, en exerçant la magistrature la plus sacrée25 ». En ins istant avec force sur le caractère sacré de 1' enceinte, de la cause et de la magistrature, Cicéron souligne le mépris des dieux et du sacré qui caractérise Clodius26 • Avec ces descriptions, c ' est aussi une réflexion sur la violence et ses causes qui se trouve amorcée. S ont d' abord mentionnés les instruments de cette violence : les esclaves et les gladiateurs recrutés par Clodius, qui sont répartis en sections puis entraînés à attaquer et à tuer27 • Leur recrutement et leur organisation systématique montre clairement une volonté de nuire et de détruire. En j anvier 57, ce sont aussi des esclaves armés, prêts à combattre, qui occupent la nuit le Forum, le Comitium et la curie28 pour empêcher le vote de la loi sur le retour de Cicéron. Cicéron envisage aussi le caractère des dirigeants. Il trace un portrait caricatural des consuls de 5 8 29 , Pison et Gabinius, et souligne en même temps leur lourde responsabilité. Les consuls ont laissé C lodius libre de ses actes : ils ne l ' ont pas empêché d' attaquer Cicéron et ont même approuvé, voire soutenu, les décisions prises ; le consulaire a dû se résoudre à l'exil . Ainsi, comme Clodius, ils ont cherché à détruire « les règles de droit et les institutions des ancêtres » ; ils ont été les « ennemis de tous les honnêtes gens30 ». À plusieurs reprises, 1 ' orateur reproche aussi aux juges et au public d' avoir laissé Clodius et ses bandes se déchaîner sans réagir : « c 'est en silence que vous vous affligiez3 1 », «on gardait le silence », « vous supportiez patiemment ». Et il n'y eut aucune commission d ' enquête extraordinaire sur cette attaque. Le portrait de Clodius est particulièrement féroce, comme 1' ont souligné bien des études sur l ' invective cicéronienne mais la uituperatio est considérée comme nécessaire dans l ' accusation 32 . Dans les discours prononcés au retour d ' exil et dans le De domo, l ' invective est d'une grande violence et occupe une part non négligeable des discours. Elle participe de l a stratégie cicéronienne33 . L e caractère et l e comportement des deux consuls sont attaqués avec virulence 34 . Le tribun de 5 8 ne l ' est pas moins. Toutefois, le nom de Clodius n ' est pas touj ours mentionné dans les deux discours post reditum : Cicéron se borne à 1' évoquer de façon indirecte sans préciser son 2 5 Sest. 3 8, 83

: . . . cum au5piciis religionique parens obnuntiaret quod senserat, luce palam a nefariis pestibus in deorum hominumque conspectus esset occisus, sanctissimo in temp/o, sanctissima in causa, sanctissimo in magistratu. 26 G. ACHARD, 1 98 1 , p. 3 06-3 08. 2 7 Sest. 15, 34 ; 36, 78 ; Red. Sen. 13, 3 3 . 2 8 Sest. 3 5 , 75 : Cum forum, comitium, curiam, mu/ta de nocte, armatis hominibus ac sentis plerisque occupauissent . . . 2 9 Red. Sen. 4 , 1 0- 1 8 o ù l e portrait est patticulièrement virulent ; Sest. 8, 1 8- 1 9. 30 Sest. 7, 1 7 : . . quid dicam ?consules ? Hocine ut ego nomine appellem euorsores huius imperi, proditores uestrae dignitatis, hostes bonorum omnium, qui ad (. . .) extinguenda omnium iura atque instituta maiorum . . . 3 1 Sest. 3 9 , 8 4 : uos taciti, maerebatis ; 85 : silebatur ; perferebatis ; nemo resistebat ; non modo nulla noua quaestio, sed etiam uetera iudicia sublata . . . 3 2 G . ACHARD, 1 98 1 , p. 1 87- 1 92 ; A . DUPLA ANSUATEGI, 20 1 7, p . 1 89 ; F . PINA POLO, 20 1 0, p. 84-85. 33 J. NICHOLSON, 1 992, p. 9 1 . 34 Sest. 8, 1 8- 1 9. .

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nom 35 • En revanche, les attaques directes ne manquent pas dans le De domo. Enfin, dans le Pro Sestio, le nom de Clodius est rarement utilisé 36 , même si ses actes permettent de l ' identifier sans doute possible. Cicéron choisit de le désigner par la charge qu'il a occupée : le tribunat37 • Cette stratégie lui permet de faire ressortir l ' écart entre le comportement de Clodius et la charge qu 'il occupe, pour insister plus fortement sur sa lourde responsabilité. Le caractère même de Clodius contribue à l a force de la description . Cicéron le présente comme un homme méprisable, réunissant en lui tous le s vices : il attaque sa conduite privée et ses débauches 38 • Il insiste aussi sur so n audacia3 9 • Ce terme n ' est pas dépourvu d ' importance et il convient d ' en souligner la force : à la fin de la république, il est souvent appliqué aux populares40 , comme le confirment plusieurs passages du Pro Sestio où les audaces sont aussi des euersores rei publicae. Clodius est ainsi considéré comme un homme particulièrement dangereux pour la cité. En outre, l ' audacia est mentionnée dans des procès de droit pénal, comme le Pro Roscio Amerino : associée aufuror, elle caractérise le criminel4 1 • Clodius fait partie de cette catégorie ; il constitue ainsi un danger pour ses concitoyens et un danger pour la cité car il ne se laisse pas arrêter par les interdictions des lois. Mais l ' accent est mis avant tout sur l ' égarement de ce personnage et sur sa violence destructrice : furor et furiosus, amens, uesanus, uaecors, tels sont les termes qui reviennent de discours en discours pour caractériser ce personnage42 et contribuent à rendre plus terrible encore la menace qu' il constitue, car ce furor le conduit à « se repaître de discorde civique et de sédition 43 ». Cicéron donne toute sa force à l ' invective attendue dans un discours de ce type. É garé par son furor, Clodius n ' est plus qu'une bête sauvage, un monstre44 , qui est exclu de la communauté des hommes et qui prépare la destruction de la cité45 • Par là, Cicéron fait apparaître le danger qu' il représente pour tous ses concitoyens et pour les institutions.

35 J. NICHOLSON, 1 992, p. 95 ; C . STEEL, 2007, p . 1 2 1 - 1 22 ; R. SEAGER, 20 1 4, p. 226-228 . Ses!. 37,79 : manus i/la Clodiana ; 3 8 , 8 1 : gens ista Clodia ; 43, 94 : seditionis Clodianae. 37 C. STEEL, 2007, p. 1 1 0. 38 Sest. 6, 1 5 : ille nefarius ex omni col/uuione natus ; 1 6, 36 : despicatissimus ; 34, 73 : profligatissimus ; pour les débauches de Clodius voir Ses!. 1 7, 39. Voir G. ACHARD, 1 98 1 , p . 255-257 ; F . PINA POLO, 1 99 1 , p. 1 34- 1 3 5 . 3 9 Ses!. 8, 2 0 : contra tribunum p/ebis filriosum e t audacem ; Ses!. 40, 86 : hominum audaciwn euorsorum rei publicae ; Dom. , 5 1 , 1 3 0 : scelere et audacia singulari. 40 Ses!. 40, 86 ; voir Chr. WIRSZUBSKI, 1 96 1 . 4 1 S . CITRON! MARCHETTI, 1 986. 42 Sest. 6, 1 5 (furibundus) ; 8, 20 ; I l , 2 5 ; 1 4,33 (furia ac peste patriae) ; 1 7, 39 (furia) ; 1 9, 43 (amentissimo) ; 3 8, 82 (ecji·enatus fitror) ; 46, 99 ; 50, 1 06 (furialem uocem) ; 5 5 , 1 1 7 (furibundus) ; dom. 2 1 , 55 : .fitriosa uis uesani tribuni ; cf. G. ACHARD, 1 98 1 , p. 23 9-248 ; F. PINA POLO, 1 99 1 , p. 1 47. 4 3 Sest. 46, 99 : qui propter insitum quendam animi .fitrorem discordiis ciuium ac seditione pascantur . . . 4 4 Sest. 7, 1 6 : Hanc taetram immanemque beluam . . . ; 1 4, 3 : pestis patriae ; 1 7, 39 : a b ilia peste ; voir G. ACHARD, 1 98 1 , p. 346-347 ; C. LEVY, 1 998, p. 1 47 . Cet aspect est aussi développé dans le Pro Mi/one. 45 Pour marquer cette volonté de détruire la cité, C icéron utilise à plusieurs reprises le terme de /atro ( 1 7, 3 8 ) qui sert aussi à qualifier les troupes de Clodius. 36

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Mais il ne suffit pas d 'insister sur cette menace en décrivant des coups et des blessures, ou en esquissant le caractère de leurs auteurs, pour comprendre 1' origine de la violence. De façon originale, Cicéron cherche à expliquer la façon dont elle peut surgir dans les réunions du peuple. En s' appuyant sur son expérience des assemblées et des réuni ons politiques, i l en expose concrètement la naissance e t le développement pour montrer ainsi le caractère particulier des attaques menées par Clodius et des massacres qui en résultent. Souvent une émeute surgit à la suite de l ' obstination ou de la fermeté d'un magistrat opposant son veto, ou par la faute ou la malhonnêteté de l ' auteur d'une loi quand un avantage ou une largesse est proposée à des ignorants ; elle naît à l a suite d'un conflit entre des magistrats elle naît peu à peu : d ' abord des cris, puis d ' une scission dans l ' assemblée ; ce n' est que tardivement et rarement qu'on en vient aux mains : mais quand aucune parole n'a été prononcée, quand aucune réunion n ' a été convoquée, quand aucune loi n ' a été votée, qui a entendu parler d'w1e sédition ayant éclaté la nuit46 ?

Dépassant la simple description des contiones ou des comitia, Cicéron se livre ici à une analyse générale de la violence47 ; il en recherche 1' origine et envisage plusieurs situations donnant lieu à des tensions, des agitations et, plus rarement, des scènes de violence où 1' on en vient aux mains : l ' intercessio réitérée d ' un magistrat, les promesses des démagogues ou encore les conflits entre magistrats. Cette explication indique clairement que, selon 1' orateur, la violence trouve son origine dans les magistrats, et se répand ensuite chez les citoyens présents à la contio 48 • Elle est liée à un conflit interne. De fait, à la fin de la République, plusieurs épisodes49 montrent comment des conflits entre magistrats s'accompagnèrent de violences graves, parfois spontanées, parfois préparées. Mais c' est seulement l 'action des magistrats qui pouvait y mettre fin. Et « l a violence était limitée au cadre institutionnel de l ' assemblée50 » . Ensuite, l ' orateur évoque l a naissance d e la sédition : des cris, la séparation d e l a contio, puis l e s coups échangés entre citoyens. Mais les actes de Clodius ne s ' inscrivent pas dans ce schéma : la violence est préméditée et organisée de l ' extérieur5 1 • Cicéron décrit ici un mécanisme qui peut sembler connu de tous 52 , un type de comportement collectif que les j uges et l ' auditoire ont souvent eu l ' occasion de rencontrer. « La violence est une dimension attendue du fonctionnement des institutions romaines » indique J.-M. David53 • Mais i l 46

Sest. 3 6 , 77 : Nam ex pertinacia aut constantia intercessoris oritur saepe seditio, culpa atque improbitate latoris commodo aliquo imperitis aut largitione, oritur ex concertatione magistratuum, oritur sensim ex clamore primum, deinde aliqua discessione contionis, uix sero et raro ad manus peruenitur : nullo uero uerbo facto, nul/a contione aduocata, mi/la < lata> lege concitatam nocturnam seditionem quis audiuit ? 47 J-M. DAVID, 20 1 3 ; Voir aussi les exemples donnés par A.J. LINTOTI", 1 999, p. 69. 48 J.-M. DAVID, 20 1 3 , p . 1 1 . 49 Voir J.-M. DAVID, 20 1 3 , p. 1 4 qui mentionne par exemple le vote du plébiscite proposé par C. Cornelius en 67, le vote de la loi agraire de César en 59 (p. 24). 5 0 J.-M. DAVID, 20 1 3 , p. 2 1 . 5 1 J. TAN, 20 1 3 , p . 1 26- 1 3 0. 52 J.-M. DAVID, 20 1 3 , p. 2 1 , 26. 5 3 J.-M. DAVID, 20 1 3 , p. 27. 629

faut aussi souligner que Cicéron est le seul à énumérer clairement les différentes étapes qui aboutissent à 1 ' agitation et à 1' émeute. Des assemblées auxquelles il a assisté, il tire un modèle qui dépasse les cas particuliers. Dan s ces lignes, la violence n ' est pas seulement matière à description ; Cicéron ne se borne pas à 1 ' évoquer pour susciter 1 ' émotion de 1 ' auditoire. Il 1 ' analyse pour en comprendre les causes et le déroulement de façon générale ; il ne reproduit donc pas le détail des faits mais dégage un modèle qui permet de mieux comprendre leur succession. Il ne s ' agit pas encore d'une réflexion politique et philosophique concernant la cité et son équilibre. Cicéron la développera dans les années suivantes mais i l semble déj à chercher à expliquer une telle situation de conflit. Une telle violence est évidemment politique, liée aux contiones et aux réunions des assemblées, et porte avant tout atteinte aux institutions et à la res pub/ica comme 1' affirme clairement 1' orateur : « La cause de la république a été vaincue non par les auspices, non par 1 ' intercessio, non par des votes, mais par la violence, la force, le fer54 ». Cicéron oppose ainsi les moyens institutionnels et religieux (auspices, votes, intercessio d'un tribun) et la violence. Cette dernière menace 1 ' équilibre de la cité car elle est dirigée contre les institutions dont elle empêche le fonctionnement, conune le montre l 'évocation de l ' année 58 : « Des gens en armes occupaient le forum et les assemblées ( . . . ) il y avait des meurtres et des lapidations, il n'y avait plus de sénat et les autres magistrats n ' étaient plus rien 55 • » En ce sens, la violence est manifestement dirigée contra rem pub licam, car elle bloque son fonctionnement. A plusieurs reprises, 1 ' orateur insiste sur ce blocage et évoque tantôt le naufrage de la république 56 , tantôt les blessures qu ' elle a reçues : elle est abattue et perdue57 ; Clodius au contraire se réj ouit des « funérailles de la république58 » . La violence détruit 1 ' État de droit comme le montrent plusieurs passages du Pro Sestio : elle empêche le fonctionnement des comices et l ' action des magistrats 59 • C ' est précisément ce que Cicéron affirmera quelques années plus tard dans le De legibus : « Rien n ' est plus funeste pour les cités, rien n ' est plus contraire au droit et aux l ois, rien n ' est moins digne d'un citoyen et moins digne d'un être humain que de débattre d'une question en recourant à la violence dans un État bien ordonné et bien organisé60 » . Ainsi Cicéron ne se borne pas à décrire la violence, il en laisse voir la nature politique et en mesure les conséquences. Il cherche d ' abord à préciser comment les hommes politiques et les magistrats peuvent se comporter face à elle. Les actes de Milon permettent de montrer comment résister. Cicéron 54

Ses!. 36, 78 : Vicia igitur est rei publicae causa, et uicta non auspiciis, non intercessione, non sziflragiis sed ui manu ferro. 5 5 Ses!. 1 5 , 34 : armati ho mines forum et contiones tenebant, caedes lapidationesque fiebant ; mt!lus erat senatus, nihil re/iqui magistratus. 56 Sest. 6, 1 5 ; 20, 46 (la tempête) ; G. ACHARD, 1 98 1 , p. 288-289 ; J.-M. MAY, 1 980. 5 7 Sest. 1 3 , 3 1 : adjlictae et perditae rei publicae. Voir J.-M. MAY, 1 988, 94. 5 8 Sest. 4 1 , 88 : illwn (sei!. Clodium) tot iam in fimeribus rei publicae exultantem ac tripudiantem . . . 5 9 Ses!. 3 9 , 84-5. 60 Leg. 3 , 1 7, 42 : Nihil est exitiosius ciuitatibus, ni hi/ tam contrarium iuri ac legibus, ni hi/ minus ciuile et inhumanius quam composita et constituta re pub/ica quicquam agi per uim. 63 0

fait son éloge car il a voulu utiliser les armes de la l égalité contre Clodius, en s ' e fforçant, à plusieurs reprises, de le traduire en j ustice et de l ' accuser de violence ; mais il n ' a gu parvenir à ses fins à cause des manœuvres de Clodius et de ses amis 1 • Ainsi, Milon « a enseigné qu' il fallait résister par les lois et les tribunaux aux actes criminels des hommes audacieux, qui voulaient renverser la république ; si les lois étaient impuissantes, si les tribunaux n ' existaient plus, si la république en proie à la violence concertée des citoyens audacieux se trouvait opprimée par les armes, il était nécessaire de défendre sa vie et sa liberté par des gardes et des armes62 » . Cicéron insiste ainsi sur l ' importance d e la barrière légal e : c' est aux lois qu' il faut d' abord recourir pour lutter contre la violence et l ' audace, puis aux tribunaux qui doivent faire appliquer les lois. Et c ' est seulement quand les lois ont perdu leur force et que la république est opprimée qu' il faut défendre sa vie et sa liberté en recourant à la violence. Cette théorie est déjà esquissée dans le discours de remerciement au sénat où est évoquée l ' action de Milon. Il a voulu recourir aux tribunaux et intenter une action de ui contre Clodius : « si la j ustice elle-même est entravée et supprimée par la violence, il faut vaincre la violence par la violence63 ». Ce principe est à nouveau évoqué pour préciser l ' action de Milon en 56 qui voulait prendre Clodius dans le « filet des lois » et le poursuivre pour violence 64 , mais ne put parvenir à ses fins. C'est pourquoi il choisit de se protéger avec des gardes. La violence de Clodius a entraîné celle de Milon et de Sestius. Cette question est aussi posée, de façon encore plus nette, en 52 dans le Pro Mi/one où Cicéron déclare à nouveau que la violence rend nécessaire le recours à la violence65 • L ' orateur j ustifie alors ce principe par de nombreuses références j uridiques, historiques et philosophiques : le procès d 'Horace, la mort de Tiberius Gracchus ou la loi des XII Tables pour affirmer finalement que c ' est une loi issue de la nature selon laquelle il convient de se protéger de la violence par la violence 66 • Le Pro Mi/one marque l'importance de cette question et montre comment la réflexion cicéronienne sur la violence s ' est enrichie et approfondie. 61

W. J . TATUM, 1 999, p . 1 79 ; Milon chercha à plusieurs reprises à accuser Clodius de ui ; mais ses tentatives n ' aboutirent pas car de « nouveaux édits d'un nouveau geme » interdirent « toute comparaison de l 'accusé, toute citation en j ustice, toute enquête, toute mention de juges ou de procès » (Sest. 4 1 , 89). 62 Sest. 40, 86 : . . . mi hi unus ex omnibus ciuibus uidetur re docuisse, non uerbis, et quid oporteret a praestantibus uiris in re pub/ica fieri, et quid necesse esset, oportere hominum audacium, euersorum rei publicae, sceleri legibus et iudiciis resistere ; si leges non ualerent, iudicia non essen!, si res pub/ica ui consensuque audacium armis oppressa teneretw� praesidio et copiis defendi uitam et libertatem necesse esse. 63 Red. Sen. 8, 1 9 : sin ipsa iudicia uis impediret ac tolleret, audaciam uirtute, fitrorem jàrtitudine, temeritatem consilio, maman copiis, uim ui esse superandam . . . 64 Sest. 4 1 , 8 8 : tanta moderatio fitit hominis u t dolorem contineret (. . ) sed ilium tot iam in funeribus rei publicae exultantem ac tripudiantem legum, si posset, laqueis constringeret. ; voir N. W OOD, 1 988, p. 1 85 - 1 87. 6 5 Mil. 3 , 8-4, 9. 66 Mil. 4, 1 0 : Est igitur haec non scripta sed nata lex, quam non didicimus, accepimus, legimus, uerum ex natura, ipsa adripuimus, hausimus, expressimus, ad quam non docti sed facti, non instituti sed imbuti sumus . . Voir B. FORSCHNER, 20 1 5 , p. 48-60 ; M.E. CLARK et J. RUEBEL, 1 98 5 , p. 59-60 ; 6 5 . .

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Dans le Pro Sestio, Cicéron propose aussi une réflexion politique sur la cité et les hommes qui la dirigent. L ' aspect politique du discours a souvent été souligné mais le plus souvent c' est sa deuxième partie qui retient l ' attention parce que Cicéron analyse le rôle des optimales et énonce un programme politique67 • La première partie contient pourtant une analyse détaillée concernant la loi et la violence : pour mieux illustrer 1 ' opposition entre uis et ius, l ' orateur part des origines de l 'humanité et de la cité. En s ' adressant directement aux juges, il s ' appuie sur un savoir commun qu'il partage avec eux : une représentation des premiers hommes et des débuts de la civilisation68 • Qui d ' entre nous, juges, ignore que le cours naturel des choses a fait que, à une certaine époque, alors que ni le droit naturel ni le droit civil n' avaient encore été définis, les hommes répandus dans les campagnes erraient dispersés et ne possédaient que ce qu' ils avaient pu arracher ou conserver par la force de leurs bras au prix de meurtres et de blessures ? Ceux qui, les premiers, s 'élevèrent au­ dessus des autres par leur valeur et leur intelligence, ayant pleinement saisi la facilité à apprendre et l ' intelligence de l 'être humain, rassemblèrent en un seul lieu ces êtres dispersés et les firent passer de la sauvagerie à la justice et à la douceur69 •

Vient ensuite la création des cités et le développement des villes. Partant de ce tableau, Cicéron insiste fortement sur l ' opposition entre le droit et la violence : Entre ces deux modes d ' existence, la différence la plus nette est cel le du droit et de la violence. Si nous ne voulons pas recourir à l ' un, il faut recourir à l ' autre. S i nous voulons faire disparaître la violence, il faut nécessairement que le droit l 'emporte c' est-à-dire les tribunaux, dans lesquels tout le droit est contenu70 •

La description de la naissance du droit n ' est pas seulement présente dans le Pro Sestio : déjà, le De inuentione évoquait en termes proches les premiers temps de l 'humanité 7 1 : des hommes isolés errant dans les campagnes qui « réglaient presque tout par la force physique ». Mais un homme « manifestement supérieur et sage » sut les regrouper, les guider et les adoucir, puis leur apprendre à respecter la fides et la j ustice. Dans le Pro Sestio, l ' évolution de l ' humanité vers la justice est identique : des hommes, 67

W.K. LACEY, 1 962, p. 69-70 ; N. Wooo, 1 988, p. 1 94- 1 9 ; P . GRIMAL, 1 992. 68 J. DRESSLER, 20 1 5 , p. 1 1 3- 1 1 6. 69 Sest. 42, 9 1 : Quis enim nostrum, iudices, ignora/ ita natura renon tu/isse it quodam tempore homines nondum neque naturali neque ciuili iure descripto, jilsi per agros ac dispersi uagarentur, tantumque haberent quantum manu ac uiribus per caedem ac uulnera aut eripere au! retinere potuissent ? Qui igitur primi uirtute et consilio praestanti extiterunt, ii perspecto genere humanae docilitatis atque ingenii dissupatos unum in /ocum congregregarint, eosque exferitate ilia ad iustitiam atque ad mansuetudinem transduxerunf . 70 Sest. 42, 92 : A tque inter hanc uitam perpolitam humanitate et il/am immanem nihil tam inferes! quam ius atque uis. Horum utro uti nolumus, altera est utendum. Vim uolumus extingui, ius ua/eat necesse est, id est iudicia quibus omne ius continetur. ludicia displicent aut nul!a sunt : uis domine/ur necesse est. 71 lnu. 1 , 2, 2 : Nam fitit quoddam tempus, cum in agris homines passim bestiarum modo uagabantur et sibi uictu fero uitam propagabant nec ratione animi quicquam sed pleraque uiribus corpororis administrabant . . . . Quo tempore quidam magnus uidelicet uir et sapiens . . . qui dispersas homine in agros et in tectis silvestribus abditos ratione quadam compulit in unum !ocum . . . exferis et immanibus mites reddidit et mansue.tis. ?

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supérieurs par leur mérite et leur intelligence, rassemblent les hommes et les font passer de la violence sauvage à la justice et à la douceur. Le développement de la civilisation implique l ' apparition des villes dotées d' institutions et de règles de droit concernant le droit divin et le droit humain. I l y a donc deux stades bien différents dans 1 'histoire de l 'humanité : une ère de violence et de sauvagerie à laquelle succède une ère de j ustice et de douceur. Cicéron insiste fortement sur l ' opposition entre le droit et la violence pour mieux éclairer et étayer son propos. Il la reprend, la répète avec des variantes, insiste sur l ' incompatibilité entre ces deux états : ou bien les hommes choisissent la violence et la sauvagerie ou bien le droit et la j ustice ; « si les tribunaux déplaisent ou s ' il n'y en a pas, la violence l ' emporte inévitablement72 ».Ces variations pennettent de clore ce qui peut sembler une digression et permettent à l ' avocat de revenir au procès, à Milon, et à Sestius et à la violence. Dans ces lignes, Cicéron ne propose pas encore une théorie de la res publica : il évoque à grands traits 1 'histoire de 1 'humanité. S ' i l oppose violence et civilisation, vie sauvage et vie urbaine 73 , il ne s ' arrête pas sur l ' être humain et mentionne seulement ses qualités intellectuelles (ingenium) et sa docilitas 7 4 , sa capacité à apprendre permettant de développer ses qualités naturelles. De ce point de vue, il faut souligner un fort contraste avec les œuvres philosophiques : dans le De re pub/ica, la définition de la res publica7 5 fait appel à une sorte d' instinct social, une naturalis quaedam hominum congregatio. Et les œuvres philosophiques postérieures feront aussi une place importante à cet instinct. Mais c ' est plus tard, en 54, que Cicéron rédige le De re pub/ica, à un moment où la crise de la république est manifeste : en octobre 54, les consuls sont complètement déshonorés car ils ont passé un accord avec les candidats au consulae 6 ; ces derniers sont accusés sont acquittés. La corruption de la classe dirigeante lui fait dire dans une lettre à Quintus : « Il n'y a plus de république, plus de sénat, plus de tribunaux, plus de dignité chez aucun de nous 77 >> . Cette constatation amère se retrouve dans d ' autres lettres 78 • C ' est le moment où Cicéron se tourne vers la réflexion politique et philosophique, consulte des livres dans la bibliothèque d' Atticus 79 . La correspondance de l ' année 54 reflète les difficultés qu' entraîne la rédaction de cet ouvrage sur la politiqué 0 • Dans ces préoccupations, la violence ne semble pas avoir de place. Toutefois, l ' importance de la réflexion politique dans le Pro Sestio 72

42, 92 : ludicia displicent aut nul/a sun! : uis dominetur necesse est. L' évocation des villes avec leurs rempat1s et leurs temples figure aussi dans le De republica l, 26, 4 1 (Cf. Off I, 53). Voir L. PERELLI, 1 972, p. 282-283. 7 4 J. DRESSLER, 20 1 5 , p. 1 20- 1 2 1 . 75 Rep. 1 , 3 9 ; L . PERELLI, 1 972, p . 290-29 1 . Mais l' utilitas communis, présente dans le Pro Sestio figure aussi dans le De re pub/ica (L . PERELLI, 1 972, p. 3 08). 76 Att. 4, 1 7, 2 77 Q. Fr. 3 , 4, l : Sed uides nul/am esse rem p., nullzun senatum, nu/la iudicia, nul/am in ulla nostrum dignitatem . . . 7 8 Att. 4 , 1 8, 2. ; Q. fr. 3 , 5 , 4. 79 A tt. 4, 1 4, 1 . 80 Q. Fr. 3 , 5 , 1 . 73

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laisse penser que la violence des années 57 et 5 6 a aussi conduit Cicéron à réfléchir sur l ' équilibre de la res pub/ica et l ' action des dirigeants ainsi que sur les lois et les tribunaux qui assurent la justice. Certes, ces questions ne sont pas encore approfondies ni nourries par des nombreuses lectures philosophiques, même si on peut deviner quelques échos platoniciens dans le plaidoyer8 1 • Le Pro Sestio est assurément un important discours politique, mais le plus souvent, c' est le programme politique, qui a retenu l ' attention. Pourtant, la violence n ' est pas une question moins importante : Cicéron en décrit les manifestations et montre leurs conséquences pour la res pub/ica ; il ne se contente pas d' évoquer des scènes d' émeutes mais il en recherche les formes et les causes. Il ne s ' agit pas seulement d'une description relevant de l' euidentia, mais d'une analyse précise où l ' orateur expose aussi le mécanisme qui conduit à la violence avec ses coups et blessures. De là découle une réflexion sur la j ustice et la violence, une réflexion politique sur la cité et les hommes qui la dirigent. Ces questions occupent évidemment une place importante dans la pensée cicéronienne : le Pro Sestio en constitue l 'esquisse. Car il révèle la volonté de dépasser la description et l 'émotion qu' elle suscite, par l ' analyse et la réflexion. Cicéron n ' a pas seulement décrit la violence mais il a cherché à l ' analyser et à la penser, tout en commençant à s ' interroger sur la res pub/ica.

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De latin

sortïrï à

français

sortir Pierre Flobert EPHE

La filiation sémantique est problématique : comment justifier la relation entre le « tirage au sort » et un verbe de mouvement marquant le franchissement d'un endroit clos ? La solution habituelle consiste dans le recours à deux verbes homophones : l ' un impliquant le hasard et l a solution d'une rivalité par le sort, l ' autre un mouvement vertical avec extraction, en faisant appel à un produit de surgere « jaillir ». Malheureusement celui-c i existe déj à sous la forme sourdre. D e l à des hypothèses inconsistantes depuis le * surrectire de Ménage, qui venait de la contagion involontaire de surgir, terme de marine daté de 1 606 (Charron) et emprunté à l ' espagnol surgir signifiant « aborder ». On a ainsi imaginé une variante *sure tus de surrectus, P . Fest. 3 8 1 , 6, qui en s 'appuyant sur le témoignage de Festus, 3 80, 33 allègue sor/us chez Livius Andronicus. On cite partout l a note du Norvégien Joh. Storm qui, dans la Romania 5, 1 876, p . 1 83- 1 84, a i mposé la transformation de o en u devant r (?), sans rien dire de la suffixation du verbe en -ï-. Il est frappant qu' il ait trouvé un tel assentiment dans les principaux dictionnaires étymologiques depuis Littré : O . Bloch 1 W. von Wartburg2 ( 1 950) ; W. von Wartburg, FEW, t. 1 2 ( 1 966) ; E. Gamillscheg 2 ( 1 969). F. Diez, le père-fondateur de la romanistique avait bien pointé une première difficulté pour la dépendance à partir de sortior : « mit sortiri (lossen, durch loos gewinnen) Hisst es sich logisch nicht einigen », c' est-à­ dire une dépendance logique entre le tirage au sort et la sortie ; il aj oute encore, malgré une référence à O. Ferrari (t 1 682) : « das l oos ward aus der urne gezogen und gieng gewissen maszen heraus », le sort tiré de 1 'urne en sortait en quelque sorte, ce qui ne suffisait pas à exploiter une comparaison ( « verglich ») pour une action si impot1ante : « dieser vorgang, ein im leben so wichtiger », malgré un tour comme « sortir de table » (« se lever ») ; Etym. Worterb. der romanischen Sprachen 5 (Bonn 1 887 ; 1 8 54 1 ). Les réserves de Diez sont j ustes, mais il en fait trop de cas en refusant finalement une étymologie de « sortir » par sortïrï. Il convient maintenant de vérifier les témoignages du latin - voire du grec - et de 1' ancien français. Sortior « recourir aux sortes, tirer au s011 » est un verbe déponent « fonctif » utilisé depuis Plaute - d' abord hésitant et même exclusivement =

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actif chez Ennius -, puis confirmé comme tel à partir de Cicéron 1 • L a dérivation est évidente et confirme le -i- de sors < *sr-ti-s (cf. de même mentïrï de mëns). On pose au déponent la racine *ser- « entrelacer, enfiler, enchaîner » de serere, seriës, serm6. On considère que c ' est une référence aux sortës groupés en paquet ou enfilés sur une cordelette (Liu. 22, 1 , 1 1 ) ; il est plus séduisant de penser à la continuité de la destinée. Il convient de distinguer deux types de sOJ-tës, en diverses matières (pierre, bois, métal, fèves et boules (blanches ou noires), baguettes, tablettes, flèches, osselets) , l ' un désignant l ' impétrant dans une compétition, l ' autre, comme les oracles, donnant la réponse - parfois versifiée - à une consultation2 • Pour cette dernière catégorie on dispose de 1 7 tablettes rectangulaires de bronze percées d'un trou permettant leur enfilage, découvertes près de Padoue (CIL 1 , 2 1 23 - 2 1 89) et portant des recommandations, souvent alambiquées ou niaises : ainsi 2 1 80 homines mu/ti sunt 1 credere noli « il y a beaucoup de gens, ne les crois pas ». Ne pas s ' imaginer que la mode en est passée à la fin de la République, car on a trouvé à Vienne, datant du IVe siècle, un palimpseste de St-Gall qui contient une multitude de textes oraculaires, classés par A. Dold en 1 37 rubriques, qui concernent l ' argent et les héritages, ta santé et les procès, les voyages et les dangers, e. gr. 76 non poteris ibi uibere « tu ne pourras pas vivre là » ; 94 agita causam tuam et uinces « plaide ta cause et tu gagneras » 3 • De nature oraculaire aussi sont les Praenestinae sortes 4 dont Cicéron, div. 2, 85, conte l ' origine : perfracto saxo sortis erupisse in robore insculptas priscarum litterarum nolis « du rocher brisé jaillirent des sorts gravés dans le chêne de signes en lettres archaïques ». La découverte de Numerius Suffustius fut institutionnalisée et les sorts sont "sur l ' avis de la Fortune, mélangés et tirés par la main d ' un enfant" (86 Fortunae monitu pueri manu miscentur atque ducuntur). Nous sommes naturellement conduits au grec par l ' épisode, dans la Casina, de la sortitio ( KÀijpco>, tentatives manquées de trouver la terre promi s e par le destin 1 5 • La succession des diverses étapes (la Thrace, Délos, Crète, le s îles Strophades, Buthrote, la Sicile) marque une prise de conscience progressive de l a destination assignée à Énée par les fata (l ' Italie, antiqua mater, d ' où provenait Dardanus, l ' ancêtre des Troyens), mais également l ' élaboration d'un passé, dont le héros doit s ' affranchir (tout en préservant l 'héritage moral) pour pouvoir avancer et construire l ' avenir1 6 • Certaine s étapes (telles les Strophades avec les Harpies et la terre des Cyclopes au pied de l'Etna) constituent des « croisements » avec d' autres sagas ou d ' autre s branches de la légende troyenne, notamment les voyages des Argonautes et d'Ulysse. Toutefois, le parcours sinueux et chaotique d 'Énée touche également divers lieux où la tradition culturelle antérieure situait des ville s fondées par des Troyens (soit des aventuriers partis de la ville avant la guerre, soit des rescapés comme le protagoniste de l ' Énéide) : c' est le cas d e la Thrace, Délos, la Crète, l 'Épire, Drépane en Sicile 1 7 • Ainsi , le livre III de l ' Énéide se configure aussi comme un aperçu des légendes de fondations impliquant les Troyens dans le pourtour méditerranéen, tout comme le poème dans son ensemble peut être considéré, dans l ' une des nombreuse s perspectives possibles, comme une grandiose tentative de rassembler, et même de concilier, différentes versions mythologiques sur les origines du peuple romain, ses idéaux et ses coutumes 1 8• L' étape d ' Énée à Buthrote dans l ' Énéide illustre donc une histoire plus ancienne de l ' installation ou du passage des Troyens en Épire. L ' existence d'un royaume gouverné par Hélénos et/ou Andromaque dans cette région est en fait attestée par diverses sources 1 9, parmi lesquelles se détache l 'Andromaque d ' Euripi de, une pièce que Virgile connaît sans aucun doute, puisqu'il s ' en inspire dans plusieurs parties de son poème2 0• À la fin de cette tragédie, après qu 'un messager eut rapporté l ' assassinat de Néoptolème par Oreste dans le temple d'Apollon à Delphes (v. 1 085 - 1 1 65), le règne troyen en Épire est annoncé dans la prophétie de Thétis, dea ex machina, s' adressant à Pélée (v. 1 23 3- 1 239) : yuvai:Ka ù ' aixlléÛ..ffiTOV, 1\vùpollétxrtv Myffi, MoÀOCJ). La voici dans la traduction Chambry7 : « Un homme qui avait deux filles avait donné en mariage l 'une à un j ardinier, l ' autre à un potier. Au bout de quelque temps, il alla voir la femme du j ardinier, et lui demanda comment elle allait et où en étaient leurs affaires. Elle répondit que tout marchait à souhait et qu'elle n ' avait qu' une chose à demander aux dieux, de l ' orage et de la pluie pour arroser les légumes. Peu de temps après il se rendit chez la femme du potier et lui demanda comment elle se trouvait. Elle répondit que rien ne leur manquait et qu' elle n ' avait qu' un vœu à former, c'est que le temps restât clair et le soleil brillant, pour sécher la poterie. « Si toi, reprit le père, tu demandes le beau temps, et ta sœur, le mauvais, avec laquelle de vous formerai-j e des vœux ? » . De même si l ' on fait en même temps deux entreprises contraires, on les manque naturellement toutes les deux. »

On peut citer aussi la fable « L ' âne et le j ardinier » (273 Chambry ; repris par Faerno « Asinus dominos mutans », et par La Fontaine VI, 1 1 , qui s ' écarte davantage de la source grecque). La voici dans la traduction Chambrl : « Un âne était au service d ' un j ardinier. Comme il mangeait peu, tout en travaillant beaucoup, i l pria Jupiter de le délivrer du j ardinier et de le faire vendre

5 W.B. ANDERSON,

1 936- 1 965, t. Il, p. 2 1 8.

6 J.-F. GREGOIRE et F.-Z. CüLLOMBET, 1 836, t. Il,

7 É. CHAMBRY,

8

Ibid., p. 1 2 1 .

1 927, 2• éd. 1 960, p. 1 3 2 .

760

p. 90.

à un autre maître. Zeus l ' exauça et le fit vendre à un potier. Mais il fut de nouveau mécontent, parce qu' on le chargeait davantage et qu'on lui faisait p orter l ' argile et la poterie. Aussi demanda-t-il encore une fois à changer de maître, et il fut vendu à un corroyeur. Il tomba ainsi sur un maître p ire que les autres . En voyant quel métier faisait ce maître, il dit en soupirant : « Hélas ! malheureux que je suis ! j ' aurais mieux fait de rester chez mes premiers maîtres ; car celui-ci, à ce que je vois, tannera aussi ma peau ». Cette fable montre que les serviteurs ne regrettent jamais tant leurs premiers maîtres que quand ils ont fait l 'épreuve des suivants. »

Certes ces deux fables ne sont pas reprises par Phèdre, Babrios ni Avian us, et on ignore si Sidoine connaissait Esope, mais 1 ' opposition entre le potier et le j ardinier était bien proverbiale et il n ' y a pas lieu de s ' étonner que Sidoine y fasse allusion. Il aime dans son style à mêler mots savants et rares et tournures plus familières. Il est amusant que Sidoine critique les prières destinées à amener la p luie ou le beau temps. Car de nombreuses hymnes chrétiennes vont dans ce sens. Henry Spitzmuller en cite par exemple deux dans son anthologie9 • Voici la fin de l ' hymne pour implorer la pluie, l'hymne Squalent arua soli pu/vere, assez connue, et datée du Ve siècle 1 0 : lam caelum reseres aruaque !axes fecundo placidus imbre, rogamus ; Eliae meritis impia saecla donasti pluuia, nos quoque dones. « Nous te demandons donc d 'ouvrir le ciel et d' amollir avec douceur les champs par une pluie féconde ; la pluie que pour les mérites d ' É lie tu as donnée à un siècle impie, donne-la nous aussi. »

Revenons sur 1 ' opposition entre les prières publiques antérieures et la nouvelle fête des rogations. Les prières antérieures sont qualifiées de supplicationes, ce qui est un tenne païen même s'il a été repris par les chrétiens. Cela peut suggérer que cette cérémonie remplacée par les rogations était entachée de paganisme. En revanche il est exclu qu' elle ait été franchement païenne : Sidoine évêque aurait été alors beaucoup p lus sévère. De plus le texte dit explicitement le contraire : Sidoine ajoute en effet la formule quod salua fidei pace sit dictum, « soit dit sans vouloir offenser la foi », pour qu' on n ' assimile pas ses réserves à un acte anti-religieux. Mais on a ici un bon exemple de la manière dont l ' É glise cherche à s 'approprier les fêtes en les transformant, et à exclure certaines pratiques j usqu' alors acceptées dans la société chrétienne (en 1' occurrence les déjeuners notamment, qui pouvaient donner lieu à des excès). Les rogations sont le négatif de la fête antérieure : au lieu d'un banquet, le j eûne, au lieu des prières p our la p luie et le beau temps, des prières d 'humilité, au lieu de l ' absence de conviction, les psaumes et les pleurs. 9 10

H. SPITZMULLER, 1 97 1 , p. 1 1 74- 1 1 79 .

L e texte se trouve aussi dans A. S . WALPOLE, 1 922, reprod. 1 966 , p . 397-40 1 , e t dans G. BECHT-JORDENS, 1 993, p . 4 1 -43. 7 61

Quant à la présence d' Aper aux rogations, elle est souhaitable dans la mesure où toute la communauté chrétienne doit participer à la cérémonie, sous la direction de son évêque, et en particulier les notables : cette unanimité est une condition pour que 1 ' entreprise soit un succès 1 1 • Cependant Sidoine se trouve dans une situation délicate. Il doit convaincre Aper de venir à une fête qui n ' a rien d'attrayant. Il utilise alors comme modèle littéraire un type particulier de lettre d ' invitation attesté en prose et en poésie. En effet certaines épigrammes, au lieu d' attirer le destinataire à un dîner par une liste de plats luxueux, lui disent au contraire que le repas sera fort simple ; en revanche y règneront 1 ' amitié et la sincérité. Les épigrammes V, 78, X, 4 8 et XI, 52 de Martial correspondent à ce schéma. Sidoine compose donc sa lettre comme une contre-invitation à une partie de plaisir. C ' est une invitation à venir pleurer plutôt que manger (non ad epulas sed ad lacrimas euocaris ; le jeûne était, sinon, requis, du moins souhaité), mais il y aura la sincérité religieuse, préférable à l ' intérêt ; et paradoxalement Aper viendra d' autant plus volontiers que ce sera triste. Pour rendre son propos plus convaincant, Sidoine compose une lettre particulièrement soignée. On note plusieurs hapax : cauernatim, un adverbe qui donne une patine d ' archaïsme 1 2 (un autre emploi ultérieur, chez Isidore de S éville) ; phthisiscens, qui est formé sur le grec ; hortulo, doublet de hortulanus, corrigé du reste par plusieurs éditeurs en hortulanus. Plusieurs mots très rares : iecorosus ( ThLL VIP , 244, 1 2- 1 8) ; sternax, adj ectif créé par Virgile, Énéide 1 2, 364 et repris par Silius Italicus 1 , 26 1 , dans les deux cas appliqué à un cheval qui renverse son cavalier, qualifie ici des citoyens qui se prosternent ; suspiriosus, adj ectif qui s ' applique habituellement aux asthmatiques. Le lexique est donc caractérisé par : l ' importance du vocabulaire médical ; les emplois figurés (cf. aussi ructare) ; le transfert à des abstraits de ce qui convient pour des animés (oscitabundus, certes avec l ' atténuateur ut sic dixerim, potte ici sur le substantif supplicationes alors qu'il se rapporte en fait aux participants ; le verbe hebetare a pour suj et supplicationes, alors que c ' est l ' attention des participants qui est émoussée 1 3 ). Sidoine porte aussi une attention particulière à la place des mots, à leur organisation par groupes symétriques et aux effets de sonorité. Il aime les groupes binaires et ternaires, voire quaternaires (iecorosis ac phthisiscentibus languidis ; otio uel negotio ; pater et pontifex ; reuerentissimo exemplo, utilissimo experimenta ; inuenit, instituit, inuexit ; aut imbres aut serenitatem ; jigulo pm-iter atque hortuloni ; et protulit pariter et contulit ; ieiunatur, oratur, psa!litur, jletur ; ceruicum hum iliatarum et sternacium ciuium, seul cas de chiasme dans la lettre ; non ad epulas, sed ad lacrimas), avec souvent des polyptotes (otio uel negotio ; et protulit pm-iter et contulit) et partout des homéotéleutes. Il est donc clair qu' il a particulièrement soigné cette lettre, notamment pour le lexique, et qu' i l en fait un morceau de bravoure que le destinataire Il

G . S . NATI-IAN, 1 998, p . 285 . Voir l. GUALANDRI, 1 979, p. 1 77 note I l l . 1 3 Ibid. , p. 1 3 9. 12

7 62

Aper devait être en mesure d' apprécier. Cette recherche littéraire correspond certes au goût de Sidoine, mais elle pouvait aussi servir d ' argument pour convaincre Aper de venir, et la littérature est mise au service de la foi . En tout cas la sobriété de la fête est contrebalancée par l ' exubérance stylistique de 1 'invitation. On notera que Sidoine évite le j eu de mots ragare ad rogationes, et que pour faire venir Aper il n'emploie pas le verbe rogare, mais reuocare, petere, euocare. Il ne sera pas inintéressant pour finir de comparer cette lettre avec la lettre V, 1 7 14 , qui a été placée dans le livre V très près de la précédente. Dans cette lettre, datée par A. Loyen de septembre 469 1 5, Sidoine décrit brièvement et au passage (puisque ce n ' est pas son suj et principal) la fête de l'évêque saint Just à Lyon. La lettre accompagne des vers qui ont été composés par Sidoine à la requête du sénateur Philomathius, beau-père d ' Eriphius, le destinataire de la missive. Les vers ont pour sujet une serviette avec laquelle le sénateur s ' était essuyé le visage après une partie de balle où il avait transpiré. La partie de balle en question a lieu dans un intervalle de la cérémonie d' anniversaire de saint Just. Cette cérémonie se déroule en effet en p lusieurs temps. Il y a d' abord réunion générale près du tombeau de saint Just, puis procession j usqu'à la basilique et office des vigiles. À ce moment la foule se disperse et les premiers citoyens de la cité (catégorie à laquelle appartiennent évidemment Sidoine et Philomathius) décident de se rassembler autour du tombeau du consul Syagrius. C ' est là que se déroule le j eu de balle et l ' improvisation poétique de Sidoine (qui sont le vrai sujet de la lettre), avant que tout le monde ne revienne à l ' église pour la synaxe eucharistique. Sidoine est à cette date un simple fidèle, non l ' évêque de Clermont. Si le divet1issement auquel il se livre (jeu de balle, badinage mondain, poésie) n 'est pas condamnable, à la fois parce qu' i l n ' est pas immoral et parce qu'il intervient dans un espace de temps libre entre deux célébrati ons liturgiques, il témoigne néanmoins d'une attitude très distancée par rapport à la cérémonie. Sidoine souligne surtout la chaleur qu ' i l faisait dans l ' église et l ' entassement de la foule. D ' une lettre à l ' autre, on mesure le changement de point de vue de Sidoine : en V, 1 7, il suit, en tant que représentant de 1 'élite lyonnaise mais sans dévotion patticulière ; en V, 1 4, il est l ' évêque organisateur. Dans un cas comme dans l ' autre, on a affaire à un même type de cérémonie, qui est censé rassembler toute la communauté en créant une solidarité nouvelle. La publication des lettres de Sidoine est une question complexe, mais il est certain qu' elle a été faite par l ' auteur lui-même. L' ordre des lettres, qui n ' est pas chronologique, correspond donc à une volonté délibérée. Le l ivre V contient des lettres d' époques assez différentes (de 467 ou même avant à 476-477) et il a sans doute été publié par l ' auteur à son retour d ' exil en 476 1 6 • Sidoine a clairement choisi de placer à proximité l 'une de l ' autre les deux lettres V, 1 4 et V, 1 7 . La lettre V, 1 4, où S idoine est un évêque

14

B ien analysée par P . -A. FEVRIER, 1 98 1 , repris dans P.-A. FEVRIER, 1 996, p. 1 75- 1 82 . A . LOYEN, 1 970, t. I l , p. 2 5 6 . 1 6 S idoine Apoll inaire, t. II-III , Lettres, t. Il, p. XLIX. 15

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soucieux de la vie religieuse de sa cité, efface comme par anticipation l ' impression de christianisme tiède que peut donner la lettre V, 1 7.

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TABLE DE S MATIÈRE S

P RÉ SENTATION . . .

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V arros Umgang mit Religion und Mythos Thomas Baier

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RELIGION . .

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Ad Studiorum Vniuersitatem Lutetiae. Carmen Carolo Guittard sacrum . Michael von A /brecht 1.

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La procession des collèges sacerdotaux à l ' approche de la guetTe civile chez Lucain Florent Barrière Cicéron anadyomène Jean-Paul Brachet

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Sorne statements on the issue of changing the IAHR name presented at the Erfurt IAHR International Committee Meeting on August 26, 20 1 5 . . . . . . . . . . . . . . 67 Giovanni Casadio Arnobe et les dieux païens : un exemple d' évhémérisme . . . Jacqueline Champeaux (t) ..

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Censorinus face à la prophétie de Vettius accordant douze siècles d 'existence à Rome . . . .. . . . . . . Gérard Freyburger .

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87

Devins et divination chez Plaute . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95 François Guillaumont R01nan Isis . Patricia A. Johnston .

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. . . . . . . . . . . . . . .

Ti berio, il Cristianesimo e il Senato Attilia Mastrocinque

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1 09

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Complémentarité et diversité de la prière chez les Hittites . . Michel Mazoyer . .

Oiseaux et chevaux rapides Georges-Jean Pinault

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É lagabal, Kreistos, même combat ? dans L 'Agonie de Jean Lombard Rémy Poignault Dionysos, Jupiter, Vénus et Liber pater. John Scheid

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Cibele, Magna Mater !dea, fra Sicilia e Roma Giulia Sfameni Gasparro

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1 83

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2. HISTOIRE ET ARCHÉOLOGIE ................................................................... 205

Du « dernier Grec » au « dernier Romain » . Histoire d'une formule à l ' époque tardo-républicaine Sébastien Barbara

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Sulle fonti del primo l ibro delle guerre civili di Appiano Vanessa Bregolisse

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207

. . . 227 . .

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L 'exhibition du sexe féminin comme moyen de repousser l ' ennemi. De Bellérophon à Anne-Josèphe Théroigne de Méricourt ( 1 7 62- 1 8 1 7) . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 1 Dominique Brique! La place de la cavalerie dans l'Histoire Romaine de Tite-Live. Remarques préliminaires sur la place de la cavalerie au sein de l ' armée romaine (753- 1 67 avant 1.-C.) 245 Amandine Cristina . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Historiographie romaine et empereur contemporain : le cas de Domitien . Pauline Duchêne .

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265

À propos d 'une étrange mention des Saturnales (Liv. 30, 3 6, 8) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 279 Marielle de Franchis

Sainte-Marie de l 'Assomption, deuxième cathédrale de Vaison-la-Romaine. L 'histoire de sa constmction, ses évêques . .. . .. . . Marie-Françoise Dumont-Heusers . . . . . . .

Du qualificatif des arcs romains Bérangère Fortuner

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323

3. ÉRUDITION ET ENCYCLOPÉDISME

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333

Servius, critique l ittéraire : la préface au chant IV de l' Énéide . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 3 5 Julien Bocholier . .

Livio nella scoliastica lucanea . . Paolo Esposito

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Zeus, Typhée et les singes : métamorphoses mythiques et déformations textuelles (note au commentaire de Servius Danielis ad Aen. 9, 7 1 5 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 5 5 Stefano Grazzini )

Dieux cosmiques et noms magiques : retour sur deux isopséphies de Martianus Capella . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 365 Jean-Baptiste Guillaumin .

Les citations de Tite-Live chez Servius . . . . . . Mathilde Simon .

4. L'AFRIQUE

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Les tabellae defixionis en Afrique romaine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Hi/ali Arbia .

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399 40 1

Une bienfaitrice de Ca lama au temps de Dioclétien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 425 Claude Briand-Ponsart .

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Esclaves et affranchis de la colonie à Sétif (Maurétanie Césarienne orientale) . . . 433 Michel Christol . .

Quelques inscriptions de Ghassira et des environs (Aurès) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44 1 Xavier Dupuis .

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Réceptivité religieuse dans la société de Césarée de Maurétanie à 1' époque royale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45 1 Christine Hamdoune (f) . . . . . .

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autel » de Tel/us AE 1 954, 1 27 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 465 Roger Hanoune

L'«

Théveste (Tébessa) : Elladdius, un évêque (?) oublié des VIe ou VIle siècles . . . . . . 469 Jean-Pierre Laporte .

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Babari de l 'Aurès et Babari Transtagnenses . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 475 Ahmed Mcharek .

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L 'Afrique oubliée ou la renaissance berbère au ve siècle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 0 1 Pierre Morizot (f) .

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Saveurs de Carthage Patrick Voisin

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5. LINGUISTIQUE ET LITTÉRATURE .......................................................... 523

Où et comment « suivre la nature » ? Sénèque et les difficultés de l ' éthique stoïcienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. .. .. . . Clara A u vray-Assayas .

Trois notes sur Mécène Gérard Capdeville

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Les j eux de mots dans 1 ' atellane . . . . . . . . . . . . . . . Estelle Debouy .

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La scène élégiaque chez Properce . . . . . . . . . . . . . . A lain Deremetz .

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D ' une épigramme latine au milieu épicurien de la baie de Naples . . . . . . Jeanne Dion .

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Violence et politique dans le Pro Sestio . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Michèle Ducos . . .

De latin sortïrï à français sortir . . Pierre Flobert

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Variations diastratiques chez Sénèque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 643 Michèle Fruyt .

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Tertul lien, Spect. V- VII, 1 : 1' origine du théâtre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 665 Benjamin Goldlust .

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Politique et morale dans le Logistoricus "Pius, de pace " de Varron . . . . . . . . . . . . 675 Yves Lehmann .

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La philologie, les rais perçants et l'arc du regard érogène (Pindare fr. 1 23 Maehler et Sophocle fr. 474 Radt) : autour d'une vox lexicis addenda, Àiyl; . . . . . . . . . . . . . . . . 683 Gauthier Liberman .

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Vingt sur vingt : un argument méconnu en faveur du caractère métrique des inscriptions paléo-italiques de Crecchio (CH l a) et de Penna S . Andrea (TE 5 ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 699 Vincent Martzloff

Étude préliminaire sur le furor hittite et sa structuration physique . . . . . . . . . . . . . . . 7 1 1 Raphaël Nicolle . .

Andromaque dans I ' Énéide . . . . . . . . . . . . . Giampiero Scafoglio .

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Lexique plautinien de la peur et images de la crainte dans Amphitryon Jean-François

Thomas

Quelques remarques sur la lettre V,

Étienne Wolff

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de Sidoine Apollinaire et les rogations

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