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French Pages [347] Year 2017
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Chez le même éditeur Manuel pratique d’anesthésie, par Albrecht Éric, Jean-Pierre Haberer, Éric Buchser, Véronique Moret, 2015, 864 pages. La douleur en ORL – Rapport 2014 de la Société française d’ORL et de chirurgie cervico-faciale, par Jean-Michel Prades, 2014, 240 pages. Manuel pratique d’anesthésie locorégionale échoguidée, par Éric Albrecht, Sébastien Bloc, Hugues Cadas, Véronique Moret, 2014, 296 pages. Posturologie clinique. Comprendre, évaluer, soulager les douleurs, par l’API (Association de Posturologie Internationale), Bernard Weber, Philippe Villeneuve, 2012, 224 pages. Anesthésie loco-régionale et traitement de la douleur, par Pierre Gauthier-Lafaye, André Muller, Elisabeth Gaertner, 2009, 4e édition, 720 pages. Douleurs rachidiennes : 100 défis cliniques, par Lynton G.F Giles, édition française coordonnée par Fabrice Duparc, 2012, 568 pages. Dans la collection « Abrégés » Douleurs – Soins palliatifs – Deuils, Coordonné par Alain de Broca, 2012, 240 pages. Dans la collection « Pratiques en psychothérapie » Pratiques en psychothérapie – Approches théoriques et cliniques, par Gérard Salem, Éric Bonvin, 2017, 6e édition, 392 pages.
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Manuel pratique d’algologie Prise en charge de la douleur chronique Christophe Perruchoud Médecin-chef, centre lémanique d’antalgie et de neuromodulation, département d’anesthésiologie, hôpital de Morges, Suisse, Médecin agréé, centre d’antalgie, service d’anesthésiologie, centre hospitalier universitaire Vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse, Privat docent et maître d’enseignement et de recherche de l’université de Lausanne (UNIL). Éric Albrecht Médecin-adjoint, service d’anesthésiologie, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse, Privat docent et maître d’enseignement et de recherche de l’université de Lausanne (UNIL), Auteur du Manuel pratique d’anesthésie et du Manuel pratique d’anesthésie locorégionale échoguidée.
Véronique Moret Ancien médecin associé, service d’anesthésiologie, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse
Avec la collaboration de Élodie Andrieux-Chastonay, Chantal Berna, Sébastien Bloc, Vincent Bourquin, Michèle Bovy, Éric Buchser, Matthieu Cachemaille, Laurence Clivaz-Mariotti, Martine Jacot-Guillarmod, Carlos Madrid, Bruno Marchand, Nicolas Mariotti, Benoît Marlier, Jean-Pierre Mustaki, Charles Peltier, Philippe Rigoard, Alexandra Simard, Marc Suter, Tanguy Vendeuvre et Dragana Viceic
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Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex, France Manuel pratique d’algologie - Prise en charge de la douleur chronique, de Christophe Perruchoud, Éric Albrecht et Véronique Moret. © 2017 Elsevier Masson SAS ISBN : 978-2-294-74493-8 e-ISBN : 978-2-294-74534-8 Tous droits réservés.
Illustrations réalisées par Alain Jacot-Guillarmod : figures 2.1, 2.2, 2.3, 2.5, 2.6, 3.10, 8.3, 26.1, 27.7, 27.11, 27.24, 27.34 et 27.35.
Les indications et posologies de tous les médicaments cités dans ce livre ont été recommandées dans la littérature médicale et concordent avec la pratique de la communauté médicale. Elles peuvent, dans certains cas particuliers, différer des normes définies par les procédures d’AMM. De plus, les protocoles thérapeutiques pouvant évoluer dans le temps, il est recommandé au lecteur de se référer en cas de besoin aux notices des médicaments, aux publications les concernant et à l’Agence du médicament. L’auteur et l’éditeur ne sauraient être tenus pour responsables des prescriptions de chaque médecin. Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l’autorisation de l’éditeur est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d’une part, les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d’information de l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle). + Ce logo a pour objet d’alerter le lecteur sur la menace que représente pour l’avenir de l’écrit, tout particulièrement dans le domaine universitaire, le développement massif du « photo-copillage ». Cette pratique qui s’est généralisée, notammentdans les établissements d’enseignement, provoque une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui menacée. Nous rappelons donc que la reproduction et la vente sans autorisation, ainsi que le recel, sont passibles de poursuites. Les demandes d’autorisation de photocopier doivent être adressées à l’éditeur ou au Centre français d’exploitation du droit de copie : 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. Tél. 01 44 07 47 70.
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Liste des collaborateurs Élodie Andrieux-Chastonay, cheffe de clinique, service d’anesthésiologie, centre hospitalier Universitaire Vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse Chantal Berna, cheffe de clinique, centre d’antalgie, service d’anesthésiologie, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse Sébastien Bloc, médecin anesthésiste-réanimateur, hôpital privé Claude Galien, Quincy-sous-Sénart, France
Bruno Marchand, médecin-chef, service de radiologie, hôpital de Morges, Suisse Nicolas Mariotti, médecin-chef adjoint, centre de traitement de la douleur, service d’anesthésiologie et de réanimation, HFR-Fribourg hôpital cantonal, Fribourg, Suisse Benoît Marlier, neurochirurgien, service de neurochirurgie, centre hospitalier universitaire Maison-Blanche, Reims, France
Vincent Bourquin, médecin consultant, médecine interne et néphrologie, hôpital de la Tour, Genève, Suisse
Jean-Pierre Mustaki, médecin-chef, centre lémanique d’antalgie et de neuromodulation, département d’anesthésiologie, Hôpital de Morges, Suisse
Michèle Bovy, médecin-cheffe, centre lémanique d’antalgie et de neuromodulation, département d’anesthésiologie, hôpital de Morges, Suisse
Charles Peltier, neurochirurgien, Unité du rachis et de neurostimulation, centre hospitalier universitaire de la Milétrie, Poitiers, France
Éric Buchser, médecin-chef, Centre lémanique d’antalgie et de neuromodulation, département d’anesthésiologie, hôpital de Morges, Suisse.
Philippe Rigoard, professeur de neurochirurgie, unité du rachis et de neurostimulation, centre hospitalier universitaire de la Milétrie, Poitiers, France
Matthieu Cachemaille, chef de clinique, centre d’antalgie, service d’anesthésiologie, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse
Alexandra Simard, anesthésiste, clinical and research fellow neuromodulation, centre hospitalier universitaire de Québec – université de Laval, Québec, Canada.
Laurence Clivaz Mariotti, médecin-adjointe, centre cantonal d’addictologie, Réseau fribourgeois de santé mentale (RFSM), Fribourg, Suisse
Marc Suter, médecin associé, centre d’antalgie, service d’anesthésiologie, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse
Martine Jacot-Guillarmod, médecin-associée, département femme-mère-enfant, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse
Tanguy Vendeuvre, chef de clinique en orthopédie, Unité du rachis et de neurostimulation, centre hospitalier universitaire de la Milétrie, Poitiers, France
Carlos Madrid, médecin-associé, division de chirurgie orale et maxillo-faciale, centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), Lausanne, Suisse
Dragana Viceic, cheffe de clinique, service de neurologie, centre hospitalier du valais romand, hôpital de Sion, Suisse
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Abréviations ACR American College of Rheumatology AL anesthésique local ALIF Anterior Lumbar Interbody Fusion ASA American Society of Anesthesiologists AVR anesthésie intraveineuse BDI Beck Depression Inventory BPI Brief Pain Inventory COX cyclo-oxygénase CRPS Complex Regional Pain Syndrom DFG débit de filtration glomérulaire DRG Dorsal Root Ganglion EMG électromyogramme EQ-5D EuroQoL 5-dimensions HAD Hospital Anxiety and Depression scale HD hernie discale HIZ High signal Intensity Zone IASP International Association for the Study of Pain IMC infirmes moteurs cérébraux IPPS International Pelvic Pain Society IRC insuffisance rénale chronique IRM imagerie par résonance magnétique IRSN inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline ISSVD International Society for the Study of Vulvovaginal Disease ISSWSH International Society for the Study of Women’s Sexual Health KDIGO Kidney Disease/Improving Global Outcomes LANSS Leeds Assessment of Neuropathic Symptoms and Signs LCR liquide céphalorachidien MBL Mannose-Binding Lectin MELD Model for End-Stage Liver Disease MOS SF-36 Medical Outcome Study Short Form-36 MPI Multidimensional Pain Inventory MPQ McGill Pain Questionnaire
NNT
Number Needed to Treat, nombre nécessaire de patients à traiter NPQ Neuropathic Pain Questionnaire NPS Neuropathic Pain Scale ODI Oswestry Disability Index OMS Organisation mondiale de la Santé OWS Oswestry Low Back Pain and Disability Score PAG substance grise périaqueducale PLIF Posterior Lumbar Interbody Fusion PNP polyneuropathies POEMS Polyneuropathie Organomegalie Endocrinopathie Monoclonal proteine Skin change QALY Quality Adjusted Life Year QCD questionnaire concis sur les douleurs QDSA questionnaire de Saint-Antoine QST Quantitative sensory testing, évaluation quantifiée de la sensibilité cutanée RC rétrécissement canalaire RDQ Roland Disability Questionnaire rTMS stimulation magnétique transcrânienne répétitive RVM moelle rostroventrale SDRC Complex Regional Pain Syndrome, syndrome douloureux régional complexe SS Severity Scale SSRI inhibiteurs purs de la recapture de la sérotonine StEP Standardized Evaluation of Pain tDCS transcranial Direct Curent Stimulation, stimulation transcrânienne à courant direct TENS transcutaneous electrical nerve stimulation TLIF Transverse Lumbar Interbody Fusion WPI Widespread Pain Index XLIF eXtreme Lateral Interbody Fusion
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Chapitre 1 L’épidémiologie de la douleur chronique Marc Suter, Christophe Perruchoud
Définition L’International Association for the Study of Pain (IASP) définit la douleur comme une « expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, liée à une lésion tissulaire existante ou potentielle, ou décrite en des termes évoquant une telle lésion » [1]. Cette définition implique que tout épisode douloureux est lié à une sensation de lésion tissulaire, que cette lésion existe ou non. La distinction entre douleur « réelle » et douleur « imaginaire » ne fait donc pas de sens. Pour l’American Society of Anesthesiologists (ASA), une douleur chronique est une « douleur persistante ou épisodique, d’une durée ou d’une intensité qui affecte de façon péjorative le comportement ou le bien-être du patient, attribuable à toute cause non maligne » [2]. Cette seconde définition introduit de nouvelles notions, à savoir l’inutilité de la douleur chronique comme signal d’alerte protecteur, et son caractère délétère en termes de retentissement psychologique. Par opposition, la douleur aiguë est un mécanisme de défense permettant de signaler un danger et nécessaire à notre survie. En pratique clinique, on différencie souvent la douleur chronique d’origine cancéreuse de la douleur chronique non cancéreuse. La notion de chronicité diffère selon les auteurs, mais correspond généralement à une évolution supérieure à 3 ou 6 mois. Selon l’OMS, « une douleur qui dure longtemps, ou qui est
permanente ou récurrente, est appelée chronique quand elle dure plus de 6 mois » [3]. Le traitement de la douleur est reconnu comme un droit fondamental [4]. La douleur est considérée comme une maladie à part entière [5] et une classification est prévue pour l’ICD-11 [6]. Son importance comme unité propre est aussi mise en avant par les études épidémiologiques. Elle diminue la qualité de vie et lorsqu’elle est sévère et constitue même un facteur de risque indépendant de mortalité [7].
Incidence, prévalence et présentation clinique L’épidémiologie étudie la distribution, la cause et les déterminants d’événements en relation à la santé dans des populations ainsi que leurs applications dans la prise en charge des problèmes de santé. Dans le cadre de la douleur chronique, il est important de connaître la prévalence et les facteurs de risques pour améliorer notre approche globale en diminuant la sévérité de l’atteinte ainsi qu’en minimisant l’incapacité fonctionnelle [8]. La prévalence est définie par le pourcentage de personnes souffrant de douleur chronique dans la position générale (à un instant donné, sur une période précise ou durant la vie entière). La prévalence permet de déterminer les ressources cliniques, financières,
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éducationnelles nécessaires aux praticiens de premier recours. L’incidence est définie comme le nombre de nouveaux cas sur une période donnée (généralement une année) rapportée à la population générale. L’incidence de la douleur chronique est difficile à préciser, les patients ne se rappelant souvent pas du début des symptômes et ne consultant souvent que lorsque la douleur est déjà présente depuis un certain temps [9]. La douleur est tellement fréquente si l’on considère tous les épisodes (seul 1 patient sur 5 rapporte ne pas avoir eu de douleur durant le mois précédent [10]) qu’il est plus utile de se concentrer sur la douleur chronique et invalidante. L’étude téléphonique réalisée en 2006 par Breivik [11], dans 15 pays européens et Israël, a conclu à une prévalence de la douleur chronique de 19 %, définie par une douleur présente depuis plus de 6 mois, avec au moins deux épisodes par semaine, présente le mois précédent, d’intensité supérieure ou égale à 5 sur une échelle de numérique de 1 à 10 lors du dernier épisode. Les localisations les plus fréquentes étaient la région lombaire (18 %), suivie du genou (14 %), de la jambe (14 %), de la tête (15 %), de l’épaule (9 %), de la colonne cervicale et de la hanche (8 %), de la main (6 %), de la colonne dorsale (5 %). La durée des douleurs était de 2 à 15 ans chez 60 % des participants. La cause de douleurs selon la réponse donnée par les participants, aidés par une liste de propositions, était l’arthrose (34 %), un problème discal (15 %), un traumatisme (12 %), une polyarthrite (8 %), des céphalées/ migraines (7 %), une fracture/détérioration de la colonne (6 %), un dommage d’un nerf (4 %) ou d’un cartilage (4 %), un « coup du lapin » (4 %) ou une chirurgie (3 %). Douze pour cent des répondants ignoraient la cause de leur douleur. L’impact sur les activités quotidiennes était marqué, avec 56 % des sondés qui mentionnaient que leur sommeil était affecté et 9 % qui ne dormaient plus. Un quart prétendait que les douleurs avaient impacté leur statut professionnel. Un absentéisme moyen de 7,8 jours sur les 6 derniers mois était rapporté par ceux qui
avaient encore une activité. Moins de 2 % des patients souffrant de douleurs chroniques ont consulté une clinique spécialisée, les autres étant suivis par les médecins de premier recours, voire pas suivis du tout. La plupart des études de prévalence sont transversales. Landmark et al. [12] ont effectué un suivi longitudinal sur une année avec un questionnaire tous les 3 mois, qui a permis de valider la reproductibilité des données sur la durée. Environ 75 % des sujets ont répondu au premier questionnaire et la moitié aux quatre. La prévalence de douleur moyenne à sévère est de 31 %.
Influence du genre sur la douleur La prévalence de la douleur chronique est plus élevée chez les femmes que chez les hommes. Les femmes ont un seuil de sensibilité à la douleur inférieur aux hommes [13]. Pourtant, malgré ces facteurs de risques augmentés, les femmes sont régulièrement exclues des études cliniques, et par conséquent, les résultats rarement exprimés en fonction du sexe. On retrouve les mêmes biais de sélection dans les études précliniques [14]. Cette discrépance entre hommes et femmes est influencée par le fait que certaines sociétés concèdent aux femmes qui souffrent le droit de s’exprimer plus bruyamment que les hommes. Sont mises en cause les hormones : d’un côté, l’effet antinociceptif et protecteur de la testostérone, de l’autre la versatilité des œstrogènes et de la progestérone. Des études précliniques ont récemment démenti l’implication de la microglie (monocyte-macrophages du système nerveux central) chez les animaux femelles. Ce mécanisme d’interaction neuro-immune établi depuis plus de 10 ans peut être induit chez les animaux femelles traités par de la testostérone [15]. Femmes et hommes affrontent la douleur de manière différente. Les hommes auraient tendance à utiliser des techniques de distraction alors que les femmes recourent de préférence au support social ou à des techniques d’entraînement attentionnel.
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHEChapitre BIBLIOGRAPHIQUE MEDICALE 1. L’épidémiologieSCIENCE de la douleur chronique 5
Finalement, l’interaction des sexes entre soignant et patient participe à la discrépance, les médecins ayant tendance à prescrire plus facilement un opiacé à un patient du même sexe [16].
Facteurs de risque de la douleur chronique Connaître les facteurs de risques de la douleur chronique est important ; cela permettrait d’améliorer la prise en charge en agissant sur ces derniers s’ils sont modifiables et de cibler certaines mesures préventives sur les autres. Les sujets de sexe féminin présentent des seuils de douleur et de tolérance inférieurs, une prévalence de douleurs chroniques plus élevée et surtout une prévalence de syndrome de douleurs chroniques augmentée. Les sujets âgés présentent aussi un risque augmenté, ce qui est préoccupant avec le vieillissement de la population. Cette catégorie de patient présente aussi plus souvent des comorbidités ainsi qu’une polymédication, qui va influencer les éventuels traitements que l’on pourra proposer. Un statut socioéconomique inférieur est un autre facteur de risque sociodémographique [13]. La douleur elle-même est probablement le facteur de risque le plus grand pour le développement d’une douleur chronique, qu’elle soit aiguë ou chronique sur un autre site [17]. Le passage à la chronicité est augmenté en fonction de l’intensité de la douleur aiguë. Une prise en charge rapide est ainsi à privilégier aussi pour éventuellement baisser ce risque. La transition vers le long terme est aussi influencée par les croyances et les attitudes par rapport à la douleur [18]. Certaines caractéristiques psychologiques comme l’anxiété, la dépression ou le catastrophisme sont associées à la douleur chronique. La relation temporelle avec la douleur n’est pas toujours claire, et l’influence mutuelle est probablement bidirectionnelle. Le sommeil présente le même type d’interaction avec une influence réciproque sur la douleur [19]. Ces facteurs contributifs ou associés doivent être pris en compte dans le traitement de la douleur chronique.
Coûts de la douleur chronique Plusieurs études ont estimé le coût total imputable à la douleur chronique. Les frais sont dus aux coûts directs de traitement (consultations, médicaments, hospitalisations) et aux coûts indirects liés aux absences professionnelles et à la diminution de productivité. L’une des plus récentes [20], réalisée aux ÉtatsUnis et se basant sur le Medical Expenditure Panel Survey (MEPS), a calculé des coûts annuels de 560 à 635 milliards de dollars US pour 2010. Cette somme dépasse les coûts annuels estimés d’autres maladies chroniques (maladies cardiovasculaires : 309 milliards, cancer : 243 milliards, diabète : 188 milliards). Ces coûts se répartissent entre frais médicaux additionnels suite à la douleur de 261 à 300 milliards (frais directs) et perte de productivité de 299 à 335 milliards (frais indirects). Ces coûts massifs sont probablement sous-estimés, puisqu’ils ne prennent pas en compte par exemple les coûts d’absences des tiers prenant en charge les malades sur leur temps de travail, les personnes institutionnalisées, les personnes dont l’âge est inférieur à 18 ans, et d’autres frais tels que transports ou frais juridique [21]. Le coût en termes de qualité de vie perdue est aussi à considérer. Une perte de productivité suite à des plaintes douloureuses a été observée chez 13 % des personnes actives durant une période de 2 semaines. La céphalée en était la première cause, suivie des douleurs de dos. L’équivalent financier estimé de la perte de productivité était de 61 milliards de dollars US/année, dont la majorité causée aussi bien par la diminution de performance pendant le travail que par l’absentéisme [22]. Les douleurs dorsales et/ou lombaires sont les plus fréquentes et le but du traitement, comme dans la douleur chronique en général, n’est pas de les éliminer, mais de les rendre compatibles avec une qualité de vie correcte. L’impact économique d’une amélioration des exacerbations de douleurs dorsales est déjà important, mettant en avant l’utilité de stabiliser une maladie douloureuse chronique aussi du point de vue financier. Les travailleurs avec des exacerbations douloureuses représentent 71 % des 7,4 milliards imputés à la perte de productivité des
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douleurs dorsales [22]. Concernant des pathologies comme le diabète, le coût déjà élevé de la pathologie de base est augmenté lorsque se surajoutent les troubles neurologiques sous forme de fourmillements et d’insensibilité [23]. Références 1. Merskey H, Bogduk N. Classification of chronic pain. Descriptions of chronic pain syndromes and definitions of pain terms. Prepared by the Task Force on Taxonomy of the International Association for the Study of Pain, 2nd ed. Seattle (VA): IASP Press, 1994. 2. American Society of Anesthesiologists. Practice guidelines for chronic pain management. A report by the American Society of Anesthesiologists Task Force on Pain Management. Chronic Pain Section. Anesthesiology 1997;86:995–1004. 3. World Health Organization. A new understanding chronic pain. In : Kaplun A, ed. Health promotion and chronic illness. Discovering a new quality of health. Copenhagen: WHO Regional Publications; 1992 : 141-226. 4. Brennan F, Carr DB, Cousins M. Pain management: a fundamental human right. AnesthAnalg 2007;105(1):205–21. 5. Tracey I, Bushnell MC. How neuroimaging studies have challenged us to rethink: is chronic pain a disease ? J. Pain 2009;10(11):1113–20. 6. Treede RD, Rief W, Barke A, Aziz Q, Bennett MI, Benoliel R, et al. A classification of chronic pain for ICD-11. Pain 2015;156(6):1003–7. Epub 2015/04/07. 7. Torrance N, Elliott AM, Lee AJ, Smith BH. Severe chronic pain is associated with increased 10 year mortality. A cohort record linkage study. European journal of pain (London, England) 2010;14(4):380– 6. Epub 2009/09/04. 8. Van Hecke O, Torrance N, Smith BH. Chronic pain epidemiology and its clinical relevance. British journal of anaesthesia 2013;111(1):13–8. Epub 2013/06/26. 9. Macfarlane GJM, J, Jones GT. Epidemiology of Pain. In : McMahon S, Koltzenburg M, Tracey I, Turk DC, ed. Wall and Melzack’s Textbook of Pain: Churchill Livingstone; 2013 : 232-247. 10. Jones EA, McBeth J, Nicholl B, Morriss RK, Dickens C, Jones GT, et al. What characterizes persons who do not report musculoskeletal pain? Results from a 4-year Population-based longitudinal study (the Epifund study). The Journal of rheumatology 2009;36(5):1071–7. Epub 2009/04/17. 11. Breivik H, Collett B, Ventafridda V, Cohen R, Gallacher D. Survey of chronic pain in Europe: Prevalence, impact on daily life, and treatment. Eur J Pain 2006;10(4):287–333.
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Chapitre 2 Physiopathologie et mécanismes de la douleur Marc Suter, Christophe Perruchoud L’étude de la physiopathologie et des mécanismes de la douleur chronique passe par l’évocation des différents types de douleurs et la physiologie de la nociception.
Voies de la douleur On peut schématiser la transmission d’un stimulus nociceptif de la périphérie au système nerveux central par l’activation successive de trois neurones : • Le neurone nocicepteur transmet l’information du site de stimulation (peau, muscle, articulation) jusqu’à la moelle épinière. • Le deuxième transfère cette information au thalamus par le tractus spinothalamique. • Le dernier relais transmet l’information du thalamus au cortex somatosensoriel primaire [1].
Le neurone nociceptif Un neurone nociceptif est une cellule nerveuse spécialisée dans la détection des stimuli nociceptifs
[2,3]. Le corps cellulaire de ce neurone est situé dans les ganglions spinaux ou dans le ganglion trigéminal. Son axone se projette d’un côté vers le tissu-cible en périphérie (terminaison libre) et de l’autre vers la moelle épinière (terminaison centrale). Il est de type C, non myélinisé, ou de type A delta, finement myélinisé (tableau 2.1). Il est composé des quatre éléments suivants : • La terminaison périphérique (récepteur nociceptif) qui traduit le signal potentiellement nocif en potentiels d’action électriques. • La fibre nerveuse qui conduit ces potentiels le long de l’axone. • Le corps cellulaire qui maintient l’identité et l’intégrité de la cellule. • La terminaison centrale qui est l’élément pré synaptique du premier relais. Les récepteurs nociceptifs sont spécifiques aux différentes modalités que sont la chaleur (TRV1 ou TRPV2), le froid (TRPA1 ou TRPM8), les stimulations mécaniques ou chimiques (ASIC pour les stimuli acides, récepteurs purinergiques P2X ou P2Y pour les dérivés de nucléotides). La stimulation de ces récepteurs entraîne la
Tableau 2.1. Les différentes fibres nerveuses. Diamètre (micromètre)
Vitesse de conduction (m/s)
A-alpha
Fibre
Proprioception
Information véhiculée
Myélinisée
Gaine de myéline
13-20
80-120
A-bêta
Toucher
Myélinisée
6-12
35-90
A-delta
Douleur (mécanique et thermique)
Myélinisée
1-5
5-40
C
Douleur (mécanique, thermique et chimique)
Non myélinisée
0,2-1,5
0,5-2
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dépolarisation de la terminaison libre, qui se traduit par un potentiel d’action, généré au niveau des canaux sodiques sensibles au voltage (NaV). L’arrivée des potentiels d’action au premier relais synaptique entraîne la libération de glutamate. La transmission du signal électrique implique la présence de canaux ioniques au sodium et au potassium voltage-dépendants. Il existe neuf types de canaux sodiques et plus de 40 types de canaux potassiques. Les canaux sodiques sont exprimés de manière sélective en fonction des fibres. Les canaux NaV1,7, NaV1,8 et NaV1,9 sont ainsi exprimés préférentiellement sur les fibres nociceptives. Les mutations du gène SCN9A codant pour le canal NaV1,7 empêchent le canal de fonctionner normalement. Les porteurs de ces mutations peuvent être totalement insensibles à la douleur (les modalités sensitives sont parfaitement conservées), ou au contraire ressentir des douleurs d’une extrême intensité. Ce canal constitue une cible intéressante dans la recherche et le développement de nouveaux médicaments antalgiques [4]. Dans la moelle épinière, les nocicepteurs se projettent dans les couches superficielles I et II de Rexed de la corne dorsale (figure 2.1). Les fibres myélinisées, plus épaisses, pénètrent dans les couches plus profondes.
Le faisceau spinothalamique Le faisceau spinothalamique (figure 2.2) prend naissance au niveau de la corne dorsale de la moelle épinière, croise la ligne médiane au même niveau et emprunte le tractus ventrolatéral jusqu’au thalamus. Ce faisceau est constitué de neurones exclusivement nociceptifs, dans les couches superficielles, et de neurones mixtes qui circulent dans les couches plus profondes et répondent aussi à des afférences A bêta non nociceptives [5].
L’organisation supraspinale (figure 2.3) Les projections supraspinales peuvent être globalement classées en deux types : • La voie spinothalamique latérale (faisceau néospinothalamique) rejoint la voie lemniscale médiale (mais en reste bien distincte) et se projette de manière somatotopique sur le noyau ventro-postéro-latéral du thalamus (VPL). Ces noyaux constituent un relais pour toutes les voies sensitives ayant des projections corticales. Le thalamus contient ainsi le corps du 3e neurone de la voie nociceptive et représente le lieu du deuxième relais des voies de projection. La voie
Figure 2.1. Couches de la moelle épinière selon Rexed.
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Figure 2.2. Faisceau spinothalamique.
spinothalamique latérale se termine au niveau des cortex somatosensoriels primaire et secondaire. Elle code de manière spécifique l’intensité, la spatialité, et la modalité du stimulus. • La voie spinothalamique médiale (faisceau paléospino-réticulo-thalamique) se termine au niveau du cortex limbique, qui comprend le cortex cingulaire antérieur et l’insula rostrale. Ces structures sont responsables de la composante émotionnelle de la douleur. La projection d’informations nociceptives sur l’hypothalamus est à l’origine de réponses neuroendocrines à la douleur (augmentation de la sécrétion des hormones médullosurrénaliennes). De plus, les réflexes au niveau du tronc
cérébral avec les noyaux végétatifs de la substance réticulée et des nerfs crâniens (III, VII, IX, X) sont responsables des modifications végétatives de l’activité cardiovasculaire (tachycardie, hypertension), respiratoires (tachypnée) et mydriase. Le concept de « pain matrix » intègre toutes les zones concernées par le phénomène de la douleur au niveau cérébral. Les éléments de ce réseau traitent de manière spécifique mais non exclusive les divers aspects de la douleur, comme l’anticipation, la discrimination, la perception affective. Appartiennent à cet immense réseau : les cortex somatosensoriels primaire et secondaire, les cortex cingulaires antérieur et postérieur, le cortex
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Figure 2.3. Organisation supraspinale du faisceau spinothalamique.
préfrontal, le cortex pariétal postérieur, l’insula, le thalamus, l’hypothalamus, l’amygdale, la substance grise périaqueducale, les noyaux parabrachiaux et les ganglions de la base [6].
Classification et type de douleurs Les douleurs sont généralement classées en quatre groupes [7] : • nociceptive : douleur transitoire résultant de lésions tissulaires et de l’activation des nocicepteurs (par exemple : fracture ou entorse). Elle est aiguë et implique un système nerveux afférent normal, spécialisé dans le signalement du danger ; • inflammatoire : autrefois appelée douleur par excès de nociception, elle résulte d’une hypersensibilité secondaire à une lésion tissulaire ou à une inflammation. Elle peut être aiguë (par exemple : douleur postopératoire ou coup de soleil) ou chronique dans le cadre d’une atteinte rhumatologique de type arthrosique. Elle présente une
utilité en phase aiguë, permettant la mise au repos pendant la réparation du dommage ; • neuropathique : associée à une lésion ou une atteinte du système nerveux somatosensoriel, (par exemple : radiculopathie ou névralgie postherpétique) ; • dysfonctionnelle : douleur chronique dont l’origine n’est a priori ni une inflammation, ni une lésion nerveuse évidente. La cause serait un traitement inadéquat de l’information par les centres modulateurs de la douleur, d’origine centrale, résultant en un équilibre perturbé entre excitation et inhibition et un seuil de perception douloureuse abaissé (par exemple : fibromyalgie, côlon irritable ou céphalées tensionnelles).
Modulation du signal douloureux Différents filtres limitent l’afflux d’informations émanant du système nociceptif vers le cerveau.
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Figure 2.4. La théorie du portillon.
La théorie du portillon (gate control theory) La théorie du portillon (figure 2.4) décrit le blocage de l’influx nociceptif par un stimulus non nociceptif entre le neurone périphérique et le neurone central au niveau de la moelle épinière. Cette réaction semble résulter de l’inhibition du neurone central par des interneurones inhibiteurs de la corne dorsale. Cette théorie, décrite par Wall et Melzack en 1965, a permis de combler partiellement les lacunes des théories de l’intensité (les influx nociceptifs suivent les mêmes voies que les influx non douloureux, mais ont une intensité plus forte), et de la spécificité (la transmission des modalités douloureuses et non douloureuses se fait par des voies entièrement séparées) [8].
L’inhibition descendante Les voies descendantes inhibitrices prennent leurs origines dans la substance grise périaqueducale (PAG), la moelle rostroventrale (RVM), le locus coeruleus, le gyrus cingulaire antérieur, l’amygdale et l’hypothalamus (figure 2.5). Une série de neurotransmetteurs sont impliqués : la sérotonine, la noradrénaline, la dopamine et les opiacés endogènes [1]. Le contrôle descendant est subdivisé en deux systèmes :
Figure 2.5. Voies descendantes.
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• le système PAG-RVM, médian, agit préférentiellement sur les influx nociceptifs transmis par les fibres C ; • le système latéral implique le noyau réticulaire dorsal et la moelle ventrolatérale [9]. Le contrôle descendant n’est pas purement inhibiteur. Au niveau de la RVM, il est composé de cellules on/off recrutées par les centres supérieurs impliqués dans la peur, la maladie ou le stress. Ces cellules maintiennent un seuil de stimulation dépendant des conditions du moment et contribuent aux états douloureux chroniques pathologiques. Elles semblent jouer un rôle aussi dans l’effet placebo, ou dans les réponses à diverses techniques utilisées dans le traitement des douleurs chroniques, comme l’hypnose [10].
Conséquences cliniques La douleur nociceptive aiguë est un signal d’alarme nécessaire à notre survie. Les patients atteints d’insensibilité congénitale ont une espérance de vie réduite en raison de l’accumulation de traumatismes les plus divers au cours de leur existence. Les phénomènes de sensibilisation et de modulation interviennent dans la présentation clinique et la prise en charge. L’allodynie et l’hyperalgésie peuvent être la conséquence d’une sensibilisation périphérique ou centrale. Une bonne connaissance de la pathophysiologie, des concepts de sensibilisation et de la modulation de la douleur est nécessaire à la compréhension, l’évaluation et au traitement de la douleur chronique. Peu d’études précliniques basées sur la pathophysiologie ont abouti à ce jour à des traitements efficaces. La dimension multifacettaire de la douleur nécessite une approche thérapeutique plus globale.
Sensibilisation centrale et périphérique Lorsque la stimulation nociceptive se prolonge, des phénomènes de sensibilisation apparaissent, tant au niveau périphérique qu’au niveau
central. La distinction entre douleur inflammatoire et douleur neuropathique n’est pas toujours aisée. Dans les deux cas, les mécanismes qui sous-tendent la chronicisation se superposent souvent. Le concept de « neuro-inflammation » implique une communication entre le système nerveux et le système immunitaire/ inflammatoire.
La sensibilisation périphérique Après une lésion tissulaire périphérique, les cellules lésées et les cellules inflammatoires attirées sur le site de la lésion libèrent de nombreux médiateurs, la « soupe inflammatoire » (prostaglandines PGE1 et PGE2, ATP/ADP, sérotonine, bradykinine, nerve growth factor, ions H+). Ces médiateurs agissent sur des récepteurs spécifiques situés sur les neurones nocicepteurs. La « soupe inflammatoire » induit, par exemple, une modification des récepteurs TRPV1 et TRPA1, à l’origine de l’abaissement du seuil de sensibilité au chaud et au froid. Les influx se dirigent vers la terminaison centrale, mais reviennent aussi vers la périphérie (réflexe axonal antidromique). Cela libère des neuromédiateurs, la substance P et le peptide relié au gène calcitonine (CGRP), présents dans les nocicepteurs, responsables de l’inflammation neurogène. Ces médiateurs agissent au niveau de leurs récepteurs (neurokinin 1 et CGRP1) et activent le chimiotactisme des cellules inflammatoires (neutrophiles, macrophages et lymphocytes), la dégranulation des mastocytes, l’accélération du flux sanguin, la perméabilité de l’endothélium vasculaire, et l’allumage des cellules dendritiques responsables de la différentiation de lymphocytes T [11]. La lésion tissulaire induit des changements d’expression génétique au niveau du ganglion spinal qui, sur le long terme, modifient la réponse des fibres afférentes (plasticité du nocicepteur). L’expression des canaux sodiques est augmentée, celle des canaux potassiques est diminuée. Les canaux sodiques proches des lésions nerveuses participent à l’excitabilité périphérique. Une activité ectopique dans les nerfs lésés et non lésés adjacents contribue à la sensibilisation centrale (figure 2.6).
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Figure 2.6. Sensibilisation périphérique.
La sensibilisation centrale Après avoir cheminé dans la racine dorsale, les terminaisons centrales font synapse avec les neurones secondaires de la corne dorsale de la moelle épinière. Les synapses excitatrices sont principalement glutamatergiques. L’action du glutamate sur les récepteurs AMPA provoque l’entrée rapide de sodium dans le second neurone. Lors d’une activité soutenue, le récepteur NMDA, préalablement bloqué par un ion Mg2+, est activé et déclenche l’entrée de calcium au niveau post-synaptique. Divers neurotransmetteurs et facteurs trophiques (substance P et CGRP) sont également libérés. Ces médiateurs possèdent la capacité de moduler la réponse par la phosphorylation de récepteurs post-synaptiques, qui entraîne une réponse plus puissante et prolongée, et par l’augmentation du nombre de ces récepteurs. Vient ensuite l’expression de nouveaux gènes, comme par exemple la Cox-2, permettant de synthétiser des prostaglandines), qui agissent au niveau pré- et post-synaptique. Les premiers phénomènes apparaissent en quelques secondes et durent quelques minutes. Les réactions suivantes peuvent n’apparaître qu’après plusieurs jours et persister longtemps. L’irréversibilité de certains
mécanismes de sensibilisation apparaît lors de la mort neuronale (apoptose) des neurones inhibiteurs de la corne dorsale qui participent à la perte de l’inhibition, facilitant ainsi la transmission du signal nociceptif. Le caractère irréversible de la mort neuronale est controversé : un groupe de chercheurs a transplanté chez l’animal des précurseurs de cellules inhibitrices gabaergiques cérébrales dans la moelle. Non seulement ces cellules ont survécu, mais elles se sont connectées au réseau et ont atténué la douleur neuropathique modélisée [12]. De manière moins définitive, les interneurones inhibiteurs gabaergiques ou glycinergiques peuvent être modulés, exercer un effet inhibiteur moins marqué, voire développer un effet excitateur en fonction des gradients ioniques auxquels ils sont exposés. Le concept de désinhibition est une cible thérapeutique intéressante [13]. Parallèlement à ces phénomènes neuronaux, on observe une activation des cellules non neuronales, en particulier des astrocytes et de la microglie (équivalent de la lignée des monocytes/ macrophages du système nerveux central). Une lésion nerveuse, même périphérique, entraîne d’abord des modifications morphologiques de la microglie, de ses propriétés et de l’expression
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Figure 2.7. Sensibilisation centrale.
de ses gènes [14]. La microglie modifiée sécrète ensuite des médiateurs inflammatoires (brainderived neurotrophic factor) qui exercent leur influence sur les neurones, par exemple en modifiant le gradient électrochimique du chlore dans les neurones de projection, rendant les neurones inhibiteurs gabaergiques excitateurs [15]. La sensibilisation centrale permet d’augmenter le gain de la synapse. En clinique, elle se traduit par les phénomènes d’allodynie et d’hyperalgésie périlésionnelle (figure 2.7) [16]. L’allodynie est définie par une douleur provoquée par un stimulus mécanique ou thermique habituellement indolore, comme l’effleurement de la peau par les vêtements. L’hyperalgésie se manifeste par une réponse accrue à un stimulus douloureux. Références 1.
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Chapitre 3 L’évaluation de la douleur chronique Christophe Perruchoud L’évaluation du patient douloureux chronique inclut une anamnèse, un examen clinique et, d’éventuels examens paracliniques en fonction de la situation. Une cartographie détaillée des zones douloureuses et l’utilisation de questionnaires ciblés et validés permettent d’obtenir une évaluation initiale précise et constituent des outils utiles pour le suivi du patient.
Anamnèse Bien qu’orientée et structurée, l’anamnèse doit offrir au patient la possibilité de s’exprimer librement. L’examinateur s’informera des éléments suivants : • Ancienneté de la douleur (semaines, mois, années, dates précises). • Apparition de la douleur : – circonstances exactes (maladie, traumatisme, accident de travail, chirurgie, choc émotionnel ou professionnel) ; – modalités d’apparition (progressive, brutale, récidivante) ; – description de la douleur initiale ; – signes et symptômes associés ; – investigations et diagnostics préliminaires ; – modalités de prise en charge, traitements préalables ou en cours (intolérances médicamenteuses, effets secondaires) ; – impact psychologique (anxiété, dépression, troubles du sommeil), fonctionnel et professionnel ; – évolution/mode évolutif de la douleur : permanent, récidivant, intermittent. • Douleur actuelle : – cartographie des zones douloureuses ;
– zones d’irradiations douloureuses ; – présentation (douleur continue, intermittente, paroxystique) ; – qualité de la douleur (brûlure, piqûre, serrement, crampe, courbature, décharge électrique, pesanteur, coup de couteau) ; – symptômes sensitifs négatifs (hypoesthésie mécanique ou thermique, hypoalgésie, hypopallesthésie) et positifs (paresthésie, dysesthésie, allodynie, hyperalgésie) ; – intensité de la douleur, minimale et maximale, au repos et à l’effort ; – horaire des douleurs (aggravation nocturne, dérouillage matinal) ; – facteurs aggravants et apaisants ; – influences météorologiques ; – critères de gravité (fièvre, sudation, infection, traumatisme récent, perte de poids, inappétence, antécédents oncologiques) ; – impact psychologique (anxiété et dépression) ; – impact fonctionnel et professionnel ; – troubles du sommeil (normal, perturbé, latence d’endormissement, réveils précoces ou itératifs). • Comorbidités et antécédents médicochirurgicaux, expériences douloureuses antérieures. • Contexte familial. • Contexte socioprofessionnel. • Contexte médicolégal (plainte, situation assécurologique, indemnités perçues ou attendues, situation financière). • Contexte cognitivocomportemental (représentation de la maladie, croyance, attitude face à la pathologie douloureuse, compliance thérapeutique, attente du patient).
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Figure 3.1. Échelle numérique papier, échelle visuelle analogique papier et réglette.
Intensité de la douleur De par sa nature entièrement subjective, la douleur est difficile à mesurer. Sa perception est largement influencée par des facteurs cognitivocomportementaux propres à chaque individu. L’intensité de la douleur peut être évaluée de façon reproductible grâce à plusieurs types d’échelles d’autoévaluation.
Échelles d’autoévaluation L’échelle visuelle analogique (EVA) existe sur papier ou sous la forme d’une réglette munie d’un curseur mobile (figure 3.1). Elle est représentée par une ligne horizontale ou verticale de 100 mm de long, orientée de gauche à droite ou de bas en haut, sur fond blanc. Les extrémités sont respectivement libellées « pas de douleur » et « pire douleur imaginable ». Le patient note
l’intensité de sa douleur par un trait sur la ligne (papier) ou en déplaçant le curseur le long de la réglette. La distance mesurée en millimètres (0 à 100) entre l’extrémité « pas de douleur » et la marque du patient indique l’intensité de la douleur. L’EVA est une échelle simple et rapide d’utilisation, nécessitant peu d’instruction au patient et pouvant être répétée plusieurs fois par jour. Son emploi est toutefois limité chez les enfants ou chez les patients âgés souffrant de troubles cognitifs. Les scores d’EVA inférieurs à 3 correspondent à des douleurs légères, de 3 à 6 à des douleurs modérées. Les scores supérieurs à 6 indiquent des douleurs sévères à intolérables. Les échelles numériques (EN) se présentent sous forme écrite ou orale. Dans leur forme orale, le soignant demande au patient de chiffrer sa douleur entre 0 (« pas de douleur ») et 10 (« pire douleur imaginable »). L’EN écrite comprend 11 chiffres alignés verticalement ou horizontalement, entre 0 (« pas de douleur ») et 10 (« pire
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Figure 3.2. Échelle des visages.
douleur imaginable »). Le patient entoure ou désigne le chiffre correspondant à l’intensité de sa douleur. Excellentes alternatives à l’EVA, les EN permettent d’obtenir une mesure de la douleur au moment de la consultation, mais également de manière rétrospective. Les échelles verbales simples (EVS) offrent un choix d’adjectifs définissant l’intensité de la douleur : absente, faible, modérée, intense, extrêmement intense. Les EVS sont généralement réservées aux personnes avec une faible capacité d’abstraction. L’échelle des visages présente des expressions faciales illustrant des douleurs d’intensité croissante (figure 3.2). Elle constitue une alternative particulièrement appropriée chez les enfants. Les échelles unidimensionnelles d’autoévaluation permettent d’évaluer la réponse à un traitement antalgique et facilitent le suivi du patient. Elles n’apportent toutefois pas d’information sur l’étiologie des douleurs et ne permettent pas d’établir des comparaisons entre les patients.
Échelles d’hétéroévaluation Les échelles d’hétéroévaluation, basées sur l’appréciation de la douleur par une tierce personne, sont utilisées chez les patients atteints de troubles cognitifs ou incapables de communiquer. Elles font appel à six classes de comportements : • expressions faciales : grimaces, froncements de sourcils ; • verbalisation et vocalisation : gémissements, appels, soupirs ; • attitude corporelle : protection, changement d’attitude, rigidité, agitation ; • comportement social : agressivité, isolement, résistance aux soins ; • changement dans les activités : refus de s’alimenter, modification du sommeil ;
• changement de l’état psychologique : irritabilité, confusion, pleurs. Quatre échelles d’hétéroévaluation sont validées en langue française : DOLOPLUS, ECPA-2, ALGOPLUS et PACSLAC. L’échelle DOLOPLUS , constituée de 10 items, gradués de 0 à 3, évalue trois aspects de la douleur : ses effets somatiques (plaintes, position antalgique, protection de zones douloureuses, mimiques, sommeil), psychomoteur (toilette-habillage, mouvements) et psychosocial (communication, vie sociale, troubles du comportement). Un état douloureux se définit par un score supérieur ou égal à 5/30. L’ECPA-2 (échelle comportementale pour personne âgée ) se base sur la différence d’attitude du patient avant les soins (grimaces, positions spontanées et mouvements) et pendant les soins (anticipation anxieuse, réaction pendant la mobilisation, plaintes). Elle contient huit items de quatre degrés d’intensité. Le PACSLAC (pain assessment check-list for senior with limited ability to communicate) comprend 60 items explorant quatre dimensions : expressions faciales, activités et mouvements du corps, comportement/personnalité/humeur, autres. L’échelle ALGOPLUS comporte cinq éléments : expression du visage, expression du regard, plaintes, attitudes corporelles et comportement général. Un score supérieur ou égal à 2/5 permet de diagnostiquer un état douloureux.
Topographie des douleurs Une image schématique du corps humain (de face, de dos et de profil) facilite la description des zones douloureuses et des symptômes sensitifs (figure 3.3). Les informations fournies par le patient permettent d’orienter le bilan étiologique et sont très utiles pour le suivi.
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Figure 3.3. Cartographie des douleurs et des symptômes sensitifs.
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Questionnaires Évaluation de la douleur neuropathique Plusieurs outils permettant de différencier une douleur neuropathique d’une douleur nociceptive ont été validés ces dernières années [1]. Certains se basent uniquement sur l’interrogatoire (PainDETECT, Neuropathic Pain Questionnaire, ID Pain), alors que d’autres s’appuient sur l’anamnèse et l’examen clinique (Douleur neuropathique en quatre questions, Leeds Assessment of Neuropathic Symptoms and Signs, Standardized Evaluation of Pain). Caractériser le type de douleur a une importance sémiologique et thérapeutique, compte tenu du fait que les traitements sont spécifiques à chaque type de douleur. Le PainDETECT a été conçu pour déceler la composante neuropathique d’une lombalgie chronique. Ce test, validé auprès de 8 000 patients, a une sensibilité et une spécificité proches de 80 % [2]. Le Neuropathic Pain Questionnaire (NPQ) contient 12 items et permet de différencier les composantes neuropathique et nociceptive avec une sensibilité de 66,6 % et une spécificité de 74,4 % [3]. Le NPQ ne doit pas être confondu avec le Neuropathic Pain Scale (NPS), qui évalue les différentes caractéristiques de la douleur neuropathique, mais ne permet pas de faire la distinction entre douleurs nociceptive et neuropathique [4]. Le Leeds Assessment of Neuropathic Symptoms and Signs (LANSS) comporte sept items relatifs à la composante sensorielle de la douleur [5]. Les cinq premières questions s’intéressent à la présence de sensations désagréables (piqûres, picotements, fourmillements), à l’apparence de la peau (rougeur, marbrure), à l’hypersensibilité au toucher, aux décharges électriques et à la sensation de brûlure. Les deux dernières questions portent sur l’examen clinique à la recherche d’une allodynie et d’une altération du toucher-piquer.
Un score supérieur à 12/24 signe la présence d’une douleur neuropathique, avec une sensibilité de 85 %, une spécificité de 80 % et une valeur prédictive positive de 82 %. Le questionnaire Douleur neuropathique en quatre questions (DN4), que remplit l’examinateur, comporte quatre questions totalisant 10 items (figure 3.4). Sept d’entre eux sont basés sur l’anamnèse (sensation de brûlure, de froid douloureux, présence de décharges électriques, douleur associée à des fourmillements, picotements, engourdissements ou démangeaisons), et trois sur l’examen clinique (hypoesthésie au toucher, à la piqûre et allodynie mécanique) [6]. Chaque symptôme ou signe compte un point. Un score ≥ 4 est hautement suspect d’une douleur neuropathique. Le DN4 a une valeur prédictive positive de 86 %, une sensibilité de 82,9 % et une spécificité de 89,9 %. Le Standardized Evaluation of Pain (StEP) se compose de six questions et 10 tests cliniques. Il est destiné au patient souffrant de lombalgie chronique [7]. Sa sensibilité et sa spécificité dans la détection de la douleur neuropathique sont supérieures à 90 %. À côté de l’intensité, du type et de la topographie des douleurs, les composantes physique, psychologique, sociale, comportementale et cognitive peuvent également être évaluées.
Description verbale de la douleur Le McGill Pain Questionnaire (MPQ) est un questionnaire de 78 mots distribués en 25 sousclasses d’adjectifs permettant de qualifier la douleur. Le MPQ est un outil très pratique, traduit en plusieurs langues et largement utilisé en recherche clinique. La version française, intitulée Questionnaire de Saint-Antoine (QDSA), comporte moins de mots que le MPQ (61 mots). Certains qualificatifs orientent le diagnostic, en particulier en cas de douleurs neuropathiques et renseignent le praticien sur le retentissement affectif de la douleur (figure 3.5).
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Figure 3.4. Le questionnaire Douleur neuropathique en quatre questions (DN4).
Questionnaires multidimensionnels Le Brief Pain Inventory (BPI) explore les aspects principaux de la douleur : intensité, soulagement, incapacité fonctionnelle, retentissement social, vie relationnelle et détresse psychologique. La version française est connue sous le nom de Questionnaire concis sur les douleurs — QCD (figure 3.6). Le BPI est validé pour l’évaluation de la douleur cancéreuse et non cancéreuse. Le Multidimensional Pain Inventory (MPI) intègre la plupart des composantes de la douleur, mais la traduction française n’est pas validée à ce jour. Le MPI est considéré comme l’outil de
choix pour l’évaluation de l’efficacité de la rééducation chez le douloureux chronique. Il permet d’identifier différents groupes de patients : ceux qui réagissent de manière adaptée, les patients dysfonctionnels et les patients présentant des difficultés interpersonnelles.
Évaluation de la capacité fonctionnelle Les effets de la douleur sur les capacités fonctionnelles sont évalués à l’aide d’échelles multidimensionnelles ou de questionnaires spécifiques. Parmi les questionnaires multidimensionnels, figurent
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Figure 3.5. Le questionnaire de Saint-Antoine.
le Medical Outcome Study Short Form-36 (MOS SF-36), le MPI ou le BPI. Plusieurs questionnaires validés permettent d’évaluer spécifiquement l’incapacité fonctionnelle. Les deux outils les plus répandus sont l’Oswestry Disability Index (ODI) (tableau 3.1) et le Roland Disability Questionnaire (RDQ). L’ODI, utilisé en cas de douleur du rachis, comporte 10 items gradués de 0 à 5. Le score final (exprimé en pourcentage d’incapacité) représente le total des scores obtenus pour chaque question, divisé par (50 - 5 fois le nombre de questions restées sans réponse) x 100.
Évaluation de la qualité de vie Dans les analyses coût-utilité, les effets d’un traitement sont souvent décrits en QALY (Quality Adjusted Life Year). Cet indicateur pondère le temps passé dans un état de santé donné par un coefficient rendant compte de la valeur accordée à cet état. L’utilisation d’un tel indicateur suppose de connaître, d’une part l’état de santé du patient, d’autre part la valeur affectée à cet état par la collectivité. Des index d’états de santé pondérés par les préférences, ou index d’utilité, ont été développés. L’un des plus utilisés, du fait de sa
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Évaluation de la douleur et examens complémentaires
Figure 3.6. Le questionnaire concis sur les douleurs.
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE MEDICALE Chapitre 3. L’évaluationSCIENCE de la douleur chronique
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Tableau 3.1. L’Oswestry Disability Index (ODI). Douleur (ne cocher qu’une case)
h Je ne ressens aucune douleur actuellement h La douleur est très légère actuellement h La douleur est modérée actuellement h La douleur est assez intense actuellement h La douleur est très intense actuellement h La douleur est la pire que l’on puisse imaginer
Soins personnels (ne cocher qu’une case)
h Je peux effectuer normalement mes soins personnels sans douleur supplémentaire h Je peux effectuer normalement mes soins personnels, mais c’est très douloureux h Effectuer mes soins personnels est douloureux et je dois prendre des précautions et faire attention h Je peux effectuer mes soins personnels, mais j’ai besoin d’aide h J’ai besoin d’aide chaque jour pour la plupart de mes soins personnels h Je ne peux pas m’habiller, je me lave avec difficulté et je reste au lit
Soulèvement d’objets (ne cocher qu’une case)
h Je peux soulever des objets lourds sans augmenter la douleur h Je peux soulever des objets lourds mais la douleur augmente h La douleur m’empêche de soulever des objets lourds qui se trouvent au sol, mais je peux les soulever s’ils sont à ma portée (par ex., sur une table) h La douleur m’empêche de soulever des objets lourds, mais je peux soulever des objets légers ou moyennement lourds s’ils sont à ma portée h Je ne peux soulever que des objets très légers h Je ne peux rien soulever
Marche (ne cocher qu’une case)
h La douleur ne m’empêche pas de marcher, quelle que soit la distance h La douleur m’empêche de marcher au-delà de 1600 mètres h La douleur m’empêche de marcher au-delà de 800 mètres h La douleur m’empêche de marcher au-delà de 100 mètres h Je ne peux marcher qu’avec une canne ou des béquilles h Je reste au lit la plupart du temps et je dois me traîner jusqu’aux toilettes
Position assise (ne cocher qu’une case)
h Je peux rester assis(e) sur un siège aussi longtemps que je le veux h Je peux rester assis(e) sur mon siège favori aussi longtemps que je le veux h La douleur m’empêche de rester assis(e) pendant plus d’une heure h La douleur m’empêche de rester assis(e) pendant plus d’une demi-heure h La douleur m’empêche de rester assis(e) pendant plus de 10 minutes h La douleur m’empêche de rester assis(e)
Position debout (ne cocher qu’une case)
h Je peux me tenir debout aussi longtemps que je le veux sans augmenter la douleur h Je peux me tenir debout aussi longtemps que je le veux mais la douleur augmente h La douleur m’empêche de me tenir debout pendant plus d’une heure h La douleur m’empêche de me tenir debout pendant plus d’une demi-heure h La douleur m’empêche de me tenir debout pendant plus de 10 minutes h La douleur m’empêche de me tenir debout
Sommeil (ne cocher qu’une case)
h Mon sommeil n’est jamais perturbé par la douleur h Mon sommeil est parfois perturbé par la douleur h La douleur fait que je dors moins de 6 heures h La douleur fait que je dors moins de 4 heures h La douleur fait que je dors moins de 2 heures h La douleur m’empêche de dormir
Vie sexuelle (ne cocher qu’une case)
h Ma vie sexuelle est normale et ne me cause pas plus de douleur h Ma vie sexuelle est normale mais me cause plus de douleur h Ma vie sexuelle est presque normale, mais très douloureuse h Ma vie sexuelle est très limitée par la douleur h Je n’ai quasiment plus de vie sexuelle à cause de la douleur h La douleur m’empêche toute vie sexuelle
Vie sociale (ne cocher qu’une case)
h Ma vie sociale est normale et ne me cause pas plus de douleur h Ma vie sociale est normale mais me cause plus de douleur h La douleur n’a pas d’effet important sur ma vie sociale, sauf de limiter mes activités physiques (par exemple, les sports, etc.) h La douleur limite ma vie sociale et je ne sors pas aussi souvent h La douleur limite sérieusement ma vie sociale et je reste chez moi h Je n’ai pas de vie sociale à cause de la douleur
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Voyages (ne cocher qu’une case)
BIBLIOTHEQUE DE LAetRECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE Évaluation de la douleur examens complémentaires h Je peux voyager n’importe où sans me causer plus de douleur h Je peux voyager n’importe où mais ça me cause plus de douleur h La douleur est forte, mais je peux faire des déplacements de plus de deux heures h La douleur me limite à des déplacements de moins d’une heure h La douleur me limite à de courts déplacements essentiels de moins de 30 minutes h La douleur m’empêche de voyager sauf pour des traitements
Score : %
simplicité, est l’EuroQoL 5-dimensions (EQ5D). Les cinq aspects explorés sont la mobilité, l’autonomie, les activités courantes, la douleur ou la gêne, la dépression ou l’anxiété. Pour le calcul de l’index, le patient indique la gravité des problèmes rencontrés dans chacune des dimensions considérées. L’EQ-5D inclut l’EQ-5D VAS, constituée d’une échelle visuelle verticale de 20 cm, numérotée de 0 à 100, sur laquelle le patient note son état de santé actuel (figure 3.7).
Évaluation psychologique L’anxiété et la dépression sont deux paramètres fréquemment pris en compte. L’évaluation
psychologique est d’autant plus importante que les douleurs chroniques peuvent être à l’origine de troubles psychiatriques, l’inverse étant également possible. L’aspect psychologique est souvent inclus dans les questionnaires d’évaluation multidimensionnelle de la douleur chronique. Deux échelles simples, traduites en français, permettent d’explorer spécifiquement la dimension dépressive (Beck Depression Inventory ou BDI), l’anxiété et la dépression (Hospital Anxiety and Depression Scale ou HAD). Le HAD contient 14 questions, graduées de 0 à 3, également réparties entre dépression et anxiété (tableau 3.2). Un score compris entre 8 et 10 doit faire évoquer un état dépressif ou anxieux, un total de 10/21 le confirme.
Figure 3.7. L’EuroQoL 5-dimensions (EQ-5D) et l’EQ-5D VAS.
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE MEDICALE Chapitre 3. L’évaluationSCIENCE de la douleur chronique 27 Tableau 3.2. L’échelle Hospital Anxiety and Depression Scale (HAD). Anxiété 1. Je me sens tendu ou énervé
h Jamais h De temps en temps h Souvent h La plupart du temps
2. J’ai une sensation de peur comme si quelque chose d’horrible allait m’arriver
h Pas du tout h Un peu mais cela ne m’inquiète pas h Oui, mais ce n’est pas trop grave h Oui, très nettement
3. Je me fais du souci
h Très occasionnellement h Occasionnellement h Assez souvent h Très souvent
4. Je peux rester tranquillement assis à ne rien faire et me sentir décontracté
h Oui, quoi qu’il arrive h Oui, en général h Rarement h Jamais
5. J’éprouve des sensations de peur et j’ai l’estomac noué
h Jamais h Parfois h Assez souvent h Souvent
6. J’ai la bougeotte et n’arrive pas à tenir en place
h Pas du tout h Pas tellement h Un peu h Oui, c’est tout à fait le cas
7. J’éprouve des sensations soudaines de panique
h Jamais h Pas très souvent h Assez souvent h Vraiment très souvent
Dépression 8. Je prends plaisir aux mêmes choses qu’autrefois
h Oui, tout autant h Pas autant h Un peu seulement h Presque plus
9. Je ris facilement et vois le bon côté des choses
h Autant que par le passé h Plus autant qu’avant h Vraiment moins qu’avant h Plus du tout
10. Je suis de bonne humeur
h La plupart du temps h Assez souvent h Rarement h Jamais
11. J’ai l’impression de fonctionner au ralenti
h Jamais h Parfois h Très souvent h Presque toujours
12. Je me m’intéresse plus à mon apparence
h J’y prête autant d’attention qu’avant h Il se peut que je n’y fasse plus autant attention h Je n’y accorde pas autant d’attention que je devrais h Plus du tout
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Anxiété 13. Je me réjouis d’avance à l’idée de faire certaines choses
h Autant qu’avant h Un peu moins qu’avant h Bien moins qu’avant h Presque jamais
14. Je peux prendre plaisir à un bon livre ou à une bonne émission radio ou télévision
h Souvent h Parfois h Rarement h Très rarement
Résultats : Cette échelle explore les symptômes anxieux et dépressifs. Faire le total du versant anxiété et dépression : 21 points maximum pour chacun. Entre 8 et 10 : état anxieux ou dépressif douteux. Au-delà de 10 : état anxieux ou dépressif certain.
Examen clinique Pour éviter toute influence, l’examen physique est généralement effectué avant la consultation des examens radiologiques et complémentaires. Orienté par l’anamnèse et les antécédents du patient, l’examen clinique du patient douloureux chronique se concentre essentiellement sur l’appareil musculosquelettique et le système nerveux. Chaque région douloureuse est minutieusement examinée (inspection, palpation, mobilisation, amplitudes articulaires).
L’examen articulaire est complété par un examen physique général à la recherche de signes évocateurs d’une pathologie systémique ou de la manifestation systémique d’une arthropathie. L’examen neurologique comprend l’évaluation de la sensibilité (tactile, thermique, proprioceptive, toucher-piquer), de la force musculaire (tableau 3.3) et des réflexes ostéotendineux (tableaux 3.4–3.6). La manœuvre de Jendrassik permet de désinhiber des réflexes apparemment diminués. En demandant au patient de se concentrer sur la
Tableau 3.3. Évaluation de la force musculaire. Score
Évaluation d’un déficit musculaire
0
Aucune contraction
1
Contraction visible ou palpable n’entraînant aucun mouvement
2
Contraction permettant le mouvement en l’absence de pesanteur
3
Contraction permettant le mouvement contre la pesanteur
4
Contraction permettant le mouvement contre la résistance, mais la force réalisée reste déficitaire
5
Force musculaire normale
Tableau 3.4. Évaluation des réflexes. Score
Réponse observée
0
Aréflexie
1
Réflexe diminué
2
Réflexe normal
3
Réponse augmentée
4
Réponse très augmentée
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE MEDICALE Chapitre 3. L’évaluationSCIENCE de la douleur chronique 29 Tableau 3.5. Diagnostic topographique d’une atteinte radiculaire du membre supérieur. Racine
Déficits moteurs
Réflexe
Douleurs et/ou déficits sensitifs
C5
Abduction du bras, rotation de l’épaule
Bicipital
Moignon de l’épaule, face antérieure du bras
C6
Flexion du coude, supination de l’avant-bras, flexion du pouce
Stylo radial
Face antérieure du bras, face externe de l’avant-bras jusqu’au pouce
C7
Extension du coude, du poignet et des doigts, pronation de l’avant-bras
Tricipital
Face postérieure du bras jusqu’aux 2e et 3e doigts
C8-D1
Flexion des doigts, abduction des doigts
Cubitopronateur
Face interne du bras jusqu’aux 4e et 5e doigts
Tableau 3.6. Diagnostic topographique d’une atteinte radiculaire du membre inférieur. Racine
Déficits moteurs
Réflexe
Douleurs et/ou déficits sensitifs
L3
Extension du genou (muscles psoas et quadriceps fémoral)
Rotulien
Fesse Face antérieure de la cuisse, Face interne du genou
L4
Flexion dorsale du pied (muscle jambier antérieur)
Rotulien
Fesse Face externe de la cuisse, face antérieure du genou Face antéro-interne de la jambe
L5
Extenseurs des orteils (muscles péroniers latéraux et partiellement jambier antérieur)
-
Fesse Face postérieure de la cuisse Face externe de la jambe Face dorsale du pied et du gros orteil
S1
Flexion plantaire du pied (muscle triceps sural : marche sur la pointe des pieds difficile ou impossible)
Achilléen
Fesse Face postérieure de la cuisse, de la jambe, du talon, de la plante du pied et du petit orteil
traction latérale de ses deux mains, on induit un relâchement des autres groupes musculaires. L’hyperréflexie est le signe d’une atteinte centrale. Il est important de rechercher une extension de la zone réflexogène, un clonus (secousses répétées à l’étirement d’un muscle) ou un polycinétisme (réponses musculaires multiples après une stimulation unique). On recherche les irradiations douloureuses au niveau des dermatomes (figure 3.8), des territoires des nerfs périphériques (figures 3.9 et 3.10) ou des nerfs crâniens (figure 3.11). Les douleurs projetées peuvent être de deux types : rapportées ou référées. • Les douleurs rapportées sont liées à une atteinte située sur les voies nerveuses et sont perçues dans le territoire d’innervation correspondant à ces voies (par exemple : compression du nerf
sciatique par une hernie discale L5-S1 produisant une douleur radiculaire S1). • Les douleurs référées sont plus complexes et sont la conséquence du phénomène de convergence. Des influx nociceptifs de diverses origines (cutanée, tendinomusculaire, ligamentaire, ostéoarticulaire ou viscérale) convergent, sans atteinte des voies nerveuses, vers le même neurone de la corne postérieure de la moelle qui transmet les afférences au niveau du thalamus et du cortex. L’origine de ces influx est mal interprétée par le cortex qui possède une capacité discriminative précise pour la peau ou les articulations, mais beaucoup plus imprécise pour les muscles et quasiment absente pour les viscères. Ainsi la sensation douloureuse provenant d’un viscère peut être localisée à tort dans la zone cutanée correspondant au même métamère.
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Figure 3.8. La distribution des dermatomes.
Figure 3.9. Les territoires d’innervation sensitive du membre supérieur.
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Figure 3.10. Les territoires d’innervation sensitive du membre inférieur.
Figure 3.11. Les territoires d’innervation sensitive de la tête.
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Examen de la colonne cervicale L’examen de la colonne cervicale est effectué sur un patient assis. Il inclut les éléments suivants : • Inspection de l’alignement des épineuses et de la lordose cervicale. • Palpation des apophyses épineuses et articulaires postérieures par segment : segment supérieur : C0-C3, moyen : C4-C5 et inférieur C6-C7. C2, C4 (en regard de l’angle de la mandibule) et C7 (vertèbre cervicale la plus proéminente) constituent les repères anatomiques externes. • Palpation des muscles : élévateur de l’épaule, splénius du cou, trapèze, semi-épineux de la tête, transversaire épineux et sous-occipitaux, à la recherche de cordons myalgiques, de contractures musculaires ou d’atrophie. • Évaluation de l’amplitude des mouvements actifs en rotation (normale : 80°), en flexion (normale : 45°), en extension (normale : 45°) et en inclinaison (normale : 45°), et recherche des limitations (douloureuses ou indolores). • Manœuvre de Spurling (ou test de compression foraminale) à la recherche d’une irritation radiculaire. La pression sur une racine nerveuse atteinte aggrave la douleur radiculaire ou les dysesthésies associées. La tête est inclinée du côté symptomatique et l’examinateur effectue une pression axiale sur le sommet de la tête. La manœuvre est positive si la douleur radiculaire est augmentée (spécificité élevée, faible sensibilité). • Manœuvre de distraction à la recherche d’une irritation radiculaire par diminution de la tension sur la racine nerveuse atteinte. Le test consiste à étirer la tête du patient. Il est positif si la douleur radiculaire ou les dysesthésies diminuent (spécificité élevée, mais sensibilité faible). • Manœuvre d’abduction de l’épaule à la recherche d’une irritation radiculaire par diminution de la tension sur la racine nerveuse atteinte. Le test consiste en une abduction passive complète de l’épaule du côté symptomatique. Il est positif si la douleur radiculaire ou les dysesthésies diminuent au niveau des racines C4 à C6 (spécificité élevée, faible sensibilité).
• Examen neurologique : recherche des signes déficitaires (moteurs, sensitifs ou réflexes) permettant de préciser le territoire radiculaire ou périphérique. • Signe de Hoffmann : la flexion forcée de la phalange distale de l’index suivie de son relâchement brusque entraîne une flexion des doigts et du pouce en présence d’un syndrome pyramidal. • Le diagnostic différentiel d’une cervicobrachialgie inclut les pathologies d’origine non cervicale : atteinte de la coiffe des rotateurs (trajet douloureux évoquant une radiculalgie C5 ou C6), syndrome de Parsonage et Turner (plexopathie brachiale aiguë d’origine inconnue associant douleurs de l’épaule et du bras avec une amyotrophie secondaire), syndrome du défilé thoracique (trajet C8), épicondylalgie ou syndrome du canal carpien (trajet C6). • Manœuvre de Roos (ou manœuvre du chandelier dynamique ) : cette manœuvre permet de reproduire les symptômes du syndrome du défilé thoracique (douleur graduelle au niveau de la colonne cervicale, l’épaule et le bras, ou paresthésies dans les avant-bras et les doigts). On demande au patient de lever les bras en abduction et rotation externe, de fléchir les coudes à 90°, et d’ouvrir et fermer les doigts pendant 3 minutes. Ce test est le plus fiable dans le diagnostic du syndrome du défilé thoracique.
Examen de la colonne thoracique L’examen de la colonne thoracique est effectué sur un patient debout. Il inclut les éléments suivants : • Inspection de la cyphose dorsale : – recherche de déviation latérale (scoliose vraie avec rotation vertébrale ou attitude scoliotique antalgique) ou antérieure (cyphose) ; – différence de hauteur des épaules, asymétrie thoracique. La scoliose peut être dorsale, cervicodorsale ou dorsolombaire ; – caractérisation de la scoliose (concave ou convexe).
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• Palpation des épineuses et de la région paravertébrale. • Palpation musculaire à la recherche de cordons myalgiques, de contractures musculaires ou d’atrophie. • Évaluation de l’amplitude des mouvements actifs : – rotation (normale : 50°), flexion (normale : 20°), extension (normale : 10°) et inclinaison avec contre-pression de la main opposée (normale : 35°) ; – recherche des limitations (douloureuses ou indolores). Les mouvements de la colonne thoracique sont limités, notamment en raison des articulations costales. • Mesure de l’ampliation thoracique (normale : 6 cm). • Signe de Foletti : une hypoesthésie thermique au froid en regard de la charnière dorsolombaire est fréquente dans le syndrome de Maigne.
Examen de la colonne lombaire L’examen de la colonne lombaire inclut les éléments suivants : En position debout • Évaluation de la marche, à la recherche d’anomalies provoquées par la douleur, une faiblesse musculaire, une atteinte neurologique ou une asymétrie des membres inférieurs. La boiterie antalgique est due à une douleur au niveau du dos ou du membre inférieur dans son entier. Elle se présente généralement par une phase d’appui raccourcie du côté douloureux. En cas de claudication neurogène, la douleur peut limiter drastiquement le périmètre de marche. • Attitude antalgique (spontanée ou lors du déshabillage). • Inspection de la lordose lombaire (hyperlordose, rectitude, inversion), des déviations latérales (scoliose vraie avec rotation vertébrale, attitude scoliotique antalgique), déviation de la ligne du bassin. • Palpation des muscles multifidus, de l’érecteur du rachis, des fessiers et du pyramidal à la recherche de cordons myalgiques, de contractures musculaires ou d’atrophie.
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• Évaluation de l’amplitude des mouvements actifs : rotation (normale : 30°), flexion (normale : 90°), extension (normale : 30°) et inclinaison (normale : 30°). Recherche des limitations (douloureuses ou indolores). Une douleur lombaire en extension évoque une lyse isthmique ou un canal étroit avec ou sans spondylolisthésis. Aucune étude n’a démontré de corrélation claire entre une douleur du rachis lombaire à l’extension et la présence d’arthrose au niveau des articulations postérieures [8]. Sept facteurs corrélés de façon significative avec un syndrome facettaire ont été décrits par Jackson : âge avancé, antécédent de lombalgie, marche normale, douleur maximale en extension, absence d’irradiation dans le membre inférieur, absence de spasme musculaire et absence d’impulsivité [9]. Une douleur radiculaire provoquée par l’extension évoque une sténose foraminale et possiblement une discopathie inflammatoire. Une douleur lors de l’inclinaison du côté opposé à la lombalgie (« Lasègue du tronc ») peut être le signe d’une atteinte des branches postérieures cutanées des racines D12, L1 et L2 (charnière dorsolombaire). • Mesure de la distance doigts-sol (DDS) en centimètres (normale : 0 cm). La raideur liée à la contraction des muscles spinaux évoque une pathologie discale ou arthrosique lombaire. La douleur peut n’être présente qu’à mi-course ou en fin d’exercice et disparaître par la suite (passage ou arc douloureux). • Le test de Schöber mesure le degré de souplesse de la colonne lombaire. Le protocole du test consiste à effectuer deux marquages sur le patient en position debout. Le premier au niveau de l’apophyse épineuse de L5 et le second 10 cm plus haut. L’allongement de cette distance est ensuite mesurée en flexion antérieure maximale. L’écart doit être supérieur à 4 cm (indice de Schöber = + 4). En décubitus ventral • Palpation segmentaire depuis la charnière dorsolombaire jusqu’au sacrum : décrite par Maigne [10], la manipulation qui consiste à associer
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pression et frictions latérales de l’articulation postérieure (à 1 cm de la ligne médiane) permet de détecter le segment mobile douloureux concerné et non l’origine articulaire postérieure des douleurs. La pression postéroantérieure de l’épineuse (Spring Test) est utile pour mettre en évidence une discopathie symptomatique. La palpation du ligament interépineux permet de déceler une bursite interépineuse. La pression latérale de l’apophyse épineuse provoque un mouvement de rotation de la vertèbre et complète l’examen segmentaire. Les manœuvres de l’examen segmentaire révèlent les douleurs d’origine rachidienne. • Signe de la sonnette : le déclenchement d’une douleur radiculaire à la palpation para-épineuse oriente le diagnostic vers une atteinte radiculaire. • Signe de Léri (ou Lasègue inversé) : la flexion du genou à 90° suivie de l’élévation de la cuisse avec mouvement d’extension de la hanche réveille généralement la cruralgie. Ce test a une spécificité élevée, mais une faible sensibilité. En décubitus dorsal Le signe de Lasègue reproduit la douleur radiculaire dans le membre inférieur après élévation passive de la jambe tendue. Le signe de Lasègue est positif lorsque la douleur apparaît à un angle d’élévation inférieur à 60°. La manœuvre de Lasègue a une sensibilité élevée, mais une faible spécificité. Deux manœuvres supplémentaires aident à confirmer le diagnostic : la dorsiflexion du pied aggrave la douleur, alors que la flexion du genou l’atténue. Le signe de la sonnette et les efforts physiologiques brusques comme le Valsalva, la toux ou l’éternuement (signe de Déjerine ) sont également évocateurs de compression radiculaire. Le signe de Lasègue croisé ou signe de Bechterew (douleur reproduite par l’élévation de la jambe controlatérale) est un signe de sévérité. La manœuvre de Lasègue, qui peut être réalisée à l’insu du patient assis, ne provoque pas seulement une traction sur les racines nerveuses L5 et S1, mais également un étirement des muscles ischiojambiers et grands fessiers, une flexion de la charnière dorsolombaire (lors de l’élévation de la jambe au-delà de 60°) et une traction
sur le sac dural. En absence de radiculalgie, la manœuvre de Lasègue peut éveiller une douleur lombaire évoquant davantage une pathologie discale. Examen neurologique Il recherche de signes déficitaires (moteurs, sensitifs ou réflexes) permettant de préciser le territoire radiculaire ou périphérique. Réflexes cutanés Le réflexe cutané plantaire (L5, S1) obtenu par stimulation de la partie externe de la plante du pied (de l’arrière vers l’avant) se manifeste chez l’adulte sain par une flexion des orteils. Le signe de Babinski (ou signe de Koch ) correspondant à l’inversion du réflexe cutané plantaire avec extension du gros orteil, est pathognomonique d’un syndrome pyramidal. Le réflexe cutané abdominal (Th8 à Th12) est réalisé en stimulant les quatre quadrants abdominaux, de la périphérie vers l’ombilic. L’ombilic se déplace normalement vers le côté stimulé. Il est aboli du côté ipsilatéral en cas de lésion pyramidale.
Examen des articulations sacro-iliaques • Une atteinte de l’articulation sacro-iliaque n’est révélée par aucun signe clinique spécifique. La topographie des douleurs est essentiellement fessière, comme le suggère le « Finger Test » de Fortin, qui consiste à demander au patient de désigner avec un seul doigt le site de la douleur maximale. Ce signe est positif (ou fortement suspect d’une douleur d’origine sacro-iliaque) si le patient indique un point situé à moins d’un centimètre en dessous et en dedans de l’épine iliaque postérosupérieure. • Palpation minutieuse à la recherche d’une néoarticulation entre une méga-apophyse transverse L5 et le sacrum ou l’aile iliaque (syndrome de Bertolotti : sacralisation ou pseudosacralisation de L5, uni- ou bilatérale). • Test de Patrick ou FABER (Flexion, Abduction, External Rotation) au niveau de la hanche.
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE MEDICALE Chapitre 3. L’évaluationSCIENCE de la douleur chronique
Une douleur antérieure suggère un point de départ du côté de la hanche ipsilatérale, une douleur postérieure controlatérale une pathologie sacro-iliaque. • La positivité d’au moins trois sur cinq des tests les plus fiables (à réaliser conjointement) augmente considérablement la probabilité d’une douleur d’origine sacro-iliaque, avec une sensibilité proche de 90 % et une spécificité d’environ 80 % [11] : – le test en distraction des ailes iliaques (test d’Ericksen ) consiste à appuyer simultanément sur les épines iliaques antérosupérieures comme pour écarter les deux ailes iliaques ; – dans le test en compression des ailes iliaques (test de Volkman ), l’examinateur appuie fortement sur une des ailes iliaques du patient en décubitus latéral ; – le test en compression du sacrum (Sacral Thrust Test) est effectué en appuyant fortement sur la partie médiane du sacrum du patient en décubitus ventral, afin de provoquer une translation postérieure des articulations sacro-iliaques ; – le test de cisaillement vertical (Thigh Thrust Test ou test de Lessage ), effectué en décubitus dorsal, consiste à appuyer fortement de haut en bas sur une des deux articulations sacro-iliaques en se servant du fémur homolatéral fléchi à 90° ; – le test de cisaillement horizontal des sacroiliaques (test de Gaenslen ) s’effectue sur un patient en décubitus dorsal. Une des deux cuisses est fléchie au maximum avec l’aide du patient, alors que l’autre cuisse est forcée en extension afin d’obtenir un cisaillement de l’articulation sacro-iliaque controlatérale. Dans le cas où la manœuvre n’est pas possible dans cette position, elle peut être effectuée en décubitus latéral (test de Mennel , moins performant).
Examen de l’épaule douloureuse • Inspection (asymétrie, tuméfaction, atrophie musculaire, cicatrice). • Palpation des articulations sternoclaviculaire, acromioclaviculaire et scapulohumérale
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antérieure, du processus coracoïde, de l’acromion, de l’omoplate et du tendon du biceps. • Amplitude des mouvements (actifs et passifs) : l’abduction et la rotation externe sont testées en demandant au patient de venir toucher le sommet de l’épaule opposée en passant le bras derrière la tête. L’adduction et la rotation interne sont évaluées en demandant au patient de toucher la pointe de l’omoplate opposée en passant le bras derrière le dos. La rotation externe peut être testée isolément, avec le coude fléchi à 90°. • Évaluation de la coiffe des rotateurs : la coiffe des rotateurs est composée des muscles sus-épineux, sous-épineux, petit rond et sous-scapulaire. – test du muscle sus-épineux : le patient tente d’élever le bras contre une résistance, coude en extension, bras en abduction et pouce pointant vers le bas ; – test des muscles sous-épineux et petit rond : rotation externe contre résistance, bras en abduction et coude fléchi à 90° ; – test du muscle sous-scapulaire : l’épaule est amenée passivement en rotation interne, en légère extension, coude fléchi à 90°, afin de placer le dos de la main sur la région lombaire. On demande au patient de décoller la main par une rotation interne supplémentaire. • Conflit sous-acromial : deux tests principaux permettent de mettre en évidence un conflit sous-acromial ou en d’autres termes, une irritation du tendon du muscle sus-épineux par frottement itératif sur le ligament coraco-acromial, à l’origine d’une douleur de la face antérieure de l’humérus : – test de Neer : le bras en pronation complète est placé en flexion forcée. Pour empêcher tout mouvement scapulothoracique, l’omoplate doit être stabilisée au cours de la manœuvre ; – test d’Hawkin : le bras est fléchi à 90° et l’épaule est forcée en rotation interne. • Arthropathie acromioclaviculaire : le test du bras croisé consiste à élever le bras à 90° et à forcer l’acromion dans l’extrémité distale de la clavicule par une adduction active.
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Examen de la hanche douloureuse • Inspection (asymétrie, tuméfaction, atrophie musculaire, cicatrice). • Palpation (trochanter, région inguinale et fesse). • Amplitude des mouvements (actifs et passifs) : l’abduction (normale : 45°) et l’adduction (normale : 35°) sont mesurées en décubitus dorsal, la rotation interne (normale : 30°) et externe (normale : 60°) en position debout avec la jambe tendue, la flexion (normale : 120° avec le genou fléchi et 90° avec le genou en extension) et l’extension (normale : 10° avec le genou fléchi et 20° avec le genou en extension) en position latérale. • Test de Patrick ou FABER (Flexion, Abduction External Rotation) : en décubitus dorsal, la hanche est soumise à une flexion, une abduction et une rotation externe passives. Une douleur antérieure suggère une origine au niveau de la hanche ipsilatérale (déchirure du labrum, lésion cartilagineuse ou conflit fémoro-acétabulaire), alors qu’une douleur postérieure controlatérale évoque une pathologie sacro-iliaque. • Test de FADIR (Flexion, Adduction, Internal Rotation) : en décubitus dorsal, la hanche est soumise à une flexion, une adduction et une rotation interne passives. Une douleur provoquée par ce test révèle une déchirure du labrum, une lésion cartilagineuse ou un conflit fémoro-acétabulaire. • Test du Log roll : en décubitus dorsal, la jambe fléchie est mobilisée en rotation interne puis externe. L’apparition d’une douleur au niveau de la fesse fait suspecter un syndrome piriforme.
Évaluation des douleurs non organiques Les signes de douleurs non organiques ou signes comportementaux ont été décrits principalement dans les lombalgies et les cervicalgies chroniques. Ils représentent un risque de chronicisation et doivent être discriminés des manifestations de simulation ou d’exagération.
Waddell décrit trois catégories de comportements en relation avec des problèmes d’ordre psychosocial : la description de la douleur, les symptômes et les signes comportementaux [12]. La description verbale de la douleur fait généralement appel à des qualificatifs dramatiques et exagérés (catastrophique, inimaginable, épouvantable, atroce, etc.). La cartographie des douleurs ne correspond souvent à aucune entité anatomophysiologique. Les patients posent souvent eux-mêmes un diagnostic, erroné ou irréaliste. Les symptômes comportementaux incluent des consultations ou des hospitalisations en urgence non justifiées, l’échec (ou la mise en échec par le patient) de toutes les mesures thérapeutiques, un engourdissement diffus ou un lâchage global d’un membre inférieur. Les signes comportementaux sont classés en quatre catégories : sensibilité diffuse à la palpation superficielle et profonde, limitation de la mobilité, distraction et signes régionaux. Une cause non organique de la douleur doit être suspectée lorsque trois des cinq signes de Waddel sont présents (tableau 3.7).
Évaluation psychologique du patient douloureux chronique L’évaluation du patient douloureux par un psychiatre ou un psychologue, particulièrement en présence de douleurs chroniques rebelles, s’avère souvent indispensable en raison de l’interaction forte entre les origines somatiques de la douleur d’une part et les processus psychiques d’autre part. Dans certains cas, la douleur chronique peut être un moyen d’expression inconscient face à un conflit, une revendication à l’encontre d’un tiers, ou dans des situations complexes et tendues. Plusieurs indicateurs orientent vers la nécessité d’une évaluation psychique du patient douloureux chronique : les caractéristiques de la plainte douloureuse, sa topographie, sa description, la migration incessante des douleurs, le ressenti, les émotions liées au récit du patient. Les douleurs intéressant la totalité du corps ou sans systématisation anatomique peuvent être le reflet d’une origine
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Tableau 3.7. Les cinq signes de Waddel. Signes comportementaux
Description
1
Sensibilité à la pression
Douleurs à la palpation superficielle et profonde sur une zone étendue, pas seulement lombaire
2
Manœuvre simulée
Douleurs lombaires provoquées par pression légère sur le crâne en station debout Douleurs lombaires lors de la rotation simultané du bassin et de la ceinture scapulaire (pseudorotation)
3
Distraction
Lasègue en position couchée (standard) et en position assise (à l’insu du patient)
4
Neuroanatomie
Faiblesse de plusieurs groupes de muscles sans cohérence neuroanatomique Troubles de la sensibilité ne correspondant à aucun territoire nerveux
5
Hyper-réaction
Gémissements exagérés Grimaces et mimiques Contracture des muscles et tremblements Appui en station debout et pendant la marche Massage incessant de la zone douloureuse
psychique de la douleur. Le parcours médical du patient doit être pris en compte, notamment lorsque de nombreux spécialistes ont été consultés ou qu’une quantité importante d’investigations complémentaires (souvent normales) a été réalisée. L’absence totale d’amélioration, même transitoire, ou la présence de douleurs d’intensité constante sont des indications à une évaluation psychique du patient. L’évaluation du contexte familial (conflit, séparation, deuil), professionnel (stress, mobbing, accident de travail) et médico légal (conflit assécurologique, erreur médicale) est cruciale. Les antécédents psychiatriques, épisodes dépressifs, troubles anxieux, décompensations psychotiques, traumatismes psychologiques (principalement dans l’enfance), addictions diverses nécessitent également une évaluation et une prise en charge psychiatrique. Dans les syndromes douloureux à composante psychique dominante, les patients mettent régulièrement en avant les symptômes organiques et nient les questions psychiques avec une certaine hostilité. Au cours de la consultation, il s’agit d’évaluer en premier lieu les effets de la douleur sur le sommeil, l’humeur, le moral (dépression ou anxiété), la vie sociale, familiale et professionnelle. Une seconde étape consiste à rechercher des événements de vie ou des situations douloureuses antérieures (deuils, séparations), pouvant expliquer la persistance ou l’aggravation des douleurs. Si certains traits psychologiques sont davantage la conséquence que la cause de la douleur,
les troubles de la personnalité sont néanmoins fréquents chez le patient douloureux chronique. L’hypocondrie se manifeste par des préoccupations somatiques excessives, la crainte ou la conviction d’être atteint d’une maladie grave. La douleur est alors associée à des plaintes physiques variées motivant de nombreuses consultations. Le « tourisme médical » qui en résulte entraîne souvent une multitude d’investigations et d’examens complémentaires. Souvent liée à des traits de personnalité paranoïaque, l’hypocondrie peut accompagner une symptomatologie dépressive chez le jeune. La représentation ou l’idée que se fait le patient de sa maladie peut mettre à jour des troubles dissociatifs de conversion. Anciennement connu sous le terme d’hystérie, la conversion est caractérisée par des symptômes liés à la motricité volontaire ou aux fonctions sensorielles. Ces symptômes font suspecter un trouble neurologique ou une affection médicale générale, qui sont attribués à une cause psychologique, car ils ne correspondent à aucune affection neurologique ou médicale connue et sont précédés par des conflits ou d’autres facteurs de stress. Les symptômes ou déficits ne sont pas feints, comme dans le trouble factice ou la simulation. Il s’agit d’une atteinte du corps imaginaire et la maladie offre alors un refuge et apporte au patient des bénéfices secondaires. Les douleurs, les paresthésies et les paralysies ne touchent pas le corps anatomique, mais le corps tel que l’individu se l’imagine. Cela explique des
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trajets douloureux atypiques, des anesthésies insolites ou des atteintes de fonction inhabituelles. Les troubles mal compris sont encore trop souvent attribués à des causes psychologiques, comme ce fut longtemps le cas avec la fibromyalgie ou le syndrome de fatigue chronique. Les premiers symptômes de la sclérose en plaques sont parfois aussi attribués à des causes psychologiques. Il est important de rechercher les personnalités dépendantes qui justifient une surconsommation, notamment d’opiacés, par la tolérance et l’épuisement des effets. L’évaluation psychique repose donc essentiellement sur un entretien psychiatrique, mais peut être complétée au besoin par des questionnaires spécifiques multidimensionnels et des tests psychométriques (MMPI).
Suivi du patient douloureux chronique Comme l’évaluation initiale, le suivi doit tenir compte de tous les aspects de la douleur chronique et de leur évolution entre chaque consultation. Il requiert des outils sensibles aux changements et des mesures avant et après l’instauration d’un traitement. L’importance du soulagement peut être évaluée grâce aux échelles visuelles, verbales simples ou numériques, en remplaçant la question sur l’intensité de la douleur par une question sur l’importance du soulagement : « Par rapport à la précédente consultation, à combien estimez-vous l’importance du soulagement : entre 0 % (pas du tout soulagé) et 100 % (complètement soulagé) ? ». L’absence d’évolution favorable pendant un certain temps et plusieurs contrôles doit inciter l’examinateur à réévaluer la situation et modifier la stratégie initialement adoptée.
Références 1. Cruccu G, Truini A. Tools for Assessing Neuropathic Pain. PLoS Med 2009;6(4):e1000045. doi: 10.1371/journal.pmed.1000045. 2. Freynhagen R, Baron R, Gockel U, Tolle T. PainDETECT: A new screening questionnaire to detect neuropathic components in patients with back pain. Curr Med Res Opin 2006;22:1911–20. 3. Krause SJ, Backonja MM. Development of a neuropathic pain questionnaire. Clin J Pain 2003;19:306– 14. 4. Galer B, Jensen M. Development and preliminary validation of a pain measure specific to neuro pathic pain. The neuropathic pain scale. Neurology 1997;48:332–8. 5. Bennett M. The LANSS Pain Scale: The Leeds assessment of neuropathic symptoms and signs. Pain 2001;92:147–57. 6. Bouhassira D, Attal N, Alchaar H, Boureau F, Brochet B, Bruxelle J, et al. Comparison of pain syndromes associated with nervous or somatic lesions and development of a new neuropathic pain diagnostic questionnaire (DN4). Pain 2005;114:29–36. 7. Scholz J, Mannion RJ, Hord DE, Griffin RS, Rawal B, et al. A Novel Tool for the Assessment of Pain: validation in Low Back Pain. PLoS Med 2009;6(4):e1000047. doi: 10.1371/journal.pmed.1000047. 8. Revel M, Poiraudeau S, Auleley GR, Payan C, Denke A, Nguyen M, Chevrot A, Fermanian J. Capacity of the clinical picture to characterize low back pain relieved by facet joint anesthesia. Proposed criteria to identify patients with painful facet joints. Spine (Phila Pa 1976) 1998 Sep 15;23(18):1972–6. discussion 1977. 9. Jackson RP, Jacobs RR, Montesano PX. 1988 Volvo award in clinical sciences. Facet joint injection in low-back pain. A prospective statistical study. Spine (Phila Pa 1976) 1988;13(9):966–71. 10. Maigne JY. Examen clinique du rachis lombaire. Elsevier-Masson. 2e édition, avril 2009. 11. Berthelot JM, Laslett M. Par quels signes cliniques s’assurer au mieux qu’une douleur est bien d’origine sacro-iliaque (sensu lato) ? Revue du Rhumatisme 2009;76(8):741–9. 12. Waddell G, Main C. Illness behavior. In: Waddell G, editor. The Back Pain Revolution. Edinburgh: Churchill Livingstone; 1998. 155-172.
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Chapitre 4 L’IRM du rachis dégénératif Bruno Marchand Ce chapitre fournit des clés de lecture simples de l’IRM du rachis dégénératif. Il comprend un bref rappel des données techniques de base, des principales pathologies discales et dégénératives du rachis couramment diagnostiquées par IRM. Les atteintes microcristallines, inflammatoires, infectieuses ou tumorales sont évoquées à titre de diagnostic différentiel.
Rappels techniques L’IRM est une technique d’imagerie basée sur le phénomène de résonance magnétique des protons d’hydrogène. Elle est donc sensible aux effets paramagnétiques. En conséquence, elle attire les corps étrangers métalliques, caractéristique qui exige que soient respectées les contre-indications, absolues et relatives, et que certaines précautions soient prises avant la réalisation d’un examen : s’enquérir de la présence d’un pace-maker (certains sont compatibles dans certaines conditions à appliquer pendant et après l’IRM) ; obtenir les comptes rendus opératoires antérieurs afin de vérifier la compatibilité de divers implants cardiaques ou neurologiques avec l’IRM et son niveau de champ magnétique ; connaître la compatibilité des pompes et des électrodes intrathécales à visée antalgique. Les images ont une pondération dite T1 ou T2 selon les caractéristiques d’électrostimulation et de recueil du champ magnétique sur la zone anatomique explorée. Les images dites T1 (pondérées T1) donnent des informations essentiellement anatomiques : ainsi, la graisse est en hypersignal (blanc) et le liquide en hyposignal (noir). En pondération T2, les liquides sont en hypersignal blanc. Sur les images T2 du rachis, le LCR est donc
blanc, bien différencié de la moelle, des racines et des disques qui sont en hyposignal. En T2, la graisse est également blanche et des séquences T2 avec saturation de graisse sont utilisées afin d’annuler ce signal : elles permettent de mieux détecter les zones d’œdème intraosseux ou périarticulaire. Bien que non spécifique, cet œdème est alors particulièrement bien visible. Il peut correspondre à une poussée œdémateuse congestive d’arthrose, aussi bien qu’à une lésion traumatique, tumorale, inflammatoire ou microcristalline. La saturation de graisse peut être réalisée par diverses techniques comme la Fat Sat, ou des séquences dites en inversion-récupération (utilisées notamment en cas d’exploration en présence de matériel en titane ou en métal afin de réduire les artefacts) ou, enfin, récemment par la technique Dixon. Le T2 Dixon offre l’avantage de donner en un seul temps des images T2 et des images T2 avec saturation de graisse. Les séquences T1 avec injection de produits de contraste chélates de l’ion gadolinium sont réservées à des cas particuliers : suspicion d’un processus infectieux ou tumoral, récidive de hernie discale opérée, recherche de granulome à l’extrémité d’un cathéter ou d’une pompe intrathécale. Ces produits peuvent être toxiques en cas d’insuffisance rénale, des cas mortels de fibrose néphrogénique ont été rapportés dans la littérature [1]. On a trouvé récemment des dépôts d’ions gadolinium dans les noyaux gris centraux cérébraux, sans que leur signification clinique ne soit connue à ce jour [2].
Rachis normal Sur le plan morphologique, les courbures du rachis doivent être harmonieuses. Il faut garder
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présent à l’esprit que l’IRM est un examen réalisé en position couchée ne permettant pas d’analyser les courbures de manière fiable. Les quantifications des scolioses, des lordoses lombaires, des cyphoses dorsales restent à effectuer sur des clichés de radiologie réalisés en position debout.
Les structures osseuses (corps vertébraux, articulations postérieures…) Les structures osseuses doivent avoir des contours réguliers. Leur signal T1 et T2 varient en fonction de la répartition des moelles osseuses jaune et rouge hématopoïétique. La moelle jaune a un signal graisseux en hypersignal T1 et T2 et en hyposignal T2 Fat Sat (figure 4.1). La moelle rouge, hématopoïétique, est en hyposignal relatif T1 et intermédiaire T2. Le signal des corps vertébraux doit rester supérieur à celui des disques en pondération T1. Lorsque le signal T1 des structures osseuses est inférieur à celui des disques, il importe de se méfier d’un remplacement médullaire par un processus tumoral — myélome, métastase — (figure 4.2). À un certain âge, la trame osseuse devient hétérogène et présente un mélange de plages de moelle rouge
Figure 4.1. IRM lombaire normale pondérée T1. a. Coupe sagittale T1. Le corps vertébral (étoile bleue) est en hypersignal relativement au disque (étoile blanche). La graisse épidurale postérieure (flèche jaune) est en hypersignal normal graisseux. Le LCR (flèche blanche) est en hyposignal T1 liquidien. b. Coupe parasagittale foraminale T1. Le foramen a un contenu graisseux (flèche jaune) en hypersignal. La racine nerveuse (flèche rouge) se situe à « l’étage supérieur » du foramen. Le disque (étoile blanche) se situe à « l’étage inférieur » du foramen.
Figure 4.2. T1, la « pondération tumorale ». a. Normal : les corps vertébraux sont « plus blancs » que les disques (en hypersignal relatif). b. Diagnostic de myélome : les corps vertébraux sont « aussi foncés » que les disques. La moelle osseuse est remplacée par du tissu tumoral. c. Myélome en pondération T2 (même patient que b au même instant) : aspect normal des corps vertébraux. Le T1 Fat Sat gadolinium est également normal chez ce patient : seule la pondération T1 permet de diagnostiquer la présence de tissu tumoral en lieu et place de la moelle osseuse.
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et de moelle jaune qui doit être différencié d’un processus tumoral, notamment myélomateux (une immunoélectrophorèse des protéines sanguines peut être indiquée en cas de doute). Les veines intracorporéales normales sont fréquemment visibles (figure 4.3).
Les disques Le disque normal est composé d’une partie centrale, le nucleus pulposus, et d’une partie fibreuse périphérique, l’annulus fibrosus (figure 4.4). Le nucleus pulposus est riche en protéinoglycanes, sa partie centrale présente donc un signal liquidien, bien visible en T2. Le nucleus pulposus est rattaché à l’anneau fibreux par des fibres, et reste en hyposignal T2. L’anneau fibreux se fixe dans les corps vertébraux, selon un équivalent d’enthèse, au niveau des coins antérieurs et postérieurs des corps vertébraux, ainsi que dans leur partie centrale (zone des hernies de Schmörl).
Le cône terminal prend fin entre D12 et L2. S’il s’insère plus bas, il faut rechercher une moelle attachée par un filum terminale. Les racines de la queue-de-cheval sont bien visibles au niveau lombaire, cernées de LCR dans le sac dural. L’IRM permet une bonne analyse des racines depuis leur émergence dans le récessus latéral, puis le long de leur trajet foraminal et extrarachidien (figure 4.6).
Pathologies discales Discopathies dégénératives Le premier stade de dégénérescence discale se traduit par une diminution de l’hydratation du
Le canal Le contenu du canal rachidien est bien analysé en T2 : le sac dural contenant le LCR est en franc hypersignal tandis que le cordon médullaire central et les racines ont un signal intermédiaire. Le cordon médullaire est régulier et homogène, sans hypersignal T2 central (figure 4.5). Au niveau cervical toutefois, une lame liquidienne centrale est parfois visible en regard de C5-C6 ; elle correspond au renflement physiologique du canal épendymaire.
Figure 4.4. Disque normal en pondération T2. Le disque normal a un hypersignal T2 liquidien central normal (étoile blanche) entouré par l’hyposignal T2 de l’anneau fibreux (flèches noires).
Figure 4.3. Veine centrocorporéale postérieure normale (flèche blanche). a. Pondération T2. b. T2 Fat Sat (ou T2 Dixon sans et avec saturation acquise en un temps). c. Moins T1. d. T1 gadolinium Fat Sat.
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Figure 4.5. IRM cervicale normale pondérée T2 : coupe sagittale. Les corps vertébraux (étoile bleue) sont homogènes. Les disques (étoile blanche) gardent un signal hydrique central. Le cordon médullaire (flèche jaune) est en hyposignal homogène, silhouetté par le LCR (flèche blanche) en hypersignal liquidien.
Figure 4.6. Anatomie lombaire normale axiale pondérée T2. a. Coupe axiale à hauteur du disque : les racines (flèche blanche) sont bien visibles, en contraste avec le LCR (en hypersignal T2 blanc) dans le sac dural. La graisse épidurale [flèche bleue] est également en hypersignal T2, quoique plus atténué que le LCR. Les ligaments jaunes (flèche jaune) sont visibles, de même que l’interligne articulaire de l’articulation interfacettaire postérieure (flèche rouge). b. Coupe axiale à hauteur des foramens : anatomie normale axiale pondérée T2. Les racines (flèche blanche) sont bien visibles dans leur trajet foraminal. En coupe axiale, on peut aisément analyser la trophicité de la musculature paravertébrale (étoile blanche).
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disque, par la perte de protéinoglycanes et par un enrichissement en collagène. L’anneau fibreux se distend. Au début de la maladie, le disque perd son signal liquidien central physiologique. Ensuite, le disque bombe dans le canal postérieurement puis sur toute sa circonférence (figure 4.7). Au stade tardif, la partie centrale du disque dégénéré devient le siège de cavités gazeuses ou liquidiennes.
« HIZ » La « HIZ » pour High signal Intensity Zone est définie par un hypersignal T2 focal localisé dans l’anneau fibreux (figure 4.8). Cette lésion est le témoin d’une rupture et représente donc une zone de faiblesse qui peut faire le lit d’une hernie discale ultérieurement [3]. Cliniquement, la HIZ peut se traduire par un lumbago aigu, des douleurs discales ou être asymptomatique. Dans une étude qui compare à des témoins en bonne santé des adultes de moins de 50 ans souffrant d’une lombalgie invalidante depuis plus de 6 mois, la présence d’une HIZ a une sensibilité de 27 % et une spécificité de 85 % [4].
Hernie discale ou « saillie discale focale »
Figure 4.7. Discopathie dégénérative en pondération T2. Le disque dégénératif, qui a perdu son hypersignal T2 liquidien normal, présente un hyposignal intermédiaire (flèche blanche), associé à un bombement discal postérieur (flèche noire).
La hernie discale (HD) correspond à une saillie discale focale du disque au travers d’une déchirure complète de l’anneau fibreux [5]. Cette saillie n’est pas globale, à la différence de la discopathie dégénérative. Certains patients considèrent que le terme de hernie discale est péjoratif et synonyme de maladie, même si de nombreuses hernies discales sont asymptomatiques. Aussi, certains auteurs préconisent d’utiliser le terme de « saillie discale focale ».
Figure 4.8. « HIZ » L4-L5 en T2 sagittal (a) et T2 axial (b). En IRM, la HIZ (High signal Intensity Zone) se traduit par une plage en hypersignal T2 liquidien au niveau de la face postérieure du disque, signe d’une rupture de l’anneau fibreux (flèche blanche). En coupe axiale, la HIZ L4-L5 est visible à gauche, ce qui coïncide avec la symptomatologie.
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Les différents termes utilisés en France et dans les pays anglo-saxons sont résumés dans le tableau 4.1 [6]. La hernie discale est définie par différents stades en fonction de l’extension de la hernie par rapport au complexe fibreux anneau fibreux-ligament longitudinal postérieur : • la HD sous-ligamentaire est contenue par le complexe postérieur (figure 4.9) ; • la HD extraligamentaire a rompu le complexe postérieur (figure 4.10) ; • la HD exclue implique que le fragment discal hernié s’est détaché du disque. La migration de ce fragment vers le haut ou vers le bas peut être analysée par une IRM (figure 4.11). Le fragment discal exclu présente souvent une
transformation hydrique, lui conférant un signal intermédiaire T1 et T2, parfois proche du LCR [7]. L’injection de gadolinium montre un rehaussement périphérique souvent annulaire autour de ce fragment exclu. La topographie de la HD est analysée dans le plan axial et caractérisée par sa position postérieure médiane ou paramédiane (synonyme : postérolatérale), récessale, foraminale ou extraforaminale (figure 4.12). À l’exception de certaines HD exclues, la HD lombaire est mieux visualisée sur les séquences T2 en raison d’un contraste net entre le disque (en hyposignal noir) et le LCR (en hypersignal blanc). Pour entraîner une symptomatologie, la HD foraminale doit occuper la moitié supérieure
Tableau 4.1. Vocabulaire radiologique. Définition
Synonymes
Terminologie nord-américaine
Discopathie dégénérative
Bombement discal global (diffus-circonférentiel)
Disc bulge Bulging disc
HD (hernie discale)
Saillie discale focale
Herniated disc Prolapsed disc
HD sous-ligamentaire
Hernie contenue ou protruse
Contained disc Protruded disc
HD extraligamentaire
Hernie transligamentaire, extrude ou rompue
Non-contained herniated disc Extruded disc
HD exclue
Hernie séquestrée
Sequestered disc Disc sequestration
Figure 4.9. Hernie discale sous-ligamentaire L4-L5 gauche en pondération T2 Dixon. a. T2. b. T2 avec saturation de graisse. c. axial T2. Hernie discale se traduisant par une saillie discale focale (flèche blanche), circonscrite par le complexe anneau fibreux-ligament commun vertébral postérieur (flèche noire).
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Figure 4.10. Hernie discale extraligamentaire L5-S1 droite (T2 sagittal et axial). Hernie discale se traduisant par une saillie discale focale (flèche blanche). Elle a franchi le complexe anneau fibreux-ligament commun vertébral postérieur (flèche noire). Une hernie est extraligamentaire si elle occupe 50 % ou plus du diamètre antéropostérieur du canal rachidien.
Figure 4.11. Hernie discale exclue L4-L5 gauche. a. T2 sagittal. b. T1 sagittal. c. Axial T2. Hernie discale L4-L5 paramédiane gauche extraligamentaire (flèche blanche). Le signal de la hernie est différent de celui du disque, plus foncé en T1 et T2, indiquant une composante hydrique et la présence d’une HD exclue.
du foramen et venir au contact du ganglion spinal (figure 4.13). Ainsi, une HD foraminale apparaissant uniquement en regard du disque est rarement conflictuelle [8]. Au niveau cervical, les séquences T1 sagittales permettent de différencier formellement un débord disco-ostéophytique d’une vraie HD (figure 4.14). Les coupes axiales T2 montrent bien les rapports entre la HD et les racines. La seule réserve reste la réalisation d’un examen en position couchée. La
notion de conflit entre la HD et la racine est suggérée par divers signes. Le terme de « conflit » sousentend une notion de contrainte dynamique, stricto sensu non définissable en IRM, car l’examen est réalisé couché et au repos. Toutefois, cette notion de conflit peut être évoquée en présence des signes suivants : la racine en aval du contact avec la HD est hypertrophiée et/ou œdématiée (contrairement à la racine en amont) ; la gaine de cette racine prend nettement le contraste (en cas d’examen injecté et à l’exclusion d’une opération antérieure).
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Figure 4.12. Topographie des hernies discales (flèche blanche). a. Axiale : HD paramédiane. b. Axiale : HD récessale. c. Sagittale : HD foraminale. d. Axiale : HD foraminale.
Arthrose Discarthrose En plus des signes de discopathie dégénérative, la discarthrose est caractérisée par des anomalies associées des plateaux vertébraux. Les clichés de radiologie ou le scanner montrent des plateaux condensés, irréguliers, associés à des ostéophytes antérieurs et postérieurs. L’IRM peut révéler, avant le stade radiologique, des signaux anormaux au niveau de l’os
sous-chondral des plateaux vertébraux : ces anomalies sont classées en trois types selon Modic [9] : le type 1 œdémateux (figure 4.15), le type 2 graisseux (figure 4.16) et le type 3 scléreux (figure 4.17). Des formes de discarthroses, en poussée congestive ou érosive, présentent un œdème en miroir marqué et étendu des plateaux et des corps vertébraux. Ces formes peuvent poser de délicats problèmes de diagnostic différentiel avec des spondylodiscites infectieuses, inflammatoires ou microcristallines [10] (figure 4.18).
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Arthrose interfacettaire ou interzygomatique postérieure L’IRM montre les anomalies morphologiques habituelles de l’arthrose : pincement des interlignes articulaires, géodes sous-chondrales (de signal liquidien), hypertrophie réactionnelle
Figure 4.13. Hernie discale foraminale L2- L3 droite, d’allure exclue. Le signal hydrique de la HD (flèche blanche) est supérieur à celui du disque (étoile blanche), ce qui suggère une HD exclue. Elle migre « à l’étage supérieur » du foramen et vient au contact de la racine L2 droite (flèche rouge). La graisse périradiculaire est effacée.
des articulaires postérieures (figure 4.19). À un stade plus avancé apparaissent des subluxations articulaires à l’origine d’une déformation avec rotation des corps vertébraux. L’IRM révèle également un épanchement intra-articulaire ou un œdème autour des articulations postérieures, ces signes pouvant, bien que de manière inconstante, prédire l’apparition d’une symptomatologie. L’IRM démontre parfaitement bien la présence de kystes articulaires postérieurs et leur extension extra- ou intracanalaire (figures 4.20 et 4.21). Dans ce dernier cas, il existe un contact ou un conflit entre le kyste (de signal liquidien) et les racines. En fonction du tableau clinique, cet élément permet de poser l’indication à une ponction et infiltration du kyste sous scanner (figures 4.22 et 4.23) [11]. Les formes unilatérales très œdémateuses doivent être différenciées de pathologies d’origine infectieuse [12], inflammatoire ou microcristalline [13] (figure 4.24). Arthrose interépineuse Les processus interépineux s’élargissent et l’espace interépineux diminue, subit une condensation osseuse et s’hypertrophie, attestant la présence d’un syndrome de Baastrup.
Figure 4.14. Hernie discale cervicale C5-C6 droite. a. Sagittal T2. b. Sagittal T1. c. Axial T2. La saillie discale focale (flèche blanche) C5-C6 se distingue parfaitement d’un ostéophyte (flèche rouge), notamment en pondération T1.
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Figure 4.15. Discarthrose Modic 1 L5-S1. a. Sagittal T2. b. Sagittal T2 Fat Sat. c. Sagittal T1 Fat Sat gadolinium. Pincement discal L5-S1 avec irrégularités des plateaux vertébraux et œdème antérieur (flèches blanches) en miroir des plateaux vertébraux captant le gadolinium (flèches rouges). Les données cliniques et biologiques sont utiles pour exclure une spondylodiscite infectieuse débutante.
Figure 4.16. Discarthrose Modic 2 L5-S1. a. Sagittal T1. b. Sagittal T2 Fat Sat. Pincement discal L5-S1 avec débord ostéophytique antérieur et conversion graisseuse des plateaux vertébraux en hypersignal T1 et asignal T2 Fat Sat (flèche blanche). Le centre du corps vertébral de S1 (étoile blanche) montre un discret hypersignal T2 et un hyposignal T1 supérieur au disque, évoquant une plage de moelle hématopoïétique.
L’IRM individualise bien les bursites interépineuses, favorisées par les spondylolisthésis. Ces bursites peuvent communiquer avec les articulations interapophysaires postérieures adjacentes.
Spécificité de l’étage cervical À l’étage cervical, l’arthrose se localise à hauteur de l’uncus. Cette uncarthrose peut être isolée ou associée à une discarthrose, réalisant alors une uncodiscarthrose. L’uncarthrose rétrécit la partie
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Figure 4.17. Discarthrose Modic 3 L1-L2. a. Sagittal T1. b. Sagittal T2. c. Sagittal T2 Fat Sat. Pincement discal L1-L2, irrégularités des plateaux vertébraux, plages en hyposignal T1 et T2 en miroir des plateaux vertébraux (flèches blanches). On observe une discarthrose Modic 1 « œdémateuse » en L2-L3, une discarthrose Modic 2 « graisseuse » en L4-L5, une arthrose interépineuse marquée et une calcification du ligament interépineux L1-L2 (flèche rouge).
Figure 4.18. Lyse spontanée d’une calcification d’apatite T5-T6 (diagnostic différentiel : lésion Modic 1 ou spondylodiscite). a. Sagittal T1. b. Sagittal T2. c. Sagittal T1 Fat Sat gadolinium. d. Reconstruction TDM sagittal sans injection. Patiente se plaignant de dorsalgies hautes invalidantes depuis 2 mois, sans anomalie biologique, avec un début initial brutal sans facteur déclenchant. a à c. Œdème marqué du plateau vertébral inférieur de T5 (flèches rouges), œdème plus discret au niveau du plateau supérieur de T6 avec prise de contraste au gadolinium, évoquant une discopathie de type Modic 1 ou une spondylite inflammatoire. L’asignal centrodiscal (flèches rouges) présent sur toutes les séquences fait suspecter une calcification discale. d. Le scanner sans injection, sur les reconstructions MPR sagittales, confirme la présence d’une calcification centrodiscale à bords flous (flèche rouge). Ce dernier élément signe la lyse spontanée d’une calcification d’apatite discale, associée à un œdème périphérique marqué [sclérose du plateau inférieur de T5 (flèche blanche)].
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Figure 4.19. Arthrose facettaire postérieure bilatérale L5-S1. a. Signes d’arthrose habituels de l’articulation zygapophysaire postérieure : pincement articulaire, irrégularités des surfaces sous-chondrales [flèches blanches], et ostéophytes [extension extracanalaire d’un ostéophyte (étoile blanche)]. L’arthrose génère une hypertrophie des massifs articulaires postérieurs. b. Une expansion kystique de l’épanchement intra-articulaire est possible. Elle correspond à un kyste arthrosynovial facettaire postérieur à extension extracanalaire dans ce cas (flèche rouge). À noter l’importante amyotrophie de la musculature paravertébrale postérieure, très fréquente dans l’arthrose facettaire postérieure (étoile rouge).
Figure 4.20. Kyste arthrosynovial interfacettaire postérieur L4-L5 droit. a. Sagittal T2. b. Axial T2. Le kyste arthrosynovial interfacettaire postérieur, de signal liquidien (flèche blanche), est bien visible, communiquant avec l’interligne articulaire postérieure L4-L5 droite (flèche rouge). Ce kyste, à extension intracanalaire, refoule le sac dural. Le contact avec la racine L5 droite entraîne une radiculagie L5 droite invalidante. Une ponction et infiltration du kyste sont indiquées et réalisées sous scanner (cf. figure 4.22).
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Figure 4.21. Kyste arthrosynovial interfacettaire postérieur L5-S1 droit en conflit avec la racine S1 droite. a. Sagittal T2. b. et c. Axial. Le kyste arthrosynovial interfacettaire postérieur, de signal liquidien (flèche rouge), est bien visible, raccordé à l’interligne articulaire postérieur L5-S1 droit (flèche blanche). Ce kyste refoule la racine S1 droite (flèche jaune) vers l’avant à la différence des HD qui refoulent les racines vers l’arrière.
Figure 4.22. Infiltration sous scanner du kyste arthrosynovial interfacettaire postérieur L4-L5 droit (même cas que figure 4.20). a. Coupes de repérage natives. Le kyste arthrosynovial interfacettaire postérieur n’est spontanément pas visible. b. Injection de produit de contraste. La ponction et l’injection de contraste dans l’articulation interfacettaire postérieure L4-L5 droite permettent d’opacifier le kyste intracanalaire (flèche rouge). c. Infiltration. Le kyste opacifié est ponctionné par voie translamaire avec une aiguille spinale 22 G 3 ½. L’aspiration du contenu du kyste est suivie de l’infiltration lente d’un médicament anti-inflammatoire à base de cristaux de cortisone dans le kyste pour l’assécher (flèche blanche). Les récidives sont possibles et sont traitées de la même façon.
antérieure du foramen et peut être à l’origine d’un conflit avec la racine dans son trajet foraminal.
Rétrécissement canalaire dégénératif Au niveau lombaire Le rétrécissement canalaire (RC) induit un rétrécissement du sac dural avec effacement plus ou
moins complet du LCR entre les racines au niveau lombaire, ou autour du cordon médullaire au niveau cervical. Le RC apparaît secondairement à une hypertrophie dégénérative des massifs osseux, à un débord discal marqué, et/ou une HD, mais surtout en association avec un spondylolisthésis dégénératif lombaire. Les kystes interfacettaires postérieurs et l’hypertrophie de la graisse épidurale postérieure peuvent également participer au rétrécissement. Tous ces éléments sont parfaitement analysés par l’IRM. Le RC est défini par un
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Figure 4.23. Infiltration sous scanner du kyste arthrosynovial interfacettaire postérieur L5-S1 droit (même cas que figure 4.20). a. Coupes de repérage. Le kyste arthrosynovial interfacettaire postérieur (flèche rouge) est visible spontanément. L’abord foraminal L5-S1 droit est le seul possible. b. et c. Ponction et injection de produit de contraste iodé intrakystique. Ponction directe avec une aiguille spinale 22 G 3½. Injection de 0,5 ml de contraste iodé qui confirme le positionnement intrakystique de l’extrémité de l’aiguille (flèche blanche), puis infiltration lente intra- et périkystique (l’injection intrakystique reproduit exactement la radiculalgie S1 droite).
Figure 4.24. Goutte tophacée interapophysaire postérieure L5-S1 confirmée par biopsie. a. T1. b. T2. a. et b. Arthropathie interapophysaire postérieure bilatérale L5-S1, irrégularités des surfaces articulaires (étoile rouge), hypertrophie des parties molles adjacentes très inflammatoires [en hypersignal T2 (étoile rouge)]. c. Scanner sans injection. L’examen précédent motive la réalisation d’un scanner sans injection qui révèle des signes d’arthropathie destructrice (flèche rouge), ainsi que des calcifications des parties molles postérieures périarticulaires (flèche blanche). d. Ponction-biopsie au trocard 14 G. La suspicion de goutte est confirmée par la biopsie.
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Figure 4.25. Rétrécissement canalaire (RC) lombaire modéré (stade B de la classification de Lausanne) : coupe axiale T2. Le diamètre antéropostérieur du sac dural mesure 7,5 mm, mais on observe encore un peu de LCR entre les racines (flèche blanche). Le rétrécissement, à composante postérieure, est essentiellement dégénératif. Il est consécutif à une apophysomégalie dégénérative des massifs articulaires postérieurs, associée à une hypertrophie des ligaments jaunes. La graisse épidurale postérieure, qui imprime également une encoche postérieure sur le sac dural (flèche rouge), peut contribuer à la sténose. Il existe dans ce cas également une composante discale dégénérative antérieure.
sac dural inférieur à 10 mm en antéropostérieur, mais il faut un diamètre inférieur à 7 mm pour que ce rétrécissement soit symptomatique [14]. Lorsque la surface du sac dural est inférieure à 80 mm2, on est en présence d’un RC ; lorsqu’elle est inférieure à 70 mm2, ce RC est généralement symptomatique. La classification de Lausanne [15] permet de différencier le RC modéré (stade B), dans lequel il reste du LCR entre les racines, visible à l’IRM (figure 4.25), d’un RC sévère ou extrême (stades C et D), dans lesquels le LCR disparaît. Les stades C et D sont les stades pouvant être symptomatiques. Ils sont différenciés par la persistance (stade C) ou non (stade D) de graisse épidurale postérieure (figure 4.26).
Au niveau cervical Les causes du RC dégénératif cervical sont les mêmes qu’à l’étage lombaire. Le RC est défini par l’effacement complet des espaces épiduraux, donc du LCR en pondération T2, autour du cordon médullaire (figure 4.27). L’IRM montre des lésions de myélopathie secondaire au RC sous la forme d’un hypersignal T2 intramédullaire
Figure 4.26. Rétrécissement canalaire (RC) lombaire sévère L4-L5 de stade C (classification de Lausanne). a. Sagittal T2. b. Axial T2. Rétrécissement canalaire serré (potentiellement symptomatique). Le LCR est complètement effacé entre les racines (flèche blanche). Ce signe permet de diagnostiquer un RC d’un seul coup d’œil. Dûment mesuré, le diamètre antéropostérieur du sac dural est de 5 mm. La composante dégénérative postérieure (étoile rouge), cause primaire du RC, est aggravée par une composante antérieure marquée, secondaire à un antélisthésis L4-L5 (flèche rouge), à l’origine d’un bombement discal postérieur global.
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Figure 4.27. Rétrécissement canalaire C3-C4. a. Sagittal T2. b. Axial T2. Rétrécissement canalaire C3-C4 par débord disco-ostéophytique postérieur (flèches blanches), à l’origine d’un effacement complet du LCR périmédullaire (flèche rouge). Le cordon médullaire est homogène, sans hypersignal T2, donc sans signe de myélopathie cervicarthrosique.
pathologique. De la présence et de l’étendue de ces hypersignaux T2 dépend la récupération fonctionnelle postopératoire [16]. À un stade avancé, la myélopathie cervicarthrosique peut être le siège d’une cavité syringomyélique, de lésions de myélomalacie, voire d’une atrophie du cordon médullaire. Références 1. Todd Dj, Kay J. Gadolinium-induced fibrosis. Ann. Rev. Med 2016;67:273–91. 2. Rhamalho J, Castillo MJ, Al Obaidy M, et al. High signal intensity in globus pallidus and dentate nucleus on unenhanced T1-weighted MR images: evaluation of two linear gadolinium-based contrast agents. Radiology 2015;276:836–44. 3. Aprill C, Bogduk N. High–intensity zone. A diagnostic sign of painful lumbar disc on magnetic resonance imaging. Br J Radiol 1992;65:1361–8. 4. Weihaupt D, Zanetti M, Hodler J, et al. Painful lumbar disk derangement: relevance of endplate abnormalities at MR Imaging. Radiology 2001;218:420–7. 5. Fardon DF, Milette PC. Nomenclature and Classification of Lumbar Disc Pathology. Recommendations of the Combined Task Forces of the North America Spine Society, American Society of Spine Radiology and American Society of Neuroradiology. Spine 2001:26; E93-E113. 6. Wiltse IL, Berger PE, Mc Culloch JA. A system for reporting the size and the location of lesions in the spine. Spine 1997;22:1534–7. 7. Glickstein MF, Burke L, Kressel HY. Magnetic resonance demonstration of hyperintense herniated
discs and extruded disc fragments. Skeletal Radiol 1989;18:527–30. 8. Parlier-Cuau C, Chicheportiche V, Laredo JD. Imagerie de la lomboradiculagie commune du membre inférieur. Savoir Faire en radiologie ostéoarticulaire. 2012 9. Modic MT, Steinberg PM, Ross JM, et al. Degenerative disk disease: assessment of changes in vertebral body marrow with MR imaging. Radiology 1988;166:193–9. 10. Resnik D. In Diagnosis of Bone and Joint Disorders. 4th Edit. 2002 Saunders; 1388-1405. 11. Parlier-Cuau C, Wibier M, Nizard R, et al. Symptomatic lumbar facet joint synovial cysts: clinical assessment of facet joint steroid injection after 1 and 6 months and long term follow-up in 30 patients. Radiology 1999;210:509–13. 12. Euvrard T, Biron F, Blineau N, et al. Factitious disorder revealed by polymicrobial septic arthritis of a lumbar facet joint diagnosed by percutaneous biopsy]. J Radiol 2004;85(1):43–6. 13. Bouariouia W, Menesson N, Marchand B, et al. Localisation rachidienne d’une arthrite goutteuse Revue de la Littérature : à propos d’un cas. Rhumatologie 2005;57(4):17–20. 14. Schonstrom NSR, Bolender NF, Spengler DM. The patho-morphology of spinal stenosis as seen on CTscans of the lumbar spine. Spine 1985;10:806–11. 15. Schizas C, Theumann N, Burn A, et al. Qualitative grading of severity of lumbar spinal stenosis based on the morphology of the dural sac on magnetic resonance images. Spine 2010;35(21):1919–24. 16. Suri A, Chabbra RP, Mehta VS, et al. Effect of intramedullary signal changes on the surgical outcome of patients with cervical spondylotic myelopathy. Spine J 2003;3(1):33–45.
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Chapitre 5 L’électroneuromyogramme Christophe Perruchoud L’électroneuromyogramme (ENMG) est un examen fonctionnel du système nerveux périphérique. Les indications à un ENMG incluent : la recherche d’une compression d’un nerf périphérique (nerf médian dans sa traversée du canal carpien) ou d’une racine nerveuse (sciatalgie, cervicobrachialgie), l’évaluation d’une atteinte plus diffuse (polyneuropathie ou polyradiculoneuropathie), le bilan d’une faiblesse musculaire d’origine musculaire (myopathie) ou de la jonction neuromusculaire (syndrome myasthénique). L’ENMG comprend l’étude des vitesses de conduction des fibres sensitives et motrices (stimulodétection de surface), l’épreuve de stimulation répétitive et l’électromyogramme (EMG) [1].
Conduction motrice C’est l’enregistrement de l’activité d’un muscle par des électrodes de surface et stimulation du nerf afférent en plusieurs points, de l’extrémité distale vers la partie proximale du nerf. Dans la partie distale, la réponse motrice provoquée par la stimulation électrique est de faible latence (3-4 ms) et de bonne amplitude (7 à 15 millivolts). L’amplitude est proportionnelle au nombre de fibres nerveuses fonctionnelles dans le nerf. Une diminution de l’amplitude distale peut être le reflet d’une atteinte du nerf entre les points de stimulation et d’enregistrement, ou d’une atteinte plus proximale ou plus diffuse, avec une dégénérescence axonale de la partie distale. Un allongement de la latence distale signe en général un processus de démyélinisation. Le déplacement du
site de stimulation en un point plus proximal du trajet nerveux permet d’étudier spécifiquement l’état de la conduction dans le segment nerveux correspondant. L’amplitude est normalement identique, mais la latence est plus longue. Le temps de propagation (latence) du courant électrique et la mesure de la distance entre les points de stimulation et de réception permettent de calculer la vitesse de conduction nerveuse. La vitesse de conduction motrice est d’environ 50 à 60 m/s aux membres supérieurs et de 45 à 55 m/s aux membres inférieurs. Une diminution de la vitesse de conduction motrice segmentaire peut être due au ralentissement de la conduction par démyélinisation (vitesse de l’ordre de 10 à 35 m/s) ou par dégénérescence axonale (vitesse de l’ordre de 35 à 40 m/s) des fibres rapides du nerf. Les structures nerveuses proximales (plexus ou racines) sont difficilement accessibles à la stimulation directe et sont évaluées par l’étude des réponses motrices tardives (réflexe H et onde F), qui transitent par la moelle épinière avant d’atteindre le muscle. Le réflexe H (ou réflexe d’Hoffmann) atteint la moelle par les fibres nerveuses proprioceptives suite à l’activation réflexe des motoneurones du muscle stimulé [2]. Il chemine ensuite dans les fibres nerveuses motrices sur la totalité de leur longueur jusqu’au muscle. L’onde F correspond à l’activation antidromique d’une partie des fibres motrices du muscle considéré qui parvient à la moelle épinière puis revient au muscle par le trajet orthodromique [3]. La mesure de latence de ces réponses tardives permet de calculer des vitesses de conduction proximales.
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Conduction sensitive Ici, les mesures sont réalisées selon les mêmes principes que pour la conduction motrice, mais sur un nerf purement sensitif. En situation normale, l’amplitude du potentiel sensitif est de l’ordre de 10-30 microvolts et la vitesse de conduction sensitive de 50 m/s. Une diminution de l’amplitude est généralement le reflet de la diminution du nombre des fibres nerveuses sensitives fonctionnelles provoquée par des lésions axonales. L’abaissement de la vitesse de conduction correspond à un ralentissement de la conduction due à une démyélinisation.
Épreuve de stimulation répétitive Cette épreuve enregistre la réponse d’un muscle à la stimulation électrique répétée (10 stimulations identiques délivrées à la fréquence de 3 Hz) d’un point distal d’un nerf moteur. L’amplitude des
réponses enregistrées doit rester constante. Une variation supérieure à 10 % traduit une anomalie au niveau de la jonction neuromusculaire (myasthénie ou syndrome de Lambert-Eaton, par exemple) [4].
Électromyogramme L’électromyogramme étudie l’activité électrique des fibres musculaires à l’aide d’une aiguille-électrode insérée dans le muscle (figure 5.1). Aucune activité électrique n’est normalement enregistrée au repos. La présence de potentiels de fibrillation ou de potentiels lents signe une hyperexcitabilité des fibres musculaires, en présence de dénervation (délai d’apparition de 2 à 3 semaines) ou de myosite. Les salves myotoniques (bouffées de potentiels) traduisent un trouble de l’excitabilité de la membrane des fibres musculaires, le plus souvent secondaire à une dysfonction des canaux ioniques membranaires. Les réponses
Figure 5.1. EMG d’un patient présentant des signes de dénervation aiguë au niveau du muscle fléchisseur du gros orteil secondaire (d.) à une hernie discale irritative L5-S1 droite et une dénervation de la musculature paravertébrale (c.) dans un contexte postopératoire (deux cures de hernie discale).
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE 57 Chapitre 5. L’électroneuromyogramme
musculaires suite à une contraction volontaire sont ensuite enregistrées. Les potentiels d’unité motrice peuvent diminuer en nombre (tracé pauvre en cas d’atteinte neurogène) et en taille (réduction du nombre de fibres musculaires fonctionnelles par unité motrice en cas d’atteinte myogène), ou au contraire, augmenter en nombre (recrutement excessif pour la force développée en cas d’inefficacité mécanique des fibres musculaires activées lors d’atteinte myogène) et en taille (augmentation du nombre de fibres musculaires fonctionnelles par unité motrice, signe direct de réinnervation collatérale et signe indirect d’atteinte neurogène) [5].
Références 1. Kimura J. Electrodiagnosis in disease of nerve and muscle: principles and practice. Oxford University Press; 2001. 2. Burke D. Clinical uses of H reflexes of upper and lower limb muscles. Clinical Neurophysiology Practice 2016;1:9–17. 3. Wang FC, Massart N, Kaux JF, Bouquiaux O. F-waves. Rev Neurol 2011 Dec;167(12):938–44. 4. Whittaker RG. Testing the neuromuscular junction: what neurophysiology can offer the neurologist. Pract Neurol 2011;11:303–17. 5. Bromberg MB. An Electrodiagnostic Approach to the Evaluation of Peripheral Neuropathies Physical Medicine and Rehabilitation Clinics of North America 2013;24(1):153–68.
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Chapitre 6 Céphalées et algies de la face Dragana Viceic Les céphalées constituent un motif fréquent de consultation, aussi bien aux urgences qu’au cabinet du médecin de famille. Il est primordial de distinguer les céphalées primaires sans cause sousjacente clairement définie des céphalées secondaires, dont l’origine peut engager le pronostic vital, par exemple les céphalées sur rupture d’anévrysme. La distinction entre céphalées primaires et secondaires n’est pas toujours évidente et requiert parfois l’avis spécialisé d’un neurologue. La migraine et la céphalée de tension font partie des céphalées primaires les plus fréquentes. La céphalée de tension par rapport à la migraine est de loin la plus fréquente dans la population générale. Dans la majorité des cas, les céphalées de tension sont peu invalidantes et répondent bien aux traitements antalgiques simples. Les migraines, en revanche, représentent le motif de consultation le plus courant au cabinet médical. Du fait de leur prévalence élevée, ces deux affections ont un impact socioéconomique important. Elles engendrent des coûts financiers élevés, en termes de prise en charge et par l’absentéisme qu’elles génèrent. De plus, elles altèrent souvent la qualité de vie des patients, perturbent les relations et les interactions avec l’entourage familial, social et professionnel. Une prise en charge précoce, adéquate et individualisée est primordiale pour un bon pronostic et pour éviter une évolution en céphalées chroniques réfractaires aux traitements. La prise en charge commence par une anamnèse sémiologique destinée à caractériser les céphalées sur la base des critères diagnostiques validés par les experts internationaux publiés dans la classification ICHD-3 bêta (International Classification of Headache Disorders, 3e édition, version bêta) en 2013 [1]. Il importe également :
• d’identifier les facteurs qui déclenchent et influencent les céphalées du patient ; • de reconstituer l’historique des traitements, des dosages utilisés, de leur efficacité et de leurs effets secondaires ; • d’évaluer la qualité de sommeil, l’activité physique, les habitudes et l’environnement socioprofessionnel. Une attention particulière est portée à l’état psychique du patient, à d’éventuels antécédents psychiatriques, à des expériences traumatiques, à son attitude vis-à-vis de la maladie et à ses attentes. Un examen clinique minutieux permettra d’aiguiller le diagnostic. En l’absence d’éléments concrets en faveur de céphalées secondaires, le praticien proposera différents traitements, s’efforcera d’impliquer activement le patient dans le choix du traitement. Il l’encouragera à en documenter l’efficacité et organisera un suivi régulier.
Migraine (ICHD-3 bêta 1.0 Migraine) Dans la population, quatre femmes et deux hommes sur 10 vont souffrir de migraine au cours de leur existence [2]. Dans l’étude sur les dépenses mondiales de morbidité («Global Burden of Disease Study ») mise à jour en 2013, la migraine occupe la 3e position des affections les plus répandues au monde et la 1re place des atteintes neurologiques. Elle représente la 6e cause d’invalidité dans le monde. Les coûts engendrés par la migraine dépassent largement les dépenses occasionnées par l’ensemble des autres maladies neurologiques, y compris les accidents vasculaires cérébraux, la sclérose en plaques
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE Syndromes douloureux chroniques
et la maladie de Parkinson. Du point de vue physiopathologique, la migraine peut être définie comme un trouble d’excitabilité du cerveau et un dérèglement des voies sensitives. Les modifications vasculaires considérées dans le passé comme étant à l’origine de la douleur migraineuse se sont avérées n’être qu’un épiphénomène.
Critères diagnostiques Il existe deux grands sous-types de migraines, avec et sans aura. Dans 20 % des cas, la migraine est associée à une aura, c’est-à-dire à des troubles neurologiques focaux transitoires qui précèdent généralement et accompagnent parfois la céphalée. Les critères ICHD-3 bêta des migraines avec et sans aura sont résumés dans les tableaux 6.1 et 6.2 [1]. Si aucun des quatre critères A, B, C ou D n’est rempli, il s’agit d’une « migraine sans aura probable ». L’aura peut être visuelle (90 % des cas), sensitive ou aphasique (rare). L’aura qui comprend des troubles moteurs est classée dans les « migraines hémiplégiques ». Ce type de migraine, ainsi que la « migraine avec aura du tronc cérébral » (anciennement « migraine basilaire) et la « migraine rétinienne » sont des sous-types de migraine plus rares qui ne seront pas traités ici. La migraine est parfois précédée d’une phase prémonitoire de quelques heures ou jours qui Tableau 6.1. Critères diagnostiques de la migraine sans aura (ICHD-3 bêta : 1.1). A. Au moins cinq crises répondant aux critères B-D B. Crises de céphalées d’une durée de 4 à 72 heures (sans traitement) C. Céphalée possédant au moins deux des quatre caractéristiques suivantes : 1. localisation unilatérale 2. caractère pulsatile 3. intensité modérée ou sévère 4. aggravation par les activités physiques de routine (montée ou descente d’escaliers) D. Présence pendant la céphalée d’au moins un des caractères suivants : 1. nausées et/ou vomissements 2. photophobie et phonophobie E. Non attribuable à une autre affection définie par l’ICHD-3
Tableau 6.2. Critères diagnostiques de la migraine avec aura typique (ICHD-3 bêta : 1.2.1). A. Au moins deux crises répondant aux critères B et D B. Aura comprenant des troubles visuels et/ou sensitifs et/ou dysphasiques, tous entièrement régressifs, mais sans déficit moteur et sans symptômes du tronc cérébral ou rétiniens C. Présence d’au moins deux des quatre critères suivants : 1. au moins un des symptômes de l’aura se développe progressivement en 5 min et/ou un ou plusieurs symptômes se succèdent 2. chaque symptôme individuel d’aura dure 5-60 min 3. au moins un symptôme de l’aura est unilatéral 4. l’aura est accompagnée ou suivie dans les 60 min par une céphalée D. Non attribuable à une autre affection définie par l’ICHD-3, après exclusion d’un accident ischémique transitoire
peut disparaître complètement avant le début d’une crise migraineuse. Cette phase comprend différents symptômes : hyper- ou hypoactivité, irritabilité, dépression, fringales, bâillement excessif, fatigue et rigidité de la nuque. Lorsqu’une migraine dure plus de 15 jours par mois pendant plus de 3 mois, ou que les céphalées présentent des caractéristiques migraineuses pendant au moins 8 jours par mois, la migraine appartient à la classe des « migraines chroniques ».
Traitement Le traitement de la crise migraineuse a pour but de faire disparaître la céphalée dans un délai de 2 h et de couper l’apparition d’une nouvelle crise dans les 24 h [3]. Il est essentiel que le traitement spécifique soit pris dès l’apparition des premiers symptômes. En effet, la prise précoce du traitement, c’est-à-dire dans l’heure qui suit le début de la crise, augmente son efficacité et peut diminuer la durée de la crise migraineuse. On ne peut présager de la réponse du patient au traitement et en cas d’échec, d’autres traitements peuvent être proposés. Le dosage et la formule médicamenteuse doivent être adaptés à chaque patient en fonction des symptômes associés. En présence de nausées et de vomissements, il est préférable d’utiliser les injections sous-cutanées ou le spray nasal. Idéalement, le traitement de la crise devrait être limité à 2 jours par semaine
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE Chapitre 6. Céphalées et algies de la face 63
afin d’éviter l’apparition de céphalées par surconsommation de médicaments. Inducteurs de céphalées iatrogènes, les opioïdes, peu efficaces, ne devraient jamais être administrés lors de crise migraineuse. Les agents thérapeutiques spécifiques de la crise migraineuse sont les triptans (tableau 6.3) [2–4]. Bien que l’injection sous-cutanée de sumatriptan (6 mg) soit la plus efficace, les patients préfèrent généralement les formes orales aux injections ou aux sprays. La comparaison entre les formes orales des différents triptans ne montre pas de différence importante, en dehors du frovatriptan, qui s’avère moins efficace, mais de plus longue durée d’action. Les triptans agissent généralement en 20 à 60 min. La prise peut être répétée 2 à 4 h plus tard. On peut les combiner avec des AINS ou des antiémétiques. Leur prescription est contreindiquée chez les patients vasculaires, coronariens, hypertendus chroniques mal contrôlés ou présentant des antécédents d’AVC. L’effet des dérivés de l’ergot est moins spécifique que celui les triptans dans le traitement de la crise migraineuse. Responsables d’effets secondaires plus importants, ils sont actuellement moins utilisés. Certains patients les trouvent néanmoins plus efficaces que les triptans. Les maladies vasculaires, l’hypertension, l’insuffisance rénale, l’insuffisance hépatique et la grossesse sont des contre-indications à la prescription des dérivés
de l’ergot. Ils sont administrés en spray nasal (une nébulisation de 0,5 mg dans chaque narine, à répéter après 15 min, maximum 2 mg/j) ou en intraveineux (0,5 à 1 mg, à répéter après 1 h, max 3 mg/j).
Quelle attitude en cas d’échec de traitement aux triptans ? L’absence de réponse à une première prise de triptans ne doit pas être nécessairement considérée comme un échec. Il est en effet recommandé de tester le même triptan au moins trois fois de suite avant de conclure à son inefficacité. En cas d’échec de traitement, il existe plusieurs options : augmenter la dose, changer de formulation, associer un traitement adjuvant (par exemple, les AINS, max. 15 doses/mois), instaurer un traitement de fond. Il importe de rechercher des céphalées tensionnelles, de répéter l’anamnèse à la recherche de substances provoquant des céphalées (médicaments, café, antalgiques, etc.).
Traitement de fond Le traitement de fond a pour but de diminuer la fréquence, la durée et la sévérité des crises migraineuses, de potentialiser la réponse au traitement des crises [4]. Il permet de limiter la souffrance,
Tableau 6.3. Les triptans. Médicaments
Formes/dosages
Demi-vie (h)
Dose journalière max.
Almotriptan
12,5 mg (cp.)
3à4
25 mg
Elétriptan
20 mg et 40 mg (cp.)
4
80 mg
Rizatriptan
5 mg et 10 mg (cp.)
2à3
20 mg
3
200 mg oral
5 mg et 10 mg (cp. linguaux) Sumatriptan
50 mg (cp.) 10 mg et 20 mg (spray nasal)
40 mg intranasal
6 mg/0,5 ml (sol. inj.)
12 mg sous-cutané
Naratriptan
2,5 mg (cp.)
6
5 mg
Zolmitriptan
2,5 mg (cp.)
3
10 mg
26
5 mg
2,5 mg (cp. orodispersible) 2,5 mg et 5 mg (spray nasal) Frovatriptan
2,5 mg (cp.)
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le handicap, la progression de la maladie et sa chronicisation. Une étude récente a montré que la prescription d’un traitement de fond pour les migraines est sous-utilisée alors que 40 % des patients migraineux pourraient en bénéficier. Les indications au traitement de fond sont les suivantes : quatre crises ou plus par mois, une interférence importante des céphalées avec les activités quotidiennes, un traitement de crise inefficace, contre-indiqué ou surutilisé, des effets secondaires importants du traitement de crise, le désir du patient d’entreprendre un traitement de fond ou encore des circonstances particulières, enfants, personnes âgées, femmes enceintes [3]. Le choix du traitement de fond est fonction des comorbidités et des préférences du patient. Par principe, le traitement de fond débute avec les plus faibles doses qu’on augmente très lentement pour éviter les effets secondaires, afin d’évaluer l’efficacité de la prescription. Le traitement devrait être poursuivi pendant 2-3 mois au minimum avant d’être modifié. L’arrêt progressif du traitement de fond peut être envisagé lorsque les céphalées sont bien contrôlées pendant 6 mois. La valeur des différents traitements de fond a été récemment mise à jour : les médicaments les plus efficaces (niveau A) sont le valproate de sodium, le topiramate, le métoprolol et le propranolol [2]. Les antiépileptiques valproate de sodium et topiramate sont utilisés à doses plus faibles ou comparables à celles utilisées dans le traitement de l’épilepsie. Le valproate de sodium doit être évité chez les femmes en âge de procréer, car il peut provoquer des malformations fœtales. Il présente de nombreux effets secondaires : nausées, prise de poids, tremblements, alopécie, encéphalopathie, élévation des enzymes hépatiques, hépatite, pancréatite et agranulocytose, qui nécessitent des contrôles (tests hépatiques, formule sanguine). Malgré cela, le valproate de sodium est un traitement efficace dans la prévention de la migraine et pourrait être utilisé en présence d’un trouble bipolaire associé. Le topiramate à des doses de 100 à 200 mg/j est fréquemment utilisé comme traitement préventif des migraines. Il faut néanmoins commencer avec
des doses de 25 mg et titrer l’augmentation des doses (25 mg/semaine) en fonction de l’efficacité du médicament et de ses effets secondaires. L’apparition transitoire de paresthésies au niveau des extrémités, des modifications du goût, le ralentissement des fonctions cognitives, inquiètent souvent les patients en début de traitement. Ces symptômes s’amenuisent ou disparaissent par la suite. En ce qui concerne la grossesse, ce traitement a été récemment reclassifié dans la catégorie D en raison du risque du bec-de-lièvre. Une myopie aiguë et un glaucome secondaire aigu par fermeture de l’angle sont des complications rares, mais potentiellement sévères. Les bêtabloquants, propranolol et métoprolol, ont longtemps été considérés comme un traitement préventif de première ligne. Néanmoins, on trouve quelques séries de cas d’AVC chez des patients migraineux avec aura traités par bêtabloquants. En raison du risque de prise de poids et de diabète de type II, la prescription de bêtabloquants exige des précautions chez les patients en surpoids, chez les patients diabétiques ou dont l’anamnèse familiale est positive, ou encore chez les patients souffrant de migraines avec aura [3]. L’amitriptyline est l’antidépresseur le plus souvent utilisé. Des doses faibles (10 à 25 mg) sont parfois suffisantes. L’amitriptyline est indiquée chez les patients présentant également des troubles du sommeil. L’apparition d’une sédation matinale peut être évitée par une prescription en fin d’après-midi.
Céphalée de tension (ICHD-3 bêta 2.0 Céphalée de tension) Dans la population générale, la prévalence de la céphalée tensionnelle au cours de la vie varie entre 30 % et 78 %. L’impact socioéconomique de cette céphalée primaire est très élevé. Le mécanisme exact de la céphalée de tension n’est pas encore élucidé. On attribue les formes épisodiques à des mécanismes périphériques de la douleur alors que des mécanismes centraux semblent jouer un rôle primordial dans les formes chroniques.
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE Chapitre 6. Céphalées et algies de la face 65 Tableau 6.4. Signaux d’alarme (« red flags ») pour les céphalées secondaires. Âge 50 ans Céphalée nouvelle ou décrite comme « la pire douleur jamais ressentie » Existence d’une néoplasie sous-jacente, d’une hypertension artérielle, d’un VIH, d’une maladie de système, d’un traitement immunosuppresseur Céphalée récente et d’installation rapidement progressive Céphalée récente et d’installation brusque Céphalée inhabituelle chez un patient connu pour céphalées Présence de signes neurologiques Céphalée d’effort, provoquée par une manœuvre de Valsalva, des rapports sexuels Présence de signes généraux (fièvre, vitesse de sédimentation augmentée) Céphalée secondaire à un accouchement, un traumatisme crânien, une ponction durale
Tableau 6.5. Critères diagnostiques de la céphalée de tension épisodique fréquente (ICDH-3 bêta : 2.2) A. Au moins 10 épisodes de céphalées survenant de 1 à 14 jours par mois en moyenne, sur une durée > 3 mois (≥ 12 et 3 mois, avec des exacerbations d’intensité modérée ou sévère
C. Présence d’un ou des deux éléments suivants : 1. La crise est associée à au moins un des symptômes ou signes suivants du côté de la céphalée : a) injection conjonctivale et/ou larmoiement b) congestion nasale et/ou rhinorrhée c) œdème de la paupière d) sudation du front et de la face e) rougeur du front et de la face f) sensation de la plénitude dans l’oreille g) myosis et/ou ptosis 2. Impatience ou agitation motrice
C. Présence d’un ou des deux éléments suivants : 1. La crise est associée à au moins un des symptômes ou signes suivants du côté ipsilatéral à la céphalée : a) injection conjonctivale et/ou larmoiement b) congestion nasale et/ou rhinorrhée c) œdème de la paupière d) sudation du front et de la face e) rougeur du front et de la face f) sensation de la plénitude dans l’oreille g) myosis et/ou ptosis 2. Impatience ou agitation motrice, ou aggravation de la douleur par les mouvements
D. Fréquence de une à huit crises/jour
D. Réponse complète aux doses thérapeutiques d’indométacine
E. Non attribuable à une autre affection définie par l’ICHD-3
E. Non attribuable à une autre affection définie par l’ICHD-3
à années. Les algies vasculaires de la face sont caractérisées par une rythmicité circadienne et circannuelle. La forme chronique, qui se caractérise par l’absence de période de rémission, est plus rare, ne touchant que 10-15 % des patients ; 25 % des patients présentent une crise unique. La douleur est localisée dans les régions périorbitaire (92 %), supraorbitaire et temporale (70 %) ou touche plusieurs de ces territoires. L’intensité des douleurs est qualifiée « d’atroce ». Il s’agit en effet des céphalées primaires les plus douloureuses. Le comportement des patients pendant les crises permet de distinguer l’algie vasculaire de la migraine : les patients sont très agités et incapables de rester couchés tranquillement. Les facteurs déclenchants sont l’alcool, l’histamine, la nitroglycérine, une odeur désagréable ou la sieste [3]. Les hémicrânies continues, plus rares que les algies vasculaires, se manifestent également entre 20 à 40 ans, mais touchent plus fréquemment les femmes (3 F :1 H). Les crises sont plus courtes (tableau 6.7), mais plus fréquentes. Les symptômes dysautonomiques sont moins sévères que dans les algies vasculaires de la face. La douleur est sévère, « atroce », décrite comme un « coup de poignard ». Contrairement à la pathologie précédente, le patient préfère rester immobile. La douleur maximale se situe dans la région oculotemporale, au niveau du front, au-dessus et
derrière l’oreille. Certains symptômes migraineux comme la photo- et la phonophobie sont présents, mais seulement du côté de la douleur et des signes dysautonomiques. Les hémicrânies paroxystiques représentent environ 3 à 6 % des CTA. Leur prévalence est estimée à 1/50 000 avec une légère prédominance féminine. Elles apparaissent vers l’âge moyen de 40 ans. Les crises sont plus courtes que dans les algies vasculaires de la face, mais elles sont plus fréquentes (> 5 x/j). Les symptômes dysautonomiques associés sont moins sévères (tableau 6.8).
Traitement Comme les CTA sont très intenses, leur traitement doit être rapide et efficace [2]. Il comprend le traitement de la crise, un traitement de fond et, dans le cas d’algies vasculaires de la face, un traitement de transition [2]. Le traitement aigu vise à soulager le patient en moins de 15 min et à obtenir une rémission rapide au moyen des traitements de fond et de transition. Le traitement de transition est prolongé jusqu’à ce que le traitement de fond devienne efficace, ce qui nécessite parfois plusieurs semaines de titration progressive. Dans les algies vasculaires de la face, le traitement oral est déconseillé parce que trop lent. Sont
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE Chapitre 6. Céphalées et algies de la face 69 Tableau 6.8. Critères diagnostiques de l’hémicrânie paroxystique (ICHD-3 bêta : 3.2). A. Au moins 20 crises remplissant les critères B-E B. Crises de douleur sévère unilatérale orbitaire, supraorbitaire ou temporale, d’une durée de 2 à 30 min C. La céphalée est accompagnée par au moins un des signes suivants du côté ipsilatéral à la céphalée : 1. injection conjonctivale et/ou larmoiement 2. congestion nasale et/ou rhinorrhée 3. œdème de la paupière 4. sudation du front et de la face 5. rougeur du front et de la face 6. sensation de la plénitude de l’oreille 7. myosis et/ou ptosis ipsilatéral D. Les crises ont une fréquence supérieure à 5/j pendant plus de la moitié du temps E. Les crises disparaissent complètement grâce à un traitement de fond avec des doses thérapeutiques d’indométacine F. Non attribuable à une autre affection définie par l’ICHD-3
actuellement recommandés les injections souscutanées de sumatriptan (6 mg, max 12 mg/j), le sumatriptan en spray nasal (20 mg) et le zolmitriptan en spray nasal (5 mg) [2]. L’oxygène 100 % administré au masque (et non aux lunettes !) à un débit de 10-15 l/min durant 15-20 min s’est également révélé efficace. Pour une meilleure efficacité, le patient doit adopter la pose duPenseur de Rodin. D’autres types de traitements semblent également efficaces, mais les preuves de leur efficacité manquent. La transition entre la phase aiguë et le traitement de fonds est réalisée avec des injections suboccipitales ipsilatérales du nerf grand occipital ou des stéroïdes oraux [2]. Le vérapamil est le médicament de première intention pour le traitement de fond. En cas d’échec, le lithium, le valproate, le topiramate, la mélatonine, la gabapentine ou l’indométacine représentent des alternatives acceptables [2]. Le traitement chirurgical reste réservé aux patients réfractaires aux traitements médicamenteux. L’indométhacine est le médicament de choix (et une aide diagnostique) dans le traitement des hémicrânies paroxystiques et continues. En cas d’intolérance à l’indométacine, les AINS, la mélatonine, la topiramate, la gabapentine ou encore les infiltrations du grand nerf occipital constituent des bons substituts [2].
Céphalées par surconsommation de médicaments (ICHD-3 bêta : 8.2 Céphalées par surconsommation de médicaments) Les céphalées dues à une surconsommation de médicaments sont appelées aussi « céphalées par abus médicamenteux » ou « céphalées médicamenteuses ». L’auteur préfère le terme de « surconsommation » à celui « d’abus », qui peut sous-entendre une perte de contrôle. Les céphalées par surconsommation de médicaments appartiennent au groupe des céphalées chroniques [5]. Elles surviennent lors d’utilisation excessive d’une substance médicamenteuse chez un sujet sensibilisé. Le plus souvent, il s’agit des sujets souffrant de céphalées épisodiques, de migraines (environ 2/3 des cas) ou de céphalées de tension évoluant depuis 5 à 20 ans. Induites par une substance ou par le sevrage de cette substance, ces céphalées sont des céphalées secondaires. Elles coexistent fréquemment avec les migraines chroniques, auquel cas le patient devrait en être informé. Bien qu’il soit parfois difficile de distinguer les céphalées par surconsommation de médicaments des migraines chroniques, l’approche thérapeutique est similaire. La prévalence des céphalées par surconsommation de médicaments varie entre 1 % à 2 % avec une prépondérance féminine (3 F : 1 H) [5]. Elles sont plus fréquentes chez les adultes autour de la quarantaine et très rares chez les enfants, les adolescents et les personnes âgées. Elles sont souvent associées à des situations socioéconomiques défavorisées, à un index de masse corporelle élevé, à des troubles du sommeil, au tabagisme, ainsi qu’à des comorbidités psychiatriques (dépression et anxiété).
Critères diagnostiques Le diagnostic des céphalées par surconsommation de médicaments implique que c’est la substance médicamenteuse qui induit les céphalées.
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Cette situation peut apparaître lorsqu’une migraine épisodique évolue en migraine chronique (2,5 %/an). Certains médicaments utilisés dans le traitement des crises migraineuses (opioïdes et analgésiques contenant les dérivés barbituriques) peuvent augmenter le risque de chronicisation d’une migraine épisodique. La recrudescence des céphalées provoquées par la surconsommation de médicaments incite le patient à consommer encore plus de médicaments, ce qui crée un cercle vicieux. En principe, toute substance utilisée dans le traitement des céphalées peut induire des céphalées par surconsommation. Le sevrage de la substance incriminée est associé à une diminution de la fréquence et de l’intensité des céphalées. Les rechutes dans la première année après le sevrage sont fréquentes (environ 40 %), d’où importance d’un suivi régulier. Certains facteurs sont de mauvais pronostic : consommation d’opioïdes, de substances psychoactives non antalgiques (tabac, alcool, benzodiazépines) et troubles du sommeil. Les opioïdes et les dérivés barbituriques altèrent les voies de signalisation nociceptive responsables de céphalées continues qui ne cèdent pas à un sevrage médicamenteux. Les céphalées par surconsommation de médicaments sont définies par la présence de céphalées au moins 15 jours par mois chez un sujet souffrant de céphalées consommant régulièrement un ou plusieurs traitements symptomatiques depuis 3 mois consécutifs. La surutilisation est définie par le nombre de jours par mois durant lesquels il y a consommation d’un traitement de crise, quelle que soit sa quantité journalière. Le nombre de jours définis varie en fonction des différentes classes de médicaments : • 10 jours par mois pour les opioïdes, les dérivés de l’ergot, les triptans ou les formulations combinées d’antalgiques (c’est-à-dire les médicaments associant plusieurs principes actifs) ; • 15 jours par mois pour les antalgiques simples (paracétamol, acide acétylsalicylique, AINS) ; • 10 jours par mois pour toute combinaison de dérivés de l’ergot, de triptans, d’antalgiques simples ou d’opioïdes, même si l’identité ou la quantité de la substance ne peut pas être établie de manière fiable [1].
Toute céphalée chronique doit faire l’objet d’une recherche systématique de surconsommation médicamenteuse, au moyen d’un agenda des céphalées établi par le patient.
Traitement Le traitement a pour but un sevrage complet du médicament incriminé, et par conséquent, la diminution de la fréquence et de la sévérité des céphalées ainsi que le retour à des céphalées épisodiques. Le sevrage médicamenteux améliore également la réponse aux traitements de crise et de fond. Après la phase aiguë de sevrage, l’objectif à long terme consiste à empêcher une rechute. La prise en charge globale associe des approches non pharmacologiques à un traitement de fond, au sevrage du médicament surutilisé et à l’introduction d’un autre traitement. Les approches non pharmacologiques comp rennent l’éducation thérapeutique, la gestion et l’adaptation du mode de vie, ainsi que l’évitement des facteurs provoquant la céphalée. Les approches cognitivocomportementales, les techniques de relaxation, la gestion du stress et le rétrocontrôle biologique sont particulièrement efficaces. Les troubles du sommeil provoquent ou exacerbent les céphalées, incitent parfois les patients à l’automédication (benzodiazépines ou hypnotiques). Il est donc important d’investiguer la qualité du sommeil et d’enseigner une bonne hygiène de sommeil. En présence d’une authentique dépendance (par exemple aux opioïdes), un avis spécialisé en addictologie s’avérera utile. Plusieurs traitements de fond sont efficaces dans le traitement de la migraine épisodique. Cependant, peu d’études ont démontré l’efficacité des traitements de fond dans les migraines chroniques et les céphalées par surconsommation de médicaments, sauf pour le topiramate et la toxine botulinique de type A. L’efficacité d’un traitement de fond médicamenteux est déterminée après 2 à 3 mois de prescription thérapeutique. La toxine botulinique de type A est administrée sous forme d’injections intramusculaires (5 unités) dans 31 sites céphaliques et cervicaux toutes les
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12 semaines. L’efficacité est évaluée après 2 ou 3 cycles de traitement. Pour plus d’informations, il est conseillé de consulter l’étude multicentrique PREEMPT (phase III,Research Evaluating Migriane Prophylaxis Therapy) [6]. Les données actuelles sont insuffisantes pour recommander un protocole de sevrage particulier, qu’il soit lent ou rapide [2]. Un sevrage lent (en 4 à 6 semaines) s’effectue en ambulatoire et comporte les étapes suivantes : • introduction du traitement de fond (4 à 6 semaines) ; • détermination de la date d’arrêt de la substance surutilisée, généralement après 4 semaines, date à laquelle ce traitement ne devrait plus être utilisé ; • proposition de traitement de crise spécifique pour les céphalées sévères à utiliser au maximum 2 jours par semaine ; • éducation thérapeutique, soutien psychologique et choix d’une approche non pharmacologique [2]. Le nouveau traitement devrait être choisi dans une autre classe thérapeutique et le patient instruit de l’utilisation optimale de ce nouveau médicament. Contrairement aux céphalées peu fréquentes où le traitement doit être pris dès les premiers symptômes, les céphalées chroniques légères doivent être abordées essentiellement par des méthodes non pharmacologiques : relaxation, repos en chambre sombre, massages et compresses froides sur les aires douloureuses. L’utilisation médicamenteuse devrait être limitée à 2 jours maximum par semaine. La procédure de sevrage rapide effectuée en ambulatoire ou en milieu hospitalier consiste à interrompre l’administration du médicament incriminé en une journée, à introduire un traitement de transition (AINS, stéroïdes, triptans, dérivés ergotés) et un traitement de fond le même jour. Cette manière de faire est particulièrement appropriée lorsque le patient présente d’importantes comorbidités médicales et psychiatriques, que les doses du médicament en cause sont élevées ou que le patient ne bénéficie d’aucun soutien familial. La disparition des céphalées confirme le diagnostic. La réapparition et la persistance d’une
forme bénigne de céphalées 2 mois après le sevrage parlent pour une migraine chronique.
Céphalée cervicogénique (ICHD-3 bêta : 11.2.1 Céphalée cervicogénique) La céphalée cervicogénique est une céphalée secondaire provoquée par une pathologie de la colonne cervicale au niveau de ses composantes osseuses, des disques intervertébraux ou du tissu mou [7]. Elle peut être associée ou non à un traumatisme crânien ou cervical. Il s’agit d’une douleur référée dans une ou plusieurs parties de la tête ou du visage par la stimulation des racines cervicales C1-C3 qui activent le noyau caudal du trijumeau situé dans le segment supérieur de la partie cervicale de la moelle épinière. Dans ce contexte, toute structure innervée par les nerfs spinaux C1-C3 peut être à l’origine d’une céphalée cervicogénique. La prévalence de la céphalée cervicogénique varie de 0,4 % à 2,5 % dans la population générale, de 15 à 20 % chez les patients souffrant de céphalées chroniques. Elle est plus fréquente chez les femmes (4 F : 1H). Le début de la présentation se situe autour de la quarantaine. Certains patients sont plus à risque de développer une céphalée cervicogénique : les patients atteints d’anomalies congénitales de la jonction craniovertébrale et de la colonne supérieure, de tumeurs primaires ou secondaires de la région atlanto-occipitale, de la maladie de Paget, d’ostéomyélite, de myélome multiple, de polyarthrite rhumatoïde, de spondylarthrite ankylosante du rachis cervical, de tendinite rétropharyngée, de dystonies cervicales ou présentant des antécédents de traumatisme ou d’entorse cervicale, avec étirement des structures musculoligamentaires (par exemple lors d’une accélération suivie d’une décélération brusque de la tête ou « coup du lapin »).
Critères diagnostiques La céphalée cervicogénique est une douleur unilatérale ressentie dans la nuque et dans la région
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occipitale. Elle peut irradier vers les régions frontale, orbitaire, temporale, jusqu’au vertex. Elle a un caractère non pulsatile et continu, d’intensité modérée, déclenchée ou exacerbée par les mouvements ou une posture vicieuse persistante de la nuque. Elle ne présente aucune des caractéristiques des douleurs et atteintes radiculaires. L’examen clinique met en évidence une sensibilité augmentée, des spasmes musculaires cervicaux et paraspinaux, une posture cervicale anormale ou des mouvements passifs limités de la nuque. À la palpation, on note une hypertrophie ou une contracture des muscles de la nuque. En l’absence de trouble dégénératif de la colonne cervicale, une douleur myofasciale isolée correspond à une céphalée de tension. La présence de troubles dégénératifs isolés de la colonne cervicale n’est pas un argument suffisant pour poser le diagnostic de céphalée cervicogénique. Pour répondre aux critères diagnostiques d’ICHD-3, l’apparition de la céphalée a un lien temporel avec l’atteinte de la colonne cervicale. Elle s’améliore ou disparaît après l’amélioration ou la résolution de la pathologie primaire (tableau 6.9) [1]. Le bloc anesthésique de C2 ou du grand nerf occipital dissipe la céphalée. La céphalée cervicogénique est difficile à distinguer de la céphalée de tension en raison de nombreux points communs. Contrairement à la céphalée de tension et à la migraine, la céphalée Tableau 6.9. Critères diagnostiques de la céphalée cervicogénique (ICHD-3 bêta : 11.2.1) A. Céphalée remplissant le critère C B. Évidence clinique, biologique ou radiologique d’un trouble ou d’une lésion de la colonne cervicale ou des tissus mous du cou, reconnus ou généralement acceptés comme cause de céphalée C. Preuve d’un lien de causalité démontrée par au moins deux des quatre éléments suivants : 1. la céphalée s’est développée en relation temporelle au début du trouble ou de la lésion de la colonne cervicale 2. amélioration ou disparition de la céphalée avec amélioration ou résolution du trouble ou de la lésion de la colonne cervicale 3. limitation des mouvements de la nuque et augmentation de la céphalée par des manœuvres provocatrices 4. disparition de la céphalée après un bloc diagnostique au niveau d’une structure cervicale ou de son nerf sensitif D. Non attribuable à une autre affection définie par l’ICHD-3.
cervicogénique est toujours unilatérale et ne change pas de côté (« side-locked pain ») [1]. La pression des doigts sur les muscles de la nuque ou lors des mouvements de la tête provoque une douleur typique, irradiant dans l’axe postéroantérieur. Elle est parfois associée à une gêne dans le bras ipsilatéral. Bien que de valeur limitée, l’imagerie diagnostique (IRM, CT-scan) peut néanmoins être utile au diagnostic d’éventuelles causes secondaires nécessitant un traitement chirurgical ou autre : tumeurs de la fosse postérieure, malformations d’Arnold-Chiari, spondylose cervicale, hernie du disque intervertébral avec compression des nerfs spinaux, dissection vertébrale et tumeurs intra- et extramédullaires.
Traitement Les traitements médicamenteux seuls sont limités, une approche multidimensionnelle est nécessaire [7]. Le traitement médicamenteux comprend des antidépresseurs tricycliques, des antiépileptiques et des antalgiques simples, avec en appoint des relaxants musculaires à activité centrale de type tizanidine et baclofène. Le traitement médicamenteux améliore la compliance du patient à des thérapies physiques. Les traitements médicamenteux sont généralement prescrits à faibles doses, et augmentés progressivement pour atteindre la dose thérapeutique tolérée.
Névralgie du trijumeau (ICHD-3 bêta : 13.1 Névralgie du trijumeau) La névralgie du trijumeau est la plus fréquente et la plus douloureuse des névralgies crâniennes [2]. Sa prévalence se situe entre 5 et 29/100 000 personnes/an, son incidence annuelle entre 4 et 5/100 000. Cette pathologie est définie par une douleur intense de type lancinante dans le territoire sensitif du nerf trijumeau. Cette pathologie touche typiquement les sujets au-delà de 50 ans et les femmes plus fréquemment que les hommes
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(1,70 F : 1 H). La forme classique est souvent liée à la compression neurovasculaire de la racine du nerf trijumeau près de l’entrée de sa partie dorsale par l’artère cérébelleuse supérieure. Les formes secondaires (environ 15 %), actuellement désignées dans la classification ICHD-3 bêta sous le nom de neuropathies trigéminales douloureuses, sont associées à différentes pathologies : sclérose en plaques, infection herpétique, trauma ou processus expansif intracrâniens (tumeurs ou anévrismes). Tous les patients souffrant d’une névralgie du trijumeau devraient bénéficier d’une IRM et d’une angio-IRM au gadolinium avec des coupes fines sur le trajet du nerf trijumeau.
Critères diagnostiques Les critères diagnostiques minimaux pour une névralgie du trijumeau incluent la localisation de la douleur exclusivement dans le territoire d’une ou plusieurs divisions du nerf trijumeau, ainsi que le caractère paroxystique de la douleur. Le tiers postérieur du scalp, l’oreille et l’angle de la mandibule ne sont pas innervés par le trijumeau, mais par les nerfs cervicaux [8]. Une douleur dans ces territoires exclut donc le diagnostic de névralgie du trijumeau. Même si la névralgie de la division ophtalmique est la plus rare (< 5 %), il n’y a pas d’évidence claire qu’elle est associée à une pathologie sous-jacente. En revanche, il importe de la distinguer des autres types de céphalées primaires (hémicrânies paroxystiques, par exemple). La névralgie du trijumeau secondaire, bilatérale, touche des personnes jeunes. Elle est associée à des troubles sensitifs alors que les signes dysautonomiques francs de la face sont absents. La douleur de la névralgie du trijumeau est de type paroxystique avec un début et une fin brusques [8]. Le paroxysme typique est une douleur brève, sous forme de lancée ou de choc électrique d’intensité très forte. La douleur intense provoque une contraction ipsilatérale de la face, appelée « tic douloureux ». Le paroxysme est suivi d’une période réfractaire de plusieurs secondes à minutes durant laquelle une nouvelle douleur ne peut être déclenchée.
La douleur typique dure une fraction de seconde, mais peut aller jusqu’à 2 minutes. La fréquence des crises varie de 1 à 50 par jour. La douleur aiguë peut être associée à une douleur faciale de fond persistante et d’intensité modérée, signe de sensibilisation centrale. Les paroxysmes douloureux peuvent survenir spontanément ou être déclenchés à partir de points gâchettes qui ne coïncident pas nécessairement avec la localisation de la douleur. Ces zones gâchettes se situent le plus souvent dans la partie centrale de la face, autour du nez et la bouche (plis nasolabiaux). La douleur peut être déclenchée par un stimulus mécanique dans le territoire du nerf trijumeau (toucher léger, souffle d’air), par des mouvements de la face (sourire, parler, manger), par un stimulus tactile (rasage, maquillage). À l’examen clinique, les sensibilités tactile et algique sont préservées. La présence d’une hypoesthésie et d’une hypoanalgésie indique une atteinte axonale qui nécessite des investigations pour exclure une cause secondaire. L’intensité et la présentation de la douleur font que le patient se souvient exactement de la date de la première crise.
Traitements Le traitement de première ligne (niveau A) est sans conteste la carbamazépine [9]. Des doses faibles de 100 mg 2 x/jour suffisent initialement. Ce traitement peut être augmenté jusqu’à 1 200 mg/j. Les effets secondaires, neutropénie et hyponatrémie, requièrent des contrôles sanguins réguliers. En cas d’échec ou de traitement insuffisant, il est possible d’introduire l’oxcarbazépine avec moins d’effets secondaires (600-1 800 mg/j) (niveau B), la lamotrigine, le baclofène, la gabapentine et la phénytoïne (niveau C) [9]. En cas d’échec des traitements médicamenteux (contrôle insuffisant de la douleur, effets secondaires intolérables), la neurochirurgie par abord direct ou par voie percutanée peut s’avérer utile [10]. La décompression microvasculaire (opération de Jannetta) est une procédure neurochirurgicale effectuée sous anesthésie générale :
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on accède au nerf trijumeau par une petite craniotomie et on place un petit fragment de Dacron® ou de Téflon® entre le nerf et le vaisseau compressif. Cette procédure a pour but de préserver la fonction du nerf trijumeau. Les taux de réussite sont élevés, les complications très faibles, mais le taux de récidive d’environ 20 % à 5 ans. Cette méthode est proposée aux patients sans comorbidités importantes chez qui on a démontré un conflit vasculaire. Les approches percutanées (thermocoagulation sélective du ganglion de Gasser par radiofréquence, compression par ballonnet et rhizolyse au glycérol), consistant à introduire une canule par le foramen ovale pour provoquer une lésion du ganglion ou de la racine du nerf trijumeau, sont moins invasives. Elles ne nécessitent pas d’ouverture du crâne et sont réalisées en ambulatoire sous anesthésie de courte durée. La thermocoagulation permet d’effectuer des lésions du nerf par radiofréquence à durée et température contrôlées : 60-70°C pendant 60 secondes. L’objectif est atteint lorsqu’on obtient une analgésie à la piqûre sans perte complète de la sensibilité au toucher et sans altération de la sensibilité cornéenne. L’efficacité immédiate est d’environ 94 %, de 60 % à long terme. Les effets secondaires incluent une hypoesthésie faciale, un déficit masticateur, une kératite, des dysesthésies et une anesthésie douloureuse. La compression par ballonnet produit une lésion mécanique au moyen d’un cathéter et d’un ballon gonflable. Le soulagement est immédiat dans 96 % des cas et se maintient à long terme dans 67 % des cas. Hypoesthésie faciale et parésie masticatrice sont les effets secondaires les plus fréquents. La rhizolyse au glycérol consiste à provoquer une lésion chimique du nerf trijumeau par injection de glycérol anhydre. Le traitement de radiochirurgie stéréotaxique par rayons gamma (Gamma Knife) dirigés sur le ganglion de Gasser est une technique non invasive pratiquée sous anesthésie locale qui nécessite la mise en place d’un cadre de stéréotaxie. Le délai d’action de quelques mois constitue un sérieux inconvénient de la technique. La récidive à 5 ans est d’environ 40 %.
Finalement, les résultats cliniques obtenus dans des études préliminaires de stimulation électrique cérébrale profonde sont prometteurs.
Névralgie occipitale (ICHD-3 bêta : 13.4 Névralgie occipitale) La névralgie occipitale est une douleur qui prend naissance dans la région de la nuque, suit le trajet d’un des trois nerfs suivants : nerf grand occipital (racine du C2), nerf petit occipital (racines du C2-C3), 3e nerf occipital (racine du C3), pour irradier finalement vers le vertex, et parfois jusque dans la région frontoorbitaire [2]. La douleur est paroxystique, unilatérale dans 85 % des cas, de type décharge électrique ou coup de poignard, et dure de quelques secondes à quelques minutes. Elle peut aussi être constante, avec des élancements sur fond de brûlure. Certains mouvements de la tête et de la nuque, des stimuli inoffensifs (exposition au froid ou brossage de cheveux) peuvent déclencher la douleur. Celle-ci peut également diffuser dans les territoires adjacents aux nerfs impliqués. À l’examen clinique, on retrouve, dans 50 % des cas, une dysesthésie ou une allodynie dans le même territoire nerveux, ou encore une hyperpathie du cuir chevelu décrite par les patients comme un « mal aux cheveux ». Une contracture musculaire ou une diminution de l’amplitude des mouvements de la nuque peuvent être également associées. Il s’agit d’une pathologie rare dont l’incidence et la prévalence sont inconnues par manque de consensus à propos des critères diagnostiques. En effet, le diagnostic est fréquemment attribué à tort à toutes sortes de douleurs dans la région occipitale. L’étiologie est la plus souvent idiopathique. Les causes secondaires incluent un traumatisme impliquant l’un des trois premiers nerfs cervicaux, leur compression ou la compression de leur racine par les processus dégénératifs ou les discopathies cervicales, une tumeur affectant les racines nerveuses C2 et C3. D’autres causes doivent être recherchées : infections, inflammations locales, goutte, diabète et vasculites.
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE Chapitre 6. Céphalées et algies de la face 75
Critères diagnostiques Les critères diagnostiques sont décrits dans le tableau 6.10 [1]. Le diagnostic différentiel s’étend à toute douleur impliquant l’un des premiers trois nerfs cervicaux. Une névralgie occipitale nouvelle, une douleur atypique, un examen clinique anormal devraient être investigés par des IRM cérébrales et cervicales afin d’exclure une origine structurelle ou une lésion infiltrative.
Traitement Un traitement conservateur par application de chaleur locale, massages et physiothérapie (pour améliorer la posture et reprendre une activité précoce dans les cas post-traumatiques) permet de diminuer la douleur et les spasmes musculaires. Les traitements médicamenteux comprennent les AINS, les relaxants musculaires, les antiépileptiques (carbamazépine, gabapentine, phénytoïne, acide valproïque) ou les antidépresseurs tricycliques [2]. Les infiltrations au niveau du nerf occipital constituent le traitement de choix, à condition qu’il soit effectué par des spécialistes entraînés. Pratiquée dans un but diagnostique puis
Tableau 6.10. Critères diagnostiques de la névralgie occipitale (ICHD-3 bêta : 13.4) A. Douleur unilatérale ou bilatérale remplissant les critères B-E B. La douleur est localisée dans la zone distribution des nerfs grand occipital, petit occipital et/ou du 3e nerf occipital C. La douleur présente deux des trois caractéristiques suivantes : 1. survenue au cours des crises paroxystiques qui durent de quelques secondes à minutes 2. intensité sévère 3. qualité lancinante, en coup de poignard D. La douleur est associée aux deux éléments suivants : 1. dysesthésies et/ou allodynie apparente au cours d’une stimulation inoffensive du cuir chevelu et/ou des cheveux 2. un ou deux des éléments suivants : a) sensibilité au niveau des branches nerveuses touchées b) points de déclenchement à l’émergence du nerf grand occipital ou dans la zone de la distribution de C2 E. La douleur est atténuée temporairement par un bloc anesthésique local du nerf atteint F. Non attribuable à une autre affection définie par l’ICHD-3
thérapeutique, cette thérapie soulage la douleur immédiatement et pour une durée de plusieurs semaines à quelques mois. En présence de résultats négatifs, il faut suspecter un autre diagnostic. La neurostimulation du nerf occipital a été proposée aux patients réfractaires aux méthodes moins invasives. Cette technique n’est pas encore considérée comme une thérapie de routine et ne devrait être pratiquée que dans les centres de douleurs spécialisés en neuromodulation. Références 1. Headache Classification Committee of the International Headache S. The International Classification of Headache Disorders, 3rd edition (beta version). Cephalalgia: an international journal of headache 2013;33:629–808. 2. Headache. Continuum : Lifelong Learning in Neurology 2015;21:939–1249. 3. Headache. Continuum : Lifelong Learning in Neurology 2012;18:741–988. 4. Lanteri-Minet MVD, Géraud G, Lucas C, Donnet A. Société française d’études des migraines et des céphalées. Prise en charge diagnostique et thérapeutique de la migraine chez l’adulte et chez l’enfant. Rev Neurol (Paris) 2013;169:14–29. 5. Lantéri-Minet MDG, Alchaar H, Bonnin J, Cornet P, Douay X, Dousset V. Démarche diagnostique générale devant une céphalée chronique quotidienne (CCQ) – Prise en charge d’une CCQ chez le migraineux: céphalée par abus médicamenteux et migraine chronique / Recommandation de la SFEMC. ANLLF et SFETD. Revue Neurologique 2014;170:162–76. 6. Diener HC, Dodick DW, Aurora SK, et al. OnabotulinumtoxinA for treatment of chronic migraine: results from the double-blind, randomized, placebo-controlled phase of the PREEMPT 2 trial. Cephalalgia: an international journal of headache 2010;30:804–14. 7. Biondi DM. Cervicogenic headache: a review of diagnostic and treatment strategies. The Journal of the American Osteopathic Association 2005;105: 16S–22S. 8. Cruccu G, Finnerup NB, Jensen TS, et al. Trigeminal neuralgia: New classification and diagnostic grading for practice and research. Neurology 2016;87:220–8. 9. Cruccu G, Gronseth G, Alksne J, et al. AAN-EFNS guidelines on trigeminal neuralgia management. European journal of neurology 2008;15:1013–28. 10. Sindou MKY, Simon E, Mertens P. Névralgie du trijumeau et neurochirurgie. Neurologie: EMC (Elsevier Masson SAS, Paris); 2012.
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Chapitre 7 Les douleurs buccales chroniques Carlos Madrid
Définition Le terme « stomatodynie », issu du grec stoma (la bouche) et odyne (la douleur), recouvre différentes entités pathologiques. Selon Marie E. Zakrzewska, on distingue la stomatodynie idiopathique ou syndrome de la bouche brûlante (Burning Mouth Syndrome), de la stomatodynie secondaire, symptôme isolé d’une affection sousjacente, qu’il s’agit d’identifier [1]. La figure 7.1 résume la démarche diagnostique permettant de discriminer ces entités.
Le syndrome de la bouche brûlante (SBB) La stomatodynie primaire, de cause inconnue, se présente sous forme d’une gêne ou de douleurs au niveau de la muqueuse buccale. Les brûlures buccales impliquent principalement la langue, plus rarement les lèvres, le palais ou le pharynx. Elles sont difficiles à reconnaître, car les muqueuses ne présentent aucune lésion identifiable. La symptomatologie varie de la sensation de gêne aux douleurs intenses [2]. L’International Association for the Study of Pain (IASP) définit cette affection comme « une sensation de douleur brûlante au niveau de la langue ou de toute autre muqueuse orale, d’une durée supérieure à 4 mois, dans le cadre d’examens cliniques et biologiques normaux » [3].
Épidémiologie Souvent méconnu, le SBB est une affection relativement fréquente, particulièrement chez les femmes âgées. Sa prévalence dans la population générale varie au gré des définitions et des critères diagnostiques entre 0,6 à 15 % (12 à 18 % chez les femmes ménopausées) [4]. Selon les études, le ratio femmes/hommes fluctue entre 3 à 20 pour 1 [5,6]. Cette affection n’apparaît que très rarement en dessous de 30 ans, n’a jamais été rapportée chez l’enfant ou l’adolescent [7].
Présentation clinique Dans la majorité des cas, l’examen clinique objectif est totalement vierge. Les sensations sont complexes et difficiles à décrire. Les symptômes principaux, essentiellement des sensations de brûlures et des picotements, sont ressentis au niveau des muqueuses buccales. Les paresthésies douloureuses peuvent s’avérer particulièrement envahissantes et invalidantes. Elles sont fréquemment associées à une dysgueusie (70 % des patients décrivent la présence permanente d’un goût amer ou métallique), ou à une xérostomie (sensation de bouche sèche dans un contexte salivaire normal) [8]. Ces symptômes peuvent prédominer et constituer le motif initial de la consultation. Généralement, la symptomatologie s’aggrave au cours de la journée pour atteindre son paroxysme en début de soirée. Les sensations peuvent être
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Figure 7.1. Démarche diagnostique en cas de stomatodynie.
exacerbées par l’ingestion d’aliments chauds, épicés ou acides et par le stress. Elles cessent à l’endormissement et ne réveillent pas les patients. Les symptômes primaires sont souvent associés à d’autres types de sensations : gonflement des tissus ou de la langue tout entière, rugosité des muqueuses, présence d’un dépôt dentaire. Ces perceptions sensorielles inhabituelles, sur fond d’examen clinique normal, font trop souvent l’objet d’inutiles explorations ORL, dentaires ou stomatologiques. Les patients atteints de stomatodynie primaire ont généralement un profil médical particulier. L’anamnèse révèle de multiples investigations liées à la symptomatologie buccale, la présence concomitante de céphalées chroniques, de douleurs au niveau de l’articulation temporomandibulaire, de vertiges, de troubles musculosquelettiques mal systématisés, d’une fibromyalgie, d’un syndrome du côlon irritable, de lésions dermatologiques (langue géographique ou glossite exfoliatrice marginée) ou encore de troubles d’origine psychiatrique [9]. Le diagnostic repose essentiellement sur l’anamnèse, sur l’exclusion de pathologies locales ou
systémiques, sur des tests sanguins à la recherche d’une carence martiale ou vitaminique et des cultures microbiennes. Le pronostic du SBB isolé est meilleur que celui de la stomatodynie secondaire. Le tableau 7.1 précise les signes et symptômes cliniques du syndrome des brûlures buccales.
Physiopathologie Anciennement considéré comme une maladie psychogène, le SBB semble être lié à une atteinte neuropathique des petites fibres de l’étage sous-épithélial de la muqueuse buccale et des bourgeons gustatifs. Plusieurs études ont mis en évidence des interactions anormales entre les fonctions sensitives et sensorielles du nerf facial et du nerf trijumeau [10]. Des altérations histologiques ou immuno-histo-chimiques des petites fibres ont été démontrées au niveau épithélial et sous-papillaire [11]. Des altérations du système dopaminergique nigrostrié conduisant à une diminution de la régulation centrale de la douleur semblent également associées au
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE Chapitre 7. Les douleurs buccales chroniques 79 Tableau 7.1. Signes d’inclusion et signes le plus souvent associés au syndrome des brûlures buccales. Signes cliniques cardinaux
Sensation de brûlure buccale depuis 4 à 6 mois Sensation quotidienne de brûlure profonde de la muqueuse buccale, calmée par l’ingestion d’aliments solides ou liquides neutres et exacerbée par le stress et les aliments acides ou épicés Dysgueusie (amer, métal, salé) Xérostomie subjective (quantité et qualité de la salive normales) Intensité croissante dans la journée et paroxysme vespéral Absence de perturbation du sommeil Amélioration lors des prises alimentaires solides sauf aliments épicés ou acides
Signes objectifs
Examen clinique de la cavité buccale et de l’oropharynx normal Examen clinique des nerfs crâniens normal Bilan biologique normal
Signes associés
Altérations gustatives isolées sans altération olfactive associée Xérostomie strictement subjective Anomalies sensitives : rugosités, gonflements, enduits déposés sur les dents ou les muqueuses Anomalies sensorielles : déclenchement/ exacerbation douleur par des aliments banals bien tolérés auparavant (vin rouge, vinaigre, sauce salade, épices)
SBB [12]. Malgré la corrélation épidémiologique très forte entre SBB et ménopause, il n’existe à ce jour aucune preuve tangible d’un lien biologique. Seule l’hypothèse proposée en 2009 par Gremeau-Richard et Woda permet d’esquisser une compréhension de cette observation. Une anxiété chronique pourrait conduire à la dérégulation des hormones corticostéroïdes à l’origine d’une production altérée des neurostéroïdes actifs au niveau de la peau, des muqueuses et du système nerveux. La diminution des stéroïdes sexuels lors de la ménopause pourrait avoir les mêmes effets [13].
Traitement Le traitement est inhérent à l’origine neuropathique de l’affection. Dans les cas de douleurs de faible intensité, des applications topiques ou des doses faibles de médicaments systémiques sont généralement suffisantes.
Traitements topiques Le clonazépam par voie topique été testé avec succès en essai randomisé contrôlé sous la forme de tablettes de 1 mg à sucer 3 fois par jour [14] ou de bains de bouche (tablettes de 1 à 1,5 mg, soit 10 à 15 gouttes dans 25 cm3 d’eau, 2 fois par jour pendant 3 minutes). Une étude en double aveugle a démontré l’efficacité des bains de bouche chez 70 % des patients [15]. En raison d’un passage transmuqueux insignifiant, les effets secondaires sont pratiquement inexistants, ce qui en fait un traitement de première intention, en particulier chez les patients âgés. L’association de clonazépam topique et systémique a également fait la preuve de son efficacité lorsque l’effet topique est insuffisant ou s’épuise [16]. Traitements systémiques L’utilisation du clonazépam par voie systémique est plus délicate, en particulier chez des sujets âgés qui en tolèrent mal les effets secondaires et chez les patients atteints d’un syndrome d’apnée du sommeil pour lesquels il constitue une contreindication. Il est recommandé d’adapter les doses en cours de journée, en fonction de l’efficacité et de la tolérance des patients. Les antidépresseurs tricycliques (amitriptyline, imipramine, desipramime, clomipramine et nortriptyline) ont également fait la preuve de leur efficacité à des doses progressives jusqu’à 50 mg/ jour. En cas d’effets secondaires indésirables (prise de poids, baisse de la libido), un traitement par sertraline 50 mg/jour ou paroxétine 20 mg/jour [1] constitue une alternative validée. Les échecs complets sont souvent le fait de patients au profil polyalgique complexe. Le recours à une psychothérapie est souvent d’un bon apport.
Les stomatodynies secondaires Les stomatodynies secondaires sont classées d’après leur origine : locale, référée et systémique. Le tableau 7.2 résume les principales caractéristiques des stomatodynies secondaires.
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Tableau 7.2. Stomatodynies secondaires : causes, clinique, prise en charge. Affection Candidose
Cause/clinique
Diagnostic/douleur
Pseudomembraneuse
Placards blanchâtres surélevés, éliminés au grattage, douleur diffuse, goût métallique
Érythémateuse
Plaque rouge plane vernissée, palais et langue atteints en miroir, douleur diffuse, goût métallique
Atrophique
Fauchage localisé des papilles filiformes de la muqueuse linguale, consécutif à la prise d’antibiotiques, douleur à type de brûlure
Stomatite géographique
Manifestation orale du psoriasis. Exacerbée par chocs émotionnels, stress, états allergiques. Zone érythémateuse dépapillée principalement sur la langue mais pouvant déborder sur le plancher buccal. Lésions changeant de localisation plusieurs fois par jour (érythème migrant)
Anémie Ferriprive
Examens complémentaires
Traitement
Frottis, mise en culture
Antifongique topique ou systémique
Le siège des douleurs occupe les zones dépapillées érythémateuses. La douleur est inconstante : liée à une surinfection candidosique ou à certains aliments acides ou épicés. La forme caractéristique associe une zone d’érythème de contours réguliers soulignée par un liseré périphérique. Souvent associée à une langue fissurée
Examen clinique uniquement. Les examens complémentaires sont anxio-/ algogènes et non contributifs
Si douleur : antifongiques + ou – anxiolytiques lors des poussées
La carence en fer entraîne une diminution des peroxydases salivaires et une réduction de la protection de la muqueuse contre les radicaux libres
Douleur diffuse de la langue, gerçures des commissures labiales, coloration pâle des muqueuses, glossite de Hunter (langue rouge, vernissée, lisse, douloureuse souvent jusqu’à la dysphagie)
Diagnostic biologique d’une anémie
La correction du déficit amène une cicatrisation ad integrum : permet de suivre l’efficacité de la correction de la carence
Anémie pernicieuse/ Carence en vitamine B12
Défaut d’absorption de la vitamine B12
– Atrophie des papilles linguales, démangeaisons, paresthésies buccales, dysgueusie, intolérance des prothèses dentaires préexistantes. – Xérostomie
Dosage de la vitamine B12
– Correction du déficit en vitamine B12
Autres carences vitaminiques
Déficits alimentaires en vitamines B1,B2,B6,
Ulcérations buccales
Dosage sérique des vitamines
Correction du déficit
Xérostomie
– Maladies de système – Radiothérapie – Médications sialoprives +++
– Absence de miction salivaire aux ostia des glandes salivaires principales. – Salive épaisse, collante. – Autoadhésion des muqueuses et formation d’ulcères et érosion consécutifs
Sialométrie, test du buvard
– Médications sialagogues systémiques : pilocarpine, céviméline. – Substituts salivaires (peu efficaces)
Diabète
Si carence insulinique, accroissement du catabolisme buccal et diminution de la résistance et de la réparation tissulaires
Augmentation de la viscosité salivaire, baisse du pH, baisse du débit salivaire, gingivostomatites en foyer, parodontite agressive
Diagnostic biologique du diabète ou monitorage si diabète connu
– L’équilibration du diabète ne suffit pas à stabiliser les lésions trophiques ou infectieuses. – L’hygiène locale doit être drastique
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Les stomatodynies secondaires d’origine locale
Les stomatodynies secondaires référées
Les douleurs dentaires sont les causes de douleurs buccales les plus communes. Elles irradient fréquemment vers les zones cranio-maxillo-faciales. Exacerbées par les stimulations locales (température, percussion), les douleurs dentaires tendent à se modifier avec le temps : c’est pourquoi, une douleur orofaciale chronique inchangée est rarement d’origine dentaire. À l’inverse, des myalgies, des douleurs neuropathiques ou vasculaires peuvent mimer une odontalgie. De nombreuses atteintes des muqueuses buccales, comme les gingivites ulcéronécrotiques, les stomatites herpétiques, aphteuses récidivantes et candidosiques, le lichen plan et les maladies vésiculobulleuses sont à l’origine d’importantes douleurs orofaciales (figure 7.2). Les sinusites maxillaires sont souvent accompagnées de douleurs dentaires sourdes, d’intensité variable mais constante. Les dents dont les racines sont intrasinusiennes sont sensibles à la percussion et le patient éprouve une sensation de « dents longues ». Les pathologies obstructives des glandes salivaires s’accompagnent souvent de douleurs exacerbées par la mastication. Dans le syndrome de Sjögren, les douleurs sont principalement dues à la sécheresse buccale. Les douleurs d’origine tumorale ressemblent parfois aux douleurs des dysfonctionnements de l’articulation temporomandibulaire.
Dans la zone orofaciale, les douleurs référées ne sont pas rares et compliquent la démarche diagnostique [17]. Les Ve, VIIe, IXe et Xe paires de nerfs crâniens convergent dans le noyau spinal du trijumeau, support anatomique de ce type de douleurs. L’angor en est un exemple classique, la douleur angineuse issue du muscle cardiaque pouvant irradier jusqu’à l’angle mandibulaire. Elle peut se propager aux molaires mandibulaires et simuler une « rage de dents ». La présence d’antécédents d’ischémie myocardique, l’exacerbation des douleurs à l’effort, son accalmie au repos ou son soulagement par les dérivés nitrés permettent d’orienter le diagnostic.
Figure 7.2. Candidose sous-prothétique.
Les stomatodynies secondaires d’origine systémique Les articulations temporomandibulaires sont parfois le siège de douleurs dues à l’arthrite rhumatoïde, au rhumatisme psoriasique ou au lupus érythémateux disséminé. Les douleurs myofaciales liées aux dysfonctionnements temporomandibulaires s’apparentent à celles de la fibromyalgie et sont attribuées à des altérations des systèmes régulateurs de la douleur. Outre les douleurs orofaciales lors de la mastication, les patients atteints de la maladie de Lyme rapportent des odontalgies vraies. La sclérose en plaques s’accompagne fréquemment d’une névralgie du trijumeau responsable de crises douloureuses extrêmement intenses. Enfin, la glossite atrophique (figure 7.3) par carence en fer ou en vitamine B12 est encore trop souvent confondue avec un syndrome de brûlures buccales. La figure 7.1 résume les démarches étiologique et diagnostique des stomatodynies. Les stomatodynies primaire et secondaire se différencient par leur origine. En effet, dans les deux types de stomatodynies, les mécanismes responsables de la douleur semblent très similaires. Il est essentiel d’évoquer le diagnostic de stomatodynie primaire lorsqu’il n’existe aucune lésion cliniquement objectivable et que l’examen neurologique des
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Figure 7.3. Glossite atrophique par carence en fer.
paires crâniennes sensitives et motrices de la tête et du cou est négatif. Cela permet d’éviter bon nombre de consultations et d’examens complémentaires inutiles et onéreux.
Douleurs des dysfonctions craniomandibulaires Les dysfonctions de l’articulation temporomandibulaire (ATM) provoquent des douleurs essentiellement extrabuccales, mais peuvent entraîner des stomatodynies référées. Originairement préauriculaires, elles s’accompagnent généralement de douleurs rapportées dans la région temporale. Elles sont fréquemment déclenchées par l’ouverture de la bouche et le serrement des dents. Souvent exacerbées par les mouvements masticatoires, elles doivent être distinguées d’autres myalgies masticatrices. On les provoque en palpant l’articulation et les muscles qui s’insèrent sur sa capsule. L’examen de l’articulation temporomandibulaire doit comprendre principalement : • la palpation externe et interne. La bouche doit être ouverte lentement pour permettre d’observer les mouvements du condyle sous la peau ; • l’examen de l’ouverture maximale de la bouche (minimum 45 mm) ; • l’examen des mouvements de diduction mandibulaire qui peut être douloureuse ; • la palpation de la musculature masticatrice et cervicale à la recherche de spasmes et de myalgies ; • l’auscultation de l’articulation à la recherche de bruits articulaires (craquements, claquements).
Les signes et les symptômes permettent de différencier : • La luxation discale de l’ATM : il s’agit de la dissociation entre les mouvements de la mandibule et ceux du ménisque articulaire qui ne reprend plus sa place dans la cavité articulaire. Les mouvements d’ouverture et de fermeture de la bouche entraînent un blocage de l’ATM (limitation de l’ouverture buccale et difficultés à fermer la bouche), des claquements audibles et une douleur aiguë localement. La douleur irradie dans le territoire préauriculaire, la région temporale, la joue, l’angle de la mâchoire et même la gorge. La présence d’une otalgie complique le diagnostic. Au début, la luxation se réduit spontanément. Avec les récidives, l’articulation peut se bloquer complètement, la luxation devient irréductible et limite sévèrement l’ouverture buccale. • La subluxation condylienne de l’ATM: situation aiguë et douloureuse, la subluxation condylienne résulte généralement d’une hyperlaxité capsuloligamentaire. Le condyle mandibulaire franchit le tubercule articulaire de l’os temporal. Souvent spontanée, la réduction requiert parfois une manœuvre de Nelaton qui consiste à abaisser la mandibule par pression sur les molaires inférieures pour faire passer le condyle mandibulaire sous le tubercule articulaire de l’os temporal, avant de pousser la mandibule vers l’arrière pour lui faire délicatement regagner la cavité articulaire. • Capsulites et synovites accompagnent presque systématiquement les dysfonctions articulaires. L’inflammation périarticulaire et articulaire est souvent difficile à mettre en évidence à l’examen visuel. La palpation du muscle ptérygoïdien latéral homolatéral, dont le chef supérieur traverse la capsule, entraîne une douleur aiguë et un réflexe de fuite du patient, symptomatiques de l’inflammation. • Ostéoarthrite et polyarthrite : à l’instar des autres articulations, les modifications dégénératives de l’ATM (arthrose et arthrite) provoquent des douleurs chroniques accompagnées de divers bruits perceptibles à l’auscultation (crépitations, coulée de sable). La polyarthrite rhumatoïde et les autres entités rhumatismales peuvent
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE Chapitre 7. Les douleurs buccales chroniques 83
affecter les ATM au même titre que les autres articulations. La symptomatologie, identique à celle de l’ostéoarthrite, se manifeste chez des sujets généralement plus jeunes et déjà connus pour une arthrite rhumatismale [18].
Traitements La prise en charge des douleurs de l’ATM diffère en fonction de leur présentation aiguë ou chronique. Traitement aigu Les manœuvres de forçage articulaire doivent être proscrites lors d’épisodes aigus et douloureux de luxation ou de subluxation. Le recours à l’anesthésie générale peut être indiqué (manœuvre de Nélaton douloureuse, refus du patient). Lorsque le mouvement articulaire est possible bien que douloureux, plusieurs stratégies peuvent être appliquées successivement ou simultanément. L’infiltration extra-articulaire d’anesthésique local (1,8 ml d’articaïne adrénalinée 1/200 000) dans la partie haute de l’espace interptérygoïdien a un effet immédiat sur la douleur et fournit une bonne myorésolution à distance de l’infiltration [19]. Une corticothérapie brève (1 à 1,5 mg/kg en prise unique le matin pendant 3 jours) procure des résultats rapides. Les injections intraarticulaires sont réservées aux formes sévères et évolutives d’ostéoarthrite. Leurs résultats restent controversés [20,21]. Les myorelaxants permettent également de lever les contraintes musculaires à moyen terme. La tizanidine (3 x 2 mg/j jusqu’à 3 x 4 mg/j) semble généralement mieux toléré que la tolpérisone, à l’inverse de ce qui est rapporté dans le traitement de la spasticité des muscles longs [22]. Traitement chronique Le traitement des douleurs de l’ATM à moyen et long terme est mal codifié et dépend de la spécialité (stomatologie, chirurgie maxillofaciale, occlusodontie). Tous les spécialistes s’accordent sur le recours, même précoce, à la physiothérapie, avec les
objectifs suivants : rétablir la mandibule dans une position musculairement stable, qu’il s’agit de pérenniser par une contention des mouvements de subluxation, en particulier condylienne [23]. Les attelles de libération et de repositionnement antérieur permettent de mettre rapidement l’articulation au repos. La gouttière de stabilisation est une attelle de décharge, qui a pour but de lever immédiatement les contraintes musculaires par l’interposition d’un dispositif empêchant l’occlusion dentaire totale. L’attelle de repositionnement antérieur, en revanche, permet de réduire la luxation distale en plaçant la mandibule et la capsule dans une position antérieure favorable. Elle n’est pas portée en permanence et fait l’objet d’un contrôle régulier [24]. Les injections de toxine botulinique dans les muscles masticateurs, en particulier dans le masséter, donnent des résultats convaincants sur les douleurs dues aux dysfonctionnements de l’ATM [25]. La chirurgie, quant à elle, n’occupe plus qu’une place mineure dans le traitement des dysfonctions craniomandibulaires. Elle est réservée aux situations post-traumatiques et aux formes sévères d’ostéoarthrite destructrice. Références 1. Zakrewska JM, Forsell H, Glenny AM. Interventions for treatment of burning mouth syndrome. Cochrane Database of Systematic Review 2005; doi: 10.1002/14651858.CD002729.pub2. Issue I. Art. No : CD002729. 2. Madrid C, Bouferrache K, Abarca M. Rares mais rebelles affections de la muqueuse buccale. Forum Med Suisse 2013;13(25):499–504. 3. Grinspan D, Fernandez Blanco G, Allevato MA, Stengel FM. Burning mouth syndrome. Int J Dermatol 1995;34:483–7. 4. Aravindhan R, Vidyalakshmi S, Kumar MS, Satheesh C, Balasubramanium AM, Prasad VS. Burning mouth syndrome: A review on its diagnostic and therapeutic approach. J Pharm Bioall Sci 2014;6(Suppl S1): 21–5. 5. Scala A, Checchi L, Montevecchi M, Marini I, Giamberardino MA. Update on burning mouth syndrome: Overview and patient management. Crit Rev Oral Biol Med 2003;14:275–91. 6. Sun A, Wu KM, Wang YP, Lin HP, Chen HM, Chiang CP. Burning mouth syndrome: A review and update. J Oral Pathol Med 2013;42:649–55.
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Chapitre 8 Les douleurs lombaires Christophe Perruchoud
Définitions et épidémiologie La lombalgie est un symptôme très fréquent, dont la prévalence dans la population générale se situe entre 60 à 90 %. Dans la majeure partie des cas, il s’agit de lombalgies mécaniques, limitées dans le temps et évoluant favorablement dans les 4 à 6 semaines après leur apparition. Les douleurs lombaires ont un impact socioéconomique important : première cause d’invalidité chez les personnes de moins de 45 ans, elles constituent la raison principale des arrêts de travail et motivent de nombreuses consultations et examens médicaux. On distingue quatre types de lombalgies : • les lombalgies aiguës d’une durée inférieure à 6 semaines ; • les lombalgies subaiguës qui durent 6 à 12 semaines ; • les lombalgies chroniques d’une durée supérieure à 3 mois ; • les lombalgies récidivantes. On estime que 5 à 10 % des patients souffrant de symptômes aigus développeront des lombalgies chroniques, sous l’influence de mécanismes de sensibilisation nerveuse centrale et périphérique. Ce faible pourcentage est néanmoins responsable des coûts socioéconomiques les plus élevés, environ 90 % des coûts totaux engendrés par les lombalgies. Il est donc primordial d’empêcher la chronicisation par une prise en charge précoce et efficace. La lombalgie subaiguë représente une période charnière durant laquelle il est important d’intensifier le traitement. Des signaux d’alarme, qu’il faut rechercher activement lors de l’anamnèse, permettent d’identifier les patients présentant des lombalgies
d’origine non mécanique potentiellement graves (drapeaux rouges) ou à risque de chronicisation (drapeaux jaunes, noirs ou bleus). En présence de drapeaux rouges, un examen médical précoce et des examens complémentaires sont indiqués. Les facteurs de risque de passage à la chronicité incluent des facteurs liés à l’épisode lui-même (intensité de la douleur, extension de la zone douloureuse, récidive douloureuse) et des facteurs liés à l’environnement sociopsychologique au moment de l’épisode.
Drapeaux rouges (red flags) : signes évocateurs de lombalgies non mécaniques et critères de sévérité • âge 50 ans ; • antécédents oncologiques ; • inappétence, perte de poids ou diminution de l’état général ; • traumatisme ayant précédé l’apparition des douleurs ; • douleur d’intensité croissante, non calmée par le repos ; • douleur principalement nocturne et génératrice d’insomnie ; • raideur matinale d’une durée > 1 heure ; • état fébrile ; • injections récentes (médicaments, drogues, transfusion) ; • infections simultanées (urinaires, cutanées, autres) ; • traitement de cortisone de longue durée, immunodéficience ; • signes neurologiques (syndrome de la queuede-cheval, parésie ou amyotrophie).
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Drapeaux jaunes (yellow flags) : facteurs psychologiques et comportementaux • état dépressif, anxiété, stress ; • fausses croyances concernant le mal de dos ; • attentes excessives concernant les traitements ; • attitude passive face à la maladie.
Drapeaux noirs (black flags) : facteurs occupationnels ou environnementaux • insatisfaction au travail ; • chômage ; • conflits assécurologiques ; • faible soutien social dans l’environnement de travail ; • arrêt de travail > 8 jours ; • mauvaise ergonomie au travail (posture inadéquate, port de charges répété) ; • faible qualification professionnelle ; • inadéquation entre travail et salaire.
Drapeaux bleus (blue flags) : en relation avec le patient • âge ; • sexe ; • données anthropométriques ; • condition physique ; • tabagisme ; • localisation de la douleur. Les signes de douleurs non organiques (signes de Waddel) et de kinésiophobie sont également recherchés lors de l’examen clinique du patient lombalgique.
Prévention • En prévention primaire, aucune intervention n’a montré son efficacité pour diminuer la fréquence de survenue d’un premier épisode de lombalgie. • En prévention secondaire, soit après l’apparition d’un premier épisode de lombalgie, la pratique
sportive régulière, de préférence axée sur les sports d’endurance (vélo, natation, ski de fond), permet de diminuer la fréquence de survenue d’une récidive. Aucune autre technique (ceinture ou support lombaire) n’a démontré son efficacité.
Prescription d’examens complémentaires Les examens complémentaires, notamment radiologiques, ne sont généralement pas indiqués dans la phase aiguë et en l’absence de critères de gravité (red flags). En effet, il est fréquent de trouver des anomalies sur les examens IRM des patients ne présentant aucun symptôme douloureux. Une étude a noté la présence d’une hernie discale chez 36 %, une sténose canalaire chez 21 %, et des discopathies dégénératives avec ou sans prolapsus discal chez plus de 90 % des personnes asymptomatiques âgées de 60 ans et plus [1]. Les examens radiologiques doivent donc toujours être prescrits en fonction des symptômes et des signes cliniques [2]. Dans une autre revue, l’incidence de canal lombaire étroit asymptomatique dans une population âgée de 40 ans atteint les 10 à 15 %. En outre, il n’existe aucune évidence qu’un diagnostic anatomique précis améliore le devenir des patients chez qui on a correctement diagnostiqué une lombalgie chronique mécanique ou aspécifique.
Étiologies des lombalgies d’origine non mécanique • maladies rhumatismo-inflammatoires : spondylarthrites séronégatives (maladie de Bechterew) ; • traumatismes ; • infections : spondylodiscites, abcès épiduraux ; • tumeurs : métastases osseuses, plus rarement tumeurs osseuses primaires ; • maladies malformatives du rachis ; • maladies viscérales : atteinte retropéritonéale et urogénitale ; • maladies métaboliques.
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Étiologie des lombalgies mécaniques L’étiologie des lombalgies mécaniques ou, en d’autres termes, la structure génératrice des douleurs, ne peut être identifiée que dans 20 % des cas. Les causes identifiées incluent les syndromes myofasciaux, les syndromes radiculaires, les sténoses canalaires ou foraminales, les syndromes facettaires, l’instabilité rachidienne ou l’atteinte sacro-iliaque. Dans la grande majorité des cas, aucune cause objective ne peut être mise en évidence et l’on parle alors de lombalgie aspécifique. La plupart des lombalgies chroniques partagent un même point commun, le déconditionnement physique, qui se manifeste par une perte d’endurance, de la mobilité globale et de la coordination. Figure 8.1. Point gâchette myofascial.
Douleurs d’origine myofasciale Le diagnostic de lombalgie d’origine myofasciale a longtemps été évoqué lorsque l’examen n’objectivait aucune lésion organique. De nos jours, la pathophysiologie des douleurs myofasciales est mieux comprise. Des points gâchettes myofasciaux sont régulièrement identifiés au niveau des muscles du tronc ou des extrémités chez des patients souffrant d’une lombalgie secondaire à un syndrome facettaire ou une disco pathie. Ces points gâchettes peuvent aussi en être la cause principale, par exemple lorsqu’ils sont situés au niveau des muscles paravertébraux. En effet, les contraintes exercées sur les muscles et les ligaments qui soutiennent la colonne vertébrale peuvent provoquer des lombalgies. Il existe quatre principaux groupes musculaires au niveau lombaire : les extenseurs, les fléchisseurs, les rotateurs et les fléchisseurs latéraux. Bien que la douleur puisse se manifester à n’importe quel niveau de la colonne vertébrale, la région lombaire est plus fréquemment impliquée puisqu’il s’agit de la région qui supporte le plus de poids et subit le plus de contraintes. Un syndrome douloureux myofascial survient typiquement après un traumatisme, des contractions répétées lors de mouvements musculaires itératifs (travail ou loisir), ou des contractions induites par le stress.
Un point gâchette myofascial est défini comme une zone hypersensible au niveau d’une bande de fibres musculaires squelettiques sous tension (figure 8.1). Des points de tension non douloureux latents existent chez presque tous les individus sains. En présence de circonstances favorisantes, ces points peuvent se transformer en points douloureux actifs. La palpation d’une bande musculaire sous tension et/ou d’un nodule exquis dans la région sous tension confirme le diagnostic. Les patients localisent facilement et indiquent avec précision les points gâchettes isolés. L’examinateur reproduit aisément les douleurs habituelles du patient (localisées ou référées), par palpation ou simple pression sur les points gâchettes. Autre caractéristique diagnostique, l’existence d’une contraction rapide et localisée en réponse au pianotage ou à la percussion perpendiculaire de la zone musculaire sous tension. Des études ultrasonographiques récentes des régions musculaires sous tension ont révélé des zones hypoéchogènes correspondant aux nodules de contractions [3]. La douleur myofasciale est facilement soulagée par un traitement approprié constitué de physiothérapie, de massages, d’étirements musculaires ou d’injections musculaires d’anesthésiques locaux. Toutefois, si la cause n’est pas éliminée,
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les douleurs récidivent fréquemment quelques jours ou semaines plus tard. Les AINS sont efficaces dans les phases aiguës ou subaiguës. Ils sont souvent insuffisants lors de douleurs chroniques en raison de leur mauvaise absorption par les tissus cicatriciels. Les myorelaxants sont généralement inefficaces et pourvoyeurs d’effets secondaires (sédation, somnolence, faiblesse généralisée). Les blocs facettaires et les injections épidurales peuvent être bénéfiques pour traiter les lésions du segment postérieur, respectivement antérieur, à l’origine de douleurs myofasciales. L’acupuncture et le dry needling ont été appliqués avec un certain succès dans les douleurs myofasciales. Le dry needling est une technique qui consiste à piquer dans les points gâchettes avec précision à l’aide d’une aiguille très fine, sans injecter de médicament. La stimulation électrique nerveuse transcutanée (TENS) apporte un soulagement temporaire [4]. La contraction musculaire provoquée par l’« acupuncture-like » TENS a un effet identique à un massage localisé et améliore la circulation sanguine régionale [5]. L’injection d’anesthésiques locaux (lidocaïne ou procaïne 0,5 %) est recommandée pour inactiver les points gâchettes. Parmi les muscles les plus fréquemment infiltrés figurent les muscles paravertébraux, les muscles iliocostaux, longissimi, multifidi et carrés des lombes. Lorsque la cible est un muscle profond, l’aiguille est dirigée perpendiculairement à la région douloureuse, car la palpation simultanée du point gâchette est difficile à réaliser. L’injection intramusculaire de stéroïdes est déconseillée en raison du risque de myotoxicité. La toxine botulinique A bloque la libération présynaptique d’acétylcholine au niveau de la plaque motrice et relâche le muscle cible. Son action a été bien documentée dans le traitement des douleurs myofasciales [6,7].
Douleurs radiculaires Les douleurs radiculaires sont provoquées par l’irritation et l’inflammation d’une racine nerveuse ou de son ganglion spinal. La douleur prend son origine dans la région lombaire pour irradier typiquement dans la fesse et le membre inférieur selon
une distribution dermatomale. Il s’agit d’une douleur persistante aiguë, tranchante, aggravée par les mouvements, la toux ou les éternuements. L’étiologie la plus fréquente est la hernie discale (figure 8.2). Le mécanisme pathophysiologique est plus inflammatoire que compressif. L’irritation de la racine nerveuse dans le foramen intervertébral par des modifications dégénératives (sténose foraminale) est également possible. La douleur radiculaire n’est pas synonyme de radiculopathie. La radiculopathie est définie comme une altération de la conduction d’une racine nerveuse, pouvant se manifester par des déficits sensitifs ou moteurs, ou par des paresthésies. Les déficits moteurs (parésie ou paralysie) suivent une distribution myotomale alors que les déficits sensitifs (hypoesthésie ou anesthésie) ont une distribution dermatomale. Une radiculopathie n’est pas forcément accompagnée d’une douleur radiculaire et inversement. Contrairement à la croyance populaire, il est souvent difficile de différencier cliniquement les hernies discales L4, L5 et S1 lorsqu’il n’existe qu’une douleur radiculaire. C’est souvent la radiculopathie qui permet de préciser l’atteinte, grâce à la distribution des troubles sensitifs et aux modifications des réflexes ostéotendineux (L3 et L4 pour le réflexe rotulien, et S1 pour le réflexe achilléen). Le traitement pharmacologique comprend les antalgiques habituels et des adjuvants (antidépresseurs tricycliques et antiépileptiques). L’infiltration épidurale (interlaminaire ou foraminale) d’anesthésiques locaux et de corticoïdes, y compris dans la phase aiguë, apporte un soulagement transitoire qui permet de reprendre une activité ou de suivre un traitement de physiothérapie dans de meilleures conditions.
Canal lombaire étroit L’étiologie du canal lombaire étroit acquis inclut principalement les troubles dégénératifs qui entraînent une diminution progressive du volume du canal rachidien (prolapsus ou hernie discale, hypertrophie du ligament jaune ou des articulations facettaires, lipomatose épidurale) (figure 8.3). La sténose est parfois associée à
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Figure 8.2. Hernie discale S1 droite (A) et L3 gauche (B), à l’origine de douleurs radiculaires.
Figure 8.3. Étiologie de la sténose canalaire acquise.
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d’autres altérations dégénératives, à un spondylolisthésis, par exemple, à l’origine d’une instabilité rachidienne. La sténose peut être centrale ou localisée au niveau des récessus latéraux. Certaines formes de canal (canal en forme de trèfle), prédisposent à la sténose latérale, moins fréquente lorsque le canal est rond ou ovale. La forme congénitale se rencontre dans les cas de pédicules constitutionnellement courts. Les mécanismes pathophysiologiques incluent la compression et/ou l’ischémie des racines lombosacrées dues au rétrécissement central ou latéral du canal rachidien. Le symptôme cardinal d’une sténose lombaire centrale est la claudication intermittente neurogène ou pseudo-claudication (par opposition à la claudication vasculaire). Les patients rapportent aussi une fatigabilité importante au niveau des cuisses ou des jambes, des paresthésies sous forme de fourmillements ou d’engourdissement, et des crampes. Les douleurs au niveau des membres inférieurs, uni- ou bilatérales, sont rarement déficitaires. La symptomatologie apparaît de façon graduelle pendant la marche, limite le périmètre de marche et oblige le patient à s’arrêter ou à s’asseoir quelques minutes avant de pouvoir poursuivre son chemin. Les douleurs de repos peuvent apparaître dans les cas sévères. À la différence de la claudication d’origine vasculaire, les limitations et les distances de marche varient en fonction des jours. La douleur est souvent plus prononcée à la descente qu’à la montée, car le patient doit se redresser lors de la marche en descente : l’augmentation de la lordose lombaire entraîne une diminution de la surface du canal rachidien. La flexion antérieure soulage les douleurs, raison pour laquelle les patients adoptent naturellement une position penchée vers l’avant (camptocormie) et prennent volontiers appui sur un déambulateur ou un chariot (signe du Caddie). Lorsqu’une lombalgie est présente, elle est généralement sans relation avec la marche et reflète davantage la composante inflammatoire liée aux troubles arthrosiques des articulations facettaires. Le périmètre de marche est limité de manière plus importante en présence d’un canal lombaire étroit que d’une coxarthrose ou d’une gonarthrose [8].
Lors de sténose latérale, la distribution des douleurs peut être dermatomale et ressembler à une douleur radiculaire sur hernie discale foraminale. En l’absence de signes de sévérité (syndrome de la queue-de-cheval), le traitement initial est conservateur. L’adjonction de gabapentine au traitement antalgique classique s’est révélée très modestement efficace dans une étude randomisée et contrôlée par placebo [9]. Il n’existe actuellement pas d’évidence concernant l’utilisation bénéfique des antidépresseurs tricycliques et des inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine (SNRI). La physiothérapie et les techniques d’hygiène posturale visant à réduire la lordose lombaire peuvent être utiles. Selon une récente revue Cochrane, les données des 21 études randomisées évaluant l’efficacité des traitements conservateurs dans la prise en charge du canal lombaire étroit symptomatique ne permettent pas d’élaborer des recommandations [10]. En cas d’échec des traitements conservateurs, les investigations radiologiques permettent de guider les traitements interventionnels, voire de poser l’indication à une chirurgie de décompression. IRM et CT-scan permettent de mesurer la surface du sac dural. Le diamètre d’un canal lombaire normal se situe entre 15 et 27 mm [11]. Le sac dural est considéré comme libre lorsque le diamètre du canal est ≥ 12 mm et sa surface > 130 mm2. Le rétrécissement est limite lorsque le diamètre est 65 ans), avec les doses élevées, lors d’associations médicamenteuses (avec des antiagrégants plaquettaires, des anticoagulants ou des corticostéroïdes), en présence d’une infection à Helicobacter Pylori et d’antécédents d’ulcères gastriques. Les coxibes entraînent moins d’effets secondaires gastro-intestinaux que les AINS non sélectifs, avantage effacé par la prise simultanée de 100 mg d’aspirine. La voie parentérale ne diminue pas le risque digestif. Environ 30 % des patients traités avec des AINS présentent une dyspepsie, 10 à 20 % des ulcères gastro-intestinaux et 1 % des complications graves, comme des hémorragies ou des perforations digestives. En présence de facteurs de risque gastro-intestinaux, l’adjonction d’un inhibiteur de la pompe à protons est fortement conseillée. Comme les prostaglandines interviennent dans le maintien du débit de filtration glomérulaire, les patients qui présentent une hypoperfusion rénale préexistante (secondaire à une insuffisance cardiaque, à une hypovolémie par déshydratation, à un traitement diurétique, à un syndrome néphrotique ou à une cirrhose décompensée) sont à haut risque de développer une insuffisance rénale. Ce risque est équivalent pour les coxibes et les AINS non sélectifs. Les réactions allergiques ou d’intolérance se manifestent par un prurit, un bronchospasme, une rhinite, un œdème de Quincke et des réactions anaphylactiques. Les manifestations plus sévères de type dermite bulleuse (syndrome de StevensJohnson et de Lyell) sont rares. Les céphalées, les vertiges et les acouphènes sont souvent dus aux dérivés indoliques, même aux posologies habituelles. Ces effets secondaires témoignent également d’un surdosage à l’aspirine. Les complications hématologiques, associées principalement aux dérivés pyrazolés, incluent de rares neutropénies et thrombopénies, exceptionnellement des agranulocytoses. La polémique autour des effets cardiovasculaires dus aux AINS a commencé avec les coxibes. Tous les AINS peuvent provoquer des œdèmes
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périphériques et une hypertension artérielle par rétention hydrosodée et par action sur le système rénine-angiotensine [6]. Les modifications de la pression artérielle induites par les AINS sont légères chez le patient normotendu, plus marquées chez le sujet hypertendu. L’augmentation de la pression artérielle dépend aussi du traitement antihypertenseur prescrit et de l’AINS utilisé : les diurétiques, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les bêtabloquants ont un effet plus marqué que les anticalciques. L’hypertension artérielle est plus importante avec le naproxène, l’indométacine ou l’étoricoxib. La rétention hydrosodée, l’altération de la fonction rénale et l’élévation de la pression artérielle peuvent entraîner une insuffisance cardiaque. Contrairement à l’aspirine, l’effet antiagrégant plaquettaire in vitro des AINS ne leur confère pas le statut de traitement préventif de complications cardiovasculaires. Certains AINS (ibuprofène, naproxène, célécoxibe, diclofénac) inhibent l’effet de l’aspirine à faible dose en raison d’une compétition au niveau du site de liaison sur le récepteur COX-1. Lors d’utilisation de coxibes, le risque thrombotique artériel est lié au déséquilibre entre la production de thromboxane A2 et de prostacycline. Une dose de célécoxib inférieure à 400 mg/jour n’entraîne pas une plus grande toxicité cardiovasculaire que les AINS classiques. Les AINS sont contre-indiqués en présence d’ulcère gastroduodénal, d’insuffisance hépatique ou rénale, de risque hémorragique acquis ou inné, pendant le troisième trimestre de grossesse. L’aspirine n’est pas recommandée en période d’allaitement. La prudence est de mise lors de maladie cardiaque ou cérébrovasculaire. La prescription d’un AINS dépend du rapport risque-bénéfice, des contre-indications et des risques d’interactions médicamenteuses. La posologie minimale efficace et la durée d’utilisation doivent être respectées. L’utilisation à long terme des AINS est proscrite.
Le métamizole Le dérivé pyrazolé métamizole (Novalgine®, Minalgine®) a des propriétés analgésiques, antipyrétiques et spasmolytiques, mais n’a pas d’action anti-inflammatoire. Son mécanisme d’action inclut
l’activation des voies inhibitrices descendantes et un effet sur les cyclo-oxygénases au niveau périphérique et central. Le métamizole est un traitement alternatif lors de douleurs à composante spastique, ou de contre-indication aux AINS (insuffisance rénale). Il n’a pratiquement pas d’effet sur la fonction rénale, à de rares exceptions près, et peu d’effet sur la muqueuse gastro-intestinale sauf à haute dose [7–9]. Il n’entraîne pas de complication cardiovasculaire. La complication la plus redoutée est l’agranulocytose, dont l’incidence, très variée, est estimée entre 1:1 439 et 1:1 000 000 [10]. Lorsque le médicament est stoppé et la prise en charge appropriée, le taux de mortalité est inférieur à 7 % [11]. Le risque de décéder d’une agranulocytose induite par le métamizole est plus faible que le risque de mort cardiovasculaire induit par les AINS classiques.
Les opioïdes Le pavot à opium (Papaver somniferum) était cultivé en Mésopotamie dès 3 400 avant J.-C. Le terme opiacé se réfère à un mélange d’alcaloïdes obtenu naturellement à partir de la graine de pavot (par exemple : morphine et codéine), alors que le terme opioïde est utilisé plus largement pour décrire tous les composés qui agissent au niveau des récepteurs opioïdes. Depuis la découverte des endorphines (morphines endogènes) en 1975, plusieurs récepteurs et sous-types de récepteurs ont été identifiés. La majorité des opioïdes exercent leur activité au niveau du récepteur Mu et sont donc considérés comme des agonistes Mu. Les récepteurs Mu sont également dénommés OP3 ou MOR (morphine opioid receptors), les récepteurs Kappa, OP2 ou KOR (kappa opioid receptors) et les récepteurs Delta, OP1 ou DOR (delta opioid receptors). Le récepteur Sigma-σ est responsable des effets psychomimétiques, dysphorétiques et dépressifs induits par le stress. Il est actuellement davantage considéré comme un récepteur à la phencyclidine (PCP) qu’un récepteur opioïde. On trouve des récepteurs opioïdes dans le système nerveux central et les tissus périphériques (tableau 18.2). Les récepteurs opioïdes se situent sur la terminaison nerveuse présynaptique des fibres C et A-delta.
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Tableau 18.2. Récepteurs opioïdes. Récepteur Localisation
Mu-µ
Delta-δ
Kappa-k
Tronc cérébral Thalamus médial Tractus digestif
Cerveau Moelle épinière Ganglion spinal SNP
Système limbique Diencéphale Tronc cérébral Moelle épinière
Mu 1 : analgésie supraspinale, euphorie Mu 2 : sédation, nausées, vomissements, constipation, dépression respiratoire, myosis, prurit, euphorie, anorexie, sécrétion prolactine, rétention urinaire, dépendance physique et psychologique
Analgésie supraspinale, analgésie spinale, effets psychomimétiques et dysphorétiques, dépendance physique et psychologique
Analgésie spinale, sédation, dyspnée, effets psychomimétiques, myosis, dépression respiratoire, euphorie, effets dysphorétiques, dysesthésies
Enképhaline
Agoniste
Agoniste
β-Endorphine
Agoniste
Agoniste
Dynorphine A
Agoniste
Codéine
Agoniste faible
Agoniste faible
Tramadol
Agoniste faible
Agoniste faible
Morphine
Agoniste
Hydromorphone
Agoniste
Fentanyl
Agoniste
Tapentadol
Agoniste
Agoniste
Mépéridine
Agoniste faible
Agoniste
Méthadone
Agoniste
Effets primaireset secondaires
Autres effets
Endorphines
Agoniste Agonistes SNRI Agoniste faible Agoniste faible Agoniste
SNRI Anti-NMDA
Agonistes partiels Buprénorphine
Agoniste partiel
Antagoniste Agonistes-antagonistes
Nalbuphine
Antagoniste
Agoniste Antagonistes
Naloxone
Antagoniste
Antagoniste faible
Antagoniste
Naltrexone
Antagoniste
Antagoniste faible
Antagoniste
Leur activation par un agoniste inhibe le relargage de neurotransmetteurs pronociceptifs (glutamate, substance P, calcitonin gene-related peptide), et active les récepteurs présynaptiques des neurones GABA. Il en résulte une diminution de la sécrétion de GABA et l’activation des fibres dopaminergiques (sensation de plaisir ou de récompense). Les opioïdes peuvent également activer les voies inhibitrices descendantes sérotoninergiques et noradrénergiques, et antagoniser les récepteurs
méthyl-D-aspartate (NMDA). À l’inverse, une stimulation de ces mêmes récepteurs NMDA peut être à l’origine d’une hyperalgésie et d’une tolérance. Les nociceptines endogènes (orphanines), identifiées en 1995, possèdent un puissant effet hyperalgésique et agissent via les récepteurs ORL-1 (opioid-receptor-like). Les opioïdes sont classés en fonction de leur affinité (force d’interaction avec le récepteur) et de leur efficacité (force de l’effet). Un agoniste possède
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Figure 18.3. Efficacité (A) et puissance (B) des opioïdes. A. Efficacité : agoniste pur > agoniste partiel > antagoniste. B. Puissance : opiacé A (puissant) > opiacé B > opiacé C (faible).
l’affinité et l’efficacité, un agoniste partiel possède l’affinité mais une efficacité partielle, un antagoniste possède l’affinité mais pas d’efficacité (figure 18.3). Les opioïdes peuvent avoir des affinités et des efficacités variables en fonction des sous-types de récepteurs (par exemple, agoniste-antagoniste). Les opioïdes agonistes purs (morphine) ont une réponse analgésique linéaire dose-dépendante. L’augmentation de la dose est essentiellement limitée par les effets secondaires, également dose-dépendants. En revanche, les opioïdes agonistes partiels (buprénorphine) et les agonistes-antagonistes (pentazocine, nalbuphine, butorphanol, nalorphine) ont un effet plafond au-delà duquel l’augmentation de la dose n’apporte pas d’analgésie supplémentaire, mais seulement des effets secondaires. Ils peuvent également déclencher un syndrome de sevrage s’ils sont administrés chez un patient traité par un agoniste pur. De plus, les effets secondaires, et notamment la dépression respiratoire, ne sont que partiellement réversés par les antagonistes. La naloxone (Narcan®) et la naltrexone sont des antagonistes compétitifs au niveau central et périphérique pour les récepteurs Mu, Kappa et Delta, avec une affinité particulière pour le récepteur Mu. La naloxone a une faible biodisponibilité orale. En perfusion intraveineuse, le délai d’action est rapide et la durée d’action courte : cela entraîne un risque de réintoxication en cas de surdosage d’opioïdes à longue durée d’action.
La naltrexone est plus efficace en administration orale et possède une durée d’action plus longue.
Métabolisme des opiacés La plupart des opioïdes sont métabolisés au niveau hépatique par le cytochrome P450 (métabolisme de phase I), puis conjugués par sulfuro- ou glucuroconjuguaison (métabolisme de phase II). La famille du cytochrome CYPP450 contient plus de 2 500 isoenzymes, CYP3A4 et CYP2D6 étant les plus impliqués dans le métabolisme. Les taux de ces isoenzymes peuvent varier d’un facteur 30 d’un individu à l’autre, ce qui explique les grandes différences en termes de biotransformation de prodrogue (codéine, par exemple) ou d’élimination de substance-mère active (méthadone, par exemple). Pour les mêmes doses de prodogue, les métaboliseurs lents (5 à 13 % de la population caucasienne, 1 à 2 % de la population asiatique et africaine) ne bénéficieront d’aucun ou de peu d’effet analgésique [12], alors que les métaboliseurs ultrarapides (2 à 10 % de la population caucasienne, 1 à 2 % de la population asiatique et africaine) [13] seront très sensibles et présenteront des risques d’intoxication, voire de décès [14]. Le polymorphisme du gène OPRM1, encodant pour le récepteur Mu, contribue également à la grande variation de sensibilité aux opioïdes (analgésie, tolérance et dépendance) entre les individus [15].
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE Traitements
Tableau 18.3. Propriétés pharmacologiques des principaux opioïdes. Mode d’administration
Délai d’action (min)
Durée d’action (heure)
Demi-vie (heure)
PO (libération immédiate)
30-45
4-6
5-7
CYP3A CYP2D6
O-déméthyl-tramadol (+)
PO (libération prolongée)
40
12-24
IV
10
4-6
Codéine
PO
30-45
4-6
3
CYP2D6 CYP3A
Morphine (+) Codéïne-6-glucuronide (-)
Morphine
PO (libération immédiate)
30-60
4-7
2-3.5
CYP3A glucuroconjugaison
PO (libération prolongée)
1-3 h
12-24
Morphine-6-glucuronide (+) Morphine-3-glucuronide (-) Normorphine (-)
SC/IM
30-60
4-6
IV
5
4
30-60
3-4
2-3
Hydromorphone-3glucuronide (-)
PO (libération prolongée)
3 h
12-24
Métabolisme de phase II (glucuroconjugaison)
SC
15
4-5
PO (libération immédiate)
60
3-4
2-3
CYP3A CYP2D6
Noroxycodone (-) Oxymorphone (+)
PO (libération prolongée)
2-4 h
12
IV
3-5
0,5-1
3-4
CYP3A4
Norfentanyl (-)
Transdermique
12-24 h
72
Transmuqueux
5-10
1-3
Sublinguale
30-90
6-8
3-5
CYP3A4
Transdermique
11-21 h
72-96
SC
30-60
6-8
Buprénorphine-3glucuronide (+) Nor-bupré-norphine-3glucuronide (+)
PO (libération immédiate)
30
4-6
4
PO (libération prolongée)
2-4 h
12
Métabolisme de phase II (glucuroconjugaison)
Tapentadol-O-glucuronide (-) N-desmethyl tapentadol (-) Hydroxy-tapentadol (-)
PO
15-30
2-3
3-4
10-15
2
CYP3A4 Métabolisme de phase II (glucuroconjugaison)
Nor-mépéridine (-)
IV PO
2 h
2-10
13-47
SC/IM
10-20
24 (en dose répétée)
CYP3A4 CYP2B6 CYP2D6
2-éthylidène-1,5-diméthyl-3,3-diphénylpyrrolidine (EDDP) (-)
Tramadol
Hydromorphone PO (libération immédiate)
Oxycodone
Fentanyl
Buprénorphine
Tapentadol
Mépéridine
Méthadone
L’index thérapeutique étroit des opioïdes, leur toxicité, les effets secondaires sévères et potentiellement mortels, leur grande variabilité interindividuelle, expliquent le risque de dépendance, d’addiction, ainsi que les
Métabolism (phase I)
Métabolites (+) : actif (-) : inactif
nombreuses interactions médicamenteuses qui rendent leur utilisation parfois difficile (tableaux 18.3 et 18.4). Les effets secondaires des opioïdes sont résumés dans le tableau 18.5.
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE SCIENCE MEDICALE ChapitreBIBLIOGRAPHIQUE 18. Le traitement pharmacologique des douleurs 191 Tableau 18.4. Principaux inducteurs et inhibiteurs des cytochromes impliqués dans le métabolisme des opioïdes. Inhibiteur CYP450 CYP2D6
Inducteur CYP450
CYP3A
CYP2B6
CYP3A
CYP2B6
Amiodarone
Amiodarone
Clopidogrel
Carbamazépine
Carbamazépine
Celecoxib
Chloramphénicol
Ticlopidine
Dexaméthasone
Phénobarbital
Citalopram
Ciprofloxacine
Voriconazole
Oxcarbazépine
Phénytoïne
Duloxétine
Clarithromycine
Phénobarbital
Rifampicine
Fluoxétine
Diltiazem
Phénytoïne
Méthadone
Fluconazole
Rifampicine
Métoclopramide
Fluoxétine
Paroxétine
Kétoconazole
Quinidine
Vérapamil
Sertraline
Tableau 18.5. Effets secondaires des opioïdes en fonction de leur fréquence. Fréquents Nausées Vomissements Constipation Sédation Vertiges Troubles cognitifs Myosis Rétention urinaire
Occasionnels
Rares
Hallucinations Troubles de l’humeur Anxiété Prurit Myoclonies Sécheresse buccale Stase gastrique Bronchoconstriction
Dépression respiratoire Délire Convulsions Hyperalgésie Allodynie Spasme biliaire Œdème pulmonaire non cardiogénique Tolérance Dépendance physique Addiction
Opioïdes de palier 2 : tramadol et codéine Le tramadol, analogue de la codéine, est un opioïde atypique de par ses propriétés d’agoniste partiel Mu et d’inhibiteur de la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine (IRSN). Indiqué dans le traitement les douleurs modérées, le tramadol est régulièrement utilisé lors des syndromes de sevrage [16]. Substance isolée en 1832, la codéine est le prototype de l’opiacé faible. Sa puissance analgésique est d’environ 50 % celle de la morphine, avec une demi-vie de 2,5 à 3 heures. Le tramadol et la codéine sont des prodrogues qui doivent d’abord être métabolisées par le
cytochrome CYP2D6 pour exercer leur action analgésique. Ces deux substances ont la même puissance analgésique. Seuls 2 à 10 % de la codéine sont métabolisés en morphine par le CYP2D6 et le CYP3A4, le reste étant principalement métabolisé en codéine-6glucuronide, dépourvue d’action analgésique significative. Lors d’administration de tramadol chez les métaboliseurs lents, la diminution de l’effet analgésique se fera au profit de l’inhibition du recaptage de la sérotonine et noradrénaline [17]. Les effets secondaires du tramadol et de la codéine sont similaires à ceux des autres opioïdes agonistes. Le tramadol semble entraîner moins de dépression respiratoire et moins de constipation. En revanche, les nausées sont plus fréquentes (effet sérotoninergique). Le risque de syndrome sérotoninergique est corrélé à la dose, à l’âge du patient et à l’administration d’autres médicaments inhibant le recaptage de la sérotonine (IMAO, ISRS, inhibiteurs de la CYP2D6). Le tramadol peut également déclencher des crises d’épilepsie.
Opioïdes de palier 3 Morphine Les propriétés hydrophiles de la morphine expliquent pourquoi seulement 50 % de la dose administrée par voie orale atteint le système nerveux central. La demi-vie d’élimination est de 2 heures environ.
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE Traitements
La morphine est métabolisée en morphine-6glucuronide et en morphine-3-glucuronide dans un rapport de 6:1. Seule 5 % de la morphine est métabolisée en normorphine. Contrairement à la morphine-3-glucuronide et à la normorphine, la morphine-6-glucuronide est un métabolite actif plus puissant que la substance mère, susceptible de s’accumuler en cas d’insuffisance rénale. La morphine-3-glucuronide peut induire, à haute concentration, un état hyperalgésique. Une faible proportion de la morphine est transformée en codéine et en hydromorphone. Oxycodone L’oxycodone (Oxycontin®) est actif sur plusieurs récepteurs opioïdes dont le récepteur Kappa. Per os, il a une biodisponibilité élevée et une demivie d’élimination de 2,5 à 3 h. La durée d’action de la forme retard est de 12 h, celle de la forme rapide est de 3 h. L’oxycodone est métabolisée en de nombreux composés éliminés dans les urines, dont les principaux sont l’oxymorphone et la noroxycodone (1 % de la puissance analgésique de l’oxycodone). Il n’est pas considéré comme une prodrogue même si certains de ses métabolites sont actifs. L’oxymorphone (10 % des métabolites totaux) dépend du cytochrome CYP2D6 et la noroxycodone (80 % des métabolites totaux) du CYP3A. Hydromorphone L’hydromorphone (Palladon®) agit principalement sur le récepteur Mu, et de manière moins marquée sur le récepteur Delta. Sa puissance est 7 à 11 fois supérieure à celle de la morphine. L’hydromorphone est métabolisée en hydromorphone-3-glucuronide qui, comme la morphine-3glucoronide, est dépourvue d’effet analgésique, mais peut induire, à haute concentration, une allodynie, des myoclonies et des convulsions. Fentanyl Le fentanyl est un puissant agoniste Mu, approximativement 80 à 100 fois plus puissant que la morphine. Hautement lipophile, il est métabolisé par le cytochrome CYP3A en métabolites inactifs et non toxiques dont le norfentanyl. Le délai
d’action de la formule transdermique (Durogésic®) est de 12 à 24 heures après l’application, l’équilibre est atteint en 3 à 6 jours, et une poche sous-cutanée peut persister jusqu’à 24 heures après le retrait du patch. Mépéridine La mépéridine (Péthidine®) est un agoniste faible Mu dont la puissance analgésique équivaut à environ 10 % de celle de la morphine. La mépéridine possède également des propriétés anticholinergiques et d’anesthésique local. Elle est métabolisée en normépéridine, composé neurotoxique, dont l’accumulation peut provoquer une dépression respiratoire sévère, une hyperthermie, des myoclonies, un trémor, un syndrome d’excitation du système nerveux central et des convulsions. Ces effets secondaires sont plus marqués chez les patients insuffisants rénaux ou traités par IMAO (inhibiteur de la mono-amine-oxydase), et ne sont pas antagonisés par la naloxone. Méthadone La méthadone possède des propriétés agoniste Mu et antagoniste NMDA. Il s’agit d’un mélange de deux énantiomères, la R-méthadone, dont l’affinité pour le récepteur Mu est 10 fois plus puissante, et la S-méthadone, responsable de l’effet anti-NMDA, également inhibiteur de la recapture de la sérotonine et noradrénaline (IRSN). Sa flexibilité de dosage, son faible coût et ses propriétés anti-NMDA et IRSN font de cet opioïde une molécule très intéressante dans le traitement des douleurs chroniques. Toutefois, le large usage de la méthadone dans le sevrage des toxicomanes lui a conféré une image négative. Grâce à son caractère lipophile, la biodisponibilité de la méthadone per os est excellente. Le polymorphisme génétique explique la grande variabilité de demi-vie observée entre les individus. La méthadone est redistribuée dans le tissu graisseux, ce qui lui confère une longue demi-vie d’élimination (entre 12 et 150 heures). Elle est métabolisée par le foie (CYP3A4 et CYP2D6) et les intestins. Les métabolites, tous inactifs, sont presque exclusivement éliminés dans les selles. À doses > 60 mg/j, la méthadone est associée à un
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risque de torsade de pointes sur allongement du segment QT. Buprénorphine Grâce à ses caractéristiques hautement lipophiles, la buprénorphine (Temgésic®) per os a une excellente biodisponibilité. Elle est métabolisée par le cytochrome CYP3A4. Son administration à des patients traités par des agonistes purs est contreindiquée en raison du risque de syndrome de sevrage. Un surdosage entraîne une dépression respiratoire qui nécessite des hautes doses de naloxone. Tapentadol Le tapentadol est un opioïde de moyenne puissance, qui allie des propriétés d’agoniste Mu et d’inhibiteur de la recapture de la noradrénaline. Il se lie également aux récepteurs Delta et Kappa. Sa structure chimique est distincte de celle du tramadol. Il est essentiellement glucuroconjugué en métabolites inactifs. Toutefois, lors d’accumulation importante, le tapentadol-O-glucuronide peut éventuellement déclencher des crises d’épilepsie.
Tolérance, dépendance et addiction aux opioïdes La tolérance, ou accoutumance, est un mécanisme physiologique qui se manifeste par la diminution ou l’épuisement de la réponse à un médicament au fur et à mesure que l’organisme y est exposé. Cette réaction implique que l’organisme supporte mieux les effets du médicament, et que, pour retrouver les effets obtenus en début de traitement, il faut augmenter la dose. La tolérance à un opioïde peut se développer pour tous ses effets pharmacologiques ou seulement pour une partie d’entre eux (tolérance partielle). Par exemple, une tolérance aux effets analgésiques et dépresseurs respiratoires peut survenir en l’absence d’une tolérance à l’effet constipant. Les opioïdes ont une action beaucoup plus longue que les endorphines endogènes qui sont dégradées en quelques minutes. Lors d’un traitement prolongé, les récepteurs Mu sont désensibilisés
par phosphorylation, ce qui entraîne une baisse d’affinité et d’efficacité de la transduction. Le nombre de récepteurs opioïdes à la surface de la cellule est également régulé à la baisse par internalisation des récepteurs. La dépendance physique se caractérise par l’apparition de troubles physiques à l’arrêt du médicament ou lors d’administration d’un antagoniste. Le développement de la dépendance physique aux opioïdes implique le système nerveux central. Le locus coeruleus, riche en récepteurs opioïdes Mu, est le lieu d’origine des neurones noradrénergiques qui se projettent au niveau du système limbique. La stimulation électrique de ces neurones noradrénergiques déclenche des symptômes comparables à ceux qui surviennent lors du sevrage aux opioïdes. L’activation chronique des récepteurs opioïdes Mu du locus coeruleus induit une augmentation de l’activité des neurones noradrénergiques. À l’inverse, la clonidine ou la dexmédétomidine, agonistes alpha-2 centraux, diminuent l’activité des neurones noradrénergiques et sont capables d’atténuer les symptômes du sevrage aux opiacés. Les récepteurs opioïdes Delta sont également impliqués dans la dépendance physique aux opioïdes. Certains patients éprouvent un sentiment d’euphorie lors de la prise d’opioïdes, qu’ils décrivent comme une sensation de plénitude ou d’absence d’inquiétude. Cet effet est indépendant de l’effet analgésique des opioïdes et ne se produit que chez une faible proportion de patients. On dit qu’un patient a une addiction ou une dépendance psychologique quand il recherche compulsivement cet effet euphorique malgré les difficultés et les problèmes qu’engendre ce comportement. De plus, la tolérance à cet effet euphorique se développe rapidement, poussant le patient dépendant à augmenter constamment les doses. La dépendance aux opioïdes prescrits par des médecins et les décès par surdosages ont augmenté dramatiquement en Amérique du Nord au cours des 10 dernières années. Selon une récente méta-analyse, 3,3 % des patients traités avec des opioïdes pour des douleurs chroniques non cancéreuses présentaient une dépendance. Les comportements déviants avaient une prévalence de 11,5 % [18]. Le diagnostic d’une addiction est
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194
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souvent difficile, car les patients hésitent souvent à parler de leurs symptômes et des comportements associés. Les neurones dopaminergiques qui proviennent de l’aire tegmentale ventrale et se projettent dans le noyau accumbens sont impliqués dans la dépendance psychologique aux opioïdes. L’administration chronique d’opioïdes augmente la libération de dopamine dans le noyau accumbens via la stimulation des récepteurs opioïdes Mu et Delta. La stimulation des récepteurs opioïdes Kappa préviendrait l’apparition d’une addiction aux opioïdes. L’effet stimulateur des opioïdes sur les neurones dopaminergiques s’exerce par l’inhibition de la neurotransmission GABA. Le baclofène, un agoniste GABA, est utile pour lutter contre les phénomènes de dépendance psychologique.
Rotation des opioïdes Lorsqu’on met en route un traitement par opioïde, il faut en contrôler l’efficacité, de même que la compliance des patients, les effets secondaires et un éventuel comportement d’utilisation abusive. Dans certains cas, une réponse insuffisante, des effets secondaires insupportables ou l’apparition d’une tolérance à un opioïde donné nécessitent qu’il soit substitué par rotation avec une autre molécule potentiellement mieux adaptée aux besoins du patient. L’accumulation de métabolites toxiques ou de composés responsables d’une hyperalgésie induite par les opioïdes peut également justifier une rotation. De la même manière qu’il n’existe pas de base scientifique claire pour choisir un opioïde plutôt qu’un autre en début de traitement, il n’en existe pas non plus pour choisir un nouvel opioïde lors d’une rotation. Le choix est principalement basé sur les préférences et les habitudes du prescripteur, sur les différentes formules disponibles et les caractéristiques du patient. Comme le métabolisme et certains effets secondaires peuvent être spécifiques à un opioïde donné, il faut tenir compte des comorbidités cardiovasculaires (intervalle QT, par exemple), rénales et hépatiques. Lors de l’utilisation d’une prodrogue, il faut suspecter un polymorphisme génétique lorsque
le médicament est inefficace (métaboliseur lent) ou en présence d’effets secondaires exagérés (métaboliseur ultrarapide). S’il est disponible, un génotype peut être proposé pour guider la rotation vers un opioïde mieux adapté. En cas de douleurs chroniques à composante neuropathique, un opioïde possédant des propriétés IRSN (tapendatol, tramadol) ou antagoniste NMDA (méthadone) peut être plus efficace. Les comportements abusifs peuvent se manifester par une consommation supérieure à la prescription, par la perte récurrente de médicaments et d’ordonnances, ou encore par l’utilisation détournée des comprimés (en administration intraveineuse, par exemple). Des antécédents d’abus ou d’addiction à d’autres molécules (alcool, marijuana, benzodiazépines) constituent un facteur de risque. La prescription de formules combinant un opioïde et de la naloxone prévient l’utilisation intraveineuse abusive. Certains opioïdes sont également disponibles en comprimés résistants à l’écrasement ou à la dissolution dans un liquide. Les opioïdes agonistes-antagonistes (buprénorphine) et les agonistes associés à de la naloxone exercent moins d’effets subjectifs positifs (plaisir intense, euphorie ou sensation de légèreté), ce qui les rend moins attractifs pour les toxicomanes. De plus, à l’instar des agonistes partiels, ces opioïdes présentent un effet plafond, ce qui signifie que leur efficacité est limitée en dessus d’une certaine dose. En cas d’abus avérés, un sevrage s’impose. La conversion de la dose peut être calculée en utilisant des tabelles publiées (calculateurs en ligne, applications pour smartphones). Les calculateurs le plus souvent utilisés sont le Johns Hopkins Opioid Conversion Program Calculator, le GlobalRPH calculator et le Practical Pain Management Opioid Calculator. Les grandes variations interindividuelles et la tolérance croisée incomplète entre les différents opioïdes rendent les équivalences de doses approximatives et difficiles à établir. Lors de la substitution d’un opioïde par un autre, ou du changement de voie d’administration, les doses équivalentes calculées sont d’autant plus approximatives que les doses sont importantes. Lors du calcul de conversion, il convient donc de faire preuve de prudence en réduisant la dose
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« équivalente » de 25 à 50 % et en recourant à des doses de réserve en cas de sous-dosage. Les doses de réserve doivent représenter 10 à 15 % de la dose journalière totale et être administrées selon un mode de libération rapide. Lorsqu’un patient a besoin d’au moins trois doses de réserve par jour, il faut augmenter la dose de base quotidienne.
Tableau 18.6. Signes et symptômes fréquents lors de sevrage aux opioïdes. Symptômes
Signes
Anxiété
Bâillements
Frissons
Mydriase
Sensation chaud-froid
Tremblements
Nausées
Larmoiement
Sevrage des opioïdes
Vomissements
Écoulement nasal
Crampes musculaires
Diaphorèse
Avant de prescrire un opioïde, une stratégie alternative devrait toujours être considérée et discutée avec le patient. Un sevrage peut être décidé en cas de réponse inadéquate ou de comportement abusif. Le sevrage d’un opioïde s’accompagne de la disparition de l’hyperalgésie induite par les opioïdes, d’une amélioration de l’humeur et de l’état de vigilance. Le sevrage peut être intentionnel ou involontaire (réduction de la dose lors d’une rotation ou prescription d’un antagoniste ou d’un agoniste partiel). Le sevrage peut également avoir lieu entre les doses et se manifester par de l’irritabilité ou des douleurs généralisées avant la prise de la dose suivante. Les signes et les symptômes d’un sevrage sont résumés dans le tableau 18.6. L’apparition d’un syndrome de sevrage signifie que le patient a développé une dépendance physique, accompagnée ou non d’une accoutumance psychologique (addiction). Les symptômes physiques apparaissent 6 à 24 heures après la dernière dose, atteignent leur paroxysme au bout de 2 ou 3 jours, et se résorbent en grande partie dans un délai de 5 à 10 jours. L’état de manque, l’insomnie et
Douleurs abdominales
Piloérection (chair de poule)
Insomnie
Agitation
Irritabilité
Tachycardie
Troubles de la concentration
Leucocytose Éosinopénie Hyperglycémie
la dysphorie peuvent toutefois persister pendant plusieurs semaines, voire quelques mois. Les signes objectifs du sevrage sont généralement observés en cas d’arrêt brutal de fortes doses d’opioïdes puissants. La Clinical Opiate Withdrawal Scale est une échelle qui permet d’évaluer la sévérité des signes et des symptômes liés au sevrage (tableau 18.7) [19]. Le sevrage intentionnel est planifié et réalisé sous surveillance médicale. Il peut être brutal (méthode appelée « cold turkey ») ou progressif. Le sevrage brutal nécessite un soutien actif, médical et psychologique, souvent en milieu hospitalier. Le taux de rechute est réputé élevé. Le sevrage progressif dure plusieurs semaines. Les doses d’opioïdes sont réduites de 10 à 20 %
Tableau 18.7. Échelle clinique de sevrage aux opioïdes. Nom du patient______________________________ Motif de l’examen____________________________
Date et heure de l’examen : …./…./…
Fréquence cardiaque de repos _______battements/minute
Troubles gastro-intestinaux
Mesurée après 1 minute de repos en position assise ou couchée
Au cours de la dernière demi-heure
0. Fréquence cardiaque ≤ 80 battements/minute
0. Absence de symptôme gastro-intestinal
1. Fréquence cardiaque entre 81 et 100 battements/minute
1. Crampes d’estomac
2. Fréquence cardiaque entre 101 et 120 battements/minute
2. Nausées ou selles molles
4. Fréquence cardiaque > 120 battements/minute
3. Vomissements ou diarrhées 5. Multiples épisodes de diarrhées ou de vomissements
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE Traitements
Sudations
Tremblements
Au cours de la dernière demi-heure, sans relation avec la température ambiante ou l’activité du patient
Examen des mains tendues
0. Le patient ne signale ni frissons ni sensation de chaleur
0. Absence de tremblement
1. Le patient signale des frissons ou une sensation de chaleur
1. Un tremblement est perçu mais n’est pas visible
2. L’examinateur observe un visage rouge ou moite
2. Tremblement fin visible
3. Perles de sueur sur le front ou le visage
4. Tremblement important ou contractions musculaires
4. Visage ruisselant de sueur Agitation
Bâillements
Telle qu’observée pendant l’examen
Tels qu’observés pendant l’examen
0. Le patient est capable de rester assis tranquillement
0. Absence de bâillement
1. Le patient signale des difficultés à rester assis tranquillement, mais il est capable de le faire
1. Un ou deux bâillements pendant l’examen
3. Le patient change fréquemment de position ou présente des mouvements parasites des jambes ou des bras
2. Plus de trois bâillements pendant l’examen
5. Le patient est incapable de rester immobile plus de quelques secondes
4. Bâillements plusieurs fois par minute
Diamètre pupillaire
Anxiété ou Irritabilité
0. Pupilles punctiformes ou de taille normale pour la luminosité ambiante
0. Aucune anxiété ou irritabilité
1. Pupilles éventuellement plus larges que normales dans la luminosité ambiante
1. Le patient signale une anxiété ou une irritabilité croissante
2. Pupilles modérément dilatées
2. Le patient est manifestement anxieux ou irritable
5. Pupilles dilatées au point que seul le bord de l’iris est visible
4. Le patient est si irritable ou si anxieux que sa participation à l’examen est difficile
Douleurs osseuses ou articulaires
Chair de poule
Ne tenir compte que de douleurs imputables au sevrage 0. Absence de douleur
0. La peau est lisse
1. Inconfort léger et diffus
3. Piloérection perceptible sur les bras
2. Le patient signale des douleurs articulaires et musculaires diffuses mais sévères
5. Piloérection marquée
4. Le patient masse ses articulations ou ses muscles et est incapable de rester tranquillement assis à cause de l’inconfort Écoulement nasal ou larmoiement
Score total___________ = somme des 11 éléments
Sans relation avec des symptômes grippaux ou des allergies
Scores de sevrage
0. Absence d’écoulement nasal ou de larmoiement
5-12 : léger
1. Congestion nasale ou yeux anormalement humides
13-24 : modéré
2. Écoulement nasal ou larmoiement
25-36 : modérément sévère
4. Écoulement nasal ininterrompu ou ruissellement de larmes
> 36 : sévère
Pour chaque signe ou symptôme, entourez le chiffre qui correspond le mieux à la description du patient. N’évaluez que la relation directe avec le sevrage aux opioïdes. Par exemple, une tachycardie due à un effort physique (jogging) juste avant l’examen ne doit pas être prise en compte. Extrait de Wesson DR, Ling W. Psychoactive Drugs, 2003, Apr-Jun ; 35 (2) : 253-259.
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chaque semaine. Les symptômes de sevrage sont traités par AINS (myalgies, frissons), antidiarrhéiques et anxiolytiques (agitation, angoisse). La clonidine, la lofexidine ou la dexmédétomidine (agonistes alpha-2-centraux) atténuent les symptômes de sevrage.
En l’absence complète d’effet primaire ou en présence d’effets secondaires importants, il est justifié de choisir un médicament d’une autre classe thérapeutique d’efficacité égale. Lorsqu’un traitement n’est que partiellement efficace, les associations médicamenteuses suivantes sont admises : antidépresseur tricyclique et antiépileptique, inhibiteur de la recapture de la sérotonine et noradrénaline et antiépileptique, opiacé et antiépileptique. L’association de tramadol avec un antidépresseur (tricyclique, inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline) est contre-indiquée en raison du risque de syndrome sérotoninergique. La combinaison de deux antidépresseurs de la même classe est également déconseillée. En cas de douleurs d’origine mixte, il ne faut pas oublier de traiter la composante nociceptive ou inflammatoire par les analgésiques appropriés. Le patient doit être averti du fait que ces médicaments sont prescrits pour leurs propriétés
Traitement pharmacologique de la douleur neuropathique En raison de leurs effets secondaires, les médicaments contre la douleur neuropathique sont administrés d’abord à faibles doses. La posologie augmente tous les 5 à 7 jours en fonction de la tolérance et de l’efficacité (titration). Le traitement se prolonge plusieurs mois (≥ 6 mois), au cours desquels la tolérance et l’efficacité sont régulièrement évaluées. Les doses sont progressivement réduites après 6 à 8 mois de traitement efficace à doses constantes.
Tableau 18.8. Principales molécules utilisées dans la prise en charge de la douleur neuropathique et dysfonctionnelle. Substance
Exemple
Dose initiale
Palier de titration
Dosage efficace
Prise par jour *
Antiépileptiques Prégabaline
Lyrica®
50-75 mg
50-75 mg
150-600 mg
2à3
Gabapentine
Neurontin®
300 mg
100-300 mg
900-3 600 mg
3
Clonazépam
Rivotril®
0,5 mg
0,5 mg
0,5-1,5 mg
1à3
Carbamazépine
Tégrétol®
200 mg
100 mg/2 j
800-1 200 mg
3 à 4
Amitriptyline
Saroten®
10-25 mg
10-25 mg
50-150 mg
1à2
Imipramine
Tofranil®
25 mg
25 mg
25-75 mg
1à2
Clomipramine
Anafranil®
10 mg
10 mg
30-50 mg
1à2
Duloxétine
Cymbalta®
30 mg
30 mg
60-120 mg
1à2
Venlafaxine
Efexor®
37,5 mg
37,5 mg
75-225 mg
1à2
Mirtazapine
Remeron®
15 mg
Miansérine
Tolvon®
30 mg
Antidépresseurs tricycliques
Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN)
Antidépresseurs par antagonisme central des récepteurs α2-présynaptiques 15 mg
15-45 mg
1à2
15 mg
60-90 mg
1à2
Agonistes dopaminergiques
*
Pramipexole
Sifrol®
0,125 mg
0,125 mg
0,125-0,75 mg
1
Mémantine
Axur®
5 mg
5 mg
20 mg
1
La dose thérapeutique peut être divisée et répartie en plusieurs prises journalières.
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analgésiques et non pour leurs effets antidépresseurs ou antiépileptiques. Il convient également de l’informer du risque d’effets secondaires, de l’efficacité souvent partielle du traitement de la douleur, du délai d’action des médications (jusqu’à plusieurs semaines) et de l’importance d’une prise régulière et sytématique (compliance). La majorité des effets secondaires apparaissent lors de l’augmentation des doses et sont souvent réversibles. Les traitements et dosages sont résumés dans le tableau 18.8.
Antiépileptiques L’efficacité de la gabapentine et de la prégabaline est largement établie dans le traitement des douleurs neuropathiques diabétique et postherpétique. La carbamazépine et la phénytoïne sont les médicaments de première intention dans le traitement de la névralgie du trijumeau. Les antiépileptiques agissent sur les phénomènes de sensibilisation centrale par une action sur la sous-unité alpha-2-delta des canaux calciques [20]. Impression vertigineuse, somnolence, fatigue, prise de poids, œdèmes périphériques, céphalées et bouche sèche représentent les effets indésirables les plus fréquents. La pharmacocinétique linéaire de la prégabaline lui confère une efficacité dose-réponse qui n’a jamais été établie pour la gabapentine, mais sa tolérance n’est pas meilleure, notamment aux doses maximales de 600 mg/jour [10]. Les doses efficaces de gabapentine sont de 900 à 3 600 mg/jour, de 150 à 600 mg/jour pour la prégabaline (les effets d’une dose de 150 mg/ jour sont inconstants). L’efficacité et les effets indésirables des deux molécules sont similaires. L’augmentation des doses suit des paliers hebdomadaires de 50 à 75 mg pour la prégabaline, de 300 mg pour la gabapentine. La surveillance de leurs taux plasmatiques ne présente aucun intérêt quand ils sont utilisés comme antalgiques. En ce qui concerne la carbamazépine, de nombreuses interactions médicamenteuses (contraceptifs et certains macrolides) compliquent son administration. L’hémogramme et la numération des enzymes hépatiques doivent être contrôlés au cours d’un traitement de longue durée.
Antidépresseurs tricycliques L’efficacité des antidépresseurs tricycliques est largement démontrée dans le traitement des douleurs neuropathiques périphériques, comme la neuropathie diabétique douloureuse ou la névralgie postherpétique [21–23]. Abstraction faite des neuropathies douloureuses associées au VIH ou au cancer, l’amitriptyline est efficace chez près de 25 % des patients souffrant de douleurs neuropathiques. Les tricycliques agissent principalement sur les voies descendantes inhibitrices noradrénergiques. Ils possèdent également des propriétés sérotoninergiques, stabilisatrices de membrane, et des effets directs sur les récepteurs bêta-2-adrénergiques [24]. Ils n’ont en revanche pratiquement aucun effet sur la recapture de la dopamine. Les effets indésirables sont dose-dépendants. En raison de leurs propriétés anticholinergiques, les effets secondaires des tricycliques incluent fréquemment la sécheresse de bouche, la constipation, des épisodes de transpiration profuse, des troubles visuels, des palpitations, la rétention urinaire, des troubles cognitifs, des états confus, l’hypotension orthostatique et des risques de chutes notamment chez le sujet âgé. Le traitement commence généralement par une petite dose à l’heure du coucher. Il est augmenté par paliers jusqu’à la dose thérapeutique efficace, qui varie de 25 à 150 mg. Dans les essais cliniques, la dose médiane efficace est de 75 mg/jour.
Antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline Les antidépresseurs inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN), venlafaxine et duloxétine, sont très efficaces dans le traitement des neuropathies périphériques diabétiques. Ils potentialisent les neurotransmetteurs des voies descendantes inhibitrices de la douleur. Les effets indésirables les plus fréquents de la duloxétine incluent les nausées, la constipation ou les diarrhées, l’inappétence, la sécheresse de bouche et la somnolence. Quelques cas
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d’augmentation du taux d’enzymes hépatiques, d’hypertension artérielle et d’hémorragies digestives ont été rapportés dans la littérature. La duloxétine est contre-indiquée lors d’hépatopathie sévère ou d’hypertension artérielle mal contrôlée. Une élévation de la tension artérielle et des anomalies cliniquement significatives de l’ECG ont été rapportées chez 5 % des patients traités par des doses élevées de venlafaxine (150-225 mg/j). Progressivement titrées par palier de 30 mg, les doses efficaces de duloxétine sont comprises entre 60 à 120 mg/j. Seules les doses élevées de venlafaxine sont efficaces (150-225 mg/j).
Agonistes dopaminergiques Cette classe de médicaments a été étudiée principalement dans le traitement du syndrome des jambes sans repos ou de la fibromyalgie.
Les cannabinoïdes Font partie du système cannabinoïde les récepteurs CB1 et CB2, les ligands endogènes anandamide et 2-arachidonoylglycérol, ainsi que les composés cannabinoïdes synthétiques. Le delta-9tétrahydrocannabinol (THC), le composant psychoactif du cannabis, et ses dérivés ont des propriétés antinociceptives au niveau spinal, supraspinal et périphérique. L’activité analgésique est obtenue par l’activation des récepteurs CB1 et CB2. Le récepteur CB1 est principalement exprimé dans le système nerveux central. Le récepteur CB2 se situe essentiellement au niveau des cellules immunitaires (lymphocytes B et NK, cellules de la microglie, monocytes, neutrophiles, mastocytes et cellules dendritiques) et des terminaisons nerveuses périphériques. Lors de douleur chronique, le CB2 est également exprimé dans le système nerveux central et dans les ganglions spinaux. Les agonistes sélectifs du récepteur CB2 ont une action analgésique dans différents modèles de douleurs inflammatoires et nociceptives, incluant dans certains cas une activation du système opioïde. Cependant, une étude a montré récemment que les douleurs
chroniques neuropathiques, la sclérose en plaque, l’arthrite rhumatoïde et la neuropathie douloureuse du HIV étaient traitées de manière plus efficace par les cannabinoïdes que les douleurs aiguës [25]. Le Canada a été le premier (2005) à approuver la prescription de dronabinol (Sativex®), dont les principes actifs sont le THC et le cannabidiol, et qui s’administre en spray nasal ou en comprimé sublingual (transmuqueux). Le nabilone (Cesamet®) est un dérivé synthétique du THC. La synergie avec le système opioïde semble indiquer que les cannabinoïdes pourraient exercer un effet d’épargne morphinique, potentialiser les effets analgésiques des opioïdes et limiter les problèmes de tolérance. Des données récentes indiquent une synergie possible avec les AINS, à l’origine d’une augmentation de leurs effets [26].
Les antagonistes NMDA Le récepteur N-méthyl-D-aspartate (NMDA) est responsable du phénomène de sommation temporelle de la douleur (« wind-up ») et pourrait intervenir dans la genèse et l’aggravation des douleurs chroniques. • Le dextrométhorphane, alternative pharmacologique à la morphine, synthétisée il y a plus de 50 ans, est l’isomère dextrogyre du lévométhorphane (un opioïde), mais ne possède aucune activité opioïde. Il est antagoniste non compétitif des récepteurs NMDA, agoniste des récepteurs sigma et inhibiteur de la recapture de la noradrénaline. Constituant essentiel des sirops antitussifs, le dextrométorphane est parfois utilisé à des fins analgésiques. • L’amantadine, médicament antiviral et antiparkinsonien, est également un agent inhibiteur du récepteur NMDA, mais l’application des données expérimentales à la clinique est décevante. • Seule la kétamine, généralement utilisée comme anesthésique, a démontré son efficacité dans le traitement des douleurs chroniques d’origine neuropathique et cancéreuse. Outre ses propriétés anti-NMDA, la kétamine active les récepteurs noradrénergiques, sérotoninergiques
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et muscariniques [27]. Elle peut être administrée par voie orale (30 à 60 mg/j), intranasale, sous-cutanée ou en perfusion intraveineuse (voir ci-dessous). La biodisponibilité de la kétamine orale est de 20 %, avec un important effet de premier passage hépatique. Elle est métabolisée en norkétamine, qui possède environ 30 % de l’effet analgésique de la kétamine.
Les traitements topiques Capsaïcine La capsaïcine, le composé vanilloïde qui donne au piment sa saveur épicée, se lie aux récepteurs TRPV1 des fibres périphériques terminales des nocicepteurs. Elle peut agir comme sensibilisateur et désensibilisateur neuronal. En injection cutanée, la capsaïcine provoque une hyperalgésie, une allodynie et divers symptômes d’hypersensibilité cutanée. Toutefois, lors d’administration prolongée ou répétée, la capsaïcine entraîne une inactivation et une désensibilisation des terminaisons nociceptives. Divers patchs et crèmes locales disponibles sans ordonnance dans le commerce, délivrent des concentrations de capsaïcine entre 0,025-0,1 %. Un patch hautement concentré (Qutenza® 8 %) est apparu récemment sur le marché. Des précautions d’application sont nécessaires afin d’éviter tout contact avec les mains et les muqueuses. Avant d’appliquer le gel de capsaïcine, il est conseillé de recouvrir la zone à traiter (surtout si elle est hyperalgique ou allodynique) de crème anesthésique (EMLA) pendant 1 h. Le patch de capsaïcine est laissé sur place pendant environ 1 h, puis remplacé par de la glace pour atténuer la sensation de brûlure. Le traitement peut être répété après 3 mois.
Lidocaïne La xylocaïne est disponible en patchs (Neurodol®, Versatis®) à appliquer directement sur la zone douloureuse (en peau saine). Son efficacité est démontrée dans le traitement de la névralgie
postherpétique et des lésions nerveuses périphériques. Elle est moins bien établie dans d’autres types de douleurs neuropathiques. Les effets secondaires sont quasi inexistants.
Les traitements en perfusion intraveineuse Lidocaïne Les effets systémiques de la lidocaïne ont été rapportés pour la première fois en 1962 dans le cadre du traitement des douleurs aiguës postopératoires [28]. L’activation des canaux sodiques voltage-dépendant est impliquée dans la pathogenèse et la perpétuation des douleurs neuropathiques et inflammatoires, spontanées et provoquées. La concentration plasmatique de lidocaïne nécessaire pour obtenir un effet analgésique est de l’ordre de 5 à 10 µm, inférieure à celle qui bloque la conduction nerveuse. Récemment, une méta-analyse a passé en revue les études randomisées disponibles. Elle conclut à la supériorité de l’administration de lidocaïne intraveineuse et per os par rapport au placebo, à la morphine, à la gabapentine, à l’amitriptyline ou à l’amantadine dans la douleur neuropathique [29]. Les effets secondaires sont dose-dépendants et nombreux : convulsions, somnolence, état confusionnel, céphalées, nausées et vomissements, engourdissements et picotements, vertiges, goût métallique, sécheresse buccale, arythmies cardiaques et instabilité hémodynamique. Les douleurs liées aux neuropathies diabétiques, traumatiques ou dues à un accident vasculaire cérébral semblent de meilleures indications que les polyneuropathies du VIH, qui, comme les neuropathies d’origine tumorale, répondent mal à cette thérapie. Les protocoles d’administration les plus fréquemment utilisés dans la littérature décrivent des doses totales de 5 mg/kg perfusées en 30 à 60 min. Certains auteurs préconisent des perfusions répétées pendant 5 jours. Afin de limiter le risque d’arythmies, la lidocaïne ne doit être administrée qu’à des patients dont l’électrocardiogramme et les électrolytes sont
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normaux. L’administration à long terme constitue l’obstacle principal de ce type de traitement.
Kétamine À dose subanesthésique, la kétamine a une action antihyperalgique, antiallodynique et antitolérance aux opioïdes. Elle peut être administrée en cas de résistance aux opioïdes ou de douleurs pathologiques avec sensibilisation centrale. Associée à un opioïde, elle potentialise les effets antinociceptifs. À faibles doses, l’incidence d’effets indésirables est d’environ 10 % (hallucinations, cauchemars, troubles visuels). Les effets psychocognitifs sont dose-dépendants. Ils sont rares avec les perfusions de 2,5 µg/kg/min, qui ne dépassent pas 200 à 300 mg/24 h. À hautes doses, la kétamine agit clairement comme analgésique, mais provoque des effets indésirables, tachyarythmies, hallucinations et troubles du comportement. Références 1. World Health Organisation. WHO’s cancer pain ladder for adults. [en ligne] www.who.int/cancer/ palliative/painladder/en/. (page consultée le 30 mars 2016). 2. Pickering G, Esteve V, Loriot MA, et al. Acetaminophen reinforces descending inhibitory pain pathways. Clin Pharmacol Ther 2008;84:47–51. 3. Pickering G, Loriot MA, Libert F, et al. Analgesic effect of acetaminophen in humans: first evidence of a central serotonergic mechanism. Clin Pharmacol Ther 2006;79:371–8. 4. Zygmunt PM, Chuang H, Movahed P, et al. The anandamide transport inhibitor AM404 activates vanilloid receptors. Eur J Pharmacol 2000;396: 39–42. 5. Watkins PB, Kaplowitz N, Slattery JT, et al. Aminotransferase elevations in healthy adults receiving 4 grams of acetaminophen daily: a randomized controlled trial. JAMA 2006;296(1):87–93. 6. Farkouh ME, Greenberg BP. An evidence-based review of the cardiovascular risks of nonsteroidal anti-inflammatory drugs. Am. J. Cardiol. Elsevier; 2009 May;103 s(9):1227-1237. 7. Hassan K, Khazim K, Hassan F, Hassan S. Acute kidney injury associated with metamizole sodium ingestion. Ren Fail. 2011;33(5):544–7. 8. Laporte JR, Carné X, Vidal X, Moreno V, Juan J. Upper gastrointestinal bleeding in relation to
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Chapitre 19 Le traitement médicamenteux antalgique lors d’insuffisance rénale ou hépatique Vincent Bourquin
L’insuffisance rénale La présence d’une insuffisance rénale ou hépatique complique la prescription médicamenteuse. Peu d’études se sont intéressées à la prise en charge médicamenteuse de la douleur dans ces deux situations [1,2]. Chez les patients souffrant d’une insuffisance rénale, la plupart des analgésiques et/ou leur(s) métabolite(s) peuvent s’accumuler. L’incidence de l’insuffisance rénale augmente significativement dans la population âgée, posant le problème de l’adaptation posologique des médicaments. L’insuffisance rénale chronique (IRC) est définie comme une atteinte rénale ou une baisse du débit de filtration glomérulaire (DFG) d’une durée d’au moins 3 mois [3]. Le débit de filtration glomérulaire peut être soit mesuré par une récolte urinaire de 24 heures ou estimé (DFGe) grâce à des équations. La plus connue est celle de Cockcroft-Gault [4], dont l’avantage est de prendre en compte le poids du patient. Toutefois, il est recommandé d’utiliser la formule CKDEPI, plus récente et issue de la classification KDIGO 2012 (Kidney Disease/Improving Global Outcomes) de l’IRC [5]. Une adaptation de la posologie basée sur des équations plus anciennes peut être inexacte et en cas de doute, la dose sera
adaptée en fonction du plus bas débit de filtration glomérulaire estimé. Les KDIGO 2012 classe l’IRC en fonction de la cause, du DFGe et de l’albuminurie. Le DFGe est divisé en cinq stades (G1 à G5) et l’albuminurie en trois stades (A1 à A3). L’adaptation de la posologie ne se fait pas en fonction de l’albuminurie, mais sa présence est cependant un signe de mauvais pronostic. On sera encore plus prudent en cas de DFGe abaissé et en présence simultanée d’une albuminurie. Le rein est l’organe principal de l’excrétion des médicaments. Les modifications de la pharmacocinétique les plus fréquentes sont une diminution de l’élimination des substances et/ou de leur métabolite. L’abaissement du DFGe et l’allongement de la demi-vie d’un médicament vont généralement de pair. L’IRC modifie la réabsorption et la sécrétion tubulaire des substances. La phase d’absorption et la fonction métabolique sont également altérées. Il convient de respecter les précautions suivantes lors de toute prescription d’antalgique à un patient présentant une insuffisance rénale : • confirmer l’indication du traitement en tenant compte du rapport risque-bénéfice ; • privilégier les traitements à marge thérapeutique large et à élimination extrarénale ;
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Figure 19.1. Algorithme de prise en charge de la douleur selon le DFGe. Modifié selon Bourquin.
• évaluer la fonction rénale avec la formule CKD-EPI et si possible, vérifier l’absence d’albuminurie ; • modifier le schéma posologique en fonction du DFGe. La dose peut être diminuée et/ou l’intervalle de prise allongé ; • évaluer la réponse au traitement antalgique (échelles d’autoévaluation) ; • surveiller le patient quant à l’apparition d’effet(s) toxique(s) ou indésirable(s) attendu(s) du médicament. L’algorithme (figure 19.1) proposé et permettant le choix d’un analgésique en fonction du stade d’IRC (tableau 19.1) contient trois niveaux : 1. DFGe inférieur à 30 ml/min/1,73 m2 pour lequel l’échelle de l’OMS est remplacée par une échelle dite « sûre » avec trois paliers adaptés. Le palier 1 est le paracétamol, le palier 2 le tramadol et le palier 3 la buprénorphine. 2. DFGe supérieur à 60 ml/min/1,73 m2 permet la prescription de n’importe quel analgésique selon l’échelle « classique » de l’OMS. 3. DFGe entre 30 et 60 ml/min/1,73 m2 pour lequel le choix doit se faire entre l’échelle « sûre » et « classique ». La présence de comorbidités(s), d’une insuffisance rénale aiguë,
Tableau 19.1. Débit de filtration glomérulaire estimé (DFGe) selon KDIGO (2012). Stade
DFGe (ml/ min/1,73 m2)
Interprétation de l’insuffisance rénale
G1
≥ 90
Normale ou élevée (hyperfiltration)
G2
60-89
légère
G3a
45-59
Légère à modérée
G3b
30-44
Modérée à sévère
G4
15-29
Sévère
G5
60
intermédiaire
3,75
20 mg
8-12
courte
25-125
5 mg
12-36
courte
2-50
Hydrocortisone Prednisolone
Hydrocortancyl®
Équivalence de doses
altération de la conductivité des fibres C non myélinisées [8]. Des posologies plus élevées sont nécessaires dans les traitements antiallergiques et immunosuppresseurs. Il n’existe pas de recommandations unani mement reconnues quant aux doses optimales et aux types de corticoïdes à injecter par voie épidurale (tableau 23.2). Les doses utiles sont probablement inférieures à celles généralement utilisées en clinique, exposant les patients à des risques d’effets secondaires régionaux et sys témiques moins importants (tableau 23.3). Les résultats des études sont contradictoires : les études observationnelles de bas niveau de preuve rapportent un bénéfice analgésique et fonctionnel à court et long termes, alors que les études de haut niveau de preuve ne confirment pas toujours ce bénéfice. Une étude randomisée récente n’a pas montré de différence d’efficacité entre une dose de 40 mg et une dose de 80 mg de dépo-méthyl-prednisolone en injection épi durale interlaminaire en cas de radiculopathie lombaire [9]. De même, aucune différence n’a été observée entre des doses de 10, 20 et 40 mg de triamcinolone en injection transforaminale lors
Demi-vie biologique (heures)
Durée d’action
Dose habituelle (mg)
de hernie discale [10]. Seule la dose de 5 mg était moins efficace. Toutefois, l’utilisation des corticoïdes en injec tion épidurale reste controversée. En effet, de nombreuses études ont mis en évidence une corrélation entre le volume d’injection et l’effi cacité analgésique. L’injection de solution saline (NaCl 0,9 %) sans corticoïde s’est révélée éga lement efficace, probablement par effet osmo tique et dilution des médiateurs inflammatoires ou par levée d’adhérences cicatricielles [11,12]. Le bénéfice lié à l’injection de grands volumes (généralement > 15 ml) doit être contrebalancé par les risques de compression médullaire ou de décompensation d’une sténose canalaire préexis tante, surtout au niveau cervical. Une étude publiée en 2014 dans le prestigieux New England Journal of Medicine a comparé l’injection épidurale d’anesthésiques locaux avec ou sans corticoïde chez des patients souffrant d’un canal lombaire étroit avec claudication neu rogène [13]. À 3 semaines, l’adjonction de corti coïdes avait contribué à une amélioration modeste mais significative du score de douleur. Bien que ce bénéfice ne soit pas retrouvé 6 semaines après
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE 233 Chapitre 23. L’antalgie interventionnelle Tableau 23.3. Effets secondaires des corticoïdes. Effets secondaires régionaux
Effets secondaires systémiques aigus
Effets secondaires systémiques chroniques
Atrophie cutanée et sous-cutanée
Diabète sucré (apparition ou décompensation d’un diabète préexistant
Ostéoporose
Lipomatose épidurale
Rétention hydrosodée
Laxité ligamentaire
Rupture tendineuse (surtout pour les dérivés fluorés : bétaméthasone, triamcinolone et dexaméthasone)
Embolie vasculaire (pour les formes contenant des particules microcristallines)
Ostéonécrose (ex. : tête fémorale)
Hypertension artérielle
Suppression de l’axe hypothalamohypophyso-surrénalien (Addison)
Allergie (sulfites)
Prise pondérale
Bouffées de chaleur
Cataracte
Insomnies
Glaucome
Euphorie/dysphorie
Immunosuppression
Psychose aiguë Suppression de l’axe hypothalamohypophyso-surrénalien (Addison) Aménorrhée Diminution de la libido Acné
le traitement, la satisfaction et l’amélioration des symptômes dépressifs des patients ayant reçu des corticoïdes étaient en revanche plus éle vées que celles des patients dont l’injection ne comportait que des anesthésiques locaux (67 % contre 54 %). Au vu de ces résultats, les auteurs recommandent de ne pas répéter une injection épidurale de corticoïdes chez des patients souf frant d’un canal lombaire symptomatique si la première injection n’est pas efficace. Cette étude a toutefois été largement critiquée, notamment en raison de l’hétérogénéité des groupes (inclusion de patients présentant des douleurs aiguës et des sténoses étendues sur plusieurs niveaux) et de la méthode utilisée (infiltrations interlaminaires ou transforaminales avec des volumes très variables). De plus, l’évaluation des résultats 6 semaines après une intervention dont le bénéfice n’est que de 3 à 4 semaines [14] est un problème méthodologique supplémentaire. Une revue sys tématique des études randomisées et contrôlées a conclu à une efficacité similaire des infiltrations d’anesthésiques locaux avec et sans corticoïdes par voie épidurale lombaire, par voie interlaminaire, transforaminale et caudale, de même que par
voie interlaminaire thoracique et cervicale et lors de blocs facettaires lombaires, thoraciques ou cervicaux [15]. Toutefois, cette revue indique que les effets des corticoïdes étaient supérieurs à ceux des anesthésiques locaux seuls uniquement dans le traitement des hernies discales. À l’exception du canal carpien symptomatique, il n’y a pas de bénéfice à ajouter des corticoïdes ou des opiacés aux anesthésiques locaux dans les blocs nerveux périphériques (somatiques ou sympathiques). L’infiltration périphérique de cor ticoïdes est indiquée en revanche dans les injec tions intra-articulaires (arthrite inflammatoire et poussées d’arthrose périphérique), les injections périarticulaires (bursites) et les injections périten dineuses (tendinopathie). Les corticoïdes sont disponibles sous forme de solutions, de suspensions et de suspensions micro cristallines. Seuls le phosphate de dexaméthasone (Soludécadron®, Fortecortin®) et la methylpred nisolone (Solu-Medrol SAB®) existent sous forme de solution. Les suspensions microcristallines (Triamcinolone®), moins solubles, ont un effet retardé et prolongé, car elles ne libèrent que pro gressivement le principe actif. C’est l’héxacétonide
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de triamcinolone (Ledercort®) qui a l’effet retard le plus prononcé (60 jours en moyenne), mais il ne peut être injecté que par voie intra-articulaire. Les solutions microcristallines ont peu de dif fusion systémique mais présentent des risques importants d’atrophie cutanée, sous-cutanée et musculotendineuse. Seuls les corticoïdes sans particules microcristallines et sans agent conser vateur (SAB ou sine alcohol benzylicus) sont actuellement validés pour l’administration épidu rale. Ces recommandations sont particulièrement importantes pour les approches transforaminales ou les injections cervicales, toutes voies d’abord confondues. En France, seules deux suspensions, l’acétate de prednisolone (Hydrocortancyl®) et le cortivasol (Altim®) sont autorisées sur le mar ché (AMM) pour les infiltrations rachidiennes. Les incidents décrits dans la littérature en rela tion avec l’injection épidurale de corticoïdes sont principalement liés aux injections intra-artérielles accidentelles. Des ischémies médullaires ont été rapportées seulement avec des injections fora minales au niveau lombaire non opéré. Après opération du rachis lombaire, les approches fora minales, interlaminaires médianes et paramédianes ont toutes été associées à des complications d’ori gine artérielle. La voie interlaminaire cervicale expose au risque de lésion médullaire directe, mais la majorité des accidents rapportés concerne la voie transforaminale où l’aiguille peut venir au contact des vaisseaux. L’IRM permet de mon trer les zones artérielles ischémiques au niveau du cerveau, de la moelle ou du cône médullaire. Les artères en cause paraissent être des artères vertébrales ou foraminales à destinée médullaire. Les antécédents de chirurgie du rachis permettent d’expliquer le risque augmenté de complications : les zones cicatricielles sont hypervascularisées, et les artères y sont fixées par la fibrose.
Clonidine La clonidine est un agoniste adrénergique alpha possédant une sélectivité alpha-2/alpha-1 de 220/1 [16]. Au niveau périphérique, la clonidine produit une vasoconstriction par stimulation des récep
teurs post-synaptiques alpha-2, essentiellement au niveau des terminaisons cutanées et muqueuses. Au niveau central, l’activation des récepteurs alpha-2 limite la libération de noradrénaline dans les terminaisons sympathiques post-ganglionnaires à l’origine de l’effet antihypertenseur [17]. Les propriétés analgésiques de la clonidine sont dues à l’activation, au niveau de la moelle épinière et du cerveau, des récepteurs alpha-2 qui possèdent des caractéristiques fonctionnelles se superposant de manière significative avec celles des récepteurs µ. Lors d’administration épidurale ou intrathécale, la clonidine produit un effet analgésique. Associée à un opioïde, elle en potentialise l’effet analgé sique [18]. La clonidine est métabolisée par le foie en cinq métabolites inactifs. Approximative ment 60 % de la clonidine est éliminée dans les urines sous forme inchangée. En pratique clinique, elle est principalement administrée par voie intrathécale ou épidurale.
Contre-indications générales à l’antalgie interventionnelle De manière générale, les contre-indications à l’antalgie interventionnelle sont les suivantes : • Refus du patient ou absence de consentement éclairé signé par le patient. • Infection locale ou systémique. • Coagulopathie congénitale, acquise ou médi camenteuse. L’arrêt des anticoagulants en fonction de leur durée d’action est néces saire (tableau 23.4) [19]. De manière générale, il est conseillé de suspendre le traitement anti coagulant pour une durée équivalente à cinq demi-vies du médicament. L’arrêt de l’anti coagulation ou de l’antiagrégation requiert l’accord du médecin traitant ou des spécialistes (cardiologue, neurologue, angiologue ou chi rurgien vasculaire) en charge du patient. Il est fortement recommandé de contrôler les para mètres de la coagulation avant la procédure. En cas de coagulopathie congénitale ou acquise, l’administration des facteurs de coagulation manquants permet de corriger les troubles de la coagulation dans la majorité des cas.
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE 235 Chapitre 23. L’antalgie interventionnelle Tableau 23.4. Gestion des AINS, antiagrégants et anticoagulants avant une procédure d’antalgie interventionnelle de risque intermédiaire (injection épidurale ou bloc facettaire). Substance Diclofénac (Diclofenac®) Ibuprofène
Délai de reprise ou d’administration après la procédure
24 heures *
24 heures *
24 heures *
24 heures *
Kétorolac (Toradol®)
24 heures *
24 heures *
Etodolac (Lodine®)
48 heures *
24 heures *
Aspirine (prophylaxie primaire)
6 jours
24 heures
Aspirine (prophylaxie secondaire)
4 jours
24 heures
(Plavix®)
7 jours
12 heures (75 mg) 24 heures (dose de charge)
Prasugrel (Efient®)
7 à 10 jours
24 heures
Ticagrelor (Brilique®)
5 jours
24 heures
Acénocoumarol (Sintrom®)
3 jours INR normal
24 heures
Warfarine (Coumadine®, Marevan®)
5 jours INR normal
24 heures
Phenoprocoumone (Marcoumar®)
7 jours INR normal
24 heures
Héparine non fractionnée (IV)
4 heures
2 heures
Héparine non fractionnée (SC)
8 à 10 heures
2 heures
Héparine de bas poids moléculaire (SC) : prophylaxie ( 1 mg/kg)
24 heures (en l’absence d’insuffisance rénale)
12 à 24 heures
Fondaparinux (Arixtra®)
4 jours
24 heures
4 à 5 jours (6 jours en cas d’atteinte de la fonction rénale)
24 heures
Rivaroxaban (Xarelto®)
3 jours
24 heures
Apixaban (Eliquis®)
3 à 5 jours
24 heures
Inhibiteurs des glycoprotéines IIb/IIIa : Abciximab (ReoPro®) Tirofiban (Aggrasta®) Eptifibatide (Integrilin®)
2 à 5 jours
Traitement en urgence, sous surveillance neurologique
Agents thrombolytiques IV (Steptokinase®, Urokinase®)
2 à 10 jours
Traitement en urgence (si possible au min. 48 h après la procédure), sous surveillance neurologique
Clopidogrel
Dabigatran
*
(Perdolan®)
Délai d’interruption avant la procédure
(Pradaxa®)
Il est conseillé d’interrompre les AINS seulement avant certaines procédures à risque intermédiaire (injections épidurales cervicales ou blocs du ganglion stellaire).
Une transfusion plaquettaire est nécessaire en cas de thrombopénie inférieure à 80 giga/l. En cas de doute, une consultation hémato logique est recommandée. Les injections rachidiennes (blocs facettaires et injections épi durales) sont considérées comme des procé dures à risque intermédiaire de saignement.
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Chapitre 24 Les injections rachidiennes Christophe Perruchoud, Éric Buchser Les injections rachidiennes incluent les injections épidurales, les blocs facettaires et les blocs sympathiques.
Injection épidurale Les premières injections épidurales de stéroïdes et d’anesthésiques locaux par voie caudale à visée antalgique ont été décrites dès 1900 [1]. L’injection épidurale de stéroïdes compte actuellement parmi les infiltrations les plus couramment effectuées dans les centres de la douleur à travers le monde, avec un taux quadruplé depuis les années 1990 [2]. Toutefois, les méta-analyses relèvent la pauvreté de la littérature concernant le nombre optimal d’injections, le produit à utiliser, la voie d’abord et l’absence de comparaison directe avec l’administration systémique.
Indications • douleurs radiculaires sur hernie discale ; • sténoses canalaires ; • douleurs axiales du rachis ; • douleurs neuropathiques des membres inférieurs ou supérieurs. L’indication principale concerne la douleur radiculaire causée par une hernie discale. Les compressions peu marquées semblent mieux répondre à l’injection épidurale, possiblement en raison d’une douleur plus inflammatoire que compressive [3]. Les douleurs persistantes après chirurgie du rachis constituent également une indication fréquente. Elles résultent d’une
combinaison de douleurs au niveau des membres inférieurs ou des membres supérieurs et du rachis lombaire ou cervical, souvent secondaires à des troubles dégénératifs des segments adjacents tels que pseudarthrose et instabilité postopératoires, décompression insuffisante ou sténose canalaire persistante. Avec un taux de succès moindre et une durée d’efficacité plus courte, les douleurs dues à un canal lombaire étroit font partie des indications reconnues. Certains travaux font état d’une association positive entre le taux de succès et le degré de sténose [4] et une association négative [5] entre le taux de succès et la durée des symptômes. Divers syndromes douloureux neuropathiques des membres peuvent être allégés par une infiltration épidurale : SDRC, névralgie postherpétique, neuropathie douloureuse d’origine diabétique, douleur fantôme ou encore douleurs consécutives à un envahissement nerveux tumoral. La douleur axiale du rachis (souvent discogénique) est une indication controversée, étant donné le faible pourcentage de patients qui en bénéficient. Certains facteurs sont associés à un mauvais résultat : la durée prolongée des symptômes, les symptômes non radiculaires, le tabagisme chronique, l’échec des traitements précédents, de hautes doses d’antalgiques per os, les douleurs non influencées par l’activité physique, le chômage [6,7]. Une infiltration épidurale peut aussi être proposée lors de douleurs aiguës survenant dans le cadre d’un zona, d’une atteinte vasospastique ou vaso-occlusive, d’une lésion radiculaire d’origine traumatique.
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Contre-indications spécifiques Outre les contre-indications générales à l’antalgie interventionnelle (diathèse hémorragique, infection locale ou systémique, refus du patient ou absence de consentement éclairé), les contreindications spécifiques à l’injection épidurale comprennent les anomalies congénitales ou acquises du rachis, qui rendent la procédure techniquement difficile et risquée, même sous contrôle fluoroscopique. Il n’est pas recommandé d’aborder un niveau préalablement opéré en raison des possibles modifications anatomiques (adhérence de la dure-mère) qui peuvent compliquer l’identification de l’espace épidural.
Rappel anatomique La colonne vertébrale se compose de 33 vertèbres : 7 cervicales, 12 thoraciques ou dorsales, 5 lombaires, 5 sacrées fusionnées et 4 coccygiennes également fusionnées. Les vertèbres sont composées d’un corps antérieur et d’une arcade neurale postérieure. Les apophyses transverses naissent de la jonction du pédicule, les processus épineux de la fusion des lames gauche et droite. Ces deux structures servent de bras de levier aux muscles qui s’y insèrent.
Quatre vertèbres cervicales sont typiques, trois sont atypiques (figure 24.1). Les vertèbres C3 à C6 sont typiques, car elles ont toutes une petite apophyse épineuse bifide et des apophyses transverses perforées de chaque côté par un foramen transverse pour le passage de l’artère et de la veine vertébrales. Les vertèbres C1, C2 et C7 sont anatomiquement atypiques : l’atlas n’a pas de corps vertébral ni d’apophyse épineuse, c’est un anneau formé d’un arc antérieur et d’un arc postérieur. L’axis présente une projection supérieure appelée apophyse odontoïde (ou dent de l’axis), qui s’articule avec l’arc antérieur de C1. C7 est facilement reconnaissable à son apophyse épineuse proéminente non bifide. Dans le foramen transverse de C7 ne passe généralement que la veine vertébrale. Les huit nerfs spinaux émergent au-dessus de leurs vertèbres segmentaires, à l’exception de la racine nerveuse de C8, qui émerge entre C7 et T1. Rachis thoracique Les 12 vertèbres ont la particularité de présenter des articulations costovertébrales et des articulations costotransverses (figure 24.2). Les facettes thoraciques qui sont orientées dans le plan frontal permettent les rotations et la flexion latérale du tronc.
Figure 24.1. Rachis cervical.
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Figure 24.2. Rachis thoracique.
Rachis lombaire Les cinq vertèbres lombaires supportent 80 à 90 % du poids du corps. L5 possède l’apophyse transverse la plus épaisse et l’apophyse épineuse la plus petite. L’apophyse transverse de L1 est la plus courte, celle de L3 la plus longue (figure 24.3 A et B). Sacrum et coccyx Le sacrum est formé par la fusion de cinq vertèbres et s’articule avec l’ilion. Le canal central constitue la portion terminale du canal rachidien. Les rameaux ventraux de S1 à S4 sortent en avant par les foramens antérieurs et les rameaux postérieurs par les foramens postérieurs. Le coccyx se compose généralement de quatre vertèbres, la première étant la plus large et munie de cornes.
Technique Il existe plusieurs façons d’accéder à l’espace épidural : les voies interlaminaires, transforaminales et caudales (figure 24.4). D’une manière générale, les résultats à court terme des injections transforaminales sont meilleurs que les approches interlaminaires [8]. Les résultats à long terme sont identiques avec les deux approches. Il existe peu d’évidence pour
l’approche caudale. Les risques de complication grave sont les plus faibles avec la voie interlaminaire. L’approche interlaminaire est effectuée au plus près du site pathologique. Le volume utilisé est inférieur à celui de l’approche caudale. L’espace épidural est délimité antérieurement par la duremère, latéralement et postérieurement par les parois ostéoligamentaires du canal vertébral. Relativement étroit en avant et latéralement, cet espace est en revanche très développé en arrière. Il contient de la graisse et les plexus veineux. Il s’étend du foramen magnum (trou occipital) au hiatus sacré. L’approche interlaminaire au niveau lombaire et thoracique (figure 24.5) peut s’effectuer chez un patient en position assise, en décubitus latéral ou ventral, en fonction des préférences de l’opérateur et du confort du patient. En décubitus ventral, un coussin sous l’abdomen du patient efface la lordose lombaire. Les positions assises ou en décubitus ventral sont souvent privilégiées pour les injections épidurales cervicales. Les infiltrations épidurales lombaires ne requièrent pas de monitorage particulier ni d’accès veineux, contrairement aux procédures cervicales. Entre C6 et T1, l’espace épidural mesure de 4 à 6 mm. Dans les segments cervicaux supérieurs, l’élargissement de la moelle épinière le rétrécit à 1 à 2 mm.
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Figure 24.3. Colonne lombaire. A. Rachis lombaire. B. Vertèbre lombaire.
Figure 24.4. Approches épidurales : interlaminaire (A), caudale (B) et transforaminale (C).
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Figure 24.5. Injection épidurale lombaire L5-S1 par approche interlaminaire. A. Vue antéropostérieure. B. Repérage et marquage de l’espace L5-S1. C. Ponction interlaminaire paramédiane droite. D. Contrôle du bon placement de l’aiguille par injection de produit de contraste. E et F. Sur la vue latérale, le produit de contraste diffuse dans l’espace péridural antérieur (flèche rouge) et postérieur (flèche verte).
Il est donc fortement déconseillé d’approcher l’espace épidural cervical par abord interlaminaire au-dessus de C6. Dans cette même région, les variations anatomiques du ligament jaune sont fréquentes et rendent difficile l’identification de l’espace épidural, ce qui peut exposer la moelle épinière à des lésions traumatiques directes. Au niveau cervical (C6C7 ou C7-D1), l’espace péridural peut être identifié par les techniques de perte de résistance ou de la goutte pendante — « hanging drop » — (figure 24.6). Injection épidurale interlaminaire : • Repérage sous fluoroscopie et marquage du point de ponction. • Désinfection, champtage et anesthésie locale cutanée et profonde. • Ponction à l’aiguille de Tuohy (18 à 20 G).
• On privilégie l’abord paramédian de l’espace péridural, qui permet de contourner les ligaments intervertébraux calcifiés. La ponction est effectuée 1 cm en dehors de la ligne interépineuse. L’aiguille est dirigée vers le grand axe du rachis selon un angle de 10 à 15° par rapport au plan sagittal. Après avoir traversé les muscles paravertébraux, l’aiguille bute sur la lame vertébrale homolatérale. On retire alors l’aiguille de quelques millimètres, et on l’oriente en direction céphalique vers le ligament jaune. • Identification de l’espace péridural. • En l’absence de contre-indication, on vérifie le placement approprié de l’aiguille en injectant 1 à 2 ml de produit de contraste (Iopamiro® 200 ou 300). On évalue la diffusion axiale et antérieure du produit de contraste par des vues antéropostérieures et de profil.
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Figure 24.6. Injection épidurale cervicale par approche interlaminaire. Sur le profil, la diffusion du produit de contraste est principalement visible au niveau de l’espace péridural postérieur (flèche verte).
• Injection du mélange anesthésique local-corticoïdes ou de l’anesthésique local seul. Pour apprécier la compliance de l’espace épidural, il est conseillé d’utiliser la seringue à faible résistance. • Rinçage et retrait de l’aiguille. Plusieurs travaux ont estimé que dans près de 40 % des cas, le mélange de médicaments n’était pas injecté dans l’espace épidural. Seules les procédures réalisées sous contrôle fluoroscopique (face et profil) et injection de contraste permettent de confirmer le placement adéquat de l’aiguille et d’exclure une ponction intrathécale accidentelle (figure 24.7). L’approche transforaminale permet d’atteindre directement l’espace épidural antérolatéral en n’utilisant qu’un faible volume (2 à 3 ml). Le foramen vertébral est limité antérieurement par les corps vertébraux postérolatéraux adjacents et le disque intervertébral, postérieurement par la pars interarticulaire (en haut) et l’articulation facettaire (en bas), inférieurement par la courbure supérieure du pédicule de la vertèbre inférieure et supérieurement par la courbure inférieure du pédicule de la vertèbre supérieure (figures 24.8 et 24.9). Aux niveaux lombaires et thoraciques, les injections épidurales transforaminales s’effectuent
Figure 24.7. Ponction accidentelle de l’espace intrathécal avec visualisation d’un myélogramme.
sous fluoroscopie chez un patient en décubitus ventral (figure 24.10). Un coussin placé sous l’abdomen du patient efface la lordose lombaire. Il est déconseillé d’aborder les niveaux cervicaux
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Figure 24.8. Anatomie du foramen vertébral.
Figure 24.9. Contenu du foramen intervertébral.
par approche transforaminale, même sous fluoroscopie ou CT-Scan, en raison des complications potentielles sévères. Pour un bloc diagnostique au niveau cervical, une approche extraforaminale sous ultrason est une alternative raisonnable (voir « Bloc sous ultrason, chap. 27 »). Injection épidurale transforminale : • Repérage sous fluoroscopie : on recherche une vue antéropostérieure stricte au niveau du foramen concerné (alignement des plateaux supérieurs et inférieurs des deux vertèbres
adjacentes). L’arc-en-C est ensuite incliné en direction du foramen, de façon à ce que l’apophyse épineuse se projette au niveau de la facette controlatérale. • Marquage du point de ponction au niveau du quadrant supéro-externe du foramen. On recherche le classique triangle de sécurité qui habituellement ne contient aucune structure vasculaire ou nerveuse. Ce triangle est formé cranialement par la face inférieure du pédicule supérieur, latéralement par une ligne reliant
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Figure 24.10. Injection épidurale transforaminale L5. A. Vue fluoroscopique oblique(45°). B. Marquage cutané du point de ponction. C. Ponction en vue tunnel. D. Contrôle de la profondeur de l’aiguille sur la vue de profil. La pointe se situe dans le quadrant dorsocranial du neuroforamen. E et F. Injection de produit de contraste et évaluation de la diffusion dans l’espace épidurale et le long de la racine L5 en vue latérale (E) et antéropostérieure (F).
les bords latéraux des pédicules supérieur et inférieur et médialement par la racine nerveuse. • Désinfection, champtage, anesthésie locale cutanée et profonde. • Ponction à l’aiguille longue de 22 à 25 G (aiguille spinale) munie d’une tubulure purgée avec le produit de contraste. Progression de l’aiguille en vision « tunnel » ou « pin point », soit parallèle au faisceau radiologique. • On fait avancer l’aiguille sous vision latérale jusqu’au quadrant dorsocranial du foramen intervertébral (figure 24.11). Il est déconseillé de cathétériser le foramen en profondeur en raison du risque de lésions vasculaires ou nerveuses. • Après un test d’aspiration et en l’absence de contre-indication, vérification du placement approprié de l’aiguille par injection de 1 à
Figure 24.11. Ponction du foramen intervertébral L4. Position finale de l’aiguille dans le quadrant dorsocranial.
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Figure 24.12. Injection transforaminale sacrée S1 droite. Sur l’incidence de profil (A), l’injection de produit de contraste dans le foramen S1 diffuse en présacré (flèche rouge). Sur l’incidence de face (B), le trajet de la racine S1 est visible (flèche rouge) de même que l’extension épidurale en direction craniale du produit de contraste.
2 ml de produit de contraste (Iopamiro® 200 ou 300). La diffusion du produit de contraste le long du trajet de la branche antérieure de la racine nerveuse en direction caudale ou épidurale confirme le placement correct de l’aiguille. Il est important d’acquérir les images radiologiques en temps réel de l’injection de produit de contraste pour diminuer le risque d’injection intravasculaire. Toutefois, l’absence d’opacification vasculaire n’exclut pas la possibilité d’une ponction artérielle, qui ne peut être attestée que par angiographie de soustraction digitale. • Injection test de 1 ml de xylocaïne 1 %. Les corticoïdes sont injectés 1 à 2 minutes après contrôle de l’absence de bloc moteur. Le volume total injecté est de 2 à 3 ml. • Rinçage et retrait de l’aiguille. L’approche transforaminale sacrée (S1) est similaire à l’abord lombaire. La fluoroscopie est orientée de sorte que les foramens ventral et dorsal se superposent. La présence de gaz intestinaux peut compliquer la visualisation des foramens. Le point de ponction se situe au niveau du bord latéral du foramen dorsal. Sur la vue latérale, la pointe de l’aiguille se trouve à 5 mm du plancher du canal sacré. Le produit de contraste diffuse le long du trajet de la racine S1 en région présacrée (figure 24.12).
L’approche caudale entraîne moins de complications (ponction durale ou hématome), mais n’est indiquée que pour les douleurs lombaires. Le patient est en décubitus ventral, un coussin placé au niveau de la symphyse pubienne de façon à avoir les hanches légèrement fléchies. L’utilisation de la fluoroscopie est hautement conseillée pour confirmer l’injection dans l’espace péridural. En effet, 25 à 40 % des procédures effectuées à l’aveugle infiltrent l’espace sous-cutané, un muscle, le périoste ou un ligament. Le sac thécal se terminant le plus souvent à hauteur de S2, la ponction durale accidentelle est rare. Injection caudale : • Repérage du hiatus sacré, délimité par les cornes sacrées et marquage du point de ponction. • Désinfection, champtage, anesthésie locale cutanée et profonde. • Ponction à l’aiguille de Tuohy (18 G) par abord médian ou paramédian. • Le passage du ligament sacrococcygien provoque un léger craquement. • Progression de l’aiguille jusqu’au contact de la paroi ventrale du canal sacré (en vision latérale). Léger retrait, réorientation en direction craniale et poursuite de la progression de 1 à 2 cm dans le canal. • En l’absence de contre-indication, vérification du placement adéquat de l’aiguille par injection
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de 1 à 2 ml produit de contraste (Iopamiro® 200 ou 300). Contrôle de la diffusion dans le canal sacré par une vue antéropostérieure et de profil. • Injection du mélange anesthésique local-corti coïdes ou de l’anesthésique local seul. Le volume total injecté est de l’ordre de 10 à 20 ml. • Rinçage et retrait de l’aiguille.
Surveillance après traitement Les injections épidurales s’effectuent de préférence chez des patients éveillés. Il est malgré tout conseillé de les surveiller pendant 1-2 heures sur le plan neurologique (bloc moteur, déficit neurologique nouveau, rétention urinaire) et hémodynamique (hypotension, bradycardie) et de traiter les éventuelles complications immédiates. Il est recommandé aux patients de ne pas conduire dans les heures qui suivent la procédure.
Complications • En relation avec la procédure : – hématome superficiel et profond (rétropéritonéal en cas de ponction transforaminale) ; – infection superficielle (cutanée et sous-cutanée) ; – infection profonde (méningite, abcès épidural) ; – lésion neurologique (sur traumatisme nerveux direct ou lésion vasculaire en cas de variation anatomique du trajet de l’artère d’Adamkiewicz) ; – céphalées post-ponctionnelles sur brèche durale accidentelle. • En relation avec les médicaments injectés : – anesthésiques locaux : bloc moteur, rachianesthésie sur ponction durale accidentelle, toxicité systémique, embolie sur injection vasculaire, rétention urinaire ; – glucocorticoïdes : les effets secondaires et indésirables sont résumés dans le tableau 23.2.
Blocs facettaires C’est en 1911 que le chirurgien orthopédiste américain J. E. Goldthwait désigne pour la première fois les facettes articulaires lombaires
comme sources potentielles de lombalgies [9]. Ses constatations furent confirmées en 1927 par les travaux du chirurgien italien V. Putti [10]. En 1933, R. K. Ghormley, également chirurgien orthopédiste, définit le syndrome facettaire comme une douleur lombosacrée accompagnée ou non d’irradiations, survenant brusquement après une torsion ou une rotation de la colonne lombaire [11]. En 1941, C. E. Badgley démontre que les facettes articulaires peuvent générer des douleurs dans les membres inférieurs indépendamment d’une compression radiculaire [12]. Cependant, ce ne fut qu’en 1963 que C. Hirsch injecta une solution saline hypertonique dans les articulations facettaires et reproduisit expérimentalement la lombalgie irradiant vers les articulations sacroiliaques et le grand trochanter [13]. En 1976, V. Mooney et J. Robertson utilisèrent le guidage par fluoroscopie pour l’injection de stéroïdes, d’anesthésiques locaux et de corticoïdes [14].
Indications Le syndrome facettaire est une cause fréquente de douleurs chroniques chez 15 % à 45 % des patients souffrant de lombalgies chroniques [1517], 54-67 % des patients présentant des cervicalgies [18, 19] et 48 % des patients des douleurs dorsales [20]. L’efficacité des blocs des branches médiales avec ou sans corticoïde a été évaluée dans des études randomisées, contrôlées et en double aveugle chez des patients présentant des douleurs chroniques cervicales ou dorsales d’origine présumée facettaire [21,22]. À 1 an, environ 80 % des patients rapportaient de manière significative une amélioration fonctionnelle ainsi qu’une diminution des scores de douleurs. Les corticoïdes ne s’avéraient pas supérieurs aux anesthésiques locaux. En moyenne, 3-4 injections étaient nécessaires. Une revue systématique publiée en 2007 conclut à une évidence modérée en faveur de l’efficacité à court et long termes des blocs répétés des branches médiales (avec ou sans corticoïde) au niveau lombaire, thoracique ou cervical [23]. En ce qui concerne les blocs facettaires intra-articulaires, l’évidence est modérée au niveau lombaire, faible au niveau cervical.
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Contre-indications Outre les contre-indications générales à l’antalgie interventionnelle (diathèse hémorragique, infection locale ou systémique, refus du patient ou absence de consentement éclairé), la principale contre-indication spécifique aux blocs facettaires est la présence de matériel chirurgical masquant la vision fluoroscopique et empêchant le placement correct des aiguilles.
Rappel anatomique Immédiatement après sa sortie du foramen, la racine nerveuse se divise en un rameau ventral et un rameau dorsal. Le rameau dorsal se subdivise ensuite en branches médiale, intermédiaire et latérale, à l’exception du rameau dorsal de L5 qui donne uniquement une branche médiale et intermédiaire. La branche médiale innerve les muscles multifidus et interépineux, le ligament interépineux et les capsules articulaires des articulations facettaires ou zygapophysaires. La branche médiale se divise en une branche supérieure et inférieure innervant respectivement les articulations supérieures et inférieures. Ainsi, en dessous de C2-C3,
les articulations facettaires ont une double innervation, chaque articulation recevant des rameaux nerveux issus des branches médianes inférieure et supérieure : par exemple, l’articulation L3-L4 est innervée par les branches médianes de L3 et L4. Cette double innervation explique le caractère diffus et mal localisé des douleurs facettaires d’origine dégénérative et la nécessité de procéder à des injections pluriétagées. La branche médiale de C3, plus large, est aussi appelée troisième nerf occipital. Les branches intermédiaires innervent le muscle longissimus et les branches latérales les muscles iliocostaux. Au niveau de la charnière dorsolombaire (D12-L2), la branche latérale est responsable de l’innervation sensitive de la région cutanée s’étendant de la crête iliaque au grand trochanter ainsi que du pli inguinal. Le trajet des branches médiales est relativement constant par rapport aux repères osseux, ce qui facilite leur localisation par fluoroscopie. Au niveau cervical, les branches médiales cheminent au milieu de leurs piliers articulaires respectifs entre C3-C6. Le troisième nerf occipital passe le long de l’articulation C2-C3, dans la capsule articulaire et innerve à lui tout seul C2-C3. La branche médiale de C7 longe la partie supérieure du processus articulaire (figure 24.13).
Figure 24.13. Trajet des branches médiales au niveau cervical. BM : branche médiale.
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Au niveau thoracique, entre D1-D4 et D9-D10, les branches médiales croisent au niveau des angles supéroexternes des apophyses transverses. Entre D5 et D8, les branches médianes apparaissent comme suspendues dans l’espace entre les apophyses transverses, sans réel contact osseux. La branche médiale de D11 court le long du processus articulaire supérieur de D12 et celle de D12 suit le même trajet que les branches médiales lombaires (figure 24.14). Au niveau lombaire, les branches médiales cheminent au travers de la jonction entre le processus articulaire supérieur et l’apophyse transverse et passent ensuite au-dessous du ligament mamillo-accessoire, situé entre le
tubercule accessoire (en arrière de la transverse) et le tubercule mamillaire (en arrière de l’articulation postérieure), avant d’innerver l’articulation zygapophysaire (figure 24.15).
Technique Les blocs facettaires sont généralement effectués sous contrôle fluoroscopique. Toutefois l’utilisation de l’ultrason se développe de plus en plus, surtout au niveau cervical. Dans un grand nombre de cas, cette technique permet même de visualiser directement la branche médiale (voir « Bloc sous ultrason, chap. 27 »).
Figure 24.14. Trajet des branches médiales au niveau thoracique.
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Figure 24.15. Trajet des branches médiales au niveau lombaire.
Bloc facettaire (branche médiale du rameau dorsal) lombaire et thoracique • Le patient est installé en décubitus ventral. Monitorage et accès veineux ne sont en général pas nécessaires. • Repérage sous fluoroscopie et marquage des points de ponction : – au niveau lombaire, le point de ponction se situe à la hauteur de « l’œil du chien » (« scotty dog ») sur une vue oblique d’environ 45° (figure 24.16). Pour l’articulation L5-S1, le repérage se fait en antéropostérieur, de manière à effacer le double contour entre les processus articulaires supérieur de L5 et inférieur de S1 ; – au niveau thoracique (à l’exception de D12L1), on ne retrouve pas l’image radiologique typique du scotty dog. Le point de ponction se situe à l’angle supérolatéral de l’apophyse transverse. • Désinfection, champtage, anesthésie locale cutanée et profonde. • Ponction à l’aiguille fine (25 G) de 10 mm. • On fait progresser l’aiguille sous contrôle fluoroscopie en vision « tunnel » (« pin point ») jusqu’au contact osseux. • En l’absence de reflux sanguin, injection du mélange anesthésique local-corticoïdes ou de l’anesthésique local seul. Pour un bloc à visée purement diagnostique ou pronostique, le volume ne doit pas excéder 0,5 à 1 ml par
niveau. Pour un bloc thérapeutique, on injecte généralement 2 ml par niveau. • Rinçage et retrait de l’aiguille. Bloc facettaire (branche médiale du rameau dorsal) cervical • Le patient est installé en décubitus latéral, sur le côté non douloureux. Monitorage et accès veineux ne sont en général pas nécessaires. • Repérage sous fluoroscopie et marquage des points de ponction (figure 24.17). • Désinfection, champtage, anesthésie locale cutanée et profonde. • Ponction à l’aiguille fine (25 G) de 5 mm. • On fait progresser l’aiguille sous contrôle fluoroscopie en vision « tunnel » (« pin point ») jusqu’au contact osseux. • En l’absence de reflux sanguin, injection du mélange anesthésique local-corticoïdes ou de l’anesthésique local seul. Pour un bloc à visée purement diagnostique ou pronostique, le volume ne doit pas excéder 0,5 ml par niveau. Pour un bloc thérapeutique, on peut injecter 1,5 ml par niveau. • Rinçage et retrait de l’aiguille.
Surveillance après traitement En l’absence de sédation, une surveillance de 30 minutes est généralement suffisante et permet
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Figure 24.16. Point de ponction au niveau de l’œil du scotty dog. Le scotty dog est une image formée par la facette articulaire inférieure (oreille), l’apophyse transverse (museau), la pars interarticulaire (collier), la facette articulaire inférieure (patte avant), la lamina (corps), l’apophyse transverse (patte arrière) et l’apophyse transverse (queue).
Figure 24.17. Point de ponction au niveau cervical. A. Sur une vue de profil stricte, le point de ponction se situe à l’intersection des diagonales (pointillés) des massifs articulaires (parallélépipèdes bleus). B. Blocs facettaires cervicaux C4, C5 et C6.
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d’exclure l’apparition d’une complication immédiate, par exemple un bloc moteur ipsilatéral en cas de diffusion de l’anesthésique local vers la racine nerveuse. L’évaluation systématique des scores de douleurs avant et immédiatement après la procédure représente un intérêt diagnostique et pronostique.
Complications Les complications des blocs des branches médianes sont rares. Elles incluent les infections (spondylodiscite ou arthrite septique), la recrudescence transitoire de douleurs, des paresthésies, une parésie ou une paralysie temporaire. Au niveau cervical, et principalement après des blocs intra-articulaires, des complications neurologiques ont été rapportées, telles que tétraplégie transitoire, lésion de l’artère vertébrale, injection rachidienne, méningite chimique, bloc phrénique ou ataxie transitoire sur bloc du troisième nerf occipital [24–27]. Au niveau thoracique, la survenue d’un pneumothorax est une complication rare mais redoutée. Références 1. Sicard A. Les injections médicamenteuses extradurales par voie sacro-coccygienne. CR Soc Biol Paris. 1901;53:369. 2. Manchikanti L. The growth of interventional pain management in the new millennium: a critical analysis of utilization in the Medicare population. Pain Physician 2008;7:465–82. 3. Ghahreman A, Bogduk N. Predictors of a favorable response to transforaminal injection of steroids in patients with lumbar radicular pain due to disc herniation. Pain Med. 2011;12:871–9. 4. Kapural L, Mekhail N, Bena J, et al. Value of the magnetic resonance imaging in patients with painful lumbar spinal stenosis (LSS) undergoing lumbar epidural steroid injections. Clin J Pain 2007;23:571–5. 5. Jeong HS, Lee JW, Kim SH, et al. Effectiveness of transforaminal epidural steroid injection by using a preganglionic approach: a prospective randomized controlled study. Radiology 2007;245:584–90. 6. Hopwood MB, Abram SE. Factors associated with failure of lumbar epidural steroids. Reg Anesth. 1993;18:238–43. 7. Jamison RN, VadeBoncouer T, Ferrante FN. Low back pain patients unresponsive to epidural steroid injection: identifying predictive factors. Clin J Pain 1991;7:311–7.
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Chapitre 25 Les blocs sympathiques Christophe Perruchoud, Éric Buchser Le système sympathique est une des voies de passage des influx douloureux entre les viscères et le système nerveux central. Au sein du système autonome, seul le tractus sympathique possède des fibres sensitives. Le blocage du système nerveux sympathique n’a pas seulement un intérêt dans la prise en charge des douleurs chroniques viscérales, mais également dans le traitement des douleurs d’origine vasculaire (insuffisance artérielle ou vasospasme). Le système sympathique peut être bloqué à différents niveaux en fonction de la localisation des douleurs (figure 25.1).
Indications
Bloc du ganglion stellaire
• syndromes douloureux régionaux complexes (SDRC) de types I et II ; • névralgies postherpétiques ; • douleurs neuropathiques chroniques de la face et du cou ; • hyperhidrose ; • angine de poitrine réfractaire ; • syndrome de Raynaud ; • syndrome de CREST (sclérodermie) ; • artériopathie oblitérante des membres supérieurs ; • vasospasmes ou embolies artérielles au niveau des membres supérieurs ; • engelures des extrémités supérieures.
Anatomie
Préparation
La chaîne sympathique cervicale est formée des ganglions cervicaux supérieur, moyen et inférieur. Dans environ 80 % des cas, le ganglion cervical inférieur est fusionné avec le premier ganglion thoracique pour former le ganglion cervicothoracique ou ganglion stellaire. Il donne des efférences sympathiques aux membres supérieurs, à la tête, au cou et au cœur. Il est situé en avant et latéralement au corps vertébral de C7, à proximité de plusieurs structures anatomiques importantes : la gaine carotidienne contenant la carotide (en avant), la veine jugulaire interne et le nerf vague (en dessous), l’apex pulmonaire, l’œsophage, le canal thoracique, la thyroïde, les nerfs laryngés récurrents et la trachée (médialement), le muscle scalène antérieur, le nerf phrénique, le plexus brachial et ses branches, l’artère vertébrale et le muscle long du cou (en arrière).
Le patient est installé en décubitus dorsal. Il est recommandé de l’équiper d’un monitoring cardiaque et d’une voie veineuse périphérique. Le repérage fluoroscopique du niveau C6-C7 s’effectue en plaçant l’arc-en-C en position antéropostérieure et en ajustant son inclinaison pour effacer le double contour des plateaux vertébraux C6-C7.
Procédure Après désinfection et anesthésie locale, la ponction à l’aiguille 20 G de 50 mm est réalisée au niveau de la jonction entre l’apophyse transverse et le corps vertébral de C6 ou de C7. Au contact osseux, on vérifie sur une vue oblique que l’extrémité de l’aiguille est située antérieurement au foramen intervertébral. On effectue un test
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Figure 25.1. Innervation sensitive du système sympathique.
d’aspiration et, s’il est négatif, on injecte 0,5 à 1 ml de produit de contraste. Sur les vues antéropostérieure et oblique, on observe la propagation du produit de contraste en direction craniale et caudale. Après confirmation du bon placement de l’aiguille, on injecte 5 ml d’anesthésique local (lidocaïne 1 % ou bupivacaïne 0,25 %). Le bloc du ganglion stellaire provoque l’apparition d’un syndrome de Claude-Bernard-Horner (ptose palpébrale, myosis, enophtalmie, vasodilatation et anhidrose). La procédure peut être effectuée sous contrôle ultrasonographique plutôt que radiologique (cf. chapitre 27).
• enrouement, en cas de propagation de l’anesthésique local vers le nerf laryngé récurrent ; • douleur à la déglutition, en cas de ponction de l’œsophage.
Contre-indication spécifique Le bloc du ganglion stellaire est contre-indiqué chez les patients présentant une paralysie récurentielle ou phrénique controlatérale au bloc projeté.
Bloc du plexus cœliaque Anatomie
Complications • injection intravasculaire (artère vertébrale) ; • lésion vasculaire, hématome ; • injection sous-arachnoïdienne ; • chylothorax ; • paralysie diaphragmatique, dyspnée ; • pneumothorax, injection dans la cavité pleurale ;
Le plexus cœliaque, anciennement appelé « plexus solaire », est situé dans le rétropéritoine, en regard des vertèbres D12 et L1, en avant des piliers du diaphragme. Il entoure l’aorte abdominale ainsi que les artères cœliaque et mésentérique supérieures. Il est composé de fibres nerveuses sympathiques et parasympathiques. Il contient trois paires de ganglions (semi-lunaires,
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mésentériques supérieurs et aorticorénaux), où convergent les fibres sympathiques des trois ganglions splanchniques (situés en arrière des piliers du diaphragme), des fibres parasympathiques issues du nerf vague et des fibres motrices du nerf phrénique. Il assure l’innervation autonome du foie, du pancréas, de la vésicule biliaire, de l’estomac, de la rate, des reins, des intestins et des surrénales.
Indications • pancréatites aiguës et chroniques ; • douleurs viscérales du haut abdomen d’origine cancéreuse.
Préparation Le patient est installé en décubitus ventral, avec un coussin sous l’abdomen pour accentuer la cyphose de la colonne vertébrale thoracique. Il est recommandé de l’équiper d’un monitoring cardiaque et d’une voie veineuse périphérique.
Abord transaortique (antécrural - bloc cœliaque) Les repères anatomiques, soit les croisements entre la 12e côte et le bord latéral des muscles paravertébraux (correspondant généralement à un niveau L2) sont marqués à l’encre. Pour indiquer les directions de l’aiguille, on trace, parallèlement à la face inférieure de la 12e côte, un trait qui coupe la ligne médiane au niveau de L1. La zone ainsi délimitée est ensuite désinfectée et recouverte d’un champ stérile. On effectue une anesthésie locale de la peau, du tissu souscutané et des plans musculaires profonds. La procédure est réalisée avec une aiguille 22 G de 15 cm. On ponctionne d’abord le côté gauche. Dans un premier temps, l’aiguille est dirigée à 45° par rapport à la ligne médiane, avec une inclinaison de 15°, jusqu’au contact osseux avec la face latérale du corps vertébral de L1. On note la profondeur de l’aiguille au moment du contact osseux. L’aiguille est retirée jusqu’au tissu
sous-cutané, puis redirigée latéralement selon un angle de 60° de manière à dépasser le bord latéral de L1, jusqu’au contact des pulsations aortiques. On retire le mandrin de l’aiguille qui est avancée jusqu’à perforation de la paroi postérieure de l’aorte. On poursuit le mouvement jusqu’à la disparition du reflux sanguin, signifiant le passage de la paroi aortique antérolatérale ou antérieure. On vérifie alors la position de l’aiguille par des vues fluoroscopiques latérale et antéropostérieure. La position correcte de l’aiguille est confirmée par l’injection de produit de contraste qui ne doit pas diffuser postérieurement (vers les racines nerveuses) sur la vue latérale, mais doit se répartir antérieurement (sur la vue antéropostérieure) en avant des corps vertébraux. En cas de diffusion insuffisante du contraste, une seconde aiguille est placée selon la même technique mais du côté droit.
Abord paravertébral (rétrocrurale - bloc splanchnique) Le corps vertébral de D12 est identifié et marqué sur la vue antéropostérieure. L’arc-en-C est ensuite incliné en vue oblique à 45°. On marque le point de ponction qui se situe à l’intersection de la côte et du corps vertébral. On effectue une anesthésie locale de la peau, du tissu sous-cutané et des plans musculaires profonds. La ponction est réalisée avec une aiguille 22 G de 15 cm. Sous fluoroscopie, on avance la pointe de l’aiguille en glissant le long du bord latéral du corps vertébral pour la placer en avant de D12. Après un test d’aspiration négatif, on injecte un produit de contraste qui doit diffuser dans l’espace prévertébral sur la vue latérale, et en dedans des contours des corps vertébraux sur la vue antéropostérieure.
Abord transdiscal (rétrocrural - bloc splanchnique) Le niveau D12-L1 est identifié en vue antéropostérieure et l’arc-en-C est d’abord incliné de sorte à aligner les plateaux vertébraux. Il est ensuite incliné du côté gauche selon un angle de 15
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à 20°. Le point de ponction se situe à environ 5 cm de la ligne médiale. On désinfecte la zone et on effectue une anesthésie locale de la peau et du tissu sous-cutané. Une aiguille 22 G de 15 cm est avancée en vue « tunnel » jusque dans le disque intervertébral D12-L1. On injecte 0,5 ml de produit de contraste pour confirmer le placement intradiscal de l’aiguille. On pousse ensuite l’aiguille jusqu’à l’obtention d’une perte de résistance qui correspond à sa sortie du disque, antérieurement.
Abord transabdominal (antécrural - bloc cœliaque) Actuellement, le bloc du plexus cœliaque est effectué de plus en plus fréquemment sous contrôle tomodensitométrique ou ultrasonographique, par voie antérieure ou transabdominale. Le bloc neurolytique du ganglion cœliaque peut aussi être réalisé par abord chirurgical direct, ou par voie endoscopique (transgastrique). Les différentes approches du plexus cœliaque sont résumées dans la figure 25.2. L’anesthésie des nerfs splanchniques se fait par abord rétrocrural, celle du plexus cœliaque par abord antécrural (figure 25.3). Pour les blocs diagnostics par approche rétrocrurale, on injecte dans chaque aiguille 2 à 5 ml de lidocaïne 1 % ou de bupivacaïne 0,25 %.
Figure 25.2. Les différents abords du bloc cœliaque.
Pour les blocs thérapeutiques, on administre des volumes de 2 à 10 ml d’anesthésiques locaux ou d’alcool à 98 %. L’abord antécrural nécessite l’administration de volume beaucoup plus important, variant selon la distribution de l’injecta de 15 à 40 ml. Pour évaluer la diffusion des médicaments, la solution peut être mélangée avec un produit de contraste. Avant de retirer les aiguilles, il convient de bien rincer l’agent neurolytique afin de diminuer le risque de fistule.
Figure 25.3. Voies rétro- et antécrurale.
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Complications • hypotension orthostatique (plus fréquente lors de l’approche rétrocrurale) ; • diarrhées ; • parésies/paresthésies (1 % des cas) ; • dissection aortique (en cas d’approche transaortique) ; • hématurie ; • hémorragie rétropéritonéale ; • paraplégie sur atteinte traumatique (aiguille) ou chimique (neurolytique) de l’artère spinale antérieure d’Adamkiewicz.
Bloc sympathique lombaire Anatomie Les ganglions sympathiques lombaires font partie de la chaîne latérovertébrale qui chemine entre les corps vertébraux et les apophyses transverses, juste en avant du muscle psoas. La chaîne latérovertébrale est constituée de trois à cinq ganglions fusiformes.
Indications • syndrome douloureux régional complexe (SDRC) de types I et II ; • névralgies postherpétiques ; • artériopathie oblitérante des membres inférieurs ; • vasospasmes ou embolies artérielles des membres inférieurs ; • engelures des pieds ; • douleurs chroniques pelviennes ; • ténesme rectal d’origine cancéreuse.
Préparation Le patient est installé en décubitus ventral avec un coussin placé sous l’abdomen pour diminuer la lordose lombaire. Il est recommandé de l’équiper
d’un monitoring cardiaque et d’une voie veineuse périphérique.
Procédure Le niveau L3 est identifié sous fluoroscopie. L’arc-en-C est ajusté pour aligner les plateaux vertébraux. Il est ensuite incliné latéralement jusqu’à ce que la pointe des apophyses transverses de L2, L3 et L4 se sur-projettent au niveau du bord latéral des corps vertébraux. Le point de ponction se situe à la jonction du tiers moyen et du tiers inférieur du bord latéral de L3. On désinfecte la zone et on effectue une anesthésie locale de la peau et du tissu souscutané. La ponction est réalisée avec une aiguille 22 G de 15 cm en vue tunnel. La profondeur est évaluée sur la vue latérale et l’aiguille est avancée jusqu’au niveau du mur antérieur du corps vertébral de L3. Sur la vue antéropostérieure, le contraste doit être visible en avant du corps vertébral sans en dépasser les contours. Une diffusion latérale indique généralement une injection dans le muscle psoas. Dans ce cas, l’aiguille doit être légèrement avancée. Sur la vue latérale, le contraste diffuse le long du bord antérolatéral du corps vertébral (figure 25.4). Le tronc sympathique lombaire peut être atteint en une seule ponction au niveau de L3. En cas de diffusion insuffisante du produit de contraste, on peut effectuer des ponctions supplémentaires en regard de L2 et de L4. Le bloc diagnostic requiert l’injection de 5 à 15 ml de lidocaïne 1 % ou de bupivacaïne 0,25 %. L’effet du bloc se manifeste par une vasodilatation accompagnée d’une augmentation de la température cutanée, voire d’un œdème du membre inférieur.
Complications • hypotension orthostatique ; • douleurs neuropathiques dues à une lésion des nerfs ilio-inguinal ou génitofémoral ; • impuissance (lors de blocs bilatéraux, en une ou deux sessions).
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Figure 25.4. Bloc sympathique lombaire gauche. Sur la vue antéropostérieure, la diffusion du produit de contraste est visible le long du bord antérolatéral du corps vertébral (flèches).
Bloc du plexus hypogastrique
lordose lombaire. Il est recommandé de l’équiper d’un monitoring cardiaque et d’une voie veineuse périphérique.
Anatomie Le plexus hypogastrique ou présacré comprend des fibres sympathiques et parasympathiques. Il est situé en dessous du péritoine, au-dessus du plancher pelvien, en arrière du rectum et en avant du promontoire, dans la bifurcation aortique. Il se divise en nerfs hypogastriques et nerfs érecteurs. Il innerve la vessie, le rectum et les organes génitaux et joue un rôle dans le fonctionnement de ces organes (continence, miction, défécation). Le plexus hypogastrique comprend un plexus inférieur, qui longe les organes pelviens, et un plexus supérieur qui remonte jusqu’à la bifurcation aortique.
Indications • douleurs pelviennes d’origine cancéreuse ; • rectites ou cystites post-radiques ; • douleurs pelviennes fonctionnelles (dysménorrhée).
Préparation Le patient est installé en décubitus ventral avec un coussin placé sous l’abdomen pour diminuer la
Procédure L’interligne L4-L5 est repérée sous fluoroscopie. Le point de ponction se situe 5 à 7 cm en dehors de la ligne médiane. On désinfecte la zone et on effectue une anesthésie locale de la peau, du tissu sous-cutané et des muscles paravertébraux. Une aiguille 22 G de 15 cm est avancée en dedans sous un angle de 45° et caudalement sous un angle de 30°, en direction du promontoire. Après un test d’aspiration négatif (vaisseaux iliaques) et vérification de la diffusion du produit de contraste en avant du disque intervertébral L5-S1, on injecte 6 à 8 ml de bupivacaïne 0,25 % de chaque côté. Le bloc neurolytique requiert un volume de 6 à 8 ml de phénol 10 %.
Complications • neurolyse accidentelle de nerfs somatiques ; • injection intravasculaire ; • impuissance, en cas de bloc bilatéral.
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Bloc du ganglion impar Anatomie Le ganglion impar (ganglion coccygien ou ganglion de Walther) est un ganglion sympathique situé à la convergence de la terminaison des deux chaînes sympathiques paravertébrales. Il reçoit des afférences sympathiques du périnée par le biais des derniers ganglions sacrés et donne des fibres efférentes pour le coccyx et le nerf coccygien.
Indications • douleurs périnéales d’origine cancéreuse (rectum, vulve, prostate) ; • vestibulodynies ; • névralgies postherpétiques ; • coccygodynies ; • syndromes douloureux pelviens chroniques ; • syndrome du releveur de l’anus.
Préparation Le patient est installé en décubitus ventral avec un coussin placé sous le bassin. L’articulation sacrococcygienne est identifiée sous fluoroscopie.
Procédure Après désinfection et anesthésie locale, une aiguille est insérée à travers le ligament sacrococcygien.
On vérifie la position présacrée de l’extrémité de l’aiguille sur la vue latérale. On confirme le placement correct en injectant un produit de contraste (cf. figure 9.3). Plusieurs techniques de neurolyse du ganglion impar ont été décrites : • neurolyse chimique : 5 ml à 10 ml de phénol 5 % à 10 % ; • radiofréquence continue : réponse à la stimulation sensitive à 50 Hz inférieure à 1 V, absence de stimulation motrice à 2 Hz jusqu’à 3 V, puis lésion thermique à 80° pendant 80 secondes ; • cryothérapie : 2 cycles de 3 minutes à - 60 °C sur la face ventrale de l’articulation sacrococcygienne ; • l’infiltration du ganglion impar par de la toxine botulique décrite dans la prise en charge des douleurs périnéales peut améliorer durablement la symptomatologie [1].
Complications • infections ; • hématomes ; • ponction du rectum. Référence 1. Lim SJ, Park HJ, Lee SH, Moon DE. Ganglion Impar block with botulinum toxin type a for chronic perineal pain -a case report. Korean J Pain 2010;23:65–9.
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Chapitre 26 Les procédures lésionnelles Christophe Perruchoud, Éric Buchser
Généralités H. J. Seddon proposa en 1943 une définition des trois types de lésions nerveuses élémentaires [1] : • La neurapraxie est définie sur le plan électrophysiologique par une diminution ou un bloc de conduction axonal sans lésion anatomique. Elle se manifeste cliniquement par un déficit fonctionnel, le plus souvent transitoire. Au niveau histologique, on peut observer une altération morphologique de la gaine de myéline ou une démyélinisation segmentaire. • L’axonotmésis désigne la rupture de l’axone uniquement, sans qu’il y ait interruption des enveloppes schwaniennes. Cette situation fournit ainsi les conditions idéales pour une régénération spontanée avec un risque minimal d’ « erreur d’aiguillage » ou de formation de névrome. • La neurotmésis désigne l’interruption complète de tous les éléments du nerf et requiert généralement une révision chirurgicale. En cas d’axonotemésis ou de neurotmésis, la lésion axonale est suivie d’une dégénérescence wallérienne. Il s’agit d’un processus biologique faisant référence à la dégénérescence de la portion distale de l’axone déconnecté physiquement du corps cellulaire suite à la lésion. Ce phénomène s’accompagne de la désintégration des neurofilaments qui provoque la fragmentation de l’axone. Les débris sont ensuite éliminés par les macrophages. Lorsque l’endonèvre est intact, le nerf peut régénérer spontanément à partir de l’axone. À partir de la classification de Seddon, S. S. Sunderland [2] définit cinq degrés de lésions
nerveuses, basés sur l’histologie et le pronostic (figure 26.1, tableau 26.1). Les procédures lésionnelles proposées dans le cadre du traitement des douleurs chroniques provoquent diverses lésions nerveuses. La radiofréquence thermique et la cryothérapie (entre -20 et -100°C) entraînent une axonotmésis de degré 2, alors que les blocs neurolytiques chimiques donnent lieu à une axonotmésis de degré 2 à 4, selon l’agent neurolytique utilisé et sa concentration. La radiofréquence pulsée n’est pas considérée comme une procédure lésionnelle, mais comme une technique de neuro modulation.
Figure 26.1. Schéma d’un nerf.
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Tableau 26.1. Classification des lésions nerveuses selon Seddon et Sunderland. Sunderland
Axone
Endonèvre
Périnèvre
Epinèvre
Seddon
Degré 1
+
+
+
+
Neurapraxie
Récupération spontanée rapide
Degré 2
-
+
+
+
Axonotmésis
Récupération spontanée par repousse axonale
Degré 3
-
-
+
+
Récupération spontanée possible, toujours partielle
Degré 4
-
-
-
+
Degré 5
-
-
-
-
Aucune récupération spontanée. Réparation par suture ou greffe
Neurotmésis
Prognostic
Structure intacte : + structure lésée : -.
Blocs neurolytiques La neurolyse chimique est une méthode bien établie et reconnue pour le traitement des douleurs chroniques ou de la spasticité. En 1863 déjà, A. Luton décrit les effets bénéfiques d’une injection sous-cutanée de solutions neurolytiques chez des patients souffrant de sciatalgie [3]. R. Bartholow pratiquait en 1874 des injections de chloroforme pour le traitement de la névralgie du trijumeau [4]. En 1925, Doppler décrivit pour la première fois l’utilisation de phénol [5] et A. M. Dogliotti réalisa la première neurolyse intrathécale à l’alcool absolu (0,2-0,8 ml) en 1930. Le phénol a également été utilisé par voie intrathécale et épidurale. En injection épidurale, il agit probablement sur le ganglion spinal, une structure principalement sensitive. Actuellement, les deux agents chimiques principaux disponibles pour la réalisation de blocs neurolytiques au niveau médullaire, périmédullaire et des nerfs périphériques sont l’éthanol et le phénol (tableau 26.2). L’alcool éthylique (éthanol) s’est rapidement imposé comme l’agent neurolytique de référence. Ses effets varient avec la concentration utilisée. À des concentrations de 95° à 100° (alcool absolu), les lésions neuronales sont permanentes et s’étendent fréquemment aux tissus voisins, les altérations plus inégales aux concentrations inférieures à 80°. Dans le traitement de la spasticité, une concentration de 65° suffit pour détruire les fibres gamma, interrompant ainsi le réflexe monosynaptique d’étirement, support de la réponse spastique. La motricité volontaire est préservée
puisque les fibres alpha ne sont pas ou peu, altérées. L’alcool éthylique agit sur les tissus nerveux par extraction du cholestérol, des phospholipides et des cérébrosides et par précipitation des muco- et lipoprotéines. Au niveau des nerfs périphériques, les lésions observées intéressent à la fois les axones et les cellules de Schwann, et l’on note une destruction partielle des gaines de myéline. Cliniquement, l’injection d’alcool au contact du nerf provoque des douleurs d’intensité très variable, parfois très importantes, bien que brèves (1 à 2 minutes). Le patient doit en être averti et peut être soulagé par une sédation ou l’injection préalable d’anesthésiques locaux. Le délai d’action est rapide, l’effet maximal est atteint en 45 minutes. L’alcool est hypobare lorsqu’il est injecté en intrathécal. Le phénol est une alternative à l’alcool. Il induit des lésions nerveuses sévères par coagulation des protéines. L’injection de phénol est indolore grâce à son effet anesthésique local. Le délai d’action est rapide, l’effet maximal est atteint en 10 minutes et dure entre 5 à 20 semaines. Le phénol est disponible en solution aqueuse (6 %) ou sous forme glycérinée (12 %). Cette dernière formule est hyperbare lorsqu’elle est injectée en intrathécal. La forme glycérinée est moins destructive car elle diffuse moins. Le mélange avec un produit de contraste radio-opaque n’est possible qu’avec le phénol. En pratique, la toxicité du phénol est minime pour des doses inférieures à 600 mg. L’administration intramusculaire d’alcool ou de phénol est proscrite en raison du risque des lésions irréversibles (nécrose) du muscle.
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE Chapitre 26. LesSCIENCE procéduresMEDICALE lésionnelles 263 Tableau 26.2. Agents neurolytiques. Phénol
Alcool
Concentrations disponibles
3 % (aqueuse) 12 % (glycériné)
Jusqu’à 100 % (alcool absolu)
Mécanisme neurolytique
Coagulation et précipitation des protéines
Extraction lipidique et précipitation des lipoprotéines
Douleur à l’injection
Indolore (propriété intrinsèque d’anesthésique local)
Douleur intense mais brève (1 à 2 min)
Baricité (LCR)
Hyperbare
Hypobare
Délai d’action
10 minutes
45 minutes
Durée d’action
5 à 20 semaines
Plusieurs mois à permanent
Complications spécifiques
Douleur de désafférentation Affinité importante pour les structures vasculaires
Douleur de désafférentation
La littérature médicale décrit l’utilisation plus rare d’autres agents neurolytiques comme le glycérol, les solutions salines hypertoniques, les sels d’aluminium ou les anesthésiques locaux à forte concentration (xylocaïne 5 à 10 % ou bupivacaïne 2 %).
Indications Les indications analgésiques de la neurolyse au niveau d’un tronc nerveux périphérique sont les suivantes : destruction d’un névrome cicatriciel, traitement de douleurs neuropathiques par envahissement néoplasique ou d’origine paranéoplasique, traitement des manifestations douloureuses par atteintes virales (zona et névralgies postherpétiques). Les neurolyses périphériques peuvent être effectuées au niveau de la plupart des troncs et plexus, ainsi que des paires crâniennes. L’utilisation des blocs neurolytiques pour traiter la spasticité, initialement proposée par le Pr Guy Tardieu chez les infirmes moteurs cérébraux (IMC) [6], se limite actuellement au traitement des séquelles spastiques des hémiplégies et des paraplégies posttraumatiques ou après accident vasculaire cérébral. Quatre sites nerveux périphériques sont couramment ciblés : l’anse des pectoraux, le nerf médian, le nerf obturateur et le nerf tibial. Toutefois, la nécessité de répéter la procédure à intervalles réguliers et les risques de complications parfois sévères ont entaché la popularité de la neurolyse chimique. Des techniques plus précises et sûres comme la radiofréquence thermique, la cryothérapie et les procédures non lésionnelles de neuromodulation, comme la stimulation médul-
laire ou l’administration intrathécale continue, ont progressivement remplacé la neurolyse chimique, y compris dans le traitement des douleurs cancéreuses et de la spasticité. De par son faible coût, la neurolyse chimique reste néanmoins très utile dans les pays en voie de développement ou en cas d’échec des autres moyens thérapeutiques.
Contre-indications Les contre-indications générales incluent la diathèse hémorragique, l’infection locale ou systémique, le refus du patient et l’absence de consentement éclairé. Le phénol provoque fréquemment d’importantes lésions vasculaires et de nombreux auteurs déconseillent son injection dans des régions richement vascularisées (par exemple, le plexus cœliaque).
Technique Neurolyse périphérique Un bloc à visée pronostique précède en toutes circonstances une neurolyse périphérique. Si le bloc pronostique est positif, une injection de 1 à 2 ml de phénol aqueux (6 à 12 %) ou alcool absolu (95° à 100°) provoquera un bloc neurolytique (à effectuer sous anesthésie locale de 1 à 2 ml de lidocaïne 2 %). Si le bloc pronostique est négatif (analgésie insuffisante, bloc moteur ou hypoesthésie gênante), on renoncera au bloc neurolytique.
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Neurolyse intrathécale La neurolyse intrathécale consiste à injecter un agent neurolytique dans l’espace sous-arachnoïdien dans le but de détruire le plus sélectivement possible les fibres sensitives des racines dorsales tout en préservant au mieux les fibres motrices des racines antérieures. En raison du trajet anatomique des nerfs spinaux, le niveau d’injection ne correspond pas toujours à celui du dermatome. La neurolyse lombaire s’effectue au niveau D11D12, la neurolyse sacrée au niveau L1-L2 et la neurolyse thoracique basse, un ou deux niveaux au-dessus du dermatome à bloquer. Il est fortement conseillé de se limiter aux niveaux lombaires et thoraciques bas, afin d’éviter des complications plégiques au niveau des membres supérieurs. La neurolyse intrathécale peut s’effectuer indifféremment avec de l’alcool ou du phénol. L’hypobaricité de l’alcool dans le LCR requiert que le patient soit installé sur le côté non douloureux, soit en décubitus latéral avec un tilt postérieur de 45°. À l’inverse, le phénol étant hyperbare, le patient sera installé sur le côté douloureux avec un tilt antérieur de 45°. La ponction intrathécale est effectuée à l’aiguille 22 G et confirmée par reflux de liquide céphalorachidien. L’agent neurolytique (alcool ou phénol) est injecté par petits volumes successifs de 0,1 ml toutes les 90 secondes jusqu’à un volume total de 0,7 à 1 ml. En raison de ses propriétés d’anesthésique local, l’injection correcte de phénol est confirmée par la diminution ou la disparition des douleurs habituelles. L’injection d’alcool est réalisée au bon niveau si le patient décrit une brève et intense douleur ou brûlure, localisée à l’endroit habituel des douleurs à traiter. Pour ces raisons, l’injection intrathécale de phénol ou d’alcool ne doit pas être précédée de l’injection d’anesthésique local qui masquerait les réponses à l’agent neurolytique. Au besoin, la technique peut être répétée sur plusieurs niveaux. Après l’injection, le patient garde la même position pendant 30 à 45 minutes, de manière à permettre à l’agent neurolytique de se fixer aux structures nerveuses. En cas de douleurs pelviennes ou périnéales d’origine cancéreuse, une neurolyse intrathécale en selle peut être proposée. Cette dernière
s’effectue sur un patient en position assise, par ponction de l’espace L4-L5 ou L5-S1 et injection de 0,5 à 1 ml de phénol hyperbare. Le patient reste assis pendant au moins 30 minutes. Neurolyse épidurale Indiquée en cas de douleurs bilatérales limitées à quelques dermatomes, la neurolyse épidurale est moins prédictible que la neurolyse intrathécale. Après repérage de l’espace épidural par perte de résistance, un cathéter est inséré sous contrôle fluoroscopique jusqu’au niveau des dermatomes à traiter. L’injection de produit de contraste confirme le placement adéquat du cathéter et permet d’exclure une effraction intravasculaire ou intrathécale. La neurolyse fait suite à l’injection de 3-5 ml d’alcool absolu ou de phénol 15 % [7]. Bloc cœliaque Le bloc cœliaque est probablement le bloc neurolytique le plus répandu. Il est indiqué dans les cas de douleurs, généralement épigastriques provoquées par une invasion métastatique rétropéritonéale (pancréas, foie, estomac). Selon la voie d’abord utilisée, on peut cibler préférentiellement le plexus cœliaque ou les nerfs splanchniques. Cette technique est décrite dans au chapitre 25. Comme mentionné plus haut, le choix de l’agent se porte sur l’alcool dans cette indication, le phénol pouvant provoquer des lésions vasculaires sévères.
Complications spécifiques • La destruction de toute structure nerveuse peut provoquer des douleurs de désafférentation. De ce fait, les méthodes qui laissent au nerf une possibilité de se régénérer comportent moins de risques. • Le phénol, davantage que l’alcool, a une grande affinité pour les vaisseaux sanguins. Son injection au voisinage des vaisseaux entraîne fréquemment des atteintes vasculaires responsables de lésions ischémiques. • Les lésions volontaires de nerfs moteurs ou l’expansion accidentelle d’agents neurolytiques vers la racine ventrale lors de neurolyse intrathécale peuvent être à l’origine d’une parésie ou d’une paralysie musculaire.
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• La destruction de fibres sympathiques peut conduire à des dysfonctions autonomes se manifestant par une hypotension orthostatique, une anhidrose, des troubles érectiles, vésicaux ou intestinaux.
Surveillance après la procédure Lors de neurolyses périphériques, une surveillance de quelques heures est souvent nécessaire, surtout lorsque la procédure est effectuée sous sédation. On recherche une parésie ou une paralysie motrice ainsi que d’éventuelles complications hémorragiques. En cas de neurolyse centrale ou sympathique, il est conseillé de garder le patient pour une surveillance neurologique et hémodynamique pendant 24 à 48 heures.
Radiofréquence thermique continue La première description de l’utilisation de la radiofréquence thermique à visée antalgique est attribuée à M. Krischner qui traita en 1931 un cas de névralgie du trijumeau par thermocoagulation du ganglion de Gasser [8]. Dans les années 1950, les premiers équipements firent leur apparition sur le marché, grâce notamment aux travaux de Cosman et Aronow [9]. N. Shealy décrivit en 1975 la première dénervation par radiofréquence d’une articulation zygapophysaire [10]. La technique, modifiée par la suite, a rapidement gagné en popularité. Bien que la plupart des études randomisées et contrôlées concernent les articulations facettaires lombaires et cervicales, la radiofréquence a été décrite dans le cadre de douleurs chroniques diverses : articulation sacro-iliaque, articulations zygapophysaires thoraciques, névralgie du trijumeau, douleurs d’origine sympathique, céphalées cervicogéniques, névralgies intercostales et moelle épinière (cordotomie).
similaire à une coagulation monopolaire, qui est transmis par une électrode à une structure nerveuse cible. Le courant chemine de l’électrode (ou pointe de l’aiguille de radiofréquence) à l’électrode de mise à terre en passant par les tissus. L’intensité du champ électrique à l’extrémité de l’aiguille provoque une augmentation de la température (limitée par les appareils modernes à 90°C) conduisant à une lésion nerveuse (et tissulaire). Une température supérieure à 65-75°C provoque une lésion neuronale. La taille de la lésion dépend de la longueur de l’extrémité active de l’électrode, de la température générée et de la durée d’exposition. Les caractéristiques tissulaires comme le contenu en eau, la proximité de vaisseaux sanguins ou de liquide céphalorachidien, agissant comme des échangeurs thermiques, influencent également la taille de la lésion. La durée de l’effet dépend du temps de régénération des nerfs coagulés. La lésion obtenue est de forme ovale, parallèle à l’aiguille et ne s’étend généralement pas au-delà la pointe. C’est pourquoi l’électrode est idéalement placée parallèlement à la structure nerveuse ciblée (figure 26.2). La lésion thermique se déroule en plusieurs phases sur une durée d’environ 3 semaines : coagulation, réaction inflammatoire aiguë nécrose, dépôt de collagène et formation d’une cicatrice fibreuse. L’endonèvre et la lame basale des cellules de Schwann étant conservés, le nerf peut ensuite régénérer spontanément. De nombreuses publications ont postulé que la radiofréquence avait une action sélective sur les fibres C et Aδ. Cette hypothèse a été régulièrement contestée dans de multiples études histologiques [11,12] et il est maintenant admis
Principe La radiofréquence continue est une technique qui utilise un courant alternatif à haute fréquence (100-500 kHz) produit par un générateur
Figure 26.2. Caractéristiques de la radiofréquence continue.
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que la radiofréquence continue produit une destruction non sélective des fibres nerveuses, motrices et sensitives. C’est pourquoi cette technique s’applique principalement à des nerfs sensitifs. Il a aussi été suggéré que c’était le champ électrique plutôt que la température qui était responsable de l’effet neuromodulateur sur les voies de la douleur, au niveau du ganglion spinal, de la corne dorsale et des afférences neuronales, responsable des changements d’expression génétique. Ces constatations s’appliquent probablement d’avantage à la radiofréquence pulsée qu’à la radiofréquence thermique. Les électrodes de radiofréquence possèdent une extrémité active non isolée de 2 à 15 mm selon les modèles. Le diamètre de la lésion est proportionnel à la taille de l’électrode de radiofréquence, soit en général environ 1,5 fois le diamètre de l’électrode. La température est mesurée en continu à l’extrémité de l’électrode. Le choix de l’électrode dépend de l’anatomie et de la taille de la structure cible.
Indications • Douleurs rachidiennes avec ou sans irradiation : – branche médiale du rameau dorsal (syndrome facettaire). Il s’agit de l’indication principale ; – articulation sacro-iliaque ; – céphalée cervicogénique (rameau dorsal de C2 et du IIIe nerf occipital). • Névralgie essentielle du trijumeau et névralgie faciale essentielle ou « tic douloureux de Trousseau ». Plus de 80 % des patients rapportent un soulagement complet des douleurs pendant plusieurs années. Approximativement 25 % des cas présentent une récidive douloureuse après 2 à 5 ans qui requiert la répétition de la procédure [13]. Les indications concernant d’autres névralgies faciales atypiques sont plus discutables. En effet, la radiofréquence sélective du ganglion de Gasser lors de douleurs centrales et postherpétiques donne des résultats très décevants. • Dénervation des branches nerveuses sensitives d’articulations douloureuses (genou, épaule ou hanche) en cas d’arthrose non opérable ou après chirurgie prothétique.
• La radiofréquence continue au niveau du ganglion dorsal a été décrite dans la prise en charge de douleurs neuropathique post-chirurgicales ou après avulsion de plexus nerveux. Toutefois, en raison des risques spécifiques de cette région et du faible niveau d’évidence quant à son efficacité, la radiofréquence continue du ganglion dorsal n’est actuellement pas recommandée.
Technique La radiofréquence continue est précédée d’un ou plusieurs blocs pronostiques avec des anesthésiques locaux. Après anesthésie locale superficielle de la peau, le repérage des structures se fait idéalement sous fluoroscopie ou ultrason. Comme mentionné précédemment, une approche parallèle à la structure cible est préférable. On choisit une stimulation de détection à 100 Hz afin de reproduire les paresthésies dans le territoire recherché, avec des intensités entre 0,2 et 0,8 V. L’injection de 0,5 ml de NaCl 0,9 % permet parfois d’améliorer le seuil de détection. Aucune stimulation motrice ne doit être obtenue jusqu’à une intensité de 3 V (à 2 Hz). On provoque la lésion thermique après injection de 0,5 ml de lidocaïne 1 %. La radiofréquence en continu dure entre 60 et 90 secondes, à une température de 65°C à 85°C. La radiofréquence du ganglion de Gasser se fait par une approche du trou ovale à la base du crâne, par voie transjugale antérieure en visant la fosse ptérygoïdienne. La détection se pratique à une stimulation de 60 Hz, entre 0,1 et 0,5 V, de manière à ce que le patient puisse indiquer avec précision la localisation des paresthésies induites au niveau de la face. La thermocoagulation se réalise sous sédation par une ou plusieurs lésions pratiquées en fonction du territoire douloureux. La température est réglée entre 60°C et 80°C.
Contre-indications • diathèse hémorragique. S’agissant de procédures le plus souvent périphériques, les risques hémorragiques constituent une contre-
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indication absolue lorsqu’il existe un risque d’hémorragie occulte et de structures que l’on ne peut pas comprimer (hémorragie thoracique lors de radiofréquence intercostale, hémorragie intracrânienne lors de radiofréquence du ganglion de Gasser) ; • infection locale ou systémique ; • absence de consentement éclairé.
Complications Les complications générales comportent les saignements, les hématomes, l’infection et les lésions nerveuses traumatiques directes. Les complications spécifiques incluent les douleurs de désafférentation et les lésions thermiques involontaires de structures nerveuse adjacentes, notamment sensitives et motrices. La radiofréquence du ganglion de Gasser, en cas de névralgie du trijumeau, peut se compliquer d’une anesthésie de la cornée, d’une faiblesse du masséter (lésion de la branche mandibulaire issue de V3) ou plus rarement d’une diplopie (lésion du nerf trochléaire ou IVe nerf crânien, lésion du nerf abducens ou VIe nerf crânien). Ces complications sont dans la plupart des cas passagères.
Surveillance après la procédure En l’absence de complications immédiates ou de sédation, aucune surveillance particulière n’est nécessaire lors des procédures périphériques. La radiofréquence du ganglion de Gasser nécessite en revanche une surveillance neurologique de plusieurs heures.
les plaies pour en diminuer les douleurs [14]. Dominique-Jean Larrey, chirurgien militaire sous Napoléon, observa que les soldats français, souffrant d’engelures durant la bataille de Moscou, toléraient une amputation d’un membre avec relativement peu de douleurs [15]. En 1848, J. Arnott rapportait les effets anesthésiants et hémostatiques de l’application d’un mélange de glace et de sels à - 20°C dans certains cas de douleurs cancéreuses et neuropathiques [16]. Richardson introduisit le spray d’éther en 1866, puis le spray de chlorure d’éthyle en 1891, pour l’anesthésie locale [17]. Trendelburg démontra en 1917 les effets lésionnels du froid sur les structures nerveuses, et l’absence de névrome après leur régénération [18]. Cooper développa en 1961 un équipement fonctionnant à l’azote liquide capable d’atteindre des températures de - 190°C [19]. Quelques années plus tard, S.P. Amoils, chirurgien ophtalmique, conçut un appareil portable utilisant le dioxyde de carbone ou le protoxyde d’azote à des températures de - 70°C, facilitant ainsi l’utilisation de la cryoanalgésie [20].
Principe La sonde est composée d’un tube externe creux de grand diamètre contenant un petit tube interne dans lequel est injecté un gaz (généralement du N2O ou du CO2) sous une pression de 600 à 800 psi (figure 26.3). Le gaz pénètre ensuite dans le tube externe grâce à de fines ouvertures situées à l’extrémité de la sonde. L’expansion rapide du gaz à l’intérieur du tube externe entraîne une baisse de la température (effet Joule-Thompson). La pointe de la sonde peut atteindre – 90°C et
Cryoanalgésie La cryothérapie (cryoanalgésie, cryoablation ou cryoneurolyse) est une technique qui produit une analgésie prolongée par l’application de froid (généralement entre - 70°C et - 80°C) au voisinage de structures nerveuses sensitives. L’utilisation à visée antalgique du froid est connue de très longue date. Hippocrate (460377 av. J. C.) décrivit l’application de neige sur
Figure 26.3. Schéma d’une sonde de cryothérapie.
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Figure 26.4. Formation de glace à l’extrémité de la sonde de cryothérapie.
génère une boule de glace fusiforme au niveau du tissu avoisinant à une température d’environ - 70°C. Le gaz est ensuite aspiré par la machine de cryothérapie dans le tube extérieur et évacué par une valve de ventilation. Ce système fermé évite que le gaz ne s’échappe et soit injecté au patient. Un débit de gaz précis est nécessaire pour assurer une procédure sûre et efficace : un débit trop faible serait insuffisant pour produire une température suffisamment basse (pas de formation de boule de glace), alors qu’un débit excessif provoquerait le gel de la sonde proximalement et des brûlures sur la peau. Les sondes de 2,0 mm et 1,4 mm génèrent une boule de glace respectivement de 5,5 mm et 3,5 mm (figure 26.4). Certaines sondes sont également équipées d’un stimulateur nerveux sensoriel (50 Hz) et moteur (2 Hz) intégré pour une localisation plus précise du nerf cible. L’application de froid sur les tissus crée un bloc de conduction, semblable à celui des anesthésiques locaux. Les fibres myélinisées de grand diamètre cessent de fonctionner à une température de 10°C, toutes les fibres nerveuses sont bloquées à - 20°C. L’étendue et la durée de l’effet sont proportionnelles à la température et à la durée d’exposition. À des températures entre - 20°C et - 100°C, la formation de cristaux de glace au niveau des vasa nervorum provoque un œdème de l’endonèvre dans les 2 heures qui suivent la procédure. Ces modifications provoquent une dégénérescence wallérienne avec conservation de la gaine
de myéline et de l’endonèvre (axonotmésis de degré 2, voir tableau 26.1). Le nerf peut ensuite régénérer à raison de 1 à 1,5 mm par semaine. Des températures inférieures à - 140°C provoquent des lésions irréversibles (axonotmésis de degré 3 ou 4, voir tableau 26.1). La cryothérapie ne provoque jamais de neurotmésis. Des mécanismes auto-immuns semblent impliqués dans les effets à long terme de la cryothérapie, via le relargage de protéines habituellement séquestrées capables de déclencher une réponse auto-immune. L’intensité et la durée de l’antalgie sont proportionnelles à l’importance de la lésion nerveuse. La lésion dépend de la distance entre la sonde et la cible, de la taille de la sonde, de la taille de la boule de glace, de la durée d’exposition au froid et de la température des tissus directement voisins de l’extrémité de la sonde. Cette dernière est influencée par les dissipateurs de chaleur locaux, comme la proximité d’un vaisseau sanguin.
Indications Comparée aux autres techniques de neurolyse chirurgicale, chimique (phénol ou alcool) ou thermique (radiofréquence), la cryoanalgésie n’est pas associée à l’apparition de névrites ou de névromes, même en cas de procédures répétées. À de rares exceptions près (nerf suprascapulaire, par exemple), la cryoanalgésie est appliquée uniquement sur les nerfs sensitifs. La technique peut être utilisée chez des patients porteurs de stimulateurs implantés (pacemaker cardiaque ou neurostimulateur) chez lesquels la thermoablation par radiofréquence est une contre-indication relative. Les indications incluent : • Névralgies périphériques de la face : – nerfs supraorbitaire, infraorbitaire, mandibulaire et mentonnier ; – nerf trijumeau. • Douleurs des membres supérieurs : – nerf suprascapulaire ; – nerf radial superficiel. • Névralgies thoraciques : nerf intercostal.
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Figure 26.5. Cryothérapie des branches médiales L3-L4, L4-L5 et L5-S1 gauche sous contrôle fluoroscopique.
• Névralgies abdominales ou pelviennes : – nerf ilio-inguinal ; – nerf ilio-hypogastrique ; – nerf génito-fémoral. • Névralgies sacrées : racine S4 ou S5. • Douleurs rachidiennes avec ou sans irradiation : – branche médiale du rameau dorsal (syndrome facettaire) (figure 26.5) ; – nerf glutéal supérieur (branches postérieures de L4, L5 et S1) ; – articulation sacro-iliaque ; – névralgie clunéale (branches cutanées latérales des rameaux dorsaux de L1, L2 et L3). • Douleurs des membres inférieurs : – nerf cutané latéral de la cuisse ; – nerfs géniculaires (branches supérieures médiale et latérale et branche inférieure médiale) ; – nerf péronier superficiel ; – nerf saphène ; – nerfs calcanéaux médial et latéral ; – névrome de Morton. • Douleurs postopératoires chroniques : – névrome cicatricielle ; – névrome du moignon.
Technique La cryoanalgésie est précédée d’un ou plusieurs blocs pronostiques aux anesthésiques locaux. L’injection de petits volumes d’anesthésique local
(0,5 et 1 ml), permet des blocs diagnostiques spécifiques et reproductibles avec la cryoanalgésie, car ils correspondent au volume de la boule de glace générée par la sonde. L’évolution des scores de douleurs est ensuite évaluée pendant les heures (ou jours) suivants. Lors de la cryothérapie, l’utilisation d’un introducteur est recommandée pour isoler la portion proximale de la sonde et diminuer le risque de gelure cutanée. Il permet également l’injection d’anesthésiques locaux ou de sérum physiologique adrénaliné (1-2 ml de NaCl, 0,9 % avec adrénaline 1 :200 000), afin de diminuer les saignements et le réchauffement de la zone traitée par les tissus avoisinants. De plus, la pointe de l’introducteur pénètre les tissus plus facilement que la sonde ellemême. L’introducteur le plus couramment utilisé est une canule veineuse de 12 G pour une sonde de 2 mm et 14 G ou 16 G pour une sonde de 1,4 mm. Il est conseillé d’utiliser la sonde la plus grande possible. Selon les fabricants, la longueur de la sonde varie de 20 à 175 mm et son diamètre de 0,8 à 2 mm. L’extrémité de la sonde peut être tranchante ou atraumatique. Une sonde avec neurostimulateur intégré permet d’en placer l’extrémité près de la cible et d’éviter de détruire un nerf moteur (absence de stimulation motrice). La stimulation sensitive se fait à une fréquence de 100 Hz, l’obtention d’une réponse sensitive idéalement en dessous de 0,5 volt. L’absence de contraction musculaire doit
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être testée avec une stimulation à 2 Hz jusqu’à une intensité de 3 volts. Une fois la sonde en place, on effectue deux à trois cycles de cryothérapie séparés par des périodes de dégel. Des cycles de 3 minutes produisent une densité optimale de la boule de glace. Des cycles plus longs n’apportent pas de bénéfice supplémentaire, la glace agissant comme isolant. Une brève période de dégel (entre 20 et 40 secondes) permet au cycle suivant d’augmenter la taille de la boule de glace. La cryothérapie est généralement indolore à l’exception parfois des premières 10 à 15 secondes, durant lesquelles la température n’a pas encore atteint le seuil du bloc de conduction (- 20°C). La majorité des sondes dispose d’un capteur de température intégré mesurant en continu la température à l’extrémité de la sonde. Avant de retirer la sonde en fin de procédure, il faut attendre une vingtaine de secondes que la sonde dégèle à nouveau et n’adhère plus aux tissus.
Contre-indications • diathèse hémorragique. S’agissant de procédures le plus souvent périphériques, les risques hémorragiques constituent une contre-indication absolue lorsqu’il existe un risque d’hémorragie occulte et intéressant des structures que l’on ne peut pas comprimer (hémorragie thoracique sur cryothérapie intercostale, hémorragie rétropéritonéale sur cryothérapie du nerf obturateur) ; • infection locale ou systémique ; • absence de consentement éclairé.
Complications Les complications générales comportent les saignements, les hématomes, l’infection et les lésions nerveuses traumatiques directes. Les complications spécifiques incluent les risques d’hyperpigmentation et d’alopécie au site de cryothérapie. Ces manifestations peuvent être particulièrement gênantes au niveau du visage ou des sourcils. En cas de cryoanalgésie du nerf supraorbitaire, la sonde doit être placée à distance du sourcil. Il est important de bien informer les patients de l’apparition possible
d’une hypoesthésie, voire d’une anesthésie dans le territoire du nerf sensitif traité.
Surveillance après la procédure En l’absence de complications immédiates ou de sédation, aucune surveillance particulière n’est nécessaire.
Autres méthodes de cryoanalgésie La cryothérapie du corps entier se réalise au moyen d’une cabine de cryosauna fonctionnant à l’azote liquide. L’évaporation de gaz liquéfié permet d’obtenir rapidement des températures de - 120°C et - 150°C. Le patient entre dans la cabine, vêtu de vêtements de protection (gants, chaussettes de coton épais et maillot de bain). La tête reste à l’extérieur de la cabine. La séance dure 3 minutes. Bien que cette technique soit surtout utilisée par les sportifs de haut niveau à des fins de récupération musculaire, son application s’est étendue ces dernières années aux douleurs chroniques inflammatoires et diffuses. Une étude italienne a conclu que 15 séances consécutives de cryosauna amélioraient significativement les scores de douleurs, de fatigue et de qualité de vie chez des patients souffrant de fibromyalgie [21]. Une étude récente décrit l’utilisation répétée d’azote liquide vaporisé sur la peau de patients souffrant d’une névralgie postherpétique [22]. La vaporisation s’effectue directement sur le dermatome atteint dans le but de refroidir et non de léser la peau. Les résultats ont été considérés bons à excellents dans 94 % des cas après environ cinq séances hebdomadaires. Références 1. Seddon HJ, Medawar PB, Smith H. Rate of regeneration of peripheral nerves in man. The Journal of Physiology 1943;102 doi: 10.1113/jphysiol.1943. sp004027. 2. Sunderland S. Nerves and Nerve Injuries. Edinburgh & London: Livingstone, 1968:180. 3. Luton A. Étude sur la médication substitutive. Première partie, de la substitution parenchymateuse. Arch Gen Med 1863;2:57.
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Chapitre 27 Les blocs périphériques sous contrôle ultrasonographique Éric Albrecht, Sébastien Bloc
Bloc du nerf grand occipital Indication Le bloc du nerf grand occipital est indiqué dans le traitement des névralgies occipitales.
Sonoanatomie Identifiez : • l’artère occipitale au Doppler couleur (figure 27.2) ; • le nerf grand occipital, situé latéralement à l’artère.
Anatomie
Approche et injection d’anesthésique local
Le nerf grand occipital est formé du rameau postérieur de C2. Il émerge en dessous de l’arc postérieur de l’atlas (C1), chemine avec l’artère occipitale, remonte le long du muscle oblique inférieur de la tête et le traverse pour innerver la peau de la partie postérieure du crâne.
• insérez l’aiguille dans ou hors du plan ; • injectez 5-10 ml d’anesthésique local.
Procédure
Technique alternative Une autre technique consiste à placer la sonde au niveau de l’apophyse épineuse de C2, facilement reconnaissable à sa forme bifide (figure 27.3).
Installation et matériel • Installez le patient sur le ventre ou en position assise, la tête légèrement fléchie. • Utilisez une sonde linéaire à haute fréquence. • Posez-la en position transverse entre la tubérosité occipitale et l’apophyse mastoïdienne (figure 27.1). • Sélectionnez une profondeur de champ entre 1 et 2 cm ; le nerf se situe généralement à 0,51,0 cm de profondeur ; • Prenez une aiguille 21-22 G, d’une longueur de 50 mm.
Figure 27.1. Bloc du nerf grand occipital : position de la sonde (patient en position ventrale).
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Figure 27.2. Bloc du nerf grand occipital (profondeur de champ : 1-2 cm). Avec cette approche, le nerf grand occipital n’est pas visible mais se trouve sur la portion latérale de l’artère occipitale (aO), au-dessus de l’occiput.
Figure 27.3. Bloc du nerf grand occipital : autre position de la sonde (patient en position ventrale).
La profondeur de champ est un peu plus importante, 1-3 cm. Les muscles obliques inférieur et supérieur de la tête sont identifiés en long axe en effectuant une discrète rotation de la sonde (figure 27.4). Le nerf grand occipital se situe juste au-dessus de ce muscle, sur la portion latérale de l’artère occipitale [1].
Figure 27.4. Bloc du nerf grand occipital (profondeur de champ : 1-3 cm). A. Image échographique native. B. Image échographique annotée. Le nerf grand occipital (nGO) se trouve à côté de l’artère occipitale (aO), entre le muscle semi-épineux de la tête (mSET) et les muscles obliques inférieur et supérieur de la tête (mOs). L’aiguille est insérée dans le plan, en direction latéromédiale (flèche orange). apTr C2 : apophyse transverse de C2 ; mSp : muscle splénius de la tête.
Bloc du nerf accessoire Indication Le bloc du nerf accessoire est indiqué dans le traitement des douleurs chroniques myofasciales du muscle trapèze.
Revue de la littérature
Anatomie
Dans l’étude de Shim et al. qui compare la technique échographie à la technique classique de repérage anatomique, les deux approches sont jugées équivalentes [2].
Le nerf accessoire, XIe nerf crânien, innerve les muscles sterno-cléido-mastoïdien et trapèze. Issu de la moelle épinière (C1-C5), il remonte dans le crâne par le foramen magnum. Il en ressort par
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE Chapitre 27. Les blocs périphériques sous contrôle ultrasonographique
275
• le muscle élévateur de la scapula en déplaçant légèrement la sonde en direction postérieure ; • le muscle trapèze, encore plus postérieur ; • le nerf accessoire, hypoéchogène, posé sur le muscle élévateur de la scapula. Approche et injection d’anesthésique local
Figure 27.5. Bloc du nerf accessoire. Position de la sonde et insertion de l’aiguille en direction postéro antérieure (patient en position latérale gauche).
le foramen jugulaire, conjointement avec les nerfs glossopharyngien et vague, et la veine jugulaire interne. Il descend le long de la carotide interne et traverse ensuite le muscle sterno-cléido-mastoïdien. Il émerge près du milieu du bord postérieur de ce dernier dans la région cervicale latérale et se dirige inférieurement à la surface du muscle élévateur de la scapula vers la face profonde du muscle trapèze. Au niveau du bord postérieur du muscle sternocléido-mastoïdien, le nerf accessoire chemine parallèlement au nerf grand auriculaire, plus superficiel d’environ 1 cm.
• Les approches dans et hors du plan sont possibles. • Injectez 5-10 ml d’anesthésique local.
Astuces cliniques Les auteurs ayant décrit le bloc du nerf accessoire ont également réussi à insérer un cathéter [3].
Revue de la littérature Il n’existe aucune étude comparative du bloc du nerf accessoire sous échographie avec d’autres techniques.
Procédure Installation et matériel • Installez le patient en position latérale. • Utilisez une sonde linéaire à haute fréquence. • Posez-la en position transverse sur le muscle sterno-cléido-mastoïdien (figure 27.5). • Sélectionnez une profondeur de champ entre 1 et 2 cm ; le nerf se situe généralement à 0,5 cm de profondeur. • Prenez une aiguille 21-22 G, d’une longueur de 50 mm. Sonoanatomie Identifiez (figure 27.6) : • le muscle sterno-cléido-mastoïdien, en superficie ; • le muscle scalène moyen, en profondeur ;
Figure 27.6. Bloc du nerf accessoire (profondeur de champ : 1-2 cm). A. Image échographique native. B. Image échographique annotée. Le nerf accessoire (nAcc), hypoéchogène, est posé sur le muscle élévateur de la scapula (mEdS). L’aiguille est insérée dans le plan en direction postéroantérieure (flèche orange). mSM : muscle scalène moyen ; mSCM : muscle sterno-cléido-mastoïdien ; mTr : muscle trapèze ; TSC : tissu sous-cutané.
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276
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE Traitements
Bloc du nerf suprascapulaire Indication Ce bloc est indiqué dans le traitement de certains syndromes douloureux chronique de la ceinture scapulaire ou des douleurs chroniques de l’épaule secondaire à un traumatisme ou une chirurgie.
Anatomie Issu du tronc supérieur du plexus brachial (C5), le nerf suprascapulaire, qui reçoit parfois des rameaux des racines C4, se dirige sous les muscles trapèze et omohyoïdien, au-dessus du plexus brachial, en direction de la fosse supraépineuse par l’incisure scapulaire située sur la face médiale de l’apophyse coracoïde. Il passe au-dessous du ligament transverse supérieur de la scapula alors que l’artère et la veine suprascapulaires passent généralement au-dessus. Le nerf suprascapulaire innerve le muscle supraépineux, le muscle infraépineux, l’articulation acromioclaviculaire, la partie postérieure de la capsule articulaire de l’épaule, ainsi que les ligaments coracoacromial et coracoclaviculaire (figure 27.7).
Figure 27.7. Nerf suprascapulaire et ses rameaux. RAS : rameau articulaire supérieur ; RAI : rameau articulaire inférieur ; RSE : rameau pour le muscle supraépineux ; RIE : rameau pour le muscle infraépineux.
Procédure Installation et matériel • Installez le patient en position assise. • Utilisez une sonde linéaire à haute fréquence. • Posez-la en position transverse sur le côté médial l’apophyse coracoïde (figure 27.8). • Sélectionnez une profondeur de champ entre 3 et 5 cm ; l’incisure scapulaire se trouve généralement à moins de 5 cm de profondeur. • Prenez une aiguille 21-22 G, d’une longueur de 50 à 80 mm. Sonoanatomie • Inclinez la sonde en direction céphalocaudale, avec une discrète rotation dans le plan coronal. • Identifiez (figure 27.9) :
Figure 27.8. Bloc du nerf suprascapulaire. Position de la sonde et insertion de l’aiguille hors du plan (patient en position assise).
– le muscle trapèze ; – le muscle supraépineux ; – l’incisure scapulaire, recouverte par le muscle trapèze et le muscle supraépineux ; – le ligament transverse supérieur de la scapula ; – l’artère suprascapulaire, adjacente au ligament transverse supérieur de la scapula, visible au Doppler couleur (figure 27.10) ; – le nerf suprascapulaire, fine structure hyperéchogène, à proximité immédiate de l’artère,
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE 277 Chapitre 27. Les blocs périphériques sous contrôle ultrasonographique
Figure 27.10. Bloc du nerf suprascapulaire : identification de l’artère suprascapulaire au Doppler couleur.
Astuces cliniques En cas d’identification difficile, il est recommandé de procéder à une infiltration sous le ligament transverse supérieur de la scapula.
Revue de la littérature
Figure 27.9. Bloc du nerf suprascapulaire (profondeur de champ : 3-5 cm). A. Image échographique native. B. Image échographique annotée. Le nerf suprascapulaire (nSpSc) se trouve sous le ligament transverse supérieur de la scapula (lTrSc), au niveau de l’incisure scapulaire. L’aiguille est insérée dans le plan en direction médiolatérale (flèche orange). mSE : muscle supraépineux ; mTr : muscle trapèze ; TSC : tissu sous-cutané.
en dessous du ligament transverse supérieur de la scapula. Approche et injection d’anesthésique local • Les approches dans et hors du plan sont possibles. En cas d’approche dans le plan, insérez l’aiguille à l’extrémité médiale de la sonde. • Injectez 5-10 ml d’une solution d’anesthésique local.
Le bloc du nerf suprascapulaire sous échographie est une technique récente [4]. L’équipe de Siegenthaler a décrit une approche supraclaviculaire antérieure [5], sans toutefois comparer l’efficacité des techniques pratiquées.
Bloc du nerf intercostal Indication Un bloc du nerf intercostal est indiqué dans le traitement des douleurs thoraciques après chirurgie ou traumatisme.
Anatomie Les muscles intercostaux forment trois couches : externe, interne, intime. Le paquet vasculonerveux se situe entre les muscles interne et intime (figure 27.11). Contrairement aux idées reçues,
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE Traitements
Figure 27.11. Coupe transverse de la paroi thoracique.
il ne se trouve dans la partie inférieure de la côte que dans 17 % des cas ; dans 73 % des cas, il se situe à mi-distance entre les deux côtes [6]. Les nerfs intercostaux sont issus des rameaux ventraux des racines T1 à T11. La 12e racine nerveuse donne naissance au nerf subcostal. Le territoire d’innervation des nerfs intercostaux inclut la paroi thoracique, le muscle grand dorsal et une partie du muscle oblique externe. Les nerfs intercostaux 2 à 6 sont appelés nerfs thoraciques, 7 à 11 nerfs thoraco-abdominaux, car ils innervent également la paroi abdominale antérieure. Les nerfs intercostaux IX à XI sont étroitement connectés au nerf subcostal et à la première racine lombaire. Ils cheminent entre le muscle oblique interne et le muscle transverse de l’abdomen.
Procédure Installation et matériel • Installez le patient en position ventrale, latérale ou assise. • Utilisez une sonde linéaire à haute fréquence. • Posez-la en position longitudinale à une distance de 10-15 cm latéralement au processus épineux, de manière à visualiser deux côtes adjacentes en court axe (figure 27.12). • Sélectionnez une profondeur de champ entre 1 et 3 cm ; les nerfs intercostaux se situent généralement entre 0,5 et 1,5 cm de profondeur. • Prenez une aiguille 21-22 G de 50 mm.
Figure 27.12. Bloc intercostal. Position longitudinale de la sonde à une distance de 10-15 cm de l’apophyse épineuse.
Sonoanatomie Identifiez (figure 27.13) : • deux côtes adjacentes, soit deux lignes hyperéchogènes et leurs cônes d’ombre sousjacents ; • la plèvre, ligne hyperéchogène et son image de « queue de comète » ; • le muscle intercostal intime, juste au-dessus de la plèvre ; • les muscles intercostaux interne et externe, vers la superficie ; • l’espace triangulaire qui contient le paquet vasculonerveux, en dessous de la côte supérieure, entre les muscles intercostaux interne et intime. Approche et injection d’anesthésique local • Les approches dans et hors du plan sont possibles, jusqu’à atteindre l’espace triangulaire ; lors d’une approche dans le plan, l’aiguille est insérée en rasant le bord de la côte inférieure. • Injectez 5 ml d’anesthésique local.
Astuces cliniques Un pneumothorax peut être exclu si l’image en « queue de comète » persiste et que la plèvre fluctue de manière synchrone avec la respiration.
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE 279 Chapitre 27. Les blocs périphériques sous contrôle ultrasonographique
(incision de Pfannenstiel, appendicectomie, chirurgie inguinale) ou par l’insertion d’un trocart en laparoscopie. Les patients peuvent présenter des neuropathies irradiant dans le haut de la cuisse, dans les testicules ou les grandes lèvres.
Anatomie
Figure 27.13. Bloc intercostal droit (profondeur de champ : 1-3 cm). A. Image échographique native. B. Image échographique annotée. Le site d’injection se trouve entre les muscles intercostaux externe et interne (mIC) et le muscle intercostal intime (mICint), en dessous de la côte supérieure. L’aiguille est insérée dans le plan en direction caudocéphalique (flèche orange). mEdR : muscles érecteurs du rachis, TSC : tissu sous-cutané.
Revue de la littérature La technique décrite ci-dessus a été utilisée initialement en antalgie chronique lors de cryothérapie des nerfs intercostaux après thoracotomie [7].
Bloc des nerfs ilio-inguinal et iliohypogastrique Indication En raison de leur position anatomique, les nerfs ilioinguinal, iliohypogastrique et génitofémoral peuvent être lésés par une incision chirurgicale
Les nerfs ilioinguinal et iliohypogastrique, issus de L1, émergent sous le ligament arqué médial à la partie supérolatérale du psoas. Le nerf ilioinguinal, plus fin, a un trajet plus vertical que le nerf iliohypogastrique. Après avoir croisé le muscle carré des lombes antérieurement, les deux nerfs traversent le muscle transverse de l’abdomen. Ils cheminent ensuite entre le muscle transverse et le muscle oblique interne à une distance variable de l’épine iliaque antérosupérieure avant de traverser les muscles obliques interne et externe. Le nerf ilioinguinal est responsable de l’innervation motrice des parties inférieures des muscles oblique interne et transverse de l’abdomen, et sensitive de la partie supéromédiale de la cuisse, du scrotum et des grandes lèvres. Le nerf iliohypogastrique est un nerf moteur (muscles pyramidal, droit, transverse et oblique interne de l’abdomen) et sensitif (peau du scrotum et des grandes lèvres). Il arrive que la branche cutanée latérale du nerf iliohypogastrique traverse les muscles obliques interne et externe juste au-dessus de la crête iliaque pour innerver le quadrant supérolatéral de la fesse ; il est donc approprié d’effectuer le bloc derrière l’épine iliaque antérosupérieure.
Procédure Installation et matériel • Installez le patient en position dorsale. • Exposez la partie inférieure de l’abdomen, la crête iliaque et le pli de l’aine. • Utilisez une sonde linéaire à haute fréquence. • Placez-la au-dessus de la ligne virtuelle qui relie l’épine iliaque antérosupérieure à l’ombilic (figure 27.14). • Sélectionnez une profondeur de champ entre 3 et 5 cm ; • Prenez une aiguille 21-22 G, d’une longueur de 50 à 80 mm.
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280
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE Traitements
Figure 27.14. Bloc des nerfs ilioinguinal et iliohypogastrique. Position de la sonde et insertion de l’aiguille dans le plan en direction médiolatérale (patient en position dorsale).
Sonoanatomie • Identifiez (figure 27.15) : – la cavité péritonéale et les mouvements des anses intestinales en dessous du muscle transverse de l’abdomen ; – le muscle transverse de l’abdomen ; – le muscle oblique interne, plus épais ; – le muscle oblique externe, plus superficiel, qui peut être aussi fin qu’une aponévrose, au niveau de la paroi inféromédiale de l’abdomen ; – l’os iliaque recouvert par le muscle iliaque latéralement ; – les nerfs ilioinguinal et iliohypogastrique, souvent hypoéchogènes, se trouvent dans le fascia qui sépare le muscle transverse de l’abdomen du muscle oblique interne, audessus de l’épine iliaque antérosupérieure. Il peut arriver que les deux nerfs traversent le muscle oblique interne au niveau de l’épine iliaque antérosupérieure et qu’on les trouve entre les muscles obliques interne et oblique externe. • Déplacez la sonde en direction caudale pour suivre les nerfs jusque derrière l’épine iliaque antérosupérieure. • Identifiez au Doppler couleur les vaisseaux qui se trouvent dans le même plan que le nerf. Approche et injection d’anesthésique local • Les approches dans et hors du plan sont possibles. En cas d’approche dans le plan, insérez
Figure 27.15. Bloc des nerfs ilioinguinal et iliohypogastrique (profondeur de champ : 3-5 cm). A. Image échographique native. B. Image échographique annotée et technique d’injection avec une insertion de l’aiguille dans le plan (flèches orange). L’extrémité de l’aiguille est placée à proximité des nerfs ilioinguinal (nII) et iliohypogastrique (nIH). L’anesthésique local diffuse le long du fascia. AI : anse intestinale ; CP : cavité péritonéale ; EIAS : épine iliaque antérosupérieure ; mOE : muscle oblique externe ; mOI : muscle oblique interne ; mPso : muscle psoas ; mTA : muscle transverse de l’abdomen ; TSC : tissu sous-cutané.
l’aiguille sur le bord médial de la sonde jusqu’au plan transverse. • Une aiguille à biseau court permet de sentir des ressauts (« pops ») lors du passage des aponévroses superficielles et profondes du muscle oblique interne. • Injectez 5 à 10 ml d’anesthésique local (AL) à proximité des deux nerfs ; si les nerfs ne sont pas visibles, injectez l’AL dans le fascia qui sépare le muscle transverse de l’abdomen du muscle oblique interne, à proximité des vaisseaux. • Observez la diffusion de l’AL par un balayage céphalocaudal de l’abdomen.
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE 281 Chapitre 27. Les blocs périphériques sous contrôle ultrasonographique
tester le nerf fémoral avant de permettre à un patient de se lever.
Bloc du nerf génitofémoral Indication
Figure 27.16. Branche de l’artère iliaque circonflexe profonde située dans le plan contenant les nerfs ilioinguinal et iliohypogastrique.
Astuces cliniques Localisation d’une branche de l’artère iliaque circonflexe profonde On trouve plusieurs structures hypoéchogènes dans le plan situé entre les muscles oblique interne et transverse de l’abdomen. Utilisez un Doppler couleur pour différencier les structures vasculaires des structures nerveuses et éviter d’injecter l’AL dans une branche de l’artère iliaque circonflexe profonde (figure 27.16). Incliner la sonde en direction de l’aile iliaque Lorsque les structures musculaires sont difficiles à visualiser, inclinez la sonde en direction de l’os iliaque. Injection dans les deux plans Une double infiltration entre les muscles transverse et oblique interne, et les muscles obliques interne et externe, permet de tenir compte des variations anatomiques.
Revue de la littérature Le bloc des nerfs ilioinguinal et iliohypogastrique entraîne un bloc du nerf fémoral dans 5 % à 8 % des cas, qui s’explique par la continuité anatomique entre les fascias transversalis et iliaca [8,9]. Une solution injectée derrière le muscle oblique interne peut diffuser jusqu’au nerf fémoral. Il faut
Ce bloc est utilisé comme test diagnostique et traitement d’une neuropathie postopératoire. En effet, les nerfs génitofémoral, ilioinguinal et iliohypogastrique peuvent être lésés par une incision chirurgicale (incision de Pfannenstiel, appendicectomie, chirurgie inguinale) ou par l’insertion d’un trocart en laparoscopie. Les patients peuvent présenter des neuropathies irradiant dans le haut de la cuisse, dans les testicules ou les grandes lèvres.
Anatomie Le nerf génitofémoral, issu des racines L1 et L2, traverse le muscle psoas d’arrière en avant au niveau du disque intervertébral L3-L4. Sa branche fémorale suit l’artère iliaque externe sur sa face latérale, en compagnie de laquelle elle passe sous le ligament inguinal, avant de franchir le fascia lata pour innerver le triangle fémoral. La branche génitale passe à travers l’anneau profond du canal inguinal du fascia transversalis, puis dans le canal inguinal, à proximité immédiate ou à l’intérieur du cordon spermatique chez l’homme ou du ligament rond de l’utérus chez la femme. Elle innerve le muscle crémaster et la peau du scrotum chez l’homme. Chez la femme, elle suit le ligament rond et se termine dans le mont du pubis et les grandes lèvres. L’innervation sensitive de la région inguinale assurée par les nerfs génitofémoral, ilioinguinal et iliohypogastrique est très variable en raison des nombreux rameaux communiquant entre les différents nerfs.
Procédure Installation et matériel • Installez le patient en position dorsale. • Exposez la partie basse de l’abdomen, la crête iliaque et l’aine.
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282
BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE Traitements
Figure 27.17. Bloc du nerf génitofémoral : position de la sonde et insertion de l’aiguille dans le plan en direction caudocéphalique (A) et hors du plan (B). Le patient est en position dorsale.
• Utilisez une sonde linéaire à haute fréquence. • Placez-la à côté du tubercule pubien, perpendiculairement au ligament inguinal, qui relie le tubercule pubien à l’épine iliaque antérosupérieure (figure 27.17). • Sélectionnez une profondeur de champ entre 2 et 4 cm. • Prenez une aiguille 21-22 G, d’une longueur de 50-80 mm. Sonoanatomie Identifiez (figure 27.18) : • l’artère fémorale ; modifiez l’orientation de la sonde jusqu’à obtenir une image en long axe ; • l’artère iliaque externe, en déplaçant la sonde en direction céphalique ; • le cordon spermatique chez l’homme/le ligament rond de l’utérus chez la femme (en déplaçant la sonde légèrement médialement),
Figure 27.18. Bloc du nerf génitofémoral (profondeur de champ : 2-4 cm). A. Image échographique native. B. Image échographique annotée et technique d’injection avec une insertion de l’aiguille dans le plan en direction caudocéphalique. L’extrémité de l’aiguille est placée à l’intérieur et à l’extérieur du cordon spermatique (flèches orange). aFem : artère fémorale ; aIE : artère iliaque externe ; CaDf : canal déférent ; CoSp : cordon spermatique ; TSC : tissu sous-cutané.
structures circulaires contenant des vaisseaux, en position plus superficielle et médiale que l’artère iliaque externe. Le canal défèrent est souvent visible sous la forme d’un tube. Approche et injection d’anesthésique local • Les approches dans ou hors du plan sont possibles. • Utilisez une solution d’AL sans adrénaline. • Injectez 5 ml d’AL à l’extérieur et 5 ml à l’intérieur du cordon spermatique (ou du ligament rond).
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE 283 Chapitre 27. Les blocs périphériques sous contrôle ultrasonographique
Astuces cliniques Chez l’homme, la palpation douce du cordon spermatique au contact de l’os pubien permet de préciser le placement de la sonde.
Revue de la littérature À notre connaissance, le bloc du nerf génitofémoral sous échographie n’a été décrit que dans un seul article rétrospectif [10].
Bloc du nerf cutané latéral de la cuisse Indication Le bloc du nerf cutané latéral de la cuisse est indiqué dans le traitement de la méralgie paresthétique. Cette atteinte du nerf cutané latéral de la cuisse est le plus souvent due à la compression du nerf lors de son passage sous le ligament inguinal.
Figure 27.19. Bloc du nerf cutané latéral de la cuisse. Position de la sonde et insertion de l’aiguille dans le plan en direction latéromédiale (patient en position dorsale).
• Utilisez une sonde linéaire à haute fréquence. • Posez-la en position transverse le long du pli inguinal (figure 27.19). • Sélectionnez une profondeur de champ entre 1 et 3 cm ; le nerf se situe généralement à une profondeur de 0,5 à 1,5 cm. • Prenez une aiguille 21-22 G d’une longueur de 50 mm.
Anatomie Issu des branches dorsales des racines L2-L3, le nerf cutané latéral de la cuisse émerge latéralement du muscle psoas et descend le long de son bord latéral en direction de l’épine iliaque antérosupérieure. Il passe ensuite sous le ligament inguinal, 1 cm à l’intérieur de l’épine iliaque antérosupérieure, entre le muscle tenseur du fascia lata et le muscle sartorius, puis se divise en plusieurs branches. Il est responsable de l’innervation sensitive de la face latérale de la cuisse jusqu’au genou.
Procédure Installation et matériel • Installez le patient en position dorsale. • Exposez le pli inguinal, qui se trouve 4 à 5 cm en dessous du ligament inguinal.
Sonoanatomie Identifiez (figure 27.20) : • l’artère fémorale et la veine fémorale ; • le muscle iliopsoas, en profondeur, en dessous des vaisseaux fémoraux ; • le fascia lata et le fascia iliaca, lignes hyperéchogènes ; • le muscle sartorius, puis le muscle tenseur du fascia lata, qui apparaissent lorsque la sonde est déplacée latéralement ; ces deux muscles se trouvent en dessous des fascias lata et iliaca; • les branches du nerf cutané latéral de la cuisse (fine structure hypo- ou hyperéchogène) sont situées dans le triangle formé par le fascia lata (superficiellement), le muscle sartorius (médialement), et le muscle tenseur du fascia lata (latéralement). Le nerf peut être difficile à visualiser.
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Figure 27.20. Bloc du nerf cutané latéral de la cuisse (profondeur de champ : 1-3 cm). A. Image échographique native. B. Image échographique annotée. Le nerf cutané latéral de la cuisse (nCLC) se trouve entre le muscle sartorius (mSa) et le muscle tenseur du fascia lata (mTFL). L’aiguille est insérée dans le plan, en direction latéromédiale (flèche orange). FL : fascia lata ; FI : fascia iliaca ; mgF : muscle grand fessier ; mIP : muscle iliopsoas.
Approche et injection d’anesthésique local • Les approches dans et hors du plan sont possibles. Pour une approche dans le plan, l’aiguille est insérée du côté latéral de la sonde. • Injectez 5 à 10 ml d’AL, dans le triangle décrit ci-dessus ; il n’est pas rare de ne voir apparaître le nerf qu’après l’injection du produit ; • Observez la diffusion de l’AL par un balayage proximal et distal.
Astuces cliniques Couplage à la neurostimulation La stimulation électrique déclenche des paresthésies au niveau de la face latérale de la cuisse. Autre technique Une autre technique consiste à placer la sonde au contact de l’épine antérosupérieure (en dedans
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE Chapitre 27. Les blocs périphériques sous contrôle ultrasonographique
et en dessous), sur le ligament inguinal et d’identifier : • l’épine iliaque antérosupérieure et son ombre osseuse ; • les fascias lata et iliaca, lignes hyperéchogènes qui apparaissent lorsque la sonde est déplacée en direction médiale et caudale ; • le muscle sartorius, sous les fascias ; • le nerf cutané latéral de la cuisse, fine structure hyperéchogène en dessous de l’épine iliaque antérosupérieure, entre le fascia iliaca et sartorius ou plus distalement entre les fascias lata et iliaca. Insérez l’aiguille dans le plan selon un angle rasant pour atteindre le plan interfascial juste en dessous de l’épine iliaque antérosupérieure ; une approche hors du plan est également possible.
285
Figure 27.21. Bloc du nerf pudendal. Position de la sonde et insertion de l’aiguille en direction postéro antérieure (patient en position ventrale).
terminales : le nerf rectal inférieur, le nerf périnéal et le nerf dorsal du pénis (ou du clitoris).
Revue de la littérature Une autre technique, validée dans une étude sur 20 cadavres, consiste à injecter l’AL plus proximalement, dans le fascia qui sépare le muscle tenseur du fascia lata du muscle sartorius, à la hauteur du ligament inguinal [11].
Bloc du nerf pudendal Indication Le bloc du nerf pudendal est indiqué dans le traitement de la douleur chronique du périnée.
Anatomie Le nerf pudendal est formé des rameaux antérieurs des racines S2 à S4. Accompagné de l’artère pudendale interne, il quitte le bassin par la grande échancrure sciatique entre les muscles pyriforme et coccygien pour rejoindre l’épine ischiatique. À ce niveau, le nerf se situe entre les ligaments sacrospinal et sacrotubéral. C’est par la petite échancrure sciatique et le canal d’Alcock, situé sur la face médiale du muscle obturateur interne, qu’il retourne dans le pelvis, où il donne trois branches
Procédure Installation et matériel • Installez le patient en position ventrale avec un coussin sous le pelvis, ou en position gynécologique. • Utilisez une sonde linéaire à basse fréquence. • Posez-la en position transverse sur l’ischion (figure 27.21). • Sélectionnez une profondeur de champ entre 5 et 7 cm. • Prenez une aiguille 21-22 G, d’une longueur de 80-120 mm. Sonoanatomie • Déplacez la sonde en direction céphalocaudale pour repérer la longue ligne hyperéchogène de l’ischion. • Identifiez (figure 27.22) : – l’épine ischiatique, épaississement de la ligne hyperéchogène de l’ischion ; – l’artère pudendale interne ; – le nerf sciatique sur l’épine ischiatique, latéralement à l’artère ; – le nerf pudendal, sur la face médiale de l’artère.
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE Traitements
décrite ci-dessus [12]. Bellingham et al. la comparent à la technique classique par imagerie fluoroscopique et concluent à une efficacité similaire des deux techniques. La durée plus longue de la procédure échographique (428 ± 151 secondes vs 219 ± 65, p 50 %) ou de score de douleurs (diminution de 20 points/100 sur l’échelle visuelle analogique) [13]. L’évolution à moyen et long termes montre que le NNT pour la radiofréquence pulsée est respectivement de 1,1 à 3 mois et 1,6 à 6 mois.
Douleurs faciales et céphalées Une étude randomisée contrôlée a comparé l’efficacité de la RF continue à celle de la RF pulsée appliquée au ganglion de Gasser chez des patients souffrant de névralgie essentielle du trijumeau. Trois mois après le traitement, seuls deux des 20 patients du groupe RF pulsée contre 20 des 20 patients du groupe RF continue ont rapporté une analgésie significative [14]. Dans une autre travail, trois des cinq patients traités par RF pulsée (42 °C pendant 120 secondes) ont eu
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE MEDICALE Chapitre 29. SCIENCE La radiofréquence pulsée 313
une analgésie complète à moyen terme (10 à 20 mois), un patient une analgésie quasi complète (90 %) à 22 mois, et un patient une analgésie partielle (75 %) à 1 mois [15]. Ce dernier a rapidement bénéficié d’une microdécompression vasculaire (opération de Janetta). Dans la névralgie occipitale, les traitements par RF pulsée au niveau des branches médiales des rameaux dorsaux de C1 et C2 ont une efficacité partielle à moyen terme [16].
Douleurs inguinales La RF pulsée (42 °C pendant 120 secondes) appliquée aux nerfs ilio-inguinal et génitofémoral lors de douleurs inguinales ou scrotales a entraîné la disparition complète des douleurs à 6 mois dans de petites séries de patients [17].
Scapulalgies chroniques Une étude a comparé l’injection intra-articulaire de corticoïdes à la RF pulsée du nerf suprascapulaire [18]. Les deux procédures améliorent diminuent les douleurs, augmentent, l’amplitude des mouvements et la qualité de vie de manière significative 3 mois après le traitement. L’injection intra-articulaire de corticoïdes est toutefois supérieure à la RF pulsée pour ce qui est du contrôle des douleurs et de l’amélioration de l’amplitude des mouvements. Les bénéfices de la RF pulsée sont rapportés dans des séries observationnelles jusqu’à 6 mois après la procédure [19]. Shah et Racz ont décrit un traitement répété de RF pulsée du nerf suprascapulaire (trois cycles à 42 °C pendant 120 secondes) pour des douleurs sur capsulite rétractile. Chaque séance de RF pulsée a entraîné une analgésie significative et une amélioration de la fonction de l’épaule pendant 4 à 5 mois [20].
périphérique paraissent constituer l’indication la plus prometteuse à l’application de RF pulsée. L’application de RF pulsée au niveau des nerfs ilio-inguinal et génitofémoral, ou des racines correspondantes (D12, L1 et L2), a été évaluée chez des patients présentant des douleurs inguinales chroniques après cure de hernie inguinale. Les résultats ont montré une amélioration durable des douleurs pendant plusieurs mois après la procédure [21,22]. La RF pulsée a également été appliquée au niveau des racines nerveuses lors de thoracodynies post-chirurgicales. Une étude rétrospective de 46 patients a conclu à la supériorité (> 50 % de diminution de la douleur à 12 semaines) de la technique par rapport au traitement médicamenteux (p = 0,06) ou à la RF pulsée appliquée directement sur les nerfs intercostaux (p = 0,01) [23].
Technique, contre-indications et complications La technique et le matériel sont identiques à ceux utilisés avec la radiofréquence continue. Seuls les paramètres du traitement diffèrent. Les contreindications et les complications sont les mêmes que celles mentionnées pour les autres procédures d’antalgie interventionnelles. Toutefois, contrairement à la RF continue, la RF pulsée n’entraîne pas de déficit moteur, de réactions de type névrite ou de douleurs de désafférentation.
Surveillance après la procédure Lorsque le traitement est réalisé sans sédation ni complication immédiate (malaise, exacerbation des douleurs, etc.), aucune surveillance particulière n’est requise. Références
Douleurs chroniques postopératoires Les douleurs postopératoires chroniques secondaires à une compression et lésion nerveuse
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE Traitements
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Chapitre 30 La stimulation magnétique transcrânienne répétitive Christophe Perruchoud, Éric Buchser La stimulation magnétique transcrânienne répétitive [Repetitive Transcranial Magnetic Stimulation (rTMS)] est une technique non invasive et indolore. La création d’un champ magnétique induit par une bobine placée à la surface du scalp permet de stimuler certaines zones corticales à des fins diagnostiques, pronostiques ou thérapeutiques. Le principe de la rTMS repose sur la loi de l’induction électromagnétique, décrite par Michael Faraday en 1831, qui dit qu’un champ magnétique changeant rapidement de direction produit un courant électrique dans un conducteur placé à proximité. Dans le cas de la rTMS, le conducteur est représenté par le tissu neuronal du cortex cérébral. Les effets de la stimulation magnétique du cortex cérébral ont été décrits pour la première fois par Arsène d’Arsonval en 1896 et la première application clinique revient à A. T. Barker qui, en 1985, stimula le cortex cérébral à l’aide d’une bobine produisant un champ magnétique bref et intense à la surface du scalp [1]. Le champ magnétique n’étant que faiblement absorbé par les tissus cutanés et osseux, il provoque un courant d’amplitude suffisante pour induire des potentiels d’action au niveau des axones de neurones corticaux. La rTMS se résume donc à une stimulation électrique des neurones corticaux. Les premières descriptions de la rTMS à visée antalgique datent de la fin des années 1990, mais son application clinique reste, aujourd’hui encore, limitée à quelques centres spécialisés.
Mécanismes d’action La stimulation à basse fréquence (1 Hz) est généralement considérée comme inhibitrice de l’activation neuronale et la stimulation à haute fréquence (5 Hz) comme excitatrice. Ce paradigme peut néanmoins être influencé par l’amplitude de stimulation et le nombre de chocs délivrés. Ainsi, selon les conditions, la stimulation à haute fréquence peut induire une inhibition et la stimulation à basse fréquence une excitation neuronale. De plus, il existe une grande variabilité interet intra-individuelle de la rTMS dont les effets pourraient aussi dépendre du seuil d’excitabilité corticale au moment du traitement. Les effets persistent parfois jusqu’à une heure après l’arrêt de la stimulation. La durée de cet effet rémanent tend à augmenter avec le nombre de chocs délivrés. L’origine de ce phénomène pourrait être due à la modification de l’activité synaptique au sein des réseaux corticaux induisant un effet biologique à distance du site de stimulation. Ainsi, l’action antalgique d’une stimulation du cortex moteur primaire n’est pas corticale, mais passe par plusieurs structures nerveuses à distance du site de stimulation dont le cortex prémoteur, l’aire motrice supplémentaire, le cortex somatosensoriel primaire (S1), le cortex cingulaire antérieur, les noyaux gris centraux ou le cervelet. Une modulation de la composante affective et de l’attention portée à la douleur contribuerait également au mécanisme d’action antalgique de la rTMS. Des études
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE Traitements
ont aussi mis en évidence l’activation des systèmes opioïdes via la rTMS, qui pourraient expliquer certains effets antalgiques diffus [2,3]. De même, la stimulation transcrânienne à courant direct [transcranial Direct Curent Stimulation (tDCS)] du cortex préfrontal dorsolatéral a un effet antalgique qui n’est probablement pas dû à l’action locale au site de stimulation, mais à une diminution de l’activité neuronale dans les deux thalamus [4].
• les douleurs neuropathiques périphériques focales ; • les douleurs neuropathiques d’origine centrale ; • la fibromyalgie, ou syndrome douloureux chronique diffus ; • la dépression pharmacorésistante ; • l’acouphène ; • la schizophrénie, principalement en cas d’hallucinations auditives.
Technique Indications La plupart des études qui étudient l’efficacité analgésique de la rTMS se concentrent sur des syndromes douloureux chroniques réfractaires aux traitements conventionnels : la fibromyalgie et les douleurs neuropathiques périphériques (diabétiques, post-traumatiques, postherpétiques) ou centrales (accidents vasculaires cérébraux, lésions de la moelle épinière). Une revue systématique incluant 30 études randomisées contrôlées qui évaluent l’efficacité antalgique de la rTMS a conclu à un effet bénéfique à court terme de la rTMS à haute fréquence appliquée au cortex moteur primaire (M1). À l’opposé, la rTMS à basse fréquence semble inefficace [5]. La répétition des séances à une fréquence décroissante pourrait améliorer l’intensité et la durée de l’effet antalgique. Les récentes recommandations d’experts parlent en faveur de l’utilisation de la rTMS à des fins antalgiques. La recommandation est d’utiliser une stimulation à haute fréquence appliquée au cortex moteur primaire controlatéral à la zone douloureuse (évidence de grade A). Un effet antidépresseur a également été rapporté pour la rTMS à haute fréquence du cortex préfrontal dorsolatéral gauche (évidence de grade A) [6]. De plus, il existe un intérêt pronostique de la rTMS à haute fréquence de M1 puisqu’elle semble pouvoir prédire l’effet antalgique à long terme de la stimulation du cortex moteur par des électrodes épidurales corticales implantées [7]. Les indications thérapeutiques actuelles les plus répandues de la rTMS incluent :
Lorsqu’une stimulation magnétique transcrânienne est appliquée à une intensité suffisante en regard du cortex moteur primaire (M1), un potentiel évoqué moteur est mesurable au niveau des muscles de l’hémicorps controlatéral. La contraction observée représente environ 10 % de la contraction maximale du muscle ciblé. Les bobines circulaires provoquent une stimulation diffuse, permettant de couvrir le cortex moteur primaire, raison pour laquelle elles sont généralement utilisées pour les explorations fonctionnelles neurologiques. Les bobines en forme de 8 ou hélicoïdales exercent une stimulation plus focale, limitée à quelques centimètres carrés. Des bobines double cône ou H-coils ont été développées, dans le but de stimuler le tissu cérébral en profondeur (deep rTMS). En pratique clinique, la stimulation du cortex moteur primaire, se réalise au moyen de bobines hélicoïdales. Au niveau du cortex moteur primaire, la zone cible est repérée grâce à la génération d’un potentiel évoqué moteur situé généralement au niveau de la main (« hotspot » moteur). Aucun repérage électrophysiologique n’étant possible pour ce qui concerne les zones corticales autres que M1, elles sont localisées en mesurant la distance par rapport à M1. Le cortex préfrontal est généralement situé 5 à 7 cm en avant du hotspot moteur, sur une ligne parallèle au sillon interhémisphérique. Cette technique comporte toutefois des imprécisions et n’est pas reproductible de manière fiable d’une séance à l’autre. Pour améliorer la localisation correcte du site de stimulation, des systèmes de neuronavigation ont été développés. La neuronavigation permet de superposer, en temps réel, les images
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE MEDICALE Chapitre 30. LaBIBLIOGRAPHIQUE stimulation magnétique SCIENCE transcrânienne répétitive 317
radiologiques du patient (IRM) avec le site de stimulation dépendant de la position de la bobine. Lors de la rTMS du cortex moteur primaire, l’amplitude de stimulation se situe généralement entre 80 et 90 % du seuil moteur. Dans ces conditions, les stimulations sont indolores et ne génèrent aucune contraction musculaire. La rTMS du cortex préfrontal dorsolatéral est appliquée le plus souvent à des amplitudes supérieures, entre 100 et 120 % du seuil moteur. Les protocoles de stimulations incluent habituellement des séances d’induction et de maintenance. Les séances d’induction sont quotidiennes pendant 5 à 10 jours. Les séances de maintenance suivent un rythme dégressif, d’abord hebdomadaire, bimensuel puis mensuel. Un protocole complet inclut un total de 15 à 20 séances. L’amplitude de stimulation est proportionnelle au seuil moteur de chaque patient et les paramètres de stimulation (nombre de chocs, nombre de trains, durée inter-trains) sont propres à chaque site de stimulation.
Contre-indications et complications La seule contre-indication absolue à la rTMS est la présence de matériel ferromagnétique (clip cérébral, corps étranger métallique intracérébral ou intraoculaire) ou de dispositifs implantés de neurostimulation (implant cochléaire, implants de stimulation corticale motrice ou cérébrale profonde). Les pacemakers cardiaques et les stimulateurs médullaires sont acceptables si l’on tient la bobine éloignée des boîtiers de stimulation [8]. Lorsque les précautions d’utilisation sont respectées, le risque de convulsion est estimé à moins de 0,5 %. Toutefois, des antécédents d’épilepsie et de stimulation à haute fréquence, sont des facteurs défavorables.
chroniques, notamment lorsque les traitements conventionnels et pharmacologiques ont échoué ou sont mal tolérés. Toutefois, les zones corticales cibles ainsi que les paramètres optimaux de stimulation doivent être davantage précisés. Par ailleurs, des travaux complémentaires sont nécessaires, pour préciser la place de cette modalité et améliorer et documenter son efficacité. Références 1. Barker AT, Jalinous R, Freeston IL. Non-invasive magnetic stimulation of human motor cortex. Lancet 1985;1:1106–7. 2. De Andrade DC, Mhalla A, Adam F, Texeira MJ, Bouhassira D. Neuropharmacological basis of rTMSinduced analgesia: the role of endogenous opioids. Pain 2011;152:320–6. 3. Maarrawi J, Peyron R, Mertens P, Costes N, Magnin M, Sindou M, et al. Brain opioid receptor density predicts motor cortex stimulation efficacy for chronic pain. Pain 2013;154:2563–8. 4. Stagg CJ, Lin RL, Mezue M, Segerdahl A, Kong Y, Xie J, et al. Widespread modulation of cerebral perfusion induced during and after transcranial direct current stimulation applied to the left dorsolateral prefrontal cortex. J. Neuroscience 2013;33:11425–31. 5. O’Connell NE, Wand BM, Marston L, Spencer S, Desouza LH. Non-invasive brain stimulation techniques for chronic pain. Cochrane Database Syst Rev. 2014 Apr 11;(4):CD008208. 6. Lefaucheur JP, André-Obadia N, Antal A, Ayache SS, Baeken C, Benninger DH, et al. Evidencebased guidelines on the therapeutic use of repetitive transcranial magnetic stimulation (rTMS). Clin Neurophysiol. 2014 Nov;125(11):2150–206. 7. Lefaucheur J-P, Ménard-Lefaucheur I, Goujon C, Keravel Y, Nguyen J-P. Predictive value of rTMS in the identification of responders to epidural motor cortex stimulation therapy for pain. J. Pain Off. J. Am. Pain Soc. 2011;12:1102–11. 8. Lefaucheur J-P, André-Obadia N, Poulet E, Devanne H, Haffen E, Londero A, et al. French guidelines on the use of repetitive transcranial magnetic stimulation (rTMS): safety and therapeutic indications. Neurophysiol. Clin. 2011;41:221–95.
Conclusion La rTMS est une technique de neuromodulation non invasive, sûre, bien tolérée et efficace pour la prise en charge à court terme des douleurs BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE
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Chapitre 31 L’administration continue de médicaments par voie intrathécale Christophe Perruchoud, Éric Buchser C’est par un effet direct au niveau de leur site d’action que les médicaments administrés par voie intrathécale confèrent une antalgie supérieure et entraînent moins d’effets secondaires. Les effets d’1 mg de morphine injectée dans l’espace intrathécal équivalent à ceux de 10 mg administrés par voie épidurale ou de 300 mg absorbés per os. En 1898, August Bier procède à la première injection intrathécale de cocaïne chez l’homme [1]. Peu après, Rudolph Matas ajoute de la morphine à la cocaïne afin d’en diminuer les effets secondaires [2]. La rachianesthésie devient une technique courante dès les années 1940. La découverte des récepteurs spinaux aux opiacés en 1973 [3] est à l’origine de l’utilisation de pompes implantables pour l’administration de médicaments par voie intrathécale en continu. La première implantation chez l’homme date de 1981 [2]. Les premiers modèles permettent uniquement d’administrer un débit fixe ; les doses ne peuvent être adaptées qu’en modifiant la concentration du mélange contenu dans le réservoir. La première pompe programmable est introduite sur le marché en 1991 [4]. Le modèle Patient Controlled Analgesia est disponible depuis 2004. Actuellement, il existe deux types de pompes : • les pompes implantables, à débit constant ou programmable ; • les pompes externes connectées directement à un cathéter intrathécal, ou à une chambre
implantable (dispositif similaire aux Port-aCath). Les systèmes externes, moins onéreux et moins invasifs, sont généralement réservés aux tests pré-implantatoires de longue durée ou aux patients cancéreux dont l’espérance de vie est inférieure à 3 mois. Les pompes implantables à débit constant ne contiennent pas de batterie et ont, en théorie, une durée de vie illimitée. Elles contiennent un gaz sous pression (souvent du fréon), qui propulse le médicament au travers d’une valve à débit constant. Elles sont adaptées aux patients présentant des douleurs chroniques d’intensité égale, sans accès paroxystique. En effet, le système ne permet pas d’injecter des bolus ni de modifier les dosages sans changer la concentration du mélange, ce qui nécessite des ponctions fréquentes dans le réservoir et augmente les risques d’infections. Les pompes à débit constant coûtent moins cher que les pompes programmables. Les pompes Codman 3 000® (Codman and Shurtleff, Massachusetts, États-Unis), Medstream® (Codman and Shurtleff, Massachusetts, États-Unis) ou Isomed® (Medtronic Inc, Minneapolis, États-Unis) sont des systèmes à débit constant (tableau 31.1). Les pompes implantables à débit programmable, de type Synchromed II® (Medtronic Inc, Minnesota, États-Unis) ou Prometra® (Flowonix Inc, New Jersey, États-Unis) permettent l’administration d’un débit continu, variable ou par bolus. La programmation nécessite l’aide d’un dispositif
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Tableau 31.1. Pompes intrathécales. Débit constant
Réservoir
Codman 3 000
Isomed
16, 30 et 50 ml
20, 35 et 60 ml
Retirée du marché
États-Unis
Tricumed IP 2 000
20 et 40 ml
Compatibilité IRM Disponibilité
3 T
Débit programmable
Synchromed II
Allemagne et Autriche
Prometra II
Siromedes
Medallion
Réservoir
20 et 40 ml
20 ml
20 et 40 ml
20 ml
Compatibilité IRM
3 T
1,5 T
3 T
3 T
Disponibilité
Europe, États-Unis
Europe, États-Unis
Allemagne, Autriche, Italie
En attente de la certification FDA
externe. À l’heure actuelle, la majorité des pompes à débit constant ont été retirées du marché au profit des modèles programmables.
Indications Les candidats à l’implantation d’une pompe intrathécale sont des patients souffrant d’effets secondaires importants lors d’un traitement aux opiacés par voie orale, transdermique ou intraveineuse, ainsi que les patients pour lesquels de hautes doses de morphiniques n’apportent pas de soulagement suffisant. D’autres facteurs doivent être pris en considération : échec d’un traitement conservateur, absence d’indication à un traitement chirurgical curateur, compliance thérapeutique, facteurs psychologiques, considérations anatomiques et techniques pouvant interférer avec l’implantation
de la pompe (par exemple : fusion spinale, scoliose, poche de colostomie, néphrostomie ou cathéter vésical sus-pubien).
Douleurs cancéreuses Au cours des 20 dernières années, l’administration de médicaments par voie intrathécale a été admise comme alternative acceptable au traitement médical conventionnel chez les patients souffrant de douleurs cancéreuses réfractaires. Les diverses combinaisons médicamenteuses permettent un traitement personnalisé et significativement moins d’effets secondaires qu’un traitement aux opiacés per os. La voie intrathécale permet également d’administrer des anesthésiques locaux, très efficaces en présence de douleurs cancéreuses au niveau abdominal ou thoracique. Plusieurs études prospectives et/ou randomisées
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BIBLIOTHEQUEChapitre DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE 31. L’administration continue de médicaments par voieMEDICALE intrathécale 321
ont évalué l’utilisation de pompes implantables dans des situations palliatives, principalement oncologiques [5,6]. Ces études ont montré une diminution des douleurs neuropathiques et mixtes (nociceptives et neuropathiques), une réduction des effets secondaires, des besoins en antalgiques par voie systémique, et possiblement une meilleure survie [7]. Malgré un coût initial important lié essentiellement au matériel, l’administration intrathécale par pompe implantée est plus rentable qu’un traitement médical optimal après déjà 3 mois d’utilisation. Compte tenu du fait que l’espérance de vie des patients cancéreux est difficile à prédire et qu’elle pourrait être prolongée par une prise en charge efficace de la douleur, certains auteurs recommandent l’implantation d’une pompe chez les patients dont l’espérance de vie est inférieure à 3 mois et qui ne présentent pas de signe évident de mort imminente [8].
Autres types de douleurs En dehors des douleurs d’origine cancéreuse, les indications les plus courantes à une thérapie intrathécale sont les douleurs rachidiennes, principalement les lombosciatalgies persistantes après chirurgie du rachis, les fractures vertébrales, les troubles dégénératifs et les rétrécissements canalaires. Les pathologies non rachidiennes incluent le syndrome douloureux régional complexe, les neuropathies périphériques, la pancréatite chronique et les maladies rhumatismales [9]. Une évaluation psychologique peut s’avérer utile chez les patients souffrant de douleurs chroniques non cancéreuses. En effet, la dépression, l’anxiété sévère, l’addiction médicamenteuse et les troubles significatifs de la personnalité représentent un mauvais pronostic de succès [10]. Les bénéfices fonctionnels potentiels sont évalués au moyen d’un test pré-implantatoire. Pour une meilleure prédictibilité, ce test ne devrait être effectué qu’après sevrage de tout traitement aux opiacés [11]. En général, les patients sevrés évoluent plus favorablement [12].
Spasticité L’administration intrathécale de baclofène est un traitement efficace de la spasticité, notamment lors de traumatisme médullaire ou cérébral, de sclérose en plaques ou d’infirmité motrice cérébrale. Ce traitement est réservé aux patients dont la spasticité restreint les postures, le nursing ou le repos, interfère avec l’autonomie et la marche, et provoque des douleurs. La thérapie a pour objectif d’atténuer l’hypertonie, les spasmes et la douleur, ainsi que de prévenir les complications orthopédiques et cutanées.
Choix du médicament Différents types de médicaments peuvent être perfusés par voie intrathécale : les opiacés, (morphine, hydromorphone, fentanyl et sufentanil), le ziconotide (Prialt®, bloqueur des canaux calciques), le baclofène, ainsi que les adjuvants comme la bupivacaïne (anesthésique local) et la clonidine (agoniste alpha-2). Seule l’administration intrathécale de morphine, de ziconotide et de baclofène est approuvée par la FDA. Un groupe d’experts internationaux (Polyanalgesic Consensus Conference ou PACC) se réunit régulièrement pour éditer des recommandations concernant les différentes lignes de traitement (tableau 31.2), les doses et les concentrations maximales des solutions médicamenteuses (tableau 31.3).
Test pré-implantatoire Un test pré-implantatoire est hautement recommandé avant la mise en place définitive d’une pompe. Il n’existe aucune évidence quant à la supériorité d’une méthode par rapport à une autre pour prédire l’efficacité du traitement à moyen ou long terme. Les critères de succès de la phase test consistent en une diminution de la douleur d’au moins 50 % (ou jugée significative par le patient) et l’absence d’effets indésirables intolérables. Le test consiste à injecter dans l’espace intrathécal un bolus d’un ou de plusieurs
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Tableau 31.2. Algorithme de traitement (selon PACC 2017) [13]. Douleurs cancéreuses localisées d’origine nociceptive ou neuropathique Ligne 1A
Ziconotide
Morphine
Ligne 1B
Fentanyl
Morphine (ou fentanyl) + bupivacaïne
Ligne 2
Hydromorphone
Hydromorphone + Bupivacaïne
Morphine (ou hydromorphone ou fentanyl) + Clonidine
Hydromorphone ou morphine ou fentanyl) + Ziconotide
Ligne 3
Hydromorphone (ou morphine ou fentanyl) + bupivacaïne + clonidine
Ziconotide + bupivacaïne
Ziconotide + clonidine
Hydromorphone (ou morphine ou fentanyl) + bupivacaïne + ziconotide
Sufentanil
Ligne 4
Sufentanil + ziconotide
Sufentanil + bupivacaïne
Sufentanil + clonidine
Bupivacaïne + clonidine + ziconotide
Bupivacaïne + clonidine
Ligne 5
Sufentanil + bupivacaïne + clonidine
Ligne 6
Opiacés + bupivacaïne + clonidine + adjuvants*
Hydromorphone (ou morphine ou fentanyl) + bupivacaïne + ziconotide
Sufentanil
Bupivacaïne + clonidine + ziconotide
Bupivacaïne + clonidine
Baclofène
Douleurs cancéreuses diffuses d’origine nociceptive ou neuropathique Ligne 1A
Ziconotide
Morphine
Ligne 1B
Hydromorphone
Morphine (ou hydromorphone) + bupivacaïne
Ligne 2
Hydromorphone (ou morphine) + clonidine
Morphine (ou hydromorphone) + Ziconotide
Ligne 3
Hydromorphone (ou morphine ou fentanyl) + bupivacaïne + clonidine
Ziconotide + bupivacaïne
Ziconotide + clonidine
Ligne 4
Sufentanil + ziconotide
Baclofène
Sufentanil + bupivacaïne
Ligne 5
Sufentanil + bupivacaïne + clonidine
Ligne 6
Opiacés + bupivacaïne + clonidine + adjuvants*
Sufentanil + clonidine
Sufentanil + bupivacaïne + ziconotide
Sufentanil + clonidine + ziconotide
Douleurs non cancéreuses diffuses d’origine nociceptive ou neuropathique Ligne 1A
Morphine
Ziconotide
Ligne 1B
Hydromorphone
Morphine (ou hydromorphone) + bupivacaïne
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BIBLIOTHEQUEChapitre DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE 31. L’administration continue de médicaments par voieMEDICALE intrathécale 323
Ligne 2
Hydromorphone (ou morphine) + clonidine
Ligne 3
Hydromorphone (ou morphine) + bupivacaïne + clonidine
Ligne 4
Fentanyl (ou Sufentanil) + bupivacaïne + clonidine
Ligne 5
Opiacé + ziconotide + bupivacaïne (ou clonidine)
Fentanyl + Ziconotide
Fentanyl + bupivacaïne
Ziconotide + morphine (ou hydromorphone)
Sufentanil + bupivacaïne (ou clonidine)
Ziconotide + clonidine +/- bupivacaïne
Sufentanil + ziconotide
Baclofène
Douleurs non-cancéreuses localisées d’origine nociceptive ou neuropathique
*
Ligne 1A
Ziconotide
Morphine
Ligne 1B
Fentanyl
Fentanyl + bupivacaïne
Ligne 2
Fentanyl + clonidine
Hydromorphone (ou morphine) + bupivacaïne
Fentanyl + bupivacaïne + clonidine
Bupivacaïne
Ligne 3
Fentanyl + ziconotide + bupivacaïne
Morphine (ou hydromorphone) + clonidine
Ziconotide + clonidine ++/- bupivacaïne
Bupivacaïne + clonidine
Ligne 4
Sufentanil + bupivacaïne (ou clonidine)
Baclofène
Bupivacaïne + clonidine + ziconotide
Ligne 5
Sufentanil + bupivacaïne + clonidine
Sufentanil + ziconotide
Les adjuvants incluent : midazolam, kétamine, ocréotide.
médicaments à l’aide d’une aiguille de rachianesthésie. Les effets sont évalués au cours des heures suivant l’injection. Le test, peu onéreux, est facile à réaliser en ambulatoire. Il peut être répété au besoin à quelques jours d’intervalle, avec des doses ou des combinaisons différentes
de médicaments. Outre les ponctions répétées, cette technique présente l’inconvénient de ne pouvoir être réalisée qu’en position lombaire basse (en dessous de L2), ce qui rend difficile l’évaluation des syndromes douloureux de la partie supérieure du corps.
Tableau 31.3. Doses et concentrations maximales recommandées (selon PACC, 2017). Médicament
Dose maximale/jour
Concentration maximale
Morphine
15 mg
20 mg/ml
Hydromorphone
10 mg
15 mg/ml
Fentanyl
1 000 mcg
10 mg/ml
Sufentanyl
500 mcg
5 mg/ml
Bupivacaïne
15-20 mg
30 mg/ml
Clonidine
600 mcg
1 mg/ml
Ziconotide
19,2 mcg
100 mcg/ml
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être réalisée sous anesthésie générale ou sédation profonde.
Remplissage
Figure 31.1. Pompe externe CADD-micro® utilisée pour un test intrathécal avec cathéter externe.
Une autre méthode consiste à insérer un cathéter externe dans l’espace intrathécal pour administrer des bolus répétés ou une perfusion continue. Les pompes externes ne permettent toutefois pas des débits aussi bas que ceux des pompes implantées, à l’exception de la pompe CADDmicro® dont le débit continu minimal est de 20 microlitres/h (figure 31.1). Selon une publication récente, il n’existe pas de différence entre un test par bolus répétés ou un test par perfusion pour prédire l’efficacité à long terme [14]. La technique du cathéter externe permet d’effectuer des tests de longue durée et d’essayer plusieurs médicaments, en différentes combinaisons et dosages. Relativement onéreuse, elle requiert l’hospitalisation du patient et présente des risques infectieux non négligeables. Certains auteurs recommandent d’éviter cette étape chez les patients présentant des douleurs réfractaires d’origine cancéreuse.
Technique d’implantation L’implantation d’un système d’administration intrathécale (figure 31.2) comporte deux étapes distinctes. La première, généralement réalisée en anesthésie locale, consiste en la mise en place du cathéter dans l’espace intrathécal. La seconde phase inclue la tunnélisation du cathéter et l’implantation de la pompe. Cette dernière peut
Les intervalles de remplissage varient entre 1 et 6 mois. Ils dépendent essentiellement du débit de la pompe, du nombre de bolus effectués par le patient et de la stabilité des médicaments en solution. Le fabricant fournit une trousse contenant des aiguilles de ponction ainsi qu’un gabarit facilitant l’identification du port d’accès au réservoir. Le remplissage doit être réalisé dans les conditions d’asepsie les plus strictes. L’aiguille introduite dans le réservoir au travers de la cloison de silicone permet d’aspirer le contenu résiduel du réservoir. La comparaison du volume résiduel réel avec le volume prédit par la télémétrie permet d’évaluer la précision de la pompe et d’identifier d’éventuelles dysfonctions (excès ou déficit de perfusion). On injecte ensuite dans la pompe le nouveau volume du médicament ou du mélange approprié au travers du filtre antibactérien. En cas de difficulté, notamment chez les patients obèses, l’accès au réservoir peut être identifié par fluoroscopie ou ultrason (figure 31.3). Afin d’éviter les problèmes de sevrage, l’alarme de la pompe est réglée à un volume résiduel de 1 ou 2 ml. La date du prochain remplissage doit être communiquée au patient.
Complications Les complications de l’administration intrathécale sont liées à l’intervention chirurgicale, à la médication administrée, au remplissage et au matériel implanté. Les complications chirurgicales incluent les hémorragies, les infections, les séromes, les fuites persistantes de liquide céphalorachidien (LCR) et les lésions neurologiques. Le respect des règles d’asepsie et l’administration d’une antibiothérapie prophylactique limitent considérablement le nombre d’infections postopératoires. L’apparition d’une infection, surtout si elle concerne le
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BIBLIOTHEQUEChapitre DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE 31. L’administration continue de médicaments par voieMEDICALE intrathécale 325
Figure 31.2. La technique d’implantation. 1. Positionnement du patient en décubitus latéral. 2. Ponction intrathécale sous anesthésie locale avec une aiguille de Tuohy. 3. Introduction du cathéter. 4. Contrôle du positionnement du cathéter sous fluoroscopie. 5. Vérification du reflux de LCR par le cathéter. 6. Fixation du cathéter. 7. Tunnélisation du cathéter jusque dans la paroi abdominale. 8. Préparation de la pompe. 9. Connexion du cathéter à la pompe. 10. Introduction de la pompe dans la logette sous-cutanée. 11. Fermeture du tissu sous-cutané et de la peau.
cathéter ou l’espace intrathécal, requiert souvent l’ablation complète du matériel implanté. Dans les séries publiées, l’incidence des infections superficielles se situe entre 2 et 5 %. Le risque plus sérieux d’infections profondes (abcès épidural ou méningite) est inférieur à 0,5 %. La céphalée
post-ponction due à une fuite persistante de LCR affecte environ 20 % des implantations de cathéter intrathécal [15]. En présence de symptômes sévères, un blood patch peut s’avérer nécessaire, mais il existe un risque que l’aiguille de ponction endommage le cathéter.
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Figure 31.3. Repérage du réservoir sous fluoroscopie (a) et sous ultrason (b). a. Fluoroscopie. Accès au réservoir (flèche bleue) ; port accessoire ou accès au cathéter (flèche rouge). b. Ultrason. Septum de silicone et accès au réservoir (flèche bleue) ; surface de la pompe (flèches vertes) ; artéfacts de réverbération (flèches orange).
Les complications pharmacologiques sont inhérentes à la molécule administrée. Les complications sérieuses incluent les réactions anaphylactiques, la dépression ou l’arrêt respiratoire. Les effets secondaires et les manifestations de sevrage sont résumés dans le tableau 31.4. Chez les patients traités par pompe intrathécale, la mor-
talité est de 0,088 % 3 jours après l’implantation, de 0,39 % à 1 mois et de 3,89 % à 1 an. Comparés à des patients traités par neurostimulation, les patients traités par voie intrathécale ont un risque supplémentaire de décès de 7,56 % à 3 jours, de 3,64 % à 1 mois et de 2,25 % à 1 an. Cette surmortalité s’explique probablement par
Tableau 31.4. Complications et symptômes de sevrage des principaux médicaments utilisés par voie intrathécale. Médicament Opiacés (morphine, hydromorphone, fentanyl, sufentanyl)
Effets secondaires et surdosage - Nausées - Vomissements - Sédation - Prurit - Constipation - Rétention urinaire - Troubles cognitifs - Céphalées - Dépression respiratoire - Arrêt respiratoire - Hyperalgésie - Troubles endocriniens (diminution de la libido, hypogonadisme, aménorrhée, impuissance) - Obésité - granulome
Symptômes de sevrage Dans les 3 jours : - hyperalgésie - agitation, anxiété - myalgies - mydriase - frissons - larmoiement - insomnie - écoulement nasal - sudations - bâillement - trouble de l’odorat - crampes abdominales - diarrhées - nausées - vomissements - tachycardie - hypertension
Prise en charge du sevrage - Morphine 0,05 à 0,1 mg/kg IV toutes les 15 minutes jusqu’à disparition des symptômes, puis relais par morphine per os. - L’administration de clonidine (0,2 à 0,5 mcg/ kg/min) ou de dexmédétomidine (0,7 à 1,4 µg/ kg/h) réduit l’anxiété, l’agitation, la tachycardie, l’hypertension, les myalgies et les crampes abdominales
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Médicament
Effets secondaires et surdosage
Symptômes de sevrage
Clonidine
- hypotension - hypertension lors de surdosage - bradycardie - sédation
Dans les 12 heures : - hypertension paradoxale (risque d’infarctus myocardique ou cérébral, hémorragie) - nausées - insomnie - céphalées - agitation - arythmies (tachycardie ventriculaire)
Bupivacaïne
- Troubles végétatifs - Parésie, bloc moteur - Trouble sensoriel - Neurotoxicité - Faiblesse - Fatigue, somnolence - Rétention urinaire
Absence de symptômes de sevrage, à l’exception d’une recrudescence des douleurs
Ziconotide (Prialt®)
- Vertiges - Nystagmus - Nausées vomissements - Rétention urinaire - Trouble de la marche - Confusion - Psychose - Suicide - Rhabdomyolyse [16]
Absence de symptômes de sevrage, à l’exception d’une recrudescence des douleurs
Baclofène
- Nausées - Vomissements - Vertiges - Rétention urinaire - Constipation - Fatigue - Hypotonie - Paresthésies
Situation critique potentiellement létale, dans les 1 à 3 jours : - prurit (prodrome) - paresthésies - tachycardie- hypotension - labilité tensionnelle - hyperthermie - dysphorie, malaise - troubles de l’état de conscience - spasticité de rebond - dyspnée (associée à l’hypertonie musculaire) - convulsions
le nombre de complications respiratoires dues aux opiacés. L’apparition d’un granulome est généralement associée à l’administration intrathécale d’opiacés. Le granulome est une masse non infectieuse, localisée à l’extrémité du cathéter et essentiellement composée de fibroblastes et de collagène avec présence d’un infiltrat inflammatoire de macrophages et de lymphocytes. L’hypothèse la plus probable
Prise en charge du sevrage - Clonidine IV : bolus 50-150 mcg ou perfusion 100 mcg/h (pic d’action 10 min et durée 3-7 h). - Clonidine per os : 50 à 500 mcg (pic d’action 60-90 min) - Clonidine transdermique
- Administration précoce de hautes doses de baclofène oral (ou par la sonde nasogastrique) jusqu’à 120 mg/j réparties en 6 à 8 doses. - En cas d’inefficacité (fréquente) de la forme orale : restauration de la dose intrathécale habituelle (side-port, ponction lombaire) - Titration de benzodiazépines IV en continu ou en bolus jusqu’à l’obtention d’une relaxation musculaire, de la normothermie, de la stabilisation hémodynamique et de l’arrêt des convulsions dantrolène IV : effet uniquement sur la spasticité
implique la dégranulation des mastocytes, induite par les opiacés au niveau de la dure-mère. Cette dernière entraîne la libération de facteurs profibrotiques, la prolifération de fibroblastes et la sécrétion de collagène. Le granulome évolue progressivement d’une masse composée de collagène immature à une cicatrice organisée. Bien que rare (l’incidence est de 0,04 % à 1 an et de 1,16 % après 6 ans de thérapie intrathécale),
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Figure 31.4. Contrôle d’un système intrathécal par injection de produit de contraste. Opacification du cathéter (flèche bleue) ; myélogramme (flèche rouge).
les conséquences neurologiques peuvent être sévères et entraîner une compression médullaire. L’incidence du granulome est beaucoup plus fréquente avec les opiacés hydrophiles (morphine ou hydromorphone) qu’avec les opiacés lipophiles (fentanyl ou sufentanyl), surtout lors d’administration de solutions concentrées et à bas débit. Comparativement au débit continu, l’administration de bolus diminue significativement l’apparition de granulomes. Le diagnostic est essentiellement clinique : douleur différente, déficit neurologique, perte d’efficacité de la thérapie intrathécale. Il est confirmé par une IRM et l’injection de gadolinium, ou par une myélographie sous CT-scan. La majorité des granulomes régresse spontanément après l’arrêt du médicament responsable ou par le retrait du cathéter de 2 à 3 cm. L’excision chirurgicale du granulome est parfois nécessaire dans les cas de déficit neurologique moteur. Les complications survenant durant le remplissage de la pompe incluent les erreurs de médicaments (concentrations ou médications erronées), les erreurs de reprogrammation, et l’injection de médicaments hautement concentrés en dehors du réservoir, dans le tissu sous-cutané, qui peuvent provoquer une toxicité systémique et une overdose parfois létale.
Les complications techniques induisent le plus souvent une diminution abrupte du débit, suivie d’un syndrome de sevrage. Elles sont dues le plus souvent à une migration du cathéter hors de l’espace intrathécal, à une occlusion, une plicature, une fuite ou une déconnection du cathéter, ou encore à un arrêt du moteur de la pompe. Les augmentations de débit à l’origine d’overdoses sont rarement dues à des problèmes techniques, plus fréquemment à des erreurs humaines de programmation. Le taux annuel de complications techniques nécessitant une révision chirurgicale atteint 10,5 %, il s’agit dans la majorité des cas (65 %) d’un problème de cathéter [17].
Vérification du système En cas de doute, l’intégrité du système est contrôlée par l’injection de produit de contraste par le port accessoire de la pompe. Après ponction du port accessoire sous fluoroscopie, l’aspiration de LCR (2-3 ml) permet de confirmer la position de l’extrémité du cathéter dans l’espace intrathécal. Le contenu du cathéter est aspiré et le produit de contraste est injecté à la recherche d’une fuite au niveau des connexions et du cathéter (figure 31.4).
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Chapitre 32 La prise en charge chirurgicale des pathologies rachidiennes Benoît Marlier, Tanguy Vendeuvre, Charles Peltier, Alexandra Simard, Philippe Rigoard
Qui, quand et pourquoi opérer ? Le rachis constitue l’entité anatomique de transition entre l’encéphale et les membres. Il est délimité par un contenant osseux robuste, résultant de l’empilement des vertèbres interfacées par les amortisseurs « discaux ». Sa vocation est de protéger son contenu noble, fait de tissu neurologique, pour permettre à l’individu de diriger son corps dans l’espace et d’appréhender son environnement. L’adaptation à la station érigée est responsable des courbures et contre-courbures qui caractérisent son profil complexe, bien loin d’une simple « colonne ». Il revient au chirurgien du rachis de prendre en charge : • la correction chirurgicale des déformations idiopathiques ou secondaires du rachis (scolioses, cyphoses, spondylolisthésis) ; • la décompression et/ou la stabilisation des pathologies rachidiennes dégénératives (disco pathie, hernie discale, rétrécissement canalaire) ; • la prise en charge des pathologies tumorales ou traumatiques. La stratégie chirurgicale associe de manière variable des gestes de décompression et de stabilisation. Les différentes techniques chirurgicales ont considérablement évolué au fil du temps jusqu’à proposer aujourd’hui des chirurgies dites mini-invasives, permettant de décomprimer les structures neurologiques par voie endoscopique ou de stabiliser les éléments rachidiens par des
ostéosynthèses percutanées, voire des expansions vertébrales cimentées. L’indication chirurgicale « primitive » correspond à un geste invasif irréversible en réponse à une problématique biomécanique menaçante ou résistant au traitement médical. Elle conditionnera toute la suite de la prise en charge et de l’accompagnement du patient. Ce tournant dans l’histoire de la maladie d’une pathologie rachidienne ne peut s’envisager comme un simple geste technique isolé. Il doit s’inscrire dans une prise en charge globale des douleurs dans laquelle le chirurgien garde un rôle d’expert technique, ponctuel, tandis que l’algologue se définira comme le vrai partenaire, l’accompagnant du patient sur le long terme, sur un axe temporel longitudinal. Une véritable complémentarité entre les mondes « spine » et « pain » est primordiale, pour converger vers l’intérêt du malade, au cœur de cette prise en charge.
Cadre nosologique La pathologie rachidienne constitue un problème de santé publique majeur, non seulement par le nombre de consultations qu’elle nécessite, mais aussi par la complexité du suivi du patient qu’elle implique, une fois la prise en charge amorcée. On estime qu’elle touche entre 60 et 90 % des personnes au cours de leur activité professionnelle [1]. Le symptôme « douleur lombaire » correspond au motif de consultation de médecine générale le plus fréquent, après les pathologies respiratoires [2]. Derrière ce symptôme universel
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se cachent plusieurs nécessités pour le praticien de première ligne : • la réalisation d’une enquête physiopathologique extrêmement précise pour caractériser les douleurs, voire les déficits ; • l’exigence de réaliser des imageries parfois sophistiquées si le symptôme ne cède pas rapidement sous traitement initial ; • l’importance de corréler ces éléments, en mobilisant des compétences anatomiques, biomécaniques, radiologiques puis chirurgicales, pour déterminer si le substrat potentiel des douleurs justifiera, à un moment donné, un acte de chirurgie rachidienne ou pas. Dans un premier temps, l’approche médicale non invasive devra toujours être privilégiée. Il paraît utile de préciser par exemple que l’évolution spontanée des sciatalgies d’origine discale, sans traitement chirurgical, est favorable pour une proportion de patients importante, jusqu’à 92-98 % dans certaines séries, sur des périodes variant de 3 à 10 ans de suivi [3]. Ce n’est donc qu’en cas de résistance à un traitement bien conduit ou lors de situation d’urgence qu’il est légitime d’envisager une approche chirurgicale et de choisir la meilleure option. Si le bon compromis en termes d’indication et de timing chirurgical doit être trouvé, il est aussi important, a contrario, de ne pas passer à côté d’une « bonne » indication initiale de décompression, en laissant « vieillir » un conflit discoradiculaire devenant neuropathique, et pour lequel l’utilité d’une chirurgie tardive de sauvetage radiculaire apparaît illusoire. Une étude publiée récemment démontre qu’un résultat positif au questionnaire DN4 [4], dans le cadre d’une radiculalgie sur hernie discale, représente un mauvais pronostic à long terme d’un geste de décompression [5].
Options chirurgicales Dans le cadre de l’urgence, on portera l’indication chirurgicale rachidienne sur trois critères principaux : • Un déficit neurologique évolutif depuis moins de 24 h s’il est radiculaire, et moins de 8 h s’il est d’origine médullaire, dans l’idéal. • Le caractère dit « hyperalgique » d’un patient souffrant d’un conflit discoradiculaire
symptomatique, ce qui correspond généralement à une posologie de morphiniques supérieure à 30 mg x 2/j. • Un syndrome de la queue-de-cheval rapidement évolutif (le degré d’urgence restant controversé dans la littérature [6, 7]). D’une manière générale, il faut distinguer trois grands types d’indications chirurgicales : • la décompression ; • la stabilisation (appelée aussi « fusion » dans les pays anglo-saxons) ; • l’association décompression-stabilisation. Cette chirurgie peut concerner : • la pathologie dégénérative ; • la pathologie tumorale ; • la traumatologie rachidienne. In fine, l’attitude chirurgicale aboutira à un geste plus ou moins sophistiqué. Son invasivité dépendra de la notion de stabilité ou d’instabilité du rachis sous-jacent, venant se greffer sur la problématique de compression du système nerveux. Ci-dessous quelques exemples illustrent la diversité des possibilités chirurgicales qui s’offrent à l’opérateur : • Dans le cadre d’une lombo-radiculalgie L5 gauche sur conflit discoradiculaire (hernie discale paramédiane en L5-S1 s’étendant au foramen L5-S1 gauche), un geste de décompression (mini-invasif si possible) peut être proposé (figure 32.1). • Dans le cadre d’une scoliose thoracolombaire évolutive, se manifestant par des dorsolombalgies invalidantes et réfractaires au traitement orthopédique, une chirurgie de correction et de stabilisation de la déformation peut être indiquée (figure 32.2). • Dans le cadre d’un spondylolisthésis dégénératif instable ou d’une épidurite métastatique altérant significativement la stabilité d’un corps vertébral, une association décompression-stabilisation sera optimale (figure 32.3).
Plaidoyer pour une caractérisation physiopathologique de la douleur rachidienne Ce paragraphe représente une évidence pour l’algologue qui a construit sa culture sur
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE Chapitre 32. La prise enBIBLIOGRAPHIQUE charge chirurgicale des SCIENCE pathologies MEDICALE rachidiennes 335
Figure 32.1. Hernie discale L5-S1 gauche en coupe axiale et coupe sagittale.
l’investigation clinique, mais il s’agit du principal écueil en chirurgie rachidienne : prendre le temps d’examiner correctement son patient, c’est-à-dire de manière systématisée.
Généralités sur le processus de chronicisation de la douleur Comme évoqué ci-dessus, face à des douleurs rachidiennes ou lomboradiculaires invalidantes, il apparaît primordial de mener une enquête physiopathologique soigneuse afin d’identifier un trigger pouvant être à l’origine d’une partie ou de la totalité des symptômes. Il s’agit de distinguer la composante axiale lombaire de la composante radiculaire dès le début de l’analyse. Il faut en revanche toujours garder à l’esprit que la souffrance radiculaire et la souffrance axiale sur un dermatome donné correspondent toutes deux à une atteinte des branches d’innervation postérieures et antérieures d’une même racine nerveuse. Cette démarche permettra par ailleurs de différencier la radiculopathie vraie d’une douleur projetée. La première traduit une souffrance neurologique lésionnelle liée à une agression radiculaire directe, tandis que la douleur projetée ou référée correspond à la projection
dermatomale superficielle de l’innervation d’un organe ou d’une structure (par exemple l’articulation sacro-iliaque), connectée au système végétatif par des afférences viscérales et des efférences mixtes (rameaux communicants blancs et gris), empruntant l’innervation nociceptive.
Caractérisation physiopathologique de la douleur nociceptive aiguë Dans le cadre d’une douleur identifiée, qu’elle soit d’origine lombaire ou radiculaire, il est important d’un point de vue physiopathologique [8], d’identifier la composante douloureuse répondant à un excès de nociception (phase 1 de la figure 32.4). Il s’agit d’une stimulation pathologique d’un système nerveux encore intègre, lequel va réagir de manière physiologique à une agression neuronale. On se positionne à titre d’exemple dans le cadre d’une compression discoradiculaire responsable d’une radiculalgie aiguë, nociceptive. Ces informations sont médiées par les voies spinothalamiques et intégrées au niveau cortical, après avoir passé le filtre thalamique. À ce stade, la douleur est accessible aux antalgiques classiques et, dans le cadre d’un conflit
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Figure 32.2. Scoliose thoracolombaire dans le plan sagittal et axial.
Figure 32.3. Spondylolisthésis L5-S1.
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Figure 32.4. Schéma récapitulatif du processus de chronicisation de la douleur.
discoradiculaire, elle répondra à une décompression chirurgicale. La « guérison » est possible.
Caractérisation physiopathologique de la douleur inflammatoire Lors d’un processus d’inflammation chronique, un phénomène d’hyperalgésie primaire survient progressivement, impliquant, non seulement le système nerveux périphérique, mais aussi le système nerveux central (phase 2 de la figure 31.4). Il s’agit de modifications adaptatives restant encore réversibles mais si le stimulus persiste, on observera une perte progressive de cette plasticité adaptative neurale pour engendrer des modifications plus définitives. La douleur inflammatoire peut encore être contrôlée par des antalgiques antinociceptifs ou des anti-inflammatoires [4] dans sa phase initiale. On peut illustrer ce propos en évoquant l’exemple de la sacro-iliite, responsable de lombalgies inflammatoires. Progressivement, la symptomatologie continuera à évoluer de manière diurne mais aussi nocturne, devenant
de plus en plus indépendante des efforts menés par le patient. Nous nous trouvons alors dans une phase intermédiaire où il sera nécessaire de reverser la situation avant qu’elle ne se chronicise.
Caractérisation physiopathologique de la douleur chronique neuropathique Le stade ultime correspond à la phase 3 de la figure 31.4 et implique des modifications irréversibles du système nerveux périphérique et central. Il traduit un processus de chronicisation de la douleur responsable d’une altération neuronale pour laquelle tout traitement à visée étiologique, qu’il soit pharmacologique ou non, sera voué à l’échec. Nous sommes alors en présence d’une véritable lésion nerveuse, telle que B. Bennett et Xie en 1990 définissent la douleur neuropathique [9]. La composante mécanique sur le plan de l’interrogatoire et de l’examen sémiologique sera absente et tout geste de décompression infructueux. Les traitements antalgiques antinociceptifs n’auront plus lieu d’être prescrits.
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Le patient devra donc s’inscrire au niveau de son parcours de soins dans une démarche non plus à visée étiologique, mais à visée palliative ou symptomatologique. Il n’y aura plus de place pour la chirurgie rachidienne dans ce contexte, bien évidemment.
Caractérisation sémiologique de la composante neuropathique Une douleur neuropathique présente des caractéristiques sémiologiques comprenant [10,11] : • une indépendance vis-à-vis des efforts et des sollicitations mécaniques ; • un caractère nocturne ; • des caractéristiques à type de brûlure, de sensation d’étau, de décharges électriques, avec des pics paroxystiques ; • une zone d’hypoesthésie ou de modification de la perception ; • une zone d’allodynie ; • une non-réponse à des traitements antalgiques à visée antinociceptive. À l’opposé, les douleurs mécaniques sont plutôt : • impulsives à la toux ; • dépendantes des efforts et des sollicitations mécaniques ; • accentuées au cours de la journée ; • absentes pendant le sommeil ou la station de décubitus ; • absentes en position antalgique ; • accessibles aux antalgiques classiques ; • dépourvues de connotation neuropathique (brûlure, décharges électriques, fourmis, engourdissement, etc.).
Description de la lombalgie neuropathique D’une manière générale, la lombalgie affecte entre 70 et 85 % la population l’adulte au cours de sa vie [12] ; 45 à 75 % des patients expérimentent cette douleur pendant au moins 12 mois [2]. Un diagnostic précis ne peut pas être posé chez environ 85 % des patients, ce qui se traduit par un étiquetage de lombalgies
non spécifiques, complètement dépendant des compétences du praticien et de sa rigueur d’analyse [13]. Si l’on admet que la lombalgie correspond à une irradiation douloureuse sur des métamères compris entre la zone T11 et S3, et que toute douleur traduit une agression du système nerveux, on peut supposer qu’à l’origine de la lombalgie, correspond une agression des branches postérieures responsables de l’innervation métamérique de cette région, et donc des branches postérieures des racines T11 à S3 [4]. De même, si l’on admet qu’une douleur neuropathique peut être secondaire à une lésion nerveuse et que la radiculalgie peut être neuropathique, il est logique et légitime d’émettre l’hypothèse qu’une lombalgie puisse également être neuropathique, au moins partiellement, si l’on s’en réfère au processus de chronicisation de la douleur décrit ci-dessus [14,15].
Synthèse de l’analyse sémiologique Composante périphérique radiculaire C’est la première à caractériser. L’analyse n’est pas si délicate, dans la mesure où il faut rester binaire : • Soit le praticien fera face à une radiculalgie plutôt mécanique, volontiers aiguë, pour laquelle la symptomatologie sera dépourvue de connotation neuropathique. L’examen clinique mettra volontiers en évidence des signes de tension radiculaire de type Lasègue ou une impulsivité à la toux. Une imagerie devra être effectuée pour rechercher un conflit discoradiculaire ou une explication mécanique/biomécanique à la douleur présentée par le patient. Dans ce cas, on aboutira au final à une expertise chirurgicale rachidienne pour savoir s’il existe un conflit à l’origine d’un substrat pouvant être accessible à un geste à visée étiologique, dans un contexte résistant à la prise en charge ou dans le cadre d’une urgence. • Soit la douleur radiculaire sera neuropathique, avec ou sans antécédents chirurgicaux. Les arguments mécaniques au niveau sémiologique seront pauvres. Il n’y aura, par exemple, pas
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d’impulsivité à la toux ou de position antalgique. On observera une certaine indépendance de la douleur par rapport à l’effort, des réveils nocturnes et une caractérisation neuropathique, à type de brûlures, serrement dans un étau et fourmillements. Dans ce contexte, l’imagerie est plutôt effectuée pour exclure une compression résiduelle. Une image de fibrose postopératoire ou d’inflammation périnerveuse ira plutôt dans le sens d’une abstention chirurgicale. Composante axiale et lombaire Comme évoquée précédemment, l’identification des structures potentiellement génératrices de douleurs est beaucoup plus complexe. La douleur sera le plus souvent mixte avec une composante mécanique et neuropathique qui peuvent s’intriquer si les symptômes persistent au-delà de 6 mois. L’expertise de chirurgie rachidienne sera décisive car elle devra passer scrupuleusement en revue : • la composante musculaire ; • la composante discogénique ; • une potentielle instabilité ; • l’équilibre frontal et sagittal du patient ; • la composante articulaire postérieure ; • l’analyse biomécanique post-chirurgicale si le patient a déjà été opéré [16]. Des explorations radiologiques compléteront la clinique et préciseront si une indication chirurgicale comporte suffisamment de garanties pour soulager, au moins partiellement, le patient. L’indication opératoire reposera au final : • sur la dichotomie d’analyse sémiologique : – dos/membres inférieurs, – mécanique/neuropathique ; • la confrontation de l’examen clinique aux explorations complémentaires.
Bilan radiologique préopératoire L’imagerie représente une des clés de l’analyse morphologique lésionnelle. Elle permet d’établir des corrélations et d’identifier des cibles
potentielles accessibles à un traitement, voire une chirurgie. Le bilan doit être systématique. Analyse des disques Le score de Pfirrmann est utilisé pour caractériser l’état d’hydratation et la hauteur discale [17]. Il permet de grader sur l’IRM la dégénérescence du disque sur les séquences sagittales en pondération T2 et STIR. Le grade 1 correspond à un disque sain et le grade 5 correspond à un collapsus discal. La classification Modic permet une analyse des plateaux vertébraux et de classifier leur état inflammatoire, accompagnant souvent la dégénérescence discale. Décrite en trois stades, cette classification révèle des anomalies fréquentes et plusieurs études récentes tendent à prouver qu’elles sont associées à une origine discogénique de la lombalgie, en particulier en cas de stade Modic 1. Ce score semble être l’un des outils les plus pertinents pour identifier une zone génératrice de douleur [18] avec une forte valeur prédictive liée au changement de signal IRM du corps vertébral [19]. L’hypothèse physiopathologique supportant la théorie du Modic est confortée par la recrudescence histologique des terminaisons nociceptives retrouvées au niveau des plateaux altérés dans certaines études, en comparaison avec des disques sains [20]. Une analyse IRM du disque intervertébral permettra aussi [18] : • de détecter une éventuelle tumeur ; • de documenter d’éventuels signes de compressions et de conflit discoradiculaire. Analyse de la stabilité rachidienne Seuls les clichés dynamiques du rachis en flexion, extension et inclinaison latérale permettront de documenter une atteinte de la stabilité discoligamentaire de manière formelle. L’IRM est également précieuse en cas de suspicion d’instabilité post-traumatique pour l’analyse morphologique des structures ligamentaires, mais elle n’est pas un examen d’imagerie dynamique.
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Analyse de l’équilibre La radiographie du rachis ne constitue qu’un élément du bilan initial, et tend à être remplacée par l’EOS, qui permet une analyse plus fine de la statique et de l’équilibre sagittal. L’imagerie EOS est actuellement en plein essor et de plus en plus disponible dans de nombreux centres [21]. Elle permet d’avoir une vision globale du rachis (imagerie pan-rachidienne), et d’en évaluer les différentes courbures. Ce type d’imagerie a tendance à devenir un examen de référence afin d’établir un bilan de surveillance et de diagnostic des déformations telles que les scolioses, mais également de planifier la chirurgie. Ces imageries permettent d’effectuer une analyse fine du rachis de face et de profil, en entier, dans sa composante statique avec une irradiation moindre qu’une radiographie standard [22]. Le scanner donne également de bons renseignements radiologiques, en permettant des reconstructions dans les trois axes avant une chirurgie. L’IRM permet elle aussi une analyse de la déformation rachidienne et plus particulièrement des tissus mous. D’autres examens (myéloscanner et myéloIRM) restent possibles, mais de moins en moins utilisés du fait de l’amélioration progressive de la définition et de la sensibilité de l’imagerie. Des infiltrations scano- ou radioguidées permettent une reproduction de la douleur, et/ou d’effectuer un test thérapeutique avec l’injection de produits anesthésiants ou anti-inflammatoires.
Chirurgie rachidienne : quand décomprimer ? Quand stabiliser ? La chirurgie rachidienne consiste en un équilibre subtil entre lever la décompression radiculaire et/ou canalaire, tout en préservant une bonne stabilité rachidienne. Les quatre questions fondamentales sont les suivantes : • Faut-il réaliser une décompression ? • Quelles racines ou niveau faut-il décomprimer ?
• Faut-il compléter la décompression par une stabilisation ? • Quel type de stabilisation choisir, le cas échéant ?
Quand décomprimer ? Il faut décomprimer lorsqu’il y a conflit et donc sténose. Celle-ci peut être centrale ou foraminale. Elle caractérise soit un conflit discoradiculaire, soit un conflit médullaire. Pour le préciser, il est nécessaire de déterminer son étiologie, son mécanisme, sa localisation, l’étendue de la sténose (nombre d’étages vertébraux) et le caractère statique ou dynamique du rachis. La compression canalaire peut être antérieure (bourrelet discal, barre disco-ostéophytique, lésion tumorale) ou postérieure (hypertrophie arthrosique articulaire et dégénérative ligamentaire, kystes articulaires, lésion tumorale). Au niveau du foramen, le rétrécissement peut être secondaire à une pathologie ou conflit discoou arthroradiculaire (hernie discale foraminale ou sténose arthrosique). La clinique permet d’orienter les hypothèses de localisation du processus compressif. Une cruralgie traduit souvent un conflit foraminal en L3-L4 ou L4-L5. Une sciatalgie L5 traduit souvent un conflit foraminal en L5-S1 ou paramédian au niveau sus-jacent, à l’émergence de la racine, soit ici en L4-L5. Une sciatalgie S1 traduit souvent un conflit L5-S1 paramédian, à l’émergence du nerf. Ces types de sténoses sont particulièrement bien étudiés en IRM (tissus mous) ou en tomodensitométrie (os) [23]. À ce jour, il existe plusieurs études de niveau de preuve scientifique suffisant pour recommander une chirurgie rachidienne de décompression en cas de sténose lombaire symptomatique, par exemple face à une claudication neurogène avec sténose canalaire bien établie en imagerie [24]. D’un point de vue pratique, il s’agit d’aborder le rachis lombaire le plus souvent par voie postérieure, après repérage soigneux des étages concernés, grâce à un amplificateur de brillance en pré- et peropératoire. Puis l’on expose la totalité de l’arc postérieur des vertèbres concernées (par un abord inter-myo-lamaire) [25] : processus
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épineux, lames et bords internes des isthmes reliant les processus articulaires. La décompression correspond le plus souvent à un geste de laminectomie. L’abord du canal vertébral se fait d’abord par ouverture du ligament jaune puis par l’exérèse bilatérale des lames, à la pince de Kerrison le plus souvent. La compression est ainsi levée sur la dure-mère en libérant l’espace épidural qui ne comporte plus de graisse épidurale à cet endroit. Il faut ensuite libérer plus latéralement, au plus près des articulaires, sans toutefois compromettre la stabilité si un geste de stabilisation complémentaire n’est pas envisagé. La décompression peut s’étendre au foramen, de manière oblique, en réalisant une foraminotomie associée, afin de parfaire la libération radiculaire. Tout comme pour la cure de hernie discale, il existe également des techniques dites miniinvasives, parfois avec abord endoscopique, réalisées à l’identique. Si la compression est franchement latéralisée, il peut être décidé d’opérer par un abord unilatéral ou par un abord interépineux. La morbidité opératoire reste faible, avec 70 à 90 % de bons résultats sur ce type d’interventions [26]. À l’identique de la chirurgie de la hernie discale, la chirurgie de la sténose canalaire apporte un bénéfice plus important sur les signes radiculaires que sur les lombalgies, ce dont le patient doit être clairement informé en préopératoire.
Quand stabiliser ? Quelle que soit la lésion incriminée, il faut toujours veiller à ne pas engendrer d’instabilité iatrogène. Le rachis doit répondre aux trois fonctions de base que sont la statique, le dynamisme et la protection des éléments nerveux. La fixation chirurgicale des vertèbres permet de corriger l’altération d’une de ces fonctions au niveau du segment pathologique. Les éléments de choix stratégiques incluent : • L’instabilité préopératoire : la littérature tend à montrer que l’adjonction d’une stabilisation améliore les résultats fonctionnels constatés [27], ce qui souligne l’importance des bilans
d’imagerie préopératoire (voir précédemment). Cependant, il convient de se méfier, car toute mobilité pathologique n’est pas forcément symptomatique ou visible sur des éléments d’imagerie statique. • Une arthrectomie totale uni- ou bilatérale engendre une déstabilisation du segment, et doit être complétée par une stabilisation [28]. • L’orientation des processus articulaires (facettes), lorsqu’ils sont très sagittalisés, expose au risque de déstabilisation comme le décrivent Sato et al [29]. • La prise en compte de l’équilibre sagittal et frontal du rachis : un déséquilibre principalement de l’axe antéropostérieur est un argument supplémentaire pour stabiliser. Il existe de nombreux exemples d’instabilité tel que le spondylolisthésis, qui peut être cliniquement asymptomatique et ne requiert alors aucune correction chirurgicale [30]. À l’inverse, un spondylolisthésis symptomatique pourra nécessiter une chirurgie. Il faut donc ne pas omettre l’analyse des facettes articulaires et de leur sagittalisation [29], mais aussi l’évaluation et la mesure de l’équilibre frontal et sagittal du rachis entier, afin de pouvoir décider de la procédure chirurgicale la plus adaptée.
Comment fixer ? L’arthrodèse lombaire a pour objectif de fixer définitivement une ou plusieurs des articulations intervertébrales. La voie postérieure est plus souvent utilisée que la voie antérieure [25], puisqu’elle permet d’intervenir sur le canal rachidien et de lever une éventuelle compression associée (figure 32.5). Comparées aux chirurgies de canal lombaire étroit et de cure de hernie discale, les indications de chirurgie d’arthrodèse lombaire sont plus variées et controversées [30]. Toutes les techniques chirurgicales ont leurs avantages et leurs inconvénients, avec toujours pour principe d’obtenir une fusion osseuse des vertèbres au moyen de vis implantées dans les corps vertébraux et reliées par des tiges ou plaques de différents matériaux.
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Figure 32.5. Ostéosynthèse thoraco-lombo-sacrée sur fracture L4 initialement traitée par un montage court, puis compliquée d’une pseudarthrose (vertèbre non vissée), nécessitant une extension longitudinale du montage, un geste de décompression postérieure et un geste de stabilisation latérale au niveau des disques adjacents.
Le but de la chirurgie est de stabiliser de manière primaire (ostéosynthèse) afin d’obtenir une fusion secondaire (arthrodèse). Le choix de la technique utilisée est affaire d’équipe chirurgicale. L’arthrodèse par voie postérieure consiste à implanter des vis pédiculaires le plus souvent bilatérales, lesquelles seront reliées par des tiges longitudinales. Des dispositifs transverses permettent de sécuriser le montage en augmentant considérablement leur rigidité et en évitant l’effet de cisaillement/balayage des tiges observé dans les montages qui en sont dépourvus. Le point d’entrée des visées pédiculaires peut être postérolatéral, entre le processus articulaire et le processus transverse (voie transpédiculaire), ou directement au niveau de l’articulaire postérieure (trans-lamino-facétaire). La fusion osseuse est donc assurée par la mise en place d’un greffon osseux au contact du matériel d’ostéosynthèse et l’avivement des éléments osseux adjacents (lames, processus transverses et articulaires). Une greffe osseuse autologue (os du patient) ou l’utilisation d’os de banque est souvent nécessaire à la fusion. L’utilisation de médicaments agissant sur la structure osseuse et sur la minéralisation, en favorisant la fusion, n’est actuellement pas recommandée.
Figure 32.6. Schémas des différentes approches chirurgicales d’arthrodèses intersomatiques en coupe axiale.
Certaines techniques requièrent la mise en place de matériel de fusion dans l’espace intervertébral antérieur (système de « cages »), entre les plateaux vertébraux. Ces cages sont des systèmes creux introduits dans l’espace intervertébral, ensuite remplis d’os spongieux, après discectomie et avivement des plateaux vertébraux. Une arthrodèse intersomatique peut être réalisée selon plusieurs approches (figure 32.6) : • par voie postérieure ou Posterior Lumbar Interbody Fusion (PLIF) [31] ; • par voie transversaire ou Transverse Lumbar Interbody Fusion (TLIF) [32] ; • par voie antérieure ou Anterior Lumbar Interbody Fusion (ALIF) [33] ; • par voie latérale ou eXtreme Lateral Interbody Fusion (XLIF) [34].
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Posterior Lumbar Interbody Fusion (PLIF)
Transforaminal Lumbar Interbody Fusion (TLIF)
Dans la technique PLIF, l’accès chirurgical au disque intervertébral s’obtient à partir d’un abord strictement postérieur [31]. Le patient est installé en décubitus ventral sur la table d’opération. On peut utiliser une approche de ligne médiane ouverte avec une dissection bilatérale intramusculaire par discision musculaire ou voie de Wiltse pour accéder à l’arc postérieur du corps vertébral [25]. Une fois que le processus épineux et les lames sont identifiés (L1-S1), une laminectomie peut être réalisée jusqu’aux facettes articulaires. La dure-mère doit être réclinée pour exposer le disque. Les surfaces articulaires peuvent alors être préparées pour permettre l’insertion d’implants/ cages ou de greffons. L’approche postérieure peut convenir aux rachis dégénératifs nécessitant une procédure de fusion. Une instabilité segmentaire (en cas de spondylolisthésis, par exemple), une hernie discale récurrente, une sténose rachidienne symptomatique (canal lombaire étroit, par exemple), ainsi qu’une pseudarthrose peuvent bénéficier d’une procédure par PLIF. Il existe plusieurs avantages associés à la chirurgie PLIF : • C’est une approche lombaire traditionnelle à laquelle la majorité des chirurgiens de la colonne vertébrale sont formés. • Une exposition postérieure du fourreau dural permet une excellente visualisation des racines nerveuses sans compromettre l’apport sanguin au greffon. • Elle permet une restauration adéquate de la hauteur intercorporéale [35], permettant une décompression neurale tout en maintenant des structures de soutien postérieures. • Elle permet également une fusion potentielle à 360 degrés par une seule incision. Il existe néanmoins des inconvénients que le chirurgien doit prendre en condition : lésions iatrogènes paraspinales associées à une rétraction musculaire prolongée, difficultés à corriger le déséquilibre sagittal et restaurer la lordose, ainsi que les lésions nerveuses lors du passage de la cage (7,8 % PLIF vs 2 % TLIF) et les brèches durales (17 % PLIF vs 9 % TLIF) [36].
L’approche TLIF a pour avantage principal un accès direct et unilatéral à l’espace intervertébral foraminal tout en réduisant la dissection directe et le traumatisme chirurgical des muscles rachidiens [32]. Il est possible de réaliser une arthrodèse antérieure en n’ouvrant le canal rachidien que d’un seul côté, afin de limiter le risque de dommages des racines nerveuses. Comme d’autres procédures de fusion, le TLIF peut être effectué par une procédure ouverte ou bien une procédure dite MIS (« miniopen »). Une incision mini-invasive paramédiane est alors utilisée, permettant un accès privilégié à l’espace discal adapté, entre les niveaux L1 et S1. L’accès au canal rachidien est possible par une laminectomie unilatérale et une facetectomie inférieure, pour faciliter le placement du greffon osseux. Les indications d’une approche TLIF incluent toutes les pathologies dégénératives, y compris les prolapsus de disque à large base, la maladie discale dégénérative évoluée, la hernie discale récurrente, la pseudarthrose et la spondylose symptomatique. Les avantages de l’approche TLIF : • L’accès aux structures postérieures, y compris au ligament jaune et aux surfaces articulaires, est relativement plus facile. • Comparée à une technique PLIF traditionnelle, elle préserve les structures ligamentaires qui sont essentielles pour restaurer la stabilité biomécanique du segment et des structures adjacentes. • L’abord mini-invasif peut réduire davantage les blessures musculaires associées à l’approche, minimiser les saignements et ainsi améliorer la récupération postopératoire. L’inconvénient est que le TLIF, comme le PLIF, est associé à une lésion musculaire iatrogène paraspinale avec une rétraction musculaire prolongée. Des études ont montré une moins bonne réduction du déséquilibre sagittal et une moins bonne restauration de la lordose par rapport aux approches antérieures, avec néanmoins moins de complications vasculaires.
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Mini Transforaminal Lumbar Interbody Fusion (miTLIF) Il s’agit de réaliser le même abord que le TLIF, toujours par une voie transmusculaire, mais d’y associer cette fois une instrumentation controlatérale par voie percutanée. Cette technique présente les mêmes bénéfices que le TLIF en termes de fusion mais des saignements peropératoires moindres et une récupération plus rapide.
Extraforaminal Lumbar Interbody Fusion (ELIF) Il s’agit d’une voie encore plus latérale que le miTLIF, et réalisée par voie intermusculaire entre les muscles longissimus et multifidus [37]. Elle permet des résultats comparables en termes de fusion, mais avec encore moins de délabrement musculaire que les voies mini-invasives classiques.
Figure 32.7. Fusion intersomatique latérale XLIF L2-L3 gauche sus-jacente à une arthrodèse par voie postérieure L3-L4-L5.
Oblique Lumbar Interbody Fusion (OLIF)
eXtreme Lateral Interbody Fusion (XLIF) ou Lumbar Lateral Interbody Fusion (LLIF)
L’approche a été décrite la première fois en 1977 et implique un abord entre le péritoine et le muscle psoas. La technique est utile si la chirurgie ne nécessite pas de fixation ou de libération postérieure. Elle a comme avantage qu’elle ne dissèque ni ne traverse le muscle psoas. L’installation en décubitus latéral droit ou gauche, selon les préférences du chirurgien, en facilite l’accès. Une incision latérale et paramédiane est effectuée en fonction de la position et de l’angulation du disque lors du repérage scopique après installation du patient. L’enregistrement électrophysiologique n’est pas nécessaire car aucun muscle ni nerf n’est rencontré. La technique OLIF convient aux niveaux L1-S1. Les indications comprennent tout le rachis dégénératif et en particulier la prise en charge de déformation dans le plan sagittal et coronal et en particulier la scoliose dégénérative lombaire avec latérolisthésis. Les complications principales sont : l’infection (4,4 %) l’iléus réflexe (2,9 %) et les plaies vasculaires (2,9 %).
Il s’agit d’une technique de fusion intersomatique latérale extrême décrite par Ozgur et al. en 2006 [34]. L’accès à l’espace discal est possible par un couloir rétropéritonéal trans-psoatique (figure 32.7). L’approche LLIF est adaptée pour des conditions qui nécessitent un accès à l’espace entre les disques entre T12 et L5. Cette technique n’est pas adaptée au niveau L5-S1, en raison de l’emplacement de la crête iliaque qui obstrue l’accès latéral. De plus, en regard des derniers niveaux lombaires, le plexus lombaire se dirige plus vers l’avant et les vaisseaux iliaques se déplacent plus latéralement, ce qui augmente le risque de blessure par une approche latérale. Le patient est positionné latéralement, à gauche ou à droite, selon la préférence du chirurgien et la facilité d’accès. Une petite incision latérale est réalisée en fonction de la position et de l’angulation du disque lors du repérage par amplificateur de brillance lorsque le patient est installé. Le neuromonitoring est essentiel pour l’accès à l’espace
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discal au travers du psoas, afin de ne pas léser des rameaux nerveux.
Anterior Lumbar Interbody Fusion (ALIF) Initialement développée par Capener en 1932 pour traiter un spondylolisthésis par voie antérieure, puis par Burns en 1933, cette technique fut progressivement délaissée au profit des approches postérieures pour leur plus faible taux de complications opératoires et de morbidité. Elle constitue pourtant une approche très intéressante, notamment en L5-S1.
Les principales indications de l’ALIF sont les douleurs discogéniques ainsi que les lombalgies postopératoires en rapport avec une hernie discale sans radiculalgie. L’un des avantages de la technique est l’absence de lésion ou de rétraction musculaire ainsi que la limitation des saignements peropératoires, un accès complet et symétrique au disque et une préparation sans équivalent des plateaux vertébraux. Si les étages sont fusionnés à l’aide d’une « cage » avec greffe osseuse, on parle alors bien d’arthrodèse, mais à l’inverse, la mise en place d’une prothèse, assurant un certain degré de mobilité rachidienne, peut être indiquée en cas de lombalgies isolées sans radiculalgies (figure 32.8).
Figure 32.8. Arthrodèse lombaire antérieure L5-S1 avec mise en place d’une cage intervertébrale de type ALIF, avec double ancrage.
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Les étages opérés sont le plus souvent les étages inférieurs L5-S1 et/ou L4-L5, du fait de l’impossibilité d’accéder à la partie antérieure du disque intervertébral aux étages supérieurs, gêné par les axes vasculaires aortocaves et leurs bifurcations iliaques. Un bilan d’imagerie vasculaire (angioscanner ou angio-IRM) est indispensable afin de déterminer la hauteur de la bifurcation des axes aortiques et cave pour planifier l’intervention et choisir la meilleure approche. Par opposition à l’arthrodèse lombaire postérieure, la fusion osseuse ne peut s’envisager qu’en avant sur le disque intervertébral, sans possibilité de geste sur les processus articulaires postérieurs. On accède à la partie antérieure du rachis lombaire par une incision à la partie basse de l’abdomen (semblable à celle de la césarienne de Pfannenstiel), menant à l’espace rétropéritonéal. Après incision, les muscles droits de l’abdomen sont réclinés pour permettre de mobiliser le péritoine avec ses viscères sans l’ouvrir, et ainsi accéder à l’espace rétropéritonéal. Les complications spécifiques à cette chirurgie sont essentiellement dues à la voie d’abord et comprennent principalement les lésions vasculonerveuses et du tractus urogénital. On pourra mentionner : • Les éléments nerveux, tels que le nerf génitofémoral sur la face antérieure du psoas, et le plexus hypogastrique accolé au péritoine en avant du rachis lombaire, le plus souvent en L5-S1, encadré par les chaînes sympathiques latérovertébrales. • Les éléments vasculaires, tels que la veine iliaque gauche commune, la veine cave inférieure et la veine iliolombaire [38], et parfois l’artère sacrée moyenne qui est inconstante. • Les éléments urologiques avec les uretères s’abouchant à la vessie, ainsi que le péritoine lui-même en rapport avec des ganglions lymphatiques. • L’éjaculation rétrograde par lésion du plexus hypogastrique chez l’homme et la sécheresse vaginale chez la femme [39]. Suite à la bonne exposition chirurgicale de l’espace intervertébral, aidé d’un repérage scopique par amplificateur de brillance, on réalise une discectomie pour extraire le disque et aviver les plateaux vertébraux en vue de la mise en place
du matériel [35]. À ce stade de la procédure, la taille de l’implant est choisie en fonction de l’espace aménagé, qu’il s’agisse d’une cage de fusion osseuse (arthrodèse) ou d’une prothèse discale (arthroplastie). Pour résumer, le geste d’arthrodèse intersomatique permet de : • reconstituer une hauteur de l’espace intersomatique équivalente à celle du disque [35] ; • créer une fusion antérieure grâce à une greffe osseuse concomitante ; • réouvrir les foramens latéraux intervertébraux et ainsi réaliser une décompression radiculaire indirecte. L’association d’une stabilisation intersomatique à une instrumentation postérieure définit une arthrodèse circonférentielle [40], permettant aux trois systèmes articulaires de fusionner. Ces chirurgies présentent une faible morbidité dans la plupart des séries publiées [41]. Les principales complications peropératoires sont : • La brèche de dure-mère, pouvant être à l’origine d’un méningocèle, d’une fistule cutanée, voire d’une méningite postopératoire. Cette complication peut conduire à une ou plusieurs réintervention(s). • Les lésions du système nerveux, allant de l’embrochage radiculaire à la contusion médullaire. Les complications chirurgicales postopératoires sont de différents ordres : • L’hématome (cutané, sous-cutané, sous-aponévrotique ou intracanalaire) : complication souvent précoce, qui se situe souvent sur la voie d’abord, et peut provoquer des douleurs ou l’apparition d’un déficit neurologique. Elle impose parfois une reprise chirurgicale en urgence sans attendre d’imagerie. • Une infection peut également survenir en général plus à distance de la chirurgie (du 8e au 15e jour). Elle peut nécessiter une reprise chirurgicale au cours de laquelle sont réalisés de nombreux prélèvements. Une antibiothérapie de 6 à 8 semaines est actuellement recommandée en cas d’infection profonde [42]. En présence de matériel, et en cas d’échec après un premier lavage, il est conseillé d’en pratiquer
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l’ablation et/ou son remplacement dans le même temps opératoire. Le germe en cause peut modifier cette stratégie (slime caractéristique des staphylocoques rendant l’issue beaucoup plus péjorative, en l’absence d’ablation, si l’infection est au contact de matériel). • les complications thromboemboliques ; • la pseudarthrose ; • la défaillance du matériel liée aux contraintes ; • les lésions des organes adjacents, en cas de malposition de vis ou d’abord par voie antérieure. Pour conclure, les méta-analyses et les revues systématiques de la littérature ne montrent pas d’avantage significatif de l’ALIF par rapport au TLIF en termes de taux de fusion, mais une augmentation des plaies vasculaires (2,6 % versus 0 %), une diminution a contrario des brèches durales (0,4 % vs 3,8 %) et des taux d’infection comparables [43].
notamment dans la chirurgie du spondylolisthésis. Enfin, la chirurgie rachidienne robotisée connaît un engouement récent, avec près de 10 ans de retard sur d’autres spécialités.
Chirurgie de la déformation Les déformations du rachis ne doivent, à l’heure actuelle, plus être traitées comme des lésions isolées d’un étage ou d’une vertèbre. Il faut pouvoir les intégrer dans un concept d’équilibre général, de face comme de profil, en prenant en compte la position du sacrum et du pelvis par rapport au rachis (paramètres spinopelviens). Ce sont des valeurs et des concepts fondamentaux dans l’évaluation de la statique et dynamique rachidienne.
L’équilibre rachidien
Techniques mini-invasives Apparue dans les années 1990, la chirurgie miniinvasive s’est développée sous l’essor de la chirurgie microscopique, de la chirurgie vidéoassistée, puis de la chirurgie endoscopique. Les techniques percutanées ont été initialement indiquées pour la prise en charge des fractures thoracolombaires, ainsi que pour celle des hernies discales par voie endoscopique. Les abords classiques ont été transformés en « mini-abords », dans le but de permettre une récupération plus rapide. Des abords transmusculaires (voie de Wiltse) ont été développés en utilisant des tubes fermés souples puis rigides, et ensuite des tubes distractables puis expansibles permettant une nette amélioration de l’éclairage in situ (par des systèmes de lumière froide et l’utilisation de microscopes). Les indications ont ensuite été étendues à des gestes de décompression-fixation. Ces techniques sont censées être moins traumatisantes sur le plan musculaire et limiter les pertes sanguines ainsi que la durée opératoire. Elles auraient aussi comme avantage une diminution de la durée d’hospitalisation, un taux moindre d’infection, ainsi qu’une réduction des douleurs postopératoires. Cela reste toutefois à démontrer,
Depuis de nombreuses années, le développement de l’imagerie et d’applications dédiées permet l’analyse de différents angles et orientations pour chaque patient, afin de rétablir un équilibre adapté à ses courbures propres [44]. Dans le plan sagittal, on retrouve : • L’incidence pelvienne qui est un angle morphologique formé par le bassin et son orientation, avec l’angle formé par une première droite reliant le centre des têtes de fémur et le milieu du plateau sacré de S1 et une seconde droite perpendiculaire au plateau de S1 : cet angle est de 51,4° en moyenne dans une population d’adultes jeunes et sains [45]. À une forte incidence sont souvent corrélées une forte lordose lombaire et une cyphose thoracique [45,46]. • L’angle de version pelvienne est un angle formé par la verticale des têtes fémorales et une droite reliant le centre des têtes fémorales et le milieu du plateau sacré. Cet angle est de 12° en moyenne. Il va augmenter si le bassin se rétroverse, c’est-à-dire si le sacrum se verticalise, donc avec une pente sacrée diminuée : il s’agit d’un angle positionnel. On calcule ainsi avec la rétroversion du bassin et l’obliquité des fémurs l’index full balance integrated (FBI)
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permettant d’évaluer de manière globale la correction à réaliser et la méthode opératoire la plus adaptée [47]. • Le troisième angle, lui aussi positionnel, correspond à l’angle de gîte sagittale en T9 (vertèbre considérée comme le centre de gravité du corps). Cet angle se mesure entre la verticale abaissée sur les têtes fémorales et la droite reliant les têtes fémorales et le milieu du corps de T9 ; il est assez constant, à 11° en moyenne. L’imagerie complète du rachis, permise par le système EOS [42] (figure 32.9), permet de calculer rapidement et précisément dans le plan frontal l’angle de Cobb pour chiffrer l’amplitude de la déformation : il s’agit de la mesure de l’angle formé par les deux lignes tangentielles aux plateaux des deux vertèbres limites, les plus inclinées sur l’horizontale (plateau inférieur de la vertèbre la plus caudale de la déformation et le plateau supérieur de la vertèbre la plus craniale). En préopératoire, ce type de système permet de connaître la cyphose globale entre T4 et T12 et la cyphose locale des différents étages. Il convient d’analyser cet équilibre rachidien, afin de choisir les zones nécessitant une fusion ou une libération par ostéotomie (figure 32.10).
Une grande diversité des pratiques chirurgicales L’arthrodèse par voie postérieure est le plus souvent pratiquée en cas de déformation. Lorsque celle-ci est considérée comme souple sur les clichés radiographiques préopératoires et sur la table d’intervention (table spéciale de mise en extension du rachis), une correction par instrumentation postérieure est plus généralement proposée. À l’opposé, les cyphoses peu évoluées et très peu réductibles sont une bonne indication à une chirurgie par voie antérieure ou latérale. Cette stratégie est généralement appliquée à l’adulte jeune en fin de croissance. Lorsque la cyphose engendre un déséquilibre douloureux, une arthrodèse avec ostéotomie postérieure (OTP) peut être proposée pour redonner
de la lordose au rachis. L’ostéotomie créant focalement un « vide » corporéal antérieur, il est nécessaire de le combler par une greffe osseuse ou une cage [48], afin de maintenir la correction et de limiter le risque de pseudarthrose. On distingue les déformations à type de scolioses primaires, fréquemment diagnostiquées à l’adolescence durant la croissance et les scolioses secondaires qui sont, elles, pathologiques et apparaissent avec l’âge, favorisées par l’ostéoporose. Il est également à noter que la déformation iatrogène consécutive à une chirurgie d’arthrodèse vertébrale conduit à la création d’une entité particulière : le syndrome du segment adjacent ou adjacent level syndrom [49]. L’arthrodèse lombaire peut supprimer une partie de la souplesse du rachis et entraîner des contraintes mécaniques supplémentaires aux étages adjacents (figure 32.11). Le traitement chirurgical des déformations doit donc être adapté à l’étiologie et au type de déformation avec une analyse fine des paramètres préopératoires, notamment l’équilibre du rachis, grâce à l’imagerie dédiée.
Facteurs prédictifs psychosociaux et environnementaux de succès Les pathologies rachidiennes sont donc devenues un problème de santé publique majeur et l’on estime que 80 % de la population en souffre ou en souffrira au cours de son existence [12]. De nombreuses études se sont attachées à évaluer les coûts et le retentissement des douleurs rachidiennes et en particulier des lombalgies. Dans un contexte de douleur chronique, il a été établi que les facteurs psychosociaux peuvent être prédicteurs de mauvais pronostic dans les suites d’un traitement chirurgical même bien conduit [50]. Il faut donc s’obstiner à identifier les facteurs de risque de survenue de la pathologie, d’une rechute ou d’une récidive. L’installation d’une chronicisation des signes lombaires impose un coût important au système de soins (voir chapitre 1).
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Figure 32.9. Mesure des paramètres angulaires rachidiens.
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Figure 32.10. Correction chirurgicale d’un trouble de l’équilibre sagittal après extension d’une arthrodèse thoracolombosacrée avec ostéotomie transpédiculaire (OTP).
Facteurs de risques et facteurs prédictifs de survenue et de chronicité des douleurs rachidiennes postopératoires L’un des premiers éléments étudiés au niveau des facteurs de risque d’échec du traitement chirurgical du rachis est sans conteste l’aspect psychologique. Le principal facteur retrouvé dans les études est le stress global mais surtout au travail, comme dans de nombreuses pathologies chroniques [51]. Parmi ces critères psychologiques, plusieurs composantes peuvent être explorées : la dépression, l’anxiété, la personnalité, l’estime de soi, le coping (stratégie d’adaptation développées par le patient face à la douleur). Le chirurgien doit en avoir pleine conscience car par exemple, la dépression et l’anxiété qui sont des stratégies d’adaptation inappropriées deviennent des variables préchirurgicales associées à des résultats négatifs [50,52].
Pour cela, plusieurs tests abrégés sont utilisés, tels qu’un questionnaire de qualité du sommeil, l’échelle HAD (Hospital Anxiety and Depression Scale) qui peut se révéler adapté aux lombalgiques [53], l’inventaire de dépression de Beck (Beck Depression Inventory ou BDI), l’inventaire d’anxiété état-trait (State-Trait Anxiety Inventory ou STAI), l’inventaire d’anxiété de Beck (Beck Anxiety Inventory ou BAI), l’échelle de pensée catastrophique (Pain Catastrophizing Score ou PCS) et l’échelle d’évaluation des stratégies d’adaptation (Pain Coping Strategies Questionnaire ou PCSQ). Il est aussi possible de quantifier les capacités fonctionnelles du patient ainsi que sa qualité de vie au moyen de questionnaires validés. La plus couramment utilisée en chirurgie rachidienne est l’Oswestry Disability Index (ODI) pour documenter l’impact fonctionnel des lombalgies chroniques [54]. De nombreuses études démontrent que le second facteur de risque majeur après le stress correspond aux efforts physiques répétés qui, au travail, peuvent augmenter la prévalence des
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À l’inverse des facteurs physiques et psychologiques, il existe peu d’études robustes concernant les facteurs psychosociaux. Encore une fois, les facteurs étudiés sont rapportés au travail avec une augmentation des douleurs, et un risque augmenté de survenue chez les personnes insatisfaites de leur emploi ou ayant peu de stimulation professionnelle [51,57]. On comprendra aisément que le taux d’échec et d’insatisfaction de la chirurgie soit augmenté chez ces patients peu désireux de reprendre leur travail et de poursuivre le traitement de leur pathologie. Plusieurs autres facteurs associés à l’emploi ont été étudiés, comme le statut professionnel, le contact social à l’intérieur de celui-ci, la notion d’indemnisation et le salaire [61,62]. Ainsi, même si les professions impliquant un travail physique intense semblent associées à une fréquence accrue de lombalgies, il apparaît que le poids des facteurs psychosociaux et environnementaux est plus important que celui des facteurs physiques et mécaniques purs pour expliquer la récidive et la chronicité de la lombalgie malgré un traitement chirurgical.
Évaluation des handicaps associés à l’échec d’une chirurgie rachidienne
Figure 32.11. Téléradiographie système EOS face et profil : arthrodèse lombaire laissant persister un déséquilibre sagittal et frontal majeur.
lombalgies [50]. L’intensité du travail, notamment physique, augmente non seulement le nombre de lombalgiques dans la population, mais également l’incidence du début des symptômes et le taux d’échec d’une chirurgie bien conduite [55,56]. Parmi ces facteurs physiques aggravants, on retrouve également la statique avec la position assise prolongée, les vibrations ou encore le soulèvement de charges lourdes et la position penchée.
Les lombalgies représentent la pathologie chronique entraînant le plus souvent une limitation d’activités fonctionnelles tant physique que psychique, parmi la population de plus de 45 ans : elles sont l’une des principales causes de handicap chronique [63]. Les premiers critères de handicap du modèle de Wood se définissaient comme le désavantage social pour un individu donné résultant d’une déficience ou d’une incapacité qui limite ou interdit l’accomplissement d’un rôle normal. Les situations de handicap concernent les actes essentiels de la vie quotidienne, familiale, professionnelle et sociale. C’est un aspect important de cette pathologie qui ne doit pas être négligé et qui démontre une fois encore qu’une préparation multidisciplinaire pré- et post-chirurgicale reste un élément primordial.
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Il n’est plus à démontrer que la qualité de vie des patients souffrant de douleurs du rachis est largement inférieure à celle de la population générale saine [64]. La capacité à reprendre et maintenir une activité professionnelle est l’un des critères objectifs principaux d’une éventuelle chirurgie. La réinsertion professionnelle après chirurgie doit toujours être envisagée même si celle-ci est d’autant plus ambitieuse en raison d’une augmentation du nombre et de la durée des arrêts de travail. En effet, en cas de lombalgies, la majorité des patients retourne travailler, après un premier arrêt court, mais il est démontré que plus la période des arrêts de travail s’allonge, plus les chances de reprise diminuent [65]. On considère même qu’une reprise de poste après 2 ans d’arrêt de travail est plus qu’incertaine, voire quasi nulle. Pire encore, certaines études mettent en évidence que le coût des lombalgies dans la population active est comparable à celui de la dépression, des pathologies coronariennes et du diabète [66]. La prise en compte des facteurs de risques psychosociologiques permet donc d’obtenir de meilleurs résultats chirurgicaux. Ainsi, une approche collaborative interdisciplinaire est essentielle à l’évaluation initiale d’un candidat à une chirurgie du rachis, afin d’éviter ou de minimiser l’évolution vers la chronicité ou la récidive.
Conclusion La chirurgie rachidienne apporte un bénéfice indéniable au patient, sous réserve d’un processus de sélection rigoureux qui passe par un examen clinique détaillé, une caractérisation typologique des douleurs et une corrélation radioclinique infaillible. Elle constitue un geste irréversible qui doit être soigneusement pesé pour régler de manière définitive une problématique biomécanique donnée. Restaurer l’anatomie par une technique chirurgicale à n’importe quel prix peut être dangereux. En cas d’échec, la réitération, voire la multiplication de chirurgies rachidiennes, sans expertise interdisciplinaire du patient, se grèvera très probablement d’un mauvais pronostic, lié à l’apparition ou la persistance de douleurs chroniques le plus
Figure 32.12. Mise en place d’une stimulation médullaire chez le même patient pour juguler la composante douloureuse neuropathique des membres inférieurs après traitement par arthrodèse des douleurs mécaniques lombaires.
souvent réfractaires. Il est donc important de comprendre et d’envisager que là où la porte de la réintervention ou d’une nouvelle chirurgie doit se fermer, celle de la prise en charge multidisciplinaire de la douleur s’impose. Il doit exister une collaboration entre les chirurgiens du rachis et les spécialistes de la douleur pour proposer la meilleure option au meilleur moment, ce d’autant que les patients douloureux ne présentent que rarement des douleurs exclusivement neuropathiques ou mécaniques (figure 32.12). On peut aujourd’hui aboutir à des prises en charge dites « combinées » où chez un même patient, une chirurgie à visée étiologique peut concerner la composante mécanique de la douleur puis une chirurgie palliative, telle que l’implantation d’une neurostimulation, pourra être envisagée dans un second temps, afin de traiter la composante douloureuse neuropathique, identifiée d’emblée (figure 32.12). La décision est souvent difficile. Elle doit inclure la prise en compte des facteurs psychosociaux dans le cadre d’une évaluation multidisciplinaire. Pour construire l’avenir, cette collaboration devra se matérialiser par des unités de fonctionnement
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Chapitre 33 L’effet placebo en antalgie Chantal Berna L’attention de la communauté médicale sur l’importance de l’effet placebo a été attirée en 1955 par une étude intitulée The powerful placebo, consacrée aux améliorations thérapeutiques dans des groupes placebos d’études contrôlées [1]. À noter que la méthodologie utilisée dans cette publication initiale permet d’estimer l’ampleur de la réponse placebo (qui inclut l’effet placebo et des facteurs non spécifiques comme les biais d’observation ou l’amélioration spontanée), et non l’effet placebo spécifiquement. La mesure de
l’effet placebo nécessiterait un troisième groupe sans traitement (figure 33.1). Néanmoins, des méta-analyses plus récentes menées dans le cadre d’études d’analgésiques ont confirmé l’ampleur significative de cette réponse [2,3]. En parallèle, des études centrées sur l’analgésie placebo ont démontré qu’un traitement placebo peut être équivalent à l’administration de 8 mg de morphine IV [4] ou diminuer la douleur de deux points sur une échelle visuelle analogue [5,6]. Par ailleurs, il a été démontré que la naloxone pouvait
Figure 33.1. Schémas d’études et définitions. A. Effets et réponses observés dans un modèle d’étude randomisée contrôlée. B et C. Modèles d’études permettant d’investiguer l’accroissement de l’effet placebo ou d’un effet placebo-like. À noter : la taille des différents effets observés varie selon les études. Dans cette figure, les valeurs sont arbitraires et purement illustratives. Manuel pratique d'algologie RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE © 2017 BIBLIOTHEQUE Elsevier Masson SAS. DE TousLA droits réservés.
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE Traitements
Tableau 33.1. Définitions. Traitement Placebo Traitement placebo pur
Substance inerte (ex. comprimé de cellulose, perfusion de NaCl) ou intervention inactive (ex. acupuncture avec des aiguilles rétractiles)
Traitement placebo impur
Substance ou intervention active sans effet attendu sur la maladie traitée (par exemple en antalgie : comprimés de vitamine C, aiguilles d’acupuncture positionnées pour une autre indication)
But de l’utilisation d’un traitement placebo
Susciter une réponse psychobiologique appelée « effet placebo »
Effet placebo et nocebo
Effets positif et négatif observés après administration d’un traitement placebo, indépendants de l’évolution spontanée de la maladie. Soit positif : Amélioration de la maladie (figure 33.1) ; négatif : Péjoration de la maladie ou apparition de nouveaux symptômes inattendus/non imputables au traitement donné.
Analgésie placebo
Diminution de la douleur obtenue avec un traitement placebo ; effet placebo en antalgie
Réponse placebo
Réponse au traitement telle qu’elle peut être observée dans le groupe placebo d’une étude randomisée contrôlée. En l’absence d’un groupe comparatif sans traitement, cette réponse inclut l’effet placebo, les effets d’observation, l’évolution naturelle de la maladie et la régression à la moyenne (figure 33.1)
Effets non spécifiques du traitement ou effets placebo-like
Effets observés lors d’un traitement actif qui ne peuvent être attribués ni aux propriétés pharmacologiques ou physiologiques du médicament ou de l’intervention, ni à l’évolution naturelle de la maladie (figure 33.1)
antagoniser un effet placebo antalgique, ce qui suggère l’implication d’endorphines dans l’analgésie placebo [7]. Ensemble, ces publications ont ouvert de nouveaux champs d’études, qui ont conduit à la définition de l’effet placebo comme phénomène psychobiologique. Ce chapitre vise à présenter brièvement les connaissances actuelles de la psychologie et de la neurobiologie de l’effet placebo. Seront abordés également l’importance de l’effet placebo en antalgie, le potentiel thérapeutique et les considérations éthiques impliquées. Le terme placebo (du latin « je plairai »), concernait initialement des interventions visant à plaire au patient plutôt qu’à le traiter. Actuellement, le mot « placebo » qualifie différents concepts. Le tableau 33.1 présente quelques définitions.
Mécanismes psychologiques L’effet placebo résulte de différents mécanismes, qui peuvent être classés essentiellement en deux catégories [8,9] : • la création d’attentes positives ; • des processus d’apprentissage.
Modulation des attentes Des attentes positives peuvent entraîner des changements cognitifs, émotionnels et comportementaux qui augmentent la probabilité d’obtenir le résultat escompté [10]. L’anticipation d’un stimulus douloureux accroît l’activité des aires cérébrales impliquées dans la régulation de la nociception, entre autres le cortex cingulaire antérieur (CCA) et le tronc cérébral [11,12]. Pour des stimuli induits d’une intensité constante, la douleur perçue par des volontaires est fonction des attentes (prédiction d’un stimulus intense menant à une perception intense) avec des changements correspondants au niveau des aires cérébrales impliquées dans la nociception [13,14]. De plus, les attentes des patients douloureux chroniques face à un nouveau traitement sont significativement corrélées avec les résultats de cette nouvelle prise en charge [15,16]. Ainsi, les attentes préexistantes, basées sur des expériences personnelles, les médias, les interactions sociales, semblent affecter de manière déterminante les bénéfices d’un nouveau traitement. Les soignants peuvent influencer ces attentes par des informations pertinentes, des suggestions ou d’autres formes de communication verbales
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ou non. Une méta-analyse des études évaluant l’effet positif des suggestions sur les attentes de patients lors de procédures médicales ou expérimentales a démontré une forte diminution des douleurs [17].
Apprentissage Le conditionnement classique est une forme reconnue d’apprentissage implicite. Il s’agit d’apparier répétitivement un stimulus neutre avec un stimulus menant avec certitude à un changement physiologique (le stimulus inconditionné). Par la suite, lorsque le stimulus neutre est présenté seul, il entraîne une réponse conditionnée. À ce stade, il devient un stimulus conditionné. Ainsi, par exemple, l’administration de morphine est un stimulus inconditionné puisqu’elle entraîne de manière prédictible une réduction de la douleur. Après administration répétée de morphine sous la forme d’un comprimé vert (stimulus neutre), la prise d’un comprimé vert ne contenant pas de morphine (stimulus conditionné) entraînera également une analgésie (réponse conditionnée). En clinique, n’importe quelle partie du rituel médical (soignant particulier, technique d’injection, lieu, odeur), peut faire l’objet d’un conditionnement. Dans la recherche expérimentale sur l’analgésie placebo, le conditionnement consiste soit à associer un traitement antalgique avec des stimuli induits répétés (dont l’intensité est réellement diminuée par la substance pharmacologique active), ou à apparier un traitement placebo avec une séquence de stimuli induits dont l’intensité est réduite à l’insu du volontaire. Ce type de procédés entraîne une analgésie placebo qui peut durer jusqu’à 7 jours [18]. Un stimulus conditionné peut mener à un effet placebo même s’il est présenté de manière subliminale, soit pendant une durée trop courte pour une reconnaissance consciente [19]. Il est important de noter que le conditionnement d’une analgésie placebo dépend d’expériences antérieures : ainsi un traitement initial inefficace peut influencer de manière négative les effets d’un médicament actif administré en deuxième intention [18]. De manière similaire, un deuxième traitement placebo peut bénéficier d’un premier conditionnement positif (analgésie renforcée
comparée à un groupe contrôle conditionné à un échec de traitement) [20]. Parallèlement au conditionnement, d’autres formes d’apprentissage ont été impliquées dans l’effet placebo, comme l’apprentissage social, qu’il soit le fruit d’observations de tiers ou de rumeurs [21,22]. L’étude séparée de ces processus de modulation des attentes et d’apprentissage suggère que le conditionnement engendre une analgésie placebo plus solide que des attentes induites par des suggestions isolées [23,24]. Cette distinction est néanmoins ténue, sachant qu’il est difficile de conditionner un humain sans impliquer une modulation des attentes [25,26]. Il est encore plus difficile d’isoler ces facteurs en clinique [17,27], où ils pourraient conjointement créer un cercle vertueux : le patient dont la première expérience est positive développera de plus grandes attentes vis-à-vis des bénéfices thérapeutiques, un conditionnement positif amplifié lors d’un nouveau traitement, et au final un effet placebo accru [28].
Mécanismes neurobiologiques Structures cérébrales La compréhension actuelle des structures cérébrales impliquées dans l’effet placebo repose sur la démonstration dans des modèles animaux que l’excitabilité nociceptive spinale peut être modulée par des informations descendantes [29]. Un système descendant inhibiteur de la douleur a été décrit également chez l’humain, avec des relais centraux incluant le cortex préfrontal, le cortex cingulaire antérieur, la matière grise périacqueductale et un site d’action primaire dans la corne postérieure de la moelle épinière [30]. Différentes études de neuro-imagerie fonctionnelle ont démontré l’implication des régions clés de ce système dans l’analgésie placebo, du cortex préfrontal à la moelle épinière, établissant ainsi que la voie descendante inhibitrice est vraisemblablement la voie neuroanatomique responsable de cette modulation de la douleur [31-34].
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE Traitements
Neurotransmetteurs • Opiacés : Plusieurs études ont démontré le blocage partiel de l’analgésie placebo par la naloxone (antagoniste des récepteurs µ-opiacés) [7]. L’imagerie par émission de positrons a démontré que l’analgésie placebo est associée à une augmentation de l’activation des récepteurs µ dans certaines régions préfrontales et sous-corticales [31,35]. De plus, l’activité d’aires cérébrales riches en récepteurs µ tels que le cortex préfrontal, l’amygdale et la matière grise périaqueducale, est corrélée avec la diminution des scores de la douleur dans des études d’analgésie placebo [36,37]. Finalement, de hautes doses de naloxone, permettant d’inhiber la fixation d’endorphines, suppriment la corrélation fonctionnelle physiologique pendant une analgésie placebo entre le cortex cingulaire antérieur et la matière grise périaqueducale [32]. • Cholécystokinine : cette neurohormone, sécrétée dans la muqueuse du duodénum, est associée à des états d’anxiété et à des effets antiopioïdergiques [38,39]. Un groupe de chercheurs a démontré que la cholécystokinine ainsi que la pentagastrine (agoniste du même récepteur) peuvent bloquer une analgésie placebo [40,41]. De plus, l’administration du proglumide, un antagoniste de la cholécystokinine, peut majorer une analgésie placebo [42] ou diminuer une hyperalgésie nocebo [43]. • Dopamine : ce neurotransmetteur est impliqué dans les processus de récompense, de motivation et de comportement dirigé vers un but. Il est sécrété dans le noyau accumbens et le striatum pendant les phases d’anticipation et d’expérience de soulagement de la douleur. Le soulagement peut être conceptualisé comme une récompense inhérente à l’expérience algique [44]. Pendant une analgésie placebo, la libération de dopamine corrèle avec le degré d’analgésie selon une étude par imagerie cérébrale à émission de positron [45]. Il semble néanmoins que la dopamine soit avant tout libérée en relation avec l’expérience de soulagement, et n’est pas un neurotransmetteur nécessaire à l’effet placebo. En effet, l’administration
d’halopéridol, un agent antidopaminergique, ne bloque pas une analgésie placebo [46]. • Endocannabinoïdes : le conditionnement par un AINS n’est pas réversible par la naloxone, contrairement au conditionnement avec un opiacé [24]. En revanche, le rimonabant, antagoniste du récepteur endocannabinoïde CB1, bloque spécifiquement une analgésie placebo après conditionnement au kétorolac, ce qui suggère que, dans certaines circonstances, les endocannabinoïdes sont impliqués dans l’effet placebo [47]. • Ocytocine : connu pour ses effets dans la période d’accouchement et d’allaitement, ce neuropeptide semble jouer un rôle dans les interactions sociales. L’analgésie placebo augmentée lors de l’administration d’ocytocine pourrait être attribuée à une confiance renforcée dans le soignant [48].
Études de l’effet placebo pertinentes pour la clinique Les études randomisées contrôlées de traitements antalgiques versus placebo ont permis d’observer des réponses placebo significatives. Ce type d’étude peut révéler qu’une intervention thérapeutique n’est pas plus efficace que le placebo. Si la réponse placebo est importante, elle peut compliquer la validation d’un traitement [3,49,50]. Par exemple, deux études ont démontré une amélioration symptomatique et fonctionnelle comparable entre la vertébroplastie avec injection de ciment et la même procédure sans injection [51,52]. Cependant, en l’absence de groupe sans intervention, il est difficile de déterminer si les deux bras du traitement étaient supérieurs ou égaux à l’évolution naturelle. Bien qu’importantes, les études randomisées contrôlées sont assez éloignées de la pratique clinique. Qu’en est-il des effets placebo ou placebo-like dans le contexte clinique ? Quels facteurs influencent ces effets chez les patients ? Comment peuvent-ils être amplifiés ? Ces questions demandent des canevas expérimentaux spécifiques (figures 33.1B et C).
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D’une part, un plan de traitement caché versus ouvert (figure 33.1B) implique l’administration d’un médicament actif à l’insu du patient comparé au même traitement associé à tout le rituel médical, et possibles attentes du patient. Ceci permet d’évaluer la part des effets placebolike dans le bénéfice global d’un traitement. Ainsi, une étude sur les douleurs induites chez des volontaires sains a démontré que les effets d’une perfusion de rémifentanil étaient nettement diminués si elle était administrée à l’insu des participants, et qu’ils étaient même abolis lorsqu’on les informait que le traitement avait été interrompu et qu’ils encouraient un risque d’hyperalgésie [53]. Les aspects implicites du rituel médical comme la taille, la couleur ou le prix d’un comprimé de placebo ont aussi un impact sur l’effet placebo [54-56]. Dans le contexte clinique, l’importance de l’étiquette sur une boîte de médicaments a été démontrée dans un groupe de patients souffrant de fréquentes migraines [57]. L’analgésie placebo -like s’avère plus importante lorsque l’étiquette mentionne un médicament actif (« risatriptan »), versus un placebo (« placebo ». Aussi, le traitement « placebo ouvert » est plus efficace que l’absence de traitement. Cependant, les patients atteints de démence, incapables de développer des attentes, représentent un cas particulier, puisqu’ils ne bénéficient pas des effets accrus d’un traitement ouvert comparé à un traitement caché [58]. Par ailleurs, un rituel médical important entraîne un effet placebo renforcé comparé à un rituel moins invasif [59, 60]. Les études comparatives impliquant des gestes chirurgicaux ou des procédures antalgiques versus des placebos actifs et crédibles sont rares et difficiles à réaliser [61]. Dès lors, de nombreux traitements interventionnels antalgiques sont fournis sans preuve scientifique de leur supériorité par rapport à un placebo [62]. Toutes ces études soulignent le rôle crucial du rituel médical et des attentes du patient dans les effets thérapeutiques. La répétition d’informations claires et pertinentes relatives aux médicaments administrés fait partie de ce rituel. Il s’agit avant tout d’informer les patients de tous
les éléments valorisant le traitement (sans mentir pour autant). Les patients atteints de démence peuvent avoir besoin de doses d’antalgiques accrues. Les prises en charge interventionnelles ou invasives peuvent recruter des effets placebos importants. En l’absence de preuve scientifique, les bénéfices et les risques associés à ces interventions doivent être soigneusement évalués. Les effets placebo-like ou effets non spécifiques liés au traitement peuvent être étudiés en administrant un traitement placebo associé à différentes modulations d’aspects relationnels (figure 33.1C). Par exemple, on peut mesurer l’amélioration de l’analgésie placebo obtenue lorsque des volontaires ont le libre choix du médicament (deux préparations inertes identiques présentées comme des antalgiques différents) [63]. D’autre facteurs relationnels peuvent être étudiés : des patients atteints de côlon irritable réfractaire au traitement standard ont été randomisés dans trois conditions : liste d’attente vs pseudo-acupuncture effectuée par un thérapeute soit limitant l’interaction interpersonnelle au strict minimum ; ou très chaleureux, empathique, à l’écoute et rassurant [64]. L’interaction optimisée a apporté de meilleurs résultats que l’interaction limitée, qui reste plus efficace que l’absence de traitement. Ces données font penser que le rituel thérapeutique (aiguilles d’acupuncture) associé à une bonne relation médecin-patient apporte des bénéfices aux patients de manière indépendante. De ces études, nous retiendrons l’importance d’impliquer les patients dans les choix de traitements afin de favoriser une réponse bénéfique. Une relation thérapeutique harmonieuse constitue le terrain favorable à des attentes positives.
Utilisation de l’effet placebo en clinique Pratique courante et questions éthiques Plusieurs enquêtes ont révélé que les médecins prescrivent souvent des traitements placebo,
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE Traitements
Tableau 33.2. Considérations éthiques relatives à la prescription d’un placebo impur ou d’un traitement au mécanisme d’action incertain. 1. Absence de malveillance, bienfaisance A. La substance peut-elle être nocive ? B. Le traitement empêche-t-il le patient de recevoir un traitement plus efficace ou validé ? En cas de réponse positive à A ou B, le traitement ne devrait pas être administré. Questions corollaires : Quelles sont les chances de succès thérapeutique ? Quelle est la gravité de la maladie traitée ? 2. Autonomie du patient, consentement éclairé - Quelle explication reçoit le patient ? - À quel traitement le patient consent-il ? - Quelles sont les motivations du médecin ? - Est-ce que la confiance du patient pourrait être ébranlée ?
le plus fréquemment sous la forme de « placebos impurs » — multivitamines, sédatifs, ou autres substances actives sans effet analgésique prouvé (voir tableau 33.1) —, rarement des « placebos purs » [65-68]. Cette pratique a d’importantes implications éthiques. Par le passé, la prescription de traitements placebo était justifiée par le principe de dissimulation bienveillante (vérité cachée pour le bien du patient). Néanmoins, la prescription intentionnelle d’un traitement placebo en lieu et place d’un traitement actif implique un mensonge, qui dénature le consentement éclairé et rompt le contrat de confiance entre le patient et le médecin [68]. Les recommandations pratiques diffèrent : la German Medical Association autorise l’utilisation d’un traitement placebo tant que le principe de bienfaisance est respecté [70] (tableau 33.2), alors que l’American Medical Association considère la dissimulation bienveillante comme une forme de paternalisme inacceptable [71]. Les recommandations américaines autorisent cependant explicitement la dissimulation consentie, soit l’accord préliminaire donné par le patient à son prescripteur de recevoir des informations limitées par exemple quant au rythme d’un sevrage ou une liste d’effets secondaires. Les traitements dont l’efficacité n’a pas été démontrée scientifiquement et les placebos
impurs méritent discussion. Certains patients ont de grandes attentes envers des traitements peu validés, la plupart souhaitent un traitement symptomatique. Quelle attitude adopter ? Le tableau 33.2 propose une grille de réflexion permettant d’éviter les traitements dangereux. En l’absence de risque, le clinicien peut exercer son libre choix, qu’il pourra expliciter de manière rationnelle au patient qui le demande. Il est recommandé d’évaluer les risques liés à la rupture de la relation thérapeutique et les bénéfices escomptés du traitement. De nouvelles études impliquant un traitement placebo administré en tant que tel (« open-label placebo ») remettent en question la notion que la dissimulation est nécessaire pour produire une analgésie placebo en clinique. Une étude randomisée contrôlée comparant les effets d’un médicament placebo contre l’absence de traitement pour des patients souffrant de côlon irritable a démontré une amélioration significative des symptômes sous placebo [72]. D’autres études plaident également en faveur de l’efficacité de traitements placebo ouvertement déclarés dans la migraine [73], ou les lombalgies [74]. Dans l’ensemble, ces études semblent indiquer qu’une information adéquate sur le mécanisme d’action potentiel d’un placebo ne l’empêcherait pas d’exercer des effets bénéfiques.
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE Chapitre 33. L’effet placebo en antalgie 365 Tableau 33.3. Comment augmenter l’effet placebo-like dans la rencontre thérapeutique ? 1. Optimiser la relation thérapeutique (cf. « modulation de l’effet placebo », figure 33.1A) La relation thérapeutique est basée sur la confiance, le respect, l’empathie, la réassurance et l’écoute. La communication verbale est optimisée (questions ouvertes, reformulation, écoute active, marques d’empathie, etc.). La communication non verbale est soignée (gestes empathiques, positionnement au niveau du patient, contact visuel, posture ouverte, limitation des interférences électroniques et téléphoniques). Chaque rencontre thérapeutique constitue une occasion de renforcer la relation. Le patient est invité à participer aux choix thérapeutiques dans la mesure de ses désirs et de ses compétences. Cette relation est un cadre rassurant qui permettra d’explorer l’expérience personnelle du patient (qui englobe les composantes subjectives émotionnelles et sociales de la douleur), ainsi que ses ressources. 2. Augmenter les attentes du patient vis-à-vis du traitement et améliorer le rituel médical (cf. « traitement caché vs ouvert », figure 33.1B) Le soignant cherchera à comprendre les attentes préexistantes du patient, ses expériences passées. Les attentes négatives (liées à des croyances, des peurs ou des informations préalables) peuvent être progressivement modifiées par des informations rassurantes ou des suggestions positives émanant du médecin, des vidéos explicatives, des sites de vulgarisation scientifique ou des groupes de patients. Le parcours médical des patients douloureux chroniques est souvent long et parsemé d’échecs thérapeutiques. Mobiliser les attentes positives peut être d’autant plus difficile que les chances de trouver une solution simple et définitive sont faibles. Il est donc important de ne pas susciter d’espoirs déraisonnables et de favoriser des attentes positives réalistes. Il faut s’assurer que le patient est conscient du traitement qu’il reçoit, souligner les éléments qui le valorisent. On peut choisir une communication positive. Par exemple, on préférera annoncer une anesthésie locale ainsi : une anesthésie locale va endormir la zone, ce sera confortable pour vous pendant le reste du geste) en lieu et place de « Vous allez sentir comme une piqûre d’abeille, ce sera la pire partie de la procédure. » [77]. On sera attentif aux suggestions contenues dans les propos explicatifs. Par exemple, préférer la formule : « La plupart des patients (70 %) ont une expérience positive de ce traitement » à celle-ci : « 30 % des patients ont des effets secondaires avec ce médicament »
Néanmoins, ces résultats restent à valider sur le plus long terme. Finalement, au-delà de la prescription ou de l’administration d’un traitement placebo, la recherche suggère qu’il est possible d’amplifier les effets placebo-like de traitements actifs, en favorisant les attentes positives du patient, en augmentant le rituel médical ou en soignant la relation thérapeutique [75]. Obtenir ces résultats (tableau 33.3) constitue un élément central d’une consultation d’antalgie chronique tout en s’accordant avec les valeurs éthiques de transparence et de partage des décisions thérapeutiques caractéristique de la prise en charge médicale actuelle [76].
Existe-t-il un profil de répondeur au traitement placebo ? La recherche sur des volontaires sains avec des douleurs induites suggère que certains
facteurs favorisent une bonne analgésie placebo : traits de personnalité tels que l’optimisme, l’altruisme, l’extroversion et l’empathie [21, 78-80], ou facteurs neuroanatomiques tels qu’une plus grande quantité de substance grise dans des régions cérébrales riches en dopamine [81]. Dans une étude clinique de patients souffrant de lombalgies chroniques, le niveau de dépression et d’anxiété est corrélé avec de meilleurs résultats en réponse à une injection intraveineuse de saline [82]. La réponse à un traitement placebo pourrait cependant dépendre plus de la situation que des caractéristiques psychologiques du patient (par exemple, la croyance aux bienfaits de l’acupuncture) [83,84]. Il est néanmoins important de noter que la réponse à un traitement placebo ne fournit pas d’indication quant à la cause de la douleur. A priori, tout patient et toute douleur peuvent répondre à ce genre de traitement, à l’exception de patients atteints de démence ou d’une affection du cortex préfrontal [58].
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Comment réduire l’effet nocebo ? La communication pendant la rencontre thérapeutique peut favoriser un effet placebo, mais peut aussi provoquer ou prévenir un effet nocebo [85]. L’effet nocebo contribue probablement dans beaucoup de situations à l’absence de réponse et d’adhésion au traitement [86,87]. Plusieurs études montrent que le choix des mots est important pour prévenir un effet nocebo. Par exemple, l’omission du mot « douleur » avant l’anesthésie locale d’une péridurale chez des parturientes diminue l’évaluation de la douleur induite par ce geste (voir tableau 33.3) [77]. La mention d’un risque d’effets secondaires peut significativement augmenter la proportion de patients qui en font l’expérience (p.ex. de six fois dans une étude sur les effets secondaires gastro-intestinaux dus à l’aspirine [88]). Dès lors, l’évocation d’effets secondaires lors de l’introduction de nouveaux traitements mérite d’être soigneusement préparée. Ainsi, pour éviter une suggestion nocebo directe, les effets secondaires non spécifiques (céphalées, troubles digestifs légers ou altérations du sommeil) pourraient être omis et remplacés par un conseil plus générique du type « contactez le prescripteur dans le cas peu probable où de nouveaux symptômes inhabituels viennent à se présenter » [86]. La probabilité qu’un patient développe un effet nocebo semble dépendre d’une combinaison complexe de facteurs, incluant des attentes négatives, la suggestibilité, l’anxiété, et des expériences antérieures négatives [87,89]. Un certain nombre de ces facteurs sont souvent présents chez le patient douloureux chronique. Dans le contexte d’une relation thérapeutique stable, c’est au médecin de comprendre quels degrés d’autonomie et d’implication dans les choix de traitement le patient souhaite, et possiblement d’instaurer une dissimulation autorisée afin d’éviter une recrudescence d’anxiété et un effet nocebo.
Conclusions L’analgésie placebo est un phénomène psychobiologique ancré dans les attentes et les expériences précédentes. Il implique un réseau
neuroanatomique, le circuit descendant inhibiteur de la douleur, des endorphines ainsi que d’autres neurotransmetteurs accessoires. L’effet placebo n’est pas seulement observé après l’administration d’un traitement placebo utilisé comme contrôle dans les études cliniques, mais il existe comme effet non spécifique de tout traitement médicamenteux (effet placebo-like). L’effet placebo-like peut être modulé et étudié en tant que tel. En parallèle, des modèles d’études utilisant un traitement placebo et modulant l’aspect relationnel permettent de mieux comprendre comment le contexte thérapeutique peut être optimisé. La prescription d’un traitement placebo pur en pratique clinique n’est pas recommandée. La prescription de traitements placebo impurs ou dont le mécanisme d’action est inconnu est acceptable s’il n’y a pas de danger et que l’autonomie du patient est respectée. Optimiser la relation thérapeutique et renforcer l’effet placebo-like permettent d’exploiter l’effet placebo et devraient être inclus dans toute prise en charge antalgique. Malgré les progrès obtenus en pharmacologie et dans les thérapies interventionnelles, un nombre significatif de patients douloureux chroniques est insuffisamment soulagé. Dès lors, il est important d’utiliser au mieux l’analgésie placebo, d’accentuer la réponse aux traitements existants, d’éviter d’interrompre un traitement prometteur à cause d’un effet nocebo, et de renforcer l’adhésion thérapeutique en antalgie clinique. Références 1. Beecher HK. The powerful placebo. JAMA 1955;159(17):1602–6. 2. McQuay H, Carroll D, Moore A. Variation in the placebo effect in randomised controlled trials of analgesics: all is as blind as it seems. Pain 1996;64(2):331–5. 3. Tuttle AH, Tohyama S, Ramsay T, et al. Increasing placebo responses over time in U.S. clinical trials of neuropathic pain. Pain 2015;156(12):2616–26. 4. Levine JD, Gordon NC. Influence of the method of drug administration on analgesic response. Nature 1984;312(5996):755–6. 5. Gracely RH, Dubner R, Wolskee PJ, Deeter WR. Placebo and naloxone can alter post-surgical pain by separate mechanisms. Nature. 1983;306:264–5. 6. Amanzio M, Pollo A, Maggi G, Benedetti F. Response variability to analgesics: a role for non-specifc activation of endogenous opioids. Pain. 2001;90:205–15.
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Index A Acide alphalipoïque, 124 Acouphène, 135, 316 Actovegin, 124 Addiction, 193 Administration intrathécale, 152 Agonistes dopaminergiques, 199 AINS, 185, 206, 209, 210 Alcool éthylique, 262 Algie vasculaire de la face, 67 Algoneurodystrophie, 105 Allaitement, 209 Amantadine, 199 Amitriptyline, 198 Amygdale, 11 Anesthésiques locaux, 228 Anterior Lumbar Interbody Fusion (ALIF), 342 Approche épidurale –– caudale, 240 –– interlaminaire, 240 –– transforaminale, 240 Approches épidurales, 240 Arthrose interfacettaire, 47 Articulation temporomandibulaire, 82 Axonotmésis, 261 B Bbuprénorphine, 205 Beck Depression Inventory (BDI), 26 Benfotiamine, 124 Béri-béri, 128 Biopsie nerveuse, 122 Biphosphonates, 114, 151 Bleu de méthylène, 94 Brief Pain Inventory (BPI), 22 Buprénorphine, 193 C Calcitonine, 115 Cannabinoïdes, 199 Capsaïcine, 200 Capteurs de radicaux libres, 114 Carbamazépine, 73, 198 Causalgie, 105
Céphalées névralgiformes unilatérales de courte durée, 67 Cholécystokinine, 362 Cimentoplasties, 153 Classification de Lausanne, 53, 91 Claudication intermittente neurogène, 90 Clonazépam, 79 Clonidine, 197, 234 Codéine, 191, 205, 210 Cordotomie, 153 Cortex cingulaire antérieur, 361 Cortex préfrontal, 361 Corticoïdes, 230 Cytochrome CYPP450, 189 D Dépendance, 193 Dérivés de l’ergot, 63 Dermatomes, 30 Dexmédétomidine, 197 Dextrométhorphane, 199 Discarthrose, 46 Discographie de provocation, 94 Discopathie dégénérative, 46 Dopamine, 362 Douleur neuropathique en quatre questions (DN4), 21 Douleurs du moignon, 136 Duloxétine, 198 Dystrophie sympathique réflexe, 105 E Échelle –– ALGOPLUS, 19 –– comportementale pour personne âgée, 19 –– de l’Organisation mondiale de la Santé, 149, 183 –– des visages, 19 –– DOLOPLUS, 19 –– numérique, 18 –– PACSLAC, 19 –– verbale simple, 19 –– visuelle analogique, 18 Effet –– nocebo, 366 –– placebo, 359
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE Index
Électromyogramme, 55 Électroneuromyogramme, 55 Endocannabinoïdes, 362 EuroQoL 5-dimensions (EQ-5D)., 26 Extraforaminal Lumbar Interbody Fusion (ELIF), 344 eXtreme Lateral Interbody Fusion (XLIF), 342 F Failed back surgery syndrome, 96, 303 Fentanyl, 205 Fibre nerveuse, 7 Foramen vertébral, 242 Fulranumab, 125 G Gabapentine, 198, 210 Gamma Knife, 74 Ganglion –– de Gasser, 74, 265, 266, 312 –– de Walther, 259 –– impar, 259 –– spinal, 302 –– stellaire, 253, 295 Ganglions sympathiques lombaires, 257 Gate control theory, 11, 216 Glycérol, 74, 263 Granulome, 327 Grossesse, 209 Gyrus cingulaire antérieur, 11 H Hémicrânie continue, 67 Hémicrânie paroxystique, 67 Hernie discale, 43 High signal Intensity Zone, 43 Hospital Anxiety and Depression Scale (HAD), 26 Hydromorphone, 192 Hypothalamus, 11 I Imagerie EOS, 340 K Kétamine, 199, 201 Kinésiophobie, 86, 112 Kyphoplasties, 153 Kystes articulaires postérieurs, 47 L Lacosamide, 124 Lamotrigine, 73 Leeds Assessment of Neuropathic Symptoms and Signs (LANSS), 21 Lidocaïne, 200 Locus coeruleus, 11 Lofexidine, 197 Lumbar Lateral Interbody Fusion (LLIF), 344 Lupus érythémateux, 120 Lyse isthmique, 95
M Maladie –– de Bechterew, 86 –– de Charcot-Marie-Tooth, 125 –– de Lyme, 81, 120, 129 –– de Sudeck, 105 Manœuvre –– de Jendrassik, 28 –– de Lasègue, 34 –– de Nélaton, 83 –– de Roos, 32 –– de Spurling, 32 Matière grise périacqueductale, 361 McGill Pain Questionnaire (MPQ), 21 Medical Outcome Study Short Form-36 (MOS SF-36), 23 Mépéridine, 192 Métamizole, 187 Méthadone, 192 Métoprolol, 64 Mirogabaline, 124 Modic, 46, 94, 339 Moelle rostroventrale, 11 Morphine, 191, 205 Multidimensional Pain Inventory (MPI), 22 Myélogramme, 242 N Naloxone, 189 Naltrexone, 189 Neurapraxie, 261 Neurone nocicepteur, 7 Neuropathic Pain Questionnaire (NPQ), 21 Neurostimulation –– du nerf occipital, 75 Neurotmésis, 261 Nodule de Gill, 95 O Oblique Lumbar Interbody Fusion (OLIF), 344 Ocytocine, 362 Onde F, 55 Opération –– de Jannetta, 73 Opioïdes, 187 –– agonistes partiels, 189 –– agonistes purs, 189 –– agonistes-antagonistes, 189 Oswestry Disability Index (ODI), 23 Oxcarbazépine, 73 Oxycodone, 192, 205 P Pain matrix, 9 PainDETECT, 21 Paracétamol, 183, 205, 206, 209, 210 Phénol, 262, 268
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE Index 373 Phénytoïne, 73 Pin Prick, 121 Plexus cœliaque, 254 Plexus hypogastrique, 258 Point gâchette myofascial, 87 Posterior Lumbar Interbody Fusion (PLIF), 342 Potentiels de fibrillation, 56 Prégabaline, 198 Programme d’imagerie motrice, 112 Propranolol, 64 Q Quantitative sensory testing (QST), 111, 122 Questionnaire –– concis sur les douleurs, 22 –– de Saint-Antoine, 21 –– Fibromyalgia Impact Questionnaire, 173 –– FSFI (Female Sexual Function Index), 165 Questionnaires, 21 R Radiculopathie, 88 Récepteur –– Delta, 187 –– Kappa, 187 –– Mu, 187 –– Sigma, 187 Réflexe H, 55 Rétrécissement canalaire, 51 Roland Disability Questionnaire (RDQ), 23 Rotation des opioïdes, 194 S Sarcoïdose, 120 Scintigraphie osseuse, 109 Score –– de Pfirrmann, 339 Sensibilisation –– centrale, 13 –– périphérique, 12 Sevrage des opioïdes, 195 Signe –– de Babinski, 34 –– de Bechterew, 34 –– de Déjerine, 34 –– de Foletti, 33, 93 –– de Hoffmann, 32 –– de Koch, 34 –– de la sonnette, 34 –– de Lasègue, 34 –– de Lasègue croisé, 34 –– de Léri (ou Lasègue inversé), 34 –– du Caddie, 90 Signes –– de douleurs non organiques, 36 –– de Waddel, 36, 86
Soupe inflammatoire, 12 Spasticité, 321 Spondylodiscites, 86 Spondylolisthésis arthrosique, 96 Spondylolyse lombaire, 95 Standardized Evaluation of Pain (StEP), 21 Stimulation magnétique transcrânienne répétitive (rTMS), 138, 176, 315 Stimulation transcrânienne à courant direct (tDCS), 176, 316 Stomatodynie, 77 Substance grise périaqueducale, 11 Syndrome –– de Baastrup, 47 –– de Bertolotti, 34 –– de Claude-Bernard-Horner, 254 –– de Guillain-Barré, 120, 129 –– de la queue-de-cheval, 85, 91 –– de Maigne, 92 –– de Sjögren, 120 –– du segment adjacent, 96 –– épaule-main, 108 –– facettaire, 33, 87, 246, 266, 269, 312 Syphilis, 120 T Tanezumab, 124 Tapentadol, 193 Test –– au monofilament de Semmes-Weinstein, 121 –– d’Ericksen, 35 –– d’Hawkin, 35 –– de cisaillement horizontal des sacro-iliaques, 35 –– de cisaillement vertical, 35 –– de FADIR, 36 –– de Gaenslen, 35 –– de Lessage, 35 –– de Mennel, 35 –– de Neer, 35 –– de Patrick (ou FABER), 34, 36 –– de Schöber, 33 –– de Volkman, 35 –– du coton-tige, 166 –– du Log roll, 36 –– en compression des ailes iliaques, 35 –– en compression du sacrum, 35 –– en distraction des ailes iliaques, 35 –– vibratoire, 121 Théorie du portillon, 11, 216 Thérapie du miroir, 112, 134, 138 Thérapie physique avec exposition à la douleur, 112 Tolérance, 193 Topiramate, 64 Toxine botulinique, 83, 88, 162
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BIBLIOTHEQUE DE LA RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE SCIENCE MEDICALE Index
Toxine botulique, 124, 144, 168, 259 Tramadol, 191, 205 Transverse Lumbar Interbody Fusion (TLIF), 342 Triptans, 63 U Uncarthrose, 48 V Valproate de sodium, 64 Venlafaxine, 198
Vertébroplasties, 153 Virus Varicella Zoster, 141 Voie –– descendante inhibitrice, 11 –– lemniscale médiale, 8 –– spinothalamique latérale, 8 –– spinothalamique médiale, 9 Z Zone de Ramsay-Hunt, 141
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