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L’INSULA V D’HERCULANUM TRANSFORMATIONS SPATIALES ET DIACHRONIQUES DE L’ARCHITECTURE ET DU DÉCOR DES HABITATIONS
Alexandra Dardenay
PEETERS
L’INSULA V D’HERCULANUM
B A B E S C H Annual Papers on Mediterranean Archaeology Supplement 45 — 2022
BABESCH FOUNDATION Stichting Bulletin Antieke Beschaving
L’INSULA V D’HERCULANUM TRANSFORMATIONS SPATIALES ET DIACHRONIQUES DE L’ARCHITECTURE ET DU DÉCOR DES HABITATIONS
Alexandra Dardenay
PEETERS Leuven - Paris - Bristol, CT 2022
BABESCH Supplement Series edited by
G.J. van Wijngaarden
Photo on the cover: Vue du decumanus superior d’Herculanum, vers l’ouest. A gauche, la Casa del Bicentenario. Cliché : A. Dardenay (2022).
All volumes published in the BABESCH Supplements are subject to anonymous academic peer review.
© 2022 Peeters, Bondgenotenlaan 153, B-3000 Leuven All rights reserved, including the right to translate or reproduce this book or parts in any form. ISBN 978-90-429-4989-8 eISBN 978-90-429-4990-4 D/2022/0602/106
SOMMAIRE Remerciements Préface
XI XIII
Introduction
1 PARTIE I
De l’apport de l’étude architecturale à l’analyse des programmes ornementaux 1.1. Sources disponibles Brève présentation des archives archéologiques disponibles sur Herculanum Aperçu des phases successives d’exploration du site De riches fonds d’archives à exploiter Archives et restitution de l’architecture et de l’ornatus des habitations Méthodologie de rattachement des décors prélevés : le cas de la &DVDGL1HWWXQRHG$QÀWULWH et de la Casa dell’Atrio Corinzio Vers une réintégration des décors peints prélevés (picturae excisae) Le cas des prélèvements opérés dans la Casa dell’Atrio Corinzio et dans la &DVDGL1HWWXQRH$QÀWULWH Inventaire des picturae excisae rattachées à la Casa dell’Atrio Corinzio Janvier 1746 Février 1746 Mars 1746 Inventaire des picturae excisae rattachées à la &DVDGL1HWWXQRH$QÀWULWH
11 11 11 14 14
1.2. Morphologie des unités d’habitation de l’insula V en 79 ap. J.-C. Présentation de l’insula V La recherche en “Archéologie de la sphère domestique” et la question de la typologie des maisons romaines Les typologies des maisons dans l’insula V La « typologie Maiuri » (1958) La « typologie Ganschow » (1989) La « typologie van Binnebeke » (1991) La « typologie de Kind » (1992) La « typologie Wallace-Hadrill » (1994) La « typologie Andrews » (2006) Les restaurations dans l’insula depuis le dégagement des structures La population d’Herculanum à la veille de l’éruption
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1.3. Etude simultanée du bâti et de l’ornatus : aspect techniques et méthodologiques Les types d’appareils de construction Opus quadratum Opus incertum Opus reticulatum Opus craticium Opus vittatum Opus vittatum mixtum Opus testaceum Le rôle des séismes survenus dans l’antiquité dans l’histoire de la construction à Herculanum Statut juridique de l’ornatus des espaces d’habitation dans la domus instructa
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15 17 17 17 18 19 20 25
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53 54
PARTIE 2 Les grandes phases d’évolution diachronique de l’architecture domestique et du décor dans l’insula V 2.
Introduction
2.1. La partie septentrionale de l’îlot La Casa del Bicentenario (V, 13-16) Histoire structurelle La construction de la grande demeure La phase julio-claudienne La dernière campagne de remaniement et de décor de la Casa del Bicentenario Les étages L’appartement nord L’appartement sud de l’étage de la Casa del Bicentenario Les appartements V, 17 et V, 18 Le décor de l’appartement V, 17 (rez-de-chaussée) Le décor de l’appartement V, 18 (à l’étage) La Casa dell’Apollo Citaredo (V, 9-12) Phase 1 : une première maison à atrium (la « proto-Casa dell’Apollo Citaredo ») Phase 2 : Epoque augustéenne et construction de la « grande Casa del Bicentenario » Phase 3 : post 62. Rénovation du bâti, construction d’un étage et réfection des décors La pièce 6 (tablinum/triclinium) La pièce 1 3KDVHÀQDOHDQQpHV La Casa del Bel Cortile (V, 8) Phase 1 : époque augustéenne (IIe style) Phase 2 : époque julio-claudienne (IIIe style) La pièce 2 Les pièces 14 et 15 de l’étage Phase 3 : post 62 La pièce 4 Les pièces 8 et 9 Phase 4 : décors réalisés après la transformation du posticum en habitation indépendante La pièce 10 (pseudo-tablinum) La pièce 5 (entrée) 2.2. La partie centrale de l’îlot La &DVDGL1HWWXQRHG$QÀWULWH (V, 6-7) Les traces du premier programme décoratif de la demeure (IIIeVW\OHÀQDO La grande campagne de restauration des décors en IVe style L’atrium (espace 10) Le tablinum (espace 3) La pièce 4 Les deux appartements de l’étage L’appartement occidental L’appartement oriental (pièces 23-24) La Casa del Mobilio Carbonizzato (V, 5) Phase 1 (IIe style) Phase 2 : entre époque augustéenne et séisme de 62 Epoque IIIe style
61 65 65 65 67 69 70 73 73 77 79 80 80 85 85 86 88 88 89 91 93 93 93 95 95 95 96 98 99 99 103 103 107 108 110 110 112 112 114 115 116 116 116
Epoque claudienne (III e /IVe style) Phase 3 : post 62 (IVe style) La Casa dell’Atrio Corinzio (V, 30) Le phasage des revêtements de sol /HVHQGXLWVSHLQWVGHODSKDVHÀQDOH Le premier groupe (standing supérieur) Le second groupe de pièces (standing moyen) La Casa del Sacello di Legno (V, 31) La phase de construction samnite (IIe siècle av. J.-C.) La seconde phase (début du Ier siècle ap. J.-C.) La troisième phase est postérieure au séisme de 62 Les pavements Les enduits peints Restitution de l’ornamentum de la Casa del Sacello di Legno La partie arrière de la maison Le cenaculum occidental de la maison Conclusion
119 121 123 125 126 130 131 132 132 132 133 133 134 135 136 136
2.3. La partie méridionale de l‘insula (Casa del Telaio, Casa Sannitica, Casa del Gran Portale, Casa con Giardino) La Casa Sannitica (V, 1-2) Phase 1 : époque samnite (avant 89 av. J.-C.) 3KDVHÀQGHO·pSRTXHUpSXEOLFDLQH,,e style) Phase 3 : début de l’époque impériale (époque julio-claudienne, avant 62) Phase 4 : postérieure au séisme de 62 L’atrium La pièce 4 La pièce 1 La pièce 5 La Casa del Telaio (V, 3) Casa con Giardino (V, 33) Phase 1 : époque augustéenne La pièce 7 Phase 2 : post 62 La Casa del Gran Portale (V, 34-35) Phase 1 : époque samnite (péristyle de la Casa Sannitica) Phase 2 : grande demeure dans l’angle sud-est de l’insula V Phase 3 : la Casa del Gran Portale devient une habitation indépendante La pièce 5 La pièce 6
141 141 142 143 145 145 145 145 145 147 147 148 148 149 149 150 150 150 153 154 154
2.4. Les façades et les trottoirs de l’insula V Décors de façade : des choix contrastés La Casa Sannitica (V, 1-2) La &DVDGL1HWWXQRHG$QÀWULWH (V, 6-7) La Casa del Bicentenario (V, 13-16) Les bancs en façade Le trottoir : un élément de personnalisation des propriétés
157 157 158 158 159 161 162
2.5. Synthèse diachronique
167
PARTIE 3 Les réorganisations planimétriques observées à l’intérieur du parcellaire et la conception de la sphère domestique 3. Introduction 3.1. Augmentation de la surface habitable de la maison $MRXWG·XQpWDJHVXUXQpGLÀFHGHSODLQSLHG(QWUHUqJOHGX©VXSHUÀFLHVVRORFHGLW » et servitude de surplomb A propos de la dénomination des appartements à l’étage et de leur statut juridique L’emploi du terme cenaculum de l’époque républicaine à l’époque impériale L’exemple de l’Insula Arriana Polliana à Pompéi (VI, 6.11) Etude diachronique de la construction des étages et de leur dévolution dans l’insula V Etages construits à l’époque augustéenne La Casa Sannitica (V, 1) La Casa del Mobilio Carbonizzato (V, 5) Le cenaculum V, 22 Casa della Colonna Laterizia (V, 23-25) Etages construits à l’époque julio-claudienne (avant 62) Appartement V, 2 (Casa Sannitica) La Casa del Bel Cortile (V, 8) La Casa del Sacello Legno (V, 31) Etages construits après 62 La Casa del Telaio (V, 3) La Casa dell’Apollo Citaredo (V, 9-12) La Casa del Bicentenario (V, 13-16) Le cenaculum V, 29 Le cenaculum V, 33a La Casa del Gran Portale (V, 9335) Appartement V, 34 Extension sur parcelles contiguës Ouverture (parfois temporaire) d’une porte de communication entre deux maisons Casa dell’Apollo Citaredo/Casa del Bicentenario Casa del Telaio/Casa del Mobilio Carbonizzato 3.2. Fragmentation de l’espace habitable et divisions de propriétés Fragmentations pouvant témoigner de partages de propriétés La fragmentation de la « grande Casa del Bicentenario » augustéenne La fragmentation de la « grande Casa con Giardino » augustéenne Fragmentation de la propriété de l’angle nord-est : V, 19 à V, 29 Conclusion Les ouvertures et fermetures de boutiques La transformation d‘étages en unités d‘habitation indépendantes V, 6 : Le cenaculum occidental de la &DVDGL1HWWXQRHG$QÀWULWH (V, 6-7) Appartement V, 13-14 Lumen immittere : la question des servitudes de lumière dans la partie nord-ouest de l’insula V /·HVSDFHGRPHVWLTXH$PpQDJHPHQWVG·LQWpULHXUHWUpÁH[LRQV sur l’environnement domestique Organisation de la vie domestique Cuisines
173 177 177 177 178 178 181 181 181 183 185 186 187 187 188 189 189 189 191 192 192 193 194 195 195 196 196 196 201 201 202 202 203 204 204 208 208 210 210 217 217 218
&DVDGL1HWWXQRHG$QÀWULWH, rez-de chaussée, (pièce 1) et étage (pièce 20) Casa del Bicentenario (V, 13-16), espace 12 et 13 Appartement V, 17 Taberna V, 19 Casa dell’Atrio Corinzio (V, 30) Casa del Gran Portale (V, 35) Les cuisines nettement séparées des latrines Les cuisines d’étage Les cuisines non visibles Latrines Et les bains ? L’eau dans la maison Les métamorphoses du jardin Les sanctuaires domestiques Implantation des sanctuaires domestiques Typologie des sanctuaires de l’insula V Le cas du sanctuaire maçonné de l’atrium de la &DVDGL1HWWXQRHG$QÀWULWH La question de la position du sanctuaire dans l’habitation Des salles à manger ? Le tablinum : un espace de transition ? Le cubiculum et la question de l’intimité Questions de standing. Le statut des pièces et appartements VLWXpVjO¶pWDJHGHVpGLÀFHV Les images dans le décor domestique herculanéen (OpPHQWVVWDWLVWLTXHVOHVVXMHWVÀJXUpVj+HUFXODQXP Répartition des images dans le décor Organisation et hiérarchisation des images dans le décor Le cas des décors de plafonds Les thèmes mythologiques
220 220 221 222 222 222 223 224 225 225 229 229 231 234 234 235 237 239 240 244 246 250 254 254 256 257
3.4. Conclusion du chapitre La mise en évidence de bien-fonds et de patrimoines familiaux 5pÁH[LRQVDXWRXUGHODJHVWLRQSDWULPRQLDOH
269 269
Conclusion Une tendance à la fragmentation des unités d’habitation « Décor contraint » ou « décor choisi » ? Adapter l’architecture domestique à une maisonnée en perpétuel mouvement
275 275 275 277
Bibliographie Ouvrages de référence et recueils de sources Sources antiques Bibliographie générale
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Planches 1 - 49
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Remerciements
Cette étude n’aurait jamais vu le jour dans l’aide et le soutien de nombreuses personnes auxquelles j’aimerais exprimer ma reconnaissance. Elle va en premier lieu aux responsables successifs du Parco Archeologico di Ercolano avec lesquels j’ai eu l’honneur de travailler – Maria Paola Guidobaldi puis )UDQFHVFR 6LUDQR ² HW TXL RQW DFFRUGp OHXU FRQÀDQFH HW WRXWHV OHV DXWRULVDWLRQV QpFHVVDLUHV DX ERQ déroulement de ces travaux. Qu’ils en soient à nouveau remerciés très chaleureusement. Je remercie aussi sincèrement les assistants techniques du Parco Archeologico di Ercolano (en particulier Antonio Russo) qui ont accompagné avec gentillesse et enthousiasme mes recherches sur le site pendant de nombreuses années. Ma profonde reconnaissance va également toute l’équipe du programme VESUVIA, avec laquelle j’ai travaillé à Herculanum pendant plusieurs années (2011-2018). Merci de tout cœur à tous ceux qui y ont collaboré pendant quelques mois ou quelques années : Hélène Eristov, MarieLaure Maraval, Nicolas Monteix, Agnes Allroggen-Bedel, James Andrews, Adeline Grand-Clément, Emmanuelle Rosso, Thomas Dietsch, Mathilde Carrive, Noémie Gauthier, Marie-Laure Laharie. Je mesure la chance d’avoir été l’élève, puis la collaboratrice, d’Hélène Eristov, qui m’a transmis une partie de son immense savoir sur le décor antique, puis qui a accepté d’accompagner l’équipe du SURJUDPPH &·HVW JUkFH j HOOH pJDOHPHQW TXH M·DL UHQFRQWUp$JQHV$OOURJJHQ%HGHO TXL D RͿHUW XQH contribution indispensable dans notre enquête au Musée de Naples. Parmi les « pilliers » de VESUVIA, Nicolas Monteix tient une place toute particulière pour sa disponibilité et sa générosité dans le partage de ses immenses connaissances sur l’histoire archéologique et architecturale du site d’Herculanum. Nicolas Monteix, ainsi qu’Emmanuelle Rosso, sont également pour moi d’inestimables interlocuteurs privilégiés : je mène avec eux d’ardentes discussions qui ont contribué à donner à cet ouvrage sa IRUPH ÀQDOH -·DL XQH GHWWH LQÀQLH HQYHUV PD FROOqJXH 0DULH/DXUH 0DUDYDO TXL P·D DFFRPSDJQpH sur le projet – avant même la création du programme VESUVIA – pour créer la base de données, assurer la couverture photographique initiale, contribuer aux infographies de restitution et vectoriser les plans. Sans son immense palette de compétences, le programme n’aurait jamais pu être mené à bien. Deux autres collègues de l’Université de Toulouse m’ont apporté une aide indispensable : Adeline Grand-Clément qui était à mes côtés lors du montage du programme VESUVIAHWDSLORWpWUqVHFDFHPHQWOHYROHW©DUFKLYHVª(W0DULH/DXUH/DKDULHTXLDDFFHSWpG·RͿULUVHVWDOHQWVG·DUFKLWHFWHSRXU YpULÀHUHWÀQDOLVHUOHVSODQVGHVUH]GHFKDXVVpHHWGHVpWDJHVGHO·insula V d’Herculanum. Qu’elles soient toutes les deux assurées de mon amitié et de ma reconnaissance. Le présent ouvrage est issu d’un mémoire d’habilitation à diriger les recherches, soutenu en novembre 2019 devant un jury composé de Martine Joly (garante), Nicole Blanc, Antonella Coralini, Eric M. Moormann, Pierre Moret et 5HQDXG 5REHUW 7RXV P·RQW SURGLJXp GH IpFRQGV FRQVHLOV DÀQ G·DPpOLRUHU PRQ WH[WH HQ YXH GH VD SXEOLFDWLRQ-·DLHQVXLWHHXODFKDQFHGHEpQpÀFLHUG·XOWLPHVUHOHFWXUHVGHODSDUWGH&DWKHULQH6DOLRX HW1LFRODV0RQWHL[TXLRQWDSSRUWpjODYHUVLRQÀQDOHGHVUHPDUTXHVHWFRUUHFWLRQVLQGLVSHQVDEOHV J’ai également une dette immense envers eux tous. 'HSXLV GH QRPEUHXVHV DQQpHV M·DL pJDOHPHQW SX EpQpÀFLHU GH O·DLGH HW GX VRXWLHQ GH SOXVLHXUV institutions. En premier lieu, le laboratoire TRACES qui m’a accordé, en 2011, le « fonds d’amorçage » qui allait me permettre de lancer VESUVIA, ainsi que l’Ecole Française de Rome et le Centre Jean %pUDUGTXLP·RQWRͿHUWXQDSSXLORJLVWLTXHHWKXPDLQLQGLVSHQVDEOH0DUHFRQQDLVVDQFHYDDLQVLWRXW particulièrement à Catherine Virlouvet, Claude Pouzadoux et Priscilla Munzi, ainsi qu’à Guilhem &KDSHODLQTXLQRXVDpSDXOpVVXUOHWHUUDLQSRXUODWRSRJUDSKLH(QÀQMHQ·RXEOLHSDVTXHF·HVWJUkFH à l’Institut Universitaire de France que j’ai pu achever la rédaction de cet ouvrage dans d’excellentes conditions. Je remercie donc très sincèrement son Directeur et son jury d’admission. Alexandra Dardenay Toulouse, juin 2022
XI
Préface
Depuis longtemps, Herculanum a été un de mes sites préférés, aussi bien comme champ d’étude de la recherche archéologique que pour la richesse des monuments à visiter, que l’on soit touriste ou FKHUFKHXU /HV UHFKHUFKHV HͿHFWXpHV SDU$OH[DQGUD 'DUGHQD\ VH SODFHQW GDQV XQH WUDGLWLRQ GDQV laquelle quelques chercheurs néerlandais ont largement contribué, tout en se positionnant également dans une tradition plus vaste – internationale – stimulée récemment par les travaux de restauration ÀQDQFpVSDUODPackard Foundation sous l’égide de la British School in Rome. Le volume que vous avez entre vos mains apporte ainsi un témoignage de cette nouvelle étape des recherches herculanéennes. J’ai le plaisir de connaître personnellement Alexandra Dardenay, depuis longtemps, et j’ai pu apprécier ses qualités d’étudiante très douée, puis de chercheuse, active sur une échelle très vaste et travaillant avec des équipes internationales. J’ai connu les prémisses de son engagement archéologique à Herculanum, et j’ai ainsi pu donner un avis positif sur le projet au moment des premières recherches GHÀQDQFHPHQW3XLVFRPPHPHPEUHGHVRQMXU\GHVRXWHQDQFHSRXUVRQGLSO{PHG·+DELOLWDWLRQj diriger des Recherches, à l’Université Toulouse Jean Jaurès en 2019, j’ai eu l’honneur de lire et de valider les résultats de ses recherches dans l’Insula de la Maison du Bicentenaire à Herculanum. Déjà à l’occasion de la soutenance du manuscrit, j’ai formulé mon opinion positive sur ce texte, avec le conseil de proposer ce livre à notre série de BABESCH Supplements. Quel est l’aspect plus attractif de cette étude ? D’abord, je dirais l’application de toutes les méthodes pertinentes dans une combinaison heureuse. Et puis, l’angle d’analyse : Alexandra Dardenay a pris comme sujet d’étude une insula entière, avec toutes les maisons et boutiques de ce lot de terrain, et QRQ SDV XQ VHXO pGLÀFH +HUFXODQXP SHXWrWUH SOXV TX·j 3RPSpL LO HVW SUHVTXH LPSRVVLEOH GH séparer les unes des autres les unités architecturales à l’intérieur d’un îlot. Un point particulièrement pertinent est le choix de cette partie de la ville, contenant quelques maisons qui sont bien connues mais mal étudiées. La Maison du Bicentenaire, par exemple, n’était pas visitable depuis maintes années et a été réouverte au public en 2019 seulement (personnellement, j’ai pu la visiter de nouveau à l’occasion du congrès international de l’AIPMA à Naples en septembre 2019). L’enquête archéologique d’Alexandra Dardenay cherche à analyser l’histoire de l’insula complète sans faire des fouilles (une chose presque impossible dans le sol tellement dur), par des analyses DSSURIRQGLHVGHVSDQVGHPXUFKRVHFRPSOLTXpHjFDXVHGHVLQWHUYHQWLRQVGHUppGLÀFDWLRQGDQVOHV années 1930 par le directeur des fouilles, Amedeo Maiuri) comme source pour reconnaître les interventions successives durant les 150 ans d’existence de cette insula. Puis, Alexandra Dardenay a étudié OHVDSSDUDWVGpFRUDWLIVOHVIRQFWLRQVGHVSLqFHVHWGHVpGLÀFHVjO·LQWpULHXUGHO·vORWOHVREMHWVWURXYpV (très peu, malheureusement) et a pu présenter, LQ ÀQH, un bilan plein de nouvelles connaissances. 0rPHOHVKDELWDQWVRQWREWHQXXQHFHUWDLQHLGHQWLÀFDWLRQELHQTX·LOVUHVWHQWVDQVQRPVHWPXHWV C’est donc avec un grand plaisir que je présente ce livre dans cette élégante mise en page éditoriale. Eric M. Moormann Amsterdam, juin 2022
XIII
Introduction Cicéron, De officiis, 1 53. Gradus autem plures sunt societatis hominum. Vt enim ab illa infinita discedatur, proprior est eiusdem gentis, nationis, linguae qua maxime homines coniunguntur ; interius etiam est eiusdem esse ciuitatis : multa enim sunt ciuibus inter se communia, forum, fana, porticus, uiae, leges, iura, iudicia, suffragia, consuetudines praeterea et familiaritates multisque cum multis res rationesque contractae. Artior uero colligatio est societatis propinquorum; ab illa enim immensa societate humani generis in exiguum angustumque concluditur. 54. Nam cum sit hoc natura commune animantium, ut habeant libidinem procreandi, prima societas in ipso coniugio est, proxima in liberis, deinde una domus, communia omnia; id autem est principium urbis et quasi seminarium rei publicae. Sequuntur fratrum coniunctiones, post consobrinorum sobrinorumque qui cum una domo iam capi non possint, in alias domos, tamquam in colonias exeunt. Sequuntur conubia et affinitates ex quibus etiam plures propinqui; quae propagatio et suboles origo est rerum publicarum. Sanguinis autem coniunctio et beneuolentia deuincit homines et caritate. 55. Magnum est enim eadem habere monumenta maiorum, iisdem uti sacris, sepulcra habere communia. 53. Il y a plusieurs niveaux de la société humaine. A partir en effet de cette société infinie dont on vient de parler, il existe, plus particulière, la société de la même race, de la même nation, de la même langue qui, elle surtout, réunit les hommes, mais le lien est plus intime encore d’appartenir à la même cité. Beaucoup de choses en effet sont communes entre eux aux concitoyens : le forum, les temples, les portiques, les rues, les lois, le droit, la justice, les votes, les relations aussi et les amitiés, et pour un grand nombre tous les contrats d’affaires. Plus restreint en vérité est le lien de la société familiale, car partant de la société immense du genre humain, c’est à ce noyau étroit qu’on aboutit. 54. Etant donné en effet ce trait de la nature, commun aux êtres vivants, qu’ils ont le désir d’engendrer, la société réside d’abord dans le couple conjugual lui-même, puis dans les enfants ; ensuite c’est une seule maison et toutes choses communes. C’est cela le principe de la cité et comme la pépinière de la république. Viennent ensuite les liens fraternels puis ceux des cousins germains et issus de germains et quand une seule maison ne peut plus tous les contenir, ils s’en vont dans d’autres maisons comme dans des colonies. Des mariages s’ensuivent et des parentés par alliance et les proches en deviennent encore plus nombreux. Cette extension et la descendance sont l’origine des républiques. Or la communauté du sang unit les hommes par des liens de bienveillance et d’affection. 55. C’est une grande chose en effet de posséder les mêmes monuments ancestraux, de célébrer les mêmes cultes, d’avoir des sépultures communes. Traduction : M. Testard (CUF)
Où – sinon au sein des habitations – se structurent et s’épanouissent mieux les liens qui unissent entre eux les individus? Dans le regard de Cicéron, la société romaine s’organise en une série de cercles imbriqués les uns dans les autres, et dont le noyau est la maison, épicentre de la familia. Réceptacle des valeurs communes, transmises de génération en génération, et même « pépinière de l’état » pour Cicéron, l’habitation assure également une fonction dynamique, puisqu’elle ne saurait éternellement encadrer l’accroissement de ses membres et qu’elle sert de base à la fondation de nouveaux foyers. C’est de l’habitation en tant que structure mouvante, noyau protéiforme qu’il sera question dans ce volume.
L’étude de l’habitat et de la sphère domestique à l’époque romaine s’est bien longtemps circonscrite à une lecture croisée des sources littéraires et des données archéologiques. Ce champ d’étude se voit ainsi enfermé, depuis des décennies, dans un raisonnement circulaire qui va rechercher, chez les auteurs antiques, soit un éclairage sur les vestiges archéologiques, soit une confirmation concrète, par les données matérielles, des descriptions données par les textes. Pour intéressants et fructueux qu’aient pu être les résultats produits, cette approche méthodologique doit aujourd’hui être dépassée. Du point de vue sociologique, elle présente en effet un écueil important : les sources littéraires n’évoquant presque
1
exclusivement, en détail, que l’habitat des élites, elles excluent du champ de l’étude, de facto, les modes d’habiter des gens moins fortunés.1 Dès lors, si notre connaissance de l’habitat des notables romains a connu un dynamisme certain depuis l’article fondamental d’Y. Thébert,2 les recherches se sont essentiellement concentrées, du point de vue social, sur la figure du dominus, et la mise en scène de son intérieur entre pars publica et pars privata. Quant à l’habitat modeste – c’est-à-dire aux modes d’habiter du plus grand nombre - ses manifestations archéologiques n’étant pas doublées de descriptions littéraires,3 il a peu retenu l’attention. Curieusement, certains de nos collègues géographes font le constat d’un semblable désintérêt pour l’analyse de ce qu’ils nomment la « géographie de l’espace domestique ». Dans son article intitulé « L’espace domestique : Pour une géographie de l’intérieur », paru en 2001 dans les Annales de Géographie, J.-F. Staszak remarque que « Les sciences sociales et singulièrement la géographie ne se sont guère intéressées à l’espace domestique. Cet espace est anthropique, différencié, privé, familial, corporel et il constitue un territoire fondamental. En tant qu’espace géographique, il est le produit d’une société dont il porte les normes et, en même temps, il structure la vie quotidienne et participe à la reproduction sociale ».4 Tout en relevant que « La rareté des travaux dédiés à la vie privée et à l’espace domestique contraste avec l’abondance de la littérature consacrée à la vie sociale et à l’espace public », ce même chercheur relève ce paradoxe : « Pourtant les sciences sociales et particulièrement la géographie peuvent-elles ignorer le lieu où nous passons tant de temps, auquel nous consacrons un tel investissement affectif et financier, dans lequel se déroulent les événements parmi les plus essentiels de notre vie, où nous sommes vraiment nous-mêmes ? ». Ces mêmes réflexions semblent s’imposer pour les sciences de l’Antiquité. VERS UNE ÉVOLUTION DE LA MÉTHODOLOGIE APPLIQUÉE À L’INTERPRÉTATION DES « MODES D’HABITER » ROMAINS Les perspectives heuristiques évoluent depuis quelques années, grâce notamment au dynamisme de l’école anglo-saxonne, qui dans ses travaux sur la culture matérielle des anciens, s’est plus particulièrement intéressée à l’environnement domestique plébéien. Ces travaux récents doivent beaucoup, mais pas exclusivement, aux recherches de L. Nevett5 et de P. Allison.6 Ainsi, ces dernières années ont vu naître nombre d’approches fructueuses, qui envisagent l’étude des
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modes d’habiter romains selon une méthodologie plus anthropologique, permettant de ramener la plèbe au centre des problématiques. C’est ainsi que se trouvent au cœur du questionnement les approches sensorielles, les gender studies, la place de la culture visuelle chez les plébéiens, la structuration de l’espace et l’analyse des mouvements dans l’espace domestique.7 Citons également l’apport des études carpologiques pour la compréhension des structures, la saisonnalité de l’occupation des espaces de la maison. Cette « archéologie de l’invisible », appliquée à l’espace domestique a reçu récemment une interprétation très stimulante, dans l’ouvrage de S. R. Joshel et L. Hackworth Petersen portant sur « la vie matérielle » des esclaves romains.8 Les auteurs déploient des outils analytiques innovants afin d’identifier dans l’architecture, le décor, les graffitis et autres subtiles traces matérielles, des indices des modalités d’occupation des espaces domestiques. C’est ainsi que la hauteur des portes dans une habitation, par exemple, peut être utilisée comme fil conducteur pour mettre en évidence les stratégies de circulation, à l’intérieur de l’espace occupé par une familia, en fonction du statut (servile ou libre) de ses occupants.9 Enfin, les stratégies de transmission, de vente, de location, de partition des habitations urbaines entre proches, membres de la familia (affranchis et autres) sont aussi concernées. L’approche anthropologique concernant l’habitat antique, déjà en germe dans les travaux de L. Nevett ou de P. Allison, si elle est croisée avec les travaux de J. Dubouloz sur la législation du patrimoine immobilier,10 permet de questionner les interdépendances entre les membres de la familia et leurs habitations. Peuvent ainsi être étudiés précisément plusieurs aspects d’histoire sociale, comme la vie conjugale, les stratégies de cohabitations entre agnats et membres de la familia ou les décisions de fractionnement ou de fusion du patrimoine. Au cours des dernières décennies, une place croissante (quoiqu’encore marginale) a été accordée, dans les publications archéologiques, à la confrontation entre vestiges et sources juridiques.11 L’interaction entre les méthodologies archéologiques et anthropologiques ouvre le champ à de nouvelles possibilités d’approches. Elle permettra sans doute également de réétudier des dossiers anciens qui n’avaient pas produit de résultats pleinement satisfaisants. Je pense notamment à la question de l’interprétation de la planimétrie de l’habitat romain, de la domus bien entendu, mais aussi des appartements dans les immeubles de rapport. L’analyse traditionnelle de la planimétrie du modèle de la domus a sans doute été figée dans
un « européocentrisme » trop prégnant. A vouloir rechercher ou identifier dans l’organisation de la maison romaine un duplicata des modes d’habiter de l’Occident contemporain, n’est-on pas passé largement à côté des usages romains ? En cherchant à attribuer une fonction déterminée aux pièces – chambre à coucher, salle à manger, salon, salle de réception, bureau du maître de maison – sommes-nous dans une démarche qui nous permettra de restituer fidèlement les modes d’habiter romains ? Concernant l’étude des modes d’habiter, il faut se méfier des grilles d’analyse préconçues, en l’occurrence, pour le cas de la maison romaine, celles issues de la fossilisation du couple pièce/fonction qui norme la maison occidentale depuis le XIXe siècle.12 De nombreux archéologues ont émis des doutes, ces dernières années, sur la légitimité d’une telle approche. Une première étape pour mieux comprendre le fonctionnement de la maison romaine pourrait être de se libérer du carcan de la terminologie vitruvienne. Mais par quoi la remplacer ? L’exemple de la réinvention typologique proposée par P. Allison13 - qui a produit une grille terminologique assez fastidieuse à mettre en œuvre, et que la communauté des archéologues ne s’est pas appropriée - montre que de telles tentatives ne rencontrent pas forcément le succès. Le primat de la domus ou de la villa s’explique également en ce que ces maisons permettent la mise en œuvre de classements typologiques et la confrontation entre les maisons romaines (telles qu’elles sont connues par l’archéologie) et le traité vitruvien via son modèle canonique de la « maison à atrium ». Pourtant, une grande partie de l’habitat urbain d’époque romaine attend toujours une étude globale, non seulement architecturale mais aussi, et surtout, sociologique et anthropologique. De nombreux sites, soit par la présence de « documents de la pratique» (Herculanum), soit par leur potentiel d’étude (Délos, Olynthe, Ephèse, Ostie, Vaison-la-Romaine, Narbonne, etc.), sont prometteurs dans cette perspective, qui doit s’articuler avec une approche confrontant tous types de sources et d’habitat, autorisant ainsi une lecture plurielle. Ainsi, dans les cités vésuviennes, la domus est souvent encore considérée comme un ensemble clos aux limites inamovibles, alors que l’étude du bâti des édifices révèle qu’en 79, nombre d’entre elles étaient fragmentées en plusieurs habitations. Ostie et Éphèse, quant à elles, ouvrent un champ d’analyse de la vie collective dans les immeubles de rapports (insulae). De plus, bien d’autres agglomérations du monde romain (en Gaule, Germanie, Bretagne, Grèce…),
incomplètement étudiées, ou rarement confrontées les unes aux autres permettraient d’enrichir considérablement la synthèse. À l’heure où l’on s’interroge sur le lien social, sur l’influence de l’architecture dans les modes de vie et sur les relations entre les quartiers au sein des grandes villes actuelles, il semble pertinent d’entreprendre l’étude des « modes d’habiter » dans l’antiquité romaine, dont les cités constituent le noyau de nos villes contemporaines. Le cas d’Herculanum constitue à cet égard un laboratoire privilégié pour mener l’enquête. Disparue lors de l’éruption du Vésuve de 79 qui enfouit également Pompéi, cette cité antique a été jusqu’ici relativement écartée des études archéologiques et historiques au profit de sa célèbre voisine. À ce jour, nombre de ses édifices restent encore inédits et il n’existe aucune synthèse générale récente proposant une approche globale de l’habitat et du mode de vie de la société herculanéenne. Pourtant, les conditions exceptionnelles de conservation du site archéologique et l’abondance de la documentation archivistique permettraient d’entreprendre une analyse systématique des bâtiments, du mobilier et des décors peints et sculptés, restituables dans leur contexte d’origine : autant de données susceptibles de nourrir une étude de plus grande envergure sur des problématiques relevant des sciences sociales et historiques, et engageant l’étude du cadre de vie, du tissu social, ainsi que des spécificités d’Herculanum par rapport aux autres cités campaniennes, et notamment Pompéi. En dépit de la multiplicité des vestiges romains mis au jour en Occident, nos connaissances sur la manière dont les populations de l’antiquité vivaient leur maison et leur ville restent très parcellaires. Les vestiges des villes romaines partiellement « fossilisés» grâce à l’éruption du Vésuve offrent toutefois une opportunité unique de se plonger dans la vie quotidienne et l’habitat du Ier siècle. Jusqu’ici, les études ont surtout porté sur Pompéi, bien dégagée - notamment en ce qui concerne les bâtiments publics - mais aussi plus étendue qu’Herculanum. Les riches données fournies par Herculanum sont donc aptes à nourrir une réflexion sur les « modes d’habiter » des Romains du Ier siècle de notre ère. A la croisée de l’histoire, la géographie, l’anthropologie, l’architecture et l’urbanisme, le concept de « modes d’habiter » a été élaboré dans les années 1990 par l’historienne et géographe N. Mathieu, afin d’alimenter la réflexion sur les cadres et modes de vie et sur les interactions entre l’homme, son habitat, et, plus généralement les lieux qu’il fréquente régulièrement, dans une appréhension globale du mode d’occupation de
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l’espace par les individus et les groupes.14 Notre approche historique, anthropologique et archéologique articule donc la question des identités sociales et celle des modes d’occupation de la maison et d’organisation de la sphère domestique au sein du territoire urbain. Ainsi, l’insula V d’Herculanum, sur laquelle porte le présent volume, suggère à l’analyse une importante mixité sociale et un habitat très contrasté, objet de multiples réorganisations au cours du temps. Dans un même îlot d’habitation cohabitent des individus aux origines et aux statuts sociaux divers, libres ou non-libres, membres de l’élite ou populations socialement moins favorisées. Cette mixité se lit parfois à l’échelle d’un édifice domestique, l’une ou l’autre partie de vastes demeures pouvant être éventuellement louée à des commerçants ou à des particuliers. Ajoutons que, du point de vue architectural, de riches et vastes domus comme la Casa del Bicentenario ou la Casa Sannitica sont mitoyennes de maisons étroites ou modestes comme la Casa del Telaio, les unes et les autres servant d’habitat à des populations très hétérogènes. Herculanum était donc, de toute évidence, un véritable « creuset » où se rencontraient et interagissaient les différentes strates composant la population romaine. Par ailleurs, l’articulation, avec et dans les espaces domestiques, des jardins, des lieux d’otium (thermes, triclinia, etc…) et des espaces dévolus aux rituels religieux (sacraria ou laraires) sera mise en perspective. Comment les individus cohabitaient-ils à l’intérieur de la maison ? Comment adaptaient-ils leur cadre de vie et s’y adaptaient-ils ? Le statut des étages est particulièrement troublant : étaient-ils destinés à la location ou au repos nocturne des propriétaires ? Les données fournies par le cas herculanéen valident-elles l’hypothèse du développement d’un habitat populaire à l’étage des domus ? Comment se répartissent les activités à l’intérieur de la maison ? À l’échelle de l’insula ? Comment se manifestent les stratégies de distinction sociale et quel rôle joue le décor des habitations dans ce processus d’émulation au sein de la population ? Autant de questions auxquelles l’étude de la culture matérielle des habitants d’Herculanum et en particulier l’analyse de leur cadre de vie (architecture, mobilier et surtout, décor) est susceptible de fournir des éléments de réponse. En effet, autoreprésentation, mise en scène de sa famille, de ses goûts, de sa culture, de ses croyances, sont autant de stratégies d’occupation de l’espace urbain et de positionnement respectif entre concitoyens. L’analyse systématique du décor en contexte, surtout quand il est associé à la présence d’éléments de mobilier est donc une
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source d’information de premier plan pour la connaissance des habitants de la cité. ANALYSE SYNCHRONIQUE DES DÉCORS DOMESTIQUES DANS DES ARCHITECTURES EN MOUVEMENT Depuis les prémices des studi Pompeiani, l’usage académique d’une étude de type « monographique » des habitations des cités campaniennes s’est imposé. Cette tradition culmine avec la publication des Häuser in Pompeji ainsi qu’avec l’organisation topographique du PPM (Pompei Pitture e Mosaici) Pour efficace et pertinente qu’elle puisse être, une telle partition « par lots » des publications des habitations de Pompéi et Herculanum comporte quelques écueils. Le plus pernicieux semble être l’abolition du lien avec les habitations mitoyennes, avec lesquelles elles partagent pourtant, dans de nombreux cas, une histoire architecturale et ornementale commune. Une telle segmentation du parcellaire de l’insula empêche par ailleurs, dans certains cas, la mise en œuvre d’une analyse diachronique des décors des habitations, qui doit se penser, non à l’échelle d’une unique habitation, mais à celle de toute une partie de l’îlot, voire de l’îlot tout entier. C’est d’ailleurs en ce sens que R. Ling a dirigé l’étude archéologique de l’insula du Ménandre à Pompéi.15 Afin de dépasser ces problèmes et de proposer une étude diachronique complète de l’évolution de l’architecture et du décor domestique d’Herculanum, je propose donc ici de projeter l’analyse à l’échelle d’une insula toute entière, l’insula V (pl. 1 et pl. 316). Son étude est apparue particulièrement féconde dans cette perspective, puisqu’il s’agit d’une des zones les plus récemment fouillées, mais aussi parce qu’elle n’est constituée que d’édifices domestiques (et de locaux commerciaux situés en façade de ceux-ci). Une telle projection permettra également la réalisation d’une analyse synchronique de la planimétrie et du décor des habitations, telles qu’elles étaient délimitées en 79. W. Ehrhardt a publié un ouvrage - intitulé Dekorations-und Wohnkontext. Beseitigung, Restaurierung, Verschmelzung und Konservierung von Wandbemalungen in den kampanischen Antikenstätten - qui contribue à projeter ce type d’analyse dans un cadre méthodologique nouveau, du point de vue de la compréhension des décors.17 Sa problématique est novatrice, puisqu’il s’agit d’interpréter les raisons de la conservation de décors anciens (de Ier, IIe ou IIIe style) dans un grand nombre d’habitations campaniennes, ainsi que les
modalités de leur coexistence avec les décors de IVe style les plus récents. Le constat n’est pas nouveau bien entendu, tous les archéologues concernés connaissent ce phénomène. Mais W. Ehrhardt est le premier à réfléchir sur les motivations des commanditaires et à en proposer une analyse sociologique. Ses perspectives problématiques se manifestent à travers ces quelques questions : • •
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Quelles formes de décoration coexistaient à des moments donnés de l’histoire d’une maison ? Que peut-on apprendre des stratégies d’aménagement domestique du propriétaire de la maison en étudiant la manière dont il gère les anciens décors ? Est-ce que la conservation de compositions démodées signifie que le propriétaire aspirait à une atmosphère « archaïsante » ?
L’examen des manifestations du phénomène recensées par W. Ehrhardt permet de mettre en évidence un certain nombre de cas de figure possibles : •
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Les complexes décoratifs où les enduits anciens étaient recouverts ou cachés (par exemple derrière un escalier). Dans ce cas il n’y a pas d’attachement nostalgique au passé : l’enduit était conservé par souci d’économie ou pour protéger le mur de l’humidité. La conservation partielle d’anciens décors à côté de nouveaux enduits qui étaient soit laissés unis, soit peints dans un nouveau style qui ne cadrait pas avec l’autre. Ici la motivation première était sans doute économique. Il pouvait s’agir aussi, dans le contexte des séismes des dernières années, d’une mesure temporaire, dans l’attente d’une restauration systématique qui n’aura jamais lieu. La conservation intégrale de décors anciens dans certaines pièces : encore une fois, la motivation première du propriétaire aurait été d’économiser de l’argent. La conservation partielle de décors pour des motifs esthétiques : ceci concerne soit des restaurations (on peint de nouvelles peintures qui sont identiques aux anciennes) ou des fusions (on veille à un mélange harmonieux des parties conservées d’anciennes décorations avec de nouvelles œuvres de style contemporain). Dans de tels cas, les décors étaient clairement conservés en raison d’un goût pour les anciens décors ; ou parce que leur ancienneté ne gênait pas les habitants et qu’ils avaient même su, dans certains cas, les conjuguer avec la mode du moment.
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Les nombreux exemples de décors anciens conservés dans certaines pièces alors que d’autres pièces étaient décorées selon le style contemporain ; ici on peut voir différentes raisons derrière la décision de conserver le décor ancien, mais encore une fois un facteur important doit avoir été une impression de cohérence avec le goût actuel.
Parmi les grandes tendances que W. Ehrhardt identifie, quelques-unes peuvent être mentionnées. Là où les décors ont été conservés dans quelques pièces, et pas d’autres, les différents styles avaient tendance à être regroupés dans des parties distinctes et autonomes de la maison, par exemple dans le quartier de l’atrium ou dans une suite de pièces ouvrant sur le péristyle. Cela peut signifier que le commanditaire était conscient que les schémas décoratifs concernés n’étaient pas visuellement cohérents tous ensemble ; ou bien cela peut simplement être le résultat d’une mise en œuvre de la reconstruction ou la redécoration d’une partie de la maison plutôt que d’une autre (à la suite d’un séisme par exemple). L’analyse de la répartition des styles de décor en fonction de la typologie des espaces est également féconde, même si, sur ce point, les réflexions de W. Ehrhardt n’apprennent rien de nouveau aux spécialistes de peinture romaine.18 Certains propriétaires semblent avoir retenu délibérément des décors de Ier ou de IIe style dans l’atrium, le tablinum et les alae, peut-être parce que le caractère vénérable des décors en question était particulièrement en harmonie avec le prestige traditionnel de l’espace de réception de la maison. Dans d’autres maisons, pourtant, les commanditaires choisirent volontairement de peindre le quartier de l’atrium à la dernière mode, comme si l’importance sociale de ces pièces nécessitait que leur décor soit parfaitement au goût du jour. L’analyse porte aussi sur la manière dont fonctionnaient les combinaisons entre les différents styles. Il y avait, par exemple, une tendance nette à combiner les Ier et IIIe styles. On relève également une affinité entre le IIe et le IVe style, qui ne doit pas surprendre puisque leur principe est avant tout architectural. Dans de tels cas, selon W. Ehrhardt, les différents styles partageaient une esthétique qui les rendait compatibles aux yeux du commanditaire. Avec le IIIe style, cependant, l’esthétique était tout à fait différente de celle des autres styles, sauf dans sa phase finale, qui tend à renouer avec le trompe-l’œil architectural et annonce le IVe style. Les combinaisons avec les autres styles étaient donc beaucoup plus rares. Il existe toutefois des cas notables - en particulier à Hercula-
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num, comme on le verra - de coexistence entre des décors de IIIe style final et des ensembles de IVe style. Pour W. Ehrhardt, ces derniers cas peuvent avoir deux implications, à part, bien entendu, le souhait de faire des économies en évitant de refaire des décors en bon état, et pas trop vétustes19 : soit l’esthétique des anciens et des nouveaux décors était suffisamment proche pour être ressentie comme harmonieuse et cohérente ; soit les deux ensembles stylistiquement différents auraient été commandés par un même individu, dont les goûts n’auraient pas trop changé. W. Ehrhardt s’est très peu attaché aux exemples d’Herculanum dans son ouvrage, mais j’espère pouvoir éclairer utilement l’analyse de plusieurs habitations, selon une démarche proche de la sienne, dont la perspective et les résultats résonnaient parfaitement avec mes propres travaux.20 PRÉSENTATION DE L’OUVRAGE Un des enjeux les plus problématiques suscités par l’analyse de l’espace domestique concerne l’articulation entre le « contenant » - une structure architecturale dont les limites sont a priori assez fixes et en tout cas rigides – et le « contenu », à savoir la familia, une entité dynamique, aux limites mouvantes. L’espace domestique est tenu de s’adapter aux évolutions de la cellule familiale, qui présente alternativement des tendances à l’inflation, puis à la fragmentation. Bien entendu, il s’agit d’une question qui concerne presque toutes les cultures humaines, à toutes les époques. Pour les villes d’époque romaine, et Herculanum en particulier, un objectif est donc d’envisager quels ajustements du point de vue de l’architecture des habitations ces métamorphoses continuelles des cellules familiales pouvaient générer. Quels types de solution pouvaient être mis en œuvre, et quelles en étaient les conséquences du point de vue de l’architecture et de l’ornatus des maisons ? C’est pourquoi j’entreprends ici l’étude de l’architecture domestique non à l’échelle d’une seule unité d’habitation une domus par exemple ou un cenaculum (appartement) mais à l’échelle d’une insula toute entière afin d’envisager une analyse globale aussi bien synchronique que diachronique. Plusieurs échelles seront donc abordées : Dans une perspective diachronique • l’évolution du parcellaire et des limites des propriétés et des unités sociales et commerciales • les transformations des programmes ornementaux • les enjeux sociaux de ces transformations
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A l’échelle synchronique • l’analyse de la configuration du parcellaire lors des différentes phases successives • l’analyse des programmes ornementaux lors des différentes phases et surtout tels qu’ils se présentaient en 79. • l’analyse de l’organisation planimétrique des habitations telle qu’elles se présentaient en 79. Un tel projet d’analyse, qui vise à articuler plusieurs échelles spatiales et temporelles, nécessite beaucoup de rigueur dans la présentation, afin d’organiser des données de nature hétérogènes, sans sacrifier à la clarté. L’ensemble du corpus sur lequel s’appuie l’analyse était trop volumineux pour être imprimé, mais il est possible de consulter facilement la base de données DOMVS qui compile tous ces éléments (https://fms. db.huma-num.fr/fmi/webd). 21 On trouvera notamment, dans la base de données, des clichés de presque toutes les parois et décors peints de l’insula V, qu’il était impossible de reproduire exhaustivement dans le texte. Toutefois, il a été fait en sorte que cet ouvrage soit autonome - et l’étude architecturale et ornementale compréhensible - sans se reporter constamment à la base de données. Ainsi, il est possible de consulter la base pour avoir accès aux données dans leur exhaustivité, ou bien de s’en passer totalement. Un grand nombre de plans (plans des habitations, phasage des rez-de-chaussée et des étages, phasage des décors, etc.) sont indispensables à la compréhension du présent volume. Ils ont été regroupés en fin de volume. Enfin, signalons que, dans les légendes des figures insérées dans le texte, la date indiquée entre parenthèses après le nom de l’auteur d’un cliché désigne la date à laquelle fut prise ce cliché, par exemple : Cliché M.-L. Maraval (2012). La première partie de cet ouvrage présente la méthodologie mise en œuvre et les sources sur lesquelles s’appuie l’analyse, tout en complétant l’historiographie amorcée dans l’introduction. La deuxième partie présente l’évolution diachronique conjointe de l’architecture et du décor des habitations, selon un découpage spatial de l’insula en trois secteurs cohérents. La troisième partie se compose de deux premiers chapitres diachroniques, qui détaillent les phénomènes d’augmentation, puis de fractionnement de la surface habitable des édifices. Enfin, un dernier chapitre, plus synchronique, propose une analyse de l’espace domestique de l’insula, tel qu’il se présentait en 79.
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Le mode d’habiter est un modèle théorique des comportements individuels et collectifs d’une communauté dans l’espace qu’elle occupe. Dans le cas du logement, le mode d’habiter d’une famille précise comment elle investit son espace privé, comment elle se réunit, où elle partage le repas, où elle se repose, etc. Le mode d’habiter détermine comment les individus et le groupe assignent une fonction et un usage à des pièces, des espaces spécifiques. Lire notamment Morel-Brochet, Ortar 2012. Thébert 1985. Signalons parmi d’autres citations, quelques mentions chez le poète Martial, dont on trouvera les références dans Pailler 1981. Staszak 2001. Nevett 1997 ; Nevett 2007 ; Nevett 2010. Allison 1993 ; Allison 1992 ; Allison 1999 ; Allison 2004 ; Allison 2007 ; Allison 2015a. En particulier, et de manière non exhaustive : Milnor 2005 ; Hamilakis 2013 ; Bradley 2015 ; Platts 2016 ; Betts 2017. Joshel, Petersen 2014 : « Invisilibity in Archaeology», 4-7. Ibid., 37-59. Dubouloz 2011. Et notamment aux rapports entre propriétaires mitoyens, depuis la publication des travaux de J. M. Rainer (Rainer 1987), puis C. Saliou (Saliou 1994 : en particulier le chapitre sur la mitoyenneté, 37-70) et J. Dubouloz (Dubouloz 2011). Pour son application au sein d’une monographie archéologique voir Ling 1997 (247252), et Mar 2001, I, 87-88. Daumard 1975, 60 ; Bauhain 1989. Allison 2004, 64, table 5a. Sur cette typologie lire infra p. 33-34. Morel-Brochet, Ortar 2012 ; Paquot, Lussault, Younès 2007. Nicole Mathieu revient sur les conditions d’élaboration de ce concept, et son évolution dans Mathieu 2014. Pour une étude bien documentée de la « vie de quartier » dans la Rome antique lire la thèse de C. Courrier, et notamment toutes ses réflexions sur l’ « espace vécu » et le déroulement de la vie quotidienne à l’échelle localisée du quartier : Courrier 2014, 127-191.
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Ling, Arthur 1997 ; Ling, Ling 2005 . Citons également le projet sur l’Insula I, 8 de Pompéi : Cullin-Mingaud, Borgard 2007. Auparavant, pour Ostie, R. Mar a livré des études importantes sur l’évolution du parcellaire, en particulier sur l’îlot des thermes des Septs Sages : Mar 1991. Voir aussi, pour l’ étude diachronique de 2 insulae de la Regio VI de Pompéi Carocci 1990 : Cf. C.R. par P. Gros (Gros 1992) et état de la question en 1996 par Guilhembet (Guilhembet 1996). A Herculanum, R. de Kind a produit un mémoire d’étude architecturale des insulae IV et VI : De Kind 1998. La mention « pl. » dans le texte entre parenthèses indique un renvoi aux planches. Ehrhardt 2012. Surtout depuis les travaux très stimulants de Strocka 1975 et Scagliarini Corlàita 1974. Les décors de IIIe style final pouvaient avoir été réalisés une vingtaine ou une trentaine d’années avant la destruction du site. Liste des maisons de l’insula V d’Herculanum mentionnées par W. Ehrhardt : Casa con Giardino (62) ; Casa del Bicentenario (121) ; Casa del Mobilio Carbonizzato ( 20, 125, 138) ; Casa del Sacello di Legno (21 et 23) ; Casa Sannitica (122, 125, 140, 218). Cliquer sur l’icône de la base DOMVS puis choisir « Se connecter en tant qu’invité ». Un tutoriel expliquant les modalités de connexion à la base, ainsi que son fonctionnement, est disponible sur le blog scientifique http://vesuvia.hypothèses.org dans l’onglet « accès base de données ».
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Partie 1 De l’apport de l’étude architecturale à l’analyse des programmes ornementaux
1.1 Sources disponibles
BRÈVE PRÉSENTATION DES ARCHIVES ARCHÉOLOGIQUES DISPONIBLES SUR HERCULANUM Découverte au début du XVIII e siècle, la cité romaine d’Herculanum a fait l’objet de plusieurs campagnes de fouilles et de restauration successives : c’est donc un site « pluristratifié », dont les structures bâties et les décors architecturaux visibles aujourd’hui résultent d’une lente hybridation entre Antique et Moderne (pl. 2). Dès lors, si l’on souhaite retrouver l’état d’origine, celui d’avant l’éruption de 79 de notre ère, il est impératif d’identifier les étapes d’une telle histoire, en confrontant les documents d’archives à l’analyse des murs, des sols et des surfaces décorées, tels qu’ils se présentent actuellement. Deux programmes de recherche complémentaires, menés en étroite collaboration scientifique avec le Parco Archeologico di Ercolano, ont été entrepris pour œuvrer dans ce sens. Le DHER (Domus Herculanensis Rationes, Université de Bologne, porté par A. Coralini), initié en 2005,1 vise à établir un inventaire systématique des parois d’Herculanum, à travers la réalisation de relevés photogrammétriques et d’orthophotographies. A partir de de l’insula III, les équipes de l’Université de Bologne ont poursuivi leurs travaux sur tout le site, et enrichi d’année en année l’indispensable enregistrement de tous les décors in situ d’Herculanum. Le second programme, nommé VESUVIA (ANR-CNRS-Université de Toulouse II, porté par A. Dardenay),2 vise à enregistrer dans une base informatisée créée en 2011, DOMVS©, toute la documentation disponible sur l’habitat d’Herculanum. L’objectif est de replacer peintures, sculptures, mosaïques et mobiliers dans leur contexte architectural d’origine, grâce à une étude exhaustive portant sur les décors in situ, les collections des Musées (œuvres et artefacts décontextualisés) et les archives photographiques et documentaires (fig. 1). D’autre part, quelques publications concourent à une meilleure connaissance des édifices domestiques d’Herculanum. L’ouvrage de N. Monteix intitulé Les lieux de métiers : boutiques et ateliers d’Herculanum3 a permis de définir l’articulation entre sphère domestique et espaces dédiés au travail. Devenue incontournable pour qui travaille sur Herculanum, l’étude s’appuie sur une solide analyse des archives des fouilles menées au XXe
siècle sous la tutelle du Surintendant A. Maiuri4 et, du point de vue archéologique, sur une révision et une mise à jour des études de bâti déjà menées auparavant sur le site.5 La thèse de J. Andrews, soutenue en 2006, offre une analyse systématique et presque exhaustive de l’étage des maisons d’Herculanum. L’étude contient des photographies de ces espaces difficilement accessibles, ainsi qu’un inventaire de données indispensables à toute réflexion sur l’aménagement et le découpage des espaces de vie, ainsi que sur l’organisation de la maisonnée à Herculanum.6 Pour ce qui concerne plus spécifiquement les décors, deux ouvrages s’avèrent extrêmement utiles. En premier lieu, la thèse de D. Esposito, sur les peintures d’Herculanum,7 se présente comme une réflexion sur l’évolution stylistique des décors peints et la recherche de compositions ayant pu être réalisées par un même atelier. En second lieu, la publication du corpus des mosaïques, sous la direction de F. Guidobaldi,8 aide à combler une importante lacune documentaire. Enfin, concernant l’histoire de la conservation du site, signalons la monographie d’E. Sorbo,9 qui propose une histoire des fouilles et des restaurations menées à Herculanum entre 1711 et 1961. Elle envisage ainsi une étude de l’évolution des techniques de restauration des vestiges antiques, parallèlement à une réflexion sur l’esthétique des ruines et leur mise en scène dans les projets de valorisation du site. Aperçu des phases successives d’exploration du site Les premières découvertes effectuées sur le site d’Herculanum remontent à 1709, mais les fouilles archéologiques commencent officiellement le 22 octobre 1738, sous l’autorité du roi de Naples, Charles de Bourbon – c’est-à-dire dix ans avant celles de Pompéi.10 Elles sont confiées à des ingénieurs, qui doivent composer avec la dureté du flux pyroclastique et mettent en place un réseau de galeries souterraines (cunicoli), dont le tracé n’est pas toujours aisé à suivre pour nous aujourd’hui. Au cours du XVIIIe siècle, le site est fouillé par Rocco Gioacchino de Alcubierre, un officier du Génie, puis par l’architecte Karl Weber et enfin Francesco La Vega, à partir de 1763. Ce dernier, qui a œuvré en collaboration avec le
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1.1
Fig. 1. Plan général du site archéologique d'Herculanum. Réalisation : ANR VESUVIA©.
12
SOURCES DISPONIBLES régent du royaume, Bernardo Tanucci, ancien professeur de l’Université et de l’Académie d’Herculanum fondée en 1755, a tenté de produire un plan du site, sans toutefois pouvoir y faire figurer le tracé aléatoire et sinueux des tunnels creusés au gré des découvertes.11 Il est difficile alors de se faire une idée de l’étendue de la ville antique ; les galeries traversent des demeures et des rues, perçant les murs, ce qui ne permet pas d’avoir une vue claire de l’organisation de la trame urbaine. (cf pl. 2 pour les différentes phases de fouilles successives). Le président Charles de Brosses nous a laissé l’une des descriptions les plus détaillées de la cité ensevelie, avant que nombre d’éléments de décor et de mobilier n’en soient extraites. Le XVIII e siècle correspond en effet globalement à une période de « prédation » dans l’histoire des fouilles d’Herculanum : le roi de Naples utilise la richesse archéologique du site à des fins politiques.12 Les fouilleurs prélèvent les décors pour le compte du souverain, sans porter attention à leur contexte de découverte et leur emplacement d’origine. Les trouvailles (sculptures, artefacts, éléments de décor peint et mosaïques) viennent ainsi peu à peu alimenter le musée créé en 1750 dans le palais royal de Portici : le Museum Herculanense. Les plus belles peintures murales sont détachées des parois, pour être exposées à la manière de tableaux.13 Le processus de dépose commence très vite : à peine un an après le début de l’exploration du site, Joseph Canart, un restaurateur français, engagé pour restaurer les sculptures de marbre et de bronze, propose au roi Charles de Bourbon de détacher des fragments de peinture murale pour compléter sa collection, après la découverte d’une peinture spectaculaire le 23 juin 1739. Il argue que ces peintures antiques plaisent beaucoup à Rome et en Angleterre et qu’il a inventé une technique pour les déposer. Charles de Bourbon le laisse mettre en œuvre sa technique et les déposes se multiplient, atteignant 400 fragments dès 1748.14 Les pièces archéologiques deviennent ainsi œuvres d’art et les chercheurs doivent donc tenter aujourd’hui de reconstituer, à la manière d’enquêteurs, les étapes d’une telle métamorphose, dont les archives ne permettent malheureusement pas toujours de suivre la trace.15 Il existait en effet un climat de mystère soigneusement entretenu autour d’Herculanum. Dès les premières découvertes, Charles de Bourbon souhaitait conserver le monopole exclusif de la diffusion des images des pièces et peintures mises au jour. Pour cela, il avait confié à un érudit, Antonio Baiardi, le soin de cataloguer, reproduire et commenter toutes les découvertes, afin
d’éditer à ses frais un ouvrage monumental destiné à impressionner les milieux antiquaires européens.16 De fait, tout croquis, toute note, tout arrêt prolongé devant les pièces présentées au Musée étaient rigoureusement interdits aux visiteurs. L’entreprise systématique de dépose prend fin au début du XIXe siècle, au moment où, sous la direction de Michele Ruggiero, les excavations sont désormais conduites à ciel ouvert. Il devient alors possible de dessiner les premiers plans fiables du site et de dégager des maisons de façon méthodique et dans leur intégralité, les unes après les autres. On assiste au cours du XIX e siècle au développement des méthodes archéologiques et à l’émergence d’une volonté de contextualiser les décors qui ont été déposés. La période est également marquée par une diffusion plus large des découvertes : le site est visité par de nombreux voyageurs, notamment le peintre W. Zahn (1800-1871).17 Les objets découverts sont transférés dans le nouveau musée inauguré en 1816 par Ferdinand IV dans le Palazzo degli Studi : le Real Museo Borbonico. Il reçoit l’ensemble du matériel archéologique issu des fouilles de Campanie et de toute l’Italie de sud et devient en 1860, au moment de l’unité italienne, propriété de l’État – c’est l’actuel Museo Archeologico Nazionale di Napoli (MANN).18 De plus, les premières photographies livrent des informations intéressantes sur l’état des édifices mis au jour, avant qu’ils ne se dégradent ou soient restaurés. Les archives deviennent donc plus riches et prolixes pour ce qui concerne l’histoire des fouilles d’Herculanum et de son patrimoine archéologique au XIXe siècle. L’évolution se poursuit au cours du XXe siècle, avec l’adoption par A. Maiuri de méthodes archéologiques plus rigoureuses. De 1924 à 1963, il orchestre le chantier et contribue à la mise au jour d’environ un quart de la cité antique. Il s’emploie aussi à consolider les murs, n’hésitant pas à intervenir sur la structure du bâti et à marquer durablement de son empreinte la physionomie du site. N. Monteix, dans ses travaux, met en lumière l’éventail des archives générées au cours de ces fouilles.19 En croisant les informations consignées dans les journaux de fouille avec d’autres types de documents administratifs, il devient possible de retracer les étapes de l’exploration archéologique du site et de sa mise en valeur par A. Maiuri et les équipes qui ont œuvré sous sa direction. Entre le XVIIIe et le XXe siècle, au fur et à mesure de la progression des fouilles, les maisons d’Herculanum ont été peu à peu vidées de leur contenu. L’intégralité du mobilier de bois et de la
13
1.1 sculpture, de nombreux décors peints et mosaïqués, ainsi que tout le petit mobilier ont été prélevés. La plupart des pièces se trouve aujourd’hui au Musée de Naples (fouilles des XVIIIe et XIXe siècles) ou dans le dépôt du site d’Herculanum (fouilles du XXe siècle). Quelques éléments de décors et de sculpture sont conservés dans d’autres musées européens (par exemple au Louvre), mais leur nombre est peu élevé, conformément à la politique des Bourbons qui interdisait l’expatriation des vestiges des cités campaniennes.20 De riches fonds d’archives à exploiter Les trois siècles de fouilles à Herculanum ont généré de multiples documents écrits, graphiques ou photographiques. La plus grande partie des informations utiles est constituée par les journaux de fouilles (rédigés en espagnol, en français ou en italien, en fonction de la date et de la situation politique de la région21). Soulignons que, pour le XVIIIe siècle, on peine à identifier les lieux de découverte des objets ou des peintures, en raison des excavations menées dans les cunicoli, aux tracés incertains : il faut travailler patiemment, par recoupement, selon la méthode mise au point par A. Allrogen-Beden.22 Le début des fouilles à ciel ouvert au XIXe siècle facilite la tâche. Au XXe siècle, la quantité de documents liés aux fouilles se multiplie, avec l’apparition de procédures de contrôle et d’enregistrement plus complexes.23 On peut aussi avoir recours à la correspondance administrative, entre les autorités politiques et les responsables des chantiers de fouille, ainsi qu’aux registres de visites des XVIIIe et XIXe siècles. On sait par exemple qu’au cours du XVIIIe siècle environ une centaine d’autorisations fut délivrée chaque année. Nous avons en outre conservé le registre de visites tenu entre 1806 et 1856 : le document est consultable aux archives de la Surintendance archéologique à Naples. Une recension des visiteurs du site, surtout pour les périodes les plus anciennes, permet ensuite de rechercher des données concernant le site d’Herculanum, ses maisons et leur décor, dans les mémoires, journaux de voyage, carnets de dessins ou pièces de correspondance qu’ils ont pu produire par la suite.24 Les informations recueillies peuvent en effet être de bonne qualité25 : ainsi les « relevés » publiés au début des années 1750 par Charles-Nicolas Cochin et Jérôme Bellicard, deux célèbres illustrateurs, sous le titre Observations sur les antiquités de la ville d’Herculanum.26 L’histoire des décors peints et des objets, depuis leur mise au jour jusqu’à leur entrée dans
14
les différents musées, peut aussi être suivie grâce aux listes d’inventaires et aux catalogues. Signalons les volumes du Real Museo Borbonico, qui commencent à être publiés en 1824.27 On trouve dans les catalogues des descriptions plus détaillées que dans les journaux de fouilles ou les inventaires, avec parfois mention des couleurs. Le problème, en revanche, reste celui de la contextualisation : l’attention se porte sur le style, du point de vue de l’histoire de l’art, et non sur l’habitation à laquelle l’œuvre se rattachait.28 Les archives graphiques, iconographiques et photographiques fournissent des informations précieuses, en palliant le caractère souvent imparfait ou vague des descriptions que l’on trouve dans les textes. Les relevés graphiques effectués lors des fouilles, par les responsables du chantier, permettent de connaître l’état d’origine de ce qui est resté sur place et qui a subi par la suite des dégradations. Les gravures des publications anciennes, quant à elles, présentent un intérêt inégal, car les peintures y sont le plus souvent reconstituées, sans respect des dimensions.29 En revanche, les dessins originaux effectués par les visiteurs sont d’excellente qualité lorsqu’il s’agit d’artistes et qu’ils utilisent la couleur. Pour les périodes les plus récentes, bien entendu, les photographies prises par les fouilleurs ou par les visiteurs, ou même les cartes postales constituent de précieux témoignages. Les principaux fonds concernés par cette documentation riche et diversifiée sont répartis entre différents lieux : la Soprintendenza Archeologia della Campania à Naples (qui comporte une section à part pour les dessins et photographies : Archivio disegni, Archivio fotografico et Archivio storico), l’Archivio di Stato di Napoli (on y trouve notamment le fonds Casa Reale antica qui contient les journaux de fouilles de La Vega et d’Alcubierre), l’Archivio di Stato di Roma, la Biblioteca della società napoletana di storia patria, le Bureau des fouilles d’Herculanum, la Soprintendenza Archeologica di Pompei (une bonne partie des archives graphiques y a été transférée). Il faudrait en outre mentionner les autres fonds qui se trouvent hors d’Italie : l’INHA et l’ENSBA à Paris et le Fonds Getty à Malibu. Ces fonds ont été partiellement étudiés, mais une partie de la documentation n’a pas été entièrement dépouillée, ce qui oblige parfois à reprendre l’enquête archivistique.30 Archives et restitution de l’architecture et de l’ornatus des habitations Pour qui veut entreprendre une analyse socio-historique de l’habitat romain, Herculanum présente
SOURCES DISPONIBLES des atouts réels, mais également des faiblesses, avec lesquelles il faut composer. Nous l’avons vu, les failles documentaires sont la conséquence de fouilles déjà anciennes et qui se sont poursuivies pendant près de trois siècles. Cet état de fait interdit par exemple de conduire des analyses paléo-scientifiques (carpologie, palynologie, anthracologie) sur les niveaux d’occupation, car ces derniers sont aujourd’hui très contaminés. De la même manière, l’étude du petit mobilier en contexte (céramique commune, verre...) souffre de problèmes d’interprétation de la localisation de ce type de matériel, qui n’est pas toujours clairement indiquée dans les journaux de fouilles.31 Depuis le dégagement des structures de l’ancienne cité, les parties des édifices ayant le plus pâti de l’exposition aux aléas climatiques et des mauvaises conditions de conservation sont sans doute les décors peints. En observant les rares dessins du XIX e siècle réalisés dans la Casa d’Argo32 et les quelques photographies représentant les peintures remises in situ, après restauration, sur les murs des maisons fouillées au XXe siècle, on ne peut que regretter la disparition progressive mais systématique des peintures murales. MÉTHODOLOGIE DE RATTACHEMENT DES DÉCORS PRÉLEVÉS : LE CAS DE LA CASA DI NETTUNO ED ANFITRITE ET DE LA CASA DELL’ATRIO CORINZIO Du point de vue méthodologique, l’approche est double. L’enquête dans les archives et dans les réserves du musée de Naples se mène naturellement à l’échelle du site, l’objectif étant de rassembler l’ensemble de la documentation disponible, quelle que soit sa nature (journaux de fouilles, correspondance scientifique, enregistrement de mobilier, inventaires, etc.) pour reconstituer l’histoire des édifices depuis leur mise au jour mais également pour recontextualiser les œuvres et les éléments de mobilier. Dans ce type d’enquête, nous ne visons pas forcément un édifice en particulier puisque nous procédons par fonds et par types de sources, mais une telle approche est néanmoins possible, notamment pour les édifices fouillés au XIXe siècle, comme la Casa d’Argo par exemple.33 L’étude est donc différente du travail sur le terrain qui nécessite, quant à lui, un enregistrement des données par édifice en priorité. C’est la combinaison des différents résultats, informatisés à travers la base de données DOMVS,34 qui permet d’avancer vers les synthèses architecturales et ornementales. Dans l’étude des décors peints, l’approche s’opère en deux volets : une phase d’acquisition des données suivie d’une phase analytique. Au
MANN (Musée Archéologique National de Naples), la plupart des décors sont enregistrés sans indication précise de leur provenance. Une partie de la tâche consiste donc à tenter de rattacher les sculptures, reliefs, peintures et mosaïques à l’espace qu’ils ornaient à l’origine, à l’aide des journaux de fouilles et de divers types de recoupements des informations, comme la recherche de coïncidences entre les dimensions de tableaux et les traces de déposes attestées dans les parois. Pour l’identification du contexte originel d’un élément de décor, l’analyse commence par un travail effectué sur les rapports de fouilles, afin de trouver des indices et éléments qui, avec d’autres outils de recherche, permettent de localiser précisément la maison, la pièce, voire le mur d’où ont été extraites les peintures ; c’est ensuite l’analyse des vestiges (et d’éventuelles traces de découpe) qui confirment ces localisations, affinées enfin par la comparaison stylistique des décors en et hors contexte. Si la confrontation entre les vestiges de la paroi et les peintures conservées au MANN amène à rendre aux picturae excisae leur contexte d’origine, une approche archivistique et muséographique entre également en ligne de compte. Les rapports de fouilles mentionnent parfois de brèves descriptions, ainsi que le nombre de picturae excisae détachées des parois lors des journées d’excavation. Ainsi, si l’on peut retrouver l’emplacement originel d’un tableau conservé au MANN grâce, entre autres, à ces rapports de fouille, il est possible d’envisager l’hypothèse que les autres tableaux décrits pour la même journée, semaine, ou la même période, ont été prélevés de la même pièce, ou plus généralement du bâtiment fouillé alors. De plus, les anciens numéros d’inventaire (« numeri romani », dits NR) du MANN suivent généralement l’ordre d’entrée des œuvres dans les collections du Musée. Ainsi, des peintures dont les NR (« numeri romani ») se suivent ont quelque chance d’appartenir à la même maison, ou au moins au même secteur.35 Pour les reliefs, la même méthodologie sera appliquée. Concernant le mobilier et la statuaire, qui, contrairement aux peintures, reliefs et mosaïques, ne laissent généralement pas de traces en « négatif » de leur implantation dans la maison, l’enquête portera essentiellement sur les journaux de fouille et les archives photographiques qui documentent l’emplacement des œuvres et du mobilier au moment de leur découverte. La saisie de l’ensemble des œuvres et des éléments de décor dans la base DOMVS permet une lecture synthétique des thèmes iconographiques attestés à Herculanum. D’une maison à l’autre, il est alors possible de réfléchir à la cohérence des décors et à la lecture d’éventuels programmes
15
1.1
Fig. 2. Recontextualisation des picturae excisae identifiées comme provenant de la Casa di Nettuno ed Anfitrite (V, 6-7) et de la Casa dell’ Atrio Corinzio (V, 30) Infographie M.-L. Maraval.
16
SOURCES DISPONIBLES décoratifs et iconographiques. La spécificité de ces images par rapport, notamment, à celles rencontrées à Pompéi est évidente.36 Vers une réintégration des décors peints prélevés (picturae excisae) Une fois les décors prélevés rattachés à leur contexte d’origine, il s’agit de proposer, graphiquement, une restitution de l’apparence originelle des parois. La réalisation de relevés photogrammétriques et d’orthophotos offrent des ressources utiles à la production de propositions de restitutions infographiques fiables et lisibles. Le cas des prélèvements opérés dans la Casa dell’Atrio Corinzio et dans la Casa di Nettuno ed Anfitrite L’enquête menée dans les archives des Bourbons a permis d’établir que les fouilleurs se trouvaient dans Casa dell’Atrio Corinzio en janvier-février 1746.37 De la pièce 2 de cette maison, ils accédèrent au nymphée 8 de la Casa di Nettuno ed Anfitrite par le mur mitoyen et, de là, à la pièce 7 (explorée en février-mars 1746).38 Les deux maisons ayant été rapidement reliées par un tunnel, elles furent donc explorées quasi simultanément. Ce qui implique que les opérations de prélèvement des décors furent opérées presque en même temps dans les deux maisons et que donc les picturae excisae provenant de ces édifices furent enregistrées à des dates proches ou similaires, formant ainsi pour nous un groupe indistinct du point de vue des registres. En dépit de ces difficultés documentaires, il est possible de rattacher avec certitude quelques-uns des panneaux à l’une ou l’autre maison, sur la base d’observations menées in situ et de concordance de programmes ornementaux (fig. 2). Le détail des rattachements proposés sera exposé dans la Première partie, au fil du texte, au moment de traiter les décors concernés. En guise d’introduction méthodologique, parce que le cas semble particulièrement évocateur des difficultés rencontrées dans l’exploitation des archives, je propose ci-dessous (tableaux 1, 2 et 3), dans l’ordre chronologique, un inventaire des décors enregistrés entre janvier et mars 1746, avec la mention des rattachements proposés jusqu’ici. Cet inventaire des opérations de prélèvements réalisées en janvier et mars 1746 permet de formuler quelques observations : Sans surprise, seuls les sujets figurés retiennent l’attention du responsable d’opération. On procède à des prélèvements ponctuels en mutilant les parois des scènes picturales jugées dignes de
rejoindre les collections des souverains. Vu les difficultés de mise en œuvre des prélèvements, les déposes de paroi tout entières sont rarissimes.39 Certains panneaux ne proviennent manifestement ni de la Casa dell’Atrio Corinzio ni de la Casa di Nettuno ed Anfitrite, le style et l’iconographie étant trop différents. Il ne faut pas oublier que les excavations étaient opérées souvent simultanément dans plusieurs secteurs de la ville et que les picturae excisae peuvent provenir d’autres cunicoli. Croisons maintenant cet inventaire, établi à partir des archives, avec cet autre établi d’après les rattachements qui ont pu être opérés à ce jour avec la Casa dell’Atrio Corinzio ou la Casa di Nettuno ed Anfitrite. Inventaire des picturae excisae rattachées à la Casa dell’Atrio Corinzio Toutes les picturae excisae identifiées comme provenant de la Casa dell’Atrio Corinzio ont, en réalité, été détachées d’un seul espace : la pièce 2 (cf. fig. 2; tableau 4). En effet, fouillée fin janvier et début février 1746, elle a fait l’objet de nombreux prélèvements, conservés aujourd’hui au MANN40 ; A. Allroggen-Bedel en a dénombré 19 fragments auxquels s’ajoutent deux tableaux : « L’enfance de Dionysos », et « Dionysos et Ariane ».41 Ces prélèvements destinés à enrichir les collections royales étaient habituellement documentés et publiés dans les volumes des Antichità d’Ercolano, restés inachevés. C’est le travail de recoupement des journaux de fouilles,42 des dates d’entrée dans les collections royales, des vestiges in situ, qui permet de rassembler ces disiecta membra, car les provenances indiquées dans les Antichità d’Ercolano manquent ou sont fautives : par exemple si les tableaux et les architectures sont bien identifiés comme provenant de Portici , la « bacchante » (MANN 9152) porte l’indication « Cività », c’est-à-dire Pompéi. Le 29 janvier 1746, les journaux de fouilles mentionnent « una donna vestita sotto un portico, dalla mano destra pende come un ympresa dove si vede un rosso bellissimo, mentre nella sinistra regge un grosso vaso e nel portico si vedono molte colonne con due maschere » ; cette description correspond au MANN 9607 (PdE IV.59). Le 8 février, est découvert le tableau représentant l’enfance de Dionysos, MANN 9270 (PdE II.12) qui suscite une grande admiration : « una pintura de las mas bellas, que han comparecido hasta ahora, siendo un quadro 3 palmos de ancho, y mas de alto, enteramente sano ...y representa 7 figuras... ». Le 9 février, la petite peinture NR. 109 (PdE IV.58) correspond au couronnement d’une archi-
17
1.1 Janvier 1746 N° inv
Photo
Sujet
Jour
Rattachements
27701
Satyre et Hermaphrodite
16
Indéterminé
9607
Figure dans échappée architectural
29
Casa dell’Atrio Corinzio
8962
Figure féminine dans architecture
29
Indéterminé
8902
Figure masculine dans architecture
29
Indéterminé
9113
Figure dionysiaque
29
Casa di Nettuno ed Anfitrite
Tableau 1. Les prélèvements de janvier 1746.
18
SOURCES DISPONIBLES Février 1746 N° inv
Photo
Sujet
Jour
Rattachements
Vase sur une corniche
9
Casa dell’Atrio Corinzio
Chevaux marins
12
Casa dell’Atrio Corinzio
Ménade, Figure volante
12
Casa dell’Atrio Corinzio
Figure fémine
22
Casa di Nettuno ed Anfitrite
9041
Phèdre et Hippolyte
25
Casa di Nettuno ed Anfitrite
8601
Persée en Andromède
25
Casa di Nettuno ed Anfitrite
8772
Griffon sur fond noir (Pendant de 8773)
22
Indéterminé
8773
Griffon sur fond noir (Pendant de 8772)
22
Indéterminé
9966
9637
Non localisé au MANN
9152
8535
Non localisé au
MANN
Tableau 2. Les prélèvements de février 1746.
19
1.1 Mars 1746 N° inv
Photo
Sujet
Jour
Rattachements
Atlante
5
Casa di Nettuno ed Anfitrite
Atlante
5
Casa di Nettuno ed Anfitrite
8899
Atlante
21
Casa di Nettuno ed Anfitrite
8904
Figure sur entablement
21
Casa di Nettuno ed Anfitrite
9369
Atlante
21
Casa di Nettuno ed Anfitrite
8703
Oiseaux sur bordure
26
Casa di Nettuno ed Anfitrite
8703
Oiseau sur entablement
26
Casa di Nettuno ed Anfitrite
8906
9662
Non localisé au MANN
Tableau 3. Les prélèvements de mars 1746.
20
SOURCES DISPONIBLES Inventaire des picturae excisae rattachées à la Casa dell’Atrio Corinzio N° inv
Photo
Sujet
Jour
Pièce
8578
Echappée sur fond noir
12 février 1746
2
8584
Figure dans échappée architecturale
12 février 1746
2
9607
Figure dans échappée architecturale
12 février 1746
2
9152
Ménade Figure volante
12 février 1746
2
8936
Figure volante nimbée
Indéterminé
2
Tableau 4. Peintures rattachées à la Casa dell’Atrio Corinzio.
21
1.1 Inventaire des picturae excisae rattachées à la Casa dell’Atrio Corinzio N° inv
Photo
Sujet
Jour
Pièce
8952
Figure volante nimbée et couronnée
Indéterminé
2
9966
Vase sur une corniche
9 février 1746
2
9637
Zone supérieure
12 février 1746
2
9270
Silène et enfant Bacchus
indéterminée
2
9271
Dionysos et Ariane
indéterminée
2
Cavalier dans architecture
Indéterminé 9 ou 12 février 1746
MANN
Figure féminine volante
1746
2
Non localisé au MANN
Cavalier avec une lance dans une architecture
1746
2
9764
Non localisé au MANN
SN 22378
Non localisé au
NR 109
Suite Tableau 4. Peintures rattachées à la Casa dell’Atrio Corinzio.
22
2
SOURCES DISPONIBLES Inventaire des picturae excisae rattachées à la Casa di Nettuno ed Anfitrite N° inv
Photo
Sujet
Jour
Pièce
8899
Atlante
21 mars 1746
7
8904
Figure sur entablement
21 mars 1746
7
8906
Atlante
5 mars 1746
7
9041
Phèdre et Hippolyte
25 février 1746
7
9224
Hermaphrodite
indéterminée
7
9369
Atlante
21 mars 1746
7
8835
Figure fémine
22 février 1746
7
Tableau 5. Peintures rattachées à la Casa di Nettuno ed Anfitrite.
23
1.1 Inventaire des picturae excisae rattachées à la Casa di Nettuno ed Anfitrite N° inv
Photo
Sujet
Jour
Pièce
Persée en Andromède
25 février 1746
7
Atlante
5 mars 1746
7
8703
Oiseaux sur bordure
26 mars 1746
4
8703
Oiseaux sur bordure
26 mars 1746
4
8703
Oiseau sur entablement
26 mars 1746
4
9113
Figure dionysiaque dans une échappée
29 mars 1746
4
8601
9662
Non localisé au
MANN
Tableau 5. Peintures rattachées à la Casa di Nettuno ed Anfitrite.
tecture latérale avec un centaure en acrotère, ellemême surmontée d’une statue équestre.43 Le 12 février, plusieurs peintures sont prélevées, en particulier la bacchante flottant sur un panneau MANN 9152 (PdE V.42), et ses deux pendants : NR. 166 : « mujer un palmo y 1/2 alta, coronada de flores y cubierta de un velo por todo el cuerpo, y tiene un cestillo con ambas manos parece que con flores adentro » et MANN SN 22378 également couronnée, tenant un vase et des fleurs. Le journal de fouilles précise « estas tres figuras se hallan en el frente de una camara, poco distantes entre si, y en simetria ». Deux autres
24
échappées architecturales sont prélevées : MANN 8578 (PdE IV.57) et MANN 8584 (PdE IV.56) et les figures féminines qui s’y inscrivent sont décrites comme des personnages masculins. Le même jour, le tableau MANN 9271 (PdE II.16) est bien identifié comme « Dionysos et Ariane à Naxos ». On le voit, la précision des journaux de fouilles laisse souvent à désirer, leur finalité étant essentiellement de fournir la nomenclature des pièces dignes d’intérêt, quel que soit leur lieu de trouvaille ; c’est pourquoi la mention de la répartition symétrique des trois figures du 12 février 1746
SOURCES DISPONIBLES revêt un intérêt particulier, même si leur disposition exacte dans la pièce n’est pas indiquée. La composition architecturale encore in situ sur le mur oriental est du type de PdE IV.56, avec son édicule à épis ouvrant sur une aile fuyante, et surmonté d’un piédestal où posait une statue. Sur ce mur, la figure flottant sur le panneau gauche est tournée vers le centre de la paroi. Conformément à l’usage des décorateurs romains de disposer sur les murs parallèles des compositions identiques et sur les murs perpendiculaires des compositions légèrement différentes, c’est donc sur le mur ouest, dont toute la partie centrale a disparu, qu’il faut situer MANN 8584 (PdE IV.56) ; et puisque son pendant sur le mur est donne son sens de lecture : elle est située à gauche du champ central. La quasi-totalité de la zone médiane du mur nord est perdue et les deux architectures des extrémités, partiellement conservées, sont, l’une, à droite, très effacée, l’autre, à gauche, plus lisible mais très lacunaires : trois supports à l’arrière-plan et un autre au premier plan à droite soutiennent un plafond à caissons. Ces vestiges architecturaux correspondent à la gravure des PdE IV.59, toutefois orientée à l’inverse et qui est à situer à l’extrémité droite du mur sud. Quant aux architectures encadrant le champ central, elles sont du type de PdE IV.57 qui doit se situer à droite du panneau central du mur nord. Cet emplacement se déduit de la comparaison avec les motifs des murs est et ouest situés, quant à eux, à gauche du panneau central, manifesté par l’empiètement des côtés latéraux fuyants au-delà de la limite verticale de la colonne du premier plan, et par la présence, à gauche de la gravure, d’un étroit compartiment allongé du même type que celui visible à droite de l’architecture sur PdE IV.56. Dans la restitution proposée, MANN 8578 (PdE IV.57) est donc associée avec le mur nord, mais rien n’exclut qu’elle ait appartenu au mur sud, dans la même position. Le fragment NR. 109 (PdE IV.58), exactement identique au couronnement de MANN 8578 et dans le même sens appartient donc également soit à l’architecture de droite du mur sud, soit à celle du mur nord. Inventaire des picturae excisae rattachées à la Casa di Nettuno ed Anfitrite Pour la Casa di Nettuno ed Anfitrite, la quasi-totalité des picturae excisae provient de la pièce 7 (triclinium), à l’exception de trois panneaux, attribués à la pièce 4 (cf. fig. 2; tableau 5). Dans le triclinium 7, quelques vestiges du décor peint subsistent in situ et permettent d’attribuer à cette salle une série de peintures conservées au
MANN.44 Sur la zone supérieure du mur d’entrée (ouest), sous une petite lunette et une corniche de stuc, on voit, sur fond blanc une tenture rouge au bord richement orné. Devant cette tenture qui semble fixée à la corniche, apparaît le sommet d’un édicule avec un soffite à caissons reposant sur une colonnette dont le chapiteau corinthien est conservé. Ces mêmes éléments se retrouvent sur une peinture conservée au MANN (9224, NR. 112 = PdE II.3445). Il s’agit de la représentation d’un Hermaphrodite debout sous un édicule qui correspond parfaitement à celui resté in situ sur le mur ouest. Architecture, ornements et couleurs des deux édicules, parfaitement cohérents, attestent que la peinture à l’Hermaphrodite constituait le pendant du lambeau in situ et se situait sur le mur est dont le registre supérieur au-dessous de la lunette manque complètement ; il n’est toutefois pas totalement exclu qu’il puisse provenir de l’un des longs murs (nord ou sud) de la pièce. Les parentés formelles sont confirmées par les documents de fouille qui fournissent la date du prélèvement et/ou de la découverte. Dans les rapports d’Alcubierre,46 responsable des fouilles – “Noticias de las alajas ...” – comme aussi dans l’une de ses lettres adressées au Prince Salas, on lit : 05.03.1746 Alc. an Salas (ASN 1538) “Otra igual.te de 3 palmos la figura, representa muger desnuda, mas de medio cuerpo arriva; y lleva un belo, que procediendole de la caveza por la Espalda, sustiene porcion de el, con la mano drecha, y presentando un Tulipan con la izquierde, con parte del belo tiene cubiertas las piernas.”
Comme il est fréquent, la description manque de précision et l’Hermaphrodite devient une figure féminine ; cependant le geste de la main droite levant le voile et celui de la main gauche tenant un flabellum sont bien identifiables. Au Musée Archéologique de Naples, il existe un pendant de l’Hermaphrodite : il s’agit d’une figure masculine sur fond blanc (MANN 8904 NR. 224 = PdE IV.10), représentant un jeune homme nu, à l’exception d’un drapé qui lui recouvre le bras gauche et la jambe droite, et la tête ceinte d’une couronne. Alcubierre mentionne également cette peinture : 21.03.1746 … “La segunda, situada en medio de las otras dos, representa muger igual.te desnuda, de cuya mano izqui.a en que tiene un largo baston, con que apoya en tierra, le pende un pequeño paño, y estando
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1.1 situada, sobre una gran rueda, ó glovo, y coronada de ramos, pareze denota la fortuna.”
De part et d’autre du tondo décrit par Alcubierre comme “una gran rueda, ó glovo”, on distingue un entablement vu en contre-plongée. Il appartient à l’édicule central qui encadrait le panneau médian du mur ouest. La figuration de ce jeune homme au sceptre interprété par Alcubierre comme une figure féminine qu’il identifie comme « Fortuna » provient donc bien de la zone supérieure du mur ouest, où l’on distingue encore le vide laissé par le prélèvement de la peinture. Ces données indiquent donc avec certitude que, le 21 mars 1746, les fouilleurs se trouvaient dans le triclinium de la Casa di Nettuno ed Anfitrite, à proximité du mur ouest. Pour compléter l’aspect originel de la pièce, d’autres peintures sont repérables grâce aux documents de fouille. Il s’agit d’une série de figures masculines nues, un drapé sur le bras : MANN 8899 NR. 190 = PdE II.34 ; MANN 9369 NR. 113 = PdE II.35 ; MANN 8906 NR. 188 = PdE II.35 ; sans numéro d’inventaire, NR. 193 = PdE II.35. Debout, en pied, ces personnages sont couronnés de feuillages. Chacun d’eux tient un plateau d’une main, un rameau de l’autre. Du sommet de leur tête part une sorte de candélabre végétal qui amène à les identifier comme des atlantes. Ils semblent reposer sur une sorte de mensola à double volutes, et se détachent devant une grande ouverture à fond blanc. L’un des fragments conserve la partie supérieure d’un entablement (NR. 188), tandis que toute la partie supérieure manque sur un autre. Ces figures sont signalées les 5 et 21 mars 1746 dans les rapports d’Alcubierre et accompagnées d’indications permettant de restituer leur emplacement. Le 5 mars 1746, il note : “La segunda, situada en medio de las otras dos, …”
La « deuxième peinture » désigne, dans le rapport, l’Hermaphrodite qui était donc originellement flanqué de deux figures masculines formant pendant, chacune avec un plateau et un rameau. De même, le jeune homme au sceptre détaché du mur ouest le 21 mars 1746 a été trouvé, lui aussi, avec deux figures de ce type, décrites à la même date : «hombre desnudo, gran plato en la mano drecha, ramo en la izquierda » et une autre « semejante á la primera, el plato en la mano izquierda y el ramo en la drecha ». S’il est donc clair que les deux grandes figures de l’Hermaphrodite et du jeune homme au sceptre étaient encadrées des « atlantes », il reste à tenter de préciser leur localisation exacte. Dans
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ce but, plusieurs critères sont retenus. D’une part, la «mensola» qui constitue le sommet d’un support doit légitimement s’aligner sur l’un des supports de la zone médiane et il est très probable qu’il s’agit de la colonne de l’édicule médian visible sur le mur ouest. Comme, par ailleurs, sur ce même mur, la tenture rouge est accrochée à un membre architectural vertical dont on devine encore l’amorce in situ, une hypothèse vraisemblable voit dans ce support la limite du pavillon servant de cadre à l’atlante, et la tenture retomberait alors le long de cette architecture. D’autre part, la largeur de l’ouverture à fond blanc diffère sur les différents fragments, et l’on tend à restituer les fragments plus étroits sur les murs courts est et ouest et les plus larges sur les longs murs nord et sud. Ainsi le jeune homme au sceptre du mur ouest pourrait être flanqué de MANN 9369 NR. 113, à gauche, et de MANN 8906 NR. 188, à droite. Quant à l’Hermaphrodite, il serait flanqué, à droite, de MANN 8899 NR. 190, et à gauche d’une figure perdue. Par ailleurs, MANN 9369 NR. 113 semble situé dans un encadrement légèrement différent : la gravure des Pitture d’Ercolano (II.35) présente, à droite de la figure, un élément vertical qui semble cylindrique et diffère de l’encadrement des autres figures. Même si le panneau conservé au musée de Naples n’atteste pas clairement, en raison de son effacement, la présence d’une colonne, il reste que l’habituelle fidélité des graveurs de l’Accademia Ercolanese ne peut pas ne pas entretenir le doute et amène à penser que cette figure se situait sur l’un des longs murs, nord ou sud. Pour restituer l’aspect de la zone haute de ces longs murs, les données sont très lacunaires. On sait, par les vestiges in situ, que le champ rouge central, encadré d’un édicule, était flanqué de deux échappées architecturales à fond blanc dont l’aspect est restituable puisque, sur le mur sud, celle de gauche a conservé sa partie inférieure, et celle de droite sa partie supérieure : à deux niveaux, elles étaient articulées par une paire de colonnes torsadées en plan fuyant, délimitant vers l’extérieur une ouverture large où apparaît un personnage et vers le centre une ouverture plus étroite séparée de l’édicule central par une colonne ; au niveau supérieur, une large baie couverte d’un plafond à solives reposant sur une grosse colonne évasée en large ombelle, abrite une sorte de bétyle avec des objets suspendus. Dans ce dispositif, NR. 193 pourrait être restitué au-dessus de l’échappée gauche, au droit de la colonne qui divise l’échappée ; ainsi la baie à fond blanc de l’atlante prolongerait celle de l’échappée, et il se trouverait dans une situation comparable à ceux des murs est et ouest. Mais
SOURCES DISPONIBLES dans la mesure où les vestiges à ce niveau sont peu lisibles ou disparus, cette hypothèse ne peut être vérifiée ; de plus, les extrémités des longs murs nord et sud comportent, elles aussi, des échappées architecturales plus étroites éventuellement surmontées de figures. En revanche, nous disposons d’un élément supplémentaire pour restituer le décor de la zone médiane des murs nord et sud. Le rapport d’Alcubierre à la date du 25 février 1746 donne la description d’une peinture correspondant au tableau représentant Phèdre et Hippolyte (MANN 9041, PdE III.15). La date de la trouvaille suggère qu’il pourrait provenir du triclinium de la Casa di Nettuno ed Anfitrite. Nous en avons une confirmation par l’analyse concomittante des parois et du panneau prélévé : sur la paroi sud est en effet conservé l’angle inférieur droit du tableau. Celui-ci a été restauré sur le panneau prélevé, mais on voit nettement la trace de la brisure et de la restauration. La pièce 4 : ici la lecture directe des vestiges in situ prédomine. Dans cette petite pièce presque carrée (3,62 x 2,45 m), le décor des quatre murs est identique, ce qui permet de compléter les zones manquantes. La zone basse articulée par de gros piédestaux ocre jaune est surmontée d’un champ central ocre jaune qu’encadrent des échappées architecturales où apparaît une figure ; en zone supérieure à fond blanc, des pseudo-édicules sont reliés par des guirlandes ou des bordures ajourées. L’apport des rares archives et des fragments prélevés au XVIIIe s. enrichit quelque peu ce cadre général. Deux fragments ont pu être repérés grâce à leurs pendants in situ : ce sont le paon et l’oiseau trouvés le 26 mars 1746 puis réunis sous un même numéro d’inventaire (MANN inv. no8703). Ils sont restitués en zone supérieure à droite du mur sud. Outre leur meilleure lisibilité, ils permettent de compléter le décor : la bordure ajourée sur laquelle ils posent, complètement effacée in situ, a gardé intact son motif de postes qui a donc été rétabli graphiquement sur l’ensemble de la zone supérieure. La redécouverte, dans les réserves du MANN, du panneau inv. 9113 apporte un complément intéressant : il s’agit d’une figure masculine apparaissant dans une échappée à fond blanc, derrière une barrière. Son attribution au cubiculum 4 s’est imposée en raison de la similitude de ce personnage avec les figures féminines des échappées du mur est, elles aussi présentées de telle sorte que le corps n’est visible qu’au-dessus des genoux ; de plus les dimensions et la gamme colorée sont identiques. La présence de ce panneau dans les collections du MANN, alors que nulle mention n’en est faite dans les archives de fouille, incite à
la vigilance dans la recherche de peintures prélevées. Pour conclure sur ce point, on observe que, dans la Casa dell’Atrio Corinzio, toutes les picturae excisae identifiées proviennent de la pièce 2. Dans la Casa di Nettuno ed Anfitrite, elles proviennent pour l’essentiel de la pièce 7. Ce résultat reflète le tracé du tunnel bourbonien qui a permis aux premiers inventeurs de visiter, tout d’abord, la pièce 2 de la Casa dell’Atrio Corinzio en janvier et février 1746, puis de passer ensuite, en traversant le mur mitoyen, dans la pièce 7 de la Casa di Nettuno ed Anfitrite. D’autres prélévements furent probablement opérés dans ces deux maisons – trois panneaux ont été ainsi replacés dans la pièce 4 de la Casa di Nettuno ed Anfitrite – mais ils restent pour l’heure non identifiés parmi les quelques 550 picturae excisae détachées des parois d’Herculanum et conservées au Musée archéologique de Naples.47 NOTES 1
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Voir la présentation en ligne : http://www.disci.unibo. it/it/ricerca/archeologia/i-progetti-di-ricerca/missioni-archeologiche-in-italia/pompei-ed-ercolano-na/ index.html Voir le carnet de recherche en ligne : http://vesuvia. hypotheses.org Monteix 2010. Monteix 2017, 201. De Kind 1998; Ganschow 1989. La publication de la thèse de J. Andrews est en cours. Une autre thèse menée sur les étages d’Herculanum a été publiée plus rapidement mais se révèle inférieure en matière de documentation et de synthèse : Losansky 2015. Esposito 2014. Guidobaldi et al. 2014. Sorbo 2013. Lors d’une journée étude portant sur l’ « Actualité de la recherche à Herculanum » (novembre 2016), nous avons présenté avec Adeline Grand-Clément l’historique des fouilles d’Herculanum et les fonds d’archives disponibles. Je reprends ici des extraits de cette présentation, publiée comme introduction au dossier rassemblant les contributions de cette journée (Dardenay, Grand-Clément 2017). Voir Grell 1982, planche II. Allroggen-Bedel 1986 ; Allroggen-Bedel 2016. D’Alconzo 2002 et compte-rendu de cet ouvrage par Prisco 2004. À ce sujet, nous renvoyons à Burlot 2012. Pour le climat général, voir les deux volumes de Causa 1980. Le premier inventaire, qui renferme la description de 738 fresques et 1647 objets, comporte beaucoup de textes et finalement peu de dessins, de qualité médiocre : Catalogo degli antichi monumenti di Ercolano, Napoli, 1750. Suivent 9 volumes : Le Antichità di Ercolano esposte, 1757-1779. Battafarano 1988. Robert-Boissier 2016.
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En dernier lieu : Monteix 2017 et Monteix 2020. La bibliographie est très abondante sur les restrictions posées par les Bourbons à l’exportation des vestiges. Pour une récente synthèse en français, voir Robert-Boissier 2016, 45-64. Ruggiero 1885. Allroggen-Bedel 2017. Monteix 2017. L’un des plus célèbres, l’historien de l’art allemand J.J. Winckelmann, y est allé quatre fois – alors même qu’il n’est jamais allé en Grèce : voir Winckelmann 1784 et ses Nouvelles sur les découvertes les plus récentes d’Herculanum (Dresde, 1764). Sur ces ouvrages : Winckelmann, Mattusch 2011. Quoique pas toujours très justes ainsi que le montre A. Allroggen-Bedel à partir de l’exemple des relevés réalisés dans la pseudo basilique ou forum d’Herculanum : Allroggen-Bedel 1974. Sur ces questions, voir Antoni 2009. Niccolini 1824. Voir aussi Verde, Pagano, Bonucci 1831. Signalons toutefois le caractère relativement fiable des Antichità d’Ercolano esposte (1757-1792), car les dessins ont été exécutés au fur et à mesure de l’entrée des peintures au musée. Citons, parmi les publications les plus importantes : Ruggiero 1885 ; Maiuri 1958; Pagano 1997b; Pagano 2005 ; Pagano, Prisciandaro 2006 ; Grell 1982. En dépit de ces difficultés de contextualisation, on dénombre environ 2850 objets inventoriés lors des fouilles d’A.Maiuri. Marotta 2018. Dardenay et al. 2016a ; Andrews 2017 ; Marotta 2018 ; https://vesuvia.hypotheses.org/acces-base-dedonnees. Les données qui y sont enregistrées ont été saisies par les membres du programme VESUVIA entre 2011 et 2018. En revanche, cette méthode est plus difficilement applicable avec la dernière numérotation officielle du MANN, qui ne suit pas les NR, et regroupe, souvent, mais pas systématiquement, les peintures par thèmes (les paysages, les sujets mythologiques, les portraits, etc.).
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Voir infra 3.3. Cf. Dardenay et al. 2015. Dardenay et al. 2015. L’enregistrement des panneaux de peinture – ou de toute autre découverte issue des cunicoli – pouvait être différé de quelque jours. La date d’enregistrement n’est donc pas forcément la date de découverte, ce qui complique l’enquête. Cas isolé d’une paroi des Praedia de Iulia Felix à Pompéi, exposée au MANN, inv. 8598. Museo Archeologico Nazionale di Napoli. Allroggen-Bedel 1991, 38 sq. et 2009, 171 sq. Le processus de rattachement exposé ci-dessous a été explicité par H. Eristov dans Dardenay, Eristov, Maraval 2014. Pagano, Prisciandaro 2006. Sur les représentations statuaires dans la peinture romaine et le statut de ce type d’image sur la paroi, lire les travaux d’E. Moormann 1986 (sur les centaures en acrotère, en particulier, voir 82-83) et Moormann 2008. Allroggen-Bedel 1991, 37-38 note 28. Tout le processus de rattachement explicité dans les lignes qui suivent a été exposé par A. Allroggen-Bedel dans Dardenay et al. 2015. NR = Numero Romano. Il s’agit des numéros d’inventaire du XVIIIe siècle. Archivio di Stato, Napoli, Casa Reale Antica, 1538, fol. 20. 23. 24 = Pagano 2005, 66-68. Biblioteca della Società Napoletana di Storia Patria, MS XX.B.19bis : Noticia de las Alajas que se han descubierto en las escavaciones de Resina, y otras ; en las diez y ocho años, que han corido desde 22 de Octubre de 1738, en que se empezaron, hasta 22 de Octubre 1756, que se van continuando. = Pannuti 1983, 233-234. 554 panneaux provenant d’Herculanum et conservés au MANN ont été enregistrés dans la base DOMVS© dans le cadre du programme ANR VESUVIA ( https:// fms.db.huma-num.fr/fmi/webd/DOMUS). A ce jour, la majorité (336 sur 554) se trouvent encore sans rattachement à un édifice.
1.2 Morphologie des unités d’habitation de l’insula V en 79 ap. J.-C.
L’approche conjointe de l’étude architecturale et de l’analyse du décor est extrêmement productive, même à l’échelle d’un unique bâtiment (villa, domus). L’atout d’Herculanum est que le site permet d’étendre ce type de problématique à l’échelle d’une insula ou même d’un quartier d’habitation. Autrement dit, l’étude diachronique simultanée du bâti et du décor s’inscrit dans un espace plus large et permet d’envisager les répercussions des évolutions architecturales sur les programmes ornementaux non plus à l’échelle d’un édifice, mais de plusieurs édifices mitoyens. Par ailleurs, la conservation des étages à Herculanum augmente la connaissance de l’espace habitable des unités d’habitation, accroissant d’autant l’intérêt de l’étude. La démarche proposée ici envisage de réfléchir par “modules architecturaux” dans une perspective temporelle s’inscrivant dans le temps long (dans l’idéal, depuis la fondation de la maison), afin de percevoir toutes les évolutions du bâti et du décor en rendant signifiante chaque modification. Au sein de l’espace domestique, chaque pièce remplit des fonctions mouvantes, non figées, en fonction des moments de la journée notamment.1 En cela l’utilisation du vocabulaire vitruvien, bien qu’utile et précieux pour cerner des réalités antiques, est trompeur en ce qu’il contribue à donner une image fixe du binôme “espace/fonction”.2 Ce caractère fluctuant, ou évolutif, de l’utilisation des espaces se vérifie non seulement à l’échelle d’une unité d’habitation, mais de tout un quartier. Ces observations de l’évolution du bâti permettent de reconsidérer l’idée même de “programme ornemental” et en tout cas, de relire le décor des maisons à l’aune de ces transformations de l’architecture intérieure des unités d’habitation. Ces problématiques temporelles s’articulent avec des problématiques spatiales. Plusieurs solutions de redécoupage ou de réagencement de l’espace intérieur des édifices de l’insula V ont été opérées par les propriétaires successifs afin de s’adapter à l’évolution de leur maisonnée et de leurs besoins ou à des contingences financières. S’il n’est pas souvent possible de fixer la chronologie absolue de ces interventions, une chronologie relative des modifications successives est, en revanche, envisageable.
Ainsi que le soulignait L. Nevett, les “groupes sociaux” vivant ensemble sous un toit peuvent varier énormément dans leur composition.3 Elle concède également qu’il n’existe pas ou peu de témoignage attestant l’existence d’unité domestique abritant une personne isolée dans l’antiquité, alors que le phénomène est extrêmement courant dans les sociétés occidentales contemporaines. Dans le monde grec ou romain, une habitation peut accueillir une famille nucléaire réduite à un seul couple avec ses enfants, mais plus souvent une maisonnée (houseful) réunissant couramment des proches, amis, membres d’une même famille même éloignée, serviteurs ou esclaves. Une des principales difficultés à laquelle nous sommes confrontés dans l’étude de la sphère domestique à Herculanum, comme à Pompéi, est l’évaluation du nombre d’habitants vivant dans la cité et dans chaque habitation prise individuellement, dans les années précédant l’éruption. Plusieurs modes de calcul ont été envisagés et toutes les tentatives aboutissent à un échec, comme en témoignent les fourchettes à la fois très larges et très différentes qui ont été proposées d’un chercheur à l’autre.4 Une des approches les plus prometteuses est celle qui envisageait de combiner la surface disponible par habitation au mobilier (instrumentum) découvert in situ. Mais cette enquête vient se confronter à un malentendu que l’on pourrait qualifier d’historique sur l’état de la cité au moment de l’enfouissement, puisque l’on considère généralement que l’intégralité du mobilier et de l’instrumentum des maisons a été abandonné sur place.5 En effet, un calcul du nombre d’habitants par unité d’habitation reposant sur le mobilier mis au jour sur le site par les fouilleurs d’A. Maiuri, et notamment du nombre de lits, de la quantité de vaisselle (etc.) est fondé sur l’idée présupposée que les habitants d’Herculanum ont été surpris par l’éruption en ce matin d’octobre 796 et ont abandonné leur habitation précipitamment, abandonnant tous leurs biens derrière eux à l’exception de ce qu’ils pouvaient transporter dans leur fuite. Or, les choses ne se sont sans doute pas déroulées ainsi, et un certain nombre d’habitants ont probablement préparé leur départ.7 Les habitants n’ont sans doute pas été surpris, au saut du
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1.2 lit, un beau matin, par une imprévisible éruption, comme on le voit dans les péplums ou les reportages scénarisés évoquant ces événements. En effet, l’éruption fatale de 79 a dû être précédée, dans les jours antérieurs, par une activité sismique très forte, des fumées ou d’autres signes indiquant qu’une catastrophe s’annonçait. 8 Nombre d’habitants d’Herculanum ont dû alors quitter la ville en emportant avec eux ce qu’ils pouvaient. D’autres, n’ayant nul lieu où se réfugier, ont dû n’avoir d’autre choix que de rester sur place. Enfin, quelques-uns, et c’est eux dont parle Pline (dans une phrase dont on a trop généralisé la portée à l’ensemble des habitants de Pompéi et Herculanum) n’ont pas dû juger indispensable de fuir, habitués qu’ils étaient aux secousses dans cette région très exposée à ce type d’activité.9 In fine, il faut plutôt donc penser que l’Herculanum qui a été ensevelie en 79 ne conservait pas tous ses biens matériels à la place qui leur était habituellement assignée. Toutes choses témoignant justement du nombre d’individus constituant une maisonnée. Les conditions d’évacuation de la cité ainsi reconsidérées, il devient évident que toute tentative d’évaluation du nombre d’habitants par unité d’habitation reposant sur une étude du mobilier est une entreprise périlleuse. C’est ainsi que deux des plus célèbres visions préconçues sur les sites d’Herculanum et Pompéi doivent être abandonnées10 : • la cité d’Herculanum n’a pas été “figée” dans un instant de vie quotidienne et domestique ordinaire ; • les quelques objets et meubles découverts sur le site lors des fouilles, n’offrent pas une vision exhaustive du mobilier qui meublait les maisons. A ces deux points, il est possible d’ajouter une troisième restriction : les objets découverts ne se trouvaient pas nécessairement à l’endroit où ils étaient rangés habituellement, en temps normal. Dans un contexte de fuite et d’abandon de certaines habitations, nombres d’objets (vaisselle, coffres, petit mobilier) ont pu être rassemblés dans l’une ou l’autre pièce avant la fuite et abandonnés sur place.11 PRÉSENTATION DE L’INSULA V L’acception du terme d’insula comme « îlot urbain », entouré par quatre rues, ainsi qu’il est utilisé dans les cadastres archéologiques, est attestée dans les sources anciennes.12 L’insula V occupe une superficie d’environ 3800 m2 (fig. 3). Les côtés longs mesurent à l’ouest 83,15 m et à
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Fig. 3. Vue aérienne de l’insula V (Surface : 3800 m2, périmètre : 258 m). D’après Google Earth.
l’est 80,19 m. Le petit côté nord mesure 41,24 m et le côté sud 45,76. Sa surface ne s’inscrit donc pas dans un rectangle régulier. Comme toutes les insulae dégagées d’Herculanum, l’insula V est orientée nord-est/sud-ouest, mais par convention (depuis A. Maiuri), il est d’usage de mentionner pour les cardines, et les insulae qui les bordent, une orientation nord-sud.13 Donc, le nord conventionnel est distinct, à Herculanum, du nord géographique et je ne mentionnerai, dans cet ouvrage, que le nord conventionnel (pl. 1). Au moment de l’éruption de 79, l’insula V était subdivisée en 27 lots (de plain-pied) d’inégales surfaces (allant de la simple boutique à la domus à péristyle) (fig. 4). Dans le tableau ci-dessous (tabl. 6) sont identifiées les “unités immobilières” – dans le sens de propriétés – à partir de l’angle sud-ouest de l’insula, en sens horaire. A titre de comparaison et de mise en perspective, rappelons que sont attestés à ce jour - dans l’ensemble de la partie dégagée d’Herculanum - 71 unités architecturales domestiques, réparties comme suit : 40 maisons et 31 cenacula (appartements à l’étage) (pl. 1 et tabl. 7).
MORPHOLOGIE
DES UNITÉS D’HABITATION
Fig. 4. Plan des rez-de-chaussée de l’insula V en 79 (ANR VESUVIA©).
31
1.2 Adresse V, 1 V, 2 V, 3 V, 5 V, 6-7 V, 8 V, 9-12 V, 13-14 V, 15-16 V, 17 V, 18 V, 19-21 V, 22 V, 23 V, 24 V, 25 V, 26 V, 27 V, 28 V, 29 V, 30 V, 31 V, 32 V, 33 V, 33a V, 34 V, 35
Identification Casa Sannitica : unité d'habitation, sans boutique Unité d'habitation située à l'étage avec escalier donnant sur la rue Casa del Telaio : unité d'habitation Casa del Mobilio Carbonizzato : unité d'habitation, sans boutique Casa di Nettuno ed Anfitrite : unité d'habitation, avec une boutique Casa del Bel Cortile : unité d'habitation, sans boutique Casa dell'Apollo Citaredo : unité d'habitation + 2 boutiques dont une ouvrant sur la maison Boutique + unité d’habitation à l’étage Casa del Bicentenario : unité d'habitation, avec deux boutiques sans lien avec la maison Unité d'habitation ou boutique au rez-de-chaussée Unité d'habitation à l'étage avec escalier donnant sur la rue Boutique et logement Unité d'habitation à l'étage avec escalier donnant sur la rue Boutique Casa della Colonna Laterizia, unité d’habitation Boutique Boutique Unité d’habitation en rez-de-chaussée Boutique Unité d'habitation à l'étage avec escalier donnant sur la rue Casa dell’Atrio Corinzio : unité d'habitation sans boutique Casa del Sacello di Legno : unité d'habitation sans boutique Boutique Casa con Giardino Unité d'habitation à l'étage avec escalier donnant sur la rue Boutique + logement à l’étage Casa del Gran Portale : unité d'habitation sans boutique
Surface (en m2) 192 + 46 70 203 + 16 206 + 120 197 + 70 + 16,5 178 + 127 160 + 96 20 + 114 508 + 267 + étage 2 31 38 67 + 45 153 22 184 13 10 92 42,5 148 172 + 104 151 + 21,5 + 55 20 293 74 32 161
Tab. 6. Les unités immobilières de l’insula V d’Herculanum en 79.
Une “unité immobilière” (ou propriété) peut abriter plusieurs boutiques et/ou unités d’habitation. Les étages ne sont notés comme unité d’habitation indépendante, que quand ils sont accessibles par un escalier donnant sur la rue. La présence de nombreuses boutiques, sur le côté est de l’insula, résulte d’une évolution et
Insula III Insula IV Insula V Insula VI Insula Orientalis II
Surface totale en rez-de-chaussée (m2) 3 708 3 299 2 883 1 358 1 144
d’une fragmentation d’anciennes unités d’habitation. L’aménagement d’un grand nombre de boutiques, de ce côté, fait sans doute écho à la présence, en face, de l’autre côté du cardo, des boutiques de l’insula orientalis II, un espace artisanal et commercial important d’Herculanum.
Surface totale dans les étages (m2) 1 277 1 303 1 724 1 010 1 826
La surface des étages en pourcentage de la surface habitable totale (%) 25,6 28,3 37,4 42,7 61,5
Tab. 7. Répartition de la surface habitable totale par insula d’après J. Andrews 2006, p.217.
32
MORPHOLOGIE
DES UNITÉS D’HABITATION
LA RECHERCHE EN “ARCHÉOLOGIE DE LA SPHÈRE DOMESTIQUE” ET LA QUESTION DE LA TYPOLOGIE DES MAISONS ROMAINES
La dénonciation des limites de la terminologie vitruvienne dans la dénomination des espaces de la domus et la structuration de l’espace domestique revient régulièrement sous la plume des chercheurs,14 sans que des solutions novatrices pleinement satisfaisantes y aient été apportées.15 Deux axes principaux de recherche ressortent de l’étude de la littérature scientifique : • Les questions de planimétrie, de typologie, de dénomination des espaces, de juridiction (rapports entre droit romain et construction privée). • La place de la culture matérielle dans l’espace domestique et son rôle dans la définition de la fonction des espaces. Ces deux axes convergent sur la question des composantes de la maison, de la dénomination et de la fonction des espaces. Dans un article de 1993 intitulé “How do we identify the use of space in Roman Housing”,16 P. Allison qui présentait alors les premiers résultats de ses travaux sur le rôle de l’étude des artefacts dans l’interprétation des espaces de la maison romaine, rappelait le poids des sources littéraires romaines sur nos usages en matière de dénomination des pièces. Elle souligne que trois principaux auteurs – Varron, Vitruve et Pline le jeune – sont pour l’essentiel responsables des habitudes contemporaines de nomenclature, de position et de fonction des pièces de la maison romaine. Vitruve, à l’époque d’Auguste, a écrit un traité architectural qui décrit la maison romaine idéale et donne des recommandations.17 C’est d’après lui que l’on sait que les fauces, atrium, alae, tablinum et péristyle, devraient, en théorie être spatialement liés les uns aux autres. Quant aux autres pièces, Vitruve n’évoque pas leur localisation attendue, mais en répartit quelques-unes en deux groupes : celles auxquelles on ne peut accéder que si on y a été invité (cubicula, triclinia, balnea) ; et celles dans lesquelles on peut pénétrer sans y avoir été invité (vestibula, tabulina, atria (VI, 5). C’est chez Vitruve également que l’on trouve mention de l’importance de la fonction de la pièce et du type auquel elle appartient dans le choix du décor (VI, 4, 4 ; VI, 5, 2). Varron utilise une terminologie qui recouvre en partie, mais pas complètement, celle de Vitruve (De lingua latina, 5, 161-162). Selon lui, les cours centrales de la maison se nomment cavae-
dium et atrium.18 Il apporte aussi des informations complémentaires à celles de Vitruve. Pour Varron, les pièces autour de ces cours avaient différentes fonctions, et étaient nommées d’après leur usage originel : cellae ou penaria pour le stockage, cubicula pour le repos et cenacula pour les repas. Quant au vocabulaire transmis par Pline le Jeune, il apparaît dans la description qu’il offre de son “Laurentinum”, la villa de grand luxe qu’il s’était fait construire en bord de mer. Donc un cas d’architecture domestique exceptionnel s’il en est. Une grande partie de la nomenclature recoupe celle de Vitruve et Varron, sans que l’on puisse être certain, toutefois, que les mêmes termes désignent les mêmes fonctions spatiales. On reconnaît ainsi cavaedium, triclinium, cubiculum auxquels s’ajoutent au rez-de-chaussée dormitorium, cenatio, procoeton, et à l’étage, des diaetae (au nombre de quatre), horreum, apotheca.19 Depuis la redécouverte de Pompéi et Herculanum, nombre de savants20 et d’équipes d’archéologues se sont attachés à retrouver dans la planimétrie des maisons les structures spatiales domestiques décrites par ces trois auteurs et à nommer les pièces et tous les espaces d’après cette nomenclature. 21 Le plus souvent sur la simple base de la planimétrie et sans tenir compte des objets et éléments de mobilier découverts in situ, ce que critique vivement P. Allison.22 C’est pourquoi de son côté elle a tenté de rompre avec cette habitude et de remettre complètement à plat la question de la problématique des espaces dans les cités campaniennes par une méthode à la fois critique et pragmatique appliquée aux maisons appartenant à son échantillon :23 • Relocaliser, autant que possible, dans chaque espace, le mobilier et tous les artefacts qui s’y trouvaient au moment de l’éruption ; car pour P. Allison c’est l’instrumentum, plus que la planimétrie ou la position dans la maison qui permet de comprendre la fonction d’une pièce. • Abandonner la nomenclature canonique (celle de Vitruve, Varron, Pline) pour élaborer une typologie fondée sur le couple planimétrie/fonction.24 Pour illustrer la méthode de P. Allison, l’exemple de la cour centrale appelée atrium (ou cavaedium) est tout à fait éclairant.25 On projette généralement sur cet espace l’image transmise par les auteurs de l’époque républicaine ou du début de l’empire qui le décrivent comme le cœur de la vie sociale du dominus qui y reçoit ses clients, ses pairs. Cet espace doit donc contribuer par son décor à poser la maiestas, la dignitas et l’auctoritas du dominus. Dans cette représentation, une description très complète comme celle de Polybe -
33
1.2 qui insiste sur la présence des imagines maiorum, ou de la représentation de l’arbre généalogique figuré sur une des parois – a beaucoup pesé sur la représentation mentale que nous nous faisons de ce vaste espace26. De telles descriptions en ont occulté d’autres, souvent plus anciennes, qui évoquent un espace destiné au foyer, à la vie familiale, à la cuisine et aux repas.27 L’inventaire de P. Allison sur le mobilier et l’instrumentum mis au jour dans 35 atria pompéiens est assez édifiant sur l’usage qui était fait de ces espaces en 79.28 Loin d’abriter des meubles ou des éléments de décor (statuaire …) luxueux,29 ces cours intérieures apparaissent comme des espaces de stockage, les éléments de mobilier les plus fréquemment mis au jour étant des étagères, des placards et des coffres.30 L’indice qui dénote également avec l’image de soin et d’apparat que l’on associe inévitablement avec des espaces de réception est la fréquente piètre qualité des décors peints, voire leur absence totale. C’est ainsi que seulement 30% des atria de l’échantillon présentaient un décor peint de qualité. Les autres ne présentaient que des murs peints d’un socle rouge en zone inférieure et d’enduit blanc au-dessus, ou bien des parois simplement blanchies ou pas du tout revêtues de peinture.31 P. Allison démontre ainsi que l’atrium pompéien était, en 79 ap. J.-C., très souvent utilisé dans une perspective utilitaire, plus qu’ostentatoire, et servait à la fois d’espace de vie et de zone de stockage.32 Au terme de son analyse, P. Allison propose une typologie des espaces domestiques en rupture avec la nomenclature traditionnelle, qu’elle fonde sur des critères purement structurels tels que la taille et la proportion d’un espace, sa position par rapport à la rue, le type d’accès dont il est pourvu. Elle associe par ailleurs les catégories de pièces avec des éléments de mobilier récurrents dans ces espaces. Pour pertinente que soit sa typologie, elle pose un problème à l’usage, car il est difficile de se l’approprier.33 La lecture même de sa monographie de 2004 et des nombreux tableaux de synthèse publiés en sont rendus plus ardus. Un autre reproche que l’on pourrait faire à la synthèse de P. Allison, serait, par ailleurs, d’avoir considéré généralement chaque domus comme une unité d’habitation particulière, alors que la plupart étaient divisées, au moment de l’éruption, entre plusieurs « cellules familiales », ou en tout cas, en plusieurs unités d’habitation. L’hypercriticisme vis-à-vis du vocabulaire vitruvien – dont P. Allison se fait l’écho – a généré un malaise des chercheurs dans la désignation des espaces de la maison romaine. La phase his-
34
toriographique que nous vivons actuellement est caractérisée par une période de flottement, entre la déconstruction de la grille de lecture « canonique », d’origine vitruvienne, et la quête d’une solution onomastique pérenne et universelle pour désigner les pièces et espaces constituant les habitations. Aucune solution pleinement satisfaisante n’a, pour l’heure émergé. Ainsi, l’expérience la plus aboutie en la matière, à savoir, la méthodologie et la grille proposées par P. Allison, pour pertinentes qu’elles soient, présentent, semblet-il, une véritable entrave à la lecture. La nomenclature traditionnelle (atrium, cubiculum, tablinum) est, en effet, remplacée par des expressions périphrastiques, en rapport, non avec la fonction des pièces, mais avec leur articulation spatiale. Le lecteur, même spécialiste, a, dès lors de grandes difficultés à pénétrer le discours. La difficulté à manipuler cette grille conceptuelle explique sans doute pourquoi elle n’a pas été reprise par les chercheurs travaillant sur l’architecture domestique. La plupart utilisent des solutions intermédiaires, avec une utilisation du vocabulaire vitruvien a minima, associé à des termes génériques (pièce/espace).34 Déjà, dans l’article d’Y. Thébert qui marqua un tournant dans les travaux sur l’architecture domestique,35 on constate que l’auteur s’était détourné en partie du vocabulaire canonique, pour employer une terminologie moderne (chambre à coucher, salle à manger) ; ce choix n’était sans doute pas dû uniquement à un propos centré sur l’architecture africaine (car il insistait sur la portée généraliste d’une synthèse qu'il disait applicable à l’architecture romaine en général), ni à la nécessité de parler à un lectorat le plus large possible (du spécialiste au néophyte, puisque tel était le propos de l’ouvrage dans lequel s’inscrivait son article…). De mon côté, je suis, ainsi que mes collègues et prédécesseurs, embarrassée par les choix à opérer dans un arbitrage entre la clarté de mon propos, et la nécessaire distance avec la grille de lecture vitruvienne. Comment concilier rigueur scientifique et fluidité de lecture ? Pour l’heure, il me semble que la solution intermédiaire, entre usage limité et raisonné du vocabulaire vitruvien est un moindre mal, car la plus compréhensible. Après des siècles d’usage, la terminologie latine (et pas seulement vitruvienne) présente l’immense avantage d’une compréhension universelle, et permet d’offrir un propos clair, notamment pour les espaces les plus caractérisés d’un point de vue architectural et planimétrique. C’est le cas pour l’atrium, le tablinum, la taberna, le cenaculum, les alae (exèdres).
MORPHOLOGIE
DES UNITÉS D’HABITATION
LES TYPOLOGIES DES MAISONS DANS L’INSULA V Différentes tentatives de classification des maisons ont été entreprises. Le problème est que cette classification fige les constructions dans un état qui était celui de 79, alors que les “unités d’habitation” étaient en mutation permanente. Depuis la construction de l’insula à l’époque samnite (probablement au IIe siècle36), les limites des lots, des propriétés, ne furent jamais figées. Ces dernières décennies, plusieurs propositions de classement typologique des habitations d’Herculanum ont été mises en œuvre. La « typologie Maiuri » (1958) La plus ancienne typologie proposée pour les habitations d’Herculanum est, bien entendu, celle de A. Maiuri, conducteur des fouilles de la plus grande partie du site actuellement dégagé.37 Sa typologie est fondée sur des critères qui prennent en considération à la fois la planimétrie du rezde-chaussée de la maison et le statut social présumé de ses habitants. Il établit ainsi 8 catégories, ordonnées hiérarchiquement : 1. les grandes domus patriciennes 2. les petites et moyennes domus de la classe moyenne 3. les grandes demeures donnant sur la mer 4. les maisons qui ne suivent pas le « plan traditionnel » 5. les maisons avec taberna 6. les maisons divisées en plusieurs habitations 7. les maisons des marchands 8. les tabernae avec espace habitable de l’insula Orientalis. Cette typologie a été vivement critiquée par les spécialistes qui se sont successivement intéressés à l’habitat d’Herculanum, notamment pour la fragilité des critères sur lesquels repose l’interprétation du statut social des propriétaires occupants.38 La « typologie Ganschow » (1989) L’ouvrage de T. Ganschow sur les modes de construction à Herculanum s’est accompagné d’une réflexion sur la planimétrie des édifices domestiques. Son analyse le conduit à proposer un classement dont les principes sont différents de celui d’A. Maiuri, puisqu’il est basé sur la planimétrie originelle des rez-de-chaussée des édifices. Ainsi, d’après les études de bâti réalisées par T. Ganschow, trois différents plans d’édifices domestiques pouvaient être mis en œuvre, au
moment du découpage du parcellaire, et du premier lotissement, à l’époque samnite :39 1. les édifices de type large : fauces et tablinum dans l’axe de l’atrium, lequel est bordé de pièces sur ses trois côtés 2. les édifices de type intermédiaire : fauces et tablinum dans l’axe de l’atrium, lequel occupe toute la largeur de la parcelle et n’est donc pas bordé de pièces latérales 3. les édifices de type étroit : les fauces sont désaxés sur le côté, l’atrium n’est pas bordé de pièces et présente, à la place du tablinum, un passage bordé par deux pièces latérales. 4. Comme dans bien d’autres propositions de typologie de maisons romaines, celle-ci est basée sur l’atrium. Du point de vue chronologique toutefois, elle est assez originale puisqu’elle repose sur la planimétrie originelle de l’édifice, et non, comme la plupart des autres propositions, sur la planimétrie de la phase finale. La « typologie van Binnebeke » (1991) M.-C. Van Binnebeke propose un classement beaucoup plus simple, en seulement trois catégories :40 1. les édifices résidentiels 2. les édifices résidentiels avec espace commercial 3. les espaces à unique vocation commerciale. Ce classement me paraît beaucoup trop sommaire pour être opératoire. Mais il présente l’avantage d’être objectif et de ne pas surinterpréter les vestiges architecturaux. La « typologie de Kind » (1992) L’année suivante, R. de Kind41 propose une typologie différente, plus aboutie, que celle de sa collègue M.-C. Van Binnebeke. Il propose, de son côté, une organisation en huit types, inspirée de celle de T. Ganschow à Herculanum et de E. Evans à Pompéi42 : elle est fondée sur la largeur des édifices et l’organisation interne des pièces (fig. 5 et tabl. 8). 1. édifice à atrium classique, bordé d’une rangée de pièces de chaque côté (ex : Casa del Bicentenario) 2. édifice à atrium, bordé d’une rangée de pièces sur un seul côté (ex : Casa dell’Atrio Corinzio) 3. édifice à atrium, sans pièces latérales et plus étroit que le type 2 (ex : Casa del Sacello di Legno) 4. édifice étroit et à fauces désaxés, correspondant au type 3 de Ganschow (ex : aucun dans l’insula V, voir la Casa dello scheletro dans l’insula III)
35
1.2
Fig. 5. Typologie des maisons d’Herculanum par R. de Kind (1992, p. 68, fig. 2).
5. édifice en bande étroite (« narrow-stripe »), dont un certain nombre de pièces sont en enfilade (ex : aucun dans l’insula V, voir dans l’insula IV, notamment Casa del Papiro Dipinto) 6. édifice en bande étroite, plus larges que le type 5. Ce type combine les types 3 et 5 (ex : aucun
dans l’insula V, voir Casa della Fullonica ou Casa dei due Atri) 7. grande maison à péristyle, créée en réunissant plusieurs lots (ex : dans l’insula V, la Casa del Bicentenario, qui appartient aussi au type 1)
Insulae
Type 1
2
3
4
5
6
7
8
II III IV V VI VII I.O.I
0 2 0 1 1 0 0
0 1 0 6 1 0 2
0 2 3 2 1 0 2
0 4 0 0 0 0 0
0 1? 4 0 0 0 0
0 0 2 0 0 0 0
2 2 2 1 2 1 2
1 0 2 3 0 0 1
Tab. 8. Répartition par Insula des types identifiés par R. de Kind (1991, p. 72).
36
Total 3 12 13 13 5 1 5
MORPHOLOGIE
DES UNITÉS D’HABITATION
8. édifice large à plan atypique. Ils sont souvent le produit d’altérations du parcellaire (ex : Casa del Bel Cortile, Casa del Gran Portale). Tout comme la typologie de T. Ganschow dont elle présente une forme plus aboutie, cette typologie est basée sur le lotissement originel, mais elle prend aussi en considération des évolutions ultérieures du parcellaire. En revanche, elle ne tient compte ni des boutiques, ni des étages, ni du standing des habitations. On se demande, par ailleurs où classer les nombreux appartements aménagés soit à l’étage, soit en rez-de-chaussée des édifices. La « typologie Wallace-Hadrill » (1994) Dans son étude des habitations de Pompéi et Herculanum, A. Wallace Hadrill propose une approche qui rompt avec les typologies antérieures, en divisant les types de propriétés en « quartiles43 », basés sur la surface au sol.44 1. Quartile 1 : petites boutiques et habitations mesurant entre 10 et 45 m2 2. Quartile 2 : propriétés mesurant entre 50 et 170 m2 3. Quartile 3 : propriétés mesurant entre 175 et 345 m2 4. Quartile 4 : propriétés mesurant entre 350 et 3000 m2 Ce classement est pertinent pour évaluer la taille relative de édifices, les uns par rapport aux autres, mais il ne tient pas compte de la surface habitable des étages, qui peut amener les habitations à changer de quartile.45 Ainsi, il est fondé sur des quartiles statistiques erronés, car ne prenant que peu en considération les boutiques et appartements. La « typologie Andrews » (2006) Dans sa thèse sur les étages à Herculanum, J. Andrews a été nécessairement confronté au problème récurrent manifesté par les différentes typologies mises en œuvre précédemment, et qui ne tenaient jamais compte des pièces situées à l’étage des édifices domestiques.46 Il proposa donc un classement assez large et simple – qui, de son propre aveu, n’est pas une « typologie » au sens archéologique du terme – mais permet des comparaisons entre propriétés de même surface et de même forme. 1. Tabernae 2. Grandes tabernae et petites habitations 3. Appartements
4. Résidences et propriétés commerciales de forme irrégulière 5. Maison à atrium de taille moyenne 6. Grandes maison à péristyle. Le classement de J. Andrews semble entériner les limites des précédentes tentatives (absence des étages), mais aussi leurs succès (prise en compte du lotissement initial, de la surface) et apparaît ainsi comme la proposition la plus pertinente à ce jour. Toutefois, les différentes typologies proposées pour les maisons d’Herculanum se heurtent, me semble-t-il, à deux écueils importants qui les rendent assez peu efficaces. Leur principal défaut est que – à l’exception de celle de J. Andrews – aucune de ces typologies ne prend en compte les étages, ce qui est particulièrement regrettable, quand on sait que le site d’Herculanum est sans doute le seul du monde romain qui le permette grâce à la bonne conservation des élévations des édifices. Les typologies d’A. Maiuri, A. Wallace-Hadrill, R. de Kind sont ainsi uniquement fondées sur le plan du rez-dechaussée. La deuxième limite de ces typologies est qu’elles figent le plan des maisons dans l’état qui était le leur en 79 ap. J.-C., alors que l’étude de l’architecture et du bâti, telle quelle est élaborée ici pour l’insula V, révèle qu’en réalité les limites et l’organisation intérieure des maisons étaient mouvantes et même, pourrait-on dire, en constante évolution depuis la fondation de la cité. Il est utile, bien entendu, d’envisager la typologie des maisons telles qu’elles se présentaient en 79, parce qu’il s’agit d’un état chronologiquement cohérent et que ce type de perspective ne se rencontre pas ailleurs, sinon seulement dans les cités désertées après un cataclysme. Mais cette lecture se heurte au cadre très rigide des typologies telles qu’elles se présentent. Toutes offrent par exemple une catégorie appelée “maison à atrium canonique”. Les auteurs font alors entrer dans cette catégorie un certain nombre de maisons, qui sont celles qui présentaient exactement ce type de plan en 79 ap. J.-C . Mais dans un souci de fidélité à la grille de lecture qu’ils proposent, ils excluent de cette catégorie des maisons qui furent, au moment de leur construction, des « maisons à atrium canoniques”, mais ne l’étaient plus en 79 du fait des remaniements orchestrés dans l’îlot (partition, cession ou vente d’une partie de la propriété). La Casa dell'Apollo Citaredo (V, 10-12) est ainsi déchue de cette catégorie, alors qu’elle en faisait bien partie jusqu’à l’époque augustéenne et à la construction de la Casa del Bicentenario. Une alternative serait-elle
37
1.2 donc de penser une chronologie qui classerait les maisons selon le plan qui était le leur au moment de leur construction ? Un autre exemple montre, semble-t-il, les problèmes auxquels se heurtent les tentatives de typologie : le cas de la Casa del Bel Cortile. Le plan de cette maison n’a pas été pensé ex nihilo. Il résulte simplement d’une scission de la Casa del Bicentenario, en réponse à une évolution de la cellule domestique, peut-être, ou bien à des problèmes financiers ou patrimoniaux (héritage, vente, mise en location d’une partie du bien foncier). Jusqu’au début des années 70, cet édifice était, en effet, le posticum, c’est-à-dire la partie arrière, de cette vaste et riche demeure.47 Pour des raisons qui nous échappent encore, le propriétaire a détaché cette partie de la maison principale, soit pour y loger de manière indépendante des membres de sa maisonnée, soit pour la mettre en vente ou en location. Mais étant donné l’usage initial de ces espaces, l’habitation qui y a été aménagée et que nous connaissons sous le nom de Casa del Bel Cortile a été adaptée aussi bien que possible aux besoins de ses habitants, sans que l’organisation intérieure en soit profondément remaniée. Les cloisons n’ont, en effet, pas été abattues pour ré-agencer l’édifice de manière plus conforme aux canons de l’architecture domestique romaine, ainsi que nous l’apprend l’étude des enduits peints. Ce sont les habitudes des habitants qui se sont adaptées aux espaces - et aux décors - dans lesquels ils vivaient. On peut du reste s’interroger sur ces choix. S’agissait-il d’une décision assumée ou induite par des contraintes familiales ou financières ? L’état du décor peut nous permettre en partie de répondre à cette question. Le propriétaire semble avoir choisi de tirer parti de l’originalité de l’organisation intérieure de sa maison, qui s’articulait non autour d’un atrium ou d’un petit jardin, mais autour d’une cage d’escalier, une originalité qui évoque plus les maisons de la fin du Moyen Âge que celles du Haut-Empire romain. Le propriétaire avait donc choisi de préserver et même d’embellir cet espace en le redécorant entièrement, et les travaux de peinture étaient en cours au moment de l’éruption, comme le révèle l’état d’inachèvement du mur est. Le grand œcus (4) qui avait été autrefois le plus bel espace de réception de la Casa del Bicentenario lui permettait d’accueillir brillamment ses hôtes. Quant aux petites pièces qui occupaient le reste de ce rez-de-chaussée, elles étaient parfaitement adaptées au service, puisque tel avait été autrefois leur usage. Par ailleurs, plusieurs cubicula très soigneusement décorés avaient été aménagés à l’étage. Les
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habitants disposaient ainsi d’une maison confortable, quoique peu lumineuse, mais agréablement décorée, dont ils appréciaient peut-être l’originalité d’un plan qu’ils avaient su adapter à leurs besoins. Enfin, le principal problème de ces typologies est donc qu’elles classent dans la même catégorie d’une part, des maisons dont le plan a été pensé par un architecte et/ou un commanditaire pour répondre à des besoins domestiques et sociaux, et d’autre part, des habitations dont le plan tel qu’il apparaît en 79 n’est que contingent. Le plan de la phase finale est, dans ce deuxième cas, le fruit de remaniements et d’ajustements, d’arrangements temporaires d’espaces, parfois tant bien que mal, pour y mener une vie domestique et ou professionnelle. Dans ce cas, le plan ne répond pas aux desseins de ses habitants ; ce sont au contraire les habitants qui se plient à l’espace dont ils disposent. En soi, ces alternatives ne sont pas bien différentes de celles auxquelles sont confrontés nos contemporains au cœur d’un périmètre urbain : il n’est pas toujours facile d’acquérir un terrain pour faire construire, ex novo, une nouvelle habitation conforme à ses vœux, sauf si l’on dispose d’un budget très important. Pour loger un nombre toujours grandissant d’habitants, il n’est pas rare que de grandes habitations soient partagées en plusieurs appartements. Et pour s’agrandir, certains essayent de négocier avec leur voisin l’achat de portions d’espace mitoyennes de leur logement ou bien surélèvent d’un étage ou deux un logement construit de plainpied.48 Et hier comme aujourd’hui, ces dispositions architecturales ne sont que temporaires. Se borner à n’envisager la morphologie des unités immobilières que dans un épisode de leur évolution - même si celui-ci offre un instantané d’une histoire urbaine - ne risque-t-il pas de limiter grandement la compréhension de l’architecture domestique romaine et sa lecture sociale ? Si cela est vrai pour l’architecture, cela l’est d’autant plus pour les décors (peintures et mosaïques) dont la présence ne peut se comprendre et l’interprétation en terme de “programme” ne peut se justifier qu’en se référant à un projet initial. LES RESTAURATIONS DANS L’INSULA DEPUIS LE DÉGAGEMENT DES STRUCTURES Quand A. Maiuri reprend en 1927 le dégagement de la cité antique d’Herculanum (fig. 6), il est confronté à deux contraintes d’envergure : la solidité de l’épaisse couche de tuf recouvrant la ville (qui pouvait atteindre plus de 10 mètres à certains endroits) et la fragilisation des murs des édifices par les multiples tunnels (cunicoli) creusés sous les Bourbons49 (un exemple fig. 7).
MORPHOLOGIE
DES UNITÉS D’HABITATION
Fig. 6. Chronologie des fouilles à Herculanum, plan ANR VESUVIA©.
L’immense difficulté dans laquelle s’étaient trouvés les fouilleurs successifs du site depuis les excavations des Bourbons au XVIII e siècle explique en partie l’abandon précoce des recherches archéologiques à Herculanum, au profit de Pompéi, cette dernière présentant un matériau éruptif bien plus facile à dégager, qui plus est sur une moindre hauteur. Au XIXe siècle, lors de la première entreprise de fouilles à ciel ouvert, seule l’insula II et une portion de la partie ouest
de l’insula III (la partie occidentale de la zone actuellement connue) seront dégagées. Quant à la seconde contrainte, celle des tunnels, elle impose aux fouilleurs de consolider, voire parfois même de reconstruire les structures au fur et à mesure du dégagement des édifices. On peut consulter sur ces questions, qui ont longuement été traitées, deux ouvrages récents.50 L’insula V ne fut dégagée qu’à partir des Nuovi scavi de A. Maiuri, et dès 1927 ; les opérations de
39
1.2 dance. Cette quantité de clichés, riche pour l’époque, mais insuffisante pour nos travaux, s’explique notamment par la réalisation de campagnes photographiques ponctuelles, car essentiellement mises en œuvre à l’occasion des visites du site par A. Maiuri.52 La présence à Herculanum du Surintendant était, en effet, seulement épisodique, en raison de l’intensité de son activité et des multiples fouilles qu’il coordonnait simultanément.53 LA POPULATION D’HERCULANUM À LA VEILLE DE L’ÉRUPTION
Fig. 7. Herculanum, Casa del Gran Portale. On identifie bien à gauche le cuniculum du XVIIIe siècle qui transperce la paroi (Cliché de 1932 : Archivio Fotografico Pompei E C/ 243).
restaurations et reconstructions réalisées au XIXe siècle ne la concernent donc pas. En revanche, le secteur fut particulièrement perturbé par les explorations des Bourbons. Au fur et à mesure du dégagement de la cité, les équipes d’A. Maiuri étaient contraintes de consolider les murs, voire de les reconstruire partiellement, en raison des dégâts causés par les tunnels qui transperçaient les parois. Pour ces opérations de reconstruction, les ouvriers utilisaient du tuf de Naples, de couleur jaune, d’aspect et de couleur différents du tuf antique d’Herculanum, qui présente une couleur verte. Ce choix répondait à des contraintes économiques et pratiques, mais présentait également l’avantage de pouvoir différencier les structures antiques des reconstructions modernes. Dans certains cas toutefois, des matériaux antiques récupérés de murs écroulés ont été utilisés par les restaurateurs pour les reconstructions.51 Cependant la documentation disponible, même pour les Nuovi scavi, n’est pas suffisante et de nombreuses difficultés d’interprétation (liées à l’identification des espaces mentionnés dans les archives, notamment) ainsi que de nombreuses lacunes subsistent. Pour notre enquête, qui nécessite de restituer autant que possible l’état des édifices et de leur décor au moment de leur découverte, le principal manque dans la documentation disponible est celui d’archives photographiques. Seules quelques milliers de photos réalisées au XXe ont été inventoriées dans les fonds de la Surinten-
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D’après le témoignage de Velleius Paterculus, au cours de la Guerre Sociale (91-89 av.-J.-C.) Herculanum fut prise par Minatius Magius et le légat Titus Didius ; en revanche ce n’est sans doute que plus tardivement – vers les années 30 av. J.-C. que la cité devient un municipium romain.54 La communauté est gouvernée par des magistrats élus et un ordo decurionum55 et adopte, en dépit de sa petite taille, une organisation politique très proche de celle de Pompéi (qui, elle, est une colonie) : Herculanum ne s’étendait en effet que sur 15 ou 20 ha, soit à peine le tiers de Pompéi qui couvrait 66 ha (et Naples 90 ha).56 En ce qui concerne le peuplement, Strabon nous apprend qu’Herculanum avait la même histoire que Pompéi : d’abord osque, puis étrusque, ensuite samnite et enfin romaine.57 Plusieurs études ont permis de compiler les données disponibles sur la population d’Herculanum dans les années précédant l’éruption, aussi bien du point de vue anthropologique (grâce à l’analyse des squelettes conservés58), que du point de vue sociologique.59 L’un des meilleurs connaisseurs de la société herculanéenne antique, G. Camodeca, estime le nombre d’individus résidant à Herculanum en 70 ap. J.-C. à environ 4000 habitants, esclaves compris.60 Le chercheur s’appuie notamment, pour fonder cette estimation, sur une projection du nombre d’habitants maximum par hectare urbanisé. Ainsi pour une cité qui pouvait s’étendre sur 20 à 22 ha, en appliquant un coefficient de 180 habitants par ha, on obtient le nombre de 4000 habitants environ. Si on estime la part des esclaves à un tiers environ – soit 1200 ou 1300 individus – la population libre s’élèverait à environ 2300 à 2400 personnes, dont 750 à 850 hommes adultes (30%).61 Les chiffres avancés sont corroborés par les synthèses issues des données épigraphiques collationnées par l’auteur. Les corpus de sources antiques, et notamment épigraphiques, disponibles à Herculanum pour l’analyse de la communauté humaine et de la hiérarchie sociale sont finalement très différents de
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Fig. 8. Plan synthétisant les propositions d’attribution des parcelles de l’insula V par V. Catalano (d’après Catalano 2002, pl. VII).
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1.2 ceux attestés à Pompéi. A Herculanum, nous ne disposons ni d’inscriptions funéraires – les secteurs des nécropoles n’ayant pas été suffisamment fouillés – ni d’inscriptions électorales, qui sont pourtant fort nombreuses à Pompéi et nous offrent un panorama vivant de la vie politique et sociale de la cité. En revanche, Herculanum a livré des documents rares et précieux, non conservés à Pompéi. La première catégorie de documents exceptionnels est constituée d’un riche corpus de tablettes de cire, dont plus d’une centaine d’exemplaires ont été mises au jour, dans huit habitations différentes, lors des fouilles des années 1930. Il s’agit pour l’essentiel de documents de la pratique, des actes commerciaux ou juridiques. Ces Tabulae Herculanenses (THerc.) offrent des témoignages inestimables sur l’organisation de la vie domestique et professionnelle, les changements de statut social des individus, les litiges, les actes patrimoniaux etc.62 Ces actes couvrent largement les années 60 et 70 ap. J.-C. et mentionnent les noms d’environ 600 individus.63 L’autre document rare, mis au jour à Herculanum, est un album gravé sur une plaque de marbre et affiché sur une paroi de la basilica Noniana qui mentionnait les noms de plus de 1000 habitants de la cité.64 Il s’agissait probablement d’une liste des incolae, c’est-à-dire des habitants recensés, qui excluait de facto femmes, enfants et esclaves.65 La liste, datable des années 60 ou 70, fut partiellement détruite et seuls 450 noms sont conservés. Les habitants étaient répartis en centuriae, dont les noms de trois seulement sont conservées : Veneria, Concordia, Claudia ingenuorum.66 Comment interpréter cette liste ? Le doute subsiste.67 En dépit des lacunes, cet album offre un aperçu précieux sur le statut social et l’origine géographique des individus mentionnés. C’est ainsi que nous observons que 45% de ces individus sont d’anciens esclaves ayant obtenu la citoyenneté après leur affranchissement. D’autre part, il apparaît que de nombreux résidents étaient originaires de cités voisines – Pompéi, Pouzzoles, Naples, Nola, etc. – ce qui prouve l’attractivité d’Herculanum.68 Par ailleurs, les travaux de N. Monteix ont permis d’envisager le fonctionnement économique de la cité et ainsi de préciser sa place et son rôle à l’échelle régionale.69 Les cinquante-quatre boutiques et ateliers actuellement dégagés à Herculanum70 exerçaient des activités réduites à une échelle locale, permettant aux habitants de bénéficier, sur place, de toutes les commodités nécessaires à la vie quotidienne. En revanche, les infrastructures et l’instrumentum identifiés dans les « lieux de métiers » ne permettent pas d’envisager de production à une échelle suffisante pour
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exporter les produits transformés ou manufacturés dans la cité. Quelques tentatives d’identification des propriétaires des habitations ont été proposées depuis les fouilles menées par A. Maiuri au XXe siècle. A cet égard, l’expérience la plus aboutie – quelles que soient les réserves que l’on puisse émettre sur les résultats obtenus – est celle de V. Catalano dans son ouvrage justement intitulé Ercolano. Casa ed Abitanti 71 (fig. 8). En effet, ses propositions d’attribution reposent, dans bien des cas, sur des témoignages trop fragiles. C’est ainsi que la découverte d’inscriptions (graffiti ou autres) sur les parois a donné lieu à une partie des attributions. Dans la Casa Sannitica, une petite inscription en osque, indiquant « Lúví », peinte sur le mur des fauces a été considérée comme la mention du nom du propriétaire. Cette attribution est validée par V. Catalano qui propose de restituer le nom osque de « Spunes Luvi ».72 En réalité, il me semble que cette inscription n’indique pas nécessairement le nom du propriétaire et on ne voit pas pourquoi ce serait le cas. En revanche, elle atteste bien l’ancienneté des peintures, qui relèvent effectivement d’un authentique Ier style. Une autre attribution fragile, publiée par V. Catalano est celle de la Casa del Gran Portale (V, 34-35) à un certain « Veius Secundus » sur la foi d’une inscription peinte sur une amphore de garum découverte dans cette maison.73 Dans la Casa dell’Atrio Corinzio (V, 30) fut découverte une inscription incisée (graffito) sur le soubassement rouge d’une colonne de l’atrium corinthien. Elle mentionne l’organisation par un nommé « Numisius Genialis », à Herculanum, d’un combat entre 10 paires de gladiateurs, à la date du 22 février. Cette seule mention a servi à V. Catalano de fondement à son attribution de la maison V, 30, à ce personnage.74 Pour la Casa dell’Apollo Citaredo (V, 9-12), l’attribution de V. Catalano est tout aussi fragile. Elle repose en effet, sur la présence d’une inscription sur la paroi sud de la taberna 10, mentionnant « MA(n)SVETA TENE(t) ».75 De fait, la plupart des identifications de V. Catalano n’ont pas été suivies, par la suite, dans les travaux scientifiques des historiens et archéologues ayant mené des recherches sur Herculanum. Un cas intéressant – parce qu’appuyé sur un document archéologique – mais mal compris est celui de l’identification des propriétaires de deux habitations mitoyennes du cardo IV : la Casa del Mobilio Carbonizzato et la Casa del Telaio. Le 3 février 1931, lors du dégagement de la toiture de la Casa del Telaio, fut mise au jour, le long du cardo, une plaque opistographe de petites
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Fig. 9. Plaque opistographe fixée en façade, à la limite entre la Casa del Mobilio Carbonizzato et la Casa del Telaio. Copie de l’original (Cliché A. Dardenay 2017).
dimensions (32 x 15 cm). Elle portait une inscription sur chacune de ses faces (fig. 9) : • Face 1 : Iuliae pari(es)/privatus perpetuus • Face 2 : M. Noni M. l(iberti) Dama(e)/paries perpetuus priu(atus) A la demande d’A. Maiuri, une copie de cette plaque fut fixée à une barre de métal76 et fichée dans le mur à la limite des deux habitations, où elle se trouve toujours aujourd’hui. Jusqu’ici, presque tous les commentateurs ont accepté la restitution et discutent simplement de savoir dans quel sens la plaque devait être fixée et quelle était la propriété respective des affranchis Iulia et Marcus Nonus Damas.77 Ce n’est qu’assez récemment que C. Saliou a repris l’étude de ce document, à l’occasion d’une synthèse sur le thème « Epigraphie et rapports de voisinage ».78 Elle montre de manière très convaincante, en développant des arguments déjà avancés par H.-I. Marrou, que cette plaque n’était pas destinée à marquer la limite entre deux propriétés et n’était pas fixée telle que A. Maiuri l’a restituée. En réalité, la plaque aurait servi successivement à deux propriétaires du même mur, « le second l’ayant fait retourner et fixer à nouveau ». C. Saliou note à ce sujet que les écritures des deux faces sont très différentes. Elle explique également que « privatus » doit se comprendre en opposition à « communis », que l’on peut traduire par « possédé en co-propriété ». La plaque sert donc à revendiquer la propriété d’un mur, comme étant
la propriété d’un seul et non un fonds commun.79 Cette question de la propriété d’un mur, loin d’être anodine, pouvait se révéler importante, quand on voulait par exemple, construire un étage au-dessus d’une maison. Impossible de le faire, si on n’est pas propriétaire de tous les murs à surélever ou contre lequel s’appuyer ; sauf à obtenir un droit d’appui de la part du propriétaire du mur.80 La plaque était donc collée à un mur, mais lequel ? En raison de sa fonction, elle a pu être sur le mur marquant la limite entre deux parcelles (fig. 10). D’après le témoignage du GSE (03/02/1931) et de quelques observations du bâti, C. Saliou suggère que la plaque a été fixée à l’extrémité sud de la façade de la Casa del Mobilio Carbonizzato. En effet, l’étude du bâti laisse supposer que les murs ouest et sud limitant la parcelle de cette habitation sont plus anciens que ceux de la Casa del Telaio, qui viennent s’appuyer dessus. Ainsi les propriétaires de la Casa del Mobilio Carbonizzato – éventuellement des propriétaires successifs, si l’on retient que la plaque a été utilisée par deux personnes différentes 81 – auraient ressenti la nécessité de rappeler fermement leur droit de propriété. L’existence d’une telle inscription in situ, sur une façade, n’est pas attestée par ailleurs, à ce jour, dans le monde romain, ainsi que le rappelle C. Saliou, et on ne sait pas si la pratique était courante.82 Est-ce qu’un conflit persistant entre les propriétaires des deux habitations aurait justifié de prendre de
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Fig. 10. Gravure représentant la façade de la Casa del Telaio par R. Oliva (d’après Maiuri 1958, pl.XXXVII).
telles précautions ? La question mérite d’être posée, d’autant que, comme on le verra, dans les quinze dernières années du site, une porte de communication entre ces deux habitations fut successivement ouverte, puis condamnée.83 Dans certains cas, la présence de « documents de la pratique », sur des tablettes de cire, a été considérée comme un indice sérieux de l’identité du dernier (ou d’un des derniers) propriétaires de l’habitation. Dans la Casa del Bicentenario, la découverte, dans un coffre à l’étage, pièce 37, des tablettes relatives à un procès donne des informations sur les occupants des lieux : Calatoria Temidis épouse de Petronius Stephanus, était en conflit judiciaire avec Iusta Stephanus, une jeune fille que le couple éleva comme sa fille, et qui, de fait, pouvait (sans certitude) être la fille naturelle de Petronius Stephanus. La présence de ces archives retraçant une partie du procès, opposant ces deux femmes de la maisonnée de Petronius Stephanus, laisse supposer que ce dernier, mort avant l’éruption, pouvait être l’un des derniers propriétaires. En 79, la mai-
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son était-elle la propriété de son épouse ou peutêtre de Petronia Iusta ? Ou bien avait-elle été partagée entre elles deux ? Et selon cette hypothèse, à qui, et selon quelles modalités, avait été transmis le vaste édifice aux héritiers de Petronius Stephanus ? Nous l’ignorons malheureusement, car l’issue du procès demeure inconnue.84 D’autres hypothèses ont pu être formulées concernant les résidents de la Casa del Bicentenario. Celle qui revient le plus souvent désigne M. Helvius Eros, dont le sceau de bronze fut mis au jour le 8 novembre 1938 dans une pièce du cenaculum de l’étage donnant sur la rue.85 La pièce exacte n’est pas mentionnée malheureusement et donc la localisation est approximative : « […) In un ambiente del piano superiore posto ad ovest dell’atrio della Casa del Bicentenario si è sterrato … ».86 Cela est particulièrement regrettable, car c’est dans cette partie de l’étage, dans l’aile à l’ouest de l’atrium que se trouve la limite entre l’appartement V, 14 et l’étage de l’habitation principale87 (le mur mitoyen entre les deux unités d'habitations se trouvant au-dessus de l’ala 7 : cf. pl. 12). Ce sceau, qui
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appartenait de toute évidence à l’occupant d’une des deux habitations, aurait pu nous permettre de préciser une attribution, soit pour l’habitation principale (pour laquelle nous disposons aussi des archives du procès), soit pour un des cenacula. Lors des fouilles d’A. Maiuri, huit dépôts de tablettes de cire, la plupart enfermées dans des coffres en bois, furent mis au jour.88 Trois d’entre eux proviennent de l’insula V, tous dans des pièces situées à l’étage des habitations, comme c’est généralement le cas pour ce genre de découverte.89 La récurrence de cette localisation est, en soi, une information importante sur le statut des pièces à l’étage et nous y reviendrons. Après la Casa del Bicentenario, l’appartement V, 22 est le second logement à avoir livré un fonds d’archives, dans un vaste appartement de quatre pièces (153 m2 habitables : voir pl. 18), accessible directement depuis la rue. Dans le cubiculum D, richement orné de peintures IVe style, le fonds était réparti, entre trois coffrets de bois, près d’un lit en bois carbonisé.90 L’un des coffres contenait 84 tablettes, un autre 150 tablettes et le troisième, seulement des fragments.91 Les archives appartenaient à un nommé L. Cominius Primus – connu par ailleurs comme propriétaire terrien92 – et concernaient la gestion de biens fonciers pour les années 50-70. Etait-il le résident de cet appartement ? Ou bien cet appartement abritait-il un certain Q. Iuni Philadespoti, dont on a également trouvé le signaculum dans cette pièce ? F. Pirson a envisagé plusieurs hypothèses concernant l’identité des résidents de ce cenaculum en 79.93 L’archive la plus récente du fonds de L. Cominius Primus datant de 71 ap. J.-C., il n’est absolument pas certain qu’il résidait dans cet appartement durant la dernière année du site. F. Pirson, tout comme G. Camodeca, estime que le logement n’est pas digne d’un personnage comme L. Cominius Primus.94 Cette vision est toutefois subjective, et ainsi que F. Pirson le suggère lui-même, ce cenaculum ne pouvait être qu’un pied à terre, dont il faisait usage lorsqu’il avait des affaires à traiter à Herculanum. Par ailleurs, F. Pirson – tout comme N. Monteix, qui a réétudié le dossier plus récemment – estiment que les édifices de l’angle nord-est de l’îlot (V, 19-22 et V, 23-25) constituaient une seule et unique propriété, hypothèse qui donne une toute autre ampleur à ce bien immobilier.95 Selon une autre hypothèse, le logement aurait pu abriter un affranchi – Q. Iuni Philadespoti ? – chargé d’administrer les affaires et les biens de L. Cominius Primus.96 Mais tout ceci n’est que conjecture. Quoi qu’il en soit, un lien existait entre ces deux hommes et le cenaculum V, 22.
Le dernier cas que nous pouvons examiner pour cette insula est celui des lots de tablettes mis au jour en 1932, puis en 1934, dans la Casa del Sacello di Legno (V, 31).97 Encore une fois à l’étage, dans la pièce 18, richement ornée de peintures IVe style, un coffre et une petite armoire de bois ont livré deux lots de tablettes : le premier, découvert dans une armoire en 1932 contenait une centaine d’exemplaires. Toutefois, leur état de conservation n’a pas permis jusqu’ici d’identifier clairement leur teneur. En 1934, sous un lit carbonisé dans la même pièce, un coffre livra quelques fragments de tablettes.98 Cette même année, fut mis au jour, au rez-de-chaussée, dans une petite pièce à droite de l’entrée l’armoire-laraire qui donna son nom à la maison. A l’intérieur de ce meuble, se trouvait notamment un signaculum de bronze, au nom de L. Autronius Ethymus, considéré dès lors, depuis la publication de l’objet, comme l’ultime propriétaire de cette maison.99 NOTES 1
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L’hypothèse d’un découpage temporel de l’utilisation de l’habitation fut proposée par Laurence 1994, 154166. A. Wallace-Hadrill avait simultanément émis une hypothèse proche, par le biais de comparaisons avec les demeures aristocratiques anglaises des XVIIe et XVIIIe siècles :Wallace-Hadrill 1994, 8-10. Voir aussi Perrin 1997. Jolivet 2011, 242 (avec bibliographie en note 3). Jolivet 2011 (introduction et 241). Nevett 2010, 16. Cf. Wallace-Hadrill 2011, 122-144. P. Allison alerte sur ce problème épistémologique et envisage longuement les scénarios possibles dans deux chapitres intitulés « Considering Pompeian House Content » (Allison 2004, 3-8) et « Nature of evidences » (Allison 2004, 10-26). P. Allison a proposé toutefois une méthodologie ingénieuse pour différencier au moins, les maisons qui étaient effectivement habitées à Pompéi en 79 de celles qui étaient vides. Sa méthode repose surtout sur l’inventaire de l’instrumentum lié à la préparation des repas (car elle souligne que les habitants ne se sont sans doute pas préoccupés d’emporter dans leur fuite ces objets sans valeur), la présence de squelettes (même si bien entendu il peut d’agir de ceux de fugitifs étrangers à la maison) et l’état des enduits peints (Allison 2004, tableaux p. 193-194). Le recours à la céramique culinaire est toutefois problématique car elle était souvent mal enregistrée pendant la fouille. Sur la date de l’éruption : Stefani, Borgongino 2001 ; Stefani 2011. De plus, on sait par une inscription du IIIe ou IVe siècle qu’une communauté de réfugiés d’Herculanum s’était installée à Naples : Regio Primaria Herculanensium (CIL X, 1492) ; à ce sujet voir Monteix 2012a, 54. Pline l’évoque, Ep., 6, 20, 3 : tel qu’il est formulé, son récit témoigne de la progressivité de l’éruption. Pline, Ep., 6, 20, 3, écrit qu’il y eut des tremblements de terre plusieurs jours avant l’éruption, mais que les gens n’étaient pas particulièrement alarmés parce que de telles secousses étaient fréquentes dans la région. Ce
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témoignage, bien que partial, a été trop souvent repris pour laisser croire que les habitants de Pompéi n’avaient pas fui la ville avant le début de l’éruption et a largement contribué à diffuser l’image dramatique d’une cité figée dans ses activités quotidiennes routinières. C’est également ce que fait remarquer P. Allison en préambule de son ouvrage sur la culture matérielle des maisons pompéiennes (Allison 2004). Pour Pompéi, on pense notamment au cas de la maison du Ménandre dont les propriétaires avaient rangé à l’abri, dans un coffre placé dans une salle protégée, toute leur argenterie (Maiuri 1933, fig. 102). M. Flohr note que peu de travaux ont été consacrés au déroulement exact des événements du jour de l’éruption et ont étudié de près le comportement des individus surpris dans la catastrophe : ce qu’il nomme « Archéologie de la panique ». Cf. Flohr 2008. Lire aussi Allison 2004, 19-24. Vitruve, De Arch., II, 9, 16. Sur la relation lexicale avec l’insula comme immeuble de rapport, et les origines étymologiques du terme, lire les réflexions de J. Dubouloz (Dubouloz 2011, 305-311). Sur l’orientation réelle des rues d’Herculanum : Guadagno 1993. Par exemple : Guilhembet 1996, Jolivet 2011 ; Guilhembet, Hanoune 2005. Guilhembet parle de «dévitruvisation des espaces domestiques antiques ». Par exemple : Allison 2004, 161-177 ; De Kind 1992, 68. Allison 1993 (Functionnal and Spatial Analysis of Wall Painting), 1 ; repris et développé dans Allison 2004, chap. 7, 161-177. De Arch. VI, 3-5. Sur cette double terminologie, lire la très pertinente analyse de V. Jolivet (Jolivet 2011, 24-29). Auxquels il faut ajouter tous les appendices de la riche villa patricienne : porticus, cryptoporticus, balnea, zotheca et même un cubiculum hypocauston. Le plan canonique de la maison romaine tel qu’il est admis jusqu’à aujourd’hui a été proposé par J. A. Overbeck (Overbeck 1875, fig. 133). Sur l’origine du plan canonique chez Overbeck et sa diffusion ultérieure : Jolivet 2011, 7-24. Sur la question de cette nomenclature, et plus largement pour une approche historiographique portant sur l’étude de la planimétrie de la maison romaine depuis la redécouverte de Pompéi : Zanella 2020. Mais pas seulement… il existe aussi des chercheurs qui fondent leur démarche sur une enquête préalable pour retrouver le matériel découvert lors des fouilles dans les maisons qu’ils étudient. Comme par exemple W.M Strocka pour la Casa del Principe di Napoli à Pompéi, et d’autres encore. Sur les critères de sélection opérés pour l’échantillonnage voir Allison 2004, 6.8 avec liste sur plan en fig. 14. Qu’elle développe et explicite dans son ouvrage de 2004, en 22 types, décrits dans les chapitres 5 et 7. Allison 2004, 65-70. Mais ce qui a le plus pesé sur notre représentation de l’atrium est, sans doute, l’image qui en a été transmise par les « antiquaires », historiens et archéologues depuis le XVIIIe siècle. Adam 1984, 318-320. Pour la liste des maisons étudiées : Allison 2004, 7, fig. 14 ; La méthode est exposée au chapitre 3 : Allison 2004, 29-41.
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Sauf à considérer que tous ces objets aient été récupérés ou pillés dès l’Antiquité après l’éruption, ce qui n’est pas vraisemblable sur un tel échantillon…. Voir l’inventaire dans les tableaux publiés dans Allison 2004, 65-67. Typologie dans Allison 2004, 68 (tableau). Allison 1993, 6, Conclusion reprise et développée en 2004, où l’atrium est nommé « front hall », notamment 162-166. Allison 2004, 64, table 5a. On remarque que l’auteure elle-même s’en détache dans ses travaux postérieurs, utilisant les vocables traditionnels (cubiculum, tablinum, atrium) …. : Allison 2015b. Pour une mise en perspective critique du travail sur la nomenclature réalisé par P. Allison, lire les remarques de S. Zanella : Zanella 2020, 35-43. C’est la solution adoptée par S. Zanella dans sa thèse (Zanella 2015). Du vocabulaire vitruvien, elle n’a conservé que les termes d’atrium et de tablinum, qui apparaissent selon elle, les mieux caractérisés du point de vue de l’architecture, et de la planimétrie. En revanche, elle n’utilise pas les termes de cubiculum, triclinium, dormitorium. Thébert 1985, 295-415. Formola 2013. S. Formola situe la date de la construction des quartiers centraux d’Herculanum au milieu du IIe siècle av. J.-C., essentiellement d’après l’analyse de critères géomorphologiques. Maiuri 1958, 197. De Kind 1998, 188-189 ; Wallace-Hadrill 1994, 124. Ganschow 1989, 321-323 et 329. Van Binnebeke 1991. De Kind 1992. Evans 1980. En statistique descriptive, un quartile est chacune des valeurs qui divisent les données triées en quatre parts égales, de sorte que chaque partie représente 1/4 de l’échantillon de population. Wallace-Hadrill 1994, 80-82. Par exemple, pour la Casa del Bel Cortile, l’étage mesure 120 m2, soit 40% de la surface habitable de la maison. Andrews 2006, 94-96. Un posticum désigne la partie postérieure d’un édifice. Le terme s’appliquait aux temples, pour désigner le secteur arrière que les Grecs nommaient opisthodome (cf Vitruve, III, 2, 7). Mais il s’emploie aussi pour tout type d’édifice, y compris domestique, pour désigner la partie arrière, ou le secteur servile. Cf Horace, Epitres, I, 31 : Atria servantem postico falle clientem. (Trad. : Échappé par la chambre de derrière au client qui assiège l’atrium). Voir Adam 2012, 168 pour l’exemple du posticum de la maison du Centenaire à Pompéi. L’étrange amoncellement de balcons, structures en encorbellement et étage, sur la peinture représentant une vue urbaine du cubiculum de Boscoreale en témoigne : (Metropolitan Museum, New-York : Roger Fund 1903 (03.14.13.f). Bilan historiographique des fouilles de A. Maiuri à Herculanum : Camardo, Notomista 2017. Camardo, Notomista 2017 ; Sorbo 2013. Ces opérations de reconstructions sont détaillées dans le Giornale del lavoro (GL), consultable au Parco Archeologico di Ercolano : Monteix 2017, 146. N. Monteix a produit plusieurs synthèses sur les archives, la documentation graphique et la documentation administrative produites lors des fouilles d’Her-
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culanum au XXe siècle : Monteix 2017 (avec bibliographie antérieure). Monteix 2020. Velleius Paterculus, II, 16. Au sujet de la date de transformation d’Herculanum en municipium lire les arguments développés par N. Monteix : Monteix 2012b. A cet égard, il est surprenant de constater, à Herculanum, l’absence de ces inscriptions électorales peintes sur les façades de Pompéi. A. Wallace-Hadrill a proposé plusieurs explications à ce phénomène : Wallace-Hadrill 2011, 291-293. Sur l’histoire urbaine d’Herculanum : Ruffo 2014. Strabon, Géographie, V, 4, 8. Strabon est le seul à mentionner une domination étrusque sur Herculanum. Une centaine de squelettes ont été découverts sous les « fornici » de la plage d’Herculanum : Petrone, Fedele 2002 et plus récemment Wallace-Hadrill 2011, 123-130. Pour une synthèse de ces différentes études : Wallace-Hadrill 2011, 123-145. Camodeca 2008, 86. A. Wallace-Hadrill reprend l’estimation de 4000 à 5000 habitants pour la population totale, mais estime que le nombre d’hommes adultes et libres devait s’élever à environ 1200 (soit le nombre de noms qui pouvaient se trouver inscrits sur l’album de la basilica Noniana) : Wallace-Hadrill 2011, 138. L’édition critique et commentée est enfin publiée : Camodeca 2017. Camodeca 2008, 87. CIL X, 1403 (+ AE 1978, 119). Environ 1200 noms au total d’après G. Camodeca (2008, 89). La plaque de marbre, brisée en plusieurs morceaux et incomplète, est conservée au MANN, inv. 3726, 3727, 3728, 3729. D’autres fragments de la même plaque sont conservés au Dépôt du Parco Archeologico di Ercolano. Une explication très claire de la catégorie sociale désignée sous le nom d’incolae est proposée par J. Scheid dans Scheid 2013, 72-75. Les noms des individus sont disposés en colonne, par centurie. A la fin de chaque colonne, des espaces libres permettaient d’ajouter de nouveaux noms, le cas échéant. A. Wallace-Hadrill suggère qu’il s’agit de la liste des hommes du municipium aptes à voter : Wallace-Hadrill 2011, 138. Pour une autre interprétation de cet album : Ligt, Garnsey 2012. Camodeca émet par ailleurs l’hypothèse selon laquelle cet afflux de nouveaux résidents à Herculanum, provenant de cités voisines, aurait permis de compenser les lourdes pertes humaines qu’aurait subi la petite cité d’Herculanum lors du tremblement de terre de 62 ap. J-C. Cette hypothèse n’est toutefois pas solidement étayée (Cf. Camodeca 2008, 92-93). Monteix 2010, 349-370. Rappelons que le Parc Archéologique d’Herculanum ne couvre que 4,5 ha, sur les 12 hectares au moins, sur lesquels s’étendaient la cité antique. Maiuri 1958 ; Catalano 2002, passim et tav. VII. Catalano 2002, 56-57 ; 74-75 ; 60 : « Nella fauce della così detta Casa Sannitica, ad un metro dallo stipite della porta ed a 1,68 m dal pavimento, è chiaramente dipinta sul fondo nero della parete destra in belle lettere bianche di alfabeto osco dell’ultimo periodo l’iscrizione retrogradiente SPVNES LVVI, ripetuta in colonna ma più evanida per la stessa lunghezza di 8,5 cm (Della Corte 1958, nn. 317-320, tav.II). La lettura Spunes Lúvi da me proposta è stata controllata direttamente sul
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primo originale, che è il più completo (apografo nella tav. XXXIV, 2), mentre l’interpretazione del Maiuri comporta la variante Lopi ». Catalano 2002, 29-30. Auparavant Della Corte 1958, n. 358. N. Monteix ne reprend pas cette attribution, le nom n’est pas même mentionné dans son ouvrage sur les lieux de métiers (Monteix 2010). Catalano 2002, 96-97. Inscription : VIII K(alendas). MARTIAS / (muneribus) NVMISII GIINIALIS / GLADIATORVM PARIA X / HIIRCVLANI (pugnabunt). Cf. Della Corte 1958, n.416. Catalano 2002, 84-85. Della Corte 1958, n.725. L’original est conservé au dépôt du Parc archéologique d’Herculanum. Wallace-Hadrill 2011, 214-217. Saliou 2012, 11-23. Dans le droit romain, la copropriété d’un mur mitoyen ne va pas de soi : « A la différence du droit français actuel, où tout mur de séparation [entre deux propriétés) est supposé mitoyen, la mitoyenneté n’est pas systématique en droit romain, où le mur de séparation entre deux fonds ou deux édifices peut soit appartenir à un seul des voisins (…) soit appartenir en copropriété (communis) aux deux voisins, qui jouissent donc des mêmes droits sur lui. » Saliou 2012, 18. Si le mur appartenait à un seul des deux voisins, il pouvait être éventuellement « grévé, au profit de l’autre fonds, d’une servitude d’appui ou de support aux termes de laquelle le propriétaire du mur devra laisser son voisin y appuyer un appentis, voire l’utiliser pour élever une construction » : Saliou 2012, 18. Sur la surélévation, voir Saliou 1994, 51-54. C. Saliou note à juste titre que la plaque ne fut pas nécessairement utilisée deux fois au même endroit. Elle a pu être récupérée d’un autre mur et être fixée sur la façade de la Casa del Mobilio Carbonizzato, pour y graver un nouveau « droit de propriété » sur la face disponible. Toutefois, Saliou 2012 donne d’autres exemples de telles inscriptions, le plus souvent hors contexte et en tout cas non opistographes, mais dont la fonction est bien de marquer le caractère « privé » ou « mitoyen » d’un mur. Cf. infra p. 196. Ces documents et le procès dont ils portent témoignage sont discutés plus loin : infra p. 272-274. GSE, 8 novembre 1938 ; inv. 1959 = 77238 (08/11/1938): Bronzo Timbro lungo m.0.05 ed alto m.0.02 con il seguente nome: m(arci) helVi erotis [IE, 732). Pour l’attribution de cet appartement au propriétaire de ce sceau : Maiuri 1958, 472, note 48 ; Della Corte 1958, n.378 ; V. Catalano lui attribue toute la maison (Catalano 2002, 68). GSE, 8 novembre 1938. En terme de surface : un noyau central de 508 m2 au rez-de-chaussée + étage 1 de 267, 4 m2 + étage 2 de surface indéterminée. La liste des tablettes est mentionnée pour la première fois par A. Maiuri (Maiuri 1946). Discussion : Wallace-Hadrill 1994, chapitre huit. Plan de répartition et synthèse dans Camodeca 2009, fig. 3, 28. Rappelons que le principal fonds d’archives mis au jour à Pompéi, les tablettes de L. Caecilius Jucundus, est supposé lui aussi provenir de l’étage de l’habitation, au-dessus du secteur du péristyle (V, 1, 26) : Andreau 1974, 44. GSE, 4 oct. 1937.
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GSE, 15 nov. 1937 ; Camodeca 2009, fig. 6, 32-33. Camodeca 2009, 34, G. Camodeca précise ce que l’on sait de ce personnage, vraisemblablement propriétaire d’un autre bien sur les pentes du Vésuve. Pirson 1999, 122-124. A. Maiuri et V. Catalano avaient fait, en leur temps, la même observation : Maiuri 1958, 480. Catalano 2002, 67. Monteix 2010, 332, note 76.
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Hypothèse soutenue par A. Maiuri et reprise par V. Catalano : Maiuri 1958, 480, note 234. Catalano 2002, 67. Maiuri 1958, 255. Maiuri 1946. Camodeca 2009, 29-32. GSE, 31 mar. 1934. Catalano 2002, 67. Camodeca 2009, 32.
1.3 Etude simultanée du bâti et de l’ornatus Aspect techniques et méthodologiques
LES TYPES D’APPAREILS DE CONSTRUCTION Les travaux de l’équipe de R. Ling dans l’insula I 10 de Pompéi1 ont opéré un tournant dans l’exploitation de la chronologie architecturale des structures dans les “cités vésuviennes”. De cette approche, nous reprenons la méthode de hiérarchisation chronologique des types de maçonnerie permettant d’offrir une datation relative des modifications successives opérées sur un mur. Une des limites d’une telle entreprise, est que, contrairement à l’analyse stratigraphique des sols – qui se prête à la datation par le concours des vestiges de culture matérielle qui y sont emprisonnés – la “stratigraphie” d’un mur est plus difficile à mettre en relation avec une chronologie absolue (fig. 11). Outre l’identification des types de construction mis en œuvre, un des outils possibles pour dater est celui offert par l’étude des enduits peints posés sur les murs, qui offrent, eux des indices de datation absolue. En revanche, il serait périlleux de surestimer le potentiel « datant » des enduits peints sur les parois qu’ils recouvrent. En effet, ceux-ci ne sauraient offrir mieux qu’un terminus ante quem pour la datation des parois sur lesquelles ils sont appliqués. On sait en effet qu’un décor pouvait être refait plusieurs fois, souvent à plusieurs décennies d’intervalle. Une datation précise de la chronologie du bâti doit donc impérativement s’appuyer sur d’autres outils complémentaires et pas seulement sur le décor peint qui le recouvre. La première étude d’ensemble sur l’histoire de la construction à Herculanum revient à Th. Ganschow. Publié en 1989, son Untersuchungen zur Baugeschichte in Herculaneum reste l’analyse la plus systématique à ce jour. Quelques années plus tard, une équipe néerlandaise, dirigée par R. de Kind et M.-C. van Binnebeke, revenait sur plusieurs de ses propositions, notamment dans l’insula V.2 Enfin les recherches de N. Monteix sur Les lieux de métiers à Herculanum ont été l’occasion de réétudier le dossier et de l’approfondir dans les lieux concernés par l’installation de boutiques et d’ateliers.3 Le présent ouvrage s’inscrit en complément à ces recherches, notamment pour renforcer la compréhension plus générale des transformations des “unités d’habitation”.
J’ai suivi, dans cet ouvrage, la chronologie d’utilisation des types de construction à Herculanum établie par N. Monteix. Cette chronologie est confrontée ci-contre (fig. 11) à celles de A. Maiuri et de Th. Ganschow. Voici quels sont les différents types de maçonneries et appareils de construction attestés à Herculanum : Opus quadratum Il s’agit d’un appareil monumental constitué de blocs à taille quadrangulaire, c’est le plus ancien attesté à Herculanum avec l’opus incertum. Utilisé au moins depuis le IIe siècle av. J.-C., il cesse d’être utilisé vers 80 av. J.-C., avec quelques subsistances jusqu’à la fin de l’époque augustéenne, notamment dans la réfection ou l’agrandissement de murs anciens. Il s’agit d’un mode de construction contemporain des parois décorées en Ier style pompéien. Opus incertum C’est un appareil de construction défini par G. Lugli4 comme un assemblage de moellons, pas ou peu taillés, assemblés avec du mortier. Sa morphologie et sa chronologie restent débattues. Incertum A = blocs de lave non retaillés. Utilisé dès le IIe siècle av. J.-C., il est abandonné vers 80 av. J.-C. Ce qui est en fait, tout comme l’opus quadratum, un mode de construction contemporain des parois décorées en Ier style pompéien. Incertum B = moellons de lave retaillés. Les sous types a/b/c/ correspondent aux différentes natures de la lave employée. Tout comme l’opus quadratum, l’incertum B semble être abandonné vers 80 av. J.-C. sauf dans quelques utilisations sporadiques et ciblées. Incertum C = moellons de tuf rossicio ou de de tuf jaune. Chronologiquement, l’incertum C succède aux deux précédents, à partir de 80 av. J.-C. Sa pleine période d’utilisation est contemporaine du IIe style pompéien. Devenant d’utilisation sporadique à partir de l’avènement d’Auguste, il reste d’usage très restreint et ciblé jusqu’à la fin de la chronologie du site.
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Fig.11. Typo-chronologies confrontées des types de construction à Herculanum (Maiuri/Ganschow/Monteix) d’après Monteix 2010, fig. 119.
Incertum D = moellons divers liés avec du mortier à des fragments de terre cuite (tuile, brique, céramique) ou des fragments de béton de tuileaux.5 Ce mode de construction n’avait pas été isolé par A. Maiuri. Th. Ganschow est le premier à l’identifier à Herculanum et le mettre en relation avec les réfections réalisées après le séisme de 62. Il s’agit donc d’un repère utile pour identifier les réfections effectuées postérieurement à cet événement.6
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Opus reticulatum Cet appareil de construction est réalisé à Herculanum en tuf jaune (celui de couleur verdâtre) et en tuf rossicio.7 Reticulatum A = il est très proche de l’incertum B car les moellons sont assez grossièrement taillés.8 Sa chronologie à Herculanum a été repoussée par N. Monteix d’une cinquantaine d’années. Alors
ETUDE SIMULTANÉE DU BÂTI ET DE L’ORNATUS
Fig. 12. Différents types de tuf à Herculanum. Cliché I. Pingeon (2016).
que A. Maiuri et Th. Ganschow mentionnaient son émergence dès 30 av. J.-C., N. Monteix estime qu’il n’apparaît que vers 25 ap. J.-C. Mais ce désaccord dans la chronologie est lié aux difficultés liées à la différenciation entre l’incertum B et le reticulatum A. N. Monteix identifie comme incertum B des types de construction que A. Maiuri et Th. Ganschow reconnaissaient comme reticulatum A. Reticulatum B = opus dont les moellons sont nettement taillés en losange, avec des dimensions
inférieures à 10 cm de côté. A. Maiuri datait son émergence à Herculanum des années 50 ap. J.-C. alors que Th. Ganschow repérait ses premières attestations un siècle plus tôt. M. Pagano a solidement étayé la datation de cet opus à Herculanum, dont il situe l’introduction à l’époque augustéenne, ainsi que le montre la mise en œuvre de la construction de la Palestre, de l’insula Orientalis II et du péristyle de la Casa del Colonnato tuscanico.9 Pour N. Monteix, qui suit M.
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1.3
Fig. 13. Herculanum, Casa d’Argo, façade. Mur de moellons de tuf érodé. Cliché M.-L. Maraval (2012).
Pagano, le reticulatum B apparaît dans les années 30 av. J.-C. sur le site. Opus craticium Il s’agit d’une technique de construction en pan de bois hourdé. Son usage est essentiellement réservé à la construction des étages et de certaines cloisons de séparation entre les pièces. Pour A. Maiuri, suivi sur ce point par Th. Ganschow, l’opus craticium apparaissait à Herculanum après le séisme de 62 ap. J.-C., ce qui en faisait, à l’instar de l’opus incertum D, un fossile directeur utile pour repérer les réfections liées à ce séisme. N. Monteix estime toutefois qu’il est utilisé, quoique de manière sporadique, dès le tournant de notre ère. Opus vittatum Dans ce type de maçonnerie, les blocs isodomes sont disposés en quinconce, formant une chaîne d’angle. Cet appareil est utilisé à Herculanum seulement pour les encadrements de portes et fenêtres.10 L’opus vittatum est inséré dans une paroi en opus incertum ou opus reticulatum. Cet opus est attesté dès 80 av. J.-C.
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Opus vittatum mixtum L’opus vittatum mixtum est une variante où des assises des briques alternent avec les assises de bloc. On distingue la version à deux assises de briques (apparue dans les années 50 av. J.-C.) de la version à une seule assise, apparue plus tôt, au tournant de notre ère. Opus testaceum Cet appareil est constitué d’assises de briques servant au chaînage d’angle ou à la construction de piliers, après 62 ap. J.-C. Les matériaux de construction utilisés à Herculanum furent identifiés par A. Maiuri,11 puis de manière plus approfondie par Th. Ganschow qui en propose un inventaire détaillé.12 Ainsi que l’ensemble des archéologues s’étant penchés sur l’étude des modes de construction à Herculanum le font remarquer, les matériaux volcaniques sont nettement privilégiés. C’est ainsi que le tuf fut très employé, tout comme la lave. Voici les principaux types de tuf observés (fig. 12) : • Le tuf gris de Nocera, très présent dans les seuils et les colonnes13 ;
ETUDE SIMULTANÉE DU BÂTI ET DE L’ORNATUS • Le tuf rossicio ; • Le tuf jaune de Naples, dont il existe deux versions : le tuf utilisé dans l’Antiquité, à Herculanum – et dont la carrière de provenance n’est toujours pas localisée - a des reflets verts ; cette particularité chromatique permet de le différencier du tuf utilisé sous la direction d’A. Maiuri et qui est plus nettement jaune. Par ailleurs, remarquons que le tuf résiste mal à l’érosion : de nombreux murs, même restaurés, présentent aujourd’hui des moellons de tuf nettement creusés (fig. 13). Du point de vue de l’étude du bâti, mon propos peut s’appuyer sur plusieurs études successives, particulièrement productives (en dépit de l’absence de fouilles archéologiques récentes dans ce secteur) qui ont permis de mettre en évidence les évolutions des structures architecturales de l’insula V : celle de W. Johannowsky,14 puis de Th. Ganschow,15 R. de Kind16 et enfin, plus récemment, celle de N. Monteix.17 LE RÔLE DES SÉISMES SURVENUS DANS L’ANTIQUITÉ DANS L’HISTOIRE DE LA CONSTRUCTION À HERCULANUM Plusieurs auteurs latins évoquent brièvement un violent tremblement de terre survenu en Campanie en 62/63 ap. J.-C.. Tacite (Ann. 15, 22) signale que la cité de Pompéi fut en partie détruite par un séisme qui se produisit durant le consulat de P. Memmius Regulus (soit en 62). Sénèque date cet événement de 63, lors du consulat de C. Memmius Regulus (également membre de la famille du précédent) et de L. Verginius Rufus, lors des nones de Mars.18 Les sources se contredisent, toutefois, un consensus s’est dégagé pour dater ce terrible séisme du 5 février 62.19 La double mention de ce séisme chez Tacite et Sénèque – pour autant qu’il s’agisse du même bien entendu – a provoqué un “effet loupe” sur le séisme de 62, et a entrainé deux conséquences historiographiques majeures, me semble-t-il : • Le séisme de 62 est devenu un fossile directeur canonique de tous les phasages des sites campaniens, avec notamment la traditionnelle mention des “réparations post 62” en archéologie du bâti20 ou des décors IVe style post-62 dans la typochronologie des peintures.21 • Les archéologues et exégètes des vestiges campaniens ont, pour certains, eu tendance à négliger les autres évènements sismiques ayant pu causer des dégâts dans les années entre 62 et 79 et leurs éventuelles conséquences en termes de reconstruction antique des sites.22
Cet effet-loupe sur le séisme de 62 a tendance à être atténué, dans les analyses des spécialistes, depuis les divers travaux qui ont été menés sur l’activité sismique de la zone vésuvienne dans l’antiquité romaine. Le colloque Archäologie und Sismologie a marqué un tournant historiographique en la matière, puisque, depuis, les phasages proposés à Herculanum comme à Pompéi, laissent plus de place aux conséquences d’autres séismes, moins spectaculaires. Sans forcément en préciser la date, nos sources évoquent la récurrence d’événements sismiques dans la baie de Naples. C’est ainsi que Tacite évoque un autre tremblement de terre, à Naples cette fois, sous le consulat de Gaius Laecanius et Marcus Licinus (donc en 64).23 Quant à Sénèque et Pline, ils laissent entendre que ce type de catastrophe n’est pas rare en Campanie.24 De plus, les traces d’un autre séisme, survenu quelques années plus tard, mais non mentionné dans les sources, ont marqué profondément l’urbanisme d’Herculanum : ce séisme, dont on ignore la date exacte, est survenu entre 70 et 75 ap. J.-C., soit 5 à 10 ans maximum avant l’éruption finale.25 A Herculanum, comme à Pompéi, la mise en évidence des différentes phases d’un édifice s’articule bien souvent autour d’une trame chronologique récurrente, jalonnée par 5 périodes : 1. l’époque samnite (jusqu’en 90 av. J.-C. environ), 2. la fin de l’époque républicaine (90-30 av. J.-C. environ), 3. l’époque augustéenne (souvent assimilée à une période de remodelage profond du tissu urbain), 4. le début de l’époque impériale (dite également phase post-augustéenne), 5. l’après séisme de 62 et les réparations qui lui sont associées. A ces cinq phases du bâti communes aux sites vésuviens,26 il faut ajouter à Herculanum, une sixième phase, consécutive aux dégâts causés par un tremblement de terre survenu au début des années 70 : 6. La dernière phase du site, du séisme de 70/75 à 79. L’analyse systématique des décors peints, qui recouvrent encore une partie des murs des édifices de l’insula, prend le relais pour comprendre les différentes phases d’occupation de l’insula, quand l’étude des techniques de construction
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1.3
Fig. 14. Naples, Museo Archeologico, inv. 9019. Cliché H. Eristov (2013).
n’est pas possible ou reste très limitée, justement en raison de la présence d’enduits peints. STATUT JURIDIQUE DE L’ORNATUS DES ESPACES D’HABITATION DANS LA DOMUS INSTRUCTA Les juristes romains désignent sous le terme d’ornatus tous les éléments de décor attachés aux murs d’une habitation : placages de marbre, reliefs, colonnes, enduits peints et pavements.27 Le démantèlement des décors dans certaines demeures, soit à l’occasion d’une vente, soit du partage d’un bien-fonds entre plusieurs héritiers, semble avoir été longtemps une pratique courante. C’est pour y remédier que le législateur, au
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début du Haut-Empire, a entrepris d’en limiter la pratique, en l’encadrant très strictement du point de vue juridique. La jurisprudence est riche des conflits et litiges ayant divisé des particuliers, au moment de la transmission et à propos du partage des éléments de décor (marbres, colonnes, tableaux, etc.) qui contribuaient pourtant, pour une large part, au prestige et à la valeur foncière d’une habitation. Cette question n’est pas anodine, pour notre propos, étant donné les importants démantèlements et restructurations de biens immobiliers mis en œuvre dans l’insula V d’Herculanum. Si plusieurs individus font valoir des droits sur un bien immobilier, il peut en résulter des modifica-
ETUDE SIMULTANÉE DU BÂTI ET DE L’ORNATUS
Fig. 15. Naples, Museo Archeologico, inv. 9022 Cliché H. Eristov (2013).
tions importantes du décor ; la question de procéder à des prélèvements a pu se poser ponctuellement. Des problèmes et des contentieux peuvent également survenir entre voisins, lors du remaniement ou de la destruction d’un mur mitoyen.28 On pense notamment aux bouleversements causés par l’arasement des édifices préexistant à la grande Casa del Bicentenario augustéenne. Peu de placages de marbre participaient à l’ornementation des habitations de ce quartier, et on imagine mal qu’il ait été question de déplacer les pavements de mosaïque, l’opération étant fort difficile à mettre en œuvre. La question se peut toutefois envisager pour les emblemata centraux – dont on ne connaît toutefois qu’un seul exemple dans l’in-
sula (en V, 2) – et que l’on réalisait d’ailleurs traditionnellement dans un caisson de bois, ce qui facilitait à la fois leur insertion et leur prélèvement, le cas échéant. Moins connue est toutefois la pratique qui consistait, dans l’Antiquité, à prélever des enduits peints pour les replacer dans de nouveaux décors ou en d’autres lieux. Plusieurs exemples en sont pourtant attestés à Herculanum, les plus connus étant ceux des tableaux mythologiques découverts dans la Palestre et qui attendaient au pied d’un mur pour être réintégrés dans un nouveau décor29 (figs. 14, 15). Sans surprise, ce genre de traitement concerne avant tout des tableaux et semble n’être appliqué qu’à des œuvres d’une grande qualité ou d’une certaine
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1.3 ancienneté. C’est le cas des tableaux découverts dans la Palestre, qui ont été exécutés, à l’époque augustéenne, par un pictor imaginarius de talent. C’est sans doute dans cette catégorie qu’il faut classer le tableau mythologique inséré dans un caisson de bois qui fut découvert par les équipes d’A. Maiuri dans la pièce du fond de l’appartement V, 1830 (figs. 60, 61). La question se pose aussi de la possibilité, pour un locataire ou un usufruitier, de procéder à une rénovation des décors d’une habitation : un individu qui habite un logement, dont il n’est toutefois pas propriétaire, est-il autorisé à faire refaire les enduits peints par exemple ? Les dépenses liées à la décoration d’une habitation sont qualifiées par les juristes d’impensae voluptuariae, ce qui signifie qu’elles ne sont pas nécessaires, mais qu’elles participent à la fois au plaisir des habitants et à la valorisation du bien.31 Un passage du juriste Nerva le fils, au milieu du Ier siècle ap. J.-C., cité par Ulpien expose un cas tout à fait exemplaire à cet égard32 : « 4. L’usufruitier n’a pas le droit de détériorer le statut de la propriété, mais il est autorisé à l’améliorer (…) 7. Mais si c’est un bâtiment dont l’usufruit a été légué, Nerva le fils dit qu’il peut en augmenter la luminosité, mais il pourra aussi ajouter des enduits, des peintures et des marbres, ainsi que des statues, et tout ce qui participe de l’ornement de la demeure. En revanche, il ne lui est permis ni de transformer des appartements, en les réunissant ou en les divisant, ni de changer le sens des accès sur la rue et des portes sur l’arrière, ni d’ouvrir des issues, ni de modifier l’atrium, ni de changer la destination des jardins d’agrément. Il peut, en effet, ajouter à l’ornement de ce qu’il trouve, mais non changer la qualité du bâtiment ». Mais on ne peut se fier à cette seule mention, car ainsi que l’a remarqué C. Davoine, Neratius (fin Ier- début IIe siècle) un juriste légèrement postérieur à Nerva le fils, propose une interprétation contradictoire de la loi : « Un usufruitier ne peut placer un nouvel enduit sur des murs, qui avaient été auparavant bruts, parce que, bien qu’il ait amélioré la cause du propriétaire en décorant l’édifice, il n’a pas le droit d’agir ainsi. C’est en effet une chose que d’entretenir ce qu’on a reçu et autre chose que de faire du neuf. »33 La notion d’ « amélioration » est donc interprétée avec plus ou moins de souplesse et de subjectivité selon que l’on considère comme plus ou
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moins poreuse la frontière entre « entretien » et « rénovation ». Nous retiendrons que dans leurs interprétations du droit, les deux juristes sont toutefois d’accord sur un point : les « améliorations » ne doivent pas changer le statut, la destination ou le standing de l’édifice, ni en augmenter la valeur. On peut supposer en conséquence que la rénovation d’un enduit peint dégradé par des séismes devrait donc être accordée au locataire ou à l’usufruitier. Mais il est probable qu’il se tournait alors vers le propriétaire pour financer les travaux de rénovation. Le point épineux consiste à déterminer si des peintures murales peuvent être considérées ou non, comme des éléments amovibles de l’ornatus. Selon le droit romain, il est en effet possible de prélever des ornements si cela ne porte pas préjudice au bien. Cela suppose, comme le remarque C. Davoine : • que l’on puisse déposer des enduits sans endommager les murs (ce que les restaurateurs spécialisés savent très bien faire aujourd’hui, mais était-ce le cas dans l’Antiquité ?), • et que les enduits ainsi prélevés conservent de la valeur. Les tableaux de la Palestre d’Herculanum prouvent que la deuxième condition est parfois remplie, mais on ne sait en revanche s’ils avaient pu être déposés tout en préservant le mur qui leur servait de support. Quant à l’exemplaire de l’appartement V, 18, il n’est pas sans rappeler, avec son caisson de bois, la méthode de prélèvement mise au point par le restaurateur français J. Canart, en 1739 pour prélever des peintures remarquables des murs d’Herculanum et de Pompéi, afin de les faire figurer dans les collections du roi de Naples ; elles ont rejoint ensuite celles du Musée de Portici, puis du Musée National de Naples.34 Toutefois, il n’est pas exclu, bien entendu, que ce tableau n’ait été prélevé d’aucun mur, mais exécuté directement dans un caisson de bois comme l’on procédait souvent, dans l’Antiquité, pour les emblemata de mosaïque. Quoi qu’il en soit, les observations des vestiges viennent confirmer ce que nous apprennent des passages de Pline l’Ancien et de Vitruve : certains artisans disposaient du savoir-faire nécessaire pour déposer des enduits peints, les installer dans des cadres et puis les insérer dans un nouveau décor.35 Enfin sur la question de la valeur juridique de l’ornatus, un point essentiel pourrait être celui soulevé par les observations d’ Y. Thomas, à propos du senatus-consulte de 47, qui interdit la
ETUDE SIMULTANÉE DU BÂTI ET DE L’ORNATUS démolition d’habitations pour en récupérer les ornements et en faire commerce.36 Il souligne en effet que cette disposition prise par le Sénat n’interdit pas, au contraire, à un propriétaire de transférer les ornements d’une propriété à l’autre au sein d’un même bien-fonds. Et ce point, qui pourrait en première lecture apparaître comme un détail, est en réalité fondamental et doit entrer en résonnance avec les nombreuses modifications opérées au sein du parcellaire de l’insula V, comme on le verra. D’autant que cette autorisation, qui est faite au propriétaire d’opérer des « transformations » au sein de son patrimoine immobilier, dépasse largement le cadre de l’ornatus et concerne également l’agencement intérieur, les fusions ou partitions d’édifices ou la transformation des espaces.37 NOTES 1 2 3 4 5 6
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Ling, Arthur 1997. Van Binnebeke, De Kind 1996. Monteix 2010. Lugli 1957, 446-449. Ganschow 1989, 42 et Monteix 2010, 227. L’opus craticium était utilisé également dans ce type de démonstration car considéré, depuis A. Maiuri et Th. Ganschow comme étant postérieur au séisme de 62. Mais N. Monteix propose de remonter sa chronologie et identifie des attestations ponctuelles d’opus craticium à Herculanum dès le milieu de l’époque augustéenne. Historique de ce type de construction : Lugli 1957, 487490. Cet opus est parfois nommé “quasi reticulatum”, appellation rejetée notamment par F. Coarelli car inexistante chez Vitruve (qui mentionne incertum et reticulatum) : Coarelli F. 1977, 10 et Monteix 2010, 228. Pagano 1993, 598-599 ; Pagano 1996, 243. Aucune paroi d’Herculanum n’est entièrement construite avec ce type d’appareil (Monteix 2010, 229). Maiuri 1958, 62-74. Ganschow 1989, 23-28 et pl. 1-3 pour des vues de détails et pl. 5-23 pour leur agencement en différents types de construction. Les observations de A. Maiuri et Th. Ganschow sont reprises par N. Monteix (Monteix 2010, 226-227). Monteix 2010, 226. Johannowsky 1982. Ganschow 1989. A l’occasion d’un projet de recherche de l’Université de Nimègue, sur l’insula V, ont été réalisées des études centrées sur deux maisons de cet îlot : la Casa del Sacello di Legno et la Casa dell'Atrio Corinzio : voir Van Binnebeke, De Kind 1996. Monteix 2012, 312-332, fig. 162 à 182 : les plans publiés dans ces ouvrages sont fort clairs et utiles pour la compréhension de l’évolution des structures ; ce sont ceux que nous reprenons ici avec l’autorisation de leur auteur. Sénèque, Natur.Quaest. 6, 1, 2. 62 ou 63, selon que l’on suit Tacite ou Sénèque. Sur les incertitudes à propos de cette date : Lecocq 1949 ;
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Strocka 1995, 175; Monteix 2012a ; Allison 2014, 18. Zanella 2019, 16. Adam 1984, 163-168. V.M. Strocka en a fait la démonstration à partir de l’exemple du cubiculum inachevé de la Casa del Larario à Pompéi : Strocka 1984. Lire également sur ce sujet : De Vos 1977 et les actes du colloque « Archäologie und Seismologie » : Fröhlich, Jacobelli 1995. Même P. Allison est très allusive sur cette question de la multiplication probable des événements sismiques, alors même que ce problème est au cœur de l’argumentation du chapitre 7 de son ouvrage de 2004. Tacite, Annales, 15, 34. Sénèque, Natur. Quaest, 6, 1, 2 ; Pline, Ep., 6, 20, 3. Un des apports les plus intéressants de la thèse de N. Monteix est justement d’avoir redéfini le phasage du site en fonction de ce séisme. Sur l’activité sismique à Herculanum entre 62 et 79 : Monteix 2010, 233-235. Voir encore récemment la chronologie adoptée pour les phases successives de la Casa di Sallustio à Pompéi (Laidlaw, Stella 2014). Sur cette catégorie juridique : Thomas 1998. Sur la définition de l’ornatus et ses liens avec la propriété immobilière lire : Dubouloz 2011, 66-87. De ces préoccupations témoigne un passage de Proculus, qui cite un juriste d’époque augustéenne nommé Capiton (Proculus, Epistulae, 2 = Digeste, 8.2.13) : « Selon Capiton, il est permis de mettre un revêtement de marbre sur un mur commun, de même que j’ai le droit d’avoir des peintures de grande valeur sur un mur mitoyen (paries communis) ; mais si le voisin démolit ce mur et qu’a été faite une action de stipulation pour un dommage qu’on appréhende, on ne doit pas estimer davantage que pour des enduits ordinaires : ceci doit être observé même pour un revêtement de marbre » (Traduction de C. Davoine). L’arbitrage peut paraître injuste, mais il convient de le replacer dans le contexte de la lutte contre la luxuria à l’époque d’Auguste ; il s’agit alors de décourager ainsi les investissements coûteux en terme d’ornement domestique. Un rapport de Weber, daté du 21 février 1761, fait état de la découverte de quatre tableaux sur le sol de la Palestre (IO, II, 4, 19) : MANN inv. 9019 ; 9020 ; 9021 et 9022. Leur qualité technique leur avait alors valu une attribution à un artiste grec, de la part de J. J. Winckelmann notamment. Voir Helbig 1868, n°1462 (avec bibliographie antérieure) ; Ruggiero 1885, 340. Richardson 2000, 35, 81. Bragantini, Sampaolo 2013, 162-165. Allroggen-Bedel 1983, 145-146. Maiuri 1938 et infra p. 83-84. A ce sujet, et notamment à propos des enduits peints, lire les réflexions très pertinentes de C. Davoine (Davoine 2017, 12). Ulpien, Ad Sabinum, 18 (Digeste, 7.1.13.7) : « Fructuarius causam proprietaris deteriorem facere non debet, meliorem facere potest. (…) 7. Sed si aedium usus fructus legatus sit, Nerua filius et lumina immittere eum posse ait, sed et colores et picturas et marmora poterit et sigilla et si quid ad domus ornatum. Sed neque diaetas transformare uel coniungere aut separare ei permittetur, uel aditus posticasue uertere, uel refugia aperire, uel atrium mutare, uel viridaria ad alium modum conuertere. Excolere enim quod inuenit potest qualitate aedium non immutata. ». Traduction par J. Dubouloz (Dubouloz 2011, 600). Neratius, Membrana, 3. Traduction de C. Davoine (Davoine 2017, 12).
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Le processus de dépose commence très vite : à peine un an après le début de l’exploration du site, Joseph Canart, un restaurateur engagé pour restaurer les sculptures de marbre et de bronze, propose au roi Charles de Bourbon de détacher des fragments de peinture murale pour compléter sa collection, suite à la découverte d’une peinture spectaculaire le 23 juin 1739. Il argue que ces peintures antiques plaisent beaucoup à Rome et en Angleterre et qu’il a inventé une technique pour les déposer. Charles de Bourbon le laisse mettre en œuvre sa technique et les déposes se multiplient, atteignant 400 fragments dès 1748. À ce sujet, lire D’Alconzo 2002, 16, 54, 96 ; Burlot 2012. Tous ces tableaux et panneaux prélevés sont toujours insérés dans le caisson de bois qui a servi à leur dépose.
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Pline, NH, XXXV, 18 ; 154 ; 173. Vitruve, De Arch., II, 8, 9 et VII, 3, 10. Thomas 1998, 268 (Y. Thomas date le senatus-consulte de 44, mais cela n’a que peu d’importance pour notre propos). Sur ce point, je renvoie également au texte complet du senatus-consulte et à son exégèse par J. Dubouloz : Dubouloz 2011, 72-73. Ainsi que le rappelle C. Davoine (Davoine 2017, 18).
Partie 2 Les grandes phases d’évolution diachronique de l’architecture domestique et du décor dans l’insula V
2. Introduction
Pour R. de Kind, comme pour Th. Ganschow, le découpage des parcelles de l’insula V a pu avoir lieu vers 400 av. J.-C. Dans le parcellaire originel, une partition des lots en six bandes peut être observée. La bande la plus septentrionale, qui jouxtait le decumanus nord, devait être composée de trois parcelles orientées selon un axe nord/ sud, permettant ainsi aux maisons d’ouvrir sur le decumanus (fig. 16 et 17). Les cinq bandes suivantes étaient orientées selon un axe ouest/est, permettant aux maisons d’ouvrir soit sur le cardo IV à l’ouest, soit sur le cardo V à l’est.
Selon l’hypothèse de N. Monteix les bandes pouvaient être constituées d’une à trois parcelles, selon les cas. Ainsi qu’on peut l’observer sur le plan (fig. 18) l’étude des vestiges résiduels d’époque samnite permettrait d’envisager trois lots pour la bande 1, deux lots pour les bandes 2 à 5, et un seul lot pour la bande la plus méridionale. Les travaux menés dans le cadre du programme « ANR VESUVIA » permettent d’envisager une autre proposition du découpage du parcellaire (cf fig. 19 et 20). La bande septentrionale aurait été plus longue, autorisant ainsi la
Fig. 16. Terrains à bâtir dont les vestiges du périmètre originel subsistent dans l’organisation de 79.
Fig. 17. Restitution hypothétique du lotissement originel selon de Kind 1998.
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Fig. 18. Plan de l’insula V durant la phase samnite. D’après Monteix 2010, fig. 162.
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LA PARTIE SEPTENTRIONALE DE L’ÎLOT
Fig. 19. Hypothèse de lotissement originel de l’insula V par R. de Kind (2005). Mesures en pieds romains.
construction de maisons pourvues d’un hortus, voire d’un péristyle au fond de la parcelle. Le découpage des trois bandes suivantes, dans la partie centrale de l’insula, est assuré par la permanence des limites structurelles des habitations qui y furent construites. Un doute fort subsiste pour la bande méridionale de l’insula, dans laquelle les parcelles 10 et 11 auraient pu être fusionnées très tôt, voire initialement, afin de construire une grande maison à péristyle (voir sur le plan de N. Monteix, fig. 18). Ensuite, comme nous le verrons au cours de ce chapitre, entre la période samnite et l’éruption du Vésuve, l’insula V a connu des transformations du parcellaire particulièrement importantes. Concernant les étages, leur planimétrie sera abordée ponctuellement au cours de ce chapitre, notamment pour ce qui relève de l’étude ornementale. Puis, au chapitre suivant (3), une synthèse sur la chronologie de la construction des étages permettra d’approfondir cette question en détail. Les types de construction cohérents avec cette phase sont l’opus quadratum et l’opus incertum A et B. L’étude du plan de l’insula V dans sa phase
Fig. 20. Hypothèse de lotissement originel de l’insula V formulée dans le cadre du programme ANR VESUVIA en 2015. Mesures en pieds romains.
pré-romaine (fig. 18) révèle que, à cette date, les structures principales de deux maisons étaient déjà en place, sous une forme dont le noyau se maintiendra jusqu’en 79 : une première, sur la parcelle 1 (proto- Casa dell’Apollo Citaredo) et la seconde, sur les parcelles 10 et 11 (proto-Casa Sannitica). Pour cette dernière, le tracé des murs reste hypothétique, mais en revanche la présence d’un péristyle dans la partie est de la parcelle est attestée. Pour la proto-Casa dell’Apollo Citaredo, les murs soulignés en noir sur le plan (fig. 18) furent construits au cours de cette phase. On constate ainsi que son plan initial en faisait une maison à atrium de structure traditionnelle, avec des pièces aménagées latéralement de part et d’autre de l’atrium. Pour cette étude, les spécificités de l’histoire de l’insula et les liens architecturaux observés entre les parcelles m’ont amenée à proposer une division topographique en trois parties : • la partie septentrionale : Casa dell’Apollo Citaredo, Casa del Bicentenario, Casa del Bel Cortile, immeubles de rapport V, 19-22 et V, 23-25, Casa della Colonna Laterizia ;
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• la partie centrale : Casa di Nettuno ed Anfitrite, Casa del Mobilio Carbonizzato, Casa dell’Atrio Corinzio, Casa del Sacello di Legno ; • la partie méridionale : Casa Sannitica, Casa del Telaio, Casa con Giardino, Casa del Gran Portale. Pour rendre plus claire la lecture de cette partie de l’étude, j’ai opté pour une présentation des unités d’habitation et de leur évolution, à partir des parcelles telles qu’elles étaient limitées en 79 et désignées dans l’historiographie contemporaine. Ensuite, je reprends, en diachronie, pour chaque unité d’habitation l’analyse de la parcelle qu’elle occupe et des différents édifices qui y ont été édifiés. Bien entendu, une présentation se fondant sur le découpage originel du parcellaire était possible, mais elle aurait reposé sur de trop nombreuses inconnues. En premier lieu, parce que le tracé originel du parcellaire reste hypothétique en de nombreux endroits, les vestiges d’époque samnite étant fort rares, comme on le verra. Ensuite parce que l’importante activité édilitaire qui a été conduite dans cette insula, comme dans le reste de la cité, à l’époque augustéenne, a conduit à la destruction totale ou presque de nombreuses habitations d’époque républicaine, afin de reconstruire sur des terrains ex nihilo. De ce point de vue, la situation est hétérogène dans l’insula, entre des secteurs très préservés, dont les
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limites des habitations sont demeurées presque inchangées depuis la fondation de l’insula, et d’autres secteurs où les édifices ont été rasés et rebâtis. Dès lors, une telle présentation - en rejetant à l’arrière-plan les grandes lignes de la sectorisation de l’insula telles qu’elles sont définies à partir de l’époque augustéenne - aurait laissé subsister des zones d’ombres difficiles à retracer et à rendre intelligible à qui n’est pas familier de l’urbanisme d’Herculanum. Si l’état du parcellaire à l’époque républicaine est mal assuré, c’est en raison des bouleversements opérés dans l’insula à l’époque augustéenne, qui ont dessiné la configuration sur laquelle s’opéreront tous les changements postérieurs. La phase augustéenne est donc déterminante dans l’étude du parcellaire de l’insula V. Afin de rendre intelligible l’analyse des phases d’habitation et la perception des évolutions archéologiques, j’ai opté pour une désignation des édifices construits durant la phase augustéenne, fondée sur l’appellation des domus qui en composaient le noyau en 79. Ainsi la « grande Casa del Bicentenario » augustéenne s’étendait non seulement sur la domus qui porte actuellement son nom mais elle empiétait aussi sur des parcelles mitoyennes. Il en va de même pour la demeure que j’ai désignée comme « grande Casa con Giardino », dans la partie méridionale de l’îlot.
2.1 La partie septentrionale de l’îlot
L’orientation choisie pour les parcelles de la partie septentrionale de l’insula permettait aux édifices situés en bordure nord de l’îlot d’ouvrir leur façade principale sur le decumanus “maximus”.1 Un tel choix planimétrique se retrouve dans l’insula VI. Or dans ce secteur il apparaît que les transformations successives de la maison connue sous le nom de “Casa del Bicentenario” ont eu de nombreuses répercussions sur l’organisation des édifices voisins. Pour le lotissement originel de la partie septentrionale de l’îlot, R. de Kind suggère une division en trois lots de dimensions identiques, soit 50 pieds de large pour 80 de long (fig. 19). Si l’absence de fouilles extensives nous prive d’une compréhension globale et fiable des structures architecturales originelles de l’îlot, l’étude du bâti offre des informations nombreuses, bien qu’incomplètes (voir le plan ci-dessous fig. 21 et pl. 41). Ainsi, on observe qu’à sa construction originelle, au IIe siècle, la proto-Casa dell’Apollo Citaredo était une maison à atrium de plan italique “canonique”,2 présentant une rangée de pièces de part et d’autre de l’atrium.3 Comme d’autres édifices de la partie nord de l’insula, cette maison a subi d’importantes transformations à l’époque augustéenne, au moment de la construction de la très vaste Casa del Bicentenario.4 La proto-Casa dell’Apollo Citaredo se voit notamment amputée des pièces ouvrant à l’est de l’atrium dont la surface sera intégrée à la Casa del Bicentenario. Mon propos sera d’envisager toutes les modifications imputables à l’édification de cette vaste demeure, afin de montrer l’utilité d’une démarche diachronique liant étude du bâti et programmes ornementaux dans la perspective d’une lecture historique et sociologique des “décors en contexte”. LA CASA DEL BICENTENARIO (V, 13-16) La Casa del Bicentenario (fig. 22) est restée inaccessible aux chercheurs entre 2011 et 2019 en raison des travaux de restauration qui y étaient menés et de la concession accordée au Getty Conservation Institute. Il s’agit de la seule maison d’Herculanum, avec la Casa a Graticcio (insula III), dans laquelle il n’a pas été possible de mener un inventaire exhaustif des structures existantes et des
décors. Pour la Casa del Bicentenario, seules les pièces suivantes ont pu faire l’objet d’une étude pendant les deux journées où il a été possible d’y travailler : la pièce 2, la pièce 6, la pièce 7, le tablinum 16, l’andron 18, l’atrium 19 (échafaudé). La construction de la Casa del Bicentenario aussi bien que ses différentes phases d’évolution, réfection, remodelage de la structure architecturale ont affecté le parcellaire et les structures des édifices de toute la partie nord-ouest de l’insula (Casa dell’Apollo Citaredo, Casa del Bicentenario, Casa del Bel Cortile et, dans une certaine mesure, Casa di Nettuno ed Anfitrite). Ceci explique pourquoi je suis amenée à présenter parallèlement ces différents édifices. D’après le Giornale degli Scavi, la Casa del Bicentenario fut dégagée entre septembre 1937 et mai 1939. Deux équipes fouillaient simultanément la maison ;5 malheureusement, ni l’une ni l’autre ne fut rigoureuse dans la tenue des journaux de fouilles et les données mentionnées sont peu nombreuses et peu claires, sauf pour le secteur de l’atrium et du tablinum. Certains secteurs de la maison (tels que la plus grande partie de l’appartement V, 13-14) ne sont même pas mentionnés. En 79, cette vaste domus d’environ 600 m2 était divisée en plusieurs unités habitables et commerciales. Sur le decumanus superior s’ouvraient deux espaces commerciaux (boutiques) : en V, 13-14 (pièces 23, 24) et V, 16 (pièce 2). La première était indépendante, mais pas V, 16 (pièce 2) qui avait conservé une porte de communication avec l’atrium. Une ancienne troisième boutique, située en V, 17 (pièces 20 et 21), avaient été transformée en habitation indépendante de la domus.6 Trois appartements étaient aménagés à l’étage, deux d’entre eux étant indépendants (V, 14 et V, 18). Seul le troisième, aménagé au fond de la maison au-dessus du secteur du péristyle, était clairement lié au rez-de-chaussée. Histoire structurelle Il ne subsiste pas de traces de l’édifice bâti à l’époque samnite sur la parcelle occupée en 79 par la Casa del Bicentenario, une démolition complète des murs ayant été opérée, à l’époque augustéenne, afin de mettre en œuvre la construction du noyau central de l’immense demeure qui occupait toute la partie nord-ouest de l’îlot.
65
2.1
Fig. 21. La moitié nord de l’insula V à la fin de l’époque républicaine. D’après Monteix 2010, fig. 172.
Rez-dechaussée
Etage supérieur
Casa del Bel Cortile
178,3
01
Casa dell’ Apollo Citaredo
158,9
0
Casa del Bicentenario2
561,7
374
Total
898,9
1
3
374
1
Non existant dans cette phase Y compris V, 13-14 ; V, 17 et V, 18 3 A l’exception du 2ème étage 2
Fig. 22. Plans de la Casa del Bicentenario en 79, rez-dechaussée à gauche, étage à droite, ANR VESUVIA©.
66
Tabl. 9. Surface totale potentielle de la grande Casa del Bicentenario à l'époque augustéenne (m2).
LA PARTIE SEPTENTRIONALE DE L’ÎLOT
Fig. 23. Phase augustéenne de la Casa del Bicentenario. A gauche l’hypothèse selon laquelle les portes dans le mur de séparation entre la Casa dell’Apollo Citaredo et la Casa del Bicentenario sont condamnées dès l’époque augustéenne (plan d’après Monteix 2010, fig. 173). A droite l’hypothèse selon laquelle les portes de communication entre les deux maisons sont ouvertes durant cette phase. Plan ANR VESUVIA© d’après Monteix 2010, fig. 173.
L’annexion de la proto-Casa dell’Apollo Citaredo, située sur la parcelle 1, à l’ouest, a entraîné la restructuration des pièces situées à l’est de l’atrium et la mise en place d’ouvertures entre les deux maisons (voir plans fig. 23). Quant à la partie sud de la grande demeure, elle s’étendait également sur l’actuelle Casa del Bel Cortile.
Pour construire la grande demeure qui occupait la majeure partie de la partie nord de l’insula V, il a donc été nécessaire d’empiéter sur au moins 4 parcelles. A moins que les parcelles nord/sud n’aient été originellement beaucoup plus profondes que ce que proposent de R. de Kind ou W. Johannowsky, avec une limite méridionale située en mitoyenneté avec les parcelles 4 à l’ouest et 5 à l’est (voir plans fig. 19 et 20). Dans ce cas, seules deux parcelles (1 et 2) auraient été entièrement exploitées pour la construction de la grande demeure augustéenne (fig. 23). La construction de la grande demeure
Fig. 24. Casa del Bicentenario, péristyle, mur ouest, une des deux ouvertures murées vers la pièce 4 de la Casa del Bel Cortile. Cliché N. Monteix.
Vers le milieu ou la fin de l’époque augustéenne, la parcelle 2 (centrale nord/sud : fig. 20 et 21) est entièrement démolie jusqu’aux murs mitoyens avec les parcelles 4 et 5. Les démolitions concernent aussi la parcelle 1 : la partie est de la « proto-Casa dell’Apollo Citaredo » et l’édifice occupé actuellement par la Casa del Bel Cortile. Le propriétaire disposait ainsi d’une très vaste parcelle, lui permettant d’envisager l’édification de la plus grande demeure de l’insula (pl. 33).
67
2.1
Fig. 25. Casa del Bicentenario, pièce 2, décor peint. Cliché J.-F. Flécher 1984.
La morphologie du plan suit le plan canonique de la traditionnelle maison à atrium. La démolition des pièces orientales de la « proto-casa Casa
dell’Apollo Citaredo » a permis de les rebâtir selon un effet de symétrie par rapport à l’atrium du noyau central de la demeure. La construction est réalisée en opus reticulatum B, avec des piédroits et chambranles en opus vittatum. La maison augustéenne avait donc une emprise au sol et à l’étage beaucoup plus importante que ne le laisse croire la partition finale. De part et d’autre d’un axe fauces/atrium/tablinum, les pièces se déployaient symétriquement. Quant aux pièces donnant sur le decumanus superior (2, 21, 23, 24), elles pourraient avoir, dès l’origine été conçues comme des espaces commerciaux, dont le lien avec la domus était assuré par des portes de communication (les liens furent rompus ensuite, sauf pour V, 16 = pièce 2). Au fond de la maison, sur la partie sud de la parcelle, était aménagé un grand péristyle, qui communiquait directement avec le posticum de la maison,7 situé à l’ouest de la parcelle et ouvrant sur le cardo. C’est ce posticum qui devint dans la phase finale du site la « Casa del Bel Cortile » (pl. 10). La grande salle de réception (4) de la Casa del Bel Cortile était donc, à l’origine, ouverte sur le péristyle de la Casa del Bicentenario, dont elle constituait la plus vaste pièce. Les deux portes de communication, murées lors du démembrement de la domus dans les années 70, sont bien visibles des deux côtés de la paroi (fig. 24). Les appartements de l’étage furent construits en même temps que le rez-de-chaussée (opus reticulatum B8), tous deux en lien direct avec l’habitation. Le cenaculum nord était accessible depuis un escalier aménagé dans la pièce 2 (V, 16), désaffecté dans la phase finale mais dont la trace est toujours visible contre le mur oriental. Quant au cenaculum sud, qui ne disposait que d’un niveau
Fig. 26. Casa del Bicentenario - Vue de l’atrium vers le tablinum et le péristyle (cliché de gauche) et vers les fauces (cliché de droite). D’après Maiuri 1958, fig. 177.
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LA PARTIE SEPTENTRIONALE DE L’ÎLOT La phase julio-claudienne
Fig. 27. Casa del Bicentenario, tablinum, mur ouest, orthophotographie réalisée par le Getty Conservation Institute en 2017.
à l’origine (il fut surélevé en « duplex » dans une phase postérieure), il a toujours été accessible depuis l’escalier aménagé à l’ouest du tablinum, dans le couloir 17. De cette phase augustéenne, bien peu de décors subsistaient en 79, presque toute la maison ayant été redécorée par la suite. On voit d’ailleurs dans plusieurs pièces de l’étage (42, 48, 49) un enduit piqueté sous les enduits IVe style, indiquant l’existence de décors peints plus anciens et probablement datables de cette phase. Le seul décor peint contemporain de la construction de la maison est celui conservé dans la pièce 2 (fig. 25), qui montre un bel exemple de IIe style schématique, dont les seuls autres exemples connus dans l’insula V sont ceux de la Casa del Bel Cortile (pièces 2, 5, 6), qui furent sans doute réalisés en même temps, par le même atelier, s’agissant d’un même ensemble immobilier (cf. fig. 82). Sur les sols, plusieurs pavements de cocciopesto à inclusion de tesselles appartenant à cette phase furent par ailleurs conservés, par exemple dans les pièces 4 et 5, au rez-de-chaussée et pièce 30, à l’étage.9
Cette phase est probablement celle de « l’âge d’or » de cette vaste domus et les propriétaires conservèrent pendant au moins deux générations les décors peints à cette époque. On n’observe pas non plus de remaniements architecturaux significatifs. Seul le tablinum (pièce 16) fit l’objet d’une réfection globale des décors peints et du pavement. Sur le sol fut réalisé un grand et luxueux emblema d’opus sectile inséré dans un tapis de mosaïque blanche à bordure périmétrale noire (3,30 x 1,50 m). L’opus sectile est réalisé par l’assemblage d’une composition de module carré entre deux plaques rectangulaires de brèche africaine, au centre duquel est inséré un tondo avec rectangles, hexagones et triangles. Par comparaison avec un pavement du triclinium A de la Villa Imperiale à Pompéi, une datation d’époque néronienne est probable.10 Le décor peint présentait un état de conservation assez remarquable lors de sa découverte et reste assez lisible en dépit des dégradations qu’il a subies depuis sa mise au jour (fig. 26, 27 et 28). Ce décor a fait l’objet d’un programme d’analyses préalables à une restauration sous la tutelle du Getty Conservation Institute.11 Le soubassement, assez bas, est décoré de panneaux à fond noir ornés de lignes horizontales blanches. Il est limité en haut par une bande blanche ornementale, ornée de fleurs de lotus et oves et encadrée de volutes. Ensuite vient une prédelle à fond jaune et à compartiments rectangulaires ornés de minces bordures ajourées, surmontée d’une nouvelle bande ornementale à fond blanc. La zone médiane présente trois panneaux. Le panneau central, à fond jaune (mais qui a viré au rouge lors de l’éruption) est cerné d’une bordure
Fig. 28. Casa del Bicentenario, tablinum, mur ouest. Le tableau central représente le mythe de Dédale et Pasiphaé. Cliché d’archive, d’après Maiuri 1958, fig. 181.
69
2.1 ajourée blanche avec filet de palmettes et corolles reliée à des arcs. Au centre des panneaux à fond jaune sont insérés des tableaux mythologiques : Dédale et Pasiphaé sur le mur ouest, Mars et Vénus sur le mur est. Les panneaux latéraux, à fond rouge, également cernés de bordures ajourées, sont ornés en leur centre de portraits héroïsés en médaillons (figures dionysiaques). Les panneaux de la zone médiane sont séparés par d’étroites lésènes à fond noir ornées de légers candélabres métalliques, de guirlandes et de motifs ornementaux. Au-dessus de la zone médiane se développe une frise figurée à fond noir. Sur deux des parois se trouve au centre un panneau rectangulaire animé d’amours chasseurs, encadrés d’un couple d’étroits compartiments avec masques. Dans les deux panneaux latéraux sont peintes des amazonomachies. Sur les deux autres parois, des médaillons à gorgoneion se substituent aux masques. La zone supérieure, à fond rouge, montre une composition architectonique complexe avec une série de pavillons fermés en bas par une balustrade derrière laquelle on distingue des statues sur de hautes bases.12 Sur deux des parois (ouest et est), au centre de la composition, se dressent deux grands trépieds delphiques. Stylistiquement, les enduits peints du tablinum s’inscrivent dans une période de transition entre le IIIe et le IVe style, ou bien dans une phase précoce du IVe style et sont à dater soit de l’époque claudienne, soit de l’époque néronienne13 : pour une phase précoce du IVe style plaident, en effet, la platitude des lésènes et l’absence d’architectures en zone médiane ainsi que le soubassement noir à décor linéaire ; tous ces éléments évoquent une réminiscence du IIIe style, mais peuvent aussi manifester un désir de sobriété et de « classicisme » à la manière des décors d’époque augustéenne. La dernière campagne de remaniement et de décor de la Casa del Bicentenario La phase post 62 est celle des remaniements et des divisions de la propriété en plusieurs unités d’habitation. Cette phase peut elle-même être découpée en plusieurs séquences. 1. La période immédiatement consécutive au séisme Le séisme de 62 a causé des dommages non négligeables à la partie sud-ouest de la demeure. Le mur mitoyen entre la Casa di Nettuno ed Anfitrite et la pièce 4 du posticum (actuelle « Casa del Bel Cortile ») s’écroule, entraînant des dégâts dans les pièces adjacentes de cette dernière. Les
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réparations, en opus reticulatum A, avec des piédroits en opus vittatum mixtum, sont tout à fait identifiables. La grande salle 4 recevra, à la suite de ces travaux, un nouveau décor de IVe style. C’est aussi durant cette phase qu’est construit l’étage du posticum. Cette partie reste toutefois, dans un premier temps, attachée à la Casa del Bicentenario. L’usage de l’opus reticulatum A semble suggérer que c’est durant cette phase de travaux que l'espace 10 est construit dans le péristyle (cf fig. 81). La logique aurait pourtant dû imposer sa construction après la séparation entre la Casa del Bicentenario et son posticum – la Casa del Bel Cortile – devenue une habitation indépendante. En effet, la grande pièce 4 fut alors définitivement séparée du péristyle de la Casa del Bicentenario, la privant ainsi de sa plus grande pièce de réception. On peine toutefois à expliquer la nécessité de construire une salle de réception dans l’aile sud du péristyle, durant cette phase, à moins que les dégâts dans la grande pièce 4 n’aient été considérables et que l’on n’ait anticipé des travaux de rénovation très longs. 2. Une autre restructuration, postérieure à 62. Après 62, le tablinum (pièce 16) devient une salle de réception. On observe en effet que le mur de séparation avec le péristyle est abattu, permettant d’ouvrir cette pièce à la fois sur l’atrium et le tablinum. Ce genre de transformation n’est pas rare, on en connaît de nombreux exemples à Pompéi, qui témoignent du changement de fonction et de statut du tablinum à l’époque impériale. Dans sa thèse sur le « tablinum à Pompéi », Alexia Maquinay en recense plusieurs exemples, qui montrent le basculement de cette pièce de la partie « publique » de la maison – annexée au secteur de l’atrium – vers la partie « privée » articulée autour du péristyle.14 Elle estime que ces modifications sont destinées à transformer le tablinum en salle à manger, ouverte sur le jardin. Dans certaines maisons, un mur de séparation avec l’atrium est même édifié, afin de bien marquer la rupture avec la partie de la maison visible de l’extérieur et ouverte à tous les visiteurs.15 Mais ce n’est pas le cas ici, puisque le tablinum, doublement ouvert sur l’atrium et le péristyle, devient un espace de transition entre les deux parties de la maison. L’attribution de cette transformation à la phase postérieure au séisme de 62 fait peu de doutes. Les montants de l’ouverture vers le jardin sont en effet construits en opus vittatum mixtum à deux rangées de briques et moellons quadrangulaires, appareil de construction qui n’est attesté, à Herculanum, que dans la phase 62-7916 (fig. 29). En
LA PARTIE SEPTENTRIONALE DE L’ÎLOT
Fig. 29. Casa del Bicentenario. Ouverture du tablinum vers le péristyle. Montants en opus vittatum mixtum à deux rangées de briques. Cliché N. Monteix 2005.
revanche, il est difficile, sans effectuer de sondage, de préciser plus exactement la date de cette intervention. Par ailleurs, J. Andrews estime que c’est durant cette période que l’accès au cenaculum de l’étage nord fut déplacé de la pièce 2 (V, 16) vers la pièce 23 (V, 14).17 Alors que les pièces 1 et 23 formaient jusqu’ici un seul espace, on établit une cloison de partition ouest-est, en opus craticium, pour empêcher l’accès à l’escalier depuis l’intérieur de la maison. L’appartement de l’étage nord devenait ainsi seulement accessible depuis la rue en pénétrant en V, 14. En ce qui concerne l’ornatus de la demeure, il paraît évident que la plupart des décors peints de IVe style de la demeure furent réalisés lors de cette phase post 62, après que toutes les réparations consécutives aux dégâts du séisme furent mises en œuvre. Pour cette dernière phase, on reconnaît le style d’un même atelier, aussi bien dans la Casa del Bicentenario que dans la Casa del Bel Cortile et même certains espaces de la Casa dell’Apollo Citaredo. Plus surprenant, parce qu’elle n’appartenait pas (a priori) au même ensemble immobilier, certaines similitudes avec les décors
de « Nebenzimmer »18 de la Casa di Nettuno ed Anfitrite sont notables. Côté Casa del Bicentenario, sont refaites, au minimum, les peintures des fauces, de l’atrium, de l’ala 6, du couloir 18 et de la pièce 9. A l’étage, dans le cenaculum nord, on retrouve sans doute le travail de la même équipe de peintres dans les pièces 45 (couloir, fig. 43) et 47 (fig. 39 et 40). Il s’agit d’un ensemble cohérent stylistiquement et iconographiquement, de facture sobre, assez simple et dépouillé et sans doute économique, qui met en œuvre, sur fond blanc le plus souvent, un répertoire de motifs redondants. Des bordures ajourées structurent les compositions en zone médiane et de fins modules architecturaux, de type pavillons, articulent les zones hautes. Des objets sont suspendus à de fines guirlandes ou des volutes, des rhytons souvent et des oiseaux – aigles, cygnes – sont posés sur les entablements ou suspendus en vol. Il s’agit d’un IVe style plus ornemental qu’illusionniste, qui affectionne les fonds monochromes blancs, surtout, mais aussi rouge bordeaux ou noir (dans les fauces, l’ala 9 et l’atrium de la Casa del Bicentenario : fig. 30-31). Cela signifie que les commanditaires de cette réfection des décors peints de la maison choisirent une rénovation soigneuse, mais très austère, dont l’apparat iconographique est réduit, évoquant ainsi l’atmosphère des décors augustéens (IIIe style). Seuls les tableaux, médaillons et frises mythologiques du tablinum – qui dataient d’une phase précédente du décor de la maison – avaient été conservés et rompaient avec cette austérité générale. On peut imaginer, à la suite de W. Ehrhardt, que les propriétaires avaient conservés le décor julio-claudien du tablinum par souci d’économie, mais aussi parce qu’il s’intégrait harmonieusement dans le nouveau programme ornemental du secteur de l’atrium.19 D. Esposito note d’ailleurs, que tout le programme décoratif de cette partie de la maison (fauces, atrium, alae) est conçu pour faire converger les regards des visiteurs vers le tablinum.20 Le décor du couloir 18 (fig. 33 et 35) qui donne accès au péristyle depuis l’atrium, présente, en zone médiane, un décor de panneaux noirs ornés de vignettes et cernés de larges bordures ajourées rouges, qui rappellent clairement celles du couloir 9 (fig. 32 et 34) de la Casa di Nettuno ed Anfitrite. Les pavements de mosaïques – de fines tesselles noires ou blanches – de ces mêmes pièces, datés par les auteurs du corpus des mosaïques d’Herculanum de la phase précédente (néronienne),21 pourraient en réalité avoir été réalisés après 62. Cela paraît plus cohérent que de supposer, dans les mêmes pièces, deux phases succes-
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2.1
Fig. 30. Casa del Bicentenario, atrium, mur est. Cliché L. Narès 2019.
sives et très proches dans le temps, de rénovation des pavements, puis des peintures. Ces pavements de mosaïque sont techniquement et stylistiquement proches des mosaïques de fines tesselles noires et blanches de la Casa del Bel Cortile22 et furent probablement réalisés simultanément, puisqu’il s’agissait, à l’époque, d’une même habitation.
Fig. 31. Casa del Bicentenario, ala 9. Cliché N. Monteix.
Fig. 32. Casa di Nettuno ed Anfitrite, couloir 9. Cliché M.-L. Maraval.
Fig. 33. Casa del Bicentenario, couloir 18. Cliché M.-L. Maraval.
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Fig. 34. Casa di Nettuno ed Anfitrite, couloir 9. Infographie H. Eristov/M.-L. Maraval, ANR VESUVIA©.
Fig. 36. Casa del Bicentenario, pièce 2, mur est, trace de l’ancien escalier. Cliché N. Monteix, 2003. Fig. 35. Casa del Bicentenario, couloir 18, zone haute. Le motif du cygne est récurrent dans le répertoire des décors de cette partie de l’insula. Avec le détail du ruban dans le bec, on le trouve aussi dans la Casa del Bel Cortile, pièce 14 (cf. fig. 47).
Après la perte de son posticum au début des années 70, le propriétaire a été contraint de repenser l’utilisation d’une partie des espaces. La maison perdait en effet son plus bel oecus et ses espaces de service (cuisine, latrines, etc.). C’est sans doute à ce moment que quelques-unes des pièces autour de l’atrium (19) sont affectées à un usage servile, en particulier les pièces 3, 4 et 7 qui sont entièrement repeintes en blanc, ce qui témoigne de leur décote dans la hiérarchie des espaces d’habitation et de réception. Les étages Dans la Casa del Bicentenario, le premier étage fut construit en même temps que le reste de l’habitation, à l’époque augustéenne. Il existait, à l’origine, en lien direct avec l’habitation, deux appartements totalement indépendants l’un de l’autre :
• l’appartement nord, accessible par un escalier situé dans la pièce 2 et situé au-dessus du « secteur atrium » (pièces 39-50 = 114 m2), • l’appartement sud, accessible depuis l’escalier de l’espace 19, contre le tablinum et situé au-dessus du « secteur péristyle ». L’analyse des décors conservés dans les étages de l’édifice indique de nettes différences de standing : l’appartement nord offre des décors beaucoup plus prestigieux et raffinés que les simples enduits monochromes attestés dans l’appartement sud (pl.12). L’appartement nord La question de l’emplacement originel des escaliers d’accès à cet appartement est donc fondamentale, pour chercher à comprendre l’usage que le commanditaire souhaitait faire, à l’origine, de ces locaux situés à l’étage : des diaetae (appartements privés intégrés à l’habitation) ou bien des cenacula (unités d’habitation indépendantes) ? En effet, la paroi est de la pièce 2 (entrée V, 16) porte la marque très nette d’un escalier de bois, qui n’était plus en usage au moment de l’érup-
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2.1 tion (fig. 36). Cet escalier devait initialement déboucher dans la pièce 56 de l’étage et donc dans l’appartement dont l’accès se trouvait en V, 14. La trace de l’escalier est visible dans un enduit de IIe style schématique, appartenant à la phase de construction de la maison à l’époque augustéenne. Cet escalier fut condamné, et remplacé, après le séisme de 62, par un nouvel escalier en V, 14, qui donnait accès au même appartement.23 Ce changement signale une importante réorganisation des unités habitables de la maison. En effet, quand l’escalier était situé dans la pièce 2, il était accessible depuis l’atrium de la maison. Cet ensemble de pièces (39-46), à l’étage de la maison, était donc en communication directe avec le rez-de-chaussée et appartenait à la même habitation, tout comme l’étage situé dans la partie sud (pièces 27-36). Associés au rez-de-chaussée, ils portaient la surface habitable totale à environ 890 m2.. A. Maiuri pensait que le propriétaire vivait dans le luxueux appartement nord (dit appartement I), dans ce cas, il s’agissait d’une diaeta. Au contraire, pour A. Wallace-Hadrill, la présence du laraire indique que cet appartement était indépendant de l’habitation du rez-de-chaussée et donc avait le statut de cenaculum.24 En réalité, l’un n’empêche pas l’autre et son usage pouvait varier, car le propriétaire pouvait, selon les besoins en logement de la familia, soit l’attribuer à un membre de la maisonnée, soit le mettre en location.25 La pièce 49 Située dans l’angle nord-ouest du bâtiment, au-dessus de la boutique V, 13, dont elle duplique la surface au sol, la pièce 49 (G sur le plan de Maiuri) était la plus grande pièce du cenaculum nord de la Casa del Bicentenario.
Fig. 38. Casa del Bicentenario, pièce 48- angle sud-ouest. Cliché N. Monteix, 2004.
Au-dessus d’un soubassement noir, la zone médiane déploie une scansion de panneaux rouges, ornés en leur centre, de tableautins à natures mortes, alternant avec des candélabres sur fond blanc. La zone supérieure n’est pas conservée. Ainsi qu’on le remarque sur le cliché du mur est, ce décor IVe style recouvrait un décor plus ancien, piqueté avant application d’un nouvel enduit peint (fig. 37). La pièce 48 Avec la pièce 49, elle était sans doute une des plus richement ornées de l’étage de la maison. Ses murs présentent un décor de IVe style de type architectural à panneaux noirs ou rouge bordeaux, scandés de riches échappées architecturales sur fond blanc (fig. 38). Comme dans la pièce 49, un ancien enduit peint avait été piqueté, sûrement lors d’une même campagne de restauration, afin d’offrir à cette pièce un décor plus récent et qui rehaussait, de plus, le standing de la pièce.
Fig. 37. Casa del Bicentenario, pièce 49, mur est. Cliché N. Monteix, 2003.
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La pièce 47 Cette pièce présente un simple mais élégant décor à fond blanc, rehaussé de tableaux au centre de la zone médiane de chaque paroi (fig. 39). D’après
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Fig. 40. Un des quatre tableaux de la pièce 47, représentant un homme au banquet Cliché N. Monteix, 2003.
Fig. 39. Casa del Bicentenario, pièce 47, angle sud/sud-est. Cliché N. Monteix, 2003.
les indications d’A. Maiuri, quatre tableaux à décor mythologique, aujourd’hui effacés ornaient originellement cette pièce. Seuls deux d’entre eux sont documentés dans les archives photographiques (A 2644 et A 2614, voir fig. 40 pour un état plus récent). Sur le cliché A 2644, le tableau était déjà altéré mais on distingue nettement une figure alanguie sur un fauteuil, le bras gauche relevé au-dessus de la tête en un geste de « disponibilité à l’autre », pour reprendre l’expression de F. Gury.26 Il s’agit probablement d’une figure masculine, la chair apparaissant plutôt de couleur foncée. La présence d’un thyrse dans la partie droite du décor, appuyé contre un bloc et d’un petit vase, sans doute un canthare, dans la main droite du personnage, invitent à y reconnaître une figure dionysiaque, sans doute Dionysos lui-même. Mais il pourrait également s’agir d’une scène de banquet, et de la représentation d’un convive alangui. Sur le cliché A 2614 on distingue une figure féminine nageant nue, sans doute une nymphe. La pièce 44 La peinture de laraire, qui orne une grande partie du mur sud de l’espace 44, est particulièrement intéressante parce que ce type de décor religieux
est très rare à Herculanum (fig. 41). Comme dans nombreux exemples pompéiens attestés, 27 la scène est structurée en deux registres superposés : dans la partie supérieure, les Lares, symétriques, dansent, sous un dais festonné de guirlandes ; dans le registre inférieur, deux serpents agathon daimon émergent du monde chtonien et ondulent symétriquement de part et d’autre d’un autel portant une pomme de pin. Dans la petite niche aménagée à droite fut découverte une statuette en bois carbonisée représentant une figure féminine, sans doute Vénus.28 Dans la même pièce fut découvert un coffre en bois de 1,43 m de haut sur 0,35 cm de large, contenant une lampe en bronze, ainsi que 2,1 kg d’orge carbonisé.29 Cet espace servait-il de cuisine ? En dépit de l’absence de foyer ou de plan maçonné conservé, on peut le supposer, ce type de scène étant carac-
Fig. 41. Casa del Bicentenario, pièce 44, mur sud. Cliché N. Monteix, 2003.
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2.1
Fig. 42. Casa di Nettuno ed Anfitrite, pièce 20 (cuisine) extrémité ouest du mur méridional ; vestiges de la peinture du sanctuaire domestique. Cliché J. Andrews, 2006.
Fig. 45. Casa di Nettuno ed Anfitrite, restitution graphique de la peinture murale de la taberna 13. Décor de transition IIIe /IVe styles. Infographie : M.-L. Maraval/H. Eristov, ANR VESUVIA©.
téristique des décors de cuisine.30 De plus la présence de 2,1 kg d’orge dans cette pièce indique une fonction liée à l’alimentation. Un autre des rares exemples attestés à Herculanum provient d’ailleurs de la cuisine de l’étage de la Casa di Nettuno ed Anfitrite (pièce 20), mitoyenne au sud (fig. 42). La peinture de la pièce 20 de la Casa di Nettuno ed Anfitrite était de style et de composition tout à fait différents, mais représente bien les Lares de part et d’autre d’un autel. Elle se situait au-dessus d’un foyer, à côté du banc de cuisine à l’extrémité ouest du mur méridional de la pièce.
Fig. 43. Casa del Bicentenario, couloir 45, vue vers l’est. Cliché N. Monteix, 2003.
Fig. 44. Casa di Nettuno ed Anfitrite, taberna 13, détail du cygne en vol. Cliché M.-L. Maraval.
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Le couloir 45 Le couloir est orné d’un simple décor de panneaux à fond blanc orné de cygnes en vol (fig. 43). Ce type de décor assez cursif, basé sur l’adoption d’un simple fond blanc et sur le choix de peu d’éléments ornementaux savamment combinés, est très bien attesté également à Pompéi, surtout dans les complexes que l’on attribue à « l’atelier de Via di Castricio”31 ou dans les pièces secondaires des riches maisons.32 Ce type de décor propre aux Nebenzimmer se retrouve, par exemple, à Pompéi, dans la Casa dei Quattro Stili (I 8, 17), dans les pièces (14) et (23).33 Des décors similaires – avec des cygnes en vol en zone médiane – sont attestés dans d’autres pièces de la Casa del Bicentenario, mais en zone haute, par exemple dans l’atrium (19) ou dans la pièce 9 toujours sur fond blanc. On trouve aussi ce même motif du cygne en vol au centre d’un panneau dans des habitations mitoyennes, notamment dans la Casa di Nettuno ed Anfitrite, qui offre deux exemples bien conser-
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Fig. 46. Casa di Nettuno ed Anfitrite, décor de la pièce 2, murs nord et ouest. Infographie : H. Eristov/M.-L. Maraval, ANR VESUVIA©.
vés. L’un se trouve dans la boutique (13) et date de la période de transition entre le IIIe et le IVe style (fig. 44 et 45). Par ailleurs, dans la pièce 2 se trouve un décor similaire avec des figures en vol mal conservées dont l’une au moins semble être un griffon (fig. 46). Ce répertoire de motifs, cygnes ou griffons en vol sur fond blanc, parfois insérés dans des édicules, a été signalé par D. Esposito comme caractéristique d’une équipe de peintres de IVe style qu’il nomme « officina della Casa dell’Atrio a Mosaico ».34 De la même veine, mais plus ancien, pourrait être le décor du cubiculum (14) de l’étage de la Casa del Bel Cortile. La composition présentant un bas soubassement moucheté surmonté d’une zone médiane scandée par de fins candélabres métalliques est caractéristique du IIIe style (fig. 47 et 48). Dans la mesure où, lorsque ce décor de la pièce 14 de la Casa del Bel Cortile fut réalisé, cet espace faisait partie de la « grande Casa del Bicentenario », la similitude des compositions peut apparaître comme la manifestation d’une esthétique prisée par les occupants de cette propriété, à travers les années ; W. Ehrhardt a exposé ce type de phénomène, dans les exemples qu’il étudie à Pompéi.35 L’appartement sud de l’étage de la Casa del Bicentenario L’appartement sud est moins luxueux, car apparemment totalement privé de décor ornemental et figuré. Les journaux de fouilles et les quelques photos d’archives mentionnent des parois revêtues d’enduits de chaux à fond blanc, destinés à
Fig. 47. Casa del Bel Cortile, étage, pièce 14. Décor IIIe style, détail. Cliché H. Eristov, 2011.
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2.1
Fig. 48. Casa del Bel Cortile, étage, pièce 14. Cliché M.-L. Maraval, 2011.
simplement isoler les murs de l’humidité et non à les décorer (fig. 49). Partiellement conservé lors de la fouille, l’appartement méridional de la maison s’est presque totalement écroulé dans les années 1990.36 Seuls les
Fig. 49. Casa del Bicentenario, cenaculum sud, vue des pièces 30 à 34 (aile ouest) depuis le sud vers le nord. Cliché N. Monteix, 2003.
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plans publiés dans l’ouvrage d’A. Maiuri de 195837 et quelques photos d’archives subsistent pour le documenter (fig. 50). Les pièces 27 et 28, ainsi que la pièce 30, sont encore à peu près conservées. La pièce 28, de grandes dimensions (24 m2 environ) pouvait être un espace de réception. Cette pièce était en cours de réfection au moment de l’éruption : on distingue, en effet, un enduit piqueté sur le mur sud et un enduit préparatoire, au-dessus de l’enduit piqueté, sur le mur ouest. La pièce 29, contiguë, avait, elle aussi, fait l’objet de travaux récents : les portes ouvertes dans les parois est et sud avaient été condamnées, sans doute au moment de l’aménagement du second niveau et de l’escalier dans la pièce 30. La transformation s’identifie parce que le massif de l’escalier s’appuie justement contre la porte murée.38 Le 10 octobre 1938 fut découverte à l’étage, dans la pièce 29, le long du côté sud-est, une cassette en bois contenant 150 tablettes.39 Le lieu de conservation était donc une des modestes pièces surmontant le péristyle, pauvrement meublée et clairement de service. Cet appartement, qui était uniquement accessible depuis l’intérieur de la maison, par l’escalier appuyé au tablinum (pièce 16), était directement
LA PARTIE SEPTENTRIONALE DE L’ÎLOT indépendance vis-à-vis du rez-de-chaussée, bien que cela ne soit pas non plus un marqueur formel d’attribution du lot à une autre unité familiale. Quoi qu’il en soit, le doute subsiste sur l’existence de cette cuisine, à la fois parce que les structures se sont en grande partie écroulées, mais aussi parce que les notices du GSE ne sont pas très claires à ce sujet. Les fouilleurs ont circulé simultanément dans plusieurs appartements situés à l’étage de la partie septentrionale de l’insula V. Ils indiquent dans ce secteur la présence d’une cuisine, mais sans qu’il soit possible de savoir si elle appartenait à un appartement de la Casa del Bel Cortile, de la Casa del Bicentenario, ou bien de la Casa dell’Apollo Citaredo.40 LES APPARTEMENTS V, 17
ET
V, 18
lié à l’unité d’habitation du rez-de-chaussée. La présence d’une cuisine dans cet appartement à l’étage aurait pu être un indice d’une certaine
Dans les années 70/75 la Casa del Bicentenario est partiellement démembrée et en tout cas, dissociée de certaines de ses pièces, qui deviennent des unités d’habitation indépendantes41 (fig. 51 et 52). Ainsi la boutique V, 17 et les pièces qui se trouvent au-dessus (V, 18) sont transformées en deux unités d’habitation indépendantes42 (pl. 13, pl. 14 et pl. 35). Avant cette phase, la boutique V, 17 était accessible depuis l’atrium de la Casa del Bicentenario ; quant aux pièces à l’étage, elles pouvaient peut-être initialement être liées au cenaculum nord de la maison ou être associées à la boutique du rez-de-chaussée. Lors de la transformation de la boutique V, 17 en habitation indépendante de deux pièces uniques, la porte entre la pièce du fond (20) et le mur est de l’atrium de la Casa del
Fig. 51. Plans des appartements V, 17 (rez-de-chaussée) et V, 18, étage à droite. ANR VESUVIA©.
Fig. 52. Restitution isométrique des appartements V, 17 et V, 18 par N. Monteix (Monteix 2010, fig. 30).
Fig. 50. Plan du premier étage de la Casa del Bicentenario. Le deuxième étage, totalement effondré, était accessible depuis l’escalier situé dans l’espace 30. Plan ANR VESUVIA©.
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2.1 Bicentenario est condamnée et son ouverture murée (pl. 13). On dissimule la porte murée sous un enduit peint de IVe style, mais différent de celui mis en œuvre dans le reste de l’atrium, qui atteste que cette transformation est postérieure au décor de l’ensemble de cet espace (fig. 53). Le décor de l’appartement V, 17 (rez-de-chaussée) L’appartement V, 17, composé donc de deux pièces, présentait au moment de l’éruption un décor soigné de IVe style, réalisé au moins partiellement postérieurement à sa séparation de la Casa del Bicentenario.43 Ceci peut être déduit du doublement des murs ouest de la pièce 21 et sud de la pièce 20, ainsi que du décor recouvrant uniformément le mur ouest de la pièce 20, par-dessus le bloquage de la porte que l’on sait postérieur au second séisme.44 Le décor des deux pièces de V, 17 est assez homogène du point de vue esthétique (fig. 54, 55 et 57). Le problème de la destination initiale des pièces concernées, au moment de l’application de ce décor, reste toutefois en suspens : le décor a-t-il précédé la transformation de ces pièces en appartement ? S’agissait-il, dès le début, d’un “décor de boutique”?45 Le luxe des peintures autorise à s’interroger sur ce point, quoique rien n’empêche qu’un décor de cette qualité ait été mis en œuvre pour orner un local commercial, même si cela peut paraître surprenant. L’hypothèse la plus probable reste, donc, celle d’une réalisation de ces peintures dans la dernière phase d’aménagement de ces pièces, quand l’ancienne boutique est transformée en appartement. Le schéma ornemental, d’un IVe style raffiné, est cohérent entre les deux espaces. Dans la pièce 21, donnant sur la rue, la zone inférieure à fond rouge est ornée en alternance de compartiments longs ornés de massifs de feuillage et de compartiments étroits ornés de cygnes et oiseaux. La zone médiane présente un système à panneaux jaunes monochromes, sans recherche illusionniste.46 De fines guirlandes verticales sont suspendues à l’aplomb des architectures et des candélabres torsadés encadrent les panneaux. Il n’y avait pas de zone supérieure au décor de la pièce 21, en raison de la présence de la mezzanine. Le décor de cette pièce est très proche de celui de la pièce 4 de la Casa del Gran Portale (voir fig. 55 et 56) : même soubassement à fond rouge bordeaux et même effet de panneaux monochromes jaunes en zone médiane. D. Esposito y relève un type de composition similaire à celui de quelques décors de la Casa dell’ Atrio a Mosaico d’Herculanum.47 Dans la pièce 20, la zone médiane est scandée de panneaux à fond jaune ayant partiellement
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viré au rouge sous l’effet de la chaleur, alternant avec des échappées architecturales sur fond blanc (fig. 57). Les panneaux sont monochromes, sans ornement central. La zone haute est articulée autour d’un pseudo-édicule central avec masque suspendu, encadrée de deux pavillons latéraux surmontés d’une partition géométrique. Au-dessus du pseudo-édicule central sont figurés un aigle aux ailes déployées et des cygnes en vol au-dessus des panneaux latéraux, ainsi que de petits cadres avec bucranes. Le style de décor et le traitement des échappées évoquent le décor des pièces 48 et 49 du cenaculum nord de l’étage de la Casa del Bicentenario (fig. 37 et 38). Le pavement, un sol de mortier à insertion irrégulière de tesselles (cocciopesto), stylistiquement datable du Ier ou du IIe style, appartient à la première phase d’aménagement de la Casa del Bicentenario, quand cette pièce était toujours en communication directe avec l’atrium. Le même type de pavement se trouve dans le vestibule et l’ala de la Casa del Gran Portale (V, 34-35), et plus rarement hors de l’insula V, notamment dans la Casa del Rilievo di Telefo (cubiculum 3) et la Casa di Galba (exèdre 9). Le décor de l’appartement V, 18 (à l’étage) L’appartement V, 18, situé à l’étage, est un cenaculum de trois pièces, assez modeste dans son emprise au sol puisqu’il occupe une surface de 38 m2 (pl.14). Il était accessible depuis la rue, grâce à l’escalier construit contre le mur est de la pièce 21 de l’appartement du rez-de-chaussée48 (fig. 51 et 52). Contrairement à ce qu’indique l’état actuel de conservation de cette pièce, il existait en 79 une cloison qui isolait totalement l’escalier de la pièce située en façade de l’appartement V, 17. Il s’agissait donc, en 79, de deux unités d’habitation indépendantes l’une de l’autre. Toutefois, l’étude du bâti laisse supposer qu’à l’origine, c’est-à-dire lors de la construction de la Casa del Bicentenario, cet appartement à l’étage était en connexion avec la boutique du rez-de-chaussée. L’ensemble V, 17-18 (boutique + cenaculum à l’étage) était par ailleurs accessible depuis l’atrium de la Casa del Bicentenario, jusqu’à ce que le lien soit rompu, après le second séisme, vers 70.49 La cage d’escalier, située en V, 18, était nettement séparée de la pièce 21 de V, 17 par une cloison d’opus craticium (fig. 58). Cette distinction était également mise en œuvre par le décor, la paroi gauche (est) de la cage d’escalier était ornée d’une composition de méandres. Ce décor a été associé par L. Laken à celui des « Zebrapatterns » (bandes obliques parallèles) caractéristique des
LA PARTIE SEPTENTRIONALE DE L’ÎLOT
Fig. 54. Appartements V, 17, vue du fond de la pièce 20 vers la pièce 21 et la rue. Cliché M.-L. Maraval, 2011.
Fig. 53. Casa del Bicentenario, atrium (pièce 19), paroi est, porte murée et repeinte dans la dernière phase. Cliché L. Narès, 2019.
Fig. 56. Casa del Gran Portale, pièce 4, paroi ouest. Cliché M.-L. Maraval, 2011.
Fig. 55. Appartement V, 17, pièce 21, paroi ouest. Cliché M.-L. Maraval, 2012 > Fig. 57. Appartement V, 17, pièce 20 (au fond). Cliché A. Dardenay, 2011.
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2.1
Fig. 58. Restitution de la boutique V, 17 et du cenaculum V, 18, par R. Oliva. D’après Maiuri 1958, pl. XXII.
Fig. 59. Appartement V, 18, pièce 52. Cliché Th. Dietsch, 2011.
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Fig. 60-Appartement V, 18, pièce 53, paroi nord. Photo prise lors de la fouille, après dépose du tableau figurant des Amours autour d’un trépied delphique (voir fig. 61). D’après Maiuri 1938, fig. 2.
espaces de circulation.50 Le décor de méandre de l’appartement V, 18 est pourtant plus sophistiqué et surtout plus complexe à mettre en œuvre. Avant d’accéder au palier de l’appartement, l’escalier permettait de rejoindre la mezzanine aménagée dans la partie haute de la pièce 21 et qu’occupaient des latrines, destinées bien entendu aux habitants du cenaculum de l’étage. La première pièce (52), à laquelle donne accès l’escalier, présentait un décor d’une grande
Fig. 61. Appartement V, 18, pièce 53. Tableau inséré dans un caisson de bois, et figurant des Amours autour d’un trépied delphique. Dépôt archéologique Herculanum, inv n°149336.
sobriété, caractéristique de la phase de transition entre le IIe et le IIIe style (fig. 59). Il s’agit donc sans aucun doute d’un revêtement originel de la première phase de l’édifice, qui aura été conservé jusqu’à la phase finale. Les zones basse et médiane sont confondues et rendues dans une couleur rouge uniforme. Cette partie du mur est séparée de la zone supérieure blanche par une bande verte (5 cm). Deux larges filets verticaux rouge bordeaux articulent la paroi en trois parties. La pièce suivante (53) présentait un décor de IVe style de qualité, rehaussé d’une œuvre picturale d’une grande rareté. Lors des fouilles d’A. Maiuri, fut découvert, en effet, inséré dans le décor pariétal de la paroi nord, un tableau réalisé dans un caisson de bois51 (fig. 60 et 61). Contrairement au décor de la pièce précédente, celui de la pièce 53 avait été réalisé peu de temps avant l’éruption de 79. La composition picturale de IVe style architectural s’élevait au-dessus d’un soubassement à fond noir. La zone médiane était structurée en panneaux rouges à bordures ajourées horizontales séparées par un inter-panneau noir à candélabre jaune. Le tableau figurait des Amours affairés autour d’un trépied delphique et occupait le haut du panneau central, presque jusqu’au sommet de la zone médiane. Il fut prélevé lors des fouilles de 1938. La zone haute, sur fond rouge, s’articulait autour d’un édicule surmonté d’un fronton à palmettes.52 La présence de graffitis grecs et latins sur la paroi nord de la pièce 53 est un élément qui mérite d’être signalé (fig. 62). Il s’agit d’un ensemble de graffitis, groupés (pour l’essentiel)
XI K • pane(m) factum | III Nonas pane(m) factum (CIL 4 10575) ԅԆԄӿԀӶCIL 4 10577) ROM (CIL 4 10576) R | OCAEANU (CIL 4 10578) Ӷӷ_ӶӷӸӹӺӻӼӽCIL 4 1070) Fig. 62. Relevé et transcription des graffitis de l’appartement V, 18. D’après Benefiel 2018, p. 231.
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2.1 entre la porte et le tableau mythologique inséré dans un caisson de bois. Ces inscriptions sont mentionnées dans une étude de R. Benefiel sur les graffitis grecs d’Herculanum. Cette synthèse a permis de mettre en évidence que parmi les quelques 400 graffitis découverts à Herculanum, 26 étaient rédigés en grec, soit 8% du total.53 Cette proportion est supérieure à celle identifiée à Pompéi, avec 200 graffitis grecs sur 8300 soit 2,4 % du total.54 Le relevé et le déchiffrage de ces graffitis nous indiquent que le grec était en usage dans cette habitation, mais ne nous révèle pas qui étaient les membres de la maisonnée. Une mention intrigante concerne la production de pain et peut se traduire ainsi : « Du pain a été fait onze jours avant les Calendes. Du pain a été fait trois jours avant les Nones ». Ce type d’inscription, concernant des questions d’intendance domestique, évoque celles d’une modeste pièce de l’étage supérieur oriental de la Casa di Nettuno ed Anfitrite (pièce 23), à la différence notable qu’elles ont été « commises » ici sur un décor de haute qualité. Notons également la mention « Ocaeanus », un nom mal orthographié, mais dans lequel on pourrait reconnaître le fameux gladiateur Oceanus dont le nom est attesté aussi à Pompéi.55 Envisageons maintenant le problème de l’articulation du cenaculum V, 18 avec le reste de l’édifice. La question du rattachement initial de ces pièces à l’appartement situé en façade nord de la Casa del Bicentenario (pièces 40 à 50) n’est pas encore tranchée (pl. 4 et pl. 36). En effet, aucune porte de liaison (murée ou non) entre les appartements n’est visible là où on l’attendrait, c’est-àdire dans la paroi orientale de l’espace 45, 46 ou 50 de l’étage de la Casa del Bicentenario. Toutefois, plusieurs éléments dans l’étude du bâti pourraient suggérer que tout le plateau nord de l’étage de la Casa del Bicentenario forma à l’origine un seul ensemble habitable. L’étude architecturale révèle ainsi que l’escalier qui menait à l’appartement V, 18 ne se trouvait pas, dans une phase antérieure, directement accessible depuis la rue, mais depuis la pièce 21.56 Cela indique qu’un lien fonctionnel existait, au moins pendant une période indéterminée, entre les deux pièces du rez-de-chaussée (20 et 21) et les pièces situées immédiatement à l’étage au-dessus. Dans la mesure où il existait, jusqu’au second séisme, une porte donnant accès à ces pièces 20 et 21 du rezde-chaussée depuis l’atrium (19) de la Casa del Bicentenario, le lien fonctionnel entre tous ces espaces est donc attesté, à une période donnée entre l’époque augustéenne et le second séisme. C’est ainsi que le mode de construction des murs de l’appartement V, 18, en opus reticulatum B –
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c’est-à-dire le même appareil architectural que les pièces de l’appartement nord de la Casa del Bicentenario- nous oriente vers une construction contemporaine, et peut-être homogène, de ces différents espaces, à l’époque augustéenne. Par ailleurs, structurellement, on constate que les pièces 51, 52 (de l’appartement V, 18 qui se trouve à l’étage) forment un espace symétrique et de mêmes proportions que la pièce 49 qui se trouve dans l’angle nord-ouest de l’appartement en façade de la Casa del Bicentenario. Il est tout aussi clair que les pièces situées en façade de la Casa del Bicentenario, pouvaient théoriquement au moins, communiquer entre elles par le maenianum, même si l’accès entre ce balcon et la pièce 51 (pièce sur rue de l’appartement V, 18) était condamné dans la phase finale. Mais depuis quand la communication entre ces pièces était-elle rompue ? Ne peut-on supposer, qu’à un moment donné, et que l’on peut éventuellement situer au moment de la construction de la maison, l’espace symétrique à la pièce 49 appartenait à un unique vaste appartement ? L’étude architecturale de la partie nord-est de la Casa del Bicentenario n’a pas permis, pour l’instant de répondre à cette question. Mais l’étude des décors des étages de cette habitation est à même d’enrichir notre réflexion et nous permet de formuler plus précisément les hypothèses. Dans sa thèse sur les étages d’Herculanum, J. Andrews met en évidence le statut souvent privilégié, du point de vue du standing, des appartements donnant sur la rue, en comparaison des appartements situés vers l’arrière de la maison, qui présentent des prestations souvent inférieures. La Casa del Bicentenario n’échappe pas à cet usage, comme l’indique, notamment, l’analyse globale des décors de ses étages. C’est ainsi que J. Andrews oppose un contraste frappant entre le décor des appartements situés à l’étage dans le secteur du péristyle et ceux des appartements situés en façade, sur la rue. En effet, si les pièces situées dans l’appartement de l’arrière (pièces 28 à 38) présentent des enduits “bas de gamme” (blancs, éventuellement rehaussés dans l’une ou l’autre pièce de bandeaux colorés), celles situées en façade (39-53) présentent des décors de plus haute qualité.57 Ainsi, quel qu’ait été le lien structurel entre le grand appartement en façade de la Casa del Bicentenario et le petit appartement V, 18, on ne peut que constater que le décor des pièces 51, 52, 53 doit se lire dans son environnement architectural global, à l’échelle de l’édifice tout entier. La très haute qualité du décor de l’appartement V, 18 est particulièrement évidente dans la pièce 53, qui est celle où les équipes d’A. Maiuri ont mis au jour le fameux tableau inséré dans un cadre de bois (fig.60 et 61). Cette pièce exceptionnelle offre
LA PARTIE SEPTENTRIONALE DE L’ÎLOT augustéenne au séisme de 62, environ : cf pl. 33; fig. 64). Afin de clarifier la lecture des différentes phases (et des pages qui vont suivre), je désignerai sous le nom de « proto-Casa dell’Apollo Citaredo » la domus originelle, antérieure à la construction de la Casa del Bicentenario. Phase 1 : une première maison à atrium (la « proto-Casa dell’Apollo Citaredo »)
Fig. 63 -Plans de la Casa dell’Apollo Citaredo en 79, rezde-chaussée à gauche, étage à droite. ANR VESUVIA©.
un exemple unique d’intonaco rapporté dans une structure de bois et directement encastrée dans le mur, si l’on en croit du moins la publication de cette découverte par A. Maiuri.58 Le tableau représente des amours ornant un trépied,59 selon un de ces schémas iconographiques très symboliques tout à fait typiques du répertoire de la peinture herculanéenne. La présence d’un tel décor dans cette pièce ne peut nous faire douter du standing initial de cet appartement. LA CASA DELL’APOLLO CITAREDO (V, 9-12) Fouillée entre avril 1938 et avril 1939,60 cette maison à atrium occupait une surface au sol de 160 m², à laquelle fut ajouté, après 62, un étage de 96 m² environ (pl. 11). Elle doit son nom à un tableau mythologique figurant sur le mur sud du tablinum. Deux locaux commerciaux sont associés à cette domus (pièces 8 = V, 10 et 9 = V, 12) (fig. 63). L’étude architecturale de cette habitation est étroitement liée à celle de la Casa del Bicentenario, dans laquelle elle fut peut-être englobée pendant plus d’une cinquantaine d’années (de l’époque
A l’époque samnite, au moment de sa construction, cette maison était plus étendue au sud et à l’ouest qu’elle ne l’est aujourd’hui, c’est-à-dire que la partie nord de la Casa del Bel Cortile – les pièces 1 et 2 tout du moins – appartenaient à cette demeure (fig. 65).61 Par ailleurs, l’extension à l’est de cette première domus – sur la partie ouest de la parcelle occupée par la Casa del Bicentenario – est confirmée par l’existence de trois portes murées : l’une, située dans la partie nord du mur oriental de l’atrium, est seulement visible depuis la pièce 3 de la Casa del Bicentenario ; deux autres portes murées se trouvent dans la partie sud du mur est de l’atrium, en correspondance avec les portes des pièces 3 et 4 du côté ouest (fig. 67 et 68). Ces éléments indiquent qu’au moment de sa construction, à l’époque pré-romaine, la Casa dell’Apollo Citaredo adoptait le plan canonique des maisons à atrium, avec des pièces symétriques ouvrant de chaque côté (fig. 65). D’ailleurs, les traces de construction d’époque pré-romaine identifiées par W. Johannowsky,62 puis R. de Kind,63 leur ont permis à tous deux de restituer dans le lotissement originel de la partie nord de l’insula V, trois parcelles équivalentes, orientées nord/sud et ouvrant sur le decumanus supérieur. Pour N. Monteix, la Casa dell’Apollo Citaredo constitue le seul exemple à Herculanum d’association entre des piliers en opus quadratum et des parois en reticulatum B64 ; des blocs de tuf sont insérés comme support des solives du compluvium.
Fig. 64. Façades de l’insula V sur le decumanus superior. A droite, sans encorbellement, la Casa dell’Apollo Citaredo. D’après Maiuri 1958, planche XXI.
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2.1
Fig. 65. Hypothèses sur l’évolution de la planimétrie de la Casa dell’Apollo Citaredo. A gauche le plan supposé de la proto-Casa dell’Apollo Citaredo à l’époque samnite. A droite le plan de la Casa dell’Apollo Citaredo en 79.
Lors de la construction de la Casa del Bicentenario, à l’époque augustéenne, les pièces du côté est de l’atrium furent détruites et l’espace remodelé pour créer un effet de symétrie centré sur l’atrium de la Casa del Bicentenario. Une autre porte fermée sur le mur nord de l’atrium de la Casa dell’Apollo Citaredo, à gauche des fauces, indique qu’à l’origine les deux pièces 9 et 8 (tabernae donnant sur la rue) étaient accessibles depuis l’atrium alors que seule la pièce 8 l’était encore en 79. La présence d’une porte bloquée dans le mur est de la pièce 10 permet de restituer un espace à l’origine séparé de la pièce 9 et construit en symétrie par rapport à une autre pièce située dans la partie est de l’atrium. Selon la suggestion de J. Andrews, peut-être l’atrium de la Casa dell’Apollo Citaredo était-il plus profond vers le sud à l’origine (dans l’espace cédé ensuite à la Casa del Bel Cortile) et l’espace 4 et son symétrique à l’est étaient-ils des alae à large ouverture.65 Le décor le plus ancien de la maison est un pavement de sol de mortier à inclusion de tesselles, conservé dans la pièce 3 qui date de la fin de l’époque républicaine. Phase 2 : Epoque augustéenne et construction de la « grande Casa del Bicentenario » La maison a été profondément remaniée à l’époque augustéenne, au moment de la construction de la Casa del Bicentenario. Avec la destruction des pièces à l’est, le mur oriental de l’atrium
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(2) de la Casa dell’Apollo Citaredo devient le mur de séparation entre les deux édifices (fig. 66). Mais il est possible que les deux maisons soient restées connectées l’une à l’autre par deux portes au moins, pendant une période dont on ignore la durée. 66 Les portes de communication sont murées à un moment indéterminé, l’une au nord, seulement visible depuis la pièce 3 de la Casa del Bicentenario et l’une au sud, visible depuis l’atrium de la Casa dell’Apollo Citaredo. Ce qui signifie que lors d’une phase de remaniement, les deux maisons sont à nouveau séparées et que la Casa dell’Apollo Citaredo retrouve son indépendance. Lors de cette jonction entre les deux maisons, la Casa dell’Apollo Citaredo a cédé la partie située à l’est de son atrium à la Casa del Bicentenario, se trouvant ainsi amputée des deux pièces qui s’ouvraient à l’est sur l’atrium. Les pièces 8 (boutique V, 12) et 7 se sont ainsi trouvées sévèrement réduites, en particulier la pièce 7 qui était aménagée selon un axe nord/sud devint simple « réduit » que les propriétaires ont annexé au tablinum 6 au moyen d’une ouverture entre les deux espaces. La partie sud de la Casa dell’Apollo Citaredo est également réaménagée, après amputation d’une partie de sa surface au profit de l’édifice connu sous le nom de Casa del Bel Cortile, qui lui aussi communiquait, lors de la phase augustéenne avec la « grande Casa del Bicentenario ». Pour compenser la cession du sud de la parcelle, le tablinum (pièce 6) de la Casa dell’Apollo Citaredo est avancé vers le nord, empiétant sur l’espace de l’atrium. Le mur de séparation entre les
LA PARTIE SEPTENTRIONALE DE L’ÎLOT
Fig. 66. La moitié nord de l’insula V à l’époque augustéenne. Plan M.-L. Maraval, d’après N. Monteix 2010, fig. 173.
Fig. 67. Casa del Bicentenario, pièce 3, partie droite du mur ouest. Cliché M.-L. Maraval, 2012.
Fig. 68. Casa dell’Apollo Citaredo, atrium, mur est. Cliché M.-L. Maraval, 2012.
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2.1 pièces 4 et 5 est alors aligné sur le nouveau mur nord du tablinum. L’appareil en opus reticulatum B visible sur la paroi nord de la pièce 5 permet de dater de cette époque les modifications (fig. 69). D’autres modifications datant de cette phase sont décelables grâce à la présence d’opus reticulatum B dans le bâti. Ainsi son emploi, dans les murs est des pièces 6 et 7, indique que ces espaces ont été restructurés après le déplacement des limites est et sud de la « proto-Casa dell’Apollo Citaredo ». De même l’obturation – en opus reticulatum B – de la porte entre la pièce 9, dans sa partie sud, et l’atrium, date la clôture de la phase augustéenne. Du décor de la phase augustéenne de cette maison, il ne subsiste qu’un vestige de pavement de mosaïque. Sur une longueur de 3,28 m, il orne le seuil entre le tablinum (espace 6) et l’atrium (2) et présente un motif de méandre de svastikas entre deux bandes noires. Ce seuil se raccordait au nord au pavement du tablinum par une bande de carreaux de marbre. En revanche du côté de l’atrium le pavement a entièrement disparu.67 Le puteal de marbre à décor cannelé découvert au-dessus de l’ouverture de la citerne de l’atrium pourrait également remonter à cette période.68
années d’occupation du site, à tel point qu’ils étaient sans doute déjà fort altérés au moment de l’éruption de 79.
Phase 3 : post 62. Rénovation du bâti, construction d’un étage et réfection des décors
La pièce 6 Le point d’orgue du programme décoratif de cette demeure, était la pièce 6, située dans la partie sud de l’atrium et dont la porte d’entrée se trouvait dans l’axe des fauces. Si bien que la paroi sud de la pièce 6, et en particulier le tableau qui se trouvait au centre et figurait Apollon citharède, était visible depuis la rue. Un élément particulièrement remarquable était le pavement de mosaïque, serti d’un emblema d’opus sectile, qui ornait le sol. Il est à lui seul un résumé des différentes phases de décor de cette maison. Le seuil de mosaïque qui sépare la pièce 6 de l’atrium, assez caractéristique du IIe style, date d’une phase ancienne de la maison et fut réalisé à l’époque tardo-républicaine. La mosaïque qui couvre encore la surface périmétrale date de la phase suivante, puisqu’elle relève stylistiquement du IIIe style ou du tout début du IVe style. Enfin, durant la dernière campagne de décor, après 62 donc, fut ajouté au centre un spectaculaire emblema d’opus sectile.71 Ce pavement évoque celui du tablinum de la Casa del Bicentenario qui présente également un pseudo-emblema d’opus sectile, de IVe style légèrement plus précoce.
Il semble que la maison ait été très endommagée durant le séisme de 62, ainsi que l’indiquent de nombreuses réparations à l’aide de briques, sur la façade notamment, mais aussi la reconstruction en opus reticulatum A de la partie nord-ouest de l’atrium.69 Les murs de séparation entre la Casa dell’Apollo Citaredo et la Casa del Bel Cortile s’effondrent partiellement. Le choix est alors fait de doubler certains murs pour les renforcer et consolider ce secteur : les nouveaux murs en opus reticulatum A doublent le mur est de la pièce 1 de la Casa del Bel Cortile et les murs nord et ouest de la pièce 2 de cette même maison. La surface des pièces 5, 6 et 7 de la Casa dell’Apollo Citaredo est alors amputée d’autant. En revanche, cela n’a sans doute pas posé de problème de mitoyenneté dans la mesure où ces édifices appartenaient apparemment à une même propriété.70 C’est après le séisme de 62 que la maison fut entièrement redécorée avec les enduits peints de IVe style qui subsistèrent in situ jusqu’à la phase finale du site. Ce programme ornemental paraît avoir été assez ambitieux, sobre et de bonne facture, à l’instar de celui de la Casa del Bicentenario voisine. Mais il est difficile d’en juger précisément, car les décors peints et les pavements de cette maison furent négligés dans les dernières
Fig. 69. Casa dell’Apollo Citaredo, pièce 5, paroi nord avec opus reticulatum B. Cliché M.-L. Maraval, 2012.
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Fig. 70. Casa dell'Apollo Citaredo, fauces (espace 1), zone supérieure. Cliché Th. Dietsch, 2014.
Sur les parois, le décor de IVe style architectural est surtout conservé sur les parois sud et ouest. En zone inférieure, on observe, sur fond rouge, une composition de compartiments avec feuillages et panneaux à guirlandes. En zone médiane, les panneaux jaunes ont partiellement viré au rouge. Au centre de chaque paroi se trouvait un tableau mythologique, dont seuls deux sont attestés : Endymion et Séléné sur la paroi ouest et Apollon accompagné d’une figure féminine sur la paroi sud.72 Les panneaux centraux étaient encadrés d’échappées architecturales à fond blanc et de panneaux latéraux à figures volantes. La zone supérieure, à fond blanc, était peinte de structures architecturales, guirlandes, tableautins à paysages et oiseaux. La pièce 1 Le décor des fauces (1) confirme le lien de cette maison avec la Casa del Bicentenario. La composition picturale de IVe style, très sobre, présente au-dessus d’un socle noir, une composition bipartite de panneaux rouges bordés de noir. La zone supérieure à fond blanc est articulée autour d’un pinax central figurant un félin poursuivant deux cervidés (fig. 70). Juste au-dessus se dresse un aigle dressé sur un court candélabre.
La figure de l’aigle apparaît comme quasiment identique à un exemplaire du cubiculum 8 de la Casa del Bel Cortile (figs. 71-73) qui était durant la période d’extension maximale de la Casa del Bicentenario, un secteur secondaire de cette grande demeure, tout comme, peut-être, la Casa dell’Apollo Citaredo. On reconnaît à la fois le tracé du motif et la gamme chromatique. Par ailleurs, on identifie une autre similitude frappante entre le cervidé des fauces de V, 11 et celui du registre supérieur du cubiculum 9 de la Casa del Bel Cortile (figs.74-77) Selon J. Andrews, des modifications dans la Casa del Bicentenario indiquent que c’est durant cette phase qu’elle fut séparée de la Casa dell’Apollo Citaredo par l’obturation des portes du mur est de l’atrium.73 Il observe, en effet, que le doublage du mur nord de la pièce 3 de la Casa del Bicentenario (en opus reticulatum A) a suivi le blocage de la porte de communication entre les deux maisons. Cet argument est cependant assez faible du point de vue de la chronologie relative (l’obturation de la porte aurait pu se produire des décennies auparavant) et ne suffit pas, en tout cas, à dater le murage des portes. Toutefois, la cohérence entre les programmes ornementaux de IVe style des deux édifices – et même une forme
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2.1
Fig. 71. Casa dell’Apollo Citaredo, Fig. 72. Casa del Bel Cortile, pièce 8. Fig. 73. Casa di Nettuno ed Anfiespace 1. trite, Couloir 9.
Fig. 74. Casa del Bel Cortile, cubiculum 9.
Fig. 75. Casa dell’Apollo Citaredo, fauces.
d’homogénéité soulignée plus haut74 – suggère que la séparation ne se produisit effectivement qu’après le séisme de 62. Enfin c’est aussi durant cette période qu’un étage fut ajouté à cette maison.75 Il sera question de cette phase de travaux dans un chapitre suivant. Plusieurs questions restent en suspens, notamment celle de la phase durant laquelle les pièces 8 et 9 furent transformées en tabernae. Dans sa thèse sur les lieux de métier à Herculanum, N. Monteix estime toutefois qu’elles pouvaient faire partie du plan de la Casa dell’Apollo Citaredo à partir de l’époque augustéenne.76
Fig. 76. Casa di Nettuno ed Anfitrite, couloir 9.
son étaient déjà très altérés au moment de leur découverte. Cet état plaidait, selon lui, pour une désaffection des fonctions domestiques au rezde-chaussée de cette domus. Cette hypothèse s’appuie aussi sur des éléments matériels, notamment
Phase 4 : finale, années 70 C’est à cette période que l’escalier menant au cenaculum de l’étage est déplacé dans l’atrium, contre le mur nord. La pièce 9 (taberna) est redécorée dans le même esprit que l’esthétique du décor précédent77 : le mur sud et le mur est de la partie arrière. Ce nouveau décor présente un sol en béton à inclusion de tesselles légèrement plus haut et plus épais qui se positionne nettement par-dessus l’ancien pavement. En dépit de cette réfection relativement récente, à l’échelle de l’histoire de la cité, A. Maiuri notait, à l’issue des fouilles, que les décors de cette mai-
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Fig. 77. Casa del Bicentenario, atrium, zone de couronnement.
LA PARTIE SEPTENTRIONALE DE L’ÎLOT
Fig. 79. Plans de la Casa del Bel Cortile en 79, rez-dechaussée à gauche, étage à droite, ANR VESUVIA©.
Fig. 78. Casa dell’Apollo Citaredo, pièce 6, paroi ouest, zone haute. La réfection en jaune a ensuite viré au rouge. Cliché H. Eristov, 2012.
la découverte de trois dolia enterrés dans le sol le long de la paroi est de l’atrium. Un autre indice est l’ouverture pratiquée dans les fauces vers la boutique V, 9-10. Signalons aussi la découverte de 60 kg d’orge dans le maenianum de l’étage, contre la façade ouest de l’édifice.78 Un autre signe de déclin est visible dans les réparations opérées dans la paroi ouest de la pièce 6 (fig. 78). Après la destruction partielle de la zone haute de l’enduit peint, une réfection très grossière a été réalisée. Un artisan a simplement réenduit la partie effondrée, la peignant d’une couleur jaune uniforme (le pigment a ensuite viré au rouge pendant l’éruption de 79). La réparation tranche de manière très vive avec le décor à fond blanc origi-
nel, et révèle un désintérêt total pour la cohérence esthétique d’une pièce qui était, à la génération précédente, la plus luxueuse de la maison. Il reste difficile d’expliquer pourquoi l’artisan a peint sa réparation en jaune,79 plutôt que de peindre l’enduit refait en zone haute d’un fond uni blanc ; d’autant que ce choix a été opéré, dans des circonstances similaires, pour la réfection de l’enduit des fauces de la Casa del Mobilio Carbonizzato.80 LA CASA DEL BEL CORTILE (V, 8) Tout visiteur de la Casa del Bel Cortile est surpris, au premier abord, par le caractère atypique de son plan et par l’architecture de la cour abritant un vaste escalier maçonné qui conduit à l’étage et à laquelle elle doit son nom81 (fig. 79; pl. 10). A ce jour, aucune étude monographique n’a été réalisée sur cette maison et les brèves notices et mentions qui lui ont été accordées n’évoquent pas les caractéristiques architecturales qui marquent son identité et expliquent le caractère – a priori seulement
Fig. 80. Insula V, cardo IV. La façade de la Casa dell’Apollo Citaredo jouxtée de celle de la Casa del Bel Cortile (Maiuri 1958, pl. VII).
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2.1 – incongru de sa planimétrie. En effet, l’analyse de l’architecture et du décor de la Casa del Bel Cortile ne peuvent se limiter à une lecture synchronique des vestiges, tels qu’ils se présentaient en 79 ap. J.-C. Une bonne compréhension de l’ensemble passe nécessairement par une analyse diachronique du bâti et des décors qui y sont associés (fig. 80). En effet, jusqu’au milieu des années 70 ap. J.-C., la Casa del Bel Cortile était partie intégrante de la vaste Casa del Bicentenario, dont elle ne fut détachée que postérieurement au second séisme,82 c’est-à-dire entre 70 et 75 ap. J.-C. (pl. 33 à 35). Lors de sa construction initiale, la Casa del Bicentenario s’étend également vers l’ouest, où elle est pourvue d’un posticum83 offrant un accès sur le cardo IV. (fig. 66). A l’origine, c’est-à-dire dans la construction augustéenne, il n’y avait pas d’escalier dans la cour de cette partie annexe de la maison, autour de laquelle s’articulaient un triclinium (si cela était bien la fonction de la pièce 2), une grande salle de réception (la pièce 4, dite
oecus) et quelques pièces de service. La pièce 4, de par ses proportions, était la plus vaste et sans doute la plus prestigieuse de la Casa del Bicentenario et s’ouvrait sur le péristyle de la maison. Après le démembrement de la propriété et la cession du posticum, la Casa del Bicentenario perdait sa pièce de réception la plus prestigieuse (pièce 4 de la Casa de Bel Cortile), perte en partie compensée par la construction – peut-être quelques temps auparavant – d’une nouvelle salle de réception dans le bras sud du péristyle (fig. 81). L’organisation spatiale de la Casa de Bel Cortile est assez atypique. Il n’y a pas de fauces, on entre directement dans un vestibule (5). Le pseudo-tablinum (10) est minuscule et ouvre directement sur une petite cour qui prend la place de l’atrium (3) et fait office de cage d’escalier. La pièce la plus monumentale est la 4, sans doute une salle de réception, tandis que la pièce 2, également décorée avec soin, pourrait être un plus petit espace de réception ouvrant sur l’atrium.
Fig. 81. Plan de la partie nord de l’insula V entre les deux séismes (62 – c. 70/75). D’après N. Monteix 2010, fig. 175.
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LA PARTIE SEPTENTRIONALE DE L’ÎLOT L’évolution architecturale de cet édifice étant intrinsèquement liée à celle de la Casa del Bicentenario, nous en avons déjà traité précédemment. Je ne reviendrai donc ici que de manière brève sur les principales étapes des transformations successivement mises en œuvre sur le bâti et sur leur répercussion sur le programme ornemental. 1. Phase 1 du posticum : époque augustéenne – début époque julio-claudienne 2. Phase 2 du posticum : entre époque julio-claudienne et vers 70 • L’étage est construit au-dessus du posticum et un bel escalier maçonné est aménagé dans la cour. Il dessert les pièces de l’étage par une galerie en L, unique à Herculanum, aménagée sur les côtés nord et ouest de la cour centrale. • Lors de cette même phase, la façade est refaite en opus reticulatum A et l’entrée du posticum déplacée pour se situer dans l’axe de la pièce 3.84 • Le décor de la pièce 2, d’époque claudienne (IIIe style), est réalisé. 3. Phase 3 du posticum : entre les deux séismes (de 62 à 70/75). Campagne de décor IVe style par le propriétaire de la Casa del Bicentenario (pièce 4, 6, 8, 9). 4. Transformation en habitation indépendante : vers 70/75. Reprise des décors dans les pièces 3, 5, 10. Phase 1 : époque augustéenne (IIe style) Plusieurs espaces portent les traces d’un décor assez ancien, qui relève d’un type d’enduit que l’on qualifie de « IIe style schématique ».85 D’après son caractère stylistique, il fut réalisé dès la première phase de construction et de décoration de l’édifice, à l’époque augustéenne. On remarque notamment que la pièce 6 conservait intégralement ce décor très simple d’imitation d’appareil architectural à assises de blocs isodomes disposés en quinconce au-dessus d’une rangée d’orthostates (fig. 82). Dans les pièces 5 et 2, en revanche, ce décor de IIe style avait été piqueté et recouvert d’un enduit plus récent. On constate la similitude entre le décor de IIe style schématique de ces trois espaces et celui de la pièce 2 de la Casa del Bicentenario, qui présente un décor assez semblable d’appareil architectural souligné de lignes rouges sur fond blanc (fig. 82). Chronologiquement, il apparaît donc indubitable que les décors originels de ces trois pièces (2, 5 et 6) doivent être rattachés au programme ornemental de la Casa del Bicentenario, sans doute dans ses premières phases.
A cette première phase ornementale de l’édifice sont également attribuables les pavements de quelques espaces secondaires, qui ne furent pas repris lors de la grande campagne de réfection des sols qui a suivi le séisme de 62. Le premier est un pavement de mortier à inclusions lithiques (cocciopesto) attesté dans la cuisine (pièce 1). Les deux autres se trouvent sur le sol des petits passages (11 et 12) de part et d’autre du pseudo-tablinum. En 11 se trouve une mosaïque de tesselles blanches à semis de tesselles noires en quinconce, de IIe style.86 En 12 est conservé un sol assez grossier de béton à inclusion lithique, qui évoque celui de la cuisine (pièce 1). Si l’on comprend bien la conservation du sol du passage 11, due à sa cohérence esthétique avec les pavements plus tardifs, il est plus difficile, sinon peut-être pour des raisons économiques, d’expliquer le maintien du sol de l’espace 12.87 Phase 2 : époque julio-claudienne (IIIe style) La pièce 2 Si le décor de l’entrée (pièce 5) peut avoir été appliqué dans les dernières années d’existence de la maison, celui de la pièce 2 appartenait, quant à lui, à une phase intermédiaire. Cet espace dont l’entrée se situait face à celle de la pièce 4, de l’autre côté de la cour, est souvent interprété comme un triclinium (que ce soit dans la phase “Casa del Bicentenario” comme dans sa phase “Casa del Bel Cortile”) bien que de nombreuses incertitudes subsistent quant à son usage et sa fonction. Le décor qui ornait les murs de cette pièce au moment de l’éruption est typologiquement cohérent avec les enduits peints de IIIe style d’époque claudienne (fig. 83). La zone inférieure est à fond noir à compartiments étroits bordés de vert. La zone médiane est articulée autour d’un édicule central très plat sur fond blanc bordé d’une épaisse bande rouge cernée d’un galon brodé. La bande est encadrée verticalement de deux colonnettes supportant un entablement bi-dimensionnel, traversé d’une bordure ornementale jaune (des fleurs de lotus alternativement ouvertes et fermées). Au-dessus de l’édicule, une guirlande retombe en évoquant un fronton au sommet duquel est suspendu un tympanon décoré de rubans. L’architecture centrale est reliée à des pavillons latéraux qui sont constitués de deux panneaux très plats. Deux bordures ornementales se croisent au-dessus des panneaux. Au sommet est posé un fuseau donnant naissance à deux brins, puis viennent, de part et d’autre, deux candélabres surmontés d’une Victoire. Enfin, en zone haute, se trouvent deux panneaux rouges dont les extrémités sont surmontées de vignettes sur fond blanc.
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2.1
Casa del Bel Cortile, pièce 2.
Casa del Bicentenario, pièce 2. < Fig. 82. Plan de répartition des décors IIe style conservés dans la Casa del Bicentenario et la Casa del Bel Cortile. Clichés : M.-L. Maraval.
Casa del Bel Cortile, pièce 5.
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Casa del Bel Cortile, pièce 6.
LA PARTIE SEPTENTRIONALE DE L’ÎLOT Presque tous les sols de la Casa del Bel Cortile furent refaits pendant cette phase – à l’exception de celui de la cuisine et des passages 11 et 12 – et demeurèrent in situ jusqu’en 79. Ces pavements sont assez homogènes puisqu’il s’agit de mosaïques blanches à motifs et bordure périmétrale noirs. Ces mosaïques furent réalisées en même temps que celle de la Casa del Bicentenario avec lesquelles elles présentent une étroite parenté stylistique et ornementale.88 La mosaïque noire et blanche de l’espace 11 fut conservée car son style et sa facture étaient esthétiquement en parfait accord avec les nouveaux sols.
Fig. 83. Casa del Bel Cortile, pièce 2, au rez-de-chaussée et pièces 14 et 15, au premier étage. Cliché M.-L. Maraval, 2012.
Les pièces 14 et 15 de l’étage Juste au-dessus de la pièce 2, deux petites pièces, aménagées et décorées à l’occasion de la création de l’étage à l’époque julio-claudienne, conservent leur décor d’origine (fig. 83). Il s’agit d’un décor – simple mais fort soigné – de IIIe style à fond blanc. Le sol de ces pièces est détruit, n’a pas été restitué et l’enduit peint est uniquement visible sur la paroi nord, dans laquelle on devine aussi l’empreinte de l’ancienne cloison en opus craticium qui séparait les deux pièces. A gauche, le décor de la pièce 14 reste très lisible. Le socle, très bas est blanc moucheté de rouge. Il est séparé de la zone médiane par une épaisse bande rouge. La zone médiane s’articule en trois panneaux ornés de simples bordures portant au centre des vignettes avec un cygne en vol tenant un ruban dans le bec et des natures mortes en vignette. Les panneaux sont séparés par d’étroits compartiments à candélabres métalliques qui se prolongent dans la zone supérieure. Ce dernier – très bas à cause de la hauteur réduite de la pièce – est orné de panneaux à guirlandes suspendues entre lesquelles pendent des situlae et des rhytons. Phase 3 : post 62 Après le séisme de 62, le propriétaire de la Casa del Bicentenario entreprit une campagne de réfection des décors, en IVe style, qui concerna aussi une partie des pièces du posticum.
La pièce 4 La pièce 4 – un vaste espace de réception (5,5 x 10 m soit 55 m2) – nous est connue pour son dernier état décoratif. Ce décor IVe style fut réalisé juste après 62, à un moment où la pièce était toujours un salon d’apparat de la Casa del Bicentenario (fig. 84 et 85). Le décor en avait été conservé par les occupants de la Casa del Bel Cortile. On observe de manière très nette, dans la paroi orientale, la porte obstruée qui permettait d’accéder initialement au péristyle de la Casa del Bicentenario. Les habitants de la Casa del Bel Cortile ne s’étaient pas souciés de recouvrir d’enduit peint, en accord avec le reste du décor de la paroi, cette porte obstruée pour la dissimuler, comme cela se fait généralement.89 Cette ancienne ouverture formant une sorte d’alcôve dans la paroi, on peut imaginer plusieurs dispositifs d’aménagement permettant à la fois d’exploiter cet espace et de camoufler l’appareil de construction, comme des étagères, une armoire, éventuellement une tenture. Les murs offrent un décor de IVe style architectural, sobre mais élégant, organisé autour d’un édicule central sur les parois est et ouest et présentant une alternance entre panneaux ornés de figures volantes (des Amours) et d’échappées architecturales. La zone médiane est scandée de panneaux jaunes (partiellement virés au rouge sous l’effet de la chaleur) encadrés de bordures ajourées rouges et séparés par des échappées architecturales, certaines traversées de hautes palmes. Le décor des panneaux ne présentait pas de tableaux, mais, pour certains, étaient animés d’Amours volants. La figure la mieux conservée, sur la paroi nord, à gauche de la porte, représente Psyché plutôt qu’Amour. Le type iconographique, qui évoque celui des statues en ronde bosse connues sous le nom de “Grandes” ou “Petites Herculanaises”,90 avec le bras droit enveloppée dans la palla, permet d’y identifier une représentation féminine. Lors du second séisme (70/75), la pièce 4 qui s’ouvrait alors sur le péristyle de la Casa del Bicen-
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2.1
Fig. 84. Casa del Bel Cortile, pièce 4, paroi nord, partie supérieure de la zone médiane. La figure volante est une Psyché. Clichés M.-L. Maraval, 2012.
Fig. 85. Casa del Bel Cortile, pièce 4. Photo archive H. Eristov.
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tenario fut très endommagée, à l’instar de toute la partie sud de la demeure. On observe alors l’effondrement, et la reconstruction, du mur sud de cette pièce. Ce mur étant mitoyen avec l’atrium de la Casa di Nettuno ed Anfitrite, on peut dater de cette période la réfection de l’une et l’autre pièce. Le propriétaire de la fraîchement indépendante Casa del Bel Cortile avait donc fait le choix de conserver l’ancien décor de la plus vaste pièce de sa demeure. Or, l’étude globale des décors en contexte nous révèle que ce choix n’était pas isolé : il avait conservé la plupart des décors mis en œuvre au moment où cet édifice n’était encore que le posticum de la Casa di Bicentenario. Les pièces 8 et 9 Dans l’aile ouest de la maison se succédaient trois petites pièces desservies par un long couloir (7) qui aboutissait vers des latrines tout au fond de la maison (13). Ces trois espaces étaient simplement séparés les uns des autres par des parois d’opus craticium. Ils étaient ornés très simplement : le premier (6), dont nous avons déjà parlé,
LA PARTIE SEPTENTRIONALE DE L’ÎLOT
Fig. 86. « Bétyle ailé », Casa del Bel Cortile, pièce 8. Cliché M.-L. Maraval.
matières, la sobriété iconographique et le symbolisme plutôt que la profusion des images mythologiques. Ce « bétyle ailé » pourrait dériver, schématiquement, d’un motif attesté dans le décor peint de la Domus Aurea et notamment dans le cryptoportique 92, où il est posé sur des tableautins en zone haute (fig. 88).92 De fait, la comparaison avec les peintures des espaces de services du palais de Néron mérite toute notre attention, car elles ont ancré l’esthétique des décors à fond blanc compartimentés par les compositions architectoniques et animées de petites figures zoomorphes et hybrides (les « grotesques ») peintes dans des camaieux d’ocre rouge. Ces peintures ornant les secteurs secondaires de la Domus Aurea ont peutêtre eu une influence sur la peinture herculanénne, aussi bien pour ce qui concerne la syntaxe ornementale que le vocabulaire décoratif :
Fig. 87. « Bétyle ailé », Casa dell’Apollo Citaredo, fauces. Cliché M.-L. Maraval.
avait conservé le décor IIe style de la première phase de l’édifice. Les deux autres (8 et 9) avaient été redécorés plus récemment, en IVe style, dans le style des décors à fonds blancs typiques des « Nebenzimmer ». Leur composition et leur répertoire ornemental appartiennent au même registre que des décors réalisés de manière contemporaine dans des édifices mitoyens de l’insula, Casa dell’Apollo Citaredo, Casa del Bicentenario (pièce 10), Casa di Nettuno ed Anfitrite (pièce 2). Outre le motif de l’aigle, dont il a déjà été question,91 on retrouve un motif typiquement herculanéen, un motif, que l’on pourrait désigner, faute de terminologie exacte, sous l’appellation : « bétyle ailé » (cf fig. 86 et 87). Présent en divers endroits du site (Casa dell’ Alcova, pièce 24 ; Casa dei Cervi, vestibule et portique), le « bétyle ailé » est surtout présent dans l’insula V et doit correspondre à une innovation iconographique d’un atelier actif après le séisme de 62. Ce motif répond à l’esthétique très particulière des décors de cette cité, où priment l’amour du vide, le goût des monochromes et des belles
Fig. 88. Domus Aurea, cryptoportique 92. D’après Iacopi 1999, fig. 95.
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2.1
Fig. 90. Casa del Bel Cortile, couloir 16 (étage), paroi ouest. Cliché M.-L. Maraval, 2011.
Fig. 89. Casa del Bel Cortile. Restitution du décor du mur est de la pièce 3 contre lequel s’appuie l’escalier. Dessin H. Eristov.
cohérent avec celui de la cour (fig. 90 et 91). Sur la paroi ouest, l’enduit peint est encore assez bien conservé et on distingue nettement, dans l’échappée de droite, un paysage au bétyle, dont on ne peut que deviner la présence sur la paroi contre laquelle est adossé l’escalier.
tableautins de paysages sur fond bleu, encadrés d’une bande rouge bordeaux, oiseaux en vol (aux ailes déployées ou bien de profil) ichtyocentaures passant, encadrés dans des compartiments à fond blanc. Quelques motifs qui animent les peintures du cryptoportique 92 de la Domus Aurea trouvent des parallèles très nets dans les décors peints d’Herculanum. Phase 4 : décors réalisés après la transformation du posticum en habitation indépendante Le décor de la cour-cage d’escalier (espace 3) Cet espace présente un des rares exemples d’escalier maçonné attesté à Herculanum. Cet escalier a été aménagé dans la phase “post-augustéenne” de la Casa del Bicentenario, avant le séisme de 62, pour conduire à des pièces construites à l’étage.93 Au moment de l’éruption, le décor de cet espace était en cours de réalisation comme l’indique la pontata (journée de travail) située au niveau de la bande de transition entre la zone supérieure – achevée – et la zone médiane – non entamée (bien visible sur la restitution d’Hélène Eristov, fig. 89). L’inachèvement du décor laisse apparente la trace de la porte obstruée qui reliait, dans une phase plus ancienne, cet espace au péristyle de la Casa del Bicentenario. Le couloir de dégagement situé autour du palier, en haut de l’escalier, présentait un décor
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Fig. 91. Casa del Bel Cortile, pièce 3, mur est, avec la trace de la porte murée. A droite, en haut de l’escalier. Cliché Th. Dietsch, 2011.
LA PARTIE SEPTENTRIONALE DE L’ÎLOT
Fig. 92. Plan de la partie nord de l’insula V à l’époque julio-claudienne (D’après Monteix 2010, fig. 174).
La pièce 10 (pseudo-tablinum) Le petit espace qualifié de « pseudo-tablinum » fut probablement aménagé lors de la réfection de la façade (phase 2) et du décalage de la porte d’entrée dans l’axe de la cour (3). Afin de simuler l’organisation axiale canonique des habitations traditionnelles, le propriétaire fit édifier deux murs transversaux, de part et d’autre de l’entrée de la cour. Le petit espace ainsi délimité occupe ainsi la place du tablinum dans le plan canonique de la domus italique (fig. 92). Le décor de ce pseudo-tablinum, qui faisait partie, avec la cour et l’entrée, du programme de rénovation du nouvel occupant, était achevé au moment de l’éruption, mais il est très mal conservé aujourd’hui. On distingue au-dessus d’un soubassement ocre rouge une zone médiane peinte de panneaux jaunes encadrés d’une bordure ajourée et ornés de tableautins, totalement détruits, en leur centre.
La pièce 5 (entrée) Après piquetage des anciens enduits de IIe style, cet espace avait reçu lui aussi, peu avant l’éruption, un nouveau décor. Le IVe style flavien est caractérisé par la présence de gros candélabres torsadés et la partition orthogonale à bordures ajourées. Dans les compartiments latéraux à bordures vertes sont inscrits des dauphins. La zone haute présente un système à compartiments sur fond blanc, rythmé par des candélabres torsadés avec médaillon sommital. Autrement dit, un tour d’horizon du rez-dechaussée révèle qu’une partie seulement des décors de la maison avaient été refaits par le nouvel occupant. Cette partie concerne l’entrée (5), la cour (3) et le “tablinum” (10), c’est-à-dire toute la zone d’accueil de la maison. Si le propriétaire avait prévu de redécorer d’autres pièces de la maison par la suite, nous ne le saurons jamais.94 Quoi qu’il en soit, des travaux de peinture de la
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2.1 cour étaient engagés et non achevés, comme l’indiquent les limites de l’enduit sur le mur est. Ce décor assez grandiose de IVe style architectural, attesté dans les premiers espaces accessibles au visiteur, fut donc le seul commandité par le nouvel occupant, au rez-de-chaussée.95
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NOTES
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Le « decumanus maximus » doit désormais retrouver son appelation simple de decumanus, puisque le decumanus maximus est probablement situé plus au nord comme le démontre A. Allroggen-Bedel : Allroggen-Bedel 2010, 364-366. On le désigne plus sûrement sous le nom de decumanus superior, ou decumanus nord. Sur le plan “canonique “ de la maison à atrium : Jolivet 2011, 35-66. Monteix 2010, 322. Sur la datation augustéenne de la construction de la Casa del Bicentenario : Maiuri 1958, 223 et Pagano 2000, 72-73. Contra (datation julio-claudienne) : De Vos 1982, 288. Dernière entrée dans le GSE le 20 mai 1939. A. Maiuri donne comme dates novembre 1937-mai 1938 (Maiuri 1958). Deux équipes de fouilleurs travaillaient simultanément et opérait également dans la Casa del Bel Cortile et la Casa dell’Apollo Citaredo. Lire à ce sujet les commentaire de N. Monteix qui précise que l’une des deux équipes était financée par des fonds privés (Banca d’Italia) : Monteix 2020, 151. Monteix 2010, 393. Définition de posticum : supra note 47, p. 46. Rappelons que l’usage de l’opus reticulatum B à Herculanum est considéré comme un mode de construction caractéristique de l’’époque augustéenne, sur la base des travaux de Pagano sur la datation de la Palestre, de l’Insula Orientalis II : Pagano 1993, 598-599 ; Pagano 1996, 243. Guidobaldi et al. 2014, cat n° 279, 280 et 293. Esposito 2014, note 1112, 156. Rainer et al. 2017. Sur les résultats du programme de conservation-restauration mené par le Getty Conservation Institute dans la Casa del Bicentenario, assortis d’une étude documentaire sur cette domus voir : Court, Rainer 2020. Sur le statut de ce type d’image et le transfert (ainsi que l’interprétation) du répertoire de la statuaire dans la peinture murale romaine, lire les travaux d’E. Moormann (Moormann 1986 et Moormann 2008). Pour la datation néronienne : Esposito 2014, 154-156, et note 1112 sur la datation du pavement, également d’époque néronienne, qui vient confirmer, selon lui, la datation des peintures. Maquinay 2018 : Casa dei Postumii (VIII, 4, 49), 235, fig. 59. Lire sa synthèse sur ce point 246 à 251. Deux exemples parmi tant d’autres à Pompéi : tablinum de la Casa di Cerere (I, 9, 13) ; tablinum de la Casa di Giuseppe II (VIII, 2, 39). Notons aussi un exemple à Herculanum, dans la Casa Sannitica. Dans cet exemple toutefois, la construction d’un muret séparant la pièce de l’atrium ne se double pas d’une ouverture avec le péristyle, du moins dans la phase finale. Mais on peut supposer que c’était le cas quand la Casa Sannitica possédait encore son péristyle, au début du Ier siècle. Monteix 2010, 251. En revanche, à Pompéi, la chronologie de cet appareil de construction est plus discutée, certains proposant de la faire remonter au début du Ier siècle.
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Andrews 2006, vol. 2, 241. Même constatation chez N. Monteix : Monteix 2010, 327. Strocka 1975 ; voir aussi même si le corpus s’appuie sur des décors plus tardifs : Liedtke 2003. Ehrhardt 2012, 55-64. Esposito 2014, 63. Guidobaldi et al. 2014, n°274-278 ; 281-292 ; illustrations 592-593. Guidobaldi et al. 2014, n°269-270. Monteix 2010, fig. 179, 329. Toutefois, ce laraire pourrait être un sanctuaire de cuisine et l’on connaît de nombreux cas, notamment à Pompéi, de la coexistence de ce type de laraire avec le laraire principal, dans une unité d’habitation : Van Andringa 2009, 217-244 ; Huet, Wyler 2015, 197-200. Les sources soulignent toutefois les difficultés juridiques liées à la transformation d’un cenaculum en pièces d’habitation (et réciproquement), notamment en cas d’usufruit (Ulpien, Ad Sabinum, 18) : voir Dubouloz 2011, 171-172 et 599-600 pour le texte d’Ulpien. Il souligne que « la location d’habitations n’est admissible, dans le cadre du respect de la qualitas de la domus, que dans des espaces ayant une entrée indépendante ou dans une pièce périphérique, par rapport aux appartements du pater familias ». Or c’est bien le cas pour l’appartement nord de la Casa del Bicentenario, puisque l’escalier fut toujours placé dans une pièce donnant sur la rue (la pièce 2, puis la taberna V, 14). Gury 2006. Boyce 1937; Van Andringa 2009. GSE, 15 mars 1938. Coffre en bois : GSE, 16 mars 1938 ; lampe en bronze : inv. E 1955 ; 2,1 kg d’orge : inv. E 1895, GSE, 17 mars 1938. Van Andringa 2009, 230-244. De Vos 1981 (Casa de L. Elvius Severus, Casa del Cenacolo). Casa dei Vettii, Casa dell’Ara Massima, Casa di Iulius Polybius. Voir, par exemple, à Pompéi, dans la Casa di Trebio Valente (III 2, 1), l’ala m (Strocka 1975, fig. 82), ou dans la Casa dei Vettii (VI 15, 1), le cubiculum k (Strocka 1975, fig. 93). Esposito 2014, 191. Ehrhardt 2012, 143-163. Tout comme le second étage, qui se trouvait au-dessus, et dont il sera question infra, p.192. Maiuri 1958, fig. 184. Andrews 2006, vol. II, fig. 50. Camodeca 2017, 46-47. GSE, 23 mars 1938 : « cucina del piano superiore di una casa posta a nord di Poseidone », c’est-à-dire au nord de la « Casa di Nettuno e Anfitrite ». Pour N. Monteix bien que les dégâts causés par le second séisme dans cette partie de l’insula V aient été assez faibles, ils n’ont pas empêché d’importants remaniements (Monteix 2010, 329). Je me demande en réalité s’il faut voir une relation de cause à effet entre le séisme des années 70/75 et le démembrement de la maison. En effet, certains indices laissent penser que ces cessions ont été au moins en partie anticipées dans la phase 62-70/75, entre les deux séismes donc, notamment par la construction d’un nouvel espace de réception dans le péristyle de la Casa del Bicentenario ; ce qui laisse supposer que le propriétaire prévoyait déjà de se priver de son espace de réception du posticum. Monteix 2010, 330. Sur ce décor : Eristov 1994, cat. n° 98.
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Andrews 2006. Pour le doublement des murs : Monteix 2010, fig. 180. La qualité du décor en V, 17-18 avait étonné A. Maiuri, qui avait alors supposé qu’on y vendait des produits haut de gamme ou qu’on y exerçait une activité professionnelle plus prestigieuse que la vente (Maiuri 1958, 238). De fait, à Herculanum, sauf quelques cas, les architectures illusionnistes n’ont pas la préférence. Esposito 2014, 162, pl. 73. Voir la restitution isométrique des deux appartements superposés dans Monteix 2010, fig. 30, reproduite supra fig.52. Monteix 2010, 83-87 et 235. Laken 2003, fig. 15. Voir également sur ce type de décor « minimaliste » caractéristique des espaces de services et serviles : Joshel 2013 et Rauws 2015. Maiuri 1938. Dépôt Archéologique d’Herculanum, inv n°149336 (Précédemment : SAP 77872) ; Dimensions : Ht. 96 cm; L. 89 cm. Eristov 1994 : édicule type 1.2.1.1., 78, fig. 52, 79. Benefiel 2018, 211. Solin 2012, 98-99. Sur les graffitis en contexte domestique à Pompéi : Benefiel 2014. Voir également sur la question et notamment sur les graffitis d’alphabets grecs et latins et leur emplacement dans la maison : Lohmann 2018, 138-139. Casa del Labirinto, CIL IV, 1422. Andrews 2006, vol. II, 239. Andrews 2006, fig. 50. Maiuri 1938. MANN inv. 149336. Pagano, Prisciandaro 2006, 232. Le début des fouilles fut conduit par la même entreprise privée que celle qui s’est occupée de la Casa del Bel Cortile. Les fouilleurs ont pénétré dans la Casa dell’ Apollo Citaredo en passant par la partie ouest de l’étage de la Casa del Bicentenario. L’équipe d’A. Maiuri a ensuite pris le relais. Le dégagement de cette maison a été rapide et les entrées dans les journaux de fouille sont très succinctes : Andrews 2006, vol. 2, 214 ; Monteix 2020, 151. On distingue encore les traces d’une porte de communcation murée entre cette maison et la Casa del Bel Cortile, dans la paroi sud de la pièce 5. Johannowsky 1982, 148 ; De Kind 2005, 222-223, fig. 1-4. Johannowsky 1982, 148. De Kind 2005, 222-223, fig. 1 et 4. Monteix 2010, 228, note 19. Andrews 2006, vol. 2, 215. Leur plan évoque notamment celui de la Casa del Fauno à Pompéi, avec les deux maisons à atrium accolées. Mais il existe encore d’autres exemples pompéiens, comme la Casa della Fontana Piccola (VI, 8, 23). Dickmann 1999 ; Lemaire, Robert 2014 Sur ce seuil de mosaïque lire Guidobaldi et al. 2014, cat. 273c et pl.XLI. Guidobaldi et al. 2014, 302. Andrews 2006, 217; 218. Cf. Saliou sur les réfections dans un mur mitoyen : Saliou 1994, 66-70. Pour la chronologie des différentes phases de ce pavement, voir Guidobaldi et al. 2014, 302. Le tableau de la paroi nord a été détruit lors de l’ouverture d’une porte de communication vers la pièce 7 dans la paroi est. Andrews 2006, 218. Dans son ouvrage sur les peintures d’Herculanum, D. Esposito – qui considère que la Casa dell’ Apollo Citaredo
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constituait « l’atrium secondaire » de la Casa del Bicentenario – parle d’une même « hiérarchie fonctionnelle » dans les programmes ornementaux des deux maisons : Esposito 2014, 63. Monteix 2010, 332. Plus vague sur la chronologie de l’édification de l’étage : Andrews 2006, 219. Tout comme les boutiques V, 13 ; V, 16 et V, 17-18. Monteix 2010, 324 Les pièces 9 et 10 (arrière-boutique de V, 10) sont redécorées deux fois. Deux couches sont visibles sur le mur sud de la pièce 9 (enduit piqueté sur le mur sud de la pièce 9) et le mur est de la partie sud de la taberna. GdS, 14 septembre 1838. Inv n°. 1949. Sur les conservations de denrées à Herculanum (et Pompéi) voir Monteix 2008, qui mentionne notamment ce « grenier » de V, 9-10. A propos de cette réparation lire les remarques de F. Sirano : Camardo, Sirano 2020. Voir infra fig.121. En matière en réfection a minima, les choix opérés sont parfois déconcertants. Ainsi, à Pompéi, dans la maison VII 2, 44-46 l’enduit peint de la paroi ouest des fauces porte une réparation bien visible en soubassement, réalisée après 62. Au lieu de la bordure à méandre du décor initial, la peintre exécuta une bordure ajourée en demi-cercle. Voir PPM VI, 747, fig.7 et 750, fig.11. Années de fouille : 1933-1934 (une partie de la façade) puis 1937-1939 d’après le GSE. Voir le colloque de Boscoreale “Archäeologie und sismologie” : Fröhlich, Jacobelli 1995. Sur la définition de posticum voir supra note 47, p. 46. Monteix 2010, 325. Sur le IIe style simple (dit aussi schématique) on se référera à l’ouvrage suivant : Heinrich 2002, 49-53 (« Linear-Schematische Wände »). Guidobaldi et al. 2014, 295-296. Ehrhardt 2012, 27-50 : à propos de la conservation partielle d’anciens décors à côté de nouveaux enduits, qui étaient soit laissés unis, soit peints dans un nouveau style qui ne s’harmonisait pas avec l’ancien. Pour W. Ehrhardt, de tels choix se justifient pour des raisons économiques. Guidobaldi et al. 2014, planches LXX à LXXVI. Les exemples sont légion ; dans le secteur et à peu près à la même époque, citons le cas dans la Casa del Bicentenario de la porte qui permettait d’accéder à la pièce 20 depuis l’atrium 19. Sur ce type iconographique et sa diffusion à l’époque impériale, voir Trimble 2011. Supra p. 89-90. Iacopi 1999 ; Dardenay 2014. Cf. Monteix 2010, fig. 174. Cela pourrait peut-être expliquer que la porte de la pièce 4 n’ait pas été masquée, même provisoirement. A l’étage, les décors des deux chambres situées au-dessus de la pièce 2 correspondent vraisemblablement à la phase 62-70/75 du décor (Monteix 2010, 325-326 et note 65) ; quant au reste de l’étage, il est possible qu’il ne se soit développé qu’après 70/75, quand la maison devient indépendante (Monteix 2010, note 65 et Andrews 2006, vol.II, 208-210).
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2.2 La partie centrale de l’îlot
Dans la partie centrale de l’insula, les tracés du parcellaire n’ont presque pas changé depuis la fondation de l’îlot jusqu’en 79. Le recours à la désignation des habitations, selon la nomenclature usuelle pour la phase finale du site, ne pose donc aucun problème de prise en compte de la chronologie de l’îlot. LA CASA DI NETTUNO ED ANFITRITE (V, 6-7) L’évolution architecturale et décorative de cette maison a été affectée, elle aussi, quoique dans une moindre mesure, par celle du parcellaire de la partie nord-ouest de l’insula et les différentes phases de construction de la Casa del Bicentenario (pl. 9). C’est du moins ainsi que l’on peut interpréter l’empiètement manifeste opéré par les limites sud des case del Bicentenario et del Bel Cortile sur la parcelle originellement dévolue à l’édifice construit sur l’emplacement V, 6-7. (cf fig. 21 et fig. 196). L’édifice construit à l’époque augustéenne – dont le plan persista jusqu’en 79 (fig. 93) – était donc édifié sur une parcelle légèrement moins large dans le sens nord/sud que l’édifice originel.1 Rien n’empêche de penser que ce dernier présentait un plan de maison à atrium canonique, avec des pièces ouvrant au nord et au sud sur l’atrium, contrairement à l’édifice de la phase finale (dit Casa di Nettuno ed Anfitrite), qui ne présentait des pièces que sur le côté sud. Mais ce type de plan n’est pas rare dans la dernière phase d’Herculanum, au contraire. Dans la seule insula V, c’est la solution planimétrique adoptée pour les trois maisons construites au sud de cette dernière2 ainsi que celle construite à l’est.3 Des fouilles furent conduites dans cette maison sous la direction d’A. Maiuri entre novembre
1932 et mai 1934. Les journaux de fouilles (GSE) disponibles pour cette période délivrent un compte rendu assez précis des dégagements réalisés dans cette maison et des découvertes qui y furent faites. Des disparités peuvent toutefois être constatées selon les journées de travail ou les pièces fouillées, le lieu de découverte de certains objets, notamment, étant parfois assez vaguement indiqué.4 Lors de ces fouilles, les équipes d’A. Maiuri purent constater les dégâts commis dans la maison par les tunnels creusés sur ordre des Bourbons au XVIIIe siècle. Les GSE indiquent ainsi la destruction par un tunnel d’une grande partie du mur nord de la boutique (13), de l’escalier de la pièce 11 adjacente et du secteur sudouest de l’étage. Des dégâts furent également constatés dans le tablinum, où une partie du pavement d’opus sectile polychrome et des décors pariétaux manquaient, tout comme sur le mur est du nymphée (8). Deux tunnels condamnés étaient également observables dans le mur entre les pièces 5 et 6.5 Les dégradations occasionnées par les tunnels du XVIIIe siècle ont considérablement compliqué les fouilles de Maiuri, les équipes étant contraintes de consolider voire de reconstruire et de restaurer au fur et à mesure du dégagement. Un des tunnels a permis aux ouvriers du XVIIIe siècle de passer de la pièce 2 de la Casa dell’Atrio Corinzio6 (explorée en janvier-février 1746) au nymphée 8 de la Casa di Nettuno ed Anfitrite par le mur mitoyen et, de là, à la pièce 7 (explorée en mars 1746). La Casa di Nettuno ed Anfitrite, telle qu’elle se présentait en 79 était donc le dernier état d’un édifice construit ex novo entre la fin du règne d’Auguste et le séisme de 62,7 sur un emplacement entièrement dégagé des structures préexistantes8 (fig. 93). Cette maison fut apparemment
Fig. 93. Plans de la Casa di Nettuno ed Anfitrite en 79, rez-de-chaussée à gauche, étage à droite, ANR VESUVIA©.
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2.2 épargnée à l’occasion des destructions que subit Herculanum en 62, mais connut d’assez importants dégâts dans la zone de l’atrium durant le « second séisme » qui se produisit à une date incertaine entre 70 et 75.9 En effet, l’effondrement du mur sud de la pièce 4 de la Casa del Bel Cortile (V, 8) a provoqué la destruction du mur nord, adjacent, de l’atrium de la Casa di Nettuno ed Anfitrite et sans doute d’une importante partie du compluvium. Il est même possible que les dégâts aient été plus importants, car la reconstruction fut associée à une phase de redécoration d’une partie, au moins, du rez-de-chaussée. La grande cohérence qui définit les décors de l’atrium (10), du tablinum (3) et du cubiculum (4), en particulier, apporte une unité profonde au programme décoratif de cette maison, entièrement ornée de peintures appartenant au IVe style pompéien.10 Entre sa construction à l’époque augustéenne et son état final, la maison a connu quelques modifications de son plan, mais pas de transformation majeure. Elle disposait d’une surface au sol de 197 m2, et de deux appartements à l’étage : l’un - situé dans la partie ouest de la maison (pièces 14-22), donnant sur la rue et pourvu d’une extension en encorbellement - occupait environ 70 m2 et un second, aménagé au-dessus du tablinum (pièces 23-24) ne couvrait que 16 m2 environ (pl. 9). La Casa di Nettuno ed Anfitrite était une
maison à atrium de taille moyenne.11 L’étage de la maison fait partie intégrante de son plan initial et fut construit en même temps que le rez-de-chaussée, ce qui renforce l’impression d’unité architecturale procurée par l’édifice. La maison fit donc l’objet d’une campagne unique de construction, dans la première moitié du Ier siècle, puis d’une campagne de restauration quelques années avant l’éruption. Une inscription peinte déchiffrée sur la paroi ouest de l’atrium laisse d’ailleurs supposer que le décor de cet espace n’était pas entièrement achevé en 79. En effet, l’étude des GSE a permis de relocaliser dans l’atrium de la Casa di Nettuno ed Anfitrite la mention d’une inscription peinte mentionnant la couleur « purpura » à appliquer sous le tableau à sujet mythologique du mur ouest.12 Les décors peints de la Casa di Nettuno ed Anfitrite ont fait l’objet de plusieurs campagnes de restitutions infographiques dans la cadre du programme « ANR VESUVIA ».13 Certaines de ces infographies sont reproduites dans les pages qui suivent. Les traces du premier programme décoratif de la demeure (IIIe style final) En dépit des ambitieux travaux de redécoration de l’édifice, mis en œuvre durant les dernières années
Fig. 94. Casa di Nettuno ed Anfitrite, taberna 13, mur est. Vestige du décor IIIe style. Cliché M.-L. Maraval (2015).
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LA PARTIE CENTRALE DE L’ÎLOT d’occupation du site, quelques traces subsistent d’un ancien programme ornemental de troisième style final, sans doute d’époque claudienne comme on le verra, visible au moins dans deux espaces : la boutique (13) et le triclinium (7).14 Le vestige le plus significatif, par ses dimensions et son état de conservation, est celui conservé dans la partie haute du mur du commerce alimentaire en façade (taberna V, 6). Il était dissimulé par la mezzanine et seulement apparent au-dessus du plancher de cette dernière (fig. 94). Le reste de la boutique avait été repeint, mais on avait négligé cette partie, peut-être parce qu’elle n’était pas visible pour les visiteurs. Ce décor correspond à un état initial de l’organisation de la maison, quand cette pièce était un espace habitable et non une boutique. La pièce, en elle-même, présente un cas intéressant en ce qui concerne aussi bien l’histoire antique de la maison que les choix de restauration modernes. Le mur oriental, derrière la mezzanine15 et au-dessus de son plancher, comporte les restes d’un décor préexistant, antérieur au séisme de 62 et à la restructuration de la pièce. Son organisation générale peut être restituée grâce à ces vestiges complétés par ceux du mur sud (fig. 95). La paroi à fond blanc comporte une zone basse, sans décor visible, délimitée par une bande rouge à 0,74 m du sol. En zone médiane, deux panneaux latéraux (larges de 1,28 m) encadrés de bandes et de filets rouges et ornés d’un cygne en vol (conservé à droite du mur sud) flanquent un panneau central à couronnement en bâtière et en forme de haut édicule large de 1,76 m ; ses deux colonnes portent un entablement divisé en caissons de couleurs alternées et un fronton à volutes en acrotères qui dépasse largement la hauteur des panneaux latéraux. En zone supérieure, un rhyton (conservé à gauche du mur est) est suspendu entre deux fines guirlandes accrochées, vers l’édicule, à la volute du fronton. À première vue, il s’agit d’un schéma de IIIe style à haut édicule16 ; un exemple similaire, quoique plus raffiné, se trouve dans le triclinium de la Casa del Sacello di Legno (V, 31) (fig. 132). En réalité, l’exécution rapide, la réduction des couleurs (même compte tenu de l’usure du décor), l’emploi de motifs tels que le cygne en vol sur les panneaux médians ou le rhyton suspendu en zone supérieure, font pencher plutôt vers une phase de transition entre IIIe et IVe style, sans doute dans les années 40. La restitution de ce décor fait surgir interrogations et observations. En premier lieu, dans l’état actuel de l’architecture, la limite inférieure des trous d’encastrement des poutres se situe à 2,86 m
Fig. 95. Casa di Nettuno ed Anfitrite, taberna 13, mur est. De gauche à droite : état avant 62 ; état après 62 ; reconstruction par A. Maiuri. Infographie : H. Eristov/M.-L. Maraval, ANR VESUVIA©.
du sol, tandis que la hauteur maximale du décor jusqu’au faîte du fronton est de 2,87 m, non comprise la hauteur d’un petit acrotère sommital dont on aperçoit l’amorce. Comme d’autre part les deux guirlandes latérales sont incomplètes, il faut que le prolongement de leur courbe jusqu’à leur point d’accroche se situe 0,10 m à 0,20 m plus haut, soit une hauteur totale restituée du décor à environ 3 m ou 3,10 m. Par ailleurs, les vestiges conservés sur le mur est attestent bien la hauteur de la zone basse et celle de la bande horizontale qui couronne les panneaux médians, de sorte que l’hypothèse d’une erreur de repositionnement des plaques peintes lors de la restauration ne peut suffire à résoudre le problème. On est donc amené à supposer que lors de la restructuration de la
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2.2 pièce en boutique, le plancher de l’étage a pu être abaissé, ce qui offrait une meilleure hauteur pour les pièces de l’étage ; ou bien que la large épaisseur du plancher en béton restauré à l’étage ait entraîné la disparition de la partie supérieure du décor. Malheureusement, l’état actuel de l’étude architecturale ne permet pas de trancher entre ces deux hypothèses. Seule la restitution du décor témoigne du manque de congruence entre la hauteur de celui-ci et celle de la pièce. Par ailleurs, il y a bien eu un repositionnement moderne du décor du mur est, mais il s’est opéré dans le sens d’une translation latérale. En effet, l’édicule est, aujourd’hui, décentré vers la gauche. Une telle disposition s’expliquerait dans le cas d’une pièce nettement plus longue que large et structurée, au moins en ce qui concerne son décor, en antichambre et pièce proprement dite. Or le premier état de cet espace comportait une porte donnant sur l’atrium et ouvrant à l’angle nord ; s’il y avait eu un effet d’« antichambre », il ne pouvait donc se trouver que de ce côté, impliquant donc que l’édicule soit décentré vers le sud. Pour corriger cette aberration, il faut déplacer l’édicule et ses deux panneaux latéraux au centre de la paroi, ce qui laisse, entre la limite extérieure de ceux-ci et les angles du mur une largeur résiduelle de 0,54 m. Selon ces hypothèses, les séquences de l’évolution du décor non seulement dans l’Antiquité, mais aussi à l’époque moderne seraient donc les suivantes : 1. la pièce fermée sur la rue, haute de 3,00 à 3,10 m, ouvre dans l’atrium et reçoit son décor. 2. après 62,17 la pièce est isolée de l’atrium, la porte est murée, une autre porte ouverte vers l’escalier desservant les étages (pièce 11), la façade est ouverte pour transformer la pièce en boutique. Une mezzanine y est installée, elle dissimule le décor.18 3. Lors des fouilles, A. Maiuri fait restaurer la boutique et déplace les enduits pour centrer l’édicule peint en fonction de la mezzanine.
Fig. 96. Casa di Nettuno ed Anfitrite, pièce 7, vestige de décor IIIe style. Cliché P. Mora (2014).
mitale d’un panneau latéral de zone haute. Ce panneau rouge bordeaux présente une limite supérieure de forme incurvée, à bordure ajourée blanche, avec effet de draperie suspendue. Au-dessus est peinte une bordure ornementale à fond blanc, scandée de motifs ornementaux évoquant des fleurs de lotus alternativement dressées et renversées. Cette bande ornementale est caractéristique des décors de III e style, tout comme la limite incurvée du panneau latéral. Un décor stylistiquement cohérent avec celui-ci, et sans doute contemporain, est toujours visible dans la salle de réception (6) de la Casa del Tramezzo di Legno (III, 4-12), cf fig. 97. En zone haute, à l’extrémité des parois, se trouve un effet de draperie suspendue à une corniche ornementale tout à fait similaire à celle observée dans la pièce 7 de la Casa di Nettuno ed Anfitrite.
L’état actuel de la maison et de son étage sur la rue – en raison des choix de restauration qui ont été faits pour rendre visibles quelques pièces de l’étage – empêchent de valider ces hypothèses. Un autre fragment de décor du premier programme ornemental de la maison est visible dans le triclinium 7 (fig. 96). Sur le mur nord, à l’extrémité est, un fragment d’enduit altéré par l’éruption de 79 a révélé, sous l’enduit IVe style, une partie du décor III e style qui ornait la pièce à l’origine. Le petit fragment de décor apparent sous la corniche de couronnement montre la partie som-
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Fig. 97. Casa del Tramezzo di Legno (III, 4-12), pièce 6. Décor IIIe style. Cliché Th. Dietsch (2014).
LA PARTIE CENTRALE DE L’ÎLOT
Fig. 98. Casa di Nettuno ed Anfitrite. Photo d’archive, 1934, l’espace 8 en cours de fouille. Le mur entre cet espace et la pièce 2 de la Casa dell’Atrio Corinzio était effondré sur toute la partie supérieure (Cliché Archivio Fotografico Pompei E/C 277).
Enfin, dans la partie arrière de la maison, le premier état du décor du nymphée-triclinium (8) a été reconstitué par M. Notomista et D. Camardo dans un article sur le phasage architectural de cet espace.19 D. Camardo et M. Notomista ont entrepris l’étude des états précédents du décor de cet espace, lors de travaux de restauration du nymphée. Dans le plan initial de la maison, cet espace était un hortus, accessible depuis le couloir (9), mais aussi depuis le triclinium (7), par une porte située à l’endroit où se trouve aujourd’hui la baie. On bénéficiait déjà, alors, depuis la porte d’entrée, d’une vue sur le jardin grâce à la fenêtre ouverte dans le mur sud du tablinum (3), qui a été maintenue dans les phases suivantes. Dans cet hortus, ne se trouvaient pas les structures maçonnées – banquettes autour d’une fontaine et nymphée contre le mur nord – qui furent aménagée seulement après 62. C’est l’étude de la portion de mur et de sol de ce premier état, conservés derrière le réservoir du nymphée, qui permet de parvenir à ces conclusions. Trois phases ont été mises en évidence par les auteurs, selon une chronologie relative, mais sans éléments de datation précis puisqu’aucun sondage ne semble avoir été effectué. A l’origine, le sol du jardin se trouvait 25 cm plus bas et les quatre parois étaient ornées d’un décor de jardin, partiellement conservé avec quelques modifications sur le murs est et ouest, pour l’état final du décor. Dans une deuxième phase, une structure fut aménagée contre le mur nord, partiellement conservée aujourd’hui der-
rière le réservoir du nymphée, dans l’angle nordest. Il s’agit apparemment d’une petite structure en pierre dont la face supérieure est inclinée et revêtue de marbre. On ignore sa fonction. Dans une troisième phase, difficile à dater sans mener de fouille stratigraphique, un réservoir d’eau associé à une sorte de nymphée orné d’un décor de mosaïque et coquillages a été construit contre le mur nord, dissimulant et détruisant partiellement l’ancienne structure de pierre. Durant la même phase, le triclinium d’été maçonné et recouvert de marbre a été construit au centre de cet espace. Au centre des trois banquettes, un jet d’eau jaillissait d’une colonnette et coulait sur la plaque de marbre centrale. La peinture de jardin fut conservée sur les mur ouest et est, mais dans le mur est, dans l’axe de la fenêtre du tablinum, on inséra une mosaïque pariétale figurant Neptune et une divinité féminine, Amphitrite ou plutôt Vénus20 (fig. 99). D. Camardo et M. Notomista se sont attachés à restituer l’état originel du décor de jardin, sur les murs nord, est et ouest, à partir des parties préservées sur les murs est et ouest, et de celle dissimulée derrière le réservoir du nymphée.21 Ils ne précisent pas vraiment la date de sa réalisation, qui semble osciller entre le IIIe style final et le IVe style.22 La grande campagne de restauration des décors en IVe style A la suite des dégâts engendrés dans cette domus par un séisme survenu au début des années 70, le propriétaire de la maison entreprit une restauration générale des décors peints de la plupart des pièces du rez-de-chaussée. Le choix d’un pro-
Fig. 99. Casa di Nettuno ed Anfitrite, espace 8, mosaïque pariétale du mur est. Cliché Th. Dietsch (2012).
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2.2 gramme ornemental homogène et cohérent fut opéré pour le noyau central de la domus, et notamment dans l’atrium, le tablinum et la pièce 4 adjacente, qui présentent un même décor de IVe style scénographique d’époque flavienne. Ainsi qu’on l’a signalé un peu plus haut, cette campagne de redécoration fut réalisée très peu de temps avant l’éruption, puisque le décor de l’atrium n’était pas encore totalement achevé. Ceci apparaît, en effet, confirmé par la mention de l’inscription « purpura » (CIL IV, 10480), indiquée comme peinte au-dessus d’un cadre à sujet mythologique disposé dans la partie supérieure de la paroi occidentale. Cette inscription laisse ainsi supposer que la décoration était en voie d’achèvement, seule la bordure des cadres (exécutés après la réalisation du reste de la paroi ?) devant encore être mise en couleur. L’atrium (espace 10) L’atrium 10 (8,87 x 7,20 m) est décrit, par A. Maiuri, comme « la più fastosa e scenografica decorazione d’atrio (…) dovuta ad un artista di grande richezza coloristica, di sicura bravura, di ardimento e di fantasia inventiva, di un artista, infine specializzatosi, potremmo anche dire, nel genere della pittura architetturale barocca, e non alieno, come accade invece nei correnti decoratori della casa ercolanese, dall’inserire soggetti figurati e figures isolate e motivi animalistici nel campo della decorazione architettonica. »23 L’enthousiasme de cette description ne peut que faire regretter non seulement la quasi-disparition du décor, mais encore l’absence de documentation graphique ou photographique. Dans son état actuel, il n’en reste que des lambeaux, la plupart situés en zone basse, quelquesuns en zone médiane sur les murs nord et sud. En ce qui concerne la zone supérieure, il n’en subsiste qu’un fragment sur le tiers droit du mur est ; sur le cliché de 1935 publié par A. Maiuri, une grande plaque d’enduit adhérait encore sur le mur est, au-dessus de la porte de la pièce 424 (fig. 100) ; elle a aujourd’hui disparu sans qu’un relevé ou une photographie de détail en ait été pris ; sur le même mur, une autre plaque surmontait les portes donnant sur l’andron et sur le triclinium 7 : seul un lambeau est encore partiellement lisible ; la même photographie montre, à l’extrémité gauche du mur sud, un auvent qui protège une grande plaque en zone haute, disparue elle aussi. Dans cet espace, il ne semble pas y avoir eu de prélèvements à l’époque des Bourbons. Pour la zone basse, la séquence est conservée sur le mur nord ; la partition décorative fait alterner de grands panneaux rouge bordeaux et des panneaux ocre jaune plus étroits à comprendre comme de gros piédestaux. Entre eux, les panneaux rouges
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portent un animal ou un monstre sur une ligne de sol. Le bas de la zone médiane, conservé également, permet de reconstruire le schéma décoratif : des échappées architecturales claires séparent des champs noirs, celui du centre en forme d’édicule. En effet, en zone médiane, un lambeau très délavé au centre du mur sud a pu être décrypté : il s’agit du sommet d’un édicule dont l’entablement cintré surmonte une série de solives en perspective. Immédiatement en-dessous, il subsiste le haut d’un tableau à fond bleu-vert et de son cadre. Lors de la restauration par les équipes d’A. Maiuri, ces deux fragments (en réalité non jointifs) ont été assemblés et il faut les dissocier pour recentrer le tableau à l’intérieur du panneau noir. La donnée d’archives essentielle concerne la photographie prise en 1935 de la zone supérieure haute de 3 m et aujourd’hui complètement perdue (fig. 100). Après quelques manipulations techniques, ce cliché en noir et blanc a révélé l’essentiel du dispositif décoratif. La clé en est donnée par les quelques marches d’un escalier en haut duquel se distinguent des pieds. De part et d’autre, une succession de plans clairs et sombres atteste la présence de membres architecturaux dessinant un dispositif scénographique animé de figures. Des inconnues subsistent, notamment l’aspect du centre de la zone qui a donc été laissé vide dans la restitution réalisée par H. Eristov et M.-L. Maraval dans le cadre du programme VESUVIA, ainsi que la couleur des architectures (fig. 101). Concernant le décor du laraire, les GSE signalent, à la date du 20 avril 1933, la présence de nombreux fragments de marbre qui jonchaient le sol dans l’angle nord-ouest de l’atrium, et qui sont attribués d’emblée à l’ornement de l’autel domestique. Nous avons retenu l’hypothèse, la base du massif présentant elle-même des éléments de placages de marbre. Nous avons retenu l’évocation d’un laraire entièrement recouvert de marbre, bien que les parallèles soient rares25 et qu’il offre un luxe un peu extravagant, surtout quand on considère la grossièreté du pavement. Mais nous avons pu montrer que le décor peint de l’atrium était en cours de réfection et que le laraire – placé devant les nouvelles peintures - devait être neuf26 : ces rénovations témoignent d’une période de prospérité pour le dominus. Les deux pinakes de marbre découverts dans l’atrium en 1933 constituent eux aussi un élément de décor luxueux de cet espace. Dans les GSE, ils sont signalés à la date du 20 avril, comme ayant été découverts à proximité de l’autel et A. Maiuri, dans son ouvrage de 1958, proposait de les restituer comme ornement du laraire.27 La proposition s’est imposée depuis lors et ces deux plaques de
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Fig. 100. Casa di Nettuno ed Anfitrite, atrium. A gauche, clichés pris en 1935 (publié dans Maiuri 1958, fig. 332), à droite, clichés pris en 2015 par M.-L. Maraval.
marbres figurées sont toujours mentionnées dans les publications comme des vestiges du décor du laraire de la Casa di Nettuno ed Anfitrite. Le problème est que cela constituerait un hapax, jamais des tableaux peints sur marbre ne sont attestés
comme décor de laraire. Il existe de nombreux exemples de décors figurés dans le cas des autels domestiques, mais ils sont alors peints sur le mortier du mur du fond ou de part et d’autre.28 Il est vrai, toutefois, que les découvertes de
Fig. 101. Casa di Nettuno ed Anfitrite, atrium, vue vers l’est. Restitution infographique insérée dans un modèle 3D (ANR VESUVIA©/ infographie : M.-L. Maraval/H. Eristov/ 3D : Archéovision).
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2.2 pinakes de marbre sont très rares et donc leur place dans l’ornatus de la maison romaine reste très mal connue à ce jour. En revanche, ils se rapprochent beaucoup, matériellement, du corpus des petits reliefs de marbre néo-attiques, très à la mode au début de l’époque impériale, et qui s’inséraient dans les murs peints des décors de IIe style tardif, de IIIe ou de IVe styles pompéiens.29 Pour ce type de décor figuré, rapporté dans une paroi, les exemples abondent en revanche, aussi bien dans la littérature ancienne30 que dans les découvertes archéologiques qui permettent de comprendre comment ces petits reliefs de marbre étaient fixés dans le mur.31 Dès lors, faute de parallèle archéologique et de réponse satisfaisante à la relocalisation des deux pinakes de marbre de l’atrium de la Casa di Nettuno ed Anfitrite – qui mesuraient entre 40 et 50 cm de côté32 – la question de leur localisation dans l’ornatus de la domus demeure à ce jour non résolue. Le tablinum (espace 3) Cet espace, de très petites dimensions (2,62 x 2,47 m), est largement ouvert sur l’atrium à l’ouest et sur le nymphée-triclinium, à l’est, par une baie. Il a conservé le tiers inférieur de son décor sur le mur nord ainsi que la zone basse du mur sud. Quoique très sali et endommagé, le système est lisible. Au-dessus du soubassement rouge articulé par de gros piédestaux ocre jaune, la zone médiane comporte des échappées architecturales peuplées d’un personnage en haut d’un escalier et un champ central en forme de tenture incurvée à fond bleu. Celle-ci porte un tableau d’environ 62 cm de côté dont les photographies des années 70 révèlent plus clairement qu’aujourd’hui les détails des figures. La position d’une figure masculine assise auprès d’une figure féminine tenant un vase laisse identifier Narcisse à la fontaine. L’iconographie, originale par rapport aux autres exemples campaniens connus, montre Narcisse de trois-quarts gauche, appuyé sur un rocher, la personnification de la source assise un peu plus haut derrière lui. Il ne semble pas y avoir un espace suffisant pour Echo et rien ne subsiste d’un Amour. Le parallèle le plus proche serait la formule iconographique provenant peut-être de la Casa dei Dioscuri.33 Les figures des échappées présentent un cas documentaire intéressant. L’une d’elles, provenant du mur sud, a été prélevée et donnée au roi de France en 1825 ; conservée au Louvre34 et fortement retouchée, elle a fait l’objet d’une restauration en 2012.35 En 1804, le dessinateur Elie-Honoré Montagny l’avait documentée assez fidèlement.36 Ces données ajoutées aux vestiges de la figure en pendant sur le mur nord, plus
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lisible dans les années 70, permettent de restituer cette figure masculine d’aspect dionysiaque, couronnée de feuillages, en chiton court, portant un rameau et un petit vase. La restitution des trois murs du tablinum est assurée pour la zone basse et la zone médiane (fig. 102). La hauteur donnée à l’édicule central (1,35 m) résulte des dimensions du tableau ; quant aux échappées, elles semblent dessinées sur le même modèle que celles de la pièce 4, ce qui nous amène à suggérer un second niveau architectural très simple. En revanche, la zone supérieure est totalement inconnue, de sorte que l’on ne propose qu’une zone unie, éventuellement rouge, comme dans l’atrium. La pièce 4 Dans cette petite pièce presque carrée, le décor des quatre murs est identique, ce qui permet de compléter les zones manquantes. L’état actuel, très dégradé, est complété par des clichés anciens. Les vestiges d’enduits en place fournissent tous les éléments nécessaires à la restitution de la structure décorative (fig. 103). En zone inférieure, un panneau central rouge bordeaux est encadré de deux massifs piédestaux ocre jaune. En zone médiane, la structure tripartite reprend celle de la zone inférieure. De part et d’autre du champ central ocre jaune, des échappées architecturales à fond blanc prennent appui sur les piédestaux de la zone basse et abritent une figure qui apparaît derrière une barrière. Des clichés des années 1970 documentent les détails architecturaux aujourd’hui disparus. En revanche, l’aspect de l’édicule central étant inconnu, la restitution proposée reste parfaitement neutre. Une autre incertitude touche la présence de tableaux ou de figures au centre des murs nord, sud et ouest. Sur le mur oriental, cependant, l’espace disponible sous la fenêtre a permis d’insérer une vignette à peu près disparue aujourd’hui, une petite figure de nymphe semi-couchée, qui était encore identifiable en 1972. La zone supérieure à fond blanc, également tripartite, s’organise autour d’un édicule frontal. De part et d’autre, les motifs décoratifs associent un griffon et un Amour en vol, aujourd’hui à peine discernables. Dans les tiers latéraux, une bordure horizontale très effacée sert de support à un oiseau et un paon. La restitution de l’ensemble de ces éléments se fonde d’une part, sur la reprise symétrique des éléments conservés et d’autre part, sur la correspondance dimensionnelle avec les subdivisions de la zone basse. L’apport des rares archives et des fragments prélevés au XVIIIe siècle enrichit quelque peu ce cadre général. Deux fragments ont pu être repérés grâce à leurs pendants in situ : ce sont le paon et l’oiseau trouvés
LA PARTIE CENTRALE DE L’ÎLOT
Fig. 102. Casa di Nettuno ed Anfitrite, tablinum, mur nord. A gauche infographie de restitution (H. Eristov et M.-L. Maraval) ; à droite restitution chromatique par M. Mulliez (Archéovision).
le 26 mars 1746 puis réunis sous un même numéro d’inventaire (MANN inv. no 8703). Ils sont restitués en zone supérieure à droite du mur sud. Outre leur meilleure lisibilité, ils permettent de compléter le décor : la bordure ajourée sur laquelle ils sont posés, complètement effacée in situ, a gardé intact son motif de postes qui a donc été rétabli graphiquement sur l’ensemble de la zone supérieure. La redécouverte, dans les réserves du MANN, du panneau n°9113 apporte un complément intéressant : il s’agit d’une figure masculine apparaissant dans une échappée à fond blanc, derrière une barrière. Son attribution à la pièce 4 s’est imposée en raison de la similitude de ce personnage avec les figures féminines des échappées du mur est, elles aussi présentées de telle sorte que le corps n’est visible qu’au-des-
sus des genoux ; de plus, les dimensions et la gamme colorée sont identiques. La présence de ce panneau dans les collections du MANN, alors que nulle mention n’en est faite dans les archives de fouille, incite à la vigilance dans la recherche de peintures prélevées. Enfin, la vision simultanée des décors de la partie centrale du rez-de-chaussée, articulée autour de l’atrium, révèle la mise en œuvre d’un programme ornemental très cohérent et homogène. Le caractère fasteux de ces scénographies peuplées de personnages, et orchestrées dans une horror vacui tout à fait manifeste, rend ces peintures assez atypiques dans le corpus des décors pariétaux d’Herculanum. En revanche, cette esthétique est bien connue à Pompéi, notamment dans des petites habitations dont ce type de décor
Fig. 103. Casa di Nettuno ed Anfitrite, pièce 4, mur nord. De gauche à droite : Orthophoto et infographies de restitution (ANR VESUVIA©/H. Eristov/M.-L. Maraval).
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2.2 scénographique pouvait contribuer – dans l’esprit de certains sans doute – à rehausser le prestige et la grandeur. Les deux appartements de l’étage Les pièces d’habitation situées dans l’étage ouest (14-22) étaient accessibles depuis un escalier à base maçonnée surmonté de marches de bois, installé dans l’espace 11, donnant sur l’atrium, tandis que le petit réduit situé au-dessus du tablinum (23-24) était sans doute accessible, au moins dans la phase finale, par une échelle amovible permettant d’accéder depuis la cour-nymphée (8) à la pièce 23.
Fig. 104. Casa di Nettuno ed Anfitrite. Vue depuis le cardo vers l’appartement ouest. Clichés M.-L. Maraval (2012).
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L’appartement occidental Le plus vaste des deux appartements (70,4 m2) s’étendait le long de la façade ouest avec un retour en L le long du mur sud de l’atrium, au-dessus des pièces 5 et 6 (fig. 104). Il ne se déployait pas au-dessus de la salle de réception 7 qui disposait d’une haute voûte, bloquant ainsi l’extension de l’étage. L’agencement rappelle donc celui de la diaeta de la Casa dell’Apollo Citaredo. En revanche, tout comme cette dernière maison, il disposait d’un maenianum, couvert et sans doute entièrement muré et percé de deux ou trois fenêtres.37 Lors des fouilles puis de la restauration de cette maison, A. Maiuri choisit de proposer une reconstruction axonométrique de la façade, afin de rendre visible aux visiteurs, depuis la rue, l’intérieur d’un appartement d’étage. Sans y accéder directement, on distingue ainsi assez bien les décors de IVe style sophistiqués des pièces 14, 16 et 19. En revanche, il est légitime de s’interroger sur l’authenticité de la planimétrie restituée alors. A. Pierattini, un étudiant en architecture ayant rédigé un manuel de fin d’étude sur les restaurations opérées et opérables à Herculanum, propose un autre plan (fig. 105 à comparer avec fig. 106) : Pour A. Pierattini, le petit espace 15 - qui formait une enclave dans l’espace 14 dans la restauration d’A. Maiuri (se reporter au plan de l’étage, pl .9) - devient une pièce de proportion équivalente à sa voisine, puisqu’une cloison ouest-est sépare l’espace en deux parties à peu près égales. A côté, la vaste salle de réception 16 n’est pas totalement ouverte sur le balcon, mais dispose d’une paroi isolante à l’ouest. Il restitue ensuite le couloir d’accès aux pièces de l’étage, depuis l’escalier (le couloir étant fermé par une porte) ; puis il identifie la cuisine, à l’extrémité sud, dont la fonction est assurée par la présence de la table maçonnée à foyer intégré. Sur le mur sud, au-dessus du banco de la cuisine, était peint un décor de laraire,
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Fig. 105. Casa di Nettuno ed Anfitrite. Plan et coupe de l’étage d’après Pierattini 2009.
aujourd’hui presque effacé, mais visible sur d’anciennes photographies et décrit dans le GSE.38 Il représente deux serpents rampant vers un autel sur lequel sont disposées des offrandes. La scène est encadrée de deux Lares dansant. Assez courant à Pompéi, ce type de décor de laraire est, étrangement, plutôt rare à Herculanum. La cuisine jouxtait de petites latrines (18) aménagées en partie sur le maenianus, et partiellement effondrées. On peut très bien observer, dans la façade, la trace de la canalisation de terre cuite descendant vers la rue. La salle de réception 16, au centre de l’aile ouest de l’étage, était la plus vaste pièce de la maison, juste après la pièce 7 du rez de chaussée, et l’atrium bien entendu. Elle était séparée des espaces 14 et 19 par des cloisons en opus craticium, complètement restaurées sous la direction d’A. Maiuri, puisqu’il avait choisi de faire de cet étage une sorte d’appartement témoin d’Herculanum. Percée dans le mur est, une petite fenêtre apportait de la lumière depuis l’atrium. Mais la pièce devait être très sombre car le balcon était certainement fermé, et on peut le supposer, la pièce isolée de celui-ci par une cloison. Néan-
moins, la riche polychromie des décors IVe style qui ornaient les murs et l’installation de plusieurs lampes à huile pouvaient lui apporter une ambiance chaleureuse. Conservé sur trois murs (nord, est et ouest), le décor pariétal était composé d’un soubassement noir divisé en compartiments ornés alternativement de massifs végétaux et de décors de bandes ornementales. La zone médiane présente une alternance de panneaux rouges et d’échappées architecturales sur fond blanc. Comme dans le décor de la pièce 22, qui fut sans doute exécuté en même temps et par le même atelier, puisque, en effet, des hampes végétalisées horizontales encadrent les panneaux de zone médiane.39 Sur le mur nord, on distingue, dans le panneau central, les traces d’un possible tableau, sans pouvoir se prononcer sur le thème figuré. La zone supérieure était rouge également, ornée d’architectures stylisées et de petits compartiments ornementaux. Le décor des pièces de cet appartement permet de mettre en évidence une nette hiérarchisation des pièces. Ainsi les espaces 16 et 22 étaient les plus richement ornés de l’étage. L’une, au moins, la pièce 16, devait servir de salle de réception, l’autre étant plus probablement une chambre ou un petit salon, étant donné ses proportions. Le décor des pièces 14 et 15 est beaucoup plus simple. En 15, un soubassement noir est scandé en champs par des bandes vertes à filets blancs, délimitant des compartiments à massifs végétaux, situés sous les panneaux de zone médiane.
Fig. 106. Casa di Nettuno ed Anfitrite. Plan et coupe du rez-de-chaussée et de l’appartement occidental. D’après Maiuri 1958, pl. XXXIII.
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2.2 Le reste du décor, très effacé (la zone haute a disparu), montre toutefois une composition très sobre, animée a priori d’animaux en vol, tel ce cerf blanc sur le mur nord. L’étude du bâti et des parois du rez-de chaussée a révélé que cette partie de la maison était fraîchement repeinte, voire en cours de redécoration pour l’atrium,40 dont le décor était inachevé. L’hypothèse que l’on peut formuler est que les pièces de cet appartement à l’étage furent redécorées, elles aussi, seulement quelque temps avant l’éruption. La question des rapports entre le rez-de-chaussée et cet appartement à l’étage reste problématique. Du point de vue architectural, le lien est évident, puisque la communication entre les deux niveaux était facilitée par la présence de l’escalier près de l’atrium. On a vu que cet appartement avait été rendu confortable par la présence d’une cuisine, d’un laraire, de latrines, d’une salle de réception et de plusieurs chambres, redoublant ainsi les installations du rez-de-chaussée. Il était donc possible d’y installer une famille de proches (un fils nouvellement marié par exemple, ou encore la famille d’un fidèle affranchi de la maisonnée). On ne sait malheureusement pas, toutefois, quel choix avait été celui du propriétaire, concernant l’occupation de cet appartement, dans les dernières années du site. L’instrumentum mis au jour dans ces espaces, aussi intéressant soit-il, ne nous y aide pas vraiment. Les fouilleurs signalent la présence d’un coffre de bois carbonisé (1m L x 0,30 m lg x 0,45 m ht) dans la pièce 15, qui contenait diverses pièces de vaisselle de bronze (E 932-935), un candélabre (E 937), une lampe de terre cuite (E 938) ; dans la même pièce, ou dans la pièce voisine 14, furent découverts des morceaux d’amphores, l’une d’elle contenant 13 kg de fèves (E 939) et une autre 0,5 kg d’olives (E 940). La pièce 22 pourrait avoir livré les vestiges d’appliques de bronze pour un lit (E 1031) associés à une lampe de terre cuite et un fragment de vaisselle sigilée.41 De cette partie de l'appartement proviennent aussi un bol en bronze (E 1031) ainsi qu’une monnaie (E 1074 : un as, état médiocre, inscription illisible). En revanche le pied de lit et la table de marbre disposés « scénographiquement » par A. Maiuri dans les pièces 15 et 16 furent découverts ailleurs (dans le triclinium 7 pour le pied de table ; la provenance de la table de marbre n’a pas pu être retrouvée). L’appartement oriental (pièces 23-24) Un plus petit appartement (16,7 m2), accessible dans les dernières années par une échelle depuis le nymphée-triclinium (8), se développait au-dessus des pièces 3 et 4. Quelle qu’ait été la fonction de ce petit appartement, signalons que le stan-
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ding des lieux est notablement inférieur à celui du cenaculum occidental de la maison. L’appartement oriental est composé de deux pièces en enfilade, l’une aménagée au-dessus du tablinum et du couloir 9 (pièce 23 : 3,84 x 2,64 m), l’autre, plus petite, aménagée au-dessus de la pièce 4 (pièce 24 : 2,80 x 2,40 m). Ces deux espaces étaient reliés par une porte ménagée au centre du mur de refend. Un dallage moderne a été reconstruit pour donner un plafond aux pièces situées au rez-de-chaussée, à une hauteur approximative de 3,50 m au-dessus de celles-ci. Le côté oriental de chacune de ces pièces était initialement pourvu d’une large ouverture permettant un accès depuis l'espace 8.42 L’ouverture dans la pièce 24 fut condamnée lors de la phase finale, tandis que celle présente dans le mur est de la pièce 23 a dû rester ouverte, et l’accès à cette pièce se faisait probablement par une échelle amovible placée devant la fenêtre du tablinum. C’est en tous cas l’hypothèse que les fouilleurs avancent dans les GSE.43 Des restes d’enduit sont conservés dans les deux pièces et permettent de déterminer que la pièce 23 était décorée d’un simple enduit blanc, avec une bande rouge séparant le soubassement de la zone médiane, tandis que, dans la pièce 24, un soubassement peint en rouge était séparé de la zone médiane monochrome blanche par une bande horizontale. Il s’agit d’un type de décor que l’on trouve généralement dans les espaces de service (les Nebenzimmer44). Lors des fouilles de 1933 (GSE Avril 1933), on y trouva deux lampes de bronze.45 C’est peut-être dans ces espaces qu’ont été découverts d’autres objets de terre cuite dont la provenance n’est pas très claire46 et un objet de bronze trouvé à l’étage.47 Trois groupes de graffitis furent découverts sur le montant nord de l’ouverture dans la pièce 23.48 Le premier de ces graffitis mentionne une date à laquelle un esclave a reçu du vin de la part de son maître.49 Le deuxième, situé immédiatement sous le premier, correspond à un inventaire de mobilier qui a été noté sur deux colonnes, la première composée de seize lignes et la seconde de trois lignes.50 Le troisième graffiti, hapax parmi les graffitis d’Herculanum et de Pompéi, organisé en six colonnes – dont les quatre premières sont encerclées par un trait continu – de quatre lignes, correspondrait plutôt à un exercice de grammaire.51 Le premier texte, par la mention du dominus renvoie immédiatement à la présence d’esclave(s) dont un(e) a incisé le texte. L’inventaire, loin de pouvoir constituer une liste exhaustive des différents objets de la maison, désigne des activités relativement précises : la gestion de l’eau, de son prélèvement (hama, hamula) à son stockage et son service (aquarium, urceolus, pelvis, guttus, scaphio-
LA PARTIE CENTRALE DE L’ÎLOT
Fig. 107. Plans de la Casa del Mobilio Carbonizzato en 79, rez-de-chaussée à gauche, étage à droite, ANR VESUVIA©.
lum, aeneum) et l’éclairage (candelabrum, lucubratorium, lucerna). Quant au troisième texte, il renverrait à un exercice plutôt mnémotechnique, éventuellement lié à un perfectionnement de la langue, par ailleurs plutôt bien maîtrisée dans les autres textes. D’une manière générale, ces inscriptions tendraient à aider à caractériser ces deux pièces particulièrement difficiles d’accès : elles étaient utilisées par des membres du personnel servile de la maisonnée. LA CASA DEL MOBILIO CARBONIZZATO (V, 5) La Casa del Mobilio Carbonizzato offre un cadre exemplaire pour l’analyse de la coexistence des systèmes décoratifs dans une habitation. Le (ou la) propriétaire des lieux52 a fait procéder à des rénovations ou réfections partielles et successives sans procéder jamais à une rénovation globale et systématique du programme ornemental de la maison, comme ce fut le cas dans la Casa di Nettuno ed Anfitrite, par exemple.53 Il s’agit d’une habitation de taille moyenne, occupant 206 m2 au sol, complétée d’un étage de 120 m2, qui disposait d’un petit jardin (pourvu d’un laraire maçonné) aménagé à l’arrière de la maison, dans l’angle sud-est de la parcelle (fig. 107 et pl. 8). La plupart des maisons de l’insula qui disposaient, dans le lotissement originel, d’un tel jardin, l’avait depuis transformé en pièce d’habitation couverte (par exemple Casa del Sacello di Legno, V, 31) ou à ciel ouvert (nymphée triclinium de la Casa di Nettuno ed Anfitrite). Les fouilles de cette maison furent conduites d’avril 1932 à mars 1933.54 De nombreuses découvertes y furent réalisées, parmi lesquelles il faut signaler le squelette mis au jour dans la pièce 7, une étagère de bois carbonisé contenant de nombreux objets de terre cuite, bronze et verre dans la pièce 3 et des meubles de bois (table et lit) dans la pièce 8. Les GSE signalent également la présence de plusieurs cunicoli d’époque bourbonienne traversant la maison : deux dans les fauces (13), un dans la pièce 1, trois dans le tablinum (4) dont le mur oriental était totalement détruit, et enfin un dernier dans le
mur sud de l’atrium, qui passait ainsi dans la Casa del Telaio voisine. L’étage a livré également du mobilier, comme l’autel votif portatif (E 826) dans la pièce 15, ainsi que de la vaisselle de terre cuite ou de bronze dispersée dans plusieurs pièces (notamment 16 et 18).55 Chronologiquement, les décors peuvent être répartis en quatre groupes : • Décor de IIe style (sol) Les pièces 2 et 2a (= 23)56, qui à l’origine ne formaient qu’une seule pièce, furent séparées par une cloison en opus craticium après le séisme de 62.57 Le pavement in situ dans ces espaces est d’ailleurs contemporain de cette phase. Il s’agit d’un cocciopesto avec inclusion de tesselles blanches formant des motifs géométriques. Ce pavement est datable de la fin de l’époque républicaine et rattaché à la phase stylistique du IIe style par les auteurs du Corpus des mosaïques d’Herculanum.58 • Phase de décor de IIIe style final Les peintures des pièces 2 et 2a (= 23) sont réalisées lors de cette phase. En plus de la composition du pavement, la présence d’un pilastre qui séparait en deux le décor peint de cette pièce, est un témoignage supplémentaire de la phase précédant l’installation de la cloison de partition. Selon E. Moormann, après le séisme de 62, l’enduit de zone inférieure de la pièce 2 est rénové.59 • Phase de transition IIIe-IVe style Les peintures des pièces 5 et 8 sont réalisées lors de cette phase. Quand le propriétaire décide de rénover les enduits peints de la pièce 5 et ceux la pièce 8, il adopte le style contemporain que nous qualifions aujourd’hui de « style transitionnel entre IIIe et IVe style ». • Phase post 62 Plus tard, les dégâts causés par le séisme de 62 obligent à rénover les fauces (13), l’atrium (11) et la pièce 1, toujours en suivant la mode du moment.
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2.2 En revanche, pour le tablinum (4), également endommagé par le séisme, le commanditaire prend une autre décision : il décide de faire restaurer entièrement les peintures en suivant le schéma décoratif in situ.60 Phase 1 (IIe style) A l’origine, le plan de la maison était légèrement différent. La maison fut construite à l’époque samnite, ainsi que l’indiquent les portions de murs en incertum B (partie sud de la façade, mur sud de l’atrium), en incertum B1 (mur sud de la pièce 5, murs sud, est et ouest du jardin 9).61 Au rez-de-chaussée, les pièces autour de l’atrium présentaient une organisation différente : de part et d’autre des fauces devaient être aménagées des pièces de proportions similaires (1 et 2). Lors de la phase suivante, la pièce 2 fut amputée d’1 m (en moyenne62) dans sa partie sud afin d’aménager un escalier (espace 12) et une petite cellule contiguë aux fauces (espace 14). Lors de cette phase originelle, une ala pouvait s’ouvrir au nord de l’atrium (ensuite partitionné en espaces clos). De plus, les pièces 6 et 7 n’existaient pas et furent construites lors de la phase suivante. En revanche, le tablinum (4) et la pièce 5 n’ont sans doute pas ensuite changé d’implantation, non plus que le jardin (9). La question de la planimétrie originelle de l’étage reste plus difficile à définir. Occupait-il, dès l’origine, sa surface définitive (au-dessus de tout le rez-de-chaussée, à l’exception de l’atrium et du jardin) ? Ou bien ne se déployait-il que sur une surface restreinte ? L’étude du bâti ne permet pas vraiment de trancher, car l’étage fut presque complètement reconstruit à l’époque augustéenne (pl. 36). En revanche, le témoignage de portions de murs en opus incertum B1 et B3 dans les pièces 17 (murs nord et sud), 18 (mur ouest) et 22 (mur nord), ne laisse pas de doute sur son aménage-
Fig. 108. Casa del Mobilio Carbonizzato, pièce 2, zone haute en IIIe style. Cliché M.-L. Maraval.
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ment au moment de la construction de la maison, à l’époque samnite, au moins dans la partie nord de l’édifice. Il était alors accessible depuis un escalier aménagé à l’emplacement de l’espace 6. La belle salle à manger à colonnade de l’étage attestée au-dessus des espaces 10, 4 et 5 à partir de la phase suivante - existait-elle déjà à l’origine ? On l’ignore, mais c’est possible, puisque dans la même insula, la Casa Sannitica et la Casa del Sacello di Legno disposaient déjà, à l’époque samnite, d’une salle à manger de ce genre. Et l’implantation de l’escalier en 6, au rez-de-chaussée aurait permis d’y accéder. Phase 2 : entre époque augustéenne et séisme de 62 Plusieurs changements sont notables lors de cette phase, grâce à la mise en évidence des murs bâtis en opus incertum C et en opus vittatum. Les pièces 6 et 7 sont alors construites. C’est également lors de cette phase que l’étage est reconstruit et peutêtre agrandi, ainsi que nous le verrons au chapitre suivant. Enfin, la pièce 2 est amputée de sa partie sud pour aménager les espaces 14 et 12. Ce dernier (12) avait-il déjà vocation à accueillir un second escalier ? L’étude du bâti ne permet pas de le dire. Epoque IIIe style La pièce 2 Il apparaît que le pavement de cette pièce (dans son extension 2-2a) appartient à la fin de l’époque républicaine ou au plus tard, à l’époque augustéenne.63 Dans son extension maximale, cette pièce était un vaste espace de réception dont l’organisation spatiale en deux parties était suggérée, au sol, par le traitement différencié de la trame géométrique du pavement et, sur les parois, par la présence de pilastres peints à la jonction entre œcus (3) et procoeton (2). Lorsque la surface de la pièce 2 est réduite et le mur sud reconstruit en conséquence, le décor est entièrement refait, dans un schéma décoratif cohérent avec le III e style tardif.64 La zone inférieure est à fond noir, structurée en compartiments linéaires. Des panneaux sont traversés en leur milieu par de larges bordures ajourées horizontales. Au-dessus, en zone médiane, on observe un système architectural à édicule central complètement occupé par le tableau, comme dans la maison de Livie, à Rome ; cet édicule empiète très largement sur la zone haute sur toute la largeur de son entablement et se trouve encadré de panneaux latéraux noirs. La zone haute est désormais très abimée et décolorée. On observe le prolongement architectural de la zone médiane sur fond noir. Le centre est occupé par l’entablement de l’édicule central. De chaque
LA PARTIE CENTRALE DE L’ÎLOT côté se trouvent des édicules et de petits tableautins au sommet d’une bande formant colonnette aux extrémités. Toute cette composition, qui met en œuvre des structures assez plates et, en zone supérieure, des architectures à la fois légères et riches d’ornements, porte la marque esthétique du IIIe style (fig. 108). Toutefois, ainsi que l’a remarqué E. Moormann, le motif des figures volantes en milieu de panneau surprend dans ce décor, car il s’agit d’un dispositif qui n’est pas vraiment attesté au IIIe style et serait plutôt caractéristique du IVe style.65 Serait-ce un autre indice de réfection du décor peint à l’identique après les dégats causés par un séisme ? En effet, lors de la rénovation de la maison après le séisme de 62, le soubassement des parois fut repeint à l’identique. Les tableaux qui ornaient les édicules centraux sont totalement effacés. Jusqu’ici, l’enquête dans les archives n’a pas permis d’en identifier le sujet. La pièce 4 (tablinum) Tout comme dans la pièce 2, après les dégâts causés par le séisme de 62, le décor de cette pièce fut restauré en conservant la composition originelle de IIIe style tardif. Ce choix témoigne d’un conservatisme avéré des propriétaires et de leur goût pour ces décors anciens, sans doute perçus comme empreints de dignitas (fig. 109 et fig. 110).
La zone inférieure, très altérée, figurait, sur fond rouge bordeaux, un schéma tripartite avec une série de panneaux ornés de guirlandes et séparés d’étroits compartiments. En zone médiane, la composition s’articule autour d’un édicule central à fond blanc dont l’entablement déborde largement sur la zone supérieure. La composition est sur ce point, assez similaire à celle du décor de la pièce 2, qui lui est contemporain. La réfection dans les dernières années du site concerne les parois nord et sud. Le centre de la composition est occupé d’un édicule encadré d’un couple de colonnes ioniques qui soutiennent un épistyle à fond blanc surmonté d’un tympan violet. L’édicule encadre un panneau à fond blanc sur lequel on voit un candélabre végétal de forme pyramidale, d’où partent les rameaux sur lesquels sont posés des oiseaux. Au-dessus des candélabres se dressent des figures féminines (une figure ailée sur le mur sud et une ménade sur le mur nord). Les panneaux latéraux à fond rouge sont ornés de petits pinakes à fond violet. La zone médiane est terminée en haut par la bande originelle de IIIe style à fond blanc. La zone supérieure conserve des scaenarum frontes de IIIe style. Sur le fond rouge se déploient des architectures grêles encadrant l’entablement de l’édicule central, surmonté d’un pseudo-édicule devant un portique.
Fig. 110. Casa del Mobilio Carbonizzato, pièce 4, mur sud. Cliché d’archive pris en 1932 (Archivio Fotografico Pompei E/C 242). < Fig. 109. Casa del Mobilio Carbonizzato, pièce 4, mur sud. Cliché M.-L. Maraval (2012).
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2.2
Fig. 111. Casa del Mobilio Carbonizzato, pièce 4, emblema central d’opus sectile.
Fig. 112. Casa del Mobilio Carbonizzato, pièce 1, détail de l’emblema central du pavement. Les marbres sont différents, mais tous deux sont composés de 25 carreaux et présentent la même bordure de tesselatum. Epoque claudienne. Clichés N. Monteix.
Le pavement est similaire à celui de la pièce 1 et lui est contemporain (fig. 111 et fig. 112). C’est sans doute le travail d’un même atelier ayant opéré dans la maison au début de l’époque impériale. Il s’agit d’un sol de tesselatum blanc à large bande extérieure noire et filet noir. Au centre a été inséré un panneau d’opus sectile central composé de 25 carrés de marbre de surface égale.
Fig. 113. Casa del Mobilio Carbonizzato, pièce 5, paroi nord. A droite, détail du tableau figurant un Satyre et Hermaphrodite. Archivio Fotografico di Pompei.
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LA PARTIE CENTRALE DE L’ÎLOT Contrairement aux peintures de la pièce 4, les peintures de la pièce 1, peut-être trop abimées par un séisme pour être restaurées, furent entièrement refaites lors de la dernière phase. Epoque claudienne (IIIe-IVe styles) La pièce 5 Cette petite pièce, située au sud du tablinum, disposait d’une large baie ouverte sur le jardin, dans la paroi est. Un autre aménagement notable est l’existence, dans la paroi nord, d’une petite niche à voûte en coquille et fond bleu, dont le plateau se trouve à 120 cm du sol (fig. 113). Le décor, à fond rouge, relève probablement du IVe style initial. E. Moormann - dans son article monographique sur les peintures de cette maison66 - insère les peintures de la pièce 8 et de la pièce 5 dans le IVe style, en précisant que ces décors conservent des éléments typiques du IIIe style, surtout le découpage rigide de la paroi en bandes horizontales qui restent plutôt plates. Les nombreux éléments ornementaux apparaissent, ainsi, comme un héritage du IIIe style. Le soubassement, à fond noir, est aujourd’hui très altéré. La zone médiane, à fond rouge, est organisée autour d’un édicule central encadré d’architectures latérales à trépied. Des bordures ajourées raffinées bicolores – très semblables à celles de la pièce 8 – sont peintes en encadrement de panneaux latéraux. La zone haute, à fond rouge aussi, est peinte d’architectures schématiques type tholos. Au centre des édicules des parois nord et sud se trouvaient des tableaux. Celui de la paroi sud fut soit prélevé au XVIIIe siècle, soit détruit. En revanche, le tableautin de la paroi nord, situé juste à droite de la niche, est conservé. La couche picturale est désormais très altérée. Il était bien conservé au moment de sa découverte, ainsi qu’en témoigne un document d’archive conservé à l’Archivio Fotografico di Pompei (voir fig. 113, à droite). La pièce de réception 8 Ce décor de IIIe style tardif, dans lequel apparaissent des éléments annonçant le IVe style, n’est pas isolé à Herculanum. En se limitant uniquement à l’insula V, il est possible de citer également, à titre de comparaison stylistique la pièce 5 de la Casa del Sacello di Legno et la pièce 1 de la Casa del Gran Portale.67 Ces décors sont-ils les témoins d’une phase de transition ou bien de contamination entre les deux styles ? Il est difficile de trancher, mais signalons tout de même que ces décors semblent relever d’une sphère spécifiquement herculanéenne et de ce qu’A.
Allroggen-Bedel identifie comme une composante du « Localstil » de la petite cité. 68 En revanche, E. Moormann propose de dater les peintures du triclinium 8 du IVe style, tout comme celles de la pièce 5.69 Dans cette pièce, le décor s’inscrit résolument dans les canons de composition du IIIe style par sa séquence fermée et l’absence d’ouvertures en trompe-l’œil (fig. 114). Le découpage en compartiments du soubassement noir se prolonge sur la zone médiane à fond rouge bordeaux. L’encadrement des panneaux est réalisé à l’aide de bordures ajourées et une alternance mise en œuvre avec des candélabres métalliques très fins. Le centre des panneaux est orné de médaillons à paysages architecturaux sur la paroi nord ; quant aux parois ouest et est, elles présentaient des figures volantes inscrites dans les panneaux latéraux et un petit tableautin dans le panneau central (une nature morte sur la paroi ouest, un sujet effacé sur la paroi est). Au sommet de la zone médiane, une bande verte ornée de petits compartiments à animaux fantastiques repose sur une corniche de rais-decœur fictive d’une exécution remarquable (fig. 115). La bande verte était également scandée de consoles, renforçant ainsi l’illusionnisme de cette bande de transition (fig. 116). Enfin, la zone supérieure à fond rouge bordeaux offre une succession de pavillons – encadrant l’image d’un cygne aux ailes déployées – séparés les uns des autres par des thyrses croisés supportant rhyton ou ciste. Ces pavillons sont surmontés de « frontons » - faits de bandes ornementales et donc peu architecturaux - sont posés sur des colonnes à chapiteaux. Ce mélange d’ornements bi-dimensionnels et d’illusionnisme est typique de la peinture d’Herculanum et amène à revoir une distinction nette entre III e et IVe styles. Ce décor aujourd’hui très altéré et difficilement lisible était encore bien conservé dans les années 1980, ainsi qu’en témoigne une ancienne photographie transmise par J.-F. Flécher (fig. 114). Enfin, indiquons que du mobilier fut mis au jour, dans cette pièce, lors des fouilles, en févriermars 1933 : tout d’abord les vestiges d’une table en bois carbonisée, puis un lit de grandes dimensions, qui fut longtemps laissé dans cette pièce, ce qui accéléra sa dégradation. Cette salle à manger ouvrait très largement sur le jardin par trois fenêtres : une large baie centrale et deux ouvertures latérales. Ce dispositif architectural est tout à fait inédit à Herculanum. L’espace 9 : jardin (viridarium) C’est également durant cette phase que le laraire maçonné est construit contre le mur du fond
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2.2
Fig. 116. Casa del Mobilio Carbonizzato, pièce 8, mur nord, détail de la bande verte suggérant la présence de consoles fictives. Cliché N. Monteix (2003). Fig. 114. Casa del Mobilio Carbonizzato, pièce 8. Cliché J.-F. Flécher (1984).
(oriental) du jardin (fig. 117). La peinture de jardin qui était encore visible il y a quelques décennies sur les murs est et sud datait-elle de cette phase ? Le laraire maçonné avait été positionné de telle sorte qu’il était visible depuis la rue, selon un axe perspectif traversant les fauces, l’atrium et la baie du tablinum (fig. 118). Ainsi qu’on le constate sur les photographies d’archives, l’enduit peint qui ornait les murs du jardin était déjà très altéré au moment de la
Fig. 115. Casa del Mobilio Carbonizzato, pièce 8, mur nord, détail de la zone supérieure et haut de la zone médiane, avec la corniche fictive et la bande verte. Cliché N. Monteix (2003).
Fig. 117. Casa del Mobilio Carbonizzato, le sanctuaire domestique maçonné au fond du jardin (9). Photo archive Jashemski (1964).
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LA PARTIE CENTRALE DE L’ÎLOT découverte. Quelques vestiges conservés sur la paroi orientale, derrière le laraire maçonné, montraient toutefois un décor figurant des animaux. Dans sa récente synthèse sur les peintures de jardin, B. Bergmann identifie trois types de thèmes mettant en scène des animaux dans les espaces en plein air des demeures romaines (dont une douzaine à Pompéi) : des venationes ; des animaux se battant et se pourchassant entre eux ; des animaux gambadant en liberté.70 Dans le cas présent, le schéma iconographique général nous échappe mais on peut distinguer, sur les photographies d’archives, à droite du fronton du laraire, un fauve poursuivant un cervidé. Cette image évoque, parmi d’autres représentations de paradeisoi,71 la scène de la Casa de Marcus Lucretius Fronto (Pompéi, V 4, a.11) où un léopard pourchasse une biche.
L’édicule du sanctuaire domestique maçonné contre le mur est se compose d’une base semi-circulaire à fond rouge orangé, sur laquelle reposent deux colonnes lisses mais peintes de lignes verticales blanches sur fond rouge pour donner l’illusion de cannelures. À leur sommet, de petits chapiteaux, aujourd’hui nus mais autrefois pourvus de feuilles d’acanthes en stuc comme en témoignent des restes, soutiennent un entablement et un fronton triangulaire dont la peinture nous est perdue. La niche à coquille est surmontée d’une bordure de motifs végétalisés dont il ne reste qu’une petite partie au centre. La coquille comporte des traces de polychromie et des petits animaux marins comblent les écoinçons de part et d’autre. Un pilastre cannelé blanc est placé à gauche de la niche ; on imagine, du côté droit, son pendant qui n’a pas survécu. Il soutient une corniche blanche en stuc, décorée d’une frise d’arabesques et de guirlandes à festons. Le fond de la niche est orné d’une guirlande en stuc ayant partiellement résisté au temps. Au bas de la niche, un petit podium semi-circulaire délimite une surface plane destinée aux offrandes et aux statuettes. Ce sanctuaire est un exemple unique à Herculanum de laraire maçonné pourvu d’une niche à coquille. En écho, une autre coquille se trouve dans la petite niche aménagée dans le mur nord de la pièce 5 qui ouvrait sur le jardin (fig. 119) : les deux niches étaient donc visibles simultanément de la pièce 5. Les niches à coquille stuquée étant extrêmement rares à Herculanum, leur présence redoublée dans cette maison mérite d’être soulignée. Phase 3 : post 62 (IVe style)
Fig. 118. Casa del Mobilio Carbonizzato, vue du sanctuaire domestique à travers la maison depuis la rue. Cliché A. Dardenay (2011).
Cette maison semble avoir assez considérablement souffert de l’activité sismique des deux dernières décennies du site. La plupart des réfections de cette phase ont été réalisées en opus vittatum mixtum ou en incertum D et sont assez aisément repérables. L’étage notamment, fut rénové une seconde fois, après sa reconstruction presque intégrale au début de l’époque impériale.72 L’autonomie de l’étage par rapport au rez-de-chaussée fut renforcée par l’aménagement d’une cuisine dans l’espace 21. Au rez-de-chaussée, c’est durant cette phase qu’une cloison d’opus craticium fut installée dans la pièce 2 pour la séparer en deux espaces distincts. Un changement d’ampleur est par ailleurs repérable : durant cette phase, une porte de communication fut aménagée entre cette maison et la Casa del Telaio mitoyenne au sud. Une porte fut en effet ouverte à l’extrémité ouest du mur sud du jardin, laquelle n’est aujourd’hui repérable que
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2.2 du côté de la Casa del Telaio. Dans un second temps, à une date qu’il n’est pas possible de fixer précisément, cette porte fut ensuite bloquée (fig. 120). La période de jonction entre les deux habitations fut donc limitée dans le temps. Cette fermeture est probablement liée à des questions de cession immobilière ou de transmission dont un témoignage archéologique laisse supposer qu’elle ne fut pas résolue sans heurts. En effet, les fouilles de ce secteur ont permis de mettre au jour, le 3 février 1931, une plaque de marbre opistographe, mentionnant d’un côté une certaine Iulia, et de l’autre un nommé M. Nonnius M.l.73 (voir fig. 9). Ce type de plaque est rare. On peut imaginer que sa mise en place a pu dépendre de la résolution d’un conflit de propriété.74
Fig. 119. Casa del Mobilio Carbonizzato, pièce 5, mur nord, niche. Cliché M.-L. Maraval (2012).
Fig. 120. Casa del Telaio, espace 13, mur nord, vue de la porte de communication murée, qui ouvrait anciennement vers la Casa del Mobilio Carbonizzato, espace 9. Cliché N. Monteix.
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La pièce 1 Tout comme dans la Casa dell’Atrio Corinzio, une élégante petite pièce de réception avait été aménagée immédiatement à droite des fauces. A l’instar de sa jumelle de la Casa dell’Atrio Corinzio, le sol était orné d’un pavement de mosaïque au centre duquel était inséré un emblema de marbre. Là s’arrête toutefois la comparaison, la mise en œuvre des deux pavements étant assez différente. En effet, le pavement de la pièce 1 de la Casa del Mobilio Carbonizzato est composé d’une mosaïque de tesselles blanches à bordures périphériques noires, au centre de laquelle est insérée un emblema en sectile de carreaux de marbres polychromes agencés en rangées régulières.75 L’ensemble est datable stylistiquement du IIIe style tardif. Quant au pavement de la pièce 1 de la Casa dell’Atrio Corinzio, il présente une composition de tesselatum richement ornée de décors géométriques (peltes, carrés, svastikas) noirs sur fond blanc, typique du IIIe style ; au centre du pavement est insérée une plaque de marbre polychrome. La datation flavienne de ces décors est assurée par l’étude du bâti. En effet, la paroi ouest a été réparée en opus vittatum mixtum, après le séisme de 62. Les enduits peints recouvrant cette maçonnerie, la chronologie des peintures est donc très claire du point de vue archéologique. De plus, des confrontations stylistiques confirment cette datation. En effet, G. Cerulli Irelli estime que l’atelier ou le peintre qui a réalisé les peintures de cette pièce de réception est le même que celui qui est intervenu dans deux prestigieuses maisons du front de mer d’Herculanum : la Casa dell’Atrio a Mosaico et la Casa dei Cervi.76 Elle est suivie par D. Esposito, qui reprend son argumentation.77 La composition des parois est assez claire. La zone inférieure, à fond noir, présente des panneaux et compartiments ornés de touffes de feuillages, encadrant un panneau avec petit sujet cen-
LA PARTIE CENTRALE DE L’ÎLOT tral. La zone médiane, à fond rouge, offre un système architectural à édicule central et panneaux latéraux rouges ornés de tableautins (natures mortes). Sur les parois sud et nord, l’édicule central est une échappée à fond blanc au sommet de laquelle sont suspendues des guirlandes en feston. La zone haute présente un système architectural sur fond blanc à architecture centrale formant une baie (encadrant un arbre) et des édicules latéraux ouvrant sur un fronton en échappée. Des tableautins ornés de natures mortes (indéterminées) sont peints sur les cloisons de ces édicules latéraux. Les fauces (13) et l’atrium (11) L’enduit peint des fauces offre une composition très simple. La zone médiane est ornée de panneaux rouge bordeaux séparés par des candélabres. Au-dessus, une zone supérieure à fond blanc est découpée verticalement en bandes alternant avec des candélabres. Aux candélabres sont fixées des guirlandes en feston. Dans les compartiments intercalaires sont représentés des aigles aux ailes déployées. Le décor de l’atrium est très effacé désormais, mais les quelques traces conservées ainsi que les documents d’archives indiquent qu’il prolongeait celui des fauces, selon un programme ornemental similaire, quoique sans doute plus sophistiqué, notamment en zone haute.78 E. Moormann suggère que ce décor s’inspire des compositions de IIIe style.79 On perçoit donc, de manière générale dans cette habitation, un goût certain des propriétaires pour les décors du début de l’époque impériale. L’étude complète des décors de cette phase, nous aide à appréhender plus finement l’analyse diachronique du bâti et des vicissitudes dues à l’activité sismique sur le territoire d’Herculanum.80 En effet, un épisode sismique intervenu au cours de la dernière décennie du site a altéré les décors qui avaient été refaits après le séisme de 62. Les réparations ont été assez sommaires, ce qui nous permet de les identifier facilement. • Dans les fauces (13), la réfection est visible sur la paroi sud, en zone haute. Suite à l’effondrement d’un pan d’enduit, l’artisan a réparé à l’économie, en laissant la surface blanche. Il a simplement prolongé la bande rouge supérieure, pour suggérer une continuité visuelle. Mais la trame décorative n’a pas été complétée81 (fig. 121). • Dans la pièce 1, une réfection est visible sur la paroi ouest, en zone médiane. Mais cette fois l’artisan a repris la trame décorative originelle de l’échappée afin que la réparation ne soit pas trop visible.
Fig. 121. Casa del Mobilio Carbonizzato, fauces, mur sud, zone haute. La réfection en blanc est visible en haut à gauche sur l’image. Cliché Th. Dietsch (2011).
La Casa del Mobilio Carbonizzato est un cas d’étude exemplaire de la coexistence des modes picturales dans un même programme ornemental, et ce, de manière non accidentelle, mais tout à fait volontaire. Les contaminations entre IIIe et IVe style, tout comme les réfections à l’identique de compositions anciennes, suggèrent qu’une lecture uniquement diachronique et linéaire des styles picturaux n’est pas pertinente. Qu’ils soient le fait des ateliers ou bien plus probablement des commanditaires, les choix esthétiques entraînant la permanence de styles et décors anciens pouvaient être tout à fait délibérés. Dans ce cas, le goût des propriétaires allait vers les décors du début de l’époque impériale, surtout le IIIe style et les ateliers qui travaillèrent pour eux durent en tenir compte. De plus, dans cet édifice qui fut sans doute très impacté par les différents épisodes sismiques subis par la cité, l’analyse des réfections successives conjointement à celle du bâti nous permet d’affiner considérablement la chronologie des modes ornementales herculanéennes. LA CASA DELL’ATRIO CORINZIO, (V, 30) Cette maison est inaccessible depuis décembre 2013, en raison de l’effondrement partiel de la toiture du péristyle. Tous les inventaires in situ et relevés ont donc été réalisés entre 2011 et 2013.82 Cette domus doit son nom à un aménagement original, dérivé de l’« atrium corinthien », installé au cœur de la demeure, qui avait été trans-
123
2.2 formé en jardin dans la phase finale de la maison.83 De fait, cet espace évoque davantage une sorte de petit « péristyle » qu’un atrium traditionnel. Au moment de l’éruption, le rez-dechaussée couvrait une surface au sol de 172 m2, auquel il faut ajouter un étage d’une centaine de mètres carrés (fig. 122 et pl. 26). Du point de vue du lotissement de cette parcelle, la maison actuelle occupe l’emplacement d’une ancienne demeure d’époque samnite, a priori totalement détruite pour être remplacée par un nouvel édifice. Selon l’hypothèse d’A. Maiuri,84 reprise par M.-C. van Binnebeke et R. de Kind, après sa destruction, les remblais de l’ancienne maison d’époque samnite furent laissés in situ, ce qui expliquerait la différence de niveau de sol entre les fauces (11) et la pièce 9, aménagée plus bas que les autres pièces du rez-de-chaussée. Pour accéder à l’atrium et au reste de l’habitation, un escalier de quatre marches, recouvertes de placages de marbre, fut installé à l’extrémité des fauces. Cette surélévation fut-elle volontaire, afin de mettre en valeur, depuis la rue, le très original « atrium corinthien » qui fut construit lors de cette phase ? Il existe, en effet, d’autres cas de surélévation de l’atrium par rapport aux fauces dans les domus d’Herculanum. Ainsi, dans la Casa Sannitica (V, 1-2), pour accéder à l’atrium depuis l’entrée, il fallait franchir une marche. J. Clarke soulignait que ce type de dispositif permettait de contribuer à l’ « ennoblissement » de l’environnement du pater familias, en obligeant, notamment les visiteurs venant pour la salutatio matinale à grimper un degré pour accéder au dominus.85 Cet effet de mise en scène, dans la Casa Sannitica, est rehaussé par le prestige des décors de Ier style, conservés qui plus est, jusque dans la dernière phase du site. Citons également l’exemple de la Casa del Gran Portale, avec son portail monumentalisé et ses deux marches pour accéder à la maison depuis les fauces. Cette maison fut fouillée, à un rythme assez rapide, entre octobre 1933 et mars 1934. Les
opérations furent compliquées par les importantes perturbations qui y avaient été occasionnées par les tunnels creusés par les excavations des Bourbons au XVIIIe siècle. Les GSE indiquent notamment le passage de cunicoli dans les pièces 2 et 5 à 8. C’est d’ailleurs à partir du tunnel de la pièce 2 que les ouvriers du XVIIIe siècle purent passer de la Casa dell’Atrio Corinzio86 (explorée en janvier-février 1746) au nymphée 8 de la Casa di Nettuno ed Anfitrite par le mur mitoyen et, de là, à la pièce 7 (explorée en mars 1746) (fig. 98).87 Quant à l’étage de cette maison, dont les niveaux de sol ne sont pas conservés, et qui est presque totalement détruit aujourd’hui, il est presque certain qu’il fut brutalement endommagé au XVIIIe siècle et sans doute aussi malmené lors des fouilles de 1933-1934. En raison de ces importantes destructions causées lors des excavations du XVIIIe siècle, les équipes d’A. Maiuri durent reconstruire entièrement plusieurs murs au fur et à mesure des fouilles. L’étude du bâti de cette maison est compliquée en raison de ces restaurations, mais aussi de la présence résiduelle des enduits peints sur les murs. Un phasage de la maison fut toutefois opéré d’abord par Th. Ganschow,88 puis par R. De Kind et M.-C. von Binnebeke.89 Trois grandes phases furent ainsi identifiées : • Une phase pré-romaine (samnite) Il ne reste presque rien de cette phase, à part les limites du lotissement originel, qui furent conservées par la suite. Le niveau de sol des fauces (11) et de la cuisine (9) correspondent sans doute à celui de cette phase. • Une phase tardo-républicaine Durant cette phase, l’édifice originel fut rasé, et ses remblais conservés sur place, surélevant ainsi le niveau de sol de toute l’habitation à l’exception des fauces et de la cuisine. La chronologie de cette phase est fondée sur l’emploi de l’opus incertum C, ainsi que des colonnes de tuf (recouvertes d’enduit) dans « l’atrium corinthien »90 et de la typologie des pavements en
Fig. 122. Plans de la Casa dell’Atrio Corinzio en 79, rez-de-chaussée à gauche, étage à droite, ANR VESUVIA©.
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LA PARTIE CENTRALE DE L’ÎLOT cocciopesto, dans l’ « atrium » et les pièces 3 et 4.91 C’est également lors de cette phase que fut construit l’étage (en opus incertum C). La question de son extension au-dessus du trottoir demeure ouverte. Les piliers de briques installés en bordure de trottoir, devant cette façade, auraient pu permettre de prolonger l’étage. Toutefois, dans la mesure où de telles colonnes de briques sont aménagées tout le long du cardo V, jusqu’à son extrémité nord, elles pouvaient aussi avoir pour fonction de soutenir un portique abritant le trottoir. • Une phase post 62 Après le séisme de 62 et les réparations qu’il suscita,92 la maison fut entièrement redécorée en IVe style (tout comme la Casa di Nettuno ed Anfitrite, qui lui est mitoyenne à l’ouest).93 Il semble que peu de modifications de la planimétrie de cette domus aient été mis en œuvre depuis sa construction à l’époque tardo-républicaine. Cependant, l’étude du bâti est rendue délicate par les nombreuses rénovations opérées lors des fouilles. Le plan de cette habitation ne correspond pas aux standards de la maison à atrium : dès sa conception initiale, en effet, une seule rangée de pièces était aménagée le long de l’atrium. Mais ce type de plan n’est pas isolé à Herculanum, ainsi que l’a montré Th. Ganschow.94 Ce qui a véritablement bouleversé la physionomie de cette habitation, c’est la transformation de l’atrium corinthien en petit péristyle. Lors de la construction du dernier édifice, cet espace était articulé autour d’un impluvium, et bordé d’un portique soutenu au centre par six colonnes de tuf, qui lui valurent ce nom d’« atrium corinthien ». En revanche, dans la dernière phase de l’édifice, l’impluvium fut détruit et l’espace central aménagé en petit jardin autour d’une fontaine cruciforme, à la manière d’un péristyle hellénistique. Il s’agissait donc, finalement, d’un espace hybride et tout à fait atypique. Signalons toutefois que dans la dernière phase du site d’Herculanum, le péristyle avait tendance à supplanter l’atrium comme espace central d’articulation de l’habitat et de distribution des pièces. C’est notamment très clair dans la planimétrie des demeures des élites : la Casa dei Cervi bien entendu,95 mais surtout la Casa dell’Atrio a Mosaico,96 la Casa d’Argo et la Casa del Rilievo di Telefo.97 Le propriétaire de la Casa dell’Atrio Corinzio ne fait donc qu’imiter ces riches habitations, en s’inspirant de leur plan et de leur organisation. Par ailleurs, il n’existe pas de tablinum dans le prolongement de ce petit péristyle : cette absence rompt également avec la planimétrie républicaine
traditionnelle de la domus ; de plus, la pièce située au fond de la maison - où l’on aurait attendu un tablinum - est une salle de réception (2), ce qui renforce le statut de péristyle de l’espace portiqué. Il est difficile d’établir les dimensions et les limites exactes de l’étage, construit en même temps que le rez-de-chaussée, à l’époque tardo-républicaine (fig. 122). Il était accessible depuis un escalier maçonné situé dans l’espace 9, à proximité des installations de la cuisine. Rien ne subsiste des sols, mais on suppose que le cenaculum pouvait occuper un plateau en L, s’étendant au-dessus des pièces 1 à 9 à l’est et 3 à 9 au sud. En revanche, il ne pouvait se développer ni au-dessus de l’atrium, ni au-dessus de la pièce 2 dont le plafond présentait une haute voûte. J. Andrews estime sa surface totale à 104 m2 environ.98 Quelques portions de murs sont toutefois conservées dans l’angle sud-ouest de l’édifice : les parois sud des espaces situés au-dessus des pièces 4 et 5, ainsi que les parois ouest des espaces situés au-dessus des pièces 3 et 4. Des vestiges d’enduits rouges subsistent sur ces murs. La mise en œuvre des enduits de la partie ouest de l’étage nous indique, par ailleurs, que l’espace au-dessus des pièces 3 et 4 pouvait ne former qu’une seule pièce. Le phasage des revêtements de sol D’après la typologie stylistique des enduits peints de cette demeure, toutes les peintures avaient été refaites dans les dernières années du site. 99 En revanche, l’état des lieux des sols conservés révèle une situation plus hétérogène. En effet, la plupart des sols appartenaient à des phases de construction plus anciennes (pl. 42) Sols républicains (IIe style) • fauces : sol en cocciopesto à insertions lithiques ; le niveau de sol de cette pièce se trouvant, par ailleurs, bien en dessous des autres (à l’exception de celui de la pièce 9, dont le pavement n’est pas conservé) ; cela suggère que lors de la reconstruction de la maison à l’époque tardo-républicaine, on ne démolit pas les fauces, et qu’ils furent volontairement laissés en position surbaissée. Sols tardo-républicains (IIe style final) et augustéens (IIIe style) Ces sols sont contemporains de la reconstruction de la maison : • atrium : cocciopesto à insertion d’éclats de pierres et de marbre ; • pièce 1 : mosaïque noire et blanche à emblema géométrique central (pseudoemblema) ; • pièces 3 et 4 : cocciopesto à insertions lithiques.100
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2.2 Sols de la phase finale (IVe style) • pièce 2 : mosaïque noire et blanche à pseudo-emblema central, à motif géométrique ; • pièce 5 : mosaïque noire et blanche avec bordure périmétrale ; • pièce 7 : mosaïque noire et blanche avec bordure périmétrale ; • pièce 8 : sol de mortier à base marmoréenne avec insertions d’éclats de marbre. Ces quatre dernières pièces furent donc les seules dont le décor (sol et murs) fut totalement rénové dans la dernière phase de l’édifice. On observe que le phasage de la chronologie des sols correspond parfaitement à celui des trois phases de l’histoire architecturale de l’édifice. Contrairement aux enduits peints qui avaient été tous refaits peu de temps avant l’éruption, on avait donc conservé des pavements d’une phase à l’autre. Les enduits peints de la phase finale Des vestiges d’enduits peints sont (mal) préservés dans toutes les pièces sauf la 8 (et des lambeaux dans la pièce 9). Les destructions causées par les Bourbons, puis les dégradations causées par les intempéries, sont responsables du très mauvais état de conservation des peintures de cette maison. J’ai eu l’occasion de présenter plus haut l’inventaire des décors prélevés dans cette maison, tel que j’ai pu le restituer. Les terribles dégradations subies par les enduits peints expliquent sans doute qu’ils n’aient pas retenu l’intérêt des spécialistes101 et qu’ils ne furent pas documentés.102 Nous n’avons pu identifier que très peu de photographies anciennes des
Fig. 123. Casa dell’Atrio Corinzio, pièce 2. On note le système hiérarchisé de double accès avec deux portes de hauteur différente. Cliché M.-L. Maraval (2012).
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décors peints de cette maison et aucune description précise. D’une manière générale, dans toutes les pièces de la maison, on observe que les décors peints en jaune (motifs, panneaux…) ont viré au rouge. Le phénomène est récurrent à Herculanum, on l’observe dans un grand nombre de maisons. Du point de vue de la qualité des décors peints, les pièces peuvent être divisées en deux groupes : • un premier groupe, de standing supérieur, est composé des pièces 1, 2, 5 et 7 ; • un second groupe réunit des pièces de décor soigné, mais dont la charge ornementale est moins accentuée : 3, 4, 6 et péristyle (10). Le premier groupe (standing supérieur) La pièce 1 Cette pièce est pourvue d’une ouverture presque totale de la paroi ouest qui donne sur le péristyle. Les peintures scénographiques à échappées architecturales sur fond blanc, alternaient avec des champs jaunes, dont certains ont viré au rouge sous l’effet de la chaleur. Il est notable que les proportions du décor peint font état d’une harmonie entre la composition des parois et celles du pavement. On note en effet une équivalence de mesures entre les dimensions d’un panneau de zone médiane (champ rouge + échappée) et l’emblema d’opus sectile qui ornait le centre de la mosaïque (138 cm de large). Cette pièce pouvait être fermée par des rideaux ou bien par des paravents de bois. La pièce 1 était placée en pendant à la pièce 2, une vaste salle de réception, située de l’autre côté du péristyle. La pièce 2 Cette vaste pièce (29,4 m2) est située au fond du petit péristyle, dans une situation isolée et privilégiée dans l’angle nord-est de la maison. Ses dimensions imposantes, son plafond voûté et la structuration du pavement indiquent qu’elle occupait la fonction de pièce de réception du type triclinium. Elle était accessible par deux portes : une large porte ouverte dans la paroi est et donnant sur le péristyle et une plus petite porte ouverte dans la paroi sud et permettant d’accéder à cet espace depuis l’aile occidentale du portique du petit péristyle. Les travaux de S. Joshel et L. H. Petersen103 ont montré qu’un tel dispositif de double ouverture permettait de réguler les accès à une telle pièce d’après le statut des individus : la petite porte permettant aux esclaves d’aller et venir discrètement depuis la cuisine (9), en lon-
LA PARTIE CENTRALE DE L’ÎLOT
Fig. 124 . Casa dell’Atrio Corinzio, plan indiquant le cheminement supposé depuis la cuisine jusqu’à la pièce 2. Les X marquent de possibles stations pour les esclaves. Le nord conventionnel est situé à gauche du plan (d’après Joshel/ Hackworth Petersen 2014, fig. 40).
geant le portique sud, pour assurer le service dans cette salle (fig. 123 et fig. 124). Le plafond originel de cette pièce n’est pas conservé mais on en déduit l’emplacement (à environ 4,90 m de hauteur) et la forme voûtée grâce aux lunettes présentes en haut de la paroi nord, comme on le voit sur les infographies de restitution du décor de cette pièce (cf fig. 125). S. Mols signale la découverte de fragments de trois banquettes dans cet espace.104 Les lits en question avaient été fort abimés par les dégâts causés au XVIIIe siècle lors du creusement d’un cunicolo à travers cette pièce. L’interprétation de la fonction de cet espace est discutée.105 A. Maiuri l’identifiait comme “œcus Aegypticus” utilisé comme salle à manger en raison de ses caractéris-
tiques architecturales. Quant à A. Wallace-Hadrill, il estimait que sa position en faisait l’exact équivalent d’un tablinum,106 dont il souligne toutefois les dimensions grandioses. V. Jolivet note que des lits et tables ont été découverts dans des tablina de Pompéi et Herculanum et que ces espaces pouvaient à l’occasion servir de pièce de réception.107 En nous appuyant sur les relevés photogrammétriques réalisés par l’Université de Bologne (Projet DHER), il est possible de proposer une restitution du décor de cette pièce malgré son état de conservation extrêmement lacunaire et érodé. En effet, fouillée fin janvier et début février 1746 selon la technique des cunicoli, elle a fait l’objet de nombreux prélèvements aujourd’hui au MANN ; A. Allroggen-Bedel en a dénombré dixneuf fragments auxquels s’ajoutent deux tableaux : « l’Enfance de Dionysos », et « Dionysos et Ariane ».108. Nous avons envisagé plus haut, au chapitre 1.1, tout le processus de rattachement des picturae excisae qu’il est possible d’attribuer à cette pièce. Dans sa composition générale, ce décor se conforme aux canons du IVe style d’après 62. La zone de soubassement est articulée par de gros piédestaux supportant les architectures de la zone médiane ; comme, à Pompéi, dans la pièce 27 de la maison de Méléagre, le péristyle 53 de la maison des Dioscures, la pièce n de la maison des Vettii, le Macellum, ou la pseudo-palestre VIII 2,23, (pièce f’). Les occurrences semblent plus rares à Herculanum, sans doute aussi en raison de la perte des parties basses des parois. La structure complexe des échappées à trois niveaux associant pavillon, portique « a coda » et baie cintrée, peuplée de figures et de statues, se rattache au type d’échappée dans l’échappée, caractérisé par l’emboîtement des espaces fictifs et que l’on note, par exemple, à Pompéi dans la pièce [n) de la Casa dei Vettii, VI 15,1, ou dans la pièce F de la Casa dell’Ara Massima, VI 16,15.109 Le goût des architectures à épis saillants se retrouve ailleurs à Herculanum, notamment dans la Casa del Atrio a Mosaico (pièce 7), ou dans la Casa del Colonnato Tuscanico (13). De même, la présence de figures d’offrantes apparaissant dans les architectures trouve des parallèles dans la Casa di Nettuno ed Anfitrite, tant dans le tablinum que dans la pièce 4. Quant à la structure de la zone supérieure constituée d’un élément central composite associant deux architectures reliées par un plafond et des architectures aux extrémités, si elle a des parallèles à Pompéi, elle est cependant plus caractéristique d’Herculanum, avec des variantes, entre autres dans la Casa del Mobilio Carbonizzato
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2.2
Fig. 125. Casa dell’Atrio Corinzio, pièce 2, proposition de restitution du décor peint des parois nord et sud. Relevé : DHER (Università di Bologna). Infographie : H. Eristov/M.-L. Maraval, ANR VESUVIA©.
(1), Casa dell’Alcova (19), Casa d’Argo (3), Casa dei Due Atri (7). Du point de vue stylistique, A. Allroggen-Bedel110 avait déjà noté la différence de traitement, fréquente à Herculanum, entre le rendu rapide des tableaux et la précision des éléments décoratifs ; ici, les motifs architecturaux qui se détachent en filigrane sur le fond noir contrastent avec la lourdeur et une certaine maladresse des figures dans les deux tableaux, l’enfance de Dionysos et Dionysos et Ariane. Il est probable que le même atelier d’imaginarii a travaillé aussi dans la Casa Sannitica (tableaux avec Europe et Ariane), dans la Casa del Mobilio Carbonizzato (Pan et nymphe) ; et pour le tableau MANN 27695 (Léda).111 Signalons toutefois que D. Esposito compare ce décor à ceux de la Casa dell’Atrio a Mosaico et de la pièce 6 de la Casa del Gran Portale, notamment en raison de la composition du socle juxtaposant larges compartiments à fond rouge et avant-corps jaunes. Il note également d’autres similitudes de
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composition et de détails (édicules avec griffons en vol couronnés de volutes en acrotère ; guirlande du panneau ouest de la paroi sud ; gamme chromatique, etc.). Il attribue ainsi le décor de la pièce 2 à une équipe de peintres qu’il nomme « atelier de la Casa dell’ Atrio a Mosaico ».112 Le décor de la voûte de la pièce 2 n’est pas connu. Cependant, il est possible, dans l’état actuel des recherches, de lui attribuer deux fragments : d’une part, une petite figure féminine velificans sur fond noir (MANN 8952), et d’autre part, le médaillon à fond noir et tête de Méduse qui a été inséré, lors des fouilles, au centre du mur ouest. La pratique, courante à Herculanum, de prélever les enduits et de les replacer sur les murs consolidés ne va pas sans risques et incite à la prudence dans l’interprétation. La pièce 7 La pièce 7, de petites dimensions (9,2 m2), s’ouvrait sur l’aile sud du péristyle.
LA PARTIE CENTRALE DE L’ÎLOT Elle a parfois retenu l’attention en raison de l’excellent état de conservation de son plafond voûté. La composition scénographique du décor pariétal est particulièrement remarquable et plutôt luxueuse, avec ses larges panneaux à fond bleu situés sous l’édicule central. La zone inférieure à fond rouge n’est conservée que sur la paroi nord, mais son agencement n’est plus lisible. Au-dessus, la zone médiane était articulée autour d’un édicule encadrant un panneau à fond bleu, orné d’une figure volante (Amour) différente sur chaque mur. De part et d’autre, l’édicule est encadré d’échappées architecturales à fond blanc, puis de panneaux latéraux à fond jaune, ayant viré au rouge sous l’effet de la chaleur. La zone supérieure, à fond blanc, est articulée autour du fronton de couronnement de l’édicule central. Un aigle aux ailes déployées s’inscrit en son centre. De part et d’autre sont accrochées à de petits candélabres, des guirlandes auxquelles sont suspendus des objets (fig. 126). Le motif de l’aigle aux ailes déployées est récurrent dans les décors d’Herculanum et de l’insula V en particulier. Nous l’avons déjà évoqué à propos des décors du cubiculum 15 de la Casa del Bel Cortile et de la pièce 1 de la Casa dell’Apollo Citaredo (fig. 70 à 73). Situé en zone haute, en couronnement d’édicule entre des rideaux surbaissés, il évoque, sans leur ressembler pleinement, deux autres exemplaires mentionnés, d’une qualité d’exécution comparable et de gamme chromatique identique ; en revanche, le schéma iconographique en est légèrement différent : ici les deux ailes sont déployées sur les côtés, alors que dans les autres exemples, les ailes sont vues de trois-quarts. Ce motif de l’aigle se retrouve par ailleurs dans le répertoire de l’atelier de la Casa del Atrio a mosaico, peintre A, identifié par D. Esposito.113 Au répertoire de cet atelier, auquel D. Esposito attribue quelques décors à fond bleu d’Herculanum, 114 appartient aussi le motif du trophée d’armes, peint de manière remarquable sur le décor de la pièce 6 de la Casa del Gran Portale.115 Or ce même motif du trophée d’armes se trouvait aussi figuré dans la zone haute du décor peint de la pièce 7 : il est aujourd’hui effacé, mais on le distingue nettement sur une photographie publiée par A. Maiuri116 (fig. 127). Il n’est donc pas exclu que le décor de cette pièce ait été réalisé, lui aussi, par l’« atelier de la Casa dell’ Atrio a Mosaico », tout comme celui de la pièce 2. L’enduit peint, à fond blanc, du plafond est agencé sur plusieurs niveaux, selon un système de caissons et compartiments délimités par des corniches de stuc (fig. 128). La surface est divisée en trois travées, avec au centre, un carré sur
Fig. 126. Casa dell’Atrio Corinzio, pièce 7, paroi est, détail de la zone haute, avec, à droite, le détail de l’aigle au sommet du fronton. Clichés H. Eristov (2013).
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2.2 mettent de distinguer un personnage incomplet à gauche, vu de face, tenant de la main gauche une lance. A droite, un amour en vol tient un bâton de la main droite. On distingue le bras d’une figure féminine assise appuyée sur son épaule droite. D’après le schéma iconographique, le thème représenté pouvait figurer Ariane et Dionysos par exemple, mais sans certitude. Le sol est orné d’un pavement de mosaïque blanc, à croisettes noires et filets d’encadrement noirs, autre signe d’ostentation décorative dans cette pièce. Le second groupe de pièces (standing moyen)
Fig. 127. Casa dell’Atrio Corinzio, pièce 7 (d’après Maiuri 1958, fig. 212, p. 264). Noter dans la zone supérieure de la paroi, le motif de trophée.
pointes orné d’un Amour, en écho aux figures volantes des panneaux à fond bleu des parois.117 La pièce 5 Le décor de cette ala ouverte sur le péristyle est extrêmement altéré et aucune photographie ancienne ou document graphique n’a pu être identifié, qui nous aide à restituer l’ornatus de cette pièce. Si j’ai toutefois choisi de classer cette pièce dans le groupe des décors de standing supérieur de cette habitation, c’est en raison de la présence d’un grand tableau figuré, sur la paroi sud, qui représentait probablement un thème mythologique. Le tableau se trouvait en position privilégiée, au centre de la paroi, et parfaitement visible depuis les différentes ailes du portique du péristyle. Les vestiges d’enduits conservés per-
Fig. 128. Casa dell’Atrio Corinzio, plafond de la pièce 7. Cliché M.-L. Maraval (2011).
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Le décor du péristyle Les enduits peints de cet espace bordé de portiques et ouvert sur un petit jardin étaient déjà très altérés au moment de la fouille. A. Maiuri signale leur mauvais état et observe qu’ils n’étaient conservés que dans l’angle nord-ouest, à proximité de la pièce 2, ainsi qu’il apparaît sur les photos d’archives, dans un état de conservation assez proche de l’état actuel (fig. 129). Concernant la composition, elle nous échappe en partie faute de documentation conservée. A. Maiuri évoque un socle noir brillant, des panneaux rouges, mais aussi un décor blanc, avec des tableautins figurant des paysages.118 De fait, les vestiges conservés permettent d’établir, en zone inférieure, un décor à fond noir et compartiments géométriques, surmonté d’un bandeau alternant compartiments noirs, jaunes et rouges. Au-dessus, en zone médiane, on note une alternance entre panneaux noirs, rouges et blancs, séparés par des inter-panneaux à candélabres. Des bordures ajourées sont peintes en parties supérieure et inférieure des panneaux. Des tableautins trouvaient place au milieu des panneaux. Ils ne sont pas alignés les uns sur les autres, ce qui évoque une exécution rapide. Un seul est réellement encore lisible, sur la paroi ouest. Dans le coin inférieur droit, on distingue un élément iconographique évoquant une barque dans un genre stylisé. Ce type de décor, à tableautins à sujets paysagers ou maritimes ornant les panneaux de zone médiane, s’inspire des décors de portiques. Vitruve et Pline signalent que les représentations de topia (ou opus topiarum, ou encore topiaria opera) sont les décors les plus adéquats pour les ambulationes, promenades couvertes des portiques et péristyles.119 Vitruve énumère le détail de ces motifs, parmi lesquels : ports, promontoires, rivages, sources, sanctuaires, bois sacrés etc.120 On en connaît de nombreux exemples en Campanie, et plusieurs à Herculanum, notamment
LA PARTIE CENTRALE DE L’ÎLOT dans la Casa d’Argo ou dans la Casa dei Cervi, déjà mentionnées précédemment comme potentiels modèles pour la distribution du plan de cette maison dans sa phase finale. Enfin la zone supérieure, à fond blanc, n’est visible que sur la paroi nord. On distingue des architectures non illusionnistes, composées de bandeaux à fond rouge avec des griffons affrontés au-dessus des inter-panneaux. Le sol est réalisé en mortier (cementizio) avec des fragments d’écailles et insertion d’éléments géométriques de marbre. La pièce 6 Il s’agit d’un petit réduit, de 5 m2, positionné entre deux pièces de statut supérieur (5 et 7). Le décor peint est détruit, seul un lambeau conservé dans l’angle sud-est témoigne de panneaux noirs bordés de jaune en zone médiane. La pièce 3 Dans ce petit espace, au décor plutôt bien conservé, on retrouve le thème ornemental des petits tableautins à décor de paysage – ici marin – déjà déployé dans l’atrium. Les deux tableautins conservés, au centre des parois nord et sud, figurent, en pendant, des scènes de naumachie peintes au centre d’un édicule architectural. De part et d’autre, des panneaux à fond jaune bordés de rouge sont ornés de monstres volants. Le statut ornemental de la naumachie, au sein des décors romains, n’est pas facile à établir.121 S’agit-il d’un type de sujet relevant de la peinture de paysages ? J.-M. Croisille propose de les intégrer à ce registre, tout en reconnaissant leur nature hydride, entre scène de genre et scène de paysage.122 Le système ornemental est beaucoup plus simple que dans les pièces du groupe précédent. Ici, pas de lourde scénographie, ni d’échappées architecturales. En zone inférieure, des panneaux et compartiments sont délimités par des filets blancs. La zone médiane, à panneaux jaunes bordés de rouge, offre un système à édicule sur les murs nord et sud, et un système bipartite sur le mur ouest. Sur le mur nord, des tableautins sont peints dans le panneau central et des griffons volants sur les panneaux latéraux. La zone supérieure, peu développée, est un simple champ rouge compartimenté par des bandes rouge bordeaux Une corniche de stuc est partiellement conservée sur le mur ouest. La pièce 4 Son décor peint, assez bien conservé lui aussi, était encore plus sobre que celui de la pièce 3. La composition est un simple système à panneaux jaunes encadrant un large panneau rouge central.
Fig. 129. Casa dell’Atrio Corinzio, espace 10 (péristyle). Photo : M.-L. Maraval 2011.
La scansion entre les panneaux est opérée par des candélabres et des bordures ajourées servent d’encadrement. Seule une vignette est conservée, sur le mur est qui présente un griffon en vol. Mais dans l’ensemble, peu de motifs ornementaux agrémentaient le décor volontairement très sobre de cette pièce. Rappelons que dans les pièces 3 et 4, le sol de cocciopesto à insertion lithiques - datant de la construction de la maison à la fin du Ier siècle av. J.-C. n’avait pas été refait lors de la phase de rénovation globale de la maison dans les dernières années du site. Il s’agit d’un indice supplémentaire suggérant le statut secondaire de ces deux pièces. LA CASA DEL SACELLO DI LEGNO (V, 31) Cette maison occupe une parcelle particulièrement étroite dans la partie sud du cardo V, entre la Casa dell’Atrio Corinzio et la Casa con Giardino.123 Sa surface au sol est de 150 m2 environ, auxquels il faut ajouter un étage à l’avant de la maison (cenaculum oriental) de 21 m2 et un étage à l’arrière de la maison (cenaculum occidental) de 55 m2. Par ailleurs, une petite mezzanine était aménagée au-dessus du couloir (9) (fig. 130 et pl. 27).
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2.2 La Casa del Sacello di Legno fut fouillée entre septembre 1933 et octobre 1934.124 Le GdS signalent la présence de nombreux cunicoli dans le secteur de l’atrium ; et de fait, les réparations destinées à combler deux de ces brèches sont bien visibles dans le mur nord. Les ouvriers du XVIIIIe siècle sont donc entrés dans cette maison par un tunnel qui permettait de passer de la pièce 8 de la Casa dell’Atrio Corinzio à l’atrium de la Casa del Sacello di Legno. En dépit des restructurations qu’elle a connues au tout début du Ier siècle ap. J.-C., la Casa del Sacello di Legno a conservé un caractère assez authentique, notamment par la fossilisation de la parcelle initialement dévolue à la domus, et du plan de la partie avant de la maison, autour de l’atrium. L’étude du bâti et de l’ornamentum permettent de mettre en évidence trois phases de construction et restructurations. La phase de construction samnite (IIe siècle av. J.-C.) La phase samnite est mise en évidence grâce à la préservation de murs en opus incertum B en plusieurs endroits de la partie avant (orientale) de l’édifice : en façade, dans les fauces, dans les murs latéraux de l’atrium, dans les murs nord et ouest du tablinum. Il s’agit de la partie de l’édifice qui a été la moins impactée par les restructurations postérieures et son plan n’a que peu changé. On conserve, de l’organisation originelle, la structuration axiale : fauces/atrium/tablinum, bien que l’espace de ce dernier ait été amputé au sud pour construire un couloir durant la phase suivante. En raison de l’étroitesse de la parcelle, aucune pièce n’était aménagée sur les côtés latéraux de l’atrium. C’est la seule maison de l’insula qui ait présenté cette particularité, dans l’état actuel de nos connaissances du lotissement originel.125. Toutes les autres maisons à atrium de l’insula présentaient au moins une rangée de pièces sur un côté latéral (Casa dell’Atrio Corinzio, Casa di Nettuno ed Anfitrite, Casa Sannitica, Casa del Mobilio Carbonizzato).
La seconde phase (début du Ier siècle ap. J.-C.) Un remaniement de la partie arrière de la maison, où devait se trouver à l’origine un petit jardin (hortus) s’opère au début de notre ère. C’est également durant cette phase que fut construit l’étage à l’arrière de la maison : son point focal était une vaste salle à manger à colonnade construite au-dessus du tablinum. Elle rehaussait le standing de l’habitation, et permettait d’accroître sa surface habitable. Des salles à manger à colonnade à l’étage, conçues selon le même plan, au-dessus du tablinum, existaient aussi dans la Casa Sannitica et la Casa del Mobilio Carbonizzato. Pour construire l’escalier maçonné menant à cet étage (dont huit marches sont conservées), on occupe l’espace du couloir situé au nord du tablinum, celui qui permettait d’accéder au jardin à l’arrière. Pour compenser cette perte, un couloir est aménagé dans la partie sud du tablinum, lequel est alors tronqué. Dans l’hortus, une pièce de réception (5) est construite lors de cette phase, comme en témoigne l’appareil en opus incertum C et le décor de IIIe style de cet espace. La troisième phase postérieure au séisme de 62 Quelques réparations en opus incertum D sont observables, utilisant divers types de matériaux. Les pièces autour de l’atrium furent redécorées de manière très sobre, par des enduits peints de compositions à panneaux blancs bordés de bandes rouges. L’escalier maçonné (9 marches conservées) aménagé contre le mur de la cuisine (1) et donnant dans l’atrium est datable de cette phase. Il semblerait que le cenaculum oriental, qui s’étendait au-dessus des pièces 1, 2 et 12, date de cette phase.126 Chose rare à Herculanum, cette maison conservait quelques éléments de décor Ier style, sur quelques parois (atrium, couloir 9) et dans le pavement (tablinum). Une partie du décor IIIe
Fig.130. Plans de la Casa del Sacello di Legno en 79, rez-de-chaussée à gauche, étage à droite, ANR VESUVIA©
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LA PARTIE CENTRALE DE L’ÎLOT style tardif de la maison était également conservé. La plupart des autres pièces du rez-de-chaussée étaient ornées de décors simples et modestes. La maison n’avait donc pas fait l’objet d’une redécoration systématique dans les années postérieures à 62, comme on l’observe dans tant d’autres maisons de l’insula (Casa dell’Atrio Corinzio, Casa di Nettuno ed Anfitrite…). La conservation de ces décors anciens et la sobriété des plus récents, associés à la permanence d’une organisation planimétrique traditionnelle, contribuaient à donner une atmosphère assez austère à cette habitation. De plus, si les propriétaires en avaient augmenté la surface habitable en ajoutant des étages dans le courant du Ier siècle ap. J.-C., ils n’ont jamais aménagé de boutique en façade sur rue, à l’instar de ce que l’on observe dans la Casa dell’Atrio Corinzio voisine ou bien dans la Casa di Nettuno ed Anfitrite. Tout ceci contribue à penser que la conservation de décors anciens, et la mise en œuvre de décors austères, n’étaient pas dus à un manque de moyens financiers. Les pavements Tous les sols préservés sont en mortier (cocciopesto). Ceux situés dans les pièces arrière de la maison (pièces 4 à 8) ne sont pas conservés. Du point de vue chronologique, les pavements peuvent être rattachés à deux phases (pl. 42) : • La phase de construction de la maison au IIe siècle av. J.-C. : le sol du tablinum (3) est un témoignage résiduel de cette phase initiale du décor Ier style de la maison. Il s’agit d’un pavement de cocciopesto dans lequel des cubes de pierres blanches forment une trame géométrique. Ce sol ressemble beaucoup à celui de la pièce 2 et à celui du tablinum de la Casa Sannitica, avec son décor de méandre à svastikas.127 Le revêtement du fond de l’impluvium appartient également à cette phase samnite. • La phase de restructuration architecturale du tout début du Ier siècle. Les sols des pièces 1, 2, 11 (atrium) et 12 (fauces) relèvent de cette phase. Il s’agit de pavements de cocciopesto très simples, présentant quelques incrustations irrégulières de pierre blanche. Ils relèvent d’une typologie caractéristique du IIIe style final.128 Plusieurs auteurs signalent que les sols des pièces 4 à 8 ne présentaient pas de pavement.129 Cette absence a été interprétée comme le témoignage d’une restauration inachevée de la maison dans l’Antiquité, après les dommages subis en 62. En réalité, la consultation des journaux de fouilles, ainsi que du fascicule de synthèse (Descrizioni di ambienti) décrivant, pièce par pièce quelques mai-
sons de l’insula V, à partir des journaux de fouilles,130 révèlent que des pavements avaient été mis au jour dans ces pièces. Les rédacteurs signalaient, toutefois, leur mauvais état et tout porte à penser que les vestiges résiduels de ces pavements n’ont pas résisté jusqu’à aujourd’hui. Pour la pièce 4 : « Il pavimento è di signino mal conservato con qualche piccola tessera bianca ». La même mention est notée pour la pièce 5 : « Il pavimento è di signino mal conservato ». Pour l’espace 6, les auteurs signalent une division du pavement en deux parties : « Il pavimento parte è di lastre di terracotta e parte di calcestruzzo ». En réalité, ainsi que le précise A. Maiuri,131 des latrines avaient été installées au fond de cet étroit puit de lumière, dont le sol était aménagé avec une série de tuiles, tandis que la partie antérieure était en béton. Pour les pièces 7 et 8, interprétées comme une cuisine, on signale que « Il pavimento è di calcestruzzo », en béton donc. Les enduits peints Quatre phases peuvent être mises en évidence (pl. 42) : • Une première phase d’époque samnite, contemporaine de l’édifice originel. Les décors de cette phase sont exécutés en Ier style. Des vestiges en sont conservés sur la paroi sud du couloir 9, qui constituait, à l’origine, le mur sud du tablinum. La zone supérieure des parois de l’atrium conservait également leur décor de Ier style. Un vestige assez bien conservé est toujours en place sur le mur est. • Une phase du début du Ier siècle ap. J.-C., au moment de la création de la pièce 5 à l’arrière de la maison, à l’emplacement de l’hortus originel. Cette pièce est ornée de peintures IIIe style. • Une phase de réfection sommaire des décors de la partie avant de la maison, autour de l’atrium, avec un simple décor de panneaux à fond blanc et à filets rouges : fauces (12), atrium (11), pièce 1, pièce 2 (à plafond voûté), pièce 3 (tablinum), salle à manger à colonnade de l’étage, pièce 4, couloir 9. • Une phase de réfection soigneuse des décors de l’étage, en IVe style, qu’atteste la pièce 18. D’autres pièces de l’étage pouvaient avoir reçu le même type de décor. Rien ne permet toutefois de l’affirmer, pas même l’étude des journaux de fouilles, car les étages étaient largement détruits au moment de leur dégagement et seul l’espace au-dessus de la pièce 8 est mentionné. Dans la phase finale du site, cette demeure très simple conservait de nombreuses traces de son
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2.2 organisation et de son décor originel. La plupart des murs présentaient un appareil d’époque pré-romaine, en blocs de tuf agencés en opus incertum B. Des réfections sont bien entendu à signaler, soit consécutives aux séismes de 62 et des années 70, soit réalisées par les équipes d’A. Maiuri au moment des fouilles de 1933. Les journaux signalent, en effet, que cette maison avait été considérablement altérée par le passage des cunicoli. La faible importance des remaniements exécutés au rez-de-chaussée explique aussi la conservation de la planimétrie et des murs. Tout comme les trois autres maisons du centre de l’insula (V, 6-7 ; V, 5 ; V, 30), la Casa del Sacello di Legno s’est cantonnée aux limites qui étaient les siennes dans le parcellaire initial et n’a pas non plus cédé d’espace à des maisons mitoyennes. Le seul remaniement du rez-de-chaussée fut la transformation, au début du Ier siècle, de l’hortus en trois espaces : un triclinium (5), une cuisine (7-8) et, entre les deux, un espace de service (6), servant à la fois de latrines et de puits de lumière. L’adjonction des étages à partir de cette phase n’a que peu impacté le rez-de-chaussée si ce n’est l’ajout des escaliers dans l’espace 1 et dans l’espace 10, qui, dans ce dernier cas, entraîna la création d’un nouveau couloir de desserte (9) vers la partie arrière de la maison en empiétant sur le tablinum (voir pl. 27). Restitution de l’ornamentum de la Casa del Sacello di Legno En 79, la Casa del Sacello di Legno dégageait une atmosphère sobre et vénérable par l’austérité de son décor, par le conservatisme de son plan et surtout d’une partie de l’agencement architectural et ornemental d’époque samnite. L’ornamentum de la partie antérieure de la maison, se caractérisait par une empreinte du Ier style encore très forte, bien que partiellement masquée par les réfections sobres et économiques réalisées dans le courant des années 70. Sans doute par manque de moyens, les propriétaires n’avaient pas pu maintenir en état les prestigieux enduits de Ier style, qui se trouvaient, au moins, dans les fauces, l’atrium et le tablinum. On imagine à quel point il devait être difficile, à la fin du Ier siècle de trouver des artisans stucateurs compétents pour restaurer et conserver des décors de Ier style, puisque la mode en était passée depuis près de deux siècles et que le savoir-faire avait dû, en grande partie, se perdre.132 Aussi grands qu’aient été le prestige associé à ces décors et le souhait des propriétaires de les conserver, leur restauration devait coûter extrêmement cher ; c’est pourquoi, ainsi qu’on l’observe dans la Casa Sannitica,
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les propriétaires étaient souvent contraints de ne conserver qu’une partie de ces décors, voire de les remplacer complètement. Dans la Casa del Sacello di Legno, c’est une solution de conservation a minima qui a été adoptée. D’une certaine manière, l’atmosphère se voulait comparable à celle de la Casa Sannitica, par le maintien du plan et de l’esthétique ornementale originels et surtout la présence de la salle à manger à colonnade à l’étage au-dessus du tablinum (16). Bien que ces décors I er style soient aujourd’hui presque tous détruits, ils sont bien mentionnés et décrits, dans les journaux de fouille. Mais soit parce que les propriétaires aient disposé de ressources moins importantes (que ceux de la Casa Sannitica), soit parce que les dégâts causés par les séismes aient été trop lourds, soit pour les deux raisons, les décors d’époque pré-romaine avaient presque tous disparu. Dans toutes les pièces de la partie antérieure de la maison (12, 11, 1, 2, 3, 4, loggia 16), ils avaient été recouverts d’enduits présentant un simple système à panneaux blancs bordés de filets rouges, à l’exception des zones supérieures qui conservaient les enduits en imitation de style de grand appareil (Ier style). Il faut comprendre la mise en œuvre de ces décors peints à systèmes à panneaux blancs, comme une alternative très économique aux décors architecturaux de Ier style, mais conservant aux espaces une atmosphère de sobriété caractéristique des anciens décors qu’ils étaient destinés à remplacer. Des enduits peints de IVe style architectural, tels que ceux qui furent mis en œuvre dans l’atrium et le tablinum de la Casa Sannitica à la place des décors I er style créaient, au contraire, une rupture avec l’atmosphère austère et vénérable des maisons d’époque samnite. Pour mieux ancrer la Casa del Sacello di Legno dans le passé, l’atrium conservait la plupart des caractéristiques des demeures aristocratiques les plus anciennes de Campanie avec son atrium toscan, dominé par une prestigieuse salle à manger à l’étage et abritant le plus ancien impluvium attesté à Herculanum. En dépit de son caractère assez rustique, avec son parapet de tuf, son revêtement de plaquettes de marbre et son puteal de terre cuite, cet impluvium avait été conservé depuis la construction de la maison.133 C’est donc un choix esthétique et économique, répondant mieux aux valeurs des propriétaires, qui explique le programme ornemental de la phase finale de la Casa del Sacello di Legno. Ajoutons, pour cette partie de la demeure, que c’est dans la pièce 2, à plafond voûté, que fut découvert le meuble de bois qui donna son nom à la maison. Il était accompagné d’un lit de bois et d’une table, non conservés.134 D’après le GSE,
LA PARTIE CENTRALE DE L’ÎLOT colonnettes corinthiennes in antis, qui surmonte l’armoire proprement dite est haut de 68 cm pour 63 cm de large.135 L’armoire contenait quelques objets de verre, des statuettes (un Hercule et une divinité féminine mal conservée) ainsi qu’un sceau de bronze au nom de L(uci) Autroni E(u) thymi (Lucius Autronius Euthymus).136
Fig. 131. Casa del Sacello di Legno, vue de la pièce 5, totalement échaffaudée depuis plusieurs années. Cliché M.-L. Maraval (2011).
« l’armoire-laraire » fut découverte dans l’angle sud-est de la pièce. Elle est haute de 170 cm pour 50 cm de profondeur. Le sanctuaire de bois, à
La partie arrière de la maison Dissimulée derrière le tablinum, à la place de l’ancien hortus, avait été aménagée, à l’arrière de la maison, au tout début du Ier siècle, une salle de réception (5) associée à trois espaces de services (un puit de lumière/latrines en 6 ; une cuisine en 7-8)137 ; un espace de stockage sous l’escalier en 10138). Sans doute moins endommagé par les séismes que la partie orientale de la maison, le décor IIIe style de cette pièce avait été conservé. Même s’il semblait plutôt bien conservé au moment des fouilles, il a depuis, été considérablement endommagé par des infiltrations d’eau et la pièce, lourdement étayée, est difficile d’accès (fig. 131). En dépit de l’altération du décor, il est possible d’en proposer une restitution, sur la base des éléments conservés et des descriptions rédigées peu après les fouilles139 (fig. 132). La zone inférieure était à fond noir, ornée de touffes de feuillages et surmontée d’un bandeau jaune. La zone médiane, dénuée d’effet illustionniste, est articulée autour d’un édicule central bi-dimensionnel à fond jaune, flanqué, de part et d’autre de deux panneaux latéraux à fond rouge séparés par un fin
Fig. 132. Casa del Sacello di Legno, pièce 5, schéma général et sommaire du décor peint. Infographie : H. Eristov & M.-L. Maraval, ANR VESUVIA©.
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Fig. 133. Casa del Sacello di Legno, décor de la pièce 16. Photo prise vers 1990. D’après Binnebeke-de Kind 1996, fig. 17.
candélabre. Les panneaux latéraux rouges sont ornés d’une grande guirlande festonnée à mi-hauteur. La zone supérieure à fond blanc, présente en son centre le fronton de l’édicule central. Caractéristique du IIIe style final, il repose sur un bandeau ornemental composé de compartiments, alternativement bleu ou jaune, ornés de motifs géométriques polychromes et surmontés d’une frise de volutes. La partie triangulaire du fronton, polychrome elle aussi, s’articule autour de grosses volutes affrontées sur fond rouge. De part et d’autre du fronton, à l’aplomb des panneaux rouges, étaient peints des tableautins à fond blanc ornés de scènes de genre, présentant soit des paysages, soit des décors inspirés du monde du spectacle (masques, instruments de musique). Entre les tableautins, la partie sommitale des candélabres porte des ombelles supportant des oiseaux. Enfin, le couronnement du décor était constitué d’une grosse corniche de stuc imitant les bandeaux de I er style, et supportant une voûte aujourd’hui disparue. Le caractère archaïsant de cette corniche en relief permettait de faire entrer, dans cette pièce, un peu de l’atmosphère vénérable du décor de la partie antérieure de la maison et créait un lien, une continuité avec le reste du programme ornemental du rez-de-chaussée. Le cenaculum occidental de la maison La seule partie de l’étage suffisamment conservée lors des fouilles de 1933 pour avoir fait l’objet d’une description est la pièce 18. Elle a également retenu l’attention car c’est dans cette pièce que furent découvert deux lots d’archives : un premier dans une petite armoire de bois (ht. 130 cm), était composé de tablettes de cire et de rouleaux de papyrus ; un second était composé de tablettes de cire entassées dans une boîte sous un lit.140
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Outre ce lit, un siège s’ajoutait à ce mobilier ainsi qu’une petite caisse de bois contenant des objets de verre et de bronze.141 Le décor peint de IVe style était très soigné, ainsi qu’en témoignent d’anciennes photos142 et les vestiges conservés (fig. 133). Sans doute en raison des découvertes exceptionnelles de mobilier qui furent faites dans cette pièce en 1932, un plafond fut construit immédiatement pour la protéger. La partie inférieure du décor, à fond noir, est ornée de compartiments à touffes de feuillages ; au-dessus, la composition présente, en zone médiane, une alternance de panneaux rouges et d’inter-panneaux rouge bordeaux traversés de candélabres métalliques à pieds ouvragés. Les panneaux rouges étaient ornés de vignettes, tondi et pinakes. CONCLUSION Au terme de cette analyse, on observe que trois des quatre maisons de la partie centrale de l’insula, semblent ne jamais avoir disposé de locaux commerciaux en façade : la Casa del Mobilio Carbonizzato, la Casa dell’Atrio Corinzio et la Casa del Sacello di Legno.143 Par ailleurs, ces trois maisons n’ont subi que peu de restructurations planimétriques et semblent avoir conservé les limites de leur lotissement originel. NOTES 1
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Dans cette présentation des phases successives de l’architecture et du décor de la Casa di Nettuno ed Anfitrite, je reprends des extraits des contributions publiées dans la Chronique des Fouilles de l’EFR : Dardenay et al. 2018 ; Dardenay et al. 2017. La Casa del Mobilio Carbonizzato, qui lui est mitoyenne (V, 5), la Casa del Telaio (V, 3) et la Casa Sannitica (V, 1-2). La Casa dell’Atrio Corinzio (V, 30). Mols 1999, 26-30. Par exemple le rapport de fouille signale la découverte d’une banquette de bois dans la pièce 7 de la Casa di Nettuno ed Anfitrite alors qu’A. Maiuri (1958, 401-402) localise cette même banquette à l’étage. D’après l’enquête de S. Mols cette banquette fut bien découverte dans la pièce 7 mais montée ensuite à l’étage à la demande de Maiuri (Mols 1999, 31). Andrews 2006, 195. Dardenay et al. 2015. La nouvelle maison fut construite complètement en opus reticulatum B avec portes et montants de fenêtres en opus vittatum (Ganschow 1989, 140, Andrews 2006, 177, Monteix 2010, 325-327). De l’habitation antérieure (pré-augustéenne) rien n’a été conservé à l’exception de quelques traces d’opus incertum dans le mur périmétrique sud. Monteix 2010, 327. A l’exception de la boutique qui conserve des enduits IIIe style : Dardenay et al. 2018 ; Esposito 2014, 81-82. Pour la classification des maisons d’Herculanum, plusieurs typologies ont été proposées, toutes assez insa-
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tisfaisantes, du point de vue même des auteurs. La plus ancienne est celle de Maiuri (1958), révisée par A. Wallace-Hadrill (1994) et R. de Kind (1998). Aucune d’entre elle ne prend en compte les étages, comme le souligne à juste titre J. Andrews (Andrews 2006, 94-96). Cette inscription fut erronément attribuée à la Casa dell’ Alcova (IV, 3) dans le CIL IV, 10480. Cf. Monteix 2010, 330, n. 72. D’après les GSE, cette inscription aurait été découverte le 1er mars 1933 : « 1 marzo. […) Nella casa n°6 sul IV cardine, lato est, nella parete ovest sopra un riquadro di un soggetto mitologico vi è la seguente iscrizione fatta con pittura : (dessin de l’inscription sans respecter sa forme en équerre, attestée sur le dessin exécuté par F. Ferrajoli (Archivio disegni SANP, Pompei, P658 f°9)) È lunga m. 0.085 e le lettere sono alte m. 0.03 ». Pour les résultats du programme ANR VESUVIA se reporter au blog scientifique http://vesuvia.hypotheses.org (avec liens vers les publications). Les infographies ont été réalisées par M-L. Maraval et H. Eristov. Je les remercie très chaleureusement de m’avoir autorisée à les reproduire dans le présent ouvrage. D. Esposito ne mentionne pas ces décors IIIe style de la Casa di Nettuno ed Anfitrite, dans sa thèse sur les styles picturaux à Herculanum (Esposito 2014). Andrews 2006, vol. 1, 63 sq. et table 3.5. Phase Ia (Bastet, De Vos 1979, 24 sq.) : Pompéi, Casa dei Gladiatori (V 5, 3) ; Casa del Gallo (VIII 5, 2). Je retranscris ici l’analyse de ce décor dans Dardenay et al. 2018, 10-11. Sur les dommages consécutifs au séisme dans la Casa di Nettuno ed Anfitrite : Monteix 2010, 326-329 ; Andrews 2006, vol. 1, 200 ; sur les modifications architecturales, Andrews 2006, vol. 1, 211. Si le plancher de l’étage a été refait, cette restructuration prendrait place durant cette phase. Cependant, en toute hypothèse, on peut supposer que cette réfection date de l’époque moderne et la réduction de hauteur de la pièce induite par ces travaux relève d’une erreur de restauration. Camardo, Notomista 2013. Des doutes sont apparus depuis la fin du XXe siècle sur l’identité de cette figure féminine, traditionnellement identifiée comme Amphitrite en raison de sa proximité avec Neptune. E. Simon fut la première à signaler que la déesse tenait un sceptre comme Vénus et ne regardait pas Neptune (Simon 1990, 183 et 189). Plus tard, M. Pagano souligna l’association cultuelle de Vénus et Neptune à Herculanum dans l’area sacra (Pagano 1997a, 162-163). Le problème iconographique posé par cette œuvre a été totalement repris par C. Lochin, qui conclut à une représentation de Vénus, sur la base, notamment, du type statuaire utilisé, et de la présence de la coquille au-dessus du cadre (Lochin 2005, 44-48). Camardo, Notomista 2013, fig. 12. Dans la note p. 174, ils donnent des arguments pour une datation de IIIe style final, sur la base, notamment du soubassement à fond noir qui court tout le long des murs, sous la balustrade. Maiuri 1958, 397. Cet espace, alors numéroté 3, est fouillé entre le 1er mars et le 17 juin 1933. Maiuri 1958, fig. 332, 396. Comme le laraire de la maison dite « de Caecilius Jucundus » (V 1, 26) à Pompéi. Cf. Dardenay et al. 2018, 5. Maiuri 1958, 394.
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Pompéi, I, 16, 4. Voir Boyce 1937, notamment Casa del Cenacolo (pl. VIII, 1) ou bien Van Andringa 2009, 233, 258, 261-264. Dardenay et al. 2016, §;18–21. Cic., Att., 1, 10, 3 : « Je te prie en outre de me procurer des bas-reliefs que je puisse enchâsser dans les murs de mon petit atrium, et deux margelles ornées de reliefs » (Traduction L.-A. Constans, CUF, 1969). A propos de la traduction des typoi lire Blanc, Eristov 2017, 28. Casa dei Rilievi Dionisiaci, insula I (Cf. Caruso 2011, Ciotola 2013, Esposito 2015, ambiente (m), 107-116). Tous deux sont partiellement brisés. Le tableau n° inv.150210 (celui signé Alexandros Athenaios) mesure 32 cm (ht) par 39 cm (lg) ; le tableau n° inv. 150211 mesure 35 cm (ht) par 47 cm (lg). Pour restituer les dimensions initiales des pinakes il est possible de s'appuyer sur un autre exemplaire mis au jour à Herculanum au XVIIIe siècle et conservé sous le n° inv. 9562 (les "Joueuses d'Osselet", signé Alexandros Athenaios) quasiment intact qui mesure 49 cm (ht) par 42 cm (lg). RMB I.4 ; Helbig 1868, n°1364 bis : Narcisse est assis de trois-quarts droit, Eros sur son épaule, une nymphe de source avec un autre Eros est à l’arrière-plan, le bas du corps dissimulé par le rocher sur lequel elle est assise. Tran Tam Tinh 1974, 57-58, Inv. P 14 ; ex-CLVII del Museo di Portici. Rapport de restauration (document interne) par Delphine Burlot. https://digitalmontagny.inha.fr/fr/node/667. Sur ce maenianus, cf. Pierattini 2009, 131, type « Meniano a sbalzo » c’est-à-dire à encorbellement. GSE, 14 nov. 1932. Le décor de la pièce 22 est détaillé dans Dardenay et al. 2018, 19-21. Dardenay et al. 2016; Dardenay et al. 2015. La localisation est peu précise et on pourrait hésiter avec l’espace 21, qui servait toutefois de trémie au débouché de l’escalier : il n’est peut-être pas pertinent d’y placer un lit. Les traces de ces ouvertures sont dissimulées par le rehaussement moderne du mur ouest de la cour : celui-ci dépasse le niveau du sol de l’étage, destiné à supporter la toiture de protection installée après les travaux de restauration. GSE, description finale (insérée après le mois de juin 1934). Strocka 1975 ; Liedtke 2003. N° inv. E 1074-1075. Lampe inv. E 1078 ; bol sigillée inv. E 1079 ; bassin de terre cuite inv. E 1080. Un minuscule lion inv. E 1098. GSE 1933 : 15, 31 maggio ; description finale (insérée après le mois de juin 1934). L’enduit sur lequel les graffitis ont été tracés fut déplacé lors des restaurations sur la partie supérieure du mur ouest de la cour 8, où ils sont toujours visibles. CIL IV, 10565 : Vinum acceptum | ab domino VII Idus Apriles. Voir également Della Corte 1958, 270-271, no 387, pl. III ; Catalano 2002, 65, pl. XXXV.2-3; Varone 2012, 492 (G/594). CIL IV, 10566 : Aquaria dua cum basis | aqua in manus dua cum basis | hamas duas cum basis | aqua in manu cotidian CII | cum basis | urciolus duos | candelabra quat(t)uor | et lucubratoriu(m) unum | lucerna aenea | hamula una | pelvi(s) cum basim | et lytrum | gut(t)os tres | scapheola dua | ferreas strig(i)les VII | {h}aenas quattuor || marmor cum basim | aenea | fuminaria dua. Voir également Della
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Corte 1958, 271, n° 388, pl. III; Catalano 2002, 65, pl. XXXV.2-3 ; Varone 2012, 492 (G/595). CIL IV, 10567 : Branc | broc | trans | mus || Nos | ter | tros | men || Quod | quid | quae | quas || Rum | quis | que | dem || Con | les | gis | mul || Mol | mae | me | mae. Voir également Della Corte 1958, n° 389, pl. III ; Catalano 2002, 65, pl. XXXV.4 ; Varone 2012, 493 (G/596). V. Catalano suggère que cet exercice grammatical pourrait être le résultat d’un travail d’un ludimagister, un maître d’école responsable de l’éducation de jeunes enfants. Catalano 2002, 64. La découverte sur la façade d’une plaque inscrite au nom des propriétaires de cette demeure semble indiquer que la Casa del Mobilio Carbonizzato appartenait, en dernier lieu à une nommée Iulia ou bien à un nommé M. Nonius (Saliou 2012). Cette maison est d’accès interdit depuis 2014, pour raisons de sécurité. Les campagnes de relevés et inventaires que j’ai pu y opérer datent des années 2011-2014. D’après le GSE, A. Maiuri indique des dates différentes : novembre 1932 à avril 1933 : Maiuri 1958, 59, fig. 53. GSE, 7 mai 1932, 14 mai 1932, 27 juillet 1932, 7 janvier 1933. Il sera question de ce mobilier plus loin, supra p. 183-185. En raison de contraintes informatiques, la pièce 2a est numérotée 23 dans la base DOMUS© et sur les plans réalisés par l’équipe ANR VESUVIA. A cause de ces mêmes contraintes, la fondation HCP – qui supervise les travaux de restauration du site et a élaboré son propre plan du site – a totalement renuméroté les pièces de la maison : 2a devenant 3. Le choix opéré par l’équipe du programme VESUVIA permet de ne pas bouleverser totalement la numérotation des pièces de la maison. D. Esposito, dans son ouvrage de 2014, a utilisé les plans de l’HCP et leur système de numérotation (Esposito 2014). Moormann 1987, 128. Guidobaldi et al. 2014, n°242-243, pl. XVI. Moormann 1987, 128 et 132-134. Sur le décor de ces pièces , cf. Esposito 2014, 125. Esposito 2014, 135. Ganschow 1989, 261-268, et 281. Le mur sud n’étant pas perpendiculaire aux parois ouest et est, la distance va de 0,76 à 1,10 m. Guidobaldi et al. 2014, 275-277. Moormann 1987 ; Esposito 2014, 124-125. Moormann 1987. Moormann 1987. E. Moormann attribue les décors de cette pièce au type IIb de la classification Bastet-de Vos, c’est-à-dire à l’époque claudienne. Esposito 2014, 135-137 et pl. 97-99. Allroggen-Bedel 1991 (à propos de la question du « Lokalstil » à Herculanum et ailleurs en Campanie) ; Allroggen-Bedel 1975 (analyse du phénomène de contamination entre deux styles). Moormann 1987. Il précise que les nombreux éléments ornementaux apparaissent comme un héritage du IIIe style. Bergmann 2018, 303-308. Sur les peintures de jardin de Pompéi comme évocation de paradeisoi : Eristov 2014. Ganschow 1989, 280 : réfections en opus incertum B dans les murs ouest et nord de la pièce 15, ouest et sud de la pièce 16, les murs est et sud de la pièce 22. Wallace-Hadrill 2011, 215.
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Sur cette plaque opistographe lire supra p. 42-44. Guidobaldi et al. 2014, 273 et pl. CIX. Cerulli Irelli 1971. Esposito 2014, 177 et 189 : « Le pitture del triclinio 1 vanno attribuite sicuramente all’officina della Casa dell’Atrio a Mosaico ; esse costituiscono, peraltro, una delle commissioni piu interessanti di questa officina ». L’attribution est appuyée sur la comparaison avec les décors des pièces 7, 8, 10, 11 et 13 de la Casa dell’Atrio a Mosaico. Voir le dessin de section de cet édifice dans Maiuri 1958, pl. XXIV. Moormann 1987. Sur les critères à retenir, lire les réflexions de M. de Vos (De Vos 1977) et celles de M. V. Strocka (Strocka 1984). Cette réfection minimaliste évoque celle de la pièce 6 de la Casa dell’Apollo Citaredo, où dans la zone haute, l’artisan a refait seulement la partie de la zone effondrée et l’a peinte en jaune. Voir fig. 78. Sans doute en raison du mauvais état de conservation de ses décors peints, cette maison n’est pas présentée dans l’ouvrage de Guidobaldi, Esposito 2012. Ses décors peints ne sont pas non plus étudiés dans la thèse de D. Esposito sur les ateliers de peintres à Herculanum (Esposito 2014, simple mention de la maison p. 82). En revanche, cette maison a fait l’objet d’une étude architecturale approfondie par l’équipe hollandaise de M.C. van Binnebeke et R. de Kind dans les années 1990 (Van Binnebeke, De Kind 1996). Cet aménagement est très rare, et même unique à Herculanum, dans l’état actuel de notre connaissance du site. Maiuri 1958, 261-265. Hypothèse reprise par D. Esposito (Esposito 2014, 82, note 555). Clarke 1991, 87, repris et appuyé par Joshel, Petersen 2014, 56. Dardenay, Eristov, Maraval 2014. Dardenay et al. 2015. Ganschow 1989, 128, 168, 322. Van Binnebeke, De Kind 1996. Van Binnebeke, De Kind 1996, 201. Les auteurs notent également comme élément appuyant cette chronologie, l’usage du pied osque dans la mise en oeuvre des transformations architecturales (p. 201). Dans le corpus des mosaïques d’Herculanum, le sol de l’atrium est daté IIIe style (cocciopesto), et celui des pièces 3 et 4 (cocciopesto) est daté IIe style. Le sol des fauces est également daté IIe style : Guidobaldi et al. 2014, 324-328. Réparations effectuées en opus incertum D, et visibles dans les murs nord et ouest de la pièce 9. La chronologie post 62 de ces peintures est appuyée par De Vos, De Vos 1982, 288 et De Kind 1993, 221. Autres exemples : III, 11 ; V, 1 ; V, 5 ; V, 6-7 ; V, 9-12. Voir Ganschow 1989 et Ling 1992. Qui présente toutefois un atrium, mais réduit à la fonction de vestibule d’entrée. Tran Tam Tinh 1988. Cerulli Irelli 1971. Il n’existe pas de monographie de ces deux dernières maisons. Voir les plans publiés dans Guidobaldi et al. 2014. Andrews 2006, vol. 2, 261. Dans leur étude architecturale de la maison, M.-C. Van Binnebeke et R. De Kind, notent également que les mortiers semblent avoir la même composition, ce qui plaide aussi pour une réfection simultanée des enduits peints : Van Binnebeke, De Kind 1996, 188.
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Les auteurs du corpus des mosaïques d’Herculanum datent les pavements des pièces 3 et 4 du IIe style ; mais étant donné l’histoire édilitaire de cette maison et sa reconstruction presque totale à la fin du Ier siècle av. J.-C., il nous paraît plus cohérent de les placer dans cette phase, car le niveau de sol est le même que celui de l’atrium et des pièces environnantes. Seul le plafond voûté de la pièce 7, assez remarquable il est vrai, a été périodiquement photographié. Je remercie Alix Barbet de m’avoir transmis ses photographies de ce plafond, réalisées dans les années 1970. Cf. Barbet 1985, 255, fig. 192-193. Cette maison fait partie des quelques-unes décrites dans un document de synthèse rédigé juste après les campagnes de fouilles d’A. Maiuri et conservé à l’Archivio Storico de la Soprintendenza di Napoli (Dossier F 145, « Descrizione di Ambienti, 1931-1938). Les descriptions (lacunaires) des peintures murales ne nous en apprennent pas tellement plus que ce que vous voyons aujourd’hui in situ. Ce qui s’explique si les enduits étaient déjà en très mauvais état au moment des fouilles d’A. Maiuri. Le rédacteur signale d’ailleurs les nombreux dégâts causés par les excavations des Bourbons. Joshel, Petersen 2014, fig. 40, p. 57. Mols 1999, 251 : d’après la Descrizione di Ambienti. Voir en dernier lieu sur ce débat : Jolivet 2011, 250. Wallace-Hadrill 1994, 18-19. Jolivet 2011, note 68. Allroggen-Bedel 1991, 38 sq et 2009, 171 sq. Eristov 1994, 176. Allroggen-Bedel 1991, 36-38. Allroggen-Bedel 1991, 38. Esposito 2014, 186-187. Casa dell’ Atrio a Mosaico, exèdre 9, paroi est, zone médiane (Esposito 2014, pl. 121, fig. 3). Sans toutefois étudier celui de la pièce 7 de la Casa dell’ Atrio Corinzio. Pour cette pièce, cf. infra p. 154-155. Esposito 2014, 177 sq ; sur le travail de cet atelier, auquel il attribue le décor de la pièce 2 de la Casa dell’ Atrio Corinzio. Sur le motif du trophée d’armes en peinture, cf. Eristov 2013. Maiuri 1958, fig. 212, 264. Description détaillée de ce plafond dans Barbet 1985, 255. Classé dans le type 4 des « plafonds et voûtes à décrochements », il est comparable à celui de Pompéi, Casa de Marcus Loreius Tiburtinus (II 2, 2-5), pièce f. Maiuri 1958, 264. Vitruve, De Architectura, Livre VII, 5, 2. Pline évoque les topia à propos de l’œuvre de Studius, peintre augustéen (Pline, NH, XXXV, 116-117). Voir la synthèse de Croisille 2010, 12-14.
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Sur les naumachies dans la peinture pompéienne : Avilia, Jacobelli 1989. Croisille 2010, 64-65. Les dimensions de la parcelle sont établies à 30 x 75 pieds ( De Kind 1993). Ce sont les dates mentionnées par A. Maiuri dans son ouvrage de synthèse (Maiuri 1958, 59, fig. 53). Mais ce type d’agencement n’est pas unique à Herculanum. D’autres maisons, construites sur des parcelles étroites, ne présentent pas de pièces latérales à l’atrium : III, 16 ; III, 17 ; IV, 2 ; IV, 5-7. Maiuri 1958, 252 ; Van Binnebeke, De Kind 1996, 208 ; Andrews 2006, 273. Guidobaldi et al. 2014, n° 309, 333. Guidobaldi et al. 2014, 331-333. Le sol des fauces n’est pas signalé dans ce corpus. Van Binnebeke, De Kind 1996, 194. La question de l’absence de pavement dans ces pièces n’est pas évoquée dans le corpus de Guidobaldi et al. 2014. Ercolano. Descrizione di ambienti, 1931-1938, Archivio Storico, Museo Archeologico di Napoli, dossier F145. Maiuri 1958, 254. D’après les observations d’A. Laidlaw (Laidlaw 1985, 45). Van Binnebeke, De Kind 1996, 196-197. Mols 1999, 193. Une description très précise et soigneuse de ce meuble lors de sa découverte est rédigée dans l’archive : Ercolano. Descrizione di ambienti, 1931-1938, Archivio Storico, Museo Archeologico di Napoli, dossier F145. Plus récemment voir Mols 1999, n°29, fig. 139-145. Maiuri 1958, note 53. Egalement : Della Corte 1958, n°431. Ce sceau n’est pas mentionné par Mols 1999, dans l’inventaire du mobilier du meuble, n°29. Où furent trouvés des quantités de couvercles de dolia, mais aucun dolium, à la grande surprise des fouilleurs (Maiuri 1958, 253). Espace de stockage qui étaient rempli d’amphore, selon les fouilleurs, et comme en atteste une photo prise lors des fouilles de la maison (Van Binnebeke, De Kind 1996, fig. 14 ; Maiuri 1958, 254). Malgré mes longues recherches en archives, je n’ai pu retrouver ni photographies anciennes, ni relevés du décor de cette pièce. Camodeca 2009, 29-30. Repris dans Camodeca 2017. Ercolano. Descrizione di ambienti, 1931-1938, Archivio Storico, Museo Archeologico di Napoli, dossier F145. Van Binnebeke, De Kind 1996, fig. 17. A ce titre, ces trois édifices sont d’ailleurs exclus de la monographie de N. Monteix sur les lieux de métiers à Herculanum (Monteix 2010).
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2.3 La partie méridionale de l’insula Casa del Telaio, Casa Sannitica, Casa del Gran Portale, Casa con Giardino Dans la partie sud de l’îlot, le parcellaire a été plusieurs fois modifié depuis l’époque samnite. A l’époque augustéenne, une vaste demeure est aménagée dans l’angle sud-est de l’îlot, en empiétant sur la parcelle appartenant, durant la phase précédente, à la Casa Sannitica. Cette dernière est alors amputée de son péristyle. Faute de fouilles stratigraphiques dans cette partie de l’îlot, les limites aussi bien que la morphologie architecturale de la partie arrière de la Casa Sannitica, à l’époque samnite, sont toujours discutées. Quoi qu’il en soit, à l’emplacement actuel de la Casa con Giardino et de la Casa del Gran Portale, fut érigée, au tout début du Ier siècle de notre ère, une grande habitation (pl. 33). LA CASA SANNITICA (V, 1-2) Cette habitation, qui occupe l’angle sud-ouest de l’insula V, fut fouillée entre novembre 1927 et mai 1932.1 Son entrée, aussi austère que majestueuse, ainsi que ses témoignages de décor I er style témoignent du conservatisme de ses propriétaires et lui ont valu le nom de Casa Sannitica (fig. 134). Ainsi que mentionné en préambule, la parcelle originelle occupée par cette habitation était plus large à l’est, un péristyle se déployant derrière le tablinum,2 sur le terrain ensuite occupé par la Casa del Gran Portale et la Casa con Giardino. La demeure conserva l’intégrité de sa surface originelle jusqu’au début de l’époque impériale, avant de subir une série de modifications successives. Au moment de l’éruption, cet édifice abritait deux unités d’habitation, puisqu’une partie de l’étage avait été transformée en appartement indépendant, accessible depuis la rue, au début de l’époque impériale (pl. 5 et pl. 6). • Unité 1 : V, 1 = cette habitation occupe tout le rez-de-chaussée, soit 192 m2 auquel s’ajoutait la salle à manger à colonnade (12), mesurant 46 m2, sur l’aile orientale de l’étage (pl. 5 et fig. 134). • Unité 2 : V, 2 = cet appartement occupant l’aile ouest de l’étage (pièces 13 à 18, côté rue) et mesurant 70 m2 était accessible depuis l’escalier donnant sur la rue (pl. 6 et fig. 135).
Fig. 134. Plans de la Casa Sannitica en 79, rez-de-chaussée, étage en dessous, ANR VESUVIA©.
Fig. 135. Plans de l’appartement V, 2 en 79, rez-de-chaussée, étage en dessous, ANR VESUVIA©.
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2.3 Bien que cet édifice ait été extrêmement perturbé par les tunnels des Bourbons - d’après le Giornale degli Scavi3 - il ne nous a pas été possible jusqu’ici d’identifier et de recontextualiser des panneaux de décors qui auraient été prélevés dans cette habitation. On constate bien, toutefois, la trace de prélèvements, notamment dans le tablinum (4). ANALYSE CONJOINTE DE L’ORNATUS ET DE L’HISTOIRE STRUCTURELLE : • Phase 1 = époque samnite • Phase 2 = début de l’époque impériale • Phase 3 = réfections post 62 Phase 1 : époque samnite (avant 89 av. J.-C.) Le plan interne originel de la maison n’a été que peu altéré par le découpage ultérieur de la parcelle et de l’édifice en plusieurs unités d’habitation. En témoigne notamment la conservation d’un certain nombre d’encadrements de porte en opus quadratum : la porte d’entrée V, 1 (avec ses chapiteaux et son architrave) ; l’ouverture entre l’atrium et les fauces (avec ses chapiteaux) ; l’ouverture dans la paroi nord de la pièce 4, vers la pièce 6 ; l’ouverture entre les pièces 5 et 6 ; l’ouverture dans la paroi sud de la pièce 7. Par ailleurs, Th. Ganschow signale des portions conservées de murs originels, en opus incertum B3, dans les murs de partition entre les pièces 2 et 3 et entre les pièces 6 et 8.4 Dans un deuxième temps, mais toujours avant la fin de la période samnite, la salle à manger à colonnade de l’étage est construite (espace 15). Th. Ganschow suggère que cette surélévation explique l’agrandissement du tablinum vers l’ouest, et donc le déplacement du mur correspondant. Les traces de cet agrandissement du tablinum sont visibles dans la réfection du pavement, ainsi qu’il sera expliqué plus loin. Du point de vue de l’histoire de l’architecture de la Casa Sannitica, on ne sait, faute de fouilles stratigraphiques, si la construction de cette pièce de réception qui occupe tout le côté est de l’étage est contemporaine de celle de l’aménagement du péristyle à l’arrière de la maison, ou bien si le péristyle avait été réalisé dès la première phase de construction. Sur l’existence même d’un tel péristyle en lien avec la Casa Sannitica, les chercheurs sont divisés. Le postulat de son existence repose principalement sur la présence de colonnes d’époque pré- romaine dans l’entrée de la Casa del Gran Portale (V, 35 : pl. 32 et pl. 41). Ce péristyle déployait une colonnade sur trois côtés : l’aile ouest à l’emplacement actuel des pièces 6 et 10 de la Casa del Gran Portale, l’aile nord dans le prolon-
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gement de la pièce 11 et l’aile est au niveau de la taberna V, 34. Les vestiges des colonnes de tuf du péristyle sont d’ailleurs bien visibles dans ces espaces et dans les pièces contiguës, où elles furent déplacées pour être réemployées.5 De cette phase date l’étroit passage vers le péristyle qui avait été aménagé le long du mur sud du tablinum6 et dont la trace est toujours visible sur le pavement (fig. 136). Le sol de cocciopesto montre en effet une bande à décor différencié : il s’agit d’une trame de croisillons ornés en leur centre de motifs de svastikas. La porte d’entrée du tablinum avait d’ailleurs été aménagée, dès l’origine, dans le prolongement de ce passage, ce qui permettait un accès facile à l’arrière de la maison sans perturber les activités se déroulant dans la pièce 4. Tous les décors Ier style conservés dans cette maison datent, bien entendu, de cette phase.7 Des traces en sont toujours visibles dans le décor de façade, qui arborait des placages de stuc polychrome à imitation de grand appareil. Les fauces conservent par ailleurs leur décor de Ier style sur les zones inférieures et médianes des parois. Enfin, l’atrium conserve en zone haute, un décor de
Fig. 136. Casa Sannitica, tablinum (4). La bande de pavement à décor de svastikas (angle inférieur droit) est celle correspondant à l’ancien passage vers le péristyle. Dans le mur est, trace d’un tableau prélevé au XVIIIe siècle. Cliché M.-L. Maraval (2013).
LA PARTIE MÉRIDIONALE DE L’INSULA
Fig. 137. Casa Sannitica, fauces, mur nord. A gauche, vue du mur nord. A droite cliché d’archive montrant le décor de paysage. Cliché de W. Ehrhardt (Archives DAI = BT3715).
colonnade en stuc qui prolonge en trompe-l’œil la véritable colonnade de la salle à manger de l’étage. Tous les pavements conservés au rez-de-chaussée sont également contemporains de cette phase samnite, même si plusieurs d’entre eux ont subi ensuite des réfections partielles. Le sol des fauces, en mortier de tuileau agrémenté de tesselles blanches en motif de tapis d’écaille et de seuils à méandre en est un beau témoignage. Réalisé aussi dès le premier état de la maison, le sol de l’atrium du même cocciopesto à tesselles blanches connut plusieurs phases de réfection, en IIe puis en IVe style. Enfin les pavements des pièces 1, 2, 3, 4, et 5 conservent leur sol de cocciopesto d’origine, d’une composition comparable à ceux des fauces et de l’atrium. Phase 2 : fin de l’époque républicaine (IIe style) Il existe très peu de témoignages concrets d’opérations de remaniement du décor et de l’architecture de cette demeure dans les dernières décennies du Ier siècle av. J.-C. Seuls les fauces (11) révèlent des éléments de décor clairement attribuables au IIe style. Si le
pavement et la partie inférieure et médiane des parois ont conservé jusqu’à l’éruption leurs revêtements de Ier style, le haut des parois, ainsi que le plafond furent en revanche entièrement refaits à la toute fin de l’époque républicaine. Nous ignorons pourquoi, mais probablement pour des raisons esthétiques, car ces transformations ne sont pas liées à des modifications du bâti. Les décors de paysage qui avaient été peints en zone supérieure, sur les parois nord et sud, sont aujourd’hui presque entièrement effacés (fig. 137). Mais il existe des photos d’archives qui documentent ces deux frises (de 85 cm de hauteur) qui couraient sur le bandeau supérieur, ainsi qu’un article publié par E. Moormann8 qui propose une étude des différentes phases du décor de cet espace. Les relevés de ces frises à décor de paysage, réalisés par G. de Vivo peu après leur découverte, sont conservés dans les archives de la Surintendance (fig. 138). Sur le mur nord, le paysage offre une vue sur un plan d’eau largement ouvert bordé de bâtiments (tour, schola, tholos) et de figures. Sur le mur sud, une représentation similaire est figurée avec une vue de bord de mer ou
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2.3
Fig. 138. Casa Sannitica, fauces, relevé des paysages de la zone supérieure, par Giuseppe de Vivo (Archivio disegni SANP).
de lac au premier plan et des architectures serrées à l’arrière-plan. Les points de vue ne correspondent pas à la position du spectateur, mais paraissent plutôt figurés vus à vol d’oiseau. La datation de ces frises est très controversée. Pour M. Grant, M. de Vos, J. Clarke et A. Laidlaw, ces paysages sont caractéristiques du IIe style.9 Pour A. Maiuri (suivi par A. Barbet), elles sont d’époque augustéenne. Et enfin pour W. Peters et E. Moormann, elles relèvent du IVe style. Malheureusement, M. Hinterhöller-Klein, auteure du corpus complet et récent sur ce type de peintures de paysages ne prend pas partie, disant que les datations proposées s’échelonnent entre le IIe et le IVe style.10 La proposition défendue par E. Moormann dans son article de 1991 est celle d’une réfection totale des fauces après le séisme de 62. Les décors Ier style des parois seraient donc du « faux » style de grand appareil, réalisé à l’époque flavienne en imitant le style des décors d’époque samnite en zone inférieure et médiane. Quant aux zones supérieures, elles auraient alors été ornées de ces frises de paysage. Il me semble que les arguments de E. Moormann pour justifier une réfection globale des fauces à l’époque flavienne doivent être nuancés. En réalité, son argumentation s’appuie beaucoup sur la datation IVe style des paysages par W. Peters qui montrerait que les parois ont été refaites à l’époque flavienne. E. Moormann estime d’ailleurs que le même procédé de « restauration à l’ancienne » fut appliqué dans l’atrium : la colonnade de la zone supérieure serait elle aussi, du faux Ier style réalisé après 62 pour contribuer à conférer une atmosphère de « gravitas maiorum » à cette maison. L’hypothèse mérite d’être considérée, mais ne s’appuie pas sur une étude technique des enduits. En réalité, seules des études de mortier pourraient nous apporter des réponses. Il n’en reste pas moins que des arguments contraires peuvent être avancés dans l’immédiat : • L’intonaco sur lequel sont peints les frises de paysages est différent : il est plus grossier que celui des décors « Ier style », ce que E. Moormann relève lui-même : ces deux parties du décor ne sont donc pas nécessairement contemporaines. De plus, il est possible de ne refaire qu’une zone seulement de la paroi sans abîmer
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les enduits demeurant in situ, en protégeant ces derniers avec des tissus par exemple. De nombreux exemples sont attestés à Pompéi et Herculanum.11 • A. Laidlaw, dans sa thèse sur le Ier style, montre que le « faux Ier style » (de rénovation ou d’imitation) n’a jamais la perfection du vrai, car les artisans de l’époque impériale avaient oublié les techniques spécifiques qui permettaient une mise en œuvre impeccable et parfaitement plane et lissée des reliefs. • Des exemples de décors de paysage sont attestées dans le IIe style. Par exemple, le paysage nilotique de la Villa des Mystères (Beyen, phase Ib) ; ou encore le paysage marin de la villa de Diomède (Beyen, phase Ic). Mais surtout, un parallèle intéressant à celui de la Casa Sannitica est celui de la frise de paysage, qui est peinte au-dessus des portes, dans le décor IIe style de l’atrium de la Villa dei Misteri à Pompéi.12 Enfin, un point intéressant établi par l’étude d’E. Moormann est le raccord avec le décor de plafond à caissons illusionnistes qui montre qu’ils sont contemporains (fig. 139). Or le plafond des fauces de la Casa Sannitica est résolument datable du IIe style (éventuellement tardif, c’est-à-dire d’époque augustéenne), si l’on se fonde sur des critères stylistiques.13 Dès lors, la proposition d’une datation IIe style des frises de paysages de la zone supérieure paraît devoir être retenue.14
Fig. 139. Casa Sannitica, fauces, plafond. Cliché A. Dardenay (2017).
LA PARTIE MÉRIDIONALE DE L’INSULA Phase 3 : début de l’époque impériale (époque julio-claudienne, avant 62) C’est durant cette phase que fut construit l’étage occupant les ailes ouest et nord de l’édifice. La datation de ces travaux est assurée par l’étude du bâti : la façade est alors partiellement rebâtie, en opus reticulatum A (et opus vittatum mixtum pour l’entrée V, 2) afin d’opérer la surélévation.15 Mais durant cette phase, l’escalier de l’entrée V, 2 donnait accès à un appartement situé au-dessus des espaces de la partie sud-ouest de la Casa del Telaio ; quant à l’appartement à l’étage de la Casa Sannitica, il était accessible par l’escalier situé dans l’espace 7, le même que celui qui montait à la salle à manger à colonnade. Une autre transformation importante de cette période, qu’il est difficile de situer de manière précise en terme de datation absolue, est la perte du péristyle et sa fusion avec une autre parcelle de la zone méridionale de l’insula V, afin de construire le premier état de la «grande Casa con Giardino » (pl. 33). Mais d’après les décors IIIe style qui subsistent de cette grande maison (ensuite démantelée), ces travaux durent avoir lieu à la fin de l’époque augustéenne ou au tout début de l’époque julio-claudienne. La perte du péristyle rendit inutile le passage situé à l’est du tablinum : le mur fut alors démoli et la bande de pavement refaite.16 D’après Th. Ganschow, c’est également durant cette phase que l’impluvium de l’atrium fut recouvert de marbre.17 Phase 4 : postérieure au séisme de 62 D’après J. Andrews, c’est alors que des transformations significatives affectent l’appartement à l’étage. Les pièces de l’angle sud-ouest de la Casa del Telaio sont alors rattachées à la Casa Sannitica, et l’entrée V, 2 et son escalier, sont utilisées pour rendre le cenaculum nord-ouest de l’étage de la Casa Sannitica indépendant du rez-de chaussée.18 Nous discutons de ces transformations dans un chapitre suivant, voir infra p. 189-190. D’après les réparations visibles en opus incertum D, la maison ne fut que peu endommagée par le séisme de 62. C’est toutefois de cette phase que datent les décors IVe style de la maison. L’atrium Après les fauces, l’atrium révèle un autre exemple de décor hybride Ier-IVe style. Ainsi que le met en évidence W. Ehrhard, la fusion des décors Ier et IIe styles, avec les décors IVe style, fonctionne généralement très bien, car il s’agit de compositions dont l’esthétique et l’articulation se déploient sur une trame architecturale.19
On remarque toutefois dans l’atrium une hybridation différente des phases successives : si dans les fauces, le décor Ier style est conservé en zone médiane et inférieure, et renouvelé en zone haute, c’est le processus inverse qui est mis en œuvre dans l’atrium : la zone supérieure en Ier style a elle seule été conservée, tandis que les zones médiane et inférieure ont été refaites en IVe style (fig. 140 et 141). Dans ce vaste espace, la conservation de la zone supérieure – une colonnade de stuc particulièrement spectaculaire – avait plusieurs avantages. Outre l’importante économie financière réalisée par les propriétaires, elle permettait de conserver la cohérence esthétique et architecturale de l’atrium, par le prolongement en trompel’œil de la vraie colonnade bordant le cenaculum à l’étage de l’aile orientale de la maison (fig. 142). Enfin, elle prolongeait harmonieusement, en zone supérieure, le nouveau décor de IVe style architectural mis en œuvre sur les parois.20 La pièce 4 La pièce 4, occupait la place du tablinum dans la planimétrie, mais on note dès le seuil de la maison que l’accès en avait été modifié. En effet, comme on l’observe dans plusieurs maisons de Pompéi,21 un muret avait été élevé dans l’ouverture initiale et un passage - plus étroit - conservé dans la partie orientale de la paroi. L’accès à cette pièce n’était donc plus dans l’axe des fauces, mais décalé vers la droite et une baie était aménagée en son centre, à la place de l’ancienne ouverture décloisonnée. Quant au décor, il conjuguait un pavement de Ier style, partiellement refait dans une phase successive, avec un décor peint de IVe style, réalisé dans la phase la plus récente de réfection de l’ornatus de la maison. Très originale, la composition pariétale présentait initialement un décor monochrome jaune. Le décor des quatre parois semble identique et donne la préférence au motif architectural sur les trois zones. Toutefois, on ne perçoit plus aujourd’hui l’ambiance et l’esthétique très particulières de cette pièce, puisque la majeure partie de la zone médiane a viré au rouge sous l’effet de la chaleur du flux pyroclastique de l’éruption. La zone inférieure est structurée en panneaux et compartiments. Les panneaux sont en forme de baies sur quatre colonnes étagées sur deux plans ; du plafond à solives pend une guirlande au centre de laquelle est suspendue une situle (au centre) et un rhyton (à gauche) ; ces baies sont séparées par des compartiments en forme de distyles frontaux (entablement à rosettes) abritant une touffe de feuilles rigides, traitées en valeurs claires et sombres. En zone médiane, le décor est articulé autour d’un édicule central, orné d’un
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2.3
Fig. 140. Casa Sannitica, atrium, cliché pris lors de la fouille en 1931. Archivio Fotografico Pompei E/C 186.
Fig. 141. Casa Sannitica, atrium, dessin de restitution par R. Oliva (d’après Maiuri 1958, fig. 159).
tableau ou vignette ayant été prélevé. Le panneau latéral est encadré d’architectures : à l’angle gauche, on distingue un édicule à fronton triangulaire, plafond à caissons et entablement à motifs illisibles ; une guirlande pend du plafond. L’architecture de droite reposait également sur une cloison ; au-dessus, on distingue une échappée à deux niveaux formée de pavillons frontaux à multiples colonnes. Les panneaux latéraux pourraient aussi avoir été ornés d’éléments figurés aujourd’hui disparus. La zone haute présentait, toujours sur fond jaune, une succession d’architectures.
Fig. 142. Casa Sannitica, atrium, vue vers l’est et la colonnade de l’ancienne salle de réception de l’étage. Cliché A. Dardenay (2013).
146
La pièce 1 L’esthétique monochrome mise en œuvre dans la pièce 4 trouvait son pendant dans la pièce 1 qui offrait un magnifique décor architectural entièrement à fond vert amande. Il s’agit là de la marque d’un programme ornemental soigneusement pensé, alliant finesse et austérité, en une sorte d’écho prolongé de la dignitas conférée à l’habitation par ses décors de Ier style. L’harmonie sousjacente est donc évidente, et l’ornatus bien orchestré : un parfait exemple d’hybridation entre décors anciens et décors modernes, tout en respectant l’esprit du lieu. La grande hauteur de la pièce par rapport à ses dimensions a amené à subdiviser les zones décoratives, d’où un effet de “quadrillage”.22 La zone
LA PARTIE MÉRIDIONALE DE L’INSULA médiane est assez basse, mais surmontée d’un haut bandeau de compartiments au-dessus d’une frise illusionniste de perles et pirouettes. Le mur nord est le mieux conservé. Un panneau central est orné d’un petit tableau carré figurant Europe et le taureau. De part et d’autre de ce panneau, deux échappées sur fond vert créent donc un effet de profondeur limité. Aux extrémités se dressent deux panneaux latéraux toujours à fond vert. Dans leur partie supérieure est suspendue une guirlande en feston sous un soffite en camaïeu. Au-dessus d’une frise illusionniste de perles et pirouettes, une série de cinq compartiments se dessine à l’aplomb des structures de zone médiane. La zone haute est bien visible sur le mur nord. Elle se déploie sur trois niveaux, en un système de compartiments complexes à l’horizontale avec neuf zones au niveau inférieur, cinq au deuxième étage et à nouveau neuf au niveau sommital. Les trois compartiments centraux, en longueur, sont superposés. Le premier est compartimenté par des hampes végétales, le second est articulé autour d’une hydrie métallique portant une hampe végétale d’où naissent deux guirlandes horizontales sous lesquelles deux griffons sont affrontés ; au troisième niveau est figurée une tenture. Ce décor très compartimenté et structuré comptait quelques tableautins, médaillons et scènes figurées. Les plus remarquables sont des tableautins idyllico-sacrés et des natures mortes figurant de la vaisselle en verre, qui figuraient en zone supérieure. Par ailleurs, en zone médiane, sur le mur nord, est conservé un tableau mythologique, de médiocre facture, représentant l’enlèvement d’Europe par Zeus métamorphosé en taureau. Ce thème figuré n’est pas attesté par ailleurs dans le corpus pictural herculanéen, dans lequel, de toutes façons, les représentations mythologiques sont rares, en peinture, et plus encore en mosaïque. L’ancien sol de cocciopesto, remontant aux origines de la maison, s’accorde avec l’esthétique picturale de cette pièce et confirme un goût très prononcé, dans la Casa Sannitica, pour l’hybridation entre ancien et moderne. La pièce 5 Sans être totalement monochrome - comme la pièce 1 (verte) et la pièce 4 (jaune) - le choix d’un décor peint à dominante bleue dans la pièce 5 signe la cohérence esthétique du programme pictural de la demeure. Toutefois, les peintures de cette pièce intègrent des effets illusionnistes architecturaux plus accentués, ainsi qu’une tendance au trompe-l’œil qui culmine avec le traitement des rideaux.
La zone inférieure est à fond rouge, séparée de la zone médiane par une corniche moulurée fictive jaune. Deux bandes verticales correspondent aux limites de l’architecture latérale de la zone médiane. La zone médiane, à fond bleu, est articulée autour d’un édicule central reposant sur de fines colonnes ocre jaune cannelées, qui porte un fronton triangulaire rouge. Le champ bleu central à cadre intérieur rouge bordeaux et blanc, cintré, est recoupé en haut par une guirlande à bouquets tendue (seulement lisible en haut) dont le centre s’orne d’une tête suspendue à des rubans et d’où part une tige florale. La zone supérieure à fond blanc couronnée par une corniche de stuc moulurée s’organise en trois niveaux matérialisés par des compartiments et des guirlandes. Les divisions verticales suivent celles de la zone médiane. Comme dans la plupart des autres espaces du rez-de-chaussée, le sol en cocciopesto à motif de méandre en tesselles blanches date de la phase Ier style du décor de la maison. LA CASA DEL TELAIO (V, 3) Cet édifice joue un rôle important dans l’histoire architecturale de cette partie de l’insula, en raison des liens structurels qu’il entretient avec la Casa Sannitica (V, 1-2) et la Casa del Gran Portale (V, 35). L’état de conservation de cette maison au moment de l’éruption pose toutefois question. En effet, il s’agit du seul édifice de l’insula, et même de la partie dégagée d’Herculanum, dont les murs de toutes les pièces étaient uniformément revêtus d’enduits blancs. Si l’édifice abritait des habitations en 79, celles-ci étaient de standing extrêmement modeste (fig. 143). De plus, la fouille de l’édifice, entre 1931 et 1933, ne livra que très peu de matériel et A. Maiuri supposa qu’il abritait des ateliers, liés à une production textile, d’après la découverte, dans l’aile orientale du portique, du métier à tisser qui donna son nom à la maison (telaio).23 L’édifice actuel fut construit à l’époque augustéenne, en opus incertum C, associé à l’opus vittatum.24 L’étude des structures architecturales nous apprend que dès le début de l’époque julio-claudienne, la partie sud-ouest de l’édifice fut cédée à la Casa Sannitica afin d’aménager une entrée sur l’extérieur, en V, 2, au cenaculum de l’étage. Peu après, la Casa del Telaio fut restructurée pour adopter sa forme définitive, avec l’édification d’un grand nombre de cloisons en opus craticium afin d’aménager de nombreuses petites pièces autour de l’ancien péristyle (pl. 7). Aucun vestige de décor antérieur à la phase finale de l’édifice n’est conservé. Le seul état ornemental attesté pour cet édifice offre un pano-
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2.3
Fig. 143. Plans de la Casa del Telaio en 79, rez-de-chaussée à gauche, étage à droite, ANR VESUVIA©.
rama très homogène et surtout très modeste. Tous les murs présentaient un simple enduit blanc, parfois rehaussé d’un soubassement de couleur rouge ou noire (pièce 8). L’absence totale de pavement conservé parachève un constat d’état particulièrement médiocre. Une connexion avec un autre édifice mitoyen a pu être établie, sur laquelle nous reviendrons au chapitre 3 : après le séisme de 62, la Casa del Telaio est temporairement mise en connexion avec la Casa del Mobilio Carbonizzato, par l’intermédiaire d’une porte ouverte à l’extrémité est du mur nord du péristyle de la Casa del Telaio (piédroits en opus vittatum mixtum). Elle permettait d’accéder au jardin de la Casa del Mobilio Carbonizzato. Toutefois, le lien entre les deux édifices fut rompu peu avant l’éruption de 79, ainsi que l’indique le blocage de cette porte (fig. 120). L’état et la fonction de cet édifice en 79 posent problème. Etait-il seulement occupé ? La découverte d’une banquette de bois dans la pièce 8 laisse supposer qu’il l’était.25 Toutefois, l’état que l’édifice présentait lors du dégagement indique
qu’il était mal entretenu. Il a par ailleurs livré fort peu de matériel, à l’exception du métier à tisser déjà évoqué. N. Monteix a établi qu’il n’abritait plus aucune fonction commerciale.26 Son hypothèse est que, pendant la majeure partie de l’époque impériale, cette maison aurait appartenu au même propriétaire que la Casa Sannitica et la Casa del Gran Portale/Casa con Giardino. Ceci expliquerait les empiètements successifs réalisés sur la Casa del Telaio pour procéder à des agrandissements dans les habitations mitoyennes. Ainsi, tout le tiers méridional de l’insula V aurait constitué un unique bloc de propriété entre la fin de l’époque républicaine et le séisme de 62, puis aurait été progressivement morcelé.27 A l’appui de cette hypothèse, N. Monteix souligne que, après le séisme de 62, les trois maisons sont réparées à l’identique.28 CASA CON GIARDINO (V, 33) Fouillée en 1932-1933, cette habitation a connu une histoire édilitaire complexe. Tel qu’il se présentait en 79, cet édifice était la partie résiduelle d’une vaste habitation aménagée à époque augustéenne (ou au tout début de l’époque impériale) dans l’angle sud-est de l’insula V (pl. 33). Elle fut très endommagée par l’éruption de 79 et les fouilles d’A. Maiuri, ce qui rend l’étude de son histoire architecturale et ornementale très aléatoire29 (pour son état en 79 : fig. 144, pl. 29 et pl. 30). Phase 1 : époque augustéenne A l’origine, l’entrée de cette maison se trouvait probablement en V, 32, à l’endroit, où fut aménagée plus tard une boutique (pl. 33). L’organisation planimétrique de cette phase est difficile à restituer à trois exceptions près :
Fig. 144. Plan de la Casa con Giardino en 79, ANR VESUVIA©.
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• La présence d’un grand péristyle aménagé qui s’est développé en exploitant, au sud, la parcelle autrefois occupée par le péristyle de la Casa Sannitica.
LA PARTIE MÉRIDIONALE DE L’INSULA sur fond noir, était ornée d’une succession de tableautins à décors de paysages sacro-idylliques sur fond blanc qui occupent la même largeur que les panneaux de la zone médiane (fig. 146). Datées d’un IIIe style très précoce par D. Esposito (entre 50 et 25 av. J.-C.30), ces peintures pourraient toutefois avoir été exécutées à l’époque augustéenne. On reconnait en effet un traitement de la peinture de paysage qui évoque l’esthétique mise en vogue sous l’influence de Studius, et dont on connaît une attestation précoce dans le décor du corridor F de la villa sous la Farnésine.31 Par ailleurs, une datation augustéenne s’accorderait mieux avec la chronologie de la construction de la « grande Casa con Giardino ». Phase 2 : après 62
Fig. 145. Casa con Giardino, pièce 7, paroi sud. Cliché M.-L. Maraval (2015).
• L’existence de la pièce 7 qui conserva, jusqu’en 79, son plan et son décor peint de IIIe style initial. • Rappelons par ailleurs, que la pièce 1 de la Casa del Gran Portale, avec son architecture et son décor attestés, appartiennent à cette phase augustéenne de la Casa con Giardino. La pièce 7 Très altérées depuis leur découverte, les peintures de cette pièce restent lisibles en partie haute fig. 145 et 146). La zone inférieure est effacée, ainsi que tout le bas de la zone médiane. La composition reste toutefois compréhensible. La zone médiane est articulée en panneaux rouge bordeaux séparés par de fines colonnettes se prolongeant en zone haute. Au sommet, une corniche fictive sert de transition avec la zone supérieure. Cette dernière,
Après le séisme de 62, la grande Casa con Giardino est fractionnée en deux habitations (V, 33 et V, 35) et deux boutiques indépendantes (V, 32 et V, 34) (pl.34). On crée une entrée en V, 35, qui donne accès à une habitation autonome aujourd’hui connue sous le nom de Casa del Gran Portale. Afin de séparer les deux maisons, le jardin (9) est entouré de hauts murs et les portes de communication dans les parois sud de la pièce 6 et de l’espace 8 sont condamnées. Désormais considérablement réduite, la Casa con Giardino n’occupe plus qu’une partie de sa surface initiale (292 m2 au sol, jardin compris). Accessible en V, 33, elle est distribuée, au bout d’un long couloir (l’ancienne aile nord du portique du péristyle), en six pièces au rez-de-chaussée et un immense jardin conservé de la phase précédente (pl. 29). En revanche, le péristyle est démantelé, partagé avec la Casa del Gran Portale, et fractionné en petites pièces et espaces de circulation. Aucun décor appartenant à cette dernière phase n’est conservé dans l’édifice. Peut-être les murs avaient-ils été badigeonnés d’enduits blancs, comme dans la Casa del Telaio. Son mau-
Fig. 146. Casa con Giardino, pièce 7, paroi sud, détail de deux paysages. Cliché M.-L. Maraval (2015).
149
2.3 vais état d’entretien au moment de l’éruption a conduit certains à envisager que cet édifice était à l’abandon dans les dernières années du site.32 Cette hypothèse paraît exagérée, car les latrines, par exemple était bien en fonctionnement au moment de l’éruption.33 Il est plus probable d’envisager qu’elle était bien occupée, mais que son standing était très inférieur à celui qui était le sien au début de l’époque impériale. LA CASA DEL GRAN PORTALE (V, 34-35) L’analyse du bâti, des peintures et des mosaïques de la Casa del Gran Portale (fig. 147 et pl. 32) permet de mettre en évidence les différentes transformations de cette partie de l’insula. Il est possible, en effet d’identifier dans cette maison des éléments d’architecture et de décor appartenant à plusieurs phases successives : • Phase 1 = La phase samnite, quand le péristyle de la Casa Sannitica se trouvait à l’emplacement de la Casa del Gran Portale. • Phase 2 = La phase augustéenne, quand une grande demeure est construite, à l’emplacement du péristyle de la Casa con Giardino et de la Casa del Gran Portale. • Phase 3 = La phase des années 70, quand cette grande demeure est divisée en deux habitations indépendantes. Phase 1 : époque samnite (péristyle de la Casa Sannitica) A la phase samnite appartiennent les pavements du vestibule et de l’ala (pl. 43). Il s’agit d’un sol de mortier (cocciopesto) à insertions lithiques, datable du Ier style pompéien. Ce pavement est le sol originel de l’ancien péristyle de la Casa Sannitica, qui
a été conservé jusqu’à la phase finale du site, en dépit des nombreux remaniements architecturaux subis par ces édifices. De l’ancien péristyle de la Casa Sannitica, subsistent aussi les colonnes de tuf insérées dans les parois du vestibule et des fauces. Ces dernières sont demeurées in situ mais quelques-unes ont été déplacées et réemployées comme matériaux de construction lors des phases successives, par exemple dans l’escalier construit dans la partie arrière de la maison. Phase 2 : grande demeure dans l’angle sud-est de l’insula V Les éléments d'architecture conservés depuis la phase augustéenne sont plus nombreux et ont marqué durablement la planimétrie des habitations de cette partie de l’insula. La grande demeure d’époque augustéenne fut considérablement endommagée par le séisme de 62.34 Ces dégâts furent réparés, puis, après un laps de temps difficile à définir, l’édifice fut divisé en deux unités d’habitation indépendantes. L’analyse des maçonneries dans la pièce 9 de la Casa del Gran Portale permet de mettre en évidence cette succession d’événements. La configuration de cette maison, nouvellement créée, tente d’utiliser au mieux les structures préexistantes. D’après les études de Th. Ganschow et de N. Monteix, une partie du péristyle est remployée pour créer un couloir d’entrée (fauces, pièce 13), flanqué d’une boutique (14). Un trottoir – le seul du côté nord de ce tronçon du decumanus inférieur – est également construit, dans la longueur exacte de la façade de la maison. Le jardin est attribué à l’autre habitation, la Casa con Giardino, qui lui doit d’ailleurs son nom moderne. Dans la Casa con Giardino, le cas du décor de la pièce 7 est particulièrement intéressant pour notre propos. A la phase augus-
Fig. 147. Plans de la Casa del Gran Portale en 79, rez-de-chaussée à gauche, étage à droite, ANR VESUVIA©.
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LA PARTIE MÉRIDIONALE DE L’INSULA
Fig. 148. Plans de la taberna avec habitation V, 34, en 79, rez-de-chaussée à gauche, étage à droite, ANR VESUVIA©.
téenne, avant la division de la grande demeure, cette pièce avait été ornée de peintures IIIe style à fond blanc (datables stylistiquement des années 50-25 av. J.-C). Pendant le séisme de 62, cette pièce s’est effondrée sur la majeure partie de ses élévations, mais les murs furent reconstruits et les fresques refaites à l’identique, en imitant le décor
IIIe style qui était partiellement conservé (fig. 145 et 146). Ceci révèle sans doute le prestige qui était associé à la présence de tels décors dans l’habitation. A la phase suivante, quand la grande demeure est divisée et que cette pièce est attribuée à la Casa con Giardino, ces fresques IIIe style sont toujours conservées et ce, jusqu’à la phase finale.35 On observe le même phénomène dans la pièce 1 de la Casa del Gran Portale. A la phase augustéenne, cette pièce richement ornée de peintures IIIe style à fond rouge, avec des décors à thèmes dionysiaques, était sans doute un vaste triclinium ouvrant sur le péristyle de la grande demeure (fig.149 et 150). Quand la demeure est divisée, cette pièce est attribuée à la Casa del Gran Portale et l’on fait en sorte de percer la porte d’entrée et de créer des fauces, dans l’axe exact de cette pièce. De triclinium, la pièce 1 prend ainsi symbolique-
Fig. 149. Casa del Gran Portale, pièce 1, Entrée et vue vers le mur nord. Cliché M.-L. Maraval (2015).
Fig. 150. Casa del Gran Portale, pièce 1, mur nord. Cliché Th. Dietsch (2012).
151
2.3
Fig. 151. Casa del Gran Portale, pièce 1, tableau dionysiaque de la paroi nord. D’après Maiuri 1958.
ment le statut de tablinum par la mise en œuvre d’un principe d’axialité depuis la rue. La porte ouverte dans la paroi ouest est murée et camouflée par une réfection des peintures à l’identique du reste du décor. Le système décoratif pictural, très altéré aujourd’hui, reste visible sur la paroi nord (fig. 7 et figs. 149 et 150). Ce décor de IIIe style final est caractérisé par des parois fermées dans lesquelles une grande place est réservée à l’édicule central. Typiques de la phase finale du IIIe style sont aussi les panneaux latéraux plus bas que l’édicule central et surmontés d’une frise.36 Le soubassement, à fond noir, présente une scansion de panneaux entourés par de fines lignes blanches subdivisées en quatre champs rectangulaires avec losange au centre. Le socle est surmonté d’une bande jaune imitant une corniche. La zone médiane reçoit au centre un grand édicule en perspective avec soffite à caissons, encadré d’un couple de colonnes ioniques qui portent un épistyle orné d’une série de compartiments à fond vert, blanc et rouge avec éléments floraux. Au centre du mur nord est peint un tableau à sujet dionysiaque. Il s’agit d’un hapax iconographique, dont le thème exact demeure mystérieux (fig. 151 et 152). Rare vestige de tableau mythologique dans le champ de la peinture herculanéenne, ce tableau est composé de quatre personnages. A gauche,
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près d’une statue élevée sur un socle, se dresse un personnage appuyé sur une hampe. Il pourrait s’agir de Dionysos. Derrière lui, une femme porte la main à la bouche en signe de surprise. Dans la partie droite du tableau, un vieux silène regarde quelque chose sur un bloc quadrangulaire assez bas, sur lequel un quatrième personnage appuie ses mains. Les panneaux latéraux sont plus bas et reçoivent au centre des vignettes avec figure ailée ou à cheval. La zone supérieure présente, au centre, le couronnement de l’édicule central avec un grand panneau bordeaux sur lequel se tiennent des rouleaux de feuilles d’acanthe. Les panneaux latéraux présentent de légers pavillons en perspective sur fond blanc. Le pavement de cette pièce un sol de mortier à insertion lithique, datable du IIIe style tardif, est contemporain des enduits peints et a donc, lui aussi, été volontairement conservé. Nous conservons ainsi l’unité du décor de cet espace, tel qu’il avait été pensé initialement, quand il s’agissait d’un luxueux triclinium ouvrant sur le péristyle d’une vaste demeure. La fonction de salle à manger de cette pièce est par ailleurs fondée sur la présence des niches aménagées dans les parois ouest et est pour insérer des banquettes37 (fig. 153). Autre exemple de sol antérieur à l’aménagement de la Casa del Gran Portale, le pavement des fauces a conservé un pavement de mortier à insertion lithique de datation tardo-républicaine ou augustéenne.38 Ce pavement appartient donc à une phase précédente de l’édifice, peut-être successive au démembrement du péristyle de la Casa Sannitica
Fig. 152. Le même tableau photographié en 2012. Cliché Th. Dietsch (2012).
LA PARTIE MÉRIDIONALE DE L’INSULA
Fig. 153. Casa del Gran Portale, pièce 1, paroi ouest. Une niche a été aménagée dans le mur pour insérer une banquette en bois. Une niche similaire se trouve dans le mur d’en face. Cliché M.-L. Maraval (2016).
Phase 3 : la Casa del Gran Portale devient une habitation indépendante Enfin une partie des décors, peints ou mosaïqués, ont été réalisés dans la phase finale du site, après la séparation des habitations. C’est le cas des décors IVe style des pièces 4, 6 et 10. Certaines présentent des décors hybrides stylistiquement, comme la pièce 10, avec son pavement de Ier style (d’époque samnite) et son décor pariétal de IVe style (pl. 42). Sur les parois, comme sur les pavements, on relève la prévalence des décors monochromes aux détails riches et précieux. Signalons un cas d’empiètement sur une parcelle mitoyenne, au moment de l’aménagement de la Casa del Gran Portale. La pièce 5 a subi de lourds dommages pendant le séisme de 62, alors qu’elle était rattachée à la Casa del Telaio. Après la réparation des parois et portes la mettant en communication avec la pièce 9 au rez-de-chaussée, cette pièce est cédée à la Casa del Gran Portale.39 Mais son décor ne sera pas modifié, ni le pavement, ni les peintures, qui restent dans l’état où elles se trouvaient quand la pièce appartenait à la Casa del Telaio. L’étude de cette pièce relève donc plus de l’étude du programme ornemental de la Casa del Telaio, que de celui de la Casa del Gran Portale.
Fig. 154. Casa del Gran Portale, pièce 5, paroi sud. Cliché M.-L. Maraval (2012).
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2.3 mais ponctué d’éléments figurés et ornementaux extrêmement soignés. Le soubassement à fond rouge est articulé par de gros piédestaux jaunes entre lesquels se trouvent des compartiments bleus de forme architecturale. Les champs rouges sont couronnés de plafonds à caisson. Au-dessus est figurée une large prédelle à fond blanc ornée de têtes barbues (Océan) séparées par des entrelacs végétaux40 (fig. 156). La zone médiane, très mal conservée, était composée de panneaux à fond bleu et d’édicules architecturaux très grêles. A priori les panneaux ne portaient pas de tableaux ni vignettes. Le bandeau supérieur est particulièrement remarquable : il représente une tenture festonnée blanche en frise, ornée de bordures
Fig. 155. Casa del Telaio, pièce 8 (mitoyenne). Dans la phase finale du site, toutes les pièces de la Casa del Telaio étaient simplement enduites de blanc. Dans la pièce 8 on note un soubassement noir. Cliché M.-L. Maraval (2012).
La pièce 5 Ce petit espace est ainsi décoré de manière extrêmement modeste, d’une manière qui rompt tout à fait avec le programme ornemental soigneux et raffiné de cette habitation. Les parois sont simplement revêtues d’un enduit blanc, dont le soubassement est peint en ocre rouge (fig. 154). Ce type de revêtement est caractéristique des pièces de service ou des décors de façades. On s’étonne donc de le trouver dans un espace desservi par l’élégante ala 10. Mais, récemment acquise à la Casa del Telaio, cette pièce en portait encore l’enduit et n’avait toujours pas été redécorée au moment de l’éruption, mais peut-être que cette rénovation était programmée (fig. 155). La pièce 6 Cette petite pièce ouverte sur le petit viridarium (espace 12) était dotée d’un décor à fond bleu particulièrement luxueux, jouant sur la monochromie et l’apparente sobriété iconographique,
154
Fig. 156. Casa del Gran Portale, pièce 6, mur est. Cliché M.-L. Maraval (2012).
LA PARTIE MÉRIDIONALE DE L’INSULA
Fig. 157. Un panneau figurant Océan au centre d’entrelacs (inv. 8513) et un panneau figurant une partie du soubassement (inv. 8595), identiques à ceux du mur est, furent prélevés sur une autre paroi et sont conservés au MANN. inv. 8595. Cliché H. Eristov (2015).
ajourées et de masques de théâtre et de trophées. Quant à la zone supérieure, elle figure des architectures surmontées de dais sur fond bleu. D. Esposito attribue le décor de cette pièce au même atelier que la pièce 9 de la Casa dell'Atrio a Mosaico et la pièce 16 de la Casa dei Cervi. Deux panneaux prélevés dans cette pièce au XVIII e siècle ont pu être identifiés dans les réserves du MANN : inv. 8595 (une partie de soubassement, fig. 157) et inv. 8513 (Tête d’Océan et entrelacs sur fond blanc). Le pavement date également de la dernière phase de restructuration et de décor de l’habitation. Il s’agit d’un élégant pavement de mosaïque de tesselles noires, orné en son centre d’un emblema d’opus sectile. Raffinement supplémentaire, l’oculus de la paroi orientale était fermé par une vitre, aménagement dont on ne connaît que de rares exemples à Herculanum.41 Quand la Casa del Gran Portale fut transformée en habitation indépendante, un étage lui fut adjoint. Accessible à l’arrière de la maison, depuis la pièce 9 qui servait probablement de cuisine, il se déployait au-dessus des pièces 4-5-7-8 et au-dessus de la boutique 14. Cet étage est aujourd’hui effondré et aucun décor n’est conservé. Mais l’histoire structurelle de la maison nous apprend qu’ils furent réalisés après 62. Finalement, la planimétrie et le décor de la Casa del Gran Portale, tout comme celui de la Casa con Giardino, révèlent un véritable patchwork d’éléments d’architecture et de décor de différentes phases, volontairement mis en œuvre. Ce « pro-
gramme ornemental » résulte de l’optimisation et de la mise en valeur de l’architecture, des peintures et des mosaïques, des différents édifices qui se sont succédés sur les parcelles de la partie méridionale de l’insula. Ainsi, il a été montré que le décor de la pièce 1 est contemporain, en réalité, du décor de la pièce 7 de la Casa con Giardino, et appartient au même programme ornemental. Il convient donc de les étudier simultanément. Et l’étude conjointe de ces différents édifices, aussi bien du point de vue diachronique que synchronique, se révèle donc indispensable. Ce genre d’observation plaide, encore une fois, pour l’abandon des études monographiques ciblées sur une seule habitation, en contexte urbain, pour envisager les édifices à l’échelle de l’insula toute entière. NOTES 1
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Dans la mention de ces dates, là encore, A. Maiuri se montre peu précis, puisqu’il indique que les fouilles commencèrent en 1931, alors que les GSE indiquent clairement un début des travaux en novembre 1927 (Maiuri 1958, 59, fig. 53). Les archéologues ayant étudié le secteur s’accordent sur l’existence de ce péristyle. Les avis divergent seulement sur son extension. Pour A. Maiuri le péristyle se serait développé sur une bande de la Casa del Gran Portale ainsi que toute la surface occupée par le jardin de la Casa con Giardino (Maiuri 1958, 197-199). Th. Ganschow quant à lui limite l’extension du péristyle à une bande est-ouest dans la partie sud de l’insula (Ganschow 1989, 296-299). N. Monteix suit Th. Ganschow : cf argumentaire dans Monteix 2010, 313, note 41. GSE : deux tunnels dans les fauces, deux tunnels dans la pièce 2 (qui avaient endommagé le décor peint et un lit en bois), un en pièce 3, un en pièce 8, un dans l’angle nord-est de l’atrium (qui avait endommagé un coffre de bois) et plusieurs tunnels dans le tablinum 4. Ganschow 1989, 235. De manière inattendue, l’une d’entre elles a été renversée et employée pour servir d’appui à l’escalier et au mur des latrines de la pièce 6 de la Casa del Gran Portale. Ganschow 1989, 233. Laidlaw 1985, 304-307, fig. 75-76. Voir également sur les décors Ier style de cette maison l’analyse de J. Clarke (Clarke 1991, 85-93). Moormann 1991. Grant 1971, 225 ; De Vos, De Vos 1982, 296 ; Clarke 1991, 88-91 ; Laidlaw 1985, 305 sq (qui semble hésitante…). Hinterhöller-Klein 2015, 498, et pl. 197. Citons l’exemple de la zone supérieure des fauces de la Casa del Mobilio Carbonizzato (voir supra p. 123.). Clarke 1991, fig.29, 96. Barbet 1985, fig. 43, 80. L’auteure propose de nombreuses comparaisons (notamment avec une voûte en stuc de la Casa del Criptoportico à Pompei) permettant de dater ce plafond illusionniste dans le contexte stylistique du IIe style pompéien. Elle réaffirme cette datation dans Barbet 1993, 366. C’est également la conclusion de A. Barbet, après examen de l’hypothèse soulevée par E. Moormann dans son article de 1991 : Barbet 1993, 366.
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Pour Th. Ganschow (1989, 231-232) ces travaux furent réalisés à l’époque augustéenne ou bien au tout début de l’époque impériale. Guidobaldi et al. 2014, 266-267. Ganschow 1989, 235. Andrews 2006, vol. II, 170. Ehrhardt 2012, 116-130. Ehrhardt 2012, 122, 125, 140. Maquinay 2018, 246-251. Il sera discuté plus avant de cette transformation infra p.246. On observe une même technique de multiplication des zones dans les décors à fond blanc de la domus Aurea, pour s’adapter à la grande hauteur des parois. E. Moormann et P. Meyboom les désignent sous l’appellation « facciata da parata » : Meyboom, Moormann 2013, 90-91. Maiuri 1958, 430. Découvert le 5 janvier 1933 dans la pièce 10. Monteix 2010, 315. GSE, 5 janvier 1933. Mols 1999, 248. L. Nissin interprète ainsi cette pièce comme une chambre à coucher en raison de la présence de la banquette : Nissin 2015, 102. Monteix 2010, 53-54 et 388 et 177, pour le métier à tisser. Monteix 2010, 360. Monteix 2010, 361. Ganschow 1989, 314, souligne ces difficultés. Esposito 2014, 112-113.
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Mols, Moormann 2008, 50-57. Kastenmeier 2018, 216. Camardo, Notomista 2015, 143. Détail des destructions et réfections dans Monteix 2010, 318. Toute la partie occidentale est très clairement reconstruite avec des moellons récupérés des murs effondrés. En lien avec cette réparation, le montant d’une porte donnant dans la pièce 6 de la Casa con Giardino a été restauré en opus vittatum, juste avant que la porte ne soit murée avec des moellons de tuf rossicio, afin de sceller la séparation entre les deux maisons. Le pavement de cette pièce est détruit ou non visible actuellement. On retrouve les mêmes dans la pièce 2 de la Casa della Stoffa et dans les pièces 8 et 9 de la casa IV, 12-13.15-16. Cf. Esposito 2014, 140. Sur la fonction de ces niches et leur lien structurel avec les banquettes de bois : Allison 2015b, 267-269. Guidobaldi et al. 2014, 336. On note une différence de niveau de 12 cm environ entre les sols les plus anciens (Fauces + vestibule et ala) et les sols postérieurs, dans cette maison. Monteix 2010, 320. Motif dit « Blattmaske ». Sur la signification et la diffusion iconographique de ce motif, cf. Derwael 2017. Vestiges de verre conservés in situ. Cf. Guidobaldi, Camardo, Esposito 2015.
2.4 Les façades et les trottoirs de l’insula V
DÉCORS DE FAÇADE :
DES CHOIX CONTRASTÉS
Ainsi que le faisait remarquer J. A. Dickmann, plus un propriétaire est important - ou veut se donner de l’importance - plus il souhaite posséder d’espace sur la rue, y compris des tabernae, pour rendre visible l’importance de son patrimoine.1 Dès lors, ce qui compte dans la mise en scène du statut social, ce n’est pas tant la planimétrie de la maison, que son implantation et sa mise en valeur dans l’insula. Les décors des façades et, dans une certaine mesure, ceux des trottoirs participent de cette mise en scène. Comparativement à Pompéi, les décors peints des façades des édifices d’Herculanum résistèrent beaucoup moins bien à l’épreuve du cataclysme de 79 et à celui des fouilles et des intempéries successives. Sans doute est-ce dû, en partie, à la nature et à la violence du flux pyroclastique qui envahit les rues de la ville en 79. Quoi qu’il en soit, seuls quelques édifices de l’insula V – et même d’Herculanum en général – conservent des enduits de façade.2 Le témoignage le plus original est celui du décor la façade de la Casa di Nettuno ed Anfitrite, puisqu’il prolonge, dans un module beaucoup plus large, le décor de IVe style des fauces de la maison. Un tel exemple de mise en œuvre d’enduit décoratif de IVe style en façade est plutôt rare. Il en existe toutefois quelques exemples, comme celui de la Casa dei Cinque Scheletri à Pompéi (VI 10, 2).3 Ce n’est cependant pas un cas isolé. D’autres habitations d’Herculanum présentaient un enduit de façade à décor polychrome. C’était le cas, notamment, de la Casa del Bicentenario, sur sa façade donnant sur le decumanus superior. On y distingue encore la trace d’un enduit peint de carrés polychromes. Ce décor de façade est semblable à celui qui ornait, à Pompéi, la façade de la fullonica dite « de Fabius Ululitremulus » (IX 13, 4), documenté par des photographies anciennes, mais aujourd’hui effacé4 (fig. 162). La Casa Sannitica (V, 1-2) Le décor de façade de la Casa Sannitica présentait des enduits de Ier style, contemporains de la première phase de décor de cette habitation et prolongeait ainsi celui des fauces et de l’atrium de la domus (fig. 158). Il s’agit d’un type de décor de façade assez usuel et pertinent : les revêtements
Fig. 158. Façade de la Casa Sannitica avec détail de l’enduit Ier style. Cliché M.-L. Maraval (2018).
157
2.4 de façade en style de « grand appareil » se rencontrent fréquemment dans l’environnement urbain du monde romain – aussi bien en ornementation des bâtiments monumentaux (édifices publics, sanctuaires…) que des habitations.5 Plusieurs exemples en sont conservés à Pompéi et Herculanum, soit en « vrai » Ier style d’époque samnite (Pompéi, Casa dei Dioscuri, VI 9, 6 ; Casa di Giulio Polibio, VI 17, 32) soit en Ier style reconstitué c’est-à-dire tardif et imitant l’ancien (Herculanum, Casa della Fullonica, IV, 5-7). La Casa di Nettuno ed Anfitrite (V, 6-7) En façade, deux grands fragments ont été repositionnés de part et d’autre de la porte d’entrée ; deux fragments plus petits se trouvent en zone haute à gauche de la porte. À première vue, ils portent un décor plus adapté à une pièce d’habitation qu’à une façade, ce qui a suscité des interrogations : s’agit-il de fragments du décor intérieur remontés là au moment des fouilles ? Ou bien d’un décor de façade totalement atypique et conçu comme un décor intérieur ? L’identité de structure décorative a fait penser, dans un premier temps, que ces éléments appartenaient au décor des fauces ; mais il est vite apparu que ni les dimensions ni certains détails ne correspondaient et qu’il était impossible de les restituer sur le mur sud qui aurait eu une organisation différente du mur nord. Selon d’autres hypothèses, ce décor aurait pu provenir de l’étage, or les parois conservées montrent des dispositifs tout à fait différents. Aucune autre pièce de la maison n’a conservé de vestiges cohérents avec les fragments en façade et il est exclu de supposer qu’ils proviennent d’une autre maison.
À gauche de la porte, un fragment à fond rouge bordeaux (h. 0,70 m, L. 2,46 m) conserve un long piédestal décoloré à corniche moulurée saillante dont la limite supérieure se situe à 0,63 m du sol ; son encadrement noir en bâtière enferme une zone très lacunaire. Aux deux extrémités de la corniche, une colonne ocre à base attique est redoublée, vers l’intérieur, par une bande verticale décolorée, l’ensemble encadrant un panneau large de 1,19 m dont l’essentiel est perdu. À gauche, la présence d’un champ médian est attestée par l’angle d’une bordure ajourée large de 4 cm et dessinant des pentagones irréguliers têtebêche à petits fleurons répétitifs (type Barbet 65 a).6 Le schéma décoratif faisait donc alterner des champs encadrés de bordures ajourées et des panneaux architecturaux dont on ne connaît que le piédestal et les colonnes. La hauteur donnée à cette zone médiane est inconnue ; elle a été restituée à 1,07 m comme celle des fauces (fig. 159). La présence d’une zone supérieure à fond blanc est attestée par deux fragments, l’un avec un griffon en acrotère tourné vers la gauche et surmonté d’un plafond à solives ; l’autre, plus à gauche, avec les vestiges d’une corniche fictive et l’amorce de la bande rouge formant la limite haute du mur. Par sa présence, le griffon suppose un entablement qui ne peut être symbolisé que par un tracé situé à 2,17 m du haut du piédestal ; derrière lui passe le support d’un mur fuyant qui soutient un plafond à solives en perspective. La baie ouvrant sur cet espace n’est conservée que sous la forme d’une amorce d’encadrement en bâtière. Grâce à cette forme triangulaire, une largeur de 0,51 m est donnée à ce pavillon dont le support visible prolonge, semble-t-il, la colonne de la zone médiane. En revanche, l’éventuelle
Fig. 159. Casa di Nettuno ed Anfitrite, restitution infographique de la façade. Infographie : H. Eristov & M.-L. Maraval, ANR VESUVIA©.
158
LES FAÇADES ET LES TROTTOIRS DE L’INSULA V
Fig. 160. Restitution de la facade de la Casa del Bicentenario (au centre avec la structure en encorbellement) et de ses voisines par R. Oliva (D’après Maiuri 1958, pl.21).
correspondance des autres supports (hypothétiques) avec des éléments de la zone architecturale à fond rouge ne peut être établie. Par symétrie, un autre pavillon est restitué au-dessus de la colonne médiane de droite. Il est à noter que, en façade comme ailleurs, les deux petites fenêtres coupaient partiellement le décor. Au-dessus des champs rouges médians, le fragment à fond blanc et corniche fictive peut s’interpréter comme un édicule occupant l’espace entre les paires de pavillons ; si l’on connaît sa hauteur, sa largeur reste hypothétique. Enfin, le fragment (ht.1,12 m; L. 1,21 m) existant entre la porte des fauces et celle de la boutique, quoique très érodé, présente l’extrémité droite d’un piédestal, les traces de son encadrement noir, de la colonne et de la bande verticale qui le surmontent, ainsi que du champ rouge à bordure ajourée. Aussi est-on fondé à restituer un dispositif paratactique tout le long de la façade où se succèderaient quatre champs dont seul celui de gauche ne serait pas interrompu par une porte, et, virtuellement, trois panneaux architecturaux dont un seul complet, un autre interrompu par la porte vers les fauces, et les autres totalement escamotés par l’ouverture de la boutique. Nous avons donc affaire à un décor de façade qui fait écho à celui des fauces, tant par son chromatisme que par la présence en partie basse de larges piédestaux portant les architectures de zone médiane ; ce que l’on peut restituer de la zone supérieure annonce également la vue de celle des fauces. Atypique, mais pas unique,7 celui-ci constitue un rare témoignage de la variété des décors qui pouvait s’y trouver. Il révèle également le souci que pouvaient avoir certains commanditaires de préparer visuellement le visiteur et d’annoncer, dès la rue, le décor de la maison. Quelques mètres plus bas, la façade de la Casa Sannitica, évoquée plus haut, est probablement à interpréter dans le même sens : les restes du
décor de Ier style de la façade reprennent le décor des fauces avec son feint appareil de stuc en relief. La Casa del Bicentenario (V, 13-16) La Casa del Bicentenario, dont la façade se déployait sur le decumanus superior, présentait un décor peint en « échiquier polychrome » (fig. 160 et 161), d’un type bien connu, et dont plusieurs exemples sont attestés à Pompéi8 (par exemple IX 5, 6.17 ou IX 13, 5, Fullonica di Fabius Ululitremulus ; fig. 162 et 163). La mise en œuvre d’enduits colorés en façade, soit selon des formules traditionnelles (Casa Sannitica, Casa del Bicentenario), soit avec des compositions ordinairement réservées au décor intérieur, et qui devaient apparaître comme plus fasteuses ou clinquantes (Casa di Nettuno ed Anfitrite), était bien entendu destinée à distinguer l’habitation de ses voisines et à marquer les limites des propriétés.9 Ces décors permettaient d’établir depuis la rue, le standing de l’habitation et donc de son propriétaire ou occupant. Il n’est pas non plus exclu qu’à l’instar des enduits intérieurs (dont ils semblent souvent une prolonga-
Fig. 161. Vue actuelle de la façade de la Casa del Bicentenario. Cliché M.-L. Maraval (2011).
159
2.4
Fig. 162. Pompei, IX 13, 5 - Fullonica di Fabius Ululitremulus. Restitution graphique de la façade. D’après Spinazzola 1953, tav. X.
tion), les décors de façades, en reflétant les goûts de ses habitants, permettent de les identifier comme appartenant à certaines catégories sociales. Le style « nouveau riche » de la Casa di Nettuno ed Anfitrite était très différent du style austère et aristocratique de la Casa Sannitica. Ce paradigme reflète d’ailleurs une tendance générale de la société romaine, qui marquait une distinction forte entre d’une part, une esthétique de l’austeritas, revendiquée par les patriciens comme une marque de gravitas (c’est-à-dire de modestie, de sobriété) digne des valeurs traditionnelles des Romains et d’autre part, un goût pour l’ostentatio, comprise par ces derniers comme une marque de vulgarité. Cette dichotomie esthétique, que l’on observe dans le décor intérieur des maisons,10 se projette également sur la façade.11 Fig. 164. Casa del Gran Portale, façade. Clichés A. Dardenay (2011).
Fig. 163. Pompei, IX 13, 5 - Fullonica di Fabius Ululitremulus. Photo prise peu après la fouille, en 1915. Archivio Fotografico Pompei.
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L’architecture de la porte d’entrée contribuait également à la distinction de l’habitation. Ainsi quelques unes présentent un portail d’entrée monumentalisé grâce à l’adjonction de chapiteaux et/ou d’une architrave décorée. L’exemple le plus significatif est sans aucun doute celui de la Casa del Gran Portale, dont la porte d’entrée fut percée dans les dernières années du site, quand cette habitation fut créée par division de la Casa con Giardino (fig. 164). Afin de donner une certaine perspective à cette entrée, il fut choisi de la percer dans l’axe d’une belle salle de réception (1), ornée d’enduits IIIe style à fond rouge, ce qui rehaussait d’un certain prestige cette habitation à la planimétrie atypique. Le portail était encadré de colonnes semi-engagées de briques (jadis
LES FAÇADES ET LES TROTTOIRS DE L’INSULA V recouvertes de stuc) qui supportaient des chapiteaux de calcaire blanc historiés d’un type peu fréquent, ornés de figures de Victoires aux ailes déployées, de part et d’autre des feuilles d’acanthes. Afin de rehausser la dignitas de l’habitation, un trottoir, le seul de cette partie du decumanus, avait été aménagé en façade.12 La Casa Sannitica présentait elle aussi un portail monumentalisé, par des pilastres en légère saillie supportant des chapiteaux de tuf quadrangulaires à décors de palmettes, caractéristiques de l’époque samnite, qui supportaient une architrave et une corniche à denticules. De plus, signalons, pour cette même propriété, que la porte d’accès au cenaculum V, 2, aménagé à l’étage de la Casa Sannitica, était, elle aussi, mise en valeur par une corniche de terre cuite surmontant le linteau de bois. Les témoignages de façades mises en valeur par un portail monumentalisé se limitent à ces deux exemples, pour l’insula V d’Herculanum, il ne s’agissait donc pas de dispositifs architecturaux très courants,13 et dès lors, leur présence n’est pas anodine. Elle relève nécessairement d’une volonté de distinction particulièrement forte de l’habitation, de rehaussement du prestige qui n’attente pas trop gravement à la dignitas par une ostentatio trop vulgaire. On se souvient ici du précédent de la maison d’Auguste sur le Palatin, dont le Princeps avait su garder le décor dans les limites de la sobriété et de l’austeritas, en préférant de simples peintures murales et mosaïques à de luxueux et ostentatoires décors de marbre. En revanche, il avait volontiers accepté que le portail de sa maison fut mis en valeur par un décor sculpté représentant une corona civica.14 Les figures de Victoires sur les chapiteaux de la porte d’entrée de la Casa del Gran Portale (V, 35), sont peut-être aussi, un lointain écho à l’ancienne tradition républicaine qui autorisait à Rome, les généraux vainqueurs à accrocher à la porte de leur maison des trophées évoquant leur victoire ? D’ailleurs, Tite-Live stipule bien que ce genre de pratique n’était pas réservée aux généraux vainqueurs, ni aux magistrats, puisque certains n’hésitaient pas à usurper cet honneur afin d’ennoblir leur maison15 ; Polybe précise par ailleurs, que certains soldats avaient gagné ce droit pour avoir accompli des actes valeureux sur le champ de bataille.16 Les Victoires de l’entrée de la Casa del Gran Portale, peuvent se lire dans un projet de rehaussement du prestige d’une habitation à la planimétrie étroite et biscornue, la grandeur du portail d’entrée opérant sur un mode compensatoire. En conclusion, on rappellera qu’au « discours de la façade » venaient s’ajouter toutes les parties
visibles depuis la rue quand la porte était ouverte.17 Ceux-ci donnaient à voir, par le jeu de la perspective et de l’agencement architectural, des éléments choisis de l’intérieur de l’édifice. Cette articulation entre d’une part la façade et ses ouvertures, et d’autre part, le décor et l’architecture intérieure, pouvait être savamment construite et répondre à des normes variées, comme le laissent penser plusieurs exemples de l’insula V d’Herculanum. Ainsi lorsqu’on passe devant la Casa del Mobilio Carbonizzato (et si la porte est ouverte), c’est le laraire maçonné, appuyé contre le mur du fond du viridarium, qui est niché tout au fond de la perspective. En revanche, en passant devant la Casa di Nettuno ed Anfitrite, le regard est comme happé, encore aujourd’hui par la mosaïque éponyme qui s’encadre dans la baie de la paroi arrière du tablinum et devant laquelle s’élevaient autrefois des jets d’eaux. Plus loin, lorsque l’on passe devant la Casa dell’Atrio Corinzio, la mise en scène s’inscrit tout entière autour du nymphée et du petit jardin, aménagés en hauteur dans la cour intérieure de la maison, à la sortie des fauces. En dépit de ses dimensions restreintes, ce dispositif qui ennoblissait la maison devait impressionner le passant en raison de sa surélévation par rapport au niveau de la rue mais aussi des jeux aquatiques qui l’animaient. LES BANCS EN FAÇADE Les banquettes maçonnées en façade de certaines habitations n’étaient pas si fréquentes dans l’insula.18 Seuls sont attestés le long du cardo IV l’exemple de la Casa Sannitica (V, 1-2)19 et le long du cardo V, celui de la Casa dell’Atrio Corinzio (V, 30). Dans l’exemple de la Casa dell’Atrio Corinzio, l’aménagement était particulièrement sophistiqué (fig. 165). En effet, la banquette était abritée sous le portique du maenianum, ce qui permettait de
Fig. 165. Casa dell’Atrio Corinzio, façade. Cliché M.-L. Maraval (2012).
161
2.4 ainsi fort peu crédible de relier à la cérémonie de la salutatio, la présence de banquettes en façade de la Casa a Graticcio (III, 13-15) – petit immeuble de rapport d’Herculanum – de la Casa del Papiro Dipinto (IV, 8) ou bien, à Pompéi, de la très modeste habitation VI 2, 2. Si bien que, à l’instar de J.-P. Guilhembet qui en faisait la remarque, ces banquettes pouvaient être tout simplement destinée à l’agrément des habitants et usagers de la maison, pour prendre le soleil et profiter de l’animation urbaine, tout en accomplissant, éventuellement, quelque tâche domestique24 (ainsi qu’il se pratique encore de nos jours dans la plupart des villes du pourtour méditerranéen). Et un graffito incisé dans l’enduit de façade de la Casa Sannitica, juste à l’aplomb de la banquette sud, évoque un autre usage que l’on pouvait faire de ces bancs : « hic sitiet amor » (CIL IV, 10652). Quoi qu’il en soit, on ne manquera pas de souligner que la présence de ces banquettes sur les trottoirs marque, a priori, une extension de l’espace privé sur la rue,25 surtout quand elles sont aménagées de part et d’autre de la porte (Herculanum : III, 11). LE TROTTOIR : UN ÉLÉMENT DE PERSONNALISATION DES PROPRIÉTÉS
Fig. 166. Casa Sannitica, témoignages photographiques de la reconstruction de la banquette sur toute la longueur de la façade, après 1932 (date de la photo de gauche). D’après Hartnett 2017, 199, fig. 62.
s’y asseoir à l’abri du soleil et des intempéries. De plus, elle était recouverte d’un enduit rouge, conservé in situ, et précédée d’un pavement incrusté de plaquettes de marbre blanc sur le trottoir. Quant à la banquette de la Casa Sannitica, il est possible que sa restauration ait exagéré son emprise et ses dimensions – en l’allongeant d’environ 1 mètre supplémentaire – si l’on en croit du moins l’hypothèse formulée par J. Hartnett d’après la consultation des photos d’archive prises en 193220 (fig. 166). A Pompéi, ces banquettes maçonnées sont souvent mises en relation avec la cérémonie de la salutatio.21 L’inconvénient de cette interprétation est que nous ignorons si cette pratique sociale était d’usage à Pompéi.22 Un autre écueil est que ces banquettes ne sont pas aménagées uniquement en façade des habitations « patriciennes », mais également accolées à de modestes maisons.23 Il paraît
162
Si le trottoir est, dans l’usage, un espace collectif de circulation, son aménagement relève de la propriété individuelle des bâtiments qui bordent la rue.26 Et de fait, les données archéologiques, notamment observées à Pompéi et Herculanum, confirment les sources juridiques : on constate aisément que les aménagements des trottoirs suivent les limites des propriétés. De manière générale, l’analyse de la morphologie des trottoirs à Pompéi – dont l’homogénéité des tracés prédomine27 – a fait écrire à C. Saliou que leur construction devait être placée sous le contrôle plus ou moins actif de la collectivité à laquelle revient probablement la définition de sa largeur et de son tracé, mais confiée à la responsabilité des propriétaires riverains.28 Il est probable que la part que ces derniers prenaient aux travaux dépendait de la longueur sur rue de la façade de leur bien. Mais la maçonnerie des trottoirs n’est généralement pas un patchwork d’interventions successives, ce qui impose de restituer deux scénarios possibles : soit la collectivité imposait aux riverains un cahier des charges, soit un seul entrepreneur prenait en charge la construction de tous les trottoirs, vraisemblablement au moment du lotissement de l’îlot. Mais dans un cas comme dans l’autre, il est fort probable que les frais de construction du trottoir étaient portés à la charge des propriétaires des édifices riverains. Dans un
LES FAÇADES ET LES TROTTOIRS DE L’INSULA V second temps, chaque propriétaire avait la liberté de marquer les limites de sa propriété sur le sol, ainsi qu’il pouvait le faire pour sa façade. Certains allaient même jusqu’à faire aménager des facilités d’accès à leur propriété, comme une petite rampe, ou bien une marche depuis la chaussée, ainsi qu’on le voit par exemple, le long du cardo IV, devant la Casa del Mobilio Carbonizzato (V, 5) et devant la Casa Sannitica (V, 1) : fig. 167 et 168. La comparaison de ces deux dispositifs est d’ailleurs éloquente : on voit bien qu’ils ne sont pas identiques et procèdent de techniques de mise en œuvre différentes, pour des maisons pourtant situées sur le même trottoir. Si, la plupart du temps, la rue entière est bordée d’un trottoir, il arrive parfois que seules une ou deux maisons, soit précédées d’un trottoir. Dans ce cas, il est évident que l’aménagement correspond à une initiative du propriétaire de l’habitation. Un témoignage exemplaire de ce phénomène est celui de la Casa del Gran Portale, dont seule l’entrée est bordée d’un trottoir, sur toute cette section du decumanus inferior (fig. 169). Il est vrai qu’avant que cette habitation ne soit aménagée en unité indépendante, au cours de la dernière décade du site, il n’existait aucune entrée de maison de ce côté du decumanus, la présence d’un trottoir bordant la limite méridionale de l’îlot n’était donc pas indispensable, sauf pour les promeneurs. A la lumière de ce paradigme, nous pouvons étudier maintenant le cas des trottoirs qui bordaient l’insula V d’Herculanum. Le long des trois autres côtés de l’insula, les trottoirs sont aménagés en continu et c’est alors les variations de matériau, de facture, ou de décor, qui découpent le trottoir en portions distinctes. Cette segmentation peut
Fig. 167. Aménagement d’une marche dans le trottoir devant V, 5 (Casa del Mobilio Carbonizzato). Cliché A. Dardenay (2018).
Fig. 168. Aménagement d’une marche dans le trottoir devant V, 1 (Casa Sannitica). Cliché A. Dardenay (2018).
Fig. 169-Portion de trottoir aménagée seulement devant l’entrée de la Casa del Gran Portale (V, 35), sur le decumanus inferior. Cliché M.-L. Maraval (2018).
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2.4
Fig. 170. Le trottoir devant V, 17 est nettement individualisé par rapport aux entrées voisines. Cliché A. Dardenay (2018).
être le produit de restaurations, de réfections successives, suivant l’évolution des limites de propriétés. De fait, le trottoir bordant l’insula le long du decumanus superior pouvait refléter l’état des limites de propriété en 79, preuve que certains propriétaires étaient attentifs à la « mise à jour » du marquage des limites de leur bien. Mais il faut prendre garde à ne pas trop généraliser : toutes les limites de propriété n’étaient pas ainsi systématiquement marquées sur le trottoir : certaines l’étaient, d’autres non. Il s’agit donc simplement d’un outil supplémentaire à notre disposition pour interpréter, par croisement des données, les limites des biens-fonds en 79. Trois cas tout à fait remarquables de ce type de marquage apparaissent sur les trottoirs de l’insula V: Le premier est un témoignage supplémentaire du changement de destination - et probablement aussi de propriétaire du local V, 17 : un nouveau pavement avait été aménagé devant l’entrée 29 (fig. 170). Il est notable que ce marquage permet d’isoler le local V, 17 non seulement de la Casa del Bicentenario, qui se trouve à sa droite, mais également du cenaculum V, 18, à sa gauche, dont l’entrée est précédée d’un marchepied de pierre et qui se trouve en dehors de la limite. Ce marquage vient ainsi confirmer la division de l’édifice en différentes unités d’habitation, que nous avions mis en évidence dans les chapitres précédents. De plus ce marquage, permet de donner du poids à une nouvelle hypothèse, celle d’une division du bien-fonds entre plusieurs propriétaires, et pas seulement d’une division pour la mise en location de plusieurs unités d’habitation.
164
Une autre attestation d’un marquage différencié se trouve le long du cardo V. Devant l’habitation V, 27, le trottoir est pavé d’un mortier de couleur grise, puis, devant la taberna et le cenaculum V, 28-29, le revêtement est incrusté de cubes gris et blancs (fig. 171). Enfin, toute la façade de la Casa dell’Atrio Corinzio est précédée d’un pavement de cocciopesto rouge incrustré de manière sporadique, mais devant la banquette maçonnée de fragments de marbre blanc. Notons d’ailleurs que ce motif des incrustations de marbre blanc est repris, à une plus petite échelle, dans le pavement des fauces, ce qui renforçait le sentiment de continuité entre l’intérieur et l’extérieur de la domus. Ainsi, Catherine Saliou insiste sur le rôle des trottoirs dans ce cadre, qui présentent « un chromatisme complexe en camaïeu, entre espace privé et espace public ».30
Fig. 171. Trottoir le long du cardo V, devant V, 27; V, 28-29 et V, 30. Cliché O. Vauxion (2019).
LES FAÇADES ET LES TROTTOIRS DE L’INSULA V
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Fig. 172. Limite du marquage du pavement du trottoir entre la propriété V, 1-2 (à droite) et la propriété V, 3 (à gauche). Cliché A. Dardenay (2018).
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Citons enfin un dernier exemple, celui du pavement du trottoir longeant les maisons V, 1 à V, 3. Devant la Casa Sannitica, il s’agit d’un revêtement de béton incrusté d’éclats de marbre,31 alors que devant la Casa del Telaio (V, 3), qui lui est mitoyenne, le trottoir est revêtu d’un simple cocciopesto rouge (fig. 172). Cela pourrait laisser supposer que, dans les dernières années du site au moins, ces deux habitations appartenaient à deux biens-fonds différents. Ainsi que le soulignait J. Hartnett, ces pavements différenciés permettaient de marquer les limites des propriétés et de les signaler aux passants.32 Ajoutons que cette segmentation est riche d’informations précieuses pour les archéologues et les historiens qui y trouvent, aujourd’hui, quantité de données propres à la compréhension des rapports de mitoyenneté.33
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NOTES 20 1
Dickmann 1999, 151-162. L’argument est de nouveau développé dans Helg 2012, 146-147, et plus récemment dans la publication de sa thèse sur l’architecture des façades dans les cités vésuviennes, qui s’intéresse tou-
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tefois très peu (et c’est surprenant) à la question des décors de façade (Helg 2018). Le sujet est peu traité. Voir Helg, Malgieri 2017a. T. Lauritsen (Université de Kiel) prépare, par ailleurs, une synthèse sur ce thème dans le cadre du projet ERC DECOR : Lauritsen 2021. Lire également les remarques de J. Hartnett à propos du « language architectural de l’auto-représentation » : Hartnett 2017, 146-194. Helg, Malgieri 2017a, 22. Lauritsen 2021, 126. Spinazzola 1953, tav. X. Sur le Ier style en façade : Hartnett 2017, 164-168. Lauritsen 2021, 125-130. Barbet 1981, 966, fig. 17. Pompéi, Casa dei Cinque Scheletri (VI 10, 2) et maison VII 15, 11. Cette trame décorative, très ancienne, se trouvait déjà dans les tombeaux étrusques. Voir par exemple le plafond de la tombe des Léopards à Tarquinia (Steingräber 2006, 133). Sur ce type de décor de façade à Pompéi : Spinazzola 1953, 146-155 ; Fröhlich 1991, 339-340 et Helg, Malgieri 2017a. Arguments d’ailleurs développés assez longuement par J. Harnett (Hartnett 2017), surtout p. 177. C’est ainsi que les goûts de l’affranchi Trimalchion sont tournés en ridicule dans le Satiricon de Pétrone. Certains ont vu dans le décor de la Maison des Vettii, très clinquant et « nouveau riche », un reflet de l’ostentatio vulgaire de la maison de Trimalchion : Clarke 1991, 234. Lire aussi à ce sujet les remarques de Hartnett 2017, 161. Le trottoir ne se prolonge pas le long de la façade méridionale de la Casa Sannitica, ni le long du jardin de la Casa con Giardino. Synthèse dans Helg 2018, 49-67. Décor qu’un notable de Pompéi avait d’ailleurs imité (Casa dell’Augustale, II 2, 4) : Spinazzola 1953, pl.VIII. Sur ce point, lire l’analyse de P. Zanker : Zanker 1988. Tite Live, XXXVIII, 43, 9-10 (Fulvius Nobilior à l’occasion de la prise d’Ambracia en 187 av. J.-C.). Lire surtout : Tite-Live, XXIII, 23, 23, 6 où il relate une séance du Sénat, pendant la Seconde guerre punique, où furent dénoncés ceux qui affichaient des spolia sur la façade de leur maison alors qu’ils n’avaient occupé aucune charge. Polybe, VI, 39, 10-11. J.-P. Guilhembet parle du « discours » de la façade, composé, comme y insistent les anthropologues, d’éléments écrits mais aussi de communication non verbale, et du lieu de l’articulation de l’espace public et de l’espace privé : Guilhembet 2007, 101. A Herculanum, les bancs de part et d’autre de l’entrée de la “Casa del Tramezzo di legno” (III, 11) sont bien conservés. Sur les problèmes liés la fonction de ces banquettes et leur lien souvent supposé avec la cérémonie de la salutatio : Guilhembet 2007. Pour J. Hartnett, le banc aujourd’hui visible le long de la façade de la Casa Sannitica, était une adjonction moderne, construite après les fouilles de A. Maiuri, à l’emplacement d’un léger renflement maçonné ; Hartnett 2017, fig. 62 : sur la photographie qui date de 1932 on voit bien l’absence de banc maçonné le long de la façade. Hartnett 2017, 198. Ling, Arthur 1997, 336. Allison 1997, 135. J.-P. Guilhembet souligne ainsi que les mentions textuelles de la salutatio se rapportent pour l’essentiel à l’Urbs, et non aux petites villes d’Italie. L’auteur sou-
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ligne par ailleurs, que la position debout est la seule attestée par les sources : rien n’indique que le clients pouvaient être invités à s’asseoir pour attendre leur tour. Guilhembet 2007, 100. Contra : pour J. Hartnett, rien ne s’oppose à lier la présence de ces bancs à la cérémonie de la salutatio et en tout cas, à un dispositif permettant aux clients d’attendre que leur patron les recoivent : Hartnett 2017, 207-209 : « benches could represent a concession to client’s comfort ». J. Hartnett dénombre à Pompéi, cent banquettes maçonnées, en façade de soixante-neuf édifices. Les dimensions de ces banquettes sont variables, oscillant entre 1 et 10 m de longueur, pour une hauteur moyenne de 0,40 m. Elles sont souvent stuquées et on peut supposer qu’elles l’étaient généralement : Hartnett 2017, 197. Guilhembet 2007, 99-100. L’auteur nous rappelle ainsi que F. Mazois lui–même, en avait déjà fait la suggestion : « à la porte est un banc en maçonnerie, où la famille venait le soir, dans la belle saison, prendre l’air et le frais » : Mazois 1824, 45. Saliou 1999, 200. La Tabula Heracleensis spécifie bien qu’il est de la responsabilité des propriétaires de construire et entretenir les trottoirs situés devant leurs bien-fonds. Les bancs maçonnés, construits sur le trottoir et appuyés à la façade d’un édifice, relèvent selon toute évidence de la responsabilité de ces particuliers. A ce sujet : Hartnett 2017, 201-202. C. Saliou a fait la synthèse des sources juridiques portant sur les questions de propriété, aménagement et entretien des trottoirs dans les villes romaines : Saliou 1999.
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Saliou 1999, 185-194. Pour C. Saliou, le trottoir ne peut pas être, malgré tout, « une simple projection sur la rue de l’espace privé, dont l’aménagement dépendrait toujours de la seule volonté de chaque propriétaire riverain et il faut supposer l’existence de procédures mettant en cause une instance publique, association de riverains ou autorité publique ». Saliou 2007, 83. A ceci s’ajoutent d’autres indices archéologiques, comme la fermeture de la porte de communication avec la Casa del Bicentenario, après le second séisme (vers 70 donc). Pour F. Pirson c’est la preuve qu’il s’agissait d’une propriété distincte. Cf. Monteix 2010, 83-87 et note 232 sur Pirson. Saliou 1999, 204 et plus largement 161-218. Saliou 2007. Voir Monteix 2010, 360-361, qui estime que ces deux maisons appartenaient à un même bien-fonds jusqu’en 62 : « tout le tiers méridional a constitué un unique bloc de propriété entre la fin de la République et le séisme de 62 puis a été progressivement morcellé. Cette hypothèse permettrait de restituer le scénario suivant : au début de la période augustéenne, la propriété est divisée en trois ensembles indépendants mais appartenant à un unique propriétaire, occupant possible de la Casa sannitica (…) », 361. Hartnett 2017, 179. Voir une très pertinente mise en évidence dans Saliou 1999, notamment 178-182.
2.5 Synthèse diachronique
Il n’est pas question de revenir ici sur le détail exact des différentes phases architecturales et ornementales successives mises en évidence lors de ce chapitre. La consultation des planches de synthèse (pl. 33 à 40 pour le bâti et pl. 42 à 46 pour le décor) permet de récapituler visuellement l’état des connaissances. Il m’a toutefois semblé opportun de mettre en lumière ici les points principaux résultant de l’analyse du dossier documentaire. Entre la période samnite et l’éruption du Vésuve, l’insula V a connu des modifications des limites de parcelles particulièrement importantes.1 D’après les résultats de l’analyse, il m’est apparu pertinent de diviser l’insula en trois parties : une partie septentrionnale dont les parcelles originelles étaient orientées selon un axe nord/ sud, une partie centrale et une partie méridionale dont les parcelles étaient orientées ouest/est.2 Dans la partie sud de l’îlot, le parcellaire a été plusieurs fois modifié depuis l’époque samnite. A l’époque augustéenne, une vaste demeure est aménagée dans l’angle sud-est de l’îlot, en empiétant sur la parcelle appartenant, durant la phase précédente, à la Casa Sannitica. Cette dernière est alors amputée de son péristyle. Faute de fouilles stratigraphiques dans cette partie de l’îlot, les limites aussi bien que la morphologie architecturale de la partie arrière de la Casa Sannitica, à l’époque samnite, sont toujours discutés. Quoi qu’il en soit, à l’emplacement actuel de la Casa con Giardino et de la Casa del Gran Portale, fut érigée, au tout début du Ier siècle de notre ère, une grande habitation. L’analyse du bâti, des peintures et des mosaïques de la Casa del Gran Portale permet de mettre en évidence les transformations successives de cette partie de l’insula. Il est possible, en effet d’identifier dans cette maison des éléments d’architecture et de décor appartenant à plusieurs phases successives: Phase 1 = La phase samnite, quand la Casa Sannitica était dotée d’un péristyle Phase 2 = La phase augustéenne, quand une grande demeure est construite, à l’emplacement du péristyle de la Casa Sannitica et de la Casa del Gran Portale
Phase 3 = La phase des années 70, quand cette grande demeure est divisée en deux habitations indépendantes. Phase 1 = A la phase samnite appartiennent les pavements du vestibule et de l’ala. Il s’agit d’un sol de mortier (cocciopesto) à insertions lithiques, datable du Ier style pompéien. Ce pavement est le sol originel de l’ancien péristyle de la Casa Sannitica, qui a été conservé jusqu’à la phase finale du site, en dépit des nombreux remaniements architecturaux subis par ces édifices. De l’ancien péristyle de la Casa Sannitica, subsistent aussi les colonnes de tufs insérées dans les parois du vestibule et des fauces. Ces dernières sont demeurées in situ, mais quelques-unes ont été déplacées et réemployées comme matériaux de construction lors des phases successives, par exemple dans l’escalier construit dans la partie arrière de la maison. Phase 2 = La conservation des éléments d’architecture et de décor de la phase augustéenne, sont plus nombreux et ont marqué durablement la planimétrie des habitations de cette partie de l’insula. La grande demeure d’époque augustéenne fut considérablement endommagée par le séisme de 62.3 Ces dégâts furent réparés, puis après un laps de temps difficile à définir, l’édifice fut divisé en deux unités d’habitation indépendantes. L’analyse des maçonneries dans la pièce 9 de la Casa del Gran Portale permet de mettre en évidence cette succession d’événements (dont la porte murée vers la Casa con Giardino). La configuration de cette maison, nouvellement créée, tente d’utiliser au mieux les structures préexistantes. Toutefois, une partie de l’ornatus de IIIe style est préservé jusqu’à la phase finale du site, aussi bien en ce qui concerne des peintures murales que quelques pavements. L’étude conjointe de ces différents édifices, aussi bien du point de vue diachronique que synchronique, se révèle donc indispensable. Les parcelles du centre de l’îlot (Casa del Mobilio Carbonnizato, Casa dell’Atrio a Mosaico, Casa del Sacello di Legno) ne changent pas de limites structurelles, je ne m’y attarderai donc pas ici.
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2.5 En revanche, des modifications structurelles importantes et successives ont durablement impacté la morphologie du parcellaire dans la partie septentrionale de l’insula. Les plus importantes de ces modifications sont liées à la construction, à l’époque augustéenne, d’une grande domus à l’emplacement de la Casa del Bicentenario et de certaines parcelles limitrophes. Lors de sa construction, la Casa del Bicentenario était peutêtre une maison à double atrium si on retient l’hypothèse d’une communication avec la Casa del Apollo Citaredo. Elle était par ailleurs pourvue d’un posticum offrant un accès sur le cardo IV. Lors de la fragmentation de cette grande demeure, qui intervint en plusieurs phases, la Casa dell’Apollo Citaredo reprit son indépendance, amputée toutefois d’une partie de sa surface au sol initiale. Et quand le posticum fut à son tour détaché de l’habitation principale, au tout début des années 70, il devint alors une habitation indépendante connue sous le nom de Casa del Bel Cortile. Ainsi, c’est l’histoire édilitaire de cette maison qui explique le caractère – a priori seulement – incongru de sa planimétrie. En effet, tout comme pour la Casa del Gran Portale, l’analyse de l’architecture et du décor de la Casa del Bel Cortile ne peuvent se limiter à une lecture synchronique des vestiges, tels qu’ils se présentaient en 79 ap. J.-C. A l’origine, c’est-à-dire dans la demeure augustéenne, il n’y avait pas d’escalier dans la cour de cette partie annexe de la maison, autour de laquelle s’articulaient un triclinium (si cela était bien la fonction de la pièce 2), un très bel œcus (la pièce 4) et quelques pièces de service. Cet œcus, de par ses proportions était le plus vaste et sans doute le plus prestigieux de la Casa del Bicentenario et s’ouvrait sur le péristyle de la maison. Après le fractionnement de la propriété et la cession du posticum, la Casa del Bicentenario perdait sa pièce de réception la plus prestigieuse, perte en partie compensée par la construction – peutêtre quelques temps auparavant4– d’un nouvel œcus dans le bras sud du péristyle. L’étude du bâti révèle qu’une partie des décors, et notamment des pavements, appartenant à la première grande demeure, furent intégrés à la Casa del Bel Cortile lors de sa création et conservés jusqu’à sa phase finale. Certains sont très anciens, comme le pavement du couloir 11, qui présente un sol très rare de mosaïque noir et blanche, caractéristique du IIe style pompéien. Citons également le sol du couloir 12 (en pendant au couloir 11) et celui du couloir 7 qui desservait la partie arrière de l’habitation. Quant à la Casa del Apollo Citaredo, elle conserve de son décor IIe style un seuil de mosaïque situé à la jonction entre l’atrium et le tablinum. Il s’agit de vestiges résiduels de la
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« grande » Casa del Bicentenario, réalisés au début de l’époque augustéenne. D’autre part, des observations similaires peuvent être faites pour les décors pariétaux. En effet, dans plusieurs espaces, des peintures murales, contemporaines de cette première phase de l’édifice, s’inscrivent dans la chronologie du IIe style schématique. Ainsi, la pièce 6 conservaient intégralement un décor très simple d’imitation d’appareil architectural à assises de blocs isodomes disposés en quinconce au-dessus d’une rangée d’orthostates, caractéristique de ce style. Dans les pièces 5 et 2, en revanche, ce décor de IIe style avait été piqueté et recouvert d’un enduit plus récent. Chronologiquement, il apparaît donc indubitable que les décors ces trois pièces (2, 5 et 6) doivent être rattachés au programme ornemental de la « grande » Casa del Bicentenario, sans doute dans ses premières phases. On constate ainsi la similitude entre le décor de IIe style schématique de ces trois espaces et celui de la pièce 2 de la Casa del Bicentenario, qui présente un décor assez semblable d’appareil architectural souligné de lignes rouges sur fond blanc. Tous ces décors appartiennent à un même programme ornemental, mais étant donné qu’ils sont répartis entre deux habitations de la phase finale du site, le risque est grand de passer à côté de ce rapprochement, si on n’étudie pas la chronologie du bâti. Autrement dit, ce rapide tour d’horizon du rezde-chaussée révèle qu’une partie seulement des décors de la Casa del Bel Cortile avait été refaits par le nouvel occupant et qu’il avait conservé la plupart des décors peints mis en œuvre au moment où cet édifice n’était encore que le posticum de la Casa di Bicentenario. Concernant les pavements, seuls les sols des espaces des pièces principales avaient été entièrement refaits, alors que les pavements des couloirs de circulation étaient ceux de la grande demeure d’époque augustéenne. Finalement, c’est l’histoire structurelle et architecturale de cette maison qui conditionne l’ornatus des lieux. Le programme ornemental s’est adapté aux décors préexistants au moment de la « conception/organisation » de la Casa del Bel Cortile en tant qu’unité d’habitation indépendante. Ce choix a été fait soit par manque de temps, soit par volonté de garder des décors anciens qui apportaient du caractère à leur demeure. Puis, dans les années 70/75 la Casa del Bicentenario est partiellement démembrée, et en tout cas dissociée de certaines de ces pièces qui deviennent des unités d’habitation indépendantes. Le cas de la Casa del Bel Cortile n’est pas isolé, comme le révèle là encore l’étude du bâti. Une autre transformation notable au sein de cette partie de l’in-
SYNTHÈSE DIACHRONIQUE sula est la transformation de la boutique V, 17 et des pièces qui se trouvent au-dessus (V, 18) en deux unités d’habitation indépendantes.5 Au final, on peut retenir que la phase augustéenne fut celle de la grande restructuration de l’insula, avec une double polarisation du parcellaire de cet îlot autour de deux grandes demeures. La Casa del Bicentenario, au nord, avec son double atrium et son péristyle, était particulièrement bien implantée grâce à son double accès, sur le decumanus superior pour l’entrée principale et sur le cardo IV pour l’entrée secondaire. Au sud, la Casa con Giardino, dont les vestiges de la phase augustéenne sont moins bien conservés, occupait une très vaste emprise au sol grâce à son grand péristyle. Leur construction, au tournant de notre ère, puis leur fractionnement, à partir de 62, conditionnèrent pour une large part la morphologie des habitations de l’insula V, à l’exception notable des maisons de la partie centrale, qui restèrent plus ou moins figées dans leurs limites originelles. Ce chapitre a permis de mettre en évidence la pertinence d’un changement d’échelle pour l’étude des programmes ornementaux des habitations urbaines d’époque romaine. En projetant l’analyse et la réflexion à l’échelle de l’insula, et non plus de la simple maison ou unité d’habitation, il est possible de mettre en évidence la cohérence entre les décors de plusieurs édifices mitoyens. Il est ainsi possible de dépasser la simple approche synchronique, habituelle dans l’étude de la sphère domestique campanienne, pour une approche diachronique, articulant archéologie du bâti et étude des décors. Ce qui a été proposé ici, au-delà des considérations sur les transformations du parcellaire, et de l’évolution des limites des habitations, c’est une réflexion sur les modes de construction et les choix ornementaux des commanditaires, mais aussi les influences réciproques au sein du microcosme urbain que représente un quartier d’habitation. Enfin, la permanence de certains types de décors, sur le temps long et au fil des restructurations de propriétés, paraissent particulièrement éloquents sur les goûts esthétiques, mais aussi les arbitrages financiers - en termes d’aménagements - opérés par les propriétaires des habitations. Dans le chapitre suivant nous étudierons de manière plus synthétique et thématique, quels sont les principaux types d’arbitrages qui peuvent être observés en ce qui concerne les évolutions architecturales des unités d’habitation.
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Monteix 2010, 312 et pl.VIII. Comme les chercheurs sur les travaux desquels nous nous appuyons, nous utilisons pour l’étude d’Herculanum un nord conventionnel et non géographique. Détail des destructions et réfections dans Monteix 2010, 318. Toute la partie occidentale est très clairement reconstruite avec des moellons récupérés des murs effondrés. En lien avec cette réparation, le montant d’une porte donnant dans la pièce 6 de la Casa con Giardino a été restauré en opus vittatum, juste avant que la porte ne soit murée avec des moellons de tuf rossicio, afin de sceller la séparation entre les deux maisons. Voir fig. 175 de Monteix 2010 qui documente la construction de ce nouvel œcus entre 62 et 70/75 (donc entre les deux séismes). Monteix 2010, 330.
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Partie 3 Les réorganisations planimétriques observées à l’intérieur du parcellaire et la conception de la sphère domestique
3. Introduction
Sans commune mesure avec les espaces publics ou sacrés, dont l’architecture ne subit généralement pas de fréquents remaniements, les maisons romaines étaient l’objet de modifications perpétuelles. Il s’agit d’un phénomène peu étudié, et donc mal connu, mais qui nécessite, il est vrai, l’exploitation d’un corpus de maisons dont le plan est intégralement conservé, ce qui est rare, en dehors du cas exceptionnel des cités vésuviennes, ou des sites d’Ostie ou de Délos1 notamment. Le site de Délos a ainsi fourni quelques rares études sur cette question de l’évolution diachronique de l’architecture intérieure des maisons, celles de M. Trümper,2 suivies de celles de L. Nevett,3 H. Wurmser.4 Récemment, M. Zarmakoupi a synthétisé ces recherches dans un article consacré à la structuration de l’espace domestique dans les maisons des négociants italiens à Délos.5 Elle observe ainsi que « l’analyse typologique des maisons effectuée durant le siècle dernier a fourni des résultats importants mais a aussi débouché sur des impasses à cause de la conceptualisation schématique de l’espace domestique ». Dans la mesure où l’étude de M. Zarmakoupi porte sur les « maisons des négociants », une large partie des transformations constatées dans l’architecture des habitations par rapport à leur plan initial concerne des modifications destinées à adapter l’édifice aux activités professionnelles et commerciales du propriétaire. Ainsi elle observe que « le rez-de-chaussée des maisons déliennes était traditionnellement organisé autour d’une cour avec des salles de réception et de représentation autour d’elle, selon le schéma d’œcus maior /œcus minor. Même si cette organisation initiale fut maintenue dans plusieurs maisons, certains rezde-chaussées furent modifiés pour abriter d’autres activités, en particulier économiques, dans des ateliers ou des lieux de stockage ». De tels arbitrages entraînent un déplacement des espaces domestiques, et notamment ceux de la sphère intime (tels ceux pour dormir), qui seront souvent réaménagés à l’étage. « Souvent le réaménagement du rez-de-chaussée pour accueillir des activités économiques a été combiné avec la présence d’un étage supérieur où la luxueuse résidence du propriétaire était déplacée (…) Les deux réaménagements servirent, d’une part, les besoins économiques des occupants et d’autre part, leur besoin de souligner leur statut social ». Ainsi, dans les
trois maisons que M. Zarmakoupi étudie dans son article de 2013 sur le « Quartier du Stade »,6 le rez-de-chaussée fut réorganisé pour accueillir des activités économiques, tandis que des salles de réception furent aménagées à l’étage. En outre, elle observe que dans deux maisons sur trois, l’étage fut ajouté dans un second temps. A Herculanum, de telles modifications furent observées par N. Monteix dans les maisons abritant des « lieux de métiers ».7 L’étude du bâti à laquelle il s’est livré dans les édifices concernés, a révélé, à Herculanum, des dispositions et des choix similaires à ceux observés à Délos dans les maisons des négociants.8 Dans son chapitre de L’histoire de la vie privée sur « La vie privée et l’architecture domestique en Afrique romaine », Y. Thébert9 présente brièvement des exemples de fusions de parcelles, à Bulla Regia ou Timgad notamment, qui présentent des analogies très nettes avec le cas de l’insula V d’Herculanum et qui mériteraient d’être approfondies. Dans cette contribution, l’auteur centre son propos sur la maison des élites et donc sur des édifices présentant une surface habitable considérable. C’est ainsi qu’il observe, dans les sites d’Afrique du nord ayant servi de cadre à son analyse, que l’implantation des grandes demeures dans une cité dépend énormément de son histoire urbaine. En effet, quand la ville fut initialement construite selon les règles d’un urbanisme orthogonal - comme ce fut le cas à Timgad par exemple ou à Banasa (Maroc) - la trame du parcellaire, très homogène, est trop contraignante pour permettre la libre construction de vastes demeures, pourvues de larges péristyles, bains et jardins. Dans ce cas, les élites choisissent, quand cela est possible, de faire l’acquisition de larges terrains à la périphérie du noyau urbain, afin de laisser libre cours à leurs fantaisies architecturales. A Volubilis, cité qui ne fut pas, comme Timgad, soumise à un strict urbanisme orthogonal, mais dont l’habitat en centre-ville resta confiné dans des dimensions modestes, les plus riches investirent un quartier situé dans la périphérie nord-est. Dans ce secteur, Y. Thébert repère les traces d’une « vaste opération immobilière qui permet à chaque propriétaire de disposer d’environ 1200 m2 sinon plus ».10 En revanche, dans des cités dont la trame urbaine n’était pas contrainte par un parcellaire
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3 homogène et orthogonal, comme à Thugga ou à Bulla Regia, les riches propriétaires trouvaient plus de latitude pour se faire construite de vastes domus à proximité du forum, lesquelles n’atteindront toutefois jamais la superficie des demeures périphériques.11 A Timgad, colonie fondée en 100 ap. J.-C., la trame urbaine était constituée de carrés de 400 m2 environ pour les îlots d’habitations. Les îlots étaient subdivisés en lots équivalents répartis entre les différents propriétaires. Les parcelles furent peu agrandies par la suite et on ne trouve pas d’immenses domus dans cette cité. Les seules qui réussirent à se distinguer présentent un péristyle de proportions modestes. A Timgad, c’est donc uniquement extra muros qu’ont été construites les vastes demeures des plus riches notables. En revanche, à Bulla Reggia, l’ « îlot de la chasse » offre un exemple intéressant d’annexion des parcelles mitoyennes, pour finalement occuper l’espace dévolu initialement à quatre lots de proportions égales (environ 500 m2).12 La première fusion est tardive, vers l’époque sévérienne, si bien que, pendant des siècles, la trame originelle a circonscrit fermement les limites des habitations. Environ un siècle et demi plus tard, au milieu du IVe siècle, le propriétaire de la « domus de la chasse » réussit à annexer une autre parcelle mitoyenne, devenant ainsi possesseur d’une parcelle occupant la quasi-totalité de l’îlot (à l’exception de la parcelle nord). Il a alors suffisamment d’espace pour aménager des thermes et une basilique dans sa luxueuse demeure. A son apogée, la domus occupait 1500 m2 au sol (soit l’équivalent de trois parcelles originelles). Pour Y. Thébert, des opérations immobilières comparables sont repérables à Volubilis, où la « maison d’Orphée » occupait 2000 m2 (soit 4 ou 5 parcelles originelles) et à Cuicul, la « maison d’Europe » s’étendait sur 1400 m2 (où les traces des aménagements des parcelles primitives sont toujours visibles). La conclusion que l’on peut tirer est que, lorsque le parcellaire du noyau urbain est trop étriqué et contraignant, les élites préfèrent souvent s’installer en périphérie afin de bénéficier de vastes parcelles constructibles sans contraintes liées à l’urbanisme. Y. Thébert donnait une explication plus systématique à ce phénomène. D’après lui « dans les cités qui se développent, les élites tendent, pour des raisons d’espace, à reporter leurs demeures à la périphérie. Dans les cités pourvues d’un dynamisme moindre, l’opposition entre les différents quartiers semble moins tranchée, et de riches maisons parviennent à se développer, tant bien que mal, dans un cadre qui ne connaît guère de dilatation ».13 Y. Thébert intègre ici un nouveau paramètre, celui de « cités dynamiques » qu’il oppose aux
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« cités plus modestes où un tel dynamisme urbain n’existe pas ». Il ne développe pas plus avant ce concept et n’explicite pas l’idée de « cités dynamiques ». Du moins on ne comprend pas ce qui empêcherait de riches citoyens, quel que soit le dynamisme de l’urbanisme de leur cité, d’acquérir un terrain en périphérie immédiate pour y faire construire une maison. En effet, en dehors de cette question de « dynamiques urbaines », il existe toujours quelques notables qui – par choix et par opportunité – choisissent de rester en centre-ville, puisqu’on observe la coexistence des différents types d’aménagement. Il est possible que l’opportunité d’une opération immobilière intéressante motive cette installation en centre-ville. Dans la plupart des sites du monde romain, il serait possible de trouver des exemples de fusions de parcelles à l’intérieur d’un îlot urbain, afin d’augmenter la surface habitable d’une demeure. Une telle restructuration intervient à l’occasion de l’acquisition de parcelles mitoyennes - soit par achat, soit par héritage - qui permettent à leur propriétaire de mettre en œuvre l’aménagement d’une domus de grande superficie. Les anciennes habitations sont alors soit presque complètement rasées, soit modifiées partiellement afin de s’adapter aux exigences du propriétaire. Nous avons observé ces différents types de cas dans l’analyse des restructurations de l’insula V d’Herculanum. La pratique est ancienne et l’exemple vient de haut. C’est ainsi que procédaient les grandes familles romaines pour s’aménager de vastes et luxueuses demeures sur la colline du Palatin. 14 Octave lui-même obtint l’agrandissement progressif de sa domus sur le Palatin par l’acquisition ou l’héritage de parcelles mitoyennes de sa petite demeure initiale.15 Ce type de restructuration d’un îlot, par fusion de parcelles, a des répercussions très nettes sur le brassage social, puisque cohabitent, au sein d’un même quartier, des familles et individus de différentes origines sociales, riches et pauvres, citoyens, hommes libres, affranchis et esclaves. C’est ce que l’on constate dans l’insula V d’Herculanum. Les formules architecturales et les choix opérés par les notables à chaque génération restent hétérogènes, du reste, puisque qu’une même cité, voit coexister plusieurs types d’implantations pour les maisons des notables. Ainsi à Pompéi, on pourait comparer la Casa del Fauno à la Villa dei Misteri, et à Herculanum, la Casa del Rilievo di Telefo, la Casa dei Cervi ou la Casa del Atrio a Mosaico, avec la Villa dei Papiri ou la Villa dei Rilievi Dionisiaci.16 A Herculanum ou à Pompéi, une des principales différences entre les vastes demeures de centre-ville et les villas situées à l’immédiate périphérie, comme celles
INTRODUCTION que je viens de citer, tient à la présence plus sporadique de bains privés en centre-ville. On pourrait, bien entendu, évoquer aussi la surface des jardins et péristyle, qui outrepassent largement, à la Villa dei Papiri ou à la Villa dei Misteri, celles de plus vastes demeures de centre-ville. Mais nonobstant leurs dimensions, la Casa del Fauno ou la Casa dei Cervi possédaient, elles-aussi, de superbes péristyles-viridarium. Ce n’est pas que les bains n’existaient pas dans les belles demeures du centre-ville – on en connaît, à Pompéi, à la Casa del Menandro, la Casa del Fauno et à Herculanum, dans la Casa del Albergo. Mais il est tout à fait significatif, me semble-t-il, que la plupart des immenses et luxueuses domus intra-muros d’Herculanum n’aient pas offert à leurs occupants ces aménagements de confort. Cette question mériterait sans doute d’être explorée davantage, puisqu’elle tient aux arbitrages qui sont faits par les propriétaires, quand la surface habitable disponible est contrainte. Ces réflexions nous portent vers l’étape suivante qui consiste à analyser toutes les transformations de l’architecture intérieure des maisons, sans se limiter à celles consécutives à l’aménagement de locaux destinés à des activités économiques et professionnelles.
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Délos présente des habitations contemporaines de celles de Pompéi ou Herculanum : Zarmakoupi 2015. Trümper 1998. Nevett 2010, 63-88. Wurmser 2008. Zarmakoupi 2015 . Lire également : Zarmakoupi 2016 ; Zarmakoupi 2013. Zarmakoupi 2013. Monteix 2010. Monteix 2010, 359-369. Thébert 1985. Thébert 1985, 329. Thébert 1985, 329. Thébert 1985, fig. 7 à 9. La surface au sol ne suffisant pas aux velléités d’expansion du propriétaire, il fut également aménagé un étage souterrain. Ce type d’agrandissement en sous-sol est caractéristique de Bulla Reggia et fut amplement étudié par Y. Thébert (Thébert 1972). Thébert 1985, 331. Guilhembet 1995 ; Guilhembet 1999. La domus Augusti s’était constituée progressivement, au fil des ans, par la réunion de plusieurs domus, celle d’Hortensius (Suetone, Aug., 72.2), celle de Catulus (Suetone, Gram., 17), mais aussi beaucoup d’autres acquises et réunies en 36 av. J.-C. après la défaite de Sextus Pompée (Vell., 2, 81,3). Toutes furent bien entendues restructurées et au moins partiellement démolies pour édifier la demeure d’Auguste. A ce sujet lire l’analyse topographique de la domus Augusti dans Coarelli 2012, 347-394 (avec les différentes phases de fusion et restructuration) et Coarelli 2014, 36. Sur cette dernière, nouvellement fouillée : Esposito 2015.
175
3.1 Augmentation de la surface habitable de la maison AJOUT D’UN ÉTAGE SUR UN ÉDIFICE DE PLAIN-PIED. ENTRE RÈGLE DU « SUPERFICIES SOLO CEDIT » ET SERVITUDE DE SURPLOMB.
A PROPOS DE LA DÉNOMINATION DES APPARTEMENTS À L’ÉTAGE ET DE LEUR STATUT JURIDIQUE
A partir de l’époque augustéenne, on note une augmentation significative de la construction des étages à Herculanum, accroissant d’autant la surface habitable des édifices concernés. A l’époque d’Auguste, les étages concernent déjà 31% de la surface bâtie, ce qui est déjà très significatif1 (pl. 36). Mais leur importance ne fera que croître au cours du Ier siècle. Ainsi, à l’échelle des quartiers d’habitation dégagés, N. Monteix identifie une augmentation globale de 32 % de la surface des étages entre le tout début de l’époque impériale et l’éruption de 792 (pl. 36 à 39). Cette augmentation de la surface habitable par la construction d’étages peut toutefois se doubler dans certains cas, comme on le verra, d’un phénomène de fractionnement et de multiplication des unités d’habitation. En effet, l’espace habitable supplémentaire n’est pas forcément destiné à augmenter l’espace de vie du propriétaire et de sa famille. Il peut aussi répondre à un projet de rentabilisation des actifs fonciers du propriétaire, par la mise en location des appartements ainsi aménagés. On verra que dans l’insula V, entre l’époque augustéenne et la phase finale, la morphologie de l’insula et les stratégies d’occupation de l’espace vont considérablement évoluer, allant dans le sens d’une fragmentation croissante des unités d’habitation. A Pompéi, l’étude spatiale et architecturale de l’insula I, 10 a révélé que l’on a commencé à construire des étages au IIe et au début du Ier siècle ap. J.-C., quand la pression foncière a commencé à augmenter.3 A Herculanum, il est souvent difficile de mener une réflexion sur les caractéristiques architecturales du parcellaire pour la phase pré-romaine, non seulement parce que les fouilles stratigraphiques sont rares, mais aussi parce que les grandes entreprises de reconstruction de la fin de l’époque républicaine et de l’ère augustéenne ont le plus souvent mis en œuvre un arasement systématique des structures antérieure pour rebâtir ex nihilo (pl. 41).
Les règles de propriété et les modifications architecturales internes à un îlot d’habitation urbain (insula) sont réglementées en droit privé et à ce titre de nombreux exemples de jurisprudence (ou d’exemples de conflits entre propriétaires portés devant la justice) sont mentionnés dans le corpus juridique latin et repris dans le Digeste en particulier.4 Ainsi, la description de l’organisation de la domus et de l’espace domestique par les juristes romains (de l’époque impériale) se révèle être une voie d’accès particulièrement pertinente à l’interprétation des données livrées par l’étude du bâti.5 La première question qui se pose, pour qui étudie les espaces aménagés à l’étage des habitations est celle de leur dénomination. A l’époque impériale, dans les textes juridiques, il semble que la distinction soit faite – souvent mais pas systématiquement – entre les cenacula qui sont des appartements situés à l’étage disposant d’un accès indépendant6 (par exemple directement sur la rue) et les diaetae qui seraient une suite de pièces (voire une seule pièce) constituant des « appartements privés et intimes » du dominus, par exemple, en lien avec le rez-de-chaussée de la domus. Le cenaculum, du fait de son accès indépendant, peut facilement être loué et donc relève de la partie « à usage économique » de la domus, c’est-à-dire produisant une rente locative, au même titre que les tabernae ouvertes sur la rue.7 Un cenaculum peut donc être occupé par des personnes étrangères à la familia. Ce qui n’est pas le cas des diaetae (sauf exception bien entendu), qui relèvent strictement de la partie résidentielle de la domus8 : chez Ulpien, les diaetae désignent ainsi les appartements de la domus, dans le sens de pièces à vivre ; quant à Pline, il utilise le terme pour désigner un ensemble de pièces formant une entité (par exemple, les appartements du dominus dans une villa9). Toutefois, rappelons aussi que dans l’architecture romaine, le cenaculum peut désigner un autre type d’espace : les salles à manger à colonnade, aménagées à l’étage, dans certaines domus républicaines. L’un et l’autre étant attestés à Herculanum, il est utile de revenir brièvement sur l’usage
177
3.1 du terme. Dès lors, dans un souci de clarté et même si les acceptions exactes des termes peuvent être toujours discutées, notamment dans une perspective diachronique, j’emploie ici le terme « cenaculum »10 pour les appartements à l’étage disposant d’une entrée indépendante sur la rue et je nomme « diaeta » les appartements en lien direct avec les espaces d’habitation du rezde-chaussée ; quant aux salles à manger à colonnade des étages, je les nomme « cenaculum à colonnade ». L’emploi du terme cenaculum de l’époque républicaine à l’époque impériale L’analyse philologique du vocable « cenaculum » met en évidence une mutation sémantique du terme. La définition de Varron (LL, V, 162) 11 se rapporte aux origines du mot, quand il désignait une salle à manger aménagée à l’étage : posteaquam in superiore parte cenitare coeperunt, superioris domus universa cenacula dicta sunt. Construites, pour la plupart, à l’époque samnite, à la fin du IIe siècle ou dans la première moitié du Ier s av. J.-C., ces salles de réceptions des domus à atrium avaient été élevées, généralement au-dessus du tablinum, pour servir de salle à manger de réception. A l’époque impériale, en lien avec les transformations de l’habitat et le développement des unités d’habitation à l’étage, le terme de cenaculum évolue de sa signification originelle, pour adopter le sens qu’il revêt chez Martial, Juvénal, Festus et Ulpien, de logement à l’étage. Le terme a conservé le lien avec un emplacement à l’étage, mais s’est élargi à un espace habitable, souvent fragmenté et sans se limiter désormais à un lieu de réception. A cet égard, les annonces peintes en façade de l’Insula Arriana Polliana et des praedia de Julia Felix – qui proposent des cenacula à la location et dont il sera question un peu plus loin – permettent, sans équivoque, de rapprocher l’usage du terme dans la littérature latine de celui qu’il recouvrait dans la langue quotidienne. Afin de distinguer ces deux usages du terme et ces deux espaces dans la nomenclature latine, plusieurs auteurs ont introduit une épithète afin de spécifier la signification du terme dans les contextes de « salle de réception à l’étage ». Ainsi V. Spinazzola parle de « cenacolo colonnato »,12 I. Sutherland de « colonnated cenaculum »13 et J. Suaudeau de « cenaculum à colonnade ».14 Cette appellation s’applique à un certain nombre de vastes pièces bordées d’une colonnade et donnant sur l’atrium ou le péristyle, découvertes à Pompéi (vingt-cinq exemples attestés, mais il devait y en avoir plus, non identifiés lors des
178
fouilles15) et Herculanum (quatre exemples, dont trois dans l’insula V16). L’exemple de l’Insula Arriana Polliana à Pompéi (VI 6.11) Le cas de cette grande propriété, dont une annonce proposait la mise en location, permet d’établir assez clairement la manière dont les Romains d’époque impériale désignaient les différents types d’unités d’habitation. Situé dans la Regio VI de Pompéi, ce grand ensemble immobilier qui occupait toute la surface d’une insula, avait été mis en location par son propriétaire Cn. Alleius Nigidius Maius, par l’intermédiaire d’un agent. Pas moins de douze unités d’habitation peuvent être individualisées17 (fig. 173). L’inscription, aujourd’hui effacée, donnait une brève liste des lots mis en location : « A louer à compter du 1er juillet. Dans l’insula Arriana Polliana (…) des unités commerciales/résidentielles avec mezzanine (tabernae cum pergulis suis), chambres de qualité à l’étage (cenacula equestria) et maison(s) (domus) ». CIL IV, 138
Cet exemple est à rapprocher d’une autre annonce de mise en location, affichée en façade de la propriété de Julia Felix, à Pompéi (II 4, 5-6), sur la via dell’ Abbondanza, qui proposait des biens similaires et d’autres encore : In praedi(i)s Iuliae Sp(uri) f(iliae) Felicis locanturbalneum Venerium et nongentum tabernae pergulae cenacula ex Idibus Aug(ustis) primis in Aug(ustas) sextas annos continuos quinque S. Q. D. L. E. N. C.
« Une élégante suite de bains pour clients prestigieux, des tabernae, des mezzanines (pergulae) et des appartements à l’étage (cenacula) pour un bail de cinq ans ».18 CIL IV, 1136 (fig. 174) Dans les deux cas, les appartements indépendants mis en location à l’étage sont désignés par le vocable « cenaculum ». Le problème de l’identification archéologique des limites de propriétés et l’appui des sources juridiques Du point de vue architectural et archéologique, il est possible, grâce à l’étude du bâti notamment, d’appréhender les liens – ou l’absence de liens – intrinsèques entre l’étage et le rez-de-chaussée d’un même édifice. Toutefois, la lecture et la com-
AUGMENTATION DE LA SURFACE HABITABLE DE LA MAISON
Fig. 173. Plan de l’Insula Arriana Polliana (VI 6.1).
Fig. 174. Façade de la propriété de Julia Felix, annonce affichée en façade entre les portes II 4, 5 et II 4, 6. Inscription déposée et conservée au MANN, inv. 4713.
préhension de l’usage qui étaient faites par les habitants de ces espaces et surtout des relations entre les différents occupants d’un même édifice sont des questions que l’archéologie à elle seule ne peut résoudre. Sur ces problèmes, les textes juridiques et surtout les études de cas mentionnées dans les sources – à propos de conflits de propriétés ou du partage d’un legs notamment – apportent de nombreux éléments de compréhension. Un des premiers points à tenter de résoudre, pour qui entreprend l’étude des unités d’habitation d’un îlot, est celui de la recherche des limites planimétriques et matérielles des habitations, ainsi que celles des biens-fonds, ce dernier objectif étant beaucoup plus difficile à mettre en œuvre en l’absence des documents originaux.19 Cette enquête est d’autant plus longue et ardue qu’elle est entreprise dans une perspective diachronique (sur le long terme), et non pour la seule phase finale du site. Ainsi que nous le verrons dans ce chapitre, l’étude archéologique du bâti révèle que les limites des appartements aménagés à l’étage d’un édifice ne sont pas forcément en corrélation avec les limites des unités d’habitation en rez-de-chaussée. En d’autres termes un appartement à l’étage peut se développer au-dessus de deux unités d’habitation apparemment indépendantes l’une de l’autre et même se développer uniquement au-dessus de l’habitation mitoyenne. On voit donc se dessiner, dans certains cas, à Herculanum, une conception horizontale des lots qui semble en contradiction avec les termes du droit romain – superficies solo cedit - qui prévoit une conception verticale de la propriété.20 Une hypothèse serait que ces lots, séparés mais mitoyens, aient appartenu à un seul et même propriétaire. A. Maiuri avait ainsi émis l’hypothèse
que les parcelles occupées par la Casa Sannitica, la Casa del Gran Portale et la Casa con Giardino aient constitué un seul bien-fonds avant l’époque augustéenne (pl. 40). Les travaux de J. Dubouloz donnent un éclairage sur cet aspect du droit romain de la propriété. Il indique en effet l’existence d’une « servitude de surplomb ». En d’autres termes, le droit autorise une forme d’exception à la règle « superficies solo cedit » (d’un partage vertical des propriétés) dans certains cas où l’appartement à l’étage est en lien physique avec la propriété mitoyenne (la parcelle voisine). Dans certaines situations, il peut arriver que la propriété se projette au-dessus de l’édifice voisin, d’où la désignation comme « servitude de surplomb » ou plus largement comme « propriété en projection sur la propriété d’autrui ».21 Un texte du juriste Neratius reprend un cas développé par Labéon (juriste d’époque augustéenne) qui pose le problème d’une propriété partagée en deux lots selon une partition à la fois verticale et horizontale : « Labéon dans les Libri posteriorum écrit que le propriétaire de deux maisons a édifié au-dessus d’elles un unique portique et, après avoir aménagé un accès vers celui-ci à partir de l’une des deux maisons, a vendu l’autre, grévée d’une servitude permettant la conservation du portique : le portique dans son ensemble appartient à la maison qu’il a gardée, (…) et il ne s’ensuit pas cependant que la partie supérieure d’un édifice, si elle n’est reliée à rien, appartienne à un autre que celui au-dessus du bien de qui elle se trouve ».22 Il est donc possible de mettre en oeuvre un principe de servitude induit par l’histoire du bâtiment. La lecture de ces sources juridiques, et en particulier de la jurisprudence, permet ainsi d’éclai-
179
3.1 Habitation Casa Sannitica V, 1-2 Cenaculum V, 2 Casa del Telaio V, 3 Casa del Mobilio Carbonizzato V, 5 V, 6-7 Casa di Nettuno ed Anfitrite V, 6 Cenaculum ou appartement d’hiver Casa del Bel Cortile V, 8 Casa dell’Apollo Citaredo V, 9-12 V, 13-14 Casa del Bicentenario V, 15-16 V, 17 Appart. en rdc V, 18 Cenaculum V, 19-20
rdc 192
203
Après 62.
197
Appartement est 16,5 Appartement ouest 70
Début Ier ap.
Début Ier ap.
178
127
160
96
Epoque augustéenne IIe av.
Pieces 10/11: début Ier ap. Pièce 12-14: après 62 après 62
Taberna 20 508
Appartement 114 267 (étage 1 + étage 2)
Epoque augustéenne Epoque augustéenne Epoque augustéenne Epoque augustéenne Epoque augustéenne Epoque augustéenne
Epoque augustéenne Epoque augustéenne
Appartement 31 Appartement 38 67
taberna 22 94
90
151
Epoque augustéenne
Epoque augustéenne Epoque augustéenne Epoque augustéenne
Epoque augustéenne
Epoque augustéenne ? Epoque augustéenne ? Epoque augustéenne ?
Taberna 42,5
172
Début Ier ap.
Appartement 153
Taberna 13 Taberna 10 92
V, 29 Cenaculum Casa dell’Atrio Corinzio V, 30 Casa del Sacello di Legno
Début Ier ap.
Epoque augustéenne
6
V, 28
IIe av.
IIe av.
V, 22 Cenaculum V, 23
V, 27
Date de construction étage Fin IIe/Début Ier av.
120
44,7
V, 26
rdc IIe av.
206
V, 21
Casa della Colonna Laterizia V, 24 V, 25
Surface (en m2) étage Salle à colonnade 46 Appartement V, 2 : 70 15,8
Appartement 148 104 Appartement est 21,5 Appartement ouest 55
Post 62 Ier av.
Ier av. Après 62 Début Ier ap.
Tabl. 10. Tableau récapitulatif des unités d’habitation indiquant pour chaque niveau la surface et la date approximative de construction. Les cenacula (appartements indépendants) sont indiqués en bleu.
180
AUGMENTATION DE LA SURFACE HABITABLE DE LA MAISON Habitation V, 32 Casa con Giardino V, 33 V, 33a Cenaculum V, 34 Casa del Gran Portale V, 35
rdc Taberna 20 293
Surface (en m2) étage
Taberna 16 161
rdc
Date de construction étage
Appartement 74 16 38
Après 62 Après 62 Aménagée après 62
Après 62
Continuation Tabl. 10. Tableau récapitulatif des unités d’habitation indiquant pour chaque niveau la surface et la date approximative de construction. Les cenacula (appartements indépendants) sont indiqués en bleu.
rer certaines incohérences apparentes dans la répartition des unités d’habitation des édifices mitoyens d’Herculanum. ETUDE DIACHRONIQUE DE LA CONSTRUCTION DES ÉTAGES ET DE LEUR DÉVOLUTION DANS L’INSULA V
serait la Casa Sannitica (V, 1-2), avec un étage aménagé à l’époque républicaine, sans doute au début du Ier siècle av. J.-C., quand la maison fut ornée de décors de Ier style. De toutes les maisons connues à Herculanum, celle-ci est celle qui présente le plus grand nombre de revêtements
En raison des contraintes spatiales posées par la trame urbaine, les propriétaires désireux d’augmenter la surface de leur bien ne pouvaient envisager que deux solutions : annexer tout ou partie d’une parcelle mitoyenne, ou édifier un, voire plusieurs étages au-dessus du rez-de-chaussée. Les plus entreprenants choisiront d’adopter les deux options (fig. 175). Dans l’optique de notre étude, il est donc important de différencier les maisons qui furent pourvues d’un étage dès leur construction, de celles qui ne se virent adjoindre que plus tardivement un étage supérieur (tabl. 10). Dans ce chapitre, nous envisagerons les étages construits postérieurement au rez-de-chaussée d’une habitation, afin d’augmenter la surface habitable ou de générer un revenu locatif. Afin de ne pas trop disperser le propos, j’ai mentionné ci-après chaque unité d’habitation dans la période correspondant à la première phase de construction de l’étage. Il conviendra de se référer à la planche 4 pour retrouver la numérotation de tous les espaces aménagés à l’étage. Par ailleurs, les planches 36 à 39 mettent en évidence les différentes phases successives de construction des étages. Etages construits à l’époque augustéenne Voir planche 36 La Casa Sannitica (V, 1) Au sein de l’insula V, la plus ancienne maison à étage, dans l’état actuel de nos connaissances,
Fig. 175. Distribution des étages dans l’insula V d’Herculanum en 79. Plan A. Dardenay, M.-L. Laharie, M.-L. Maraval.
181
3.1 d’époque samnite. C’est ainsi que des pavements en opus signinum, avec un motif de méandre de tesselles blanches, caractéristiques du début du Ier siècle av. J.-C. sont conservés dans les pièces 1, 2 et 5.23 Par ailleurs, les fauces et l’atrium sont toujours ornés de leur décor de stuc de Ier style, de même datation que les mosaïques précitées.24 Création du cenaculum à colonnade (pièce 12) Dans la pièce 4 (pseudo-tablinum), des aménagements - comme la réfection du pavement seraient contemporains de la création d’une vaste pièce de réception à l’étage juste au-dessus de cet espace (fig. 176). Si le cenaculum à colonnade - un type de riche salle de réception construit à l’étage - n’est pas rare à Pompéi dans la phase tardo-républicaine,25 nous n’en connaissons que quatre exemples à Herculanum, dont trois dans l’insula V.26 Le cenaculum à colonnade de la Casa Sannitica disposait d’une large ouverture à l’ouest donnant sur l’atrium et peut-être également d’une ouverture à l’est, donnant sur un péristyle et sa végétation (fig. 142 et 176).
On accédait à cette pièce par un escalier situé derrière le mur nord de l’atrium (7) qui amenait à l’étage dans un couloir (14) dont une photographie de fouille montre qu’il était recouvert d’un enduit blanc.27 De cette vaste pièce de réception, couvrant une surface de 46 m2 environ,28 il reste peu d’éléments du décor. Tous les revêtements ont disparu et seule subsiste, de son ancienne grandeur, la loggia à colonnade qui s’inscrit en parfaite continuité avec le décor Ier style de l’atrium.29 La colonnade fictive en stuc prolonge ainsi, dans un parfait trompe-l’œil, la colonnade de tuf recouverte de stuc de la loggia. Les murs de la pièce étaient effondrés lors de leur découverte et furent seulement reconstruits sur quelques centimètres. Le Giornale degli Scavi signale également que le sol s’était effondré et que les fragments de la mosaïque de tesselles blanches à bandes périmétrales noires, qui en ornait le pavement, furent retrouvés au rez-de-chaussée, mêlés aux vestiges des plafonds des pièces 4 et 5.30 D’après Th. Ganschow, cette partie de l’étage fut construite à l’époque samnite, mais dans une phase postérieure à la construction du rez-de-chaussée. Il
Fig. 176. Casa Sannitica, vue actuelle du cenaculum à colonnade de l’étage (pièce 15). Cliché : M.-L. Maraval 2011.
182
AUGMENTATION DE LA SURFACE HABITABLE DE LA MAISON
Fig. 177. Casa Sannitica, pièce 4 (tablinum), vue du pavement. Cliché M.-L. Maraval.
remarque ainsi que pour aménager cette belle pièce de réception et sa loggia offrant une vue plongeante sur l’atrium, il fallut déplacer vers l’ouest le mur du tablinum (4) et donc agrandir cette pièce, réduisant d’autant la surface de l’atrium. Th. Ganschow constate des traces de cet aménagement initial par la longueur du mur est-ouest de l’étage (au sud de 14) qui fossilise la longueur originelle du mur nord de l’atrium dont il est le prolongement en hauteur.31 Mais la trace la plus tangible d’une modification du plan du tablinum à cette date est la réfection du pavement de cette pièce afin d’en couvrir la nouvelle superficie32 (fig. 177). La Casa del Mobilio Carbonizzato (V, 5) Dans la Casa del Mobilio Carbonizzato, l’étage dont un premier état avait été aménagé au moment de la construction de la maison à l’époque samnite - fut presque entièrement reconstruit à l’époque augustéenne33 (pl. 8). On ignore quelle était l’extension originelle de l’étage, mais lors de sa reconstruction, il occupait tout l’espace disponible au-dessus du rez-dechaussée (à l’exception bien sûr de l’atrium et du jardin). Un escalier existait déjà dans la pièce 6.34 Peut-être après les dégâts causés par un tremblement de terre de 62, les pièces à l’étage furentelles largement reconstruites et rédécorées.35 Des témoignages en sont particulièrement visibles
dans la pièce 22 dont l’enduit fut piqueté, ainsi que l’indiquent des traces dans le mur est, afin de permettre l’application d’un nouvel enduit peint. Une cloison fut par ailleurs montée dans la partie ouest de cette pièce afin d’aménager une petite cuisine pourvue d’un plan de travail maçonné.36 L’étage de la Casa del Mobilio Carbonizzato (119,8 m2 au total) pouvait être aménagé en deux appartements distincts, l’un et l’autre accessibles par un escalier, le premier dans l’espace 12, desservant l’appartement ouest et le second dans la pièce 6, qui permettait d’accéder à toute la partie est de l’étage. La question qui demeure incertaine est celle de la division entre les deux parties de l’étage. On ne sait si la partition se faisait au niveau de la pièce 18, ou de la pièce 19, en raison de la destruction de la partie sud des murs de l’aile nord de l’étage, où pouvaient potentiellement se trouver des portes d’accès entre les pièces. Si bien qu’on ne sait pas si la pièce 18 était reliée à l’appartement ouest, à l’appartement est, ou bien aux deux, dans l’hypothèse où toutes les pièces de l’étage auraient été réunies et/ou auraient pu communiquer entre elles. Les recherches de Th. Ganschow suggèrent que tout ou partie de l’étage furent reconstruits à l’époque augustéenne. En revanche, il ne précise pas exactement la chronologie du luxueux cenaculum à colonnade, mais l’usage d’opus incertum C
183
3.1 et de colonnes de tuf comme matériaux de construction semblent indiquer plutôt, pour cette pièce, une datation tardo-républicaine. Cette vaste salle à manger (espace 20 : 8,14 x 3,79 m) donnait à l’ouest sur l’atrium et à l’est sur le petit jardin qui occupait la partie arrière de la maison (fig. 178). La limite ouest de la pièce était bordée de cinq colonnes de tuf qui scandaient l’ouverture sur l’atrium. Pour la limite orientale, A. Maiuri a restitué un mur bas surmonté d’une large baie permettant d’admirer le jardin, mais on ne peut avoir de certitude concernant l’authenticité de cette restauration. Quoi qu’il en soit, la disposition et l’architecture de ce cenaculum devaient être très semblables à celui de la Casa Sannitica, dont le cenaculum donnant sur l’atrium était toujours conservé en 79, tandis que le petit jardin était devenu la propriété de la Casa del Gran Portale mitoyenne. A ce vaste cenaculum était adjoint une petite cuisine modestement aménagée, avec un plan de travail en brique, dans l’espace 21 qui le jouxtait. Elle desservait aussi la vaste pièce 22 (6,18 x 3,99 m) qui devait également servir de salle de réception, étant donné ses dimensions et l’aménagement d’une baie sur le jardin, scandée par trois colonnes de briques, à l’extrémité sud de la pièce.37 Dans la partie ouest de l’étage, composé des pièces 15, 16, 17 et 18, quelques hypothèses relatives à la fonction des pièces peuvent être échafaudées. La plus vaste était la pièce 15 qui par ses dimensions suggère une fonction de réception (6,20 x 4,10 m). Les fouilles de 1932 y ont mis au jour un autel portatif accompagné de deux fioles d’huile et un fragment de vase en sigillée,38 ainsi que, près du mur sud, un coffre contenant 25 kg
de fèves39 et près du mur nord, un vase de bronze à panse large et col étroit.40 De cette pièce ou de la pièce 16 voisine, proviennent trois cols d’amphore.41 L’espace 17, divisé en deux par une cloison nord-sud était pourvu de deux larges cuvettes maçonnées et devait servir d’espace de stockage. Dans l’espace 18 furent trouvés des fragments de vaisselle de terre-cuite et de tuf. En somme, l’instrumentum mis au jour à l’étage, conjugué avec les aménagements architecturaux, laissent penser que la quasi-totalité de ces pièces était dévolue à des fonctions de réception, entre espaces de réception proprement dits et espaces de service qui permettaient de les faire fonctionner (cuisine, stockage). Dans ces conditions, il est possible de suggérer que l’étage appartenait à la même unité d’habitation que le rez-de-chaussée. Quant à l’escalier situé dans l’espace 12, donnant sur l’atrium à l’ouest, il aurait été construit dans la phase finale du site et en tout cas après 62. Pour sa construction, on avait sans doute empiété sur la pièce 2.42 Cette dernière avait été considérablement remodulée, puisqu’elle fut également divisée en deux espaces par l’adjonction d’une cloison nord/sud. Pour conclure, les modifications qui avaient été apportées à la maison – à part l’adjonction de l’étage – ne modifiaient qu’à la marge le plan initial. La Casa del Mobilio Carbonizzato a toujours été une habitation organisée autour d’un atrium central, bordé d’une rangée de pièces au nord, mais pas au sud, tout comme la Casa Sannitica, située deux parcelles plus au sud. Elle possédait, par ailleurs, un étage depuis sa construction. Elle partage d’ailleurs d’autres similitudes planimétriques avec la Casa Sannitica, comme par
Fig. 178. Casa del Mobilio Carbonizzato, coupes dessinées par R. Oliva. D’après Maiuri 1958, pl. XXIV.
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AUGMENTATION DE LA SURFACE HABITABLE DE LA MAISON
Fig. 179. Entrée de l’appartement V, 22. Derrière la porte d’entrée, on distingue l’escalier de bois (moderne). Dans l’angle supérieur droit de l’image, on voit le toit qui recouvre les deux pièces restaurées (5 et 7). Cliché A. Dardenay (2013).
exemple la présence du cenaculum à colonnade à l’étage, au-dessus du tablinum. Autre analogie, la Casa del Mobilio Carbonizzato conservait également des traces de décor d’époque samnite, comme les traces d’enduit Ier style dans la pièce 543 ou le pavement des pièces 2/2a (=23), datés de la phase initiale de la maison par Th. Ganschow44 ou de IIe style par d’autres archéologues.45 Le cenaculum V, 22 Durant la phase augustéenne, au moment où d’importants remaniements sont conduits dans la partie septentrionale de l’insula V, un appartement est créé au nord-est de l’îlot, au-dessus des locaux commerciaux V, 19-V, 22.46 L’utilisation conjointe de l’opus reticulatum A et de l’opus vittatum pour le percement de la porte V, 22 permet de dater la construction de ce cenaculum à l’étage.47 Ce cenaculum était accessible depuis la rue grâce à un escalier de bois (sur fondation maçonnée) aménagé en V, 2248 (fig. 179). L’appartement s’étendait apparamment au-dessus des locaux V, 19 à V, 2349 (voir pl. 18) couvrant une surface de 150 m2 environ et était composé d’au moins six pièces. Au moment des fouilles, conduites dans ce secteur entre septembre 1937 et février 1938, cet étage a livré d’intéressantes découvertes. L’espace 6 (E chez Maiuri) accessible à droite en haut de l’escalier est totalement effondré. On estime sa surface à 40 m2 environ, mais il est possible qu’il ait été originellement subdivisé en plusieurs pièces. Des vestiges d’enduits peints signalés par F. Pirson sur le mur ouest – il parle d’un soubassement rouge surmonté d’un champ blanc – sont aujourd’hui effacés.50 Face à l’escalier, la pièce 2 servait d’espace de distribution avec quatre portes ménagées dans trois de ses murs.
Là aussi, les enduits toujours présents sur les murs au moment des fouilles ont aujourd’hui disparu.51 En prolongement, la pièce 3 ne porte plus de trace de décor, mais conserve les traces très nettes d’une porte murée dans le mur sud qui donnait accès à l’appartement mitoyen, au-dessus de V, 23-25. La pièce 4,52 dont l’essentiel du sol n’a pas été restauré, donnait accès aux pièces 5 et 7, les seules de cet appartement qui aient été jugées dignes, par A. Maiuri, de recevoir un toit et une restauration complète (fig. 180). La pièce 5 donnait sur le decumanus superior par une fenêtre, placée à environ 95 cm du sol, dans l’embrasure de laquelle furent découverts des volets de bois carbonisés.53 Les murs de cette pièce (les parois est et sud sont en opus craticium) portaient un décor soigneux de IVe style. Le soubassement noir est orné de massifs feuillus, encore bien visibles sur le mur est. Au-dessus se dresse une zone à fond rouge à composition architecturale. Sur le mur sud, on distingue l’édicule central jouxté de panneaux latéraux ornés de vignettes figurant des scènes de genre (chasse, masques théâtraux). Le plafond, à fond rouge,54 était partiellement voûté – dans le sens est-ouest – avec des surfaces plates aux extrémités nord et sud - ainsi que l’indique le vestige conservé dans l’angle nord-ouest. D’après les GSE, le sol originel était recouvert d’un pavement de béton à inclusions de marbre blanc positionnées en lignes.55
Fig. 180. Appartement V, 22, mur ouest de l’espace 4 avec porte vers l’espace 7 (à gauche) et pièce 5 (à droite). Dans le mur sud, ouverture vers le palier et l’escalier. Au rez-dechaussée se trouve la taberna V, 21, à l’angle entre du cardo V et du decumanus superior. Cliché A. Dardenay (2013).
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3.1
Fig. 181. Appartement V, 22. Découverte du lit de la pièce 5, contre le mur sud. D’après Maiuri 1958, fig. 390.
Cette pièce a livré quantité d’instrumentum domesticum, notamment un lit (contre le mur sud) et quatre coffres de bois (fig. 181). Le premier contenait un grand nombre d’objets délicats et/ ou précieux.56 Les trois autres furent découverts dans l’angle nord-ouest de la pièce et contenaient des tablettes.57 A ces découvertes, il faut ajouter un cachet de bronze, un pichet de bronze et d’autres objets encore.58 Enfin, l’étroit espace 7, enclavé entre la pièce 5 et la pièce 3 était sans doute un espace de rangement. D’après les GSE, au mur sud, simplement enduits de blanc, étaient fixées des étagères de bois.59 Durant la phase entre l’époque julio-claudienne et le séisme de 62, ce cenaculum communiquait avec les pièces situées à l’étage de l’édifice mitoyen (Casa della Colonna Laterizia). L’accès avec la pièce située au-dessus de la taberna V, 23 fut conservé. En revanche, la porte de communication (dans le mur sud de la pièce 3 de V, 22) vers les pièces situées au-dessus de 3 et 4 de V, 23-25 fut murée après 62. Le même phénomène se produit simultanément au rez-de-chaussée, avec l’obturation de la fenêtre placée dans le mur sud de la pièce 2 de V, 19 (soit juste au-dessous de la
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pièce 3 de V, 22). Cela semble indiquer une séparation du bien-fonds en plusieurs propriétés. Toutefois, pour autant qu’on puisse en juger d’après l’étude du bâti, l’espace situé juste au-dessus de la taberna V, 23 resta toujours une des pièces du cenaculum accessible en V, 22. Casa della Colonna Laterizia (V, 23-25) Plusieurs transformations successives sont visibles dans les pièces situées à l’étage de cet édifice. Elles sont liées bien entendu, aux transformations du rez-de-chaussée et aux changements de propriété. La date de construction de l’édifice est incertaine, mais semble se situer dans la phase de restructuration d’époque augustéenne de la partie septentrionale de l’îlot, consécutive à la construction de la « grande Casa del Bicentenario ». Il apparaît également presque certain que l’étage fut construit en même temps que le rez-de-chaussée. Les élévations de cet édifice sont très détériorées et il est difficile de restituer l’extension exacte du plateau d’étage (pl. 20). Après le second séisme, survenu dans les années 70, la boutique V, 25 est séparée de la Casa della Colonna Laterizia, par le blocage de la porte de communication, et
AUGMENTATION DE LA SURFACE HABITABLE DE LA MAISON transformée en unité indépendante, peut-être habitable. Dans la phase finale du site, deux appartements existaient à l’étage de V, 24 (Casa della Colonna Laterizia) : • Appartement nord : au-dessus des pièces 3 et 4 ; • Appartement sud : au-dessus des pièces 5 et 6 (et peut-être 1, 2, 9 et maenianum, soit environ 90 m2). Appartement nord Les espaces situés au-dessus des pièces 3 et 4 de V, 24 après avoir été liés à l’appartement V, 22, en furent dissociés après 62. Ce changement de propriété entraîna sans doute la dissimulation de l’enduit peint IVe style (soubassement noir, champ médian à fond rouge) qui ornait ces pièces sous un simple enduit blanc.60 Mais comment furentelles alors rendues accessibles ? A l’époque où les deux appartements faisaient partie du même bien-fonds,61 l’escalier V, 22 permettait d’accéder à cet étage et à ces pièces, en traversant l’espace 2 et la pièce 3 de V, 22. Mais après 62, quand les deux édifices furent divisés en deux propriétés différentes, il fallut bien installer un nouvel accès pour mener aux étages de V, 24. La question de sa localisation demeure toutefois une énigme. A. Maiuri suggère qu’un escalier devait être aménagé dans la taberna V, 25,62 mais il n’en a jamais existé aucune trace ; quant à F. Pirson, il estime que l’appartement était accessible depuis l’escalier situé en V, 22,63 ce qui est possible, mais seulement jusqu’en 62. Car il n’a jamais existé de porte de communication entre la pièce au-dessus de V, 23 (pièce 8) et la pièce au-dessus de la pièce 3, pas plus qu’il n’en existe au rez-de-chaussée d’ailleurs. N. Monteix estime quant à lui que cet étage était accessible depuis l’intérieur de la Casa della Colonna Laterizia, par un escalier, qu’il propose de situer dans la pièce 7, dont le mur oriental est longé d’un podium.64 Appartement sud Il ne reste pratiquement rien de ses élévations, à l’exception de portions des murs nord et sud au-dessus de la pièce 5 et du mur sud de la pièce au-dessus de 6, sobrement couverts d’enduits blancs, comme dans l’appartement nord. On ignore comment il était possible d’y accéder depuis le rez-de-chaussée. Par ailleurs, il est possible, mais sans certitude, que cet appartement se soit étendu également au-dessus des pièces 1, 2 , 9 (soit à l’est) et se soit prolongé par un maenianum. On peut supposer que ces deux appartements étaient accessibles grâce à une échelle portative, tout comme « l’appartement est » de la Casa di
Nettuno ed Anfitrite.65 Tout autre dispositif aurait laissé des traces visibles sur le sol ou dans le bâti. Par ailleurs, la mise en œuvre de simples enduits d’isolation blancs sur les parois de ces deux appartements, tout comme dans les pièces accessibles par une échelle dans la Casa di Nettuno ed Anfitrite, indique la dégradation du standing de ces espaces. La Casa dell’Atrio Corinzio (V, 30) A la fin de l’époque républicaine, après la Guerre Sociale, mais avant l’époque d’Auguste, la Casa dell’Atrio Corinzio est bâtie ex novo sur une parcelle dégagée de sa construction antérieure. L’édifice est une maison à étage en opus incertum C, avec des piédroits de portes en opus vittatum. L’étage ainsi construit est sans doute le plus ancien de l’insula, avec le cenaculum à colonnade de la Casa Sannitica. Il est en tout cas le plus étendu de cette période pour cette insula, puisqu’il se développait au-dessus des ailes est et sud et couvrait une surface d’environ 100 m2. Totalement détruit aujourd’hui, il est difficile d’en estimer l’extension exacte, et encore moins d’en étudier l’ornatus. En revanche, il est certain que le maenianum en façade fut ajouté lors d’une phase plus tardive, peut-être à l’époque augustéenne et au plus tard julio-claudienne. Malheureusement, il est impossible de préciser avec exactitude, la date de son adjonction, en raison de l’arasement des structures et de la réfection, après 62, du trottoir sur lequel reposent les colonnes de briques supportant cette structure en encorbellement. On ignore la planimétrie de l’étage, mais si l’on compare cet édifice avec d’autres domus de l’insula V (comme la Casa di Nettuno ed Anfitrite et la Casa dell’Apollo Citaredo par exemple), on constate que généralement, ce maenianum servait de couloir de desserte, ou bien permettait d’agrandir la surface de certaines pièces, ou encore d’aménager des espaces de service (stockage, latrines). Etages construits à l’époque julio-claudienne (avant 62) Voir planche 37. Appartement V, 2 (Casa Sannitica) D’après Th. Ganschow, les autres pièces de l’étage de la Casa Sannitica, celles qui donnent sur la rue (15-18), ont été construites plus tard, à l’époque augustéenne ou au début de l’époque impériale.66 Quoi qu’il en soit, l’appartement composé des pièces 15 à 18 était indépendant et accessible par un escalier ouvrant sur la rue (V, 2). Il occupait une surface de 70 m2 (planche 6). L’escalier aménagé à
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3.1
Fig. 182. Casa Sannitica, pièce 18, emblema figuré (38 x 38 cm). D’après Guidobaldi et al. 2014, fig. 273 bis.
l’entrée V, 2 de la maison donnait accès à un appartement installé dans l’aile ouest de la maison.67 C’est peut-être à l’occasion de sa construction que le propriétaire de la Casa Sannitica fit l’acquisition de quelques dizaines de mètres carrés sur la parcelle voisine (Casa del Telaio) afin d’aménager une entrée indépendante pour cet appartement68 ; à moins que les deux édifices n’aient constitué, à l’époque, qu’un seul bien-fonds.69 A l’étage, cet appartement en façade, avec un retour en L sur l’aile nord, était composé de trois ou quatre pièces desservies par un couloir (16) construit en encorbellement au-dessus de la rue (maenianum). Plutôt qu’un balcon, il faut plutôt restituer un corridor, sans doute percé de fenêtres. Pour édifier cet appartement, les propriétaires de la Casa Sannitica empiètèrent légèrement sur la surface du rez-de-chaussée et de l’étage de la Casa del Telaio mitoyenne au nord,70 afin d’aménager le palier où aboutit l’escalier (en 13) et d’augmenter la surface de la pièce 15. L’agencement et le décor des deux premières pièces (15 et 17) est incertain, en raison du mauvais état de conservation des murs et des cloisons au moment de leur découverte.71 En revanche la pièce 18, dans l’angle sud-ouest de l’étage, présentait des parois ornées de peintures IVe style à fond noir. Il n’en reste rien aujourd’hui, pas même la trace du tableautin mentionné par A. Maiuri et figurant des vaches.72 Concernant le décor de cette pièce, le Giornale degli Scavi mentionne également un plafond à fond blanc et deux niveaux superposés de pavement en béton à inclusion de tesselles (ce qui indique une réfection). La mosaïque la plus récente présentait en son centre un emblema à sujet dionysiaque qui
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fut alors déposé et conservé depuis lors au dépôt de conservation du site73 (fig. 182). Ce décor de pavement est le seul emblema figuré mis au jour à Herculanum jusqu’ici, le goût des riches habitants de la cité allant plutôt vers les emblemata de marbre et d’opus sectile. Comme dans nombre de scènes figurées du répertoire herculanéen, l’abstraction74 est très nette dans cette image. On y reconnaît, sur fond blanc une panthère, un rython, des crotales et un thyrse.75 Techniquement, l’œuvre est assez grossière et les tesselles de calibre moyen n’apportent pas à l’image l’effet picturalisant de l’opus vermiculatum. Dans l’angle inférieur gauche de l’emblema on note les traces d’une réfection qui laisse envisager que cet emblema fut conservé sur une longue période, endommagé (par un séisme ?) puis réparé, ou bien déplacé au moins une fois. Il aurait pu, par exemple, être prélevé du pavement sous-jacent pour être réintroduit, après réparation, dans le pavement de la phase finale. Il est difficile d’en proposer une datation sur critères stylistiques, en raison notamment des réparations subies dans la deuxième moitié du Ier siècle ap. J.-C. Mais il n’est pas exclu que le premier état de cet emblema remonte au début du Ier siècle av. J.-C., ainsi que le suggère le motif de triangles dentelés de la bordure. 76 Les éléments figurés de cet emblema, empruntés à la sphère dionysiaque, laissent supposer que cet espace pouvait faire office de pièce de réception. Plusieurs artefacts furent par ailleurs mis au jour dans cette pièce, qui laissent supposer qu’elle pouvait servir de salle à manger : des fragments d’un pied de table en ivoire, un pied de lit en bois carbonisé, trois statuettes (Vénus, Hermès et une figure féminine).77 La Casa del Bel Cortile (V, 8) Le phasage du bâti de la Casa del Bel Cortile dépend en grande partie de l’histoire architecturale de la Casa del Bicentenario et, dans une moindre mesure, de la Casa dell’Apollo Citaredo. A l’époque où fut construite la première partie de l’étage de la Casa del Bel Cortile, cette partie de l’édifice constituait le posticum de la Casa del Bicentenario.78 La construction de l’étage dans cette habitation s’opéra donc en deux phases successives, augmentant ainsi progressivement la surface habitable à l’étage (pl. 10) : • Phase 1 (début de l’époque impériale) : aménagement de deux cubicula en 10 et 11 La diaeta à l’étage de ce posticum – occupant une surface de 127 m2- fut donc aménagée, d’après l’étude du bâti, dans la phase qui s’étend entre l’époque post-augustéenne et 62, quand la plani-
AUGMENTATION DE LA SURFACE HABITABLE DE LA MAISON métrie de cette partie de la maison est remaniée. Durant la même phase, la porte d’accès de la maison donnant sur le cardo IV est déplacée vers le nord, de façon à se positionner dans l’axe de la pièce 3. Cette modification permet de régulariser le plan du posticum – qui évoque l’alignement canonique entrée/tablinum - préfigurant ainsi le projet de transformer cette partie de la Casa del Bicentenario en unité d’habitation plus ou moins indépendante. La construction de pièces à l’étage s’inscrit, semble-t-il, dans cette même perspective. Cette diaeta qui se développe dans la partie nord, au-dessus de la pièce 2, est accessible par un imposant escalier maçonné construit contre le mur oriental de la cour, obturant ainsi une fenêtre qui s’ouvrait sur le péristyle de la Casa del Bicentenario. Les cubicula 14 et 15, qui étaient simplement séparés l’un de l’autre par une fine cloison de 20 cm d’épaisseur dont la trace est visible dans l’enduit peint, étaient ornés d’un décor très simple de IIIe style à fond blanc, toujours conservé sur les parois nord des deux pièces. • Phase 2 (post 62) : construction de l’aile ouest de l’étage La Casa del Bel Cortile subit d’importants dommages lors des secousses de 62, ainsi que l’indiquent les nombreuses réparations en opus reticulatum A et opus vittatum mixtum (reconstruction de la façade, reconstruction des murs effondrés de l’œcus, etc.) observées dans plusieurs pièces. C’est sans doute à l’occasion de cette importante campagne de travaux que l’aile ouest de l’étage fut construite79 et que la maison adopta sa forme finale. En témoigne notamment le doublement du mur ouest de la pièce 4, un nouveau mur étant construit en renfort contre l’ancien afin, sans doute, de supporter le poids de l’étage. Dans la phase finale, l’étage s’étendaient donc au-dessus de tout le rez-de-chaussée, à l’exception du grand œcus 4. L’escalier débouche sur un palier en L (9) - sécurisé par un parapet de 80 cm de haut - qui dessert deux cubicula (14 et 15) aménagés au-dessus de la pièce 2 du rez-de-chaussée. Dans la partie ouest de l’étage, deux longues pièces en enfilade (17 et 18) pouvant servir d’espaces de vie ou de réception80 s’ouvrent sur un balcon ou un corridor en encorbellement (19). De nombreux objets y furent mis au jour, parmi lesquels deux candélabres de bronze, une banquette de bois carbonisée d’environ 2 m de longueur et différents objets de vaisselle céramique.81 La Casa del Sacello di Legno (V, 31) Cette maison était pourvue de deux cenacula à l’étage, l’un à l’arrière, de 55 m2 (cenaculum ouest) et l’autre, en façade, de 21 m2 (cenaculum est, voir
pl. 27). L’étage fut donc agrandi de manière progressive, en deux phases : • Phase 1 (début de l’époque impériale) Le cenaculum ouest fut construit durant la seconde phase de restructuration de l’édifice, au tout début du Ier siècle ap. J.-C.82 C’est en effet de cette phase que date l’aménagement de l’escalier, au nord du tablinum. Cet escalier fut construit à la place d’un étroit couloir (pièce 10) qui permettait, à l’origine, d’accéder à la partie arrière de la maison. L’aménagement d’un escalier dans cet espace força le propriétaire à réduire la surface de son tablinum (pièce 3) pour construire, dans la partie sud de celui-ci, un nouveau couloir d’accès à la partie arrière (ouest) de la maison. La paroi sud de ce nouveau couloir (9) est l’ancienne limite méridionale du tablinum. On remarque avec intérêt que cette paroi sud conserve des vestiges de l’ancien décor Ier style du tablinum de la maison. • Phase 2 (post 62) Quant au cenaculum oriental, aménagé en façade de l’habitation, il date probablement de la dernière phase de restructuration de la maison, après le séisme de 62. C’est, en effet, à cette période que peut être attribué l’escalier aménagé dans la pièce 1.83 Mais il n’est pas à exclure totalement que cet étage soit plus ancien, contemporain de la phase augustéenne, tout comme l’autre cenaculum, et que l’escalier ait été reconstruit dans la dernière phase d’occupation de l’édifice. Les murs de cette partie de l’étage sont presque totalement détruits, rendant très difficile l’établissement de la chronologie du bâti. Etages construits après 62 Voir planches 38 et 39. La Casa del Telaio (V, 3) Cette maison présente deux exemples fort intéressants de développement d’appartements à l’étage en communication avec les parcelles mitoyennes : la Casa Sannitica au sud et la Casa del Gran Portale à l’est. L’appartement sud-ouest (rattaché à V, 2) Du point de vue architectural, le cenaculum accessible en V, 2 est en relation avec l’histoire du bâti de la Casa del Telaio. L’entrée V, 2 et une portion d’espace en prolongement furent, en effet, cédés à la Casa Sannitica au début de l’époque impériale afin d’aménager une entrée indépendante et un escalier d’accès au cenaculum situé dans la partie nord-ouest de l’étage de cette maison (pièces 12 à 18).
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3.1 Durant la même phase, ou peu après (opus incertum C), fut aménagée dans l’angle sud-ouest de la Casa del Telaio, une habitation indépendante constitué de trois pièces en rez-de chaussée (2 de Casa del Telaio, 8 et 9 de Casa Sannitica), ainsi que de pièces à l’étage (couvrant la surface au-dessus des trois pièces) et dont l’entrée se trouvait en V, 3.84 Il reste des traces, dans le mur nord de la pièce 13 de la Casa Sannitica, de la porte d’accès à la pièce qui se trouvait au-dessus du couloir 2 de la Casa del Telaio. Cette unité d’habitation indépendante fut démantelée après le tremblement de terre de 62. Au rez-de-chaussée, l’espace 2 est rattaché à la Casa del Telaio et les pièces 8 et 9 sont ouvertes sur la Casa Sannitica (fig. 183). Les réfections et restructurations sont opérées en opus incertum ; quant à l’espace juste au-dessus, à l’étage, il est totalement restructuré afin d’agrandir le cenaculum nord-ouest de la Casa Sannitica 85 (pièces 13 et 15). Deux hypothèses peuvent, peut-être, expliquer le rattachement des pièces 8 et 9 à la Casa Sannitica après 62 : soit s’était révélé un besoin d’augmenter la surface habitable du rez-de-chaussée, soit il s’agissait d’une réponse à la loi qui imposait la « verticalité » de la propriété. En effet, en droit romain, le propriétaire d’une parcelle de sol possède également tout ce qui se trouve au-dessus (« superficies solo cedit ») ; cette règle concerne donc les pièces aménagées à l’étage : elles tombent a priori dans le même bien-fonds que les
Fig. 183. Casa Sannitica, pièce 8 (aménagée sur la parcelle de la Casa del Telaio) avec à droite porte d’accès vers l’escalier montant au cenaculum et vers l’atrium. Cliché Th. Dietsch (2014).
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pièces sous-jacentes. On peut ainsi supposer que, si, jusqu’en 62, l’édifice de la Casa del Telaio et celui de la Casa Sannitica appartenaient à un même bien-fonds, cette absence de verticalité des unités d’habitation ne posait pas de problème juridique. Le rattachement des pièces 8 et 9 à la Casa Sannitica pourrait donc être le résultat d’un transfert de propriété, afin de faire en sorte que le rez-de-chaussée et l’étage de V, 2 relèvent du même bien-fonds (et non pas que l’étage soit rattaché à une propriété et le rez-de chaussée à une autre). L’histoire architecturale de ces deux édifices plaiderait donc en faveur de l’hypothèse d’une unique propriété jusqu’en 62.86 Cependant, il existe des exceptions à la règle du « superficies solo cedit ». Du point de vue du droit romain, un cenaculum disposant d’un accès direct à la rue peut constituer une propriété indépendante et donc n’appartient pas nécessairement au même propriétaire que l’unité d’habitation qui se trouve au-dessous. Toutefois, il devait souvent arriver que le cenaculum constitue une rente locative pour le propriétaire de la domus ayant conçu cet aménagement. C. Saliou mentionne un cas de ce type développé par Ulpien87 : « Mais si au-dessus de la maison que je possède se trouve un appartement dans lequel un autre demeure en usant des droits du propriétaire, Labéon dit que c’est moi qui dispose du recours à l’interdictum uti possidetis, et non pas celui qui demeure dans l’appartement : toujours en effet le pied saisit le chef. Cependant, si l’appartement dispose d’un accès vers l’espace public, dit Labéon, on considère alors que la maison n’est pas la possession de celui qui en possède le niveau inférieur mais de celui dont la maison se trouve au-dessus ».88 L’appartement sud-est Dans la phase finale du site, en tout cas après 62,89 dans la partie sud du péristyle de la Casa del Telaio fut aménagé un escalier de bois qui donnait accès à un nouvel appartement situé au-dessus des pièces (7, 8 et latrines 14), qui occupait une surface de 15 m2 environ. A l’origine, il s’étendait également au-dessus de la pièce située dans l’angle sud-est de l’édifice (qui sera cédée plus tard à la Casa del Grand Portale où elle est désignée comme pièce « 5 »), d’après les traces d’une porte de communication murée à l’étage. Mais ce n’est que dans la phase finale du site (entre 62 et 79) que la pièce 5 située dans l’angle sud-est de la Casa del Telaio sera cédée à la Casa del Gran Portale.90 Au cours de son histoire architecturale, la Casa del Telaio aura donc perdu la majeure partie de ses espaces construits successivement à l’étage, au profit des édifices voisins.
AUGMENTATION DE LA SURFACE HABITABLE DE LA MAISON La Casa dell’Apollo Citaredo (V, 9-12) Tout comme pour la Casa del Bel Cortile, l’ajout d’un étage à la Casa dell’Apollo Citaredo – qui lui est mitoyenne au nord – fut mis en œuvre après les dommages causés par le tremblement de terre de 62. Il est possible d’ailleurs que la réalisation de ces travaux de surélévation conduits dans l’angle nord-ouest de l’insula, le long du cardo IV, aient fait l’objet d’une seule et même campagne. L’étage ainsi construit occupait une surface de 96 m2, au dessus d’un rez-de-chaussée de 160 m2 (pl. 11). En 79, l’escalier permettant d’accéder à l’étage - qui s’étendait au-dessus des ailes nord (pièce 1, 8, 9) et ouest (3, 4, 5, 10) du rez-de-chaussée - était placé contre le mur nord de l’atrium.91 Il ne s’agissait pas de son emplacement premier, puisqu’initialement, au moment de la surélévation de l’édifice, l’escalier était placé dans la boutique V, 9-10, contre la paroi sud, après l’obturation de la porte donnant précédemment sur l’atrium.92 En dépit de l’obturation de cette porte, la boutique n’est toutefois pas coupée du rez-de-chaussée de la Casa dell’Apollo Citaredo, puisqu’une porte de communication est conservée avec les fauces. Contre la paroi nord de l’atrium, les deux marches maçonnées recouvertes d’enduit rouge sont toujours conservées, toutefois, le reste de l’escalier qui était en bois a entièrement disparu. Le déplacement de cet escalier, depuis l’intérieur de la boutique V, 9-10, vers l’atrium pose question. Il peut être interprété comme un changement de la dévolution de l’étage : initialement conçu pour être mis en location – et donc accessible directement depuis la rue – le cenaculum aurait, par la suite, été rattaché directement à l’espace habitable de la domus, afin d’en augmenter la surface. La maçonnerie de l’étage est très peu conservée, il est donc difficile de déterminer exactement quel était l’agencement des espaces et le positionnement des cloisons de partition. Seule certitude, un couloir de desserte construit en encorbellement contre la façade et au-dessus du trottoir de l’extrémité nord du cardo IV longeait toute la partie ouest de l’étage.93 La pièce située au-dessus du commerce alimentaire était soigneusement décorée d’un décor IVe style toujours visible in situ, bien que très effacé par les intempéries. D’autres vestiges de décor sont visibles sur les murs de la pièce qui se trouvait au-dessus des fauces, et montre un soubassement rouge bordeaux, séparé de la zone médiane par une bordure ornementale. La zone médiane est mal conservée, à l’exception des traces d’un candélabre stylisé sur le mur nord. Des parties du décor de la pièce surmontant l’espace 8 (une taberna communiquant avec la maison) sont toujours conservées. On dis-
tingue un décor de IVe style constitué d’un soubassement noir surmonté d’une zone médiane à panneaux rouges scandés par d’étroits inter-panneaux noirs, traversés par des candélabres stylisés. Par ailleurs, le mur nord pourrait avoir été couronné d’une lunette de stuc, indiquant ainsi un plafond voûté. Il est donc possible d’affirmer que ce cenaculum de l’étage était un appartement d’un certain standing, en tout cas soigneusement décoré, dont la pièce 8, dans l’angle nord-est de l’édifice, aurait pu être la salle de réception. Le maenianum (balcon couvert et fermé) qui s’accrochait à la façade ouest, au-dessus du cardo IV, comprenait un petit espace de stockage à son extrémité ouest, séparé du reste du balcon par une légère cloison en opus craticium.94 Les murs intérieurs du balcon sont recouverts d’un enduit à soubassement rouge surmonté d’un champ blanc. Le phasage du bâti de la maison est complexe en raison des multiples modifications subies, en lien avec les évolutions planimétriques des Casa del Bicentenario et Casa del Bel Cortile, qui lui sont mitoyennes. De plus, de nombreux murs de cette maison conservent leurs enduits peints dissimulant les matériaux de construction. Il est donc difficile d’établir quand, exactement, fut construit l’étage. Un jalon chronologique peut être établi, après le tremblement de terre de 62, à travers la reconstruction du mur de cloison entre les pièces 4 et 5, qui se prolonge à l’étage, tout comme la reconstruction des murs de l’angle nord-ouest de l’atrium (séparation avec le commerce alimentaire). À ce stade, à partir de 62 donc, l’appartement à l’étage fut construit, ou bien existait déjà depuis quelques années et fut restauré en même temps que le rez-de-chaussée. Une grande partie de la maison fut redécorée après les modifications et réparations consécutives au séisme de 62 ; l’étage, comme nombre de pièces du rez-de-chaussée était ainsi orné de peintures de IVe style (le commerce alimentaire, l’atrium, les pièces 3 et 4, le tablinum (espace 6), au moins). Cet appartement à l’étage fut construit tardivement. Il s’agit même sans doute de la dernière surélévation qui fut opérée dans l’insula V. On peut envisager que sa construction soit liée à l’affectation de l’ensemble du rez-de-chaussée à des activités commerciales. Rappelons en effet que trois gros dolia avaient été enterrés le long de la paroi orientale de l’atrium. De plus les réfections grossières réalisées aux prestigieux décors peints de l’atrium95 révèlent une dégradation très nette du standing de l’édifice. Quoi qu’il en soit, la fonction domestique du rez-de-chaussée s’était dégradée et aurait justifié l’aménagement d’un appartement à l’étage pour abriter les activités de la vie familiale. Toutefois, les découvertes maté-
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3.1 rielles des fouilles de 1938-1939 incitent à se demander si le cenaculum de l’étage n’avait pas lui aussi été affecté, au moins partiellement, à un usage lié aux activités commerciales du rez-dechaussée, en matière de stockage notamment. En effet, le GSE mentionne à la date du 14 septembre 1938 le dégagement de 60 kg de céréales carbonisées (orge) dans la partie nord du maenianum.96 La Casa del Bicentenario (V, 13-16) La Casa del Bicentenario fut construite à l’époque augustéenne (moyenne ou tardive) sur une parcelle quasi entièrement débarrassée de son édifice antérieur. La chronologie de la construction de cette maison est basée sur la datation de l’opus reticulatum B qui fut mis en œuvre pour la bâtir.97 La datation augustéenne repose, en outre, sur la datation de plusieurs pavements, situés dans les fauces, l’atrium et le tablinum. Il s’agit de pavements de mosaïque à emblema d’opus sectile, qui sont semblables à ceux mis au jour à l’étage de la Palestre et dans le péristyle de la Casa del Salone Nero, tous deux datables de l’époque augustéenne d’après le phasage des édifices.98 La mise en œuvre d’opus reticulatum B dans l’appareil de construction des étages, dans la partie nord, comme dans la partie sud de la domus, laisse supposer qu’ils font partie du plan originel de la maison, et furent construits en même temps que le rez-de-chaussée. Cette contemporanéité est de plus, appuyée par la similitude des pavements de sols de béton à inclusion de tesselles conservés dans la pièce 30 de l’étage et les pièces 4 et 5 du rez-de-chaussée.99 Dans cette maison, seule la construction d’un troisième niveau au-dessus du secteur du péristyle résulte d’un agrandissement ultérieur de la maison et sera donc envisagé dans ce chapitre.100 Dans une phase postérieure au séisme de 62, le cenaculum nord, vaste appartement de 114 m2 est détaché de l’habitation principale (par la condamnation de l’escalier de la pièce 2) et rattaché à la boutique V, 13-14. C’est sans doute pour compenser la perte de cette surface habitable que le propriétaire de la maison décidera, par la suite, de construire un troisième niveau au-dessus de l’étage sud de la maison (secteur péristyle). Le séisme de 62 a engendré assez peu de dégâts dans la Casa del Bicentenario. N. Monteix estime que cela est dû à la bonne résistance au choc sismique de l’opus reticulatum B qui a servi à construire toute la maison (conjointement à l’opus vittatum).101 Les seules destructions réellement constatées grâce à l’étude du bâti concernent le péristyle, dont une partie des colonnes ont été réparées avec des briques. Les propriétaires en ont
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sans doute profité pour mener une restructuration importante de cette partie de la maison ; à moins qu’elle n’ait eu lieu quelques années plus tard. Les travaux, réalisés en reticulatum A, procèdent à une fermeture de l’entrecolonnement du péristyle sur les côtés ouest et sud. Au sud, la pièce 10 est même créée dans l’ancien bras du péristyle. N. Monteix suggère que cette restructuration et ce démantèlement du péristyle visaient à établir des structures et des murs suffisamment solides pour construire un second étage, au-dessus de celui qui existait déjà, à l’arrière de la maison.102 L’appartement du premier étage, qui s’étendait sur une surface de 267,40 m2 (pièces 27 à 38) avait été construit durant la même phase que le rez-de-chaussée et les cenacula de l’aile nord, donc à l’époque augustéenne. Il communiquait avec le noyau central de la maison par un escalier placé à l’ouest du tablinum (pièce 19). Il semble raisonnable de penser – étant donnée l’articulation entre les deux étages et la position de l’escalier – qu’il faisait partie de la même propriété que le rez-de-chaussée, portant ainsi la surface habitable totale de l’habitation à 775 m2 environ. Ce qui n’empêche pas que les deux niveaux aient pu être occupés par des unités familiales différentes. Les travaux entrepris dans l’aile ouest du péristyle après 62 – qui auraient notamment permis de renforcer les maçonneries – ont rendu possible une nouvelle élévation de la hauteur de la maison, en construisant un nouvel étage dans la partie arrière. Ce second niveau est totalement détruit, mais on distingue encore, dans l’angle nord-ouest de la pièce 30, les trois marches de la base de l’escalier qui y menait. Lors des fouilles de janvier 1938, l’escalier en bois qui surmontait ces marches maçonnées était encore partiellement conservé.103 Le second étage a totalement disparu, on ne peut donc que spéculer sur son extension.104 La seule certitude est qu’il s’étendait au moins au-dessus de l’aile ouest du péristyle puisque c’est cette partie de l’entrecolonnement qui avait été maçonnée et renforcée. S’étendait-il également au-dessus des ailes nord et est, suivant ainsi le plan du premier niveau ? C’est beaucoup moins sûr, puisque nous n’observons pas de fermeture de l’entrecolonnement du péristyle sur ces côtés (cf plan fig. 23 et 50; pl. 12). Le cenaculum V, 29 Il ne reste que très peu de vestiges des étages aménagés au-dessus de l’édifice V, 26-29 105 (fig. 184 et pl. 25). Le cenaculum accessible en V, 29 se déployait au-dessus de tout le rez-de-chaussée, structuré en deux tabernae (V, 26 et V, 28) et une habitation (V, 27). Seul l’espace 5 de V, 27 n’était pas surmonté par cet étage. L’escalier aménagé
AUGMENTATION DE LA SURFACE HABITABLE DE LA MAISON
Fig. 184. Entrée V, 29 à gauche (avec la marche) et V, 28 à droite. Cliché : M.-L. Maraval (2012).
Fig. 185. De gauche à droite : V, 33, V, 33a (escalier), V, 32 (taberna). Cliché M.-L. Maraval (2012).
en V, 29 est le seul attesté dans l’édifice, il semble donc que tout l’étage était consacré à ce cenaculum. De rares découvertes sont mentionnées dans les GSE au moment de la fouille de l’édifice, parmi lesquelles, à l’étage, un meuble en bois carbonisé contenant de la vaisselle de verre et de terre-cuite, un plat en bronze et quelques bijoux, et plus loin, sur le sol, une statuette de Lare.106 L’histoire architecturale de cet édifice est très difficile à restituer, en raison du très mauvais état de conservation des maçonneries (fig. 184). Nous ne savons presque rien de l’agencement de l’édifice pour les phases antérieures au séisme de 62. Il est probable qu’il ait subit alors beaucoup de dommages, entraînant une reconstruction massive en opus incertum D, avec un important réemploi des matériaux récupérés sur les structures effondrées. Quoi qu’il en soit, l’étage date de cette phase de reconstruction post 62107 et il fut très vraisemblablement, conçu dès le début pour être indépendant du rez-de-chaussée, probablement pour générer un revenu foncier par sa mise en location. Notons également que le marquage différencié du trottoir devant cette entrée semble indiquer qu’il s’agissait en 79 d’une propriété distincte des édifices voisins (fig. 171).
Le sol de l’étage a disparu, mais on peut restituer sa planimétrie grâce à la présence d’une canalisation108 descendant le long du mur nord de la pièce 3, ainsi que par la présence de montants de portes visibles dans certaines portions de mur subsitantes, notamment dans le mur ouest de la pièce 3. L’extension au-dessus de la pièce 5 est probable, mais non clairement visible sur les vestiges.109 Plusieurs trouvailles, liées aux pièces de cet étage, sont mentionnées dans les GSE : un
Le cenaculum V, 33a En 79, un appartement de 73,8 m2, situé à l’étage de la Casa con Giardino, était accessible depuis la rue, par l’escalier maçonné ouvrant en façade au numéro V, 33a (fig. 185 et 186; pl. 30). Les pièces de ce cenaculum, dont l’indépendance lui permettait de loger une famille distincte de celle qui occupait le rez-de chaussée, se déployait au-dessus des espaces 1 à 5. Le cas échéant, ce cenaculum permettait de générer un revenu foncier, en cas de mise en location.
Fig. 186. Détail de l’entrée V, 33/ V, 33a. Cliché M.-L. Maraval (2012).
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3.1 candélabre de bronze (E 988), un petit bol de verre (E 991) et une lampe de sigillée (E 992).110 D’après l’analyse des structures architecturales conservées, cet étage aurait été aménagé dans la phase post 62, et impliqua une recontruction des pièces 1 et 2 au rez-de-chaussée.111 C’est d’ailleurs au même moment que la Casa del Gran Portale fut détachée de la Casa con Giardino, au-dessus de laquelle un étage fut également construit. Toutefois ces deux appartements n’étaient pas mitoyens et s’ils ont été construits en même temps (ou à peu près, quand la grande maison est divisée en unités d’habitation séparées) ils n’ont pas été conçus ensemble. La Casa del Gran Portale (V, 35) L’histoire structurelle de la Casa del Gran Portale est très étroitement liée à celle de la Casa Sannitica (V, 1-2), puis à celle de la Casa con Giardino (V, 33).
Fig. 187. Casa del Gran Portale, pièce 5, mur nord. Les portes d’accès vers la Casa del Telaio furent murées dans la phase finale, au rez-de-chaussée comme à l’étage. Cliché M.-L. Maraval (2012).
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A l’origine, lors du lotissement à l’époque samnite, il est très probable que la moitié sud-est de l’îlot ait été divisée en trois parcelles, orientées est-ouest, avec une entrée sur le cardo V pour chaque habitation.112 Il ne reste rien de ces structures originelles, à l’exception des murs nord et ouest de la pièce 6 de la Casa con Giardino.113 Les pièces 6 et 10 de la Casa del Gran Portale occupent l’emplacement de l’hortus de la Casa Sannitica, dans le lotissement originel. On ne sait rien de l’habitation qui s’élevait originellement sur la parcelle est-ouest et s’inscrivait en prolongement de celle-ci, si ce n’est qu’elle fut dans un second temps détruite et réaménagée en péristyle pour la Casa Sannitica, sans doute à l’époque républicaine, dans la phase pré-romaine (avant 89).114 L’étage attesté dans la phase finale de la Casa del Gran Portale occupait l’espace à l’arrière de la maison et au-dessus des pièces 4, 5, 7 et 8 et couvrait une surface totale de 38,3 m2 au minimum (pl. 32). On ne sait s’il s’étendait également au-dessus de la cuisine (espace 9). On y accédait par un escalier partant de la cuisine. Sous cet escalier était installées des latrines. L’ensemble fut aménagé dans la phase finale du site, après 62, quand cette habitation fut détachée de la Casa con Giardino dont elle formait une partie jusqu’alors.115 C’est au même moment que la Casa del Gran Portale se vit adjoindre la pièce 5 de la Casa del Telaio (ancienne pièce I de la Casa del Telaio), ainsi que la pièce située au-dessus. Ces modifications sont visibles dans la mise en œuvre du blocage des portes qui communiquaient vers la Casa del Telaio, dans les murs nord du rez-dechaussée et de l’étage (fig. 187), ainsi que par l’ouverture d’une porte d’accès vers la Casa del Gran Portale dans le mur sud du rez-de-chaussée. Le blocage des deux portes est réalisé en opus reticulatum B, tout comme nombre de modifications et fermetures de porte, qui correspondent à cette phase finale de la maison, probablement datable des année 70, où la Casa del Gran Portale devient une unité d’habitation indépendante de la Casa con Giardino. On lui adjoint donc en même temps deux pièces de la Casa del Telaio (la pièce I et celle qui se trouvait au-dessus) l’une au rez-dechaussée et l’autre à l’étage. C’est également lors de cette dernière phase que la pièce 14 devint une taberna indépendante, coupée de la maison par le blocage de la porte du mur nord. Cette reconfiguration totale de la planimétrie de la maison entraîna la mise en œuvre de nouveaux décors peints dans les pièce 4, 5, 6, ala 10 et hortus 12. L’étage est aujourd’hui presque intégralement détruit, tout comme les décors peints qui en ornaient les murs, leur étude en est donc malheureusement impossible.
AUGMENTATION DE LA SURFACE HABITABLE DE LA MAISON Appartement V, 34 La taberna qui occupait l’angle sud-est de la Casa del Gran Portale, entrée V, 34, disposait elle aussi d’un étage d’une surface estimée à 16 m2, comme le rez-de-chaussée qu’elle surmontait. L’emplacement de l’escalier qui permettait d’y accéder n’a pas été localisé avec certitude, mais aurait pu correspondre aux structures maçonnées identifiées par J. Andrews et N. Monteix dans l’angle nordouest de la pièce. Cette pièce à l’étage fut aménagée elle aussi dans la phase post 62 du site. Pour conclure cette partie sur l’augmentation de la surface des édifices par la construction d’étages, notons que l’on observe un fort dynamisme des chantiers lors de deux phases. La première se tient à l’époque augustéenne, quand de nombreuses maisons sont reconstruites, parfois ex nihilo et pourvues alors d’un second niveau. La deuxième phase très dynamique est celle consécutive au séisme de 62 (fig. 188), et permet soit d’augmenter la surface habitable, soit d’optimiser la capacité d’un bien immobilier à générer un revenu foncier, par la création d’un cenaculum à l’étage, par exemple. D’autre part, signalons qu’une ultime phase est documentée pour les étages, après le second séisme survenu vers 70/75. Si aucun autre étage ne fut alors construit, quelques remaniements concernant les limites de propriétés furent toutefois entrepris. Ces dernières modifications donnèrent aux habitations leur morphologie définitive (du moins, celle qui était la leur en 79). Il en sera question dans les pages suivantes. EXTENSION SUR PARCELLES CONTIGUËS Plusieurs exemples d’extension partielle - et parfois même temporaire - d’un édifice sur la parcelle contiguë sont apparus au cours de cette étude (pl. 40). Nous les avons précédemment mentionnés et étudiés en détail, c’est pourquoi nous n’y reviendrons ici que brièvement. Ces phénomènes ont été mis en évidence dans deux secteurs de l’insula : Dans la partie méridionale, deux exemples sont clairement attestés : - Les pièces 8 et 9, au rez-de-chaussée de la Casa Sannitica (V, 1-2) appartenaient jusqu’en 62 à la Casa del Telaio (V, 3).116 Une porte est alors percée dans le mur nord de la pièce 7 de la Casa Sannitica afin de pouvoir accéder à ces pièces nouvellement adjointes. La contiguïté entre ces deux édifices, et peut être aussi l’appartenance à un même bien-fonds (jusqu’en 62 au moins), a permis d’aménager en V, 2 un cenaculum qui se déploie à cheval sur les
Fig. 188. Extension des étages dans l’insula V après 62.
deux édifices V, 1 et V, 3. L’entrée en V, 2 et l’escalier construit en prolongement se trouvent en effet sur la parcelle anciennement dévolue à la Casa del Telaio (V, 3). Quant au cenaculum auquel il donne accès, il s’étend à la fois au-dessus des pièces 1, 11, 2, 3 et 7 de la Casa Sannitica, et au-dessus des pièces 8 et 9 qui se trouvent sur la parcelle de la Casa del Telaio. - La Casa del Telaio a subit un autre empiètement sur ses limites initiales. Après 62, la pièce située dans l’angle sud-ouest de l’édifice est attribuée à la Casa del Gran Portale, au moment où cette dernière est constituée en habitation indépendante. La pièce qui se trouvait au-dessus de 5 est alors également rattachée à l’étage de cette même maison. Ces deux exemples d’empiètement sur la Casa del Telaio interviennent après 62. Dans les deux cas, le propriétaire a fait en sorte de conserver une logique verticale dans les attributions, en rattachant les pièces à l’étage au même édifice que celles du rez-de-chaussée (pl. 35 et 39). Ces déci-
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3.1 sions, qui semblent respecter la règle du « superficies solo cedit », témoignent de la préoccupation du propriétaire à se conformer à cet usage. Tous ces remaniements semblent indiquer que ces propriétés appartenaient initialement à un même bien-fonds ce qui permettait au propriétaire de procéder librement à la modification des structures des édifices. Quoi qu’il en soit, ces remaniements ont été réalisés aux dépends de la Casa del Telaio, qui devait être considérée comme un édifice mineur, ainsi que l’indique par ailleurs, l’absence de décoration polychrome sur ses murs et son piètre état avant l’éruption. Dans la partie nord-est de l’insula, un autre cas peut être observé. Les édifices qui occupaient les parcelles dans cette partie de l’îlot (V, 19 à V, 29) ont été progressivement aménagés en « immeubles de rapport » découpés en plusieurs petits lots constitués essentiellement de tabernae et de cenacula, tous très modestes, à l’exception du cenaculum V, 22. Or, ce cenaculum, dont l’escalier d’accès se trouvait face à l’entrée V, 22, s’étendait à la fois au-dessus de V, 19, V, 20, V, 21, V, 23 et V, 24, sur une surface totale de 153 m2. Cela semble suggérer que tous ces édifices appartenaient à un même bien-fonds au moins jusqu’en 62. Après cette date, il est possible que la Casa della Colonna Laterizia soit extraite du bien-fonds (par legs ou vente) car la communication entre l’appartement V, 22 et les pièces à l’étage de V, 24 est rompue. OUVERTURE (PARFOIS
TEMPORAIRE) D’UNE PORTE DE COMMUNICATION ENTRE DEUX MAISONS
Dans les cas où l’annexion d’une ou deux pièces de la parcelle mitoyenne ne suffisait pas à couvrir les besoins en augmentation de la surface habitable, une annexion intégrale de l’édifice mitoyen est attestée par trois exemples observés dans l’insula V. Mais ce phénomène peut avoir été plus fréquent, sans avoir laissé de traces visibles de nos jours dans le bâti. Du point de vue architectural, ce type d’annexion est particulièrement facile à mettre en œuvre : il suffit d’ouvrir une porte dans le mur mitoyen entre deux édifices. Généralement, cette ouverture se fait dans un espace de circulation (atrium ou péristyle) afin d’assurer la fluidité de circulation au sein des deux ensembles réunis. Du point de vue juridique, cette réunion est possible soit si les deux propriétés appartiennent déjà à un même bien-fonds, soit si l’une a été acquise par le propriétaire de l’autre par achat ou legs.
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Casa dell’Apollo Citaredo / Casa del Bicentenario A l’époque augustéenne, au moment de la construction de la Casa del Bicentenario (V, 13-16), sur une parcelle entièrement débarrassée de l’édifice antérieur, la partie orientale de la Casa dell’Apollo Citaredo (V, 9-12) est remaniée afin d’accroître la surface au sol de la nouvelle domus (pl. 33). La parcelle occupée aujourd’hui par la Casa del Bel Cortile est également exploitée. La différence est que l’édifice qui occupait cette dernière parcelle est entièrement rasé, alors que la Casa dell’Apollo Citaredo demeure quasiment intacte.117 Suite à ces remaniements, des portes de communication existaient entre l’atrium de la Casa dell’Apollo Citaredo et l’aile ouest de la Casa del Bicentenario. La connexion entre les deux maisons était donc potentiellement possible, et il est permis d’envisager que la Casa del Bicentenario ait disposé, pendant une phase de son existence, de deux atria.118 Si on suit cette hypothèse, d’après la planimétrie de la propriété dans son extension maximale – au tout début de l’Empire – on suppose que l’atrium central se trouvait dans l’axe de l’entrée V, 15 (atrium 19 de la Casa del Bicentenario) et que la Casa dell’Apollo Citaredo constituait une partie secondaire de l’habitation. La porte de communication entre les deux domus fut finalement condamnée à une date inconnue. Mais il est possible, d’après les similitudes et les effets d’échos et de cohérence globale dans le programme ornemental des deux édifices,119 que cette séparation ait eu lieu après 62.120 La Casa dell’Apollo Citaredo retrouve alors l’indépendance architecturale qu’elle avait perdue à l’époque augustéenne. Selon cette hypothèse, la jonction entre les deux édifices aurait donc duré une soixantaine d’années environ. Casa del Telaio/ Casa del Mobilio Carbonizzato Après 62,121 une porte de communication est ouverte entre le viridarium de la Casa del Mobilio Carbonizzato (V, 5) et l’atrium de Casa del Telaio (V, 3). Celle-ci reste seulement visible du côté de la Casa del Telaio (fig. 120). Toutefois, cette jonction entre les deux édifices fut extrêmement brêve, puisque cette porte fut finalement murée quelques années avant l’éruption (pl. 34 et 35).
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Monteix 2010, fig. 193, 353. La surface habitable globale passe de 6010 m 2 à l’époque augustéenne à 7933 m2 en 79 : Monteix 2010, 353. Ling 1983. Ling, Arthur 1997, 243-244. F. Pirson nuance le rôle de cette pression foncière : “The construction of upper floors in many domus during the 1st c. A.D., for example, has been explained as due to “pressures on living space”. This interpretation, however, does not provide sufficient explanation for the formation of independent apartments. It is more likely that general social movements, such as an increasing level of upward mobility, affected the structures of urban housing.” Pirson 1997, 181. Dubouloz 2011. Déjà en 1996, J.-P. Guilhembet soulignait l’intérêt qu’il y aurait à articuler les sources juridiques avec l’analyse sociale et économique de la maison romaine (Guilhembet 1996, 56). Avant l’excellente thèse de J. Dubouloz (Dubouloz 2011), des monographies avaient porté sur le sujet, notamment l’ouvrage de S.D. Martin (Martin 1989), Murga Gener 1986 et celui de C. Saliou (Saliou 1994). Vitruve utilise le terme en ce sens pour désigner les appartements à l’étage des immeubles de rapport, à Rome : De Arch., II, 8, 17. Il précise que le développement en hauteur des maisons est rendu impérieux par l’augmentation de la population : « Vu l’importance de la ville et l’extrême densité de la population, il est nécessaire que l’on multiplie, en nombre incalculable, les logements (habitationes). Comme des logements à seul rez-de-chaussée (areae planatae) ne sauraient accueillir une telle masse d’habitants dans la Ville, force a été de recourir à des constructions en hauteur (ad auxilium altitudinis aedificiorum res ipsa coegit deuenire). On élève donc ces bâtiments avec des piliers en pierre, une maçonnerie à parement de briques, des murs en moellons, ils sont planchéiés en de très nombreux étages et offrent ainsi une distribution extrêmement utile en habitations (cenaculorum). Grâce donc à ces différentes habitations dont une quantité a été construite en hauteur, le peuple romain trouve, sans difficultés, dans l’enceinte de la ville, d’excellents logements (inpeditione habitationes) » (traduction L. Callebat, CUF, 1999). Dubouloz 2011, 291 à propos d’un cas examiné par Scaevola qui cherche, dans un legs, la partie de la domus ne relevant pas de la « partie résidentielle ». Sur la définition des cenacula (en tant qu’appartements à louer) dans les textes juridiques : Dubouloz 2011, 159161 ; 168-172 ; 178-179 ; 282-286. Dubouloz 2011 sur les diaetae p. 275 : « chez Ulpien les diaetae désignent les pièces à vivre par opposition aux espaces de réception comme l’atrium (Ulp. Ad.Sab., 18) » ; Dubouloz 2011, annexe 3, 599-601. Dubouloz 2011, 282-286, relève des cas de maisons divisées à l’occasion d’un legs entre plusieurs noyaux familiaux, d’affranchis notamment, qui cohabitent en partageant, par nécessité, des espaces de circulation communs. Il évoque même des cas de partages avec droit de passage. Mais même dans ces cas, s’agissant d’affranchis ayant travaillé pour un même dominus, on reste dans le cas de la familia au sens large du terme (Scaevola, livre 5 des Responsa : ici les diaetae sont un ensemble de pièces situées à l’étage ; il évoque aussi un cas avec un droit de passage pour accéder à un autre appartement au fond).
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Dans le détail des textes juridiques, J. Dubouloz remarque que diaeta apparaît quasiment comme un synonyme de « pièce » ou de cubiculum (lequel terme n’est pas toujours synonyme de dormitorium …) Dubouloz 2011, 278 Sur la définition des cenacula voir également Saliou 1994, 48. Elle souligne qu’il s’agit le plus souvent d’un appartement en location. Sur l’origine du terme et son évolution terminologique : Suaudeau 2012. Sur les appartements lire également les réflexions de C. Courrier, dans le chapitre de sa thèse portant sur la « vie de quartier » : Courrier 2014, 147-153. D’après Varron, le cenaculum désigne l’étage de la maison : Varron, Ling. Lat, 5, 162. A propos du cenaculum chez Varron voir Suaudeau 2012 et également, pour des aspects plus juridiques liés à la propriété et l’usufruit : Dubouloz 2011, 170 sq. (qui remarque lui aussi le glissement de sens « selon une logique qui rappelle l’évolution du terme appartement dans notre langue », 171). J. Dubouloz souligne aussi, avec les textes juridiques, que « l’existence dans une demeure d’appartements à louer ne met pas en cause sa qualité », sauf en cas de division complète, 171. Spinazzola 1953, 83-109. Auteur d’une thèse inédite sur ces « colonnated cenacula» : Sutherland 1991. Sa thèse sur ces espaces est, elle aussi, inédite (Suaudeau 2017), mais un article de présentation a fait l’objet d’une publication : Suaudeau 2012, 126. Suaudeau 2012, 128. Insula V : Casa Sannitica (V, 1) ; Casa del Mobilio Carbonizzato (V, 6) ; Casa del Sacello di Legno (V, 31) ; et dans l’insula VI : Casa del Colonnato Tuscanico (VI, 17). Pirson 1999, 23-47 ; Pirson 1997. Ulpien désigne comme meritoria l’ensemble des espaces à louer dans la domus, dont les espaces d’habitation : Dubouloz 2011, 168 et 183-186 sur le cas de l’insula Arriana Polliana en particulier. Sur cette dernière, lire également Courrier 2014, 146. Ici je transcris, en français, la traduction de Cooley, Cooley 2014, 171. Cette lecture de « balneum Venerium » me paraît en effet, quoique non littérale, particulièrement pertinente. Au sujet de cette inscription lire également les remarques de P. Gros (Gros 2001), 109. L’importance de distinguer structures architecturales et structures de la propriété a bien été mise en évidence par J. Dubouloz : « Il en résulte pour l’historien et pour l’archéologue qu’il est nécessaire de distinguer a priori, en contexte urbain, les structures achitecturales, c’està-dire le bâti, des structures de la propriété. La conjonction de deux parcelles urbaines, de deux bâtiments, résulte avant tout d’une pratique d’ordre comptable et patrimonial, mais ne se traduit pas nécessairement dans les architectures ». Dubouloz 2011, 53. Voir Saliou 1994 (en particulier 45-50) avec bibliographie. Chez C. Saliou, on lit que selon ce principe tout ce qui est édifié ou planté sur un fonds (un terrain) devient propriété du propriétaire de ce fonds, même si le matériau utilisé pour la construction appartient à une autre personne (« le pied saisit le chef ») : Saliou 1994, 46. Toutefois, C. Saliou montre également que ce principe n’est pas intangible : ibidem, 42 sqq et Saliou 2012. A propos des débats sur la « propriété par étages » dans le droit romain. Voir Silveira Marchi 1990. Dubouloz 2011, 229-230 ; 234-238 ; 238-244. Passage cité et traduit par C. Saliou (1994, 47) : « Neratius libro sexto membranarum : (…) Labeo in libris posteriorum scribit binarum aedium dominum utrisque porticum
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superposuisse inque eam aditu ex alteris aedibus dato alteras aedes seruitute porticus seruandae imposita uendidisse : totam porticum earum aedium esse, quas retinuisset, (…) nec tamen consequens est, ut superior pars aedificii, quae nulli coniuncta sit neque aditum aliunde habeat, alterius sit, quam cuius est id cui superposita est. » (Dig. 39.2.47). C. Saliou traduit graphiquement une hypothèse de reconstitution de cet agencement (Saliou 1994, fig.13). Elle explique également que « L’imposition de la seruitus oneris ferendi à l’une des maisons et le fait que l’accès au portique se fasse exclusivement par l’intermédiaire du fonds dominant sont les deux arguments qui justifient ce manquement au principe du superficies solo cedit » (47). Guidobaldi et al. 2014, 263-268. Laidlaw 1985, 304-307. Sutherland 1991 ; Suaudeau 2012, 128 : vingt-cinq exemples attestés à Pompéi. Sur les occurrences du terme lire supra p. 177-181. Casa del Sacello di Legno, Casa del Mobilio Carbonizzato et Casa Sannitica. Pompei, Archivio Fotografico, n° EC176. Le mur sud de ce couloir, qui correspond au mur nord de l’atrium, était détruit et fut entièrement reconstruit après la fouille. Andrews 2006, 161 sq pour la description précise des structures des étages et des escaliers qui y menaient. Clarke 1991, 85-93 ; Maiuri 1958 ; Laidlaw 1985. GSE, 31 août 1932. Ganschow 1989, 230. Guidobaldi et al. 2014, 265-267 ; Andrews 2006, vol. 2, 165. Ganschow 1989, 280. Ganschow 1989, 275. L’escalier aménagé près des fauces dans l’espace 12 date de la phase finale du site (entre 62 et 79) (Andrews 2006, 183). Ganschow 1989, 280. Andrews 2006, 184. GSE, avril 1933 ; Maiuri 1958, pl. XXIV. GSE, 7 mai 1932. E 825 ; GSE, 6 mai 1932 ; Andrews 2006, 131. GSE, 14 mai 1932. GSE, 13 mai 1932. Andrews 2006, vol. II, 184. Moormann 1987 : il signale dans cette pièce les traces d’un plafond voûté de Ier style pompéien. Ganschow 1989, 280. Guidobaldi et al. 2014, 275-276. A l’origine, au moment du lotissement de l’îlot, R. De Kind estime qu’une maison à atrium, pendant de la Casa del Apollo Citaredo, pouvait se dresser sur cet emplacement. Mais l’étude du bâti ne peut soutenir cette hypothèse, puisque qu’aucun mur ne subsiste de l’édifice qui se dressait là avant l’époque augustéenne (De Kind 2005, 226, fig. 4). N. Monteix date ces travaux de la « seconde phase post-augustéenne ». Monteix 2010, 326, note 66. Monteix 2010, 326 : l’auteur note que les secousses de 62 ont causé de nombreux dommages dans la partie nord de l’insula V (fig. 175) F. Pirson notait que cet étage débordait au-dessus de V, 23 (Pirson 1999, 73). Pirson 1999, 73. Pirson 1999, 254. Voir les photos suivantes dans l’Archivio Fotographico : E C340 et E C431. Dans laquelle furent découvertes trois statuettes de bronze, une de Jupiter (E 1779), une d’Hercule (E 1780) et figure féminine (E 1781), ainsi qu’une lampe de terre cuite (E 1826).
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Dimensions de la fenêtre : 1,05 m de large par 1, 15 m de haut. Cf. GSE, avril 1938 ; Maiuri 1958, 443. F. Pirson parle de motifs de lotus sur ce plafond : Pirson 1999, 254. GSE, 30 avril 1938. Coffre 1 : une statuette de Vénus (E 1746), un pichet de verre (E 1747), un pichet de terre suite (E 1751), une petite amphore contenant des prunes (E 1754), cinq bouteilles d’huile (E 1752) et des bijoux d’or et d’argent (E 1753, E 1754, E 1755, E 1756, E 1758) ; des morceaux de coraux et des cornalines (E 1762-1768) et des jeux (dés et astragales) : GSE 1er sept. 1938. Coffret 2 = 84 tablettes (GSE 1er oct 1937) ; coffret 3 = 6 tablettes (GSE 3, 5 nov 1937) ; coffret 4 = 150 tablettes (E 1798 , GSE 6, 15 1937). Cf. Camodeca 2017, 44-45. Cachet de bronze (E 1773), pichet de bronze (E 1776), une pièce de bronze (E 1775), une lampe de terre cuite près du lit (E 1779), une bouteille de terre cuite (E 1778). GSE, Avril 1938 « Il vano misura m. 0,91 per 1,81 di altezza. Poco stuccho bianco è attachato sulle pareti. Doveva essere un ripostiglio dato che furono sterrate varie mensole di legno presso la parete sud. Il pavimento è di signino discretamente conservato ». Non visible aujourd’hui, mais mentionné dans le GSE, 21 février 1938 : « Sulla parete nord e ovest del primo piano si conservano alcuni pezzi di stucco a fondo nero la parte bassa e rosso il registro superiore . Ma si osserva che negli ultimi tempi detta decorazione fu abolita, poiché vi sovrapposero lo stuccho biancho ». Voir supra, V, 22. Maiuri 1958, 444. Pirson 1999, 73-74. Monteix 2010, 332, note 76 : l’auteur fait remarquer l’absence de communication entre l’étage de la boutique V, 23 et l’étage au-dessus de la pièce 3. Cf. supra p. 114-115. Ganschow 1989, 231, 232. Ganschow 1989, 256; Andrews 2006, vol. 2, 170. Ganschow 1989, 231-232 : reprise de la façade en opus reticulatum A, murs de la cage d’escalier en opus reticulatum B, piédroits de la porte d’entrée (V-2) en opus vittatum mixtum. Sur la mise en œuvre d’un accès indépendant, sur la rue, pour cet appartement : Pirson 1997, 177-178. F. Pirson présente même dans ce cadre la Casa Sannitica comme exemplum du processus de dissociation d’un cenaculum de la domus à l’occasion d’une mise en location : « Since the Casa Sannitica has shown that the formation of collective space within distinctive zones of the domus was deliberately avoided by constructing separate entrances into rentable upstairs apartments, one can assume that awareness of the categories of collective and private space existed in domus architecture as well. ». C’est l’hypothèse de N. Monteix : Monteix 2010, 360-361 Il sera question de ces aménagements plus loin, à propos de la Casa del Telaio. Andrews 2006, vol. 2, 165. Maiuri 1958, 206. Guidobaldi et al. 2014, 268-269. Plusieurs historiens de l’art ont mis en évidence cette spécificité du répertoire iconographique d’Herculanum, notamment le désintérêt pour les scènes figurées : Manni 1990, Coralini 2011, 188. On retrouve ces mêmes symboles dionysiaques sur un emblema de Pompéi conservée au MANN, Collezione Santangelo ; ce dernier est de facture supérieure. Guidobaldi et al. 2014, 269.
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GSE, 10 et 11 mai 1928 ; Mols 1999, 242-243. Elle n’en fut détachée que dans les années 70 ap. J.-C. Andrews 2006, 208. De nombreux objets y furent découverts, parmi lesquels : deux candélabres de bronze (E 1087 et 1089), les vestiges carbonisés d’un lit, de la vaisselle de terrecuite…(GSE, 16, 18 mai 1933) sur le détail de ces découvertes : Andrews 2006, vol. II, 205-206. Numéros d’inventaire : E 1087, E 1089 et E 1090. GSE, 16, 18 mai 1933 ; beaucoup d’autres objets sont mentionnés dans les GSE à propos de la fouille de cet étage, surtout des lampes et de la vaisselle de verre, de céramique et de bronze. Il sont tous mentionnés par Andrews 2006, vol. II, 205. Binnebeke 1993. Binnebeke 1993. Sur les différentes phases de cet appartement à l’étage de la partie sud-ouest de la Casa del Telaio : Ganschow 1989, 252, 256. Andrews 2006, 175. L’étude du revêtement des trottoirs, dont il a été question au chapitre précédent (2.4.3), indique aussi que les deux édifices étaient des propriétés indépendantes dans la phase finale du site. Saliou 1994, 48-49, d’après Ulpien, Ad Edictum, 69. La traduction est de C. Saliou (1994). Le terme « appartement » traduit le mot latin cenaculum. Mais l’exemple développé relève d’un cas assez particulier car la maison est qualifiée de « kruptas » en grec. C. Saliou interprète ce terme p. 49. Andrews 2006, 176. Andrews 2006 et supra p. 153-154. Il y a été déplacé dans la dernières années du site. Auparavant, cet escalier se trouvait dans la taberna V, 10. Voir Monteix 2010, 332. Monteix 2010, fig. 176 (b) et p. 328. Large de 19 m. Pierattini 2009 : chapitre sur les maeniana d’Herculanum, 125-132 (typologie et technique de construction). Supra p. 85-91. « La casa 32 Decumano Massimo Insula V (….). Nell’ammezzato si è raccolto : Cereale. Orzo kg 60 discretamente conservato. Inventario n. 1949”. Cf. supra p. 49-53. Pagano 1993. Selon la chronologie mise en évidence par J. Andrews (2006, vol.II, 240). Pour la description des appartements du premier étage supra p. 73-79. Monteix 2010, 327. Monteix 2010, 327. GSE, 18 janvier 1938, « In un ambiente superiore si è sterrato tracce di una scala di legno che menavano al secondo piano ». Peu d’éléments de comparaison pour une maison romaine à trois niveaux sont disponibles. A Herculanum est attestée la Casa del Tramezzo di Legno (III, 11). A Pompéi, seule une telle maison existe intra muros (I 4, 28) et les niveaux en sont totalement effondrés, seuls
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subsistent les encastrements des poutres des planchers. Il existait à Pompéi, d’autres maisons à trois niveaux, mais elles étaient édifiées sur la rupture de pente, à l’ouest et au sud du site. Cet étage est mentionné par A. Maiuri (Maiuri 1958, 444-445). Numéros d’inventaire : E 1152 (meuble) et E 1132 (statuette de Lare). Cet édifice fut fouillé entre juillet 1933 et janvier 1934 et n’est que très peu mentionné dans les GSE, aggravant d’autant les lacunes dans la documentation disponible. Divers objets qui y furent trouvés (au rez-de-chaussée comme à l’étage), et relèvent de l’instrumentum domesticum, sont malgré tout mentionnés. Voir GSE 7 août 1933, 2 novembre 1933, 4 septembre 1933. Andrews 2006, II, 260. Reliée à des latrines d’après les dépôts qui y ont été retrouvés puis analysés : Andrews 2006, vol. II, 274. Andrews 2006, vol. II, 274. GSE, 9, 20 janv. 1933. Andrews 2006, vol. II, 274. De Kind 2005. Ganschow 1989. Andrews 2006, vol. II, 283. Ganschow 1989, 297. Au milieu du Ier siècle ap. J.-C., ce péristyle fut séparé de la Casa Sannitica et fut rattaché à la propriété de la Casa con Giardino, auquel il fut connecté (Ganschow 1989, 302) Andrews 2006, vol. II, 286. Ganschow 1989, 235 ; voir supra p. 189-190. Seules les pièces à l’est de l’atrium sont rasées pour aménager des pièces autour de l’atrium principal (19) de la Casa del Bicentenario. A l’instar de la Casa del Fauno, de la Casa del Citarista ou de la Casa di Pansa une douzaine de maisons à double atrium voient le jour à Pompéi entre le IIe et le début du I er siècle av. J.-C. Voir : Maquinay 2018, 187-190 ; Lemaire, Robert 2014 ; Dickmann 1997. Certaines sont construites avec deux atrium dès le départ (Casa del Fauno ; Casa delle Nozze d’Argento), tandis que d’autres sont aménagées à partir de deux domus préexistantes (Casa del Labirinto). Cohérence remarquée également par D. Esposito dans son ouvrage sur les peintures d’Herculanum : « Nella Casa dell’Apollo Citaredo, che confina a ovest con quella del Bicentenario e in origine ne costituiva l’atrio secondario, si nota lo stesso tipo di gerarchia funzionale » Esposito 2014, 63. Dans la mesure où il n’est pas possible de dater archéologiquement le comblement des portes de communication entre les deux maisons, il est malgré tout impossible d’exclure que leur fermeture se soit produite beaucoup plus tôt dans l’histoire architecturale de ces édifices, et même, pourquoi pas, dès les premières années d’existence de la Casa del Bicentenario. Andrews 2006, vol. II, 184.
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3.2 Fragmentation de l’espace habitable et divisions de propriétés
FRAGMENTATIONS POUVANT TÉMOIGNER DE PARTAGES DE PROPRIÉTÉS
Dans les chapitres précédents, il a parfois été question des traces - observables dans le bâti - de fractionnement, clôture et fusion mises en œuvre au sein d’unités d’habitation. Le plus souvent ces évolutions planimétriques sont établies par la mise en évidence d’ouvertures et fermetures de portes et fenêtres. Si l’on suit Ulpien, coniugere et separare sont termes employés dans les textes juridiques pour indiquer des ouvertures et fermetures d’accès entre deux propriétés.1 Par coniugere, il faut entendre « ouvrir une porte entre deux pièces » et par separare, « condamner un passage entre deux pièces ». Toujours chez Ulpien, les travaux plus importants comme la construction ou la destruction d’une cloison sont désignés par le verbe transformare. En revanche, on ne trouve pas de traces, dans l’insula V, des « binae aedes » dont l’existence dans le droit patrimonial romain a été étudiée par J. Dubouloz, du moins, si l’on s’en tient à la stricte définition d’Ulpien 2 : « Si un propriétaire a divisé, en construisant un mur médian, une demeure unique en deux, ce qui est très courant, dans ce cas il faut les considérer comme deux demeures ».3
Pour J. Dubouloz, dans la majorité des cas, la maison ne devient double qu’au moment où deux parts indépendantes y sont aménagées, soit du fait d’un partage testamentaire, soit du fait d’une vente. Le partage d’un bien immobilier en plusieurs édifices ou unités d’habitation indépendantes est bien attesté à Herculanum, dans l’insula V et ailleurs. Mais ces séparations se font toujours par l’intermédiaire de fermeture des ouvertures (portes et fenêtres) et jamais par la construction d’un mur de séparation médian. Toutefois, J. Dubouloz a pu reconstituer trois origines différentes de la formation d’une « maison double » qui transcendent cette stricte définition juridique.4
1. Dans la majorité des cas, la maison ne devient double qu’au moment où deux parts y sont aménagées (soit du fait d’un partage testamentaire, soit du fait d’une vente) au moyen d’un mur médian. 2. Dans certains cas, les binae aedes objets du partage présentent d’emblée une architecture double : deux aedes distinctes mais adjacentes sont devenues une seule propriété avant d’être de nouveau divisées selon la ligne initiale, à quelques modifications près. 3. Quelques cas concernent deux immeubles composant des binae aedes, dont l’un est en copropriété et l’autre est la propriété exclusive d’un des deux copropriétaires. Selon toute apparence, l’analyse du dossier archéologique et sa confrontation avec le dossier juridique, tel qu’analysé par J. Dubouloz, pourrait permettre quelques réflexions à propos des évolutions architecturales de la « grande Casa del Bicentenario ». Selon une des hypothèses formulées plus haut, il est, en effet, possible que la « proto casa dell’Apollo Citaredo » et la Casa del Bicentenario soient devenues temporairement une seule habitation avant d’être à nouveau divisées selon la ligne initiale, ou à peu près. Bien souvent, le partage d’un bien-fonds pouvait intervenir dans le cadre de la transmission d’un patrimoine à plusieurs ayant-droits. En prévision de ces legs, des mouvements de propriété entre parents, à l’intérieur des îlots, pouvaient s’opérer. C’est ainsi que J. Dubouloz, qui a finement étudié ce dossier, a relevé des indices qui attestent, à l’époque romaine, en contexte urbain, un système d’échange de parcelles entre des domaines limitrophes.5 Cela a pu être le cas notamment dans la partie septentrionale, mais aussi méridionale de l’insula V. En revanche, on trouve moins de traces de mouvements de propriété au centre de l’ilôt, en particulier pour la Casa dell’ Atrio Corinzio et la Casa del Sacello di legno qui ne présentent pas de connexions (pas même temporaires) avec les habitations voisines.
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3.2 La fragmentation de la « grande Casa del Bicentenario » augustéenne Au moment de sa construction à l’époque augustéenne, la « grande Casa del Bicentenario » était peut-être une maison à double atrium,6 occupant une surface totale de 900 m2 en rez-de-chaussée (plus 375 m2 à l’étage). Elle se serait alors étendue sur au moins trois parcelles : la parcelle centrale (Casa del Bicentenario, V, 13-16) et les deux parcelles la bordant à l’ouest (Casa dell’Apollo Citaredo, V, 9-12 et Casa del Bel Cortile, V, 8). L’ensemble architectural ainsi structuré l’aurait été par annexion de la Casa dell’Apollo Citaredo voisine, et la refondation totale des édifices occupant jusqu’alors les deux autres parcelles (pl. 33). Cette hypothèse est fragile – pour ce qui est de la communication entre les deux atrium - car, ainsi que nous l’avons déjà souligné, rien ne permet de fixer la phase à laquelle les portes entre la Casa dell’Apollo Citaredo et la Casa del Bicentenario ont été condamnées. En revanche, la jonction entre la Casa del Bicentenario et la Casa del Bel Cortile (en tant que posticum) est, elle, assurée par le dossier archéologique de l’époque augustéenne aux années 70. Ajoutons que l’étude à la fois diachronique et synchronique du décor de ces trois édifices révèle une forte cohérence et homogénéité dans l’agencement de leur programme ornemental, avec des similitudes notables dans les compositions des décors de sols et de parois et un répertoire commun de motifs. Ces éléments, conjugués au dossier architectural, incitent à envisager que ces trois édifices ont sans doute fait partie du même bien-fonds pendant plusieurs décennies. En dépit des incertitudes du point de vue du dossier archéologique,7 il reste donc possible que la Casa del Bicentenario ait été, pendant une période, même brève, une maison à double atrium, c’est pourquoi nous examinerons ce cas ici. Après une période d’apogée qui dura un peu plus d’un demi-siècle, cette grande demeure fut peu à peu démembrée (pl. 34 et 35). • Etape 1- A une période indéterminée, la Casa dell’Apollo Citaredo est rendue à son indépendance, par l’obturation des portes de communication entre les deux édifices. • Etape 2 - Après un second séisme, survenu au début des années 70, la Casa del Bicentenario est amputée de son posticum, transformé lui aussi en habitation indépendante, et désigné aujourd’hui sous le nom de Casa del Bel Cortile. A nouveau, c’est la fermeture des portes de communication entre les deux parties de l’édifice qui permet de matérialiser la séparation.
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D’autres pertes mineures d’espaces sont également contemporaines de cette phase, comme la scission de la pièce 20, qui se voit rattachée à la taberna V, 17 afin de constituer une unité d’habitation indépendante. Les tabernae aménagées en façade (V, 13 ; V, 14 ; V, 16 et V, 17 : voir fig. 189) étaient probablement déjà présentes dans l’édifice originel8 et permettaient de générer un revenu foncier et/ou commercial. En 79, seule la taberna V, 16 conservait encore un lien avec l’habitation principale. Après les remaniements successifs de la vaste domus augustéenne, cinq unités indépendantes les unes des autres étaient aménagées dans l’édifice : • V, 13 (taberna) ; • V, 14 (cenaculum) : cette ouverture peut être postérieure à la construction de l’édifice ; • V, 15-16 (Casa del Bicentenario) ; • V, 17 (appartement en rez-de-chaussée) ; • V, 18 (cenaculum à l’étage). La fragmentation de la « grande Casa con Giardino » augustéenne Dans la phase finale du site, la « grande Casa con Giardino » (V, 32-35) fut largement restructurée et une partie complètement détachée pour former la Casa del Gran Portale. Cette scission fut mise en œuvre plusieurs années après le tremblement de terre de 62 (pl.34). La chronologie relative de la phase « post 62 » est lisible - dans ce cas comme dans d’autres - par la mise en évidence d’une phase de réparation des dégâts causés par le grand tremblement de terre suivie d’une phase de modification de la planimétrie de l’habitation. La même chronologie peut d’ailleurs être mise en évidence pour la séparation entre Casa del Bicentenario et Casa del Bel Cortile, avec le même schéma d’opération9 : • Juste après 62 : une phase de réparation suite au tremblement de terre ; • Années 70 : séparation de la grande habitation en deux unités indépendantes. Les dégâts causés par le séisme de 62 ont été particulièrement violents dans cette habitation et les restaurations consécutives importantes, c’est pourquoi il est très difficile de restituer la planimétrie exacte de la grande Casa con Giardino augustéenne. Toutefois, il apparaît que l’entrée de la maison se trouvait en V, 32. A l’occasion de la restructuration de la demeure, une nouvelle porte d’entrée fut ouverte dans la façade (V, 33), dans le prolongement de l’aile nord du portique
FRAGMENTATION DE L’ESPACE HABITABLE ET DIVISIONS DE PROPRIÉTÉS
Fig. 189. Façade de la Casa del Bicentenario sur le decumanus superior. Cliché M.-L. Maraval (2012).
de l’ancien péristyle.10 Le portique nord est ainsi transformé en fauces. En face de l’entrée V, 32 est alors aménagée une taberna11 et le lien rompu avec la domus. Plus tard, un escalier est aménagé en V, 33 afin de monter à l’étage, transformé ainsi en cenaculum indépendant (fig. 185). Dans le cas de la Casa del Gran Portale, sa séparation de la Casa con Giardino et son devenir d’unité d’habitation indépendante entraîna toute une série de modifications de la planimétrie. La maison fut pourvue d’un portail d’entrée ouvrant sur decumanus inferior qui sépare l’insula V de l’insula IV, dans l’axe de la pièce 1 décorée d’un luxueux décor de IIIe style. Un nouveau trottoir fut également aménagé12 (fig. 164) Une taberna est aménagée en V, 34, qui était initialement en lien avec la maison, mais qui fut rendue indépendante après le second séisme. Cet agencement permet de reproduire l’axialité traditionnelle (fauces-tablinum) des demeures italiques. A droite de l’entrée, la pièce 14 devient une taberna indépendante, désormais ouverte sur la rue et coupée de la maison par le blocage de la porte de communication. On ajoute une pièce à l’étage, au-dessus de la taberna, sans doute accessible par un escalier aménagé dans l’angle nordouest de la pièce. Afin d’augmenter la surface habitable de l’habitation, on lui adjoint les espaces de l’angle sud-est de la Casa del Telaio (par achat ? transfert au sein d’un même bien-fonds ?) : celle du rez-de chaussée - qui devient pièce 5 de la Casa del Gran Portale - et celle qui se trouvait au-dessus. L’appartement à l’étage de la Casa del Gran Portale, déjà construit dans une phase précédente, immédiatement postérieure à 62, se trouve
donc également augmenté d’une pièce. Enfin, c’est sans doute à ce moment qu’est aménagé le plan de cuisson maçonné de la cuisine, dans l’espace 9, où se trouvaient déjà l’escalier et les latrines sous-jacentes. Plusieurs portes sont condamnées, non seulement celles qui donnait accès à la Casa con Giardino (pièce 6 et pièce 8), mais aussi la porte de communication avec la taberna (14) et celle qui reliait la petite pièce 4, à la grande salle de réception 1. Ces modifications de la planimétrie sont suivies d’une phase de redécoration d’une partie des pièces. La chronologie est assurée pour les enduits des pièces 5 et 4 de la Casa del Gran Portale, le décor couvrant le blocage des portes.13 Les comparaisons stylistiques permettent de relier à cette même phase finale le décor de l’ala 10, de la pièce 6. Les murs du petit jardin (12) furent ornés de peintures caractéristiques de ce type d’espace, aujourd’hui effacées mais brièvement décrites dans le Giornale degli Scavi.14 En revanche, le beau décor IIIe style de la pièce 1 fut volontairement conservé en raison de sa qualité et de son ancienneté. Il fut réalisé au moment où cette salle de réception était la plus vaste de celles ouvrant sur le péristyle de la Casa con Giardino. Elle y communiquait par une porte ouverte dans le mur ouest, laquelle fut bloquée et recouverte d’enduit lors de la « création » de la Casa del Gran Portale dans la phase finale. Il est malheureusement impossible de se prononcer pour la chronologie des décors des pièces 2 et 3, puisque les enduits ont entièrement disparu. Ainsi, au total, la grande Casa con Giardino augustéenne est fragmentée, à partir de 62, et en plusieurs phases successives, en cinq unités indépendantes : • La taberna V, 32 ; • La « petite » Casa con Giardino (V, 33), qui garde ce nom car elle conserve le jardin ; • Le cenaculum V, 33a ; • La taberna V, 34 ; • La Casa del Gran Portale (V, 35). Fragmentation de la propriété de l’angle nord-est : V, 19 à V, 29 L’étude des maçonneries les plus anciennes (opus incertum C) des édifices situés dans l’angle nordest de l’insula V (entrées 19 à 29) laisse penser qu’il ne s’agissait pas de domus à atrium, mais plutôt de petits immeubles de rapport composés de boutiques et cenacula15 (fig. 21). La planimétrie originelle est incertaine, mais on peut restituer selon toute vraisemblance trois édifices :
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3.2 • V, 19-22 ; • V, 23-25 (Casa della Colonna Laterizia) ; • V, 26-29. Ces édifices pouvaient faire partie d’un seul et unique bien-fonds ou former des propriétés indépendantes. L’analyse de l’évolution de la planimétrie et les restructurations successives peuvent nous aider à envisager des hypothèses sur cet aspect de la question. Durant la phase entre la période d’Auguste et le séisme de 62, le cenaculum V, 22 communiquait a priori avec les pièces situées à l’étage de l’édifice mitoyen (V, 23-25, Casa della Colonna Laterizia). Cette organisation planimétrique peut laisser supposer que les deux édifices (V, 19-22 et V, 23-25) appartenaient initialement à un même bien-fonds. Après 62, des restructurations sont opérées et le lien entre les deux édifices est rompu (pl. 34, 38, 39). A l’étage le lien entre le cenaculum V, 22 avec la pièce située au-dessus de la taberna V, 23 fut conservé. En revanche, la porte de communication (dans le mur sud de la pièce 3 de V, 22) vers les pièces situées à l’étage de la Casa della Colonna Laterizia (V, 24, pièces 3 et 4) fut murée après 62. Le même phénomène se produit simultanément au rez-de-chaussée, avec le bouchage de la fenêtre placée dans le mur sud de la pièce 2 de V, 19 (soit juste au-dessous de la pièce 3 de V, 22). Cela semble indiquer une séparation du bien-fonds en plusieurs propriétés. Toutefois, pour autant qu’on puisse en juger d’après l’étude du bâti, l’espace situé juste au-dessus de la taberna V, 23 resta toujours une des pièces du cenaculum accessible en V, 22. Ainsi, V, 23 a pu rester jusqu’à la fin dans le même bien-fonds que V, 22. En revanche V, 24 est devenu une propriété indépendante. Le destin patrimonial de la taberna V, 25 ne peut toutefois pas être élucidé. Mais on remarque que la porte de communication entre les fauces de V, 24 et la taberna V, 25 fut bloquée dans la phase finale (opus incertum D), ce qui indique sans doute une séparation en deux biens fonciers différents. En ce qui concerne V, 28-29, le marquage différencié du trottoir devant ces entrées semble indiquer qu’il s’agissait d’un bien-fonds distinct des espaces voisins, en tout cas dans la dernière phase du site (fig. 171). Conclusion L’époque augustéenne est une période de dynamisme de la construction à Herculanum où sont édifiées de grandes habitations dans l’insula V.
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Ces biens immobiliers furent divisés ou démembrés16 après le séisme de 62, ce qui témoigne sans doute, de la part des propriétaires, de la nécessité de tirer un maximum de profit de leur patrimoine immobilier (par des ventes ou locations) ou de procéder à des arbitrages successoraux (legs). De tels exemples de fragmentation de maisons ne sont pas rares, à Herculanum, comme à Pompéi. A Herculanum, en dehors de l’insula V, d’autres domus (à péristyle) connaissent une extension maximale à l’époque augustéenne, pour être ensuite fragmentées, après 62 : c’est le cas de la Casa del Tramezzo di Legno, de la Casa del Colonnato Tuscanico et de la Casa del Salone Nero17 ; la fragmentation permet d’ouvrir plus de boutiques, ainsi que de donner des appartements en location. Ainsi, dans la Casa del Colonnato tuscanico, sont ouvertes deux boutiques en gestion directe (VI, 16 et VI, 18) et l’appartement jadis lié à la boutique VI, 25 est finalement restructuré et rendu indépendant. Quant à la Casa del Salone Nero, elle multiplie les locaux commerciaux en façade, tandis qu’une partie de l’étage est convertie en cenacula accessibles depuis la boutique VI, 15. A Pompéi, la petite domus VI 2, 13 faisait originellement partie d’un ensemble plus vaste, construit au IIe siècle av. J.-C. et coupé en deux dans le sens longitudinal après le séisme de 62.18 Toute la partie arrière de la maison, articulée autour du péristyle a été rendue indépendante et accessible depuis l’arrière de l’insula, grâce à l’ouverture d’une porte en VI 2, 25.19 Toujours à Pompéi, un autre exemple est celui de la maison I 11, 6-7 (Casa della Venere in Bikini) détachée d’une vaste demeure à double atrium ( I 11, 5-8), qui occcupait tout un angle de l’insula.20 Certaines habitations pompéiennes sont, par ailleurs, transformées en immeubles de rapports, proposant appartements de luxe et boutiques à la location, à l’instar de la Casa di Giuseppe II (VIII 2, 39).21 Un exemple plus complexe et très bien étudié est celui de l’insula de la Maison du Ménandre à Pompéi, qui présente, à l’instar de l’insula V d’Herculanum, des évolutions du parcellaire, avec des phases de fusion des parcelles et d’autres de fragmentation.22 Signalons également le cas très intéressant de l’insula IX 8 de Pompéi, dont l’équipe de l’Università di Bologna, menée par A. Coralini, étudie les évolutions du bâti et du décor de l’intégralité de l’ilôt, lesquelles s’articulent autour des différentes phases de la Casa del Centenario.23 LES OUVERTURES ET FERMETURES DE BOUTIQUES Ce dossier a été exhaustivement étudié par N. Monteix dans sa thèse sur « Les lieux de métiers
FRAGMENTATION DE L’ESPACE HABITABLE ET DIVISIONS DE PROPRIÉTÉS à Herculanum » publiée en 2010, il ne paraît donc pas opportun d’y revenir ici de manière approfondie. Pour l’essentiel, je m’en tiendrai donc à ses conclusions – et à quelques observations complémentaires qui m’ont paru utiles – illustrées par quelques cas particulièrement éclairants sur les stratégies immobilières des familles. A cet égard, il est important de distinguer les boutiques conservant un lien avec l’habitation – et donc placées de toute évidence en « gestion directe »24 - de celles ne communiquant pas avec la maison – soit que ce lien n’ait jamais existé, soit qu’il ait été aboli. En cas d’absence de lien, on considère que la boutique est une unité indépendante. Mais elle peut soit appartenir au même bien-fonds que l’édifice principal – et être mise en location, produisant ainsi un revenu foncier au propriétaire – soit être détenue par un autre propriétaire. L’archéologie permet difficilement de trancher entre ces deux situations, sauf dans les cas – attestés à Herculanum – où le trottoir devant l’entrée de l’unité indépendante est tout à fait différent de celui des entrées voisines.
Quelques éléments chiffrés permettent de donner un état des lieux en 79. Sur les quelque 50 boutiques identifiées par N. Monteix dans le dernier état du site, 26 étaient dotées d’un logement (de la simple pièce à l’appartement à l’étage). 23 de ces tabernae étaient indépendantes, les autres (27) étant donc placées en gestion directe. Par ailleurs, le nombre de boutiques a augmenté de manière tout à fait significative, mais aussi très régulière depuis l’époque augustéenne : à l’époque augustéenne, elles étaient au nombre de 18 (dont 8 indépendantes), 36 au milieu du Ier siècle, 40 après 62 et 50 en 79.25 L’auteur insiste donc bien sur le fait que cette croissance des boutiques à Herculanum est assez linéaire et ne s’est pas accélérée après les séismes de 62 et du début des années 7026 (fig. 190). Un exemple particulièrement bien documenté d’ouverture de boutique dans l’insula V d’Herculanum est celui de la taberna V, 6. Ce cas est très intéressant aussi bien du point de vue des mécanismes de restructuration, que des arbitrages opérés sur le décor des locaux. Entre sa construc-
Fig.190. Evolution du nombre et de la surface des boutiques indépendantes à Herculanum (d’après Monteix 2010, fig. 202).
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3.2 tion et l’éruption de 79, l’espace habitable de la Casa di Nettuno ed Anfitrite n’a subi, a priori, qu’une légère amputation, lors la transformation de la pièce 13 (située en façade, à droite des fauces) en boutique, probablement après le séisme de 62.27 Pourvue d’un comptoir maçonné en équerre dans lequel étaient inclus deux dolia et de deux tables de cuisson, l’une à l’extrémité nord de la pièce (avec un dispositif de chauffe-eau sous pression) et une autre à l’extrémité sud, cette boutique était sans doute un commerce alimentaire. Le côté est de la pièce était surmonté d’une mezzanine qui, dans la restauration proposée par A. Maiuri et toujours visible aujourd’hui, est un espace de stockage occupé par des amphores, mais qui aurait très bien pu servir d’espace de couchage.28 En 79, le lien entre la boutique et la maison était conservé, grâce à une porte dans son mur est qui donnait accès à la pièce 11. La boutique (13) était ornée d’un décor schématique à fond blanc et à encadrements de filets rouges qui correspondait à l’état initial du décor de cette pièce, c’est-à-dire avant qu’elle ne soit transformée en boutique (fig. 191). Au centre de la composition se dressait un édicule dont le fronton est toujours visible au-dessus du plancher de la mezzanine, mais dissimulé aux yeux des visiteurs (cf fig. 94 et 95). D’autres exemples existent, à Herculanum, dans lesquels l’ancien décor domestique est conservé lors de la transformation d’une pièce d’habitation en local commercial. Plusieurs attestations se trouvent hors de l’insula V, comme la taberna Vasaria (IV, 14) – avec son décor peint de IIIe style associé à un beau pavement de cocciopesto. Un autre exemple est la boutique VI, 16, qui fut dégagée en 1961 et présente un décor peint de IIIe style de très haute qualité et un pavement
Fig. 191. La boutique V, 6 avec son simple décor à panneaux blancs et bandes rouges périmétrales, appliqué sur l’ancien décor IIIe style. Cliché Maiuri 1954.
206
Fig. 192. Boutique VI, 16, mur est. Décor IIIe style. Cliché A. Dardenay (2013).
d’opus sectile, particulièrement luxueux (fig. 192). Il s’agissait originellement d’un cubiculum ouvrant sur l’atrium de la Casa del Colonnato Tuscanico.29 Cette boutique avait conservé son ouverture sur l’atrium et se trouvait donc administrée en gestion directe pour le propriétaire de la domus. Notons que tous les décors mentionnés sont de IIIe style pompéien – ou de IVe style initial pour V, 12 – et datent donc de la phase de splendeur de ces demeures (période augusto-néronienne). C’est également le cas du décor de la boutique V, 6, ouvrant sur la Casa di Nettuno ed Anfitrite, que nous évoquions juste avant. Ce n’est qu’après 62 que ces espaces habitables furent transformés en locaux commerciaux, afin de générer un revenu. Les décors IIIe style furent conservés, mais non restaurés. Cette négligence confirme que l’on n’accordait que fort peu d’importance au décor d’un local professionnel. Nous avons évoqué jusqu’ici les ouvertures de boutiques, mais l’archéologie, tout comme la jurisprudence romaine nous informent sur le phénomène inverse : la transformation de boutiques en habitations. Ulpien évoque le cas de la transformation d’une taberna en diaeta avec clôture d’une porte sur la rue et aménagement d’une ouverture dans la cloison située en vis-à-vis.30 Dans l’insula V, un cas tout à fait exemplaire de transformation de boutique en unité d’habitation est celui de l’appartement V, 17.31 Avant le « second séisme » (vers 70 donc), la boutique V, 17 était accessible depuis l’atrium de la Casa del Bicentenario. Lors de la transformation de la boutique V, 17 en habitation indépendante de deux pièces uniques, la porte entre la pièce du fond (20) et le mur est de l’atrium de la Casa del Bicentenario est condamnée et son ouverture murée (pl. 35). On dissimule la porte murée sous
FRAGMENTATION DE L’ESPACE HABITABLE ET DIVISIONS DE PROPRIÉTÉS cienne taberna en habitation. D’autant que la pièce qui se situe au fond de l’appartement porte un décor parfaitement cohérent avec celle située en façade et qu’un tel luxe pictural serait totalement inédit pour une arrière boutique. Concernant les réaménagements de la pièce, on peut, par ailleurs, signaler que la mezzanine de la pièce 21 fut installée postérieurement à l’application du décor (les canalisations des latrines recouvrent la peinture). Enfin, il paraît important de signaler qu’un certain nombre de maisons de l’insula V n’ont jamais abrité de locaux commerciaux. Il s’agit de domus ouvrant sur les cardines, ainsi : • sur le cardo IV : la Casa Sannitica (V, 1-2) ; la Casa del Mobilio Carbonizzato (V, 5) ; la Casa del Bel Cortile (V, 8) ; • sur le cardo V : la Casa dell’Atrio Corinzio (V, 30) ; la Casa del Sacello di Legno (V, 31).
Fig. 192. Boutique VI, 16, mur est, détail. Cliché A. Dardenay (2013).
un enduit peint de IVe style, mais différent de celui mis en œuvre dans le reste de l’atrium, qui atteste que cette transformation est postérieure au décor de l’ensemble de cet espace. La transformation de la boutique en habitation laisse des traces archéologiques en façade. Le seuil à rainure longitudinale est remplacé par un seuil à crapaudine, permettant d’installer une porte sur gonds (fig. 193). L’appartement V, 17, composé donc de deux pièces en rez-de chaussée, présentait au moment de l’éruption un prestigieux décor de IVe style réalisé au moins partiellement postérieurement à leur séparation de la Casa del Bicentenario.32 Ceci peut être déduit du doublement des murs ouest de la pièce 21 et sud de la pièce 20, ainsi que du décor recouvrant uniformément le mur ouest de la pièce 20, par-dessus le comblement de la porte que l’on sait postérieur au second séisme.33 Ce type de décor étant peu approprié à une boutique, il est raisonnable de supposer que sa mise en œuvre résulte de la transformation de l’an-
La Casa del Bel Cortile est une création récente (vers 70) par scission de la Casa del Bicentenario. Mais les trois autres sont des domus dont la construction date de la période tardo-républicaine (phase samnite) et donc la planimétrie manifeste une certaine permanence, en dehors de la construction d’étages permettant d’augmenter la surface habitable au fil du temps.34 A. Maiuri avait jadis interprété ce phénomène comme celui d’un désengagement des élites vis-à-vis des activités commerciales et de la relative préservation d’Herculanum de la montée en puissance d’une classe mercantile, qu’il observe, en revanche, à Pompéi.35 Cette hypothèse a été jugée largement infondée par des travaux plus récents.36 En revanche, tous les édifices ouvrant sur le decumanus superior possédaient des boutiques et
Fig. 193. Le seuil de V, 17. Cliché N. Monteix (2004).
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3.2 une ouvrait sur le decumanus inferior, au numéro V, 34. Cette dernière fut laissée dans un premier temps, en gestion directe depuis la Casa del Gran Portale, mais fut transformée en boutique indépendante pourvue d’un logement à l’étage dans les dernières années du site.37 LA TRANSFORMATION D’ÉTAGES EN UNITÉS D’HABITATION INDÉPENDANTES D’après la chronologie proposée par F. Pirson, les cenacula (appartements indépendants) apparaissent à Pompéi dans le courant du IIe siècle av. J.-C.38 A Herculanum, ils se développent, a priori, un peu plus tard, durant l’époque augustéenne. Mais la phase édilitaire du tournant de notre ère ayant, le plus souvent, entièrement rasé les édifices antérieurs afin de bâtir ex nihilo, il est impossible d’affirmer que leur apparition ne fut pas plus précoce à Herculanum, pour rejoindre la chronologie pompéienne. En 79, il y avait sept appartements indépendants dans l’insula V d’Herculanum. Tous étaient accessibles depuis la rue (tabl. 11), à l’exception de V, 13-14 dont l’escalier était installé dans un local commercial. Ces appartements étaient variablement équipés d’une cuisine et de latrines : cinq d’entre eux disposaient de latrines, et un d’une cuisine avec banc maçonné. Une partie de ces cenacula fut toutefois construit dès le début pour être indépendants et accessibles depuis la rue, ils ne seront donc pas examinés ici. Il s’agit de V, 2, V, 18, V, 22, V, 29 et V, 33. Parmi ceux-ci, notons que V, 29 et V, 33a furent construit après 62 en surélévation d’édifices déjà existants, probablement afin de générer un revenu foncier. Cenaculum
Surface (en m2)
V, 2
70
V, 13-14
114
V, 17
31
RDC
V, 18
38
V, 22
153
V, 29 V, 33a
148 74
Nous envisagerons donc ici le cas des deux appartements (diaetae39) transformés ultérieurement en cenacula : V, 13-14 (Casa del Bicentenario) et V, 33a (Casa con Giardino). Nous y ajouterons l’examen d’une diaeta supplémentaire – celle de V, 6 (Casa di Nettuno ed Anfitrite – qui, sans avoir été transformée a priori en unité d’habitation indépendante de la domus, a connu de nombreuses modifications qui dupliquaient des installations déjà présentes au rez-de-chaussée ; ces transformations posent donc question concernant l’usage qui pouvait être fait de cet appartement par les occupants de la maison. V, 6 : L’appartement occidental de la Casa di Nettuno ed Anfitrite (V, 6-7) Lors de sa construction à la fin de l’époque augustéenne, la Casa di Nettuno ed Anfitrite était pourvue d’un étage disposé en L, sur les côtés ouest et sud de l’édifice (pl. 9). Une série de pièces résidentielles étaient aménagées, accessibles depuis un escalier situé au sud de l’atrium, dans l’espace 5. L’étude du bâti et du décor révèle, ainsi que nous allons l’envisager maintenant, une restructuration de ce cenaculum et de son lien avec le rez-de-chaussée. D’après les données étudiées, on peut supposer que - lors de la construction de l’étage (qui, rappelons-le, est contemporain du rez-de-chaussée) - le propriétaire avait fait aménager sur la façade occidentale trois pièces résidentielles : • la pièce aujourd’hui occupée par les espaces 14-15 ; • la pièce 16, au centre, qui fut la seule à ne pas être modifiée par des restructurations ultérieures ;
Dates Construction Epoque augustéenne Epoque augustéenne Epoque augustéenne Epoque augustéenne 1ere moitié Ier ap.J.-C. Post 62 Après 62
Cuisine
Latrine
Autonomie Epoque augustéenne X Post 62
X
X X
1ere moitié Ier ap.J.-C. Post 62 Après 62
X X
Tabl.11. Liste des cenacula de l’insula V d’Herculanum en 79. En bleu, les étages (diaetae) transformés en cenacula.
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FRAGMENTATION DE L’ESPACE HABITABLE ET DIVISIONS DE PROPRIÉTÉS • la pièce aujourd’hui occupée par les espaces 18-19-20. Les trois pièces en façade étaient reliées et desservies par un couloir de desserte (17), construit en encorbellement au-dessus de la rue. Tout comme les pièces 21 et 22, ces trois pièces étaient accessibles depuis le rez-de-chaussée par l’escalier dont le palier se trouvait dans l’espace 21. Plus tard (après le séisme de 6240), la partie occidentale de l’étage fut restructurée soit de manière simultanée, soit lors de travaux successifs : • la petite pièce 15 est aménagée en empiétant à la fois sur le couloir 17 et sur la pièce 14 ; • la pièce située au sud-ouest de l’étage, fut partitionnée en trois secteurs et dévolue à des espaces de services : des latrines en 18, un couloir d’accès depuis le palier en 19 et une cuisine en 20, dont la table de chauffe s’appuyait contre la paroi méridionale. En revanche, rien de laisse supposer qu’on empiéta alors sur le couloir 17 dans cette partie. La décoration de la pièce 20 (cuisine) n’est que partiellement restituable. On observe encore toutefois les vestiges délavés d’un édicule à fronton se rapportant à un décor de IVe style,41 témoin d’un ancien état d’occupation de cet espace (fig. 194). En effet, il s’agit d’un type de décor caractéristique d’une pièce résidentielle, et non d’un espace de service comme une cuisine, pour laquelle il n’aurait jamais été spécifiquement mis en œuvre. Ce décor IVe style est donc le témoignage résiduel d’une ancienne phase d’occupation de l’étage, au cours de laquelle il n’y avait qu’une seule pièce dans la partie méridionale de l’étage donnant sur la rue. L’édicule est, en effet, positionné au centre exact de la paroi méridionale, sans inclure la partie en encorbellement (17).42 Cette organisation de la structure du décor, mais aussi sa qualité, plaident pour que la situation originelle d’une pièce unique (19-20, voire 16-19-20) ait été partitionnée dans un second temps par l’adjonction de cloison(s) en pan de bois hourdé de manière à ménager trois espaces de service : des latrines en 18, une cuisine en 20 et un couloir d’accès en 19. Par ailleurs, pour aménager les latrines, on empiéta légèrement sur le couloir en encorbellement (17).43 Lors de cette phase de réaménagement, le décor IVe style fut conservé, au moins sur le mur méridional, contre lequel furent aménagés un banc de cuisson, un autel domestique et des latrines. L’enduit peint fut seulement partiellement modifié dans la partie occidentale de la
Fig. 194. Casa di Nettuno ed Anfitrite, pièce 20, mur sud de la cuisine, avec vestige du décor IVe style figurant un édicule central à fronton, juste à gauche de la peinture de laraire. Cliché J. Andrews (2004).
paroi, pour y ajouter, au-dessus de l’autel domestique, une peinture de laraire. Si ce tableau est aujourd’hui fortement délavé, son contenu peut être reconstitué à partir de la description dans les GSE et des restes visibles.44 Dans la partie conservée de la peinture, exécutée sur un fond blanc, on distingue un panneau avec un encadrement peint en rouge sur lequel figurent deux représentations symétriques de lares dansants.45 Deux serpents s’approchant d’un autel sur lequel étaient exposées des offrandes ont, en revanche, été effacés par le soleil et les intempéries. L’autel domestique, très arasé, devait se présenter comme un foyer bas érigé en maçonnerie ; la surface de chauffe en était délimitée au moins sur trois côtés par un bourrelet en béton. Un exemple de taberna cum cenaculo ? Comment interpréter ce réaménagement de l’étage ? Ces restructurations, et en particulier l’installation d’une cuisine et de latrines, ont transformé cet appartement à l’étage en unité résidentielle potentiellement autonome du rezde-chaussée. Des hypothèses sur sa destination peuvent être formulées à partir des réorganisations également observables au rez-de-chaussée et qui sont éventuellement liées. Quand on réfléchit à la destination d’un appartement à l’étage, la question de son accessibilité, et donc du positionnement de l’escalier dans la planimétrie du rez-de-chaussée est cruciale. Nous avons observé des cas où la
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3.2 scission entre le rez-de-chaussée et l’étage allait jusqu’au déplacement de l’escalier, afin de rendre l’étage accessible depuis la rue par exemple ou depuis l’intérieur d’une boutique donnant sur la rue, afin que les occupants de l’appartement n’aient pas à pénétrer dans l’habitation principale pour accéder à leur logement. C’est le cas, par exemple dans la Casa del Bicentenario, pour l’appartement V, 13-14 examiné ci-dessous. Dans la Casa di Nettuno ed Anfitrite, l’escalier n’avait pas été déplacé, pour que cet appartement soit accessible depuis la rue, par exemple, mais avait été conservé dans la pièce 5.46 En revanche, divers travaux de réagencement avaient été mis en œuvre dans le secteur sud-ouest de la maison, après le séisme de 62,47 qui permettaient d’accéder à l’escalier depuis la boutique. En effet, durant cette phase, la porte de communication entre la pièce 13 et l’atrium fut condamnée et la pièce 13 transformée en boutique. En revanche, le lien entre la nouvelle boutique et la maison ne fut pas totalement aboli, puisqu’une nouvelle porte fut percée entre la boutique, et la pièce 5, où se trouvait justement l’escalier. Quant à la pièce 5, elle fut partitionnée en deux espaces : • l’espace 11 qui abrite la cage d’escalier et où fut aménagée une armoire maçonnée48 ; • la pièce 5, désormais réduite car amputée de l’escalier. Le but de ces travaux était peut-être de rendre l’escalier accessible depuis la boutique par la porte nouvelle aménagée à cet effet. De plus, la cloison élevée dans la pièce 5, en prolongement de l’armoire maçonnée, isolait l’escalier dans un petit espace de service (11) directement rattaché à boutique. Est-ce qu’il faut en déduire que l’on avait confié la gestion de cette boutique à un proche ou un membre de la familia – peut être un affranchi – tout en lui attribuant un logement à l’étage ? Il s’agirait ainsi, peut être, d’un exemple herculanéen de taberna cum cenaculo, dont l’existence est attestée, ailleurs, par des sources épigraphiques.49 Mais cela reste une hypothèse fragile. En effet, l’escalier restait aussi accessible depuis l’atrium. Une autre possibilité, sans doute plus probable, est donc que cet appartement soit resté occupé par des membres de la familia. Appartement V, 13-14 Dans une phase postérieure au séisme de 62, l’étage nord de la Casa del Bicentenario, vaste appartement de 114 m2 est détaché de l’habitation principale par la destruction de l’escalier de la pièce 2 et rattaché à la boutique V, 13-14. On
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construit alors un escalier dans la pièce 24, qui rend l’appartement indépendant avec un accès depuis la rue en V, 14. L’escalier s’appuie contre une paroi en opus craticium qui divise l’espace de la pièce en 2 (délimitant la pièce 24 au nord de la pièce 1 au sud). L’escalier qui mène à ce cenaculum n’est donc plus accessible depuis l’intérieur de la maison. Il ne s’agit donc pas d’un « appartement d’hiver », mais bien d’un cenaculum totalement indépendant. LUMEN IMMITTERE : LA QUESTION DES SERVITUDES DE LUMIÈRE DANS LA PARTIE NORD-OUEST DE L’INSULA V L’existence de fenêtres ouvertes dans des murs séparant deux édifices nous amène inévitablement à questionner l’appareil juridique entourant ce type de servitudes, afin de mieux comprendre les rapports de voisinage qu’elles induisent. La servitude est une charge qui est imposée à un fonds servant au bénéfice d’un fonds dominant. Nous avons eu l’occasion d’évoquer plus haut les problèmes posés par la juridiction de la seruitus oneris ferendi et des limites de propriétés, verticales ou horizontales. Un autre type de servitude concerne l’accès à la lumière, laquelle pouvait être encadrée, elle aussi, par le législateur. La plupart des cas identifiés dans les sources juridiques, concerne l’édification d’un mur pouvant potentiellement réduire la luminosité de l’édifice voisin (c’est-à-dire la protection juridique de la lumière). Mais quelques autres, beaucoup plus rares, concernent la question des ouvertures percées dans un mur de séparation entre deux édifices. Un ius luminis immittendi est mentionné dans un fragment de Paul (Digeste, 8, 2, 40) où une servitude est évoquée dans un contexte de mitoyenneté : « Lorsqu’a été constituée une servitude de lumière, on considère que nous avons acquis le droit de prendre de la lumière chez le voisin ».50
Le contenu de la servitus luminum excipiendorum serait de contraindre le voisin à accepter que des fenêtres ouvrent sur sa propriété. Une telle contrainte n’est pas évidente – le droit romain est très sensible à la protection juridique de l’intimité – et on suppose plutôt que l’existence de telles ouvertures témoignent soit d’excellents rapports de voisinage, soit d’une parenté entre les propriétaires voisins. Mais le plus probable est que le fonds servant et le fonds dominant aient fait partie d’un même bien-fonds. C’est ainsi, par exemple, que C. Saliou justifie la fenêtre percée entre les habitations V, II, 10 et V, II, 11 d’Ostie (fig. 195).
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Fig. 195. Ostie, maison V, II, 11 et V, II, 10 avec mention de la fenêtre témoignant d’une servitude de lumière de la maison 10 au profit de la maison 11. D’après Saliou 1994, fig.56.
En effet, dans ce cas, la pièce 3 de la maison 11 était éclairée par une fenêtre ouvrant sur la cour de la maison 10. Pour C. Saliou, le fait que la maison 11 prenne l’éclairage depuis la maison 10, située sur une autre parcelle, pourrait s’expliquer par l’appartenance originelle des deux maisons à un même fonds. Examinons maintenant le cas des rapports de voisinage et des servitudes de lumière entre la Casa del Bicentenario et la Casa di Nettuno ed Anfitrite. Au moment de la construction de la Casa del Bicentenario – à l’époque augustéenne – la Casa di Nettuno ed Anfitrite, établie sur la parcelle mitoyenne au sud, n’existait pas sous sa forme actuelle. En effet, la « proto-Casa di Nettuno ed Anfitrite » fut entièrement détruite dans les années 30 ou 40 pour construire l’édifice actuellement attesté sur cette parcelle. Sa date de construction est assurée par les traces résiduelles de décor IIIe style visibles dans la domus (cf fig. 94 et 96). La parcelle sur laquelle était établie la « proto-Casa di Nettuno ed Anfitrite » était peut-être liée à celle de la Casa del Bicentenario, au moins jusqu’à la destruction de la première, soit dans un même bien-fonds, soit par une relation entre les deux propriétaires (pl. 40). Ceci est suggéré par l’implantation des bâtiments sur les parcelles. Pour la construction de la « grande Casa del Bicentenario » à l’époque augustéenne, on empiéta légèrement sur la parcelle dévolue à la « proto-Casa di Nettuno ed Anfitrite » ainsi que l’indique la rupture dans le tracé rectiligne du parcellaire mise en évidence par comparaison avec le plan de la phase initiale. On constate en effet que la limite sud de
la Casa del Bel Cortile et de la pièce 15 de la Casa del Bicentenario sont implantées à environ 1 m plus au sud que le tracé est-ouest originel (conservé intégralement à partir de la limite nord est de l’atrium de la Casa di Nettuno ed Anfitrite (fig. 196). En 79 la Casa di Nettuno ed Anfitrite (fonds servant) était astreinte à une servitude de lumière au bénéfice de la Casa del Bicentenario (fonds dominant), par le biais de trois fenêtres. Les deux premières ouvraient en haut du mur nord de l’atrium : la grande baie apportant de la lumière à la pièce 4 de la Casa del Bel Cortile (ex partie de la Casa del Bicentenario) – et la fenêtre éclairant la pièce 34, à l’étage de l’aile ouest du péristyle de la Casa del Bicentenario (fig. 197). La troisième ouverture est plus problématique. Elle est visible en partie haute de la portion sudest du mur sud de la Casa del Bicentenario, et fut murée dans les dernières décennies du site (fig. 198). Cette ouverture pouvait permettre d’éclairer le fond du péristyle. Comme nous ignorons tout de cette « proto-Casa di Nettuno ed Anfitrite », il est difficile de se prononcer. Ensuite, la nouvelle Casa di Nettuno ed Anfitrite vint s’appuyer contre la Casa del Bicentenario. Est-ce que cette ouverture fut alors murée ? Il est difficile de se prononcer à ce sujet, car la trace de l’ouverture murée n’est pas visible de l’autre côté du mur, c’est-à-dire dans la pièce 24 à l’étage de la Casa di Nettuno ed Anfitrite, bien que cela plaide pour une clôture de cette ouverture dès la construction de la nouvelle domus.
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3.2
Fig. 196 – Plan de la partie septentrionale de l’insula V avec mise en évidence (pointillés rouges) de la limite sud des parcelles de part et d’autre de la Casa del Bicentenario.
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Fig. 197. Etude du bâti du mur nord de la Casa di Nettuno ed Anfitrite. Détail extrait de la coupe est-ouest de l’édifice, exécutée par M.-L. Laharie. On distingue bien la large baie rectangulaire qui ouvrait sur la pièce 4 de la Casa del Bel Cortile, ainsi que la fenêtre qui éclairait la pièce 34 de l’étage sud de la Casa del Bicentenario.
Fig. 198. Casa del Bicentenario, mur sud de la pièce 17 (et retour du mur est à gauche). On distingue sur la partie occidentale, en renfoncement, la petite fenêtre qui donnait sur l’atrium de la Casa di Nettuno ed Anfitrite. Et sur la partie orientale du mur sud, on voit les traces de l’ouverture murée qui donnait au-dessus de la pièce 4 de la Casa di Nettuno ed Anfitrite. Cliché http://donovanimages.co.nz.
Fig. 199. Casa del Mobilio Carbonizzato, pièce 5, fenêtre à double ébrasement située en haut de la paroi sud. Elle ouvre sur la cour centrale de la Casa del Telaio. Cliché : M.-L Maraval (2012).
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3.2 dans la pièce 5, mais pas de regarder à l’intérieur de l’habitation mitoyenne, car elle est située à plus de deux mètres de hauteur. Comme elle n’enfreignait pas l’intimité de la maison voisine, elle n’a pas été condamnée après la séparation des deux édifices. Cette situation laisse toutefois supposer qu’une servitude de lumière telle que celle-ci était considérée comme acquise, et pouvait être maintenue après l’évolution du statut patrimonial des bâtiments. Un dernier cas, assez similaire concerne une fenêtre du même type ouverte entre la Casa Sannitica (V, 1-2) et la Casa del Telaio (V, 3). Elle se trouve dans la partie haute du mur nord de la pièce 2 de la Casa Sannitica, et donnait, en 79, dans la cage d’escalier du cenaculum V, 2 (fig. 200). Or, on sait que cette cage d’escalier avait été aménagée en empiétant sur la partie sud-ouest de la parcelle de la Casa del Telaio.51 D’autres indices laissent supposer que ces deux maisons auraient appartenu – pendant au moins plusieurs décennies – au même bien-fonds.52 La servitude de lumière instaurée n’aurait posé, dans ce cas, aucun problème juridique. Mais on peut se demander, toutefois, si cette fenêtre n’offrait pas, aux gens qui montaient l’escalier menant au cenaculum V, 2, une vue vers l’intérieur de cette pièce (fig. 200). Auquel cas, cela aurait pu poser un problème d’intimité, voire de sécurité, à moins que le cenaculum n’ait été habité par des membres de la familia. NOTES 1
Fig. 200. Casa Sannitica, pièce 2, mur nord. Fenêtre à double ébrasement ouvrant sur la cage d’escalier du cenaculum V, 2. Cliché M.-L. Maraval (2012).
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4 5
D’autres servitudes de lumière sont attestées dans l’insula V. L’une se trouve entre la Casa del Mobilio Carbonizzato (V, 5 : pl. 8) et la Casa del Telaio (V, 3 : pl. 7), dont on suppose qu’elles ont appartenu – au moins pendant quelques années – au même bien-fonds (fig. 199). Une porte de communication avait, en effet, été ouverte entre les deux maisons (mur sud du jardin de la Casa del Mobilio Carbonizzato), puis condamnée avant la phase finale. Une fenêtre à double ébrasement ouverte dans la partie haute du mur sud de la pièce 5 de la Casa del Mobilio Carbonizzato donnait sur la cour centrale de la Casa del Telaio. Cette ouverture permettait d’apporter de la lumière
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Ulpien, Ad. Sab., 17. Cité par Dubouloz 2011, 281, dans son chapitre sur les droits d’usages sur une domus. Dubouloz 2011, 221-238 et chapitre X, 442. Ulpien, Ad. Sab., 28. Dubouloz 2011, 223. C’est J. Dubouloz qui traduit domus par demeure : « si dominus pariete medio aedificato unam domum in duas diviserit, ut plerique faciunt. Nam et hic pro duabus domibus accipi debet. ». Dubouloz 2011, 443-444. Dubouloz 2011, 442 sq (chapitre X - Transmettre le patrimoine). Sur ce type de maison : Lemaire, Robert 2014. Et note 118 p. 199. Ajoutons à ces incertitudes une observation qui m’a été formulée par Sandra Zanella (que je remercie sincèrement) : dans les maisons à double atrium attestées à Pompéi, il y a toujours une communication entre l’atrium secondaire et le posticum, ce qui n’est pas le cas ici, car il n’y a pas de trace de porte entre la Casa dell’ Apollo Citaredo et la Casa del Bel Cortile. Sans être totalement rédhibitoire, car les différences entre les sphères domestiques herculanéenne et pompéienne ne sont pas rares, cette absence de lien n’aide pas à confirmer l’hypothèse d’une maison à double atrium dans l’insula V d’Herculanum Monteix 2010, 322-323.
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L’analyse des maçonneries de la pièce 9 de la Casa del Gran Portale permet de mettre en évidence ces différentes phases. Les réparations sont notamment faites avec les moellons récupérés des murs effondrés : Monteix 2010, 318. Les colonnes du péristyle, abattues par le séisme, ont d’abord été restaurées en brique, avant d’être enclavées dans de nouveaux murs de séparation des espaces. Monteix 2010, fig. 167 et p. 320. Hartnett 2017, 141, fig. 34. Pour la pièce 5, les enduits sont très altérés, mais nous disposons d’une description du GSE, 31 janv. 1933, « Casa N°1 sul decumano minore, lato nord, ambiente 5 (…) La zoccolo misura m. 0,60 di altezza ed è coperto di stucco rosso con dipinto della flora classica. Le pareti hanno lo succo bianco con linee di colori vari che dividono la decorazione in tre riquadri. Sopra la parte sud vi è dipinto un cratere e su quella ovestune coppa. ». GSE, 31 janv. 1933 : « Casa N°1 sul decumano minore lato nord, ambiente n.5 (…) Poco stucco è sulla parete est ed ancora meno sopra quella sud. Lo zoccolo è di stucco nero alto m. 0.55 con disegno di transene di canne di colore giallo. Il ripiano centrale è di stucco rosso alto m. 1.49. Con disegni di vasi, la flora e accenni di prospettive”. On reconnaît dans cette description les poncifs de la peinture de jardin, attestés dans cette insula, dans la Casa di Nettuno e Anfitrite par exemple, et dans bien d’autres maisons de la zone vésuvienne. Monteix 2010, 322. On parle de « démembrement de propriété » quand un bien est divisé entre plusieurs propriétaires. Monteix 2010, 363-364. Sur la Casa del Tramezzo di Legno, voir en dernier lieu : Tuori, Nissin 2017. PPM, IV, 172. Laidlaw 1985, 137. PPM, II, 522. Richardson 1988, 235-237. Ling, Arthur 1997. Coralini 2018. Monteix 2010, 365 sq. : dans le cas d’une gestion directe, un membre de la familia (le plus souvent un esclave ou un affranchi) gère la boutique pour le propriétaire des lieux et génère un revenu commercial. A propos du statut des artifices (esclaves artisans dont l’activité est source de revenus) et plus généralement des esclaves placés dans les propriétés urbaines pour exercer une activité dégageant des bénéfices économiques : Dubouloz 2011, 116. Si la personne préposée à la gestion du commerce n’est pas un esclave et peut recevoir un contrat, on la désigne sous le nom d’institor (ibidem, 120). Monteix 2010, tableau de synthèse p. 194. Monteix 2010, 353 : « Si le pourcentage d’occupation du sol par les boutiques augmente tout au long de la période, indiquant une légère croissance commerciale, cette augmentation n’est guère heurtée ». Et plus loin « Aucun des deux séismes ne paraît avoir eu d’effet – comme moteur ou comme frein - sur cette structure macroscopique ». Monteix 2010, 389. Pour l’inventaire des objets mis au jour dans cette pièce : Monteix 2010, 390. Sur la fonction de cette mezzanine, Andrews, 2006, 185 sq. Par ailleurs, les GSE ne mentionnent pas la découverte d’amphores sur la mezzanine. Sur le décor : Manni 1974, 12-15 ; Cerulli Irelli, Pozzi Paolini 1974, 21-22. Coralini 2001, 237-238.
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Dubouloz 2011, note 58, 282 = Ulp. Ad. Sab., 17. Monteix 2010, 83-87 ; Dardenay 2017. Sur ce décor : Eristov 1994, cat. n°98. Andrews 2006, 243 : “On this basis, the 4th style painting in room 26, which cover the blocked doorway, must post-date the separation”. Pour le doublement des murs : Monteix 2010, fig. 180. La Casa del Mobilio Carbonizzato et la Casa del Sacello di Legno sont surélevées au début de l’époque impériale, augmentant ainsi d’environ 30 % la surface habitable de chacune et permettant de valoriser leur statut social, par la construction de cenacula à colonnade. Maiuri 1958, 204. H. Parkins argumente ainsi qu’un investissement dans les activités commerciales était nécessaire pour soutenir une carrière politique : Parkins 1997. Contra aussi chez Wallace-Hadrill 1994, 123. Monteix 2010, 398. Pirson 1999, 169. G. Losansky ne parle que très brièvement des appartements accessibles depuis la rue à Herculanum, et sans aborder leur chronologie : Losansky 2015, 195-198. Pour la définition de « diaetae » comme des appartements privés ou ensemble de pièces de vie d’une habitation, cf. Dubouloz 2010, p. 275-287 : Ulpien et d’autres jurisconsultes utilisent ce terme pour désigner les appartements d’une demeure. Monteix 2010, 327-328. Eristov 1994, type II, fig. 43. (= Varano, villa d’Ariane, 5). Cet exemplaire est notamment comparable à celui d’une paroi de villa. La position centrée de l’édicule, inséré dans un décor de IVe style, interdit donc que l’espace correspondant à l’encorbellement ait revêtu la même décoration. Deux hypothèses concurrentes peuvent être proposées pour expliquer cette situation : soit l’encorbellement correspondait à une pièce indépendante, soit il n’y avait pas d’encorbellement durant cette phase. Andrews 2006, vol. II, 189. GSE 1932, 14 novembre. Les Lares sont peints en rouge et portaient vraisemblablement une tunique et une coiffe ; le Lare de droite est figuré jambes nues. Le Lare de gauche soulève un rhyton dans sa main gauche et tient une situla dans sa main droite tandis que le Lare de droite tient un rhyton dans sa main droite et une situla dans sa main gauche. Sur la destination de ces appartements potentiellement indépendants, mais accessibles depuis l’intérieur de la maison, F. Pirson propose une distinction entre des locataires dépendants du dominus ou indépendants : Pirson 1997, 148 : « However the clear architectural distinction between internally and externally accessible dwelllings leads to the hypothesis of possible differences amongst the various kinds of coinhabitants, those who depended on the dominus, such as slaves, freedmen, heirs or clients, did not have to be prevented access into the house, since they formed a part of the social environment of the dominus. Logders, however, who didn’t have any bonds with the landlord apart from tenancy and did not belong to the household, ay have lived separately in self contained units”. Monteix 2010, 327-328. Dans les GSE (8 mai 1933), les vestiges de ce massif maçonné sont interprétés comme ceux d’une table de cuisson. D’après les résultats du sondage opéré dans cet espace par N. Monteix il s’agirait plutôt d’une armoire maçonnée.
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CIL IV, 138 (Pompéi, Insula Arriana Polliana) ; CIL IV, 1136 (Pompéi, Praedia Iulia Felix) ; CIL V, 4488 (Brixia) ; CIL VI, 29791 (Rome). Ces témoignages épigraphiques prouvent que des tabernae pouvaient être liées (comme bien en location par exemple) à un cenaculum. Ce dossier est développé avec mention des sources littéraires et épigraphiques dans Courrier 2014, 146-149. Traduction de C. Saliou (Saliou 1994, 223). Voir supra p. 189-190. Voir infra p. 269.
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3.3 L’espace domestique : Aménagements d’intérieur et réflexions sur l’environnement domestique
ORGANISATION DE LA VIE
DOMESTIQUE
« Interim dum Mercurius vigilat, aedificavi hanc domum. Vt scitis, casula erat; nunc templum est. Habet quattuor cenationes, cubicula viginti, porticus marmoratos duos, susum cellationem, cubiculum in quo ipse dormio, viperae huius sessorium, ostiarii cellam perbonam; hospitium hospites capit. » Pétrone, Satiricon, LXXII, 4.
La demeure de Trimalchion ne peut certes, pas plus que la domus vitruvienne, servir de référentiel pour l’interprétation de la planimétrie des maisons de l’insula V d’Herculanum, qui n’en ont ni l’ample surface, ni l’extravagant apparat. On relève cependant avec intérêt dans ce passage, à la fois le vocabulaire employé pour décrire certaines pièces (cubiculum, cenatio, cellatio, sessorium) et la mise en évidence d’espaces de distinction sociale, comme le quartier des invités (hospitium), une salle de réception d’étage (si telle est bien la traduction de susum cellationem) ou « les appartements de Madame » (surnommée ici « la vipère » : viperae huius sessorium). Toutefois, si dans les immenses demeures des plus riches citadins, la surface disponible permettait de multiplier les pièces et d’affecter une partie des espaces à certaines fonctions préférentielles, ce n’était pas le cas dans l’immense majorité des habitations où, comme on l’a vu, la destination des pièces n’était pas figée. Cela ne signifie pas qu’il faut évacuer définitivement la question de l’articulation entre les activités de la familia et l’organisation spatiale de la maison. Il importe, au contraire, de l’interroger sous de nouveaux angles et avec différents outils, afin de sortir des raisonnements circulaires rendus implicites par l’application unilatérale d’une grille de lecture résultant du croisement entre la nomenclature vitruvienne et la pratique de « fonctionnalisation » des espaces domestiques. Une des approches les plus novatrices qui s’est manifestée ces dernières années dans le champ des sciences de l’Antiquité – outre l’émergence des Sensorial Studies – est celle de la conceptualisation d’une « Archéologie de l’invisible ». Dans le domaine qui nous retient ici, cette méthode d’analyse a reçu une application concrète et très stimulante dans les recherches de S. Joshel et L.
Petersen sur « la vie matérielle des esclaves ».1 A la différence de la méthode mise en œuvre par J. Webster,2 les auteures ne se sont pas attachées à identifier des artefacts serviles portant la trace d’une culture matérielle étrangère à Rome, mais à interpréter, d’après les sources textuelles et les vestiges urbains, les traces des modalités de circulation des esclaves dans la maison (et dans la ville), les stratégies de déplacements imposés par leur patron, les modalités de leur confinement.3 Leurs travaux révèlent comment la planimétrie de la maison, et surtout les accès à certaines pièces, pouvaient être conçus pour rendre moins visible (et moins dérangeante) la présence servile (par la présence de couloirs de dégagement par exemple). Elles montrent également comment par le décor, la hauteur et la largeur des portes, la position des baies intérieures (etc.) pouvaient être mis en œuvre des dispositifs de cloisonnemement temporaires ou définitifs, de privatisation mais aussi de hiérarchisation des espaces et de réglementation de leur accès, en fonction du statut des individus (serviles ou non, proches de la familia ou non). Bien entendu, cette approche est plus facile à mettre en œuvre dans certaines habitations que d’autres et il ne s’agit pas de l’appliquer de manière systématique et indistincte dans toutes les maisons, car ce type d’organisation de l’espace domestique n’avait sans doute rien d’universel. Par exemple, l’existence d’ « espaces de ségrégation » n’est le plus souvent possible que dans les grandes demeures.4 Néanmoins, ces outils heuristiques permettent d’apporter des clés d’interprétation qui éclairent sous un jour nouveau l’organisation des espaces dans certaines habitations. L’exemple de la Casa dell’Atrio Corinzio permet de formaliser une étude de cas concrète. Cette maison dispose d’un espace de service (cuisine, latrines, réduit sous l’escalier) situé dans l’espace 9. Cette pièce, à laquelle on accédait en descendant quelques marches, devait être une zone réservée aux esclaves. La planimétrie de la maison, articulée autour d’un jardin-péristyle, permettait la mise en place d’un système de double circulation pour accéder à la salle de réception, quand on recevait du monde. L’espace
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3.3 longeaient le portique sud jusqu’à la pièce 2 à laquelle ils accédaient par une petite porte. La différence de hauteur entre les deux portes, celle accessible par le portique nord, et l’autre, accessible par le portique sud est très nette et correspond très probablement à la formalisation d’une hiérarchie des accès (fig. 201).5 Cuisines
Fig. 201. Double accès à la pièce 2 de la Casa dell’ Atrio Corinzio (gauche) et plan du rez-de-chaussée de l’habitation (à droite).
de service (9) se trouve en effet, dans la partie antérieure de la maison, à gauche des fauces. Pour accéder à la salle 2, on pouvait faire circuler les invités par le portique nord, en tournant immédiatement à droite depuis l’entrée (fig. 201). Cela permettait aussi de faire une halte dans la pièce 1, de petite taille, mais luxueusement décorée. En longeant ensuite le portique nord, on accédait à la salle 2 par une haute porte, tout en admirant les jeux d’eau et le petit jardin. Les esclaves, en revanche, suivaient un autre parcours depuis la zone antérieure de la maison et la cuisine (9). Ils
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C’est à partir du IIe siècle av. J.-C. que sont attestés, en Italie, des foyers maçonnés destinés à la préparation des repas. D’après les recherches de E. Salza Prina Ricotti,6 ces cuisines se caractérisent par l’aménagement pérenne de plans de travail, foyers et dispositifs d’évacuation des eaux usées. Les tables maçonnées sont généralement hautes de 60 à 80 centimètres. Elles sont le plus souvent aménagées sur un voire deux voûtains pour les plus longues, de façon à déposer dans cet espace le bois utilisé comme combustible lors de la cuisson. Elles sont, dans la plupart des cas, appuyées contre un ou deux murs et sont parfois composées de deux plans installés en L dans l’angle d’une pièce.7 Installées dans de petites pièces (4 à 14 m2 pour les cuisines d’Herculanum), elles sont souvent mal aérées, au mieux, par une petite fenêtre donnant sur la rue ou sur un jardin. Contrairement à une partie des cuisines de Pompéi, aucune de celles qui sont attestées à Herculanum ne présentent de trappe d’évacuation des fumées avec conduit en terrecuite.8 Dans le tableau ci-dessous (tabl 12), la mention « Phase tardive » signifie que ces installations correspondent aux dernières modifications connues de la planimétrie de l’habitation. Conformémement à la préconisation de Vitruve (VII, 13, 18), ces cuisines étaient parfois installées à proximité immédiate des latrines, ainsi que nous l’observons à Herculanum dans plusieurs habitations (pl. 47, 48 et 49). En préambule, bien qu’hors de l’insula V, l’exemple extrêmement bien conservé de la Casa dei due atri à Herculanum (VI, 29) mérite qu’on s’y attarde (fig. 202 et 203). La cuisine se trouvait, en effet dans un état de conservation sans égal et présentait un dispositif tout à fait caractéristique de la « cuisine type » campanienne.9 Elle présentait ainsi, un plan de travail en L supporté par deux arcs, ainsi qu’un foyer installé sur le plan de travail, dans l’angle nord-ouest. Les fouilles ont également révélé un gros dolium permettant de stocker de l’eau pour les besoins de la préparation des repas.10 Du côté sud, le plan de travail s’appuyait
L’ESPACE DOMESTIQUE : AMÉNAGEMENTS D’INTÉRIEUR ET RÉFLEXIONS SUR L’ENVIRONNEMENT DOMESTIQUE Unité d’habitation V, 1, Casa Sannitica V, 2, Cenaculum V, 3 , Casa del Telaio, RDC V, 3, Casa del Telaio, ETAGE V, 4, Casa del Telaio, RDC V, 5, Casa del Mobilio Carbonizzato V, 6-7, Casa di Nettuno ed Anfitrite, RDC V, 6-7, Casa di Nettuno ed Anfitrite, ETAGE V, 8, Casa del Bel Cortile V, 9-12, Casa dell'Apollo Citaredo V, 13-14, Taberna + Cenaculum V, 15-16, Casa del Bicentenario V, 17, Cenaculum, RDC V, 18, Cenaculum, ETAGE V, 19, Taberna V, 21, Taberna et logement V, 22, Cenaculum V, 23, Taberna V, 24, Casa della Colonna Laterizia V, 25, Taberna V, 26, Taberna V, 27, Taberna et habitation V, 28, Taberna V, 29, Cenaculum V, 30, Casa dell’Atrio Corinzio V, 31, Casa del Sacello di Legno V, 32, Taberna V, 33, Casa con Giardino V, 33a, Cenaculum V, 34, Taberna V, 35, Casa del Gran Portale
Cuisine
Phase aménagement
Latrines
Phase aménagement
X
Post 62
X X X
Indéterminé Phase tardive Phase tardive
X étage X X
X X
Phase tardive Indéterminé
X
X
Indéterminé
X X X X X
X étage X X X X X X
Phase tardive Phase tardive
X
Indéterminé
X
Phase tardive
X2 X
Indéterminé pour les 2 Indéterminé
X X
Indéterminé Construction de l’étage (post 62)
X
Contemporain de l’escalier (post 62)
X
X
Indéterminé Phase tardive Phase tardive
Tab. 12. Les cuisines.
contre le muret de séparation des latrines, lesquelles étaient surmontées par une fenêtre. Dans l’insula V, il est possible d’identifier six attestations d’espaces partagés entre la cuisine et les latrines : (voir pl. 47) • Casa di Nettuno ed Anfitrite, espace 1, à l’entrée de la maison ; • Casa di Nettuno ed Anfitrite, étage, espace 18/20 ; • Casa del Gran Portale, espace 9, au fond de la maison, sous l’escalier ;
• Casa del Bicentenario, espace 12, au fond de la maison ; • V, 17, sous l’escalier, à gauche en entrant dans l’appartement ; • V, 19, espace 4, boutique, pièce 1 ; • Casa dell’Atrio Corinzio, espace 9, à l’entrée de la maison, sous l’escalier. Le corpus des cuisines d’Herculanum n’a jamais été étudié jusqu’ici,11 en revanche, les latrines ont fait l’objet d’au moins deux publications extensives.12
219
3.3
Fig. 202. Restitution graphique des latrines de la Casa dei due atri (Herculanum, VI, 29). D’après Camardo & Notomista 2015, fig. 26.
Fig. 203. Photo de cette même cuisine, d’après Maiuri 1958, fig. 221.
Casa di Nettuno ed Anfitrite, rez-de chaussée, (pièce 1) et étage (pièce 20) La petite pièce servant à la fois de cuisine et de latrines est accessible en entrant dans la maison, immédiatement à gauche, depuis les fauces. Les structures sont presque entièrement détruites aujourd’hui. Le coin cuisine – pourvu d’un plan de travail et d’un foyer maçonné – était appuyé contre
le mur ouest. Quant aux latrines, elles étaient aménagées dans l’angle nord-est et isolées par des parois en opus craticium, formant ainsi un petit local de 0,86 x 0,92 m d’emprise au sol (fig. 204). L’appartement à l’étage de cette habitation fut équipé, dans les dernières années du site, d’une cuisine, dans l’espace 20, proche de l’escalier et contre les latrines, qui préexistaient peut-être (fig. 205). Ainsi une petite cloison séparait le foyer/ laraire de la cuisine, des latrines aménagées à l’extrémité du maenianum (loggia en surplomb au-dessus du cardo IV). Dans cette cuisine d’étage, qui assurait l’autonomie du cenaculum, le foyer se trouve à droite du banc de cuisson. Le tableau peint qui le surmonte et représente deux Lares dansant interroge sur son utilisation éventuelle comme sanctuaire domestique.
Fig. 204. Casa di Nettuno ed Anfitrite, pièce 1, à gauche la cuisine, à droite les latrines, autrefois encloses entre des parois d’opus craticium. Cliché M.-L. Maraval (2011).
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Casa del Bicentenario (V, 13-16), espace 12 et 13 Dans cette vaste demeure, les pièces de service utilisées comme cuisine et latrines avaient été aménagées, dans la phase finale, dans le bras sud de l’ancien péristyle.13 Sur le plan, les latrines sont notées en 12 et la cuisine en 13. Les latrines étaient encloses dans un local de 1 x 0,82 m au
L’ESPACE DOMESTIQUE : AMÉNAGEMENTS D’INTÉRIEUR ET RÉFLEXIONS SUR L’ENVIRONNEMENT DOMESTIQUE
Fig. 205. Casa di Nettuno ed Anfitrite, étage, pièces 20 et 18 : la cuisine (à gauche) est séparée des latrines aménagées sur le maenianum (à droite) par une étroite cloison. Cliché M.-L. Maraval (2017).
sol. La porte d’accès était située à l’est. Les murs périmétraux sont partiellement conservés. L’installation de ces espaces de service dans l’ancien péristyle résulte d’opérations de restructuration de cette grande demeure, dans les années 70, après la perte de son posticum, transformé en habitation indépendante (la Casa del Bel Cortile).14 Ainsi, dans le premier état de la Casa del Bicentenario, se trouvaient, près de la porte de service du posticum, une cuisine et au fond d’un couloir, des latrines. Ce type d’aménagement n’est pas rare et, en tout cas, bien attesté dans plusieurs grandes habitations de Pompéi. Citons l’exemple de la Casa del Centenario (IX, 8, 6), dont le posticum permettait, grâce à une porte de service donnant sur la rue, d’organiser le va-et-vient des esclaves participant à l’approvisionnement en eau et en vivres de la maisonnée, sans traverser les espaces de réception de la demeure. Pour les commodités du service, la cuisine et les latrines, ainsi que des bains, se trouvaient dans ce posticum. Toujours à Pompéi, on observe de mêmes « quartiers de service », en lien direct avec la rue par une porte secondaire, dans la Casa di Sallustio (VI 2, 4) et la Casa delle Nozze d’Argento (V 2, i). Appartement V, 17 Dans cet appartement aménagé, en rez-de-chaussée uniquement, dans la phase finale du site dans une ancienne taberna à laquelle fut rattachée la pièce 20 de la Casa del Bicentenario, une cuisine fut aménagée à proximité immédiate des latrines, dans un local séparé. Sous l’escalier (qui menait au cenaculum V, 18) sont installés un dolium, une table de cuisson et une armoire maçonnée, qui vient
Fig. 206. Appartement V, 17 (rez-de-chaussée). Sous l’escalier, on distingue le gros dolium qui était enterré dans le sol, à côté des vestiges du plan maçonné. Cliché M.-L. Maraval (2012)
221
3.3 ment à gauche en entrant dans la maison, en descendant quelques marches. En effet, lors de sa construction, la maison avait été surélevée par rapport au niveau d’occupation précédent afin de bien mettre en valeur le « jardin-atrium » depuis la rue. En revanche cet espace de service avait conservé le niveau de sol de l’état antérieur. Le plan maçonné de la cuisine, construit sur un voûtain est appuyé à l’est contre le muret des latrines (fig. 208). Un aménagement assez original, pour Herculanum, est à noter dans la partie ouest de cet espace. L’escalier était construit autour d’une petite pièce cloisonnée, pourvue d’une porte et de deux fenêtres. Elle pouvait servir de réduit, espace de stockage ou de petit logement servile.17 Fig. 207. V, 19, cuisine et latrines. Cliché Th. Dietsch (2012).
s’appuyer au sud contre la paroi de clôture des latrines15 (fig. 206). A. Maiuri pensait que le dolium servait à conserver des denrées, mais N. Monteix, qui a effectué un nettoyage du conteneur, a montré qu’il s’agit en réalité de la moitié supérieure d’un dolium servant de bouche de citerne et donc d’un dispositif de stockage de l’eau.16 Taberna V, 19 Dans l’angle sud-est de la boutique étaient installées des latrines, dans un local entouré de murs partiellement conservés, mesurant 0,84 x 1,16 m. au sol. Contre sa paroi nord était aménagée une cuisine avec un foyer (fig. 207). Casa dell’Atrio Corinzio (V, 30) L’espace de service 9, occupé par l’escalier, une cuisine et des latrines, était accessible immédiate-
Fig. 208. Casa dell’Atrio Corinzio, espace 9, vue vers l’est: cuisine et latrines. Photo de droite, vue vers l’ouest : escalier et petit pièce cloisonnée. Clichés M.-L. Maraval (2013).
222
Casa del Gran Portale (V, 35) La cuisine et les latrines se partageaient, avec l’escalier qui menait à l’étage, un espace de service (9) tout au fond de la Casa del Gran Portale. Les latrines étaient astucieusement installées sous l’escalier (fig. 209). On y accédait immédiatement en débouchant du couloir (8). Les deux blocs qui servaient à supporter la tablette de bois servant de siège sont bien conservés. En l’absence de fouilles spécifiques, on ne sait si ces latrines étaient reliées aux égoûts publics ou à une fosse privée. Le plan travail de la cuisine, était construit sur un voûtain et appuyé contre l’angle nord-ouest du mur périmétral de l’édifice. Ce rapide panorama a permis de s’assurer que ce principe de proximité entre cuisine et latrines, sans être systématique, était attesté de manière courante dans l’insula V d’Herculanum. On remarque également que ces espaces de service
L’ESPACE DOMESTIQUE : AMÉNAGEMENTS D’INTÉRIEUR ET RÉFLEXIONS SUR L’ENVIRONNEMENT DOMESTIQUE sont fréquemment installés près de l’escalier dont on optimise ainsi les volumes et les espaces libres. Par ailleurs, ces pièces de service sont positionnées soit à l’entrée de la maison, soit tout au fond ; la seconde possibilité ne paraissant être qu’un choix par défaut, quand le plan de la maison ne permet pas de les placer à l’entrée sans dommage pour les espaces de réception. Les cuisines nettement séparées des latrines Finalement, la seule habitation de l’insula qui présente une cuisine maçonnée totalement séparée des latrines est la Casa del Bel Cortile.18 Comme on le sait, il s’agit de l’ancien posticum de la « grande Casa del Bicentenario » et il est probable que cette disposition maintienne en l’état celle qui avait été mise en œuvre quand il s’agissait d’un « quartier de service ». Cela expliquerait pourquoi la cuisine se trouve dans l’espace 1, près de la porte d’entrée et les latrines en 13, contre la salle de réception. Ainsi placée, les latrines permettaient
aux convives d’aller se soulager à proximité, sans s’aventurer dans les communs et la cuisine. La cuisine était un espace très exigu et difficile d’accès par une porte nettement surbaissée19 (fig. 210). Passé cet obstacle, la hauteur sous plafond était toutefois importante (3,18 m) mais l’espace peu profond (1,04 m), bien que large (3,36 m), ce qui compensait un peu sans rendre les déplacements fluides pour autant (fig. 211). Cette pièce sombre et encaissée était un peu éclairée par une petite fenêtre ménagée côté rue, dans la paroi ouest. Quant au petit plan de travail maçonné installé face à la porte, il était appuyé entre un muret et le mur est. Par son positionnement juste en face de la porte, il bénéficiait ainsi d’un éclairage direct en lumière naturelle, ainsi qu’on le voit sur le cliché de droite. Les cuisines positionnées près de la rue, comme c’est le cas dans la Casa di Nettuno ed Anfitrite, la Casa del Bel Cortile et la Casa dell’Atrio Corinzio permettaient aux esclaves de s’absenter à l’extérieur assez discrètement pour vaquer aux
Fig. 209. Casa del Gran Portale, espace 9, angle sud-est (à gauche) : latrines sous l’escalier ; angle nord ouest (à droite) : plan maçonné de la cuisine. Clichés M.-L. Maraval (2011).
223
3.3 Dans cette dernière, l’aménagement était enrichi d’une armoire (1,43 m de haut) qui contenait 2,1 kg d’orge et une lampe de bronze23 (fig. 41). Dans la cuisine du cenaculum à l’étage V, 18, un autre meuble de bois est signalé.24 Il s’agit d’ une petite armoire à deux étagères de 1,31 m de haut sur 0,79 m de large et 0,59 m de profondeur. Pendant longtemps elle fut présentée au rez-dechaussée V, 17, mais est désormais conservée au dépôt archéologique. Elle a fait l’objet d’une restitution graphique par S. Mols.25 Cette armoire fut mise au jour dans l’angle nord-ouest de la pièce 52, servant de cuisine à cet appartement, près de l’escalier26 et contenait de la vaisselle de terre-cuite. Enfin, une de ces cuisines d’étage est clairement liée au fonctionnement d’un cenaculum à colonnade, prestigieuse salle de réception aménagée au-dessus du tablinum dans la Casa del Mobilio
Fig. 210. Casa del Bel Cortile, accès à la pièce 1 (cuisine), vue depuis l’espace 5 (entrée). Cliché M.-L. Maraval (2012).
occupations indispensables au service de la maisonnée (aller chercher de l’eau à la fontaine, faire des courses, porter un message, ect). Ce type d’agencement contribue à dissimuler à la vue du dominus et de ses proches les activités serviles et à rendre un peu plus invisibles les esclaves.20 Les cuisines d’étage Les cuisines aménagées à l’étage ne sont pas si rares à Herculanum, mais toutes n’ont pas laissé de traces archéologiques très nettes. Celles qui disposaient d’un aménagement pérenne et caractéristique sont au nombre de six, dont trois dans des cenacula.21 Nous avons évoqué plus haut celle de l’appartement à l’étage de la Casa di Nettuno ed Anfitrite, mitoyenne des latrines. Aménagée tardivement, par cloisonnement de l’espace 20, elle dupliquait des installations du rez-de-chaussée. Elle avait également la particularité, rare à Herculanum, d’être combinée à un sanctuaire domestique.22 C’était également le cas de la cuisine aménagée dans V, 15, à l’étage de la Casa del Bicentenario.
224
Fig. 211. Casa del Bel Cortile, pièce 1, vue du foyer maçonné depuis le fond de la pièce. Cliché M.-L. Maraval (2012).
L’ESPACE DOMESTIQUE : AMÉNAGEMENTS D’INTÉRIEUR ET RÉFLEXIONS SUR L’ENVIRONNEMENT DOMESTIQUE Carbonizzato. Afin d’accroître le luxe du cadre domestique, la domus est pourvue d’un cenaculum à colonnade à l’étage au-dessus du tablinum et donc dans l’axe de l’entrée. Le rez-de-chaussée ne fut jamais équipé d’une cuisine à plan maçonné. En revanche, une cuisine fut aménagée à l’étage, près du cenaculum à colonnade (fig. 212). Elle se trouvait dans l’espace 21 en accès direct avec la salle de réception (20), mais dissimulée dans un renfoncement étroit (2,70 x 1,8 m), par un mur de séparation avec l’escalier (fig. 213). Son petit plan de travail était construit en briques. Dans cette domus, le cenaculum à colonnade est construit à l’époque tardo-républicaine.27 Quant à la cuisine, elle est postérieure puisqu’elle fut aménagée après 62 contre la paroi d’opus craticium construite lors de la phase finale.28 Les cuisines non visibles Dans un certain nombre d’habitations, la cuisine n’a pas laissé de traces archéologiques visibles. Cela ne signifie pas, cependant, qu’il n’y avait pas d’espace dévolu à la préparation des repas, mais qu’un plan de travail maçonné n’avait pas été aménagé ou qu’il a été totalement détruit. Trois des plus anciennes domus de l’insula sont concernées : la Casa Sannitica (V 1), la Casa dell’Apollo Citaredo (V, 9), la Casa del Sacello di Legno (V, 31). La Casa Sannitica est une habitation où cette absence frappe particulièrement. Une hypothèse, qui serait à confirmer par une reprise des fouilles ou au moins un décapage, serait d’envisager que l’espace 8 pouvait être partagé entre les latrines et la cuisine. Il s’agit d’une grande pièce de 2,80 m par 2,60 m, dans l’angle sud-est de laquelle était aménagé un petit local de latrines (fig. 183). Le reste de l’espace devait être dévolu à des fonctions serviles, dont la préparation des repas pouvait faire partie. Après tout, il semble que c’était bien pour ajouter des espaces de service au rezde-chaussée de la Casa Sannitica que les propriétaires lui avaient adjoint deux pièces mitoyennes sur la parcelle de la Casa del Telaio. Bien entendu, il est toujours possible que de vieilles domus telles que la Casa Sannitica, la Casa dell’Apollo Citaredo29 et la Casa del Sacello di Legno aient toujours fonctionné sans cuisine à plan de travail maçonné, voire sans latrines. De fait, les latrines aménagées dans la Casa Sannitica ne l’ont été que tardivement, après acquisition de l’espace 8 sur la parcelle de la Casa del Telaio. L’absence de cuisine dans ces maisons est toutefois à nuancer : même dans les habitations où on peut en attester l’existence, il s’agit le plus souvent d’aménagements récents. Ce qui signifie qu’elles étaient considérées comme un aménagement de
Fig. 212. Casa del Mobilio Carbonizzato, vestiges du cenaculum à colonnade (pièce 20). Cliché M.-L. Maraval (2012).
confort secondaire. A titre de mise en perspective, signalons qu’à l’échelle du site, seules 26 des 40 domus présentent une pièce servant de cuisine en rez-de-chaussée.30 Les membres serviles de la familia pouvaient préparer les repas sur des supports mobiles et des braseros,31 disposés dans un coin ou l’autre de la maison, voire à l'extérieur, selon les occasions et les exigences du service. Latrines L’étude des latrines dans les habitations des cités vésuviennes a d’abord été entreprise par G. Jansen.32 Pour Herculanum, ses travaux furent
Fig. 213. Casa del Mobilio Carbonizzato, cuisine de l’étage (pièce 21). Vue vers le nord-est. Cliché J. Andrews (2006).
225
3.3
Unité d’habitation
Latrine encloses
en niche dans une pièce
V, 1, Casa Sannitica X V, 2, Cenaculum X V, 3, Casa del Telaio, RDC V, 3, Casa del Telaio, ETAGE X V, 4, Casa del Telaio, RDC X V, 5, Casa del Mobilio Carbonizzato V, 6-7, Casa di Nettuno ed Anfitrite, RDC X V, 6-7, Casa di Nettuno ed Anfitrite, X et niche ETAGE V, 8, Casa del Bel Cortile X V, 9-12, Casa dell'Apollo Citaredo V, 13-14, Taberna + Cenaculum X, étage V, 15-16, Casa del Bicentenario X V, 17, Cenaculum, RDC X V, 18, Cenaculum, ETAGE X V, 19, Taberna X V, 21, Taberna et logement X V, 22, Cenaculum X V, 23, Taberna V, 24, Casa della Colonna Laterizia V, 25, Taberna V, 26, Taberna V, 27, Taberna et habitation X V, 28, Taberna V, 29, Cenaculum X deux V, 30, Casa dell’Atrio Corinzio X V, 31, Casa del Sacello di Legno V, 32, Taberna V, 33, Casa con Giardino V, 33a, Cenaculum X V, 34, Taberna V, 35, Casa del Gran Portale X
Phase aménagement Post 62
X
Indéterminé Phase tardive Phase tardive Phase tardive Indéterminé Indéterminé Phase tardive Phase tardive
Indéterminé Phase tardive Phase tardive X
Indéterminé
Phase tardive Indéterminé pour les 2 Indéterminé
X
Indéterminé Construction de l’étage (post 62) Contemporain de l’escalier (post 62)
Tab. 13. Les différents types de latrines par unité d’habitation.
complétés récemment par ceux de D. Camardo et M. Notomista, qui proposent un corpus exhaustif.33 Nous n’y reviendrons donc ici que rapidement, pour fournir un bref bilan. A Herculanum, comme ailleurs dans le monde romain, les latrines domestiques sont de trois types : encloses, en niche ou dans une pièce.34 En préambule, il est intéressant d’analyser le cas de deux latrines superposées, appartenant à deux types différents, injustement oubliées dans les travaux sur les installations sanitaires d’Herculanum. Ce type d’aménagement, très courant dans
226
le monde romain car il permet de mutualiser les canalisations et les fosses d’aisance,35 était bien entendu mis en œuvre dans plusieurs édifices de l’insula V. Les deux appartements superposés, V, 17 et V, 18, étaient chacun pourvus à la fois de latrines et d’une cuisine. Les latrines étaient aménagées l’une au-dessus de l’autre, permettant ainsi de se déverser dans une même fosse36 (fig. 214). Celles de l’appartement V, 18 étaient accessibles via une mezzanine installée à mi-hauteur de la première pièce de V, 17. Le dispositif, en niche, était creusé dans la partie supérieure du mur de refend entre
L’ESPACE DOMESTIQUE : AMÉNAGEMENTS D’INTÉRIEUR ET RÉFLEXIONS SUR L’ENVIRONNEMENT DOMESTIQUE
Fig. 214. Dispositif de latrines superposées, dessin de A. Jones (d’après Koloski-Ostrow 2015, fig. 96).
les pièces 20 et 21 de V, 17 (fig. 215). Quant aux secondes latrines, celles du rez-de-chaussée, elles ont été aménagées dans le même mur et étaient accessible depuis la pièce 20. Toutes ces installations, mezzanine et latrines, ont été coordonnées, ce qui laisse supposer qu’elles ont été réalisées quand les deux appartements faisaient partie du même bien-fonds, et avant leur cession à deux propriétaires différents. En effet, la nette division des deux entrées sur le trottoir laisse supposer que c’était le cas en 79 (fig. 170). Il est possible de restituer une telle superposition des latrines dans la Casa con Giardino (V, 33). Ainsi dans l’espace 3, un renfoncement aménagé entre les pièces 2 et 4, des latrines ont été installées. Elles furent repérées par A. Maiuri et seule l’évacuation dans le mur ainsi que les supports sont aujourd’hui visibles.37 On suppose donc que le siège pouvait être en bois. Des latrines en niche se trouvaient à l’étage, juste au-dessus de celles-ci, la canalisation d’évacuation conservée en témoigne. Elle permet d’observer que les deux latrines étaient connectées et se déversaient dans
une même fosse. De même, dans la Casa Sannitica les latrines de l’étage (cenaculum V,2) se trouvaient à l’arrivée de l’escalier, dans une niche aménagée dans le mur à l’aplomb des latrines du rez-de-chaussée (pièce 8). Ainsi que le tableau de synthèse proposé ci-dessus en fait état, le type d’installation le plus couramment recensé dans l’insula pour les latrines est le cloisonnement dans un petit local (12 exemplaires) aménagé dans un espace de service plus grand, souvent une cuisine, ainsi qu’on l’a vu plus haut. Les latrines en niche viennent ensuite, avec sept attestations, toutes dans les étages des habitations (fig. 215). Ce bilan est conforme à ce que l’on observe ailleurs, à Herculanum comme dans d’autres sites.38 Pour ce type de latrines, l’évacuation se fait par des canalisations verticales en terre cuite, de 25 cm de diamètre environ, aménagées généralement à l’intérieur des murs. Mais dans le cas d’installations secondaires à la construction, comme c’est souvent le cas à Herculanum, la canalisation est installée dans l’angle des parois et un nouvel enduit maçonné est appliqué autour pour la fixer fermement, l’isoler et la camoufler. Enfin le dernier type, qui concerne les latrines occupant toute une pièce, est beaucoup plus rare. A l’intérieur des habitations, l’espace étant si précieux, cela ne saurait surprendre. Dans la Casa del Telaio (V, 3) et la Casa con Giardino (V, 33), il s’agit, plus que de pièces, de petits renfoncements, d’aménagements à l’extrémité d’espaces de circulation, de type couloirs.39 Le cas des latrines de la Casa della Colonna Laterizia (V, 24) est plus intéressant du point de vue typologique et urbanistique, car il s’agit de
Fig. 215 Herculanum, V, 17. Latrine en niche à l'étage, connectée à une canalisation insérée dans le mur. Cliché N. Monteix (2004).
227
3.3
Fig. 216. Herculanum. Plan de répartition des fontaines publiques (points bleus), des châteaux d’eau publics (points rouges) et des maisons raccordées au réseau public (colorées en bleu). D’après H. Dessales (Dessales 2013, pl.4).
228
L’ESPACE DOMESTIQUE : AMÉNAGEMENTS D’INTÉRIEUR ET RÉFLEXIONS SUR L’ENVIRONNEMENT DOMESTIQUE latrines à plusieurs sièges, sans doute trois, aménagées à l’entrée de l’habitation, immédiatement à gauche en entrant. Par leur position, leurs dimensions (1,81 x 1,78 m) et leur dispositif à trois sièges, il est possible qu’elles aient pu être ouvertes à d’autres visiteurs que les habitants de la maison. Suivant une hypothèse déjà avancée par A. Maiuri, D. Camardo et M. Notomista suggèrent que ces latrines pouvaient être ouverte au public.40 De fait, l’existence de ce type de latrines « ouvertes au public » - peut-être moyennant finances - a aussi été attestée par les travaux d’A. Bouet à Délos.41 Un rapide panorama sur les latrines domestiques de l’insula V d’Herculanum permet de nuancer les conclusions de A. O. Koloski-Ostrow dans son ouvrage sur « l’archéologie des sanitaires » dans l’Italie romaine : non, toutes les maisons d’Herculanum n’étaient pas équipées de latrines.42
D’ailleurs, ainsi qu’A. Bouet l’a fermement souligné dans ses travaux, la présence de latrines n’est pas un facteur de distinction sociale. Il relève d’ailleurs que quelques-unes des demeures les plus élégantes de Délos ne possèdent pas de latrines. Si celles-ci n’étaient pas indispensables, c’est parce que les habitants pouvaient user d’une large variété de vases, que trois termes latins désignent : la matella, le scaphium et le lasanum. Ainsi Trimalcion urine en public dans une matella (Satiricon, XXVII, 5), se lève au milieu de son festin pour aller sur son lasanum (Satiricon, XLI, 9) et plus loin sont évoqués les lasana mis à la disposition de ses convives pour qu’ils puissent se soulager (Satiricon, XLVII, 5).43 Et les bains ? Il n’existe aucune attestation de bains – ni privés, ni publics – dans l’insula V d’Herculanum. Les bains, publics, les plus proches étaient ceux situés dans la partie méridionale de l’insula VI (Terme Urbane). De toute évidence, les bains privés étaient un luxe rare à Herculanum. Même les grandes demeures des notables du front de mer, dans l’insula IV (Casa dei Cervi,44 Casa dell’ Atrio a Mosaico, et dans l’Insula Orientalis (Casa della Gemma, Casa del Rilievo di Telefo) en étaient dépourvues. Les seuls bains privés de la zone urbaine d’Herculanum - formellement attestés dans la zone dégagée - sont ceux de la Casa dell’Albergo (III, 3) édifiés à l’époque augustéenne.45 Cette rareté est toutefois à nuancer : à Pompéi, où on dénombre 400 maisons environ, seules 30 d’entre elles étaient équipées de bains privés.46 L’eau dans la maison
Fig. 217. Taberna V, 9 (Casa dell’Apollo Citaredo). Vue des canalisations qui longent le trottoir pour pénétrer dans la boutique. Cliché N. Monteix.
Très rares sont les maisons d’Herculanum alimentées en eau sous pression. Les besoins en eau étaient assurés par l’approvisionnement aux fontaines publiques et par le stockage, en particulier celle des eaux de pluies collectées dans l’impluvium (fig. 216). Les fouilles réalisées à Herculanum jusqu’à la fin des années 1950 n’ont pas bénéficié du degré de précision requis pour l’enregistrement des données liées à l’alimentation en eau et à la circulation de l’eau dans les édifices. Mais en dépit de ces lacunes, un premier bilan peut être dressé. Dans l’insula V, seules la Casa Sannitica (V, 1-2), la Casa di Nettuno ed Anfitrite (V, 6-7), la Casa dell’Apollo Citaredo (V, 9-12) et la Casa dell’Atrio Corinzio (V, 30) paraissent avoir été raccordées au réseau public47 (fig. 216 et 217).
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3.3
Fig. 218. Casa del Bicentenario, péristyle, vue vers le sud ouest. Cliché A. Dardenay (2022).
Dans la Casa Sannitica, les négatifs des conduites de plomb sont visibles dans l’atrium. Ces conduites, arrachées et comblées sont mentionnées dans les GSE, ce qui permet d’en restituer partiellement le tracé : partant de l’impluvium (et d’une probable fontaine aménagée à cet endroit48), une conduite se dirige vers le tablinum dont elle longe le mur est. Elle pouvait alors, peut-être, mener à un raccordement situé dans le decumanus inferior. L’eau sous pression aurait ainsi permis d’alimenter la fontaine de l’impluvium. Dans la Casa di Nettuno ed Anfitrite, l’eau sous pression permettait aussi, de manière évidente étant donné le tracé des canalisations de plomb, d’alimenter les deux fontaines de la maison. Le raccordement au réseau public s’opére devant l’entrée n°7 sur la cardo IV. La canalisation traverse les fauces puis bifurque en deux branches. Une dérivation rejoint l’angle nord-est de la boutique V, 6.49 La conduite principale traverse la maison pour alimenter la fontaine située contre la paroi sud de l’atrium et se prolonge ensuite jusqu’au nymphée-triclinium au fond de la maison. Les besoins en eau du nymphée étant impor-
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tants, s’ajoutait une citerne dans la cour (avec une bouche en marbre), ainsi qu’une ciste de plomb. Enfin, une autre citerne se trouvait sous l’impluvium (bouche à l’ouest).50 Dans la Casa dell’Atrio Corinzio (V, 30), le raccordement au réseau public permettait encore une fois d’alimenter des jeux d’eau : ceux situés dans le bassin cruciforme aménagé au centre du portique. Deux citernes (dont les bouches sont placées près des murets du jardin) venaient compléter l’approvisionnement en eau de la maison. L’effet scénographique depuis la rue devait être tout à fait réussi, en raison de la surélévation de ce « jardin portiqué ». D'après ces attestations, dans l’insula V l’alimentation de la maison en eau sous pression était dévolue au fonctionnement des fontaines, et non à des usages domestiques.51 Les données disponibles pour les autres îlots d’Herculanum – où en tout, douze maisons étaient alimentées en eau courante52 – confirment cette hypothèse.53 Ainsi, les latrines ne sont jamais raccordées à l’eau sous pression, pas plus que les cuisines, à l’exception notable de deux habitations de Pompéi (sur 400
L’ESPACE DOMESTIQUE : AMÉNAGEMENTS D’INTÉRIEUR ET RÉFLEXIONS SUR L’ENVIRONNEMENT DOMESTIQUE maisons) dont la cuisine était alimentée en eau via une conduite de plomb raccordée à l’acqueduc : la Casa dell’Orso (VII, 2, 45) et la Casa di Caecilius Jucundus (V, 1, 10).54 Dans ces espaces de service, l’eau peut être stockée dans des dolia, ainsi qu’on le voit à Herculanum dans la Casa dei due Atri (VI, 1).55 Enfin, signalons qu’il n’y a aucune attestation à Herculanum, ni à Pompéi d’ailleurs, d’une alimentation des étages en eau sous pression.56 L’alimentation en eau sous pression des espaces du « travail domestique » (cuisines et latrines pour l’essentiel) était peut-être jugée superflue, puisque ces tâches étaient effectuées par des esclaves dont on ne ménageait pas les efforts. En revanche, on constate que grand était le souci d’assurer le bon fonctionnement des fontaines et autres dispositifs aquatiques destinés à renforcer la luxuria de l’habitation. C’est pourquoi les propriétaires soucieux d’impressionner leurs concitoyens et visiteurs par de telles mises en scènes finançaient un système de raccordement de ces fontaines au réseau public. Les métamorphoses du jardin Rares étaient les habitations de l’insula V qui offraient en 79, des espaces de type « jardin ». L’étude du bâti révèle toutefois que cela ne fut pas toujours le cas et que, lors des premières phases de lotissement et d’aménagement de l’îlot, plusieurs maisons disposaient d’un hortus, voire d’un péristyle. Trois domus ont ainsi disposé, pendant une période, d’un péristyle : • la Casa Sannitica (V, 1), du lotissement de l’îlot à l’époque augustéenne ; • la Casa con Giardino (V, 32), de l’époque augustéenne à 62 environ ; • la Casa del Bicentenario (V, 13-16), de l’époque augustéenne à 62 environ. Plus aucun de ces péristyles ne subsitait en 79 sous sa forme initiale, tous ayant été remaniés ou démantelés au plus tard en 62. Dans la Casa del Bicentenario (V, 13-16 : pl. 12), le portique sud du péristyle avait été restructuré pour être divisé en espaces de vie (salle 10) et de service (12, 13, 1). Le portique ouest avait été clôturé pour être transformé en couloir d’accès menant à la salle de réception (10). Seuls les portiques nord et ouest conservaient, sur une portion seulement, leur apparence et leur fonction initiale, avec une ouverture vers le bassin central (11) : fig. 218 et 219. En effet, le bassin d’agrément qui se trouvait à l’origine au centre du péristyle avait été
Fig. 219. Plan de la Casa del Bicentenario d’après Maiuri 1958, fig. 174.
conservé, proposant ainsi un point de vue sur des jeux aquatiques depuis l’axe fauces-atrium-tablinum. La conservation de cet espace en plein air offrait aussi un important puits de lumière – accompagné d’un agréable bruissement d’eau – à l’arrière de l’habitation, et en particulier aux appartements aménagés à l’étage, sur deux niveaux. La Casa con Giardino (V, 33 : pl. 29) présentait, en 79, le plus grand espace de plein air de l’insula, mais nous ne savons que très peu de choses de son aménagement (fig. 220). S’agissait-il, dans la phase finale du site, d’une friche, d’un verger, d’un simple hortus ? Architecturalement parlant,
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3.3
Fig. 220. Casa con Giardino (V, 33), jardin enclos de murs (espace 9), aménagé à l’intérieur de l’ancien péristyle. Cliché M.-L. Maraval.
il s’agissait, comme on l’a dit, de l’espace intérieur d’un ancien péristyle construit à l’époque augustéenne au moment de l’aménagement de la grande Casa con Giardino. Après 62, au moment de la division de cette vaste domus en deux habitations (et donc la création de la Casa del Gran Portale), les portiques du péristyle sont démantelés, divisés en petites pièces pour l’aile ouest, et, pour l’aile nord, en couloir d’entrée de la « petite Casa con Giardino ». Le jardin résiduel était enclos de hauts murs – le mur ouest étant le mur de séparation avec la Casa del Gran Portale57 – et cet espace en plein air n’était accessible que depuis les fauces. Parmi les domus de taille moyenne, certaines disposaient d’un hortus au fond de la parcelle, au moment de leur construction, d’après l’analyse architecturale.58 Bien entendu, les jardins pouvaient être plus nombreux dès l’origine, et peutêtre même exister sur la quasi-totalité des parcelles, sans que ces aménagements originels aient laissé de traces repérables dans les phases suivantes. Les parcelles pour lesquelles la présence initiale d’un jardin au fond de la parcelle est attestée sont trois des quatre lots (orientées ouest-est) du centre de l’îlot : • la Casa di Nettuno ed Anfitrite (V, 6-7) ; • la Casa del Mobilio Carbonizzato (V, 5) ; • la Casa del Sacello di Legno (V, 31). Sur ces trois habitations, seule la Casa del Mobilio Carbonizzato conservait son jardin en 79.59 Ce viridarium - que nous avons présenté dans une partie précédente60 - était agrémenté d’une peinture de jardin, aujourd’hui effacée, mais documentée par la couverture photographique réalisée par W.
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Jashemski en 1964. Un sanctuaire domestique s’appuyait par ailleurs contre le mur du fond (oriental), dans l’axe des fauces et de la baie du tablinum, permettant ainsi aux pénates de surveiller à la fois l’entrée et les principales pièces à vivre. Dans la Casa del Sacello di Legno, l’espace du jardin avait été totalement couvert et transformé en salle de réception dès le début de l’époque julio claudienne (peintures de IIIe style tardif). En revanche, dans la Casa di Nettuno ed Anfitrite, il s’agissait toujours d’un espace en plein air (8), mais dans lequel les éléments minéraux et aquatiques avaient remplacé définitivement la végétation (fig. 221). L’installation de banquettes maçonnées et de revêtements de marbre avaient transformé l’ancien jardin en triclinium d’été, visible depuis la rue, ainsi que depuis les principales pièces de vie de la maison.61 La réminiscence de l’ancien viridarium persistait à travers les peintures de jardin qui couvraient les murs, ouvrant ainsi la perspective vers une nature fantasmée, mais domestiquée.62 Ce phénomène de disparition des jardins au profit de cours dallées ou plaquées de marbre, agrémentées de jets d’eau est bien connu et documenté : H. Dessales le qualifie de « pétrification » de l’espace de dégagement et note que les premières manifestations en sont précoces à Herculanum, puisqu’elles apparaissent dès le milieu du Ier siècle.63 Cette évolution serait sensible sur plusieurs sites italiens, dans la seconde moitié du Ier siècle, ainsi à Vulci (Casa del Criptoportico), Bolsena (Maison au nymphée), mais aussi en Narbonnaise (Fréjus, Maison de la place Formigé).64 D’autres maisons présentaient un viridarium en 79. Celui de la Casa del Gran Portale (V, 35 : pl. 32) était aménagé dans l’espace (12), où il était visible depuis la salle de réception (1), le cubiculum (4), une petite pièce à la décoration particulièrement soignée et la luxueuse pièce 6 (diaeta à fond bleu) par une baie. Cet espace, surélevé de 0,80 m par rapport au niveau de sol de la maison, présentait encore les colonnes de tuf, semi-engagées dans le mur oriental, de l’ancien péristyle de la Casa Sannitica. Il se trouvait donc à l’exact emplacement d’un ancien espace extérieur paysagé. Cette cour était agrémentée d’un bassin relié à une citerne souterraine. Au centre de l’espace est aménagée une bouche de citerne et dans l’angle sud-ouest se trouve le puits de sortie des eaux pluviales auxquels sont branchées deux canalisations : l’une pour acheminer les eaux de la gouttière dans la citerne, l’autre pour le déchargement l’évacuation du trop-plein dans la rue.
L’ESPACE DOMESTIQUE : AMÉNAGEMENTS D’INTÉRIEUR ET RÉFLEXIONS SUR L’ENVIRONNEMENT DOMESTIQUE
Fig. 221. Casa di Nettuno ed Anfitrite, triclinium d’été (espace 8) mur est. Cliché A. Dardenay (2022).
Dans cette cour-jardin, les jeux aquatiques constituaient le centre du dispositif ; la surélévation du niveau de sol de cet espace permettait d’en profiter pleinement depuis les principales pièces de vie et de réception de la maison (fig. 222). Son positionnement, non au fond de la parcelle mais à l’entrée de la maison, près des fauces, rappelle celui du jardin de la petite maison dite de Pinarius Cerialis (III 4.b) à Pompéi. Il semblerait que dans les maisons où la distribution des accès est assurée
non par une cour, mais par un couloir de desserte, la cour, placée en position latérale, soit souvent contiguë à la pièce principale de réception. Ainsi, la cour, close, mais à ciel ouvert, constitue le prolongement de l’espace de réception et offre souvent une fontaine monumentale en élévation, adossée à un mur. L’exemple de la Casa del Gran Portale constitue un des exemples les plus anciens de ce principe d’organisation fréquemment attesté dans des domus des IVe et Ve siècles.65 Ainsi qu’en témoignent les photos prises par W. Jashemski en 1964, les murs qui entouraient cet espace étaient entièrement ornés de peintures de jardin, dont il ne reste rien aujourd’hui (fig. 223). Pour achever ce panorama, le cas du jardin de la Casa dell’Atrio Corinzio (V, 30 : pl. 26) est particulièrement intéressant, parce qu’il permet d’observer une tendance forte en Italie et dans les provinces à partir de l’époque impériale, tout en restant assez unique dans l’insula V d’Herculanum. Installé à l’entrée de la maison, il témoigne d’un processus de conversion de l’atrium en espaces plus plaisants, aménagés de fontaines, jets d’eau, plantes et éventuellement portiques (fig. 224).66 Ce type de transformation est très net à Pompéi après 62,67 mais il en existe des attestations plus précoces, dès l’époque augustéenne parfois, en Italie ou en province. Ces plans dérivent peut-être de ceux des villas, dans lesquelles on pénétrait dans le péristyle avant d’accéder à l’atrium, ainsi que nous l’expose Vitruve,68 et comme en témoigne le plan de la villa dei Misteri à Pompéi. Cette tendance traduit un désir fort de faire entrer la nature dans la maison, dont témoigne également la vogue des peintures de jardin. L’empreinte du modèle fauces-atrium-tablinum est si forte dans la tradition des études pompéiennes
Fig. 222. Casa del Gran Portale. La cour/jardin (12). A droite, détail de la bouche de citerne et des canalisations. Clichés M.-L. Maraval (2015).
233
3.3
Fig. 223. Casa del Gran Portale, cour/jardin (12), mur est. Vestiges effacés des peintures de jardin documentés par W. Jashemski en 1964. Cliché M.-L. Maraval (2015).
Fig. 224. Casa dell’Atrio Corinzio, espace 10, depuis l’angle sud-ouest, vers la porte de la pièce 1 et les fauces. Cliché M. Binns (2012).
– et plus largement des études urbaines – qu’on désigne parfois, à tort, ces espaces paysagés comme « atria ». C’est manifestement le cas à Herculanum, pour la Casa dell’Atrio Corinzio, dont le petit portique agrémenté de jets d’eaux, d’un bassin et de plantes vertes, est qualifié d’« atrium corinthien » depuis sa découverte et sa publication par A. Maiuri.69 Son originalité fut toutefois immédiatement reconnue, la désignation de cet espace a été choisie pour baptiser cette habitation (fig. 224). Lors de construction de la maison- sur une parcelle surélevée par les remblais de l’édifice précédent – l’espace central était articulé autour d’un impluvium et bordé d’un portique soutenu au centre par six colonnes de tuf. Plus tard, à l’occasion de restructurations mises en oeuvre dans la dernière phase de l’édifice, l’impluvium fut détruit et l’espace central aménagé en petit jardin d’agrément autour d’une fontaine cruciforme, à la manière d’un péristyle. La surélévation de la maison par rapport à ses voisines, et à la voirie, permettait d’offrir pleinement ce jardin à la vue du passant ou du visiteur qui pénétrait dans la domus.
on considère généralement que leur culte se rendait dans de petits sanctuaires domestiques. La typologie de ceux-ci variait, de la simple niche pour les plus modestes, au sanctuaire maçonné pour les plus luxueux, sans oublier toute une gamme de sanctuaires de bois, dont la taille et la mobilité variaient tout autant.75 De longue date, ces sanctuaires ont été désignés sous le nom de « laraires » dans l’historiographie moderne et contemporaine, bien que ce terme n’ait été que fort peu en usage à l’époque romaine, les Latins les nommant généralement sacrarium ou aedicula.76 Depuis le siècle dernier, plusieurs corpus de laraires ont été publiés,77 suivis d’études de synthèse 78 qui nous aident à mieux percevoir ce phénomène et son importance dans la vie quotidienne des Romains, la place qu’ils occupaient dans les maisons, ainsi que leur rôle de cohésion de la cellule familiale.
Les sanctuaires domestiques Figures essentielles de l’espace domestique, les divinités peuplaient la maison et en supervisaient les activités, comme le rapporte un si grand nombre de sources latines.70 Au centre de ce dispositif, les Lares (Lares familiares), divinités protectrices du foyer,71 présentaient également une fonction topique72 et délimitaient à la fois l’espace physique de l’habitation qu’ils protégeaient et le champ d’action des Pénates.73 Si, en théorie, Lares et Pénates résidaient partout dans la demeure,74
234
Implantation des sanctuaires domestiques Parmi les questions les plus débattues, celle de la répartition et de l’éventuelle duplication des lieux de culte au sein de la maison s’avère particulièrement délicate et parfois clivante, car les frontières des unités d’habitation au sein d’un édifice ne sont pas toujours évidentes à définir. De plus la structuration des cultes domestiques et leur organisation intrafamiliale et générationnelle ne sont pas toujours claires (entre principes théoriques et pratiques effectives), sans compter qu’elles n’étaient pas forcément figées. Dans son ouvrage de 1991, Th. Fröhlich a souligné le caractère polymorphe des cultes domestiques dans les cités vésuviennes, qui serait selon lui la manifestation d’une séparation entre d’une part, des cultes concernant la communauté humble de la
L’ESPACE DOMESTIQUE : AMÉNAGEMENTS D’INTÉRIEUR ET RÉFLEXIONS SUR L’ENVIRONNEMENT DOMESTIQUE maisonnée (esclaves et affranchis) et d’autre part, le culte orchestré par le dominus. Les laraires peints (avec représentation des Lares entourant le Genius), souvent aménagés dans les espaces de service de l’habitation, rassembleraient les plus humbles membres de la familia, alors que le dominus et ses proches parents honoreraient les Pénates, dans un des espaces de représentation de la familia, autour d’une niche, d’un laraire maçonné (ou d’un meuble de bois). Reprise par d’autres chercheurs, cette distinction aurait permis de souligner les différences de statut, tout en s’assurant de la loyauté des esclaves et affranchis – en charge du culte des Lares et du Genius – au dominus et à sa maison.79 Toutefois, dans des travaux plus récents, cette organisation dichotomique des cultes domestiques au sein d’une maisonnée est très largement contestée.80 Ainsi, l’analyse des vestiges matériels met en évidence l’absence d’un schéma généralisé et l’organisation des cultes domestiques devait être aussi variée qu’il y avait de foyers.81 Et la multiplication des sanctuaires dans la maison pouvait répondre à des nécessités purement fonctionnelles. Ainsi W. Van Andringa, citant Caton, rappelle que la coutume voulait que le maître de maison préside les sacrifices domestiques à l’exception des cultes rendus in compito, aux carrefours et surtout in foco, sur le foyer, autrement dit à destination des Lares.82 Voilà sans doute pourquoi peuvent se trouver plusieurs sanctuaires dans la maison, et pourquoi des peintures de laraires - comme celle de l’appartement à l’étage de la Casa di Nettuno ed Anfitrite (V, 6-7) - se trouvent peintes au-dessus de certains foyers.83 Typologie des sanctuaires de l’insula V Il est extrêmement difficile de déterminer exactement le nombre de sanctuaires domestiques attestés à Herculanum.84 En effet, si certains sont facilement identifiables (édicules maçonnés ou en bois, sanctuaires identifiables par la présence de peintures ou de statuettes caractéristiques), nombre d’entre eux pouvaient se présenter comme des niches, dont l’identification s’avère très problématique. En effet, si quelques-unes, malheureusement trop rares, présentent des caractéristiques propres aux sanctuaires domestiques, la plupart ne peuvent être distinguées des simples niches servant à ranger ou poser du mobilier d’usage domestique (lampes, vaisselle, etc.).85 Les éléments permettant d’identifier une niche comme sanctuaire domestique sont les suivants : • la découverte in situ de statuettes de Lares et ou Pénates,
• la découverte in situ de peintures caractéristiques (Lares, Genius, serpents). Plus incertains et fragiles sont les critères suivants : • habillage en stuc de la niche pour figurer un édicule ou une voûte à coquille, • insertion d’une tegula pour agrandir le support. Selon que l’on intègre, ou non, les deux derniers critères, on obtient une estimation variant entre 54 laraires (tous types confondus) sur l’ensemble de la cité pour l’estimation haute et environ 30 pour l’estimation basse.86 De fait, l’appareil ornemental découvert in situ ne rend guère favorable la quête des sanctuaires domestiques d’Herculanum. A l’échelle du site entier, seules cinq peintures de laraires ont pu être identifiées.87 De plus, rares sont les découvertes de statuettes de Lares et Pénates trouvées in situ, mentionnées dans le GSE. Etant donné l’état de la documentation, il n’est donc ni prudent ni sérieux de s’aventurer à fournir des données statistiques (tab. 14). L’inventaire des aménagements et objets en lien avec les cultes domestiques, attestés dans l’Insula V, est présenté dans le tableau n°14 et reflète leur caractère sporadique : sur vingt-neuf unités d’habitations identifiées dans cette insula, dix-neuf n’ont livré aucune trace de sanctuaire domestique, c’est-à-dire quasiment les deux tiers. Il est difficile, sur la base de tels éléments, de proposer une synthèse sur les cultes domestiques à Herculanum. Quoi qu’il en soit, ces données extraites de l’insula V sont conformes à ce que l’on observe à l’échelle du site. On remarque tout d’abord la rareté des sanctuaires maçonnés (cinq en tout dont deux dans l’insula V88) ou celle des sanctuaires en bois (quatre sur le site, dont deux dans l’insula V).89 Pour les aménagements plus humbles, le constat est identique : seules cinq peintures « de laraires » sont attestées sur le site90 (dont trois se trouvent dans l’insula V). C’est pourquoi il est si difficile de distinguer, parmi les niches, celles qui étaient destinées à accueillir des cultes domestiques. Concernant les statuettes, les inventaires du Musée de Naples et de l'Antiquarium di Ercolano offrent de nombreux exemples de divinités ayant pu compter au nombre des Pénates, mais les défauts de localisation rendent toute analyse périlleuse. Quant aux statuettes de Lares proprement dites, elles sont fort rares (quatre exemplaires91). Pour ce qui est des statuettes, la situation n’est pas particulièrement spécifique à Herculanum et, toutes proportions gardées, le constat est à peu
235
3.3 Unité d’habitation
Sanctuaire en niche
Edicule maçonné
Edicule en bois
Peintures de culte
Statuettes de culte
V, 1, Casa Sannitica V, 2, Cenaculum V, 3, Casa del Telaio V, 5, Casa del Mobilio Carbonizzato
Jardin
V, 6-7, Casa di Nettuno ed Anfitrite
Atrium
Atrium
V, 6, Cenaculum ou appartement d’hiver
Cuisine étage Au-dessus foyer : Lares
V, 8, Casa del Bel Cortile V, 9-12, Casa dell’Apollo Citaredo V, 13-14, Cenaculum
Pièce 44
V, 15-16, Casa del Bicentenario
Deux niches dans la cuisine (13)
Pièce 44. Lares et serpent
Statuette en bois dans la niche
V, 17, Cenaculum en rdc V, 18, Cenaculum
Pièce 52
Pièce 53
Statuette féminine marbre rouge niche pièce 52
V, 19-20 V, 21 V, 22, Cenaculum V, 23 V, 24, Casa della Colonna Laterizia
Atrium (espace 7)
Atrium (espace 7)
V, 25 V, 26 V, 27 V, 28 V, 29
Statuette de Lare
V, 30, Casa dell’Atrio Corinzio V, 31, Casa del Sacello di Legno
V, 32 V, 33, Casa con Giardino V, 33a, Cenaculum V, 34 V, 35, Casa del Gran Portale
Tab. 14. Les sanctuaires domestiques dans l’insula V.
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Pièce 2
Pièce 2 dans meuble : Hercule, déesse, patère
L’ESPACE DOMESTIQUE : AMÉNAGEMENTS D’INTÉRIEUR ET RÉFLEXIONS SUR L’ENVIRONNEMENT DOMESTIQUE près identique pour Pompéi, avec seulement trente ensembles statuaires rattachés à des sanctuaires domestiques, pour environ huit cents habitations.92 Ainsi peut-on dire tout au plus que les attestations archéologiques des cultes domestiques à Herculanum confirment et complètent celles observées à Pompéi.93 Pour le reste, comme souvent, ce sont les cultes des gens aisés qui ont laissé le plus de traces, confirmant ainsi le statut privilégié des habitants des maisons du centre de l’insula V : Casa di Nettuno ed Anfitrite, Casa del Mobilio Carbonizzato, Casa del Sacello di Legno. Nous savions aussi déjà pouvoir ranger dans cette catégorie, grâce à la qualité du décor et du mobilier, les habitants du cenaculum V, 18.94 En revanche, l’absence de traces d’édicules maçonnés ou de bois ne devra pas être interprétée comme un signe de bas standing : entre le mobilier emporté par les habitants lors de leur fuite, et celui détruit lors du cataclysme et plus tard, lors des excavations des Bourbons, les pertes et les manques sont énormes. Ainsi, il faut considérer comme perdus les sanctuaires domestiques de la Casa Sannitica, de la Casa del Bicentenario, de la Casa dell’Atrio Corinzio, et de tant d’autres habitations d’Herculanum. Le cas du sanctuaire maçonné de l’atrium de la Casa di Nettuno ed Anfitrite Attardons-nous un moment sur le cas, intéressant bien que médiocrement conservé, du sanctuaire maçonné qui fut construit, à l’époque flavienne, dans l’angle nord-ouest de l’atrium de la Casa di Nettuno ed Anfitrite (pl. 9). En effet, peu de vestiges en sont conservés, à part le massif in situ, et nous n’avons aucun élément provenant de l’architecture de la partie haute du petit monument (fig. 225). Cet imposant laraire maçonné et plaqué de marbre fut découvert dans un état très altéré lors des fouilles d’A. Maiuri en 1933. Concernant ce regrettable état de conservation, l’hypothèse la plus probable est que ce laraire, appuyé contre le mur nord, aurait été fortement endommagé par les excavations commissionnées par les Bourbons au XVIIIe siècle. L’enquête menée par A. Allroggen-Bedel a révélé que les fouilleurs se trouvaient dans cette maison au printemps 174695 et qu’au moins deux cunicoli traversaient la maison, dont l’un transperçant le mur nord à l’emplacement du laraire : dans les journaux de fouille (GSE), à la date du 19 avril 1933, est mentionnée la découverte du massif du laraire, dont la partie haute aurait été détruite par le passage d’un tunnel sous les Bourbons.96 À la même date, est signalée la découverte, tout près de ce massif, de deux statuettes de bronze, l’une figurant un chameau (n o 1059) et
l’autre un petit hermès de bronze (no 1060).97 Il est possible que ces deux statuettes aient fait partie de l’instrumentum du laraire (fig. 226). Après consultation des corpus de laraires campaniens publiés,98 nous avons opté pour une architecture assez générique99 : l’épaisseur et la largeur du soubassement sont données par les vestiges de maçonnerie in situ ; quant à la hauteur, on suppose que le plan de l’autel devait se trouver à environ 1,20 ou 1,30 m du sol, pour permettre à un homme debout de réaliser ses rituels (fig. 226). En couronnement, il est possible d’envisager un couvrement à fronton supporté par quatre colonnettes, dont les exemples abondent dans les laraires maçonnés campaniens.100 Étant donné que le laraire n’est pas collé contre le mur nord, la partie au-dessus de la base aura une composition symétrique, comme s’il était au milieu d’une pièce. Enfin, l’autel pourrait avoir été fermé par de petits volets de bois, comme celui de la Casa del Menandro à Pompéi (I 10, 4).101 Concernant le décor du laraire, les GSE signalent, à la date du 20 avril 1933, la présence de nombreux fragments de marbre qui jonchaient le sol dans l’angle nord-ouest de l’atrium, lesquels sont attribués d’emblée à l’ornement de l’autel domestique. Nous avons retenu l’hypothèse, la base du massif présentant elle-même des éléments de placages de marbre. C’est ainsi que l’évocation du laraire le représente entièrement recouvert de marbre, bien que les parallèles soient rares102 et qu’il offre ainsi un luxe un peu extravagant, surtout quand on considère la grossièreté du pavement. Mais le décor peint de l’atrium était en cours de réfection,103 ainsi, peut-être qu’un laraire de marbre tout neuf, lui aussi, venait afficher un regain de fortune du dominus ? Un autre problème de restitution est posé par les trois trous d’ancrage présents dans le sol à trois des angles du laraire (fig. 225). Ces quadrilatères de marbre blanc évidés en leur centre sont insérés dans le béton formant le sol de l’atrium. De quel aménagement pourraient-ils être la trace ? Nous avons envisagé, pour le moment, plusieurs solutions ; une première hypothèse (H1) verrait la trace d’un aménagement antérieur au dernier état et dont nous ignorons tout. Dans l’éventualité où cet aménagement serait bien contemporain du laraire, nous avons formulé deux propositions : soit une petite barrière maintenue par trois montants fichés dans ces trous d’ancrage (H2), soit des piliers simples ou couronnés de figures hermaïques (H3). Les deux pinakes de marbre découverts dans l’atrium en 1933, constituent eux aussi un élément de décor luxueux de cet espace.104 Dans les GSE, ils sont signalés à la date du 20 avril, comme
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3.3
Fig. 225. Casa di Nettuno ed Anfitrite, atrium. Vestiges du massif du laraire qui se trouvait dans l’angle nord-est de l’atrium. Clichés M.-L. Maraval (2014).
ayant été découverts à proximité de l’autel et A. Maiuri, dans son ouvrage de 1958, proposait de les restituer comme ornement du laraire. Mais faute de parallèle archéologique - et de réponse satisfaisante à la question de savoir où les deux
pinakes de marbre pourraient être restitués dans l’architecture du laraire - nous avons renoncé à les y insérer. En dépit de ces incertitudes et de son mauvais état de conservation, ce sanctuaire maçonné - le
Fig. 226. Laraire maçonné et plaqué de marbre de la Casa di Nettuno ed Anfitrite. Détruit au XVIIIe siècle par un tunnel d’excavation, il a fait l’objet d’hypothèses de restitutions dans le cadre du programme ANR Vesuvia (Archéovision/ANR VESUVIA© 2017).
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L’ESPACE DOMESTIQUE : AMÉNAGEMENTS D’INTÉRIEUR ET RÉFLEXIONS SUR L’ENVIRONNEMENT DOMESTIQUE
Fig. 227. Rez-de-chaussée de la Casa di Nettuno ed Anfitrite avec simulation du champ de protection visuelle des divinités du laraire (A. Dardenay/ M.-L. Maraval).
plus luxueux de ceux découverts à Herculanum en raison de ses plaquages de marbre105 - est un monument exceptionnel. Sa présence s’harmonise parfaitement avec l’ensemble du décor de cette maison, de surface relativement modeste, mais entièrement redécorée avec une certaine pompe dans les années 70.106 Le même goût pour un luxe un peu tapageur s’exprimait dans le triclinium d’été, aménagé dans l’ancien hortus, et dont le sol et les banquettes furent eux aussi ornés de plaques de marbre107 (fig. 221). La question de la position du sanctuaire dans l’habitation La position du, ou des, sanctuaire(s) domestique(s) dans la maison était supposée permettre aux divinités de surveiller la quasi-totalité des pièces, ainsi que la porte d’entrée. C’était ainsi une des attributions principales des Lares familiares, qui étaient attachés à la protection du territoire couvert par la maison, jusqu’à la porte d’entrée.108 Plusieurs études ont mis en évidence les effets d’un « champ de protection visuelle » dont le laraire était le point névralgique, sans que ce type de dispositif soit systématique.109 Le sanctuaire maçonné situé dans l’atrium de la Casa di Nettuno ed Anfitrite ne permettait pas aux Pénates de « regarder » vers les fauces et la porte d’entrée de l’habitation (fig. 227). En revanche, ce laraire, situé dans l’angle nord-ouest de l’atrium, était tourné vers l’intérieur de l’habitation, dont il « protégeait » tous les espaces du rez-de-chaussée. On pourrait formuler la même observation à propos du sanctuaire de bois de la Casa del Sacello di Legno, qui se trouvait dans la pièce 2. En revanche, le sanctuaire maçonné au fond du jardin de la Casa del Mobilio Carbonizzato était bien tourné vers l’entrée de l’habitation110 (fig. 228) et était même visible de la rue (fig. 118), selon le principe d’implantation observé dans plusieurs habitati-
Fig. 228. Rez-de-chaussée de la Casa del Mobilio Carbonizzato V, 5 avec simulation du champ de protection visuelle des divinités du laraire.
ons de Pompéi, telles que la Casa del Sarno (I 14, 7), ou la Casa del Principe di Napoli (VI 15, 7/8). L’implantation choisie dans la Casa del Mobilio Carbonizzato peut paraître la plus judicieuse, du point de vue de l’extension du champ de protection visuelle, qui couvre tout le rez-de-chaussée et se trouve dans l’axe de la porte d’entrée (fig. 228). A contrario, dans la Casa di Nettuno ed Anfitrite, la porte d’entrée se trouve totalement en dehors du champ de protection. Ce résultat est sans doute le fruit d’un arbitrage mûrement réfléchi de la part du propriétaire des lieux, qui a voulu entièrement restructurer son hortus en un luxueux triclinium d’été aux banquettes recouvertes de marbre. Le point focal de ce « nymphée triclinium » était la mosaïque dite de « Neptune et Amphitrite »,111 insérée dans le mur oriental, et visible depuis la rue grâce au jeu d’alignement et d’ouverture des parois (fig. 229). Ainsi ce n’est pas le laraire maçonné qui s’encadrait dans l’axe de la porte d’entrée – ainsi que c’est le cas, par exemple, dans la Casa del Mobilio Carbonizzato, mitoyenne de celle-ci – mais une scénographie de type aquatique. Quant au sanctuaire domestique, qui devait faire la fierté du propriétaire des lieux, il était visible des convives installés dans le triclinium d’été et plus largement de tous ceux qui circulaient dans les espaces de séjour de la maison. C’est vers ces pièces, et vers ceux qui les occupaient, qu’était orienté le « champ de protection visuelle » de ce laraire. Ce type de configuration n’est pas isolé. Ainsi, l’organisation interne de la Casa di Nettuno ed Anfritrite et la planification des points de vue et champs de vision sont très comparables à celles de la domus de Marcus Lucretius à Pompéi (IX 3, 5.24).112 Dans l’axe de la porte d’entrée fut édifiée une fontaine à escalier en cascade alimentant un bassin circulaire disposé juste devant, dans un viridarium peuplé de nombreuses statues. 113 Quant au laraire maçonné, il fut érigé dans l’angle
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3.3 Des salles à manger ?
Fig. 229. Casa di Nettuno ed Anfitrite, vue depuis le seuil. Cliché A. Dardenay (2015).
sud-ouest de l’atrium, où le champ de protection visuelle se déployait en direction des pièces à vivre du rez-de-chaussée, du jardin, des salles de réception, mais sans englober la porte d’entrée. Tout comme dans la Casa di Nettuno ed Anfitrite, le sanctuaire domestique était invisible depuis la rue, mais le passant pouvait en revanche admirer les splendides aménagements aquatiques, grâce à une perspective visuelle traversant l’atrium et le tablinum jusqu’au fond du jardin.114 Dans les deux maisons on observe par ailleurs, dans le décor pictural, un choix de thèmes figurés en lien avec l’eau (nymphes, mythe de Narcisse) qui accentuent cette atmosphère spécifique. Avec ce type d’aménagement, le propriétaire des lieux souhaite donner de lui-même une image ostentatoire, dans un cadre propice à l’otium, plus proche des canons de l’architecture domestique hellénistique que du mos maiorum romain. Quoi qu’il en soit, il est possible que la porosité formelle et architecturale entre l’« édicule fontaine » et l’ « édicule laraire »115 ait entrainé, dans certaines habitations, une substitution du laraire par une fontaine, dans la position de point focal du champ de vision depuis l’extérieur.
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Les questions liées à la détermination des fonctions des espaces de vie de la maison romaine ont déjà été abordées en introduction et au cours du premier chapitre. Nous avons vu que les pièces n’avaient généralement pas de fonction figée, mais que celles-ci pouvaient abriter toute une série d’activités domestiques (repas, sommeil, toilette, tissage, pédagogie, préparation des repas, repos, réception, conciliabule, etc.), qui pouvaient varier en fonction de nombreux paramètres : les moments de la journée, les usages saisonniers, la composition et les besoins de la maisonnée.116 Il n’en reste pas moins que certaines pièces, par leur ampleur et la richesse de leur décor semblaient servir, une partie du temps au moins, de salle de réception (fig. 230). En effet, parmi toutes les pièces de vie qui composent les maisons romaines, il en existe certaines dont les vastes dimensions, les programmes ornementaux - mais aussi certaines caractéristiques de structuration du décor et de l’architecture - semblent indiquer qu’elles étaient destinées à abriter des repas festifs. Il est d’usage de nommer ces pièces triclinium, pour celles qui paraissent agencées pour accueillir les repas ou parfois œcus, quand il semble que le décor et l’organisation reflètent de manière moins vivace l’atmosphère des banquets. E. Leach a identifié plusieurs vocables dans les sources pour désigner la salle à manger des notables : œcus, triclinium, cenatio, cenaculum. Pour elle, ces différents termes pourraient désigner différents types d’espaces destinés à recevoir, selon les circonstances (grande réception, repas intime), voire selon les saisons.117 Toutefois ces termes ne peuvent systématiquement convenir aux habitudes domestiques liées aux repas dans les habitations plébéiennes. Aussi, à l’instar de P. Allison – qui y est revenue après avoir tenté de mettre au point une nouvelle terminologie118 – j’utilise le terme de triclinium (tout comme tablinum et cubiculum) par convention architecturale, et non pour attribuer une fonction particulière et immuable à ces espaces. La présence de tels lieux dans l’espace domestique est très ancienne et bien antérieure au monde romain, puisqu’ils sont inspirés de l’andron que les riches Romains ont emprunté à la maison hellénistique et adjoint à la maison italique, en même temps que le péristyle. 119 Les fouilles de Pella, capitale de Macédoine, ont révélé tout un quartier de luxueuses habitations du IVe siècle av. J.-C. qui combinaient vaste péristyle et larges salles de réception. La « domus pompeiana »120 emprunte à la koinè hellénistique non seulement cette architecture domestique tournée vers l’otium, mais aussi son décor, que l’on désigne
L’ESPACE DOMESTIQUE : AMÉNAGEMENTS D’INTÉRIEUR ET RÉFLEXIONS SUR L’ENVIRONNEMENT DOMESTIQUE
Fig. 230. Restitution du triclinium 7 de la Casa di Nettuno ed Anfitrite par le programme ANR VESUVIA© (Infographie : M.L. Maraval ; 3D : Archéotransfert).
en Italie, sous le nom de Ier style pompéien – alors qu’il est essentiellement un avatar du « style de grand appareil » de la koiné hellénistique121 – et dont la Casa del Fauno à Pompéi offre une des transpositions les plus anciennes (milieu du IIe siècle av. J.-C.). Une des spécificités les plus remarquables des andrones hellénistiques, et qui sera elle aussi transposée dans le triclinium romain, est la récurrence de la présence dionysiaque, sous une forme figurée ou métonymique.122 L’importance de ce répertoire iconographique dans les habitations hellénistiques et romaines a été interprétée, par P. Zanker, comme la manifestation d’une aspiration générique à la félicité domestique.123 Cette « épiphanie dionysiaque » dans le triclinium n’a toutefois rien de contraignant, et nombreuses sont les salles à manger où la présence du dieu ou des figures de son thiase ne se manifestent pas.124 Ainsi, dans l’insula V d’Herculanum, quelques pièces, par leur position, leur taille et leur ouverture vers un jardin pourraient laisser supposer une fonction de salle de réception, mais seules trois d’entre elles étaient ornées de sujets figurés de la sphère dionysiaque : la pièce 2 de la Casa dell’Atrio Corinzio (deux tableaux : Enfance de Dionysos ; Ariane et Dionysos), la pièce 1 de la Casa del Gran Portale (tableau : Dionysos et Silène) et la pièce 18, à l’étage de la Casa Sannitica (dont le sol était orné d’un emblema à motifs dionysiaques).125 Ceci montre qu’il n’y a
pas de lien nécessaire et direct entre une pièce et les images qui l’ornent, du point de vue fonctionnel en tout cas.126 En revanche, l’idée de la contribution du décor à la mise en œuvre d’une atmosphère particulière dans les salles de réception pourra être retenue (fig. 231). De nombreux travaux ont d’ailleurs cherché à identifier les règles qui auraient pu régir la conception de ces programmes iconographiques, sans qu’un consensus émerge : atmosphère dionysiaque, célébration des vertus viriles, exempla, mise en scène de l’amoenitas et de l’otium, de la félicité domestique et conjugale ou encore reflet de la culture du propriétaire et enfin héroïsation des activités quotidiennes des membres de la familia.127 En réalité, la pluralité des programmes ornementaux observés encourage à écarter les grilles de lecture préétablies – dont aucune, aussi savamment pensée qu’elle soit, n’est apte à interpréter tous les décors de salle de réception – pour admettre que chaque décor est unique, pensé en fonction des goûts du propriétaire, de son milieu social ; voire même de propriétaires successifs, dans le cas de décors chronologiquement hybrides. Une autre voie d’interprétation de l’utilisation de certaines pièces comme salle à manger passe par l’identification du mobilier et plus largement, de l’instrumentum domesticum, qui a pu y être mis au jour. On ne reviendra pas ici, sur tous les problèmes que pose la mise en œuvre de cette
241
3.3
Fig. 231. Les thèmes figurés dans les pièces interprétées comme salles de réception de l’insula V d’Herculanum.
Unité d’habitation V, 1, Casa Sannitica V, 5, Casa del Mobilio Carbonizzato V, 6, Casa di Nettuno ed Anfitrite V, 22, Cenaculum
Espace de découverte Nb d’ex. Pièce 18, étage 1 Pièce 8, rdc 2 Pièce 7, rdc 1 étage 1
V, 30, Casa dell’Atrio Corinzio
Pièce 2
3
V, 31, Casa del Sacello di Legno V, 31, Casa del Sacello di Legno
Pièce 2, rdc Pièce 18, étage
1 1
Mobilier associé Coffre et statuettes Table Trois coffres avec tablettes
Table; armoire/aedicula détruite Coffre avec tablettes ; détruite banc
Tab. 15. Banquettes découvertes dans l’insula V. Unité d’habitation V, 1-2, Casa Sannitica V, 5, Casa del Mobilio Carbonizzato V, 5, Casa del Mobilio Carbonizzato V, 19 V, 21 V, 35, Casa del Gran Portale
Pièce Pièce 3, cubiculum Pièce 3, cubiculum Pièce 4, tablinum Pièce 3 Pièce 2 Pièce 1, triclinium
Tab. 16. Inventaire des niches pour banquettes dans l’insula V.
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Conservation détruite 1 conservée + 1 détruite conservée conservée (placé en V, 17) détruites
Nombre de niches 2, paroi nord et sud 1, paroi ouest 1, paroi nord 1, paroi est 1, paroi est 2, parois ouest et est
L’ESPACE DOMESTIQUE : AMÉNAGEMENTS D’INTÉRIEUR ET RÉFLEXIONS SUR L’ENVIRONNEMENT DOMESTIQUE méthode à Herculanum, en raison des perturbations subies par les habitations lors du cataclysme de 79, puis lors des excavations par cunicoli au XVIIIe siècle et lors des phases de fouilles successives.128 L’expérience menée par P. Allison à Pompéi, a, par ailleurs, révélé les difficultés et les limites d’une telle approche.129 En dépit de ces difficultés, on pourrait spontanément penser que la présence de banquettes (lecti, lits, klinai130) dans de vastes salles, bien décorées, pourrait laisser penser que ces dernières servaient de salle à manger. Dès lors, un inventaire des banquettes in situ pourrait permettre d’identifier un certain nombre de ces espaces. Après tout, l’étymologie du terme « triclinium » est rattachée au mobilier qui y était disposé.131 Mais une première difficulté se manifeste alors : il est à peu près certain que les mêmes banquettes servaient à la fois à dîner et à dormir. En tout cas, aucune distinction entre l’une et l’autre fonction n’a pu être mise en évidence dans l’étude de ces meubles.132 Toutefois, dans son inventaire des banquettes d’Herculanum, S. Mols propose d’interpréter la fonction du meuble d’après la pièce dans lequel il fut découvert.133 Par cette méthode, il répartit les onze exemplaires conservés en cinq lits pour dormir et six banquettes de repas. Cependant, sa méthode d’interprétation montre ses premières limites quand il s’agit d’identifier la fonction de sept autres banquettes, dont il ne sait si la pièce qui les abritait pouvait servir de salle à manger ou de chambre.134 Aux exemplaires conservés, il faut ajouter douze banquettes, découvertes lors des fouilles des XIXe et XXe siècles, mentionnées dans les journaux de fouilles, mais non conservées par la suite.135 En réalité, si on ajoute à cet inventaire toutes les banquettes qui furent (sans doute) détruites lors des excavations des Bourbons au XVIIIe siècle et tous les pieds de lits qui furent découverts lors des fouilles à ciel ouvert du XIXe siècle, et non conservés, il est certain qu’il y avait beaucoup plus de banquettes à Herculanum, que le petit nombre aujourd’hui identifié, et dont je liste, dans le tableau ci-contre, les exemplaires attestés dans l’insula V (tabl. 15). Pour les mêmes raisons, les longues niches qui sont aménagées dans la partie basse de certains murs, et qui permettaient d’insérer des banquettes de bois, sont attestées aussi bien dans des petits que dans des grands espaces, il ne s’agit pas donc pas d’une spécificité structurelle permettant d’interpréter certaines pièces comme des salles de réception, ni des chambres (tabl. 16). Notons par ailleurs, à propos de ces niches, que tous les exemples attestés à Herculanum se trouvent dans l’insula V, sans que cette particula-
rité architecturale puisse être, pour l’heure, expliquée.136 P. Allison dans un article publié en 2015 et portant sur l’identification des espaces destinés aux repas dans la maison romaine avait procédé à un tel inventaire dans un échantillon de maisons de Pompéi – pour les banquettes et les niches – dont le résultat indique une même répartition que celle observée à Herculanum.137 P. Allison note ainsi que l’on trouve principalement les banquettes dans trois espaces du rez-de-chaussée (triclinium, cubiculum, tablinum) ainsi qu’à l’étage.138 Quant aux niches, elles se trouvent réparties, sauf exception entre triclinium et cubiculum.139 Ce qui ressort de cette analyse est que ni la position des banquettes, ni la présence de niches d’insertion dans les murs ne permettent de présumer de la fonction des espaces dans lequels elles étaient installées. Ne serait-ce que parce que les banquettes étaient alternativement utilisées pour manger et dormir et qu’elles pouvaient être facilement transportées d’une pièce à l’autre. Aussi, l’étude de ce dossier indique-t-elle finalement que ces espaces pouvaient indifféremment servir à dormir ou à manger selon les circonstances, les saisons ou les heures du jour, en fonction de la présence – ou non – de personnes étrangères à la maisonnée, ainsi que cela se pratique, de nos jours encore, dans les pays du Maghreb140 (fig. 232). Quant aux repas quotidiens, on ne sait pas vraiment ni où, ni comment ils se déroulaient. Les travaux de K. Bradley et ceux de H. Sigismund Nielsen suggèrent que le concept de « repas familial » était étranger aux Romains,141 en tout cas sous la forme qu’il adopte dans nos sociétés occidentales contemporaines, où il s’agit, pour la famille d’un moment d’échange, mais aussi de transmission des valeurs partagées par les parents. Il ressort également de ces travaux, qu’il n’existait pas de pièce spécifique pour la prise des repas, lesquels pouvaient être pris, individuellement ou à plusieurs, selon les circonstances, dans n’importe laquelle des pièces de la maison142 ou même dehors.143 D’après certaines sources antiques, les femmes et les enfants, au moins, s’asseyaient sur des chaises ou des tabourets pour manger,144 mais P. Allison note peu de témoignages à Pompéi, autre que des banquettes, qui puissent avoir servi pour s’asseoir au moment du dîner, tout en admettant que ces fragiles vestiges n’ont peut-être pas été préservés ou identifiés au moment des fouilles.145 Le tablinum : un espace de transition ? Parmi les espaces de la maison que l’on estime, traditionnellement, aisément identifiables par
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3.3
Fig. 232. Salon traditionnel marocain (Maison médinale, Moulay Idriss). Les banquettes sont disposées en U le long des murs. Elles servent à la fois à dormir et à prendre les repas. Les mets sont disposés sur de petites tables, souvent rondes, installées au centre. Cliché A. Dardenay (2018).
leur position et leur architecture spécifique, le tablinum tient une place de choix. Dans les demeures de plan italique, on le situe ainsi dans l’axe des fauces et de l’atrium, dont il occupe le fond et sur lequel il s’ouvre largement, puisqu’il est dépourvu de paroi en façade. L’association « tablinum/tablettes du maître de maison » devient un lieu commun chez les savants du XIXe siècle.146 Or c’est précisément à cette époque que, après la redécouverte de Pompéi, on s’attache à plaquer sur le plan des maisons pompéiennes le vocabulaire de l’architecture domestique puisé chez Varron ou Vitruve. Piranèse est l’un des premiers à se prêter au jeu, suivi par Mazois, puis tant d’autres après eux.147 On entre alors dans un fonctionnement circulaire, où il s’agit d’interpréter les textes d’après les vestiges et réciproquement. Dans ce jeu, le texte de Vitruve tient une place de choix, puisqu’il s’agit du plus complet. Mais on oublie trop souvent le contexte sociologique dans lequel ces travaux du XIXe siècle trouvent place. C’est en effet à la même époque, qu’en Europe, se fige un rapport pièce/fonction dans la maison des élites. Jusqu’ici, les espaces de vie étaient plurifonction-
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nels, mais à partir du XIXe siècle, on attribue, d’abord dans les demeures les plus riches, des fonctions attitrées à la plupart des pièces : chambre à coucher des parents, chambres des enfants, salon de lecture, salle à manger, bureau du maître de maison.148 C’est dans cette atmosphère, et probablement, en partie en raison de cette influence, que les travaux contemporains sur la planimétrie de la maison romaine figent le couple pièce/fonction dans un rapport très rigide ; le tout étant scellé par une terminologie latine empruntée aux auteurs de la fin de l’époque républicaine et du début de l’époque impériale. C’est ainsi que le tablinum devient le local où sont conservées les tablettes du maître de maison – ce que l’archéologie contredit fermement, en tout cas pour l’époque impériale.149 Par ailleurs, pour certains historiens le tablinum serait, aussi, le lieu de la salutatio, ce dont les derniers travaux montrent que ce n’est pas du tout évident.150 En définitive, et toutes les études archéologiques menées ces dernières années le montrent clairement : cette pièce n’avait pas de « fonction » attitrée et se prêtait à abriter la plupart des activités
L’ESPACE DOMESTIQUE : AMÉNAGEMENTS D’INTÉRIEUR ET RÉFLEXIONS SUR L’ENVIRONNEMENT DOMESTIQUE domestiques (repas, sommeil, conversation, stockage, parure et cosmétique, etc.) Mais si le tablinum n’avait pas de « fonction » fixe et spécifique à proprement parler, dans l’économie domestique, il joua toutefois, pendant plusieurs siècles, un rôle important dans la scénographie de l’habitation, en contribuant à construire une mise en scène harmonieuse et prestigieuse de l’entrée de la maison, visible depuis la rue. Deux exemples, dans l’insula V d’Herculanum, paraissent révélateurs du rôle de l’architecture du tablinum dans la conception du plan de la maison. Dans la dernière phase d’occupation du site, à partir du séisme de 62, des divisions sont opérées dans deux grandes maisons de l’insula V : la Casa del Bicentenario (V, 13-16) et la Casa con Giardino (V, 33). Le posticum de la Casa del Bicentenario est transformé en habitation indépendante, connue sous le nom de Casa del Bel Cortile (V, 8 : voir pl. 35). Des travaux sont alors réalisés qui permettent de déplacer la porte d’entrée pour la placer en face de la cour et on construit, dans l’axe, entre la porte et la cour, un minuscule tablinum en élevant deux parois latérales. Avec ce « pseudo-tablinum » et une construction axiale porte/tablinum/cour, on donne ainsi une forme d’authenticité et de « grandeur » à la planimétrie de l’habitation. On observe un phénomène architectural similaire dans la Casa del Gran Portale (V, 35), quand cette dernière devient une habitation indépendante de la Casa con Giardino après 62 p.C. (voir pl. 34). A cette occasion, on lui aménage son propre portail d’accès, sur la decumanus inferior. Or, la nouvelle porte d’entrée est percée exactement en face de la belle salle de réception 1, qui, dans l’ancienne configuration de la grande maison de l’angle sudest de l’îlot, adoptait la fonction de triclinium ouvert sur le péristyle (fig. 147). Ce triclinium se trouve donc, dans la planimétrie de la nouvelle Casa del Gran Portale auquel il est rattaché, recevoir l’emplacement symbolique du tablinum, dans l’axe des fauces. Afin de renforcer la noblesse de cet espace et donc de l’entrée de la maison, les nouveaux habitants ont conservé son décor raffiné de IIIe style tardif (fig. 149 et fig. 150). Un autre exemple, toujours dans l’insula V, pourrait être ajouté : dans la Casa di Nettuno ed Anfitrite (V, 6-7), un très petit tablinum (pièce 3) est aménagé dans l’axe des fauces et de l’atrium (pl. 9). Pourvu d’une large ouverture dans la paroi du fond, il orchestrait la vue en perspective, depuis la rue, vers le nymphée-tricinium (7) et offrait une vision parfaitement dégagée de la mosaïque pariétale figurant « Neptune et Amphitrite » (fig. 99). En revanche, la surface de la pièce est tellement restreinte qu’il est impossible de s’y installer
pour recevoir un visiteur ou d’y placer des banquettes pour manger, par exemple. 151 Il s’agit donc d’une permanence, plus symbolique que fonctionnelle du tablinum, qui sert essentiellement des objectifs scénographiques. Ces observations apparaissent, à première vue, contradictoires avec celles formulées à Pompéi par B. Tamm152 et E. Evans,153 qui remarquent la suppression du tablinum entre atrium et péristyle dans les habitations de taille modeste. D’autre part, alors qu’à cette époque le tablinum passait de mode dans les demeures des plus riches et des notables,154 sa fossilisation dans de petites habitations de membres de la classe moyenne d’Herculanum n’est pas sans intérêt. Un autre témoignage de l’attachement au tablinum peut être signalé dans la Casa del Bicentenario : quand la grande habitation est démantelée, le péristyle est alors sacrifié et divisé en plusieurs pièces (pl. 12). En revanche, on ne touche pas au tablinum (16) dont le décor ancien de IIIe style final est même soigneusement préservé et entretenu. Quand la Casa Sannitica (V, 1-2) est amputée de la partie est de sa parcelle, cédée alors au propriétaire de la grande Casa con Giardino, la maison perd son hortus/péristyle (pl. 5). Le tablinum (4) est toutefois conservé en l’état. Le même choix a été opéré dans la Casa dell’Apollo Citaredo (V, 9-12) à l’occasion de la cession de la partie sud de la parcelle à l’habitation mitoyenne. Et dans l’insula VI, les deux domus à péristyle (Casa del Salone Nero et Casa del Colonnato Tuscanico) gardaient leur tablinum ; de même dans l’insula III, où le tablinum est toujours présent dans la Casa del Tramezzo di Legno. A Herculanum les exemples de transformations attestés dans l’insula V témoignent donc, plutôt, de la prééminence du tablinum sur le péristyle et/ou l’hortus (ou tout autre espace de l’otium situé à l’arrière de la maison). En revanche, les plus grandes demeures d’Herculanum, celles situées sur le front de mer, rompent avec l’ancienne axialité atrium/tablinum/péristyle et organisent différemment la planimétrie en se passant de tablinum.155 En effet, cet espace est absent dans la Casa dei Cervi, la Casa dell’Atrio a Mosaico, la Casa del Rilievo di Telepho, et la Casa della Gemma (pl. 1), ainsi qu’on l’observe également dans nombre des riches demeures de la dernière phase du site de Pompéi. Dans la Casa dei Vettii par exemple, le tablinum est remplacé par un aménagement en quinconce de la colonnade du fond de l’atrium et de celle du portique du péristyle, qui produit un effet visuel de tripartition en perspective plongeante, comparable à celui que l’on obtient avec un tablinum ouvert sur les deux versants, mais plus spectaculaire.
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3.3 Cette pièce, particulièrement lumineuse grâce à sa double exposition, pouvait être aussi exposée aux intempéries, en raison de l’ouverture de la paroi du fond vers un espace en plein air (jardin ou péristyle), c’est pourquoi les baies arrière étaient généralement pourvues de volets. Quant à l’avant de la pièce, il pouvait être fermé à l’aide de rideaux, de paravents ou de cloisons de bois, amovibles ou non.156 Certains dispositifs architecturaux ou ornementaux mis en œuvre dans quelques maisons de l’insula V, laissent supposer la « destination » de quelques-unes de ces pièces en espace de réception. Ainsi dans la Casa dell’Apollo Citaredo (V, 9-12), la trame décorative du sol de marbre de la salle qui occupe l’emplacement du tablinum (6) laisse voir des bandes latérales qui devaient correspondre à l’emplacement de couchettes placées le long des murs157 (pl. 11). Par ailleurs, le mur du fond du tablinum, au sud, étant mitoyen avec l’habitation voisine (Casa del Bel Cortile, V, 8), il n’est pas percé d’une ouverture comme dans les dispositifs caractéristiques des maisons italiques. Un autre exemple, celui de la Casa Sannitica (V, 1-2) rompt avec l’aménagement traditionnel du tablinum, dans la dernière phase du site. Initialement, au moment de la construction de l’habitation au IIe siècle av. J.-C., le tablinum était positionné selon le schéma traditionnel, entre atrium et péristyle. Mais durant le Ier siècle ap. J.-C. des modifications sont mises en œuvre dans la planimétrie et un muret est élevé à la limite entre tablinum et atrium, marquant une clôture physique entre les deux espaces158 (pl. 5). Deux ouvertures y ont toutefois été percées : une baie centrale pour l’éclairage et la vue perspective, ainsi qu’une porte latérale dans l’ouverture initiale et un passage - plus étroit - conservé dans la partie orientale de la paroi. Ces modifications peuvent correspondre à un changement de statut de la pièce et à sa transformation en salle de réception isolée de l’espace d’accueil de la demeure. Ces observations liées à la transformation architecturale et ornementale du tablinum en salle de réception s’inscrivent dans un phénomène plus large de mise en évidence des témoignages liés à l’usage, au moins ponctuel, des tablina comme salle à manger. Rappelons ainsi que les découvertes de banquettes (mais aussi tables et coffres) ne sont pas rares dans les tablina, aussi bien à Pompéi qu’à Herculanum.159 Dans ses recherches sur les origines du plan canonique de la maison italique, V. Jolivet a émis l’hypothèse qu’initialement, le tablinum pouvait être un espace « mixte » ou « tampon » de la maison, abritant alternativement activités masculines et féminines.160 Une telle vision s’accorde pleine-
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ment avec les recherches les plus récentes, qui privilégient un partage de l’espace domestique entre hommes et femmes, non du point de vie spatial, mais en fonction des heures de la journée. 161 Pour évidente qu’elle puisse paraître aujourd’hui, l’hypothèse d’un tel usage de la pièce venait à l’encontre du locus communis (dans l’historiographie traditionnelle) selon lequel le tablinum, « bureau du maître de maison », était l’espace viril de la maison par excellence : celui de l’exaltation des valeurs traditionnelles du dominus, et notamment de sa virtus et de son auctoritas. Mais depuis les travaux de V. Jolivet, plusieurs études sur la répartition des objets dits « féminins » dans la maison pompéienne et notamment les recherches de R. Berg sur les « mundus muliebris assemblages »162 sont venues renforcer cette interprétation du tablinum, comme espace central et « non-genré » des activités domestiques, quelles qu’elles soient. Le cubiculum et la question de l’intimité Traditionnellement, on nomme « cubicula » les petites pièces fermées réparties latéralement de part et d’autre de l’atrium ou du péristyle.163 Le cubiculum n’a pas de fonction particulière dans l’espace domestique, il peut potentiellement accueillir toutes les activités domestiques, comme la plupart des autres pièces d’ailleurs. Ce n’est pas nécessairement, ni uniquement une chambre à coucher. En revanche, son identification reste utile sur la base de critères architecturaux : • dimensions (surface modeste à moyenne), • présence d’une alcôve avec voûte surbaissée, • présence d’une niche dans le mur pour insérer une banquette, • pas de décor-type sur les murs. Au cours des recherches menées dans le cadre de sa thèse sur les espaces de sommeil (« Sleeping Areas ») dans la maison romaine, L. Nissin a dressé un inventaire, à Herculanum, des pièces susceptibles d’avoir servi de chambre à coucher. 164 Dans cet objectif, elle a tout d’abord recherché, dans les archives de fouilles, les mentions de la localisation des lits dans les habitations. Cette démarche rejoint donc celle réalisée par P. Allison pour identifier, à Pompéi, des salles à manger à partir de la localisation des banquettes.165 Dans la mesure, où les découvertes de meubles sont sporadiques, et pas toujours bien documentées, et que les banquettes – qui rappelons-le, ne servent pas qu’à dormir166 - trouvent place dans différents types de pièces, la méthode
L’ESPACE DOMESTIQUE : AMÉNAGEMENTS D’INTÉRIEUR ET RÉFLEXIONS SUR L’ENVIRONNEMENT DOMESTIQUE produit des résultats très discutables,167 selon le propre aveu de l’auteur, qui admet en conclusion qu’on ne peut se fonder sur la localisation des banquettes, ni même des niches, pour identifier des espaces de sommeil.168 Plus féconds sont les travaux d’A. Anguissola sur les « espaces intimes » dans la maison romaine. Sa thèse, publiée en 2012, portait sur le cubiculum dans la littérature et l’architecture, à travers l’examen d’un certain nombre d’exemples de Pompéi. Selon les sources antiques, dans le cubiculum, avaient lieu toutes les activités qui requéraient silence et intimité, parmi lesquelles, en premier lieu, le repos.169 Ces pièces nommées cubicula étaient aussi le théâtre des aspects les plus secrets et privés de l’existence, tout comme ceux du travail et des affaires. Mais, ils sont aussi un lieu de sociabilité, pour un nombre restreint de convives. En revanche, les mêmes sources enseignent très peu sur la position des cubicula à l’intérieur de l’habitation. Pour l’étude portant sur les vestiges archéologiques, A. Anguissola a isolé des spécificités architecturales (alcôve, niche) permettant de constituer un corpus d’espaces cohérent.170 Sans surprise, c’est dans les demeures les plus riches que se trouvent les cubicula à alcôve, typiques de la fin de l’époque républicaine et dont l’architecture très particulière se trouve au cœur de son argumentation. C’est aussi dans les vastes habitations qu’A. Anguissola peut analyser certains « groupes de pièces » à la lueur des phénomènes d’articulation architecturale, de circulation interne et de détermination de zones réservées à l’intimité dans la planimétrie de la demeure.171 Ainsi, le cubiculum envisagé par A. Anguissola dans ses travaux appartient aux maisons d’un certain standing. Son approche commence avec le cubiculum tel qu’il est décrit dans les sources littéraires, et donc par des notables vivant généralement dans de belles et vastes demeures, dans lesquelles ils recevaient beaucoup. Son étude, met ainsi en évidence les usages que faisaient les notables de cette pièce et donc son caractère plurifonctionnel (sommeil, repas, conversation, sexe, etc.) ; l’étude met en évidence un dénominateur commun : les activités « in cubiculo » requéraient un certain isolement, une intimité et y être admis était un privilège172 ; il s’agissait donc d’une pièce où ne pouvaient entrer que ceux qui y étaient autorisés.173 La société romaine reposait sur un système clivant inclusion/exclusion, dont le cubiculum était une pièce maîtresse dans le dispositif de l’espace domestique. Par ailleurs, dans les grandes demeures, son positionnement contribuait à créer des parcours au sein de la maison.
Selon les résultats de l’étude architecturale, aucune autre pièce ne montre une adaptation aussi rapide aux nouvelles modes décoratives. Cette constatation permet de souligner que si le cubiculum est un espace de sommeil, il s’agit surtout d’une pièce de réception, de mise en scène de soi, de ses goûts, du luxe, de la culture, de son style de vie. Le soin apporté à ce type d’espace se vérifie même dans les plus petites demeures. Son décor sert donc de source d’investigation sur les goûts des différents groupes sociaux à Pompéi. Le principal problème, me semble-t-il, de cette grille de lecture est de mesurer jusqu’à quel point cet usage « aristocratique » du cubiculum s’est diffusé au sein des élites municipales de Pompéi et d’Herculanum. Dans les habitations plus modestes, la multifonctionnalité et le changement de statut des pièces dans le temps – qu’A. Anguissola repère déjà dans les maisons de l’élite – est encore plus prégnante. Et il est plus difficile de mettre en évidence, sur de petites surfaces, une zone de l’intime. On serait malgré tout tenté de positionner ce type d’espace « intime » à l’étage, non seulement en raison de l’isolement de ces pièces par rapport à la zone d’entrée et d’accueil, mais aussi en raison du soin et de la sophistication apportée – le plus souvent – au décor des cubicula aménagés à l’étage des habitations. Un autre indice plaidant en ce sens est que le lieu privilégié pour la conservation des archives familiales se trouve être, presque systématiquement, un cubiculum de l’étage, sous un lit ou dans une armoire, ce qui permettait de les mettre à l’abri des regards curieux. Questions de standing. Le statut des pièces et appartements situés à l’étage des édifices La préservation relativement correcte des étages des habitations à Herculanum, comparativement à la situation dans d’autres sites d’époque romaine, permet de mener - à une échelle assez large pour être significative - des observations sur le standing des pièces aménagées dans les étages supérieurs. Initialement, le noyau de ces étages, et en tout cas un de leur premiers développements en contexte campanien, a pu être l’édification de prestigieuses salles à manger – dites « cenaculum à colonnade » – au dessus du tablinum (de préférence). Nous avons eu l’occasion, dans un chapitre précédent, d’étudier le glissement sémantique qui avait pu s’opérer, à propos du vocable cenaculum, entre l’usage originel qui servait à désigner les salles de réception à l’étage des demeures, vers l’acception plus tardive qui recou-
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3.3 vrait la désignation des appartements aménagés à l’étage des maisons (selon le même mécanisme de glissement que l’on observe pour le terme « appartement » dans la langue française).174 Dans le cas de l’insula V d’Herculanum, les plus anciens étages disposaient généralement (mais pas systématiquement175) d’une telle pièce. D’ailleurs sur les quatre exemples attestés sur le site, trois se trouvent dans cet îlot : Casa Sannitica (V, 1), Casa del Mobilio Carbonizzato (V, 5) et Casa del Sacello di Legno (V, 31) : fig. 176, 178 et 212. Architecturalement parlant, ces salles d’étage présentent des caractéristiques communes entre elles et avec les vingt-cinq exemples attestés à Pompéi176 : ces cenacula sont construits dans des habitations de plan italique, de préférence au-dessus du tablinum et donnent, à travers une large colonnade, sur l’atrium, plus rarement sur le péristyle ou sur la rue. Elles étaient pourvues d’un accès particulier, via un escalier aménagé spécialement pour y accéder. Varron écrit que la salle qu’on appelait cenaculum était située « dans le plus haut étage de la maison » et qu’elle tenait ce nom du fait qu’on avait pris l’habitude de s’y installer pour prendre ses repas.177 Ce qui soutient l’hypothèse d’une utilisation, au moins ponctuelle, comme salle de réception. D’autres acceptions du terme dans la littérature latine, postérieures à Varron, soulignent l’extention du terme à des pièces en hauteur, dans lesquelles un hôte de marque peut être dignement reçu.178 On ne sait presque rien du décor de ces cenacula à colonnade, car quasiment tous les vestiges de ces salles se sont effondrés, même à Herculanum. On suppose toutefois qu’il s’agissait de salles lumineuses, dans certains cas pourvues d’une double exposition, sur l’atrium et le péristyle ; sans doute luxueuses, elles participaient à la qualité du standing de l’habitation et en rehaussaient le prestige. La colonnade, visible depuis la rue quand la porte était ouverte, signalait au passant la présence d’une telle salle et impressionnait le visiteur dès l’entrée. Dans la Casa Sannitica, le prolongement en trompe-l’œil de la colonnade - grâce à une imitation en stuc de ce dispositif dans la partie supérieure des trois autres parois de l’atrium - participait de cette mise en scène (fig. 141 et 142). Examinons le cas de deux des plus anciennes maisons de l’insula, dont le plan varia peu depuis leur construction, si ce n’est par une augmentation de la surface des étages : la Casa del Mobilio Carbonizzato (V, 5) et la Casa del Sacello di Legno (V, 31). Ce sont deux maisons qui vécurent repliées sur elles-mêmes et figèrent une organisation planimétrique héritée de la phase tardo-républicaine.
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Afin d’accroître la luxuria du cadre domestique, l’une et l’autre furent pourvues d’un cenaculum à colonnade à l’étage au-dessus du tablinum et donc dans l’axe de l’entrée, au début de l’époque impériale.179 Il est intéressant de noter la contemporanéité des opérations de surélévation dans les deux domus, sans qu’il soit possible d’en tirer de réelles conséquences, notamment du point de vue patrimonial. Il peut s’agir, tout simplement, d’un cas d’émulation, voire de rivalité entre deux propriétaires soucieux d’afficher leur respectabilité et leur fortune. Une autre similitude de ces deux maisons est que ni l’une ni l’autre ne fut jamais équipée d’une cuisine à plan maçonné au-rez-dechaussée. Leur plan a donc perpétué, pour l’essentiel, des normes républicaines. La question du standing et des stratégies de circulation dans l’habitation est également observable en ce qui concerne la hauteur des portes. Dans la Casa del Mobilio Carbonizzato (V, 5), deux portes desservent le couloir 10 (fig. 233 et 234). La première permettait d’accéder à l’escalier menant au cenaculum à colonnade, situé à l’étage ; la seconde menait à un espace de service (espace 6 : 2,52 x 2,73 m) dont seul un décapage permettrait de dire s’il pouvait abriter des latrines et/ou une cuisine.180 On constate que la porte menant à l’espace sous l’escalier est beaucoup plus basse que celle menant vers la prestigieuse salle de réception de l’étage. Ce dispositif est un indice assez net de la hiérarchisation des accès par la hauteur des portes181 et constitue peut-être une trace de la mise en place de différents parcours, dans la maison, en fonction du statut des individus qui la fréquentent.182 En plus de ces cenacula à colonnade (qui demeurent une exception dans l’architecture domestique), de vastes salles pouvaient servir de salle de réception d’étage. Leur architecture pouvait être plus sobre, mais l’ornatus tout à fait soigné. Plusieurs exemples en sont identifiables dans l’insula V d’Herculanum, qui partagent des caractéristiques pouvant permettre de les ranger dans cette catégorie : une surface d’au moins 16 m2, un décor soigné aussi bien sur le sol que sur les parois (les plafonds d’étages ne sont pas conservés), voire du mobilier ad hoc.183 C’est ainsi qu’il est possible d’avancer que la pièce 18 du cenaculum V, 2 pouvait servir de salle de réception, une hypothèse confortée à la fois par le raffinement du décor IVe style à fond noir des parois et par la présence d’un rare emblema figuré à sujet dionysiaque au centre du pavement.184 Il s’agit du seul emblema de mosaïque à représentation figurée découvert dans un pavement à Herculanum.185 La thématique dionysiaque renvoie à une atmos-
L’ESPACE DOMESTIQUE : AMÉNAGEMENTS D’INTÉRIEUR ET RÉFLEXIONS SUR L’ENVIRONNEMENT DOMESTIQUE
Fig. 233. Casa del Mobilio Carbonizzato, espace 6, vue des deux portes depuis l’escalier menant à la salle de réception de l’étage. Cliché M.-L. Maraval (2012).
phère de banquet, sans qu’une telle image ne fige les fonctions de la pièce à un tel usage, bien entendu. La présence de cet emblema indique simplement, de manière vraisemblable, que cette pièce pouvait servir, entre autres, de salle à manger. On pourrait émettre la même hypothèse pour d’autres pièces d’étage, comme la pièce 16 de la Casa di Nettuno ed Anfitrite (V, 6-7, fig. 235)186 ou les pièces 14 et 15 de la Casa del Bel Cortile (V, 8). Toutes sont ornées de peintures de IVe style particulièrement soignées. Un autre trait commun entre tous ces espaces est leur accessibilité grâce à un couloir de desserte en encorbellement, qui permettait de circuler entre les différentes pièces de l’étage et de les desservir, sans passer par les portes qui permettaient d’accéder de l’une à l’autre en enfilade (ce dispositif est très clair à l’étage de la Casa del Bel Cortile). La desserte via le maenianum construit en surplomb sur la rue permettait donc aux esclaves d’assurer un service à la fois efficace et discret dans ces pièces. Les maeniani répondaient également à d’autres besoins dans l’ergonomie de l’espace domestique : quand ils n’étaient pas cloisonnés en couloir, ils permettaient d’augmenter la surface d’une pièce (par exemple V, 6-7, pièce 15) ou bien d’y installer un espace de stockage ou encore des latrines (V, 6-7, espace 18).187 Sans entrer ici dans un inventaire systématique – l’analyse des édifices menée dans les chapitres précédents ayant permis de mettre en évidence les caractéristiques de chaque étage – signalons que les pièces situées dans les étages sont, dans la plupart des cas, d’un standing moyen à élevé, d’après l’analyse des décors conservés.188 Rappelons, par ailleurs, que presque tous les fonds d’archives mis au jour à Herculanum proviennent de
cubicula d’étage, où ils étaient conservés soit dans un coffre sous le lit, soit dans une petite armoire attenante (par exemple dans la pièce 18 à l’étage de la Casa del Sacello di Legno, mais également dans celle située au fond du cenaculum V, 22). Au risque de basculer dans l’anachronisme, on ne peut s’empêcher de penser à ces pièces des habitations médiévales qui servaient, la nuit, de chambre à coucher, mais étaient très utilisées durant la journée pour prendre ses repas, étudier, écrire ou recevoir de la visite. Les mentions ne manquent pas dans la littérature et l’iconographie médiévale, de lettrés, plongés dans des travaux d’écriture, dans le confort et la chaleur de leur lit189 (fig. 236 et 237). Par ailleurs, il est intéressant de prolonger ces réflexions sur le standing des étages à Herculanum, par une mise en perspective à l’échelle de ce que nous apprend l’analyse des modes d’habiter dans d’autres sites grecs ou romains du bassin méditerranéen. Ainsi, plusieurs études récentes sur le logement de la période hellénistique tardive à Délos ont mis en évidence les traces d’une hiérarchie spatiale à l’intérieur des habitations et ont également montré que les étages supérieurs étaient mieux décorés que des espaces du rez-dechaussée et qu’ils révélaient fréquemment des
Fig. 234. Casa del Mobilio Carbonizzato, vue des deux portes depuis le couloir (10). A gauche la porte menant à l’espace de service est beaucoup plus basse que celle de droite, menant à l’escalier. Cliché M.-L. Maraval (2012).
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3.3
Fig. 235. Casa di Nettuno ed Anfitrite, pièce 16, mur est. Cliché perche M.-L. Maraval et M.-L. Laharie (2018).
preuves d’activités de réception, mais également de l’installation des « appartements privés » des maîtres de maison.190 Les appartements de standing modeste sont les plus rares et se limitent à un très petit nombre d’appartements dont les murs des pièces sont simplement revêtus d’un enduit blanc. Il s’agit de : • l’appartement du fond de la Casa del Bicentenario (appartement sud) ; • le petit étage de deux pièces à l’arrière de la Casa di Nettuno ed Anfitrite (appartement est). Dans ces deux appartements, les murs sont ornés de simples enduits blancs, ce qui est la marque de pièces destinées à être occupées par des individus de modeste extraction. L’appartement oriental de la Casa di Nettuno ed Anfitrite, deux petites pièces en enfilade, accessibles par une échelle depuis le triclinium d’été, a livré en outre (dans la pièce 23) de nombreux graffitis témoignant des activités relevant de la logistique domestique de son ou ses occupants.191 Une autre piste d’interprétation féconde concernant la vie dans les étages des habitations campaniennes – et qui mériterait d’être explorée plus avant – est celle d’une « saisonnalité » de l’occupation de ces pièces. Sur la base de quelques
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témoignages littéraires, et notamment celui de Plutarque dans son Traité sur le froid,192 certains archéologues estiment que les diaetae (groupes de pièces) aménagées à l’étage des habitations pouvaient être destinées à une occupation hivernale, afin de bénéficier d’un meilleur ensoleillement et d’abriter plus efficacement la maisonnée des courants d’air du rez-de-chaussée.193 Une telle hypothèse permettrait d’expliquer des duplications observées dans certaines habitations, comme celle des cuisines ou du sanctuaire domestique. Un cas particulièrement frappant est celui de la Casa di Nettuno ed Anfitrite, qui duplique bien la plupart des aménagements. L’idée reste toujours, toutefois, celle d’une polyvalence des étages. Car cela n’empêche pas, bien entendu, que l’appartement de l’étage soit temporairement mis en location ou attribué à un membre de la famille, quand d’autres besoins, plus urgents, venaient supplanter celui de l’occupation saisonnière.194 LES IMAGES DANS LE DÉCOR DOMESTIQUE HERCULANÉEN La rareté des images dans les peintures murales et les mosaïques de la sphère domestique à Herculanum a été constatée dès 1976, par O. Elia,195 dans ses travaux sur la peinture campanienne. De
L’ESPACE DOMESTIQUE : AMÉNAGEMENTS D’INTÉRIEUR ET RÉFLEXIONS SUR L’ENVIRONNEMENT DOMESTIQUE fait, par rapport au corpus pompéien, qui révèle au contraire, une forte abondance des images mythologiques dans les maisons, leur présence sporadique à Herculanum est particulièrement frappante. Pour O. Elia, ce phénomène relève, plus globalement, d’une esthétique picturale très différente de celle qui caractérise l’habitat pompéien. Elle note ainsi par ailleurs, à Herculanum, un goût pour le monochrome et une tendance à l’abstraction, supposant, en conclusion, une plus grande fidélité que Pompéi aux modèles de l’Vrbs. Poursuivant cette analyse, A. Allroggen-Bedel remarquait, elle aussi la préférence pour les monochromes et la moindre importance des images et suggérait que cette esthétique dérivait d’une tradition qui avait pu se former à travers les commandes publiques, comme les décors IIIe style de la « Palestre » d’Herculanum.196
De fait, à Herculanum, les compositions à panneaux monochromes, dont les champs centraux ne montrent aucun motif ni tableau, ne sont pas rares. Quant aux architectures, elles se déploient très souvent en zone supérieure, plutôt qu’en zone médiane. En d’autres termes, le IVe style tel que défini à partir du répertoire pompéien est assez différent de celui qui apparaît dans le répertoire herculanéen. Toutefois, ce n’est pas le corpus d’Herculanum qui est atypique, mais plutôt celui de Pompéi. Nulle part ailleurs dans l’Empire, on n’observe, semble-t-il, une telle présence des images mythologiques dans la maison. Cela a été plusieurs fois observé par la confrontation avec les décors contemporains d’autres cités et régions de l’Empire.197 De fait, la variété des formules et des compositions picturales encourage à parler, pour cette période, de « peinture flavienne » plutôt que de IVe style.
Fig. 236. Etudier et écrire au lit, du Liber Florigerus. Paris, Bibliothèque Mazarine, ms. 753, f.9, vers 1260
Fig. 237. Cydippe écrit à Acontius, d’après Ovide, Héroides. Paris, Bibliothèque Nationale, ms. Franç. 875, f. 124v, 1496-1498. D’après Frugoni 2018, fig. 14, p.37.
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3.3 Par ailleurs, au-delà de ces questions purement stylistiques, l’originalité d’Herculanum réside aussi dans la plus haute qualité formelle des systèmes décoratifs, que plusieurs historiens de l’art antique ont identifiés comme étant supérieurs à ceux de Pompéi.198 De toute évidence, le travail d’aucun atelier de peintre actif à Pompéi n’a pu être mis en évidence à Herculanum. En dépit de la proximité géographique, les peintres n’ont pas circulé entre les deux cités.199 Un minutieux travail de comparaison de schémas décoratifs et des « mains » de peintres200 a été entrepris par quelques spécialistes de peinture antique, permettant d’identifier deux ateliers actifs à Pompéi en 79 (celui de la via Castricio et celui de la « Casa dei Vettii »201), et un atelier à Herculanum (l’atelier de la « Casa del Atrio a Mosaico »202). Ces résultats ne sont pas exclusifs, et d’autres ateliers – à l’activité plus sporadique ou moins facilement identifiable – furent sans doute actifs, ponctuellement, dans l’une et l’autre cité.203 Pour Herculanum, il est probable que certains peintres et artisans venaient de Naples, étant donné la faible distance.204 L’atelier de peintres dont le travail a été identifié à Herculanum par D. Esposito et baptisé « Officina della Casa dell’Atrio a Mosaico » - aurait eu un fonctionnement hiérarchisé. 205 Ainsi, d’après D. Esposito, cet atelier, composé d’un noyau fixe de décorateurs, aurait été scindé en deux équipes, oeuvrant sur des commandes différentes. La première, dont D. Esposito reconnaît le travail dans quelques prestigieuses pièces de réception de la Casa dei Cervi ou de la Casa dell’Atrio a Mosaico, serait particulièrement douée pour les compositions architecturales sur fond monochrome (bleu ou noir). La seconde équipe se serait spécialisée dans les décors plus simples, destinés à des pièces secondaires des demeures de l’élite, ou au décor des habitations de la classe moyenne. Elle réalisait surtout des « compositions à panneaux » et utilisait, d’une maison à l’autre, le même répertoire de motifs ornementaux. C’est ainsi que D. Esposito a identifié dans plusieurs pièces de différentes habitations de l’insula V, le travail de cette « seconde équipe » de l’ « Officina della Casa dell’Atrio a Mosaico » : • • • • • •
Casa del Mobilio Carbonizzato (V, 5), Casa di Nettuno ed Anfitrite (V, 7), Casa del Bicentenario (V, 15-16), Casa dell’Apollo Citaredo (V, 11), Casa del Bel Cortile (V, 8), Boutique (V, 17).
L’auteur remarque ainsi que grâce à cette double équipe, l’atelier pouvait intervenir sur différents types de commandes, indépendamment du quar-
252
tier ou même de la localisation géographique. L’attribution du chantier, à l’une ou l’autre équipe, dépendait ainsi du standing des pièces à orner et du type de décor commandé. En ce qui concerne les décors figurés, il est possible de remarquer, d’autre part, une importante dichotomie entre la qualité graphique des thèmes figurés et celle des compositions architecturales et ornementales.206 Ainsi, à Herculanum, les thèmes figurés sont, non seulement peu nombreux, mais presque toujours de qualité inférieure aux systèmes décoratifs. A travers l’analyse des tableaux mythologiques, A. Allroggen-Bedel a pu mettre en évidence quelques mains de « peintres d’images » (pictores imaginarii), dans des maisons différentes et des types de composition très variées. Ainsi le pictor qui a réalisé, dans le Casa Sannitica (pièce 1), le « rapt d’Europe » pourrait être le même que celui qui a réalisé le tableau figurant « Pan et une nymphe » dans la Casa del Mobilio Carbonizzato (pièce 5) et les tableaux de la salle 2 de la Casa dell’Atrio Corinzio, « Enfance de Dionysos » ( MANN inv. 9270), « Dionysos et Ariane » (MANN inv. 9271), ainsi que le tableau conservé au MANN figurant « Léda et le cygne » (inv. 27696).207 Toutes ces images sont l’œuvre d’un artisan assez maladroit dans la représentation de la figure humaine et d’un décalage très frappant avec la qualité supérieure des compositions picturales dans lesquelles ces tableaux figuraient. Cela indique manifestement le peu de cas que l’on faisait de ce type d’ornement. Eléments statistiques : les sujets figurés à Herculanum L’inventaire des décors peints et mosaïqués a été réalisé par l’équipe du programme ANR VESUVIA entre 2011 et 2014 ; il a permis d’identifier 229 thèmes figurés dans l’insula V, soit in situ, soit prélevés et conservés au MANN.208 La peinture murale accueille l’essentiel de la charge iconographique dans les maisons, les mosaïques figurées – qu’elles soient pavimentales ou pariétales – étant extrêmement rares dans les habitations d’Herculanum. En effet, seul un emblema figuré a été mis au jour (Casa Sannitica) et sept mosaïques pariétales à sujet figuré.209 Parmi ces 229 images, 73 présentent un sujet indéterminé, parce qu’illisible, effacé, détruit ou prélevé (et non retrouvé à ce jour). Les 156 images restantes se répartissent comme suit (fig. 238) : Ces données sont à mettre en perspective avec celles publiées par A. Coralini, dans son article de 2005 sur les thèmes figurés à Herculanum (fig. 239).210 Cependant, l’échantillonnage est conçu différemment, puisqu’A. Coralini a fourni des élé-
L’ESPACE DOMESTIQUE : AMÉNAGEMENTS D’INTÉRIEUR ET RÉFLEXIONS SUR L’ENVIRONNEMENT DOMESTIQUE
Fig. 238. Répartition des images par thèmes iconographiques dans les peintures et mosaïques de l’insula V d’Herculanum (in situ et alibi).
ments statistiques sur les thèmes figurés à l’échelle du site, mais seulement pour les peintures in situ, et donc sans les picturae excisae qui comportent, sans surprise, une grande majorité de tableaux mythologiques (fig. 240). Il s’agissait, en effet, des éléments de décor considérés au XVIIIe siècle comme les plus dignes d’entrer dans les collections bourbonniennes du Palais de Portici. Nous n’avons pas établi exactement les mêmes critères d’enregistrement thématique qu’A. Coralini. Ces différences révèlent une des difficultés de ce type d’analyse : d’une part la pluralité des thèmes dans lesquels peuvent s’insérer une même image ; et d’autre part, la nécessaire subjectivité qui peut intervenir au moment de l’enregistrement dans une catégorie plutôt qu’une autre. Par exemple, certaines peintures relèvent à la fois du thème « mythologique » et du thème « paysage », tandis que d’autres se trouvent à la frontière entre « nature morte » et « scène animalière » et entre « scène animalière » et « thème ornemental ». Dans ces conditions, on peut mettre en perspective les résultats obtenus pour l’insula V, en les comparant avec les données statistiques à l’échelle
du site, selon les mêmes critères et méthodes que ceux mis en œuvre pour les thèmes figurés de l’insula V (fig. 240). La confrontation entre les données iconographiques extraites de l’insula V et celles de l’ensemble du site amènent plusieurs réflexions (fig. 238 et fig. 240). Tout d’abord, on observe nettement que la plupart des thèmes apparaissent à peu près dans les mêmes proportions : • les thèmes mythologiques : 44 % dans l’insula V et 37 % sur l’ensemble du site ; • les paysages : 13 % dans l’insula V et 13 % sur l’ensemble du site ; • les scènes animalières : 9 % dans l’insula V et 13 % sur l’ensemble du site ; • les natures mortes : 9 % dans l’insula V et 11 % sur l’ensemble du site ; • ensemble d’attributs : 5 % dans l’insula V et 5 % sur l’ensemble du site. La faveur des thèmes mythologiques, mais aussi des natures mortes et des paysages, est nettement mise en évidence. D’autant que les scènes anima-
253
3.3
Fig. 239. Répartition des thèmes figurés dans les peintures in situ d’Herculanum par A. Coralini (Coralini 2005, fig. 7).
lières (animaux se poursuivant, mangeant, se reposant, bondissant, etc.) s’apparentent assez clairement à la catégorie des paysages, renforçant d’autant la présence de ces derniers dans le décor domestique. Cette concomittance confirme ainsi les analyses menées à la simple échelle de l’insula V. En revanche, le classement diffère légèrement pour les thèmes figurés suivants : • figures humaines isolées dans l’architecture : 14 % dans l’insula V et 7 % sur l’ensemble du site, • images ornementales (objets et animaux isolés dans l’architecture) : 6 % dans l’insula V et 14 % sur l’ensemble du site. Autrement dit, les peintures de l’insula V offrent deux fois plus de figures humaines isolées dans des compositions architecturales de IVe style que la moyenne du site, mais au contraire, plus de deux fois moins de petits sujets disposés sur les architectures. Cette tendance peut être interprétée comme un goût particulier, dans ce quartier d’habitation, pour des peintures scénographiques luxueuses et peuplées de personnages, telles que celle de la Casa di Nettuno ed Anfitrite ou de la Casa dell’Atrio Corinzio. Répartition des images dans le décor Organisation et hiérarchisation des images dans le décor Les images apparaissent sous différentes formes sur la paroi (le sol ou le plafond), soit sous la forme de scènes figurées, soit sous la forme de motifs isolés. Entendons-nous préalablement sur la définition à accorder à l’appellation de « scène figurée » : une scène figurée implique la combinaison d’au moins deux des éléments suivants :
254
un ou plusieurs personnages ; une action ; un paysage. On admettra donc, par exemple, qu’une image ne figurant qu’un seul personnage, qu’il accomplisse une action ou qu’il s’insère dans un paysage signifiant, est une scène figurée. Ainsi, on distingue d’une part les “scènes figurées” et d’autre part, les figures ou sujets isolés de tout contexte narratif : les figures volantes, les figures portantes, les masques, etc. Ces dernières apparaissent le plus souvent comme isolées au centre d’un panneau (les figures volantes), comme ornement d’un inter-panneau ou associées à un élément architectural (posées sur un entablement, une corniche, au sommet d’une colonne, etc.). Traditionnellement, les historiens de l’art qui se consacrent à l’étude de la peinture antique ont l’habitude de découper visuellement la paroi en zones quand ils commentent un décor. Ce découpage n’est pas arbitraire, puisqu’il suit les grandes lignes horizontales de la paroi, lesquelles correspondent à la propre scansion des peintres antiques et à leur organisation du chantier en “journées de travail” (pontate en italien). On distingue ainsi trois zones, la zone inférieure, la zone médiane et la zone supérieure (fig. 241). Verticalement, la paroi s’organise également en plusieurs parties, le plus souvent trois depuis le IIe style pompéien ; mais ce nombre n’est pas contraignant et, en fonction de la longueur du mur, on peut diviser ce dernier en trois ou cinq zones verticales, parfois plus dans un péristyle ou un couloir. Ce nombre reste toutefois souvent impair en raison de l’habitude des peintres d’organiser le décor autour d’un panneau central sur lequel ils mettent plus particulièrement l’accent, soit en lui accordant une plus grande largeur, soit en l’entourant d’un cadre architectural en trom-
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Fig. 240. Répartition des images par thèmes iconographiques dans les peintures et mosaïques d’Herculanum (in situ et alibi).
pe-l’œil (un édicule), soit en y peignant les plus belles scènes figurées. Le tableau ci-contre chiffre la répartition des images par type, dans l’insula V, par fréquence d’attestation et par rapport aux données pour tout le site (in situ et alibi)211 (tabl. 17). Comment se répartissent ces images sur la paroi ? Il est délicat de livrer des données chiffrées exactes, dans la mesure où une partie des panneaux prélevés n’ont pu être relocalisés précisément sur une paroi. Toutefois, l’échantillon disponible montre la répartition suivante (fig. 242) : Sur la paroi, le schéma de répartition laisse apparaître une nette hiérarchisation spatiale dans la disposition des images. En zone inférieure, où les thèmes figurés sont rares, l’organisation des scènes figurées en frise prédomine très largement. Pour le décorateur, ce type de frise continue sert de transition entre la zone inférieure et la zone médiane du décor. Les sujets sont alors disposés soit en frise continue, soit à l’intérieur de compartiments. La prédelle, élément de transition entre la zone inférieure et la zone médiane, revêt les mêmes caractéristiques. La zone médiane, située à hauteur d’œil, fut perçue comme l’emplacement privilégié pour
développer un répertoire iconographique plus riche et donner plus d’ampleur aux scènes figurées. C’est pourquoi les tableaux et tableautins se trouvent préférentiellement à cet emplacement. Généralement, dans les décors de IIIe et IVe styles, les tableaux sont peints dans le panneau central, et sont encadrés de vignettes, figures volantes ou tableautins dans les panneaux latéraux. Ces différents types de compositions sont attestés dans les décors de l’insula V d’Herculanum. Toutefois – ainsi qu’il apparaît dans le tableau ci-dessus – la présence de tableaux au centre des panneaux de zone médiane n’est pas si fréquente à Herculanum, où une esthétique plus sobre et dépouillée prévalait dans le décor domestique, ce qui explique l’abondance des vignettes et figures flottantes. La zone supérieure accueille assez souvent des scènes figurées sous forme de tableautins, essentiellement des scènes animalières et des paysages. Mais on y trouve aussi des figures portantes (atlantes), des figures insérées dans l’architecture ou des motifs ornementaux posés sur les bordures et entablements. D’une manière générale, on observe d’ailleurs que la zone supérieure a bien souvent reçu un développement prononcé à Herculanum, notamment dans le déploiement des compositions architecturales.
255
3.3
Fig. 241. Schéma de composition d’une paroi peinte romaine de IVe style (Réalisation A. Dardenay & M.-L. Maraval).
Le cas des décors de plafonds Mal connus car moins bien conservés, les plafonds peints et/ou stuqués étaient pourtant un élément déterminant du décor d’une pièce en venant parachever, de manière simple ou luxueuse, le programme ornemental.212 Du point de vue de la structure décorative, les décors de plafond reprennent souvent la trame des compositions des pavements de mosaïque. Il existe donc un “effet miroir” dans la maison romaine entre sol et plafond. Dans une brève synthèse sur les plafonds romains, A. Barbet notait, à propos des exemples d’Herculanum, que les compositions différaient de celles adoptées à Rome ou Pompéi, par « un goût marqué pour la plate-bande, les voûtes surbaissées, les voûtins, présentés selon des axes orthogonaux, qui créent des espaces à vivre, dont la fonction n’est pas toujours claire ».213 Elle en conclut à l’existence d’un atelier
256
Fig. 242. Répartition des images par zone de la paroi dans l’insula V. Vert olive: zone médiane 60,0%; vert clair: zone basse 3,1%; jaune: zone haute 36,9%.
L’ESPACE DOMESTIQUE : AMÉNAGEMENTS D’INTÉRIEUR ET RÉFLEXIONS SUR L’ENVIRONNEMENT DOMESTIQUE Type Tableautins Tableaux Vignettes Figures flottantes Figures dans l’architecture Médaillons Figures portantes Prédelles
Insula V 63 46 12 25 24 15 12 4
Herculanum 263 138 97 65 103 41 18 17
Frises figurées
4
30
Frise de tableautins
3
22
Tab. 17. Répartition des images par type.
local, dont l’influence au-delà du site d’Herculanum n’est pas perceptible. Si la trame géométrique et les décors à réseaux prédominent dans les plafonds, les décors figurés y trouvent également leur place. Un des points culminant de ces compositions est, en général, le décor central. Un usage perdurant dans les décors luxueux est celui de la grande figure inscrite dans un médaillon, un hexagone, ou toute autre forme géométrique, autour de laquelle s’organise toute la trame du décor. En dépit du caractère sporadique des décors conservés, signalons malgré tout, dans un souci d’exhaustivité, que douze décors de plafond (dont six figurés) sont, pour l’heure, attestés à Herculanum : • Casa dell’Atrio Corinzio (pièce 7) : Amour au centre, médaillons latéraux à monstre marin et Gorgoneion, • Casa dell’Atrio Corinzio (pièce 2) : médaillon central à décor de Gorgoneion, • Casa del Cervi (pièce 1) : médaillon central à décor de tête d’Athéna (type Scopas), • Casa del Cervi (pièce 7) : tableautins avec masques, • Casa del Colonnato Tuscanico : médaillons latéraux, • Casa dell’Alcova (pièce 23) : éléments ornementaux, • Casa del Colonnato Tuscanico (pièce 13) : Dionysos et pampres, • Casa del Colonnato Tuscanico (pièce 14) : tête lunaire et motifs ornementaux, • Casa del Salone Nero (pièce 2) : éléments ornementaux divers, • Casa del Salone Nero (pièce 5) : médaillon central à décor d’aigle, • MANN, inv. 9803 : Gorgonieon inscrit dans l’égide, • MANN, inv. 9616 : stuc figurant un Amour.
Les thèmes mythologiques Un même sujet est rarement attesté plus d’une fois dans le corpus herculanéen. Et dans le cas d’occurrences du même thème, on observe généralement une variété des schémas iconographiques.214 Cette constatation a, au moins en partie, une origine statistique, liée aux carences documentaires. A. Coralini ayant écrit plusieurs articles à ce sujet,215 dont les résultats sont très pertinents, je n’y reviendrai ici que brièvement. Sur ce type d’analyse (iconographique), il est préférable de privilégier la réflexion à l’échelle du site, plutôt que de la seule insula V. La répartition des images en plusieurs catégories thématiques, forcément arbitraires, et qui plus est, pouvant parfois se recouper partiellement, est une méthode pouvant susciter doutes et réticences. Toutefois, en optant pour des catégories génériques à la fois larges et significatives, une telle approche permet de mettre en valeur certaines tendances, qui pourront être utiles aussi bien dans la mise en évidence d’un « répertoire iconographique » du site, que des choix décoratifs orchestrés dans certaines habitations. A l’analyse des quelques 280 images mythologiques attestées dans les habitations d’Herculanum,216 émerge nettement l’écrasante présence des Pueri Veneris (Eros/Amor et Psyché) dans ce corpus : pas moins de 97 occurrences (dont 3 pour Psyché), soit près d’un tiers des images mythologiques. Ils apparaissent très souvent sous forme de vignettes et de figures volantes, parfois en tableautins et beaucoup plus rarement en tableaux. Viennent ensuite les thèmes dionysiaques, avec 72 attestations, qui se répartissent sur les mêmes types de support que les Pueri Veneris (fig. 243). Seulement ensuite, viennent les tableaux mythologiques, qui illustrent, dans la plupart des
257
3.3 Thèmes Dionysos et Ariane Abandon d’Ariane à Naxos Mars et Vénus Endymion et Séléné Léda et le cygne Persée et Andromède Polyphème et Galaté Polyphème recevant un message de Galaté Dédale et Pasiphae Elle nageant dans l’Hellespont Europe et le taureau et Amphitrite Narcisse à la fontaine Diane et Actéon Apollon et une jeune fille Apollon et Daphné Achille et Penthésilée Paris et Hélène Phèdre et Hippolyte Satyre et Hermaphrodite Poursuite amoureuse indéterminée
Nombre d’attestation 2 2 2 2 2 2 2 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1
Insula V V, 30 x2 V, 16 V, 12 V, 6
V, 16 V, 16 V, 1 V, 6
V, 12
V, 6 V, 5
Tab. 18 -Thèmes mythologiques : épisodes de récits amoureux.
cas des épisodes de récits amoureux de dieux ou héros (30 exemplaires). Les thèmes représentés, d’une grande variété, sont ci-contre (tabl. 18) : Ainsi, sept thèmes font l’objet de deux occurrences et les treize autres ne sont attestés qu’une seule fois. Mais au-delà de cette apparente disparité, la même prédilection qu’à Pompéi pour la représentation de couples amoureux doit être constatée, quoique dans des proportions nettement inférieures. Ce goût, K. Lorenz l’avait interprété dans sa thèse comme la volonté de créer dans les pièces de vie d’une habitation cette atmosphère toute particulière que confère la figuration des amours divines.217 Par ailleurs, il faut ajouter à cette liste sept thèmes qui représentent des épisodes mythologiques autres que des récits amoureux . En limitant la réflexion à l’insula V, la concentration de la plupart des tableaux mythologiques dans un nombre restreint de maisons apparaît très clairement : la Casa di Nettuno ed Anfitrite (V, 6), la Casa del Bicentenario (V, 13-16 et le cenaculum V, 18), et la Casa dell’Apollo Citaredo (V, 9-12). Mentionnons ensuite deux tableaux dans la Casa dell’Atrio Corinzio (V, 30), deux autres dans la Casa del Mobilio Carbonizzato (V, 5) et enfin un seul tableau dans la Casa Sannitica (V, 1) et dans la Casa del Gran Portale (V, 35).
258
Au total, sur 36 tableaux mythologiques attestés à ce jour dans les habitations d’Herculanum, 15 proviennent de l’insula V, ce qui représente une part tout à fait significative. La localisation de ces tableaux dans les habitations concernées fait, par ailleurs, apparaître quelques éléments : huit étaient peints dans un tablinum, 5 dans une salle de réception (triclinium ou équivalent) et 5 dans une petite pièce de vie du type cubiculum. En revanche, aucun tableau ou tableautin mythologique, dans un atrium, ou une entrée (fauces). Cette répartition correspond bien à une répartition usuelle des images entre espaces « statiques » (ceux où l’on circule) et espaces « dynamiques » (ceux où l’on reste). Les images mythologiques sont donc bien d’un élément de prédilection du décor des pièces de séjour. Signalons, enfin, une absence remarquée dans l’imaginaire domestique herculanéen : celle des thèmes épiques et des cycles héroïques. Même Hercule, pourtant héros tutélaire de la cité, n’est que peu représenté en dehors de la scène publique ou religieuse.218 On le retrouve ainsi, dans la palestre, au théâtre, et surtout dans les édifices liés au culte de l’empereur édifiés en bordure du decumanus superior (« collège des Augustales », Augusteum et cycle peint de la Basilica Noniana). Autrement dit, aucun thème figuré lié à la littérature épique grecque ou latine
L’ESPACE DOMESTIQUE : AMÉNAGEMENTS D’INTÉRIEUR ET RÉFLEXIONS SUR L’ENVIRONNEMENT DOMESTIQUE mis en évidence par R. I. Marrou.221 Puis, dans la seconde partie de son ouvrage, L. Romizzi dresse un inventaire des épisodes mythologiques attestés dans la peinture pompéienne et discute le décor des différentes salles, de manière à dégager une signification du choix des mythes dans la sphère domestique.222 Cette approche est prolongée dans la thèse de doctorat de K. Lorenz, publiée peu après l’étude de L. Romizzi.223 Dans cet ouvrage, K. Lorenz cherche à interpréter la signification des thèmes mythologiques attestés dans la peinture domestique pompéienne, à travers une démarche différente, que l’auteure qualifie de « rhétorique ». A ce titre, elle s’appuie sur les travaux d’A. Rouveret224 et de B. Bergmann,225 portant sur le rôle de la mémoire et des systèmes mnémoniques – tels que l’ars memoriae et les procédés décrits par Quintilien dans Ad Herennium – pour la conception des programmes iconographiques domestiques. Il s’agit, pour K. Lorenz, de restituer le « regard antique » sur les images de la maison et de mettre en évidence le choix éclairé et signifiant des épisodes mythologiques associés dans une pièce, afin d’y créer une « atmosphère de vie » particulière (« Lebenatmosphäre »). Il sera peut-être objecté que cette notion d’atmos-
n’a été identifié à ce jour dans le décor domestique d’Herculanum. Cette absence mérite, me semble-t-il d’être signalée, en dépit d’un évident vacuum dans la documentation.219 Le résultat de cette enquête à l’échelle du site d’Herculanum paraît édifiant : les tableaux mythologiques n’ont pas, chez les habitants de cette cité, la faveur qu’ils rencontrent chez ceux de Pompéi. Si les représentations de couples amoureux sont attestées malgré tout dans des proportions significatives, les autres épisodes de la mythologie ont une présence sporadique dans le programme ornemental des demeures. Sans compter que nombre de tableaux mythologiques, prélevés au XVIIIe siècle des parois des habitations, attendent toujours de retrouver leur contexte initial. Dans de telles conditions, il serait difficile de mener, dans l’insula V d’Herculanum, une étude des « programmes iconographiques » telles que L. Romizzi,220 puis K. Lorenz, les ont mis en œuvre dans les maisons de Pompéi. Au terme de son étude, L. Romizzi a conclu à l’existence de « programmes figuratifs », aussi bien dans les maisons des notables que dans celles des classes moyennes, qui cherchaient ainsi à s’approprier les symboles d’un statut social privilégié, comme pour le modèle du « musikos Aner »
Fig. 243. Les thèmes mythologiques dans les habitations d’Herculanum. Thème mythologique
Nombre d’attestation
Insula V
Supplice de Dircé
2
Persée tuant Méduse
1
Micon et Péro
1
Dédale et Icare
1
Amours et trépied delphique
1
V, 18
Silène et Dionysos bébé
1
V, 30
Silène et Dionysos
1
V, 35
Tab. 19. Thèmes mythologiques autres que les récits amoureux, à Herculanum et dans l’insula V en particulier.
259
3.3 phère peut paraître bien subjective et perméable aux anachronismes. Au sein de l’insula V, un exemple de construction d’une « Lebenatmosphäre » par le biais des images mythologiques peut être envisagé. Ainsi qu’il a été mis en évidence, il est possible que pendant plusieurs décennies la Casa dell’Apollo Citaredo et la Casa del Bicentenario aient constitué une même unité d’habitation. En plus d’une cohérence évidente entre les programmes ornementaux des deux édifices, on relève un jeu de résonnance autour d’une thématique commune dans le choix des tableaux ornant les deux tablina. Les compositions choisies étaient centrées sur des couples divins : Apollon et Daphnée d’une part, Endymion et Séléné d’autre part dans la Casa dell’Apollo Citaredo, Mars et Vénus, ainsi que Pasiphaé et le taureau dans la Casa del Bicentenario. Entre ces tableaux, un fil semble se tisser à travers le prisme cosmogonique du binôme Soleil/ Lune et de ses avatars et incarnations mythologiques. Dans le décor du tablinum de la Casa dell’Apollo Citaredo est fait respectivement référence à Apollon/Sol et Séléné, quand dans celui de la Casa del Bicentenario la représentation de Pasiphaé, fille d’Hélios et parfois associée à Séléné offre une résonance toute particulière à ce binôme. A cet effet de parallélisme entre les décors des deux tablina contribuent également les pavements, qui présentent tous deux le même type de composition : un pseudo-emblema d’opus sectile inséré dans une mosaïque à tesselles noires et blanches. On croit donc percevoir ici l’écho d’un programme ornemental spécialement pensé et construit qui offrait une unité visuelle cohérente et contribuait à une construction d’une atmosphère de vie homogène. En dépit des difficultés de mise en œuvre d’une telle approche à Herculanum, une étude des programmes iconographiques serait malgré tout possible. Mais pour être productive et fournir des résultats pertinents - et adaptés aux spécificités ornementales du contexte domestique herculanéen - il faudrait qu’elle soit menée à l’échelle du site et surtout qu’elle intègre non seulement les thèmes mythologiques, mais aussi tous les autres thèmes figurés (paysages, natures mortes, etc.).
5
6
7 8 9
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12 13 14
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NOTES 1 2 3 4
Joshel, Petersen 2014. Webster 2008, 116-117. Joshel 2013. C’est une des limites de la méthode quand elle cherche à identifier la « géographie du confinement des esclaves ». L’expression est de S. Camp dans ses travaux sur les esclaves d’Amérique (Camp 2004, 6-7) où
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l’auteure explique que les esclaves n’étaient pas forcément enfermés, mais que la loi, les coutumes et des idéaux, articulés entre eux, contribuaient à mettre en place des dispositifs de circulation, légitimant certains mouvements et déplacements et interdisant certains autres. Elle ajoute que ces restrictions de la liberté de mouvement permettaient d’asseoir l’autorité du maître. J. Joshel et L. Petersen en sont bien conscientes et précisent ainsi « The situation becomes more challenging with modest-size residences, where segregating spaces were simply not an option. Slaves were more readily integrated into the domestic landscape of smaller houses, making them paradoxically more difficult to find from an archaeological perspective » Joshel, Petersen 2014, 34. « The articulation of doorways was important in slave choregraphy and constituted a vital part of the context of servitude and hence the social life of the house ». Joshel, Petersen 2014, 57, à propos de l’exemple de la Casa dell’Atrio Corinzio à Herculanum. Salza Prina Ricotti 1978. Plus récemment, le dossier archéologique a été repris, à Pompéi, par Foss 1994 puis par Kastenmeier 2007. Ces tables ont largement été étudiées par Salza Prina Ricotti 1978, 239-273, puis Kastenmeier 2007, 60-61. Kastenmeier 2018, 229. Par comparaison, celle de la Casa dei Cervi (vaste et luxueuse demeure de notable sur le front de mer d’Herculanum) n’est ni plus grande, ni mieux aménagée. Sur l’aménagement des cuisines pompéiennes et l’usage qui en était fait : Kastenmeier 2007, 69-90. Maiuri 1958, 278 et fig. 221. Les ouvrages de P. Foss et de P. Kastenmeier (cités dans une note précédente) ne traitent que des cuisines de Pompéi. Celles d’Herculanum sont presque inédites, à l’exception des mentions rapides qui en sont faites dans la synthèse de Maiuri, dans le descriptif des maisons (Maiuri 1958, passim) et d’une première approche de la question (à l’échelle du site et de tous les espaces de service) dans Kastenmeier 2018. D’abord celle de Jansen 1991, puis celle, plus aboutie et plus récente de Camardo, Notomista 2015. Il ne m’a pas été possible d’accéder à cet espace, fermé pour raison de sécurité depuis 2010. Ainsi qu’on l’a montré plus haut : construction d’un second étage et cloisonnement du péristyle en plusieurs espaces, pour aménager notamment une salle de réception, une cuisine et des latrines. GSE, 8 avril 1938. Maiuri 1958, 238. Contra : Monteix 2010, 86. A propos de ce type d’espace sous un escalier et de l’usage qui pouvait en être fait au quotidien par les esclaves : Joshel, Petersen 2014, 72-74. Cette cuisine, exigüe et sombre, avec son entrée surbaissée est présentée par S. Joshel et L. Petersen comme un cas exemplaire de la négligence apportée à la conception architecturale des cuisines romaines et donc des mauvaises conditions dans lesquelles travaillaient les esclaves chargés de la préparation des repas : Joshel, Petersen 2014, 78-79. Cet exemple n’est pas isolé, voir par exemple la faible hauteur de l’ouverture ménagée pour accéder à la cuisine de la Casa di M. Lucretius Fronto (V, 4.1) à Pompéi. Joshel, Petersen 2014, 63. cenaculum III, 12; cenaculum III, 13 ; Casa del Mobilio Carbonizzato ; Casa di Nettuno ed Anfitrite ; V, 18; Insula
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Orientalis II,7. Donc trois d’entre elles se trouvent dans l’insula V. En revanche, la présence de sanctuaires domestiques est récurrente dans les cuisines de Pompéi : Van Andringa 2009, 230-244. Nous décrivons ce décor dans un chapitre précédent, cf, fig. 194 et p. 112-113 et p. 209. La découverte de ce meuble est mentionnée plusieurs jours de suite dans les GSE. Cf. 16 mars 1938 : « nello stesso ambiente di ieri si è sterrata una cassa di legno carbonizzato alto m.1.43, piedi compresi, largo m. 0,65 e profondo m. 0,50. Essa è formata di 7 tavolette. Quando sarà aperta si segneranno gli ogetti che eventualmente contiene ». Ce meuble n’est pas inventorié dans le corpus établi par S. Mols dans les années 1980, car il ne prend en compte que les meubles conservés à cette date. L’archéologue signale, d’ailleurs, que de nombreux coffres mentionnés dans les GSE ont été détruits depuis leur découverte : « Only one chest has survived in Herculaneum (…) The Herculaneum excavation reports make it plain that chests were found in many different places, althought the descriptions given are generally sketchy. This suggests that such pieces were very common in the town”. Cf. Mols 1999, 63, avec une liste non-exhaustive des coffres disparus en note 329. Aucune trace archéologique de cette cuisine n’est conservée, mais elle est mentionnée à plusieurs reprises dans les GSE à partir du 9 novembre 1937 : « Nel terzo ambiente, cucina, del piano superiore della casa 25, Decumano Massimo, insula V, presso la parete nord… ». Mols 1999, cat. n° 37, fig. 159-160 ; voir aussi Maiuri 1958, pl. XXII. Un autre meuble en bois précieux, surmonté d’une aedicula et similaire à celui mis au jour dans la Casa del Sacello di Legno, fut découvert dans la pièce voisine (53) : cf. Mols 1999, n° 28, fig. 138. Opus incertum C et colonnes de tuf du cenaculum à colonnade. Ibidem. Celle-ci était toutefois reliée à la cuisine de la Casa del Bicentenario quand elle faisait partie de cette vaste demeure. Soit 65 % : Kastenmeier 2018, 224. Ce chiffre ne prend pas en compte les cuisines des étages. Il faut y ajouter également les 6 plans de cuisson maçonnés installés dans des tabernae. Je n’ai pas réussi à identifier un tel objet dans le dépôt d’instrumentum domesticum d’Herculanum, mais il en existe plusieurs exemples à Pompéi, en terre cuite ou en bronze : Kastenmeier 2007, 71-81 et Foss 1994, 18-19. Dans une série d’articles, notamment : Jansen 1997 ; Jansen 2000 ; Jansen 2002. Voir en particulier sa publication sur les latrines d’Herculanum (Jansen 1991). D’une manière plus générale, sur l’archéologie des latrines romaines : Jansen, Koloski-Ostrow, Moormann 2011. Pour une étude portant sur des aspects plus sanitaires et anthropologiques, lire Koloski-Ostrow 2015. Camardo, Notomista 2015. Pour une typologie plus précise de l’architecture des latrines, se reporter à Bouet 2009, 81-145. Koloski-Ostrow 2015, 84. Etrangement, ces deux latrines dont les vestiges archéologiques sont bien visibles ne sont pas référencées dans le corpus de Camardo & Notomista 2015, ni, auparavant par Jansen 1991. En revanche, elles sont mentionnées par N. Monteix (Monteix 2010, 86). Maiuri 1958, 432.
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Mais il en existe aussi au rez-de-chaussée, par exemple à Herculanum, II, 7 ; Ins. Or. II, 16. Voir Camardo, Notomista 2015, n°41 pour Casa con Giardino et n°25 pour Casa del Telaio. Maiuri 1958, 444. A Délos, il signale qu’il n’existe pas (a priori) de latrines publiques, et que donc la municipalité n’avait pas pris en charge cette question : Bouet 2020. A Pompéi, dix latrines “publiques” sont attestées : Jansen 2002, 59-62. Koloski-Ostrow 2015, 32-33 : « Investigation of private house toilets over the past several years have shown that virtually every house in both Pompeii and Herculaneum had its own private toilet. The evidence has been cataloged for approximately 305 private latrines in Pompeii and 62 house toilets in Herculaneum”. Bouet 2020. Où il convient de signaler tout de même la découverte d’une baignoire de bronze : Maiuri 1958, 323. Helg, Malgieri 2017b. Un autre témoignage, mais douteux est contesté, serait celui de l’existence d’un secteur thermal dans la Casa dell’Alcova (IV, 3-4). De Haan 1992, suivi de De Haan 2010. Dessales 2013, 502-502, qui ne signale pas Casa dell’Apollo Citaredo, alors que les canalisations qui entrent en V, 9 sont bien visibles supra (fig. 217). GSE, 2 novembre 1931. Un point d’eau est mentionné dans les GSE, 6 mai 1933. A Pompéi, comme à Herculanum, des citernes sont généralement aménagées en connexion avec les fontaines et jeux d’eau des habitations. Cela permet une certaine autarcie de fonctionnement, en cas de perturbation du réseau public, ainsi que l’a observé H. Dessales dans son analyse du corpus des fontaines domestiques en Italie ( Dessales 2013, 266). Elle observe ainsi, à Pompéi, que « dans cinq cas sur six, les structures hydrauliques sont liées à un triclinium aestituum et se prêtent à une mise en scène sociale du conuivium ». On ignore quel était l’usage des canalisations qui rejoignaient la taberna de la Casa dell’ Apollo Citaredo (V, 9-12). Sur ces douze maisons, sept sont de très grandes demeures, occupant une surface au sol de 800 m2 minimum, et les cinq autres occupent au moins 250 m2. Toutes sont pourvues de fontaines ou de jeux d’eau dans le jardin ou l’atrium. Voir Dessales 2013, 498-506. Exceptions mentionnées par H. Dessales : Dessales 2013, cat n°28 et n°63. Maiuri 1958, 278, fig. 221. Les conduites (de plomb ou de terre cuite) attestées servent à l’évacuation des eaux usées, des gouttières ou éventuellement raccordées à des citernes placées à l’étage et alimentant le rez-de-chaussée. Le seul témoignage d’une alimentation à l’étage d’une habitation romaine se trouve à Ostie, dans les Case a Giardino (III, 9, 13-20) construits vers 130 : Stevens 2005. Sur la question des murs de séparation des jardins, situés en limite de propriété, de la résolution juridique de la mitoyenneté des murs de jardins : Saliou 2014. Ainsi que W. Jashemski l’avait montré, la maison italique traditionnelle disposait, à l’arrière, d’un espace, nommé heredium, qui était plus un potager ou un verger qu’un jardin d’agrément (Jashemski 1979 et plus récemment Morvillez in Jashemski et al. 2018 (Chap.IGarden in the domus, p. 18-19). A Pompéi également, seules quelques maisons d’époque Samnite conservaient encore leur jardin à l’emplacement original en 79. C’est le cas de la Casa di
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Pansa (VI 6, 1-12) ou de la Casa delle Nozze d’Argento (V 2, 1). Ajoutons, hors de Campanie, l’exemple de la Maison du squelette à Cosa (Morvillez in Jashemski et al. 2018, fig. 1.1, p. 19). Voir supra p. 119-121. Ce type d’aménagement n’est pas rare, à Pompéi, en Gaule ou ailleurs. E. Morvillez en présente plusieurs exemples, dans Jashemski et al. 2018, 58-61. Sur la transformation architecturale de l’espace 8 de la Casa di Nettuno e Anfitrite : Camardo, Notomista 2013. Sur les peintures de jardin lire les travaux de B. Bergmann, notamment Bergmann in Mattusch 2008 (« Staging the Supernatural : Interior Gardens of Pompeian Houses », 53-70). En dernier lieu ead., in Jashemski et al. 2018 (Chap.11- Frescoes in Roman Gardens, 278316). Sur la peinture de jardin de la Casa di Nettuno ed Anfitrite en particulier : Camardo, Notomista 2013 (pour les états successifs du décor) et Gensheimer 2018 (sur l’atmosphère engendrée par ce décor). Dessales 2013, 349. Dessales 2013, 349-350. Dessales 2013, 351. Jashemski et al. 2018, 26. Ces transformations avec adjonction de fontaines et jeux d’eau sont largement documentées dans Dessales 2013 ; pour les attestations en Gaule de ce phénomène : Dessales 2011. Ainsi, à Pompéi, citons la transformation de l’atrium de la maison I 12, 6 de la Casa di Loreius Tiburtinus (II 2, 2) et celui de la Casa di Obellio Firmo (IX 14, 4-2) en jardins d’agrément. En province, citons l’exemple des maisons de Lugdunum, dans le « quartier du Verbe incarné » ou, à Saint-Romain-en-Gal, de la Maison au bassin excentré (Morvillez in Jashemski et al. 2018, 26 et fig. 1.9, 29). Vitruve, De Arch., VI, 5, 2. Maiuri 1958, 261-264. Ces textes sont commentés et confrontés aux vestiges matériels dans Van Andringa 2009, 217-269. Un passage de Plaute évoque directement cette dimension protectrice : « Ne me demandez pas qui je suis : en deux mots, je vais vous le dire. Je suis le Lare, le dieu domestique de cette demeure d’où vous m’avez vu sortir. Cette maison, voilà bien des années que j’y ai mon établissement et ma résidence : j’y étais déjà du temps du père et du grand-père de son occupant actuel. Or le grand-père m’a confié jadis en grand secret un trésor : il l’a enfermé au milieu du foyer, me priant, m’adjurant de le lui garder » (Plaute, Aulul., 1 sq.). L’association fréquente, dans les peintures de laraire, de l’image du serpent, genius loci, à celle des Lares, renforce cet ancrage spatial. 191 représentations de couples de serpents sont attestées dans des laraires campaniens (Fröhlich 1991, 66 sq. et 165 sq.). Un tableau provenant d’Herculanum (MANN 8848) associe l’image du serpent enroulé autour d’un autel à l’inscription « genius huius loci montis ». Dans les sources juridiques latines, les Lares définissent le domicilium (Thomas 1996, 44). Sur la figure des Lares, associée à celle du serpent, citons une synthèse récente qui reprend toute l’historiographie du sujet et notamment des désaccords académiques sur leur origine, leur nature et leur fonction : Flower 2017. Pour Th. Fröhlich auteur d’une monographie sur les décors de laraires des cités campaniennes, les Lares (familiares, domestici) protègent et symbolisent la domus. Le Genius (du pater familias, qui protège la familia) et les Lares ne sont généralement pas compris parmi les Dei
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Penati, qui représentent, quant à eux, l’ensemble des autres dieux de la maisonnée : Fröhlich 1991, 21 ; Tybout 1996. Par ailleurs, T. Fröhlich déduit d’une série de 31 inscriptions que le culte des Lares et du Genius, concernait, tout comme pour les compita, les affranchis et les esclaves ( 28-29). De fait, le corpus iconographique révèle que 54 des 78 peintures figurant le Genius flanqué des Lares se trouvent dans des cuisines ou espaces de service (les 23 autres proviennent de petites habitations). Servius, Ad Aen. 2, 514 : « penates sunt omnes dii qui domi coluntur ». Sur le culte des pénates, consulter Dubourdieu 1989, en particulier la deuxième partie sur « les pénates privés » ( 63-101). Sur la question des images peintes des pénates dans la maison : Huet, Wyler 2015. Sur la typologie : Bassani 2008, 23-34. Pour les laraires de bois : Mols 1999. Les occurences les plus anciennes, qui datent de la fin de l’Antiquité, se trouvent chez ces auteurs : SHA Aur. 3, 5 et SHA Sev. Alex. 29, 2-3, 31, 4, 5 ; également CIL IX, 2125. Sur ce sujet on consultera l’article de Giacobello dans le ThesCRA (4, 2005, 262– 64), ainsi que Bassani 2008, 49-63 et Laforge 2009, 19-21. Boyce 1937 ; Orr 1972 ; Fröhlich 1991; Giacobello 2008. Bassani 2008 ; Giacobello 2008 ; Laforge 2009 ; Van Andringa 2009 ; Flower 2017. A cette liste de monographies, j’ajoute deux articles très stimulants : Kaufmann-Heinimann 2007 ; Huet, Wyler 2015. T. Fröhlich relève une série d’inscriptions montrant que le culte du Genius et des Lares était pris en charge, dans la maison, par les affranchis et les esclaves, leur accordant ainsi un rôle valorisant au sein de la familia (Fröhlich 1991, 30). Par exemple CIL X, 861 : « Au génie de notre maître et aux Lares, les deux Diadumeni, affranchis ». Foss 1997 soutiendra et prolongera cette hypothèse, en argumentant autour du dédoublement des sanctuaires et des couples de Lares dans certaines demeures, avec un santuaire principal dans l’atrium (souvent) et un sanctuaire secondaire dans la cuisine, réservé aux esclaves. M.O. Laforge paraît adhérer à l’hypothèse d’une séparation entre les cultes opérés par les esclaves et ceux opérés par le dominus (Laforge 2009, 81-84). « Il paraît alors excessif de voir dans la cuisine un lieu de culte destiné aux esclaves alors que le sanctuaire principal, dans l’atrium ou le péristyle, serait dévolu au maître. Ce serait rentrer en contradiction avec les caractéristiques de la religion domestique romaine, soumise entièrement à l’autorité du père de famille » estime ainsi W. Van Andringa (2011, 238-239). Pour lui, l’emplacement des différents aménagements religieux dans la maison relèvent plutôt d’un marquage des différentes étapes du sacrifice. Lire également les remarques de F. Giacobello dans son étude sur le culte des Lares en Campanie : elle confirme le lien entre les Lares et le foyer et donc la cuisine, mais souligne la « haute valeur religieuse » de ces lieux de culte et l’existence d’un lien avec l’auto-représentation du dominus ». Elle conteste également que les laraires aient pu être destinés à des groupes d’utilisateurs différents en fonction de la pièce dans laquelle ils se trouvaient : Giacobello 2011, 88 : « l’allestimento di due o più sacelli all’interno della casa pompeiana non corrisponde a una diversità dei fruitori, ma a una non identità dell’expressione religiosa ». Ainsi W. Van Andringa remarque que : « en matière d’emplacement, il n’existe pas de modèle rigide, mais
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des principes très clairs ont guidé l’installation des lieux de culte » (Van Andringa 2009, 227-228). Caton, De Agr. 5, 3. Van Andringa 2009, 238. W. Van Andringa met par ailleurs en évidence l’hypothèse très convaincante de l’existence, dans la maison, d’une « géographie du sacré », les laraires multiples marquant les différentes étapes dans l’accomplissement des rituels qui justifiaient des déplacements à l’intérieur de la maison : « les différents aménagements religieux localisés dans la maison constituaient en effet autant de marquages des principales étapes du sacrifice ». Van Andringa 2009, 239-240. Lire également sur la localisation du culte des Pénates dans la maison : Dubourdieu 1989, 63-71. Il existe deux mémoires universitaires sur les sanctuaires domestiques d’Herculanum (Marchetti 2009 et Munos 2017) Celui de C.M. Marchetti, soutenu en 2009 à l’Università del Salento compte quasiment toutes les niches sans distinction comme lieux de culte domestique. Alors qu’il aurait convenu de ne conserver que celles présentant une typologie architecturale (encadrement type aedicula, présence d’un autel à l’aplomb) ou ornementale (présence de peintures religieuses ou de statuettes de divinités in situ) qui atteste cette fonction, ou au moins la rende probable. C’est d’ailleurs ce qu’a tenté de faire E. Munos dans son mémoire de Master portant sur les laraires d’Herculanum (Munos 2017). On note une même réserve dans la caractérisation des niches chez la plupart des auteurs qui ont travaillé sur le sujet (par exemple Laforge 2009, 23 « les niches sont nombreuses dans les maisons et leur usage est varié. Deux éléments permettent d’identifier les laraires de façon incontestable : la présence de divinités sous forme de peintures ou de statuettes et la présence d’un autel » ; également, en autres, Bassani 2008, 74-75. A propos des sanctuaires dans les lieux de métiers, qui à Herculanum, sont étroitement liés aux habitations : Durand 2019. Le problème est bien connu ainsi que le constate, notamment P. Allison dans ses travaux sur l’instrumentum domesticum à Pompéi : Allison 2004, 48-51. Sur ces niches destinées à accueillir les pénates lire également les remarques de Dubourdieu 1989, 71-72. C. M. Marchetti en compte une cinquantaine, donc beaucoup de niches à l’interprétation cultuelle discutable : Marchetti 2016, 410. Les laraires d’Herculanum ont peu intéressé les chercheurs ayant produit des synthèses et corpus concernant les lieux de cultes domestiques en Campanie : ni Boyce 1937, ni Fröhlich 1991, ni Giacobello 2008 n’ont produit de catalogue sur Herculanum. Dont trois dans l’insula V : V, 6 (étage) ; V, 13-14 (étage) ; V, 24 (atrium). Une autre se trouve dans une boutique de l’I.O. II, 9, autour d’une niche à coquille et une dernière dans la maison VI, 17, paroi sud de l’espace identifié comme cuisine. Même constat chez Fröhlich 1991, 301-303. Citons aussi une sixième peinture de laraire, détachée au XVIIIe siècle et dont nous n’avons pas pu, à ce jour, identifier la provenance (MANN, inv. 8848). Dans deux maisons voisines : un dans l’atrium de la Casa di Nettuno ed Anfitrite (V, 6-7) et un dans le jardin de la Casa del Mobilio Carbonizzato (V, 5). Casa del Salone Nero (VI, 13) ; Casa del Sacello di Legno (V, 31), pièce 2) , cenaculum V, 18 (pièce 53) et le dernier du cenaculum situé à l’étage de la Casa a Graticcio (III, 13), lequel contenait plusieurs statuettes de divinités, dont deux Lares. Sur ces meubles, lire Mols 1999, cat. 28 à 30.
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ment : Dardenay et al. 2016b, Lenzi 2016, 245-246 et fig. 72-79. Les parallèles sont peu nombreux, même à Pompéi. Signalons notamment celui de la maison dite de « Caecilius Iucundus » (V 1, 26) que Boyce qualifie d’unique : Boyce 1937, 14 : « The shrine in the atrium of the house of Caecilius Jucundus is unique in having its base covered with slabs of greyish marble ». L’atrium 10 (8,87 x 7,20 m) est décrit, par A. Maiuri, comme « la più fastosa e scenografica decorazione d’atrio (…) dovuta ad un artista di grande richezza coloristica, di sicura bravura, di ardimento e di fantasia inventiva, di un artista, infine specializzatosi, potremmo anche dire, nel genere della pittura architetturale barocca, e non alieno, come accade invece nei correnti decoratori della casa ercolanese, dall’inserire soggetti figurati e figure isolate e motivi animalistici nel campo della decorazione architettonica. » (Maiuri 1958, 397). L’enthousiasme de cette description ne peut que faire regretter non seulement la quasi-disparition du décor, mais encore l’absence de documentation graphique ou photographique. Dans son état actuel, il ne reste que des lambeaux de décor, la plupart situés en zone basse, quelques-uns en zone médiane sur les murs nord et sud. D’après l’étude archéologique et architecturale de cet espace mené par D. Camardo et M. Notomista pendant une campagne de restauration, la fontaine et les banquettes furent aménagées après 62. Les plaquages ne marbres ne furent installés que dans une dernière phase que l’on suppose contemporaine de la campagne de restauration et redécoration systématique de la maison, dans les années 70. Je fais ici allusion à un vers d’Ovide, qui dit que « Toute porte a deux faces, l’une regarde les passants, l’autre le Lare » (Ovide, Fastes, I, 89-144). Lire à ce sujet, le schéma de M. Sohn reproduit dans PPM, V, « Casa del Principe di Napoli (VI 15, 7-8) », 677 et Huet, Wyler 2015, fig. 3. Lire également les remarques de W. Van Andringa sur le positionnement des laraires, entre règles théoriques, usages et contraintes topographiques, dans Van Andringa 2009, 225-229. Sanctuaire construit à l’époque julio-claudienne (Ganschow 1989, 280). Ou bien Neptune et Vénus d’après Lochin 2005. PPM, IX, 249 sq. Berg, Kuivalainen 2019 (monographie sur les découvertes de cette domus, avec mention de la bibliographie antérieure) Sur l’ornementation statuaire de cette domus et du viridarium en particulier (réalisation du milieu du Ier siècle ap. J.-C.) : Dwyer 1982, 19-52 ; Berg, Kuivalainen 2019. Sur cette fontaine lire aussi en particulier Neuerburg 1965, 62, 131-132 et Dessales 2013, cat. 107, p.485-486, et p.140-141). Les parallèles sont nombreux et il ne saurait être question de les recenser tous ici. Une étude statistique a révélé qu’à Pompéi les fontaines sont presque toujours visibles depuis la rue (Dessales 2013, 367 et fig.182) Plusieurs études se sont penchées sur l’analyse de la mise de scène de la fontaine comme point focal de la perspective visuelle depuis la rue, voir Clarke 1991, 16-21 ; Hales 2003, 107-122, Dessales 2013, 366 sq. A ce sujet notamment Lavagne 1988, 639. Mentionnons, l’exemple de la Casa del Principe di Napoli (VI 15, 7-8), dont l’édicule situé dans l’axe de la porte d’entrée tient autant de la fontaine que du laraire (à ce sujet Dessales 2013, 366). A Herculanum, l’édicule recouvert de mosaïque, coquillages et rocailles de la Casa dello Sche-
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letro est interprété tour à tour comme laraire ou fontaine (A. Maiuri le désigne comme « sacello-ninfeo » (Maiuri 1958, 272). La question de sa fonction n’est d’ailleurs pas totalement tranchée tant l’ambiguité est forte. H. Dessales le désigne comme potentiel laraire et pas comme fontaine (Dessales 2013, 498). Quoi qu’il en ait été, dans les dernières années du site, le « bassin » (vestige d’un ancien aménagement aquatique) au pied de l’édicule était comblé et aménagé en jardin. La question de la variabilité des usages des pièces est envisagée de longue date. Déjà en germe chez Scagliarini Corlàita 1974 et Wallace-Hadrill 1994. Leach 2004, 46-47. Allison 2015b, 269 : « The following discussion and tables use room labels such as « triclinium » and « cubiculum » as conventions for architectural types, not as functional descriptors ». Gros 2001, 93-102 ; Adam 1984, 333. Clarke 1991, 12-17. Adam 1984, 317. Alabe 2011 ; Dardenay 2018b, 53-54. Quoique R. Ling tende à relativiser la présence dionysiaque dans des pièces interprétées comme triclinia à Pompéi. Sur un échantillon de 137 triclinia, il note que seuls 46 sont ornés d’images dionysiaques (Ling 1995). Lire également au sujet de l’image de Dionysos à Pompéi : Hales 2007. La figure dionysiaque a été longuement et savamment étudiée par S. Wyler dans sa thèse doctorale et dans différents travaux postérieurs : Wyler 2004, Wyler 2006. Zanker 2001. Ainsi que le remarque, d’ailleurs, K. Lorenz dans ses travaux sur les images mythologiques dans la maison romaine : Lorenz 2008, 431-450. Sur les thèmes dionysiaques à Herculanum : Coralini 2005, 180-181. C’était déjà la conclusion qui ressortait des différentes communications présentées du colloque de l’AIPMA de 1993 et qui avait pour thème « Functional and Spatial Analysis of Wall-Painting » : Moormann 1993. J’ai abordé ailleurs cette question, à propos des décors de Gaule romaine : Dardenay 2011. Principales propositions de systèmes d’interprétation dans : Schefold 1972 ; Bergmann 1994 ; Zanker 2001 ; Lorenz 2008. Et pour les triclinia en particulier : Dunbabin 2003. Une bonne synthèse sur ce courant historiographique est disponible dans Moormann 2016. Les travaux sur cette question sont très nombreux, surtout ceux en lien avec la littérature antique (notamment ovidienne), la rhétorique (surtout avec les écrits d’Herennius) et l’ars memoriae. La question de ces différentes grilles d’interprétation des programmes ornementaux sera envisagée dans la partie suivante (« Les images dans le décor domestique »). Sur la place de l’otium dans les thèmes figurés voir les travaux de K. Lorenz (Lorenz 2008) et de J. Hodske (Hodske 2010 et Hodske 2007). Voir supra p. 11-27 et Dardenay 2018a. Sur les espaces dévolus aux repas : Allison 2015b ; Allison 2004. Sur l’interprétation de la fonction des espaces à partir des données archéologiques : Allison 1993. Je préfère le vocable « banquette » moins connoté du point de vue fonctionnel que « lit », même si ce dernier est plus proche du latin lectus qui couramment employé. Sur le vocabulaire antique pour désigner les lits, quelle que soit leur fonction et leurs occurrences dans la littérature : Mols 1999, 126-127.
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Ainsi que le rappelle fort pertinemment J. A. Dickmann (Dickmann 2011, 54). S. Mols sur le mobilier d’Herculanum et P. Allison, sur celui de Pompéi, parviennent à la même conclusion : Mols 1999, 124 et 126 et Allison 2015b, 269. C’est aussi le cas de L. Nissin et et L. Nissinen dans leurs travaux sur les lits et les espaces de sommeil : Nissin 2015, 106 et Nissinen 2012. “The beds and couches can be broadly distinguished from each other on the basis of the room in which they were found” (Mols 1999, 124). Mols 1999, 125, note 766. Mols 1999, 124, note 765. Cinq banquettes résiduelles furent découvertes dans l’insula V : deux dans la Casa del Sacello di Legno (V, 31) et trois dans la Casa dell’Atrio Corinzio (V, 30). Elles sont mentionnées dans le tableau de synthèse n° 15 : cf. tabl.15. L’inventaire auquel a procédé S. Mols aboutit au même résultat : Mols 1999, 125, note 768. Allison 2015b, tableau 3 pour les banquettes et tableau 1 et 2 pour les niches. Dans son échantillon, nombre de banquettes par type d’espace : cubiculum = 9 ; triclinium = 12 ; tablinum = 6 ; étage = 8. Dans son échantillon, répartition des niches par type d’espace : cubiculum = 19 ; triclinium = 11. Je développe ces arguments dans Dardenay, Laubry 2020. Un séjour d’une semaine dans une maison médinale de Moulay Idriss (Maroc) m’a permis de me rendre compte de la plurifonctionnalité de l’usage des espaces et des banquettes (repas, sommeil, conversation…). Bradley 1998 ; Sigismund Nielsen 1998. A priori, assez souvent dans le tablinum, où les découvertes de banquettes, tables, vaisselle, sont assez fréquentes : voir tableaux de synthèse de Allison 2015b et Allison 2004, 168 ; remarques dans Jolivet 2011, note 68. On a parfois découvert dans le jardin des reliefs de repas (crustacés par exemple) et des bancs (Jashemski 1979, 89-97). Bradley 1998, 47 ; Sigismund Nielsen 1998, 58. Allison 2015b, 273. A partir de l’exégèse d’un passage de Festus, De Significatione Verborum, et d’une mention chez Pline (NH, XXXV, 2, 7) : Mais dans un cas comme dans l’autre, les deux auteurs évoquent un passé lointain, quand les magistrats en charge avaient l’habitude de ranger ici les documents officiels et les comptes liés à leur charge. A ce sujet : Lhommé 2014, 124 et Maquinay 2018, 39-43. Kockel et al. 2016, 56-56. Daumard 1975. G. Camodeca l’a bien montré dans son étude des archives d’Herculanum (Camodeca 2009), et A. Maquinay le dit à son tour, dans sa thèse de doctorat sur le tablinum à Pompéi (Maquinay 2018, 496). Les tablettes découvertes proviennent presque toutes des étages des habitations (sept lots sur huit découverts à Herculanum). F. Goldbeck, notamment, le réfute fermement (Goldbeck 2010, 136-142) : il explique ainsi que les sources latines ne mentionnent jamais le triclinium en lien avec la salutatio, alors que d’autres pièces le sont : atrium et cubiculum. L’espace mesure 3 m de large sur 2,5 m de profondeur, soit 7,5 m2. Tamm 1973. Evans 1978. Phénomène déjà remarqué par R. Robert notamment : Lemaire, Robert 2014. Un état des lieux à propos des
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maisons sans tablinum de la dernière phase : Maquinay 2018, 263-265. V. Jolivet estime qu’au fil des siècles, les caractéristiques architecturales du tablinum ont donc pu se modifier et cette salle prendre des formes que Vitruve ne mentionne pas : ainsi dans la Casa dell’Atrio a Mosaico dont le plan est par ailleurs tout à fait atypique, la salle qui occupe le fond de l’atrium, dans l’axe des fauces, a été interprétée par A. Maiuri, en raison de ses caractéristiques architecturales comme une salle à manger du type œcus aegypticus. Toutefois, A. Wallace-Hadrill a remarqué que la position de cette immense salle en faisait l’équivalent d’un tablinum (Wallace-Hadrill 1994, 18-19). A ce sujet, lire les observations de V. Jolivet (Jolivet 2011, 250). Maquinay 2018, 157. Lire à ce sujet également les publications de T. Lauritsen et les résultats du programme de recherches qu’il coordonne (www.doorsofPompeiandHerculaneum project.blogspot.com). Lauritsen 2015 (sur les seuils) ; Lauritsen 2012 (sur les dispositifs mis en œuvre pour séparer les espaces) ; Lauritsen 2011 (sur les portes). La fameuse cloison de bois de la Casa del Tramezzo di Legno à Herculanum (III, 11) n’était pas amovible, contrairement à ce que l’on lit parfois, mais était fermement scellée au sol comme une cloison permanente. En revanche, elle n’obstruait pas totalement l’avant de la pièce, puisqu’elle n’en occupait que le tiers de la hauteur, et laissait vide une large ouverture au centre. Wallace-Hadrill 1994, 125. Il s’agit d’un mécanisme de transformation architecturale du tablinum que l’on observe dans plusieurs maisons de Pompéi : Maquinay 2018, 246-251. Les découvertes de banquettes dans des tablina sont mises en évidence par les inventaires de P. Allison (Allison 2015b). A ce sujet lire également les remarques de V. Jolivet (Jolivet 2011, note 68). Jolivet 2011, 250 : « Tel que les textes anciens le décrivent, le tablinum était avant tout, « à l’origine » (…) un espace commun aux deux sexes, qui concentrait des fonctions liées à la permanence de l’unité familiale et à la stabilité de la gens ». Une autre théorie, plus ancienne et souvent mentionnée au XIXe siècle, plaçait dans le tablinum archaïque la chambre à coucher des maîtres de maison, en tant que lieu d’installation du lectus genialis dit aussi lectus aduersus, puisqu’il se trouvait face à la porte d’entrée. Sur cette théorie et ses sources lire Maquinay 2018, 399-403. Zaccaria Ruggiu 1995, 293-310 ; Dickmann 1999, 20 et 28, note 55 ; Allison 2004, 156-157. A. Wallace-Hadrill remarque, quant à lui, que « the characteristic of the Roman household was, rather than separation, an interpenetration of areas and activities » (Wallace-Hadrill 1996, 106-107). Cette tendance historiographique est appuyée par les recherches de Lisa Nevett sur la maison grecque, où elle remarque une vraie fluidité de la présence féminine, qui s’exerçait partout dans la maison, sans que les activités des femmes soient circonscrites dans une partie seulement de l’habitation (Nevett 2001, 71). R. Berg intègre dans ces groupes d’objets féminins (en excluant de ses travaux les objets isolés) : les miroirs, épingles à cheveux, bijoux féminins, ungentaria, vases à parfums, cosmétiques en général, nécessaires de maquillage, et nécessaires de couture, matériel de tissage. L’attribution exclusive d’un certain nombre de ces objets au mundus muliebris pourrait être discutée.
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Voir Berg 2016 ; une autre étude, étudie la localisation de l’usage et du stockage des objets de toilette féminins dans la maison pompéienne : Berg 2020, 193-217 : dans les six maisons examinées, les « assemblages » proviennent du tablinum ou de la pièce contiguë. Lire également sur ce thème les travaux de P. Lohmann (Lohmann 2016 ; Lohmann 2015). Dans la typologie de P. Allison, il s’agit des types 4 et 12 : « a small closed room off the side of a front hall or garden/terrace or lower foor » : Allison 2004, 166 et 171. Sur cette pièce, la synthèse la plus ancienne est sans doute celle d’O. Elia (Elia 1932). Nissin 2016. Sur Herculanum en particulier : Nissin 2015. Allison 2015b et p. 240-244. Voir la partie sur les « salles à manger », supra. p. 240244. D’autant que l’auteure désigne sous le nom de “chambre à coucher” tous les espaces ayant livré une banquette : “Thus in the context of this chapter all rooms where beds have been found are called bedrooms » : Nissin 2015, 106 Ibidem 117. Sources littéraires recensées dans Anguissola 2007a, 280-281. Anguissola 2007b. Sur le cubiculum à alcôve, lire en outre cet article du même auteur : Anguissola 2011. Anguissola 2015 ; la question des « limites » et des « frontières » dans la maison romaine est reprise par Lauritsen 2012. Anguissola 2007b, 154. Certains auteurs font état de l’emploi de « cubicularius », esclave « physionomiste » régulant les entrées à l’intérieur du cubiculum de son noble patron et servant aussi comme garde du corps : Dubouloz 2011, 122, note 40. Voir également Clarke 1991, 13. Glissement sémantique finement analysé par J. Suaudeau (Suaudeau 2012, 109-121). Lire supra p. 177-181. A priori la Casa dell’Atrio Corinzio (V, 30) - en tout cas dans son dernier état - en est exempte. Mais il y devait y en avoir bien plus, dont les vestiges n’ont pas été correctement identifiés au moment des fouilles. L’inventaire en a été dressé par J. Suaudeau (Suaudeau 2012, 128, note 51). Varron, D.L.L., V, 162. Notamment Suétone, en plusieurs occasions (Vie d’Auguste, 45, 1 et 78, 2). De Kind 1993, 222 (opus incertum C). A. Maiuri ne mentionne rien de tel dans cet espace, pour lequel il n’évoque que l’escalier et un éventuel « dépôt » : Maiuri 1958, 260. Ainsi qu’explicité dans Joshel, Petersen 2014, 42-49. De tels parcours régissent ainsi la circulation au sein de la « fabrique » de la Domus Aurea, qui sont distingués à la fois par le décor et l’ampleur des ouvertures : Meyboom, Moormann 2013, 11. Liste complète pour le site dans Andrews 2006, 130-131, 133, 135, 150. Cf. supra fig. 182. D’autres emblemata de mosaïque figurés ont été trouvés sur le site mais il s’agit de décors de parois, souvent dans des nymphées ou salles à manger d’été, à l’instar de ceux de la Casa di Nettuno e Anfitrite (V, 6-7) ou de la Casa dello Scheletro (III, 3). C’est la surface de la plus petite d’entre elles, la pièce 16 de l’étage de la Casa di Nettuno e Anfitrite. Cf. l’ana-
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lyse qui en est proposée dans Dardenay et al. 2018, 14-15. Sur les maeniani à Herculanum : Andrews 2006, 75-85. Esposito 2014, 84 sq. Voir également Andrews 2020. Ch. Frugoni a rassemblé ces différents témoignages, brossant un panorama de la vie domestique médiévale bouleversant beaucoup d’idées préconçues : Frugoni 2018, 29-45. Westgate 2000 ; Trümper 2007 ; Zarmakoupi 2017, 5. Dardenay et al. 2018, 22-23. Plutarque, De prim. frig. 20. Mais l’expérience de la confrontation entre sources textuelles et vestiges archéologiques révèle que ce genre de mention ne doit pas être trop extrapolée ou systématisée. La référence à Plutarque indique seulement que cela pouvait être le cas, à l’occasion (ou en théorie), dans les maisons grecques. A ce sujet Nevett 2010, 36. Lire au sujet des relations entre occupation des étages et saisonnalité, à Herculanum : Andrews 2020. A. Wallace-Hadrill rappelait ainsi qu’étaient rattaché à la maisonnée : “a fluctuating assortment of dependants, freedmen, workers, friends and lodgers”: Wallace-Hadrill 1994, 116. Elia 1976, 89-90. Allroggen-Bedel 1991 ; réflexion prolongée dans Allroggen-Bedel 2014. Ainsi, dans ses travaux (et sa thèse en particulier), W. Peters montre clairement que le IVe style portait une large palette de possibilités et donc permettait des développements locaux : Peters 1991 ; Peters 1993 . Par ailleurs, A. Barbet remarque que le IVe style dans sa forme connue à Pompéi n’a pas de correspondance en Gaule (Barbet 1985, 284). La même remarque s’impose pour d’autre régions de l’Empire, et même en Italie, ou les décors des régions septentrionales ressemblent plus à ceux de Rome, ou même de Narbonnaise, qu’à ceux de Pompéi. La peinture des habitations de Rome à l’époque flavienne n’est connue que de manière sporadique (cf. quelques exemples dans Baldassarre, Pontrandolfo Greco, Rouveret 2006). Pour l’Italie septentrionale lire les travaux de M. Salvadori (en particulier : Oriolo, Salvadori 2005 et Salvadori 2012). Pour l’ensemble du monde romain, se rapporter aux actes du colloque AIPMA de Saragosse sur la circulations de programmes ornementaux (Guiral Pelegrín 2007) et celui d’Ephèse sur les questions de « Zeitstil und Lokalstil » : Zimmermann 2014. A ce sujet lire notamment Manni 1990, Allroggen-Bedel 1991 et Allroggen-Bedel 2014. Ainsi que clairement établi par Allroggen-Bedel 1991. Richardson 2000. Les ateliers pompéiens ont été mis en évidence par M. de Vos (voir De Vos 1981). Ses travaux ont été repris et prolongés par D. Esposito (sur l’atelier des Vettii : Esposito 1999 ; Esposito 2007 et sur les ateliers pompéiens en général : Esposito 2009). Esposito 2014, 177 sq. La question du fonctionnement des « ateliers » de peintres et stucateurs est très débattue, certains estimant que les peintres étaient des artisans indépendants, se groupant en « ateliers » au gré des commandes et de leurs déplacements (Eristov 1987), alors que pour d’autres, les artisans travaillaient en ateliers plus ou moins fixes. Pour des présentations des termes du débat et des bilans de la question : Blanc 1990 Blanc 1998 ; Allag 2010 ; Esposito 2016. Quoi qu’en dise M. Flohr, qui estime que le marché était trop restreint pour permettre à plusieurs ateliers
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de décorateurs de vivre de leur activité à Pompéi : Flohr 2019. La distance est de sept kilomètres. Rappelons ainsi que c’est à Naples qu’iront se réfugier nombre de rescapés de l’éruption de 79 : CIL X, 1492 ; à ce sujet voir Monteix 2012, 54. Esposito 2014, 177-183. Allroggen-Bedel 1991 ; Coralini 2005 ; Coralini 2011. Richardson a lui aussi reconnu la même main dans le tableau de l’ « Enfance de Bacchus » de la Casa dell’Atrio Corinzio et le « Rapt d’Europe » de la Casa Sannitica (Richardson 2000). La base DOMUS© du programme est hébergée sur Huma-Num ; elle est accessible via le site web du programme : https://vesuvia.hypotheses.org/acces-basede-donnees. Au total, et à l’échelle du site, 1000 décors figurés ont été enregistrés dans la base. Ce corpus est consultable en cliquant sur l’icone « Décors » de la page d’accueil de la base. Casa di Nettuno e Anfitrite (in situ) ; Casa dello Scheletro (1 in situ et 5 au mann). Coralini 2005, fig.7. Les images dont le type n’a pu être précisé en raison de leur état de conservation partiel ont été exclues du calcul (soit 90 documents, dont 12 pour l’insula V). Brève synthèse sur les décors de plafond campaniens : Barbet 1993. Barbet 1993, 368. Par exemple, pour le thème d’ « Endymion et Séléné », confronter le tableau de V, 9-12 (pièce 6) et l’exemplaire du MANN 9245. Coralini 2011 ; Coralini 2006 ; Coralini 2005. Pour l’intégralité du site il faut ajouter les 12 tableaux de l’Augusteum et 2 de la Palestre. Lorenz 2008, 431-454.
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Sur la présence d’Hercule dans le décor domestique : Coralini 2001 (les quelques exemples de statuettes et images provenant d’Herculanum sont mentionnés dans le catalogue Casa del Colonnato Tuscanico, 235-240). Il est vrai que l’intégralité du site n’a pas été dégagée, mais les cunicoli des Bourbons ont permis d’opérer des prélèvements partout sur le site au XVIIIe siècle, ce qui nous permet de disposer d’un échantillon représentatif de tous les quartiers. Romizzi 2006. Marrou 1938. Romizzi 2006, 71-156. Sur ce thème, les travaux sont innombrables, depuis ceux de K. Schefold (Schefold 1972). Une synthèse et une bibliographie précieuses qui résument les grandes tendances des dernières décennies- ont été publiées par E. Moormann (Moormann 2016, en particulier 155 sq). De nombreux autres travaux analysent la relation entre images mythologiques et architecture domestique romaine. Citons notamment les thèses suivantes : Hodske 2007 et pour les mosaïques : Muth 1998. Rouveret 1989 et Rouveret 1982 ; Il faudrait également mentionner les travaux de C. Baroin, que K. Lorenz ne semble pas connaître : Baroin 1998 et Baroin 2007. Sur l’art de la mémoire en général, sans se limiter aux sciences de l’antiquité : Yates 1975. Les rapports entre l’ars memoriae et la domus sont très bien explicités par C. Baroin dans l’article précédemment cité. Sa démonstration s’appuie sur l’exemple de la Casa del Poeta Tragico à Pompéi : Bergmann 1994.
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3.4 Conclusion du chapitre
LA MISE EN ÉVIDENCE DE BIEN-FONDS
ET DE
PATRIMOINES FAMILIAUX
D’une manière générale, se pose à ce stade la question d’un éventuel regroupement d’un certain nombre d’édifices de l’insula V, au sein du patrimoine d’une même famille, ou de familles liées entre elles, par le biais d’opérations immobilières ou de transferts de propriété (achat de parcelles mitoyennes, relations matrimoniales, usufruit offert à des affranchis, héritages) • S’il est très difficile de déterminer les causes et modalités des opérations réalisées, il est néanmoins possible de mettre en évidence plusieurs bien-fonds au sein desquels des traces archéologiques existent de mise en communication et/ou échanges de pièces, création d’étages avec servitude de surplomb, ou de redéfinition des limites des parcelles et édifices qui y sont construits. Insistons toutefois sur le caractère fluctuant des limites de ces bien-fonds, au cours du temps. Sur le plan reproduit sur la planche 40 sont indiquées les limites maximales atteintes par ces propriétés immobilières, d’après les traces archéologiques résiduelles de relations architecturales entre les différents édifices concernés : • Bien-fonds 1 = Angle nord-ouest de l’insula : de V, 8 à V, 18 (Casa del Bel Cortile, Casa dell’Apollo citaredo, Casa del Bicentenario) • Bien-fonds 2 = angle nord-est de l’îlot : de V, 19 à V, 29 (un ensemble d’immeubles de rapport constitués de cenacula + locaux commerciaux/artisanaux) • Bien-fonds 3 = Partie méridionale de l’insula : de V, 5 à V, 32 (Casa del Mobilio Carbonizzato, Casa del Telaio, Casa Sannitica, Casa del Gran Portale, Casa con Giardino) Seuls trois édifices semblent rester isolés, dans la mesure où ils ne présentent pas de traces archéologiques de relations architecturales interagissantes avec les édifices mitoyens : • La Casa di Nettuno ed Anfitrite (V, 6-7) • La Casa del Sacello di Legno (V, 31) • La Casa dell’Atrio Corinzio (V. 30)
Concernant la Casa di Nettuno ed Anfitrite (V, 6-7) quelques liens semblent exister néanmoins avec les édifices du « bien-fonds 1 », sans qu’il soit possible de spécifier de quels types de liens ces observations témoignent. En premier lieu, on peut signaler les servitudes de lumière observées entre la Casa del Bicentenario et la Casa di Nettuno ed Anfitrite (fond servant). De plus, il semble que les décors peints de cette maison aient été réalisés par le même atelier que celui qui a œuvré dans le « bien-fonds 1 ». Dans sa monographie sur “la Casa dell’Atrio a Mosaico”, G. Cerulli Irelli1 identifie le travail d’un atelier de peintres dont elle reconnait l’œuvre dans nombre d’édifices importants de la cité (Casa dei Cervi, Casa d’Argo, Casa Sannitica, Casa del Mobilio Carbonizzato, Casa di Nettuno ed Anfitrite, Casa del Bel Cortile, Casa del Gran Portale, Casa dell’Alcova, Casa dell’Atrio Corinzio). Reprenant cette hypothèse pour la développer de manière plus systématique, D. Esposito2 identifie de son côté deux ateliers de peintres dans la Casa dell’Atrio a Mosaico : • •
le premier aurait réalisé les impressionnants décors architecturaux monochromes avec scaenae frontes dans le registre supérieur ; le second exécutait des décors IVe style plus simples, mais toujours selon un modèle fortement architectural. Ce dernier atelier aurait été actif dans la Casa dell’Alcova (insula IV) ainsi que dans un ensemble d’édifices mitoyens de l’insula V : la Casa di Nettuno ed Anfitrite, la Casa del Bicentenario, Casa del Bel Cortile et Casa dell’Apollo Citaredo.
Un motif récurrent, qui appartenait sans doute au répertoire de l’atelier ayant œuvré dans la Casa del Bicentenario et les habitations qui lui sont mitoyennes est celui de la sphinge (fig. 244 et 245). Un autre exemple est le motif du “bétyle ailé” que l’on retrouve dans ces différents décors (fig. 246 et 247). Parmi d’autres parallèles entre les décors de la Casa di Nettuno ed Anfitrite et la Casa del Bel Cortile, signalons la peinture de jardin du nymphée de la première, dont on retrouve un extrait, présentant le même décor de feuillage sur un fond jaune ayant viré au rouge, dans la niche du puits de la Casa del Bel Cortile (fig. 248 et 249).
269
3.4
Figure 244. Casa del Bel Cortile, pièce 8, registre supérieur.
Bien entendu, l’intervention d’un même atelier de décorateurs dans ces différents édifices n’implique pas nécessairement qu’ils aient appartenu à une même propriété. Il s’agit simplement d’un élément complémentaire à la réflexion sur ce sujet. RÉFLEXIONS AUTOUR DE LA GESTION PATRIMONIALE Les viscissitudes auxquelles sont soumis les biensfonds et dont témoigne l’étude du bâti laissent supposer que certaines transformations peuvent être le résultat de transferts de propriété au sein d’une familia. En effet, le legs d’une domus à une communauté de destinataires pose de lourds problèmes de partages et répartitions,3 qui seraient à même d’expliquer, notamment, les fragmentations des deux grandes domus construites à l’époque augustéenne et dites « grande Casa del Bicentenario » et « grande Casa con Giardino » (voir l’évolution sur les planches 33 à 35).
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Rappelons, en effet, que la question des transformations architecturales d’un édifice est non seulement inextricablement liée à celle du bienfonds auquel il appartient, mais surtout à la composition de la maisonnée du propriétaire. A ce sujet, deux questions fondamentales se posent • Toutes les personnes placées sous la potestas d’un même pater familias cohabitent-elles sous le même toit ? Et si oui, ce foyer éclate-t-il à la mort du pater familias ? • Où résident les jeunes ménages ? D’après J. Dubouloz, la lecture du droit et de la jurisprudence concernant la transmission du patrimoine à la mort du pater familias laisse entendre que plusieurs générations en lignée masculine cohabitaient bien souvent sous le même toit.4 A la mort de celui-ci, les clauses du testament (s’il y en avait un) fixaient la destinée
CONCLUSION DU CHAPITRE
Figure 245. Casa del Bicentenario, œcus 9, registre supérieur. Noter le motif de la sphinge dans son compartiment qui est identique dans les deux ensembles.
de la communauté domestique, et laissent entrevoir une large variété de solutions, entre éclatement et cohabitation plus ou moins forcée. Les modalités de la répartition du patrimoine entre usufruitiers (épouse, affranchis) et légataires (enfants surtout, mais pas uniquement) pouvaient donner lieu à de nombreux conflits de voisinage et de mitoyenneté, dont la jurisprudence nous transmet le souvenir ainsi que de précieuses indications sur les différentes situations attestées.5 Concernant les jeunes ménages, la cohabitation des époux dans une demeure appartenant au mari semble être la règle générale, « au point de laisser supposer qu’il est de tradition qu’un fils in potestate reçoive une demeure propre au moins à partir de son mariage ».6 Mais si le patrimoine immobilier de la famille est limité à une domus, n’est-il pas logique de penser qu’une partie de cette domus pouvait être attribuée au jeune
ménage, sous la forme, par exemple d’un cenaculum plus ou moins indépendant ? Des réorganisations planimétriques, telles que celles observées dans la Casa di Nettuno ed Anfitrite, avec la transformation de l’étage en appartement indépendant, laissent entrevoir la transposition de ce type d’arrangement familial au sein d’un bien immobilier. Pour un bien-fonds plus important, comme celui mis en évidence au nord-ouest de l’insula, la fragmentation de la grande Casa del Bicentenario en trois maisons (Casa dell’Apollo Citaredo, Casa del Bicentenario, Casa del Bel Cortile) peut procéder d’une même nécessité de répartir le patrimoine entre plusieurs membres de la familia. Un autre élément intervient, qui est celui des donations pouvant être faites à des affranchis. J. Dubouloz cite le cas d’une domus à Arles partagée entre des affranchis, qui disposent d’un droit d’usage jusqu’à leur mort : il s’agit d’un legs
271
3.4
Figure 247. Casa del Bel Cortile, pièce 8, registre supérieur, motif du « bétyle ailé ». Cliché A. Dardenay.
d’usage (ou d’usufruit). A leur mort, l’usufruit ne peut être transmis et l’habitation retourne dans la propriété familiale, pour être léguée aux ayantsdroit. Le legs d’usage ou d’usufruit concernait souvent des affranchis.7 Ces legs d’usufruit, qui permettaient au pater familias de s’assurer qu’un affranchi pour lequel il nourrissait de l’estime pourrait finir ses jours à l’abri, même après le décès de son ancien maître, pouvaient être source de conflits et en tout cas de relations complexes entre l’ancien esclave ainsi remercié et les héritiers du pater familias. Sur la base de découvertes archéologiques (tablettes de cire, sceaux, documents épigraphiques divers) plusieurs domus d’Herculanum semblaient être occupées par des affranchis au moment de l’éruption. Citons, dans l’insula V, la Casa del Mobilio Carbonizzato (plaque « opistographe », voir fig. 9), la Casa del Sacello di Legno, la Casa del Bicentenario. Toutefois, il ne s’agit ici que de supputations. Nous ne connaissons pas avec certitude les noms des derniers propriétaires et derniers occupants des habitations. Même les archives ne constituent pas une preuve tangible, car elles peuvent être anciennes, ou liées de manière indirecte au dernier propriétaire ou dernier occupant. Une bonne démonstration de la fragilité de ces témoignages concerne le cas des archives découvertes dans la Casa del Bicentenario. La plus grande demeure de l’insula V a sans doute abrité les protagonistes d’un procès dont une partie des pièces juridiques a été découverte < Figure 246. Casa di Nettuno ed Anfitrite, pièce 2, zone médiane, motif du « bétyle ailé ». Cliché P. Mora.
272
CONCLUSION DU CHAPITRE
Figure 248. Détail de la peinture de jardin de la Casa di Nettuno ed Anfitrite, espace 8. Cliché A. Dardenay.
en 1938, dans une pièce du premier étage (la pièce 37, au-dessus de la pièce 8).8 On y a en effet trouvé, enfermées dans un coffre, 150 tablettes de cire relatives à un combat juridique opposant Calatoria Themis à Petronia Iusta, fille de Petronia Vitalis, une esclave affranchie. Petronia Iusta avait grandi dans la maison de Calatoria Themis et Petronius Stephanus, son époux, et avait été élevée comme leur propre fille. On suppose que Petronius Stephanus fut un des derniers propriétaires de la Casa del Bicentenario, mais aucune certitude n’est possible. Le cas opposant Calatoria Themis, femme légitime de Petronius, à Petronia Vitalis fut porté devant le tribunal du préteur le 7 décembre 74, au forum d’Auguste à Rome et le procès se prolongea pendant l’année suivante.9 Les deux femmes s’opposaient sur le statut social de Petronia Vitalis. Cette dernière affirmait qu’elle était née libre (ingenua), après l’affranchissement de sa mère. Quant à Calatoria Themis, elle affirmait au contraire que la jeune fille était née esclave et qu’elle était désormais son affranchie. Toutes deux apportèrent des témoins de leur bonne foi, mais aucune ne put produire de document administratif à l’appui de leurs
Figure 249. Détail du décor de la niche du puits sous l’escalier maçonné de la Casa del Bel Cortile, espace 3. Cliché A. Dardenay.
273
3.4 affirmations (ni acte de naissance, ni document de manumission par exemple). Un seul point apparaît certain, car appuyé par plusieurs témoins et documents : Petronius Stephanus et Calatoria Themis avaient élevé Iusta comme leur propre fille. Quant à sa mère naturelle, Petronia Vitalis, il lui avait été proposé un marché pour racheter l’enfant, en versant au couple une forte somme d’argent. Malheureusement de nombreux éléments-clés du procès nous sont inconnus : qui, des deux femmes, a mené l’action devant la justice ? Quel jugement a été prononcé ? Quant aux réelles motivations du procès, une hypothèse peut être avancée : le véritable enjeu, au-delà de la question du statut social de Iusta, n’était-il pas celui de la transmission de l’héritage de Petronius Stephanus10 ? En effet, si Calatoria Themis pouvait prouver que Iusta était née esclave et demeurait son affranchie, alors l’épouse héritait seule. En revanche, si Iusta était bien née libre, elle pouvait, si elle était la fille naturelle de Petronius Stephanus (ainsi que certains l’ont suggéré11), prétendre à une part de l’héritage. De fait, les années du procès, 74-75, correspondent probablement à la période où la Casa del Bicentenario fut démantelée et fractionnée en appartements. Ces aménagements furent-ils rendus nécessaires pour obtenir les fonds destinés à financer un coûteux procès ? Ou bien résultent-ils d’un partage du bien immobilier entre les deux femmes. Nous l’ignorons, car nous ne savons pas qui avait stocké ces archives dans un coffret conservé dans la pièce 37 du cenaculum sud. Et nous ne savons pas non plus qui vivait dans cet appartement aménagé au premier étage de la maison et accessible depuis un escalier situé dans un espace (19) accolé au tablinum et ouvert sur le péristyle. Une dernière question reste à soulever : les changements de propriétaire laissaient-ils des traces matérielles que l’archéologie nous permettraient de documenter ? En effet, l’archéologie pompéienne documente l’existence de rituels domestiques consécutifs à un changement de propriétaire. 12 Parfois ils témoignent d’une réorganisation de l’espace habitable, sans en augmenter ou diminuer la surface, mais dans certains cas, ces rituels sont consécutifs à la cession d’une pièce, ou plus, entre habitations mitoyennes. Un rituel particulièrement intéressant consistait à placer un dépôt votif sous le seuil d’une porte murée.13 Il existe de nombreux cas, dans l’insula V d’Herculanum, de portes de communication entre unités d’habitation, qui furent condamnées à un moment ou l’autre de l’histoire édilitaire. Il serait très intéressant de mener des sondages sous les seuils des ouvertures condamnées afin de vérifier si ce type
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de rituel avait pu avoir lieu à Herculanum également. D’autres sondages pourraient permettre de vérifier l’existence éventuelle d’autres rituels domestiques attestés dans l’insula IX 7 de Pompéi, comme des fosses garnies de dépots (notamment amphores remplies de dépouilles animales) creusées dans des niveaux de sols abandonnés et scellés (dans des pièces comme dans des jardins). Tous ces rituels ne sont pas nécessairement liés à un changement de propriétaire, mais ils témoignent de manière évidente du besoin de sacrifier aux Pénates de la maisonnée lors de transformations internes à l’édifice. Ainsi G. Giglio envisage que ces rituels documentent la consécration de l’habitation aux Pénates d’un nouveau propriétaire, au moins dans un certain nombre de cas.14 Quoi qu’il en soit, seules des fouilles et sondages – aux endroits appropriés de l’insula V d’Herculanum, pourraient permettre d’alimenter la réflexion à ce sujet. NOTES 1 2 3 4
5 6 7 8 9 10
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13
14
Cerulli Irelli 1971. Esposito 2014, 177. Problèmes analysés par J. Dubouloz qui propose différentes études de cas (Dubouloz 2011, 286). Questions qui se trouvent soulevées dans Dubouloz 2011, chapitre IX. « La cellule familiale qui se dessine alors s’ouvre à une famille élargie dans laquelle peuvent cohabiter trois générations de parents en lignée masculine, accompagnés chacun de son épouse ». Dubouloz 2011, 426-427. Dubouloz 2011, 406. Dubouloz 2011, 288. Cooley, Cooley 2014, 215 sq (G5-G11). Camodeca 2017, 46-47. Maiuri 1958, 222-239 ; Metzger 2000; Pesando, Guidobaldi 2006, 185-190. Weaver avait déjà avancé cette hypothèse : Weaver 1997, 69 et 71. Sur ce dossier juridique lire également Metzger 2000. Notamment, A. Wallace-Hadrill, dans son analyse de ce cas, indubitablement lié à l’identification de la personne qui vivait dans l’appartement de l’étage de la Casa del Bicentenario : Wallace-Hadrill 1994, 177 (« Either way, it is likely enough that Stephanus was the father »). Les vestiges archéologiques de ces rituels ont été étudiés, dans l’insula IX 7, par M. Giglio, dans le cadre du projet « Rileggere Pompei ». Divers types de transformations planimétriques sont attestés, certains concernant des cas d’empiètement sur une parcelle mitoyenne. Un des rituels de changement de propriété est associé à la fermeture de niches, d’autres à des dépôts sous les seuils (Giglio 2012, 215). Par exemple dans l’insula IX 7, dans l’édifice 21-22, une coupe à vernis noir conservant des traces de carbone fut découverte sous le seuil de l’entrée condamnée vers le Vicolo di Tesmo. Giglio 2012, 216. G. Giglio suppose que les niches fermées de l’habitation IX 7, 20, documentent la consécration de l’édifice aux divinités protectrices de la nouvelle famille qui investissait les lieux, et donc témoignent d’un changement de propriété. Giglio 2012, 217.
Conclusion
UNE TENDANCE À LA FRAGMENTATION DES UNITÉS D’HABITATION Au terme de cette étude, il apparaît que l’histoire architecturale de l’insula V d’Herculanum encourage à étudier les édifices et leurs programmes ornementaux, non à l’échelle d’une unité d’habitation, mais au minimum conjointement avec les édifices voisins, et autant que possible, à l’échelle de l’insula tout entière. Seule cette échelle permet de prendre en compte toutes les données relatives à la mise en œuvre des décors observables, de manière synchronique (à un moment M) mais aussi diachronique (phase par phase). Nul ne peut réellement comprendre l’architecture, ni même le programme ornemental de la Casa del Bel Cortile, s’il ignore qu’elle était initialement une partie de la Casa del Bicentenario. Et de la même manière, l’architecture et le décor de la Casa del Gran Portale ne peuvent être correctement appréhendés qu’en étudiant simultanément les habitations mitoyennes, ainsi que les phases précédentes (lire la synthèse diachronique p. 167-169). A l’échelle de l’insula, l’étude fine du bâti et des décors, dans une perspective diachronique, permet une réflexion inédite sur les évolutions des structures d’habitat et de leurs «programmes ornementaux» qui ne doivent pas uniquement être envisagés dans la version figée d’une lecture synchronique, mais également dans une perspective dynamique. Autrement dit, la construction socio-anthropologique de l’habitat - au sein d’un bien-fonds - et l’inscription des édifices dans un temps long doivent être privilégiés au cours de l’analyse. Dans une cité telle qu’Herculanum, les habitants interagissaient continuellement avec l’architecture domestique, s’appropriaient les lieux qu’ils occupaient au quotidien au fil des ans, en fonction des besoins de leur familia. Ils investissaient de valeurs et de significations les lieux qu’ils habitaient, contribuant ainsi à façonner la ville. L’analyse diachronique des phases architecturales et décoratives indique, dans l’insula V, une tendance à la fragmentation des patrimoines immobiliers, ainsi qu’à la surélévation progressive de toutes les habitations. L’époque augustéenne est marquée par la construction de deux grandes habitations- la grande Casa del Bicentenario et la grande Casa con Giardino – dont l’implantation a considérablement remanié la partie nord,
comme la partie sud de l’insula. Les quatre parcelles du centre se distinguent par une relative permanence des limites des édifices dans leur planimétrie d’époque républicaine. Pendant l’époque impériale, et jusqu’à l’éruption de 79, au moins deux séismes ont causé des dégâts importants dans l’insula V, entraînant des reconstructions et peut-être certaines modifications architecturales. Mais il faut rester prudent sur cette relation de cause à effet, car le caractère particulièrement identifiable, du point de vue archéologique, des réparations liées aux séismes amène à créer un « effet loupe » sur ces événements, et à interpréter – parfois peut-être trop hâtivement – certaines transformations des édifices comme relevant de la conséquence immédiate de ces événements sismiques. Néanmoins, les séismes demeurent des marqueurs temporels utiles pour appuyer le phasage et le séquençage temporel, afin d’affiner la chronologie des transformations. Ce phasage permet de constater la lente dislocation des édifices les plus imposants (voir planches 33-35 pour les rez-de-chaussée) mais aussi la croissance progressive de la surface occupée par les étages. Ceux-ci se limiteront toutefois à un seul niveau au-dessus du rez-de chaussée, à l’exception de la Casa del Bicentenario qui sera surélevée une seconde fois, peu avant l’éruption. Des hypothèses d’ordre sociologique et patrimonial permettant d’expliquer une partie des transformations architecturales ont été avancées dans cet ouvrage. « DÉCOR CONTRAINT »
OU
«
DÉCOR CHOISI
»?
La mise en évidence des principes régissant le décor de l’habitat urbain était également au cœur de la réflexion menée dans cet ouvrage. L’étude de l’évolution architecturale et ornementale de l’insula V permet de mettre en évidence les choix effectués par les propriétaires successifs : en matière de décoration, qu’est-ce qui est conservé et qu’est-ce qui est modifié ? Comment le cadre plus ancien a-t-il été exploité au service de la “ pertinence “ du décor ? Les principes de décoration de la sphère domestique, tels que théorisés par Vitruve (Vitr. 1, 2, 5), visaient à établir une harmonie entre l’architecture, la décoration et le statut social de la familia ; ces principes visaient également, au sein
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4 de l’habitation, à orchestrer l’articulation entre les différents espaces et à hiérarchiser leur implantation en fonction des usages qui pouvaient être faits des différentes pièces, en tenant compte de leur visibilité et des personnes qui pouvaient y accéder. Cependant, bien souvent, ces principes théoriques se heurtent aux contraintes de l’architecture urbaine et du développement de l’habitat au sein de la parcelle. En effet, en ville, à l’époque impériale, la construction de maisons ex nihilo est plutôt l’exception que la règle. Il était, bien sûr, possible d’acquérir un ou plusieurs lots au sein d’une insula, de détruire les anciens bâtiments et de reconstruire une nouvelle maison. Mais dans la grande majorité des situations observées, les nouveaux propriétaires ont conservé la structure architecturale de la maison et tout ou partie de sa décoration. Dans l’analyse des maisons de l’époque romaine, il est donc important de distinguer celles dans lesquelles le propriétaire a pu mettre en œuvre un décor totalement choisi, et celles dans lesquelles, pour élaborer le décor de sa maison, le propriétaire a dû composer avec l’architecture et le décor préexistants et les intégrer au maximum dans son projet. C’est pourquoi l’étude des habitations romaines permet de distinguer la mise en œuvre d’un “ décor choisi “ (créé ex nihilo) de celle d’un “ décor contraint “. On parle de “ décor contraint “ lorsque l’aménagement du décor doit intégrer – par souci d'économie bien souvent – des contraintes, soit architecturales (une partie d’un habitat ancien à conserver), soit décoratives (une partie d’un décor ancien à conserver). Les contraintes sont donc des éléments architecturaux ou décoratifs qui doivent être pris en compte dans la planification du futur plan et du futur décor de la maison. Ces contraintes limitent la liberté d’action de l’architecte (et du décorateur). Cependant, des modifications peuvent être apportées à l’architecture et à la décoration préexistantes, ce qui limite l’impact de la contrainte sur le nouveau projet. Dès lors, dans le cas d’un “ décor contraint “, tel que ceux que nous avons examiné au cours de cet ouvrage, comment les éléments anciens (décoration et architecture) sont-ils intégrés dans un nouveau projet : selon quelles modalités ? Et pour quel résultat ? Les exemples analysés dans cet ouvrage, et en particulier ceux de la Casa del Bel Cortile (V, 8) et de la Casa del Gran Portale (V, 35), nous ont permis d’établir quelles adaptations pouvaient être réalisées pour mettre de la cohérence dans un « décor contraint », afin de de respecter les règles de la « convenance » qui régissait l’ordonnance de l’es-
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pace domestique. En effet, ces habitations sont révélatrices des stratégies élaborées par les propriétaires pour tirer le meilleur parti d’un « décor contraint ». En conservant des parties choisies des anciens décors, et en réalisant un minimum de transformations architecturales, ils sont parvenus à concevoir de nouveaux décors, appropriés au standing de leur classe sociale. Dans certaines habitations de l’insula V, nous avons observé le maintien de décors anciens, d’époque républicaine (Ier et IIe styles) ou augustéenne (IIe style final et IIIe style), mais plus souvent pour les sols que pour les murs ou les plafonds. Ce phénomène est assez conforme à ce que l’on observe ailleurs dans le monde romain, puisque la réfection des enduits peints – défraichis ou abimés – n’entraine pas systématiquement la réfection des sols. Il arrive aussi que l’on fasse le choix de conserver des décors anciens, pour le prestige qu’ils apportent à l’habitation. Ainsi, plusieurs maisons, à l’instar de la Casa Sannitica, de la Casa del Sacello di Legno, de la Casa del Bicentenario et de la Casa del Mobilio Carbonizzato, témoignent de la faveur, chez certains, d’un décor reposant sur l’hybridation entre ancien et moderne. Toutefois, les décors peints antérieurs au IVe style ne sont pas si nombreux dans l’insula V. A ce phénomène, plusieurs explications peuvent être avancées, la plus probable étant que les habitations d’époque républicaine n’aient pas été ornées, dans ce quartier, de peintures de qualité, dignes d’être conservées (sauf dans la Casa Sannitica). Une autre explication serait que les séismes aient causé des dégats trop importants pour que des peintures anciennes puissent être maintenues. Mais ce deuxième argument convainc moins, dans la mesure où Pompéi – qui a aussi beaucoup souffert des séismes – offre statistiquement beaucoup plus d’exemples de conservation de décors anciens. Rappelons, parmi tant d’autres, l’exemple de Caius Julius Polybius fils d’affranchi, qui conserva le décor Ier style de la maison qu’il avait achetée à Pompéi. Les pavements des habitations se caractérisent par une grande sobriété. Le type le plus représenté est celui des sols en béton ou mortier (cementizi). Les sols de Ier et IIe styles ont été conservés, partout où cela a été possible et, par la suite, la plupart des réfections furent réalisées de sorte à maintenir cette esthétique très particulière que confèrent aux habitations les pavements d’époque républicaine. De manière générale, les pavements de béton (ou mortier) à décors végétaux ou figurés sont
CONCLUSION très rares à Herculanum (on en trouve dans la taberna Vasaria, ou la Casa del Albergo) et l’insula V ne fait pas exception. Quant aux mosaïques, elles offrent presque uniquement des compositions en noir et blanc, caractérisées par un champ central uni (noir ou blanc) et une simple ou double bordure périphérique (de la couleur opposée). Toutes sont datables des IIIe et IVe styles. À l’échelle de l’insula, l’étude détaillée des structures et de leur décor, dans une perspective diachronique, offre des possibilités entièrement nouvelles d’aborder l’évolution des espaces d’habitation et leurs « programmes décoratifs » qui ne se limitent pas à une lecture synchronique, mais sont animés par une perspective plus dynamique. En d’autres termes, les analyses proposées dans le présent ouvrage ont permis de mettre en évidence la construction de l’identité d’une habitation et l’inscription des structures dans une histoire de longue durée. Certains bâtiments affichent ainsi un conservatisme attentif à l’égard du décor ancien, qui peut être, dans certains cas, une illusion créée par l’interruption des travaux en cours. Enfin, il faut noter que, lors de ces transformations, l’accent a souvent été mis sur l’entrée de la maison, soit en exploitant le prestige des anciens décors, soit en intégrant une partie résiduelle des anciens décors dans un programme ornemental à la mode. Ainsi, les habitations de l’insula V d’Herculanum révèlent les adaptations qui pouvaient être faites pour mettre de la cohérence dans un “décor contraint”, afin de respecter les règles de “convenance” qui régissaient l’ordonnancement de l’espace domestique. ADAPTER L’ARCHITECTURE DOMESTIQUE À UNE MAISONNÉE EN PERPÉTUEL MOUVEMENT
Parmi les spécificités notables de l’insula V, par rapport à d’autres îlots d’Herculanum, notons que quatre des cinq cenacula à colonnade (salles à manger d’étage) attestés sur le site y sont conservés. De plus, on y observe aussi la plupart des dispositifs de niches aménagées dans les parois pour y installer des banquettes. On ne saurait justifier de manière assurée la sureprésentation de ces aménagements spécifiques dans l’insula V, par
rapport au reste du site, si ce n’est par un maintien plus fort, dans cet îlot, de dispositifs architecturaux anciens (d’époque républicaine ou augustéenne). Ces observations rejoignent donc celles que nous formulions plus haut à propos du décor des habitations. Si le lien entre le décor et les activités qui se déroulaient dans les différentes pièces de la maison (il n’est plus question de parler de « fonction ») apparaît comme une piste d’interprétation très fragile, en revanche, il est clair que l’ornatus participait pleinement à une hiérarchisation des pièces. Cette hiérarchisation pouvait concerner soit le statut des espaces dans l’ergonomie générale de l’habitation, soit le statut des personnes autorisées à accéder à ces espaces. L’étude objective de l’histoire architecturale et ornementale peut être enrichie par l’apport que représente une confrontation entre les sources juridiques romaines sur le patrimoine et les constatations archéologiques réalisées sur le parcellaire d’une ville telle qu’Herculanum. Ainsi, les travaux sur la législation du patrimoine immobilier incitent à questionner les interdépendances entre les membres de la familia et leurs habitations, sur le temps long, c’est-à-dire sur plusieurs générations. Il ne faut pas non plus sous-estimer les dispositions qui pouvaient être prises pour assurer un logement, au sein de la maisonnée, à un affranchi, homme ou femme. Le droit romain mentionne, en effet, des situations où les différents biens d’une famille pouvaient se trouver occupés en tout ou partie par d’anciens esclaves, qui bénéficiaient ainsi d’une forme de prise en charge jusqu’à leur mort. L’affranchi pouvait ainsi occuper une ou plusieurs pièces, plus ou moins indépendantes. Dès lors, au sein de la cellule familiale, rien n’est figé et la composition d’une maisonnée pouvait varier considérablement dans le temps, en fonction des grands événénements de la vie : naissance, mariage, mort. Ce phénomène peut expliquer, en partie du moins, les nombreuses transformations architecturales observées au sein des habitations, du patrimoine d’une famille et du parcellaire.
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ERC - V, 03 • Casa del Telaio
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ERC - V, 18 • Appartement
m2
RDC m2
Étage m2
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ERC - V, 21 • Boutique
m2
RDC m2
Étage m2
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ERC - V, 22 • Appartement
15 m2
RDC m2
Étage 153 m2
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ERC - V, 24 • Casa della Colonna Laterizia
184 m2
RDC 94 m2
Étage 90 m2
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ERC - V, 25 • Boutique
m2
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