Lexiques scientifiques et techniques: constitution et approche historique 9782730213974, 273021397X

Depuis plusieurs années, les recherches dans le domaine de la traduction ont pris une grande expansion pour la période m

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Lexiques scientifiques et techniques: constitution et approche historique
 9782730213974, 273021397X

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Olivier Bertrand, Hiltrud Gerner et Béatrice Stumpf

Lexiques scientifiques et techniques Constitution et approche historique

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LES ÉDITIONS DE L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE

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Lexiques scientifiques et techniques Constitution et approche historique Sous la direction de Olivier Bertrand, Hiltrud Gerner et Béatrice Stumpf

Ce logo a pour objet d'alerter le lecteur sur la menace que représente pour l'avenir de l'écrit, tout particulièrement dans le domaine universitaire, le développement massif du « photocopillage ». Cette pratique qui s’est généralisée, «notamment dans les établissements d'enseignement, provoque une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd’hui menacée. Nous rappelons donc que la production et la vente sans

autorisation, ainsi que le recel, sont passibles de poursuites. Les demandes d'autorisation de photocopier doivent être adressées à l'éditeur ou au Centre français d'exploitation du droit de copie : 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. Tél. : 01 44 07 47 70.

© Éditions de l'École Polytechnique - Mai 2007

91128 Palaiseau Cedex

Sommaire

Avant-propos

1" partie De La lexicologie à La lexicograpbie { Robert MARTIN (Membre de l'Institut)

BERALE "7

Le traitement lexicographique des mots scientifiques et techniques

Philippe SELOSSE (Université de Lyon 2/UMR 5037, CELL)

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La dénomination des savoirs en français préclassique (1500-1650) : bilan du colloque organisé à Lyon en juin 2005

| Thomas STÂDTLER (DEAF, Université de Heidelberg) Le traducteur, créateur de néologismes : le cas de Nicole Oresme

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2° partie Le domaine médical

de la Chirurgia Magna de Guy de Chauliac

Isabelle VEDRENNE-FAJOLLES (Université de Nice - Sophia Antipolis) Tradition hippocratique et pseudo-hippocratique aux 13°-14° siècles

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81

Annelies BLOEM et Michèle GOYENS (Université catholique de Leuven) À propos des mouvemens et des affections de l'ame.

105

Fa Analyse du champ sémantique des émotions dans la traduction en moyen français

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des Problèmes d'Aristote

3° partie Putour des plantes : les procédés de transformation É: Éva BUCHI (ATILF, Nancy-Université, CNRS)

123

Le lexique pharmaceutique du Livre des propriétés du vinaigre

de Baptiste Cavigioles (1541). * Contribution à l'étude de la constitution du vocabulaire pharmacologique français

Françoise HENRY (ATILF, Nancy-Université, CNRS) on Vocabulaire technique des domaines de la vigne et du vin dans l'ancienne langue

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laxiques scientifiques at teachniauies

4 partie

|

Dire la science : du vocabulaire au lexique m Stephen DÔRR (DEAF Université de Heidelberg) À La création du lexique astronomique et astrologique en ancien français : observations méthodologiques et pratiques

|

Franz RAINER (Wirtschaftsuniversität Wien) | Les termes comptables balance, bilan et inventaire aux 16° et 17° siècles

Silvia TONIATO (Université de Turin) Lexicon Algorismi — pour une étude comparative du lexique mathématique au Moyen Âge

An SMETS (Université catholique de Leuven) « Les faucons malades » ou les termes indiquant la maladie dans des textes de médecine vétérinaire. Étude lexicale basée sur les traités de fauconnerie en ancien et en moyen français

Elisabetta DERIU (Université de Paris XII- Val de Marne) À cheval entre la France et l'Italie : le lexique relatif à l'art équestre dans les traités français d'équitation à la Renaissance (fin 16° - début 17° siècle)

: Trung TRAN (Université de Montpellier 3 - Paul Valéry) Langue vulgaire, lexique architectural et langue littéraire dans le Discours du Songe de Pofñphile (1546)

Conclusion À

s

CA | Par Joëlle DUCOS (Université de Paris IV — Sorbonne)

1,17]

Néologie lexicale et culture savante : transmettre les savoirs

Bibliographie générale sélective

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Jndex des mots et concepts cités

— 2) ndex des auteurs, des œuvres GS et des manuscrits cités

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Avant-propos

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LE vocabulaire politique aux 14° et 15° siècles : Constitution d'un lexique ou émergence d'une science ?! Olivier BERTRAND, École polytechnique et ATILF, Nancy-Université, CNRS orsque les traducteurs de Charles V (1364-1380) se penchent sur les œuvres politiques de l'Antiquité et du moyen âge qu'ils traduisent laborieusement, ils ont conscience de créer un nouveau lexique mais prennent-ils bien la pleine mesure d'une émergence du fait politique comme entité constituée ? Une grande partie du vocabulaire politique utilisé aujourd'hui en français fut créée aux 14° et 15° siècles par les traducteurs officiels du royaume. Cette période de l'histoire de la langue est-elle celle de la simple constitution d'un lexique qui s'étoffe peu à peu ou bien émerge-t-elle à la faveur d'une réelle conscience qu'avaient les souverains de construire une science de la politique ?

La question soulevée ici est celle de l'émergence d'un lexique — celui du politique — et de son implication dans la société française à la fin du Moyen Âge : à la faveur des conflits tant politiques que théologiques entre papauté et royauté au 14 siècle, la constitution d’un lexique spécialisé rendu possible par les nombreuses traductions commanditées par le roi de France s'est-elle mise en place ou bien est-ce une véritable théorie (ou tentative de théorisation) de la politique qui s'installe, par le truchement du lexique, dans l'univers politique français ? Les nombreux néologismes dans le champ politique des 14° et 15° siècles s'inscrivent soit dans une production éparse de traduction des textes, soit dans une construction beaucoup plus élaborée d'une science naissante : la science politique. C'est à partir des préfaces des traducteurs, de leurs commentaires, des gloses, des textes historiques et des néologismes mêmes qu'il est possible d'évaluer si ce lexique politique naissant dépasse le cadre strictement linguistique.

1. Politique et théologie : une histoire commune ou deux histoires parallèles l'émergence du vocabulaire français de la science politique ne peut s'étudier sans la mise en évidence de l'influence des conceptions religieuses sur les théories politiques qui jalonnent l'histoire de France. C'est un fait historique : la France est partagée entre deux forces qui revendiquent le pouvoir temporel sur le peuple. Religion et royauté s'affrontent pour gouverner. Jeannine Quillet (1998) signe un article du Dictionnaire de philosophie politique dans lequel elle explique « qu'une pensée politique médiévale s'inscrit dans une problématique de caractère religieux, où sacré et profane sont intimement mêlés et où la préoccupation du spirituel déborde largement le cadre de la réflexion sur l'Etat et les institutions pour se focaliser sur les concepts de pouvoir et d'autorité, leur origine et les conditions de leur exercice. » Il n'est pas étonnant en effet de constater que l'histoire des idées politiques en France est liée à celle de l'Eglise, aux conceptions théologiques du pouvoir. Dès lors, l'analyse des changements et des innovations du lexique français au 14° siècle ne prend

sens que dans la perspective théorique et conceptuelle des conflits d'idées qui les façonnent. Ainsi, les traductions françaises du 14° siècle ne peuvent être compréhensibles qu'avec la connaissance de la pensée même générée par les textes originels des pères de l'Eglise tout autant que par ceux des penseurs — souvent ecclésiastiques certes — qui luttèrent contre la suprématie de l'Eglise sur les affaires publiques de l'Etat. Comment comprendre enfin la spécificité de la langue vernaculaire dans la traduction de La Cité de Dieu de saint Augustin par Raoul de Presles entre 1371 et 1375, par exemple, sans connaître la pensée même de son auteur au 5° siècle de notre ère et l'évolution subie par la langue originelle latine pour qu'enfin soit intelligible un néologisme politique en langue française ? La genèse et le développement du vocabulaire de la science politique en France datent essentiellement du 14 siècle. C'est en effet principalement sous l'impulsion et le mécénat du roi Charles V que se développent les traductions d'ouvrages de philosophie politique à partir d'œuvres latines ou grecques. D'origine fort diverse, ces textes sont avant tout les traductions latines des ouvrages incontournables de la philosophie grecque que le Moyen Âge occidental découvre peu à peu et ne cesse de gloser?. Mais les penseurs médiévaux ne sont pas en reste et multiplient, souvent sur la base des textes fondateurs antiques, leurs propres conceptions de la politique et des rapports que celle-ci doit entretenir avec la religion. Ainsi, le 14° siècle français se fait-il l'héritier d'un gigantesque legs dans lequel se côtoient Aristote (4° siècle avant Jésus-Christ), saint Augustin (5° siècle après Jésus-Christ), Jean de Salisbury (12° siècle) et bien d’autres : autant d'auteurs si divers et éloignés dans le temps dont les textes parviennent au lecteur médiéval en latin et que le roi Charles V entend faire traduire en langue française{. La recherche ici amorcée se donne pour but d'évaluer les différents procédés de formation du vocabulaire français de la science politique durant la période du règne de Charles V et la mise en évidence des conceptions religieuses sur les théories politiques. Une telle étude suppose une connaïissance approfondie des différents enjeux qui ont permis la création d'un nouveau fonds lexical à partir de textes divers. Cette étude se veut résolument lexicale mais ne peut faire l'économie d'une explicitation des contextes politique et théologique du Moyen Âge occidental qui permettront de comprendre les évolutions sémantiques des lexèmes utilisés par les auteurs et par les traducteurs. Les regards historique, philosophique et théologique apportent une base essentielle à la compréhension et à l'étude linguistique du vocabulaire français de la science politique. Car il s'agit bien de manier des mots, eux-mêmes véhicules de la pensée. Comment comprendre un corpus de lexèmes qui ne sont autres que des concepts, lorsque l'éclairage conceptuel même est absent ? C'est là toute la difficulté. Le 13° siècle est celui d’Aristote. Ses œuvres, désormais traduites en latin — et donc accessibles aux intellectuels de l'époque — sont glosées, discutées, commentées. L'Eglise refuse certains aspects fondamentaux des thèses aristotéliciennes — antérieures à la révélation chrétienne — qu'elle juge peu orthodoxes à la foi de Dieu. Saint Thomas d'Aquin (1225-1274) est un des rares théologiens à s'appuyer sur certains écrits du philosophe grec pour expliquer les mystères de la foi. Dans son De Regimine Principum, écrit vers 1260, saint Thomas développe les théories politiques d'Aristote en explicitant la justification de l'autorité temporelle des rois. Bien vite pourtant dans ses écrits, il subordonne cette dernière à celle d'un pouvoir plus légitime encore. D'une certaine manière, saint Thomas comprend vite qu'il faut intégrer une pensée philosophique antique devenue incontournable mais tente de la christianiser, où tout au moins de faire poindre ses défaillances pour mieux les combler par un discours chrétien, afin qu'elle ne se fourvoie pas dans les méandres des pensées 1

Lexiques scientifiques et techniques

hérétiques qui pourraient mettre à mal les fondements théoriques de la légitimité de l'Eglise. À la fin du siècle, toutes les œuvres connues d'Aristote sont traduites en latin. Alain de Libera (1993 : 365) résume bien les conséquences d'une telle connaissance et le danger qu'encourt l'Eglise : La gremière

cerure intervient en 1240, quandle concilede la Province ecciésiastique de

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{dont Focuvre — les quaterriuf — est exc on tsvouée à ls destrictio £ 1228 je pate Grégoire IX met en garde les&ciogiens conire les & nouveR: Le mal a pourtant déjà investi l'univers intellectuel européen. La connaissance que ce dernier acquiert de la philosophie aristotélicienne offre un socle solide à la théorie politique naissante et contestatrice. Dans son introduction à la philosophie médiévale, Kurt Flasch explique que L'organisation saciaie de l'humanité et la constitution des Etats faisaient dès grante du débat philosophique;ce n'était plus simplement une annexe aux giques. Les Etats n'étaient plus seulement des justiciers de Dieu chargés humanité pécheresse qui, par la désobéissance d'Adam, avait mérité toutes

lors partie intéthèses théolode châtier une sortes d'hurmi-

ations. fi fallait désormais comprendre la vie sociale et l'Etat comme une expression de a

nature socialede l'homme. L'organisation théocratique du pouvoir politique cerdait de son poids : | devenait plus diffidle de soutenir le prétention cléricale selan laquelle l'Eglise domine l'Etet comme l'âme damine le corps. Et l’auteur de conclure que c'est, en somme, l'arrivée d’Aristote qui plonge véritablement la civilisation occidentale dans le monde moderne. Quelques années plus tard, au début du 14e siècle, Dante et Marsile de Padoue, forts de cet apport philosophique nouveau, dont ils contesteront énergiquement l'interprétation « christianisée », se feront les hérauts détracteurs de la doctrine pontificale du pouvoir. Le 13 siècle est aussi celui du platonisme. Guillaume de Moerbeke fut un traducteur et un commentateur infatigable des œuvres platoniciennes et aristotéliciennes. Les traductions latines de commentaires se multiplient :Thémistius (317-388), qui commente le Îe arimia est traduit en 1267. Notons que lentement, une grande partie de l'héritage intellectuel provenant de la culture antique est non seulement traduite, mais sert de support philosophique à toute discussion savante. Le rôle de l'université naissante devient alors primordial. Au 13° siècle, « l'université n'est pas un simple lieu où l'on dispense un enseignement supérieur, ce n'est pas un lieu de reproduction du savoir : c'est un lieu de production du savoir, un espace de

recherche et de confrontationé. » L'université n'est d'ailleurs pas l'organe pensant d'un quelconque pouvoir civil ou religieux. Elle est véritablement un lieu autonome d'où jaillissent des réflexions sur le monde. L'université de Paris représente l'alternative autonome de la pensée, détachée des contraintes hiérarchiques qui pèsent sur les penseurs de l'Eglise. ll ne faut pourtant pas se méprendre : les maîtres de l'Université de Paris sont tous de fervents chrétiens, souvent ecclésiastiques (mais pas uniquement) et l'Eglise ne fait jamais l'économie d'un blâme, d'une menace voire d'une

excommunication si les thèses énoncées par un enseignant luiparaissent douteuses et peu conformes à l'orthodoxie du moment. , inventée par Pierre Abélard dans le 5ic at Non au 12e siècle, la scolastique reçoit ses lettres de

noblesse un siècle plus tard. C'est autour de Philippe le Chancelier, vers 1230, qu'elle se développe : théologie et philosophie se côtoient, parfois dangereusement. L'œuvre d'Albert le Grand (11931280) montre bien la volonté d'enseigner les œuvres profanes (notamment celles d’Aristote) afin de mieux mettre en lumière les textes sacrés. L'enjeu de la scolastique est tout autant de démontrer — et ultérieurement dénoncer - les contradictions de la pensée que de réfléchir sur le langage lui-même et sur son pouvoir. L'université est également le lieu où le droit romain est largement redécouvert, ce qui n'est pas sans conséquence quant aux conceptions du pouvoir. En effet, nombre de légistes laïques développèrent la thèse du prince souverain qui bénéficie de la slenitude potestatis, c'est-à-dire d'un pouvoir absolu sur les affaires du siècle. A l'heure où les penseurs s'échauffent, argumentent où voient brûler leurs livres, le contexte politique français évolue lui aussi dans le courant du 13° siècle. L'exception française Claude Gauvard (1996) explique que « la querelle entre Philippe le Bel et Boniface VIII permet aux idées politiques de s'exprimer’. » En effet, à la fin du 13° siècle, le pape bénéficie d'un prestige tel que le roi de France a bien du mal à faire valoir son autorité religieuse et son autonomie politique sur ses sujets. Pourtant, depuis le règne de Louis IX (1214-1270), et surtout depuis sa canonisation rapide en 1297, la royauté française est empreinte d'une sainteté qu'aucun pape n'est en mesure de contester. Philippe le Bel entend bien tirer profit du sang sacré qui coule dans ses veines. Il s'attaque ainsi au clergé français duquel il exige un impôts. Le pape Boniface VII, immédiatement averti, fulmine la bulle Cericis f&icos (1296) qui ne fait que condamner l'action du roi en indiquant que ce dernier doit obtenir une autorisation papale pour ce type de décision. La réponse du roi, par le truchement de ses légistes, est immédiate : il est désormais interdit de sortir or et argent du territoire royal, ce qui revient à suspendre les revenus français du pape. Jean-François Le Marignier® explique les enjeux politiques d'une telle démarche : PhiHIGOE le Bel invecque le principe de indépendance du rot de France au temporel et à le

fait er: des lermes qui valent d'étre notés, Le gouvernernent royal a lancé une sorteNe manifeste qui commence par les mots : Antequem essem cierici, « Avant qu'il n'y eut des clercs... », ty avait un rot de France ayant la garde de son royaume. Peu der que ce soit historiquement faux en ce qui concerne le roi de France. Ce au'it faut souligner, c'est que Re

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du pouvoir politique per rapport au sacerdoce

Se précise alors la querelle entre philosophie politique aristotélicienne et pouvoir temporel du pape, remis en cause. En 1301, Boniface VIII rédigea une bulle Ausculta, ff qui rappelait au roi de France les préceptes des Pères de l'Eglise qui placent le spirituel au dessus du temporel. Philippe le Bel, soutenu par l'opinion publique convoqua une assemblée réunissant autant de clercs, laïcs, prélats et autres barons que le royaume et la cathédrale Notre-Dame de Paris pouvaient contenir. C'est durant

cette assemblée que furent définis clairement les droits et devoirs royaux : un texte fut aussitôt envoyé au pape qui déclarait que le roi de France se proclamait seul garant de l'Église de France. Ainsi naissait l'Eglise gallicane, la spécificité française. Le pontife, en réaction à l'outrageant courrier du roi de France, expédia sa fameuse bulle enflammée connue sous le nom de Linami Sanctam

(1302) dans laquelle il annonçait solennellement à tous qu'il n'y a qu'une seule Eglise dont le pape est le premier représentant. || exhibe alors la théorie des deux glaives'®. Chacun des belligérants entendait déposer l'autre et le déclarer hérétique. L'épisode se termina par l'attentat d'Anagni pendant lequel le pontife fut maltraité par le lieutenant du roi, Guillaume de Nogaret. Le pape fut ridiculisé et mourut un mois plus tard. La royauté française sortait renforcée de cette épreuve, d'autant qu'elle avait pris également ses distances par rapport à un Saint Empire germanique qui lui contestait également sa souveraineté. D'ailleurs lorsqu'il s'est trouvé quelques bons ecclésiastiques qui voulurent prouver aux juristes laïques français l'autorité du pape, ils ressortirent la fameuse «donation de Constantin» à laquelle il fut répondu que cette autorité s'appliquait à l'empereur, peut-être, mais certainement pas au roi de France, qui n'avait que faire des différends entre l'Empire et de Saint Siège. Voici donc la situation politique du royaume à l'aube du 14° siècle. L'échec que subit le pape porta un rude coup à l'autorité des successeurs de saint Pierre. Et c'est par cette brèche-là que la voie est ouverte à l'émergence d'une science nouvelle.

2. Le 14 siècle, réceptacle des conflits ouverts entre les deux pouvoirs Le 14° siècle va poursuivre les réflexions sur la nature du pouvoir, et ce, en pleine période d'effondrement des structures institutionnelles et mentales. Maître Eckhart (1260-1327), qui enseigna à

Paris entre 1300 et 1302, fut un digne et controversé continuateur de la scolastique universitaire. Le pape Jean XXII (1316-1334) condamna l'ensemble de son œuvre en 1327, tout comme il le fit à l'endroit d’un autre philosophe de renom, Guillaume d'Occam (1290-1349). Ce dernier enflamma le débat sur l'origine du pouvoir et n'hésita pas à concevoir que l'Eglise n'est rien d'autre que l'ensemble des chrétiens réunis''. Ces deux auteurs feront couler beaucoup d'encre et relanceront la vieille querelle des pouvoirs. Jean Duns Scot (1265-1308), étudiant anglais à Paris (1302-1303) puis maître en théologie dans cette même ville à partir de 1305, a su redéfinir les conceptions fondamentales de la puissance de Dieu (nateritiä Dei absaluta) qui ne manqua pas d'interpeller les partisans du pouvoir de l'Eglise. Ainsi le 14 siècle se veut le continuateur des pensées philosophiques impliquant les sources du pouvoir sur les peuples. De toute part, de nouveaux penseurs entendent mêler leur propre conception de l'autorité à celles des « classiques » désormais largement connue. Le Somnium Viridarii d'Evrard de Trémaugon, composé en 1376, est un traité de philosophie politique qui prend une forme allégorique. Ce traité, dans lequel s'affrontent, une fois de plus, puissances temporelle et spirituelle, s'adapte cependant aux spécificités de l'enjeu politique du moment puisqu'il n'hésite pas à mettre en scène le roi Charles V lui-même faisant un songe. Philippe de Mézières rédige entre 1386 et 1389 le Songe du Vieit Pelerin, véritable traité allégorique qui entend enseigner au jeune Charles VI les fondements de la politique.

Dès lors, il ne paraît pas incongru, à la lumière de ce bref historique des conflits politico-théologiques, de constater une évidence puis d'émettre un postulat. l'évidence est que les joutes incessantes entre les deux parties sont exclusivement rédigées en latin — seule langue universelle d'alors — depuis Augustin jusqu'à Guillaume d'Occam, quelle que soit la nationalité ou la qualité des philosophes. Le postulat est le suivant : les conflits d'idées quant à la suprématie du pouvoir entre les papes et les princes, depuis la fin de l'antiquité et tout au long du Moyen Âge, sont dominés par le vocabulaire chrétien qui se développe en corrélation avec l'expansion du christianisme en Occident d'une part, et le vocabulaire philosophique de l'antiquité grecque (lexique principalement aristotélicien) d'autre part.

C'est pourquoi le 14e siècle et le début du 15° siècle représentent en matière de constitution du lexique politique un creuset irremplaçable. On sait que depuis le 10 siècle, mais surtout à partir du 12e, les traductions d'œuvres grecques et latines se pratiquent. Mais les textes circulent surtout en latin. Le 13e siècle amorce une politique de traduction en langue vernaculaire que le 14° siècle amplifie considérablement. C'est le cas des œuvres philosophiques et théologiques en général, et particulièrement des ouvrages de philosophie politique dans un contexte international tendu. En effet, le 14° siècle est le témoin de la terrible et meurtrière guerre de Cent Ans (1337-1453) ainsi que du grand schisme de l'Eglise Chrétienne d'Occident à partir de 1378. Les monarques français, dans un souci constant de légitimité de leur pouvoir, font traduire, en langue française, bon nombre d'ouvrages de diverses époques et de langues et cultures différentes. Charles V (1364-1380) est

sans doute le roi de France qui montra sa détermination dans ce domaine avec la plus grande conviction. La bibliothèque royale, qui deviendra plus tard notre bibliothèque nationale, voit le nombre de ses exemplaires se multiplier sous son règne'2. Ce monarque éclairé, que la tradition qualifia très rapidement de Sage", dont l'un des sens est « savant », loua les services de nombreux

traducteurs afin que la connaissance des œuvres ne soient pas l'apanage de quelques clercs mais se développe à travers le royaume par l'intermédiaire de la langue commune à tous. Avant l'avènement de Charles V, sont surtout traduits des textes historiques, notamment une partie des Décades de Tite-Live que le prieur de l'abbaye Saint-Eloi, Pierre Bersuire (mort en 1362), traduit en français pour le compte de Jean le Bon (1350-1364). Sous le règne de Charles V, c'est-à-dire précisément entre 1364 et 1380, sont traduites les œuvres majeures d'inspiration politique connues au 14° siècle'4 : Denis Foulechat termine en français en 1372 la traduction du Paficratique de Jean de Salisbury, Evrard de Trémaugon traduit dès 1378 son Somnium Viricdari qui devient ainsi le Songe du Vergier. Jean Golein (1325-1403), enseignant et chapelain de Clément VII (1378-1394) est un traducteur très productif de Charles v. Outre les vies de

saints, il traduit le Rationaie divinorum officisrum de Guillaume Durand (1230-1296), dans lequel le traducteur introduit un développement connu sous le nom de fraité di sacre. Il traduit enfin en 1379 le iiber de informatione princioum"6. Raoul de Presles (1316-1382), maître des requêtes de l'hôtel de Charles V se voit confier la lourde tâche de traduire, entre 1371 et 1375 l'imposante Cité de Dieu de saint Augustin. Quant à Nicole Oresme (1322-1382), doyen de la cathédrale de Rouen, puis évêque de Lisieux avant de devenir conseiller royal de Charles V, outre ses nombreux écrits et commentaires, ce sont ses traductions d'Aristote en français qui le rendent célèbre: il traduit

l'Ethique, le Politique, l'Econorique, Du ciel et du monde. C'est au chanoine de la Sainte-Chapelle de Paris Jean Daudin (mort en 1382) qu'est confiée pour la somme de 200 francs la traduction du De remediis utriusque fartunae de Pétrarque (1304-1374). Enfin, le De eruditione principum de Guillaume Peyraut (1200-1271) est traduit par un anonyme en 1372 pour le roi Charles V.

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Les traductions en langue française postérieures au règne de Charles V, quoique toujours présentes, se raréfient car les textes sont de plus en plus souvent, à partir de la fin du 14° siècle, écrits directement en langue vernaculaire. Citons simplement Robert Blondel (fin 14°-1460), précepteur du comte d'Etampes, le futur duc de Bretagne, qui écrit en latin un pamphlet politique contre l'allance anglo-bourguignonne intitulé De comglanctu bonorum Galcorumi (vers 1420), traduit immédiatement sous le titre £a compaincte des ons françois. En 1449, il rédige une virulante diatribe contre les Anglais, l'Oratoria fistorialis, elle aussi immédiatement traduite, sous le titre Drcuts

de la couronne de France. Laurent de Premierfait, actif entre 1379 et 1418 traduit Boccace!” (13131375) et Cicéron (106-43 avant J.-C.)'8.

3. La pensée politique en langue vernaculaire Si les dernières années du 14° siècle, qui sont marquées par l'avènement du jeune Charles VI (13801422), voient le nombre des traductions en langue française diminuer sensiblement, l'écriture de la

pensée politique ne décroît jamais. En revanche, elle se fait parfois directement en français, devenu dès lors un véhicule naturel de la pensée sur le territoire de la France. Jean Juvénal des Ursins (1388-

1473), successivement avocat au Parlement, maître des requêtes, avocat général, prêtre puis évêque de Beauvais, enfin conseiller royal, écrit de nombreux traités politiques parmi lesquels figurent la Proposicion faicte par Jehan Juvenal des Ursins evesque et conte de Beauvais par devant fault et puissant prince le conte d'Eu, lieutenant générel du roy (1436) et le traité intitulé Jres crestien, tres hault, tres puissant roy (1446). Christine de Pizan (1364- ?)"° écrit directement en français ses ouvrages, notamment ceux à caractère politique ou moral. Parmi ceux-ci figurent f'Avision Christine (1405), Le livre du corps de policie (1404-1407), La lamentation sur les maux de là France (1410), Le livre de da paix (1412-1414) et l'Episire de le prison de vie humaine (1418). Jean de Montreuil (1354-1418), secrétaire du chancelier de France avant d'entrer directement au service de Charles VI

écrit en français des traités sur les relations entre pouvoirs anglais et français. Jean Gerson (13631429), théologien et prédicateur laisse une œuvre de sermons divers en français dont la teneur morale pourrait intéresser un politologue. Gontier Col (1350-1418), secrétaire de Charles VI, et tré-

sorier du roi à partir de 1404, rédige en français de nombreux textes de négociations diplomatiques et politiques. Alain Chartier (1385-1430), chanoine de Paris et secrétaire du fils de Charles VI,

ordonné prêtre en 1426 écrit Quadrilogue invectif (1422), suite de prosopopées mettant en scène la France endeuillée par la guerre et les trois ordres. Son livre de l'Espérance, composé à partir de 1428 est une réflexion allégorique sur la justice, le droit, la foi et l'espérance. Enfin Noël de Fribois, de la vie duquel on ne connaît presque rien, sinon qu'il fut conseiller du roi de France Charles VII (1422-1461), entre 1452 et 1459, rédigea un abrégé des Chraniques de france qu'il présenta au monarque en 1459 et qu'il commenta notamment sur les statuts et devoirs du roi.

4. Néologie politique : lexique politique ou conscience politique ? Le rôle du vocabulaire religieux dans la théorisation politique prend son sens dans le conflit ouvert entre papauté et royauté. Dès lors, une question se pose alors à tous les hommes de pouvoir, d'influence et de raison : qui doit avoir la suprématie du pouvoir ? La parole est aux religieux : définissant les rôles de chacun dans la société, ces derniers élaborent les règles et les devoirs du roi. C'est pourquoi dans les textes, le champ sémantico-lexical du pouvoir (lié au pape d'un côté, et au roi de l'autre) semble perti-

CFE

nent pour comprendre les enjeux du conflit. Le vocabulaire de l'autorité plénipotentiaire s'impose sous la plume des ecclésiastiques. C'est à partir de ce discours que ces derniers définissent le devoir royal en termes dichotomiques : le roi se doit de faire le bien (sous la tutelle du pape) ou bien la menace de la

faute (qu'il faut d'abord comprendre dans son acception religieuse comme faute condamnable pour l'éternité) risque de peser sur la couronne. Bien sûr, le vocabulaire religieux (celui de la faute comme celui de la vertu) n'en reste pas au seul domaine spirituel : la bonne conduite religieuse devient bonne conduite politique. C'est là précisément que l'étude du lexique prend son sens. Comment l'Eglise, par le truchement des penseurs comme saint Augustin ou Jean de Salisbury d'abord, puis par celui des traducteurs, parvient à infiltrer les domaines politique et moral en leur insufflant un corpus non négligeable de concepts qui vont s'inscrire dans le champ de leur activité ? Comment enfin les traducteurs ontils pu intégrer dans la langue française la pénétration de l'Eglise dans la vie politique quand le latin, lui, opérait déjà cette dernière dans des œuvres de théorie politico-théologique ? C'est dans les commentaires, introductions, gloses et prologues des traducteurs et théoriciens politiques des 14° et 15° siècles que l'on peut peut-être trouver des éléments de réponse à la question suivante : en créant, en façonnant de nouveaux mots pour exprimer de nouveaux concepts, les hommes du Moyen Âge ont-ils conscience de créer une science de la politique en français ou bien ne font-ils que créer du lexique ? Au passage, cela pose aussi le problème du lien entre le mot, le concept et la pensée. Jeannine Quillet dans le Dictionnaire de nhiosaphie politique?! signe un article intitulé « le problème théologico-politique dans l'Occident médiéval » dans lequel elle souligne l'enjeu de la rencontre entre politique et théologie pendant la période impériale : Poser le problème théolagico-noltique dans Foccadent médiéval, c'est se demander si le pensée coulitique de lEurone létine à pu, au cours de sort élaboration, se desene de |s

réflexion théologique et conquérir son autonomie, cu bien si ile n’a pas pu CU su s'en défaire, en sorte qu'elle n'aurait nu être indépendante. Nul plus que saint Augustin n'a exercé une influence prépondérante sur la pensée politique médiévale Mais les traductions d'Aristote n'ont rien de chrétiennes et Nicole Oresme traduit bien des œuvres

politiques. Deux influences voient le jour et s'opposent nettement. L'influence augustinienne et la théologie politique Le 14° siècle français introduit dans la langue vernaculaire du fait politique des termes issus de l'évolution sémantique du latin chrétien pendant la période médiévale ; et ce depuis l'avènement du christianisme comme religion d'Etat. Le prologue du traducteur de la Cité de Dieu, Raoul de Presles, s'adresse directement à Charles V (1364-1380) en ces termes: Et ces chosesmon tresredoubte seigneur denctent et demonstrent par vrave raison que par ce Vous ectes et devez estre le seul principal protecteur :champion :et defenseur de leglise COMME ee éste Vos Can Etce tient ls sainct siege de Romime qui a acoustume 3 scripreà Vos devanciers ata Vous snquierement à inütulaciondes lettres au treschretien “ princes. Tiercement en ceque des le temps que Vous euctes premierement cognoissance :VOUS avez IQUSQurs ayrmie science : ef Hannore les bons clercs : st estutiie continuel. lement en divers livres et sciences 5e Vous navez au aultre occupacion Et avez fait faire « irarisiater Di us livres tant pour plaire Vous comme pour prouffiter à Voz subjectz, Et er:

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Le texte de Raoul de Presles est nettement marqué : il mêle volontiers religion et pouvoir temporel. Le roi de France tient bien son autorité directe de Dieu. Mais la perspective est ici encore une conception religieuse du pouvoir royal même si l'une des ambitions à demi avouées est de se démarquer de la bien gênante omnipotence du pape. Dans le texte ci-dessus, l'on n'oubliera pas de noter que cette même conception est en accord avec la raison et l'amour des sciences prônées par le monarque. Plusieurs études (Bertrand 2002, 2003 et 2004) ont montré combien le vocabulaire religieux a influencé l'émergence de toute une partie du lexique politique du 14° siècle. L'évolution des termes d'inspiration chrétienne (usurper, cbédience, corruption, etc.) ancre la politique de la fin du Moyen Âge dans un rapport de dépendance intellectuelle et théorique de cette dernière au regard de la religion. De tels néologismes naissent de l'univers chrétien et entraînent avec eux toute réflexion sur l’action politique (Bertrand 2005). Le cas du substantif ahédience en français est significatif d'un tel mouvement et rend bien compte de l'importance capitale donnée par l'Eglise au pouvoir temporel. Trois occurrences du mot sont attestées dans la traduction de £a Cité de DieuZ : (1) Quid si enim hoc fecerunt, non humanitus deceptae, sed divinitus iussae, nec errantes, sed oboedientes ?

(1) Et certes selles lont ainsi fait non pas deceues de deceptions humaines ne par erreur/mais par commandement divin et par obedience ilz sont a excuser. (2) Nam et miles cum oboediens potestati, sub qualibet legitime constitutus est, hominem occidit, nulla civitatis suae lege reus est homicidil, immo, nisi fecerit, reus est imperii deserti atque contempti. (2') car ung chevalier quant il occist ung homme par obedience de sa seigneurie sur laquelle il est droicturierement restitue il ne peut estre dit coupable de homicide par nulle raison selon la loy qui luy est baillee/Mais qui plus est sil ne la fait il est coulpable et est a pugnir de ce quil a desprise et laisse a faire le commendement. L'autorité religieuse a besoin du pouvoir royal pour assurer les tâches de justice et de commandement. D'une certaine manière elle cautionne, par la voix de ses ministres, la légitimité de l'autorité séculière. Le mot obedience entre dans la langue française au 12° siècle avec le sens religieux de « obéissance au supérieur en parlant des religieux »24, «soumission, obéissance à un supérieur »?. Iltraduit le substantif choediertia ou l'adjectif aboediens qui tous deux portent le sème de « soumission » puis en latin chrétien celui de « soumission à Dieu » et plus généralement « à toute autorité religieuse ». C'est le sens que prend le mot en français. Or, il est intéressant de noter que saint Augustin — et son tra-

ducteur quelque dix siècles plus tard — l'appliquent non pasàl'autorité religieuse mais séculière. Ils'effectue donc un retour étymologico-sémantique qui renvoie le mot à une acception non chrétienne, antérieure à l'époque impérialeÆ. Ce qui complique singulièrement l'intelligibilité du lexème, c'est qu'il est également employé par saint Augustin et son traducteur dans son acception religieuse et fait référence au pouvoir divin ; et ce, dans le même chapitre 26 de ia Cité ie Chen:

(3) Cum autem Deus iubet seque iubere sine ullis ambagibus intimat, quis oboedientiam in crimen uocet ? (3°) Et qui sera celluy qui appellera cresme où tournera en cresme telle obedience/ou qui accusera celluy qui laura fait par le commandement de Dieu. Sans doute faut-il voir ici les marques saillantes de la lutte des pouvoirs : une même terminologie pour désigner deux réalités. L'ouvrage d’Augustin porte en lui l'expression d'une telle discorde. Mais on voit bien ici que le mot reste dans le giron de l'Eglise, si l'on ose dire, et déploie son application à la sphère politique dont le sens dépend intégralement de celui du religieux. L'influence aristotélicienne ou l'art de la politique profane L'affaire est tout autre lorsqu'il s'agit des traductions aristotéliciennes qui sont réalisées au même moment par Nicole Oresme. C'est en somme une autre conception du pouvoir qui prend forme dans les textes profanes. Le prologue que fait Nicole Oresme à la fin du 14: siècle à la faveur de sa traduction de l'Ethique et de {a Folitique d'Aristote est assez singulier et notable : La politique, c'est l'art et lascience de gouverner les royaumes, cité et commamautés. Et l'on ne FOUve Das, BOUT coife aa de f“ . isornaniement, habilement at cornniétement CONDOSÉS QUE CUX d'A! Île e l'on sait ort tartare les rovaurnes, les cités et ne ois deCOMTE ten an Ron êtat ITaines jUSet les réformer si besoin est, Et avec cela, all tes et est SCO: ri DU mur Et à SV quand Il & Cette conception de la politique est sous la plume de Nicole Oresme plus « scientifiste » que chez les traducteurs des textes religieux. La référence explicite à Aristote — dont il traduit les œuvres — permet à Oresme d'offrir une vision différente du fait politique et peut-être même d'en faire une science. Car il ne faut pas s'y tromper, le traducteur d’Aristote reste un auteur chrétien. Un peu plus loin dans son prologue, ce dernier loue la religion mais s'en démarque assez radicalement lorsqu'il s'agit de déterminer l'essence du pouvoir temporel, ce que ne font jamais Augustin et Salisbury par exemple. L'historienne Françoise Autrand consacre une partie de chapitre de son ouvrage sur Charles V à la science politique sous le règne du « sage » monarque : Naissance de la science politique Le ci que esi une science, Nicolas Qresme le dit, en français et en s'agpuyant sur l'autoré du plus grand phiioscohe de tous les se Arstot ef. JLa politique est une science

et a prernière de toutes. L..}La science nolitiqu has fondamentale, « archi. tectonique », Gt Nicoiss — 1e, en défittr ie mot par référence au maître d'œuvre qu: construit la maison, Elle est « princesse de toutes 4,

C83

ques sgentfiques et techniques

C'est dire combien l'influence des textes aristotéliciens sur la pensée politique du 14° siècle est majeure. Et Françoise Autrand de parler du « club » de Charles V, qui diffuse la science politique au delà même des murs de l’université et du cercle royal. Le nombre de manuscrits des textes politiques en français à la fin du 14 siècle témoigne de la large diffusion et du succès des ouvrages à caractère politique. En revanche, les textes à caractère fortement religieux connaissent eux aussi une large diffusion mais . restent confinés dans la sphère théologique sans réussir à en sortir. Les prologues de la Cité de Dieu et du Policreatique ignorent tout commentaire sur la constitution ou l'émergence d'une science du politique. Ce que réalise Oresme dans son prologue, c'est précisément de proposer une définition cohérente de la politique ; et ce faisant, il crée une légitimité du fait politique qui se distingue du joug religieux. Les deux courants parlent pourtant de la même réalité politique : pouvoir temporel versiis spirituel, constitution de ces pouvoirs, légitimité, etc. mais l’un reste ancré profondément dans l'aire chrétienne, l'autre s'en démarque radicalement. Il faudrait recenser tous les prologues des traducteurs de cette période de manière scrupuleuse et exhaustive afin de mieux cerner le poids du corpus politique aristotélicien (et d'une manière générale tous les textes qui n'émanent pas du champ religieux) dans l'émergence d'une science prise et comprise comme telle dès la fin du 14° siècle.

Conclusion Lorsque Charles VI succède à son père en 1380, deux conceptions théoriques diamétralement opposées de la politique s'affrontent violemment. D'un côté l'inspiration augustinienne renvoie la politique à une subordination ce facts à la théologie. De ce point de vue, l'on peut bien concevoir qu'elle ne soit alors considérée que comme une composante de la science du religieux. De l'autre côté, l'inspiration aristotélicienne, dégagée naturellement du carcan chrétien, propose une vision raisonnée et scientifique de l'objet étudié : la politique. Il n'est pas anodin de considérer cette deuxième perspective comme relevant d'un tout autre domaine. Lorsque Nicole Oresme a conscience de proposer dans son prologue une définition expurgée de tout lien au religieux, il donne à la politique ses lettres de noblesse et fait d'elle un domaine à part, une science autonome. Les conséquences de ces deux visions du monde sont nombreuses et touchent notamment la création du vocabulaire politique de cette époque : certains néologismes sont d'essence chrétienne (lorsque Salisbury et Augustin sont traduits, les néologismes sont souvent des emprunts au latin chrétien : usurper, corruption, etc.), certains autres sont d'essence philosophique (démocratie, oitgarchie, etc.). En somme, il y a bien à la fin du 14° siècle une prise de conscience politique qui se réalise de deux manières distinctes. C'est précisément dans l'affrontement de ces deux pôles que naît une science politique. Mais c'est moins l'apport chrétien que l'audace aristotélicienne qui réussit à faire émerger cette science. La systématisation des traductions en français des textes philosophiques, politiques, théologiques a été un véritable facteur de déclenchement de la conscience politique car elle a impliqué la formulation en français de nouveaux concepts qui auparavant étaient intrinsèquement liés soit à la philosophie antique, soit à la théologie. En somme, la science politique naît aux 14 Es

Partie + … ip la lexitc

6 à 18 lexiroc

5.1. Reconfiguration et continuité du savoir Abandonner la perspective disciplinaire et tout ce qu'elle implique d'exact, de rigide, de distinct, conduit à ne plus considérer l'acte de dénomination comme une innovation mais à admettre, en toute adéquation avec l'égistémè de la Renaissance et sa conception cyclique de la nouveauté, que tout est plutôt affaire de « tradition », de « transfert », de « continuité », que de séparation au sens de la « révolution kuhnienne » (Colombat). Si, à la Renaissance, on peut parler de éisciniine au sens actuel de ‘branche de l'enseignement, du savoir’ (voir Cotgrave 1611 : s.v. Discipline), ilfaut

cependant bien garder à l'esprit que les « nouveaux » savoirs se constituent et s'acquièrent alors en relation à un enseignement universitaire présxistant (érvium, quadrivium, arts mécaniques) : les « nouvelles » disciplines restent conçues dans un paradigme ancien et s'affirment comme telles. Le prouvent les relations étroites de l'archésographte ou de la traduction au friviurn minutieusement examinées par Louison-Lassablière et par Gutbub. Le prouvent également l'inscription de la rnusique pratique dans le cadre du quactrivium: (Delon) ou l'insertion du discours sur la vigne dans la tradition des « arts mécaniques » (Henry). Jaroszewska, de son côté, montre comment l'innovation du

théâtre se fond dans la continuité médiévale, les mots du Moyen Âge ioueür, moralité ou eschafault continuant à concurrencer les néologismes acteur, tragédie et scène. Cette idée de continuité est si forte que même la spécificité de la gramimnaire française est affirmée par un Ramus « au sein des arts libéraux » (Colombat et Fournier). 5.2. Disciplinarisation du savoir « Si la spécialisation, la disciplinarisation et la dénomination des savoirs ont leur efficacité, ces actes

institutionnels et linguistiques sont aussi des leurres politiques et épistémologiques, des leurres qui occultent les enjeux des savoirs et de leurs désignations » (Loty). Nous venons de voir que le leurre consiste déjà à présenter comme nouveau savoir ce qui est simple reconfiguration de savoirs antécédents. J'examinerai à présent la dimension sociale, politique, etc. généralement occultée qui est véritablement à la source du choix d'une dénomination particulière pour désigner un savoir et qui contribue ainsi à le distinguer comme champ autonome -— à le disciplinariser. C'est particulièrement la dimension religieuse qui paraît déterminante au 16° siècle. MarracheGouraud rappelle que la dénomination histofrs occulte aujourd'hui une polémique alors forte sur la façon d'envisager le savoir, empirique et particulière chez le calviniste Léry, spéculative et universalisante chez le franciscain Thévet. Gerner, quant à elle, insiste sur le lien au contexte scientificoreligieux qui aboutit au partage entre asfronümie, science relative à une conception héliocentrique héritée de Copernic, et astrolagie, savoir lié à une conception géocentrique. Enfin, Gaille montre comment la dimension religieuse conduit à élargir le savoir et à fonder une nouvelle anatomie chrétienne, dans la filiation de l'anatomie ancienne, et qui incorpore une part de discours politique. La dimension sociale, mais aussi institutionnelle, est de même largement prégnante : Caron souligne qu'elle est à l'origine des cas de concurrence lexicale entre fettres humaines, dénomination de l'institution, befes-fettres, dénomination rhétorique et hédoniste de « l'honnête homme », et bonnes

lettres, dénomination humaniste et érudite tournée vers le trésor gréco-latin. Gutbub rappelle de son côté que le choix des termes translation et traductiort est déterminé par plusieurs facteurs : « La traduction met l'accent sur le texte, la transiation sur le transhteur, en tant que celui-ci se trouve dans une situation socialement, historiquement ou culturellement déterminée » (je souligne). Quant à Furno, elle met l'accent sur les finalités économiques qui président au choix des dénominations-titres : éviter les accusations de plagiat, contourner les privilèges, augmenter les ventes par des titres oxymoriques…

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6. Conclusions Je conclurai en reprenant l'appel de Loty, dans sa conférence d'ouverture, à « retourner aux mots » et aux « pensées unitaires » qu'ils signifient et à faire « l'analyse de savoirs non disciplinarisés », puisque croire à « l'autonomie des savoirs » conduit à « occulter les engagements à l'œuvre, les implications individuelles, éthiques, politiques ». Ce retour aux mots devrait permettre de réaliser, entre autres, le dictionnaire « des mots des sciences de l'homme » auquel appellent Marie-France Piguet et Laurent Loty!° et cela, comme l'ont rappelé H. Gerner, F Henry et B. Stumpf, grâce aux différents outils susceptibles d'aider à la compréhension diachronique et contextuelle du signifié des dénominations : bases de données du Moyen-Français et du Français préclassique, Yésor die la langue française itforrnatisé, sans parler de la base Frantextté.

Notes 1. Comité organisateur : Marthe Paquant (CNRS/CELL), Philippe Selosse (Université Lyon 2/CELL) et Volker Mecking (Université catholique de Lyon/CELL). Comité scientifique:Claude Buridant (Université de Strasbourg), Bernard Colombat (ENS-LSH, Lyon), Teresa Jarozewska (Université de+odz, Pologne), Isabelle Pantin (Université Paris X Nanterre) et CELL. Les Actes paraîtront en 2007 dans la revue ie Français Fréclassique, n° 10, Paris, Champion.

. L'approche symétrique, que je qualifierai d'interne, consiste à s'interroger sur la dénomination des contenus des savoirs, £ la science : du vocabulaire au lexique

: on peut conclure avec certitude que cet emploi comptable de ba/ance constitue un calque d'it. Bianco, plus précisément de l'acception 1. des trois acceptions que nous avons distinguées : le sens est identique, la technique même vient d'Italie, et en plus la colocation faire la bafsnce reflète fidèlement it. fare # Eilancio. La seule chose qui pourrait donner lieu à discussion, c'est le statut de balance sur le fond de la langue française d'alors (et d'aujourd'hui). Nous avons à priori deux possibilités : considérer fa/sñce, par analogie avec it. fflanciare = bilancio, comme nom d'action et de résultat dérivé par conversion du verbe fafancer, soit y voir une métaphore sur la base de Balance «instrument qui sert à peser). Nous avons déjà vu que Kuhn semble avoir pensé à cette deuxième possibilité, qui trouve une certaine justification dans le fait que le débit et le crédit pourraient se concevoir métaphoriquement comme les deux plateaux d'une balance qui, si les comptes sont justes, doivent rester en équilibre. Comme je l'ai montré dans Rainer (2004 : 22-23), une telle conception métaphorique est probable dans le cas de l'emploi de bafsnte en économie politique, pour lequel on trouve beaucoup d'exemples, du xuif siècle jusqu'à aujourd'hui, où la balance commerciale se penche d'un côté ou de l'autre. Dans la littérature comptable, par contre, je n'ai rencontré aucun emploi semblable qui pourrait trahir une conceptualisation métaphorique analogue. Voici comment s'exprime, dans nos textes comptables, l'équilibre ou le déséquilibre de la balance : (13) comment ilfault chercer les faultes, quand la Balance ne accorde poinct. (Ympyn 1543 : 27v) ;

(14) lorsque la balance vienne au luste, ne pouvez avoir failly de bien y avoir procedé (Renterghem 1592). L'exemple suivant de Fustel (1588) montre que la balance semble avoir été conceptualisée plutôt

comme une espèce de compte : (15) Et apres que nous aurons seurement arresté la Balance du premier livre, nous escrirons chacun article d'icelle sur le second (p. Oijv). Un dernier argument en faveur d'une telle interprétation est constitué par le fait qu'on puisse parler du sie d'une balance. L'évidence pour une conceptualisation métaphorique comme balance est moins claire. L'emploi suivant de &aisricer pour dénoter l'équilibre d'un compte aura certainement été associé avec la balance instrument, mais ce n'est pas une raison suffisante pour en déduire un rapport métaphorique direct entre la balance comptable et la balance instrument : (16) je soude ledit compte d'entrée, et trouve qu'il balance, c'est à dire que les sommes totales du debit et credit sont semblables (Savonne 1614 : 24).

D'ailleurs, cet emploi intransitif de balancer, aujourd'hui désuet, est aussi, probablement, un calque de l'italien, comme le suggère un emploi comme le suivant : (17) Avanzi e disavanzi di nostra ragione.…. deono avere s.ij d.x di moneta si fanno buoni per fare bilanciare questo libro che per erore troviamo più il debito che il chredito tale somma (1556, Florence ; Edler)'8.

Les Termes comptables



D

Ce même concept d'équilibre des comptes est exprimé, chez Stevin (1608), par la locution être en

balance :

é

(18) iceluy Grand livre est tousiours en balance, à sçavoir son entier debet tousiours egual à son entier credit (3° numérotation, p. 24).

La balance de cet exemple constitue certainement un emploi métaphorique de la balance instrument, mais comme la balance s'employait comme métaphore générale de l'idée d'équilibre, un tel exemple ne saurait suffire pour prouver que la balance comptable se concevait elle-même métaphoriquement comme balance instrument au temps de la Renaissance.

L'évidence pour une interprétation comme substantif déverbal, pourtant, n'est pas plus brillante, puisque le sens «action ou résultat de balancer ne semble pas être attesté ailleurs. Une telle formation aurait été possible, certes, puisque les noms d'action féminins formés par conversion formaient un type productif à l'époque (v. Lené 1899 : 105), mais le nom d'action effectivement utilisé semble avoir été exclusivement balancement. Ilsemble donc que nous devrons laisser sans réponse définitive la question de la motivation exacte qui guidait Ympyn en traduisant biancia par balance. Fr. bilan divre de foire» Bian, contrairement à Baance, n'apparaît pas encore dans Ympyn. || fait son entrée officielle dans la langue française avec la première édition, de 1567, du traité de comptabilité de Savonne, dont le titre promet, entre autres, que le lecteur apprendra

(19) le vray ordre de dresser un Carnet, avec son Bilan, pour virer et rencontrer parties sur la place du change de Lyon.

Nous avons donc affaire ici à l'acception 3. d'it. bifancio. Les exemples suivants doivent tous s'interpréter dans ce même sens : (20) dressons un petit livre, l'intitulant, Bilan des payements des Rois, auquel y mettons sommairement les parties des debiteurs et crediteurs que tirons dudit Carnet (Savonne 1567 : 18) :

(21) Puis prens l'extrait que i'ay faict des debiteurs et crediteurs, ensemble ledit livre de response, et dresse un petit livre que i'intitule Bilan, auquel ie mets tous les debiteurs et crediteurs dudit extrait et livre de response (Savonne 1581 : 14) ;

(22) Illec seroyent pareillement insérez et rapportez leurs états qu'ils appellent bilans et les parties compensées ou virées (ainsi qu'ils parlent) escriptes sur iceux, iour par iour, au temps des dits payements de la main de ceux qui tiendroyent les dicts bilans (Turquet de Mayenne 1599, cité d'après Dupont 1931 : 39). Selon la documentation disponible’, ce sera le seul sens avec lequel s'employera ce terme en français pour presque un siècle. Qu'il s'agissait d'une spécialité lyonnaise, est prouvé aussi par les passages suivants tirés de textes du xvir siècle : (23) Livre dict Bilan, est seulement en usage à Lyon, [...] le Bilan n'est que pour lesdites Foires (Mareschal 1625 : 97-98):

V- Partie 4

Dire la science : du vocs

(24) Les Bilans d'acceptations de Lettres de Change et de Viremens de Parties, que l'on tient à Lion dans le temps des quatre Payemens (Irson 1678 : 32 de la préface). La question se pose maintenant de savoir pourquoi il existe, en français, deux termes différents, balance et Bilan, là où la langue source, l'italien, se contentait d'un seul signifiant, bancia, avec deux acceptions. La solution de cette énigme, je crois, doit être cherchée dans les différentes voies d'entrée des acceptions 1. et 3. de biancio : tandis que l'acception balance» est entrée par Anvers, l'acception divre de foire est entrée par Lyon. Ces deux villes étaient, on le sait, deux des centres économiques les plus importants du xv£ siècle. L'importance de Lyon était liée surtout à ses quatre foires annuelles, à la fin desquelles les banquiers venus de l'Europe entière compensaient leurs dettes et créances pendant les « paiements ». À cause de cette grande importance de Lyon dans le monde financier d'alors, un certain nombre de marchands-banquiers italiens s'y étaient établis dès le Moyen Âge. « En 1469 », écrit Vigne (1903 : 87), « il n'y avait pas moins de trente-trois maisons florentines existant dans la ville de Lyon et un nombre au moins égal d'établissements fondés par les Lucquois et les Génois. » C'est sans doute de ces banquiers italiens que les Français ont appris le mot Etfancia divre de foire, et comme la transmission aura été orale, l'adaptation formelle s'explique aisément. On ne va probablement pas trop loin en supposant que ceux qui ont adapté le mot aux habitudes articulatoires françaises n'en comprenaient pas pleinement la structure morphologique, sinon ils auraient peut-être préféré le calque à l'emprunt. La situation était bien différente lors de l'introduction de f#ancio balance» à Anvers par Ympyn en 1543. Ympyn, dont le traité est une adaptation ou traduction d’un original italien, comprenait parfaitement la structure morphologique de ilancio, ce qui lui permettait de le rendre par un calque, Balance. Ayant éclairci la raison pour laquelle les acceptions 1. et 3. de biencio ont été rendues par deux signifiants différents en français, ilne nous reste plus qu'à déterminer quand, et comment, bian a acquis l'acception de «bilan», c.-à-d. l'acception 2. de ffarco. Disons d'entrée que la documentation disponible ne nous permet pas d'arriver à un éclaircissement définitif de cette question. En partie, cela est dû au fait, déjà relevé par Ceccherelli à propos des traités de comptabilité antérieurs au xx° siècle, que leurs auteurs ne semblent pas avoir considéré l'établissement d'un bilan comme faisant partie de la comptabilité à parties doubles au sens étroit du terme et que, par conséquent, ils n'en parlent pas du tout ou seulement en passant. Et d'un autre côté, les quelques indications pertinentes dont je dispose actuellement semblent indiquer qu'il y avait, à l'époque, un certain flou dans l'emploi des termes ñäfance, bilan et inventaire, tous employés pour se référer au bilan. Commençons par le dernier de nos trois termes. Fr. inventaire «bilan»

Un bilan au sens moderne du terme requiert, comme nous l'avons déjà dit, l'établissement préalable d'un inventaire et l'évaluation de la valeur de ses postes au moment où l'on dresse le bilan. Contrairement à balance et à ban, inveritaire est un terme qui était déjà employé en français au Moyen Âge (la première attestation dans le TLF est de 1344). C'est un terme qui n'a pas été emprunté à la littérature comptable italienne, mais au latin des notaires. Ce qui est important dans notre contexte, c'est que le sens de ce mot pouvait être plus vaste à l'époque qu'aujourd'hui, comme l'avait déjà observé Goris (1925), dans le passage suivant, à propos du xvi siècle : es

Le début de tout comrnerce est l'inventaire. LI Eui-méme constitue le début du journal. Per l'inventaire, le bon commerçant se rerid compte de son avoir en argent at en marchan-

dises L...] On y comprend aussi les Biens meubles, les ustensiles de ménage, en un mot tout ce que l'on possède, L..]H n'est denc autre chose que là balance [sic!P' actueile. englobe

LES Jermes comotables

FES

l'inventaire moderne, dont l'intérêt ne se porte plus que sur les marchandises, les biens

meubles et immeubles (p. 123),

4

Cette extension plus vaste du terme inventaire au xve siècle peut se déduire aussi en partie d'une remarque dans Ympyn (1543), où il est recommandé aux commerçants d'inclure aussi dans l’inven-

taire l'argent comptant :?? (25) est aussi asses convenable que les marchans facent aussi Inventaire de leurs deniers (p. 7r). Le noyau de l'inventaire, toutefois, était constitué, comme aujourd'hui, par le stock de marchandises : (26) faire l'inventaire des marchandises restantes (Savonne 1581 : 9).

L'information de Goris, selon laquelle l'inventaire aurait été placé au début du journal (ou du mémorial) est confirmée par le passage suivant de Stevin (1608) :

(27) Au commencement du Memorial s'escrit premierement l'inventaire des biens qui se trouvent presentement au Gardemengé (1608 : 65 [4° numérotation}).

La définition d'inventaire dans le glossaire de Ricard (1724), enfin, prouve que cette conception vaste de l'inventaire avait encore cours au début du xuie siècle : (28) INVENTAIRE, ce qui contient generalement tout ce que possede quelqu'un et ce qu'il doit, le veritable état de tout son bien tant en argent qu'en Marchandises, Dettes, Meubles, Biens Fonds qu'autres (p. 81).

Cette définition fait voir clairement qu'inventaire avait aussi, à l'époque qui nous intéresse, un sens très proche de celui de «bilan dans la terminologie comptable actuelle. Fr. afance bilan Pour augmenter la confusion, ilsemble que le terme balance ait aussi été employé, à l'époque, pour se référer au. bilan. Au sens le plus courant, comme nous l'avons déjà vu, le terme s'employait pour se référer à la balance actuelle. C'est à cet emploi que se réfère, p. ex., la définition suivante de Savary des Bruslons (1723) :

(29) BALANCE, en terme de Teneur de Livres à parties doubles. Signifie l'état final, ou la solde du

grand Livre, ou Livre de raison, où d'un compte particulier.

Mais ce même auteur ajoute que le terme baiance s'employait aussi pour se référer à une notion bien différente qui correspond essentiellement au bilan actuel : (30) BALANCE. Se dit encore de la clôture de l'inventaire d'un Marchand, qui se fait en débit et crédit ;dans lequel il met en débit d'un côté, qui est la gauche, l'argent qu'il a en caisse, ses marchandises, ses dettes actives, ses meubles, et ses immeubles : Et en crédit, du côté de la

droite, ses dettes passives, et ce qu'il doit payer en argent : et quand il a défalqué ce qu'il doit d'un côté de ce qu'il a d'effets d'un autre, il connoît, tout étant compensé et balancé, ce qui lui doit rester de net et de clair, ou ce qu'il a perdu ou gagné.

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ls science : du vocabulaire au

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: Il'est difficile de dire avec certitude si cet usage de balance au sens de

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0 |cheval entre Ia ÿrance et l'Stalie : le lexique relatif à l’art équestre dans les traités français d'équitation à la Renaissance (fin 16° - début 17: siècle) Elisabetta DERIU, Université de Paris xn - Val de Marne ‘art équestre naît et s’affermit en tant que discipline autonome vers le milieu du 16° siècle en ltalie, d'où il se diffuse partout en Europe. Les gentilshommes français sont nombreux qui, séduits par la renommée et l'expérience des maîtres italiens, font route vers les capitales équestres au-delà des Alpes. Les maîtres français de formation italienne donnent vie à leur tour, déjà à la fin du 16° siècle, à l’école française de cet art.

Les traités d'équitation constituent les premières tentatives de systématisation scientifique des savoirs équestres, dont ils sont les principaux véhicules : les maîtres y sérient les connaissances qu'ils ont acquises sur le terrain, et les théories qu'ils ont assimilées, de façon exacte et rigoureuse, pratiquement exhaustive. À la Renaissance, la production italienne de traités d'art équestre imprimés s'étend sur une période allant de 1550 aux années 1630. La production française se concentre entre les dernières années du 165 siècle et la première moitié du 17° siècle. Cette concentration coïncide avec l'essor d'une école française de plus en plus autonome, mais encore profondément ancrée dans la tradition italienne, surtout du point de vue lexical. À cette époque, le langage équestre, loin d'être normalisé, est l'on ne peut plus riche et varié. En lisant les traités italiens, par exemple, il faut tenir compte de plusieurs éléments : la provenance géographique du maître qui prend la plume et le lieu où il a accompli sa formation ; l'influence considérable des langues ibériques dans les régions italiennes soumises aux dominations aragonaise et espagnole ; le passage des formes dialectales au toscan employé pour la rédaction de ces ouvrages. L'influence de la langue italienne chez les écuyers français est réellement considérable : la langue française paraît littéralement manquer de mots pour exprimer les nuances d’un art encore tout italien. La prose des premiers maîtres français d'art équestre est, en effet, riche en italianismes et en termes techniques n'ayant souvent pas d'équivalent en français. Ce sont les premiers pas en terre française d’un lexique nouveau, lié aux théories et aux pratiques d'un art encore tout jeune, dont l'enseignement est dispensé à l'étranger : son insertion dans le tissu du français est donc inévitable, mais suscite la réflexion. Il est vrai que, comme le note Peter Rickard à propos des italianismes,

« la supériorité culturelle italienne, dans bien de domaines, n'est pas illusoire », et qu’« emprunter à une autre langue, ce n'est pas nécessairement une affectation délétère » (p. 15). L'on relève pour-

tant que la recherche de solutions aux problèmes que pose l'appropriation de termes étrangers coïncide avec l'émancipation progressive de l'équitation française des préceptes des maîtres italiens. Du plus grand intérêt, donc, pour l’histoire des théories et des pratiques équestres en France, les traités français n'en sont pas moins précieux pour l'étude de la formation du lexique très spécialisé qu'est celui lié aux techniques de l'équitation à la Renaissance.

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1. Le lexique italianisant du Cavalerice François de Salomon de la Brouë Parmi les maîtres français italianisants, il y en a un, en particulier, dont le travail sur le « nouveau » lexique équestre est remarquable. Salomon de La Broué est le premier écuyer français de formation italienne à avoir publié un traité d'équitation, qui paraît en 1594 sous le titre de Préceptes, et en 1602 sous celui de Cavalerice François. Ce que cet auteur écrit à propos de la langue qu'il emploie est très significatif : « Recognoissant le defaut de mots propres pour cest art en notre langue Françoise, l'ay eu recours à l'italienne » (1594, p. 13 ; 1602, p. 10). Pour faciliter la compréhension des termes d'origine italienne auprès du public français, La Brouë rédige donc un glossaire des termes équestres qu'il s'était approprié lors de son apprentissage en Italie : l'« Interprétation de plusieurs termes de cest art », qui donne l'explication de quarante-huit mots techniques préalablement traduits en français par l'auteur même du traité (1594, p. 13-14 ; 1602, p. 10-11). Cela constitue l’une des particularités de ce recueil car La Brouë forge son lexique en adaptant les termes exotiques à la phonologie et à la morphologie françaises : aussi, leur confèret-il, € une citoyenneté au moins provisoire » (Rickard, p. 12). Les mots sont nombreux qui trahissent clairement leur ascendance italienne : c'est le cas, par exemple, des substantifs /egeresse' (leggerezza), fermesse (fermezza) et risposte (risposta) ; des verbes serpeger (serpeggiare), et estrapasser (strapazzare). Pour ce qui est de l'établissement du glossaire de La Brouë, l'on relève d'abord que le terme à gloser précède l'explication de l’auteur. Cette préséance des termes d'origine italienne serait une preuve ultérieure de la primauté, en termes d'art équestre, de la langue italienne pendant l'époque de la rédaction du « Cavalerice ». Il s'agit là d’un aspect inhérent à la constitution des glossaires que met bien en évidence Alda Rossebastiano Bart dans son examen des origines de la lexicographie italienne (p. 143). Salomon de La Brouë, quant à lui, apprécie tout particulièrement le goût italien des mots auxquels il a recours, en ce « qu'aussi ils ont ie ne sçay quel air plus gaillard » (1594, p413 1602 :p#10);

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par ordre alphabétique : par conséquent, le mot /egeresse est précédé par cavalcadour, comme de règle, mais est suivi par fermesse, iustesse et ajuster, et ainsi de suite (ill.1). En outre, l'auteur n'opère aucune distinction sur la base des catégories grammaticales auxquelles les termes appartiennent ; substantifs et adjectifs, verbes et syntagmes ne sont donc pas traités séparément : aussi, trouve-t-on

ie :

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même compilation prestesse et terraignol ; redoubler et manier en bisse.

Illustration 1

224 — Partie 4 — Dire la science : du vocabulaire au lexique

En considérant les interprétations que donne l'auteur des mots francisés faisant partie de cette liste, on remarque, en particulier, l'absence d'équivalents français, et la difficulté de repérer des synonymes satisfaisants : deux situations parmi celles que relève Danielle Jacquart en traitant des traductions médicales, également très spécialisées (p. 114-115). Lorsqu'il s'agit d'adapter la terminologie équestre italienne au français, l'amplification est pratiquement la norme, comme le constate du reste Salomon de La Brouë, qui connaît bien les règles du

transfert lexical : les mots italiens, dit-il donc, « sant pus significatifs, & peuvent expliquer le sens par un mot, qui auroit besoin de plusieurs pour le faire entendre en François » (1594, p. 13 ; 1602, p. 10). La Brouë est en effet obligé de recourir à des périphrases pour expliquer à ses lecteurs le sens de trente sur les quarante-huit termes constituant son glossaire. C'est le cas, par exemple, du mot chevalier (it. accava/lare) que, lors de l'adaptation en français, La Broué explique de la façon suivante : « Passer le bras hors la volte devant & dessus celuy de dedans en tournant » (tbidem). Bien que la traduction française soit l'on ne peut plus précise, il est indéniable qu'elle ne possède plus la concision du terme de départ, désormais dilué. Le terme italianisant cavalerice (it. cavaferizzc), qui donne le titre au traité de La Brouë, pourrait en

revanche être efficacement traduit par un seul mot français : esciiyer. Pourtant, La Brouë hésite à l'employer, parce qu'il peut prêter facilement à confusion : « 5i le mot d'escuyer ne signifiait autre chose en France, que bon homme de cheval, ie m'en fusse serwy : mais d'autant qu'il se peut adapter à plusieurs autres significations l'ay trouvé plus exnédient d'user du mot estranger » (ibidem). Le fait que ce mot puisse également désigner, à la fois, un titre de noblesse et un officier préposé aux écuries princières, incite La Brouë à l'exclure en tant qu'équivalent du mot cavaierice, plus direc-

tement lié à la technique équestre. Malgré ce recours aux calques, aux amplifications, et les inévitables hésitations d'un auteur se faisant l'ambassadeur en France d'une discipline apprise au-delà des Alpes, l'effort lexicographique de Salomon de La Brouë est l'on ne peut plus précieux?. Relativement modeste du point de vue quantitatif, son « interpretation cle plusieurs termes de cet art » remplit pourtant sa fonction fondamentale en tant qu'« instrument utile à l'interprétation d'un texte », selon la définition que donne du glossaire A. Rossebastiano Bart (p. 143). L'« interprétation » est d'autant plus précieuse qu'elle n'est pas suivie par d'autres tentatives similaires de la part des collègues renaissants de La Brouë.

2. Un traité bilingue : l'Escuirie de Marco de‘Pavari Le traité rédigé en italien par le Vénitien Marco de'Pavari, et publié en France en 1581, permet également de saisir les modalités des transferts lexicaux, en ce qu'il présente une traduction française en regard. L'Éscuirie paraît à Lyon — « une ville quasi italfenne à cette époque », (Rickard, p. 14) par les soins du célèbre imprimeur Jean de Tournes, qui le traduit et le dédie à François de Mandelot, le lieutenant général du roi à Lyon. Dans sa dédicace à Mandelot, de Tournes présente sommairement la carrière de l'auteur de l'Escuirte. Contrairement à son collègue français Salomon de La Brouë, qui accomplit sa formation en ltalie, l'italien Marco de’Pavari s'installe en France; il entre alors au service de François de Mandelot dont il est l'« Escuyer » (Pavari, 1581, page non

numérotée).

C'est donc pour son employeur que Pavari rédige lEscuirie. Mandelot étant

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« l'un des plus excellents & accampis chevaliers de nostre sage » (Pavari, 1581, page non numérotée). L'on ignore, en revanche, le niveau de connaissance de l'ita-

lien de ce personnage lyonnais, pour lequel Jean de Tournes établit un texte bilingue sur deux colonnes, et dont la distribution varie selon la pagination : le texte italien, en italique, précède la traduction française, en caractères romains, en début de traité (ill. 2) et, ensuite,

sur les pages paires uniquement. Pour ce qui est de la traduction, le texte établi par Jean de Tournes hésite entre le respect des formes italiennes de départ et l'appropriation des termes étrangers par amplification.

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Le cannüne, l'embouchure? de base de forme arrondie, que citent et décrivent tous les maîtres italiens à la Renaissance, garde ici son nom : canon (ill.3). Pour décrire l'une de ses variantes, la schiezza (ou scäccia, surtout en italien moderne ;ill. 3 et 4), Jean de Tournes a, par contre, recours

à plusieurs images. Dans le texte français de l'Escuiris, ce type d'embouchure devient un mors à hotte où un canon plat. En quête d'un équivalent efficace pour le terme de départ, de Tournes fait donc allusion à un autre objet, /a hotte, que rappelle de près la forme de l'embouchure en question. Il recourt encore à l'addition de détails concernant la première embouchure citée, le canon :

la schiazza étant moins arrondie que le canon, auquel pourtant elle s'apparente, de Tournes peut aisément la définir un canon pat.

3. arte à … Dre la science : du voc

Jaire au lexique

L'éditeur de l'Escuirie applique ces mêmes modalités de transfert lorsqu'il s’agit de donner une dénomination exacte à d’autres éléments des embouchures. Parfois, les maîtres renaissants ajoutent aux mors à schiaxza des sicifane (ill. 4), c'est-à-dire des

bâtonnets où des chaînettes garnis souvent de petits anneaux. Jean de Tournes définit ces parties tantôt sifione, en s'appropriant directement le terme étranger ; tantôt franche-fife (il. 4), en décri-

Hustratian &

vant ainsi les caractéristiques de l'objet en question, une « chaîne attachée au mors de la bride du cheval »4. || en va de même pour le mors nommé camoenela, pour lequel de Tournes a recours, à la fois, à l'italianisme carigsanel, et à son équivalent français clochette (ill. 5).

Sans quitter le domaine de l'art tout renaissant de bien emboucher les chevaux, l'on peut également considérer l'œuvre d'Antoine Pluvinel, l'un des écuyers français de formation italienne les plus célèbres. Rédigé entièrement en français, le traité auquel il travaille jusqu'à sa mort (1620) connaît une publication posthume ; il paraît, avec une dédicace au roi Louis xi, sous le titre de Maneige Royei en 1623 et ensuite sous celui d'instruction du Ray en l'exercice de monter à cheval en 1625. Dans le chapitre du #aneige Royal consacré aux embouchures, l'auteur n'indique jamais le nom italien des mors qu'il présente : pourtant il se l’approprie sans recourir aux périphrases. Aussi l’embouchure à scatcia que Jean de Tournes avait définie « mors à hotte » retrouve-t-elle, dans l'ouvrage de Pluvinel, une forme très proche de l'italienne : ascache5. Dans ce cas, Pluvinel a suivi

l'exemple de son prédécesseur La Brouë qui emploie également ce terme italianisant. Dans certains cas, tant l'italien que le français disposent d'équivalents parfaitement appropriés, comme le couple campanel - clochette considéré plus haut. Les branches£ de la bride, que les maîtres italiens distinguent en #accñe ou ardite selon leur degré de courbure, sont pareillement définies fasques et hardies par Pluvinel dans son Maneige. Salomon de La Brouë, moins strict, accorde la préférence aux adjectifs faible et gaïfarde (p. 36 sq ; p. 77 sq), alors que Jean de Tournes opte, encore plus librement, pour le couple male (ill. 3) et en avant (ill. 4).

L'étude de la terminologie équestre de la Renaissance ne saurait pourtant se limiter à la production de traités d'art équestre imprimés ; d'autant que pour mieux appréhender l'apport de ces derniers, l'examen parallèle des sources d'archives s'avère toujours du plus grand intérêt. Le décalage entre les sources manuscrites et les sources imprimées peut être assez important : le lexique qu'emploient, par exemple, les rédacteurs des livres d'écurie des maisons princières diffère de la langue équestre qui circule grâce aux traités. Par les fonctions qu'ils exercent souvent en milieu curial, les auteurs des traités maîtrisent, évidemment, le lexique relatif aux pratiques quotidiennes (soins aux chevaux, entretien de l'équipement...) dont les registres d'écurie des maisons princières sont le témoignage le plus immédiat. Les traités s'éloignent du langage équestre d'usage quotidien surtout dans la mesure où ils reflètent l'expérience cosmopolite des auteurs, et en ce qu'ils s'étendent sur des pratiques que les registres ne détaillent pas (le dressage du cheval, la formation du cavalier). Cela n'empêche pas que les livres d'écurie cachent souvent de véritables trésors lexicaux : autant

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les auteurs des traités d'art équestre contribuent à répandre les nouveaux termes techniques en les normalisant, autant les rédacteurs des livres d'écuries persévèrent dans l'usage de termes français parfois très anciens, et dont les traités du 16° — 17e siècle ñe font déjà plus mention.

3. Le lexique dans les sources manuscrites d'archives L'on peut d'abord considérer les roles des écuries royales et les Afises pour l'ostel du Roy pour la période allant de la fin du 15° siècle au début du 16°, et faisant aujourd'hui partie des fonds de la Bibliothèque Nationale et des Archives Nationales à Paris. Le principal intérêt de ces documents réside dans le fait qu'ils datent de l'époque des guerres d'Italie ou de la période immédiatement précédente : les rapports franco-italiens sont alors très étroits, comme en témoignent d'ailleurs les pages mêmes de ces registres d'écuries. Les rédacteurs font état de tous les mouvements de la population équine, de la sellerie et des accessoires en provenance de l'Italie, ou au départ des écuries royales. Ainsi, en 1487 le sellier du roi a été chargé de fabriquer deux sangles pour « {3 mue venue de Naples »? ; en 1495, les registres de comptes notent scrupuleusement les dépenses nécessaires pour vêtir « Jes deux chevaux venuz du marquis de Maritoue »8 : en 1496, le rédacteur décrit

dans le détail les opérations de rembourrage de « quaire selles de Jouste lesquelles ont este apportees de nappies »9.

Cependant, les rédacteurs de ces livres d'écurie n'ont pas recours à des termes exotiques provenant de la Péninsule. En revanche, ils emploient souvent des termes français déjà assez rares à l'époque. C'est le cas, par exemple, de l'adjectif fzuveau désignant une robe de couleur fauve que cite à plusieurs reprises un #00/e d'écurie du mois d'octobre 14951, Godefroy note que ce mot, qui peut également être employé comme substantif, est « encare en usage au commencement du 17e siècie ». Les auteurs de traités d’art équestre cités plus loin n'en font cependant plus usage. Dans le domaine des robes, il en va de même pour l'adjectif et substantif bayard, qui paraît dans le registre concernant les dépenses du mois de mars 14951. Ce mot, qui connaît de nombreuses variantes, désigne un cheval de couleur bai. Encore plus rare, le terme Héciart, définissant « une sorte de

cheval vif et léger » (Godefroy), cité également dans un registre de 1495°2, et que les auteurs n'emploient pas.

En ce qui concerne les registres d'écurie datant du 16° - 17° siècle, et donc de l'époque des traités imprimés à la Renaissance, l'on remarque que l'arsenal lexical à disposition des rédacteurs n'a guère changé, si ce n'est du point de vue de l'orthographe. Ainsi, en compulsant les matériaux relatifs à l'état des écuries de Marie de Médicis en 1618, l'on relève que, parmi les termes les plus courants : — le substantif écurie passe de la forme escuyerie ou escuirie de la fin du 15° - début du 16e siècle, à escuerie au 17€. Signalons à ce propos que le titre du traité imprimé de Pavari, publié à cheval entre ces deux périodes, présente encore l'orthographe escuirie : — le substantif farriais, passe de harnoys à harnoïs ; - le pluriel chevaux, dans ces manuscrits, perd à cette époque son « | », alors que le substantif icoiz ne subit pas de variations.

Il n'en va pas de même pour le terme courtaud, qui désigne en général soit un cheval de grande taille, auquel on a coupé les pointes des oreilles, la queue et la crinière : soit des chevaux robustes pour le transport et les déplacements'4. Les documents qui remontent au 15° siècle présentent les Ce : du vocabulaire au lexique

formes courtault au singulier et courteuix au pluriel, que l’on retrouve également par la suite, dans un registre datant de 153515. Un registre de 1585, appartenant donc à l'époque du règne de Henri Ill, fournit la forme courteaux (Griselle, p. 19), plus rare. Pour que le terme ceurtauc présente une orthographe proche de l'actuelle, au moins dans les textes imprimés, il faut attendre les années 1615-20 : tout au début du siècle, en effet, le Cavalerice françois de Salomon de La Brouë présente encore la forme courtauft (p. 13). En revanche, Jean Tacquet, l'auteur belge du traité Fhiippica rédigé en français et publié en 1614, a recours à l'orthographe courtaut (p. 58), qui paraît également dans £a Cavalerie Françoise et fialienne de Pierre de La Noue, datant de 1620. L'on constate pourtant que l'éditeur du Afañeige Royal, la première version imprimée du traité de Pluvinel, emploie, en 1623 encore, caurtault, l'orthographe la plus datée du terme (p. 5) ; cette édition étant considérée comme la plus conforme au manuscrit de l’auteur, il est probable qu'elle enregistre la variante présente dans le texte original sans la modifier. La deuxième édition du traité, L'instruction du Roy, est, par contre, le produit d'importants remaniements du traité manuscrit : cette version, datant de 1625, voit le retour de la forme courtaut (p. 119), plus récente. Dans trois traités sur les cinq pris en examen, c'est donc cette orthographe qui l'emporte. Cet exemple invite à penser que les traités jouent un rôle positif dans le procès de normalisation des mots techniques ; d'autant plus que dans ces ouvrages imprimés la fluctuation orthographique des termes équestres employés est un phénomène relativement rare. Ce qui paraît certain, c'est que, par la charge qu'ils occupent, les maîtres d'art équestre connaissent et maîtrisent la terminologie qu'emploient les rédacteurs des registres d'écuries à la Renaissance. Dans les sources administratives manuscrites, par contre, il n'y a pratiquement aucune trace du nouveau lexique italianisant importé grâce aux guerres d'Italie pour les plus anciennes, et par les cavaliers-auteurs de formation italienne pour les plus récentes. Les traités étant un instrument privilégié de diffusion et de consolidation du lexique équestre de la Renaissance, l'on comprend mieux l'attitude des auteurs-traducteurs vis-à-vis de l'arsenal de termes

exotiques qu'ils emploient et traduisent. Salomon de La Brouë fait précéder son glossaire d’un court exposé justifiant le recours aux italianismes, qui sont si nombreux dans son « £avalrice » : en même temps qu'il laisse à la plupart des termes qu'il emploie « 2 merque visible de leur itatianité » — pour adopter ici une définition de Jean Balsamo (1992, p. 43) — il s'efforce de s'approprier la terminologie italienne par la réflexion, et en en donnant des définitions exactes et détaillées. Jean de Tournes hésite parfois entre l'adoption de formes italianisantes et la recherche d'équivalents françaises des termes, sans pour autant justifier au préalable ses choix. Ilest pourtant capable de proposer des solutions efficaces aux questions d'adaptation en puisant dans le patrimoine lexical français. Tournes offre au sieur de Mandelot la traduction d'un texte dont ce dernier connaît déjà la version italienne originale pour l'avoir reçue de la main de Pavari : le but de l'éditeur lyonnais étant celui de gagner la reconnaissance du cavalier expérimenté qu'est Mandelot, il lui offre par cette traduction le moyen de mieux savourer les contenus d'une dissertation technique de haut niveau. On peut mieux situer le travail de Jean de Tournes grâce à une affirmation d'Anne-Marie Chabrolle selon laquelle

À cheval entre la France et Fitalo … PER Ron our

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l'activité tracduisante au seizième siècle est marquée par le double sceau d'une volonté de faciliter l'accès à l'œuvre étrangère et de participer à l'enrichissement du français en intreduisant dans le texte cible des éléments fexicaux du texte d'origine {o. 321; Antoine de Pluvinel, quant à lui, n'hésite pas à employer des termes d'origine italienne, qu'il s'empresse pourtant de franciser. Aussi, participe-t-il à l'enrichissement du patrimoine lexical équestre indigène ou, comme l'affirme J. Balsamo à propos, entre autres, des ouvrages équestres, « à l'édificetion du monument royal de je langue française » (1988, p. 89). À l'époque de la régence de Catherine de Médicis, et sous les règnes respectifs de ses enfants Charles IX et Henri 111 (1560-1589), « l'influence italienne bat son plein » (Rickard, p. 15): pour-

tant, grâce aux succès, désormais tous français dans les domaines de l'art, de la littérature et de la science, « on n'acdopte déjà pius, paur écrire en français plutôt qu'en latin, un ton d'excuse, on r'adrure plus sans réserve tout ce qui est italien » (bidem). Néanmoins, en 1594, Salomon de la Brouë tient encore à justifier ses choix lexicaux en présentant son glossaire.

Tant La Brouë que Pluvinel sont redevables de leur compétence aux cavallerizzi italiens auprès desquels ils ont pu apprendre l'art équestre dans la Péninsule. Cependant, en fin de carrière, dans leurs traités, ils considèrent d'un œil désenchanté et parfois sévère les théories et les techniques à la base de leurs formations respectives : après le long parcours d'apprentissage en Italie, et l'exercice pluriannuel du métier de maître en France, ils en découvrent désormais les défauts, tout en proposant à leur tour de nouvelles méthodes. Pour ce qui est du langage, ils reconnaissent, certes, la supériorité de la langue italienne concernant les termes de l'art équestre : La Brouë explique d'ailleurs ouvertement les avantages du recours aux mots étrangers. Les maîtres français tâchent donc de se les approprier :aussi, même les aspirants cavaliers se formant à l'école française, toute récente, pourront-ils en tirer profit, sans avoir à aller « mencher parmi fes estrangers » comme le dédare avec transport Antoine de Pluvinel (1625, p. 195).

Sources et Bibliographie Sources manuscrites Archives Nationales (A.N.) :

KK 73: Mises pour l'ostel dy Roy, novembre 1487 Bibliothèque Nationale (B.N.) : — Manuscrits Français (Ms. Fr) 2926, Raofe des parties et sommes de deniers payées, baillees

et delivrees sur le fait de lescuyerie du roy nastre seigneur par René Denauveau, commis per ledit seigneur à tenir le compte et faire les payemens de ladite escuyerye durant je moys d'octobre 1495, aux personnes, pour les causes et en la maniere qui s'ensuit.

— Manuscrits Français (Ms. Fr) 2927, Roolle des parties et sommes de deniers payees, bailiees et celivrees sur le fait de lescuyerie du roy notre seigneur par René Denouveau, commis par ledit seigneur à tenir le compte et faire les nayemens de ladite escu serve, durant le mays de juilet 1486, aux personnes, pour les causes et en la martiere qui s'ensuit. Lg À

Xe *

SV + Partie à — Dire la science : du vocabulaire au IexIQUe

— Manuscrits Français (Ms. Fr.) 11199, Cahier des comotes de l'écurie de la reine de France Léonore d'Habsbourg pour le mois de septembre 1535. — Cing Cents de Colbert, 94, 1616-1619.

Sources imprimées La Brouë, Salomon de, 1593-1594, Fréceptes principaux que les bons cavalerisses doivent exactement observer en leurs escoles, tant pour bien dresser les chevaux aux exercices de ls querre ef de fa carrière, que nour les bien emboucher composez par le sieur de La Brouë. À La Rochelle, par Hierosme Haultin. La Brouë, Salomon de, 1602, ie Cavaierice Français, composé par Salomon de La Broue, Escuyer d'Escuine du Roy et de Monseigneur le Duc d'Espernon, Contenant les Freceptes ENIN-

cipeux qu'il faut observer exectemernt nour bien dresser les Chevaux aux exercices de fs carrière et de la campagne. Le tout divisé en trois livres. Le premier traicte de l'ordre general et plus fecile des susdits exercices et de le pranrieté du Cavalier Le second des Modernes et plus iustes proportions de tous les plus beaux airs et maneges. Le troisiesme des qualitez de toutes les parties de fa bouche du cheval et des divers effets de plusieurs brides differentes pourtraites et representées par leurs lustes mesures aux lieux neceBairs. Seconde édition reveue et augmeniee de beaucoup de feçons à figures par l'Autheur. À Paris, chez Abel L'Angelier. La Noue, Pierre de, 1620, {a Cavaterie Françoise et ftalienne, au L'art de bien dresser les che

vaux selon les préceptes des bonnes écoies des deux Nations. À Strasbourg, chez lac. de Heyden Chalcographe (éd. consultée : « La Bibliothèque de l'Écuyer », Manucius, 2002, d'après l'édition de 1620). Pavari, Marco de’, 1581, Escuire de M. de Paveri Vénitien. À Lyon, par Jean de Tournes

Imprimeur du Roy. Pluvinel, Antoine de, 1623, Maneïge Royei où l'on peut remarquer le défaut et /a perfection du Cheveller en tous les exercices de cet art, digne des Princes, fait et pratiqué en l'instruction du Roy par Antoine Pluvnel son Escuyer principal Conseiller en son Conseil d'Estat. son Chambellan ordinaire, & sous-gouverneur de se Majesté. Le tout gravé & representé en grandes figures de faile-douce par Crispian de Pas. Paris, aux frais de Crispian de Pas, chez G. le Noir (éd. consultée : réimpression de l'édition de 1626, Édition Leipzig, 1969). Pluvinel, Antoine de, 1625, L'instruction du Ray en l'exercice de monter à cheval par Messire Antoine de Pluvinel. son soubs-Gouverneur Conssiller en son Conseil d'Estat, Chembellen orat-

naire, et son Escuyer princival. Lequel respandant à Se Majesté luy faict remarquer l'excellence de sa Methode pour reduire les cheveux en peu de temps à l'obeyssance des lustes proportions de tous les plus beaux Airs et Maneiges. Le tout enrichy de grandes Figures en taille douce, representant les vrayes et naïfves actions des Hommes et des Chevaux en tous les Ars, et

manelges, Courses de Bague, Rompre en lice, au Quintan, et combatre à l'Espee, Ensemble les figures des Brides, les plus necessaires à cet usage, Desseignees et Gravees par Crpian de pas

fe jeune. À Paris, chez Michel Nivelle.

À chevel entre ls

Tacquet, Jean, 1614, Philinnica, où Haras de chevaux de Jean Tacquet, escuier Seigneur de Lechene, de Hest &e. À Anvers, Chez Robert Bruneau.

Bibliographie Balsamo, Jean 1992, ies rencontres des Muses. Htañarisme et anti-italianisme dens les Lettres fran çaises de le fin du xvf siècie, Genève, Editions Slatkine. Balsamo, Jean 1998, « Traduire de l'italien. Ambitions sociales et contraintes éditoriales à la fin du

xvi® siècle », in frahire et adapter à la Renaïssarice. Actes de la journée d'étude organisée par l'école Nationale des Chartes et le Centre de recherche sur l'Espagne des x et xuie siècles (Paris, 11 avril 1996), réunis par Dominique de Courcelles, Paris, École des Chartes. Brunot, Ferdinand « Le xvr siècle », in Histoire de la lenque française, 1967, tome 11.

Chabrolle, Anne-Marie 1997,« L'idée d'une spécificité linguistique et culturelle au xve siècle et sa manifestation dans l'activité traduisante », in Faduction et adartation en France. Actes du collo-

que organisé par l'Université de Nancy || 23 au 23 mars 1995, réunis et présentés par Charles Brucker, Paris, Honoré Champion. Godefroy, Frédéric 1880-1902, Eichannaire de l'ancienne langue française du me au x sèce, Genève-Paris, Slatkine, 1982.

Griselle, Eugène 1912, Supplémentàla maison du rai Louis XH, comprenant le règlement général fait par le roi de tous les états de sa maison et de l'état général de paiement fait en 1624, Paris,

P. Catin.

Jacquart, Danielle 2001, « Notes sur les Synonima Rasis », in EPHE, £exigues bilingues dans Les domaines philosophique et scientifique : Moyen Âge, Renaissance (Colloque intemationai. Paris 1214 juin 1997}, éd. par J. Hamesse et D. Jacquart, Turnhout, Brepols. Rickard, Peter 1968, a langue française au seizième siècle. Étude suivie de textes, Cambridge. Aux Presses Universitaires.

Rossebastiano Bart, Alda 1986, « Ale origini della lessicografia italiana », in La lexicograohie au Moyen Âge, coordonné par C. Buridant, Villeneuve-d'Asq, Presses Universitaires de Lille.

Table des illustrations IIl.1 — « Interpretation de plusieurs termes de cest art » : La Brouë, Le Cavoierice François, 1602,

p. 10-11. 1.2 — « 1] modo, e maniera del vero e giusto cavalcare. Le vray moyen, & maniere de bien manier chevaux » : Pavari, Ecurie, 1581, p. 2. Re

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— Partie à — Dire la science : du vocabulaire au IEXIQUE

Il. 3 — « Varie figure di briglie e morsi. Diverses figures d’embouchures ou mors » : Escuirie, p. 19. *

Ill. 4 — « Varie figure. Diverses figures. » : Fscuirie, p. 24. II. 5 — « Varie figure. Diverses figures. » : Escurie, p 28.

Notes . En réagissant à cette communication, Stephen Dôrr observe justement que la langue française dispose, depuis le Moyen Âge, du substantif équivalent /égèraté, Si La Brouë privilégie ici la forme italianisante, c'est probablement pour donner plus de force à son discours sur l'efficacité des termes italiens. Ce choix s'explique aussi par le fait que c'est le mot leggerszzs qu'il a entendu lors de son apprentissage en Italie, et que les maîtres emploient ; c'est donc ce mot qu'il choisit d'insérer dans son glossaire des termes de spécialité. || est vrai que La Brouë traduit l'italianisant lgeresse par lééreté (ill.1) : il n'en reste pas moins que, lors de la description des caractéristiques du cheval, par exemple, il a recours au substantif fegeresse :« [...] le Cavarerice peut juger que la plus necessaire facilité de la bouche dus cheval soit praceder premierement de la isgeresse, honne incinstion & franchise d'iceluy [..] », La Brouë, 1602, p. 6 ; v. également p. 119.

. Le Cavs/ente présente également une curieuse liste d'expressions, toutes au présent de l'impératif, employées, selon La Brouë, par les « hon/si maistrefsi faliers », que l'auteur a enregistrées sans pourtant les traduire : « v oian ians, di nassa, fol, galonpe, espeigne, escage, Core para, ésccre, hatsa aiuta volt, atonda, alerge, aviva, aiusts, ferme, sera » («avance tout doucement, au pas, trotte, galope, ralentis, laisse partir, cours, arrête [ton cheval] d'un coup, passe [?], relève, aide, tourne, arrondis, avive, ajuste, arrête, serre ») : La Brouë, 1602, p. 173. Eù l'embouchure n'est qu'une partie, placée dans la bouche du cheval, de la bride proprement dite : « [le Savalerice bien achisé

[...] dut sçavair qu'il y à en la hnde quatre parties principales, qui sant, lemhoucheure, lil, la gourmette, & la branche desqueis desvendent 4 à Êplusieurs effets differents [|] », La Brouë, 1602,

p. 8.

. V. Hrésor de a Langue Française informatisé (TLFi), article « Tranchefille » : atilf.atilf.fr/tlf.htm QE Selon le frésor de /a langue française, l'« emprunt à l'italien scazzia n'est pas vraisemblable, ce mot étant attesté une seule

fois en 1598 ». Le Trésor privilégie donc l'hypothèse selon laquelle ce terme dériverait de l'ancien français escachisr :« écraser, presser fortement » (p. 103). Cette supposition ne tient pas compte du fait que Federigo Grisone, l'auteur du premier traité italien imprimé d'art équestre — Gif ardini dé cavaicaté publié en 1550 — à par contre recours à maintes reprises à ce terme.

. L'une des parties externes de la bride, dont « le propre [..] st de mettre le col et ja teste du cheval en belle 8 ferme nosture [...] », La Brouëé, 1602, p. 77. V. également n. 3. . AN, KK 73 : novembre 1487, p. 21. 8. B.N., Ms. Fr. 2926 : octobre 1495, f° 73 r°. 9. B.N., Ms. Fr. 2927, juillet 1496, f° 121 w®°. . B.N., Ms. Fr. 2926, octobre 1495, f° 74 r°-w°. que B.N., Ms. Fr. 2927, mars 1495, f° 106 v£. 12. B.N., Ms. Fr. 2927 janvier 1495, f° 2 w£. (5e B.N., Cinq cents de Colbert, 94, 1618, f° 206 sq. 14. Pour plus de détails concernant l'origine et l'emploi de ce mot, se reporter à la fiche « Courtaud » du TLFi : atilf.atilf.fr/tlf.htm 15: B.N., Ms. Fr. 11199, 1535, non numéroté. 16. Sur cette question, v. également Ferdinand Brunot, Hisicire cie i3 langue française, t. Il, 1967, p. 199. 17. Pour ce qui est plus particulièrement du domaine des techniques, Pierre de La Noue, par exemple, s'inspire d’une saine riva-

lité entre « [ls honnes écaies des ceux Nations » pour la rédaction de son traité, qui porte justement le titre de £a Cavalerie Françoise et ftañenne,

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