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French Pages 141 [188] Year 1982
LES ROLES DU MAGEIROS
MNEMOSYNE BIBLIOTHECA CLASSICA BATAV A COLLEGERUNT A. D. LEEMAN· H. W. PLEKET · W.
J.
VERDENIUS
BIBLIOTHECAE FASCICULOS EDENDOS CURAVIT W.
J.
VERDENIUS, HOMERUSLAAN 53, ZEIST
SUPPLEMENTUM SEPTUAGESIMUM GUY BERTHIAUME
LES ROLES DU MA.GEIROS
LUGDUNI BATAVORUM
E.
J. BRILL MCMLXXXII
A
LES ROLES , DU MAGEIROS Etude sur la boucherie, la cuisine et le sacrifice dans la Grece ancienne
PAR
GUY BERTHIAUME Precede d'une preface de Marcel Detienne
1982
LEIDEN E. J. BRILL LES PRESSES DE L'UNIVERSITE DE MONTREAL
Cet ouvrage a ete publie grace a une subvention de la Federation canadienne des etudes humaines, dont Jes fonds proviennent du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. L'Universite de Montreal a egalement subventionne cette publication.
ISBN
ISBN 90 04 06554 7 (Leiden, E. J. Brill) 2-7606-0521-3 (Les Presses de l'Universite de Montreal) Copyright 1982 by E. j. Brill, Leiden, The Netherlands
All nghts reserved. No part of this book may be reproduced or translated in any form, by print, photoprint, microfilm, microfiche or any other means without written permission from the publisher PRINTED IN THE NETHERLANDS
Pour Johanne, Michel et Claude
TABLE DES MATIERES Preface par M. Detienne...................................................... Sources des illustrations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .. .. . . . . . . . . . . . . . . . . . Avant-propos . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Abreviations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
IX
XXI xx111
XXVI
Introduction.....................................................................
1
I. La genese du rruigeiros . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Appendice I: Homere et le bouilli... .... . . .. . ... .. . . . . . . . ... .. . . .. . .
·5 15
II. Le rruigeiros sacrificateur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Excursus ala page 22 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Excursus ala page 28 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Appendice II: Citoyens et artisans a Sparte . . .. .. . .. ... . ... .. . . ...
17 37 39 41
III. Le rruigeiros boucher . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Excursus a la page 45 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Appendice III: Les splanchna milesiens... .. . .. .. . ... . . ... . . . . .. . . .. . .
44 59 60
IV. Le rruigeiros vendeur de viande . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Excursus a la note 40. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
62 69
V. Le rruigeiros cuisinier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
71
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
79
Annexe: Equarisseurs et pilleurs d'autels....................................... Excursus ala note 27 . . . .. . . . . . . . . ... .. .. .. . .. . . . . . . . .. . .. . .. . . .... .. . .. . ...
81 92
Notes.............................................................................
94
Index............................................................................. Sources........................................................................... Planches 1-20
128 133
•
PREFACE LES BOUCHERS D' APOLLON C'est a Chypre, et tres precisement sous le regne de Pygmalion, que les hommes commencerent a manger de la viande. 11 n'en faut pas douter: l'autorite d'un historien grec l'interdit, Asclepiade de Chypre que cite Porphyre clans le Traite sur l'abstinence 1 , un des grands livres anthropologiques de la Grece ancienne. Et les premiers ages disent la purete des sacrifices, quand toute vie est precieuse, quand aucune injustice ne blesse ce qui est anime, par la seule vertu d'une loi naturelle. Temps d'innocence qui ne semble trouble ni par des evenements insolites ni par )'occasion fortuite de mettre a mort une victime animale (hiereion) 2 , premiere d'une serie sans histoire. Soudainement, l'holocauste est la regle. Aussi naturelle que l'offrande de sacrifices purs. Un autre regime, mais en tout point semblable au premier. Au feu sacrificiel de consumer la victime, et, en la devorant, d'assumer aux limites de sa vertu purifiante l'integrite de l'origine comme si nulle blessure ne pouvait l'atteindre. La dechirure survient du plus accidentel. «Un jour quand la victime bn11ait au milieu des flammes, un morceau de chair tomba de l'autel. Le pretre le ramassa tout bn11ant, et, sans y penser (aboulltos), ii porta Jes doigts a la bouche; tout en surveillant la combustion, le pretre eut envie (epithumein) de la graisse odorante (knissi) qu'il venait de goiiter, et, loin de s'en priver, il en fit lecher a son epouse». Le mal est fait; la severite de Pygmalion ne peut le conjurer. Lepretre et son epouse sont precipites du haut d'une roche. Un autre prend sa place qui, un peu plus tard, accomplit le meme sacrifice. A son tour, ii succombe a l'envie de viandes, et subit le meme supplice. Et le desir de graisse odorante devient si pressant pour les sujets de Pygmalion que le roi renonce a le punir. Scenario inhabituel parmi Jes recits sur )'invention du sacrifice alimentaire et sanglant. Aucune violence accidentelle ne vient motiver la cremation de la premiere victime animale: ni maladresse, ni colere, ni imprudence. La Pythie n'est pas consultee, et ii ne faut trouver aucun coupable. Un pretre assiste a l'holocauste, et le feu est seul a conna1tre la difference entre l'anime et l'inanime. Car ii est le vrai maltre du sacrifice, sacrifiant et sacrificateur implicites: devorant en ses flammes une vie que nu! complice ne I' aide a detruire; se saisissant de I' animal vif aussi spontanement que de l'huile et des offrandes cerealieres. Officiant solitaire, le feu de
X
PREFACE
l'autel qui mange et sacrifie efface toute distance entre consumer et consommer. De I' action accomplie - et sacrifier est en grec de I' ordre de l'agir (herdein, dran) 3 - le pretre est spectateur. La premiere «sarcophagie» se deroule sous ses yeux, sans qu'il y participe autrement que par le regard. Un regard, toutefois, rendu attentifpar le service de l'autel a qui ii faut rendre ce qui Jui appartient. Done un fonctionnaire vigilant, et, de plus, sensible aux odeurs et aux fumees inventees par le feu. Car a cote des devins dont l'reil est savant a interroger les entrailles des victimes 4 , ii est une forme d' hieroscopie vouee aux signes de la flamme. Promethee s'en fait gloire au nombre des savoirs inventes pour compenser la fragilite de l'espece humaine: «Je fis bn1ler des membres enveloppes de graisse et I' echine allongee pour guider Jes mortels dans I' art obscur des presages, pour rendre clairs Jes signes de la flamme» 5 • A Olympie, Jes devins observent la combustion du peuplier blanc, et comment la flamme leche et mordille Jes chairs, range les os et dechire Jes visceres 6 • Mais c'est a Chypre, la-meme ou appara1t l'envie de goiher de la viande, qu'officient des pretres savants en empyromancie, experts de l'autel et du feu vivant. A Pyla, sur le territoire de Kition, le chef des devins, le mantiarque, est serviteur d'Apollon, appele Lakeutes. Non pas le p6v, CJXO>.i6v, !tpatv 1-LOLpatV, 1 >.wc,( o)atv, cnd>.o~ s,eiov ,!~ XO't\lAT}1l6Vat 'tt'tl'-T}fl&VOV xat 't"liv 1lopatv xat 'tat Aoi11at !,pci. • Ibid., 48, 15-18: latv Ill 't~ 9u,w ~uA[T}'tatL) ['tw]L ~LOWCJW ruvli, 1lill6'tw ,lPTt njL LtptlatL CJ11ACX1'X"at, Vtq>[pov), CJXOAi6v, !&pcil-L' 1-LOLpatv, 1 >.wooatv, cnd>.o~ t!~ xowAT}o6Vat [ lx]['t)t't1'-T}l-4VOV" ,, Scholus b el Ta l'lliade, I, 4:64 C, ed. H. Erbse, Berlin, 1969: 'tWV G11Acxrxvwv, 6 iCJ'tL 'tWV iVOtCJLY, 0CJ'tc.>0t, aq>6llpet ®'t 'ti 1tpoC1X01t'to\l'to, &ito wx,,, xpi«. tL1ttY, Mci-yitpt, µ~ 1tpDCJLCJ'tOt 't0U't6 µ01 'tOUCJ'tOW. 6 o'tt1ttY, 'A).).(X µ'l]v lCJ'ttv "(AUXU (xati µ~v 't0 1tpo, 0CJ'toiiv q>OtCJL xpt«. ttYOtL "(Auxu] o X0t1ptq,wv ol, Kett µex).', w~lha't', lq>Tl, "(AUXU µiv 1tpDCJICJ'tCXfl'YOY ol. AU1tti 1tOt\l't0tXTI· " Moralia, 643a, trad. F. Fuhrmann, Paris, 1972. Nous avons modifie la traduction de fa~on a rendre avec plus de precision les termes grecs que nous avons transcrits entre parentheses.
lo,
I*
118
NOTES CHAPITRE IV
,., En plus des textes cites a la note 12 voir Platon, Lois, 849d; Plutarque, Demitrius, 11 (8931); Artemidore, III, 56; Alexis, fr. 98, 23-24K, ap. Athenee, 568d. II n'y a pas, a noire connaissance, de vase dont fa peinture represente la vente de viande. Un cratere en cal ice de Lipari (Dtdalo, VII, I 926-1927, p. 408; P. Cloche, Les classes, /es mitim, le trafic, Paris, 1931, pl. XXXVI, 2) montre un marchand de thon et un client, une piece de monnaie a la main. On ne retrouve cependant pas de scene semblable representant un boucher. Sans la presence d'indices aussi clairs que la representation d'un client et d'une piece de monnaie, ii devient presque arbitraire de determiner quelles sont les scenes de decoupage qui se rattachent au sacrifice et quelles sont celles qui sont liees a une mise a mort pour des fins commerciales. C'est ainsi que T. B. L. Webster (Pol/tr and Patron in Classical Athtns, Londres, 1972, p. 248) ecrit: «All these pictures of men dealing with meat are preparations for or aftermath of a sacrifice». Cependant, si l'on ecarte les scenes ou !es personnages s'adonnant au decoupage sont couronnes (pl. 5,2 et 15,2), ou ils agissent dans le cadre de banquets et de distributions (Louvre, E 635;Journal of Hellenic Studies, LXXXII, 1962, pl. VIII, 6; H. Payne, Necrocorinthia, Londres, 1931, no. 780; ici, pl. 12, I. Louvre, C 10918; journal of Helltnic Studies, LXXXV, 1965, pl. XXX, Sa; ARV', 467/130; ici, pl. 12, 2), et ou iis sont en train d'embrocher la viande pour le transport apres le sacrifice (cf. supra, pp. 5253 et pl. 5,2; pl. 7, 1-2), ii reste, a notre connaissance, cinq scenes qui peuvent representer des bouchers a l'reuvre: i) cant hare en forme de tete de satyre: Ferrara T 256 B. VP.; ARV', 266/85; ici, pl. 20 (cf. supra, p. 46). ii) pelike a figure noire: Paris, Fondation Custodia [Institut neerlandais), 3650; ici, pl. 19 (cf. supra, p. 46). iii) pelike attique a figure rouge: Erlangen 486; Athenischt Mitteilungen, LXV, 1940, pl. 2, 2; ARV', 250/21; ici, pl. 14, I. iv) pelike beotienne a figure rouge: Munich 2347; Athtnische Mitteilungtn, LXV, 1940, pl. 2, I; ici pl. I 4, 2 (contra: E. Fraenkel qui, dans un addtndum a la traduction italienne de son Plautinischts im Plautus [Elementi Plautini in Plauto, trad. F. Munari, Florence, 1960, pp. 412-413), allirme qu'il s'agit d'une scene domestique. A noter l'erreur qui s'est glissee la: ii s'agit bien d'un vase de Munich et non de Monaco). v) lecythe attique a figure rouge: Munich, ex-Lugano, von Schoen, 62; ARV', 691, 19; ici, pl. 15, I (a rapprocher du fragment de l'interieur d'une coupe a figure rouge maintenant au Musee du Vatican (no. 17924; ex-Naples, Astarita, 574; ARV', 366/89; ici, pl. 18) qui nous laisse voir un jeune homme et une table sur laquelle se trouve une tete de b,euf. Quatre de ces vases nous montrent dejeunes apprentis a l'reuvre, ce qui est a rapprocher de quelques passages comiques: Aristophane, Cavalim, 419 et Machon, fr. 16, 305-306, ed. Gow, loc. cit., ap. Athenee, 580c-d. Comme dans les textes mentionnes au debut de cette note, ii n 'est pas question sur ces vases de la mise a mort, mais uniquement du decoupage de la viande d'animaux deja abattus. 1• 300-302, ed. V. Coulon, Paris, 1923: Katt fat\l(,l at Tor; 1tpuT«vtatv // ci:litXOtnu-rou.; Twv Otwv it//~ lxo~Ot XOLAL~. " Scholie «vetera» a Aristophane, Cavaliers, 301, ed. D. M. Jones, Leyde, 1969: ci:litXOtTtu-tou.; TWV Otwv: jL~ lltllwx6Tat ci:1t' OtUTWV niv lltxa:T/)V jLOLpatV TOL; 8tor~. l8o~ ydtp ttxov T~ lltxci:T~ TWV 8uoj,1.ivwv wt; 1tpuTOtVtaW o{ j!ci:yt1po1 ll11l6V0t1. " Recherches sur le vocabulaire des sacrifices en grec, Aix-en-Provence, 1966, p. 77. " J. Rudhardt, Notions fondamentales de la pensie religituse et actes constitutifs du cu/It dans la Grtce classiqut. Geneve, 1958, p. 255. "' XIV, 422-438. Suivant !'edition de V. Berard (Paris, 1924), nous avons laisse de cote le vers 424 qui ne contient de toute fa~on aucun detail rituel. " Odyssie, III , 446. " Odyssie, III, 456-458. "' Respectivement, i) LSAM, 37, 9-10 ii) ibid., 40, 5; 44, 6-7; 48, 17; 52, B, 6 iii) ibid.,
NOTES CHAPJTRE IV
119
13, 14; 24, A, passim. Sur ces parts, en dernier lieu, D. Gill, «Trapezomata: a Neglected Aspect of Greek Sacrifice», Harvard Theological Review, LXVII, 1974, pp. 117-137. " B. Laum a etudie ce texte dans le cadre de son ouvrage sur les origines de la monnaie (H,iliges Geld, Tiibingen, 1924, p. 51 et n. 14; voir aussi Ed. Will, «De !'aspect ethique des origines grecques de la monnaie», Revue historique, CCXII, 2, 1954, pp. 211-212). N'accordant pas d'importance au fait que c'est en tant que part des