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French Pages [615] Year 2005
BAR S1364 2005
Les premiers peuplements en Europe
MOLINES, MONCEL & MONNIER (Eds)
Colloque international: Données récentes sur les modalités de peuplement et sur le cadre chronostratigraphique, géologique et paléogéographique des industries du Paléolithique ancien et moyen en Europe Rennes, 22-25 septembre 2003
Edited by
LES PREMIERS PEUPLEMENTS EN EUROPE
Nathalie Molines Marie-Hélène Moncel Jean-Laurent Monnier
BAR International Series 1364 B A R
2005
Les premiers peuplements en Europe
Les premiers peuplements en Europe
Edited by
Nathalie Molines, Marie-Hélène Moncel & Jean-Laurent Monnier Colloque international: Données récentes sur les modalités de peuplement et sur le cadre chronostratigraphique, géologique et paléogéographique des industries du Paléolithique ancien et moyen en Europe Rennes, 22-25 septembre 2003
BAR International Series 1364 2005
Published in 2016 by BAR Publishing, Oxford BAR International Series 1364 Les premiers peuplements en Europe © The editors and contributors severally and the Publisher 2005 The authors' moral rights under the 1988 UK Copyright, Designs and Patents Act are hereby expressly asserted. All rights reserved. No part of this work may be copied, reproduced, stored, sold, distributed, scanned, saved in any form of digital format or transmitted in any form digitally, without the written permission of the Publisher.
ISBN 9781841717005 paperback ISBN 9781407327952 e-format DOI https://doi.org/10.30861/9781841717005 A catalogue record for this book is available from the British Library BAR Publishing is the trading name of British Archaeological Reports (Oxford) Ltd. British Archaeological Reports was first incorporated in 1974 to publish the BAR Series, International and British. In 1992 Hadrian Books Ltd became part of the BAR group. This volume was originally published by John and Erica Hedges Ltd. in conjunction with British Archaeological Reports (Oxford) Ltd / Hadrian Books Ltd, the Series principal publisher, in 2005. This present volume is published by BAR Publishing, 2016.
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Table des matières - Préface Yves Coppens - Les premiers peuplements en Europe : certitudes et hypothèses ?……………………………………………..…. Molines Nathalie, Moncel Marie-Hélène
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Le cadre anthropologique - Continuité et/ou discontinuité des premiers peuplements européens…………..…………………………….…… Condemi Silvana - Les sociétés fossiles des Neandertaliens et autres hommes de Cro-Magnon : nouvelle approche des populations fossiles par les stratégies de croissance……………………………………………………………………………... Millet Jean-Jacques
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Le cadre chronostratigraphique et biostratigraphique - Chronologie RPE de sites du Pléistocène moyen d'Europe occidentale…………………………………………... Falguères Christophe, Bahain Jean-Jacques, Voinchet Pierre, Dolo Jean-Michel, Tozzi Carlo, Boschian Giovanni - Datation par RPE de sédiments fluviatiles. Contribution à la connaissance des peuplements anciens du nord de la France..……………………………………………………………………………………………….. Voinchet Pierre, Falguères Christophe, Bahain Jean-Jacques, Laurent Michel, Despriée Jacky, Dolo Jean-Michel, Chausse Christine - Chronostratigraphie des formations du Pléistocène moyen et supérieur et sites associés en Normandie………… Cliquet Dominique, Lautridou Jean-Pierre
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- Chronostratigraphy of Pleistocene deposits and associated Palaeolithic sites in a coastal area : example of Val de Saire (Normandy, France)……………………………………………………………………………………… Coutard Sylvie, Cliquet Dominique, Clet Martine, Lautridou Jean-Pierre, Rhodes Edward J.
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- La grotte de la Baume Bonne (Quinson, Alpes de Haute-Provence) : synthèse chronostratigraphique et séquence culturelle d'après les fouilles récentes (1988-1997)……………………………………………………… Gagnepain Jean, Gaillard Claire
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- Une séquence du Paléolithique inférieur au Paléolithique récent dans les Balkans : la grotte Kozarnika à Orechets (nord-ouest de la Bulgarie)……………………………………………………………………………….. Guadelli J.-L., Sirakov N., Ivanova St., Sirakova Sv., Anastassova E., Courtaud P., Dimitrova I., Djabarska N., Fernandez Ph., Ferrier C., Fontugne M., Gambier D., Guadelli A., Iordanova D., Iordanova N., Kovatcheva M., Krumov I., Leblanc J.-Cl., Mallye J.-B., Marinska M., Miteva V., Popov V., Spassov R., Taneva St., Tisterat-Laborde N., Tsanova Ts.
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- L’environnement animal des premiers habitants de l’Europe méditerranéenne : Les grands mammifères contemporains de l’Homme du Vallonnet, données taxonomiques et biostratigraphiques pour la deuxième moitié du Pléistocène inférieur……………………………………………………………………………………………... Moullé Pierre-Elie, Echassoux Anna, Lacombat Frédéric, Desclaux Emmanuel, Bailon Salvador
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- Caractérisation des variations paléoenvironnementales d'après l'alimentation des caprinés chassés par les hommes du Paléolithique inférieur et moyen en Languedoc-Roussillon…………………………………………… Rivals Florent, Moigne Anne-Marie, Deniaux Brigitte
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- Early Pleistocene faunal and human dispersals into Europe : the large mammal assemblages from Venta Micena, Fuente Nueva –3 and Barranco Leon-5 (Orce, Spain)………………………………………..…………… Martínez-Navarro Bienvenido, Toro Isidro, Agustí Jordi
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Variabilité des comportements techniques et de subsistance au travers de quelques sites européens Montagnes, bassins, vallées et plaines de l'Europe du sud - Comportement technologique des occupants des premiers niveaux à bifaces du nord de la Méditerranée………………………………………………………………………………………………………… Barsky Deborah, de Lumley Henry - Le site de Labadie à Mondoville (Haute-Garonne, France) : nouvelles données géomorphologiques et archéologiques sur le Paléolithique inférieur dans le midi toulousain……………………………………………… Bruxelles Laurent, Berthet Anne-Laure, Chalard Pierre, Colonge David, Delfour Géraldine, Jarry Marc, Lelouvier Laure-Amélie, Arnoux Thomas, Onézime Olivier - Permanence des comportements de subsistance et des comportements techniques aux stades isotopiques 6 et 5 dans la vallée du Rhône. Les assemblages du site de Payre (Ardèche, France)……………………………………. Moncel Marie-Hélène, Patou-Mathis Marylène - Paléolithique moyen dans le sud du Massif central : Les données du Velay (Haute-Loire, France)…………...… Raynal Jean-Paul, Le Corre-Le Beux Muriel, Santagata Carmen, Fernandes Paul, Guadelli Jean-Luc, Fiore Ivana, Tagliacozzo Antonio, Lemorini Cristina, Rhodes Edward J., Bertran Pascal, Kieffer Guy, Vivent Dominique
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- Le gisement acheuléen de Lanne-Darré (Uglas, Hautes-Pyrénées) et perspectives régionales dans le Sud-Ouest de l'Europe…………………………………………………………………………………………………………... Colonge David, Texier Jean-Pierre
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- Données nouvelles sur les restes fauniques et lithiques dans les différents niveaux d'occupation du site d'Orgnac 3 (Ardèche, sud-est France) : types d'occupation.…………………………………………………………………... Moigne Anne-Marie, Moncel Marie-Hélène
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- Coudoulus I (Tour-de-Faure, Lot), site du Pléistocène moyen en Quercy : bilan pluridisciplinaire……………… Jaubert Jacques, Kervazo Bertrand, Bahain Jean-Jacques, Brugal Jean-Philip, Chalard Pierre, Falguères Christophe, Jarry Marc, Jeannet Marcel, Lemorini Cristina, Louchard Antoine, Maksud Frédéric, Mourre Vincent, Quinif Yves, Thiébaut Céline
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- Techno-typologie et techno-économie du matériel sur galet de la Chaise-de-Vouthon, Charente………………... Matilla Karine
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- The exploitation of the faunal remains in the Mousterian levels at Riparo Tagliente (Verona, Italia)……………………………………………………………………………………………………………...… Thun Hohenstein Ursula, Peretto Carlo
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- Human occupations at Galeria site (Sierra de Atapuerca, Burgos, Spain) after the technological and taphonomical data…………………………………………………………………………………………………... Ollé Andreu, Cáceres Isabel, Vergès Josep Maria
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- Nouvelles données sur les caractéristiques et l'évolution techno-économique de l'industrie moustérienne du Riparo Tagliente (Verona, Italia)…………………………………………………………………………………… Arzarello Marta, Peretto Carlo
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- Le premier peuplement de l'Europe : les industries sur éclat……………………………………………………… Peretto Carlo - The lithic industry of the Palaeolithic site of Isernia-la-Pineta : a model of behaviourial strategies in the context of the first human population ……...……………………………………………………………………………….. Minelli Antonella, Peretto Carlo
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Les grandes plaines de l'Europe du nord et leurs marges - L’Europe centrale et orientale - Un site récurrent d'abattage et de boucherie du Paléolithique moyen : Kabazi II (Crimée, Ukraine)…………….. Patou-Mathis Marylène, Chabaï Victor - Archaeology of the Lower Saalian (Oder Stage, OIS-8) in Upper Silesia : human settlement at the periphery of the continental ice-sheet…………………………………………………………………………………………….. Foltyn Eugeniusz, Kozlowski Janusz K., Waga Jan Maciej
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- The oldest settlement in Odra valley (SW Poland)………………………………………………………………... Wisniewski Andrzej
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- Lower Palaeolithic microlithic technology and wooden tools…………………………………………………….. Burdukiewicz Jan Michal
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- Les fouilles du site du Paléolithique inférieur de Stranska-Skala I à Brno-Slatina…………………………….…. Valoch Karel
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- L'énigme archéologique de la diffusion des artefacts sur les sites paléolithiques du loess au sud du Tadjikistan…………………………………………………………………………………………………………... Ranov Vadim
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- La transition Paléolithique moyen / Paléolithique supérieur en Haute-Normandie : état de la recherche à travers l’étude technologique de deux sites du Pays de Caux : Saint-Martin-Osmonville / la Salle et Epouville / la briqueterie Dupray (Seine-Maritime, France)………………………………………………………………………. Guette Caroline
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- Accessibilité, acquisition et utilisation de la matière première : étude gîtologique de deux gisements du Paléolithique moyen, la vallée de la Seulles (Calvados) et le site de Saint-Brice-sous-Rânes (Orne)……………... Lasseur Eric, Leclerc Floriane, Cliquet Dominique
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- Le traitement de la matière première lithique et osseuse au Paléolithique inférieur et Paléolithique moyen dans le Nord de la France : état des recherches récentes….……………………………………………………………… Auguste Patrick, Lamotte Agnès, Locht Jean-Luc, Tuffreau Alain
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- Les industries à bifaces des nappes alluviales du Bassin moyen de la Loire en région Centre : situations stratigraphiques et chronologie RPE………………………………………………………………………………... Despriée Jackie, Gageonnet Robert, Voinchet Pierre,. Bahain Jean-Jacques, Falguères Christophe, Depont Jean
431
- Etude diachronique de la production des outils dans le gisement paléolithique moyen de Riencourt-lesBapaume (Pas-de-Calais)…………………………………………………………………………………………… Vande Walle Hélène
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- Transition Paléolithique moyen/Paléolithique supérieur - l'économie des ressources minérales au Châtelperronien à Arcy-sur-Cure (Yonne)………………………………………………………………………….. Connet Nelly
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- Le Moustérien à denticulés, un faciès taphonomique du Moustérien ?………………………………………….. Caspar Jean-Paul, Masson Bertrand, Vallin Luc
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- Les industries de la fin du Paléolithique moyen de la Grotte du Bison à Arcy-sur-Cure (Yonne)……………….. Lhomme Vincent, David Francine, Thiébaut Céline
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- La production lithique sur le site paléolithique moyen de Chavelot-Clair-Bois (Vosges)………………………... Boudias Jean-Baptiste
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Mobilité et territoires - Traditions, éducations et territoires au Moustérien européen……………………………………………………... Otte Marcel - Stratégies de subsistance dans l'Ouest de la France au Pléistocène moyen et supérieur : acquisition et traitement des matières premières d'origines minérale et animale à Piégu (Côtes d'Armor), Ranville (Calvados) et au MontDol (Ille et Vilaine)…………………………………………………………………………………………………. Auguste Patrick, Cliquet Dominique, Hervieu Gilles, Liouville Marie, Louguet Sophie, Monnier JeanLaurent, Rorive Sylvie - L’Acheuléen de l’Ouest de la France : apports du site de Menez-Dregan 1 (Plouhinec, France)………………… Molines Nathalie, Monnier Jean-Laurent, Hinguant Stéphan, Hallégouët Bernard
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- L’acquisition des ressources minérales et animales au Paléolithique inférieur et moyen dans le Nord de la France dans leur contexte écologique : état des recherches récentes……………………………………………….. Lamotte Agnès, Auguste Patrick, Locht Jean-Luc, Tuffreau Alain
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- Neumark-Nord 1 : an interglacial lake with butchering sites and short-time camp sites of late Middle Pleistocene humans…………………………………………………………………………………………………. Brühl Enrico
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- Variabilité des types d’occupation et d’exploitation de territoires méditerranéens entre 600 000 et 300 000 ans……………………………………………………………………………………………………….. Barsky Déborah, Grégoire Sophie, Moigne Anne-Marie
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- Le gisement moustérien de la Rouquette à Puycelsi (Tarn, France) : une occupation de plein air de chasseurs de grands herbivores…………………………………………………………………………………………………… Briki-Heriech Djamila, Duran Jean-Pierre, Saos Thibaud, Grégoire Sophie, Moigne Anne-Marie
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- Programme du colloque…………………………………...……………………………………………………..
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REMERCIEMENTS Ce colloque, consacré aux premiers peuplements de l'Europe, n'aurait pu voir le jour sans le soutien de l'UMR 6566 "Civilisations Atlantiques et Archéosciences" et de l'Institut de Paléontologie Humaine, et surtout sans les très nombreux chercheurs français et européens qui ont répondu positivement à notre appel. Les très nombreux articles qui composent ce volume témignent de l'intérêt suscité par ce colloque et de la richesse des débats qui se sont déroulés. Nous remercions également Messieurs E. Böeda, E. Carbonell, Y. Coppens, H. de Lumley, C. Peretto, J.P. Rigaud et A. Tuffreau, membres du comité scientifique du colloque, qui nous ont soutenus tout au long de l'organisation de celui-ci et conseillés au niveau de l'articulation scientifique des débats. Tous nos remerciements à Monsieur B. Fortin, président de l'Université de Rennes 1, qui a accepté que cette réunion se tienne dans les locaux du Campus de Beaulieu. L'Université de Rennes 1 nous a, par ailleurs, apporté un soutien important tant au niveau logistique que financier. Sur ce dernier point, nous avons également bénéficié de l'aide de différentes instances et collectivités : le Centre National de la Recherche Scientifique, la Région Bretagne, le Conseil Général d'Ille-et-Vilaine et Rennes Métropole. Un grand merci également à S. Bourdin, M.T. Ribault et M. Tostivint, nos collègues de l'UMR 6566, qui ont contribué au bon déroulement de ce colloque, en assurant notamment l'accueil des participants. Enfin, encore tous nos remerciements à Monsieur Y. Coppens, pour sa conférence lors de la séance inaugurale du colloque et pour avoir accepté de préfacer ce volume. Nathalie Molines, Marie-Hélène Moncel et Jean-Laurent Monnier
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Données récentes sur les premiers peuplements en Europe
PREFACE Yves COPPENS Professeur au Collège de France C'est à la mémoire de Pierre-Roland Giot et de deux de ses élèves, Jean L'Helgouach et Jacques Briard, mes anciens compagnons de fac et de fouilles, tous trois directeurs de recherche au CNRS et tous trois disparus il y a peu de temps, que je dédie ces quelques lignes; je remercie Jean-laurent Monnier de me les avoir offertes. Cet ouvrage réunit, comme son nom l'indique, les communications d'un très brillant colloque sur les premiers peuplements humains de l'Europe (Paléolithique inférieur et moyen) et leurs outillages, colloque organisé à Rennes par l'UMR 6566 du CNRS, "Civilisations atlantiques et archéosciences", sous le double parrainage de cette Unité de recherche et de l'UMR 6569, Laboratoire de Préhistoire du Muséum National d'Histoire Naturelle de Paris. Comme les très nombreux chercheurs conviés au Campus de Beaulieu y ont traité de la Préhistoire de toute la France mais aussi de celle de la péninsule Ibérique, de l'Italie, de la Bulgarie, de l'Ukraine, du Caucase, du Tadjikistan, de la Hongrie, de la République tchèque, de l'Allemagne, de la Pologne, de l'Europe du Nord et de la Grande-Bretagne, on peut dire que cet ouvrage est, en 2004, le bilan des recherches préhistoriques en cours sur l'ensemble du continent européen jusqu'à ses marges orientales, recherches tout particulièrement orientées vers la datation et l'interprétation ethnologique des sites, l'éthologie et l'économie de leurs habitants, la compréhension technologique et fonctionnelle de leurs industries. La préhistoire est une science historique ; la datation de ses événements est essentielle à sa compréhension ; or la tendance pluridisciplinaire de ses programmes de recherche lui a précisément permis de faire des progrès considérables dans l'établissement de ses calendriers. Aux datations RPE, ESR, TL, U/Th, C14, tentées chaque fois qu'elles sont possibles, sont venues s'ajouter de très précieuses analyses géologiques, géomorphologiques, sédimentologiques, paléo-pédologiques d'intérêt chronologique local et bien sûr des bio, archéo, et magnétochronostratigraphies de valeurs plus générales. Notons par exemple de nouvelles lectures de tout le système classique des loess et des terrasses de la Somme, des niveaux marins et alluviaux de la Normandie, des sites fameux, souvent éponymes, du Périgord. Les sites eux-mêmes, mieux décrits, ont bénéficié d'interprétations plus précises ; représentent-ils de simples bivouacs, des campements spécialisés ou de base, des installations de chasseurs pour le dépeçage du gibier ou d'artisans pour le débitage d'une matière première, des habitats saisonniers ou des habitats de longues durée ? La succession des identifications des niveaux archéologiques du remplissage de la Caune de l'Arago – dont le fond vient d'être atteint – est à cet égard exemplaire.
Les reconstitutions des chaînes opératoires des débitages lithiques occupent évidemment de longues pages, apportant des informations technologiques de valeur elles aussi chronologique (utilisation du percuteur tendre, du débitage Levallois, etc.), de valeur fonctionnelle (lorsqu'elles se trouvent jointes à des analyses tracéologiques), et bien sûr de valeur propre illustrant la complexité de l'esprit et du comportement des Hommes dès leur origine. La coexistence de plusieurs concepts de débitage ou la "ramification" de certains d'entre eux à partir d'un premier épisode commun, a par exemple fait l'objet de démonstrations convaincantes. Les études des restes osseux des gibiers consommés, des coquillages récoltés, des matières premières et de leurs origines, ont posé les passionnantes questions des stratégies d'approvisionnement, proximité ou non des affleurements de roches exploitées, techniques de chasse employées, recherches régionales ou saisonnières de certains gibiers, de certains végétaux, en un mot les problèmes économiques d'exploitation de l'environnement des divers groupes humains aux différentes époques et dans les différents milieux dans lesquels ils ont vécu. L'ensemble de cette documentation permet, au fil du discours, quantité d'observations sur l'environnement, le climat, la démographie et l'évolution de ces trois paramètres évidemment liés. Des discontinuités importantes dans les peuplements de certaines régions apparaissent ainsi ; citons la Somme, la Normandie, le bassin de la Loire, ou la Grande-Bretagne. Elles ont chaque fois valeur climatique et environnementale. Je retiens encore la grande ancienneté du premier peuplement de la plupart des régions, en tenant évidemment compte de leur situation latitudinale. On dépasse le million d'années en Espagne, en Italie, on les atteint en Bulgarie, dans la Loire ; on plafonne vers 600 000 ans en Bretagne, dans la Somme, date d'un renouvellement technologique ailleurs (premiers bifaces); des traces de comportements symboliques semblent apparaître très tôt, le feu pourrait être maîtrisé dès 5 à 600 000 ans (Bretagne, Tchéquie), la technique Levallois de taille dès 3 à 400 000 ans. Quant au Chatelperronien de Néandertal, il apparaît décidément de plus en plus proche de l'Aurignacien de Cro Magnon ! Cet ouvrage est ainsi un superbe exemple du développement de la précision des fouilles et de la réflexion qu'elles permettent. Se faisant chaque jour plus rigoureuse dans ses propositions et plus ouverte aux éclairages des disciplines auxquelles elle s'allie, la Préhistoire est en train de s'imposer comme une Science qui a su conjuguer ses approches géologiques, biologiques et humaines peut-être bien la seule, en un seul et même discours à l'interface de ces trois domaines conventionnellement séparés…
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Données récentes sur les premiers peuplements en Europe
LES PREMIERS PEUPLEMENTS EN EUROPE : CERTITUDES ET HYPOTHESES ? MOLINES Nathalie, MONCEL Marie-Hélène Une occupation très ancienne de l’Europe Depuis plusieurs années, des découvertes attestent de l’occupation de l’Europe du sud dès 1,3 millions d’années (Orce, Espagne). L’homme est aux portes de l’Europe vers 1,6-1,7 millions d’années à Dmanissi dans le Caucase (Gabunia et al., 2000; de Lumley et al., 2002). Mis à part l'absence de bifaces, les industries montrent d'importantes similitudes avec les assemblages lithiques africains, datés d'environ 2 Ma, tels que Fejej (Barsky et al., 2001) ou du Bed I d'Olduvaï (Leakey, 1971). Il s'agit d'assemblages essentiellement composés d'éclats de petites dimensions, avec des nucléus et de rares éclats retouchés. A ce jour, les plus anciens bifaces connus hors d'Afrique proviennent du site d'Ubeidiya en Palestine (Bar-Yosef et al., 1993). Les bifaces sur ce site sont accompagnés d'éclats, de nucléus, de petits outils retouchés et de galets aménagés. Les assemblages lithiques à bifaces les plus anciens en Europe sont localisés en contexte méditerranéen à Tautavel (sol P, ensemble stratigraphique I du complexe moyen, Barsky et al., ce volume), à Atapuerca - Gran Dolina TD10 ou à Atapuerca - Galeria (Bermudez de Castro et al., 1999) dans des niveaux datés entre 600 ka et 450 ka, ou à Notarchirico provenant des couches datées à 500 ka (Piperno, 1999). Le sol P de Tautavel, daté à 600 ka, atteste de la présence de bifaces associés à un débitage de quartz et de silex pouvant être récupérés à 30 km. Ce débitage est unipolaire, sur enclume ou discoïde. Il y a peu de petits outils. Dans un contexte froid, les hommes ont chassé du cheval, du renne et du mouflon. Le décalage entre les plus anciens bifaces africains observés à Konso-Gardula en Ethiopie à 1,6 millions d’années (Asfaw et al., 1992; Katoh et al., 2000) et ceux en Europe à 0,6 millions d’années plaident en faveur d’une intrusion sur un fond technique basé sur les outils sur galet et le débitage par concassage dans ce cas d’éclats utilisés avant tout bruts (Isernia la Pineta, Peretto, 1994; Minelli et Peretto, ce volume; Peretto, ce volume ; Stranska Skala I, Valoch, ce volume). Il est donc très fort probable que les premiers peuplements en Europe aient été issus de la tradition culturelle oldowayenne. Le nord du continent semble occupé plus tardivement, en relation avec l’arrivée d’une seconde vague de peuplement par des groupes d‘hommes porteurs entre autre du biface. Quelques découvertes dans ces zones septentrionales (Kärlich, Bosinski et al.; Mauer, Beinhauer et al., 1992) attestent cependant d’une fréquentation humaine épisodique antérieure à 500 000 BP.
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Le cadre chronologique de l’homme en Europe s’est donc considérablement élargi jusqu’aux portes de l’Europe (Ranov, ce volume), de même que les études paléoenvironnementales qui permettent de mieux cerner l’impact des variations climatiques sur les espaces habitables et les adaptations comportementales. Se pose la question de l’origine de ces premiers peuplements et des hypothèses peuvent être émises quant aux possibles voies de migration. Il est en effet certain que les hominidés sont passés par le couloir levantin (site d’Ubediya avec des assemblages à bifaces à plus d’1 million d’années). Mais un passage par Gibraltar, hypothèse autrefois abandonnée, paraît être remise au goût du jour par la présence de hachereaux en Espagne et dans le sud-ouest de la France (Colonge et Texier, ce volume), d'autant que des études paléogéographiques et géomorphologiques récentes montrent la faisabilité d'un tel passage (Aguirre, 2000). Les études récentes en tracéologie et technologie (Isernia la Pineta ; Minelli et Peretto, ce volume) montrent que tradition et activités sont intimement liées et que la fonction du site, donc la mobilité des hommes au sein d’un territoire, est au cœur d’un vaste débat sur la signification de la variabilité des assemblages lithiques au Paléolithique inférieur et moyen. Il nous est donc apparu intéressant dans le cadre de ce débat, et suite au colloque qui s’est tenu à Rennes en septembre 2003, de faire un bilan des données récentes et de confronter les résultats à l’échelle européenne. Le cadre anthropologique : données récentes Les populations néandertaliennes, autochtones à l'Europe, sont actuellement bien connues et nous pouvons reconstruire leur évolution sur les derniers 450000 ans. Il n'en est pas de même pour les populations qui les ont précédées. Les nombreuses découvertes fossiles effectuées à Dmanissi montrent que les anciens représentants du genre Homo étaient sortis de leur berceau africain et se trouvaient aux portes du continent européen (Condemi, ce volume). Cependant, dans l'état actuel des connaissances nous n'avons aucune certitude sur leur présence en Europe autour de 1,6 Ma, l'ancienneté de certains sites n'étant pas clairement attestés (Gilbert Clols et al., 1989; Bonifay et al., 1991). Au stade actuel, c'est entre 1 Ma et 700 ka que la présence humaine sur le sol européen est la mieux avérée, grâce à la découverte de restes de fossiles humains à Atapuerca - Gran Dolina et à Ceprano - Campo Grande. La position phylogénétique de ces fossiles fait l'objet d'un vaste débat. Ces premiers habitants européens appartiennent-ils à Homo erectus (Ascenzi et al., 1996; Ascenzi et al., 2000) ou sont-ils les représentants d'une espèce particulière Homo antecessor à
Molines Nathalie, Moncel Marie-Hélène
TL) a permis la relecture de séquences stratigraphiques notamment en Normandie (Cliquet, Lautridou, ce volume).
Atapuerca (Bermudez de Castro et al., 1997; Manzi et al., 2001) ou Homo cepranensis (Mallegni et al., 2003). On peut s'interroger également sur les liens phylogénétiques entre ces premières populations européennes et les Néandertaliens, ceci nous renvoyant globalement à la uestion de la continuité et/ou de la discontinuité des premiers peuplements européens (Condemi, ce volume). Les Néandertaliens se sont-ils différenciés à partir de populations existantes en Europe avant 600 ka ou se sont-ils différenciés à partir d'autres vagues migratoires. La question reste posé, toutefois si l'on corrèle les données archéologiques et anthropologiques, il apparaît qu' à partir de 600 ka, les témoignages d'occupation se font plus nombreux en Europe et rendent compte d'une grande diffusion des humains sur le continent, notamment dans le nord de l'Europe. Cette diffusion s'accompagne de la présence d'une industrie à bifaces (Mode 2) qui ne s'observait pas précédemment (Piperno, 1999). Si ce schéma se confirme, il pourrait être le témoin de l'arrivée sur le sol européen d'une nouvelle vague d'humains. Actuellement, nous pouvons situer l'emergence progressive des premiers caractères néandertaliens vers 450 ka par isolement génétique (Condémi, 1998; ce volume). Une étude récente basée sur les approches morphologiques, en particulier sur le crâne, a permis de mettre en évidence une divergence de stratégies de croissance et de reproduction entre les Néandertaliens et Homo sapiens (Millet, ce volume). La visualisation de ces phases reproductives et de croissance permet de proposer des interprétations en terme de comportement (Millet, ce volume). Ainsi chez les Néandertaliens, il est possible de mettre en avant une succession rapide des générations, un fort taux de reproduction, une phase juvénile courte impliquant un apprentissage rapide, une autonomie rapide de jeunes et une migration de la progéniture à un âge différent selon les sexes. Les groupes humains seraient petits, mobile, de faible complexité sociale et avec un cycle vital rapide. Ces observations vont dans le sens de ce qui est interprété archéologiquement. Homo sapiens, selon ces types d’analyses, serait donc une espèce à part. Nouvelles approches paléoenvironnementales
chronostratigraphiques
Les études paléontologiques permettent bien évidemment de dessiner le cadre environnemental et de mettre en évidence des changements climatiques parfois radicaux (Vallonnet, Moullé et al., ce volume), même si le prélèvement par l’homme de certaines espèces donne une image biaisée de l’éventail réel des espèces (Orce, Martinez-Navarro et al.; Vallonnet, Moullé et al., ce volume). En effet, de nombreuses études ont montré le caractère fortement carné de l'alimentation de ces populations (Shéa, 1998; Bocherens et al., 1997) et leurs capacités à organiser, outre un charognage opportuniste, des chasses spécialisées et répétitives d'herbivores de tailles variées, et ce dès l'Acheuléen (Tuffreau, 2004). Les pieux en bois découverts à schöningen pourraient d'ailleurs témoigner de cette pratique (Thieme, 1997; 1998). Des approches parallèles, comme l’analyse des micro-traces d’usures dentaires, livrent plus d’informations sur les changements climatiques et permettent de valider les résultats des études paléontologiques. Ainsi, à l’Arago, au Portel et à l’Hortus, les dents de mouflon paraissent idéales pour enregistrer le contexte végétal (grand consommateur de graminées) (Rivals et al., ce volume). Cette analyse permet également d'observer chez les populations de caprini la mise en place de stratégies adaptatives qui s'expriment notamment par des déplacements plus nombreux. Mobilité et notion de territoire La principale difficulté réside dans la définition d’un territoire. Est-ce un territoire géographique et/ou culturel ? L’approvisionnement en matières premières permet de proposer un périmètre exploité autour du site qui peut être à la fois zone de parcours ou zone d’échange du ou des groupe(s) humain(s). Il ne définit en rien la taille réelle de l’ensemble du territoire de vie d’un groupe humain qui varie par ailleurs selon le contexte climatique, la topographie et la paléogéographie locale, notamment en contexte littoral (Molines et al., ce volume; Lautridou, Cliquet, ce volume). Le territoire culturel est tout aussi difficile à cerner. S’agit-il de la zone d’extension d’une pratique technique, d’un type d’outil, tout en sachant que dans certains cas les activités ne nécessitent pas toujours l’emploi de certaines manières de faire propre au groupe ?
et
L’amélioration, depuis quelques années, des méthodes radiométriques a considérablement fait évoluer le cadre chronologique pour le Pléistocène moyen et permet dorénavant la validation de l’hypothèse d’une chronologie longue en Europe (Falguères et al., ce volume) et de clore le débat sur l'ancienneté de ces premiers peuplements (Roebroeks et al., 1992, 1994). Ce nouveau cadre chronologique se base sur des sites de référence comme Atapuerca en Espagne, la grotte de Visogliano en Italie et la Caune de l’Arago en France.
- fonction et types de sites Les données archéologiques suggèrent une grande variété de sites : haltes de boucherie, ateliers de débitage avec installations sur les gîtes de matières premières, d'autres encore des habitats saisonniers, dans des contextes divers : grottes, abris, plein air. Cependant, il est encore très difficile d'estimer la durée des occupations humaines. Des hypothèses et des modèles ethnographiques ont été proposés concernant le type d'organisation spatiale et la saisonnalité entre d'eventuels camps de base et des sites spécialisés (Binford, 1983; Gamble, 1999).
La méthode mise en œuvre pour dater ces sites, la Résonance Paramagnétique Electronique, a également été utilisée pour des sites anciens du Nord de la France (Voinchet et al., ce volume) et corrélée à d’autres datations physiques (OSL et
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Les premiers peuplements en Europe : certitudes et hypothèses ?
L’influence de la matière première est de plus en plus prise en compte comme facteur déterminant les implantations humaines et intervenant dans la typologie des sites. En effet des études ont permis d’établir une corrélation très forte entre la présence de matières premières aptes à la taille et les installations paléolithiques (Lasseur et al., Lamotte, Auguste, Despriée et al.,). La variété des matériaux, autres que le silex, mis en œuvre sur de nombreux sites montre une bonne connaissance de l’environnement pétrographique et une gestion le plus souvent locale de ces ressources (Jaubert et al., Moncel et Patou-Mathis, Molines et al., Raynal et al., ce volume).
Enfin, à Kabazi II, les hommes ont chassé exclusivement Equus hydruntinus dans un contexte froid et sec. Des morceaux de carcasses ont été emportés après traitement d’animaux rabattus au printemps et en hiver. En été et en automne, les hommes sont donc ailleurs où migrent peut-être ces animaux (Patou-Mathis et Chabaï, ce volume). A Riparo-Tagliente (Italie), on observe le même cas de figure avec l’exploitation de silex locaux, la coexistence de plusieurs méthodes débitage (Levallois, discoïde, à lames, polyédriques). Dans certains niveaux, l’occupation est plus dense avec l’emploi massif d’une méthode de débitage « opportuniste » sur blocs (Arzarello et Peretto, ce volume). La faune atteste d’occupations pendant le printemps au profit des ongulés (Thun Hohenstein, ce volume). De même, à Neumark-nord 1, durant l’OIS 7, les hommes ont installé un site d’abattage au bord d’un lac. Plus loin, des traces de campement permettent de comparer la réalité de deux faciès, en fait deux activités qui ne laissent pas les mêmes traces. L’un est composé d’outils tranchants issus d’une chaîne opératoire de production qui s’est déroulée ailleurs. L’autre est composé de nombreux outils, d’os fracturés et d’une chaîne opératoire complète ( Bruhl, ce volume).
Les données archéologiques vont aussi vers l’hypothèses de haltes de courte durée, saisonnières, exploitant les richesses locales en gibier. Ces occupations sont orientées vers une espèce ou gèrent plusieurs biotopes. La forte mobilité de petits groupes humains est ainsi supposée mais l’hypothèse de séjours de plus ou moins longue durée avec mobilité partielle de quelques individus est aussi envisageable. Les sites de l’Arago (France, entre 600 et 300 000 BP.), de Coudoulous I (France, OIS 6), de Galeria (Atapuerca, Espagne, 350 à 180 000 BP.), de Payre (France, OIS 6-5), de la Rouquette à Puycelsi (France, OIS 4-3) et de Kabazi II (Crimée, OIS 5-4) sont des exemple. A l’Arago, selon les couches, des haltes spécialisées sont observables orientées vers une niche écologique. Certains niveaux sont des occupations de plus longue durée. La panoplie de l’outillage est alors différente, plus diversifiée et sur des matériaux d’origine variée avec des méthodes de débitage elle-même variées (Barsky et al., ce volume). A Coudoulous, la couche 4 livre les indices d’une chasse spécialisée au bison à la fin du printemps et au début de l’été. La topographie du lieu a favorisé le rabattage de troupeaux. Les hommes ont utilisé le quartz et le silex, les exploitant différentiellement (quartz, percussion sur enclume, débitage centripète, discoïde ; silex, débitage Levallois). Le travail de boucherie, de la peau et du bois est attesté (Jaubert et al., ce volume). A Galeria, l’aven a permis aux hommes et aux carnivores d’accéder à des ressources carnées sur des carcasses. Il y a donc sur-représentation d’objets utiles (chaîne opératoire incomplète) ayant servi à la boucherie et au traitement de la peau. C’est un lieu d’approvisionnement planifié (Olle et al., ce volume). A Payre, les hommes ont exploité une ou plusieurs espèces dans les biotopes entourant le site en position de promontoire. Le territoire d’approvisionnement en matières premières est plus étendu que celui du gibier. Le mode de production, quelque soit l’âge, est de type discoïde et sur silex avec un traitement complet des roches sur place, excepté pour le quartzite (Moncel et Patou-Mathis, ce volume). A la Rouquette, le cheval, le renne et des bovinés sont chassés apparemment toute l’année, sauf dans le niveau supérieur, de l’automne au printemps. Ce niveau est un Moustérien à denticulés sur quartz et débitage Levallois. L’occupation est courte. Les niveaux de base sont de type Quina sur silex, quartz et quartzite et débitage discoïde (Briki et al., ce volume).
L’analyse spatiale permet alors de comprendre l’organisation de l’espace habitable. Ainsi, à Orgnac 3, malgré la modification de l’aspect du site, de l’effondrement du plafond et donc de l’ouverture de la grotte, les occupants s’organisent toujours le long de la paroi et autour de foyers (Moigne et Moncel, ce volume). Nouvelles approches technologiques et cognitives Vers la redéfinition des assemblages lithiques Depuis de nombreuses années, les études lithiques abondent toutes dans le même sens à savoir la mise en évidence de la grande variabilité des assemblages et des choix techniques, avec une tendance nette à déstructurer les anciens schémas basés sur des limites "culturelles" ou des différences de "faciès", notamment pour le complexe moustérien pour lequel il semble plus approprier d'employer la notion de continuum que de rupture (Boëda, 1991; Otte, 1996). Ainsi comme le souligne D. Barsky, jadis considérés comme "fossiles directeurs" les bifaces signalaient la présence des Homo erectus, porteurs de la culture dite "Acheuléenne". Mais l'existence de ces outils dans les assemblages lithiques pendant toute la période allant du Paléolithique ancien au Paléolithique moyen (soit une période de 1,5 Ma) infirme l'idée du biface comme marqueur chrono-culturel, le même constat concerne de nombreux outils (Barsky, de Lumley, ce volume). La solution peut être de s'affranchir, au moins partiellement, de la contrainte du cadre chronologique et/ou géographique en prenant en compte les complexités techniques : mode 1 (premières occupations humaines en Europe), mode 2 (arrivée des bifaces autour de 600 ka) et mode 3 (Chaînes opératoires de débitage plus complexes à partir de 350 ka.
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Molines Nathalie, Moncel Marie-Hélène
furent sans doute moins boisés que ce que l'on admettait jusque ici, avec des paysages plus ouverts, en mosaïques et donc plus propices à la présence de grands herbivores et de groupes humains. Ainsi, en Europe Centrale, des occupations originales ont pris place durant des phases très tempérées comme l’OIS 5. Elles ont livré des assemblages microlithiques qui sont peu nombreux en l’état des connaissances en Europe occidentale et qui ne paraissent pas toujours liés à la matière première disponible (Moncel, 2003; Burdikiewizc, ce volume). En Pologne, les hommes se sont installés sur le silex dans des lieux bien exposés, parfois aussi dans des contextes froids (Wisniewski, ce volume). Apparemment, différents complexes ou traditions cohabitent, contemporains de ces groupes humains employant des outillages de très petites dimensions. La Pologne, de nouveau, livre la preuve de la présence conjointe de groupes abandonnant des assemblages de type Jungacheuléen, ou microlithique. Ainsi, Rozunice 3 permet d’apporter des indices supplémentaires sur les modes de production des très petits éclats, modes basés sur un débitage de type discoïde ou des nucléus à deux plans de frappe) (Kozlowski, ce volume).
Les modes 2 et 3 pouvant coexister sur de longues périodes et selon les régions. C'est donc actuellement vers la technologie que l'on recherche des critères permettant de proposer de nouvelles limites. C'est à partir de grandes familles de schémas opératoires que se fait la construction de nouveaux tableaux chronoculturels (Geneste, 1985; Boëda et al., 1990; Boëda, 1993; Jaubert, 2000). Les approches systémiques Les études technologiques et cognitives développées depuis quelques années se fondent désormais sur une approche systémique liée principalement à la subsistance et permettant la connexion de plusieurs analyses spécialisées. C’est le cas des recherches récentes développées notamment dans le Nord de la France avec l’accent mis sur la notion d’investissement technique (Auguste, Lamotte, ce volume ). Ainsi les productions lithiques sont analysées comme un ensemble de choix techniques et d’objectifs économiques qui satisfont les besoins du groupe et les chaînes opératoires sont conçues comme une réponse adaptative fournie par les groupes humains à des contraintes environnementales locales (Barsky et al., Briki et al., Jaubert et al., Bruhl, Moncel et Patou-Mathis, Rivals et al., Olle et al., Patou-Mathis et Chabaï, Thun Hohenstein, ce volume). L’association des données tant lithique que faunique permet de déterminer les besoins dans des situations fonctionnelles spécifiques, besoins qui peuvent s’exprimer par des manières de faire et des habitudes propres à un groupe. On peut donc dire que la variabilité très importante des groupes industriels en Europe est la résultante d’interférences entre traditions / influences « culturelles » et activités de subsistance, montrant par là même une grande souplesse dans les stratégies d’acquisition, des aptitudes à la prévision, une diversification fonctionnelle et la maîtrise de ressources tant techniques qu’alimentaires (Otte, ce volume).
L’Europe du sud voit une occupation continue qui permet à de grandes « traditions » techniques de perdurer dans le temps et dans l’espace (Barsky et al. ; Arzarello et Peretto ; Moncel et Patou-Mathis, ce volume). Dans le sud-ouest de la France, l’Acheuléen prend toute son originalité en bordure des Pyrénées. Les sites de Labadie (Haute-Garonne) et de Lanne-Darre (Hautes-Pyrénées) attestent que les hommes parcourent parfois de vastes surfaces pour collecter les roches variées qu’ils utilisent. A Labadie, le débitage est peu avancé, discoïde, sur enclume et polyédrique, associé à des outils sur galet et des bifaces partiels (Bruxelle et al., ce volume). A Lanne-Darre, le débitage discoïde est dominant, associé à la production de grands éclats issus de grands blocs. L’outillage lourd est très représenté, constitué d’outils sur galet, de hachereaux, de coups de poing sur grands éclats (Colonge et Texier, ce volume). L’Acheuléen de cette région a de nombreux traits communs avec celui de l’Espagne toute proche.
Il est intéressant de noter que dans cette perspective systémique intégrant également des données taphonomiques, certains groupes « culturels », moustériens notamment, pourraient faire l’objet d’une nouvelle lecture (Caspar et al., ce volume).
Cette continuité dans les comportements se voit même dans certains communs au Moustérien tardif et au Châtelperonnien d’Arcy sur Cure (Yonne) (Lhomme et al., ce volume). Des tendances s’affirment, comme la multiplication de l’emploi du silex. Du débitage Levallois propre aux niveaux moustériens, le débitage se base sur des lames à crête débordantes dans les niveaux châtelperonniens. Le silex est par ailleurs employés préférentiellement pour certains types d’outils comme les pièces esquillées, les burins ou les pièces à dos (Connet, ce volume). De même, à la Baume Bonne (Alpes de Haute Provence), la séquence comprise entre les OIS 10 et 6 permet d’observer la perduration dans le temps de grandes tendances techniques et le développement progressif de nouveaux traits (Gagnepain et Gaillard, ce volume). Durant la phase 1 (OIS 10 à 8), les bifaces et le feu apparaissent avec des modes de production discoïde et Quina. Le ravivage de racloirs Quina pourrait conduire aux limaces. Dans la phase 2 (OIS 7), le débitage
- continuité et/ou discontinuité des occupations Pour l’Europe du nord au Pléistocène, on constate une occupation dense du territoire mais chronologiquement discontinue et limitée aux phases relativement tempérées ou du moins modérément froides (Molines et al., Coutard et al., ce volume). En effet des données récentes montrent que si les populations néandertaliennes ont pu évoluer dans des conditions climatiques assez variées, la détérioration de celles-ci entraîne une baisse des effectifs. Même chose en contexte tempéré, mais dans une moindre mesure, si les paysages étaient marqués par un couvert forestier peu propice au développement de la biomasse (Tuffreau, 2002). Cependant, R.D. Guthrie (1990) a proposé un nouveau modèle montrant que les environnements interglaciaires
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Les premiers peuplements en Europe : certitudes et hypothèses ?
Rebibbia Casal de' Pazzi, Anzidei, Gioia, 1992 et Bilzingsleben, Mania, 1990).
Levallois apparaît, les bifaces sont encore présents. Ils disparaissent durant la phase 3 (OIS 6). La phase 4 est associée à du Moustérien.
Les comportements de subsistance attestent de la chasse organisée de grands herbivores et d’un charognage opportuniste. De telles ressources se présentent de manière discontinue dans le temps (saison) et dans l'espace, les stratégies de collectes requièrent alors des cartes cognitives élaborées (Picq, 1998), en même temps que la transmission de données (Premack, 1995), avec peut-être la mise en place d'un "système artificiel à mémoire" sous forme d'objets encochés, dès l'Acheuléen, hypothèse difficile à démontrer mais néanmoins séduisante (D'Errico, 1998).
Conclusion Les premiers occupants de l’Europe sont encore mal connus anthropologiquement (Dmanissi, Gran Dolina à Atapuerca). Ce n’est qu’à partir de 500 000 ans que les fossiles commencent à être un peu plus nombreux permettant d’observer les étapes du développement des traits néandertaliens. Deux grandes vagues indépendantes semblent être observables à ce jour en Europe, l’une conduisant au premier peuplement de l’Europe et l’autre, vers 600-500 000 ans, à l’arrivée de nouveaux groupes humains (Acheuléen ?). L’isolement de ces groupes humains (développement des Néandertaliens) conduit à une histoire propre à l’Europe. Toutefois, l’Europe connaît, comme en Afrique, l’apparition de comportements techniques plus complexes vers 300 000 ans. Les modes de production se basent de plus en plus sur le débitage (outillage sur éclat quelque soit sa dimension) et avant tout sur l’exploitation de la pierre et du bois (Schöningen, Thieme, 1997, 1998; Lehringen, Mania, 1998; Clacton-on-sea, Oakley et al., 1977; Abri Romani, Carbonell Castro-Curell, 1992; Torralba, Freeman, Butzer, 1966; Bilzingsleben, Mania, 1990), très rarement de l’os (Castel di Guido, Villa, 1991; Fontana Ranuccio, Segre, Ascenzi, 1984; La Polledrara di Cecanibbio, Anzidei, Huyzendveld, 1992;
Nos connaissances se heurtent toujours à la difficulté de déterminer ce qui est dû aux activités et aux traditions. Comment ne pas penser que des choix techniques, des types d’occupation de territoire, de mobilité n’obéissent pas à des critères « écologiques » mais sont d’ordre culturel, voire dans le registre du symbolique comme le seraient certains objets, des bifaces notamment (Barsky, de Lumley, ce volume; Carbonell et al., 2003). Nathalie Molines1, Marie-Hélène Moncel2 1 - UMR 6566 "Civiisations Atlantiques et Archéosciences", Université de Rennes 1, mail : [email protected]. 2 - Institut de Paléontologie Humaine, 1 rue René Panhard, 75013 Paris, France, mail : [email protected]
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Données récentes sur les premiers peuplements en Europe
Le cadre anthropologique
Données récentes sur les premiers peuplements en Europe
CONTINUITE ET/OU DISCONTINUITE DES PREMIERS PEUPLEMENTS EUROPEENS CONDEMI Silvana Les plus anciennes traces de la présence humaine en Europe.
Quel est le rapport entre ces espèces et Homo heidelbergensis et/ou Homo rhodensiensis?
Si le peuplement du continent européen est bien connu par la présence des Néandertaliens, une population humaine aux caractères bien distincts (Tabl. 1), dont, aujourd'hui, nous pouvons reconstruire son évolution sur les derniers 450.000 ans (Tabl. 2 : Evolution des populations européennes), en revanche, il y a encore dix ans, nous ne savions presque rien sur le peuplement européen qui précéda cette population autochtone à l'Europe.
Avant de tâcher de répondre à ces questions rappelons brièvement quels sont les plus vieux fossiles européens et quels sont les arguments défendus pour appuyer tel ou tel autre statut phylogénétique. Ensuite, nous nous interrogerons sur les liens phylogénétiques de ces plus anciens fossiles avec les Néandertaliens. Nous tâcherons, ainsi, de comprendre si le peuplement néandertalien se situe dans la continuité de celui qui le précède.
Les nombreuses découvertes fossiles effectuées à partir de 1989 en Géorgie dans le site de Dmanisi ont montré qu' il y a au moins 1,8 M.A., les plus anciens représentants du genre Homo étaient sortis de leur berceau africain et se trouvaient aux portes du continent européen (Gabunia et Vekua, 1995; Gabunia et al., 2000). Cependant, dans l'état actuel de nos connaissances nous n'avons aucune certitude sur leur présence en Europe. En effet, bien que cette hypothèse ait été défendue par plusieurs auteurs qui ont décrits la présence d'industrie lithique sur des sols datés de cette période (Gilbert Clols et al., 1989; Bonifay et al., 1991), la contemporanéité de ces artefacts, récoltés en surface, avec les sols sur lesquels ils se trouvaient, a été mise en question. La question reste donc ouverte.
Le peuplement de l'Europe entre 1.000.000 et 600. 000 : une première illustration de l'endémisme du peuplement européen? - Les fossiles de la Grande Dolina d'Atapuerca en Espagne La Sierra d'Atapuerca qui se situe à l'est de Burgos en Espagne, est bien connue par la richesse de ces sites dont le plus célèbre est certainement celui de Sima de los Huesos. C'est dans le site de la Grande Dolina d'Atapuerca que furent mis au jour en 1994, au cours d'un sondage de 6 mètres carrés, 85 fragments humains fossiles (Carbonell et al. ,1995). Ces fossiles humains proviennent du niveau TD6 nommés également 'Aurora stratum" caractérisés du point de vue lithique par un assemblage de mode 1 (sans bifaces) et d'un point de vue paléontologique par l'absence de Mimomys savini (Carbonell et al., 1999). Ce niveau a été daté par paléomagnétisme (Parés et al., 1995) - en effet, il se trouve juste au dessus du niveau TD7 qui montre l'inversion Matuyama/Brunhes - et par des datations ESR et U/Th (Falguères et al., 1999). Les fossiles provenant de ce niveau auraient donc un âge d'environ 700.000 ans.
En revanche, dans des niveaux compris entre 1.000.000 et 700.000 la présence humaine sur le sol européen était depuis longtemps défendue (Peretto, 1992). Mais l'absence, d'une part, de données chrono-stratigraphiques précises concernant les niveaux dans lesquels étaient mis au jour les artefacts associés à ces paléosols ainsi que, d'autre part, l'absence de restes humains fossiles avaient porté certains auteurs a contester le peuplement de l'Europe dans des périodes aussi anciennes (Roebroeks et al., 1992; 1994).
Les restes humains découvert dans ce site sont très fragmentés, la présence sur certains de ces os humains de traces de découpes de même nature que celles observées sur la faune a porté à envisager un cannibalisme alimentaire. Les fossiles humains de La Grande Dolina correspondent à des fragments de crânes, de mandibules, de maxillaires, à de nombreuses dents ainsi qu'à des restes du squelette postcrânien. Le fossile le mieux conservé est un enfant d'environ 10 ans représenté par un os frontal et une grande partie de la face. C'est notamment sur ce fossile que s'appuie la détermination de la nouvelle espèce Homo antecessor (Bermúdez de Castro et al. 1997).
Aujourd'hui, l'artisan de ces industries lithiques nous est connu grâce aux restes fossiles humains mis au jour dans deux sites, au sud de l'Europe, à La Grande-Dolina de Atapuerca en Espagne et dans la localité de Campo-Grande près de Ceprano (Latium) en Italie. L'analyse de ces fossiles européens permet de les rapprocher de ceux archaïques connus notamment en Afrique, mais leur position phylogénétique fait l'objet d'un ample débat. Ces premiers habitants de l'Europe appartiennent-ils à Homo erectus (Ascenzi et al., 1996; Ascenzi et al. 2000)? Sont-ils, comme certains paléo-anthropologues le pensent, les représentants d'une espèce particulière que certains nomment Homo antecessor (Bermúdez de Castro et al. 1997; Manzi et al. 2001) ou encore Homo cepranensis (Mallegni et al., 2003)?
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Silvana Condemi
LE CRANE FACIAL ET CEREBRAL
Norma facialis -Torus supra-orbitaire dont la partie ciliaire et la partie supra-orbitaire sont totalement fusionnées (1) - Os zygomatique en position latérale (2) - Absence de fosse canine sur le corps de l’os maxillaire (3). - Apophyse frontale du maxillaire en position latérale (4). - Morphologie de la région nasale avec continuité de la crête nasale latérale qui est confluante avec l'épine nasale formant un bord nasal externe (5). Norma lateralis - meatus acusticus externus dans le prolongement du processus zygomatique (6) - Présense sur l’apophyse mastoïde d’un tuberculum mastoideus anterior (7). - Région occipito-mastoidienne avec une éminence juxtamastoidienne très développée, plus que le processus mastoïdien (8). Norma occipitalis - Forme "en bombe” du crâne (9). - Présence d’un torus occipital bi-arqué à épaisseur maximale latérale (10). - Torus surmonté par une fosse suprainiaque (11).
Norma superior - Position de la largeur maximum du crâne, dans le tiers arrière des pariétaux (12).
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Continuité et/ou discontinuité des premiers peuplements européens
LA MANDIBULE ET LES DENTS
- développement latéral du condyle (13). -- Déplacement du trou mentonnier sous la première molaire (14). - vaste espace rétromolaire (15).
- Importante dentition antérieure par rapport à la dentition jugale (16). - incisive à grand diamètre vestibulolingual (17). Tableau 1: Les caractères dérivés néandertaliens sur le crâne cérébral et facial
ESPECES
HUMAINS
AGE
Principaux fossiles
Homo sapiens sapiens
Humains Modernes Néanderthaliens “Classiques“
28.000
Cro-Magnons
35.000 45.000
St – Césaire La Chapelle-aux-Saints
110.000 130.000
Saccopastore La Chaise, abri Bourgeois-Delaunay
180.000
La chaise, abri Suard Biache- St- vaast
450.000
Arago
> 350.000
Petralona Atapuerca (S.H.)
> 570.000
Boxgrove Mauer
700.000
Atapuerca (G.D. )
900.000
Ceprano
< 1 800 000
Dmanisi (Georgie)
Homo sapiens neanderthalensis ou Homo neanderthalensis ?
ProtoNéanderthaliens PréNeanderthaliens
Homo erectus ou Homo antecessor ou Homo cepranensis?
Fossiles européens archaïques
Homo ergaster ???
Première présence Europe?
en
Tableau 2 : Schéma montrant l’évolution des populations européennes.
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Silvana Condemi
Cette espèce montre à la fois des caractères dérivés par rapport aux fossiles plus anciens rattachés à Homo ergaster (en Afrique) et Homo erectus (en Asie) et des caractères archaïques par rapport à Homo sapiens (Arsuaga et al., 1999). Ainsi, la face présente une fosse canine mais le corps de l'os zygomatique se situe en position latérale, l'ouverture nasale a un volume important, et le canal incisif est dans une position avancée. Bien que la denture soit de grande taille et évoque celles des fossiles provenant d'Afrique, le rapport entre les dents antérieures et celles jugales permet de les rapprocher des fossiles européens plus tardifs se situant dans la lignée néandertalienne. Ce sont d'ailleurs ces traits qui, dans un premier temps (Carbonell et al. ,1995), avaient permis aux auteurs d'envisager une continuité entre ces fossiles et ceux plus tardifs d'Atapuerca, ceux de Sima de los Huesos, se situant déjà dans la lignée néandertalienne (Tabl. 2). Des caractères proches des Néandertaliens se retrouvent également sur certains os du squelette post-crânien (Carretero et al., 1999; Lorenzo et al., 1999), et notamment sur la clavicule et le radius alors que les os des mains et des pieds ainsi que les vertèbres montrent des traits présents sur Homo sapiens.
Considéré dans un premier temps comme un représentant européen de Homo erectus (Ascenzi et al., 1996), Ceprano fut considéré par la suite comme faisant le lien morphologique ("morphological bridge") entre le groupe Homo ergaster/Homo erectus et celui Homo Heidelbergensis et/ou Homo rhodesiensis (notamment les fossiles africains de Bodo, Kabwe et Saldanha) (Manzi et al. 2001),. Pour les auteurs, le fossile de Ceprano est un bon candidat pour représenter l'ancêtre commun aux Néandertaliens et aux hommes modernes. Ainsi, de par sa position géographique, chronologique et phylogénétique, bien que l'échantillon de La Grande Dolina TD6 ne soit pas directement comparable à la calotte de Ceprano, les auteurs rattachent ce fossile à Homo antecessor, tout en envisageant la possibilité de deux taxons différents en Europe. Ce rattachement fut contesté (Gilbert et al., 2003) et dans la dernière étude du fossile qui met l'accent sur ses traits particuliers (notamment dans la région susorbitaire), Ceprano est considéré comme étant le représentant d'une espèce qu'ils nomment Homo cepranensis ( Mallegni et al., 2003).. Dans l'état actuel de nos connaissances nous voyons donc que le statut phylogénétique du fossile de Ceprano est encore discuté. Il est certain que l'étude des nouveaux fossiles mis au jour à La Grande Dolina TD6 permettra d'une part, de préciser les affinités de la calotte de Ceprano avec ces derniers et d'autre part, de vérifier s'il existe de véritables affinités entre ces fossiles ; si, par conséquent, ils doivent être regroupés dans la même espèce, Homo antecessor, comme cela a été envisagé.
L'étude des récentes découvertes de fossiles humains dans les niveaux TD6 devrait permettre clarifier les relations phylogénétiques de ces fossiles avec ceux qui les suivent déjà engagés dans la lignée néandertalienne. - Le fossiles de Campogrande près de Ceprano, Latium, Italie. Le crâne de Ceprano a été mis au jour fortuitement par Italo Biddittu en 1994 lors d'une tranchée creusée à l'occasion des travaux de construction d'une autoroute près de Ceprano dans le Latium. L'âge géologique de cet pièce n'a pas été déterminé par du matériel lithique ou paléontologique mais par corrélation stratigraphique, décrite, en détail, dans différentes publications (Ascenzi et al., 1996; Ascenzi et Segre, 1997; Ascenzi et al. 2000; Ascenzi et Segre, 2000). L'âge de ce fossile est estimé entre 800 000 et 900 000 ans (Manzi et al. 2001). D'autres sites du même âge sont d'ailleurs présents dans la région. Les plus connus étant ceux d'Arce, Castro dei Volsci et Fontana Liri qui ont tous livré des assemblages lithiques pré-acheuléens de modes 1 (Ascenzi et al., 1996).
Par ailleurs, s'il se confirmait que les fossiles de La Grande Dolina TD6 montrent des traits annonçant les Néandertaliens, comme les inventeurs d'Homo antecessor le supposent, alors cela devrait permettre de clarifier les relations phylogénétiques de ces fossiles avec ceux qui les suivent déjà engagés dans la lignée néandertalienne et de ce fait confirmer une continuité du peuplement de l'Europe. Le peuplement néandertalien de l'Europe est-il dans la continuité du/des précédent(s)? Les Néandertaliens se sont ils différentiés à partir des populations existantes en Europe avant 600.000, ou se sont– ils différentiés à partir d'autres vagues migratoires? En d'autres termes, y-a-t-il une continuité du peuplement européen ou une série de discontinuité?
La calotte de Ceprano, reconstituée à partir de très nombreux fragments, a fait l'objet de plusieurs reconstitutions (Ascenzi et al., 1996; Clarke, 2000; Ascenzi et al. 2000; Ascenzi et Segre, 2000; Manzi et al. 2001; Mallegni et al. , 2003). Dans son état actuel, la plus grande partie de la voûte est préservée, cependant le pariétal gauche et une grande partie de la base du crâne sont absents; les temporaux sont conservés ainsi que les os pétreux. Malheureusement, la face de ce fossile a complètement disparue. Ceprano présente une voûte crânienne épaisse et basse, le crâne est court et large. La largeur maximale se situe au niveau des temporaux sur la crête supra-mastoïdienne. Le torus occipital est fort mais ne s'étend pas beaucoup latéralement.
C'est dans les niveaux compris en 600.000 et 500.000 ans que proviennent les fossiles de Boxgrove (Royaume Uni) et la célèbre mandibule fossile de Mauer (Allemagne) (Stringer et al., 1998; Wagner et al, 1997). C'est ce dernier, mis au jour en 1906, qui fut considéré dès 1908 par Schoetensack, qui en fit la première description, comme une espèce particulière, l’espèce Homo heidelbergensis. De par cette appellation, l’auteur reconnaissait d’emblée l’éloignement de cette mandibule de celles des Homo sapiens sapiens et des Néandertaliens connus à l’époque de cette découverte (Krapina, Spy, La
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Continuité et/ou discontinuité des premiers peuplements européens
Naulette, Ochos). D'ailleurs, ces derniers constituaient une espèce différente, l’espèce neanderthalensis (King, 1864). En écartant la mandibule de Mauer, cet auteur montrait une grande perspicacité et soulignait d’emblée la spécificité de cette mandibule par rapport à celles des Néandertaliens. A la suite des découvertes en Afrique et en Asie de fossiles que l’on a nommés Homo erectus (notamment les Sinanthropus et les fossiles de Java), la mandibule de Mauer fut considérée comme le représentant européen de cette espèce.
Il nous parait intéressant de souligner qu'à partir de 600.000 ans les témoignages d'occupation humaine en Europe se font plus nombreux et ils rendent compte d'une grande diffusion des humains sur le continent européen, notamment dans le Nord de l'Europe. Cette diffusion s'accompagne de la présence d'une industrie à biface (mode 2) qui ne s'observait pas précédemment en Europe (Piperno, 1999). Si cette hypothèse est confirmée, il pourrait être un témoignage de l'arrivée sur le sol européen d'une nouvelle vague d'humains. Cependant, il n'est pas possible de savoir si ces populations ont remplacé la ou les précédentes ou si, au contraire, elle ont perdurées ensemble.
Après une longue période de consensus parmi les paléoanthropologistes, une tendance s'est montrée à considérer à nouveau la mandibule de Mauer non pas comme appartenant à Homo erectus mais comme constituant une espèce propre à l’Europe, différente des Homo erectus d’Asie et des Homo ergaster d'Afrique ; elle fut donc nommée Homo heidelbergensis. Certains auteurs, notamment Rightmire (1997), ont considéré cette espèce comme largement répandue, c'est à dire se rencontrant également en Afrique (étaient notamment inclus le fossile de Kabwe, parfois également considéré comme synonyme de l'espèce Homo rhodensiensis). En revanche, d'autres chercheurs la considéraient comme un taxon propre à l'Europe et précédant les Néandertaliens.
C'est entre 450.000 et 350.000 ans que l'émergence de la lignée néanderthalienne peut être clairement identifiée. En effet, toutes les études effectuées sur ces fossiles anciens mis au jour en Europe -- aussi bien occidentale que centrale -montrent que, lorsqu’ils sont suffisamment complets pour permettre une analyse, ces fossiles présentent des caractères néandertaliens à côté de caractères archaïques qui se retrouvent chez les fossiles anciens. Comme cela a été montré l’émergence de la population néandertalienne n'a pas été brutale mais progressive (Condemi, 1992, 1998; 2001; Dean et al., 1998). Au fur à mesure du temps, nous nous trouvons face à des fossiles qui montrent de plus en plus de traits néandertaliens. Ainsi, tous les fossiles pré-würmiens à partir d’il y a environ 450.000 ans sont des pré-Néandertaliens, c'est à dire des fossiles qui précédent les Néandertaliens “classiques” (würmiens) à la fois chronologiquement et également d’un point de vue phylogénétique.
Plus récemment, les fossiles de Mauer et de Boxgrove furent considérés comme se situant à la base de la différentiation néandertalienne (Condemi, 1991; 1992; 1998; 2001). Si l'interprétation des caractères présents sur la diaphyse de tibia de Boxgrove comme annonçant ceux des Néandertaliens (Stringer et al. , 1998) ne fait pas l'unanimité (Wolpoff., 1997), en revanche, sur la mandibule de Mauer certains caractères permettent d'envisager d'une façon plus certaine l'affiliation de ce fossile aux Néandertaliens. Ainsi, comme déjà montré à plusieurs reprises (Wolpoff, 1978; Condemi et Koenisgwald, 1997; Rosas, 1995), la mandibule fossile de Mauer, malgré son aspect extrêmement archaïque, montre déjà dans sa dentition des traits connus chez les Néandertaliens, notamment dans les proportions des dents antérieures par rapport à celles jugales et dans le grand diamètre bucco-lingual des incisives par rapport à celui mésio-distal. Ce sont des caractères qui sont présents chez les Néandertaliens et qui permettent de rattaché Mauer à la population néandertalienne.
L'évolution de la lignée néandertalienne peut être bien appréciée par l'analyse des fossiles pré-würmiens européens. Ceux-ci peuvent être séparés en trois grands groupes permettant de répartir ces fossiles à la fois par leur âge géologique et par leur nombre croissant de caractères néandertaliens. L'histoire de l’émergence et de l'évolution de la lignée néanderthalienne peut être ainsi retracée par les trois groupes suivants : les pré-Néandertaliens anciens, les préNéandertaliens récents et les proto-Néandertaliens (Tab. 2). Conclusions La seule continuité bien documentée et reconnue dans le peuplement de l'Europe est entre 450.000 ans et 35.000 c'est à dire avec l'évolution de la population néandertalienne. Cette population est tellement propre à l'Europe qu'elle caractérise son peuplement. En revanche, comme nous venons de le voir, sa continuité avec la ou les population(s) qui la précède ne sont pas claires.
Mais, comme nous venons de le voir il se pourrait qu'au moins un de ces traits soit déjà présent sur les fossiles de La Grande Dolina TD6. S'agit-il tout simplement d'un trait archaïque que les Néandertaliens conservent? Dans ce cas, nous ne pouvons affirmer qu'il existe une continuité dans le peuplement de l'Europe entre les fossiles de 600.000 ans et ceux de TD6 et Ceprano. Dans l'état actuel de nos connaissances, les données paléo-anthropologiques dont nous disposons sont trop fragmentaires pour nous permettent de répondre clairement à la question de la continuité entre les fossiles précédant ceux de Mauer et de Boxgrove. Il ne fait aucun doute que l'étude des nouveaux restes fossiles découverts à Boxgrove apporteront des données complémentaires et permettront de préciser cette question.
Dans l'état actuel de nos connaissances et sur la base des données chronostratigraphiques disponibles, le grand mérite des études sur les plus anciens fossiles de l'Europe TD6 et Ceprano est de nous porter à nous interroger sur la valeur de certains traits que nous considérons comme néandertaliens. En effet, comme nous l'avons suggéré, il se pourrait que certains caractères présents chez les Néandertaliens et qui s'observe à TD6 soit tous simplement des traits archaïques que les Néandertaliens conservent. Dans ce cas les fossiles
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Silvana Condemi
affinités des fossiles humains de Buya et de Bouri ont été soulignées (Macchiarelli : Communication orale, settimana della Cultura Scientifica, Florence (Italie) Mars 2004).
humains de TD6 seraient tous simplement des fossiles archaïques indifférenciés. L'étude des récentes découvertes de fossiles humains à TD6 et à Boxgrove devrait permettre clarifier les relations phylogénétiques de ces fossiles avec ceux de la lignée néandertalienne et de ce fait infirmer ou confirmer une continuité du peuplement de l'Europe.
La probable "restauration ou réhabilitation" d'Homo erectus pour l'ensemble des fossiles anciens africains et asiatiques rend également nécessaire, à notre avis, une rediscussion de l'appellation Homo sapiens 'archaïque' tombée dernièrement en désuétude mais qui avait l'avantage de regrouper des fossiles plus "progressifs" de ceux Homo erectus (s.l.) et présentant un ensemble de caractères indifférenciés proche des Hommes modernes. A ce propos il nous semblerait intéressant de comparer le fossile de Ceprano avec celui de Salé, mis au jour au Maroc et dont l'âge serait d'environ 400.000 ans. Par l'absence de caractères dérivés, il avait été rattaché à Homo sapiens archaïque (Hublin, 1992). Dans l'attente de nouveaux fossiles européens anciens, la restauration du taxon Homo sapiens archaïque présenterait également l'avantage d'éviter la prolifération de nouvelles espèces pour chaque nouveau fossile découvert.
Il est probable que de par sa position géographique particulière (en cul-de-sac) et de par les conditions climatiques singulières que l’Europe a connue pendant tout le Pléistocène, le peuplement de l'Europe ait été particulier et ait présenté dès son origine un caractère "endémique" qui pourrait expliquer que dès les premières traces de fossiles en Europe, ceux-ci semblent monter des particularités par rapport au peuplement de l'Afrique et de l'Asie. C'est pour cette raison qu'il serait également souhaitable que puisse être réalisées des études comparatives avec les fossiles découvert à Buya en Erythrée (Abbate et al., 1998) et avec ceux, plus récents, de Bouri en Ethiopie (Asfaw et al. 2002).
Silvana Condemi1 1 - UMR CNRS-DGRCST 9930, Centre de Recherche Français de Jérusalem, 5 Shimshon St. , B.P. 547, Jérusalem 91004 ,Israel. e-mail: [email protected]
C'est, en effet, sur la base de similarités entre les Homo erectus d'Asie et les fossiles de Bouri, qu'au terme de leur étude les auteurs s'interrogent su la validité de la séparation des fossiles asiatiques et africains en Homo erectus et Homo ergaster. Par ailleurs dans une présentation récente les Bibliographie
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Données récentes sur les premiers peuplements en Europe
LES SOCIETES FOSSILES DES NEANDERTALIENS ET AUTRES HOMMES DE CRO-MAGNON : NOUVELLE APPROCHE DES POPULATIONS FOSSILES PAR LES STRATEGIES DE CROISSANCE MILLET Jean-Jacques Post-natal development of cranio-facial structures is characterised by a change in form. Geometric morphometrics allow to quantify and visualise the morphological changes and to get an insight into the dynamics and chronology of the ontogenesis. The skulls were divided into age groups on the basis of dental characteristics. A comparison of skull ontogenetic sets is performed, made by least square adjustments after superimposition. Morphological differences were mapped out by principal component analysis. Step by step ANOVA and tests on growth stages reveal significant changes and sexual differences during ontogeny. Neanderthals growth reveal a typical strategy of growth. Fast growth and development is seen during A stage. B and C stages shown a strong deceleration like a stopping. Growth spurt arrive at D stage. It is very short for female, growth is stopping at E stage. For male, the growth spurt constantly go further E stage and begin again in F and G stage. There is a difference of time between sex, and at the end of growth, sexual dimorphism is quite important. In fact, Neanderthals growth is quite fast associated with a strong dimorphism like Gorilla and Pongo. Strong competition and hierarchy between male, and very short growth for female, all characteristics correspond to a harem social base unit type, in a small group. Cro-Magnons’ growth is a little bit different. Development is strong in A stage, but less strong than Neanderthals. A deceleration is shown during B stage but rapidly there is a high level of growth during C and D stage. Growth spurt go through stage E for male with a very strong rate and then decreased. In contrary, female have a low level of growth during E stage and a partial end of growth spurt at F time. A mean sexual dimorphism is resulting. Cro-Magnon strategy of growth look like Pan troglodytes and actual Homo sapiens growth. The social base unit for Archaic Homo sapiens correspond to a multimale-multifemale type in a large group. Consort better than pair bonding could be the reproduction strategy of Cro-Magnon. By comparing cranio-facial development at each stage in both species, it can be seen tow ontogenetic patterns. However, development is modulated to some extent in each species producing interspecific variations in Homo life history, or in Pan (Millet 2002), and Hominoids in general (Millet 2003). As a result of the interplay of developmental heterochronies in sexual dimorphism, different growth strategies have been produced. The relation between socioendocrine event and low level of growth can be supposed. Mating system could not be similar, and a reproduction ban can be considered between this tow species: Homo neanderthalensis and Homo sapiens.
Abstract The first settlement of Europe begin about 1.7 millions years ago. Six species had roam over this landscape. Their diversity is important, but what is its significance? We have to deal with it, if fossil populations wanted to be understanding. It is the beginning of a quest on fossil group or population knowledge. Is there any myth of the prehistoric man similar as Strier (1994) described on the mythic primate? Morphological diversity is due to geological time, geographic origin, sexual dimorphism, time and rate of growth. The different type of variation had to be classified if species can be determined by all these characteristics. Therefore we can approach the nature of human diversity and may be population, or social groups. Different patterns of social system has been build. First the ethnological hypothesis turn around the primary life supposed condition of gathers-hunters as bushmen kung! are for example (Jones, 1993). The second model is demographic. Some site are so famous that its provide numerous remains of a population, which can be used to build palaeopopulation type (Acsàdi, Nemeskéri, 1970, McKinley, 1971, Mann, 1975, Boquet-appel et Arsuaga, 1999). The third hypotheses is about the controversy relation on dimorphism and social system (Fedigan, 1982). Then Australopithecus afarensis can be looked to have a bonobos’ society like. The last model is build on the correlation between brain evolution and social complexity (Dunbar 2001). In fact all these methods tried to understand different kind of social base unit elements (Itani 1984), like birth rate, life span, group size, reproduction strategy. All these are indirect methods to answer questions about when to born, when to be weaned, when to be stop growing, when to reproduce and when to die. A biological factor in relation with social system has not been emphasized. So all hypothesis look like subjective. In a other way, the aims of all these study is to highlight parts of life history, a part of strategy of growth. Then life history is ontogeny and it is the biological factor, we are looking for. Growth study can provide useful tool in the understanding of social base unit, in the determining of growth strategy by the study of sexual dimorphism ontogeny. Anyway, sexual dynamic in groups is mating system. At that time the aims of this study is not only to distinguish morphological features only during growth but using it, biological dynamic of growth of each sex is emphasized and compared. Physiological maturation could be highlighted.
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Jean-Jacques Millet
individus, comme celle entre les groupes (Van schaik, 1989). Il apparaît que le groupe social est le résultat de toute une somme de tractations écologiques, de fait il constitue une sorte de tampon entre l’individu et son environnement. La question se pose alors en terme de stratégie ou les périodes de naissance, l’intervalle temporel entre les naissances, l’âge du sevrage, l’âge de la maturité sexuelle, l’âge des femelles aux premiers petits, l’âge à la maturité sociale, la nature de la protection de la progéniture, et enfin le dynamisme comportemental inter et intra-sexuel sont des réponses adaptatives fonctions de l’environnement et du climat. Toute ces caractéristiques font parties de l’ontogenèse. C’est à partir d’une perspective longitudinale, de chronologie de croissance, ou d’histoire de vie qu’il devient possible de modéliser cette stratégie ontogénétique.
Introduction Commencé il y plus de 1,7 millions d’années, le peuplement de l’Europe a été entrepris par au moins six espèces du genre Homo : Homo georgicus (Gabunia et al., 2000), Homo cepranensis (Malligni et al., 2003), Homo antecessor (Bermudez de castro et al., 1997), Homo heidelbergensis (Schoetensack, 1908), Homo neanderthalensis (King, 1864), Homo sapiens (Linné, 1758). La diversité morphologique de ces espèces est remarquable, mais que signifie-t-elle ? Pouvons-nous n’avoir qu’une seule image de ces populations, de leur composition (sexe ratio), de leur structure sociale (Structure et morphologie sociale (Thierry, 1991)), et de leur comportement ? Divers sites archéologiques comme Biachesaint-Vaast (Tuffreau et Sommé 1988), Vaufrey (Rigaud 1988) ou encore Payre (Moncel 1993, 1996) montrent des différences de comportement de subsistance et de culture. Il est difficile de considérer la nature des groupes sociaux à l’origine de ces dépôts archéologiques, néanmoins plusieurs modèles existent. Ethnologique : les premières investigations sont basées sur l’observation de nos contemporains en situations cynégétiques proches de celles supposées des préhistoriques : les chasseurs/cueilleurs. A ce titre les Bochimans !kung constituent un des modèles largement exploités, livrant des informations sur les comportements de subsistance, le type de groupe social et son impact sur la démographie, voire l’investissement parental (Jones, 1993 ; Stinson, 2000). Démographique : la seconde approche a pour but d’établir une distribution des âges à partir d’assemblage fossiles (Acsàdi, Nemeskéri, 1970 ; McKinley, 1971 ; Mann, 1975 ; Bocquet-Appel et Arsuaga, 1999). Elle revient à estimer, d’après l’étude des restes humains d’un site archéologique, la composition et la démographie de la population fossile. Associées aux études démographiques des primates (Teleki, 1976 ; Boesh et Boesh-achermann, 2001 ; Nishida et al., 2003), une troisième hypothèse est basée sur l’étude du dimorphisme sexuel et de sa relation avec le système social (Fedigan, 1982). Une similitude de dimorphisme impliquerait une analogie de structure sociale. Ainsi Australopithecus afarensis pourrait avoir un dimorphisme sexuel et une structure sociale proche de celle des bonobos. Une dernière approche subodore des corrélations entre l’augmentation du volume cérébral et la complexité sociale (Dunbar, 2001). Il y aurait une augmentation constante de la taille des groupes depuis les Australopithèques jusqu’à l’homme moderne.
La croissance est le facteur biologique recherchée. L’étude de l’ontogenèse des espèces fossiles passe par une approche morphologique précise, permettant de comprendre la diversité, la disparité des formes dans un ordre ou famille comme de la variabilité au sein de chaque espèce (Millet, 1999, 2003). Le crâne a l’avantage de porter des caractéristiques morphologiques et dentaires dont l’évolution dans le temps (chronologie) est quantifiable et comparable entre espèces (homologie de structure). Il permet par l’étude d’un échantillon approprié de reconstruire la croissance et d’en distinguer les différentes périodes ou phases de croissance (Millet et al., 2001 ; Millet 2003). Chez les hominoïdes, la disparité morphologique crânienne observée s’explique par des divergences précoces du développement du cerveau (Hofer, 1969) et du squelette primordial cartilagineux (Stark, 1975 ; Dambricourt, 1987). Les processus communs de croissance (Heintz, 1970) intervenant tout au long de l’ontogenèse ne font qu’amplifier des différences initiales, en plus des modalités de croissance spécifiques. La famille regroupe des genres dont le degré de développement du cerveau (rapport face / base du crâne) et les caractéristiques de croissance sont proches (Millet, 2003). La diversité au sein d’une famille voire d’un genre s’exprime par des variations de durée, de taux de croissance et de développement auquel il faut ajouter le dimorphisme sexuel pour atteindre le rang spécifique (Millet, 2002). La variabilité ontogénétique intra-spécifique se traduit par des différences de taille ou/et de conformation, sans variation de la trajectoire de croissance, ni de dimorphisme (Millet, 2003). Ces variations sont d’origine géographique (Millet, 2003b). La diversité des hommes fossiles susmentionnée doit être considérée dans une perspective spatiale et temporelle.
La composition des groupes sociaux fossiles resterait subjective s’il n’existait pas de facteurs biologiques assez pertinents et, qui sous influence du paramètre social, conservent une information quantifiable permettant de déterminer l’unité de base sociale (Itani, 1984). Il a été montré que la composition des groupes sociaux est fonction de nombreux facteurs liés à la répartition de la nourriture dans l’environnement dont dépend la taille du territoire et celle des groupes, (Watts 1985a, b ; 1990), au climat (saisonnalité de la reproduction) (Hamada et al., 1999) et à la prédation (Van schaik, 1989; Van Hooff, 1991). Tout ces éléments extérieurs influencent la compétition entre les
Il est apparue d’après des caractéristiques morphologiques que les hominidés pouvaient être scindés en deux groupes : les Australopithecinés et les Homininés. Ces deux groupes portent des caractéristiques de conformation communes qui les rendent distincts des grands singes. Ces caractéristiques morphologiques sont acquises très précocement au cours du développement cérébrale. Or s’il y a un point commun de départ entre les Australopithecinés et les Homininés, les modalités de croissance post-natales sont elles divergentes, rapprochant les premiers avec les grands singes et les seconds
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Nouvelle approche des populations fossiles par les stratégies de croissance
individus ont été classés en huit classes d’âge d’après des caractéristiques dentaires (détail et méthode Millet 2003a, b). Les résultats obtenus seront comparés aux différentes espèces d’hominoïdes actuels (230 Homo sapiens, 224 Pan troglodytes, 138 Pan paniscus, 173 Gorilla gorilla, 114 Pongo pymaeus, 121 Hylobates lar) issus de Millet 2003.
avec les hommes actuels. Ce n’est donc plus uniquement sur les caractères morphologiques que le regard doit se porter mais sur des paramètres de dynamiques biologiques intervenant dans la croissance et le développement au cours du temps de vie (en dehors des processus commun de croissance inhérent à toute espèces (Heintz, 1970)). C’est la détermination de la stratégie de croissance ou du cycle vital (une dynamique biologique et physiologique).
Méthodes Les méthodes procrustes, permettent de décrire et de mesurer une forme en trois dimensions, de la comparer objectivement à d’autres objets, (Bookstein, 1989, 1991, 1996 ; Rohlf et Marcus, 1993 ; Penin, 1999a, b ; Slice, 2001). La quantification des distances morphologiques sur la totalité des individus d’un échantillon permet d’en apprécier la variabilité. Ces méthodes sont utilisées en systématique et en phylogénie (Baylac, 1996 ; Bookstein et al, 1999) et sont particulièrement adaptées pour décrire l’ontogenèse (David et Laurin, 1989, 1991). Leurs principes reposent sur la prise de coordonnées (X, Y, Z) avec un numériseur 3 D (Microscribe 3DX). Les comparaisons se font par le biais de superpositions des conformations sur leur centre de gravité. Ces superpositions sont obtenues après trois opérations : une rotation, une translation et une normalisation. L’ajustement est réalisé selon les critères des moindres carrés (Sneath, 1967). La forme devient alors égale à la conformation plus le paramètre de taille. Les différences morphologiques entre chaque individu sont visualisées sur les superpositions généralisées. La norme des vecteurs en chaque point exprime la distance morphologique par rapport au consensus (ou conformation moyenne) en ce point et cela en fonction de l’ensemble des autres points. Une analyse en composantes principales est réalisée à partir des résidus procrustes. Elles expriment la variance de l’échantillon par rapport au consensus. Une régression multiple des axes principaux sur le facteur de taille permettra de tester la variabilité des conformations par les allométries. Pour les fossiles, le nombre de points étant aléatoire suivant les séries, un nombre de points minimums a été choisi pour effectuer les comparaisons. Les valeurs manquantes ont été reconstituées d’après la méthode de la moyenne (Maitrerobert et Millet 1999, Maitrerobert 2002 ; Detroit, 2002 ; Millet 2003). Répondant à la problématique de cette étude, qui au delà de l’analyse morphologique, concerne les aspects dynamiques de l’ontogenèse ; une analyse de variance a été réalisée sur la première composante principale et le paramètre de taille, elle autorisera ensuite le test entre chaque stade de croissance et sexe. Le denier point concerne la détermination du taux de croissance. Il exprime les quantités de changements morphologiques acquises entre chaque phase pour chaque sexe, comparativement à la totalité des modifications morphologiques observées de l’ontogenèse. Sur la régression du premier paramètre de conformation sur la taille, le taux de croissance correspond au rapport de la distance entre deux points moyens de stade sur la somme des distances entre les différents stades successifs. Cet exercice permet d’obtenir un signal ontogénétique pour chaque sexe, et un signal moyen de l’ensemble de la population.
La diversité observée initialement au sein du genre Homo pourrait être considérée de la sorte, comme une variation des modalités de croissance. Une telle perspective casse un peu l’image d’Epinal des populations préhistoriques. Strier en 1994 a souligné l’énorme éventail des morphologies sociales, des dimorphismes sexuels, des comportements se cachant derrière le seul mythe du primate. Il faut alors considérer les populations (fossiles) comme pouvant être et réagir différemment suivant les environnements et les climats et engendrer (par évolution) des comportements et des biologies diverses et variés (Jablonsky et al., 2000). Cette observation supporte l’idée d’une phylogénie sociale (Thierry, 2000). Il n’y aurais donc pas un seul type d’homme, comme un seul type de sociétés préhistoriques. La problématique de cette étude est de savoir quelles sont les différences de modalité de croissance entre les hommes, qu’ils soient de Neandertal ou de Cro-magnon, d’apprécier et reconstruire, d’après des caractéristiques de taille et de conformations (à partir de série de croissance de crâne), quelles sont les trajectoires de croissance définissant les dimorphismes, de mettre en évidence les différences de dynamique de croissance : temps (durée), vitesse et accélération. Le but est triple. Il est de déterminer dans un premier temps les stratégies de croissance, dans un deuxième temps discuter des stratégies de reproduction et enfin de définir les unités de bases sociales caractérisant ces populations. Que ces groupes soient monogames, multimâles-multifemelles ou monomâlepolygynes, ils résultent de conditions de vie et de comportement sociaux différents. Le dimorphisme n’est pas le reflet d’un système social seul, il peut être issu d’histoires de croissance différentes (Leigh, 1992), de sorte qu’il faille considérer son ontogenèse pour mieux le comprendre et le définir (Shea, 1986a, b). La démarche chronologique (historique) ainsi proposée apporte une perspective nouvelle et permet de considérer l’évolution des stratégies de croissance, des comportements reproductifs et sociaux chez les hominidés fossiles. Les hommes de Neandertal et de Cro-magnon ont-ils une croissance parallèle comme le préconise Ponce de Leon et Zollikofer (2001) ? Est-on véritablement en présence de deux espèces ? Ces deux populations ont-elles le même type d’unité de base sociale ? Quelles implications apportent ces divergences sur la compréhension de l’évolution des hominidés en générale et des sociétés en particulier ? Matériel et Méthode Matériel L’échantillon se compose de deux séries ontogénétiques de crânes : 16 Néandertaliens, 41 Cro-magnon (Tableau 1). Ces
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Jean-Jacques Millet
Références Af-1932-003 Afalou 4 Afalou 6 Staroselje 1 La Laugerie basse Feigneux C. homme mort 10 La génière Afalou 8 Mas d'azil Grimaldi Cueva Parpallo Afalou 38 Pataud Afalou 34 Hotu cave Keilor Brno 3 Samap 4692A Dolni Vestonice 3 Oberkassel 2 Cro-Magnon 2 Qafzeh 9 Ohalo 2 Predmosti 3 Predmosti 4 Qafzeh 6 Références Upper Cave 3 Upper Cave 1 Rochereil Afalou 30 Afalou 32 Luijiang Fish Hoedic Urtiaga URT 1 Kostienki 14 Afalou 29 Cro-Magnon 1 Oberkassel 1 Pech de l’Azé La Quina H 18 Teschik Tash Le Moustier 1 Erhingsdorf Krapina Petralona Circe Steinheim Saccopastore 1 Amud 1 La Chapelle Saints Gibraltar 1 La Férrassie1
Origine Tunisie Algérie Algérie Crimée France France France France Algérie France France Espagne Algérie France Algérie Iran Australie Moravie Afrique du sud Moravie Allemagne France Israël Syrie Moravie Moravie Israël
SP H.s H.s H.s H.n H.s H.s H.s H.s H.s H.s H.s H.s H.s H.s H.s H.s H.s H.s H.s H.s H.s H.s H.s H.s H.s H.s H.s
Dents A A A A>B B D D D E E E E E>F E>F F F F F F F F F F F F F F
Sexe I I I I I I I I I I I I I F I I I I I I F F F M M M M
Origine Chine Chine France Algérie Algérie Chine Afrique du sud Espagne Russie Algérie France Allemagne France France Ouzbékistan France Allemagne Croatie Grèce Italie Allemagne Italie Israël aux France
SP H.s H.s H.s H.s H.s H.s H.s H.s H.s H.s H.s H.s H.n H.n H.n H.n H.n H.n H.n H.n H.n H.n H.n
Dents F>G F>G F>G F>G F>G F>G F>G G G G G G A C D E F F F F F F F
Sexe F M I I I I I I I I M M I I I M M I F M F F M
H.n
G
M
H.n H.n
G G
F M
Espagne France
Tableau 1. Provenance des spécimens : Muséum National D’Histoire Naturelle de Paris (Institut de Paléontologie Humaine (laboratoire de préhistoire). des voûtes crâniennes que l’ontogenèse des hommes de Neandertal est abordée. Le nombre de point pour ces analyses à été de 11 et 15 points (voir Millet, 2003 pour des compléments sur le choix des points). L’analyse en composantes principales révèle un premier axe d’une relative importance avec 26,2%. Le seuil de 64% est atteint à la quatrième composante (Tabl. 2).
Résultats Homo neanderthalensis Les hommes de Neandertal forment une série ontogénétique comprenant plusieurs individus non matures. 11 crânes sont quasiment complets et 5 ne sont que des calva. C’est à partir
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Nouvelle approche des populations fossiles par les stratégies de croissance
Axes P1 P2 P3 P4
Valeurs propres 0,00229472 0,00162818 0,00092664 0,00078104
Inertie 26,2718 18,6408 10,609 8,942
Inertie cumulée 26,2718% 44,9126% 55,5216% 64,4636%
Tableau 2. Valeurs propres et pourcentages de variance des quatre premières composantes principales. Régression multivariées
R²= 0,62078215
F(1,14)=22,918
p15 ans 15-18 m,34 m,4-5 ans, 2 adultes, adulte âgé et très âgé 6m,12-15 m,18-25 m,27(3 ans), 2 (7-8 ans), 14-17 ans, 2 (> 17 ans) tous âges adultes très âgés adulte âgé adulte âgé adulte âgé tous âges Adultes tous âges Jeune
Tableau 3. Les espèces présentes dans l’ensemble G (Patou-Mathis, in Moncel et al., 2002 ; Moncel, 2003) Les données fauniques vont vers l’image d’occupations saisonnières de durée difficile à estimer avec des activités de subsistance. Ce ne sont cependant pas des haltes de chasse. Les espèces chassées proviennent des biotopes environnant le site, plateau, falaise et vallées de la Payre et du Rhône. La récurrence des occupations durant un long laps de temps, même si des phases d’érosion des couches et un fort compactage sont attestés, laisse penser à une forte attraction du site en position de promontoir et à proximité de l’eau et des réserves de matières premières. Cette localisation pourrait expliquer la permanence dans le choix des espèces, malgré de petites variations en fréquence selon les niveaux d’occupation. Cette variation peut être due à des mélanges d’occupation ou une différence d’intensité de la fréquentation humaine. Par exemple, l’ensemble G est le plus anthropisé alors que dans l’ensemble F, les occupations sont plus rares et plus espacées. Les changements climatiques ne paraissent pas avoir eu d’impact réel sur les choix cynégétiques, l’ensemble D étant le plus forestier, suivi de l’ensemble F selon les données des grands mammifères. C’est durant l’ensemble G que le milieu paraît le plus ouvert. Les analyses biogéochimiques d’émail dentaire en l’absence de restes de collagène dans les os indiquent que les signatures isotopiques des cerfs ne changent pas significativement entre les couches à l’inverse de celles des chevaux (Bocherens, in Moncel et al., 2000, 2001). Les herbivores lors du dépôt de l’ensemble G devaient se nourrir dans un milieu forestier alors que ceux des ensembles F et D étaient liés à un milieu plus ouvert. Les chevaux auraient été en conséquence récupérés dans un espace forestier lors de l’ensemble G. Par ailleurs, l’ensemble F se serait déposé dans un contexte plus froid ou plus humide. Ces résultats indiqueraient une exploitation de biotopes variés alors que les espèces restent les mêmes selon les moments. Le choix des espèces ne se modifiant pas, les hommes se seraient adaptés alors aux milieux.
Les assemblages lithiques : de vastes traditions techniques variant peu dans le temps ou des comportements techniques induit par les activités et le lieu ? Des lieux d’approvisionnement ne variant pas dans le temps quelles que soient les conditions végétales Alors que les données paleoenvironnementales indiquent un paysage plus fermé pour l’ensemble D que pour les ensembles G et F, les hommes se sont approvisionnés dans les mêmes secteurs. Il est cependant difficile de dire si les conditions de collecte étaient les mêmes et si les lieux étaient identiques. Quoi qu’il en soit, les matériaux présents permettent de voir : - un ramassage massif de silex en rognons du Bédoulien et du Barrémien en position secondaire au pied du Massif de Rochemaure-Cruas, à proximité des gîtes. Il est probable que des galets des niveaux à poudingues du Ludien ont été également récupérés dans ces secteurs, dans les petites vallées bordant le massif. La distance est pour tous ces blocs de 5 à 8 km. Le silex est destiné au débitage, activité majeure dans le site. La relative mauvaise qualité de certains blocs laissent penser que le test n’a pas existé lors du ramassage. Les critères de sélection étaient sans doute plus basés sur l’aspect extérieur de la roche, comme la couleur ou la forme. La proximité des zones de collecte peut aussi expliquer cette faible exigence, zone parcourue lors d’autres activités (telle la chasse par exemple) et consistant en un ramassage de quelques blocs à chaque fois. Leur abandon dans le site dans un état peu transformé pourrait laisser présager soit la constitution de réserves, soit des haltes très courtes nécessitant peu de débitage. - un ramassage de galets de silex dans le lit du Rhône, pourvoyeur de silex du Vercors. Ce silex a été, comme les autres, débités sur place. - un ramassage de galets de quartz, de calcaire et de basalte au pied du site, dans le lit de la Payre. Les galets de quartz et
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Permanence des comportements de subsistance et des comportements techniques aux stades isotopiques 6 et 5 dans la vallée du Rhône
de calcaire ont été débités mais ont également servi de percuteur ou aménagé en outils. - un façonnage de grands éclats de quartzite à partir de galets dans la vallée du Rhône et apportés sur le lieu d’habitat. Les tranchants sont fortement écrasés, justifiant peut-être leur abandon. De petites variations dans la composition des assemblages lithiques, les comportements techniques et les outillages Les assemblages sont principalement composés de produits de débitage en silex. Mons du quart est formé d’éléments en roches telles que le basalte, le quartz, le quartzite et le calcaire. Au cours du temps, la fréquence de l’outillage de grande taille et de la part de ces roches tend à augmenter. C’est le basalte qui reste toujours le plus abondant, de par sa présence en grande quantité dans la rivière en contrebas. Toutefois, de la base au sommet, le basalte et la quartz diminuent en pourcentage au profit du quartzite, le calcaire restant toujours en très petite quantité (tabl. 4). Ces quatre roches sont transformées en outils sur galet, par un aménagement très sommaire. Le tranchant est généralement fortement écrasé. Certains galets, surtout en basalte, sont laissés bruts (percuteurs entiers ou cassés). L’altération de la pellicule superficielle du basalte empêche de voir des stigmates d’utilisation. Les dimensions varient de 5 à 30 cm de long. Le quartz, le calcaire et peut-être le quartzite sont ponctuellement destinés au débitage. Les nucléus s’apparentent à la famille du discoïde, avec deux surfaces sécantes et des enlèvements centripètes profonds. Le quartzite sert aussi pour façonner de grands outils à partir d’éclats. La rareté des éclats de quartzite permet de supposer une fabrication à l’extérieur, alors que les galets de basalte sont certainement en grande partie traités sur place. Le silex atteste de la totalité de la chaîne opératoire (tabl. 5). Trois à cinq stratégies sont employées, la dominante étant de type discoïde sur blocs et éclats. Les stratégies secondaires exploitent soit des éclats (Levallois, Kombewa), soit la
morphologie naturelle des blocs (plans orthogonaux et débitage semi-tournant). Les nucléus de type discoïde sont peu standardisés, rarement épuisés et tendent à montrer que l’exigence est peu élevée. La règle du débitage est recherchée mais l’investissement est faible, soit pour des raisons de durée d’occupation (très courtes haltes), soit en raison de besoins peu précis (types d’activité variés, recherche d’outils polyvalents). Le choix de cette méthode est peut-être à recherché dans une tradition, une habitude, ou dans la volonté d’obtenir tout simplement soit des produits épais, soit des tranchants opposés à un dos. En raison de cette faible standardisation, les éclats sont très variés, en forme et section. Ce sont des éclats courts à base large, des éclats épais ou fins, des produits parfois allongés. Les dimensions varient de 20 à 80 mm, 30-40 mm pour les ensembles D et F, 40-50 mm en moyenne pour l’ensemble G. La fréquence des outils sur éclat est très variable, avoisinant les 8 à 20%. Les éclats en quartz sont peu retouchés, ceux en calcaire et quartzite jamais. Les racloirs et secondairement les pointes composent la panoplie. Les retouches sont réduites, excepté sur de grands éclats où la retouche est alors de type scalariforme (Quina). Le support est fréquemment adapté à l’outil : éclats courts ou ovalaires pour le racloirs, éclats triangulaires d’axe ou déjetés pour la pointe. La retouche est totale ou partielle, directe, rarement inverse ou amincissante. La retouche bifaciale est réellement observable sur les deux grandes pièces bifaciales de l’ensemble G (8 et 15 cm de long, sur éclat). Les angles des tranchants retouchés sont variés, supérieurs à ceux des pièces brutes. Cette diversité est peut-être à rattacher à des actions spécifiques. Par ailleurs, certaines extrémités de pointes montrent des traces d’écrasement on un petit enlèvement témoignant d’un impact. Il est possible alors que ces objets aient été emmanchés et utilisés comme projectiles. Leur ratio laisse suggérer une bonne action aérodynamique et une pénétration maximale à courte distance. Une approche des animaux serait donc indispensable, donc impliquerait un comportement de subsistance particulier (Shea, 1977 ; Ellis, 1997 ; Knecht, 1997 : Plisson et Beyries, 1998).
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Marie-Hélène Moncel, Marylène Patou-Mathis
1990- Gb 2001 Autres 8,4% roches outils sur 7 basalte galets Galets 16 basalte cassés ou 1 calcaire entiers éclats
autres roches Nucléus Ou outils ? % roches
silex éclats 20 mm corticaux éclats >20 mm à dos cortical éclats >20 mm sans cortex débris Nucléus Outils sur éclats Outils bifaciaux Total
5 quartz 2 basalte 3 quartzite 1 calcaire
2 quartzite
Ga
Fd
10,4% 1 quartz 31 basalte 1 quartzite 2 quartz 86 basalte 4 calcaire
Basalte 67,5% Quartz 13,5% Quartzite 13,5% Calcaire 5,4%
48
1689
72
Fb
Fd
15% 7 quartzite
12 basalte
2 quartzite
58 basalte
104 quartz 12 143 basalte quartzite 30 quartzite 5 calcaire 1 16 quartz 12 quartzite 2 calcaire Basalte 59,3% Quartz 28,3% Quartzite 9,8% Calcaire 2,5%
Fc
169 basalte
23,7% 3 calcaire 17 basalte 3 quartzite 3 calcaire 4 calcaire 134 basalte 2 quartz 2 quartzite 244 quartz
27 calcaire
180 basalte 234 quartz 38 quartzite 22 calcaire 2 outils
3 quartz
Quartzite 3,8%
D
Basalte 43,7%
Quartz 45,2%
5 calcaire 6 quartz
Calcaire 7,1%
1329
Basalte 51,6% Quartz 37,7% Quartzite 6,7% Calcaire 3,9%
420
18
95
276
416
55
71
154
387
8
42
176
136
442
57
30
111
45
62
940
113
64
102
258
939
70 9 62 14,3% 2 bifaces
403 64 321 8,7%
70 4 24 7,3%
45 20,8%
28 5 51 10,4%
80 30 218 22,2%
192 85 442 15,3% 1 sur galet
488
4187
306
216
490
980
2886
Tableau 4. Les assemblages lithiques de Payre (fouilles 1990-2001)
164
Permanence des comportements de subsistance et des comportements techniques aux stades isotopiques 6 et 5 dans la vallée du Rhône
Type de roche
silex
Lieu de collecte
Bédoulien
Forme des matériaux
rognon
Stratégies de production débitage
quartzite
quartz
Rhône
Rhône
Payre
galet
éclats-outils
galet
éclats
calcaire Payre galet
basalte Payre galets
?
discoïde + autres façonnage Résultats
ravivage éclats épais, dos, fins Base large
déchets grands outils
aménagement
aménagement
éclats épais, dos outils sur galets percuteurs
outils sur galet percuteurs
racloirs, outils convergents
Tableau 5. Les stratégies de production employées par les occupants de Payre et leurs résultats en terme fonctionnel (Moncel, 2003) Des occupations saisonnières lors des stades isotopiques 6 et 5 dans des contextes environnementaux variés : la question des variations inter-site et intra-site Le site livrerait des indices de haltes saisonnières en automne, hiver ou printemps, occupations orientées vers la récupération d'une seule espèce ou exploitation simultanée de plusieurs biotopes. Les espèces présentes pouvaient toutes être prélevées dans des lieux proches du site, sur le plateau, les pentes ou les zones humides de la Payre et du Rhône (Fig. 2) : - rhinocéros de Merck, cerfs, chevreuils, daims : dans les forêts des vallées où les espaces boisés sont abondants - bouquetins et chamois : dans les milieux escarpés du canyon de la Payre - grands bovidés, chevaux et rhinocéros hemitoechus : sur les plateaux et parfois dans les espaces de type prairie de larges vallées Le matériel lithique utilisé par les hommes lors de ces occupations montre des comportements techniques assez homogènes tout au long de la séquence. Les hommes ont toujours utilisé en priorité du silex venant de la zone de Rochemaure-Meysse située à 10-15 km au sud, récoltant dans la rivière en contrebas des galets de basalte, de quartz et de calcaire pour le façonnage d'outils sur galet, qu quartzite et du silex dans le Rhône. Du quartz et du calcaire ont par ailleurs été débités. Les hommes ont produit massivement des éclats, surtout épais, principalement selon une méthode discoïde. D’autres schémas de production secondaires y sont associés. Les outils sont avant tout des racloirs et des pointes, avec des tranchants plus ou moins abrupts. La retouche est envahissante sur les grands éclats plus nombreux dans l'ensemble G. Elle est en général plus fine sur les outils des
autres phases d’occupation. Les extrémités des pointes portent fréquemment des traces d’impact. Outre les outils de grande dimension en quartzite, deux outils bifaciaux sur silex ont été découverts dans l'ensemble le plus ancien G, celui-là même où se situent les restes humains. Associés aux produits du débitage, un grand nombre d'outils sur galet et de galets entiers, en basalte, caractérise aussi les assemblages. En définitive, l'outillage, dont les hommes ont eu besoin pour ces haltes saisonnières, est composé de quelques grands types : grands et nombreux galets entiers et outils sur galets dont le tranchant a été écrasé (basalte, secondairement quartz, calcaire, quartzite), nombreux éclats à longs tranchants et pointes en silex (racloirs et outils convergents), quelques éclats épais en quartz et éclats fins en calcaire, quelques grands outils tranchants unifaciaux ou bifaciaux en quartzite (éclats, bifaces, pièces bifaciales). Les quelques traits qui opposent les assemblages, par exemple les dimensions des produits de débitage en silex ou la fréquence des outils sur galet, ne peuvent s'expliquer, en l'état actuel des connaissances, par les activités cynégétiques qui ont eu lieu dans la grotte, activités qui paraissent être assez identiques tout au long de la séquence. L'absence de conservation des traces d'utilisation sur les artefacts ne permet pas de savoir si il y a eu une variation au cours du temps dans le traitement du gibier qui pourraient expliquer des besoins lithiques de nature différente (activités de subsistance variées, haltes de boucherie ?). La possibilité d’un parcours de biotopes et lieux variés, selon les périodes, pour le prélèvement des mêmes espèces, comme tendraient à le prouver les données biochimiques, ne permet pas plus de formuler d’hypothèses sur le sens des petites variantes. Pour toutes les occupations, le fort concassage des os, la trace fugace d’un foyer non construit, l’usage du feu (os et silex brûlés) et la diversité des
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Marie-Hélène Moncel, Marylène Patou-Mathis
angles des tranchants des outils et des pièces brutes peuvent faire penser à des activités peu spécialisées lors de haltes de courtes durées. L'apport dans le site de blocs entiers de silex venant de gîtes relativement peu éloignés (autour de 10 km) permet d’estimer le degré de mobilité des occupants. La recherche de silex de bonne qualité explique peut-être ce ramassage qui n’est pas local, bien que l’exigence de la qualité paraisse modeste, certains rognons étant en silex médiocre. Y-a-t-il eu alors approvisionnement dans les petites vallées avoisinant les gîtes et proches du site, donc peu sélectif car peu éloigné de la cavité, permettant ainsi de revenir chercher régulièrement des rognons démantelés ? Est-ce l’indice d’occupations de courte durée peu exigeantes en matières premières et opportunistes ? Y-a-t-il eu tout de même anticipation et préparation de l'occupation de la cavité, habitat connu dans un territoire, le silex local n'étant pas d'assez bonne qualité et se présentant en petits rognons diaclasés ? Le débitage de la majorité des éclats a eu lieu sur place et le matériel a été ensuite abandonné. Les quelques grands outils en quartzite ont sans doute été apportés déjà préparés pour la plupart, peut-être dans une station de plein air de la vallée du Rhône. Le territoire d’approvisionnement en matières premières se calque en partie sur celui du gibier. Celui-ci est beaucoup plus réduit, limité aux biotopes des abords du site et à la plaine. Les espèces animales, dont les os portent des marques anthropiques ou sont intensément fracturés, sont tous des herbivores pouvant être chassés ou charognés dans la vallée et sur les falaises de la Payre, sur le plateau au dessus du gisement ou dans la vallée du Rhône, quelques soient les conditions climatiques et les biotopes de ces espèces selon les saisons. L'ensemble des données lithiques et fauniques donnent donc à ce jour l'image d'occupations liées fortement à une exploitation locale de l'environnement. Ces occupations auraient été basées sur de la chasse d’une ou plusieurs espèces (utilisation des pointes pour cette activité : extrémités écrasées avec traces d’impact ?) lors de saisons diverses, et le traitement du gibier chassés ou charognés (emploi des éclats bruts, des racloirs, des choppers, des percuteurs et des grands outils coupants de quartzite). L'effondrement progressif du plafond de la grotte à la fin du dépôt de l’ensemble F et lors de l’ensemble E a pu conduire, par la réduction de l’espace habitable, à des types d'occupation de nature différente. Le site aurait cependant été toujours occupé par des groupes de même tradition et les activités en relation avec la topographie des environs. La composition des assemblages est assez proche de ce que livrent certains sites considérés comme des haltes de boucherie à grands Bovinés (Geneste et Jaubert, 1999). La chaîne opératoire de traitement des carcasses à Payre laisse cependant penser à des activités de subsistance plus larges qu'une simple récupération de la viande par exemple. Par ailleurs, plusieurs espèces sont présentes conjointement et rien ne permet de certifier, malgré les estimations des saisons d’occupation, que chacune correspond à un moment distinct dans l'usage de la cavité. Signalons également que l'os a été utilisé sporadiquement (retouchoirs). La présence de dents de Rhinocéros en relative abondance reste aussi sans
explication. Un usage autre qu'alimentaire (objet dur et à facettes planes) est à envisager (Miller et al., 2000). La dernière occupation a eu lieu sous abris (ensemble D) et l'aspect changeant du lieu ne paraît pas avoir eu d'incidences sur le type d'occupation qui révèle un assemblage lithique de même nature que celui découvert dans les autres ensembles déposés sous grotte. La seule exception concerne la proportion plus grande des produits en quartz et celle du gros outillage. La présence plus marquée de restes de Cervus elaphus indiquerait une exploitation cynégétique orientée plus systématiquement vers un espèce, principalement en hiver. Un bon ensoleillement de l’abri pourrait expliquer son intérêt, comme la présence de cervidés à proximité lors de cette saison. La position du lieu d'habitat, sur un promontoir, semble fondamentale pour expliquer le choix des hommes et leur façon de gérer l'environnement autour du site. Plateau, falaise et vallées pouvant être tous parcourus aisément à partir de la cavité. Cette localisation explique certainement la permanence des comportements de subsistance au cours du temps, alors que l’aspect de la grotte se modifie et que le plafond recule, la grotte se remplit avant de donner un replat habitable en avant d’abris rocheux. Elle permet aussi de caractériser un type de lieu que fréquentaient et sans doute appréciaient les groupes humains qui ont fréquenté la région à la fin du Pléistocène moyen et au début du Pléistocène supérieur. Le site pourrait être l’exemple d’un camp de chasse et de consommation, un point d'arrêt dans un territoire, un endroit connu, un lieu de vie, également un lieu d'abandon de corps humains (dents et pariétal dans l'ensemble G, dents pour les autres ensembles). La seule présence d'une petite lentille cendreuse au sommet de l'ensemble G et la forte dispersion des micro-charbons de bois sont un argument supplémentaire pour imaginer des occupations de courte durée n'ayant laissé que des structures fugaces et mélangées. Le mode de débitage le plus employé dans le site est de type "discoïde" l.s., très peu standardisé, indice d’une exigence faible (éclats épais, éclats à dos, recherche de tranchants ?) ou de courtes occupations. Il est présent dans d’autres assemblages de la région et conduit, comme à Payre, à une production d'éclats variés. Selon les gisements, les comportements de consommation des produits sont diversifiés. Quelques séries associent en effet ces supports à une fréquente retouche de type Quina. Ce sont par exemple les sites de Mandrin, Néron ou le Figuier, si l'on s'en tient au secteur géographique qu'est la moyenne vallée du Rhône. La faible fréquence de la retouche Quina dans l'ensemble G de Payre ne permet pas d’associer cette phase d’occupation à un assemblage de ce type. L’emploi d’une mode de débitage discoïde paraît caractériser seulement ces assemblages, comme à Payre, assemblages qui sont par ailleurs très diversifiées en terme de types de produits et d’outils. Rien ne permet à l'heure actuelle d'expliquer le choix massif de la retouche Quina par une tradition ou des activités. Le cadre environnemental des occupations ayant employé un débitage de type discoïde, par le biais de l'enregistrement faunique, est différent selon les sites, vraisemblablement fonction du moment ou de la saison d'occupation, donnant une image sans doute de la ou des espèces abondantes aux
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Permanence des comportements de subsistance et des comportements techniques aux stades isotopiques 6 et 5 dans la vallée du Rhône
alentours. Les gisements sont situés directement aux abords d'un cours d'eau ou dans des petits vallons protégés donnant directement sur un grand cours d'eau, soit au bord de l'Ardèche (Saint-Marcel), soit en bordure de la vaste plaine du Rhône (par exemple Baume Néron et grotte Mandrin). Ils sont tous au contact de plusieurs écosystèmes et dans des paysages permettant une circulation aisée des troupeaux d'herbivores à proximité d'eau. Les études tracéologiques étant très rares, faute de polis conservés, on ne peut donc que constater des variations dans le mode de production et le choix ou non de la retouche Quina selon les sites ou entre les niveaux d'un même site sans pouvoir formuler d'hypothèses quant à des raisons fonctionnelles ou des traditions matérielles distinctes pour les expliquer, l'une n'excluant d'ailleurs pas l'autre. Très peu de données à l'heure actuelle dans la vallée du Rhône permettent de visualiser les modes de circulations des groupes humains dans leur cadre environnemental et les modes de stratégies de subsistance entre la vallée du Rhône et les plateaux et vallées adjacents. Des indices d'une exploitation très locale des abords du lieu de vie se rencontrent dans la plupart des gisements en grotte, dont Payre. Leur localisation, directement aux abords d'un cours d'eau ou dans des petits vallons protégés, induisait peut-être des types d'activités, les bords de rivière étant propices aux grands troupeaux d'herbivores, et à la cohabitation d'espèces variées dans un paysage en mosaïque. Les occupations sont dans la plupart des cas récurrentes, impliquant une transmission de la connaissance du lieu, que les occupations soient très proches dans le temps ou dispersées. Le choix d'une méthode de production ou des types d'outillage ne s’explique pas en l’état actuel des connaissances. Les caractères "strictement local" et « faible investissement lithique » expliqueraient dans certains cas des haltes très ponctuelles. Les hommes occupant cette région utilisent toujours des silex locaux, silex très abondants dans la région, rarement une autre roche sinon la meilleure et prélevée au plus près. N'étant pas toujours disponible au pied des sites, la récolte du silex a demandé parfois quelques investissements. Les données donnent cependant toujours l'image, probablement biaisée, de micro-territoires écologiques et d'une grande mobilité des groupes humains. Signalons également que très peu de gisements de plein air sont connus et étudiables. L'image des comportements de subsistance est donc partielle, et ne révèle que ceux liés à des grottes et abris. La variabilité rencontrée dans la panoplie de l'outillage et les morphologies et sections des tranchants bruts ou retouchés pourraient bien être une clé pour la compréhension de ces assemblages, certaines activités et la durée de l'occupation nécessitant un type morpho-fonctionnel unique, d'autres plusieurs, avec une retouche plus ou moins profonde. La panoplie des Néandertaliens paraît toujours réduite et multifonctionnelle, même si certains types de tranchants semblent parfois plus aptes à un type d'activité. L'absence de données tracéologiques ne permet pas, dans la plupart des cas, d'aller au delà d'une simple description des besoins apparents au travers des types de tranchants et de la reconstitution de la chaîne opératoire. Dans d'autres cas, l'analyse tracéologique
aboutit à une explication d'ordre fonctionnelle. Ainsi, aux Tares, dans le cadre d'une exploitation du Bison, la chaîne opératoire de débitage est organisée autour d'une production simple de grands éclats, retouchés en racloirs Quina pour certains, recyclés pour une production secondaire pour d'autres. Les observations tracéologiques expliquent la diversité des épaisseurs des tranchants par les étapes du traitement des carcasses. Les matériaux les plus fragiles ont été destinés aux travaux "légers" (Geneste et Jaubert, 1999). Le mode de débitage de type discoïde serait une solution parmi d'autres pour pourvoir à certains besoins. Des sites comme Sous-les-Vignes, Roc-de-Marsal, Mauran, La Borde, Coudoulous I, datés des stades isotopiques 6 à 4, livrent une chaîne opératoire de type discoïde destinée à une production d'éclats majoritairement épais avec un tranchant massif et une retouche scalariforme (Geneste et Jaubert, 1999). Ils paraissent tous montrer ce qui était considéré comme adéquat dans ce cas pour le traitement de carcasses de grands herbivores comme l'Auroch ou le Bison. Les occupations seraient courtes, saisonnières, récurrentes pour une exploitation locale des ressources lors de périodes froides ayant permis la formation de grands troupeaux. L'investissement énergétique est faible, les matières premières utilisées sont strictement locales, tout ce qui peut servir est exploité. La chaîne opératoire employé est peu complexe (opportuniste), les matériaux récupérés le sont en grande quantité (gros outillage fréquent). La gestion des différentes roches est complémentaire et la gamme des activités paraît restreinte, toute orientée vers l'exploitation des carcasses d'une espèce. A Payre, les assemblages indiquent, tant par la faune que par les artefacts, que nous sommes dans un cadre fonctionnel différent lié à des occupations saisonnières avec activités de subsistance variées, même si des points communs existent avec les sites attestant de haltes de boucherie de grands bovidés (grande quantité de gros outillages sur galet). Les hommes ont produits à la fois des éclats épais et fins et des éclats de section et formes variées. Ces éclats ont parfois été retouchés en racloirs ou en pointes. Il y a une forte adéquation entre le produit et l'outil. La diversité des sections des tranchants est la règle. Les retouches transformantes type Quina sont rares. L’outillage sur éclat est associé à un abondant outillage sur galet de grande dimension portant un écrasement marqué des arêtes. Cette diversité dans l’outillage, alors que les types d’outils sur éclat sont relativement peu nombreux, pourrait bien avoir une raison fonctionnelle liée à l’exploitation cynégétique ponctuelle des environs de la cavité, exploitation liée à des activités de subsistance saisonnières. Cette exploitation aurait nécessité aux côtés des éclats bruts ayant des angles de tranchants variés, des outils dissymétriques (éclats à dos), des pointes, de longs bords tranchants, rectifiés plus ou moins profondément (Plisson et Beyries, 1998 ; Shea, 1997). Toutefois, tout en ne niant pas le caractère particulier aux assemblages lithiques de Payre, des comportements liés à des traditions ne sont pas à écarter, des éclats de provenance technique variée pouvant avoir la même utilité. Rien ne permet de savoir si ces habitats en grotte étaient réellement particuliers et les cavités réservées à des occupations ponctuelles par quelques individus ou par tout un groupe.
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Marie-Hélène Moncel, Marylène Patou-Mathis
Dans certaines régions, les occupations en zone karstique ne livrent pas les mêmes assemblages que ceux en plein air. Quoi qu'il en soit, les zones karstiques offrent des types d'habitat variés que les hommes ont certainement dû exploiter et gérer au gré des saisons en fonction de leurs atouts. Dans le nord de l'Europe, malgré l'uniformité apparente des données topographiques, les sites montrent que les installations humaines sont en bordure de vallées, sur des versants ou dans des dolines sur les plateaux. Certaines variations technotypologiques pourraient s'expliquer d’ailleurs par des contextes d'habitation variés induisant des activités ellesmêmes diversifiées. Le taux de transformation parfois plus élevé des produits de débitage et l'intensité de l'utilisation ne s'expliquent donc pas toujours par la nécessité de déplacer
des matériaux pour aller dans une habitat propice. L'hypothèse d'actions et de besoins particuliers par des groupes très mobiles paraît être la seule option possible dans l'état actuel des connaissances pour expliquer les variantes entre les assemblages. Le choix d'employer une méthode plus qu'une autre est à relier autant à des besoins fonctionnels que le reflet d'habitudes. Marie-Hélène Moncel1, Marylène Patou-Mathis1 1 - CNRS-Institut de Paléontologie Humaine Département de Préhistoire, Muséum National d’Histoire Naturelle 1 rue R. Panhard 75013 Paris [email protected]
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Permanence des comportements de subsistance et des comportements techniques aux stades isotopiques 6 et 5 dans la vallée du Rhône
50 45 40 35
NMIc
30 25 20 15 10 5 0 Couche D
Couche F Herbivores
Fig. 1
Couche G
Carnivores
30
25
20
15
10
5
0
Couche D Couche F Couche G 35 30 25 20 15 10 5 0
Couche D
Couche F
Couche G
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Figure 2. Phases d’occupation du site de Payre : saisons d’occupation et exploitation de l’espace
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Permanence des comportements de subsistance et des comportements techniques aux stades isotopiques 6 et 5 dans la vallée du Rhône
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171
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Données récentes sur les premiers peuplements en Europe
PALEOLITHIQUE MOYEN DANS LE SUD DU MASSIF CENTRAL : LES DONNEES DU VELAY (HAUTE-LOIRE, FRANCE) RAYNAL Jean-Paul, Le CORRE-LE BEUX Muriel, SANTAGATA Carmen, FERNANDES Paul, GUADELLI Jean-Luc, FIORE Ivana, TAGLIACOZZO Antonio, LEMORINI Cristina, RHODES Edward J., BERTRAN Pascal, KIEFFER Guy, VIVENT Dominique
variabilité des chaînes opératoire de débitage au Paléolithique moyen.
Résumé Différentes études de terrain - dont notamment un inventaire de plusieurs centaines de ressources minérales entre les Causses de l'Ouest et les rives du Rhône - l'exploitation des matériaux issus des fouilles conduites de 1974 à 1996 en Velay dans des milieux clos et la révision de séries anciennes ou inédites sont la matière de ce bilan collectif. Les résultats présentés concernent principalement le Paléolithique moyen à partir de l'étude de deux sites-clés de Haute-Loire, la grotte de Sainte-Anne 1 à Polignac et l'abri-sous-roche de BaumeVallée à Solignac-sur-Loire, replacés in fine dans un cadre régional plus vaste. D'un point de vue technologique, le recours aux deux concepts de débitage Levallois et Discoïde est le plus fréquent dans les différentes séries étudiées et l’on observe, hormis les séries de Baume-Vallée, une présence ténue du concept de débitage Quina. Il semble même que l’on puisse envisager dans certains cas une mixité de la chaîne opératoire de débitage. Cet usage simultané de différents concepts va à l’encontre d’une interprétation culturelle de la
Abstract Numerous field surveys, including an inventory of several hundreds of raw material sources between western Causses and the Rhône valley, a revision of old or unpublished series and the data provided by excavations undertaken from 1974 to 1996 form the matter of this collective update. Results are focused on Middle Palaeolithic after excavations in key-sites from Haute-Loire, Sainte-Anne 1 cave at Polignac and Baume-Vallée rock-shelter at Solignac-sur-Loire and finally replaced in a regional frame. From a technological point of view, Levallois and discoid debitage are mainly used along with a discrete Quina type flaking, except for the BaumeVallée series. A combined operative chain is even possible. The simultaneous use of different debitage concepts does not support a cultural interpretation of operative chains in Middle Palaeolithic.
Les différentes études de terrain - dont notamment un inventaire des ressources minérales des Causses de l'Ouest aux rives du Rhône - l'exploitation des matériaux issus des fouilles conduites de 1974 à 1996 en Haute-Loire dans des
milieux clos (grotte et abri) et la révision de plusieurs séries anciennes ou inédites provenant de la Haute-Loire, du Puy-deDôme, du Cantal, de la Lozère et de l'Aveyron sont la matière de ce bilan collectif (figure 1).
Figure 1. Carte de situation avec emplacement des gîtes de matières premières recensées et des sites étudiés.
173
J.-P. Raynal, M. Le Corre-Le Beux, C. Santagata, P. Fernandes,J.-L. Guadelli, I. Fiore, A. Tagliacozzo, C. Lemorini…
Les sites d’habitats préhistoriques sont liés à la fois à la nature géologique des matériaux où ils se trouvent et aux divers processus d’évolution morphologique qui les ont modelés. En Velay, ils se rencontrent essentiellement dans les formations volcaniques : cratères de maars ou de volcans stromboliens, grottes dans des brèches hydromagmatiques, pieds de falaises laviques. La majorité d’entre eux a été retrouvée sur les versants des vallées de l’Allier et de la Loire ou de leurs affluents, dans des abris sous-roche ouverts à la base de coulées basaltiques descendues des plateaux voisins, en particulier le Devès, et qui ont partiellement ennoyé le réseau hydrographique, en plusieurs phases. Les hommes préhistoriques ont non seulement occupé les structures volcaniques primaires ou dérivées propices à l’habitat, mais ils ont également largement utilisé les roches volcaniques pour fabriquer leurs outillages. Dans ce milieu de moyenne montagne où le volcanisme fut actif depuis le Miocène, les premiers termes de la séquence paléolithique sont extrêmement controversés du fait du contexte éruptif et péri-glaciaire qui a très souvent généré des pseudo-outillages (Raynal, 1981 ; Raynal et al, 1995, 1996 ; Raynal et Magoga, 2001). Il convient donc de se montrer extrêmement prudent en matière de cailloux éclatés découverts ici ou là dans les dépôts volcano-sédimentaires anciens d'Auvergne et du Velay-Vivarais et d’attendre la trouvaille de reste d’hominidé et d’outillage abondant en contexte irréprochable, seuls à même d’attester sans équivoque d’un premier peuplement en des temps aussi reculés. Nous limiterons donc cet exposé aux résultats concernant le Paléolithique moyen à partir de l'étude de deux sites-clés de Haute-Loire, la grotte de Sainte-Anne 1 à Polignac et l'abrisous-roche de Baume-Vallée à Solignac-sur-Loire, replacés in fine dans une cadre régional plus vaste. 1 - La grotte de Sainte-Anne 1 Le gisement de Sainte-Anne 1 est situé sur le territoire de la commune de Polignac, à 790 mètres d'altitude en rive gauche de la Borne, affluent de la Loire. Découvert dans les années 50 par Michel et Dufau, il a été sondé par A. Laborde, puis
fouillé par R. Séguy de 1974 à 1986 et par J.P. Raynal de 1987 à 1996 (Raynal, 1988, 1989, 1991, 1997, 1998 ; Raynal et Séguy, 1986 ; Raynal et al, 1996). 1.1 - Contexte géologique et chronologique (JPR, PB, EJR) Les anneaux de tufs à palagonite font l'originalité des reliefs internes au bassin du Puy-en-Velay. Ils résultent d'une activité volcanique dite surtseyenne, qui s'est développée au fond d'un lac, sous une faible tranche d'eau, lors de l'éruption d'un magma basaltique. Les strates de tufs plongent vers l'intérieur des anciens cratères et des cheminées éruptives dont ils ont conservé les formes. Les masses rocheuses sont affectés par des failles sub-radiales, contemporaines des éruptions. L'érosion quaternaire a dégagé les cheminées éruptives et les cratères emplis de tufs consolidés. Les failles qui les recoupent ont été empruntées par les circulations d'eau et élargies par l'action du gel. Des grottes se sont ainsi formées sous la forme de couloirs plongeant vers le coeur des massifs. Ces cavités ont été repérées et utilisées par les hommes à plusieurs reprises. L'une d'entre elles, la grotte de Saint-Anne 1 s'ouvre à 790 m d'altitude, sur une fracture du flanc sud du massif de brèches surtseyennes du volcan de Sainte-Anne. Plusieurs ensembles archéologiques séparés par des effondrements de voûte et de parois ont été reconnus dans le remplissage de cette cavité (figure 2). La sédimentation est ici le produit d'une cryoclase active de la roche encaissante et d'une intense gélivation secondaire des produits clastiques en ambiance froide et humide, entrecoupée par la mise en place d'éboulis de décompression. L’étude microfaciologique révèle une structure d'origine cryogénique, témoin d'une phase de gel profond affectant le sédiment du niveau J2 postérieurement à sa mise en place. Des dates RPE, tant pour un modèle d'enrichissement précoce en Uranium que pour un modèle d'enrichissement linéaire, situent les occupations supérieures dans les limites du stade isotopique 5 (tableau 1). Cependant, si l'on considère un modèle d'enrichissement tardif, les âges seraient beaucoup plus anciens, dans les limites du stade isotopique 6.
174
Paléolithique moyen dans le sud du Massif central : les données du Velay (Haute-Loire, France)
Sample code
U Sed ppm
Th Sed K Sed ppm %
U En ppm
U De ppm
U Ce ppm
t uncut t cut mm mm
DE Gy
505A 506A 506B
1.00 1.00 1.00
8.80 8.80 8.80
1.0 1.1 1.1
57.1 60.9 57.0
50.0 54.2 54.2
1600 1400 1200
205.4 ± 10.9 163.9 ± 8.0 185.0 ± 7.1
505A 506A 506B Mean
0.95 0.95 0.95
1500 1200 1100
EU age
uncertainty
LU age
uncertainty
RU age
uncertainty
77000 58900 62900 66300
7000 5100 5100 9500
114100 88000 95100 99000
9800 7200 7200 13500
214500 171200 193200 193000
21300 16600 17800 22000
Tableau 1. Values used in age calculation. Sed = sediment, En = enamel, De = dentine, Ce = cement. T uncut and cut are enamel thickness values before and after removal of external alpha exposed skin. DE = equivalent dose, EU = early uranium uptake model age, LU = linear uranium model age. Uncertainties assumed for DNC are 5% for values well above the detection limit of 1% (dentine and cement) and 50% for U En. 3 INAA measurements of sediment U, Th and K concentrations were made; values shown are means for Th and U, and estimated for U. Uncertainties assumed for Th and K were the observed sdandard deviations, and for U was 50%.
Figure 2. Sainte-Anne 1 : stratigraphie du remplissage actuellement reconnu. 1.2 - Assemblages fauniques (JLG) La faune est extrêmement fragmentée, sans doute en partie du fait de l'action du gel ; on observe quelques signatures typiques de la gélifraction sur des os : fragmentation en « assiettes » avec amortissement des fissures au voisinage des portions articulaires (ex : portion proximale de métacarpien 3 de Cheval n°O24-166, 167, 168, couche J1), débitage de la dentine en petits polyèdres (ex : fragment de M1-2-3 de
Bovinae n°S27-638, couche J2). De 85 à 95% des restes des unités E1, J1 et J2 n’ont donc pas pu être attribués à un taxon précis (tableaux 2 et 3). Les Carnivores sont très rares (figures 3 et 4). S’ils représentent en nombre de restes 11,02% dans la couche J1, ils pourraient ne représenter que 3 individus (1 Blaireau – Meles meles, 1 Loup – Canis lupus, 1 Renard commun – Vulpes vulpes). Les Ongulés sont dominés par le Renne (Rangifer tarandus) et le Bouquetin (Capra ibex) dans la couche E1, alors que dans les couches J1 et J2
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J.-P. Raynal, M. Le Corre-Le Beux, C. Santagata, P. Fernandes,J.-L. Guadelli, I. Fiore, A. Tagliacozzo, C. Lemorini…
le Cheval (Equus caballus) et le Renne (Rangifer tarandus) dominent. On remarquera que dans la couche J2 figurent également le Mammouth (Mammuthus primigenius) et le
Rhinocéros laineux (Coelodonta antiquitatis) ; pour la couche E1, l’absence du Cheval est remarquable et pour le moment inexpliquée.
Figure 3. Sainte-Anne 1 : composition des asssemblages fauniques avec les carnivores.
Figure 4. Sainte-Anne 1 : composition des assemblages fauniques sans les carnivores.
176
Paléolithique moyen dans le sud du Massif central : les données du Velay (Haute-Loire, France)
E1 Meles meles Meles meles ? Canis lupus Canis lupus ? Vulpes vulpes Ursus spelaeus ? Capreolus capreolus Cervus elaphus Cervus elaphus ? Rangifer tarandus Rangifer tarandus ? Cervus elaphus / Rangifer tarandus Cervidae Cervidae ? Capra ibex Capra ibex ? Caprinae Caprinae ? Bovinae Bovinae ? Coelodonta antiquitatis Equus caballus Equus caballus ? Mammuthus primigenius NID Ongulé Ongulé (Gd) Ongulé (Gd) ? Ongulé (pt) Ongulé (pt) ? TOTAL
2 1
1
J1 2 1 1 1 9 0 1 4 1 32 2
8
J2
1
1 1 5 3 39 11 1 3 9 4
1 1 1 0 49 5 24
28
2179 2 12 1 20 4 2337
1 1 3 2 52 5 1 2410 1 27 16 2 2599
Tableau 2. Sainte Anne 1. Nombre de restes par couche (inventaire provisoire)
D’un point de vue paléontologique, l’attribution des restes de Chevaux à Equus caballus ne pose pas de problème mais compte tenu de l’intense fragmentation, il est plus difficile d’en identifier la (ou les) sous-espèce(s). Les dimensions du talus n°R27-146, c.J2 semblent exclure une des formes
(gallicus et arcelini) décrites dans le Würm récent (stades isotopiques 3 et 2) mais pourraient indiquer soit la sousespèce E. cab. piveteaui caractéristique du stade 6, soit la sous-espèce E. cab. germanicus caractéristique du Würm ancien (stade 5d, 4 et une partie du 3).
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J.-P. Raynal, M. Le Corre-Le Beux, C. Santagata, P. Fernandes,J.-L. Guadelli, I. Fiore, A. Tagliacozzo, C. Lemorini…
E1 Meles meles Meles meles ? Canis lupus Canis lupus ? Vulpes vulpes Ursus spelaeus ? Capreolus capreolus Cervus elaphus Cervus elaphus ? Rangifer tarandus Rangifer tarandus ? Cervus elaphus / Rangifer tarandus Cervidae Cervidae ? Capra ibex Capra ibex ? Caprinae Caprinae ? Bovinae Bovinae ? Coelodonta antiquitatis Equus caballus Equus caballus ? Mammuthus primigenius NID Ongulé Ongulé (Gd) Ongulé (Gd) ? Ongulé (pt) Ongulé (pt) ? TOTAL
7,14 3,57
3,57
J1 0,09 0,04 0,04 0,04 0,39 0,00 0,04 0,17 0,04 1,37 0,09
0,34 0,04 0,00 0,04 0,04 2,10 0,21
85,71
100,00
93,28 0,09 0,51 0,04 0,86 0,17 100,04
J2
0,04
0,04 0,04 0,19 0,12 1,50 0,42 0,04 0,12 0,35 0,15 0,04 0,04 0,12 0,08 2,00 0,19 0,04 92,73 0,04 1,04 0,62 0,08 100,00
Tableau 3. Sainte-Anne 1. Pourcentage du nombre de restes par couche (inventaire provisoire) A part la présence du Bouquetin, attendue dans un paysage escarpé tel que celui de Sainte-Anne, la faune traduit l’existence de conditions très froides au moment du dépôt de la couche E1, alors que celles qui devaient régner au cours du dépôt des couches J1 et J2 devaient être certes très rigoureuses mais peut-être moins que lors de la formation de la couche E1 (présence du Cerf, Cervus elaphus, et du Chevreuil Capreolus capreolus). Compte tenu des dates
obtenues, il n’est pas impossible d’envisager une attribution des couches J1 et J2 à un moment des stades 6 ou 5, sachant que s’il s’agit du stade 5, nous avons une préférence pour le stade 5d qui a vu, rappelons le, la présence momentanée du Renne en Aquitaine et nous pouvons exclure le stade 5e mais sans doute aussi les stades 5c et 5b qui devaient être des épisodes relativement tempérés.
1.3 - Analyse taphonomique préliminaire des restes osseux (IF et AT)
Les restes déterminables sont rares (7,1%) et sont en général des fragments de dents tandis que les portions d'os longs ayant conservé au moins une partie d'épiphyse sont quasiment absents. Parmi les ongulés, ceux majoritairement représentés sont les équidés avec 39 restes (56,5%), tandis que le Cerf, le Renne et le Bouquetin sont rares (tableau 4). Les carnivores sont présents avec peu de restes rapportés au Loup et au Renard (Cf JLG supra). L'échantillon analysé est
L'analyse taphonomique a été conduite sur 978 restes fauniques de l'unité J1 qui proviennent de 10 mètres carrés dans l'axe de la cavité, à l'extérieur et à l'intérieur.
178
Paléolithique moyen dans le sud du Massif central : les données du Velay (Haute-Loire, France)
caractérisé par une extrême fragmentation des restes et se compose de 44,8% de fragments de dimension inférieure à 25 mm et de 41,1% de fragments compris entre 26 et 50 mm. Lorsque c'était possible, les restes indéterminés ont été classés sur la base de l'épaisseur et des dimensions des diaphyses et ainsi rapportés à la taille des animaux. A la différence de ce que l'on observe pour les restes Taxa Equus caballus Equus sp Cervus elaphus Rangifer tarandus
déterminables, 21,9% se rapportent à des mammifères de taille moyenne (cervidés-capridés) tandis que ceux attribuables à des mammifères de grande taille (cf Cheval) sont moins représentés (9,2%). Sont également présents 7 fragments de dimensions notables qui évoquent le Rhinocéros. Les fragments indéterminés et inutilisables sont les plus abondants (56,7%).
Total 27 12 2 6
% 39,1 17,4 2,9 8,7
Classes d'abrasion Abrasion modérée Abrasion moyenne Abrasion intense Abrasion très intense
Total 8 148 440 287
% 0,9 16,8 49,8 32,5
Cervidé
10
14,5
Total
883
(90,7)
Capra ibex
3
4,3
Capriné Canis lupus Vulpes vulpes Total déterminé
4 1 4 69
5,8 1,4 5,8 (7,1)
Non attribuables
90
(9,3)
Total NR
974
Très grande taille
7
0,7
Grande taille
90
Classes de longueur
Total
%
1- 25 mm
355
44,8
9,2
26-50 mm
326
41,1
Taille moyennement grande
37
3,8
51 - 75 mm
83
10,5
Taille moyenne
213
21,9
76 - 100 mm
24
3,0
6
0,6
101 - 130 mm
5
0,6
552
56,7
Total
793
(81,4)
905 974
(92,9) (100)
Non mesurable Total
181 974
(18,6)
etite taille Indéterminable Total indéterminé Total
Tableau 4: Inventaire des restes analysés, des restes classés selon leur état d'abrasion et selon les classes dimensionnelles. La surface originale de tous les restes présente des phénomènes d'abrasion d'intensité variable (modérée, moyenne, intense et très intense). Les plus abondants sont les fragments présentant un stade d'abrasion intense (440 restes, 49%) et très intense (287 restes, 32,5%), bien moins présentent un stade d'abrasion moyenne (16,8%) et très peu un stade d'abrasion modérée (0,9%). Si l'on exclut les quelques restes de petite taille ou de très grande taille (tous présentant une abrasion intense), on n'observe pas de relation entre classe d'abrasion et taille de l'animal. Le peu de restes à abrasion modérée sont essentiellement des dents de Cheval
tandis que les restes indéterminés montrent la plus forte proportion d’éléments à abrasion intense ou très intense. Nonobstant la mauvaise conservation des restes et de leurs surfaces, il est néanmoins possible de déceler des traces d'activité anthropique : stries d'instruments lithiques, points d'impacts et quelques petits éclats conchoïdaux résultant d'actions de percussion violente (figure 5). Parmi les rares restes portant des traces d'instrument lithique, une diaphyse de tibia de Cheval présente de nombreuses stries sur la face postérieure probablement dues à la décarnisation.
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J.-P. Raynal, M. Le Corre-Le Beux, C. Santagata, P. Fernandes,J.-L. Guadelli, I. Fiore, A. Tagliacozzo, C. Lemorini…
Figure 5. Sainte-Anne 1, unité J1 : 1, 2, cônes de percussion ; 3, diaphyse d'humérus de cervidé avec point d'impact ; 4, diaphyse de tibia de cheval avec traces d'instrument lithique. 1.4 - L'industrie lithique (CS, JPR, PF,GK) La particularité du gisement de Sainte-Anne I est que la série lithique du niveau le plus récent (niveau J1) est constituée à 60% de matières volcaniques (différentes variétés de basaltes , phonolites et trachy-phonolites) et en moindres proportions de silex et chailles (20%) et quartz (20%) (Santagata et al, 2002). Quinze variétés de silex ont été reconnues dans le niveau J1 (figure 6), dominées par le silex lacustre du bassin du Puy et des silices pédologiques et hydrothermales toutes relativement proches du site, à l'exception d'un silex du Turonien vraisemblablement en provenance de la vallée du Rhône :
- type 2 : - type 3 : - type 4 : - type 5 : - type 6 : - type 7 : - type 9 : - type 13 : - type 20 : - type 21 : - type 36 : - type 48 : - type 39 : - type 44 : - type 42 :
180
arkose silicifiée : 6 pièces silcrète lacustre : 486 pièces silcrète pédogénique : 21 pièces silcrète : 2 pièces silex crétacé : 7 pièces silcrète pédologique : 12 pièces silice hydrothermale : 2 pièces silex du Turonien : 1 pièce silcrète pédologique : 3 pièces silex du Jurassique dans les sables à chailles : 5 pièces silex lacustre : 38 pièces silex péloïde : 1 pièce silex du Jurassique : 1 pièce cendre volcanique silicifiée : 3 pièces silcrète pépéritique : 1 pièce
Paléolithique moyen dans le sud du Massif central : les données du Velay (Haute-Loire, France)
Figure 6. Sainte-Anne 1, unité J1 : outillage en silex local.
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Figure 7. Sainte-Anne 1, unité J1 : biface en basalte.
Figure 8. Sainte-Anne 1, unité J1 : biface en basalte. Du point de vue techno-économique, si les quartz ont été visiblement débités sur place, il n'en a pas été de même pour les silex et les chailles qui présentent généralement des chaînes opératoires incomplètes ; l’industrie en matières volcaniques comporte deux aspects : d'une part des objets volumineux sur galets (représentés surtout par des pièces bifaciales) (figures 7 et 8) et d'autre part une industrie sur éclats, obtenue par plusieurs procédés technologiques prédéterminés ; les supports retouchés sont absents. L’utilisation de telles roches reflète en fait un choix techno-
économique (besoin de gros modules de matière pour une chaîne opératoire bifaciale) lié à une facilité de localisation d'une source de matière exploitable dans un paysage globalement volcanique (galets de rivière). La matière première d'origine volcanique était facilement accessible dans l'environnement immédiat du site, principalement dans les alluvions anciennes sous-basaltiques et les lits de la Borne et de la Loire. Pourtant, les nucleus ont été complètement épuisés. De façon générale, la chaîne
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Paléolithique moyen dans le sud du Massif central : les données du Velay (Haute-Loire, France)
opératoire s’est déroulée sur le site même, mis à part le dégrossissage et un décorticage partiel des blocs les plus
volumineux (tableau 5).
Phase d'acquisition Enclume Galet Fragment de galet Fragment de plaquette Percuteur
n 37 1 21 7 4 4
Phase d'initialisation Eclat d'entame Eclat de décorticage
23 12 11
Phase de production Chaîne discoïde Eclat d'aménagement discoïde Eclat de chaîne discoïde Eclat d'entretien des convexités discoïdes Eclat de plein débitage discoïde Eclat débordant de chaine discoïde Pointe pseudo levallois de chaîne discoïde Déchet de taille de chaîne discoïde Chaîne levallois Eclat d'aménagement levallois Eclat de réaménagement levallois Eclat de chaîne levallois Eclat d'entretien de les convexités levallois Eclat laminaire de chaîne levallois Eclat levallois Eclat levallois bipolaire opposé Eclat levallois récurrent centripète Eclat levallois unipolaire Lame levallois Pointe levallois Pointe pseu dolevallois d'entretien des convexités levallois Eclat indifférencié Eclats ordinaires Gros éclat Eclat débordant Eclat kombewa Eclat laminaire Eclat prédéterminant Pointe pseudolevallois Eclat de taille de biface Fragment d'éclat Phase de consommation Chaine à objectif mixte Chopper Nucleus discoide à exploitation réduite à surfaces sécantes Biface/uniface
606 161 24 37 4 65 19 9 3 108 25 25 27 13 1 4 1 6 1 1 1 3 337 193 2 3 2 2 40 1 18 76 90 15 6 2 7
Chaine de façonnage
75
Supports retouchés (racloir, denticulé, encoche) Macro-outillage (gros éclats, hachereau, limande) Eclat de retouche
27 3 45
183
J.-P. Raynal, M. Le Corre-Le Beux, C. Santagata, P. Fernandes,J.-L. Guadelli, I. Fiore, A. Tagliacozzo, C. Lemorini…
47 12 5 7
Phase d'abandon Chaine discoide Nucleus discoide de modalité bifaciale Nucleus discoide de modalité unifaciale Chaine levallois Nucleus levallois Nucleus levallois à eclat préférentiel Divers Nucleus épuisé Nucleus indifférencié Ebauche de nucleus Fragment de nucleus Divers Déchet de taille Débris Objet non identifiable Bombe volcanique Téphrofact Fragment naturel
4 1 3 31 2 20 2 7 563 162 167 35 1 75 123
Tableau 5. chaine opératoire des produits en roches volcaniques. Du point de vue technologique, c'est une gestion technique très simple, le système discoïde unifacial, qui a été préféré. Mais d'autres systèmes ont également été utilisés occasionnellement : discoïde bifacial et levallois récurrent centripète. L’analyse des nucleus discoïdes montre que pour les deux modalités, le débitage a été conduit au début de façon alterne ou alternante centripète, avec une préparation plus ou moins poussée du “plan de frappe”: plus dans le cas de la modalité bifaciale, moins dans le cas de la gestion unifaciale. Les éclats prédéterminés montrent l’entretien des convexités latérales du nucleus avec des éclats à dos ou quelques pointes pseudo-levallois; les éclats de directions centripètes en revanche sont droits et rarement déjetés. Les derniers éclats tirés des nucleus à modalité unifaciale sont toujours detachés presque parallèlement à la surface : l’absence d'accident de
2 - L'abri de Baume-Vallée Le gisement de Baume-Vallée (Abri laborde) est situé sur le territoire de la commune de Solignac-sur-Loire, à 870 mètres d'altitude en rive gauche de l’Ourzie, petit affluent de la Loire (figure 9). C'est un abri-sous-roche typique des régions
débitage lors de cette phase démontre une très bonne maîtrise de la technique et de la matière. L’analyse des nucleus levallois montre une gestion récurrente du débitage : le plan de frappe a été préparé de façon centripète et on voit les derniers éclats levallois détachés sur la surface de débitage. Le stade final de quelques nucleus peut parfois faire penser à une gestion levallois à éclat préférentiel : aucun éclat levallois préférentiel n’a toutefois été reconnu dans la série. Ceci donne l’impression d’une gestion très simple du débitage levallois, plus liée aux caracteristiques de la matière et au savoir faire que plus strictement liée aux critères d'entretien et d'aménagement des convexités. L’analyse morphotechnique du débitage (toutes chaînes confondues) montre enfin qu'une morphologie spécifique des produits (plutôt allongés et minces) a été recherchée.
basaltiques. Découvert au cours de l'hiver 1963-64, le site a été sondé par A. Laborde et A. Quinqueton puis fouillé par A. Laborde de 1966 à 1973, puis de 1974 à 1996 par J.P. Raynal (Bayle des Hermens et Laborde, 1965 ; Laborde, 1972 ; Daugas et Raynal, 1977 ; Raynal, 1975, 1981, 1983, 1988, 1991, 1997, 1998).
184
Paléolithique moyen dans le sud du Massif central : les données du Velay (Haute-Loire, France)
Figure 9. Baume-Vallée : le site dans son contexte morphologique 2.1 - Contexte géologique et chrono-climatique (JPR, PB, EJR, DV) Les remplissages du Pléistocène supérieur ancien des abris sous-basaltiques du Velay présentent des caractères différents selon les types de lave et leurs altérations (Kieffer et Raynal, 2001 ; Raynal et Kieffer, 2002). Le remplissage de l’abri de Baume-Vallée, qui s'ouvre à 870 mètres d'altitude, est un bon modèle pour les coulées dont la colonnade est altérée en sonnenbrenner (taches de soleil) (Moser, 1971). Les études microfaciologiques ont révélé le rôle déterminant du gel dans la stratogénèse des remplissages et donc dans la redistribution horizontale et verticale des vestiges paléolithiques, posant ainsi les limites des interprétations archéologiques (Bertran, 1994 ; Bertran et Texier, 1995 ; Bertran et al, 1993 ; Texier et al, 1998). La partie inférieure de son remplissage est caillouteuse d'origine cryoclastique et présente une organisation litée bien développée (figure 10). Son étude microfaciologique révèle une stratogenèse secondaire par empilement de coulées de solifluxion à front pierreux, impliquant des déplacements plus ou moins importants du matériel archéologique et une intense déformation des surfaces d'occupation, de plus en
plus nette vers le sommet de la séquence moustérienne où les objets sont nettement réalignés. La caractérisation des mécanismes de production des éléments grossiers du remplissage, directement fonction des caractéristiques de la coulée excavée en abri d’une part et la reconstitution précise des mécanismes de sédimentation d’autre part, apparaissent donc aujourd'hui comme le préalable à la discrimination entre structures d'origine anthropique et pseudo-structures liées au mode de dépôt et à l'appréciation de la valeur des assemblages lithiques paléolithiques récoltés. Du strict point de vue climatique, c'est donc une ambiance froide qui a commandé les différentes étapes de la constitution des dépôts La palynologie et la faune indiquent également l’existence d’une dégradation climatique ; l’abondance du Cheval et la présence du Cerf et d'Equus hydruntinus modèrent un peu l’aspect rigoureux du climat (JLG infra). D’un point de vue chronologique, les niveaux de Baume-Vallée se seraient formés avant le pléniglaciaire du stade 4, comme semblent l'indiquer les dates TL sur silex brûlé (Raynal et Huxtable, 1989). Les dates RPE sur email dentaire de Cheval le confirment malgré de très larges plages d'incertitude (tableau 6).
185
J.-P. Raynal, M. Le Corre-Le Beux, C. Santagata, P. Fernandes,J.-L. Guadelli, I. Fiore, A. Tagliacozzo, C. Lemorini…
Figure 10. Baume-Vallée : vue générale des niveaux inférieurs lités. Sample U Sed code
Th Sed K Sed ppm ppm
U En %
U De ppm
U Ce ppm
t uncut t cut ppm mm
DE mm
Gy
503A 503B 503C 504A 504B 504C
0.50 0.50 0.50 0.50 0.50 0.50
1.03 1.03 1.03 1.03 1.03 1.03
0.5 0.5 1.1 1.0 1.0 1.0
18.7 18.7 18.1 22.6 22.6 26.4
23.4 00.0 00.0 36.5 15.5 36.5
1300 1550 1300 800 600 1200
49.3 ± 3.8 57.8 ± 2.9 58.0 ± 1.1 66.9 ± 4.9 49.3 ± 1.0 66.1 ± 1.4
7.87 7.87 7.87 7.87 7.87 7.87
EU
uncertainty
LU
1500 1750 1500 1000 800 1300
uncertainty
RU
uncertainty
503A 503B 503C
34800 46600 41300
2900 2800 1800
45100 54500 50500
3700 3200 1900
68800 79900 80100
8400 8600 8000
504A 504B 504C
34400 29900 35200
2900 1300 1600
49200 40800 49900
3900 1500 1900
92500 68100 91300
11600 7100 9400
Mean
37000
5900
48300
4800
80100
10500
Tableau 6. Values used in age calculation. Sed = sediment, En = enamel, De = dentine, Ce = cement. T uncut and cut are enamel thickness values before and after removal of external alpha exposed skin. DE = equivalent dose, EU = early uranium uptake model age, LU = linear uranium model age. Uncertainties assumed for DNC and INAA U concentration values are 5% or 10%, except for U Sed where a value of 100% was assumed.
186
Paléolithique moyen dans le sud du Massif central : les données du Velay (Haute-Loire, France)
certainement pas uniquement anthropique mais résulte en grande partie de l’action du gel.
2.2 - La faune (JLG) Les restes fauniques provenant de Baume-Vallée présentent une très importante fragmentation qu’il s’agissent des os ou des dents. Cette constatation interdit tous calculs de proportions des différentes espèces. Le Cheval (Equus caballus germanicus Nehring, 1884) est l’espèce la mieux représentée, puis viennent les Bovinés (Bos ou Bison), le Bouquetin (Capra ibex), le Cerf (Cervus elaphus ), le Renne (Rangifer tarandus ) et Equus hydruntinus. Les dents jugales supérieures du Cheval de Baume-Vallée présentent d’incontestables caractères morphologiques caballins. Le parastyle et le mésostyle des prémolaires sont larges et dédoublés (sauf le mésostyle de la P3-4 K3-210 qui est simple), le flanc vestibulaire des paracône et métacône est chaque fois concave vers l’extérieur, le protocône est long et montre souvent une gouttière linguale. De la même façon les mâchelières inférieures possèdent une morphologie “caballine”. Le flanc vestibulaire des protoconide et hypoconide présente dans la quasi-totatlité des cas une concavité vers l’extérieur, la double-boucle est dissymétrique (métaconide globuleux et métastylide triangulaire), le sillon lingual est généralement en U à fond plat et le sillon vestibulaire court sur les prémolaires. Si l’espèce, Equus caballus, à laquelle peuvent être attribués ces restes ne pose aucun problème, il n’en n’est pas de même en ce qui concerne la sous-espèce car le nombre de pièces mesurables de chaque catégorie est chaque fois faible. Toutefois quelques dimensions dentaires donnent à penser qu’il est très probable que nous soyons en présencede Equus caballus germanicus Nehring, 1884. Nous insisterons sur les ressemblances entre les types de fragments fauniques récoltés à Baume-Vallée et les gélifracts expérimentaux que nous avons obtenus dans les enceintes thermiques du Centre de Géomorphologie du CNRS de Caen. Nos expérimentations consistent à faire subir aux dents et os des cycles de gel/dégel entre -5°C et +12°C et à étudier les gélifracts qui en résultent. Les dents sont fendues longitudinalement et on observe un arrachement de la face vestibulaire et quelque fois de la face linguale. Ces fragments sont eux-mêmes cassés et, dans les cas extrêmes, réduits à de petits morceaux d’émail ou de dentine. Si nous avons observé quelques restes de jeunes individus (Cerf et Cheval) le résultat de nos expériences sur des pièces juvéniles (destruction quasi totale des échantillons) nous interdit de l’interpréter en terme de courbe de mortalité car nous n’avons aucune idée du nombre de restes qui ont été détruits par le gel. En ce qui concerne les os la comparaison est plus difficile car il s’agit d’un matériel très hétérogène : os compact (épais ou mince), os spongieux. Cependant certains gélifracts expérimentaux, ceux obtenus à partir d’un fragment de diaphyse d’os long, sont aussi minces que certaines esquilles provenant de Baume-Vallée ; de même la surface de la cassure est très irrégulière dans un cas comme dans l’autre. Nous conclurons donc en insistant sur le fait que la très intense fragmentation de la faune de Baume-Vallée n’est
2.3 - Analyse taphonomique des restes osseux (IF et AT) Les 3824 restes osseux analysés proviennent des trois unités archéologiques les plus anciennes du site (O, 1 et 2). la distribution spatiale des objets a été perturbée par les processus post-dépositionnels (principalement le gel). L'échantillon étudié se révèle extrêmement fragmenté, constitué par près de 30% d'éléments minuscules de dimension inférieure à 1 cm et par au moins 40% de fragments de dimension comprise entre 1 et 3 cm. Les portions proximales ou distales de diaphyses sont rares et même les dents (éléments qui ont le mieux résisté), sont très souvent fissurées longitudinalement. Le haut degré de fragmentation a influé bien évidemment sur le nombre de restes déterminables. Sur les 3824 restes, seuls 286 (7,5%) ont été déterminés (JLG supra) Les espèces majoritairement représentées sont les équidés (Equus caballus germanicus), les cervidés (Cervus elaphus), les caprinés (Capra ibex) et de rares bovinés, carnivores et oiseaux (tableau 7). On observe une augmentation progressive des équidés en montant dans la séquence (problème de conservation ?). L'étude de plus de 250 restes osseux d'avifaune est actuellement en cours (travaux de Monica Gala). La plupart des restes appartiennent à l'ordre des Passeriformes (parmi lesquels différentes espèces de Corvidés et de Passeriformes) mais les Galliformes (Tetraonidae et Phasianidae) sont également nombreux. Plus rares sont les Anseriformes (canards), les Gruiformes (Crex crex) et les rapaces tant diurnes (Accipitriformes et Falconiformes) que nocturnes (Strigiformes). Les restes indéterminés ont été classés selon l'épaisseur des diaphyses et leurs dimensions et rapportés à la taille des animaux. Les données confirment ce que l'on observe pour les restes déterminables, à savoir que les restes des mammifères de grande taille (équidés et bovinés) augmentent graduellement de l'unité inférieure à l'unité supérieure alors que ceux des mammifères de taille moyenne (cervidés et capridés) perdent de l'importance. L'analyse taphonomique (Fiore et al, 2000) a mis en évidence, malgré l'extrême fragmentation des restes et la forte abrasion des surfaces, des traces d'activité humaine liées à l'exploitation des carcasses : récupération de moelle et de matière première, clairement attestée par les points d'impact et les petits éclats résultant des actions de percussion. La rareté des extrémités articulaires n'autorise aucune reconstitution des modalités de découpe et de désarticulation mais de nombreux fragments de diaphyses portent des stries d'outils lithiques claires attestant des activités de boucherie. Notons enfin l'utilisation d'os comme retouchoirs d'instruments lithiques (figure 11).
187
J.-P. Raynal, M. Le Corre-Le Beux, C. Santagata, P. Fernandes,J.-L. Guadelli, I. Fiore, A. Tagliacozzo, C. Lemorini…
Figure 11. Baume-Vallée : retouchoir sur diaphyse d'os long d'un animal de taille moyenne. a, vue générale de l'objet. b, vue rapprochée de la zone utilisée. c, vue au MEB montrant des stries longues et fines parfois en faisceau. La surface de l'os a probablement été raclée avant l'utilisation comme retouchoir.
Totale
Taxa Cervidae Cervus elaphus Bovidae Bovinae Caprinae Capra ibex cf. Capra ibex Equus sp. Equus caballus Equus caballus germanicus Carnivora indet. Aves Total déterminés Mamm. taille rhinocéros Mamm. grande taille Mamm. assez grande taille Mamm. taille moyenne à petite Mamm. taille moyenne Mamm. petite taille Indet. Total indéterminés Total 188
NR 34 9 3 7 7 21 4 16 115 58 1 11 286 1 420 74 9 319 12 2698 3533 3824
% 11,9 3,1 1,0 2,4 2,4 7,3 1,4 5,6 40,2 20,3 0,3 3,8 7,5 0,0 11,9 2,1 0,3 9,0 0,3 76,4 92,4
Paléolithique moyen dans le sud du Massif central : les données du Velay (Haute-Loire, France)
Os modifiés avec stries d'instrument lithique Retouchoir avec impact éclat de percussion
98 25 103 57
2,6 0,7 2,7 1,5
Total avec traces anthropiques
222
5,8
avec fracture sur os frais os rongé
249 12
6,5 0,3
Tableau 7. Inventaire des restes analysés et de ceux portant des traces de modification 2.4 - La production lithique (MLC-LB, JPR, PF) L'étude des deux unités archéologiques inférieures du gisement de Baume-Vallée (Solignac-sur-Loire, Haute-Loire) montre qu'il n'existe pas de différences notables dans la constitution de ces deux industries, réalisées à partir de
différents matériaux : quartz, matériaux d’origine volcanique (en particuliers de nombreux galets de basalte utilisés comme retouchoirs) (figure 12) et quatorze variétés de silex pour le moment (étude non terminée). Les diverses silices sont principalement d'origine régionale à l'exception de silex du Crétacé sans doute en provenance de la vallée du Rhône :
Figure 12. Baume-Vallée, unité 1 : galets de basalte utilisés comme retouchoirs.
189
J.-P. Raynal, M. Le Corre-Le Beux, C. Santagata, P. Fernandes,J.-L. Guadelli, I. Fiore, A. Tagliacozzo, C. Lemorini…
- type 6 : - type 13 - type 18 : - type 4 : - type 5 : - type 7 : - type 9 : - type 42 : - type 3 : - type 21 : - type 22 : - type 37 : - type 36 : - type 55 :
Ces industries ont été attribuées antérieurement au Moustérien Charentien de type Ferrassie (Decroix, 1984, 1985 ; Raynal et Decroix, 1986 ; Decroix-Bourhim, 1990 ; Decroix-Bourhim et al, 1990). Si les produits Levallois s'avèrent majoritaires, les produits Quina représentent une part non négligeable du matériel. Le recours conjoint à ces deux concepts de débitage n'est pas un phénomène isolé puisqu'on le retrouve également dans un cadre régional assez large mais aussi jusqu'en Belgique (couche 1a de la grotte de Scladina) (Loodts, 1998).
silex du Crétacé silex du Turonien silex du Crétacé silcrète pédogénique silcrète silcrète pédologique silice hydrothermale silcrète pépéritique silcrète lacustre silex du Jurassique dans les sables à chailles silex du Crétacé dans les sables à chailles silex du Crétacé dans les sables à chailles silcrète lacustre silex ind.
Le système opératoire à l’origine de l’outillage est quasiment similaire d’une unité archéologique à l’autre, illustrant le recours aux schémas opératoires Levallois et Quina selon des modalités de coexistence variables, plus sporadiquement le schéma opératoire de débitage Discoïde, excepté en ce qui concerne le quartz, où son application est nettement plus systématique que sur le silex (figures 13 et 14).
L’apport principal des résultats d'analyse obtenus réside dans ce qu’ils soulèvent l'existence d'une chaîne opératoire mixte, s'articulant autour de l'application successive de plusieurs concepts de débitage, en particulier les schémas opératoires Quina et Levallois. Ces données conduisent à considérer que les faciès Moustériens charentiens Ferrasie et Quina puissent figurer les manifestations extrêmes d'une même entité technique. Le techno-complexe Moustérien charentien, auquel pourraient s'intégrer le Charentien atypique et les para et proto-Charentiens, constituerait à ce titre un continuum homogène à l'intérieur duquel s'expriment des variations répondant de l'adaptation par les hommes à différents facteurs extrinsèques.
190
Paléolithique moyen dans le sud du Massif central : les données du Velay (Haute-Loire, France)
ACQUISITION (galets, éclats naturels)
PRODUCTION desupports de déb. corticaux QUINA Séquence d’ AMENAGEMENT du nucleus / éclat
Séquence d’ AMENAGEMENT LEVALLOIS du nucleus
Séquence de PRODUCTION Levallois
Séquence de PRODUCTION Levallois
?
PRODUCTION Kombewa
?
? Séquence d’ENTRETIEN du nucleus
Séquence de PRODUCTION type Le Pucheuil ?
2ème Séquence de PRODUCTION Levallois + 3ème séquence ?
Séquence de PRODUCTION type Le Pucheuil
? Séquence de PRODUCTION indifférenciée (=séquence ultime) fractionnement
Séquence de PRODUCTION indifférenciée (=séquence ultime fractionnement)
Séquence de production indifférenciée (=séquence ultime fractionnement)
ABANDON nucleus résiduels
ABANDON Nucleus résiduels
FACONNAGE transformation parla retouche
Figure 13. Baume-Vallée, unité 1 : la chaîne opératoire 191
?
J.-P. Raynal, M. Le Corre-Le Beux, C. Santagata, P. Fernandes,J.-L. Guadelli, I. Fiore, A. Tagliacozzo, C. Lemorini…
galets, éclats naturels, blocs diaclasés
méthode i l i pièces corticales 100 % pièces corticales 75% et 50% pièces corticales 25% pièces dos cortical
méthode unipolaire
+ bipolaire opposé ou orthogonale
pièces corticales 25% ? petite éclats partiel. cort. ? écl. d’aménagement sécants écl. d’aménagement droits écl. d’aménagement longs à caractères kombewa
pièces corticales 25% petite éclats partiel. cort. petits écl. partiel. cort. sécants éclats d’aménagement sécants éclats d’aménagement droits éclats d’aménagement longs
méthode unipolaire et entre les séries récurrentes
éclats K b
bipolaire opposé ou orthogonale
?
éclats Levallois préf. ? éclats Levallois récurrents I, II, III ?
éclats Levallois préf. éclats prédéterminants à caractères kombewa
?
?
méthode unipolaire et entre les séries récurrentes
éclats débordants éclats prédéterminants pièces diagnostiques indiff. éclats indifférenciés pointes pseudo-levallois ? tablettes de ravivages ?
éclats en “aile d’oiseau”
?
bipolaire opposé ou orthogonale
éclats Levallois préf. ? éclats Levallois récurrents I, II, III ?
pièces diagn. indiff. éclats indifférenciés éclats en “aile d’oiseau”
? piècesdiagn.indifféren ciées à caractères kombewa
éclats indifférenciés pièces diagn. indiff.
éclats indifférenciés pièces diagn. indiff.
nucleus résiduels nucleus fragmentés sur éclat
nucleus résiduels nucleus fragmentés
éclats de retouches éclats d’amincissements + à caractères kombewa
Figure 14. Baume-Vallée, unité 1 : les différents produits de la chaîne opératoire.
192
?
Paléolithique moyen dans le sud du Massif central : les données du Velay (Haute-Loire, France)
2.5 - Approche tracéologique (CL) L’analyse des traces d’utilisation a concerné jusqu’à présent l’industrie lithique en silex de l’unité moustérienne 1, la plus ancienne du site de Baume Vallée. L'évaluation systématique de toute l’industrie lithique de cette unité a été privilégiée pour obtenir un tableau complet des processus d’altération post-dépositionnels qui ont affecté les pièces et par conséquent, pour parvenir à une évaluation correcte des traces d’usage. Étant donnée la complexité de ces processus, il n’a pas été possible d’obtenir un tableau exhaustif à l’aide des seules observations tracéologiques. Une collaboration interdisciplinaire avec les géologues qui composent le groupe de recherche a commencé dans le but de formuler des hypothèses sur les altérations chimiques que l’industrie de Baume Vallée a subies et sur leur degré de développement. On a donc décidé de laisser de côté pour le moment l’analyse des polis d’usage, qui sont les traces affectées par les phénomènes chimiques, et de s’adresser plutôt à l’analyse des écaillures. Bien que des écaillures post-dépositionnelles aient été observées, particulièrement sur les bords les plus fins et
donc les plus fragiles, des écaillures d’usage ont été reconnues, soit sur des tranchants naturels, soit sur des tranchants retouchés. A ce stade, seule une partie de l’industrie lithique en silex de l’unité 1 a été observée à la loupe binoculaire, soit environ 300 pièces comprenant des éclats naturels et des pièces retouchées. Un total de 51 pièces porte des écaillures d’utilisation (figure 15). L’interprétation de ces écaillures montre un tableau fonctionnel (figure 16) riche en travail de matières tendres-demi-dures, surtout du travail de coupe, suivi par l’amincissement et par le raclage. Le choix de la double définition, tendre-demi-dure a été nécessaire pour mettre en évidence des nuances de résistance des matières travaillées qu’il n’est pas possible de distinguer précisément à ce niveau d’analyse,. En effet, soit le travail des matières tendres animales et des plantes herbacées, soit le travail du bois doux ou de la peau fraîche pourraient être compris dans ce groupe. Dans l’échantillon de l’unité 1, il y a aussi du travail des matières demi-dures tout court. Par rapport à ces matières, l’action la plus fréquente est le raclage, suivi par l’amincissement et par la coupe.
Figure 15.1. Baume-Vallée, unité 1 : ébréchures d’usage sur tranchant naturel: coupe de matières tendres – demi dures. Echelle métrique égale à 1mm.
Figure 15.2. Baume-Vallée, unité 1 : ébréchures d’usage sur tranchant retouché: raclage de matièères tendres – demi dures. Echelle métrique égale à 1mm.
193
J.-P. Raynal, M. Le Corre-Le Beux, C. Santagata, P. Fernandes,J.-L. Guadelli, I. Fiore, A. Tagliacozzo, C. Lemorini…
Figure 15.3. Baume-Vallée, unité 1 : ébréchures d’usage sur tranchant retouché: raclage de matières demi dures.
Figure 15.4. Baume-Vallée, unité 1 : ébréchures d’usage sur tranchant retouché: raclage de matières demi dures. Les tranchants naturels (figure 17) ont été utilisés surtout pour la coupe des matières tendres-demi-dures et pour l’amincissement. De même, les tranchants retouchés (figure 18) ont été utilisés surtout pour travailler des matières tendres-demi-dures. Par contre, dans ce deuxième groupe, l’action la plus fréquente a été le raclage. Il faut souligner que le pouvoir de coupe des tranchants retouchés est obtenu
grâce à des retouches qui maintiennent l’angle du tranchant sur une moyenne de 60° qui ne s’éloigne pas trop de la moyenne des tranchants naturels, d’environ 45°. Il s’agit de tranchants suffisamment robustes pour effectuer des actions sur des matières de différent degré de résistance en maintenant en même temps leur pouvoir tranchant.
194
Paléolithique moyen dans le sud du Massif central : les données du Velay (Haute-Loire, France)
Figure 16. Baume-Vallée, unité 1 : analyse des traces d'usage.
Figure 17. Baume-Vallée, unité 1 : analyse des traces d'usage des tranchants naturels.
195
J.-P. Raynal, M. Le Corre-Le Beux, C. Santagata, P. Fernandes,J.-L. Guadelli, I. Fiore, A. Tagliacozzo, C. Lemorini…
Figure 17 bis - Baume-Vallée, unité 1 : analyse des traces d'usage des tranchants naturels.
Figure 18. Baume-Vallée, unité 1 : analyse des traces d'usage des tranchants retouchés.
196
Paléolithique moyen dans le sud du Massif central : les données du Velay (Haute-Loire, France)
Figure 18. Baume-Vallée, unité 1 : analyse des traces d'usage des tranchants retouchés. 3 - Perspectives régionales (MLC-LB, JPR, PF, CS) Dans une perspective régionale, la reconnaissance de 34 matières premières siliceuses différentes dans quinze séries étudiées s'appuie sur un corpus de plus de 400 faciès identifiés dans plusieurs types de gîtes minéraux primaires et secondaires et renouvelle notre vision de l'espace minéral et de son exploitation au Paléolithique moyen dans le Sud du Massif central (figure 19). Elle met en évidence une grande diversité des approvisionnements, les matières locales étant les plus nombreuses devant des ressources régionales et encore plus lointaines. Le ramassage en gîte secondaire proche ou non du site est privilégié, même si la matière est gélifractée ou imparfaitement silicifiée, dans des petits modules (4 à 15 cm) et d'aspect apparemment identique en couleur et aspect cortical. Les matières provenant de gîtes avec atelier de taille témoignent d'une économie déjà complexe en zone de moyenne montagne et on souligne ici l'intérêt des matières exogènes abandonnées dans ce type de site. Ceci amène à ne plus négliger les déplacements de matières premières d'Ouest en Est et du Sud vers le Nord, outre les voies bien connues que sont les grands axes de pénétration des vallées de l'Allier et de la Loire. D'un point de vue technologique régional, le recours aux deux concepts de débitage Levallois et Discoïde est le plus fréquent dans les différentes séries moustériennes étudiées. Un débitage unifacial ou bifacial unipolaire, ou encore conjonctural est parfois appliqué, tandis que l’on observe, hormis les séries de Baume-Vallée, une présence ténue de l’application du concept de débitage Quina. Le recours à au moins deux, et même assez fréquemment à trois concepts de débitage par série, est quasi-systématique. Le cas des ateliers de taille est particulièrement intéressant, à la fois en ce qui concerne la gestion de la matière première et l’organisation de la production. En effet, installés sur le gîte
même de matière première, les hommes ont, non seulement un accès illimité au matériau, mais ils peuvent également, du point de vue qualitatif, sélectionner en fonction de leur besoin les modules qu’ils souhaitent utiliser comme nucléus. Observe-t-on, à ce titre, une répercussion de la disponibilité de la matière première sur l’organisation de la production de l’outillage ? Le développement de deux chaînes opératoires différentes est attesté par la présence concommitante de nucléus Discoïde et Levallois. Toutefois, il semble que l’on puisse également envisager que, dans certains cas, la chaîne opératoire de débitage ait pu connaître une mixité, relevant de la mise en application successive des deux concepts de débitage. En effet, le principe conceptuel déterminant ces deux méthodes de production de supports et la proximité volumétrique entre nucléus Levallois et Discoïde autorise, dans le cadre d’une même chaîne opératoire, leur recours successif ou de manière opportune et ponctuelle. Qu’exprime alors la variabilité des chaînes opératoires ? Une adaptation au matériau ? Le contexte d’un atelier de taille, ou la disponibilité en matière première sous-entend un choix possible du module et un accès illimité à la matière première, permet d’envisager une plus faible détermination de la matière première sur le choix de l’organisation de la chaîne opératoire. Pourtant, bien qu’il semble qu’une gestion différentielle en fonction de la nature lithologique du matériau requis existe, elle s’exprime plutôt en termes quantitatifs. En effet, il apparaît que dans pratiquement chacune des séries rencontrées, les concepts de débitage Levallois et Discoïde ont été appliqués au silex comme au quartz, dans des proportions différentes.
197
J.-P. Raynal, M. Le Corre-Le Beux, C. Santagata, P. Fernandes,J.-L. Guadelli, I. Fiore, A. Tagliacozzo, C. Lemorini…
indeterminée Tortonien, Messinien
Lutétien
Stampien, Chattien
OligoMiocène Turonien, Sénonien
6 13 22 27 38 18 34 14 32 33
g- m g- m g- m g- m g- m
Barrémien Aptien
16 30 40 41 42 45 54 3a 3b 3c 3d 3e 4 5 5bis 12 68 25 69 23a 23b 23c 23d 23bis 24 26 31
Oligocène
2 7 7bis 36 36bis
m m m m6 m6 m 5- 6 m 5- 6 m 5- 6
Eocène
20 28 29 10 11 9a 9b 9c
? ? ? ? ? ? ? ?
Crétacé
8 17 37 44 46 48 53 55
Origine stratigraphique normalisée
Miocène supérieur
Types identifiés
g1- 3 g1- 3 g1- 3 g1- 3 g1- 3 g1- 3 g1- 3 g1- 2 g1- 2 g1- 2 g1- 2 g1- 2 g1- 2 g1- 2 g1- 2 g1- 2 g1- 2 e- g e5 e5 e5 e5 e5 e5 e5 e5 e5 c c c4- 7 c4- 7 c4- 7 c3 n5- 6 n4 n4 n4 j-c j j 7- 8 J0- 3 j1 j1 j1 j1
Dogger Malm
15 43 70 1 39 60 60 bis 61 A
Age du gite Cortex secondaire d'origine
Cortex alluvial
SA 1, unité J1, BV, unité 1, Cortex présence/abondanc présence/abondanc colluvial e e
m-p
m-p m-p
2
m m
1
3
3
m-p
m-p
2
m?
Figure 19. Position stratigraphique des différents gîtes de matières premières reconnus sur la zone d'étude et leur représentation dans les séries de Sainte-Anne 1 et Baume-Vallée.
198
Paléolithique moyen dans le sud du Massif central : les données du Velay (Haute-Loire, France)
La variabilité des chaînes opératoires, et au-delà des supports produits, traduit-elle plutôt une nécessité d’ordre fonctionnel ? Les premiers résultats de l’étude montrent qu’il n’existe pas de différence marquant la transformation des supports, en fonction de la chaîne opératoire de débitage dont ils résultent. Ainsi, sur le plan macroscopique et sur des critères morphofonctionnels de la transformation et en dehors d’une analyse tracéologique, les données recueillies à partir de ces différentes séries tendent plutôt à infirmer cette hypothèse. Quoi qu’il en soit, l’usage simultané de différents concepts de débitage témoigne que les hommes connaissent et appliquent différentes méthodes de débitage, ce qui va à l’encontre d’une interprétation culturelle de la variabilité des chaînes opératoires du Paléolithique moyen. Reste à déterminer les facteurs influant sur l’organisation des chaînes opératoires de débitage. Cet axe de recherche fait actuellement l’objet de travaux développés, appliqués au matériel provenant des unités archéologiques de Saint-Anne 1 et des deux unités archéologiques les plus anciennes du gisement de BaumeVallée. Bibliographie BAYLE DES HERMENS R. et LABORDE A. (1965) - Le gisement moustérien de la Baume-Vallée (Haute-Loire) : étude préliminaire. Bulletin de la Société Préhistorique Française , t. 62, p. 512-527. BERTRAN P., 1994 – Dégradation des niveaux d’occupation paléolithiques en contexte périglaciaire : exemples et implications archéologiques. Paléo, n°6, 285302. BERTRAN P. et TEXIER J.-P., 1995 – Fabric Analysis : Application to Paleolithic Sites. Journal of Archaeological Sciences, 22, 521-535. BERTRAN P., FRANCOU B., PECH P., 1993 – Stratogénèse associée à la dynamique des coulées à front pierreux en milieu alpin. La Mortice, Alpes méridionales, France. Géographie Physique et Quaternaire, 47, 1, 93-100. DAUGAS J.P. et RAYNAL J.P. (1977) - Deux gisements quaternaires en Velay : L'abri Laborde (Solignac-sur-Loire) et le gisement de plein air des Rivaux (Espaly-Saint-Marcel). Campagnes de fouilles 1976 et 1977. Nouvelles archives du Museum d'Histoire naturelle de Lyon, fasc. 15, suppl., 35-43. DAUGAS J.P et RAYNAL J.P. (1989) - Quelques étapes du Peuplement du Massif Central français dans leur contexte paléoclimatique et paléogéographique. in Variations des paléomilieux et peuplement préhistorique, Cahiers du Quaternaire, n° 13, CNRS Ed., 67-95.
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Données récentes sur les premiers peuplements en Europe
LE GISEMENT ACHEULEEN DE LANNE-DARRE (UGLAS, HAUTES-PYRENEES) ET PERSPECTIVES REGIONALES DANS LE SUD-OUEST DE L’EUROPE COLONGE David, TEXIER Jean-Pierre granites, sont réduits à l’état de fantômes de galets par la très forte altération qui s’est développée dans ces terrains.
1 - Introduction : Le gisement de Lanne-Darré se situe dans le piémont central des Pyrénées françaises, dans l’est du département des Hautes Pyrénées, près de Lannemezan (Fig. 1). Ce secteur comprend de nombreuses occupations de plein air du Paléolithique Ancien et Moyen, signalées par Louis Méroc dans la première moitié des années 1950. Il ne faisait cependant pas partie de la cinquantaine de sites répertoriés mais a été inventé par une équipe menée par André Clot en 1988, au sein de laquelle nous tenons à souligner l’activité de Jean Barragué. Nous avons réalisé les premiers sondages en 1997 et 1998. Ensuite, des fouilles programmées y ont été menées de 1999 à 2003. Ces travaux s’inscrivent dans une problématique plus générale concernant les premières occupations humaines du piémont central des Pyrénées (Colonge 1997, 2001, à paraître). Nous allons donc présenter dans les lignes qui suivent une synthèse préliminaire des données issues de la fouille de Lanne-Darré et leur mise en perspective dans le grand sudouest de la France, puis dans le cadre du « Finistère » européen. 2 - Contexte géomorphologique et géologique : Le piémont central des Pyrénées françaises comporte de nombreux cônes de déjection fluvio-glaciaires plus ou moins bien conservés. Le Plateau de Lannemezan est le plus représentatif d’entre eux car il est le moins démantelé. Il se compose de deux formations discordantes : la formation inférieure, ponto-pliocène, achève les séries molassiques tertiaires sous-jacentes alors que la formation supérieure, beaucoup moins organisée, semble correspondre aux premiers dépôts quaternaires de la Neste (Icole 1969). Les modelés du Plateau de Lannemezan sont assez monotones : ce sont de vastes étendues planes découpées en digitations par des vallées dissymétriques d’axes globalement sud-nord. Les cours d’eau qui les entaillent naissent tous sur le plateau et sont tributaires de la Garonne. Deux vallées d’origines montagnardes, la Neste et l’Arros, encadrent le plateau à l’est et à l’ouest. Les formations dites « de Lannemezan » présentent une organisation diamictique évoquant des dépôts résultant d’une accumulation de flots de débris. La fraction grossière, galets, est très hétérométrique et comporte de nombreux éléments de forte taille pouvant atteindre plusieurs m3 dans la partie amont. Aujourd’hui, elle est constituée principalement de grès-quartzites phylliteux, issus du démantèlement de la chaîne axiale des Pyrénées ; ces éléments sont accompagnés de quelques quartz, lydiennes et cinérites ou de schistes à andalousites. Les autres matériaux, comme les grès ou les
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3 – Morphogenèse et pédologie : La stratigraphie du gisement (Fig. 1) distingue deux grands ensembles. A la base, sont visibles des dépôts attribuables à la Formation Inférieure de Lannemezan : il s’agit d’un diamicton à support clastique ou matriciel formé de galets de quartzites de tailles et d’altérations très variables, ni granoclassés ni orientés, inclus dans des limons argilosableux blancs. Au-dessus, se développe un complexe colluvial de 2 m de puissance en moyenne, constitué de sables limono-argileux jaune-brun panachés de gris, à la base duquel s’observe un cailloutis de résidualisation induré. Deux niveaux archéologiques ont été individualisés à la base du complexe colluvial, au-dessus du cailloutis de base. Ils sont exclusivement composés de pièces lithique mêlées à la fraction grossière naturelle. Un luvisol, probablement holocène, affecte l'ensemble du complexe colluvial et le sommet de la Formation Inférieure de Lannemezan. On n'observe aucun sol susceptible de se rapporter au Dernier Interglaciaire. La mise en place des colluvions est donc probablement postérieure à cet épisode climatique. Les processus responsables du dépôt des colluvions sont difficiles à caractériser car les phénomènes pédologiques postérieurs (cryosols et luvisol) ont effacé l'essentiel des signatures sédimentaires. Cependant, l'intervention du ruissellement et de la solifluxion est attestée, cette dernière témoignant d'un contexte périglaciaire. Les niveaux archéologiques de Lanne-Darré se trouvent donc probablement en position secondaire. Néanmoins, plusieurs éléments (paléo-topographies, granulométrie de l’industrie, aspects physiques des pièces, etc.) plaident en faveur de déplacements d’ampleur limitée. 4 - Extension et configuration du site : L’extension du gisement telle que nous avons pu la délimiter s’étend sur plus de 4000 m² (Fig. 1). Une extrapolation raisonnable vers le nord, sur la base de ces éléments, nous permet de proposer une emprise globale comprise entre 5000 et 6000 m². Nous avons ouvert 250 m² au total, dont 75 ont été fouillés manuellement. Deux concentrations de vestiges lithiques ont été observées au sud et à l’est de la grande zone principale, dont elles demeurent séparées. La première se rapproche beaucoup de la partie centrale du site par son contexte stratigraphique et l’aspect du matériel, alors que la seconde présente une forte différence. En effet, les artefacts sont assez nettement roulés et pris dans une matrice beaucoup plus limoneuse et sombre avec d’autres blocs et galets. Cet ensemble paraît plus lié au
David Colonge, Jean-Pierre Texier
fonctionnement récent du petit vallon où passe aujourd’hui la route qu’à la morphogenèse périglaciaire qui se développe plus à l’ouest. L’espace principal du site se structure schématiquement en zones concentriques de densités décroissantes : les parties les plus denses contiennent plus de 80 pièces par m². Le profil du remplissage archéologique indique un pendage de direction globale sud-ouest / nord-est. Il semble décrire un « éventail », avec un pendage de 2 à 3 % du centre vers le nord-est et d’environ 2% du centre vers le sud. Les deux ensembles archéo-stratigraphiques répondent à ces données générales mais présentent des configurations très différentes. La couche 1 est relativement plane, formée de concentrations en forme de lentilles séparées par des zones quasiment dépourvues de tout élément autre que des graviers épars. La couche 2 est beaucoup plus épaisse, de 25 à 50 cm, très ondulée et fortement résidualisée. Leurs fractions grossières mêlent éléments anthropiques et naturels. Leurs répartitions spatiales montrent que les deux couches ont tendance à s’exclure : les faibles densité de l’une correspondent majoritairement à des fortes concentrations de l’autre.
circulant intégralement sur le Plateau de Lannemezan où les sols traversés sont très riches en oxydes de fer (Fe+++). Elles se trouvent dans l’environnement proche, quelques centaines de mètres, la première se trouvant à 300 m du site. Les quartzites et autres matériaux (cinérites, schistes tachetés…) à néocortex de teintes froides (grises à bleutées) ne peuvent être issus de tels milieux. Ils signalent donc des cours d’eau extérieurs au plateau. La Neste est la plus proche, à 7 km. Il peut également s’agir de la Garonne (14 km), de l’Arros (14 km) ou de l’Adour (28 km). Ils constituent 1 % de l’ensemble. En proportion équivalente, le silex se répartit en trois variétés. La variété provenant du plateau d’Hibarette, près de Tarbes, à 35 km, est la plus nombreuse. D’autres silex ont été récoltés à 25 km au nord-est, dans le secteur du dôme de Montmaurin, dans les formations des Petites Pyrénées. Enfin, une seule pièce a révélé à la loupe binoculaire la présence de Lepidorbitoïdes sp. (Pierre Chalard, communication personnelle), microfossile caractéristique du Maestrichtien sup. Les silex de cet étage ne sont en l’état actuel des publications connus qu’en Chalosse et suspectés dans l’ouest de l’Armagnac, 80 à 100 km à l’ouest.
5 - L’industrie :
5.2 – Tendances générales de l’industrie :
La grande similitude des séries issues des deux couches ainsi que des remontages, raccords et appariements entre elles nous permettent de proposer qu’elles proviennent d’un même ensemble originel. L’industrie présente des états de surface assez variés qui constituent un vaste continuum sans qu’aucun groupe particulier ne s’identifie. Ils sont globalement dominés par des usures mécaniques discrètes et une patine générale liée à l’imprégnation par des oxydes de fer. Elle va d’un voile qui masque le scintillement des grains de quartz jusqu’à une teinte générale, toujours légère, dans les tons ocres. La série ne présente aucun élément manifestement discordant. La présence de nombreux déchets et pièces de petite taille laisse envisager une degré d’intégrité élevé. Nous pouvons donc la considérer comme homogène et bien représentative de sa composition originelle.
L’industrie lithique de Lanne-Darré présente une nette dichotomie au sein de la production, scindée en deux aspects aux caractères spécifiques. L’essentiel de la production vise à l’obtention d’éclats et de supports de petit à moyen gabarit (Fig. 3). Cela concerne près des deux tiers de la série. Les supports des nucléus sont variés, sans liaison particulière entre leur nature, la matière première utilisée, les méthodes développées et les finalités : galets, blocs, cassons et débris, éclats sont mis à profit indistinctement pour obtenir des éclats la plupart du temps à tranchants périphériques, exceptionnellement à dos. La méthode discoïde y joue un rôle prépondérant (Fig. 3), complétée par des exploitations globuleuses, multidirectionnelles et unipolaires en proportions marginales. Les états d’avancement du débitage sont très variables. L’abandon et le recyclage, fréquent, interviennent à des moments divers. La seconde facette de la production correspond à la recherche de grands supports, au-delà de 120 mm de plus grande dimension, 140 à 150 mm en moyenne. Ils sont issus du débitage de gros blocs, d’une vingtaine de centimètres d’extension au moins. Nous avons récolté plusieurs nucléus qui évoquent une assez grande variabilité de cette production. Un premier exemple témoigne d’une exploitation par percussion « portée » (sur percuteur dormant) des plans de frappe corticaux périphériques. Deux nucléus unipolaires présentent deux à trois séries de grands enlèvements contigus progressant d’un bord vers l’autre (Fig. 4). L’un d’eux porte des stigmates évoquant son calage entre d’autres blocs pour son débitage. Des méthodes, ou variantes d’une méthode, plus complexe(s) semblent ressortir de l’analyse d’un autre nucléus, trouvé en surface dans l’emprise du gisement, et de plusieurs grands supports. Elles sont développées vers une recherche de prédétermination des produits par un contrôle de la surface de
5.1 - Les matières premières : Les matières premières utilisées pour la confection de l’industrie de Lanne-Darré se répartissent en cinq grands groupes d’importances numériques très inégales (Fig. 2). Les quartzites et autres matériaux (quartz, schistes à andalousites, …) à cortex d’altération (parfois très épais, de plusieurs centimètres jusqu’au cœur du bloc) sont les plus nombreux : 73 %. Ils sont accessibles dans l’environnement immédiat, dans les affleurements des formations de Lannemezan. Les quartzites à pseudo-néocortex, « cortex nettoyé », sont des blocs repris par de petits écoulements ou remaniements qui les ont débarrassés des épaisseurs altérées, très friables. Ils proviennent d’un environnement immédiat ou très proche. Ils forment 15 % du panel. A hauteur de 10 %, les quartzites et quartz à néocortex de teintes chaudes (ocre jaune à rouille) proviennent de rivières
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Le gisement acheuleen de Lanne-Darre (Uglas, Hautes-Pyrénées) et perspectives régionales dans le sud-ouest de l’Europe
débitage avec un système de récurrence, au moins partiel. La recherche d’outrepassages peut s’inscrire dans cette perspective. Les contraintes techniques liées à l’exploitation de tels blocs, a fortiori dans la recherche de contrôle des surfaces de débitage, sont très importantes. Hormis pour la percussion « portée », le recours à des dispositifs de calage paraît attesté. L’éventuelle interaction qui peut être développée avec la percussion directe reste à mettre en évidence. 5.3 - La transformation : Cette phase reproduit fidèlement la partition de la production dans la série : elle distingue un outillage léger, sur supports petits à moyens, d’un outillage lourd sur grands supports. L’outillage léger (Fig. 3) est fortement hétéroclite, élaboré essentiellement sur des éclats et fragments, mais également sur des débris et nucléus. Il est composé en grande majorité par des outils du groupe IV élargi de Bordes : encoches, denticulés et becs regroupent plus de la moitié de l’ensemble. Ensuite, les « divers » constituent, avec près du quart de l’échantillon, le second groupe le plus représenté. Quelques racloirs (7%) et de rares outils de type Paléolithique supérieur auxquels nous ajoutons une pointe retouchée (5%) sont les outils les plus élaborés. Des fragments d’outils complètent cette liste. La retouche est globalement irrégulière et les fronts créés ne présentent aucune standardisation. Il n’y a pas de choix de types de supports spécifiques, pour la population générale comme à l’intérieur de chaque catégorie d’outils. L’outillage lourd (Fig. 5) est légèrement plus abondant et se divise en quatre grandes familles. Les hachereaux forment la moitié de l’ensemble. Ils sont la destination principale de la production de grands supports. Le façonnage est dans la quasi totalité des cas limité, donnant une silhouette symétrique peu détachée de la morphologie du support : les résultats morphologiques en sont très divers et généralement peu établis. Il semble que la volonté essentielle soit d’obtenir un tranchant le plus large possible sur un support obtenu, ou plus rarement sélectionné, pour réaliser un hachereau. Les coups-de-poing (« bifaces et apparentés ») sont moitié moins représentés. Ils sont exclusivement réalisés à partir de grands éclats. A de rares et notables exceptions près, le façonnage est mené au percuteur dur. Les morphologies sont peu établies, d’allure essentiellement lancéolées ou amygdaloïdes. Les symétries sont dans le meilleur des cas moyennes, très peu dégagées de celles des supports, et les arêtes peu sinueuses à sinueuses, voire très sinueuses. Elles portent très fréquemment des irrégularités dans leur délinéation et/ou leur profil que n’explique aucune difficulté technique. La mise en forme est surtout partiellement bifaciale et le type de partie apicale le plus souvent réalisé est la pointe. Les pics unifaces, souvent de style « de TerraAmata », constituent également une bonne part du corpus. Leur façonnage est encore plus minimaliste. Ces outils semblent acquérir très rapidement une efficacité fonctionnelle satisfaisante. Quelques pièces sont à l’exact opposé de ce tableau : elles sont entièrement finalisées au percuteur
tendre, avec des résultats morphologiques à la hauteur de l’investissement technique : les silhouettes sont abouties et les symétries parfaites. Nous refusons de considérer le premier groupe comme des ébauches car des portions de tranchant sont finalisées, « fonctionnalisées ». L’outillage lourd sur galet est excessivement indigent. Seules cinq pièces, dont deux nucléus recyclés, forment l’effectif de cette catégorie. Elle regroupe des « choppers » aux fronts plutôt étendus, affectés d’une retouche secondaire qui se cantonne à des portions limitées et localisées des parties actives. La dernière composante est comparable au numéro « 62 » de la liste type de Bordes (Bordes, 1961), en hypertrophié. Une partie active localisée est mise en place sur des supports de gabarits élevés, sans rentrer dans le cadre de la création d’une morphologie quelconque. Il peut s’agir de pointes, de tranchants régularisés ou prolongés (ravivages ?), de becs ou de denticulés « géants », d’aménagements apparemment liés à la préhension. Ces pièces côtoient quelques ébauches de coups-de-poing. Deux types d’outils semblent composer cet assemblage hétéroclite : un ensemble voué à une utilisation ponctuelle qui ne nécessite d’autre traitement que la création de la partie active recherchée et un autre dont on veut au contraire prolonger la durée de vie en améliorant les qualités existantes, tant actives que passives. 5.4 – Economie des matières premières : Nous avons pu voir plus haut que les matières premières lithiques de cette industrie provenaient d’un territoire d’acquisition dont l’extension maximale atteignait environ 25 km vers l’est et au moins 35 km vers l’ouest à partir du site, sinon 80 à 100 km. Il décrit une bande longeant le piémont pyrénéen sur 60 à 120 km d’ouest en est. Plusieurs de ces matériaux paraissent récoltés pour des destinations spécifiques, témoignant d’une certaine économie des matières premières. Par exemple, les galets à néocortex de teintes chaudes sont d’abord importés pour des activités de percussions, puis inclus dans la production de petits éclats, peut-être après des accidents. D’autre part, les pièces portant des plages de néocortex à teintes froides sont quasi exclusivement des hachereaux. A l’heure actuelle, nous n’avons retrouvé aucune chute de façonnage de ces outils : ils ont très vraisemblablement été introduits finis sur le site. Enfin, les silex, d’origines les plus éloignées, font l’objet d’une économie drastique : il ne s’agit que de déchets ultimes, outils aux multiples cycles de retouches, débris et fragments inférieurs à 4 cm d’extension. 6 - Diagnose et comparaisons : vers la définition d’un Acheuléen pyrénéo-garonnais : Le bilan rapide que nous venons de dresser pour la série lithique de Lanne-Darré met en exergue plusieurs aspects marquants. L’outillage lourd est dominé par le tandem bifaces et hachereaux, ces derniers étant de loin les plus nombreux ; l’outillage léger est caractérisé par son indigence qualitative et quantitative et le débitage, dominé par la méthode discoïde, témoigne d’un faible degré d’élaboration général. Cet
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David Colonge, Jean-Pierre Texier
ensemble signe l’appartenance à l’Acheuléen classique du piémont Pyrénéen, tel qu’il s’exprime également sur le reste du plateau de Lannemezan (Colonge 2001) et dans les proches vallées de l’Arros (Colonge 1997 et à paraître) et de l’Adour. Ce groupe s’inscrit dans un ensemble géographique beaucoup plus grand (Fig. 6). Ses grands traits technologiques et typologiques se retrouvent dans les manifestations de l’Acheuléen dans le Piémont occidental des Pyrénées françaises, basse vallée de l’Adour et Chalosse (Bouhében ou Nantet, Thibault 1970) dans le Bas-Armagnac (Cazalège, Millet et al. 1999), dans le bassin de la Garonne (Labadie – Bruxelles et al. ce volume, Géry, l’Infernet, En Jacca, Lherm, etc., Jaubert et Servelle 1996), ou le bassin du Tarn (Campsas - Tavoso 1986, le Prône - Servelle 1982, etc.) et le Pays des Serres. Les déterminismes des matières premières dominantes et des gabarits disponibles relativisent légèrement les convergences des centaines de séries que rassemble cet espace étendu. Cette variabilité apparente ne suffit pas à nos yeux à masquer complètement les tendances techno-typologiques lourdes qui nous les font rassembler en un vaste Acheuléen pyrénéogaronnais. Les problèmes liés aux matières premières nous amènent à soulever à nouveau le problème des zones « défavorables » à l’expression de l’Acheuléen ( par exemple Jaubert et Servelle 1996) et donc des limites d’extension de ce complexe méridional. Plusieurs d’entre elles se trouvent à l’est et au nord du « cœur » classique que nous venons de décrire. Les contreforts calcaires du Roussillon recèlent de nombreuses séries du Paléolithique ancien, de surface dans les vallées de l’Agly et de la Têt en particulier (CollinaGirard 1975), et en milieu karstique avec le célèbre gisement de la Caune de l’Arago. Les matériaux aptes à la taille disponibles sont généralement médiocres, dominés par des quartz filoniens : ils confèrent un visage très particuliers aux assemblages lithiques, dont ils conditionnent vraisemblablement fortement les expressions. Néanmoins, si les industries à galets aménagés des couloirs alluviaux ne présentent guère d’affinités avec les séries évoquées cidessus, plusieurs couches du complexe médian de la Caune de l’Arago ont livré quelques outils de facture nettement acheuléenne, bifaces et hachereaux et témoignent de territoires d’approvisionnement en matières premières lithiques comparables à ceux de Lanne-Darré ( par exemple Lebel 1992). Nous pensons que ces éléments permettent de rattacher ces industries à la mouvance pyrénéenne. La vallée de l’Aude et la bordure de la Montagne Noire sont malheureusement à l’heure actuelle trop peu documentées pour autoriser une détermination avancée de leurs occupations anciennes. Le Quercy présente des problèmes comparables à ceux du Roussillon. Mis à part quelques gîtes à silex, les matériaux les plus abondants, et les plus usités dans les industries anciennes, sont des quartz et quartzites, aux propriétés au demeurant très proches, issus du Massif Central. Si ces matériaux dominants imposent de fortes contraintes aux expressions technologiques et culturelles, empêchant donc la réalisation de certaines pièces, nous avons pu voir sur le proche site des Bosses, à Lamagdeleine (Jarry et al. à
paraître), dans un contexte plus « Paléolithique moyen » que des roches rares comme du silex ou des quartzites fins verts, étaient disponibles et permettaient de réaliser des outils au caractère acheuléen comme des bifaces. Nous tendrions plutôt à ne pas rattacher le Quercy à l’Acheuléen pyrénéogaronnais. Le Périgord, enfin, recèle entre autre les sites classiques de « l’Acheuléen Méridional » de François Bordes (CombeGrenal, Pech-de-l’Aze II, …, Bordes 1971) et les industries acheuléennes du Bergeracois (Cantalouette – Guichard 1965, Menestruegas – Brenet 1996, …). Le premier concept a aujourd’hui beaucoup perdu de sa teneur, ce qui nous fait, à l’occasion, déplorer qu’il mobilise encore cette appellation qui conviendrait bien mieux que le barbarisme que nous utilisons pour l’Acheuléen du sud du Bassin Aquitain. Le second groupe évoqué bénéficie d’une documentation récente et fournie. Les chaînes opératoires de façonnage bifacial et leur contexte technologique général, le débitage « trifacial » par exemple, tous deux souvent abusivement généralisés à l’ensemble du sud-ouest de la France, présentent une grande homogénéité sur ce territoire. Les traditions techniques et typologiques qui s’y expriment n’ont que très peu de points communs avec l’ensemble pyrénéo-garonnais. Nous pensons qu’elles se trouvent déjà dans une autre sphère. Toutes ces considérations nous amènent à souligner la grande proximité des manifestations de l’Acheuléen dans toute la bordure des Pyrénées, la Gascogne, le Haut et moyen bassin de la Garonne et le bassin du Tarn, qui forment l’extension de ce que nous devons continuer à appeler l’Acheuléen pyrénéogaronnais. 7 - L’Acheuléen pyrénéo-garonnais dans le finistère européen : Ce complexe techno-culturel trouve des points de comparaison au delà de la frontière naturelle que semblent constituer les Pyrénées. Le Paléolithique ancien, et l’Acheuléen en particulier, bénéficient d’une tradition de recherches longue et pérenne dans la Péninsule Ibérique ; des générations d’équipes pluridisciplinaires se sont attachées à l’étude de sites et séries de tous types. Plusieurs régions phares se distinguent pour l’Acheuléen : la Meseta centrale, la sierra d’Atapuerca, le bassin du Taje et le haut bassin du Guadiana. Nous pouvons citer quelques grands sites : Torralba, Ambrona, Aridos, El Sartalejo ( par exemple Raposo et Santonja 1993 ou Santonja et Villa 1990) ou la Galería à Atapuerca (Carbonell et al. 1999) pour l’Espagne et Alpiarça ou Rodao pour le Portugal (Penalva 1987 et références au-dessus). Ces travaux permettent de dresser un bilan assez contrasté des développements de ce complexe chrono-culturel, dont nous allons tout de même tenter d’extraire quelques tendances majeures. Un élément marquant attire cependant l’attention sur la majorité de ces sites : le hachereau (Mourre 2003)occupe une place importante dans l’outillage lourd aux côtés des coups-de-poing. Le petit débitage apparaît souvent comme peu structuré, avec une méthode discoïde peu élaborée répandue. Plusieurs sites, El Sartalejo ou la Galería d’Atapuerca, présentent aussi une production de grands supports, principalement destinée au façonnage de
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de la région de Cadix à la Catalogne. Les Pyrénées, frontière naturelle et climatique, sont en fait un véritable trait d’union culturel de l’Acheuléen Ibérique.
hachereaux. Quand ils sont mis en évidence, comme à la Galería par exemple, des territoires d’acquisition des ressources minérales s’étendent sur une cinquantaine de kilomètres. Ces grandes caractéristiques de l’Acheuléen classique ibérique sont très proches de celles que nous avons mises en exergue pour l’Acheuléen pyrénéo-garonnais. La phrase devrait être retournée car nous voyons dans ce dernier l’extension et la limite septentrionale du premier. L’Acheuléen classique nous semble former un vaste ensemble assez homogène de l’Estremadure au parcours moyen de la Garonne, à l’exception du rivage méditerranéen,
David Colonge1 et Jean-Pierre Texier2 1 - INRAP Grand Sud-Ouest et UMR 5608, « Unité Toulousaine d’Archéologie et d’Histoire » 2 - Université de Bordeaux I, UMR 5808 du CNRS, Institut de Préhistoire et de Géologie du Quaternaire
Bibliographie :
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David Colonge, Jean-Pierre Texier
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Fig. 1. localisation, plan et log stratigraphique du gisement de Lanne-Darré.
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Figure 2. origine des matières premières lithiques de l’industrie de Lanne-Darré.
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Figure 3. Lanne-Darré, petit débitage selon la méthode discoïde et outillage léger.
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Figure 4. Lanne-Darré, exemple de nucléus à grands support évoquant l’utilisation d’un calage dur.
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Figure 5. Lanne-Darré, outillage lourd, hachereaux et coups-de-poing.
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Figure 6. l’Acheuléen pyrénéo-garonnais dans le contexte Paléolithique ancien et Moyen ancien du Sud-Ouest de la France.
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Données récentes sur les premiers peuplements en Europe
DONNEES NOUVELLES SUR LES RESTES FAUNIQUES ET LITHIQUES DANS LES DIFFERENTS NIVEAUX D’OCCUPATION DU SITE D’ORGNAC 3 (ARDECHE, SUD-EST FRANCE) : TYPES D’OCCUPATION MOIGNE Anne-Marie, MONCEL Marie-Hélène Résumé Le site d’Orgnac 3 a changé d’aspect au cours de son histoire, offrant aux hommes une grotte, un abri sous roche et une doline en plein air. La séquence est datée par méthodes radiométriques et biostratigraphiques de l’OIS 9 et du début de l’OIS 8. Les hommes sont revenus régulièrement s’installant principalement en bordure de la paroi, celle-ci induisant l’organisation de l’espace structurée également autour des foyers. Ce site est aussi un cas idéal pour examiner la façon de gérer l’espace dans des contextes techniques très différentes. Le débitage Levallois apparaît au sommet de la séquence, vers 300 000 BP. L’analyse conjointe des restes lithiques et osseux et leur distribution horizontale permet dans les niveaux 6 et 2 pris en exemple de constater des types d’occupation différents. Malgré des activités variées, le site est occupée de la même manière, et ceci indifféremment à la durée de l’occupation (plusieurs allers et venues, longue occupation humaine), aux espèces chassées et aux comportements techniques. Abstract The site of Orgnac 3 shows changes of its morphology along time. At the beginning of the human settlement, the site was a cave, then a shelter and at the end an open-air site. The sequence is dated from the OIS 9 and the beginning of the OIS 8. Human frequently came while the shape site changed, living along the walls and staying around the fire places. This site is also a good example to observe the spatial organisation in various technological context. The Levallois debitage appears at the top of the sequence, around 300 000 BP. The both analysis of the artefacts and the bone remains of two levels, the levels 6 and 2, give evidence of different activities. In spite of these activities, human live and organise in the same way their settlement, whatever the length of the occupation (several short occupations, one long occupation), the hunted species and the technological behaviour.
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Introduction : le site d’Orgnac 3 Le site d’Orgnac 3 est localisé sur un plateau à proximité de la vallée du Rhône, sur sa rive droite et au sud des gorges de l’Ardèche. Il a été fouillé de 1959 à 1972 par Jean Combier (Combier, 1967). La séquence d’occupation humaine est datée du stade 9 et du début du stade 8 par ESR, U/th, minéraux volcaniques et bio-stratigraphie (Falguères, 1988 ; Debard et Pastre, 1988) (tabl. 1). Les hommes sont venus occuper dans un premier temps une cavité, résultat de l’ouverture d’un aven. Puis, le plafond disparu, les hommes se sont installés à l’air libre à l’abri d’un talus rocheux dans une dépression (doline). Dix niveaux d’occupation ont été observés. L’étude porte sur deux d’entre eux, le niveau 6, à la base, et le niveau 2 au sommet. Ils permettent d’examiner le type d’occupation, la fonction du site mais aussi l’organisation de l’espace dans des contextes d’habitat très différents. Le niveau 6 est en contexte de grotte et le niveau 2 est en grande partie en plein air. Les surfaces fouillées sont, pour les deux niveaux, de 39 m², en bordure de la paroi orientale de la grotte, là où subsistent des résidus du plafond (dernier secteur couvert de la cavité). Ce site est également un sujet d’étude idéal avec l’apparition du débitage Levallois vers le sommet de la séquence. Les niveaux inférieurs 5a, 5b, et 6 ont livré sept dents humaines (OIS 9). Deux des quatre molaires temporaires (Homo 2 et 9) correspondent sans doute à un enfant âgé de 9 ans environ et les deux incisives à un enfant de 5 ans (Homo 7 et 8). La couronne de ces dents a des dimensions élevées supérieures à celles d'un enfant actuel et à celles des enfants néandertaliens (Lumley, 1981). La forme allongée de la deuxième molaire de lait est différente des dents actuelles qui sont plutôt carrées. La dent Homo 2 ressemble aux deux secondes molaires inférieures de l'enfant anténéandertalien de la Caune de l’Arago (Arago I et V).
Anne-Marie Moigne, Marie-Hélène Moncel
Figure 1. Séquence schématique et coupe stratigraphique du site d’Orgnac 3 (Ardèche, France) (Combier, 1967 ; Moncel, 1999) La séquence d’occupation Plusieurs critères interviennent pour justifier le choix d'un site : l'abri, le gibier, la matière première. Orgnac 3 apporte la preuve d'une occupation répétée d'un plateau par les hommes, et pas uniquement des vallées et des abords des cours d'eau. Ce plateau est peu élevé et facilement accessible à partir de la vallée du Rhône ou des vallées le bordant. Le site devait offrir un certain nombre d’atouts. - l'abri : les nombreux avens de ce plateau karstique ont certainement fourni les abris nécessaires, en particulier dans le calcaire urgonien propice au développement de cavités. - le gibier : le plateau offrait de vastes espaces pour le gibier et leur présence indique un minimum d'eau (mares d'eau stagnantes dans les dolines, percolations dans les cavités, …). Au cours du temps, l'espèce dominante chassée par l'homme change, sans doute en liaison avec les changements climatiques. La bonne concordance entre les résultats de l’étude paléoenvironnementale et la variation de proportions entre les différentes espèces chassées permet de montrer que les hommes ont prélevé préférentiellement les espèces les plus fréquentes aux alentours du site. Dans les niveaux profonds, ce sont plutôt des individus juvéniles et âgés. Dans les niveaux supérieurs, alors que le site fonctionne en habitat de plein air, des hardes ont été ponctionnées en été ou en automne (Forsten et Moigne, 1998)
- la matière première : les gîtes à silex sont peut-être une des principales raisons de la présence humaine. Les types d'assemblages, en l'occurrence dans la partie inférieure de la séquence, ne font cependant pas penser à des occupations uniquement tournées vers la gestion du silex. Les hommes peuvent récupérer des matériaux sur de grandes distances. La chaîne opératoire de débitage est par ailleurs entière et il y a façonnage d'outils. Des opérations de subsistance sont également observables au travers de la faune. L'hypothèse de restes d'ateliers de taille est plus tentante pour le niveau 1. Toutefois, les gîtes étant à quelques kilomètres, il paraît peu probable d'imaginer un transport par l'homme de nombreuses plaquettes uniquement pour le débitage. Une installation directement sur place paraîtrait plus logique, sauf si une installation prolongée nécessite un abri. La disparition d'une partie de la faune par altération pourrait expliquer cette accumulation lithique ayant eu lieu lors de nombreuses occupations disposées au même endroit pour des raisons de confort à l'abri du talus calcaire, occupations qui ont pu être proches dans le temps et faîtes par des groupes humains de même traditions techniques. L’emploi du débitage Levallois marque de nouveaux comportements techniques et la faible fréquence de l'outillage est peut-être liée à l'absence du besoin de retouches sur les très nombreux éclats.
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Données nouvelles sur les restes fauniques et lithiques dans les différents niveaux d’occupation du site d’Orgnac 3 (Ardèche, France)
Orgnac 3
niveau 1 air libre niveau 2
Grands mammifères Rongeurs (Combier, (Jeannet, 1972) Aouraghe, 1992) Paléoécologie Eq.steinheimensis + Bos-Bison et Cervus elaphus prairie dominante Niveau à Chevaux dominants+ Bos-Bison, Cervus elaphus Prairie et forêt ouverte
niveau 3
Niveaux à bovidés Paysage steppique Bos Bison , Hemitragus, sec Cervus elaphus et Equus
niveau 4 grotte
Bos et Bison + C. elaphus ,Equus mosbachensis., D. hemitoechus Niveaux à bovidés Cervus elaphus Début Riss +Equus s. Bos-Bison, D. hemitoechus prairie forêt claire
niveau 5 grotte
niveau 6 grotte
Cervus elaphus , Dama Mindel-Riss Paysage forestier clactoniana, Capreolus +Equus s. méditerranéen forêt dominante
niveaux 7-8 grotte
Cervus elaphus Rangifer tarandus Crocuta spelaea
Fin Mindel
Oiseaux (MourerChauvire, 1975) Espèces froides
Pollens Primates Rhinocéros **
plus
(par rapaces)
Espèces plus D .hemioechus. tempérées Zone 24 (méditerranéen) (Riss) prairie-parc boisé forêt ouverte Fin Mindel Riss Stalagmite Semi-forestier Méditerranéen Cynomorphes (climat tempéré) Celtis australis
Microfaune Datations (El Hazzazi, U/Th ESR 1998) minéraux *** Espèces OIS 8 U/Th, ESR, froides plus minéraux fréquentes volcaniques clinopyroxène vert : vers 300 000 ans (Debard et Pastre 1988) cendres : 298 000 +- 55 000 BP
Espèces tempérées plus fréquentes (OIS 11 ?) climat méridional tempéré chaud
309.000 + - 34.000 BP. OIS 9 U/Th, ESR U/Th 288.000 - 45 et + 82 et 374.000 - 94 et + 165
à cachet méditerranéen
d’après les données de ** Gauthier, 1992 ; Tillier et Vandermeersch, 1976 ; Guerin, 1980 *** Shen, 1985 ; Falguères, 1986, et al., 1988 ; Debard et Pastre, 1988; Laurent, 1989 ; Khatib, 1989, 1994 ; Masaoudi, 1995, et al., 1996
Tableau 1. Données paléoenvironnentales pour Orgnac 3 (Fouilles J. Combier 1959-1972) -un site de plateau (325 m d'altitude), 600 m² habitables, orienté S/SO, substrat urgonien- (Moncel, 2003)
Données lithiques et fauniques des niveaux 6 et 2 - Données lithiques Les données lithiques opposent globalement ces deux phases d’occupation (Moncel, 1989, 1995 ; Moncel et Combier, 1992). Le matériel lithique du niveau 6 (2288 pièces) montre un débitage de type centripète sur plaquette de silex d’origine très locale (rares galets de silex provenant du lit du Rhône). L’outillage sur éclat, le plus nombreux, est varié même si les racloirs dominent (Moncel, 1996). Les bifaces sont présents. Les occupants du niveau 2 (5654 pièces) ont en revanche pratiqué un mode de débitage de type Levallois, centripète
principalement. Les outils sur éclats sont dominés par les racloirs avec des retouches fines. Les bifaces, plus des outils bifaciaux de grande taille, sont proportionnellement très rares. Ces deux phases d’occupation montrent deux mondes techniques totalement différents, même si dans les deux cas, le débitage d’éclats domine largement les comportements (tabl. 2). Chacun des deux niveaux renferment vraisemblablement plusieurs occupations, mais certainement proches dans le temps par la cohérence des comportements techniques. Ce site a donc enregistré l’apparition du débitage Levallois vers 300 000 BP. marquant des comportements techniques orientés vers une activité dominante de débitage par des méthodes longues et complexes.
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Anne-Marie Moigne, Marie-Hélène Moncel
Orgnac 3 site de plateau 600 m² habitable orienté S/SO
niveau 1 air libre OIS 8 (U/Th, ESR, minéraux volcaniques) niveau 2 abri sous roche/ plein air niveau 3 abri sous roche/ grotte niveau 4 grotte niveau 5 grotte OIS 9 (U/Th, ESR) niveau 6 grotte
niveaux 7-8 grotte
restes fauniques nombreux individus haltes saisonnières traces de découpe fracturations
silex débitage plaquettes : plateau (2-3 km) galets : Rhône (15 km) local et semi-local Equus steinheimensis débitage Levallois plaquette et 50% (> juveniles et (sur éclats) jeunes adultes) + Bos-Bison et Cervus elaphus
silex outillage
silex façonnage + calcaire, chaîne opératoire basalte sur place façonnage sur place
autres matières premières galets : Ardèche, Cèze, Rhône semi-local
6% d'outils 1 ou 2 outils bifaciaux 60% racloirs + divers outils rac. simples, ret. Réduites
quartzite > grands galets percuteurs, galets aménagés 26 pièces
Equus 54% + Bos-Bison, Cervus elaphus, Dama c. Cervus elaphus 33% + Bos-Bison et Equus s.
débitage Levallois 8 % d'outils (sur plaquette et racloirs > + divers éclats) débitage Levallois 14,5 % d'outils (sur plaquette et racloirs > + divers éclats) Bos-Bison 35% débitage centripète et 14% outils + Cervus elaphus 30%, Levallois outillage diversifié Equus s. 16%, D. hemitoechus Cervus elaphus 38% débitage centripète et 9% d'outils +Equus s. 21% Levallois outillage diversifié (juvéniles, âgés), BosBison 16%, D. hemitoechus Cervus elaphus 35% débitage variés, 14% d'outils +Equus 23% (juvéniles, centripète diversité de âgés) l'outillage ret. parfois transformante Cervus elaphus Crocuta spelaea
5 outils bifaciaux et 54 pièces bifaces 17 outils bifaciaux et 19 pièces bifaces 18 outils bifaciaux et 36 pièces bifaces 46 (5%) outils 79 pièces bifaciaux et bifaces diversité des roches percuteurs multiples outils variés 5 outils bifaciaux et 5 pièces bifaces
6 bifaces (niveau 7)
Tableau 2. Orgnac 3 : un site de plateau (Moncel, 2003) - Données fauniques Liste des espèces
Niveau 6 NR % dentaire 18 1. 7 0.9 22 2 23 2 8 0.4 9 0.4 21 1.5 5 0.2 42 4.7 437 34.4 68 7.9 20 1.9 12 1.5 79 16.9 282 23.2
Canis lupus Vulpes vulpes Cuon priscus Crocuta crocuta Lynx spelaea Felis silvestris Ursus deningeri Meles meles Sus priscus Cervus elaphus Dama clactoniana Capreolus capreolus Hemitragus bonali Bos- Bison Equus mosbachensis Equus steinheimensis Stephanorhinus hemitoechus 24
2.1
Niveau 2 NR % dentaire 3 0,4
2
0.4
10
1
20 4.2 121 15.9 17 2.7 6 83
1.2 21.8
259 53.6 6 1
Tableau 3. liste des espèces des deux niveaux en nombre de restes, proportions des différentes espèces d’après les restes dentaires.(Moigne) Le niveau 6, daté du stade isotopique 9, est composé principalement de cervidés, en particulier Cervus elaphus, de chevaux et de grands bovidés. Les carnivores sont abondants (hyènes par exemple). En revanche, le niveau 2, daté du début du stade isotopique 8, voit la multiplication de Equus caballus, alors que le climat se refroidit et que la steppe s’installe.
Le niveau 6 est particulièrement riche en ossements d’animaux, bien conservés, mais systématiquement fragmentés, intentionnellement. Le matériel osseux est très abondant et son état de conservation excellent. Le rapport dents/ ossements est de 40%. L’inventaire des ossements indique une représentation de l’ensemble des os du squelette, y compris de nombreux fragments crâniens, les os des côtes et des vertèbres, les os courts ainsi que tous les os longs, ces
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Données nouvelles sur les restes fauniques et lithiques dans les différents niveaux d’occupation du site d’Orgnac 3 (Ardèche, France)
derniers sont fragmentés (Moigne et al, 1998). L’aspect de surface des os est souvent difficile à apprécier du fait de l’importance des concrétions qui se présentent souvent dans ce niveau sous la forme de poupées ou de voile épais. Néanmoins, lorsque la surface est visible nous n’avons qu’un faible pourcentage de desquamation et de fissuration puisque 0,01 % des os sont altérés. La fracturation intentionnelle et les traces sont alors bien visibles, traces d’origine biologique en particulier dues aux carnivores qui affectent 5 % des os ou aux hommes, stries, encoches de percussion et ustion qui affectent 15 % des os. Ces ossements présentent de nombreuses traces anthropiques et en particulier des stries. Les associations anatomiques sont abondantes dans ce sol, les carcasses ont été dépecées sur place. La faune est très diversifiée et provient essentiellement de la chasse car les profils de mortalité évoquent nettement une prédation plutôt orientée vers les individus adultes, quel que soit le gibier. Différentes techniques de chasse sont utilisées, sous couvert forestier ou à découvert. Trois populations ont été plus particulièrement étudiées dans ce niveau : les sangliers, les cervidés, cerfs et daims ainsi que les chevaux. Cette diversification du comportement nous permet de penser que ce niveau épais et riche, comprenant des dents humaines, des structures de foyers, de nombreux os brûlés, correspond à une occupation d’assez longue durée, avec une exploitation des différents biotopes autour de ce site, pendant plusieurs saisons. La liste de la faune de grands mammifères est assez importante, 16 animaux y sont répertoriés, en proportions variées (Tableau ). Les cervidés sont les plus abondants, 50 % des restes d’animaux, représentés par Cervus elaphus, Dama clactoniana, Capreolus sussenbornensis. L’étude réalisée sur les différentes populations de cervidés montrent que les jeunes ont été tués en automne. Les Bovidés sont relativement rares, Bos primigenius, Bison priscus et Hemitragus bonali. Les deux grands bovidés ont bien été identifiés sur des critères paléontologiques ( Kacimi, 2003) mais il n’est pas possible de séparer l’ensemble du matériel post-crânien, ils sont donc regroupés dans la catégorie BosBison. Ces animaux sont surtout représentés par des individus adultes et âgés (Eprilurahman, 2003). Les sangliers sont relativement abondants dans ce niveau par rapport à la fréquence de ces animaux dans les gisements du Pléistocène moyen, ce qui représente une des particularités du site d’Orgnac 3. La population de sangliers rassemblée dans ce niveau correspond à 7 individus dont trois jeunes morts en hiver et au printemps. Les chevaux, Equus mosbachensis sont abondants et représentent la deuxième espèce en terme de consommation de la viande, les profils de mortalité indiquent une nette dominance des adultes avec quelques rangées dentaires de jeunes individus morts au printemps. Les rhinocéros sont également présents. Les carnivores sont abondants et représentent 10 % du nombre d’animaux identifiés, ce qui s’explique par la morphologie du site. La grotte a servi de repaire occasionnel aux loups, aux chats, lynx, à l’ours et aux hyènes ainsi qu’ au blaireau. Les carnivores sont souvent des animaux jeunes en particulier les petits félidés. Les traces observées, os rongés ou croqués, affectent surtout les ossements de carnivores.
Le niveau 2 est un niveau épais, très riche en ossements mal conservés, représentés pour la plupart par des restes dentaires. Le rapport dents/ ossements y atteint 70 %. La fracturation sur ce niveau est intense, et la surface des ossements est altérée. La répartition squelettique montre une disparition probable des os de petites taille en particulier les os des articulations du carpe et du tarse, ainsi que des phalanges. Les côtes et les vertèbres y sont également moins bien conservées. Cette altération se lit sur l’aspect de surface de 10 % des ossements qui présentent un degré de desquamation ainsi qu’une fissuration importante, en particulier due à la présence de nombreuses racines et d’une importante circulation de l’eau. La faune est surtout représentée par de grands herbivores, cheval et bison, les cerfs et les sangliers sont plus rares. La sélection des animaux chassés est moins concentrée sur les animaux adultes. Quelques juvéniles permettent de préciser que ces chasses ont été organisées pendant une saison particulière. L’origine de l’accumulation du niveau 2 est anthropique, les carnivores y sont très rares, mais l’impossibilité de lire la plupart des traces la rend plus difficile à interpréter. La liste de la faune est influencée par cette altération plus importante que dans le niveau 6, les animaux de petites tailles sont sous évalués si on considère l’ensemble des ossements. La proportion des espèces doit se lire principalement sur le pourcentage de dents, ce qui réduit l’hétérogénéité de la conservation différentielle. Les chevaux Equus steihneimensis dominent largement 54% (Forsten et al, 1998), suivis par les grands bovidés 22%. Dans ce niveau, le bison est nettement mieux représenté que l’aurochs. Les cervidés ne représentent que 19% des dents, surtout du Cervus elaphus, Dama clactoniana est rare et Capreolus absent. Le sanglier reste relativement abondant 4%. Les carnivores, 0,8%, sont rares représentés par le loup, l’ours et l’hyène. Les traces qui peuvent leur être attribuées sont réduites à 0,05 %. L’influence des carnivores sur l’accumulation osseuse est quasi-nulle. Ces caractéristiques taphonomiques sont celles d’un site de plein-air, ce qui correspond bien à l’évolution du gisement pendant l’occupation du niveau 2. Les profils de mortalité des populations animales les plus abondantes révèlent surtout des populations adultes y compris pour les grands bovidés souvent représentés dans les niveaux inférieurs par des animaux âgés. Néanmoins les jeunes individus des différentes espèces nous ont permis d’identifier une seule saison d’abattage, c’est à dire la fin du printemps et l’été, saison reconnue pour les cervidés, pour trois poulains ainsi que pour le jeune sanglier. L’ourson tué approche des six mois. Ainsi les indices qui permettent de définir une saison de chasse concordent tous pour la même période de l’année. Les traces observées sur les ossements de cerf, de chevaux et de bisons (Setiamaga, 1999) sont caractéristiques d’un dépeçage systématique, les membres sont désarticulés et les os longs sont fracturés longitudinalement y compris les premières phalanges de chevaux. Les traces d’utilisation observées sur les métapodiaux et les radius de chevaux correspondent à des traces en coup d’ongle qui se produisent lors de l’affûtage des outils, (Moigne, 1996). Ces « proto-
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retouchoirs » constituent une caractéristique des niveaux supérieurs du gisement d’Orgnac 3. L’organisation de l’espace au travers de la faune et des artefacts 1. Le niveau 6 : un contexte de grotte (Fig. 2, 4) La densité moyenne des artefacts est de 58,6 pièces par m², mais deux zones plus denses se dessinent : l’une au nord, la plus dense, et la seconde au sud. Du matériel est par ailleurs dispersé sur toute la surface fouillée, plus dense le long de la paroi, cette dernière jouant peut-être un rôle attracteur, en l’absence d’informations sur un éventuel déplacement de matériel (arêtes fraîches des artefacts). Ces deux zones sont visibles pour les nucléus (la plupart centripètes sur fragments de plaquette), les éclats bruts et les racloirs (3 zones). Les éclats sont situés en périphérie des plus grandes concentrations de nucléus. Les éclats de biface (ravivage ou préparation sur place) et d’outils sur galet sont eux-aussi fortement concentrés dans le secteur nord bien que plus dispersés en moyenne que les autres pièces. Ils sont souvent regroupés entre eux (bifaces et outils sur galet associés). Ces deux zones sont moins nettement visibles pour les bifaces qui sont dispersés (aménagés sommairement sur plaquette) et les galets entiers, galets cassés et à enlèvements isolés qui sont quant à eux regroupés dans la zone nord. Situé le long de la paroi est, un secteur principale d’activité paraît se dessiner, même si les pièces sont un peu dispersées (phénomènes post-dépositionnels). Ce secteur serait associés à une zone secondaire plus au sud, toujours le long de la paroi. S’agit-il de zones de débitage du silex ? Les outils sur éclat les plus nombreux sont eux-aussi associés à ce secteur. En ce qui concerne les autres outils (sur quartz, basalte et quartzite), on retrouve une même dispersion dans le secteur nord le plus dense pour les galets entiers, galets cassés et à enlèvements isolés et leur déchets (percuteurs ?). En revanche, les outils sur galet sont plus regroupés sur une plus petite surface de ce même secteur. Les éclats de biface sont eux-aussi préférentiellement dans cette zone, alors que les quelques bifaces sont dispersés plus au sud (autre zone pour leur usage ?). Bifaces et outils sur galets seraient en périphérie des zones de débitage (secteurs pour activités d’autres types ?). Les galets, ayant pu servir de percuteurs, sont en revanche fortement associés aux nucléus et éclats (amas de débitage). La répartition des ossements sur la surface fouillée (1135 restes) est assez large avec cependant une forte densité au nord, diminuant progressivement sur la périphérie. La répartition des ossements affectés par les activités anthropiques, stries et fracturation intentionnelle ou os brûlés, montre plusieurs points de concentration, également au nord de la zone fouillée. Plusieurs centres d’activités sont a priori dispersés, tous situés le long de la paroi de la grotte. La répartition des os brûlés se calque sur l’emplacement des foyers.
2. Le niveau 2 : un contexte d’abri et de plein air (Fig. 3, 5) Le niveau 2 est plus dense en pièces lithiques (144,9 pièces par m²). Toutefois, on retrouve une permanence dans la localisation des deux zones d’artefacts de plus forte densité, alors que le plafond a fortement reculé. La paroi a pu joué alors un rôle d’abri. Les éclats ordinaires sont localisés en majorité dans la zone nord à proximité des éclats Levallois et des nucléus Levallois qui sont à la fois très nombreux sur quelques carrés et dispersés sur l’ensemble de la zone fouillée (17 et 12 nucléus sur 2 carrés). Les nucléus prismatiques, discoïdes et les ébauches de nucléus sont plus regroupés dans deux secteurs, un secteur nord correspondant à la forte densité des éclats et un secteur sud, légèrement en retrait de la paroi et où ils sont moins nombreux. L’outillage est dispersé le long de la paroi et les racloirs sont abondants dans la zone nord, la plus dense en artefacts. Les quelques bifaces sont localisés sur les deux zones, les outils sur galet tout le long de la paroi alors que les éclats de galets, les galets entiers, cassés et à enlèvements isolés paraissent plus dispersés de manière aléatoire (dispersion des percuteurs à proximité des éclats et des nucléus Levallois ?). Le gros outillage est, comme pour le niveau 6, regroupés en petits lots. La distribution des artefacts dans les niveaux 6 et 2 est assez identique alors que pour le niveau 1, occupation en plein air à l’abri d’un talus calcaire, les hommes auraient occupé préférentiellement un secteur sud-ouest, en décalage avec le talus (Moncel, 1998-1999). L’analyse des processus sédimentaires ne permet pas de supposer un déplacement des objets en masse. Les nucléus sont regroupés entre eux, et il n’y a pas dissociation de la chaîne opératoire Levallois dans l’espace, absence de postes de débitage spécialisés. La nappe d’éclats est plus dispersés (déplacement d’objets), de même que les outils sur éclat et les pièces façonnées qui sont toutefois eux-aussi intégrés à la nappe d’objets. Nous aurions un espace de débitage plus réduit qu’un espace domestique de consommation plus large. La densité des ossements est très forte le long de la paroi du talus, plus dense de nouveau au nord. Les restes osseux sont plus concentrés que dans le niveau précédent. Les ossements portant des stries et impacts sont regroupés dans la zone nord, la plus dense. Les os brûlés sont très nettement localisés dans un secteur très réduit, témoin d’un foyer. Les chasseurs de chevaux qui ont occupé le site d’Orgnac 3 lors du niveau 2 se sont installés préférentiellement le long de la paroi effondrée, qui a reculé par rapport à la période du niveau 6.
Discussion : le type d’occupation 1. Niveau 6 Si les différents éléments apportés par l’étude taphonomique, paléontologique et spatiale sont croisés, il apparaît que le séjour des hommes dans cette grotte bien abritée, s’est déroulé sur plusieurs saisons, automne, hiver et printemps
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Données nouvelles sur les restes fauniques et lithiques dans les différents niveaux d’occupation du site d’Orgnac 3 (Ardèche, France)
entrecoupés de périodes d’abandon en particulier en hiver laissant alors la place à des carnivores. Les hommes ont chassé la plupart du gibier dans un environnement forestier, cerf, daim et sanglier (60% Cervus elaphus, 30% Bos-Bison). Cet environnement correspond à l’environnement immédiat de la grotte décrit par les analyses environnementales classiques. Les chasseurs ont également rapporté vers leur refuge de nombreuses carcasses entières de grands animaux adultes, chevaux ainsi que des grands bovidés, élargissant leurs terrains de chasses à des zones ouvertes, plus éloignées. Les petits bovidés proviennent des zones de falaises environnantes. La consommation de ce gibier est bien illustrée par le type de traces observées sur les os en particulier les ossements de bovidés et de chevaux. La fracturation est intéressante puisque sur ce site les os longs de chevaux et en particulier les fragments de radius et de métapodiaux présentent un format très systématique. Ces ossements semblent être fracturés exactement de la même façon, contrairement à ce que l’on peut observer sur des sites plus anciens. Par contre la cuisson de la viande n’a pas pu être mise en évidence d’après la localisation des traces d’ustion. Les ossements sont le plus souvent totalement brûlés ce qui correspond plutôt à l’action de les jeter déjà consommés dans le foyer. Ce type de comportement correspond à une occupation de longue durée, les hommes reviennent vers un abri régulièrement, à plusieurs périodes de l’année en fonction des chasses qu’ils peuvent pratiquer, l’intercalation avec des occupations carnivores régulières semble indiquer l’abandon partiel de la caverne à diverses reprises tandis que la densité des ossements découverts ainsi que la présence de dents de lait d’enfants montre que les familles s’installaient aussi très régulièrement dans le site pour y exploiter les différents biotopes alentours. Les occupants y pratiquent les mêmes activités lithiques, tant au niveau du débitage que de l’outillage. Une même activité lors de ces différentes occupations est à envisager, pratiquée par des groupes de même tradition technique. Il peut autant s’agir d’un camp de base à occupation de longue durée que d’allers et venues très proches dans le temps. Ce ou ces occupations se sont déroulées le long de la paroi, à l’abri du surplomb rocheux, de plafond de la grotte. La zone la plus dense est située au nord de la zone fouillée et délimite deux zones d’activités matérialisées par les concentrations d’os brûlés, les os striés ou fracturés, les amas de nucléus, les racloirs, les outils sur galets et les quelques bifaces. En périphérie se dispersent les éclats bruts et les ossements sans trace d’intervention anthropique. Ces concentrations pourraient être l’indice de deux zones d’activités principales organisées autour des foyers et des postes de débitage. Une serait principale par la densité des objets, l’autre plus secondaire. Ces zones sont soit contemporaines, soit correspondent à des occupations récurrentes distinctes. Plusieurs places sont possibles et disponibles, toutes le long de la paroi. Les quelques remontages de pièces lithiques concernent la zone nord de la fouille.
2. Niveau 2 Le site pendant le niveau 2 peut être qualifié de campement saisonnier car l’occupation des hommes est dense, mais regroupée sur une seule saison. Deux biotopes sont exploités, le plateau couvert à cette période de steppe ou de prairie où les sols ont été amendés par les apports volcaniques contemporains et les zones abritées et les gorges, forestières. Les sangliers et les cerfs y sont abondants et recherchés par les hommes. Les chasseurs ont gardé les mêmes techniques de chasse (traque ou affût) pour ces animaux, les courbes de mortalité étant sensiblement les mêmes que dans les niveaux inférieurs. La chasse sur le plateau ardéchois se déroule pour tuer les bisons et les chevaux, les bêtes abattues sont des jeunes adultes et des adultes ; ces animaux migrateurs doivent pâturer en été dans la zone et les hommes viennent occuper le site pour cette occasion. Les diagrammes obtenus sont un peu différents de ceux des niveaux antérieurs et les techniques de chasse sont peut-être un peu différentes, correspondant à des chasses plus spécialisées. Cette occupation semble donc correspondre à une occupation courte et intense du site. La densité relative des ossements sur les deux niveaux présentés se superpose presque exactement à celle de l’industrie, le long de la paroi de l’abri. Toutefois, la plus forte adéquation concerne les restes osseux et les outils sur galet, répandus étroitement le long de la paroi (zone de traitement des carcasses ?). La dispersion des éclats ordinaires et Levallois est plus large. Par ailleurs, alors que se dessine un secteur d’os brûlés qui correspond sans doute à un foyer, deux à trois amas de débitage sont apparents (deux amas de nucléus Levallois et un de nucléus prismatiques et discoïdes). Le poste de débitage Levallois le plus net est situé au nord de la zone d’os brûlés. Cette occupation durant une seule saison (un ou plusieurs étés successifs) se serait organisée autour d’un foyer principal, avec plusieurs postes de débitage périphérique et une zone de traitement des carcasses localisée le long de la paroi en l’absence d’un plafond de grotte alors effondré. Conclusion Les os brûlés indiquent la localisation des foyers aménagés. Ces foyers fonctionnent comme le cœur des activités aussi bien de consommation de la viande et de la moelle que de préparation du petit outillage. Les zones de concentration maximale des industries et des ossements se superposent en partie autour des foyers et le long de la paroi de la grotte pour le niveau 6 et de la paroi de l’abri pour le niveau 2. Le niveau 6 et le niveau 2 n’ont pas la même fonction : durée d’occupation, saisonnalité, fragmentation des os, proportion des stries et activités anthropiques. Ils témoignent également d’un autre comportement technique bien que seule une chaîne opératoire principale soit présente pour chacune de ces phases d’occupation. Cette différence de fonction explique peut-être les variantes dans l’organisation spatiale, sans pour autant négliger l’aspect du site qui est de nature différente au cours du temps et qui implique en conséquence certaines
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contraintes (espace protégé disponible plus vaste dans une grotte que le long d’un abri ou dans une doline humide). Lors de la dernière occupation, alors que le site est un espace en plein air (doline avec un talus calcaire périphérique), les hommes se sont installés plus au sud de la zone fouillée, légèrement en retrait du talus. La répartition des artefacts montrent en effet une nappe d’éclats et de nucléus très limitée en surface. Les ossements sont plus abondants à l’extérieur de la nappe de pièces lithiques qui comprend aussi le gros outillage. L’hypothèse d’un glissement en matériel est envisageable (Moncel, 1998-99). Le site d’Orgnac 3 montre qu’au cours du temps les hommes s’installent en suivant le recul du plafond, celui-ci conditionnant l’organisation de l’espace quels que soient le type d’occupation et les comportements techniques qui diffèrent entre les niveaux 6 et 2. L’espèce la plus chassée suit le changement climatique, les hommes prélevant cette espèce certainement dans les environs proches du site, sur le
plateau. En revanche, les matières premières sont collectées dans un périmètre plus vaste même si le silex, roche la plus employée, provient de gîtes à proximité . La structuration de l’organisation de l’habitat autour des foyers et en fonction des parois s’observe dans de nombreux sites en grotte (Meignen, 1993 ; Vaquero et al., 2001). Elle est également visible dans des sites de plein air (Locht et al., 2002). Orgnac 3 ne permet pas pour l’instant de repérer des mouvements d’objets dans le site (quelques remontages) et donc une dynamique dans l’occupation de l’espace au profit de quelques types de produits pour des activités spécifiques (Locht et al., 2002). Anne-Marie Moigne* et Marie-Hélène Moncel** * Centre de Recherche Préhistorique, Tautavel, France ** Institut de Paléontologie Humaine, 1 rue René Panhard, 75013 Paris, France mail : [email protected]
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Données nouvelles sur les restes fauniques et lithiques dans les différents niveaux d’occupation du site d’Orgnac 3 (Ardèche, France)
Figure 2. Répartition spatiale des restes lithiques pour le niveau 6 d’Orgnac 3 (Moncel)
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Figure 3. répartition spatiale des restes lithiques pour le niveau 2 d’Orgnac 3 (Moncel)
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Données nouvelles sur les restes fauniques et lithiques dans les différents niveaux d’occupation du site d’Orgnac 3 (Ardèche, France)
Figure 4. Répartition des restes osseux pour le niveau 6 d’Orgnac 3 (Moigne) Répartition des ossements : cercle Répartition des ossements portant les traces d’une activité anthropique, fracturation intentionnelle et stries de boucherie : cercle pointillé Répartition des ossements brûlés : cercle noir.
Figure 5. Répartition des ossements pour le niveau 2 d’Orgnac3 (Moigne) Répartition des ossements : cercle vide Répartition des ossements portant les traces d’une activité anthropique,fracturation intentionnelle, stries de boucherie ou outil : cercle grisé Répartition des ossements brûlés : cercle noir.
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Anne-Marie Moigne, Marie-Hélène Moncel
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Données récentes sur les premiers peuplements en Europe
COUDOULOUS I (TOUR-DE-FAURE, LOT), SITE DU PLEISTOCENE MOYEN EN QUERCY : BILAN PLURIDISCIPLINAIRE J. JAUBERT, B. KERVAZO, J.-J. BAHAIN, J.-PH. BRUGAL, P. CHALARD, CH. FALGUERES, M. JARRY, M. JEANNET, C. LEMORINI, A. LOUCHART, F. MAKSUD, V. MOURRE, Y. QUINIF, C. THIEBAUT
Résumé Depuis la reprise des travaux en 1993, un premier bilan pluridisciplinaire est présenté ne concernant que l’aven appelé Coudoulous I. La séquence détritique, dont la dynamique sédimentaire est précisée, est encadrée par deux générations de planchers stalagmitiques. Elle est attribuée sur la base d’arguments biochronologiques à la fin du Pléistocène moyen. Dans les ensembles inférieurs, les restes de faune sont très nettement majoritaires (microfaunes, Carnivores dominés par les Canidés et Félidés, Herbivores en proportion variable) mais une faible composante anthropique est toujours présente avec notamment des artefacts lithiques. En sommet de séquence, la couche 4, datée du stade isotopique 6 montre une composante différente puisqu’elle résulte d’une exploitation humaine d’une espèce privilégiée, le Bison dont les restes sont associés à une industrie lithique au statut techno-typologique original. Abstract Since the reopening of the excavation in 1993, a first synthesis is presented concerning only the site named Coudoulous I. The main topic is the quest of relationships between Man and large mammals during Early and Middle Palaeolithic periods. The detritic sequence of which the sedimentary dynamic is described, is limited by two generations of stalagmite floors. According to the data of the biochronology, it can be attributed to the end of the Middle Pleistocene. Faunal remains dominate the early layers (Microfaunas, Carnivores dominated by Canids and Felids, Herbivores in variable quantities) but a small human component is still present with few lithic artefacts. At the top of the sequence, the layer 4, dated form OIS 6 shows a different component: it results indeed of an human exploitation (butchering, consumption) of only one species, Bison priscus, of which remains are associated to a lithic industry showing an original typo-technologic profile. Introduction Le site de Coudoulous est localisé sur la bordure orientale du Bassin aquitain (Fig. 1a) à une trentaine de kilomètres à l’est de Cahors, au point de convergence des causses de Gramat, de Limogne et de Gréalou, soit au centre du Quercy
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(44°28’N, 1°39’E). Il appartient, comme sa prestigieuse voisine Pech-Merle, à l’étage karstique dit des cavités héritées. L’aquifère fossile (275 m NGF) s’ouvre au sommet des calcaires micritiques du Callovien (Astruc et al., 1992) et domine d’environ 140 m la basse plaine actuelle du Lot et du Célé avec lesquelles il communique par une série de puits, diaclases et fissures, comme c’est généralement le cas dans ces régions karstiques à l’hydrographie si particulière. Historique Coudoulous, nom vernaculaire signifiant « confluence », désigne un lieu-dit localisé exactement à l’actuelle jonction du Lot et du Célé. En fait, le gisement archéologique est situé à plus d’un kilomètre de là, au lieu-dit La Bouygue (Fig. 1b). Ce sont des spéléologues qui, explorant au début des années 60 un vaste réseau karstique (Igue de La Togne ou Grande Grotte de Coudoulous : Choppy, 1961) donnèrent à la cavité cette appellation conservée depuis pour l’ensemble du site, y compris les gisements pléistocènes. Dans le même temps, le propriétaire mena des travaux de décaissement afin d’accéder de plain-pied à la plus grande des grottes qu’il souhaitait ouvrir au public. C’est à cette occasion qu’il recoupa le remplissage fossilifère d’une autre cavité, entièrement comblée, appelée depuis Coudoulous I (Fig. 2), de même pour le remplissage d’une seconde salle, Coudoulous III, puis il écorna l’encaissant calcaire, agrandissant de ce fait un orifice donnant accès à une autre cavité, elle intacte, dénommée Coudoulous II (fouille J.-Ph. Brugal). Le gisement archéologique a été identifié en 1966 par G. Maury. En 1977, devant les incessants pillages clandestins, J. Clottes invita E. Bonifay à visiter le site, puis ils s’associèrent, réunissant ainsi les équipes de la Direction des Antiquités préhistoriques de Midi-Pyrénées (Toulouse) et du CNRS, Laboratoire de Géologie du Quaternaire de Luminy (Marseille). Ils y programmèrent des campagnes de sauvetage de 1978 à 1980 et présentèrent leurs travaux à l’occasion du Congrès Préhistorique de France (Bonifay et Clottes, 1979, 1982). À l’exception de quelques contributions préliminaires consacrées à la microfaune (Jeannet, 1982) et aux industries lithiques (Jaubert, 1984), le nom de Coudoulous n’était connu jusqu’au début des années des 90 que par les comptes-rendus publiés dans Gallia Préhistoire (Clottes 1979, 1981) et un bilan régional (Clottes, 1982).
J. Jaubert, B. Kervazo, J.-J. Bahain, J.-Ph. Brugal, P. Chalard, Ch. Falguères, M. Jarry, M. Jeannet, C. Lemorini, A. Louchart…
Figure 1. Carte de situation des gisements de Coudoulous : a, dans l’est du Bassin aquitain, en Quercy (DAO M. Jarry) ; b, à la confluence du Lot et du Célé (dessin J. Jaubert).
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Coudoulous I (Tour-de-Faure, Lot), site du Pléistocène moyen en Quercy : Bilan pluridisciplinaire
Figure 2. Coudoulous I (Tour-de-Faure, Lot). Vue générale du gisement en cours de fouille. La grotte fossile a été sectionnée perpendiculairement par une tranchée artificielle. Sur la gauche, chantier Nord, sur la droite, chantier Sud (photo W. O’yl, 1998). Reprise des travaux
Étude Géologique (B. K.)
En 1992, soucieux de publier l’une des rare séquence régionale attribuée au Pléistocène moyen, nous nous rendîmes à l’évidence qu’une reprise des travaux s’imposait afin de compléter certains échantillons et d’appliquer de nouvelles méthodes peu utilisées alors (datations radiométriques, géoarchéologie, archéozoologie, taphonomie, technologie, expérimentation lithique…). Après une campagne de remise en état des lieux (1993), nous y avons mené depuis de 1994 des recherches programmées triennales qui se sont achevées en 2003. L’un des points forts de la problématique était résolument centrée sur l’étude des relations Homme – Animal appliquée à deux ensembles distincts : d’une part les niveaux anciens à faibles indices d’activités humaines et l’utilisation probable du milieu karstique de type aven comme piège naturel, et un comportement de récupération d’herbivores morts naturellement (Brugal et Jaubert, 1991). D’autre part, l’exploitation d’une espèce privilégiée, le Bison, associée à la notion de site spécialisé, avec ses implications socioéconomiques (Brugal et Jaubert, 1996). Après une présentation au congrès de l’UISPP (Forlí 1996) portant sur Coudoulous I et II (Brugal et al., 1998), l’ensemble supérieur de Coudoulous II (Costamagno, 1999) et si l’on excepte les notices des Bilans scientifiques, il s’agit ici du premier bilan pluridisciplinaire consacré à Coudoulous I. Ne seront pas inclus des résultats décevants, peu exploitables, partiels ou par trop conjoncturels : palynologie (Bui Thi Maï et M. Girard), susceptibilité magnétique (B. Elwood). D’autres travaux n’en sont qu’à leur début comme la géomorphologie (L. Bruxelles), l’étude de l’ichtyofaune (O. Le Gall), la squelettochronologie (H. Martin) ou les analyses isotopiques de spéléothèmes (I. Couchoud) et des grands mammifères (C. Lecuyer).
Coudoulous I appartient à un étage karstique qui s'ouvre sur le causse par une série de puits et d’orifices aux dimensions variables ayant permis la formation d'avens (igues). La salle fouillée mesure 15 à 20 m de diamètre (Fig. 2). Elle était entièrement colmatée par des formations détritiques ou carbonatées. Le site est partagé en deux secteurs par la tranchée artificielle (cf. supra). Au sud, le toit de la cavité existe encore ; au nord, seules les parois latérales prolongées par une mince avancée du toit rocheux subsistent : le plafond est donc absent au centre du secteur fouillé (Fig. 3). Dynamique sédimentaire La séquence étudiée a été essentiellement alimentée : - par les parois de la salle, qui ont libéré des calcaires anguleux et des spéléothèmes ; - par le versant, qui a notamment fourni les argiles rubéfiées des sols du plateau et les calcaires aux formes adoucies du lapiaz. Plusieurs étapes peuvent être distinguées. 1 - Durant la plus ancienne, la cavité est le siège d'épisodes hydrologiques : les coupoles qui entament le plafond du secteur sud témoignent d'un régime phréatique (Renault, 1970 ; Slabe, 1995), tandis que les argiles brunes à rouges accumulées sur plusieurs mètres d'épaisseur à la base de la séquence (US 10 et 9) rappellent les dépôts de fond de karst mis en place lors d’un fonctionnement ancien du réseau en régime calme. 2 - Les deux planchers stalagmitiques qui scellent ces argiles (8g et 8e), épais de près d’un mètre, indiquent, eux aussi, une ambiance de karst interne. Toutefois, le plus récent (8e) est plus poreux et suggère une évolution des conditions aérologiques dans la salle (rens. L. Bruxelles). De tels
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planchers sont classiquement rapportés à des conditions clémentes (e. g. Quinif, 1999). 3 - Un chaos de concrétions, blocs et dalles parfois métriques s'accumule ensuite (8d) tandis que des communications s'établissent avec l'extérieur, comme le montre l'apparition d'artefacts lithiques et de restes de faune. Ce puissant démantèlement des parois peut être en relation avec un soutirage, puisque les formations sous-jacentes plongent vers le centre de la salle. 4 - Puis, la salle s'assèche et les influences extérieures s'affirment : des concrétionnements de moins en moins évolués (plancher 8c, tufs 8a, sables carbonatés 7f) alternent sur plus d'un mètre d'épaisseur avec des dépôts clastiques (8b, 7e, 7x, 7d, 7c, 7 indivise) alimentés à la fois par le démantèlement des calcaires encaissants et par l'introduction de constituants du plateau (matrice terreuse, cailloux du lapiaz). Le pendage des couches montre qu'un cône s'édifie à partir d'une ouverture du toit située au sud-est de la salle. Outre des éboulisations gravitaires et de probables coulées sèches, la solifluxion peut être pressentie (structure lamellaire et forte polarisation des vestiges dans 7 indivise, Bertran et Texier, 1997). Elle indiquerait une première pénétration du froid dans la salle. 5 - L'ensemble moyen, épais de plus de trois mètres, matérialise la poursuite du démantèlement des calcaires. L'ouverture du plafond s'agrandit et l'organisation en cône des dépôts s'affirme. Aux abords des parois, les sédiments sont d'abord très hétérométriques et essentiellement rapportables à des processus gravitaires (7b à 5b) : éboulisations sur le cône au sud, chutes par fragmentation des parois et du plafond au nord. Puis, l'accroissement de l'homométrie des cailloux évoque l'instauration de coulées sèches (5a à 3, Bertran et Texier, op. cit.). De rares intercalations plus matricielles ont pu être sporadiquement mobilisées par la solifluxion puisqu'une structure lamellaire et un granoclassement vertical s'observent dans 7a' et 6a. Enfin, un soutirage a ouvert des fissures pluridécimétriques qui ont recoupé toutes ces formations au sud. Vers le centre de la salle, le gel secondaire et les lessivages qui ont affecté la formation peuvent trahir le développement d'un névé dans l'ouverture de l'aven ou d'un bouchon de glace à l'intérieur de la séquence. Cet ensemble a donc subi, au moins épisodiquement, des conditions périglaciaires.
5' - La couche 4 qui s'interstratifie témoigne d'une arrivée massive de constituants du plateau dans la salle et de perturbations liées à la fonction de piège que les hommes ont fait jouer à l'aven : éboulisations consécutives à la chasse autour de l'ouverture et à la chute du gibier ; piétinements dans la cavité dus à l'affolement des animaux et aux activités humaines (mélange des cailloux du causse et de la salle, étalement de la formation, enfoncement des vestiges dans le toit de 5a, désorganisation des éléments vers l'amont du cône...). Malgré les biais apportés par l'anthropisation, cette formation évoque un moment suffisamment clément pour que des sols brun rouge s'édifient sur le causse et qu'un lapiaz se développe sous un couvert végétal (cailloux arrondis). Après leur dépôt, les os ont été fragmentés sur place et les restes de plusieurs centaines de bisons ont été tassés sur seulement quelques décimètres d'épaisseur. Des altérations chimiques ont affecté à la fois les os (basiques) et les silex (acides), parfois profondément puisque certains sont entièrement nécrosés et flottent. Outre une éventuelle préparation par la décomposition de la matière organique, cette double action conduit à envisager des eaux froides, donc d'abord agressives pour les carbonates, qui en se saturant en cations dans le remplissage seraient devenues très basiques et auraient ainsi pu attaquer la silice. 6 - Un plancher stalagmitique discontinu (plancher supérieur), épais d'une dizaine de centimètres, scelle l'ensemble moyen au nord et au sud, là où subsistait le plafond. Il matérialise un arrêt des apports détritiques au profit d'une sédimentation biochimique et suggère, à nouveau, un épisode clément. Là où le plancher s’interrompt, il est relayé par une consolidation, voire une cimentation des dépôts sous-jacents. 7 - L'unité 2, épaisse de 1 à 2 m, tend à achever le colmatage de la salle. Des passées rouges, vraisemblablement reprises des sols du causse, cèdent progressivement la place à des passées grises, limoneuses, micacées, qui témoignent d'apports éoliens alimentés par les alluvions du Lot. Ce développement de la matrice a permis la mise en œuvre d'écoulements boueux ou, plus probablement, de solifluxions puisque les cailloux sont polarisés et qu'une fine structure lamellaire se dessine. De telles dynamiques indiquent le retour de conditions rigoureuses. 8 – Enfin, la pédogenèse récente et des colluvionnements du sol (US 1) couronnent la séquence.
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Figure 3. Coudoulous I. Coupe frontale Nord. En pointillé blanc, le contour de l’actuelle paroi ou des vestiges de voûte calcaire. Les deux flèches matérialisent les deux générations de planchers stalagmitiques. La mire mesure 5 m (montage photographique V. Feruglio). Chronologie Il est en général difficile de situer de tels remplissages dans un cadre chronologique à partir des seules données de la lithostratigraphie, les caractères observés pouvant s'accorder avec de multiples épisodes du Pléistocène. L'interprétation proposée ici, qui correspond à l'enchaînement le plus simple, devra donc être confrontée aux données des autres disciplines, datations physiques et faune notamment (Fig. 4). - L'unité 1, par sa position et sa pédogenèse, peut être rapportée à l'Holocène (OIS 1). - L'unité 2, qui témoigne de conditions périglaciaires, comporte une forte composante éolienne et se trouve en fin de séquence, s'accorde avec le ou l’un des moments du dernier cycle glaciaire (OIS 4 à 2). - Le plancher supérieur, situé immédiatement audessous, peut alors dater du stade isotopique 5, résultant de conditions clémentes ; de même, les passées rouges qui ont été reprises à la base de l'US 2 trahissent une pédogenèse assez évoluée sur le causse. - En conséquence, l'ensemble moyen (US 3 à 7b), marqué par des épisodes rigoureux, se serait mis en place
durant le stade 6. Le complexe archéologique 4 qui s'intercale, pourrait alors, par exemple, correspondre au sousstade 6.5, s'il résulte bien d'un moment de rémission. - Dans ces conditions, le premier plancher important qui apparaît dessous, 8c, doit au minimum être rapporté au stade 7, ou même à un stade clément plus ancien (OIS 9 ?) selon l'importance et la signification — climatique ou dynamique — de la coupure qui souligne la base de l'ensemble moyen (entre 7c et 7b). - L'âge des formations sous-jacentes est encore plus incertain. Ainsi, le plancher 8g peut aussi bien dater du Pléistocène moyen que du Pléistocène ancien, voire de la fin du Pliocène. À Coudoulous II, un plancher semblable est recouvert par les sédiments d'un paléo-Lot qui s'écoulait donc 140 m au-dessus de la rivière actuelle (il est aussi possible que ces sédiments soient en position secondaire). - Sur la base des données de la cartographie géologique, enfin, le karst aurait été creusé au début de l'Eocène ou au Paléocène et colmaté à la fin de l'Eocène (Astruc et al., op. cit.).
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Figure 4. Coudoulous I Nord et I Sud. Log stratigraphiques avec report de quelques-unes des dates radiométriques (DAO J. Jaubert). Datations radiométriques Spéléothèmes, U/Th (Y. Q.) Une quinzaine de datations U/Th sont actuellement disponibles pour Coudoulous I. En fonction des problèmes dus à la méthode ou aux échantillons, elles ont fourni des résultats inégaux. Deux ensembles, nettement distincts dans la séquence, ont fait l’objet de ces analyses : le plancher stalagmitique supérieur pour lequel nous disposons de résultats plutôt cohérents permettant de l’attribuer au Dernier Interglaciaire (stade isotopique 5 sensu lato) et différentes générations de formations carbonatées ou calcitiques beaucoup plus anciennes (ens. 8) dont nous ne pouvons à ce jour avancer qu’un âge approximatif. Plancher supérieur Il se développe dans les secteurs Nord et Sud. Au nord, deux âges sont à prendre en compte : 126,4 [+19,8/-16,3] ka avec des rapports isotopiques acceptables et 258,3 [+∞/-73,0] ka, ce dernier avec un très médiocre rendement chimique sur le thorium et donc un âge non significatif.
Sur la coupe Sud, les résultats sont les suivants : 83,1 [+8,7/7,8] ka pour l’échantillon supérieur et 139,1 [+12,9/-11,4] ka pour l’échantillon prélevé à la base de la même formation ; enfin, un troisième âge, plus jeune, a été obtenu pour un dernier échantillon : 61,6 [+9,7/-7,9] ka. Pour le premier échantillon, une certaine prudence est commandée par un rapport isotopique 230Th/232Th très faible, cependant, le résultat est considéré comme plausible. S'agissant de la partie inférieure du plancher, donc d'un échantillon stratigraphiquement plus vieux que celui daté à 83,1 ka, son âge est stratigraphiquement concordant. Il est par ailleurs plus fiable car le rapport isotopique 230Th/232Th, bien qu'encore faible, est meilleur. Enfin, le rapport isotopique 230Th/232Th du troisième échantillon est très faible et rend l'âge non fiable. Malgré ces écarts, et en fonction de la séquence et des autres données (géologie, biochronologie…), l’attribution de ce plancher supérieur à un ou plusieurs épisodes du stade isotopique 5, dont le sous-stade 5e (Éemien), est avancé.
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Coudoulous I (Tour-de-Faure, Lot), site du Pléistocène moyen en Quercy : Bilan pluridisciplinaire
Ensemble 8 Concernant les formations de base (8c, 8g, 8ind.), les résultats s’échelonnent entre des âges extrêmement jeunes et aberrants et des résultats plus proches de ce que nous pouvons attendre de ces planchers qui ne peuvent être plus récents que le stade isotopique 6 : 229,5 [+77,8/-42,4] ka et deux âges > 350 ka pour des échantillons prélevés sur les draperies accrochées sur la paroi ouest du secteur Nord. Pour ces dernières, outre leur âge certainement ancien et donc à la limite ou hors méthode (> 350 ka), il est à noter que les rapports isotopiques 234U/238U et 230Th/234U sont égaux à 1, donc parmi les résultats les plus fiables. Pour l’échantillon de 8c, comme le reste de cette formation, il est malheureusement altéré. On peut penser que l'âge réel se situe bien dans l'intervalle d'erreur qui est malheureusement grand. Également en 8c, un résultat inattendu a par ailleurs été obtenu : 116,6 [+21,7/-17,0] ka. S'il est chimiquement acceptable, cela signifierait que ce plancher qui paraît s'être formé vers 300 ka a continué de croître durant le Dernier Interglaciaire, du moins localement (?). Secteur Sud, le plancher inférieur analysé est sain, à belle cristallisation et donne sur un plan chimique, d'excellents échantillons. Les résultats de 202,5 +76,3/-38,9 ka et 295,4 +80,8/-43,6 ka sont à première vue différents mais on peu proposer un domaine d'âge de cet ensemble 8 de 230 +78/-42 ka, donc dans la fourchette des 200-300 ka comme supposé. Enfin, quatre carottages totalisant entre 0,65 m et 1,80 m de calcite, soit 4,15 m cumulés ont été prélevés en 2001 dans ces formations de base (8c, 8g et 8ind.) afin de tenter de préciser cette première série de résultats. Datations ESR / UTh de la couche 4 (Ch. F., J.-J. B.) Pour la couche 4, une série de dates a été obtenue par les méthodes ESR et U/Th combinées sur sept esquilles osseuses et sur trois dents de grands herbivores. Pour les ossements, à l’exception de deux échantillons non coordonnés qui seront écartés de cette discussion, les âges U/Th et les âges ESR EU sont en accord et indiquent un système fermé ou ayant subi un léger lessivage. Les âges U-Th sont compris entre 126 +10 / -9 ka et 179 +15 / -13 ka. La combinaison des données ESR et U/Th permet de déterminer le type d’incorporation de l’uranium dans les échantillons (Grün et al., 1988). Dans le cas des ossements analysés dans cette étude, les âges combinés (US) sont très proches des âges ESR EU et s’échelonnent entre 137 ± 21 ka et 151 ± 23 ka. Trois dents de bison ont, par la suite, fait l’objet du même type d’analyses. Les âges combinés (US) sont compris entre 140 ± 21 ka et 209 ± 32 ka. Les facteurs d’incorporation de l’uranium suggèrent un lessivage dans la dentine et dans le cément, cette perte ayant directement affectée les âges U-Th. En revanche, l’incorporation dans l’émail est légèrement supérieure à –1 (système fermé) qui indique que ce tissu a subi une très légère incorporation de l’uranium postérieure à l’enfouissement des dents. L’ensemble des âges proposés pour la couche 4, en regard des résultats fournis par les autres disciplines, suggère qu’elle s’est déposée au cours d’une période contemporaine du stade isotopique 6.
Microfaunes Microvertébrés (M. J.) D’un point de vue méthodologique, les prélèvements destinés à la collecte de microfaune proviennent directement de la fouille, mais assortis de choix dictés par certains points de problématique en matière de paléoenvironnement ou de biochronologie. Le tamisage au jet et le tri sous loupe ont fourni une importante série de référence pour cette séquence du Pléistocène moyen récent : fin 2002, le tri de 770 échantillons a permis d’isoler quelque 8 000 lots de microvestiges. Bien que non achevé, le tri de la microfaune permet de dresser un premier bilan impressionnant (tabl. 1) puisqu’elle renferme à ce jour 29 espèces de Rongeurs, 4 de Lagomorphes, 7 d’Insectivores, 2 petits Carnivores, 10 espèces de Chiroptères, 12 Reptiles, 7 Batraciens ; les Oiseaux (cf. Louchart infra) et les Poissons (Le Gall en cours) étant confiés à d’autres spécialistes. Hormis les limacelles et les corpuscules d’Arion, les Mollusques sont rarement conservés à Coudoulous en raison de leur fragilité. Les rares coquilles doivent leur survie à une gangue de carbonate. La figure 5 donne un aperçu de la diversité des vestiges recueillis. Taphonomie Les conditions de dépôt sont extrêmement variables selon la nature et le comportement des espèces. Dès que l’aven s’ouvre après le dépôt des argiles de fond de karst, les vestiges s’amoncellent durant une période chaude et humide. On distingue d’emblée, par exemple pour les Poissons et la plupart des Rongeurs (Campagnols) et comme sur l’ensemble du remplissage, les espèces apportées par des prédateurs. Les Lérots tout comme les Reptiles et les Batraciens ont pu hiberner dans l’aven. Pour d’autres formes, c’est plus problématique : le Mulot par exemple se réfugie volontiers dans ce genre d’abri à la mauvaise saison, mais peut être aussi victime de prédateurs. Les Oiseaux peuvent être à la fois nicheurs, proies ou prédateurs. La rareté des chauvessouris soulignerait plutôt la faible amplitude de l’abri et sa large ouverture laissant la voûte et les parois exposées aux variations climatiques peu favorables à leur séjour. Les caractéristiques morphologiques et lithologiques du site semblent avoir joué un rôle primordial sur le remplissage de la cavité : le piégeage de la grande faune s’accompagne de variations rapides et diversifiées des faciès sédimentaires, concrétionnement des sols, des parois et de la voûte (formation de fistuleuses), desquamation des parois, bioturbation et lessivages des dépôts, phénomènes qui ne sont pas sans conséquence sur la distribution de la microfaune. Ainsi, tous les niveaux présentent des associations plus ou moins paradoxales de taxons susceptibles de limiter l’appréciation des variations climatiques comme, par exemple, la présence d’espèces boréales au sein d’un cortège tempéré.
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Climatologie Pour s’en tenir à quelques généralités, il est possible de distinguer les tendances paléoclimatiques majeures de la séquence : - l’ensemble 8 se caractérise par une température élevée et un fort taux d’humidité ; - l’ensemble 7, de loin le plus riche et le plus complexe, est marqué par un net refroidissement concrétisé par la présence du Lemming à collier et de ses partenaires habituels tels le Campagnol nordique, le Campagnol des hauteurs et le Lièvre siffleur ; - l’ensemble 6 marque un radoucissement caractérisé, semble t-il, par l’influence océanique où prolifèrent les Campagnols souterrains (Pitimys). À ce stade, l’ouverture de l’aven doit encore s’élargir car les Chiroptères désertent cette fois Coudoulous I, n’y trouvant plus assez de protection ; - l’ensemble 5 est affecté d’une recrudescence du froid accompagné d’une intense pluviosité et de ruissellement lessivant le dépôt comme le montrent les plaquages d’oxyde de manganèse sur la microfaune et la fraction grossière ;
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la couche 4 voit une raréfaction des microvestiges dont le cortège représente dans le même temps la phase la plus continentale du remplissage avec des températures basses et des amplitudes maximales. D’après nos calculs, l’enneigement devait perdurer plus de 3 mois par an ; au-dessus du niveau 4, l’abrasion du plateau ayant considérablement élargi l’ouverture du karst, aucune protection des prédateurs n’est désormais assurée et la microfaune disparaît des dépôts, par ailleurs stériles.
Biochronologie Il est encore prématuré de situer précisément la séquence de Coudoulous I par la seule contribution de la microfaune. D’une manière générale, les points de repère actuels placent incontestablement l’ensemble étudié dans le Pléistocène moyen, le niveau à microfaune le plus récent (c. 4) contenant encore Pliomys lenki. De même, Allocricetus bursae est présent de manière quasi continuelle dans tous les échantillons et Arvicola cantiana assurant, pour sa part, la permanence en compagnie de Microtus brecciensis. L’étude approfondie des taxons clefs devrait apporter les précisions attendues. Toutefois, il est peu probable que les ensembles 4 à 7 franchissent le cadre de l’Avant-dernier Glaciaire.
Figure 5. Coudoulous I. Exemples de microfaunes (M. Jeannet) Oiseaux (A. L.) Les déterminations qui portent sur une partie du matériel recueilli, essentiellement dans les unités 5-8d comme l’ensemble de la microfaune, n’intègrent pas les vestiges des deux dernières campagnes. L’étude est couplée à celle de
Coudoulous II et nous présentons ici un premier tableau général de l’avifaune du locus I (tabl. 2). D’un point de vue taphonomique, les différentes catégories de représentation anatomique correspondent à divers groupes taxinomiques d’oiseaux. Ce sont des variantes résultant de la prédation, — mais pas exclusivement — par des Strigiformes
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(rapaces nocturnes). Par contraste avec Coudoulous II, les restes juvéniles sont rares. Les taxons les plus abondants sont, de loin, Perdix palaeoperdix Mourer-Chauviré 1975, forme probablement ancestrale de la perdrix grise actuelle, et Turdus spp. Des formes aujourd’hui nordiques et sédentaires (Tetrao, G. passerinum, A. funereus, cf. P. infaustus) coexistaient avec des formes méditerranéennes (Alectoris) et tempérées, comme cela est souvent observé dans les sites pléistocènes européens. Ceci peut être interprété comme l’indication de zones climatiques latitudinales plus resserrées qu’aujourd’hui. Le climat devait donc être d’autant plus contrasté, mais la présence de formes telles que Tyto alba et Alectoris, et l’absence de lagopèdes par exemple, conforte l’idée que les hivers ne devaient pas être beaucoup plus froids qu’aujourd’hui dans cette région. La présence des espèces nordiques peut s’expliquer par leurs intrusions saisonnières en hiver, le climat étant alors probablement très froid plus au nord. Les formes de milieux ouverts (par exemple F. tinnunculus, Alectoris, C. coturnix, Charadrius, Pluvialis, E. alpestris) avec des espèces forestières (G. passerinum, A. funereus, P. modularis, E. rubecula, Turdus, cf. P. infaustus) indiquent quant à elles le caractère mosaïque du paysage. Il s’agissait probablement d’une toundra-steppe avec des massifs forestiers, en partie peuplée de conifères. La présence de zones humides est attestée également (Anatinae, Porzana, Gallinula, Pluvialis). D’un point de vie biochronologique, plusieurs formes éteintes, et inconnues après le Pléistocène moyen, sont reconnaissables à Coudoulous I : Perdix palaeoperdix, Gallinula cf. gigantea, et Apus cf. submelba. Le site est original par la présence de plusieurs espèces peu connues par ailleurs dans le Pléistocène moyen comme Falco vespertinus, Tyto alba, Glaucidium passerinum et cf. Perisoreus infautus.
plus, trois autres catégories correspondant à un important stock d’indéterminé sont respectivement : des pièces du squelette axial (vertèbres, sternèbres et côtes), des fragments de diaphyses (esquilles) ou des parties d’extrémités (épiphyses), pouvant être rangées par classes de taille. La nature des restes pose de réels problèmes de détermination taxinomique. Les éléments anatomiques les plus fréquents sont des pièces dentaires isolées, des os des parties distales des membres (basipodes, phalanges) ou du squelette axial. À ces derniers s’ajoute une grande proportion d’individus immatures et enfin la très forte fragmentation. Il convient d’insister sur cette fragmentation qui concerne toutes les parties du squelette, dans tous les niveaux (env. 90 %) formant une véritable “mitraille” d’os, résultant de processus complexes, en partie post-dépositionnels. Quelques rares éléments sont complets : bassin et scapula de grands bovinés, tibia de lion par exemple. La confrontation de ces observations avec celles de la géologie permettra d’apprécier la dynamique de mise en place, les déplacements et compactions. L’âge de sujets, depuis des fœtus mort-nés jusqu’à des infantiles, se rajoute aux processus évoqués. Il est intéressant de relever la présence de juvéniles pour les carnivores (Ursidés, Félidés) ainsi que chez les Cervidés. Les Canidés, Caprinés et Bovinés semblent appartenir plutôt à des individus adultes, voire parfois des sujets séniles. Malgré le caractère limitatif de l’étude préliminaire, il est possible d’avancer un premier scénario quant à l’origine des accumulations et de mise en place de cette importante séquence rapportée à la fin du Pléistocène moyen. Premier bilan Toutes catégories confondues, le matériel est le plus abondant dans l’ensemble 7, avec plusieurs milliers de restes, alors qu’ils ne sont que quelques centaines dans les autres unités (Fig. 6).
Grands mammifères (J.-Ph. B.) Ensemble 8 Ensembles moyens et inférieurs (US 8d – 5a) Remarques méthodologiques Nous avons été amené à considérer le matériel fossile au niveau familial en raison de la nature des restes : Capridés, Cervidés, Bovidés, Équidés et Proboscidiens pour les Herbivores ; Canidés, Ursidés et Félidés pour les Carnivores. S’il est probable qu’elle désigne une seule espèce, nous ne pouvons toutefois écarter la possibilité de mélange de taxons. Par exemple, les Canidés sont attestés par deux genres de taille proche : le loup (Canis lupus) et le dhole (Cuon sp.). De
Deux restes de Lynx (canines supérieures) provenant de 8d sont les seuls attestant la présence de ce félidé. Les bovidés sont abondants (8d, 8bd) avec quelques connexions de carpiens et une cheville osseuse entière appartenant à des sujets de petite taille, se rapprochant plutôt du genre Bison. Le thar, Hemitragus sp., est également présent comme tout au long de la séquence, avec plusieurs restes d’un même individu juvénile (8b). Enfin, il y a un germe dentaire de Suidé, famille rare à Coudoulous. Des traces de rongement sont visibles dans cet ensemble.
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Figure 6. Coudoulous I. Niveaux inférieurs (5a-8d) : rapport Herbivores – Carnivores (NR). Ensemble 7 Les herbivores constituent environ 42 % des restes (= NRD ou NISP), les carnivores 45 % et les Lagomorphes 13 %, ce qui tend à un certain équilibre entre les deux premiers groupes. Les carnivores les mieux représentés sont les Canidés (env. 66 % des carnassiers), surtout Canis, avec de nombreuses dents isolées et toutes les parties du squelette, notamment des extrémités de membres (phalanges, métapodes). Les Canidés dominent en 7a et 7c alors qu’ils sont moins fréquents en 7d et 7e. Une première analyse biométrique sur les dents du genre Canis permet de le rapprocher des petits loups rissiens et anté-rissiens. La comparaison avec la population holotype de Lunel-Viel (Canis lupus lunellensis) montre cependant que les sujets de Coudoulous I sont légèrement plus grands et donc à rapprocher de formes plus récentes (Le Lazaret, Santeney)(Brugal et al., 2002). Le Cuon paraît plus abondant en 7e avec des jeunes. Les Félidés sont aussi bien attestés, plus abondants en 7e. Il existe de plus nombreux restes de jeunes chez les Ursidés, plus abondants en 7c qui appartiennent essentiellement à Ursus deningeri.
Cette distribution des carnivores suivant les niveaux est intéressante (Fig. 7) car elle dénote des utilisations différenciées au fur et à mesure du remplissage et du comblement de l’aven. Les traces de carnivores sont assez fréquentes, mais semblent surtout toucher les restes de Caprinés, Cervidés et Canidés. La taille de ces marques pourrait correspondre à un prédateur de la taille du loup. Parmi les Herbivores (Fig. 8), les Cervidés dominent (env. 43 %) suivis par les Caprinés (22 %) et les grands Bovidés (20 %) et quelques Equidés (9 %). De plus, il faut signaler quelques rares éléments de Rhinocéros (7c) et des restes plus conséquents d’Elephas antiquus (dents isolées, fragment crânien avec 4 molaires en place, omoplate, fibula… en 7c et 7e). L’étude biométrique a pu montrer qu’il s’agissait d’une forme évoluée de Palæoloxondon antiquus italicus proche des sujets de La Fage (N. Aouadi, inédit). Quelques vestiges indiquent une action humaine : éclats osseux produits par fracturation, mais surtout 3 restes montrant des stries de découpe. Une pièce est particulièrement intéressante : il s’agit d’un condyle distal de fémur de Capriné avec trois stries de désarticulation, probablement produites par un tranchant non retouché (Brugal et al. 2001 et sous presse).
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Figure 7. Coudoulous I. Niveaux inférieurs (5a-8d) : proportion des différents carnivores (NR).
Figure 8. Coudoulous I. Niveaux inférieurs (5a-8d) : proportion des différents herbivores (NR).
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renard et du castor, Castor fiber (une molaire provenant des anciennes fouilles). Plusieurs restes de chevaux, essentiellement dentaires, désignent une espèce de grande taille avec une morphologie caballine relativement simple, s’éloignant des chevaux würmiens.
Ensembles 6-5 Le matériel y est peu abondant avec une représentation taxinomique comparable à l’ensemble 7, sans les pachydermes. Cervidés et Caprinés dominent en 6 alors que les grands Bovidés (cf. Bison) sont un peu plus nombreux en 5. Les restes de juvéniles sont encore attestés. Pour les carnivores de l’ensemble 6, seuls le dhole et l’ours paraissent absents, les Félidés sont rares et Canis domine toujours. Ces carnassiers disparaissent presque totalement de l’ensemble 5 et seuls quelques restes de Vulpinés sont présents (fig. 7), ce que confirme la moindre fréquence d’os rongés. L’action humaine reste toujours discrète, avec de rares micro-esquilles brûlées (surtout en 5) et des esquilles portant des marques de supports lithiques (décarnisation). Dans l’ensemble 6, des diaphyses de fémur et de métatarse de cerf présentent des cassures de type spirale, pouvant toutefois être dues à l’homme ou à un autre prédateur. Bilan Par la présence d’Elephas, de l’Ours de Deninger, par la taille du genre Canis, ces ensembles peuvent être rapportés à la fin du Pléistocène moyen, correspondant aux oscillations de l’Avant-dernier Glaciaire, voire à une période antérieure. Les populations de carnivores, notamment, représentent un ensemble faunistique original pour le Sud de la France. Même si nous ne sommes pas dans le schéma classique de repaires, l’existence de restes juvéniles d’ours ou de lions prouve une utilisation de la cavité comme lieu de reproduction et de protection (tanières), voire d’hibernation pour les ours. On aura noté l’absence de Hyénidés. Les Canidés dominent et désignent ici une espèce prédatrice et nécrophage, exploitant des animaux morts naturellement dans la cavité. L’hypothèse d’un fonctionnement de l’aven comme piège pour les herbivores apparaît la plus logique. L’intervention humaine sur ces stocks est très faible, voire nulle. La couche 4 La couche 4 est composée d’un ensemble épais de vestiges (Fig. 9) étroitement imbriqués, témoignant de facteurs taphonomiques post-dépositionnels importants : fragmentation, compaction. Si toutes les parties du squelette sont présentes, les éléments les plus spongieux sont nettement déficitaires (vertèbres, chevilles, etc.). Cette conservation différentielle est manifeste avec la présence d’une véritable “poudre d’ossements” soulignant la base du niveau (lessivage et horizon d’accumulation ?). La préservation est moyenne (surface osseuse) et le matériel dentaire est comme souvent mieux conservé. La couche 4 se caractérise également par l’abondance d’une seule espèce, présente à près de 98 %, le Bison des steppes, Bison priscus. Cet assemblage, quasi mono-spécifique, livre cependant quelques autres taxons : le cheval, le loup, le
Le bison de la couche 4 Une estimation de 150 à 200 individus peut être avancée pour les secteurs zone fouillés. Considérant la destruction occasionnée par les travaux avant la découverte (cf. supra), on peut vraisemblablement doubler cette évaluation. Ces décomptes sont fondés sur le matériel dentaire, découvert soit isolé, soit par concentrations plus ou moins lâches correspondant à des fragments ou des séries dentaires complètes. Nous complétons ici les premières analyses (Brugal et David, 1993, Brugal, 1995, 1999). Les molaires de Coudoulous I montrent des morphologies intéressantes par la présence de colonnettes interlobaires supplémentaires sur les faces vestibulaires (dents supérieures) ou linguales (inférieures). Ce caractère, considéré comme archaïque, rappelle les morphologies de bovinés villafranchiens (Leptobos), de formes primitives comme B. schoetensacki ou encore les populations anciennes de Bison priscus (Brugal, 1994-95). Les M3 inf. se prêtent bien, grâce à leur bonne conservation, à une étude morphologique. Certains caractères indiquent un degré d’évolution différente entre populations du Pléistocène moyen et supérieur, mais les mesures dentaires s’intègrent bien dans un groupe de populations de Bison priscus (par ex. Enlène, Mauran, Il’skaïa). La structure d’âge de la population correspond à une courbe de mortalité dominée par les juvéniles, suivis, en nombre décroissant des adultes, puis des vieux sujets. Ce type de courbe est assimilé à une courbe dite “catastrophique” et dénote la présence d’une population proche d’un troupeau naturel constitué d’une majorité de jeunes individus. Les dents lactéales sont rares en raison de la conservation différentielle, mais il existe de nombreuses molaires (M1, M2) montrant des usures nulles ou faibles, correspondant à des séries “mixtes“ et donc des individus de moins de 2 ans. L’observation des dates d’éruption dentaire conjuguée à celle des premières molaires définitives permet de préciser et de confirmer l’aspect saisonnier des accumulations qui placent les périodes d’abattage depuis la fin du printemps au début de l’été. La proportion en éléments céphaliques (essentiellement dentaires et quelques rochers) et appendiculaires est particulièrement forte. On dénombre un plus de 5 000 ossements dont 3 000 déjà inventoriés, parmi lesquels environ 20 % concernent les dents, et près d’un tiers des fragments indéterminés (anatomiquement) d’esquilles d’os longs. Il existe de nombreuses connexions lâches : partie distale des membres, os du basipode, massifs carpiens ou tarsiens, séries dentaires. Le squelette axial, vertèbres et cotes, est minoritaire.
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Figure 9. Coudoulous I. Profils des vestiges coordonnés dans la bande 10, couche 4, ensembles 5 à 7 (DAO C. Thiébaut). Le squelette des os des membres est relativement équilibré entre antérieur (41,7 %) et postérieur (30,6%), pondéré par un taux d’indéterminé (phalanges) de 27,6 %. Il existe enfin une certaine similarité quantitative entre éléments droits et gauches. De nombreux ossements présentent des fractures de type spirale, indiquant des cassures sur ossements frais. De même, la présence d’impacts est visible sur certaines portions de diaphyses d’os longs, riches en éléments nutritifs (viande, moelle). Leur fréquence demeure cependant faible car beaucoup de cassures résultent d’une fragmentation postdépositionnelle. Malgré l’altération empêchant souvent l’observation d’éventuelles traces, plusieurs stries de découpe sont bien visibles, en nombre somme toute significatif. Ces premiers résultats plaident donc pour un abattage saisonnier, situé vers le printemps et l’été. La topographie du site ainsi que l’ensemble géographique constitué par la confluence Lot-Célé (falaises et cours d’eau partitionnant l’espace) apparaissent comme des facteurs déterminants dans l’exploitation d’un unique gibier. Les déplacements saisonniers entre ces biotopes correspondent bien avec la structure sociale observée, troupeaux composés de jeunes et de femelles (type nurseries). En outre, l’épaisseur des dépôts et le nombre d’individus, confrontés aux données d’écoéthologie actuelle des bisons européens, laisse supposer l’acquisition récurrente par rabattage vers un piège naturel de troupeaux ou partie de troupeaux (Brugal et David, 1993). Industries lithiques Ensembles moyens et inférieurs (J.J. et V. M.) Les US 8d à 5a ont livré un peu plus d’une centaine de vestiges lithiques. Les roches utilisées sont strictement
locales et de qualité diverse : galets de quartz, de quartzite, roches volcaniques (basalte, paléobasalte, microgranite), métamorphiques et/ou sédimentaires (jaspe, argilite, micaschiste). Les formes naturelles ne sont pas ou très peu modifiées. Les sources d'approvisionnement correspondent aux terrasses pléistocènes, notamment les hauts et moyens niveaux (Le Mas, Fw et Fx) situés en rive droite du Lot, avant sa confluence avec le Célé (Astruc et al., 1992, Turq, 2000). Tous les éléments de la chaîne opératoire sont attestés : manuports (s’il s’agit bien de manuports et non de galets karstiques), galets testés, percutés, amorces ou éclats de percuteurs, éclats néocorticaux, petits éclats, débris, nucléus, fragments de galets et outils sur galets : choppers, outils unifaciaux ou bifaciaux partiels sur de grands supports prédéterminés, outils retouchés. Deux remontages ont pu être réalisés, associant d'une part un galet entamé et son éclat, d'autre part deux demi-galets éclatés. Le but de la production correspond à une nécessité de disposer d'outils lourds de type percuteurs ou galets aménagés, mais aussi d'éclats à tranchant naturel et de grands outils façonnés (Jaubert, 1995). Si, pour ces derniers, il est probable qu'ils ont été taillés sur place (choppers = nucléus), pour plusieurs galets aménagés et certains outils, l'hypothèse d'un débitage ou d’un façonnage extérieur au site est aussi possible. Le taux de transformation est important : presque une pièce sur trois correspond à un outil potentiel. Plusieurs galets présentant des négatifs indiquent de manière indiscutable la présence d’un débitage volontaire sur des supports naturels soigneusement sélectionnés pour leurs formes appropriées : asymétrie du volume, facettes ou plans de frappe naturels (dièdres corticaux) ou lisses (plan de clivage, cassures volontaires). Quatre galets de quartz et deux de basalte (Fig. 12 n°3) portent les cicatrices allant de deux à plus d'une dizaine d'éclats. La technique est une percussion directe ou sur enclume, au percuteur dur. L'une des pièces les
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plus élaborées présente un plan d'équilibre bilatéral et bifacial partiel, avec une régularisation du bord distal à partir d'un plan de frappe préparé (fig. 12 n°2), méthode proche de celle mise en œuvre pour le débitage Discoïde unifacial partiel de la couche 4 (Mourre, 1994). S’y ajoutent un racloir simple convexe sur un éclat de quartzite blanc et l’outil à plans de symétrie bilatéral et bifacial façonné sur le grand éclat de microgranite (Fig. 12 n°1). Il s'agit d'un Paléolithique ancien dépourvu, ou presque, des marqueurs habituels (bifaces ou hachereaux) de l'Acheuléen des bassins de la Garonne et du Tarn, dont l'âge supposé doit se situer dans le Pléistocène moyen entre 200 et 400 ka (Jaubert et Servelle, 1996 ; Jarry et al., à paraître). Ce qui caractérise avant tout l'assemblage, c'est l'extrême simplicité
des schémas de production (galets entiers, percutés, taillés, à tranchant), que nous aurions tendance à interpréter non en termes de carence technique, mais plutôt comme un marqueur économique à investissement technologique minimum, signant ainsi une présence humaine discrète (Jaubert, 1995). Pour s’en tenir au seul Sud-Ouest de la France, d’autres exemples, contemporains ou plus anciens posent des problèmes similaires : les niveaux de base d’Artenac (Tournepiche et al., 1984 ; Delagnes et al., 1999), de Vaufrey (Geneste, 1988) ou encore Les Rameaux (Rouzaud et al , 1990). Le rapport avec une grande faune majoritairement naturelle est parfois supposé, mais ne peut être établi (Brugal et Jaubert, 1991).
Figure 10. Coudoulous I, couche 4. Plan des remontages en quartz (DAO C. Thiébaut). Couche 4 (V.M., J.J. et M.J.) L'approvisionnement en matières premières est strictement local : toutes les pièces sont issues de galets fortement roulés, disponibles dans les terrasses du Lot à moins d'un kilomètre du site, y compris pour le silex. Exprimés en nombre de restes, le quartz filonien et les quartzites représentent 95,7 % de la série (étude pétrographique Ch. Servelle). Quartz L'industrie en quartz et quartzites peut être rapportée à un système technique complexe orienté vers la production d'éclats tranchants. Plusieurs options techniques peuvent être corrélées aux contraintes inhérentes à la matière première (Fig. 11). En effet, les galets de quartz ne peuvent être débités de façon optimale qu'aux dépens de plans de frappe néocorticaux. Plusieurs méthodes ayant en commun l'utilisation de ces plans de frappe néocorticaux ont été décrites (Mourre, 1994 ; Jaubert et Mourre, 1996), puis
validées par expérimentation et des remontages techniques (Fig. 10, 14) : - la première est la percussion directe au percuteur dur d'un bloc maintenu sur une enclume. Elle s'applique à des blocs parallélépipédiques dépourvus de dièdres corticaux ainsi qu'à des nucléus parvenus à une impasse technique par épuisement des angles favorables à un détachement en maintien habituel. Une large gamme morphologique de nucléus présente des enlèvements à deux points d'impact opposés, nucléus jadis décrits comme des choppers à front abrupt ou nucléus prismatiques (Fig. 13 n°3-4). Les produits sont des éclats à bords parallèles dont l'angle d'éclatement est parfois supérieur à 90°. Cette méthode est également attestée par la présence de fragments de galets plats portant des traces d'impacts sur l'une de leurs faces planes.
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La deuxième méthode s'applique à des blocs présentant des dièdres corticaux et utilise la percussion directe au percuteur dur. Les nucléus sont à enlèvements unifaciaux centripètes obtenus à partir d'un plan de frappe périphérique et sont interprétés comme une expression de la variabilité de la conception Discoïde (Fig. 13 n°1-2). Les produits sont des éclats à talon néocortical et deux tranchants convergents. Ces éclats, prédéterminés et produits de façon récurrente, semblent avoir été recherchés en priorité et sont relativement standardisés. Ils ont
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été utilisés bruts de débitage de façon quasiexclusive. Parfois, la mise en place d'un plan de frappe périphérique est rendue impossible par l'absence de dièdre cortical sur une partie du pourtour du bloc ou par l'apparition d'une impasse technique (accumulation de réfléchissements ou absence d'angle favorable). Dans ce cas, les nucléus abandonnés ont une morphologie analogue à celle des choppers typologiques (Fig. 14) et ont été rattachés à une modalité dite Discoïde unifaciale partielle (Mourre, 1996).
Figure 11. Coudoulous I, couche 4. Schémas opératoires des quartz et quartzites (dessin V. Mourre). Tracéologie (C. L.) Les premières observations à la loupe binoculaire (lumière réfléchie) et au MEB des pièces en quartz de la couche 4 ont donné des résultats encourageants qui ont justifié l’organisation d’un protocole expérimental pour disposer d’un référentiel de traces de comparaison. Des activités de boucherie, de travail du bois, de la peau et des matières dures animales ont donc été réalisées. Ces expérimentations ont permis de vérifier le développement d’écaillures,
d’émoussées, de polis, de stries et d’abrasions sur les tranchants ainsi utilisés. Les écaillures, émoussés ou abrasions les plus développés sont associées au travail de matières demi-dures ou dures, identifiables à partir des plus forts grossissements à la loupe binoculaire. Leur reconnaissance sur les pièces archéologiques permet de disposer d’une première appréciation des zones d’utilisation potentielles des outils en quartz de la couche 4. Par contre, c’est seulement l’observation au MEB qui permet d’évaluer
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les différents types de traces d’utilisation y compris les écaillures légères associées au travail de matières tendres. Le référentiel expérimental a permis de reconnaître des traces d’utilisation sur quatre vestiges de la couche 4 et, pour le moment, d’interpréter en détail celles observées sur deux d’entre elles. La première est caractérisée par deux zones
actives qui, selon les indications des écaillures développées, ont été utilisées respectivement pour couper de la matière tendre et pour racler de la matière demi-dure à dure (Fig. 15b). La deuxième porte, elle aussi, des écaillures de raclage de la matière demi-dure à dure (Fig. 15a).
Figure 12. Coudoulous I. Niveaux inférieurs (8d) : 1, outil acheuléen façonné sur un grand éclat de microgranite ; nucléus discoïde partiel (chopper) en quartzite ; 3, chopper en basalte (dessin M. Jarry, J. Jaubert).
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Figure 13. Coudoulous I, couche 4. 1-2 Nucléus discoïdes unifaciaux en quartz ; 3-4 nucléus sur enclume en quartz (dessin M. Jarry)
Figure 14a. Coudoulous I, couche 4, nucléus discoïde unifacial partiel en quartz et remontage d’une série d’éclats (V. Mourre, DAO M. Jarry).
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Figure 14b. Coudoulous I, couche 4, nucléus discoïde unifacial partiel en quartz et remontage d’une série d’éclats (V. Mourre, DAO M. Jarry).
Figure 15. Coudoulous I, couche 4, zones d’utilisation potentielles d’outils en quartz : a, écaillures de raclage de matière demidure à dure ; b, deux zones actives utilisées respectivement pour couper de la matière tendre et racler de la matière demi-dure à dure (photos C. Lemorini). Silex Le silex ne figure que pour 3,8 % des vestiges lithiques conservés. La majorité des nucléus en silex relèvent d'un débitage de conception Levallois et, d’après leur dernier état, les méthodes à éclat préférentiel et récurrent centripète coexistent (Jaubert, Farizy, 1995). La série comprend un nombre significatif de produits Levallois prédéterminés, bruts de débitage ou retouchés en racloirs simples, doubles ou
convergents. Quelques galets de silex ne peuvent être rattachés à ce débitage Levallois : même s'ils ne sont pas très nombreux, certains relèvent d'un débitage d'éclats par plans sécants (chopping-tools typologiques). Autres roches Une série de galets, majoritairement en granite (0,6 %), mais aussi en basalte (0,2 %) ou en quartz ainsi qu’un gros bloc de
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fer natif, ne montrent pas de cicatrices de débitage mais parfois des plages d’impacts de percussion, notamment pour les granites. Bilan En résumé, l’industrie de la couche 4 de Coudoulous I associe plusieurs schémas de production adaptés aux propriétés des matières premières : une industrie en silex qui atteste de la maîtrise du débitage Levallois (Jaubert, Farizy, 1995), sur quartz, l'impossibilité d'utiliser des plans de frappe non néocorticaux est un facteur limitant qui a interdit la mise en place d’un schéma comparable au profit d'un système complexe et organisé autour de la production récurrente d’éclats. Ce dernier s'exprime par différentes modalités et utilise deux procédés techniques complémentaires et non exclusifs (en ce sens qu'il est possible de passer de l'un à l'autre au cours de l'exploitation d'un même bloc) : percussion directe au percuteur dur (Discoïde) et percussion sur enclume (Mourre, 1998). L'absence de phase de configuration et de préparation des plans de frappe ne doit pas être considérée comme un indice de faible élaboration conceptuelle, au contraire. Sans être originale, cette production enrichi la variabilité technologique du Paléolithique moyen et démontre que plusieurs conceptions du débitage distinctes peuvent coexister, en relation avec la nature des matières premières et la forme des blocs disponibles. Conclusion À peine les travaux de terrain achevés, nous ne pouvons ici esquisser qu’un premier bilan pluri- et non interdisciplinaire. Sur un plan chronologique, on rappellera que la quasi-totalité de la séquence de Coudoulous I, conservée sous le plancher stalagmitique supérieur (OIS 5) est attribuable à la fin du Pléistocène moyen, y compris la couche 4. Concernant les niveaux moyens (5-6) et inférieurs (7-8), les études biochronologiques ne permettent pas encore de se déterminer entre une séquence longue ou plus courte, pour cette dernière ne couvrant par exemple que les stades isotopiques 6 et 7. Si l’on se limite aux événements biologiques, l’histoire du site peut être résumée ainsi : - 8d : ouverture de l’aven et chute d’herbivores contemporaine des premiers indices de fréquentation humaine, lesquels évoquent une forme locale de l’Acheuléen ; - 7e : fréquentation dominée par des carnivores nécrophages, grands prédateurs appartenant principalement aux familles des Canidés et Félidés ; - 7d-7c : abondance des Carnivores, notamment l’Ours (Ursus deningeri) et indices de fréquentation humaine discrète ; - 7c-7ab : chute d’herbivores dans l’aven et consommation par les Carnivores, période toujours marquée par une fréquentation humaine discrète ; - 6 : les herbivores sont majoritaires, les Carnivores sont dominés par le Renard et la présence humaine est insignifiante ; - 5 : on note la quasi-disparition des Carnivores aux dépens d’herbivores (Bison, Cerf…) et la présence de quelques artefacts qui signent une discrète fréquentation humaine ;
- 4 : durant le stade isotopique 6, entre 130 et 200 ka, le rapport Homme-Animal est sans commune mesure avec celui des niveaux antérieurs : un groupe de Néandertaliens met à profit les qualités topographiques et morphologiques du site (Jaubert, 1999) pour acquérir de manière saisonnière des bisons, y pratiquant une consommation quasi “monospécifique“ ; l’exploitation saisonnière et la durée de fréquentation sont tels que ce sont les restes de plusieurs centaines d’individus qui peuvent être dénombrés. L’industrie lithique associée peut être interprétée comme la manifestation d’un Paléolithique moyen ancien influencé par des paramètres naturels (matières premières) et économiques, modèle déjà évoqué pour des sites voisins et chronologiquement proches, La Borde ; (Jaubert et al., 1990) ou plus récents, Mauran (Farizy, David, Jaubert dir., 1994). - 3 : abandon de la cavité par les hommes et les animaux avant le Dernier Interglaciaire ; - 2 : colmatage de l’aven durant le Dernier Glaciaire. Les études à venir viseront à préciser la chronologie des dépôts les plus anciens, notamment l’édification des premières générations de spéléothèmes, l’âge de l’ouverture du karst qui voit le passage des premiers groupes de prédateurs animaux ou humains, le rapport – si rapport il peut y avoir – entre les vestiges animaux et les artefacts pour les dépôts de la base de la séquence (8d-5a). Enfin, nous restituerons aussi précisément que possible l’utilisation du site par les occupants de la couche 4 en définissant le mode de fréquentation, d’exploitation de la grande faune et le type de séjour afin de les comparer aux modèles déjà proposés. Jacques JAUBERT1, Bertrand KERVAZO2, JeanPhilip BRUGAL3, Pierre CHALARD4, Christophe FALGUÈRES5, Marc JARRY4, Marcel JEANNET6, Cristina LEMORINI7, Antoine LOUCHART8, Frédéric MAKSUD9, Vincent MOURRE10, Yves QUINIF11, Céline THIÉBAUT12 1 - IPGQ, UMR 5808, Université de Bordeaux I, Avenue des Facultés, F-33405 TALENCE [email protected] 2 - Centre national de la Préhistoire, UMR 5808, 38 rue du 26e R.I., F-24000 PÉRIGUEUX [email protected] 3 - UMR 6636 du CNRS, MMSH, BP 647, 5 rue du Château de l'Horloge, F-13094 AIX-EN-PROVENCE [email protected] 4 - UMR 5608 UTAH, INRAP, ZA des Champs Pinsons, 13 rue du Négoce F- 31650 SAINT-ORENS [email protected], [email protected] 5 - Laboratoire de Préhistoire du MNHN, UMR 6569, IPH, 1 rue René Panhard, F-75013 PARIS [email protected] 6 - ARPA et UMR 6636 du CNRS, 2 rue du 19 Mars 1962, F71850 CHARNAY-lès-MÂCON [email protected] 7 - Universitá La Sapienza, Museo delle Origini, Piazza Aldo Moro 5, I-00185 ROMA [email protected]
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8 - Centre de Paléontologie stratigraphique et paléoécologique, UMR 5565, Université de Lyon 1, 27-43 Boulevard Cl. Bernard, F-69622 VILLEURBANNE [email protected] 9 - SRA Midi-Pyrénées, 7 rue Chabanon 31200 TOULOUSE [email protected] 10 - Les Hauts d’Arthèmes, F-84560 MÉNERBES [email protected] 11 - CERAK, Université Polytechnique de Mons, 9 rue de
Houdain, B-7000 MONS [email protected] Doctorante université d’Aix-Marseille, UMR 6636 du CNRS, MMSH, BP 647, 5 rue du Château de l'Horloge, F-13094 AIX-en-PROVENCE [email protected]
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Tableau 1. Coudoulous I (Tour-de-Faure, Lot). Tableaux de présence des microfaunes identifiées par US, hors Poissons et Oiseaux (M. Jeannet)
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Tableau 2. Coudoulous I (Tour-de-Faure, Lot). Tableau de présence de l’avifaune identifiée dans les ensembles moyens et inférieurs (5-8) (A. Louchart).
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Karine Matilla
Figure 2 : plan de La Chaise-de-Vouthon (in: Debénath, 1974). Nombre d’objets Nombre d’objets fouilles A. Debénath fouilles P.David 1431 6222 Suard 2798 2276 Bourgeois-Delaunay Couloir Total détaillé 4317 8831 Total général 13148 Figure 3 : décompte du matériel sur galet étudié, fouilles P. David et A. Debénath. L’examen technologique du matériel de l’abri Suard semble indiquer la pratique de méthodes de débitage organisées, Levallois notamment. Pour être débités, les galets, qui ne présentent pas toujours des angles de frappe adéquats, sont avant tout fracturés de diverses manières. L’une d’entre elles est la percussion bipolaire sur enclume, technique expérimentée et très efficace pour obtenir des moitiés de galets parfaitement adaptées à la mise en place de méthodes de débitage organisées. En effet, il existe une surface de plan de frappe et un plan de frappe, dont le cortex, ou le néocortex puisqu’il s’agit de galets, est souvent conservé, et une surface de débitage. Là est mise en place la méthode choisie. A l’abri Suard, il semble que le débitage Levallois récurrent unipolaire soit la méthode préférentiellement utilisée. Les éclats de préparation de la surface de débitage sont extraits selon des directions centripètes ou entrecroisées, puis une série d’éclats Levallois longitudinaux unipolaires est extraite. Une série orthogonale ou opposée à celle-ci peut ensuite être enlevée, mais ce cas de Fig. semble rare. La surface de débitage est le plus souvent reprise par l’extraction de nouveaux éclats prédéterminants de direction entrecroisée.
L’exploitation est généralement interrompue par la multiplication des accidents dus à la nature du matériau. Les rebroussements, les fractures, le mauvais détachement des éclats sont fréquents et perturbent la poursuite de la production. Les nucléus sont alors souvent abandonnés alors que des éclats, sur le point d’être extraits, ne se sont pas détachés (Figure 4). L’objectif de cette méthode est d’obtenir des éclats de forme prédéterminée. Il semble donc exister un certain souci de contrôle du résultat soit pour répondre à un besoin particulier, soit parce que l’attachement à la technique qui régit l’essentiel de la production est très fort. En effet, même si elle est possible, la pratique du débitage Levallois à partir de galets de quartzite grossier est assez difficile. En dépit du résultat dont la qualité n’est pas toujours anticipée ou contrôlable, les hommes ont tout de même appliqué leur savoir-faire, avec une certaine adaptation certes, en conservant les plans de frappe corticaux, mais dont le schéma essentiel reste fidèle à la conception de base. Les produits obtenus doivent être grands, assez minces, de morphologie similaire.
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Techno-typologie et techno-économie du matériel sur galetde La Chaise-de-Vouthon, Charente A l’abri Bourgeois-Delaunay, au contraire, il semble que les méthodes préférentiellement employées soient les méthodes discoïdes alors que le débitage Levallois est quelquefois mis en place. Les nucléus obtenus sont le plus souvent unifaciaux et conservent un plan de frappe cortical (Figure 6). Les éclats sont débités en série de manière sécante par rapport au plan du nucléus. Lorsque la surface de débitage devient trop conique ou que les accidents se multiplient, un éclat de ravivage est extrait, parallèlement au plan du nucléus. Cet éclat emporte toute la surface de débitage discoïde (Figure 7). Il permet de poursuivre alors l’exploitation par l’extraction de nouveaux éclats, pointes pseudo-Levallois notamment (Figure 8) dont la direction d’extraction est aussi prévue pour exploiter la matière de manière exhaustive. En effet, la combinaison des directions cordales et centripètes permet d’éviter de multiplier les accidents au centre de la surface de débitage qui sont souvent à l’origine de l’abandon des nucléus. La pratique du débitage discoïde indique la volonté d’exploiter la matière de manière exhaustive. Il semble qu’ici, la quantité de produits obtenus importe plus que leur qualité. L’attachement à la tradition technique semble moins important. En effet, même si la méthode de débitage Levallois est connue, et toujours employée, surtout sur le silex (Delagnes, 1992), les hommes préfèrent appliquer une méthode plus adaptée au débitage des galets. La méthode de débitage sur enclume est employée tout au long de l’occupation des deux abris. Elle est appliquée sur des galets de morphologie impropre à une percussion directe classique. Les éclats obtenus ne sont jamais très nombreux. Leur détachement devient vite difficile et les derniers extraits sont souvent fracturés. Cette méthode est sans doute employée pour un besoin immédiat en éclats. La présence d’une telle méthode est intéressante car elle souligne le contraste comportemental observé entre les deux abris. En effet, la présence de plusieurs méthode de débitage révèle une indépendance des schémas conceptuels des préhistoriques et une bonne connaissance des possibilités techniques et de gestion du matériau. Ce point accentue le fait que l’emploi d’une méthode prépondérante relève bien d’un choix particulier. Pour autant, les besoins ne paraissent pas avoir changé entre les deux abris. Dans les deux abris, en effet, tous les éclats sont utilisés pour le façonnage des outils, dans la majorité des racloirs (Figure 9), mais aussi des denticulés, des encoches, des becs, des grattoirs. La retouche est écailleuse, souvent inverse, sans doute en raison de la morphologie épaisse des éclats dont la face inférieure est de plus bombée. L’outillage lourd, chopper, biface, est aussi présent dans les deux remplissages, l’abri Suard étant tout de même plus fourni. L’objectif de la production semble donc identique dans les deux abris mais les moyens mis en œuvre pour y parvenir diffèrent. Dans un souci de compréhension de ce comportement techno-typologique et techno-économique des
Néandertaliens, l’étude du matériel sur galet confirme alors encore son intérêt par l’analyse du matériel de percussion. Le souci, pour les hommes de Suard, de conceptualiser l’intégralité de la chaîne opératoire est appuyé par la présence d’un nombre conséquent de retouchoirs tout à fait particuliers. Ce sont des galets plats et de petite dimension, en microgranite, pourvus de petites stries d’1 cm environ, parallèles entre elles et transversales à l’axe longitudinal du galet. Elles prennent place sur l’extrémité des faces planes du support. Ces objets très caractéristiques sont absents à l’abri Bourgeois-Delaunay. Le changement comportemental des hommes est encore une fois souligné et révélateur de l’influence de facteurs divers dans le choix d’une gestion particulière du matériau. Si l’objectif de la production est l’obtention de supports pour répondre à un besoin de tranchant, notamment, pour les activités quotidiennes, les moyens mis en œuvre nettement différents témoignent alors de l’influence d’autres facteurs. La poursuite des travaux va permettre de les évaluer. En effet, les comportements des préhistoriques sont influencés par ce qu’ils sont, autrement dit le type d’homme auquel ils sont rattachés, leur mode et leur lieu de vie, c’est-à-dire la durée d’occupation du site et l’environnement auquel il appartient, par leur culture, leur tradition. Tous ces points seront examinés dans le cadre d’une Thèse de Doctorat (Matilla, thèse en cours). Ainsi, le matériel sur galet, au-delà de la complémentarité certaine qu’il a avec la panoplie en silex, souligne le changement comportemental observé dans cet assemblage (Delagnes, 1992). Les méthodes de débitage employées sont conceptualisées à l’avance. Les hommes gèrent leur matière première en fonction d’un objectif particulier à atteindre : l’obtention de produits standardisés à l’abri Suard, celle de produits moins standardisés mais en grand nombre à l’abri Bourgeois-Delaunay. La gestion du matériau est très anticipée à l’abri Suard. A l’abri Bourgeois-Delaunay, en revanche, le matériau est géré de manière un peu plus aléatoire. L’objectif des deux assemblages reste pourtant le même, l’obtention de support destinés à être retouchés en racloirs. C’est au niveau des priorités technologiques que la différence s’exprime. Si les hommes de l’abri Suard privilégient la qualité, ceux de l’abri Bourgeois-Delaunay choisissent la quantité. Là se manifestent deux comportements techno-économiques bien distincts influencés par de multiples facteurs. Sur une période relativement longue existent à la fois des permanences et des changements dans le comportement techno-typologique et technoéconomique des hommes. Comprendre les raisons de cette diversité des comportements rejoint les problématiques liées à la variabilité du Moustérien, ce pour une réflexion à grande échelle du comportement des Néandertaliens. Karine Matilla1 1- Université de Perpignan, UMR 55 90 du CNRS, et 4 rue Coupe de France 66 130 Ille-sur-Têt, France.
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Karine Matilla
1
2
Figure 4 : 1, nucléus Levallois récurrent unipolaire à plan de frappe cortical. La dernière série d’éclats Levallois longitudinaux unipolaires n’a pas été détachée; 2, nucléus Levallois à débitage orthogonal à surface de plan de frappe préparée. Le dernier éclat ne s’est pas détaché correctement sur son bord gauche.
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3
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5
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Figure 5 : 1 à 3, éclats Levallois premiers ; 4 et 5, éclats Levallois seconds ; 7 à 11, éclats Levallois troisièmes ; 6, pointe Levallois.
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Karine Matilla
3 2
1
6
4
5
Figure 6. 1 à 5, nucléus discoïdes unifaciaux à plan de frappe cortical ; 6, nucléus discoïde bifacial.
1
3
2
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Figure 7. 1 à 4, éclats de surface discoïde.
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Figure 8 . pointes pseudo-Levallois. et 6, 10 et 11, éclats débordants discoïdes.
4
2
1
3
8 6 7
5
Figure 9. 1 à 4, racloirs convexes ; 5 et 6, racloirs concaves ; 7 et 8, racloirs Sconvexes.
259
Karine Matilla Bibliographie Debénath A. (1974), Recherches sur les terrains quaternaires charentais et les industries qui leur sont associées, Thèse de Doctorat d’Etat es Sciences naturelles, Université de Bordeaux I. Debénath A. et Tournepiche J.F. (1992). Néandertal en Poitou-Charentes. Association Régionale des Conservateurs des Musées du Poitou-Charentes, Poitiers. Imprimeries Ebrard., l’Isle d’Espagnac. Delagnes A. (1992), L’organisation de la production lithique au Paléolithique moyen. Approche technologique à partir de l’étude des industries de La Chaise-de-Vouthon (Charente), Thèse de Doctorat, Université de Paris X.
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260
Données récentes sur les premiers peuplements en Europe
THE EXPLOITATION OF THE FAUNAL REMAINS IN THE MOUSTERIAN LEVELS AT RIPARO TAGLIENTE (VERONA, ITALY) THUN HOHENSTEIN Ursula, PERETTO Carlo Résumé Le site du Riparo Tagliente, découvert en 1958 par Francesco Tagliente, se situe sur le flanc gauche de la Valpantena à 250 m au-dessus du niveau de la mer. La série stratigraphique peut être divisée en deux unités principales séparées par une surface d’érosion: des dépôts contenant de l’industrie moustérienne et aurignacienne et des dépôts contenant de l’industrie épigravettienne. Dans ce cadre sont présentés les résultats obtenus grâce à l’étude archéozoologique des macro-mammifères provenant des niveaux moustériens 35, 36, 37 et 44-52. Ils révèlent un rôle différentiel des actions humaines en ce qui concerne l’accumulation des restes fauniques. Les restes osseux sont surtout représentés par des fragments d’os longs, vertèbres, sésamoïdes et dents, dont le genre ou l’espèce ne sont pas toujours déterminables. Les pièces osseuses identifiées représentent 4% des restes des niveaux 35-37 et 5% des restes des niveaux 44-52 (Tab.1). Sur la base du nombre de restes déterminés (NISP), la composition faunistique des niveaux 35-37 est constituée par des ongulés comme le cerf, le chevreuil, l’élan, le bouquetin, le chamois et le sanglier; par des carnivores comme l’ours, le loup et le renard, et parmi les rongeurs, la marmotte. Une deuxième phalange du premier doigt d’Homo neanderthalensis a été retrouvée dans le niveau 36 et une dent d’équidé dans le niveau 35 (Tab.2). Les restes osseux appartiennent majoritairement à des individus adultes, cependant quelques éléments appartenant à des fœtus ou des nouveaux nés de cervidés proviennent des niveaux 36 et 37. Ils indiquent une probable fréquentation de l’abri pendant le printemps. En ce qui concerne les niveaux 44-52, la composition des ongulés reste stable, en revanche on remarque une augmentation du nombre de restes des carnivores (loup, renard, ours, léopard et mustélidés). On souligne la présence de quelques restes d’oiseaux non encore identifiés en ce qui concerne l’espèce. Le calcul du nombre minimum d’individu (MNI) ne souligne aucune différence entre les niveaux pris en considération : le chevreuil est représenté par deux individus et le reste des ongulés par un seul individu, à l’exception du chamois dans le niveau 36 et du cerf dans les niveaux 37 et 44-52 (deux individus). Les carnivores, lorsqu’ils sont présents, sont généralement représentés par un ou deux individus (renard et loup) (Tab.2). En conséquence du faible corpus déterminable et si l’on prend en compte la nature préliminaire de l’échantillon étudié, on peut d’ors et déjà donner quelques informations paléoclimatiques: l’abondance du chevreuil, la présence de l’élan et de la marmotte suggèrent un climat froid-tempéré plutôt humide. Le matériel présente un degré élevé de fragmentation lié principalement à des activités anthropiques auxquelles se superposent des fractures dues à des facteurs post-
dépositionnels. Les surfaces osseuses montrent un bon état de conservation et il a été possible de reconnaître des traces linéaires (stries) attribuables à des activités de boucherie sur les restes des ongulés. Dans tous les niveaux on été trouvés des retouchoirs sur éclats osseux (Tab. 3). L’activité de fracturation intentionnelle et les stries de boucherie sont plus évidents dans les niveaux 35-37; dans les niveaux inférieurs les traces liées à l’activité des carnivores augmentent. L’occupation de l’abri par les carnivores semble, donc, être plus intense dans les niveaux inférieurs (44-52), par contre elle semble plus fortuite dans le niveaux supérieurs (35-37). Même si la présence des carnivores est attestée, l’évidence de l’occupation humaine n’est pas mise en doute, comme l’atteste l’abondante industrie lithique repérée dans les différents niveaux. Introduction The site of Riparo Tagliente, which was discovered in 1958 by F. Tagliente, lies on the left side of the Valpantena at 250 metres above sea-level. The Upper Pleistocene stratigraphy can be divided into two main units separated by an erosion surface: the lower unit consists of deposits containing Mousterian and Aurignacian industries, while the upper unit consists of deposits with Epigravettian industries (Bartolomei et alii 1982, 1984). The faunal assemblage analysed in this study comes from the lower part of the stratigraphy, which begins with deposits formed by the colluviation of external sediments and thermoclastic sediments (52-44); pollen analyses show that these deposits formed during a period of cold and dry climate, when the vegetation was characterised by grassland and scotch pine. Above this unit a massive rockfall and a layer characterised by clasts derived from the degradation of the walls of the rockshelter (levels 43-40), indicate a deterioration in the climate, and the pollen analyses revealed a decrease in arboreal cover. In the upper part of the series (levels 39-31), loess sediment prevails and trees almost disappear. The industries in all these deposits are Mousterian (see Arzarello this volume). At the top of this unit, and in apparent stratigraphic continuity, the level 25 contains an Aurignacian industry with Dufour bladelets. The stratigraphic series corresponds with an entire glacial cycle, between about 60,000 BP and 30,000 BP. An Epigravettian burial was found cut into the Mousterian deposits in the inner part of the rockshelter. Materials and methods An archaeozoological study was carried out on the faunal remains from Mousterian levels 35, 36, 37 and 44-52. More than 3000 faunal remains have been examined from level 35 (Thun Hohenstein et alii 2000; 2001), 7689 from level 36,
261
Thun Hohenstein Ursula, Peretto Carlo
5303 from level 37 (Aimar et alii, 1998; 2000) and 3610 from level 44-52 (Thun Hohenstein, 2001) (Tab. 1).
The number of remains is greatly influenced both by the extension of the explored area for each level and the degree of fragmentation of the bone assemblage.
Level
NR
NR > 2 cm
NISP
% NR
% NR > 2 cm
35
3000
406
113
3,8
28
36
7689
1162
276
3,6
23,8
37
5303
773
186
3,5
24
44-52
3610
1053
574
15,76
53,83
Tab. 1 Riparo Tagliente. Sample size: Number of remains (NR) and Number of identified specimens (NISP). The percentage of NISP are related to the total number of remains (NR) and to the finds larger than 2 cm. The taphonomical analysis proceeded by selecting the bone fragments larger than 2 cm, which left 406 for level 35, 1162 for level 36, 773 for level 37 and 1053 for level 44-52. The bone surfaces are generally well preserved, allowing a detailed analysis of modifications caused by anthropic activities; in other cases exfoliation and/or erosion have affected the surface (outer layers) in a more or less invasive way. The high degree of fragmentation of the faunal assemblages coming from all of the levels examined is mostly due to intensive human activities. Bone surfaces were observed using a reflected light stereomicroscope (Leica MZ) in order to identify any eventual modification or characteristic marks. Scanning electron microscopy was then been carried out on a selected sample of the remains using bone surface replicas made with silicone elastomer (Provil L - Bayer, Leverkunsen, Germany) and epoxy resin (araldite LY554 e catalyser HY956, Ciba Geigy, Basel, Suisse). Composition and characteristics of the faunal assemblage The majority of the bone fragments can be attributed to large mammal species; micromammals are also numerous, documented in particular by dental remains, the examination of which revealed high percentages of insectivores and rodents. Only sparse evidence was found of fishes, amphibians or reptiles. Most of the remains analysed from the Mousterian levels consist of long bone shafts, vertebrae, sesamoids and teeth, which unfortunately cannot always be identified at species or genus level. For example, the distinction between elk, megaceros and red deer, or between roe deer and chamois, is often hindered by the lack of diagnostic morphological elements and the high degree of fragmentation of the remains. Identified remains constitute 4% of the faunal assemblage for levels 35, 36 and 37, and 15% for levels 44-52 (Tab. 1). As far as the composition of the faunal assemblage is concerned,
there is no significant difference between levels 35, 36 and 37. On the basis of the Number of Identified Specimens (Tab. 2), the most common species among the ungulates is roe deer, followed by red deer, ibex and chamois; among the carnivores, wolf and bear are predominant, but also rare; a number of marmot remains have been identified among the rodents. Some bird bones have also been recognised, but not with sufficient precision yet. Of note are the equid tooth which was found in level 35, the elk bone, hare humerus and second phalanx of Homo neanderthalensis in level 36, and the bovid from level 37. In the lower levels (44-52), the composition of the faunal assemblage remains unchanged among the artiodactyls, while among the carnivores there is an increase in the number of faunal remains, together with a greater variety of taxa (wolf, fox, bear, leopard, mustelids). As far as the Minimum Number of Individuals is concerned (Tab. 2), all of the species are represented by the same number of individuals: either 1 or 2. The Minimum Number of Individuals was calculated on tooth remains or epiphyseal portions, and bearing in mind the age of the categories represented. The faunal assemblage is mostly formed by adults and subadults. Age at death has been established on the basis of the state of eruption and degree of tooth wear, and ossification of the long bones. Foetal or neonate cervid bones were also identified in levels 37 and 36, providing information about the season of occupation of the rockshelter (i.e. in springtime). Roe deer, red deer, ibex and chamois are represented by mandible fragments and limbs elements; the high degree of fragmentation explains the low rate of identification of some elements compared to others. The finds identified only to anatomical level include elements of the axial skeleton (cranium, vertebrae and ribs) which could belong to the artiodactyls. The number of skeletal elements is only significant for roe deer, since a sufficient number of remains was available from all of the levels; this revealed that almost all of the skeletal elements of the carcasses were brought onto the site.
262
The exploitation of the faunal remains in the Mousterian levels at Riparo Tagliente (Verona, Italy)
Level 35 Taxon
Level 36
Level 37
Level 44-52
NISP
MNI
NISP 1
MNI 1
NISP 1
MNI 1
NISP
MNI
Marmota marmota
4
1
15
2
24
2
5
1
Canis lupus
3
1
2
1
1
1
41
2
3
2
53
2
2
1
Lepus sp.
Vulpes vulpes
4
1
Acinonyx sp.
1
1
Martes martes
1
1
Meles meles
6
1
Ursus sp.
Canidae
2
1
1
39 4
Carnivorae Equus sp.
1
81
1
Sus scrofa Alces alces
4
1
2
1
3
1
2
1
2
1
Cervus elaphus
8
1
38
1
14
1
26
2
Capreolus capreolus
79
2
137
2
108
2
161
2
Capra ibex
4
1
17
1
14
2
6
1
Rupicapra rupicapra
5
1
31
2
2
1
1
1
7
1
Bos sp. Artiodactyla
4
20
5
100
Aves
3
6
2
27
Total 114 9 276 14 186 15 557 17 Tab. 2 – Riparo Tagliente. Number of identified specimens (NISP) and minimum number of individuals (MNI) by species and level. Analysis of the bone surfaces The analysis of the bone surfaces was aimed at the recognition of the different agents of bone modification (Tab. 3), as well as climatic, edaphic or biological actions. In some cases, postdepositional factors, temperature and humidity changes have caused weathering cracks. Root-etching is slight and irrelevant. A lot of burned fragments were also found, which indicate the use of fire only in the upper levels (35, 36 and 37).
The analysis of the bone surfaces of the ungulates revealed cutmarks on an average of 22% of the bones in levels 35, 36 and 37, and on 4% of the bones in levels 44-52. In contrast, cut-marks are completely absent on carnivores remains. Cutmarks have been recognised even on the humerus, scapula and mandible of a marmot. In brief, anthropic activity related to butchery and bone breakage had a marked impact in levels 35-36, but it has also been recognised also in levels 44-52. These levels are also characterised by an increase in the activity of rodents and carnivores, an aspect which fits with an occupation of the site by both humans and carnivores.
Level 35 Level 36 91 231 Cutmarks 13 12 Scraping 4 59 Retouchers 13 32 Bone breakage 6 28 Notches 17 30 Flake scars 1049 1387 Burnt bones 2 10 Rodents marks 3 12 Carnivore marks Tab. 3 – Riparo Tagliente. Categories of bone modifications by level.
263
Level 37 173 15 31 40 26 36 1982 18 9
Level 44-52 44 8 3 39 14 20 48
Thun Hohenstein Ursula, Peretto Carlo
Figure 1. Riparo Tagliente, levels 44-52. Unidentified shaft (A) with groups of deep cutmarks (B); it is possible to recognize the entry and exit points of the stone tools under the SEM. The secondary striations, inside the main sulcus, are partially hidden by concretions of sediment.
264
The exploitation of the faunal remains in the Mousterian levels at Riparo Tagliente (Verona, Italy)
Fig ure 2. Riparo Tagliente, level 35. Diaphysal fragment (A) bearing marks produced by retouching the edge of a flint flake (B). Marks of anthropic activity The micromorphological analysis carried out using the SEM revealed different degrees of preservation of the cutmarks. In some cases they appear to be very well preserved and have the typical characteristics, suggesting that they were caused by the use of a stone tool. V-shaped or trapezoidal sections, secondary striae inside the principal sulcus, and raised edges are all clearly identifiable. In other cases, alterations caused by postdepositional factors (concretions, exfoliation) have partially hidden or cancelled out the cutmarks marks visible at a micromorphological level. Nevertheless, other evidence such as dimensions, orientation and location of the marks leave no doubt as to their interpretation, and allow them to be attributed to different stages in the butchery process. The striae are mainly located on the diaphyses of the long bones and close to the epiphyses (in levels 35, 36, 37 and 4452), and on the articular surface of some vertebrae (levels 36 and 37), but only on roe deer, which is present in sufficient numbers to be able to partially reconstruct the various stages in the butchery process; for other species it is possible to only document certain actions. - Skinning cutmarks have been documented on various phalanges of roe deer and chamois (in levels 35, 36, 37 and 44-52) as well as on a marmot mandible, humerus and scapula (level 36). - Disarticulation cutmarks have been recognized on the epiphysis of long bones and near the insertion areas of ligaments (in levels 35, 36 and 37) and even on foetal cervid bones (level 36). The disarticulation of the head from the trunk is documented by a deep cutmark on a red deer hyoid
bone (in level 35) and on a chamois occipital bone (in level 37). - Defleshing. Deep cutmarks are present along the shafts resulting from the removal of muscle mass (in levels 35, 36, 37 and 44-52). In fig. 1 the cutmarks reveal a repetitive action made by the same stone tool, as documented by repeated groups of similar striae (level 44-52). Scraping marks have been recognised on the diaphyses of long bones, especially on the metapodials (in levels 35, 36 and 37). They may have been caused either by the stripping of the muscle mass, or by the removal of the periosteum, in order to prepare the bone for breakage to open the marrow cavity. - Intentional bone fracturing. Several fragments of diaphyses with marginal notches and fractures document marrow extraction on some of the artiodactyl bones. The first phalanxes are also represented by fragments of repetitive shape, and are probably the result of systematic breakage. Flake scars have also been recognised (in levels 35, 36 and 37). - Burning. Fragments generally smaller than 3 cm have been found in levels 35, 36 and 37. Some fragments of diaphyses are characterised by areas covered by small notches which sometimes overly an area of intense scraping; this suggests that these fragments were used as retouchers (Tab. 3), and other examples of these artefacts have been found in all levels (Malerba e Giacobini, 1998; Thun Hohenstein, 2001). Carnivore and rodent marks Alterations of the bone surfaces due to rodent and carnivore activity are scarce in levels 35, 36 and 37, while they increase
265
Thun Hohenstein Ursula, Peretto Carlo
notably in levels 44-52 (Tab. 3). They consist of "smoothed" edges on fragments which completely alter the morphology of the bone. The marks left by carnivores consist of punctures and pits, and some of the remains show chewing and polishing which were caused either by licking or by passing through the alimentary canal. Conclusions In view of the small number of identified remains, and considering the preliminary nature of this study, the material examined cannot provide definitive palaeoclimatic indications for these stages of anthropic occupation. However, the abundance of roe deer and the presence of elk and marmot may suggest a temperate-cold and rather humid climate. The foetal or neonatal cervid bones identified in levels 37 and 36 provide information about the season of occupation of the rockshelter (i.e. in springtime). The faunal remains have revealed a high degree of breakage, partly as a result of anthropic activity, and partly due to postdepositional processes; nevertheless, the bone surfaces are all well preserved. Cutmarks are well documented. The study of the faunal assemblages has shown an intensive human activity aimed at the complete exploitation of the animal carcasses.
The cutmarks identified on the surfaces of the ungulates document that butchery of the animal carcasses was probably carried out on the site. The butchery technique seems to have been consistent and repetitive. The presence of cutmarks on the marmot bones may be attributed to the stripping of the pelt. The occupation of the site by carnivores appears to have been completely incidental in levels 35, 36 and 37, as indicated by the low percentage of their remains and by the comparative rarity of gnawing or chewing marks. Nevertheless, it becomes more significant in levels 44-52, as shown by the greater variability of carnivore species and by the increase in the presence of marks left by their activities. Moreover, a high number of both fragments of diaphyses showing loading points and flake scars indicate intentional bone breakage. The evidence thus seems to confirm an intensive anthropic occupation of the site, as was already indicated by the abundance of the lithic assemblage. Ursula Thun Hohenstein1, Carlo Peretto1 1 - Università degli Studi di Ferrara, Dipartimento delle Risorse Naturali e Culturali, Corso Ercole I d’Este, 32 – 44100 Italia e-mail: [email protected]
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The exploitation of the faunal remains in the Mousterian levels at Riparo Tagliente (Verona, Italy)
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267
268
Données récentes sur les premiers peuplements en Europe
HUMAN OCCUPATIONS AT GALERÍA SITE (SIERRA DE ATAPUERCA, BURGOS, SPAIN) AFTER THE TECHNOLOGICAL AND TAPHONOMICAL DATA OLLÉ Andreu, CÁCERES Isabel, VERGÈS Josep Maria Abstract This paper presents, in a synthetic and integrated form, a revision of the results obtained after the study of the archaeological record of Galería site (Sierra de Atapuerca, Burgos). Based on taphonomic, zooarcheological, and technical data (representation of lithic reduction sequences and usewear), we reconstruct the natural and anthropical processes which generated and modified the accumulation. We propose a model of human intervention, based on a planned strategy to access naturally accumulated herbivore carcasses, in competition with carnivores. Résumé Dans ce travail nous présentons, de façon synthétique, les résultats obtenus d’après l’étude du matériel archéologique du gisement du Pléistocène Moyen de Galería (Sierra de Atapuerca, Burgos). Dans ce site, six phases sédimentaires ont été distinguées mais seulement dans la seconde et la troisième on été trouvés des objets archéologiques. La cavité présente une série d’occupations humaines qui se situent vers les 350 ka jusqu’au les 180 ka BP. Une fois refusés les différents agents biologiques ainsi que le transport hydrique ou gravitationnel comme la cause de mise en place du remplissage, l’analyse de la faune (composition squelettique, groups d’âge et altérations taphonomiques) nous permet de proposer l’hypothèse selon laquelle l’aven situé au sud de la cavité a fonctionné comme un piège naturel pour la plupart des restes récupérés lors des fouilles. L’ensemble de modifications observées sur les fossiles nous a permis de reconstruire le processus de mise en place du remplissage ainsi que leur l’évolution dans la cavité une fois les animaux y sont tombés accidentellement. Le piège est devenu un point d’accès aux ressources carnées exceptionnelles aussi bien pour les carnivores que pour les hominidés. Dans les os, la présence d’activité humaine a été mise en évidence d’après les cutmarks et les évidences de fracturation. La fréquence, localisation et distribution de ces évidences nous ont permis de penser qu’il y a eu un accès primaire aux cadavres, comprenant le dépouillement, l’éviscération, le décharnement et la fracturation des os pour accéder à la moelle. Les hominidés ont consommé in situ certaines parties des animaux, mais la composition squelettique nous a permis identifier une stratégie consistant à transporter les animaux à l’extérieur en fonction de leur taille: transport complet pour les animaux petits et sélectif pour les moyens et grands (spécialement des éléments appendiculaires). Les données fournies par l’étude de l’ensemble lithique de Galería s’accordent avec l’interprétation archeozoologique. Les chaînes opératoires sont incomplètes, et présentent une
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certaine surreprésentation d’objets hypothétiquement utilisables: outils configurés, éclats de petit et moyen format ainsi que des abondantes bases naturelles (galets non taillés). La taille est essentiellement allochtone, bien qu’il y ait séquences de réduction et remontages dans certains niveaux. Les résultats tracéologiques (après l’analyse au MEB) ont montré que la plupart des actions menés avec les outils lithiques correspondent à des tâches de boucherie. Mais l’exploitation des ressources animales ne se limite pas à la viande, car la seconde activité identifiée c’est le traitement de la peau. Le travail du bois, bien que très marginal, a été documenté dans tous les niveaux. Pour ce qui concerne les carnivores, il est évident que, comme les hominidés, ils ont eu un accès primaire aux cadavres. Les présences de ces deux agents se sont alternées dans le temps, existant probablement une forte concurrence. Mais la superposition de mâchonnement sur les traces de découpe indique que les carnivores arrivent, parfois, plus tard que les hominidés. Galería, donc, est un lieu de visite humaine sporadique mais répétée. On n’y trouve pas les caractéristiques propres des lieux d’habitat central (haute anthropisation des restes faunistiques, abondance de séquences de taille lithique, organisation de l’espace, foyers, piétinement…). En plus, les conditions de la cavité (pauvre illumination, haute humidité...) expliquent par elles-mêmes la faible activité domestique documentée. Diachroniquement, la plus grande variabilité se voit sur l’intensité des impacts. Les occupations plus intenses sont vers la base de la séquence. La quantité d’objets lithiques et le NMI d’herbivores décroissent progressivement, parallèlement à la réduction de l’anthropisation des os et au poids relatif des carnivores. Dans la cavité, au fur et à mesure de son remplissage il y a une réduction de l’espace, ce qui limite largement la partie habitable de la grotte ainsi que son efficacité comme piège naturel. Si les activités et les occupations de Galería ne sont pas très complexes, il y a une vraie planification (dans le domaine technique, apport d’outils bien élaborés de production allochtone, mais aussi débitage et retouche à l’intérieur dirigés à satisfaire certains besoins immédiats) et un contrôle du territoire (connaissance des pièges et des ressources alimentaires que l’on y trouve). La cavité, donc, fonctionne comme un lieu singulier d’approvisionnement alimentaire parmi le réseau d’enclaves exploitées dans la Sierra de Atapuerca. Ce réseau, en dernière instance, conditionne les stratégies de subsistance des groups humains, selon les ressources de chaque point (matières premières, habitabilité, eau, ressources animales et végétales…).
Ollé Andreu, Cáceres Isabel, Vergès Josep Maria
The site Sierra de Atapuerca is an enclave of 25 km2 located in the North Iberian Meseta, 15 km. to the east of the city of Burgos. It is mainly formed by Upper Cretaceous limestones, in which a karst with a phreatic origin was developed during the Miocene. The infilling of this karst contains an archaeological and paleontological record ranging from Lower Pleistocene to Holocene (Aguirre et al., 1987; Bermúdez de Castro et al., 1995; Arsuaga et al., 1997; Bermúdez de Castro et al., 1999; Carbonell et al., 1999a; AAVV, 2001; Rodríguez et al. 2001; Vergès et al., 2002, García et al., 2003). The Galería complex is located on the western side of the Sierra, 1,000 m.a.s.l. During the construction of a mining railway at the beginning of the last century, several cavity and fissure infillings were cut and brought to light, uncovering an important archaeopalaeontologyical record. The abundance and continuity of these findings along the visible sequence, demonstrated the relevance of Galería as one of the best preserved records of human occupations in cave from the Middle Pleistocene in the Iberian Peninsula. From 1982 to 1995, and after several preliminary interventions, a systematic excavation was carried out which affected an area of around 40 m2 . We use the name of Galería to refer to the small cave system composed of three different areas (fig. 1, b): a practically horizontal karstic gallery at the central area (TG), which it is joined in its north end by a small chamber known as Covacha de los Zarpazos (TZ), and, on the south end, with a vertical duct open to the surface (TN). The Galería system was filled during the Early and Middle Pleistocene with two different major sources of sediments. Mud and debris flows coming from the north area (TZ) reach and fill the central area of the system, while gravitational sediments fall and fulfill the TN shaft, interfingering with the layers coming from the north. These processes have given rise to sedimentary sequences, ranging from about 7 m of thickness in the central area to 13 m in the TN end. Six main filling phases have been distinguished in Galería, each of them separated by stratigraphic discontinuities (PérezGonzález et al., 1995; Pérez-González et al., 1999; PérezGonzález et al., 2001; Ollé & Huguet, 1999) (fig. 1, a,c). GI is a sterile unit, formed by interior cavernous detrital sediments. A speleothem at the top of this unit, contemporary to the first external sediments, was dated at 317±60 Ka (ESR) and at >350 Ka (U/Th) (Grün & Aguirre, 1986). At GII, a continuous coprogenic layer establishes a clear distinction between two units of this filling phase. The first one, GIIa, contains fine sediments lacking clasts, and corresponds to the moment in which the cave opens outside. This phase comprises archaeological levels TG7 to TG9, and TN2 to TN4. The first human impact at Galería is registered in levels TN2-TG7, in which the faunal remains are absent because the alterations caused by the guano. This is a phase with important biological activity, characteristic of a warm environment, and it could be correlated with OIS9 (and even with OIS11, according to Aguirre, 2001). The sub-unit GIIb is generically made up by clastic gravity deposits, with .
abundant gravels and clays. It comprises the archaeological levels TG10D, C, and B, TN5, TN6 and TN6DA, all of which are very rich in lithic and faunal remains. In an environmental sense, characteristic signs of open and poorly wooded landscapes appear at the upper part of the unit. A correlation with OIS8, or with OIS9-OIS8 transition, is proposed for GIIb. GIII is a filling phase arranged in gentle unconformity over unit GII. It comprises archaeological levels TG10A, TG11, TN7 and TN8. Gravity sediments, together with those transported by water flows, are the main features in phase III. A number of 12 occupation floors (GSU1 to 12) have been distinguished in the alternating sequence of gravels and clays of TG11. The archaeological record progressively decreases upwards in this unit, and only the correlative TG10A-TN7 levels and the older occupation floors (GSU12 to 9) have a significant accumulation of bones and lithics (Carbonell et al., 1987; Lorenzo & Carbonell, 1999; Díez & Moreno, 1994). It is also possible to establish in here two subunits. The first one corresponds to levels TG10A and TN7, and it is charecterised by open landscapes with forests and highly diversified riparian ecosystems, proper of temperate and slightly damp climates, thus probably corresponding to the end of OIS8. The second subunit contains levels TG11and TN8, and shows a climatic recuperation and a greater aridity, probably corresponding to OIS7. The same as the subsequent units of Galería, GIV is archaeologically sterile. A stalagmite from the top of the central series has been dated at 211±32 ka (ESR, Falguères 1986; Falguères et al 2001), at 177±23 ka (ESR, Grün & Aguirre, 1987), and at 118+71/-49 ka (U/Th, Grün & Aguirre, op. cit.). The most probable dates are the first ones, which are confirmed with a new estimation of 180 ka (ESR, Rosas et al., 1998) that places the unit at the end of OIS7 / beginning OIS6. GV and GVI phases are, respectively, the last infill event and the edaphic relict formation that seal the cavity. This one can be related to the stalagmitic crust on the top of TZ sequence, dated at 135±13 ka (U/Th, Pérez-González et al., 1999). Unit GV could represent OIS6, and the GVI relict soil OIS5e. Therefore, and environmentally speaking, the Galería record is framed into a unique hot-cold cycle. It begins with a warm phase (OIS9 or even OIS11, GIIa), and extends towards OIS8 (GIIb – base of GIII), and progressively decreases to the end of the sequence, in coincidence with a phase marked by strong warm fluctuations (OIS7, upper part of GIII). In general terms, the Galería´s faunal association suggests a temperate climate. The predominance of open landscapes, with a variable extension of woodlands, seems to be a constant along the sequence (Rosas et al., 1998, 1999). The whole Galería record includes more than 1,500 lithic artefacts, around 7,000 faunal macromammal remains, abundant micromammals and two human fossils (a mandible fragment and a cranial fragment) (The human fossils were recovered in TZ. The archaeological record of this cavity includes around 200 lithic artefacts and 1,000 macromammal remains. They are not considered in this paper because they are currently under study).
270
Human Occupations at Galería site (Sierra de Atapuerca, Burgos, Spain) after the Technological and Taphonomical Data
Figure 1. A: Table of correlation of levels from TG and TN; B: Plan of Galería site; C: Galería fill units and characteristics lithologies (from Pérez-González et al. 1995), Legend: (1) Dolomites, limestones and marls of the Upper Cretaceous; (2) Clays, silts and very fine laminated or massive sands; (3) Gravels and angular-subangular limestone blocks, silt-clays and very fine gravels (gravity deposits); (4) Silt-clays with limestone clasts; (5) Alternancy of silt-clays and very fine limestone gravel. Silt-clays and sandy silt-clays of laminar accretion. (6) Edaphic Formation; (7) Filled scour; (8) Coprogenic deposits; (9) Espeleothems; (10) Cemented clay nodules. Stratigraphic discontinuities; (11) Unconformity; (12) Contact between layers; (13) superimposed bedding; (14) Galería fill phases.
271
Ollé Andreu, Cáceres Isabel, Vergès Josep Maria
Origin and characteristics of the accumulation The Galería´s fossil assemblage is characterised by a wide taxonomical variability, in herbivores as well as in carnivores, micromammals and birds (table 1). The taphonomic analysis has been centred on herbivores, where cervids and equids stand out, followed by bovids and rhinoceroses. The totality of examined remains includes 4,670 fossils. The majority of them belong to Unit GII (2,803 - 60%), and the rest correspond to Unit GIII (1,867). The calculated NMI shows a number of 176 individuals, 81 for Unit GII and 95 for GIII. The immature individuals are
HERBIVORES Made (1999, 2001), Sánchez (1997), Sánchez & Cerdeño (1999) CARNIVORES Morales et al. (1987), Cervera et al. (1999), García & Arsuaga (2001), García (2002) MICROMAMMALS Cuenca et al (1999) BIRDS Sánchez Marco (1999)
predominant (55.1%), although in some levels there is a similar proportion between distinct age groups. In this study, the fossils have been grouped according to size categories: Large size (bovine, juvenile and adult equids, and rhinoceroses), medium size (immature equids and adult cervids) and small size (immature cervids and caprids). The most abundant remains are those belonging to the medium size class, followed by large-sized, whilst small-sized ones are underrepresented. None of the size categories presents the totality of the skeletal elements, being the appendicular skeleton the one that shows lesser representation.
Dama dama clactoniana, Cervus elaphus, Megaloceros cf. giganteus, Caprini indet., Bovinae indet., Equus caballus cf. steinheimensis, Equus caballus cf. germanicus, Stephanorhinus hemitoechus y Stephanorhinus hundsheimensis. Ursus sp. (deningeri-spelaeus), Panthera leo, Lynx pardinus spelaeus, Felis silvestris, Cuon alpinus europaeus, Canis lupus, Vulpes vulpes, Meles meles, Mustela nivalis, Martes sp., Crocuta sp. Arvicola sp. sapidus, Microtus jansoni, Microtus aff. arvalis, Terrícola atapuerquensis, Iberomys brecciensis, Pliomys lenki, Allocricetus bursae, Apodemus sp., Eliomys quercinus quercinus, Marmota sp., Hystrix (Acanthion) vinogradovi Anatidae, Accipitridae, Falconidae, Phaisanidae, Rallidae, Otididae, Recurvirostridae, Charadriidae, Scolopacidae, Colimbidae, Cuculidae, Stigidae, Alaudidae, Prunelidae, Turdidae, Muscicapidae, Embericidae, Sturnidae,Passeridae, Corvidae, Fringillidae.
Table 1. List of species represented in Galería.
The scarcity of bones of small sized animals, as well as the low skeletal integrity of animals recovered is a constant along the whole stratigraphic sequence. The absence of particular skeletal elements can not be explained by a differential conservation of the record, since the presence of bones of great frailty such as the hyoid discards this possibility. The observed taphonomic modifications allow to discard the action of different taphonomic agents and mechanisms as the responsible of the association (table 2) (Cáceres, 2002). If we take into account the skeletal composition in Galería, and the bone mineral density, we can discard the hydric transport. The abundance of cranial remains, which offer a bigger resistance, would exclude the hydric activity (Voorhies, 1969; Behrensmeyer, 1975). Besides, the absence of abraded surfaces (rounding and polishing), or their presence in initial degrees and in a local manner, suggests than the action of this transport mechanism was very low or even null (Shipman, 1981). In the same way, the absence of weathering suggests that fossils do not come from outside. The absence of the aforementioned transport mechanisms corresponds with the higher representation of cranial and axial elements, which suggests that the animals arrived entire to the cavity. The only agents able to transport complete animals or anatomical portions are the biological agents (carnivores, hominids and rodents), but the taphonomic
features of the faunal assemblage do not match with their characteristic associations. Many studies have shown that hominids transport entire carcasses to base camps when their size allows it, and they chose which parts to be transported when the whole animal cannot be carried. In the case of a selective transport, the anatomical segments with higher nutrients content are chosen, while axial skeleton is discarded (Bunn et al, 1988; O’Connell et al, 1988; Marshall, 1994). For this reason skeletal composition in Galería seems to be antagonistic towards what it would be expected in an accumulation produced by hunter-gatherer groups. Binford (1984) considers that a representation of heads and axial elements such as those found in Galería, would be the result of a secondary access effectuated by humans to carcasses abandoned by carnivores. This would imply to accept that carnivores were the agent responsible of the accumulation. But if Galería was a carnivore den, we would have observed a high rate of immature carnivore individuals, coprolites, regurgitation and abundant digested remains (Haynes, 1983). In addition, skeletal composition does not correspond to a typical association produced by carnivores, because they usually consume the corpses where they are procured, or they transport the anatomical segments with higher content of nutrients. To sum up, despite the fact that the carnivore activity in Galería bone assemblage is high,
272
Human Occupations at Galería site (Sierra de Atapuerca, Burgos, Spain) after the Technological and Taphonomical Data
even higher than the anthropical one, there are not typical
den´s
Levels
Cutmarks
Human breakage
Rodent gnawing
Carnivore activity
Trampling
GSU1
5,8
-
-
5,8
-
features.
Cracking
Root etching
Concretion
Ch.C.
-
-
-
-
-
R/P
Mn -
GIII
GSU2
-
-
6,25
34
3,21
3,12
-
-
-
-
-
GSU3
0,6
1,8
2,4
22,2
1,8
0,59
-
-
-
-
3
GSU4
-
-
-
6,06
-
-
-
-
-
-
-
GSU5
-
-
-
18,18
-
-
-
-
-
-
1,8
GSU6
-
-
-
20,4
2,04
-
-
-
-
-
4
GII
GSU7
-
4,7
1,58
17,46
3,17
1,58
-
-
-
-
-
GSU8
2,56
1,92
1,92
12
-
1,28
0,64
-
-
-
4
GSU9
2,6
1,13
2,3
27,3
0,9
0,28
-
-
8,8
-
2,8
GSU10
3,3
1,66
1,4
24,4
1,7
-
-
-
2,5
0,27
5
GSU11
3,4
1,08
0,7
17,4
0,7
0,49
0,24
-
13,5
1,47
9,3
0,52
0,98
0,39
23,14
2,36
4,72
3,21
0,26
5,6
0,19
66,45
0,57
1,98
0,94
32,9
6,6
12,16
7,54
2,36
11,41
2,43
78,69
TN4
-
-
-
14,63
2,43
2,43
2,43
-
14,63
-
26,82
TN3
-
-
3,4
5,1
-
1,7
8,6
-
6,89
39,6
75,86
TN2
-
-
-
6,9
1,3
4,1
-
-
-
2,77
43,05
TG10B/ TN6 TG10C/D/ TN5
Table 2. Taphonomical modifications identified on Galería fossils. Percentages (%) respect the total number of recovered elements in each level. R/P= rounding / polish; Ch.C. = chemical corrosion.
The rodent activity is poor along the whole sequence. Thus, its capacity as accumulator agent is very limited, and they only gnaw bones already present into the cave in order to wear down their constantly growing incisors (Brain, 1980) and to obtain mineral salts (Laudet & Fosse, 2001). Once the different biological agents and the hydric and gravitational transport are discarded as the responsibles of the accumulation, the characteristics of the Galería levels (skeletal composition, age groups and taphonomical modifications) allow corroborating the hypothesis of the natural trap. As it was stated in previous studies (Díez, 1993; Huguet, et al., 1999; Huguet, et al., 2001), the TN vertical duct would work as a natural trap through which the animals would have fallen accidentally. This hypothesis is supported by the scarce habitability of the cave, especially for the hominids. The taphonomic modifications indicate that the environment in Galería was a
fairly humid one, with a swampy ground, as indicated by the abundant manganese oxide stains and concretion present in several levels. At the same time, the cave morphology suggests shadowy conditions due to the scarcity of light proceeding from the TN shaft. This seems to be corroborated by the low representation of weathering and the absence of rootmarks. The whole conjunct of modifications, together with how they are interrelated, and their sequencing, has allowed reconstructing the formation process of the Pleistocene infill of Galería, as well as the dynamics generated once the animals have felt accidentally inside it. The trap became an exceptional source of meat resources for carnivores and hominids. The important lithic record recovered into the cavity, it is seen as a specific proof of the activity of the last ones.
The lithic assemblage
All the lithic raw materials are available in an area less than 2 km around the site (Gabarró et al. 1999), and they are managed in a differential and complementary manner. Neogene flint shows elements in all structural categories and size groups. It was introduced into the cavity in abundance, and, although it was sometimes knapped inside (exploitation and shaping), most of the objects seem to have been produced outside. Cretaceous flint, of a better quality but scarcer, and with clear constraints derived from nodule original size, was introduced in less quantity, and it was usually reduced inside. Quartzite was managed in a quite different way: it was
The Galería lithic assemblage composition suggests incomplete chaînes opératoires (table 3). There is an overrepresentation of hypothetically usable objects: shaped artefacts, small and medium sized flakes, and natural bases (with or without percussion marks). The knapping is basically allochthonous, but some reduction sequences and reffitings also confirm exploitation and shaping inside the cavity (Carbonell et al. 1999b, 2001).
273
Ollé Andreu, Cáceres Isabel, Vergès Josep Maria
introduced mainly as natural bases, shaped tools, and, in lower proportion, potentially usable flakes. Sandstone shows a similar pattern to quartzite, with a lower representation of NB. Lastly, some of the artefacts on the minority materials appear to have been introduced directly from the exterior, as natural bases, flakes and shaped tools. There are shaped tools in each raw material represented, in variable proportion depending on the format. Those larger than 100 mm (n=41, 68.3% being retouched flakes) appear
TG-TN Neogene Flint Quartzite Sandstone Cretaceous Flint Sandstone Quartz Others TOTAL
NB NB (-) NB (b) (a) 3 35 50 1 3 6 7 5 1 11 44 56 11,8%
along the whole sequence (mainly cleavers and handaxes) and are usually produced outside the cavity. Amongst the shaped tools of formats micro (n=26), small (n=94) and medium (n=88), there is some variability, including scrapers, denticulates, points, and flakes with scarce retouch. Except 19.3% of those medium sized, all these artefacts are retouched flakes (We established the following size groups or formats: micro (longer axe 100mm).
NB1GE NB2GE NB (c) 40 12 5 57
2 4 2 11 1 20
20 2 22
PB 250 61 31 34 13 5 394 27,6%
2,9%
NB1GC NB2GC Frag. Undet. 1 12 14 1 2 30
134 45 20 20 3 4 1 227 18%
TOTAL
69 404 880 (61,6%) 17 15 284 (19,9%) 10 21 120 (8,4%) 9 74 (5,2%) 1 11 47 (3,3%) 5 1 18 (1,3%) 4 5 (0,3%) 111 456 1428 7,8% 31,9%
Table 3. Structural categories per raw materials in Galería (TG and TN). NB: Natural Bases (cobbles not knapped, a-without marks, b-with percussion marks and c-fractured); NB1GE and NB2GE, Negative Bases of first and second Generation (cores on cobble/block or on flake respectively); PB, Positive Bases (flakes); NB1GC and NB2GC, Negative Bases of first or second Generation (shaped cobbles and retouched flakes respectively); Fragments and undeterminable pieces (usually, because of postdepositional alterations).
The activities identified in Galería Taphonomic study has shown the anthropical activities related to animal processing. These activities are inferred from cutmarks identified on bones surface and from bone breakage (table 2). Cutmarks include mainly incisions, and also scrape marks, saw marks and chop marks. Regarding fracture evidences, percussion pits, impacts, conchoidal percussion scars (notches and flakes), adhering-flakes, and peeling are present. All those marks appear on all the anatomical segments. Although they are documented on the three animal sizes, they are more abundant on the large and medium ones. On the basis of the localisation of cutmarks on the skeletal, and on the kind of bone breakage, it is inferred that hominids skinned, filleted, eviscerated and broke bones to access to marrow. Hominid intervention must be understood as the result of a primary access to the carcasses, which allowed them to take profit of the anatomical segments with more flesh. We must also consider that such access was at an early stage, as it denotes the consumption of marrow (a matter that breaks down quickly). Although the set of human evidence identified on the fossils of Galería is fairly scarce, it is possible to recognize that hominids consumed in place external animal nutrients (flesh) as well as intern ones (marrow). They would consume the viscera inside the cavity, and, occasionally, some segments with more flesh, as we can deduce from cutmarks and fractures present on long bones belonging to limbs. This fact, and the skeletal representation lead us to deduce that the
consumption inside the cave was not a priority for hominids. The strategy consisted of transporting the preys outside the cave. This transport would be selective and would affect concrete anatomical segments of large and medium-sized animals, essentially appendicular elements. For this reason, distal extremities (metapodials, articular bones and phalanges) of those size categories appear underrepresented or absent into the cavity. Regarding the small-sized animals, they probably would be transported integrally outside, as they weight would allow it. The functional study of lithic industry, carried out by means of usewear analysis using SEM and specific experimental projects, established coherent results with archaeological and taphonomic data. The 37% of the analyzed sample show usewear traces (This ratio refers exclusively to the TN sample, the more recently studied (Ollé, 2003). References to previous usewear studies will be mentioned thereafter). Although there are artefacts being used in all size groups, those corresponding to little format are predominant. The highest use rate has been identified on retouched flakes, independently of its raw material. Regarding tool kinematics and worked materials, we identified cutting actions in more than 50% of the used tools. This pattern has been mainly recognized on edges having medium angles and over animal tissues (fig. 2), and to a lesser extent over plant matter. The second group of identified actions shows transversal movement, present in all the worked materials, but predominantly over hide, where they are exclusive. On hide, the action carried out is scraping, using edges having more abrupt angles. Lastly, we also
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identified chopping actions (over animal tissues and over an unidentified material) and whittling (wood). On shaped tools, not all the usewear traces were identified on retouched edges, which implies some modification of the artefact perimeter in order to adapt the morphology to handling. Although there is no direct relation between morphotypes and worked material, we came to the conclusion that all the abrupt edges were utilized to hideworking. Some scrapers were also used over hide, but they were mainly devoted to cutting animal tissues, as for cleavers and points. Denticulates are scarcely used, and present a heterogeneous pattern including actions over animal tissues, hide and plant matters. To sum up, the actions carried out at Galería´s human occupations are in close relation to butchery activities. The
larger part of usewear traces correspond to cutting animal tissues. But the exploitation of animal carcasses was not limited to the meat supply, as it is demonstrated by the evidences of hide scraping activities. In addition, the abundant natural bases appear to be more related to bone breakage in order to access to marrow than to lithic knapping. Woodworking has been documented in all archaeological levels, but always in a marginal way. Although it is difficult to fully interpret its significance in Galería, it could be an indicator of the introduction of previously used tools into the cavity. But it is also probable that it revealed the sporadic performance of some kind of unidentified activities involving plant matters and related in some way to the corpses fallen trough the natural trap.
Figure 2: Example of usewear traces corresponding to a cutting action over animal tissues. Cretaceous flint PB from level TN5, having a working edge of 45º.
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Specific usewear studies of levels TG10 (Márquez, 1998) and TG11 (Sala, 1997) also identified butchery, woodworking, and possible hideworking. Some of the initial identifications have been re-examined in ulterior papers, in which the authors minimized the importance given to the activities not related to butchery (Márquez et al. 1999; Márquez et al. 2001). Human activities identified in Galería are in close relation with carnivore action. To better evaluate the first ones, we must take into account the carnivores behaviour, as they are the main biological agent intervening as modifiers in Galería. Along the whole sequence there are multiple signs of toothmarks and fractures produced by carnivores. These appear on all the skeletal elements and on every size groups of animals, although to a lesser extent on those small-sized. Evidence suggests that carnivores basically carried out
consumption in place, as it is ethologically usual. Nevertheless, we can not discard the possibility that, in some concrete occasions, carnivores would have transported anatomical segments to their dens. Thus, both hominids and carnivores had primary access to the herbivores, and their visits alternate in time. But in several levels, it has been clearly established that carnivores also had secondary access to remains abandoned by humans. A proof of this is the superposition of toothmarks over cutmarks in units GII (levels TG10B – TN6) and unit GIII (GSU10 and 11, fig. 3). On some skeletal elements (rib fragments and mandible remains) both type of marks are present, but not superposed (toothmarks and pitting plus cutmarks in GSU3 and 9). Here, in the presence of such a high degree of carnivore intervention, it would be impossible for humans to take profit of any significant portions of flesh and, consequently, we must consider an earlier human access.
Figure 3: Example of a superposition of carnivore toothmarks over cutmarks in unit GIII (GSU10). Conclusions: the human occupation model of Galería Galería is an enclave that since its opening to the exterior, and during the period from slightly before than 350 ka ago to around 150 ka, it is sporadically but repeatedly visited. In general, the distinctive features of referential sites or base camps are absent (high anthropization of faunal remains, complete lithic reduction sequences, spatial organisation, hearths, strong evidences of trampling, and so on). In addition, the physical conditions of the cave (darkness, difficult access and swampy ground) help to explain the poor domestic activity documented. Human occupations in Galería are directly devoted to the exploitation of the animal biomass that reaches the cavity through the natural trap located at the south end of the karstic system. Hominids have a primary access to the corpses of those fallen animals, carrying out a scarce consume in place. This consumption includes both external (flesh) as well as internal (marrow) nutrients and it implies skinning, evisceration, dismembering, filleting and bone fracture. According to bone assemblage composition, it can be deduced that the main human activity was procurement and subsequent removal from the cavity of corpses, either
integrally or by anatomical segments. In relation to the lithic industry, this behaviour implies carrying well elaborated tools knapped outside the cave, as well as the existence of some production sequences in place, aimed to satisfy immediate but predictable needs. In this model, some diachronic and spatial variation can be observed. The analysis of spatial distribution demonstrated that material was in primary position and not randomly scattered (Vallverdú et al. 1999). Nevertheless, the superimposition of actions by different modifier agents creates heterogeneous spatial associations. These associations should be considered redesimented, as after their accumulation from the natural trap, they suffered remobilisations by hominids and carnivores. This resedimentation is autochthonous, given the fact that the skeletal elements remained where they were accumulated (Cáceres, 2002). This situation, added to a complex infilling dynamics, involves difficulty to individualise synchronic impacts. Despite the aforementioned difficulty, the faunal and lithic remains distribution seems to reflect a preferential use of some areas for carrying out specific activities. Along the whole series, many of the knapping sequences were executed
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in the TN area, which is the most illuminated zone inside the cave (maximal concentrations of cores and very small flakes). Once shaped, many tools were moved to the central area of TG where they were used and finally discarded (overrepresentation of shaped tools and absence of products related to exploitation phases) (Mosquera, 1995, 1998; Carbonell et al., 1999b). Diachronically, the aspect more variable is impact intensity. The most intense impacts appear at GII and the bottom of GIII units. Afterwards, the number of artefacts and the MNI of fallen herbivores decrease, in parallel to a reduction of the anthropization of bones and an increase of the relative importance of carnivore impact. There are also significant physical changes in the cavity to the top of the sequence; essentially a substantial reduction of space, which limits the cave habitability and reduces the effectiveness of the shaft as natural trap. Neither the activities nor the occupations are very complex in Galería. However, the general strategy inferred it actually is.
There is planning at a technical level, and a degree of territory control that implies the knowledge of existent natural traps in localised environments, and the exploitation and profit of meat resources provided by them. As a result of the mentioned evidences we can deduce that the hominids and the carnivores visited repeatedly and alternatively the cavity, and that probably it would have been a strong competition between them to access the fallen animals. The human activities identified in Galería, as the explicit model inferred, imply planned and organised subsistence strategies in order to exploit the resources of the environment of Sierra de Atapuerca. This cavity appears to have worked as a singular place for food supplying, forming part of a broad network of enclaves present in the nearby environment (Ollé & Vergès, 1998). This net would articulate the subsistence strategies of human groups, according to the resources offered by each enclave (shelter, habitability, raw materials, water, plant and animal supplies, and even, extraeconomic spaces).
Ollé, Andreu, Cáceres, Isabel, Vergès, Josep Maria Àrea de Prehistòria (Unidad Asociada al CSIC). Universitat Rovira i Virgili Pça. Imperial Tarraco, 1, 43005-Tarragona, SPAIN E-mail : [email protected], [email protected], [email protected] Acknowledgements We are grateful to all the researchers and students who worked at Galería. A number of colleagues have provided valuable insights and comments concerning this site, and to them we extend our genuine gratitude. Fieldwork in Galería was funded by Junta de Castilla y León, and investigation of the archaeological record was done with the support of the Spanish Comisión Interministerial de Ciencia y Tecnología (Project no. BXX2000-1258-C03-03). Research of A. Ollé and J.M. Vergès was supported by a grant from Fundación Atapuerca. (Burgos, Spain), Journal of Human Evolution 37 (3/4, Special Issue).
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Données récentes sur les premiers peuplements en Europe
NOUVELLES DONNEES SUR LES CARACTERISTIQUES ET L’EVOLUTION TECHNOECONOMIQUE DE L’INDUSTRIE MOUSTERIENNE DE RIPARO TAGLIENTE (VERONA, ITALIE) ARZARELLO Marta, PERETTO Carlo Introduction Le Riparo Tagliente est situé dans les Monts Lessini, sur le flanc gauche de la Valpenatena, dans le bourg de Stallavena sur la commune de Grezzana (Verona, Veneto) (Fig. 1).
Fig. 1. Localisation du site. L’abri s’ouvre à quelques mètres au-dessus des alluvions de fond de vallée, à la base du versant ouest du mont Tregnago et au pied d’une paroi rocheuse constituée de calcaires oolithiques de l’ère Jurassique. D’abord identifié par G. Solinas, l’abri a été signalé au Musée Civique d’Histoire Naturelle de Verona en 1958 par le Dott. Tagliente, lui donnant son nom. Les fouilles conduites annuellement durant ces dernières années ont mis en évidence une importante série stratigraphique, contenant de nombreuses traces liées à l’activité humaine, représentant une épaisseur globale d’environ 3,80 m. Sans entrer dans une description détaillée, rappelons que la partie la plus profonde, mise en place, d’après les données environnementales, pendant le stade 3, est caractérisée surtout par des industries moustériennes, surmontés par des niveaux Aurignaciens. Cette première partie de la séquence est tronquée par une érosion d’origine fluviatile, due au torrent Progno qui coule au fond de la tvallée. Sur cette surface se sont déposés des dépôts
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contemporains au stade 2 avec des niveaux attribués à l’Epigravettien final (Cremaschi, en Bertolomei et alii, 1984). La série est scellée par des dépôts essentiellement stériles datant de l’Holocène. Les niveaux moustériens ont livré, dans les tagli supérieurs (tagli 36 et 37) des restes d’Homo neanderthalensis : une phalange du premier doigt, une deuxième molaire supérieure déciduale ainsi qu’une canine supérieure déciduale (Villa et alii, 2001). Néanmoins, même si les fouilles se succèdent depuis des dizaines d’années sur une période de 2 mois par an, dans l’état actuel de recherches et compte tenu de l’extension du site, elles peuvent encore être considérées comme une phase exploratrice car les connaissances acquises ne concernent seulement qu’une toute petite partie du dépôt. L’industrie ici prise en considération provient d’un sondage de 4 m² fouillé en 1976 à l’intérieur de l’abri. L’ensemble lithique est composé par 36.812 pièces provenant
Arzarello Marta, Peretto Carlo
essentiellement de 10 unités : tagli de 52 à 50, tagli de 44 à
42 et tagli de 37 à 34.
Approvisionnement et matière première
plus petites lorsqu’il s’agissait de silex de la Scaglia Variegata ou Rossa. Dans les niveaux supérieurs (tagli de 37 à 34) le silex du Biancone a été rarement repéré en position primaire (formation calcaire qui se trouve à environ 300 m à vol d’ oiseau de l’abri). En ce qui concerne les niveaux inférieurs il n’a pas été toujours possible de définir le type de matière première à cause d’une patine profonde qui a souvent altéré le matériel archéologique. D’une façon plus générale il est possible d’affirmer que le silex du Biancone est le plus utilisé, suivi par le silex du Tenno et, en quantité inférieure, par le silex de la Scaglia Rossa et de la Scaglia Variegata. Même si les pourcentages relatifs de chaque type de silex ne varient pas beaucoup de niveau en niveau. Dans les niveaux supérieurs (à partir du taglio 37) nous avons observé une relation entre le débitage et la matière première, observation qui n’est pas possible de faire pour les niveaux inférieurs.
La matière première, exclusivement du silex de très bonne qualité et de très bonne aptitude à la taille, a été principalement récolté en position secondaire à l’intérieur du Progno (le torrent qui coule a quelque mètres plus en bas de l’abri) et, de façon moins régulière, à l’intérieure de formations détritiques a proximité de l’abri. 4 types de silex ont été utilisés : silex du Biancone, silex du Tenno, silex de la Scaglia Variegata et silex de la Scaglia Rossa. Leur disponibilité est très variable dans le torrent : le silex du Biancone et du Tenno est très fréquent, alors que celui de la Scaglia Rossa et Variegata est beaucoup plus rare. En générale, surtout en ce qui concerne les niveaux inférieurs, les pourcentages relatifs de chaque type de silex renvoient aux proportions que l’on peut trouver à l’intérieur du Progno encore aujourd’hui. La matière première était emportée sur le site sous forme de galets de dimension moyennes (de 10 à 25 cm), généralement Le débitage Les chaînes opératoires sont complètes dans tous les niveaux pris en considération ; l’ensemble est toujours constitué par des entames, des éclats corticaux, des éclats de grandes, moyennes et petites dimensions, des débris, des outils retouchés, des éclats de retouche et des nucléus. L’activité de débitage s’est donc déroulée dans le site : la matière première était emportée dans le site sous forme de galets (probablement testés) puis débités dans l’abri. La technique utilisée est toujours directe à la pierre dure ; un bon nombre de percuteurs a été retrouvé sur le site, il s’agit de quelques galets en calcaire, de moyennes dimensions, et de quelques abraseurs en grés. Certains racloirs à bords convexes font exception, ils présentent une retouche scalariforme, plate qui a été réalisée au percuteur en os. Dans le taglio 35, ont été trouvés 4 retouchoirs sur éclat diaphysaire d’os longs. Ils sont
caractérisés par la présence d’entailles et par des raclage très nettes ; dans le taglio 36, ont été retrouvés 59 retouchoirs, dans le taglio 37, 30 retouchoirs ont été identifiés dont un sur une première phalange de chevreuil et dans le tagli de 38 à 52 ont été mis en évidence 2 retouchoirs en os (Thun Hohenstein, 2001). La phase de décortication (Fig. 2) a été conduite, dans presque tous les cas, par une méthode répétitive et standardisée dans tous les niveaux. Un premier éclat d’entame est détaché afin de créer un plan de frappe qui est ensuite exploité de manière perpendiculaire pour un deuxième éclat d’entame (cette fois à talon lisse). Ensuite, au cour d’une séquence d’exploitation unipolaire, une série d’éclats allongés et à cortex latéral sont débités. L’éventuel résidu cortical est ensuite enlevé par des éclats outrepassant. Les éclats à cortex latéral obtenus de cette façon sont caractérisés par un rapport longueur/largeur assez important et sont souvent choisis en tant que supports pour la retouche.
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Figure 2. Reconstruction de la phase de décorticage (dessins M. Arzarello). Plusieurs méthodes de débitage ont été repérées. La plus opportuniste », il s’agit d’un débitage non organisé, mené sans préparation particulière du nucléus et dont la finalité est l’exploitation maximale de la matière première. Nous avons ici décidé d’utiliser le mot « opportuniste » en lui donnant une connotation non négative, correspondant à un comportement qui consiste à agir en s’adaptant à la situation (disponibilité et morphologie de la matière première) et aux exigences du moment tout en essayant d’en extraire le maximum de profit. De plus on considère cette méthode comme dérivée d’un concept de prédétermination si l’on considère cette prédétermination en tant que connaissance des conséquences d’un coup donné avec une force, un angle, une convexité, etc., prédéterminées. Il n’est pas possible de mettre en relation cette méthode de débitage avec un choix de la matière première, les pourcentages de chaque type de silex correspondent à ceux que l’on peux retrouver sur le lieu d’approvisionnement ; de la même façon un choix par rapport aux dimensions du bloc exploité ne semble pas envisageable. Ces supports ont des modules très variables, de grands à petits avec une concentration maximale autour de 5-6 cm. Leur production se réalise en utilisant plusieurs plans de frappe, normalement orthogonaux entre eux, qui sont exploités d’une façon alternante et qui se forment au cours de l’avancement du débitage (Fig. 5-1). Le débitage semble être mené à partir du même plan de frappe, d’une façon
représentative, pour tous les niveaux, est le « débitage unipolaire, jusqu’à ce que le support obtenu commence à ne plus présenter les caractéristique recherchés (module, morphologie, etc.) ; c’est à ce moment qu’un autre plan de frappe commence à être exploité. L’absence d’une phase de préparation des plans de frappe est attestée par l’étude des nucléus et par la morphologie des talons qui sont dans la plupart de cas lisses. Les nucléus qui dérivent de cette méthode de débitage ont des dimensions très réduites (de 3 – 4 cm de moyenne) et sont généralement caractérisées par plus de 3 plans de frappe exploités. De plus cette méthode a été souvent introduite en phase terminale d’autres chaînes opératoires afin d’exploiter d’une façon optimum la matière première, D’autres méthodes de débitage telles que Levallois, « discoïde » et laminaire sont aussi présents, le deux premières sont présentes dans tous les niveaux, même si elles deviennent plus fréquentes dans les niveaux supérieurs, la dernière apparaît à partir du taglio 37. Pour celles ci la chaîne opératoire est elle aussi complète. A la différence de ce que nous avons dit pour le débitage « opportuniste » ici l’approvisionnement de la matière première devient une étape extrêmement importante de la chaîne opératoire, surtout en ce qui concerne les niveaux supérieurs et le débitage laminaire. En ce qui concerne la production Levallois (Fig. 3 ; Fig. 61,2), la méthode récurrente (Boëda 1993) est la plus fréquente ; les éclats Levallois préférentiels semblent être
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produits dans le contexte d’une modalité récurrente, probablement pendant une phase initiale, plutôt qu’à partir d’une chaîne opératoire indépendante et standardisée. Les éclats préférentiels sont très rares et les nucléus Levallois de modalité linéale sont encore plus rares, voir absents. La méthode récurrente centripète (Fig. 5-2) est la plus utilisée pour la production Levallois, les nucléus sont exploités de façon maximale et souvent repris, en fin de production, par d’autres méthodes de débitage tels que la méthode discoïde ou opportuniste. L’entretien des convexités de la surface Levallois, surtout pendant la phase finale, comme l’attestent les remontages, est fait par les éclats Levallois même, qui deviennent, pendant la dernière phase d’exploitation du nucléus, plus souvent débordants mais aussi réfléchis en raison de l’absence d’une réorganisation des critères techniques de prédétermination (Boëda 1993). Très souvent le débitage Levallois récurrent centripète est associé à l’exploitation de la face ventrale de grandes entames à cause de leurs morphologies (convexités distale et latérales) qui les rende aptes à la taille sans préparation particulière si ce n’est du plan de frappe. Dans les niveaux inférieurs cette méthode de débitage n’est pas associée à un type prédéterminé de silex. Dans le taglio 37 nous notons une préférence de plus en plus marquée lorsqu’on remonte la séquence envers le silex de la Scaglia Rossa et surtout Variegata. Du fait de la faible représentativité dans les gîtes de matière première de ces derniers types de silex, ils sont toujours moins fréquents que les autres. Il apparaît donc qu’ils ont été préférentiellement
sélectionnés pour le débitage Levallois grâce à leur structure extrêmement homogène, privée de fracture et d’impureté. Les méthodes Levallois récurrentes unipolaire et bipolaire sont presque absentes dans les niveaux inférieurs et deviennent de plus en plus important en remontant la stratigraphie. Le Levallois récurrent unipolaire devient la méthode Levallois prédominante à partir du taglio 37. Les produits obtenus sont caractérisés par des modules assez importants et allongés mais presque jamais laminaires. Rarement les nucléus ont été épuisés avec cette méthode d’exploitation, ils ont été repris par un débitage opportuniste ou centripète, comme l’attestent certains produits et plusieurs remontages. A partir du taglio 37 le rapport entre le débitage Levallois récurrent unipolaire et bipolaire et la matière première est bien évident : le silex de la Scaglia Rossa et surtout de la Scaglia Variegata sont recherchés et préférés en raison de leurs qualités physiques et aussi probablement à cause de la morphologie des blocs en générale plus petite. D’une façon plus générale, en ce qui concerne le débitage Levallois, on peut souligner la très forte exploitation de la matière première qui est attestée par le choix d’un débitage presque exclusivement récurrent, par l’exploitation finale des nucléus par un débitage opportuniste ou, parfois, discoïde et par la réduction des opération de mise en forme en fin de chaîne opératoire. Parallèlement nous constatons que le débitage Levallois devient de plus en plus caractéristique à partir du taglio 36, surtout en ce qui concerne le débitage Levallois récurrent unipolaire.
Fig. 3. Schéma du débitage Levallois. Le débitage discoïde ne constitue pas une des méthodes prédominantes du point de vue du pourcentage relatif de la série interne du Riparo Tagliente. Cependant nous pouvons affirmer qu’il y a une bonne maîtrise de la méthode et que
son application est attestée en tant que chaîne opératoire indépendante ; mais aussi en tant que méthode utilisée en fin de chaîne Levallois afin d’exploiter de façon maximale le nucléus. Pour conséquent les dimensions des produits
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discoïdes sont assez réduites par rapport à la moyenne (Fig. 6-9). Les critères techniques ne correspondent pas toujours à ceux qui ont été décrits par Boëda (1993), même si dans beaucoup de cas les nucléus sont caractérisés par deux surfaces convexes, asymétriques, sécantes, non hiérarchisées. Une bonne quantité de nucléus discoïdes sont, par contre, caractérisées par deux surfaces hiérarchisées (au moins pendant la dernière phase de production) non interchangeables et dont la face inférieure est souvent caractérisée par un important résidu corticale (Fig. 5-3). Un cas analogue a été déjà mis en évidence dans un autre site de la région, la Grotta di Fumane (Peresani, 1998). La méthode discoïde n’a pas été utilisée de manière régulière : elle apparaît dans le taglio 50, augmente quantitativement en remontant la série mais n’atteint jamais des pourcentages très significatifs (max. 7%), probablement parce que cette méthode est souvent utilisé en fin de chaîne opératoire Levallois et donc donne peu de produits. Le débitage Laminaire apparaît dans le taglio 37 et devient de plus en plus significatif jusqu’à devenir, dans le taglio 34, la méthode la plus importante après le débitage opportuniste. Le débitage laminaire a été pratiqué en tant que chaîne opératoire indépendante. L’exploitation du volume du nucléus est fait à partir d’un plan de frappe unique ou, très rarement, à partir de deux plans de frappe, selon un méthode semi-tournante. Le deuxième plan de frappe, lorsqu’il est présent, est utilisé presque exclusivement pour l’entretien de la convexité distale. L’initialisation du débitage par la mise en forme d’une lame à crête reste à évaluer, mais il ne s’agit sûrement pas d’un geste répété d’une façon systématique. Les produits laminaires (Fig. 6-4,5,6,7) sont caractérisés par une épaisseur assez importante et par un talon lisse de quelque mm d’épaisseur. Les bords des lames sont souvent irréguliers, plus rarement rectilignes ou convergents. Les lames n’ont jamais été retouchées, mais sont souvent caractérisées par une micro-retouche marginale probablement due à l’utilisation. Les nucléus à lames individualisés dans la série lithique sont très peux nombreux : encore une fois il est possible d’imaginer que l’épuisement du nucléus a été réalisé par une autre méthode. Ces nucléus sont caractérisés par des dimensions assez réduites et par un front de débitage assez large (Fig. 5-4), comme l’attestent les produits laminaires qui, en fin de chaîne opératoire, deviennent de plus en plus larges. Le débitage laminaire a été mené exclusivement sur le silex du Biancone, probablement parce qu’il s’agit du type de matière première le plus fréquent, et du Tenno, probablement parce que la morphologie des blocs (des galets allongés et aplatis) était favorable à l’initialisation du débitage sans une mise en forme trop complexe. Les outils Les outils retouchés (Fig. 6-8,10) représentent en moyenne 10% des produits supérieurs à 20 mm (les pourcentages des outils fluctuent entre 17% dans le taglio 42 et 6% dans les tagli de 34 à 36). Ils augmentent en nombre en remontant la séquence, mais ils diminuent en pourcentage car les ensembles des niveaux supérieurs sont beaucoup plus importants quantitativement.
La typologie des outils est assez homogène entre les différents niveaux. La catégorie la mieux représentée est celle des racloirs (surtout des racloirs simples convexes) ; les denticulés et les encoches sont très rares, plus particulièrement dans les nivaux inférieurs. Les supports choisis sont issus, dans 93% des cas, d’un débitage opportuniste ; les 7% restant sont constitués par des éclats provenant d’un débitage Levallois récurrent. La position de la retouche est généralement directe, son extension va de courte à envahissante, selon les cas, l’inclination est généralement semi-abrupte ou plate et la morphologie scalariforme. Environ 3% des racloirs ont été retouchés avec un retouchoir en os et sont caractérisés par une retouche envahissante, plate et scalariforme, souvent faite sur des entames, et par de nombreuses phases de ravivage. La découverte d’un nombre important d’éclats de retouche nous autorise à affirmer que la phase de mise en forme initiale était faite à l’intérieur de l’abri, ainsi que l’action de ravivage des bords et l’utilisation. Aucun choix de matière première ou de module n’a été décelé pour les produits retouchés ; par contre nous avons pu observer que les supports assez épais et corticaux ont été le plus souvent sélectionnés. Conclusions et perspectives En ce qui concerne l’économie de la matière première, nous pouvons affirmer que dans les niveaux inférieurs il y a un traitement technique indépendant de la matière première. En remontant la séquence, par contre, nous assistons à l’apparition d’une relation entre certaines méthodes de débitage et certaines matières premières, notamment en ce qui concerne les méthodes Levallois et laminaire. Dans tous les niveaux la matière première a été exploitée de manière optimale. Ce comportement est explicable par la récolte du silex surtout dans la rivière, en position secondaire : même si la région est très riche en formations silicifères, l’apport de silex dans le Progno ne devait pas être suffisant pour pouvoir se permettre un quelconque gaspillage. Tous les niveaux anthropiques présentent une chaîne opératoire complète, de la production des support à leurs éventuelles retouches et leur abandon ; la figure 4 résume, de façon schématique, le rapport entre les différentes méthodes de débitage et les produits obtenus. Les phases d’occupation qui correspondent aux tagli de 52 à 50 et de 44 à 42 ne devaient pas être très intenses et sont caractérisés par une technologie homogène du point de vue des méthodes de débitage et des instruments retouchés. La situation est différente pour les niveaux de 37 à 34 : l’occupation est très intense, caractérisée par une énorme quantité de matériel lithique et faunique. Pour ces niveaux il est possible de mettre en évidence une « évolution » des méthodes de débitage : la méthode opportuniste reste toujours la plus représentative, mais d’autres méthodes, telles que la méthode Levallois, la méthode discoïde et la méthode laminaire, devient de plus en plus caractéristiques. Parallèlement les outils deviennent plus diversifiés, surtout en ce qui concerne l’augmentation des denticulés et des encoches. Les données techno-économiques, associées aux données fauniques, semblent montrer, pour les niveaux supérieurs de
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l’Abri Tagliente, une occupation d’assez longue durée, durant laquelle les activités se déroulent sur le site étaient beaucoup plus diversifiées par rapport aux phases d’occupation précédentes. Le matériel lithique décrit ici représente une partie extrêmement réduite de l’ensemble du gisement, mais il nous
a permis de définir les caractéristiques de base de l’industrie moustérienne du Riparo Tagliente. Cette étude représente le substrat pour l’étude de la série externe (en cours d’étude par M. Arzarello) et pour l’étude de la fouille en extension commencée depuis deux ans.
Marta Arzarello*, Carlo Peretto* *Dipartimento delle Risorse Naturali e Culturali, Università degli Studi di Ferrara, C.so Ercole I d’Este 32, 44100 Ferrara. Mail : [email protected].
Fig. 4. Schéma générale des méthodes de débitage et des produits du sondage interne du Riparo Tagliente (carrés 634-635 –614-615).
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Fig. 5. Nucleus ; 1- nucléus « opportuniste » à 4 plans de frappe ; 2- Nucléus Levallois récurrent centripète ; 3- Nucléus discoïde ; 4- nucléus à lames (dessins M. Arzarello). .
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Fig. 6. Produits de débitage ; 1,2- éclats Levallois ; 3- éclat de ravivage du plan de frappe provenant d’un débitage laminaire ; 4 - 7- lames ; 8- racloir ; 9- éclat discoïde débordant ; 10- racloir convergent à extrémité proximale amincie (dessins M. Arzarello).
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Données récentes sur les premiers peuplements en Europe
LE PREMIER PEUPLEMENT DE L’EUROPE : LES INDUSTRIES SUR ECLAT PERETTO Carlo Resumé Les plus anciennes industries, attribuables au Paléolithique inférieur, montrent une succession qui reproduit, dans ses traits généraux celle de l’Afrique. Les gisements les plus anciens, qui remontent à plus d’un million d’années, se caractérisent par des ensembles très proches les uns des autres et constitués en particulier par un petit nombre de nucléus et par une quantité assez importante de produits à bords coupants (éclats) normalement utilisées pour la récupération des masses de viande, comme cela a été démontré plusieurs fois par les analyses sur microscope électronique à balayage. Le débitage se présente normalement comme simple et opportuniste, dirigé vers la production d’un grand nombre de produits obtenus en succession rapide, comme le montrent les nombreux remontages de Ca’ Belvedere de Monte Poggiolo. Ces dernières années, les découvertes de gisements anciens se sont intensifiées et démontrent, d’une façon certaine, que la première diffusion du gendre Homo sur notre continent n’a pas été sporadique ou occasionnelle, mais plutôt ample et articulée. La récente découverte de Dmanissi pose la question d’une éventuelle ancienneté du premier peuplement de l’Europe. Le dernières phases de ce premier peuplement sont visibles dans les gisements d’Isernia La Pineta. A partir d’environ 600 000 ans, on peut individualiser, en Europe, un renouvellement technologique, lié à la diffusion des industries bifaciales. A continually evolving context Exactly twenty years ago the prestigious journal Nature dedicated its front cover and an article to the Lower Palaeolithic deposit of Isernia La Pineta, discovered in 1978 in the Molise region of Italy. What was exciting about Isernia was not only the great number of items found there, but above all its age, calculated at around 700,000 years. It was far from being considered the oldest settlement in Europe at that time: the site of Vallonet, for example, dates back approximately 900,000 years. The reason Isernia raised such interest was that it contributed substantially to the thesis that the first peopling of the European continent was extremely old. Basically, it added fresh fuel to the debate sustaining that groups of humans first set foot on our territory much earlier than originally believed, and with complex, well-organised way of living. There were numerous attempts to disprove this graduallyemerging reality: attempts which formed an unfounded basis for the so-called short chronology, resting on the axiom that humans reached Europe no earlier than about 500,000 years ago. In order to support this hypothesis even the most evident data were denied. For some, perhaps, the object was merely
to draw attention through sterile controversy, rather than provide a true contribution to scientific knowledge. Everything was questioned: from the way deposits were formed to the primary deposition of materials, the quality of absolute dating, palaeontological studies, and so on. The progress of scientific research (especially field work, as opposed to theorising) subsequently and rapidly led to further clamorous findings, to the extent that we once again find ourselves in the position of having to rewrite a fair amount of the most ancient history of the European continent. New excavations and fresh discoveries have in fact confirmed that human occupation dates back much earlier than originally thought: for example, the vitally important complex of Atapuerca with Homo antecessor in Spain, and the skullcap of Ceprano in Italy. In some cases dating is attested at one million years or even earlier, as in the case of the group of deposits studied over the last ten years in the Apennine foothills of Emilia-Romagna in Italy: among these, of particular interest is the site of Ca’ Belvedere di Monte Poggiolo, near Forlì. The history of the human occupation of our continent could undergo further modification yet again following the important discovery of Dmanissi in Georgia, which dates back circa 1,700,000 years. As a matter of fact, we shall have to get used to not being surprised by anything any more, and be prepared to accept discoveries previously unprecedented for the European continent. For instance, the current gap between the sequence of industries found in Europe and findings in Africa has yet to be satisfactorily accounted for. In both geographical areas, flaking industries are followed by bifacial industries, but the latter type does not occur in Europe till hundreds of thousands of years later. This thorny problem can be justified by various phenomena, though decidedly not by the foolish belief that the less evolved were driven by the more evolved groups toward less hospitable areas such as Europe: a convenient hypothesis, but not borne out by possible behavioural models. Perhaps the solution is a simple one: for example, the chronology for Europe may still be too short, or the available documentation still inadequate. “Debitage”, or the art of Knapping We believe that the production of artefacts, however repetitive, may represent an essentially instinctive behaviour in an increasingly competitive environment, especially in its early stages. In other words, we are convinced that the manufacture of artefacts with cutting edges (flakes) constitutes the logical consequence of an activity directed at procuring meat in the shortest possible time in a highly competitive environment.
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In the savannah, whether actively hunting or merely dealing with an animal carcass, it is necessary to remove large quantities of meat or marrow-filled bones in the shortest possible time. We possess excellent documentation in this regard of what happens around an animal carcass in the savannah: all the carnivores, large and small, jostle for a place alongside flocks of vultures. What were the chances for our small, gracils ancestors: Australopitecus, Homo habilis, Homo ergaster? With a masticatory apparatus unable to tear meat, the best results could be had by rapidly flaking lithic material, producing flakes for quickly cutting up the meat and taking it away. In this context, choppers and chopping-tools are simply blanks for flake production, i.e. they are cores, and not actual tools as we have hitherto believed. The case of Ca’ Belvedere di Monte Poggiolo Specific studies and experimentation such as those carried out at Monte Poggiolo and Isernia la Pineta offer decidedly convincing results in this regard (Peretto et alii, 1994; 1998). The deposit of Monte Poggiolo (Forlì, Emilia Romagna) dates back to approximately 1 million years ago. It is placed in a period of magnetic inversion, probably a little before the Jaramillo period. This age has been further confirmed by numerous radiometric datings which permit the lithic assemblage from this site to be attributed to the Lower Pleistocene (Gagnepain et alii, 1998). The site of Ca’ Belvedere belongs to the important set of discoveries characterising the European continent also in chronological terms (Bosinski, 1996), backdating ever more convincingly the arrival of the first groups of humans in our continent (Peretto, 2000). The materials are distributed within a broad, important stratigraphic sequence over 5 metres thick, thus providing evidence of repeated occupation of the site over time. The physical state of preservation of artefacts is excellent; there are no signs of post-depositional transport or pseudoretouch. The artefacts are distributed over surfaces which are clearly defined from a stratigraphic viewpoint; they are in primary deposition, as they have not undergone any further disturbance since they were discarded by prehistoric humans. The industry of Ca’ Belvedere di Monte Poggiolo comprises flaked pebbles (cores) more or less intensively knapped, as well as “débitage” products, i.e. a considerable quantity of flakes. The absence of tools is both striking and generalised (Peretto, 1992). Lithic experimentation has demonstrated the extreme simplicity of the techniques used for flaking pebbles; flint knapping generally involved violent direct percussion, while the technique of bipolar technique only occasionally reported. This finding is confirmed by the presence of wide, prominent bulbs, artefacts transversally fractured in two or three pieces, and “Siret” burins. The flaking procedure was performed with remarkable speed. In fact, production of a quantity of artefacts entirely similar to those unearthed could be achieved by extremely deft movements directed at obtaining large numbers of cutting
edges (flakes). Flint pebbles were used as hammers, their shape and weight varying in relation to those of the pebble to be flaked. With the study of use-wear, it emerged that only the flakes bear substantial traces of utilisation. Evident marking is in fact present, presumably caused by activities connected with exploitation of animal carcasses and of wood (Longo, 1997). In other words, these flakes do not constitute residues from the manufacture of something more complex such as tools, but are actually tools in their own right. The present survey, systematically performed, removes any remaining doubts concerning how pebbles with unidirectional, alternating removals were exploited: in fact, they are not choppers or chopping-tools, but simply cores. It can be affirmed that the industry of Monte Poggiolo is the result of a lithic technology at once simple and opportunistic, aimed at flake production and characterised by a series of subsequent operations; these, however, are rarely all present together on the same core, but instead terminate randomly at different stages of exploitation. On the basis of the numerous refittings identified, it can be confidently stated that the reduction sequence recognised at Monte Poggiolo begins with detachment of a first flake from one end of the pebble. This detachment may be orthogonal to its greater axis, or else inclined to a greater or lesser degree. In the former case, the plane thus obtained is used as a striking platform for detachment of unidirectional flakes: these may be quite small in size, with smooth butt, occasionally cortical , often without cortex and with lateral cortex. In the latter case, the first detachment is inclined with respect to the pebble axis, followed by a few more with roughly the same direction and angle, or else alternating, thereby producing cores with uni- or bifacial removals morphologically reminiscent of choppers and chopping-tools. Some very rare cases have been reported of cores showing sub-discoidal flaking. If the core undergoes further flaking, a good number of small decorticated flakes is also produced; knapping direction may vary, leading to production of cores with several staking platforms. As a general rule, the number of flakes detached from one pebble is limited. Consequently, in the quantitative analysis there are numerous instances of first flake, or at any rate flakes with cortical portions on their dorsal face; among these, there are a fair number of flakes with backed lateral cortex. The typological trick of Isernia La Pineta, or an other world of flakes The deposit of Isernia La Pineta (Molise), on the basis of the latest datings, is considered to be little over 600,000 years old. A remarkable quantity of faunal remains (Sala, 1999) and abundant lithic industry have been unearthed here, the latter mostly consisting of artefacts in flint and limestone. The marked dichotomy observed between the material in limestone and that in flint is due to the fact that the limestone pebbles are noticeably larger than the flint ones, whose quality is also poor: they often present natural fracturing
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planes, at times recemented, which have affected artefact production (Sozzi et alii, 1994). The initial morphology of the raw material seems to have had some influence on the choice of manufacturing techniques adopted. As regards flint, the flattened parallelepiped shape with its two biggest planes parallel represents the fundamental starting-point of the reduction sequence. As experimentation has shown, it is highly probable that primitive humans used direct percussion - particularly flaking on anvil with hard, mobile hammer - to break the core, thereby producing a high number of generally small-sized flakes. Analyses by scanning electron microscopy (SEM) (Longo, 1994) allow the concept of the tool to be considerably modified. Indeed, use-wear traces are present exclusively on flakes, and not on other lithic industry materials which, in terms of classical typology, should be considered thick denticulates with isolated or contiguous raised removals. Denticulates constitute the final stage of intense, skilful exploitation geared specifically to producing objects with cutting edges (flakes); they are just cores at best, and more often debris (Crovetto et alii, 1994). For the above reasons, the lithic industry brought to light at Isernia displays a strategy of production and use entirely similar to that of the most ancient industries. Where they lived at Isernia Recent research work at Isernia La Pineta has shed an entirely new light on the way the ancient archaeosurfaces formed, allowing a functional interpretation of the collected industry. The various archaeosurfaces explored are the result of specific strategies directed at obtaining portions of meat for human consumption. These behaviours are borne out by several factors: a palaeogeographic reconstruction of the area, the deposition and distribution of lithic and bone finds, the technical and typological features of flakes and cores, as well as the reduction strategy adopted by prehistoric humans for their manufacture and use. The archaeosurfaces, then, are simply different interfaces of a single settlement phase whose sequence and manner of burial have caused to be erroneously attributed to chronologically distinct levels. The common element uniting the archaeosurfaces is the humid environment present in the area at that time, characterised by partly-emerged travertine formations with a horizontal, substantially linear, more or less continuous trend. The gradual accretion of these formations, caused by the presence of running water, is documented by the exposed sections and the excavation reliefs which show structures typical of this phenomenon. It is likely that a variably vast reticulate covered the entire area, leading to the formation of a myriad of small humid environments (lakes or pools) leading into one another. Excavation work has brought to light a large quantity of lithic material on the long, narrow surface of one of these reliefs surrounded by water. These finds are in a very good state of preservation, and mostly consist of flakes obtained by direct percussion or on an anvil (Peretto, 1994), their surfaces
displaying numerous traces connected with butchery. Bone remains are very few in this area, though they become much more frequent at its edges, where water was present; flint materials here become increasingly scarce, and their translucent surfaces indicate they were immersed in water. Stable occupation of the travertine reliefs surrounded by a lacustrine environment provided the human group with the necessary refuge and protection. Exploration of the surrounding territory offered the opportunity of recuperating animal carcasses, or parts of these, for food consumption, without excluding scavenging. The carcasses were carried to these areas – decidedly safer than the open plains – where they were butchered and further exploited by fracturing the bones to extract the marrow. The marked concentration of faunal remains in the humid environment close to the relief (noted right from the early stages of research; Peretto et alii, 1983) leads us to believe that they were thrown there deliberately. The immersion of organic remains still covered in organic material ensured they did not draw the attention of carnivores and annoying insects like flies. Considerations on a completely new methodological approach The study of the lithic industry of Monte Poggiolo and the experimental trials carried out during 1996 provide us with an organic vision of its significance, one which undoubtedly differs from what might normally be expected of a simple techno-typological survey. All this has been made possible thanks to an interdisciplinary study of the features of the lithic finds; this study has enabled the researchers to extend their analytical skills and arrive at a concise overview of the finds. Moreover, comparison with the results from Isernia La Pineta – where a similar methodological approach was applied – represents a further opportunity for widening the scope of certain concepts in terms of both territory and chronology. It emerges that the industry of Monte Poggiolo, like that of Isernia La Pineta, is the result of a precise strategy where the production of flakes (artefacts with cutting edges) represented the primary objective. Indeed, while the shape and dimensions of the blanks to be flaked lead inevitably to the production of objects of varying sizes and morphologies, the main element determining the chosen exploitation strategies is clearly perceived as a need to produce flakes alone. The lack of tools, in the classical sense of this term, thus becomes a constant which leads to several considerations of great interest. In the set of artefacts of Monte Poggiolo it is noteworthy that, apart from the flakes used in different activities, no other trace of use-wear is present on the materials not belonging to this category: namely those artefacts which might, morphologically speaking, be classified in the group of choppers or chopping-tools. It should be noted that even from a strictly morphological standpoint these do not represent well-defined categories, but instead pass gradually into shapes which undoubtedly belong to the sphere of cores. Basically, it is thought that the choppers and chopping-tools unearthed are simply uni- or bilateral cores; indeed, the fact that these morphologies are missing from the industry at
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Isernia could be related to the unusual nature of the flints which, in any case, would impede the production of such artefacts. The conclusion so far reached is that the lithic industries of Monte Poggiolo and Isernia La Pineta can be attributed to just two categories: flakes and cores. This affirmation sheds a particular light on the flaking activities of the oldest human groups present in Italy. It is clear that they possessed a rather simple lithic technology, devoid of any tools in the strict sense of the term. Similar situations are recorded in numerous industries unearthed along the Emilia-Romagna side of the Apennines which can be attributed to the same chronological period as Monte Poggiolo. The features of these artefact sets are the same in all sites, hence the phenomenon can be considered generalised. Technological opportunism undoubtedly had a role of fundamental importance in lithic debitage, at least in its oldest phase. In our opinion, other sites too can be traced back to this method, sites which go well beyond the geographical boundaries of the sequences analysed, and which have many features in common with deposits in both Italy and Europe (Bosinski, 1996; Lumley et al. 1988, Palma di Cesnola, 1996). We are nevertheless convinced that the lithic activity dealt with here, directed at flake production, does not constitute some sort of cultural backwardness, but on the contrary corresponds to a precise choice. The particularity of this world – so little evolved with respect to the one that came after it (Acheulean), which saw the development of retouched blanks and the consequent diffusion of a myriad of tools in the true sense of the word – is strikingly clear. It is a sharp contrast which is not characterised by the mere presence or absence of bifacials,
but also by the large-scale spread of a varied tool set comprising retouched flakes such as scrapers, points, denticulates, and so on. Two very different worlds which, at the current stage of research, appear completely independent: to such an extent that immigrations toward the European continent during the Lower Palaeolithic have been hypothesised as occurring at different times. In conclusion, it seems a more appropriate definition is required for the earliest Italian and European lithic industries in which the functionally active element is the flake alone. Still to be defined with all its implications is an event dating back in time at least one million years which continued for many hundreds of thousands of years, whose cultural significance has not yet been fully appreciated. The various terminologies that have been applied on the basis of its most striking element, i.e. the flaked pebble, have been misleading, as they imposed the a priori concept of tool as applied to choppers and chopping-tools. This attitude has been influenced by the African situation, with its Oldowan complex well-known even to the general public through its flaked pebbles, represented largely by choppers and chopping-tools. As a matter of fact, the knapped pebble does not represent the final objective of the flaking activities of these prehistoric human groups, but simply the means for obtaining a variably large quantity of flakes. It is consequently the unretouched flake that constitutes the true tool, embodying subsistence strategies during the early stages of human population of the European continent. Taking this affirmation as a starting-point, it seems vitally important that we proceed to re-examine all those industries known to the literature as pebble industries or Pebble Cultures in order to redefine their characteristics with an interdisciplinary analysis, thereby ensuring that the typology can no longer be so binding as in the past.
Carlo Peretto Università degli Studi di Ferrara, Dipartimento delle Risorse Naturali e Culturali, C.so Porta Mare 2, 44100 Ferrara, Italie – [email protected] References Antoniazzi A., Antoniazzi Al., Barogi M., Fontana F., Peretto C., Piani G., Sabattini S., Ungaro S. (1996), Other sites in Emilia-Romagna with industries similar to that at Monte Poggiolo, in : The Rimini area. XIII Congresso delle Scienze Preistoriche e Protostoriche, Workshop 13, Forlì 1996, Abstracts, 2, Abaco Editore, pp. 136 Antoniazzi A., Antoniazzi Al., Cavallini E., Fontana F., Milliken S., Peretto C. (1998), in : Ca’ Belvedere di Monte Poggiolo: les premiers habitants en EmiliaRomagna. Atti XIII Congresso UISPP. Antoniazzi A., Antoniazzi Al., Failla A., Peretto C., Piani G. (1996), in : The stratigraphy of the site of Ca’ Belvedere di Monte Poggiolo. XIII Congresso delle Scienze Presitoriche e Protostoriche, Workshop 4, Forlì 1996, Abstracts, 2, Abaco Editore, pp.27.
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Données récentes sur les premiers peuplements en Europe
THE LITHIC INDUSTRY OF THE PALAEOLITHIC SITE OF ISERNIA LA PINETA: A MODEL OF BEHAVIOURAL STRATEGIES IN THE CONTEXT OF THE FIRST HUMAN POPULATION MINELLI Antonella, PERETTO Carlo Résumé Isernia La Pineta est l’un des plus importants gisements du Pléistocène moyen en Europe. Le scenario qui est proposé dans cet article suggère une différente interprétation des industries litiques d’Isernia La Pineta qui est analysée non seulement du point de vue morphologique, ma qui est aussi placée dans un contexte écologique plus complexe, probablement plus proche de la façon de vivre des êtres qui colonisérent les premiers l’Europe au cours des débuts du Pléistocène moyen. La reconstitution de la chaine opératoire, du choix de la matière première et de son repérage à la production et à l’emploi des objets lithiques semble être en mesure de proposer une nouvelle approche comportementale pour une interprétation plus écologique des industries lithiques, la signification desquelles appartient à cette phase primordiale de l’évolution humaine. L’exploitation intense du silex d’Isernia La Pineta a abouti à la production de supports qui montrent des formes convergentes quant aux formes connues typologiquement, qui ne représentent néanmoins pas le résultat final d’un ensemble intentionelle d’actions visant à obtenir ces formes. Comme l’ont montré les études technologique et fonctionelle, elle représentent les résidus d’activités de débitage destinées à produire des éclats à bords très vifs. La présence de paramètres fonctionnels presque exclusivement sur les éclats semble illustrer le fait que les éléments fontionnellement actifs de l’industrie lithique d’Isernia La Pineta étaient les éclats. Dans cette perspective, les véritables outils utilisés pour les activités de boucherie sont les èclats, alors que les soit-disant « outils », definis Introduction The site of Isernia La Pineta - with its exceptional wealth of palaeontological and palaeethnological material, the presence of different and extensive archaeosurfaces, and the complex stratigraphic sequence that characterises it – lends itself to a variety of research topics performed with interdisciplinary methods. The deposit at Isernia has been explored on several different occasions, thanks to close collaboration between the Dipartimento delle Risorse Naturali e Culturali of Ferrara University and the Soprintendenza Archeologica of the Molise Region. The systematic excavations begun in 1979 have recently been intensified, and the investigated area has been extended; exciting new information has thus emerged, enabling researchers to set up a more detailed interpretative model of the site (Peretto et alii, 2001).
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selon les paramètres typologiques habituels, ne représentent que les résidus du débitage. Ces caractéristiques de l’industrie litique sont evident soutout sur les pièces retrouvées dans le quadrant 2 de l’archéosurface 3a du I secteur fouillée en 1999-2002. Les carrés pris en examen se situent le long de la ligne qui procède en diagonale, en direction Nord, a l’interieur du pavilion de fouille, et qui a comme limite la presence du travertin. Le fait interéssant, qui a poussé à approfondir l’analyse des caractéristiques des pièces qui y ont été retrouvées, c’est que la zone en question, par rapport a tout l’archeosurface 3a, a enregistré une mineure concentration des pièces lithiques exclusivement en silex, avec une distance entre elles qui, parfois, est seulement de quelques millimètres et qui, dans des cas sporadiques frise la superposition. Naturellement de telles fortes concentrations ne caractérisent pas tous les carrés étudiés, mais elles présentent des poucentages de distribution qui varient de zone à zone.. L’étude de la distribution planimétrique des piéces peut bien aider à avancer des suppositions sur l’existence ou moins de zones et/ou moments relativement diversifiés dans les domaines d’activités, pour ainsi dire spécialisés, adoptées par l’homme préhistorique. La considération de la distribution zonale des manufacts n’a pas été disjointe de l’analyse technique-typologique, morphologique et des rapports dimensionnels largeur/longueur de ceux-ci. Les données obtenues de cette étude peuvent servir d’indicateurs fondamentaux pour une meilleure compréhension des caractéristiques de l’industrie du gisement paléolithique de Isernia La Pineta et pour eclaircissement ultérieur des strategies comportamentelles dans le contexte du premier peuplement en Europe. Excavations have covered two distinct sectors: - Sector I, situated to the west of the railway-line, is currently the scene of intense exploration covering an area of approximately 300 square metres; the museum building, nearing completion, is situated here; - Sector II, situated to the east of the railway-line about 50 metres west of Sector I, covers an area of approximately 72 square metres; On account of its complex, clearly defined stratigraphy, welldocumented chronology, and the abundance of intentionally fractured bone remains and lithic finds, Isernia La Pineta is a considerably important site for the study of the prehistoric humans who inhabited Italy and the Mediterranean basin (Peretto, 1981; 1985a,b). The stratigraphic series of Isernia la Pineta
Antonella Minelli, Carlo Peretto
Geological, geomorphological, sedimentological and pedological studies have allowed a precise reconstruction of the events that preceded, accompanied and followed the Palaeolithic settlement of Isernia La Pineta (Coltorti, 1983; Coltorti and Cremaschi, 1983; Cremaschi and Peretto, 1988). This detailed study was made possible thanks to the section exposed along the trench originally dug to construct the Naples-Vasto highway: all the stratigraphic units and subunits making up the entire sequence could be clearly recognised (Fig. 1). The stratigraphic series is characterised at its base by prevalently muddy deposits of lacustrine origin. These are covered by a travertine deposit (Unit 4) of varying consistency and thickness, depending on the areas explored. The top of the travertine layer is altered and eroded, testifying its quite prolonged emergence. The first living floor, identified and explored in Sector I and called 3c, overlies this surface; it is a few centimetres thick, and contains the finds in a reddish, sandy, sometimes concretionary matrix. This evidence of the first human settlement in the area were subsequently covered by alluvial muddy-clayey deposits, generally light grey in colour and completely sterile; this level, about 70 centimetres thick and called 3b, represents the deepest part of a series of fluvial and pyroclastic deposits divided in different facies, known as Unit 3 (Cremaschi, 1983). Level 3b is overlain by the second palaeosurface, by far the richest in finds, explored in Sector I and called 3a. This living floor contains a huge amount of objects connected with
human activity: thousands of faunal remains, selected and intentionally fractured; lithic artefacts in limestone and flint; pebbles and blocks of unknapped limestone and travertine. This archaeosurface was rapidly buried beneath a mudflow (Cremaschi, 1983, interpreted as débris flow), rich in pyroclastic materials and attributable to intense volcanic activity. The K/Ar dating performed in 1983 on sanidine crystals from this level gives an age of around 700,000 years (Coltorti et alii, 1982; Delitala et alii, 1983). New radiometric analyses performed using the Ar/Ar method on samples of sediment from the same level are currently under way. Fluvial deposits of clays, mud and gravel followed in rapid succession, forming a layer about 3 metres thick; inside these sediments a third palaeosurface was identified, presently concentrated in the NE part of the excavation pavilion in Sector I. Further evidence of human activity has been unearthed here, with a dislocation which suggests greater exposure to running water, washing away or polishing part of the objects contained therein. The fluvial sediments near the top (Unit 2) are affected by pedogenetic alteration phenomena testifying long gaps in their sedimentation. The stratigraphic series terminates with the deposition of several levels of volcanic ash, dated by K/Ar method between 550,000 and 450,000 years old (Delitala et alii, 1983). They are included in Unit 1, a composite unit characterised also by levels of intense pedogenetic alteration (Fig. 1).
Fig. 1 – Isernia La Pineta. Stratigraphy of the site: 1- fine sands; 2- travertine; 3- archeosurface 3c; 4- silt; 5- archeosurface 3a; 6-colluvial sands; 7- green sands; 8- archeosurface 3S10; 9- paleosoil, sands and gravels, silt and tuffs (by Cremaschi e Peretto, 1988 modified).
The archaeosurfaces Four archaeosurfaces have been identified on the basis of the various excavations performed; these are respectively known as 3c, 3a and 3S10 in Sector 1, and 3a in Sector II. Archaeosurface 3c has so far been explored (in 1980, 1982 and 1993) over a surface of about 70 sq. m. The finds are documented on the eroded palaeosoil which alters the travertine (Cremaschi and Peretto, 1988), and are incorporated in a reddish-coloured sandy matrix, concretioned in places, roughly a few centimetres thick.
The archaeosurface is displaced by a series of parallel fractures, already present during the accumulation of the remains, which continued their activity even after the living floor was buried; these can be attributed to continuous tectonic activity in the area, or else to the settling movements of the underlying travertine (Giusberti et alii, 1983; Naso et alii, personal communication). The palaeontological and palaeoethnological material brought to light mainly consists of bone fragments from bison, rhinoceros, hippopotamus, bear, and elephant, variably interspersed with lithic artefacts in flint and limestone. The areal distribution of the finds is fairly homogeneous, especially with regard to faunal remains.
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The lithic industry of the Palaeolithic site of Isernia la Pineta: a model of behavioural strategies in the context of the first human population
Archaeosurface 3a of Sector I (Fig. 2) is variably affected by geological phenomena: it is situated directly on the travertine in the SW part of the portion explored so far, which covers approximately 150 sq. m.; northward, however, it lies on mudstone, and the artefacts and bone remains form an interface between the top of the clayey-muddy levels (overbank deposits; Cremaschi. 1983) and the medium- and coarse-grained sand levels. This discontinuity gradually becomes less marked towards NE, and the materials are contained within muddy-clayey layers (Cremaschi et alii, 1983; 1985). The quantity of finds unearthed exceeds those of the other archaeosurfaces, and is characterised – as in the case of 3c – by a variable distribution of faunal remains and lithic material. Archaeosurface 3S10 was only discovered following the excavations in 1992, and was initially explored over an area of about 12 sq. m.; the excavation of this living floor was consequently extended during the 2001 excavations to an area of roughly 20 sq. m., which enabled researchers to better understand its location within the stratigraphic series, and how it was related to the other archaeosurfaces. The palaeontological and lithic materials that emerged are characterised by their somewhat fragmented appearance,
while their state of preservation is partly fresh and partly smooth. The finds are mostly concentrated in the NE portion, where the archaeological level containing them is thickest; it is made up of yellowish or greenish-yellow sand, coarsegrained in places and sometimes presenting concretions, with limestone, travertine and flint pebbles, in turn overlying coarse, compact, dark greenish-grey sand, cemented in places, including a siliceous fraction and numerous pebbles rich in femic materials (3S11) (Anconetani et alii, 1992; Peretto et alii, 1999). Archaeosurface 3a of Sector II was detected in 1979; it is situated close to the railway line, opposite the present Sector I covered by the new excavation pavilion. This was an emergency excavation, extended over an area of 18 x 4 metres with the aim of recuperating the archaeological material which would otherwise have been destroyed and dispersed by work for construction of the Naples-Vasto highway. This archaeological level – bearing the same name as that of the archaeosurface in Sector I – is characterised by a reddish-brown clayey matrix above the travertine layer. It differs greatly from the archaeosurfaces of Sector I in its total absence of limestone finds, the scarcity and fragmentary nature of palaeontological remains, and the large number of flint artefacts (Peretto et alii, 1999).
Fig. 2 – Isernia La Pineta. View of a portion of the archaeosurface 3a, Sector I, quadrant 1. Lithic industry Unlike the faunal remains, evidence of lithic industry is present throughout all four archaeosurfaces brought to light at Isernia La Pineta (3c, 3a, 3S10 in Sector I, and 3a in Sector II). The features of this industry are closely connected to the geomorphological phenomena which affected the archaeosurfaces to a varying extent; its distribution represents an important element to highlight potentially interesting areas from an interpretative point of view. The raw material is classifiable in two different lithotypes: flint and limestone. The characteristics of the raw material used have been inferred on the basis of surveys performed on
the territory in order to discover its possible sources, whether in the immediate surroundings of the site or more distant areas, and also to determine the mineralogical, petrographical and geochemical characteristics distinguishing it (Sozzi et alii, 1994). One of the first outcrops of raw material identified – where it is still possible to find tabular blocks of flint in primary deposition – is the formation of “Diaspri varicolori”, situated near the village of Pesche, a few kilometres from Isernia. Dimensions of the finds are closely connected to the type of raw material employed: the limestone artefacts are decidedly larger than those in flint, and were mostly obtained from
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blanks which were not pebbles, but appear to be polyhedral fragments of variously smooth materials. There is no doubt that the characteristics of the raw material as such – rather than the flaking techniques adopted - affected the end-products and the ways of obtaining them by greatly reducing the dimensions of the chosen block of raw material, thereby determining the production of small blanks whose morphological features are not always identifiable, and resulting in considerable fragmentation of the artefacts. 1. Flaking techniques At Isernia La Pineta, the hypothesis that the technique of bipolar flaking on an anvil may have been used to produce the artefacts has been formulated on the basis of experimental reproduction trials performed in the months of JuneSeptember 1993 (Crovetto, 1994; Crovetto et alii, 1994a; 1994b). This experimentation enabled researchers to verify that the diversified utilisation of specific knapping techniques could lead to an exact reproduction of the artefact typologies encountered on the explored archaeosurfaces. In this way, the trials confirmed the dominant role of the bipolar technique, alongside other techniques such as percussion on anvil and direct percussion with a hammerstone. The frequent adoption of more than one technique, in fact, seems to have depended mainly on the morphology and starting dimensions of the cores, conditioned by the characteristics of the raw material mentioned above. As regards flint, parallelepiped slabs with variably rounded corners appear to have represented the starting shape on which the bipolar technique was applied; larger-sized blocks or slabs with preferential flaking planes seem instead to have constituted the base for the technique on anvil, or for direct percussion with a hammerstone, besides the equally frequent bipolar technique with a larger hammerstone, used to encourage breaking of the core according to natural fracture planes and thus utilise the resulting slabs and flakes (Crovetto et alii, 1994a). The use of the bipolar technique, in this case, can explain the unusual techniques encountered on the analysed pieces, as they arise from the interferences created between the shock wave produced by the blow and that of the counterblow. The same technique is associated with the marked fragmentation noted in all the artefacts of the débitage, aimed at exploiting the raw material to its utmost extent (Ferrari et alii, 1991).
The flakes are prevalently flat, with a lesser number of carinated types; the latter are mostly associated with what are defined as core residues or fragments or, to be more precise, core-flakes with triangular or dihedral section. Most of the flakes analysed display perfectly recognisable morphological features, thanks to the raw material used, i.e. aphanitic flint; less easily identifiable are those of the flakes obtained from micro- or macrobrecciated flint, sometimes without either butts or bulbs. The butts that are still intact are regularly flat, with pronounced inclination on the ventral face. The remaining types of butts, though present, are not significant. In particular, linear and punctiform types belong to a category of artefacts from which a portion – however small – of the original striking platform is missing. In this case, these constitute a specific product of bipolar flaking activity, and are unconnected with a deliberate intention of the knapper to produce particular morphologies. Bulbs generally occur singly, and are poorly-developed; this characteristic can be explained, on the basis of experimental trials, by use of the bipolar technique. One particular group within the lithic assemblage studied has been given the name of débris, used to refer to all those elements that can be identified as by-products of flaking activity, i.e. discarded material. This special category of by-products, which cannot be included among the definitions of core type, represents the final and purely incidental result of intense exploitation of the blank. Their morphology is usually deceptive, as they display a series of multiple or isolated removals, close together or far apart, which could be erroneously interpreted as intentional retouch and described according to the typological diagrams of Bordes (1961) and Laplace (1964). Apart from the evidence of these features, functional analysis and experimentation have made it possible to attest the non predetermined nature of the shapes and features of the finds. The hypothesis can thus be borne out that the technicality underlying the lithic industry at Isernia was oriented towards producing the largest possible number of cutting edges, rather than indicating a precise, intentional plan of utilisation and exploitation of lithic blanks. The dominant feature of this industry, in fact, was its requirement for multipurpose blanks, connected with provisioning and exploitation of food resources (Crovetto et alii, 1994c). -The lithic industry of archaeosurface 3c, Sector I
2. Typological features From a typological viewpoint, the lithic industry shows a dominant presence of flakes obtained by exploiting coreshaped blanks or core-flakes with striking platforms not subjected to predetermined preparation; on the whole, residual core portions and core-flakes present broad superficial removals obtained apparently by chance, or even by natural breakage of the stone due to the presence of internal fracture planes. The occasional presence of particular types of pyramid- or subpyramid-shaped cores highlights the fact that such typologies, in experimental trials, occur completely by chance, and are the final result of intense exploitation of slabs of flint, or unidentifiable fragments, knapped by bipolar percussion on anvil.
The lithic industry of archaeosurface 3c is the result of several investigations performed over different years - in 1980, 1982, 1990, 1992 and 1993 – which have made it possible to explore and collect palaeontological and palaeethnological material over an area of about 70 sq. m. (Peretto, 1999). The lithic industry of 3c mainly consists of typologically distinct flint artefacts with a lesser amount of limestone finds. Among the finds in knapped flint, the numerical superiority of flakes over other morphological types is the most striking aspect; these artefacts are characterised by their millimetric dimensions, with sharp cutting edges, in some cases showing traces of post-depositional activity. A similar observation can be made regarding the knapped limestone artefacts: the flakes
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(larger in size than the flint flakes) predominate over the other artefact typologies. In the comparison between the two kinds of knapped raw material, flint is clearly the most frequent, especially in the category of flakes and fragments (70.4%), followed in varying percentages by the forms described as débris (18.8%) and cores (3.8%). -The lithic industry of archaeosurface 3S10, Sector I The lithic industry of archaeosurface 3S10 is also the result of several explorationa performed on the site of La Pineta, in 1992 and 2001. In the field work of 1992 the explored area covered the squares 222÷225, 232÷235 and 242÷245 located in quadrant 4 of Sector I (Peretto et alii, 1999). On this occasion approximately 449 lithic finds were collected and analysed, divided into categories according to raw material employed and knapped or unknapped blanks. Unlike the lithic industry of archaeosurface 3c, in the comparison between knapped flint and limestone, the flint débris predominate in the typological distribution (49%), followed by a slightly lower percentage of flint flakes and fragments (31.4%) and cores (3.6%), whereas limestone is present in only 3% of morphologies which are associated to choppers and 1.6% of flakes and fragments. - The lithic industry of archaeosurface 3a, Sector II The lithic industry of archaeosurface 3a, Sector II, is the result of an emergency excavation performed in 1979 over a rectangular area of 72 sq. m., whose longer axis is oriented in a North-South direction extending east of the railway line. A total of 4589 finds were collected, all in flint (Peretto et alii, 1999). Leaving aside the large number of unidentified fragments – which were placed in a separate category – flakes exceed both the so-called débris, which are little fewer than the flakes (28.2%), and the real cores, present in a low percentage (2.2%). - The litic industry of the archeosurface 3a, Sector I
The excavation campaign conduced in 1999-2002 on the archeosurface 3a, the level which has given by far the greatest quantity of palaeontological and palethnological remains, has brought to light on an limited extension of the excavated area a lesser concentration of faunal remais in ratio to the entire explored archeosurface and a greater assemblage of artefacts, mainly in flint. This first registration has induced us to apply an analysis of the characteristics and the distribution of the finds both on the portion of the just excavated area and in relation to the rest of the archeosurface 3a. The total extension of the excavated area of archaeosurface 3a covers approximately 140 sq. m., presently housed within the excavation pavilion; this area includes most of quadrants 1-2 of Sector I and, to a lesser extent, also 3-4. In the course of the various exploratory surveys performed over the years, on this surface around 15,300 items have been collected, which are thus subdivided: 6138 bone remains, 1565 flint finds, 1451 limestone finds, and 6146 travertine pieces. The lithic industry of the entire archeosurface 3a is denoted by a concentration which, compared to the other categories of raw material represented, occupies a low percentage with respect to the dominant presence of faunal remains and travertine. Flint, in particular, is the predominant typology, with flakes and flake fragments (49%), a fair amount of débris (11.1%) and cores (11.9%), and an appreciable percentage of unknapped blanks (37.9%). On the whole, tools as such are absent - in the sense of artefacts with a precise, functional form and showing intentional retouch – except for one sole specimen, identified with certainty and classified according to the typological definition of Laplace (1964) as a transverse carinated scraper, displaying simple marginal retouch, with rectilinear trend and distal transverse localisation (Minelli and Peretto, 1999-2000). Limestone, on the other hand, shows a clear predominance of unknapped pebbles (78%) on blanks presenting traces of débitage; among these, a percentage of 9% is reserved to cores, 5% is represented by flakes and flake fragments, 6% by blanks typologically identified as choppers, and a mere 1% by so-called chopping-tools and débris (Fig. 3).
Fig. 3 – Isernia La Pineta. Archaeosurface 3a, Sector I: quantitative distribution of the different lithotypes according to typological categories. 301
Antonella Minelli, Carlo Peretto
The investigated area in 1999-2002 has interested an extension of 39 square metres and the lithic assemblage (829 lithic finds) collected on this area characterizes itself not only by the dominance of the flint artefacts on the limestone finds
but by its good state of preservation which particularly fresh, with cutting edges, sharps and without patina of chemical superficial alteration (Fig. 4).
Fig. 4 – Isernia La Pineta. Examples of flakes. From the tecno-typological viewpoint the lithic industry presents homogeneous characteristics with the lithic finds found on the other archeosurfaces. It was registered an evident dominance of flakes on cores, debris and tablets (Fig. 5).
Fig. 5 – Isernia La Pineta. Archaeosurface 3a, Sector I, quadrant 2: quantitative distribution of the different lithotypes according to typological categories of the investigated area.
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It was registered also the presence of some refittings, two of them has been found in the same square and are classified as intentional refitting; the first one is characterized by a denticulate in sense of terms of by product of flaking and by a flakes with a trihedral section; the second one is characterized by two fragments of the same flake. The third refitting has been identified as natural refitting derived from a natural breakage of a flint tablet. The artefacts analysed using both a metallographic and an SEM microscope have shown quite clear evidence of use along the active margin. Given the considerable thinness and the consequent fragility of the cutting edge or active margin, it was observed a progressive and costant phenomen of rejuvenation of the same margin by means of the removal of more or less microflakes. Infact after only few minutes (4 or 5 minutes) the edge loses its efficiency owing to the adherence of organic parts. The ultramicroscopic analysis has also individuated, with a variable frequency due to the resistance of the material utilized, the presence of striations interesting polished areas. Their presence, localization and distribution give useful information on the direction of the movement and on the hardness of the worked material. It was attested that the major part of the flint flakes presents traces
related to the cutting of meat, instead all the pieces that we have classified as “denticulates” macroscopically show no elements that would suggest that they form part of the toolkit ad the have been interpretated as by-products of flaking activity, debris (Longo, 1994). Spatial distribution of artefacts The distribution trend on the archeosurface 3a, though variable, concerning the different categories represented reveals a dispersal index whereby travertine is constantly present throughout the entire areal extension, with greater concentrations in the area where it is in primary deposition (quadrants 2 and 3), in association with both faunal remains and with flint and limestone; bones are mainly concentrated in the central zones of the archaeosurface, with a dispersal which lessens between quadrant 1 and quadrant 2; limestone and flint, instead, show a different distribution trend, with obvious implications also from an interpretative viewpoint, and a degree of dispersal which is more unhomogeneous in the case of limestone, for which several areas of greater concentration can be identified, whereas in the case of flint it is more restricted and hence spatially defined (Fig. 6).
Fig. 6 - Isernia La Pineta. Archeosurface 3a, Sector I. Spatial distribution of the faunal remains and the lithic finds. 303
Antonella Minelli, Carlo Peretto
As regards the flint finds, on the other hand, it can be observed that the concentration of lithic material is very low in the squares of quadrant 1, whereas it is analytically significant in the squares of quadrant 2 and in the strip that diagonally follows the travertine relief in primary deposition, on most of which the artefacts have been found, in a good state of preservation. The most important evidence is that on the 1565 flint finds, 829 have been brougth to light on the 37 square metres considered (Fig. 7). The distribution of limestone remains is characterised by a less pronounced dispersion of material, allowing zones to be identified where their concentration is higher than in others; for example, a fairly large grouping has been recorded in squares 11, 21, and 31 of quadrant 1, where they are rather small or, at most, of average dimensions; a similar situation characterises the same squares in quadrant 2 of archaeosurface 3a, Sector I. Conclusions The archaeosurfaces brought to light at the site of Isernia La Pineta and the archaeological evidence found here can be said to represent the result of behaviours within the context of specific strategies directed at obtaining portions of meat for human consumption; these findings are borne out by the palaeogeographic reconstruction of the area, depositional and distributive modalities of lithic and bone finds, the technical and typological characteristics of flakes and cores, and the chaîne opératoire adopted by prehistoric humans for their fabrication and use.
It is a simple behavioural model, ecologically sustainable in terms of both productivity and raw material management, closely connected with the logical adaptive response to given environmental conditions. In our opinion, therefore, the strategies used at Isernia to manage the available resources represent conscious adaptive choices which reflect the potential of the surrounding environment; however, these are not to be interpreted as more adaptation to the limitations imposed by the environment, but instead as the most advantageous behavioural solutions for meeting subsistence requirements. The common element shared by all four living floors is the humid environment present in the area at that time: this can be seen from the partly-emerged travertine formations, evidencing a fairly continuous horizontal, linear progression. The gradual increase of these formations – caused by flowing water – is documented by the exposed sections and excavation reliefs testifying typical structures linked to this phenomenon. It appears likely that the entire area was characterised by a reticulate, with a myriad of small lakes or pools leading into one another. The excavation work unearthed a large quantity of lithic material on the long, narrow surface of one of these reliefs surrounded by water; these finds are in a very good state of preservation, mostly consisting of flakes obtained by direct percussion or on an anvil (Peretto, 1994), their surfaces showing frequent traces connected with butchery.
Fig. 7 – Isernia La Pineta. Archeosurface 3a, Sector I, quadrant 2: Spatial distribution of the lithic finds on the investigated area in 1999-2002. 304
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Bone remains are instead very scarce, becoming very frequent at its edges, where water was present; flint artefacts are infrequent here, and present translucent surfaces to indicate their immersion in water. The bone:flint ratio thus changes in relation to the area, i.e. reliefs or the lower humid zones. Furthermore, whereas on the travertine relief we have a single level, in the sunken areas we can distinguish the four different living floors (3c, 3a, 3S10 of Sector I and 3a of Sector II), which nevertheless become joined in a single layer close to the travertine bar, on the higher ground. Volcanic deposits (cinerites) fill in the sunken areas, tending to level out the whole area, and rising up - like the living floors themselves – along the sloping edge of the travertine bar towards the lake area. In some places the extension of the travertine invades part of the living floors. Bearing in mind the numerous studies on the lithic and faunal finds of the area
(Peretto, 1994; 1996), the interpretation of these data informs us that prehistoric humans adopted specific and productive subsistence strategies. The stable occupation of the travertine reliefs surrounded by a lacustrine environment afforded the human group the necessary refuge and protection, while exploration of the surrounding territory offered the opportunity of recuperating animal carcasses, or parts of these, for food consumption. The carcasses were carried to these areas - decidedly safer than on the open plains – where they were butchered and further exploited by fracturing the bones to extract the marrow. The considerable concentration of faunal remains in the humid environment close to the relief (which was noted from the very first stages of research; Peretto et alii, 1983) leads us to believe that they were deliberately thrown there. The immersion of organic remains still rich in organic material ensured they did not draw the attention of carnivores and insects.
Antonella Minelli°; Carlo Peretto* *Dipartimento delle Risorse Naturali e Culturali, Università degli Studi di Ferrara, Corso Porta Mare, 2 44100 Ferrara; email: [email protected] ° Facoltà di Scienze Umane e Sociali, Università degli Studi del Molise, Via Mazzini 86170 Isernia; e-mail: [email protected] References Anconetani P., Crovetto C., Ferrari M., Giusberti G. Longo L., Peretto C.,Vianello F. (1992), Nuove ricerche nel giacimento di Isernia La Pineta (Molise), Rivista di Scienze Preistoriche, XLIV, 12, 3-41. Bordes F. (1961), Typologie du Paléolithique ancien et moyen, Delmas. Bordeaux. Coltorti M., Cremaschi M., Delitala M. C., Esu D., Fornaseri M., McPherron A., Nicoletti, M., Van Otterloo R., Peretto C., Sala B., Schmidt V., Sevink J. (1982), Reversed magnetic polarity at Isernia La Pineta, a new Lower Paleolithic site in Central Italy, Nature 300 (5888), 173-176. Coltorti M. (1983), Le fasi principali della evoluzione del paesaggio nel bacino di Isernia (Molise), in : Peretto, C. Terzani C., Cremaschi M. (Eds.): Isernia La Pineta: un accampamento più antico di 700.000 anni, Calderini Editore, Bologna, pp. 41-48. Coltorti M., Cremaschi M. (1983), Depositi quaternari e movimenti neotettonici nella Conca di Isernia, Contributi conclusivi per la realizzazione della carta neotettonica d’Italia, 506, C.N.R. Progetto finalizzato Geodinamica, sottoprogetto Neotettonica, 173-188. Cremaschi M. (1983), La serie pleistocenica di Isernia La Pineta (Molise) e la posizione stratigrafica dei suoli d’abitato paleolitici in essa inclusi, in : Peretto, C. Terzani C., Cremaschi M. (Eds.), Isernia La Pineta: un accampamento più antico di 700.000 anni, Calderini Editore, Bologna, pp. 49-62.
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306
Données récentes sur les premiers peuplements en Europe
Variabilité des comportements techniques et de subsistance au travers de quelques sites européens Les grandes plaines de l'Europe du nord et leurs marges L’Europe centrale et orientale
Données récentes sur les premiers peuplements en Europe
UN SITE RECURRENT D’ABATTAGE ET DE BOUCHERIE DU PALEOLITHIQUE MOYEN : KABAZI II (CRIMEE, UKRAINE) PATOU-MATHIS Marylène, CHABAÏ Victor Résumé À l'ouest de la Crimée, le gisement de plein air de Kabazi II est situé sur le Mont Kabazi, dans la deuxième rangée des Monts de Crimée. Deux aires de fouilles et cinq sondages ont été effectués, dès 1986, par V. Chabaï. Ces fouilles ont dégagé un remplissage, composé essentiellement de colluviaux, de 13 m d'épaisseur renfermant cinq unités archéologiques subdivisées en 21 niveaux. Cet article présente l’analyse archéozoologique du matériel découvert dans l’unité III/2. Des datations par U-serie et ESR de dents provenant de ce niveau ont fourni les dates, respectivement, de 117 000 +/- 1 300 et 107 000 +/- 16 000, 81 000 +/-11 000 BP. Celle-ci contient une industrie rapportée au Starosélien. L'Equus hydruntinus domine dans le spectre faunique avec plus de 97 % des restes déterminés. Le Bison, la Saïga, le
Cerf et le Renard sont également présents mais, par seulement quelques éléments pour chacune de ces espèces. L’environnement d’alors correspondait à un paysage mixte à dominance steppique avec des espaces boisés le long des cours d’eau. Le climat était modérément froid et relativement sec. Les Néandertaliens ont pratiqué une chasse hyper spécialisée à l'Equus hydruntinus. Ils ont abattu à plusieurs reprises des individus issus de petites hardes. Le traitement des carcasses, effectué sur le lieu même de l’abattage, a été sélectif. Des morceaux de carcasses riches en viande ont été emportés hors du gisement. Kabazi II correspond à un site récurrent d'abattage et de boucherie, hypothèse confirmée par l’analyse du matériel lithique et l'absence de structures d’habitat.
Abstract In the west of the Crimea, the Kabazi II open-air site is located on the Kabazi Mount, in the second row of the Crimea Mounts. As far back as 1986, V Chabaï did two excavation areas and five test pits. The 13 meters of sediments, which were taken away during these excavations, were essentially composed of colluvium and contained five archaeological units, which were subdivided into 21 levels. This article presents the zooarchaeological study of the material discovered in the unit III/2. Three U-serie and ESR datations were obtained thanks to teeth of this level: 117 000 +/- 1 300, 107 000 +/- 16 000, 81 000 +/- 11 000 BP. The industry of the Unit III/2 were linked to the Staroselian. Equus hydruntinus predominates the faunal spectrum with
more than 97% of the determined remains. Bison, Saïga, Red deer and Fox are represented too, but only by some elements for each species. At this period, the environment was a mixed landscape more steppic with wooded places along the waterways. The climate was moderately cold and relatively dry. The Neandertalian men hunted especially Equus hydruntinus. They killed several times animals from little herds. The processing of the carcasses, made on the kill site, was selective. Some pieces of the carcasses, that were rich in meat, were taken out of the site. Kabazi II corresponds to a recurrent kill and butchering site. This hypothesis is confirmed by the analysis of the lithic material and the absence of dwelling structures.
Présentation du site
éboulis provenant de l’érosion rapide du versant. Cette déposition, rapide, a donné une excellente séquence stratigraphique et permis une bonne conservation des ossements. Notre étude porte sur l’analyse archéozoologique du matériel osseux du niveau III/2 de la strate 11. Des datations par Userie et ESR de dents provenant de ce niveau ont fourni les dates, respectivement, de 117 000 +/- 1 300 et 107 000 +/- 16 000, 81 000 +/-11 000 BP (Chabaï, Marks et Monigal, 1999). Les analyses polliniques (Gerasimenko, 1999) situent ce niveau dans la phase VI (Pryluky) correspondant aux interstades d’Odderade-Brorup-Amersfoort (Fig. 2). Ce niveau se serait donc formé durant une phase interstadiaire du début glaciaire (wechsélien (5c ou 5a). L’environnement d’alors correspondait à un paysage mixte à dominance steppique avec des espaces boisés le long des cours d’eau. Le climat était modérément froid et relativement sec. L’industrie, relativement pauvre mais riche en outils (40 %), est attribuée au Starocélien. Les racloirs, transverses, unifaciaux et bifaciaux, dominent ; on note la présence de pointes bifaciales (Chabaï, 1998b).
Le site de Kabazi II est situé sur la deuxième rangée des Monts de Crimée dans la partie ouest de la péninsule (Fig. 1). Il se trouve sur la rive droite de la rivière de l’Alma sur le versant sud du Mont Kabazi. D’après le R. Ferring (in Chabaï, 1998 a), des dépôts d’alluvions ont eu lieu principalement le long du côté droit de la vallée, ils correspondent à au moins 3 terrasses. De 1986 à 2001, des fouilles ont été menées par Victor Chabaï. Plus de 13 m de sédiments se sont accumulés sur le versant de la montagne, grâce à une massive dalle de calcaires à nummulites (d’environ 10 m de haut, strate 17). Cette dalle verticale coupe le banc du versant, créant ainsi une barrière qui a piégé les colluvions, lesquels contiennent de gros blocs erratiques (Ferring in Chabaï, 1998a). Les fouilles ont permis de dégager un remplissage, composé essentiellement de colluviaux, de 13 m d’épaisseur renfermant cinq unités archéologiques subdivisées en 21 niveaux (Fig. 2). Les strates 15 à 5 présentent une continuité de dépôts rapides de colluvions approvisionnés par les
307
Marylène Patou-Mathis, Victor Chabaï
Analyse archéozoologique Le matériel osseux découvert dans le niveau III/2 de Kabazi II La densité du matériel osseux est élevée ; elle est de 425 par comprend 16 983 restes dont 88 % d'indéterminées (Tableau I). m3 fouillé.
ESPÈCES
NR
NMIc
1955
45
Saiga tatarica?
5
1
Bison cf priscus
38
1
Cervus cf. elaphus
7
1
Vulpes sp.
1
1
NRDT/NMIcT
2006
49
NRI
14977
NRT/NMIcT
16983
Equus hydruntinus
49
Tableau I : Spectre faunique du niveau III/2 de Kabazi II (NR=Nombre de Restes ; NMIc=Nombre Minimal d’Individus obtenu, par combinaison ; NRDT=Nombre de Restes Déterminés Total ; NMIcT= Nombre Minimal d’Individus, obtenu par combinaison, Total ;NRI=Nombre de Restes Indéterminés ; NRT=Nombre de Restes Total) Les ossements déterminés (11,8 % du NRT) appartiennent pour la plupart (97,38 % du NRD) à un petit équidé : Equus hydruntinus (Tableau I). Les autres espèces sont : le bison (1,9 % du NRD), le cerf (0,34 %), l’antilope saïga (0,25 %) et un renard (0,05 %). En nombre d’individus, le petit équidé est toujours largement dominant (92 % du NMIcT) ; les autres espèces sont en proportion égale (2 % pour chacune). D’après A. Burke et V. Eisenmann (2003), Equus hydruntinus serait proche des hémiones (Equus hemionus, sous-espèce inconnue). Les caractères adaptatifs de son squelette (protocône court, os des membres graciles, segments distaux relativement longs, largeur de la sole plantaire, Eisenmann, 1984), c’était un coureur qui aimait les sols durs non montagneux et les espaces ouverts. D’après les données du spectre faunique, l’environnement était steppique, avec des espaces boisés développés dans les vallées (le long des cours d’eau) et le climat était froid, mais non rigoureux (ce petit équidé supportait mal la neige glacée), et relativement sec (avec des points d’eau permanents, élément indispensable à cet équidé). L'étude des 14 977 esquilles a été réalisée lors des fouilles par V. McKinley. Nous les avons re-analysées pour cet article. Elles appartiennent pour la plupart, d’après les restes déterminés, aux Equus hydruntinus. Nous les avons pris en compte lors de nos interprétations palethnographiques. D’après leur répartition par classe de taille, nous constatons, avec plus de 63 % des esquilles, une prédominance de la classe I (longueur maximale inférieure à 2 cm). Les esquilles de longueur maximale comprise entre 2 et 5 cm sont également abondantes (plus de 32 %). Par contre, la classe III
(longueur maximale entre 5 et 10 cm) et la classe IV (longueur maximale supérieure à 10 cm) sont nettement plus rares. L’état de surface des ossements est, pour l’ensemble du matériel osseux, relativement bon. Seuls vingt-cinq ossements déterminés présentent une surface corrodée (1,24 % du NRD). Cependant, la plupart des esquilles indéterminées portent des stigmates résultant de l’action du weathering (desquamation, exfoliation, esquilles effilées). Leur analyse met en évidence l’existence d’au moins trois stades : desquamation (stade I), exfoliation et micro-fissures longitudinales (stade II) et esquilles effilées (environ 25 %, stade III). Ce constat nous conduit à suggérer que l’assemblage s’est mis en place en plusieurs phases. En outre, la présence, sur la majorité des esquilles indéterminées, de vermiculations qui témoignent de l’action des radicelles de plantes atteste d’un recouvrement (peu épais) par des sédiments d’une partie de cet assemblage. D’autre part, on observe une faible dispersion des ossements et une fragmentation en deux temps des esquilles osseuses (cf. infra). Ces constats attestent d’enfouissements plus ou moins lents, sous un climat sec (absence de marques de dissolution ou de percolation), à plusieurs périodes (relativement proches dans le temps, homogénéité du matériel), d’assemblages osseux. De même, les carnivores n'ont laissé qu’une seule marque de leur passage. Une phalange distale d’Equus hydruntinus (en M5) porte une perforation correspondant à la morsure d’un petit canidé (0,05 % du NRT). Leur rôle dans l'origine et l'histoire de ces assemblages est donc insignifiant.
308
Un site récurrent d’abattage et de boucherie du Paléolithique moyen : Kabazi II (Crimée, Ukraine)
I. Analyse hydruntinus
des
ossements
rapportés
aux
Equus
Ce petit équidé représentant la quasi-totalité du matériel étudié (Tableau I), nous avons axé notre étude sur l’analyse de ses ossements. I. 1 Étude de la conservation Le nombre d’ossements déterminés rapportés à cette espèce est relativement élevé (Tableau II). Cependant, par rapport au nombre estimé d’individus, on remarque un déficit élevé, notamment en os (au plus 44 restes par individus). I.1.2 Le squelette crânien Le squelette crânien est mieux conservé que le squelette postcrânien (Tableau II). L’analyse de la conservation de la partie supérieure du squelette crânien met en évidence un fort déficit des os du crâne alors que les os pétreux sont très abondants. On peut envisager que des crânes entiers étaient présents sur le site et qu’ils ont été fracturés pour en extraire la cervelle. Ainsi fragilisés, ils ont été altérés (fragmentation importante post-dépôt) et réduit à l’état d’esquilles dont la plupart ont disparu. Les maxillaires, qui ne portent, au total, que quatre prémolaires et 3 incisives, sont, également, faiblement représentés, alors que les dents isolées supérieures sont abondantes. Ce constat confirme l’hypothèse précédente. Les labiales supérieures définitives ne représentent que 6,38 % des dents supérieures définitives. Ce déficit peut s’expliquer par leurs petites dimensions et leur fragilité intrinsèque. Les molaires supérieures sont légèrement mieux conservées que les prémolaires supérieures (MAU respectifs de 15 et 14,5). La conservation des parties osseuses par rapport à celle des dents (85,5 % des restes du squelette crânien supérieur, en NME) renforce l’hypothèse d’une fragmentation importante des crânes. On a 19,1 % des jugales supérieures qui sont demeurées indéterminées. Les mandibules sont relativement bien conservées (Tableau II) et portent, au total, 42 jugales et six incisives. L’os mandibulaire est intrinsèquement plus résistant que le maxillaire. Les mandibules sont toutes fracturées au niveau du canal mandibulaire. Les branches montantes sont bien représentées, mais les condyles sont rares. Ils ont probablement été altérés lors de la désarticulation entre la partie supérieure et la partie inférieure du crâne. Les labiales inférieures représentent 12,23 % des dents inférieures définitives. Les molaires inférieures sont, là aussi, légèrement
mieux conservées que les prémolaires inférieures (MAU respectifs de 12,66 et 11,66). La conservation des parties osseuses par rapport aux dents (90,41 % des restes du squelette crânien inférieur) atteste là encore d’un déficit mais, d’après le MAU des hémi-mandibules plus faible que pour la partie supérieure. 13 % des jugales inférieures est resté indéterminé. Globalement, on remarque que les dents supérieures sont mieux conservées que les dents inférieures. D’autres part, les jugales, inférieures comme supérieures, sont relativement peu fragmentées (d’après le NR/NME). Par contre, les labiales et les lactéales, dents les plus fragiles, sont relativement plus mal conservées. Aucune canine n’a été identifiée. D'après l'ensemble de ces restes céphaliques, en tenant compte de l'âge, 45 individus ont été estimés (Tableau II). 1.1.3 Le squelette post-crânien 1.1.3.a Le squelette axial (vertèbres, côtes, cartilages costaux, sternum, sacrum, coxaux) Le squelette axial est relativement mal conservé (Fig. 3). Les éléments de cette grande unité sont, exceptés les coxaux et les premières cervicales, relativement mal conservés, (Tableau II). Les vertèbres sont assez abondantes notamment les atlas et les axis (MAU respectifs de 20 et 15). Les sternèbres, les vertèbres caudales et sacrales sont absentes (Tableau III). Des vertèbres en connexion ont été découvertes : les 4 dernières cervicales et la première thoracique en L7 et en L8, cinq vertèbres thoraciques. Les côtes sont rares et fragmentées. Nous n’avons pas retrouvé de cartilages costaux. Les coxaux sont bien représentés. Bien que fragmentée, la cavité cotyloïde est la partie la mieux préservée. 1.1.3.b La partie supérieure des membres antérieurs (scapula, humérus, radius-ulna) Cette grande unité squelettique est la mieux conservée (Tableau II et Fig. 3). L’humérus et le radius sont les os les plus abondants (Fig. 4). La scapula est surtout représentée par des fragments de cavité glénoïde (partie la moins fragile). Pour l'humérus, on note un fort déficit de la partie proximale (Fig. 5). Alors que pour le radius-ulna, c’est la partie distale qui est la moins bien conservée. La diaphyse médiane de l'ulna (chez les adultes, soudée au radius) est bien conservée, mais c'est l'extrémité proximale, notamment le processus anconé, qui a fourni le NME de cet élément. La partie distale de cet élément, très fragile, est quasi absente.
309
Marylène Patou-Mathis, Victor Chabaï ÉLÉMENTS ANATOMIQUES
NR
NME
MAU
MNIf NMIc
Os du Crâne
50
46
21*
21*
21*
Hémi-Maxillaire
6
4
2
2
2
Hémi-Mandibule
73
18
9
13
13
Jugales Supérieures définitives
220
220
18,33
21
23
Jugales Inférieures définitives
165
165
13,75
17
17
Labiales supérieures définitives
15
15
2,5**
5
6
Labiales inférieures définitives
23
23
3,8**
7
8
Labiales supérieures lactéales
1
1
1
1
Déciduales supérieures
61
61
10,1
11
12
Déciduales inférieures
56
56
9,3
10
12
Jugales Indéterminées
3
3
Labiales indéterminées
8
8
Sous-Total Crânien
681
620
21*
32
45
Vertèbres***
199
139
4,48
20
20
Côtes
25
14
0,38
1
1
Coxal
61
37
18,5
19
19
Sous-Total Squelette Axial
285
190
2,75
20
20
Scapula
34
26
13
13
14
Humérus
55
27
13,5
14
15
Radius
77
27
13,5
14
15
Ulna
25 (+14)
21
10,5
11
13
Sous-Total Partie Supérieure M.A.
191
101
12,62
14
17
Fémur
42
18
9
9
9
Patella
2
2
1
1
1
Tibia
47
24
12
12
12
Sous-Total Partie Supérieure M.P.
91
44
7,33
12
13
Carpiens
58
58
4,14
12
12
Métacarpien III
62
33
16,5
17
18
Métacarpiens II et IV
28
27
6,75
8
8
Tarsiens
119
118
9,83
28
34
Métatarsien III
47
24
12
15
15
Métatarsiens II et IV
17
17
4,25
8
8
Carpiens ou tarsiens
7
Métapodiens Indéterminés
53
5
5
35
Métapodiens vestigiaux indéterminés
6
4
Phalanges Proximales
97
93
23,25
24
24
Phalanges Intermédiaires
75
75
18,75
19
19
Phalanges Distales
53
52
13
13
13
Sésamoïdes
2
2
0,16
1
1
Sous-Total Autopode
624
538
8,67
28
43
Os indéterminés
83
Sous-Total Post-crânien
1274
> 873
> 6,02
28
43
TOTAL
1955
> 1496
> 6,7
32
45
Tableau II : Dénombrement des ossements des Equus hydruntinus du niveau III/2 de Kabazi II (Abréviations voir légende tableau I ; NME=Nombre Minimal d’Éléments ; NMIf= Nombre Minimal d’Individus de fréquence ; MAU=NME/Qsp (coefficient spécifique de l’élément considéré), M.A.=Membre Antérieur ; M.P.=Membre Postérieur, *d’après les os pétreux ; ** Qsp sans les canines ; ***Vertèbres cervicales, thoraciques et lombaires ; ulna (14 soudés aux radius)
310
Un site récurrent d’abattage et de boucherie du Paléolithique moyen : Kabazi II (Crimée, Ukraine)
1.1.3.c La partie supérieure des membres postérieurs (fémur, patella, tibia, fibula) Cette grande unité squelettique est moins bien conservée que la précédente (Tableau II et Fig. 3). Le tibia est l’élément le mieux conservé (Fig. 4). La patella n'est représentée que par deux pièces. L’extrémité proximale est la partie du fémur la mieux conservée, alors que le tibia est essentiellement représenté par son extrémité distale (Fig. 5). Aucune fibula n’a été retrouvée. 1.1.3.d Les os de l'autopode (carpiens, métapodiens, phalanges et sésamoïdes)
tarsiens,
Cette unité squelettique est bien représentée (Tableau II et Fig. 3). Les métapodiens principaux sont les os longs les mieux conservés (Fig. 4) et, avec un MAU=21,75, les plus abondants de l’autopode. Le métacarpien III est mieux représenté que le métatarsien III. La partie proximale des métapodiens principaux déterminés est la partie la mieux conservée (Fig. 5). Cependant, en prenant en compte l’ensemble des restes des métapodiens, les parties proximale et distale s’équilibrent. Les métapodiens vestigiaux (MAU=6) et les carpiens sont plus rares (Tableau II). Parmi ces derniers, le scaphoïde (MAU=9,5) et le semi-lunaire (MAU=8) sont les mieux représentés, les autres sont beaucoup plus rares. Les métacarpiens vestigiaux sont plus abondants que les métatarsiens vestigiaux et les métapodiens II que les métapodiens IV. Les tarsiens et surtout es phalanges sont bien conservés (MAU respectifs de 9,83 et 18,33, tableau II). Parmi les tarsiens, le talus domine (MAU=14) ; le calcaneus et le naviculaire sont abondants (MAU respectifs de 12 et 10,5). Le cuboïde, le grand et le petit cuneïfornes sont rares. Les phalanges proximales sont les phalanges les mieux conservées. Les sésamoïdes, os de petites dimensions, ne sont présents que par 2 restes ; 2 grands sésamoïdes. Dans l'ensemble le matériel osseux est, excepté le squelette axial, relativement bien conservé, surtout les éléments crâniens et de la partie supérieure des membres antérieurs (Fig. 3). Les os des ceintures (coxal et scapula) sont bien représentés (Tableau II). Les métapodiens principaux puis l’humérus et le radius sont les os longs les mieux conservés (Fig. 4). L'étude de la conservation des différentes parties des os longs met en évidence : la rareté de l’extrémité proximale des humérus et des tibias et de l'extrémité distale des ulnas et des fémurs (Figure 5). Pour le radius, l’extrémité distale est plus rare que l’extrémité proximale. L'étude des os du squelette post-céphalique a permis d'estimer à 43 le nombre minimal d'individus présents dans le niveau III/2 de Kabazi II. Quatre-vingt-trois restes appartenant à ces équidés ont également été reconnus, ce sont principalement des fragments d’os longs (87,9 %) auxquels s’ajoutent 5 petits fragments d’os du crâne ou de vertèbres, 4 d’os plat et 1 d’os court. Un morceau de diaphyse d’humérus
ou de fémur porte sur sa face interne deux esquillements résultant d’une percussion d’origine anthropique. I.2 Étude de la fragmentation des os longs Globalement le matériel osseux est assez fragmenté, notamment si l’on prend en compte les esquilles indéterminées qui, d’après le rapport entre le nombre de restes déterminés de cet équidé et celui des autres espèces, appartiennent pour la plupart à Equus hydruntinus. Les os des ceintures et du squelette axial (vertèbres et côtes) sont fragmentés ; de même que la plupart des os longs à l’exception de 7 métacarpiens et 2 métatarsiens. Par contre, les os courts (carpiens, tarsiens et phalanges) sont majoritairement entiers. En prenant en compte la conservation des différentes parties, les lieux de fracturation sur les os longs sont situés le plus fréquemment (Fig. 6) : pour l’humérus, au niveau de la partie distale de la diaphyse et majoritairement sur la face antérieure (5 fragments de métaphyses distales présentent des stigmates de fracturation anthropique de type « bec de flûte ») ; pour le radius-ulna, au niveau de la métaphyse proximale (face antérieure/médiale) ou sur la face antérieure/médiale de la partie distale de la diaphyse (deux fragments de métaphyses distales présentent des stigmates de fracturation anthropique de type « bec de flûte ») ; pour le fémur, au niveau de la partie proximale de la diaphyse ; pour le tibia, au niveau de la diaphyse médiane vers la partie distale ou proximale notamment sur la face antérieure/médiale ou latérale (5 fragments de métaphyses distales présentent des stigmates de fracturation anthropique de type « bec de flûte ») ; pour les métapodiens principaux, au niveau de la diaphyse médiane vers la partie distale ou proximale (7 fragments de métaphyses distales présentent des stigmates de fracturation anthropique de type « bec de flûte »). Dans la plupart des cas, la percussion a eu lieu sur la diaphyse médiane vers les métaphyses proximale ou distale des os longs entraînant ainsi la fragilisation de ces parties (fragments probablement dans les esquilles indéterminées). On observe également la conservation totale ou partielle d'une ou plus rarement deux faces de l’os. D'après les indices NR/NME, de chacun des os longs, les radius-ulnas, les fémurs et les humérus apparaissent comme étant les plus fracturés et les métapodiens les moins. La répartition des esquilles indéterminées par classes de taille montre clairement que la fragmentation du matériel est importante, plus de 95 % appartiennent à la classe I ou II (longueur maximale inférieure à 5 cm, Fig. 7). Ce constat et l’observation des plans de fracture attestent d’une fragmentation du matériel en deux temps ; une fracturation primaire d’origine anthropique puis une fragmentation secondaire due à l’exposition à l’air libre du matériel (weathering) et, plus modestement, au piétinement (quelques pièces indéterminées portent des marques de charriage à sec).
311
Marylène Patou-Mathis, Victor Chabaï
I.3 Répartition spatiale L'étude de la répartition des ossements déterminés de ce petit Équidé met en évidence une forte densité dans les carrés suivants, par ordre décroissant (>100 restes) : L8 et M8, O4, L7, O5, M6 et N6 (Fig. 8). Les ossements du squelette crânien sont plus abondants en M8, O4, L8, M7, O5, N7, L7 et M6 (Figure 9). Les restes de la partie supérieure du crâne sont plus dispersés que ceux de la partie inférieure (plus grande abondance dans respectivement 10 et 7 carrés). En outre, dans certains carrés, on note une légère différence de densité de ces éléments ; pour les carrés N7, M5, N6 et N4 ce sont ceux de la partie supérieure qui dominent et dans le carré L7 ceux de la partie inférieure. Les dents juvéniles sont concentrées, plus de 54 % ont été retrouvées dans 5 carrés, en, par ordre décroissant de densité, L8, M8, O5, O4, M7. Les vertèbres et les côtes abondent dans les carrés L8, L7, O5, M8, M7 et N7, N6. Les coxaux sont plus nombreux en M8, O4 et L6, L8, N6, O5 et N7. Les éléments du squelette axial, dans leur ensemble, se répartissent principalement dans les carrés : L8, L7, O5 et M8, N7, N6, M7 et O4 (Fig. 10). Les éléments de la partie supérieure des membres, légèrement plus dispersés que ceux du squelette crânien (densité plus élevée sur respectivement 10 et 9 carrés) sont abondants en N6, L8 et M8, O4 et L7, M6 et L6, O5, N5 (Fig. 11). D’autre part, dans certains carrés on note une légère différence de densité de ces éléments ; pour les carrés O4, L7, M6 et M7, ce sont les os des membres antérieurs qui dominent et dans les carrés N5, N4 et N7 ceux des membres postérieurs. En outre, les os de ces derniers sont légèrement moins dispersés que ceux des membres antérieurs (densité plus élevée dans respectivement 8 et 9 carrés). Les os de l’autopode ont une plus forte densité dans les carrés : L8, L7, M6, N5, M8 (Fig. 12). Dans le carré N7, les carpiens, les tarsiens et les métapodiens sont abondants. En N4, ce sont les métapodiens et les phalanges qui dominent. Dans ces deux carrés, les os de la partie supérieure des membres sont relativement plus rares que ceux de l’autopode. Les restes juvéniles sont relativement dispersés ; on note cependant une plus forte densité en O4, L8 (surtout des restes crâniens), M8 (surtout des restes crâniens), M7, H5 et N5(surtout des restes post-crâniens), O5. Les esquilles ont une répartition proche de celle des ossements déterminés (Fig. 13). Cependant, on observe proportionnellement plus d’ossements déterminés en O5 et L7 et d’esquilles indéterminées en N7 et M7. Le pourcentage d’esquilles de classe de taille I dépasse 50 % dans presque tous les carrés à l’exception de K6, K7, K8 (0), L7, N8, P5 et I5. En K7, K8, N8 et I5, les esquilles de classe II dominent.
Les esquilles de longueur maximale supérieure à 5 cm (classes III et IV) ne sont nombreuses qu’en I5, K6, K4, N5, L7, P5, K8 et N5. En prenant en compte l'ensemble du matériel osseux, les carrés où la densité est la plus forte sont, par ordre décroissant (>1 000 restes) : M8, L8, N7, M6, N6, O4 et M7 (Fig. 14). I.4 Restitutions articulaires et dispersion Nous avons tenté de reconstituer les articulations entre les éléments anatomiques. Pour cela, nous avons estimé, pour chaque os du squelette post-céphalique, le nombre maximal de remontages théoriques. Afin d’estimer la dispersion des ossements nous avons également effectué ces remontages en prenant en compte leur localisation sur la zone fouillée. D'après le tableau III, on constate que les taux de restitutions articulaires sont : - très élevés entre les éléments crâniens, l’atlas et l’axis, le coxal et le fémur, l’humérus et le radius-ulna, les os de la seconde rangée du carpe et le métacarpien III, les os de la seconde rangée du tarse et le métatarsien III, les métapodiens III et les phalanges proximales, les phalanges proximales et les phalanges intermédiaires ; - élevés entre les phalanges intermédiaires et les phalanges distales ; - moyens entre le radius et l’ulna, le radius et les os de la 1ère rangée du carpe, le tibia et le talus ; - faibles entre le fémur et le tibia ; - très faibles entre la scapula et l’humérus. En tenant compte de la répartition spatiale, la dispersion apparaît : -inexistante pour les restitutions articulaires entre os du crâne et maxillaire, la scapula et l’humérus, le radius et les os de la 1ère rangée du carpe, les métapodiens III et les phalanges proximales ; - très faible pour celles entre le coxal et le fémur, le radius et l’ulna, le tibia et le talus ; - faible pour celles entre l’atlas et l’axis, l’humérus et le radius-ulna, le fémur et le tibia, les phalanges proximales et les phalanges intermédiaires, les phalanges intermédiaires et les phalanges distales ; - moyenne pour celles entre le crâne et l’atlas ; - importante pour celles entre les os de la seconde rangée du carpe et le métacarpien III, la seconde rangée du tarse et le métatarsien III ; - très importante pour celles entre le maxillaire et la mandibule.
312
Un site récurrent d’abattage et de boucherie du Paléolithique moyen : Kabazi II (Crimée, Ukraine)
ELEMENTS ANATOMIQUES
A = R. A.
B = R. A./Rp. Sp.
% B/A
Crâne/Hémi-Maxillaire
3 + 1 J = 4 (100 %)
3+1J=4
100
Hémi-Maxillaire/Hémi-Mandibule
3 + 1 J = 4 (100 %)
1
20
Crâne/Atlas
20 (95,2 %)
11
55
Atlas/Axis
15 (75 %)
10
66,7
Coxal/Fémur
14 + 4 J = 18 (100 %)
13 + 3 J = 16
92,85
Scapula/Humérus
1 (3,8 %)
1
100
Humérus/Radius
22 + 3 J = 25 (92,6 %)
15
60
Humérus/Ulna
16 + 4 J = 20 (95,2 %)
13
65
Radius/ Ulna
12 + 3 J = 15 (55,5 %)
12
80
Radius / 1ère Rangée du Carpe
11 (57,9 %)
11
100
2ème Rangée du Carpe/ Métacarpien III
32 (96,96 %)
11
34,37
Fémur /Tibia
3 (33,3 %)
2
66,6
Tibia / Talus
24 (53,3 %)
21
87,5
2 ème Rangée du Tarse/ Métatarsien III
24 (100 %)
8
33,3
Métapodien III / Phalange Prox.
87 (93,5)
87
100
Phalange Proximale/Phalange Intermédiaire
75 (80,6%)
55
73,3
Phalange Intermédiaire/Phalange Distale
52 (69,3%)
33
63,4
Tableau III : Restitutions articulaires des ossements des Equus hydruntinus du niveau III/2 de Kabazi II (R.A.= Restitutions articulaires ; Rp. Sp.=Répartition spatiale ; J=Juvénile) On constate que les os riches en viande montrent des taux de restitution articulaire nettement moins élevés que les autres éléments anatomiques. La dispersion des os du squelette
crânien et des petits os de l’autopode, notamment ceux des secondes rangées, apparaît plus importante que pour les autres éléments anatomiques.
II. Modes d'acquisition et de traitement des Equus hydruntinus
individus), pâturent des mâles solitaires expulsés par l’étalon conducteur. Les femelles peuvent se reproduire dès l’âge de 3 ans et les mâles de 4. La période du rut varie légèrement d’une région à l’autre. La gestation dure 11 mois, les femelles donnent naissance, généralement au début de la période estivale, à un seul petit. Les hémiones vivent, en moyenne, jusqu’à 10-12 ans. Leur ennemi naturel est le loup. Ces carnivores attaquent, principalement en hiver, les poulains.
Il est difficile de retrouver avec exactitude l’éthologie d’une espèce disparue. Cependant, comme nous l’avons mentionné précédemment, Equus hydruntinus serait proche des hémiones. Nous avons donc recherché les données écoéthologiques de ces animaux. Celles-ci différent de celles des « grands » chevaux comme Equus przewalski par exemple. Les hémiones, en général (légères variations de comportements selon les sous-espèces), apprécient les collines et les espaces ouverts semi-arides et supportent mal la neige glacée. Ils sont inféodés à la présence d’eau (ils doivent boire au moins tous les deux jours) et aux pâturages. Ils se réfugient dans les vallées durant les périodes hivernales. Ce sont des animaux rapides à la course ; 60-70 Km/H sur de courtes distances, 40 à 50 Km/H sur de plus longs parcours. Ils vivent en hardes de 5-15 individus ou 1015 selon les sous-espèces. La composition de ces hardes, là encore, varie en fonction des sous-espèces, mais, généralement, elles sont composées de quelques étalons, de juments accompagnés de leurs jeunes (jusqu’à 2 ans). À proximité de ces hardes mixtes, vivent des petits groupes de femelles accompagnées de jeunes mâles (âgés entre 2 et 4 ans). Cette structure (de 5 à 15 individus) se rencontre principalement en périodes estivales. Parfois, chez d’autres sous-espèces, à peu de distance des hardes mixtes (de 10-15
II. 1 Composition des populations abattues N’ayant pas de références détaillées concernant l’attribution des âges dentaires, nous avons, pour effectuer nos mesures, utilisé les données relatives aux « grands » chevaux fournies par M. Levine (1979, 1982). Cependant, il est probable que les limites des classes d’âges ne correspondent pas exactement. En effet, les jugales d’Equus hydruntinus ayant une hauteur moins importante, l’usure observée correspond à un âge plus avancé que celui des « grands » chevaux. En outre, nous constatons l’absence des individus âgés de plus de 13 ans, ce qui, d’après les données relatives à la longévité, mentionnées précédemment, semble normal. Il apparaît donc nécessaire de modifier les limites de ces classes d’âges. Nous proposons les classes suivantes : 0-2 ans (jeunes), 2-4 ans (sub-adultes), 4-7 (adulte jeune), 7-10 (adulte dans la force de l’âge), 10-13 (vieux). Par contre l’interprétation des profils des courbes de mortalité ne change pas.
313
Marylène Patou-Mathis, Victor Chabaï
D'après l'étude de l'attrition dentaire la présence d'au moins 45 petits équidés a été estimée dont 8 jeunes de 2 ans au plus et 4 sub-adultes de plus de 2 ans et de moins de 4 ans. On note par ailleurs, l’absence de jeunes de moins de 7 mois. Nous avons utilisé deux méthodes pour tracer la courbe de mortalité, l'une (Fig. 15) prend en compte le nombre de dents par classe d'âges (Lévine,1979 ; 1982), et la seconde, le nombre minimal d'individus estimés par classe d'âges (Fig. 16). L'aspect en cloche du profil de la figure 15, attesterait d'une chasse où les animaux les plus "rentables" (entre 7 et 10 ans) abondent (« Stalking Model », Levine 1983). Le second profil, tracé à partir du nombre minimal d’individus (Fig. 16), correspond à une courbe de mortalité de type "catastrophique". Il est proche de celui du modèle "family group" de M. Lévine (1983). Ce profil suggère un abattage de petits groupes dans leur entier. La morphométrie de plusieurs os atteste de la présence d’au moins un étalon. La chasse de ces équidés est confirmée par le résultat des calculs des indices, A et B, définis par R. Potts (1984) qui sont respectivement égal à 0,53 et 1,15 (A = NME squelette axial/NME de la partie supérieure des membres et B = NME de la partie supérieure des membres antérieures/NME de la partie supérieure des membres postérieurs. Pour cet auteur, si A1,1 (valeur pour les Équidés), la chasse est attestée, par contre, si A>1,3 et B 10 cm 0%
Classe 2-5 cm 32%
Classe 0-2 cm 64%
Figure 7 : Pourcentages relatifs des esquilles indéterminées réparties en classe de taille (longueur maximale)
323
Marylène Patou-Mathis, Victor Chabaï
160
70
140
60
120
50
100
40
80
30
60 O
40
P
20
N
N
M
20
M
10
L
L
K
0
0
J
C4
C5
C6
I
C7
K J
C4
C8
Figure 8
Figure 9
324
C5
C6
I
C7
C8
O
P
Un site récurrent d’abattage et de boucherie du Paléolithique moyen : Kabazi II (Crimée, Ukraine)
60 50 40 30 20 N M
10
O
P
L K
0
J
C4
C5
I
C6
C7
C8
Figure 12 : Répartition horizontale des os de l’autopode des Equus hydruntinus du niveau III/2 de Kabazi II (densité/m²) Spatial patterns for the autopode bone for Equus hydruntinus
1800 1600
2000
1400
1800 1600
1200
1400
1000
1200
800
1000
600 O
400
N M
200
L K
0
J
C4
C5
C6
I
C7
Figure 13
C8
P
800 600
O N
400
M
200
L K
0
J
C4
C5
C6
I
C7
C8
Figure 14
Répartition horizontale, niveau III/2 de Kabazi II (densité/m²) Spatial patterns for the level III/2 Figure 13 : Esquilles indéterminées, undeterminated broken bones Figure 14 : Ossements déterminés et indéterminés, determinated and undeterminated bones 325
P
Marylène Patou-Mathis, Victor Chabaï
140
120
100
80
60
40
20
0
0-2 ans
2-4 ans
4-7 ans
7-10 ans
10-13 ans
Figure 15 : Courbe de mortalité des Equus hydruntinus du niveau III/2 de Kabazi II (en nombre de dents) 14
12
10
8
6
4
2
0
0-2 ans
2-4 ans
4-7 ans
7-10 ans
10-13 ans
Figure 16 : Courbe de mortalité des Equus hydruntinus du niveau III/2 de Kabazi II (d’après le NMIc estimé à partir des dents)
326
Un site récurrent d’abattage et de boucherie du Paléolithique moyen : Kabazi II (Crimée, Ukraine)
70
60
50
40
% Survie % Survie % Survie
30
20
10
0
Figure 17 : Pourcentage de survie des ossements des Equus hydruntinus du niveau III/2 de Kabazi II
120
100
80
60
40
20
0 0
20
40
60
80
100
120
% FUI
Figure 18 : Relation entre l’indice de richesse nutritive (FUI) et le MAU des os des Equus hydruntinus du niveau III/2 de Kabazi II (Food Utility Index, d’après Outram et Rowley-Conwy, 1998)
327
Marylène Patou-Mathis, Victor Chabaï
120
120
100
100
80
80
60
60
40
40
20
20
0
0
Indice viande % MAU
Figure 19 : Relation entre l’indice de viande et le MAU des os des Equus hydruntinus du niveau III/2 de Kabazi II (Meat Index d’après Outram et Rowley-Conwy, 1998)
120
120,0
100
100,0
80
80,0
60
60,0
40
40,0
20
20,0
0
0,0
Indice Moelle % MAU
Figure 20 : Relation entre l’indice de moelle et le MAU des os des Equus hydruntinus du niveau III/2 de Kabazi II ( Marrow Index d’après Outram et Rowley-Conwy, 1998)
328
Données récentes sur les premiers peuplements en Europe
ARCHAEOLOGY OF THE LOWER SAALIAN (ODER STAGE, OIS-8) IN UPPER SILESIA: HUMAN SETTLEMENT AT THE PERIPHERY OF THE CONTINENTAL ICE-SHEET FOLTYN Eugeniusz, KOZŁOWSKI Janusz Krzysztof, WAGA Jan Maciej
Resumé En Haute Silésie, comme dans l'Est de l'Allemagne les sites paléolithiques ont été trouvés in situ dans les dépots glacilimniques et fluvio-glaciaires de stade de l'Oder (OIS 8). La séquence de Rozumice 3 a fourni des datations OIS entre 253 et 259 Kyr B.P. pour les horizons archéologiques IV-VII. Les autres sites à un niveau d'habitation apparaissent également dans les dépôts de la phase récessive du stade de l'Oder (Rybnik-Kamien A et Oldrisov). Tous ces sites ont fourni les industries microlithiques à éclats (du type de VértesszöllösBilzingsleben). Le seul site de Raciborz-Studzienna 2, trouvé également dans les dépots fluvio-glaciaires de stade de l'Oder, représente probablement une entité taxonomique plus proche du Jungacheuleen de l'Allemagne. Introduction In Europe there are two regions where a direct association of Palaeolithic settlement and glacial sediments can still be seen, namely: the middle and lower Elbe basin and Upper Silesia. In the Elbe basin Palaeolithic sites are distributed in three territorial groups. In the Leipzig region, within the early Saalian terrace of the Elster river – a tributary of the Elbe – three sites are located at: Markleeberg (Bauman, Mania 1983), Zwochau (Pasda et al. 1996, Weber 1996, Wansa, Wimmer 1996) and Eythra (Eissmann et al. 1991, Rudolph et al. 1995). About a hundred kilometres to the north the site of Hundisburg is situated (Toepfer 1978. 1981) and another hundred kilometres further north, also in the Elbe basin, is the site of Lubbow (Steguweit 1997). All these sites are stratified within the alluvial deposits, in between the Elster glaciation morain and the till deposits of the first advance of the Saale glaciation. The sites do not rest only on a secondary deposit, washed down into sands and river gravels by slope-washing processes, but represent – more or less – an intact spatial lay-out of the original patterns related mainly to workshop activities. While at the site at Markleeberg the situation is not so clear, as the excavations were mainly rescue ones. At Zwochau the carefully excavated site revealed original structures indicating relatively weak action of water carrying fairly fine-grained material. When R. Grahmann (1955) attempted to reconstruct the environment around the Markleeberg site he drew attention to the site’s exceptional location in the narrow tundra corridor in between outwash zones, fluvioglacial and fluviolacustrine sedimentation. According to C. Gamble (1986) it was this “tundra corridor” that was exploited by animals and people. The palaeobotanical data from the site at Zwochau – on the other hand – shows that the environmental conditions were clearly consistent with a warmer oscillation evidenced by boreal forests in the vicinity of the site.
329
In terms of taxonomy the sites enumerated above, discovered in the foreland of the advancing Oder (Saale) ice-sheet, belong to the so-called Jungacheuleen according to G. Bosinski (1967). This term covers assemblages with developed Levallois technology, with relatively rare Acheulian type hand-axes and with tools – mainly sidescrapers – made as a rule on Levallois blanks. While supporting Bosinski’s original definition, N. Conard and B. Fischer (2000) opposed the “Jungacheuleen” to the typical Mousterian of the early phase of the Middle Palaeolithic. They ascribe to Jungacheuleen the lower levels from the sites at Ehringsdorf and Rheindalen which, however, correspond to isotope stages 7 and 6. Recent investigations in Upper Silesia throw new light on the presence of Man in the foreland of the Oder (Saale) ice-sheet. Of greatest significance are the discoveries at the site of Rozumice 3. Not only did a sequence of ten occupational levels occur at this site but – more importantly – some of these levels contained artefacts distributed in situ within the fluvioglacial sediments of the retreat stage of the Oder glaciation. This chronology has been confirmed by radiometric determinations (OSL SAR). At the site of Rybnik-Kamień A, too, the cultural materials were stratified in the same stratigraphical position: within the context of fluvioglacial sediments from the Oder ice-sheet recession. In this group also belongs the site of Oldřisov I in Czech Silesia where detailed studies of the geological context have placed this site at the recession stage of the Oder glaciation. Other sites in Upper Silesia yielded individual finds whose original context has not been finally determined (e.g. Pietrowice Wielkie, Cyprzanow A, Bienkowice A). Most of the sites mentioned here represent microflake industries known as the Vértesszöllös-Bilzingsleben group i.e.: the technological tradition that was deeply rooted in the Lower Palaeolithic. The oldest sites in Europe ascribed to this tradition reach 700 000–800 000 years ago (e.g. La PinetaIsernia) and lasted until the Eemian interglacial (the so-called Taubachian). The sites of Racibórz-Studzienna 2 and Rybnik-Stodoły 13 differ from this group of Silesian sites. RacibórzStudzienna 2 belongs to a group connected with the extraglacial sediments of the Oder Stage, most probably from the ice-sheet melting phase. In view of divergent opinions concerning this site we have devoted here more space to the discussion of the age and nature of the Ocice terrace of the Oder near Racibgórz. In terms of taxonomy RacibórzStudzienna 2 approximates more closely the group of Levalloisian industries of the “Jungacheuleen” type rather than microflake industries. The same situation can be seen at the site of Rybnik-Stodoły 13.
Eugeniusz Foltyn, Janusz Krzysztof Kozłowski, Jan Maciej Waga
Stratigraphy of the Middle Pleistocene sediments in the southern part of Upper Silesia Figure 1. Stratigrahical subdivision of the Middle Pleistocene in the Upper Oder basin (acc. to J.Lewandowski). The reconstruction of the Pleistocene stratigraphy in the Oder and the Vistula basins in Upper Silesia, especially of its older phases, is extremely difficult. Although these difficulties had already been pointed out in the 30s of the XXth century (Nechay 1939), the problem has not been solved so far. This is caused by a lack of reliable information about geological formations in this territory, the uneven spatial distribution of available data, and – in addition – by the palaeogeographical conditions in this region. The Upper Silesia is a premontane zone at the opening of the Moravian Gate which separates the Carpathians and the Sudetes. It is also the marginal zone of the Middle Pleistocene ice-sheet transgressions (Fig. 1). It was characterized by intensive dynamics of glacial events especially at the head of the Oder ice-sheet – the fact that has been underestimated by some authors dealing with this region’s stratigraphy and palaeogeography. Abundant water released both from the ice-sheet as well as from the mountain areas played a huge morphogenetic and sediment-building
role. These waters cut and washed out older formations and sediments and buried some of them beneath the new material that they carried. The sediments of cool stages constitute the majority of Quaternary deposits in the Upper Silesia, while the sediments of warm stages are relatively rare. When we attempt to define the age of sediments accumulated in the conditions of a warm climate we should bear in mind the special location of Upper Silesia at the opening of the Moravian Gate. Just like today, during older warm stages the whole territory was privileged not only in terms of climate but also in terms of biogeography by its closeness to the intermontane gate opening to the south. Usually, organic remains found within sediments do not represent complete records of interglacial pollen spectra and observation is frequently limited to small areas. Nonetheless, some authors tend to locate de facto younger sediments within older “warmer” stratigraphical units.
330
Archaeology of the Lower Saalian (Oder Stage, OIS-8) in Upper Silesia:human settlement at the periphery of the continental ice-sheet
In many cases the data on the Quaternary deposits in Upper Silesia come only from drillings, and to establish the actual origin of deposits and to complete stratigraphical sequences causes numerous difficulties. Such pitfalls of interpretation have been pointed out by J. Lewandowski (1988, 2001). J. Lewandowski’s analyses show that in the Upper Oder basin there are two levels of boulder clays correlating with the southern Polish glaciation (San I and San II) (Kotlicka 1978, Lewandowski 1988, Macoun 1985). In the valleys of large rivers and in the regions of strongly dismembered uplands these clays were destroyed and only at places preserved in the form of residual boulder pavements. The organic sediments of the so-called “Otice soil complex” (Macoun 1980, 1985) are the markers of the Ferdynandów Interglacial. In all likelihood the fossile peat from Kończyce also belongs to the same stage (Wójcik, Nita 2000) (Fig. 1). Another stratigraphical unit – synchronous with the Wilga and Liwiec glaciation – are the two layers of extraglacial sediments: alluvial and slope-washing – seen on the “main terrace” which extends along the valleys of the Oder, Olza, Opava and Moravica rivers (Macoun 1980, 1985). These formations are covered by the glacilimnic deposits of the Oder glaciation. The Masovian Interglacial is documented in the sediments at Gościęcin (Środoń 1957), Stanowice (Sobolewska 1977), Stonava (Břizova 1994) and as the so-called Muglinov “soil complex” (Macoun 1980, 1985). The next stratigraphical unit – the Oder glaciation – is represented by fluvio-glacial formations and one layer of till
clays, also by the terminal morain formations, kames and outwash (Lewandowski 1988). The Pilica (Lublin) Interglacial is documented by the levels of the “post-Saalian” fossile soil complex (Macoun 1980) described on the basis of outcrops in the localities of Stara Bela (Macoun et al. 1965), Neplachovice (Macoun 1980), Branice (Jersak 1988) and also by – probably – the lower organic silts from Golasowice (Waga 1992, Granoszewski 1993). Lewandowski (1988) believes that the Warta Stage in the Upper Oder, Opava and Moravica basin is represented by the sediments of the “Muglinov terrace” which J. Macoun (1980) considers to be older, and in the Oder basin near Racibórz by the formations of the Ocice terrace (Jersak 1991, Lewandowski, Wieland 1994). The older loesses at Neplachovice (Macoun 1980) and Branice (Jersak 1988), covered by the soils of the Eemian Interglacial, are of the same age. The “Ocice” terrace, however, can probably be placed at the Late Oder glaciation. On the other hand, the narrow terrace benches found at the edges of the slopes of the Oder valley that are seen at Miedonia and Racibórz at about 15 m above the river level can be regarded as fragments of the Warta terrace. The Eemian Interglacial is represented – among others – by the fossile soil from Dzierżysław (Fajer et al. 1996) and the peats from Golasowice (Waga 1992, 1993, Granoszewski 1993). The Quartenary deposits in the southern part of Upper Silesia are shown as a synthetic geological profile in figure 2.
Changes in the palaeoenvironment in the southern part of Upper Silesia in the Middle Pleistocene Figure 2. Palaeomorphology of the southern part of the Upper Silesia during the maximum extension of the Oder Stage (acc. to J.Lewandowski). 1 - ice-sheet extension of the San (Souther Polish) glaciation, 2 - ice-sheet extension of the Oder stage, 3 - axes of the glacitectonics, 4 - front moraines of the Oder stage, 5 - sedimentary basins of the transgressive lakes of the Oder stage, 6 directions of the proglacial outwash, 7 - morphological gates, 8 - extraglacial cones, 9 - glacial outwash plains (rectified by J.M.Waga), 10 - palinological sites and lithostratigrahic profiles, 11 - pre-Quaternary plateaux and mountains, 12 - plateaux covered by thin Quaternary layers.
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Eugeniusz Foltyn, Janusz Krzysztof Kozłowski, Jan Maciej Waga
Figure 3. Geological profile across the southern part of the Upper Silesia (acc.to J.Lewandowski - modified). 1 - Pre-Quaternary substratum, 2 - Pre-Glacial gravels, 3 - till deposits, 4 - glaci-limnic loams, 5 - fluvio-glacial sands and gravels, 6 - aluvial sand and gravels, 7 - loess, 8 - aeolian sands, 9 - limnic loams and sands, 10 - organogenic sediments, 11 mads, 12 - faults, 13 - tectonics. Stratigraphic units: C - Carboniferous, N - Miocene, P - Pre-Glacial, S1 - San I glaciation, S2 - San II glaciation, S or S1-2 San glaciation, S/Wi - San and Wilga glaciations, M - Masovian Interglacial, Wi/O - Wilga and Oder glaciations, O - Oder stage, W - Warta stage, E - Eemian, V - Vistulian, H - Holocene. Tarraces ages: II - Holocene, IV - Vistulian, V - Warta stage.
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Archaeology of the Lower Saalian (Oder Stage, OIS-8) in Upper Silesia:human settlement at the periphery of the continental ice-sheet
The intensive erosional-denudation and weathering processes that took place after the recessions of the South Polish (San I, II, Elster) ice-sheet are thought to have led – also in the Upper Silesian plateau and in some parts of the uplands – to a very serious reduction of glacial sediments including the boulder clays. On higher grounds mainly boulder pavements remained that consist of strongly weathered erratic slabs. The boulder clays of that age have been preserved only in dalelike depressions and low water-sheds (Klimaszewski 1952, Różycki 1972). This situation must have been – to a large extent – related to the reconstruction of the deep river system of the pra-Oder. Such strong erosion has not been recorded in the Vistula catchment area (Klimek 1972). In the case of the sediments from the period of the Oder glaciation the situation is different. The ice-sheet that at that time had reached the territory of present-day Upper Silesia left, among others, thicker series of boulder clays. According to some researchers these are two clay beds (Dyjor 1984), while others assume that this is a single layer corresponding to the main advance of the Oder glaciation (Lewandowski 1988, 2001). Besides the till deposits also the presence of the terminal morain formations and outwash plains are considered to be indices of the maximum stage of the Oder ice-sheet in Upper Silesia (Karaś, Starkel 1958, Karaś-Brzozowska 1963, Lewandowski 1982, 1988) (Fig. 3). However, in the specific conditions that existed in the terminal zone of the Oder icesheet in the southern part of Upper Silesia such an assumption may prove illusive. Detailed investigations into the type of terminal till deposits of the Last Glacial zone in north-eastern Poland have shown their structure to be extremely complex. These morains were built as a result of alternating action of the processes of fluvial and glacial sedimentation, gravitational processes, and sheet floods (Zieliński 1992). In such a context it is very difficult, also in Upper Silesia, to identify, for example, the sediments of the older terminal morains buried beneath outwash cones from younger phases of the ice-sheet recession – especially on the basis of analysis of drillings. Thus, the ranges of hills observable in the topography of the terrain near Mikołów and Rybnik, which many authors believe to be the end morains of the Oder ice-sheet, may in fact be traces of the limits of a major recession phase, or – as K. Klimek puts it (Klimek 1972) – traces of a major standstill phase. For these reasons we should analyse again the arguments in support of a bigger than hitherto assumed range of the Oder ice-sheet in the Racibórz-Oświęcim Basin. The view was already presented in earlier works and was corroborated by the occurrence of large erratic boulders discovered in the mid 90s near Żory and by the horse-shoe shape of the tributaries of the Gostynia and Korzeniec which seem to mirror the buried and partially washed out system of terminal morains that extended far east of the Ruda lobe. The advancing Oder ice-sheet blocked the rivers flowing to the north from the Sudetes and the Western Carpathians
(Beskidy Mts). At the same time, the Oder ice-sheet meltwaters were also released into these rivers. Initially, these waters flowed away from the territory of present day Upper Silesia along the margin of the ice-sheet to the west. However, when the ice-sheet reached the northern edges of the Sudetes the direction of the flow of waters changed. Analysis of traces of the maximum range of the Oder icesheet (Stanowski 1978) shows that the waters from the northeast slopes of the Sudety Mts: from the Złote Mts as far as the Jesionik Mts. and the glacial waters from this part of the ice-sheet head were released to the east, via the Kraków Gate, towards the Black Sea. If we assume a greater extent of the ice-sheet in the Ostrava Basin a possibility that periodically glacial waters also flowed via the Moravian Gate cannot be excluded. The waters from the lobe in the Kłodzko basin flowed through the Międzylesie Pass to the Elbe and the Morava and from the more westerly territories to the North Sea. Approaching the montane zone the Oder ice-sheet blocked the highest sections of river valleys so that barrier lakes formed overflowing the water sheds into adjacent catchment areas. This took place, for example, in the catchment areas of the Upper Oder and the Vistula – the rivers that prior to the Oder glaciation had belonged to a single hydrographic system (comp. Lewandowski, Kaziuk 1982) – and which during the maximum glaciation released their waters via a new route into the Sandomierz Basin. From the north outwash cones gradually accumulated in proglacial lakes (Fig. 4) forming fan deltas in their waters (comp. Gruszka et al. in print), whereas from the south extraglacial outwash cones were built by the waters flowing from the mountains. In time the basins of the huge lakes were infilled with limnoglacial, also deltaic, sediments which, in turn, became covered by typical outwash formations. Subsequently, the ice-sheet encroached onto some of the buried lakes (see fig. 2). As we have mentioned earlier it is difficult today to determine how far the Oder icesheet expanded into the Racibórz-Oświęcim Basin. This event could have taken place relatively quickly, the ice-sheet encroached fairly far and, after a few minor oscillations, the ice-margin stabilized on the line that is now regarded by many researchers as the maximum range of the Oder lobe. Obviously, the terminal morain formations that belonged to older oscillations and were situated in the foreland of the main phase lobe must have been subjected to intensive processes of destruction first of all by washing-out. Huge quantities of water released from the north-east Sudety Mts, the north-west Beskidy Mts and from the ice-sheet – especially in spring when the rivers welled up – spared no obstacle located on their route in the depressions of the terrain. Remains of terminal morains and other formations of the marginal zone were buried underneath the newly provided clastic material of outwash cones and flat surfaces of terraces.
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Eugeniusz Foltyn, Janusz Krzysztof Kozłowski, Jan Maciej Waga
Fig.4. Simplified reconstruction of the marginal zone of Oder ice-sheet. These intensive processes ceased in the Oder ice-sheet degradation phases when the waters from the zone extending along the steep slopes of the Sudetes were diverted to the west. At that time the water level fell in the rivers flowing in the direction of the new hydrographic system of Upper Vistula basin. The waters from the Upper Oder basin drained to north-west via the modified river system. The restructuring of the hydrographic system of the southern part of Upper Silesia took place in stages that correlate with successive lower benches of clastic sediments. For example in the Ruda valley and in the north part of the Racibórz basin the most conspicuous of such benches extend at about 240220 and 190–200 m a.s.l. (Waga 1994, 2001, Foltyn et al. in print). After the Oder ice-sheet had melted completely the ground surface was stabilized by vegetation, and the process of the deepening of river valleys began. For the first time, on a large scale, this occurred in the conditions of a warm climate of the Pilica Interstadial. In the effect of intensive solifluction and fluvial processes during the Warta Stage that operated on the slopes and in river valleys, little reliable and legible palaeogeographical evidence from the Pilica Interstadial such
as organic deposits and soils have been preserved on the slopes and in the floor of river valleys. For this reason when we analyse the age of sediments and flat floors of river valleys we face a dilemma: are we dealing with an older erosional terrace or a younger, accumulation one? The issue concerns, for example, the fragments of the terraces of the Late Oder and Warta age, less often younger terraces. In the river valleys morphology, especially in the Upper Oder basin, a terrace rising to a relative elevation of 25 m is conspicuous. It was built and shaped as an alluvial plain in the conditions of periglacial climate by the waters of braided rivers. Polish researchers refer to this terrace near Racibórz as the “Ocice” terrace. It is usually dated to the Warta Stage. But it is more likely that it had formed in the final phase of deglaciation of the Oder stage which stagnated in the southern part of the Silesian plain. Subsequently, the terrace was merely sculptured. In the final phase of the Oder stage recession, in the region of Racibórz, the water in the Oder flowed to the north i.e. in the direction it flows today. The extensive morphological “Ocice” terrace formed near Racibórz in that period is clearly part of the morphological levels in the Lower Oder valley (Waga 1994).
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Archaeology of the Lower Saalian (Oder Stage, OIS-8) in Upper Silesia:human settlement at the periphery of the continental ice-sheet
Fig.5. Chronology of the Upper Silesian sites correlated with OIS curve.
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Eugeniusz Foltyn, Janusz Krzysztof Kozłowski, Jan Maciej Waga
Fig.6. Rozumice 3. Stratigraphic sequence.
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Archaeology of the Lower Saalian (Oder Stage, OIS-8) in Upper Silesia:human settlement at the periphery of the continental ice-sheet
The same morphological level can be seen on the northern slope of the Głubczyce Plateau near Koźle as a kind of fluvio-kame terrace at an elevation of about 190 m a.s.l., in the Kozle Basin at about 195–200 m a.s.l., in the Oder valley near Babice and Ocice at 205–210 m a.s.l. This morphological level is at about 20–25 m above the water level of the Oder, 17–18 m above the water level at Kłodnica, 17–20 m at Bierawka, 18 m – at Sumina. On the other hand, the terrace benches at 15 to 18 m, seen near Krapkowice, Pietnia, Raszowice, Lenartowice, “Azoty” and Grabówka on the Oder can be interpreted as fragments of the Warta terrace. This terrace can be seen in the valleys of the Kłodnica and the Bierawka rivers at 9–10 m above the valley floor, and in the Ruda valley, in the zone the banks are higher, at 14 m. Up the Oder valley the Warta level is difficult to discern – it seems to have been seriously reduced in the narrow section of the Oder valley near Racibórz. Small terrace benches are weakly marked only at Miedonia and Racibórz at about 15 m above the river level i.e. at 195 m a.s.l. A similar, major reduction of the Warta Stage terrace on the Czech Silesia has been described by J. Macoun (1962). The flat, Late Oder stage terrace in the Oder valley near Racibórz was probably fairly deeply cut in the warm Pilica Stage, its relief was sculptured in the Warta Stage, and in the Eemian the level was cut again forming, together with the Warta terrace, two generations of high terrace benches. In the Last Glacial the older terraces became buried underneath loesses. In the immediate vicinity of Racibórz, in majority of cases, the older loesses have not been preserved (Jersak 1973), which made the dating of some formations and the sediments building them difficult. When geological profiles are analysed it should be remembered that the presence of a given series of loesses and fossile soils can merely indicate that the underlying sediments are older but not necessarly how much older – especially if there are signs of the action of erosional and denudation processes. Near Golasowice (Fig. 2) in the present Oder-Vistula watershed the conditions were different. This territory earlier belonged to the Upper Vistula basin. On the Vistula tributaries, in the pre-montane zone the Warta terrace was situated low. Because of that in the vicinity of Golasowice and Strumień this terrace was buried underneath an extensive level of Eemian boggy sediments, subsequently by the loesslike loams – possibly sedimented in subaquatic conditions (Waga 1992). Therefore, in this region the Warta terrace is a fossile terrace. Archaeological sites within the Oder glaciation sediments In the territory of Upper Silesia several sites were registered in the fluvio-glacial and extraglacial alluvial deposites of the Oder Stage. The sites are described below. Racibórz-Studzienna 2 The site was located at a depth of more than 5 m in the lower portion of the sandy-gravel sediments identified with the “Ocice” terrace of the Oder. Archaeological material was contained within a disturbed sand-silty layer underlain by sandy-gravel sediments. The whole of these sediments was interpreted in a very different ways: as fluvioglacial
formations of the Central Polish glaciation (Kozłowski 1964, Magiera 1981), as alluvial series of the Holstein Interglacial (Kotlicka 1978), or as the Warta Stage alluvia (Szczepankiewicz 1972, Lewandowski 1988, Jersak 1991). In the previous chapter we have shown that these sediments are the series of river gravels from the late phase of the Oder glaciation when the waters of the Upper Oder near Raciborz had already flowed towards the terminal morain to the north, subsequently joining the ice-sheet meltwaters that flowed to the west at the foot of the Sudety Mts. The alluvial series of the Warta Stage occur only on the benches of these sediments. The archaeological material was stratified in the sand-silty series. The top portion of this series, in the contact zone with cross-laminated sands and gravels, exhibits features of sedimentational discontinuity – contrary to the opinion of Lewandowski and Wieland (1994) – but in agreement with the suggestion by Magiera (1981). The lithic industry from Racibórz-Studzienna was not watertransported over large distance which is evidenced by the presence of washed-out hearths with scattered charcoals (only Pinus sp.). About 40 lithic artefacts discovered at Racibórz-Studzienna 2 were earlier interpreted as a kind of Clactonian-Acheulian assemblage because Levallois cores did not occur, whereas flakes from bifacial retouch were present (Sobczyk 1976). In fact, analysis of the dorsal side of some flakes reveals lateral preparation of Levallois type (two specimens can – in fact – be regarded as second series Levallois flakes) (Fig.7D). The diagnosis that associated this assemblage with the Clactonian was, first of all, based on platform features and flaking angles. What made this diagnosis interesting was the analogy with the flakes from Hundisburg where, too, Clactonian type flakes co-occurred with the evidence of bifacial treatment. Now, in the light of new discoveries in the territory of eastern Germany (especially at Eythra) and in Upper Silesia (Owsiszcze – Burdukiewicz 1999) we are inclined to associate the Racibórz-Studzienna assemblage more closely with the “Jungacheulen” type assemblages. This is confirmed by the occurrence of flakes with Levallois type preparation and blades. Because the series of artefacts preserved on this site is small we should use with caution the negative arguments based on the absence of certain technological features. Rybnik-Stodoły 13 The site is situated on the south-east slope of a morainic hill, at about 228 m a.s.l. At 240 m a.s.l. on the culmination there are gravels and erratic stones of the terminal morain. Four artefacts were obtained from a recultivated extraction pit at a depth of 14 m, from the sands and gravels of inter-morainic outwash sediments from the Oder Stage and from the surface (Foltyn, Foltyn 1995, in print, Foltyn, Waga 2003). The general good state of preservation indicates transport over a short distance. The surface of finds is weakly glossy. The edges and the interscar ridges are sharp or slightly “blunted”. The edges reveal minor damage. The biggest modification is observable on a side-scraper: strong eolian gloss, polished interscar ridges, damaged edges. This side-scraper is a convergent, concave-convex specimen made on a Levallois
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Eugeniusz Foltyn, Janusz Krzysztof Kozłowski, Jan Maciej Waga
flake, it has flat, inverse retouch and a Clactonian notch. One of the two burins is a single specimen on the distal part of a Kombewa flake, the other is an angle mesial burin made on a chunk. The angle burin and the side-scraper have good analogies on the site of Racibórz-Studzienna 2 (Kozłowski 1964, table 24:1, 1965, fig. 2, phot. 2). The find from Rybnik-Stodoły 13 can also be ascribed to the “Jungacheuleen”. Rozumice 3 The site of Rozumice 3 has been investigated since 1997 by E.M. Foltyn and E. Foltyn (Foltyn 2000, 2001, Foltyn, Foltyn 2002a, Foltyn et al. in print). It is situated at the south-west edge of the Rozumice village, in a more than 20 m deep extraction pit in the slope of the “Piaskowa Hill" (298.98 m a.s.l.). At a distance of 80 m west of this hill stretches the valley of the Rozumice stream which is the left bank tributary of the Troja river belonging to the Psina-Oder drainage area. The “Piaskowa Hill” is a butte carved in the outwash sediments. Locally, these sediments registered the
phenomena of the thawing of lumps of dead ice or “naled” ice. The wall of the sand extraction pit reveals sediments accumulated in four main sedimentational cycles (Fig.6). At the bottom is a series of alternately stratified sand-gravel-silty sediments with silty lumps. The second and third series are sands and gravels alternately stratified with the boulder pavement. The series that closes the profile are unstructured sands with brown holocene soil in the top part. Series I could be placed at the San II glaciation (isotope stage 12). The chronology of series 2 and 3 could be estimated as the Oder glaciation (isotope stage 8). The OSL SAR dates for this series are between 279±17 Kyr and 253±17 Kyr (comp.: table 2). Series 4 corresponds to the Upper Interpleniglacial – Late Glacial (isotope stages 3–2) (Table 1). The complex stratigraphy comprises – so far – 35 layers (I– XIV, 1–12, S 1-9). The Middle Palaeolithic culture levels I– X (Fig. 7) are associated with series 2 (layers 4, 5, 6, 7, 9, 11, 14, 15).
Synthetic profile Trench II/99/00 Layers Layers 0. 0. 1. 1. 2. 2. 3. 3. 4. 4. 5. 5. 6. 6.
Trench I/97/98/00-02
Trench III/98/99/00-02
0. 1.
0. 1. 2.
2. 3.–4. 5. 6.
3. 4. 5.
Neolithic, Mesolithic Late Palaeolithic Upper Palaeolithic Middle Palaeolithic - I II III i IV
7.
7.
5.
V
8. 9.
8. 9.
6. 7.
VI
10.
10.
8.
VII
11. 12. 13. 14. 15.
11. 12. 13. 14. 15.
9 10 11 12 13
VIII
7.
Cultural levels
OSL SAR
253±17 GdTL-675 258±15 (GdTL674) 229±12 (GdTL679) 279±17 (GdTL677)
IX X
Table. 1. Rozumice, site 3. Trenches I/97/98/00/01/02, III/98/99/00/01/02, II/99/00 – stratigraphy, synthetic profile and cultural levels ( state of year 2002) not exceed 4.55%. Cores account for 0.9 – 4.6%. Besides In terms of cultural affiliation the inventories of all the initial cores there are: single-platform flake cores and bladeMiddle Palaeolithic culture levels represent the microflake flake cores with the flaking face located on the broader face, complex (=Bilzingsleben-Vértesszölös) (Valoch 1989). The cores with a narrow flaking face on flakes and blade-flake levels yielded a total of 2606 artefacts (Fig.7A). In the cores, also cores for blades. The next, most numerous group various layers artefacts made from Upper Silesian erratic flint are change-of-orientation cores. A separate group are account for from 75.98% (level II) to 91.37% (level IX). multiplatform cores with the orientation changed at least Erratic hornstone is conspicuous (1.5 – 12.2%). Other rocks three times. Three cores could be classifidas as microlithic such as quartz, limestone, quartzite, jasper and crystalline double-platform cores with a broad flaking surface for bladerocks were also registered. The presence of imported raw flakes and flakes. There were only two bifacial, discoidal materials is striking. There are: chocolate flint (level I and II), cores. Core dimensions are mainly from 3.0 cm to 6.0 cm, Świeciechów flint (level V), and hornstone from the region exceptionally > 6.0 cm. between Moravia and Slovakia (level II). Burnt materials do
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Archaeology of the Lower Saalian (Oder Stage, OIS-8) in Upper Silesia:human settlement at the periphery of the continental ice-sheet
Fig.7. Artefact assemblages from Upper Silesia: A - Rozumice 3, B - Rybnik-Kamien A., C - Oldrisov, D - RaciborzStudzienna 2 (acc.to J.K.Kozlowski, K.Sobczyk, E.M.Foltyn, E.Foltyn, A.Kerekes).
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Raw material Cores Flakes Débris Blades Hammerstones & Retouchers Chunks Others Tool spalls Tools Manuports
Cultural levels I II 5,28 2,79 2,52 41,74 25,92 4,59 0,23
2,24 44,69 26,82 2,23
III 1,81
IV 1,92
V 3,03
VI 4,86
VII 3,97
VIII 2,06
IX 2,16
X 1
0,91 47,51 18,10 2,26
1,28 39,74 30,77 4,49
2,27 43,94 21,21 3,79
1,90 45,79 20,64 2,25 0,59
1,99 51,66 8,94 4,31 0,33
4,64 53,09 8,76 3,61
4,32 56,11 15,1 1,44
0 3 2 0
3,21
1,52
3,31
3,61 1,55
0,72
0,64 17,95 3
24,24
3,56 0,12 0,24 20,05
0,92 0,91 17,89
0,56 20,67
0,45 28,96 3
1,32 24,17
22,68 1
1,44 18,71
1
Table 2. Rozumice, site 3. Main technological groups.
Sidescrapers Notched tools Denticulated tools Points End-scrapers Burins Perforators & Bohrers Truncations Combined tools Raclettes Backed pieces Retouched flakes & débris Retouched blades Choppers Splinters Others Pseudomicroburins Burin spalls
Cultural levels I II 25,61 31,58
III 29,23
IV 34,48
V 37,50
VI 39,77
VII 25,97
VIII 31,82
IX 39,29
X 1
10,98
15,79
16,92
6,9
15,63
20,46
14,29
18,18
17,86
0
7,3
15,79
13,85
6,9
6,25
5,26
6,59
11,36
10,71
0
6,1 4,88 2,44 4,88
2,63
3,45 13,79
6,25 3,13
2,92 1,17 1,17 5,85
3,90 3,90 2,60 2,60
4,54 6,81
3,57 3,57
0 0
7,89
4,62 6,15 1,54 1,54
10,53
1,54 7,69
1,17 3,51
5,19
4,54
3,13 3,23
2,92
3,90
2,27
9,38
10,53
24,68
13,64
6,45 3,23
0,58
2,44 12,2 1,22 2,44 13,41
6,90
10,34
1,54
13,2
10,77
13,79
6,25
4,54
0
3,57
0 0 0
10,70
0
3,57
0
3,57
0
3,57
0
1,22 1,54 1,54
1,30 0,58
4,88
2,63 1,54
3,45
1,17
5,19
Table. 3. Rozumice, site 3. Frequency of tool types. The assemblage structure is given in tables 2 and 3. Flakes were used as blanks for tool production. Tools were also made from chunks (0-15.7%) and blades (0-6.3%). Side-scrapers play the most important role (25.0 – 40.0%) in all the inventories. These are: lateral side-scrapers,
transversal specimens, with steep retouch, with déjeté retouch, ventral, bilateral, lateral-transversal, bilateraltransversal specimens and others. Less numerous groups are: retouched flakes (9.4 – 25.0%), notched tools (6.9 – 20.5%), denticulated tools (5.3 – 15.8%), and combined tools (3.6 –
340
Archaeology of the Lower Saalian (Oder Stage, OIS-8) in Upper Silesia:human settlement at the periphery of the continental ice-sheet
12.2%). Upper Palaeolithic tool types are also present: endscrapers (0 – 13.8%), perforators (0 – 7.9%), burins (0 – 2.6%), and truncations (0 – 2.4%). Backed tools are rare (level I, V). The structure of the group of end-scrapers shows that nosed end-scrapers are the most frequent type; their fronts were shaped by one or two notches. In the group of points (2.6 – 6.3%) there are triangular and rhomboidal specimens, Quinson and Tayac type specimens. Layer 6, 7 and 9 (levels III, V, VI) contained transversal, convergent and lateral choppers from the group transitional to scrapers. The tool inventory also contained raclettes, retouched blades, splintered pieces, pseudoburins and burin-spalls. Moreover, levels I, VI and VII yielded single hammerstones. Levels III and IV yielded non-utilitarian objects, the so-called manuports in the form of fossiles; there are also pieces of ochre of various colours. The measurable attributes of blanks and tools do not exceed the interval of 0.4 to 13.0 cm. The most frequent mode is up to 3.0 cm (85.1 – 96.5%). In level V (layer 7) postholes surrounded by stones have been preserved, forming an oval measuring 3.2 x 2.4 m with one pit, more or less, in the centre. This structure is interpreted as a tent. The small depressions next to the stones indicate that here posts were shallowly driven into the ground and weighted down with stones. Some of the stones have natural notches which suggests that they were intentionally selected in order to fasten the posts. The entrance to the tent was probably on the south-east side. At a distance of 2.2 m from this feature there was a small hearth (42 x 32 cm), shallowly sunk in the ground, which contained burnt bones. In level IV (layer 6 – lower portion) two features were discovered. The first is a semicircle, with the convexity to the west, made from fairly large crystalline rocks. Inside it, closer to its north arm, was a small, compact, oval concentration of stones, hematite lumps, ferruginousmanganese concretions and flint artefacts. A lump of ochre contained a flint fragment. The origin and possible function of this heap is an open question (a cache? a cult feature?). The second feature is a well-delineated stone concentration making a “wall” in the shape of a horse-shoe. It is situated on the east-north-east side of an empty area. On the south-west side the “wall” has a gap is 1.5 m broad. Level VII (layer 10) revealed a large hearth (110 x 62 cm). Remains of a small, isolated hearth (58 x 32 cm) were found in level I (layer 4). Rybnik-Kamień A The site was explored by E.M. Foltyn and E. Foltyn and E. Foltyn (Foltyn, Foltyn 2002) in 1999. It is situated in the Kamień district of the town of Rybnik, on the culmination
and the south-west slope of a hill eroded within the outwash deposits (265 m a.s.l.). The hill is a small hummock stretching from north-west to south-west. The landscape relief in the immediate vicinity is varied, shaped by the system of mild elevations and basins. On the north-west side the hill is cut by a small, artificial “ravine”. To the east and west of the site stretch valleys of two small streams. The hill is built of sands and fluvioglacial “upper” gravels, from the Oder ice-sheet recession (Sarnacka 1968). Archaeological material ocurred within the top portion of fluvioglacial sand and gravel sediments intercalated by a level of erratic material. Lithic artefacts were little disturbed by water. The scatterpattern of cores and tools indicates that the occupational level was divided into two parts. In the first part there are microlithic cores with broad flaking surfaces, side-scrapers, notched and denticulated tools, and polihedral tools. The second part contained small cores with narrow flaking surfaces, side-scrapers, combined tools, and retouched flakes. The finds are fresh, only at places glossy. With only few exceptions no traces of river-rolling have been registered. Edges of finds do not show damage, and interscar ridges and lateral edges do not show polishing. Some artefacts were fragmented (Fig.7B). The geology of gravels and fluvioglacial sands defines their age as the ice-sheet recession of the Oder Stage (Sarnacka 1968). This enabled to date this assemblage to the end of the Oder glaciation (isotope stage 8). In terms of culture the inventory can be ascribed to the microflake technocomplex. The assemblage comprises 116 artefacts mostly from Silesian erratic flint. One specimen was burnt. Two flakes were made from hornstones, and one from obsidian. Precores (0.9%) are represented by a precore or an initial core 6.4 cm high. Cores (5.2%) fall into two groups. In the first group there are small (3–5 cm) single-platform flake and blade-flake cores with narrow flaking surfaces. The second group are microlithic cores (3.0 cm) single-platform, flake and blade-flake ones, with broad flaking surfaces. Tools were made from rock fragments (44.8%), flakes (27.6%), chunks (24.1%) and blades (3.4%). Among tools (25.0%) side-scrapers dominate (20.7%) including : lateral : convex and concave, transversal : convex and concave, and double concave specimens. Combined tools are numerous (13.8%), followed by retouched flakes (13.8%), denticulated tools (13.8%), polihedrals (13.8%), and notched tools (10.3%). There were besides: a single burin, a nosed endscraper, and a Quinson type point, one chopper and a hammerstone. The size of blanks and tools is from 0.5 to 7.0 cm, with the majority of specimens measuring 3.0 cm 87.7 %).
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Fig.8. Palaeomorphology of the southern part of the Upper Silesia during the recession of the Oder stage (acc.to J.Lewandowski). 1-9 - see fig.2, 10 - plateaux covered by thin Quaternary layers, 11 - pre-Quaternary plateaux and moutains, 12 - palinological sites and lithostratigraphic profiles, 13 - archaeological sites, 14 - suggested routes of migrations.
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Oldřisov I The site was explored in the period from 1976 to 1984 by A. Kerekes (1994). It is situated in a sand-pit, about 307 m a.s.l., on the right bank of the Kobeřicky stream. The sand-pit cuts the formations of fluvioglacial accumulation, glacilimnic and eolian sediments. Lithic artefacts were stratified in a layer of thick-grained sands enriched with fine gravels of fluvioglacial origin ascribed to the Oder Stage (Macoun 1980, 1985). The layer yielded a single bone of a hare (Lepus sp.). Underlying this layer were fine-grained dusty sands also of fluvioglacial origin. The layer is covered by soil developed on silts and identified with the so-called “post-Saalian fossile soil” (Macoun 1980, 1985). Above this soil is a level of loess and loess-like clay. The situation described above determines the chronology of the culture layer as the end of the Oder Stage (isotope stage 8). From the point of view of taxonomy the inventory exhibits some similarities with the microflake complex. The assemblage yielded 451 artefacts. In the raw materials structure erratic flint dominates. Upper Silesian quartz and quartzite play a minor role (Fig.7C). Cores are mainly represented by unprepared and unmodified chunks. There were, besides: large cores – more than 6.0 cm high, a single-platform flake core with a broad flaking surface, a single-platform blade core with a narrow flaking surface. These cores show traces of preparation. A bilateral, discoidal core was also identified. For tool production pebbles, flakes, blades and fragments were used. In the group of tools the most important role belongs to sidescrapers – lateral convex, transversal convex, convergent, with ventral retouch. The proportion of Upper Palaeolithic tools is fairly high, notably end-scrapers and perforators; burins are less frequent. Notched tools occupy a further position. Choppers and chopping tools are relatively numerous endowing the tool inventory with a specific archaic character. The basis for the distinguishing handaxes and knives is doubtful. The forms that were defined as handaxes, on the basis of location of initial retouch, can at best be defined as either side-scrapers and/or points or points and/or even pseudo-tools. The knives correspond, mainly, to couteau á dos naturel. Similarly, the group of points besides typical points with retouched tip, contains ordinary blades and flakes without secondary preparation. Moreover, 6 retouchers and 3 anvils were also discovered. In addition to flint artefacts the assemblage is characterized by numerous manuports such as: pebbles, concretions, flakes with perforations (“pendants”), concretions and a flint flake in the shape of human heads (“totems”). Żory-Rowień B The site is situated on – most probably – a proglacial river terrace from the Oder Stage, at an elevation of 247.5 m a.s.l. The context of the site are products of glaci-fluvial accumulation (Foltyn et al. in print). In the wall of the gravel pit that cuts the terrace surface, at a depth of about 2.0 m, a microlithic flake core was discovered (2.7 x 4.6 cm). Its orientation was changed four times. There were, besides, a
fairly robust multi-notched alternate tool, a small tool with a Clactonian notch, a retouched flake (Foltyn, Foltyn, in print). The finds are slightly river-worn. Their stratigraphic position within fluvioglacial sediments allows to place them at the Oder Stage. Similar forms are known from sites of various age, representing the microflake tradition. Environmental conditions and possibilities of man’s occupation in the southern part of Upper Silesia during the cold stadial of the Middle Pleistocene Undoubtedly, the climatic conditions of warmer stages of the Middle Pleistocene as well as the bio-environment in the southern part of Upper Silesia were favourable to human occupation. Much more intriguing is the appearance of man in this zone during cold intervals, first of all during the Oder glaciation. Although some researchers remain sceptical we maintain that sojourn of human groups in that territory, even in the direct vicinity of the ice-sheet front was possible. The conditions existing in the Oder Stage did not constitute a major territorial and climatic barrier. The question to answer is not why, periodically, people appeared – even if briefly – in this zone. Of essential importance is to answer the question: what was the main purpose of people’s migration that made them undertake the hardships of walking across the ice-sheet foreland? An argument in favour of the thesis that climatic conditions were not a sufficient barrier to impede man’s peregrinations in the territories close to the ice-sheet could be provided by a comparison with modern glaciated zones. In the contemporary arctic zone people have for generations lived in the vicinity of glaciated zones or even in them and are able to walk about in these territories not only in summer. Assuming that mobility at the front of the ice-sheet was possible in genial summer conditions then the thesis offered above becomes even more credible. It is assumed that the maximum ice-sheet expansion took place in the phase of relative warming and greater moisture of climate. In such phases high precipitation related to oceanic circulation ensured the supply of huge masses of snow and ice. Locally the glacial ice, strongly saturated in its floor portion with water that had not frozen, became more plastic (Jania 1997). Today too, in full summer, especially at its end or in early autumn, the water level in glacial rivers is much lower than the water level in spring. In spring intensive thawing takes place not only of glacial ice but also of the snow that covers it, triggering major floods. In summer the 24 hours rhythm of changes in water level is not without some importance. In the geological past the ice-sheet was not exposed to such intensive ablation at night as in the daytime. Overcasting had also some influence on restricting the effect of the action of the sun on the ice-sheet. Periodically, weaker ablation and, therefore, lower water level in rivers caused that the ice-sheet was easier for man to cross. During the Oder glaciation – just like in cold climatic zones today – people could walk on the outwash cones picking easier routes over a fairly stable ground and using shallow places in braided rivers. In between outwash cones a walker omitted boggy terrains and flood waters forming lakes by, for example, choosing a dry route on the slopes of the terminal morain or at its foot (Fig.4).
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Today the best routes on the Spitsbergen outwash sediments run across their central zones, although even there a walker has to take a circuitous route to find the best passage. The shallow beds of braided rivers built mainly of gravels are stable in that territory, the water level in river channels is low – no more than up to knees – so that wading is possible. In the upper part of outwash cones the rivers are too deep and the current too fast, the floor of river channels is built from thick and unstable material (blocks and boulders). Crossing a river like this, with the temperature of water of 0oC, with a layer of rubble at the bottom, is often a deadly danger. On the other hand, the strongly saturated, sandy, boggy sediments of the lower parts of the outwash cones, the fairly deep river beds and cut off dead arms of broad drainage rivers infilled with saturated silts and silty muds constitute dangerous traps both for people and animals. Possibly, it was such a situation that enabled hunting, or even was one of the reasons why man appeared in this section of the game trail. The conclusion that the central part of the outwash cones was a terrain that offered favourable conditions as a transit zone for people and animals is very well supported by the
reconstruction of sedimentational conditions of Pleistocene outwash sediment and the palaeohydrological calculations offered by T. Zieliński (1992, 1993). He proposed parameters of the channels of braided rivers flowing across the outwash fields of south and north-east Poland in the conditions of cold climate (Table 4). The parameters of channel depth, speed of flow, tangential stress and unit force all show that the most favourable conditions for crossing the arms of braided rivers in outwash terrains were the areas where gravel lithotypes P4 formed. The classic lithotypes P4 are the sediments in the top part of the profile at Rozumice 3. In that region and those conditions people not only crossed the shallow beds of braided rivers but also used the gravel-sand shoals, that in summer emerged above the water level and were easily drained, as grounds for setting up camps or even building ephemereal habitation or ceremonial structures (Foltyn 2000, 2001, Foltyn, Foltyn, 2002a, Foltyn et al. in print). At the other sites, too, traces of man’s presence occur only within the gravel-sand sediments (Kozłowski 1964, 1965, Kerekes 1994, Foltyn, Foltyn 2002, in print, Foltyn, Waga 2003).
PALEOHYDRAULIC PARAMETERS LITHOTYPE
Depth D [m]
Velocity V [m s-1]
Tangential stress Ι [N m-2]
P-1 3-4 1-5 75-250 P-2 1.4-2.4 3.0-3.9 42-73 P-3 1-3 19.9-2.7 24-46 P-4 0.3-0.5 1.7-2.2 15-20 D-1 1.0-2.3 1.8-2.1 36 Sandy Lithotype D-2 0.8-1.5 1.6-1.8 24-27 D-3 0.8-1.0 0.8-2.1 12-23 D-4 =1 par m2. Les critères de forme et de couleur n’ont pas fait l’objet de cartographies, les études ayant montré que cela n’apportait pas d’informations pertinentes. Certains secteurs n’ont pu être étudiés en raison d’un problème d’accessibilité à l’information, à savoir dans les zones à couverture lœssique épaisse, dans les espaces boisés ou en herbage, où la matière première et le mobilier archéologique ne peuvent être observés. En parallèle avec les cartographies, est menée une étude des formations superficielles. En effet, les caractéristiques des silex ont pu être modifiées par l’histoire géologique postérieure à l’occupation. Par exemple, l’abondance en éléments siliceux a pu évoluer postérieurement aux phases d’occupations humaines, notamment au cours du Pléniglaciaire, en raison de phénomènes de gélifraction, de remaniements sur les versants, et de dépôts de lœss. Les cartographies levées ne permettent donc d’identifier des gîtes préférentiels du Paléolithique moyen qu’après avoir analysé, compris et daté les processus qui sont à l’origine des répartitions observées. Les informations récoltées au cours des travaux de cartographie donnent la possibilité de mieux comprendre plusieurs aspects de la relation des hommes du Paléolithique moyen à la matière première. La confrontation des cartes des éléments taillables et des cartes de nappes de vestiges permet de mieux appréhender l’influence des gîtes préférentiels sur l’occupation spatiale des sites. La confrontation des caractéristiques de forme, de module, de couleur et d’aptitude à la taille des silex avec les assemblages lithiques apporte des éléments de compréhension concernant la mise en œuvre de la matière première (choix du matériau en fonction de l’outil désiré par exemple).
Figure 3. Confrontation de la carte des gîtes préférentiels avec la carte de la nappe de vestiges sur le site de Saint-Brice-sousRânes.
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Le site de Saint-Brice-sous-Rânes - Présentation du site Le site de Saint-Brice-sous-Rânes, connu par prospection depuis les années 1970, a fait l’objet d’une série de sondages et de campagnes de fouilles programmées sur une surface limitée (120m²), entre 1998 et 2002. La zone fouillée a livré un abondant mobilier (plus de 100 000 objets lithiques), caractérisé par l’abondance des outils bifaciaux. L’étude lithique (Cliquet et al., 2003) a montré une utilisation sur place des outils jusqu’à exhaustion complète, ce qui permet d’interpréter le site comme un site de production et de consommation de pièces bifaciales. Des artefacts présentant les mêmes caractéristiques ont été récoltés sur une surface de 4 km² environ. L’(es) implantation(s) se situe(nt) sur un plateau étroit, relativement plan et largement disséqué vers le Nord. Sous une épaisseur irrégulière de limons (0.5 à 2m) figure une formation résiduelle à silex qui est le produit de la décarbonatation de calcaires jurassiques (Bajocien à Bathonien supérieur). La fouille du site et les sondages effectués ont montré que les industries se trouvaient sous une épaisseur variable de lœss weichsélien (0 à 2m), et au-dessus d’un limon argileux brun comparable, d’après J.-P. Lautridou (Cliquet et Lautridou 2002b), au limon brun feuilleté des plateaux normands. Lautridou propose de rapprocher le niveau d’occupation de la tranche chronologique située entre 70 000 et 50 000 ans, soit la phase récente du Paléolithique moyen. - Etude gîtologique Les premières études pétrologiques (microscopie optique et macroscopie) ont permis de montrer que la matière première utilisée était constituée à 99% de silex issu de la formation résiduelle affleurante. Celui-ci fait partie des résidus de la décarbonatation des Calcaires d’Écouché (Bathonien moyen). On notera que les artefacts du Paléolithique moyen figurent uniformément sur ou à proximité de la formation résiduelle à silex. - Apport des cartographies Plusieurs questions ont motivé une étude gîtologique fine de ce site. L’association des artefacts à la formation résiduelle à silex suggère une installation en fonction de la matière première. Nous avons tenté de comprendre de quelle manière chaque unité d’implantation humaine était influencée par les gîtes, et l’impact de ces derniers sur les étapes liées à l’acquisition et à la gestion des matériaux. L’étude cartographique révèle une implantation majoritairement développée sur le versant nord du plateau, ce malgré l’environnement climatique de la période d’occupation supposée. La carte figurant l’aptitude à la taille des éléments siliceux (Fig. 2) apporte plusieurs éléments de réponse. Elle met en évidence une meilleure qualité des silex sur le versant nord du plateau que sur le versant sud et les extrémités de la
formation résiduelle. La confrontation de la carte d’aptitude à la taille avec la carte de la nappe de vestiges (Fig. 2) montre que les occupations sont préférentiellement associées aux zones où les éléments siliceux présentent une bonne aptitude à la taille. À l’inverse, les surfaces où les silex de bonne qualité sont rares, sont pauvres en artefacts, et ce, malgré des conditions d’habitat probablement meilleures, comme c’est le cas sur le versant sud du plateau. La carte d’aptitude à la taille montre donc que les hommes se sont installés en privilégiant la proximité d’une matière première de bonne qualité par rapport aux conditions environnementales. Les autres cartographies, selon le module et l’abondance en éléments siliceux, ont pour but (cf. supra) d’identifier des gîtes préférentiels de matière première, c’est à dire des zones où les roches utilisables étaient particulièrement abondantes. Plusieurs zones à forte abondance en éléments siliceux de gros module ont été mises en évidence, et nous avons constaté qu’elles étaient invariablement associées à des positions morphologiques particulières. Afin de faciliter la lecture de la carte des gîtes préférentiels, nous avons reporté cette dernière sur un modèle numérique de terrain (MNT) du secteur étudié (Fig. 3). Nous observons que les « gîtes potentiels » sont situés sur des sommets de versant présentant une pente supérieure à 3°, ces « zones » étant caractérisées par de fortes abondances en fragments de silex gélifractés de gros module. Sur les versants, la quantité d’éléments siliceux peut être élevée. Cependant, ces derniers sont essentiellement représentés par des silex de petit à très petit module, conséquence d’une gélifraction plus intense que dans le cas précédent. Enfin, les plateaux sont caractérisés par une faible abondance des éléments siliceux (moyennement abondants à peu abondants), qui sont pour la plupart des nodules peu affectés par le gel. À ce stade de l’étude, il est nécessaire, comme nous l’avons signalé précédemment, de comprendre les raisons des concentrations ponctuelles en silex. Il convient de s’interroger sur l’accessibilité à la matière première et la localisation des gîtes pendant l’(les) occupation(s) du site par les paléolithiques. Les conditions d’accès étaient-elles comparables à celles que nous rencontrons actuellement ? - Étude des formations superficielles L’étude de trois coupes situées en périphérie du site nous a permis de montrer l’existence de formations de versants remaniant la couche contenant les silex. Celles-ci sont caractérisées par : - une hétérogénéité de la matrice, conséquence du mélange dû au remaniement des formations géologiques inférieures et supérieures ; - une forte abondance en silex gélivés répartis dans la matrice argileuse. La susceptibilité au gel est augmentée par la présence de microfissurations dans les silex (Lautridou et al, 1983), conséquence des chocs mécaniques subis durant les remaniements ;
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Accessibilité, acquisition et utilisation de la matière première : étude gîtologique de deux gisements du Paléolithique moyen…
- une forme en biseau et un contact inférieur incliné selon la pente du versant. Ces critères sont caractéristiques des biefs à silex (Laignel, 1997). Ces formations de versant sont dues à des processus périglaciaires de type gélifluxion – solifluxion semblables à ceux qui sont à l’origine des heads. Leur mise en place semble associée (Laignel, 1997) à des phases de creusement du réseau hydrographique, qui déstabilisent les versants. En conséquence, on observe plusieurs générations de biseaux successifs de plus en plus internes dans les versants, chaque génération remaniant les biseaux précédents (Fig. 4). Ces processus de mise en place expliquent la distribution en abondance et en module mise en évidence par la cartographie. Sur le rebord de plateau figure la première génération de bief, non remaniée ultérieurement. La gélifraction y est faible, bien que supérieure à celle remarquée sur le plateau, et l’important lessivage des fines en sommet de versant provoque une forte concentration en gros gélifracts.
Enfin, sur les plateaux, l’absence d’érosion ne permet pas une surconcentration en silex et une mise au jour de ces derniers. B. Laignel (Laignel, 1997) avance la chronologie suivante pour la mise en place des biefs à silex du Nord-Ouest de la France : il existe deux générations principales de biefs, une première anté-saalienne et une dernière weichsélienne, des générations intermédiaires ayant probablement existé au cours des phases glaciaires intercalées. Cependant, le dernier remaniement weichsélien, associé à une phase majeure de l’incision, semble les avoir remobilisées. Cette chronologie montre que des biefs à silex existaient probablement au moment de l’occupation paléolithique. Pour le cas de Saint-Brice-sous-Rânes, le mobilier archéologique se trouve, sur la fouille, au-dessus du limon argileux équivalent au limon brun feuilleté (cf. présentation du site). D’après J.-P. Lautridou, celui-ci est contemporain de la mise en place des heads du Cotentin et correspond à la dernière phase de structuration du paysage (70 000 BP). Cela nous laisse supposer que la dernière génération de biefs s’est mise en place avant l’occupation, et donc que la répartition en abondance et en module des silex était très comparable à celle que nous avons cartographiée. Les zones à forte abondance en éléments taillables correspondent bien à des gîtes potentiels pour les paléolithiques. Si les pratiques culturales et les modifications du paysage survenues depuis l’occupation (en particulier les placages lœssiques) faussent la quantification absolue des silex, la quantification relative (à savoir, que les zones où le silex est abondant actuellement sont des zones où il l’était au moment de l’occupation) semble satisfaisante. Il est donc possible de confronter les cartes de module et d’abondance avec la carte de nappe de vestiges. - Confrontation de la carte de nappe de vestiges avec les cartes de module et d’abondance Cette confrontation montre une coïncidence quasi-parfaite entre les gîtes préférentiels de matière première et les zones à forte concentration d’artefacts. Ceci semble montrer une installation des hommes et une consommation de la matière première directement sur les gîtes, là où cette dernière est abondante, de taille suffisante et de bonne qualité. La proximité de ces gîtes est donc ici le facteur déterminant de l’implantation des hommes, au mépris des conditions d’habitat s.l. (installation sur le versant nord). - Confrontation entre la matière première et le mobilier lithique
Figure 4. Représentation schématique de la genèse des biefs à silex. Modifié d’après Laignel et Meyer (2000). Dans les versants, les multiples remaniements augmentent la susceptibilité au gel, et donc la gélifraction des silex. On observe en conséquence des éléments de petite taille, répartis dans la masse argileuse.
L’étude technologique du mobilier de Saint-Brice-sous-Rânes (Cliquet, 2003) a mis en évidence l’utilisation d’éclats de gel comme supports pour le façonnage. Or nous avons vu cidessus que la matière première se présente sur ce site sous forme de nodules sur les plateaux, et sous forme de gros gélifracts en sommet de versants, là où les hommes se sont installés. Il semble donc que les paléolithiques aient eu un comportement assez « opportuniste » vis à vis de la matière première, en exploitant les « préformes » à leur disposition
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sur le site. Nous pouvons voir par ailleurs que le silex est prélevé à l’endroit même où il est mis en œuvre, ce qui
laisserait supposer que l’installation serait conditionnée par la présence de la matière première.
Figure 5. Confrontation des gîtes préférentiels à silex avec les nappes de vestiges, sur les sites d’Audrieu (en bas) et de SainteCroix-Grand-Tonne (en haut). Les sites de la vallée de la Seulles - Présentation des sites Le secteur de la vallée de la Seulles regroupe plusieurs gisements de plein air : Audrieu, Sainte-Croix-Grand-Tonne et Saint-Gabriel-Brécy, également localisés sur des formations d’argiles résiduelles à silex. Tous les sites ont été découverts en prospection et ont ponctuellement fait l’objet de sondages (Cliquet et al., 2002a et 2002b). Les industries, qui ont été collectées sur les différents sites, présentent une très grande ressemblance entre elles sur le plan typotechnologique. Selon J-P. Lautridou, l’ensemble des sites pourrait être rapporté à la tranche chronologique située entre 70 000 et 50 000 ans, soit la phase récente du Paléolithique moyen. - Étude gîtologique Les gisements de Sainte-Croix-Grand-Tonne et d’Audrieu ont fait l’objet d’une étude comparable à celle menée sur le site de Saint-Brice-sous-Rânes. La station de Saint-GabrielBrécy, située à proximité de ceux-ci, n’a pu être cartographié du fait d’une forte épaisseur de lœss weichsélien qui masque la formation résiduelle à silex.
À Audrieu et à Sainte-Croix-Grand-Tonne, il n’a pas été effectué de carte d’aptitude à la taille des silex, la qualité variant peu à l’échelle des secteurs étudiés, et restant globalement bonne. Concernant les cartes de module et d’abondance en éléments taillables, nous retrouvons des concentrations variables en roches utilisables. On note une répartition des silex en fonction de la géomorphologie, comparable à celle observée à Saint-Brice-sous-Rânes. Les gîtes potentiels se répartissent de la même manière, en sommet de versant. Les sondages effectués en 2002, (Cliquet et al, 2002) ont permis de montrer l’existence de formations de versant de type bief à silex, qui semblent de nouveau être à l’origine de la répartition en module et en abondance observée. Sur ces sites, les datations avancées sont moins précises qu’à Saint-Brice-sous-Rânes. La confrontation de la cartographie des gîtes préférentiels avec la carte des nappes de vestiges est donc moins évidente que dans le cas précédent. Néanmoins, nous avons vu précédemment que les biefs à silex semblent se mettre en place durant chaque phase froide. Par ailleurs, nous observons un creusement polyphasé sur les deux secteurs étudiés, de sorte qu’il existe un replat puis un versant situés altimétriquement plus bas que les zones à fortes concentrations en éléments taillables, ce qui laisse présager que les biefs à silex à l’origine de ces concentrations se sont
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Accessibilité, acquisition et utilisation de la matière première : étude gîtologique de deux gisements du Paléolithique moyen…
mis en place durant une période antérieure au Weichsélien. Il semble alors raisonnable de supposer que les gîtes de roches utilisables mis en évidence existaient au moment de(s) l’occupation(s). La confrontation ainsi autorisée (Fig. 5) montre, comme dans le cas du site de Saint-Brice-sousRânes, une coïncidence entre les gîtes préférentiels de matière première et les zones d’abondance en artefacts. On observe donc sur ces sites une installation et une consommation de la matière première principalement conditionnées par la proximité des gîtes. - Confrontation entre la matière première naturelle et la matière première employée (type, couleur, forme, qualité) sur les gisements de la vallée de la Seulles Sur les gisements de la vallée de la Seulles, nous avons pu confronter la matière première disponible avec celle employée pour la confection des différents artefacts collectés. Tous les sites ont livré un type de silex dominant, issu de la décarbonatation du Calcaire de Saint-Pierre-du-Mont (Maurizot et al., 2000). Nous avons identifié plus ponctuellement d’autres types d’éléments siliceux : du silex provenant de l’altération du Calcaire de la Malière et du silex issu de paléoterrasses fluviatiles. - Caractéristiques du silex de Saint-Pierre-du-Mont : Le silex de Saint-Pierre-du-Mont, d’âge bathonien, provient de formations d’argiles résiduelles à silex. Il se présente sous forme de plaquettes qui peuvent être classées en deux types. Ces derniers sont toujours présents simultanément sur tous les sites étudiés. Nous avons d’une part, des plaquettes de couleur noire, qui sont assez fines (d’épaisseur généralement inférieure à 3 cm) et relativement petites (de longueur inférieure ou égale à 20 cm) ; et d’autre part, des plaquettes de teinte marron, qui sont beaucoup plus épaisses (jusqu’à plus de 10 cm d’épaisseur) et beaucoup plus grandes (jusqu’à 40 cm de longueur). Ces dernières présentent par ailleurs un aspect plus grenu, et semblent plus sensibles au gel que les plaquettes noires. La présence de ces deux types de plaquettes pose donc la question de savoir comment les hommes du Paléolithique moyen ont géré la matière première, et s’ils ont fait des choix. Le silex de Saint-Pierre-du-Mont a par ailleurs fait l’objet d’expérimentations (J. Ladjadj). Les plaquettes de couleur noire sont faciles à mettre en œuvre, mais les éclats s’esquillent très vite à l’utilisation. A l’inverse, celles de teinte marron sont plus difficiles à tailler, en raison de la dureté du silex et de sa sensibilité au gel, mais les éclats résistent mieux à l’utilisation. - Caractéristiques des autres types de silex : Le silex de la Malière, d’âge bajocien, se présente sous forme de nodules de couleur gris foncé à noire, pouvant mesurer jusqu’à environ 15 cm de longueur. Il est présent à Audrieu, où il se rencontre aussi dans une formation d’argiles à silex. Le silex d’origine fluviatile se présente sous la forme de galets, mais il n’est connu que par le mobilier et quelques
blocs trouvés en sondage. Ce type de matière première ne provient pas des argiles à silex, mais d’une haute-terrasse de la Seulles, présente sur le site de Saint-Gabriel-Brécy. - Confrontation avec le mobilier : Le mobilier lithique est composé d’éléments illustrant toutes les séquences de débitage et de façonnage, ce qui indiquerait que la matière première a été travaillée sur place. Le débitage est caractérisé essentiellement par de la gestion de surface. Le débitage levallois, généralement récurrent unipolaire, est peu représenté. Sur chaque site, toutes les matières premières attestées sur place ont été employées : silex de Saint-Pierre-du-Mont sur tous les gisements, silex de la Malière à Audrieu et silex d’origine fluviatile à SaintGabriel-Brécy. Le silex de Saint-Pierre-du-Mont a été utilisé sous ses deux formes. Le façonnage a été réalisé presque exclusivement dans du silex de Saint-Pierre-du-Mont, et ce, sur tous les sites. Il est caractérisé d’une part, par des petits bifaces (d’allure moustérienne) et surtout de nombreuses pièces bifaciales essentiellement en silex noir (95% à Sainte-Croix-GrandTonne), et d’autre part, par des bifaces (d’allure acheuléenne, de tradition micoquienne…) de grandes dimensions en silex marron. L’association systématique sur les gisements de bifaces “anciens” et de pièces bifaciales “plus récentes”, de formes “acheuléennes” et de formes “moustériennes”, laisse penser que ces différents objets font partie d’un même ensemble, et que nous n’avons pas affaire à deux séries mélangées par les labours. Cette observation a été confirmée par les sondages effectués à Sainte-Croix-Grand-Tonne. L’étude de la matière première permet, comme nous avons pu le voir précédemment, d’individualiser deux types de plaquettes, de couleurs noire et marron, qui possèdent des caractéristiques propres. Les essais d’utilisation ont en particulier montré des différences dans la facilité de mise en œuvre et la résistance à l’utilisation des silex, ce qui pourrait indiquer des durées de vies variables pour les artefacts, en fonction de leur couleur : courte pour ceux en silex noir, plus longue pour ceux en silex marron. Par ailleurs, l’étude typo-technologique prouve que les techniques de façonnage diffèrent en fonction des supports : les pièces bifaciales sont vraisemblablement assez faciles et rapides à confectionner, alors que les grands bifaces demandent plus d’investissement. De même les pièces bifaciales présentent souvent des surfaces assez importantes de cortex, ce qui bien sûr est dû à la morphologie des plaquettes, mais aussi probablement au mode de façonnage, consistant à dégager un tranchant sur la majeure partie du pourtour de la pièce (présence résiduelle de cortex sur le bord, existence fréquente d’un méplat basal). Nous pouvons donc déduire de toutes ces informations que ces outils avaient probablement un usage différent, et surtout qu’il y a bien eu choix de la matière première en fonction de l’outil désiré.
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Eric Lasseur, Floriane Leclerc, Dominique Cliquet
Les hommes ont utilisé des petites plaquettes noires pour faire des pièces bifaciales, qui sont faciles à fabriquer (par la morphologie de la plaquette qui offre une préforme, la taille aisée, le façonnage rapide) mais qui s’usent rapidement, ce qui explique aussi probablement le nombre assez élevé de ces objets ; et des plaquettes de couleur marron plus grandes pour les grands bifaces, qui sont moins faciles à confectionner (taille plus difficile, investissement plus important), mais qui ont en même temps une durée de vie plus longue, ce qui explique aussi peut-être la plus grande rareté de ces objets. L’utilisation différentielle des divers types de silex présents (emploi du silex de Saint-Pierre-du-Mont pour le débitage et le façonnage, emploi des autres types uniquement pour le débitage) indiquerait également un tri dans les matières premières. À Audrieu et à Saint-Gabriel-Brécy, il semblerait que les paléolithiques aient privilégié le silex de Saint-Pierredu-Mont pour le façonnage, et qu’ils aient utilisé les silex restants pour le débitage. Conclusion L’originalité des deux études présentées ici réside dans l’analyse des potentiels en matières premières dans le secteur de Saint-Brice-sous-Rânes et dans la vallée de la Seulles, et dans leur implication dans les installations humaines ainsi que dans les processus de mise en œuvre du silex. Il s’agit en fait de voir si la matière première conditionne l’occupation (l’habitat au sens large) ou l’installation (l’habitat au sens strict) des hommes, qui s’est faite dans le cas présent sur des sites de plein air. Les résultats obtenus dans ce type d’étude présentent une finalité palethnographique. L’objectif des études gîtologiques réalisées était de préciser l’impact de la matière première sur les peuplements du Paléolithique moyen et de tenter d’appréhender les stratégies de mise en œuvre de cette dernière, en essayant de répondre à plusieurs questions : quelles roches les hommes ont-ils taillées ?, quelle a été la stratégie mise en place face à la matière première ?, la morphologie des blocs a-t-elle eu une influence sur les techniques de mise en œuvre ? Les études menées nous ont permis d’apporter quelques éléments de réponses.
Les Paléolithiques se sont installés sur des formations d’argiles à silex constituant de vastes surfaces d’approvisionnement potentiel. Dans l’état actuel des prospections, il n’existe pas de sites en dehors des zones où les matières premières sont accessibles. Ils se sont implantés directement sur les gîtes de silex, en sommet de versant, là où la matière première affleurait en quantités importantes. Nous avons étudié les installations paléolithiques en adaptant notre travail aux vastes surfaces que constituent les placages d’argiles à silex. Nous avons ainsi réalisé des cartographies, de manière à comprendre l’occupation spatiale des sites. Cette partie du travail pourra par ailleurs être utilisée comme outil pour la prospection. L’étude de la matière première nous a permis de comprendre la relation entre la matière première et sa mise en œuvre, et de mettre en évidence des choix quant à l’utilisation des différents types et modules de silex. Les études gîtologiques ouvrent de nouvelles perspectives pour la compréhension des sites de plein-air du Paléolithique ancien et moyen. Les méthodes de travail présentées ici pourront être appliquées aux nouveaux gisements découverts dans les deux secteurs étudiés, ainsi qu’à de nombreux autres sites normands (vallée du Laizon, Grossœuvre…). Ces différentes perspectives permettront de mener une étude originale encore jamais tentée en Normandie. Eric Lasseur1, Floriane Leclerc2 et Dominique Cliquet3 1- Doctorant en géologie, Université de Rennes I et P.C.R. « Paléolithique de Normandie », DRAC de BasseNormandie, 13, bis rue Saint-Ouen 14 052 Caen cedex 04 [email protected] 2 - Etudiante en D.E.A, Université de Paris I et P.C.R. « Paléolithique de Normandie », DRAC de BasseNormandie, 13, bis rue Saint-Ouen 14 052 Caen cedex 04 [email protected] 3 - Conservateur du patrimoine, P.C.R. « Paléolithique de Normandie », DRAC de Basse-Normandie, 13, bis rue SaintOuen 14 052 Caen cedex 04 et UMR 6566, Civilisations atlantiques et archéosciences, Rennes I [email protected]
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Accessibilité, acquisition et utilisation de la matière première : étude gîtologique de deux gisements du Paléolithique moyen…
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Données récentes sur les premiers peuplements en Europe
LE TRAITEMENT DE LA MATIERE PREMIERE LITHIQUE ET OSSEUSE AU PALEOLITHIQUE INFERIEUR ET MOYEN DANS LE NORD DE LA FRANCE : ETAT DES RECHERCHES RECENTES AUGUSTE Patrick, LAMOTTE Agnès, LOCHT Jean-Luc, TUFFREAU Alain Résumé Le traitement des matières premières d’origines minérale et animale, envisagé dans cette étude, pour le Paléolithique inférieur et moyen de France septentrionale, s’intègre au sein d’un vaste système incluant l’acquisition des matériaux jusqu’à leur utilisation, celui-ci étant avant tout orienté vers l’obtention de nourriture. Dans ce contexte, la qualité du silex semble être un facteur important de réussite lors d’un façonnage de biface ou de débitage d’éclats, toutefois, il faut prendre en considération que l’acquisition, la nature, la quantité, la morphologie et les dimensions des rognons de silex sont aussi des paramètres que les Préhistoriques auront intégré dans leur choix ou appris à gérer au fur et à mesure de la taille. Le traitement de la matière première animale peut revêtir plusieurs aspects et faire appel à des chaînes opératoires distinctes : récupération directe de produits alimentaires par des activités de boucherie classiques (viande et moelle osseuse) ; utilisation de l’animal à des fins utilitaires, soit déconnectées de la recherche de nourriture (récupération de la peau ou de la fourrure), soit en tant qu’outil visant à améliorer la quantité ou la qualité du travail de boucherie (fabrication d’outils en os non élaborés). L’os peut aussi servir de combustible. Problématique Après avoir exposé les problématiques concernant la gestion des ressources naturelles par les Hominidés du Paléolithique inférieur et moyen en France septentrionale (déplacement, acquisition des matières premières minérales et osseuses ; cf. Lamotte et Auguste, 2004), il s’agit désormais d’appréhender la notion d’investissement technique. Des critères de test de la matière première à l’obtention d’outils, quels choix, quels aboutissants ? Quand l’investissement semble simple, peuton parler d’opportunisme ? quand il y est complexe, peut-on parler de stratégie de production ? De toute évidence, les affinités entre matière première lithique et type de débitage ou façonnage d’outils méritent d’être élucidées dans le Nord de la France au Paléolithique inférieur et moyen. De la même manière, les Préhistoriques exploitent-ils les ressources animales acquises au sein d’un système écologique donné selon les mêmes modalités, quelles que soient les caractéristiques de ce contexte (environnement,
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climat, biomasse végétale et animale potentiellement disponibles), ou bien apparaît-il des particularités en fonction des gisements et des niveaux archéologiques analysés ? Le propos de cette contribution n’est pas d’examiner cette question de manière exhaustive, mais de tenter de proposer plusieurs pistes de recherches et de discussions basées sur des résultats récemment acquis. Contexte conceptuel et méthodologique de l’étude Pour des raisons pratiques, il n’a pas été possible d’exposer conjointement les modalités concernant l’acquisition et le traitement des matières premières tant lithiques que fauniques à partir des gisements du Paléolithique inférieur et moyen du Nord de la France. Fort logiquement, ces deux étapes d’un processus complexe demeurent bien entendu en réalité indissociables et doivent impérativement faire l’objet d’une analyse en continu afin d’appréhender les comportements humains. Dans le même scénario global, il est également illusoire de tenter de penser qu’ un aspect particulier du mode de vie des Hominidés fossiles (comme par exemple la fabrication d’artéfacts ou le traitement des animaux abattus), pris isolément, représente à lui seul le chemin qui mène à la connaissance du comportement de nos prédécesseurs. Il faut constamment avoir à l’esprit que les Hommes dont on étudie les vestiges ont vécu, pensé et agit dans un contexte écologique donné, à un moment précis, avec l’intégralité des composantes naturelles d’un ensemble qui constituait son espace d’existence et avec des processus cognitifs probablement différents des nôtres. Ainsi, l’exploitation des ressources d’un territoire géographique et/ou culturel intègre nécessairement trois grands groupes de matériaux : la matière première minérale, animale et végétale. Le but principal recherché a priori est centré autour de la subsistance, c’est-àdire l’acquisition de nourriture, avec tous les moyens potentiellement utilisables en fonction des disponibilités du biotope (accès aux gîtes de matières premières lithiques, biomasse animale disponible, potentialités végétales). De façon très simpliste, il est possible de suggérer un organigramme de ce type d’intégration plurimodales, permettant de mettre en relation des facteurs qui sont trop souvent déconnectés dans nos analyses spécialisées (Fig. 1).
Patrick Auguste, Agnès Lamotte, Jean-Luc Locht, Alain Tuffreau
Figure 1. Exploitation théorique des ressources de l’environnement par les Hominidés au Pléistocène (modifié d’après C. Biot, 1997). Dans cette démarche systémique, il apparaît ainsi qu’en suivant les chaînes opératoires technologiques (traitement du lithique, de la faune ou du végétal), l’acquisition alimentaire dépend en fait d’une interaction de nombreux paramètres qui agissent souvent sur des éléments d’autres chaînes technologiques. Il est bien évident qu’un tel schéma statique ne peut rendre compte des paramètres spatiaux (déplacements aux sein du territoire) et temporels (réalisation en durée des chaînes opératoires). Le traitement de la matière première d’origine minérale et animale, qui fait l’objet de ce présent article, est donc à considérer comme une des phases de ce système complexe. Cadre spatio-temporel de l’étude Les gisements qui ont servi de supports à cette étude sont tous localisés en plein air dans le Nord de la France (Fig. 2). Ceux qui ont été utilisés pour l’analyse de l’acquisition de la matière première minérale sont les gisements acheuléens : Cagny-la-Garenne II (Stade isotopique 11-12) ; la Ferme de l’Epinette (Stade 10-11) et Cagny-l’Epinette (Stade 9-10), tous situés dans la Somme, aux alentours d’Amiens à proximité de la confluence de l’Avre et de la Somme. Les gisements concernant l’acquisition des ressources animales sont : Cagny-l’Epinette (série fluviatile I1/I2, stade isotopique 9) ; Biache-Saint-Vaast dans le Pas-de-Calais (série IIa, stade isotopique 7) et Beauvais dans l’Oise (Série C2, stade isotopique 4). Les trois gisements de Cagny sont distants à vol d’oiseau de près de 700 m. Fouillés par Alain Tuffreau depuis 10 ans (Cagny-la-Garenne II) et plus de 25 ans (Cagny-l’Epinette),
les deux gisements appartiennent au complexe des terrasses de la Somme, et plus exactement au complexe de la « moyenne terrasse » (Antoine 1990 ; Haesaerts et al, 1984, 1986 ; Laurent et al, 1994). La série lithique de Cagny-laGarenne II, qui a servi comme support à cette étude, provient de la base des graviers (Série I4). Il s’agit de la série la plus riche en outils bifaciaux et en marqueurs de la présence de la méthode Levallois (Lamotte et Tuffreau, 2001a). Pour le gisement de Cagny-l’Epinette, la série I1B, contenue dans un limon gris clair enrichi de quelques petits blocs de craie appartenant à la base de la séquence fluviatile fine, a été choisie. Dans cette série, l’outillage léger est riche et de belle facture aux côtés de bifaces aux morphologies très variées (Lamotte et Tuffreau, 2001b, Lamotte 2001). Les restes fauniques sont particulièrement bien conservés (Tuffreau et al, 1995). La série MS du gisement de la Ferme de l’Epinette servira de troisième série d’étude pour la nature de l’approvisionnement des principaux gisements acheuléens de la Somme. La série est contenue dans des limons attribués au début du stade isotopique 10 contenu dans une épaisse couverture limono-sableuse d’origine colluviale (Tuffreau et al, 1997a, 1997b). Dépourvue de restes fauniques, la série lithique compte de nombreux bifaces, chopping-tools et quelques témoins de la pratique de la méthode Levallois. Le gisement de Biache-Saint-Vaast, fouillé de 1976 à 1982 sous la direction d’A. Tuffreau, a livré de très nombreux vestiges lithiques et osseux localisés au sein de onze niveaux archéologiques, dans un contexte de terrasse au bord de la Scarpe (Tuffreau et Sommé, 1988). La séquence stratigraphique montre la succession de dépôts fluviatiles, dans lesquels se trouve en particulier le niveau IIa attribué au
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Traitement des matières premières au Paléolithique inférieur et moyen dans le Nord de la France
stade isotopique 7, surmontés par des dépôts de versant puis éoliens renfermant quelques niveaux attribués à la fin du stade 7 ou au début du stade 6. Le niveau IIa a livré, outre des dizaines de milliers de restes osseux de grands mammifères, une abondante industrie moustérienne ainsi que deux crânes de Néanderthaliens.
Les fouilles menées dans le gisement de Beauvais « La Justice » par J.-L. Locht en 1993 ont permis de mettre au jour deux niveaux archéologiques au sein de dépôts sableux éoliens au pied d’une butte tertiaire (Locht et al., 1995). Attribués au stade isotopique 4, ces deux niveaux ont livré une très riche industrie lithique moustérienne ainsi que des vestiges fauniques de grands mammifères.
Figure 2. Carte de localisation des gisements étudiés – 1 : Biache-Saint-Vaast ; 2 : les gisements de Cagny (Cagny-la-Garenne, La Ferme de l’Epinette, Cagny-l’Epinette) ; 3 : Beauvais. Le traitement de la matière première minérale au Paléolithique inférieur : l’exemple des gisements de Cagny L’étude du traitement de la matière première minérale montre que le devenir des artefacts, dépend d’un grand nombre d’agents liés au silex (acquisition, nature, quantité, qualité). Que les préhistoriques aient fait des choix ou non (stratégiques, utilitaires, fonctionnels etc…), pendant qu’ils s’emploient au débitage ou au façonnage, quelle influence la matière première a t’elle sur la typologie et les techniques usitées ? A Cagny-l’Epinette et la Ferme de l’Epinette, les remontages reconstituent indubitablement les dimensions des rognons de silex de départ, leur morphologie, leur poids, révèlent la variation de la qualité du silex au sein d’un même rognon et expriment l’impact de la disponibilité des matériaux dans un proche environnement. Même si la qualité du silex semble être le facteur prédéterminant dans la réussite du débitage ou du façonnage des artéfacts (Smith and Ashton, 1998 ; White, 1995 ; Morala et Turq, 1991 ; Moncel, 1998 ; Villa, 1981), nous garderons à l’esprit les paramètres précédemment cités et tenterons, dans cette étude, de les confronter afin de définir les choix des Préhistoriques et la pertinence des notions de « stratégie de production » ou « d’opportunisme ». Nous mènerons notre étude en particulier sur l’outillage bifacial (catégorie de vestiges parmi les plus mobiles dans un
gisement). En l’absence de remontages, l’étude du gisement de Cagny-la-Garenne est privée de nombreuses données concernant le traitement de la matière première, par rapport aux deux autres sites. Les relations qualité/quantité/morphologie/disponibilité de la matière première et typologie/technologie des artefacts A Cagny-la-Garenne, la matière première est considérée comme abondante avec des nodules de matière première de grande dimension pour les niveaux s’adossant au talus crayeux externe de la terrasse. Dans le niveau étudié (plateforme du lit majeur du cours d’eau), la matière première est sur place dans les graviers de la rivière et dans un proche environnement (abrupt ou talus crayeux, affleurement). Les dimensions des rognons sont nettement plus variées que dans les niveaux sous-jacents (J, unité K et séries R), les morphologies sont à l’inverse plus homogènes. La typologie de l’outillage sur éclat est restreinte (encoche et denticulés en majorité) tandis que la typologie des bifaces est très variée (Fig. 3) et reflète la variété des dimensions de rognons de départ observée (grandes ébauches, bifaces à dos, cordiformes, bifaces-hachereaux, lancéolés). Dans le cas de l’étude des bifaces, les morphologies et les tailles des outils correspondent globalement à un cortège de rognons disponibles dans l’environnement. Les nucleus (de petite
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Patrick Auguste, Agnès Lamotte, Jean-Luc Locht, Alain Tuffreau
dimension) représentent presque toujours moins d’un pour cent de l’assemblage (Lamotte et Tuffreau, 2001a). La qualité du silex est jugée bonne ; peu d’accidents de façonnage ou de débitage sont relatifs à des incidents d’inclusion de craie dans le silex ou à un silex gélif. A la Ferme de l’Epinette : suite à l’étude sous binoculaire des artéfacts, la matière première ne semble pas finalement accessible uniquement à partir d’un talus crayeux proche comme il a été écrit antérieurement (Tuffreau et al, 1997). L’approvisionnement de la matière première par les Préhistoriques est largement attesté par un ramassage de surface sur affleurement dans les très proches alentours du gisement (autour d’une centaine de mètres à priori). Les nodules de départ (d’après les remontages) (Lamotte, 1999 ; Lamotte et al, 2001) sont de petite dimension (rarement supérieurs à 20 cm). Pourtant, certains bifaces finis ou quasi finis, témoigneraient de la récolte de rognons de plus grande dimension. Deux principaux types de silex sont reconnus, l’un chargé en structures, l’autre moins, ce qui laisse supposer deux sources d’approvisionnement distinctes. Dans les deux cas, les silex sont tous deux considérés de bonne qualité. La typologie des outils, la morphologie des bifaces
s’en ressent-elle ? La typologie de l’outillage sur éclat et de l’outillage lourd (chopper, chopping-tool et bifaces) est variée. Les bifaces sont en moyenne de plus grande dimension que ceux de Cagny-l’Epinette et ceux de Cagnyla-Garenne. Les formes soignées et finies sont plus systématiques que dans le cas de l’Epinette, on compte un certain nombre de grands bifaces ovalaires, limandes et lancéolés (Fig. 4). L’outil le plus soigné est une limande provenant certainement du Campanien (affleurement et contexte de plateau) reconnu à environ 4 kilomètres de là. Aucun éclat de façonnage n’a pu être remonté sur cet outil, on peut donc considérer, de toute évidence, que cet outil a été introduit fini dans le gisement. Il ne peut être forcément envisagé comme un objet importé, car les Préhistoriques, lors de leurs déplacements avaient certainement sur eux quelques outils de premier usage au cas ou la matière première fasse défaut, avant de partir à la recherche de sources d’approvisionnement et de s’installer pour une durée aléatoire. La pièce en question, très retouchée sur les deux bords, ravivée sur les deux faces semble aller en ce sens, plus qu’un objet façonné loin du site et introduit lors d’un retour de chasse par exemple.
Figure 3. Cagny-la-Garenne – Série I4 – Exemple de la variété typologique de quelques bifaces. (Clichés : A. Lamotte).
Figure 4. Ferme de l’Epinette – Série MS – Exemple de la variété typologique de quelques bifaces dans un site où la matière première est de bonne qualité (clichés A. Lamotte).
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Traitement des matières premières au Paléolithique inférieur et moyen dans le Nord de la France
A Cagny-l’Epinette : la matière première locale est considérée comme de médiocre qualité (Léopold, 1989). Nous pouvons en fait préciser, depuis l’étude à la binoculaire, que le silex est de qualité très inégale au sein du faciès et intra-rognon. D’après les nombreux remontages effectués (Lamotte, 1999), les nodules de départ sont de taille et de morphologies très inégales. Leur longueur maximale peut dépasser 60 cm et les rognons de silex peuvent peser plus de 5 kg. La typologie de l’outillage sur éclat et outillage lourd est très variée. Deux bifaces et quelques outils à bords convergents de très belle facture ont attiré notre attention :
leur facture finie et soignée sur une qualité de silex meilleure nous permet d’envisager une provenance micro-régionale à définir prochainement. Les études concernant la qualité du silex de ce site ont permis d’établir une corrélation sérieuse entre typologie, mise à façon des bifaces (Lamotte, 2001) et qualité du silex. Depuis l’approfondissement de certaines études relatives à la qualité du silex et aux catégories de vestiges réalisés, on arrive à déterminer les tendances suivantes (Fig. 5) :
Silex local
de mauvaise qualité
Petits bifaces partiels Outils à bords convergents sur gélifracts
Silex semi-local
de bonne qualité
de très bonne qualité
Bifaces apointés et rares grands bifaces finis Quelques outils à bords convergents
Bifaces de belle facture Bifaces-racloirs à tranchant latéral
Figure 5. Cagny-l’Epinette – Série I1B : Relation qualité/typologie des bifaces (étude et clichés : A. Lamotte). Un faciès de silex particulier peut sans aucun doute influencer la diversité et la morphologie des outils. Dans l’état actuel de nos recherches, cette identification est en voie de réalisation et semble en effet prometteuse pour tenter de participer aux discussions ayant attrait à la variabilité des industries lithiques. Parmi les trois sites, la moindre qualité du silex rencontrée sur place, s’exprime dans le gisement de Cagny-l’Epinette. C’est aussi dans ce gisement que la plus grande distance de circulation de la matière première est obtenue (près de 20 km pour le silex semi-local) même si ce déplacement ne concerne que deux artefacts majeurs (deux bifaces). Les Hommes se sont contentés en priorité du silex de médiocre qualité, mais ont aussi ciblé très ingénieusement leurs réalisations. Pour l’outillage bifacial, il conserve le cortex afin de faciliter la préhension de l’outil et la protection du creux de la main lors
d’activités de longue durée et ne façonne que l’extrémité apicale de l’outil. Pour l’outillage sur éclat, l’homme préhistorique emploie en priorité les éclats très corticaux issus du décorticage des bifaces (extrême rareté des nucleus dans cette série). Pour quelques outils à bords convergents, et quelques outils bifaciaux inachevés, il utilise des gélifracts comme supports. Il s’agit, le plus souvent, de grandes pièces, d’épaisseur régulière et corticales. Un exemple de grand rognon de silex de qualité inégale montre, que de la meilleure partie du rognon, a produit de grands éclats bruts de débitage, une encoche retouchée sur éclat cortical et un nucleus ; la moins bonne partie a fourni, une ébauche d’outil bifacial à réserve corticale (Fig. 6a et 6b). La progression du débitage à l’intérieur d’un silex de moins en moins bonne qualité a, de toute évidence, interrompu le Préhistorique dans sa persévérance.
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Figure 6a. Cagny-l’Epinette – Série I1B – Exemple de remontage et d’exploitation différentielle selon la qualité du silex (remontage et étude : A. Lamotte).
Figure 6b. Cagny-l’Epinette – Série I1B – Visualisation du remontage éclaté. A droite, le nucleus et les produits de débitage bruts et non retouchés ; à gauche l’encoche et l’ébauche d’outil bifacial (étude : A. Lamotte). Le traitement de la matière première animale au Paléolithique inférieur et moyen Les vestiges osseux de grands mammifères découverts dans les trois gisements pris en considération permettent de reconstituer plusieurs phases de la chaîne opératoire du traitement de la matière première d’origine animale. Le bon état de conservation des ossements dans les trois cas permet en effet une lecture efficace des stigmates d’origine anthropique liés à l’exploitation des animaux après l’abattage.
Dans les deux séries étudiées pour Cagny et Biache, le contexte écologique est identique, un milieu en mosaïque d’espaces découverts de type prairie et de zones boisées sous un climat tempéré. A Beauvais au contraire, le contexte est totalement opposé avec un milieu très nettement steppique sous un climat froid. Malgré ces différences majeures, des similitudes de traitement sont mises en évidence, mais également des spécificités dans chaque série. Dans les trois séries, on observe toujours la prédominance d’une espèce, l’aurochs à Cagny et Biache, le renne à Beauvais. La représentativité de chaque taxon montre en outre que cette spécialisation est plus nette à Cagny et Beauvais (Fig. 7).
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Traitement des matières premières au Paléolithique inférieur et moyen dans le Nord de la France
Beauvais (Série C2)
80 70 60 50 40 30 20 10 0
en Pourcentage
en Pourcentage
Cagny-l'Epinette (série I)
Aurochs
Cerfs
Chevaux
7 autres espèces
80 70 60 50 40 30 20 10 0 Rennes
Chevaux
Rhinocéros laineux
Bisons
Mam mouths
en pourcentage
Biache-St-Vaast (série IIa) 80 70 60 50 40 30 20 10 0 Aurochs
Ours brun
Rhinocéros des prairies
15 autres espèces
Figure 7. Représentation spécifique (calculée d’après le nombre minimum d’individus) des gisements de Cagnyl’Épinette (séries I), Biache-saint-Vaast (niveau IIa) et Beauvais (couche 2). L’analyse systématique, menée dans chaque gisement, permet de mettre en évidence un traitement des animaux orienté préférentiellement vers la recherche de matières nutritives, en l’occurrence la viande et la moelle osseuse (Auguste in Tuffreau et Sommé, 1988 ; Auguste, 1992 ; Auguste, 1993 ; Auguste, 1995a, 1995 b ; Locht et al., 1995 ; Tuffreau et al., 1995 ; Auguste et al., 1998 ; Locht et PatouMathis, 1998 ; Auguste et Patou-Mathis, 1999 ; Auguste, 2003). Cette récupération très intensive de nourriture s’identifie aisément grâce aux nombreux indices de découpe observables à la surface des os, à Biache en particulier sur les trois espèces les mieux représentées, aurochs, ours brun et rhinocéros de prairie (Fig. 8), et dans une moindre mesure à Cagny (Fig. 9). Une autre phase de la chaîne opératoire du traitement de l’animal, postérieure à la récupération de la viande, est la fracturation des os longs afin d’en extraire la moelle. A Biache, cette fracturation est particulièrement importante et systématique pour les os longs des aurochs, moins développée pour les ours et très peu observée pour les rhinocéros, mais néanmoins identifiable. A Cagny, elle est également notable pour les os longs des aurochs (Fig. 10). D’autres modalités d’exploitation de la matière première animale sont également discernables sur les séries fauniques provenant de ces trois gisements. Cette fois-ci, il ne semble
pas que la recherche alimentaire ait motivé les Préhistoriques ; des buts utilitaires ont ainsi engendré de nouvelles chaînes opératoires dans le traitement des animaux abattus. Ainsi à Biache, de très nombreux os d’ursidés présentent des marques de découpe qui peuvent être rapportées à une activité de dépeçage, la fourrure en l’occurrence ayant été prélevée antérieurement à la récupération de la viande. Il s’agit surtout des métapodiens, puis des phalanges et des crânes (Fig. 11). Une autre exploitation non alimentaire de la matière première d’origine animale est l’utilisation de l’os en tant que combustible. Celle-ci semble être avérée à Beauvais où une grande quantité d’ossements calcinés ont été découverts (Locht et Patou-Mathis, 1998 ; Auguste et Patou-Mathis, 1999). A Biache, le nombre d’os brûlés est très faible et ne peut permettre d’affirmer que l’os a servi à alimenter un foyer. A Cagny par contre, aucun os présentant des indices d’exposition à un feu direct n’a été identifié. L’utilisation de l’os en tant qu’outil est également attesté à Cagny mais surtout à Biache. En effet, ce sont près de 333 « os à impressions » qui ont été reconnus dans ce gisement, dont plus de 90 % pour le niveau IIa (Auguste, 2002). A Cagny, les retouchoirs et supports de travail sont également présents, mais dans une proportion moindre. A Biache, ce sont surtout des os d’aurochs qui ont été employés, suivi par des os d’ours et de rhinocéros. A Cagny, les supports de
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Patrick Auguste, Agnès Lamotte, Jean-Luc Locht, Alain Tuffreau
travail ou « billots » sont des os d’aurochs et de cheval (Fig.
12 ).
Figure 8. Biache-Saint-Vaast, niveau IIa – Marques de découpe sur des tibias d’aurochs (à gauche), d’ours brun (au centre) et de rhinocéros de prairie (à droite) (clichés P. Auguste).
Figure 9. Cagny-l’Épinette, niveau I1B – Marques de découpe sur une hémi-mandibule d’aurochs (clichés P. Auguste).
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Traitement des matières premières au Paléolithique inférieur et moyen dans le Nord de la France
Figure 10. Fracturation anthropique des os longs d’herbivores : humérus d’aurochs, Cagny-l’Épinette, niveau I1A (à gauche) ; éclats osseux, Biache-Saint-Vaast, niveau IIa (au centre) ; humérus de rhinocéros, Biache-SaintVaast, niveau IIa (à droite) (clichés gauche et centre : P. Auguste ; cliché droit : S. Louguet).
Figure 11. Biache-Saint-Vaast, niveau IIa – Marques de dépeçage sur des os d’ours : métapodiens (à gauche et au centre, vues palmaire) et crâne (à droite, vue dorsale) (clichés P. Auguste).
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Patrick Auguste, Agnès Lamotte, Jean-Luc Locht, Alain Tuffreau
1 cm
Figure 12. Os à impression - Biache-Saint-Vaast, niveau IIa : radius d’ours (à gauche) et radius d’aurochs (au centre) ; Cagny-l’Épinette, niveau I1B : humérus d’aurochs (à droite) (clichés P. Auguste). Une dernière utilisation potentielle de la matière première d’origine animale en France septentrionale durant le Paléolithique inférieur et moyen que nous mentionnerons est liée à la « récolte » de bois de chute de cervidés, présents de manière récurrente à Cagny comme à Biache. En effet, la présence de ces bois de chute, phénomène constamment décrit dans les accumulations osseuses anthropiques durant le Paléolithique, pose de nombreuses questions sur leur présence, leur utilisation potentielle, et leur fonctionnalité. A ce jour, aucune réponse définitive n’a encore été apportée et il nous est donc difficile d’estimer qu’elle est leur place au sein des chaînes opératoires mises en œuvre dans l’exploitation des matières premières. Un travail plus vaste et synthétique s’avère nécessaire pour tenter de comprendre le ou les usages que ces bois ont pu avoir au cours du Paléolithique. Conclusion Les données présentées ci-dessus ne sont qu’un rapide exposé non exhaustif de ce qu’il est possible de dire sur l’exploitation des ressources minérales et animales au Paléolithique inférieur et moyen dans le Nord de la France. Il en ressort que le traitement de la matière première minérale dépend surtout de la qualité du silex. Malgré tout, on peut notifier que quand la matière première est de bonne qualité (Cagny-la-Garenne, Ferme de l’Epinette), il existe une corrélation entre dimensions et morphologies des rognons de silex avec celle des outils.
Dans le cadre du PCR (Programme Collectif de Recherches) « Géoarchéologie du silex du Nord-Ouest de la France » sous la direction de Jacques Fabre (Université d’Amiens, département de Géologie ; fin prévue en 2005), nous devrions enfin préciser les chaînes opératoires présentes pour chaque type de silex (jusqu’à 6 faciès sont identifiés dans certains gisements). Si se précisent des importations d’artéfacts, comment interpréter finalement la diversité et la morphologie des outils et dresser des bilans définitifs sur les corrélations entre quantité, qualité, morphologie et disponibilité de la matière première minérale avec la typologie et la technologie. L’exploitation de la matière première animale est liée à un prélèvement particulier dans la biomasse animale disponible, exploitation liée, très probablement, à la saisonnalité. Parmi les questions / problématiques, il reste à examiner la gestion des ressources d’origine animale. Est-elle originale dans chaque gisement ou bien est-elle uniforme quelles que soient les périodes considérées ? D’autre part, ces gestions sontelles liées aux environnements, aux contextes climatiques et/ou aux aspects culturels ? L’exploitation des ressources animales, lithiques et probablement végétales semble efficace dès le Paléolithique inférieur et moyen dans la France septentrionale, celle-ci s’exprime par une variabilité intra et extra-site. Les séries fauniques, provenant de sites du Nord de la France, se distinguent d’un point de vue chronologique et culturel, et leur examen met en exergue des constantes quant aux modalités de traitement des animaux abattus vers un but alimentaire (consommation systématique de la chair et occasionnelle de la moelle), mais aussi des spécificités induisant un usage utilitaire de certaines parties anatomiques
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Traitement des matières premières au Paléolithique inférieur et moyen dans le Nord de la France
de l’animal (outils en os à Cagny-l’Epinette et à BiacheSaint-Vaast, récupération de la fourrure à Biache, emploi de l’os en tant que combustible à Beauvais). Tout comme pour la matière première minérale, les relations entre le choix du gibier à abattre et l’usage qui en sera fait par les Hommes du Paléolithique du Nord de la France dévoilent la complexité des comportements humains établis dès le Paléolithique inférieur.
Patrick Auguste1, Agnès Lamotte1, Jean-Luc Locht2 et Alain Tuffreau1 1 - Laboratoire Préhistoire et Quaternaire, UMR 8018 CNRS, Université des Sciences et Technologies de Lille 1, Bâtiment de Géographie, 59 655 Villeneuve d’Ascq cedex, France ([email protected], [email protected], [email protected]). 2 - INRAP, 518 rue Saint-Fuscien F-80 000 Amiens et ESA 8018 CNRS, USTL, F-59 655 Villeneuve d'Ascq cedex. [email protected]
Remerciements Les auteurs remercient J.-L. Locht, A. Tuffreau de leur avoir confié le matériel nécessaire à ces études, J.-L. Marcy pour l’accès aux collections. bone assemblages, Monographien des Germanischen Zentralmuseums, 42, pp. 343-366.
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Données récentes sur les premiers peuplements en Europe
LES INDUSTRIES A BIFACES DES NAPPES ALLUVIALES DU BASSIN MOYEN DE LA LOIRE EN RÉGION CENTRE : SITUATIONS STRATIGRAPHIQUES ET CHRONOLOGIE RPE DESPRIÉE Jackie, GAGEONNET Robert, VOINCHET Pierre, BAHAIN Jean-Jacques, FALGUÈRES Christophe et DÉPONT Jean Résumé Depuis 2000, les recherches effectuées dans les vallées moyennes du Loir, du Cher et de la Creuse, ont permis de préciser la situation stratigraphique des industries à bifaces dans les basses nappes. Les formations fluviatiles ont fait l’objet de datations systématiques par la méthode de résonance paramagnétique électronique (RPE) appliquée aux quartz optiquement blanchis. Ces datations ont permis d’établir un cadre chrono-stratigraphique et de replacer les industries dans le cadre global du Quaternaire. Les hommes préhistoriques ont surtout recherché des matériaux aptes au débitage. Ils se sont installés sur le substratum après la phase d’incision ou sur des sols cryoturbés lors des arrêts de sédimentation du pléniglaciaire. Ils ont régulièrement exploité les matériaux introduits par solifluxion dans le sommet des formations fluviatiles. Certaines séries d’artefacts montrent de nombreux stigmates caractéristiques de transport dans la masse des alluvions au caractère périglaciaire. Le plus ancien biface du bassin de la Loire moyenne, trouvé dans la vallée du Loir, est daté d’environ 500 000 ans. Si les industries à galets sont encore très présentes, les bifaces paraissent se généraliser entre 400 et 300 000 ans, date à partir de laquelle ils sont régulièrement associés à un débitage de type Levallois. Mots-clés Bassin de la Loire, vallées du Loir, du Cher, de la Creuse, Industries à bifaces, datations RPE. Abstra ct The prehistoric handaxes industries from the middle Loire basin alluvial formations (Centre region, France) : stratigraphic locations and ESR chronology. Since 2000, research undertaken in the valleys of three tributaries of the Middle Loire River, the Loir, the Cher and the Creuse Rivers, have allowed to specify the stratigraphic levels of the handaxes industries found in each lower alluvial formations. These formations have been dated by the Electron Spin resonance (ESR) Method applied to optically bleached fluvial quartz. The prehistoric men researched siliceous materials for cutting. They were setting up on the bed-rock after the incision phase or on the cryoturbed soils after alluvial stopping during the pleniglacial phase. They also regularly exploited the siliceous materials introduced with slope deposits at the gravely top of the alluvial formations. Some prehistoric series show numerous and characteristic marks resulting from the transport in the alluvial units in periglacial context.
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The oldest handaxe from the Middle Loire Basin, founded in the Loir River Valley, has been dated about 500 000 years. Between 400 and 300 000 years, the pebble industries are always very present, but the handaxes generalized. Then, around 300 000 years , they are associated with Levallois cutting. Key-words Middle Loire River Basin, Loir River, Cher River and Creuse River valleys, handaxes industries, ESR dating. Introduction La région Centre occupe la partie sud du Bassin de Paris. Le cours moyen de la Loire la traverse d’est en ouest et y reçoit la plupart de ses affluents : en rive gauche, la Vienne, la Creuse, l’Indre et le Cher ; en rive droite, le Loir (fig.1). Entre 1970 et 2000, des travaux géologiques et archéologiques ont mis en évidence dans chaque vallée de 4 à 6 nappes alluviales. Dans plusieurs d'entre elles, des sites préhistoriques ont été répertoriés (Despriée, Lorain, 1972, 1982 ; Macaire, 1976, 1981 ; Despriée, 1979, 1985 ;Yvard, 1981 ; Despriée et al., 1983 ; Dépont, 1984 ; Gageonnet, 1985-1990, 1991; Aârab, 1994 ; Despriée, Gageonnet, 1999). Depuis 2000, les systèmes fluviatiles du Loir, de la Creuse et du Cher font l’objet de nouvelles prospections systématiques dans le cadre des programmes du Ministère de la Culture (Sous-Direction de l’Archéologie - DRAC du Centre). Les principaux objectifs de ces prospections sont d'identifier et de décrire l’ensemble des nappes déposées dans les sections moyennes de chaque vallée, de préciser la situation géologique et stratigraphique des industries préhistoriques conservées dans les alluvions et de les replacer dans le cadre chronologique global du Quaternaire en utilisant notamment des datations systématiques des niveaux alluviaux par résonance paramagnétique électronique (RPE) (Voinchet, 2002 ; Voinchet et al., 2004). Les premiers résultats obtenus dans les nappes moyennes et basses des vallées du Loir, du Cher et de la Creuse sont donnés ci-dessous. Dans chacune des nappes, la situation stratigraphique de plusieurs séries lithiques à bifaces a été précisée. Ces séries lithiques, repérées lors de prospections, de relevés de coupes, de sondages ou de fouilles, sont d’importances inégales et probablement toujours incomplètes dans leur composition typologique. L'état physique des silex taillés a été comparé à celui des silex constituant la séquence alluviale : coloration, altération chimique, stigmates laissés par le milieu fluviatile (les indices donnés sont ceux définis par Despriée et Lorain, 1972), par le froid ou le vent.
Jackie Despriée, Robert Gageonnet, Pierre Voinchet, Jean-Jacques Bahain, Christophe Falguères et Jean Dépont
La vallée du Loir Vendômois (Loir-et-Cher) En Loir-et-Cher, dans la région de Vendôme, la vallée du Loir recoupe les argiles, les craies et les tuffeaux à silex, d’âge éocène à crétacé (fig.2). Deux secteurs « Haut- » et « Bas-Vendômois » présentant des caractéristiques géographiques et tectoniques différentes y ont été individualisés (Despriée et al., 2003). - Le secteur du « Haut-Vendômois » En amont, dans le secteur du « Haut-Vendômois », 8 nappes étagées ont été reconnues (fig. 3) et ont fait l’objet de datations par RPE. Leurs altitudes relatives sont données par rapport au plancher de la nappe de fond comme pour les autres vallées étudiées. Quatre d'entre elles, les formations F, E, D et B ont livré des industries à bifaces (fig. 4) (Despriée, Lorain, 1972, 1982 ; Despriée, 1979, 1985 ; Despriée et al., 1983). · La nappe F (+ 22 m / + 28 m), formation de « la Garenne » à Saint-Firmin-des-Prés Une pièce bifaciale, dite « biface de Moncé », provient du niveau de blocs et de graves en sommet de la nappe F à SaintFirmin-des-Prés, nappe datée par RPE de 482 ± 77 et de 491 ± 75 ka (fig. 5a). Le profil de cette pièce est dissymétrique,
les arêtes sont très émoussées (indice > 10) ; les tranchants montrent plusieurs concassages très profonds, successifs, de colorations différentes. Ce biface a vraisemblablement subi plusieurs transports fluviatiles importants. Il pourrait provenir d’une nappe antérieure. · La nappe E (+ 16 m / + 21 m), formation de « Courcelles » à Lignières Plusieurs niveaux d’industries à bifaces et à galets taillés ont été observés dans les séquences caillouteuses de la formation de « Courcelles » et dans la base du limon la recouvrant (fig. 4). - Dans la séquence inférieure de graves, ont été décrits un chopping-tool, un épannelé, et quatre bifaces dont les formes «ovalaires, cordiforme et amygdaloïde» résultent de la destruction de leur périmètre par plusieurs séries de concassages (> au cm) portant diverses rubéfactions. Ces silex taillés montrent en surface un émoussé intense (indice jusqu’à 10) et, dans leur épaisseur, une altération rouge identique à celle du sédiment ainsi qu’une fissuration gélive profonde ayant entraîné leur fragmentation (fig. 5b à d). - Dans la séquence supérieure de graves, le matériel archéologique (racloirs, pic triédrique, nucléus) est erratique. La surface, de coloration brun rouge, luisante, a un émoussé faible (indice 1 à 2).
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Les industries à bifaces des nappes alluviales du bassin moyen de la Loire (région Centre)
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Jackie Despriée, Robert Gageonnet, Pierre Voinchet, Jean-Jacques Bahain, Christophe Falguères et Jean Dépont
- Dans le sommet de la nappe, les rognons de silex apportés dans des coulées de solifluxion ont été exploités. Les nucléus, les éclats de décorticage et de préparation, parfois retouchés, et les pièces cassées (dont une ébauche de biface), sont très groupés. L’absence de produits de débitage et d’outils confirme la probabilité d’ateliers. Une coloration brun jaune très légère et une certaine luisance sont parfois visibles sur l’une des faces de ces artefacts dont les tranchants sont intacts. - Dans la base du limon de recouvrement de la nappe, l’industrie abondante comprend de très nombreux bifaces de type « micoquien long » associé à un débitage d’éclats abondants, surtout Levallois. La face supérieure a la coloration blanc bleuté caractéristique observée sur les artéfacts abandonnés sur un sol. · La nappe D (+ 12 m / 17 m), formation des « Grouais-deChicheray » à Pezou Six niveaux d’industries préhistoriques ont été décrits de bas en haut dans la nappe D (fig. 4). - sous les sables grossiers de la base de la nappe, une industrie préhistorique a été retrouvée groupée sur trois secteurs d’une centaine de mètres carrés chacun (Despriée, 1979, 1985).
Soixante-dix galets taillés, un biface partiel (fig. 5e) et des éclats ont été positionnés en contact avec la craie du substratum ou dans l’argile résultant de son altération. La mise en place de cette industrie s’est effectuée sur la craie après son incision par la rivière et avant le dépôt des alluvions de la terrasse. La coloration des faces taillées est légèrement jaunâtre. Le tranchant intact peut montrer quelques écrasements de l’ordre du millimètre. Aucune gélifraction ne les a affectés. L’émoussé des arêtes est faible (indice voisin de 1) et résulte de la mise en place du dépôt sableux sus-jacent comme en témoigne le fait que, pour des pièces posées sur un sol, l’indice augmente avec la convexité de la face exposée (Despriée, Lorain, 1972 ; Despriée, 1979). Ce niveau sableux recouvrant le sol sur lequel cette industrie à la typologie archaïque a été abandonnée est daté de 410 ± 65 ka. - dans l’épaisseur de la formation graveleuse étaient réparties plusieurs séries d’industries à bifaces. Dans la partie supérieure de la formation graveleuse, datée de 398 ± 60 ka, ont été trouvés des bifaces épais (fig. 5f) dont les formes en « limandes, discoïdes, ou amygdaloïdes », résultent d’une destruction très importante de la périphérie de chaque pièce (1 à 2 cm). Les colorations diverses des concassages semblant indiquer plusieurs phases de transport et d’enlèvements naturels par pression. L’émoussé est
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important (indice > 10) et les fissures gélives très fréquentes. On observe une coloration grise en surface, voire une légère éolisation. - dans les argiles d’inondation terminales, les rognons de silex introduits par solifluxion dans le sommet de l’unité de graves grossières sous-jacente ont été exploités dans des ateliers de débitage. Les artefacts retrouvés sont des nucléus,
des produits de décorticage, de rares éclats de débitage brisés, associés à un biface lancéolé (fig. 5g) et à des pics triédriques. Très groupés, ils n’ont subi aucune altération et sont dans un état de fraîcheur remarquable. Les fissures gélives observées sont antérieures à la taille, qu’elles ont entravé. (Despriée, 1979, 1985).
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· La nappe B (+ 6 m / + 11 m), formation de Morée « Villeprovert » Dans cette terrasse, quatre séries d’industries ont été reconnues (fig. 4). - L’unité inférieure de graves grossières a livré 4 choppingtools dispersés. L’altération jaune orangée à rouge est celle du niveau. L’émoussé (indices 2 à 5) et le concassage sont importants ; - l’unité supérieure de graves grossières a livré quelques témoins isolés plus ou moins transportés : des éclats de décorticage et de débitage, quelques encoches et racloirs, des nucléus à débitage Levallois. Le niveau sableux séparant ces deux unités a été daté de 241 ± 42 ka ; - dans les graves fines du sommet de la nappe, l’industrie a été récoltée sur un même niveau altimétrique correspondant vraisemblablement à un sol d’occupation, car les artefacts étaient groupés et associés à des silex brûlés. Leurs surfaces sont légèrement luisantes ; les arêtes et les tranchants sont intacts. Certains éclats proviennent vraisemblablement du même noyau. C’est un débitage Levallois avec nucléus et éclats typiques de grande taille (fig. 5i). De nombreux éclats de décorticage ou de façonnage ont été retouchés ou transformés en outils (grattoirs, racloirs…). - La base du limon de recouvrement a livré également en place une industrie Levallois typique, nucléus, éclats, pointes et un fragment de biface (fig. 5j à l). Le silex a une altération blanche régulière sur la face supérieure. Dans la même nappe B, à « la Bondrée » près de Varennes sur la commune de Naveil, deux niveaux ont livré des pièces erratiques, des choppers, un uniface et un nucléus Levallois (fig. 5m et n) qui présentent tous un émoussé supérieur à 10 et un concassage important (Despriée, 1979). Le secteur du « Bas-Vendômois » Dans le secteur du « Bas-Vendômois », 5 nappes sont actuellement reconnues et datées (fig. 3). Les industries à bifaces, très diffuses et disparates, ont été signalées anciennement dans les nappes A et C (fig. 4) (Despriee et al., 2003). · La nappe C (+ 8 / + 13 m), formation des « GrandsChampronds » à Thoré-la-Rochette Dans cette nappe, datée de 265 ± 45 et de 296 ± 45 ka, une industrie erratique à altération jaune orangé a été découverte à Thoré-la-Rochette, « la Cunaille ». Elle provient surtout de l’unité médiane de graves fines. Un biface ovalaire montre un émoussé supérieur à 5 et un concassage important des tranchants, ainsi que des fissures et des enlèvements gélifs (fig. 5h). · La nappe A (+ 0 + 6 m) ou nappe de fond Cette nappe se subdivise généralement en deux parties qui ont été observées uniquement par carottages à cause de la hauteur de la nappe phréatique. A la base, des séquences de cailloux et de blocs de silex, de craie et de brèches alternent avec des lits de sables et de graviers. La matrice est peu argileuse. Des sables, des limons et des argiles fines, parfois
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tourbeuses coiffent la formation. Ils peuvent atteindre 2 à 3 m d’épaisseur près du lit mineur. Aux lieux-dits «les Sablonnières » et « le Grand-Ris » à Lunay, un bombement du substratum crayeux a favorisé l’observation de la base de la nappe qui contenait des nucléus Levallois (fig. 5o), des pointes Levallois et un petit biface. La surface à coloration jaune est parfois très corrodée. Le concassage a fait disparaître d’éventuelles retouches sur les éclats et l’émoussé des arêtes est supérieur à 10. La vallée du Cher en Berry et en Sologne La section moyenne de la vallée du Cher est étudiée depuis 2002 entre Châteauneuf-sur-Cher (Cher) et Saint-Aignan-surCher (Loir-et-Cher) et les datations RPE des différentes nappes sont actuellement en cours. Deux secteurs ont été définis, le secteur du « Berry », en amont de Vierzon, et le secteur de la « Sologne » en aval de Vierzon (fig. 6). Le secteur du « Berry » Dans le secteur du « Berry », 7 nappes ont été reconnues (fig. 7). Seules les nappes indexées 4 et 1 ont livré des industries à bifaces (Dépont, 1984 ; Despriée, Duvialard, 1994 ; Despriée, Gageonnet, 1999, 2000). · La nappe 4 (+13 / +21 m), formation des « Fougères » à Brinay (Cher) Quatre niveaux d’industries à bifaces ont été décrits dans cette nappe (fig. 8). - A la base de la formation, les dalles de calcaire silicifié mises au jour lors de l’incision de la rivière ont été exploitées. Une douzaine de grandes « ébauches » de biface dont le façonnage n’a pas été poursuivi pourraient n’être que des supports nucléiformes destinés à la production d’éclats. Elles atteignent 1,2 kg et jusqu’à 20 cm de long (fig. 9h). Elles sont associées à des nucléus globuleux à débitage orthogonal ainsi qu’à de nombreux éclats. Un léger émoussé et un lustré caractéristique de la circulation de l’eau avant enfouissement sont visibles sur la surface des pièces en place sous et dans la base caillouteuse au contact avec le substrat calcaire. - Sur la surface d’érosion séparant les deux ensembles sableux ont été enregistrés environ 50 bifaces, d’une rare qualité de finition au percuteur tendre, et des outils, principalement des racloirs (fig. 9i à k). Les artefacts étaient répartis sur plusieurs centaines de mètres carrés. Ces pièces non patinées, d’une remarquable fraîcheur, ne présentent aucun stigmate de transport et paraissent avoir été recouvertes rapidement. - Dans l’ensemble sableux supérieur, des pièces erratiques, dont un hachereau biface, ont une coloration brune différente de celle du niveau ; elles sont plus ou moins roulées. - Dans la base du limon de couverture, une dizaine de bifaces « micoquiens longs » étaient associés à des nucléus Levallois et à des éclats. L’ensemble montre une coloration blanc bleuté plus importante sur une face.
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· La nappe 1 (0 / + 6 m) ou nappe de fond Le cailloutis de base de cette nappe, d’une épaisseur assez constante de 25 à 30 cm, comprend de très nombreux galets de roches endogènes (granite, quartz…) mélangés à des blocs peu usés de roches locales, calcaires oolithiques, et calcaires silicifiés. La formation est ensuite constituée essentiellement de lits de sables grossiers séparés par des graviers et des cailloux en minces niveaux. Les gisements préhistoriques ont été repérés en place à la base du niveau grossier, au contact du substratum calcaire. Ils sont parfois encore en place directement dans le lit actuel du Cher qui a déblayé la nappe. L’industrie est groupée sur des surfaces importantes (« les Fontaines » à Preuilly-sur-Cher, 1 800 m²). Elle comprend de très nombreux bifaces (66 sur 550 artefacts) associés à des nucléus levallois discoïdaux. Ces pièces sont taillées généralement dans des roches locales, des silex jaspés et des calcaires silicifiés patinés orange à brun. Dans
certains sites sont également présents des outils sur galets, choppers, chopping-tools et polyèdres en silex, en grès ou en calcaire comme à Brinay « les Grands-Ormes ». Les séries sont généralement dans un excellent état de fraîcheur ; des pièces peuvent présenter une altération chimique importante de la surface inférieure. Des stigmates de transport par la rivière sont rarement observés. La typologie des différentes séries (éclats de décorticage et de préparation, nombreuses « ébauches » de bifaces) et leur importance numérique semble indiquer la présence d’ateliers exploitant les matériaux mis au jour avant le dépôt de la base de la nappe. Le secteur « Sologne » En Loir-et-Cher, à la limite de la Touraine et de la Sologne, la vallée du Cher suit une direction est-ouest et entaille les auréoles crétacées et tertiaires du Bassin de Paris. Quatre nappes alluviales ont été reconnues dans le secteur de la « Sologne » (fig. 7). Les industries à bifaces
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ont été signalées dans les nappes 3, 2 et 1 (fig. 8) (Gageonnet, 1985-1990, 1991 ; Despriée, Duvialard, 1994 ; Despriée, Gageonnet, 1999, 2000). · La nappe 3 (+ 12 / + 22 m), formation de GièvresVillefranche Cette formation est particulièrement développée en terrasse en amont de la confluence avec la Sauldre. Les industries à bifaces sont présentes tout au long de la formation. Des séries abondantes ont été trouvées, toujours associées à des lits discontinus de graves fluviatiles s’intercalant entre les unités sableuses. Elles comprennent des bifaces, des nucléus et des éclats, qui présentent toutes les caractéristiques d’un transport fluviatile, mais également des cupules et fissurations gélives et une éolisation très importante d’une face, du talon et des tranchants. Les bifaces, épais, sont souvent taillés partiellement, comme les pics triédriques qui les accompagnent. Ils sont associés à de grands éclats non corticaux, des racloirs, des pointes déjetées. Les nucléus (à débitage orthogonal) sont rares, ainsi que les produits de préparation Dans la partie supérieure caillouteuse, des ateliers sont attestés par la présence de rognons de silex local en cours de décorticage, et des nucléus pyramidaux ou bipyramidaux à débitage centripète. Les éclats de décorticage dominent. Les éclats de débitage ont un talon lisse très large, très épais, très oblique à bulbe souvent proéminent avec stries radiales et cône souvent détouré (stigmates du débitage dit « clactonien »). De très nombreux bifaces, hachereaux et hachereaux-bifaces sont toujours présents dans ce cailloutis (Despriée, Duvialard, 1994). Un cacholong blanc ou crème et une corrosion chimique des arêtes sont observés sur la face supérieure de ces pièces, comme sur tous les blocs et cailloux du niveau (fig 9 e à h). · La nappe 2 ( +5 / +10 m ), formation de « la Morandière » à Gièvres Plusieurs séries lithiques ont été décrites dans cette formation (fig. 8). - Dans le cailloutis de base, les pièces ont des surfaces lustrées, des arêtes émoussées et des tranchants très concassés (fig. 9). Elles ont extérieurement la coloration brun orangé des alluvions. Les nucléus sont polyédriques, à plans de frappe orthogonaux, ou tabulaires à débitage centripète (fig. 9 l, m). Les produits de préparation de
noyaux (52 %) et de débitage (40 %) dominent. On note la présence de deux éclats Levallois, d’une pointe Levallois et de deux pointes déjetées aménagées sur des éclats levallois. Un seul biface brisé (limande épaisse) est signalé. - Dans un niveau sableux glossique a été récoltée une série comprenant un pic triédrique, un hachereau, un biface racloir et un biface cordiforme allongé épais avec décor en « ocelle », un nucléus Levallois, des éléments de préparation et de débitage (fig. 9 n, o). La fraîcheur et l’absence totale d’altération de ces artefacts, en silex brun noir du Turonien supérieur, semblent indiquer un enfouissement rapide sous des alluvions fines (Despriée, Gageonnet, 2000). - Dans le sommet podzolisé du cailloutis supérieur, des artéfacts montrent un léger voile blanchâtre sur une seule face ainsi que des traces nettes d’éolisation sur les arêtes et les tranchants exposés. Il n’y a aucun stigmate de transport fluviatile. De nombreux éclats d’amorçage, de décorticage ou de façonnage correspondent aux premières phases de préparation des rognons. Les nucléus et les outils sur éclats sont pratiquement absents à l’exception d’une belle série de couteaux à dos corticaux ou à dos partiellement abattus. · La nappe 1 ( 0 / + 4 m) ou nappe de fond A Villefranche-sur-Cher « Rue-Creuse », l’industrie a été repérée dans toute l’épaisseur de la formation et a pu être trouvée en place par sondages et coupes sur plusieurs niveaux dans la séquence sableuse (fig. 8). - Dans le cailloutis de base, des pièces erratiques ont subi un transport fluviatile important. - Dans les séquences sableuses, les artefacts ont une coloration brun rouge étrangère au dépôt. Ce sont surtout des bifaces (fig. 9p), de rares nucléus et de très nombreux éclats de débitage. Ils sont très roulés, émoussés, concassés et parfois brisés. Selon les strates, leur surface est lustrée ou vernie, luisante ou cireuse, ou dépolie, légèrement éolisée. La série provenant du cailloutis terminal montre la coloration gris-bleuté caractéristique du niveau lessivé et ne porte aucun stigmate de transport. Elle comprend des pièces de grande taille, notamment des bifaces partiels et des grands « pics » triédriques, dégagés au percuteur dur (fig. 9 q).
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La vallée moyenne de la Creuse dans l'Indre Trois secteurs ont été définis dans la vallée moyenne de la Creuse selon des critères géographiques, géologiques et tectoniques : un secteur « Massif central », un secteur « Intermédiaire » et un secteur « Bassin parisien » (fig.10) (Despriée, Gageonnet, 2003 ; Despriée et al., 2004 ; Voinchet, 2002). Dans le secteur « intermédiaire », plusieurs bifaces ont été recueillis à la fin du XIXème siècle dans les alluvions situées dans le bassin tectonique du Péchereau. Malgré de nombreuses prospections dans cette zone, aucune pièce archéologique n’y a été retrouvée au cours de cette étude et, en raison de la complexité du système de terrasses dans ce secteur, ilest difficile d’attribuer un âge précis à ces découvertes anciennes. Des industries à bifaces ont été trouvées en place uniquement dans le secteur « Bassin parisien » situé entre le Pont-
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Chrétien et Le Blanc (Indre). Dans ce secteur, huit formations alluviales ont été reconnues (fig.11). Cinq de ces nappes ont été datées par RPE (Voinchet, 2002 ; Despriee et al., 2004). Actuellement, les industries à bifaces ne sont connues que dans la nappe 3 (+ 10 / + 20m), dans la formation des « Champs-de-Chaume » à Ciron. Cette formation, datée par RPE de 278 ± 32 et 265 ± 30 ka, s’est déposée en une immense terrasse de plusieurs kilomètres de long, d’une épaisseur d’une dizaine de mètres (fig.12). Après l’incision de la rivière, les silex du Jurassique ont été exploités dans des ateliers de taille. L’industrie retrouvée comprend surtout des nucléus et des produits de leur préparation. Un biface en silex, un biface partiel sur éclat de quartz et des choppers sur galets de quartz, de silex et de granite ont été également retrouvés au voisinage du plancher (fig.13). Ces pièces n’ont subi aucun transport.
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Synthèse et discussion Plusieurs observations peuvent être formulées après les travaux effectuées dans les formations fluviatiles des vallées moyennes du Loir, du Cher et de la Creuse : · sur la présence des industries à bifaces dans les alluvions des basses nappes Dans les deux secteurs de la vallée du Loir, une dizaine de nappes alluviales ont été repérées. Les industries à bifaces ont été observées dans chacune des cinq nappes les plus basses. Dans la vallée du Cher, le nombre de nappes reconnues est, selon les secteurs, de 5 à 7. Les industries à bifaces sont constamment présentes dans la formation très développée tout au long de la vallée entre +12/+13 et +21/+ 22 m. Un seul site (Gièvres « la Morandière ») a été étudié dans la nappe de + 7 / + 13 m. Les bifaces sont également extrêmement abondants dans la base de la nappe de fond, où les sols d’ateliers sont dégagés par l’incision actuelle de la rivière. Dans la vallée moyenne de la Creuse, les industries à bifaces ont été trouvées dans une seule formation, dans le secteur « Bassin parisien », la nappe 3 (+ 10/+ 20 m). Malgré de nombreuses prospections, la présence d’industries n’a été reconnue ni dans les autres nappes, ni dans les autres secteurs.
· sur la situation stratigraphique des industries à bifaces dans l’épaisseur des formations Plusieurs niveaux de silex taillés sont généralement observés dans l’épaisseur de chacune de ces formations alluviales. Certaines industries sont archéologiquement en place sous la base de la nappe, au contact entre le substratum et les premiers dépôts d’alluvions grossières. Les hommes y ont exploité des gîtes de matériaux siliceux mis au jour à la fin de l’incision. Les matériaux apportés dans les premiers dépôts alluviaux grossiers de base ont été également recherchés pour le débitage d’éclats ou le façonnage de galets. Toutefois, la base de chaque nappe a été rarement observée sur de vastes surfaces car elle n’a souvent été atteinte que par des sondages mécaniques. Quand cette observation a pu être faite, des installations humaines importantes ont été détectées (Pezou « les Grouais de Chicheray » ; Brinay « les Fougères », Preuilly-sur-Cher « les Fontaines », …) Lors des phases d’arrêt de la sédimentation sableuse, les paléolithiques se sont installés sur des surfaces d’érosion souvent cryoturbées. La présence d’outillage abondant et de qualité (pièces bifaciales nombreuses, racloirs, pointes, …) pourrait indiquer des campements organisés. Dans le sommet des nappes alluviales, des graves grossières contiennent des traces d’ateliers de préparation et de débitage du silex. Les hommes ont utilisé les rognons transportés par la rivière ou arrivés par solifluxion.
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De très nombreux bifaces et nucléus se retrouvent, accompagnés d’un débitage important et d’outils, sur les replats sablo-caillouteux constituant le sommet des vastes terrasses. Ces industries ont été enfouies sous des limons ou des colluvions fines. L’érosion de ces couvertures a provoqué leur mise au jour et leur destruction par les travaux aratoires. Dans la masse des formations alluviales, la répartition spatiale des artefacts et les stigmates visibles sur leurs surfaces et sur leurs tranchants indiquent des modes de mise en place géologiques. D’aspect très roulé, les pièces archéologiques, aux arêtes très émoussées et aux tranchants profondément concassés, ont été déposées avec les alluvions plus ou moins grossières dans lesquelles elles ont été dispersées. La gélifraction est souvent postérieure à leur dépôt. · sur la datation des nappes alluviales contenant les industries à bifaces Dans la vallée du Loir, les nappes contenant des industries à bifaces se sont déposées entre 500 et 200 ka, la nappe de fond n’ayant pu être datée. Dans la vallée de la Creuse, la nappe 3 est datée de 250 ka et la nappe de fond de 130 ka. Les nappes reconnues dans la vallée du Cher ont été prélevées pour datation. Dans les vallées du Loir et de la Creuse, les mesures ayant donné des dates proches de 500 et de 400 ka se sont révélées cohérentes et reproductibles. Les mesures obtenues entre 300 et 200 ka, elles aussi reproductibles, mais avec une marge d’erreur importante, rendent le classement des nappes difficile car les dates déterminées sont proche de la limite basse de la technique de datation par RPE utilisant le centre aluminium des quartz fluviatiles optiquement blanchis (Voinchet et al., 2004). Conclusion Dans chacun des systèmes fluviatiles observés dans les vallées moyennes du Loir, du Cher et de la Creuse, des industries à bifaces sont associées aux alluvions des 4 ou 5 plus basses nappes. Les situations stratigraphiques et les modes de dépôt paraissent assez constants quelles que soient les nappes. L’installation humaine a souvent lieu en début de phase glaciaire après la phase d’incision. Durant le pléniglaciaire, des industries provenant de nappes plus anciennes ou ramassées sur les versants sont dispersées dans les dépôts de sables et de graves. Lors d’arrêts de cette sédimentation, marqués par des figures de cryoturbation, des Bibliographie Aârab M. (1994), Contribution à l’étude sédimentologique des formations alluviales quaternaires de la vallée de la Creuse. Etude sédimentologique et micromorphologique du dépôt du site de « Pont-de-Lavaud ». Thèse de doctorat du Muséum National d’Histoire Naturelle, Paris, 280 p. Dépont J. (1984), Une industrie acheuléenne dans son contexte géologique : la sablière des « Fougères » à Brinay (Cher), Bull. de la Soc. Hist. et Archéol. du Berry 78, 19-31.
installations (campements ?) ont lieu sur de grandes surfaces. Au tardiglaciaire, la fréquentation est importante : l’homme exploite le sommet des graves terminales qui constituent des gîtes à matériaux siliceux abondants et de qualité. Des installations de longue durée – probablement répétées dans le temps – occupent le sommet des formations puis sont recouvertes par des séquences de sédiments fins, limons et colluvions. L’érosion et les travaux ont souvent mélangé ces industries avec celles déposées lors d’occupations pendant l’interglaciaire. Le plus ancien biface actuellement connu dans le bassin de la Loire moyenne est celui de « Moncé » à Saint-Firmin-desPrés. Trouvé dans une nappe datée de 500 ka, il pourrait provenir d’une formation alluviale plus ancienne. Cette date est toutefois conforme avec les données actuelles sur l’apparition de l’Acheuléen en Europe occidentale (Fontana et al., 2001 ; Lamotte, Tuffreau, 2001 ; Toro et al., 2001). Les dates resserrées obtenues pour les nappes D, C et B, indiqueraient un développement des industries à bifaces à partir de 400 ka et un foisonnement entre 300 et 200 ka. La production d’éclats est faite à partie de nucléus globuleux ou prismatiques à débitage orthogonal, de nucléus plans à débitage unidirectionnel, ou de nucléus pyramidaux à débitage centripète. A côté des bifaces, on observe une présence constante de galets taillés (choppers et choppingtools). Ces industries sur galets sont encore abondantes vers 400 ka (Pezou « les Grouais-de-Chicheray »). Le débitage Levallois apparaît vers 300 ka. Le travail de terrain et de datations systématiques des formations alluviales reconnues se poursuit dans ces différentes vallées et doit prochainement être élargi par l’étude d’autres secteurs de celles-ci et d’autres systèmes fluviatiles du bassin moyen de la Loire. Jackie Despriée1, Robert Gageonnet1, Pierre Voinchet1, Jean-Jacques Bahain1, Christophe Falguères1 et Jean Dépont2 1 -Département de Préhistoire du Muséum national d’Histoire naturelle de Paris, FRE 2677 du CNRS, 1, rue René-Panhard, 75013 Paris, France [email protected], [email protected], [email protected], [email protected], [email protected] 2 -Société Historique et Archéologique du Berry, 18110 Saint-Eloy-de-Gy, France
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Données récentes sur les premiers peuplements en Europe
ETUDE DIACHRONIQUE DE LA PRODUCTION DES OUTILS DANS LE GISEMENT PALEOLITHIQUE MOYEN DE RIENCOURT-LES-BAPAUME (PAS-DE-CALAIS) VANDE WALLE Hélène Résumé Le gisement de Riencourt-lès-Bapaume offre une perspective de recherche diachronique des plus intéressantes car il présente plusieurs niveaux archéologiques weichseliens qui permettent d'aborder la variabilité lithique, tout en réduisant la quantité de facteurs ayant pu l'influencer du fait d'un contexte environnemental commun.
différents niveaux de Riencourt avaient un comportement économique relativement similaire : les blocs de matière première étaient dégrossis directement sur le gîte, tandis que la mise en forme ainsi que la phase de production et de confection des outils se déroulaient in situ, avec en outre, une importation possible de produits finis (Vande Walle, 2002a). - Les chaînes opératoires
Tous les assemblages étudiés dans cet article ont fait l'objet d'une étude lithique personnelle (Vande Walle 2001 a, b, 2002 a, b, c), excepté la série CA dont les données sont issues des travaux antérieurs (Ameloot-Van der Heijden, 1991a et b, Tuffreau, Ameloot-Van der Heijden et Ducrocq, 1991, Tuffreau et al., 1993). Présentation du gisement Le gisement de Riencourt se situe dans le Pas-de-Calais, près de Bapaume (Fig.1). Il a fait l'objet d'une fouille extensive dirigée par A. Tuffreau en 1989, dans le cadre d'une opération de sauvetage sur le tracé du TGV Nord (Tuffreau et al., 1993). Il s'agit d'un gisement de plein air du Paléolithique moyen, plus précisément situé sur la partie supérieure d'un versant orienté à l'est. Le gisement se divise en deux chantiers, de part et d'autre d'un talweg fossile, colmaté par 6 m de colluvions holocènes (Fig.1). On peut évaluer à près de 1000 m² la surface complètement fouillée au nord du talweg (chantier Nord) et à 580 m² celle au sud de celui-ci (chantier Sud). De nombreux niveaux archéologiques y ont été identifiés (dans le chantier Nord, du plus ancien au plus récent H, CA, C, B2 et B1 et dans le chantier Sud, les séries III et II) (Fig.1). Les séries III et H n'ont pas été intégrées à l'étude car elles ne comportent que peu ou pas d'outils. Les séries sont généralement dans un état de fraîcheur apparent, excepté la série B2 qui présente un aspect fortement patiné bleu vermiculé. Les gîtes de matière première sont d'origine locale et se situent à proximité immédiate du site. Enfin, il est à noter que dans ce sédiment particulièrement acide, aucun reste faunique n'a été conservé. Caracteristiques générales des industries lithiques - Approche techno-économique Le découpage des phases opératoires (Geneste, 1985, Delagnes, 1992) a montré que les artisans néandertaliens des
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Dans l'ensemble, toutes les industries lithiques présentent un débitage Levallois. La méthode récurrente centripète est prédominante dans tous les assemblages. Elle est associée principalement à la méthode récurrente unipolaire dans les niveaux II et C, à la méthode préférentielle dans les niveaux B2 et B1 et aux deux dans le niveau CA. La méthode récurrente bipolaire n'est utilisée qu'occasionnellement dans les niveaux II, C et B1. D'autre part, dans les niveaux CA et C, le débitage Levallois est associé à un débitage volumétrique de lames où la méthode bipolaire prédomine sur l'unipolaire. Dans le niveau B1, des lames sont produites par le biais d'une chaîne opératoire secondaire sur fragments de nucléus ou gros éclats d'épannelage dont la forme cylindrique et allongée semble à l'origine de la sélection. - Les produits de débitage Les produits recherchés sont en général des éclats courts ou au contraire allongés, ainsi que des lames. Celles-ci sont présentes dans tous les niveaux y compris ceux qui ne comportent pas de débitage volumétrique. Il semblerait donc que la mise en place de ce dernier n'ait été qu'un moyen technique pour obtenir plus facilement des lames morphologiquement plus standardisées et en quantité plus importante. La connaissance et le savoir-faire de l'exploitation volumétrique semblent donc plutôt être liés à un phénomène culturel propre à certains groupes néandertaliens. En effet, la déclinaison des facteurs est limitée par un contexte environnemental et climatique semblable induisant probablement des activités analogues, ainsi que par des conditions similaires d'approvisionnement en matière première. Par ailleurs, on peut noter que les artisans des niveaux II, B2 et B1 ont produit des pointes Levallois, parfois en grande quantité, alors qu'elles sont quasiment inexistantes dans les niveaux CA et C.
Hélène Vande Walle
Figure 1. Localisation du gisement, présentation des chantiers et chronostratigraphie du site (d'après Tuffreau et al., 1993).
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Etude diachronique de la production lithique dans le gisement de Riencourt-les-Bapaume
Le choix des outils aménagés - Les indices typologiques En confrontant les indices typologiques (Fig.2), nous constatons que les artisans des niveaux II, C, B2 et B1 ont fabriqué leurs outils dans des proportions relativement similaires. Les outils moustériens, où dominent les racloirs simples, sont soit les plus nombreux (entre 40 et 55 %), soit en quantité équivalente aux encoches et denticulés. Les outils à bords convergents sont bien représentés (entre 20 et 30 %). Enfin, les outils de type Paléolithique supérieur sont plus rares (moins de 10 %). Parmi eux, ce sont les burins les plus fréquents, suivis par les grattoirs et les perçoirs. Le niveau CA s'individualise avec des outils de type Paléolithique supérieur dépassant les 20 % aux dépens semble-t-il des encoches et denticulés. Les outils du groupe moustérien sont aussi nombreux que dans les autres niveaux. Sur les dizaines de milliers d'années qui séparent l'occupation du niveau II de celle du niveau B1, les Néandertaliens ont donc confectionné des outillages relativement similaires, excepté dans le niveau CA. Il est donc possible d'imaginer que dans des niveaux d'habitat de plein air, correspondant globalement à des périodes climatiques froides, les hommes aient eu les mêmes besoins en outillage induisant la pratique d'activités similaires. - Les types de retouche et leur localisation Dans l'ensemble, les types de retouche les plus fréquemment utilisés par les artisans sont la retouche subparallèle (niveaux II, B2 et B1) et la retouche écailleuse (niveaux CA et C). Toutes deux sont plutôt de nature à ne transformer que faiblement les tranchants des supports. Le degré de prédétermination morphologique du support par rapport à l'outil fini est suffisamment important pour suggérer l'existence d'une sélection des supports basée sur des critères morphométriques. Par ailleurs, il est apparu que la détermination du type de retouche à employer ne semblait pas tributaire de la nature technologique du support, mais plutôt de la transformation à apporter à sa morphologie originelle afin d'obtenir le type d'outil désiré. De la même façon, le choix de l'emplacement de la partie active sur le support est directement lié à la sélection de ce dernier. En effet, les artisans semblent avoir délimités mentalement trois zones sur le support : la zone active (en contact avec la matière à transformer), la zone de préhension (permettant de manipuler l'outil de façon optimale) et la zone intermédiaire (qui ne doit pas interférer lors de l'utilisation de l'outil). La confrontation des données a montré que les parties latérales des supports étaient celles qui étaient le plus fréquemment aménagées par retouches directes. Il semble que ce soit la recherche de la plus grande longueur du support qui ait été le moteur de la sélection.
Les Néandertaliens de Riencourt ont donc sélectionné leurs supports sur des critères morphométriques de façon à réduire au minimum la phase d'aménagement pour obtenir l'outil escompté. Le choix des supports d'outils - Les supports d'outils Globalement, les néandertaliens ont utilisé les mêmes types de supports pour aménager leurs outils (Fig.3). Ce sont les éclats indifférenciés, corticaux ou non, qui ont été le plus fréquemment aménagés (entre 50 et 60 % pour tous les niveaux). Ensuite, ce sont les éclats et lames Levallois, les mieux représentés (avec plus de 25 % pour B2 et 15 à 20 % pour les autres niveaux). Notons que les lames y sont rares et qu'il n'y a pas de distinction spécifique dans leur traitement. Les pointes Levallois et les lames issues d'un débitage volumétrique sont des supports d'outils plutôt rares. Il est intéressant de confronter leur représentativité et de constater que les pointes Levallois sont utilisées comme supports d'outils dans les niveaux II, B2 et B1, tandis que les lames servent de supports essentiellement dans les niveaux CA et C et plus occasionnellement dans le niveau B1. Les finalités de production et d'aménagement des outils sont donc différentes dans ces deux groupes d'occupation archéologique. Quant aux supports à dos, ils représentent environ 10 % dans chacun des niveaux. Les couteaux à dos naturel sont plus souvent utilisés que les éclats débordants, mais il n'y a pas de différences apparentes dans leur utilisation. Enfin, les nucléus ne sont que des supports occasionnels dont la représentation varie entre 1 et 8 %. - Les indices de transformation En confrontant les indices, nous remarquons que d'une manière générale que la transformation des supports en outils est plus intense dans le niveau II (Fig.4). Les niveaux B1 et B2 arrivent ensuite, avec des données relativement similaires, suivis du niveau C. Les données de CA ne nous ont pas permis de calculer les indices de transformation. Plus en détail, il apparaît que les Néandertaliens des niveaux II, B2 et B1 ont fréquemment transformé les pointes Levallois en outils (II= 58 ; B1= 45,5 et B2= 41). Il en va de même, pour les éclats Levallois mais dans de moindres proportions. En plus de cette production de supports visiblement intentionnelle, les artisans ont su mettre à profit l'existence des supports à dos dans des aménagements d'outils peut-être plus opportunistes. L'utilisation des supports indifférenciés, quant à elle, apparaît plutôt comme secondaire dans les niveaux C, B2 et B1, alors qu'elle est plus marquée dans le niveau II. Les lames ne sont aménagées en outils que dans le niveau C et plus marginalement dans le niveau B1. Enfin, les nucléus n'ont été transformés en supports que de façon occasionnelle quel que soit le niveau.
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Hélène Vande Walle
60 50 40 30 20 10 0
II
Ca
C
IIréd.
IBC
B2
IIIréd.
B1
IVélargi
Figure 2. Composition typologique des différents niveaux archéologiques de Riencourt.
100% 80% 60% 40% 20% 0%
II Indiff.
Ca Levallois
C Pte Lev.
B2 A dos
Lame
B1 Divers
Figure 3 : Proportions des grandes catégories de supports d'outils.
60 50 40 30 20 10 0
II Indiff
C E. Lev
Pte Lev
B2 Sup. à dos
B1 Lames
Nucléus
Figure 4. Indices de transformation des supports d'outils.
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Etude diachronique de la production lithique dans le gisement de Riencourt-les-Bapaume
Les artisans ont donc su mettre à profit les différents composants de leur débitage. Ils ont également fait preuve d'anticipation, en produisant les supports dont ils avaient besoin pour l'aménagement de leurs outils.
Les supports indifférenciés sont utilisés pour aménager toutes les catégories d'outils avec une prédominance des encoches et denticulés et des outils de type Paléolithique supérieur sur les supports généralement les plus épais.
- Les relations supports / outils
Les lames issues d'un débitage volumétrique servent de supports principalement aux outils de type Paléolithique supérieur (niveaux CA et C), puis plus occasionnellement aux outils moustériens (C et B1) ou encore aux encoches et denticulés (niveau C).
En confrontant les données des différents assemblages, il est apparu que le comportement des artisans de Riencourt était similaire en bien des points. Des relations préférentielles entre les groupes de supports et les catégories d'outils semblent en effet avoir perdurées durant plusieurs dizaines de milliers d'années. Il est probable que ce soit la combinaison "critères morphométriques des supports / fonctions spécifiques des catégories d'outils" qui en soit à l'origine. Les éclats et lames Levallois sont présents dans toutes les catégories sauf celle des outils de type Paléolithique supérieur. Ils sont, en outre, plus souvent utilisés pour l'aménagement des outils moustériens, avec une dominance pour les racloirs doubles (niveaux C, B2, B1) ou les outils convergents (niveau II). Il semble qu'il y ait eu recherche de supports minces présentant de longs tranchants réguliers. Les pointes Levallois sont employées essentiellement pour l'aménagement des outils convergents (niveaux II, B2, B1). La sélection de support morphologiquement adapté à l'outil désiré apparaît ici clairement. Dans le niveau B2, elles servent aussi de supports aux racloirs doubles, puis plus rarement aux racloirs simples et aux encoches et denticulés. Dans le niveau B1, leur utilisation est similaire, mais dans des proportions plus importantes.
Les supports à dos sont utilisés pour l'aménagement de toutes les catégories d'outils, avec toutefois une légère dominance des racloirs simples et des encoches et denticulés (niveaux II, C, B2, B1). Aucune relation préférentielle ne semble s'établir pour ce groupe de support vraisemblablement opportuniste. Enfin, les nucléus ne semblent pas correspondre à une utilisation spécifique. On remarque simplement une petite prédominance des encoches et denticulés, suivie des racloirs simples. - La dimension des supports d'outils Pour les niveaux II et C, les outils ont été mesurés afin de déterminer s'il existait des constantes au niveau de la dimension des supports par catégories d'outils. Dans l'ensemble, les Néandertaliens ont choisi des supports de dimensions similaires pour y aménager les différents types d'outils (Fig.5).
80
80
60
60
40
(mm) 40
20
20
0
0
Longueur
O. Co mp .
Largeur
En co . De nt.
Bu r.
Epaisseur
gt Gr att .
S Ra D
II
O. Cv
Longueur
Ra
gt Gr att . Bu r.
Largeur
En co . De nt. O. Co mp .
Epaisseur
O. Cv
Ra
S Ra D
(mm)
C
Figure 5. Comparaison des dimensions des supports d'outils en fonction du type d'outil aménagé. Les outils moustériens ont tendance à être aménagés sur des supports de grandes dimensions, allongés et minces (Fig.6a et b). Dans le détail, les supports de racloirs simples dominent (L = 70 mm, l = 40-45 mm, e = 13-14 mm). Ceux des racloirs doubles et des outils convergents suivent avec des dimensions similaires (L = 65 mm, l = 40-50 mm, e = 11-13 mm).
Les grattoirs sont sur supports plutôt épais, très courts (L = 40 mm env.), voire plus larges que longs (niveau II), tandis que les burins ont les supports les plus étroits (30 mm en moyenne) et les plus épais (15 mm en moyenne), avec un allongement important (module >2). Les supports d'encoches présentent des moyennes légèrement inférieures à ceux des denticulés dans toutes les dimensions.
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Hélène Vande Walle
Cependant, leurs supports sont compris entre 50 et 60 mm de long et présentent une largeur d'environ 40 mm. En outre, les denticulés sont généralement sur supports plus épais que les encoches.
probable que ce soit la fonction de l'outil à aménager qui les déterminent. Apparemment, les Néandertaliens des niveaux II et C ont développé des stratégies très proches lors de la production de leur outillage. Faut-il y voir un héritage culturel et technique d'un groupe ?
L'hypothèse d'une sélection des supports selon des critères morphométriques semble donc ici se confirmer. Il est 2,5 2 1,5 1 0,5 0 Ra S
Ra D
O.Cvgt
Gratt.
Niv.II
Bur.
Enco.
Dent.
Niv.C
a 0
1
2
3
4
5
Ra S Ra D O.Cvgt Gratt. Bur. Enco. Dent. Niv.II
Niv.C
b Figure 6. Comparaison des modules (a) et sections (b) des supports d'outils (niveaux II et C). Conclusion Dans l'ensemble des niveaux archéologiques II, CA, C, B2 et B1, du gisement de Riencourt-lès-Bapaume, nous avons pu remarquer un comportement économique relativement similaire, ainsi que des modes de débitage relevant essentiellement du concept Levallois auquel s'associait un débitage laminaire de conception volumétrique dans les niveaux CA et C, probablement imputable à une influence culturelle. Dans l'ensemble, les produits obtenus sont les mêmes, avec toutefois davantage de lames dans les niveaux CA et C et de pointes Levallois dans les autres niveaux. La composition de l'outillage des niveaux II, C, B2 et B1 est très proche avec des outils moustériens dominant, des encoches et denticulés bien représentés et de plus rares outils de type Paléolithique supérieur. Dans le niveau CA, ces derniers sont plus fréquents aux dépens des outils convergents. La sélection des supports d'outils est basée sur des critères morphométriques mis en relation avec les caractéristiques
fonctionnelles de l'outil. L'utilisation prépondérante de retouches à faible pouvoir transformatif argumente cette présomption. Enfin, la production de supports spécifiques comme les pointes Levallois, montre la forte capacité d'anticipation de ces Néandertaliens. Le comportement des artisans de Riencourt se révèle donc être similaire en bien des points excepté dans le niveau CA qui semble s'individualiser. Cela pourrait suggérer que les artisans pratiquaient les mêmes types d'activités imputable à un contexte environnemental commun (topographie, climat, faune et flore, proximité des gîtes de mat. I), que des influences culturelles propres à chaque groupe néandertalien, seraient venues nuancer (modes de débitage, fabrication de certaines catégories d'outils..). Hélène Vande Walle1 1 - 40 rue des Planchette, bât.3, appt.40, 63100 ClermontFerrand, [email protected]
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Etude diachronique de la production lithique dans le gisement de Riencourt-les-Bapaume
Archéologie Française 37, Paris, 128 p., ill., tabl., cartes.
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Annexe 1 : Composition des industries lithiques
Séries Stade isotopique Surface étudiée (m²) Nombre de pièces Densité (par m²) Nombre d'outils % d'outils dans l'assemblage
CHANTIER SUD II 5c 580 m² 1930 3 356 18,4 %
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CA 5a 40 m² 5 000 125 123 2%
CHANTIER NORD C B2 5a / 4 4 40 m² 270 m² 18653 8793 500 33 386 277 2% 3%
B1 4 270 m² 16407 60 1045 6,4 %
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Données récentes sur les premiers peuplements en Europe
TRANSITION PALEOLITHIQUE MOYEN / PALEOLITHIQUE SUPERIEUR L’ECONOMIE DES RESSOURCES MINERALES AU CHATELPERRONIEN A ARCY-SUR-CURE (YONNE) CONNET Nelly
Le massif jurassique d’Arcy renferme de nombreuses cavités occupées depuis le Paléolithique moyen jusqu’à la fin du Paléolithique supérieur (fig. 1 et 2). Les fouilles d’André Leroi-Gourhan de 1948 et 1963 ont permis, à travers les grottes de l’Hyène, du Renne et du Bison, de mettre au jour une importante séquence paléolithique (Leroi-Gourhan A. et Arl., 1964). La poursuite de la fouille de la grotte du Bison est menée depuis plusieurs années par Francine David (UMR 7041, ArScAn – Ethnologie Préhistorique). Dans la grotte du Bison, le Châtelperronien succède à plusieurs couches du Paléolithique moyen récent (Farizy, 1990) et, dans la grotte du Renne, il précède un Aurignacien récemment redéfini comme Proto-Aurignacien par B. Schmider (Schmider (dir.), 2002). La densité de l’occupation paléolithique dans les cavités d’Arcy offre l’opportunité de réaliser une étude diachronique et comportementale du Châtelperronien à travers cinq couches successives dans la grotte du Renne (Connet, 2002) et une couche dans la grotte du Bison. L’étude des matières premières lithiques au sein des ensembles Châtelperroniens d’Arcy est susceptible de témoigner d’une certaine évolution comportementale, et, par comparaison avec les ensembles Moustériens et Aurignaciens qui l’encadrent, d’autoriser le rapprochement de groupes selon leurs territoires d’approvisionnement en matières premières lithiques. Les grottes d’Arcy sont creusées dans un massif calcaire du Jurassique moyen situé au débouché du massif hercynien du Morvan et dépourvu de silex. Le silex est cependant présent en position dérivée à une vingtaine de kilomètres au nord d’Arcy, dans des formations de versant et des alluvions, puis à une trentaine de kilomètres plus au nord, dans les formations Crétacés du Jovinien. Les matières premières locales exploitées sont constituées principalement par la chaille, qui est un matériau siliceux opaque, de grain plus ou moins fin, issu des formations Jurassiques locales. Les alluvions de la Cure, outre des galets de chaille, renferment des quartz, quartzites, grès et granits également représentés dans les industries châtelperroniennes. Le silex et la chaille constituent les deux principales matières premières utilisées dans la production lithique. Elles sont présentes dans l’ensemble des couches archéologiques d’Arcy et le rapport entre ces deux matériaux, notamment en raison de l’éloignement des gîtes de silex, relève de comportements singuliers. Ressources minérales dans le Châtelperronien de la grotte du Renne Les chailles et silex regroupent 97 à 99,5 % de l’industrie des différentes couches châtelperroniennes de la grotte du Renne
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(tabl. 1 et graph. 1). De la couche Xc, la plus ancienne, à la couche VIII, la plus récente, la part de silex par rapport à la chaille est en baisse sensible et progressive : la part de la chaille passe de 27 % dans la couche Xc à 62 % dans la couche VIII. Cette différence marque indiscutablement un changement dans les stratégies d’exploitations des matières minérales. Dans les ensembles châtelperroniens les plus récents, la baisse de la part du silex se fait au profit d’une chaille de texture très fine et au détriment de celles de textures grossières, lesquelles sont très minoritaires dans l’industrie et regroupent moins de 4 % des outils des différentes couches. Cette observation traduit une recherche de matière première de texture fine, à travers le silex d’une part et également par la recherche de certaines qualités de chailles. D’autre part, dans les couches les plus récentes du châtelperronien de la grotte du Renne, le silex apparaît sur-exploité (nucléus sur éclats nombreux, modules réduits). Quelle que soit la matière première utilisée, la production lithique est orientée vers la recherche de lames selon différentes modalités, la production laminaire débordante sur crête étant la plus largement représentées puisqu’elle regroupe 57 % à 70 % des nucléus et la presque totalité des produits de débitage (fig. 3). La part de silex est importante parmi les nucléus sur éclat ayant permis l’extraction de lames, montrant ainsi la surexploitation de ce matériau (fig. 4 n° 1 et 2). Ces nucléus sont nettement plus nombreux dans les couches les plus anciennes, Xc et Xb, où ils en rassemblent plus de 15 %, que dans les couches les plus récentes où ils ne dépassent pas 9 %. Cette baisse sensible de leur représentation apparaît liée d’une part à une surexploitation du silex dans les couches inférieures et d’autre part, dans les couches les plus récentes, au recours plus systématique à la production laminaire débordante sur crête. Les nucléus à production autonome d’éclats représentent entre 10 % et 18 % des nucléus de chaque couche (fig. 4 n° 3). Leur part relativement élevée est liée à une surexploitation du silex qui entraîne, dans toutes les couches, l’utilisation opportuniste de certains éclats comme nucléus. Ces derniers, bien qu’ils soient relativement abondants en termes d’effectifs, n’ont permis qu’une production très limitée d’éclats et peuvent être considérés comme marginaux dans le système de production lithique châtelperronien. La chute de la part du silex ne se répercute que très peu dans l’outillage des différentes couches châtelperroniennes, où la proportion de silex, qui est de 74 % dans la couche Xc, atteint tout de même 66 % dans la couche VIII (graph. 2).
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Pour certains types d’outils, le silex est manifestement préféré à la chaille, marquant ainsi un lien fort entre types d’outils et matières premières (graph. 3). Il s’agit principalement des pièces esquillées, exclusivement en silex dans les couches Xb et Xa, et dont la part de chaille ne dépasse pas 6 % (c. VIII). Pour d’autres outils, tels les burins, les pièces à troncatures, les pièces à dos et les pièces à retouches abruptes minces, la part de silex dépasse 60 % et peut atteindre 97 %. Par contre, la dépendance au silex apparaît moins forte pour les grattoirs, les pointes de Châtelperron, et les perçoirs et becs pour lesquels la proportion de silex peut varier au sein de chaque groupe et d’une couche à l’autre, de 30 à 50 points, ainsi que pour les racloirs, les encoches et les denticulés, dont la part de silex ne dépasse pas 67 %. Sur un plan diachronique, les taux les plus constants de silex et de chaille, définis sur un écart de moins de 20 points sur l’ensemble des couches, se situent parmi les pièces esquillées et les pièces à retouches abruptes minces pour lesquelles le silex est manifestement préféré à la chaille dans des proportions de 94 % à 100 % pour les pièces esquillées et de 74 % à 89 % pour les pièces à retouches abruptes minces. Les écarts de 20 à 30 points se trouvent parmi les burins, les pièces à troncatures, les pièces à dos, les perçoirs et becs, les racloirs, les encoches et les denticulés. Seuls les grattoirs et les pointes de Châtelperron offrent des écarts supérieurs à 30 points (53 pour les grattoirs et 33 pour les pointes de Châtelperron) montrant, pour ces outils, une relative indifférence dans le choix de la matière première (fig. 5). La baisse progressive de la représentation du silex dans l’industrie châtelperronienne, des couches les plus anciennes aux plus récentes, ne se répercute que très faiblement dans les différents groupes d’outils. Elle apparaît plus marquée parmi les grattoirs, les pièces à dos et les pointes de Châtelperron, notamment entre les deux couches les plus anciennes (Xc et Xb) et les trois plus récentes (Xa, IX et VIII). Par contre, pour d’autres groupes d’outils, notamment les racloirs, les encoches et les denticulés la part de silex augmente progressivement des couches châtelperroniennes les plus anciennes aux plus récentes, et de façon marquée dans la couche VIII, passant de 40 % en Xc à 59 % en VIII (graph. 4). Cette évolution traduit, considérant le déficit en silex des couches châtelperroniennes les plus récentes de la grotte du Renne, une préférence de en plus en plus marquée pour le silex dans les supports d’outils. À l’évidence, le silex devient le support privilégié de l’ensemble de l’outillage châtelperronien. Comparaison avec le Moustérien récent d’Arcy Dans l’ensemble des industries moustériennes des grottes du Renne, de l’Hyène et du Bison la chaille locale est majoritairement représentée, dans des proportions de 66 % à 89 % (couches IVb4 et IVb1 de l’Hyène ; Girard, 1978). Le silex est toujours le second matériau exploité et différents auteurs ont noté sa sur-représentation parmi les outils (Girard, 1978 ; Lhomme, in oralis).
Le Moustérien le plus récent des différentes cavités d’Arcy correspond aux couches E et F de la grotte du Bison. Ces deux couches, récemment étudiées par V. Lhomme, sont rapportées à un Moustérien classique ou les racloirs sont abondants, sur supports Levallois. Dans ces deux séries E et F, le silex représente respectivement 31 % et 22 % de l’industrie. Les autres matières premières présentes sont principalement la chaille, mais également en plus faible part et comme dans les industries châtelperroniennes le granite, le quartz, le quartzite et le grès. La part de silex est supérieure à celle de la chaille uniquement parmi les racloirs, et notamment parmi les racloirs convergents (Lhomme in oralis). Dans les ensembles Châtelperroniens d’Arcy, les racloirs convergents sont également très préférentiellement aménagés sur des supports en silex, et ce dans des proportions de trois sur quatre. D’autre part, dans les couches E et F, le silex Secondaire est présent dans un tiers à la moitié des cas sous forme d’outils, et pour le reste sous forme d’éclats de retouche et de petits déchets, illustrant l’introduction sur le site de la majorité des outils sous forme d’équipement (Lhomme, in oralis). La part de silex représentée dans les dernières industries moustériennes de la grotte du Bison est assez comparable à celle de la dernière couche châtelperronienne de la grotte du Renne et à la couche D du Bison. Dans cette couche, le silex représente 37 % de l’industrie et la chaille 58 % (étude en cours par N. Connet). Toutefois, dans les couches E et F du Bison, une grande part du volume de silex, un tiers à la moitié de l’ensemble, est constitué par un silex alluvial, souvent grenu et de qualité médiocre, et présent sous la forme de petits galets (V. Lhomme, in oralis). Dans les ensembles châtelperroniens du Renne, ce silex grenu ne dépasse pas 0,3 % à 3,5 % de l’industrie en silex des différentes couches. Ainsi, les derniers moustériens comme les châtelperroniens évoluent, pour l’acquisition des matières premières lithiques, dans des territoires semblables, mais leur gestion de ces ressources apparaît très différente. Comparaison avec l’Aurignacien de la grotte du Renne Le comportement des matières premières dans l’outillage châtelperronien d’Arcy est proche de celui de l’Aurignacien de la couche VII du porche de la grotte du Renne. Dans cette couche, le silex, qui représente 85 % de la totalité de l’industrie, est préféré à la chaille dans plus de 90 % des cas pour les pièces esquillées, les burins, les perçoirs, les pièces tronquées et les lamelles Dufour, à plus de 80 % pour les grattoirs et les pièces à dos, et à plus de 50 % pour les racloirs, les encoches et les denticulés (Schmider (dir)., 2002). Ainsi, le comportement du silex dans l’outillage de la couche VII est très comparable à celui des couches châtelperroniennes les plus anciennes, où le silex est très bien représenté, comme de celui des couches châtelperroniennes les plus récentes, malgré la pénurie de silex. Les informations recueillies à travers le débitage brut de la couche VII montre que le silex est exclusivement employé pour la production laminaire. La chaille, largement sousreprésentée par rapport au silex, est alors réservée à la
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production d’éclats et à la recherche d’éclats laminaires selon des modalités simples tirant partie de la configuration initiale des blocs de chaille (Bon et Bodu in Schmider (dir.), 2002). Le traitement de la chaille et du silex apparaissent donc différenciés dans l’Aurignacien alors que dans le Châtelperronien de la même grotte, les deux matériaux sont exploités de façon semblable. De plus, la baisse de la représentation du silex dans les couches châtelperroniennes les plus récentes accentue d’autant cette différence, la chaille étant alors le matériau privilégié pour l’obtention de lames. Toutefois, la composition de l’outillage châtelperronien montre un choix porté délibérément sur le silex, d’une façon de plus en plus net dans les couches les plus récentes, et se rapproche en cela de l’Aurignacien d’Arcy. Dans l’Aurignacien du porche de la grotte du Renne, comme dans les ensembles châtelperroniens et moustériens qui le précèdent, les préhistoriques ont exploité, de façon plus ou moins importante et avec plus ou moins de succès, un silex alluvial de médiocre qualité et sans doute relativement locale et/ou d’accès aisé. Les couches IX à VII du Renne et la couche D du Bison renferment, par contre, des silex très spécifiques, absents des niveaux antérieurs : il s’agit, dans les couches IX et VII d’éclats de silex jaspéroïdes orangés, et dans les couches VIII et VII du Renne et D du Bison d’éclats de silex zoné beige. Ils sont présents dans ces couches dans des proportions de l’ordre de 1 % (Connet, 2002 ; Schmider (dir.), 2002) et quelques pièces isolées ont également été mises au jour dans les niveaux moustériens de la grotte du Bison (V. Lhomme, in oralis). Les similitudes relevées entre les dernières manifestations du Châtelperronien à Arcy et la couche VII aurignacienne semblent montrer, pour ces ensembles, un territoire d’approvisionnement en matières premières assez similaire et plus varié que dans les couches Xc, Xb et Xa où le silex Crétacé fin est principalement représenté aux côtés de la chaille. Conclusion La relative pénurie de silex Crétacé dans l’environnement proche des cavités d’Arcy génère des comportements spécifiques aux divers groupes préhistoriques qui se sont succédé dans ces abris. La gestion de ce matériau apparaît différente suivant les groupes et montre dans tous les cas un comportement singulier qui se traduit, dans les ensembles moustériens et châtelperroniens, dans son association avec certains types d’outils, puis, dans les ensembles châtelperroniens et aurignaciens, par la généralisation de l’emploi de cette matière première dans la constitution de l’assemblage lithique. Ainsi, la préférence pour le silex dans la confection de certains types d’outils, qui est déjà perceptible dans le
Moustérien récent d’Arcy, est fortement marquée dans le Châtelperronien où elle devient presque exclusive pour certains outils, cette tendance s’accentuant dans les couches les plus récentes du Châtelperronien au regard de la totalité de l’industrie. Enfin, les industries aurignaciennes d’Arcy montrent un comportement proche du Châtelperronien, mais dans ce cas, c’est l’ensemble de l’industrie qui est dominée par le silex, comme dans les couches Xc, Xb et Xa. L’importance du volume de silex taillé et de restes fauniques, la présence d’une industrie osseuse bien développée, l’anthropisation complète des couches Xa, Xb et Xc évoquent une occupation humaine dense et continue du porche de la grotte du Renne durant l’interstade des Cottés et le milieu du Pléniglaciaire (David et al., 2001 ; Julien et Connet, sous presse). L’occupation aurignacienne apparaît également assez dense et correspondrait selon B. Schmider à un camp de base pour un groupe humain important (Schmider (dir.), 2002). Dans les couches châtelperroniennes IX et VIII de la grotte du Renne, comme dans la couche D du Bison, la présence de restes d’ursidés montre une occupation en pointillés de ces porches. Si le volume de vestiges lithiques y est important, l’augmentation de la part des chailles indique une quête plus immédiate de la matière première. De plus, l’industrie osseuse comme la parure sont moins nombreuses dans ces deux couches que dans les couches X, ce qui semble indiquer des différences d’activités entre ces deux ensembles (Julien et Connet, sous presse). L’importance des restes d’ursidés dans l’ensemble des couches moustériennes d’Arcy indique que les Hommes et les ours ont occupé tour à tour ces porches. L’approvisionnement massif en matières premières lithiques locales et l’intrusion de pièces manufacturées en silex semble montrer que le Moustérien récent d’Arcy résulte de fréquentations répétées par des Hommes évoluant dans un territoire large. Les ensembles châtelperroniens des couches les plus récentes paraissent représenter également le bilan de fréquentations répétées plutôt que le résultat d’une occupation continue et dense, cette dernière paraissant plus conforme à la configuration des couches X et VII du porche de la grotte du Renne. Ces divers éléments tendent à montrer que les différences d’ordre quantitatives entre les différentes matières premières exploitées dans les industries d’Arcy sont le reflet de changements dans le type d’occupation (fréquence, durée…) mais n’affectent pas le choix des Hommes du Châtelperronien pour lesquels le silex apparaît la matière première privilégiée dans la confection des outils, et ce, de façon plus marquées dans les couches châtelperroniennes les plus récentes. En cela, les Châtelperroniens d’Arcy montrent un comportement de plus en plus éloigné des groupes Moustériens et de plus en plus semblable à celui des occupations paléolithiques postérieures.
Les différentes informations rapportées ci-après sur l’industrie lithique des couches E et F de la grotte du Bison tiennent compte des fouilles récentes et nous ont été aimablement transmises par V. Lhomme (UMR 7041, ArScAn, Ethnologie Préhistorique). Nelly CONNET
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INRAP et UMR 7041 – ArScAn, Ethnologie Préhistorique, Maison René Ginouvès, 21 allée de l’Université, F-92023 Nanterre cedex. Bibliographie Connet N. (2002), Le Châtelperronien : réflexions sur l’unité et l’identité techno-économique de l’industrie lithique ; l’apport de l’analyse diachreonique des industries lithiques des couches châtelperroniennes de la grotte du Renne à Arcy-sur-Cure (Yonne), Thèse de doctorat de l’Université des Sciences et Technologie de Lille, 446 p., 79 fig. David F., Connet N., Girard M., Lhomme V., Miskovsky J.C. et Roblin-Jouve A. (2001), Le châtelperronien de la grotte du Renne à Arcy-sur-Cure (Yonne), Données sédimentologiques et chrono stratigraphiques, Bulletin de la Société Préhistorique Française, t. 98, n° 2 : 207-230. Farizy C. (1990), Du Moustérien au Châtelperronien d’Arcy : un état de la question, in : Farizy (dir.), Paléolithique moyen récent et Paléolithique supérieur ancien en Europe, Actes du colloque international de Nemours 9 - 11 mai 1988, Mémoire du Musée de Préhistoire d’Ile-de-France, 3, 1990, pp. 281 289.
Girard C. (1978), Les industries moustériennes de la grotte de l'Hyène à Arcy-sur-Cure (Yonne), Paris CNRS, XIème supplément à Gallia préhistoire, 224 p., 77 fig. Girard C. (1980), Les industries moustériennes de la grotte du Renne à Arcy-sur-Cure (Yonne), Gallia Préhistoire, t. 23, fasc. 1 : 1-36. Julien M. et Connet N. (sous presse), Espaces territoires et comportements des Châtelperroniens et Aurignaciens de la grotte du Renne à Arcy-sur-Cure (Yonne). Leroi-Gourhan Arl. et A. (1964), Chronologie des grottes d'Arcy-sur-Cure (Yonne), Gallia Préhistoire, t. 7, p. 1-64, 28 fig. SCHMIDER B. (dir.) (2002), L’Aurignacien de la grotte du Renne, XXXIVième supplément à Gallia Préhistoire, CNRS Éditions, 309 p., 167 fig.
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Figure 1 : localisation géographique des grottes d’Arcy-sur-Cure (Sources I.G.N. 1/25 000 – 2721 O/E)
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Figure 2 : position des principales grottes préhistoriques d’Arcy-sur-Cure (d’après Girard, 1978, modifié)
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Figure 3 : nucléus à lames, 1 – chaille (couche IX), 2 – silex (couche Xc)
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Figure 4 : 1 et 2 - nucléus sur éclat en silex (1, couche Xb ; 2, couche Xc) ; 3 – nucléus à éclat en chaille (couche Xa)
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Figure 5 : pointes de Châtelperron - 1, 2 et 5 en silex ; 3, 4 et 6 en chaille (1, couche Xc ; 2 et 3, couche Xb ; 4, couche Xa ; 5, couche IX ; 6, couche VIII)
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Effectifs total de l’industrie lithique
Xc
Xb
Xa
IX
VIII
14 320
38 759
9 605
11 856
8 763
Total
83 303
Tableau 1 : décompte total des industries lithiques châtelperroniennes des couches Xc à VIII de la grotte du Renne à Arcy-sur-Cure.
Graphique 1 : représentation des principales matières premières dans les industries des cinq couches châtelperroniennes de la grotte du Renne à Arcy-sur-Cure
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Graphique 2 : diagramme représentant la part de silex dans l’outillage des différentes couches châtelperroniennes de la grotte du Renne à Arcy-sur-Cure
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Graphique 3 : représentation de la part de silex dans les principaux groupes d’outils des différentes couches châtelperroniennes de la grotte du Renne à Arcy-sur-Cure
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Graphique 4 : diagramme représentant la part de silex dans les deux principaux ensembles d’outils des différentes couches châtelperroniennes de la grotte du Renne à Arcy-sur-Cure
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Données récentes sur les premiers peuplements en Europe
LE MOUSTERIEN A DENTICULES, UN FACIES TAPHONOMIQUE DU MOUSTERIEN ? CASPAR Jean-Paul, MASSON Bertrand, VALLIN Luc La fouille d’un site d’atelier de débitage à Hermies, où les outils ne sont représentés que par des encoches, denticulés et retouches marginales d’origine taphonomique, nous a amené à ré-examiner les conditions de gisement des assemblages lithiques attribués au Moustérien à Denticulés. Un certain nombre de corrélations ont été observées, qui peuvent être expliquées par des facteurs post-dépositionnels de nature diverse. Examen critique du Moustérien à denticulés La reconnaissance du Moustérien à denticulés, « plus ou moins soupçonné par divers auteurs (Pittard, Darpeix) » (Bordes 1984 : 155), est revendiquée par François Bordes (Bourgon 1957 : 5), mais Maurice Bourgon a largement contribué à sa définition (Bordes et Bourgon 1951). Ce dernier a préconisé l’indice de racloirs comme outil de distinction du sous-groupe à denticulés (Bourgon 1957 : 3740) au sein d’un groupe baptisé « Moustérien, type Moustier » qui englobe également le Moustérien typique et le MTA. Les gisements-types de ce faciès à denticulés étaient la couche F du Moustier et surtout le gisement de la Métairie à Belcayre1, auxquels Bourgon ajoutait : - le niveau supérieur de l’Abri Blanchard, - la couche H du Moustier (tous les deux rattachés au MTA par Bordes, qui ajoutait par contre au « vrai Moustérien à denticulés » les couches alpha (=38), F, G (=14) et J de Combe-Grenal). Une distinction était opérée au sein du sous-groupe à denticulés selon l’abondance relative des couteaux à dos. La couche 2 de la Micoque, présentant un graphique cumulatif proche du Moustérien à denticulés, était cependant maintenue comme éponyme du Tayacien créé par Breuil (faciès dont Bordes niait l’existence), essentiellement en raison de la faiblesse du débitage Levallois et de l’épaisseur des éclats ; Bourgon rattachait également au Tayacien : - le Pech de l’Azé II (Moustérien à denticulés pour Bordes), - la couche A de La Ferrassie (id.), - la brèche de la couche 3 de la Micoque, - Combe-Capelle, - Fontéchevade, - la couche I du Moustier, abri inférieur et le niveau roulé de la grotte classique du Moustier. Dans un état des lieux posthume, publié en 1984, Bordes distingue dans le Moustérien à denticulés plusieurs faciès, ceux à débitage Levallois et ceux à débitage non Levallois. On remarquera que le Moustérien à denticulés n’a été reconnu, au départ, que dans des gisements de grotte. Son identification dans des gisements de plein air est tardive, si l’on excepte le gisement d’Evreux II (Bordes 1954 : 83-91 et 441-442) qui resta longtemps unique.
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Dès l’origine, le Moustérien à denticulés est défini par défaut, le regroupement de ces gisements ne venant pas de ce que « les éclats denticulés y soient toujours en proportions écrasantes (il y en a parfois autant et même plus dans certains Moustériens de tradition acheuléenne), mais parce que la carence des autres formes bien définies, caractéristiques habituellement du Moustérien, laisse la prédominance aux éclats denticulés » (Bourgon 1957 : 108-109) ; il « s’individualise nettement par l’absence de belles pièces et des pièces typiques ordinaires : bifaces, pointes, racloirs ; c’est dans toute la force du mot un Moustérien de carence » (ibid ., 114), dont Bourgon reconnaît la faible homogénéité (ibid., 115)2. Une telle situation peut s’expliquer de deux manières : - soit les denticulés correspondent à une (ou des) activité(s) particulière(s) qui peu(ven)t sur certains sites être la (ou les) seule(s) patiquée(s) : théorie du faciès économique, qui a paru confortée par certains résultats tracéologiques liant les encoches et denticulés au travail du bois (Beyries 1987), - soit la fabrication de denticulés est un phénomène épigénique indépendant de la structure de l’outillage, à laquelle il se superpose ; cette situation devient alors compréhensible. On peut faire un parallèle avec une autre catégorie d’outils, celle des éclats à retouche abrupte ou alterne, mince ou épaisse, biface ou sur face plane (n°45 à 50 de la liste-type Bordes), pour lesquelles Bordes manifestait quelques hésitations puisqu’il avait choisi de les écarter dans un décompte parallèle au décompte global3. Par exemple, à propos des retouches abruptes et alternes épaisses d’Evreux II, Bordes note : « ici, comme ailleurs, elles sont suspectes, d’autant plus que des phénomènes de solifluction et de cryoturbation ont probablement affecté le cailloutis » (Bordes 1954 : 87). Cette suspicion n’épargne pas les denticulés euxmêmes puisque Bordes note : « on attribue souvent par erreur (au Moustérien à denticulés) des industries concassées » (Bordes 1984 : 158), « (les) actions naturelles arrivent parfois à simuler de petits grattoirs à retouche abrupte, des encoches, des denticulés, des becs burinants alternes » (Bordes 1961 : 58). Il est d’ailleurs troublant que les outils autres que les denticulés, lorsqu’il existent sur les sites de Moustérien à denticulés, soient, d’après Bordes lui-même, « souvent très médiocres » (Bordes 1981 : 79) ou atypiques. Il faut aussi citer une troisième hypothèse, moins globalisante que les précédentes, qui voit dans certains denticulés une étape dans la chaîne opératoire de fabrication de racloirs de type Quina (Verjux 1988) ; dans cette appréhension « dynamique » de la typologie, proche des travaux de H. Dibble, sont distingués : « les denticulés clactoniens s’inscrivant dans une chaîne opératoire de fabrication de racloirs ; les denticulés clactoniens irréguliers ou obtenus par encoches retouchées (…) ; les pièces classées à tort (…)
Jean-Paul Caspar, Bertrand Masson, Luc Vallin
parmi les denticulés » (Verjux 1988 : 199). Les « vrais denticulés » sont identifiés avec la deuxième catégorie, la dernière catégorie comprenant des pièces résultant d’actions naturelles et des denticulations dont l’intentionnalité est discutable (bords de nucléus par exemple). Examen critique des denticulés et encoches : bref historique Encoches (ou coches) et denticulés sont liés dans la mesure où les seconds sont souvent considérés comme résultant d’une juxtaposition d’encoches (Bordes 1961 : 36 ; de Heinzelin 1962 : 40 ; Tixier 1963 : 117, 121)4. La plupart des auteurs ont distingué, parmi ces dernières, les « encoches vraies », résultant de retouche volontaire unique (encoche clactonienne de F. Bordes) ou multiple d’un bord et les « encoches d’utilisation » dues au « raclage, par exemple, d’un objet dur à section arrondie » (Bordes 1961 : 35). La distinction est, d’après Bordes, pratiquement impossible à faire, si bien que certains auteurs ont nié aux encoches et denticulés tout caractère d’intentionnalité : « les lames denticulées ne sont pas le produit d’une industrie à retouches intentionnelles et par cela même ne rentrent pas dans la catégorie des objets à usage déterminé (…) à notre avis, ce sont des outils de fortune utilisés au hasard des besoins et qui sont ébréchés par le travail, comme le démontre l’irrégularité en largeur et en profondeur du crénelage des bords » (Péquart et al. 1937 : 80). Il reste que cette fabrication par l’usage se heurte à des difficultés de reproduction expérimentale. Peu nombreux sont en fait les auteurs qui se sont penchés sur la description des retouches elles-mêmes, ce qui explique certainement la grande confusion régnant dans l’emploi des termes « encoche » et « denticulé », d’autant qu’il peut présenter des recouvrements progressifs avec d’autres types d’outils (grattoirs denticulés, grattoirs à encoche, racloirs concaves,…). J. Tixier est un des rares auteurs à avoir donné une description précise des coches d’utilisation, soulignant certains critères diagnostics comme l’étendue de la retouche, l’absence de contre-bulbe, l’émoussé du bord au fond de l’encoche, qui assimilent ces retouches à une retouche par pression (Tixier 1963 : 121). Quant à l’origine purement accidentelle des encoches, elle peut être « un simple écrasement du bord de l’éclat par un petit galet dans la couche » (Bordes 1961 : 35) ; de même, « les tassements, piétinements de couches, cryoturbations, peuvent fabriquer en série des pseudo-denticulés » (ibid., 36). Il existe cependant, d’après le même auteur, des moyens macroscopiques de distinguer ces pseudo-outils : les encoches accidentelles montrent des traces d’écrasement au fond de l’encoche, les pseudo-denticulés montrent des traces de concassage et de lustrage ; le contexte sédimentaire est évidemment aussi un indicateur. Des précisions ont été apportées par D. de Sonneville-Bordes sur les caractéristiques distinctives des pseudo-outils : « quand la retouche est humaine, l’encoche est nette et limitée, alors qu’elle est souvent (…) à retouches alternes généralement épaisses, à bords écrasés, si elle est le résultat d’actions mécaniques ; de même des outils denticulés fabriqués par l’homme sont peu fréquemment à retouches alternes sur le même bord, alors
que c’est la règle pour ceux produits par des causes naturelles. Enfin, les objets (…) piétinés (sont) souvent striés. » (de Sonneville-Bordes 1960 : 31). On remarquera que ces observations rentrent partiellement en contradiction avec l’opinion de F. Bordes sur les pseudo-denticulés à microdenticulation « qui se produisent lorsqu’on utilise un éclat brut pour scier un objet dur (…) dans ce cas la retouche est souvent alterne et irrégulière » (Bordes 1961 : 36). La fouille d’un premier gisement moustérien à Hermies (Pasde-Calais) entre 1993 et 1996 suivie de la fouille, sur le territoire de la même commune, d’un deuxième gisement très comparable entre 1997 et 2003, a fourni une illustration archéologique confortant certaines hypothèses soulevées par l’expérimentation pour expliquer la multiplication des encoches et denticulés dans certains gisements (voir en particulier les expériences de Mc Brearty et al. 1998 ; cet article contient un historique assez complet des travaux sur le piétinement). Les pseudo-outils d’Hermies et leurs pseudo-usages Le site d’Hermies - le Champ Bruquette appartient à un ensemble de gisements du Paléolithique moyen découverts il y a un siècle dans une petite vallée affluente de l’Escaut, à l’occasion du creusement d’un canal. Nous en avons repris l’étude dans le cadre d’une recherche programmée. Le niveau supérieur du Champ Bruquette, daté du Pléniglaciaire inférieur weichsélien (début du stade isotopique 4), est pour sa plus grande part dans un état de conservation exceptionnel, grâce à sa situation dans un sédiment fin, rapidement déposé, et grâce à une couverture loessique épaisse de plusieurs mètres ; des variations latérales de la paléotopographie ont cependant entraîné des perturbations localisées, qui nous ont permis de mesurer l’impact des facteurs post-dépositionnels sur la distribution des artefacts lithiques et sur leur altération macro- et microscopique (Vallin, Masson et Caspar, sous presse). Les remontages, couplés à l’analyse spatiale, ont montré que les amas, au nombre d’une dizaine, correspondent à des postes de débitage d’éclats Levallois préférentiels, in situ, non perturbés dans la plupart des cas, dans lesquels aucun prélèvement n’a été effectué par les préhistoriques, en dehors des éclats Levallois. La quasi-totalité de l’industrie lithique (près de 5000 objets de dimension supérieure ou égale à 20 mm) se trouve au sein des ces amas, séparés par des zones vides. Une analyse typologique classique, basée sur les critères définis par la liste-type de Bordes, montre une domination écrasante des encoches et denticulés (74,9 % en décompte essentiel), suivis par les retouches marginales (n°45 à 50 de la liste-type): 32,6 % en décompte réel, puis par les couteaux à dos naturel (11,7 % ess.). Les autres outils (racloir, grattoir,…) ne représentent que 7,6 % de l’outillage en décompte réel. L’analyse spatiale intra-site, couplée à l’analyse technologique de l’ensemble de la série lithique d’Hermies, en se basant principalement sur les remontages, a permis de démontrer que la retouche apparente de la totalité de ces artefacts, quelle que soit leur situation dans la chaîne
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Le Moustérien à denticulés, un faciès taphonomique du Moustérien ?
opératoire, ne présente aucune indication d’intentionnalité. Les arguments sont : - l’absence de toute trace d’usage microscopique, autre qu’un poli -de répartition aléatoire sur les objets- d’aspect semblable au poli de bois ; or ce stigmate concerne strictement les artefacts situés dans la zone perturbée du site. Un tel poli d’altération a d’ailleurs pu être reproduit par des expériences manuelles (Caspar J.-P., Masson B. et Vallin L. 2003) ; - la variabilité non significative des supports concernés par les modifications macroscopiques (variété dimensionnelle, morphologique, technologique, etc.) ; - la localisation et l’aspect des pseudo-retouches sur les bords (dans la plupart des cas une faible portion du bord est concernée, avec une répartition aléatoire sur le pourtour du support ; la retouche est souvent marginale, de direction variée ; les encoches sont souvent très étroites -autour de 5 mm d’ouverture- et peu profondes) ; - la situation des pseudo-outils au sein des postes de débitage, contradictoire avec l’idée d’un prélèvement pour leur utilisation : il faudrait supposer que les supports ont été prélevés dans les différents amas, retouchés, puis remis exactement dans leur amas d’origine ; - le remontage de pseudo-esquilles de retouches sur le support modifié, au sein du même quart de m² : c’est par exemple le cas d’un éclat cortical provenant d’une ébauche de mise en forme Levallois (remontage AB90/9) au sein de l’amas 3 ; le bord distal de cet éclat porte une cassure en croissant, une petite encoche clactonienne et une encoche retouchée directe large de 17 mm et profonde de 3 mm : le fragment proximal et le fragment distal d’une esquille de retouche (mesurant 18 x 16 x 4 mm), trouvés à proximité immédiate de l’éclat, ont été remontés sur le négatif de l’encoche (Fig. 3). D’autres observations fines, concernant la position précise des objets « retouchés », ont été effectuées à l’occasion de la fouille des amas ; elles peuvent éclairer les conditions de genèse des pseudo-outils. Ainsi un éclat (A98/351), appuyé obliquement sur la face dorsale d’un autre éclat au sein de l’amas 2, présentait, sur le bord tangent, de fines denticulations formées d’une succession de minces cassures en croissant ; d’autres éclats voisins présentaient également des modifications des bords, dont un petit éclat esquillé sur son bord droit distal par écrasement sur un artefact sousjacent. Ces observations ont été confortées et complétées par un certain nombre de remarques effectuées lors de la fouille du site voisin du Tio Marché, dont le niveau principal, daté du Pléniglaciaire moyen weichsélien (stade isotopique 3), a livré près d’une trentaine de postes de débitage. Les deux gisements, distants de 900 mètres, ont de nombreux points communs, en particulier leur position topographique, au débouché d’un petit vallon dans le versant méridional de la vallée, la remarquable conservation à la fois des artefacts lithiques et des structures et la fonctionnalité des deux sites, consacrés au débitage d’éclats Levallois préférentiels.
Lors de la fouille de l’amas R12 de la section 13, il fut remarqué qu’un éclat laminaire (S12/111), reposant sur sa face dorsale, présentait une encoche clactonienne inverse bien marquée (large de 13 mm, profonde de 4 mm) au contact précis de son bord mésial droit et de la nervure d’un petit éclat sous-jacent (Fig. 4) ; il est intéressant de noter que les artefacts présents dans un rayon de 10 cm présentent pour la plupart des modifications postérieures au débitage : denticulations des bords en contact avec d’autres artefacts, fines ébréchures du pourtour, cassures en croissant, écrasement des bords de cassure ou des nervures, bright-spots localisés, etc. Un cas semblable a été observé dans l’amas K/L8 de la section 13, où un éclat (K8/5) présentait, sur le bord droit, une encoche clactonienne au contact avec le bord d’un éclat sous-jacent redressé et une retouche directe abrupte contigüe et un éclat voisin (K8/9) présentait une encoche inverse retouchée sur le bord gauche distal, au contact avec le bord abrupt d’un éclat sous-jacent (Fig. 5). Les exemples qui viennent d’être cités concernent la zone du gisement où les amas de débitage se situent dans un loess très homogène sus-jacent à un horizon de sol interstadiaire, où les seuls éléments grossiers sont les artefacts en silex. Il en va différemment dans la partie basse du site, parcourue par un vallon fossile, où plusieurs niveaux archéologiques stratifiés, contenus dans de minces horizons limoneux séparés par des lits sableux ou gravillonneux, reposent sur un cailloutis de silex grossier. Des observations équivalentes ont cependant pu y être effectuées : dans un cas, un éclat Levallois reposant sur la face ventrale présentait une encoche directe marquée sur un bord, au contact avec l’aspérité d’un caillou de silex sous-jacent ; les esquilles de retouche étaient encore en place au fond de l’encoche. A proximité immédiate, dans le même niveau, un autre éclat Levallois, cassé transversalement en deux in situ, reposait sur le saillant d’un caillou sous-jacent. Un échantillonnage typologique portant sur les différentes zones du gisement donne des résultats très comparables à ceux que l’on a obtenus au Champ Bruquette (Tabl.1) : les encoches et denticulés dominent très largement, surtout en décompte essentiel. Les éclats présentant des esquillements des bords sont très nombreux ; la localisation des retouches, leur direction, leur étendue sur le pourtour et leur extension sur les faces des supports sont extrêmement variables. L’intensité de la retouche peut aller jusqu’à la création de simili-racloirs ou de simili-grattoirs, voire de burins d’angle ou de perçoirs lorsque la morphologie du support s’y prête ; seul le contexte permet alors d’écarter ces pseudo-outils. Un test tracéologique sur un échantillon important a montré l’absence de stigmates microscopiques sur les encoches, denticulés et éclats à retouches diverses, hormis six cas ; ceux-ci correspondent en fait à des éclats préférentiels, sur lesquels la localisation des traces d’usage est, dans quatre cas, déconnectée de celle des retouches. Les deux derniers cas comprennent chacun un bord utilisé pour la boucherie, présentant des retouches d’utilisation régulières.
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Jean-Paul Caspar, Bertrand Masson, Luc Vallin
Nombre total Encoches Denticulés Eclats retouchés Racloirs Racloirs atypiques Grattoirs Grattoirs atypiques Couteaux à dos Perçoirs Burins Troncatures Eclats Levallois mâchurés Rabot Total des artefacts retouchés Total des artefacts étudiés
102 63 137 8 3 6 24 6 2 5 2 6 1 366 6070
% des artefacts retouchés 27,9 17,4 37,7 2,2 0,8 1,6 6,5 1,6 0,5 1,4 0,5 1,4 0,3
Nombre d’objets soumis à un examen tracéologique 27 7 37 4 0 0 1 2 0 1 1 4 1 85 192
Nombre d’objets présentant un poli d’usage microscopique 1 (sur éclat Levallois) 1 (sur éclat Levallois) 4 (sur éclat Levallois) > ou = 1 0 0 0 0 1 0 8 14
Tableau 1. Décompte typologique portant sur un échantillonnage d’artefacts en silex de Hermies – le Tio Marché.
L’absence de trace microscopique d’usage sur la totalité des encoches et denticulés d’Hermies ne constitue pas le seul argument à l’encontre d’une intentionnalité ou d’un usage de ces pièces ; c’est bien l’analyse spatiale qui fournit les principales objections, en montrant une localisation préférentielle au sein des amas, sièges favorables à la création de pseudo-outils. Discussion sur les processus générateurs de pseudo-outils en silex Une encoche (ou un denticulé) est le résultat de l’exercice d’une force sur un ou plusieurs points adjacents d’un bord, dont le résultat est un enlèvement de matière créant une délinéation concave ou denticulée. Cette force peut revêtir théoriquement plusieurs aspects : - un ou plusieurs chocs ponctuels d’un saillant dur sur un bord ; l’origine peut en être accidentelle (chute d’un éclat sur un objet dur ou l’inverse, entrechoquement d’artefacts et/ou d’objets durs dans un sédiment en mouvement) ou anthropique (façonnage d’un bord ou utilisation en percussion lancée -ou posée avec percuteur- sur un objet dur) ; - une pression exercée ponctuellement sur un ou plusieurs points d’un bord ; l’origine peut être accidentelle (piétinement anthropique ou animal, pression de racines arbustives, etc.) ou anthropique (façonnage d’un bord ou utilisation) ; - certains bords denticulés peuvent résulter d’une combinaison de ces différents processus sur des portions adjacentes d’un même bord. La dimension temporelle doit
être prise en compte : la répétition sur la durée des chocs et pressions pouvent aboutir à la création d’un bord denticulé par la juxtaposition de plusieurs générations d’encoches accidentelles. La question est de savoir s’il est possible, comme l’ont suggéré F. Bordes et J. Tixier (puis d’autres à leur suite), de mettre en exergue des critères macroscopiques ou microscopiques susceptibles de discriminer les origines et les processus de formation des coches, isolées ou adjacentes. Les denticulés façonnés expérimentalement (Caspar 1988) présentent des coches sur lesquelles s’observent un contrebulbe fréquemment prononcé, et dans certains cas des lancettes. L’observation microscopique des bords denticulés a montré la présence non systématique de marques de façonnage au percuteur dur sous la forme de stries additives en ruban sur la face opposée au détachement, adjacentes à la concavité. Une expérience de piétinement d’un amas reconstitué, menée en septembre 2003, nous a permis d’obtenir, dès le premier passage, une modification des bords, qui s’est intensifiée au fur et à mesure du piétinement. Des coches présentant un contre-bulbe ont pu être observées, identiques à celles reconnues au sein des amas d’Hermies (Fig. 4); la formation de ces retouches est liée aux pressions exercées sur les bords en contact avec une arête sous- (ou sus-) jacente, qui joue alors le rôle d’enclume. On peut d’ores et déjà, au vu de cette expérimentation, introduire une différenciation entre l’encoche clactonienne, obtenue de façon instantanée par une pression ponctuelle brève et l’encoche retouchée, obtenue par une pression plus appuyée.
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Le Moustérien à denticulés, un faciès taphonomique du Moustérien ?
Site
Nombre Encoches Retouches % des total + abruptes autres outils d’artefacts denticulés et alternes retouchés en silex (ess.) (réel) dans la série
Sites de plein air Hermies Champ Bruquette niv. principal Evreux II
Fonction d’atelier
Sédiment encaissant
4670
74,9 %
32,6 %
0,5
Oui (amas)
Loess
467
83,7 %
14,6 %
1,5
?
Biache-Saint-Vaast couche D1
2683
51,0 %
27,2 %
0,4
Oui
Houppeville (Moust. typ. -fouille)
629
37,1 %
22,7 %
7,2
La Madeleine-sous-Loing
676
39,2 %
39,0 %
5,5
Oui (amas démantelés) ?
Lorrez-le-Bocage
1500
23,7 %
?
1,7
Oui (amas)
Saint-Vaast-la-Hougue chantier I, niv. sup. Salouel série 1974
3405
45,6 %
20,9 %
?
Oui (amas)
943
68,9 %
19,6 %
1,3
Oui
Cailloutis fluviatile de silex et craie
Sites en position d’abri La Cotte Saint Brelade couche G Fermanville Port Pignot III Goaréva couche 2 et surface
4600 575 6900
53,6 % 37,3 % 40,0 %
31,4 % 10,5 % 0 (nc ?)
3,7 5,9 5,3
? Oui Oui
Gouberville
5212
60,1 %
?
?
Oui (amas)
Grainfollet, série 2 Saint-Germain-des-Vaux Port Racine sect. 4 Siouville
? 449
42,9 % 80,0 %
17,4 % 7,4 %
? 0,4
Oui (amas) Oui (amas)
275
57,1 %
14,3 %
0,7
Oui (amas)
Tréauville secteur 1 Sites en grotte Arcy - Bison couche 1 Arcy - Hyène couche IVa
273
57,2 %
0
1,1
Oui
Sable granitique Head Limon sableux et blocs Sable limonoargileux ? Limon gleyifié avec blocs Plage marine fossile Dune
162 1501
41,2 % 33,0 %
28,9 % 35,1 %
9,3 11,3
? ?
Arcy - Renne couche 13 Baume de Gigny couche XVI
160 384
28,3 % 44,1 %
35,5 % 4,5 %
13,8 2,3
? ?
Echenoz-la-Maline couche V
88
29,5 %
2,3 %
4,5
?
Sites spécialisés d’abattage Le Roc I
2415
65,7 %
?
3,6
La Borde (silex seul)
101
54,3 %
11,6 %
13,9
Mauran (silex seul)
891
65,6 %
?
2,1
Oui (+ faune spécialisée ?) Oui + faune spécialisée Oui + faune spécialisée
Cailloutis de silex Petit cailloutis diffus Limon Argile avec cailloutis Cailloutis de silex Loess et head
Eboulis Argile à cailloutis anguleux Eboulis de dalle Cailloutis à matrice argileuse Blocs et plaquettes calcaires Eboulis de pente Cailloutis hétérométrique Argile à blocs calcaires
Tableau 2. Sites français attribués au Moustérien à Denticulés ou à un Moustérien enrichi en encoches et denticulés.
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Jean-Paul Caspar, Bertrand Masson, Luc Vallin
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Le Moustérien à denticulés, un faciès taphonomique du Moustérien ?
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Jean-Paul Caspar, Bertrand Masson, Luc Vallin
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Jean-Paul Caspar, Bertrand Masson, Luc Vallin
Par contre, si la force s’exerce sur un éclat dont le bord est en appui sur une surface convexe dure (zone bulbaire, ondes de choc, ...), l’expérimentation, comme l’observation archéologique (le Champ Bruquette, cf. supra), montre que la résultante est la formation d’un bord denticulé constitué de cassures par flexion jointives, droites ou à languette, en forme de croissant ; il faut, dans ce cas, souligner l’absence de contrebulbe sur les faces de cassure. La fréquence de telles cassures pourrait d’ailleurs être un bon indicateur de phénomènes taphonomiques, si ce n’est que l’expérimentation a montré qu’elles peuvent résulter également de l’usage d’un bord mince pour la coupe de matières tendres (Vaughan 1986, Caspar 1988), par exemple. Soulignons que sur certaines pièces archéologiques d’Hermies, on observe des stries microscopiques associées à des coches, résultant d’une abrasion « silex contre silex », dont la localisation et l’étendue, en première analyse, semblent diffèrée de celles observées sur les répliques expérimentales. Toutes ces hypothèses seront testées dans le cadre d’une Action Collective de Recherche sur la « Taphonomie des assemblages lithiques du Paléolithique moyen en contexte périglaciaire ». Dans l’état actuel de nos observations, nous n’avons pu mettre en évidence, au niveau micro- ou macroscopique, aucun critère diagnostic définitivement pertinent. C’est bien la combinaison d’observations archéologiques et géomorphologiques qui reste le meilleur outil discriminant. Enfin, aucun écrasement au niveau du fil des coches clactoniennes, ni des cassures en croissant n'a été observé tant sur les répliques expérimentales de façonnage et piétinement que sur les spécimens archéologiques issus des amas. L'expérimentation (Caspar, 1988) montre que les écrasements d'un fil ou d'une surface sont le résultat de chocs répétés entre matières minérales dures à moyennement dures et en aucun cas d'une percussion d'une matière organique dure (os, bois de cervidé, bois dur) contre une matière minérale (silex, grès …), ces "chocs" peuvent être intentionnels (percussion directe au percuteur de pierre, percussion lancée ou posée avec percuteur sur de la pierre, pression appuyée d'un bord sur de la pierre) ou d'origine taphonomique. A Hermies, seuls des artefacts issus des cailloutis présentent de tels stigmates dûs à l'entrechoquement des matières minérales entre elles. Vers un ré-examen du Moustérien à denticulés Un survol rapide de la littérature montre une coïncidence significative entre la fréquence relative et absolue des encoches et denticulés d’une part et la présence d’amas de débitage d’autre part (Tabl. 2). On remarque également, dans de nombreux cas, l’importance de la part grossière du sédiment encaissant.
Les facteurs favorables à la fabrication de pseudo-encoches et denticulés se trouvent dans deux catégories de gisement : ceux dont le sédiment encaissant (ou sous-jacent) est graveleux (grotte, abri, talus d’éboulis, nappes alluviales, etc.) (Flenniken et Haggerty 1979) et ceux qui présentent des amas d’artefacts suffisamment denses pour constituer des lentilles de cailloutis anthropiques, « ilôts » de sédiment encaissant grossier au sein d’un sédiment qui peut être fin par ailleurs, comme dans le cas d’Hermies (dans les expériences de Mc Brearty et al., « much of the damage is caused by the impact of artifact on artifact », op. cit. : 123). Une troisième possibilité, purement hypothétique, est celle qui fait intervenir le gel, qui peut transformer un sol boueux piétiné, en surface extrêmement dure et ciselée dont les aspérités joueraient le rôle rempli ailleurs par les cailloux. Les trois derniers gisements du tableau ont été regroupés par certains auteurs, sur la base de différents critères, dans un « faciès économique » de Moustérien à Denticulés (Farizy, David et Jaubert, 1994, p. 172-175). Les encoches et denticulés sur silex de ces gisements (Mauran, La Borde en particulier) paraissent exclusivement représentés par des retouches profondes, envahissantes, présentant des contrebulbes bien marqués ; en ce sens, cet ensemble de gisements se distingue de la plupart des autres sites figurant dans le tableau, qui présentent une grande diversité de styles de retouche, tantôt marginale à courte, rarement envahissante, parfois régulière, et des cassures en croissant (Fig. 1). En conclusion, le Moustérien à Denticulés apparait, au pire comme un artefact d’observation lié à l’histoire de la recherche sur cette période (ce qui expliquerait l’absence ou la rareté d’encoches et denticulés signalés dans les sites de débitage postérieurs au Paléolithique moyen), au mieux comme un fourre-tout regroupant des gisements par ailleurs peu comparables. La question est de savoir où placer la frontière, au sein d’une gamme sans hiatus évident, entre l’outil intentionnel et l’accidentel, d’autant que certains phénomènes particulièrement traumatisants (chutes de blocs, concassage) peuvent être à l’origine de modifications très marquées. Dans l’état actuel de nos connaissances, la réponse ne peut venir, au cas par cas, que d’une approche pluridisciplinaire du gisement et de son histoire postdépositionnelle. Jean-Paul Caspar1, Bernard Masson2 et Luc Vallin3 1- Facultés Notre Dame de la Paix, Département d’histoire de l’art et d’archéologie, Rue de Bruxelles, 61, B-5000 Namur (Belgique) 2 - Service Régional de l’Archéologie du Nord – Pas-deCalais, Ferme Saint-Sauveur, Avenue du Bois F-59650 Villeneuve d’Ascq ; [email protected] 3 - Service Régional de l’Archéologie du Nord – Pas-deCalais, Ferme Saint-Sauveur, Avenue du Bois F-59650 Villeneuve d’Ascq ; [email protected]
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Le Moustérien à denticulés, un faciès taphonomique du Moustérien ?
Notes 1 Bordes a remis en question l’attribution au Moustérien à denticulés de ce dernier gisement, qui était pourtant le gisement-type, considérant qu’il pouvait être « ou bien contaminé par du MTA », ou constituer « une variante du MTA type B » (Bordes 1984 : 155). Il lui substitue, comme site éponyme, le Pech de l’Azé II, couche 4B (Bordes 1981 : 77). 1
Trente ans plus tard, la définition donnée par Bordes n’a guère changé : il « se différencie des autres Moustériens par des caractères négatifs : 1°) très faible à faible pourcentage de racloirs, jamais de type Quina. 2°) peu ou pas de pointes, couteaux à dos, bifaces, souvent atypiques quand ils existent. 3°) pourcentage très fort à extrêmement fort de denticulés. » (Bordes 1984 : 158). « C’est la Cendrillon des Moustériens » (Bordes 1981 : 79).
1
Dans sa typologie, Bordes les regroupe dans un chapitre intitulé : éclats utilisés, éclats accomodés, pseudo-outils. Les retouches minces peuvent être dûes « à une utilisation, comme on peut facilement s’en rendre compte en prenant un éclat frais pour scier ou racler du bois ou de l’os, mais elles peuvent aussi être dues à un léger piétinement ou à un léger tassement de la couche » (Bordes 1961 : 57). Les retouches épaisses, « neuf fois sur dix (…) ne sont que de pseudooutils » qui ne peuvent être discriminés que par leur fréquence relative, leur surimposition à une « retouche normale », l’aspect émoussé, strié, roulé des artefacts et surtout le contexte géomorphologique (op. cit. : 57-58). 1
La distinction a été explicitée par J. Tixier : « nous emploierons l’expression ‘à coches’ (ou ‘à encoches’) quand celles-ci sont séparées par une très nette portion de tranchant brut et le qualificatif ‘denticulé’ quand les coches sont adjacentes et irrégulières, comme le préconise F. Bordes pour le Paléolithique moyen » (Tixier 1963 : 117).
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Données récentes sur les premiers peuplements en Europe
LES INDUSTRIES DE LA FIN DU PALEOLITHIQUE MOYEN DE LA GROTTE DU BISON A ARCY-SUR-CURE (YONNE) LHOMME Vincent, DAVID Francine, THIÉBAUT Céline
Localisation, historique et chronologie La grotte du Bison est l’une des cavités du massif calcaire jurassique qui s’ouvre en rive gauche de la Cure à Arcy, dans le sud-est du Bassin parisien, à la limite du massif ancien du Morvan. Située entre les grottes du Loup et du Renne (Fig. 1), elle a été identifiée en 1958 par P. Poulain qui y effectua un sondage. Celui-ci fut suivi de courtes campagnes de fouilles de 1961 à 1963 sous la direction d’A. Leroi-Gourhan et de F. Hours. Ces fouilles ont concerné la partie avant du porche et une bande étroite le long de la paroi orientale de la grotte. Sept couches paléolithiques (couches D à J) furent alors identifiées (Leroi-Gourhan 1962 et 1964). Depuis 1996, les fouilles ont repris dans la partie centrale du gisement (direction F. David) (Fig. 2). Les travaux géologiques d’A. Roblin-Jouve montrent que le remplissage sédimentaire des couches H à D est essentiellement formé de fragments calcaires endogènes issus de la desquamation des parois et du plafond de la grotte (Fig. 3). Les niveaux archéologiques de la fin du Paléolithique moyen et du début du Paléolithique supérieur s’intègrent donc dans les différentes étapes de recul et de destruction du porche de la grotte (Roblin-Jouve in David et al. 2003). Dans cet ensemble, plusieurs hiatus peuvent être identifiés : le premier se manifeste par un effondrement massif entre la couche I et la couche H et le second par un niveau de grandes dalles entre les couches E et D. Les couches E et F, plutôt minces et fortement anthropisées, constituent de véritables couches archéologiques comprenant des foyers et des nappes de cendre alors que les couches G et H, plus épaisses et composées de dépôts rythmiques de lits de plaquettes et d’accumulations sablo-limoneuses, peuvent être perçues comme un cumul de plusieurs occupations (David et al. 2001, 2003). Les datations récentes réalisées par la méthode du C14 par SMA sur des restes osseux provenant des couches E à G ont fourni des âges cohérents, situées aux alentours de 40 000 BP (Dates C14 par SMA : 38 400 ± 1600 BP Oxa- 1001 (Ly -1294) pour la couche E, 40 200 ± 1500 BP Gr.A 20477 (Ly -1915) pour F) (David et al. 2001, 2002 et
2003). Toutefois dans la mesure où ces dates se situent en limite de méthode, nous avons engagé un programme de datations par RPE sur dents de cheval dans les niveaux de la fin du Paléolithique moyen de plusieurs cavités d’Arcy.
Les dernières occupations du Paléolithique moyen de la grotte du Bison ont alterné avec des fréquentations animales, principalement d’Ours (David et al. 2001, 2002 et 2003). Ces fréquentations sont à l’origine de perturbations plus ou moins prononcées des niveaux archéologiques et responsables de la destruction de nombreux vestiges osseux et probablement de l’altération de certains vestiges lithiques. Les vestiges fauniques que l’on peut associer aux occupations humaines des couches H à E proviennent d’espèces peu variées, avec par ordre d’importance, le
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Cheval, le Renne et un Boviné. Il est intéressant de noter que le Cerf élaphe est présent dans la couche F (David et al. 2001, 2002 et 2003). Les industries lithiques des couches moustériennes Dans le cadre d’une première étude des industries lithiques de la grotte du Bison, réalisée sur la base des petites séries mises au jour dans les années 1960, C. Girard avait reconnu différents faciès (Girard, 1982) : du Châtelperronien (couche D), du Moustérien typique (couches E, F et G), du Moustérien à denticulés (couches H et I) et du Moustérien charentien (couche J). Depuis 1996, La reprise des fouilles a permis de procéder à l’analyse complète des séries lithiques des couches E à G et d’accroître l’échantillon lithique de la couche H. Ces dernières industries moustériennes peuvent être scindées en deux groupes dissemblables sur les plans technologiques et typologiques : - un Moustérien “ final ” présentant un débitage Levallois et un outillage diversifié (couche E et F) ; - un Moustérien à denticulés au sein duquel le débitage Discoïde prédomine et où les encoches et denticulés constituent plus de la moitié de l’outillage (couches G et H). Les effectifs des séries étudiées sont relativement modestes, plus particulièrement pour les couches E et F (Tabl. 1). Quel que soit l’ensemble étudié, la chaille est la matière première la mieux représentée. D’origine locale, elle constitue entre 57 % et 81 % des matériaux utilisés au sein des différentes couches. Une proportion plus importante du silex est présente au sein des niveaux E et F (Fig. 4 et 5). Les quartz et méta-quartzites sont rares et les granites sont représentés par une majorité de galets de dimensions diverses. L’industrie lithique des niveaux H et G Qu’il s’agisse de l’industrie du niveau H ou G, l’ensemble des éléments de la chaîne opératoire de débitage sont présents sur chaille comme sur silex. Les proportions des différentes catégories technologiques sont globalement équivalentes pour les deux matières premières principales. Les éclats à dos débordant en silex sont toutefois moins bien représentés que ceux en chaille dans les deux niveaux, mais les éclats ordinaires en silex sont plus fréquents que ceux en chaille dans la couche G. Si les éclats de retouche en silex sont moins nombreux, ils sont ici proportionnellement plus importants que ceux en chaille (Fig.6 et Fig. 7). La comparaison des deux séries lithiques montre que la principale différence est la fréquence plus importante des éclats à dos naturels dans la couche H et celle des éclats corticaux dans la couche G.
Vincent Lhomme, Francine David, Céline Thiébaut
Couche H
Couche G
n=
%
blocs bruts
1
galets
39
nucléus
Couche F n=
Couche E
n=
%
%
n=
%
0,1
3
0,4
0
3,7
21
2,9
11
0
2
0,56
2,09
25
40
3,8
31
4,3
12
2,28
20
7,06 5,65
éclats et fgts.
466
43,7
351
49,0
316
59,96
182
51,41
éclats< 25 mm
378
35,5
219
30,4
147
27,89
91
25,71
débris
142
13,3
91
12,7
41
7,78
34
9,6
Total
1066
100
716
100
527
100
354
100
Tabl. I : décompte de l’industrie des couches moustériennes H, G, E et F Les nucléus
Données technologiques et métriques des éclats
Les nucléus Discoïdes sont majoritaires dans les deux couches (Fig. 8, Tabl. 2). Principalement sur bloc de chaille, ils sont généralement unifaces et présentent un plan de frappe périphérique le plus souvent partiel, parfois total. Les directions des négatifs sont pour l’essentiel centripètes ou cordales bien qu’une faible part présente des négatifs d’enlèvement unipolaires convergents ou perpendiculaires (lorsque le plan de frappe périphérique est partiel). Les plans de frappe sont rarement naturels mais ne bénéficient pas non plus d’une préparation poussée. Cinq nucléus ont été exploités selon une conception Discoïde à partir d’une face inférieure d’éclat (Fig. 8, n°2). Les nucléus unipolaires sont bien représentés, ils se caractérisent par la présence d’un plan de frappe unique localisé peu préparé à partir duquel une série d’enlèvements, le plus souvent allongés, a été produite sur une seule surface de débitage. Il est possible que de nombreux couteaux à dos naturel aient été débités selon cette méthode et plus particulièrement dans le niveau H. Les nucléus bipolaires présentent des négatifs d’enlèvements provenant de deux plans de frappe opposés. Les nucléus polyédriques présentent des enlèvements multipolaires à partir de plans de frappe tournants. Il est possible qu’une grande partie d’entre eux soit des nucléus Discoïdes dont l’exploitation a été poursuivie selon une modalité différente. L’un d’eux pourrait témoigner d’une première phase d’exploitation par percussion sur enclume : en métaquartzite, il présente sur l’une des surfaces, des négatifs d’enlèvement courts et larges. L’angle créé par l’intersection de la surface de plan de frappe (en cortex alluvial) et celle de débitage est proche de 90° (couche H). La majorité des nucléus indéterminés de la couche H présente un dernier négatif envahissant ; il pourrait s’agir de nucléus en fin d’exploitation ou d’un accident technique (Fig. 8, n°1). Celui de la couche G quant à lui est un nucléus en début d’exploitation présentant les négatif d’éclats corticaux. Enfin quatre éclats comportent des négatifs d’enlèvements parfois envahissants, soit sur la face inférieure, soit sur le tranchant de l’éclat.
Au sein des éclats supérieurs à 25 mm, ce sont les éclats ordinaires et à dos débordants qui dominent (Tabl. 3). La présence d’éclats corticaux et à dos cortical témoigne de l’existence même restreinte d’une première phase de décorticage des blocs sur le site ; néanmoins, parmi les éclats à dos cortical du niveau H, un certain nombre présente un dos abrupt qui peut être produit tout au long du débitage et principalement selon une modalité unipolaire ou bipolaire tournante. Ces éclats peuvent donc être des produits recherchés. Les éclats diaclasés ou partiellement diaclasés sont des éclats présentant une surface de diaclase totale ou partielle sur leur face supérieure. Ils peuvent être produits lors des premières phases du débitage mais aussi s’intégré tout au long du débitage s’il y a fracturation involontaire du bloc. L’étude des talons témoigne d’une nette prépondérance des talons lisses (plus de 60 % pour les deux couches). Néanmoins, les talons dièdres (10,5 % et 11,6 %) et les talons préparés ou facettés (11,3 % et 8,8 %) sont présents. Certains éclats ont subi une ablation du talon (6,3 % et 8,3 %). La forte représentation des talons lisses est à corréler avec la quasi-absence d’une préparation des plans de frappe des nucléus. Le facettage ou la préparation des talons concerne tous les types d’éclats de plein débitage en chaille ou en silex. Les éclats de la couche H sont de petites dimensions bien qu’ils apparaissent en moyenne plus longs que larges. L’indice d’allongement (L/l) montre que les éclats sont majoritairement larges et très larges. L’indice de leur épaisseur est moyen mais les éclats épais et très épais sont plus nombreux que les éclats fins. On observe de nombreuses similitudes avec les données métriques des éclats de la couche G (Tabl. 3). Données typologiques Les supports retouchés représentent 8,8 % de l’ensemble du matériel lithique taillé soit 25 % des éclats supérieurs à 25 mm de la couche H et 15 % de l’ensemble du matériel lithique taillé soit 32,2 % des éclats supérieurs à 25 mm de la couche G. Il est possible que certaines pièces retouchées aient été comptabilisées comme pseudo-retouches du fait de l’irrégularité des enlèvements et de leur position souvent alterne ou alternante.
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Les industries de la fin du Paléolithique moyen de la grotte du Bison à Arcy-sur-Cure (Yonne)
pour les racloirs qui sont majoritairement en silex. Les outils en silex sont proportionnellement plus nombreux au sein de la couche H (40,6 %) que dans la couche G (22,4 %). Les types de supports retouchés sont proportionnellement équivalents aux types de supports produits. Ce sont principalement des éclats ordinaires (37,8 % pour la couche H et 31,8 % pour la couche G) et des éclats à dos débordant (23,3 % pour la couche H et 34,6 % pour la couche G) qui ont été privilégié.
Quelle que soit la série étudiée, l’outillage retouché est assez peu diversifié ; les encoches et les denticulés représentent à eux seuls près des deux tiers de l’outillage. Les éclats à retouche abrupte sont aussi assez bien représentés alors que les outils moustériens constituent à peine plus de 12 % de l’ensemble des pièces retouchées et ceux de type Paléolithique supérieur sont anecdotiques (Tabl. 7). Il n’existe pas de grande variation du type d’outils confectionnés selon la matière première utilisée mis à part
couche H n= % 45 18 Discoïdes 20 8 unipolaires 1 2,5 bipolaires 2 5,0 polyédriques 4 10,0 indéterminés sur éclat 7 17,5 indéterminés 40 100 Total Tabl. 2 : proportion des nucléus au sein des industries des couches H et G. couche H corticaux non corticaux L moy. (en mm) 39,6 ± 12 37,5 ± 12,9 l moy. (en mm) 29,7 ± 9,8 29 ± 10 large (1? l/L>0,66) 48,9% 38,4% très larges (l/L>1) 32,9% 28,2% I épaisseur fin (0,2? Ie>0,1) 16,7% 22,4% I épaisseur moyen (0,3? Ie>0,2) 44,7% 44,3% I epaisseur épais et très épais (Ie>0,3) 38,6% 32,2% Tabl. 3 : données métriques des supports des couches H et G. couche F n= % 2 16,7 Levallois centripètes 1 8,3 Levallois préferentiel 1 8,3 Levallois uni/bipolaires 2 16,7 Unipolaire à surfaces alternées 2 16,7 Polyédriques 4 33,3 Globuleux et indét. 12 100 Total Tabl. 4 : proportion des nucléus au sein des industries des couches F et E.
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couche G n= 15 7 4 4 0 1 31
% 48,4 22,6 12,9 12,9 0 3,2 100
couche G corticaux non corticaux 39,5 ± 12,6 38,3 ± 11,5 31,7 ± 9 32,4 ± 9,6 44,9% 41,6% 32,7% 32,1% 17,2% 23,2% 48,0% 41,6% 34,0% 35,3%
couche E n= 3 2 2 3 3 6 19
% 15,8 10,5 10,5 15,8 15,8 31,6 100
Vincent Lhomme, Francine David, Céline Thiébaut
corticaux part. corticaux dos cortical diaclase part. diaclase dos diaclase dos débordant éclats de biface ? Kombewa Levallois ordinaires total
couche H n= % 34 7,3 27 5,8 58 12,4 24 5,2 2 0,4 16 3,4 132 28,3 3 0,6 5 1,1 1 0,2 164 35,2 466 100
couche G n= % 63 18,6 22 6,5 26 7,7 3 0,9 0 0 2 0,6 121 35,7 0 0 3 0,9 1 0,3 98 28,9 339 100
Tabl. 5 : proportion des différents types d’éclats au sein des couches H et G.
entames corticaux part. corticaux ordinaires débordants Kombewa total
couche F n= % 0 0 47 15,3 51 16,6 143 46,4 66 21,4 1 0,3 308 100
couche E n= % 1 0,6 20 11,3 29 16,4 90 50,8 35 19,7 2 1,2 177 100
Tabl. 6 : proportion des différents types d’éclats au sein des couches F et E.
denticulé opposé à un dos naturel ou débordant. Cet ensemble se divise en trois sous-groupes principaux : - les denticulés à macro-denticulations (n = 13 pour H et 27 pour G, Fig. 11) ; - les denticulés à moyenne-denticulations (n = 14 pour H et 6 pour G, Fig. 12, n° 5 et 6) ; - les denticulés à micro-denticulations, peu représentés (n = 2 pour H et 8 pour G, Fig. 12, n° 3, 4 et 7). Confectionnés pour la plus-part par de grandes ou moyennes encoches clactoniennes directes, un grand nombre de denticulés à micro-denticulation présente de petites encoches étroites au point d’impact ponctuel et limité qui suggère l’utilisation d’un percuteur anguleux. Les encoches sont majoritairement clactoniennes et directes, un seul denticulé présente une retouche bifaciale. Signalons deux denticulés irréguliers dont l’un tend vers le bec (Fig. 12, n° 1 et 2). Les 31 éclats retouchés constituent un groupe hétérogène au sein duquel de nombreux éclats présentent une retouche abrupte souvent partielle. Ils sont principalement en chaille (n = 8 / 11 pour la couche H et 17 / 20 pour la couche G). Les outils de type Paléolithique supérieur sont peu typiques et principalement confectionnés sur des supports en chaille. Au sein des grattoirs, un seul est en silex et provient de la couche G, les autres sont en chaille et un est en quartz. Leur retouche est assez courte et rasante créant un front abrupt. Le perçoir est sur éclat ordinaire en chaille et présente un saillant bien prononcé, dégagé par deux enlèvements abrupts alternes. Le burin est en fait un éclat en chaille présentant un petit enlèvement allongé sur la partie distale de
Les pointes moustériennes de la couche G sont toutes en silex et présentent une retouche rasante envahissante et régulière. Elles sont parfois amincies en partie proximale (Fig. 9, n° 8). Les racloirs sont principalement en silex pour la couche H ( n = 4 / 6) et en chaille pour la couche G (n = 5 / 11). Majoritairement simples (Fig. 9, n° 7) et droits (Fig. 9, n° 4 et 6) au sein des deux couches, les racloirs de la couche H présentent une retouche moins fine et plus irrégulière que ceux de la couche G. Ils donnent l’impression d’être mal régularisés et pour certains d’être retouchés à l’aide d’un percuteur anguleux créant une retouche à l’aspect denticulé (Fig. 9, n° 2). Deux des racloirs de la couche H et de la couche G ont été amincis, (Fig. 9, n° 1, 2 et 5). Certains éclats de la couche H ont un dos retouché (n = 6) totalement (n = 2, Fig. 9, n° 4) ou partiellement (n = 4). Ils sont convexes (n = 1), droits (n = 3) ou concaves (n = 2). L’angle de ces dos se situe entre 84 ° et 87°. Les encoches sont généralement en chaille (n = 13 / 25 pour H et n = 24 / 29 pour G ), majoritairement clactoniennes et directes au sein des deux ensembles. Quatre encoches seulement sont retouchées et deux sont mixtes dans la couche G. Elles s’opposent le plus souvent à un dos débordant ou naturel (Fig. 10, n° 1 à 4). Trois encoches de la couche H sont associées à des grattoirs. Les denticulés sont eux aussi principalement confectionnés sur des éclats de chaille (n = 17 / 25 pour H et 34 / 41 pour G). Ils présentent pour la majorité d’entre eux un tranchant
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Les industries de la fin du Paléolithique moyen de la grotte du Bison à Arcy-sur-Cure (Yonne)
étroit en face inférieure partant de la partie proximale et un second plus large et rasant en partie distale. Le dernier provenant de la couche G est une pointe pseudo-Levallois présentant le négatif d’un enlèvement direct en partie distale.
l’un de ses tranchants. Les pièces esquillées, proviennent du talus de la grotte (carré R5) et posent le problème d’un éventuel mélange avec la couche châtelperronienne (couche D). Le bec burinant alterne a été confectionné sur un nucléus en chaille et présente un saillant dégagé par deux encoches alternes Enfin, il faut rajouter quatre éclats de chaille dont deux présentent deux petits enlèvements rasants inverses ou directs, parallèles ou perpendiculaires en partie distale des éclats et dont le caractère anthropique reste incertain. Le troisième présente le négatif d’un enlèvement allongé et
Pointes moustériennes Racloirs Dos abattu Pièces amincies Denticulés Encoches Encoches et grattoir Perçoir Grattoirs Burin Bec burinant alterne Pièces esquillées Éclats retouchés Total
Pour terminer, quelques éclats d’encoches (n = 20 dont 10 en silex pour H et 10 dont 3 en silex pour G) et des éclats de ravivage d’encoches, de denticulés et de racloirs (n = 10 pour H dont 6 en silex et 1 seul pour G) ont été retrouvés, mais aucun n’a pu être remonté sur l’une ou l’autre des pièces encochées.
couche H n= % 6 6,6 6 6,6 3 3,3 29 31,9 25 27,5 3 3,3 1 1,1 4 4,4 1 1,1 2 2,2 11 12,1 91 100
Couche G n= 3 11 1 41 29 1 1 20 107
% 2,8 10,3 0,9 38,4 27,1 0,9 0,9 18,7 100
Tabl. 7 : décompte typologique des séries H et G.
Pointes moustériennes Limace Racloirs simples Racloirs doubles Racloirs convergents Grattoirs Perçoirs Pièces à dos Pièces esquillées Encoches Denticulés Éclats à ret. marginales Éclats à ret. partielles Pièce bifaciale Total
couche F n= % 0 0 1 0,6 30 17,8 2 1,2 7 4,1 1 0,6 1 0,6 2 1,2 4 2,4 16 9,5 16 9,5 57 33,7 31 18,3 1 0,6 169 100
Tabl. 8 : décompte typologique des séries F et E.
483
Couche E n= 1 0 24 0 7 1 0 0 3 9 12 19 4 0 80
% 1,2 0 30 0 8,8 1,2 0 0 3,8 11,2 15 23,7 5 0 100
Données récentes sur les premiers peuplements en Europe
L’industrie lithique des niveaux F et E Les minces couches F et E ont livré de petits ensembles lithiques constitués respectivement de 527 et 354 pièces. Le silex est mieux représenté dans la couche E, avec 31 %, que dans la couche F où il atteint seulement 22 % de la série (Fig. 5). Malgré une patine assez prononcée des pièces en silex, l’état de conservation des deux séries est assez satisfaisant et seules quelques dizaines d’éléments présentent des émoussés ou des stigmates d’actions mécaniques naturelles sur leurs bords.
- une grande partie des racloirs en silex – et notamment les racloirs convergents – ont été introduits sur le site sous forme d’équipement ; - les encoches et denticulés sont majoritairement aménagés sur des sous produits en silex et parfois sur des éclats de plein débitage en chaille ; - les éclats à retouches marginales continues est les éclats à retouches partielles composent un groupe morphologiquement hétérogène où l’on rencontre aussi bien des éclats de plein débitage Levallois en chaille que des petits éclats en silex.
Données techniques
Conclusions
Dans les deux ensembles, tous les éléments de la chaîne opératoire de débitage sur chaille sont représentés. Les caractéristiques générales des éclats montrent que le débitage est orienté vers la production d’éclats ovalaires et sub-quadrangulaires plutôt allongés, aux talons fréquemment dièdres ou facettés, détachés à la pierre dure et qui répondent aux critères d’identification des produits issus d’un débitage de conception Levallois (Fig. 14, n° 1 à 3). Parmi les nucléus Levallois en chaille lisibles, certains présentent une organisation du débitage unipolaire ou centripète (Tabl. 4 ; Fig. 13, n° 1). La lecture des négatifs d’enlèvements sur les avers des éclats, les abondants éclats débordants latéraux de remise en forme des convexités (Tabl. 7) et les quelques remontages et raccords techniques réalisés confirment la présence quasi exclusive d’une production d’éclats en chaille fine selon des schémas opératoires Levallois récurrents centripètes/convergents ou uni-bipolaires (Fig. 13, n° 2 et 3). Le silex n’a pas fait l’objet d’un débitage in situ et la configuration des vestiges en silex montre que les pièces ont été introduites sous une forme élaborée (voire sous forme d’équipement) et ont pour la plupart fait l’objet d’une utilisation intensive (Fig. 14, n° 4).
La séquence de la fin du Paléolithique moyen de la grotte du Bison montre la succession de deux types d’industries lithiques moustériennes : un Moustérien à denticulés (couches G et H) et un Moustérien final (couches F et E). Ces deux industries diffèrent tant dans les méthodes de production de supports que dans l’outillage retouché. Dans le cadre chronostratigraphique générale des grottes préhistoriques d’Arcy, la fin de la séquence moustérienne de la grotte du Bison (couches G, F et E) paraît combler le hiatus stratigraphique observé entre la dernière couche paléolithique moyen (couche XI) et la première couche châtelperronienne (couche Xc) dans la grotte voisine du Renne (Girard et al. 1990 ; David et al. 2001). Ainsi, en l’état actuel des données, la succession des industries des couches G, F, E de la grotte du Bison documente l’extrême fin du Paléolithique moyen des grottes d’Arcy. Les industries lithiques des couches H et G, caractérisées par la production de supports larges et épais selon un débitage essentiellement Discoïde et la forte proportion des pièces encochées, s’intègrent sans aucune difficulté dans les définitions classiques du Moustérien à denticulés (Bordes 1962-63, Farizy 1988). Ces industries peuvent être rapprochées de celles des couches XI et XII de la grotte du Renne (Girard 1980, Lhomme observations inédites) et de la couche IVb1 de la grotte de l’Hyène (Girard 1978, Thiébaut en cours). Il est important de noter que ces ensembles avaient été distingués du moustérien classique par A. LeroiGourhan au point de recevoir l’appellation de “ postmoustérien ” (Leroi-Gourhan, 1964). Cette singularité techno-typologique conduit même C. Farizy à évoquer le rôle possible de leurs auteurs dans le développement du Châtelperronien (Farizy, 1990, p. 288). L’étude des industries des couches H et G de la grotte du Bison permet donc de valider l’existence d’un “ horizon ” moustérien à denticulés sur les trois grottes d’Arcy fouillées par A. Leroi-Gourhan (Grotte de l’Hyène, du Renne et du Bison). S’il est difficile pour l’instant d’établir un calage chronologique précis de cet ensemble Moustérien à denticulés, il est plus que vraisemblable qu’il se situe dans le Pléniglaciaire moyen et plus particulièrement dans sa partie médiane. L’étude des industries lithiques des couches F et E de la grotte du Bison permet de mettre en évidence la présence d’un moustérien final postérieur aux industries du Moustérien à denticulés. Classique dans sa constitution techno-économique (débitage Levallois) et typologique
Données typologiques L’éventail d’outils des couches F et E est assez diversifié. Les éclats de plein débitage à retouches marginales continues et les racloirs dominent et représentent chacun environ 30 % de l’outillage des deux séries (Tabl. 8), cependant la série F comporte un nombre très important d’éclats à retouches partielles (Fig. 14, n° 2). Le groupe des racloirs est essentiellement constitué de racloirs simples latéraux (Fig. 14, n° 3) et de quelques racloirs transversaux (Fig. 13, n° 5). Toutefois, malgré les faibles effectifs, les racloirs convergents n’apparaissent pas anecdotiques (Fig. 13, n° 4 et 5 ; Fig. 13, n° 6 et 7). Les denticulés et les encoches sont bien représentés et constituent ensembles 20 et 26 % des couches F et E (Fig. 14, n° 6). D’ailleurs on peut noter les encoches sont mieux représentés que les denticulés dans la couche E.Enfin, les deux séries contiennent un petit nombre de pièces esquillées en silex qui n’apparaissent pas intrusives (Fig. 13, n° 4). La distribution des différents types d’outils selon les matières premières confirme la forte similitude des deux séries et permet d’exprimer plusieurs remarques générales :
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Les industries de la fin du Paléolithique moyen de la grotte du Bison à Arcy-sur-Cure (Yonne)
conception de débitage laminaire de type Paléolithique supérieur conditionne l’ensemble de la production lithique. D’un point de vue morpho-typologique, les outils moustéroïdes qui apparaissent dans l’industrie lithique châtelperronienne d’Arcy (racloirs, encoches et denticulés) sont aménagés indifféremment sur des lames ou des sousproduits du débitage laminaire et de ce fait sont morphologiquement contrastés (Connet 2002), alors que les différents types de racloirs du Moustérien final sont aménagés sur des supports plutôt épais, essentiellement issus du plein débitage Levallois. Nous avons donc affaire dans ces deux industries à deux systèmes de production lithique totalement distincts et sans aucun lien technique.
(éventail typologique varié), cette industrie pourrait être rapprochée de ce l’on appelle traditionnellement le Moustérien typique (Bordes 1953 et 1981). Toutefois, en raison du caractère négatif de la définition de ce faciès, nous préférons parler de Moustérien final. Par sa position stratigraphique, cette industrie constitue l’ultime manifestation du Paléolithique moyen à Arcy et semble précéder de peu les premières industries châtelperroniennes de la grotte du Renne (couche X). Cette proximité chronologique entre les dernières industries lithiques moustériennes de la grotte du Bison et des premières industries châtelperroniennes de la grotte voisine du Renne impose d’en examiner les éventuels liens techniques. En s’appuyant sur les travaux récents consacrés au Châtelperronien de la grotte du Renne (Connet 2002 ; Connet ce volume), il apparaît clairement que, malgré la présence d’éléments typologiquement moustéroïdes dans les industries châtelperroniennes de la grotte du Renne, les systèmes de production lithique de ces deux industries sont totalement distincts. Dans l’une, le Moustérien final, la production d’éclats selon des débitages de conception Levallois est au centre de la chaîne opératoire, dans l’autre, le Châtelperronien, la recherche de lames selon une
À la lumière de l’étude des industries lithiques de la fin du Paléolithique moyen de la grotte du Bison, il est donc possible de percevoir deux ruptures techno-économiques majeures au sein des systèmes de production lithique de la séquence Pléniglaciaire moyen d’Arcy-sur-Cure. La première rupture voit un Moustérien final de débitage Levallois succéder au Moustérien à denticulés, et la seconde, qui marque l’avènement d’une gestion techno-économique de type Paléolithique supérieur, voit l’arrivée du Châtelperronien.
Vincent LHOMME, Francine DAVID, Céline THIÉBAUT 1 INRAP et UMR 7041 - ArScAn, Ethnologie Préhistorique, Maison René Ginouvès, 21 allée de l’Université, F-92 023 Nanterre Cedex. Mail : [email protected] 2 UMR 7041 - ArScAn, Ethnologie Préhistorique, Maison René Ginouvès, 21 allée de l’Université, F-92 023 Nanterre Cedex. 3 UMR 6636 - Économies Sociétés et Environnements Préhistoriques, MMSH, Université de Provence, 5, rue du Château de l’horloge, B.P. 647, F-13 094 Aix-en-Provence Cedex 2. mail : [email protected] Bibliographie Bordes, F. (1953), Essai de classification des industries "moustériennes", Bulletin de la Société Préhistorique Française, 50, 7-8 : 457-466. Bordes, F. (1962-63), Le Moustérien à denticulés , Archéoloski Vestnik, XIII-XIV : 43-49. Bordes, F. (1981), Vingt-cinq ans après : le complexe moustérien revisité, Bulletin de la Société Préhistorique Française, t. 78, fasc. 3, pp. 77-87. Connet, N. (2002), Le Châtelperronien : réflexions sur l'unité et l'identité techno-économique de l'industrie lithique ; l’apport de l'analyse diachronique des industries lithiques des couches Châtelperroniennes de la grotte du Renne à Arcy-sur-Cure (Yonne), Université de Lille I, Thèse de Doctorat, 445 p. David, F. et Roblin-Jouve, A. (1997), Arcy-sur-Cure. Grotte du Bison, Rapport de fouilles programmées, Service régional de l’archéologie de Bourgogne, Dijon, 23 p. David, F., Connet, N., Girard, Lhomme, V., Miskovsky J.-C., Roblin-Jouve, A. (2001), Le Châtelperronien de la grotte du Renne à Arcy-sur-Cure (Yonne). Données sédimentologiques
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Société
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Fig. 1 : localisation de la grotte du Bison au sein des gisements d’Arcy-sur-Cure ; d’après Humbert, modifié.
Fig. 2 : carroyage et historique des fouilles de la grotte du Bison ; relevé Humbert, modifié.
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Fig. 3 : stratigraphie de la grotte du Bison ; document Leroi-Gourhan, relevé Humbert, modifié.
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Fig. 8 : nucléus Discoïdes sauf n° 1 indéterminé. n° 1 et 3 en chaille, n° 2 en silex et sur éclat (couche H), n°4 et 5 en chaille (couche G).
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Fig. 9 : racloirs, pointes moustériennes et dos retouché. n° 4 et 5 en silex (couche H), n° 1, 3 et 6 à 8 en silex, n° 2 en chaille (couche G).
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Fig. 10 : encoches. n° 4 et 5 en chaille, n° 3 en silex (couche H),n°1 et 6 en chaille, n° 2 en silex (couche G).
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Fig. 11 : denticulés. n° 5 en chaille, n° 2, 3 et 6 en silex (couche H), n° 1, 4, 7 et 8 en chaille (couche G).
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Fig. 12 : denticulés sauf n° 1 et 2 atypiques. n° 4 et 5 en chaille (couche H), n° 1, 3, 6 et 7 en chaille, n° 2 en silex (couche G).
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Fig. 13 : industrie lithique de la couche F. n°1 : nucléus Levallois en chaille, n° 2 : raccord de deux éclats issus d’une phase de débitage convergent sur un nucléus Levallois en chaille, n° 3 : racloir simple en chaille (aménagé sur l’éclat inférieur du raccord n° 2), n° 4 et 5 : racloirs convergents en silex, n° 6 : denticulé en silex grenu. Fig. 14 : industrie lithique de la couche E. n° 1 à 3 : éclats bruts en chaille, n° 4 : raccord sur pièce esquillée en silex, n° 5 : racloir transversal en silex, n° 6 et 7 : racloirs convergents en silex, 8 : grattoir en silex.
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LA PRODUCTION LITHIQUE SUR LE SITE PALÉOLITHIQUE MOYEN DE CHAVELOT CLAIR BOIS (VOSGES) BOUDIAS Jean-Baptiste Présentation Le gisement de Chavelot Clair Bois est situé dans l’est de la Plaine de Lorraine, le long du cours de la Moselle qui s’étale brutalement après la traversée des formations gréseuses du Trias inférieur du massif des Vosges. Le cours torrentiel de la rivière se calme alors rapidement. Seul le passage de bancs calcaires la contraint encore. Le site est localisé dans cette zone intermédiaire, dans un vallon sec parallèle à la vallée alluviale. La fouille est limitée au sud par le creusement récent d'un chemin. A l’est et à l’ouest la stratigraphie est progressivement érodée et les niveaux archéologiques disparaissent (Fig. 1.). Le site a été fouillé par C. Guillaume entre 1978 et 1986. Il appartient à une séquence stratigraphique dont 3 niveaux témoignent d’une occupation humaine. Ils ont livrés un ensemble de 1779 artefacts. Seuls sont conservés les industries lithiques, le sol acide n’ayant pas permis la préservation des vestiges osseux. Le matériel lithique conservé semble exempt de patine, de trace de chauffe, ou d’une quelconque modification d'origine anthropique particulière de la couleur ou de la texture. Les données stratigraphiques L’ensemble de la séquence stratigraphique est compris dans des formations reposant sur une ancienne terrasse alluviale de la Moselle attribuée au Saalien (Guillaume, 1978-86), et constituée de matériaux fluviatiles grossiers : principalement de galets de quartzite, de quartz, de granit et de grès. Un ensemble de six niveaux distincts a été isolé par C. Guillaume à partir de la coupe longitudinale du site (Fig. 2.). Parmi ces six niveaux, trois d’entre eux contenaient du matériel archéologique. Le plus riche se situant à la base de la stratigraphie, repose directement sur la terrase alluviale sousjacente. Il s’agit d’un dépôt argileux sombre contenant de nombreux charbons, piégés sous forme de lentilles résiduelles partiellement érodées. Cet horizon récurrent dans les formations alluviales de cette portion de la vallée de la Moselle a été récemment décrit par C. Chaussé dans le cadre d’une opération sur le site de Golbey (Chaussé 2002), localisé sur la commune de Chavelot et compris dans une séquence stratigraphique similaire. Cette étude s’est attachée à définir plus précisément l’attribution chronologique proposée par C. Guillaume.
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Il en résulte un probable rajeunissement de cette colluvion dont la mise en place semble corrélable avec le début du Weschelien ancien (sous-stade isotopique 5d-c). Les méthodes de fouille n’ayant pas tenu compte de la position stratigraphique, et spatiale des objets, sauf pour une très faible part d’entre eux, il est maintenant impossible de distinguer l’appartenance du matériel archéologique à l’un des 3 niveaux d’occupation. Cependant cette série peut être considérée comme un ensemble homogène. En effet les subdivisions stratigraphiques réalisées par C. Guillaume furent déterminées à partir de la portion ouest du gisement, fortement dilatée, sans doute sous l’effet de phénomènes de cryoturbations postérieurs à l’occupation humaine. Or plus de 95% du matériel lithique est concentré dans la moitié est, zone ou la stratigraphie est nettement moins perturbée, et ne provient que d’un seul niveau. La quantité d’artefacts représentant la partie affectée par les phénomènes de gel, reste négligeable par rapport à l’ensemble. Lors de son étude l’ensemble de la série a donc été considéré comme issu d’une même unité stratigraphique. Caractéristiques de l’industrie lithique L’industrie lithique est constituée de 1779 vestiges répartis sur une aire fouillée de 135 m2, soit une densité moyenne de 13 objets /m2. Sur cet ensemble une population de 1592 individus d’origine anthropique a été identifiée. Un nombre important d’éléments prélevés en fouille s’avérant à l’étude exempt de traces d’intervention humaine visibles. La série étudiée se répartit ainsi : - 99 galets testés, - 53 nucléus complets et 26 fragments, - 636 éclats entiers, 111 éléments distaux, 33 mésiaux, 142 proximaux et 439 fragments non identifiés, - 110 outils entiers et 43 fragments d’outils. Nature et origine des matières premières Quatre matières premières différentes ont été exploitées : le quartzite : 83%, le quartz filonien: 12% , le silex : 5% et la chaille :