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French Pages 228 Year 2000
L'ÂNED'OR
Les disciplines relevant de l'Histoire des Idées ont connu, ces dernières années, un développement considérable - 1nais aussi, par contre coup, un grand éparpillen1ent : d'où la nécessité, large1nent reconnue, de faire communiquer les spécialistes, et plus encore, peut-être, d'inciter les publics spécialisés à franchir les litnites des disciplines ou des champs d 'étude. C'est à cela que voudrait contribuer la collection « L'âne d'or», en rassemblant des ouvrages issus de disciplines diverses (Histoire de la Philosophie, Épistémologie, Histoire des Sciences, Philosophie, Histoire des Religions, etc.) sans limitation chronologique - mais toujours sans concession sur la qualité. Et l'âne maintenant ,pourquoi ce patronage ? Pourquoi cet âne en chaire magistrale, avec dans une patte une férule et sous l'autre un pesant in-folio ? Il est là tout simplement à titre d'avertissement: sans doute voulons-nous des ouvrages sans concession, tnais non point des ouvrages écrits par des cuistres ou des pédants.
L'ANE D'OR Col/,ection dirigée
par Alain Segonds
Tiziano DORANDI
LE STYLET ET LA TABLETTE Dans le secret des auteurs antiques
PARIS LES BELLES LETTRES 2000
Tous droitsdetraduction,dereproductionet d'adaptation réseroéspour tous /,espays.
© 2000, Sociét,é d'éditionLes BelœsLettres,
95, bd Raspail 75006 Paris ISBN: 2-251-42012-6
Avant-propos
àjaap et Margot
Il y a quelquesannéesj'ai été attiré à plusieurs refrrisespar œ problèmefascinant despratiquesde la compositiond'une œuvre littéraireet de la méthodede travail des auteurs antiques.J'ai publié les conclusions de mes premièresrecherchesdans deux articœs : « Den Autoren über die Schulter geschaut. Arbeitsweise und Autographie bei den antiken Schriftstelkr», ZPE 87, 1991, p. 1133 et « Zwischen Autographie und Diktat : Momente der Textualitat in der antiken Welt », dans W. Kullmann etJ Althoff (éd.), Vermittlung und Tradierung von Wissen in der griechischen Kultur, Tübingen 1993, p. 71-83; j'en ai aussi présenté une synthèsedans le chapitreIde la Einleitung in die griechische Philologie dirigée par H.-G. Nesselrath, StuttgartLeipzig 1997, p. 3-13, qui s 'intitu/,e: « Tradierung der Texte im Altertum; Buchwesen ». L'ensemb/,ede mon arg;umentationa trouvéun accueilJavorable; par exemple, Hans Christian G__ünther a essayéde reconstruirela méthode de travail de Virgile (Uberlegungen zur Entstehung von Vergils Aeneis, Gottingen 1996, p. 63-84 : Vergils Arbeitsweise und die Ausgabe des Varius) à partir des mes résultats (voiraussiN. Horsfall, RFIC 125, 1997, p. 470). Certains
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aspectsparticuliers,cependant,n'ont pas convaincu tout /,emonde : ValérieNaas a proposéune interprétationdifférentede la méthode de travail de Pline l'Ancien, et David Blank a soulevédes cri,tiques envers mon exégèsede l'adjectif u1toµv11µat11e6vdans les subscriptiones des roukaux de la Rhétorique de Phil.odème. J'ai donc eu des raisons de reprendrela question dans son ensembk,aprèsmûreréjœxionet à la lumièredesprogrès de la recherche. L'opportunité m'en a été donnée par /,e Professeur Alain Blanchard; il m'a demandé d'animer cinq séminairesà l1nstitut dePapyrol.og;ie de laSorbonne pour l'année 1998/1999 et j'ai, à cette occasion, préparé cinq exposésprésentés sous le titre provi, soire: Ecrire au temps de l'Antiquité classique. Le texte decescinq séminairesa donné naissance aux sept chapitres du présentlivre, quej'ai finakment intitulé: Le Stylet et la Tablette. Dans le secret des auteurs antiques. Le chapitreI (Pugillares et stilus) contient mes réfœxionssur l'utilisation de feuiUetsde papyrus/parcheminet de tabkttes pour la prisede noteset la rédactionde brouillons.Le chapi,treII (Legere, adnotare, excerpere) abordela question de la prise de notes et cel/,edes recueilsd'extraits au cours de la premièrephase de la composition d'une œuvre littéraire.J'y analyse, en particulier, la méthode'th travail dePline l'Ancien et d'Aulu-Gelleà la lumièredu témoignagedu PHerc. 1021 de Phïlodème.Le chapi,treIII aborde la question de savoir si, dans l ~ ntiquité grecqueet latine, on écrivait soi-même/,estexteslittéraires(Sua manu scripsit), au moins dans /,espremièresphases de leur composition. La réponse,on le verra, est dans une large mesurenégative. Le chapitreN traite de la pratique qu'avaient en commun plusieurs auteurs de l'Antiquité de réserverune partie de /,eurproduction littéraireà une circulation restreinte,limitéeà un ou plusieurs amis ou camaradesd'étude, pratique qui /,esconduisait donc à renoncerà « publier » cesécrits (où 1tpoçËKÔOO\V auyypaµµata). C'étaitpourtant en vue de la« publication» (1tpoçË1eôoa1v),c'est-à-direde la diffusion auprèsd'un plus largepublic, qu'un auteur composaitseslivres(chapi,treV).La sixièmepartie est consacréeau devenir d'une œuvre aprèssa « publication» (Nescit uox missa reuerti) : questiondes droitsd'au-
AVANT-PROPOS
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teuret, d'éditeur; cas d'un livrepubliépar son auteur en deux exemplairesou plus ; possibilitédepréparerune « secondeédition » d'une œuvre du vivant de son auteur et par ses soins. Dans l,eseptièmeet dernierchapitre(Habent sua fata libelli), j'ai enfin abordél'épineux débat concernantl'existencede variantes d'auteur. J'ai analysé /,estémoignagesde /,a tradition indirecte: passages des auteurs antiques qui contiennent des remarques,des notes sur leur propreméthodede travail ou sur cel/,ed'autres écrivains etj'ai cherchéd'autre part, à donner quelquesexempœsde ce qu'on peut appelerla tradition directe: documents origi,naux- papyrus, tabli!ttesde cireou de bois,parchemins- conservant li!srestesde textes autographes, de brouilwns, de rédactionsd'une œuvre non destinée à /,apublication, commede vraies «éditions». Malgré ce/,a- à l'instar de Pline li\ncien -, « je ne doute pas d'avoir commis, moi aussi, bien des omissions», Nec dubitamus multa esse quae et nos praeterierint (Pline, Nat. hist. praef. 18). Il serait intéressantde voir si cespratiquesde l~ntiquité ont toujours cours dans le monde moderne.Je ne citerai qu'un exempœ : dans un arlick intituli « Humanisme et culture de la note », JeanMarc Chaœlain(Revue de la Bibliothèque nationale de France 2, 1999, p. 26-36) a récemmentétudié« l'opérationtechnique de la note» à la &naissance et à l'époque moderne. L'habitude de prendre des notes, incontestablementtrès ancienne, trouva sa « rationalisation » à part,ir du xvt siècle,moment où : « Les guides des études [ ... ] accordent en général une extrême attention aux techniques de ce que nous appellerions la "prise de notes" et qu'on appelait alors l'ars excerpendi,c'est-à-dire l'art ou plutôt la technique de l'extrait» (p. 27). C'est alms qu'eut lieu la publication des manuels du P. FrancescoSacchini, De ratione libros cum profectu legendi (Ingolstadt 1614 ), du P. Jeremias Drexel, Aurifodina artium et scientiarum omnium (Anvers 1638), de Vincentius Placcius, De arte excerpendi (StockholmetHambourg1689) et deDanÜ!lGeorg Morhof,Tractatus polystoricus de excerpendi ratione (Lübeck 1708) qui expliquent et enseignent Lars ou ratio excerpendi. Ce qui pour Phiwdème,Pline li1ncien, Aulu-Gelleet /,esautres auteurs antiques
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était une pratiqueinnée et naturel/,edevient dès lors une méthode rationaliséeet qui s'apprendarti.ficielkment. Celivrea étéconçupour un public qui dépassecelui desspécialistes; c'estpour cetteraison que l'on y trouvera/,a traduction de tous /,espassagesgrecset latins cités.J'ai utilisé, quand el/,esétaient disponibks, les traductions publiées dans la « Collection des Universitésde France» (CUF),en lesretouchantsi mon choix textuel différaitde celuidu traducteur,si la traductionme paraissait erronée,ou afin de donnerà tel ou tel mot un sensplus prochede ma propre interprétation. Pourdesraisonsindépendantesde ma volunté,j'ai renoncéà publier/,esphotographiesdes documents,maisj'ai donné la référence des reproductionsexistantes. Il me resteà remercierA. Blanchard, non seulementpour son invitation à animerœs séminairespapyrologi,ques, mais aussi pour avoir relu avecsoin une premièreversionde ce livre,ainsi que tous ceux qui ont participéactivementaux séancesde travail, sans oublierG. Cavallo,R. Chiaradonna,CristinaD~ncona, R. Goulet et B. Vitrac. La révisionde l'apparatbibliographique de ce livren'aurait jamais pu êtrecomplétéesans l'aidegénéreusede mon collègueP. P. Corsetti. A. Segondsm'a accordésa confi..ance en acceptantLe Stylet et la Tablette dans /,a Col/,ection « L' Ane d'or » qu'il dirige.Il a examiné attentivement/,emanuscritet m'afait de nombreuseset utiles suggestions; qu'il en soit remercié. Monfrançais a encoreunefois étépatiemmentréviséet rendu intelligi,ble par M. P. Vachoux.Je suis conscientde l'effortque celaa dû représenter, si l'on considèrel'ennui qu'il a sans aucun doute éprouvélors des lecturessuccessivesdespagesqui suivent... Le Stylet et la Tablette est dédiéà jaap et MargotMansfeld: point n'est besoind'expliquerlesmotifs,splendidiores uitro, qui m'ont dictécegeste. Pans/Saint-Maur-sur-le-Loir le 9.9.99
Chapitre 1 Pugillares et stilus
Dans un article paru en 1930, W. K. Prentice se demandait comment Thucydide avait écrit son histoire, « How Thucydides wrote his history ». 1 On pourrait poser laquestion d'une façon plus générale et se demander comment les écrivains de }'Antiquité composaient leurs œuvres ou quelle était la méthode de travail des auteurs antiques. J'ai déjà essayé de répondre à cette question il y a quelques années. 2 Et sije la reprends aujourd'hui dans son ensemble c'est en raison des progrès de la recherche dans ce domaine ; l'occasion m'a été donnée de réfléchir à plusieurs reprises sur ce sujet, et cela m'a porté à modifier certaines de mes hypothèses ainsi qu'à élargir le champ de mon enquête. J'ai essayé de présenter une synthèse de mes résultats : elle donne une idée du problème plus complète que celle esquissée dans mes précédents travaux, organisés d'une façon 1. W. K. Prentice, « How Thucydides wrote his history », CPh25, 1930, p. 117-127. 2. Dorandi, « Den Autoren über die Schulter geschaut », p. 11-33 et Id., « Zwischen Autographie und Diktat», p. 71-83.
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plutôt analytique. Les conclusions sont quelquefois fondées sur des convictions personnelles et ne sont pas toujours absolument fiables à cause de la rareté des sources et des différences chronologiques entre elles, souvent aussi en raison du peu de clarté de certains témoignages. Voici tout d'abord la solution proposée par Prentice :' But how was it possible for Thucydides to be continually revising and enlarging his book, how could he have acquired certain "documents gradually and stuck them in his manuscript to work up later", if his manuscript was on papyrus rolls ? Such a procedure can be imagined only if the author wrote on flat sheets, which he kept together in a bundle or in a box. And there is no reason whatever for rejecting such a supposition ; it would explain many of the puzzling phenomena which the long study of this unfinished book has brought to light. The original manuscript consisted of a pile of loose sheets with many corrections, alterations, and insertions. From these sheets the text was transferred to rolls after the author's death, when the book was to be published and copies were made for sale ». «
J'ai cité ce long passage de Prentice parce qu'il contient in nuce une véritable tentative de comprendre la méthode de travail d'un écrivain antique - en l'occurrence, Thucydide - et aussi parce qu'il présente des éléments qu'on pourrait considérer comme des caractéristiques communes à beaucoup d'autres auteurs. Selon Prentice, les écrivains antiques auraient utilisé pour rédiger leurs textes des feuilles de papyrus volantes qu'ils auraient rassemblées en paquets ou gardées dans des boîtes ; le manuscrit d'une œuvre littéraire se serait donc composé d'une pile de feuillets qu'on aurait recopiés au net sur des rouleaux de papyrus au moment de la mise en circulation du livre4. 3. Prentice, « How Thucydides wrote his history n. 1), p. 125. 4. Voir Canfora, p. 299-315.
»,
art. cit. (supra,
PUGILIARES ET STILUS
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Cette hypothèse n'était pas nouvelle. Mais c'est telle que l'a proposée Prentice qu'elle a connu un grand succès. On l'a reprise, et même récemment, pour expliquer certains désordres dans la tradition manuscrite de textes, en particulier des déplacements erronés de passages effectués à une époque ancienne et détectés par exemple dans la transmission d'Aristophane, de Démosthène, de Platon, de Xénophon (et de l'auteur anonyme de la Constitutiond'Athènesattribuée à Xénophon) et du De rerum natura de Lucrèce. On y a eu recours pour résoudre des problèmes liés à la composition de textes corn plexes comme les Viesdesphilnsaphesde Diogène Laërce 5 et l' Histoirenaturel/,ede Pline l'Ancien. 6 Je l'avais aussi appliquée dans un premier temps à la transmission de l'Academicorumhistoria(PHerc.1021) de Philodème de Gadara. 7 C. F. Russo a rappelé que dans les manuscrits byzantins des Guêpes d 'Aristophane il y a au moins deux passages qui semblent déplacés: les vers 1265-1291 occupent en effet la place qui devrait revenir aux vers 1450-1473, et ces derniers celle des vers 1265-1291. On retrouve le même cas pour les vers 290-316, qu'il faut insérer entre les vers 265 et 266: les vers 266-289 (le coryphée et le chœur) ont pris la place des vers 290-316 (le coryphée et l'enfant) et les vers 290-316 celle des vers 266-289. 8 L. Canfora a fait remarquer qu'une importante série de passages de la troisième Philif>Pi,que de Démosthène ont été 5. Voir S. N. Mouraviev,« La Vie d'Héraclite de Diogène Laërce (analyse stratigraphique; le texte de base; un nouveau fragment d'Ariston de Céos ? », Phronesis32, 1987, p. 32-33 et « La Vie d'Héraclitede Diogène Laërce. Reconstruction d'un projet - Méthodes de travail et motivations - Structure du texte », dans Studi F. Adorno,Firenze 1996, p. 376. 6. Voir infra, p. 27-50. 7. T. Dorandi, « Sulla trasmissione del testo dell' Index Academicorum philosophorumHerculanensis(PHerc.1021 e 164) », dans Proceed.XVP /nt. Congr.Papyrowgy,Chico 1980, p. 139-144. 8. C. F. Russo, « Le vespespaginate e un modulo di tetrametri l 8x2 », Belfagor23,1968, p. 317-324 (= Aristofaneautoredi teatro,Firenze 19842, p. 379-392).Voir aussi Canfora, p. 303.
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transmis dans un ordre erroné. 9 Voici l'un d'entre eux :10 dans les manuscrits de Démosthène, les § 36-40 sont suivis par les § 41-45 [46]. Canfora a toutefois démontré que, dans le§ 36: où yàp aVEUÀoyou l((ll ÔllCÇ µEtŒKEtµÉv11v tiiv µcxt l((lt àvcxytyvroaKEtV où tcxûtcxô~ µovcx tèx'tcÎ>V tatai) de Rhodes l'auraient indûment attribué à Zénon de Sidon, le maître de Philodème, alors scholarque dujardin à Athènes, et l'auraient attaqué 37. On trouvera une reproduction photographique dans Cavallo, LSSE, pl. XLIII. 38. S. Sudhaus, « Exkurse zu Philodem. 1. Ein litterarischer Streit in der epikureischen Schule », Philologus54, 1895, p. 80-85 ; Id., I, p. xv ; Suppœmentum,p. 44 (en note) ; II, p. VI11-x1. 39. Phld., Rhet. 1/(PHerc. 1674), col. Lli Il-LIii 14 (= Zen. Sid. fr. 18 Angeli-Colaizzo).
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parce qu'ils y trouvaient des doctrines considérées par eux comme contraires à celles des 1ecx.8-J1yEµovEç ( « maîtres ») de .,,. l'école: Epicure, Métrodore et.,,.Hermarque. 4°Ce serait pour répondre aux critiques de ces Epicuriens que Philodème aurait composé les livres de la Rhétorique. Ce contexte, fantasque par certains aspects, était fondé, entre autres, sur la reconstruction arbitraire de quelques passages de la Rhétoriquequi n'a pas été confirmée par la révision des papyrus. 41 Quelques décennies plus tard, Philippson a retouché de façon considérable l'hypothèse de Sudhaus ; il a abandonné l'idée qu'il ait existé un 'Y 1toµv11µatt1eov 1tEptp11topucijç, et supposé que les PHerc.1426 et 1506 transmettaient deux rédactions d'un même livre de la Rhétorique: le PHerc. 1426 conserverait l'exemplaire d'un livre de la première « édition » de la Rhétorique; le PHerc.1506 une deuxième rédaction (tel serait le sens de l'adjectif u1toµv11µatuc6v) du même livre, mise en circulation quelques années plus tard. 42 Une interprétation tout à fait nouvelle du terme u1toµv11µatt1e6va été proposée par Cavallo à partir d'un examen des données paléographiques et bibliologiques des rouleaux 1506 et 1674, comparées avec celles des autres exemplaires, les PHerc.1426 et 1672.43 Cavallo a proposé de donner à u1toµv11µatuc6v le sens de texte plus ou moins achevé, mais encore à l'état de « brouillon » et destiné « à un cercle restreint d'auditeurs, d'élèves, de camarades d'étude ». 44 Les colonnes des PHerc.1506 et 1674 sont irrégulières du point de vue de la technique bibliologique et l'écriture est désordonnée et
hétérogène, comme on doit s'y attendre dans un produit ,
40. Dorandi, « Lucrèce et les Epicuriens de Campanie », p. 43-45 (indications bibliographiques dans la n. 60). 41. Dorandi, « Retorica », p. 66 n. 42. 42. R. Philippson, art. « Philodemos », RE XIX 2, 1938, col. 24532454. 43. Cavallo, LSSE,p. 63-64et « Rotoli », p. 18-20. 44. Cavallo, « Rotoli », p. 18, avec citation de D. Comparetti, « La Bibliothèque de Philodème », dans MélangesChatelain,Paris 1910,p. 121.
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au caractère « éditorial » non définitif. Il s'agirait de « versions provisoires » du texte, préparatoires à I' « édition » définitive. La mise en page des PHerc. 1426 et 1672, dépourvus de la mention u1toµv11µatt1c6v,est plus soignée et leur écriture plus élaborée, ce qui donne l'impression du caractère définitif de leur texte, et ce également du point de vue esthétique. On ne peut donc pas considérer les PHerc. 1426 et 1672 comme de simples doubles des PHerc. 1506 et 1674. Le rapport qu'il y a entre les couples de papyrus est celui « version provisoire » / u1toµv11µa'ttKOV - « version définitive » / cruvtayµa - cruyypaq,~/ cruyypaµµa de deux livres de la Rhétoriquede Philodème, le deuxième (PHerc. 1674-1672) et le troisième (PHerc. 1506-1426). Ces deux livres faisaient par conséquent partie de la Rhétoriquede Philodème et non d'un présumé 'Y1toµv11µattKOV 7tEptPll'tOptlCTlç. Cavallo confirme sa thèse par deux preuves supplémentaires: 1. la comparaison avec d'autres rouleaux de la bibliothèque de Philodème, dans les subscriptionesdesquels on avait supposé la présence du terme u1t6µv11µa« traité » ; tous ces rouleaux ont été copiés avec des techniques bibliologiques et graphiques soignées, caractéristiques d'autres papyrus dans lesquels on a décelé les restes d'une « édition définitive» d'un livre de Philodème. 45 2. Le terme u1t6µv11µa, qui avait été utilisé d'abord dans le sens de « esquisse », « ébauche », avait acquis, à l'époque hellénistique;· le sens de « traité », « texte (d'un livre) ».46 Ce glissement sémantique du terme u1t6µv11µapourrait expliquer la naissance du terme u1toµv11µa'tuc6v servant à qualifier la version provisoire d'un texte, destinée à une diffusion limitée, « semi-publique ». 45. Cavallo, « Roto li », p. 19. 46. F. Bômer, « Der Commentarius », Hermes81, 1953, p. 210-250 et Skydsgaard, p. 107-116. M. Capasso, « PHerc. 671 : un altro libro del De signis? » CErc10, 1980, p. p. 125-126 n. 3 et Id.,« I Problemidifilologiafill>so.ficadi Mario Untersteiner », E/,enchos2,1981, p. 394-395 a complété le dossier à partir du témoignage des papyrus d'Herculanum.
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Dans mes recherches précédentes,j'avais accepté les conclusions de Cavallo selon lesquelles u1toµv11µattx:6v indique une 47 et cru « version provisoire » de ces livres de la Rhétorique, qu'elles pouvaient trouver confirmation dans le texte du Commentaire de Galien aux Articulationsd'Hippocrate et dans celle du Commentaind'Ammonios aux Catégories d'Aristote qui vient d'être citée. 48 Ces deux passages m'avaient conduit à la supposition que Ù1toµv11µatt1e6v indiquait, d'une façon générale, la « version provisoire » d'un livre par opposition à auvtayµatt1e6v qui renvoie à sa « version définitive ». Cavallo évoquait les PHerc.89, 168, 1001 et 1427, dans les subscriptionesdesquels on avait décelé l'indication u1t6µv11µa.Or, dans la subscriptiodu PHerc.1427, on ne lit pas u1t6µv11µa,mais u1toµv11µatt1e6v, et c'est probablement le même terme qu'il faut reconnaître dans la subscriptio du PHerc. 16849 et peut-être dans celle du PHerc.89. Le texte de la subscriptiodu PHerc. 1001 est trop endommagé pour en tirer quoi que ce soit. 50 La découverte la plus significative - on l'a déjà signalé 51 concerne la subscriptiodu PHerc.1427, qui contient les colonnes finales du livre I de la Rhétoriquede Philodème. A la vérification de l'original, au lieu de : 1Aoô11µou I nepl p11toptK11Ç I u1toµv11µa-ccov I a' : « Livre I des traités de Philodème Sur la rhétorique »,
47. Dorandi, « Retorica », p. 78-79 et Id., « Den Autoren über die Schulter geschaut », p. 25-29. 48. Voir supra, p. 87 et 84. 49. Delattre, «Titres», p. 110 n. 19. Dans cette note, il faut lire '1001' à la place de '240'. 50. Dorandi, « Retorica », p. 63-64 et F. Longo Auricchio, « Nuovi elementi perla ricostruzione della &tonca di Filodemo », CErc26, 1996, p. 170 n. 12 (= « New elements for the reconstruction of Philodemus' Rhetarica», dans Papyrologenkongress 1997, p. 633 n. 11). 51. Voir supra, p. 88.
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on a eu la surprise de lire :52 1Â.oô11µo[u] 1 ntpl prrrop1101ç 1 [u]1toµ[v]11µa1[1]1e~v I a'. 53
C'est à partir de cette découverte, qui remet en cause l'ensemble de la reconstruction de Cavallo et de la mienne, que D. Blanka récemment, et indépendamment de mes recherches, proposé une nouvelle interprétation de laquestion.54 Laissons de côté la pars destrnensde l'article de Blank, dont les résultats correspondent aux miens, et venons-en tout de suite à la pars construens,dans laquelle nos conclusions sont divergentes. Pour interpréter u1toµv11µattKOV, Blank analyse ce que signifient les termes u1t6µv11µa(u1toµv11µattcrµ6ç) u1toµtµv~crKro, u1t6µv11crtçet u1toµv11µattKOÇ chez Philodème. Il arrive à la conclusion que Philodème utilise u1t6µv11µa (u1toµv11µattcrµ6ç) pour indiquer un ou plusieurs livres d'une œuvre ou les notes prises aux cours d'un maître ; u1t6µv11crtç, u1toµv11µattKOÇet surtout le verbe u1toµ1µv~crKro sont employés dans le sens de « mentionner (brièvement) » en opposition à une « description détaillée » d'un argument ou d'une question. 55 Il en conclut donc que u1toµv11µattKOV, dans les subscriptiones des papyrus de la Rhétorique, désigne un genre 52. Delattre, « Subscriptiones», p. 40-41 et Id., «Titres», p. 109-110. 53. Deux lignes suivent avec les données stichométriques. On suppléait jusqu'ici : API[0].XXXXXI CE[AI~EC P]AZ ; Delattre a lu : A[ On p~urrait suggérer : à[pt0(µoç)] XXXX 1 . ..]XXXX I CE[...] PAZ. . . ae[Â.tÔ(Eç)] ~AZ, c'est-à-dire « 4000 lignes en 137 colonnes ». A la l. 1, après A, . il y a en réalité de la place pour trois lettres et non deux ; l'abréviation aEÀtÔ(EÇ)est attestée dans la note qu'on lit sous la dernière colonne du PHerc. 1426 (Phld., Rhet. Ill), voir T. Dorandi, « Stichometrica », ZPE 70, 1987, p. 36 n. 8. 54. Blank, p. 123-140. 55. Blank, p. 131-133.
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( Gattungsbezeichnung) qui indique, dans l'esprit de Philodème, le fait que ces livres contenaient une présentation non detaillée des cours sur la rhétorique ( eine nicht ausführliche Darbietungder Vorœsungendes Meisters)de son maître Zénon de Sidon. L'indication u1toµv11µat11eov ne ferait donc pas partie du titre de ces livres, et c'est le scribe des rouleaux qui aurait pris la liberté de l'ajouter ou non au titre (wurde vom Schrei,ber selbstentwederzum Titelhinzugefügtoderweggelassen) .56 Blank cherche en outre à démontrer que l'hypothèse affirmant que l'indication u1toµv11µat11eov désigne une « version provisoire», n'est pas confirmée non plus du point de vue de la critique textuelle ; à son avis, on peut en effet expliquer toutes les divergences entre les PHerc.1674 et 1672 d'un côté, et les PHerc.1506 et 1426 de l'autre, comme des variantes textuelles normales. Il parvient donc à la conclusion que les deux couples de papyrus ne conservent pas deux versions différentes de deux livres de la Rhétorique,mais qu'il s'agit plutôt d'exemplaires jumeaux. 57 Cette solution ne me satisfait pas ;j'en profite donc pour reprendre entièrement le problème afin d'essayer de suggérer une alternative qui tienne compte de toutes les données rassemblées jusqu'ici quant aux pratiques de la composition d'une œuvre littéraire dans }'Antiquité. Philodème avait commencé la composition de la Rhétoriquealors qu'il n'avait pas encore quitté Athènes pour se rendre en Italie après la mort de son maître, Zénon de Sidon (vers le milieu des années 70 av. J.-C.). 58 La rédaction de l'œuvre, qui comportait au moins dix livres, l'a 56. Blank, p. 133. 57. Blank, p. 133-137. 58. J. Wisse, « The presence of Zeno. The date of Philodemus' "On Rhetoric" and the use of the "citative" and "reproducing" present in Latin and Greek », dans R. Risselada,J. R. de Jong, A. M. Bolkestein (éd.), On Latin. Linguistic and literarystudies in honour of H. Pinkster, Amsterdam 1996, p. 173-202.
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occupé pendant quelques décennies, peut-être jusqu'aux années quarante. 59 Le livre IV est, en effet, dédié à Gaius Pansa, consul en 43. 60 J'ai déjà avancé l'hypothèse que les trois premiers livres de la Rhétoriqueformaient une unité conceptuelle et thématique qui avait pour objet de déterminer si la rhétorique était ou non un art (une têxv11).61 Philodème y attaque certains épicuriens qui ont vécu et enseigné dans les îles de Rhodes et de Cos aux IIe et 1er s. av.J.-C., et qu'il considère comme« dissidents» (croq>tcrta.i), c'est-à-dire comme des épicuriens qui, tout en faisant partie de l'école-mère, donnent une interprétation différente de certains points particuliers de la pensée « canonique ». Ces épicuriens cherchaient à démontrer qu'on ne peut considérer aucun genre de rhétorique comme un art. Philodème revendique en tant que doctrine authentique des x:cx9rrY11µ0VEÇ de l'École l'avis de son maître Zénon qui, excluant la rhétorique judiciaire ou politique, ne considérait comme un art que la rhétorique sophistique ou épidictique. Philodème se propose donc de réfuter la thèse selon laquelle la définition de la rhétorique sophistique comme un art ne remonterait pas aux fondateurs du Jardin, mais serait une innovation introduite par Zénon de Sidon. Dans le livre I, Philodème débat de la question de savoir si la rhétorique est un art, et insiste sur l'idée que l'on ne peut considérer comme tel que la rhétorique sophistique ou épidictique. Le livre II contient la défense par Philodème des thèses de son maître Zénon de Sidon. D'après Zénon, ., Epicure niait que la rhétorique politique et celle du barreau fussent un art et ne tenait comme tel que la rhétorique sophistique ou épidictique. Il s'acharne surtout sur les épicuriens de Rhodes et de Cos. Philodème oppose aux thèses « hétérodoxes » de ces philosophes celles qu'il considère 59. Cavallo, LSSE, p. 63-64. 60. Voir infra, p. 134 n. 17. 61. Dorandi, « Retorica », p. 67-71.
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·comme les seules « orthodoxes » ou « canoniques » : les thèses ., d'Epicure, de Métrodore et d'Hermarque. 62 Dans le livre Ill, Philodème nie que puisse exister l'orateur parfait tel que le propose le philosophe stoïcien Diogène de Séleucie. Il ajoute aussi que la rhétorique sophistique n'arrive pas non plus à ., produire un bon homme d'Etat; la rhétorique ne .,confère pas à l'homme politique des qualités morales, et l'Etat sera sauvé par les hommes politiques pris en tant que personnages vertueux et non en tant qu'hommes engagés dans la politique. C'est la philosophie, et non la rhétorique, qui est capable de rendre un homme vertueux. Cette reconstruction des livres I et II de la Rhétoriquedémontre que ce ne sont pas les épicuriens « dissidents » qui avaient critiqué Zénon après la diffusion d'une version préliminaire de la Rhétorique(hypothèse de Sudhaus), mais que c'est Philodème qui a composé ces livres pour défendre son maître Zénon contre les attaques des « dissidents ». Philodème avait écrit ces deux livres et le troisième dans un seul but, et probablement au cours d'une brève période du vivant de Zénon, peut-être à Athènes. Par l'addition de l'adjectif u1toµv11µatuc6v, il avait voulu indiquer qu'on avait affaire à une version de ces livres qu'on peut supposer définitive, mais limitée à une circulation interne à l'école, c'est-à-dire qu'il ne les destinait pas à une (1eotv~)Ëx:Ôoatç, à une diffusion auprès d'un large public, du moins à l'époque de leur première sortie. Philodè~e lui-même diffusa (È1eôtô6vat)ces livres quelques années plus tard, au moment où il réorganisa ses écrits sur la rhétorique, dans un ensemble consistant en dix livres au moins. C'est alors qu'il fit à nouveau copier, avec une mise en page soignée et dans une écri62. On trouvera une analyse de la question dans mon article « La représentation de la rhétorique comme art dans la philosophie hellénistique et romaine», à paraître dans C. Lévy (éd.), La représentation théorique des arts des scienceset des métiersdans la philosophi.e hellénistiqueet romaine, sous presse.
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ture plus élaborée, les trois premiers livres (le livre II dans le PHerc. 1672 ; le livre III dans le PHerc.1426). Il reprit, en même temps, son ancien traité Ilept ÂÉçeroc;, probablement pour en faire un quatrième livre (PHerc.1423 et 1007/1673) avec une fonction de charnière entre les deux parties de l'œuvre.ro Il compléta l'ensemble de sa Rhétori,quepar six autres livres : on a retrouvé d'importantes parties des livres VIII (PHerc.832/1015), IX (PHerc.1004) et X (PHerc.1669). 64 Des restes des livres VI et VII se cachent dans les bribes de fragments d'autres papyrus de la bibliothèque de Philodème qu'on a attribués, en raison de leur contenu, à sa Rhétorique. C'est ce même procédé qui avait conduit à la naissance des grands traités du corpusAristotelicum(par exemple : la Physique, la Métaphysique,la Rhétorique) ; livres ou groupes de livres qui, à l'origine, avaient connu une circulation restreinte à l'intérieur du Lycée, et avaient été réunis et organisés en corporahomogènes traitant un sujet probablement déjà délimité par Aristote lui-même ou par quelqu'un d'autre à une époque indéterminée. 65 A vrai dire, il faut aussi prendre en considération les deux papyrus de Philodème : PHerc. 89 et PHerc. 168, dont les subscriptwnescontiennent des traces du terme u1toµv11µatuc6v. A partir de sa nouvelle lecture du titre du PHerc. 1427, Delattre 66 a supposé qu'on devait lire, dans la subscriptiodu 63. Ce livre était copié sur deux rouleaux ; on en conserve deux copies partielles : Dorandi, « Due 'edizioni' », p. 33-35. 64. Dorandi, « Retorica », p. 59-87 avec les remarques de Longo Auricchio, « Gorgi,a», p. 191-196 et Ead., « Nuovi elementi per la ricostruzione della Returicadi Filodemo », art. cit., p. 169-171 (=«New elements for the reconstruction of Philodemus' Rhetmica», dans Pap,yrowgenkongress 1997, p. 631-635). 65.J. Barnes, « Roman Aristotle », dansj. Barnes & M. Griffin (éd.), PhïlosophiaTogata.II, Oxford 1997, p. 1-69, met en doute avec de solides arguments l'hypothèse de l'activité éditoriale d'Andronicus de Rhodes. 66. Delattre, « Titres », p. 109 n. 16 et 110 n. 19.
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PHerc. 168, u1toµv11µat[ucov] au lieu de l'i>1toµv11µ6.t[cov] conjecturé par Bignone.m La même solution conviendrait aussi, à mon avis, à la subscriptiodu PHerc.89 pour laquelle Crônert avait hardiment proposé : [tÂ.oÔ]~µou [trov 7tEpt8E]ro[v] u1toµv11µa[tcov tO (.) Ëa]ttV6è . ~ ' [1tEpttllÇtrov 8Ero]v[ôtayror'lç],« Philodème, Traité sur les dieux, le [.]r.1 Il concerne la conduite des dieux )8
». 69
11est certain que le mauvais état de conservation du papyrus affaiblit beaucoup cette hypothèse; l'u1toµv,iµa[trov de Crônert serait cependant le seul témoignage de l'emploi du terme u1t6µv11µa dans les subscriptionesdes papyrus d'Herculanum. 70 11 existe parmi les papyrus d'Herculanum un livre de Philodème dont on a supposé qu'il nous restait aussi, outre l'exemplaire de la rédaction définitive, une copie de la première version, un vrai brouillon peut-être : il s'agit du Ilepl trov l:trot1erov(Sur les Stoïciens),dont on conserve une copie « hypomnématique » (PHerc.339) et une « édition » (PHerc. 155). 71 Les deux papyrus ont été copiés à peu près à la même époque. L'écriture du PHerc.339 est négligée et paraît cursive ; le rouleau n'est pas pourvu d'une vraie subscriptio,mais 67. E. Bignone,« Epicurea », AAT47, 1911-1912, p. 671. Aujourd'hui il ne reste presque rien de la subscriptio:voir Dorandi, « Stichometrica », art. cit. (supra,n. 53), p. 38 et L. Salvadori Baldascino, « Per una edizione del PHerc.168 », dans Proceed. XI~ /nt. Congr.Papyrology, I, Cairo 1992, p. 272-273. Mme Salvadori Baldascino confirme l'attribution de l'œuvre à Philodème (1À.oô]~µ[ou) et avance comme supplément possible : i>1toµv~µat[a]à la place de i>1toµv11µat[rov]. 68. On suppose qu'ici se trouvait le numéro du livre. 69. Crônert, KuM, p. 103 n. 512. 70. Je laisse de côté le cas du PHerc.1001 pour les raisons déjà exposées ( supra,p. 92 n. 49). 71. Cavallo, LSSE, p. 62, à partir des caractéristiques paléographiques des deux documents.
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de ce qui est probablement un titre (provisoire ?) : Ilpoç toùç l:tcot1eoùç( Contre ks Stoïciens) a été griffonné sur le verso du rouleau, sans l'indication u1toµv11µatt1e6v,ce qu'il est important de remarquer. 72 Le PHerc.155 est copié dans une écriture soignée et a une subscriptio:tÂoô~µou Ilept t&v ~trouc&v (Philodème, Sur ks Stoïciens).73 Cavallo a supposé que le PHerc. 182 (Philodème, Sur lac~ /ère), écrit par le même anonyme (IX) qui a copié le PHerc. 4 transmettait lui aussi 1506 et le PHerc. 1674 de la Rhétorique,7 une version « hypomnématique » de ce livre ; dans la subscriptio, on lit tÂoô]~µ[ouIlepi - - - o Èatt TTe]pioprilç (Philodème, Sur ... c'est~à-dire Sur la coœre)75 On n'a pâs trouvé trace,jusqu'à présent, du rouleau qui aurait contenu la version définitive ou « édition » du Ilept oprilç (Sur la colère); les caractéristiques paléographiques et bibliologiques constituent pourtant les seuls éléments sur lesquels fonder cette hypothèse. Il faut donc ne pas donner trop de poids à ce der. nier cas. Les papyrus de Philodème - et en particulier ceux des trois premiers livres de la Rhétarique- nous offrent une preuve concrète, même si c'est avec des différences certaines, de l'existence des pratiques de composition d'une œuvre littéraire telles que les décrivent Galien et Jamblique. Dans le cas de Philodème, en effet, on doit supposer que la première rédaction de la Rhétoriqueétait déjà achevée et, dans une large mesure, définitive du point de vue textuel. Ce qui distingue 72. Pour l'absence de titre comme élément caractérisant une version « hypomnématique » d'une œuvre, voir infra, p. 100-101. 73. T. Dorandi, « Filodemo. Gli Stoici. PHerc.339 e 155 », CErc12, 1982, p. 97. 74. Cavallo, LSSE, p. 51. L'identification de l'anonyme qui a copié le PHerc. 1506 est contestée par Hammerstaedt, « Der Schlussteil von Philodems drittem Buch über Rhetorik », art. cit. (supra, n. 36), p. 12 et par Obbink et Blank (voir Blank, p. 130). 75. G. Indelli (éd.), Fi!,odemo. L'ira, Napoli 1988, p. 36-39. On trouvera une reproduction photographique dans Cavallo, LSSE, pl. XVIII.
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la version postérieure est, en premier lieu, la présentation du livre quant à sa forme : un type d'écriture et une mise en colonnes plus soignées, une révision (6t6p0roatç). 76 Ce qui est encore plus important, c'est que les deux rédactions étaient souvent destinées à un usage différent ; pour reprendre la terminologie de Galien, l'une avait été conçue comme où 1tpoçËKÔoatv( « non destinée à la circulation »), l'autre comme 1tpoç ËKÔoatv ( « destinée à la circulation »). Sil' on tient compte de cette distinction, on arrive à mon avis à expliquer d'une façon plus convaincante la présence, entre autres, de l'indication u1toµv11µatt1e6vdans les subscriptiones des papyrus de Philodème. Il y a un aspect sur lequel le témoignage qu'offrent les papyrus de Philodème diffère nettement de celui de Galien. Dans un passage de la préface au De librispropriisde Galien déjà cité, on lit : « Ces traités étaient donnés à des amis ou à des disciples, sans titre (xroplç È1ttypacp~ç),parce qu'ils n'étaient pas destinés à l'édition {1tpoçËKôoatv), mais composés pour ceux-là même qui avaient souhaité avoir des comptes rendus des leçons qu'ils avaient entendues » ; 77 et quelques lignes plus loin : « J'ai donné tout simplement mes traités à mes disciples, sans avoir indiqué de titres (oÙÔÈv È1tÉypawa). C'est pourquoi, par la suite, quand ils ont été répandus auprès d'un large public, les gens leur ont donné des titres différents. Aussi ai:ie jugé bon, pour les ouvrages que certains m'ont rapportés afin que je les corrige, de leur donner un titre à partir de leurs premiers mots ». 78 On a souvent tiré de ces renseignements la conclusion générale que les écrits « hypomnématiques » n'avaient pas de titre parce qu'ils devaient « rester dans le privé et n'étaient pas à dif76.Je donne ici à ô16p8coo1ç le sens de correction des fautes dues à la copie. Voir K. McNamee, Marginaliaand commentaries in greekliterarypap,yri, Diss. Duke University 1977, p. 17-21. 77. Gal., De libr.pr.(p. 92, 13-16Müller). Voir infra, p. 107-108. 78. Gal., De libr.pr.(p. 93, 11-15 Müller). Trad. M.-0. Goulet-Cazé, dans Brisson & alii 1982, p. 283 n. ~
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fuser : l'édition comporte, en effet, une mise au net de la première rédaction - le cruyypaµµa - avec le titre que lui confère son auteur ». 79 Selon le témoignage de Porphyre, Plotin non plus n'avait pas donné de titres à ses traités. C'est Porphyre qui a ajouté, comme titres, les premiers mots de chaque traité. 80 Les papyrus de Philodème, que ce soient ceux qui comportent dans la subscriptiol'indication u1toµv11µatt1eov ou ceux qui, même s'ils en sont dépourvus, conservent également des rédactions« hypomnématiques », présentent une réalité tout à fait différente. A la seule exception du PHerc.339, tous sont pourvus d'un titre qui correspond au contenu de l'œuvre. Le titre est aussi souvent accompagné par une notation stichométrique. 81 S'il ne faut pas donner, à mon avis, trop d'importance à la présence des titres, il ne faut pas non plus surévaluer le témoignage de Galien et celui de Plotin/Porphyre. 82 Il est bien possible que les habitudes aient changé au cours de la période qui les sépare de Philodème ; on ne peut pas non plus exclure qu'on ait pu avoir recours indifféremment aux deux pratiques en même temps.
79. C'est ce qu'écrit Devreesse, p. 77. Voir Hoffmann, p. 79 n. 19 (avec indications bibliographiques) 80. Voir Porph., VitaPlot.4, 17-21. On trouvera une traduction et une discussion de ce passage infra, p. 125-126. 81. On retrouve des traces de stichométrie dans les subscriptionesdes PHerc.1427 et 1506 par exemple. 82. Sur la question des titres voir B.:J.Schrôder, Titel und Text. Zur Entwicklung lateinischerGedichtüberschriften. Mit Untersuchungenzu lateinischenBuchtiteln, Inhaltsverzeichnissen und anderen GliederungsmittetBerlin u. New York 1999, notamment p. 9-29.
Chapitre 5 ËKôOCJtÇ
Les passages de Galien et les papyrus de la Rhétoriquede Philodème qu'on a examinés dans le chapitre précédent ont bien mis en évidence la pratique commune à plusieurs auteurs de l'Antiquité de réserver une partie de leur production littéraire à une circulation restreinte, limitée à un ou plusieurs amis ou camarades d'étude, c'est-à-dire de renoncer à diffuser ces écrits (où 1tpoçËKôOcrat).11 Élias parle des Lois de Platon qui étaient restées « inédites » (1tEpttrov v6µrov àvEx:66trov µEtVÇ Ei1tÈ1ealoacpÉotEpov. Ai. Ei tCÎ>V 7tOÀ\ tcÎlvolot vûv 7ttatruoµEV' tOUtO\Çà1tton,oatµEV, oiç 6' où xproµd3a, tOUtOtOtxp11oaiµEo8'Ïocoçoro8EîµEV At. Ei vûv yEôuotuxoû µEvÈvtout 0101, 1troç
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Euripide. - Si en guise d'ailes on attachait à Cléocrite Cinésias, et que les vents les portassent au-de~us de la plaine . manne ... D10!\'YSos. - Ce serait plaisant à voir. Mais quel sens cela a-t1·1 ;> • EuRIPIDF.. - ... s'ils livraient un combat naval et qu'ensuite, munis de burettes à vinaigre, ils les jetassent dans les yeux des . ennemis ... D1o~Ysos.- Fort bien, ô Palamède, ô si ingénieuse nature ! Cela, est-ce toi qui l'as trouvé, ou bien Céphisophon? EURIPIDE. - Moi seul ; mais les burettes sont de Céphisophon. D10~-vsos. - (à Eschyl,e.)Et toi ? Que dis-tu ? EscHYLE. - Dis-moi d'abord qui sont ceux que la cité emploie à présent. Sont-ce les honnêtes gens ? D10NYsos. - Comment donc ? elle les hait de la pire façon. EscHYLE. - Sont-ce donc les gueux qui lui plaisent ? D10!\YS0s. - Non certes, pas à elle ; mais elle s'en sert à contrecœur. EscHYLE. - Comment donc sauver une cité à qui ni vont ni le manteau de laine ni le sayon de poil ? D10NYS0s. -Trouve, par Zeus, si tu veux remonter au jour. EscHYLE. - Là-haut je m'expliquerai ; ici,je ne veux point D10Nvsos. -Non pas, mais d'ici envoie-leurtes bons conseils. EscHYLE. - Je sais un moyen et veux m'expliquer. D10NYSos. - Parle. EscHYLE. - Ce qui maintenant est suspect, si nous le «
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tenions pour sûr, et ce qui est sûr, pour suspect ... D10!\'YSos.- Comment ? Je ne saisis pas. Sois moins docte, si je puis dire, en tes paroles, et plus clair. EscJ-M.F.. - Si ceux des citoyens qui ont maintenant notre confiance nous devenaient suspects, et si ceux dont nous • • n t usons pas, nous en usions, nous serions peut-etre sauves. D101'NSos.- Puisque nous ne réussissons pas avec les moyens actuels, comment, en faisant le contraire, ne serions-nous pas sauvés ? EscHYI.E.- Qu'ils considèrent le pays ennemi comme leur, et le leur comme celui de l'ennemi, comme ressource leur flotte, et comme un embarras leurs ressources ». 14 A
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On a aussi envisagé de façon plausible l'existence de va5 et la riantes d'auteur par exemple dans la Métaphysique1 6 d'Aristote. Il s'agit de materiel ajouté par Aristote Rhétorique1 dans un deuxième moment, après la première rédaction de son texte, en raison des progrès qu'il avait faits pendant les différentes phases de son enseignement. Ces ajouts consisten t en un seul terme, un paragraphe, une phrase ou, au contraire, en un passage entier. On ne peut pas décider s'il s'agit d'interpolations, de réflexions ultérieures, de ÔEU'tÉpat (sinon même tpttat) vtàç 7tpClÇE1Ç ÈJtlÔElKVUVal ci>çto1aîrta1. [To Ô' ÈyKc.oµ1ov trov Ëpyrov
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