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French Pages 420 [429] Year 2019
pontificia universitas gregoriana rhetorica biblica et semitica
Roland Meynet
LE PSAUTIER
Deuxième livre (Ps 42/43–72)
PEETERS
LE PSAUTIER Deuxième livre (Ps 42/43–72)
Roland Meynet
LE PSAUTIER Deuxième livre (Ps 42/43–72) Rhetorica Biblica et Semitica XX
PEETERS LEUVEN – PARIS – BRISTOL, CT 2019
SOCIÉTÉ INTERNATIONALE POUR L’ÉTUDE DE LA RHÉTORIQUE BlBLIQUE ET SÉMITIQUE
Il existe de nombreuses sociétés savantes dont l’objet est l’étude de la rhétorique. La plus connue est la « Société internationale pour l’histoire de la rhétorique ». La RBS est la seule : • qui se consacre exclusivement à l’étude des littératures sémitiques, la Bible essentiellement, mais aussi d’autres, des textes musulmans par exemple ; • qui s’attache par conséquent à inventorier et à décrire les lois particulières d’une rhétorique qui a présidé à l’élaboration des textes dont l’importance ne le cède en rien à ceux du monde grec et latin dont la civilisation occidentale moderne est l’héritière. Il ne faudrait pas oublier que cette même civilisation occidentale est héritière aussi de la tradition judéo-chrétienne qui trouve son origine dans la Bible, c’est-à-dire dans le monde sémitique. Plus largement, les textes que nous étudions sont les textes fondateurs des trois grandes religions monothéistes, judaïsme, christianisme et islam. Une telle étude scientifique, condition première d’une meilleure connaissance mutuelle, ne saurait que contribuer au rapprochement entre ceux qui se réclament de ces diverses traditions. • • •
• •
La RBS promeut et soutient la formation, les recherches et les publications : surtout dans le domaine biblique, tant du Nouveau que de l’Ancien Testament ; mais aussi dans celui des autres textes sémitiques, en particulier ceux de l’islam ; et encore chez des auteurs nourris par les textes bibliques, comme saint Benoît et Pascal. Pour cela, la RBS organise les années paires un colloque international dont les actes sont publiés dans la présente collection ; chaque année des séminaires de formation à sa méthodologie, en différentes langues.
La RBS accueille et regroupe d’abord les chercheurs et professeurs universitaires qui, dans diverses institutions académiques, travaillent dans le domaine de la rhétorique biblique et sémitique. Elle encourage de toutes les manières les étudiants, surtout de doctorat, dans l’apprentissage de sa technique propre. Elle est ouverte aussi à tous ceux qui s’intéressent à ses activités et entendent les soutenir. SOCIÉTÉ INTERNATIONALE POUR L’ÉTUDE DE LA RHÉTORIQUE BIBLIQUE ET SÉMITIQUE Pontificia Università Gregoriana — Piazza della Pilotta, 4 — 00187 Roma (Italie) Pour plus de renseignements sur la RBS, voir : www.retoricabiblicaesemitica.org. ISBN 978-90-429-4116-8 eISBN 978-90-429-4117-5 D/2019/0602/105 A catalogue record for this book is available from the Library of Congress. © 2019, Peeters, Bondgenotenlaan 153, B-3000 Leuven, Belgium No part of this book may be reproduced in any form or by any electronic or mechanical means, including information storage or retrieval devices or systems, without prior written permission from the publisher, except the quotation of brief passages for review purposes.
Rhetorica Biblica et Semitica Beaucoup imaginent que la rhétorique classique, héritée des Grecs à travers les Romains, est universelle. C’est en effet celle qui semble régir la culture moderne, que l’Occident a répandue sur l’ensemble de la planète. Le temps est désormais venu d’abandonner un tel ethnocentrisme : la rhétorique classique n’est pas seule au monde. La Bible hébraïque, dont les textes ont été écrits surtout en hébreu mais aussi en araméen, obéit à une rhétorique bien différente de la rhétorique gréco-romaine. Il faut donc reconnaitre qu’il existe une autre rhétorique, la « rhétorique hébraïque ». Quant aux autres textes bibliques, de l’Ancien Testament et du Nouveau, qui ont été soit traduits soit rédigés directement en grec, ils obéissent largement aux mêmes lois. On est donc en droit de parler non seulement de rhétorique hébraïque, mais plus largement de « rhétorique biblique ». En outre, ces mêmes lois ont ensuite été reconnues à l’œuvre dans des textes akkadiens, ougaritiques et autres, en amont de la Bible hébraïque, puis dans les textes arabes de la Tradition musulmane et du Coran, en aval de la littérature biblique. Il faut donc admettre que cette rhétorique n’est pas seulement biblique, et l’on dira que tous ces textes, qui appartiennent à la même aire culturelle, relèvent d’une même rhétorique qu’on appellera « rhétorique sémitique ». Contrairement à l’impression que ressent inévitablement le lecteur occidental, les textes de la tradition sémitique sont fort bien composés, à condition toutefois de les analyser en fonction des lois de la rhétorique qui les gouverne. On sait que la forme du texte, sa disposition, est la porte principale qui ouvre l’accès au sens. Non pas que la composition fournisse, directement et automatiquement, la signification. Cependant, quand l’analyse formelle permet d’opérer une division raisonnée du texte, de définir de manière plus objective son contexte, de mettre en évidence l’organisation de l’œuvre aux différents niveaux de son architecture, se trouvent ainsi réunies les conditions qui permettent d’entreprendre, sur des bases moins subjectives et fragmentaires, le travail d’interprétation.
INTRODUCTION Après le commentaire du cinquième livre, du premier, puis du troisième, voici donc le commentaire du deuxième livre du Psautier. Un ami me fait remarquer que mon itinéraire n’est pas de type linéaire, mais ressemble à la manière biblique de composer. En effet, sans m’en être rendu compte clairement, j’ai commencé par les extrémités, me suis ensuite attaché au livre qui occupe le centre de la construction, pour finir par les deux livres qui l’encadrent. L’avantage de commencer par les extrémités est qu’une des deux limites de ces livres est indiscutable : le premier livre commence avec le Ps 1 et le cinquième livre s’achève par le Ps 150 ! Ces deux livres sont les plus développés : le dernier (107–150) compte quarante-quatre psaumes, le premier (1–41) quarante et un. Ayant vérifié que chacun des livres extrêmes est composé et bien composé, il était normal d’étudier ensuite la composition du troisième livre qui occupe le centre du Psautier (Ps 73–89). En effet, si ce livre se révélait bien composé lui aussi, cela indiquerait la fin du deuxième livre (42–72) et le début du quatrième (90–106). La composition du deuxième livre ne le cède en rien à celle des cinquième, premier et troisième livres. Comme d’habitude, j’ai travaillé « à mains nues », c’est-à-dire sans regarder ce que d’autres avaient fait avant moi, pour ne pas risquer d’être engagé sur des rails dont il me serait ensuite difficile de sortir. Il faut dire que les études sur la composition du deuxième livre ne sont pas nombreuses. Elles se limitent, à ma connaissance, à un article de Gianni Barbiero (2010)1 et à la thèse de Stefan Attard, publiée en 2015, qui le suit et le développe2. Spécialiste reconnu des Psaumes, Barbiero est d’avis que le deuxième (Ps 42– 72) et le troisième livre (73–89) forment un ensemble structuré : Psaumes de Coré 42–49
Psaume d’Asaph 50
Psaumes de David 51–72
Psaumes d’Asaph 73–83
Psaumes de Coré 84–89
A
B
C
B’
A’
Cette organisation serait confirmée par ce qu’il est convenu d’appeler « le psautier élohiste » du fait que le nom de « Yhwh » laisse pratiquement toute la place à celui d’« Élohim ». Cependant cela ne vaut que pour les Ps 42–83.
1
G. BARBIERO, «Il secondo e il terzo libro dei Salmi (Sal 42–89): due libri paralleli». ATTARD, S.M., The Implications of Davidic Repentance. A Synchronic Analysis of Book 2 of the Psalter (Psalms 42-72). 2
8
Le Psautier. Deuxième livre (Ps 42/43–72)
Dans le second livre Barbiero distingue deux parties : 1) « Le premier recueil des psaumes de Coré (Ps 42–49) », où les deux premiers psaumes (42/43–44) trouvent leur réponse dans l’épithalame qui suit (45) ; au centre, le triptyque des Ps 46–48, le psaume 49 faisant inclusion avec les deux premiers et concluant l’ensemble. 2) « Le deuxième psautier davidique (Ps [50]51–72) », qui se subdivise en sept : 50–51 ; 52–55 ; 56–60 ; 61–64 ; 65–68 ; 69–71 ; 72. Il va sans dire que, dans les limites d’un article, la démonstration ne pouvait pas être développée, d’autant plus que ce qui concerne le deuxième livre n’occupe que la première moitié de l’article (p. 148-162). Stefan Attard suivra la proposition de Barbiero dans la thèse qu’il rédigea sous sa direction, mais la modifiera quelque peu. Pour lui, la première partie du livre s’étend jusqu’au Ps 51, regroupant les psaumes de Coré, le psaume d’Asaph (50) et le Miserere qui répond au précédent. Cet ensemble se subdivise en quatre : 42–44 ; 45–48 ; 49 ; 50–51. L’auteur étudie ensuite les « implications herméneutiques » de 49–51, avant d’examiner le tout. Pour la suite, « Les psaumes de David 2 », il suit fidèlement les divisions de Barbiero, mais il introduit un second niveau d’analyse : après avoir étudié les deux groupes 52–55 et 56–60, il consacre un chapitre à « l’ensemble 52–60 » ; et de même après l’analyse de 61–64 et 65–68, il revient sur 61–68. Attard expose la méthodologie purement synchronique qu’il adopte, celle du Close Reading3. Le seul groupe commun entre ceux de Barbiero et d’Attard et les miens est celui des psaumes 56–60, ceux qui contiennent dans leurs titres le terme miktām, traduit par « à mi-voix ». Selon mon analyse, le deuxième livre s’organise en cinq sections, deux sections comprenant sept psaumes aux extrémités (42/43–49 et 66-72) et trois autres plus courtes de cinq ou de six psaumes (50–55 ; 56–60 ; 61–65). Le groupe des cinq psaumes « à mi-voix » constitue la section centrale du livre. Il faut ajouter que certains commentaires opèrent des regroupements qui recoupent généralement ceux qui viennent d’être présentés. Signalons d’abord Tiziano Lorenzin (2001) et ses sept subdivisions qui sont celles de Barbiero, à part 69-72 qui forment son dernier ensemble. Quant à Jean-Luc Vesco (2006), comme Barbiero il distingue « Le recueil des fils de Coré (Ps 42–49) » et « Le Ps 50 et le deuxième recueil davidique (Ps 50–72) ». À l’intérieur de cette deuxième partie il a seulement quatre subdivisions : – « Psaumes davidiques de supplication (Ps 51-64) », – « Chants et psaumes d’action de grâce (Ps 65–68) », – « Psaumes davidiques de supplication » (Ps 69–71) », – « Prière de David pour Salomon, ou le portrait du roi à venir (Ps 72) ». 3
ATTARD, S.M., The Implications of Davidic Repentance, 20-32.
Introduction
9
Faut-il redire que la méthodologie mise en œuvre dans le présent volume est celle de l’analyse rhétorique biblico-sémitique4 et que le commentaire est conduit à tous les niveaux de composition, depuis celui du « segment » jusqu’à celui du « livre ».
Remerciements Sylvaine Reboul a bien voulu relire mon manuscrit. Son acribie a permis de corriger bien des erreurs. Qu’elle en soit vivement remerciée5.
4
Exposée dans mon Traité de rhétorique biblique. Qu’elle veuille bien me pardonner de continuer à suivre, comme dans les précédents volumes, l’orthographe « modernisée » en 1990, « recommandée » par l’Académie française. Le lecteur ne s’étonnera donc pas de lire « maitre » au lieu de « maître », « interpelé » au lieu d’« interpellé », « relai » au lieu de « relais ». 5
SIGLES ET ABRÉVIATIONS AJSL al. AnBib AncB BetM BJ BN BVC CBQ chap. Diss. ed. EeV Fs. Gr. Joüon JSOT.S LeDiv LiBi litt. NICOT NRTh nt. OTE OTL p. par ex. par. RB RBS ReBib ReBibSem RBSem repr. RevBib RhBib RhSem RivBib RSR trad. TG
American Journal of Semitic Lnguages and Literature alii, autres Analecta biblica Anchor Bible Bet Miqra Bible de Jérusalem Biblische Notizen Bible et Vie Chrétienne Catholic Biblical Quarterly chapitre Dissertation edidit, ediderunt Esprit et Vie Festschrift Gregorianum P. Joüon, Grammaire de l’hébreu biblique, Rome 1923 Journal for the Study of the Old Testament. Supplement Series Lectio Divina Lire la Bible littéralement The New International Commentary on the Old Testament Nouvelle Revue Théologique note Old Testament Essays Old Testament Library page(s) par exemple Paragraphe Revue biblique Société internationale pour l’étude de la Rhétorique Biblique et Sémitique Retorica biblica (EDB) Retorica Biblica e Semitica (G&B Press) Rhetorica Biblica et Semitica (Peeters) reprint Revista Bíblica Rhétorique biblique (Cerf) Rhétorique sémitique (Lethielleux, Gabalda) Rivista Biblica Recherches de Science Religieuse Traduction Tesi Gregoriana
12 Traité TOB trad. v. vol. VT VT.S WBC
Le Psautier. Deuxième livre (Ps 42/43–72) R. Meynet, Traité de rhétorique biblique, RhSem 4, Paris 2007 ; RhSem 12, Pendé 2013 Traduction Œcuménique de la Bible traduction verset(s) volume(s) Vetus Testamentum Vetus Testamentum. Supplement World Biblical Commentary
Les commentaires des psaumes ne sont cités que par le nom de l’auteur (ou des auteurs) en minuscules, suivi des numéros de volume et de page(s). Ex. : Weiser, 232 ; Alonso Schoekel – Carniti, I, 303. Les références aux trois volumes de mon commentaire des psaumes sont abrégées : Le Psautier. Cinquième livre ; Le Psautier. Premier livre ; Le Psautier. Troisième livre. Les abréviations des livres bibliques sont celles de La Bible de Jérusalem (BJ).
LEXIQUE DES TERMES TECHNIQUES
1. TERMES QUI DÉSIGNENT LES UNITÉS RHÉTORIQUES Il arrive souvent, dans les ouvrages d’exégèse, que les termes « section », « passage », mais surtout « morceau », « partie »..., ne soient pas utilisés de façon univoque. Voici la liste des termes qui désignent les unités textuelles à leurs niveaux successifs. LES NIVEAUX « INFÉRIEURS » (OU NON AUTONOMES) À part les deux premières (le terme et le membre), les unités de niveau inférieur sont formées de une, deux ou trois unités du niveau précédent. TERME
le terme correspond en général à un « lexème », ou mot qui appartient au lexique : substantif, adjectif, verbe, adverbe.
MEMBRE
le membre est un syntagme, ou groupe de « termes » liés entre eux par des rapports syntaxiques étroits. Le « membre » est l’unité rhétorique minimale ; il peut arriver que le membre comporte un seul terme (le terme d’origine grecque est « stique »).
SEGMENT
le segment comprend un, deux ou trois membres ; on parlera de segment « unimembre » (le terme d’origine grecque est « monostique »), de segment « bimembre » (ou « distique ») et de segment « trimembre » (ou « tristique »).
MORCEAU
le morceau comprend un, deux ou trois segments.
PARTIE
la partie comprend un, deux ou trois morceaux.
LES NIVEAUX « SUPÉRIEURS » (OU AUTONOMES) Ils sont tous formés soit d’une, soit de plusieurs unités du niveau précédent. PASSAGE
le passage — l’équivalent de la « péricope » des exégètes — est formé d’une ou de plusieurs parties.
SÉQUENCE
la séquence est formée d’un ou de plusieurs passages.
SECTION
la section est formée d’une ou de plusieurs séquences.
LIVRE
enfin le livre est formé d’une ou de plusieurs sections.
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Le Psautier. Deuxième livre (Ps 42/43–72)
Il est quelquefois nécessaire d’avoir recours aux niveaux intermédiaires de la « sous-partie », de la « sous-séquence » et de la « sous-section » ; ces unités intermédiaires ont la même définition que la partie, la séquence et la section. VERSANT
ensemble textuel qui précède ou qui suit le centre d’une construction ; si le centre est bipartite, le versant correspond à chacune des deux moitiés de la construction.
2. TERMES QUI DÉSIGNENT LES RAPPORTS ENTRE LES UNITÉS SYMÉTRIQUES SYMÉTRIES TOTALES CONSTRUCTION PARALLÈLE
figure de composition où les unités en rapport deux à deux sont disposées de manière parallèle : A B C D E | A’B’C’D’E’. Quand deux unités parallèles entre elles encadrent un élément unique, on parle de parallélisme pour désigner la symétrie entre ces deux unités, mais on considère l’ensemble (l’unité de niveau supérieur) comme une construction concentrique : A | x | A’. Pour « construction parallèle », on dit aussi « parallélisme » (qui s’oppose à « concentrisme »).
CONSTRUCTION SPÉCULAIRE
figure de composition où les unités en rapport deux à deux sont disposées de manière antiparallèle ou « en miroir » : A B C D E | E’D’C’B’A’. Comme la construction parallèle, la construction spéculaire n’a pas de centre ; comme la construction concentrique, les éléments en rapport se correspondent en miroir. Quand la construction ne comprend que quatre unités, on parle aussi de « chiasme » : A B | B’A’.
CONSTRUCTION CONCENTRIQUE
figure de composition où les unités symétriques sont disposées de manière concentrique : A B C D E | x | E’D’C’B’A’, autour d’un élément central (cet élément peut être une unité de l’un quelconque des niveaux de l’organisation textuelle). Pour « construction concentrique », on peut aussi dire « concentrisme » (qui s’oppose à « parallélisme »).
CONSTRUCTION ELLIPTIQUE
figure de composition où les deux foyers de l’ellipse articulent les autres unités textuelles : A | x | B | x | A’.
Lexique des termes techniques
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SYMÉTRIES PARTIELLES TERMES INITIAUX
termes ou syntagmes identiques ou semblables qui marquent le début d’unités textuelles symétriques ; l’« anaphore » de la rhétorique classique.
TERMES FINAUX
termes ou syntagmes identiques ou semblables qui marquent la fin d’unités textuelles symétriques ; l’« épiphore » de la rhétorique classique.
TERMES EXTRÊMES termes ou syntagmes identiques ou semblables qui marquent les extrémités d’une unité textuelle ; l’« inclusion » de l’exégèse traditionnelle. TERMES MÉDIANS
termes ou syntagmes identiques ou semblables qui marquent la fin d’une unité textuelle et le début de l’unité qui lui est symétrique ; le « mot-crochet » ou « mot-agrafe » de l’exégèse traditionnelle.
TERMES CENTRAUX termes ou syntagmes identiques ou semblables qui marquent les centres de deux unités textuelles symétriques. Pour plus de détails, voir R. MEYNET, Traité de rhétorique biblique, RhSem 11, Pendé 2013. PRINCIPALES RÈGLES DE RÉÉCRITURE – à l’intérieur du membre, les termes sont généralement séparés par des blancs ; – chaque membre est généralement réécrit sur une seule ligne ; – les segments sont séparés par une ligne blanche ; – les morceaux sont séparés par une ligne discontinue ; – la partie est délimitée par deux filets ; il en va de même pour les sous-parties. – à l’intérieur du passage, les parties sont encadrées (sauf si elles sont très courtes, comme une introduction ou une conclusion) ; les éventuelles sousparties sont disposées dans des cadres contigus ; – à l’intérieur de la séquence ou de la sous-séquence, les passages, réécrits en prose, sont disposés dans des cadres séparés par une ligne blanche ; – à l’intérieur de la séquence, les passages d’une sous-séquence sont disposés dans des cadres contigus. Sur les règles de réécriture, voir Traité, chap. 5, 283-344 (sur la réécriture des tableaux synoptiques, voir chap. 9, 471-506).
NOTRE ROI NOUS SAUVE DE TOUS NOS ENNEMIS La première section Ps 42/43–49
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Le première section (Ps 42/43–49)
La première section comprend sept psaumes organisés en trois séquences. Les séquences extrêmes (42/43–45 et 47–49) comptent chacune trois psaumes, tandis que la séquence centrale n’en comprend qu’un seul (46) :
Les peuples
rendront grâce
YHWH DES ARMÉES AVEC NOUS,
Tous les peuples
psalmodieront
au roi du Seigneur
CITADELLE POUR NOUS
pour notre Roi
Ps 42/43–45
!
Ps 46
Ps 47–49
I. LES PEUPLES RENDRONT GRÂCE AU ROI DU SEIGNEUR La première séquence : Ps 42/43–45 1. LE PSAUME 42/43 TEXTE 42,1 Du maitre-de-chant, instruction, des fils de Coré. 2 Comme la biche aspire après les cours d’eau, 3 a soif mon âme de Dieu, du Dieu vivant. Quand viendrai-je et ainsi mon âme aspire vers toi, Dieu ; 4 verrai-je la face de Dieu ? Est pour moi mon pleur pain jour et nuit, quand on dit à moi tout le jour : 5 De ceci je me souviens et s’épanche sur moi mon âme : j’avançais avec la « Où est-il ton Dieu ? » multitude, je les conduisais vers la maison de Dieu, dans la voix de cri-de-joie et d’action de grâce d’une foule en fête. 6 Pourquoi t’effondres-tu, mon âme, et grondes-tu sur moi ? Attends Dieu, car encore je lui rendrai grâce, le salut de sa face. 7 Mon Dieu, sur moi mon âme s’effondre, c’est pourquoi je me souviens de toi, depuis le pays du Jourdain et des Hermons, depuis la montagne Insignifiante. 8 L’abime vers l’abime appelant à la voix de tes cataractes, toutes tes vagues et tes flots sur moi sont passés. 9 De jour commande Yhwh sa fidélité et de nuit son chant est avec moi, prière au Dieu de ma vie. 10 Je dirai à Dieu, mon Rocher : Pourquoi m’oublies-tu ? Pourquoi sombre je vais, sous l’oppression de l’ennemi ? 11 En brisure de mes os, m’insultent mes adversaires dans leur dire à moi tout le jour : Où est-il ton Dieu ? 12 Pourquoi t’effondres-tu, mon âme, et pourquoi grondes-tu sur moi ? Attends Dieu, car encore je lui rendrai grâce, le salut de ma face et mon Dieu. 43,1 Juge-moi, Dieu, et défends ma cause contre un peuple non fidèle ; contre un homme de fraude et de fausseté délivre-moi. 2 Car toi, le Dieu de ma force : pourquoi me rejettes-tu ? Pourquoi triste je m’en vais, sous l’oppression de l’ennemi ? 3 Envoie ta lumière et ta vérité : elles me guideront, me feront-venir à la montagne de ta sainteté et à tes tentes. 4 Et je viendrai à l’autel de Dieu, au Dieu de la joie de mon exultation. Et je te rendrai grâce sur la cithare, Dieu, mon Dieu. 5 Pourquoi t’effondres-tu, mon âme, et pourquoi grondes-tu sur moi ? Attends Dieu, car encore je lui rendrai grâce, le salut de ma face et mon Dieu. V. 42,1 : « INSTRUCTION
»
Le terme maśkîl revient dans le titre de treize psaumes (32 ; 42 ; 44 ; 45, etc.). La BJ et Osty le traduisent par « poème », la TOB par « instruction ». Le verbe se trouve en 32,8 : « Je t’instruirai et t’enseignerai... » ; il s’agit probablement d’un poème sapientiel1. V. 42,5 : « J’AVANÇAIS AVEC LA MULTITUDE...
»
Déjà les anciennes versions témoignent de la difficulté du texte. Le terme sāk est un hapax et il est donc difficile d’en saisir le sens. Quoi qu’il en soit du détail, la signification du verset ne fait pas de difficulté insurmontable2.
Pour les Ps 32, 74, 78, 142, suivant la BJ, j’ai traduit par « poème » ; pour les Ps 88 et 89 en revanche par « instruction ». 2 Voir BARBIERO, Perché, o Dio, 18 (désormais, Barbiero). 1
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La première section (Ps 42/43–49)
V. 42,6 : « LE SALUT DE SA FACE
»
Les autres refrains (42,12 ; 43,5) s’achèvent avec « le salut de ma face et mon Dieu ». Le texte massorétique a « le salut de sa face » et fait commencer le verset 7 par « mon Dieu ». Suivant la Septante, plusieurs contemporains rejettent « mon Dieu » à la fin du premier refrain, en le faisant précéder par le coordonnant « et »3 ; ils corrigent aussi « sa face » par « ma face ». Ainsi le « refrain » est « formellement identique »4. Or ce n’est pas la seule différence entre les trois occurrences du refrain : en effet, alors qu’en 42,12 et 43,5 le second verbe est précédé de « et pourquoi » (« et pourquoi grondes-tu »), en 42,6 le deuxième « pourquoi » est économisé (« et grondes-tu »)5. On suit le texte massorétique. V. 42,7 : « ET LES HERMONS DEPUIS LE MONT INSIGNIFIANT
»
« Micéar » est souvent compris comme un nom propre, mais il est impossible de localiser cette montagne. La Septante traduit « un mont petit ». Comme le verbe ṣā’ar signifie « être insignifiant »6, il pourrait qualifier « les Hermons », ce qui serait une manière de moquer le pluriel de majesté du mont Hermon, en opposition à « la montagne de ta sainteté » de 43,3-4 où se trouve le Temple. COMPOSITION Alors que le texte massorétique, la Septante et la Vulgate considèrent qu’il s’agit de deux psaumes, la plupart des commentateurs modernes sont d’avis que c’est une unique composition7. Tous reconnaissent la scansion du refrain qui organise le psaume en trois unités. Ravasi les intitule : « le passé nostalgique » (42,2-6) ; le présent tragique (42,7.12) ; le futur lumineux (43,1-5) »8. La composition de la première séquence (Ps 42–49) ainsi que celle du livre dans son ensemble appuie cette position. Chaque partie comprend deux sous-parties, la seconde étant une reprise du « refrain ». LA PREMIÈRE PARTIE (42,2-6) La première sous-partie (2-5) est une longue lamentation, la seconde (6) au contraire est un bref encouragement que le psalmiste s’adresse à lui-même. Le premier morceau de la première sous-partie (2-3) compare la soif de Dieu à celle de la biche (2) ; les deux derniers segments développent le second membre du premier segment (2b). C’est seulement dans le dernier segment qu’est révélé où 3
Weiser, 346 ; Kraus, I, 436-437 ; Ravasi, I, 755 ; Alonso Schoekel – Carniti, I, 700-701. Ravasi, I, 768. 5 Certains le rétablissent (Ravasi, I, 755 ; Alonso Schoekel – Carniti, I, 700-701 ; deClaisséWalford – al., 400-405), d’autres le suppriment 42,12 et 43,5 (par ex., Lorenzin, 184-186). 6 En Gn 19,20-22 le nom de la ville de Çoar où Lot se réfugie signifie « peu de chose ». 7 Fait exception deClaissé-Walford – al., 404. 8 Ravasi, I, 764. 4
Le psaume 42/43
21
se trouve l’eau qui peut étancher la soif du psalmiste : le Temple où l’on peut voir « la face de Dieu ». Dans le second morceau (4), au lieu de la soif du premier morceau, ce sont les larmes continuelles qui sont « le pain » quotidien du psalmiste provoqué par les sarcasmes des ennemis. Le troisième morceau (5) oppose à cette situation celle du passé où le psalmiste participait avec joie à la liturgie du Temple. : 2 Comme la biche : ainsi MON ÂME
aspire aspire
après les cours vers toi,
:: 3 a soif :: du DIEU
MON ÂME
de DIEU,
:: Quand :: et verrai-je
viendrai-je la FACE
d’eau, DIEU ;
vivant.
de DIEU ? ····························································································
+ 4 Est pour moi + jour
mon pleur et nuit,
pain
+ quand on dit + « Où est-il
à moi ton DIEU ? »
tout le jour :
····························································································
- 5 De ceci - et s’épanche
je me souviens sur moi
MON ÂME
. j’avançais . je les conduisais
avec la multitude, vers la maison
de DIEU,
. dans la voix . d’une foule
de cri-de-joie en fête.
et D’ACTION DE GRÂCE
+ 6 Pourquoi + et grondes-tu
t’effondres-tu, sur moi ?
MON ÂME,
· Attends · car encore · le salut
:
DIEU, JE LUI RENDRAI GRÂCE, de sa FACE.
Dans la deuxième sous-partie le psalmiste s’encourage lui-même : au « pourquoi » du découragement et de la lamentation (6ab), il répond qu’espérer en « Dieu » et dans le « salut de sa face » lui permettront encore de « rendre grâce » (6cde). Le dernier segment est de type ABA’ : « le salut de sa face » peut en effet être interprété comme le second complément de « attends », en apposition à « Dieu », le premier complément d’objet direct. D’une sous-partie à l’autre, « je lui rendrai grâce » au futur (6d) répond à l’« action de grâce » du passé (5e) ; « sa face » de 6e correspond à « la face de Dieu » en 3d. Le nom de « Dieu » revient quatre fois dans le premier morceau (2b.3a.3b.3d), une fois dans les deux morceaux suivants (4d.5d) et une fois aussi dans la deuxième sous-partie (6c). « Mon âme » revient en 2b.3a, en 5b et 6a.
22
La première section (Ps 42/43–49)
LA DEUXIÈME PARTIE (42,7-12) + 7 Mon Dieu, – c’est pourquoi – depuis le pays – et les Hermons, 8
+ L’abime + à la voix + toutes tes vagues
sur moi
MON ÂME
je me souviens de toi, du Jourdain depuis la montagne
Insignifiante.
vers l’abime de tes cataractes, et tes flots
S’EFFONDRE ;
appelant sur moi
sont passés.
······················································································································· + 9 De jour commande YHWH sa fidélité
:: et de nuit :: prière
son chant au DIEU
est avec moi, de ma vie.
:: 10 Je dirai
à DIEU,
mon Rocher :
.. Pourquoi .. Pourquoi .. sous l’oppression
m’oublies-tu ? sombre de l’ennemi ?
je vais,
·······················································································································
– 11 En brisure – m’insultent – dans leur dire
de mes os, mes adversaires à moi
= Où est-il
ton DIEU ?
+ 12 Pourquoi + et pourquoi
T’EFFONDRES-TU, grondes-tu
MON ÂME, sur moi ?
DIEU, je lui rendrai grâce, de ma face
et mon Dieu.
· Attends · car encore · le salut
tout le jour :
La première sous-partie (7-11) est de nouveau une longue supplication. Introduit par « c’est pourquoi », le trimembre 7bcd exprime la conséquence de l’unimembre initial. Le troisième segment donne la raison pour laquelle l’âme du psalmiste « s’effondre » (7a). Dans le deuxième morceau le premier segment dit la relation de confiance entre le Seigneur qui manifeste sa « fidélité » « de jour » et le chant et la prière que lui adresse son fidèle « de nuit ». L’unimembre qui suit calque le membre précédent (9c) et introduit une double question. Le troisième morceau rapporte la question blasphématoire que les « adversaires » du psalmiste lui posent. « Adversaires » (11b) renvoie à « ennemis » de la fin du morceau précédent (10d). La deuxième sous-partie commence par une double question auxquelles répond le trimembre suivant.
Le psaume 42/43
23
LA TROISIÈME PARTIE (43,1-5) + 1 JUGE-MOI, – contre un peuple
DIEU, non fidèle ;
et DÉFENDS
– contre un homme + DÉLIVRE-MOI.
de fraude
et de fausseté
ma cause
··················································································································· = 2 Car toi, le DIEU de ma force,
.. pourquoi .. Pourquoi = sous l’oppression
me rejettes-tu ? sombre de l’ennemi ?
je m’en vais,
··················································································································· + 3 ENVOIE ta lumière et ta vérité :
: elles : me feront-venir
me guideront, à la montagne
de ta sainteté
:: Et je viendrai . au DIEU
à l’autel de la joie
de DIEU, de mon exultation.
:: Et JE TE RENDRAI GRÂCE . DIEU,
sur la cithare, mon DIEU.
+ 5 Pourquoi + et grondes-tu
t’effondres-tu, sur moi ?
4
· Attends · car encore · le salut
et à tes tentes.
MON ÂME,
DIEU, JE LUI RENDRAI GRÂCE, de ma FACE
et mon Dieu.
La première sous-partie est une longue supplication. Son premier morceau est construit de manière spéculaire, avec les impératifs aux extrémités et les compléments entre les deux. Un phénomène analogue se retrouve dans le deuxième morceau, les deux questions introduites par « pourquoi » étant encadrées par les deux antagonistes, « le Dieu de ma force » et « l’oppression de l’ennemi ». Le troisième morceau est plus développé. Il commence par un impératif adressé à Dieu, comme dans le premier morceau. Dans le premier segment (3) les sujets des deux derniers membres sont « ta lumière et ta vérité » ; dans les deux segments suivants (4), c’est le psalmiste qui est le sujet des verbes. Les deux premiers segments sont liés par les verbes de même racine, « faire venir » et « venir » (3c.4a). La deuxième sous-partie (5) est de même composition que les sous-parties finales des deux premières parties (6.12).
24
La première section (Ps 42/43–49)
L’ENSEMBLE DU PSAUME 42,1 Du maitre-de-chant, instruction, des fils de Coré. 2
Comme la biche aspire après les cours des eaux, ainsi mon âme aspire vers toi, DIEU ; 3 mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant. Quand VIENDRAI-JE et verrai-je LA FACE de Dieu ? + 4 Est pour moi mon pleur pain, + quand on me dit tout le jour :
jour et nuit, OÙ EST-IL, TON DIEU ?
5
De ceci JE ME SOUVIENS et s’épanche sur moi mon âme : j’avançais avec la multitude, je les conduisais vers la maison de Dieu, dans la voix de cri-de-joie et d’ACTION DE GRÂCE d’une foule en fête. 6
POURQUOI t’effondres-tu, mon âme, et grondes-tu sur moi ? Attends Dieu, car encore JE LUI RENDRAI GRÂCE, le salut de SA FACE.
7
MON DIEU, sur moi mon âme s’effondre, c’est pourquoi JE ME SOUVIENS de toi, depuis le pays du Jourdain et des Hermons, depuis LA MONTAGNE Insignifiante. 8 L’abime vers l’abime appelant à la voix de tes cataractes, toutes tes vagues et tes flots sur moi sont passés. 9 De jour, commande Yhwh sa fidélité et de nuit son chant est avec moi, prière au Dieu de ma vie. = 10 Je dirai à Dieu, mon Rocher : = POURQUOI sombre je vais,
POURQUOI m’oublies-tu ? sous l’oppression de l’ennemi ?
+ 11 En brisure de mes os, m’insultent mes adversaires + quand ils me disent tout le jour : OÙ EST-IL, TON DIEU ? 12
POURQUOI t’effondres-tu, mon âme, et POURQUOI grondes-tu sur moi ? Attends Dieu, car encore JE LUI RENDRAI GRÂCE, le salut de MA FACE et MON DIEU !
43,1 Juge-moi, DIEU, et défends ma cause contre un peuple non fidèle ; contre un homme de fraude et de fausseté délivre-moi. = 2 Car toi, le Dieu de ma force : = POURQUOI sombre je m’en vais,
POURQUOI me rejettes-tu ? sous l’oppression de l’ennemi ?
3
Envoie ta lumière et ta vérité : elles me guideront, me feront venir à LA MONTAGNE de ta sainteté et à tes tentes. 4 Et JE VIENDRAI à l’autel de Dieu, au Dieu de la joie de mon exultation. Et JE TE RENDRAI GRÂCE sur la cithare, DIEU, MON DIEU. 5
POURQUOI t’effondres-tu, mon âme, et POURQUOI grondes-tu sur moi ? Attends Dieu, car encore JE LUI RENDRAI GRÂCE, le salut de MA FACE et MON DIEU !
Le psaume 42/43
25
Les trois parties sont parallèles. Les secondes sous-parties sont très semblables, à tel point qu’on les qualifie souvent de « refrain » : les deux dernières sont effectivement identiques, mais la première économise le dernier terme, « et mon Dieu », et a « le salut de sa face » au lieu de « le salut de ma face », évoquant ainsi discrètement « le face à face » entre Dieu et le psalmiste. Les premières sous-parties sont plus développées. Les deux premières sont des lamentations, la dernière est une supplication. Les deux premières sont liées en particulier par les versets 4 et 11 dont les seconds membres sont pratiquement identiques, s’achevant par la même question des ennemis : « Où est-il, ton Dieu ? » Les deux dernières sous-parties sont liées par les versets 42,10 et 43,2 qui comportent deux questions presque identiques commençant par « Pourquoi ? » Ainsi la première sous-partie centrale s’achève par ces deux sortes de « refrains », le premier (10) annonçant la dernière partie (43,2) et le deuxième (11) rappelant la première partie (42,4) ; c’est là un exemple de « la loi du croisement au centre »9. Les parties extrêmes commencent avec le vocatif simple, « Dieu » (42,2 ; 43,1) tandis que la partie centrale utilise « mon Dieu » (42,7) ; ce dernier vocatif sera repris à la fin de la première sous-partie de la dernière partie, emphatisé par la répétition : « Dieu, mon Dieu » (43,4b) ; « mon Dieu » revient aussi à la fin de 42,12 et de 43,5. Les premières sous-parties s’achèvent avec « action-de-grâce » et « je rendrai-grâce » (42,5c ; 43,4b). On pourra remarquer que les deux occurrences de « se souvenir » agrafent les deux premières parties (42,5.7) et que « je viendrai » (43,4) fait inclusion avec « quand viendrai-je » (42,3). Dans les deux dernières parties, « la montagne Insignifiante » (42,7b) s’oppose à « la montagne de ta sainteté » (43,3). En outre, « le Dieu de ma vie » (42,9) rappelle « le Dieu vivant » de 42,3, établissant un rapport du même type que celui qu’évoque « le salut de sa face » (42,6c) et « le salut de ma face » (42,12c ; 43,5c) : le Dieu vivant est celui qui me fait vivre, qui me communique sa vie. Marquant les trois parties, neuf « pourquoi », quatre adressés à Dieu (42, 10a.10b ; 43,2a.2b) et cinq adressés à lui-même (42,6.12bis ; 43,5bis). « Action de grâce » et « rendre grâce » reviennent cinq fois (42,5c.6b.12b ; 43,4b.5b).
CONTEXTE LA SOIF DE DIEU Au désert, le peuple fit l’expérience fondamentale et emblématique que seul le Seigneur pouvait étancher sa soif (Ne 9,15.20 ; Sg 11,4-8).
9
R. MEYNET, « Le leggi della retorica biblica. A proposito della “legge dell’intreccio al centro” ».
26
La première section (Ps 42/43–49)
Le Ps 63 commence lui aussi avec la même métaphore : « Dieu, mon Dieu, c’est toi que je cherche-dès-l’aube ; a soif de toi mon âme, languit de toi ma chair, sur une terre sèche et altérée, sans eau » (63,2)10. La thématique sera reprise dans les écrits johanniques (Jn 4,13-14), jusqu’à la fin de l’Apocalypse : 5
Alors, Celui qui siège sur le trône déclara : « Voici, je fais l’univers nouveau. » Puis il ajouta : « Écris : Ces paroles sont certaines et vraies. » 6 « C’en est fait, me dit-il encore, je suis l’Alpha et l’Oméga, le Principe et la Fin ; celui qui a soif, moi, je lui donnerai de la source de vie, gratuitement » (Ap 21,5-6).
LE FACE-À-FACE Le jeu entre la face de Dieu et celle du psalmiste à la fin des « refrains » peut faire penser à la relation privilégiée entre Dieu et Moïse. Certes au buisson, « il se voila la face, car il craignait de fixer son regard sur Dieu » (Ex 3,6). Il est dit aussi que, ne pouvant voir la face du Seigneur, Moïse ne le verrait que de dos (Ex 33,20-22). Et pourtant « Yhwh parlait à Moïse face-à-face, comme un homme parle à son ami » (Ex 33,11 ; voir Nb 12,6-8 ; 14,14).
INTERPRÉTATION D’UNE MONTAGNE À L’AUTRE « Depuis le pays du Jourdain », « depuis la montagne Insignifiante » des Hermons, le psalmiste se rappelle la seule montagne qui vaille, « la montagne de ta sainteté », là où se trouve « la maison de Dieu ». À la frontière septentrionale du pays, en Galilée, loin du Temple, de ses foules en fête exultant d’action de grâce, il se sent en quelque sorte exilé. Le souvenir de sa participation au culte et à ses chants lui fait ressentir une soif inextinguible que les eaux vives du Jourdain ne sauraient étancher. « Quand viendrai-je et verrai-je la face de Dieu ? » LE DÉSIR DU FACE-À-FACE De la naissance à la mort, l’homme est éclairé par la lumière du visage de ceux qui l’aiment. Comme le bien-aimé du Cantique : « Fais-moi voir ton visage, fais-moi entendre ta voix ; car ta voix est douce et ton visage charmant » (Ct 2,14). C’est ce que tout Juif fidèle attend de la bénédiction des prêtres : « Que Yhwh te bénisse et te garde ! Que Yhwh fasse pour toi rayonner son visage et te fasse grâce ! Que Yhwh te découvre sa face et t’apporte la paix ! » (Nb 6,24-26). Tous rêvent de parler au Seigneur comme Moïse, face à face : chacun le fait un jour ou l’autre, certains jour après jour. À entendre la voix du 10
Voir p. 262.
Le psaume 42/43
27
psalmiste, psaume après psaume — à reprendre ses paroles à son propre compte — on ne peut s’empêcher de se le représenter comme l’enfant qui lève les yeux vers le visage de son père, le regardant droit dans les yeux11. DES RAFALES DE QUESTIONS ? C’est d’abord la question répétée de ceux qui, à longueur de journées, se moquent du psalmiste en lui demandant où est son Dieu (42,4.11), ce Dieu qui l’abandonne, submergé par les eaux de ses vagues et de ses cataractes. La pire souffrance du psalmiste, celle qui le fait pleurer, qui lui brise les os, c’est de devoir supporter que le Dieu en qui il continue à mettre sa confiance soit l’objet d’une telle dérision. Alors jaillissent quatre « pourquoi » adressés à Dieu (42,10a.10b ; 43,2a.2b), ce Dieu que le psalmiste appelle son « Rocher » (42,10), sa « force » (43,2). Comme les pourquoi lancinants que l’enfant ne cesse de poser à son père. Enfin, comme apaisé, le quintuple « pourquoi » que le psalmiste adresse à son âme, pour la calmer et l’inviter à « rendre grâce » pour le « salut » qu’il est sûr d’obtenir. « JE TE RENDRAI GRÂCE SUR LA CITHARE » Le psalmiste ne reste pas prisonnier, ni des questions de ses détracteurs, ni de celles qu’il adresse à son Dieu, et pas davantage de celles qu’il se pose à luimême. Il prend patience, il « attend » de Dieu « le salut » et sait que viendra le temps où il pourra lui rendre grâce. Certes, il commence par se lamenter en se souvenant des jours heureux, où dans la maison de Dieu, il pouvait rendre grâce avec les multitudes en fête (42,5), mais à peine a-t-il évoqué ce lointain passé qu’il se projette dans l’avenir, quand « encore » il pourra renouer avec l’action de grâce (42,6). Et il finit par se voir revenir à la montagne sainte, pour porter sur « l’autel de Dieu » le sacrifice d’action de grâce (43,4). L’effondrement et les grondements n’auront pas le dernier mot. Le dernier mot est le nom du sauveur, « Dieu, mon Dieu ».
11
Thérèse de Lisieux avait choisi comme nom de religion : Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face.
2. LE PSAUME 44 TEXTE 1
Du maitre-de-chant, des fils de Coré, instruction. 2 Dieu, de nos oreilles nous avons entendu, nos pères ont raconté à nous l’œuvre que tu œuvras de leurs jours, aux jours d’autrefois : 3 toi, ta main, des nations tu déshéritas et tu les plantas, tu détruisis des pays et tu leur fis-place. 4 Car pas par leur épée ils héritèrent la terre et leur bras pas n’a sauvé eux, car ta droite et ton bras et la lumière de ta face car tu les aimais. 5 C’est toi, mon roi, Dieu, ordonnant les saluts de Jacob ; 6 par toi, nos adversaires nous repoussions, en ton nom nous écrasions nos agresseurs. 7 Car pas dans mon arc je m’étais fié et mon épée pas ne m’avait sauvé ; 8 car tu nous sauvais de nos adversaires et nos haïssant tu confondais, 9 en Dieu nous nous louions tout le jour et à ton nom pour toujours nous rendions-grâce. 10 Or, tu nous as rejetés et tu nous as déshonorés et tu ne sors plus avec nos armées ; 11 tu nous as fait retourner en arrière devant l’adversaire et nos haïssant ont spolié nous. 12 Tu nous as donnés comme moutons de boucherie et dans les nations tu nous as dispersés ; 13 tu as vendu ton peuple sans bénéfice et tu n’as pas gagné sur leur prix. 14 Tu fais de nous l’insulte de nos voisins, fable et risée de nos entourant ; 15 tu fais de nous le proverbe dans les nations, hochement de tête dans les pays. 16 Tout le jour mon déshonneur (est) devant moi et la honte ma face me couvre, 17 sous les clameurs d’insulteur et de blasphémateur, à la face de l’ennemi et du se vengeant. 18 Tout cela nous advint et point ne t’avions oublié et point n’avions trahi ton alliance ; 19 point n’était allé en arrière notre cœur et n’avaient dévié nos pas loin de ton sentier. 20 Oui, tu nous as broyés en un lieu de chacals et tu as étendu sur nous la ténèbre. 21 Si nous avions oublié le nom de notre Dieu et avions tendu les mains vers un dieu étranger, 22 est-ce que Dieu n’eût pas découvert cela, car lui il connait les secrets du cœur ? 23 Oui, à cause de toi nous sommes tués tout le jour, nous sommes tenus pour moutons d’abattage. 24 Réveille-toi, pourquoi dorstu, Seigneur ? Dresse-toi, ne nous rejette pas pour toujours ! 25 Pourquoi ta face caches-tu, oublies-tu notre misère et notre oppression ? 26 Car s’effondre dans la poussière notre âme, est collé à la terre notre ventre. 27 Lève-toi, viens à notre secours et rachète-nous à cause de ta fidélité. V. 3
: « TOI, TA MAIN, DES NATIONS TU DÉRACINAS »
Plusieurs rattachent les deux premiers mots au segment précédent. La ponctuation massorétique est préférable1. La Septante a facilité le texte en supprimant « toi » et en faisant de « ta main » le sujet de « déposséda » qui passe de la deuxième personne à la troisième. V. 5
: « C’EST TOI, MON ROI, DIEU, ORDONNANT... »
Beaucoup suivent la Septante qui remplace l’impératif du texte massorétique par un participe2. La composition du psaume recommande cette solution.
1 2
Voir Joüon, 151b. Même Hakham mentionne cette possibilité.
30
La première section (Ps 42/43–49)
V. 6-9 : «
PAR TOI, NOS ADVERSAIRES NOUS REPOUSSIONS... »
Comme la Septante, certains traduisent les verbes des versets 6-7 par des futurs3, d’autres les mettent au présent4, d’autres enfin au passé5 ; pour 8 et 9 ils suivent l’alternance des parfaits et des imparfaits de l’hébreu. La logique du psaume, mise en évidence par sa composition, invite plutôt à lire tout l’ensemble au passé6.
COMPOSITION Le psaume est organisé en trois parties : la première concerne le passé heureux (2-9), la deuxième le présent de malheur (10-17), la troisième enfin le futur, appuyé sur une protestation d’innocence (18-27). LA PREMIÈRE PARTIE (2-9) La première partie comprend deux sous-parties. La première sous-partie (2-4) + 2 Dieu, + nos pères
de nos oreilles ont raconté -
nous avons entendu, à nous
– l’œuvre – aux jours
que tu œuvras d’autrefois :
de leurs jours,
:: 3 toi, :: des nations :: tu détruisis
TA MAIN, TU DÉSHÉRITAS
des pays
et tu les plantas, et tu leur fis-place.
·····················································································································
- 4 CAR pas - et LEUR BRAS
par leur épée pas n’a sauvé
.. CAR TA DROITE .. et la lumière
et TON BRAS de ta face
ILS HÉRITÈRENT
la terre
eux,
= CAR tu les aimais.
Dans le premier morceau le deuxième segment est l’objet de ce que les pères ont « raconté » (2b) et que leurs fils ont « entendu » (2a). Le troisième segment dévoile le contenu de « l’œuvre » accomplie par Dieu : le premier membre met 3
Ainsi Vesco, 402 ; deClaissé-Walford – al., 410. Alonso Schoekel – Carniti, I, 715 ; de même Osty. 5 Ravasi, I, 775 ; Hakham, I, 250 ; Lorenzin, 186. 6 Ainsi la BJ et la TOB. 4
Le psaume 44
31
en valeur, par deux fois, le sujet des verbes suivants. Introduit par « car », le second morceau explicite le contenu du premier morceau en opposant l’action efficace de « la droite » et du « bras » de Dieu à l’inaction du « bras » des pères. « La lumière » de « la face » de Dieu s’oppose à « l’épée » des hommes. « Ils héritèrent » (4a) s’oppose à « tu déshéritas » (3b). La deuxième sous-partie (5-9) + 5 C’est toi + ordonnant
MON roi,
– 6 par toi, – en TON NOM
NOS
LES SALUTS
ADVERSAIRES
NOUS ÉCRASIONS
DIEU, de Jacob ; NOUS REPOUSSIONS, NOS
agresseurs.
··············································································································
- 7 CAR pas - et MON épée
dans MON arc pas ne M’AVAIT SAUVÉ ;
:: 8 CAR TU NOUS SAUVAIS :: et NOS haïssant
de NOS ADVERSAIRES tu confondais,
= 9 en DIEU = et à TON NOM
JE m’étais fié
NOUS NOUS LOUIONS
tout le jour
pour toujours
NOUS RENDIONS-GRÂCE.
Dans le premier morceau, le premier segment attribue à Dieu seul « les saluts » ; dans le second segment, c’est « nous » qui est le sujet des verbes de salut, mais les premiers termes de chaque membre, « par toi » et « en ton nom », insistent sur « le sujet » réel qui n’est autre que Dieu. Le deuxième morceau commence par reprendre la même idée en opposant le salut opéré par Dieu (8) à l’incapacité de l’orant (7) ; le dernier segment dit la seule action que peuvent accomplir les hommes, celle de « louer » et « rendre grâce » pour le salut reçu. Les segments finaux de chaque morceau se correspondent, non seulement par leurs premiers termes, mais aussi par les verbes à la première personne du pluriel. « Saluts » du premier morceau (5b) trouve un écho avec les deux occurrences de « sauver » dans le deuxième (7b.8a). Les deux occurrences de « Dieu » font inclusion (5a.9a). Les premiers segments des deux sous-parties sont à la première personne du singulier, tandis que les segments suivants sont à la première personne du pluriel. C’est donc un individu qui parle tout au long de la sous-partie, mais il le fait au nom de l’ensemble du peuple.
32
La première section (Ps 42/43–49)
L’ensemble de la première partie (2-9) .. 2 DIEU, .. nos pères
de nos oreilles ont raconté -
nous avons entendu, à nous
+ l’œuvre + aux jours
que tu œuvras d’autrefois :
de leurs jours,
+ 3 toi, + DES NATIONS + tu détruisis
ta main, tu déracinas
et tu les plantas,
DES PAYS et tu leur fis-place. ···························································································································· • 4 CAR pas par leur ÉPÉE ils héritèrent la terre
• et leur bras
PAS N’A SAUVÉ
:: CAR ta droite :: et la lumière
et ton bras de ta face
eux,
= CAR tu les aimais. + 5 C’est toi, + ordonnant
mon roi, les saluts
DIEU, de Jacob ;
+ 6 par toi, + en ton nom
NOS ADVERSAIRES
nous repoussions,
NOS AGRESSEURS. ···························································································································· • 7 CAR pas dans mon arc je m’étais fié
nous écrasions
• et mon ÉPÉE
PAS NE M’AVAIT SAUVÉ ;
:: 8 CAR tu nous sauvais :: et NOS HAÏSSANT
de NOS ADVERSAIRES tu confondais,
= 9 en DIEU = et à ton nom
nous nous louions pour toujours
tout le jour nous rendions-grâce.
Les deux sous-parties sont parallèles. Elles commencent avec le nom de « Dieu » en apostrophe (2a.5a). Dans les premiers morceaux, « les nations » et « les pays » (3bc) sont qualifiés ensuite comme « nos adversaires » et « nos agresseurs » (6ab). Alors que, dans le premier morceau de la première souspartie (2-3), Dieu seul est l’acteur du salut, dans le morceau symétrique (5-6) le « nous » qui lui semble associé est en réalité bénéficiaire du salut de Dieu. Dans les deuxièmes sous-parties, la même opposition se retrouve entre les deux premiers segments qui commencent par « car » ; « épée » et « sauver » reviennent dans les premiers segments. Les derniers segments (4e.9) sont complémentaires : à l’amour de Dieu répond la louange et l’action de grâce de leurs bénéficiaires.
Le psaume 44
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LA DEUXIÈME PARTIE (10-17) Cette partie compte deux sous-parties. La première sous-partie (10-13) + 10 Or tu as rejetés + et tu ne sors plus
et tu nous as déshonorés avec nos armées ;
– 11 tu nous as fait retourner – et NOS HAÏSSANT
en arrière ont spolié
devant L’ADVERSAIRE nous.
············································································································
:: 12 Tu nous as donnés :: et dans LES NATIONS
comme moutons tu nous as dispersés ;
de boucherie
- 13 tu as vendu - et tu n’as pas gagné
ton peuple sur leur prix.
sans bénéfice
Dans le premier morceau, tous les verbes sont aux mêmes modalités, deuxième personne du singulier du passé, sauf le dernier qui a pour sujet « nos haïssant » ; mais s’ils ont pu nous spolier, c’est parce que le Seigneur nous a fait céder devant eux. Le deuxième morceau est plus terrible encore que le premier : en effet, au lieu de se situer au plan militaire, il ironise douloureusement en accusant le Seigneur de les avoir envoyés à l’abattoir (12) et même pour rien (13). « L’adversaire » et « les haïssant » du premier morceau (11ab) sont identifiés comme « les nations » païennes (12b). La deuxième sous-partie (14-17) – 14 Tu fais de nous :: fable
L’INSULTE
et risée
de nos voisins, de nos entourant ;
– 15 tu fais de nous :: hochement
le proverbe de tête
dans les nations, dans les pays.
·······································································································
– 16 Tout le jour :: et la honte
mon déshonneur ma face
(est) devant moi me couvre,
– 17 sous les clameurs :: à la face
D’INSULTEUR de l’ennemi
et de blasphémateur, et du se vengeant.
Les segments du premier morceau sont parallèles, avec un élargissement de l’un à l’autre : des « voisins » et « entourant » aux « nations » et « pays ». Le sujet est Dieu dans le premier morceau, le psalmiste dans le second ; on passe du pluriel au singulier. « L’ennemi » et le « se vengeant » de la fin (17b) renvoient aux adversaires qui marquent la fin de chaque membre des segments du premier morceau. « Insulte » et « insulteur » font inclusion.
34
La première section (Ps 42/43–49)
L’ensemble de la deuxième partie (10-17) + 10 Or tu as rejetés + et tu ne sors plus
et tu nous AS DÉSHONORÉS avec nos armées ;
– 11 tu nous as fait retourner – et nos haïssant
en arrière ont spolié
devant l’adversaire nous.
·····················································································································
+ 12 Tu nous as livrés + et dans LES NATIONS
comme moutons tu nous as dispersés ;
de boucherie
– 13 tu as vendu – et tu n’as pas gagné
ton peuple sur leur prix.
sans bénéfice
– 14 Tu fais de nous :: fable
l’insulte et risée
de NOS VOISINS, de NOS ENTOURANT ;
– 15 tu fais de nous :: hochement
le proverbe de tête
dans LES NATIONS, dans LES PAYS.
····················································································································· mon DÉSHONNEUR (est) devant moi
– 16 Tout le jour :: et la honte 17
– sous les clameurs :: à la face
ma face
me couvre,
d’insulteur de l’ennemi
et de blasphémateur, et du se vengeant.
La deuxième sous-partie dit les conséquences, sur le peuple (14-15) et sur le psalmiste (16-17), des actions qui sont reprochées à Dieu dans la première souspartie (10-13) ; la première personne du psalmiste intervient seulement dans le dernier morceau. Au début du dernier morceau, « déshonneur » (16a) correspond à « as déshonorés » au début du premier morceau (10a) ; à la fin du dernier morceau, le couple « l’ennemi » et « le se vengeant » (17b) rappelle celui de « l’adversaire » et des « haïssant » à la fin du premier morceau (11). « Les nations » du deuxième morceau de la première sous-partie (12b) est repris dans le premier morceau de la deuxième sous-partie, accompagné par « voisins », « entourant » et « pays » (14-15). LA TROISIÈME PARTIE (18-27) La première sous-partie (18-23) Le troisième segment du premier morceau développe la première moitié du premier membre : « Tout cela nous arriva ». La protestation d’innocence du premier morceau (18-19) est reprise, sous une autre forme, dans les deux premiers segments du deuxième morceau ; y sont repris « oublier » (18a.21a) et « cœur » (19a.22b), et « les mains » (21b) rappellent « nos pas » (19b).
Le psaume 44 – 18 Tout cela – et point
nous arriva n’avions trahi
et point ton alliance ;
– 19 point n’était allé – et n’avaient dévié
en arrière nos pas
notre CŒUR loin
20
:: OUI, tu nous as broyés en un lieu :: et tu as étendu sur nous
35 NE T’AVIONS OUBLIÉ
de ton sentier.
de chacals la ténèbre.
····························································································································· 21
le nom les mains
de notre Dieu vers un dieu
étranger,
– est-ce que – car lui
Dieu il connait
n’eût pas découvert les secrets
cela, du CŒUR ?
:: 23 OUI, à cause de toi :: nous sommes tenus
nous sommes tués tout le jour, pour moutons d’abattage.
– Si NOUS AVIONS OUBLIÉ – et avions tendu 22
Les segments finaux des deux morceaux commencent par « oui ». Le dernier segment (23) dit la conséquence sur « nous » de l’action de Dieu décrite dans le segment symétrique (20). La deuxième sous-partie (24-27) + 24 RÉVEILLE-TOI, + DRESSE-TOI,
pourquoi ne rejette pas
dors-tu, pour toujours !
Seigneur ?
······································································································
- 25 Pourquoi - oublies-tu
ta face notre misère
caches-tu, et notre oppression ?
- 26 Car s’effondre - est collé
dans la poussière à la terre
notre âme, notre ventre.
······································································································ 27
+ LÈVE-TOI + et RACHÈTE-NOUS
en secours à cause de
pour nous ta fidélité.
Au début de chaque membre des morceaux extrêmes, un impératif adressé au « Seigneur » : les trois synonymes, « réveille-toi », « dresse-toi », « lève-toi », préparent le « rachète-nous » final qui exprime le désir du psalmiste. Le morceau central commence par une question (25) motivée par la situation où se trouve le peuple (26) ; à « ta face » (25a) correspond le couple « notre âme » – « notre ventre » (26). La question centrale était préparée par celle du début qui commence par le même « pourquoi ».
36
La première section (Ps 42/43–49)
L’ensemble de la troisième partie (18-27) – 18 Tout cela – et point
nous arriva n’avions trahi
et point ton alliance ;
– 19 point n’était allé – et dévié
en arrière nos pas
loin
en un lieu sur nous
de chacals la ténèbre.
20
:: Oui, tu nous as broyés :: et tu as étendu
NE T’AVIONS OUBLIÉ
NOTRE CŒUR
de ton sentier.
························································································································· 21
– Si NOUS AVIONS OUBLIÉ – et avions tendu
LES MAINS
de notre Dieu vers un dieu
étranger,
Dieu il connait
n’eût pas découvert les secrets
DU CŒUR
:: Oui, à cause de toi :: nous sommes tenus
nous sommes tués pour moutons
tout le jour, d’abattage.
+ 24 Réveille-toi, + Dresse-toi,
pourquoi ne rejette pas
dors-tu, pour toujours !
22
– est-ce que – car lui 23
le nom
cela, ?
Seigneur ?
··················································································································
:: 25 Pourquoi :: OUBLIES-TU
TA FACE
notre misère
caches-tu, et notre oppression ?
:: 26 Car s’effondre :: est collé
dans la poussière à la terre
NOTRE ÂME, NOTRE VENTRE.
·················································································································· 27
+ Lève-toi + et rachète-nous
en secours à cause de
pour nous ta fidélité.
Après la protestation d’innocence de la première sous-partie, vient la supplication de la seconde sous-partie. Alors que les plaignants affirment n’avoir pas « oublié » le Seigneur (18a.21a), ils l’accusent de les avoir « oubliés » (25b). « Tout le jour » (23a) et « pour toujours » (24b) agrafent les deux sous-parties. Les parties du corps marquent chacune des deux sous-parties : d’abord « cœur » (19a.22b) et « mains » (21b), puis « face » (25a), « âme » et « ventre » (26ab).
Le psaume 44
37
L’ENSEMBLE DU PSAUME Les rapports entre les parties extrêmes 2
DIEU, de nos oreilles nous avons entendu, nos pères nous ont raconté les œuvres que tu œuvras de leurs jours, aux jours d’autrefois : 3 toi, ta main, des nations tu déshéritas et tu les plantas, tu détruisis des pays et tu leur fis place. 4
Car pas par leur épée ils héritèrent la terre et leur bras ne les a pas sauvés, car ta droite et ton bras et LA LUMIÈRE de TA FACE, car tu les aimais. 5 6
C’est toi, mon roi, DIEU, ordonnant les saluts de Jacob ; par toi, nos adversaires nous repoussions, en TON NOM nous écrasions nos AGRESSEURS. 7
Car pas dans mon arc je m’étais fié et mon épée pas ne m’avait sauvé, car tu nous sauvais de nos adversaires et nos haïssant tu confondais ; 9 en DIEU nous nous louions TOUT LE JOUR et pour TON NOM POUR TOUJOURS nous rendions-grâce. 8
[...] 18 19
21 22
24
Tout cela nous advint et pas ne t’avions oublié et pas n’avions trahi ton alliance ; notre cœur n’était allé pas en arrière et dévié nos pas loin de ton sentier. 20 Oui, tu nous as broyés en un lieu de chacals et tu as étendu sur nous LA TÉNÈBRE. Si nous avions oublié LE NOM de notre DIEU et avions tendu les mains vers un dieu étranger, est-ce que DIEU n’eût pas découvert cela, car lui il connait les secrets du cœur ? 23 Oui, à cause de toi nous sommes tués TOUT LE JOUR, nous sommes tenus pour moutons d’abattage. Réveille-toi, pourquoi dors-tu, SEIGNEUR ? 25 26
27
Dresse-toi, ne nous rejette pas POUR TOUJOURS !
Pourquoi caches-tu TA FACE, oublies-tu notre misère et notre oppression ? Car s’effondre dans la poussière notre âme, est collé à la terre notre ventre.
LÈVE-TOI, viens à notre secours
et rachète-nous à cause de ta fidélité.
Chaque partie est formée de deux sous-parties. – Les noms divins reviennent trois fois dans chaque partie (2a.5.9 ; 21.22.24). – À « la lumière » de 4b s’oppose « la ténèbre » de 20. – Dieu éclairait par la lumière de sa « face » (4b), à présent il la cache (25). – « Ton nom » revient en 6.9 et 21. – « Agresseurs » (6) et « lève-toi » (27) sont de même racine (qwm). – « Tout le jour » et « pour toujours » à la fin de la première partie (9) sont repris en termes médians des deux sous-parties de la dernière partie (23.24). – Les cinq « car » de la première partie (4abc.7-8) et les deux « oui » de la dernière (20.23) traduisent le même kî. – La négation revient en 4bis.7bis et en 18bis.19. Alors que la première partie rappelle le passé, la fidélité de Dieu et aussi celle de ceux qui ne mettaient pas leur confiance en eux-mêmes, la dernière partie est située dans un présent où les fidèles protestent de leur innocence passée, du malheur où ils se trouvent et, enfin, appellent le Seigneur à leur secours.
38
La première section (Ps 42/43–49)
Les rapports entre la partie centrale et les deux autres 44,1 Du maitre-de-chant, des fils de Coré, instruction. 2
DIEU, de nos oreilles nous avons entendu, nos pères nous ont raconté les œuvres que tu œuvras de leurs jours, aux jours d’autrefois : 3 toi, ta main, des NATIONS tu déshéritas et tu les plantas, tu détruisis des PAYS et tu leur fis place. 4
Car pas par leur épée ils héritèrent la terre et leur bras ne les a pas sauvés, car ta droite et ton bras et la lumière de TA FACE, car tu les aimais. 5 6
C’est toi, mon roi, DIEU, ordonnant les saluts de Jacob ; par toi, nos ADVERSAIRES nous repoussions, en TON NOM nous écrasions nos agresseurs. 7
Car pas dans mon arc je m’étais fié et mon épée pas ne m’avait sauvé, car tu nous sauvais de nos ADVERSAIRES et nos HAÏSSANT tu confondais ; 9 en DIEU nous nous louions TOUT LE JOUR et pour TON NOM pour toujours nous rendions-grâce. 8
10 11 12 13 14 15 16 17
18 19
21 22
24
Tu nous as donnés comme MOUTONS DE BOUCHERIE et dans les NATIONS tu nous as dispersés ; tu as vendu ton peuple sans bénéfice et tu n’as pas gagné sur leur prix. Tu fais de nous l’insulte de nos voisins, fable et risée de qui nous entoure ; tu fais de nous le proverbe dans les NATIONS, hochement de tête dans les PAYS. TOUT LE JOUR mon déshonneur est devant moi et la honte ma FACE me couvre, sous les clameurs d’insulteur et de blasphémateur, à LA FACE de l’ennemi et de qui se venge.
Tout cela nous advint et point ne t’avions oublié et point n’avions trahi ton alliance ; point n’était ALLÉ EN ARRIÈRE notre cœur et avaient dévié nos pas loin de ton sentier. 20 Oui, tu nous as broyés en un lieu de chacals et tu as étendu sur nous la ténèbre. Si nous avions oublié LE NOM de notre DIEU et avions tendu les mains vers un dieu étranger, est-ce que DIEU n’eût pas découvert cela, car lui il connait les secrets du cœur ? 23 Oui, à cause de toi nous sommes tués TOUT LE JOUR, nous sommes tenus pour MOUTONS D’ABATTAGE. Réveille-toi, pourquoi dors-tu, SEIGNEUR ? 25 26
27
Or, TU NOUS AS REJETÉS et tu nous as déshonorés et tu ne sors plus avec nos armées ; tu nous fais RETOURNER EN ARRIÈRE devant L’ADVERSAIRE et nos HAÏSSANT nous ont spoliés.
Dresse-toi, NE NOUS REJETTE PAS pour toujours !
Pourquoi caches-tu TA FACE, oublies-tu notre misère et notre oppression ? Car s’effondre dans la poussière notre âme, est collé à la terre notre ventre.
Lève-toi, viens à notre secours
et rachète-nous à cause de ta fidélité.
– « Tu nous as rejetés » au début de la partie centrale (10) sera repris par « ne nous rejette pas » au début de la dernière sous-partie (24). – « Retourner en arrière » (11) trouvera un écho avec « allé en arrière » au début de la dernière partie (19). – « Adversaire » et « haïssant » (11) se trouvaient déjà dans la sous-partie précédente, au pluriel pour les deux termes (6.8).
Le psaume 44
39
– « Moutons de boucherie » (12) a son correspondant à la fin de la première sous-partie de la dernière partie avec « moutons d’abattage » (13). – « Nations » et « pays » (15) se trouvaient déjà ensemble dans la première partie (3b) ; « nations » revient aussi en 12. – « Tout le jour » (16) revient à la fin de la deuxième sous-partie de la première partie (9) et à la fin de la première sous-partie de la dernière partie (23). – « face » (16.17) se trouve aussi dans les sous-parties extrêmes (4b.25). – Le passage de la première personne du pluriel à la première du singulier dans la deuxième sous-partie de la partie centrale (16) se vérifiait déjà dans la seconde sous-partie de la première partie (5.7). On notera aussi que « le nom » (6.9 ; 21) divin « Dieu », « Seigneur » (2.5.9 ; 21.22.24) est totalement absent de la partie centrale.
CONTEXTE LA CONQUÊTE DE LA TERRE La première partie (2-9) traite de la conquête de la terre après le séjour au désert. Le psalmiste utilise le verbe « hériter » pour bien marquer qu’il s’agit d’un don gratuit qui ne doit rien à l’épée et au bras des fils d’Israël. C’est ce que dit Dt 8,17-18 : 17
Garde-toi de dire en ton cœur : « C’est ma force, c’est la vigueur de ma main qui m’ont fait agir avec cette puissance. » 18 Souviens-toi de Yhwh ton Dieu : c’est lui qui t’a donné cette force, pour agir avec puissance, gardant ainsi, comme aujourd’hui, l’alliance jurée à tes pères.
« L’épée » et « l’arc » de Ps 44,4.7 se retrouvent en Jos 24,12 où la terre a « été donnée » : 12
J’envoyai devant vous les frelons qui chassèrent devant vous les deux rois amorites, ce que tu ne dois ni à ton épée ni à ton arc. 13 Je vous ai donné une terre qui ne vous a demandé aucune fatigue, des villes que vous n’avez pas bâties et dans lesquelles vous vous êtes installés, des vignes et des olivettes que vous n’avez pas plantées et qui sont votre nourriture.
Le livre de Josué insiste tout au long sur le fait que c’est le Seigneur qui « donne » le pays aux fils d’Israël. Telles sont les paroles que Dieu adresse dès le début à Josué : 1
Après la mort de Moïse, serviteur de Yhwh, Yhwh parla à Josué, fils de Nûn, l’auxiliaire de Moïse, et lui dit : 2 « Moïse, mon serviteur, est mort ; maintenant, debout ! Passe le Jourdain que voici, toi et tout ce peuple, vers le pays que je leur donne, aux fils d’Israël. 3 Tout lieu que foulera la plante de vos pieds, je vous le donne, comme je l’ai dit à Moïse (Jos 1,1-3).
40
La première section (Ps 42/43–49)
C’est le Seigneur qui « donne » la ville d’Aï à Josué et aux fils d’Israël (Jos 8,7.18) ; et il en ira de même tout au long du livre (10,8.10.11.20.30.32.42 ; 11,6.8 ; 13,6). L’EXIL La première partie rappelait le don de la terre. La partie centrale s’y oppose directement, puisqu’il s’agit maintenant de la perte de la terre, de l’exil : « dans les nations tu nous as dispersés » (12). Le moment de l’énonciation du psaume est donc celui de l’exil à Babylone, celui du souvenir (2-9) étant celui des jours anciens précédant la monarchie.
INTERPRÉTATION L’ÉNIGME DE LA PREMIÈRE PERSONNE Le double passage de la première personne du pluriel à la première personne du singulier (5.7 et 16) surprend et fait problème. Certains sont d’avis que la première personne est celle d’un roi7. Pour d’autres : « Le verset 6 a pu être prononcé autrefois par un roi, mais il s’applique tout aussi bien à quelqu’un qui parle au nom de la communauté »8. Dans la deuxième partie, située au moment de l’exil, le « je » (16) pourrait être considéré comme celui du roi. Dans la première partie, au contraire, il est bien difficile de penser au temps de la monarchie, la description rappelant clairement l’époque de la conquête. Il vaut donc mieux interpréter qu’ici et là la première personne est celle du psalmiste, orant singulier qui représente le « nous » du peuple entier9. « LES ŒUVRES QUE TU ŒUVRAS » La conquête de la terre est l’œuvre du Seigneur et de lui seul. Le psalmiste le souligne très fortement tout au long de la première partie : c’est Dieu, c’est sa main qui a dépossédé les nations du pays promis aux pères et qui a planté à leur place les fils d’Israël. Ce n’est en aucun cas le bras, l’épée et l’arc de l’homme qui ont pu faire cela. Et il en va de même pour la situation actuelle (10-17) qui s’oppose si douloureusement à l’ancienne : c’est Dieu qui a « rejeté » son peuple et ne sort plus avec ses armées, c’est lui qui l’a vendu pour rien ; c’est lui qui fait de lui l’insulte de ses voisins, qui cause son déshonneur et sa honte.
7
Ainsi Ravasi, I, 786.788 ; Weiser (355) et Hakham (I, 250), plus prudents, parlent du roi ou du chef de l’armée ; plus larges encore, deClaissé-Walford – al., 412. 8 Kraus, I, 447 ; Alonso Schoekel – Carniti (I, 723) pensent qu’il pourrait s’agir du « président liturgique ». 9 Voir, par ex. Lorenzin, 197.
Le psaume 44
41
UNE SURPRENANTE PROTESTATION D’INNOCENCE Après toute cette plainte, on s’attendrait à une confession des péchés, à la manière du livre des Juges, où c’est systématiquement l’infidélité du peuple qui est la cause de ses malheurs. Accablés par l’oppression, les fils d’Israël reconnaissent leur culpabilité et le Seigneur leur envoie un juge qui les sauve de la main de leurs ennemis. Il n’en est rien ici, bien au contraire, puisque le peuple clame avec insistance son innocence. Si tous les saluts d’autrefois sont attribués à Dieu seul et aucunement aux hommes qui n’en sont que les bénéficiaires, si les malheurs actuels aussi sont l’œuvre du seul Dieu, on peut comprendre que le psalmiste, au nom de toute la communauté, ne se considère pas le moins du monde coupable de ce qui lui arrive. LA SUPPLICATION FINALE Puisque tout dépend de Dieu seul, il est normal que le psaume s’achève par une demande lancinante de salut. Le psalmiste revient, encore une fois, sur l’état d’abattement radical où il se trouve, écrasé dans la poussière, et il demande à son Seigneur « pourquoi » il l’a oublié, pourquoi il dort. Toutefois, sa plainte est solidement encadrée par quatre impératifs qui pourraient paraitre offensifs, mais qui marquent bien la confiance totale qu’il met dans le seul qui est capable de le racheter.
3. LE PSAUME 45 TEXTE 1 Du maitre-de-chant, sur Les lys ; des fils de Coré, instruction, chant d’amour. 2 A frémi mon cœur de parole belle : moi je dis mon œuvre pour le roi, ma langue, le roseau d’un scribe agile. 3 Tu es beau plus que les fils d’Adam, est répandue la grâce sur tes lèvres : c’est 4 Ceins ton épée sur la cuisse, vaillant, pourquoi t’a béni Dieu à jamais. ton faste et ta 5 Ta splendeur : élance-toi, chevauche, pour la cause de la vérité, de l’humilité, de splendeur. la justice et t’enseigne des prodiges ta droite ! 6 Tes flèches sont acérées, des peuples sous toi tombent, dans le cœur des ennemis du roi. 7 Ton trône, Dieu, pour toujours et à jamais, sceptre de droiture, le sceptre de ton règne ! 8 Tu aimes la justice et tu hais la méchanceté ; c’est pourquoi t’a oint Dieu, ton Dieu, d’une huile d’allégresse plus que tes amis. 9 Myrrhe et aloès, cinnamome tous tes vêtements, des palais d’ivoire les cithares te réjouissent. 10 Des filles de roi parmi tes bien-aimées ; se tient une Dame à ta droite, dans l’or d’Ophir. 11 Écoute, fille, regarde et tends ton oreille, et oublie ton peuple et la maison de ton père. 12 Et désirera le roi ta beauté : car lui est ton Seigneur et prosterne-toi à lui ! 13 Et la fille de Tyr avec un cadeau, ton visage dérideront les plus riches du peuple. 14 Toute splendide la fille de roi à l’intérieur, de tissus d’or vêtue ; 15 en brocarts elle est amenée vers le roi, des vierges derrière elle, ses compagnes sont dirigées vers toi ; 16 elles sont amenées dans les joies et la jubilation, elles se dirigent vers le palais du roi. 17 À la place de tes pères seront tes fils ; tu en feras des princes en toute la terre. 18 Je commémorerai ton nom en tout âge et âge, c’est pourquoi les peuples te rendront-grâce toujours et à jamais.
V . 5A
: « TA SPLENDEUR, ÉLANCE-TOI... »
Le verset commence avec le même terme par lequel s’achève le verset précédent, en termes médians ou anadiplose1. On peut comprendre que la suite dit en quoi consiste la splendeur du roi : « Ta splendeur est de t’élancer... ». V . 5B
: « DE L’HUMILITÉ DE LA JUSTICE »
Les deux derniers mots du verset sont en rapport d’apposition. Le premier, ‘anwâ, est un hapax, sans doute pour ‘ănāwâ, « humilité » ; mais il pourrait être à la place de ‘aniyyâ, synonyme de dābar, traduit par « à cause de », ce qui ferait un beau parallélisme : « à cause de la vérité et pour l’affaire de la justice »2. V. 7
: « TON TRÔNE, DIEU, EST POUR TOUJOURS... »
« Dieu » peut être compris comme un vocatif, le roi terrestre recevant, en tant que « fils de Dieu » (Ps 2), le même nom que son père ; il était commun dans l’Orient ancien de « diviniser » le roi, mais dans la Bible hébraïque, ce serait le seul cas3. Pour d’autres, « Dieu » qualifierait le « trône » du roi, l’expression,
1
Barbiero, 59. Voir Hakham, I, 258. 3 Kraus, I, 451 ; Ravasi, I, 812. 2
44
La première section (Ps 42/43–49)
ramassée, signifiant en réalité : « Ton trône est le trône de Dieu »4, comme il est dit en 1Ch 29,23 : « Salomon s’assit sur le trône de Yhwh comme roi, à la place de David son père. » Le fait que ce soit la seule fois que le roi d’Israël est appelé « Dieu » ne signifie pas automatiquement que la chose doit être écartée. Un phénomène analogue se retrouve dans le Ps 112, où c’est la seule fois dans la bible hébraïque que l’homme est dit « tendre et miséricordieux » (4b : ḥanûn weraḥûm) ; partout ailleurs — et en particulier en Ps 111,4b — ce double qualificatif est appliqué seulement au Seigneur5. V. 10
: « LA DAME »
Beaucoup comprennent, comme déjà la Septante et la Syriaque, que « la Dame » qui se tient à la droite du roi est sa future épouse, la reine6. Le terme, šēgal, ne se retrouve qu’une seule autre fois dans la bible hébraïque, en Ne 2,6 où il désigne l’épouse du roi Artaxerxès. D’autres considèrent qu’il s’agit de « la grande Dame » (gebîrâ), c’est-à-dire la reine-mère (1R 15,13) dont le rôle en Israël est plus important que celui de l’épouse, qui n’est en réalité qu’une parmi toutes les épouses du harem7. COMPOSITION Après le titre (1) et une courte introduction (2), le corps du chant comprend deux longues parties (3-9 ; 11-18) qui encadrent une partie très brève (10). L’INTRODUCTION (2) + 2 A frémi :: je dis, + ma langue,
mon cœur moi, le roseau
de parole mon œuvre d’un scribe
belle : pour le roi, agile.
Aux extrémités, les paroles qui naissent dans « le cœur » et qui sortent sur « la langue », pour être mises par écrit. Au centre, est nommé le destinataire du poème.
4
Hakham, I, 258. Voir Le Psautier. Cinquième livre, 90-92. 6 Par ex., Ravasi, I, 815 ; Vesco, 418 ; deClaissé-Walford – al., 420 ; Barbiero, 60. 7 Alonso Schoekel – Carniti, I, 736-739 ; Lorenzin, 200. Voir A. CAQUOT, « Cinq observations sur le Psaume 45 », 259-261 ; Ch. SCHROEDER, « “A Love Song”: Psalm 45 in the Light of Ancient Near Eastern Marriage Texts », 428. 5
Le psaume 45
45
LA PREMIÈRE PARTIE (3-9) + 3 Tu es beau + est répandue + C’EST POURQUOI 4
– Ceins – ton faste
plus que les fils la grâce t’a béni
d’Adam, sur tes lèvres : DIEU
ton épée sur la cuisse, et ta SPLENDEUR.
À JAMAIS.
vaillant,
······················································································································· : 5 TA SPLENDEUR : élance-toi, chevauche, : pour la cause de la vérité, de l’humilité, DE LA JUSTICE
: et t’enseigne
des prodiges
ta droite !
- TES flèches - des peuples - dans le cœur
(sont) acérées, sous toi des ennemis
tombent, du roi.
: 7 TON trône, : sceptre
DIEU, de droiture,
le sceptre
6
POUR TOUJOURS
ET À JAMAIS, de ton règne !
······················································································································· 8
+ Tu aimes + C’EST POURQUOI + d’une huile
LA JUSTICE
t’a oint d’allégresse
et tu hais la méchanceté ; DIEU, TON DIEU, plus que tes amis.
– 9 Myrrhe – des palais
et aloès, d’ivoire
cinnamome les cithares
tous tes vêtements, te réjouissent.
Dans les morceaux extrêmes les trimembres initiaux comprennent deux membres très semblables (3c.8b) ; en outre « plus que » revient en 3a et 8c. Le faste et la splendeur se manifestent par le port de l’épée royale (4) et par le luxe des « vêtements » et du « palais » (9). Le morceau central se distingue des deux autres du fait que ses trois segments commencent par un substantif flanqué du possessif : « Ta splendeur », « Tes flèches », « Ton trône ». Les segments extrêmes se correspondent, la « droiture » (7b) rappelant « la vérité », « l’humilité » et « la justice » (5b). Le segment central est celui qui met en scène les « peuples » « ennemis » dont les flèches transpercent le cœur. Les deux derniers segments s’achèvent avec « roi » et « règne » (6c.7b). Les deux occurrences de « splendeur » jouent le rôle de termes médians pour les deux premiers morceaux ; en outre « à jamais » de 3c annonce « pour toujours et à jamais » de 7a. « Justice » revient au début des deux derniers morceaux (5b.8a).
46
La première section (Ps 42/43–49)
LA DERNIÈRE PARTIE (11-18) + 11 Écoute, + et tends + et oublie
FILLE,
regarde
ton oreille, DE TON PÈRE.
TON PEUPLE
et la maison
– Et désirera – car lui (est)
LE ROI
ton Seigneur
ta beauté : et prosterne-toi à lui !
– 13 Et LA FILLE – ton visage
de Tyr dérideront
avec un cadeau, les (plus) riches
d’or
vêtue ;
elle est amenée derrière elle,
vers LE ROI, ses compagnes
12
DU PEUPLE. ···························································································································· : 14 Toute splendide LA FILLE DE ROI à l’intérieur,
: de tissus 15
: en brocarts . des vierges 16
. elles sont amenées dans les joies . elles se dirigent vers le palais
sont dirigées vers toi ;
et la jubilation,
DU ROI. ···························································································································· 17 À la place DE TES PÈRES seront TES FILS ;
+ + tu en feras 18
– Je commémorerai – c’est pourquoi
DES PRINCES
en toute
la terre.
ton nom
en tout âge te rendront-grâce
et âge, toujours
LES PEUPLES
et à jamais.
La jeune mariée devra oublier son père (11) pour se prosterner devant celui qui devient son « Seigneur » (12) ; les cadeaux des plus riches « du peuple » de la ville de Tyr (appelée « la fille de Tyr », 13) la consoleront et l’aideront à oublier son propre « peuple » (11c). Dans le dernier morceau, les « pères » oubliés laisseront la place aux fils de la jeune épouse (17a) dont l’avenir est évoqué : ils deviendront « des princes » et leur renommée se répandra partout, « en toute la terre », et toujours, « en tout âge et âge ». « Les peuples » joindront leur voix à celle du psalmiste pour lui rendre grâce, « toujours et à jamais ». Le morceau central s’attarde sur la description du cortège qui conduit la fille de roi et ses compagnes vers le roi. L’ENSEMBLE DU PSAUME Les deux parties principales traitent l’une du roi (3-9), l’autre de celle qui va devenir son épouse (11-18). Aux débuts, « fille » (11) correspond à « fils » (3) et « ta beauté » (12) à « Tu es beau » (3). Les termes du champ sémantique de la royauté abondent : « roi » (6 ; 12.14.15.16), « trône », « sceptre » et « règne », (7), « t’a oint » (8), « princes » (17). À « à jamais » et « pour toujours et à jamais » (3.7) répondent à la fin « en tout âge et âge » et « toujours et à jamais » (18). « Palais » revient en 9 et 16, « les joies » (16) rappellent « te réjouissent » (9). On pourra ajouter la triple reprise de « c’est pourquoi » (3.8 ; 18).
Le psaume 45 1
Du maitre-de-chant, sur Les lys ;
2
47
des fils de Coré, instruction, chant d’amour.
A frémi mon cœur de parole belle : le roseau d’un scribe agile.
moi, je dis mon œuvre pour le ROI,
ma langue,
3
TU ES BEAU plus que LES FILS d’Adam, est répandue la grâce sur tes lèvres : c’est pourquoi t’a béni DIEU à jamais. 4 Ceins ton épée sur la cuisse, vaillant, ton faste et ta splendeur. 5
Ta splendeur, élance-toi, chevauche, pour la cause de la vérité, de l’humilité, de la justice et que TA DROITE t’enseigne des prodiges ! 6 Tes flèches sont acérées, des peuples sous toi tombent, dans le cœur des ennemis du ROI. 7 Ton trône, DIEU, pour toujours et à jamais, sceptre de droiture, le sceptre de ton RÈGNE ! 8
Tu aimes la justice et tu hais la méchanceté ; c’est pourquoi t’a oint DIEU, TON DIEU, d’une huile d’allégresse plus que tes amis. 9 Myrrhe et aloès, cinnamome tous tes vêtements, des PALAIS d’ivoire les cithares TE RÉJOUISSENT. 10
Des FILLES se tient dans L’OR
de ROI la Dame d’Ophir.
parmi tes bien-aimées ; à TA DROITE,
11
Écoute, FILLE, regarde et tends ton oreille, et oublie ton peuple et la maison de ton père. 12 Et le ROI désirera TA BEAUTÉ : car lui est ton Seigneur et prosterne-toi à lui ! 13 Et LA FILLE de Tyr avec un cadeau, les plus riches du peuple dérideront ton visage. 14
Toute splendide LA FILLE de ROI à l’intérieur, de tissus D’OR vêtue ; 15 en brocarts elle est amenée vers le ROI, des vierges derrière elle, ses compagnes sont dirigées vers toi ; 16 elles sont amenées dans LES JOIES et la jubilation, elles se dirigent vers le PALAIS du ROI. 17
À la place de tes pères seront TES FILS ; tu en feras des PRINCES en toute la terre. Je commémorerai ton nom en tout âge et âge, c’est pourquoi les peuples te rendront-grâce toujours et à jamais. 18
Le verset 10 relie les deux volets du poème. « Filles » (10a) annonce les trois occurrences du terme dans la partie suivante (11.13.14), « roi » se trouve de chaque côté du centre (2.6 ; 12.14.15.16). « Ta droite » (10b) se trouvait dans la partie précédente (5). « L’or » de 10c annonce son synonyme de 14 ; il peut désigner les vêtements tissés d’or comme en 14, mais aussi les joyaux, et même la couronne.
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La première section (Ps 42/43–49)
CONTEXTE LE ROI SALOMON AU JOUR DE SES ÉPOUSAILLES Le Ps 45 a de tout temps été mis en parallèle avec le Cantique. Ct 3,6-11 est un des textes les plus proches du psaume : 6
Qu’est-ce là qui monte du désert, comme une colonne de fumée, odorante de myrrhe et d’encens et de tous parfums exotiques ? 7 Voici la litière de Salomon ; soixante preux l’entourent, élite des preux d’Israël : 8 tous experts à manier l’épée, instruits à la guerre ; chacun l’épée sur la cuisse, craignant les surprises de la nuit. 9 Le roi Salomon s’est fait un palanquin en bois du Liban ; 10 il en a fait les colonnes d’argent, le baldaquin d’or, le siège de pourpre ; l’intérieur est arrangé d’amour par les filles de Jérusalem. 11 Venez contempler, filles de Sion, le roi Salomon avec la couronne dont l’a couronné sa mère au jour de ses épousailles, au jour de la joie de son cœur.
On y retrouve les parfums (6b ; Ps 45,9a), « l’épée sur la cuisse » (8b ; Ps 45,4a), et aussi la mère du roi « au jour de ses épousailles » (11 ; Ps 45,10). LA BEAUTÉ La beauté du roi que le poète exalte en commençant (3) peut rappeler la description du bien-aimé du Cantique (Ct 5,10-16) : 10
Mon bien-aimé est frais et vermeil, reconnaissable entre dix mille. 11 Sa tête est d’or, d’or-pur ; ses boucles des palmes, noires comme le corbeau. 12 Ses yeux comme des colombes, au bord des eaux se baignant dans le lait, demeurant sur la berge. 13 Ses joues comme des parterres embaumés, des massifs parfumés. Ses lèvres des anémones ;
dégouttant de myrrhe vierge.
14
Ses mains des globes d’or, sertis de chrysolithes ; Son ventre une masse d’ivoire, couverte de saphirs ; 15 Ses jambes des colonnes d’albâtre, posées sur des bases d’or-pur. Son aspect comme le Liban, distingué comme les cèdres. 16 Son palais est la suavité même, et il n’est que délices. Tel est mon bien-aimé, tel est mon compagnon, filles de Jérusalem.
Au centre de la description se retrouvent non seulement ses « lèvres », comme au début de la première partie du psaume (Ps 45,3), mais aussi la « myrrhe », comme à la fin de cette même partie (Ps 45,9)8. Cependant, tandis que le Ct s’étend sur les qualités physiques du bien-aimé en détaillant les diverses parties 8
Voir R. MEYNET, « La composition du Cantique des Cantiques : la section centrale (Ct 3,1– 7,11) ».
Le psaume 45
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de son corps, le Ps 45 est très discret sur le physique du roi, mais insiste sur ses qualités guerrières et son amour de la justice. La première qualité du roi, celle qui saute aux yeux, est sa beauté. Ainsi Saül, le premier roi d’Israël « qui était dans la fleur de l’âge et beau. Nul parmi les israélites n’était plus beau que lui : de l’épaule et au-dessus, il dépassait tout le monde » (1S 9,2). De même pour David : « Il était roux, avec un beau regard et une belle tournure » (1S 16,12 ; 17,42). Ce n’est pas seulement le roi qui est beau, son épouse l’est tout autant, ce qui rappelle le début du duo d’amour sur lequel est focalisée la première section du Cantique : * 1,15 Voici tu es : Voici tu es : Tes yeux
belle, belle ! des colombes.
MA COMPAGNE
!
= 16 Voici tu es : Oui, : Oui,
beau, doux ! notre lit
MON BIEN-AIMÉ
!
verdure.
································································································
* 17 Les poutres * nos lambris
de notre maison
des cèdres, des cyprès.
= 2,1 Je suis =
la jonquille L’ANÉMONE
du Sarôn, des vallées.
································································································
* 2 Comme L’ANÉMONE : ainsi MA COMPAGNE
parmi parmi
les chardons, les filles.
= 3 Comme le pommier : ainsi MON BIEN-AIMÉ
entre les arbres parmi
d’un verger, les garçons.
RELECTURE MESSIANIQUE Certains pensent que l’onction divine de Ps 45,8 n’est pas celle de la consécration royale, comme celle de Saül (1S 10,1), de David (1S 16,13), de Salomon (1R 1,39), « l’huile d’allégresse » étant celle du parfum versé sur la tête du jeune marié9. Ce ne serait que dans un deuxième temps, après l’exil et donc la fin de la monarchie, que le verset aurait acquis une valeur messianique. Quoi qu’il en soit, c’est ainsi qu’il est lu par l’auteur de l’Épitre aux Hébreux qui l’applique au Christ, fils de Dieu : 7
Tandis qu’il s’exprime ainsi en s’adressant aux anges : « Il fait de ses anges des vents, de ses serviteurs une flamme ardente », 8 il dit à son Fils : « Ton trône, ô Dieu, subsiste dans les siècles des siècles », et : « Le sceptre de droiture est le sceptre de sa royauté. 9 Tu as aimé la justice et tu as haï l’impiété. C’est pourquoi, Dieu, ton Dieu t’a oint d’une huile d’allégresse de préférence à tes compagnons. » (He 1,8-9) 9
Par ex., Barbiero, 73.
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La première section (Ps 42/43–49)
INTERPRÉTATION « TU ES BEAU », « TU AIMES LA JUSTICE » Le roi se doit évidemment d’être beau, car c’est un signe que Dieu l’« a béni » (3). « La grâce » sur les lèvres (3), l’épée d’apparat au flanc, « faste et splendeur » (4), revêtu d’habits parfumés des meilleures essences, habitant des « palais d’ivoire » vibrant des accords de cithares (9), tout cela concourt à la beauté du roi. Mais là n’est pas l’essentiel : il faut qu’il soit le champion de « la vérité, de l’humilité, de la justice » (5). Si Dieu l’« a oint » comme roi, ce n’est pas à cause de sa beauté physique et du luxe de sa maison, c’est parce qu’il aime « la justice » et hait la méchanceté (8). C’est en cela que se manifeste sa véritable beauté, la beauté de son cœur. « FLÈCHES » ET « SCEPTRE » Aimer la justice et haïr la méchanceté (8) n’est pas seulement une affaire de sentiment, surtout pour un roi. La justice doit être défendue, les armes à la main, les méchants neutralisés par les mêmes moyens. Le roi va donc s’élancer et chevaucher, lançant de sa droite les flèches acérées qui atteindront l’ennemi au cœur et le feront tomber (5-6). Son sceptre n’est pas d’abord un joyau d’apparat pour signifier et faire reconnaitre sa royauté, c’est la masse d’armes, le casse-tête qui terrasse les méchants et restaure « la droiture ». CONSTRUIRE LA MAISON Le jeune roi est appelé à penser non seulement au présent, à la beauté de son règne, à sa vaillance, à la justice qu’il doit défendre et promouvoir. Il lui faut songer à l’avenir, à construire une « maison », à perpétuer sa lignée. Et, s’il pouvait lui arriver de l’oublier, la reine sa mère serait toujours là, à son côté, pour le lui rappeler, voire même pour penser à sa place... Et il ne manque pas d’exégètes pour imaginer que c’est elle qui s’adresse à la future épouse tout au long du deuxième versant du poème (11-18). Comme ce n’est pas la reine-mère qui peut lui promettre de commémorer son nom d’âge en âge (18), il vaut mieux penser que c’est le psalmiste qui continue à parler tout au long du poème. LE COUPLE ET LES GÉNÉRATIONS Après s’être adressé au jeune roi, le psalmiste se tourne vers la future reine, tandis qu’elle se trouve encore dans le palais où elle est née, a grandi et a vécu jusqu’à ce jour. Certes, elle devra quitter la maison de son père, l’oublier pour entrer dans un autre palais, mais c’est elle qui construira la maison de son époux, qui lui donnera des fils, c’est elle qui, devenue « reine-mère » à son tour, en fera « des princes en toute la terre » (17). C’est son nom à elle qui sera commémoré au long des âges (18). Fascinés par sa beauté, par l’opulence des cadeaux qui lui
Le psaume 45
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sont faits, par les brocards rehaussés d’or dont elle est ornée, par les jeunes filles qui l’accompagnent, on ne s’étonnera peut-être pas assez de la place qui lui est reconnue, non seulement aux côtés de son époux, mais aussi et surtout dans le cours des générations. LE MESSIE DE DIEU Comme pour le Cantique, la lecture messianique s’est imposée tout naturellement10. Le jeune roi, dépeint par le psalmiste au moment de son mariage, est celui auquel Dieu avait donné l’onction royale, l’instituant comme son « fils », ainsi que le chante le Ps 2 : 7
J’énoncerai le décret de Yhwh : Il m’a dit : « Tu es mon fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré. 8 Demande, et je te donne les nations pour héritage, pour domaine les extrémités de la terre. »
Avec son épouse étrangère et les jeunes filles qui l’accompagnent, ce sont les nations païennes qui entrent en alliance avec le roi d’Israël et son Dieu. Les disciples de Jésus ont vu en leur maitre celui qui avait reçu l’onction royale, le « Christ » ; voyant entrer dans son Église les foules venues de toutes les nations, ils ont compris que les temps messianiques étaient désormais arrivés.
10
Voir, entre autres, Alonso Schoekel – Carniti, I, 745-748.
4. LES PEUPLES RENDRONT GRÂCE AU ROI DU SEIGNEUR COMPOSITION DE LA SÉQUENCE Ps 42/43,1 Du maitre-de-chant, instruction, des fils de Coré. 2 Comme la biche aspire après les cours d’eau, ainsi mon âme aspire vers toi, ô Dieu ; 3 mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant. Quand viendrai-je et verrai-je LA FACE de Dieu ? 4 Mon pleur est mon pain jour et nuit, quand on me dit tout le jour : « Où est-il, ton Dieu ? » 5 De ceci je me souviens et mon âme s’épanche sur moi : j’avançais avec la multitude, je les conduisais vers la maison de Dieu, dans la voix de cri-de-joie et d’ACTION-DE-GRÂCE d’une foule en fête. 6 POURQUOI T’’EFFONDRES-TU, mon âme, et grondes-tu sur moi ? Attends Dieu, car JE LUI RENDRAI-GRÂCE encore, LES SALUTS de SA FACE. 7 Mon Dieu, sur moi mon âme S’EFFONDRE, c’est pourquoi je me souviens de toi, depuis le pays du Jourdain et des Hermons, depuis la montagne Insignifiante. 8 L’abime appelant vers l’abime à la voix de tes cataractes, toutes tes vagues et tes flots sont passés sur moi. 9 De jour Yhwh commande sa fidélité et de nuit son chant est avec moi, prière au Dieu de ma vie. 10 Je dirai à Dieu, mon Rocher : POURQUOI M’OUBLIES-TU ? POURQUOI sombre je vais, sous l’oppression de L’ENNEMI ? 11 En brisure de mes os, m’insultent mes ADVERSAIRES quand ils me disent tout le jour : Où est-il, ton Dieu ? 12 POURQUOI T’EFFONDRESTU, mon âme, et POURQUOI grondes-tu sur moi ? Attends Dieu, car JE LUI RENDRAI-GRÂCE encore, LES SALUTS de MA FACE et mon Dieu.
43,1 JUGE-MOI, Dieu, et DÉFENDS ma cause contre UN PEUPLE non fidèle ; contre un homme de fraude et de fausseté, DÉLIVRE-MOI. 2 Car toi, tu es le Dieu de ma force : POURQUOI ME REJETTES-TU ? POURQUOI triste je m’en vais, sous l’oppression de L’ENNEMI ? 3 ENVOIE ta lumière et ta vérité : elles me guideront, me ferontvenir à la montagne de ta sainteté et à tes tentes. 4 Et je viendrai à l’autel de Dieu, au Dieu de la joie de ma jubilation. Et JE TE RENDRAI-GRÂCE sur la CITHARE, Dieu, mon Dieu. 5 POURQUOI T’EFFONDRES-TU, mon âme, et POURQUOI grondes-tu sur moi ? Attends Dieu, car JE LUI RENDRAI-GRÂCE encore, LES SALUTS de MA FACE et mon Dieu. Ps 44,1 Du maitre-de-chant, des fils de Coré, instruction. 2 Dieu, de nos oreilles nous avons entendu, nos pères nous ont raconté l’œuvre que tu œuvras de leurs jours, aux jours d’autrefois : 3 toi, ta main, des NATIONS tu déshéritas et tu les plantas, tu détruisis des PAYS et tu leur fis-place. 4 Car ce n’est pas par leur ÉPÉE qu’ils héritèrent la terre et leur bras PAS NE LES A SAUVÉS, car ta droite et ton bras et la lumière de TA FACE, car tu les aimais. 5 C’est toi, MON ROI, Dieu, ordonnant LES SALUTS de Jacob ; 6 par toi, nos ADVERSAIRES nous repoussions, en ton nom nous écrasions nos AGRESSEURS. 7 Car ce n’était pas à mon arc que je m’étais fié et mon ÉPÉE pas NE M’AVAIT SAUVÉ ; 8 car TU NOUS SAUVAIS de nos ADVERSAIRES et tu confondais nos HAÏSSANT, 9 en Dieu nous nous louions tout le jour et à ton nom pour toujours NOUS RENDIONS-GRÂCE. 10
Or, tu nous as rejetés et tu nous as déshonorés, et tu ne sors plus avec nos armées ; 11 tu nous as fait retourner en arrière devant L’ADVERSAIRE et nos HAÏSSANT nous ont spoliés. 12 Tu nous as donnés comme moutons de boucherie et dans les NATIONS tu nous as dispersés ; 13 tu as vendu ton PEUPLE sans bénéfice et tu n’as pas gagné sur leur prix. 14 Tu fais de nous l’insulte de nos VOISINS, fable et risée de QUI NOUS ENTOURE ; 15 tu fais de nous le proverbe dans les NATIONS, hochement de tête dans LES PAYS. 16 Tout le jour mon déshonneur est devant moi et la honte couvre MA FACE, 17 sous les clameurs d’insulteur et de blasphémateur, à LA FACE de L’ENNEMI et de qui se venge. 18 Tout cela nous advint et POINT NE T’AVIONS OUBLIÉ et point n’avions trahi ton alliance ; 19 point n’était allé en arrière notre cœur et n’avaient dévié nos pas loin de ton sentier. 20 Oui, tu nous as broyés en un lieu de chacals et tu as étendu sur nous la ténèbre. 21 SI NOUS AVIONS OUBLIÉ le nom de notre Dieu et avions tendu les mains vers un dieu étranger, 22 est-ce que Dieu n’eût pas découvert cela, car lui il connait les secrets du cœur ? 23 Oui, à cause de toi nous sommes tués tout le jour, nous sommes tenus pour moutons d’abattage. 24 RÉVEILLE-TOI, POURQUOI dors-tu, Seigneur ? DRESSE-TOI, NE NOUS REJETTE PAS pour toujours ! 25 POURQUOI caches-tu TA FACE, OUBLIES-TU notre misère et notre oppression ? 26 Car notre âme S’EFFONDRE dans la poussière, notre ventre est collé à la terre. 27 LÈVE-TOI, VIENS à notre secours et RACHÈTE-NOUS à cause de ta fidélité.
La séquence 42/43–45
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Ps 45,1 Du maitre-de-chant, sur Les lys ; des fils de Coré, instruction, chant d’amour. 2 A frémi mon cœur de parole belle : moi je dis mon œuvre pour LE ROI, ma langue, le roseau d’un scribe agile. 3 Tu es beau plus que les fils d’Adam, la grâce est répandue sur tes lèvres : c’est pourquoi Dieu t’a béni à jamais. 4 Ceins ton ÉPÉE sur la cuisse, vaillant, ton faste et ta splendeur. 5 Ta splendeur : élance-toi, chevauche, pour la cause de la vérité, de l’humilité, de la justice et que ta droite t’enseigne des prodiges ! 6 Tes flèches sont acérées, DES PEUPLES tombent sous toi, dans le cœur des ENNEMIS du ROI. 7 Ton TRÔNE, Dieu, pour toujours et à jamais, SCEPTRE de droiture, LE SCEPTRE de ton RÈGNE ! 8 Tu aimes la justice et tu hais la méchanceté ; c’est pourquoi Dieu, ton Dieu, T’A OINT d’une huile d’allégresse plus que tes amis. 9 Myrrhe et aloès, cinnamome tous tes vêtements, des palais d’ivoire, les CITHARES te réjouissent. 10
Des filles de ROI parmi tes bien-aimées ; se tient une Dame à ta droite, dans l’or d’Ophir.
Écoute, fille, regarde et tends ton oreille, et OUBLIE TON PEUPLE et la maison de ton père. 12 Et LE ROI désirera ta beauté : car lui est ton Seigneur et prosterne-toi à lui ! 13 Et la fille de Tyr avec un cadeau, les plus riches DES PEUPLES dérideront ton visage. 14 Toute splendide la fille de ROI à l’intérieur, de tissus d’or vêtue ; 15 en brocarts elle est amenée vers LE ROI, des vierges derrière elle, ses compagnes sont dirigées vers toi ; 16 elles sont amenées dans les joies et la jubilation, elles se dirigent vers le palais du ROI. 17 À la place de tes pères seront tes fils ; tu en feras des PRINCES EN TOUTE LA TERRE. 18 Je commémorerai ton nom en tout âge et âge, c’est pourquoi LES PEUPLES TE RENDRONT-GRÂCE toujours et à jamais. 11
Les trois psaumes se correspondent selon le schéma AAB. Les rapports sont nombreux entre les deux premiers psaumes : – « Pourquoi ? » revient neuf fois dans le premier psaume (42,6.10bis.12bis ; 43,2bis.5bis) et deux fois à la fin du deuxième (44,24-25) ; – « mon âme », très fréquent dans le premier psaume (42,2.3.5.6.7.12 ; 43,5), n’apparait qu’une seule fois à la fin du second (44,26) ; – « face » est repris quatre fois dans le premier psaume (42,3.6.12 ; 43,5) et trois fois dans le deuxième (44,4.16.25) ; – « s’effondrer » quatre fois dans le premier (42,6.7.12 ; 43,5), une fois à la fin du second (44,26) ; – « oppression » deux fois dans le premier psaume (42,10 ; 43,2) et une fois dans le deuxième (25) ; – « insulte / insulter » une fois dans le premier psaume (42,11), deux fois dans le second (44,14.17). – « rejeter » revient en 43,2 et 44,24 ; – « les saluts/sauver » trois fois dans le premier psaume (42,6.123 ; 43,5) et quatre fois dans le deuxième (4.5.7.8) ; – « fidélité » une fois dans chaque psaume (42,9 ; 44,27) ; Chaque psaume est organisé en trois parties qui se correspondent en parallèle. Dans les premières parties le psalmiste rappelle un passé heureux : quand il conduisait la multitude au Temple dans la joie (42,5), quand le Seigneur sauvait son peuple (44,2-9). Dans les deuxièmes parties il se lamente de la situation actuelle d’oppression (42,8-11 ; 44,10-17). Dans les troisièmes il appelle le Seigneur à l’aide (43,1-3 ; 44,24-27) ; ce sont les seules parties qui contiennent des impératifs (43,1ter.3 ; 44,24ter.27ter). Alors que le premier psaume est tout entier à la première personne du singulier, le deuxième est entièrement à la première personne du pluriel.
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La première section (Ps 42/43–49) Les rapports entre le dernier psaume et les deux autres.
Ps 42/43,1 Du maitre-de-chant, instruction, des fils de Coré. 2 Comme la biche aspire après les cours d’eau, ainsi mon âme aspire vers toi, ô Dieu ; 3 mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant. Quand viendrai-je et verrai-je LA FACE de Dieu ? 4 Mon pleur est mon pain jour et nuit, quand on me dit tout le jour : « Où est-il, ton Dieu ? » 5 De ceci je me souviens et mon âme s’épanche sur moi : j’avançais avec la multitude, je les conduisais vers la maison de Dieu, dans la voix de cri-de-joie et d’ACTION-DE-GRÂCE d’une foule en fête. 6 POURQUOI T’’EFFONDRES-TU, mon âme, et grondes-tu sur moi ? Attends Dieu, car JE LUI RENDRAI-GRÂCE encore, LES SALUTS de SA FACE. 7 Mon Dieu, sur moi mon âme S’EFFONDRE, c’est pourquoi je me souviens de toi, depuis le pays du Jourdain et des Hermons, depuis la montagne Insignifiante. 8 L’abime appelant vers l’abime à la voix de tes cataractes, toutes tes vagues et tes flots sont passés sur moi. 9 De jour Yhwh commande sa fidélité et de nuit son chant est avec moi, prière au Dieu de ma vie. 10 Je dirai à Dieu, mon Rocher : POURQUOI M’OUBLIES-TU ? POURQUOI sombre je vais, sous l’oppression de L’ENNEMI ? 11 En brisure de mes os, m’insultent mes ADVERSAIRES quand ils me disent tout le jour : Où est-il, ton Dieu ? 12 POURQUOI T’EFFONDRESTU, mon âme, et POURQUOI grondes-tu sur moi ? Attends Dieu, car JE LUI RENDRAI-GRÂCE encore, LES SALUTS de MA FACE et mon Dieu.
43,1 JUGE-MOI, Dieu, et DÉFENDS ma cause contre UN PEUPLE non fidèle ; contre un homme de fraude et de fausseté DÉLIVRE-MOI. 2 Car toi, tu es le Dieu de ma force : POURQUOI ME REJETTES-TU ? POURQUOI triste je m’en vais, sous l’oppression de L’ENNEMI ? 3 ENVOIE ta lumière et ta vérité : elles me guideront, me ferontvenir à la montagne de ta sainteté et à tes tentes. 4 Et je viendrai à l’autel de Dieu, au Dieu de la joie de ma jubilation. Et JE TE RENDRAI-GRÂCE sur la CITHARE, Dieu, mon Dieu. 5 POURQUOI T’EFFONDRES-TU, mon âme, et POURQUOI grondes-tu sur moi ? Attends Dieu, car JE LUI RENDRAI-GRÂCE encore, LES SALUTS de MA FACE et mon Dieu. Ps 44,1 Du maitre-de-chant, des fils de Coré, instruction. 2 Dieu, de nos oreilles nous avons entendu, nos pères nous ont raconté l’œuvre que tu œuvras de leurs jours, aux jours d’autrefois : 3 toi, ta main, des NATIONS tu déshéritas et tu les plantas, tu détruisis des PAYS et tu leur fis-place. 4 Car ce n’est pas par leur ÉPÉE qu’ils héritèrent la terre et leur bras PAS NE LES A SAUVÉS, car ta droite et ton bras et la lumière de TA FACE car tu les aimais. 5 C’est toi, MON ROI, Dieu, ordonnant LES SALUTS de Jacob ; 6 par toi, nos ADVERSAIRES nous repoussions, en ton nom nous écrasions nos AGRESSEURS. 7 Car ce n’était pas à mon arc que je m’étais fié et mon ÉPÉE pas NE M’AVAIT SAUVÉ ; 8 car TU NOUS SAUVAIS de nos ADVERSAIRES et tu confondais nos HAÏSSANT, 9 en Dieu nous nous louions tout le jour et à ton nom pour toujours NOUS RENDIONS-GRÂCE. 10 Or, tu nous as rejetés et tu nous as déshonorés et tu ne sors plus avec nos armées ; 11 tu nous as fait retourner en arrière devant L’ADVERSAIRE et nos HAÏSSANT nous ont spoliés. 12 Tu nous as donnés comme moutons de boucherie et dans les NATIONS tu nous as dispersés ; 13 tu as vendu ton PEUPLE sans bénéfice et tu n’as pas gagné sur leur prix. 14 Tu fais de nous l’insulte de nos VOISINS, fable et risée de QUI NOUS ENTOURE ; 15 tu fais de nous le proverbe dans les NATIONS, hochement de tête dans LES PAYS. 16 Tout le jour mon déshonneur est devant moi et la honte couvre MA FACE, 17 sous les clameurs d’insulteur et de blasphémateur, à LA FACE de L’ENNEMI et de qui se venge. 18 Tout cela nous advint et POINT NE T’AVIONS OUBLIÉ et point n’avions trahi ton alliance ; 19 point n’était allé en arrière notre cœur et dévié nos pas loin de ton sentier. 20 Oui, tu nous as broyés en un lieu de chacals et tu as étendu sur nous la ténèbre. 21 SI NOUS AVIONS OUBLIÉ le nom de notre Dieu et avions tendu les mains vers un dieu étranger, 22 est-ce que Dieu n’eut pas découvert cela, car lui il connait les secrets du cœur ? 23 Oui, à cause de toi nous sommes tués tout le jour, nous sommes tenus pour moutons d’abattage. 24 RÉVEILLE-TOI, POURQUOI dors-tu, Seigneur ? DRESSE-TOI, NE NOUS REJETTE PAS pour toujours ! 25 POURQUOI caches-tu TA FACE, OUBLIES-TU notre misère et notre oppression ? 26 Car notre âme S’EFFONDRE dans la poussière, notre ventre est collé à la terre. 27 LÈVE-TOI, VIENS à notre secours et RACHÈTE-NOUS à cause de ta fidélité.
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Ps 45,1 Du maitre-de-chant, sur Les lys ; des fils de Coré, instruction, chant d’amour. 2 A frémi mon cœur de parole belle : moi je dis mon œuvre pour LE ROI, ma langue, le roseau d’un scribe agile. 3 Tu es beau plus que les fils d’Adam, la grâce est répandue sur tes lèvres : c’est pourquoi Dieu t’a béni à jamais. 4 Ceins ton ÉPÉE sur la cuisse, vaillant, ton faste et ta splendeur. 5 Ta splendeur : élance-toi, chevauche, pour la cause de la vérité, de l’humilité, de la justice et que ta droite t’enseigne des prodiges ! 6 Tes flèches sont acérées, DES PEUPLES tombent sous toi, dans le cœur des ENNEMIS du ROI. 7 Ton TRÔNE, Dieu, pour toujours et à jamais, SCEPTRE de droiture, LE SCEPTRE de ton RÈGNE ! 8 Tu aimes la justice et tu hais la méchanceté ; c’est pourquoi Dieu, ton Dieu, T’A OINT d’une huile d’allégresse plus que tes amis. 9 Myrrhe et aloès, cinnamome tous tes vêtements, des palais d’ivoire, les CITHARES te réjouissent. 10
Des filles de ROI parmi tes bien-aimées ; se tient une Dame à ta droite, dans l’or d’Ophir.
Écoute, fille, regarde et tends ton oreille, et OUBLIE TON PEUPLE et la maison de ton père. 12 Et LE ROI désirera ta beauté : car lui est ton Seigneur et prosterne-toi à lui ! 13 Et la fille de Tyr avec un cadeau, les plus riches DES PEUPLES dérideront ton visage. 14 Toute splendide la fille de ROI à l’intérieur, de tissus d’or vêtue ; 15 en brocarts elle est amenée vers LE ROI, des vierges derrière elle, ses compagnes sont dirigées vers toi ; 16 elles sont amenées dans les joies et la jubilation, elles se dirigent vers le palais du ROI. 17 À la place de tes pères seront tes fils ; tu en feras des PRINCES EN TOUTE LA TERRE. 18 Je commémorerai ton nom en tout âge et âge, c’est pourquoi LES PEUPLES TE RENDRONT-GRÂCE toujours et à jamais. 11
– les trois psaumes sont les seuls de la section qui sont qualifiés d’« instruction » dans le titre ; – « ennemi(s) » revient partout (42,10 ; 43,2 ; 44,17 ; 45,6) ; le terme est accompagné de « adversaire(s) », « haïssant », « agresseurs », ainsi que « nations », « peuples », « pays », « voisins », « qui nous entoure » (42,11 ; 43,1 ; 44,3.6bis. 8bis.11bis.12.13 ; 45,6) ; les dernières occurrences de « peuple(s) » (45,11.13. 18) se distinguent des précédentes car ils offriront des cadeaux et en arriveront en finale à « rendre grâce » au Seigneur ; – « oublier » une fois dans le premier psaume (42,10), trois fois dans le second (44,18.21.25), une dans le troisième (45,11) ; – « épée » revient en 44,4.7 et 45,4 ; le terme est accompagné de « arc » (44,7) et de « flèches » (45,6) ; – « action-de-grâce/rendre-grâce » revient cinq fois dans le premier psaume (42,5.6.12 ; 43,4.5), une fois dans chacun des deux autres (44,9 ; 45,18) ; – le couple « joie(s) et jubilation » revient en 43,4 et 45,16 ; – « vérité » est repris en 43,3 et 45,5 ; – deux cortèges encadrent la séquence, « vers la maison de Dieu » (42,5), « vers le palais du roi » (45,15-16) ; – la « cithare » (43,4 ; 45,9) ; – le dernier psaume célèbre les épousailles du « roi » d’Israël, mais il insiste sur le fait que le « règne » est celui de Dieu (45,7) ; dans le psaume précédent, le psalmiste invoque le Seigneur comme son roi : « C’est toi, mon Roi, Dieu » (44,5) ; – avec « à jamais » (45,3), « en tout âge et âge », « toujours et à jamais » (18) et même « à la place de tes pères seront tes fils » (17), le dernier psaume répond aux deux précédents où les expressions similaires désignent le malheur : « tout le jour » (42,11 ; 44,9.16.23), « pour toujours » (44,24).
56
La première section (Ps 42/43–49)
INTERPRÉTATION « POURQUOI ? » Le premier psaume est scandé tout au long par les questions introduites par « Pourquoi ? ». La plupart sont adressées par le psalmiste à son âme. Mais il en est deux qu’il pose à Dieu : « Pourquoi m’oublies-tu ? » (42,10) et « Pourquoi me rejettes-tu ? » (43,2). Ces deux questions resurgiront à la fin du deuxième psaume, accompagnées des mêmes verbes (44,24-25). C’est que la situation où se trouve le psalmiste du premier psaume et tout le peuple du second semble désespérée. Ils se trouvent en effet en butte à « l’oppression » de leurs « ennemis » et aux « insultes » de leurs « adversaires », ceux qui posent la question qui fait le plus mal : « Où est-il, ton Dieu ? » (42,4.11) LE SOUVENIR DES TEMPS HEUREUX Aussi bien l’individu du premier psaume que l’ensemble de son peuple du deuxième commencent par évoquer un passé de joie et de bonheur qui leur faisait « rendre grâce » (42,5 ; 44,9). Pour le premier, c’est le rappel rapide mais enthousiaste de sa participation à la liturgie joyeuse « dans la maison de Dieu », au milieu d’une « multitude », d’une « foule en fête » qui « rend grâce » (42,5) ; le second prend le relai longuement (44,2-9), rapportant ce que les pères avaient raconté de la conquête de la terre au sortir du désert, insistant à plaisir sur le fait que ce n’était pas par leur force qu’ils avaient été sauvés de leurs ennemis, mais par le seul amour de leur Seigneur. Comme pour faire le lien entre les deux psaumes, le singulier de 44,7 se mêle au pluriel de tous ceux qui l’entourent. LA SUPPLICATION POUR FINIR Les deux psaumes s’achèvent avec une série d’impératifs adressés à Dieu, appelant tous au secours. « Juge-moi », « défends ma cause », « délivre-moi », « envoie ta lumière et ta vérité » (43,1.3) ; « Réveille-toi », « dresse-toi », « ne nous rejette pas pour toujours » (44,24), et, en explosion finale, « Lève-toi, viens à notre secours et rachète-nous à cause de ta fidélité » (27). Dans le premier psaume, la supplication débouche sur la perspective du retour au Temple, dans « l’exultation » et l’action de grâce « sur la cithare » (43,3-4). Dans le deuxième psaume, au contraire, l’avenir semble totalement bouché, « la ténèbre » ou « l’ombre de la mort » s’étant étendue sur le peuple (20) : « nous sommes tués », « tenus pour moutons d’abattage » (23). Mais si le peuple continue à crier au secours vers son Dieu, c’est qu’il n’a pas perdu l’espoir d’être écouté (24-27). LA RÉPONSE DU ROI Les deux premiers psaumes sont marqués par la longue série des « pourquoi ». Le second est centré sur une description du malheur où se trouve le peuple, spolié et moqué « tout le jour » par les ennemis qui l’entourent, et il s’achève par
La séquence 42/43–45
57
un appel au secours lancé vers Dieu par ceux qui se voient rejetés « pour toujours » (44,24). Le dernier psaume se présente alors comme la réponse attendue. Le « roi » invoqué par le psalmiste (44,5) est maintenant acclamé comme celui qui promeut « la droiture » « pour toujours et à jamais » (45,7). Il soumet les rois par « l’épée » et par ses « flèches » qui percent le cœur de ses ennemis (4-6). Bien plus, l’alliance conclue avec ses voisins transformera ses adversaires en partenaires ; et, finalement, « les peuples rendront grâce » au Dieu d’Israël « toujours et à jamais » (18). Le « chant d’amour » (45,1), composé par le « scribe agile » en l’honneur du roi qui épouse la fille du roi de Tyr, devient ainsi « chant d’amour » pour le peuple entier qui retrouvera « joies et jubilation » (43,4 ; 45,16) au son de la « harpe » (43,4 ; 45,9). Telle est « l’instruction » que dispense l’ensemble des trois psaumes.
II. YHWH DES ARMÉES AVEC NOUS, CITADELLE POUR NOUS ! La deuxième séquence : Ps 46 TEXTE 1 Du maitre-de-chant, des fils de Coré, pour des jeunes-filles, chant. 2 Dieu (est) pour nous refuge et force, secours dans les angoisses il se trouve beaucoup. 3 C’est pourquoi nous ne craindrons quand change la terre, quand chancellent les montagnes au cœur des mers ; 4 elles grondent, elles écument ses eaux, elles tremblent les montagnes à son soulèvement. Pause 5 Un fleuve, ses canaux réjouissent la cité de Dieu, la sainte demeure du Très-Haut ; 6 Dieu (est) en elle, elle ne chancelle pas, la secourt Dieu au tournant du matin. 7 Grondaient des peuples, chancelaient des royaumes, il a donné de la voix, elle fond la terre. 8 Yhwh des armées avec nous, citadelle pour nous, le Dieu de Jacob ! Pause 9 « Allez, contemplez les hauts-faits de Yhwh, lequel met des destructions sur la terre : 10 il fait-cesser les guerres jusqu’aux bouts de la terre, l’arc il a rompu et il a brisé la lance, les boucliers il a brûlés au feu. 11 Arrêtez et connaissez que moi (je suis) Dieu, je m’élève sur les peuples, je m’élève sur la terre ! » 12 Yhwh des armées avec nous, citadelle pour nous, le Dieu de Jacob ! Pause
V. 1 « POUR DES JEUNES-FILLES
»
Le Ps 46 est le seul qui comprend ‘al-’ălāmôt dans son titre. À cause de la préposition ‘al-, il est quelquefois interprété comme « sur (l’air de) », à l’instar du psaume précédent où se trouve « sur Les lys ». Mais comme ‘ălāmôt signifie « jeunes-filles », on peut y voir un rappel des compagnes de la jeune épouse du roi et comprendre qu’il s’agit d’un chant destiné à ce genre de voix1. V. 4
: « SES EAUX », « SON SOULÈVEMENT »
La plupart sont d’avis que le référent des deux pronoms au masculin singulier est « les mers » (masculin en hébreu, au pluriel d’intensité), l’accord se faisant selon le sens et non selon le nombre ; toutefois le référent pourrait aussi être « Dieu » au début du verset 22. V. 10
: « LES BOUCLIERS IL A BRÛLÉS »
Le premier terme, ‘ăgālôt, signifie « chariots », mais ne désigne jamais les chars de guerre ; la Septante et le Targum ont lu ‘ăgilôt, « boucliers », ce qui semble préférable.
1 2
Lorenzin, 202 ; Barbiero, 86. Voir Hakham, I, 265.
60
La première section (Ps 42/43–49)
COMPOSITION Après le titre, le psaume comprend trois parties (2-4 ; 5-8 ; 9-12) ; chacune s’achève avec la selâ, « pause ». LA PREMIÈRE PARTIE (2-4) : 2 Dieu (est) : secours
pour nous dans les angoisses
refuge il se trouve
et force, beaucoup.
···························································································································· 3
+ C’est pourquoi + quand chancellent
nous ne craindrons les montagnes
quand change au cœur
la terre, des mers ;
+ 4 elles grondent, + elles tremblent
elles écument les montagnes
ses eaux, à son soulèvement.
Pause
Commençant par « c’est pourquoi », le deuxième morceau exprime la conséquence des affirmations du premier morceau. « Les angoisses » (2b) sont illustrées dans le second morceau par ce qui peut arriver de pire, quand la création se défait, la séparation entre « les eaux » et « la terre » étant abolie (3). Le dernier verset double le précédent, mais il peut être interprété comme allant plus loin encore, si on comprend que le grondement des eaux et le soulèvement des montagnes sont causés par Dieu. LA DEUXIÈME PARTIE (5-8) + 5 Un fleuve, + la sainte
ses canaux demeure
réjouissent du TRÈS-HAUT ;
+ 6 DIEU (est) + la secourt
en elle, DIEU
elle ne chancelle pas, au tournant
du matin.
des peuples, de la voix,
chancelaient elle fond
des royaumes, la terre.
7
– Grondaient – il a donné
la cité de DIEU,
··························································································································· 8
: YHWH : citadelle
des armées pour nous,
avec nous, le DIEU
de Jacob !
Pause
Les deux premiers segments décrivent « la cité de Dieu » arrosée par les eaux tranquilles de ses canaux ; étant la demeure de Dieu, secourue par lui, elle ne peut chanceler. Au contraire le troisième segment montre « peuples » et « royaumes » qui « chancellent », car la terre « fond » sous eux. Dans le deuxième morceau, le « nous » du peuple acclame son Dieu.
Le psaume 46
61
LA TROISIÈME PARTIE (9-12) + 9 ALLEZ, + lequel
met
les hauts-faits des destructions
de YHWH, SUR LA TERRE
:: il fait-cesser :: l’arc :: les boucliers
les guerres il a rompu il a brûlé
jusqu’aux bouts et il a brisé au feu.
de la terre, la lance,
+ 11 ARRÊTEZ + je m’élève
ET CONNAISSEZ
que moi je m’élève
(je suis) DIEU,
sur les peuples,
10
CONTEMPLEZ
SUR LA TERRE
:
!
···························································································································
: 12 YHWH : citadelle
des armées pour nous,
avec nous, le DIEU
de Jacob !
Pause
Dans les deux premiers segments, le psalmiste invite à contempler l’œuvre de Dieu (9), laquelle consiste à détruire toutes les armes de guerre (10). Il est clair que dans le troisième segment, c’est Dieu lui-même qui parle à cause de tous les pronoms de première personne du singulier. Les segments extrêmes commencent également par deux impératifs, les premiers membres s’achèvent avec un nom divin et les seconds membres avec « sur la terre ». Si bien que l’on peut penser que c’est tout le premier morceau qui est prononcé par le Seigneur, même si les verbes qui ont Dieu pour sujet sont à la troisième et non à la première personne3. Le fait n’est pas rare : 14
Ah ! si mon peuple m’écoutait, si Israël dans mes voies allait ! 15
À l’instant leurs ennemis j’abattrais et contre leurs oppresseurs je tournerais ma main ;
16
les haïssant Yhwh l’aduleraient, et serait leur temps à jamais.
17
Et il lui ferait manger la fleur du froment et du rocher du miel je te rassasierais (Ps 81).
3
Alonso Schoekel – Carniti, I, 756.
62
La première section (Ps 42/43–49)
L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
Du maitre-de-chant pour les fils de Coré, pour des jeunes-filles, : 2 DIEU (est) .. SECOURS 3
pour nous dans les angoisses
REFUGE
il se trouve
chant. et FORCE, beaucoup.
·························································································································· C’est pourquoi nous ne craindrons si change LA TERRE,
des mers ;
si CHANCELLENT
les montagnes
au cœur
4
elles écument les montagnes
ses eaux, à son soulèvement.
5
Un fleuve, la sainte
ses canaux demeure
réjouissent du Très-Haut ;
6
DIEU (est) la SECOURT
en elle, DIEU
ELLE NE CHANCELLE PAS, au tournant du matin.
7
des PEUPLES, de la voix,
CHANCELAIENT elle fond
ELLES GRONDENT,
elles tremblent
GRONDAIENT
il a donné
Pause la cité de DIEU,
des royaumes, LA TERRE.
··························································································································
: 8 YHWH .. CITADELLE
des armées pour nous,
avec nous, le DIEU
de Jacob !
Pause
« Allez, lequel
contemplez met
les hauts-faits des destructions
de YHWH, SUR LA TERRE
:
10
il fait-cesser l’arc les boucliers
les guerres il a rompu il a brûlé
jusqu’aux bouts et il a brisé au feu.
de LA TERRE, la lance,
11
et connaissez sur les PEUPLES,
que moi je m’élève
pour nous,
le DIEU
9
Arrêtez je m’élève
(je suis) DIEU, SUR LA TERRE ! » ·························································································································· : 12 YHWH des armées avec nous, .. CITADELLE
de Jacob !
Pause
Les deux dernières parties s’achèvent par le même morceau (8.12) dont les deux occurrences jouent donc le rôle de termes finaux ; la première partie commence par un morceau analogue où « Dieu (est) pour nous » correspond à « Yhwh [...] avec nous » et à « citadelle pour nous », où « refuge et force, secours » sont des synonymes de « citadelle » et annoncent « des armées ». Ainsi 2 et 12 remplissent-ils la fonction de termes extrêmes. Les deux premières parties sont encadrées par les deux courts morceaux extrêmes (2-8). Le couple « chanceler » – « gronder » de 3-4 se retrouve en 6a.7a. « La terre » revient à la fin de 3a et de 7b. Aux « mers » et aux « eaux » de la première partie (3b.4a) succèdent « le fleuve » et ses « canaux » au début
Le psaume 46
63
de la troisième (5a). Le verbe « secourir » de 6b rappelle le substantif « secours » au début de la première partie (2b). Les deux dernières parties sont reliées par leurs deuxièmes morceaux qui sont identiques. « Les peuples » reviennent en finale des premiers morceaux (7a.11b). « La terre » revient une fois dans les deux premières parties (3a.7b) et trois fois dans la dernière partie (9b.10a.11b). Le dernier membre du premier morceau de la dernière partie (11b) peut être considéré comme une sorte de résumé de tout ce qui précède : « je m’élève sur les peuples » renvoie à la deuxième partie (7a) et « je m’élève sur la terre » rappelle la première partie (3a). Par ailleurs, si le premier morceau de la dernière partie est prononcé tout entier par Dieu, on comprend mieux sa fonction de conclusion de l’ensemble du psaume.
CONTEXTE LA FIN DU MONDE La première partie décrit une situation où se défait la création dans un retour au chaos initial, les eaux des mers reprenant le dessus sur la terre, engloutissant la solidité des montagnes sur lesquelles repose le monde : 9
Dieu dit : « Que les eaux qui sont sous le ciel s’amassent en une seule masse et qu’apparaisse le continent » et il en fut ainsi. 10 Dieu appela le continent « terre » et la masse des eaux « mers », et Dieu vit que cela était bon (Gn 1,9-10).
LE FLEUVE DE L’ÉDEN « Le fleuve » dont parle le psaume peut difficilement être identifié avec le Cédron qui ne donne naissance à aucun « canal » et n’irrigue pas Jérusalem. Il semble plutôt faire référence au fleuve dont parle le second récit de création : « Un fleuve sortait d’Éden pour arroser le jardin et de là il se divisait pour former quatre bras » (Gn 2,10). Une telle référence entre en consonance avec le contexte qui présente la situation de la première partie comme une décréation.
INTERPRÉTATION Les trois parties du psaume ont été intitulées ainsi : « Protection contre les catastrophes naturelles », « Protection contre les catastrophes politiques », « Protection contre la guerre »4. Pour légitimes que soient ces titres, caractériser ainsi le contenu du psaume pourra paraitre quelque peu réducteur, étant donné la reprise d’un langage de type mythologique.
4
Lorenzin, 201-202.
64
La première section (Ps 42/43–49)
« LES ANGOISSES » « Les angoisses » auxquelles est affronté « Jacob » — le « nous » au nom duquel le psalmiste déploie son « chant » — sont d’abord évoquées dans des termes dramatiques qui évoquent la fin du monde, l’écroulement de ses assises éternelles, le renversement de la création (3-4). Un tel langage peut s’appliquer sans aucun doute aux séismes, tremblements de terre et raz-de-marée, où les limites posées entre la mer et la terre sont soudain abolies. Cependant, ces mêmes expressions sont couramment utilisées pour les grandes épreuves de la vie, certains deuils, certaines séparations et toutes sortes de crises majeures, quand « tout s’écroule » pour la victime, quand « la vie s’est arrêtée pour toujours ». « LES GUERRES » Parmi toutes les angoisses de la vie, celle de la guerre est, plus que toute autre, celle qui atteint le peuple entier, le « nous » de la communauté. Ce n’est pas seulement un individu qui est frappé, qui souffre, qui craint pour sa vie, c’est toute la société à laquelle appartient chaque individu. Les « peuples » et les « royaumes » ennemis (7) sont présentés sous les mêmes traits que les éléments de la création qui s’entrechoquent (3-4). On ne peut pas davantage échapper à la guerre qu’au tremblement de terre et au raz-de-marée. Les frontières entre les peuples et les royaumes sont franchies par les armées qui envahissent la terre d’autrui, et c’est le chaos qui renverse tout. LA CITÉ DE DIEU À l’opposé des situations où tout chancelle, « la cité de Dieu », sa « sainte demeure » se caractérise par le calme et la stabilité. Alors que les eaux de la mer grondent et écument, un fleuve canalisé coule, paisible, dans le royaume de Dieu. L’opposition entre les deux mondes — entre les deux cités — ne se limite pas à cette différence de nature. Dieu est « refuge et force, secours dans les angoisses ». Il se laisse trouver par ceux qui font appel à lui dans le malheur. Il suffit qu’il « donne de la voix » pour que la terre fonde (7b), pour que « tremblent les montagnes à son soulèvement » (4b). C’est à sa voix que le monde fut créé, c’est à sa voix aussi qu’il est ébranlé et que les forces du mal sont maitrisées. LES HAUTS FAITS DE DIEU Les « hauts faits » que le Seigneur lui-même invite à contempler sont des « des destructions ». Comme celle du déluge destiné à faire disparaitre le mal de la surface de la terre. Ce mal est celui de la guerre, c’est-à-dire de la destruction systématique que les peuples mettent en œuvre régulièrement, et non seulement aux temps bibliques. Ce que Yhwh, le Dieu de Jacob-Israël veut détruire, c’est
Le psaume 46
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cette destruction, celle qui a commencé avec Caïn qui tua son frère. Et c’est sans doute pour cela qu’il est invoqué comme « Yhwh des armées ». Paradoxalement, le Dieu des armées est celui qui détruit l’arc, la lance, les boucliers, qui met fin au règne des armes de guerre.
III. TOUS LES PEUPLES PSALMODIERONT POUR NOTRE ROI La troisième séquence : Ps 47–49 1. LE PSAUME 47 TEXTE 1 Du maitre-de-chant, des fils de Coré, psaume. 2 Tous les peuples, battez des mains, acclamez Dieu dans la voix des cris-de-joie ! 3 Oui, Yhwh (est) le Très-Haut, redoutable, le Roi grand sur toute la terre. 4 Il prosterne des peuples sous nous et des pays dessous nos pieds. 5 Il a choisi pour nous notre héritage, fierté de Jacob, lequel il aime. 6 Il monte Dieu dans 7 Psalmodiez pour Dieu, psalmodiez, l’acclamation, Yhwh, dans la voix du chofar. 8 psalmodiez pour notre Roi, psalmodiez ! Oui, le Roi de toute la terre, Dieu : psalmodiez une Dieu siège sur son trône de sainteté. 10 Les instruction ! 9 Il règne Dieu sur les nations, princes des peuples se rassemblent, peuple du Dieu d’Abraham. Oui, à Dieu les boucliers de la terre, beaucoup il est monté.
V. 4
: « IL PROSTERNE »
Le hiphil de dābar ne se retrouve qu’en Ps 18,48 ; on lui reconnait le sens de « soumettre », « prosterner ». V. 8 : « PSALMODIEZ UNE INSTRUCTION
»
Le terme maśkîl est celui qui revient dans le titre de treize psaumes (voir
p. 19) V. 10B : « PEUPLE DU DIEU D’ABRAHAM
»
La Septante, la Syriaque et la Vulgate ont lu ‘im (« avec ») au lieu de ‘am (« peuple »). Le sens est très proche, mais le texte massorétique, qui présente la lectio difficilior, est plus fort : il identifie tous les peuples avec le peuple élu1. V. 10C
: « BOUCLIERS »
Dans le sens métaphorique, « les boucliers » sont ceux qui protègent leur peuple ; ils désignent « les princes » du verset précédent.
COMPOSITION Après le titre, le psaume s’organise en deux parties parallèles (2-6 ; 7-10). 1
Voir, par ex., Vesco, 434.
68
La première section (Ps 42/43–49)
LA PREMIÈRE PARTIE (2-6) = 2 Tous LES PEUPLES, = ACCLAMEZ 3
:: Oui, YHWH :: le Roi
battez DIEU
des mains, DANS LA VOIX
des cris-de-joie !
(est) le TRÈS-HAUT, grand
le redoutable, sur toute
la terre.
························································································································· – 4 Il prosterne DES PEUPLES sous nous
– et des pays 5
– Il a choisi – fierté 6
+ Il monte + YHWH,
dessous
nos pieds.
pour nous de Jacob,
notre héritage, lequel
DIEU DANS LA VOIX
DANS L’ACCLAMATION,
il aime.
du chofar.
Le premier morceau est une invitation adressée à « tous les peuples » d’acclamer « Dieu » ; le second segment est une sorte d’expansion qui précise qui est « Dieu » : « Yhwh », « Très-Haut », « redoutable », « roi ». « Tous les peuples » et « toute la terre » font inclusion. Le deuxième morceau dit ce que Dieu fait : « il prosterne », « il a choisi », « il monte ». Les deux occurrences de « peuples » (2a.4a) jouent le rôle de termes initiaux ; « acclamez / acclamation », « Dieu » et « dans la voix » remplissent la fonction de termes extrêmes (2.6). LA DEUXIÈME PARTIE (7-10) = 7 Psalmodiez = psalmodiez
pour DIEU, pour notre ROI,
psalmodiez, psalmodiez !
:: 8 Oui, LE ROI :: psalmodiez
DE TOUTE LA TERRE,
DIEU :
une instruction !
··········································································································· + 9 IL RÈGNE DIEU sur les nations, + DIEU siège sur SON TRÔNE de sainteté.
– 10 Les princes – peuple
des peuples du DIEU
se rassemblent, d’Abraham.
+ Oui, à DIEU + beaucoup
les boucliers il est monté.
DE LA TERRE,
Le premier morceau est marqué par la quintuple reprise de « psalmodiez » : les deux occurrences de « roi » agrafent les deux segments. Le second morceau détaille comment Dieu est « roi de toute la terre » (8a) : les segments extrêmes se répondent avec « les nations » et « la terre » (9a.10c) et avec « il siège » et « il est monté » (9b.10d). Au centre (10ab), « les peuples » des nations et « le peuple » d’Israël ne font plus qu’un.
Le psaume 47
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L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
Du maitre-de-chant,
des fils de Coré,
psaume.
= 2 Tous LES PEUPLES, = acclamez
battez DIEU
des mains, dans la voix
des cris-de-joie !
(est) le TRÈS-HAUT, grand
redoutable, sur toute
la terre.
3
:: Oui, YHWH :: LE ROI
···················································································································· – 4 Il prosterne DES PEUPLES sous nous – et DES PAYS dessous nos pieds.
– 5 Il a choisi – fierté
pour nous de JACOB,
notre héritage, lequel
DIEU dans la voix
dans l’acclamation, du chofar.
= 7 Psalmodiez = psalmodiez
pour DIEU, pour notre ROI,
psalmodiez, psalmodiez !
:: 8 Oui, LE ROI :: psalmodiez
de toute la terre, une instruction !
DIEU :
6
+ IL MONTE + YHWH,
il aime.
···················································································································· – 9 IL RÈGNE DIEU sur LES NATIONS, – DIEU siège sur SON TRÔNE de sainteté.
– 10 Les princes – PEUPLE
DES PEUPLES du DIEU
se rassemblent, d’ABRAHAM.
+ Oui, à DIEU + beaucoup
les boucliers
de la terre,
IL EST MONTÉ.
Les deux parties sont parallèles : comprenant les impératifs (2ab ; 7ab.8b), leurs premiers morceaux invitent à la louange de « Dieu » (2b.7a), comme « roi » (3b ; 7b.8a). « Toute la terre » revient dans les seconds segments (3b.8a). Les seconds morceaux, de même longueur, donnent en quelque sorte les raisons pour lesquelles Dieu doit être acclamé par la psalmodie. « Peuple(s) » revient en 4a et 10ab, « pays » et « nations » en 4b et 9a ; « Jacob » et « Abraham » se trouvent en même position (5b.10b) et les deux occurrences de « monter » jouent le rôle de termes finaux (6a.10d). On notera que les cinq occurrences de « psalmodier », au début de la deuxième partie (7-8), rappellent « psaume » à la fin du titre.
70
La première section (Ps 42/43–49)
CONTEXTE LE PS 117 Le psaume le plus court du Psautier invite toutes les nations à rendre grâce à Dieu pour le bien qu’il a fait à Israël : + 1 LOUEZ + glorifiez-le,
YHWH,
TOUTES LES NATIONS, TOUS LES PAYS ;
:: 2 car forte :: et la loyauté
POUR NOUS
sa fidélité pour toujours.
= LOUEZ
de YHWH YAH !
L’HÉRITAGE DES NATIONS Le verset 5 rappelle Ps 2,8 : « Demande de moi et je donnerai les nations en héritage, et pour ton domaine les extrémités de la terre ». L’ÉLECTION DE JACOB Le verset 5 rappelle que Jacob-Israël fut aimé entre tous et choisi parmi toutes les nations pour devenir l’héritage du Seigneur. C’est ce que disent les premières paroles du Seigneur quand le peuple arriva au Sinaï, paroles destinées à « la maison de Jacob » : 3
Moïse alors monta vers Dieu. Yhwh l’appela de la montagne et lui dit : « Tu parleras ainsi à la maison de Jacob, tu déclareras aux fils d’Israël : 4 Vous avez vu vousmêmes ce que j’ai fait aux Égyptiens, et comment je vous ai emportés sur des ailes d’aigles et amenés vers moi. 5 Maintenant, si vous écoutez ma voix et gardez mon alliance, je vous tiendrai pour mon bien propre parmi tous les peuples, car toute la terre est à moi. » (Ex 19,1-5)
LA BÉNÉDICTION D’ABRAHAM Le verset 10 fait référence à la promesse faite par Dieu à Abraham, dès les premières paroles qu’il lui adresse : 1
Yhwh dit à Abram : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je t’indiquerai. 2 Je ferai de toi un grand peuple, je te bénirai, je magnifierai ton nom ; sois une bénédiction ! 3 Je bénirai ceux qui te béniront, je réprouverai ceux qui te maudiront. Par toi se béniront tous les clans de la terre » (Gn 12,1-3 ; voir aussi 18,18 ; 22,18).
Le psaume 47
71
INTERPRÉTATION « TOUS LES PEUPLES » Le tout premier mot du psaume identifie ses destinataires : ce sont « tous les peuples » qui sont invités à applaudir pour acclamer Dieu par des cris de joie. Quant à ceux qui lancent cette invitation, ce sont ceux que le second morceau permet de reconnaitre : le « nous » du peuple d’Israël. La raison pour laquelle les païens sont appelés à louer « Yhwh » pourra sembler pour le moins surprenante, sinon totalement absurde. Ce serait parce que Dieu les a soumis à Israël qu’ils doivent l’acclamer. Le peuple élu exigerait de ceux qui sont placés sous ses pieds une attitude qui ne serait autre que le plus pur masochisme. « LE PEUPLE DU DIEU D’ABRAHAM » La deuxième partie du psaume permet de résoudre l’énigme. Yhwh n’est pas seulement le Dieu d’Israël : il est le roi de toute la terre. Chaque invitatoire le répète (3.8). Et c’est comme tel que tous les peuples sont invités à l’acclamer. Il est leur Dieu à eux aussi, comme à Israël. La bénédiction d’Abraham, le premier élu du Seigneur, prévoyait que tous seraient bénis par son entremise ; ils seraient bénis quand ils béniraient celui qui avait été choisi entre tous. Ainsi, ils se voient intégrés dans l’unique peuple de Dieu. La reconnaissance mutuelle est la seule manière de sortir de la jalousie qui, comme celle de Caïn, ne saurait porter qu’à la mort. Tous les peuples sont frères : ils comprennent les nations païennes mais aussi Israël au premier chef. Telle est « l’instruction » (8b) de ce psaume.
2. LE PSAUME 48 TEXTE 1
Chant, psaume, des fils de Coré. 2 Grand Yhwh et louable beaucoup dans la ville de notre Dieu, la montagne de sa sainteté. 3 Belle en hauteur, jubilation de toute la terre la montagne de Sion, sommet du Saphôn, cité du roi immense : 4 Dieu dans ses palais s’est révélé citadelle. 5 Car voici, des rois s’étaient ligués, ils ont avancé ensemble. 6 Eux virent, oui ils s’étonnèrent, 7 un tremblement les saisit là, un frisson d’accouchée ; ils paniquèrent, ils décampèrent, 8 par un vent d’est furent brisés les vaisseaux de Tarsis. 9 De même que nous avions entendu ainsi nous avons vu dans la ville de Yhwh des armées, dans la ville de notre Dieu : Dieu 10 Nous méditons, Dieu, ta fidélité l’affermira jusqu’à jamais. au milieu de ton Temple ; 11 comme ton nom, Dieu, ainsi ta louange, jusqu’au bout de la terre ! De justice est remplie ta 12 se réjouit la montagne de Sion ; exultent les filles de Juda à cause de tes droite, jugements. 13 Longez Sion et parcourez-la, dénombrez ses tours, 14 mettez vos cœurs à son enceinte, détaillez ses palais, afin de raconter aux âges futurs 15 que lui (est) Dieu, notre Dieu toujours et à jamais, lui, il nous guide jusqu’à la mort ! V. 3
: « EN HAUTEUR »
Ce terme, nôp, est un hapax, mais il se trouve dans d’autres langues sémitiques ; ainsi, en arabe, nāfa signifie « être haut, élevé ». V. 4
: « PALAIS »
Il s’agit non pas de résidences ordinaires, mais de maisons fortifiées. Osty traduit par « châteaux forts », Vesco par « donjons ». V. 14
: « SON ENCEINTE »
Étant donné le contexte, la plupart traduisent ḥêlâ par un terme du même champ sémantique que « tours » et « palais »1. La Septante le rend par « puissance ». V. 15
: « JUSQU’À LA MORT »
Le dernier mot du psaume a fait difficulté dès l’antiquité. Au lieu de ‘al-mût du texte massorétique, « jusqu’à la mort », la Septante a lu ‘olâmôt, « pour les siècles » qui ferait pendant à « à jamais et toujours » du membre précédent. Ce dernier terme du psaume pourrait annoncer le psaume suivant qui traite du même sujet2.
1
Ainsi la BJ a « ses murs » ; mais, le terme étant singulier, Osty le rend par « son enceinte » et la TOB par « son rempart ». 2 Voir, par ex., Ravasi, I, 866-867 ; Vesco, 438.
74
La première section (Ps 42/43–49)
COMPOSITION Le psaume comprend trois parties organisées de manière concentrique autour du verset 9. Les parties extrêmes sont développées ; chacune est formée de deux sous-parties. Quant à la partie centrale, elle est de la taille d’un morceau formé de deux segments. LA PREMIÈRE PARTIE (2-8) La première sous-partie (2-4) + 2 Grand + dans la ville
YHWH de NOTRE DIEU,
et louable la montagne
beaucoup de sa sainteté.
:: 3 Belle :: la montagne :: cité
en hauteur, de Sion, du roi
jubilation sommet immense.
de toute la terre, du Saphôn,
+ 4 DIEU + s’est révélé
dans ses palais citadelle.
Les segments extrêmes ont Dieu pour sujet, tandis que le sujet du trimembre central est la montagne de Sion, sa « cité » : le nom de Dieu y est repris et les deux compléments de lieu se correspondent : « dans la ville », « dans ses palais ». Dans le trimembre central, après le double prédicat (3a), vient le double sujet (3b) suivi d’une apposition (3c). « La montagne de sa sainteté » (2b) est nommée au centre du trimembre central : « la montagne de Sion ». La deuxième sous-partie (5-8) Alors que le premier morceau campe la coalition des rois qui s’avance avec assurance, le second morceau s’appesantit sur leur destruction : surprise et panique (6), douleur d’accouchement (7), désastre d’une flotte réduite en miettes (8). Les deux derniers segments reprennent les métaphores classiques utilisées pour qualifier les épreuves les plus terribles.
Le psaume 48 – 5 Car voici, – ils ont avancé
75
s’étaient ligués,
DES ROIS
ensemble.
·········································································································· :: 6 EUX virent, oui, ils s’étonnèrent,
:: ils paniquèrent, 7
ils décampèrent,
:: un tremblement :: un frisson
les saisit d’accouchée ;
= 8 par un vent = furent brisés
d’est les vaisseaux
là,
de Tarsis.
L’ensemble de la partie (2-8) Les deux sous-parties sont liées par « car » (5a). Les « rois » de 5a s’opposent à Dieu, le « roi immense » (3c). Les noms propres de « Saphôn » et de « Tarsis » se correspondent, étant deux lieux païens de la même région, le second désignant Tyr au sud de la côte phénicienne, le premier à l’extrême nord. On pourrait considérer que « citadelle » et « vaisseaux » (4b.8b) jouent le rôle de termes finaux dans la mesure où ce sont deux forces antagonistes, celle de Jérusalem et celle de Tyr : Dieu a protégé son peuple dans sa « citadelle » (4), le vent d’est, vent de Dieu, a brisé la force de l’ennemi (8)3. + 2 Grand + dans la ville
Yhwh de notre Dieu,
et louable la montagne
beaucoup de sa sainteté.
:: 3 Belle :: la montagne :: cité
en hauteur, de Sion,
jubilation sommet immense.
de toute la terre, du SAPHÔN,
4
= Dieu = s’est révélé – 5 Car voici, – ils ont avancé
DU ROI
dans ses palais citadelle. DES ROIS
s’étaient ligués,
ensemble.
··········································································································
:: 6 Eux :: ils paniquèrent,
virent, ils décampèrent,
oui, ils s’étonnèrent,
:: 7 un tremblement :: un frisson
les saisit d’accouchée ;
là,
= 8 par un vent = furent brisés
3
d’est les vaisseaux
de TARSIS.
La préposition qui marque « ses palais » et « un vent d’est » est la même en hébreu.
76
La première section (Ps 42/43–49)
LA DEUXIÈME PARTIE (9) + 9 De même que .. dans la ville .. dans la ville
nous avions entendu de YHWH de NOTRE DIEU ;
ainsi nous avons vu des armées,
= DIEU
l’affermira
jusqu’à jamais.
Le premier segment est un trimembre de type ABB : ses deux derniers membres sont des compléments de lieu parallèles. Le segment unimembre final dit ce que « nous avions entendu » et qu’effectivement « nous avons vu » (9a). LA TROISIÈME PARTIE (10-15) La première sous-partie (10-12) + 10 Nous méditons, – au milieu
DIEU, ta fidélité de ton Temple ;
+ 11 comme ton nom, – jusqu’au bout
DIEU, de la terre !
ainsi ta louange,
·········································································································
:: De justice .. 12 se réjouit
est remplie la montagne
ta droite, de Sion ;
.. exultent :: à cause de
les filles tes jugements.
de Juda
Les deux segments du premier morceau sont parallèles quant à la forme et complémentaires quant au sens. Les seconds membres sont des compléments de lieu : le premier est circonscrit au Temple de Jérusalem, tandis que le second s’étend partout. Dans les premiers membres, la « fidélité » du Seigneur est méditée par les fils d’Israël seulement (« nous »), alors que son « nom » est loué par tous les peuples. Le deuxième morceau comprend lui aussi deux bimembres, organisés de manière spéculaire. Aux extrémités, « jugements » répond à « justice », entre les deux « se réjouir » et « exulter » sont synonymes, et « Juda » correspond à « Sion ». La deuxième sous-partie (13-15) Le premier morceau compte cinq impératifs, deux aux extrémités du premier membre, trois autres au début des membres suivants. De « Sion » sont nommés « ses tours », « son enceinte » et « ses palais ». Le deuxième morceau comprend une finale (14c) suivie de trois complétives juxtaposées. Les deux morceaux mettent en relation deux noms propres, celui de « Sion » et celui de « Dieu ».
Le psaume 48 + 13 Longez + dénombrez
Sion ses tours,
et parcourez-la,
+ 14 mettez + détaillez
vos cœurs ses palais,
à son enceinte,
77
·········································································································
= afin de 15
: que lui : NOTRE DIEU : lui,
raconter
aux âges
(est) DIEU, toujours il nous guide
et à jamais, jusqu’à la mort !
futurs
L’ensemble de la partie (10-15) Les noms de « Dieu » apparaissent aux extrémités (10a.11a ; 15ab), celui de « Sion » dans les morceaux médians (12a.13a). Toute la partie est située à Jérusalem, dans le « Temple » (10b) au début de la première sous-partie, et au début de la deuxième pour admirer « ses tours », « son enceinte », « ses palais » (13b-14). + 10 Nous méditons, – au milieu
DIEU, de TON TEMPLE ;
ta fidélité
+ 11 comme ton nom, – jusqu’au bout
DIEU, de la terre !
ainsi ta louange,
·········································································································
:: De justice .. 12 se réjouit
est remplie la montagne
ta droite, de SION ;
.. exultent :: à cause de
les filles tes jugements.
de Juda
+ 13 Longez + dénombrez
SION SES TOURS,
et parcourez-la,
+ 14 mettez + détaillez
vos cœurs
à SON ENCEINTE,
SES PALAIS,
·········································································································
= afin de 15
: que lui : NOTRE DIEU : lui,
raconter
aux âges
(est) DIEU, à jamais il nous guide
et toujours, jusqu’à la mort !
futurs
78
La première section (Ps 42/43–49)
L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
Chant, psaume, des fils de Coré. 2
Grand YHWH et LOUABLE beaucoup dans la ville de NOTRE DIEU, LA MONTAGNE de sa sainteté. Belle en hauteur, jubilation de toute LA TERRE LA MONTAGNE de SION, sommet du Saphôn, cité du roi immense : 4 DIEU dans SES PALAIS s’est révélé citadelle. 3
5
Car voici, des rois s’étaient ligués,
ils ont avancé ensemble.
6
Eux virent, oui ils s’étonnèrent, ils paniquèrent, ils décampèrent, un tremblement les saisit là, un frisson d’accouchée ; 8 par un vent d’est furent brisés les vaisseaux de Tarsis. 7
9
De même que nous avions entendu ainsi nous avons vu dans la ville de YHWH DES ARMÉES, dans la ville de NOTRE DIEU ; DIEU l’affermira jusqu’à jamais. 10 11
Nous méditons, DIEU, ta fidélité au milieu de ton Temple ; comme ton nom, DIEU, ainsi TA LOUANGE, jusqu’au bout de LA TERRE !
De justice est remplie ta droite, 12 se réjouit LA MONTAGNE de SION ; exultent les filles de Juda à cause de tes jugements. 13 14
Longez SION et parcourez-la, dénombrez ses tours, mettez vos cœurs à son enceinte, détaillez SES PALAIS,
afin de raconter aux âges futurs NOTRE DIEU à jamais et toujours,
15
que lui est DIEU, lui, il nous guide jusqu’à la mort !
Les sous-parties extrêmes ont en commun « Dieu » (4.15a), « notre Dieu » (2.15b), « ses palais » (4.14a) accompagnés de « citadelle » (4) et de « ses tours » et « son enceinte » (13.14a). Dans la première sous-partie, le psalmiste décrit la montagne de Sion comme « citadelle », dans la dernière il appelle à la contempler pour raconter les louanges de Dieu. La deuxième sous-partie de la première partie (5-8) et la première de la dernière partie (10-12) n’ont aucun lexique commun. Toutefois, elles sont corrélées : l’une est le récit de la défaite des rois, l’autre la réjouissance dans le Temple pour la « fidélité » du Seigneur. On notera que l’avant-dernière sous-partie est liée à la première par trois reprises : « louable » / « ta louange » (2.11a), « la montagne de Sion » (3b.12a, et « la montagne en 2), « la terre » (3.11a). La partie centrale est liée à la première par la reprise de « voir » (6.9a) et de « dans la ville de notre Dieu » (2.9c). « Jusqu’à jamais » (9d) et « à jamais et toujours » (15b) jouent le rôle de termes finaux pour les deux dernières parties.
Le psaume 48
79
CONTEXTE « MONT SAPHÔN ET VAISSEAUX DE TARSIS » Le mont Saphôn, actuellement djebel al-’aqra’, est situé à la frontière entre la Syrie et la Turquie sur la côte méditerranéenne, au nord d’Ougarit. C’était la résidence mythique de Baal et de tout le panthéon païen de la Phénicie et de Canaan. Les vaisseaux de Tarsis étaient des bateaux de haut-bord construits par Tyr pour commercer avec les pays lointains de l’Occident, jusqu’en Espagne. Selon le livre de Jonas, Tarsis désigne la région la plus opposée qui soit à Ninive, qui se trouve à l’orient d’Israël (Jon 1,3 ; 4,2). S’agissant de la flotte phénicienne, ce serait une image liée à celle du mont Saphôn. Selon Is 2,16, « Les vaisseaux de Tarsis » comptent parmi toutes les choses élevées que le Seigneur abattra : 11
L’orgueil humain baissera les yeux, l’arrogance des hommes sera humiliée, Yhwh sera exalté, lui seul, en ce jour-là. 12 Oui, ce sera un jour de Yhwh Sabaot sur tout ce qui est orgueilleux et hautain, sur tout ce qui est élevé, pour qu’il soit abaissé ; 13 sur tous les cèdres du Liban, hautains et élevés, et sur tous les chênes de Bashân ; 14 sur toutes les montagnes hautaines et sur toutes les collines élevées ; 15 sur toute tour altière et sur tout rempart escarpé ; 16 sur tous les vaisseaux de Tarsis et sur tout ce qui parait précieux. 17 L’orgueil humain sera humilié, l’arrogance de l’homme sera abaissée, et Yhwh sera exalté, lui seul, en ce jour-là (Is 2,11-17 ; voir aussi Is 23,1.14 ; 60,9).
« LE VENT D’EST » C’est ce vent qui refoula la mer des roseaux pour que les fils d’Israël puissent échapper à Pharaon et à son armée (Ex 14,21) ; dans le chant de la mer, il est appelé « ton vent » (Ex 15,10), c’est-à-dire « le vent de Yhwh » (Os 13,15). C’est le vent d’est qui détruit la flotte de Tyr : 25
Les bateaux de Tarsis naviguaient pour ton commerce. Tu étais comblée et alourdie au cœur des mers. 26 En haute mer tu fus conduite par tes rameurs. Le vent d’Orient t’a brisée au cœur des mers. 27 Tes richesses, tes marchandises et ton fret, tes marins et tes matelots, les radoubeurs, les courtiers de ton commerce et tous les hommes de guerre que tu portes, et tous les passagers qui sont à ton bord, vont couler au cœur des mers, au jour de ton naufrage... (Ez 27,25-27).
INTERPRÉTATION « LE ROI IMMENSE » « Yhwh », le Dieu d’Israël, est présenté solennellement en sa ville, sise sur la montagne de Sion, montagne sainte, plus haute que le Saphôn, « joie de toute la terre ». Il est « grand », c’est « le roi immense » qui domine tout, « citadelle »
80
La première section (Ps 42/43–49)
capable de protéger son peuple de tous les assauts, de la coalition des rois qui s’avançaient contre eux. Comme aux jours de la libération du pays des esclaves, son vent s’abat sur ses ennemis et brise l’orgueil et la puissance de la flotte de Tyr. Le vrai Dieu s’impose de toute sa hauteur aux dieux des païens et à ceux qui les servent, au Saphôn et à Tarsis. COMME AUTREFOIS ET À JAMAIS Le centre d’une composition concentrique a été reconnu, depuis bien longtemps déjà, comme le pivot, le tournant du texte. C’est le cas ici de manière particulièrement nette. Si « ce que nous avons vu » est la défaite des rois ligués contre Israël dont le psalmiste vient de parler (5-8), « ce que nous avions entendu » se réfère à des hauts-faits d’un passé bien antérieur, et il est bien difficile de ne pas penser aux récits fondateurs de la naissance du peuple d’Israël à travers les eaux de la mer des Roseaux, où le vent de Yhwh engloutit l’ennemi comme il envoya par le fond les vaisseaux de Tarsis. Quant à la fin de la partie centrale, elle prévoit que le Seigneur « affermira » la cité du grand roi « jusqu’à jamais », tout au long des « âges futurs » auxquels sera raconté ce que Dieu vient d’accomplir, dans sa fidélité par laquelle « il nous guide jusqu’à la mort », « à jamais et toujours ». LE CENTRE ET LA CIRCONFÉRENCE Le chant de la mer qui célèbre le passage de la mer des Roseaux ne s’arrête pas sur son autre rive. Il poursuit la trajectoire qui portera les fils d’Israël de l’esclavage au pays d’Égypte jusqu’au sanctuaire de Dieu, « sur la montagne de son héritage » (Ex 5,17). Tout le psaume est situé au centre du peuple d’Israël, « dans la ville de notre Dieu », sur « la montagne de sa sainteté » (2), mais qui est en même temps la « joie de toute la terre » (3). C’est « au milieu de ton Temple » que le peuple célèbre la « fidélité » de Dieu qui a rétabli la « justice » en sauvant son peuple, mais sa « louange », « comme son nom », s’étendra « jusqu’au bout de la terre » (11). Le centre est fixé sur « la montagne de Sion » (3.12), le lieu où le Seigneur a choisi d’habiter mais, de là, il rayonne partout, à Tarsis et jusqu’à Saphôn, pour les fils d’Israël et pour toutes les nations païennes, « jusqu’aux extrémités de la terre ».
2. LE PSAUME 49 TEXTE 1
Du maitre de chant, des fils de Coré, psaume. 2 Écoutez ceci, tous les peuples, prêtezl’oreille, tous les habitants du monde, 3 aussi fils d’Adam aussi fils d’homme, ensemble riches et pauvres ! 4 Ma bouche dira des sagesses, et le murmure de mon cœur des intelligences ; 5 je tendrai au proverbe mon oreille, 6 Pourquoi j’ouvrirai sur la cithare mon énigme. craindrais-je aux jours de malheur (quand) la faute de mes talonneurs m’enserre ? 7 Ils se fient à leur possession et de l’abondance de leur richesse ils se louent. 8 Un frère racheter ne rachète pas un homme, il ne donne pas à Dieu sa rançon ; 9 et il est couteux le rachat de leur âme et manquera toujours. 10 Et il vivra encore jusqu’à l’éternité, il ne verra pas la fosse ! 11 Oui, il verra (que) les sages mourront, ensemble le fou et l’insensé périront et ils laisseront à d’autres leur possession. 12 Leurs tombeaux (seront) leurs maisons pour toujours, leurs demeures d’âge en âge ; ils avaient appelé leurs noms dessus des terres ! 13 Et l’adam dans le luxe point ne passe-la-nuit, il ressemble aux animaux qui disparaissent. 14 Cela (est) leur chemin, confiance en eux-mêmes et après eux à leur bouche on se plait. 15 Comme moutons au schéol ils sont mis, la mort les fait-paitre ; et piétinent eux les droits au matin et leur 16 Certes, Dieu rachètera mon âme, Rocher efface le schéol de son palais. de la main du schéol, oui, il me prendra. 17 Ne crains pas quand s’enrichit un homme, quand abonde la gloire de sa maison. 18 Oui, dans sa mort il ne prendra rien, ne descendra pas derrière lui sa gloire. 19 Car son âme dans sa vie il bénissait et on te rend-grâce d’avoir pris-soin de toi. 20 Elle ira jusqu’à la génération de ses pères, jusqu’à l’éternité ils ne verront plus la lumière. 21 L’adam dans le luxe et ne comprend pas, il ressemble aux animaux qui disparaissent. V. 3
: « AUSSI FILS D’ADAM AUSSI FILS D’HOMME »
Il est possible de comprendre que « fils d’Adam » et « fils d’homme » sont synonymes, et que la répétition est une manière d’insister et de dire la totalité, sans exception. Cependant, le fait que les deux termes soient mis en parallèle par « aussi [...] aussi [...] » laisse entendre qu’il s’agit de deux termes antithétiques ou, pour le moins, complémentaires1. Ainsi en Dt 32,25 : Au-dehors l’épée les privera-d’enfants, au-dedans ce sera l’épouvante. aussi jeune homme nourrisson
aussi jeune fille, avec vieillard chenu.
Les « fils d’Adam » seraient les gens ordinaires, les « fils d’homme » les gens importants. Ainsi semble-t-il en Ps 62,10 : Rien qu’un souffle un mensonge,
les fils les fils
d’Adam, d’homme ;
sur la balance moins qu’un souffle
s’ils montaient ensemble.
eux,
1
Voir, par ex. Hakham, I, 280 ; Barbiero, 138.
82
La première section (Ps 42/43–49)
Ce serait donc la même opposition que dans le second membre du segment : « fils d’Adam » = « pauvres », « fils d’homme » = « riches ». V. 6B
: « (QUAND) LA FAUTE DE MES TALONNEURS M’ENSERRE »
Proposition asyndétique2, le second membre du verset est énigmatique. En effet, son deuxième terme (‘ăqēbay, « mes talons ») fait problème. Sans qu’il soit besoin de changer sa vocalisation, il est possible de prendre le mot en son sens figuré, d’où la traduction par « mes talonneurs ». V. 9B
: « ET MANQUERA TOUJOURS »
Le problème est d’identifier le sujet du verbe : « le rachat » c’est-à-dire « la rançon », « leur âme », ou même « un homme »3. Le plus probable est « le rachat » à cause du parallélisme. V. 12
: « LEURS TOMBEAUX »
Les versions lisent qbrm, « leurs tombeaux », au lieu de qrbm du texte hébreu, « leur intérieur ». V. 15CD
: « ET LEUR ROCHER... »
Les trois premiers membres ne posent pas de problème majeur. La suite est comprise de manières très différentes : « Leurs traits s’effacent aux enfers, ils sont loin de leurs palais » (TOB), « et leur rocher se décompose au Shéol faute d’une habitation pour lui »4, « et leur Rocher est là pour détruire le Schéol de son palais »5. Si on ne tient pas compte de la selâ après « au matin », il est possible de considérer que la fin du verset est un segment bimembre où « leur rocher » est celui des « droits » et où « efface » correspond à « piétinent ».
COMPOSITION LA PREMIÈRE PARTIE (2-10) Dans la première sous-partie, le psalmiste invite tous les peuples (2), tous les individus (3) à écouter son discours de sagesse (4), discours énigmatique (5). À l’énigme de la question centrale (6), la dernière sous-partie répond en décrivant — ou en décryptant — les « talonneurs » : ils se fient en leurs richesses (7), ils se croient éternels (10), mais tout cela ne suffit pas pour payer le rachat d’un homme (8-9). 2
Joüon, 159c. Barbiero, 139. 4 Vesco, 444. 5 Barbiero, 140. 3
83
Le psaume 49 + 2 Écoutez + prêtez-l’oreille,
ceci, tous les habitants
tous les peuples, du monde,
+ 3 aussi fils + ensemble
d’Adam
aussi fils et pauvres !
RICHES
D’HOMME,
····················································································································· 4
– Ma bouche – et le murmure
dira de mon cœur
des sagesses, des intelligences ;
– 5 je tendrai – j’ouvrirai
au proverbe sur la cithare
mon oreille, mon énigme.
craindrais-je de mes talonneurs
aux jours m’enserre ?
à leur possession de leur RICHESSE
ils se louent.
6
Pourquoi (quand) la faute
+ 7 Ils se fient + et de l’abondance
de malheur
·····················································································································
– 8 Un frère – il ne donne pas
racheter à Dieu
ne rachète pas sa rançon ;
– 9 et il est couteux – et manquera
le rachat toujours.
de leur âme
UN HOMME,
····················································································································· 10
+ Et il vivra encore + il ne verra pas
jusqu’à l’éternité, la fosse !
Les sous-parties extrêmes comptent le même nombre de segments bimembres. « Homme » y est repris, ainsi que « riches » et « richesse » (3ab ; 7b.8a). La sagesse (4-5) que le psalmiste va exposer aux « fils d’homme » que sont les « riches » (2-3) est exprimée dans le morceau central de la dernière sous-partie (8-9), en opposition à ce qu’ils croient (7.10). La question centrale (6) est une manière d’affirmer qu’il n’y a rien à craindre des puissants, même si leur « faute », leur erreur, peut sembler oppresser le sage quand il se trouve dans le malheur, celui sans doute qui leur est imposé par les riches.
84
La première section (Ps 42/43–49)
LA DEUXIÈME PARTIE (11-12) + 11 Oui, il verra + ensemble = et ils laisseront
(que) les sages le fou à d’autres
MOURRONT, et l’insensé LEUR POSSESSION.
+ 12 LEURS TOMBEAUX + leurs demeures = ils avaient appelé
(seront) leurs maisons d’âge leurs noms
pour toujours, en âge ; dessus
PÉRIRONT
DES TERRES !
Les deux trimembres sont parallèles. Leurs deux premiers membres disent que tous, « sages » et fous « mourront » (11ab) et que ce sera « pour toujours » (12ab). Dans les troisièmes membres, il s’agit de leur « possession » qu’ils devront abandonner (11c), bien qu’ils aient mis leurs noms dessus (12c). LA TROISIÈME PARTIE (13-21) Les sous-parties extrêmes se correspondent de manière spéculaire. Le premier et le dernier morceau (13.21) ne diffèrent que par le dernier terme de leur premier segment, termes qui sont toutefois en rapport de paronomase : bal-yālîn (« point ne passe-la-nuit ») welō’ yābîn (« et ne comprend pas »). Les morceaux centraux sont les plus développés (14-15 ; 19-20). Ils commencent par des bimembres (14.19) qui mettent en parallèle « leur chemin » et « sa vie » qu’ils appréciaient (14a.19a) et qu’appréciaient aussi les autres (14b.19b) ; en opposition vient ensuite le sort final de ces gens : « le schéol » (15) sans « lumière » (20). Comme les morceaux extrêmes, les morceaux médians sont de la taille d’un seul segment bimembre (16.18). Introduits par une particule d’insistance, « Certes » et « Oui », ils opposent le sort final du psalmiste et de l’homme confiant dans sa richesse : le Seigneur « prendra » l’un hors du « schéol », l’autre dans sa « mort » « ne prendra rien » de sa « gloire », c’est-à-dire de ses biens. Dans la courte sous-partie centrale, le psalmiste s’adresse au lecteur, à celui qui fait sienne sa méditation : il n’a rien à craindre du riche. « Un homme » (’îš) qui « s’enrichit » renvoie à « l’adam » des extrémités (13a.21a) qui vit « dans le luxe » ; « la gloire » (17b) reviendra dès le verset suivant (18b). Toute la partie est traversée par les termes qui appartiennent au champ sémantique de la mort : « ils disparaissent » (13b.21b), « schéol » (15a.15d.16b), « la/sa mort » (15b.18a).
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Le psaume 49 + 13 Et l’adam + il ressemble
dans le luxe aux animaux
point ne PASSE-LA-NUIT, QUI DISPARAISSENT.
··································································································································
:: 14 Cela .. et après eux
(est) leur chemin, à leur bouche
confiance on se plait.
– 15 Comme – LA MORT
au SCHÉOL les fait-paitre ;
ils sont mis,
– et piétinent – et leur Rocher
eux efface
les droits le SCHÉOL
en eux-mêmes
au matin de son palais.
·············································································································
· 16 Certes, Dieu · de la main 17
Ne crains pas quand abonde
rachètera du SCHÉOL,
mon âme, oui, il me PRENDRA.
quand s’enrichit la gloire
un homme, de sa maison.
· 18 Oui, dans SA MORT il ne PRENDRA · ne descendra pas derrière lui
rien, sa gloire.
············································································································· 19
:: Car son âme .. et on te rend-grâce
dans sa vie d’avoir pris-soin
il bénissait de toi.
– 20 Elle ira – jusqu’à l’éternité
jusqu’à la génération ils ne verront plus
de ses pères, la lumière.
··································································································································
+ 21 L’adam + il ressemble
dans le luxe aux animaux
et ne COMPREND pas, QUI DISPARAISSENT.
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La première section (Ps 42/43–49)
L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
Du maitre-de-chant, des fils de Coré, psaume. 2
Écoutez ceci, tous les peuples, prêtez-l’oreille, tous les habitants du monde, 4 aussi fils d’Adam aussi FILS D’HOMME, ensemble RICHES et pauvres ! Ma 5 bouche dira des sagesses et le murmure de mon cœur DES INTELLIGENCES ; je tendrai au PROVERBE mon oreille, j’ouvrirai sur la cithare mon énigme. 3
• 6 POURQUOI CRAINDRAIS-JE • (quand) la faute
aux jours de mes talonneurs
de malheur m’enserre ?
Ils se fient à leur POSSESSION et de L’ABONDANCE de leur RICHESSE ils se louent. 8 Un frère RACHETER NE RACHÈTE PAS un homme, il ne donne pas à DIEU sa RANÇON ; 9 et il est COUTEUX LE RACHAT de leur âme et manquera pour toujours. 10 Et il vivra encore jusqu’à l’éternité, IL NE VERRA PAS LA FOSSE ! 7
11
Oui, IL VERRA PÉRIRONT et ils
que les sages MOURRONT, ensemble le fou et l’insensé laisseront à d’autres leur POSSESSION.
12
Leurs TOMBEAUX seront leurs maisons pour toujours, leurs demeures de génération en génération ; ils avaient appelé leurs noms sur des terres ! 13
Mais l’adam dans LE LUXE point ne passe-la-nuit, IL RESSEMBLE aux animaux qui 14 Cela est leur chemin, confiance en eux-mêmes et après eux à leur bouche on se plait. 15 Comme moutons au SCHÉOL ils sont mis, LA MORT les fait-paitre ; et les droits les piétinent au matin et leur Rocher efface le SCHÉOL de 16 son palais. Certes, DIEU RACHÈTERA mon âme, de la main du SCHÉOL, oui, il me prendra. DISPARAISSENT.
• 17 NE CRAINS PAS • quand ABONDE
quand S’ENRICHIT
UN HOMME,
LA GLOIRE
de sa maison.
18
Oui, dans sa MORT il ne prendra pas TOUT, ne descendra pas derrière lui 19 Car son âme dans sa vie il bénissait et on te rend-grâce d’avoir prissoin de toi. 20 Elle ira jusqu’à la génération de ses pères, jusqu’à l’éternité ILS NE 21 VERRONT plus la lumière. L’adam dans LE LUXE ET NE COMPREND PAS, IL RESSEMBLE aux animaux qui DISPARAISSENT. SA GLOIRE.
Comptant respectivement neuf et dix bimembres, les parties extrêmes sont nettement plus développées que la partie centrale ; celle-ci se distingue des deux autres non seulement par sa brièveté mais aussi parce que c’est la seule qui soit formée de segments trimembres.
Le psaume 49
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LES RAPPORTS ENTRE LES PARTIES EXTRÊMES – « Des intelligences » du début (4) s’oppose à « ne comprend pas » de la fin (21), qui sont de même racine. – « Dieu » est lié à « racheter/rachat » et à « âme » (8-9 ; 16). – « Proverbe » (5) est de même racine que « ressemble » (13.21) ; « jusqu’à l’éternité » revient en 10 et 20 ; « bouche » en 4 et 14 ; « il vivra » de 10 sera repris par « vie » en 19, « abondance » de 7 par « abonde » de 17b. – Les « fils d’Adam » et les « fils d’homme » au début de la première partie (3) trouvent un écho aux extrémités et au centre de la dernière partie avec « l’adam » (13.21) et « un homme » (17). – Les termes appartenant au champ sémantique de la richesse abondent : « riches » (3), « possession » et « richesse » (7), « rançon » (8), « couteux » (9) ; « luxe » (13.21), « s’enrichit » (17), « tout » (18) et même « gloire » (17.18). – Le dernier mot de la première partie, « la fosse » (10), appartient au champ sémantique de la mort, très présent dans la dernière partie : « disparaissent » (13.21), « mort » (15.18), « schéol » (15bis.16). – En termes finaux, « il ne verra pas la fosse », « ils ne verront plus la lumière » (10.20). – En termes centraux, les versets 6 et 17 où le psalmiste, parlant de lui-même se demande « Pourquoi craindrais-je ? » (6) puis dit au lecteur « Ne crains pas » (17). LES LIENS ENTRE LE PASSAGE CENTRAL ET LES DEUX AUTRES – « Il ne verra pas la fosse » (10) et « il verra que les sages mourront » (11) jouent le rôle de termes médians entre les deux premières parties. – Le dernier mot de la partie centrale, traduit par « terres », est de même racine (’ădāmôt) que « Adam » (’ādām) ; les deux termes jouent le rôle de termes médians pour les deux dernières parties. – Termes du champ sémantique de la mort : « mourront », « périront » (11), « tombeaux » (12), comme « la fosse » à la fin de la première partie (10) et, dans la troisième partie, « disparaissent » (13.21), « mort » (15.18), « schéol » (15bis.16). – « Possession » (11) se trouvait déjà en 7 et « terres » (12) appartient au même champ sémantique des richesses avec « riches » (3), « richesse » (7), « rançon » (8), « couteux » (9) dans la première partie, et « luxe » (13.21), « s’enrichit » (17), « tout » (18) et même « gloire » (17.18) dans la dernière partie. – « Sagesses » (4) annonce « sages » (11) ; par ailleurs « fou » (11, kesîl) est de même racine que le terme traduit par « confiance » (14, kēsel)6. – « Pour toujours » (12) se trouvait déjà en 9 et « de génération en génération » annonce « jusqu’à la génération de ses pères » dans la dernière partie (20). – « Maisons » (12) sera repris au singulier au centre de la troisième partie (17). – Enfin « ensemble » revient en 3 et 11. 6
Vesco (444) traduit par « une folle assurance ». Voir Barbiero, 11.
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La première section (Ps 42/43–49)
CONTEXTE HUMUS – HUMAIN Selon Gn 2,7, l’homme a été tiré de la terre, l’humain (’ādām) de l’humus (’ădāmâ) : « Alors Yhwh Dieu modela l’humain avec la poussière de l’humus. » Et en 3,19 il dit à Adam : « À la sueur de ton visage tu mangeras ton pain, jusqu’à ce que tu retournes à l’humus, puisque tu en fus tiré. Car tu es poussière et à la poussière tu retourneras. » « INSENSÉ, CETTE NUIT-MÊME TON ÂME TE SERA REDEMANDÉE » (LC 12,20) « L’adam dans le luxe point ne passe-la-nuit » sera repris dans la parabole du riche insensé, « l’homme riche dont la propriété avait bien rapporté » (Lc 12,1321). « Dieu lui dit : “Insensé, cette nuit même ta vie te sera redemandée, et ce que tu as préparé, qui l’aura ?” »
INTERPRÉTATION UN POÈME DE SAGESSE POUR TOUS ET CHACUN C’est évidemment un israélite qui parle — un des « fils de Coré », précise le titre —, mais il ne s’adresse pas seulement aux fils d’Israël. D’emblée il appelle « tous les habitants du monde » à écouter ses paroles de sagesse (4). Il veut que tous lui prêtent l’oreille, non seulement les pauvres comme lui, mais aussi les riches. Ces derniers sont assurément ceux qui ont le plus besoin de l’écouter, eux qui ne comprennent pas plus que les animaux (21). Toutefois, les pauvres ne sont pas en reste, eux qui auraient toutes les raisons d’avoir peur d’être talonnés, piétinés par les riches. « NE PAS CRAINDRE » Pour les pauvres, la sagesse consiste à ne pas craindre les menaces des riches. À peine le psalmiste a-t-il annoncé que sa bouche va « dire des sagesses » (4-5), qu’il donne — pour ainsi dire — le bon exemple : « Pourquoi craindrais-je au jour de malheur ? » (6). On ne sait même pas encore de quel « malheur » il parle, et l’obscurité du second membre du verset ne permet guère de comprendre de quoi il s’agit précisément. Toutefois, dès le verset suivant, les agents du malheur sont nommés : ce sont ceux qui « se fient à leur possession » (7) et se croient éternels (10). En position symétrique, au centre de la dernière partie, le lecteur, celui qui fait sienne la prière du psalmiste, est invité lui aussi à ne pas craindre : « Ne crains pas quand s’enrichit un homme » (17). Cette fois-ci, la menace est clairement identifiée, et confirmée par le deuxième membre : « quand abonde la gloire de sa maison ».
Le psaume 49
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VOIR LA FOSSE La sagesse consiste à ouvrir les yeux, à regarder les choses en face. Or, le riche est aveugle : il n’a d’yeux que pour ses « possessions » et ne veut pas voir qu’il ne vivra pas « jusqu’à l’éternité », lui qui pense qu’« il ne verra pas la fosse » (10). Au centre de son poème, le psalmiste insistera de toutes les manières sur le sort final des riches (11-12). S’il commence par dire que le riche « verra que les sages mourront », c’est pour lui faire comprendre qu’il serait « fou » et « insensé » de croire qu’il ne devra pas laisser ses biens à d’autres et que sa seule « maison » éternelle sera son « tombeau », même s’il a donné son nom à ses terres. Il n’emportera rien dans sa tombe et « la gloire de sa maison » ne le suivra pas (17-18). La seule chose qui, pour lui, sera « jusqu’à l’éternité », c’est son aveuglement (20). LE RACHAT DE L’ÂME Le riche est persuadé que tout peut s’acheter. Il pense qu’avec « l’abondance de sa richesse, il est en mesure de payer « la rançon » de son frère, qu’il peut même acheter Dieu (8). Le sage, au contraire, sait que le rachat d’un homme est « couteux », tellement qu’il « manquera toujours » (9). Personne, quelle que soit sa richesse, n’est capable de racheter personne. Le psalmiste, dans sa sagesse et dans sa foi, sait que seul Dieu peut racheter son âme, et il est convaincu qu’il l’arrachera des griffes du schéol (16). Ce n’est pas « la mort » qui est leur berger (15), c’est Dieu qui les mènera paitre. ON N’EST PAS DES BÊTES Qui aura mis toute sa confiance dans ses richesses devra en fin de compte en être dépouillé et se retrouvera sans rien, nu dans son tombeau, comme une bête qui n’a rien compris et qu’on enterre. Le sage, au contraire, celui qui aura su déchiffrer « l’énigme » de la vie et de la mort, aura découvert où réside la vraie richesse, celle qui seule procure la vraie vie, le salut. Contrairement à beaucoup d’autres, le sage de ce psaume ne prononce le nom de Dieu que deux fois, et comme incidemment (8.16). Comme s’il voulait amener discrètement son lecteur, son frère, à trouver la clé de son énigme en celui qui seul peut la lui faire découvrir. Ceux que Dieu prend par la main pour les tirer du schéol ne sont pas des animaux, ce sont les « fils d’Adam », ce sont ses fils.
3. TOUS LES PEUPLES PSALMODIERONT POUR NOTRE ROI (47–49) COMPOSITION DE LA SÉQUENCE Ps 47,1 Du maitre-de-chant, des fils de Coré, psaume. 2 TOUS LES PEUPLES, battez des mains, acclamez Dieu dans la voix des cris de joie ! 3 Oui, Yhwh est le Très-Haut, redoutable, LE ROI GRAND SUR TOUTE LA TERRE. 4 Il prosterne DES PEUPLES sous nous et DES NATIONS sous nos pieds. 5 Il a choisi pour nous notre héritage, fierté de Jacob, lequel il aime. 6 Il monte Dieu dans l’acclamation, Yhwh, dans la voix du chofar. 7 Psalmodiez pour Dieu, psalmodiez, psalmodiez pour notre ROI, psalmodiez ! 8 Oui, Dieu est LE ROI de TOUTE LA TERRE: psalmodiez une instruction ! 9 IL RÈGNE Dieu sur LES NATIONS, Dieu siège sur son trône de SAINTETÉ. 10 Les princes DES PEUPLES se rassemblent, peuple du Dieu d’Abraham. Oui, à Dieu les boucliers DE LA TERRE, BEAUCOUP il est monté. Ps 48, 1 Chant, psaume, des fils de Coré. 2 GRAND Yhwh et louable BEAUCOUP dans la ville de notre Dieu, la montagne de sa SAINTETÉ. 3 Belle en hauteur, jubilation de TOUTE LA TERRE la montagne de Sion, sommet du Saphôn, cité du ROI immense : 4 Dieu dans ses palais s’est révélé citadelle. 5 Car voici, DES ROIS s’étaient ligués, ils ont avancé ensemble. 6 Eux virent, oui ils s’étonnèrent, ils paniquèrent, ils décampèrent, 7 un tremblement les saisit là, un frisson d’accouchée ; 8 par un vent d’est furent brisés les vaisseaux de Tarsis. 9 De même que nous avions entendu ainsi nous avons vu dans la ville de Yhwh des armées, dans la ville de notre Dieu : Dieu l’affermira jusqu’à jamais. 10 Nous méditons, Dieu, ta fidélité au milieu de ton Temple ; 11 comme ton nom, Dieu, ainsi ta louange, JUSQU’AU BOUT DE LA TERRE ! De justice est remplie ta droite, 12 se réjouit la montagne de Sion ; exultent les filles de Juda à cause de tes jugements. 13 Longez Sion et parcourez-la, dénombrez ses tours, 14 mettez vos cœurs à son ENCEINTE, détaillez ses palais, afin de raconter aux âges futurs 15 que lui est Dieu, notre Dieu toujours et à jamais, lui, il nous guide jusqu’à la MORT ! Ps 49, 1 Du maitre-de-chant, des fils de Coré, psaume. 2 Écoutez ceci, TOUS LES PEUPLES, prêtez-l’oreille, TOUS LES HABITANTS DU MONDE, 3 aussi fils d’Adam aussi fils d’homme, ensemble riches et pauvres ! 4 Ma bouche dira des sagesses et le murmure de mon cœur des intelligences ; 5 je tendrai au proverbe mon oreille, j’ouvrirai sur la cithare mon énigme. 6 Pourquoi craindrais-je aux jours de malheur quand la faute de mes talonneurs m’enserre ? 7 Ils se fient à leur POSSESSION et de l’abondance de leur richesse ils se louent. 8 Un frère racheter ne rachète pas un homme, il ne donne pas à Dieu sa rançon ; 9 et il est couteux le rachat de leur âme et manquera toujours. 10 Et il vivra encore jusqu’à l’éternité, il ne verra pas la fosse ! 11 Oui, il verra que les sages MOURRONT, ensemble le fou et l’insensé périront et ils laisseront à d’autres leur POSSESSION. 12 Leurs tombeaux seront leurs maisons pour toujours, leurs demeures d’âge en âge ; ils avaient appelé leurs noms dessus des terres ! 13 Et l’adam dans le luxe point ne passe-la-nuit, il ressemble aux animaux qui disparaissent. 14 Cela est leur chemin, confiance en eux-mêmes et après eux à leur bouche on se plait. 15 Comme moutons au schéol ils sont mis, la MORT les fait-paitre ; et les droits les piétinent au matin et leur Rocher efface le schéol de son palais. 16 Certes, Dieu rachètera mon âme, de la main du schéol, oui, il me prendra. 17 Ne crains pas quand s’enrichit un homme, quand abonde la gloire de sa maison. 18 Oui, dans sa MORT il ne prendra rien, ne descendra pas derrière lui sa gloire. 19 Car son âme dans sa vie il bénissait et on te rend grâce d’avoir pris soin de toi. 20 Elle ira jusqu’à la génération de ses pères, jusqu’à l’éternité ils ne verront plus la lumière. 21 L’adam dans le luxe et ne comprend pas, il ressemble aux animaux qui disparaissent.
Les trois psaumes sont organisés selon le schéma BAA.
La séquence 48–49
91
Les relations entre les deux derniers psaumes peuvent être dites de complémentarité. L’avant-dernier psaume s’achève avec « la mort » (48,15), racine qui sera reprise trois fois dans le psaume suivant (49,11.15.18), à quoi il faut ajouter les termes du même champ sémantique : « fosse » (10), « périr » (11), « tombeaux » (12), « disparaitre » (13.21), « schéol » (15bis.16). À tous ces termes qui vont vers le bas s’opposent dans l’avant-dernier psaume ceux qui vont « en hauteur » (48,3), en premier lieu « montagne » qui revient trois fois (2.3.12), à quoi il faut ajouter les termes qui désignent le même lieu de la présence de Dieu : « ville » (2.9bis), « sommet » (3), « cité » (3) « palais » (4.14), « Temple » (10), « tours » (13). Quant au terme traduit ici par « enceinte » (48,14), mais dont le sens n’est pas sûr du tout, c’est le même qui, dans le Ps 49, est traduit par « possession » (7.11). La Septante traduit ḥêlâ de Ps 48,13 par dynamis, « puissance », et de même ḥêlām de Ps 49,7 : en revanche, elle rend le même terme en 49,11 par « richesse »1. Ainsi, dans l’avant-dernier psaume la puissance est celle de Dieu, et dans le dernier, c’est celle des richesses dans lesquelles l’homme met sa confiance. Dans la même ligne, la louange est donnée à Dieu dans le premier psaume (48,2.11), mais dans le psaume suivant, ce sont les hommes qui « se louent » de leur richesse (49,7). Encore dans la même ligne, on pourra noter que, dans l’avant-dernier psaume, Dieu est dit « immense » (litt., « abondant » ; 48,3) et que dans le dernier, ce sont « les richesses » et « la gloire » de l’homme qui « abondent » (49,7.17). Toujours dans la même ligne, alors que,, dans l’avant-dernier psaume, il est dit que Dieu affermira sa ville « jusqu’à jamais » (48,9) et que cela sera raconté « aux âges futurs » (14), « toujours et à jamais » (15), dans le dernier psaume, les riches pensent vivre « jusqu’à l’éternité » (49,10), mais ce sont leurs tombeaux qui seront leurs demeures « pour toujours », « d’âge en âge » (12), et « jusqu’à l’éternité ils ne verront pas la lumière » (20). La ville de Dieu est dite « jubilation de toute la terre » au début de l’avantdernier psaume (48,3) ; au début du dernier, le psalmiste invite « tous les peuples », « tous les habitants du monde » à écouter ce qu’il va dire (49,2). Le centre de l’avant-dernier psaume commence avec le binôme « entendre » et « voir » (48,9) ; ces mêmes verbes sont repris au début du dernier psaume (49,2 ; traduit par « écoutez ») et en son centre (« il verra », 11). Quant au premier psaume, il commence comme le dernier par une invitation adressée à « tous les peuples » (47,1 ; 49,2) ; les deux occurrences de « toute la terre » (47,3.8) trouveront un écho au début du psaume suivant (48,3). Dans les deux premiers psaumes, Dieu est appelé « Roi » (47,3.7.8.9 ; 48,3) en relation avec les « rois » et « princes des peuples » (47,10 ; 48,5). Ces deux psaumes sont agrafés par les termes médians « sainteté » (47,9 ; 48,2) et « beaucoup » (47,10 ; 48,2) ; en termes initiaux, Dieu est dit « grand » (47,3 ; 48,2). 1
Voir Vesco, 437, nt. 5. 444.
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La première section (Ps 42/43–49)
INTERPRÉTATION ÉCOUTER LA SAGESSE ET VOIR LA VÉRITÉ Si le psalmiste invite « tous les habitants du monde » à l’écouter (49,2), c’est qu’il a su acquérir la sagesse en prêtant l’oreille à ce qui lui a été raconté sur Dieu et dont il a pu voir de ses propres yeux que c’était fondé (48,9) ; et il le racontera à son tour aux « âges futurs », à savoir que seul Dieu est « de toujours à jamais » et qu’« il nous guide jusqu’à la mort » (48,14-15) ; bien plus, qu’il nous rachètera et nous arrachera « de la main du schéol » (49,16). Si « fils d’Adam » et « fils d’homme », « riches et pauvres » (49,3) voulaient bien écouter la voix de celui qui dit la sagesse et ouvre son énigme (5), ils verraient la vérité : personne ne « vivra jusqu’à l’éternité », chacun « verra la fosse » (10). LA VÉRITABLE ABONDANCE Ceux qui se « se louent de l’abondance de leurs richesses » (49,7) sont insensés. Rien à craindre donc « quand un homme s’enrichit, quand abonde la gloire de sa maison » (17). Car un seul est « abondant », « immense » (48,3), le roi Yhwh, l’unique qui soit « louable » (2), dont la « louange » s’étend comme son nom « jusqu’au bout de la terre » (11). « Notre Dieu est de toujours et à jamais » (15). Le riche, au contraire, « ne passe pas la nuit » (49,13) et « dans sa mort il ne prendra rien » (18) de l’abondance de ses richesses, laissant à d’autres ses possessions (11). LA DEMEURE VÉRITABLE Pour l’insensé, les richesses sont « la gloire de sa maison » (49,17). Mais une telle construction ne saurait tenir bien longtemps. La seule qui résistera au temps sera « la fosse », et « leurs tombeaux seront leurs maisons pour toujours, leurs demeures d’âge en âge » (12). Il est en revanche une demeure que « Dieu affermira jusqu’à jamais » (48,9) : c’est celle qu’il habite, son « Temple », au milieu de « la ville » avec ses « tours » et ses « palais », elle qui est construite sur « la montagne de sa sainteté », bâtie surtout sur sa « fidélité » (10), sur « la justice » dont « est remplie sa droite » (11), sur ses « jugements » qui font exulter les filles de Sion (12). Ce qui sera raconté « aux âges futurs », c’est que le seul qui demeure « toujours et à jamais », c’est « notre Dieu » (14-15). « PSALMODIEZ UNE INSTRUCTION » Dans le dernier psaume, le psalmiste développe aux oreilles de « tous les peuples » ses « sagesses » et ses « intelligences », son « proverbe » et son « énigme » (49,4). Ainsi est dévoilée « l’instruction » que, au début de la séquence, tous les peuples sont invités à « psalmodier » (47,8). Ils devront reconnaitre que le Dieu d’Israël est « le Très-haut, redoutable », « roi grand sur toute la terre »
La séquence 48–49
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(47,3 ; 48,2) ; qu’il disperse la coalition des rois qui « s’étaient ligués » contre la ville de Dieu (48,5-7), que par conséquent Israël n’a pas à craindre « aux jours de malheur quand la faute de ses talonneurs l’enserre » (49,6). L’instruction qu’ils recevront et qu’ils devront psalmodier (47,7) consistera à reconnaitre que « l’abondance de leur richesse » dont « ils se louent » et des « possessions » en lesquelles « ils se fient » (49,) ne saurait résister au « roi immense » qui gouverne « toute la terre » (48,3). « Ne crains pas quand s’enrichit un homme, quand abonde la gloire de sa maison. Oui, dans sa mort il ne prendra rien, ne descendra pas derrière lui sa gloire » (49,17-18).
IV. NOTRE ROI NOUS SAUVE DE TOUS NOS ENNEMIS 1. COMPOSITION DE LA PREMIÈRE SECTION Les sept psaumes de la section s’organisent en trois séquences. Les séquences extrêmes comprennent chacune trois psaumes, tandis que la séquence centrale n’en compte qu’un seul. Les peuples
rendront grâce
YHWH DES ARMÉES AVEC NOUS,
Tous les peuples
psalmodieront
au roi du Seigneur
CITADELLE POUR NOUS
pour notre Roi
Ps 42/43–45
!
Ps 46
Ps 47–49
Il faudra d’abord étudier les rapports entre les séquences extrêmes : elles se correspondent de manière spéculaire (42/43–45 et 47–49). On examinera ensuite les rapports entre la séquence centrale (46) et les deux autres.
96
La première section (Ps 42/43–49)
LES RAPPORTS ENTRE LES SÉQUENCES EXTRÊMES (42/43–45 ET 47–49) La première séquence est de type AAB, inversement la dernière est de type BAA. Les psaumes extrêmes (42/43–44 et 48–49) Les deux premiers psaumes (42/43–44) et les deux derniers (48–49) se correspondent en parallèle. Les psaumes 42/43 et 48 Ps 42,1 Du maitre-de-chant, instruction, des fils de Coré. 2
Comme la biche aspire après les cours d’eau, ainsi mon âme aspire vers toi, Dieu. 3 Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant ; quand viendrai-je et verrai-je la face de Dieu ? 4 Mon pleur est mon pain jour et nuit, quand on me dit tout le jour : « Où est-il ton Dieu ? » 5 De ceci je me souviens et mon âme s’épanche sur moi : j’avançais avec la multitude, je les conduisais vers LA MAISON DE DIEU, dans la voix de cri-de-joie et d’action-de-grâce d’une foule en fête. 6 Pourquoi t’effondres-tu, mon âme, et grondes-tu sur moi ? Attends Dieu, car je lui rendraigrâce encore, le salut de sa face. 7 Mon Dieu, mon âme s’effondre sur moi, c’est pourquoi je me souviens de toi, depuis le pays du Jourdain et des Hermons, depuis la montagne Insignifiante. 8 L’abime appelant vers l’abime à la voix de tes cataractes, toutes tes vagues et tes flots sur moi sont passés. 9 De jour Yhwh commande sa fidélité et de nuit son chant est avec moi, prière au Dieu de ma vie. 10 Je dirai à Dieu, mon Rocher : Pourquoi m’oublies-tu ? Pourquoi sombre je m’en vais, sous l’oppression de l’ennemi ? 11 Me brisant les os, mes adversaires m’insultent quand ils me disent tout le jour : Où est-il ton Dieu ? 12 Pourquoi t’effondres-tu, mon âme, et pourquoi grondes-tu sur moi ? Attends Dieu, car je lui rendrai-grâce encore, le salut de ma face et mon Dieu.
43,1 Juge-moi, Dieu, et défends ma cause contre un peuple infidèle ; contre un homme de fraude et de fausseté délivre-moi. 2 Car toi, tu es le Dieu de ma force : pourquoi me rejettes-tu ? Pourquoi triste je m’en vais, sous l’oppression de l’ennemi ? 3 Envoie ta lumière et ta vérité : ELLES ME GUIDERONT, me feront-venir à LA MONTAGNE DE TA SAINTETÉ et à tes tentes. 4 Et je viendrai à L’AUTEL DE DIEU, au Dieu de la joie de mon EXULTATION. Et je te rendrai-grâce sur la cithare, Dieu, mon Dieu. 5 Pourquoi t’effondres-tu, mon âme, et pourquoi grondes-tu sur moi ? Attends Dieu, car je lui rendrai-grâce encore, le salut de ma face et mon Dieu.
Il est question du Temple dans les deux psaumes. Dans le premier le psalmiste se souvient d’abord de sa participation à l’action de grâce de la foule dans « la maison de Dieu » (42,5) ; puis il affirme sa confiance en l’aide de la lumière et de la vérité de Dieu qui lui permettront de venir de nouveau à « la montagne de (s)a sainteté » et « à l’autel de Dieu » (43,3-4). Dans le psaume symétrique, il est aussi question de « la montagne de sa sainteté » (48,2), appelée aussi « la montagne de Sion » (2.12), « la ville de notre Dieu » (2.9), « la ville de Yhwh » (9), où se trouve « le Temple » (10).
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Ps 48,1 Chant, psaume, des fils de Coré. 2
Grand Yhwh et louable beaucoup dans LA VILLE DE NOTRE DIEU, LA MONTAGNE DE SA SAINTETÉ. Belle en hauteur, jubilation de toute la terre est LA MONTAGNE DE SION, sommet du Saphôn, cité du roi immense : 4 Dieu dans ses palais s’est révélé citadelle. 3
5
Car voici, des rois s’étaient ligués, ils ont avancé ensemble. 6 Eux virent, oui, ils s’étonnèrent, ils paniquèrent, ils décampèrent, 7 un tremblement les saisit là, un frisson d’accouchée ; 8 par un vent d’est furent brisés les vaisseaux de Tarsis. 9
De même que nous avions entendu, ainsi nous avons vu dans LA VILLE DE YHWH des armées, dans LA VILLE DE NOTRE DIEU : Dieu l’affermira jusqu’à jamais. 10
Nous méditons, Dieu, ta fidélité AU MILIEU DE TON TEMPLE ; 11 comme ton nom, Dieu, ainsi est ta louange, jusqu’au bout de la terre ! De justice est remplie ta droite, 12 LA MONTAGNE DE SION se réjouit ; les filles de Juda EXULTENT à cause de tes jugements.
13
Longez Sion et parcourez-la, dénombrez ses tours, 14 mettez vos cœurs à son enceinte, détaillez ses palais, afin de raconter aux âges futurs 15 que lui est Dieu, notre Dieu toujours et à jamais, lui, IL NOUS GUIDERA jusqu’à la mort !
Dans le premier psaume, le psalmiste met sa foi dans la « fidélité » de Dieu malgré le malheur qui s’abat sur lui (42,9), et dans l’autre psaume, c’est toute l’assemblée qui médite sur la « fidélité » divine dans le Temple (48,10). Dans le premier psaume, le psalmiste espère pouvoir revenir au Temple dans l’« exultation » (43,4) ; dans l’autre psaume, ce sont les filles de Juda qui « exultent » (48,12). Enfin, à la fin du premier psaume, le psalmiste demande « la lumière » de Dieu et sa « vérité » qui le « guideront » vers sa maison (43,3), et à la fin du dernier psaume, le psalmiste invite les fidèles à raconter aux générations futures que le Seigneur « nous guidera » jusqu’au bout.
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La première section (Ps 42/43–49)
Les psaumes 44 et 49 Ps 44,1 Du maitre-de-chant, des fils de Coré, instruction. 2 Dieu, de nos OREILLES NOUS AVONS ENTENDU, nos pères ont raconté à nous, l’œuvre que tu œuvras de leurs jours, aux jours d’autrefois : 3 toi, ta main, des nations tu déshéritas et tu les plantas, tu détruisis des pays et tu leur fis-place. 4 Car pas par leur épée ils héritèrent LA TERRE et leur bras pas n’a sauvé eux, car ta droite et ton bras et LA LUMIÈRE de ta face car tu les aimais. 5 C’est toi, mon roi, Dieu, ordonnant les saluts de Jacob ; 6 par toi, nos adversaires nous repoussions, EN TON NOM nous anéantissions nos agresseurs. 7 Car pas dans mon arc JE M’ÉTAIS FIÉ et mon épée pas ne m’avait sauvé ; 8 car tu nous sauvais de nos adversaires et nos haïssant tu confondais, 9 en Dieu NOUS NOUS LOUIONS tout le jour et à TON NOM pour toujours NOUS RENDIONS-GRÂCE. 10
Or, tu nous as rejetés et tu nous as déshonorés et tu ne sors plus avec nos armées ; tu nous as fait retourner en arrière devant l’adversaire et nos haïssant ont spolié nous. 12 Tu nous as donnés comme moutons de boucherie et dans LES NATIONS tu nous as dispersés ; 13 tu as vendu ton peuple sans bénéfice et tu n’as pas gagné sur leur prix. 14 Tu fais de nous l’insulte de NOS VOISINS, fable et risée de NOS ENTOURANT ; 15 tu fais de nous le proverbe dans LES NATIONS, hochement de tête dans LES PAYS. 16 Tout le jour mon déshonneur est devant moi et la honte ma face me couvre, 17 sous les clameurs d’insulteur et de blasphémateur, à la face de l’ennemi et du se vengeant. 11
18 Tout cela nous advint et point ne t’avions oublié et point n’avions trahi ton alliance ; 19 point n’était allé en arrière notre cœur et dévié nos pas loin de ton sentier. 20 Oui, tu nous as broyés en un lieu de chacals et tu as étendu sur nous la ténèbre. 21 Si nous avions oublié LE NOM de notre Dieu et avions tendu les mains vers un dieu étranger, 22 est-ce que Dieu n’eut pas découvert cela, car lui il connait les secrets du cœur ? 23 Oui, à cause de toi nous sommes tués tout le jour, nous sommes tenus pour moutons d’abattage. 24 Réveille-toi, POURQUOI dors-tu, Seigneur ? Dresse-toi, ne nous rejette pas pour toujours ! 25 POURQUOI ta face caches-tu, oublies-tu notre misère et notre oppression ? 26 Car s’effondre dans la poussière notre âme, est collé à la terre notre ventre. 27 Lève-toi, viens à notre secours et RACHÈTE-NOUS à cause de ta fidélité.
À première vue, ces deux psaumes n’ont pas grand-chose à voir ensemble, car ils sont de genres littéraires très différents : le premier est une longue plainte, tandis que l’autre est de type sapientiel. « Entendre / écouter » (šm’) et « oreilles / prêter-l’oreille » (’zn, 44,2 ; 49,2) jouent le rôle de termes initiaux. Les deux occurrences de « pères » (44,2 ; 49,20) et de « lumière » (44,4 ; 49,20) remplissent la fonction de termes extrêmes.
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Ps 49, 1 Du maitre-de-chant, des fils de Coré, psaume. 2 ÉCOUTEZ ceci, TOUS LES PEUPLES, PRÊTEZ-L’OREILLE, TOUS LES HABITANTS DU MONDE, 3 aussi fils d’Adam aussi fils d’homme, ensemble riches et pauvres ! 4 Ma bouche dira des sagesses, et le murmure de mon cœur des intelligences ; 5 je tendrai au proverbe mon OREILLE, j’ouvrirai sur la cithare mon énigme. 6
POURQUOI craindrais-je aux jours de malheur quand la faute de mes talonneurs m’enserre ?
7
ILS SE FIENT à leur possession et de l’abondance de leur richesse ILS SE LOUENT. 8 Un frère RACHETER ne RACHÈTE pas un homme, il ne donne pas à Dieu sa rançon ; 9 et il est couteux LE RACHAT de leur âme et manquera toujours. 10 Et il vivra encore jusqu’à l’éternité, il ne verra pas la fosse ! 11
Oui, il verra que les sages mourront, ensemble le fou et l’insensé périront et ils laisseront à d’autres leur possession. 12 Leurs tombeaux seront leurs maisons pour toujours leurs demeures d’âge en âge ; ils avaient appelé LEURS NOMS dessus DES TERRES ! 13
Et l’adam dans le luxe point ne passe-la-nuit, il ressemble aux animaux qui disparaissent. Cela est leur chemin, CONFIANCE en eux-mêmes et après eux à leur bouche on se plait. 15 Comme moutons au schéol ils sont mis, la mort les fait-paitre ; et piétinent eux les droits au matin et leur Rocher efface le schéol de son palais. 16 Certes, Dieu RACHÈTERA mon âme, de la main du schéol, oui, il me prendra. 14
17
Ne crains pas quand s’enrichit un homme, quand abonde la gloire de sa maison. Oui, dans sa mort il ne prendra rien, ne descendra pas derrière lui sa gloire. 19 Car son âme dans sa vie il bénissait et ON TE REND-GRÂCE d’avoir pris-soin de toi. 20 Elle ira jusqu’à la génération de ses pères, jusqu’à l’éternité ils ne verront plus LA LUMIÈRE. 21 L’adam dans le luxe et ne comprend pas, il ressemble aux animaux qui disparaissent. 18
– « Tous les peuples » et « tous les habitants du monde », au début du dernier psaume (49,2), rappelle « nos voisins », « nos entourant », « les nations », « les pays » au centre du Ps 44 (14-15) ; – « pas je m’étais fié » (44,7) s’oppose à « ils se fient » (49,7 ; suivi de « confiance en eux-mêmes », d’une autre racine, en 14) ; – « racheter / rachat » se trouve en 44,27 et en 49,8.9.16 ; – « leurs noms » (49,12) s’oppose à « en ton nom » (44,6, suivi de « ton nom » en 9.21) ; – « rendre-grâce » revient en 44,9 et 49,19 ; – « Pourquoi » de 44,24.25 est repris en 49,6 ; – À « tout le jour » (44,9.16) et « pour toujours » (49,24) correspondent « jusqu’à l’éternité » (49,10.20) et « pour toujours », « d’âge en âge » (12) ; – « Proverbe » revient en 44,15 et 49,5.
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La première section (Ps 42/43–49)
Les psaumes médians (45 et 47) Ps 45,1 Du maitre-de-chant, sur Les lys ; des fils de Coré, instruction, chant d’amour. 2 A frémi mon cœur de parole belle : moi je dis mon œuvre pour LE ROI, ma langue, le roseau d’un scribe agile. 3 Tu es beau plus que les fils d’Adam, la grâce est répandue sur tes lèvres : c’est pourquoi Dieu t’a béni à jamais. 4 Ceins ton épée sur la cuisse, vaillant, ton faste et ta splendeur. 5 Ta splendeur : élance-toi, chevauche, pour la cause de la vérité, de l’humilité, de la justice et que ta droite t’enseigne des prodiges ! 6 Tes flèches sont acérées, DES PEUPLES tombent sous toi, dans le cœur des ennemis du ROI. 7 TON TRÔNE, DIEU, pour toujours et à jamais, SCEPTRE de droiture, LE SCEPTRE de ton RÈGNE ! 8 Tu aimes la justice et tu hais la méchanceté ; c’est pourquoi Dieu, ton Dieu, T’A OINT d’une huile d’allégresse plus que tes amis. 9 Myrrhe et aloès, cinnamome tous tes vêtements, des palais d’ivoire, les cithares te réjouissent. 10
Des filles de ROI parmi tes bien-aimées ; se tient une Dame à ta droite, dans l’or d’Ophir.
11
Écoute, fille, regarde et tends ton oreille, et oublie TON PEUPLE et la maison de ton père. 12 Et LE ROI désirera ta beauté : car lui est ton Seigneur et prosterne-toi à lui ! 13 Et la fille de Tyr avec un cadeau, les plus riches DES PEUPLES dérideront ton visage. 14 Toute splendide la fille de ROI à l’intérieur, de tissus d’or vêtue ; 15 en brocarts elle est amenée vers LE ROI, des vierges derrière elle, ses compagnes sont dirigées vers toi ; 16 elles sont amenées dans les joies et la jubilation, elles se dirigent vers le palais du ROI. 17 À la place de tes pères seront tes fils ; tu en feras des PRINCES EN TOUTE LA TERRE. 18 Je commémorerai ton nom en tout âge et âge, c’est pourquoi LES PEUPLES te rendront-grâce toujours et à jamais. [...] Ps 47,1 Du maitre-de-chant, des fils de Coré, psaume. 2 TOUS LES PEUPLES, battez des mains, acclamez DIEU dans la voix des cris-de-joie ! 3 Oui, YHWH est le Très-Haut, redoutable, LE ROI grand SUR TOUTE LA TERRE. 4 Il prosterne DES PEUPLES sous nous et DES NATIONS sous nos pieds. 5 Il a choisi pour nous notre héritage, fierté de Jacob, lequel il aime. 6 Il monte DIEU dans l’acclamation, YHWH, dans la voix du chofar. Psalmodiez pour DIEU, psalmodiez, psalmodiez pour notre ROI, psalmodiez ! 8 Oui, DIEU est LE ROI de TOUTE LA TERRE : psalmodiez une instruction ! 9 IL RÈGNE Dieu sur LES NATIONS, DIEU siège sur son TRÔNE de sainteté. 10 Les PRINCES DES PEUPLES se rassemblent, peuple du DIEU d’Abraham. Oui, à DIEU les boucliers DE LA TERRE, beaucoup il est monté. 7
Le Ps 45 est un épithalame en l’honneur du roi d’Israël ; cependant il célèbre aussi la royauté de « Dieu » dont le nom n’apparait qu’une seule fois dans le poème (45,7). En revanche les noms divins, « Yhwh » et « Dieu » reviennent neuf fois dans le psaume symétrique (47,2.3.6bis.7.8.9.10bis) : le « roi » que le psalmiste invite à « acclamer » n’est autre que le Seigneur lui-même. Dieu est roi « sur toute la terre » (47,3.8.10) et le roi terrestre fera de ses fils des princes « en toute la terre » (45,17). Tous deux soumettent « des peuples » et « des nations » (45,6 ; 47,4). En finale de chaque psaume, « les peuples rendront grâce » au roi (45,18), les peuples s’unissent à Israël pour devenir un seul peuple : « les princes des peuples se rassemblent, peuples du Dieu d’Abraham » (47,10).
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LES RAPPORTS ENTRE LA SÉQUENCE CENTRALE ET LES DEUX AUTRES (42/43–45 ; 46 ; 47–49 Ps 46,1 Du maitre-de-chant, des fils de Coré, pour des jeunes-filles, chant. Dieu est pour nous refuge et force, secours dans les angoisses, il se trouve beaucoup. 3 C’est pourquoi nous ne craindrons pas quand change la terre, quand chancellent les montagnes au cœur des mers ; 4 elles grondent, elles écument ses eaux, elles tremblent les montagnes à son soulèvement. 2
5
Un fleuve, ses canaux réjouissent la cité de Dieu, la sainte demeure du Très-Haut ; 6 Dieu est en elle, elle ne chancelle pas, la secourt Dieu au tournant du matin. 7 Grondaient des peuples, chancelaient des ROYAUMES, il a donné de la voix, elle fond la terre. 8 Yhwh des armées avec nous, citadelle pour nous, le Dieu de Jacob ! 9
« Allez, contemplez les hauts-faits de Yhwh, lequel met des destructions sur la terre : 10 il fait-cesser les guerres jusqu’aux bouts de la terre, l’arc il a rompu et il a brisé la lance, les boucliers il a brûlé au feu. 11 Arrêtez et connaissez que moi je suis Dieu, je m’élève sur les peuples, je m’élève sur la terre ! » 12 Yhwh des armées avec nous, citadelle pour nous, le Dieu de Jacob !
Les peuples ennemis sont présents tout au long de la section : ils « oppressent » et « insultent » le psalmiste en demandant « Où est-il ton Dieu ? » (42,4.10-11 ; 43,1-2). Alors que par le passé le Seigneur avait dépossédé « des nations » et détruit « des pays » (44,3.6.8), maintenant Israël doit reculer devant ses « adversaires » et être en butte à ses « insultes » (10-17.23.25). Le roi percera de ses flèches le cœur de ses ennemis et des peuples tomberont sous lui (45,6) ; bien plus ils lui rendront grâce toujours et à jamais (18). Dans le premier psaume du deuxième versant de la section, « tous les peuples » soumis à Israël (47,4) et à Dieu (9) sont invités à acclamer Dieu (2), rassemblés finalement pour ne former qu’un seul peuple avec le peuple d’Abraham (10). « Des rois s’étaient ligués » mais Dieu les fait décamper et brise leurs vaisseaux (48,5-8). Enfin sont invités à écouter la sagesse « tous les peuples », « tous les habitants du monde », c’est-àdire l’ensemble des nations, Israël compris. Dans le psaume central « les angoisses » provoquées par les attaques des ennemis sont présentées de manière emphatique sous les traits du séisme (3-4) ; en fait ce qui « gronde » et « chancelle » sont les « peuples » et les « royaumes » (7). Sont ainsi résumés tous les malheurs qui tout au long de la section s’abattent sur Israël. On remarquera que d’une partie à l’autre, le secours de Dieu l’emporte toujours davantage sur le mal, à tel point qu’à la fin ce dernier — « guerres », « arc », « lance » et « boucliers — est totalement détruit. À noter que « royaumes » (7) fait écho à tous les termes de même racine surtout dans les deux psaumes qui encadrent le psaume central (45 ; 47), mais déjà en 44,5 et plus tard en 48,3.5. Il est question de « la maison de Dieu », de sa « ville » sur la « montagne » non seulement dans les Ps 42/43 et 48 comme on l’a vu précédemment, mais aussi au cœur du psaume central : « Un fleuve, ses canaux réjouissent la cité de
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Dieu, la sainte demeure du Très-Haut ; Dieu est en elle, elle ne chancelle pas, Dieu la secourt au tournant du matin » (46,5-6). Les termes « salut/sauver » ne se trouvent que dans les deux premiers psaumes (42,6.12 ; 43,5 ; 44,4.5.7.8), mais ils sont déjà accompagnés, en finale du Ps 44 de deux termes appartenant au même champ sémantique : « secours » et « racheter ». Dans le psaume central, « secours » (46,2.6) est accompagné de « refuge et force » (2) et de « citadelle » (8.12) qui sera repris dans le psaume suivant (48,4). Quant à « racheter », il se retrouvera dans le dernier psaume ; « Certes, Dieu rachètera mon âme, de la main du schéol » (49,16). « Craindre » (« nous ne craindrons pas », 3) se retrouvera dans les centres des deux parties du dernier psaume : « Pourquoi craindrais-je ? » (49,6), « Ne crains pas » (17).
2. INTERPRÉTATION POURQUOI ? L’unique « pourquoi » final pulvérise d’un coup l’essaim des onze « pourquoi » initiaux. La section en effet commence par une rafale de questions angoissées : « Pourquoi t’effondres-tu, mon âme, et [pourquoi] grondes-tu sur moi ? » (42,6.12 ; 43,5), « Pourquoi sombre/triste je m’en vais, sous l’oppression de l’ennemi ? » (42,10 ; 43,2), « Pourquoi m’oublies-tu ? » (42,10), « Pourquoi dors-tu, Seigneur ? » (44,24), « Pourquoi caches-tu ta face, oublies-tu notre misère et notre oppression ? » (25). Comme il est fréquent, à une question il est répondu par une autre question. Au terme de la section en effet arrive la réponse aux questions initiales : « Pourquoi craindrais-je aux jours de malheur quand la faute de mes talonneurs m’enserre ? » (49,6) à quoi fera écho un peu plus tard : « Ne crains pas quand s’enrichit un homme, quand abonde la gloire de sa maison » (17). Au centre de la section avait retenti la confession de foi : « Dieu est pour nous refuge et force, secours dans les angoisses, il se trouve beaucoup. C’est pourquoi nous ne craindrons pas quand change la terre, quand chancellent les montagnes au cœur des mers » (46,2-3). Toute la section repose sur ces trois piliers, comme si le chemin parcouru par le psalmiste, et proposé à celui qui fait siennes ses paroles, consistait à le faire passer de la crainte à la confiance. « OÙ EST-IL TON DIEU ? » Une autre question précède les « pourquoi » du psalmiste, et les provoque, de manière pernicieuse : « Où est-il ton Dieu ? » (42,4.11). Cette question perfide — qui n’est pas seulement d’aujourd’hui ! — est adressée au psalmiste, par ceux-là même qui le persécutent. Le psalmiste doit l’entendre « tout le jour » (42,4), ce qui le fait pleurer « jour et nuit » (42,4) et lui brise les os (11). Par cette « insulte » — « fable » et « risée », « proverbe et hochement de tête » chez
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les nations païennes, « déshonneur » et « honte » (44,14-17) —, « l’oppression de l’ennemi » (42,10 ; 43,2) le touche au point le plus sensible, celui de sa foi, de la soif de son âme (42,2-3). Dès le début et tout au long, la question blasphématoire trouvera une réponse, obstinée elle aussi. Le Dieu du psalmiste, le Dieu d’Israël se trouve en sa « maison » (42,5) ; le psaume central insistera en son cœur : « dans la cité de Dieu, la sainte demeure du Très-Haut » (46,5). Et le Ps 48 y reviendra avec force : en son « Temple », en « sa ville », « sur la montagne de sa sainteté » dont il a fait une « citadelle » (48) pour abriter son peuple contre les assauts de ses ennemis. Mais plus encore qu’en un lieu, si saint soit-il, le Dieu d’Israël se trouve en sa « fidélité » à l’alliance (42,9 ; 44,27 ; 48,10), en sa « justice » (45,5.8 ; 48,11), sa « vérité » (43,3 ; 45,5), sa « lumière » (43,3 ; 44,4 ; 49,20), dans ses « hauts-faits » (46.9), en somme dans son « salut » (42,6.12 ; 43,6 ; 44,4.5.7.8). « LE ROI GRAND SUR TOUTE LA TERRE » Le Dieu d’Israël n’est pas seulement un dieu local, le dieu d’un peuple parmi les autres. Il est certes celui que le psalmiste appelle « mon roi » (44,5), que le peuple entier invoque comme « notre Dieu » (47,7 ; 48,2.9.15). « Yhwh » est aussi « le Très-Haut, redoutable, le Roi grand sur toute la terre » (47,3) ; « Oui, Dieu est le Roi de toute la terre [...] Il règne Dieu sur les nations » (8.9). Quand les peuples « grondent », c’est le roi du ciel qui fait chanceler « les royaumes », se révélant « la citadelle » qui protège Jacob (46,7-8). Le scribe agile avait annoncé que des peuples seraient tombés sous le roi d’Israël (45,6) et le dernier psaume le redira avec davantage de force encore : « Il prosterne des peuples sous nous, et des nations sous nos pieds » (47,4). LES NATIONS ET LE PEUPLE D’ABRAHAM Les peuples étrangers et les nations païennes sont présents dans chacun des sept psaumes de la section. Ce sont les « ennemis » du psalmiste et d’Israël tout entier, ses « adversaires », ses « agresseurs », qui le « haïssent », « l’insultent » et blasphèment, qui « grondent » comme « gronde » la terre ébranlée par le séisme (46,47), ceux dont les « rois s’étaient ligués et avançaient ensemble » contre Sion (48,5), ceux dont « la faute » talonne et « enserre » le juste. Tous ces ennemis seront soumis par Dieu à Israël et à son roi (45,6 ; 47,4). Cependant cette soumission ne sera pas seulement le fruit de la violence, des flèches qui atteindront les ennemis du roi en plein cœur ; les alliances qu’Israël conclura avec eux feront que « les peuples (lui) rendront grâce toujours et à jamais » (45,18). Si Dieu « s’élève sur les peuples », c’est parce qu’il « fait cesser les guerres jusqu’au bout de la terre », rompant l’arc, bisant la lance, brulant les boucliers (46,10). C’est pourquoi le psalmiste peut inviter « tous les peuples » à battre des mains et à acclamer Dieu, acclamer Yhwh, Dieu d’Israël, parce qu’il est « roi de toute la terre » et pas seulement du seul peuple élu. Si Yhwh « monte
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La première section (Ps 42/43–49)
dans l’acclamation » de tous, c’est parce qu’il a rassemblé tous les peuples, les a unis dans le seul « peuple d’Abraham », selon la promesse au premier qu’il avait choisi entre tous et pour tous (Gn 12,3).
LE SEIGNEUR QUI PARDONNE LE PÉCHÉ DONNE LE SALUT La deuxième section Ps 50–55
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La deuxième section (Ps 50–55)
La deuxième section comprend six psaumes organisés en trois séquences formées chacune de deux psaumes :
« Tu es irréprochable
dans ton jugement »
Est-ce qu’ils ne comprendront pas, les faiseurs d’iniquité ?
« Par ton pouvoir
fais-moi justice »
Ps 50–51
Ps 52–53
Ps 54–55
I. « TU ES IRRÉPROCHABLE DANS TON JUGEMENT » La première séquence : Ps 50–51 1. LE PSAUME 50 TEXTE 1 Psaume, d’Asaph. Le Dieu des dieux, Yhwh, parle et il appelle la terre du levant du soleil au couchant ; 2 depuis Sion, de la parfaite beauté, Dieu resplendit. 3 Vienne notre Dieu et ne se taise pas, un feu devant lui dévore et autour de lui c’est-tempête beaucoup. 4 Il appelle les cieux en haut et la terre pour arbitrer son peuple : 5 « Assemblez-moi mes fidèles qui scellèrent mon alliance en sacrifiant ». 6 Et ont annoncé les cieux sa justice car Dieu, le juge, c’est lui. 7 Écoutez, mon peuple, et je parlerai, Israël, je témoignerai contre toi, Dieu, ton Dieu, c’est moi ! 8 Pas sur tes sacrifices j’accuse et tes holocaustes (sont) devant moi constamment ; 9 je ne prendrai pas de ta maison un taurillon ni de tes bergeries des boucs. 10 Car à moi tout fauve des forêts, des animaux sur les montagnes par milliers ; 11 je connais tous les oiseaux des montagnes et toute bête des champs (est) pour moi. 12 Si j’ai faim, je ne le dirai pas à toi car à moi le monde et son contenu ; 13 vais-je manger la chair des taureaux et le sang des boucs, vais-je le boire ? 14 Sacrifie à Dieu la confession et acquitte pour le Très-Haut tes vœux ; 15 et appelle-moi au jour de l’angoisse, je t’affranchirai et tu me glorifieras. » 16 Et au méchant dit Dieu : « Quoi à toi d’énumérer mes décrets et de porter mon alliance à la bouche ; 17 et toi tu hais la discipline et tu envoies mes paroles derrière toi ? 18 Si tu vois un voleur, tu te plais avec lui et parmi les adultères ton partage ; 19 de ta bouche tu envoies le mal et de ta langue tu trames la tromperie. 20 Tu t’assieds, contre ton frère tu parles, au fils de ta mère tu donnes le déshonneur. 21 Ces choses tu fais et je me tairais ? Pensestu que je suis vraiment comme toi ? Je t’accuse et m’explique à tes yeux. 22 Comprenez bien cela, vous qui oubliez Dieu, de peur que je lacère, et personne qui délivre ! 23 Qui sacrifie la confession me glorifie, et qui met un chemin je lui ferai voir le salut de Dieu. »
V. 10
: « LES MONTAGNES PAR MILLIERS »
« Par milliers » qualifie les « montagnes », non directement les « animaux ». V. 14
: « LA CONFESSION »
Le terme tôdâ est la plupart du temps traduit par « action-de-grâce » (Ps 26,7 ; 107,22 ; 116,17 ; 147,7) ; dans ces cas-là il s’agit de célébrer, de confesser les merveilles de Dieu : « Qu’ils rendent-grâce au Seigneur de sa fidélité, de ses merveilles pour les fils d’Adam ! Qu’ils sacrifient des sacrifices d’action-degrâce et qu’ils racontent ses œuvres en chants de joie » (Ps 107,21-22). En revanche, dans un contexte de péché, le même terme désigne la reconnaissance, la confession de la faute. C’est le cas dans ce psaume en 14 et aussi en 231. V. 23
: « ET QUI MET UN CHEMIN »
Cette expression brachylogique ne peut se comprendre que par le parallélisme avec le membre précédent. Après avoir confessé son péché, l’homme est appelé à changer de chemin, à rectifier sa conduite. 1
206.
Voir P. BOVATI, Ristabilire la giustizia, 80-84 (spécialement, 84); voir aussi Barbiero, 202-
108
La deuxième section (Ps 50–55)
COMPOSITION Le psaume comprend quatre parties organisées de manière parallèle. La première (1b-5) introduit un discours de Dieu (7-15) qui rebondit (16b-23), adressé cette fois-ci au « méchant » (16a). LA PREMIÈRE PARTIE (1B-6) + 1b Le DIEU + parle + du levant 2
: depuis Sion, : DIEU
DES DIEUX, et IL APPELLE du soleil
de la parfaite resplendit.
YHWH, LA TERRE
au couchant ; beauté
································································································· = 3 Vienne NOTRE DIEU et ne se taise pas ;
= un feu = et autour de lui
devant lui c’est-tempête
dévore beaucoup.
·································································································
+ 4 IL APPELLE + et LA TERRE
les cieux pour arbitrer
en haut son peuple :
:: 5 « Assemblez-moi :: qui scellèrent
mes fidèles mon alliance
en sacrifiant ».
+ 6 Et ont annoncé + car DIEU,
les cieux le juge,
sa justice c’est lui !
Dans le premier morceau, le deuxième segment dit de quel lieu (2) le Seigneur interpelle la terre entière (1) : la parole de Dieu vient d’Israël. Le troisième morceau est construit autour des paroles de Dieu (5). Dans les segments extrêmes l’annonce des cieux (6a) répond à l’appel que Dieu leur a fait (4a) ; en même position « arbitrer » et « juge » appartiennent au même champ sémantique. Les morceaux extrêmes commencent avec « appeler » + « la terre ». Au centre (3), l’évocation de la théophanie. LA DEUXIÈME PARTIE (7-15) Dans la première sous-partie l’unimembre final (7c) dit à quel titre Dieu va « parler » et « témoigner » contre son peuple (7ab). Les morceaux extrêmes de la deuxième sous-partie sont parallèles. Dans leurs seconds segments (9.13) Dieu refuse l’offrande des animaux, bovins (« taurillon », « taureaux ») et ovins (« boucs »). Marqués par la négation, les premiers segments sont complémentaires : Dieu ne reproche pas à son peuple de ne pas lui offrir « sacrifices » et « holocaustes » qui sont nombreux (8), il affirme qu’il n’en a pas besoin et n’en veut pas (12). Au centre (10-11), la raison d’un tel refus : c’est que tout est à lui, « tout fauve », « animaux », « tous les oiseaux », « toute bête ».
Le psaume 50
109
:: 7 Écoute, :: Israël,
JE TÉMOIGNERAI
et JE PARLERAI, contre toi ;
.. DIEU,
TON DIEU,
c’est moi !
– 8 Pas sur tes SACRIFICES – et tes holocaustes 9
· je ne prendrai pas · ni de tes bergeries
mon peuple,
J’ACCUSE
(sont) devant moi
constamment ;
de ta maison des BOUCS.
un TAURILLON
·······································································································
= 10 Car à moi = des animaux
tout fauve sur les montagnes
des forêts, par milliers ;
= 11 je connais = et toute bête
tous les oiseaux des champs
des montagnes (est) pour moi.
·······································································································
– 12 Si j’ai faim, – car à moi
je ne le dirai pas le monde
à toi et son contenu ;
· 13 vais-je manger · et le sang
la chair des BOUCS,
des TAUREAUX vais-je le boire ?
+ 14 SACRIFIE + et acquitte
à DIEU pour LE TRÈS-HAUT
la confession tes vœux ;
:: 15 et appelle-moi :: je t’affranchirai
au jour et tu me glorifieras. »
de l’angoisse,
Dans la dernière sous-partie les trois premiers membres commencent par un impératif. Alors que dans le premier segment Dieu demande à son peuple d’accomplir deux rites pour lui, dans le second il l’invite à se fier entièrement à lui pour être libéré. Les derniers termes des segments extrêmes sont complémentaires, « la confession » est la reconnaissance du péché, la glorification de Dieu est la reconnaissance, la confession de sa grandeur et de sa bonté. Dans les deux dernières sous-parties Dieu dit ce qu’il refuse (8-13) puis ce qu’il demande (14-15) ; et l’on pourrait considérer que la première sous-partie introduit les deux autres, invitant le peuple à écouter les paroles qui suivent. Toutefois, les parties extrêmes sont marquées par des impératifs et sont les seules où soient prononcés les noms divins. Le premier commandement donné par Dieu au peuple est de l’écouter (7a) et le dernier sera de l’appeler (15a). LA TROISIÈME PARTIE (16A) Le second volet du discours de Dieu est introduit par une très courte phrase de récit : « Et au méchant dit Dieu ».
110
La deuxième section (Ps 50–55)
LA QUATRIÈME PARTIE (16B-23) + « Quoi à toi + et de porter
d’énumérer mon alliance
mes décrets à LA BOUCHE ;
:: 17 et toi :: et TU ENVOIES
tu hais
la discipline
MES PAROLES derrière toi ? ······························································································································ – 18 SI TU VOIS un voleur, tu te plais avec lui
– et parmi
les adultères
ton partage ;
– de TA BOUCHE – et de ta langue
TU ENVOIES
le mal la tromperie ;
– 20 tu t’assieds, – au fils
contre ton frère de ta mère
19
tu trames
TU PARLES,
tu donnes
le déshonneur.
······························································································································
:: 21 Ces choses :: Penses-tu .. Je t’accuse
tu fais, que je suis et m’explique
et je me tairais ? vraiment à tes yeux.
:: 22 Comprenez bien .. de peur que je lacère,
cela, et personne
vous qui oubliez qui délivre !
+ 23 Qui sacrifie + et qui met = JE LUI FERAI VOIR
la confession un chemin le salut
me glorifie,
comme toi ? Dieu,
de Dieu. »
Les deux bimembres du premier morceau forment une seule question ; ils sont parallèles du point de vue syntaxique et opposés du point de vue sémantique. Le second morceau détaille le contenu de 17 : vol et adultère (18), mensonge (19) et calomnie contre le frère (20). Alors que le premier morceau dénonce la conduite du « méchant », le dernier, qui commence aussi par des questions (21ab), dit ce que fera Dieu en réaction à tous ses péchés. Dans les deux premiers segments l’accusation débouche sur accusation et menace (21c.22b) ; au contraire le dernier segment envisage la confession du péché et la conversion (23ab), ce qui provoquera « le salut de Dieu ». Ainsi les morceaux extrêmes se correspondent de manière spéculaire : bien (16bc) – mal (17) / mal (21-22) – bien (23). Les reprises sont nombreuses entre les deux premiers morceaux : « bouche » (16c.19a), « tu envoies » (17b.19a), « mes paroles », « tu parles » (17b.20a). Le second morceau commence avec « Si tu vois » (18a) et le dernier s’achève avec « je lui ferai-voir » (23c).
Le psaume 50
111
L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
Psaume, d’Asaph. LE DIEU DES DIEUX, YHWH, PARLE et il appelle la terre du levant du soleil au couchant ; 2 depuis Sion, de la parfaite beauté, DIEU resplendit. 3 Vienne NOTRE DIEU et ne se taise pas ; un feu devant lui dévore et autour de lui c’est-tempête beaucoup. 4 Il appelle les cieux en haut et la terre pour arbitrer son peuple : 5 « Assemblez-moi mes fidèles qui scellèrent MON ALLIANCE EN SACRIFIANT ». 6 Et les cieux ont annoncé sa justice car DIEU, le juge, c’est lui. 7
Écoutez, mon peuple, et JE PARLERAI, c’est moi !
Israël, et je témoignerai contre toi,
DIEU,
TON DIEU 8
Ce n’est pas sur tes SACRIFICES que J’ACCUSE et tes holocaustes sont constam9 ment devant moi ; je ne prendrai pas de ta maison un taurillon ni de tes 10 bergeries des boucs. Car tout fauve des forêts est à moi, des animaux sur les montagnes par milliers ; 11 je connais tous les oiseaux des montagnes et toute bête des champs est pour moi. 12 Si j’ai faim, je ne te le dirai pas car le monde et son contenu sont à moi ; 13 vais-je manger la chair des taureaux et le sang des boucs, vais-je le boire ? 14
15 SACRIFIE à DIEU LA CONFESSION et acquitte pour LE TRÈS-HAUT tes vœux ; et appelle-moi au jour de l’angoisse, je t’affranchirai et TU ME GLORIFIERAS. »
16
Et au méchant dit DIEU : « Qu’as-tu à énumérer mes décrets et à porter MON ALLIANCE à la bouche ; 17 et toi tu hais la discipline et tu envoies mes PAROLES derrière toi ? 18
Si tu vois un voleur, tu te plais avec lui et parmi les adultères est ton partage ; 19 de ta bouche tu envoies le mal et de ta langue tu trames la 20 tromperie. Tu t’assieds, TU PARLES contre ton frère, au fils de ta mère tu donnes le déshonneur. 21
Tu fais ces choses et je me tairais ? Penses-tu que je suis vraiment comme 22 Comprenez bien cela, vous qui toi ? JE T’ACCUSE et m’explique à tes yeux. oubliez Dieu, de peur que je lacère, et personne qui délivre ! 23 Qui SACRIFIE LA CONFESSION ME GLORIFIE et qui met un chemin je lui ferai voir le salut de DIEU. »
La seconde partie narrative (16a) est beaucoup plus courte que la première (1b-6). Alors que le premier volet du discours est adressé aux « fidèles », le second l’est au « méchant ». Les deux volets du discours s’achèvent de manière semblable avec « sacrifier », « confession » et « glorifier » ainsi que « Dieu » (14-15 ; 23).
112 1
La deuxième section (Ps 50–55)
Psaume, d’Asaph. LE DIEU DES DIEUX, YHWH, PARLE et il appelle la terre du levant du soleil au couchant ; 2 depuis Sion, de la parfaite beauté, DIEU resplendit. 3 Vienne NOTRE DIEU et ne se taise pas ; un feu devant lui dévore et autour de lui c’est-tempête beaucoup. 4 Il appelle les cieux en haut et la terre pour juger son peuple : 5 « Assemblez-moi mes fidèles qui scellèrent MON ALLIANCE EN SACRIFIANT ». 6 Et les cieux ont annoncé sa justice car DIEU, le juge, c’est lui. 7
Écoutez, mon peuple, et JE PARLERAI, c’est moi !
Israël, et je témoignerai contre toi,
DIEU,
TON DIEU 8
Ce n’est pas sur tes SACRIFICES que J’ACCUSE et tes holocaustes sont constam9 ment devant moi ; je ne prendrai pas de ta maison un taurillon ni de tes 10 bergeries des boucs. Car tout fauve des forêts est à moi, des animaux sur les montagnes par milliers ; 11 je connais tous les oiseaux des montagnes et toute bête des champs est pour moi. 12 Si j’ai faim, je ne te le dirai pas car le monde et son contenu sont à moi ; 13 vais-je manger la chair des taureaux et le sang des boucs, vais-je le boire ? 14
15 SACRIFIE à DIEU LA CONFESSION et acquitte pour LE TRÈS-HAUT tes vœux ; et appelle-moi au jour de l’angoisse, je t’affranchirai et TU ME GLORIFIERAS. »
16
Et au méchant dit DIEU : « Qu’as-tu à énumérer mes décrets et à porter MON ALLIANCE à la bouche ; 17 et toi tu hais la discipline et tu envoies mes PAROLES derrière toi ? 18
Si tu vois un voleur, tu te plais avec lui et parmi les adultères est ton partage ; 19 de ta bouche tu envoies le mal et de ta langue tu trames la tromperie. 20 Tu t’assieds, TU PARLES contre ton frère, au fils de ta mère tu donnes le déshonneur.
21
Tu fais ces choses et je me tairais ? Penses-tu que je suis vraiment comme 22 Comprenez bien cela, vous qui toi ? JE T’ACCUSE et m’explique à tes yeux. oubliez Dieu, de peur que je lacère, et personne qui délivre ! 23 Qui SACRIFIE LA CONFESSION ME GLORIFIE et qui met un chemin je lui ferai voir le salut de DIEU. »
On notera en outre les reprises de – « parler / paroles » (1b.7 ; 17.20), – « mon alliance » (5.16b), – « sacrifier / sacrifices » (5.8.14 ; 23), – « j’accuse / je t’accuse » (8.21), – « ne pas se taire » dont le sujet est Dieu (3.21).
Le psaume 50
113
CONTEXTE L’ACCUSATION La controverse bilatérale (rîb) comporte l’accusation et la réponse de celui qui est accusé. Le Ps 50 est une longue accusation et le psaume suivant constituera la réaction de l’accusé qui confesse son péché2. Is 1,10-20 est un autre exemple d’accusation portée par Dieu contre son peuple, les fils d’Israël qui ne manquent pas de lui offrir des sacrifices mais qui se sont souillés par leurs « actions perverses » et dont les mains « sont pleines de sang » (voir aussi Am 5,18-27 ; Mi 6,1-8). UNE FOIS, DEUX FOIS La fin du Ps 62 semble correspondre au double discours de Dieu dans le Ps 50 : Une fois Dieu a parlé, deux fois, ceci j’ai entendu : – que la force est à Dieu, à toi, Seigneur, la fidélité ; – que toi, tu paies l’homme selon ses œuvres » (Ps 62,12-13).
INTERPRÉTATION LES FIDÈLES ET LE MÉCHANT Dieu s’adresse d’abord à ses « fidèles » : « Assemblez-moi mes fidèles qui scellèrent mon alliance en sacrifiant » (5). Après quoi, il interpelle « le méchant » (16a). S’agit-il de deux destinataires différents, ou, au contraire, d’un seul et même groupe, « le peuple » d’Israël (4.7) ? On pourrait penser que les premiers sont ceux qui se conforment fidèlement à la Loi et offrent ponctuellement au Seigneur les sacrifices qu’elle prescrit, tandis que « le méchant » est en tous points comparable au premier personnage de la parabole du juge injuste et de la veuve importune, ce juge qui « ne craignait pas Dieu et ne respectait pas les hommes » (Lc 18,2). En effet, voleur, adultère et menteur, le méchant ne tient aucun compte des commandements les plus fondamentaux. Et pourtant, ce méchant-là n’est pas un impie comme le juge de la parabole : il énumère les décrets de Dieu et porte son alliance à la bouche (16b). C’est un « fidèle » du Seigneur. Ce dont le peuple est accusé, ce n’est pas de sa pratique cultuelle de la Loi par les sacrifices, c’est de sa conduite sociale qui ne tient aucun compte des commandements envers le prochain tels que le décalogue les édicte. Ce n’est pas à la première table des dix paroles qu’il est infidèle, c’est à la deuxième. 2
Voir P. BOVATI, Ristabilire la giustizia, I. « La controversia giuridica (RÎB), 19-148 ; sur l’accusation, chap. 2, « L’accusa », 51-77.
114
La deuxième section (Ps 50–55)
LA JUSTIFICATION L’accusation se développe en deux temps. On aurait pu s’attendre à l’ordre inverse, Dieu s’adressant d’abord au méchant qui a la Loi et l’alliance à la bouche (16) mais qui fait le mal : vol, adultère, faux témoignage. Viendrait ensuite le cas, moins grave, des « fidèles » à l’alliance, ceux qui offrent ponctuellement tous les sacrifices sanglants que requiert la Loi (8-13). Or, ce n’est pas cela que Dieu leur reproche ; ce dont témoigne le Seigneur (7), c’est la justification qu’ils croient acquérir par leurs sacrifices, alors que la justice n’appartient qu’à Dieu, comme l’annoncent les cieux (6). L’ordre adopté par le psalmiste est sans doute fort significatif, incitant le lecteur à réfléchir à ce qui constitue la racine du péché, une forme d’idolâtrie par laquelle l’homme se met à la place de Dieu ; or « le juge, c’est lui ! ». C’est pourquoi il conclut en invitant le fidèle à l’appeler « au jour de l’angoisse », car la gloire n’appartient qu’au seul qui peut le sauver (15). Le péché du pharisien est certainement plus grave que celui du publicain qui confesse son péché (Lc 18,9-14). LA CONFESSION Tous sont appelés à « confesser » dans le même mouvement leur péché et la gloire de Dieu. Avouer son péché, c’est reconnaitre qu’on a manqué à l’alliance, c’est par le fait même confesser la justice du partenaire, la justice de Dieu, C’est rendre grâce pour la justice divine qui, au lieu de châtier, « affranchit » (15) et sauve (23) ; mais qui ne pourrait le sauver si le pécheur ne reconnaissait pas sa faute et ne redressait pas son chemin. Reconnaitre son péché et reconnaitre le salut de Dieu en lui rendant grâce sont les deux faces, indissociables, de la même confession. LE FEU DE L’ORAGE Dieu parle sans se lasser, il ne saurait se taire (3.21). Mais, comme au Sinaï, il parle dans l’orage et le feu. « Un feu qui dévore » (3), une tempête qui secoue et fait trembler. C’est dire que la révélation qui va suivre, doublement, devrait être une épreuve, une purification comme celle du creuset. L’accusation est destinée à ébranler les fausses convictions des fidèles, à bruler les faux semblants du méchant. Cela ne peut advenir sans une certaine violence. Mais c’est la violence de l’amour qui n’a qu’un seul désir, celui d’affranchir son peuple et de sauver le méchant. LA PUISSANCE DES TÉMOINS Il n’en va pas autrement de l’appel aux témoins, dont la présence a pour fonction de susciter une crainte salutaire. Ceux-ci ne peuvent pas être d’autres hommes, quelque autre peuple. C’est « la terre » entière, dans toute son extension, « du levant du soleil à son couchant ». Mais cela ne suffit pas, « les cieux »
Le psaume 50
115
aussi sont convoqués comme témoins du jugement que le Seigneur de la terre et des cieux va prononcer contre son peuple. C’est dire la solennité d’une accusation à laquelle il serait bien difficile de résister. Si « les cieux racontent la gloire de Dieu » (Ps 19,2), s’ils « annoncent sa justice » (50,6), les fidèles qui se révèlent méchants ne pourront qu’en faire autant pour confesser la gloire de leur sauveur (15.23).
2. LE PSAUME 51 TEXTE 1 Du
maitre-de-chant, psaume, de David, 2 quand vint vers lui le prophète Nathan, après qu’il fut venu vers Bethsabée. 3 Aie pitié de moi, Dieu, selon ta fidélité, selon la grandeur de ta miséricorde efface mes transgressions ! 4 Grandement lave-moi de ma faute et de mon péché 5 Car mes transgressions, moi, je sais et mon péché devant moi toujours. purifie-moi ! 6 Contre toi, toi seul, j’ai péché et ce qui est mal à tes yeux j’ai fait, de sorte que tu es juste dans ta parole, que tu es irréprochable dans ton jugement. 7 Voici que dans la faute j’ai été enfanté et dans le péché m’a conçu ma mère. 8 Voici que la loyauté tu veux dans les reins et dans l’intime la sagesse tu me fais-savoir. 9 Tu m’ôteras le péché avec l’hysope, et je-serai-pur ; tu-me-laveras, et plus que la neige je serai blanc ! 10 Tu me feras entendre allégresse et joie, jubileront les os que tu broyas ! 11 Cache ta face de mes péchés et toutes mes fautes effaceles ! 12 Un cœur pur crée pour moi, Dieu, et un souffle sûr rénove en mon sein. 13 Tu ne me rejetteras pas de devant ta face et le souffle de ta sainteté n’enlève pas de moi. 14 Fais-revenir pour moi l’allégresse de ton salut et d’un souffle de noblesse tu m’affermiras. 15 J’enseignerai aux transgresseurs tes voies et les pécheurs vers toi reviendront ! 16 Délivre-moi des sangs, Dieu, Dieu de mon salut : acclamera ma langue ta justice. 17 Adonaï, mes lèvres tu ouvriras, et ma bouche annoncera ta louange. 18 Car tu ne veux pas de sacrifice, si je l’offre, un holocauste, tu ne le désires pas. 19 Les sacrifices de Dieu, un souffle brisé ; un cœur brisé et broyé, Dieu, tu ne méprises pas ! 20 Fais du bien selon ton désir à Sion, tu rebâtiras les murailles de Jérusalem. 21 Alors tu voudras des sacrifices de justice, holocauste et offrandetotale ; alors ils feront-monter sur tes autels des taureaux. V. 8 : « DANS LES REINS
»
Le terme hébreu ṭuḥôt (qui ne se retrouve qu’en Jb 38,36) a été traduit par « reins », suivant en cela le Targum et la tradition rabbinique ; ce sens est appuyé par celui du terme correspondant dans le second membre, sātum qui signifie « ce qui est caché », traduit ici par « intime », mais qui pourrait être rendu par « cœur »1.
COMPOSITION Le psaume s’organise en cinq parties, organisées de manière elliptique. L’analyse sera menée de manière plus détaillée que d’habitude2. LA PREMIÈRE PARTIE (3-8) Elle est formée de deux sous-parties (3-4 ; 5-8) ; la deuxième, qui commence par « car », donne les raisons de la supplication que développe la première souspartie. 1 2
Voir Hakham, I, 299. Voir mon article, « Analyse rhétorique du Psaume 51. Hommage critique à Marc Girard ».
118
La deuxième section (Ps 50–55)
La première sous-partie (3-4) + 3 Aie pitié de moi, + selon L’ABONDANCE 4
= ABONDAMMENT = et de MON PÉCHÉ
Dieu, de tes affections LAVE-MOI PURIFIE-MOI.
selon ta fidélité, MES TRANSGRESSIONS.
EFFACE
de MA FAUTE,
Les deux segments sont liés entre eux par « abondance » et « abondamment » qui remplissent la fonction de « termes médians », mais aussi par les syntagmes synonymes « efface mes transgressions » (3b), « lave-moi de ma faute » (4a) et « de mon péché purifie-moi » (4b). Le premier verbe, « aie-pitié de moi » (3a) se distingue des trois autres du fait qu’il est général. La deuxième sous-partie (5-8) Les cinq segments bimembres de la partie s’organisent en deux morceaux. – 5 Car mes transgressions, moi – et mon péché devant-moi
je-sais toujours.
– 6 Contre toi, – et le mal
toi-seul, à-tes-yeux
j’ai-péché j’ai-fait,
tu-es-JUSTE tu-es-IRRÉPROCHABLE
dans-ta-parole, dans-ton-jugement.
= de-sorte-que =
Le premier morceau (5-6) comprend trois segments bimembres. Le dernier segment (6cd) est lié syntaxiquement au deuxième (6ab) par « de sorte que ». Énonçant la justice de Dieu (« tu es juste », « tu es irréprochable »), il s’oppose aux deux premiers où le psalmiste confesse son péché (« transgressions » de 5a, « péché » de 5b et 6a et « mal » de 6b). Les deux premiers segments sont liés par les termes médians, « mon péché » et « j’ai péché ». À noter la progression de 5 à 6ab : non seulement j’ai péché (« moi » et « devant moi » se trouvent en même position), mais encore mon péché est contre Dieu (« toi seul » et « à tes yeux » se trouvent en position identique). Le deuxième morceau (7-8) comprend deux segments bimembres : + 7 Voilà-que + et 8
– Voilà-que – et
dans la FAUTE dans le PÉCHÉ
j’ai été enfanté m’a conçu
ma mère.
la LOYAUTÉ dans l’intime
tu veux la SAGESSE
dans les reins tu m’enseignes.
Le psaume 51
119
L’unité de ce morceau est marquée par les termes initiaux « Voilà que » (7a.8a) ; en outre, les seconds membres commencent tous deux par « et dans » (7b.8b). « Faute » et « péché » (7) s’opposent à « loyauté » et « sagesse » (8) ; le même « dans » introduit le couple « faute » et « péché » (7) et le couple « les reins » et « l’intime » (8). À noter la progression entre les deux membres de 7 : le péché ne remonte pas seulement à la naissance (7a) mais jusqu’à la conception (7b) ; et de même entre les deux membres de 8 : non seulement Dieu « veut » la loyauté et la sagesse (8a), mais encore il les « enseigne » (8b). Étant donné le parallélisme des deux segments, il est légitime de se demander s’il n’existerait pas, outre l’opposition entre « faute » – « péché » et « loyauté – « sagesse », un autre rapport sémantique entre eux. Les deux segments mettent le psalmiste en relation avec deux personnages différents : sa « mère » (7), puis Dieu à qui il s’adresse (8). Si le psalmiste reconnait que son péché, la condition pécheresse de l’homme remonte à l’origine, c’est-à-dire au sein de sa mère (7), il reconnait aussi que tel n’est pas le désir de Dieu (8) ; ce que Dieu veut c’est une restauration qui, elle aussi, rejoigne l’individu à sa racine, au plus profond de son être, dans « ses reins ». Si le péché atteint l’homme à son origine, la source de « la loyauté » et de « la sagesse » est plus originelle encore, puisqu’elle est en Dieu. À moins de comprendre que les deux segments ne sont pas opposés mais complémentaires : « la loyauté » et « la sagesse » enseignées par Dieu pourraient consister justement dans le fait que l’homme reconnaisse qu’il est pécheur dès l’origine. Les deux morceaux forment une unité (5-8) de composition concentrique selon la formule AB // C // AB. En effet 7 correspond à 5 et 8 à 6ab : : 5 Car mes transgressions, : et mon péché devant moi toujours.
MOI, JE SAIS
= 6 Contre toi, toi-seul, j’ai péché = et le mal à tes yeux j’ai fait ····························································
de sorte que tu es juste dans ta parole, tu es irréprochable dans ton jugement. ····························································
: 7 Voilà que dans la faute j’ai été enfanté : et dans le péché m’a conçu ma mère. = 8 Voilà que la LOYAUTÉ tu veux dans les reins = et dans l’intime la SAGESSE TU ME FAIS-SAVOIR.
L’un des indices les plus forts de l’unité de ces versets est l’inclusion formée par « je sais » à la fin du premier membre (5a) et « tu me fais-savoir » à la fin du dernier membre (8b). Le mouvement est marqué par l’alternance des pronoms de première et de deuxième personne du singulier, ou plus exactement par la relation de ces pronoms. En 5 et 7, le « tu » est absent, mais alors qu’en 5 il n’est
120
La deuxième section (Ps 50–55)
question que du « je » du psalmiste, en 7 sa mère intervient : la conscience permanente du péché (« toujours », 5b) remonte jusqu’à l’origine (« m’a conçu ma mère », 7b). En 6ab et en 8, le « tu » (c’est-à-dire Dieu) est en relation avec le « je » du psalmiste, mais le mouvement est inverse : ce que l’homme a fait contre Dieu d’abord : « péché » et « mal » (6) ; ce que Dieu veut pour l’homme ensuite : « loyauté » et « sagesse » (8). Le dernier segment du verset 6 se trouve donc au centre3 : il énonce la justice du décret divin. Il semblerait que ce jugement porté par Dieu désigne le châtiment infligé au pécheur ; ce que devrait confirmer la suite du psaume. : 5 Car mes transgressions, : et mon péché devant moi toujours.
MOI, JE SAIS
= 6 Contre toi, toi-seul, j’ai péché = et le mal à tes yeux j’ai fait ····························································
de sorte que tu es juste dans ta parole, tu es irréprochable dans ton jugement. ····························································
: 7 Voilà que dans la faute j’ai été enfanté : et dans le péché m’a conçu ma mère. = 8 Voilà que la LOYAUTÉ tu veux dans les reins = et dans l’intime la SAGESSE TU ME FAIS-SAVOIR.
L’ensemble de la première partie (3-8) La seconde sous-partie (5-8) explicite les raisons de la demande qui la précède (3-4) : elle commence en effet avec « car » (5a). Alors que tous les verbes de la première sous-partie (3-4) sont à l’impératif, ceux de la deuxième sous-partie (58) sont à l’indicatif (soit inaccompli traduit par le présent, soit accompli traduit par le passé composé). Le premier terme qui désigne le tort commis par l’homme, « transgressions », dans le premier segment de la première sous-partie (3b) est repris au début de la deuxième sous-partie (5a) ; les deux termes suivants, « faute » et « péché » dans le deuxième segment de la première souspartie (4ab) sont repris ensemble et dans le même ordre au verset 7, soit au début du dernier morceau de la deuxième sous-partie ; « péché » revient deux autres fois dans la deuxième sous-partie : couplé avec « transgressions » en 5, et avec « mal » en 6ab. Les termes qui désignent le péché de l’homme s’opposent d’une part à la justice de Dieu (« juste » et « irréprochable » en 6cd) et d’autre part à ce que Dieu veut pour l’homme (« vérité » et « sagesse » en 8ab). On peut donc comprendre que ce qui est affirmé dès le début de la première sous-partie, à savoir que c’est Dieu seul qui peut donner le pardon, par sa 3
On ne doit pas s’étonner que la finale du premier morceau (6cd) se trouve occuper le centre de la construction. C’est là un phénomène fréquent dans les textes bibliques : voir Traité, 335-341.
Le psaume 51
121
« fidélité » et sa « miséricorde » (3), est repris et développé par la suite, dans la seconde sous-partie, puisque c’est lui qui donne « la sagesse » (8b). Le couple canonique « fidélité – loyauté » (ḥesed – ’emet, 3a.8a) encadre la partie4. + 3 Aie pitié de moi, Dieu, selon ta FIDÉLITÉ, + selon ta grande MISÉRICORDE efface mes transgressions ! = 4 Grandement lave-moi de ma faute, = et de mon péché purifie-moi ! – 5 CAR mes transgressions, moi, je sais – et mon péché (est) devant moi toujours. . 6 Contre toi, toi seul, j’ai péché . et le mal, à tes yeux j’ai fait, ····································································
: de sorte que tu es JUSTE dans ta parole, : tu es IRRÉPROCHABLE dans ton jugement. ····································································
– 7 Voici que dans la faute j’ai été enfanté – et dans le péché m’a conçu ma mère. . 8 Voici que la LOYAUTÉ tu veux dans les reins . et dans l’intime la SAGESSE tu me fais savoir.
LA DEUXIÈME PARTIE (10-14) La partie centrale du psaume comprend cinq segments organisés de manière concentrique. Le segment central (12) est encadré par deux morceaux formés chacun de deux segments bimembres (10-11 ; 13-14). Le premier morceau (10-11) comprend deux bimembres : - 10 Tu me feras-entendre - ils jubileront
allégresse les os
et joie, que tu broyas.
: 11 Cache : et toutes
ta face mes fautes
de mes péchés efface.
L’unité de ces deux segments ne s’impose pas avec la même force que celle du dernier morceau (13-14). Le seul rapport lexical est la ressemblance phonique des avant-derniers mots de chaque segment, ‘ăṣāmôt et ‘ăwōnôt (rendue approximativement dans la traduction par « les os » – « mes fautes »). Alors que les deux verbes principaux du premier segment sont à l’inaccompli, ceux du Voir Le Psautier. Premier livre, 321 ; sur la traduction de ḥesed we’ĕmet, voir Le Psautier. Cinquième livre, 123. 4
122
La deuxième section (Ps 50–55)
second sont à l’impératif. Le mouvement de ce morceau semble inversé : en effet, le pardon (11) devrait normalement précéder le don de la joie et la jubilation (10). Le morceau central ne comprend qu’un seul segment bimembre (12) : à part l’apostrophe centrale, « Dieu », les deux membres sont strictement parallèles. 12
Un cœur
pour moi,
pur CRÉE DIEU, RÉNOVE sûr
et un esprit
en mon sein.
Le dernier morceau (13-14) comprend deux segments bimembres : + 13 Tu ne rejetteras pas – et l’ ESPRIT de
- MOI ta sainteté
de devant la n’enlève pas de
face de TOI MOI.
+ 14 Fais-revenir pour – et d’un ESPRIT de
- MOI noblesse
l’allégresse du tu affermiras -
salut de TOI MOI.
Chaque segment comprend, aux extrémités, deux verbes, négatifs en 13, positifs en 14 ; les verbes extrêmes sont à l’inaccompli, les verbes centraux à l’impératif (en outre, les premiers verbes de chaque segment sont au hiphil). Les premiers membres s’achèvent avec le pronom suffixe de deuxième personne singulier ; les seconds commencent avec « esprit » suivi d’un complément et s’achèvent sur le pronom suffixe de première personne singulier. Ces trois morceaux (10-14) forment une partie de composition concentrique. :: 10 Tu feras-entendre :: jubileront – 11 Cache – et toutes
à moi les os
ALLÉGRESSE
et joie,
que tu broyas.
TA FACE
mes fautes
de mes péchés efface.
·········································································
Un cœur pur DIEU, et un esprit sûr
12
crée
pour moi,
rénove en mon sein.
········································································· 13 Tu ne me rejetteras pas de devant TA FACE
– – et l’esprit 14
:: Fais-revenir :: et d’un esprit
de ta sainteté
n’enlève pas de moi.
à moi de noblesse
l’ALLÉGRESSE tu m’affermiras.
de ton salut
— Marquant le début de 10 et 14, les deux occurrences de « allégresse » avec les syntagmes semblables qui les précèdent (« tu feras-entendre à moi » et « fais-
Le psaume 51
123
revenir à moi ») jouent le rôle de termes extrêmes5 ; les deux verbes finaux, « broyer » (10b) et « affermir » (14b) semblent opposés. — En 11 et 13, outre la récurrences de « ta face » dans les premiers membres, il faut noter la complémentarité des deux segments : le psalmiste demande d’abord d’être libéré de choses négatives (« péchés » et « fautes »), puis de ne pas être privé de choses positives (la présence « devant la face » de Dieu et « l’esprit de sa sainteté ») ; les verbes « cacher » et « effacer » (11), « rejeter » et « enlever » (13) sont synonymes, mais ils sont opposés par la négation. — Ces quatre segments commencent par un verbe au hiphil et leurs verbes au futur (10a.13a) et à l’impératif (11a.14a) alternent de manière parallèle. Alors que les segments extrêmes ont un caractère nettement positif, les segments 11 et 13 sont plutôt de type négatif : le psalmiste demande d’abord à Dieu de le délivrer de ses péchés (11), il supplie ensuite de ne pas être privé de sa présence et de son esprit (13). — Au centre (12), un segment tout à fait spécifique : c’est en effet le seul dont les deux membres soient construits en un parallèle strict, à part l’apostrophe « Dieu » qui occupe le centre du segment et donc aussi de toute la partie. « Esprit » au début du second membre du segment central (12c) est repris au début du second membre des deux segments suivants (13b.14b) ; « cœur » de 12a appartient au même champ sémantique que « os » (10b). Chacun de ces cinq segments est une supplique, mais le verset central se distingue des autres car c’est le seul où soit exprimée aussi clairement la demande d’une re-création. Le mouvement de cette partie semble centrifuge, du point de vue chronologique : la nouvelle création (12) qui doit abolir un passé de péchés et de fautes (11) mais ne doit pas être remise en cause par un nouveau péché qui causerait le rejet de Dieu et le retrait du nouvel esprit (13), cette nouvelle création causera joie et allégresse (10 et 14). Cette construction concentrique centrifuge ne doit pas cependant masquer une certaine progression entre les deux versants : en effet 10b fait référence au passé avec « les os que tu broyas », alors qu’en position symétrique (14b) il n’est plus question que du nouvel esprit donné depuis 12b ; quant à la complémentarité des versets 11 et 13, elle est aussi de type temporel, puisque si en 11 on demande l’abolition d’un passé de péchés, en 13 c’est de l’abolition d’un nouveau présent de sainteté que l’on demande d’être protégé.
On peut noter aussi l’inclusion (paronomastique) de tašmî‘ēnî et de tismekēnî que traduisent « tu me feras-entendre » et « tu m’assureras » 5
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La deuxième section (Ps 50–55)
LA TROISIÈME PARTIE (16-21) À la première partie du psaume correspond une dernière partie (16-21) de construction analogue. Elle comprend en effet deux sous-parties d’inégale longueur : la première (16-17) est de la taille d’un morceau, tandis que la seconde (18-21) est formée de trois morceaux. Comme dans la première partie (3-8), la deuxième sous-partie est introduite par « car ». La première sous-partie (16-17) + 16 Délivre-moi + Dieu = ACCLAMERA +
17
ADONAÏ, = et ma bouche
des sangs, de mon salut : ma langue
Dieu,
mes lèvres
tu ouvriras
ANNONCERA
TA LOUANGE.
TA JUSTICE.
La première sous-partie (16-17) comprend deux segments, un trimembre (16) et un bimembre (17). 16b est une expansion de l’apostrophe de 16a, « Dieu ». La « justice » de Dieu (16c) semble s’opposer aux « sangs » (16a) dont le psalmiste veut être délivré. Les premiers membres expriment tous deux une demande (bien qu’en 17a le verbe ne soit pas à l’impératif comme en 16a mais au futur) et ils comportent tous deux une apostrophe, « Dieu » et « Adonaï », dont le référent est le même. Les derniers membres (16c.17b) se répondent : les deux verbes sont synonymes ainsi que leurs sujets ; les compléments d’objet en revanche sont complémentaires, car la « louange » est la réponse de l’homme à la « justice » de Dieu. Étant donné le rapport étroit des derniers membres qui sont présentés comme la conséquence des premiers membres, la question se pose de savoir si les premiers membres (16a.17a) se répondent du point de vue sémantique, ou si 17a ne se rapporte qu’à 16c ; il faudra donc y revenir. La deuxième sous-partie (18-21) La deuxième sous-partie (18-21) est formée de trois morceaux organisés de manière concentrique. Le premier morceau (18-19) comprend deux segments. Le premier (18) est un bimembre à cinq termes de construction concentrique : + Car
TU NE VEUX
PAS
: de sacrifice, – si je (le) donne ; : un holocauste +
TU NE DÉSIRES
PAS
Le découpage adopté, qui coupe après « si je (le) donne », suit la ponctuation massorétique.
Le psaume 51
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Le segment suivant (19) qui comporte neuf termes pose un problème de découpage. Il peut être considéré comme un seul segment bimembre : . 19 Les sacrifices . un cœur brisé et broyé,
de DIEU, DIEU,
un esprit brisé ; tu ne méprises pas !
ou comme deux segments bimembres : + Les sacrifices + un esprit
à DIEU, brisé ;
+ un cœur + DIEU,
brisé et broyé, tu ne méprises pas !
Deux raisons militent en faveur de la première solution : tout d’abord c’est le choix de la ponctuation massorétique ; par ailleurs, ce verset ne comprend que deux phrases, ce qui est le cas du bimembre précédent. Ce segment est de construction concentrique : + LES SACRIFICES - à Dieu
-
: un esprit
BRISÉ
: un cœur
BRISÉ
; et broyé
Dieu
+ TU NE MÉPRISES PAS
Les mots extrêmes sont en rapport de paronomase (zibḥê au début et lō’ tibzeh à la fin6). Les deux occurrences de « Dieu » se trouvent en position symétrique. En termes médians enfin, le même « brisé » qualifie les quasi-synonymes « esprit » et « cœur ». Ces deux segments forment un seul morceau : + 18 Car TU NE VEUX PAS + un holocauste
de sacrifice,
= 19 Les sacrifices à = un cœur brisé et broyé,
Dieu, Dieu,
si je le donne,
TU NE DÉSIRES PAS.
un esprit brisé, TU NE MÉPRISES PAS.
Les trois verbes sont affectés de la négation ; cependant, le dernier s’oppose aux deux autres par le sens. « Sacrifice(s) » est repris dans les premiers membres ; « esprit brisé » et « cœur brisé et broyé » de 19 s’opposent à « sacrifice » et
6
De même, bien que de manière moins marquée, les termes finaux de chaque membre peuvent être dits en rapport de paronomase: nidkeh et tibzeh (« brisé » et « méprises »).
126
La deuxième section (Ps 50–55)
« holocauste » de 19. Les deux segments sont globalement opposés : le premier énonce ce que Dieu ne veut pas, le second ce qui lui plait. Le troisième morceau (21) ne comprend qu’un segment trimembre : + 21 Alors tu voudras = holocauste + Alors ils-feront-monter
des SACRIFICES et totale-oblation, sur TES AUTELS
de justice des taureaux.
Les membres extrêmes se répondent : ils commencent avec le même « alors » ; « sacrifices » et « autels » sont de même racine (zbḥ) ; le dernier membre est la réponse des fidèles à la volonté de Dieu exprimée dans le premier membre. Au centre (21b), un membre plus court où « holocauste » annonce le verbe du membre suivant, « monteront », qui est de même racine (‘lh). Le morceau central (20) ne comprend qu’un seul segment bimembre de construction parallèle qui ne requiert pas de commentaire, à ce niveau : : 20 FAIS DU BIEN : TU REBÂTIRAS
selon ton désir les murailles
à Sion ; de Jérusalem.
Les trois morceaux qui viennent d’être analysés forment une sous-partie de construction concentrique : + 18 Car TU NE VEUX PAS + un holocauste = 19 Les sacrifices de = un cœur brisé et broyé,
de sacrifice,
si je le donne,
TU NE DÉSIRES PAS.
Dieu, Dieu,
un esprit brisé, tu ne méprises pas.
···································································································· Fais du bien SELON TON DÉSIR à Sion ;
20
tu rebâtiras
les murailles
de Jérusalem.
····································································································
+ 21 Alors TU VOUDRAS = holocauste + Alors ils feront-monter
des sacrifices et totale-oblation ; sur tes autels
de justice, des taureaux.
« Tu ne veux pas de sacrifice » (18a) et « tu voudras des sacrifices » (21a) jouent le rôle de termes initiaux pour les morceaux extrêmes ; la même opposition négatif – positif se retrouve entre « tu ne désires pas » au début (18b) et « selon ton désir » au centre (20a). Les mots de la racine zbḥ (« sacrifice(s) » et « autels ») se trouvent deux fois dans le premier morceau (18a.19a) et deux fois dans le dernier morceau (21a.21c) ; les mots de la racine ‘lh (« holocauste » et « faire-monter ») reviennent une fois dans le premier morceau (18b) et deux fois dans le dernier (21a.21c). Ainsi, la symétrie entre 18-19 et 21, invite à comprendre que les « sacrifices de justice » (c’est-à-dire « sacrifices justes ») que veut le Seigneur (21a) s’opposent à ceux qu’il ne veut pas (18) parce qu’ils
Le psaume 51
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ne sont pas le signe du sacrifice intérieur du cœur et de l’esprit brisés (19). N’apparaissant qu’à la fin (21b), le terme « totale-oblation » (kālîl, de la racine kl = « tout », « entier », « total »), semble aller dans le même sens : la « totaleoblation » est celle qui unit la manifestation extérieure des sacrifices d’animaux à la disposition intérieure de celui qui les offre. Le morceau central (20) se distingue des deux autres dans la mesure où c’est le seul où n’apparait aucun des termes appartenant au champ sémantique des actes sacrificiels ; c’est aussi le seul qui soit une demande ; le seul aussi qui parle d’une action de Dieu, alors que les morceaux qui l’encadrent traitent des actions cultuelles des hommes. L’ensemble de la partie (16-21) Les deux sous-parties (16-17 ; 18-21) qui viennent d’être analysées à leurs divers niveaux d’organisation forment la dernière partie du psaume : – 16 Délivre-moi des sangs, Dieu, – Dieu de mon salut : = acclamera ma langue ta JUSTICE. ··································································
+ 17 Mon Dieu, mes lèvres tu ouvriras, = et ma bouche annoncera ta louange. – 18 Car tu ne veux pas de sacrifice si je l’offre ; – un holocauste tu ne désires pas. + 19 Les sacrifices de Dieu, c’est un esprit brisé ; + un cœur brisé et broyé, Dieu, tu ne méprises pas. ·······························································
: 20 Fais du bien selon ton désir à Sion ; : tu rebâtiras les murailles de Jérusalem. ·······························································
+ 21 Alors tu voudras des sacrifices de JUSTICE, + holocauste et totale-oblation ; + Alors ils feront-monter sur tes autels des taureaux.
La deuxième sous-partie commence avec « car » (18a), ce qui laisse entendre qu’elle va donner les raisons de la double demande (16a.17a) exprimée dans la première sous-partie ou en expliciter le sens. Tant que le psaume était attribué à David — coupable d’avoir versé le sang d’Urie —, le sens du mot « les sangs » (16a) était obvie : le roi demandait d’être absous de son crime. Depuis que l’attribution davidique est remise en question, le mot fait difficulté. Certains auteurs proposent de corriger la vocalisation du texte massorétique : ainsi Gunkel lit dumām (« silence ») au lieu de dāmîm (« les sangs »)7. La correction est tentante : le premier membre de 16 exprimerait de 7
H. GUNKEL, An Introduction to the Psalms, 160.
128
La deuxième section (Ps 50–55)
façon négative (« délivre-moi du silence ») ce que le premier membre de 17 dit de façon positive (« tu ouvriras mes lèvres ») et la logique du morceau serait tout à fait limpide8. Tournay9 adopte une solution plus radicale : il supprime le mot, et la métrique du texte originel est ainsi rétablie (les deux premiers membres de 16 redeviennent un seul membre : « Délivre-moi, ô Dieu mon sauveur »). Dans leur grande majorité cependant, les commentateurs s’efforcent d’interpréter le texte tel qu’il a été transmis, aussi bien par la Septante que par les Massorètes : dans la ligne de l’interprétation traditionnelle, certains comprennent que l’orant demande le pardon de Dieu pour un crime de sang qu’il aurait commis (« délivre-moi du sang que j’ai versé ») ; d’autres y voient la menace de mort sanglante que mériterait le psalmiste à cause de son péché (« ne permets pas que mon sang soit versé ») ; pour beaucoup, ces deux interprétations ne sont pas incompatibles10. Une autre interprétation est fondé sur le rapprochement avec Ez 3,1719 ; 33,7-9 : si le prophète manquait d’avertir le méchant de se détourner de sa voie mauvaise et que ce dernier meure à cause de son péché, c’est au prophète que Dieu demanderait compte de son sang11. Pour d’autres enfin il s’agit du sang des sacrifices dont il va être question par la suite12. La cohérence de la dernière partie pourrait inciter à privilégier cette dernière interprétation : en effet il n’est plus du tout question de péché dans cette dernière partie, mais seulement de sacrifices, ceux que Dieu ne veut pas (18), puis ceux qui lui sont agréables (19.21). Il est donc possible de voir, entre 16a et 17a, une opposition semblable à celle que l’on trouvera, dans le même ordre, entre les versets 18 et 19 : le « salut » du psalmiste (16b) ne résultera pas du sang des victimes animales qu’il pourrait offrir (16a) mais de l’action de Dieu qui lui ouvrira « les lèvres » (17a) ; comme si ses lèvres étaient non seulement closes mais soudées, incirconcises (Ex 6,12.30). Ainsi, « sangs » du début de la première sous-partie (16a) appartient au même champ sémantique que « sacrifices » (18a.19a.21a ; et « autels » en 21c, de la racine zbḥ = « égorger »), « holocauste » (18b.21b et « feront-monter » de 21c), « totale-oblation » (21b) et « taureaux » (21c)13 dans la deuxième sous-partie ; de manière complémentaire, « lèvres » dans le second segment de la première sous-partie (17a, auquel font M. Dahood (II, 8) pour sa part lit dammīm, « les larmes de la mort ». R. TOURNAY, Les Psaumes, 18 ; L. JACQUET, Les Psaumes et le Cœur de l’homme, 158. 10 Ravasi, II, 55. Pour A. Hakham (I, 301-302).il s’agit de la vengeance du sang que mérite un crime de sang. 11 J. GOLDINGAY, « Psalm 51,16a (English 51,14a) », 388-390. 12 « Rien ne nous permet, dans le texte, de penser à un meurtre [...]. Rien ne nous permet de croire que le psalmiste est menacé de la peine de mort [...]. Une solution nous reste, qui consiste à relier ce sang (nous avons d’ailleurs le pluriel) à celui des sacrifices que l’auteur était tenu d’apporter pour obtenir sa réintégration » (A. MAILLOT – A. LELIÈVRE, Les Psaumes, II, 25). La seule difficulté est que, au pluriel, « sangs » ne désigne jamais le sang des sacrifices, mais toujours la mort violente. 13 On pourrait noter un rapport sonore entre dāmîm (« sangs ») et pārîm (« taureaux ») en termes extrêmes (16a.21c), d’autant plus que ce sont les seuls mots de ce schème vocalique dans toute la partie. 8 9
Le psaume 51
129
écho « langue » en 16c et « bouche » en 17b) appartient au même champ sémantique que « esprit » et « cœur » de 19 ; l’ouverture de la bouche par la circoncision des lèvres (17) renvoie donc à l’« esprit brisé » et le « cœur brisé et broyé » de 1914. – 16 Délivre-moi des sangs, Dieu, – Dieu de mon salut : = acclamera ma langue ta JUSTICE. ··································································
+ 17 Mon Dieu, mes lèvres tu ouvriras, = et ma bouche annoncera ta louange. – 18 Car tu ne veux pas de sacrifice si je l’offre ; – un holocauste tu ne désires pas. + 19 Les sacrifices de Dieu, c’est un esprit brisé ; + un cœur brisé et broyé, Dieu, tu ne méprises pas. ·······························································
: 20 Fais du bien selon ton désir à Sion ; : tu rebâtiras les murailles de Jérusalem. ·······························································
+ 21 Alors tu voudras des sacrifices de JUSTICE, + holocauste et totale-oblation ; + Alors ils feront-monter sur tes autels des taureaux.
Bien que de façon indirecte, la première sous-partie met en scène un troisième personnage, outre le psalmiste et Dieu : ceux à qui sera annoncée la louange de Dieu (16c et surtout 17b) et qui ne peuvent être qu’un groupe. Le seul endroit de la deuxième sous-partie où réapparaisse la mention d’un groupe est le morceau central, avec « Sion » et « Jérusalem » (20). De même que la première sous-partie comporte deux demandes, la première à l’impératif (« délivre-moi » en 16a), l’autre au futur (« tu ouvriras » en 17a), ainsi les deux membres du verset central de la seconde sous-partie commencent par une demande, la première à l’impératif (« fais du bien » en 20a) et l’autre au futur (« tu rebâtiras » en 20b). À noter en outre la reprise de « Dieu » (deux fois dans le premier segment de la première sous-partie en 16ab et deux fois dans le premier morceau de la seconde sous-partie en 19) ainsi que celle de « justice » en termes médians des segments extrêmes (16c.21a).
14
Il est possible que l’ambiguïté du terme « sangs » soit voulue ; dans cette hypothèse, elle devrait être respectée. De toute façon, il s’agit toujours de la mort et d’une mort violente.
130
La deuxième section (Ps 50–55)
L’ENSEMBLE DU PSAUME (3-21) Le Ps 51 comprend cinq parties organisées de façon concentrique : les trois parties analysées jusqu’ici sont reliées par deux autres parties beaucoup plus courtes, de la taille d’un seul segment bimembre (9 et 15). Les rapports entre les parties extrêmes (3-8 ; 16-21) La première et la dernière partie sont de même longueur (14 membres chacune) et de facture identique. — Les premières sous-parties (3-4 ; 16-17) sont brèves : quatre membres pour l’une, cinq pour l’autre ; elles sont toutes deux de la taille d’un morceau formé de deux segments. Elles expriment une demande (quatre impératifs en 3-4 ; un impératif en 16c et un futur de sens impératif en 17a), adressée à « Dieu » (3a.16a ; c’est la seule occurrence de cette apostrophe dans la première partie, mais dans la dernière partie, elle reparaitra aussi en 19b). — Les deuxièmes sous-parties sont plus étoffées : dix membres pour l’une, neuf pour l’autre ; elles sont formées de trois morceaux organisés de manière concentrique, autour de 6cd pour l’une, autour de 20 pour l’autre. « Car » (qui ne se retrouve nulle part ailleurs dans le psaume) explicite les raisons de la demande exprimée dans les premières sous-parties et joue le rôle de termes initiaux (5a.18a). La reprise du même verbe, au début de leurs derniers versets (« tu veux » en 8a et « tu voudras » en 21a), dont les compléments peuvent être dits synonymes (« loyauté » et « justice ») joue le rôle de termes finaux. « Tu-esjuste » au centre de 5-8 (6c) et « justice » aux extrémités de la dernière partie (16b.21a) occupent des positions stratégiques. La première partie est marquée par la longue liste des « péchés » (4b.5b. 6a.7b) et de ses synonymes (« transgressions », 3b.5a ; « faute », 4a.7a ; « mal », 6b), la dernière partie l’est par « sacrifice » (18a.19a.21a) et ses synonymes (« holocauste », 18b.21a ; « totale-oblation », 21b ; plus « feront-monter » qui est de même racine que « holocauste », « autels » qui est de même racine que « sacrifice » et enfin « taureaux » (21c ; et même « sangs » de 16a). Ces deux champs sémantiques sont culturellement corrélés car la Loi prévoit des sacrifices pour le péché (Lv 4–6). Dans ce psaume aussi ils sont corrélés formellement : la première partie demande la délivrance du péché (dès le verset 3) et la dernière partie (si l’interprétation retenue plus haut pour le 16 est fondée) la délivrance « des sangs », c’est-à-dire des sacrifices non agréables à Dieu. La « volonté » de Dieu (à la fin des deux parties : 8.21), semble viser la même chose : « la loyauté » et « la sagesse » que Dieu est dit « vouloir » en 8 consistent non seulement dans l’aveu du péché de l’homme (3-6.7) mais aussi, et peutêtre surtout, dans la confession de la « justice » de Dieu sur laquelle est centrée la sous-partie 5-8 ; les « sacrifices » que Dieu est dit « vouloir » en 21 sont des sacrifices « de justice », cette même « justice » que l’on trouvait déjà au début de la dernière partie (16b), attribuée à Dieu.
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+ 3 Aie pitié de moi, DIEU, selon ta fidélité, + selon la grandeur de ta miséricorde efface mes transgressions ! + 4 Grandement lave-moi de ma faute, + et de mon péché purifie-moi ! : 5 CAR mes transgressions, moi, je sais : et mon péché devant moi toujours. = 6 Contre toi, toi seul, j’ai péché = et le mal à tes yeux je l’ai fait, ····································································· de sorte que TU-ES-JUSTE dans ta parole,
que tu es irréprochable dans ton jugement. ·····································································
: 7 Voici que dans la faute j’ai été enfanté : et dans le péché m’a conçu ma mère. = 8 Voici que la LOYAUTÉ TU VEUX dans les reins = et dans l’intime la sagesse tu me fais-savoir. [...] + 16 Délivre-moi des sangs, DIEU, + DIEU de mon salut : – acclamera ma langue ta JUSTICE. + 17 Adonaï, mes lèvres tu ouvriras, – et ma bouche annoncera ta louange. : 18 CAR tu ne veux pas de sacrifice, si je l’offre, : un holocauste, tu ne le désires pas. = 19 Les sacrifices de Dieu, un esprit brisé ; = un cœur brisé et broyé, DIEU, tu ne méprises pas ! ····································································· 20
Fais du bien selon ton désir à Sion, tu rebâtiras les murailles de Jérusalem. ·····································································
: 21 Alors TU VOUDRAS des sacrifices de JUSTICE, = holocauste et offrande-totale ; : Alors ils feront-monter sur tes autels des taureaux.
De par leur position symétrique, les centres des sous-parties 5-8 et 18-21 doivent aussi être en relation de sens. La prière du verset 20 suggère de comprendre la confession du juste « jugement » de Dieu de 6cd comme le mal qui s’abattit sur Sion quand furent détruites les murailles de Jérusalem.
132
La deuxième section (Ps 50–55)
Les segments de reliure (9 et 15) • 9 TU M’ÔTERAS-LE-PÉCHÉ • TU ME LAVERAS,
avec l’hysope et plus que la neige
et je serai pur, je serai blanc !
aux transgresseurs vers toi
REVIENDRONT
[...]
• 15 J’ENSEIGNERAI • ET LES PÉCHEURS
tes voies !
Ces deux segments n’ont qu’un mot de même racine en commun, « tu m’ôteras-le-péché » et « les pécheurs », mais ils se trouvent en position symétrique au début des membres extrêmes (9a.15b). Tous leurs verbes sont à l’inaccompli (traduit par le futur). Au verset 9, en relation avec le « tu » de Dieu (deux fois au début de chaque membre), la première personne du singulier revient quatre fois (« tu m’ôteras-le-péché », « je serai-pur », « tu me laveras », « je serai-blanc »). Au verset 15 la première personne n’est reprise qu’une seule fois (« j’enseignerai ») ; en revanche, intervient pour la première fois le pluriel des « transgresseurs » et des « pécheurs », en relation avec Dieu (deux fois : « tes voies » et « vers toi »). La structure logique de ces segments est tout à fait semblable : une action future, suivie de sa conséquence (dans chacun des deux membres de 9 qui comprennent deux phrases ; d’un membre à l’autre en 15). Le même mouvement se retrouve d’un segment à l’autre : l’action du psalmiste (15) est la conséquence de celle de Dieu à son égard (9) ; de manière plus précise, ce que Dieu a fait pour le psalmiste (sa purification du péché) entrainera une action analogue de sa part, puisqu’il aidera les pécheurs à revenir vers Lui. La fonction de ces deux segments est d’assurer la reliure entre les trois autres parties du psaume. — La demande de 9 fait écho à celle du début de la première partie ; les liens lexicaux sont particulièrement fort avec le second segment (4) : « péché » (4b.9a), « lave-moi » (4a) et « tu me laveras » (9b), « purifie-moi » (4b) et « je serai pur » (9a) ; les mots de la racine de « péché » reviennent six fois dans le premier versant du psaume (4b.5b.6a.7b.9a.11a). — De manière symétrique, la promesse de 15 annonce le début de la dernière partie : en effet, 16c et 17b font écho à 15a : le pécheur pardonné « enseignera » (15a), sa « langue acclamera » (16c), sa « bouche annoncera » (17b) la « louange » (17b), la « justice » (16c), les « voies » (15a) de Dieu. — « Je serai pur » de 9a est repris par « cœur pur » dans le premier membre du verset central (12a) ; de manière analogue, on pourra voir une relation entre « j’enseignerai » de 15a et « souffle » dans le second membre du verset central (12c : traduit jusqu’ici par « esprit ») ; ce mot sera repris trois fois dans le second versant du psaume (13b.14b.19a). — À noter en outre que « reviendront » à la fin de 15 fait écho à « fais-revenir » du début du verset précédent (14a).
Le psaume 51 1
Du maitre-de-chant, psaume, de David,
2
quand vint vers lui le prophète Nathan, après qu’il fut venu vers Bethsabée.
3
Aie pitié de moi, DIEU, selon ta fidélité, selon la grandeur de ta miséricorde efface mes TRANSGRESSIONS ! = 4 Grandement lave-moi de MA FAUTE, = et de MON PÉCHÉ purifie-moi ! 5
Car mes TRANSGRESSIONS, moi, je sais et MON PÉCHÉ devant moi toujours. 6 Contre toi, toi seul, J’AI PÉCHÉ et ce qui est mal à tes yeux j’ai fait, de sorte que tu es juste dans ta parole, que tu es irréprochable dans ton jugement. 7 Voici que dans LA FAUTE j’ai été enfanté et dans LE PÉCHÉ m’a conçu ma mère. 8 Voici que la loyauté tu veux dans les reins et dans l’intime la sagesse tu me fais-savoir. = 9 TU M’ÔTERAS LE PÉCHÉ avec l’hysope, et je-serai-pur ; = tu-me-laveras, et plus que la neige je serai blanc ! 10
Tu me feras entendre allégresse et joie, jubileront les os que tu broyas ! 11 Cache ta face de MES PÉCHÉS et toutes MES FAUTES efface-les ! = 12 Un cœur pur crée pour moi, DIEU, + et un souffle sûr rénove en mon sein. 13 Tu ne me rejetteras pas de devant ta face et le souffle de ta sainteté n’enlève pas de moi. 14 FAIS-REVENIR pour moi l’allégresse de ton salut et d’un souffle de noblesse tu m’affermiras. + 15 J’enseignerai aux TRANSGRESSEURS tes voies + ET LES PÉCHEURS vers toi REVIENDRONT ! 16
Délivre-moi des sangs, DIEU, DIEU de mon salut : + acclamera ma langue ta justice. 17 Adonaï, mes lèvres tu ouvriras, + et ma bouche annoncera ta louange. 18
Car tu ne veux pas de sacrifice, si je l’offre, un holocauste, tu ne le désires pas. 19 Les sacrifices de DIEU, un souffle brisé ; un cœur brisé et broyé, DIEU, tu ne méprises pas ! 20 Fais du bien selon ton désir à Sion, tu rebâtiras les murailles de Jérusalem. 21 Alors tu voudras des sacrifices de justice, holocauste et offrande-totale ; Alors ils feront-monter sur tes autels des taureaux.
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134
La deuxième section (Ps 50–55)
Le retournement au centre du psaume Les mots de la racine de « péché » (4b.5b.6a.7b.9a.11a) ainsi que leurs synonymes, « transgressions » (3b.5a), « faute(s) » (4a.7a.11b), « mal » (6b) se référant au psalmiste ne sont utilisés que dans le premier versant du psaume, c’est-à-dire jusqu’en 11, avant le centre de la partie centrale (12) ; après quoi ils ne reparaitront plus, si ce n’est avec « transgresseurs » et « pécheurs » de 15 qui ne désignent plus cependant le psalmiste mais ceux qu’il fera revenir par son enseignement. Comme si, à partir du centre, le péché du psalmiste était vraiment « effacé » (11b)15. En opposition au péché, le second versant est marqué par la « sainteté » de Dieu (13b), la « noblesse » (14b), toutes deux communiquées à « l’esprit » de l’homme recréé, par le « salut » de Dieu (14a.16b)16, par sa « justice » (16c) à laquelle répond sa « louange » (17b) et en finale la « justice » de l’homme (21a). Il faut cependant ajouter que la « fidélité » et la « miséricorde » de Dieu étaient présentes dès le début (3). À noter enfin que « totale-oblation » (kālîl) à la fin du second versant (21b) correspond à « toutes » (kol) à la fin du premier versant (11b) ; ce sont les seuls mots de cette racine (kl) dans le psaume. Les rapports entre les parties extrêmes et la partie centrale Toute la partie centrale (10-14) est une prière, comme le début des parties extrêmes (3-4 et 16-17). Il faut cependant noter que, dans le reste du psaume, deux autres versets expriment aussi une demande : le verset 9 dans le premier versant et le verset 20 dans le second versant ; ces deux prières sont faites par le même personnage, mais en 9 le psalmiste demande quelque chose pour lui-même, tandis qu’en 20 sa prière vise la collectivité. — Les deux membres du segment central semblent renvoyer, le premier au premier versant du psaume, le second au second versant. En effet, « souffle » qui apparait pour la première fois en 12b sera repris trois fois dans le second versant (13b.14b.19a) ; quant à « cœur » dont c’est aussi la première apparition en 12a, il appartient au même champ sémantique que les trois mots « reins » (8a), « intime » (8b) et « os » (10b) dans le premier versant17 ; à noter que les deux mots « cœur » et « esprit » seront repris ensemble en 19. En outre, « pur » de 12a reprend « serai-pur » de 9 et « purifie-moi » de 4 (ces mots ne reparaitront plus par la suite), tandis que « sûr » semble explicité dans la suite du texte par les expansions qui qualifient « souffle » (« ta sainteté » en 13b et « noblesse » en 14b) et opposé pour finir à « brisé » en 19a. Enfin, « crée » de 12a peut être mis en relation avec « enfanter » et « concevoir » de 7, tandis que « rénove » de 12b annonce « rebâtis » de 20b. 15 Ce dernier mot fait inclusion pour le premier versant (fin 3 et 11); il est accompagné du couple « faute » – « péché » (en 4 et, en ordre inverse, en 11). 16 Les deux occurrences de « salut » jouent le rôle de termes médians à distance qui agrafent la partie centrale et la dernière partie. 17 Le rapport entre « cœur » et « os » est confirmé du fait que « broyé » qualifie le « cœur » en 19b et les « os » en 10b.
Le psaume 51 1
Du maitre-de-chant, psaume, de David,
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quand vint vers lui le prophète Nathan, après qu’il fut venu vers Bethsabée.
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Aie pitié de moi, DIEU, selon ta fidélité, selon la grandeur de ta miséricorde efface mes TRANSGRESSIONS ! = 4 Grandement lave-moi de MA FAUTE, = et de MON PÉCHÉ purifie-moi ! 5
Car mes TRANSGRESSIONS, moi, je sais et MON PÉCHÉ devant moi toujours. 6 Contre toi, toi seul, J’AI PÉCHÉ et ce qui est mal à tes yeux j’ai fait, de sorte que tu es juste dans ta parole, que tu es irréprochable dans ton jugement. 7 Voici que dans LA FAUTE j’ai été enfanté et dans LE PÉCHÉ m’a conçu ma mère. 8 Voici que la loyauté tu veux dans les reins et dans l’intime la sagesse tu me fais-savoir. = 9 TU M’ÔTERAS LE PÉCHÉ avec l’hysope, et je-serai-pur ; = tu-me-laveras, et plus que la neige je serai blanc ! 10
Tu me feras entendre allégresse et joie, jubileront les os que tu broyas ! 11 Cache ta face de MES PÉCHÉS et toutes MES FAUTES efface-les ! = 12 Un cœur pur crée pour moi, DIEU, + et un souffle sûr rénove en mon sein. 13 Tu ne me rejetteras pas de devant ta face et le souffle de ta sainteté n’enlève pas de moi. 14 FAIS-REVENIR pour moi l’allégresse de ton salut et d’un souffle de noblesse tu m’affermiras. + 15 J’enseignerai aux TRANSGRESSEURS tes voies + ET LES PÉCHEURS vers toi REVIENDRONT ! 16
Délivre-moi des sangs, DIEU, DIEU de mon salut : + acclamera ma langue ta justice. 17 Adonaï, mes lèvres tu ouvriras, + et ma bouche annoncera ta louange. 18
Car tu ne veux pas de sacrifice, si je l’offre, un holocauste, tu ne le désires pas. 19 Les sacrifices de DIEU, un souffle brisé ; un cœur brisé et broyé, DIEU, tu ne méprises pas ! 20 Fais du bien selon ton désir à Sion, tu rebâtiras les murailles de Jérusalem. 21 Alors tu voudras des sacrifices de justice, holocauste et offrande-totale ; Alors ils feront-monter sur tes autels des taureaux.
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La deuxième section (Ps 50–55)
Ainsi, le centre de la partie centrale (12) est en relation avec le centre de la dernière sous-partie (20) : à la demande d’une rénovation personnelle de la part du psalmiste (12) correspond en effet la requête d’une reconstruction de Jérusalem (20), c’est-à-dire d’une restauration générale, d’un rétablissement de la nation entière dont la capitale est le cœur et le symbole. Si l’interprétation de 6cd avancée plus haut — à savoir que ce segment fait allusion au châtiment, au « jugement » collectif de la destruction des murailles de Jérusalem —, les trois centres, celui de la sous-partie 5-8 (6cd), celui de la sous-partie 18-21 (20) et celui de la partie centrale 12 forment système : ce que Dieu a détruit à cause du péché (6cd), il peut le rebâtir (20), grâce à une nouvelle création (12). Le jeu entre la première personne de l’orant et le pluriel de la ville et donc du pays entier laisse entendre que le psalmiste parle en son nom propre ainsi qu’au nom de tous les membres du peuple. La figure très régulière formée par les occurrences de l’apostrophe « Dieu » confirme la composition du psaume : en effet, elle apparait dans le premier membre de la première partie (3a) et dans le premier membre de la dernière partie (16c) ainsi qu’au centre du segment central de la partie centrale (12b). À noter toutefois une sorte de progression dans la mesure où elle est redoublée dans la dernière partie car elle réapparait en 19b ; ce redoublement est même redoublé car le nom « Dieu » est répété aussi bien dans les deux membres de 19 que dans les deux premiers membres de 16. La régularité de la composition ainsi que l’équilibre des masses (14 membres pour les parties extrêmes, 14 aussi pour la partie centrale et les deux segments de reliure) sont un gage que la construction du psaume a bien été identifiée. Il n’est pas besoin de souligner la beauté de cette figure, à la fois si simple et si élaborée. La clé de voûte du psaume se trouve au centre de la partie centrale (12) ; là se trouve l’idée qui fait tenir ensemble, qui articule tous les éléments du psaume. En deux mots, le thème de la création nouvelle que réclame le psalmiste (12) est commandé par un passé de péché, de châtiment et finalement de mort (3-11) et il appelle un futur de justice, de reconstruction et de vie (15-21). Comme les Ps 22 ; 41 ; 67 ; 96 et 145 le Ps 51 est un cas de « composition elliptique », les parties appelées jusqu’ici « segments de reliure » remplissant la fonction des deux foyers de la construction18. Ces deux foyers sont aussi en relation avec le centre de la partie centrale, comme on l’a vu (p. 132).
18
Voir R. MEYNET, « Une nouvelle figure : la composition à double foyer ».
Le psaume 51 1
Du maitre-de-chant, psaume, de David,
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quand vint vers lui le prophète Nathan, après qu’il fut venu vers Bethsabée.
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Aie pitié de moi, DIEU, selon ta fidélité, selon la grandeur de ta miséricorde efface mes TRANSGRESSIONS ! = 4 Grandement lave-moi de MA FAUTE, = et de MON PÉCHÉ purifie-moi ! 5
Car mes TRANSGRESSIONS, moi, je sais et MON PÉCHÉ devant moi toujours. 6 Contre toi, toi seul, J’AI PÉCHÉ et ce qui est mal à tes yeux j’ai fait, de sorte que tu es juste dans ta parole, que tu es irréprochable dans ton jugement. 7 Voici que dans LA FAUTE j’ai été enfanté et dans LE PÉCHÉ m’a conçu ma mère. 8 Voici que la loyauté tu veux dans les reins et dans l’intime la sagesse tu me fais-savoir. = 9 TU M’ÔTERAS LE PÉCHÉ avec l’hysope, et je-serai-pur ; = tu-me-laveras, et plus que la neige je serai blanc ! 10
Tu me feras entendre allégresse et joie, jubileront les os que tu broyas ! 11 Cache ta face de MES PÉCHÉS et toutes MES FAUTES efface-les ! = 12 Un cœur pur crée pour moi, DIEU, + et un souffle sûr rénove en mon sein. 13 Tu ne me rejetteras pas de devant ta face et le souffle de ta sainteté n’enlève pas de moi. 14 FAIS-REVENIR pour moi l’allégresse de ton salut et d’un souffle de noblesse tu m’affermiras. + 15 J’enseignerai aux TRANSGRESSEURS tes voies + ET LES PÉCHEURS vers toi REVIENDRONT ! 16
Délivre-moi des sangs, DIEU, DIEU de mon salut : + acclamera ma langue ta justice. 17 Adonaï, mes lèvres tu ouvriras, + et ma bouche annoncera ta louange. 18
Car tu ne veux pas de sacrifice, si je l’offre, un holocauste, tu ne le désires pas. 19 Les sacrifices de DIEU, un souffle brisé ; un cœur brisé et broyé, DIEU, tu ne méprises pas ! 20 Fais du bien selon ton désir à Sion, tu rebâtiras les murailles de Jérusalem. 21 Alors tu voudras des sacrifices de justice, holocauste et offrande-totale ; Alors ils feront-monter sur tes autels des taureaux.
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La deuxième section (Ps 50–55)
CONTEXTE19 DE DAVID... Suivant le titre du psaume, l’interprétation traditionnelle a vu dans ce poème la prière de David après qu’il eût fait tuer Urie, le mari de la femme qu’il avait séduite et qui était enceinte de lui et que le prophète Nathan, envoyé par Dieu, l’eût amené à reconnaitre son péché (2S 11–12) ; dans le deuxième livre de Samuel, après la longue accusation de Dieu (12,7-12), la confession du roi est réduite à l’essentiel : « J’ai péché contre le Seigneur » (12,13 qui rappelle Ps 51,6a) ; elle fait écho à l’accusation de Dieu : « Pourquoi as-tu méprisé la parole de Dieu en faisant ce qui est mal à ses yeux ? » (12,9 qui rappelle Ps 51,6b). Cette confession avait été précédée par le jugement que David avait porté contre le coupable à l’issue de la parabole de Nathan : « Aussi vrai que le Seigneur est vivant, cet homme mérite la mort » (2S 12,5). Bien que, en particulier à cause des deux derniers versets, le psaume soit beaucoup plus tardif, le thème du péché qui conduit à la mort — celle de la victime Urie, celle que mériterait le coupable David et que Dieu lui épargnera (12,13 : « De son côté, Dieu pardonne ton péché, tu ne mourras pas »), celle enfin de l’enfant qui naitra de l’union adultère du roi et de Bethsabée — est central dans la thématique du psaume20. Tardif, le titre n’en est pas moins significatif d’un autre point de vue aussi. En effet, il interprète le psaume comme la supplication d’un personnage qui ne parle pas seulement en son nom propre mais aussi de tout le peuple que, tel un roi, il représente. En effet, implorant la reconstruction de Jérusalem (20) après avoir reconnu la justice du jugement de Dieu (6cd), ce personnage demande « un esprit de noblesse » (ou « un esprit princier ») pour pouvoir remplir la fonction de guide qui est celle du roi (15.16-17). « AVANT MÊME DE TE FORMER AU VENTRE » (JR 1,5) Les deux segments de Ps 51,7-8 opposent l’origine pécheresse de l’homme qui remonte avant même sa naissance, jusqu’à sa conception (7), et le désir plus originel encore de Dieu qui veut pour l’homme la loyauté et la sagesse (8). Bien que dans un contexte différent, le thème du désir de Dieu qui précède l’origine de l’homme se retrouve dans le récit de la vocation de Jérémie, avec la même complémentarité entre les deux étapes de la conception et de la naissance : « Avant même de te former au ventre maternel, je t’ai connu ; avant même que tu sois sorti du sein, je t’ai consacré ». Ce thème s’oppose à celui du péché qui conduit à la mort.
19
C’est par cette étape que commence l’article de L. MONLOUBOU, « Psaume 51 », 686-687. Pour une attribution du psaume à David, voir M. GOULDER, The Prayers of David (Psalms 51-72), 51-69. Cet auteur pense que la peine capitale que, selon la Loi, méritait le roi fut commuée en une condamnation à la fustigation (d’où les « os brisés » de 10b) et à l’ingestion d’une décoction d’hysope (9a). 20
Le psaume 51
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L’HYSOPE Cette plante servait de goupillon pour les aspersions rituelles, soit de sang soit d’eau. Selon Ex 12,22, c’est avec un bouquet d’hysope trempé dans le sang de l’agneau pascal que les israélites devaient asperger le linteau et les montants de leur porte, pour être épargnés par l’ange exterminateur. La purification du lépreux se faisait par aspersion avec l’hysope trempé dans le sang d’un oiseau immolé au-dessus de l’eau courante (Lv 14) ; les sacrifices liés à la purification du lépreux sont liés au sacrifice pour le péché (Lv 14,13) et le rituel s’achève par un sacrifice pour le péché (Lv 14,19). L’homme qui avait contracté une impureté par le contact avec un cadavre devait être purifié par une aspersion d’eau avec l’hysope (Nb 19,18). Ces rites sont liés à la mort ou à la menace de mort. Même la purification du lépreux n’est pas exempte de cette connotation : « Totalement impur et porteur redoutable d’impureté, le lépreux est considéré somme toute comme un mort : sa présence est génératrice d’impuretés au même titre que celle d’un cadavre ! »21. IS 1 ET PS 51 La plupart des commentateurs soulignent la parenté entre Ps 51,18-19 et Is 122. Le genre littéraire du Ps 51 et celui du premier chapitre d’Isaïe sont bien différents : le premier en effet est une prière adressée par l’homme à Dieu, tandis que le second est une accusation que Dieu porte contre son peuple. Les rapports entre les deux textes sont cependant très étroits. — Au début de son accusation, Dieu utilise pour qualifier son peuple les mêmes termes que le psalmiste emploie pour reconnaitre son péché : « ils se sont révoltés contre moi »23 (Is 1,2) ; « nation pécheresse, peuple coupable24, race de malfaiteurs »25 (Is 1,4). — Dieu constate ensuite l’état dans lequel a été réduit le pécheur : à la description métaphorique (5-6) du corps d’un homme « broyé »26, dont le « cœur » est malade (5), fait suite celle du pays détruit et en particulier de « la fille de Sion » dévastée (7-9). Dans le Ps 51 aussi la blessure de l’individu est la même que celle de tout le pays. — Puis c’est une longue diatribe (Is 1,10-16) contre les « sacrifices » et les « holocaustes » que Dieu « n’agrée pas » (11), parce que leurs « mains sont pleines de sangs » (15). — C’est enfin un appel à la purification, avec une expression semblable à celle de Ps 51,9 : « Quand vos péchés seraient comme l’écarlate, comme neige ils blanchiront » (Is 1,18). 21
Voir A. PAUL, « La guérison d’un lépreux, approche d’un récit de Mc (1,40-45) », 602. Voir, par ex., Ravasi, II, 56. 23 Le verbe est de même racine que les substantifs du psaume qui ont été traduits par « transgressions » en 3 et 5, « transgresseurs » en 15. 24 Le mot est de même racine que « faute » en Ps 51,4.7.11. 25 Le mot est de même racine que « le mal » en Ps 51,6. 26 Ce verbe qui revient deux fois dans le Ps 51 (10b et 19b) est utilisé deux fois aussi en Is 1 : sous forme verbale en 5 (« Où frapper encore...? », sous forme nominale en 6 : « Ce n’est que blessures... »). 22
140
La deuxième section (Ps 50–55)
Cependant le contexte le plus immédiat et le plus significatif du Ps 51 est le psaume immédiatement précédent, comme on le verra au niveau de la séquence qu’ils forment ensemble. « JE VOUS DONNERAI UN CŒUR NOUVEAU... » (EZ 36,26) Le chapitre 6 d’Ézéchiel annonce non seulement la destruction et la déportation d’Israël mais aussi le repentir des survivants : Alors vos survivants se souviendront de moi, parmi les nations où ils seront captifs, eux dont j’aurai brisé le cœur prostitué qui m’a abandonné, et les yeux qui se prostituent après leurs ordures. Ils éprouveront du dégoût pour eux-mêmes à cause de tout le mal qu’ils ont fait par leurs abominations (6,9).
Le chapitre 36 annonce que le peuple qui avait été déporté à cause de son péché (16-19) sera purifié et recevra un cœur et un esprit nouveaux (comme au centre du Ps 51) : Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés ; de toutes vos souillures et de toutes vos ordures je vous purifierai. Et je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau, j’ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai mon esprit en vous... (25-27).
Il annonce qu’il reviendra dans son pays dont les villes seront reconstruites (10.3336 ; voir aussi Ez 11,19). Il s’agit en somme de la nouvelle alliance, comme pourrait le laisser entendre le verbe traduit par « rénove » au centre du psaume27. LE SACRIFICE DE L’ALLIANCE Il pourrait sembler étrange que le Psaume 51 qui met tellement en valeur l’intériorisation des sacrifices s’achève sur le mot « taureaux ». Le vocabulaire du dernier membre (21c) rappelle le sacrifice de l’alliance mosaïque conclue dans le sang des taureaux au pied de la montagne du Sinaï : « [Moïse] envoya de jeunes israélites offrir en holocaustes et immoler en sacrifices de communion au Seigneur de jeunes taureaux » (Ex 24,5). Dans l’accusation du Ps 50, Dieu fait référence par deux fois à l’alliance (5.16) scellée par un « sacrifice » (5) ; le même mot « taureau » se retrouve en Ps 50,9 (et, avec un synonyme, au verset 13). Ainsi, le Ps 51 s’achèverait sur la perspective d’un renouvellement de l’alliance entre Dieu et son peuple. LA PRIÈRE DE NÉHÉMIE Le livre de Néhémie commence par une prière (Ne 1,5-11) que l’échanson du roi Artaxerxès adresse au Seigneur après qu’on lui ait décrit la situation des rescapés de la déportation et des remparts de Jérusalem (1-4) ; Néhémie y reconnait son péché, celui de ses pères et de tout le peuple (7) et demande l’aide du 27
Ce verbe est de la même racine que l’adjectif de l’expression « nouvelle alliance » (ḥdš).
Le psaume 51
141
Seigneur pour obtenir de pouvoir reconstruire Jérusalem et son rempart. Le même désir est exprimé au cœur de la dernière sous-partie du Ps 51 (19)28. Ce rapport permettrait de situer historiquement le psaume à la fin de l’exil ou au début du retour, au moment où les exilés veulent entreprendre la reconstruction de Jérusalem, de ses remparts et de son Temple29.
INTERPRÉTATION LA RECONNAISSANCE DU PÉCHÉ QUI A CONDUIT À LA MORT Si son chant culmine dans un désir de recréation (12), c’est que le psalmiste se voit détruit, anéanti : ses os en effet sont broyés (10b) et il cherche à être délivré de la mort (16a). Mais ce chant n’est pas une méditation dans laquelle le poète se limiterait à déplorer son état, ou même à en découvrir la cause, c’est une prière par laquelle il s’adresse directement à Celui qui l’a frappé. Et ses paroles ne sont pas une plainte, encore moins une récrimination, mais l’humble confession de celui qui reconnait dans le même mouvement sa propre culpabilité (6ab) et le juste jugement de Dieu (6cd). Ses os ont été broyés à cause de ses transgressions, de sa faute, de son péché (3-4) ; il a été frappé à mort par Dieu, car c’est ce qui est mal à ses yeux qu’il a fait, c’est contre Lui seul qu’il a péché (6). C’est pourquoi son péché est si grand, requérant de la grande miséricorde de Dieu (3b) une grande purification (4a). La pensée de ses transgressions ne cesse de l’obséder (5b), et sa méditation le conduit à reconnaitre qu’il était pécheur dès l’origine, avant même sa naissance, jusqu’au moment de sa conception (7). Il est pécheur jusqu’à la racine de son être, la faute l’a contaminé tout entier, il n’est rien d’intact en lui. Le mal ne l’a pas seulement souillé pour qu’il suffise qu’il en soit « lavé » et « purifié » (4.9), pour que sa faute soit « effacée » (3b.11b) ; le péché l’a atteint jusqu’aux os (10b) et c’est pourquoi il en arrive à demander que son cœur soit recréé (12a). Ce n’est pas uniquement comme individu que le psalmiste a été livré à la mort (10b), c’est aussi en tant que membre de tout un peuple qui a été soumis à la destruction, puisque les murailles de Jérusalem ont été rasées (20b) ; le jugement de Dieu (6cd) s’est abattu sur l’ensemble des institutions comme sur chacune des personnes ; sur les institutions politiques que représentent les remparts, sur les 28
Étant donné que ce sont les livres des Chroniques ainsi que ceux d’Esdras et Néhémie (Esd 2,41 ; 3,10 ; Ne 7,44 ; 11,22) qui mettent en relief la figure d’Asaph, cela confirmerait la datation du Ps 51 des débuts du retour d’exil. 29 On pourra aussi noter que le texte grec du livre de Daniel met sur les lèvres d’Azarias, jeté dans la fournaise par Nabuchodonosor, un cantique dont les points de contact avec le Ps 51 sont nombreux: « Tu as porté une sentence de vérité en toutes les choses que tu as fait venir sur nous et sur la ville sainte de nos pères, Jérusalem. Car c’est dans la vérité et dans le droit que tu nous as traités à cause de nos péchés » (Dn 3,28). « Il n’est plus, en ce temps, chef, prophète ni prince, holocauste, sacrifice, oblation ni encens, lieu où te faire des offrandes et trouver grâce auprès de toi. Mais qu’une âme brisée et un esprit humilié soient agréés de toi, comme des holocaustes de béliers et de taureaux, comme des milliers d’agneaux gras; que tel soit notre sacrifice aujourd’hui devant toi » (38-40).
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La deuxième section (Ps 50–55)
institutions religieuses aussi, puisqu’on ne peut plus offrir de sacrifices sur les autels de Dieu (21). C’est pourquoi le psalmiste ne demande pas seulement la recréation de son propre cœur (12a), mais appelle aussi la reconstruction de la capitale politique et religieuse de sa nation (20) ; il est bien probable aussi que le retour des pécheurs vers le Seigneur auquel il promet de se consacrer (15) ne soit pas seulement dans sa pensée une conversion intérieure mais qu’elle implique aussi un retour à Sion où le peuple tout entier pourra de nouveau célébrer un culte « juste » (21), en « esprit » (12b.13b.14b) et en « loyauté » (8a). DIEU NE VEUT PAS LA MORT DU PÉCHEUR MAIS QU’IL VIVE Si, dans la situation désespérée où il se trouve, il ose exprimer une telle demande, c’est qu’il a compris que le désir de Dieu (8) est plus originel encore que son origine pécheresse (7). Ce que Dieu veut pour l’homme et pour le peuple qu’il s’est choisi précède et dépasse son péché. Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive (Ez 18,23). S’il accuse le coupable, ce n’est pas pour le condamner, mais pour l’appeler à confesser son péché et ainsi pouvoir le libérer et le sauver (Ps 50,14-15.22-23). C’est pourquoi la mort qu’il inflige n’est pas le châtiment suprême qui mettrait un terme définitif et irrémédiable à l’alliance entre Dieu et les hommes, elle est le passage obligé qui conduit à la vie. Le psalmiste l’entend et la reconnait comme l’ultime parole, le dernier message que le Seigneur pouvait adresser à celui dont le péché avait atteint son comble. Ce n’est pas seulement qu’une faute capitale se devait d’entrainer un châtiment capital, c’est plutôt que le refus de Dieu ayant atteint chez l’homme la totalité, jusqu’aux os et jusqu’au cœur, jusqu’aux institutions politiques et religieuses, il ne restait pas d’autre moyen à Dieu pour se faire entendre que de le frapper jusqu’aux os et au cœur, jusqu’aux murailles et au Temple, c’est-à-dire jusqu’à tout ce qui faisait la vie elle-même des individus et du peuple. En détruisant, en donnant la mort, Dieu ne montre pas seulement sa justice (6cd), mais aussi la grandeur de sa miséricorde (3b), puisque ce n’est que par ce chemin (15a) que l’homme pourra en arriver à réclamer la recréation du cœur (12) et le peuple la reconstruction de son corps social (20) et religieux (21)30. L’ACCEPTATION DE LA MORT QUI MÈNE À LA VIE Il ne sera donc pas possible de revenir à la vie sans accepter de traverser la mort. Cependant, il ne s’agit pas seulement d’un passage ou d’un moment, pour ainsi dire d’un mauvais moment à passer avant de retrouver l’allégresse et la joie d’avant le péché et la mort. Ce qui est requis par Dieu, compris et accepté par le psalmiste, c’est que la mort devra désormais être intégrée à la vie. Non pas que le salut de Dieu soit incapable de purifier complètement l’homme de ses fautes et de 30
Tel est aussi le sens de la séquence centrale du livre d’Amos (5,1-17), lamentation funèbre sur la vierge d’Israël ; voir P. BOVATI – R. MEYNET, Le Livre du prophète Amos, 180-182 ; 400405.
Le psaume 51
143
le faire revenir vraiment de la mort. Non pas tant que le péché et la mort ne peuvent pas ne pas laisser de traces dans le cœur de l’homme comme dans Jérusalem reconstruite. La mort dorénavant devra faire partie intégrante de la vie, la vie ne serait pas la vie en vérité si, en son cœur même, elle ne portait pas le sceau de la mort. Ce que Dieu veut c’est un cœur brisé et broyé (19), c’est-à-dire un cœur qui accepte joyeusement ses limites et sa finitude en même temps qu’il célèbre la grandeur de la miséricorde de Dieu (3). Ce que Dieu désire c’est la vérité au cœur de l’homme (8a). La sagesse qu’il veut lui enseigner (8b), ce n’est pas seulement qu’il se reconnaisse tout entier transgresseur, né et même conçu dans le péché (7), ayant besoin d’être lavé de « toutes ses fautes » (11), c’est surtout que, avec les sacrifices qu’il présentera désormais, il s’offrira tout entier, en « totale oblation » (21b), à Celui qu’il n’appellera plus seulement « Dieu », mais « Adonay », « mon Seigneur » (21b). Il ne sera pas seulement purifié de la lèpre de son péché par les aspersions d’eau (9), ou par les aspersions du sang des animaux (16) ; c’est sa propre vie qu’il devra sacrifier, son propre sang qu’il lui faudra verser en même temps qu’il fera couler celui de ses sacrifices. Ses oreilles et son cœur demeuraient fermés à l’écoute des commandements de Dieu, ses lèvres étaient closes à sa louange : il devra être circoncis. À sa requête, son corps portera maintenant la marque indélébile d’une blessure, celle de la circoncision des lèvres (17a), signe de la mort acceptée qui ouvre sur la vraie vie31. LE PÉCHEUR RECRÉÉ VEUT CONDUIRE SES FRÈRES À LA VIE Il n’est de vie véritable qui ne cherche à se communiquer. C’est même dans ce désir-là seulement que peut se vérifier l’authenticité de la vie. Le pécheur renouvelé et recréé jusqu’au fond de son cœur et de son esprit (12) n’aura de cesse de transmettre la vie qu’il a reçue à ceux qui, comme lui, l’avaient perdue (15). Investi de l’esprit de sainteté de Dieu lui-même, animé par le souffle que le Créateur a de nouveau insufflé dans ses narines (13b), celui qui a été restauré dans sa dignité de prince (14b) ne pourra pas ne pas acclamer devant tous les pécheurs la justice de Celui qui l’a sauvé (16bc) et entrainer tous les autres transgresseurs à proclamer sa louange (17b). Son désir le porte à demander le salut de tout le peuple, de sorte que Sion partage le bien qui lui a été fait (20a) et que les murailles de Jérusalem soient rebâties (20b) comme il a été recréé lui-même (12). Il ne s’agit pas là du besoin irrépressible que l’homme sauvé de la mort éprouve de raconter à d’autres ce qui lui est arrivé ; c’est qu’il ne saurait y avoir de bonheur personnel véritable que partagé par tous, de salut de l’individu sans celui de la communauté 31
En d’autres termes, il s’agit de la castration symbolique par laquelle l’homme n’est véritablement tel que s’il renonce au phantasme de la toute puissance et accepte sa finitude, celle de son origine, avec ses contingences, et celle de sa fin, c’est-à-dire de sa mort. Qui refuserait la mort symbolique se situerait hors de sa condition de créature et, voulant se soustraire à la loi qui le structure, serait par le fait même livré à la mort véritable qu’il imaginerait pouvoir éviter, celle de l’âme. Personne ne peut prétendre être vraiment né, ou renaitre, s’il n’accepte pas de reconnaitre qu’il est marqué par la mort.
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La deuxième section (Ps 50–55)
avec laquelle il fait corps. Ce qui est en jeu dans l’histoire de celui qui prie ici, ce n’est rien moins que l’alliance entre Dieu et son peuple. L’alliance de la circoncision (17) conclue avec Abraham n’a de sens véritable et plénier que dans la perspective de l’alliance avec le peuple d’Israël tout entier, celle qui fut scellée dans le sang des taureaux (21c) offerts en holocauste au pied de la montagne de Dieu (Ex 24,5).
3. « TU ES IRRÉPROCHABLE DANS TON JUGEMENT » (52–53) COMPOSITION DE LA SÉQUENCE Les titres sont bien différents : le premier est d’Asaph, tandis que le suivant est de David, avec les circonstances de sa composition. Le vocabulaire commun aux deux psaumes atteint vingt-six racines différentes (le total des occurrences de ces racines est de quatre-vingt) : – « venir » se retrouve au début de chaque psaume, avec Dieu comme sujet (50,3), avec le prophète comme sujet (51,2), mais aussi David (51,2) ; – « Dieu » (50,1.2.3.6.7bis.14.16.22.23 ; 51,3.12.16a.16b.19a.19b); – « sacrifice(s)/sacrifier » – « autels » (zbḥ, 50,5.8.14.23 ; 51,18.19.21bis) ; – « holocauste(s) » – « faire-monter » (‘lh, 50,8 ; 51,18.21bis) – « taurillon »/« taureaux » (50,9.13 ; 51,21) ; – « juge/jugement » (50,6 ; 51,6) et 50,4 avec une autre racine ; – « parole » est lié à « jugement » en 51,6 ; – « parole(s)/parler » revient aussi en 50,1.7.17.20 ; – « bouche » (50,16.19 ; 51,17) ; – et « langue » (50,19 ; 51,16) ; – « sang(s) » (50,13 ; 51,16) ; – « juste/justice » (50,6 ; 51,6.16.21) ; – « connaitre/faire-connaitre » (50,11 ; 51,5.8) ; – « écouter/entendre » (šm’, 50,7 ; 51,10) ; – « envoyer/rejeter » (šlḥ, 50,17 ; 51,13) ; – « prendre/enlever » (50,9 ; 51,13) ; – « délivrer » (50,22 ; 51,16) ; – « fidélité/fidèles » (ḥsd: 50,5 ; 51,3) ; – « salut » (50,23 ; 51,14.16) ; – « mal » (Ps 50,19 ; 51,6) ; – « ta mère/ma mère » (50,20 ; 51,7) ; – « devant moi toujours » (50,8 ; 51,5) ; – « à tes yeux » (50,21 ; 51,6) ; – « chemin(s) » (50,23 ; 51,15) ; – « tu fais/j’ai fait » (50,21 ; 51,6) ; – les deux occurrences de « Sion » font inclusion (50,2 ; 51,20).
La séquence 50–51
145
50,1 Psaume, d’Asaph. Le Dieu des dieux, Yhwh, PARLE et il appelle la terre du levant du soleil au couchant ; 2 depuis Sion, de la parfaite beauté, Dieu resplendit. 3 Vienne notre Dieu et ne se taise pas, un feu devant lui dévore et autour de lui c’est-tempête beaucoup ; 4 Il appelle les cieux en haut et la terre pour juger son peuple : 5 « Assemblez-moi mes fidèles qui scellèrent mon alliance en SACRIFIANT ». 6 Et ont annoncé les cieux sa JUSTICE car Dieu, LE JUGE, c’est lui. 7 Écoutez, mon peuple, et JE PARLERAI, Israël, je témoignerai contre toi, Dieu, ton Dieu, c’est moi ! 8 Pas sur tes SACRIFICES j’accuse et tes HOLOCAUSTES sont devant moi toujours ; 9 je ne prendrai pas de ta maison un TAURILLON ni de tes bergeries des boucs. 10 Car à moi tout fauve des forêts, des animaux sur les montagnes par milliers ; 11 je connais tous les oiseaux des montagnes et toute bête des champs est pour moi. 12 Si j’ai faim, je ne te le dirai pas car à moi est le monde et son contenu ; 13 vais-je manger la chair des TAUREAUX et LE SANG des boucs, vais-je le boire ? 14 SACRIFIE à Dieu la confession et acquitte pour le Très-Haut tes vœux ; 15 et appelle-moi au jour de l’angoisse, je t’affranchirai et tu me glorifieras. » 16
Et au méchant dit Dieu : « Qu’as-tu à énumérer mes décrets et à porter mon alliance à la BOUCHE ; 17 et toi tu hais la discipline et tu envoies mes PAROLES derrière toi ? 18 Si tu vois un voleur, tu te plais avec lui et parmi les adultères est ton partage ; 19 de ta BOUCHE tu envoies le mal et de ta langue tu trames la tromperie. 20 Tu t’assieds, TU PARLES contre ton frère, au fils de ta mère tu donnes le déshonneur. 21 Tu fais ces choses et je me tairais ? Penses-tu que je suis vraiment comme toi ? Je t’accuse et m’explique à tes yeux. 22 Comprenez bien cela, vous qui oubliez Dieu, de peur que je lacère, et personne qui DÉLIVRE ! 23 Qui SACRIFIE la confession me glorifie, et qui met un chemin je lui ferai voir le SALUT de Dieu. »
51,1 Pour le coryphée, psaume de David, 2 quand vint vers lui le prophète Nathan, après qu’il fut venu vers Bethsabée. 3
Aie pitié de moi, Dieu, selon ta fidélité, selon la grandeur de ta miséricorde efface mes transgressions ! Grandement lave-moi de ma faute, et de mon péché purifie-moi ! 5 Car mes transgressions, moi, je connais et mon péché devant moi toujours. 6 Contre toi, toi seul, j’ai péché et ce qui est mal à tes yeux j’ai fait, de sorte que tu es JUSTE dans ta PAROLE, que tu es irréprochable dans ton JUGEMENT. 7 Voici que dans la faute j’ai été enfanté et dans le péché m’a conçu ma mère. 8 Voici que la loyauté tu veux dans les reins et dans l’intime la sagesse tu me fais connaitre. 4
9 Tu m’ôteras le péché avec l’hysope, et je-serai-pur ; Tu me laveras, et plus que la neige je serai blanc ! 10 Tu me feras entendre allégresse et joie, jubileront les os que tu broyas ! 11 Cache ta face de mes péchés et toutes mes fautes efface-les ! 12 Un cœur pur crée pour moi, Dieu, et un souffle sûr rénove en mon sein. 13 Tu ne me rejetteras pas de devant ta face et le souffle de ta sainteté n’enlève pas de moi. 14 Fais-revenir pour moi l’allégresse de ton SALUT et d’un souffle de noblesse tu m’affermiras. 15 J’enseignerai aux transgresseurs tes chemins et les pécheurs vers toi reviendront ! 16 DÉLIVRE-MOI des SANGS, Dieu, Dieu de mon SALUT : acclamera ma langue ta JUSTICE. 17 Adonaï, mes lèvres tu ouvriras, et ma BOUCHE annoncera ta louange. 18 Car tu ne veux pas de SACRIFICE, si je l’offre, un HOLOCAUSTE, tu ne le désires pas. 19 Les SACRIFICES de Dieu, un souffle brisé ; un cœur brisé et broyé, Dieu, tu ne méprises pas ! 20 Fais du bien selon ton désir à Sion, tu rebâtiras les murailles de Jérusalem. 21 Alors tu voudras des SACRIFICES de JUSTICE, HOLOCAUSTE et offrande-totale ; alors ILS FERONT-MONTER sur TES AUTELS des TAUREAUX.
Le grand nombre de mots que les deux psaumes ont en commun n’est que l’indice pour ainsi dire quantitatif d’un rapport proprement structurel : en effet le Ps 50 est l’accusation dans laquelle Dieu interpelle et accuse son peuple, puis
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La deuxième section (Ps 50–55)
l’appelle à confesser son péché et à se convertir, tandis que le Ps 51 est la réponse de l’accusé qui reconnait sa faute et la justice de son accusateur, puis implore son pardon. Les deux psaumes forment donc une paire où s’articulent les deux moments de la controverse bilatérale entre Dieu et son peuple1. La titulature du Ps 50 attribue l’accusation à Asaph, le premier des lévites institués par David pour « célébrer, glorifier et louer le Seigneur, le Dieu d’Israël » devant l’arche de Dieu (1Ch 16,4). Selon 1Ch 25,2 Asaph « prophétisait aux côtés du roi » et 2Ch 29,30 le qualifie de « voyant ». Or il se trouve que ce premier psaume d’Asaph est isolé du reste de la collection des psaumes qui lui sont attribués (Ps 73–83) et que le Ps 51 est le premier de la deuxième série des psaumes de David2. Il est permis de penser que cette disposition ne peut guère être attribuée au hasard ; et l’on pourra se demander si dans la titulature du Ps 50 Asaph ne jouerait pas en quelque sorte le rôle que le titre du Ps 51 attribue au prophète Nathan, celui qui transmet l’accusation de Dieu au roi.
INTERPRÉTATION D’ASAPH, DE DAVID Le premier psaume est une accusation portée par Dieu contre son « peuple » en général (50,1-15), puis contre « le méchant » en particulier (16-23) ; le second est une confession des péchés où le psalmiste, à la première personne du singulier, admet sa culpabilité et demande pitié et salut. Le premier psaume ne pouvait pas être attribué à « David », puisque l’accusation de Dieu le vise directement, tout au moins dans sa deuxième partie ; le Ps 50 devait donc être prononcé par un autre, et c’est pourquoi il est dit « d’Asaph ». L’INFIDÉLITÉ Dans le second psaume, le psalmiste reconnait longuement ses « transgressions », sa « faute », son « péché », son « mal ». Mais il reste dans le général et c’est seulement par le titre que l’on apprend de quoi il s’est rendu coupable. Prenant la femme de son général Urie, il a commis l’adultère, qu’il a pensé cacher par le mensonge et la tromperie, et il a fini par recourir au meurtre. Il a ainsi trahi la loi de l’alliance qui interdit le meurtre, le vol, l’adultère et le mensonge. Et c’est exactement ce dont le Seigneur accuse « le méchant », parce qu’il se plait avec le « voleur » et avec « les adultères », qu’il trame « le mal » et « la tromperie » (50,18-20). Si dans le Ps 51 le psalmiste ne précise pas la nature 1 Sur la controverse bilatérale (rîb) et ses deux temps, voir P. BOVATI, Ristabilire la giustizia, 51-77 ; 79-93. 2 La séquence des Ps 3 à 41, tous attribués à David sauf les Ps 10 et 33 qui n’ont pas de titre (premier livre), est suivie par la collection des psaumes des fils de Coré (Ps 42–49); elle reprend avec le Ps 51 pour s’achever avec le Ps 72, sauf les Ps 66 et 67 et le Ps 72 attribué à Salomon (second livre).
La séquence 50–51
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de ses transgressions, cela permet à celui qui n’a ni tué ni volé de le reprendre à son compte, car lui aussi n’est pas exempt de péché. LES SACRIFICES L’accusation adressée au peuple commence de façon curieuse par une nonaccusation ! « Ce n’est pas pour tes sacrifices que je t’accuse » (50,8). Et le Seigneur enchaine en disant longuement qu’il n’a vraiment pas besoin des sacrifices et des holocaustes de taureaux et de boucs (9-13). Il en ira de même à la fin du psaume suivant où le psalmiste reconnait que le Seigneur ne désire ni sacrifice ni holocauste (51,18). Ce n’est pas que Dieu refuse de manière absolue tout sacrifice, bien au contraire. Mais celui qu’il veut est d’un autre type que les sacrifices d’animaux : « Sacrifie à Dieu la confession » (50,14.23), ce qui est explicité par « Les sacrifices de Dieu, c’est un [...] un cœur brisé et broyé » (51,19). La fin de la séquence montre bien que Dieu ne refuse pas les sacrifices de taureaux et les holocaustes, mais qu’il en édicte les conditions : ce n’est que dans un cœur confessant, reconnaissant son péché et accueillant le pardon de Dieu, qu’ils peuvent retrouver tout leur sens.
II. EST-CE QU’ILS NE COMPRENDRONT PAS, LES FAISEURS D’INIQUITÉ ? La deuxième séquence : Ps 52–53 1. LE PSAUME 52 TEXTE 1 Du maitre-de-chant, instruction, de David 2 quand vint Doëg l’Édomite et il avertit Saül et dit à lui : « Est venu David à la maison d’Ahimelek ». 3 Comment tu te loues du mal, héros, la fidélité de Dieu (étant) tout le jour ? 4 Des crimes pense ta langue comme un rasoir affilé, faiseur de tromperie ! 5 Tu aimes le mal plus que le bien, le mensonge plus que parler la justice ; 6 tu aimes toute parole qui avale, langue de fraude. 7 Aussi Dieu t’écrasera jusqu’à la fin te détruira et il t’arrachera de la tente et te déracinera de la terre des vivants. 8 Et verront les justes et ils craindront et sur lui ils riront : 9 « Voici l’homme qui ne mettait pas Dieu (comme) sa forteresse et qui se fiait à l’abondance de sa richesse, se faisait-fort de son crime ». 10 Et moi, tel un olivier verdoyant dans la maison de Dieu : je me fie à la fidélité de Dieu toujours et à jamais. 11 Je te rends-grâce toujours car tu as fait et j’espère ton nom car (il est) bon devant tes fidèles.
V . 3B
: « LA FIDÉLITÉ DE DIEU (ÉTANT) TOUT LE JOUR »
Bien différentes du texte massorétique, les versions anciennes ainsi que le targum témoignent de la difficulté du texte. Il en va de même pour les traductions modernes1. On s’attache à suivre le texte massorétique. V . 4A
: « DES CRIMES PENSE TA LANGUE »
Étant donné d’une part que la langue ne pense pas, et d’autre part que le verbe peut être compris soit comme deuxième personne du singulier (« tu penses ») soit comme troisième personne féminin singulier (« elle pense »), beaucoup déplacent « ta langue » au début du second membre (« ta langue est un rasoir affilé »)2 ; il semble que, malgré la difficulté, la division massorétique est préférable. V . 4C
: « FAISEUR DE TROMPERIE »
On interprète cette expression comme un vocatif 3, comme celui par lequel s’achève le premier membre du segment précédent, « héros » (3a).
Ravasi, II, 73 ; Alonso Schoekel – Carniti, I, 837. Par ex., Ravasi, II, 65 ; Alonso Schoekel – Carniti, I, 836 ; Hossfeld – Zenger, II, 26 ; deClaissé-Walford – al., 460. 3 Hakham, I, 307. 1 2
150
La deuxième section (Ps 50–55)
COMPOSITION Le psaume comprend deux parties relativement développées (3-6 ; 8-11) qui encadrent une partie nettement plus courte (7). LA PREMIÈRE PARTIE (3-6) – 3 Comment te loues-tu – la fidélité
DU MAL,
– 4 Des crimes – comme un rasoir – faiseur
pense affilé, de tromperie !
héros, (étant) tout le jour ?
de Dieu
TA LANGUE
········································································································ 5
– Tu aimes – le mensonge
LE MAL
– 6 tu aimes – LANGUE
toute parole de fraude.
plus que parler
plus que le bien, la justice ; qui avale,
Dans le segment initial du premier morceau, le second membre a la valeur d’une temporelle ou même d’une concessive : « Comment te loues-tu..., alors que... », ou « bien que... ». Dans les premiers membres des deux segments, « ta langue » correspond à « tu te loues » et « crimes » à « mal ». Les vocatifs « héros » et « faiseur de tromperie » jouent le rôle de termes extrêmes. Les deux segments du deuxième morceau commencent avec « tu aimes », le seul verbe de chaque segment ; « parler » et « parole » agrafent les deux segments. Les deux occurrences de « mal » servent de termes initiaux pour les deux morceaux ; « langue » est repris dans les seconds segments (4a.6b). LA DEUXIÈME PARTIE (7) - 7 Aussi Dieu - jusqu’à la fin
t’écrasera, te détruira ;
- et il t’arrachera - et il te déracinera
de la tente de la terre
des vivants.
Les verbes aux mêmes modalités ont tous « Dieu » pour sujet. Ils se trouvent à la fin des membres dans le premier segment, au début des membres dans le deuxième segment.
Le psaume 52
151
LA TROISIÈME PARTIE (8-11) + 8 Et verront + et sur lui
les justes ils riront :
:: 9 « Voici :: qui ne mettait pas
l’homme DIEU
:: et QUI SE FIAIT :: se faisait-fort
à l’abondance de son crime ».
et ils craindront
sa forteresse de sa richesse,
········································································································ 10
+ Et moi, + dans la maison
comme un olivier de DIEU,
verdoyant
+ JE ME FIE + toujours
à la fidélité et à jamais ;
de DIEU
+ 11 je te rends-grâce + et j’espère + devant
toujours ton nom tes fidèles.
car tu as fait car (il est) bon
Le premier morceau cite les moqueries que les « justes » prononcent sur « l’homme » qui, au lieu de mettre sa confiance en Dieu (9ab), la mettait dans « sa richesse » et « son crime » (9cd). En opposition à ce premier morceau, le second, qui commence par « et moi », est prononcé par le psalmiste. Le premier segment est une comparaison (10ab), il est suivi de deux autres segments complémentaires : c’est d’abord la confiance en Dieu (10cd), puis l’action de grâce pour ce que Dieu a fait (11a) et l’espérance pour la bonté qu’il ne manquera pas de témoigner au psalmiste (11b). Le dernier membre semble dépendre des deux membres précédents : c’est « devant tes fidèles » que le psalmiste rend grâce et espère. « Toujours et à jamais » (10d) et « toujours » (11a) agrafent les deux derniers segments du morceau. « Je me fie à la fidélité de Dieu » (10c) s’oppose directement à « et qui se fiait à l’abondance de sa richesse » (9c). Les synonymes « les justes » (8a) et « tes fidèles » (11c) font inclusion pour l’ensemble de la partie.
152
La deuxième section (Ps 50–55)
L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
Du maitre-de-chant,
instruction,
de David
quand vint et il avertit « Est venu
Doëg Saül David
l’Édomite et dit à la maison
+ 3 Comment tu te loues + LA FIDÉLITÉ
du mal, de DIEU
HÉROS, (étant) TOUT LE JOUR ?
– 4 DES CRIMES – comme un rasoir – faiseur
pense affilé, de tromperie !
ta langue
2
à lui : d’Ahimelek ».
········································································································ le mal plus que le BON,
– 5 Tu aimes – le mensonge
plus que parler
la justice ;
toute parole de fraude.
qui avale,
- 7 Aussi - JUSQU’À LA FIN
DIEU te détruira
t’écrasera
- et il t’arrachera - et te déracinera
de la tente de la terre
6
– tu aimes – langue
des vivants .
+ 8 Et verront + et sur lui
les justes ils riront :
– 9 « Voici – qui ne mettait pas
L’HOMME DIEU
(comme) sa forteresse
– et qui se fiait – se faisait-fort
à l’abondance
de sa richesse
DE SON CRIME ».
et ils craindront
········································································································
+ 10 Et moi, + dans la maison
tel un olivier de DIEU :
verdoyant
+ je me fie + TOUJOURS
À LA FIDÉLITÉ ET À JAMAIS.
de DIEU
+ 11 Je te rends-grâce + et j’espère + devant
TOUJOURS
car tu as fait car (il est) BON
ton nom TES FIDÈLES.
Le titre, particulièrement développé, comprend un unimembre suivi d’un trimembre qui rapporte les circonstances dans lesquelles « David » composa le psaume. La première partie (3-6) est une longue accusation portée par le psalmiste contre le mauvais. La deuxième (7) annonce le châtiment divin qui ne manquera
Le psaume 52
153
pas de l’atteindre. La troisième partie dit la réaction des « justes » à cette vue (8-9), puis celle du psalmiste lui-même (10-11). Au vocatif, « héros » (haggibbôr, 3a), par lequel commence la première partie correspond « l’homme » (haggeber, 9a) dans la dernière partie. « La fidélité » de 3b revient en 10c, suivie de « tes fidèles » en 11c. « Crime(s) » revient en 4a et 9d, « bon » en 5a et 11b. Entre les trois parties, le nom de « Dieu » est repris en 3b, 7a, 9b et 10b. Reviennent aussi les expressions synonymes « tout le jour » (3b), « jusqu’à la fin » (7b), « toujours et à jamais » (10d) et « toujours » (11a).
CONTEXTE LE CRIME DE DOËG L’ÉDOMITE L’épisode que rappelle le titre est rapporté en 1S 21–22. Fuyant Saül qui voulait le faire mourir, David passe à Nob chez le prêtre Ahimélek et se fait donner les pains de proposition et l’épée de Goliath. Doëg, « chef des bergers de Saül », se trouvait là (21,2-10). Plus tard, Doëg informe Saül du passage de David chez Ahimélek ; il ne se contente pas de dire que le prêtre lui a donné des pains et l’épée de Goliath, mais aussi qu’il « a consulté Dieu pour lui » (22,10), ce que le récit de 21,2-10 ne dit pas. Le roi convoque le prêtre et toute sa famille, et ordonne de les mettre à mort ; seul Doëg accepte : « il frappa lui-même les prêtres » et « il mit à mort ce jour-là quatre-vingt-cinq hommes qui portaient l’éphod de lin » (22,18). C’est donc par sa « langue » (Ps 52,4.6) qu’il dénonça les prêtres, en mentant — méritant d’être appelé « faiseur de tromperie » et « langue de fraude » (Ps 52,4c.6b). Ce fut un membre du peuple d’Édom, le frère ennemi, qui commit un tel crime. LA LANGUE QUI TUE (JC) La Lettre de Jacques insiste sur les dégâts mortels que la langue peut causer. C’est « un mal incontrôlable, pleine de poison mortel » (Jc 3,8)4. Ben Sira dira : « Un coup de fouet laisse une marque, mais un coup de langue brise les os. Bien des gens sont tombés par l’épée, mais beaucoup plus ont péri par la langue » (Si 28,17-18).
4
Voir T. KOT, La Lettre de Jacques, « La parole qui fait vivre ou qui fait mourir (3,1–4,3 », 121-152.
154
La deuxième section (Ps 50–55)
INTERPRÉTATION « COMME UN RASOIR AFFILÉ » La première partie du psaume insiste de toutes les manières sur la parole tueuse. Dès les premiers mots, ce qui est reproché à celui que le psalmiste interpelle, ironiquement, comme un « héros », c’est de se louer du mal (3a). Non seulement, en effet, sa langue « pense des crimes » comme une arme bien aiguisée (4), non seulement il est un « faiseur de tromperie », de « mal », de « mensonge », de « parole qui engloutit », de « fraude », mais encore il s’en vante ouvertement (3a.9d). C’est la perversion de la parole, qui porte à la mort. « AUSSI DIEU T’ÉCRASERA » La sanction est exactement proportionnée au crime. Elle tombe comme un couperet, quatre fois répétée (7). Qui a écrasé et détruit par ses crimes devra subir le même sort de la part de Dieu. Non seulement il sera arraché de la tente que ses richesses avaient dressée, mais il devra être « déraciné de la terre des vivants ». La mort ne peut que porter à la mort. LES JUSTES RIRONT Le méchant se louait du mal qu’il commettait (3), les justes se moqueront de lui (8). En effet, sa conduite est risible tellement elle est insensée. Se fier à ses propres richesses et même à la violence des crimes commis, au lieu de mettre sa confiance en Dieu, ne peut qu’attirer les moqueries, comme le châtiment cause chez ceux qui en sont témoins la crainte de Dieu (8a). LA FIDÉLITÉ DE DIEU Parmi les « justes », fidèle au milieu des « fidèles » du Seigneur (11c), le psalmiste lui rend grâce pour ce qu’il a fait : pour la justice de son jugement contre le méchant qu’il a arraché de sa tente fragile, pour l’avoir accueilli et planté dans sa maison, « comme un olivier verdoyant » qui, grâce à la fidélité de Dieu, ne risque pas d’être un jour déraciné.
2. LE PSAUME 53 TEXTE 1 Du maitre-de-chant, en chœur, instruction, de David. 2 A dit l’insensé en son cœur : « Il n’y a pas de Dieu ! » Ils se sont corrompus, ils font-abominable l’iniquité ; il n’y a pas d’œuvrant le bien. 3 Dieu des cieux se penche vers les fils d’Adam, pour voir s’il en est un d’instruit, un cherchant Dieu. 4 Chacun d’eux s’est dévoyé, ensemble ils se sont pervertis ; il n’y a pas d’œuvrant le bien, il n’y a pas même un seul. 5 Est-ce qu’ils ne comprendront pas, les faisant l’iniquité ? Mangeant mon peuple, ils mangent du pain, Dieu ils n’appellent pas. 6 Alors, ils seront effrayés d’effroi, (quand) il n’était pas d’effroi ; car Dieu a dispersé les os de qui t’assiégeait ; tu les as fait-rougir car Dieu les a rejetés. 7 Qui donnera de Sion les saluts d’Israël ? Quand restaurera Dieu le sort de son peuple, exultera Jacob, se réjouira Israël !
Le Ps 53 reprend presque entièrement le Ps 141 : Ps 53
Ps 14 1
Du maitre-de-chant, de David.
A dit l’insensé en son cœur : « Il n’y a pas de Dieu ! » Ils se sont corrompus, ils font-abominable (leur) action ; il n’y a pas d’œuvrant le bien. 2 Yhwh des cieux se penche vers les fils d’Adam, pour voir s’il en est un d’instruit, un cherchant Dieu. 3 Chacun s’est dévoyé, ensemble ils se sont pervertis ; il n’y a pas d’œuvrant le bien, il n’y a pas, même un seul. 4 Est-ce qu’ils ne sauront pas, tous les faisant l’iniquité ? Mangeant mon peuple, ils mangent du pain, Yhwh ils n’appellent pas. 5 Alors, ils seront effrayés d’effroi oui, Dieu (est) pour la race du juste ; 6 le projet du miséreux vous faites-rougir, oui, Yhwh (est) son abri. 7 Qui donnera de Sion le salut d’Israël ? Quand restaurera Yhwh le sort de son peuple, exultera Jacob, se réjouira Israël !
1
Du maitre-de-chant, en chœur, instruction, de David. 2 A dit l’insensé en son cœur : « Il n’y a pas de Dieu ! » Ils se sont corrompus, ils font-abominable l’iniquité ; il n’y a pas d’œuvrant le bien. 3 Dieu des cieux se penche vers les fils d’Adam, pour voir s’il en est un d’instruit, un cherchant Dieu. 4 Chacun d’eux s’est fourvoyé, ensemble ils se sont pervertis ; il n’y a pas d’œuvrant le bien, il n’y a pas même un seul. 5 Est-ce qu’ils ne sauront pas, les faisant l’iniquité ? Mangeant mon peuple, ils mangent du pain, Dieu ils n’appellent pas. 6 Alors, ils seront effrayés d’effroi, il n’était pas d’effroi ; car Dieu a dispersé les os de qui t’assiégeait, tu les as fait-rougir car Dieu les a rejetés. 7 Qui donnera de Sion les saluts d’Israël ? Quand restaurera Dieu le sort de son peuple, exultera Jacob, se réjouira Israël !
Le titre du Ps 53 est plus long. « Dieu » remplace « Yhwh » (53, 5d.6d.7b), « iniquité » (2d) au lieu de « action », « chacun (kullô) s’est dévoyé » (sār, 4a) au lieu de « chacun d’eux (hakkōl) s’est fourvoyé » (sāg) ; « tous » est omis en 5b. C’est surtout 52,6bcd qui diffère de 14,5b-6. On notera aussi que « le salut » de 14,7a est au pluriel en 53,7a. 1
Certains commentateurs passent le Ps 53 sous silence et se contentent de renvoyer au Ps 14 (Weiser, 414 ; Kraus, I, 513).
156 V. 1
La deuxième section (Ps 50–55) : « EN CHŒUR, INSTRUCTION »
Le premier terme, qui sera repris dans le titre du Ps 88, est problématique. Le prenant peut-être pour un nom propre, la Septante l’a simplement translitéré. Plusieurs modernes en font autant2. Certains l’interprètent comme « chœur (de danse) », d’autres comme un instrument de musique, « sur la flute », d’autres encore par « maladie »3. Plusieurs psaumes sont appelés « instruction » (voir p. 19). Étant donné le contenu du psaume, on pourrait être tenté de traduire : « sur la maladie de l’instruction ». V. 6B
: « ALORS, ILS SERONT EFFRAYÉS [...], (QUAND) IL N’ÉTAIT PAS D’EFFROI »
Le premier terme, šām, peut être compris comme un adverbe de lieu, « là », ou de temps, « alors », ce qui convient mieux ici. Le deuxième membre a valeur concessive : « bien qu’ils n’aient pas été effrayés jusque-là ». V. 6CD
: « ... DE QUI T’ASSIÈGE, TU LES AS FAIT ROUGIR »
Une des difficultés du verset est de déterminer à qui ces mots sont adressés.
COMPOSITION Deux parties développées encadrent une courte question4. LA PREMIÈRE PARTIE (2-4) – 2 A dit :: « IL N’Y A PAS
l’insensé de DIEU ! »
en son cœur :
– Ils se sont corrompus, :: IL N’Y A PAS
ils font-abominable D’ŒUVRANT
l’iniquité : LE BIEN.
······························································································ + 3 DIEU des cieux se penche
+ vers les fils
d’Adam,
+ pour voir + un cherchant
s’il en est un DIEU.
d’instruit,
······························································································
– 4 Chacun d’eux – ensemble
s’est fourvoyé, ils se sont pervertis ;
:: IL N’Y A PAS :: IL N’Y A PAS
D’ŒUVRANT
2
même
LE BIEN, un seul.
Par ex., Ravasi, II, 79 ; deClaissé-Walford – al., 465. Voir Hossfeld – Zenger, II, 35. 4 Sur la question qui forme le centre du psaume, voir Le Psautier. Premier livre, 159. 3
Le psaume 53
157
Dans le premier morceau, les premiers membres mettent en parallèle le singulier de « l’insensé » (2a) et le pluriel des « corrompus » et des iniques (2c). Les seconds membres commencent par « il n’y a pas » ; la constatation du dernier membre (2d) répond à la prétention du deuxième (2b). Les deux bimembres du second morceau forment une seule phrase complexe. Le deuxième segment contient une interrogation indirecte. Le dernier morceau répond à la question centrale. Une double affirmation (4ab) est reprise par une double négation. Les deux « il n’y a pas » du premier morceau sont repris en contiguïté dans le dernier morceau. Le premier segment (4ab) correspond au premier membre du second segment du premier morceau (2c), et le second segment (4cd) répète et confirme le second membre du même segment (2d). LA TROISIÈME PARTIE (5C-7) – 5c Mangeant – ils mangent .. DIEU
MON PEUPLE,
du pain ; ils n’appellent pas.
····························································································································
= 6 Alors, = (quand) il n’était pas
ils seront effrayés d’effroi ;
d’effroi,
+ car DIEU – tu les as fait-rougir
a dispersé car DIEU
les os les a rejetés.
de qui t’assiégeait,
····························································································································
:: 7 Qui donnera + Quand restaurera + exultera
de Sion DIEU Jacob,
les saluts le sort se réjouira
d’Israël ? de SON PEUPLE, Israël !
Les trimembres extrêmes se répondent de manière spéculaire. Alors qu’en 5cd le peuple est mangé par ses ennemis comme on mange du pain, en 7bc il est restauré, à sa grande joie. Le Dieu que ceux qui mangent Israël ne prennent pas en compte (5e) sera celui qui sauvera son peuple (7a). Dans le morceau central, le second segment donne la raison pour laquelle les ennemis seront frappés d’effroi. Les deux occurrences de « peuple » font inclusion. Le nom de « Dieu » revient une fois dans les morceaux extrêmes, deux fois dans le morceau central.
158
La deuxième section (Ps 50–55)
L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
Du maitre-de-chant,
en chœur
INSTRUCTION,
.. 2 A dit .. « Il n’y a pas
l’insensé de DIEU ! »
en son cœur :
– Ils se sont corrompus, – il n’y a pas
ils font-abominable D’ŒUVRANT
L’INIQUITÉ ; le bien.
de David.
································································································· + 3 DIEU des cieux se penche
+ vers les fils
d’Adam,
+ pour voir + un cherchant
s’il en est un DIEU.
D’INSTRUIT,
·································································································
– 4 Chacun d’eux – ensemble
s’est fourvoyé, ils se sont pervertis ;
– il n’y a pas – il n’y a pas
D’ŒUVRANT
5
Est-ce qu’
LES FAISANT
– Mangeant – ils mangent .. DIEU
même
le bien, un seul.
ils ne comprendront pas, L’INIQUITÉ ? mon peuple, du pain ; ils n’appellent pas.
······························································································································
= 6 Alors, = (quand) il n’était pas
ils seront effrayés d’effroi ;
d’effroi,
= car DIEU = tu les as fait-rougir
a dispersé car DIEU
les os les a rejetés.
de qui t’assiégeait,
······························································································································
:: 7 Qui donnera + Quand restaurera + exultera
de Sion DIEU Jacob,
les saluts le sort se réjouira
d’Israël ? de son peuple, Israël !
Le même terme traduit par « instruction » dans le titre revient en 3c, traduit par « instruit ». Les rapports sont plus marqués entre les deux premières parties : « iniquité » reprend le même mot de 2c, « ils ne comprennent pas » rappelle « l’insensé » de 2a et « les faisant l’iniquité » s’oppose à « œuvrant le bien » (2d.4c). Au début de la dernière partie, « Dieu ils n’appellent pas » (5e) correspond à ce que dit l’insensé au début de la première partie : « Il n’y a pas de Dieu » (2b). Leur « iniquité » (2c) consiste à manger le peuple (5cd).
Le psaume 53
159
La dernière partie peut être comprise comme la réponse à la question centrale : ils sauront quand ils seront frappés d’effroi parce que leurs os seront dispersés (6) et qu’ils verront la joie d’Israël dont Dieu aura restauré le sort (7).
CONTEXTE LA RETRAITE DE SENNACHÉRIB Sennachérib, roi d’Assyrie, veut obtenir la reddition d’Ézéchias roi de Juda. Il prétend que « Yhwh » ne pourra rien faire pour protéger son peuple contre ses assauts (2R 18,30.32 ; 19,10-12). L’oracle du Seigneur transmis par Isaïe à Ézéchias commence par ces mots : « Elle te méprise, elle te raille, la vierge, fille de Sion » (19,21). « Cette même nuit, l’Ange de Yhwh sortit et frappa dans le camp assyrien cent quatre-vingt-cinq mille hommes. Le matin, au réveil, ce n’étaient plus que des cadavres. Sennachérib roi d’Assyrie leva le camp et partit » (19,35-36).
INTERPRÉTATION QUI PARLE À QUI ? Il faut attendre le début de la dernière partie pour savoir enfin qui parle dans ce psaume. Quand on entend : « Mangeant mon peuple » (5c), on comprend que c’est Dieu qui, depuis le début, a pris la parole pour dénoncer les corrompus, faiseurs d’iniquité. Mais il faudra attendre encore pour savoir à qui il parle. Il s’adresse à celui qui était assiégé et qui a couvert de honte l’ennemi (6cd) : il s’agit d’Israël, son peuple, ou du roi qui le représente, comme pourrait le laisser entendre le titre du psaume. DIEU N’EXISTE PAS D’entrée de jeu, est dévoilé ce que l’insensé a dans le cœur : pour lui Dieu n’existe pas. Et l’athéisme n’est pas le fait d’un seul individu, comme pourrait le laisser penser l’affirmation initiale. Tous partagent la même attitude, sans exception. Dieu a mené son enquête, pour voir si, parmi les fils d’Adam, il s’en trouverait un qui cherche Dieu (3). « Pas même un seul » (4d). Cet athéisme est avant tout pratique : même si Dieu existait, de toute façon, « ils ne l’appellent pas » (5e). L’AUTRE N’EXISTE PAS NON PLUS Au début du psaume, « l’iniquité » (2cd) est juxtaposée à l’athéisme (2ab) et l’on pourrait penser que l’iniquité dont il est question ne soit pas autre chose que la négation de l’existence de Dieu. Et le résultat de l’enquête divine ne ferait que
160
La deuxième section (Ps 50–55)
le confirmer. Quel est donc « le bien » qu’ils n’œuvrent pas (2d.4c) ? Ce sont les premiers mots de la dernière partie qui lèvent le voile. « Les faisant l’iniquité » sont ceux qui « mangent » le peuple de Dieu, qui le mangent comme on mange son pain, qui le détruisent pour s’en nourrir. Ce faisant, ils nient l’autre, comme ils nient Dieu. Et l’on retrouve les deux volets du décalogue où les devoirs envers Dieu et envers le prochain sont si étroitement liés5. L’INSTRUCTION Dieu cherche à savoir « s’il en est un d’instruit » parmi les fils d’Adam. Et il n’en trouve aucun, tous sont « insensés ». La courte partie centrale pose une question qui est interprétée et traduite de différentes manières. Pour d’aucuns, leur ignorance est pour ainsi dire congénitale : « Sont-ils ignorants ? »6 Pour d’autres, elle regarde le passé : « Est-ce qu’ils n’ont pas compris ? »7 Toutefois, étant donné la position de cette question au tournant du texte, on peut la comprendre comme regardant le futur, d’autant plus que c’est la dernière partie qui donnera la réponse à la question8. En effet, l’instruction est donnée au centre de cette dernière partie, quand les insensés seront effrayés par le châtiment qui tombera sur eux et les fera rougir de honte et de confusion. Tel est en effet la fonction de la punition : faire comprendre aux faiseurs d’iniquité leur erreur, dans l’espoir qu’ils se repentiront et qu’ils en arriveront à « œuvrer le bien », sous le regard de Dieu.
Voir mon commentaire du décalogue dans Appelés à la liberté, 87-136. TOB ; Ravasi, II, 79 (« N’ont-ils donc aucun jugement... ? »). 7 Vesco, 488. 8 Ainsi deClaissé-Walford – al., 465, nt. 12. 5 6
3. EST-CE QU’ILS NE COMPRENDRONT PAS, LES FAISEURS D’INIQUITÉ ? (52–53) COMPOSITION DE LA SÉQUENCE 52,1 Du maitre-de-chant, instruction, de David 2 quand Doëg l’Édomite vint et avertit Saül et lui dit : « David est venu à la maison d’Ahimelek ». 3
Comment tu te loues du mal, héros, la fidélité de Dieu étant tout le jour ? 4 Ta langue comme un rasoir affilé pense des crimes, FAISANT la tromperie ! 5 Tu aimes le mal plus que LE BIEN, le mensonge plus que parler la justice ; 6 tu aimes toute parole qui avale, langue de fraude. 7
Aussi Dieu t’écrasera, jusqu’à la fin te détruira et il t’arrachera de la tente et te déracinera de la terre des vivants.
8
Et les justes verront et ils craindront et sur lui ils riront : 9 « Voici l’homme qui ne mettait pas Dieu comme sa forteresse et qui se fiait à l’abondance de sa richesse se faisait fort de son crime ». 10 Et moi, tel un olivier verdoyant dans la maison de Dieu : je me fie à la fidélité de Dieu toujours et à jamais. 11 Je te rends-grâce toujours car tu as fait et j’espère ton nom car il est BON, devant tes fidèles. 53,1 Du maitre-de-chant, en chœur, instruction, de David. 2
L’insensé a dit en son cœur : « Il n’y a pas de Dieu ! » Ils se sont corrompus, ils font abominable l’iniquité ; il n’y a pas de FAISANT LE BIEN. 3 Des cieux Dieu se penche vers les fils d’Adam, pour voir s’il en est un d’instruit, un qui cherche Dieu. 4 Chacun d’eux s’est fourvoyé, ensemble ils se sont pervertis ; il n’y a pas de FAISANT LE BIEN, il n’y en a pas même un seul. 5
Est-ce qu’ils ne comprendront pas, LES OEUVRANT l’iniquité ?
Mangeant mon peuple, ils mangent du pain, ils n’appellent pas Dieu.
6 Alors, ils seront effrayés d’effroi, (alors qu’)il n’était pas d’effroi ; car Dieu a dispersé les os de qui t’assiégeait ; tu les as fait-rougir car Dieu les a rejetés. 7 Qui de Sion donnera les saluts d’Israël ? Quand Dieu restaurera le sort de son peuple, Jacob exultera, Israël se réjouira !
– « Bon/bien » revient deux fois dans chaque psaume (52,5.11 ; 53,2.4) ; – le participe « faisant » revient en 52,4 et en 53,2.4, suivi de son synonyme « œuvrant » en 5 ; – « avaler » (52,6) est synonyme de « manger » (53,5b) ; – la même attitude négative envers Dieu se lit en 52,9 et en 53,2.5b ; – « les justes craindront » (52,8), tandis que ceux qui œuvrent l’iniquité « seront effrayés d’effroi » (53,6).
INTERPRÉTATION DE DAVID À DIEU Les deux psaumes sont complémentaires. Dans le premier, David interpelle le méchant et lui annonce son châtiment ; dans le second, c’est Dieu qui s’adresse
162
La deuxième section (Ps 50–55)
au roi pour prédire le sort de ses ennemis et le salut d’Israël. Comme si David laissait la parole à son Dieu, ou comme si Dieu lui-même venait prendre la parole pour confirmer et appuyer ce que son roi avait dit au méchant. Le couplage des deux psaumes, le duo qu’ils forment traduit le parfait accord de vue entre le roi et Dieu, entre le ciel et la terre. MÉPRISER DIEU L’ennemi de David, Doëg l’Édomite ou un autre, est un homme qui ne met pas sa confiance en Dieu, qui ne le considère pas comme sa forteresse (52,9). Il préfère se fier en ses grandes richesses, méprisant ainsi le Seigneur. Celui que Dieu apostrophe au début du psaume suivant lui ressemble fort. Et il n’est pas le seul : pas un seul parmi les fils d’Adam ne cherche Dieu (53,3-4), personne qui fasse jamais appel à lui (5). MANGER L’AUTRE La même image est appliquée au corrompu et à l’insensé. Dans une expression hardie, il est dit du premier qu’il « aime toute parole qui avale » (52,6) et des autres qu’ils « mangent » le peuple de Dieu, comme on mange son pain (53,5b). Il s’agit toujours de la même conduite qui méprise l’autre car elle le considère comme une proie dont on se repaitra après l’avoir capturée et tuée. CRAINTE ET EFFROI La crainte biblique n’a pas grand-chose à voir avec la peur. Les justes « craignent » (52,8), tandis que les faiseurs d’iniquité « seront effrayés d’effroi » (53,6). Certes la crainte fait trembler, mais c’est d’étonnement et d’admiration pour ce qu’il a été donné de voir, c’est de respect aussi, de joie et d’exultation pour le salut reçu et, pour tout dire, d’amour. C’est en étant témoins du châtiment du méchant que les justes éprouvent la crainte de Dieu. C’est de peur, de panique, d’effroi que les impies sont frappés quand ils se voient rejetés et condamnés à une mort infâme, celle qu’ils avaient voulu infliger à leurs victimes innocentes. Il n’est cependant pas interdit d’espérer que le châtiment et l’effroi qu’il cause puissent un jour se changer en crainte révérencielle envers le Dieu qui ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et qu’il vive.
III. « PAR TON POUVOIR FAIS-MOI JUSTICE » La troisième séquence : Ps 54–55 1. LE PSAUME 54 TEXTE 1 Du maitre-de-chant, sur les cordes, instruction, de David ; 2 quand vinrent les Ziphéens et dirent à Saül : « Est-ce que David n’est pas caché parmi nous ? » 3 Dieu, par ton nom sauvemoi, par ton pouvoir fais-moi justice ; 4 Dieu, entends ma prière, prête-l’oreille aux paroles de ma bouche ! 5 Car des étrangers ont surgi contre moi et des forcenés ont cherché mon âme, ils n’ont pas mis Dieu devant eux. 6 Voici Dieu (est) mon secourant, le Seigneur (est) avec les soutenant mon âme. 7 Qu’il retourne le mal sur les me guettant, par ta vérité détruisles ! 8 De grand cœur je sacrifierai pour toi, je rendrai grâce à ton nom, Yhwh, car il est bon, 9 car de toute angoisse il m’a délivré et mes ennemis a vu mon œil.
V. 5
: « DES ÉTRANGERS »
Le texte massorétique a zārîm, « des étrangers » ; mais quelques manuscrits et les targums ont zēdîm, « des orgueilleux », comme dans le verset 14 du Ps 86 qui est presque le même que celui de 54,6. Il semble préférable de s’en tenir au texte massorétique. V. 7
: « QU’IL RETOURNE LE MAL SUR QUI ME GUETTE »
Selon le Ketib, le premier verbe est au qal et peut être interprété comme un indicatif présent-futur, « il retourne(ra) », ou comme un jussif, « qu’il retourne ». Pour le Qeré au contraire c’est un hiphil, « qu’il fasse retourner ». On suivra le Qeré, mais on le traduira de façon brève par « qu’il retourne », « le mal » n’étant pas le sujet mais le complément d’objet. V. 8B
: « YHWH »
Ce nom divin semble en surnombre : 8b est le seul membre à cinq termes. C’est pourquoi plusieurs le suppriment ; d’autres le déplacent, par exemple à la fin de 7b1, pour obtenir un membre à trois termes, comme les précédents.
1
Par ex., Kraus, I, 514.
164
La deuxième section (Ps 50–55)
COMPOSITION Le titre est particulièrement développé qui comprend trois membres à quatre termes. Le psaume lui-même comprend trois parties organisées de manière concentrique. 1
Du maitre-de-chant, quand vinrent « Est-ce que
sur les cordes, les Ziphéens David
instruction, et dirent n’est pas caché
+ 3 DIEU, + par ton pouvoir
PAR TON NOM
sauve-moi,
fais-moi justice ;
+ 4 DIEU, + prête-l’oreille
entends aux paroles
2
de David ; à Saül : parmi nous ? »
ma prière, de ma bouche !
···································································································
– 5 Car des étrangers – et des forcenés :: ils n’ont pas mis 6
Voici
LE SEIGNEUR
(est)
+ 7 Qu’il retourne + par ta vérité
ont surgi ont cherché DIEU
MON ÂME,
contre moi
DIEU (est) avec les soutenant
mon secourant, MON ÂME.
le mal détruis-les !
sur les me guettant,
devant eux.
···································································································
:: 8 De grand cœur :: je rendrai-grâce 9
– car de toute – et mes ennemis
je sacrifierai À TON NOM,
pour toi, YHWH,
angoisse a vu
il m’a délivré, mon œil.
car (il est) bon,
La première partie commence par une série de quatre volitifs, impératifs et jussif. Les deux occurrences de « Dieu » remplissent la fonction de termes initiaux. Dans le premier segment le psalmiste invoque le salut, dans le second il demande à Dieu d’écouter la prière qu’il vient de faire. Le second morceau (5), commençant par « car », donne les raisons des demandes précédentes : non seulement ce que les ennemis font contre le psalmiste (5ab), mais aussi contre Dieu (5c). La troisième partie est parallèle à la première. Le premier morceau contient deux volitifs, un jussif et un impératif (7). Le deuxième morceau exprime d’abord la conséquence qu’entrainera l’action de Dieu invoquée dans le premier morceau, sacrifice et action de grâce (8) ; puis commençant par « car », est donnée la raison de cette louange ; ce « car » était préparé par un autre « car » à la fin du premier segment (8b).
Le psaume 54
165
Au centre (6), à la troisième personne, une affirmation de foi dans le Dieu qui secourt, appuyé par ceux qui soutiennent le psalmiste. Entre les parties extrêmes revient « par/à ton nom » (3a.8b) ; « étrangers » et « forcenés » (5ab) sont repris par « les me guettant » et « mes ennemis » aux extrémités de la dernière partie (7a.9b). Par ailleurs, « mon âme » de la première partie (5b) est repris à la fin de la partie centrale (6b). CONTEXTE LES ZIPHÉENS David fuit devant Saül qui veut le capturer ; il se réfugie au désert de Ziph (1S 23,14-15), mais les gens de Ziph vont en informer Saül : « David ne se cache-t-il pas chez nous ? » (23,19). Informé, David échappera encore une fois. LE MAL EST RETOURNÉ SUR CEUX QUI L’AVAIENT CONÇU Il n’est pas rare que, dans les psaumes en particulier, le mal retombe sur ses auteurs : Que l’ennemi affûte son épée, qu’il bande son arc et l’apprête, 14 c’est pour lui qu’il apprête les engins de mort et fait de ses flèches des brandons ; 15 le voici en travail de malice, il a conçu la peine, il enfante le mécompte. 16 Il ouvre une fosse et la creuse, il tombera dans le trou qu’il a fait ; 17 sa peine reviendra sur sa tête, sa violence lui retombera sur le crâne (Ps 7,13-17 ; voir aussi 9,16 ; 35,7-8 ; 57,7 ; 141,9-10)
L’exemple le plus fameux est celui de Aman qui avait fait dresser une potence pour pendre Mardochée et qui y sera pendu à sa place (Est 7,9-10).
INTERPRÉTATION L’ACCUSATION Le suppliant fait appel à celui qui peut lui « faire justice » (3) pour lui exposer les faits et accuser ceux qui en veulent à sa vie. C’est tout un groupe d’« étrangers » et de « forcenés » qui s’acharnent contre lui. Mais ce n’est pas tout : non seulement ils méprisent l’homme qu’ils entendent abattre, mais encore ils ne tiennent pas compte de Dieu. Pour eux, Dieu comme le prochain ne comptent pas. LE JUGE Au centre du psaume, une courte déclaration présente le juge auquel s’était adressé le psalmiste. En opposition frontale à ce qui vient d’être dit des ennemis qui en veulent à la vie de son protégé et ne tiennent pas compte de Dieu (5), le
166
La deuxième section (Ps 50–55)
psalmiste décrit son Dieu comme celui qui le secourt et comme celui qui appuie les justes qui le soutiennent. Dieu est donc le juge qui non seulement sauve son roi, mais tranche entre deux groupes, celui des ennemis du psalmiste et celui de ses défenseurs. LA SANCTION Comme il se doit, la sanction réclamée par le psalmiste n’a rien à voir avec la vengeance. Selon la plus stricte justice, il demande que ses ennemis soient frappés du mal qu’ils avaient voulu lui infliger. Leur méchanceté leur retombera sur la tête, ils seront pris au filet qu’ils avaient tendu, tomberont dans la fosse qu’ils avaient creusée pour un autre. Mais le psaume ne s’arrête pas là, il prévoit ce qu’on peut appeler la sanction du juste, le prix qu’il s’engage lui-même à payer pour la délivrance que le Seigneur lui aura accordée : sacrifice et action de grâce, Mal pour mal, bonté pour bonté.
2. LE PSAUME 55 TEXTE 1 Du maitre-de-chant, sur les cordes, instruction, de David. 2 Prête-l’oreille, Dieu, à ma prière, et ne te dérobe pas à ma supplique, 3 fais-attention à moi et réponds-moi, je divague en ma plainte et je frémis 4 à cause de la voix de l’ennemi, devant l’oppression du méchant ; car ils font-chanceler sur moi l’iniquité et avec colère ils m’accusent. 5 Mon cœur se tord au-dedans de moi et les affres de la mort sont tombées sur moi ; 6 crainte et tremblement viennent à moi et m’a étreint un frisson 7 Et je dis : Qui me donnera des ailes comme la colombe, que je je giterais au désert, 9 je me m’envole et me pose ? 8 Voici, je m’éloignerais en fuyant, hâterais vers un refuge pour moi contre le vent impétueux de la tempête. 10 Dévore, Seigneur, divise leur langue car je vois la violence et la discorde en la ville ; 11 de jour et de nuit elles tournent sur ses remparts et iniquité et peine (sont) au-dedans ; 12 les destructions (sont) audedans et ne se retirent pas de sa grand-place tyrannie et fraude. 13 Oui, si un ennemi m’insultait, je le supporterais ; si un me haïssant contre moi s’élevait, je me cacherais loin de lui. 14 Mais toi, un homme de mon rang, mon intime et connu de moi, 15 avec lequel ensemble nous goûtions le conseil et dans la maison de Dieu nous allions parmi la foule ? 16 Que surprenne la mort sur eux, qu’ils descendent vivants au schéol, car les maux (sont) dans leur demeure au-dedans d’eux. 17 Moi, vers Dieu j’appelle et Yhwh me sauvera ; 18 le soir et le matin et à midi je me plains et frémis et il entendra ma voix. 19 Qu’il rachète dans la paix mon âme de la bataille sur moi car nombreux furent contre moi. 20 Qu’il entende Dieu et qu’il les humilie, lui qui siège dès l’origine, lesquels il n’est pas d’amendement pour eux : et point ne craignent Dieu. 21 Il a envoyé les mains contre ses amis, il a violé son alliance. 22 Plus onctueuse que la crème (est) sa bouche mais la bataille (est) son cœur ; sont plus douces ses paroles que l’huile mais elles (sont) des épées-nues. 23 Décharge sur Yhwh ton souci et lui te nourrira, il ne donnera pas qu’à jamais chancelle le juste. 24 Et toi, Dieu, tu les fais-descendre dans le puits de corruption ; les hommes de sang et de fraude ne-ferontpas-la-moitié de leurs jours. Et moi je me fie à toi.
Les hapax sont nombreux : ‘āqat rendu par « oppression » (4b ; voir Am 2,13), rāgeš par « foule » (15b), maḥmā’ōt par « crème » (22a), petiḥôt par « épées-nues » (22d), yehāb par « « souci » (23a). V. 13
: « SI UN ENNEMI M’INSULTAIT, [...] SI UN ME HAÏSSANT... »
Litt. « Oui, pas un ennemi m’insulte ». La Septante a bien rendu le sens en traduisant par des conditionnelles. V. 19
: « QU’IL RACHÈTE »
Ce parfait est compris comme un impératif ; il en va de même pour les inaccomplis de 201. V. 23
: « ET LUI TE NOURRIRA »
Le verbe signifie « soutenir », et aussi « nourrir » (Gn 45,11 ; 50,21 ; 1R 18,4). 1
Hakham, I, 322 ; pour la discussion sur le premier verbe de 19, voir Ravasi, II, 119-120.
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La deuxième section (Ps 50–55)
V. 24B : « DANS LE PUITS DE CORRUPTION
»
Le deuxième terme du syntagme signifie souvent « fosse », ce qui semble tautologique. La Septante a compris « corruption ». COMPOSITION Le psaume comprend trois parties. Les parties extrêmes sont développées qui sont formées de trois sous-parties (2-12 ; 17-24). La partie centrale est nettement plus courte (13-16). LA PREMIÈRE PARTIE (2-12) Dans la première sous-partie, la supplication (2-3) est motivée par les attaques des ennemis (4). Dans le premier segment, les impératifs par lesquels commencent les deux membres sont suivis par leurs compléments ; dans le second segment, les deux impératifs se trouvent dans le premier membre et l’équivalent de « ma prière » et « ma supplique » occupe le second membre (3b). Dans le deuxième morceau le second segment explicite les attaques de « l’ennemi » et du « méchant ». La dernière sous-partie commence par une supplication qui juxtapose deux impératifs (10a), après quoi vient la motivation, introduite par « car » : le mal sous toutes ses formes — « violence et discorde » (10b), « iniquité et peine » (11b), « destructions », « tyrannie et fraude » (12) — règne dans toute la ville : « en la ville » (10b), « sur ses remparts » et « au-dedans » (11), « au-dedans » et sur « sa grand place » (12). Dans la sous-partie centrale, le psalmiste rêve de s’enfuir (8-9) à cause de la souffrance insupportable qu’il doit endurer (5-6). Dans le premier morceau (56b), les seconds membres donnent la raison de la douleur des premiers membres. Le dernier morceau (8-9) semble construit de manière spéculaire : les membres médians nomment le « refuge » au « désert », les membres extrêmes disent la fuite devant la tempête. Au centre (6cd), comme il est fréquent, une question, la seule de la partie. Les sous-parties extrêmes sont parallèles entre elles. Elles commencent par des supplications à l’impératif, quatre au début (2-3), deux à la fin (10a), adressées à « Dieu » (2a), au « Seigneur » (10a). Suivent les motivations (4 ; 10b-12) où abondent les termes appartenant au champ sémantique du mal : « ennemi », « oppression », « méchant », « iniquité », « colère », « accusent » (4) d’une part, et d’autre part « violence et discorde » (10b), « iniquité et peine » (11b), « destructions, tyrannie et fraude » (12). « Les ennemis » de la première sous-partie (4) ne sont pas des étrangers mais des compatriotes, habitant la même ville (10-12).
Le psaume 55 + 2 PRÊTE-L’OREILLE, + et NE TE DÉROBE PAS
DIEU, à ma supplique,
à ma prière,
+ 3 FAIS-ATTENTION + je divague
à moi en ma plainte
et RÉPONDS-MOI, et je frémis
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·····························································································
– 4 à cause de la voix – devant
de l’ennemi, l’oppression
– car ils font-chanceler – et avec colère
sur moi ils m’accusent.
L’INIQUITÉ
se tord de la mort
au-dedans de moi, sont tombées
et tremblement un frisson
7
: 5 Mon cœur : et les affres 6
: crainte : et m’a étreint
du méchant ;
sur moi ;
viennent à moi, et je dis :
·······························································································
Qui me donnera que je m’envole
des ailes et me pose ?
comme la colombe,
······························································································· 8
- Voici, - je giterais
je m’éloignerais au désert,
en fuyant,
- 9 je me hâterais - contre le vent
vers un refuge impétueux
pour moi de la tempête.
+ 10 DÉVORE, – car je vois
SEIGNEUR, la violence
et la discorde
– 11 de jour – et INIQUITÉ
et de nuit et peine
elles tournent (sont) au-dedans ;
sur ses remparts
– 12 les destructions – et ne se retirent pas
(sont) au-dedans de sa grand-place
tyrannie
et fraude.
DIVISE
leur langue en la ville ;
La sous-partie centrale n’a aucun vocabulaire commun avec les deux autres sous-parties. Cependant, le premier morceau décrit l’effet sur le psalmiste de « l’oppression du méchant » dont il venait d’être question (4). Dans le dernier morceau, « le refuge » au « désert » s’oppose à « la ville » de la dernière souspartie. Les « remparts » (11c) de cette ville ne peuvent servir de « refuge », puisque le mal est au-dedans.
170
La deuxième section (Ps 50–55)
LA DEUXIÈME PARTIE (13-16) – 13 Oui, si un ennemi – si un me haïssant – je me cacherais
m’insultait, contre moi loin de lui.
je le supporterais ; s’élevait,
····························································································································
: 14 Mais toi, : mon intime
un homme et connu de moi,
de mon rang,
: 15 avec lequel : et dans la maison
ensemble de Dieu
nous goûtions nous allions
le conseil parmi la foule ?
···························································································································· 16
– Que surprenne – qu’ils descendent – car les maux (sont)
la mort vivants dans leur demeure
sur eux, au schéol, au-dedans d’eux.
Dans le premier morceau, les deux derniers membres ont la même construction syntaxique que le premier membre : conditionnelle + principale. Le deuxième morceau est une longue phrase interrogative complexe. Le premier segment dit la nature de leur relation, le deuxième ce qu’ils faisaient ensemble. Dans le troisième morceau la requête de la mort des ennemis est motivée dans le troisième membre. Si le psalmiste commence par se dire prêt à supporter l’insulte d’un ennemi, il ne le peut pas pour un ami qui l’a trahi. Le passage du singulier (13-15) au pluriel (16) permet de comprendre que le traitre n’est pas un individu, mais un groupe. LA TROISIÈME PARTIE (17-24) Les deux segments du premier morceau sont parallèles ; les derniers membres (17b.18c) peuvent être compris comme des demandes. Le deuxième morceau de la première sous-partie comprend des demandes (19a.20ab) et en donne la raison : les ennemis sont « nombreux » (19b), ils sont incorrigibles (20cd). Dans la deuxième sous-partie le premier segment dit comment l’ennemi a trahi ses amis, les deux suivants insistant sur la fausseté de ses paroles. Dans la dernière sous-partie les morceaux extrêmes mettent en parallèle celui à qui le psalmiste s’adresse et lui-même : « se fier » à Dieu (24e) équivaut à « se décharger » sur lui de son souci (23a). Seul le premier morceau donne les raisons de la confiance en Dieu (23bc). Au centre, ce que Dieu fera contre les méchants.
Le psaume 55 :: 17 Moi, + et YHWH
vers DIEU me sauvera ;
j’appelle
:: 18 le soir :: je me plains + et il entendra
et le matin et frémis, ma voix.
et à midi
171
······························································································· 19
– Qu’il rachète – car nombreux
dans la paix furent
mon âme contre moi.
– 20 Qu’il entende – lui qui siège
DIEU dès l’origine,
et qu’il les humilie,
– lesquels – et point
il n’est pas ne craignent
d’amendement DIEU.
- 21 Il a envoyé - il a violé
les mains son alliance.
contre ses amis,
+ 22 Plus onctueuse - mais LA BATAILLE
que la crème (est) son cœur ;
(est) sa bouche
+ sont plus douces - mais elles (sont)
ses paroles des épées-nues.
que l’huile
sur YHWH te nourrira, qu’à jamais
ton souci
:: 23 Décharge + et lui + il ne donnera pas
chancelle
de LA BATAILLE sur moi
pour eux
le juste.
······························································································· DIEU, tu les fais-descendre
– 24 Et toi, – dans le puits
de corruption ;
– les hommes – ne feront pas-la moitié
de sang de leurs jours.
et de fraude
·······························································································
:: Et moi
je me fie
à toi.
Entre les deux premières sous-parties revient « la bataille » (19a.22b) ; par ailleurs « ses amis » de 21a est de même racine que « la paix » de 19a. Les sousparties extrêmes commencent par deux promesses (17b.18c ; 23bc) et continuent par l’annonce du châtiment que recevront les impies (20 ; 24).
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La deuxième section (Ps 50–55)
L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
Du maitre-de-chant, sur les cordes, instruction, de David. 2
PRÊTE L’OREILLE, Dieu, à ma prière, et ne te dérobe pas à ma supplique, 3 faisattention à moi et réponds-moi, je divague en MA PLAINTE et JE FRÉMIS 4 à cause de la voix de l’ennemi, devant l’oppression du méchant ; car ILS FONT-CHANCELER sur moi l’iniquité et avec colère ils m’accusent. 5
Mon cœur se tord au-dedans de moi et les affres de LA MORT tombent sur moi ; 6 crainte et tremblement viennent à moi et m’étreint un frisson 7 Et je dis : Qui me donnera des ailes comme la colombe, que je m’envole et me pose ? 8 Voici, je m’éloignerais en fuyant, je giterais au désert, 9 je me hâterais vers un refuge pour moi contre le vent impétueux de la tempête. 10
Dévore, Seigneur, divise leur langue car je vois la violence et la discorde en la ville ; 11 de jour et de nuit elles tournent sur ses remparts et iniquité et peine sont au-dedans ; 12 les destructions sont au-dedans et ne s’éloignent pas de sa grand place tyrannie et fraude. 13
Oui, si un ennemi m’insultait, je le supporterais ; si un me haïssant s’élevait contre moi, je me cacherais loin de lui. 14 Mais toi, un homme de mon rang, mon intime et connu de moi, 15 avec lequel ensemble nous goûtions le conseil et dans la maison de Dieu nous allions parmi la foule ? 16 Que surprenne LA MORT sur eux, QU’ILS DESCENDENT vivants AU SCHÉOL, car les maux sont dans leur demeure au-dedans d’eux. 17
Moi, vers Dieu j’appelle et Yhwh me sauvera ; 18 le soir et le matin et à midi 19 JE ME PLAINS et JE FRÉMIS et IL ENTENDRA ma voix. Qu’il rachète dans la paix mon âme de la bataille sur moi car nombreux furent contre moi. 20 QU’IL ENTENDE Dieu et qu’il les humilie, lui qui siège dès l’origine, lesquels il n’est pas d’amendement pour eux : et point ne craignent Dieu. 21
Il a envoyé les mains contre ses amis, il a violé son alliance. 22 Plus onctueuse que la crème est sa bouche mais la bataille est son cœur ; sont plus douces ses paroles que l’huile mais elles sont des épées-nues. 23
Décharge sur Yhwh ton souci et lui te nourrira, il ne donnera pas qu’à jamais 24 Et toi, Dieu, TU LES FAIS-DESCENDRE DANS LE PUITS DE CORRUPTION ; les hommes de sang et de fraude ne-feront-pas-la-moitié de leurs jours. Et moi je me fie à toi. CHANCELLE le juste.
Le couple « plainte/me plaindre » – « frémir » revient au début des parties extrêmes (3.18), jouant le rôle de termes initiaux ; en outre, « prêter l’oreille » (2) annonce « entendre » (18.20). « (Faire-)chanceler » est repris aux extrémités (4.23). « Ennemi » est repris au début de la première partie et au début de la partie centrale (4.13) ; « la mort » revient au centre de la première partie et à la fin de la partie centrale (5.16).
Le psaume 55
173
« Qu’ils descendent vivants au schéol » (16) et « tu les fais descendre dans le puits de corruption » (24) remplissent la fonction de termes finaux pour les deux dernières parties. Le premier morceau de la partie centrale (13) correspond à la sous-partie centrale de la première partie (5-9) : si le psalmiste avait affaire à un étranger, il lui suffirait de s’en éloigner. Le morceau central de la partie centrale (14-15) annonce la sous-partie centrale de la troisième partie (21-22), car il s’agit dans les deux cas de celui qui trahit son ami ; la dernière sous-partie de la première partie annonce ce thème : l’ennemi mentionné dans la première sous-partie (4) se révèle être un ennemi de l’intérieur (10-12).
CONTEXTE « CELUI QUI MANGEAIT MON PAIN » Le Ps 55 est à rapprocher d’un verset du Ps 41 : « Même l’homme de ma paix, celui en qui je me fiais ; en mangeant mon pain, il lève contre moi le talon » (Ps 41,10). « CHACUN DUPE SON AMI » (JR 9,1-8) Les huit premiers versets de Jr 9 dénoncent le même genre de trahison contre les amis et les frères. L’oracle commence ainsi : « Qui me fournira au désert un gite de voyageurs, que je puisse quitter mon peuple et loin d’eux m’en aller ? » (9,1) qui rappelle Ps 55,7-9.
INTERPRÉTATION LE SALUT PAR LA FUITE Devant le déferlement du mal qui pourrait vous emporter dans la mort, la solution est de s’éloigner au plus vite, de fuir au plus loin ceux qui vous accusent et de se cacher au mieux (5-9). C’est ce que David avait coutume de faire quand il était menacé d’être cloué au mur par Saül (1S 19,9-10), quand celui-ci se mettait en campagne pour le mettre à mort (1S 19,11-17 ; 20–22, etc.). C’est ce qu’il fit aussi quand son fils Absalon se révolta contre lui (2S 15). « MAIS TOI, MON INTIME ? » Les maux ne sont pas dûs à un groupe ou à un peuple étranger, comme on aurait pu s’y attendre. Ils viennent du plus proche, de ceux dont on avait toutes les raisons d’avoir confiance (14-15). La violence n’est pas celle du siège qu’un ennemi extérieur aurait monté contre la ville ; c’est à l’intérieur de la ville que règne la discorde et la violence, c’est sur ses remparts que tournent sans cesse
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La deuxième section (Ps 50–55)
l’iniquité et la peine (10-12). « Les épées nues » brandies dans « la bataille » sont celles de l’ami qui a trahi l’alliance par des paroles mensongères (21-22). AUCUN ESPOIR DE RETOUR Le comble de la douleur, c’est de se rendre compte qu’il serait illusoire d’attendre que l’ami intime qui a trahi se repente de sa conduite : « les maux sont au-dedans d’eux » (16) et « il n’est pas d’amendement pour eux » (20). Dans le langage d’aujourd’hui et en termes cliniques, c’est le cas du pervers narcissique. « QU’ILS DESCENDENT VIVANTS AU SCHÉOL ! » La victime de l’ennemi a bien conscience que « les affres de la mort » tombent sur lui (5). Les discours du pervers sont « des épées » dégainées qui ne manquent pas de frapper (22). Le psalmiste ne cherche pas à se venger. Il s’en remet à Dieu pour le châtiment (24). La mort appelle la mort. Encore une fois, qui a creusé une tombe pour son prochain ne manquera pas d’y être précipité.
3. « PAR TON POUVOIR FAIS-MOI JUSTICE » (54–55) COMPOSITION DE LA SÉQUENCE Le début du premier psaume (54,3-4) trouvera un écho au début des longues parties extrêmes du deuxième : « Dieu » et « sauver » (54,3 ; 55,17) ; « Dieu, entends ma prière, prête-l’oreille » (54,4 ; 55,2) ; « entendre » de 54,4 est repris deux fois en 55,18.20. Ces reprises servent donc de termes initiaux. Les deux occurrences de « ennemi(s) » (54,9 ; 55,4) remplissent la fonction de termes médians ; le même terme sera repris au début de la partie centrale (55,13). « Mal/maux » reviennent en 54,7 et 55,16 ; « paroles » et « bouche » en 54,4 et 55,22. INTERPRÉTATION UNE DOUBLE SUPPLICATION Les titres de ces deux psaumes sont identiques, le mouvement de la prière y est si proche qu’on peut avoir l’impression d’avoir affaire, sinon à des jumeaux, tout au moins à deux frères, même si le deuxième est beaucoup plus expansif que son ainé. Le psalmiste supplie Dieu d’écouter sa prière (54,4 ; 55,2), de le sauver (54,3 ; 54,17) de la main d’ennemis qui en veulent à sa vie (54,5 ; 55,5). Il lui demande également de détruire ces ennemis implacables (54,7 ; 55,16), et il est sûr que Dieu l’exaucera à la fin (54,6.9 ; 55,23-24).
La séquence 54–55
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54,1 Du maitre-de-chant, sur les cordes, instruction, de David ; 2 quand vinrent les Ziphéens et dirent à Saül : « Est-ce que David n’est pas caché parmi nous ? » 3
DIEU, par ton nom SAUVE-MOI, par ton pouvoir fais-moi justice ; DIEU, ENTENDS MA PRIÈRE, PRÊTE-L’OREILLE aux PAROLES de ma BOUCHE ! 5 Car des étrangers ont surgi contre moi et des forcenés ont cherché mon âme, ils n’ont pas mis Dieu devant eux. 4
6 Voici Dieu est mon secours, le Seigneur est avec ceux qui soutiennent mon âme.
Qu’il retourne le mal sur ceux qui me guettent, par ta vérité détruis-les ! 8 De grand cœur je sacrifierai pour toi, je rendrai grâce à ton nom, Yhwh, car il est bon, 9 car de toute angoisse il m’a délivré, et mon œil a vu mes ENNEMIS. 7
55,1 Du maitre-de-chant, sur les cordes, instruction, de David. 2
PRÊTE-L’OREILLE, DIEU, à MA PRIÈRE et ne te dérobe pas à ma supplique, 3 fais-attention à moi et réponds-moi, je divague en ma plainte et je frémis 4 à cause de la voix de L’ENNEMI, devant l’oppression du méchant ; car ils font chanceler sur moi l’iniquité et avec colère ils m’accusent. 5 Mon cœur se tord au-dedans de moi et les affres de la mort sont tombées sur moi ; 6 crainte et tremblement viennent à moi et m’a étreint un frisson 7 Et je dis : Qui me donnera des ailes comme la colombe, que je m’envole et me pose ? 8 Voici, je m’éloignerais en fuyant, je giterais au désert, 9 je me hâterais vers un refuge pour moi contre le vent impétueux de la tempête. 10 Dévore, Seigneur, divise leur langue car je vois la violence et la discorde en la ville ; 11 de jour et de nuit elles tournent sur ses remparts et iniquité et peine sont au-dedans ; 12 les destructions sont au-dedans et ne se retirent pas de sa grand-place tyrannie et fraude. 13
Oui, si un ENNEMI m’insultait, je le supporterais ; si un me haïssant contre moi s’élevait, je me cacherais loin de lui. 14 Mais toi, un homme de mon rang, mon intime et connu de moi, 15 avec lequel ensemble nous goûtions le conseil et dans la maison de Dieu nous allions parmi la foule ? 16 Que surprenne la mort sur eux, qu’ils descendent vivants au schéol, car les maux sont dans leur demeure au-dedans d’eux. 17
Moi, vers DIEU j’appelle et Yhwh ME SAUVERA ; 18 le soir et le matin et à midi je me plains et frémis, et IL ENTENDRA ma voix. 19 Qu’il rachète dans la paix mon âme de la bataille sur moi car nombreux furent contre moi. 20 QU’IL ENTENDE Dieu et qu’il les humilie, lui qui siège dès l’origine, lesquels il n’est pas d’amendement pour eux : et point ne craignent Dieu. 21 Il a envoyé les mains contre ses amis, il a violé son alliance. 22 Plus onctueuse que la crème est sa BOUCHE mais la bataille est son cœur ; sont plus douces ses PAROLES que l’huile mais elles sont des épées-nues. 23 Décharge sur Yhwh ton souci et lui te nourrira, il ne donnera pas qu’à jamais chancelle le juste. 24 Et toi, Dieu, tu les fais descendre dans le puits de corruption ; les hommes de sang et de fraude ne feront pas la moitié de leurs jours. Et moi je me fie à toi.
LE COMBLE DU MALHEUR Le ton est infiniment plus dramatique dans le deuxième psaume. Dès le début le psalmiste reconnait qu’il « divague » en sa plainte et « frémit » (3), et il le redira encore (18). « Les affres de la mort », « tremblement » et « frisson » lui font souhaiter de disparaitre au plus loin, « au désert » (5-9). C’est qu’il a découvert que l’ennemi qui le pourchassait « avec colère » (4) n’est autre que celui qu’il croyait être son plus intime ami (14-15.21-22). Or, ses paroles étaient d’au-
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La deuxième section (Ps 50–55)
tant plus onctueuses qu’elles tentaient de dissimuler l’épée avec laquelle il frappait en cachette. La douleur est à la mesure de la délusion et, davantage encore, à la constatation qu’il n’est aucune remède. La seule solution est de s’en remettre au seul Seigneur : jacta cogitatum tuum in Domino, et ipse te enutriet (23).
IV. LE SEIGNEUR QUI PARDONNE LE PÉCHÉ DONNE LE SALUT 1. COMPOSITION DE LA DEUXIÈME SECTION Les six psaumes qui forment la section s’organisent en trois séquences. Chaque séquence comprend deux psaumes.
« Tu es irréprochable
dans ton jugement »
Ps 50–51
EST-CE QU’ILS NE COMPRENDRONT PAS, LES FAISEURS D’INIQUITÉ ?
« Par ton pouvoir
fais-moi justice »
Ps 52–53
Ps 54–55
La première chose à noter est la brièveté de la séquence centrale par rapport aux deux autres1 : 1re séquence
2e séquence
3e séquence
Ps 50 : Ps 51 :
1 071 970
Ps 52 : Ps 53 :
547 416
Ps 54 : Ps 55 :
382 1 156
Total :
2 041
Total :
963
Total :
1 5388
Après avoir examiné les rapports entre les séquences extrêmes, on étudiera les rapports entre la séquence centrale et les deux autres.
1
Le compte est fait en nombre de signes du texte hébreu translitéré, espaces compris ; sans les numéros des versets, avec les qeré (sauf pour « Yhwh »).
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La deuxième section (Ps 50–55)
LES RAPPORTS ENTRE LES SÉQUENCES EXTRÊMES (50–51 ; 54–55) 50,1 Psaume, d’Asaph. Le Dieu des dieux, Yhwh, PARLE et il appelle la terre du levant du soleil au couchant ; 2 depuis Sion, de la parfaite beauté, Dieu resplendit. 3 Vienne notre Dieu et ne se taise pas, un feu devant lui dévore et autour de lui c’est-tempête beaucoup ; 4 Il appelle les cieux en haut et la terre pour JUGER son peuple : 5 « Assemblez-moi mes fidèles qui scellèrent mon alliance en SACRIFIANT ». 6 Et les cieux ont annoncé sa justice car Dieu, le juge, c’est lui. 7 Écoutez, mon peuple, et JE PARLERAI, Israël, je témoignerai contre toi, Dieu, ton Dieu, c’est moi ! 8 Pas sur tes SACRIFICES j’accuse et tes holocaustes sont devant moi toujours ; 9 je ne prendrai pas de ta maison un taurillon ni de tes bergeries des boucs. 10 Car à moi est tout fauve des forêts, des animaux sur les montagnes par milliers ; 11 je connais tous les oiseaux des montagnes et toute bête des champs est pour moi. 12 Si j’ai faim, je ne te le dirai pas car à moi est le monde et son contenu ; 13 vais-je manger la chair des taureaux et le SANG des boucs, vais-je le boire ? 14 SACRIFIE à Dieu LA CONFESSION et acquitte pour le Très-Haut tes vœux ; 15 et appelle-moi au jour de l’angoisse, je t’affranchirai et tu me glorifieras. » 16 Et au méchant Dieu dit : « Qu’as-tu à énumérer mes décrets et à porter mon alliance à la BOUCHE ; 17 et toi tu hais la discipline et tu envoies mes PAROLES derrière toi ? 18 Si tu vois un voleur, tu te plais avec lui et parmi les adultères est ton partage ; 19 de ta BOUCHE tu envoies le mal et de ta langue tu trames la tromperie. 20 Tu t’assieds, tu PARLES contre ton frère, au fils de ta mère tu donnes le déshonneur. 21 Tu fais ces choses et je me tairais ? Penses-tu que je suis vraiment comme toi ? Je t’accuse et m’explique à tes yeux. 22 Comprenez bien cela, vous qui oubliez Dieu, de peur que je lacère, et personne qui DÉLIVRE ! 23 Qui SACRIFIE LA CONFESSION me glorifie, et qui met un chemin je lui ferai voir le SALUT de Dieu. » 51,1 Du maitre-de-chant, psaume, de David, 2 QUAND vint vers lui le prophète Nathan, après qu’il fut venu vers Bethsabée. 3 Aie pitié de moi, Dieu, selon ta fidélité, selon la grandeur de ta miséricorde efface mes transgressions ! 4 Grandement lave-moi de ma faute, et de mon péché purifie-moi ! 5 Car mes transgressions, moi, je connais et mon péché est devant moi toujours. 6 Contre toi, toi seul, j’ai péché et ce qui est mal à tes yeux je l’ai fait, de sorte que tu es juste dans ta PAROLE, que tu es irréprochable dans ton jugement. 7 Voici que dans la faute j’ai été enfanté et dans le péché m’a conçu ma mère. 8 Voici que la vérité tu veux dans les reins et dans l’intime la sagesse tu me fais connaitre. 9
Tu m’ôteras le péché avec l’hysope, et je serai pur ; tu me laveras, et plus que la neige je serai blanc ! 10 Tu me feras entendre allégresse et joie, jubileront les os que tu broyas ! 11 Cache ta face de mes péchés et toutes mes fautes efface-les ! 12 Un cœur pur crée pour moi, Dieu, et un souffle sûr rénove en mon sein. 13 Tu ne me rejetteras pas de devant ta face et le souffle de ta sainteté n’enlève pas de moi. 14 Fais-revenir pour moi l’allégresse de ton SALUT et d’un souffle de noblesse tu m’affermiras. 15 J’enseignerai aux transgresseurs tes chemins et les pécheurs vers toi reviendront ! 16 Délivre-moi des SANGS, Dieu, Dieu de mon SALUT : ma langue acclamera ta justice. 17 Adonaï, mes lèvres tu ouvriras, et ma BOUCHE annoncera ta louange. 18 Car tu ne veux pas de sacrifice, si je l’offre, un holocauste, tu ne le désires pas. 19 Les sacrifices de Dieu, un souffle brisé ; un cœur brisé et broyé, Dieu, tu ne méprises pas ! 20 Fais du bien selon ton désir à Sion, tu rebâtiras les murailles de Jérusalem. 21 Alors tu voudras des sacrifices de justice, holocauste et offrande-totale ; alors ils feront-monter sur tes autels des taureaux.
Entre les premiers psaumes, au début « juger » et « faire-justice » traduisent le même verbe (50,4 ; 54,3) ; « sacrifier/sacrifice » (50,5.8.14.23 ; 54,8), « confession/ rendre-grâce » sont de même racine (50,14.23 ; 54,8), « délivrer » (50,22 ; 54,9).
L’ensemble de la section
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54,1 Du maitre-de-chant, sur les cordes, instruction, de David ; 2 QUAND vinrent les Ziphéens et dirent à Saül : « Est-ce que David n’est pas caché parmi nous ? » 3 Dieu, par ton nom SAUVE-MOI, par ton pouvoir FAIS-MOI-JUSTICE ; 4 Dieu, entends ma prière, prête l’oreille aux PAROLES de ma BOUCHE ! 5 Car des étrangers ont surgi contre moi, et des forcenés ont cherché mon âme, ils n’ont pas mis Dieu devant eux. 6
Voici : Dieu est mon secours, le Seigneur est avec ceux qui soutiennent mon âme. 7 Qu’il retourne le mal sur ceux qui me guettent, par ta vérité détruis-les ! 8 De grand cœur JE SACRIFIERAI pour toi, JE RENDRAI GRÂCE à ton nom, Yhwh, car il est bon, 9 car de toute angoisse IL M’A DÉLIVRÉ, et mon œil a vu mes ennemis. 55,1 Du maitre-de-chant, sur les cordes, instruction, de David. 2 Prête-l’oreille, Dieu, à ma prière, et ne te dérobe pas à ma supplique, 3 fais-attention à moi et répondsmoi, je divague en ma plainte et je frémis 4 à cause de la voix de l’ennemi, devant l’oppression du méchant ; car ils font chanceler sur moi l’iniquité, et avec colère ils m’accusent. 5 Mon cœur se tord au-dedans de moi, et les affres de la mort sont tombées sur moi ; 6 crainte et tremblement viennent à moi, et un frisson m’a étreint. 7 Et je dis : Qui me donnera des ailes comme la colombe, que je m’envole et me pose ? 8 Voici, je m’éloignerais en fuyant, je giterais au désert, 9 je me hâterais vers un refuge pour moi contre le vent impétueux de la tempête. 10 Dévore, Seigneur, divise leur langue car je vois la violence et la discorde en la ville ; 11 de jour et de nuit elles tournent sur ses remparts, et iniquité et peine sont au-dedans ; 12 les destructions sont audedans ; et ne se retirent pas de sa grand-place tyrannie et fraude. 13 Oui, si un ennemi m’insultait, je le supporterais ; si un me haïssant contre moi s’élevait, je me cacherais loin de lui. 14 Mais toi, un homme de mon rang, mon intime et connu de moi, 15 avec lequel ensemble nous goûtions le conseil et dans la maison de Dieu nous allions parmi la foule ? 16 Que surprenne la mort sur eux, qu’ils descendent vivants au schéol, car les maux sont dans leur demeure au-dedans d’eux. 17 Moi, vers Dieu j’appelle et Yhwh me SAUVERA ; 18 le soir et le matin et à midi je me plains et frémis, et il entendra ma voix. 19 Qu’il rachète dans la paix mon âme de la bataille sur moi car nombreux furent contre moi. 20 Qu’il entende Dieu et qu’il les humilie, lui qui siège dès l’origine, lesquels il n’est pas d’amendement pour eux et point ne craignent Dieu. 21 Il a envoyé les mains contre ses amis, il a violé son alliance. 22 Plus onctueuse que la crème est sa BOUCHE mais la bataille est son cœur ; sont plus douces ses PAROLES que l’huile mais elles sont des épéesnues. 23 Décharge sur Yhwh ton souci et lui te nourrira, il ne donnera pas qu’à jamais chancelle le juste. 24 Et toi, Dieu, tu les fais descendre dans le puits de corruption ; les hommes de SANG et de fraude ne feront pas la moitié de leurs jours. Et moi je me fie à toi.
Les seconds psaumes : le Ps 51 répète « transgressions » et synonymes, « péché », « fautes », « mal » ; le Ps 55 accumule les synonymes de « iniquité », « oppression », « violence et discorde », « peine », « destructions », « tyrannie et fraude », « maux ». Les titres des psaumes médians disent la circonstance de leur énonciation. Les psaumes ont en commun « sang(s) » (50,13 ; 51,16 ; 55,24), « sauver/ salut(s) » (50,23 ; 51,14.16 ; 54,3 ; 55,17), « parler/parole » (50,1.7.17.20 ; 51,6 ; 54,4 ; 55,22) et « bouche » (50,16.19 ; 51,17 ; 54,4 ; 55,22). Il s’agit toujours de jugement, celui du psalmiste d’abord (50–51), prononcé par Dieu, celui des ennemis à la fin (54–55), réclamé par le psalmiste.
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La deuxième section (Ps 50–55)
LES RAPPORTS ENTRE LES DEUX PREMIÈRES SÉQUENCES (50–51 ; 52–53) 50,1 Psaume, d’Asaph. Le Dieu des dieux, Yhwh, parle et il appelle la terre du levant du soleil au couchant ; 2 depuis Sion, de la parfaite beauté, Dieu resplendit. 3 Vienne notre Dieu et ne se taise pas, un feu devant lui dévore et autour de lui c’est-tempête beaucoup ; 4 Il appelle les cieux en haut et la terre pour juger son peuple : 5 « Assemblez-moi mes fidèles qui scellèrent mon alliance en sacrifiant ». 6 Et ont annoncé les cieux sa justice car Dieu, le juge, c’est lui. 7 Écoutez, mon peuple, et je parlerai, Israël, je témoignerai contre toi, Dieu, ton Dieu, c’est moi ! 8 Pas sur tes sacrifices j’accuse et tes holocaustes sont devant moi toujours ; 9 je ne prendrai pas de ta maison un taurillon ni de tes bergeries des boucs. 10 Car à moi est tout fauve des forêts, des animaux sur les montagnes par milliers ; 11 je connais tous les oiseaux des montagnes et toute bête des champs est pour moi. 12 Si j’ai faim, je ne te le dirai pas car à moi est le monde et son contenu ; 13 vais-je manger la chair des taureaux et le sang des boucs, vais-je le boire ? 14 Sacrifie à Dieu la confession et acquitte pour le Très-Haut tes vœux ; 15 et appelle-moi au jour de l’angoisse, je t’affranchirai et tu me glorifieras. » 16 Et au méchant Dieu dit : « Qu’as-tu à énumérer mes décrets et à porter mon alliance à la bouche ; 17 et toi tu hais la discipline et tu envoies mes paroles derrière toi ? 18 Si tu vois un voleur, tu te plais avec lui et parmi les adultères est ton partage ; 19 de ta bouche tu envoies le mal et de ta LANGUE tu trames la tromperie. 20 Tu t’assieds, tu parles contre ton frère, au fils de ta mère tu donnes le déshonneur. 21 Tu fais ces choses et je me tairais ? Penses-tu que je suis vraiment comme toi ? Je t’accuse et m’explique à tes yeux. 22 Comprenez bien cela, vous qui oubliez Dieu, de peur que je lacère, et personne qui délivre ! 23 Qui sacrifie la confession me glorifie, et qui met un chemin je lui ferai voir le salut de Dieu. » 51,1 Du maitre-de-chant, psaume, de David, 2 quand vint vers lui le prophète Nathan, après qu’il fut venu vers Bethsabée. 3 Aie pitié de moi, Dieu, selon ta fidélité, selon la grandeur de ta miséricorde efface mes transgressions ! 4 Grandement lave-moi de ma faute, et de mon péché purifie-moi ! 5 Car mes transgressions, moi, je connais et mon péché est devant moi toujours. 6 Contre toi, toi seul, j’ai péché et ce qui est mal à tes yeux je l’ai fait, de sorte que tu es juste dans ta parole, que tu es irréprochable dans ton jugement. 7 Voici que dans la faute j’ai été enfanté et dans le péché m’a conçu ma mère. 8 Voici que la vérité tu veux dans les reins et dans l’intime la sagesse tu me fais connaitre. 9 Tu m’ôteras le péché avec l’hysope, et je serai pur ; tu me laveras, et plus que la neige je serai blanc ! 10 Tu me feras entendre allégresse et joie, jubileront les os que tu broyas ! 11 Cache ta face de mes péchés et toutes mes fautes efface-les ! 12 Un cœur pur crée pour moi, Dieu, et un souffle sûr rénove en mon sein. 13 Tu ne me rejetteras pas de devant ta face et le souffle de ta sainteté n’enlève pas de moi. 14 Fais-revenir pour moi l’allégresse de ton salut et d’un souffle de noblesse tu m’affermiras. 15 J’enseignerai aux transgresseurs tes chemins et les pécheurs vers toi reviendront ! 16 Délivre-moi des sangs, Dieu, Dieu de mon salut : ma LANGUE acclamera ta JUSTICE. 17 Adonaï, mes lèvres tu ouvriras, et ma bouche annoncera ta LOUANGE. 18 Car tu ne veux pas de sacrifice, si je l’offre, un holocauste, tu ne le désires pas. 19 Les sacrifices de Dieu, un souffle brisé ; un cœur brisé et broyé, Dieu, tu ne méprises pas ! 20 Fais du bien selon ton désir à Sion, tu rebâtiras les murailles de Jérusalem. 21 Alors tu voudras des sacrifices de JUSTICE, holocauste et offrande-totale ; alors ils feront-monter sur tes autels des taureaux.
L’ensemble de la section
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52,1 Du maitre-de-chant, instruction, de David 2 quand vint Doëg l’Édomite et il avertit Saül et dit à lui : « Est venu David à la maison d’Ahimelek ». 3 Comment TU TE LOUES du mal, héros, la fidélité de Dieu étant tout le jour ? 4 Des crimes pense ta LANGUE comme un rasoir affilé, faisant la tromperie ! 5 Tu aimes le mal plus que le bien, le mensonge plus que parler la JUSTICE ; 6 tu aimes toute parole qui avale, LANGUE de fraude. 7 Aussi Dieu t’écrasera jusqu’à la fin te détruira et il t’arrachera de la tente et te déracinera de la terre des vivants. 8 Et verront les justes et ils craindront et sur lui ils riront : 9 « Voici l’homme qui ne mettait pas Dieu comme sa forteresse et qui se fiait à l’abondance de sa richesse se faisait fort de son crime ». 10 Et moi, tel un olivier verdoyant dans la maison de Dieu : je me fie à la fidélité de Dieu toujours et à jamais. 11 Je te rendsgrâce toujours car tu as fait et j’espère ton nom car il est bon, devant tes fidèles. 53,1 Du maitre-de-chant, en chœur, instruction, de David. 2 L’insensé a dit en son cœur : « Il n’y a pas de Dieu ! » Ils se sont corrompus, ils font abominable l’iniquité ; il n’y a pas de faisant le bien. 3 Dieu des cieux se penche vers les fils d’Adam, pour voir s’il en est un d’instruit, un qui cherche Dieu. 4 Chacun d’eux s’est fourvoyé, ensemble ils se sont pervertis ; il n’y a pas de faisant le bien, il n’y a pas même un seul. 5
Est-ce qu’ils ne connaitront pas, les oeuvrant l’iniquité ? Mangeant mon peuple, ils mangent du pain, Dieu ils n’appellent pas. 6 Alors, ils seront effrayés d’effroi, alors qu’il n’était pas d’effroi ; car Dieu a dispersé les os de qui t’assiégeait ; tu les as fait-rougir car Dieu les a rejetés. 7 Qui donnera de Sion les saluts d’Israël ? Quand Dieu restaurera le sort de son peuple, Jacob exultera, se réjouira Israël !
Termes médians : « louange/louer » (51,17 ; 52,3), « langue » (51,16 ; 52,4.6), « justice » (51,16.21 ; 52,5). Les titres de ces psaumes disent la circonstance de leur énonciation. Termes finaux : « salut(s) » (51,16 ; 53,7), « Sion » (51,20 ; 53,7) ; « rebâtiras les murailles de Jérusalem » (51,20) annonce « Dieu restaurera le sort de son peuple » (53,7). Termes extrêmes : « Sion » (50,2 ; 53,7), « peuple » (50,4 ; 53,7). Autres rapports lexicaux : « parole/parler » (50,1.7.17.20 ; 51,6 ; 52,6), « langue » (50,19 ; 51,16 ; 52,4.6), « connaitre » (50,11 ; 51,5.8 ; 53,5), « mal » (50,19 ; 51,6 ; 52,3.5), « rendre-grâce/confession » (50,14.23 ; 52,11), « cœur » (51,12.19 ; 53,2). Le Ps 50 est une accusation portée par Dieu contre son peuple (et contre son roi) ; les Ps 52–53 commencent par une accusation contre le méchant et l’insensé par le psalmiste. Dans le Ps 51, David reconnait être radicalement pécheur, dans le Ps 53, il constate qu’« il n’y a pas même un seul » fils d’Adam qui fasse le bien.
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La deuxième section (Ps 50–55)
LES RAPPORTS ENTRE LES DEUX DERNIÈRES SÉQUENCES (52–53 ; 54–55) 52,1 Du maitre-de-chant, instruction, de David 2 quand vint Doëg l’Édomite et il avertit Saül et dit à lui : « Est venu David à la maison d’Ahimelek ». 3 Comment tu te loues du mal, héros, la fidélité de Dieu étant tout le jour ? 4 Des crimes pense ta langue comme un rasoir affilé, faisant la tromperie ! 5 Tu aimes le mal plus que le bien, le mensonge plus que parler la justice ; 6 tu aimes toute parole qui avale, langue de fraude. 7 Aussi Dieu t’écrasera jusqu’à la fin te détruira et il t’arrachera de la tente et te déracinera de la terre des vivants. 8 Et verront les justes et ils craindront et sur lui ils riront : 9 « Voici l’homme qui ne mettait pas Dieu comme sa forteresse et qui se fiait à l’abondance de sa richesse se faisait fort de son crime ». 10 Et moi, tel un olivier verdoyant dans la maison de Dieu : JE ME FIE à la fidélité de Dieu toujours et à jamais. 11 JE TE RENDS-GRÂCE toujours car tu as fait et j’espère ton nom CAR IL EST BON, devant tes fidèles. 53,1 Du maitre-de-chant, en chœur, instruction, de David. 2 L’insensé a dit en son cœur : « Il n’y a pas de Dieu ! » Ils se sont corrompus, ils font abominable l’iniquité ; il n’y a pas de faisant le bien. 3 Dieu des cieux se penche vers les fils d’Adam, pour voir s’il en est un d’instruit, un qui cherche Dieu. 4 Chacun d’eux s’est fourvoyé, ensemble ils se sont pervertis ; il n’y a pas de faisant le bien, il n’y a pas même un seul. 5
Est-ce qu’ils ne comprendront pas, les oeuvrant l’iniquité ? Mangeant mon peuple, ils mangent du pain, Dieu ils n’appellent pas. 6 Alors, ils seront effrayés d’effroi, il n’était pas d’effroi ; car Dieu a dispersé les os de qui t’assiégeait ; tu les as fait-rougir car Dieu les a rejetés. 7 Qui donnera de Sion LES SALUTS d’Israël ? Quand restaurera Dieu le sort de son peuple, exultera Jacob, se réjouira Israël !
Les titres des premiers psaumes disent les circonstances de l’énonciation. Les quatre psaumes sont « du maitre-de-chant, instruction, de David ». Les suites « rendre-grâce », « ton nom », « car il est bon » (52,11 ; 54,8) jouent le rôle de termes finaux pour les deux premiers psaumes. « Mal » revient dans les premiers psaumes (52,3.5 ; 54,7), « iniquité » reparait deux fois dans les seconds psaumes (53,2.5 ; 55,4.11) ; mais nombreux sont les termes qui appartiennent au même champ sémantique : « crime(s) » (52,4.9), « rasoir affilé », « tromperie » (4), « mensonge » (5), « fraude » (6), « ils se sont corrompus », « ils font abominable l’iniquité » (53,2), « s’est fourvoyé », « ils se sont pervertis » (4), « forcenés » (54,5), « oppression du méchant » (55,4), « violence et discorde » (10), « peine » (11), « destructions », « tyrannie et fraude » (12), « bataille », « épées nues » (22). « Salut(s)/sauver » revient trois fois (53,7 ; 54,3 ; 55,17), « dans la maison de Dieu » dans les psaumes extrêmes (52,10 ; 55,15), « je me fie » à la fin des psaumes extrêmes (52,10 ; 55,24).
L’ensemble de la section
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54,1 Du maitre-de-chant, sur les cordes, instruction, de David ; 2 quand vinrent les Ziphéens et dirent à Saül : « Est-ce que David n’est pas caché parmi nous ? » 3 Dieu, par ton nom SAUVE-MOI, par ton pouvoir fais-moi justice ; 4 Dieu, entends ma prière, prête-l’oreille aux paroles de ma bouche ! 5 Car des étrangers ont surgi contre moi, et des forcenés ont cherché mon âme, ils n’ont pas mis Dieu devant eux. 6 Voici Dieu est mon secours, le Seigneur est avec ceux qui soutiennent mon âme. 7 Qu’il retourne le mal sur ceux qui me guettent, par ta vérité détruis-les ! 8 De grand cœur je sacrifierai pour toi, JE RENDRAI GRÂCE à ton nom, Yhwh, CAR IL EST BON, 9 car de toute angoisse il m’a délivré, et mon œil a vu mes ennemis. 55,1 Du maitre-de-chant, sur les cordes, instruction, de David. 2 Prête-l’oreille, Dieu, à ma prière, et ne te dérobe pas à ma supplique, 3 fais-attention à moi et répondsmoi, je divague en ma plainte et je frémis 4 à cause de la voix de l’ennemi, devant l’oppression du méchant ; car ils font chanceler sur moi l’iniquité, et avec colère ils m’accusent. 5 Mon cœur se tord au-dedans de moi, et les affres de la mort sont tombées sur moi ; 6 crainte et tremblement viennent à moi, et m’a étreint un frisson 7 Et je dis : Qui me donnera des ailes comme la colombe, que je m’envole et me pose ? 8 Voici, je m’éloignerais en fuyant, je giterais au désert, 9 je me hâterais vers un refuge pour moi contre le vent impétueux de la tempête. 10 Dévore, Seigneur, divise leur langue car je vois la violence et la discorde en la ville ; 11 de jour et de nuit elles tournent sur ses remparts et iniquité et peine sont au-dedans ; 12 les destructions sont audedans ; et ne se retirent pas de sa grand-place tyrannie et fraude. 13 Oui, si un ennemi m’insultait, je le supporterais ; si un me haïssant contre moi s’élevait, je me cacherais loin de lui. 14 Mais toi, un homme de mon rang, mon intime et connu de moi, 15 avec lequel ensemble nous goûtions le conseil, et dans la maison de Dieu nous allions parmi la foule ? 16 Que surprenne la mort sur eux, qu’ils descendent vivants au schéol, car les maux sont dans leur demeure au-dedans d’eux. 17 Moi, vers Dieu j’appelle et Yhwh ME SAUVERA ; 18 le soir et le matin et à midi je me plains et frémis, et il entendra ma voix. 19 Qu’il rachète dans la paix mon âme de la bataille sur moi car nombreux furent contre moi. 20 Qu’il entende Dieu et qu’il les humilie, lui qui siège dès l’origine, lesquels il n’est pas d’amendement pour eux : et point ne craignent Dieu. 21 Il a envoyé les mains contre ses amis, il a violé son alliance. 22 Plus onctueuse que la crème est sa bouche mais la bataille est son cœur ; sont plus douces ses paroles que l’huile mais elles sont des épées-nues. 23 Décharge sur Yhwh ton souci et lui te nourrira, il ne donnera pas qu’à jamais chancelle le juste. 24 Et toi, Dieu, tu les fais descendre dans le puits de corruption ; les hommes de sang et de fraude ne feront pas la moitié de leurs jours. Et moi JE ME FIE à toi.
Les psaumes de la séquence centrale commencent par des accusations, et poursuivent par une annonce de châtiment (52,7-9 ; 53,6) ; ceux de la dernière séquence commencent par des supplications contre les ennemis et poursuivent avec une demande de châtiment (54,7 ; 55,10.16.20).
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La deuxième section (Ps 50–55)
LES RAPPORTS ENTRE LES TROIS SÉQUENCES Le premier psaume (Ps 50) est une accusation portée par Dieu contre son peuple et son roi ; l’accusation est reprise dans les deux psaumes de la séquence centrale (Ps 52–53), mais cette fois-ci par le psalmiste contre ses ennemis. Le second psaume de la première séquence (Ps 51) est une supplication, comme les deux psaumes de la dernière séquence (Ps 54–55). La séquence centrale assure le passage de la première à la dernière séquence. En effet, ses accusations renvoient à celles de la première séquence (Ps 50), et sa constatation qu’il n’y a même pas un fils d’Adam qui fasse le bien, rappelle le deuxième psaume de la première séquence (Ps 51), où le psalmiste reconnait la radicalité de son péché. Les annonces de châtiment de la séquence centrale préparent les demandes de punition de la dernière séquence.
2. INTERPRÉTATION UNIVERSALITÉ ET RADICALITÉ DU PÉCHÉ Ce que Dieu reproche à ses « fidèles » (50,5) est de ne pas respecter les interdits fondamentaux qui, selon les dix paroles, permettent au prochain d’exister ; le vol, l’adultère, le mensonge qui porte au meurtre (50,18-20), toutes fautes que l’homme prétend couvrir en offrant généreusement sacrifices et holocaustes (812), en parlant abondamment de l’alliance et de ses décrets (16). Une telle accusation amène le psalmiste à reconnaitre combien le péché est enraciné en lui, profondément, depuis le temps de sa conception (51,7). Il confessera ensuite qu’il n’est pas le seul, mais que parmi les fils d’Adam, il n’en est pas un seul qui fasse le bien, que tous sont « fourvoyés » et « pervertis » (53,2-4). Ils aiment le mal plus que le bien (52,5). L’abondance du vocabulaire du péché et de la transgression marque toute la section, indiquant la prolifération universelle du mal, celui que commettent non seulement les ennemis du psalmiste et de son peuple (54,5), mais jusqu’à celui de l’ami le plus intime (55,10-12.21-22), ce qui est une ultime façon de dire combien le péché envahit tout. LE JUGEMENT UNIVERSEL DE DIEU La section commence avec les paroles de Dieu qui vient « juger son peuple » (50,4), « car Dieu, le juge, c’est lui » (6). Son jugement consiste à discerner le mal qui se cache derrière les apparences du bien, des crimes contre le prochain qui se dissimulent sous les sacrifices et sous la proclamation de la Loi. Quand le pécheur reconnait son péché et la justesse des paroles de Dieu (51,6), le jugement divin consistera à effacer les fautes dans un acte de création nouvelle (12) qui permettra au pécheur repenti et pardonné non seulement d’acclamer la justice de son sauveur (16-17), mais aussi d’enseigner les pécheurs pour les faire revenir vers leur Dieu (15). Et de fait, dans les deux psaumes centraux,
L’ensemble de la section
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l’accusation n’est plus portée par Dieu comme dans le premier psaume mais par le pécheur pardonné, qui ainsi prend le relai du jugement (52,3-5 ; 53,2-4). Comme le Seigneur lui avait fait comprendre à la fois son péché et la sagesse (51,5.8), ainsi il invitera « les faiseurs d’iniquité » à comprendre, comme lui (53,5), ce qui les conduit à la destruction. Dans les deux derniers psaumes, le psalmiste persécuté, menacé de mort par ses ennemis, fait appel à celui qui, par son « pouvoir », peut lui « faire-justice » (54,3). Quand enfin, il se trouve sans le moindre appui, abandonné par celui qu’il considérait comme son ami intime et qui le lui laissait croire, le seul à qui il puisse se fier, le seul auquel il lui soit possible de faire appel pour prendre sa défense et le sauver, c’est le Seigneur.
DE DAVID À MI-VOIX DANS SES ANGOISSES La troisième section Ps 56–60
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La troisième section (Ps 56–60)
La troisième section comprend cinq psaumes organisés en trois séquences. Les séquences extrêmes (56–57 ; 59–60) comptent chacune deux psaumes, tandis que la séquence centrale n’en comprend qu’un seul (58) :
MES ENNEMIS ME PIÉTINENT,
JE M’ABRITE
SOUS LES AILES DE DIEU
CASSE LES DENTS DU SERPENT ET DES LIONS
MES ENNEMIS GROGNENT,
DIEU PARLE
DE SON SANCTUAIRE
Ps 56–57
Ps 58
Ps 59–60
I. MES ENNEMIS ME PIÉTINENT, JE M’ABRITE SOUS LES AILES DE DIEU La première séquence : Ps 56–57 1. LE PSAUME 56 TEXTE 1
Du maitre-de-chant, sur « la colombe du silence de ceux qui sont loin », de David ; à mi-voix, 2 Aie-pitié-de-moi, Dieu, car me piétine un quand les Philistins s’emparèrent de lui à Gat. homme, chaque jour qui me combat me presse ; 3 me piétinent ceux qui m’épient chaque jour car nombreux les combattant moi là-haut. 4 Le jour où je crains, moi en toi je me fie. 5 En Dieu je loue sa parole ; en Dieu je me fie, je ne crains pas, que ferait une chair à moi ? 6 Chaque jour mes paroles ils déforment, contre moi tous leurs pensers vers le mal ; 7 ils s’ameutent, se cachent, eux mes traces ils observent, comme s’ils espéraient mon âme. 8 Pour (leur) iniquité, libération pour eux ? Dans la colère les peuples abats, Dieu ! 9 Ma fuite tu as compté, toi, mets mon pleur dans ton outre ; n’est-ce pas dans ton livre ? 10 Alors retourneront mes ennemis en arrière, le jour où j’appellerai ; cela je sais que Dieu (est) pour moi. 11 En Dieu je loue la parole, en Yhwh je loue la parole ; 12 en Dieu je me fie, ne crains pas, que ferait un adam à moi ? 13 Sur moi, Dieu, tes vœux, j’acquitterai les actions-de-grâce à toi, 14 car tu as délivré mon âme de la mort, vraiment mes pieds de la chute, pour que je marche à la face de Dieu dans la lumière de la vie. V. 1
: « À MI-VOIX »
Cette notation apparait pour la première fois dans le titre du Ps 161. Le sens de récitation discrète s’accorde bien ici avec « la colombe du silence... ». V. 2-3 : « PIÉTINER
»
Le sens du verbe est discuté : « harceler », « traquer ». Il peut être interprété comme étant de la racine š’p (« désirer ») ou de la racine šwp (« écraser », « piétiner »). En Am 2,7 il signifie « piétiner » (« piétinant sur la poussière de la terre la tête des dépourvus ») ; de même en 8,42 (voir aussi Gn 3,15). V. 8 : « LIBÉRATION POUR EUX
?»
Le texte est difficile comme en témoignent les anciennes versions. Le substantif « libération » traduit un verbe qui peut être compris comme un impératif ou comme un infinitif. Plusieurs sont d’avis qu’il s’agit d’une question3, ce qui convient parfaitement à la composition du psaume, centré ainsi sur deux questions (8a.9c). 1 Voir Le Psautier. Premier livre, 171 ; « à mi-voix » revient dans les cinq psaumes de la section. 2 Voir P. BOVATI – R. MEYNET, Le livre du prophète Amos, 76.320 ; Hakham, I, 326. 3 Vesco, 507 ; Lorenzin, 230 ; voir surtout Hossfeld – Zenger, II, 64.
190 V. 14B : « VRAIMENT
La troisième section (Ps 56–60) »
L’interrogatif avec la négation (hălō’) se trouvait déjà au début de 9c (« n’estce pas »). Ici il exprime plutôt une conviction4.
COMPOSITION Le psaume comprend cinq parties organisées de manière elliptique : les deuxième et avant-dernière parties constituent les deux foyers de l’ellipse5. LA PREMIÈRE PARTIE (2-4) + 2 Aie-pitié-de-moi, – car me piétine – CHAQUE JOUR
DIEU, un homme, qui me combat
= 3 me piétinent = car nombreux
ceux qui m’épient les combattant moi
4
– LE JOUR + moi
me presse ; CHAQUE JOUR
là-haut.
où je crains, EN TOI
je me fie.
Dans les deux premiers segments reviennent « piétiner », « tout le jour » et « combattre » ; alors que dans le premier segment l’ennemi du psalmiste est au singulier, il est au pluriel dans le second segment, et un pluriel « nombreux ». Au début du troisième segment, « le jour », au singulier, s’oppose aux deux occurrences de « chaque jour »6 : ce jour est celui où le psalmiste a décidé de s’en remettre à Dieu. Dans le dernier membre, « toi » renvoie à « Dieu » du premier membre : le psalmiste se fie en Dieu, sachant qu’il aura pitié de lui. LA PARTIE CENTRALE (6-10) Les morceaux extrêmes de la partie centrale (6-7 ; 10) opposent la persécution que les ennemis du psalmiste lui font subir « chaque jour » (6) et leur défaite « le jour » (10b) où leur victime s’appellera à Dieu. Dans le premier segment du morceau central (8), « abats » s’oppose à « libération ». La « colère » de Dieu s’enflammera contre l’« iniquité » des ennemis du psalmiste ; bien loin de les libérer, le Seigneur les abattra. Le 4
Joüon, 161c ; voir Hakham, I, 329 ; Hossfeld – Zenger, II, 60. Voir R. MEYNET, « Une nouvelle figure : la composition à double foyer ». 6 L’expression kol-hayyôm, litt., « tout le jour », signifie « toujours ». Ainsi en Gn 6,5 : « Yahvé vit que la méchanceté de l’homme était grande sur la terre et que son cœur ne formait que de mauvais desseins à longueur de journée » (trad. BJ) ; elle pourrait être traduite « tous les jours », mais on a préféré « chaque jour ». 5
Le psaume 56
191
premier segment traite des méchants, le second du psalmiste : il demande à Dieu de se souvenir de lui, conservant dans son outre ses larmes, dans son livre sa « fuite » qu’il a « comptée », c’est-à-dire enregistrée7. – 6 CHAQUE JOUR – contre moi
mes paroles tous leurs pensers
ils déforment, vers le mal ;
– 7 ils s’ameutent, – eux – comme si
se cachent, mes traces ils espéraient
ils observent, mon âme.
···········································································································
:: 8 Pour (leur) iniquité, libération -- Dans la colère les peuples 9
:: Ma fuite -- METS :: n’est-ce pas
tu as compté, mon pleur dans ton livre ?
pour eux ? ABATS,
DIEU.
toi, dans ton outre ;
···········································································································
+ 10 Alors + LE JOUR
retourneront où j’appellerai ;
+ cela + que DIEU
je sais (est) pour moi.
mes ennemis
en arrière,
Les membres extrêmes sont des questions (8a.9c), tandis que le deuxième et l’avant-dernier membre contiennent des impératifs (8b.9b)8. LA DERNIÈRE PARTIE (13-14) + 13 Sur moi, + j’acquitterai
DIEU, les actions-de-grâce
tes vœux, à toi,
+ 14 parce que tu as délivré + vraiment
MON ÂME
mes pieds
DE LA MORT, de la chute,
+ pour que je marche + dans la lumière
À LA FACE
de DIEU
DE LA VIE.
Les trois segments forment une seule phrase complexe. Dans la principale, le psalmiste promet à « Dieu » d’accomplir ce qu’il lui avait promis, « vœux » et « actions de grâce » (13) ; la causale qui suit vise le passé (14ab), tandis que la finale que régit la causale envisage le futur (14cd). Dans les deux derniers segments « les pieds » et « je marche » appartiennent au même champ sémantique, « mort » s’oppose à « vie ». 7 8
« Compter » et « livre » sont de même racine (spr). On notera en 9 un rapport de paronomase entre « ma fuite » (nōdî) et « ton outre » (nō’dekā).
192
La troisième section (Ps 56–60)
1 Du maitre-de-chant, à mi-voix,
sur « l’oppression quand les Philistins
des princes lointains », s’emparèrent de lui
– 2 Aie-pitié-de-moi, – CHAQUE JOUR
DIEU, qui me combat
car me piétine me presse ;
– 3 me piétinent – car nombreux
ceux qui m’épient les combattant moi
CHAQUE JOUR
4
– LE JOUR – moi
de David ; à Gat. UN HOMME,
là-haut.
OÙ JE CRAINS,
en toi
JE ME FIE.
: 5 En DIEU
je loue
SA PAROLE ;
. en DIEU . que ferait
JE ME FIE, UNE CHAIR
JE NE CRAINS PAS,
à moi ?
– 6 CHAQUE JOUR – contre moi
MES PAROLES tous leurs pensers
ils déforment, vers le mal ;
– 7 ils s’ameutent, – eux – comme si
se cachent, mes traces ils espéraient
ils observent, MON ÂME.
···········································································································
:: 8 Pour leur iniquité, :: Dans la colère
libération les peuples
pour eux ? abats,
:: 9 Ma fuite :: mets :: n’est-ce pas
tu as compté, mon pleur dans ton livre ?
toi, dans ton outre ;
DIEU.
···········································································································
+ 10 Alors + LE JOUR
retourneront où j’appellerai ;
+ cela + que DIEU
je sais est pour moi.
mes ennemis
: 11 En DIEU : en YHWH
je loue je loue
LA PAROLE, LA PAROLE ;
. 12 en DIEU . que ferait
JE ME FIE, UN ADAM
à moi ?
JE NE CRAINS PAS,
+ 13 Sur moi, + j’acquitterai
DIEU, les actions-de-grâce
tes vœux, à toi,
+ 14 car tu as délivré + vraiment
MON ÂME
mes pieds
de la mort, de la chute,
+ pour que je marche + dans la lumière
à la face de la vie.
de DIEU
en arrière,
Le psaume 56
193
L’ENSEMBLE DU PSAUME Deux courtes parties très semblables (5.11-12) articulent les trois grandes parties du psaume, à la manière des charnières d’un triptyque. La première commence par un unimembre, la seconde par un bimembre ; « sa parole » de 5a devient « la parole » en 11a.11b. Les deuxièmes segments ne diffèrent que par un seul mot : « une chair » (5c), « un adam » (12b), qui sont synonymes et correspondent à « un homme » (’ĕnôš, 2a). Les deux foyers de l’ellipse s’achèvent par une question (5c.12b), et de même, le morceau central de la partie centrale est encadré par deux questions (8a.9c). Les deux premières parties sont agrafées par les termes médians « je crains » / « je ne crains pas » (4a.5b) et « je me fie » (4b.5b) ; la deuxième et la troisième par la reprise de « parole(s) » (5a.6a). L’avant-dernière partie est liée à la précédente par deux occurrences de « Dieu » (10d.11a), et de même pour les deux dernières parties (12a.13a). En parallèle à « Dieu », le nom de « Yhwh » n’apparait qu’une seule fois dans le psaume (11a.b). Le même jeu entre « chaque jour » et « le jour » se retrouve dans la première partie (2b.3a et 4a) et dans la partie centrale (6a et 10b). Le premier morceau de la partie centrale (6-7) a en commun avec la première partie la description de la persécution du psalmiste ; le dernier morceau (10), en revanche, dit la défaite des ennemis pour laquelle le psalmiste rendra grâce à Dieu (13-14). L’impératif initial, « Aie pitié de moi » (2a), annonce les deux impératifs centraux (8b.9b)9. Les termes du champ sémantique de la marche se retrouvent dans les parties extrêmes et dans la partie centrale : « me piétine(nt) » (2a.3a), « mes traces » (7b), « mes pieds » et « je marche » (14bc).
CONTEXTE DAVID CHEZ LES PHILISTINS Le titre du psaume renvoie au récit de 1S 21,11-16. David s’enfuit chez Akish, roi de Gat, mais il prend peur et feint la folie : les verbes de même racine hll reviennent trois fois en Ps 56,5a.11ab dans le sens de « louer », et aussi en 1S 21,14 avec le sens de « faire l’insensé ». Les deux textes ont aussi en commun la « crainte » (Ps 56,4.5.12 ; 1S 21,2) et la fuite (Ps 56,9a ; 1S 21,11)10.
9
Selon la troisième loi de Lund, centre et extrémités se correspondent souvent. Voir Traité,
98. 10
Voir, par ex., Ravasi, II, 136-137 ; Hossfeld – Zenger, II, 62-63.
194
La troisième section (Ps 56–60)
INTERPRÉTATION « TOUS LES JOURS » Le psalmiste insiste par trois fois sur le fait que la persécution dont il est l’objet est acharnée et n’en finit pas : elle revient « chaque jour » (2b.3a ; 6), sans cesse, à longueur de temps. On le combat, on le piétine, on l’épie (2-3) ; ses ennemis travestissent ses paroles, ils ne pensent qu’à lui faire du mal, ils surveillent ses pas en cachette (6-7), en somme ils entendent l’abattre, ils veulent sa « mort » (14). « LE JOUR » Aux jours interminables de la persécution s’oppose fermement « le jour » de « l’abandon à la divine Providence », quand le psalmiste dit à son Seigneur qu’il se fie en lui (4). La confiance en Dieu arrive à prendre le dessus sur la crainte (4a). Après l’avoir confessé à Dieu (4b), il le redira deux fois à tous ceux qui l’entourent et l’entendent (5.12), non seulement à ceux qui aujourd’hui en veulent à sa vie, mais aussi à ceux qui à l’avenir partageront sa prière : « en Dieu je me fie, je ne crains pas ». DE SIMPLES ÊTRES DE CHAIR Que sont donc en définitive ces gens qui s’acharnent contre lui ? Ce sont des « hommes » (2), des êtres de « chair » (5), bien faibles, des fils d’« adam », des « humains » tirés de l’humus du sol et qui ne manqueront pas d’y retourner un jour (Gen 3,19). Le psalmiste ne saurait craindre des mortels comme lui. Le seul qui mérite d’être craint, d’être respecté, c’est celui qui peut « avoir pitié » (2) de celui qui l’invoque (8-9), le seul dont la « parole » peut délivrer de la mort (14). « JE LOUE SA PAROLE » Les deux foyers de l’ellipse, ces versets qui articulent tout le psaume, insistent par trois fois sur la « parole ». Si le psalmiste se fie dans le Seigneur, tant qu’il aurait bien tort de craindre pas les êtres de chair qui en veulent à sa vie, c’est qu’il croit Dieu sur parole. Et déjà, avant même d’être sauvé, il loue cette parole dans laquelle il met toute sa confiance. Dieu a donné sa parole, il ne saurait la reprendre. Pour le psalmiste, tout repose sur la parole de Dieu, sa foi et sa vie. Comme Abraham qui crut à la parole de Dieu et se mit en marche, se fiant à la promesse qui lui était faite (Gen 12,1-4). MARCHER EN PRÉSENCE DE DIEU L’homme n’est certes pas fait pour que d’autres hommes le piétinent, lui marchent dessus, le traitent comme une bête nuisible, comme un serpent ou un scorpion qu’on écrase sous ses pieds : « Tu marcheras sur le lion et la vipère, tu
Le psaume 56
195
piétineras le tigre et le dragon » (Ps 91,13 ; trad. TOB). Il n’est pas fait pour être écrasé et mourir enseveli dans les ténèbres, mais pour se tenir debout et marcher « dans la lumière de la vie ». « On t’a fait savoir, homme, ce qui est bien, ce que le Seigneur réclame de toi : rien d’autre que d’accomplir la justice, d’aimer la bonté et de marcher humblement avec ton Dieu » (Mi 6,8).
2. LE PSAUME 57
TEXTE 1
Du maitre-de-chant, « Ne détruis pas », de David, à mi-voix ; quand il s’enfuit de devant Saül dans la caverne. 2 Aie-pitié de moi, Dieu, aie-pitié de moi car en toi s’abrite mon âme, et à l’ombre de tes ailes je m’abrite tant que passe le fléau. 3 J’appelle vers Dieu Très-Haut, vers le Dieu qui a-tout-fait pour moi ; 4 qu’il envoie des cieux et qu’il me sauve, qu’il se moque de qui me piétine, qu’il envoie Dieu sa fidélité et sa loyauté. 5 Mon âme (est) au milieu de lions, je dois dormir (avec) les enflammant les fils d’Adam ; leurs dents, une lance et des flèches, et leur langue, une épée acérée. 6 Élève-toi sur les cieux, Dieu, sur toute la terre, ta gloire ! 7 Un filet ils tendaient sous mes pas, était courbée mon âme ; ils creusaient devant moi une trappe, ils sont tombés dedans. 8 Est prêt mon cœur, Dieu, est prêt mon cœur : je chanterai et je psalmodierai. 9 Éveille-toi, ma gloire ; éveille-toi, harpe et cithare, que j’éveille l’aurore. 10 Je te louerai chez les peuples, Seigneur, je psalmodierai pour toi dans les pays. 11 Oui, grande jusqu’aux cieux ta fidélité et jusqu’aux nues ta loyauté. 12 Élève-toi sur les cieux, Dieu, sur toute la terre, ta gloire ! V. 4
: « QU’IL SE MOQUE »
Le verbe est au parfait, mais il a le sens du jussif 1. V. 5AB : « MON ÂME (EST) AU MILIEU DE LIONS, JE DOIS DORMIR (AVEC) LES ENFLAMMANT LES FILS D’ADAM
»
La première moitié du verset est particulièrement problématique et elle est divisée de diverses manières ; on suivra au plus près la division massorétique. « Je dois dormir » veut rendre le cohortatif 2. Le participe lōhăṭîm signifie « flamboyant », « enflammant » (Gn 3,24) ; plusieurs comprennent « dévorant », qui peut sembler plus approprié au contexte, en particulier à « leurs dents » et « leur langue » de 5cd3. V. 9
: « ÉVEILLE-TOI, MA GLOIRE »
Plusieurs lisent « mon foie » (kebēdî) au lieu de « ma gloire » (kebôdî), ce qui correspondrait mieux à « mon cœur » du segment symétrique (8ab). La correction est tentante, mais elle ne s’impose pas. La Septante suit le texte massorétique.
1
Voir Hakham, I, 331-332 ; Hossfeld – Zenger, II, 67-68. Voir en particulier Ravasi, II, 157-158 (même si, dans sa traduction, il met le verbe dans le premier membre : « Mon être repose au milieu des lions, enflammés de rage contre les hommes »). 3 Voir, par ex., deClaissé-Walford – al., 487. 2
198
La troisième section (Ps 56–60)
COMPOSITION Le psaume s’organise en deux parties parallèles. Chaque partie comprend trois sous-parties, les sous-parties centrales étant formées de deux morceaux. LA PREMIÈRE PARTIE + 2 Aie-pitié-de-moi, + car en toi
DIEU, s’abrite
+ et à l’ombre – tant que passe
de tes ailes le fléau.
je m’abrite
: 3 J’appelle : vers le DIEU
vers DIEU qui a-tout-fait
TRÈS-HAUT, pour moi :
:: 4 qu’il envoie :: qu’il se moque :: qu’il envoie
des cieux de qui me piétine, DIEU
et qu’il me sauve,
aie-pitié-de-moi MON ÂME,
sa fidélité
et sa loyauté.
···························································································································· – 5 MON ÂME (est) au milieu de lions,
– je dois dormir
(avec) les enflammant
les fils
-- leurs dents, -- et leur langue,
une lance une épée
et des flèches, acérée.
sur les cieux, la terre,
DIEU ! ta gloire !
+ 6 Élève-toi + sur toute
d’Adam ;
Les sous-parties extrêmes sont les seules qui contiennent des impératifs, adressés à « Dieu » (2a bis.6a). Dans la première sous-partie le second segment développe le deuxième membre du premier segment ; « s’abriter » est repris en termes médians. L’ordre des deux morceaux de la sous-partie centrale pourra surprendre : on s’attendrait plutôt à ce que la description du fléau précède la supplication qui demande d’en être délivré. Dans le premier morceau le premier segment introduit les trois demandes qui suivent (4), où « qu’il envoie » marque le début des membres extrêmes du trimembre. Le deuxième morceau (5) présente les ennemis sous la métaphore classique des « lions » ; le vocabulaire militaire du deuxième segment éclaire le sens de la métaphore. Entre les deux premières sous-parties s’opposent les images de l’oiseau, sous les ailes duquel « l’âme » se réfugie (2c), et celle des « lions » qui dévorent « l’âme » du psalmiste (5). Les deux dernières sous-parties sont liées par la reprise de « cieux » (4a.6a) ; par ailleurs, on peut dire que « sa gloire », à la fin de la dernière sous-partie (6b), correspond à « sa fidélité et sa loyauté » de la fin du morceau central de la seconde sous-partie (4c), tous trois attributs de Dieu.
Le psaume 57
199
LA DEUXIÈME PARTIE + 7 Un filet - était courbée
ils tendaient mon âme ;
sous mes pas,
+ ils creusaient - ils sont tombés
devant moi dedans.
une trappe,
mon cœur, mon cœur :
DIEU,
.. 8 Est prêt .. est prêt
= je chanterai ET JE PSALMODIERAI ! ································································································ .. 9 Éveille-toi, .. éveille-toi, .. que j’éveille = 10 Je te louerai = JE PSALMODIERAI POUR TOI
ma GLOIRE ; harpe l’aurore !
et cithare,
chez les peuples, dans les pays.
SEIGNEUR,
:: 11 Oui, grande -
jusqu’aux cieux et jusqu’aux nues,
ta fidélité ta loyauté.
:: 12 Élève-toi - sur toute
sur les cieux, la terre,
DIEU, ta GLOIRE !
Les deux bimembres de la première sous-partie mettent en parallèle « un filet » et « une trappe » ; complémentaires, les seconds membres opposent l’état du psalmiste (7b) et ce qui est arrivé à ses ennemis (7d). Les deux morceaux de la seconde sous-partie sont parallèles entre eux. Les premiers segments sont caractérisés par la répétition des premiers termes, « est prêt » et « éveiller » ; de l’attitude intérieure du « cœur » on passe à l’extériorisation des instruments de musique, au petit matin. Le deuxième segment du second morceau (10) amplifie l’unimembre symétrique (8c) : « je psalmodierai » y est repris et « je te louerai » correspond à « je chanterai » ; « chez les peuples » et « dans les pays » disent jusqu’où s’étendra la louange du Seigneur. La dernière sous-partie met en parallèle une louange à la troisième personne et une demande. « Les cieux » sont repris en même position. Alors que le premier segment ne parle que des « cieux » et de son synonyme « les nues », le second y ajoute « la terre » ; en termes finaux, « ta gloire » correspond à « ta fidélité » et « ta loyauté ». On notera l’élargissement final en 12b. Les sous-parties extrêmes opposent le bas de l’âme « courbée » et de la « trappe », préparée pour le psalmiste mais où sont « tombés » ses ennemis, et le haut des « cieux » et des « nues ». « Gloire » revient dans les deux dernières sous-parties (9a.12b). « Toute la terre », à la fin de la dernière sous-partie (12b), rappelle « les peuples » et « les pays » à la fin de la deuxième sous-partie (10).
200
La troisième section (Ps 56–60)
L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
Du maitre-de-chant, quand il s’enfuit
« Ne détruis pas », de devant
de David, Saül
à mi-voix ; dans la caverne.
2
Pitié-pour-moi, car en toi
DIEU, s’abrite
pitié-pour-moi, MON ÂME,
et à l’ombre tant que passe
de tes ailes le fléau.
je m’abrite,
3
J’appelle vers le DIEU
vers DIEU qui a-tout-fait
Très-Haut, pour moi ;
4
qu’il envoie qu’il se moque qu’il envoie
DES CIEUX de qui me piétine, DIEU
et qu’il me sauve,
je dois dormir
(avec) les enflammant
les fils
leurs dents, et leur langue,
une lance une épée
et des flèches, acérée.
SUR LES CIEUX, LA TERRE,
DIEU, TA GLOIRE !
sa FIDÉLITÉ et sa LOYAUTÉ. ··························································································································· 5 MON ÂME (est) au milieu de lions,
6
ÉLÈVE-TOI SUR TOUTE 7
Un filet était courbée
ils tendaient ;
sous mes pas,
MON ÂME
ils creusaient ils sont tombés
devant moi dedans.
une trappe,
Est prêt est prêt
mon cœur, mon cœur :
DIEU,
je chanterai
et je psalmodierai.
8
d’Adam ;
··························································································································· 9
Éveille-toi, éveille-toi, que j’éveille
ma gloire ; harpe l’aurore.
10
Je te louerai chez les peuples, je psalmodierai pour toi dans les pays. 11
et cithare, SEIGNEUR,
Oui, grande jusqu’aux CIEUX et jusqu’aux nues, ta LOYAUTÉ.
ta FIDÉLITÉ,
12
DIEU, TA GLOIRE !
ÉLÈVE-TOI SUR TOUTE
SUR LES CIEUX, LA TERRE,
Le psaume 57
201
Les premières sous-parties sont marquées par la reprise de « mon âme » (2b.7b) ; le « filet » de l’oiseleur et la « trappe » (7a.7c) comme menaces de mort s’opposent aux « ailes » de l’oiseau sous lesquelles ses petits s’abritent (2bc). Les secondes sous-parties sont plus développées que les autres et comprennent chacune deux morceaux. Alors que l’une est une supplication (3-5), l’autre est une action de grâce (8-10). Au début des deuxièmes morceaux « ma gloire » (9a) rappelle « mon âme » (5a) ; les instruments de musique de la louange « harpe et cithare » (9b) s’opposent aux armes de guerre, « lance », « flèches » et « épée » (5cd). Les segments finaux de chaque partie sont identiques (6.12). « Cieux » revient non seulement dans les segments finaux (6a.12a), mais aussi en 4a et 11a. Le couple « fidélité » – « loyauté » se retrouve en 4c et en 11ab4.
CONTEXTE PS 108 Les premiers versets du Ps 108 (2-6) reprennent les versets finaux du Ps 57 (8-12). Ps 57
Ps 108
+ 8 Est prêt mon cœur, Dieu, + est prêt mon cœur, + je chanterai et je psalmodierai.
+ 2 Est prêt mon cœur, Dieu,
- 9 Éveille-toi ma gloire, - éveille-toi harpe et cithare, - que j’éveille l’aurore
+ allons ma gloire. - 3 Éveille-toi harpe et cithare, - que j’éveille l’aurore.
: 10 Je te louerai chez les peuples, Seigneur, : je psalmodierai pour toi dans les pays.
: 4 Je te louerai chez les peuples, Yhwh : et je psalmodierai pour toi dans les pays .
· 11 Oui, grande jusqu’aux cieux ta fidélité · et jusqu’aux nues ta loyauté.
· 5 Oui, grande au-dessus des cieux ta fidélité · et jusqu’aux nues ta loyauté.
= 12 Élève-toi sur les cieux, Dieu, = sur toute la terre ta gloire.
= 6 Élève-toi sur les cieux, Dieu, = et sur toute la terre ta gloire.
+ je chanterai et je psalmodierai,
Les différences sont minimes, à part aux débuts : alors que le Ps 57 commence avec deux trimembres (8.9), le Ps 108 a d’abord un trimembre formé des membres extrêmes du premier trimembre de Ps 57,8 et du premier membre, modifié, du verset suivant (9a) ; après quoi, les deux derniers membres du verset 9 du Ps 57 sont repris exactement par le Ps 108 qui en fait un bimembre (108,3). Pour le reste, le Ps 108 ajoute le coordonnant « et » au début des seconds membres de 4 et de 6 et il change une préposition en 5a. 4
Sur le couple « fidélité et loyauté » voir Le Psautier. Premier livre, 321.
202
La troisième section (Ps 56–60)
LA POULE ET LE LION Ces deux images se retrouvent ensemble en Ps 17,8.12. Il ne s’agit pas des ailes des chérubins5, mais plus simplement de l’image de l’oiseau qui protège ses petits de ses ailes6. « QUAND IL S’ENFUIT DEVANT SAÜL DANS LA CAVERNE » Le titre ne se contente pas d’attribuer le psaume à David, il précise la circonstance de son énonciation. L’épisode serait celui qui est rapporté en 1S 24,1-23 : David et ses hommes sont réfugiés dans une grotte pour s’abriter des attaques de Saül qui les poursuit pour les prendre. Saül entre dans la caverne pour « se couvrir les pieds », se mettant ainsi à la merci de David, qui refuse cependant de porter la main sur l’Oint du Seigneur. Il se contente de couper un pan de son manteau pour prouver ensuite à son persécuteur qu’il l’a épargné. On n’a pas manqué de noter un certain nombre de contacts littéraires entre les deux textes7.
INTERPRÉTATION LE FILET ET LA TRAPPE Au début de la deuxième partie, l’ennemi est présenté sous les traits du chasseur qui cherche à capturer sa proie : l’oiseau dans son filet, le mammifère dans sa trappe (7). Bien pire encore, à la fin de la première partie il avait été dépeint comme une bête féroce, comme le lion dont les crocs et la langue dévorent l’homme (5). « Lance », « flèches » et « épée », toutes ces armes de guerre disent bien à quel péril de mort le psalmiste est affronté de la part de ceux qui veulent le « piétiner » (4b). LA FIDÉLITÉ ET LA LOYAUTÉ Curieusement, c’est par une autre image que le psaume commence, celle qui donne le ton de tout l’ensemble. La figure de l’oiseau sous les ailes duquel ses petits trouvent refuge (2) s’oppose frontalement à celle de l’oiseleur qui cherche à les capturer pour les dévorer (7). Les ailes de la miséricorde divine, de sa pitié, ont pour nom « fidélité » et « loyauté » (4c.11ab). Le spectacle quotidien des poussins qui s’abritent sous les ailes de leur mère prête à affronter la buse ou le renard symbolisent à merveille l’amour de Dieu pour ses fidèles. Au-delà des images, « fidélité et loyauté » sont les termes classiques de l’alliance qui prévoit que le suzerain doit protéger son vassal des attaques de ses ennemis.
5
Kraus, I, 530. Hakham, I, 331; Hossfeld – Zenger, II, 70-72. 7 Voir, par ex., Hossfeld – Zenger, II, 70 ; Vesco, 514-515. 6
Le psaume 57
203
SUR LA TERRE COMME AU CIEL Chaque partie du psaume s’achève sur la même invocation : le psalmiste conclut les deux volets de sa prière en appelant de ses vœux que Dieu soit exalté et glorifié aussi bien sur la terre que dans les cieux. Et il précise bien « sur toute la terre », comme s’il voulait qu’on ne risque pas de comprendre qu’il s’agit seulement de « la terre » d’Israël ! Le titre dit que celui qui prie est David, et c’est certainement un fils du peuple élu qui cherche refuge en son Dieu contre ses ennemis. Rien ne permet de décider s’il s’agit d’opposants de l’intérieur ou d’adversaires étrangers. Quoi qu’il en soit, une chose est certaine, c’est que la louange du poète sera proclamée « chez les peuples », « dans les pays » (10). La terre entière comme les cieux sont ainsi invités à être les témoins des merveilles du Dieu d’Israël qui sauve celui qui s’abrite en lui. LA GLOIRE DE DIEU... Curieusement, après avoir parlé trois fois de son « âme » en des lieux stratégiques (2b.5a.7b), l’orant change en finissant avec sa « gloire » (9a). Et l’on comprend que plusieurs aient voulu aligner ce dernier terme sur les précédents en corrigeant « ma gloire » en « mon foie » qui correspondrait mieux à « mon âme », littéralement, « ma gorge ». Ce changement ne crée pas seulement un effet de surprise stylistique, mais un véritable effet de sens. Aligné ainsi sur les deux mentions de la « gloire » de Dieu (6.12), la « gloire » de l’homme sauvé est celle qu’il partage avec son Seigneur.
3. MES ENNEMIS ME PIÉTINENT, JE M’ABRITE SOUS LES AILES DE DIEU (56–57) COMPOSITION DE LA SÉQUENCE Ps 56,1 Du maitre-de-chant, sur « la colombe du silence de ceux loin », de David ; à mi-voix, quand les Philistins s’emparèrent de lui à Gat. 2
AIE-PITIÉ-DE-MOI, DIEU, car l’homme ME PIÉTINE, chaque jour qui me combat me presse ; ME PIÉTINENT ceux qui m’épient chaque jour car nombreux sont ceux qui me combattent làhaut. 4 Le jour où je crains, moi en toi je me fie. 3
5
En Dieu JE LOUE sa parole ; en Dieu je me fie, je ne crains pas, que ferait une chair à moi ? 6
Chaque jour ils déforment mes paroles, contre moi tous leurs pensers vers le mal ; 7 ils s’ameutent, se cachent, eux ils observent mes traces, comme s’ils espéraient mon âme. 8 Pour leur iniquité, y aura-t-il libération pour eux ? Dans ta colère abats LES PEUPLES, Dieu ! 9 Tu as compté ma fuite, toi, mets mon pleur dans ton outre ; n’estce pas dans ton livre ? 10 Alors mes ennemis retourneront en arrière, le jour où J’APPELLERAI ; cela je sais que Dieu est pour moi.
11 12
En Dieu JE LOUE la parole, en Yhwh JE LOUE la parole ; en Dieu je me fie, je ne crains pas, que ferait un ADAM à moi ?
13
Sur moi, Dieu, seront tes vœux, j’acquitterai les actions-de-grâce à toi : « OUI, tu as délivré mon âme de la mort, vraiment mes pieds de la chute, pour que je marche à la face de Dieu dans la lumière de la vie. » 14
Ps 57,1 Du maitre-de-chant, « Ne détruis pas », de David, à mi-voix ;
quand il s’enfuit de devant Saül dans la caverne. AIE-PITIÉ DE MOI, DIEU, aie-pitié de moi car en toi S’ABRITE mon âme, et à l’ombre de tes ailes JE M’ABRITE tant que passe le fléau. 3 J’APPELLE vers Dieu Très-Haut, vers le Dieu qui a tout fait 2
pour moi ; 4 qu’il envoie des cieux et qu’il me sauve, qu’il se moque de qui ME PIÉTINE, que Dieu envoie sa fidélité et sa loyauté. 5 Mon âme est au milieu de lions, je dois dormir avec les enflammant les fils d’ADAM ; leurs dents, une lance et des flèches, et leur langue, une épée acérée. 6
Élève-toi sur les cieux, Dieu, sur toute la terre, ta gloire !
7
Ils tendaient un filet sous mes pas, mon âme était courbée ; ils creusaient devant moi une trappe, ils sont tombés dedans. 8 Mon cœur est prêt, Dieu, mon cœur est prêt : je chanterai et je psalmodierai. 9 Éveille-toi, ma gloire ; éveille-toi, harpe et cithare, que j’éveille l’aurore. 10 JE TE LOUERAI chez LES PEUPLES, Seigneur, je psalmodierai pour toi dans les pays : 11 « OUI, grande jusqu’aux cieux ta fidélité et jusqu’aux nues ta loyauté. » 12
Élève-toi sur les cieux, Dieu, sur toute la terre, ta gloire !
Les titres se correspondent avec « du maitre-de-chant », « de David », « à mivoix » et « quand... ». Les deux occurrences de « Aie-pitié de moi, Dieu » (56,2 ; 57,2) jouent le rôle de termes initiaux. Aux deux occurrences de « me piétine(nt) » au début du premier psaume (56,2-3) s’opposent les deux occurrences de « s’abrite / je m’abrite » au début du second (57,2). En finale, le psalmiste promet l’action de
La séquence 56–57
205
grâce et la louange (56,13 ; 57,8-10) ; « louer » à la fin du second psaume (57,10) rappelle les trois occurrences du même verbe dans les foyers du premeirs psaume (5a.11). Les dernières phrases (56,14 ; 57,11) commencent par kî, traduit par « Oui » ; il est possible de les interpréter comme les paroles de louange adressées au Seigneur et c’est pourquoi elles sont mises entre guillemets. On remarquera aussi la reprise de « j’appelle(rai) » (56,10 ; 57,3), de « les peuples » (56,8 ; 57,10), de « mon âme » (56,7.14 ; 57,2.5.7), de « me piétine(nt) » (56,2-3 ; 57,4), et aussi de « Adam » (56,12 ; 57,5). Ce que l’on qualifie souvent de « refrains » structure les deux psaumes : dans le premier, ce sont les deux foyers d’une construction elliptique (56,5.11-12), dans le second, les termes finaux de deux parties parallèles (57,6.12).
INTERPRÉTATION DE LA SUPPLICATION À L’ACTION DE GRÂCE Le même mouvement anime les deux psaumes. Plainte et supplication s’étendent longuement (56,2-12 ; 57,2-7) ; le psalmiste en effet est « piétiné » par ceux qui combattent contre lui, tels des « lions » dont les dents dévorent comme l’épée. Ce qu’il doit affronter, c’est « le filet » et « la trappe » préparés par ceux qui le traitent comme du gibier, comme une proie dont ils se repaitront. La menace est celle de la « mort ». Quand ses ennemis « retourneront en arrière » (56,10), quand ils tomberont dans la trappe qu’ils avaient creusée (57,7), alors le psalmiste pourra accomplir les vœux qu’il avait faits au Seigneur et lui rendre grâce (56,13-14), il « chantera » et « jouera », il « louera » son Dieu pour sa « fidélité » et sa « loyauté » (57,8-11). LE SORT DES PEUPLES Il faut attendre le centre du premier psaume pour apprendre que ceux qui piétinent le psalmiste ne sont pas de simples individus, ce sont « les peuples » devant lesquels il doit fuir (57,8-9). Et l’on comprend alors que le persécuté n’est pas autre, comme le disent les titres, que « David ». Dans le premier psaume, le roi d’Israël supplie son Seigneur d’abattre les peuples (56,8). Mais quand ils devront battre en retraite (56,10), quand ils seront tombés dans la fosse qu’ils avaient préparée pour leur victime (57,7), alors le roi choisi par Dieu, pourra chanter et jouer pour son libérateur (8). Cependant, il ne le fera pas seulement devant son peuple, le peuple qu’il devait défendre, mais aussi « chez les peuples », « dans les pays » (10). Du châtiment on passe ainsi au témoignage universel. Et c’est bien pourquoi la séquence s’achève sur l’acclamation : « Élève-toi sur les cieux, Dieu ; sur toute la terre ta gloire ! »
II. CASSE LES DENTS DU SERPENT ET DES LIONS La deuxième séquence : Ps 58 La deuxième séquence ne comprend qu’un seul psaume. TEXTE 1
Du maitre-de-chant, « Ne détruis pas », de David, à mi-voix. 2 Est-il vrai, dieux, que la justice vous parlez, qu’en droiture vous jugez les fils d’Adam ? 3 Non, dans le cœur les perversités vous faites sur la terre, la violence de vos mains vous pesez. 4 Ils se sont dévoyés les méchants dès le sein, ils se sont égarés dès le ventre les parlant le mensonge ; 5 leur venin comme semblance de venin de serpent, comme la vipère sourde se bouchant l’oreille, 6 laquelle n’écoute pas la voix des enchanteurs, du charmeur en charmes habile. 7 Dieu, casse leurs dents en leur bouche, les crocs des lions fracasse-les, Yhwh. 8 Qu’ils s’écoulent comme les eaux qui s’en vont vers elles, il ajuste ses flèches (qu’ils soient) comme fanés ; 9 (qu’ils soient) comme la limace fondant s’en va, l’avorton de la femme qu’ils ne voient pas le soleil ; 10 avant que sentent vos marmites les épines, comme vivant comme brûlé, qu’ils soient emportés ! 11 Se réjouira le juste car il verra la vengeance, ses pieds il lavera dans le sang du méchant ; 12 et dira l’adam : Oui, un fruit pour le juste, oui, il y a un Dieu jugeant sur la terre.
« Le Ps 58 est une des pages les plus embarrassantes du Psautier »1. Pour deux raisons : « S’il est, dans le Psautier, un psaume aux accents violents, c’est bien le Ps 58. [...] Le texte de ce psaume recèle des difficultés de compréhension parfois insurmontables »2. V. 2
: « DIEUX »
Le texte massorétique a ’ēlem, « silence », et la TOB traduit (tout en notant : « Traduction très incertaine ») : « C’est vrai ! Quand vous parlez, la justice est muette ». La Septante a ara, « donc » : « Est-ce donc vraiment que vous dites la justice ? ». « Avec un changement de voyelle, la plupart des modernes lisent ’ēlîm, pluriel de ’ēl, « dieu », compris dans le sens que donne à ce terme le Ps 82,1.6 : les membres de la cour céleste ainsi que les juges terrestres sont appelés « dieux »3. Il est aussi possible de lire dans ce pluriel de ’ēl, « les puissants », ou même « les béliers » : ces possibilités ne sont pas exclusives4.
1
Ravasi, II, 167. A. WÉNIN, Psaumes censurés. Quand la prière a des accents violents, 24 ; voir déjà « Violence et prière : le psaume 58 ». Je m’inspire largement de ses commentaires. 3 Voir Le Psautier. Troisième livre, 125-129. 4 Voir, par ex., Ravasi, II, 167-168 (qui traduit « potenti ») ; A. WÉNIN, Psaumes censurés, 2627 (qui traduit « puissants/dieux »). 2
208 V. 8B
La troisième section (Ps 56–60) : « IL AJUSTE SES FLÈCHES (QU’ILS SOIENT) COMME FANÉS »
La traduction de cette phrase embarrassée est très littérale et son sens est incertain. Le sujet de « il ajuste » n’est pas précisé ; le parallélisme des deux membres peut faire penser que c’est le même que celui du membre précédent, bien qu’il soit au singulier. V. 10
: « AVANT QUE SENTENT VOS MARMITES... »
Plusieurs renoncent à traduire ce verset, tellement il est énigmatique ; on suit au plus près le texte hébreu. La composition de la partie 8-10 pourrait apporter quelque lumière, aussi bien sur 8b que sur 10.
COMPOSITION Les parties extrêmes (2-3 ; 11-12) comptent chacune deux bimembres où sont repris le nom divin (2a.12b), « justice / juste » (2a ; 11a.12a), « sur la terre » (3a.12b), « parler » / « dire » (2a.12a), à quoi on peut ajouter le couple « mains » et « pieds » (3b.11b). Les deux parties s’opposent, puisqu’il s’agit dans la première des juges iniques appelés « dieux », et dans l’autre du juge, « Dieu » de « toute la terre », qui rétablit la justice. La deuxième et l’avant-dernière partie (4-6 ; 8-10) comptent chacune trois bimembres. La deuxième partie décrit l’attitude des « méchants » : leur bouche dit « le mensonge » depuis toujours (4) et recèle « le venin du serpent » (5a), de « la vipère » qui « se bouche l’oreille » (5b) pour ne pas entendre qui pourrait la maitriser (6). Cette partie est de type ABB, les deux derniers segments, qui ne forment qu’une seule phrase, étant consacrés au serpent. La partie symétrique est une liste de souhaits qui réclament la destruction de ces mêmes « méchants ». Au premier membre du premier segment (8a) correspond le deuxième segment : la même inanité y est exprimée avec des images semblables, soutenue par deux verbes de même racine, « comme les eaux qui s’en vont », « comme la limace [...] s’en va ». À ces deux images, s’ajoute celle de « l’avorton » qui, lui aussi, comme les eaux et la limace, s’en va. Quant au second membre du premier segment (8b), il semble annoncer le dernier segment (10). En effet, « comme brulé » de 10b correspond à « (qu’ils soient) comme fanés » de 8b. On remarquera le même jeu entre le singulier (« il ajuste » ; « vivant », « brulé ») et le pluriel (« [qu’ils soient] comme fanés » ; « qu’ils soient emportés »). Les images de 8a et 9 et celles de 8b et 10 semblent complémentaires, les unes du côté de l’eau, les autres du côté du feu. Les cinq « comme » qui scandent l’avant-dernière partie correspondent aux deux qui marquent le segment central de la deuxième partie (5ab). La partie centrale (7), qui ne comprend qu’un seul segment, est la seule demande adressée directement au Seigneur. La construction de ce segment est spéculaire :
Le psaume 58
209
+ DIEU, : casse – leurs dents en leur bouche, – les crocs
des lions
: fracasse, + YHWH
Le deuxième membre identifie les « dents » des hommes qui s’acharnent contre le psalmiste aux « crocs » des lions. 1
Du maitre-de-chant,
« Ne détruis pas », de David,
à mi-voix.
DIEUX, VOUS JUGEZ
que LA JUSTICE les fils
VOUS PARLEZ,
les perversités de vos mains
vous faites vous pesez.
SUR LA TERRE,
les MÉCHANTS dès le ventre
dès le sein, LES PARLANT
le mensonge ;
- leur venin - comme la vipère
comme semblance sourde
de venin se bouchant
de serpent, l’oreille,
- 6 laquelle - du charmeur
n’écoute pas en charmes
la voix habile.
des enchanteurs,
casse des LIONS
leurs dents fracasse-les,
en leur bouche, YHWH.
comme les eaux ses flèches,
qui s’en vont (qu’ils soient) comme
vers elles, fanés ;
fondant
s’en va, le soleil ;
– 2 Est-il vrai, – qu’en droiture 3
– Non, dans le cœur – la violence : 4 Ils se sont dévoyés : ils se sont égarés 5
7
DIEU, les crocs : 8 Qu’ils s’écoulent - il ajuste
d’Adam ?
: 9 (qu’ils soient) comme la limace : l’avorton de la femme
QU’ILS NE VOIENT PAS
- 10 avant que - comme vivant,
sentent comme brulé,
vos marmites les épines, qu’ils soient emportés !
+ 11 Se réjouira + ses pieds
LE JUSTE
CAR IL VERRA
il lavera
dans le sang
+ 12 et DIRA + oui, il y a
l’adam : un DIEU
JUGEANT
Oui, un fruit
la vengeance, du MÉCHANT ; pour LE JUSTE, SUR LA TERRE.
210
La troisième section (Ps 56–60)
CONTEXTE PS 82 1
Psaume d’Asaph. Dieu se lève au conseil de El, 2
« Jusqu’à quand jugerez-vous en perversité Jugez le faible et l’orphelin, 4 libérez le faible et le pauvre, 3
au milieu des DIEUX il juge. et la face des méchants soutiendrez-vous ? au miséreux et à l’indigent rendez-justice ; de la main des méchants délivrez-les.
5
Ils ne savent pas et ne comprennent pas, dans la ténèbre ils marchent ; chancellent tous les fondements de la terre.
6 7 8
Moi, j’avais dit : des DIEUX vous certainement comme l’adam vous mourrez
Dresse-toi, Dieu, juge la terre,
et des fils du Très-Haut, vous tous ; et comme un des princes vous tomberez. » car toi tu as en héritage toutes les nations.
On y retrouve une opposition semblable aux extrémités entre les « dieux » que sont les puissants chargés de rendre la justice (1b) et qui la pervertissent (2) et le « Dieu » qui se dresse, juge de la terre (8). Au verset 6 ces juges sont appelés « des dieux ». PS 94 Le Seigneur est invoqué d’emblée comme « Dieu des vengeances » (1) contre les juges iniques qui, présidant « un tribunal de perdition », « érigent en loi le désordre » (20)5. PS 9–10 Il est un autre psaume où s’accumulent les problèmes textuels, dans une partie où le psalmiste se plaint de ses persécuteurs de manière tellement amère qu’il en perd jusqu’à l’alphabétisme ; il ne le retrouve qu’au moment où il s’adresse à Dieu pour implorer son secours6. Au lieu d’attribuer ces difficultés textuelles à une transmission défectueuse, il semble au contraire que ce soit le fait du poète qui traduit ainsi le désarroi profond du psalmiste dont l’expression en est tellement embarrassée qu’elle finit par en devenir pratiquement incompréhensible7. Il se pourrait bien que ce soit le cas aussi dans l’avant-dernière partie du Ps 58.
5
Voir A. WÉNIN, « Violence et prière », 17-18 ; ID., Psaumes censurés, 53-58. Voir Le Psautier. Premier livre, 124. 7 Voir Le Psautier. Premier livre, 132. 6
Le psaume 58
211
INTERPRÉTATION UNE VIOLENCE INSOUTENABLE En plein cœur de sa prière, le psalmiste demande à Dieu de casser les dents des méchants dans leur bouche (7). Il n’est pas difficile de comprendre qu’on hésite aujourd’hui à faire siennes des paroles d’une telle violence, et qui plus est dans la prière. Et quand, au moment de conclure, le psalmiste se réjouit à la perspective de voir « la vengeance » et de « se laver les pieds dans le sang du méchant » (11), voilà qui est insoutenable. C’est pourquoi la réforme liturgique qui a suivi le concile Vatican II a tout simplement fait passer à la trappe ce psaume, en l’éliminant de l’Office divin. Nouvel acte de violence ! Mais peut-on lutter contre la violence par la violence ? UNE VIOLENCE PEUT EN CACHER UNE AUTRE, INTOLÉRABLE Pourquoi tant de violence de la part du psalmiste, sinon parce qu’il est victime d’une violence plus grande encore et, surtout, contre laquelle il ne peut rien ? En effet, les juges qui, au nom de Dieu, sont chargés d’exercer la justice la bafouent impunément. Dans leur « cœur », ils machinent des « perversités » et leurs « mains » mettent en œuvre « la violence » (3). Il ne faudrait tout de même pas que la violence de la victime fasse oublier celle du bourreau. D’autant plus qu’elle prend bien soin de se cacher. La vipère n’est dangereuse que parce qu’elle se dissimule et mord par surprise. LA PERVERSION DE LA PAROLE Tout est perverti chez les puissants chargés d’administrer la justice : le cœur où prennent forme les projets et où se prennent les décisions, les mains qui exécutent les sentences iniques des jugements que prononce leur bouche (2a). C’est dès le ventre, depuis toujours, que « le mensonge » a pris racine en eux, comme une maladie congénitale dont il est impossible de guérir. Il n’est pas étonnant qu’ils ferment « l’oreille » à la parole qui pourrait les libérer du mensonge, qu’ils refusent d’écouter la voix de celui qui, seul, serait « habile » à charmer leur animalité mortifère (6). On peut ainsi comprendre pourquoi, selon le texte massorétique, le deuxième mot du psaume se lit « silence », ce que certains traduisent : « Quand vous parlez, la justice est muette ». S’EN REMETTRE À DIEU La « vengeance » qui « réjouira » le psalmiste (11a) n’est pas celle qu’il pourrait rêver d’exercer sur son bourreau. C’est à Dieu qu’il s’en remet totalement. La victime n’a d’autre choix que d’en appeler à Dieu, le seul qui a le pouvoir de maitriser la violence, de briser ses armes. C’est pourquoi, au cœur du psaume, elle lui demande de « casser » les dents de ceux qui se comportent
212
La troisième section (Ps 56–60)
comme des lions. Alors que « leur bouche » devrait prononcer le juste jugement qui libère le pauvre, elle mord, lacère, déchiquette et dévore. La sanction implorée est très justement proportionnée au crime : la vipère dont le venin tue (5) deviendra limace qui s’en va en fondant sur son lit de bave (9a), ceux qui sont dévoyés et menteurs « dès le ventre » (4) seront comme l’avorton qui ne voit pas le soleil (9b). Seul qui n’a jamais souhaité la mort de son ennemi pourrait exclure ce psaume de sa prière. LE DÉLIRE DE LA DOULEUR À peine le psalmiste a-t-il supplié son « Dieu », « Yhwh » Dieu d’Israël, de désarmer ses persécuteurs en fracassant les crocs qui le déchirent, qu’il s’abandonne à sa douleur comme il arrive dans le délire d’un rêve éveillé. Le discours consciemment organisé (4-6) laisse la place à un déferlement (8-10) où la cohérence des images se mêle à des propos qui vont au-delà d’une logique purement rationnelle. Et il n’est donc pas étonnant que le lecteur ne comprenne pas davantage de telles paroles que celui qui les prononce. Qu’il lui suffise de l’accompagner dans sa douleur en reprenant à son compte ses mots si déroutants. « VRAIMENT, IL Y A UN FRUIT POUR L’INNOCENT » « Les fils d’Adam » (2) sont empoisonnés par le mensonge et le venin du serpent. Après avoir traversé l’épreuve, grâce à l’intervention du Dieu qui juge la terre, il n’est pas surprenant que le juste, l’innocent condamné mais finalement justifié, prenne la parole en conclusion de l’histoire : « Et Adam dira : Vraiment, il est un fruit pour le juste » (12). De tels mots, comme celui du « serpent », font immanquablement penser aux premiers chapitres de la Genèse. Ce n’est pas un hasard si les puissants, les juges iniques sont présentés sous les traits du serpent qui distille son « mensonge », « venin » de la vipère. Comme lui, ils transforment la Loi qui est parole de vie en une arme de mort. Le Seigneur ne se contente pas de maudire le serpent, il promet que le lignage de la femme lui écrasera la tête (Gn 3,13). Au fruit de la perdition répond celui de la rédemption. « VRAIMENT, YHWH EST EN CE LIEU, ET MOI JE NE LE SAVAIS PAS » (GN 28,16) Jacob prononce ces mots à l’issue d’un rêve, un songe où le Seigneur lui était apparu en lui déclarant : « Je suis avec toi, je te garderai partout où tu iras » (Gn 28,15). Le Ps 58 s’achève sur une affirmation semblable : « Vraiment, il y a un Dieu qui juge sur la terre » (12b). Dieu, le Dieu d’Israël ne s’absente pas au temps de la violence. Il se manifeste en pleine nuit à Jacob qui s’enfuit pour échapper à la violence de son frère qui s’était promis de le tuer (Gn 27,41-45). Refouler la violence n’est pas une solution, écarter une prière qui en souffre jusqu’au délire, serait se priver de la présence de Dieu.
III. MES ENNEMIS GROGNENT, DIEU PARLE DE SON SANCTUAIRE La troisième séquence : Ps 59–60 1. LE PSAUME 59 TEXTE 1
Du maitre-de-chant, « Ne détruis pas », de David, à mi-voix ; quand Saül envoya surveiller la maison pour le faire mourir. 2 Délivre-moi de mes ennemis, mon Dieu, contre mes agresseurs tu me protègeras ; 3 délivre-moi des faisant l’iniquité et des hommes de sangs sauve-moi. 4 Car voici, ils s’embusquent pour mon âme, ils s’ameutent contre moi des puissants, sans ma transgression et sans mon péché, Yhwh. 5 Sans faute, ils accourent et se préparent ; réveilletoi à ma rencontre et vois. 6 Et toi, Yhwh-Dieu des armées, Dieu d’Israël, lève-toi pour visiter toutes ces nations, n’aie pas pitié de tous les traitres d’iniquité ! 7 Ils reviennent au soir, ils grognent comme un chien et ils rôdent par la ville. 8 Voici ils écument dans leur bouche, des épées sur leurs lèvres : « Car qui entend ? » 9 Et toi, Yhwh, tu te ris d’eux, tu te moques de toutes les nations ; 10 ma force, vers toi je veille car Dieu (est) ma citadelle ; 11 le Dieu de ma fidélité me précède, Dieu me fait voir ceux qui m’épient. 12 Ne les tue pas, de peur que n’oublie mon peuple, agite-les par ta puissance, fais-les tomber, notre bouclier, Seigneur ! 13 Le péché de leur bouche, la parole de leurs lèvres : et qu’ils soient pris à leur orgueil et pour la malédiction et pour le mensonge qu’ils racontent. 14 Achève(-les) par la fureur, achève et qu’ils ne soient plus et qu’ils sachent que Dieu gouverne en Jacob jusqu’aux bouts de la terre ! 15 Et ils reviennent au soir, ils grognent comme un chien et ils rôdent par la ville. 16 Eux ils s’agitent pour manger et, si point ne sont rassasiés, ils y passent-la-nuit. 17 Et moi, je chanterai ta force et je crierai-de-joie au matin (pour) ta fidélité. Oui, tu as été une citadelle pour moi et un refuge au jour de mon oppression. 18 Ma force, pour toi je psalmodierai ; oui, c’est Dieu ma citadelle, le Dieu de ma fidélité. V. 10
: « MA FORCE »
Le texte massorétique a « sa force ». On suit la Septante qui utilise le pronom de première personne. V. 16
: « ILS S’AGITENT »
Le qeré est au hiphil comme en 12b. Le ketib, au qal, est préférable, les chiens n’agitant rien d’autre qu’eux-mêmes dans la recherche de nourriture.
COMPOSITION Après le titre (1), le psaume s’organise en deux longues parties parallèles (2-11 ; 12-18).
214
La troisième section (Ps 56–60)
LA PREMIÈRE PARTIE (2-11) : 2 Délivre-moi : contre mes agresseurs
de mes ennemis, tu me protègeras,
MON DIEU,
: 3 délivre-moi : et des hommes
des faisant de sangs
L’INIQUITÉ, sauve-moi.
·················································································································
– 4 Car VOICI, – ils s’ameutent – sans transgression
ils s’embusquent contre moi et sans péché,
pour mon âme, des puissants YHWH.
– 5 Sans faute, : réveille-toi
ils accourent à ma rencontre
et se préparent ; ET VOIS.
················································································································· YHWH-DIEU des armées,
: 6 ET TOI, : DIEU
d’Israël,
: lève-toi : sois sans pitié
pour visiter pour tous les traîtres
7
Ils reviennent ils grognent et ils rôdent
– 8 VOICI – des épées – « Car qui
TOUTES CES NATIONS, D’INIQUITÉ
!
au soir, comme un chien, par la ville. ils écument sur leurs lèvres : entend ? »
dans leur bouche,
················································································································· YHWH, tu te ris d’eux, DE TOUTES LES NATIONS ;
: 9 ET TOI, : tu te moques
: 10 ô ma force, : car DIEU
vers toi (est) ma citadelle ;
je regarde.
: 11 le DIEU : DIEU
de ma fidélité ME FAIT-VOIR
me précède, mes épiant.
Deux longues sous-parties encadrent une sous-partie de la taille d’un seul segment trimembre (7). Les deux segments du premier morceau de la première sous-partie sont de construction analogue. Le premier est d’un concentrisme parfait, autour du vocatif « mon Dieu » : + 2 DÉLIVRE-MOI – de mes ennemis, mon Dieu, – contre mes agresseurs + TU ME PROTÈGERAS ;
Le psaume 59
215
Le second est composé de manière spéculaire : + 3 DÉLIVRE-MOI – des faisant – et des hommes
l’iniquité, de sangs
+ SAUVE-MOI.
Dans les deux cas, les verbes se trouvent aux extrémités du segment. Les deux occurrences de « délivre-moi » jouent le rôle de termes initiaux. Dans le deuxième morceau, le psalmiste dénonce les agissements de ses ennemis contre lui, « sans transgression et sans péché », « sans faute » de sa part. Le dernier membre en revanche demande l’aide de Yhwh (5b), ce qui rappelle le premier morceau et prépare la suite ; en effet dans le morceau suivant qui commence par un bimembre tout de vocatifs, le deuxième segment reprend le dernier segment du premier morceau, mais cette fois en demandant à Dieu d’agir contre ceux qui l’attaquent de manière inique. C’est seulement à ce moment-là que les ennemis sont identifiés : ce sont « toutes ces nations » (6c). « Iniquité » revient dans les derniers segments des morceaux extrêmes (3a.6c). Dans la dernière sous-partie, le premier morceau décrit les nations ennemies, violentes (8ab) et ne tenant pas compte de Dieu dont ils pensent qu’il n’entend pas (8c). Beaucoup plus développé, le second morceau commence par dire la réaction amusée de Yhwh devant « toutes ces nations », après quoi le psalmiste loue Dieu, d’abord en s’adressant à lui (10a), puis à la troisième personne comme s’il se tournait vers d’autres. Les sous-parties extrêmes se correspondent. Commençant tous deux par « voici », le premier morceau de la dernière sous-partie (8) et le morceau central de la première sous-partie (4-5) décrivent les actions agressives des ennemis. Les derniers morceaux commencent par « et toi, Yhwh » (6a.9a). Le dernier morceau de la dernière sous-partie correspond aux morceaux extrêmes de la première sous-partie : alors qu’au début le psalmiste demande l’aide de Dieu (23.6), à la fin il constate que sa prière a été exaucée (9-11). « Toutes ces/les nations » revient en 6c et 9b ; « voir » et « faire-voir » marquent la fin des morceaux 4-5 et 9-11. Au centre de toute la partie (7), l’ennemi est présenté « comme un chien » qui « grogne » et « rôde ».
216
La troisième section (Ps 56–60)
LA DEUXIÈME PARTIE (12-18) + 12 NE LES TUE PAS, + AGITE-LES + notre bouclier,
de peur que n’oublie par ta puissance, SEIGNEUR !
– 13 Le péché – et QU’ILS SOIENT PRIS – et pour la malédiction
de leur bouche, à leur orgueil, et pour le mensonge
mon peuple, FAIS-LES TOMBER,
la parole
de leurs lèvres :
qu’ils racontent.
····························································································································· 14 ACHÈVE(-LES) par la colère, ACHÈVE ET QU’ILS NE SOIENT PLUS que DIEU gouverne et QU’ILS SACHENT
+ + + en Jacob
- 15 Et ils reviennent - ils grognent - et ils rôdent
jusqu’aux bouts
de la terre !
AU SOIR,
comme un chien, par la ville.
- 16 Eux - et si point
ILS S’AGITENT ne sont rassasiés,
pour manger, ils y passent-la-nuit.
= 17 Et moi, = et je crierai-de-joie
je chanterai
ta force,
:: Oui, tu as été :: et un refuge
une citadelle au jour
pour moi de mon oppression.
= 18 Ma force, :: oui, c’est DIEU :: le DIEU
pour toi ma citadelle, de ma fidélité.
je psalmodierai ;
AU MATIN (pour) ta fidélité. ·····························································································································
La première sous-partie est marquée par les impératifs (12a.12b bis ; 14a bis) et les jussifs (13b.14a.14b). Ses deux morceaux s’opposent : le psalmiste demande d’abord au Seigneur de ne pas « tuer » ses ennemis, puis de les « achever ». Ces deux requêtes sont complémentaires, car le but de la première est l’instruction du « peuple » (12a) et celui de la deuxième est qu’eux-mêmes « sachent que c’est Dieu le maitre » (14b). Les deux premiers segments de la dernière sous-partie opposent ce qu’« eux » font et ce que le psalmiste, « moi », fera. Il dit ce qu’il fera quand le Seigneur aura exaucé la prière qu’il lui a adressée dans la première sous-partie. La célébration de « la force » de Dieu (17ab.18a) est motivée par le fait qu’il a été pour lui la « citadelle » qui l’a protégé (17cd.18bc). Les deux occurrences de « fidélité » jouent le rôle de termes finaux pour les deux morceaux (17b.18c). Au centre (15), la description de la chasse que, « au soir », les ennemis mènent « par la ville ». La menace du morceau central est située « le soir » (15a), le salut de la dernière sous-partie « au matin » (17b).
Le psaume 59
217
L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
Du maitre-de-chant, « Ne détruis pas », de David, à mi-voix ; quand Saül envoya surveiller la maison pour le faire mourir. 2 3
Délivre-moi de mes ennemis, mon Dieu, contre mes agresseurs TU ME PROTÈGERAS ; délivre-moi des faisant L’INIQUITÉ et des hommes de sangs sauve-moi.
4
Car voici, ils s’embusquent pour mon âme, ils s’ameutent contre moi des puissants, sans transgression et sans péché, Yhwh. 5 Sans faute, ils accourent et se préparent ; réveille-toi à ma rencontre et vois. 6
Et toi, Yhwh Dieu des armées, Dieu d’Israël, lève-toi pour visiter toutes ces nations, n’aie pas pitié de tous les traitres D’INIQUITÉ ! 7
Ils reviennent au soir, ils grognent comme un chien 8
et ils rôdent par la ville.
Voici ils écument dans LEUR BOUCHE, des épées sur LEURS LÈVRES : « Car qui entend ? »
9
Et toi, Yhwh, tu te ris d’eux, tu te moques de toutes les nations ; 10 MA FORCE, vers toi je regarde CAR DIEU EST MA CITADELLE ; 11 LE DIEU DE MA FIDÉLITÉ me précède, Dieu me fait voir ceux qui m’épient. 12
Ne les tue pas, de peur que n’oublie mon peuple, agite-les par ta puissance, fais-les tomber, notre bouclier, Seigneur ! 13 Le péché de LEUR BOUCHE, la parole de LEURS LÈVRES : et qu’ils soient pris à leur orgueil et pour la malédiction et pour le mensonge qu’ils racontent. 14
Achève-les par la colère, achève et qu’ils ne soient plus gouverne en Jacob jusqu’aux bouts de la terre !
et qu’ils sachent que Dieu
15
Et ils reviennent au soir, ils grognent comme un chien 16 17
et ils rôdent par la ville.
Eux ils s’agitent pour manger et si point ne sont rassasiés, ils y passent-la-nuit. Et moi, je chanterai ta force, et je crierai-de-joie au matin pour ta fidélité.
Oui, tu as été une citadelle pour moi et un refuge au jour de mon oppression. 18 MA FORCE, pour toi je psalmodierai ; CAR DIEU EST MA CITADELLE, LE DIEU DE MA FIDÉLITÉ.
Les parties extrêmes sont focalisées sur deux courtes sous-parties identiques (7.15) qui jouent le rôle de termes centraux. Les deux suites « ma force », « car Dieu est ma citadelle », « le Dieu de ma fidélité » (10-11 ; 18) remplissent la fonction de termes finaux. Les deux occurrences de « leur bouche » et « leurs lèvres », à la fin de la deuxième partie (8) et au début de la dernière partie (13), peuvent être dites jouer le rôle de termes médians. « Tu me protègeras », au début de la première partie (2b), est de même racine (śgb) que « citadelle » à la fin des parties extrêmes (10.18).
218
La troisième section (Ps 56–60)
CONTEXTE DAVID MENACÉ DE MORT PAR SAÜL La seconde partie du psaume fait très probablement référence à l’épisode rapporté en 1S 19,1-17 où David échappe à Saül qui avait fait surveiller sa maison. Il n’échappa que grâce au subterfuge de son épouse Mikal.
INTERPRÉTATION CHIENS ERRANTS, HOMMES DE SANG Dès le début sont campés les « ennemis » du psalmiste, ses « agresseurs », qualifiés comme « faisant l’iniquité », comme des « hommes de sang » (2-3). Ils sont mis sous le patronage de Saül qui cherche à « faire mourir » David sans faute de sa part (1). Par deux fois ils sont présentés sous les traits du chien errant qui n’a de cesse de dévorer pour assouvir sa faim. « Leur bouche » et « leurs lèvres », comme les « épées », veulent « manger », faire couler le sang et s’en repaitre. « QUI VERSE LE SANG DE L’HOMME... » ...par l’homme son sang sera versé » (Gn 9,6). La violence ne saurait manquer de se retourner contre ceux qui l’exercent. Celui qui la subit et ne peut répliquer, ni même se défendre n’a pas d’autre choix que de faire appel à celui qui possède la force de s’y opposer. Et c’est pourquoi il finit par demander au Seigneur de les « achever » (14). Le vengeur du sang rétablira ainsi la justice bafouée par les « faiseurs d’iniquité ». Toutefois, et curieusement, cette demande semble ne pas vouloir la mort des pécheurs mais qu’« ils sachent que Dieu gouverne » non seulement « en Jacob » mais « jusqu’au bout de la terre » (14), en somme, selon le désir de Dieu, « qu’ils se convertissent et qu’ils vivent » (Ez 18,32). « DIEU EST MA CITADELLE » Devant un tel débordement de violence animale, un seul secours, la « force » du Seigneur. Telle une « citadelle », elle « protège » des chiens affamés que sont « toutes les nations » étrangères rodant toute la nuit pour dévorer Israël (6.9). Le « Dieu des armées, Dieu d’Israël » (6) est celui qui défend son peuple de « l’épée » de ses « agresseurs » et le délivre de leurs crocs. « Le Dieu de ma fidélité » (11.18) est celui qui, en vertu de l’alliance conclue par serment avec son peuple, est tenu d’intervenir en cas d’agression de la part d’un tiers. La fidélité est certes celle du peuple qui est « sans transgression et sans péché », « sans faute » (4-5) ; elle est avant tout celle de celui qui, comme en Égypte, a pris l’initiative de le sauver. La « force » du Seigneur est au service de « sa fidélité » (17).
Le psaume 59
219
UNE BOUCHE ET DES LÈVRES POUR CHANTER ET PSALMODIER Munie de ses crocs puissants, la bouche du chien est faite, pour saisir, déchiqueter et tuer, pour lécher le sang et dévorer la chair de sa victime. C’est ainsi que sont dépeints les « hommes de sangs » qui attaquent Israël. Au contraire de celle de l’animal sauvage, la bouche de l’homme est faite pour la parole. Ses dents ne sont pas faites pour mordre, mais pour articuler son langage. Ses lèvres lui permettent d’appeler à l’aide, de crier au secours et c’est bien ce que fait le psalmiste depuis le début : « Délivre-moi », « sauve-moi » (2-3), et tout au long ; jusqu’au moment où il « chantera » la force de son libérateur, jusqu’« au matin » où il « criera de joie » pour sa fidélité, où il « psalmodiera » pour « la citadelle » qui l’a « protégé » en faisant taire ses ennemis.
2. LE PSAUME 60 TEXTE 1
Du maitre-de-chant, sur « Un lys est le précepte », à mi-voix, de David, pour apprendre ; quand il lutta avec Aram Naharayim et Aram de Çoba et que Joab revint pour battre Édom dans la vallée du Sel, douze mille hommes. 3 Dieu, tu nous as rejetés, tu nous as rompus, tu étais irrité, reviens à nous ; 4 tu as fait trembler la terre, tu l’as fendue, guéris ses fractures, car elle chancelle. 5 Tu en fis voir à ton peuple de dures, tu nous fis boire un vin de vertige. 6 Donne à tes craignant un signal pour fuir de devant l’arc ; 7 afin que soient délivrés tes bienaimés, sauve par ta droite et réponds-moi. 8 Dieu a parlé en son sanctuaire : « J’exulte, je partage Sichem et la vallée de Sukkot j’arpente. 9 À moi Galaad et à moi Manassé, Éphraïm, l’armure de ma tête, Juda, mon sceptre, 10 Moab, le bassin où je me lave, sur Édom je jette ma sandale ; sur moi, Philistie, crie-victoire ! » 11 Qui me mènera dans une ville forteresse, qui me conduira jusqu’en Édom ? 12 N’est-ce pas toi, Dieu, qui nous as rejetés et ne sors plus, Dieu, avec nos armées ? 13 Porte-nous secours dans l’oppression et néant le salut de l’adam ; 14 avec Dieu nous ferons des prouesses et lui écrasera nos oppresseurs. 2
V. 6
: « DONNE »
Le parfait est le plus souvent traduit par un passé. Il est ici interprété comme parfait précatif 1. La construction spéculaire du morceau formé par les versets 6 et 7 appuie ce choix. V. 7
: « RÉPONDS-MOI »
Le ketib met le pronom au pluriel, le qeré au singulier. Ce dernier est préférable, car le même jeu entre pluriel et singulier se retrouve dans les parties extrêmes du psaume.
COMPOSITION Le titre est particulièrement développé (1-2) qui s’étend sur cinq membres : 1
Du maitre-de-chant, sur « Un lys (est) le précepte », à mi-voix, de David, pour apprendre ; 2 quand il lutta contre Aram Naharayim et Aram de Çoba et revint Joab et frappa Édom dans la vallée du Sel, douze mille (hommes).
Le psaume proprement dit comprend trois parties organisées de manière concentrique.
1
Joüon, 112k ; ainsi Ravasi, II, 221 ; Hossfeld – Zenger, II, 93
222
La troisième section (Ps 56–60)
LA PREMIÈRE PARTIE (3-7) – 3 Dieu, + tu étais irrité,
tu nous as rejetés, REVIENS
tu nous as rompus, à nous ;
– 4 tu as fait trembler + GUÉRIS
la terre, ses fractures,
tu l’as fendue, car elle chancelle.
···························································································
– 5 Tu en fis voir – tu nous fis boire
à ton peuple un vin
de dures, de vertige.
···························································································
+ 6 DONNE = pour fuir
à tes craignant de devant
un signal l’arc ;
= 7 afin que + SAUVE
soient délivrés par ta droite
tes bien-aimés, et RÉPONDS-moi.
Dans le premier morceau, les deux impératifs des seconds membres, « reviens » et « guéris », s’opposent à tous les verbes de malheur dont Dieu est le sujet : « tu nous a rejetés » [...] « tu l’as fendue ». Le dernier morceau est de construction spéculaire, les volitifs « donne », « sauve », « réponds » se trouvant aux extrémités, les membres centraux étant tous deux des finales : fuyant « l’arc », les « bien-aimés » du Seigneur seront « délivrés ». Au centre (3), un court morceau qui ne dit que le malheur infligé par Dieu à son peuple. LA DEUXIÈME PARTIE (8-10) + 8 Dieu : « J’exulte, : et la vallée
a parlé je partage de SUKKOT
en son sanctuaire : SICHEM j’arpente.
- 9 À moi GALAAD - ÉPHRAÏM, - JUDA,
et à moi l’armure mon sceptre.
MANASSÉ, de ma tête,
.. 10 MOAB, .. sur ÉDOM .. sur moi,
le bassin je jette PHILISTIE,
où je me lave, ma sandale ; crie-victoire ! »
Narratif, le premier membre introduit le long oracle prononcé par Dieu dans son « sanctuaire » céleste. La carte des territoires sur lesquels règne le Seigneur commence par « Sichem », l’antique sanctuaire du temps de Josué (Jos 24), et la vallée de « Sukkot » qui se trouve juste en face de Sichem à l’est du Jourdain. Au début du deuxième trimembre, on reste dans la région de « Galaad », toujours sur la rive orientale du Jourdain ; la tribu de Manassé se trouve de part
Le psaume 60
223
et d’autre du fleuve ; Éphraïm et Juda sont les deux principales tribus du nord et du sud. Quant à Moab, Édom et la Philistie, ce sont des vassaux d’Israël, le premier de l’autre côté de la mer Morte, le second à l’est et au sud, le troisième sur la côte sud-occidentale de la Méditerranée. Le dernier membre est le seul dont le sujet n’est pas Dieu ; la Philistie y est interpelée de manière ironique. LA TROISIÈME PARTIE (11-14) – 11 Qui me mènera – qui me conduira
dans une ville jusqu’en
forteresse, Édom ?
:: 12 N’est-ce pas toi, :: et ne sors plus,
DIEU, DIEU,
qui nous as rejetés avec nos armées ?
·········································································································· 13
+ Porte-nous - et néant
secours le salut
dans l’oppression de l’adam ;
- 14 avec DIEU + et lui
nous ferons écrasera
des prouesses nos oppresseurs.
À la double question du premier segment, le second répond par une autre question : aux deux occurrences de « qui » au début des membres du premier segment correspondent les deux occurrences de « Dieu » en seconds termes du second segment. Alors que le premier morceau est construit en parallèle, le deuxième l’est de manière spéculaire. Aux extrémités, les actions de Dieu contre « l’oppression » des « oppresseurs » ; les membres centraux opposent le « néant » de « l’adam » aux « prouesses » faites « avec Dieu ». D’un morceau à l’autre, les « oppresseurs » semblent être ceux qui sont dans « la ville forteresse » d’« Édom ».
224
La troisième section (Ps 56–60)
L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
Du maitre-de-chant, de David, 2 quand il lutta et revint dans la vallée
sur « Un lys pour apprendre ; contre Aram Joab du Sel,
précepte »,
à mi-voix,
Naharayim et frappa deux -
et Aram ÉDOM dix
de Çoba mille (hommes).
– 3 DIEU, – tu étais irrité,
reviens
À NOUS
– 4 tu as fait trembler + guéris
la terre, ses fractures,
tu l’as fendue, car elle chancelle.
TU NOUS AS REJETÉS,
tu nous as rompus, ;
·······························································································
– 5 Tu en fis voir – tu nous fis boire
à ton peuple un vin
de dures, de vertige.
·······························································································
+ 6 Donne = pour fuir
à tes craignant devant
un signal l’arc ;
= 7 afin que + SAUVE
soient délivrés par ta droite
tes bien-aimés, et réponds-MOI.
+ 8 DIEU : « J’exulte, : et la vallée
a parlé je partage de Sukkot
en son sanctuaire : Sichem j’arpente.
- 9 À moi Galaad - Éphraïm, - Juda,
et à moi l’armure mon sceptre,
Manassé, de ma tête,
.. 10 Moab, .. sur ÉDOM .. sur moi,
le bassin je jette Philistie,
où je me lave, ma sandale ; crie-victoire ! »
– 11 Qui ME mènera – qui ME conduira
dans une ville jusqu’en
forteresse, ÉDOM ?
:: 12 N’est-ce pas toi, :: et ne sors plus,
DIEU, DIEU,
QUI NOUS AS REJETÉS
avec nos armées ?
·········································································································· 13 Porte-À-NOUS secours dans l’oppression
- et néant 14
+ avec DIEU + et lui
LE SALUT
de l’adam ;
nous ferons écrasera
des prouesses nos oppresseurs.
L’oracle du Seigneur (8-10) répond aux deux supplications qui l’encadrent. Le nom d’« Édom » revient dans le titre (2b), à la fin de la partie centrale (10b) ainsi qu’au début de la dernière partie (11b). « Nous as rejetés » est repris
Le psaume 60
225
dans les premiers morceaux des parties extrêmes (3a.12a). À « sauve » dans le dernier morceau de la première partie (7b) fait écho « le salut » dans le dernier morceau de la dernière partie (13b). La première personne du psalmiste ne se trouve que dans le dernier mot de la première partie, « réponds-moi » (7b), et dans le premier segment de la troisième partie (11), jouant ainsi le rôle de termes médians à distance. Le nom de « Dieu » marque le début des deux premières parties (3a.8a) et revient trois fois dans la dernière partie (12a.12b.14a).
CONTEXTE PS 108 Le début du Ps 108 (2-7) est presque identique à la dernière partie du Ps 57 (8-12)2. Le reste du même Ps 108 (8-14) est l’équivalent des deux dernières parties du Ps 60. Les différences sont minimes : « et » avant « à moi Manassé » absent en 108,9 et de même pour « toi » avant « Dieu » en 12a, en 11a les synonymes māṣôr (« forteresse », de) et mibṣār (« fortification », de) de racines différentes (de ṣûr et de bṣr), mais en rapport de paronomase. Ps 60 8 Dieu a parlé en son sanctuaire : « J’exulte, je partage Sichem et la vallée de Sukkot j’arpente. 9 À moi Galaad et à moi Manassé, Éphraïm, l’armure de ma tête, Juda, mon sceptre, 10 Moab, le bassin où je me lave, sur Édom je jette ma sandale ; CONTRE MOI, PHILISTIE, CRIE-VICTOIRE ! » 11 Qui me mènera dans une ville forteresse, qui me conduira jusqu’en Édom ? 12 N’est-ce pas toi, Dieu, qui nous as rejetés et ne sors plus, Dieu, avec nos armées ? 13 Porte-nous secours contre l’oppression et néant le salut de l’adam ; 14 avec Dieu nous ferons des prouesses et lui écrasera nos oppresseurs.
Ps 108 8 Dieu a parlé en son sanctuaire : « J’exulte, je partage Sichem, et la vallée de Sukkot j’arpente. 9 À moi Galaad, à moi Manassé, Éphraïm, l’armure de ma tête, Juda, mon sceptre, 10 Moab, le bassin où je me lave, sur Édom je jette ma sandale, CONTRE LA PHILISTIE JE CRIE-VICTOIRE. » 11 Qui me mènera dans une ville fortification, qui me conduira jusqu’en Édom ? 12 N’est-ce pas Dieu qui nous as rejetés et ne sors plus, Dieu, avec nos armées ? 13 Porte-nous secours contre l’oppression et néant le salut de l’adam ; 14 avec Dieu nous ferons des prouesses et lui écrasera nos oppresseurs.
La seule différence significative est celle de 10c : l’expression ironique de la fin de l’oracle dans le Ps 60 est alignée dans le Ps 108 sur les membres précédents.
2
Voir plus haut, p. 201 ; Le Psautier. Cinquième livre, 36-38.
226
La troisième section (Ps 56–60)
L’HISTOIRE DE DAVID Le titre renvoie aux guerres de David contre Aram et contre Édom, telles qu’elles sont rapportées en 2S 8,1-14. L’intervention de Joab est signalée en 2S 10,6-143. ÉDOM Frère jumeau de Jacob, Ésaü, ancêtre éponyme d’Édom, est l’ennemi par antonomase des fils de Jacob-Israël4. Édom s’était bien gardé de porter secours à Jérusalem lors du siège et de la prise de la ville par Nabuchodonosor en 597 (Ab 11-15). Il avait profité de la situation pour agrandir son territoire aux dépens d’Israël (Ps 137,7). Les oracles contre Édom sont très nombreux (Is 34 ; Jr 49,720 ; Ez 35 ; Am 9,11-12). Au retour d’exil, le rêve de reconstituer le royaume de David dans toutes ses frontières passe par la revanche sur Édom
INTERPRÉTATION « DE DAVID » Au « nous » du peuple se joint en finale de la première partie et au début de la dernière une première personne que le titre invite à reconnaitre comme la personne du roi David. Fiction littéraire, David est la figure emblématique de chaque psalmiste, de chaque individu qui compose une prière au nom de tous, et pour tous. Il n’est pas de prière qui ne soit due à la plume d’un seul, mais il n’est pas de vraie prière qui ne soit composée pour être reprise dans la bouche de l’ensemble du peuple. David est le patron de tous les psalmistes et c’est donc à bon droit que tous les Psaumes sont dits traditionnellement « de David ». TU NOUS AS REJETÉS, SAUVE-NOUS ! La situation où se trouve le psalmiste, roi et peuple confondus, est celle de « l’oppression » (13a.14b). Israël est en butte à des ennemis non identifiés précisément, mais qui le laissent convaincu que son Dieu l’a « rejeté » ; en effet, il ne sort plus avec ses armées, à tel point que « la terre » est « fendue », les os fracturés. Châtiment ou épreuve, on ne sait. Ce que l’on sait en revanche, c’est que celui qui a dû « boire un vin de vertige » n’a pas perdu la foi en son Dieu : il lui parle, se plaint, questionne, demande, supplie d’être « sauvé ». Il ne le ferait pas s’il n’était pas sûr que son Dieu soit le seul capable de venir à son « secours ». 3
Pour plus de détails, voir par ex. Vesco, 534-535. « Comme on le sait, Édom est devenu pour les Juifs le type de l’anti-Israël, jusque dans la littérature rabbinique où Édom désigne l’empire romain » (R.J. TOURNAY, « Psaumes 57, 60 et 108 », 14, nt. 24) 4
Le psaume 60
227
DIEU RÉPOND À peine David a-t-il dit à Dieu : « réponds-moi » (7b), que ce dernier, qui n’a pas manqué de l’entendre, prend aussitôt la parole. Formellement, l’oracle prononcé de son sanctuaire céleste, n’est pas adressé au suppliant, mais on comprend qu’il est fait pour être entendu de son destinataire. La terre d’Israël, de Sichem à Juda, en passant par Sukkot, Manassé et Éphraïm, est le domaine qu’il arpente et partage, les royaumes du nord et du sud sont les attributs de son règne, et celui-ci s’étendra sur les voisins de l’est et de l’ouest qui se trouveront sous ses pieds. La Philistie elle-même pourra-t-elle encore crier victoire ? ÉDOM, LE FRÈRE ENNEMI Quand David reprend la parole, après que Dieu a conclu son oracle, il ne pense pas aux Philistins, les derniers nommés, mais seulement à Édom. Le titre déjà avait prononcé ce nom. Cette insistance ne peut guère être fortuite. Les relations d’inimitié entre Jacob et son frère ainé Ésaü se sont prolongées au cours de l’histoire, et David a eu maille à partir avec celui qui fut surnommé Édom, le roux. L’ennemi le plus terrible, celui qui fait le plus souffrir est toujours le plus proche, le frère. Si David est le personnage emblématique du psalmiste, Édom ne l’est pas moins, représentant typique de tous ses ennemis.
3. MES ENNEMIS GROGNENT, DIEU PARLE DE SON SANCTUAIRE (59–60) COMPOSITION DE LA SÉQUENCE Ps 59,1 Du maitre-de-chant, « Ne détruis pas », de David, à mi-voix ; quand Saül envoya surveiller la maison pour le faire mourir. 2 3
Délivre-moi de mes ennemis, mon Dieu, contre mes agresseurs tu me protègeras ; délivre-moi ceux qui font l’iniquité et des hommes de sangs SAUVE-MOI.
4
Car voici, ils s’embusquent pour mon âme, des puissants s’ameutent contre moi, sans transgression et sans péché de ma part, Yhwh. 5 Sans faute, ils accourent et se préparent ; réveille-toi à ma rencontre et vois. 6 Et toi, Yhwh Dieu des ARMÉES, Dieu d’Israël, lève-toi pour visiter TOUTES CES NATIONS, n’aie pas pitié de tous les traitres d’iniquité ! 7
ILS REVIENNENT au soir, ils grognent comme un chien et ils rôdent par la ville.
8
Voici ils écument dans leur bouche, des épées sur leurs lèvres : « Car qui entend ? » 9 Et toi, Yhwh, tu te ris d’eux, tu te moques de TOUTES LES NATIONS ; 10 ma force, vers toi je veille car Dieu est ma citadelle ; 11 le Dieu de ma fidélité me précède, Dieu me fait voir ceux qui m’épient. 12
Ne les tue pas, de peur que MON PEUPLE n’oublie, agite-les par ta PUISSANCE, fais-les tomber, notre bouclier, Seigneur ! 13 Le péché de leur bouche, la parole de leurs lèvres : qu’ils soient pris à leur orgueil et pour la malédiction et pour le mensonge qu’ils racontent. 14 Achève-les par la fureur, achève-les et qu’ils ne soient plus et qu’ils sachent que Dieu gouverne en Jacob jusqu’aux bouts de la terre ! 15
Et ILS REVIENNENT au soir, ils grognent comme un chien et ils rôdent par la ville.
16
Eux ils s’agitent pour manger et, s’ils ne sont point rassasiés, ils y passent la nuit. 17 Et moi, je chanterai ta force et je crierai-de-joie au matin pour ta fidélité. Oui, tu as été une citadelle pour moi et un refuge au jour de mon OPPRESSION. 18 Ma force, pour toi je psalmodierai ; oui, c’est Dieu ma citadelle, le Dieu de ma fidélité. Ps 60,1 Du maitre-de-chant, sur « Un lys est le précepte », à mi-voix, de David, pour apprendre ; 2 quand il lutta avec Aram Naharayim et Aram de Çoba et que Joab revint pour battre ÉDOM dans la vallée du Sel, douze mille hommes. 3
Dieu, tu nous as rejetés, tu nous as rompus, tu étais irrité, REVIENS à nous ; 4 tu as fait trembler la terre, tu l’as fendue, guéris ses fractures, car elle chancelle. 5 Tu en fis voir de dures à TON PEUPLE, tu nous fis boire un vin de vertige. 6 Donne à tes craignant un signal pour fuir de devant l’arc ; 7 afin que tes bien-aimés soient dégagés, SAUVE par ta droite et réponds-moi. 8 Dieu a parlé en son sanctuaire : « J’exulte, je partage Sichem et la vallée de Sukkot j’arpente. 9 À moi Galaad et à moi Manassé, Éphraïm est l’armure de ma tête, Juda, mon sceptre, 10 MOAB est le bassin où je me lave, sur ÉDOM je jette ma sandale ; sur moi, PHILISTIE, crie-victoire ! » Qui me mènera dans une ville forteresse, qui me conduira jusqu’en ÉDOM ? 12 N’est-ce pas toi, Dieu, qui nous as rejetés et ne sors plus, Dieu, avec nos ARMÉES ? 13 Porte-nous secours dans L’OPPRESSION et néant LE SALUT de l’adam ; 14 avec Dieu nous ferons des PUISSANCES et lui écrasera nos OPPRESSEURS. 11
La séquence 59–60
229
Les titres ont en commun « Du maitre-de-chant », « de David », « à mivoix », « quand... » ; le second est beaucoup plus développé que le premier. Le psalmiste demande d’être « sauvé » (59,3 ; 60,7), car « le salut » de l’homme est néant (60,13). Dans le premier psaume il parle de son « peuple » (59,12) qu’il qualifie comme « le peuple » du Seigneur dans l’autre (60,5). Dans le premier psaume le psalmiste demande à Dieu de « visiter » « toutes les nations » (59,6) et il est sûr qu’il « se moquera » d’elles (9) ; le second psaume nomme trois de ces nations ennemies : « Moab », « Édom » et « la Philistie » (60,2.10-11). « Oppression / oppresseurs » reviennent en termes finaux (59,17 ; 60,13.14) ; « Puissance(s) » est repris en 59,12 et 60,14, « armées » en 59,6 et 60,12, « revenir » en 59,7.12 et 60,3 et « ville » en 59,7.15 et 60,11. On pourra noter aussi qu’à « citadelle » et « refuge » du premier psaume (59,10.17-18) correspond « forteresse » dans le deuxième (60,11). Alors que le premier psaume est tout à la première personne du singulier, c’est la première personne du pluriel qui domine dans l’autre. Au centre des deux grandes parties du premier psaume, on entend le grognement des chiens (59,7.15) ; au centre du dernier psaume se fait entendre la parole de Dieu (60,8-10).
INTERPRÉTATION DIEU GOUVERNE EN TOUT ET PARTOUT « Qu’ils sachent que Dieu gouverne en Jacob jusqu’aux bouts de la terre ! » (59,14). Dieu gouverne car il est le roi qui dirige et juge. Voilà ce que les nations sauront, et voilà ce que le psalmiste confesse quand, dans le deuxième psaume il attribue au Seigneur le rejet et les coups qu’il a reçus de la part de ses « oppresseurs ». Dieu a frappé mais il « guérira les fractures » (60,4). Il châtie son peuple, mais il le « sauve ». C’est lui qui libère Éphraïm et Juda et qui met sous ses pieds Moab, Édom et la Philistie. L’IRRITATION DE DIEU Dans le premier psaume, le psalmiste proteste avec force de son innocence : il est sans « transgression et sans péché », « sans faute » (59,4-5). S’il y a « péché », c’est celui de l’ennemi, dont « l’orgueil » le fait maudire et mentir (13). Dès le début du deuxième psaume, le roi reconnait au contraire que tout le malheur qui frappe son peuple est dû au rejet du Seigneur qui est « irrité » contre lui. Sans faire une confession des péchés en bonne et due forme, cela suppose tout de même qu’Israël n’est pas pur de toute transgression.
230
La troisième section (Ps 56–60)
DIEU RÉPOND Au centre du deuxième psaume, Dieu répond longuement au psalmiste qui l’avait interpelé. Son oracle concerne d’abord longuement Israël, dans tout son territoire, des deux côtés du Jourdain, mais il s’achève par des menaces contre les ennemis de son peuple, Moab, Édom et la Philistie. C’est donc à eux aussi qu’il répond, comme on répond à une attaque. La parole de Dieu s’oppose aux grognements des chiens qui rôdent pour dévorer ses bien-aimés (59,7.15). LE ROI D’ISRAËL Dans le premier psaume, le psalmiste appelle Israël « mon peuple » (59,12) et il a raison puisqu’il est leur roi, mais il ne tarde pas à préciser que c’est Dieu qui « gouverne en Jacob jusqu’aux bouts de la terre » (14). Dans le deuxième psaume, il y reviendra quand il dira : « tu en as fait voir de dures à ton peuple » (60,5). Le peuple est à la fois le peuple de David et celui de Dieu. Le roi d’Israël est certes David, mais il gouverne au nom de Dieu. Le dernier verset de la séquence met en quelque sorte sur le même pied le peuple et son Seigneur : « avec Dieu nous ferons des puissances et lui écrasera nos ennemis » (60,14). Il ne faudrait toutefois pas oublier le premier mot : « avec Dieu ». Parce que sans lui nous ne pourrions rien faire.
IV. DE DAVID À MI-VOIX DANS SES ANGOISSES (56–60) 1. COMPOSITION DE LA TROISIÈME SECTION Les cinq psaumes de la section sont organisés en trois séquences, deux comprenant une paire de psaumes aux extrémités et une ne comptant qu’un seul psaume au centre : MES ENNEMIS ME PIÉTINENT,
JE M’ABRITE
SOUS LES AILES DE DIEU
CASSE LES DENTS DU SERPENT ET DES LIONS
MES ENNEMIS GROGNENT,
DIEU PARLE
DE SON SANCTUAIRE
Ps 56–57
Ps 58
Ps 59–60
Chacune des séquences extrêmes a été analysée et commentée plus haut (voir p. 204-205 et p. 228-230). Pour vérifier la cohérence de la section il reste à montrer d’abord les rapports qu’entretiennent entre elles les séquences extrêmes, puis ceux qui lient la séquence centrale avec les deux autres.
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La troisième section (Ps 56–60)
LES RAPPORTS ENTRE LES SÉQUENCES EXTRÊMES (56–57 ET 59–60) Ps 56,1 Du maitre-de-chant, sur « la colombe du silence de ceux qui sont loin », de David ; à mi-voix, quand les Philistins s’emparèrent de lui à Gat. 2 Aie-pitié-de-moi, Dieu, car l’homme me piétine, tous les jours qui me combat me presse ; 3 ils me piétinent CEUX QUI M’ÉPIENT tous les jours car nombreux sont ceux qui me combattent là-haut. 4 Le jour où je crains, moi en toi je me fie. 5 En Dieu je loue sa PAROLE ; en Dieu je me fie, je ne crains pas, que ferait une chair à moi ? 6
Tous les jours ils déforment mes PAROLES, contre moi tous leurs pensers vers le mal ; ils s’ameutent, se cachent, eux ils observent mes traces, comme s’ils espéraient mon âme. 8 Pour leur INIQUITÉ, y aura-t-il libération pour eux ? Dans ta colère abats LES PEUPLES, Dieu ! 9 Tu as compté ma fuite, toi, mets mon pleur dans ton outre ; n’est-ce pas dans ton livre ? 10 Alors MES ENNEMIS RETOURNERONT en arrière, le jour où j’appellerai ; cela je sais que Dieu est pour moi. 7
11 12
En Dieu je loue la PAROLE, en Yhwh je loue la PAROLE ; en Dieu je me fie, je ne crains pas, que ferait un adam à moi ?
Sur moi, Dieu, seront tes vœux, j’acquitterai les actions-de-grâce à toi : 14 Oui, TU AS DÉLIVRÉ mon âme de la mort, n’est-ce pas mes pieds de la chute, pour que je marche à la face de Dieu dans la lumière de la vie. 13
Ps 57,1 Du maitre-de-chant, « Ne détruis pas », de David, à mi-voix ; quand il s’enfuit de devant Saül dans la caverne. 2 Aie-pitié de moi, Dieu, aie-pitié de moi car en toi s’abrite mon âme, et à l’ombre de tes ailes je m’abrite tant que passe le fléau. 3 J’appelle vers Dieu Très-Haut, vers le Dieu qui a tout fait pour moi ; 4 qu’il envoie des cieux et qu’il me SAUVE, qu’IL SE MOQUE de qui me piétine, que Dieu envoie sa FIDÉLITÉ et sa loyauté. 5 Mon âme est au milieu de lions, je dois dormir avec ceux qui enflamment les fils d’Adam ; leurs dents, une lance et des flèches, et leur langue, une épée acérée. 6
Élève-toi sur les cieux, Dieu, sur toute la TERRE, ta gloire !
Ils tendaient un filet sous mes pas, mon âme était courbée ; ils creusaient devant moi une trappe, ils sont tombés dedans. 8 Mon cœur est prêt, Dieu, mon cœur est prêt : je chanterai et je psalmodierai. 9 Éveille-toi, ma gloire ; éveille-toi, harpe et cithare, que j’éveille l’aurore. 10 Je te louerai chez LES PEUPLES, Seigneur, je psalmodierai pour toi dans les pays. 11 Oui, grande jusqu’aux cieux ta FIDÉLITÉ, et jusqu’aux nues ta loyauté. 7
12
Élève-toi sur les cieux, Dieu, sur toute la TERRE, ta gloire !
« Peuple(s) » qe trouve partout (56,8 ; 57,10 ; 59,12 ; 60,5), « parole/parler » 56,5.6.11bis ; 59,13 ; 60,8) revient six fois, et de même « mon âme » (56,7.14 ; 57,2.5.7 ; 59,4) ; sont repris quatre fois « sauve / salut » (57,4 ; 59,3 ; 60,7.13), « avoir pitié » aussi (56,2 ; 57,2bis ; 59,6), « terre » (57,612 ; 59,14 ; 60,4), « adam » trois fois (56,12 ; 575 ; 60,13). Les psaumes médians ont beaucoup de points communs : outre les termes déjà signalés, « chanter » et « psalmodier » (57,8-9 ; 59,17-18), « se moquer » (57,4 ; 59,9), « fidélité » (57,4.11 ; 59,11.17.18), « tomber » (57,7 ; 59,12) et surtout « épée(s) » de leur « langue », de leur « bouche » (57,5b ; 59,8.13) ; d’un côté les « lions » (57,5), de l’autre « le chien » (7.15). Ils ont aussi « ne détruis pas » dans leurs titres.
L’ensemble de la section
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Ps 59,1 Du maitre-de-chant, « Ne détruis pas », de David, à mi-voix ; quand Saül envoya surveiller la maison pour le faire mourir. 2 DÉLIVRE-MOI de MES ENNEMIS, mon Dieu, contre mes agresseurs tu me protègeras ; 3 DÉLIVRE-MOI ceux qui font l’INIQUITÉ et des hommes de sangs SAUVE-moi. Car voici, ils s’embusquent pour mon âme, des puissants s’ameutent contre moi, sans transgression et sans péché de ma part, Yhwh. 5 Sans faute, ils accourent et se préparent ; réveilletoi à ma rencontre et vois. 6 Et toi, Yhwh-Dieu des armées, Dieu d’Israël, lève-toi pour visiter TOUTES CES NATIONS, n’aie pas pitié de tous les traitres d’INIQUITÉ ! 4
7 8
Ils reviennent au soir, ils grognent comme un chien et ils rôdent par la ville.
Voici ils écument dans leur bouche, des épées sur leurs lèvres : « Car qui entend ? » 9 Et toi, Yhwh, tu
te ris d’eux, TU TE MOQUES de TOUTES LES NATIONS ; 10 ma force, vers toi je veille car Dieu est ma citadelle ; 11 le Dieu de ma FIDÉLITÉ me précède, Dieu me fait voir CEUX QUI M’ÉPIENT. 12
Ne les tue pas, de peur que MON PEUPLE n’oublie, agite-les par ta puissance, fais-les tomber, notre bouclier, Seigneur ! 13 Le péché de leur bouche, la PAROLE de leurs lèvres : qu’ils soient pris à leur orgueil et pour la malédiction et pour le mensonge qu’ils racontent. 14 Achève-les par la fureur, achève-les et qu’ils ne soient plus et qu’ils sachent que Dieu gouverne en Jacob jusqu’aux bouts de la TERRE ! 15
Et ils reviennent au soir, ils grognent comme un chien et ils rôdent par la ville.
16
Eux ils s’agitent pour manger et s’ils ne sont point rassasiés, ils y passent la nuit. 17 Et moi, je chanterai ta force et je crierai-de-joie au matin pour ta FIDÉLITÉ. Oui, tu as été une citadelle pour moi et un refuge au jour de mon oppression. 18 Ma force, pour toi je psalmodierai : Oui, c’est Dieu ma citadelle, le Dieu de ma FIDÉLITÉ. Ps 60,1 Du maitre-de-chant, sur « Un lys est le précepte », à mi-voix, de David, pour apprendre ; 2 quand il lutta avec Aram Naharayim et Aram de Çoba et que Joab revint pour battre Édom dans la vallée du Sel, douze mille hommes. 3 Dieu, tu nous as rejetés, tu nous as rompus, tu étais irrité, RETOURNE à nous ; 4 tu as fait trembler la TERRE, tu l’as fendue, guéris ses fractures, car elle chancelle. 5 Tu en fis voir de dures à TON PEUPLE, tu nous fis boire un vin de vertige. 6 Donne à tes craignant un signal pour fuir de devant l’arc ; 7 afin que tes bien-aimés soient délivrés, SAUVE par ta droite et réponds-moi. 8
Dieu A PARLÉ en son sanctuaire : « J’exulte, je partage Sichem et la vallée de Sukkot j’arpente. À moi Galaad et à moi Manassé, Éphraïm est l’armure de ma tête, Juda, mon sceptre, 10 Moab est le bassin où je me lave, sur Édom je jette ma sandale ; sur moi, Philistie, crie-victoire ! » 9
11
Qui me mènera dans une ville forteresse, qui me conduira jusqu’en Édom ? 12 N’est-ce pas toi, Dieu, qui nous as rejetés et ne sors plus, Dieu, avec nos armées ? 13 Porte-nous secours dans l’oppression et néant LE SALUT de l’adam ; 14 avec Dieu nous ferons des prouesses et lui écrasera nos oppresseurs.
Les premiers psaumes ont en commun « mes ennemis » (56,10 ; 59,2), « épier » (56,3 ; 59,11), « s’ameuter » (56,7 ; 59,4), « iniquité » (56,8 ; 59,3.6), « délivrer » (56,14 ; 59,2.3). Entre les psaumes extrêmes les rapports se limitent à « faire » (56,5.12 ; 60,14), « craindre » (56,4.5.12 ; 60,6), « retourner » (56,10 ; 60,3), « n’est-ce pas » (56,9.14 ; 60,12). C’est que le dernier psaume de la section tranche sur tous les autres, ce qui est un cas de « phénomène de clôture ».
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La troisième section (Ps 56–60)
LES RAPPORTS ENTRE LES DEUX PREMIÈRES SÉQUENCES Le centre du psaume central (58,7) rappelle le psaume précédent : « dents » et « lions » en 57,5, ainsi que « langue » qui est du même champ sémantique que « bouche ». Sortant de la bouche, « parole/parler » et « dire » marquent les extrémités du psaume central (58,2.12) avec « juger ». « Parole » se trouvait déjà dans le premier psaume (56,5.6.11bis). La parole se fait louange et action de grâce à la fin du premier psaume (56,1314), du second (57,8-11). Dans ces deux psaumes, les phrases finales sont introduites par kî, traduit par « oui » ; on peut donc penser que ce sont les paroles de louange adressées à Dieu (c’est pourquoi on a ajouté les guillemets) ; à la fin du psaume central les deux « vraiment » (’ak) remplissent la même fonction, mais les paroles finales n’y sont pas adressées directement à Dieu. La « parole » peut être instrument de mort : « une lance et des flèches », « une épée acérée » (57,5), « mensonge », « venin de serpent », de « vipère » (57,4-5) ; « flèche » sera repris en 58,8. On pourra noter que « pieds » revient à la fin du premier psaume (56,14) et du psaume central (58,11).
L’ensemble de la section
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Ps 56,1 Du maitre-de-chant, sur « la colombe du silence de ceux loin », de David ; à mi-voix, quand les Philistins s’emparèrent de lui à Gat. 2 Aie-pitié-de-moi, Dieu, car l’homme me piétine, tous les jours qui me combat me presse ; 3 me piétinent ceux qui m’épient tous les jours car nombreux sont ceux qui me combattent là-haut. 4 Le jour où je crains, moi en toi je me fie. 5 En Dieu je loue sa PAROLE ; en Dieu je me fie, je ne crains pas, que ferait une chair à moi ? 6 Tous les jours ils déforment mes PAROLES, contre moi tous leurs pensers vers le mal ; 7 ils s’ameutent, se cachent, eux ils observent mes traces, comme s’ils espéraient mon âme. 8 Pour leur iniquité, y aura-t-il libération pour eux ? Dans ta colère abats les peuples, Dieu ! 9 Tu as compté ma fuite, toi, mets mon pleur dans ton outre ; n’est-ce pas dans ton livre ? 10 Alors mes ennemis retourneront en arrière, le jour où j’appellerai ; cela je sais que Dieu est pour moi. 11
En Dieu je loue la PAROLE, en Yhwh je loue la PAROLE ; en Dieu je me fie, je ne crains pas, que ferait un adam à moi ? 13 Sur moi, Dieu, seront tes vœux, j’acquitterai les actions-de-grâce à toi : 14 « OUI, tu as délivré mon âme de la mort, vraiment mes PIEDS de la chute, pour que je marche à la face de Dieu dans la lumière de la vie. » 12
Ps 57,1 Du maitre-de-chant, « Ne détruis pas », de David, à mi-voix. quand il s’enfuit de devant Saül dans la caverne. 2 Aie-pitié de moi, Dieu, aie-pitié de moi car en toi s’abrite mon âme, et à l’ombre de tes ailes je m’abrite tant que passe le fléau. 3 J’appelle vers Dieu Très-Haut, vers le Dieu qui a tout fait pour moi ; 4 qu’il envoie des cieux et qu’il me sauve, qu’il se moque de qui me piétine, que Dieu envoie sa fidélité et sa loyauté. 5 Mon âme est au milieu de LIONS, je suis couché avec ceux qui enflamment les fils d’Adam ; leurs DENTS, une lance et des flèches, et leur LANGUE, une épée acérée. 6 Élève-toi sur les cieux, Dieu, sur toute la terre, ta gloire ! 7
Ils tendaient un filet sous mes pas, mon âme était courbée ; ils creusaient devant moi une trappe, ils sont tombés dedans. 8 Mon cœur est prêt, Dieu, mon cœur est prêt : je chanterai et je psalmodierai. 9 Éveille-toi, ma gloire ; éveille-toi, harpe et cithare, que j’éveille l’aurore. 10 Je te louerai chez les peuples, Seigneur, je psalmodierai pour toi dans les pays : 11 « OUI, grande jusqu’aux cieux ta fidélité, et jusqu’aux nues ta loyauté. 12 Élève-toi sur les cieux, Dieu, sur toute la terre, ta gloire ! » Ps 58,1 Du maitre-de-chant, « Ne détruis pas », de David, à mi-voix. 2 Est-il vrai, dieux, que vous PARLEZ la justice, qu’en droiture vous JUGEZ les fils d’Adam ? 3 Non, dans le cœur vous faites les perversités sur la terre, la violence vous pesez de vos mains. 4 Ils se sont dévoyés les méchants dès le sein, ils se sont égarés dès le ventre ceux qui PARLENT le mensonge ; 5 leur venin est comme semblance de venin de serpent, comme la vipère sourde qui se bouche l’oreille 6 laquelle n’écoute pas la voix des enchanteurs, du charmeur habile en charmes. 7 Dieu, casse leurs DENTS en leur BOUCHE, les crocs des LIONS fracasse-les, Yhwh. 8 Qu’ils s’écoulent comme les eaux qui s’en vont vers elles-mêmes, il ajuste ses flèches qu’ils soient comme fanés ; 9 qu’ils soient comme la limace qui fond en s’en allant, l’avorton de la femme qu’ils ne voient pas le soleil ; 10 avant que vos marmites sentent les épines, comme vivant comme brûlé, qu’ils soient emportés ! 11 Le juste se réjouira car il verra la vengeance, il lavera ses PIEDS dans le sang du méchant ; 12 et l’adam DIRA : « VRAIMENT, il est un fruit pour le juste ; VRAIMENT, il y a un Dieu JUGEANT sur la terre. »
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La troisième section (Ps 56–60)
LES RAPPORTS ENTRE LES DEUX DERNIÈRES SÉQUENCES Ps 58,1 Du maitre-de-chant, « Ne détruis pas », de David, à mi-voix. 2 Est-il vrai, dieux, que vous PARLEZ la justice, qu’en droiture vous JUGEZ les fils d’Adam ? 3 Non, dans le cœur vous faites les perversités sur la terre, la violence vous pesez de vos mains. 4 Ils se sont dévoyés les méchants dès le sein, ils se sont égarés dès le ventre ceux qui PARLENT le mensonge ; 5 leur VENIN est comme semblance de VENIN de SERPENT, comme la VIPÈRE sourde qui se bouche l’oreille 6 laquelle n’écoute pas la voix des enchanteurs, du charmeur habile en charmes. 7 Dieu, casse leurs DENTS en leur BOUCHE, les crocs des LIONS fracasse-les, Yhwh. 8 Qu’ils s’écoulent comme les eaux qui s’en vont vers elles-mêmes, il ajuste ses flèches qu’ils soient comme fanés ; 9 qu’ils soient comme la LIMACE qui fond en s’en allant, l’avorton de la femme qu’ils ne voient pas le soleil ; 10 avant que vos marmites sentent les épines, comme vivant comme brûlé, qu’ils soient emportés ! 11 Le juste se réjouira car il verra la vengeance, il lavera ses pieds dans le sang du méchant ; 12 et l’adam DIRA : « VRAIMENT, il est un fruit pour le juste ; VRAIMENT, il y a un Dieu JUGEANT sur la terre. »
Le cœur du psaume central (58,7) trouve un écho dans le psaume suivant : « bouche » est repris en 59,8.13, accompagné chaque fois de « lèvres » qui sont des « épées ». Avec les « lions » sont « le serpent », « la vipère », « la limace » dans le psaume central, à quoi il faut ajouter « le chien » dans le psaume suivant (59,7.15). Le psaume central est lié au suivant par la reprise de « sang » (58,11 ; 59,3). Sortant de la bouche, « parole / parler » et « dire » marquent les extrémités du psaume central (2.12) avec « juger ». La parole peut être de « mensonge » (58,4 ; 59,13). On retrouve « parole » ailleurs en 59,13 et 60,8 ; à la parole s’oppose le grognement du chien (59,7.15). La parole se faisait louange et action de grâce à la fin du premier psaume (56,13-14) et du second (57,8-11) ; il en va de même à la fin du quatrième psaume (59,17-18). Dans ces trois psaumes, les phrases finales sont introduites par kî, traduit par « oui » ; on peut donc penser que ce sont les paroles de louange adressées à Dieu. La dernière fois, le « oui » est redoublé (59,17.18). Le dernier psaume se distingue de tous les autres : c’est le seul qui ne s’achève pas par des paroles de louange. C’est sans doute parce que c’est le seul où Dieu prend la parole longuement dans la partie centrale (60,8-10), répondant ainsi à toutes les prières qui lui ont été adressées auparavant. C’est un cas classique de « phénomène de clôture », parce qu’il crée un effet de surprise1. « Venin », deux fois dans le psaume central (58,5), et « fureur », dans le psaume suivant (59,14), traduisent le même mot (ḥēmâ, litt. « brûlure »).
1
Voir R. MEYNET, « Phénomènes de clôture dans les textes bibliques ».
L’ensemble de la section
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Ps 59,1 Du maitre-de-chant, « Ne détruis pas », de David, à mi-voix ; quand Saül envoya surveiller la maison pour le faire mourir. 2 Délivre-moi de mes ennemis, mon Dieu, contre mes agresseurs tu me protègeras ; 3 délivre-moi de ceux qui font l’iniquité et des hommes de sangs sauve-moi. 4 Car voici, ils s’embusquent pour mon âme, des puissants s’ameutent contre moi, sans transgression et sans péché de ma part, Yhwh. 5 Sans faute, ils accourent et se préparent ; réveilletoi à ma rencontre et vois. 6 Et toi, Yhwh-Dieu des armées, Dieu d’Israël, lève-toi pour visiter toutes ces nations, n’aie pas pitié de tous les traitres d’iniquité ! 7 Ils reviennent au soir, ils GROGNENT comme un CHIEN et ils rôdent par la ville. 8 Voici ils écument dans leur BOUCHE, des épées sur leurs LÈVRES : « Car qui entend ? » 9 Et toi, Yhwh, tu te ris d’eux, tu te moques de toutes les nations ; 10 ma force, vers toi je veille car Dieu est ma citadelle ; 11 le Dieu de ma fidélité me précède, Dieu me fait voir ceux qui m’épient. 12
Ne les tue pas, de peur que mon peuple n’oublie, agite-les par ta puissance, fais-les tomber, notre bouclier, Seigneur ! 13 Le péché de leur BOUCHE, la PAROLE de leurs LÈVRES : qu’ils soient pris à leur orgueil, et pour la malédiction et pour le mensonge qu’ils racontent. 14 Achève-les par la FUREUR, achève-les et qu’ils ne soient plus, et qu’ils sachent que Dieu gouverne en Jacob jusqu’aux bouts de la terre ! 15 Et ils reviennent au soir, ils GROGNENT comme un CHIEN et ils rôdent par la ville. 16 Eux s’agitent pour manger et s’ils ne sont point rassasiés, ils y passent-la-nuit. 17 Et moi, je chanterai ta force, et je crierai-de-joie au matin pour ta fidélité : « OUI, tu as été une citadelle pour moi et un refuge au jour de mon oppression. 18 Ma force, pour toi je psalmodierai ; OUI, c’est Dieu ma citadelle, le Dieu de ma fidélité. » Ps 60,1 Du maitre-de-chant, sur « Un lys est le précepte », à mi-voix, de David, pour apprendre ; 2 quand il lutta avec Aram Naharayim et Aram de Çoba et que Joab revint pour battre Édom dans la vallée du Sel, douze mille hommes. 3 Dieu, tu nous as rejetés, tu nous as rompus, tu étais irrité, reviens à nous ; 4 tu as fait trembler la terre, tu l’as fendue, guéris ses fractures, car elle chancelle. 5 Tu en fis voir de dures à ton peuple, tu nous fis boire un vin de vertige. 6 Donne à tes craignant un signal pour fuir de devant l’arc ; 7 afin que tes bien-aimés soient délivrés, sauve par ta droite et réponds-moi. 8 Dieu A PARLÉ en son sanctuaire : « J’exulte, je partage Sichem et la vallée de Sukkot j’arpente. 9 À moi Galaad et à moi Manassé, Éphraïm est l’armure de ma tête, Juda, mon sceptre, 10 Moab est le bassin où je me lave, sur Édom je jette ma sandale ; sur moi, Philistie, crie-victoire ! » 11 Qui me mènera dans une ville forteresse, qui me conduira jusqu’en Édom ? 12 N’est-ce pas toi, Dieu, qui nous as rejetés et ne sors plus, Dieu, avec nos armées ? 13 Porte-nous secours dans l’oppression et néant le salut de l’adam ; 14 avec Dieu nous ferons des prouesses et lui écrasera nos oppresseurs.
LES RAPPORTS ENTRE LES TROIS SÉQUENCES Les titres ont en commun « Du maitre-de-chant », « de David », « à mi-voix » ; le psaume central se distingue des autres car il ne comprend pas de « quand... ». Le psaume central ainsi que les deux qui l’encadrent (57–59) ont le même « ne détruis pas » dans leurs titres. Il y a alternance entre les compositions concentriques (56 ; 58 ; 60) et les parallèles (57 ; 59). Les deux premiers psaumes ainsi que le quatrième sont marqués par des sortes de refrains (56,5.11-12 ; 57,6.12 ; 59,7.15) ; ils encadrent la partie centrale dans le premier psaume, ils servent de termes finaux dans le deuxième, de termes centraux dans le Ps 59.
238
La troisième section (Ps 56–60) 2. CONTEXTE
AU CŒUR DE LA LETTRE DE JACQUES 3,1 NE SOYEZ PAS nombreux à devenir MAÎTRES, MES FRÈRES, sachant que nous n’en recevrons qu’un jugement plus sévère. 2 Car tous nous commettons beaucoup d’écarts. SI quelqu’un ne commet pas d’écart de PAROLE, c’est un homme parfait, capable de réfréner tout son corps. 3 Si nous mettons aux chevaux un mors dans la BOUCHE, pour nous en faire obéir, nous dirigeons leur corps entier. 4
Voyez encore les bateaux : si grands qu’ils soient, même poussés par des vents violents, ils sont dirigés par un tout petit gouvernail, au gré du pilote. 5 De même la langue est un membre minuscule et elle peut de grandes choses. Voyez combien le feu est petit et combien est grande la forêt qu’il embrase ! 6 La langue aussi est un feu ! C’est le monde de l’INJUSTICE, cette langue placée parmi nos membres : elle souille tout le corps, elle enflamme le cycle de la vie, enflammée qu’elle est par la Géhenne. 7
En effet, bêtes sauvages et oiseaux, reptiles et animaux marins en tout genre sont domptés et ont été domptés par le genre humain. 8 Mais la langue AUCUN NE PEUT la dompter : c’est un mal désordonné, PLEIN d’un venin mortel. 9
Par elle nous BÉNISSONS le Seigneur et Père, et par elle nous maudissons les faits à la ressemblance de Dieu. 10 De la même BOUCHE sortent la BÉNÉDICTION et la malédiction. IL NE FAUT PAS qu’il en soit ainsi, MES FRÈRES ! 11
La source fait-elle jaillir par la même ouverture le doux et l’ ? 12 Un figuier, mes frères, PEUT-IL FAIRE des olives ou une vigne des figues ? Une source salée non plus ne peut FAIRE de l’eau douce. 13
Est-il quelqu’un de SAGE et avisé parmi vous ?
QU’IL MONTRE par une bonne conduite des actes empreints de douceur et de sagesse. 14
SI, au contraire, vous avez dans le CŒUR jalousie et égoïsme, et ne mentez pas contre la vérité ! 15 Une telle sagesse ne descend pas d’en haut ; elle est terrestre, animale, démoniaque. 16 Car où il y a jalousie et égoïsme, il y a désordre et toutes sortes de mauvaises actions. 17 La sagesse d’en haut au contraire est tout d’abord pure, puis pacifique, indulgente, bienveillante, PLEINE de miséricorde et de bons fruits, sans partialité et sans hypocrisie. 18 Un fruit de JUSTICE est semé dans la paix pour ceux qui FONT la paix. 4,1 D’où viennent les guerres, d’où viennent les batailles parmi vous ? N’est-ce pas précisément de vos passions, qui combattent dans vos membres ? 2 Vous convoitez et ne possédez pas ? Alors vous tuez ! Vous êtes jaloux et NE POUVEZ obtenir ? Alors vous bataillez et faites la guerre. Vous ne possédez pas parce que vous ne demandez pas. 3 Vous demandez et ne recevez pas, parce que vous demandez mal, afin de dépenser pour vos passions.
La séquence centrale de la Lettre de Jacques semble un commentaire de la section centrale du deuxième livre des Psaumes ! Il y est question de la
L’ensemble de la section
239
« parole » (3,2), de « la bouche » (3.10), de « la langue » (5.6 bis.8). Il s’agit aussi de l’animalité, avec « les chevaux » dans la bouche desquels on met un mors pour les diriger (3,3), toutes sortes d’animaux domptés par l’homme (7), avec la sagesse « animale » (15). Le serpent est aussi présent par son « venin » (8), venin « mortel » qui annonce « vous tuez », « vous bataillez et faites la guerre » (4,2). La bouche qui est faite pour bénir le Seigneur est utilisée pour maudire les hommes ; et c’est tout le passage central où il est affirmé avec force que de la même bouche ne peuvent pas sortir bénédiction et malédiction, affirmation appuyée par toute une série d’images éloquentes (3,11-12)2. AU DÉBUT DE LA GENÈSE La mention du « serpent » et de son « venin », le « mensonge », en plein centre de la section, ne peut manquer de renvoyer au récit de Gn 2–3, d’autant plus que le nom d’« Adam » encadre le psaume (58,2.12). Très présente dans la section, l’animalité peut aussi faire penser au péché « tapi » comme un fauve en arrêt à la porte de Caïn (Gn 4,7).
3. INTERPRÉTATION LE VENIN DU SERPENT, LES DENTS DES LIONS Les « lions » sont nommés au cœur du psaume central (58,7), comme ils étaient déjà présents le psaume précédent (57,5). Toutefois « le serpent » et son « venin » frappent sans doute davantage le lecteur, d’autant plus que « venin » est répété et que « le serpent » est redoublé par « la vipère ». Ce venin est « le mensonge » (58,4) qui pervertit « la justice » et instaure « la violence » (2-3). Or avec son venin le serpent empoisonne toute la section et les lions sont partout dissimulés. Avant le venin et avant les crocs, « le mensonge » (58,4 ; 59,13) est ce qui les rend redoutables. Le serpent mord parce qu’on ne l’a pas vu, le lion est d’autant plus dangereux qu’il s’est tapi avant de charger par surprise. Ils sont comme « le filet » et comme la « trappe » qui ne fonctionnent que s’ils sont dissimulés (57,7). Dès le début et tout au long, ils « épient » (56,3 ; 59,11), « ils se cachent » (56,7) et « s’embusquent » (59,4). Ce sont des « traitres d’iniquité » (59,6)3.
2
Voir T. KOT, La Lettre de Jacques, 147. À la lumière de l’ensemble de la section, il se pourrait qu’on puisse retrouver le couple lion – serpent dans le Ps 59 : « Voici, ils écument dans leur bouche, des épées sur leurs lèvres » (8) renverrait, à cause de « épées », aux lions de 57,5 : « Mon âme est au milieu des lions [...] ; leurs dents, une lance et des flèches et leur langue une épée acérée ». En revanche 59,13 : « Le péché de leur bouche, la parole de leurs lèvres : qu’ils soient pris à leur orgueil, et pour la malédiction et pour le mensonge qu’ils racontent » renverrait plutôt au serpent de 58,4-5, à cause de « la parole » et du « mensonge ». 3
240
La troisième section (Ps 56–60)
LA PAROLE PERVERTIE Les lions et les vipères du psaume central sont les puissants chargés de « prononcer la justice », c’est-à-dire de condamner le « méchant » et de protéger « le juste », l’innocent. Or au lieu de « parler la justice » (58,2), ils « parlent le mensonge » (4), refusant d’entendre la voix de celui qui saurait charmer le serpent qui les habite et les domine. Le mensonge des ennemis du psalmiste s’attaque à ses « paroles » qu’ils « déforment » (56,6). Et c’est sans doute pourquoi, dans les deux foyers de ce premier psaume, l’orant « loue la parole » avec tant d’insistance. La parole qu’il loue est celle même de Dieu (5), en qui il se fie, sûr qu’il le libérera de la parole mortelle de ceux qui se dissimulent pour mieux l’attaquer. Outre les lions et la vipère, il est aussi question du « chien » (59,7.15) dont le grognement ne signifie rien d’autre que leur désir d’assouvir leur faim aux dépens du psalmiste qu’ils veulent dévorer. LA PAROLE DE SUPPLICATION ET D’ACTION DE GRÂCE Dans la bouche du serpent se cache le venin, de la bouche des lions sort l’épée de leurs crocs et la gueule du chien n’émet que le grognement de celui qui veut engloutir. En réponse à une telle violence animale, de la bouche du psalmiste ne sort que la parole. Une seule fois, au début du psaume central, il s’adresse aux juges pervers pour leur poser une question, à laquelle il s’empresse de donner une réponse claire. Il n’hésite pas à dénoncer leur hypocrisie et leur perversité. Partout ailleurs, il n’entre pas en discussion avec ses ennemis, comme on n’adresse pas la parole aux lions, aux serpents et au chien qui attaquent. Tout son discours est tourné vers Dieu, le seul dont il sait qu’il sera entendu pour le salut. Et tout au long c’est d’abord une plainte qui dénonce les attaques des méchants et une supplication pour en être délivré ; une confession de foi aussi souvent qui dit la confiance totale qu’il met dans le Seigneur : « le Dieu de ma fidélité me précède, Dieu me fait voir ceux qui m’épient » (59,11). Et tout finit systématiquement par l’action de grâce et la louange (56,13-14 ; 57,8-12 ; 58,12 ; 59,17-18). Partout, sauf dans le dernier psaume ! DIEU PARLE Le dernier psaume surprend. Point de plainte contre l’ennemi, mais seulement une supplication répétée, toujours précédée du constat que Dieu a rejeté son peuple. Non plus seulement la prière d’un individu mais d’abord et avant tout celle de toute sa communauté. Point de louange ou d’action de grâce finale, seulement la certitude d’être sauvé des oppresseurs. Cependant, la nouveauté la plus grande est que « Dieu parle » pour la première fois, et son oracle occupe toute la partie centrale du psaume. Il « répond » au psalmiste (60,7), non seulement à celui du dernier psaume, mais aussi à celui qui ne cesse d’implorer depuis le début de la section. En ce sens, le dernier psaume semble répondre au premier où le psalmiste
L’ensemble de la section
241
disait : « En Dieu je loue sa parole » (56,5), mots qu’il reprendra en insistant : « En Dieu je loue la parole, en Yhwh je loue la parole » (11). PRÉSERVER L’ÉDIFICE Le centre d’une construction concentrique est souvent appelé « la clé de voûte ». C’est la pierre qui au sommet de l’arc assure la cohérence et la cohésion de l’ensemble. On a vu ici comment le Ps 58 identifie les ennemis du psalmiste dans les dirigeants chargés de juger le peuple, d’administrer la justice et qui la pervertissent. Les images combinées des lions et du serpent menteur permettent d’éclairer l’ensemble de la section. Comme il est de règle dans la rhétorique biblique, le centre est toujours énigmatique : il choque souvent, laisse perplexe. L’éliminer n’est pas la bonne réponse à la question qu’il pose. C’est pourquoi on peut regretter que ce psaume ait été éliminé de l’Office divin dans la dernière réforme. Ce qui ne veut pas dire qu’il a été supprimé de la Bible ! Son éviction aura été bénéfique en quelque sorte, car elle a attiré l’attention sur lui. Le lecteur est ainsi invité à l’examiner de près, en lui-même et dans le contexte où il est inséré. « Oui, il est un fruit pour le juste ! » (58,12).
LE SEIGNEUR QUI ÉCOUTE LA PRIÈRE DONNE LE REPOS La quatrième section Ps 61–65
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La quatrième section (Ps 61–65)
La quatrième section comprend cinq psaumes organisés en trois séquences. Les séquences extrêmes (61–62 ; 64–65) comptent chacune deux psaumes, tandis que la séquence centrale n’en comprend qu’un seul (63) :
DIEU ÉCOUTE LA PRIÈRE
ET DONNE REPOS ET SALUT
À SON ROI
DIEU ÉTANCHE LA SOIF DE SON ROI
DIEU ÉCOUTE LA PRIÈRE
ET DONNE REPOS ET NOURRITURE
Ps 61–62
Ps 63
À TOUTE CHAIR
Ps 64–65
I. DIEU ÉCOUTE LA PRIÈRE ET DONNE REPOS ET SALUT À SON ROI La première séquence : Ps 61–62 1. LE PSAUME 61 TEXTE 1
Du maitre-de-chant, sur les instruments à cordes, de David. 2 Écoute, Dieu, mon cri, soisattentif à ma prière, 3 de l’extrémité de la terre vers toi j’appelle, défaille mon cœur : au rocher qui s’élève plus que moi, conduis-moi. 4 Oui, tu es un abri pour moi, une tour de force devant la face l’ennemi ; 5 que j’habite sous ta tente à jamais, que je m’abrite sous la cache de tes ailes ! selâ 6 Oui, toi, Dieu, tu écoutes mes vœux, tu donnes l’héritage des craignant ton nom. 7 Des jours aux jours du roi ajoute, ses années comme génération sur génération ; 8 qu’il siège à jamais devant la face de Dieu, fidélité et loyauté, ordonne qu’elles le gardent. 9 Alors je psalmodierai ton nom pour toujours, accomplissant mes vœux jour après jour. V. 3
: DE L’EXTRÉMITÉ DE LA TERRE
« La terre » peut désigner soit la terre d’Israël, soit le monde. Dans le premier cas le psalmiste serait aux confins du pays, loin de Jérusalem, dans l’autre il serait en exil loin de la terre d’Israël1. Certains comprennent « des régions infernales »2.
COMPOSITION LA PREMIÈRE PARTIE (2-5) + 2 Écoute, + sois-attentif
Dieu, à ma prière,
mon cri,
+ 3 de l’extrémité + défaille
de la terre mon cœur :
vers toi
:: AU ROCHER :: conduis-moi.
qui s’élève
plus que moi,
j’appelle,
······················································································································
+ 4 Oui, tu es + une tour
un abri de force
pour moi, devant la face
de l’ennemi ;
:: 5 que j’habite :: que je m’abrite
SOUS TA TENTE SOUS LA CACHE
à jamais, de tes ailes !
selâ
1
Hossfeld – Zenger, II, 104. Voir Ravasi, II, 235-236. Sur les différentes lectures du psaume, voir W.H. Jr. BELLINGER, A Hermeneutic of Curiosity and Readings of Psalm 61. 2
246
La quatrième section (Ps 61–65)
+ 2 Écoute, + sois-attentif
Dieu, à ma prière,
mon cri,
+ 3 de l’extrémité + défaille
de la terre mon cœur :
vers toi
:: AU ROCHER :: conduis-moi.
qui s’élève
plus que moi,
j’appelle,
···················································································································
+ 4 Oui, tu es + une tour 5
:: que j’habite :: que je m’abrite
un abri de force
pour moi, devant la face
SOUS TA TENTE SOUS LA CACHE
à jamais, de tes ailes !
de l’ennemi ;
Dans les deux premiers segments du premier morceau, le psalmiste attire d’abord l’attention de Dieu (2) sur la situation où il languit loin de lui (3ab). Le dernier segment (3cd) précise la demande : il désire être conduit au Rocher inatteignable. Dans le second morceau, il confesse d’abord ce que représente pour lui le Seigneur, « un abri », « une tour », puis il exprime ses vœux. À la fin du deuxième morceau, « sous ta tente » et « sous la cache » sont introduits par la même préposition que « au rocher » à la fin du premier morceau. Les trois compléments désignent le Temple. LA DEUXIÈME PARTIE (6-9) - 6 Oui, toi, - tu donnes
DIEU, l’héritage
tu écoutes des craignant
comme à jamais et loyauté
génération devant la face ordonne
MES VŒUX, TON NOM. ························································································································ :: 7 DES JOURS AUX JOURS du roi ajoute,
:: ses années :: 8 qu’il siège :: fidélité
sur génération ; de Dieu, qu’elles le gardent.
························································································································ je psalmodierai TON NOM pour toujours, MES VŒUX JOUR APRÈS JOUR.
- 9 Alors - accomplissant
Les courts morceaux extrêmes reprennent « mes vœux » et « ton nom » de manière spéculaire. Le premier est une constatation, le dernier une promesse de louange. Le morceau central se distingue des deux autres, car il est à la troisième personne et non plus à la première. C’est une demande concernant « le roi » et la pérennité de son règne : « des jours aux jours » est repris par « génération sur génération », puis par « à jamais ». Le dernier membre (8b) ajoute la qualité à la durée : « fidélité et loyauté », qui appartiennent au langage de l’alliance, supposent une durée illimitée. À la fin, « jour après jour » (9b) rappelle « des jours aux jours », « génération sur génération », « à jamais » du morceau central.
Le psaume 61
247
L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
Du maitre-de-chant,
sur les instruments à cordes,
+ 2 ÉCOUTE, + sois-attentif
DIEU, à ma prière,
mon cri,
+ 3 de l’extrémité + défaille
de la terre mon cœur :
vers toi
:: au rocher :: conduis-moi.
qui s’élève
plus que moi,
de David.
j’appelle,
·····························································································································
+ 4 Oui, tu es + une tour :: 5 que j’habite :: que je m’abrite + 6 Oui, toi, + tu donnes
un abri de force sous ta tente sous la cache DIEU, l’héritage
pour moi, DEVANT LA FACE
de l’ennemi ;
À JAMAIS,
de tes ailes ! TU ÉCOUTES
des craignant
mes vœux, ton nom.
·····························································································································
:: 7 Des jours :: ses années
aux jours comme
du roi génération
ajoute, sur génération ;
:: 8 qu’il siège :: fidélité
À JAMAIS
DEVANT LA FACE
et loyauté,
ordonne
de Dieu, qu’elles le gardent.
·····························································································································
+ 9 Alors + accomplissant
je psalmodierai mes vœux
ton nom
POUR TOUJOURS,
jour
après jour.
Les vocatifs « Dieu » et l’impératif « écoute » de la première partie auquel répond le parfait « tu écoutes » de la deuxième jouent le rôle de termes initiaux. « À jamais » (5a) et « pour toujours » (9a) auquel fait écho « jour après jour » (9b) remplissent la fonction de termes finaux ; « à jamais » (‘ôlām, 8a) reprend « à jamais » (‘ôlāmîm, au pluriel, 5a). « Devant la face » revient dans l’avant-dernier segment de chaque partie (4b.8a). Ce qui est demandé par le psalmiste à la fin de chaque morceau de la première partie (3cd.5) l’est pour « le roi » au centre de la deuxième partie (7-8) ; « qu’il siège à jamais » (8a) correspond à « que j’habite [...] à jamais » (5a). C’est toujours la même personne qui prie, que ce soit à la première personne ou à la troisième : le fait n’est pas rare dans les psaumes3. Les « vœux » de 6 sont les offrandes que le psalmiste a promis de présenter au Seigneur quand il aura obtenu ce qu’il demandait à la fin de chaque morceau de la première partie ; à la fin du psaume (9b), puisque sa demande a été écoutée, il accomplit ses vœux en apportant ce qu’il avait promis. 3
Voir, par ex., Dahood, II, 83-84.
248
La quatrième section (Ps 61–65)
CONTEXTE FIDÉLITÉ ET LOYAUTÉ GARDENT LE ROI Dans le Ps 89, « fidélité et loyauté »4 précèdent le roi Yhwh comme « justice et droit » soutiennent son trône : Justice fidélité
et droit et loyauté
fondement marchent
de ton trône, devant ta face (Ps 89,15).
« Fidélité et loyauté » appartiennent d’abord à Dieu : « Yhwh, Yhwh, Dieu tendre et miséricordieux, lent à la colère, abondant en fidélité et loyauté ; qui garde sa fidélité à des milliers... » (Ex 34,6-7). En Pr 20 c’est le roi terrestre qui est gardé par « fidélité et loyauté » : Fidélité et loyauté Et est fondé sur la fidélité
gardent
le roi, son trône (Pr 20,28).
De même, « tendre et miséricordieux » sont attributs de Dieu (Ps 111,4b comme Ex 34,6) mais aussi de l’homme juste (Ps 112,4b)5. LA PROPHÉTIE DE NATHAN Les versets 7-8 rappellent la prophétie de Nathan qui insiste sur la pérennité de la maison de David : « Ta maison et ta royauté subsisteront à jamais devant moi, ton trône sera affermi à jamais » (2S 7,16).
INTERPRÉTATION « SOUS LA CACHE DE TES AILES » Exilé à « l’extrémité de la terre » et menacé par « l’ennemi », le psalmiste ne demande qu’une chose au Seigneur qu’il « appelle » et vers lequel il « crie » de très loin : pouvoir se réfugier près de lui, dans la « tour », sur « le rocher » de sa citadelle. Il rêve d’habiter comme un hôte « sous la tente » de son Seigneur. Bien plus, il veut s’abriter comme le poussin sous les ailes de sa mère qui le défendra, bec et ongles, contre le prédateur. L’HÉRITAGE DU FILS L’image maternelle sur laquelle s’achève la première partie du psaume est aussitôt relayée par celle de « l’héritage » avec laquelle commence la deuxième partie. Ce que le Seigneur donne à son roi n’est pas seulement une longue vie, 4 5
Voir Le Psautier. Premier livre, 321. Voir Le Psautier. Cinquième livre, 89-92.
Le psaume 61
249
une maison et une royauté qui subsisteront à jamais comme il l’avait promis à David par la bouche de Nathan. « Fidélité et loyauté », qui sont la prérogative de Dieu, sont données au roi terrestre comme les biens que le père transmet en héritage à son fils. POUR TOUJOURS Le psalmiste demande au Seigneur que la royauté promise à David lui soit acquise « à jamais », à lui et à sa descendance, de génération en génération, gardés par sa fidélité et sa loyauté. Ainsi, c’est le nom de Dieu qui sera psalmodié « pour toujours », comme il l’est jusqu’aujourd’hui par ceux qui reprennent inlassablement dans leur prière les antiques paroles du psalmiste.
2. LE PSAUME 62 TEXTE 1
Du maitre-de-chant, selon Yedutûn ; psaume, de David. 2 Oui, en Dieu (est) le repos de mon âme, de lui (est) mon salut ; 3 oui, lui (est) mon rocher et mon salut, ma citadelle, je ne chancelle pas du tout. 4 Jusques à quand vous ruez-vous sur un homme, l’abattez-vous, vous tous, comme un mur qui penche, une clôture qui croule. 5 Oui, de sa hauteur ils ont tramé de le pousser, ils se plaisent au mensonge ; avec la bouche ils bénissent et dans leur intime ils maudissent. 6 Oui, en Dieu repose-toi, mon âme, car de lui (est) mon espoir ; 7 oui, lui (est) mon rocher et mon salut, ma citadelle, je ne chancelle pas. 8 Sur Dieu (est) mon salut et ma gloire ; le rocher de ma force, mon abri (est) en Dieu. 9 Fiez-vous à lui en tout temps, peuple, épanchez devant lui votre cœur, Dieu est un abri pour nous ! 10 Oui, un souffle les fils d’Adam, un mensonge, les fils d’homme ; sur la balance s’ils montaient eux, moins qu’un souffle ensemble. 11 Ne vous fiez pas à la violence, en rapines ne vous essoufflez pas ; aux richesses quand elles s’accroissent n’attachez pas le cœur ! 12 Une-fois, a parlé Dieu, deuxfois, cela j’ai entendu : que la force est à Dieu, 13 et à toi, Adonaï, la fidélité, que toi, tu paies à l’homme selon ses œuvres. V. 1
: « SELON YEDUTÛN »
Ce nom se trouvait déjà dans le titre du Ps 39 et il reviendra encore dans celui du Ps 77. La préposition ‘al, traduite par « selon » pourrait signifier que le psaume est (chanté) à la manière de ce personnage chargé par David de la musique dans le Temple (1Ch 16,41-42 ; 25,1-2). V. 2.3.5.6.7.10 : «
RIEN QUE »
Six versets commencent par ’ak, que certains traduisent par « vraiment »1, d’autres par « oui »2, d’autres par « seulement »3. Cet adverbe monosyllabique n’est pas considéré comme un terme et c’est pourquoi la traduction par « oui » convient davantage. V . 5C
: « AVEC LA BOUCHE »
Le texte massorétique a « sa bouche ». Deux manuscrits hébreux et les versions anciennes ont le pluriel.
COMPOSITION Le psaume s’organise en deux grandes parties (2-7 ; 8-13), chacune formée de trois sous-parties. 1
Ainsi Vesco, 547. TOB ; Lorenzin, 246-247 (« si ») 3 Ravasi, II, 243-244 ; Hakham, I, 359 ; Alonso Schoekel – Carniti, I, 933. 2
252
La quatrième section (Ps 61–65)
LA PREMIÈRE PARTIE (2-7) + 2 OUI, EN DIEU + DE LUI
(est) le repos (est) mon salut ;
de mon âme,
– 3 OUI, LUI – MA CITADELLE,
(est) MON ROCHER
ET MON SALUT,
JE NE CHANCELLE PAS
du tout.
- 4 Jusques à quand - l’abattez-vous,
vous ruez-vous vous tous,
sur un homme,
: comme un mur : une clôture
qui penche, qui croule ?
········································································································· – 5 OUI, de sa hauteur ils ont tramé de le pousser,
– ils se plaisent
au mensonge ;
. avec leur bouche . et dans leur intime
ils bénissent ils maudissent.
+ 6 OUI, EN DIEU + car DE LUI
repose-toi, (est) mon espoir ;
mon âme,
– 7 OUI, LUI – MA CITADELLE,
(est) MON ROCHER
ET MON SALUT,
JE NE CHANCELLE PAS.
Les sous-parties extrêmes sont presque identiques. Les seules différences se trouvent dans les premiers segments : le verbe « repose-toi » de 6a remplace le substantif « repos » de 2a, « mon salut » de 2b est remplacé par « mon espoir » en 6b, 6b ajoute « car » au début du membre et « du tout » à la fin de la première sous-partie n’est pas repris à la fin de la dernière. La sous-partie centrale comprend d’abord une longue question adressée à ceux qui veulent faire tomber « un homme ». Le second morceau passe à la troisième personne, comme un commentaire intérieur du psalmiste qui interprète la conduite sournoise de ceux qu’il a interpelés : non seulement ils sont violents (5a) mais aussi menteurs (5b), ce qui est explicité dans le second segment. On pourra remarquer un rapport de paronomase entre « qui croule » (hadd eḥûyâ) et « de le pousser » (l ehaddîaḥ) en termes médians des deux morceaux. « Oui » revient au début de chaque segment des sous-parties extrêmes mais aussi en tête du second morceau de la sous-partie centrale. On comprend que « l’homme » dont il est question au début de la sous-partie centrale n’est autre que le psalmiste qui trouve son « salut » en Dieu contre les attaques de ses ennemis qui veulent l’abattre.
Le psaume 62
253
LA DEUXIÈME PARTIE (8-13) + 8 Sur DIEU + le rocher + mon ABRI + 9 Fiez-vous à lui + épanchez + DIEU
(est) MON SALUT de ma FORCE, (sont) en DIEU.
et MA GLOIRE ;
en tout temps, devant lui est un ABRI
peuple, votre cœur ; pour nous !
···························································································
: 10 Oui, un souffle : un mensonge
les fils les fils
d’Adam, D’HOMME ;
: sur la balance : eux
s’ils montaient, moins qu’un souffle
ensemble.
···························································································
– 11 Ne vous fiez pas – en rapines
à la violence, ne vous essoufflez pas ;
– aux richesses – n’attachez pas
quand elles s’accroissent le cœur !
:: 12 Une-fois, :: deux-fois,
a parlé cela
DIEU, j’ai entendu :
+ que la FORCE + 13 et à toi,
est à DIEU, ADONAÏ,
LA FIDÉLITÉ,
– que toi,
tu paies
à L’HOMME
selon ses œuvres.
Les sous-parties extrêmes sont à la première personne du singulier tandis que la sous-partie centrale est adressée au « peuple » à la deuxième personne du pluriel. Les sous-parties extrêmes ont en commun deux fois le nom de « Dieu » ainsi que « force » (8b.12c) ; ce terme est mis en parallèle avec « fidélité » en 12c-13a, avec « salut », « gloire » et « abri » en 8. Les morceaux extrêmes de la sous-partie centrale opposent « fiez-vous » et « ne vous fiez pas » ; « cœur » revient en 9b et 11d. Le morceau central est une réflexion sur l’inanité des humains qui ne sont qu’« un souffle » (10a) et même moins qu’« un souffle » si on les prend tous « ensemble » (10d) ; « ne vous essoufflez pas » est de même racine (hbl). Le premier morceau de la sous-partie centrale renvoie à la première souspartie, reprenant non seulement le nom de « Dieu » mais aussi « abri » en finale (8c.9c) ; il annonce aussi la première des deux choses dont parle la dernière sous-partie (12c-13a). Quant au dernier morceau (11), il annonce la deuxième chose exprimée à la fin de la dernière sous-partie (13b) : « violence » et « rapines » ainsi que ses « richesses » sont en effet « œuvres » de « l’homme ».
254
La quatrième section (Ps 61–65)
L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
Du maitre-de-chant,
sur Yedutûn ;
psaume,
+ 2 OUI, en DIEU + de lui
le repos
de mon âme,
MON SALUT
– 3 OUI, lui – ma citadelle,
MON ROCHER
ET MON SALUT,
je ne chancelle pas
du tout.
- 4 Jusques à quand - l’abattez-vous,
vous ruez-vous vous tous,
SUR UN HOMME,
: comme un mur : une clôture
qui penche, qui croule ?
de David.
;
··································································································
– 5 OUI, de sa hauteur – ils se plaisent
ils ont tramé au MENSONGE ;
. avec leur bouche . et dans leur intime
ils bénissent ils maudissent.
de le pousser,
+ 6 OUI, en DIEU + car de lui
repose-toi, mon espoir ;
mon âme,
– 7 OUI, lui – ma citadelle,
MON ROCHER
ET MON SALUT,
+ 8 Sur DIEU + LE ROCHER + mon abri + 9 Fiez-vous à lui + épanchez + DIEU
je ne chancelle pas. MON SALUT
et ma gloire ;
de MA FORCE. en DIEU. en tout temps, devant lui est un abri
peuple, votre cœur, pour nous !
··································································································
: 10 OUI, un souffle : un MENSONGE,
les fils les fils
D’HOMME
: sur la balance : eux
s’ils montaient, moins qu’un souffle
ensemble.
d’Adam, ;
·································································································· 11
– Ne vous fiez pas – en rapines
à la violence, ne vous essoufflez pas ;
– aux richesses – n’attachez pas
quand elles s’accroissent le cœur !
:: 12 Une-fois, :: deux-fois,
a parlé cela
DIEU, j’ai entendu :
+ que LA FORCE + 13 et à toi,
est à DIEU, ADONAÏ,
la fidélité,
– que toi,
tu paies
À L’HOMME
selon ses œuvres.
Le psaume 62
255
Les deux parties sont parallèles. Leurs sous-parties extrêmes se correspondent avec la reprise de « mon salut » (2b.3a.7a ; 8a), « ma force » complément de « le rocher » en 8b étant repris dans la dernière sous-partie (12c). « Oui » qui revient cinq fois dans la première partie (2a.3a.5a.6a.7a) est repris une fois au centre de la deuxième (10a). Dans les deux parties se retrouve le même jeu entre les sous-parties extrêmes qui sont à la première personne du singulier (2-3.6-7 ; 8.12-13) et les sous-parties centrales qui combinent morceaux à la deuxième personne du pluriel (4 ; 9.11) et morceaux à la troisième personne du pluriel (5 ; 10). « Homme » revient trois fois (4a.10b.13b), « mensonge » deux fois (5b.10b). Le nom de « Dieu » est cité sept fois (2a.6a ; 8a.8c. 9c.12a.12c) et la liste est close avec celui de « Adonaï » (13a).
CONTEXTE SOUFFLE, VANITÉ Hebel est le nom de Abel, « fils d’Adam » ; il signifie « souffle », « buée », « inconsistance ». C’est surtout au Qohélet que le psaume fait penser, lui qui insiste tant sur le fait que tout est hebel : « Vanité des vanités, dit Qohélet ; vanité des vanités, tout est vanité » (Qo 1,2) ; « J’ai regardé toutes les œuvres qui se font sous le soleil : Eh bien, tout est vanité et poursuite de vent ! » (1,14). La Lettre de Jacques le redira à sa manière : 13
Eh bien maintenant, vous qui dites : « Aujourd’hui ou demain nous irons dans telle ville et nous y passerons une année, nous ferons des affaires et nous gagnerons. » 14 Vous qui ne savez pas ce que sera votre vie demain ! Car vous êtes une vapeur qui parait un instant, puis disparait (Jc 4,13-14).
INTERPRÉTATION SOUFFLE ET MENSONGE Comme Abel, les fils d’Adam ne sont qu’un « souffle », une buée qui disparait très vite. Même pris tous « ensemble », ils ne tiennent pas. « Ils s’essoufflent » en vain à accumuler des richesses (11). « Ils se plaisent au mensonge » (5b), à vouloir tromper les autres, travestissant leur malédiction en bénédiction, le mal en bien. Mais le mensonge n’est pas seulement dans leur cœur et dans bouche ; tout leur être est « mensonge », par l’inconsistance qui les caractérise (10b). « Se fier en eux », c’est s’appuyer sur le vent, sur le vide. À la fin, ce sur quoi ils pensaient trouver un appui, ce en quoi ils « se fiaient », la violence du meurtre (4-5) et du vol (11), leur sera payé à son juste prix par le Seigneur (13b).
256
La quatrième section (Ps 61–65)
ROCHER ET SALUT En face de la buée inconsistante se dresse « le rocher » de Dieu ; non seulement il est lui-même inébranlable, mais il permet à l’homme qui met en lui son « espoir » de ne pas « chanceler du tout ». Au « mensonge » des fils d’homme, à leur « violence » qui les pousse à tuer et à voler leurs semblables, s’oppose « le salut » de Dieu sur lequel sait pouvoir compter celui qui « se fie » en lui seul. Tandis que les uns « s’essoufflent » en vain, les autres trouvent en Dieu « le repos » de leur âme. « SELON SES ŒUVRES » Les œuvres des uns et des autres ne sont pas symétriques. Ce que font les méchants est décrit de façon précise : ils veulent « abattre un homme » (4), le psalmiste sans doute, ils s’attachent à accumuler des « richesses », en somme ils tuent et volent. Et en plus ils mentent. On aurait pu s’attendre à ce que les œuvres du juste soient mentionnées, exactement opposées à celles de ses ennemis. Or, rien de tel. La seule « œuvre » qu’il revendique est sa confiance en Dieu ; c’est ce à quoi il appelle « le peuple » : « Fiez-vous à lui » (9). Les œuvres du juste c’est sa foi. Et c’est pourquoi il trouve le « salut ».
3. DIEU ÉCOUTE LA PRIÈRE ET DONNE REPOS ET SALUT À SON ROI (61–62) COMPOSITION DE LA SÉQUENCE – « Écouter/entendre » (šm’) qui revient en termes initiaux dans le premier psaume (61,2.6) fait inclusion pour la séquence (61,2 ; 62,12) ; – « payer » revient en termes finaux (61,9 ; 62,13 ; jusqu’ici le verbe avait été traduit par « accomplir » à la fin de 61) ; – Dieu est appelé « rocher » (61,3 ; 62,3.7.8) ; – il est aussi appelé « abri » où l’on « s’abrite » (61,4.5 ; 62,8.9) ; – « force » revient trois fois (61,4 ; 62,8.12) ; – « cœur » aussi (61,3 ; 62,9.11) ; – « fidélité » deux fois, en termes finaux (61,8 ; 62,13) ; – les noms divins reviennent surtout en termes initiaux dans le premier psaume (61,2.6 ; mais aussi en 8) et dans le second aux extrémités des deux parties (62,2.6 ; 8bis.12bis. 13 ; mais aussi en 9) ; – « je psalmodierai » (61,9) et « psaume » (62,1) remplissent la fonction de termes médians qui agrafent les deux psaumes ; – le premier psaume est marqué par les demandes adressées à Dieu du début à la fin, ce qui ne sera plus le cas dans le deuxième psaume ; s’y retrouveront quatre impératifs (62,9-11) mais qui viseront le « peuple ».
La séquence 61–62
257
Ps 61,1 Du maitre-de-chant, sur les instruments à cordes, de David. 2
ÉCOUTE, DIEU, mon cri, sois attentif à ma prière, 3 de l’extrémité de la terre vers toi j’appelle, défaille mon CŒUR : au ROCHER qui s’élève plus que moi, conduis-moi. 4 Oui, tu es un ABRI pour moi, une tour de FORCE devant la face l’ennemi ; 5 que j’habite sous ta tente à jamais, que JE M’ABRITE sous la cache de tes ailes ! 6
Oui, toi, DIEU, tu ÉCOUTES mes vœux, tu donnes l’héritage de ceux qui craignent ton nom. Aux jours du roi ajoute des jours, ses années de génération en génération ; 8 qu’il siège à jamais devant la face de DIEU, ordonne que FIDÉLITÉ et loyauté le gardent. 9 Alors je psalmodierai ton nom pour toujours, PAYANT mes vœux jour après jour. 7
Ps 62, 1 Du maitre-de-chant, selon Yedutûn ; psaume, de David. 2
Oui, en DIEU est le repos de mon âme, de lui est mon salut ; 3 oui, lui est mon ROCHER et mon salut, ma citadelle, je ne chancelle pas du tout. 4 Jusques à quand vous ruez-vous sur un homme, l’abattez-vous, vous tous, comme un mur qui penche, une clôture qui croule. 5 Oui, de sa hauteur ils ont tramé de le pousser, ils se plaisent au mensonge ; de la bouche ils bénissent et dans leur intime ils maudissent. 6 Oui, en D IEU repose-toi, mon âme, car de lui est mon espoir ; 7 oui, lui est mon ROCHER et mon salut, ma citadelle, je ne chancelle pas. 8
Sur DIEU est mon salut et ma gloire ; le ROCHER de ma FORCE, mon ABRI est en DIEU. 9 Fiez-vous à lui en tout temps, peuple, épanchez devant lui votre CŒUR, DIEU est un ABRI pour nous ! 10 Oui, un souffle les fils d’Adam, un mensonge les fils d’homme ; sur la balance s’ils montaient, ensemble ils seraient moins qu’un souffle. 11 Ne vous fiez pas à la violence, en rapines ne vous essoufflez pas ; aux richesses quand elles s’accroissent n’attachez pas votre CŒUR ! 12 Une fois, a parlé D IEU, deux fois, J’AI ENTENDU cela : que la FORCE est à DIEU, 13 et à toi, ADONAÏ, la FIDÉLITÉ ; que toi, TU PAIES à l’homme selon ses œuvres.
INTERPRÉTATION « JE PSALMODIERAI » La promesse que le psalmiste fait à la fin du premier psaume, il l’accomplit dans le deuxième. En effet, il a dans un premier temps multiplié les demandes, jusqu’à sept : « sois attentif » (61,2), « conduis-moi » (3), « que j’habite », « que je m’abrite » (5), « ajoute » (7), « qu’il siège », « ordonne » (8). Dans le psaume suivant, plus aucune demande — les impératifs sont adressés au « peuple » (9.11) — ; ce ne sont plus que confessions de foi insistantes : « Oui, en Dieu est le repos de mon âme [...] ; oui, il est mon rocher » (62,2-3 ; 6-7 ; 8). Sa prière a été écoutée.
258
La quatrième section (Ps 61–65)
L’ÉCOUTE C’est par le verbe « écouter » que débute le premier psaume (61,2), répété au début de sa deuxième partie (6). Il reviendra aussi à la fin du deuxième psaume (62,12), marquant ainsi les limites de la séquence. La boucle est bouclée, ou, plutôt, elle est ouverte, puisqu’à l’écoute de Dieu répond en finale celle du psalmiste. D’un autre point de vue, au début Dieu a écouté le cri de celui qui l’appelait, à la fin il lui parle, « une fois », « deux fois ». « Une fois » pour confirmer qu’il est « la force » de l’homme et qu’il lui garde sa « fidélité », « deux fois » pour l’inviter à lui répondre par ses œuvres. MON ROCHER, MON ABRI « Rocher », « abri », « citadelle », « espoir », « repos », « salut », « gloire », « force » ; en somme, huit façons d’appeler le Seigneur, la déclinaison de sept noms divins plus un ! Une totalité débordante, qui excède le nombre des demandes que le psalmiste lui avait adressées. Mais tous ces noms sont en même temps, et indissolublement, des noms de l’homme, ce que signale bien le possessif, de « mon repos » jusqu’à « mon abri », littéralement, « le repos de moi », « la gloire de moi ». Ces noms divins sont inventés par l’homme pour dire comment son Dieu s’est lié à lui, pour lui donner « le repos » et « la force », mieux, pour être son salut et sa gloire. « PAYER » À la fin du premier psaume, le psalmiste promet de « payer » au Seigneur les vœux qu’il avait émis. À la fin du second psaume c’est Dieu qui « paye à l’homme selon ses œuvres ». L’homme paie le Seigneur pour ses œuvres et le Seigneur en fait autant. C’est une autre manière de dire que la fidélité de l’un répond à la fidélité de l’autre ; que l’alliance qu’ils ont conclue tient bon, qu’elle ne chancelle pas.
II. DIEU ÉTANCHE LA SOIF DE SON ROI La deuxième séquence : Ps 63 La deuxième séquence ne comprend qu’un seul psaume.
LE PSAUME 63 TEXTE 1
Psaume de David, quand il était dans le désert de Juda. 2 Dieu, mon Dieu, toi, je te désire, a soif de toi mon âme, languit de toi ma chair, sur une terre sèche et altérée, sans eau. 3 Ainsi, au sanctuaire je t’ai contemplé, pour voir ta force et ta gloire, 4 car meilleure ta fidélité que la vie ; mes lèvres te célébreront. 5 Ainsi, je te bénirai en ma vie, à ton nom j’élèverai mes paumes ; 6 comme de graisse et d’huile se rassasiera mon âme et, lèvres criant-de-joie, louera ma bouche. 7 Quand je songe à toi sur ma couche, dans les veilles je médite sur toi, 8 car tu fus secours pour moi et à l’ombre de tes ailes je crie-de-joie ; 9 se presse mon âme derrière toi, moi soutient ta droite. 10 Mais eux pour la ruine cherchent mon âme, ils viendront au-dessous de la terre. 11 Ils les jetteront aux mains de l’épée, la part des chacals ils seront. 12 Et le roi se réjouira en Dieu, se loueront tous les jurant par lui quand sera fermée la bouche des parlant le mensonge. V . 2A
: « DIEU, MON DIEU, TOI JE TE DÉSIRE »
Les deux premiers mots sont interprétés ici comme deux vocatifs juxtaposés ; mais certains les considèrent comme formant une phrase nominale : « Dieu, (tu es) mon Dieu », ce qui est grammaticalement possible1. Il faudrait alors considérer ces quatre termes comme formant deux membres, ce que la composition générale du psaume ne conseille pas. Il est impossible de rendre en un seul mot français la signification ou la connotation du verbe hébreu qui est de la racine šḥr, celle de l’« aube ». C’est pourquoi la traduction liturgique a « je te cherche dès l’aube » et la TOB : « Dès l’aube je te désire »2. V . 2D
: « SUR UNE TERRE »
La préposition be signifie « dans », comme dans le membre suivant « dans le sanctuaire », mais certains la rendent ici par « comme » en suivant plusieurs témoins textuels3. 1
Voir, par ex., Hossfeld – Zenger, II, 119 ; Vesco, 554 ; deClaissé-Walford – al., 519 ; Barbiero, 260. 2 Sur ce psaume, voir S. PRIETO SILVA, «A la aurora te busco» (Sal 63,2). Estudio exegéticoteológico de Salmo 63. 3 Barbiero, 260-261.
260 V. 10-12
La quatrième section (Ps 61–65) : « ILS VIENDRONT [...] LES JETTERONT [...] ILS SERONT »
Plusieurs traduisent ces imparfaits par des optatifs, ce qui ne s’impose pas4.
COMPOSITION Le psaume s’organise en deux parties de même longueur (2-6 ; 7-12) qui comprennent chacune deux sous-parties. LA PREMIÈRE PARTIE (2-6) + 2 Dieu, + a soif
mon Dieu, de toi
MON ÂME,
+ languit + sur une terre
de toi sèche
ma chair, et altérée,
:: 3 Alors, :: pour voir
au sanctuaire ta force
je t’ai contemplé, et ta gloire,
- 4 car meilleure - MES LÈVRES
ta fidélité te célébreront.
QUE LA VIE,
toi,
je te désire,
sans eau.
························································································································
:: 5 Alors, :: à ton nom,
je te bénirai j’élèverai
EN MA VIE, mes paumes ;
- 6 comme - se rassasiera - et, LÈVRES
de graisse
et d’huile
MON ÂME
criant-de-joie,
louera
ma bouche.
Dans la première sous-partie le psalmiste exprime sa soif de Dieu, alors qu’il se trouve dans une situation ou en un lieu de grande sécheresse5. Introduits par « alors »6, les deux morceaux de la seconde sous-partie sont situés au contraire en un autre lieu, le « sanctuaire » (3a). Le désir du psalmiste est comblé par la vision de la gloire de Dieu (3) et ses « lèvres » qui étaient languissantes dans la sécheresse (2cd) « célèbrent » maintenant le Seigneur (4) ; son « âme » qui souffrait de la soif (2b) est désormais « rassasiée » de nourritures délicieuses (6ab), et ses « lèvres » de nouveau et sa « bouche » peuvent « louer » Dieu (6c). Les deux occurrences de « alors » jouent le rôle de termes 4 Lorenzin, 248 ; Vesco, 559 ; ainsi la BJ, la TOB et la Traduction liturgique (au contraire Dhorme, Osty). 5 C’est sans doute pourquoi le texte massorétique place la césure principale après le troisième membre. 6 Au début de chaque morceau, kēn est souvent traduit par « ainsi » ; il a semblé que « alors » marquait mieux encore le rapport entre les deux sous-parties.
Le psaume 63
261
initiaux pour les deux morceaux (3a.5a), celles de « lèvres » celui de termes finaux (4b.6c), celles de « vie » celui de termes médians (4a.5a). Les deux occurrences de « mon âme » (2b.6b) remplissent la fonction de termes extrêmes pour l’ensemble de la partie. LA DEUXIÈME PARTIE (7-12) + 7 Quand je songe à toi + dans les veilles 8
.. car TU FUS .. et à l’ombre
sur ma couche, je médite secours
de tes ailes
sur toi, pour moi je crie-de-joie ;
.. 9 se presse .. moi
MON ÂME
soutient
derrière toi, TA DROITE.
– 10 Mais eux – ils viendront
pour l’extermination dans les profondeurs
ils cherchent de la terre ;
– 11 ils les jetteront – la part
AUX MAINS
de l’épée,
des chacals
ILS SERONT.
+ 12 Et le roi + se loueront + quand sera fermée
se réjouira tous les jurant la bouche
en Dieu, par lui des parlant
MON ÂME,
le mensonge.
Les deux sous-parties opposent la situation du psalmiste (7-9) et le sort de ses ennemis (10-12). Le premier segment de la première sous-partie fournit le cadre temporel, « dans les veilles » de la nuit, quand le psalmiste est « sur sa couche » (7). Deux images illustrent sa méditation : celle de l’oiseau sous les « ailes » duquel son petit trouve « secours » (8) et celle de « la droite » de Dieu qui le soutient (9). La deuxième sous-partie annonce le sort des ennemis du psalmiste, de ceux qui « cherchent son âme » « pour l’extermination »7, c’est-à-dire qui en veulent à sa vie. Leur châtiment sera proportionné à leur crime : ils descendront au schéol (10b), proie de « l’épée » et des « chacals » (11) parce qu’ils n’auront pas d’autre sépulture. Dans le dernier segment le roi (12a) est accompagné de tous ceux qui jurent par le Seigneur (12b) dans la joie de voir « la bouche » des menteurs fermée (12c). D’une sous-partie à l’autre, les deux occurrences de « mon âme » servent de termes médians (9a.10a). « Ta droite » (9b) correspond à « mains » (11a). Le verbe «être » revient en 8a et 11b. 7
Le terme utilisé, šô’â, est celui qui est utilité aujourd’hui, la « Shoah », pour désigner l’extermination des juifs avant et durant la seconde guerre mondiale. La Septante a lu l ešāw’, « sans raison », ce qui correspond bien au dernier mot, « mensonge ».
262
La quatrième section (Ps 61–65)
L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
Psaume quand il était
de David, dans le désert
de Juda.
+ 2 DIEU, + a soif
MON
DIEU, de toi
toi,
+ languit + sur UNE TERRE
de toi sèche
ma chair, et altérée,
3
je te désire,
MON ÂME,
:: Alors, :: pour voir
AU SANCTUAIRE ta puissance
je t’ai contemplé, et ta gloire,
- 4 car meilleure - mes lèvres
ta fidélité te célébreront.
que la vie ;
sans eau.
························································································································
:: 5 Alors, :: à ton nom
je te bénirai j’élèverai
en ma vie, mes paumes ;
- 6 comme - se rassasiera - et, lèvres
de graisse
et d’huile
CRIANT-DE-JOIE,
LOUERA
+ 7 Quand je songe à toi + dans les veilles
SUR MA COUCHE, je médite
sur toi,
.. car tu fus .. et à l’ombre
secours de tes ailes
pour moi JE CRIE-DE-JOIE ;
.. 9 se presse .. moi
MON ÂME
soutient
derrière toi, ta droite.
– 10 Mais eux – qu’ils viennent
pour l’extermination dans les profondeurs
ils cherchent de LA TERRE !
– 11 Le jetteront – la part
aux mains des chacals
de l’épée, qu’ils soient !
+ 12 Et le roi + SE LOUERONT + quand sera fermée
se réjouira tous les jurant la BOUCHE
en DIEU ; par lui des parlant
8
MON ÂME MA BOUCHE.
MON ÂME,
le mensonge.
Le nom de « Dieu » ne revient qu’aux extrémités (2a.12a), faisant ainsi inclusion. Les deux occurrences de « mon âme » remplissent la fonction de termes extrêmes dans la première partie (2b.6b), de termes médians dans la deuxième (9a.10a) ; « crier-de-joie » est repris dans les sous-parties médianes (6c.8b). Les deux occurrences de « (se) louer » et de « bouche » jouent le rôle » de termes finaux pour les deux parties. « Terre » revient à la fin de la première sous-partie et au début de la dernière (2d.10b).
Le psaume 63
263
La deuxième sous-partie de la première partie est située « au sanctuaire » (3a), la première sous-partie de la dernière partie dans la maison du psalmiste, sur sa « couche » (7a). Si l’on interprète le premier verbe comme « je te cherche dès l’aube », toute la première partie se passe le matin, et la deuxième au contraire la nuit (« sur ma couche, dans les veilles »). Les sous-parties extrêmes se répondent : dans la première le psalmiste décrit la situation malheureuse où il se trouve, « sur une terre sèche... » (2d), dans la dernière il prévoit le malheur qui atteindra ses ennemis qui « viendront dans les profondeurs de la terre » (10b).
INTERPRÉTATION Si l’on tient que les trois derniers versets sont un appendice8, si — comme la Liturgie des heures le fait — on les passe sous silence, on obtient un autre psaume, « un des plus beaux témoignages de la piété des psaumes »9, un psaume « intimiste »10 qui chante la soif de Dieu et le bonheur de se trouver en sa présence. Et l’on en viendrait à oublier que le psalmiste n’est pas seul à seul avec son Seigneur. LE MALHEUR DU PSALMISTE C’est seulement dans la dernière partie que l’on apprend la situation malheureuse dans laquelle se trouve le psalmiste. Quand il déclare au début qu’il est « sur une terre sèche et altérée, sans eau » (2d), il n’est pas clair qu’il soit en butte à des gens qui en veulent à sa vie (10a). Mais lorsque, durant les veilles de la nuit, il dit au Seigneur qu’il fut « un secours » pour lui et qu’il s’était réfugié à l’ombre de ses ailes (8), que « la droite » du Seigneur le « soutient » (9), alors on comprend qu’il était attaqué férocement, en grand danger d’être tué. Ce que confirmera le verset suivant : « Mais eux, pour l’extermination ils cherchent mon âme » (10a). LE SORT DE SES ENNEMIS Les deux premiers versets de la dernière sous-partie (10-11) sont souvent interprétés comme une demande11, une supplication, voire une « imprécation »12, où le psalmiste souhaite que ses ennemis soient envoyés au schéol, qu’ils périssent de mort violente et, ne trouvant pas de sépulture, soient la proie des charognards. Et c’est ainsi que les traductions françaises les plus utilisées les présentent. Or les verbes sont aux mêmes modalités que ceux du dernier verset. 8
Voir, par ex., Alonso Schoekel – Carniti, II, 943.945. Weiser, 454 ; cité par Barbiero, 262. 10 Alonso Schoekel – Carniti, II, 943. 11 Lorenzin, 253. 12 Vesco, 559-560 ; S. PRIETO SILVA, «A la aurora te busco» (Sal 63,2). Estudio exegéticoteológico de Salmo 63, 236. 9
264
La quatrième section (Ps 61–65)
Le psalmiste n’appelle pas le châtiment de ses ennemis, il prévoit simplement ce qui ne saurait manquer de leur arriver. Si le roi se réjouira, ce n’est pas de l’extermination de ses ennemis, mais qu’il soit mis un terme à leur « mensonge ».
III. DIEU ÉCOUTE LA PRIÈRE ET DONNE REPOS ET NOURRITURE À TOUT CHAIR La troisième séquence : Ps 64–65 1. LE PSAUME 64 TEXTE 1 Du maitre-de-chant, psaume, de David. 2 Écoute, Dieu, ma voix dans ma plainte, de la peur de l’ennemi préserve ma vie. 3 Cache-moi du dessein des mauvais, du tumulte des œuvrant l’iniquité, 4 lesquels aiguisent comme une épée leur langue, bandent leur flèche, parole amère, 5 pour tirer en cachette sur le parfait, 6 Ils à l’improviste ils tirent et point ne craignent. renforcent pour eux une parole de mal, ils calculent pour dissimuler des pièges. Ils disent : 7 Ils planifient des perversités : « Qui verra ceux-là ? » « Nous avons perfectionné une planification planifiée. » Et l’intérieur de l’homme et le cœur (sont) profonds. 8 Et tirera Dieu une flèche, à l’improviste seront leurs blessures ; 9 et ils feront-tomber sur eux-mêmes leur langue, ils hocheront-la-tête tous les voyant eux. 10 Et craindront tous les hommes, et annonceront l’œuvre de Dieu, et son action ils comprendront ; 11 se réjouira le juste en Yhwh et il s’abritera en lui et se loueront tous les droits de cœur.
V . 4B
: « ILS BANDENT LEUR FLÈCHE »
C’est évidemment l’arc qui est bandé et non pas la flèche. L’expression est ramassée1. V. 6-7 : « ILS RENFORCENT [...] PROFONDS »
C’est « la partie la plus tourmentée du texte »2. Il se trouve que ces deux versets constituent la partie centrale du psaume. S’il est vrai que le centre d’une construction concentrique est énigmatique3, cette loi se vérifie ici. Plutôt que de corriger le texte, il vaut mieux le suivre au plus près. V. 9
: « ET ILS FERONT-CHOIR SUR EUX-MÊMES LEUR LANGUE »
Le verset 4 coordonne « l’épée » de « leur langue et leur « flèche » ; « la flèche » et « leur langue » sont reprises en parallèle en 8a et 9a. C’est Dieu qui tire « une flèche », mais ce sont les ennemis qui font retomber sur eux-mêmes les coups de « leur langue ».
1
Hossfeld – Zenger, II, 129-130. Ravasi, II, 295. 3 Traité, 417. 2
266
La quatrième section (Ps 61–65)
COMPOSITION Le psaume s’organise en trois parties. Dans la première (2-5), le psalmiste demande l’aide de Dieu contre les desseins de ses ennemis ; dans la dernière (811), Dieu intervient contre eux, ce qui provoque crainte et louange. Au centre (67), sont rapportés les plans secrets des ennemis, autour de deux réflexions qu’ils se font à eux-mêmes. LA PREMIÈRE PARTIE (2-5) + 2 ÉCOUTE, + de la peur
Dieu, de l’ennemi
ma voix
– du tumulte
des œuvrant
l’iniquité,
– lesquels – bandent
aiguisent leur flèche,
comme une épée parole
leur langue, amère,
– 5 pour tirer – à l’improviste
EN CACHETTE
ils tirent
sur le parfait, et point
ne craignent.
dans ma plainte,
PRÉSERVE ma vie. ····························································································································· + 3 CACHE-MOI du dessein des mauvais, 4
Le premier morceau juxtapose deux phrases complémentaires, la première concernant le psalmiste dans sa relation à Dieu, la deuxième par rapport à son « ennemi ». Le deuxième morceau est une seule phrase complexe qui reprend et développe le second membre du premier morceau. « L’ennemi » de 2b est maintenant au pluriel, « les mauvais », « les œuvrant l’iniquité » (3). Le deuxième segment compare leur « langue » à « une épée » et leur « parole » à une « flèche » (4) et le troisième dit l’hypocrisie de ceux qui tirent « en cachette ». Ce dernier terme fait inclusion avec « cache-moi » au début du morceau. LA DEUXIÈME PARTIE – 6 Ils renforcent – ils calculent
: Ils disent : « Qui
pour eux pour dissimuler
une parole des pièges.
verra
ceux-là ? »
de mal,
···········································································································
: 7 Ils planifient « Nous avons perfectionné – Et l’intérieur – et le cœur
des perversités : une planification de l’homme (sont) profonds.
planifiée. »
Le psaume 64
267
Le second membre du premier segment dit la façon dont ils renforcent leur « parole de mal » : en la dissimulant comme on cache des pièges. Et ce qu’ils « disent », c’est justement que personne ne pourra le voir (6cd). Le deuxième morceau correspond au premier de manière spéculaire. Il commence avec des paroles qui confirment celles qui venaient d’être prononcées : on comprend que les « perversités » qu’ils ont « planifiées » sont celles des « pièges ». Conclut la partie une sorte de dicton (7cd) qui commente le segment initial (6ab) : le cœur de l’homme est vraiment « profond » où sont conçus tant de projets aussi tortueux que ceux qui visent la mort d’autrui s’habillant du mensonge qui entend les dissimuler. LA TROISIÈME PARTIE (8-11) + 8 Et tirera – à l’improviste
DIEU seront
une flèche, leurs blessures ;
+ 9 et ils feront-tomber – ils hocheront-la-tête
sur eux-mêmes TOUS les voyant
leur langue, eux.
······························································································ 10
:: Et craindront - et annonceront - et son action
TOUS
les hommes, l’œuvre ils comprendront ;
- 11 se réjouira - et il s’abritera :: et se loueront
le juste en lui TOUS les droits
de DIEU, en YHWH de cœur.
Les deux segments du premier morceau sont parallèles : leurs premiers membres disent les coups que reçoivent les ennemis, le premier « tiré » par « Dieu » comme une « flèche » (8a), le second venant d’eux-mêmes, l’épée de « leur langue » (voir 4a) leur retombant dessus. Dans les seconds membres, la conséquence des coups reçus : « blessures » soudaines pour eux-mêmes (8b), « hochement de tête » sur eux de la part de ceux qui les verront (9b). Le deuxième morceau comprend deux trimembres dont on peut dire qu’ils se répondent en miroir. Aux extrémités, « crainte » et « louange » de la part de « tous » ; entre deux, ce que feront « tous les hommes » (10bc) et « le juste » sauvé (11b), les uns et l’autre par rapport à « Dieu », « Yhwh ». Les deux occurrences de « tous » font inclusion pour le deuxième morceau, mais « tous » se trouvait déjà à la fin du premier morceau et les deux occurrences de 9b et 10a jouent le rôle de termes médians qui agrafent les deux morceaux. Le nom de « Dieu » au début du premier morceau est repris, en position symétrique, dans le deuxième morceau « Dieu » (10b), « Yhwh » (11a).
268
La quatrième section (Ps 61–65)
L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
Du maitre-de-chant, 2
Écoute, de la peur
psaume,
de David.
DIEU, de l’ennemi
ma voix préserve
dans ma plainte, ma vie.
······························································································································· 3
Cache-moi du tumulte
du dessein DES ŒUVRANT
des mauvais, l’iniquité,
4
aiguisent leur FLÈCHE,
comme une épée parole
en cachette
SUR LE PARFAIT,
ILS TIRENT
et point
NE CRAIGNENT.
une parole des pièges.
de mal,
lesquels bandent 5
pour TIRER À L’IMPROVISTE 6
Ils renforcent ils calculent
pour eux pour dissimuler
LEUR LANGUE,
amère,
Ils disent : « Qui
VERRA ceux-là ? » ·························································································
7
Ils planifient des perversités : « NOUS AVONS PERFECTIONNÉ une planification
Et l’intérieur et le cœur 8
planifiée. »
de l’homme (sont) profonds.
Et TIRERA À L’IMPROVISTE
DIEU seront
une FLÈCHE, leurs blessures ;
9
sur eux-mêmes tous les VOYANT
LEUR LANGUE,
et ils feront-tomber ils hocheront-la-tête
eux.
······························································································································· 10 ET CRAINDRONT tous les hommes
et annonceront et son action
L’ŒUVRE
11
le juste en lui tous les droits
se réjouira et il s’abritera et se loueront
de DIEU
ils comprendront ; en YHWH de cœur.
Le nom de « Dieu » marque le début des parties extrêmes (2a.8a) mais il revient en 10b couplé avec celui de « Yhwh » en 11a. « Tirer » et « à l’improviste » reviennent en 5 et 8, jouant le rôle de termes médians à distance. Le couple « leur langue » et « flèche » de 4a et 4b revient en 8a et 9a. « Œuvrer / œuvre » est repris en 3b et 10b, « craindre » en 5b et 10a. Entre la partie centrale et la précédente « parole de mal » (6a) rappelle « parole amère » (4b), « dissimuler » (6b) est synonyme de « cacher/cachette »
Le psaume 64
269
(3a.5a), « nous avons perfectionné » (7b) est de même racine que « parfait » (5a). « Verra » (6d) annonce « les voyant » dans la dernière partie (9b).
CONTEXTE LA PAROLE QUI TUE Les armes qu’utilisent les « mauvais », « épée » et « flèche », sont leurs « paroles » (4b.6a). Le décalogue met en parallèle l’homicide et le mensonge qui y conduit : Tu ne tueras pas Tu ne répondras pas contre ton prochain en témoin de mensonge (Ex 20,13.16)4.
L’ARME QUI SE RETOURNE CONTRE QUI LA BRANDIT Il est fréquent que le mal conçu contre autrui retombe sur son auteur. Celui-ci tombe dans la trappe qu’il a creusée, il est pris au filet qu’il a tendu (Ps 7,16-17 ; 9,16-17 ; 35,8).
INTERPRÉTATION LA PEUR DU DANGER CACHÉ Il y a de quoi avoir « peur de l’ennemi » (2b). Mais quand on ne peut pas identifier l’auteur de la violence qui s’en prend à « la vie » de sa victime, parce qu’il se cache pour tirer les flèches de sa calomnie, la peur est redoublée, exacerbée. Les « paroles » de tels adversaires ne sont évidemment pas adressées à ceux qu’ils veulent frapper, mais à d’autres tout aussi inconnus. La victime sait qu’elle est en danger de mort, mais elle ne sait pas d’où les coups peuvent venir. Les « pièges » qui lui sont tendus sont si bien « dissimulés » que personne ne peut les voir (6) et les chasseurs peuvent à juste titre se féliciter de leur « planification » perverse (7). LA PERVERSION DE LA PAROLE La parole est faite pour assurer la communication entre les hommes. Elle assure aussi la relation avec Dieu et c’est bien ce que le psalmiste fait quand il lui demande d’« écouter » « sa voix » (2a). Or sa « plainte » porte sur le fait que son « ennemi » a perverti la parole. Ce dernier ne lui pose aucune question, ne lui demande aucune explication, ne lui fait aucun reproche, il ne lui adresse pas la parole. Mais il ne se tait pas pour autant. Sa langue devient une épée qui tue, sa parole une flèche qui transperce, mais indirectement, sans se faire voir. C’est 4
Voir R. MEYNET, Appelés à la liberté, 102-104.
270
La quatrième section (Ps 61–65)
donc une parole adressée à d’autres pour les monter contre celui qui est innocent, qui est « parfait », qu’il faut donc dénigrer si on veut le frapper. Pour arriver au meurtre il faut que s’ajoute le mensonge. LE RETOURNEMENT DE LA PAROLE La dernière partie annonce d’abord comment la parole mauvaise se retournera contre ceux qui l’ont prononcée. Ils avaient « tiré » leur « flèche » « à l’improviste » (5) ; « à l’improviste » ils seront blessés par « la flèche » que Dieu leur « tirera » (8). Et le Seigneur n’aura même pas besoin d’intervenir, puisque c’est tout naturellement que le mal leur retombera sur la tête (9a). Quant au « juste » qui aura été sauvé, « il se réjouira », « la voix » de « sa plainte » pourra se transformer en louange, mais non pas seul comme dans son malheur ; le voici entouré de « tous les hommes » qui auront vu ce qui lui est arrivé, de « tous les droits de cœur ». Ensemble ils « annonceront » ce que Dieu a fait pour lui et tout s’achèvera dans la louange.
2. LE PSAUME 65 TEXTE 1
Du maitre-de-chant, psaume, de David, chant. 2 Pour toi le silence est louange, Dieu, dans Sion et pour toi est acquitté le vœu. 3 Écoutant la prière, jusqu’à toi toute chair vient. 4 Les paroles de fautes sont plus puissantes que nous, nos transgressions toi, tu les couvres. 5 Heureux ton élu et ton proche, il demeure en tes parvis ; nous nous rassasions des biens de ta maison, de la sainteté de ton Temple. 6 En prodiges de justice tu nous réponds, Dieu de notre salut, confiance de tous les confins de la terre et de la mer des lointains. 7 Lui qui dispose les montagnes par sa force, lui qui se ceint de puissance, 8 lui qui apaise le fracas des mers, le fracas de leurs flots et la rumeur des peuples. 9 Et craindront les habitants des confins pour tes signes ; les portes du matin et du soir tu fais-jubiler. 10 Tu visites la terre et la fais-regorger, abondamment tu l’enrichis. Le ruisseau de Dieu est rempli d’eau, tu disposes leur grain car ainsi tu le disposes : 11 abreuvant ses sillons, aplanissant ses mottes, d’averses tu la détrempes, son germe tu bénis. 12 Tu couronnes l’année de ta bonté et tes ornières 13 ruissellent les pacages du désert ruissellent d’huile ; et d’allégresse les collines sont bordées ; 14 revêtent les prairies le petit-bétail et les vallées se drapent de froment, ils acclament, plus, ils chantent ! V. 2
: « LE SILENCE »
La Septante a « convient », « sied », « est due » (ainsi la BJ, Osty et la TOB). On suit la leçon plus difficile du texte massorétique1. V . 3B
: « VIENT »
Le texte hébreu a le pluriel, accordé selon le sens à « toute chair ». V. 4
: « LES PAROLES DE FAUTE SONT PLUS PUISSANTES QUE MOI »
Le premier mot (dābar, au pluriel) est ambigu : il peut signifier « paroles » ou « actes », « affaires »2. Certains le passent sous silence3. Plusieurs manuscrits hébreux et les versions ont le pluriel (« plus puissants que nous »), comme dans tout le reste du psaume. Le texte massorétique a le singulier « moi », que l’on suivra. On comprend ce singulier comme celui du psalmiste qui, ainsi, « signe » son texte, mais aussitôt se fait solidaire de tout son peuple.
1
Vesco, 568-569. Voir aussi Hossfeld – Zenger, II, 138. Ils notent le rapport entre « le silence » de 65,2 (dumiyyâ) et les « refrains » du Ps 62,2.8 : « Oui, en Dieu le repos (dumiyyâ) de mon âme... ». 2 Ravasi (II, 299) traduit « les actes coupables ». 3 Lorenzin, 257.
272
La quatrième section (Ps 61–65)
COMPOSITION Le psaume s’organise en trois parties. La première (2-5) est une louange des biens accordés par le Seigneur dans son Temple. La dernière (10-14) une autre louange pour la bonté qu’il manifeste par la pluie qui féconde la terre. La partie centrale (6-9) articule les deux autres. LA PREMIÈRE PARTIE (2-5) + 2 Pour toi + Dieu, + et pour toi 3
+ écoutant + jusqu’à toi
(est) louange,
le silence dans Sion est acquitté
le vœu ;
la prière, toute chair
vient.
·························································································································
– 4 Les paroles – nos transgressions,
de fautes toi,
sont plus puissantes tu les couvres.
que moi,
·························································································································
+ 5 Heureux + il demeure
ton élu en tes parvis ;
et ton proche,
+ nous nous rassasions + de la sainteté
des biens de ton Temple.
de ta maison,
Le premier segment est de construction concentrique. À la fin des premiers membres des deux segments (2a.3a), « prière » (t epillâ) correspond à « louange » (t ehillâ). Avec « le vœu », il s’agit donc des œuvres du culte. Le dernier morceau insiste davantage sur le lieu, « parvis », « maison », « Temple » ; les deux segments semblent distinguer deux types de personnages, ceux qui, prêtres et lévites, sont à demeure dans le Temple, et « nous », c’est-à-dire ceux qui bénéficient des sacrifices de communion, choses « saintes » dont ils peuvent « se rassasier ». La partie est ainsi focalisée sur le pardon des péchés (4). LA DEUXIÈME PARTIE (6-9) Les premiers termes des morceaux extrêmes sont de même racine (yr’) : les « prodiges » sont des faits qui provoquent la « crainte » (tremenda). Les morceaux extrêmes se correspondent de manière spéculaire : le second membre du morceau final (9b) comme le premier segment du premier morceau (6ab) ont Dieu pour sujet (« tu nous réponds », « tu fais jubiler »), tandis que la « confiance » des « confins de la terre » (6cd) laisse la place à la « crainte » des « habitants des confins » (9a). Au centre (7-8), un morceau de style hymnique, où les participes propres à ce style sont traduits par « Lui qui dispose [...] lui qui ceint [...] lui qui apaise ». Le
Le psaume 65
273
Seigneur est présenté sous les traits de celui qui domine non seulement « les montagnes » (7ab) et « les mers » (8ab), mais aussi, en finale, « les peuples » (8c). + 6 EN PRODIGES + Dieu – confiance – et de LA MER
de justice de notre salut ;
tu nous réponds,
de tous LES CONFINS des lointains.
de la terre
···························································································
:: 7 Lui qui disposes :: lui qui se ceint
les montagnes de puissance ;
par sa force,
:: 8 lui qui apaise :: le fracas :: et la rumeur
le fracas de leurs flots des peuples.
DES MERS,
··························································································· les habitants DES CONFINS
– 9 ET CRAINDRONT + les portes
du matin
et du soir
pour tes signes, tu fais-jubiler.
Le dernier segment du premier morceau prépare le morceau suivant, « terre » (6c) annonce « montagnes » (7a) et « la mer » (6d) annonce « les mers » (8a). LA TROISIÈME PARTIE (10-14) + 10 TU AS VISITÉ + abondamment
la terre tu l’enrichis.
et la fais-regorger,
+ Le ruisseau + tu disposes
de Dieu leur grain
est rempli car ainsi
d’eau, tu la disposes :
+ 11 abreuvant + d’averses
ses sillons, tu la détrempes,
aplanissant son germe
ses mottes, tu bénis.
·························································································································
= 12 TU AS COURONNÉ = et tes ornières
l’année ruissellent
de ta bonté d’huile,
= 13 ruissellent = et d’allégresse
les pacages les collines
du désert sont bordées ;
= 14 revêtent = et les vallées = ils acclament,
les prairies se drapent plus, ils chantent !
le petit-bétail de froment,
Dans le premier morceau la visite de Dieu est celle de la pluie printanière qui va permettre au « grain » (10d) de devenir « germe » (11b). Le second morceau dit le résultat de la pluie : de grasses récoltes (12), des « pacages » qui « ruissellent » eux aussi (13), enfin les troupeaux et le « froment » (14ab). Pour clore cette description, l’acclamation et le chant de toute la campagne (14c).
274
La quatrième section (Ps 61–65)
L’ENSEMBLE DU PSAUME Le nom de « Dieu » revient trois fois, au début de chaque partie (2b.6b.10c). Les reprises lexicales entre les trois parties ne sont pas nombreuses : « sont plus puissants » (4a) trouve un écho avec « puissance » (7b), aux « biens » du Temple (5c) répond « la bonté » du Seigneur dans la nature (ṭôb, 12a). « La terre » revient en 6c et 10a, « disposer » de 7a sera repris deux fois en 10d. On pourra remarquer que chaque partie s’achève dans la joie, quand les fidèles « se rassasient des biens » de la maison de Dieu (5cd), quand le Seigneur « fait jubiler » « les portes du matin et du soir » (9b), quand enfin toute la nature exulte de joie (14c). CONTEXTE « NON POINT RÉCIT, NON POINT LANGAGE » Selon le Ps 19 la nature « raconte la gloire de Dieu » (1-2), mais en silence : « Non point récit, non point langage, nulle voix qu’on puisse entendre » (4-5). Par ailleurs ce psaume met en parallèle la parole silencieuse de la nature (2-7) et celle de la « Loi » (8-12) ; en outre, le psalmiste demande d’être préservé du péché (13-14). INTERPRÉTATION L’ÉNIGME DU « SILENCE » Le premier lexème du psaume ne laisse pas de surprendre. Et l’on comprend que, dès les versions antiques, on ait lissé le texte. Or « gommer les aspérités d’un texte est le plus sûr moyen pour qu’il vous glisse entre les doigts »4. L’énigme peut être dite redoublée du fait que l’on peut comprendre : « le silence est louange » mais aussi « la louange est silence ». Le Ps 19 invite à maintenir la difficile leçon du texte hébreu. Et les deux derniers mots du psaume, « ils acclament, plus, ils chantent », semblent lui faire écho. C’est toute la nature, irriguée et fécondée par les eaux célestes qui, sans prononcer aucun mot, acclame et chante le Seigneur. Il en va de même pour « les portes du matin et du soir », que, à la fin de la partie centrale, le Seigneur fait jubiler : ces deux portes ressemblent à s’y méprendre au « soleil » du Ps 19 qui parcourt le ciel d’une extrémité à l’autre, du levant au couchant. Jubilation silencieuse, mais si parlante ! Dieu « répond », mais c’est par des « prodiges » (6a) et des « signes » (9a) ; et ceux-ci produisent pour « les confins » de la terre, « confiance » et « crainte » (6c.9a), sans paroles, semble-t-il, car Dieu « apaise » non seulement « le fracas des mers » mais aussi « la rumeur des peuples » (8). Il les fait taire, 4
D’après Paul Beauchamp, tradition orale.
Le psaume 65 1
Du maitre-de-chant,
psaume,
de David,
2
Pour toi DIEU, et pour toi
le silence dans Sion est acquitté
est louange, le vœu.
3
la prière, toute chair
vient.
Écoutant jusqu’à toi
275 chant.
················································································································· 4 Les paroles de fautes SONT PLUS PUISSANTES que moi,
nos transgressions
toi,
tu les couvres.
················································································································· 5
Heureux il demeure
ton élu en tes parvis ;
et ton proche,
nous nous rassasions de la sainteté
DES BIENS
de ta maison,
6
En prodiges DIEU confiance et de la mer
de ton Temple. de justice de notre salut,
tu nous réponds,
de tous les confins des lointains.
de LA TERRE
··················································································· 7 Lui qui DISPOSE les montagnes par sa force, lui qui se ceint DE PUISSANCE, 8
lui qui apaise le fracas et la rumeur
le fracas de leurs flots des peuples.
des mers,
··················································································· 9
Et craindront les portes 10
les habitants du matin
des confins et du soir
LA TERRE
et la fais-regorger,
pour tes signes ; tu fais-jubiler.
Tu visites abondamment
tu l’enrichis.
Le ruisseau tu DISPOSES
de DIEU leur grain
est rempli car ainsi
d’eau, tu la DISPOSES :
11
ses sillons, tu la détrempes,
aplanissant son germe
ses mottes, tu bénis.
abreuvant d’averses
··················································································································· Tu couronnes l’année DE TA BONTÉ
12
et tes ornières
ruissellent
d’huile ;
13
ruissellent et d’allégresse
les pacages les collines
du désert sont bordées ;
14
les prairies se drapent plus, ils chantent !
le petit-bétail, de froment,
revêtent et les vallées ils acclament,
276
La quatrième section (Ps 61–65)
il les fait entrer dans le silence. Quant à la première partie, on ne peut pas dire que « la prière » y fasse beaucoup de bruit. Il n’y est pas question, comme ailleurs, de « voix », de « supplication », encore moins de « cris ». Et le psalmiste ne dit pas qu’il s’adresse à son Seigneur. « CHANT » Le dernier mot du titre et le dernier du psaume proprement dit sont de même racine : « chant » et « chantent ». L’avant-dernier mot du psaume, traduit par « acclamer », signifie « crier », « exploser (de joie) » ; c’est le terme utilisé aussi pour le cri de guerre. En somme, un cri inarticulé, sans parole. Comme le chant de la pluie, des pacages, des prairies et des vallées. Il en va de même de la jubilation des portes du matin et du soir (9b). Quant à la fin de la première partie, le bonheur qu’elle exprime est celui de qui est simplement « heureux » de demeurer dans le Temple, de savourer les biens de la maison de Dieu, de « s’en rassasier ». Il est midi. Je vois l’église ouverte. Il faut entrer. Mère de Jésus-Christ, je ne viens pas prier. Je n’ai rien à offrir et rien à demander. Je viens seulement, Mère, pour vous regarder. Vous regarder, pleurer de bonheur, savoir cela Que je suis votre fils et que vous êtes là. Rien que pour un moment pendant que tout s’arrête. Midi ! Être avec vous, Marie, en ce lieu où vous êtes. Ne rien dire, regarder votre visage, Laisser le cœur chanter dans son propre langage, Ne rien dire, mais seulement chanter parce qu’on a le cœur trop plein, Comme le merle qui suit son idée en ces espèces de couplets soudains5.
« LES PAROLES DE FAUTES » L’expression « les paroles de fautes » surprend. Certains la rendent par « les œuvres de péchés », d’autres éliminent purement et simplement le premier mot. Étant donné le contexte et ce qui vient d’être dit sur le silence et le chant, « paroles » ne peut manquer d’attirer l’attention. On pourra comprendre qu’il s’agit de « paroles fautives », des fautes de celui qui, comme on dit dans le Confiteor, a péché « en parole ». Ce genre de faute ne concerne pas seulement la médisance ou la calomnie qui vise à nuire au prochain ; il peut aussi regarder les paroles adressées à Dieu dans la prière. La faute peut s’y glisser furtivement. Il est même possible de dire qu’elle s’y trouve immanquablement, tellement les 5
P. CLAUDEL, « La Vierge à midi ».
Le psaume 65
277
mots humains sont déficients pour parler de Dieu, à plus forte raison pour parler à Dieu. Passe encore pour la supplication, « car nous ne savons pas prier comme il faut, mais l’Esprit intercède pour nous en gémissements ineffables » (Rm 8,26). Que dire alors de notre louange, dont les mots seront toujours bien en deçà de la grandeur et de la majesté divine ? C’est sans doute pourquoi le psaume commence en disant : « Pour toi le silence est louange, la louange est silence ».
3. DIEU ÉCOUTE LA PRIÈRE ET DONNE REPOS ET NOURRITURE À TOUT CHAIR (64–65) COMPOSITION DE LA SÉQUENCE Ps 64,1 Du maitre-de-chant, psaume, de David. 2 ÉCOUTE, DIEU, ma voix dans ma plainte, de la peur de l’ennemi préserve ma vie. 3 Cache-moi du dessein des mauvais, du tumulte des œuvrant l’iniquité, 4 lesquels aiguisent comme une épée leur langue, bandent leur flèche, PAROLE amère, 5 pour tirer en cachette sur le parfait, à l’improviste ils tirent et POINT NE CRAIGNENT. 6
Ils renforcent pour eux une PAROLE mauvaise, ils calculent pour dissimuler des pièges. Ils disent : « Qui les verra ? » 7 Ils planifient des perversités : « Nous avons perfectionné une planification planifiée. » Et l’intérieur de l’homme et son cœur sont profonds.
8
Et DIEU tirera une flèche, à l’improviste seront leurs blessures ; 9 et ils feront-tomber sur euxmêmes leur langue, ils hocheront-la-tête tous ceux qui les verront. 10 Et tous les hommes CRAINDRONT et annonceront l’œuvre de DIEU et son action ils comprendront ; 11 le juste se réjouira en YHWH et il s’abritera en lui ; et SE LOUERONT tous les droits de cœur. Ps 65,1 Du maitre-de-chant, psaume, de David, chant. 2 Pour toi le silence est LOUANGE, DIEU, dans Sion et pour toi est acquitté le vœu. 3 TU ÉCOUTES la prière, jusqu’à toi vient toute chair. 4 Les PAROLES de fautes sont plus puissantes que nous, nos transgressions toi, tu les couvres. 5 Heureux ton élu et ton proche, il demeure en tes parvis ; nous nous rassasions des biens de ta maison, de la sainteté de ton Temple. En prodiges de justice tu nous réponds, DIEU de notre salut, CONFIANCE de tous les confins de la terre et de la mer des lointains. 7 Lui qui dispose les montagnes par sa force, lui qui se ceint de puissance, 8 lui qui apaise le fracas des mers, le fracas de leurs flots et la rumeur des peuples. 9 Et les habitants des confins CRAINDRONT pour tes signes ; les portes du matin et du soir tu fais-jubiler.
6
10
Tu visites la terre et la fais-regorger, abondamment tu l’enrichis. Le ruisseau de DIEU est rempli d’eau, tu disposes leur grain car ainsi tu le disposes : 11 abreuvant ses sillons, aplanissant ses mottes, d’averses tu la détrempes, son germe tu bénis. 12 Tu couronnes l’année de ta bonté et tes ornières ruissellent d’huile ; 13 ruissellent les pacages du désert et les collines sont bordées d’allégresse ; 14 le petit bétail revêt les prairies et les vallées se drapent de froment, ils acclament, plus, ils chantent !
– Les deux occurrences de « écouter » jouent le rôle de termes initiaux, mais tandis que le verbe est à l’impératif dans le premier (64,2), il est au participe dans le deuxième (65,3 ; traduit ici par un indicatif présent) ; il se trouve en toute première position dans le premier, en seconde dans le deuxième, après la mention du « silence » (65,2) ; – le premier psaume est une « plainte » qui commence avec trois demandes à l’impératif (64,2-3), le second au contraire ne contient aucune requête, mais seulement des affirmations de foi ; – à la demande initiale du premier psaume où le psalmiste demande à Dieu de l’« écouter » (64,1) correspond son affirmations au début de la partie centrale du psaume suivant : « tu nous réponds » (65,6) ;
La séquence 64–65
279
– en termes finaux, deux couples de termes appartenant au même champ sémantique : « se réjouira » « et se loueront » (64,11), « ils acclament, plus, ils chantent » (65,14) ; – « se loueront » et « louange » (64,11 ; 65,2) remplissent la fonction de termes médians ; – à « parole amère » et « parole mauvaise » dans le premier psaume (64,4.6) correspond « paroles de fautes » dans le second (65,4), mais dans le premier cas il s’agit de la parole des ennemis, et dans le second de celle de ceux qui s’adressent à Dieu dans leur « prière » ; – dans le premier psaume « Et tous les hommes craindront » (64,10) s’oppose aux mauvais qui « point ne craignent » (5) ; dans le second psaume « Et les habitants des confins craindront » (65,9) correspond à « confiance de tous les confins de la terre » (6) ; – « Dieu » revient trois fois dans chaque psaume (64,2.8.10 ; 65,2.6.10), et « Yhwh » n’apparait qu’une seule fois à la fin du premier psaume (64,11).
INTERPRÉTATION PLAINTE ET LOUANGE SILENCIEUSE Aux demandes de la « plainte » initiale contre « l’ennemi » (64,2-3), dont les agissements sont longuement dénoncés (4-7) et dont le châtiment est prédit (8-9) ainsi que la joie du juste (11) et le témoignage de tous les autres hommes (10), succède une « louange » silencieuse, qui n’a pas besoin de paroles : il suffit que « le vœu » qu’avait fait le psalmiste soit acquitté (65,2). Une louange en actes, en somme. La louange de la nature visitée par Dieu (10-14) est plus silencieuse encore que celle du psalmiste : les éléments « acclament » et « chantent » sans mots qu’on puisse entendre. LES PAROLES MAUVAISES Le second psaume ne se limite pas au « silence » qu’il met en avant dès le premier mot. Très vite il y est question des « paroles de fautes » (65,4). Ce ne sont plus les paroles des « mauvais » dénoncées par deux fois dans le psaume précédent (64,4.6), paroles aiguisées comme une « épée », tirées en cachette telle « une flèche », pour tuer. Dans le second psaume les ennemis ont totalement disparu et ce qui est « plus puissant » que ceux qui prient sont leurs « paroles de fautes ». Le mal que le psalmiste voyait chez les autres, est maintenant découvert en lui, et en tout le peuple dans lequel il est maintenant fondu. Toutefois, ce qui domine dans son discours, ce n’est pas le péché mais le pardon de Dieu. Placé au cœur de la première partie (65,4), le pardon n’est certainement pas le moindre des motifs de louange.
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La quatrième section (Ps 61–65)
LA CRAINTE DE DIEU Il y a d’un côté, et pour commencer, les ennemis du psalmiste qui de leur langue affutée comme une épée, tirent sur lui leurs flèches sans la moindre crainte (64,4-5). C’est qu’ils le chassent comme une proie animale, lui ayant tendu des pièges fort bien dissimulés (6-7). Mais c’est Dieu qui les blessera de sa flèche et ce que leur langue aura tramé leur retombera dessus. Et alors, à cette vue, « tous les hommes craindront » (10). Et en louant Dieu, ils annonceront partout ce qu’ils auront vu et compris. Le second psaume va plus loin encore, puisque c’est « de tous les confins de la terre » que les hommes verront « les prodiges » et « les signes » du Dieu dont « la force » et « la puissance » maintient la création entière dans son ordre, assurant la séparation des montagnes et des mers, qui apaise aussi « la rumeur des peuples » (65,8), de ceux qui ne respectent pas « la justice » et le « salut » (6). Cette crainte n’a rien à voir avec la peur, elle est la manifestation de l’admiration et l’on peut penser que l’acclamation et le chant qui résonnent encore après les derniers mots ne sont pas seulement entonnés par les éléments de la nature en son printemps, mais aussi par tous ceux qui ont vu les merveilles de Dieu et en ont été les heureux bénéficiaires.
IV. LE SEIGNEUR QUI ÉCOUTE LA PRIÈRE DONNE LE REPOS (61–65) 1. COMPOSITION DE LA QUATRIÈME SECTION Les cinq psaumes de la section sont organisés en trois séquences ; tandis que les séquences extrêmes comptent deux psaumes, la séquence centrale n’en comprend qu’un seul :
DIEU ÉCOUTE LA PRIÈRE
ET DONNE REPOS ET SALUT
À SON ROI
DIEU ÉTANCHE LA SOIF DE SON ROI
DIEU ÉCOUTE LA PRIÈRE
ET DONNE REPOS ET NOURRITURE
Ps 61–62
Ps 63
À TOUTE CHAIR
Ps 64–65
Chacune des séquences extrêmes a été analysée et commentée plus haut (voir p. 256-258 et p. 278-280). Pour vérifier la cohérence de la section on étudiera d’abord les rapports qu’entretiennent entre elles les séquences extrêmes (61–62 et 64–65), puis ceux qui lient les deux premières séquences (61–62 et 63) et ceux qui lient les deux dernières (63 et 64–65), enfin ceux qui traversent les trois séquences.
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La quatrième section (Ps 61–65)
LES RAPPORTS ENTRE LES SÉQUENCES EXTRÊMES (61–62 ET 64–65) Ps 61,1 Du maitre-de-chant, sur les instruments à cordes, de David.
ÉCOUTE, DIEU, mon cri, sois-attentif à ma PRIÈRE, 3 DE L’EXTRÉMITÉ DE LA TERRE vers toi j’appelle, mon CŒUR défaille : au rocher qui s’élève plus que moi, conduis-moi. 4 Oui, tu es un ABRI pour moi, une tour de FORCE devant la face l’ennemi ; 5 que j’habite sous ta tente à jamais, que JE M’ABRITE sous la cache de tes ailes ! 2
6
Oui, toi, DIEU, TU ÉCOUTES mes VŒUX, tu donnes l’héritage des CRAIGNANT ton nom. 7 Ajoute des jours aux jours du roi, ses années comme génération sur génération ; 8 qu’il siège à jamais devant la face de Dieu, ordonne que fidélité et loyauté le gardent. 9 Alors je psalmodierai ton nom pour toujours, acquittant mes VŒUX jour après jour. Ps 62, 1 Du maitre-de-chant, selon Yedutûn ; psaume, de David. 2
Oui, en Dieu est LE REPOS de mon âme, de lui est mon salut ; 3 oui, lui est mon rocher et mon salut, ma citadelle, je ne chancelle pas du tout. 4 Jusques à quand vous ruez-vous sur un homme, l’abattez-vous, vous tous, comme un mur qui penche, une clôture qui croule. 5 Oui, de sa hauteur ils ont tramé de le pousser, ils se plaisent au mensonge ; avec la bouche ils bénissent et dans leur intime ils maudissent. 6 Oui, en Dieu REPOSE-TOI, mon âme, car de lui est mon espoir ; 7 oui, lui est mon rocher et mon salut, ma citadelle, je ne chancelle pas. 8
Sur Dieu est mon salut et ma gloire ; le rocher de MA FORCE, mon ABRI est en Dieu. 9 FIEZ-VOUS à lui, en tout temps, peuple, épanchez devant lui votre CŒUR, Dieu est un ABRI pour nous ! 10 Oui, un souffle les fils d’Adam, un mensonge, les fils d’homme ; sur la balance s’ils montaient eux, ensemble ils seraient moins qu’un souffle. 11 NE VOUS FIEZ PAS à la violence, en rapines ne vous essoufflez pas ; aux richesses quand elles s’accroissent n’attachez pas le CŒUR ! 12 Une fois, a parlé Dieu, deux fois, cela J’AI ENTENDU : que LA FORCE est à Dieu, 13 et à toi, Adonaï, la fidélité, que toi, tu paies à l’homme selon ses œuvres.
Termes initiaux : « Écoute, Dieu » revient au début des séquences (61,2 ; 64,2) ; ce même verbe revient aussi presqu’au début du dernier psaume (65,3). « Prière » est repris au début des psaumes extrêmes (61,2 ; 65,3). En termes initiaux aussi des seconds psaumes, la reprise de dumiyyâ, traduit jusqu’ici par « repos » (62,2 ; avec « repose-toi » en 6) et par « silence » (65,2), mais qu’on rendra dorénavant par le même « repos ». Entre les premiers psaumes : outre les termes initiaux, les deux psaumes sont « un cri », « une plainte » contre « l’ennemi » (61,4 ; 64,2). « Il s’abritera » (64,11) rappelle « abri » et « je m’abrite » (61,4.5) ; est repris aussi « craindre » (61,6 ; 64,5.10) et « cœur » (61,3 ; 64,7.11). Enfin, les deux psaumes s’achèvent dans l’action de grâce : « je psalmodierai », « acquittant mes vœux » (61,9), « se réjouira le juste », « se loueront » (64,11). Entre les seconds psaumes : outre les termes initiaux, on notera les reprises de « salut » (62,2.3.7.8 ; 65,6), de « se fier/confiance » (62,9.11 ; 65,6), de « bénir » (62,5 ; 65,11), de « peuple(s) » (62,9 ; 65,8). On notera aussi que ce sont les deux seuls psaumes où se retrouve le « nous » : dans l’adresse au « peuple », au
L’ensemble de la section
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centre de la deuxième partie du premier psaume (62,9-11) et tout au long du deuxième (65) où n’apparait jamais la première personne du singulier. Entre les psaumes extrêmes : « extrémité de la terre », « tous les confins de la terre », « les confins » (61,3 ; 65,6.9), « sous ta tente », « sous tes ailes », « en tes parvis », « ta maison », « ton Temple » (61,5 ; 65,5), « acquitter » « vœu(x) » (61,6.9 ; 65,2). 1
Ps 64, Du maitre-de-chant, psaume, de David. 2 ÉCOUTE, DIEU, ma voix dans ma plainte, de la peur de l’ennemi préserve ma vie. 3 Cache-moi du dessein des mauvais, du tumulte des œuvrant l’iniquité, 4 lesquels aiguisent comme une épée leur langue, bandent leur flèche, parole amère, 5 pour tirer en cachette sur le parfait ; à l’improviste ils tirent et point ne CRAIGNENT. 6
Ils renforcent pour eux une parole de mal, ils calculent pour dissimuler des pièges. Ils disent : « Qui verra ceux-là ? » 7 Ils planifient des perversités : « Nous avons perfectionné une planification planifiée. » Et l’intérieur de l’homme et le CŒUR sont profonds.
8
Et Dieu tirera une flèche, à l’improviste seront leurs blessures ; 9 et ils feront tomber sur euxmêmes leur langue, ils hocheront la tête tous ceux qui les voient. 10 Et tous les hommes CRAINDRONT et annonceront l’œuvre de Dieu et son action ils comprendront. 11 Le juste se réjouira en Yhwh et il S’ABRITERA en lui ; et se loueront tous les droits de CŒUR. Ps 65,1 Du maitre-de-chant, psaume, de David, chant. 2
Pour toi LE REPOS est louange, Dieu, dans Sion, et pour toi le VŒU est acquitté. 3 ÉCOUTANT la PRIÈRE, jusqu’à toi toute chair vient. 4 Les paroles de fautes sont plus puissantes que nous, nos transgressions toi, tu les couvres. 5 Heureux ton élu et ton proche, il demeure en tes parvis ; nous nous rassasions des biens de ta maison, de la sainteté de ton Temple. 6
En prodiges de justice tu nous réponds, Dieu de notre salut, CONFIANCE de TOUS LES CONFINS DE et de la mer des lointains. 7 Lui qui dispose les montagnes par SA FORCE, lui qui se ceint de puissance, 8 lui qui apaise le fracas des mers, le fracas de leurs flots et la rumeur des peuples. 9 Et CRAINDRONT LES HABITANTS DES CONFINS pour tes signes; les portes du matin et du soir tu fais-jubiler. LA TERRE
10
Tu visites la terre et la fais-regorger, abondamment tu l’enrichis. Le ruisseau de Dieu est rempli d’eau, tu disposes leur grain car ainsi tu le disposes : 11 abreuvant ses sillons, aplanissant ses mottes, d’averses tu la détrempes, son germe tu bénis. 12 Tu couronnes l’année de ta bonté et tes ornières ruissellent d’huile ; 13 ruissellent les pacages du désert et d’allégresse les collines sont bordées ; 14 le petit-bétail revêt les prairies et les vallées se drapent de froment, ils acclament, plus, ils chantent !
Autres reprises lexicales : « cœur » (61,3 ; 62,9.11 ; 64,7.11) ; « abri/s’abriter » (61,4.5 ; 62,9 ; 64,11), « force » (61,4 ; 62,8.12 ; 65,7), « craindre » (61,6 ; 64,5.10 ; 65,9).
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La quatrième section (Ps 61–65)
LES RAPPORTS ENTRE LES DEUX PREMIÈRES SÉQUENCES (61–62 ET 63) Ps 61,1 Du maitre-de-chant, sur les instruments à cordes, de David. 2 Écoute, Dieu, mon cri, sois-attentif à ma prière, 3 de l’extrémité de la TERRE vers toi j’appelle, défaille mon cœur : au rocher qui s’élève plus que moi, conduis-moi. 4 Oui, tu es un abri pour moi, une tour de FORCE devant la face l’ennemi ; 5 que j’habite sous ta tente à jamais, que je m’abrite sous la cache de tes ailes ! 6
Oui, toi, Dieu, tu écoutes mes vœux, tu donnes l’héritage des craignant ton nom. 7 Ajoute des jours aux jours du ROI, ses années comme génération sur génération ; 8 qu’il siège à jamais devant la face de Dieu, ordonne que FIDÉLITÉ et loyauté le gardent. 9 Alors je psalmodierai ton nom pour toujours, accomplissant mes vœux jour après jour. Ps 62, 1 Du maitre-de-chant, selon Yedutûn ; psaume, de David. 2 Oui, en Dieu est le repos de mon âme, de lui est mon salut ; 3 oui, lui est mon rocher et mon salut, ma citadelle, je ne chancelle pas du tout. 4 Jusques à quand vous ruez-vous sur un homme, l’abattez-vous, vous tous, comme un mur qui penche, une clôture qui croule. 5 Oui, de sa hauteur ils ont tramé de le pousser, ils se plaisent au MENSONGE ; avec la BOUCHE ils bénissent et dans leur intime ils maudissent. 6 Oui, en Dieu repose-toi, mon âme, car de lui est mon espoir ; 7 oui, lui est mon rocher et mon salut, ma citadelle, je ne chancelle pas. 8
Sur Dieu est mon salut et ma GLOIRE ; le rocher de ma FORCE, mon abri est en Dieu. 9 Fiez-vous à lui, en tout temps, peuple, épanchez devant lui votre cœur, Dieu est un abri pour nous ! 10 Oui, un souffle les fils d’Adam, un MENSONGE, les fils d’homme ; sur la balance s’ils montaient eux, ensemble ils seraient moins qu’un souffle. 11 Ne vous fiez pas à la violence, en rapines ne vous essoufflez pas ; aux richesses quand elles s’accroissent n’attachez pas le cœur ! 12 Une fois, a parlé Dieu, deux fois, cela j’ai entendu : que la FORCE est à Dieu, 13 et à toi, Adonaï, la FIDÉLITÉ, que toi, tu paies à l’homme selon ses œuvres.
L’ensemble de la section
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Ps 63,1 Psaume de David, quand il était dans le désert de Juda. 2 Dieu, mon Dieu, toi, je te désire, mon âme a soif de toi, languit de toi ma chair, sur une TERRE sèche et altérée, sans eau. 3 Ainsi, au sanctuaire je t’ai contemplé, pour voir ta FORCE et ta GLOIRE. 4 car meilleure ta FIDÉLITÉ que la vie ; mes lèvres te célébreront. 5 Ainsi, je te bénirai en ma vie, à ton nom, j’élèverai mes paumes ; 6 comme de graisse et d’huile se rassasiera mon âme, et, lèvres criant-de-joie, louera ma BOUCHE. 7
Quand je songe à toi sur ma couche, dans les veilles je médite sur toi, 8 car tu fus secours pour moi, et à l’ombre de tes ailes je crie de joie ; 9 se presse mon âme derrière toi, ta droite me soutient. 10 Mais eux pour la ruine cherchent mon âme, ils viendront au-dessous de la TERRE. 11 Ils les jetteront aux mains de l’épée, ils seront la part des chacals. 12 Et LE ROI se réjouira en Dieu, se loueront tous les jurant par lui quand sera fermée la BOUCHE des parlant le MENSONGE.
Entre les psaumes extrêmes (61 et 63) – en termes initiaux, « défaille mon cœur » (61,3) annonce « languit ma chair » (63,2 ; les verbes sont quasi synonymes) ; – « sous ta tente », « sous la cache de tes ailes » (61,5) annoncent « au sanctuaire », « à l’ombre de tes ailes » (63,3.8) ; – « ton nom » revient en 61,6.9 et 63,5 ; – « le roi » est repris en 61,7 et 63,12 ; – « terre » revient au début de chaque psaume (61,3 ; 63,2). Entre les deux derniers psaumes (62 et 63) – « gloire » est repris en 62,8 et 63,3 ; – « mensonge » revient en 62,5.10 et 63,12 ; – « mon âme » (63,2.6.9.10) se trouvait déjà dans le psaume précédent (62,2.6) ; – « bouche » revient en 62,5 et 63,6.12 ; – « bénir » est repris en 62,5 et en 63,5 ; – « force » (62,8.12 ; 63,3). Dans les trois psaumes (61–63) – « fidélité » revient en 63,4 ; 61,8 ; 62,13.
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La quatrième section (Ps 61–65)
LES RAPPORTS ENTRE LES DEUX DERNIÈRES SÉQUENCES (63 ET 64–65) Ps 63,1 Psaume de David, quand il était dans le désert de Juda. 2 Dieu, mon Dieu, toi, je te désire, mon âme a soif de toi, ma CHAIR languit de toi, sur une TERRE sèche et altérée, sans EAU. 3 Ainsi, au sanctuaire je t’ai contemplé, pour voir ta FORCE et ta gloire. 4 car ta fidélité est meilleure que la VIE ; mes lèvres te célébreront. 5 Ainsi, je te bénirai en ma VIE, à ton nom j’élèverai mes paumes ; 6 comme de graisse et D’HUILE SE RASSASIERA mon âme, et, lèvres criant de joie, ma bouche LOUERA. 7
Quand je songe à toi sur ma couche, dans les veilles je médite sur toi, 8 car tu fus secours pour moi et à l’ombre de tes ailes je crie de joie ; 9 mon âme se presse derrière toi, ta droite me soutient. 10 Mais eux cherchent mon âme pour la ruine, ils viendront au-dessous de la TERRE. 11 Ils les jetteront aux mains de l’épée, ils seront la part des chacals. 12 Et le roi SE RÉJOUIRA en Dieu, SE LOUERONT tous les jurant par lui quand sera fermée la bouche des parlant le mensonge.
Entre les psaumes extrêmes (63 et 65) – « Terre » et « eau » de 63,2 seront repris à la fin (65,10) ; à la sécheresse sévère du début du psaume central s’oppose la pluie généreuse de la fin du psaume final (65,10-14) ; – « au sanctuaire », « à l’ombre de tes ailes » (63,3.8) annonce « tes palais », « ta maison », « ton Temple » (65,5) ; – « bénir » revient en 63,5 et 65,11 ; – « force » (63,3 ; 65,7) ; – « se rassasier » (63,6 ; 65,5) ; – « chair » (63,2 ; 65,3) ; – « venir » (63,10 ; 65,3). Entre les deux premiers psaumes (63 et 64) – « vie » (63,4.5 ; 64,2) ; – « l’épée » (63,11 ; 64,4 ; – « se réjouir » en termes finaux (63,12 ; 64,11). Entre les trois psaumes (63–65) – « louer/louange » (63,6.12 ; 64,11 ; 65,2) ; – « parler/parole de » : « les parlant le mensonge » (63,12), « parole amère », « parole de mal » (64,4.6), « paroles de fautes » (65,4).
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Ps 64,1 Du maitre-de-chant, psaume, de David. 2 Écoute, Dieu, ma voix dans ma plainte, de la peur de l’ennemi préserve ma VIE. 3 Cache-moi du dessein des mauvais, du tumulte des œuvrant l’iniquité, 4 lesquels aiguisent comme une épée leur langue, bandent leur flèche, parole amère, 5 pour tirer en cachette sur le parfait, à l’improviste ils tirent et point ne craignent. 6
Ils renforcent pour eux une parole de mal, ils calculent pour dissimuler des pièges. Ils disent : « Qui verra ceux-là ? » 7 Ils planifient des perversités : « Nous avons perfectionné une planification planifiée. » Et l’intérieur de l’homme et le cœur sont profonds.
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Et Dieu tirera une flèche, à l’improviste seront leurs blessures ; 9 et ils feront tomber sur euxmêmes leur langue, ils hocheront la tête tous ceux qui les voient. 10 Et tous les hommes craindront et annonceront l’œuvre de Dieu et son action ils comprendront. 11 Le juste SE RÉJOUIRA en Yhwh et il s’abritera en lui ; et tous les droits de cœur SE LOUERONT. Ps 65,1 Du maitre-de-chant, psaume, de David, chant. 2 Pour toi le repos est LOUANGE, Dieu, dans Sion, et pour toi le vœu est acquitté. 3 Écoutant la prière, jusqu’à toi toute CHAIR vient. 4 Les paroles de fautes sont plus puissantes que nous, nos transgressions toi, tu les couvres. 5 Heureux ton élu et ton proche, il demeure en tes parvis ; NOUS NOUS RASSASIONS des biens de ta maison, de la sainteté de ton Temple. 6
En prodiges de justice tu nous réponds, Dieu de notre salut, confiance de tous les confins de la TERRE et de la mer des lointains. 7 Lui qui dispose les montagnes par sa FORCE, lui qui se ceint de puissance, 8 lui qui apaise le fracas des mers, le fracas de leurs flots et la rumeur des peuples. 9 Et les habitants des confins craindront pour tes signes ; tu fais jubiler les portes du matin et du soir.
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Tu visites la TERRE et la fais regorger, abondamment tu l’enrichis. Le ruisseau de Dieu est rempli d’EAU, tu disposes leur grain car ainsi tu le disposes : 11 abreuvant ses sillons, aplanissant ses mottes, d’averses tu la détrempes, son germe tu bénis. 12 Tu couronnes l’année de ta bonté et tes ornières ruissellent D’HUILE ; 13 ruissellent les pacages du désert et d’allégresse les collines sont bordées ; 14 le petit-bétail revêt les prairies et les vallées se drapent de froment, ils acclament, plus, ils chantent !
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LES RAPPORTS ENTRE LES TROIS SÉQUENCES (61–62 ; 63 ; 64–65) Ps 61,1 Du maitre-de-chant, sur les instruments à cordes, de David. 2 Écoute, DIEU, mon cri, sois-attentif à ma prière, 3 de l’extrémité de la TERRE vers toi j’appelle, mon cœur défaille : au rocher qui s’élève plus que moi, conduis-moi. 4 Oui, tu es un abri pour moi, une tour de FORCE devant la face l’ennemi ; 5 que j’habite SOUS TA TENTE à jamais, que je m’abrite SOUS LA CACHE DE TES AILES ! 6
Oui, toi, Dieu, tu écoutes mes vœux, tu donnes l’héritage de ceux qui craignent ton nom. Ajoute des jours aux jours du roi, ses années comme génération sur génération ; 8 qu’il siège à jamais devant la face de Dieu, ordonne que fidélité et loyauté le gardent. 9 Alors je psalmodierai ton nom pour toujours, accomplissant mes vœux jour après jour. 7
Ps 62, 1 Du maitre-de-chant, selon Yedutûn ; psaume, de David. 2 Oui, en DIEU est le repos de mon âme, de lui est mon salut ; 3 oui, lui est mon rocher et mon salut, ma citadelle, je ne chancelle pas du tout. 4 Jusques à quand vous ruez-vous sur un homme, l’abattez-vous, vous tous, comme un mur qui penche, une clôture qui croule. 5 Oui, de sa hauteur ils ont tramé de le pousser, ils se plaisent au mensonge ; de leur bouche ILS BÉNISSENT et dans leur intime ils maudissent. 6 Oui, en Dieu repose-toi, mon âme, car mon espoir est en lui ; 7 oui, lui est mon rocher et mon salut, ma citadelle, je ne chancelle pas. 8
Sur Dieu est mon salut et ma gloire ; le rocher de ma FORCE, mon abri est en Dieu. 9 Fiez-vous à lui, en tout temps, peuple, épanchez devant lui votre cœur, Dieu est un abri pour nous ! 10 Oui, un souffle les fils d’Adam, un mensonge, les fils d’homme ; sur la balance s’ils montaient, ensemble ils seraient moins qu’un souffle. 11 Ne vous fiez pas à la violence, en rapines ne vous essoufflez pas ; aux richesses quand elles s’accroissent n’attachez pas votre cœur ! 12 Une fois, a parlé Dieu, deux fois, cela j’ai entendu : que la FORCE est à Dieu, 13 et à toi, Adonaï, la fidélité ; que toi, tu paies à l’homme selon ses œuvres. Ps 63,1 Psaume de David, quand il était dans le désert de Juda. 2 DIEU, mon DIEU, toi, je te désire, mon âme a soif de toi, ma chair languit de toi, sur une TERRE sèche et altérée, sans eau. 3 Ainsi, AU SANCTUAIRE je t’ai contemplé, pour voir ta FORCE et ta gloire. 4 car ta fidélité est meilleure que la vie ; mes lèvres te célébreront. 5 Ainsi, JE TE BÉNIRAI en ma vie, à ton nom j’élèverai mes paumes ; 6 comme de graisse et d’huile se rassasiera mon âme et, lèvres criant de joie, ma bouche louera. 7
Quand je songe à toi sur ma couche, dans les veilles je médite sur toi, 8 car tu fus un secours pour moi et À L’OMBRE DE TES AILES je crie de joie ; 9 mon âme se presse derrière toi, ta droite me soutient. 10 Mais eux c’est pour la ruine qu’ils cherchent mon âme, ils viendront au-dessous de la TERRE. 11 On les jettera aux mains de l’épée, ils seront la part des chacals. 12 Et le roi se réjouira en Dieu, se loueront tous ceux qui jurent par lui quand sera fermée la bouche de ceux qui parlent le mensonge.
L’ensemble de la section
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Ps 64,1 Du maitre-de-chant, psaume, de David. 2 Écoute, DIEU, ma voix dans ma plainte, de la peur de l’ennemi préserve ma vie. 3 Cache-moi du dessein des mauvais, du tumulte de ceux qui œuvrent l’iniquité, 4 lesquels aiguisent comme une épée leur langue, bandent leur flèche, parole amère, 5 pour tirer en cachette sur le parfait ; à l’improviste ils tirent et point ne craignent. 6 Ils renforcent pour eux une parole de mal, ils calculent pour dissimuler des pièges. Ils disent : « Qui verra ceux-là ? » 7 Ils planifient des perversités : « Nous avons perfectionné une planification planifiée. » Et l’intérieur de l’homme et son cœur sont profonds. 8 Et Dieu tirera une flèche, à l’improviste seront leurs blessures ; 9 et ils feront tomber sur euxmêmes leur langue, ils hocheront-la-tête tous ceux qui les verront. 10 Et tous les hommes craindront et annonceront l’œuvre de Dieu et son action ils comprendront. 11 Le juste se réjouira en Yhwh et il s’abritera en lui ; et se loueront tous les droits de cœur. Ps 65,1 Du maitre-de-chant, psaume, de David, chant. 2 Pour toi le repos est louange, DIEU, dans Sion ; et pour toi le vœu est acquitté. 3 Tu écoutes la prière, jusqu’à toi vient toute chair. 4 Les paroles de fautes sont plus puissantes que nous, nos transgressions toi, tu les couvres. 5 Heureux qui tu as choisi et as fait approcher, il demeure en TES PARVIS ; nous nous rassasions des biens de TA MAISON, de la sainteté de TON TEMPLE. 6 En prodiges de justice tu nous réponds, Dieu de notre salut, confiance de tous les confins de la TERRE et de la mer des lointains. 7 Lui qui dispose les montagnes par sa FORCE, lui qui se ceint de puissance, 8 lui qui apaise le fracas des mers, le fracas de leurs flots et la rumeur des peuples. 9 Et les habitants des confins craindront à cause de tes signes ; tu fais jubiler les portes du matin et du soir. 10 Tu visites la TERRE et la fais regorger, abondamment tu l’enrichis. Le ruisseau de Dieu est rempli d’eau, tu disposes leur grain car ainsi tu le disposes : 11 abreuvant ses sillons, aplanissant ses mottes, d’averses tu la détrempes, TU BÉNIS son germe. 12 Tu couronnes l’année de ta bonté et tes ornières ruissellent d’huile ; 13 ruissellent les pacages du désert et les collines sont bordées d’allégresse ; 14 le petit-bétail revêt les prairies et les vallées se drapent de froment ; ils acclament, plus, ils chantent !
– Tous les titres ont en commun « de David » ; les deux premiers et les deux derniers ont en commun « Du maitre de chant » et à part le premier, tous les autres ont « psaume ». Seul le psaume central dit l’occasion du psaume. – Tous les psaumes commencent avec le nom de « Dieu » ; – avec des termes différents, les psaumes extrêmes et le psaume central parlent du Temple (61,5 ; 63,3.8 ; 65,5) ; – « terre » revient en 61,2 ; 63,2.10 ; 65,6.10) ; – « bénir » (62,5 ; 63,5 ; 65,11) ; – « force » (61,4 ; 62,8.12 ; 63,3 ; 65,7).
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La quatrième section (Ps 61–65) 2. INTERPRÉTATION
« MON ÂME A SOIF DE TOI » À première vue, on pourrait penser que le dernier psaume diffère totalement des quatre qui le précèdent. C’est en effet le seul où n’intervient pas la première personne du psalmiste, laquelle laisse toute la place à la première personne du pluriel. En outre, sa dernière partie surprend, à tel point qu’on se demande ce que vient faire cette longue description des pluies printanières qui fécondent la terre. Il n’est pas rare que la finale d’un texte surprenne, qu’elle réserve une surprise. C’est ce qui a été appelé « phénomène de clôture ». Mais cela ne signifie pas que la finale n’a rien à voir avec le reste de la section. Les pluies qui abreuvent avec une telle générosité « les sillons », « les averses » qui « détrempent » la terre répondent directement au début du psaume central, où le psalmiste « a soif » de Dieu, où sa chair « languit » de lui, « sur une terre sèche et altérée, sans eau » (63,2). Cette image était déjà annoncée dès le début de la section avec le « cri » du psalmiste : « mon cœur défaille » (61,2-3). Ainsi, c’est toute la section qui est articulée, des extrémités au centre autour du désir de Dieu. SOUS LES AILES DE DIEU Du début à la fin, en passant par le centre, le désir du psalmiste se porte vers « le Temple » de Dieu. Il veut « habiter sous sa tente » et « s’abriter sous la cache de ses ailes » (61,5), c’est « au sanctuaire » qu’il a « contemplé » son Seigneur (63,3) et c’est « à l’ombre de ses ailes » qu’il crie de joie » (8) ; enfin, tous proclament « heureux » celui qui « demeure en ses parvis » et c’est des « biens de sa maison » et de « la sainteté de son Temple » qu’ils se trouvent « rassasiés » (65,5), comme il l’avait souhaité dans le psaume central (63,6). L’ENNEMI ET LE REPOS L’alternance entre la plainte contre l’ennemi et le repos en Dieu marque les deux psaumes des séquences extrêmes qui se correspondent en parallèle. Mais ce même jeu se retrouve aussi, comme en condensé dans le psaume pivot de la section. En effet, très vite après l’aveu de la soif qui le fait languir (2) et avant de « se réjouir » quand la bouche de mensonge de ses ennemis sera fermée (10-12), le psalmiste se retrouve « au sanctuaire » où il peut voir « la force et la gloire » de son Seigneur et « rassasier » son âme « comme de graisse et d’huile » ; puis c’est sur sa « couche » au long des « veilles de la nuit » qu’il trouve en lui son repos. LE ROI « Le roi » est mentionné dans le premier psaume et dans le psaume central et pas ailleurs. Le psalmiste prie pour lui au début, demandant au Seigneur de
L’ensemble de la section
291
prolonger ses jours et que « fidélité et loyauté le gardent » (61,7-8), et il continue en disant qu’alors il « psalmodiera » et « accomplira son vœu ». Tout à la fin du psaume central, un seul membre lui est consacré : « Et le roi se réjouira en Dieu » (63,12), aussitôt distingué du pluriel de « tous ceux qui jurent par » le Seigneur. Malgré la distance que le psalmiste met entre le roi et lui-même, il n’est pas interdit de penser qu’il s’agit de la même personne dans ces psaumes dits « de David ». La distance serait signe de discrétion. Il est curieux que le nom du « roi » disparaisse dans le deuxième versant de la section. Toutefois, étant donné la composition de la section, et en particulier le fait que les psaumes extrêmes et le psaume central se correspondent si fort, on se demandera si le dernier psaume ne pourrait pas faire allusion au roi. Il se trouve que le seul singulier du Ps 65 est l’élu du Seigneur : « Heureux celui que tu as choisi » (65,5). C’est ainsi que fut qualifié Saül (1S 10,24) et surtout David (1S 16), choisi par Dieu parmi tous ses frères. Et c’est sur cette figure que s’achève le long Ps 78 : 70
Il élut David son serviteur, de derrière les brebis mères il l’appela et Israël son héritage ; 72 il les paissait d’un cœur parfait, 71
il le tira des parcs à moutons, pour paitre Jacob son peuple et d’une main sage les guidait.
Si « celui que tu as choisi » peut faire allusion au roi, il faut reconnaitre qu’il se fond dans la masse de tout son peuple, et plus largement de « toute chair » (3), de « tous les confins de la terre » (6.9). C’est sans doute pour cela que la section s’achève sur un psaume où l’individu, du psalmiste et du roi, laisse pratiquement toute la place à un pluriel aussi vaste que le monde.
TOUTE LA TERRE BÉNIT LE DIEU QUI NOUS SAUVE La cinquième section Ps 66–72
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La cinquième section (Ps 66–72)
La cinquième section comprend sept psaumes organisés en trois séquences ; les séquences extrêmes sont formées de trois psaumes, tandis que la séquence centrale n’en comprend qu’un seul :
Toutes les nations
SAUVE-MOI,
Tous les malheureux
chanteront
pour le Seigneur
JE CHANTERAI
POUR TOI
seront sauvés
par le Seigneur
Ps 66–68
Ps 69
Ps 70–72
I. TOUTES LES NATIONS CHANTERONT POUR LE SEIGNEUR La première séquence : Ps 66–68 1. LE PSAUME 66 TEXTE 1
Du maitre-de-chant, chant, psaume. Acclamez Dieu, toute la terre, 2 psalmodiez la gloire de son nom, mettez la gloire à sa louange. 3 Dites à Dieu : « Que redoutables tes œuvres ! Pour l’abondance de ta force se plieront à toi tes ennemis ; 4 toute la terre se prosternera à toi et psalmodiera à toi, psalmodiera ton nom ». 5 Allez et voyez les gestes de Dieu, redoutable dans l’action pour les fils d’Adam : 6 il changea la mer en terre-ferme, dans le fleuve ils passèrent à pied, là nous nous réjouissions en lui. 7 Il domine par sa puissance de toujours, ses yeux les nations ils scrutent, que les rebelles ne s’exaltent pas contre lui. 8 Bénissez, peuples, notre Dieu et faites-écouter la voix de sa louange, 9 lui qui met notre âme dans la vie et n’a pas donné de chanceler à nos pieds. 10 Oui, tu nous as éprouvés, Dieu, tu nous as épurés comme on épure l’argent ; 11 tu nous as fait-venir dans un filet, tu as mis l’affliction sur nos flancs ; 12 tu as fait chevaucher un mortel sur nos têtes ; nous sommes venus dans le feu et dans l’eau et tu nous as fait sortir dans la surabondance. 13 Je viendrai en ta maison avec des holocaustes, j’acquitterai envers toi mes vœux, 14 ceux qui ouvraient mes lèvres et que parlait ma bouche en mon angoisse ; 15 des holocaustes de bêtes-grasses je ferai-monter à toi 16 Allez, écoutez et je avec le fumet des béliers, je ferai des taureaux avec des boucs. 17 raconterai à tous les craignant Dieu ce qu’il a fait pour mon âme ; vers lui de ma bouche j’ai appelé et l’exaltation dessous ma langue. 18 L’iniquité si j’avais vu en mon cœur, ne m’eût pas écouté le Seigneur ; 19 pourtant m’a écouté Dieu, il a été-attentif à la voix de ma prière. 20 Béni soit Dieu lequel n’a pas écarté ma prière ni sa fidélité loin de moi. V. 11
: « DANS UN FILET [...] L’AFFLICTION »
Le deuxième terme du premier membre, meṣûdâ, peut signifier « filet » (Qo 9,12 ; Ez 12,13) mais aussi « citadelle » (par ex., 2S 5,7, Ps 18,3). L’avantdernier terme du second membre, mû’āqâ, est un hapax. Dans la ligne du segment précédent, il s’agit d’épreuves, d’où le sens de « filet » ; quant à mû’āqâ, on adoptera « l’affliction » comme la plupart les versions. V. 12
: « TU AS FAIT CHEVAUCHER UN MORTEL SUR NOS TÊTES »
Obscure, l’image est comprise de diverses manières. Il semble s’agir de dominations étrangères1. COMPOSITION Après le titre, le psaume s’organise en trois parties d’inégale longueur. La première (1b-9) et la troisième (13-20) sont formées chacune de trois morceaux 1
Sur les versets 11-12 voir Ravasi, II, 338-342.
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La cinquième section (Ps 66–72)
organisés de manière concentrique, tandis que la partie centrale (10-12) est beaucoup plus courte, étant ne comprenant qu’un seul morceau. LA PREMIÈRE PARTIE (1B-9) + 1b ACCLAMEZ + 2 psalmodiez + mettez
DIEU, la gloire la gloire
toute la terre,
+ 3 Dites + Pour l’abondance
à DIEU : de ta force
« Que REDOUTABLES se plieront à toi
+ 4 toute la terre + et psalmodiera à toi,
se prosternera psalmodiera
à toi ton nom ».
de son nom, À SA LOUANGE.
tes œuvres ! tes ennemis ;
·····················································································································
:: 5 ALLEZ :: REDOUTABLE
ET VOYEZ (dans) l’action
les gestes pour les fils
:: 6 il changea :: dans le fleuve :: là
la mer ils passèrent nous nous réjouissions
en terre-ferme, à pied, en lui.
:: 7 Il domine :: ses yeux :: que les rebelles
par sa puissance les nations ne s’exaltent pas
de toujours, ils scrutent, contre lui.
de DIEU, d’Adam :
····················································································································· 8
+ BÉNISSEZ, + et faites-entendre 9
:: lui qui met :: et n’a pas donné
peuples, la voix
NOTRE DIEU
notre âme de chanceler
dans la vie à nos pieds.
DE SA LOUANGE,
Dans le premier morceau le psalmiste invite « toute la terre » à « acclamer » Dieu (1b-2) ; après quoi il leur dicte, en quelque sorte, ce qu’ils doivent lui dire (3-4). Les segments extrêmes se répondent où sont repris « toute la terre », « psalmodier » et « ton nom ». Les trois membres du premier segment ainsi que le premier membre du segment suivant (1b-3a) commencent avec un impératif aux mêmes modalités. Le deuxième morceau (5-7) est un appel à « voir » les hauts-faits de Dieu : ceux de l’exode avec la traversée de la mer (6a), puis du Jourdain (6b), motif de joie pour les fils d’Israël (6c), ensuite avec la domination des « nations » qu’Israël dut affronter (7). Le troisième morceau, qui commence, comme les deux premiers, par des impératifs (8ab), est une nouvelle invitation à la louange, motivée par les bienfaits de Dieu (9). Le vocatif « peuples » (8a) correspond à celui de « toute la terre » (1b), « sa louange » (8b) est repris comme dans le premier morceau (2b). « À nos pieds » de la fin renvoie à « à pied » au centre du deuxième morceau
Le psaume 66
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(6b). « Dieu » revient au début des deux premiers morceaux, « notre Dieu » au début du troisième. LA DEUXIÈME PARTIE (10-12) – 10 Oui, tu nous as éprouvés, – tu nous as épurés
Dieu, comme on épure
l’argent ;
– tu nous as fait-venir – tu as mis
dans le filet, l’affliction
sur nos flancs ;
– 12 tu as fait chevaucher – nous sommes-venus = et tu nous as fait-sortir
un mortel dans le feu dans la surabondance.
11
sur nos têtes ; et dans l’eau
Sauf 12b, tous les membres commencent avec un verbe aux mêmes modalités. L’objet est toujours « nous ». LA TROISIÈME PARTIE (13-20) + 13 Je viendrai + j’acquitterai
en ta maison envers toi
avec des holocaustes, mes vœux,
+ 14 ceux qui + et que parlait
ouvraient ma BOUCHE
mes LÈVRES en mon angoisse ;
+ 15 des holocaustes + avec le fumet + je ferai
de bêtes-grasses des béliers, des taureaux
je ferai-monter à toi avec des boucs.
··································································································
:: 16 Allez, :: à tous :: ce qu’
écoutez les craignant il a fait
et je raconterai DIEU pour mon âme ;
:: 17 vers lui :: et l’exaltation
de ma BOUCHE dessous
j’ai appelé ma LANGUE.
·································································································· 18
+ L’iniquité + ne m’eût pas écouté
si j’avais vu LE SEIGNEUR ;
en mon cœur,
+ 19 pourtant + il a été-attentif
m’a écouté à la voix
DIEU, de ma prière.
+ 20 Béni (soit) + lequel + ni sa fidélité
DIEU n’a pas écarté loin de moi.
ma prière
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La cinquième section (Ps 66–72)
+ 13 Je viendrai + j’acquitterai
en ta maison envers toi
avec des holocaustes, mes vœux,
+ 14 ceux qui + et que parlait
ouvraient ma BOUCHE
mes LÈVRES en mon angoisse ;
+ 15 des holocaustes + avec le fumet + je ferai
de bêtes-grasses des béliers, des taureaux
je ferai-monter à toi avec des boucs.
··································································································
:: 16 Allez, :: à tous :: ce qu’
écoutez les craignant il a fait
et je raconterai DIEU pour mon âme ;
:: 17 vers lui :: et l’exaltation
de ma BOUCHE dessous
j’ai appelé ma LANGUE.
··································································································
+ 18 L’iniquité + ne m’eût pas écouté
si j’avais vu LE SEIGNEUR ;
en mon cœur,
+ 19 pourtant + il a été-attentif
m’a écouté à la voix
DIEU, de ma prière.
+ 20 Béni (soit) + lequel + ni sa fidélité
DIEU n’a pas écarté loin de moi.
ma prière
Dans le premier morceau le psalmiste dit ce qu’il fera dans le Temple pour accomplir ses « vœux » (13b) : « holocaustes/faire-monter » qui sont de même racine (trois fois) et de même « béliers », « taureaux », « boucs » (trois fois). Dans le second morceau, il invite « tous les craignant Dieu » à écouter ce que Dieu fit pour lui : Dieu ayant exaucé sa supplication (17a), il a pu l’« exalter ». Dans le troisième morceau il « bénit » le Seigneur d’avoir écouté sa « prière » (20), car il n’avait pas d’« iniquité » dans son cœur (18). Les deux premiers segments sont agrafés par « écouter » + « le Seigneur/Dieu » ; « prière » revient dans les deux derniers segments (19b.20b). Aux extrémités, « fidélité » s’oppose à « iniquité » (20c.18a). « Lèvres » et « bouche » du premier morceau (14) sont repris en miroir par « bouche » et « langue » du second morceau (17). « Ma prière » du troisième morceau (19b.20b) renvoient à « j’ai appelé » du deuxième morceau (17a), et « m’a écouté » de 19 donne la raison de « l’exaltation » de 17b. L’ENSEMBLE DU PSAUME La première partie (1b-9) est adressée à « toute la terre » et dit ce que Dieu a fait pour « nous », c’est-à-dire pour Israël. Plus courte, la deuxième partie (10-12) est adressée à Dieu, toujours pour dire ce qu’il a accompli pour « nous ». Enfin, dans
Le psaume 66
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la dernière partie (13-20) le psalmiste parle à la première personne du singulier pour dire ce qu’il fera pour Dieu afin de le remercier de ce qu’il fit pour lui. Les parties extrêmes se correspondent : chacune comprend trois morceaux organisés de manière concentrique. Les premiers morceaux sont complémentaires : l’un dit ce que « les peuples » sont invités à faire pour Dieu, « psalmodier » (trois fois), l’autre ce que le psalmiste fera pour lui, « faire-monter » des « holocaustes » (même racine, trois fois). Les morceaux centraux commencent de manière complémentaire avec « Allez et voyez » (5) et « Allez, écoutez » (16) ; ces deux syntagmes sont suivis par « redoutable » (5) et « les craignant » (16) qui sont de même racine. Ils s’achèvent avec « ne s’exaltent pas » (7) et « exaltation » (17). Dans les derniers morceaux, « bénir » a pour sujet les « peuples » d’abord (8), le psalmiste ensuite (20) ; sont repris « (faire-)écouter » (8 ; 18.19) et « la voix » (8.19). 1
Du maitre-de-chant, chant, psaume. Acclamez DIEU, toute la terre, 2 psalmodiez la gloire de son nom, mettez la gloire à sa louange. 3 Dites à DIEU : « Que REDOUTABLES tes œuvres ! Pour l’abondance de ta force tes ennemis se plieront à toi ; 4 toute la terre se prosternera à toi et psalmodiera à toi, psalmodiera ton nom ». 5
ALLEZ ET VOYEZ les gestes de DIEU, REDOUTABLE dans l’action pour les fils d’Adam : 6 il changea la mer en terre ferme, dans le fleuve ils passèrent à pied, là nous nous réjouissions en lui. 7 Il domine par sa puissance de toujours, ses yeux scrutent les nations, que les rebelles NE S’EXALTENT PAS contre lui.
8
BÉNISSEZ, peuples, NOTRE DIEU et FAITES-ÉCOUTER LA VOIX de sa louange, notre âme dans la vie et n’a pas donné à nos pieds de chanceler.
9
lui qui met
10
Oui, tu nous as éprouvés, DIEU, tu nous as épurés comme on épure l’argent ; tu nous as fait venir dans le filet, tu as mis l’affliction sur nos flancs ; 12 tu as fait chevaucher un mortel sur nos têtes ; nous sommes venus dans le feu et dans l’eau mais tu nous as fait sortir dans la surabondance. 11
13
Je viendrai en ta maison avec des holocaustes, j’acquitterai envers toi mes vœux, ceux qui ouvraient mes lèvres et que parlait ma bouche en mon angoisse ; 15 des holocaustes de bêtes grasses je ferai-monter à toi avec le fumet des béliers, je ferai des taureaux avec des boucs. 14
16
ALLEZ, ÉCOUTEZ et je raconterai
mon âme ; 18
17
à tous LES CRAIGNANT DIEU ce qu’il a fait pour vers lui de ma bouche j’ai appelé et L’EXALTATION dessous ma langue.
Si j’avais vu l’iniquité en mon cœur, LE SEIGNEUR ne m’eût pas ÉCOUTÉ ; 19 pourtant DIEU m’a ÉCOUTÉ, il a été attentif à LA VOIX de ma prière. 20 BÉNI soit DIEU lequel n’a pas écarté ma prière ni sa fidélité loin de moi.
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La cinquième section (Ps 66–72)
La partie centrale se distingue des deux autres par l’insistance sur les épreuves (10-12b) avant la libération (12c). Les « peuples » de « toute la terre », les « ennemis » de Dieu de la première partie (1b.3.4.8) n’y sont pas nommés mais c’est par eux qu’Israël est éprouvé, par le « mortel » qui chevauche sur sa tête (12a).
CONTEXTE L’EXODE Les « gestes » de Dieu sont essentiellement ceux de l’exode : au début passage de la mer des Roseaux (6a ; voir Ex 14), à la fin passage du Jourdain (6b ; Jos 3– 4). Le dernier membre de Ps 66,6 fait sans doute allusion au Chant de la mer (Ex 15) ; la joie dont il est question est celle que chante le dernier psaume du Hallel égyptien : « Voici le jour que fit Yhwh, exultons et réjouissons-nous-en ! » (Ps 118,24). Le dernier verbe de la partie centrale, « tu nous as fait-sortir » (12c) rappelle lui aussi l’exode : « Moi, je suis le Seigneur ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison des esclaves » (Ex 20,2 ; Dt 5,6). LA CONQUÊTE Le dernier verset du morceau central de la première partie (7) qui fait suite au rappel de l’exode, semble faire allusion aux récits de la conquête contre « les nations » qui occupaient la terre de Canaan, tels que rapportés dans le livre de Josué après le passage du Jourdain, à commencer par la prise de Jéricho (Jos 6).
INTERPRÉTATION QUI PARLE ? Au début on entend seulement une voix qui interpelle « toute la terre » au pluriel l’invitant à louer Dieu ? C’est seulement quand l’exode est évoqué que le « nous » apparait : « nous nous réjouissions en lui » (6). C’est donc le membre d’un peuple qui parle, et l’on peut penser qu’il parle en son nom. Le « nous » d’Israël domine massivement dans la partie centrale qui rappelle les épreuves qu’il a dû subir et dont le Seigneur l’a « fait sortir ». Enfin, toute la dernière partie est à la première personne du singulier. Ce « je » qui promet d’acquitter ses « vœux » avec des « holocaustes » de « bêtes grasses », « taureaux », « béliers » et « boucs », peut difficilement être identifié à un quelconque membre du peuple. L’importance accordée à sa prière et à ses vœux d’une part, aux sacrifices somptueux qu’il offrira d’autre part, enfin du récit qu’il fera « à tous les craignant Dieu », laisse entendre qu’il s’agit d’un personnage assez important pour représenter tout le peuple. On pourra donc imaginer que c’est le roi qui
Le psaume 66
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parle, mais il n’est pas interdit de penser que chaque lecteur qui fait siennes ses paroles parle lui aussi au nom de tout son peuple. À QUI PARLE-T-IL ? Dans toute la première partie, il est clair dès les premiers mots que le psalmiste s’adresse à « toute la terre » (2), à ceux qu’il interpellera à la fin comme les « peuples » (8). Ces termes ne sont pas spécifiques des « nations » païennes, ils englobent l’ensemble de l’humanité. Mais ce n’est pas tout : il les invite à s’adresser à Dieu (3-4) pour le louer et reconnaitre sa royauté universelle. Soudain, dans la partie centrale, le destinataire change du tout au tout : voilà que le psalmiste s’adresse directement à Dieu ; toutefois, on comprend que le discours qu’il lui tient sur son histoire est prononcé en présence de ceux auxquels il parlait jusque-là. Dans la dernière partie, s’il continue à parler à Dieu pour lui dire comment il le remerciera pour l’avoir « fait sortir dans la surabondance » (12), bien vite il s’adresse à nouveau à ceux qui n’avaient pas cessé de l’écouter : « Allez, écoutez » (16). Et jusqu’à la fin, il « raconte » ce que le Seigneur fit pour lui. C’est « à tous les craignant Dieu » qu’il parle (16), c’est-àdire aux « peuples » de « toute la terre » (2.8). DE QUOI PARLE-T-IL ? Dans le psaume le plus court du Psautier (Ps 117), le psalmiste invite les nations païennes à louer le Dieu d’Israël pour le bien qu’il fit à son peuple : « 1 Louez Yhwh, tous les peuples, glorifiez-le, tous les pays ; 2 car forte pour nous est sa fidélité, et la loyauté de Yhwh est pour toujours. Louez Yah ! » Il en va de même dans le Ps 66, à cette différence près — différence de taille — que ce sont les peuples tous ensemble qui sont invités à psalmodier le nom du Seigneur pour son « action » en faveur « des fils d’Adam ». Ce qui laisse entendre que la libération du pays des esclaves n’a pas été opérée seulement au bénéfice exclusif des fils d’Israël, mais qu’elle intéresse toutes les nations. Les faveurs accordées par Dieu à Israël sont destinées à tous les peuples. Ainsi s’accomplira la promesse faite à Abraham : « Par toi se béniront toutes les familles de la terre » (Gn 12,3).
2. LE PSAUME 671 « La structure de ce petit psaume est particulièrement difficile à mettre en évidence [...]. Le sens de ce petit psaume est aussi difficile à cerner que sa structure »2. Plus on étudie le psaume, plus ce double jugement, qui peut surprendre à première vue, se révèle fondé. C’est effectivement un « petit psaume» : il ne comprend que huit versets et beaucoup d’exégètes lui accordent peu d’espace dans leur commentaire. Et pourtant, il tient une place importante dans la prière juive et, sous l’influence des Cabalistes, il se trouve reproduit au centre de tableaux très populaires, réécrit en forme de menora, le chandelier à sept branches, suivant le schéma de sa composition littéraire3 (voir p. 313-312). Selon une ancienne tradition, le bouclier de David (Magen David) ne portait pas ce que nous appelons « l’étoile de David», à six branches, mais le psaume 67 réécrit sous forme de menora : « Cela devint une coutume très répandue et le “Psaume-menora” était considéré comme un talisman très puissant. Un opuscule du 16e siècle dit : “Le roi David portait ce psaume écrit, figuré et gravé sur son bouclier, en forme de menora, quand il se mettait en campagne” »4. On notera que, quel que soit le nombre de leurs branches, l’étoile et le chandelier sont également sources de lumière. Pour la forme littéraire du psaume, certains exégètes plaquent sur un texte biblique les schémas de la poésie occidentale. Après bien d’autres, E. Podechard réécrit le psaume en quatre strophes s’achevant par le même « refrain »5 : « Il semble que le refrain doit être ajouté ici [c’est-à-dire après le dernier verset du texte hébreu] ; tant pour la pensée que pour l’équilibre des strophes (Duhm, Gunkel, H. Schmidt) »6. L. Jacquet : « Très régulier dans sa forme, avec ses 3 distiques à 3 accents groupés par 2 pour former une strophe et avec son refrain 3 fois répété (notre soulignement), le Ps. 67 n’a aucune prétention littéraire »7. Il y a pourtant longtemps que la construction concentrique du psaume a été relevée par d’autres exégètes chrétiens comme un des nombreux exemples de composition typiquement hébraïque8. 1 Je reprends largement l’analyse que j’ai donnée de ce psaume dans « Le psaume 67. “Je ferai de toi la lumière des nations” ». 2 É. BEAUCAMP, Le Psautier, I, 275. 3 Voir Hakham, I, 386-387; voir Traité, 46-48. 4 G. SCHOLEM, «Magen David», 338. 5 Sur les « refrains» voir A. BALOCCO, « “Ritornelli” e “Selah” nella scansione strofica dei Salmi », 190 ; P. RAABE, Psalm Structures. A Study of Psalms with Refrains, 119-200. Il est instructif de voir ce que la liturgie catholique actuelle a fait de ce psaume (1 er janvier, 20e dimanche du temps ordinaire de l’année A ; vendredi de la 3e semaine de l’Avent, mercredi de la 4e semaine de Pâque, samedi de la 17e semaine du temps ordinaire, année I) : que ce soit en italien, mais surtout en français, les remaniements sont tels qu’on a l’impression d’avoir affaire à un autre psaume. 6 L. PODECHARD, Le Psautier, I. Notes critiques, 261. 7 L. JACQUET, Les Psaumes et le cœur de l’homme, II, 331. 8 Repérée par T. BOYS (A Key to the Book of the Psalms, 60), décrite par N.W. LUND («Chiasmus in the Psalms», 289-291 ; ID., Chiasmus in the New Testament, 97-98), elle est maintenant
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La cinquième section (Ps 66–72)
Quant à la « forme » (Gattung) dans l’acception de « l’histoire des formes », le psaume 67 est-il un psaume de récoltes par lequel Israël rend grâce à son Dieu de ce que « la terre a donné son produit » (7)9? Auquel cas tous les inaccomplis sont traduits par des passés, comme l’accompli de 7a. Est-il plutôt une prière pour obtenir la pluie10? Auquel cas tous les verbes, même l’accompli de 7a, sont traduits par des optatifs. Telle est la problématique de la critique socio-littéraire, soucieuse avant tout de rattacher les textes à une situation concrète de la vie (Sitz im Leben)11. Le psaume aurait donc été composé soit pour la fête de la première gerbe, à Pentecôte, soit pour la fête des Tentes, quand, à l’automne, les israélites remercient le Seigneur pour les dons de la terre et implorent le don de la pluie pour la nouvelle année12. Sans exclure la possibilité de telles utilisations liturgiques, il est toutefois permis de se demander si tel est bien le sens premier du poème.
TEXTE 1
2 Que Dieu nous ait-en-pitié et nous Du maitre-de-chant, sur les cordes, psaume, chant. bénisse, qu’il fasse-briller son visage sur nous, 3 pour que soit connu sur la terre ton chemin, chez toutes les nations ton salut. 4 Qu’ils te rendent-grâce les peuples, Dieu, qu’ils te rendentgrâce les peuples, tous ! 5 Que jubilent et chantent les pays, car tu juges les peuples avec droiture et les pays sur la terre tu conduis. 6 Qu’ils te rendent-grâce les peuples, Dieu, qu’ils te rendent-grâce les peuples, tous ! 7 La terre a donné sa récolte il nous bénit Dieu notre Dieu 8 il nous bénit Dieu et le craignent tous les lointains de la terre.
Ce psaume ne présente pas de véritable problème textuel. Ceux qui sont soulevés par les commentateurs dépendent en fait de l’interprétation du texte : d’où les choix différents pour la traduction des verbes : jussifs ou présents pour le v. 2, passé ou parfait précatif pour 7a13.
communément admise, sauf par P. AUFFRET (« “Qu’il nous bénisse, Dieu!” Étude structurelle du Psaume 67 », 5-8). 9 C’est ainsi que la majorité des commentateurs interprètent le psaume depuis E. Gunkel ; voir, par ex., S. MOWINCKEL, The Psalms in Israel’s Worship, I, 120.185 ; E. PODECHARD, Le Psautier. I, 285. La Bible de Jérusalem l’intitule : « Prière collective après la récolte annuelle ». Sur la datation du psaume, voir H.G. JEFFERSON, « The Date of Ps 67 », 201-205. 10 Dahood, II, 126-129 ; c’était déjà l’interprétation de Rashi (voir Hakham, I, 385). 11 Voir W.S. PRINSLOO, « Psalm 67: Harvest Thanksgiving Psalm, (Eschatological) Hymn, Communal Prayer, Communal Lament or...? », 231-246 (status quaestionis, 232-234). 12 Voir Ravasi, II, 353. Pour Vesco (584), « les deux interprétations sont possibles et conciliables ». 13 Sur cette question des temps dans le psaume, voir M.E. TATE, Psalms 51-100, 154-155 ; P.C. GRAIGIE, Psalms 1-50, 1983, Excursus II : The Translation of Tenses in Hebrew Poetry, 110113 ; voir aussi la longue discussion dans Hossfeld – Zenger, II, 150-153.
Le psaume 67
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COMPOSITION Les cinq parties sont organisées selon la composition à double foyer14. LA PREMIÈRE PARTIE (2-3) + 2 Que Dieu + qu’il fasse-briller
NOUS
ait-en-pitié son visage
et bénisse - NOUS, sur - NOUS,
- 3 pour que soit connu - chez toutes
sur la terre les nations
le chemin - de TOI, le salut - de TOI.
La partie est de la taille d’un morceau qui comprend deux segments bimembres de construction parallèle AA’ – BB’. Les deux membres du premier segment (2) sont globalement synonymes. Le sujet est « Dieu » (2a), pronominalisé dans le deuxième membre. L’objet des actions de Dieu est « nous » (trois fois), c’est-à-dire Israël ; les deux dernières occurrences de « nous » jouent le rôle de termes finaux. Les deux membres du deuxième segment (3) sont parallèles : le verbe, « soit connu » (3a) est économisé dans le second membre, compensé cependant par « toutes ». En fin de membres, « le salut de toi » correspond à « le chemin de toi »15. « Les nations » sont celles qui sont « sur la terre » (« sur » et « chez » traduisent la même préposition de l’hébreu). Le second segment est subordonné au premier. Les pronoms affixes (« toi ») à la fin des membres du second segment (2a.2b) renvoient à « Dieu » au début du premier segment (2a). Au verbe « bénir » (2a) et au syntagme verbal « fairebriller sa face » (2b) du premier segment font écho dans le second segment le substantif « chemin », c’est-à-dire la façon, la manière d’agir (3a), explicité ensuite par « salut » (2b). LA DEUXIÈME ET LA QUATRIÈME PARTIE (4.6) : QU’ILS TE RENDENT-GRÂCE : QU’ILS TE RENDENT-GRÂCE
les peuples, les peuples,
Dieu, tous !
Ces deux courtes parties sont identiques. Les deux membres ne diffèrent que par leurs derniers mots : « Dieu » et « tous », le premier identifiant l’objet du verbe, le second son sujet.
14
Voir R. MEYNET, « Une nouvelle figure : la composition à double foyer ». Le passage de la troisième personne (2) à la deuxième (3) ne doit pas surprendre, car il est fréquent dans les textes poétiques de la Bible. 15
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La cinquième section (Ps 66–72)
LA TROISIÈME PARTIE (5) A JUBILENT et CHANTENT B car TU JUGES B’ et les pays
les pays les peuples avec droiture sur la terre TU CONDUIS.
La partie est de la taille d’un trimembre de type ABB’ (ce segment central est le seul trimembre de tout le psaume). Le premier membre a « les pays » pour sujet, tandis que dans les deux autres c’est « tu », c’est-à-dire Dieu, qui est le sujet. Introduits par « car », ces deux derniers membres donnent les raisons pour lesquelles Dieu doit être loué par les nations ; ils se correspondent termes à termes de manière partiellement croisée : A (bc) / (b’d) A’. « Juger » et « conduire » sont synonymes et de même « pays » et « peuples » ; « avec droiture » et « sur la terre » peuvent être dits complémentaires dans la mesure où chacun de ces deux termes vaut pour l’ensemble des deux membres. LA CINQUIÈME PARTIE (7-8) – 7 LA TERRE : a donné sa récolte, + il nous BÉNIT notre
DIEU DIEU ;
8
+ il nous BÉNIT DIEU : et le craignent – tous les lointains de LA TERRE.
La construction n’est pas parallèle comme dans la première partie (2-3), mais concentrique. « la terre » et « tous les lointains de la terre » (7a.8b) font inclusion ; le premier membre du second segment (8a) reprend les deux premiers termes du second membre du premier segment (7c) ; l’expansion « notre Dieu » se trouve donc au centre de la partie. Le problème est de savoir si « la terre » a ou non le même référent au début (7a) et à la fin (8c). Selon l’interprétation qui voit dans ce psaume un chant d’action de grâce pour les récoltes, « la terre » de 7a est le sol (agricole) d’Israël, « tous les lointains de la terre » de 8c ne pouvant indiquer que les nations païennes, jusqu’aux extrémités du monde. Ainsi la « récolte » engrangée par Israël (7b) serait le signe de la bénédiction dont Dieu a comblé son peuple (7c-8a), ce qui induirait toutes les nations païennes à « craindre » le Dieu d’Israël (8b). Une autre interprétation est toutefois possible. Le fait que « tous les lointains de la terre » craignent Dieu (8bc) serait le signe que la bénédiction de Dieu s’est réalisée pour Israël (8a). La « récolte », ou le fruit, porté par la terre d’Israël (7b) serait justement que tous les peuples craignent le Seigneur. Si l’on comprenait « la terre » de 7a comme synonyme de « tous les lointains de la terre », c’est-à-
Le psaume 67
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dire désignant les nations, les membres extrêmes indiqueraient que la crainte de Dieu est le fruit que donnent les nations et que c’est en cela que consiste la bénédiction d’Israël (7b-8a). L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
Du maitre-de-chant, sur les cordes, psaume, chant. + 2 Que DIEU + qu’il fasse-briller
NOUS ait-en-pitié son visage
et NOUS BÉNISSE, sur NOUS,
– 3 pour que soit connu – chez toutes
sur LA TERRE LES NATIONS
ton chemin, ton salut.
4
Qu’ils te rendent-grâce qu’ils te rendent-grâce 5
Que jubilent car tu juges et LES PAYS 6
Qu’ils te rendent-grâce qu’ils te rendent-grâce
LES PEUPLES, LES PEUPLES,
et chantent LES PEUPLES
sur LA TERRE
DIEU, tous ! LES PAYS, avec droiture tu conduis.
LES PEUPLES,
DIEU, tous !
– 7 LA TERRE + il NOUS BÉNIT
a donné DIEU
NOTRE
+ 8 il NOUS BÉNIT – et le craignent
DIEU tous les lointains
de LA TERRE.
LES PEUPLES,
sa récolte DIEU
Le psaume est construit de manière elliptique, les deuxième et avant-dernière parties constituant les deux foyers de l’ellipse. Les parties extrêmes se correspondent. Le verbe « bénir », son sujet, «Dieu», et son objet, « nous », au début de la première partie (2a) sont repris au centre de la dernière (7b.8a) et nulle part ailleurs (« nous/nôtre » revient trois fois au début de 2-3 et trois fois au centre de 7-8) ; « la terre » dans le second segment de la première partie (3a) est repris aux extrémités de la dernière partie (7a.8b) ; « toutes » de 3b est repris par « tous » en 8b, jouant le rôle de termes finaux. Les parties extrêmes distinguent Israël (« nous » et peut-être « la terre » en 7a et 3a) des autres peuples (« toutes les nations » en 3b à la fin de la première partie, « tous les lointains de la terre » en 8b à la fin de la dernière partie). Dans les trois autres parties au contraire, c’est l’ensemble des peuples qui est invité à rendre grâce à Dieu : « les peuples » (4ab.6ab), qualifiés par l’apposition finale « tous » (4b.6b) et « les pays » (5a) sont sujets de verbes synonymes ; la raison pour laquelle tous sont conviés à la louange est exprimée dans les deux derniers
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La cinquième section (Ps 66–72)
membres de la partie centrale (5bc), c’est que le Seigneur « juge » et « conduit » tous « les peuples » et tous « les pays » qui sont « sur la terre ». Le substantif « terre » revient quatre fois dans le psaume : une fois dans la première partie (3a), une fois dans la partie centrale (5c) et deux fois dans la dernière partie (7a.8b). « Conduire » au centre (5c) et « chemin » dans la première partie (3a) appartiennent au même champ sémantique16 ; bien que moins évident à première vue, il existe aussi un lien entre « juger » au centre (5b) et « craindre » dans la dernière partie (8b), car les jugements de Dieu suscitent la crainte17.
CONTEXTE LA BÉNÉDICTION SACERDOTALE (NB 6,24-26) Le premier verset du psaume reprend les mots de la bénédiction que les prêtres prononcent sur les fils d’Israël (Nb 6,24-27) : Que Yhwh te bénisse Que Yhwh fasse briller son visage sur toi Que Yhwh fasse lever son visage sur toi
et te garde ! et t’aie en pitié ! et mette sur toi la paix !
Avec ces paroles les prêtres bénissent le peuple d’Israël en s’adressant à lui à la deuxième personne du singulier. Dans le psaume c’est Israël lui-même qui invoque la bénédiction de Dieu, en utilisant le « nous ». Le fait que « Yhwh » soit remplacé dans le psaume par « Dieu » (Élohim) est dû au fait que le psaume fait partie du deuxième livre du Psautier où ce dernier nom divin l’emporte très largement sur le tétragramme. LES BONNES RÉCOLTES, BÉNÉDICTION DU SEIGNEUR Des récoltes abondantes, fruit des pluies accordées par le Dieu du ciel, sont une des manifestations — et même la première manifestation — de la bénédiction divine ; elles sanctionnent l’observance des commandements du Seigneur : « Si vous vous conduisez selon mes lois, si vous gardez mes commandements et les mettez en pratique, je vous donnerai en leur saison les pluies qu’il vous faut, la terre donnera ses produits et l’arbre de la campagne ses fruits... » (Lv 26,3-4 ; voir les malédictions parallèles en Lv 26,14s ; voir aussi Dt 11,13-17). 16
Les deux mots sont souvent utilisés ensemble: « Le Seigneur marchait avec eux, le jour dans une colonne de nuée pour leur indiquer la route... » (Ex 13,21); « conduis-moi sur le chemin d’éternité » (Ps 139,24) ; voir aussi Gn 24,27 ; Ex 13,17 ; Is 57,18. 17 Par ex., « sous tes jugements je crains » (Ps 119,120); « La crainte du Seigneur est pure, immuable à jamais, les jugements du Seigneur sont vérité, équitables toujours » (Ps 19,10). Le jugement de Salomon suscite aussi la crainte : « Tout Israël apprit le jugement qu’avait rendu (litt., jugé) le roi, et ils craignirent le roi car ils virent qu’il y avait en lui une sagesse divine pour qu’il rende la justice » (1R 3,28).
Le psaume 67
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C’est à ce signe que le Seigneur se fera connaitre, non seulement par Israël, mais aussi par les autres nations (Ez 34,26-31). LA RÉCOLTE DE LA TERRE « La terre a donné sa récolte » (7a) se retrouve, presque identiquement au verset 12 du Ps 85 : « Notre terre donnera sa récolte » où le mot « récolte » peut être interprété, non pas de manière matérielle mais de façon métaphorique : le fruit de la rencontre amoureuse entre Dieu et la terre d’Israël est un enfant dont la naissance est annoncée18. LA LUMIÈRE DES NATIONS L’universalisme du Ps 67 rappelle celui du second Isaïe (Is 40–55), où l’unicité de Dieu, à l’exclusion de tout autre, est affirmée avec tant de force (45,5.6.14.18.21.22 ; 46,9), unicité du Dieu créateur (45,18) et sauveur (45,15. 21) qui devra être reconnue par tous les peuples (45,14) grâce à Israël son Serviteur dont le Seigneur fera « la lumière des nations » (42,6) ; « C’est trop peu que tu sois pour moi un serviteur pour relever les tribus de Jacob et ramener les survivants d’Israël. Je fais de toi la lumière des nations pour que mon salut atteigne aux extrémités de la terre » (49,6)19.
INTERPRÉTATION Suivant le sens, matériel ou figuré, que l’on reconnait au terme « récolte » (7b), suivant le référent que l’on attribue à chacune des quatre occurrences du mot « terre » (3a.5c.7a.8b) — pour ne rappeler que deux des multiples difficultés du texte —, suivant aussi et surtout que l’on s’attache à tel ou tel détail particulier ou que l’on vise une lecture globale et intégrée, l’interprétation se développera selon deux dimensions, ou à deux niveaux, sur lesquels les nombreuses ambiguïtés du psaume permettent, ou peut-être même imposent, de jouer. UN CHANT DE RÉCOLTES Cantique d’action de grâce L’histoire des formes voit dans ce psaume, surtout à cause de 7a (« la terre a donné sa récolte »), un chant d’action de grâce à l’occasion des récoltes. À la vue des fruits abondants dont il bénéficie, Israël reconnait avec gratitude que son Dieu l’a béni (7b-8a). En effet, la bénédiction divine se concrétise en premier
Voir R. MEYNET, « L’enfant de l’amour (Ps 85) » ; ID., Le Psautier. Troisième livre, 161-174. 19 Voir R. MARTIN-ACHARD, Israël et les nations. 18
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lieu par la fécondité, celle de la terre comme celle des hommes, c’est-à-dire par le don de la vie. Prière de supplication En même temps qu’il rend grâce pour les dons de l’année écoulée — ou pour les premières gerbes — (7a), dans le même mouvement Israël implore son Dieu de continuer à le bénir dans l’avenir, de lui donner une nouvelle année de bonnes récoltes (2). Dans cette ligne interprétative, les trois verbes de 7b et 8 peuvent être compris comme des optatifs : « Qu’il nous bénisse Dieu, notre Dieu ! Qu’il nous bénisse Dieu, et que le craignent tous les lointains de la terre ! » Chant de bénédiction À la vue de ces bénédictions dont le Dieu d’Israël a comblé son peuple (7a) et de celles dont il ne manquera pas de le favoriser (2), toutes les nations païennes connaitront la manière (3a) dont Dieu sauve son peuple (3b) et ils le craindront jusqu’aux extrémités de la terre (8). Ils pourront alors unir leur voix à celle du peuple élu pour rendre grâce au Dieu unique qui montre ainsi comment il juge et conduit tous les peuples de la terre avec droiture (4-6). À la bénédiction que Dieu fait descendre sur son peuple répondra celle de toutes les nations rassemblées dans une unique louange. LE CHANT DU MONDE L’interprétation qui vient d’être menée s’appuie essentiellement sur le début de l’avant-dernier verset du psaume, « la terre a donné sa récolte » (7a), compris dans son sens direct et matériel des récoltes produites par la terre d’Israël. À partir de là, le premier verset du psaume (2) est situé, lui aussi, sur la même ligne interprétative : ce qu’Israël demande, ce sont les pluies qui lui permettront d’obtenir encore de bonnes récoltes dans l’avenir. Certes, cette interprétation est légitimée par le fait que les bonnes récoltes sont, dans d’autres textes, considérées comme le premier signe de la bénédiction divine répandue par Dieu sur Israël, signe destiné à tous les païens pour qu’ils reconnaissent sa puissance et sa bonté20. Le point faible de cette lecture — ou tout au moins sa limite — est qu’elle est parcellaire, qu’elle ne repose que sur un des sens possibles de membres isolés, et même d’un seul membre, autrement dit qu’elle ne prend pas suffisamment en compte la construction du texte et sa cohérence. L’analyse rhétorique, attentive aux phénomènes de com-position, s’attache à com-prendre les éléments les uns 20
« Il est évident que la bénédiction de Yahvé s’étendait bien au-delà des moissons. [...] Sous le rayonnement de la justice, c’est tout l’effort humain qui prospère. Si l’on doit accuser Israël de matérialisme, est-ce parce qu’il récapitule l’idée sous son aspect le plus concret ? Le Pater, en demandant “le pain de chaque jour”, en fait autant » (É. BEAUCAMP – J. DE RELLES, « “C’est la gloire de mon Père” », 31).
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par rapport aux autres, et tente ainsi de découvrir la logique du texte à la fois dans son ensemble et, partant, dans chacune de ses parties. S’il est vrai que le centre d’une composition en est la clé de voûte, ou la clé de lecture, comme l’avaient déjà remarqué les fondateurs de l’analyse rhétorique, c’est de la partie centrale du psaume qu’il faut partir pour l’interpréter selon la vision de son auteur. C’est de là que jaillira la lumière qui éclairera tout le reste du chant. Dans le cas, plus rare, d’une construction elliptique, ce sont ses deux foyers qui fourniront la clé. Le chœur de l’ensemble des nations (4.6) Le caractère spécifique des trois parties centrales (4-6) par rapport au reste du psaume est qu’il n’est plus de distinction entre Israël et les autres nations. Et c’est encore plus clair dans les deux foyers de la construction : « tous » sont réunis dans la même action de grâce, « tous » sont tournés ensemble vers le seul « Dieu » (4.6)21. Ils sont unis dans une seule jubilation et un unique chant, adressés au Dieu unique qui les « juge » et les « conduit » tous avec droiture sur l’ensemble de la terre (5). Cependant, il faut bien voir que cette unité de tous les peuples dans la même foi n’est pas encore réalisée : tous les verbes des propositions principales sont des inaccomplis, ce sont des souhaits, pour un avenir qui n’est pas encore réalisé. En outre, il ne faudrait pas négliger le fait que ce vœu insistant est une prière adressée par Israël à son Dieu. Au moment où elle est prononcée, cette supplication n’est pas encore sur les lèvres de l’ensemble de toutes les nations, mais sort de la seule bouche de l’unique peuple de Dieu. En réalité, c’est la supplication d’aujourd’hui qui appelle une action de grâce commune située dans le futur. L’affirmation de foi sur laquelle se focalise la prière, « car tu juges les peuples avec droiture et les nations sur la terre tu les conduis », peut être comprise — et sans doute elle doit l’être — comme la raison pour laquelle toutes les nations jubileront et chanteront (5a), mais pour l’instant, c’est Israël seul qui la prononce. Ces versets peuvent être entendus comme une invitation lancée par Israël à toutes les nations à s’unir à sa louange et à sa confession de foi ; ils sont surtout une prière adressée à Dieu et la reconnaissance du dessein de Dieu qui, par le moyen du témoignage du peuple qu’il a choisi entre tous, veut réunir toutes les nations dans l’unique famille de ses enfants. La supplication d’Israël (2-3) La première partie du psaume est elle aussi une prière adressée par Israël à « Dieu ». Si la supplication est composée pour être chantée par les fils d’Israël (« nous »), il n’est sans doute pas indifférent qu’elle ne s’adresse pas à « notre Dieu », mais à Dieu tout court, celui qui est certes appelé à répandre sa 21
Voir S. WEISSBLUETH, « On Psalm 67 », qui rappelle les interprétations des grands commentateurs juifs, comme Rashi et Radaq.
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La cinquième section (Ps 66–72)
bénédiction sur son peuple, mais qui est indissociablement le Dieu de toute la terre. Il peut sembler qu’en commençant, l’orant ne précise pas en quoi consistent la pitié et la bénédiction qu’il réclame (2a), qu’il ne dise pas en quoi consiste au juste la lumière divine qu’il désire (2b). Cependant, sa phrase ne s’arrête pas là et, dans un même souffle, il exprime clairement la raison de sa requête : il faut que toutes les nations connaissent ainsi le chemin et le salut de Dieu (3). Tout en distinguant Israël des autres peuples et tout en donnant la préséance au premier, le psalmiste les unit dans la même connaissance de Dieu. Ce que demande le psalmiste est que « toutes les nations » soient unies à son propre peuple dans la connaissance du « chemin » et du « salut » de Dieu. Il le demande comme le signe ultime de sa propre bénédiction. En le demandant, il ne fait en sorte que reconnaitre que tel est le chemin par lequel Dieu accordera son salut à tous. L’action de grâce d’Israël (7-8) Par-delà l’invitation chorale lancée à toutes les nations, invitation qui prend la forme d’une supplique adressée au Dieu unique (4-6), le chant débouche sur une sorte de constat : la prière a été exaucée, « la terre a donné sa récolte » (7a). Le désir de l’orant est si fort, sa foi dans la volonté de Dieu sont tels qu’il lui est impossible d’imaginer que sa requête pourrait ne pas être exaucée. Même si tout lui montre que le dessein de Dieu n’est pas encore réalisé, en prophète il en voit déjà l’accomplissement. Sa vision de foi est apocalyptique, elle considère l’eschatologie comme déjà réalisée. Quand les nations venues des confins de la terre craignent Dieu, il reconnait que la bénédiction qu’il implorait est descendue d’en haut sur son peuple. Comme s’il ne pouvait reconnaitre Dieu comme son Dieu, comme le Dieu d’Israël (7d) que lorsqu’il est reconnu comme tel par toute la terre. « La terre a donné sa récolte ». De quelle terre s’agit-il ? De la terre d’Israël certainement, dans la vision de foi qui veut que toutes les nations accèdent à la crainte de Dieu et à son salut par le moyen du peuple que Dieu s’était choisi parmi tous les peuples à cette fin. De toute la terre indissociablement, dans la mesure où la crainte de Dieu a germé et a fructifié ainsi dans tous les peuples. À cause de sa forme qui calque celle de la menora, le chandelier à sept branches, le Psaume 67 est appelé dans la tradition juive le « psaume-menora ». Ce qualificatif lui convient parfaitement aussi pour son contenu. C’est par Israël que la lumière de la connaissance parvient à toutes les nations (3b), jusqu’aux limites du monde ; cette lumière n’est autre que celle du Dieu qui veut faire briller son visage sur tous les peuples (2b).
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D’après Amos Hakham, Sefer tehillîm, Jérusalem, I., 386.
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Il n’est donc pas étonnant que les chrétiens aient reconnu dans ce psaume l’accomplissement de la prophétie : 3
Que si notre Évangile demeure voilé, c’est pour ceux qui se perdent qu’il est voilé, pour les incrédules, dont le dieu de ce monde a aveuglé l’entendement afin qu’ils ne voient pas briller l’Évangile de la gloire du Christ, qui est l’image de Dieu. 5 Car ce n’est pas nous que nous prêchons, mais le Christ Jésus, Seigneur ; nous ne sommes, nous, que vos serviteurs, à cause de Jésus. 6 En effet le Dieu qui a dit : « Que des ténèbres resplendisse la lumière », est Celui qui a resplendi dans nos cœurs, pour faire briller la connaissance de la gloire de Dieu, qui est sur la face du Christ (2Co 4,3-6)22. 4
Bien évidemment, ces quelques versets de Paul ne se réfèrent pas directement au Psaume-menora. Cependant, à cause de la thématique de la lumière qui les sature et en jaillit de toutes parts, le lecteur et orant chrétien pourra y reconnaitre la plus éclatante interprétation du psaume. Pour lui, la lumière portée par le chandelier, « le fruit de la terre » qu’il annonce et prédit reçoit un Nom, et la figure jusque-là lumineusement obscure un visage : la face resplendissante que dépeint la bonne nouvelle de l’Évangile. La liturgie catholique23 ne s’y est pas trompée qui fait chanter le psaume huit jours après Noël, au premier jour de l’an. La prière du chrétien issu des nations, adressée au Dieu qui fit jaillir la lumière au premier jour de la Création, ne saurait oublier de mentionner jour après jour dans son action de grâce le Peuple qui fut et demeure à jamais choisi, le premier entre tous, pour lui transmettre la lumière.
22 Voir É. BEAUCAMP – J. DE RELLES, « “C’est la gloire de mon Père que vous portiez beaucoup de fruit”. Ps 67 » ; B. OTTE, « Reflexiones de teología misional inspiradas en el salmo 67 ». 23 Même si l’on peut regretter qu’elle défigure le poème biblique (voir nt. 5).
3. LE PSAUME 68 TEXTE 1
Du maitre-de-chant, de David, psaume, chant. 2 Se lève Dieu, se dispersent ses ennemis et fuient ses haïssant devant sa face. 3 Comme se dissipe la fumée, tu les dissipes, comme fond la cire devant la face du feu, ils périssent, les méchants, devant la face de Dieu. 4 Mais les justes se réjouissent, ils exultent à la face de Dieu, et sont-en-liesse dans la réjouissance. 5 Chantez à Dieu, psalmodiez son nom, frayez-la-voie au Chevaucheur des steppes, en Yah son nom, et jubilez à sa face. 6 Père des orphelins et défenseur des veuves, Dieu (est) dans son lieu de sainteté ; 7 Dieu fait-résider les isolés dans une maison, il fait-sortir les prisonniers en liberté ; mais les rebelles demeurent en lieux-arides. 8 Dieu, quand tu sortis à la face de ton 9 la terre trembla, les cieux mêmes peuple, quand tu procédas dans le lieu-désolé, ruisselèrent devant la face de Dieu, celui du Sinaï, devant la face de Dieu, le Dieu d’Israël. 10 Une pluie à volonté tu répandis, Dieu, 11 ton ton héritage, exténué, toi, tu l’affermis ; assemblée a résidé dans celui-là que tu préparais en ta bonté, au miséreux, Dieu. 12 Le Seigneur a donné un ordre, les messagères une armée nombreuse ; 13 les rois des armées détalent, détalent, et la belle de la maison partage le butin. 14 Si vous reposez entre les deuxmurets, les ailes de la tourterelle se couvrent d’argent et ses plumes d’un reflet d’or-vert ; 15 quand dispersait Shaddaï les rois sur elle, il neigeait sur le Salmôn. 16 Montagne de Dieu, la montagne de Bashân, montagne sourcilleuse, la montagne de Bashân ! 17 Pourquoi jalouser, montagnes sourcilleuses, la montagne que Dieu a désirée pour résidence ? Oui, Yhwh y demeurera jusqu’à la fin. 18 Les chars de Dieu deux-myriades, des milliers de répétitions ; le Seigneur est en eux du Sinaï au sanctuaire. 19 Tu es monté vers la hauteur, tu as capturé des captifs, tu as pris en tribut des hommes, même les rebelles, pour que demeure Yah Dieu. 20 Béni (soit) le Seigneur de jour en jour, il prend charge de nous, le Dieu de notre salut. 21 Le Dieu pour nous (est) un Dieu de délivrances et à Yhwh le Seigneur de la mort les issues ; 22 mais Dieu défonce la tête de ses ennemis, le crâne chevelu qui va-et-vient dans ses crimes. 23 A dit le Seigneur : « De Bashân je fais revenir, je fais revenir des abimes de la mer, 24 afin que tu enfonces ton pied dans le sang, que la langue de tes chiens des ennemis ait sa part. » 25 Ils ont vu tes processions, Dieu, les processions de mon Dieu, mon roi, au sanctuaire : 26 précédaient les chantres, derrière les musiciens, au milieu les jeunes filles, tambourinant. 27 En chœurs ils bénissaient Dieu : Yhwh, dès l’origine d’Israël. 28 Là Benjamin le cadet les conduit ; les princes de Juda en habits-brodés, les princes de Zabulon, les princes de Nephtali. 29 A commandé ton Dieu ta puissance, la puissance, Dieu, que tu as faite pour nous ; 30 de ton Temple sur Jérusalem à toi apporteront les rois des présents. 31 Menace la bête des roseaux, la bande de taureaux avec des veaux de peuples, qui s’humilie avec des lingots d’argent. Il a dispersé les peuples qui les conflits aiment : 32 viendront des nobles depuis l’Égypte, Kush tendra les mains vers Dieu. 33 Royaumes de la terre, chantez à Dieu, psalmodiez le Seigneur, 34 au Chevaucheur des cieux, des cieux antiques, voici, il donne de sa voix, voix de puissance. 35 Donnez la puissance de Dieu, sur Israël sa splendeur et sa puissance dans les nues. 36 Redoutable (tu es) Dieu, de tes sanctuaires, Dieu d’Israël lui, donnant puissance et vigueurs au peuple. Béni (soit) Dieu !
Ce psaume est fameux pour ses difficultés textuelles et pour l’abondance de la littérature secondaire qu’il a suscitée1. 1
Voir Ravasi, II, 362.
318
La cinquième section (Ps 66–72)
V. 2-4 : « SE LÈVE DIEU
»...
Suivant les versions, plusieurs traduisent les inaccomplis par des jussifs2. V. 7
: « EN LIBERTÉ »
Cet hapax est rendu diversement par les traducteurs en fonction du contexte. V. 12
: « A DONNÉ UN ORDRE »
Litt., « un mot ». Il semble que « une armée nombreuse » soit « les messagères » qui transmettent la parole, « l’ordre » de Dieu. V. 14A : « LES DEUX-MURETS
»
e
Le terme hébreu š pattāyim (qui ne se retrouve qu’en Ez 40,43) peut désigner les deux pierres du foyer et l’expression signifierait : « Si vous reposez près du foyer ». L’allusion au cantique de Débora semble claire et le terme de Ps 68,14 est la plupart du temps assimilé à mišpetayim de Jg 5,16 traduit par « les deux murets » (du parc à moutons). V. 14BC : « LA TOURTERELLE
»
Le terme yônâ désigne tous les columbidés, pigeons et tourterelles aussi bien que colombe blanche. Le plumage du pigeon et de la tourterelle a des reflets colorés et métalliques. Certains ont donc vu dans cette image un trait ironique : ceux qui ont refusé de se rendre à l’invitation de Débora pour combattre n’auront d’autre butin que l’argent et l’or du plumage de la tourterelle qui a préféré rester au foyer3. V. 15A : « SUR ELLE
»
Il n’est pas facile d’identifier le référent du pronom. V. 18 : « DES MILLIERS DE RÉPÉTITIONS »
Le terme šin’ān est un hapax, qu’on peut faire dériver de šnh, « répéter ». V. 28 : « HABITS-BRODÉS
»
Nouvel hapax ; lisant avec un manuscrit riqmātām au lieu de rigmātām4.
2
Par ex., Dhorme, Ravasi, Vesco. R. PAUTREL, « “Si dormiatis inter medios cleros” (Ps 68,14). 4 Vesco, 589, nt. 4. 3
Le psaume 68 V. 31C
319
: « QUI S’HUMILIE, AVEC DES LINGOTS D’ARGENT »
Traduction conjecturale. D’après le contexte, il semble qu’il s’agit de tribut. V. 32
: « NOBLES »
Hapax legomenon, interprété comme « nobles » ou « choses précieuses »5. COMPOSITION Le psaume s’organise en cinq parties, autour de la seule question du texte. LA PREMIÈRE PARTIE (2-7) – 2 Se lève – et fuient
DIEU, ses haïssant
– 3 Comme se dissipe – comme fond – ils périssent
la fumée, la cire les méchants
+ 4 Mais LES JUSTES + ils exultent + et sont-en-liesse
à la face de
se dispersent
ses ennemis
devant sa face. tu les dissipes,
devant la face du devant la face de
feu, DIEU.
se réjouissent, DIEU
dans la réjouissance.
················································································································· 5 CHANTEZ à DIEU, PSALMODIEZ son nom,
+ +
FRAYEZ-LA-VOIE au Chevaucheur des steppes, en YAH son nom, et JUBILEZ à sa face. ················································································································· 6 Père DES ORPHELINS et défenseur DES VEUVES, DIEU (est) dans son lieu de sainteté ;
+ 7 DIEU + il fait-sortir – mais les rebelles
fait-résider
LES ISOLÉS
LES PRISONNIERS
en liberté ; en lieux-arides.
demeurent
dans une maison,
Le premier morceau oppose les malheurs qui arrivent aux « ennemis » de Dieu (2-3) à la réjouissance des « justes » (4). Outre le nom de « Dieu » qui revient dans chaque segment, « devant sa/la face de » revient trois fois dans les deux premiers segments, à quoi fait écho « à la face de » dans le dernier. De manière analogue, le dernier morceau oppose ce que Dieu fait en faveur des « orphelins », « veuves », « isolés » et « prisonniers » (6-7b) et ce qui advient aux « rebelles » (7c). Au centre, un court morceau où les justes sont invités à « chanter », « psalmodier »... pour Dieu (5). « À sa face » de 5c rappelle les 5
Hossfeld – Zenger, II, 160.
320
La cinquième section (Ps 66–72)
quatre occurrences semblables du premier morceau ; « steppes » (5b) sera repris par « lieux-arides » de la fin du troisième morceau. LA DEUXIÈME PARTIE (8-13) + 8 DIEU, + quand tu procédas
quand tu sortis dans le lieu-désolé,
+ 9 la terre + les cieux mêmes
trembla, ruisselèrent
+ devant la face de + devant la face de
DIEU, DIEU,
à la face
de ton peuple,
celui le Dieu
du Sinaï, d’Israël.
·····························································································································
:: 10 Une pluie :: ton héritage,
à volonté exténué,
tu répandis, toi,
DIEU, tu l’affermis ;
:: 11 ton assemblée :: que tu préparais
a résidé en ta bonté,
dans celui-là au miséreux,
DIEU.
·····························································································································
– 12 LE SEIGNEUR – les messagères
a donné une armée
un ordre, nombreuse ;
– 13 les rois – et la belle
des armées de la maison
détalent, partage
détalent, le butin.
Cette partie évoque les grands événements de l’exode. C’est d’abord la sortie d’Égypte dans le désert, Dieu en tête de son peuple (8), et la théophanie du « Sinaï » (9). Le deuxième morceau rapporte le don de la manne et des cailles que Dieu « fit pleuvoir » (Ex 16,4) pour le peuple affamé — son « héritage », son « assemblée ». Dans le troisième morceau enfin ce sont les victoires sur « les rois » qui s’opposaient à l’avancée d’Israël : fuite des rois, partage du butin (13). LA TROISIÈME PARTIE (14-19) La partie centrale du psaume confirme deux lois de la rhétorique biblique. La première est « la loi de la question au centre » : en effet, la seule question du psaume se trouve au centre de ce passage central (17ab). La seconde c’est le caractère énigmatique du centre ; il n’est donc pas étonnant que ce passage soit si difficile à comprendre. Le premier morceau commence avec une référence au Cantique de Débora (Jg 5,16) : un reproche adressé à Ruben qui avait refusé l’invitation de Débora à participer à la coalition contre Sisera, général de Yabîn, roi de Canaan. Ironiquement, leur part de butin se limiterait donc à l’argent et à l’or du plumage de la tourterelle. Le deuxième segment (15) pourrait s’opposer au précédent : pen-
Le psaume 68
321
dant que Ruben se repose, « Shaddaï » combat pour Israël (15a), couvrant de neige le mont Salmôn, montagne basaltique noire du Bashân, c’est-à-dire changeant totalement son sort. Le dernier morceau montre le Seigneur qui prend possession de son sanctuaire avec toute sa charrerie, depuis le Sinaï (18) ; il y entraine comme prisonniers ceux qui se sont rebellés contre lui, pour y « demeurer » (19). Le morceau central comprend trois segments. Dans le premier le psalmiste interpelle « la montagne de Bashan », la qualifiant de « montagne sourcilleuse ». Après la question qui oppose « les montagnes sourcilleuses » à celle que « Dieu a désiré pour séjour » (17ab), vient la réponse définitive, en un segment unimembre (17c). – 14 Si vous reposez : les ailes : et ses plumes
entre de la tourterelle d’un reflet
les deux-murets, se couvrent d’or-vert ;
d’argent
+ 15 quand dispersait : il neigeait
SHADDAÏ sur le Salmôn.
les rois
sur elle,
·····················································································································
= 16 Montagne = montagne
de DIEU, sourcilleuse,
la montagne la montagne
de Bashân, de Bashân !
- 17 Pourquoi - la montagne
jalouser, que DIEU
montagnes a désirée
sourcilleuses, pour résidence ?
= Oui, YHWH
y DEMEURERA
jusqu’à la fin.
····················································································································· 18
+ Les chars + des milliers + LE SEIGNEUR
de DIEU de répétitions ; est en eux
deux-myriades, du Sinaï
au sanctuaire.
+ 19 Tu es monté + tu as pris + pour que DEMEURE
vers la hauteur, en tribut YAH
tu as capturé des hommes, DIEU.
des captifs, même les rebelles,
À la fin des premiers membres des morceaux extrêmes, le duel « deuxmyriades » (18a) semble répondre à celui de 14a, « les deux-murets ». Les deux occurrences de « demeurer » (17c.19c) jouent le rôle de termes finaux pour les deux derniers morceaux.
322
La cinquième section (Ps 66–72)
LA QUATRIÈME PARTIE (20-28) + 20 BÉNI (soit) + il prend-charge
le SEIGNEUR de nous,
de jour le DIEU
en jour, de notre salut.
+ 21 Le DIEU + et à YHWH
pour nous LE SEIGNEUR
(est) un DIEU de la mort
de délivrances les issues ;
- 22 mais DIEU - le crâne
défonce chevelu
la tête qui va-et-vient
de ses ennemis, dans ses crimes.
···························································································································· + 23 A dit le SEIGNEUR : « De Bashân je fais revenir,
+ je fais revenir
des abimes
de la mer,
- afin que - que la langue
tu enfonces de tes chiens
ton pied des ennemis
dans le sang, ait sa part. »
:: 25 Ils ont vu :: les processions
tes processions, de mon DIEU,
DIEU, mon roi,
au sanctuaire :
les chantres, les jeunes-filles,
derrière tambourinant.
24
26
- précédaient - au milieu
les musiciens,
···························································································································· :: 27 En chœurs ILS BÉNISSAIENT DIEU : dès l’origine d’Israël. :: YHWH,
- 28 Là - les princes - les princes
Benjamin de Juda de Zabulon,
le cadet en habits-brodés, les princes
les conduit ; de Nephtali.
Les deux premiers segments du premier morceau (20-21) disent ce que le Seigneur fait en faveur de « nous », « salut » et « délivrances » ; le dernier segment ce qu’il fait contre « ses ennemis » et leurs « crimes ». De même dans le deuxième morceau le premier segment s’achève avec « des abimes de la mer » qui rappelle « les issues de la mort » à la fin du deuxième segment du premier morceau (21b) ; quant au dernier segment il traite, comme le dernier segment du premier morceau, des « ennemis », les deux parties du corps « ton pied » et « la langue » correspondant à « la tête » et « le crâne » de 22. La deuxième sous-partie décrit une liturgie du « sanctuaire » (25b), avec « processions » (25ab), « chantres » et « musiciens » (26a), « jeunes filles » avec leurs tambourins (26b). Le deuxième morceau commence par dire ce qu’ils font, bénir Dieu (27), avant de donner les nom des tribus qui participent à la liturgie, « Benjamin » et « Juda » au sud, « Zabulon » et « Nephtali » au nord (28). Les deux occurrences de « bénir » se trouvent au début des morceaux extrêmes (20a.27a). Les noms divins atteignent le nombre de douze. On peut comprendre que le Seigneur « fait revenir » le culte « de Bashan » à son « sanctuaire » de Jérusalem.
Le psaume 68
323
LA CINQUIÈME PARTIE (29-36) + 29 A COMMANDÉ + LA PUISSANCE, 30
TON DIEU DIEU,
TA PUISSANCE, que tu as faite
pour nous ;
- de ton TEMPLE - à toi
sur Jérusalem apporteront
- qui s’humilie
avec des lingots
d’argent.
+ IL A DISPERSÉ - 32 viendront - Kush
LES PEUPLES
des nobles tendra
qui les conflits depuis les mains
aiment : l’Égypte, vers Dieu.
de la terre,
CHANTEZ
à DIEU, antiques,
LES ROIS des présents. ··························································································································· + 31 MENACE la bête des roseaux, DE PEUPLES, + la bande de taureaux avec des veaux
+ 33 ROYAUMES + PSALMODIEZ
LE SEIGNEUR,
- 34 au Chevaucheur - voici, - voix
des cieux, il donne DE PUISSANCE.
des cieux de sa voix,
+ 35 DONNEZ + sur Israël
LA PUISSANCE sa splendeur
de DIEU, ET SA PUISSANCE
dans les nues.
··························································································································· + 36 Redoutable (tu es) DIEU, de tes SANCTUAIRES ; + DIEU d’Israël lui, PUISSANCE et vigueurs AU PEUPLE. + donnant
= Béni
(soit) DIEU !
Dans le premier morceau de la première sous-partie « la puissance » que Dieu a ordonnée pour son peuple (29) semble venir des « présents » que « les rois » étrangers apportent au Temple de Jérusalem (30). Le deuxième morceau reprend un mouvement analogue : sous la menace divine les « peuples » (31ab) livreront des « lingots d’argent » (31c), « les peuples » une fois dispersés (31d), des nobles d’Égypte et d’Éthiopie viendront à Jérusalem « tendre les mains vers Dieu », pour la prière et pour les offrandes (32ab). « La bête des roseaux » (31ab) semble annoncer « l’Égypte » (32a). Dans la deuxième sous-partie le psalmiste invite les « royaumes de la terre » qu’il avait évoqués dans la première sous-partie à louer Dieu (33) en reconnaissant sa « puissance » qui se manifeste « sur Israël » et « dans les nues » (35). Le second morceau au contraire est adressé à Dieu et le bénit pour la « puissance » qu’il a donnée à son « peuple ». « Puissance » ne revient pas moins de six fois (29a.29b.34c.35a.35b.36c). « Temple » et « sanctuaires » encadrent la partie (30a.36a). « Peuple(s) » revient trois fois (31b.31d.36c), « royaumes » (33a) renvoie à « rois » (30b).
324
La cinquième section (Ps 66–72)
L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
Du maitre-de-chant, de David, psaume, chant. 2
DIEU se lève, ses ennemis se dispersent et ses haïssant fuient devant sa face. 3 Comme se dissipe la fumée, tu les dissipes, comme fond la cire devant la face du feu, ils périssent les méchants, devant la face de Dieu. 4 Mais les justes se réjouissent, ils exultent à la face de Dieu, et sont en liesse dans la réjouissance. 5 CHANTEZ À DIEU, PSALMODIEZ son nom, frayez la voie AU CHEVAUCHEUR DES STEPPES, en Yah son nom, et jubilez à sa face. 6 Père des orphelins et défenseur des veuves, Dieu est dans SON LIEU DE SAINTETÉ ; 7 Dieu FAIT RÉSIDER les isolés dans une maison, fait sortir les prisonniers en liberté ; mais LES REBELLES demeurent en lieux arides. 8
DIEU, quand tu sortis à la face de ton peuple, quand tu procédas dans le lieu désolé, 9 la terre trembla, les cieux mêmes ruisselèrent devant la face de Dieu, celui du Sinaï, devant la face de Dieu, le Dieu d’Israël. 10 Tu répandis une pluie à volonté, Dieu, ton héritage, exténué, toi, tu l’affermis ; 11 ton assemblée A RÉSIDÉ dans celui-là que tu préparais en ta bonté, au miséreux, Dieu. 12 Le Seigneur a donné un ordre, les messagères une armée nombreuse ; 13 LES ROIS des armées détalent, détalent, et la belle de la maison partage le butin. 14
Si vous reposez entre les deux murets, les ailes de la tourterelle se couvrent d’argent et ses plumes d’un reflet d’or vert ; 15 quand Shaddaï dispersait LES ROIS sur elle, il neigeait sur le Salmôn. 16 Montagne de Dieu, la montagne de Bashân, montagne sourcilleuse, la montagne de Bashân ! 17 Pourquoi jalouser, montagnes sourcilleuses, LA MONTAGNE QUE DIEU A DÉSIRÉE POUR RÉSIDENCE ? Oui, Yhwh y demeurera jusqu’à la fin. 18 Les chars de Dieu deux myriades, des milliers de répétitions ; le Seigneur est en eux du Sinaï AU SANCTUAIRE. 19 Tu es monté vers la hauteur, tu as capturé des captifs, tu as pris en tribut des hommes, même LES REBELLES, pour que demeure Yah Dieu. 20
BÉNI soit LE SEIGNEUR de jour en jour, il nous prend en charge, le Dieu de notre salut. 21 Le Dieu pour nous est un Dieu de délivrances et à Yhwh le Seigneur sont les issues de la mort ; 22 mais Dieu défonce la tête de ses ennemis, le crâne chevelu qui va et vient dans ses crimes. 23 Le Seigneur a dit : « De Bashân je fais revenir, je fais revenir des abimes de la mer, 24 afin que tu enfonces ton pied dans le sang, que la langue de tes chiens ait sa part des ennemis. » 25 Ils ont vu tes processions, Dieu, les processions de mon Dieu, MON ROI, AU SANCTUAIRE : 26 les chantres précédaient, les musiciens derrière, au milieu les jeunes filles, tambourinant. 27 En chœurs ILS BÉNISSAIENT Dieu : Yhwh, dès l’origine d’Israël. 28 Là Benjamin le cadet les conduit ; les princes de Juda en habits-brodés, les princes de Zabulon, les princes de Nephtali. 29
TON DIEU a commandé ta puissance, la puissance, Dieu, que tu as faite pour nous ; 30 de TON TEMPLE sur Jérusalem à toi LES ROIS apporteront des présents. 31 Menace la bête des roseaux, la bande de taureaux avec des veaux de peuples, qui s’humilie avec des lingots d’argent. Il a dispersé les peuples aiment qui les conflits : 32 des nobles viendront depuis l’Égypte, Kush tendra les mains vers Dieu. 33 ROYAUMES de la terre, CHANTEZ À DIEU, PSALMODIEZ le Seigneur, 34 AU CHEVAUCHEUR DES 35 CIEUX, des cieux antiques, voici, il donne de sa voix, voix de puissance. Donnez la puissance de Dieu, sur Israël sa splendeur et sa puissance dans les nues. 36 Redoutable tu es, Dieu, de TES SANCTUAIRES, il est Dieu d’Israël lui, donnant puissance et vigueurs au peuple. BÉNI soit Dieu !
Le psaume 68
325
Les deux premières parties ont en commun « à/devant la face de Dieu » (3.4 ; 9bis) ou « devant/à sa face » (2.5) ainsi que « devant la face du feu » (3) et « à la face de ton peuple » (8) ; ces expressions ne se retrouveront plus par la suite. Les synonymes « se dispersent » et « fuient » (2) et « détalent, détalent » (13) jouent le rôle de termes extrêmes pour ces deux parties. « Orphelins » et « veuves », « isolés » et « prisonniers » à la fin de la première partie (6-7) sont assumés sous le nom générique de « miséreux » au centre de la deuxième partie (11). Les deux dernières parties sont encadrées par les deux occurrences de « bénir » (20.36), verbe qui revient aussi en 27. Les parties extrêmes sont marquées par la reprise de « Chantez à Dieu, psalmodiez [...] au Chevaucheur des steppes/des cieux » (5.33-34). Il faut aussi noter que dans la première partie revient souvent « la face » (et aussi au début de la deuxième partie), et dans la dernière « puissance » ; il s’agit de « la face de Dieu » (2.3.4.5.9) et de « la puissance de Dieu » (29.34.35.36). Dans la partie centrale, « les rois » (15) rappellent « les rois » de 13 et de 30, ainsi que « royaumes » de 33, sans oublier que Dieu est appelé « mon roi » en 25. Au centre « la montagne que Dieu a désirée pour résidence » (17a) trouve un écho à la fin de la première partie avec « son lieu de sainteté » (6), « sanctuaire » dans la quatrième partie (25), dans la cinquième avec « ton Temple » (30) et « tes sanctuaires » (36) ; on pourra noter que « résidence » est de la même racine que « résider/faire résider » (7.11) et que « demeurer » (17b.19) apparaissait déjà à la fin de la première partie (7). À la fin de la partie « les rebelles » (19) se trouvait déjà à la fin de la première partie (7).
CONTEXTE INVOCATION DE MOÏSE Les premiers mots du psaume décalquent l’invocation de Moïse : « Quand l’arche partait Moïse disait : “Lève-toi, Yhwh, que se dispersent tes ennemis, que fuient tes haïssant devant ta face” » (Nb 11,35). « À l’étape il disait : “Reviens, Yhwh, vers les multitudes des milliers d’Israël” (36), ce qui peut rappeler Ps 68,18. LE CANTIQUE DE DÉBORA ET DE BARAQ Les rapports avec le cantique de Débora en Jg 5 sont nombreux : – les versets 8-9 : 8
Dieu, quand tu sortis à la face de ton peuple, quand tu procédas dans le lieu désolé, la terre trembla, les cieux mêmes ruisselèrent devant la face de Dieu, celui du Sinaï, devant la face de Dieu, le Dieu d’Israël.
9
rappellent Jg 5,4-5 :
326
La cinquième section (Ps 66–72)
4
Yhwh, quand tu sortis de Séïr, quand tu procédas dans les campagnes d’Édom, la terre trembla, les cieux mêmes ruisselèrent, les nuées fondirent en eau. 5 Les montagnes coulèrent devant Yhwh, celui du Sinaï, devant Yhwh, le Dieu d’Israël.
– le verset 13 : les rois des armées détalent, détalent, et la belle de la maison partage le butin.
renvoie à : 19
Les rois sont venus, ils ont combattu, alors ils ont combattu, les rois de Canaan, à Tanak, aux eaux de Megiddo, mais ils n’ont pas ramassé d’argent en butin. [...] 22 Alors les sabots des chevaux ont martelé le sol: ils galopent, ils galopent, ses coursiers! (Jg 5,19.22).
– Le verset 14 : Si vous reposez entre les deux murets, les ailes de la tourterelle se couvrent d’argent et ses plumes d’un reflet d’or vert
rappelle que Ruben n’avait pas accepté l’invitation de Débora à combattre, ainsi que les tribus de Gad, Dan et Asher : 16
Pourquoi es-tu resté dans les enclos à l’écoute des sifflements, près des troupeaux ? Dans les clans de Ruben, on s’est concerté longuement. 17 Galaad est resté au-delà du Jourdain, et Dan, pourquoi vit-il sur des vaisseaux ? Asher est demeuré au bord de la mer, il habite tranquille dans ses ports (Jg 5,16-17).
– Le verset 28 : Là Benjamin le cadet les conduit ; les princes de Juda en habits-brodés, les princes de Zabulon, les princes de Nephtali
est repris par : 14
Les princes d’Éphraïm sont dans la vallée. Derrière toi Benjamin est parmi les tiens. De Makir sont descendus des chefs, de Zabulon, ceux qui portent le bâton de commandement. 15 Les princes d’Issachar sont avec Débora, et Nephtali, avec Baraq, dans la vallée s’est lancé sur ses traces. Dans les clans de Ruben, on s’est concerté longuement. [...] 18 Zabulon est un peuple qui a bravé la mort, ainsi que Nephtali, sur les hauteurs du pays (Jg 5,14-15.18).
On pourrait même se demander si le texte difficile du psaume ne serait pas dû à quelque volonté d’imiter celui du cantique de Débora.
Le psaume 68
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« LA MONTAGNE QUE DIEU A DÉSIRÉE POUR RÉSIDENCE » C’est sur cette image de la montagne de Sion que le psaume est focalisé. Le thème de la demeure et du sanctuaire court tout au long, formant un fil rouge qui assure la cohérence de l’ensemble. Le Deutéronome insiste sur le fait que Jérusalem est le lieu choisi par Dieu pour y faire habiter son nom : « C’est seulement au lieu choisi par Yhwh votre Dieu, entre toutes vos tribus, pour y placer son nom et l’y faire habiter, que vous viendrez pour le chercher» (Dt 12,5 ; voir aussi 11.14.18.21.26 etc. Dans ce contexte, l’expression « devant la face de Dieu » (Dt 12,12.18 ; 16,16 ; 26,10 ; 31,11) signifie « en sa présence », c’est-à-dire dans son sanctuaire. SAINT PAUL ET L’UNITÉ La lettre aux Éphésiens cite Ps 68,19 dans le cadre d’une exhortation à l’unité : 1
Je vous y exhorte donc [...] 3 appliquez-vous à garder l’unité de l’esprit par le lien de la paix. 4 Il y a un seul corps et un seul Esprit, de même que votre vocation vous a appelés à une seule espérance ; 5 un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême; 6 un seul Dieu et Père de tous, qui règne sur tous, agit par tous, et demeure en tous. 7 À chacun de nous cependant la grâce a été donnée selon la mesure du don du Christ. 8
D’où cette parole : Monté dans les hauteurs, il a capturé des prisonniers; il a fait des dons aux hommes. 9
Il est monté ! Qu’est-ce à dire, sinon qu’il est aussi descendu jusqu’en bas sur la terre ? 10 Celui qui est descendu, est aussi celui qui est monté plus haut que tous les cieux, afin de remplir l’univers. 11 Et les dons qu’il a faits, ce sont des apôtres, des prophètes, des évangélistes, des pasteurs et catéchètes, 12 afin de mettre les saints en état d’accomplir le ministère pour bâtir le corps du Christ, 13 jusqu’à ce que nous parvenions tous ensemble à l’unité dans la foi et dans la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d'adultes, à la taille du Christ dans sa plénitude (Ep 4,1-13 ; trad. TOB).
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La cinquième section (Ps 66–72)
INTERPRÉTATION LA RÉSIDENCE DE DIEU Si l’analyse qui en a été faite est exacte, le psaume est focalisé sur la question de « la montagne que Dieu a désirée pour sa résidence » (17a), à laquelle il est immédiatement répondu que « Yhwh y demeurera jusqu’à la fin » (17b). Tout avait commencé (1-2) avec une évocation de l’arche d’alliance, lieu de la présence de Dieu au milieu de son peuple au désert. Au cœur de la première partie « les justes » sont invités à « chanter » et « psalmodier » le nom de Dieu, « le Chevaucheurs des steppes » (5) et à la fin ce seront tous « les royaumes de la terre » qui seront appelés à faire de même pour « le Chevaucheur des cieux » en ses « sanctuaires » (33-36). « En son lieu de sainteté » Dieu s’est révélé le protecteur des orphelins et des veuves (6) ; « la maison » où il « fait résider les isolés » et où il accueille « les captifs » qu’il a libérés semble bien être sa propre demeure, tandis que « les rebelles » doivent « demeurer » au désert (7). À la fin de la partie centrale le Dieu du Sinaï s’installe solennellement « au sanctuaire » (18) où il « demeure » (19). Et cela, malgré les résistances de « la montagne sourcilleuse de Bashan » (16). Et ce sont « les processions » « au sanctuaire » avec toute sa liturgie bien réglée auxquelles participent les tribus de l’extrême nord comme celles du sud (25-28). Mêmes « les rois » des nations viendront dans le « Temple » à « Jérusalem » apporter le tribut et « lever les mains vers Dieu » (29-32). « La montagne que Dieu a désirée pour sa résidence » assure non seulement l’unité du peuple d’Israël, mais aussi des « royaumes de la terre ». LE SALUT DES MISÉREUX Aux jours de Débora et de Baraq comme à ceux de l’exode, Dieu se lève pour sauver orphelins et veuves, isolés et prisonniers, toutes victimes de ses « ennemis ». De même que les fils d’Israël furent libérés de la servitude imposée par Pharaon, roi d’Égypte, ainsi au temps des Juges sont-ils arrachés des mains de Yabîn, roi de Canaan. Les six cents chars de Pharaon (Ex 14,7), les neuf cents de Yabîn (Jg 4,3) ne purent résister aux deux myriades de ceux du Seigneur (Ps 68,18). « Le Dieu de notre salut » « est un Dieu de délivrances » (20-21) qui « défonce la tête de ses ennemis » (22) de sorte que ses fidèles puissent enfoncer leurs pieds dans le sang de ceux qui les opprimaient durement (Jg 4,3). Parmi tous ces « miséreux » sans défense se distinguent deux femmes, Débora que Dieu avait suscitée pour juger son peuple, et Yaël, femme de Héber le Qénite, qui mit à mort Sisera, le chef de l’armée de Yabîn (Jg 4,17-22). LA PUISSANCE DE LA FACE DE DIEU Le Dieu qui se lève pour disperser ses ennemis est celui dont la face les fait fondre comme la cire devant le feu, qui fait périr les méchants (2-3). La puis-
Le psaume 68
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sance de sa face fait trembler la terre et ruisseler les cieux (9). Les justes au contraire peuvent « exulter » et « jubiler » devant la puissance de cette face qui les sauve (4-5). Sa puissance, le Seigneur l’a transmise à son peuple (29.36) et c’est pourquoi, comme en retour, Israël, ainsi que tous les rois de la terre, peuvent chanter et psalmodier pour exalter la puissance de sa face dans les nues (33-34).
4. TOUTES LES NATIONS CHANTERONT POUR LE SEIGNEUR (66–68) COMPOSITION DE LA SÉQUENCE Ps 66,1 Du maitre-de-chant, chant, psaume. Acclamez Dieu, TOUTE LA TERRE, 2 PSALMODIEZ la gloire de son nom, mettez la gloire à sa louange. 3 Dites à Dieu : « Que sont REDOUTABLES tes œuvres ! Pour l’abondance de ta puissance tes ennemis se plieront à toi; 4 TOUTE LA TERRE se prosternera à toi et PSALMODIERA à toi, PSALMODIERA ton nom ». 5 Allez et voyez les gestes de Dieu, REDOUTABLE dans l’action pour les fils d’Adam : 6 il changea la mer en terre ferme, dans le fleuve ils passèrent à pied, là nous nous réjouissions en lui. 7 Il domine par sa bravoure de toujours, ses yeux scrutent les nations, que les rebelles ne s’exaltent pas contre lui. 8 BÉNISSEZ, PEUPLES, notre Dieu et faites écouter la voix de sa louange, 9 lui qui met notre âme dans la vie et n’a pas donné de chanceler à nos pieds. 10
Oui, tu nous as éprouvés, Dieu, tu nous as épurés comme on épure l’argent ; 11 tu nous as fait venir dans un filet, tu as mis l’affliction sur nos flancs ; 12 TU AS FAIT CHEVAUCHER un mortel sur nos têtes ; nous sommes venus dans le feu et dans l’eau et tu nous as fait sortir dans la surabondance. 13
Je viendrai EN TA MAISON avec des holocaustes, j’acquitterai envers toi mes vœux, 14 ceux qui ouvraient mes lèvres et que parlait ma bouche en mon angoisse ; 15 je ferai monter à toi des holocaustes de bêtes grasses avec le fumet des béliers, je ferai des taureaux avec des boucs. 16 Allez, écoutez et je raconterai à TOUS LES CRAIGNANT DIEU ce qu’il a fait pour mon âme ; 17 vers lui de ma bouche j’ai appelé et l’exaltation dessous ma langue. 18 Si j’avais vu l’iniquité en mon cœur, le Seigneur ne m’eût pas écouté ; 19 pourtant Dieu m’a écouté, il a été attentif à la voix de ma prière. 20 BÉNI soit Dieu lequel n’a pas écarté ma prière ni sa fidélité loin de moi. Ps 67,1 Du maitre-de-chant, sur les cordes, psaume, chant. 2 Que Dieu nous ait en pitié et nous BÉNISSE, qu’il fasse briller sa face sur nous, 3 pour que soit connu SUR LA TERRE ton chemin, chez TOUTES LES NATIONS ton salut. 4 Qu’ils te rendent grâce LES PEUPLES, Dieu, qu’ils te rendent grâce LES PEUPLES, TOUS ! 5 Que jubilent et chantent LES PAYS, car tu juges LES PEUPLES avec droiture et LES PAYS sur la terre tu conduis. 6 Qu’ils te rendent grâce LES PEUPLES, Dieu, qu’ils te rendent grâce LES PEUPLES, TOUS ! 7 La terre a donné sa récolte, il nous BÉNIT Dieu notre Dieu 8 il nous BÉNIT Dieu et le craignent TOUS LES LOINTAINS DE LA TERRE.
Les trois psaumes ont en commun « bénir » (66,8.20 ; 67,2.7.8 ; 68,20.27. 36) ; les termes qui indiquent tous les peuples de la terre sont nombreux dans le psaume central (67,3.4.5.6.8) mais se trouvent aussi dans le premier (« toute la terre, 66,1.4 ; « peuples », 8 ; « tous les craignant Dieu », 16) et dans le dernier (« les rois », 68,30 ; « l’Égypte » et « Kush », 32 ; « royaumes de la terre, 33). Dans leurs titres reviennent « Du maitre-de-chant », « de David », « psaume » et « chant ». Les psaumes extrêmes ont en commun : « psalmodier » (66,2.4bis ; 68,5.33), « ennemis » (66,3 ; 68,2.22), « redoutable » (66,3.5 ; 68,36), « puissance » (66,3 ; 68,29bis.34.35bis.36), « chevaucher/Chevaucheur » et « chars » (66,12 ; 68,5.18.34), les termes qui désignent le Temple : « en ta maison », 66,13 ; « sanctuaire(s) », 68,18.25.36 ; « ton Temple », 30 ; au centre « la montagne que Dieu a désirée pour résidence » (17). Dans les deux derniers psaumes revient la « face » de Dieu (67,2 ; 68,2.3.4.5. 9bis).
La séquence 66–68
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Ps 68,1 Du maitre-de-chant, de David, psaume, chant. 2 Dieu se lève, ses ennemis se dispersent et ses haïssant fuient devant sa face. 3 Comme se dissipe la fumée, tu les dissipes, comme fond la cire devant la face du feu, ils périssent, les méchants, devant la face de Dieu. 4 Mais les justes se réjouissent, ils exultent à la face de Dieu, et sont en liesse dans la réjouissance. 5 Chantez à Dieu, PSALMODIEZ son nom, frayez la voie AU CHEVAUCHEUR DES STEPPES, en Yah son nom, et jubilez à sa face. 6 Père des orphelins et défenseur des veuves, Dieu est dans SON LIEU DE SAINTETÉ ; 7 Dieu fait résider les isolés dans une maison, il fait sortir les prisonniers en liberté ; mais les rebelles demeurent en lieux arides. 8
Dieu, quand tu sortis à la face de ton peuple, quand tu procédas dans le lieu désolé, 9 la terre trembla, les cieux mêmes ruisselèrent devant la face de Dieu, celui du Sinaï, devant la face de Dieu, le Dieu d’Israël. 10 Tu répandis une pluie à volonté, Dieu, tu affermis ton héritage exténué, toi ; 11 ton assemblée a résidé dans celui-là que tu préparais en ta bonté, au miséreux, Dieu. 12 Le Seigneur a donné un ordre, les messagères une armée nombreuse ; 13 les rois des armées détalent, détalent, et la belle de la maison partage le butin. 14
Si vous reposez entre les deux murets, les ailes de la tourterelle se couvrent d’argent et ses plumes d’un reflet d’or vert ; 15 quand Shaddaï dispersait les rois sur elle, il neigeait sur le Salmôn. 16 Montagne de Dieu, la montagne de Bashân, montagne sourcilleuse, la montagne de Bashân ! 17 Pourquoi jalouser, montagnes sourcilleuses, LA MONTAGNE QUE DIEU A DÉSIRÉE POUR RÉSIDENCE ? Oui, Yhwh y demeurera jusqu’à la fin. 18 LES CHARS de Dieu deux myriades, des milliers de répétitions ; le Seigneur est en eux du Sinaï AU SANCTUAIRE. 19 Tu es monté vers la hauteur, tu as capturé des captifs, tu as pris en tribut des hommes, même les rebelles, pour que demeure Yah Dieu. 20
BÉNI soit le Seigneur de jour en jour, il prend charge de nous, le Dieu de notre salut. 21 Le Dieu pour nous est un Dieu de délivrances et à Yhwh le Seigneur les issues de la mort ; 22 mais Dieu défonce la tête de ses ennemis, le crâne chevelu qui va et vient dans ses crimes. 23 Le Seigneur a dit : « De Bashân je fais revenir, je fais revenir des abimes de la mer, 24 afin que tu enfonces ton pied dans le sang, que la langue de tes chiens ait sa part des ennemis. » 25 Ils ont vu tes processions, Dieu, les processions de mon Dieu, mon roi, AU SANCTUAIRE : 26 les chantres précédaient, les musiciens derrière, au milieu les jeunes filles, tambourinant. 27 En chœurs ils BÉNISSAIENT Dieu : Yhwh, dès l’origine d’Israël. 28 Là Benjamin le cadet les conduit ; les princes de Juda en habits brodés, les princes de Zabulon, les princes de Nephtali. 29
Ton Dieu a commandé ta puissance, la puissance, Dieu, que tu as faite pour nous ; 30 de TON TEMPLE sur Jérusalem LES ROIS t’apporteront des présents. 31 Menace la bête des roseaux, la bande de taureaux avec des veaux de peuples, qui s’humilie avec des lingots d’argent. Il a dispersé les peuples qui aiment les conflits : 32 viendront des nobles depuis L’ÉGYPTE, KUSH tendra les mains vers Dieu. 33 ROYAUMES DE LA TERRE, chantez à Dieu, PSALMODIEZ le Seigneur, 34 AU CHEVAUCHEUR DES CIEUX, des cieux antiques, voici, il donne de sa voix, voix de puissance. 35 Donnez la puissance de Dieu, sur Israël sa splendeur et sa puissance dans les nues. 36 Tu es REDOUTABLE, Dieu, de TES SANCTUAIRES, Dieu d’Israël lui, donnant puissance et vigueurs au peuple. BÉNI soit Dieu !
INTERPRÉTATION TROIS « CHANTS » POUR DIEU Les trois psaumes de la séquence sont qualifiés de « chant » dans leurs titres. Effectivement, dès le début, c’est une invitation à « acclamer Dieu », à « psalmodier la gloire de son nom » dans « la louange » (66,1-4). L’appel se fera plus pressant encore, s’il était possible, dans le court psaume central : « Qu’ils rendent grâce », « qu’ils jubilent et chantent » (67,4-6). Et, de même que le premier psaume avait commencé par une exhortation à « psalmodier », ainsi le
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La cinquième section (Ps 66–72)
dernier psaume est encadré par le même appel : « Chantez à Dieu, psalmodiez son nom », « jubilez à sa face » (68,5), « chantez à Dieu, psalmodiez le Seigneur » (33). LA BÉNÉDICTION Le chant pour Dieu prend la forme particulière de la bénédiction. Les psaumes extrêmes s’achèvent de la même manière : c’est d’abord le psalmiste qui conclut son chant par ces mots : « Béni soit Dieu qui n’a pas écarté ma prière ni sa fidélité loin de moi ! » (66,20), et c’est en fin de parcours la formule lapidaire : « Béni soit Dieu ! » (68,36). Mais le psalmiste n’est pas seul, il fait partie des processions qui dans le Temple voient défiler « chantres » et « musiciens », avec les jeunes filles qui jouent du tambourin, tous « en chœurs ils bénissaient Dieu » (68,25-28). Curieusement, les premiers qui sont conviés à bénir le Dieu d’Israël sont les « peuples » païens : « Bénissez, peuples, notre Dieu » pour le salut qu’il a accordé à son peuple : « lui qui met notre âme dans la vie et n’a pas donné de chanceler à nos pieds » (66,8-9). En somme, les nations sont invitées à bénir Dieu, parce qu’il bénit Israël et que, dans le même mouvement, il « gouverne les peuples avec droiture » ; et c’est ce que dira du début à la fin le psaume central, le psaume-menora (67). « ACCLAMEZ DIEU, TOUTE LA TERRE ! » On est certainement en droit de comprendre l’appel initial de la séquence comme adressé par Israël à toutes les nations païennes (66,1) et de même l’invitation qui suivra de peu : « Bénissez, peuples, notre Dieu » (8). Dans le dernier psaume, l’exhortation à chanter et psalmodier concerne d’abord « les justes » qui exultent parce qu’ils ont été libérés de ceux qui sont présentés comme les ennemis de Dieu, donc de son peuple (68,2-5) ; la même exhortation regarde en finale « les royaumes de la terre » (33), invités à se réjouir de ce que le Dieu d’Israël a donné la puissance à son peuple. Il en va de même dans le psaume-menora, mais, plus qu’ailleurs, ce sont tous les peuples qui sont conviés ensemble à rendre grâce : « qu’ils te rendent grâce les peuples, tous » (67,4.6). À toi, Dieu, la louange des peuples, unanimes, la louange des peuples !
II. SAUVE-MOI, JE CHANTERAI POUR TOI La deuxième séquence : Ps 69 La deuxième séquence ne comprend qu’un seul psaume. TEXTE 1
Du maitre-de-chant, sur l’air des lys, de David. 2 Sauve-moi, Dieu, car sont venues les eaux jusqu’à l’âme ; 3 j’enfonce dans la bourbe du gouffre et rien qui tienne ; je suis venu dans les profondeurs des eaux et le flot me submerge. 4 Je m’épuise dans mon appel, brûle ma gorge, sont consumés mes yeux attendant mon Dieu ; 5 sont-nombreux plus que les cheveux de ma tête mes haïssant sans cause ; sont-puissants mes détruisant, mes ennemis de mensonge : ce que je n’ai pas pris, maintenant je le rendrais ? 6 Dieu, toi, tu connais ma folie et mes 7 Ne rougissent pas à cause de moi tes espérant, offenses devant toi ne sont pas celées. Seigneur Yhwh Sabaot ; n’aient pas honte à cause de moi tes cherchant, Dieu d’Israël. 8 Car pour toi je porte l’insulte, que me couvre la honte ma face, 9 un étranger je suis pour mes frères et un inconnu pour les fils de ma mère ; 10 car le zèle de ta maison me dévore 11 Et (si) je pleure dans le jeûne mon âme, et les insultes de tes insulteurs tombent sur moi. 12 et c’est des insultes pour moi ; et (si) je donne pour mon habit un sac, et je suis pour eux 13 Ils se moquent les assis à la porte une fable. et les chansons de buveurs de boissonsfortes. 14 Et moi, ma prière à toi, Yhwh, au temps favorable ; Dieu, en ta grande fidélité, réponds-moi en la vérité de ton salut. 15 Tire-moi du bourbier, que je n’enfonce, que j’échappe à mes adversaires et aux profondeurs des eaux ; 16 ne me submerge le flot des eaux, ne me dévore le gouffre, ne happe sur moi la fosse de sa bouche. 17 Réponds-moi, Yhwh, car bonne 18 et ne cache pas ta face à ton ta fidélité, en ta grande tendresse tourne-toi vers moi 19 serviteur, car je suis opprimé, hâte-toi, réponds-moi ; approche de mon âme, venge-la, à cause de mes ennemis rachète-moi. 20 Toi, tu connais mon insulte et ma honte et mon affront, devant toi tous mes oppresseurs. 21 L’insulte a brisé mon cœur et j’ai défailli et j’espérais la compassion, mais rien, et des consolateurs, et point n’en ai trouvé. 22 Et ils m’ont donné pour nourriture du poison et dans ma soif ils m’abreuvaient de vinaigre ; 23 que soit leur table devant eux un piège et pour leurs amis un traquenard, 24 que s’enténèbrent leurs yeux pour ne plus voir et leurs reins constamment fais-vaciller. 25 Déverse sur eux ton courroux et le feu de ta colère les atteigne ; 26 que soit leur enclos un désert, dans leurs tentes qu’il ne soit pas un habitant. 27 Car toi, celui que tu as frappé ils ont poursuivi et les blessures de ta victime ils comptent ; 28 donne, faute sur leur faute et ne viennent plus à ta justice, 29 qu’ils soient rayés du livre de vie et avec les justes ne soient pas écrits. 30 Et moi, miséreux et souffrant, que ton salut, Dieu, me protège ! 31 Je louerai le nom de Dieu par un chant et je le magnifierai par l’action-de-grâce ; 32 cela sera-bon pour Yhwh plus qu’un bœuf, un taureau ayant corne, ayant sabot. 33 Ils ont vu, les humiliés, ils se réjouissent ; chercheurs de Dieu, et que vive votre cœur ! 34 Car écoute les pauvres Yhwh et ses captifs il n’a pas méprisé. 35 Que le louent le ciel et la terre, les mers et tout grouillant en elles ! 36 Car Dieu sauvera Sion et il rebâtira les villes de Juda et ils habiteront là et la posséderont ; 37 et la semence de ses serviteurs en héritera et les amants de son nom y demeureront.
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La cinquième section (Ps 66–72)
V. 23B : « ET POUR LEURS AMIS
»
Plusieurs corrections ont été proposées pour lišlômîm1. On peut comprendre : leur table préparée pour leurs amis, c’est-à-dire pour des hommes de paix2. V. 27A : «
CAR TOI, »
Suivant les anciennes versions plusieurs changent le pronom ’attâ (« toi ») en ’et, particule du complément d’objet, traduisant donc « Et celui que tu as frappé... », ce qui aurait l’avantage de réduire le membre à trois termes au lieu de quatre. Toutefois, la composition de la partie montre que les deux occurrences du pronom « toi » (20a.27a) jouent le rôle de termes initiaux pour les morceaux extrêmes. V. 27B : « ILS COMPTENT
»
Contre les anciennes versions qui facilitent le texte en traduisant « ils ont ajouté », le texte hébreu peut être préservé : « ils (ra)content » ou « ils comptent ».
COMPOSITION Le psaume comprend cinq parties organisées de manière concentrique. LA PREMIÈRE PARTIE (2-5) + 2 Sauve-moi, + car sont venues
DIEU, les eaux
+ 3 j’enfonce + et rien
dans la bourbe qui tienne ;
du gouffre,
+ je suis venu + et le flot
dans les profondeurs me submerge.
des eaux
jusqu’à l’âme ;
·······································································································
:: 4 Je m’épuise :: sont consumés
dans mon appel, mes yeux
brûle attendant
– 5 sont-nombreux – mes haïssant
plus que les cheveux sans cause ;
de ma tête
– sont-puissants = ce que
mes détruisant, je n’ai pas pris,
mes ennemis maintenant
1 2
Pour la discussion, voir Ravasi, II, 425. Hakham, I, 409.
ma gorge, mon Dieu ;
de mensonge : je le rendrais ?
Le psaume 69
335
L’appel initial (2a) est motivé par le fait que le psalmiste est submergé par les eaux (2b-3). Le deuxième morceau est parallèle au premier : appel (4) à cause des attaques des ennemis (5). Mais cette fois-ci la métaphore des eaux du premier morceau laisse la place à la réalité de ceux qui haïssent le psalmiste sans raison. Le dernier membre du morceau (5d) explicite l’accusation mensongère des ennemis. LA DEUXIÈME PARTIE (6-13) = 6 DIEU, = et mes offenses
toi, devant toi
tu connais ne sont pas celées.
+ 7 NE ROUGISSENT PAS .. SEIGNEUR
à cause de moi, YHWH
tes espérant, SABAOT ;
+ N’AIENT PAS HONTE .. DIEU
à cause de moi,
tes cherchant,
ma folie
D’ISRAËL. ·····················································································································
:: 8 Car pour toi :: que me couvre 9
- un étranger - et un inconnu :: 10 car le zèle :: et LES INSULTES
je porte
L’INSULTE,
LA HONTE
ma face ;
je suis pour les fils
pour mes frères de ma mère ;
de ta maison de TES INSULTEURS
me dévore tombent
sur moi.
·····················································································································
– 11 Et si je pleure . et c’est
DES INSULTES
mon âme, pour moi ;
– 12 et si je donne . et je suis
pour mon habit pour eux
UNE FABLE.
les assis de buveurs
à la porte de boissons-fortes.
= 13 ILS SE MOQUENT = et LES CHANSONS
dans le jeûne
un sac,
Les morceaux extrêmes se répondent de manière spéculaire. Les deux segments parallèles de 7 correspondent aux deux segments parallèles de 11-12. La première fois, c’est une supplication en faveur de ceux qui espèrent et cherchent le Seigneur ; la deuxième fois, c’est une plainte contre ceux qui insultent systématiquement le psalmiste. Les segments extrêmes (6.13) opposent l’attitude de Dieu envers les manquements du psalmiste et celle des méchants qui « se moquent ». Dans les segments extrêmes du morceau central (8-10), qui commencent par « car », le psalmiste déclare que les insultes qu’il subit sont dues à son attachement à Dieu. Le segment central (9) montre jusqu’où va ce malheur : le rejet de la part de sa famille.
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La cinquième section (Ps 66–72)
Les termes du champ sémantique de l’insulte et de la honte abondent dans les trois morceaux : « rougir » (7a), « avoir-honte/honte » (7c.8b), « insulte/insulteurs » (8a.10b bis.11b), « fable » (12b), « se moquer » (13a), « les chansons » (13b). LA TROISIÈME PARTIE (14-19) – 14 Et moi, – au temps
ma prière à toi, favorable ;
YHWH,
+ DIEU, + RÉPONDS-MOI
en ta grande en la VÉRITÉ
FIDÉLITÉ,
de ton salut.
··························································································································
: 15 Tire-moi : que j’échappe : et aux profondeurs
du bourbier, à mes adversaires des eaux ;
que je n’enfonce,
: 16 ne me submerge : ne me dévore : ne happe
le flot le gouffre, sur moi
des eaux, la fosse
de sa bouche !
·························································································································· YHWH, car bonne ta FIDÉLITÉ, TENDRESSE tourne-toi vers moi ;
+ 17 RÉPONDS-MOI, + en ta grande
– 18 et ne cache pas – car je suis opprimé,
ta face hâte-toi,
à ton serviteur, RÉPONDS-MOI,
– 19 approche – à cause de
de mon âme,
mes ennemis
venge-la, rachète-moi.
Les deux segments du premier morceau sont complémentaires : à la prière adressée à « Yhwh », est attendue la réponse de « Dieu » ; le couple « fidélité » et « vérité » marque les deux membres du second segment. Le dernier morceau commence comme le premier finit : s’y retrouvent les noms de « Dieu » et « Yhwh », « réponds-moi » et le couple « fidélité » – « tendresse » rappelle celui de « fidélité » – « vérité » ; à « en ta grande fidélité » de 14c correspond « en ta grande tendresse » de 17b. Les deux segments suivants (18-19) sont parallèles avec les impératifs aux extrémités de chacun, « mes ennemis » renvoyant à « je suis opprimé ». Le morceau central comprend deux trimembres qui développent la métaphore des « eaux » dans lesquelles s’enfonce le psalmiste. Les volitifs au début des premiers membres du premier segment sont positifs (15a.15b), tandis que ceux du second sont négatifs (16abc). Les deux occurrences de « des eaux » agrafent les deux segments. « Mes adversaires » de la partie centrale (15b) annonce « mes ennemis » de la fin (19b).
Le psaume 69
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LA QUATRIÈME PARTIE (20-29) + 20 TOI, + et ma honte + devant toi
tu connais mon INSULTE et mon affront, tous mes oppresseurs.
+ 21 L’INSULTE + et j’espérais + et des consolateurs,
a brisé la compassion, et point
mon cœur mais rien, n’en ai trouvé.
– 22 Et ils m’ont donné – et dans ma soif
pour nourriture ils m’abreuvaient
du poison de vinaigre ;
: 23 que soit : et pour leurs amis
leur table un traquenard,
devant eux
: 24 que s’enténèbrent : et leurs reins
leurs yeux constamment
pour ne plus voir fais-vaciller.
et j’ai défailli
un piège
·······························································································
: 25 Déverse : et le feu
sur eux de ta colère
ton courroux les atteigne ;
: 26 que soit : dans leurs tentes
leur enclos qu’il ne soit pas
un désert, un habitant.
·······························································································
– 27 Car TOI – et les blessures
celui que de ta victime
tu frappes ils comptent ;
: 28 donne, : et ne viennent plus
faute à ta justice,
sur leur faute
: 29 qu’ils soient rayés : et avec
du livre les justes
de vie ne soient pas écrits.
ils ont poursuivi
Dans la première sous-partie les deux trimembres s’opposent : alors que Dieu « connait » le malheur du psalmiste (20), il n’est personne chez les hommes qui puisse avoir compassion de lui et le consoler (21). « Insulte » revient dans les premiers membres (20a.21a). La deuxième sous-partie est plus développée. Dans les morceaux extrêmes, c’est d’abord la dénonciation des agissements des oppresseurs (22 ; 27), puis les demandes de châtiment (23-24 ; 28-29) où s’accumulent les volitifs. Il en va de même dans le morceau central (24-26). On pourra remarquer la triple reprise de « être » (23a.26a.26b). Le pronom tonique « toi » revient au début des morceaux extrêmes (20a.27a). Les « insultes » mentionnées dans la première sous-partie sont décrites en 22 et 27 ; et l’on comprend donc que « celui que tu frappes » (27) n’est autre que le psalmiste lui-même.
338
La cinquième section (Ps 66–72)
LA CINQUIÈME PARTIE (30-37) + 30 Et moi, + que TON SALUT,
miséreux DIEU,
et souffrant, me protège !
: 31 JE LOUERAI : et je le magnifierai
LE NOM
de DIEU
: 32 cela sera-bon : un taureau
pour YHWH ayant corne,
par un chant
par l’action-de-grâce ; plus qu’un bœuf, ayant sabot.
······························································································································
+ 33 Ils ont vu, + chercheurs
les humiliés, de DIEU,
ils se réjouissent ; et que vive votre cœur !
: 34 Car écoute : et ses captifs
les pauvres il n’a pas méprisé.
YHWH,
······························································································································
+ 35 QUE LE LOUENT + les mers
le ciel et tout grouillant
et la terre, en elles !
: 36 Car DIEU : et il rebâtira : et ils habiteront
SAUVERA
les villes là
Sion de Juda et la posséderont ;
: 37 et la semence : et les amants
DE SON NOM
de ses serviteurs
en héritera y demeureront.
Dans le premier morceau la supplication (30) est suivie de la promesse d’action de grâce (31-32). Le dernier morceau commence par un appel de toute la création à louer Dieu (35), motivé par le salut qu’il accordera à son peuple (36-37). Dans ces morceaux extrêmes, sont repris « louer » (31a.35a), « ton salut/sauvera » (30b.36a), ainsi que « le/son nom » (31a.37b). Alors que le premier morceau est à la première personne du singulier, le morceau central généralise au pluriel : « les humiliés » et « les pauvres » (33a.34a) renvoient à « miséreux » (30a). L’ENSEMBLE DU PSAUME La deuxième et l’avant-dernière partie commencent avec « toi, tu connais » (6.20). Inversement les deux occurrences de « Et moi » (14.30) jouent le rôle de termes initiaux pour la partie centrale et la dernière partie ; comme ces deux parties la première partie est introduite par une prière. Ainsi les cinq parties sont organisées de manière concentrique. « Sauver/salut » revient dans les parties extrêmes et dans la partie centrale (2 ; 14 ; 30.36). Le même vocabulaire est repris dans le premier morceau de la première partie et au centre de la partie centrale : « eaux » (2.3 ; 15.16), « s’enfoncer » et « dans les profondeurs » (3.15), « flot » et « submerge » (3.16) ; « mes ennemis » sont repris en termes finaux (5b.19).
Le psaume 69 1
339
Du maitre-de-chant, sur l’air Des lys, de David. SAUVE-MOI, Dieu, car sont venues les eaux jusqu’à l’âme ; 3 j’enfonce dans la bourbe du gouffre et rien qui tienne ; je suis venu dans les profondeurs des eaux et le flot me submerge. 4 Je m’épuise dans mon appel, brûle ma gorge, sont consumés mes yeux attendant mon Dieu ; 5 sont nombreux plus que les cheveux de ma tête mes haïssant sans cause ; sont puissants mes détruisant, mes ennemis de mensonge : ce que je n’ai pas pris, maintenant je le rendrais ?
2
Dieu, TOI, TU CONNAIS ma folie et mes offenses devant toi ne sont pas celées. 7 NE ROUGISSENT PAS à cause de moi, CEUX QUI T’ESPÈRENT, Seigneur Yhwh Sabaot ; N’AIENT PAS HONTE à cause de moi, tes cherchant, Dieu d’Israël. 8 Car c’est pour toi que je porte L’INSULTE, que LA HONTE me couvre a face ; 9 un étranger je suis pour mes frères, et un inconnu pour les fils de ma mère ; 10 car le zèle de ta maison me dévore et les INSULTES de tes INSULTEURS tombent sur moi. 11 Et si je pleure dans le jeûne mon âme, se sont DES INSULTES pour moi ; 12 et si je donne pour mon habit un sac, je suis pour eux une FABLE. 13 ILS SE MOQUENT les assis à la porte et les CHANSONS de buveurs de boissons-fortes. 6
ET MOI, ma prière à toi, Yhwh, au temps favorable ; Dieu, en ta grande fidélité, répondsmoi en la vérité de TON SALUT. 15 Tire-moi du bourbier, que je n’enfonce, que j’échappe à mes adversaires et aux profondeurs des eaux ; 16 ne me submerge le flot des eaux, ne me dévore le gouffre, ne happe sur moi la fosse de sa bouche. 17 Réponds-moi, Yhwh, car est bonne ta fidélité, en ta grande tendresse tourne-toi vers moi 18 et ne cache pas ta face à ton serviteur, car je suis opprimé, hâte-toi, réponds-moi, 19 approche de mon âme, venge-la, à cause de mes ennemis rachète-moi. 14
TOI, TU CONNAIS MON INSULTE, et MA ROUGEUR et MA HONTE, devant toi tous mes oppresseurs. 21 L’INSULTE a brisé mon cœur et j’ai défailli et J’ESPÉRAIS la compassion, mais rien, et des consolateurs, et n’en ai point trouvé. 20
22
Et ils m’ont donné pour nourriture du poison, et dans ma soif ils m’abreuvaient de vinaigre ; 23 que soit
leur table devant eux un piège et pour leurs amis un traquenard, 24 que s’enténèbrent leurs yeux pour ne plus voir et fais vaciller constamment leurs reins. 25 Déverse sur eux ton courroux et que le feu de ta colère les atteigne ; 26 que leur enclos soit un désert, qu’il ne soit pas un habitant dans leurs tentes. 27 Car toi, celui que tu as frappé ils ont poursuivi et ils comptent les blessures de ta victime ; 28 donne, faute sur leur faute et qu’ils ne viennent plus à ta justice, 29 qu’ils soient rayés du livre de vie et ne soient pas écrits avec les justes. ET MOI, miséreux et souffrant, que TON SALUT, Dieu, me protège ! 31 Je louerai le nom de Dieu par un chant, et je le magnifierai par l’action-de-grâce ; 32 cela sera-bon pour Yhwh plus qu’un bœuf, un taureau ayant corne, ayant sabot. 33 Ils ont vu, les humiliés, ils se réjouissent ; chercheurs de Dieu, et que vive votre cœur ! 34 Car Yhwh écoute les pauvres et il n’a pas méprisé ses captifs. 35 Que le ciel et la terre le louent, les mers et tout grouillant en elles ! 36 Car Dieu SAUVERA Sion et il rebâtira les villes de Juda et ils habiteront là et la posséderont ; 37 et la semence de ses serviteurs en héritera et les amants de son nom y demeureront. 30
La deuxième et la quatrième partie sont liées par la reprise des termes appartenant au champ sémantique de « l’insulte » et de « la honte » (7.8.10-13 ; 20.21)
340
La cinquième section (Ps 66–72)
et par « espérer » (7.21). Alors que le vocabulaire des insultes occupe toute la deuxième partie, dans la partie symétrique il est limité à la première sous-partie ; la seconde sous-partie, au contraire, est dominée par les demandes de châtiment. La dernière partie se distingue de la première et de la partie centrale, la promesse de louange ayant désormais pris le pas sur la supplication.
CONTEXTE Le Ps 69 est abondamment cité dans le Nouveau Testament. Les trois citations de l’évangile de Jean sont toujours introduites par une formule d’accomplissement. V. 5
: « ILS M’ONT HAÏ SANS RAISON »
Au chapitre 15 du quatrième évangile, Jésus annonce à ses disciples qu’ils seront haïs par le monde, comme lui-même : « ils ont vu et ils nous haïssent, et moi et mon Père. Mais c’est pour que s’accomplisse la parole écrite dans leur Loi : “Ils m’ont haï sans raison” » (Jn 15,24-26). V. 10A : « LE ZÈLE POUR TA MAISON ME DÉVORE »
Quand Jésus chasse les vendeurs du Temple, Jean dit que ses disciples y voient l’accomplissement de l’Écriture : « Ses disciples se rappelèrent qu’il est écrit : “Le zèle pour ta maison me dévorera” » (Jn 2,17). V. 22 : LE VINAIGRE PRÉSENTÉ À JÉSUS CRUCIFIÉ
Les synoptiques signalent le fait qu’on présenta à Jésus du « vinaigre » (Mt 27,48 ; Mc 15,36 ; Lc 23,36) ; seul le quatrième évangile précise que c’est pour l’accomplissement des Écritures et aussi que Jésus but le vinaigre, comme dit le psaume : 28
Après quoi, sachant que désormais tout était achevé, pour que l’Écriture fût parfaitement accomplie, Jésus dit : « J’ai soif. » 29 Un vase était là, rempli de vinaigre. On mit autour d’une branche d’hysope une éponge imbibée de vinaigre et on l’approcha de sa bouche. 30 Quand il eut pris le vinaigre, Jésus dit : « C’est achevé » et, inclinant la tête, il remit l’esprit (Jn 19,28-29).
V. 10B : « LES INSULTES DE TES INSULTEURS TOMBENT SUR MOI
»
En Rm 15,3, Paul cite Ps 69,10b, insistant lui aussi sur l’accomplissement des Écritures : 1
Mais c’est un devoir pour nous, les forts, de porter les faiblesses de ceux qui n’ont pas cette force et de ne point rechercher ce qui nous plait. 2 Que chacun d’entre nous plaise à son prochain pour le bien, en vue d’édifier. 3 Car le Christ n’a pas recherché
Le psaume 69
341
ce qui lui plaisait ; mais comme il est écrit : « Les insultes de tes insulteurs sont tombées sur moi ». 4 En effet, tout ce qui a été écrit dans le passé le fut pour notre instruction, afin que la constance et la consolation que donnent les Écritures nous procurent l’espérance (Rm 15,3). V. 23-24
: « QUE LEUR TABLE DEVANT EUX SOIT UN PIÈGE... »
Au chapitre 11, pour illustrer le fait qu’une partie d’Israël a repoussé le salut en Christ, Paul a recours aux Écritures des prophètes et des psaumes : Les autres, ils ont été endurcis, 8 selon le mot de l’Écriture : « Dieu leur a donné un esprit de torpeur : ils n’ont pas d’yeux pour voir, d’oreilles pour entendre jusqu’à ce jour ». 9 David dit aussi : « Que leur table soit un piège, un lacet, une cause de chute, et leur serve de salaire ! 10 Que leurs yeux s’enténèbrent pour ne point voir, et faisleur sans arrêt courber le dos ! » V. 26
: « QUE LEUR ENCLOS DEVIENNE DÉSERT... »
Au début des Actes, sur la proposition de Pierre, Judas doit être remplacé : 20
Or il est écrit au Livre des Psaumes : « Que son enclos devienne désert et qu’il ne se trouve personne pour y habiter ». Et encore : « Qu’un autre reçoive sa charge ». 21 Il faut donc que, de ces hommes qui nous ont accompagnés tout le temps que le Seigneur Jésus a vécu au milieu de nous, 22 en commençant au baptême de Jean jusqu’au jour où il nous fut enlevé, il y en ait un qui devienne avec nous témoin de sa résurrection » (Ac 1,20-22).
INTERPRÉTATION PASSION Le psaume commence par un cri, « Sauve-moi », qu’on ne retrouve nulle part ailleurs comme incipit. Et toute la première partie décrit de manière dramatique la situation où se trouve le psalmiste, submergé par les eaux dans lesquelles il s’enfonce, la gorge en feu d’avoir trop crié, les yeux consumés, attaqué de tous côtés par des ennemis sans nombre qui s’acharnent contre lui sans raison. Dès ces premiers mots brulants, on peut comprendre que ce psaume ait été convoqué par les évangélistes comme témoin de la Passion de Jésus. Et cela d’autant plus que la plainte se propagera jusqu’à la fin : « Et moi, miséreux et souffrant, que ton salut, Dieu, me protège ! » (30). PASSION DE DIEU L’homme persécuté ne l’est pas pour ses crimes, bien au contraire. C’est pour Dieu qu’il doit subir l’insulte et la honte, « le zèle » dont il témoigne pour la maison de Dieu lui vaut souffrance et moquerie (8.10). Il n’est pas jusqu’à ses
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La cinquième section (Ps 66–72)
manifestations de piété, jeûne et pénitence, qui ne se retournent contre lui (1113). Et pourtant son innocence ne saurait être mise en doute ; c’est « sans cause » qu’il est haï par des « ennemis de mensonge » (5). Et quand il confesse à Dieu : « tu connais ma folie et mes offenses devant toi ne sont pas celées » (6), on peut se demander si ce n’est pas une autre manière de clamer la sagesse et la pureté de sa conduite : Dieu sait très bien qu’il ne mérite en aucun cas ce qui lui est infligé. C’est sa passion pour Dieu qui l’entraine dans la passion qu’il souffre. SEUL DIEU LE CONNAIT Dans son malheur, le psalmiste persécuté a cherché désespérément un appui, mais en vain. Il espérait susciter quelque « compassion », mais sans trouver le moindre consolateur (21). Il se retrouve absolument seul, abandonné de tous ; même ses propres frères, les fils de sa mère ne veulent plus le reconnaitre (9). Seul Dieu le « connait », et c’est sur cette unique certitude deux fois proclamée qu’il peut s’appuyer : Dieu sait bien que la folie et les offenses dont ses ennemis l’accusent sont infondées (6), il sait bien que son « insulte », sa « rougeur » et sa « honte » sont uniquement le fait de ses « oppresseurs » (20). IL N’ÉTAIT PAS SEUL C’est seulement à la fin, quand il arrive, rasséréné, à prévoir la louange et l’action de grâce, que le psalmiste découvre qu’il n’était pas l’unique « humilié », le seul « chercheur de Dieu » (33). D’autres « pauvres » ont été écoutés par Dieu, d’autres « captifs » ont été libérés (34). Ceux-là sont ses véritables frères, frères de malheur et frères de salut. C’est avec ces « serviteurs » que le Seigneur pourra sauver Sion, rebâtir les villes de Juda. Avec lui et avec ceux qui aiment son nom, une renaissance est possible, elle est sûre.
III. TOUS LES MALHEUREUX SERONT SAUVÉS PAR LE SEIGNEUR La troisième séquence : Ps 70–72 1. LE PSAUME 70 TEXTE 1 Du maitre-de-chant, de David, pour mémorial. 2 Dieu, à me délivrer, Seigneur à mon secours hâte-toi. 3 Qu’ils aient-honte et soient avilis, ceux qui cherchent ma vie. Qu’ils reculent en arrière et soient confus, ceux qui désirent mon malheur. 4 Qu’ils s’en retournent par l’effet de leur honte, ceux qui disent : « Ah Ah ! Ah Ah ! » 5 Qu’ils jubilent et se réjouissent en toi, tous les cherchant-toi et qu’ils disent toujours : « Qu’il soit-grand Dieu ! », ceux qui aiment ton salut. 6 Et moi, miséreux et pauvre, Dieu, hâte-toi vers moi ! Mon secours et mon libérateur, c’est toi ; Seigneur, ne sois pas en arrière !
Le psaume ne présente pas de difficulté textuelle. COMPOSITION 1
Du maitre de chant,
= 2 DIEU, = SEIGNEUR
de David
pour mémorial.
à me délivrer, à MON SECOURS
HÂTE-TOI.
– 3 Qu’ils aient-honte :: ceux qui CHERCHENT
et soient avilis, ma vie.
– Qu’ils reculent - ceux qui désirent
EN ARRIÈRE
– 4 Qu’ils s’en retournent .. CEUX QUI DISENT :
par l’effet « Ah Ah !
de leur honte, Ah Ah ! »
+ 5 Qu’ils jubilent :: tous
et se réjouissent les CHERCHANT-toi
en toi,
+ ET QU’ILS DISENT .. « Qu’il soit-grand - ceux qui aiment
toujours : DIEU ! », ton salut.
et soient confus,
mon malheur.
= 6 Et moi, :: DIEU,
miséreux HÂTE-TOI vers moi !
et pauvre,
= MON SECOURS :: SEIGNEUR,
et mon libérateur, !
c’est toi ;
NE SOIS PAS EN ARRIÈRE
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La cinquième section (Ps 66–72)
Après le titre (1), le psaume est organisé en quatre parties organisées de manière spéculaire. La première partie (2) ne comprend qu’un seul segment, dont les deux membres sont parallèles, le second contenant en finale le verbe qui régit les deux compléments « à me délivrer » (l ehaṣṣîlēnî) et « à mon secours » (l e’ezrātî). Avec deux segments bimembres, la dernière partie (6) est plus développée. Les seconds membres sont parallèles et synonymiques, tandis que les premiers sont complémentaires : dans l’un (6a), le psalmiste décrit sa propre situation avec deux qualificatifs coordonnés, dans l’autre (6c), il s’adresse à Dieu qui reçoit deux titres coordonnés. À « moi » au début de l’un (6a) correspond « toi » à la fin du premier membre de l’autre (6c). 1
Du maitre de chant,
= 2 DIEU, = SEIGNEUR
de David
pour mémorial.
à me délivrer, à MON SECOURS
HÂTE-TOI.
– 3 Qu’ils aient-honte :: ceux qui CHERCHENT
et soient avilis, ma vie.
– Qu’ils reculent - ceux qui désirent
EN ARRIÈRE
– 4 Qu’ils s’en retournent .. CEUX QUI DISENT :
par l’effet « Ah Ah !
de leur honte, Ah Ah ! »
+ 5 Qu’ils jubilent :: tous
et se réjouissent les CHERCHANT-toi
en toi,
+ ET QU’ILS DISENT .. « Qu’il soit-grand - ceux qui aiment
toujours : DIEU ! », ton salut.
et soient confus,
mon malheur.
= 6 Et moi, :: DIEU,
pauvre HÂTE-TOI vers moi !
et miséreux,
= MON SECOURS :: SEIGNEUR,
et mon libérateur, !
c’est toi ;
NE SOIS PAS EN ARRIÈRE
Les noms divins « Dieu » et « Seigneur », qui marquent les débuts des deux membres de la première partie (2ab), sont repris en tête des seconds membres dans la dernière partie (6b.6d). « Mon secours » et « hâte-toi » à la fin de la première partie sont repris, en sens inverse, comme termes médians dans la dernière partie (6b.6c), faisant ainsi inclusion pour l’ensemble du psaume. Les parties centrales ne sont pas à l’impératif comme les parties extrêmes, mais au jussif. La deuxième partie (3-4) comprend trois segments bimembres. Les deux premiers sont parallèles : leurs premiers membres (3a.3c) coordonnent deux verbes aux mêmes modalités, leurs seconds membres (3b.3d), parallèles et
Le psaume 70
345
synonymiques, explicitent le sujet des verbes avec un participe (traduit par une relative) suivi de son complément. Le troisième segment (4) est différent, car le second membre cite les ricanements des ennemis du psalmiste. Dans le segment final, « honte » (4a) fait écho à « qu’ils aient-honte » du début de la partie (3a). La troisième partie (5) comprend un bimembre et un trimembre. Les premiers membres contiennent les verbes au jussif (5a.5c), les derniers les sujets des verbes (5b.5e). Ce que disent ceux qui aiment le salut de Dieu constitue le membre central du dernier segment (5d). Les parties centrales (3-4 ; 5) sont parallèles. La première est une malédiction, la suivante une bénédiction, avec toutefois une différence majeure : alors que, dans la deuxième partie, le psalmiste maudit ceux qui le haïssent lui-même, dans la troisième il bénit ceux qui aiment Dieu. Leurs premiers segments se correspondent : les premiers membres coordonnent deux verbes (3a.5a) et les seconds membres reprennent le même verbe « chercher » (3b.5b). Le deuxième segment de la troisième partie (5cde) correspond aux deux derniers segments de la partie précédente. En effet, ses deux premiers membres s’opposent au dernier membre de 4 — ils rapportent ce que « disent » les uns et les autres (4b.5cd) —, tandis que son dernier membre (5e) s’oppose au second membre de 3cd. On notera que ce que disent les amis de Dieu s’oppose à ce que disent les adversaires du psalmiste, par leur forme même : des cris inarticulés sont en effet bien différents des mots ordonnés d’une prière. Les parties extrêmes (3.6) se distinguent des deux autres non seulement par les modalités de leurs verbes, mais aussi parce qu’elles ont fort peu de vocabulaire commun avec elles : « Dieu » (5d comme 2a et 6b), ainsi que « en arrière » (3c) et « ne soit pas en arrière » (6d; que l’on traduit généralement et à juste titre par « ne tarde pas »).
CONTEXTE LE TITRE À « Du maitre de chant, de David », s’ajoute « pour remémorer » (l ehazkîr), qui ne se retrouve que dans le titre du Ps 38. Le substantif hazkārâ qualifie l’offrande végétale prévue en Lv 2 : 1
Si quelqu’un offre à Yhwh une oblation, son offrande consistera en fleur de farine sur laquelle il versera de l’huile et déposera de l’encens. 2 Il l’apportera aux fils d’Aaron, les prêtres ; il en prendra une pleine poignée de fleur de farine et d’huile, plus tout l’encens, ce que le prêtre fera fumer à l’autel à titre de mémorial, mets consumé en parfum d’apaisement pour Yhwh (le mot revient aussi en 9 et 16).
Selon une tradition juive, ce sacrifice, venant après celui de l’holocauste où un animal est brûlé pour que son odeur monte en offrande vers Dieu, serait celui du pauvre qui n’avait pas les moyens d’offrir un animal et devait se contenter de
346
La cinquième section (Ps 66–72)
faire brûler de la farine avec de l’huile et de l’encens1. Le Seigneur alors « se souvenait » de celui qui lui offrait cette « oblation ». LE PAUVRE EST EXALTÉ, COMME LE SEIGNEUR LUI-MÊME Dans le Ps 113, le Seigneur « relève de la poussière le faible, du fumier il exalte le pauvre » (7), comme lui-même est exalté : « Exalté au-dessus de toutes les nations, le Seigneur, au-dessus des cieux sa gloire » (4). La question centrale du psaume : « Qui est comme le Seigneur notre Dieu ? » (5a) trouve là sa réponse : il n’est aucun dieu comme notre Dieu qui exalte le pauvre comme luimême est exalté2. REPRIS À LA FIN DU PS 40 À quelques variantes près, le Ps 70 est repris à la fin du Ps 40 dont il forme la quatrième et dernière partie (Ps 40,14-18)3. Sans cette reprise, les treize premiers versets du Ps 40 posent problème. En effet, après une première partie (2-5) où le psalmiste proclame comment le Seigneur l’a sauvé, puis une deuxième partie (611) dans laquelle il loue le Seigneur et invite « l’assemblée nombreuse » à l’accompagner dans sa louange, la dernière partie (12-13) surprend, car le psalmiste appelle Dieu à son secours (12) parce qu’il est en proie à des persécuteurs innombrables. Ces derniers mots sont : « et mon cœur m’abandonne ». Un tel ordre a pu sembler illogique4, tandis que l’adjonction des cinq versets du Ps 70, permettait en quelque sorte de le corriger ou, tout au moins, de le compléter.
INTERPRÉTATION UNE PRIÈRE CONVENUE Rien de bien original dans cette prière. Son plan est très simple, simpliste même. Un court appel à Dieu, des malédictions contre les ennemis, des bénédictions pour les amis de Dieu, enfin une conclusion qui ne fait que répéter ce que le psalmiste avait déjà dit en commençant, en le développant à peine. En somme, une série de lieux communs. C’est que le pauvre ne cherche pas l’originalité, il a bien d’autres soucis.
1
Voir Hossfeld – Zenger, II, 189. Voir Le Psautier. Cinquième livre, 101-109. 3 Beaucoup pensent que le Ps 70 est une composition autonome, insérée ensuite à la fin du Ps 40 (par ex., Kraus, II, 67 ; Ravasi, II, 434). 4 Un tel ordre n’est pas inouï : c’est celui que suit le Psaume acrostiche alphabétique 9–10 ; et c’est probablement pour cette raison que le texte massorétique l’a coupé en deux. Voir mon analyse de ce psaume dans Les huit psaumes acrostiches alphabétiques, 21-49 ; de même dans Le Psautier. Premier livre, 103-133. 2
Le psaume 70
347
UNE PRIÈRE POUR LES SITUATIONS D’URGENCE C’est qu’il y a urgence : « Seigneur, à mon secours hâte-toi ! » Le pauvre, l’humilié n’a pas le temps de faire des phrases, de construire des discours. « [le psalmiste] n’aspire certainement pas à un prix de poésie. Il aspire seulement à être entendu par Dieu. Immédiatement »5. Il se trouve en danger de mort, ceux qui cherchent sa vie le pressent de toutes parts. C’est bien pourquoi il supplie « qu’ils reculent en arrière ! » Celui qui appelle « Au secours ! » est tout entier dans ce seul cri qu’il ne peut que répéter tant que quelqu’un ne l’a pas entendu et ne vient pas le sauver. UNE PRIÈRE PASSE-PARTOUT Ce psaume n’est pas tant la prière d’un pauvre que celle du pauvre, de chaque pauvre, de n’importe quel pauvre. Comme le passe-partout ouvre toutes les portes, cette prière du pauvre est capable de désenclaver toutes les situations désespérées, en particulier celles qui requièrent une réponse urgente. C’est une supplication à la portée de toutes les angoisses, que quiconque peut faire sienne, et qui est sûre d’être exaucée : le Seigneur ne manquera pas de manifester sa grandeur (4b) en sauvant son fidèle, il arrachera celui qui le cherche en criant des griffes de ceux qui en veulent à sa vie. UN PSAUME BOUCHE-TROU Le pauvre, celui qui ne peut pas refuser d’obtempérer aux ordres qu’on lui intime, est souvent utilisé pour remplacer n’importe qui, pour « boucher un trou », selon l’expression familière. Il n’a guère de personnalité propre, il n’a pas de spécialité, c’est un « bon à tout faire ». À la fin du Ps 40, le Ps 70 remplit cette fonction d’appendice, de bouche-trou. LE PAUVRE EST EXALTÉ Tout pauvre qu’il est, le Ps 70 a été exalté dans la liturgie. Si l’invitatoire du premier office du jour reprend Ps 51,17 (« Seigneur, ouvre mes lèvres et ma bouche publiera ta louange »), c’est avec le premier verset du Ps 70 que sont introduites les autres heures de l’office divin : « Dieu, viens à mon aide, Seigneur, à notre secours ». Sa version latine, Deus in adjutorium meum intende, Domine ad adjuvandum me festina, a le mérite d’être plus fidèle à l’original : en effet, le français supprime, hélas, le dernier verbe, « hâte-toi ». Quoi qu’il en soit, le pauvre psaume 70 se trouve promu à la porte des heures, pour y introduire tous ceux qui veulent y entrer avec lui6.
5
Alonso Schoekel – Carniti, I, 70. Voir R. MEYNET, « Les psaumes 70 et 12 : deux psaumes de pauvres, deux pauvres psaumes ». 6
2. LE PSAUME 71 TEXTE 1
En toi, Yhwh, je m’abrite, que je ne rougisse pas à jamais ; 2 en ta justice tu me délivreras et me libéreras, tends vers moi ton oreille et sauve-moi. 3 Sois pour moi un roc de séjour, pour venir constamment ; tu as ordonné pour me sauver, car mon rocher et ma forteresse, c’est toi. 4 Mon Dieu, libère-moi de la main du méchant, de la paume du pervers et du violent. 5 Car toi (tu es) mon espoir, Seigneur, Yhwh, ma foi dès ma jeunesse ; 6 sur toi je m’appuie dès le ventre, des entrailles de ma mère, toi (tu es) mon séparant, en toi ma louange constamment. 7 Comme un signe je suis pour beaucoup et toi, (tu es) mon abri de force. 8 Sera remplie ma bouche de ta louange, tout le jour, de ta splendeur. 9 Ne me rejette pas au temps de la vieillesse, quand décline ma vigueur, ne m’abandonne pas ; 10 car disent mes 11 disant : « Dieu l’a ennemis de moi, les gardant mon âme se concertent ensemble abandonné, pourchassez-le et empoignez-le, car il n’est pas de délivrant. » 12 Dieu, ne sois pas loin de moi, mon Dieu, à mon secours hâte-toi. 13 Qu’ils rougissent et soient achevés les accusant mon âme ; qu’ils se couvrent de déshonneur et de confusion, les cherchant mon malheur ! 14 Et moi, constamment j’attendrai et j’ajouterai à tout ta louange ; 15 ma bouche racontera ta justice, tout le jour ton salut car je ne sais pas les nombres. 16 Je viendrai aux prouesses du Seigneur Yhwh, je rappellerai ta justice, à toi seul ; 17 Dieu, tu m’as enseigné dès ma jeunesse et jusqu’ici j’annonce tes merveilles. 18 Et aussi, jusqu’à la vieillesse et aux cheveux-blancs, Dieu, ne m’abandonne pas, tant que j’annonce ton bras à la génération, à 19 et ta justice, Dieu, jusqu’en-haut, chacun qui viendra ta prouesse (toi) qui as fait de grandes(-choses). Dieu, qui (est) comme toi ? 20 (Toi) qui m’as fait voir des angoisses nombreuses et des malheurs, tu reviendras me faire vivre ; et des abimes de la terre tu reviendras me faire monter. 21 Multiplie ma grandeur et tu te tourneras, tu me consoleras. 22 Aussi moi, je te rendrai-grâce sur l’instrument de la harpe, en ta vérité, mon Dieu, je jouerai pour toi sur la cithare, Saint d’Israël. 23 Que crient-de-joie mes lèvres, quand je psalmodierai pour toi et mon âme laquelle tu as rachetée ! 24 Aussi ma langue tout le jour murmure ta justice, quand rougiront, quand seront honteux les cherchant mon malheur. V . 6B
: « MON SÉPARANT »
Ce terme, gôzî, est un hapax. Un fragment de Qumran et le Targum ont ‘uzzî, « ma force » ; avec d’autres, Dhorme lit le participe gôḥî, comme en Ps 22,10 : « Car toi tu m’as tiré du ventre »1. Ravasi préfère le faire dériver du verbe gāzāh, « couper », « partager », et comprendre « part » d’héritage2. Mais d’autres interprètent le même verbe comme « couper » le cordon ombilical3. « Mon séparant » veut indiquer la figure de celui qui sépare l’enfant de sa mère. Quoi qu’il en soit, la plupart des solutions pointent sur la figure du père. V. 15C
: « LES NOMBRES »
Nouvel hapax, la plupart du temps compris comme « les nombres »4. 1
Hakham (II, 416) est d’avis qu’il s’agit de celui qui a aidé la femme à accoucher. Ravasi, II, 451. 3 Par ex., Vesco, 618. 4 Voir Vesco, 618 ; deClaissé-Walford – al., 568. 2
350
La cinquième section (Ps 66–72)
COMPOSITION Le psaume s’organise en deux parties d’égale longueur : 1-13 (30 membres) et 14-24 (31 membres). LA PREMIÈRE PARTIE (1-13) Les deux morceaux de la première sous-partie (1-3) sont construits selon un certain parallélisme. Dans les premiers membres, « un roc de séjour » est le lieu où le psalmiste peut « s’abriter » ; les seconds membres s’achèvent par les synonymes « à jamais » et « constamment ». Dans les deuxièmes segments, le salut qui a été demandé (2) est accordé (3cd) ; « me sauver » de 3c correspond à « sauve-moi » de 2b. Le second morceau est marqué par la métaphore de la « forteresse » sur « le roc », « le rocher ». Après la sous-partie introductive, les deux sous-parties suivantes sont complémentaires : les adverbes « à jamais » (1b) et « constamment » (3b) sont pour ainsi dire détaillés en « dès ma jeunesse » dans la deuxième sous-partie (5) et « au temps de la vieillesse » dans la troisième (9). Les deux verbes coordonnés de 2a, « tu me délivreras et me libéreras » sont repris, le second dans la deuxième sous-partie avec « libère-moi » (4a) et le premier dans la troisième sous-partie avec « délivrant » (11b). Dans la deuxième sous-partie, les morceaux extrêmes sont complémentaires : le premier (4) est de supplication, le dernier (8) d’action de grâce. Le morceau central est de composition concentrique, les trois définitions du Seigneur se trouvant en positions symétriques (5a.6b.7b). Avec « dès le ventre », le premier membre du segment central renvoie au segment précédent (5b) ; avec « ma louange » et « constamment », le dernier membre du segment central annonce le dernier segment du morceau (8). Dans le premier morceau de la dernière sous-partie, la demande adressée à Dieu (9) est motivée par les menées des « ennemis » du psalmiste contre lui (1011) ; ces deux derniers segments commencent par « dire ». Ce morceau est donc parallèle au premier morceau de la sous-partie précédente : demande (4.9) suivie par deux segments introduits par « car » (5-6 ; 10-11). Les rapports entre les deux premières sous-parties : de même racine, « je m’abrite » et « mon abri » se trouvent au début de la première sous-partie (1a) et à la fin de la deuxième (7b). Les noms divins reviennent au début de chaque sous-partie (1a ; 4a.5ab), ainsi que « me libéreras/libère-moi » (2a.4a). « À jamais » et « constamment » (1b.3b) sont repris en écho par « constamment » et « tout le jour » (6c.8b). Les rapports entre les deux dernières sous-parties : les noms divins apparaissent deux fois au début de l’avant-dernière partie (4a.5ab) et à la fin de la dernière (12ab). Dans la deuxième sous-partie, il est fait référence à la jeunesse (5-6), dans la dernière à la vieillesse (9) ; le psalmiste est en butte au « méchant », « pervers » et « violent » (4), à ses « ennemis » (10a).
Le psaume 71 + 1 En toi, .. JE NE ROUGIRAI PAS
YHWH,
= 2 en ta justice = tends
TU ME DÉLIVRERAS vers moi
351
JE M’ABRITE,
à jamais ; ET ME LIBÉRERAS,
ton oreille
et sauve-moi.
·······························································································································
+ 3 Sois pour moi .. pour venir
constamment ;
= tu as ordonné = car mon rocher
pour me sauver, et ma forteresse,
+ 4 MON DIEU, + de la paume
LIBÈRE-MOI
un roc
du pervers
de séjour,
c’est toi. de la main et du violent.
du méchant,
································································································································ = 5 Car TOI (tu es) mon espoir, SEIGNEUR, ma foi dès ma jeunesse. .. YHWH,
: 6 Sur toi : des entrailles : en toi .. 7 Comme un signe = et TOI, (tu es)
je m’appuie de ma mère, ma louange je suis
dès le ventre, (tu es) constamment. TOI
mon séparant,
pour beaucoup de force.
MON ABRI ································································································································
+ 8 Sera remplie + tout le jour,
ma bouche de ta splendeur.
de ta louange,
+ 9 Ne me rejette pas + quand décline
au temps ma vigueur,
de la vieillesse, ne m’abandonne pas ;
: 10 car disent : les gardant
mes ennemis mon âme
de moi, se concertent
ensemble
« Dieu et empoignez-le,
l’a abandonné, car il n’est pas
DE DÉLIVRANT. »
11
: disant : : pourchassez-le + +
······························································································································· 12 DIEU, ne sois pas loin de moi, MON DIEU, à mon aide hâte-toi.
= 13 QU’ILS ROUGISSENT = qu’ils se couvrent = les cherchant
et soient achevés de déshonneur mon malheur !
les accusant et de confusion,
mon âme ;
Les rapports entre les sous-parties extrêmes : « délivrant » (11b) rappelle « délivre-moi » (2a). « Que je ne rougisse pas » (1b) et « qu’ils rougissent » (13a) font inclusion. Les noms divins ne reviennent qu’au début des morceaux extrêmes (1a ; 12ab).
352
La cinquième section (Ps 66–72)
LA DEUXIÈME PARTIE (14-24) + 14 Et MOI, + et j’ajouterai
constamment
:: 15 MA BOUCHE :: TOUT LE JOUR :: car je ne sais pas
racontera ton salut les nombres.
à tout
j’attendrai ta louange ; TA JUSTICE,
······························································································································ aux prouesses DU SEIGNEUR YHWH, TA JUSTICE, à toi seul ;
+ 16 Je viendrai : je rappellerai + 17 DIEU, : et jusqu’ici
tu m’as enseigné J’ANNONCE
dès ma jeunesse tes merveilles.
······························································································································
+ 18 Et aussi, + DIEU,
jusqu’à la vieillesse ne m’abandonne pas,
et aux cheveux-blancs,
:: tant que J’ANNONCE :: à chacun
ton bras qui viendra
à la génération, ta prouesse
:: 19 et TA JUSTICE, :: (toi) qui
DIEU, as fait
jusqu’en-haut, DE GRANDES(-choses),
QUI (EST)
COMME TOI ?
– 20 (Toi) qui – des angoisses .. tu reviendras
m’as fait voir nombreuses me faire vivre ;
et des malheurs,
– et des abimes .. tu reviendras
de la terre me faire monter.
= 21 Multiplie = et tu te tourneras,
MA GRANDEUR,
DIEU,
tu me consoleras.
······························································································································ + 22 Aussi MOI, je te rendrai-grâce sur l’instrument de la harpe, MON DIEU, : en ta vérité,
sur la cithare,
+ je jouerai : SAINT
pour toi
+ 23 Que crient-de-joie + et mon âme
mes lèvres, laquelle
quand je psalmodierai tu as rachetée !
pour toi,
+ 24 Aussi MA LANGUE – quand rougiront,
TOUT LE JOUR
murmure les cherchant
TA JUSTICE,
quand seront honteux
D’ISRAËL. ······························································································································
mon malheur.
Deux longues sous-parties encadrent la très courte sous-partie centrale, qui est la seule question de tout l’ensemble (19c).
Le psaume 71
353
La première sous-partie se développe en trois morceaux. Dans le premier le deuxième segment développe le deuxième membre du premier segment : la « louange » de Dieu consistera à « raconter » ses œuvres de « justice » et de « salut » que le psalmiste est incapable de compter. « Tout le jour » (15b) rappelle « constamment » (14a). Les deux segments du second morceau sont parallèles. Dans les deuxièmes membres le psalmiste proclame la « justice » et les « merveilles » de Dieu. Les premiers membres contiennent les noms divins et la mention de ses actions, « prouesses » et enseignement. Le troisième morceau ne forme qu’une seule phrase complexe. Le premier segment est la principale qui énonce la demande ; suit une temporelle où l’annonce promise s’étend à la « génération » qui « viendra » (18cd), mais aussi au monde d’« en-haut » (19a). Le dernier membre est une relative : « les grandes-choses » accomplies par Dieu renvoient à « ton bras », « ta prouesse » (18cd) et à « ta justice » (19a). « Justice » revient dans les trois morceaux (15a.16b.19a). Les rapports sont nombreux entre les deux derniers morceaux : « venir » (16a.18d), « prouesse(s) » (16a.18d), « annoncer » (17b.18c), « dès ma jeunesse » et « jusqu’à la vieillesse et aux cheveux-blancs » (17a.18a), les noms divins deux fois (16a.17a ; 18b.19a). La dernière partie se développe elle aussi en trois morceaux selon le schéma ABB’ : le premier morceau dit ce que fera le Seigneur, les deux autres ce que, en réponse, le psalmiste fera dans l’action de grâce. Dans le premier morceau les deux premiers segments sont parallèles : les « angoisses » et les « malheurs » sans nombre (20b) sont qualifiés ensuite comme « abimes de la terre » (20d), les derniers membres commencent de la même façon. Dans les deux cas il s’agit d’être sauvé de la mort. Le dernier segment dit la conséquence ou le résultat du salut. Dans le second morceau le psalmiste promet de célébrer l’action de grâce pour le salut reçu, par les instruments de musique, « harpe » et « cithare », tous pour « mon Dieu » « le Saint d’Israël ». Dans le troisième morceau qui est complémentaire du second, les instruments accompagnent ce que chantent les « lèvres » et la « langue » ; les seconds membres sont complémentaires, qui joignent le rachat du psalmiste et la honte et le déshonneur de ses ennemis (23b.24b). Les deux occurrences de « malheur(s) » font inclusion (20b.24b). D’une partie à l’autre, les segments finaux des morceaux extrêmes (15.24) ont en commun « tout le jour », « ta justice » et « ma bouche/langue ». Il s’agit tout au long de « raconter » (15a), « rappeler » (16b), « annoncer » (17b.18c) ; de « rendre-grâce » (22a) et de « jouer » (22c), de « crier-de-joie », « psalmodier » (23a), de « murmurer » (24a) la « justice » de Dieu (15a.16b.19a ; 24a). Les morceaux médians à distance s’achèvent avec « de grandes-(choses) » et « ma grandeur » (19b.21a). Au centre exact (15 membres de chaque côté), la seule question, qui attend une réponse.
354
La cinquième section (Ps 66–72)
L’ENSEMBLE DU PSAUME 1
En toi, Yhwh, je m’abrite, QUE JE NE ROUGISSE PAS À JAMAIS ; 2 en TA JUSTICE tu me délivreras et me libéreras, tends vers moi ton oreille et SAUVE-MOI. 3 Sois pour moi un roc de séjour, pour venir CONSTAMMENT ; tu as ordonné pour ME SAUVER, car mon rocher et ma forteresse, c’est toi. 4
Mon Dieu, libère-moi de la main du méchant, de la paume du pervers et du violent. 5 Car TOI, TU ES MON ESPOIR, Seigneur, Yhwh, ma foi dès ma jeunesse. 6 Sur toi je m’appuie dès le ventre, des entrailles de ma mère, TOI, TU ES MON SÉPARANT, en toi 7 MA LOUANGE CONSTAMMENT. Comme un signe je suis pour beaucoup et TOI, TU ES MON ABRI DE FORCE. 8 MA BOUCHE sera remplie de TA LOUANGE, TOUT LE JOUR, de ta splendeur.
9
Ne me rejette pas au temps de la vieillesse, quand décline ma vigueur, ne m’abandonne pas ; 10 car mes ennemis parlent de moi, ceux qui regardent mon âme se concertent ensemble 11 disant : « Dieu l’a abandonné, pourchassez-le et empoignez-le, car il n’est personne qui le délivre. » 12 Dieu, ne sois pas loin de moi, mon Dieu, à mon secours hâte-toi. 13 QU’ILS ROUGISSENT et soient achevés ceux qui accusent mon âme ; qu’ils se couvrent de DÉSHONNEUR et de confusion, ceux qui cherchent mon malheur ! 14
Et moi, j’attendrai CONSTAMMENT et à tout j’ajouterai TA LOUANGE ; 15 MA BOUCHE racontera TA JUSTICE, TOUT LE JOUR TON SALUT car je n’en sais pas les nombres. 16 J’en viendrai aux prouesses du Seigneur Yhwh, je rappellerai TA JUSTICE, à toi seul ; 17 Dieu, tu m’as enseigné dès ma jeunesse et jusqu’ici j’annonce tes merveilles. 18 Et aussi, jusqu’à la vieillesse et aux cheveux blancs, Dieu, ne m’abandonne pas, tant que j’annonce ton bras à la génération suivante, à tous ceux qui viendront ta prouesse 19 et TA JUSTICE, Dieu, jusqu’en-haut, toi qui as fait de grandes choses. Dieu, qui est comme toi ? 20
Toi qui m’as fait voir des angoisses nombreuses et des malheurs, tu reviendras me faire vivre ; et des abimes de la terre tu reviendras me faire monter. 21 Multiplie ma grandeur et tu retourneras me consoler. 22 Aussi moi, je te rendrai grâce sur l’instrument de la harpe, en ta vérité, mon Dieu, je jouerai pour toi sur la cithare, Saint d’Israël. 23 Que MES LÈVRES crient de joie quand je psalmodierai pour toi et mon âme que tu as rachetée ! 24 Aussi MA LANGUE TOUT LE JOUR murmure TA JUSTICE, quand ROUGIRONT, quand SERONT HONTEUX ceux qui cherchent mon malheur.
La première partie, qui commence avec « En toi », est saturée d’impératifs et de jussifs qui en font donc essentiellement une supplication. Commençant par « Et moi », la deuxième partie où abondent les verbes appartenant au champ sémantique du récit (« raconter », « rappeler », « annoncer »...) est surtout une louange et une action de grâce. Le psalmiste commence par demander de ne pas « avoir honte » (1) et, en finale de chaque partie, que ce soient au contraire « ceux qui cherchent (son) malheur » qui « aient honte », soient couverts de « déshonneur » et « soient honteux » (13.24).
Le psaume 71
355
« Constamment » revient deux fois dans la première partie (3.6) et une fois dans la deuxième (14) ; « tout le jour » une fois dans la première partie (8) et deux fois dans la seconde (15.24). Il faut ajouter « à jamais » (1) ainsi que « dès ma jeunesse », « dès le ventre, dès les entrailles de ma mère » (6), « dès ma jeunesse et jusqu’ici » (17), « au temps de la vieillesse » (9) et « jusqu’à la vieillesse et les cheveux blancs » (18). Autres rapport lexicaux : « ta justice » (2 ; 15.16.19.24), « sauver/salut » (2.3 ; 15), « ta louange » (6.8. ; 14), « abandonner » (9.11 ; 18), « ma bouche » (8 ; 15) suivi de « mes lèvres » et « ma langue » (23.24). Les centres des deux parties se correspondent (5-7 ; 19c) : ce qui leur est commun est la question de l’identité, identité de Dieu trois fois approchée au cœur de la première partie, par rapport au psalmiste, identité de celui qui serait « comme Dieu » au centre de la dernière partie, posée sous forme de question.
CONTEXTE Le Ps 71 « reprend [...] avec des variantes, d’autres versets de psaumes »5. Deux parallèles méritent spécialement d’être signalés. Le Ps 71 et le Ps 31 commencent de manière fort semblable : Ps 71,1-2
Ps 31,1-2
1
2
En toi, Yhwh, je m’abrite, que je ne rougisse pas à jamais ; 2 en ta justice tu me délivreras et me libéreras, tends vers moi ton oreille et sauve-moi. 3 Sois pour moi un roc de séjour, pour venir constamment ; tu as ordonné pour me sauver, car mon rocher et ma forteresse, c’est toi.
En toi, Yhwh, je m’abrite, que je ne rougissent pas à jamais, en ta justice libère-moi ; 3 tends vers moi ton oreille, hâte-toi, délivre-moi. Sois pour moi un roc de refuge, une maison de forteresses pour me sauver ; 4 car mon rocher et ma forteresse, c’est toi
On a aussi noté, par exemple, la parenté entre Ps 71,13 et Ps 35,4 et 40,15. En réalité les rapports se limitent à trois termes : Ps 71,13
Ps 35,4
13
Qu’ils rougissent et soient achevés les accusant mon âme ;
4
qu’ils se couvrent de déshonneur et d’infamie, les cherchant mon malheur !
qu’ils reculent en arrière et soient confus les projetant mon malheur !
5
Qu’ils rougissent et soient-honteux ceux qui cherchent mon âme,
Vesco en dresse une liste de 18 items (615).
Ps 40,15 15
Qu’ils rougissent et soient confondus ensemble, les cherchant mon âme pour la perdre. Qu’ils reculent en arrière et soient confus, les désirant mon malheur.
356
La cinquième section (Ps 66–72)
Quels que soient les « emprunts » qu’aurait pu faire le Ps 71 à d’autres psaumes, il n’est pas possible de le réduire à « une collection de citations »6 ; il constitue en revanche une composition originale7. « DIEU, QUI EST COMME TOI ? La question centrale de la deuxième partie rappelle la question centrale du Ps 113 qui lui est semblable : « Qui est comme Yhwh notre Dieu ? » (Ps 113,5a). La première réponse qui vient à l’esprit est qu’il n’est évidemment personne qui soit comme le Seigneur Dieu. Toutefois, le psaume réserve une surprise : celui qui est « exalté » au-dessus de toutes les nations et au-dessus même des cieux est aussi celui qui « exalte » le pauvre du fumier où il croupit. C’est donc ce « pauvre » qui est comme le Seigneur notre Dieu ! S’il n’est personne parmi les dieux qui soit comme Yhwh le Dieu d’Israël, c’est que personne d’autre n’exalte le pauvre comme lui-même est exalté8. La question centrale du Ps 113 renvoie à la double question centrale du « Chant de la mer », qui célèbre la traversée de la mer des joncs et annonce l’arrivée dans la terre promise, jusque dans le Temple de Jérusalem : Qui est parmi les dieux,
comme toi Yhwh ?
······································································
Qui est
comme toi,
. resplendissant . terrible . faiseur
de sainteté, en louanges, de prodiges ? (Ex 15,11)9.
INTERPRÉTATION LA JUSTICE DE DIEU Dès le début, le psalmiste fait appel à la « justice » de « Yhwh ». Par sa justice le Seigneur devra le « délivrer », le « libérer », le « sauver » (1-2). C’est qu’il est retenu prisonnier de la main du « méchant, du pervers et du violent » (4). Ses « ennemis » se concertent pour le « pourchasser » et l’« empoigner » (10-11). C’est donc au juge qu’il s’adresse contre ceux qui « gardent » et « accusent » son « âme », qui « cherchent son malheur ». Ce juge rétablira la justice en le sauvant et en faisant rougir ceux qui voulaient le faire rougir. Revenant quatre fois encore, « ta justice » est le mot-clé de la seconde partie qu’il n’est guère possible de ne pas remarquer. Il est d’abord couplé avec « salut » (15) comme il 6
Kraus, II, 71. Ravasi, II, 440 ; Alonso Schoekel – Carniti, I, 1037. 8 Voir Le Psautier. Cinquième livre, 101-109. 9 Voir R. MEYNET, Appelés à la liberté, Chap. 2 « Le chant de la mer (Ex 15) », 51-85. 7
Le psaume 71
357
l’était déjà au début (2), puis avec les « prouesses » du Seigneur (16), avec l’accumulation de « ton bras », « ta prouesse » et ses « grandes choses » (18-19). À la fin il est précédé par le « rachat » (23) et par le châtiment de ceux qui cherchaient le malheur de leur victime. Dieu est celui qui sauve, sa justice est sa miséricorde. « LE ROCHER QUI T’A ENGENDRÉ » « En toi, Yhwh, je m’abrite ». L’abri dans lequel le psalmiste trouve refuge contre ceux qui l’attaquent est pour lui « un roc de séjour », c’est son « rocher », sa « forteresse » (3). Ce sera pour lui son « abri de force » (7). Cette métaphore laisse bientôt la place à une image, ou plutôt à une réalité qui dit aussi la solidité, la pérennité du rapport qui lie le psalmiste avec son Seigneur. Le roc est ce qui est inébranlable, qui dure, qui est de toujours et à jamais. Le Seigneur est le Rocher sur lequel le psalmiste « s’appuie » depuis toujours, « depuis sa jeunesse », et même « depuis le ventre, depuis les entrailles de sa mère » (5-6). Discrètement, c’est l’image paternelle qui apparait dans ces expressions ; comme un père il est celui qui l’a « enseigné depuis sa jeunesse » (17). On croit entendre le Chant de Moïse, où le nom du Rocher revient sept fois : 18
Tu oublies le Rocher qui t’a mis au monde, tu ne te souviens plus du Dieu qui t’a engendré ! 19 Yhwh l’a vu, et dans sa colère il a rejeté ses fils et ses filles. 20 Il a dit : Je vais leur cacher ma face et je verrai ce qu’il adviendra d’eux. Car c’est une génération pervertie, des fils sans fidélité (Dt 32,18-20).
« DIEU, QUI EST COMME TOI ? » La question est posée, de manière abrupte, en plein cœur de la deuxième partie du psaume, la partie consacrée à la louange et à l’action de grâce pour le salut reçu de la justice de Dieu. On peut, bien sûr, la considérer comme une simple question « rhétorique » dont la réponse est obvie et s’impose avec évidence à tout lecteur, même pressé. Mais une question peut en cacher une autre... Celui qui est comme Dieu ne serait-il pas son fils, celui qui l’a reconnu comme son père depuis sa jeunesse, depuis le ventre de sa mère ? Celui surtout qui ne l’a pas abandonné jusqu’à sa vieillesse ? Celui surtout qui, « tout le jour » et « constamment », a « espéré » et « cru » que jamais son père n’aurait pu l’« abandonner ». Est comme Dieu le vieillard qui continuera à demander sans se lasser, jusqu’à la fin : « Ne m’abandonne pas ! » (9.18).
3. LE PSAUME 72 TEXTE 1À
Salomon. Dieu, tes jugements au roi donne et ta justice au fils du roi : 2 qu’il gouverne ton peuple avec justice et tes miséreux avec jugement. 3 Portent les montagnes la paix au peuple et les collines la justice : 4 il jugera les miséreux du peuple il sauvera les fils du pauvre il frappera l’oppresseur. 5 Et qu’il dure avec le soleil et en face de la lune d’âge en âges. 6 Qu’il descende comme la pluie sur le gazon, comme averses inondant la terre : 7 fleurira en ses jours le juste et beaucoup de paix jusqu’à plus de lune. 8 Qu’il domine de la mer jusqu’à la mer et du fleuve jusqu’aux bouts de la terre ; 9 devant sa face s’agenouilleront ceux du désert et ses ennemis la poussière lècheront. 10 Les rois de Tarsis et des iles un tribut apporteront, les rois de Cheba et de Saba une redevance approcheront ; 11 et se prosterneront tous les rois, toutes les nations le serviront. 12 Oui, il délivrera le pauvre qui crie et le miséreux et il n’y a pas de secours pour lui. 13 Il se souciera du faible et du pauvrre et les âmes des pauvres il sauvera. 14 De l’astuce et de la violence il rachètera leur âme et est cher leur sang à ses yeux. 15 Il vivra et il lui donnera de l’or de Cheba, on priera pour lui constamment, tous les jours on le bénira. 16 Que soit abondance de blé sur la terre sur le sommet des montagnes ondulera comme le Liban son fruit ; et qu’ils fleurissent de la ville comme l’herbe de la terre. 17 Que soit son nom pour toujours, à la face du soleil germe son nom et se bénissent en lui toutes les nations, le félicitent. 18 Béni Yhwh Dieu, Dieu d’Israël, qui fait des merveilles lui-seul 19 et béni le nom de sa gloire pour toujours et remplit sa gloire toute la terre. Amen ! Amen ! 20 Sont achevées les prières de David fils de Jessé. V. 5
: « QU’IL DURE »
La Septante et la Vulgate ont lu weya’ărîk, « et qu’il dure » au lieu de yîrā’ûkā, « qu’ils te craignent », du texte massorétique. V. 9
: « CEUX DU DÉSERT »
La correction par « ses adversaires » ne s’impose pas. V. 16A : « ABONDANCE
»
Le terme pissâ est un hapax. V. 16D
: « ET QU’ILS FLEURISSENT DE LA VILLE »
Il vaut mieux s’en tenir au texte massorétique. On peut comprendre que la population citadine sera florissante comme l’herbe de la terre1.
COMPOSITION Les quatre parties du psaume se correspondent de manière parallèle. 1
Hossfeld – Zenger, II, 204 ; pour la critique textuelle voir surtout Barbiero, 308-313.
360
La cinquième section (Ps 66–72)
LA PREMIÈRE PARTIE (1B-4) + 1b Dieu, + et ta JUSTICE :: 2 qu’il gouverne :: et TES MISÉREUX + +
AU FILS
au roi du roi :
TON PEUPLE
avec JUSTICE
TES JUGEMENTS
donne
AVEC JUGEMENT. ············································································································· 3 Que portent les montagnes la paix AU PEUPLE LA JUSTICE : et les collines
:: 4 IL JUGERA :: il sauvera – il frappera
LES MISÉREUX
DU PEUPLE
LES FILS l’oppresseur.
DU PAUVRE
Chacun des deux segments du premier morceau met en parallèle « jugement(s) » et « justice ». Dans le premier segment, ces deux dons sont faits « au roi », qui est « fils de roi » ; selon le titre du psaume, le roi est Salomon, fils du roi David. Dans le deuxième segment sont nommés les bénéficiaires de la « justice » et du « jugement » du roi : « le peuple » (2a) et, plus précisément, les « miséreux » (2b). Le mouvement va donc de l’origine de la justice, « Dieu » (1b), jusqu’aux « miséreux », par le moyen du roi, fils de roi. Le mouvement du deuxième morceau est semblable à celui du premier. Dans le premier segment, le sujet est maintenant la création, « montagnes » et « collines » de la terre d’Israël où vit « le peuple », « la justice » étant couplée avec « la paix ». Comme dans le second segment du premier morceau, le sujet du segment qui lui correspond (4) est de nouveau le roi, et les bénéficiaires sont les mêmes, « les miséreux» et « les fils du pauvre ». Pour « sauver » ces derniers, le roi n’a pas d’autre choix que de frapper ceux qui les oppriment (4c). Les reprises lexicales entre les deux morceaux sont nombreuses : « justice » revient trois fois (1c.2a.3b), ainsi que « peuple » (2a.3a.4a), que les termes de la racine du « jugement » (1b.2b.4a) et ceux du champ sémantique des opprimés, « miséreux » et « pauvre » (2b.4a.4b). On notera que les deux occurrences de « fils » font inclusion (1c.4b). LA DEUXIÈME PARTIE (5-11) Le premier morceau demande pour le roi une longue vie. C’est d’abord devant les deux grands luminaires qui marquent le temps, « le soleil » et « la lune ». Les deux segments suivants passent à une métaphore agricole, celle de la pluie (6) qui permet à la terre, c’est-à-dire au « juste » et à « la paix », de « fleurir » (7). Dans le dernier segment reviennent les mentions du temps, « en ses jours » et « jusqu’à plus de lune » qui renvoient à « d’âge en âges » du premier segment.
Le psaume 72 + 5 Qu’il dure + et en face
avec le soleil de la lune
d’âge
.. Qu’il descende .. comme averses
comme la pluie inondant
sur le gazon, la terre :
.. 7 fleurira .. et beaucoup
en ses jours
le juste
de paix
jusqu’à plus
6
361
en âges.
de lune.
··············································································································
:: 8 Qu’il domine :: et du fleuve
de la mer jusqu’aux bouts
jusqu’à la mer de la terre ;
= 9 devant sa face = et ses ennemis
s’agenouilleront la poussière
ceux du désert lècheront.
······························································································· :: 10 Les ROIS de Tarsis et des iles
. un tribut
apporteront,
:: les ROIS . une redevance
de Cheba approcheront ;
= 11 et se prosterneront = toutes les nations
tous les ROIS, le serviront.
et de Saba
Du temps, les deux morceaux suivants passent à l’espace. Le premier segment du second morceau indique les limites extrêmes des territoires gouvernés par le roi ; le deuxième segment dit la soumission de ses ennemis. Le troisième morceau précise l’identité des adversaires, « les rois » de deux doubles régions d’abord (10ab.10cd), avant de généraliser à « tous », « tous les rois » de « toutes les nations » (11) : « se prosterner » et « servir » (11) pour payer tribut (10b.10d) renvoient à « s’agenouiller » et « lécher la poussière » de la fin du deuxième morceau (9ab). LA TROISIÈME PARTIE (12-14) + 12 Oui, IL DÉLIVRERA + et LE MISÉREUX
LE PAUVRE
et il n’y a pas
qui crie de secours pour lui.
+ 13 IL SE SOUCIERA + et les âmes
du FAIBLE des PAUVRES
et du PAUVRE IL SAUVERA.
– 14 De l’astuce – et est cher
et de la violence leur sang
IL RACHÈTERA
leur âme
à ses yeux.
Les deux premiers segments disent l’intervention du roi en faveur des « pauvres » (12a.13a.13b), « miséreux » (12b) et « faible » (13a). Le dernier segment fait référence à leurs oppresseurs. Les deux occurrences de « âme(s) » agrafent les deux derniers segments.
362
La cinquième section (Ps 66–72)
LA QUATRIÈME PARTIE (15-19) + 15 Il vivra + on priera + tous les jours
et il lui donnera pour lui ON LE BÉNIRA.
de l’or
:: 16 QUE SOIT :: sur le sommet :: comme le Liban
abondance des montagnes son fruit ;
de blé ondulera
:: et qu’ils fleurissent :: comme l’herbe
de la ville DE LA TERRE.
de Cheba,
constamment, SUR LA TERRE
····························································································································· :: 17 QUE SOIT son nom pour toujours,
:: à la face :: et SE BÉNISSENT en lui
du soleil toutes les nations,
germe le félicitent.
+ 18 BÉNI + Dieu + qui fait
Yhwh d’Israël, des merveilles
Dieu,
19
+ et BÉNI + et remplit + Amen !
le nom sa gloire Amen !
son nom
lui-seul ; de sa gloire toute
pour toujours LA TERRE.
Le premier morceau commence par la reconnaissance des peuples : tribut, prière, bénédiction. Les deux segments suivants disent la prospérité du règne, campagne fertiles (16abc), villes florissantes (16de) ; les membres extrêmes de ces deux segments s’achèvent avec « la terre ». Le deuxième morceau est marqué par la bénédiction : c’est d’abord par « le nom » du roi que « se béniront » « toutes les nations » (17), c’est ensuite « le nom » de « Yhwh Dieu, Dieu d’Israël » qui est « béni » (18-19). Dans les deux cas, c’est « pour toujours » (17a.19a). Les deux occurrences de « pour toujours » renvoient à « constamment » et « tout le jour » du premier segment (15bc). Les deux morceaux s’achèvent avec « la terre » (16e.19b). « Bénir » apparaissait déjà en 15c. Les segments 16 et 17 commencent avec le même « Que soit ». L’ENSEMBLE DU PSAUME Dans les deux premières parties reviennent « roi(s) » (1b bis.10bis.11), « paix » (šālôm, 3.7 ; qui rappelle « Salomon », šelōmo, 1a), « justice/juste » (1.2.3 ; 7). La première et la troisième partie ont en commun tous les termes du champ sémantique des opprimés : « miséreux » (2.4 ; 12), « pauvre(s) » (4 ; 12.13bis), « faible » (13). Ces parties s’achèvent sur la mention de l’oppression (4.14).
Le psaume 72 1
363
À SALOMON. Dieu, tes jugements au ROI donne et ta JUSTICE au fils du ROI : 2 qu’il gouverne ton peuple avec JUSTICE et tes MISÉREUX avec jugement. 3 Portent les montagnes LA PAIX au peuple et les collines la JUSTICE : 4 il jugera les MISÉREUX du peuple IL SAUVERA les fils du PAUVRE il frappera l’oppresseur. 5
Qu’il dure avec le SOLEIL et en face de la lune d’âge en âges. 6 Qu’il descende comme la pluie sur le gazon, comme averses inondant la terre : 7 fleurira en ses jours LE JUSTE et beaucoup de PAIX jusqu’à plus de lune. 8 Qu’il domine de la mer jusqu’à la mer et du fleuve jusqu’aux bouts de la 9 terre ; devant sa face s’agenouilleront ceux du désert et ses ennemis la poussière lècheront. 10 Les ROIS de Tarsis et des iles un tribut apporteront, les ROIS de CHEBA et de Saba une redevance approcheront ; 11 et se prosterneront TOUS LES ROIS, TOUTES LES NATIONS le serviront. 12
Oui, il délivrera le PAUVRE qui crie et le MISÉREUX et il n’y a pas de secours pour lui. Il se souciera du FAIBLE et du PAUVRE et les âmes des PAUVRES IL SAUVERA. 14 De l’astuce et de la violence il rachètera leur âme et est cher leur sang à ses yeux. 13
15
Il vivra et il lui donnera de l’or de CHEBA, on priera pour lui constamment, tous 16 Que soit abondance de blé sur la terre sur le sommet des montagnes ondulera comme le Liban son fruit ; et qu’ils fleurissent de la ville comme l’herbe de la terre. 17 Que soit son nom pour toujours, à la face du SOLEIL germe son nom et se 18 bénissent en lui TOUTES LES NATIONS, le félicitent. Béni Yhwh Dieu, Dieu d’Israël, qui fait des merveilles lui-seul 19 et béni le nom de sa gloire pour toujours et remplit sa gloire TOUTE la terre. Amen ! Amen !
les jours on le bénira.
20
Sont achevées les prières de David fils de Jessé.
La deuxième et la quatrième partie ont en commun « soleil » (5.17), les mentions du temps, « d’âge en âges » (5), « en ses jours » et « jusqu’à plus de lune » (7), « constamment, tous les jours » (15), « pour toujours » (17.19), « terre » (6.8 ; 16bis.19), « Cheba » (10.15), « tous les rois » et « toutes les nations » (11), « toutes les nations » (17) et « toute la terre » (19). Le nom de « Dieu » n’apparait qu’aux extrémités (1b ; 18), faisant inclusion pour l’ensemble du psaume. Le colophon avec le nom de « David, fils de Jessé » 20) répond au titre avec celui de « Salomon », son fils et successeur sur le trône d’Israël.
364
La cinquième section (Ps 66–72)
CONTEXTE TARSIS, CHEBA ET SABA Il est clair par le contexte qu’il s’agit des royaumes les plus lointains. Tarsis est l’exact opposé de Ninive où Jonas ne veut pas se rendre. On a voulu l’identifier à la Tartessos du sud de l’Espagne, avec laquelle Tyr commerçait (Ez 27,12). Cheba se trouvait probablement au Sud de l’Arabie et Saba est le lieu lointain d’où vint sa reine mettre à l’épreuve la sagesse de Salomon (1R 10). « PAR TOI SE BÉNIRONT TOUTES LES FAMILLES DE LA TERRE » (GN 12,3) Les mots de Ps 72,17, « et se béniront en lui toutes les nations », font écho à la promesse faite à Abram dès son appel. ZA 9,9-10 Le psaume semble résumé dans l’oracle de Zacharie : 9
Exulte avec force, fille de Sion ! Crie de joie, fille de Jérusalem ! Voici que ton roi vient à toi : il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne, sur un ânon, le petit d’une ânesse. 10 Il retranchera d’Éphraïm la charrerie et de Jérusalem les chevaux ; l’arc de guerre sera retranché. Il annoncera la paix aux nations. Son empire ira de la mer à la mer et du Fleuve aux extrémités de la terre.
L’ÉPIPHANIE Quelques versets du Ps 72 (1-2, 7-8, 10-11, 12-13) sont repris pour la fête de l’Épiphanie (les trois années du cycle) qui rappelle la visite des mages auprès de l’enfant Jésus à Bethléem (Mt 2,1-12). Le psaume est précédé de la lecture d’Is 60,1-6.
INTERPRÉTATION SALOMON, ROI DE PAIX « Voici, il t’est né un fils qui sera, lui, un homme de repos et auquel je donnerai le repos vis-à-vis de tous ses ennemis d’alentour, car Salomon sera son nom, et je donnerai paix et tranquillité à Israël pendant ses jours » (1Ch 22,9). Le règne du fils de David fut marqué par « la paix » ; par la prospérité de la terre qui donnait l’abondance de son blé, et par celle de ses villes florissantes (16), par la prospérité aussi du « tribut » qu’apportaient la multitude des peuples soumis (10).
Le psaume 72
365
POUR LE MISÉREUX ET LE PAUVRE Une paix qui serait au seul bénéfice des possédants ne serait pas une paix véritable. La paix doit s’appuyer sur « la justice ». Et la justice veut que « le faible » soit secouru. C’est pourquoi les deux versants du psaume commencent avec une telle insistance sur « le salut » qui s’étend jusqu’aux « miséreux » qui, sans cela, n’auraient aucun secours (12). C’est que rôde toujours « l’oppresseur » (4) qui use d’« astuce » et de « violence » (14) pour exploiter « le faible ». Le roi selon « les jugements » de Dieu (1) est celui qui exerce la justice et délivre « le fils du pauvre » des griffes de ses prédateurs. Il est celui qui le fait « vivre » en lui donnant l’or qui lui est venu du roi de Cheba (15)2. ROYAUTÉ UNIVERSELLE La royauté du roi idéal, telle qu’elle est demandée pour Salomon, s’exerce non seulement sur tous les membres de son peuple sans exception, jusqu’au dernier des malheureux, et jusqu’à ceux qui les oppriment. Elle s’étend aussi à toute la durée, « d’âge en âges » (5), « jusqu’à plus de lune » (7), « constamment » et « tous les jours » (15), « pour toujours » (17.19) ; elle s’étend à « tous les rois », à « toutes les nations » (11.17). Il ne saurait y avoir de paix, si elle n’était pas universelle. LE RÈGNE DE DIEU Le psaume est « pour Salomon » et c’est de ce roi qu’il parlera tout au long. Mais, après le titre, le premier mot de la prière est « Dieu », celui auquel David s’adresse pour implorer ses dons en faveur de son fils : « donne au roi ». Il sait, en effet, que « toute donation bonne et tout don parfait vient d’en haut » (Jc 1,17). Le nom divin ne reviendra qu’à la fin, mais c’est à lui et à lui seul que David parle. Pour conclure, la bénédiction que le roi reçoit du pauvre et de toutes les nations (15.17) est liée étroitement à celle de « Yhwh, Dieu d’Israël » (18-19), ce qui est une manière de faire entendre que le règne de Salomon est le règne de celui qui lui a donné l’onction royale.
2
Voir Barbiero, 311-312.342.
4. TOUS LES MALHEUREUX SERONT SAUVÉS PAR LE SEIGNEUR (70–72) COMPOSITION DE LA SÉQUENCE Ps 70,1 Du maitre-de-chant, de David, pour mémorial. 2 Dieu, à me DÉLIVRER, Seigneur à MON SECOURS HÂTE-TOI. 3 QU’ILS ROUGISSENT et soient confondus ceux qui cherchent mon âme. Qu’ils reculent en arrière et SOIENT CONFUS ceux qui désirent mon malheur. 4 Qu’ils s’en retournent par l’effet de leur HONTE, ceux qui disent : « Ah Ah ! Ah Ah ! » 5
Qu’ils jubilent et se réjouissent en toi, tous ceux qui te cherchent et qu’ils disent toujours : « Qu’il soit grand Dieu ! », ceux qui aiment TON SALUT. 6 Et moi, MISÉREUX et PAUVRE, Dieu, HÂTE-TOI vers moi ! MON SECOURS et mon LIBÉRATEUR, c’est toi ; Seigneur, ne sois pas en arrière ! Ps 71,1 En toi, Yhwh, je m’abrite, QUE JE NE ROUGISSE PAS à jamais ; 2 en TA JUSTICE TU ME DÉLIVRERAS et me LIBÉRERAS, tends vers moi ton oreille et SAUVE-MOI. 3 Sois pour moi un roc de séjour, pour venir constamment ; tu as ordonné pour me SAUVER, car mon rocher et ma forteresse, c’est toi. 4 Mon Dieu, LIBÈRE-MOI de la main du méchant, de la paume du pervers et du violent. 5 Car toi tu es mon espoir, Seigneur, Yhwh, ma foi dès ma jeunesse ; 6 sur toi je m’appuie dès le ventre, des entrailles de ma mère toi tu es mon séparant, en toi ma louange constamment. 7 Comme un signe je suis pour beaucoup, et toi, tu es mon abri de force. 8 Ma bouche sera remplie de ta louange, tout le jour de ta splendeur. 9 Ne me rejette pas au temps de la vieillesse, quand décline ma vigueur, ne m’abandonne pas ; 10 car mes ennemis disent de moi, ceux qui gardent mon âme se concertent ensemble 11 disant : « Dieu l’a abandonné, pourchassez-le et empoignez-le, car il n’est pas de DÉLIVRANT. » 12 Dieu, ne sois pas loin de moi, mon Dieu, à MON SECOURS HÂTE-TOI. 13 QU’ILS ROUGISSENT et soient achevés ceux qui accusent mon âme ; qu’ils se couvrent de déshonneur et de CONFUSION, ceux qui cherchent MON MALHEUR ! 14
Et moi, constamment j’attendrai et j’ajouterai à tout ta louange ; 15 ma bouche racontera TA JUSTICE, tout le jour TON SALUT car je ne sais pas les nombres. 16 J’en viendrai aux prouesses du Seigneur Yhwh, je rappellerai TA JUSTICE, à toi seul ; 17 Dieu, tu m’as enseigné dès ma jeunesse et jusqu’ici j’annonce tes merveilles. 18 Et aussi, jusqu’à la vieillesse et aux cheveux blancs, Dieu, ne m’abandonne pas, tant que j’annonce ton bras à la génération, à chacun qui viendra ta prouesse 19 et TA JUSTICE, Dieu, jusqu’en-haut, toi qui as fait de grandes choses. Dieu, qui est comme toi ? 20 Toi qui m’as fait voir des ANGOISSES nombreuses et des MALHEURS, tu reviendras me faire vivre ; et des abimes de la terre tu reviendras me faire monter. 21 Multiplie ma grandeur, et tu te tourneras, tu me consoleras. 22 Aussi moi, je te rendrai grâce sur l’instrument de la harpe, en ta vérité, mon Dieu, je jouerai pour toi sur la cithare, SAINT D’ISRAËL. 23 Que crient de joie mes lèvres, quand je psalmodierai pour toi, et mon âme laquelle tu as rachetée ! 24 Aussi ma langue tout le jour murmure TA JUSTICE, quand ROUGIRONT, quand seront HONTEUX ceux qui cherchent MON MALHEUR.
Les trois psaumes ont en commun « secours » (70,2.6 ; 71,12 ; 72,12), « salut/ sauver » (70,5 ; 71,2.3.15 ; 72,4.13), les termes du champ sémantique du malheur, « miséreux et pauvre » (70,6), « malheur » (71,13.20.24) et « angoisses » (71,20), « miséreux » (72,2.4.12), « pauvre » (72,4.12.13bis), « faible » (72,13). Les deux premiers passages ont en commun « délivrer » (70,2 ; 71,2.11), « hâte-toi » (70,2.6 ; 71,12), « rougir » (70,3 ; 71,1.13.24), « être confus/confusion » (70,3 ; 71,13), « honte/honteux » (70,4 ; 71,24), « libérateur/libérer » (70,6 ; 71,2.4) ; à « ceux qui cherchent mon âme » et « ceux qui désirent mon
La séquence 70–72
367
malheur » (70,3) font écho « ceux qui accusent mon âme » (71,13) et « ceux qui cherchent mon malheur » (71,13.24). Les deux derniers passages ont en commun « justice/juste » (71,2.15.16.19. 24 ; 72,1.2.3.7), ainsi que « Saint d’Israël » (71,22) et « Dieu d’Israël » (72,18). Ps 72,1 Pour Salomon. Dieu, tes jugements au roi donne et TA JUSTICE au fils du roi : 2 qu’il gouverne ton peuple avec JUSTICE et tes MISÉREUX avec jugement. 3 Portent les montagnes la paix au peuple et les collines LA JUSTICE : 4 il jugera les MISÉREUX du peuple IL SAUVERA les fils de PAUVRE il frappera l’oppresseur. 5 Et qu’il dure avec le soleil et en face de la lune d’âge en âges. 6 Qu’il descende comme la pluie sur le gazon, comme averses inondant la terre : 7 LE JUSTE fleurira en ses jours et beaucoup de paix jusqu’à plus de lune. 8 Qu’il domine de la mer jusqu’à la mer et du fleuve jusqu’aux bouts de la terre ; 9 devant sa face s’agenouilleront ceux du désert et ses ennemis la poussière lècheront. 10 Les rois de Tarsis et des iles apporteront un tribut, les rois de Cheba et de Saba approcheront une redevance ; 11 et se prosterneront tous les rois, toutes les nations le serviront. 12
Oui, il délivrera PAUVRE qui crie et le MISÉREUX et il n’y a pas de SECOURS pour lui. 13 Il se souciera du FAIBLE et de PAUVRE et IL SAUVERA les âmes des PAUVRES. 14 De l’astuce et de la violence il rachètera leur âme et est cher leur sang à ses yeux. 15 Il vivra et il lui donnera de l’or de Cheba, on priera pour lui constamment, tous les jours on le bénira. 16 Que soit abondance de blé sur la terre sur le sommet des montagnes ondulera comme le Liban son fruit ; et qu’ils fleurissent de la ville comme l’herbe de la terre. 17 Que soit son nom pour toujours, à la face du soleil germe son nom et se bénissent en lui toutes les nations, le félicitent. 18 Béni Yhwh Dieu, DIEU D’ISRAËL, qui fait des merveilles lui seul 19 et béni le nom de sa gloire pour toujours et sa gloire remplit toute la terre. Amen ! Amen ! 20 Sont achevées les prières de David fils de Jessé.
INTERPRÉTATION « PAUVRE ET MISÉREUX » Le psalmiste se trouve affronté à « ceux qui cherchent sa vie », « qui désirent son malheur » (70,3 ; 72,13.24). « Miséreux et pauvre » (70,6), il crie vers son Seigneur, le suppliant de se hâter à son secours (70,2 ; 72,12). Les deux premiers psaumes sont des supplications angoissées mises dans la bouche de David qui, ayant atteint désormais la vieillesse et les cheveux blancs, rappelle à Dieu combien il a dû subir depuis sa jeunesse « angoisses » et « malheurs » (71,20). C’est pourquoi il prie pour Salomon, son fils et successeur, afin qu’il juge les miséreux de son peuple et qu’il sauve les fils du pauvre écrasés par l’oppresseur (72,4.12-13). LA JUSTICE DE DIEU En toute justice, ce sont les méchants, pervers et violents (71,4), ceux qui en veulent à la vie du psalmiste, qui devront rougir et être couverts de confusion (70,3 ; 72,13.24), et non pas leur victime (71,1). C’est pourquoi c’est à la justice de Dieu que David fait appel (71,2) et c’est elle qu’il « racontera » (15), qu’il « rappellera » (16), « annoncera » (18), « murmurera » « tous les jours » (24). Or
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La cinquième section (Ps 66–72)
cette justice qui n’est que de Dieu, qu’il n’a pu atteindre que dans la louange, David implore son Seigneur de la « donner » à son fils (72,1), afin qu’il gouverne son peuple par elle (2). C’est par elle qu’il pourra faire les œuvres de Dieu et sauver le pauvre et le miséreux (4.12.13). JUBILATION, ACTION DE GRÂCE, BÉNÉDICTION Dans le premier psaume, l’orant contemple sans doute la jubilation et la réjouissance de ceux qui seront sauvés de leurs oppresseurs (70,5), mais c’est sur le mode du souhait, de la requête : « Qu’ils jubilent et se réjouissent en toi... » À la fin du psaume suivant, c’est une promesse qu’il fait au Seigneur qui ne saurait manquer de revenir le faire vivre (71,20). Le psalmiste passe à la première personne du singulier : « Aussi moi, je te rendrai grâce » (22) et le voilà qui, de manière anticipée, touche déjà « harpe » et « cithare » ; de tout son corps, « lèvres » et « langue » il psalmodie (23-24). Quant au dernier psaume, la jubilation et l’action de grâce prennent la forme d’une longue bénédiction, au présent cette fois, et, qui plus est, élargie à toutes les nations, pour « Yhwh, Dieu d’Israël ». La bénédiction d’Abraham est enfin accomplie.
IV. TOUTE LA TERRE BÉNIT LE DIEU QUI NOUS SAUVE 1. COMPOSITION DE LA CINQUIÈME SECTION Les sept psaumes de la section s’organisent en trois séquences. Les séquences extrêmes comprennent chacune trois psaumes, tandis que la séquence centrale n’en compte qu’un seul. Toutes les nations
SAUVE-MOI,
Tous les malheureux
chanteront
pour le Seigneur
JE CHANTERAI
POUR TOI
seront sauvés
par le Seigneur
Ps 66–68
Ps 69
Ps 70–72
Après avoir relevé les rapports entre les séquences extrêmes, on examinera les rapports entre la séquence centrale et les deux autres. LES RAPPORTS ENTRE LES SÉQUENCES EXTRÊMES (66–68 ; 70–72) « Bénir » revient : – dans les trois psaumes de la première séquence (66,8.20 ; 67,2.7.8 ; 68,20. 27.36), – et seulement dans le dernier psaume de la troisième séquence (72,15.17.18. 19)1. De même tous les peuples sont mentionnés : – dans les trois psaumes de la première séquence : « peuples », « tous les craignant Dieu » (66,8.16), « toutes les nations », « (tous) les peuples », « les pays », « tous les lointains de la terre (67,3.4bis,5ter.6bis.8), « les rois », « l’Égypte et Kush », « royaumes de la terre » (68,30.32.33), – et seulement dans le dernier psaume de la troisième séquence : « les rois », « tous les rois », « toutes les nations » (72,10.11bis.17).
1
En outre, « psalmodier » revient dans les psaumes extrêmes de la première séquence (66,2. 4bis ; 68,5.33) et dans le psaume central de la dernière séquence (71,23).
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La cinquième section (Ps 66–72)
LES RAPPORTS ENTRE LA SÉQUENCE CENTRALE ET LES DEUX AUTRES Ps 69,1 Du maitre-de-chant, sur l’air Des lys, de David. 2 SAUVE-MOI, Dieu, car sont venues les eaux jusqu’à l’âme ; 3 j’enfonce dans la bourbe du gouffre, et rien qui tienne ; je suis venu dans les profondeurs des eaux et le flot me submerge. 4 Je m’épuise dans mon appel, brûle ma gorge, sont consumés mes yeux attendant mon Dieu ; 5 sont nombreux plus que les cheveux de ma tête mes haïssant sans cause ; sont puissants mes détruisant, mes ennemis de mensonge : ce que je n’ai pas pris, maintenant je le rendrais ? 6
Dieu, toi, tu connais ma folie, et mes offenses devant toi ne sont pas celées. 7 NE ROUGISSENT PAS à cause de moi, tes espérant, Seigneur Yhwh Sabaot ; N’AIENT PAS HONTE à cause de moi, tes cherchant, Dieu d’Israël. 8 Car pour toi je porte L’INSULTE, que me couvre LA HONTE ma face, 9 un étranger je suis pour mes frères, et un inconnu pour les fils de ma mère ; 10 Car le zèle de ta maison me dévore, et les INSULTES de tes INSULTEURS tombent sur moi. 11 Et si je pleure dans le jeûne mon âme et c’est des INSULTES pour moi ; 12 et si je donne pour mon habit un sac et je suis pour eux une FABLE. 13 ILS SE MOQUENT les assis à la porte et les CHANSONS de buveurs de boissons fortes. 14
Et moi, ma prière à toi, Yhwh, au temps favorable ; Dieu, en ta grande fidélité, réponds-moi en la vérité de ton SALUT. 15 Tire-moi du bourbier, que je n’enfonce, que j’échappe à mes adversaires et aux profondeurs des eaux ; 16 ne me submerge le flot des eaux, ne me dévore le gouffre, ne happe sur moi la fosse de sa bouche. 17 Réponds-moi, Yhwh, car bonne ta fidélité, en ta grande tendresse tourne-toi vers moi, 18 et ne cache pas ta face à ton serviteur, car je suis opprimé, HÂTE-TOI, réponds-moi ; 19 approche de mon âme, venge-la, à cause de mes ennemis rachète-moi.
20
Toi, tu connais mon INSULTE, et ma HONTE et mon AFFRONT, devant toi tous mes oppresseurs. L’INSULTE a brisé mon cœur et j’ai défailli et j’espérais la compassion, mais rien, et des consolateurs, et point n’en ai trouvé. 22 Et ils m’ont donné pour nourriture du poison, et dans ma soif ils m’abreuvaient de vinaigre ; 23 que soit leur table devant eux un piège et pour leurs amis un traquenard, 24 que s’enténèbrent leurs yeux pour ne plus voir, et leurs reins constamment fais vaciller. 25 Déverse sur eux ton courroux, et le feu de ta colère les atteigne ; 26 que soit leur enclos un désert, dans leurs tentes qu’il ne soit pas un habitant. 27 Car toi, celui que tu as frappé ils ont poursuivi, et les blessures de ta victime ils comptent ; 28 donne, faute sur leur faute, et ne viennent plus à ta JUSTICE, 29 qu’ils soient rayés du livre de vie, et avec les JUSTES ne soient pas écrits. 21
30
Et moi, MISÉREUX et SOUFFRANT, que ton SALUT, Dieu, me protège ! 31 JE LOUERAI le nom de Dieu par un chant, et je le magnifierai par L’ACTION DE GRÂCE ; 32 cela sera bon pour Yhwh plus qu’un bœuf, un taureau ayant corne, ayant sabot. 33 Ils ont vu, les HUMILIÉS, ils se réjouissent ; chercheurs de Dieu, et que vive votre cœur ! 34 Car Yhwh écoute les PAUVRES, et ses CAPTIFS IL N’A PAS MÉPRISÉ. 35 QUE LE LOUENT le ciel et la terre, les mers et tout grouillant en elles ! 36 Car Dieu SAUVERA Sion, et il rebâtira les villes de Juda, et ils habiteront là et la posséderont ; 37 et la semence de ses serviteurs en héritera et les amants de son nom y demeureront.
La séquence centrale (Ps 69) ne comprend qu’un seul psaume, qui se distingue par son ton particulièrement sombre et angoissé. Les trois séquences ont en commun : « rendre grâce/l’action de grâce » (67,4bis.6bis ; 69,31 ; 71,22), « louer/louange » (69,31.35 ; 66,1.8 ; 71,6.8.14). Les rapports sont nombreux avec la première séquence : « ennemis » (69,5. 19 ; 66,3 ; 68,2), « haïssant » (69,5 ; 68,2), « face » (69,8 ; 67,2 ; 68,2.3.4.5. 9bis), « fidélité » (69,14.17 ; 66,20), « Juda » (69,36 ; 68,28), « ta maison » (69,10 ; 66,13) avec « sanctuaire(s) » et « Temple » (68,18.25.30.36), à quoi il
L’ensemble de la section
371
faut ajouter les animaux qui y sont offerts (69,32 ; 66,15), « chant/chanter/ chantres » (dans les trois titres et en 67,5 ; 68,5.26.33 ; 69,31). Les deux dernières séquences ont en commun : « sauver/salut » (69,2.14.30. 36 ; 70,5 ; 71,2.3.15 ; 72,4.13). Les termes du champ sémantique de l’insulte et de la honte sont particulièrement nombreux dans le Ps 69 : « rougir » (69,7), « honte » (69,7.8.20), « insulte/insulteur(s) » (69,8.10bis.11.20.21), « fable » (69,12), « se moquer » (69,13), « chansons » (69,13), « affront » (69,20), « mépriser » (34). Se retrouvent dans la dernière séquence « rougir » (70,3 : 71,1.13.24) et « honte » (70,4.24). En outre, reviennent « hâte-toi » (69,18 ; 70,2.6 ; 71,12), « justice/ juste » (69,28.29 ; 71,2.15.16.19.24 ; 72,1.2.3.7).
2. INTERPRÉTATION MISÈRE, INSULTE, HONTE Le psaume central est fortement marqué par le malheur, symbolisé par « les eaux », « la bourbe du gouffre », « la fosse » (69,2-3.15-16), c’est-à-dire la mort à laquelle les ennemis du psalmiste veulent le conduire. Il est le descendant de ceux qui « passèrent à pied » « la mer » et « le fleuve » au temps de l’exode (66,6.12). « Miséreux et souffrant » (69,30) parmi tous les « humiliés », les « pauvres » et les « captifs » (33-34), « pauvre et miséreux » (70,6), David est la figure et le représentant de tous les « malheureux » (72,2-3) et des « pauvres » (4.12-13). Le pire des malheurs est de devoir « rougir », d’être couvert de « honte », de « porter l’insulte », de devenir « la fable » et le sujet des « chansons » des moqueurs (69,6-13.20-21). FIDÉLITÉ, TENDRESSE, JUSTICE Dans une telle situation d’oppression, le psalmiste fait appel, en plein cœur de la section, à la « fidélité » de son Seigneur, à sa « vérité » et à sa « tendresse » (69,14.17). La « fidélité » était déjà invoquée à la fin du premier psaume : « Béni soit Dieu qui n’a pas écarté ma prière ni sa fidélité loin de moi » (66,20). Par la suite, elle sera appelée, avec la plus grande insistance, sa « justice » (69,28 ; 71,2.15.16.19.24 ; 72,1.2.3). En finale, la justice de Dieu sera exercée par le roi de paix, par Salomon : « Dieu, donne au roi tes jugements et ta justice au fils du roi ; qu’il gouverne ton peuple avec justice et tes malheureux avec jugement » (72,1-2). SAUVE-MOI, HÂTE-TOI Le psaume central commence, ex abrupto, par un cri : « Sauve-moi, Dieu » (69,1), ce qui dit bien la détresse dans laquelle se trouve le psalmiste. Et il ajoute : « hâte-toi » (18). C’est que le temps presse, et il le redira dans les deux psaumes suivants : « Seigneur, à mon secours hâte-toi ! » (70,2), « hâte-toi vers
372
La cinquième section (Ps 66–72)
moi ! Mon secours et mon libérateur, c’est toi » (6) ; « Dieu, ne sois pas loin, à mon secours hâte-toi » (71,12). Dans le psaume central, l’appel au « salut » revient du début à la fin (69,2.14.30.36) ; auparavant, Dieu avait été appelé « le Dieu de notre salut » (68,20), c’est-à-dire celui qui arrache à « l’ennemi » et délivre de la mort (21). Et toute la dernière séquence retentira des appels au salut de Dieu (70,5 ; 71,2.3.15 ; 72,4.13). Sans oublier que le salut n’est pas destiné seulement à Israël, mais qu’il concerne toutes les nations : « Que Dieu nous ait en pitié et nous bénisse [...] pour que soit connu sur la terre ton chemin, chez toutes les nations ton salut » (67,2-3). CHANT ET LOUANGE ET BÉNÉDICTION Au cœur de la section, le psaume le plus angoissé s’achève cependant sur le salut, lequel fait exploser la louange et l’action de grâce : « Je louerai le nom de Dieu par un chant et je le magnifierai par l’action de grâce » (69,31), louange à laquelle est convié l’ensemble de la création : « Que le louent le ciel et la terre, les mers et tout ce qui grouille en elles » (35). Déjà tout au long de la première séquence retentissait la « psalmodie » (66,2.4 ; 68,5.33), la « louange » (66,2.8) et surtout la bénédiction (66,8.20 ; 67,2.7-8 ; 68,20.27.36) qui clôturait chacun de ses trois psaumes : « Béni soit Dieu » (66,20 ; 68,36), « il nous bénit Dieu » (67,8). Il n’est donc pas étonnant que ces trois psaumes soient appelés « chant » dans leur titre. Ni le psaume central ni les trois derniers ne sont qualifiés ainsi, et pourtant la louange et la bénédiction resurgissent avec la plus grande force, à la fin des deux derniers psaumes : Aussi moi, je te rendrai grâce sur l’instrument de la harpe, en ta vérité, mon Dieu, je jouerai pour toi sur la cithare, Saint d’Israël. Que crient de joie mes lèvres, quand je psalmodierai pour toi, et mon âme laquelle tu as rachetée ! Aussi ma langue tout le jour murmure ta justice » (71,22-24). se bénissent en lui toutes les nations, le félicitent. Béni Yhwh Dieu, Dieu d’Israël, qui fait des merveilles lui seul et béni le nom de sa gloire pour toujours et sa gloire remplit toute la terre. Amen ! Amen ! (72,17-19).
DANS LE SANCTUAIRE D’abord très présent, curieusement le Temple semble s’estomper peu à peu. Dans le premier psaume, le psalmiste déclare qu’il viendra à la « maison » de Dieu, pour offrir holocaustes de « béliers », de « taureaux avec des boucs » (66,13-15). Le Ps 68 insistera de toutes les manières sur l’unique « sanctuaire » où le Seigneur a choisi de résider (17.18), le « Temple » de « Jérusalem » où se célèbrera le culte avec ses « processions », ses « chantres » et ses « musiciens » (25-28). Dans le psaume central, le psalmiste proteste de son « zèle » pour « la maison » de Dieu (69,10) et il termine en assurant que « Dieu sauvera Sion » (36), mais pour lui « l’action de grâce » vaut plus que les holocaustes (31-32). Après quoi, le Temple n’est plus nommé ; on peut cependant comprendre que la
L’ensemble de la section
373
liturgie d’action de grâce avec les instruments de musique et la psalmodie avec laquelle s’achève le Ps 71 se déroule dans le sanctuaire de Sion (71,22-24). Mais il est étonnant que le psaume « pour Salomon » ne dise rien du Temple, alors que c’est lui qui l’a bâti et que c’est dans ce Temple même qu’il a adressé sa longue prière au Seigneur. L’impression qui se dégage de l’ensemble est celle d’une sorte d’effacement progressif du sanctuaire de Jérusalem. POUR TOUS LES PEUPLES La section commence de manière on ne peut plus claire, par une invitation adressée à « tous les peuples » : « Acclamez Dieu, toute la terre » (66,1). Ainsi le ton est donné, sans la moindre équivoque. « Redoutables » sont les œuvres du Seigneur, car « toute la terre » se prosternera devant lui (3-4). « Toutes les nations », « tous les peuples », « les pays » lui rendront grâce car il les juge avec droiture (67,4-6), ils le « craindront » parce qu’il a béni Israël, son peuple (2.8). Dans le psaume suivant, il en ira de même, « les royaumes de la terre » étant appelés à unir son chant et sa psalmodie (68,33) à ceux des justes de son peuple (4) ; se soumettant à Israël, ils béniront son Dieu de lui avoir donné sa « puissance » (35-36). Il en ira de même à la fin du dernier psaume, quand David prophétisera que les rois se soumettront à son successeur (72,8-11) et que, selon la promesse faite à Abraham, « toutes les nations » « se béniront en lui » (17). Retentit alors la double bénédiction du « Dieu d’Israël » (18), dont la gloire « remplit toute la terre » (19). « Amen, Amen ! »
L’ENSEMBLE DU DEUXIÈME LIVRE Ps 42/43–72
A. COMPOSITION
Le deuxième livre du Psautier comprend cinq sections qui se correspondent de manière concentrique :
NOTRE ROI
NOUS SAUVE
Le Seigneur qui pardonne
DE DAVID
À MI-VOIX
Le Seigneur qui écoute
TOUTE LA TERRE
BÉNIT LE DIEU
DE TOUS NOS ENNEMIS
le péché
donne le salut
DANS SES ANGOISSES
la prière
donne le repos
QUI NOUS SAUVE
Ps 42/43–49
Ps 50–55
Ps 56–60
Ps 61–65
Ps 66–72
378
Le Psautier. Deuxième livre (Ps 42/43–72) 1. QUELQUES DONNÉES CHIFFRÉES Première section
Cinquième section
42/43 : 44 : 45 : 46 : 47 : 48 : 49 :
1 303 1 406 1 113 667 506 767 1 078
66 : 67 : 68 : 69 : 70 : 71 : 72 :
1 068 391 2 228 2 055 343 1 438 1 113
Total :
6 840
Total :
8 636
Deuxième section
Troisième section
Quatrième section
50 : 51 : 52 : 53 : 54 : 55 :
1 248 1 125 636 492 443 1 347
56 : 57 : 58 : 59 : 60 :
804 738 681 1 130 792
61 : 62 : 63 : 64 : 65 :
465 758 651 570 807
Total :
5 291
Total :
4 145
Total :
3 251
Total 1 et 2 : 12 131
Total 4 et 5 : 11 887
Les comptes sont faits en nombre de signes, espaces compris, sans les numéros des versets, comprenant les qeré et les selà. Le tétragramme est translittéré Yhwh au lieu de ’adonay. Les sections extrêmes sont nettement plus développées que les autres : elles comprennent chacune sept psaumes, tandis que la troisième et la quatrième n’en comptent que cinq ; la deuxième en compte six. La section finale est nettement plus longue que la section initiale ; inversement, la deuxième est plus longue que la quatrième ; l’équilibre des masses est ainsi rétabli, puisque le total des deux premières sections (12 131) est presque le même que celui des deux dernières (11 887). Chacune des cinq sections est de composition concentrique, autour d’un psaume unique, à l’exception de la deuxième dont la séquence centrale est formée de deux psaumes (52–53).
L’ensemble du deuxième livre
379
2. LES TITRES DES PSAUMES La composition de la section correspond aux indications fournies par les titres des psaumes. – Les sept psaumes de la première section sont « des fils de Coré ». – Ceux des deuxième et quatrième sections sont « de David », avec l’exception toutefois du premier psaume de la deuxième section (50) qui est dit « d’Asaph », car c’est une accusation venant de Dieu à laquelle répondra la confession de David dans son Miserere (51) : David ne pouvait pas être l’auteur de cette accusation portée aussi contre lui. – Les cinq psaumes de la séquence centrale sont, eux aussi, « de David », mais ce sont les seuls qui sont « à mi-voix ». – Enfin, la séquence finale est particulière. Elle commence avec deux psaumes dont les titres ne mentionnent pas de nom d’« auteur » ; seuls les trois psaumes suivants sont dits « de David », les deux derniers n’étant pas, comme les deux premiers, attribués à David, l’avant-dernier est dénué de titre et le dernier est « Pour Salomon ».
3. LES RAPPORTS ENTRE LES SECTIONS EXTRÊMES (42/43–49 ET 66–72) Les deux sections se correspondent de manière spéculaire.
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Le Psautier. Deuxième livre (Ps 42/43–72)
3.1 LES RAPPORTS ENTRE LES SÉQUENCES EXTRÊMES (42/43–44 ET 70–72) ENTRE LES DEUX PREMIERS PSAUMES DE CHAQUE SÉQUENCE (42/43–44 ET 70–71) Ps 42,1 Du maitre-de-chant, instruction, des fils de Coré. 2 Comme la biche aspire après les cours d’eau, ainsi mon âme aspire vers toi, Dieu. 3 Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant ; quand viendrai-je et verrai-je la face de Dieu ? 4 Mon pleur est mon pain jour et nuit, quand on me dit tout le jour : « Où est-il ton Dieu ? » 5 De ceci je me souviens et mon âme s’épanche sur moi : j’avançais avec la multitude, je les conduisais vers la maison de Dieu, dans la voix de cri-de-joie et D’ACTION-DE-GRÂCE d’une foule en fête. 6 Pourquoi t’effondres-tu, mon âme, et grondes-tu sur moi ? Attends Dieu, car JE LUI RENDRAI-GRÂCE encore, le SALUT de sa face. 7
Mon Dieu, mon âme s’effondre sur moi, c’est pourquoi je me souviens de toi, depuis le pays du Jourdain et des Hermons, depuis la montagne Insignifiante. 8 L’abime appelant vers l’abime à la voix de tes cataractes, toutes tes VAGUES et tes FLOTS sur moi sont passés. 9 De jour Yhwh commande sa fidélité et de nuit son chant est avec moi, prière au Dieu de ma vie. 10 Je dirai à Dieu, mon Rocher : Pourquoi m’oublies-tu ? Pourquoi sombre je m’en vais, sous L’OPPRESSION de L’ENNEMI ? 11 Me brisant les os, mes ADVERSAIRES M’INSULTENT quand ils me disent tout le jour : Où est-il ton Dieu ? 12 Pourquoi t’effondres-tu, mon âme, et pourquoi grondes-tu sur moi ? Attends Dieu, car JE LUI RENDRAI-GRÂCE encore, le SALUT de ma face et mon Dieu. 43,1 Juge-moi, Dieu, et défends ma cause contre un PEUPLE INFIDÈLE ; contre un HOMME DE FRAUDE ET DE délivre-moi. 2 Car toi, tu es le Dieu de ma force : pourquoi me rejettes-tu ? Pourquoi triste je m’en vais, sous L’OPPRESSION de L’ENNEMI ? 3 Envoie ta lumière et ta vérité : elles me guideront, me feront-venir à la montagne de ta sainteté et à tes tentes. 4 Et je viendrai à l’autel de Dieu, au Dieu de la joie de mon exultation. Et JE TE RENDRAI-GRÂCE sur la CITHARE, Dieu, mon Dieu. 5 Pourquoi t’effondres-tu, mon âme, et pourquoi grondes-tu sur moi ? Attends Dieu, car JE LUI RENDRAI-GRÂCE encore, le SALUT de ma face et mon Dieu. FAUSSETÉ
Ps 44,1 Du maitre-de-chant, des fils de Coré, instruction. 2 Dieu, de nos oreilles nous avons entendu, nos pères ont raconté à nous, l’œuvre que tu œuvras de leurs jours, aux jours d’autrefois : 3 toi, ta main, DES NATIONS tu déshéritas et tu les plantas, tu détruisis DES PAYS et tu leur fis-place. 4 Car pas par leur épée ils héritèrent la terre et leur bras pas n’a SAUVÉ eux, car ta droite et ton bras et la lumière de ta face car tu les aimais. 5 C’est toi, MON ROI, Dieu, ordonnant LES SALUTS de Jacob ; 6 par toi, nos ADVERSAIRES nous repoussions, en ton nom nous anéantissions nos AGRESSEURS. 7 Car pas dans mon arc je m’étais fié et mon épée pas ne m’avait SAUVÉ ; 8 car TU NOUS SAUVAIS de nos ADVERSAIRES et nos HAÏSSANT tu confondais, 9 en Dieu nous nous louions tout le jour et à ton nom pour toujours NOUS RENDIONS-GRÂCE. 10 Or, tu nous as rejetés et TU NOUS AS DÉSHONORÉS et tu ne sors plus avec nos armées ; 11 tu nous as fait retourner en arrière devant L’ADVERSAIRE et NOS HAÏSSANT ont spoliés nous. 12 Tu nous as donnés comme moutons de boucherie et dans LES NATIONS tu nous as dispersés ; 13 tu as vendu ton peuple sans bénéfice et tu n’as pas gagné sur leur prix. 14 Tu fais de nous L’INSULTE de NOS VOISINS, FABLE et RISÉE de NOS ENTOURANT ; 15 tu fais de nous le PROVERBE dans LES NATIONS, HOCHEMENT DE TÊTE dans LES PAYS. 16 Tout le jour mon DÉSHONNEUR est devant moi et la HONTE ma face me couvre, 17 sous les clameurs d’INSULTEUR et de BLASPHÉMATEUR, à la face de L’ENNEMI et du SE VENGEANT. 18 Tout cela nous advint et point ne t’avions oublié et point n’avions trahi ton alliance ; 19 point n’était allé en arrière notre cœur et dévié nos pas loin de ton sentier. 20 Oui, tu nous as broyés en un lieu de chacals et tu as étendu sur nous la ténèbre. 21 Si nous avions oublié le nom de notre Dieu et avions tendu les mains vers un dieu étranger, 22 est-ce que Dieu n’eut pas découvert cela, car lui il connait les secrets du cœur ? 23 Oui, à cause de toi nous sommes tués tout le jour, nous sommes tenus pour moutons d’abattage. 24 Réveille-toi, pourquoi dors-tu, Seigneur ? Dresse-toi, ne nous rejette pas pour toujours ! 25 Pourquoi ta face caches-tu, oublies-tu notre MISÈRE et notre OPPRESSION ? 26 Car s’effondre dans la poussière notre âme, est collé à la terre notre ventre. 27 Lève-toi, viens à notre secours et rachète-nous à cause de ta fidélité.
L’ensemble du deuxième livre
381
Ps 70,1 Du maitre-de-chant, de David, pour mémorial. 2 Dieu, à me délivrer, Seigneur à mon secours hâte-toi. 3 QU’ILS ROUGISSENT et SOIENT CONFONDUS, CEUX QUI CHERCHENT MON ÂME. QU’ILS RECULENT en arrière et SOIENT CONFUS, CEUX QUI DÉSIRENT MON MALHEUR. 4 Qu’ils s’en retournent par l’effet de leur HONTE, ceux qui disent : « Ah Ah ! Ah Ah ! » 5
Qu’ils jubilent et se réjouissent en toi, tous ceux qui te cherchent et qu’ils disent toujours : « Qu’il soit grand Dieu ! », ceux qui aiment ton SALUT. 6 Et moi, MISÉREUX et PAUVRE, Dieu, hâte-toi vers moi ! Mon secours et mon libérateur, c’est toi ; Seigneur, ne sois pas en arrière ! Ps 71,1 En toi, Yhwh, je m’abrite, QUE JE NE ROUGISSE PAS à jamais ; 2 en TA JUSTICE tu me délivreras et me libéreras, tends vers moi ton oreille et SAUVE-MOI. 3 Sois pour moi un roc de séjour, pour venir constamment ; tu as ordonné pour me SAUVER, car mon rocher et ma forteresse, c’est toi. 4 Mon Dieu, libère-moi de la main du MÉCHANT, de la paume du PERVERS et du VIOLENT. 5 Car toi tu es mon espoir, Seigneur, Yhwh, ma foi dès ma jeunesse ; 6 sur toi je m’appuie dès le ventre, des entrailles de ma mère toi tu es mon séparant, en toi ma louange constamment. 7 Comme un signe je suis pour beaucoup, et toi, tu es mon abri de force. 8 Ma bouche sera remplie de ta louange, tout le jour de ta splendeur. 9 Ne me rejette pas au temps de la vieillesse, quand décline ma vigueur, ne m’abandonne pas ; 10 car MES ENNEMIS disent de moi, CEUX QUI GARDENT MON ÂME se concertent ensemble 11 disant : « Dieu l’a abandonné, pourchassez-le et empoignez-le, car il n’est pas de délivrant. » 12 Dieu, ne sois pas loin de moi, mon Dieu, à mon secours hâte-toi. 13 QU’ILS ROUGISSENT et soient achevés CEUX QUI ACCUSENT MON ÂME ; qu’ils se couvrent de DÉSHONNEUR et de CONFUSION, CEUX QUI CHERCHENT MON MALHEUR ! 14
Et moi, constamment j’attendrai et j’ajouterai à tout ta louange ; 15 ma bouche racontera TA JUSTICE, tout le jour ton SALUT car je ne sais pas les nombres. 16 J’en viendrai aux prouesses du Seigneur Yhwh, je rappellerai TA JUSTICE, à toi seul ; 17 Dieu, tu m’as enseigné dès ma jeunesse et jusqu’ici j’annonce tes merveilles. 18 Et aussi, jusqu’à la vieillesse et aux cheveux blancs, Dieu, ne m’abandonne pas, tant que j’annonce ton bras à la génération, à chacun qui viendra ta prouesse 19 et TA JUSTICE, Dieu, jusqu’en-haut, toi qui as fait de grandes choses. Dieu, qui est comme toi ? 20 Toi qui m’as fait voir des ANGOISSES nombreuses et des MALHEURS, tu reviendras me faire vivre ; et des abimes de la terre tu reviendras me faire monter. 21 Multiplie ma grandeur, et tu te tourneras, tu me consoleras. 22 Aussi moi, JE TE RENDRAI GRÂCE sur l’instrument de la harpe, en ta vérité, mon Dieu, je jouerai pour toi sur la CITHARE, Saint d’Israël. 23 Que crient de joie mes lèvres, quand je psalmodierai pour toi, et mon âme laquelle tu as rachetée ! 24 Aussi ma langue tout le jour murmure TA JUSTICE, quand ROUGIRONT, quand SERONT HONTEUX CEUX QUI CHERCHENT MON MALHEUR.
« L’ennemi », « l’adversaire » est partout, sous des noms divers (42,10.11 ; 43,1.2 ; 44,3.6bis.8bis.11bis.12.14bis.15bis.17quart ; 70,3bis ; 71,4ter.10bis. 13bis.24). Les œuvres de l’ennemi sont « l’oppression », « l’insulte », « la honte » qui, de manière multiforme, pullulent surtout dans la première séquence (42,8bis. 10.11 ; 43,2 ; 44,14ter.15bis.16bis.25bis / 71,8.20), eux « qui disent » en se moquant (42,4.11 ; 70,4). Ces œuvres se retournent contre eux dans la dernière séquence (70,3quart.4 ; 71,1.13quart.24bis). Contre tout cela intervient le « salut » de Dieu (42,6.12 ; 43,5 ; 44,4.5.7.8 ; 70,5 ; 71,2.3). En réaction au salut, retentit « l’action de grâce » (42,5.6.12 ; 43,4.5 ; 44,9 ; 71,22) sur « la cithare » (43,4 ; 71,22). Au « tout le jour/toujours » de l’oppression (42,4bis.11 ; 44,16.23.24) répond celui de l’action de grâce (44,9bis ; 70,5 ; 71,8.15.24).
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Le Psautier. Deuxième livre (Ps 42/43–72)
ENTRE LES DERNIERS PSAUMES DE CHAQUE SÉQUENCE (45 ET 72) Ps 45,1 Du maitre-de-chant, sur Les lys ; des fils de Coré, instruction, chant d’amour. 2 A frémi mon cœur de parole belle : moi je dis mon œuvre pour LE ROI, ma langue, le roseau d’un scribe agile. 3 Tu es beau plus que les fils d’Adam, la grâce est répandue sur tes lèvres : c’est pourquoi Dieu T’A BÉNI à jamais. 4 Ceins ton épée sur la cuisse, vaillant, ton faste et ta splendeur. 5 Ta splendeur : élance-toi, chevauche, pour la cause de la vérité, de L’HUMILITÉ de la JUSTICE et que ta droite t’enseigne des prodiges ! 6 Tes flèches sont acérées, DES PEUPLES tombent sous toi, dans le cœur des ENNEMIS du ROI. 7 Ton trône, Dieu, pour toujours et à jamais, sceptre de droiture, le sceptre de ton RÈGNE ! 8 Tu aimes la JUSTICE et tu hais la méchanceté ; c’est pourquoi Dieu, ton Dieu, t’a oint d’une huile d’allégresse plus que tes amis. 9 Myrrhe et aloès, cinnamome tous tes vêtements, des palais d’ivoire, les HARPES te réjouissent. 10 Des filles de ROI parmi tes bien-aimées ; se tient une Dame à ta droite, dans L’OR d’Ophir. 11 Écoute, fille, regarde et tends ton oreille, et oublie ton peuple et la maison de ton père. 12 Et LE ROI désirera ta beauté : car lui est ton Seigneur et prosterne-toi à lui ! 13 Et la fille de Tyr avec un cadeau, les plus riches des peuples dérideront ton visage. 14 Toute splendide la fille de ROI à l’intérieur, de tissus D’OR vêtue ; 15 en brocarts elle est amenée vers LE ROI, des vierges derrière elle, ses compagnes sont dirigées vers toi ; 16 elles sont amenées dans les joies et la jubilation, elles se dirigent vers le palais du ROI. 17 À la place de tes pères seront tes FILS ; tu en feras des PRINCES en TOUTE LA TERRE. 18 Je commémorerai ton nom en tout âge et âge, c’est pourquoi LES PEUPLES TE RENDRONT-GRÂCE toujours et à jamais. Ps 72,1 Pour Salomon. Dieu, tes jugements au ROI donne et ta JUSTICE au FILS du ROI : 2 qu’il gouverne ton peuple avec JUSTICE et tes MISÉREUX avec jugement. 3 Portent les montagnes la paix au peuple et les collines la JUSTICE : 4 il jugera les MISÉREUX du peuple IL SAUVERA les FILS DE PAUVRE il frappera L’OPPRESSEUR. 5 Et qu’il dure avec le soleil et en face de la lune d’âge en âges. 6 Qu’il descende comme la pluie sur le gazon, comme averses inondant la terre : 7 LE JUSTE fleurira en ses jours et beaucoup de paix jusqu’à plus de lune. 8 Qu’il domine de la mer jusqu’à la mer et du fleuve jusqu’aux bouts de la terre ; 9 devant sa face s’agenouilleront CEUX DU DÉSERT et SES ENNEMIS la poussière lècheront. 10 Les ROIS de Tarsis et des iles apporteront un tribut, les rois de Cheba et de Saba approcheront une redevance ; 11 et se prosterneront TOUS LES ROIS, TOUTES LES NATIONS le serviront. 12 Oui, il délivrera le PAUVRE qui crie et le MISÉREUX et il n’y a pas de secours pour lui. 13 Il se souciera du FAIBLE et du PAUVRE et IL SAUVERA les âmes des PAUVRES. 14 De L’ASTUCE et de la VIOLENCE il rachètera leur âme et est cher leur sang à ses yeux. 15 Il vivra et il lui donnera de L’OR de Cheba, on priera pour lui constamment, tous les jours ON LE BÉNIRA. 16 Que soit abondance de blé sur la terre sur le sommet des montagnes ondulera comme le Liban son fruit ; et qu’ils fleurissent de la ville comme l’herbe de la terre. 17 Que soit son nom à jamais, à la face du soleil germe son nom et SE BÉNISSENT en lui TOUTES LES NATIONS, le félicitent. 18 BÉNI Yhwh Dieu, Dieu d’Israël, qui fait des merveilles lui seul 19 et BÉNI le nom de sa gloire à jamais et sa gloire remplit TOUTE LA TERRE. Amen ! Amen ! 20 Sont achevées les prières de David fils de Jessé.
Les deux psaumes sont consacrés au « roi » parmi « les rois » (45,2.6.10.12. 14.15.16 ; 72,1bis.10.11) ; les termes du même champ sémantique abondent dans le Ps 45 : « trône », « sceptre », « règne » (7), « oindre » (8). Une longue vie lui est promise : « à jamais » (45,3 ; 72,17.19), « (pour) toujours et à jamais » (45,7.18), « en tout âge et âge » (18), « d’âge en âge » (72,5), « jusqu’à plus de lune » (7), « tous les jours » (15). Ce roi d’Israël est en relation avec les rois des autres peuples, « ennemis » qui sont soumis (45,6 ; 72,9.11) et paient tribut (72,10), avec qui il fait alliance par mariage (45,10-17) ; cette domination s’étend à « toute la terre » (45,17 ; 72,19), à « toutes les nations » (72,11.17), ces dernières lui « rendant grâce » (45,18), le
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« bénissant » (72,15.17), comme Dieu lui-même le « bénit » (45,3), ce qui débouche sur la bénédiction de Dieu (72,18.19). Le roi juge selon la « justice » (45,5 ; 72,1.2.3) ; il frappe « l’oppresseur » (72,4), ceignant son épée, il s’élance « pour la cause de la vérité, de l’humilité de la justice » (45,4-5). Le dernier psaume insiste sur le fait qu’il défend le « miséreux », le « faible » et le « pauvre » (72,2-3.12-13). Ces termes ne se retrouvent pas dans le Ps 45, sans doute parce qu’il célèbre les noces du roi ; toutefois, « humilité » (45,5) est d’une racine très proche (‘nw) de celle du terme traduit par « miséreux » (‘ny, 72,2.3.12). Le « nom » du roi sera célébré à jamais (45,18 ; 72,17bis), comme celui du Seigneur (72,19). Les deux occurrences de « fils » jouent le rôle de termes médians à distance (45,17 ; 72,1). Il est question d’« or » en 45,10.14 et en 72,15. On notera aussi que – les ennemis et leur oppression se trouvent dans les six psaumes ; – le Seigneur est appelé « mon roi » dès 44,5 ce qui prépare 45,7 ; – « le nom » ne se trouve pas seulement dans les derniers psaumes, mais déjà en 44,6.9.21 ; dans le Ps 44, il s’agit du nom de Dieu, comme dans le dernier verset de la section (72,19), alors qu’auparavant il s’agissait du nom du roi (45,18 ; 72,17bis) ; – « la justice » qui marque les deux psaumes royaux était déjà mentionnée en 71,2.15.16.19.24 ; – le « salut » mentionné deux fois en 72,4.13 l’était déjà en 42,6.12 ; 43,5 ; 44,4.5.7.8 ; 70,5 ; 71,2.3.15.
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3.2 LES RAPPORTS ENTRE LES SÉQUENCES CENTRALES (46 ET 69) Ps 46,1 Du maitre-de-chant, des fils de Coré, pour des jeunes-filles, chant. 2 Dieu est pour nous refuge et force, secours dans les OPPRESSIONS, il se trouve beaucoup. 3 C’est pourquoi nous ne craindrons pas quand change la terre, quand chancellent les montagnes au cœur des mers ; 4 elles grondent, elles écument ses EAUX, elles tremblent les montagnes à son soulèvement. 5 Un fleuve, ses canaux réjouissent la cité de Dieu, la sainte demeure du Très-Haut ; 6 Dieu est en elle, elle ne chancelle pas, Dieu la secourt au tournant du matin. 7 Grondaient des PEUPLES, chancelaient des ROYAUMES, il a donné de la voix, elle fond la terre. 8 YHWH DES ARMÉES avec nous, CITADELLE pour nous, le Dieu de Jacob ! 9 « Allez, contemplez les hauts-faits de Yhwh, lequel met des destructions sur la terre : 10 il fait-cesser les guerres jusqu’aux bouts de la terre, l’arc il l’a rompu et il a brisé la lance, les boucliers il les a brûlés au feu. 11 Arrêtez et connaissez que moi je suis Dieu, je m’élève sur les PEUPLES, je m’élève sur la terre ! » 12 YHWH DES ARMÉES avec nous, CITADELLE pour nous, le Dieu de Jacob !
Les deux psaumes sont d’inégale longueur et, à première vue, sont bien différents. Le premier est un chant de confiance à la première personne du pluriel, tandis que l’autre est une plainte à la première personne du singulier. Toutefois ils ont un certain nombre de points communs : – dès le début, le premier psaume mentionne « les oppressions » (46,2), ce qui reviendra dans l’autre : « je suis opprimé » (69,18), « mes oppresseurs » (20) ; – l’image des « eaux » menaçantes de 46,4 revient deux fois en 69,2-3 et 15-16 ; – il s’agit en fait des « peuples » et « royaumes » (46,7.11) « grondant » comme les eaux (4.7) ; des « haïssant », « ennemis » (69,5.19) ; – mais Dieu est « citadelle » (46,8.12) qui « protège » (69,30 ; de même racine que « citadelle ») ; – Dieu est appelé « Yhwh des armées » (46,8.12 ; 69,7) ; – « ta maison » (69,10) rappelle « la sainte demeure du Très-Haut » (46,5). Il est possible de dire que les deux psaumes sont complémentaires : le psalmiste individuel, que le titre identifie à « David », représente le « nous » de son peuple, ce pluriel qui apparait à la fin avec « les humiliés », « chercheurs de Dieu » (69,33), et surtout avec « Sion » et « les villes de Juda » (36). Par ailleurs, si le Ps 69 est une plainte, toute sa dernière partie est une déclaration de confiance, de louange et d’action de grâce (30-37).
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Ps 69,1 Du maitre-de-chant, sur l’air Des lys, de David. 2 Sauve-moi, Dieu, car sont venues les EAUX jusqu’à l’âme ; 3 j’enfonce dans la bourbe du gouffre, et rien qui tienne ; je suis venu dans les profondeurs des EAUX et le flot me submerge. 4 Je m’épuise dans mon appel, brûle ma gorge, sont consumés mes yeux attendant mon Dieu ; 5 sont nombreux plus que les cheveux de ma tête MES HAÏSSANT sans cause ; sont puissants mes détruisant, MES ENNEMIS de mensonge : ce que je n’ai pas pris, maintenant je le rendrais ? 6 Dieu, toi, tu connais ma folie, et mes offenses devant toi ne sont pas celées. 7 Ne rougissent pas à cause de moi, tes espérant, Seigneur YHWH DES ARMÉES ; n’aient pas honte à cause de moi, tes cherchant, Dieu d’Israël. 8 Car pour toi je porte l’insulte, que me couvre la honte ma face, 9 un étranger je suis pour mes frères, et un inconnu pour les fils de ma mère ; 10 Car le zèle de ta maison me dévore, et les insultes de tes insulteurs tombent sur moi. 11 Et si je pleure dans le jeûne mon âme et c’est des insultes pour moi ; 12 et si je donne pour mon habit un sac et je suis pour eux une fable. 13 Ils se moquent les assis à la porte et les chansons de buveurs de boissons fortes. 14
Et moi, ma prière à toi, Yhwh, au temps favorable ; Dieu, en ta grande fidélité, réponds-moi en la vérité de ton salut. 15 Tire-moi du bourbier, que je n’enfonce, que j’échappe à MES ADVERSAIRES et aux profondeurs des EAUX ; 16 ne me submerge le flot des EAUX, ne me dévore le gouffre, ne happe sur moi la fosse de sa bouche. 17 Réponds-moi, Yhwh, car bonne ta fidélité, en ta grande tendresse tourne-toi vers moi, 18 et ne cache pas ta face à ton serviteur, car je suis OPPRIMÉ, hâte-toi, réponds-moi ; 19 approche de mon âme, venge-la, à cause de MES ENNEMIS rachète-moi. 20 Toi, tu connais mon insulte, et ma honte et mon affront, devant toi tous mes OPPRESSEURS. 21 L’insulte a brisé mon cœur et j’ai défailli et j’espérais la compassion, mais rien, et des consolateurs, et point n’en ai trouvé. 22 Et ils m’ont donné pour nourriture du poison, et dans ma soif ils m’abreuvaient de vinaigre ; 23 que soit leur table devant eux un piège et pour leurs amis un traquenard, 24 que s’enténèbrent leurs yeux pour ne plus voir, et leurs reins constamment fais vaciller. 25 Déverse sur eux ton courroux, et le feu de ta colère les atteigne ; 26 que soit leur enclos un désert, dans leurs tentes qu’il ne soit pas un habitant. 27 Car toi, celui que tu as frappé ils ont poursuivi, et les blessures de ta victime ils comptent ; 28 donne, faute sur leur faute, et ne viennent plus à ta justice, 29 qu’ils soient rayés du livre de vie, et avec les justes ne soient pas écrits. 30
Et moi, miséreux et souffrant, que ton salut, Dieu, ME PROTÈGE ! 31 Je louerai le nom de Dieu par un chant, et je le magnifierai par l’action de grâce ; 32 cela sera bon pour Yhwh plus qu’un bœuf, un taureau ayant corne, ayant sabot. 33 Ils ont vu, les humiliés, ils se réjouissent ; chercheurs de Dieu, et que vive votre cœur ! 34 Car Yhwh écoute les pauvres, et ses captifs il n’a pas méprisé. 35 Que le louent le ciel et la terre, les mers et tout grouillant en elles ! 36 Car Dieu sauvera Sion, et il rebâtira les villes de Juda, et ils habiteront là et la posséderont ; 37 et la semence de ses serviteurs en héritera et les amants de son nom y demeureront.
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3.3 LES RAPPORTS ENTRE LES SÉQUENCES MÉDIANES (47–49 ET 66–68) Les rapports sont particulièrement étroits entre les premiers psaumes de chaque séquence (47 et 66) ; ces deux psaumes jouent donc le rôle de termes initiaux. De même, les rapports sont nombreux entre les psaumes extrêmes des deux séquences (47 et 68) ; ces deux psaumes remplissent la fonction de termes extrêmes. Les rapports entre les premiers psaumes (47 et 66) – « Tous les peuples » (47,2), « toute la terre » (47,3.8 ; 66,1.4), les « peuples » et les « nations » (47,4bis.9.10 ; 66,7.8), « tous les craignant Dieu » (66,16) sont invités à – « acclamer » le Seigneur (47,2.6 ; 66,1), – à « psalmodier » pour lui (47,7quart.8 ; 66,2.4bis), – à faire entendre leur « voix » (47,2.6 ; 66,8.19). Dans le Ps 47 Dieu est appelé « le Très-haut » (3) et de la même racine il est dit à la fin des deux parties qu’il « monte » (6.10). Dans l’autre psaume, de même racine sont « holocaustes » et « faire-monter » (66,13.15). Dieu est appelé « redoutable » (47,3 ; 66,3.5).
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Ps 47,1 Du maitre-de-chant, des fils de Coré, psaume. 2 TOUS LES PEUPLES, battez des mains, ACCLAMEZ Dieu dans LA VOIX des cris-de-joie ! 3 Oui, Yhwh est le TRÈS-HAUT, REDOUTABLE, le Roi grand sur TOUTE LA TERRE. 4 Il prosterne DES PEUPLES sous nous et DES NATIONS sous nos pieds. 5 Il a choisi pour nous notre héritage, fierté de Jacob, lequel il aime. 6 IL MONTE Dieu dans L’ACCLAMATION, Yhwh, dans LA VOIX du chofar. 7 Psalmodiez pour Dieu, psalmodiez, psalmodiez pour notre Roi, psalmodiez ! 8 Oui, Dieu est le Roi de TOUTE LA TERRE: psalmodiez une instruction ! 9 Il règne Dieu SUR LES NATIONS, Dieu siège sur son trône de sainteté. 10 Les princes des PEUPLES se rassemblent, peuple du Dieu d’Abraham. Oui, à Dieu les boucliers de LA TERRE, beaucoup IL EST MONTÉ. [...]
Ps 66,1 Du maitre-de-chant, chant, psaume. ACCLAMEZ Dieu, TOUTE LA TERRE, 2 psalmodiez la gloire de son nom, mettez la gloire à sa louange. 3 Dites à Dieu : « Que REDOUTABLES tes œuvres ! Pour l’abondance de ta puissance se plieront à toi tes ennemis ; 4 TOUTE LA TERRE se prosternera à toi et psalmodiera à toi, psalmodiera ton nom ». 5 Allez et voyez les gestes de Dieu, REDOUTABLE dans l’action pour les fils d’Adam : 6 il changea la mer en terre ferme, dans le fleuve ils passèrent à pied, là nous nous réjouissions en lui. 7 Il domine par sa bravoure de toujours, ses yeux LES NATIONS ils scrutent, que les rebelles ne s’exaltent pas contre lui. 8 Bénissez, PEUPLES, notre Dieu et faites écouter LA VOIX de sa louange, 9 lui qui met notre âme dans la vie et n’a pas donné de chanceler à nos pieds. 10 Oui, tu nous as éprouvés, Dieu, tu nous as épurés comme on épure l’argent ; 11 tu nous as fait venir dans un filet, tu as mis l’affliction sur nos flancs ; 12 tu as fait chevaucher un mortel sur nos têtes ; nous sommes venus dans le feu et dans l’eau et tu nous as fait sortir dans la surabondance. 13 Je viendrai en ta maison avec DES HOLOCAUSTES, j’acquitterai envers toi mes vœux, 14 ceux qui ouvraient mes lèvres et que parlait ma bouche en mon angoisse ; 15 DES HOLOCAUSTES de bêtes grasses JE FERAI MONTER à toi avec le fumet des béliers, je ferai des taureaux avec des boucs. 16 Allez, écoutez et je raconterai à TOUS LES CRAIGNANT DIEU ce qu’il a fait pour mon âme ; 17 vers lui de ma bouche j’ai appelé et l’exaltation dessous ma langue. 18 L’iniquité si j’avais vu en mon cœur, le Seigneur ne m’eût pas écouté ; 19 pourtant Dieu m’a écouté, il a été attentif à LA VOIX de ma prière. 20 Béni soit Dieu lequel n’a pas écarté ma prière ni sa fidélité loin de moi.
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Les rapports entre les psaumes extrêmes (47 et 68) Ps 47,1 Du maitre-de-chant, des fils de Coré, psaume. 2 TOUS LES PEUPLES, battez des mains, acclamez Dieu dans LA VOIX des cris-de-joie ! 3 Oui, Yhwh est le TRÈS-HAUT, REDOUTABLE, LE ROI grand sur TOUTE LA TERRE. 4 Il prosterne DES PEUPLES sous nous et DES NATIONS sous nos pieds. 5 Il a choisi pour nous notre HÉRITAGE, fierté de Jacob, lequel il aime. 6 IL MONTE Dieu dans l’acclamation, Yhwh, dans LA VOIX du chofar. 7 PSALMODIEZ pour Dieu, PSALMODIEZ, PSALMODIEZ pour NOTRE ROI, PSALMODIEZ ! 8 Oui, Dieu est LE ROI de TOUTE LA TERRE: PSALMODIEZ une instruction ! 9 Il RÈGNE Dieu SUR LES NATIONS, Dieu siège sur son TRÔNE de sainteté. 10 LES PRINCES des PEUPLES se rassemblent, PEUPLE du Dieu d’Abraham. Oui, à Dieu les boucliers de LA TERRE, beaucoup IL EST MONTÉ. [...]
Ps 68,1 Du maitre-de-chant, de David, psaume, chant. 2 Se lève Dieu, se dispersent SES ENNEMIS et fuient SES HAÏSSANT devant sa face. 3 Comme se dissipe la fumée, tu les dissipes, comme fond la cire devant la face du feu, ils périssent, les méchants, devant la face de Dieu. 4 Mais les justes se réjouissent, ils exultent à la face de Dieu, et sont en liesse dans la réjouissance. 5 Chantez à Dieu, PSALMODIEZ son nom, frayez la voie au Chevaucheur des steppes, en Yah son nom, et jubilez à sa face. 6 Père des orphelins et défenseur des veuves, Dieu est dans son lieu de sainteté ; 7 Dieu fait résider les isolés dans une maison, il fait sortir les prisonniers en liberté ; mais les rebelles demeurent en lieux arides. 8 Dieu, quand tu sortis à la face de ton peuple, quand tu procédas dans le lieu désolé, 9 la terre trembla, les cieux mêmes ruisselèrent devant la face de Dieu, celui du Sinaï, devant la face de Dieu, le Dieu d’Israël. 10 Une pluie à volonté tu répandis, Dieu, ton HÉRITAGE, exténué, toi, tu l’affermis ; 11 ton assemblée a résidé dans celui-là que tu préparais en ta bonté, au miséreux, Dieu. 12 Le Seigneur a donné un ordre, les messagères une armée nombreuse ; 13 LES ROIS des armées détalent, détalent, et la belle de la maison partage le butin. 14 Si vous reposez entre les deux murets, les ailes de la tourterelle se couvrent d’argent et ses plumes d’un reflet d’or vert ; 15 quand dispersait Shaddaï LES ROIS sur elle, il neigeait sur le Salmôn. 16 Montagne de Dieu, la montagne de Bashân, montagne sourcilleuse, la montagne de Bashân ! 17 Pourquoi jalouser, montagnes sourcilleuses, la montagne que Dieu a désirée pour résidence ? Oui, Yhwh y demeurera jusqu’à la fin. 18 Les chars de Dieu deux myriades, des milliers de répétitions ; le Seigneur est en eux du Sinaï au sanctuaire. 19 TU ES MONTÉ vers la hauteur, tu as capturé des captifs, tu as pris en tribut des hommes, même les rebelles, pour que demeure Yah Dieu. 20 Béni soit le Seigneur de jour en jour, il prend charge de nous, le Dieu de notre salut. 21 Le Dieu pour nous est un Dieu de délivrances et à Yhwh le Seigneur les issues de la mort ; 22 mais Dieu défonce la tête de ses ennemis, le crâne chevelu qui va et vient dans ses crimes. 23 Le Seigneur a dit : « De Bashân je fais revenir, je fais revenir des abimes de la mer, 24 afin que tu enfonces ton pied dans le sang, que la langue de tes chiens des ennemis ait sa part. » 25 Ils ont vu tes processions, Dieu, les processions de mon Dieu, MON ROI, au sanctuaire : 26 précédaient les chantres, derrière les musiciens, au milieu les jeunes filles, tambourinant. 27 En chœurs ils bénissaient Dieu : Yhwh, dès l’origine d’Israël. 28 Là Benjamin le cadet les conduit ; LES PRINCES de Juda en habits brodés, LES PRINCES de Zabulon, LES PRINCES de Nephtali. 29 Ton Dieu a commandé ta puissance, la puissance, Dieu, que tu as faite pour nous ; 30 de ton Temple sur Jérusalem à toi apporteront LES ROIS des présents. 31 Menace la bête des roseaux, la bande de taureaux avec des veaux de PEUPLES, qui s’humilie avec des lingots d’argent. Il a dispersé LES PEUPLES qui aiment les conflits : 32 viendront des nobles depuis L’ÉGYPTE, KUSH tendra les mains vers Dieu. 33 ROYAUMES DE LA TERRE, chantez à Dieu, PSALMODIEZ le Seigneur, 34 au Chevaucheur des cieux, des cieux antiques, voici, il donne de SA VOIX, VOIX de puissance. 35 Donnez la puissance de Dieu, sur Israël sa splendeur et sa puissance dans les nues. 36 REDOUTABLE tu es Dieu, de tes sanctuaires, Dieu d’Israël lui, donnant puissance et vigueurs au PEUPLE. Béni soit Dieu !
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Le Ps 47 est adressé à « tous les peuples » (47,2), « toute la terre » (3.8), « les peuples » (4.10bis), « les nations » (4.9). À la fin du Ps 68 se retrouvent « les peuples » (68,31bis), « les royaumes de la terre » (33), parmi lesquels « l’Égypte » et « Kush » (32) ; au début du psaume ceux-là sont appelés « ses ennemis » et « ses haïssant » (2). Les deux psaumes mentionnent en finale le « peuple » d’Israël, appelé « peuple du Dieu d’Abraham » (47,10 ; 68,36). Dans les deux psaumes, tous les peuples sont invités à « psalmodier » pour le Seigneur (47,7-8 ; 68,5.33). Au début du premier psaume, tous les peuples sont appelés à faire entendre leur « voix » (47,2), « la voix du chofar » (6) ; à la fin du dernier psaume, c’est Dieu qui fait entendre sa « voix » (68,34bis). Dans le Ps 47, le Seigneur est appelé « le roi », « notre roi » (47,3.7.8.9) et il est en relation avec « les princes des peuples » (10) ; de même dans le Ps 68, le psalmiste appelle le Seigneur « mon roi » (68,25), servi par « les princes » des tribus de Juda, Zabulon et Nephtali (28), et il est en rapport avec « les rois » ses ennemis (13.15) qui lui apporteront « des présents » (30) ; en finale, les « royaumes de la terre » sont invités à chanter à Dieu et à psalmodier pour lui (33) comme « les justes » (4-5). Le Seigneur est « redoutable » au début du premier psaume (47,3) et à la fin du dernier (68,36), faisant ainsi inclusion. Dieu est appelé « le Très-Haut » (47,3) qui « monte » (6.10) ; de même il est « monté vers la hauteur » (68,19). Israël est « l’héritage » de Dieu (47,5 ; 68,10).
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Le Psautier. Deuxième livre (Ps 42/43–72)
Autres rapports Ps 48,1 Chant, psaume, des fils de Coré. 2 Grand Yhwh et louable beaucoup DANS LA VILLE DE NOTRE DIEU, LA MONTAGNE DE SA SAINTETÉ. 3 Belle en hauteur, jubilation de TOUTE LA TERRE est LA MONTAGNE DE SION, sommet du Saphôn, cité du ROI immense : 4 Dieu dans ses palais s’est révélé citadelle. 5 Car voici, DES ROIS s’étaient ligués, ils ont avancé ensemble. 6 Eux virent, oui, ils s’étonnèrent, ils paniquèrent, ils décampèrent, 7 un tremblement les saisit là, un frisson d’accouchée ; 8 par un vent d’est furent brisés les vaisseaux de Tarsis. 9 De même que nous avions entendu, ainsi nous avons vu dans la ville de Yhwh des armées, dans la ville de notre Dieu : Dieu l’affermira jusqu’à jamais. 10 Nous méditons, Dieu, ta fidélité AU MILIEU DE TON TEMPLE ; 11 comme ton nom, Dieu, ainsi est ta louange, JUSQU’AU BOUT DE LA TERRE ! De justice est remplie ta droite, 12 LA MONTAGNE DE SION se réjouit ; LES FILLES DE JUDA exultent à cause de tes jugements. 13 Longez SION et parcourez-la, dénombrez ses tours, 14 mettez vos cœurs à son enceinte, détaillez ses palais, afin de raconter aux âges futurs 15 que lui est Dieu, notre Dieu toujours et à jamais, lui, il nous guidera jusqu’à la mort ! Ps 49, 1 Du maitre-de-chant, des fils de Coré, psaume. 2 Écoutez ceci, TOUS LES PEUPLES, prêtez-l’oreille, TOUS LES HABITANTS DU MONDE, 3 aussi fils d’Adam aussi fils d’homme, ensemble riches et pauvres ! 4 Ma bouche dira des sagesses, et le murmure de mon cœur des intelligences ; 5 je tendrai au proverbe mon oreille j’ouvrirai sur la cithare mon énigme. 6 Pourquoi craindrais-je aux jours de malheur quand la faute de mes talonneurs m’enserre ? 7 Ils se fient à leur possession et de l’abondance de leur richesse ils se louent. 8 Un frère racheter ne rachète pas un homme, il ne donne pas à Dieu sa rançon ; 9 et il est couteux le rachat de leur âme et manquera toujours. 10 Et il vivra encore jusqu’à l’éternité, il ne verra pas la fosse ! 11 Oui, il verra que les sages mourront, ensemble le fou et l’insensé périront et ils laisseront à d’autres leur possession. 12 Leurs tombeaux seront LEURS MAISONS pour toujours leurs demeures d’âge en âge ; ils avaient appelé leurs noms dessus des terres ! 13 Et l’adam dans le luxe point ne passe-la-nuit, il ressemble aux animaux qui disparaissent. 14 Cela est leur chemin, confiance en eux-mêmes et après eux à leur bouche on se plait. 15 Comme moutons au schéol ils sont mis, la MORT les fait-paitre ; et piétinent eux les droits au matin et leur Rocher efface le schéol de son palais. 16 Certes, Dieu rachètera mon âme, de la main du schéol, oui, il me prendra. 17 Ne crains pas quand s’enrichit un homme, quand abonde la gloire de sa maison. 18 Oui, dans sa MORT il ne prendra rien, ne descendra pas derrière lui sa gloire. 19 Car son âme dans sa vie il bénissait et on te rend-grâce d’avoir pris-soin de toi. 20 Elle ira jusqu’à la génération de ses pères, jusqu’à l’éternité ils ne verront plus la lumière. 21 L’adam dans le luxe et ne comprend pas, il ressemble aux animaux qui disparaissent.
Comme dans les premiers psaumes (47 et 66), partout ailleurs sont concernés « toute la terre » (48,3) « jusqu’au bout de la terre » (11), « tous les peuples », « tous les habitants du monde » (49,2), « la terre », « toutes les nations », « (tous) les peuples », « les pays », « tous les confins de la terre » (67,3.4.5.6.8), « les peuples », « les royaumes de la terre », « l’Égypte » et « Kush » (68,31-33), qui étaient « ennemis » de Dieu (2.22). Il est question de la « ville » de Dieu, de sa « montagne » et de son « Temple » dans le Ps 48 (2.3.10.12.13) et aussi dans le Ps 68 (6.11.17.18.2528.30.36). On pourra remarquer que « Sion » revient trois fois en 48 (3.12.13) et « Israël » quatre fois dans le dernier psaume (68,9.27.35.36). Le Seigneur est « roi » (48,3 ; 68,25) en rapport avec les rois des nations (48,5 ; 68,13.15.30.33) ; en 68,28 il est servi par ses « princes ».
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Ps 67,1 Du maitre-de-chant, sur les cordes, psaume, chant. 2 Que Dieu nous ait en pitié et nous bénisse, qu’il fasse briller sa face sur nous, 3 pour que soit connu sur LA TERRE ton chemin, chez TOUTES LES NATIONS ton salut. 4 Qu’ils te rendent grâce LES PEUPLES, Dieu, qu’ils te rendent grâce LES PEUPLES, TOUS ! 5 Que jubilent et chantent LES PAYS, car tu juges LES PEUPLES avec droiture et LES PAYS sur la terre tu conduis. 6 Qu’ils te rendent grâce LES PEUPLES, Dieu, qu’ils te rendent grâce LES PEUPLES, TOUS ! 7 La terre a donné sa récolte il nous bénit Dieu notre Dieu 8 il nous bénit Dieu et le craignent TOUS LES LOINTAINS DE LA TERRE. Ps 68,1 Du maitre-de-chant, de David, psaume, chant. 2 Se lève Dieu, se dispersent SES ENNEMIS et fuient SES HAÏSSANT devant sa face. 3 Comme se dissipe la fumée, tu les dissipes, comme fond la cire devant la face du feu, ils périssent, les méchants, devant la face de Dieu. 4 Mais les justes se réjouissent, ils exultent à la face de Dieu, et sont en liesse dans la réjouissance. 5 Chantez à Dieu, psalmodiez son nom, frayez la voie au Chevaucheur des steppes, en Yah son nom, et jubilez à sa face. 6 Père des orphelins et défenseur des veuves, Dieu est dans SON LIEU DE SAINTETÉ ; 7 Dieu fait résider les isolés dans une MAISON, il fait sortir les prisonniers en liberté ; mais les rebelles demeurent en lieux arides. 8 Dieu, quand tu sortis à la face de ton peuple, quand tu procédas dans le lieu désolé, 9 la terre trembla, les cieux mêmes ruisselèrent devant la face de Dieu, celui du Sinaï, devant la face de Dieu, le Dieu d’ISRAËL. 10 Une pluie à volonté tu répandis, Dieu, ton héritage, exténué, toi, tu l’affermis ; 11 ton assemblée a résidé DANS CELUI-LÀ QUE TU PRÉPARAIS en ta bonté, au miséreux, Dieu. 12 Le Seigneur a donné un ordre, les messagères une armée nombreuse ; 13 LES ROIS des armées détalent, détalent, et la belle de la maison partage le butin. 14 Si vous reposez entre les deux murets, les ailes de la tourterelle se couvrent d’argent et ses plumes d’un reflet d’or vert ; 15 quand dispersait Shaddaï LES ROIS sur elle, il neigeait sur le Salmôn. 16 Montagne de Dieu, la montagne de Bashân, montagne sourcilleuse, la montagne de Bashân ! 17 Pourquoi jalouser, montagnes sourcilleuses, LA MONTAGNE QUE DIEU A DÉSIRÉE POUR RÉSIDENCE ? Oui, Yhwh y demeurera jusqu’à la fin. 18 Les chars de Dieu deux myriades, des milliers de répétitions ; le Seigneur est en eux du Sinaï AU SANCTUAIRE. 19 Tu es monté vers la hauteur, tu as capturé des captifs, tu as pris en tribut des hommes, même les rebelles, pour que demeure Yah Dieu. 20 Béni soit le Seigneur de jour en jour, il prend charge de nous, le Dieu de notre salut. 21 Le Dieu pour nous est un Dieu de délivrances et à Yhwh le Seigneur les issues de la MORT ; 22 mais Dieu défonce la tête de SES ENNEMIS, le crâne chevelu qui va et vient dans ses crimes. 23 Le Seigneur a dit : « De Bashân je fais revenir, je fais revenir des abimes de la mer, 24 afin que tu enfonces ton pied dans le sang, que la langue de tes chiens des ennemis ait sa part. » 25 Ils ont vu tes PROCESSIONS, Dieu, les PROCESSIONS de mon Dieu, MON ROI, AU SANCTUAIRE : 26 précédaient les CHANTRES, derrière les MUSICIENS, au milieu LES JEUNES FILLES, tambourinant. 27 En chœurs ils bénissaient Dieu : Yhwh, dès l’origine d’ISRAËL. 28 Là Benjamin le cadet les conduit ; LES PRINCES de Juda en habits brodés, LES PRINCES de Zabulon, LES PRINCES de Nephtali. 29 Ton Dieu a commandé ta puissance, la puissance, Dieu, que tu as faite pour nous ; 30 DE TON TEMPLE SUR JÉRUSALEM à toi apporteront LES ROIS des présents. 31 Menace la bête des roseaux, la bande de taureaux avec des veaux de PEUPLES, qui s’humilie avec des lingots d’argent. Il a dispersé LES PEUPLES qui aiment les conflits : 32 viendront des nobles depuis L’ÉGYPTE, KUSH tendra les mains vers Dieu. 33 ROYAUMES DE LA TERRE, chantez à Dieu, psalmodiez le Seigneur, 34 au Chevaucheur des cieux, des cieux antiques, voici, il donne de sa voix, voix de puissance. 35 Donnez la puissance de Dieu, sur ISRAËL sa splendeur et sa puissance dans les nues. 36 Redoutable tu es Dieu, de TES SANCTUAIRES, Dieu d’ISRAËL lui, donnant puissance et vigueurs au peuple. Béni soit Dieu !
Le « nom » de Dieu doit être loué (48,11 ; 68,5bis) ; alors que les insensés avaient mis « leurs noms sur leurs terres » (49,12). « La mort » est mentionnée en 49,15.18 et en 68,21.
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Le Psautier. Deuxième livre (Ps 42/43–72) 4. LES RAPPORTS ENTRE LES SECTIONS MÉDIANES (50–55 ET 61–65)1
4.1 LES RAPPORTS ENTRE LES SÉQUENCES CENTRALES (52–53 ET 63) 52,1 Du maitre-de-chant, instruction, de David 2 quand vint Doëg l’Édomite et il avertit Saül et dit à lui : « Est venu David à la maison d’Ahimelek ». 3 Comment TU TE LOUES du mal, héros, LA FIDÉLITÉ de Dieu étant tout le jour ? 4 Des crimes pense ta langue comme un rasoir affilé, faisant LA TROMPERIE ! 5 Tu aimes le mal plus que le bien, LE MENSONGE plus que PARLER la justice ; 6 tu aimes toute PAROLE qui avale, langue de FRAUDE. 7
Aussi Dieu t’écrasera jusqu’à la fin te détruira et il t’arrachera de la tente et te déracinera de LA TERRE des vivants.
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Et verront les justes et ils craindront et sur lui ils riront : 9 « Voici l’homme qui ne mettait pas Dieu comme sa forteresse et qui se fiait à l’abondance de sa richesse se faisait fort de son crime ». 10 Et moi, tel un olivier verdoyant DANS LA MAISON DE DIEU : je me fie à LA FIDÉLITÉ de Dieu toujours et à jamais. 11 Je te rends grâce toujours car tu as fait et j’espère TON NOM car il est bon, devant TES FIDÈLES. 53,1 Du maitre-de-chant, en chœur, instruction, de David. 2 L’insensé a dit en son cœur : « Il n’y a pas de Dieu ! » Ils se sont corrompus, ils font abominable l’iniquité ; il n’y a pas de faisant le bien. 3 Dieu des cieux se penche vers les fils d’Adam, pour voir s’il en est un d’instruit, un qui cherche Dieu. 4 Chacun d’eux s’est fourvoyé, ensemble ils se sont pervertis ; il n’y a pas de faisant le bien, il n’y a pas même un seul. 5
Est-ce qu’ils ne connaitront pas, les œuvrant l’iniquité ?
Mangeant mon peuple, ils mangent du pain, Dieu ils n’appellent pas. 6 Alors, ils seront effrayés d’effroi, il n’était pas d’effroi ; car Dieu a dispersé les os de qui t’assiégeait ; tu les as fait rougir car Dieu les a rejetés. 7 Qui donnera de Sion les saluts d’Israël ? Quand restaurera Dieu le sort de son peuple, exultera Jacob, SE RÉJOUIRA Israël ! [...]
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Pour des raisons purement pratiques de mise en page, l’ordre de présentation n’est pas linéaire.
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Ps 63,1 Psaume, de David, quand il était dans le désert de Juda. 2 Dieu, mon Dieu, toi, je te désire, mon âme a soif de toi, ma chair languit de toi, sur UNE TERRE sèche et altérée, sans eau. 3 Ainsi, AU SANCTUAIRE je t’ai contemplé, pour voir ta force et ta gloire. 4 car TA FIDÉLITÉ est meilleure que la vie ; mes lèvres te célébreront. 5 Ainsi, je te bénirai en ma vie, à TON NOM j’élèverai mes paumes ; 6 comme de graisse et d’huile se rassasiera mon âme, et, lèvres criant de joie, ma bouche LOUERA. 7
Quand je songe à toi sur ma couche, dans les veilles je médite sur toi, 8 car tu fus un secours pour moi, et À L’OMBRE DE TES AILES je crie de joie ; 9 mon âme se presse derrière toi, ta droite me soutient. 10 Mais eux c’est pour la ruine qu’ils cherchent mon âme, ils viendront au-dessous de LA TERRE. 11 On les jettera aux mains de l’épée, ils seront la part des chacals. 12 Et le roi SE RÉJOUIRA en Dieu, SE LOUERONT tous ceux qui jurent par lui quand sera fermée la bouche de ceux qui PARLENT LE MENSONGE.
Les trois psaumes opposent : – d’un côté les méchants (52,3-7 ; 53,2-6 ; 63,10-11.12c) qui font « le mal » (52,3.5) et « l’iniquité » (53,3.5), complotent « les crimes » (52,4), « cherchant l’âme » c’est-à-dire la vie du psalmiste (63,10), toujours en « parlant » « mensonge », « tromperie » et « fraude » avec leur « langue », leur « bouche » (52,46 ; 63,12c) – et de l’autre « les justes » (52,8), dont le psalmiste parmi les « fidèles » (1011) ; « le peuple » d’« Israël » qui « se réjouira » quand les méchants seront rejetés par Dieu (53,7) ; le psalmiste dont « les lèvres » et la « bouche » loueront le Seigneur (63,3-9). Autant les méchants occupent la plus grande partie de l’espace dans la séquence centrale de la deuxième section (52–53), autant c’est le contraire au centre de la quatrième section (63). En outre, on notera les reprises surtout entre les Ps 52 et 63 : – « louer » pour le méchant (52,3) et pour les justes (63,6.12) ; – « la fidélité de Dieu » (52,3.10 suivi de « tes fidèles » en 11) sera repris avec « ta fidélité (63,4) ; – « ton nom » (52,11 ; 63,5) ; – « dans la maison de Dieu » (52,10) est repris par « au sanctuaire » (63,3) et « à l’ombre de tes ailes » (8) ; – « la terre » revient en 52,7 et 63,10, toujours dans un contexte de châtiment : « t’écrasera », « te détruira » (52,7), « la ruine » (63,10). Entre les Ps 53 et 63, les reprises lexicales se limitent à : – « chercher » en 53,3 et 63,10 ; – « se réjouir » en termes finaux (53,7 ; 63,12).
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Le Psautier. Deuxième livre (Ps 42/43–72)
4.2 LES RAPPORTS ENTRE LES SÉQUENCES FINALES (54–55 ET 64-65) 54,1 Du maitre-de-chant, sur les cordes, instruction, de David ; 2 quand vinrent les Ziphéens et dirent à Saül : « Est-ce que David n’est pas caché parmi nous ? » 3 Dieu, par ton nom sauve-moi, par ton pouvoir fais-moi-justice ; 4 Dieu, ÉCOUTE MA PRIÈRE, PRÊTE-L’OREILLE aux paroles de ma bouche ! 5 Car des étrangers ont surgi contre moi, et des forcenés ont cherché mon âme, ils n’ont pas mis Dieu devant eux. 6
Voici Dieu est mon secours, le Seigneur est avec ceux qui soutiennent mon âme.
Qu’il retourne le mal sur ceux qui me guettent, par ta vérité détruis-les ! 8 De grand cœur je sacrifierai pour toi, je rendrai grâce à ton nom, Yhwh, car il est bon, 9 car de toute angoisse il m’a délivré, et mon œil a vu MES ENNEMIS. 7
55,1 Du maitre-de-chant, sur les cordes, instruction, de David. 2 PRÊTE-L’OREILLE, Dieu, à MA PRIÈRE, et ne te dérobe pas à ma supplique, 3 fais-attention à moi et RÉPONDS-MOI, je divague en ma plainte et je frémis 4 à cause de la voix de L’ENNEMI, devant l’oppression du méchant ; car ils font chanceler sur moi l’iniquité, et avec colère ils m’accusent. 5 Mon cœur se tord au-dedans de moi, et les affres de la mort sont tombées sur moi ; 6 crainte et tremblement viennent à moi, et m’a étreint un frisson 7 Et je dis : Qui me donnera des ailes comme la colombe, que je m’envole et me pose ? 8 Voici, je m’éloignerais en fuyant, je giterais au désert, 9 je me hâterai vers un refuge pour moi contre le vent impétueux de la tempête. 10 Dévore, Seigneur, divise leur langue car je vois la violence et la discorde en la ville ; 11 de jour et de nuit elles tournent sur ses remparts et iniquité et peine sont au-dedans ; 12 les destructions sont au-dedans ; et ne se retirent pas de sa grand-place tyrannie et fraude. 13 Oui, si UN ENNEMI m’insultait, je le supporterais ; si un me haïssant contre moi s’élevait, je me cacherais loin de lui. 14 Mais toi, un homme de mon rang, mon intime et connu de moi, 15 avec lequel ensemble nous goûtions le conseil, et DANS LA MAISON DE DIEU nous allions parmi la foule ? 16 Que surprenne la mort sur eux, qu’ils descendent vivants au schéol, car les maux sont dans leur demeure au-dedans d’eux. 17 Moi, vers Dieu j’appelle et Yhwh me sauvera ; 18 le soir et le matin et à midi je me plains et frémis, et IL ÉCOUTE MA VOIX. 19 Qu’il rachète dans la paix mon âme de la bataille sur moi car nombreux furent contre moi. 20 QU’IL ÉCOUTE Dieu et qu’il les humilie, lui qui siège dès l’origine, lesquels il n’est pas d’amendement pour eux : et point ne craignent Dieu. 21 Il a envoyé les mains contre ses amis, il a violé son alliance. 22 Plus onctueuse que la crème est sa bouche mais la bataille est son cœur ; sont plus douces ses paroles que l’huile mais elles sont des épées-nues. 23 Décharge sur Yhwh ton souci et lui te nourrira, il ne donnera pas qu’à jamais chancelle le juste. 24 Et toi, Dieu, tu les fais descendre dans le puits de corruption ; les hommes de sangs et de fraude ne feront pas la moitié de leurs jours. Et moi je me fie à toi.
Les quatre psaumes commencent avec « écouter » et/ou « prêter-l’oreille » (54,4 ; 55,2 ; 64,2 ; 65,3) dont le complément d’objet est « ma/la prière » (54,4 ; 55,2 ; 65,3), mais aussi « ma voix dans ma plainte » (64,2) ; « écouter » revient encore en 55,18 avec « ma voix » comme complément, et en 20. L’objet est « les paroles de ma bouche » en 54,4 et « ma supplique » en 55,2. « Répondre » reviendra en 55,3 et 65,6.
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Ps 64,1 Du maitre-de-chant, psaume, de David. 2 ÉCOUTE, Dieu, MA VOIX dans ma plainte, de la peur de L’ENNEMI préserve ma vie. 3 Cache-moi du dessein des mauvais, du tumulte de ceux qui œuvrent l’iniquité, 4 lesquels aiguisent comme une épée leur langue, bandent leur flèche, parole amère, 5 pour tirer en cachette sur le parfait ; à l’improviste ils tirent et point ne craignent. 6 Ils renforcent pour eux une parole de mal, ils calculent pour dissimuler des pièges. Ils disent : « Qui verra ceux-là ? » 7 Ils planifient des perversités : « Nous avons perfectionné une planification planifiée. » Et l’intérieur de l’homme et son cœur sont profonds. 8 Et Dieu tirera une flèche, à l’improviste seront leurs blessures ; 9 et ils feront tomber sur euxmêmes leur langue, ils hocheront-la-tête tous ceux qui les verront. 10 Et tous les hommes craindront et annonceront l’œuvre de Dieu, et son action ils comprendront. 11 Le juste se réjouira en Yhwh et il s’abritera en lui ; et se loueront tous les droits de cœur. Ps 65,1 Du maitre-de-chant, psaume, de David, chant. 2 Pour toi le repos est louange, Dieu, dans Sion ; et pour toi le vœu est acquitté. 3 TU ÉCOUTES LA PRIÈRE, jusqu’à toi vient toute chair. 4 Les paroles de fautes sont plus puissantes que nous, nos transgressions toi, tu les couvres. 5 Heureux qui tu as choisi et as fait approcher, il demeure EN TES PARVIS ; nous nous rassasions des biens de TA MAISON, de la sainteté de TON TEMPLE. 6 En prodiges de justice TU NOUS RÉPONDS, Dieu de notre salut, confiance de tous les confins de la terre et de la mer des lointains. 7 Lui qui dispose les montagnes par sa force, lui qui se ceint de puissance, 8 lui qui apaise le fracas des mers, le fracas de leurs flots et la rumeur des peuples. 9 Et les habitants des confins craindront à cause de tes signes ; tu fais jubiler les portes du matin et du soir. 10 Tu visites la terre et la fais regorger, abondamment tu l’enrichis. Le ruisseau de Dieu est rempli d’eau, tu disposes leur grain car ainsi tu le disposes : 11 abreuvant ses sillons, aplanissant ses mottes, d’averses tu la détrempes, tu bénis son germe. 12 Tu couronnes l’année de ta bonté et tes ornières ruissellent d’huile ; 13 ruissellent les pacages du désert et les collines sont bordées d’allégresse ; 14 le petit-bétail revêt les prairies et les vallées se drapent de froment ; ils acclament, plus, ils chantent !
Appartiennent au même champ sémantique « ennemi(s) » (54,9 ; 55,4.13 ; 64,2), « mal/maux » (54,7 ; 55,16 ; 64,6), « iniquité » (55,4.11 ; 64,3), « épéesnues » (55,22) « épée » (64,4). Trois psaumes s’achèvent dans la louange : « je sacrifierai », « je rendrai grâce » (54,8), « le juste se réjouira » et « se loueront » (64,11), « ils acclament, plus, ils chantent » (65,14). Le Temple est mentionné dans les deuxièmes psaumes : « dans la maison de Dieu » (55,15), « tes parvis », « ta maison », « ton Temple » (65,5). On notera aussi les reprises suivantes : « sauver/salut » (54,3 ; 55,17 ; 65,6) ; « bon/biens/bonté » (54,8 ; 65,5.12) ; « justice/juste » (55,23 ; 64,11 ; 65,6) ; « se fier/confiance » (55,24 ; 65,6) ; « craindre/crainte » (55,6.20 ; 64,5.10 ; 65,9), « parole(s) » (55,22 ; 64,4.6 ; 65,4 ; « se plaindre/plainte » (55,18 ; 64,2).
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4.3 LES RAPPORTS ENTRE LES SÉQUENCES INITIALES (50–51 ET 61-62) 50,1 Psaume, d’Asaph. Le Dieu des dieux, Yhwh, PARLE et IL APPELLE LA TERRE du levant du soleil au couchant ; 2 depuis Sion, de la parfaite beauté, Dieu resplendit. 3 Vienne notre Dieu et ne se taise pas, un feu devant lui dévore et autour de lui c’est-tempête beaucoup ; 4 IL APPELLE les cieux en haut et LA TERRE pour juger son peuple : 5 « Assemblez-moi mes FIDÈLES qui scellèrent mon alliance en sacrifiant ». 6 Et ont annoncé les cieux sa justice car Dieu, le juge, c’est lui. 7 ÉCOUTEZ, mon peuple, et JE PARLERAI, Israël, je témoignerai contre toi, Dieu, ton Dieu, c’est moi ! 8 Pas sur tes sacrifices j’accuse et tes holocaustes sont devant moi toujours ; 9 je ne prendrai pas de ta maison un taurillon ni de tes bergeries des boucs. 10 Car à moi tout fauve des forêts, des animaux sur les montagnes par milliers ; 11 je connais tous les oiseaux des montagnes et toute bête des champs est pour moi. 12 Si j’ai faim, je ne te le dirai pas car à moi est le monde et son contenu ; 13 vais-je manger la chair des taureaux et le sang des boucs, vais-je le boire ? 14 Sacrifie à Dieu la confession et acquitte pour le Très-Haut tes vœux ; 15 et APPELLE-MOI au jour de l’angoisse, je t’affranchirai et tu me glorifieras. » 16 Et au méchant dit Dieu : « Qu’as-tu à énumérer mes décrets et à porter mon alliance à la bouche ; 17 et toi tu hais la discipline et tu envoies mes PAROLES derrière toi ? 18 Si tu vois un voleur, tu te plais avec lui et parmi les adultères est ton partage ; 19 de ta bouche tu envoies le mal et de ta langue tu trames la TROMPERIE. 20 Tu t’assieds, TU PARLES contre ton frère, au fils de ta mère tu donnes le déshonneur. 21 Tu fais ces choses et je me tairais ? Penses-tu que je suis vraiment comme toi ? Je t’accuse et m’explique à tes yeux. 22 Comprenez bien cela, vous qui oubliez Dieu, de peur que je lacère, et personne qui délivre ! 23 Qui sacrifie la confession me glorifie, et qui met un chemin je lui ferai voir le SALUT de Dieu. » 51,1 Du maitre-de-chant, psaume, de David, 2 quand vint vers lui le prophète Nathan, après qu’il fut venu vers Bethsabée. 3 Aie pitié de moi, Dieu, selon TA FIDÉLITÉ, selon la grandeur de ta miséricorde efface mes transgressions ! 4 Grandement lave-moi de ma faute, et de mon péché purifie-moi ! 5 Car mes transgressions, moi, je connais et mon péché devant moi toujours. 6 Contre toi, toi seul, j’ai péché et ce qui est mal à tes yeux j’ai fait, de sorte que tu es juste dans TA PAROLE, que tu es irréprochable dans ton jugement. 7 Voici que dans la faute j’ai été enfanté et dans le péché m’a conçu ma mère. 8 Voici que LA LOYAUTÉ tu veux dans les reins et dans l’intime la sagesse tu me fais connaitre. 9 Tu m’ôteras le péché avec l’hysope, et je-serai-pur ; tu me laveras, et plus que la neige je serai blanc ! 10 Tu me feras entendre allégresse et joie, jubileront les os que tu broyas ! 11 Cache ta face de mes péchés et toutes mes fautes efface-les ! 12 Un CŒUR pur crée pour moi, Dieu, et un souffle sûr rénove en mon sein. 13 Tu ne me rejetteras pas de devant ta face et le souffle de ta sainteté n’enlève pas de moi. 14 Fais-revenir pour moi l’allégresse de ton SALUT et d’un souffle de noblesse tu m’affermiras. 15 J’enseignerai aux transgresseurs tes chemins et les pécheurs vers toi reviendront ! 16 Délivre-moi des sangs, Dieu, Dieu de mon SALUT : acclamera ma langue ta justice. 17 Adonaï, mes lèvres tu ouvriras, et ma bouche annoncera ta louange. 18 Car tu ne veux pas de sacrifice, si je l’offre, un holocauste, tu ne le désires pas. 19 Les sacrifices de Dieu, un souffle brisé ; un CŒUR brisé et broyé, Dieu, tu ne méprises pas ! 20 Fais du bien selon ton désir à Sion, tu rebâtiras les murailles de Jérusalem. 21 Alors tu voudras des sacrifices de justice, holocauste et offrande-totale ; alors ils feront-monter sur tes autels des taureaux.
Dans le Ps 50, Dieu « appelle » « la terre » (50,1.4), puis invite Israël à l’« appeler » (15) ; dans le psaume symétrique, le psalmiste « appelle » son Dieu « de l’extrémité de la terre » (61,3) ; en 50,7, Dieu demande à son peuple de l’« écouter » (7) et dans le psaume 61, le psalmiste commence par supplier Dieu de l’«écouter » (61,2), puis reconnait qu’il le fait (6).
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Ps 61,1 Du maitre-de-chant, sur les instruments à cordes, de David. 2 ÉCOUTE, Dieu, mon cri, sois-attentif à ma prière, 3 de l’extrémité de LA TERRE vers toi J’APPELLE, mon CŒUR défaille : au rocher qui s’élève plus que moi, conduis-moi. 4 Oui, tu es un abri pour moi, une tour de force devant la face l’ennemi ; 5 que j’habite sous ta tente à jamais, que je m’abrite sous la cache de tes ailes ! 6 Oui, toi, Dieu, TU ÉCOUTES mes vœux, tu donnes l’héritage de ceux qui craignent ton nom. 7 Ajoute des jours aux jours du roi, ses années comme génération sur génération ; 8 qu’il siège à jamais devant la face de Dieu, ordonne que FIDÉLITÉ et LOYAUTÉ le gardent. 9 Alors je psalmodierai ton nom pour toujours, accomplissant mes vœux jour après jour. Ps 62, 1 Du maitre-de-chant, selon Yedutûn ; psaume, de David. 2 Oui, en Dieu est le repos de mon âme, de lui est mon SALUT ; 3 Oui, lui est mon rocher et mon SALUT, ma citadelle, je ne chancelle pas du tout. 4 Jusques à quand vous ruez-vous sur un homme, l’abattez-vous, vous tous, comme un mur qui penche, une clôture qui croule. 5 Oui, de sa hauteur ils ont tramé de le pousser, ils se plaisent au MENSONGE ; de leur bouche ils bénissent et dans leur intime ils maudissent. 6 Oui, en Dieu repose-toi, mon âme, car mon espoir est en lui ; 7 Oui, lui est mon rocher et mon SALUT, ma citadelle, je ne chancelle pas. 8 Sur Dieu est mon SALUT et ma gloire ; le rocher de ma force, mon abri est en Dieu. 9 Fiez-vous à lui, en tout temps, peuple, épanchez devant lui votre CŒUR, Dieu est un abri pour nous ! 10 Oui, une buée les fils d’Adam, UN MENSONGE, les fils d’homme ; sur la balance s’ils montaient, ensemble ils seraient moins qu’une buée. 11 Ne vous fiez pas à la violence, en rapines ne vous essoufflez pas ; aux richesses quand elles s’accroissent n’attachez pas votre CŒUR ! 12 Une fois, A PARLÉ Dieu, deux fois, cela J’AI ENTENDU : que la force est à Dieu, 13 et à toi, Adonaï, la FIDÉLITÉ ; que toi, tu paies à l’homme selon ses œuvres.
Les péchés reprochés au peuple dans le Ps 50 (18-20) trouveront un écho au centre des deux parties du Ps 62 (4-5.11). Les « fautes », « transgressions », « péchés » sont reconnus dans le Ps 51 mais de manière générale ; c’est seulement en 16, quand il est question « des sangs », que l’on comprend que, dans la ligne du titre, il s’agit du meurtre d’Urie le Hittite, meurtre marqué par le mensonge de David. Il est aussi question de meurtre, lié au « mensonge » en 62,4-6. Le couple « fidélité » – « loyauté » de 61,8 se trouvait déjà aux extrémités de la première partie du Ps 51 (3.8). « Fidèles » se trouvait déjà au début du premier psaume (50,5) et « fidélité » reviendra à la fin du dernier (62,13). On remarquera que « parler » fait inclusion (50,1 ; 62,12) ; « parler/parole » reviennent aussi en 50,7.17.20 ; 51,6. Le « salut » que procure le pardon (51,14.16) était mentionné à la fin de 50 (23) et le sera quatre fois en 62,2.3.7.8. On ajoutera que « cœur » revient deux fois dans chaque psaume (51,12.19 ; 62,9.11). De même que le Ps 61 semblait répondre au Ps 50, ainsi le Ps 62 peut être interprété comme une réponse au Ps 51. Le Ps 51 répète à loisir les synonymes de « péché » (4.5.6.7.9.11.15), « transgression » (3.5.15), « faute » (4.7.11) ; les Ps 61 et surtout 62 répètent à loisir « rocher » (61,3 ; 62,3.7.8) et ses synonymes « abri » (61,4 ; 62,8), « citadelle » (62,3.6), « force » (61,4 ; 62,8.12). Ces deux listes de termes sont opposées : le « péché » une fois reconnu par le psalmiste et effacé par Dieu (51), ce que l’orant reconnait est la « force » de son « rocher », son « abri », sa « citadelle » qui l’a « sauvé ».
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4.4 LES RAPPORTS ENTRE LES SÉQUENCES EXTRÊMES (50–51 ET 64–65) 50,1 Psaume, d’Asaph. Le Dieu des dieux, Yhwh, parle et il appelle la terre du levant du soleil au couchant ; 2 depuis Sion, de la parfaite beauté, Dieu resplendit. 3 Vienne notre Dieu et ne se taise pas, un feu devant lui dévore et autour de lui c’est-tempête beaucoup ; 4 Il appelle les cieux en haut et la terre pour juger son peuple : 5 « Assemblez-moi mes fidèles qui scellèrent mon alliance en sacrifiant ». 6 Et ont annoncé les cieux sa justice car Dieu, le juge, c’est lui. 7 ÉCOUTEZ, mon peuple, et je parlerai, Israël, je témoignerai contre toi, Dieu, ton Dieu, c’est moi ! 8 Pas sur tes sacrifices j’accuse et tes holocaustes sont devant moi toujours ; 9 je ne prendrai pas de ta maison un taurillon ni de tes bergeries des boucs. 10 Car à moi tout fauve des forêts, des animaux sur les montagnes par milliers ; 11 je connais tous les oiseaux des montagnes et toute bête des champs est pour moi. 12 Si j’ai faim, je ne te le dirai pas car à moi est le monde et son contenu ; 13 vais-je manger la chair des taureaux et le sang des boucs, vais-je le boire ? 14 Sacrifie à Dieu la confession et acquitte pour le Très-Haut tes vœux ; 15 et appelle-moi au jour de l’angoisse, je t’affranchirai et tu me glorifieras. » 16 Et au méchant dit Dieu : « Qu’as-tu à énumérer mes décrets et à porter mon alliance à la bouche ; 17 et toi tu hais la discipline et tu envoies mes paroles derrière toi ? 18 Si tu vois un voleur, tu te plais avec lui et parmi les adultères est ton partage ; 19 de ta bouche tu envoies le mal et de ta LANGUE tu trames LA TROMPERIE. 20 Tu t’assieds, TU PARLES contre ton frère, au fils de ta mère tu donnes le déshonneur. 21 Tu fais ces choses et je me tairais ? Penses-tu que je suis vraiment comme toi ? Je t’accuse et m’explique à tes yeux. 22 Comprenez bien cela, vous qui oubliez Dieu, de peur que je lacère, et personne qui délivre ! 23 Qui sacrifie la confession me glorifie, et qui met un chemin je lui ferai voir le salut de Dieu. » 51,1 Du maitre-de-chant, psaume, de David, 2 quand vint vers lui le prophète Nathan, après qu’il fut venu vers Bethsabée. 3 Aie pitié de moi, Dieu, selon ta fidélité, selon la grandeur de ta miséricorde efface mes TRANSGRESSIONS ! 4 Grandement lave-moi de ma FAUTE, et de mon PÉCHÉ purifie-moi ! 5 Car mes TRANSGRESSIONS, moi, je connais et mon PÉCHÉ devant moi toujours. 6 Contre toi, toi seul, J’AI PÉCHÉ et ce qui est mal à tes yeux j’ai fait, de sorte que tu es JUSTE dans ta PAROLE, que tu es irréprochable dans ton jugement. 7 Voici que dans la FAUTE j’ai été enfanté et dans le PÉCHÉ m’a conçu ma mère. 8 Voici que la vérité tu veux dans les reins et dans l’intime la sagesse tu me fais connaitre. 9 Tu m’ôteras le PÉCHÉ avec l’hysope, et je-serai-pur ; tu me laveras, et plus que la neige je serai blanc ! 10 Tu me feras entendre allégresse et joie, jubileront les os que tu broyas ! 11 Cache ta face de mes PÉCHÉS et toutes mes FAUTES efface-les ! 12 Un cœur pur crée pour moi, Dieu, et un souffle sûr rénove en mon sein. 13 Tu ne me rejetteras pas de devant ta face et le souffle de ta sainteté n’enlève pas de moi. 14 Fais-revenir pour moi l’allégresse de ton SALUT et d’un souffle de noblesse tu m’affermiras. 15 J’enseignerai aux TRANSGRESSEURS tes chemins et les PÉCHEURS vers toi reviendront ! 16 Délivre-moi des sangs, Dieu, Dieu de mon SALUT : acclamera ma LANGUE ta JUSTICE. 17 Adonaï, mes lèvres tu ouvriras, et ma bouche annoncera ta louange. 18 Car tu ne veux pas de sacrifice, si je l’offre, un holocauste, tu ne le désires pas. 19 Les sacrifices de Dieu, un souffle brisé ; un cœur brisé et broyé, Dieu, tu ne méprises pas ! 20 Fais du bien selon ton désir à Sion, tu rebâtiras les murailles de Jérusalem. 21 Alors tu voudras des sacrifices de JUSTICE, holocauste et offrande-totale ; alors ils feront-monter sur tes autels des taureaux.
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Ps 64,1 Du maitre-de-chant, psaume, de David. 2 ÉCOUTE, Dieu, ma voix dans ma plainte, de la peur de l’ennemi préserve ma vie. 3 Cache-moi du dessein des mauvais, du tumulte de ceux qui œuvrent l’iniquité, 4 lesquels aiguisent comme une épée leur LANGUE, bandent leur flèche, PAROLE amère, 5 pour tirer EN CACHETTE sur le parfait ; à l’improviste ils tirent et point ne craignent. 6 Ils renforcent pour eux une PAROLE de mal, ils calculent pour DISSIMULER des pièges. Ils disent : « Qui verra ceux-là ? » 7 Ils planifient des perversités : « Nous avons perfectionné une planification planifiée. » Et l’intérieur de l’homme et son cœur sont profonds. 8 Et Dieu tirera une flèche, à l’improviste seront leurs blessures ; 9 et ils feront tomber sur euxmêmes leur LANGUE, ils hocheront-la-tête tous ceux qui les verront. 10 Et tous les hommes craindront et annonceront l’œuvre de Dieu, et son action ils comprendront. 11 Le juste se réjouira en Yhwh et il s’abritera en lui ; et se loueront tous les droits de cœur. Ps 65,1 Du maitre-de-chant, psaume, de David, chant. 2 Pour toi le repos est louange, Dieu, dans Sion ; et pour toi le vœu est acquitté. 3 TU ÉCOUTES la prière, jusqu’à toi vient toute chair. 4 Les PAROLES de FAUTES sont plus puissantes que nous, nos TRANSGRESSIONS toi, tu les couvres. 5 Heureux qui tu as choisi et as fait approcher, il demeure en tes parvis ; nous nous rassasions des biens de ta maison, de la sainteté de ton Temple. 6 En prodiges de JUSTICE tu nous réponds, Dieu de notre SALUT, confiance de tous les confins de la terre et de la mer des lointains. 7 Lui qui dispose les montagnes par sa force, lui qui se ceint de puissance, 8 lui qui apaise le fracas des mers, le fracas de leurs flots et la rumeur des peuples. 9 Et les habitants des confins craindront à cause de tes signes ; tu fais jubiler les portes du matin et du soir. 10 Tu visites la terre et la fais regorger, abondamment tu l’enrichis. Le ruisseau de Dieu est rempli d’eau, tu disposes leur grain car ainsi tu le disposes : 11 abreuvant ses sillons, aplanissant ses mottes, d’averses tu la détrempes, tu bénis son germe. 12 Tu couronnes l’année de ta bonté et tes ornières ruissellent d’huile ; 13 ruissellent les pacages du désert et les collines sont bordées d’allégresse ; 14 le petit-bétail revêt les prairies et les vallées se drapent de froment ; ils acclament, plus, ils chantent !
Les premiers psaumes ont en commun : « langue » et « parler/parole » (50,19. 20 ; 64,4.6.9) ainsi que le mensonge ; « tromperie » (50,19), « en cachette », « dissimuler » (64,5.6). Entre les derniers psaumes, le fait le plus frappant est la reprise de « fautes » et « transgressions » en 65,4 comme en 51,3.4.5.7.15. Le psalmiste avait demandé que ses transgressions soient effacées, lavées, purifiées (51,3.4.9.11), elles sont désormais couvertes (65,4). « Juste/justice » revient en 51,6.16.21 et en 65,6 ; « salut » en 51,14.16 et en 65,6 ; le nom de « Sion » en 51,20 et 65,2. On notera en outre que « écouter » est repris en 50,7 ; 64,1 ; 65,3 ; « louange » revient en 51,17 ; 64,11 et 65,2.
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Le Psautier. Deuxième livre (Ps 42/43–72) 5. LES RAPPORTS ENTRE LES CENTRES DES SECTIONS
Centre première section Ps 46,1 Du maitre-de-chant, des fils de Coré, pour des jeunes-filles, chant. 2 Dieu est pour nous refuge et force, secours dans les angoisses, il se trouve beaucoup. 3 C’est pourquoi nous ne craindrons pas quand change la terre, quand chancellent les montagnes au cœur des mers ; 4 elles grondent, elles écument ses eaux, elles tremblent les montagnes à son soulèvement. 5 Un fleuve, ses canaux réjouissent la cité de Dieu, la sainte demeure du Très-Haut ; 6 Dieu est en elle, elle ne chancelle pas, Dieu la secourt au tournant du matin. 7 Grondaient des peuples, chancelaient des royaumes, il a donné de la voix, elle fond la terre. 8 Yhwh des armées avec nous, citadelle pour nous, le Dieu de Jacob ! 9 « Allez, contemplez les hauts-faits de Yhwh, lequel met des destructions sur la terre : 10 il fait-cesser les guerres jusqu’aux bouts de la terre, l’arc il l’a rompu et il a brisé la lance, les boucliers il les a brûlés au feu. 11 Arrêtez et connaissez que moi je suis Dieu, je m’élève sur les peuples, je m’élève sur la terre ! » 12 Yhwh des armées avec nous, citadelle pour nous, le Dieu de Jacob !
Centre deuxième section 52,1 Du maitre-de-chant, instruction, de David 2 quand vint Doëg l’Édomite et il avertit Saül et dit à lui : « Est venu David à la maison d’Ahimelek ». 3 Comment tu te loues du mal, héros, la fidélité de Dieu étant tout le jour ? 4 Des crimes pense ta langue comme un rasoir affilé, faisant la tromperie ! 5 Tu aimes le mal plus que le bien, le MENSONGE plus que parler la justice ; 6 tu aimes toute parole qui avale, langue de fraude. 7 Aussi Dieu t’écrasera jusqu’à la fin te détruira et il t’arrachera de la tente et te déracinera de la terre des vivants. 8 Et verront les justes et ils craindront et sur lui ils riront : 9 « Voici l’homme qui ne mettait pas Dieu comme sa forteresse et qui se fiait à l’abondance de sa richesse se faisait fort de son crime ». 10 Et moi, tel un olivier verdoyant dans la maison de Dieu : je me fie à la fidélité de Dieu toujours et à jamais. 11 JE TE RENDSGRÂCE toujours car tu as fait et j’espère ton nom car il est bon, devant tes fidèles. 53,1 Du maitre-de-chant, en chœur, instruction, de David. 2 L’insensé a dit en son cœur : « Il n’y a pas de Dieu ! » Ils se sont corrompus, ils font abominable l’iniquité ; il n’y a pas de faisant le bien. 3 Dieu des cieux se penche vers les fils d’Adam, pour voir s’il en est un d’instruit, un qui cherche Dieu. 4 Chacun d’eux s’est fourvoyé, ensemble ils se sont pervertis ; il n’y a pas de faisant le bien, il n’y a pas même un seul. 5 Est-ce qu’ils ne connaitront pas, les oeuvrant l’iniquité ? Mangeant mon peuple, ils mangent du pain, Dieu ils n’appellent pas. 6 Alors, ils seront effrayés d’effroi, il n’était pas d’effroi ; car Dieu a dispersé les os de qui t’assiégeait ; tu les as fait-rougir car Dieu les a rejetés. 7 Qui donnera de Sion les saluts d’Israël ? Quand restaurera Dieu le sort de son peuple, exultera Jacob, SE RÉJOUIRA Israël !
Centre troisième section Ps 58,1 Du maitre-de-chant, « Ne détruis pas », de David, à mi-voix. 2 Est-il vrai, dieux, que vous parlez la justice, qu’en droiture vous jugez les fils d’Adam ? 3 Non, dans le cœur vous faites les perversités sur la terre, la violence vous pesez de vos mains. 4 Ils se sont dévoyés les méchants dès le sein, ils se sont égarés dès le ventre ceux qui parlent le MENSONGE ; 5 leur venin est comme semblance de venin de serpent, comme la vipère sourde qui se bouche l’oreille 6 laquelle n’écoute pas la voix des enchanteurs, du charmeur habile en charmes. 7 Dieu, casse leurs dents en leur bouche, les crocs des lions fracasse-les, Yhwh. 8 Qu’ils s’écoulent comme les eaux qui s’en vont vers elles-mêmes, il ajuste ses flèches qu’ils soient comme fanés ; 9 qu’ils soient comme la limace qui fond en s’en allant, l’avorton de la femme qu’ils ne voient pas le soleil ; 10 avant que vos marmites sentent les épines, comme vivant comme brûlé, qu’ils soient emportés ! 11 Le juste SE RÉJOUIRA car il verra la vengeance, il lavera ses pieds dans le sang du méchant ; 12 et l’adam dira : « Vraiment, il est un fruit pour le juste ; vraiment, il y a un Dieu jugeant sur la terre. »
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Quatrième section Ps 63,1 Psaume de David, quand il était dans le désert de Juda. 2 Dieu, mon Dieu, toi, je te désire, mon âme a soif de toi, ma chair languit de toi, sur une terre sèche et altérée, sans eau. 3 Ainsi, au sanctuaire je t’ai contemplé, pour voir ta force et ta gloire. 4 car ta fidélité est meilleure que la vie ; mes lèvres te célébreront. 5 Ainsi, je te bénirai en ma vie, à ton nom j’élèverai mes paumes ; 6 comme de graisse et d’huile se rassasiera mon âme, et, lèvres criant de joie, ma bouche louera. 7 Quand je songe à toi sur ma couche, dans les veilles je médite sur toi, 8 car tu fus un secours pour moi, et à l’ombre de tes ailes je crie de joie ; 9 mon âme se presse derrière toi, ta droite me soutient. 10 Mais eux c’est pour la ruine qu’ils cherchent mon âme, ils viendront au-dessous de la terre. 11 On les jettera aux mains de l’épée, ils seront la part des chacals. 12 Et le roi SE RÉJOUIRA en Dieu, SE LOUERONT tous ceux qui jurent par lui quand sera fermée la bouche de ceux qui parlent le MENSONGE.
Cinquième section Ps 69,1 Du maitre-de-chant, sur l’air Des lys, de David. 2 Sauve-moi, Dieu, car sont venues les eaux jusqu’à l’âme ; 3 j’enfonce dans la bourbe du gouffre, et rien qui tienne ; je suis venu dans les profondeurs des eaux et le flot me submerge. 4 Je m’épuise dans mon appel, brûle ma gorge, sont consumés mes yeux attendant mon Dieu ; 5 sont nombreux plus que les cheveux de ma tête mes haïssant sans cause ; sont puissants mes détruisant, mes ennemis de MENSONGE : ce que je n’ai pas pris, maintenant je le rendrais ? 6 Dieu, toi, tu connais ma folie, et mes offenses devant toi ne sont pas celées. 7 Ne rougissent pas à cause de moi, tes espérant, Seigneur Yhwh Sabaot ; n’aient pas honte à cause de moi, tes cherchant, Dieu d’Israël. 8 Car pour toi je porte l’insulte, que me couvre la honte ma face, 9 un étranger je suis pour mes frères, et un inconnu pour les fils de ma mère ; 10 Car le zèle de ta maison me dévore, et les insultes de tes insulteurs tombent sur moi. 11 Et si je pleure dans le jeûne mon âme et c’est des insultes pour moi ; 12 et si je donne pour mon habit un sac et je suis pour eux une fable. 13 Ils se moquent les assis à la porte et les chansons de buveurs de boissons fortes. 14 Et moi, ma prière à toi, Yhwh, au temps favorable ; Dieu, en ta grande fidélité, réponds-moi en la vérité de ton salut. 15 Tire-moi du bourbier, que je n’enfonce, que j’échappe à mes adversaires et aux profondeurs des eaux ; 16 ne me submerge le flot des eaux, ne me dévore le gouffre, ne happe sur moi la fosse de sa bouche. 17 Réponds-moi, Yhwh, car bonne ta fidélité, en ta grande tendresse tourne-toi vers moi, 18 et ne cache pas ta face à ton serviteur, car je suis opprimé, hâte-toi, réponds-moi ; 19 approche de mon âme, venge-la, à cause de mes ennemis rachète-moi. 20 Toi, tu connais mon insulte, et ma honte et mon affront, devant toi tous mes oppresseurs. 21 L’insulte a brisé mon cœur et j’ai défailli et j’espérais la compassion, mais rien, et des consolateurs, et point n’en ai trouvé. 22 Et ils m’ont donné pour nourriture du poison, et dans ma soif ils m’abreuvaient de vinaigre ; 23 que soit leur table devant eux un piège et pour leurs amis un traquenard, 24 que s’enténèbrent leurs yeux pour ne plus voir, et leurs reins constamment fais vaciller. 25 Déverse sur eux ton courroux, et le feu de ta colère les atteigne ; 26 que soit leur enclos un désert, dans leurs tentes qu’il ne soit pas un habitant. 27 Car toi, celui que tu as frappé ils ont poursuivi, et les blessures de ta victime ils comptent ; 28 donne, faute sur leur faute, et ne viennent plus à ta justice, 29 qu’ils soient rayés du livre de vie, et avec les justes ne soient pas écrits. 30 Et moi, miséreux et souffrant, que ton salut, Dieu, me protège ! 31 JE LOUERAI le nom de Dieu par un chant, et je le magnifierai par L’ACTION DE GRÂCE ; 32 cela sera bon pour Yhwh plus qu’un bœuf, un taureau ayant corne, ayant sabot. 33 Ils ont vu, les humiliés, ILS SE RÉJOUISSENT ; chercheurs de Dieu, et que vive votre cœur ! 34 Car Yhwh écoute les pauvres, et ses captifs il n’a pas méprisé. 35 QUE LE LOUENT le ciel et la terre, les mers et tout grouillant en elles ! 36 Car Dieu sauvera Sion, et il rebâtira les villes de Juda, et ils habiteront là et la posséderont ; 37 et la semence de ses serviteurs en héritera et les amants de son nom y demeureront.
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Trois éléments se retrouvent dans tous ces psaumes centraux : 1. La persécution des ennemis (46,2-4.7 ; 52,3-6 ; 53,2-5 ; 58,2-6 ; 63,2 ; 69,2-5.8-13.15-16.18.22.30) ; ils sont accusés de « mensonge » (52,5 ; 58,4 ; 63,12 ; 69,5). 2. L’intervention de Dieu, demandée ou déjà réalisée (46,6-7.9-10 ; 52,7 ; 53,6 ; 58,7-10.11 ; 63,10-11 ; 69,7.23-29). 3. Joie, action de grâce, louange : – « se réjouir » (53,7 ; 58,11 ; 63,12 ; 69,33) ; – « rendre grâce/action de grâce » (52,11 ; 69,31) ; – « louer/louange » (63,6.12 ; 69,31.35) ; pour le « salut » (53,7 ; 69,2.14.30).
B. INTERPRÉTATION LES PEUPLES ENNEMIS La surface du texte occupée par la plainte, la description du malheur dû à divers acteurs est impressionnante. Qu’il suffise de revoir l’analyse qui vient d’être faite des psaumes centraux des cinq sections dans les pages immédiatement précédentes. Cela donne à l’ensemble du livre une tonalité fort sombre. Ces ennemis sont d’abord et avant tout les autres peuples, ceux parmi lesquels les fils d’Israël ont été exilés : « Tu nous as donnés comme moutons de boucherie et dans les nations tu nous as dispersés » (44,12). Ce sont les peuples que le roi célébré dans son mariage a dû combattre (45,6), sur lesquels le Seigneur a dû s’élever (46,11) parce qu’ils « grondaient » (7), parce qu’« ils s’étaient ligués » (48,5). L’ENNEMI INTÉRIEUR C’est surtout la première section qui est marquée par la présence des nations ennemies. Quant à la seconde section, elle s’achève avec un psaume particulièrement dramatique. Le psalmiste découvre que le méchant qui l’écrase réside à l’intérieur : « je vois la violence et la discorde en la ville ; de jour et de nuit elles tournent sur les remparts, et iniquité et peine sont au-dedans » (55,10-11) ; bien pire, « si un ennemi m’insultait, je le supporterais [...], mais toi, un homme de mon rang, mon intime » (13-14). C’est que « Dieu se penche vers les fils d’Adam pour voir s’il en est un [...] qui cherche Dieu ; [...] il n’y en a pas qui fassent le bien, pas un seul » (au centre de la section, 53,3-4). C’est enfin que, au début de la section, le Seigneur lui-même avait accusé son peuple d’être aussi « méchant » que les nations, de faire le mal comme eux (50,16-21), accusation à laquelle David répond par une longue confession de ses fautes (51) où il
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reconnait qu’il est pécheur depuis toujours, qu’il l’est intrinsèquement (51,7). Le psalmiste y reviendra au centre de la section centrale : « Les méchants se sont dévoyés dès le sein, ils se sont égarés dès le ventre ceux qui parlent le mensonge » (58,4). Il en ira de même dans le psaume central de la dernière section : « les eaux » et « le bourbier » dans lesquels le psalmiste s’enfonce ne sont pas ceux des autres peuples : « je suis un étranger pour mes frères, et un inconnu pour les fils de ma mère » (69,9) ; « j’espérais la compassion, mais rien, des consolateurs et point n’en ai trouvé » (21). « Sont puissants ceux qui me détruisent, mes ennemis de mensonge » (5). LE MENSONGE QUI PORTE À LA MORT Voilà donc le mot lâché ! C’est ce que le Seigneur reproche à Israël dans son réquisitoire contre le « méchant » : « Qu’as-tu à énumérer mes décrets et à porter mon alliance à la bouche ; et toi tu hais la discipline et tu envoies mes paroles derrière toi ? » (50,16-17). La « tromperie » dont il l’accuse (19) sera constamment dénoncée : « Tu aimes le mal plus que le bien, le mensonge plus que parler la justice ; tu aimes toute parole qui avale, langue de fraude » (52,5-6) ; « ils se sont égarés dès le ventre ceux qui parlent le mensonge » (58,4) ; « qu’ils soient pris à leur orgueil, et pour la malédiction et pour le mensonge qu’ils racontent » (59,13) ; « ils se plaisent au mensonge ; de leur bouche ils bénissent et dans leur intime ils maudissent » (62,5), car « oui, une buée les fils d’Adam, un mensonge, les fils d’homme » (10). Finalement, « le roi se réjouira en Dieu, se loueront tous ceux qui jurent par lui quand sera fermée la bouche de ceux qui parlent le mensonge » (63,12). Le péché de David est emblématique du mensonge : déjà l’adultère en est une forme évidente, mais il entrainera toute une suite d’autres mensonges : les tentatives infructueuses d’amener le mari trompé à rejoindre son épouse pour couvrir son infidélité, et finalement le meurtre par tromperie avec la complicité de Joab (2S 11). La faute originelle trouve sa racine dans le mensonge déguisé du serpent. Et c’est peut-être pour cela que le méchant est comparé à la vipère : « Ils se sont dévoyés les méchants dès le sein, ils se sont égarés dès le ventre ceux qui parlent le mensonge ; leur venin est comme semblance de venin de serpent, comme la vipère sourde qui se bouche l’oreille » (58,4-5). LE ROCHER DE NOTRE SALUT Opposé au « bourbier » dans lequel l’homme enfonce jusqu’à être englouti par la mort, se dresse « le Rocher » sur lequel est solidement construite « la forteresse », « la citadelle » de Dieu. Dès le début, à peine le psalmiste s’est-il plaint en disant : « L’abime appelant vers l’abime à la voix de tes cataractes, toutes tes vagues et tes flots sur moi sont passés » (42,8), qu’il déclare : « Je dirai à Dieu, mon Rocher : Pourquoi m’oublies-tu ? » (10). Et au début de la quatrième section, il confessera : « Oui, en Dieu est le repos de mon âme, de lui est mon salut ;
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oui, lui est mon rocher et mon salut, ma citadelle, je ne chancelle pas du tout » (62,2-3) ; dans ce même psaume confluent les termes qui accompagnent l’image du « rocher » et parsèment tout le livre : « mon rocher » (42,10 ; 49,15 ; 61,3 ; 62,3.7.8 ; 71,3), « ma citadelle » (46,8.12 ; 48,4 ; 59,10.17.18 ; 62,3.7), appelée ailleurs « ma forteresse » (52,9 ; 71,3), « mon repos » (62,2.6), « mon espoir » (62,6 ; 71,5), « ma gloire » (57,9 ; 62,8), « ma force » (43,2 ; 46,2 ; 59,10.18 ; 61,4 ; 62,8 ; 71,7), « mon abri » (57,2 ; 61,4.5 ; 62,8.9 ; 64,11 ; 71,1.7) et surtout « mon salut » (42,6.12 ; 43,5 ; 44,5 ; 50,23 ; 51,14.16 ; 53,7 ; 62,2.3.7.8 ; 65,6 ; 67,3 ; 68,20 ; 69,14.30 ; 70,5 ; 71,15). L’ACTION DE GRÂCE DES SAUVÉS « Louange pour commencer »2. On aurait pu s’attendre à trouver l’action de grâce à la fin, une fois que le salut a été accordé par Dieu. Or il n’en est rien et l’action de grâce ne retentit pas moins de cinq fois dès le premier psaume. C’est d’abord le souvenir d’un passé heureux : « De ceci je me souviens et mon âme s’épanche sur moi : j’avançais avec la multitude, je les conduisais vers la maison de Dieu, dans la voix de cri de joie et d’action de grâce d’une foule en fête » (42,5) ; sur ce socle peut alors se bâtir la promesse de l’action de grâce qui ne saurait manquer de célébrer le salut attendu avec foi : « Attends Dieu, car je lui rendrai grâce encore, le salut de sa/ma face » (42,6.12 ; 43,5). La mémoire de la louange et de l’action de grâce passées revient dès le psaume suivant, comme le ressort décisif de la plus amère des plaintes : « En Dieu nous nous louions tout le jour et à ton nom pour toujours nous rendions grâce » (44,9). La promesse d’action de grâce et de louange reviendra plusieurs fois au cœur même de l’affliction et de la plainte (54,8 ; 56,13 ; 57,10 ; 63,6 ; 69,31.35 ; 71,8.14.22). DANS LE TEMPLE Dès le premier psaume, le Temple est évoqué non seulement comme le lieu d’où vient le psalmiste (42,5), mais aussi comme celui où il tend de tout son être : « Envoie ta lumière et ta vérité : elles me guideront, me feront venir à la montagne de ta sainteté et à tes tentes. Et je viendrai à l’autel de Dieu, au Dieu de la joie de mon exultation » (43,3-4). C’est là en effet qu’il pourra rendre grâce « sur la harpe » (4). Le Temple, la montagne de Dieu en Sion, la ville de Dieu seront mentionnés, de manière lancinante, tout au long du livre3. La raison en est donnée dès le début quand le psalmiste s’exclame : « Mon Dieu, mon âme s’effondre sur moi, c’est pourquoi je me souviens de toi, depuis le pays du Jourdain et des Hermons, depuis la montagne Insignifiante » (42,7). Le psalmiste n’est plus à Jérusalem et le psaume suivant confirmera, en son centre : 2
P. BEAUCHAMP, Psaumes nuit et jour, Chap. 13, « Louange pour commencer », 92-98. La liste des autres références est fort longue : 46,5 ; 47,6.9 ; 48,2.3.9.10.12.14 ; 50,2.8-13 ; 51,18.21 ; 52,10 ; 54,8 ; 56,13 ; 60,8 ; 61,5 ; 63,3 ; 65,2.5 ; 66,13-15 ; 68,6.17.30.32.36 ; 69,10.31.32. 3
L’ensemble du deuxième livre
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« dans les nations tu nous as dispersés » (44,12). Le plus grand désir des exilés est de retrouver la ville de Dieu, sa montagne, son Temple, de pouvoir y habiter (61,2-5), car c’est là qu’ils pourront « accomplir leurs vœux » (56,13 ; 61,9 ; 65,2 ; 66,13), rendre grâce dans la liturgie et ses rites (68,25-28), célébrés au son de la « harpe » et de la « cithare » (43,4 ; 57,9 ; 71,22), avec les holocaustes et les sacrifices prévus par la Loi (51,21 ; 66,13-15 ; 69,32). LA BÉNÉDICTION DE TOUS LES PEUPLES Dans le premier versant du livre, les nations sont présentées comme l’ennemi qui écrase Israël. Et cela est vrai jusque dans la section centrale : « abats les peuples, Dieu ! » (56,8), « visite toutes ces nations » (59,6), « qu’ils sachent que Dieu gouverne en Jacob jusqu’aux bouts de la terre » (14) ; en feront l’expérience Édom et la Philistie (60,10). Après quoi les ennemis n’ont pas disparu mais, dans la quatrième section, il n’est pas possible de les identifier, et de même dans la cinquième : ils peuvent être ceux de l’intérieur comme de l’extérieur. Les peuples étrangers sont toujours très présents dans la dernière section, mais leur rôle change du tout au tout. Dès le début le ton est donné : « Acclamez Dieu, toute la terre » (66,1) ; et la raison en est donnée bientôt : « Bénissez, peuples, notre Dieu, et faites écouter la voix de sa louange, lui qui met notre âme dans la vie et n’a pas donné à nos pieds de chanceler » (8-9). Les nations sont invitées à louer le Seigneur pour le salut qu’il a accordé au peuple élu. Le Ps 67, le psaume-menora appelle « toutes les nations » à connaitre le chemin de Dieu (67,3) : « Qu’ils te rendent grâce les peuples, Dieu, qu’ils te rendent grâce les peuples, tous ! » (4.6). C’est qu’il « juge les peuples avec droiture et les pays sur la terre il conduit » (5). « À Jérusalem les rois apporteront des présents » (68,30) ; « Royaumes de la terre, chantez à Dieu, psalmodiez le Seigneur » (33). La section finale est celle de la bénédiction : Dieu bénit son peuple (67,2.7-8) qui répond en bénissant son sauveur (66,20 ; 68,20.27.36), en bénissant aussi son roi (72,15.17). Mais les nations ne sont pas en reste qui sont appelées à rejoindre Israël dans la bénédiction (66,8), dans la psalmodie (66,2) ; « Royaumes de la terre, chantez à Dieu, psalmodiez le Seigneur » (68,33). Se réalise enfin ce qu’annonçait dès la première section le Ps 47 : « Tous les peuples, battez des mains, acclamez Dieu dans la voix des cris de joie ! Oui, Yhwh est le Très-Haut, redoutable, le Roi grand sur toute la terre » (47,2-3), « Psalmodiez pour Dieu, psalmodiez, psalmodiez pour notre Roi, psalmodiez ! Oui, Dieu est le Roi de toute la terre: psalmodiez une instruction ! » (7-8). La section, et donc tout le livre, s’achèvent sur l’image de « toutes les nations » qui « se bénissent » dans le nom de Salomon, roi de paix (72,15.17). Et quand le livre se clôt retentit encore pour longtemps la double bénédiction finale prononcée par toutes les nations qui ne forment plus désormais qu’un seul peuple : « Béni Yhwh Dieu, Dieu d’Israël, qui fait des merveilles lui seul, et béni le nom de sa gloire pour toujours et sa gloire remplit toute la terre. Amen ! Amen ! » (18-19).
CONCLUSION
Le cinquième livre du Psautier (Ps 107–150) s’était révélé extrêmement bien construit, autour du monumental psaume de la Loi (Ps 119). Il en allait de même pour le premier livre (Ps 1–41), focalisé sur le psaume entonné par le Christ en croix : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Ps 22). Dans le troisième livre (73–89), les questions lancinantes des « pourquoi ? » et des « jusqu’à quand ? » que suscite le malheur trouvent leur réponse dans l’infidélité du peuple et, au cœur du livre, le Seigneur lui-même déclare que si le pécheur se repentait, « à l’instant » il le libérerait et le comblerait. Il n’en va pas autrement pour le deuxième livre. Ses trente psaumes (42/43– 72) sont organisés en cinq sections qui se correspondent de manière concentrique autour de la section des cinq psaumes « de David, à mi-voix » (Ps 56–60). Comptant sept psaumes (42/43–49), la première section est encadrée par une batterie de questions : onze « pourquoi ? », au début, qui regardent le malheur du psalmiste et de son peuple, un seul à la fin qui y répond : « Pourquoi craindre ? » Le malheur culmine dans une autre question des ennemis qui précède la rafale de « pourquoi » initiaux : « Où est-il ton Dieu ? ». Le psalmiste répond qu’il se trouve dans son Temple, et, plus encore dans ses hauts-faits, dans sa fidélité, dans son salut. C’est que Dieu n’est pas seulement le roi du peuple particulier d’Israël, c’est le Roi de toute la terre, de tous les peuples qui sont appelés à le reconnaitre comme tel et à l’acclamer, unis au peuple d’Israël, devenus avec lui « peuple d’Abraham ». La deuxième section (50–55) commence par une paire de psaumes où Dieu accuse son peuple de se conduire comme les païens, accusation qui amène le psalmiste, sous le nom de David, à confesser d’être pécheur, radicalement, dès le sein de sa mère. Plus loin il reconnaitra qu’il n’est pas un seul homme qui ne soit « perverti » ; non seulement les ennemis extérieurs d’Israël, mais aussi à l’intérieur même du peuple, et jusqu’à l’ami le plus intime qui trahit en se dissimulant. Accusé par Dieu, le psalmiste prend le relai du jugement, invitant « les faiseurs d’iniquité » à comprendre ce qui ne peut manquer de les conduire à la mort. Dans les deux derniers psaumes, menacé de mort, il s’adresse au seul capable de le sauver, le Seigneur, montrant ainsi la voie à tous ceux qui sont victimes du mal et du péché. Seuls à comporter dans leur titre l’indication « à mi-voix », les cinq psaumes de la troisième section (56–60) sonnent comme une sorte de réserve prudente. C’est qu’au centre, le psalmiste s’adresse à ceux qui sont chargés de « prononcer la justice », mais qui se comportent comme des lions et des vipères dont les crocs et le venin sèment la mort, et d’autant plus efficacement qu’ils se dissimulent sous le « mensonge ». Ces ennemis occupent toute la superficie de la
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Le Psautier. Deuxième livre (Ps 42/43–72)
section, tels des chiens errants qui rôdent dans la ville pour dévorer. À leurs grognements répond la parole de supplication et, finalement, d’action de grâce pour le salut reçu de Dieu. Dans le dernier psaume, Dieu prend enfin la parole pour répondre à la supplication du psalmiste. La quatrième section (61–65) articule ses cinq psaumes, des extrémités au centre, autour du désir de Dieu : « Mon âme a soif de Dieu ! ». Et cela quand le psalmiste se trouve en butte à toutes sortes de persécutions et qu’il aspire de tout son être à rejoindre la Maison de son Dieu, où il trouvera « le repos » « à l’ombre de ses ailes ». Le dernier psaume comble l’attente du psalmiste, quand sa soif est étanchée par le don de son Seigneur qui fait ruisseler le pays des pluies bénéfiques qui préparent de riches moissons. Comme la première, la cinquième et dernière section (66–72) comprend sept psaumes organisés de manière concentrique autour d’un psaume dramatique. Ce psaume commence, sans préambule, par un cri : « Sauve-moi, Dieu ! [...] Hâtetoi ! ». C’est que le psalmiste se trouve dans une situation désespérée, dans « la bourbe du gouffre », en proie aux eaux mortelles de la « misère », des « insultes », de la « honte ». Seule la fidélité de Dieu, sa justice pourront l’en délivrer. Ce psaume central s’achève pourtant sur le salut qui fait éclater l’action de grâce et la louange, auxquelles toute la création est invitée à s’associer. Non pas seulement la création, mais aussi et avant tout « tous les peuples », comme le disait d’entrée de jeu le premier psaume : « Acclamez Dieu, toute la terre ». Ainsi, d’ennemis d’Israël qu’ils étaient, tous les autres peuples rejoignent le peuple élu dans la bénédiction promise à Abraham : « en toi se béniront toutes les familles de la terre ». Ainsi, chacune des cinq sections du deuxième livre se révèle composée selon une logique serrée : non seulement au niveau de chaque psaume, mais aussi à celui des « séquences », puis des « sections » qu’ils forment ensemble. Toutefois, la composition ne s’arrête pas là. Les cinq sections sont elles aussi organisées pour former une architecture organique. Deux mouvements complémentaires structurent et animent tout le deuxième livre. D’une part, le mal et la violence sont partout. Le malheur est d’abord causé par les ennemis de l’extérieur, les peuples païens qui piétinent Israël ; mais le psalmiste découvre par la suite que les ennemis de l’intérieur ne sont pas moins violents, et que la violence vient même de son plus proche ami, celui en qui il avait mis toute sa confiance. C’est que le péché, enraciné depuis toujours au plus profond de leur cœur, marque tous les hommes. Sa forme la plus pernicieuse est « le mensonge » qui, comme le lion et la vipère, se dissimule pour mieux frapper. Ce n’est évidemment pas un hasard si « le serpent » est évoqué en plein centre de la section centrale, rappelant le venin mortel du serpent des origines inoculé à l’humanité entière. D’autre part, le salut est destiné à tous ceux qui se fient en Dieu, en sa fidélité et en sa vérité. D’où vient que l’action de grâce retentit tout au long du livre, jusqu’à la fin. Elle y retentit non seulement dans la bouche des fils d’Israël
Conclusion
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sauvés par leur Dieu, mais aussi sur les lèvres de tous les autres peuples ; apportant des présents au Temple, les nations païennes élèveront les mains dans la prière au Dieu unique, lui qui est le Roi de toute la terre. Eux qui, au début du livre, étaient présentés comme les ennemis et les oppresseurs du peuple élu, rejoindront Israël à la fin dans la même bénédiction, celle qui fut promise à Abraham : « Par ta postérité se béniront toutes les nations de la terre » (Gn 22,18).
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INDEX DES AUTEURS CITÉS
Alonso Schoekel – Carniti: 20, 30, 40, 44, 51, 61, 149, 251, 263, 347, 356 Attard: 7, 8 Auffret: 304 Barbiero: 7, 8, 19, 43, 44, 49, 59, 81, 82, 87, 107, 259, 263, 359, 365 Beaucamp: 303, 310, 315 Beauchamp: 274, 404 Bellinger: 245 Bovati: 107, 113, 142, 146, 189 Boys: 303 Caquot: 44 Claudel: 276 Dahood: 128, 247, 304 De Relles: 310, 315 deClaissé-Walford: 20, 30, 40, 44, 149, 156, 160, 197, 259, 349 Dhorme: 260, 318, 349 Goldingay: 128 Goulder: 138 Graigie: 304 Gunkel: 127, 303, 304 Hakham: 29, 30, 40, 43, 44, 59, 81, 117, 128, 149, 167, 189, 190, 197, 202, 251, 303, 304, 313, 334, 349 Hossfeld – Zenger: 149, 156, 189, 190, 193, 197, 202, 221, 245, 259, 265, 271, 304, 319, 346, 359 Jacquet: 128, 303 Jefferson: 304 Joüon: 29, 82, 190, 221 Kot: 153, 239 Kraus: 20, 40, 43, 155, 163, 202, 346, 356
Lelièvre: 128 Lorenzin: 8, 20, 30, 40, 44, 59, 63, 189, 251, 260, 263, 271 Lund: 303 Maillot: 128 Martin-Achard: 309 Meynet: 3, 12, 15, 25, 48, 136, 142, 189, 190, 236, 269, 305, 309, 347, 356 Monloubou: 138 Mowinckel: 304 Osty: 19, 30, 73, 260, 271 Paul: 139 Pautrel: 318 Podechard: 303, 304 Prieto Silva: 259, 263 Prinsloo: 304 Raabe: 303 Rashi: 304, 311 Ravasi: 20, 30, 40, 43, 44, 73, 128, 139, 149, 156, 160, 167, 193, 197, 207, 221, 245, 251, 265, 271, 295, 304, 317, 318, 334, 346, 349, 356 Scholem: 303 Schroeder: 44 Tate: 304 Tournay: 128, 226 Vesco: 8, 30, 44, 67, 73, 82, 87, 91, 160, 189, 202, 226, 251, 259, 260, 263, 271, 304, 318, 349, 355 Weiser: 12, 20, 40, 155, 263 Weissblueth: 311 Wénin: 207, 210 Zenger: 12
TABLE DES MATIÈRES Introduction ................................................................................................. Sigles et abréviations ................................................................................... Lexique des termes techniques ....................................................................
7 11 13
NOTRE ROI NOUS SAUVE DE TOUS NOS ENNEMIS La première section : Ps 42/43–59 ...................
17
I. LES PEUPLES RENDRONT GRÂCE AU ROI DU SEIGNEUR La première séquence : Ps 42/43–45 .........................................................
19
1. Le Psaume 42/43 ................................................................................ 2. Le Psaume 44 ..................................................................................... 3. Le Psaume 45 ..................................................................................... 4. Les peuples rendront grâce au roi du Seigneur (Ps 42/43–45) ..........
19 29 43 52
II. YHWH DES ARMÉES AVEC NOUS, CITADELLE POUR NOUS ! La deuxième séquence : le psaume 46 ...................................................
59
III. TOUS LES PEUPLES PSALMODIERONT POUR NOTRE ROI La troisième séquence : Ps 47–49 .............................................................
67
1. Le Psaume 47 ..................................................................................... 2. Le Psaume 48 ..................................................................................... 3. Le Psaume 49 ..................................................................................... 4. Tous les peuples psalmodieront pour notre Roi (Ps 47–49) ..............
67 73 81 90
IV. NOTRE ROI NOUS SAUVE DE TOUS NOS ENNEMIS Composition de la première section ....................................................... Interprétation ..........................................................................................
95 102
NOTRE ROI NOUS SAUVE DE TOUS NOS ENNEMIS La deuxième section : Ps 50–55 .......................
105
I. « TU ES IRRÉPROCHABLE DANS TON JUGEMENT » La première séquence : Ps 50–51 ............................................................... 1. Le Psaume 50 ..................................................................................... 2. Le Psaume 51 ..................................................................................... 3. « Tu es irréprochable dans ton jugement » (Ps 50–51) .....................
107 107 117 145
420
Le Psautier. Deuxième livre (Ps 42/43–72)
II. EST-CE QU’ILS NE COMPRENDRONT PAS, LES FAISEURS D’INIQUITÉ ? La deuxième séquence : Ps 52–53 ............................................................. 1. Le Psaume 52 ..................................................................................... 2. Le Psaume 53 ..................................................................................... 3. Est-ce qu’ils ne comprendront pas, les faiseurs d’iniquité ? (Ps 50–51)
149 149 155 161
III. « PAR TON POUVOIR FAIS-MOI JUSTICE » La troisième séquence : Ps 54–55 .............................................................. 1. Le Psaume 54 ..................................................................................... 2. Le Psaume 55 ..................................................................................... 3. « Par ton pouvoir fais-moi justice » (Ps 50–51) .................................
163 163 167 174
IV. NOTRE ROI NOUS SAUVE DE TOUS NOS ENNEMIS 1. Composition de la deuxième section ................................................. 2. Interprétation .....................................................................................
177 184
DE DAVID À MI-VOIX DANS SES ANGOISSES La troisième section : Ps 56–60 .......................
187
I. MES ENNEMIS ME PIÉTINENT, JE M’ABRITE SOUS LES AILES DE DIEU La première séquence : Ps 56–57 ............................................................... 1. Le Psaume 56 ..................................................................................... 2. Le Psaume 57 ..................................................................................... 3. Mes ennemis me piétinent, je m’abrite sous les ailes de Dieu (Ps 56–57)
189 189 197 205
II. CASSE LES DENTS DU SERPENT ET DES LIONS La deuxième séquence : le psaume 58 ...................................................
207
III. MES ENNEMIS GROGNENT, DIEU PARLE DE SON SANCTUAIRE La première séquence : Ps 59–60 ............................................................... 1. Le Psaume 59 ..................................................................................... 2. Le Psaume 60 ..................................................................................... 3. Mes ennemis grognent, Dieu parle de son sanctuaire (Ps 50–51) .....
213 213 221 228
IV. DE DAVID À MI-VOIX DANS SES ANGOISSES 1. Composition de la troisième section .................................................. 2. Contexte ............................................................................................. 3. Interprétation .....................................................................................
231 238 239
Table des matières
421
LE SEIGNEUR QUI ÉCOUTE LA PRIÈRE DONNE LE REPOS La quatrième section : Ps 61–65 .......................
243
I. DIEU ÉCOUTE LA PRIÈRE ET DONNE REPOS ET SALUT À SON ROI La première séquence : Ps 61–62 ............................................................... 1. Le Psaume 61 ..................................................................................... 2. Le Psaume 62 ..................................................................................... 3. Dieu écoute la prière et donne repos et salut à son roi (Ps 61–62) ...
245 245 251 256
II. DIEU ÉTANCHE LA SOIF DE SON ROI Le psaume 63 .........................................................................................
259
III. DIEU ÉCOUTE LA PRIÈRE ET DONNE REPOS ET NOURRITURE À TOUTE CHAIR La troisième séquence : Ps 64–65 ............................................................. 265 1. Le Psaume 64 ..................................................................................... 265 2. Le Psaume 65 ..................................................................................... 271 3. Dieu écoute la prière et donne repos et nourriture à toute chair (64–65) 278 IV. LE SEIGNEUR QUI ÉCOUTE LA PRIÈRE DONNE LE REPOS 1. Composition de la quatrième section ................................................. 2. Interprétation ......................................................................................
281 290
TOUTE LA TERRE BÉNIT DIEU QUI NOUS SAUVE La cinquième section : Ps 66–72 .....................
293
I. TOUTES LES NATIONS CHANTERONT POUR LE SEIGNEUR La première séquence : Ps 66–68 ..............................................................
295
1. Le Psaume 66 ..................................................................................... 2. Le Psaume 67 ..................................................................................... 3. Le Psaume 68 ..................................................................................... 4. Toutes les nations chanteront pour le Seigneur (Ps 66–68) ...............
295 303 317 330
II. SAUVE-MOI, JE CHANTERAI POUR TOI La deuxième séquence : le psaume 69 ...................................................
333
III. TOUS LES MALHEUREUX SERONT SAUVÉS PAR LE SEIGNEUR La troisième séquence : Ps 70–72 .............................................................
343
1. Le Psaume 70 ..................................................................................... 2. Le Psaume 71 ..................................................................................... 3. Le Psaume 72 ..................................................................................... 4. Tous les malheureux seront sauvés par le Seigneur (Ps 70–72) ........
343 350 359 366
422
Le Psautier. Deuxième livre (Ps 42/43–72)
IV. TOUTE LA TERRE BÉNIT DIEU QUI NOUS SAUVE Composition de la cinquième section .................................................... Interprétation ..........................................................................................
369 371
L’ENSEMBLE DU DEUXIÈME LIVRE (Ps 42/43–72) ........................................ A. Composition............................................................................................. B. Interprétation ...........................................................................................
375 377 402
Conclusion ................................................................................................... Bibliographie ............................................................................................... Index des noms d’auteur ..............................................................................
407 411 417
RHÉTORIQUE BIBLIQUE Collection dirigée par Roland Meynet et Pietro Bovati 1.
ROLAND MEYNET, L’Évangile selon saint Luc. Analyse rhétorique, Éd. du Cerf, Paris 1988.
2.
PIETRO BOVATI – ROLAND MEYNET, Le Livre du prophète Amos, Éd. du Cerf, Paris 1994.
3.
ROLAND MEYNET, Jésus passe. Testament, jugement, exécution et résurrection du Seigneur Jésus dans les évangiles synoptiques, PUG Editrice – Éd. du Cerf, Rome – Paris 1999.
RHÉTORIQUE SÉMITIQUE Collection dirigée par Roland Meynet avec Jacek Oniszczuk 1.
ROLAND MEYNET, L’Évangile de Luc, Lethielleux, Paris 2005.
2.
TOMASZ KOT, La Lettre de Jacques. La foi, chemin de la vie, Lethielleux, Paris 2006.
3.
MICHEL CUYPERS, Le Festin. Une lecture de la sourate al-Mâ’ida, Lethielleux, Paris 2007.
4.
ROLAND MEYNET, Traité de rhétorique biblique, Lethielleux, Paris 2007.
5.
ROLAND MEYNET, Appelés à la liberté, Lethielleux, Paris 2008.
6.
ROLAND MEYNET, Une nouvelle introduction aux évangiles synoptiques, Lethielleux, Paris 2009.
7.
ALBERT VANHOYE, L’Épitre aux Hébreux. « Un prêtre différent », Gabalda, Pendé 2010.
8.
ROLAND MEYNET, L’Évangile de Luc, Gabalda, Pendé 20113.
9.
MICHEL CUYPERS, La Composition du Coran, Gabalda, Pendé 2012.
10. ROLAND MEYNET, La Lettre aux Galates, Gabalda, Pendé 2012. 11. ROLAND MEYNET, Traité de rhétorique biblique, Gabalda, Pendé 20132. 12. ROLAND MEYNET – J. ONISZCZUK, Exercices d’analyse rhétorique, Gabalda, Pendé 2013. 13. JACEK ONISZCZUK, La première lettre de Jean, Gabalda, Pendé 2013. 14. ROLAND MEYNET, La Pâque du Seigneur. Passion et résurrection de Jésus dans les évangiles synoptiques, Gabalda, Pendé 2013. 15. MICHEL CUYPERS, Apocalypse coranique. Lecture des trente-trois sourates du Coran, Gabalda, Pendé 2014. 16. ROLAND MEYNET, L’Évangile de Marc, Gabalda, Pendé 2014.
RETORICA BIBLICA collana diretta da Roland Meynet, Pietro Bovati e Jacek Oniszczuk
EDIZIONI DEHONIANE ROMA 1.
ROLAND MEYNET, Il vangelo secondo Luca. Analisi retorica, ED, Roma 1994.
2.
PIETRO BOVATI – ROLAND MEYNET, Il libro del profeta Amos, ED, Roma 1995.
3.
ROLAND MEYNET, «E ora, scrivete per voi questo cantico». Introduzione pratica all’analisi retorica. 1. Detti e proverbi, ED, Roma 1996.
EDIZIONI DEHONIANE BOLOGNA 4.
ROLAND MEYNET, Una nuova introduzione ai vangeli sinottici, EDB, Bologna 2001.
5.
ROLAND MEYNET, La Pasqua del Signore. Testamento, processo, esecuzione e risurrezione di Gesù nei vangeli sinottici, EDB, Bologna 2002.
6.
TOMASZ KOT, La fede, via della vita. Composizione e interpretazione della Lettera di Giacomo, EDB, Bologna 2003.
7.
ROLAND MEYNET, Il vangelo secondo Luca. Analisi retorica, seconda edizione, EDB, Bologna 2003.
8.
GIORGIO PAXIMADI, E io dimorerò in mezzo a loro. Composizione e interpretazione di Es 25–31, EDB, Bologna 2004.
9.
ROLAND MEYNET, Una nuova introduzione ai Vangeli Sinottici, seconda edizione rivista e ampliata, EDB, Bologna 2006.
10. ROLAND MEYNET, Trattato di retorica biblica, EDB, Bologna 2008. 11. JACEK ONISZCZUK, La Prima Lettera di Giovanni, EDB, Bologna 2008. 12. ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Retorica biblica e Semitica 1. Atti del primo convegno RBS, EDB, Bologna 2009. 13. ROLAND MEYNET, Chiamati alla libertà, EDB, Bologna 2010. 14. ALBERT VANHOYE, L’epistola agli Ebrei. «Un sacerdote differente», EDB, Bologna 2010. 15. JACEK ONISZCZUK, La passione del Signore secondo Giovanni (Gv 18–19), EDB, Bologna 2011. 16. ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Retorica biblica e Semitica 2. Atti del secondo convegno RBS, EDB, Bologna 2011. 17. ROLAND MEYNET, La lettera ai Galati, EDB, Bologna 2012. 18. GERMANO LORI, Il Discorso della Montagna, dono del Padre (Mt 5,1–8,1), EDB, Bologna 2013.
RETORICA BIBLICA E SEMITICA Collection dirigée par Roland Meynet et Jacek Oniszczuk
1.
JACEK ONISZCZUK, Incontri con il Risorto in Giovanni (Gv 20–21), G&B Press, Roma 2013.
2.
ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, Esercizi di analisi retorica, G&B Press, Roma 2013.
3.
ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Studi del terzo convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic Rhetoric, G&B Press, Roma 2013.
4.
ROLAND MEYNET, Luke: the Gospel of the Children of Israel, G&B Press, Roma 2015.
5.
ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Studi del quarto convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic Rhetoric, G&B Press, Roma 2015.
6.
ROLAND MEYNET, Les huit psaumes acrostiches alphabétiques, G&B Press, Roma 2015.
7.
ROLAND MEYNET, Le fait synoptique reconsidéré, G&B Press, Roma 2015.
8.
ROLAND MEYNET, Il vangelo di Marco, G&B Press, Roma 2016.
RHETORICA BIBLICA ET SEMITICA 9.
ROLAND MEYNET, Les psaumes des montées, Peeters, Leuven 2017.
10. MICHEL CUYPERS, Le Festin. Une lecture de la sourate al-Mâ’ida, deuxième édition, Peeters, Leuven 2017. 11. ROLAND MEYNET – JACEK ONISZCZUK, ed., Studi del quinto convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic Rhetoric, Peeters, Leuven 2017. 12. ROLAND MEYNET, Le Psautier. Cinquième livre (Ps 107–150), Peeters, Leuven 2017. 13. JACEK ONISZCZUK, Incontri con il Risorto in Giovanni (Gv 20–21), 2° edizione, Peeters, Leuven 2018. 14. ROLAND MEYNET, Il vangelo di Marco, Peeters, Leuven 2018. 15. JACEK ONISZCZUK (†), «Se il chicco di grano caduto in terra non muore...» (Gv 11–12), Peeters, Leuven 2018. 16. ROLAND MEYNET, Le Psautier. Premier livre (Ps 1–41), Peeters, Leuven 2018. 17. MASSIMO GRILLI – † JACEK ONISZCZUK – ANDRÉ WÉNIN, ed., Filiation, entre Bible et cultures. Hommage à Roland Meynet, Peeters, Leuven 2019. 18. FRANCESCO GRAZIANO – ROLAND MEYNET, ed., Studi del sesto convegno RBS. International Studies on Biblical and Semitic Rhetoric, Peeters, Leuven 2019. 19. ROLAND MEYNET, Le Psautier. Troisième livre (Ps 73–89), Peeters, Leuven 2019. 20. ROLAND MEYNET, Le Psautier. Deuxième livre (Ps 42/43–72), Peeters, Leuven 2019.